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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le mercredi 20 novembre 1991 - Vol. 31 N° 60

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur la proposition de politique de la culture et des arts


Journal des débats

 

(Dix heures vingt-quatre minutes)

Le Président (M. Doyon): À (ordre!

La commission de la culture continue ses travaux et procède à la consultation générale qui a été décidée par l'Assemblée nationale qui a confié à cette commission le mandat de tenir des auditions publiques pour étudier la proposition de politique de la culture et des arts telle qu'elle a été déposée à l'Assemblée nationale le 14 juin dernier.

Dépôt de documents

Étant donné que c'est le dernier jour du mandat de la commission et que nous finirons nos travaux aujourd'hui, je dépose la liste des personnes et des organismes qui sont inscrits sur la liste maîtresse. Je dépose également tous les mémoires des personnes et des- organismes qui n'ont pas été entendus par la commission - il en reste un certain nombre, malheureusement - et qui sont contenus dans la liste des mémoires déposés. Enfin, je dépose les lettres d'appui à divers mémoires qui ont été reçues par la commission. Donc, si vous voulez bien prendre note de ça, M. le secrétaire. M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements qui ont été annoncés?

Le Secrétaire: II n'y a pas de remplacements, M. le Président.

Le Président (M. Doyon): Très bien. Compte tenu du fait, comme je l'indiquais, que c'est la dernière journée de nos travaux, je voudrais, au nom de la ministre, au nom des membres de cette commission et au nom de l'Opposition officielle, remercier les membres du secrétariat qui nous ont fort bien secondés. Nous sommes très heureux de la façon dont les choses se sont déroulées; il n'y a pas eu de problèmes trop graves en tout cas.

Je voudrais remercier aussi les membres de la commission pour leur participation assidue. C'est une commission qui se déroule depuis le 1er octobre; elle aura entendu près de 200 organismes et personnes individuelles qui sont venus devant cette commission nous faire part de leur réaction à la proposition de politique culturelle. Je pense que c'est un exercice qui a valu la peine et qui a permis au gouvernement ainsi qu'aux membres de la commission de se faire une idée plus précise sur les problèmes auxquels les personnes impliquées dans le domaine des arts et de la culture ont à faire face. En tant que président, je suis très heureux de la façon dont les choses se sont déroulées; je m'en réjouis personnellement et je voulais vous l'indiquer à cette occasion.

Donc, nous avons deux groupes à entendre, enfin un groupe et une personne. Il y a tout d'abord le Syndicat des professeurs de l'État du Québec. Je vois que les représentants sont devant nous. Je leur souhaite la plus cordiale des bienvenues. Je leur indique que nous disposons de 40 ou 45 minutes pour les entendre; ils peuvent nous faire un résumé ou nous tracer les grandes lignes de leur mémoire, étant assurés que ce mémoire a été distribué aux membres de la commission qui ont eu l'occasion d'en prendre connaissance. Après ça, le reste du temps va être partagé, à parts égales, entre les membres du parti ministériel et du parti de l'Opposition pour discuter avec vous de ce que vous aurez bien voulu nous soumettre. C'est la façon dont les choses vont se dérouler cet avant-midi.

Nous aurons, après le Syndicat des professeurs de l'État du Québec, le plaisir d'entendre le professeur Fernand Dumont qui devait être entendu la semaine dernière mais qui, malheureusement, suite à des problèmes de convocation, n'avait pas été informé d'un changement d'horaire. Donc, nous avons décidé de l'entendre plutôt aujourd'hui et il a bien voulu accepter. Je veux l'en remercier et, encore une fois, m'excuser au nom de la commission pour le petit inconvénient qu'il a dû subir par ce changement d'horaire.

Comme je le disais, les porte-parole du Syndicat des professeurs de l'État du Québec sont devant nous. Je les invite à bien vouloir se présenter pour les fins de la transcription de nos débats. Après ça, ils pourront commencer dès maintenant la lecture ou le résumé de (eur mémoire. Vous avez la parole.

Auditions

Syndicat des professeurs de l'État du Québec

M. Perron (Luc): Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de présenter ceux et celles qui m'accompagnent pour la présentation de ce mémoire: Mme Paule Savard, professeure au Conservatoire d'art dramatique de Québec; M. Yvon Thiboutôt, professeur au Conservatoire d'art dramatique de Montréal; à ma gauche, Jean-Louis Tremblay, professeur aux Conservatoires de musique de Rimouski et de Chicoutimi et guitariste; Mme Anisia Campos, pianiste, professeure au Conservatoire de musique de Montréal, et M. Ro-dolfo Masella, Conservatoire de musique de Montréal, bassoniste. Évidemment, Mme Paule Savard et M. Yvon Thiboutôt, comédienne et comédien, bien sûr.

Je suis accompagné de professeurs artistes comme c'est la nature même des fonctions des gens des conservatoires de musique et d'art dramatique. Et, pour ce faire aussi, compte tenu qu'une affiche vaut 1000 mots, je me suis permis de me faire accompagner aussi de 225 noms qui apparaissent sur les affiches, comme vous les voyez ici derrière moi, et qui ont été déposées à chacun et chacune de vous.

Le Président (M. Doyon): Très bien. Nous avons tout ça en main. Merci beaucoup. Si vous voulez procéder.

M. Perron (Luc): Merci. Je pense que les augures nous sont favorables, suite aux bons échanges de mots que vous avez adressés au nom des deux partis ou des collègues, des membres de cette commission parlementaire. Nous venons aujourd'hui tout simplement, non en guise de dessert, mais pour terminer votre commission, entendre la ministre des Affaires culturelles nous dire tout simplement que les conservatoires sont des maisons d'excellence, qu'ils méritent de vivre et, contrairement à la nouvelle véhiculée le 28 octobre dans les journaux, qu'ils ne fermeront pas leurs portes et qu'ils vont demeurer sur la carte culturelle québécoise. C'est tout simplement notre objectif principal à cette commission ce matin.

Ce que nous ferons, à votre demande, c'est que nous allons parcourir rapidement le rapport que vous avez devant vous. Nous vous en avons donné une autre copie ce matin qui est un peu plus fraîche, mais qui ne change rien sur le fond comme tel.

À la première page, vous avez une citation de Jean Vallerand qui a été secrétaire général dès 1942 du Conservatoire de musique et d'art dramatique du Québec. M. Jean Vallerand, compositeur. Je retire de sa citation que les conservatoires rendent à la société le centuple de ce que la société leur donne. Il m'est très agréable, comme porte-parole de mes collègues, de vous dire que les musiciens professionnels, les comédiens et comédiennes qui sortent des conservatoires d'art dramatique produisent dans notre belle société québécoise une identité culturelle dont nous ne pouvons absolument pas nous passer. M. Vallerand, fort justement, dit qu'ils rendent à notre société le centuple de ce que nous, nous leur avons donné en termes d'investissements dans leur formation.

À la page suivante, je précise que je remercie la commission de provoquer au Québec une réflexion sur le monde des arts et nous en sommes partie. Deux remarques légères s'imposent. La première: II m'est apparu comme étant une lacune de fond que dans l'ensemble du rapport de la commission Arpin on ne réussisse pas à définir te mot "culture". H y a des raisons académiques, si vous voulez, de ne pas le définir, mais pour nous, c'est malheureux que les auteurs n'aient pas réussi, pour un lecteur critique à l'intérieur de l'ensemble du rapport, à définir ce concept. À la fin de notre exposé, si cela vous intéresse, nous pourrons vous suggérer une définition du concept culture.

Une deuxième remarque sur ie rapport, c'est que dans la première édition, à la page 196, il y apparaissait un sous-titre: "Les services du conservatoire". Mais c'est un sous-titre qui ne disait absolument rien en termes de contenu, le contenu ne parlant pas des conservatoires. J'ose croire que c'est tout simplement une faute d'écriture et que pour les conservatoires il n'y a pas de prémonition à l'intérieur de la commission de leur disparition prochaine. C'est pour ça que, tantôt, dans la période d'intervention, nous aimerions que Mme Frulla-Hébert nous dise que les conservatoires sont là pour vivre et se développer.

A la page suivante, nous vous présentons ce que nous sommes comme Syndicat des professeurs de l'État du Québec. De manière particulière, nous sommes très fiers de rappeler aux membres de la commission qu'il existe une école supérieure d'art fondée en 1942. On s'apprête à fêter ses 50 ans en 1992. Nous sommes très fiers de dire qu'il existe une institution nationale qui regroupe maintenant 9 conservatoires de musique et d'art dramatique. Plus de 230 professeurs de tâches inégales, de plein temps à temps partiel, si vous voulez, donnent une formation a plus de 1000 élèves présentement. Notre propos, bien sûr, est que nous avons l'humilité de vous dire à vous autres, les gouvernants, les élus, le législatif, les gens qui influencent le législatif: Écoutez, il existe une loi sur le conservatoire et elle rrjérite, si vous voulez, qu'on lui donne toute la vigueur dont elle est capable. Donc, à ce moment-là, c'est d'inverser, si vous voulez, une hypothèse, à notre sens, qui est tout à fait inacceptable de fermeture d'une telle institution.

Trois questions centrales nous intéressaient dans le rapport Arpin. La première question, c'était: Est-ce qu'un double réseau, c'est-à-dire les 9 conservatoires de musique et le système général d'éducation, peut se justifier en 1991? Nous y répondons avantageusement en disant: Bien sûr que ça peut exister. Hors de tout doute, l'école de type conservatoire est reconnue dans le monde. Les derniers rapports, lorsqu'on parle de Trowsdale dans ce mémoire-là, en 1988, ce sont des rapports qui confirment l'importance vraiment que les conservatoires méritent de vivre.

C'est absolument impensable - et cela, ça a été dit par les penseurs québécois: je pense à Cholette, je pense à M. Blume de l'Université McGill, à l'époque - inacceptable d'envisager un mariage entre l'école de type conservatoire et les autres écoles du système général de l'éducation. Sinon, c'est viser la perte de ces maisons de formation professionnelle.

La deuxième question, dans le rapport

Arpin, on peut lire: "Avons-nous suffisamment de lieux de production en musique pour accueillir tous les diplômés des différents réseaux de formation?" Si nous pensions comme cela à travers les maisons de formation que sont les conservatoires, c'est évident qu'il n'y aurait pas autant de théâtres à Québec. C'est évident qu'il n'y aurait pas autant de théâtres dans le Québec comme tel. C'est évident qu'il n'y aurait pas autant d'orchestres symphoniques. Je pense que les 60 % de la population qui ne va pas à un concert ou à une pièce de théâtre, qui n'auditionne pas, je pense qu'il est important de lui donner la possibilité, dans un temps futur, via ces maisons de formation professionnelle, de jouir, si vous voulez, de ces possibilités. Il ne faut pas faire en sorte, par une main malheureuse, que les 40 % qui assistent à des concerts ou à des pièces de théâtre diminuent à 30 %, à 20 % ou à 10 %. Notre identité culturelle en dépend et nous sommes fiers de vous dire qu'il faut, plutôt que de penser à une diminution des activités des conservatoires, penser à une augmentation de ces activités.

On dit: La formation professionnelle pourrait-elle se réaliser selon un nouveau partage des responsabilités à des coûts moindres? C'est évident que le conservatoire, c'est un système unique en Amérique du Nord. Vous avez devant vous une affiche qui parle d'elle-même. Louis Quilico vaut combien dans le marché? Je ne peux pas vous répondre. Mais ce qui est certain, c'est qu'on a des grands noms qui ont passé par les conservatoires. On a des élèves qui ont passé par les conservatoires et qui traduisent vraiment le tissu culturel québécois tant au Québec, au Canada que dans le monde.

Dans le mémoire, divisé en trois parties, nous vous parlons, premièrement, de ses origines et de sa raison d'être et de son rayonnement. L'éminent musicien qu'était Wilfrid Pelletier, fondateur du Conservatoire de musique et d'art dramatique, disait qu'il avait passé 19 ans à cette direction et que ce sont toutes des belles années qu'il y a passées, remplies de joie. Ce qu'il faut retenir, c'est qu'il a vu devant lui s'éveiller de vrais artistes.

Nous sommes convaincus que, depuis 1943, le Conservatoire de musique s'est imposé auprès des jeunes musiciens québécois par l'excellence de sa formation confiée à des professeurs expérimentés et prestigieux, choisis tant au Québec qu'à l'étranger, et de tradition française.

Je m'attarde quelque peu pour vous dire ce qu'est le Conservatoire, quelle est sa spécificité. Prendre un temps pour cela, je pense que c'est important parce qu'on l'ignore et aujourd'hui, dans le romantisme où tous les genres se confondent, je pense qu'il faut faire en sorte d'exprimer ce qu'est la vraie nature du Conservatoire.

Des caractéristiques que vous voyez à la page 8, la première est la gratuité scolaire. Il existe depuis 1943 une gratuité scolaire dans l'ensemble de ces maisons de formation. Ça veut dire quoi? Ça veut dire qu'à tous les niveaux de formation pour un jeune qui peut commencer, de huit ou neuf ans jusqu'à la vingtaine, ça ne lui coûte rien. D'autant plus que les conservatoires lui fournissent même les instruments qui lui sont nécessaires. Deuxième caractéristique bien importante: la sélection d'élèves par voie de concours au Conservatoire de musique et par voie d'audition au Conservatoire d'art dramatique. Une autre caractéristique que vous ne pouvez pas trouver dans un autre système de formation au Québec: une continuité pédagogique selon le rythme de l'élève, de la formation initiale à la formation terminale. C'est-à-dire du premier cycle, ou du niveau fin primaire ou secondaire, jusqu'au niveau de la maîtrise universitaire. Il va sans dire que l'originalité des programmes d'enseignement relatifs à chacune des disciplines dispensées particularise l'ensemble de ces caractéristiques.

Il y a neuf conservatoires. Il y en a deux qui vont fêter leurs 25 ans l'an prochain. Donc, c'est dans ce sens-là aussi qu'on attend que la ministre nous donne vraiment ce démenti attendu impatiemment pour leur permettre de bien fêter l'année prochaine. Et, aussi, celui de Montréal va fêter ses 50 ans. Je pense que c'est important qu'on vous entende aujourd'hui nous dire que les conservatoires sont là, bien sûr, pour rester.

Ces conservatoires contribuent de manière significative à l'évolution culturelle dans chacun des lieux où ils sont situés et aussi à l'extérieur et à l'échelle internationale. Sur l'affiche, seulement quelques noms: Claudine Côté, Huguette Tourangeau, André Gagnon, Maynard Ferguson, Ronald Tourigny, Colette Boky, Victor Bouchard, Guy Fouquet, Martin Foster, Angèle Dubeau, François Morel, André Prévost et j'en passe. Au Québec, dans tous les orchestres, vous avez des musiciens professionnels originant des conservatoires. 90 % des musiciens professionnels proviennent des conservatoires. Au Québec, au Canada et dans le monde, vous avez des gens qui proviennent des conservatoires.

Dans les conservatoires d'art dramatique, la brochette est aussi impressionnante. Seulement quelques noms: Marie Michaud, Rémy Girard, Marie Tifo, Albert Millaire, Robert Lepage, Robert Gravel, Robert Lalonde, Lorraine Pintal et Catherine Bégin. D'autant plus que la commission Arpin s'est intéressée à la richesse interethnique au Québec, nous vous disons que le Conservatoire est une porte d'entrée réelle de cette richesse interethnique. Mme Campos, ici présente, si vous lui posez la question, se fera un plaisir de vous parler de sa classe de piano et de vous montrer qu'à traver ce modèle type les nouvelles communautés culturelles au Québec sont vraiment présentes dans ce beau et exigeant milieu de formation professionnelle.

L'ensemble des premières recommandations

ne vise tout simplement qu'à rendre aux élus la raison d'être des conservatoires et la réalité de la production professionnelle des conservatoires.

La deuxième partie du mémoire, la Loi sur le Conservatoire, c'est une loi de 1942, refondue en 1964. Notre mince ambition, ce matin, est d'entendre dire par Mme la ministre, au Heu de penser vouloir faire d'autres lois... Non pas que nous voulions absolument, si vous voulez, des économies de fabrication de lois, mais il en existe une qui est valable et il en existe une qui mérite de vivre. Si on la mettait en application, la coordination et la formation de musiciens professionnels à l'échelle du Québec se feraient de façon harmonieuse et il n'y aurait pas cet apparent dédoublement qu'on semble vouloir souligner.

En 1991-1992, plus de 29 spécialités sont enseignées dans l'ensemble des conservatoires. De façon inégale, bien sûr; on n'enseignera pas à Val-d'Or ce qui est enseigné au Conservatoire de musique de Montréal, il va sans dire. Nos gens qui sortent des conservatoires ont une note qui leur permet, si vous voulez, de percer tant au Québec qu'au Canada et à l'étranger. C'est la loi du conservatoire. Est-il besoin de rappeler que la Loi sur le Conservatoire du 29 mai 1942 donne à la ministre des Affaires culturelles la responsabilité de l'exécution de la loi et non, bien sûr, la responsabilité de faire disparaître cette institution nationale? La loi a créé des organismes. Il y en a qui ne vivent pas. Nous pouvons préciser lesquels devraient vivre.

Il existe des programmes dans les conservatoires, il va sans dire. Malheureusement, des journalistes en quête de sensations, parfois, à l'occasion, mal informés, laissent entendre qu'il y a des programmes qui n'existent pas. Nous serons très à l'aise, avec mes collègues artistes en avant, de vous préciser que ces programmes existent. Yvon et Paule se feront un plaisir de vous dire que, dans les conservatoires d'art dramatique, il existe des programmes rigoureux.

Par rapport à l'application de la loi, il est évident que, malheureusement, ces 10 dernières années, la direction générale fait tout pour que le conservatoire, institution qui devrait être beaucoup plus visible, devienne pratiquement invisible. En ce sens-là, nous faisons un constat assez sévère et nous demandons qu'il y ait une transformation, si vous voulez, du comportement de la direction générale, mais qui fasse en sorte de ne pas cacher nos talents mais vraiment de les rendre visibles à l'échelle du Québec.

Nous vous donnons un indice prometteur dans ce mémoire. Le Conservatoire de musique de Montréal s'est prononcé de façon très ferme - vous l'avez à la page 15 - en disant que son document précise "la prolifération coûteuse des services en matière de formation que nous avons toujours considérée comme étant inefficace et non nécessaire". Et ça, nous en sommes contents. Mais je pense qu'il faut que la direc- tion générale fasse sien, si vous voulez, ce qui se passe maintenant au niveau de la base, et qu'elle inverse un poids administratif qui désavantage actuellement l'essor, l'envol de la formation professionnelle au Québec via cette institution nationale.

Nous vous avons donné des chiffres parce que c'est important. Nous vous montrons qu'en cinq ans la variation budgétaire a été seulement de 6 % pour les 9 conservatoires, ce qui est, sans jeu de mots, dramatique. Les recommandations que nous vous faisons à ce niveau-là viennent renforcer tout simplement une loi qui existe et, si nous la mettions en application avec les dents qu'elle a, la formation professionnelle, dans son développement, se porterait mieux au Québec.

Nous terminons ce mémoire avec des commentaires du rapport Arpin où il est écrit: "De telles institutions nationales privilégient l'excellence et assurent le rayonnement international par la création d'activités communes dans les grandes institutions nationales". Nous partageons, bien sûr, ce constat. Au Québec, il faut se parler franchement, le mécénat, ce n'est pas pour demain. C'est évident que, si l'État ne fait pas sien par un financement adéquat le développement des arts, à ce moment-là, nous serons une société handicapée et je pense que nous ne voulons pas le devenir. Nous avons le droit de vivre notre identité. Nous avons le droit de permettre à nos talents, peu importe dans quelle région du Québec, de s'exprimer et non de les laisser sur une tablette dans une maison anonyme.

Nous sommes défavorables, si vous voulez, à la multiplication d'organismes comme: l'Observatoire, la Commission consultative sur la culture. Nous pensons qu'il existe suffisamment de professionnels dans le ministère des Affaires culturelles, il existe suffisamment d'intervenants; d'ailleurs, l'ensemble des mémoires vous l'a démontré, vous n'avez qu'à lever la main et à solliciter, si vous voulez, les milieux artistiques et nous nous ferons entendre. À ce moment-là, vous pourrez exercer un jugement adéquat. Mais de cela, je pense qu'il ne faut pas créer des enflures coûteuses qui ne sont pas nécessaires pour le développement, même en ce qui nous concerne, de la formation professionnelle. L'ensemble des recommandations dans la troisième partie va à cet effet-là. (10 h 45)

Nous concluons dans ce rapport avec une citation prise dans le rapport Arpin où il est écrit que "les responsabilités ont des fondements législatifs", dont vous êtes. Et: "...le vrai développement culturel repose d'abord et avant tout sur le dynamisme des partenaires - dont nous sommes - sur l'ouverture des élus de tous niveaux de culture". C'est pourquoi aujourd'hui nous entendons et nous sommes disponibles, bien sûr, à entendre Mme la ministre dire à cette

commission et à ses collègues qu'elle dément, donc présente un démenti de la nouvelle du 28 octobre qui laissait croire que les conservatoires sont sur le point de disparaître. À cet égard, les effets sont tragiques. Nous avons des collègues qui peuvent en faire mention, M. Masella, à travers sa classe, peut vous le mentionner: des élèves de niveau avancé regardent du côté des États-Unis s'ils ne devraient pas s'y inscrire l'an prochain. Je pense que cette incertitude ne mérite pas d'être maintenue. Et c'est dans ce sens-là que nous aimerions que madame se prononce ce matin là-dessus. Et le véhicule des journaux se fera par la suite. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le président. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Merci, M. le Président. Bienvenue à vous tous, chers professeurs. D'abord, vous êtes conscients aussi que, comme on doit clôturer la commission, il était impensable de le faire sans avoir la représentation des membres du conservatoire. Je ne démentirai pas ce qui n'est pas. Et vous savez comme moi - on en a tous été victimes une fois de temps en temps - que ce qui se trouve souvent dans les journaux, ce n'est pas tout à fait calqué sur la réalité. Donc, je ne démentirai pas ce qui n'est pas. Mais ce que je peux vous dire, par exemple, de ma part, de celle de collègues, précisément de collègues qui sont ici avec nous, et qui sont des ardents croyants des conservatoires, je vous dis que les conservatoires sont des maisons d'excellence et ils doivent vivre. Donc, c'est la position officielle mais, encore une fois, ce n'est pas un démenti parce que l'abolition des conservatoires, ça n'existe pas. Mais l'affirmation est là, oui, ce sont des institutions. Nous avons besoin d'institutions d'excellence. Ce sont des institutions qui ont toujours fourni l'excellence et nous allons nous organiser, d'ailleurs, pour que, non seulement ça continue à exister, mais aussi à évoluer. J'espère que cette réponse vous satisfait.

Maintenant, nous avons eu des représentants des universités, par exemple. L'Université de Sherbrooke est venue, l'Université du Québec à Trois-Rivières, du monde de l'éducation. J'aimerais vous entendre, quand vous dites: II y a un double réseau; oui, un double réseau peut exister et on peut être complémentaire sans chevauchement. Parce que, vous savez comme moi qu'il y a 50 ans, les conservatoires donnaient la formation musicale. Tout à coup les universités ont décidé, elles aussi, de la donner. Je pense à la plupart des grosses universités, d'une part. Comment, selon vous, on peut avoir une complémentarité? Comment peut-on faire justement qu'il n'y ait pas de dédoublement, mais que les institutions travaillent ensemble pour l'évolution non seulement de l'enseignement musical, mais aussi l'évolution quant à la formation musicale, et la formation musicale d'excellence?

M. Perron (Luc): Dans la Loi sur le Conservatoire qui existe, qui a été refondue en 1964, vous avez, si vous voulez, un organisme qui s'appelle une commission consultative où, là, vous avez le ministère des Affaires culturelles, à raison de cinq personnes, et puis avet les universités, il y a quatre partenaires là-dedans qui doivent s'entendre pour vous conseiller, vous, comme ministre responsable de l'exécution de la loi, dans le cadre de la coordination des enseignements. En ce sens-là, vous avez déjà des réponses qui sont tangibles.

D'autre part, il ne faut pas tomber dans une confusion apparente parce que les deux mondes existent. Ce sont vraiment deux modèles qui sont distincts. Il n'existe pas à l'université, d'après ce que je connais du Québec et des universités du Québec, la possibilité d'accueillir un jeune de 9 ans ou de 10 ans. Quand vous parlez des claviers, quand vous parlez des cordes, c'est évident que ces jeunes-là doivent commencer dès cet âge-là. Il y a une formation initiale qui est indispensable, qui se situe dans un continuum et l'université ne peut pas faire cela. Vous avez l'accent, je dirais, prépondérant du conservatoire où on vise sur le savoir-faire. On veut vraiment en arriver à faire d'excellents interprètes. Je ne dis pas que l'université ne peut pas en arriver à certains résultats, mais il reste que ça lui est totalement impossible d'épouser une structure de formation qui lui est totalement étrangère.

Vous, vous avez la chance de regarder à travers les conservatoires de musique comme tels, si je prends cet exemple-là. C'est un continuum qui va de 9 ans, pour un jeune, jusqu'à 20 ans, et vous arrivez avec des résultats à la fin. Tandis que, si vous étiez ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science, vous seriez déchirée en deux, d'abord, parce qu'il existe aussi un ministre de l'Éducation et ce serait tronçonné en trois - l'image est dure, mais c'est juste pour me faire comprendre - parce que vous avez le niveau secondaire, le niveau collégial et le niveau universitaire. Alors, quand vous allez arriver à arrimer le niveau secondaire, mais au . niveau vraiment d'une excellence en formation musicale, quand vous allez arriver au niveau collégial et vraiment en arriver à une excellence qui s'arrime, qui s'amalgame ensemble aisément, facilement au niveau universitaire, on pourra peut-être reprendre cette discussion-là. Mais j c'est absolument impensable actuellement, avec la présence de ce tronçonnage-là en trois parties, de faire en sorte qu'on puisse, par le conservatoire, améliorer ce qui existe dans le système général d'éducation puis, de toutes parts, ce sont deux systèmes totalement différents.

Ce qui nous afflige le plus actuellement, c'est que ce sont des gens de l'extérieur. McGill, ce n'est pas encore à l'extérieur, c'est au

Québec, bien sûr, mais McGill a déjà épousé le modèle conservatoire parce qu'il sait que c'est bon. Le rapport Blume, en 1978, déjà le disait. Si on parle de formation professionnelle au Québec, on doit épouser le modèle conservatoire. Et ça a été fait dans le rapport Trowsdale, plus récent, en 1988. Alors, ça, ça me déçoit un peu plus, ça vient d'Ottawa. Mais il reste que lui, il le mentionne. Il dit à tout le Canada: Écoutez, l'école, si on parle de formation professionnelle et qu'on veut vraiment atteindre des résultats, je pense que c'est le modèle conservatoire. Ce n'est pas nous qui le disons.

Moi, ce que j'aimerais et ce que nous ambitionnons, c'est qu'au Québec les gens, même de l'intérieur, se disent: Effectivement, écoutez, c'est une maison d'excellence, comme vous l'avez dit tantôt, mais il y a des conditions qui font en sorte que c'est une maison d'excellence. N'allons pas les atrophier.

Mme Frulla-Hébert: Pour vous diriger un peu, quand on parle de complémentarité, moi, je veux bien, mais, encore là, quand on parlait des universités, elles aussi sont d'accord, honnêtement, et elles-mêmes disent: On peut vraiment travailler en complémentarité. Et c'étaient les premières aussi à dire: Bien, ça ne se fait pas; ça se fait, mais ça ne se fait pas, on commence. Bon. Alors, là, on en a deux réseaux. On a deux réseaux et je pense que, finalement, il y a des forces de part et d'autre, si on capitalise de part et d'autre. Comment on fait? Là, je comprends qu'il y a un groupe consultatif, etc., mais comment on fait sur le terrain et dans le milieu pour dire: Parfait, les deux réseaux vont travailler non pas l'un contre l'autre, mais on va vraiment travailler ensemble? Comment on fait?

M. Perron (Luc): Malheureusement, si je me base sur l'expérience, je dois vous répondre un petit peu sur la négative. Puis, mon exemple va être très simple. Actuellement, si vous voulez, l'administration à l'intérieur du ministère des Affaires culturelles, depuis ces cinq dernières années au moins, privilégie la disparition de cycles au niveau de certains conservatoires. Pourquoi? Parce qu'ils se disent: La disparition des cycles - on parle de formation initiale - va faire en sorte que le ministère de l'Éducation va prendre la relève. C'est tragique. Ça n'existe pas.

Nous, ce qu'on disait déjà il y a un an: S'il existe des formules de remplacement où on peut faire des arrimages - je parle, par exemple, au niveau de la formation initiale - bien, faisons en sorte que lorsque ça existera on pourra les arrimer ensemble. Mais, actuellement, ce à quoi nous assistons, nous assistons à un rouleau administratif qui est déplorable, qui fait en sorte de nous briser. Puis l'image, c'est de nous couper les pieds actuellement. C'est pire que ça. Au niveau de la tête dans les conservatoires, si je prends Trois-Rivières l'an passé, la direction de l'époque a fait en sorte que tous les finissants s'en aillent de Trois-Rivières. Et on coupe donc aussi la tête. C'est un petit peu ça, actuellement, qu'on est en train de faire des conservatoires et par la suite, on leur dira: Écoutez, maintenant que vous n'avez plus les pieds et la tête, comment peut-on s'arrimer avec le réseau général de l'éducation? Ça, c'est la triste réalité dans laquelle nous sommes.

Ceci dit, conservons les conservatoires, développons ces maisons de formation professionnelle et, en même temps qu'on accorde cette reconnaissance et qu'on y injecte ce qui lui est nécessaire en termes de fonds et de moyens financiers et autres, nous regarderons vraiment de façon constructive comment on peut s'arrimer, comment on peut vivre avec les autres réseaux d'éducation. Et ça, c'est possible. Mais, actuellement, c'est tragique. Parce qu'il y a existence d'un réseau général d'éducation, je dirais parce qu'il y a en même temps méconnaissance du réseau des conservatoires, on est en train d'atrophier et on est en train de tuer de façon presque irréversible ce réseau-là.

Et nous vous disons, et l'affiche vous le traduit: On a tenté vraiment, de façon fort simple, avec des noms qui existent, des noms qui sont là, qui sont dans le métier... Ouvrez le journal aujourd'hui, ouvrez-le hier, ouvrez-le demain puis vous allez voir des comédiens, vous allez voir des artistes, vous allez voir des musiciens professionnels qui sont passés par les conservatoires. Ça parle. On ne peut pas faire en sorte de se priver de cela.

C'est comme ça d'abord, je pense, qu'il faut le regarder et, par la suite, on verra vraiment de quelle nature la complémentarité... même si le terme traduit mal cet alliage, mais de quelle nature vraiment il pourrait y avoir une impulsion constructive, une émulation constructive de la présence de ces différents réseaux.

Mme Frulla-Hébert: Finalement, on s'entend tous là. O.K.? On s'entend tous...

M. Perron (Luc): Mais pas sur les moyens.

Mme Frulla-Hébert: ...les conservatoires sont là pour rester. On s'entend tous. Bon! À partir de là, il faut travailler ensemble. On peut regarder aussi... On se dit: Parfait, if faut être efficace, c'est-à-dire efficace dans un sens où il faut se servir de tous les outils qu'on a, d'une part. Deuxièmement, on se dit: Bon! Quand on regarde dans l'ensemble - et ça, cest la question qu'on se pose - est-ce que, d un côté, dans la mesure où le ministère des Affales culturelles se doit d'être, en fait, un ministère - on verra plus tard comment on l'appelle - aussi d'influence, mais de façon horizontale, dans la mesure où on travaille de très très près avec le ministère de l'Éducation... Je pense que la preuve a été faite, ça a été dit, sinon tous les jours,

plusieurs fois par jour, que le développement de la culture passe d'abord et avant tout aussi par le système de l'éducation. Donc, dans tout cet ensemble, est-ce que, selon vous - vous y répondez, mais je veux avoir un peu une explication à ça - le ministère des Affaires culturelles devrait donner des grandes orientations, finalement, quant à cet enseignement au développement de la culture et que le réseau de l'éducation, qui est un réseau habitué au niveau des opérations, devrait se charger des opérations et, à ce moment-là, justement, travailler avec les forces vives pour qu'elles soient complémentaires? Ou encore, est-ce que toute cette formation-là devrait rester sous le chapeau du ministère des Affaires culturelles?

M. Perron (Luc): II est évident, Mme la ministre, que la formation professionnelle, c'est une raison d'être, si vous voulez, entre autres, du ministère des Affaires culturelles. Je pense qu'on ne peut pas lui enlever cette mission, à mon sens, qui est fort noble pour le Québec, d'assumer, comme dans d'autres conservatoires d'État européens, , cette belle obligation de permettre, via des injections appropriées, la formation professionnelle musicale et théâtrale. Je pense que ça va de soi. Il faut, à partir de votre question... Et je vous réfère au rapport Cholette de 1976, celui-là, qui justement faisait l'éloge du réseau conservatorial et qui, en plus de faire l'éloge des conditions justement qui lui permettaient d'en faire l'éloge, disait que, si on l'arrimait au réseau général d'éducation, ce serait un désastre. Et, vraiment, il l'expliquait. Ça fait que je pourrais ou on pourrait reprendre ultérieurement ces raisons. Je me limite seulement à une que je juge principale, c'est qu'il ne faut pas confondre, si je prends le réseau des conservatoires de musique, la formation musicale et l'éducation musicale. Il ne faut pas confondre la formation professionnelle musicale et une éducation fort simple. C'est dans ce sens-là que le concept de la culture aurait peut-être mérité, je pense, d'être défini par le rapport ou par la commission Arpin.

Lorsqu'on parle des conservatoires, c'est vraiment le développement des arts d'interprétation. Nous visons vraiment, dans les neuf conservatoires, à former des interprètes. Et ça, ça nous apparaît fondamental et ça crée, si vous voulez, une spécificité qui caractérise, mais de façon unique, ce système-là qui n'a aucune parenté possible actuellement avec le réseau général de l'éducation. Ça, je pense que c'est important. Que le ministère des Affaires culturelles en assume, si vous voulez, les obligations au niveau de son développement,, je trouve que c'est peut-être une des plus belles raisons d'être de votre ministère. Dans le rapport Arpin, on l'a dit, écoutez: Le Québec - nous, on dit le mécénat - ne fera pas vivre les arts d'interprétation mais, par ailleurs, tout le monde reconnaît la nécessité culturelle du Québec de faire vivre les arts d'interprétation. Et vous avez une affiche qui vous le traduit, mais vraiment sobrement. En ce sens-là, le ministère des Affaires culturelles ne peut, mais absolument pas, se dérober, ne peut absolument pas, parce qu'il a des voisins qui sont cossus, le ministère de l'Éducation et... vos deux ministères. Je pense que, même si votre ministère occupe encore une petite place dans le monde politique parmi les élus, je pense que vous, vous pouvez contribuer à y donner un plus grand espace, une plus grande place. C'est dans ce sens-là qu'il faut travailler.

Le Président (M. Doyon): Merci. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: M. le Président, M. Perron, Mmes et MM. les représentants du Syndicat des professeurs de l'État du Québec, je vous dirais, en premier lieu, que la réponse de la ministre quant à votre question, personnellement, ne m'apparaît pas complète. J'aurais espéré que la réponse fût plus explicite et je me rattache d'ailleurs à cette citation que l'on trouve dans votre mémoire, et qui est de Louis Pasteur: "Pour communiquer le feu sacré, il faut en être plein soi-même."

La première question que je vous poserais: Est-ce que notre position à nous est connue quant au réseau des conservatoires d'art dramatique et de musique au Québec? Quel mandat les conservatoires doivent-ils avoir dans une politique des arts et de la culture au Québec et comment peut-on le bonifier, actuellement, ce mandat? (11 heures)

M. Perron (Luc): Au niveau du mandat comme tel dans la politique des arts et de la culture, c'est évident qu'un des mandats que vous ne devez pas minimiser pour un Québec, si vous voulez, plein de maturité, et en étant certain qu'il existe des talents dans toutes ses régions, c'est vraiment de miser sur une formation professionnelle à tous les niveaux. En ce sens-là, vous devez absolument, je veux dire, comme parti, comme gouvernement, faire en sorte que le Québec ne puisse pas se priver d'institutions ou d'une institution nationale, les neuf conservatoires via la formation professionnelle conséquente. Je pense que ça doit être une obligation politique de toute personne, de tout élu, de toute Assemblée législative au Québec. Je pense que ça nous apparaît comme étant évidemment fondamental, c'est-à-dire qu'on ne peut absolument pas, si vous voulez, laisser à d'autres qu'aux Affaires culturelles ou laisser à d'autres qu'à l'État, en l'occurrence, si vous voulez, le devoir d'assumer ses responsabilités culturelles au niveau du développement des arts d'interprétation. Nous sommes à même, j'oserais dire, à travers notre humilité, avec la fiche que nous vous produisons... Nous n'inventons pas les noms

qui sont là, ce sont des noms qui sont réels. Ce sont tous des gens, des élèves qui ont déjà été assis sur (es bancs des conservatoires à une époque ou à une autre. Le Québec ne peut pas, aujourd'hui, au moment où on se parle, faire fi de cela. Sans mettre toute notre énergie dans le passé garant du futur, il reste que, si on veut lire un futur en faisant abstraction du passé, il me semble que c'est une négation, c'est une privation, c'est une amputation culturelle qui est totalement inacceptable.

M. Boulerice: Quoique, dans une réponse précédente, on se rapprochait un peu de la question, en fait, la deuxième question que je veux vous poser, je vais quand même l'énoncer: Comment devrait-on partager les responsabilités entre les conservatoires et le réseau universitaire institutionnel, mais tout en respectant la mission particulière des conservatoires de musique et d'art dramatique?

M. Perron (Luc): Les deux réseaux... La question est intéressante en tant que telle, mais on doit aller au-delà des mots qui la composent ou qui la particularisent. On doit vraiment, au-delà de la question, aller voir c'est quoi, ie réseau d'éducation, les universités, le type de formation qui y est donné. Les conservatoires répondent a quels besoins pour le Québec en termes de formation professionnelle qui y est dispensée? Je pense qu'on doit être fier et qu'on doit l'afficher que ce sont deux réseaux qui méritent de vivre. Ce sont deux réseaux qui méritent possiblement une coordination de manière plus visible, mais cela, la Loi sur le Conservatoire le permet. Dans la plate-bande de la formation professionnelle, dans la plate-bande du développement des arts d'interprétation, La Loi sur le Conservatoire permet vraiment à une commission d'exister. À ce moment-là, vous avez un forum qui va permettre à l'ensemble des intervenants de faire le point là-dessus proprement dit. Alors, en ce sens-là, il existe. Mais de là à vous dire, aujourd'hui, dans une vision de futurologue que je ne suis pas, l'harmonie ou l'harmonisation des deux réseaux qui ne se ressemblent pas, qui ne répondent pas aux mêmes besoins, aux mêmes prémisses, qui ne s'articulent pas de la même façon... On les met ensemble, ça donne quoi? Ça donne une destruction, je pense, de part et d'autre. Il faut les regarder en termes de développement tels qu'ils sont.

M. Boulerice: Tels qu'ils sont. Le rapport Arpin a provoqué, si vous me permettez cette expression un peu particulière, un krach: Montréal versus régions. Les régions se sont senties passablement heurtées dans l'écriture du rapport Arpin, sont intervenues à cette commission de façon campée. Je pense que rien n'était plus légitime et je pense que vous devinez un peu le sens de la troisième question - je vois M.

Tremblay, d'ailleurs, qui me regarde puisqu'on sait qu'il est de Rimouski - de l'importance des conservatoires comme déclencheurs, si on peut employer l'expression, de la vie culturelle en région. Votre portrait à vous?

M. Perron (Luc): J'invite Jean-Louis à vous répondre à travers ce qui se passe à Rimouski avec la présence du Conservatoire de Rimouski.

M. Tremblay (Jean-Louis): Merci. Oui, j'enseigne à Rimouski, j'enseigne également à Chi-coutimi. Je pense qu'il faut entrevoir les conservatoires de région sous un angle double, soit celui de la formation, d'une part, très important, et celui de ia diffusion, d'autre part. Du côté de la formation, il y a d'abord le recrutement. Il y a des activités de supervision également, conjointement avec d'autres écoles de musique, et le volet principal, la formation professionnelle qui, en bout de ligne, donne des musiciens professionnels. En tant que réseau, les plus récents chiffres s'accordent à dire que le réseau des conservatoires de musique du Québec ont formé jusqu'à 90 % des musiciens professionnels. J'y reviendrai tout à l'heure.

Du côté de la diffusion, les conservatoires de région sont un instrument privilégié extrêmement important. Je vous donne quelques exemples. Tous les conservatoires de région donnent hebdomadairement des concerts étudiants, des étudiants avancés, des concerts de professeurs. Il y a également, dans le cadre des activités de diffusion, des classes de maître. On invite des maîtres de niveau international à venir prodiguer leur savoir, leurs conseils, non seulement aux élèves du conservatoire, mais également à toute personne intéressée. Il y a des ateliers qui sont donnés, soit par des étudiants avancés ou par des professeurs, à travers le réseau scolaire, que ce soit au niveau primaire ou au niveau secondaire, au niveau des cégeps et même au niveau universitaire. Il y a également des tournées annuelles, des tournées d'orchestres régionaux qui sont formés à Rimouski, entre autres, et où on diffuse la musique à travers tout le Bas-Saint-Laurent, même sur la Côte-Nord.

Si on prend l'exemple aussi des orchestres régionaux, je prends l'exemple de l'Orchestre de Trois-Rivières, il ne faut pas oublier que 75 % des musiciens qui forment l'Orchestre de Trois-Rivières proviennent du réseau des conservatoires de musique du Québec et 40 % de ces musiciens-là émanent directement du Conservatoire de Trois-Rivières. N'oublions pas que cet orchestre donne de 25 à 30 concerts par année, rejoint entre 20 000 et 30 000 personnes, donne des matinées symphoniques qui s'adressent à un public très large qui rejoint environ 4000 élèves des secteurs primaire et secondaire. Et là, je passe sous silence les activités du Conservatoire de Chicoutimi et de l'Orchestre du Saguenay-Lac-Saint-Jean qui dépend directement des

activités du Conservatoire.

M. Perron (Luc): Les 25 ans qui vont être fêtés dans la région de Chicoutimi sauront, à leur juste mesure, rendre vraiment visible le Conservatoire de musique de cette région-là et son impact.

Mme Blackburn: Pourriez-vous répéter, s'il vous plaît? Je n'ai pas bien compris.

Le Président (M. Doyon): Est-ce qu'il y a consentement?

Une voix: Elle est membre de la commission

Mme Blackburn: Je suis membre de la commission.

Le Président (M. Doyon): La députée de Chicoutimi. Oui, oui, bien sûr. Excusez-moi.

M. Perron (Luc): Ils vont fêter les 25 ans, l'année prochaine. Alors, la belle région du Saguenay-Lac-Saint-Jean sera à même d'apprécier vraiment le rayonnement du Conservatoire.

M. Boulerice: Surtout la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Oui. Je suis députée de Chicoutimi. Je connais assez bien le fonctionnement, la performance, j'allais dire, de l'Orchestre symphonique du Saguenay-Lac-Saint-Jean et son étroite collaboration avec le Conservatoire. Il s'est établi là un mode de fonctionnement remarquable. Pour nous, ça constitue dans notre région un acquis incontestable. Lorsqu'on parle de la région et de son attrait, on n'oublie jamais de parler, évidemment, de la présence chez nous du Conservatoire de musique et d'un orchestre symphonique parce que les gens ne vivent pas que de pain et de jeux, ils vivent aussi de culture. Ils devraient davantage vivre de culture!

La question que je me posais... Je connais bien la performance et les rapports étroits entre l'Orchestre symphonique chez nous et le Conservatoire. Est-ce que c'est généralement la même situation qu'on retrouve dans toutes les régions du Québec où il y a un conservatoire?

M. Perron (Luc): Non, pas vraiment. Vous avez Rimouski, par exemple, où, au début des années quatre-vingt, vous aviez un orchestre symphonique qui, compte tenu de la fermeture de classes, compte tenu de mesures administratives qui ne favorisent pas, justement, l'ouverture de classes, il y a des faux contingentements, des fausses mesures, c'est affreux, et, à ce moment-là, il manque des instruments qui leur sont nécessaires. Trois-Rivières est un très bon exemple. Je pense que Jean-Louis vient de vous le mentionner, et c'est bien traduit. À Hull, ça reste à faire. Je pense qu'il y a beaucoup d'interventions qui devraient être stimulées en ce sens-là. À Val-d'Or, vous avez une présence qui est très dynamique, compte tenu de ce qui peut se passer en termes d'activités culturelles dans la région.

Mme Blackburn: Est-ce qu'il en va un peu des initiatives des directeurs de musée? Ou est-ce qu'il y a des empêchements même liés à la mission des conservatoires?

M. Perron (Luc): Je vous donne un exemple bien précis...

Mme Blackburn: Budget, vous me dites oui, mais...

M. Perron (Luc): Je vous donne un exemple bien précis. À Trois-Rivière, par exemple, vous aviez une direction qui a été changée, ces derniers mois. Sur la fin de cette dernière direction, le conservatoire était devenu quasiment invisible, sauf les gens qui se présentaient au centre culturel pour auditionner le concert de l'orchestre symphonique. Actuellement, il y a eu un changement de cap important et déjà, malgré des budgets qui n'ont pas été à la hausse, vous avez une visibilité à la télévision. C'est-à-dire que chaque foyer, maintenant, sait qu'il y a des concerts le mercredi soir, à Trois-Rivières. Et cela, ça se fait compte tenu que vous avez une direction qui parle et qui agit pour cette maison de formation. Et ça, ça manque. Ça prendrait vraiment un courant à l'échelle de tous les conservatoires pour rendre visible la réussite de cela. Il y avait des pochettes au niveau des finissants et finissantes des conservatoires, mais qui n'existaient que pour deux conservatoires seulement: Québec et Rimouski; ça n'existait pas pour les autres. Il y a un manque d'investissement qui est vraiment chronique. Je n'ose pas aller sur les préjugés, mais, vous savez, des fois, c'est toujours plus beau ailleurs. Quand on fait de belles réussites chez soi, on dirait qu'on a de la gêne à le mentionner. Chicoutimi, je vais y aller encore vendredi cette semaine rencontrer mes collègues et je ne sens aucunement cela là-bas. Je pense que c'est comme ça qu'on devrait agir. Lorsqu'on fait une réussite, lorsqu'on contribue à une réussite, on devrait en être fier et on devrait l'exposer. Actuellement, vous n'avez pas cela dans toutes les régions où il existe un conservatoire, malheureusement.

Mme Blackburn: On parle beaucoup d'économie, d'économie d'échelle, comment réduire la taille de l'État. Je me permets de le dire tout de suite, ça ne vient pas de la ministre, évidemment, mais, comme le rappelait mon collègue, il n'en demeure pas moins que lancer de tels propos de la part du comité Poulin, ça laisse toujours quelque chose. Comme on veut toujours

parier en termes économiques, pourriez-vous nous donner un aperçu de ce que représente le budget de l'Orchestre symphonique de Trois-Rivières? Combien de personnes travaillent et gagnent leur vie autour des écoles de musique et des conservatoires de musique? Parce que ce sont des revenus. On a toujours l'impression qu'il n'y a que des dépenses là-dedans et qu'il n'y a pas de revenus. Alors, j'aimerais savoir ça.

M. Perron (Luc): L'Orchestre symphonique de Trois-Rivières, par exemple, je sais que ça regroupe une soixantaine de personnes. De là à vous donner des chiffres vraiment précis sur le coût de pareilles activités artistiques, je ne serais pas capable de...

Mme Blackburn: Je sais que l'Orchestre symphonique du Saguenay-Lac-Saint-Jean a une quarantaine de musiciens qui ne gagnent pas leur vie exclusivement à l'Orchestre symphonique, mais qui travaillent, qui jouent aussi pour le quatuor Alcan, pour l'orchestre de chambre, pour... Il y a un autre orchestre aussi qui a été formé d'étudiants. Mais on estime qu'il y a une quarantaine de personnes qui, bon an mal an, gagnent leur vie, à la fois en travaillant dans les écoles de musique, au conservatoire et à l'orchestre. Ça représente quand même un marché du travail, des emplois qui sont importants dans nos régions. C'est pour ça que je me demandais si vous aviez les mêmes... On peut penser que Trois-Rivières, c'est de l'ordre de 60 personnes.

M. Perron (Luc): Dans l'orchestre, c'est une soixantaine de personnes. Tantôt, Jean-Louis a mentionné qu'il y en avait 75 % qui venaient du réseau des conservatoires et 40 % qui venaient des musiciens professionnels formés dans la région de Trois-Rivières. Mais la réponse la plus intéressante que je peux vous mentionner là-dedans - et elle paraît dans le mémoire aussi, Jean-Louis l'a aussi mentionné - c'est que l'ensemble de nos finissants, si vous voulez, se trouvent un travail lorsqu'ils se rendent au sommet, lorsqu'on arrive vraiment au niveau du quatrième cycle, lorsqu'on parle des conservatoires de musique. Ou lorsqu'ils arrivent d'un conservatoire d'art dramatique, après ces trois ans, comme comédiens ou comédiennes ils se trouvent une place dans le marché artistique. Et ça, c'est excessivement intéressant. On serait à même de vous fournir des statistiques que nous sommes malheureusement en train de confectionner à partir de vraies données, bien sûr. Quand je dis "malheureusement", c'est que ce n'est pas à nous de le faire, ce serait plutôt à la gestion. Ce serait un volet de la gestion fort intéressant. Nous sommes à même de vous dire actuellement, avec ce que nous avons en main, que les finissants de nos maisons de formation professionnelle, si vous voulez, trouvent un emploi dans leur domaine. Ça, c'est excessivement intéressant et valorisant.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Perron. Un mot de remerciement, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerîce: M. Perron, mesdames et messieurs, bien entendu il y a d'autres questions qu'on aurait aimé vous poser. Les municipalités, comme le faisait remarquer tantôt ma collègue, bénéficient beaucoup de la présence des conservatoires et des activités qu'ils génèrent, toujours en termes de recettes, parce que c'est vrai que le débat est vicié. La culture n'est pas une dépense, la culture, c'est également des revenus, des investissements qui sont intéressants pour le Québec.

J'aurais aimé poser une question aussi à Mme Campos, puisque les conservatoires sont des lieux privilégiés de convergence au niveau de toutes les composantes de la société québécoise. Je pense que c'est porteur d'avenir, ces conservatoires-là, au niveau de l'identification d'un Québec. Mais, malheureusement, c'est tout le temps qu'on a.

Donc, je vais vous remercier pour votre présence à cette commission et l'extraordinaire qualité de votre mémoire, en vous rappelant que les conservatoires sont, et seront.

Le Président (M. Doyon): Merci. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: M. Perron, à vous tous, effectivement, on aurait pu continuer de parler longtemps. Vous m'avez dit: On va vous donner une définition de la culture. Je vais vous dire que, dans tout l'exercice, je pense que c'est ce qui va être le plus difficile parce que, bon, il y a le sens étymologique, il y a le sens large, le sens plus restreint. Alors, ça sera une discussion du futur, mais, chose certaine, on va arrêter de perdre de l'énergie à savoir si, oui ou non, on existe. On arrête de perdre de l'énergie. On va mettre notre énergie à savoir maintenant comment on peut travailler en plus grande complémentarité et comment, nous, on peut vous aider aussi à travailler en plus grande complémentarité, de sorte que les conservatoires en soi sont et demeureront, et pour longtemps, des institutions qui prônent l'excellence et qui visent justement à ce que leurs étudiants sortent et aient la formation que l'État se doit aussi de leur donner. Alors, à partir de maintenant, c'est là qu'on va mettre notre énergie. Je vous remercie.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. Alors, au nom des membres de la commission, je vous remercie d'avoir passé cette heure avec nous, vous permettant de maintenant céder la place à notre prochain invité, M. Fernand Dumont.

Je pense que M. Dumont est arrivé. Je suspends les travaux pour une minute.

(Suspension de la séance à 11 h 18)

(Reprise à 11 h 20)

Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous plaît!

J'inviterais M. Dumont à bien vouloir prendre place en avant pour que nous puissions continuer. C'est avec beaucoup de plaisir que je souhaite la bienvenue au professeur Dumont, dont j'ai été un étudiant, en passant. Je vous souhaite la bienvenue. Je suis très heureux de l'avoir parmi nous. Je sais qu'il a été contacté pour les explications que nous lui devions sur l'imbroglio de la semaine dernière. Donc, lui souhaitant la bienvenue, je lui indique qu'il dispose de 10 ou 15 minutes pour nous faire part de ses remarques, de son propos. Les membres de la commission vont l'écouter attentivement et, après, ils vont s'entretenir avec lui pour le temps qu'il nous restera sur les 40, 45 minutes qui nous sont réservées. Alors, professeur Dumont, en vous souhaitant la bienvenue, vous avez la parole.

M. Fernand Dumont

M. Dumont (Fernand): Dans cet exposé préalable, je me contenterai de résumer surtout, et à très grands traits, les principaux points du mémoire que j'ai soumis à la commission.

Dans ce mémoire, je ne me suis pas attardé aux problèmes de financement et de gestion. J'ai cependant inscrit sur ce point deux remarques. Je vais résumer très brièvement. Premièrement, dans le rapport Arpin, on propose de confier au ministère des responsabilités très considérables, c'est le moins qu'on puisse dire, je crois. Comment - c'est la question qui vient tout de suite à l'esprit - allons-nous réunir en une sorte de temps record l'équipe considérable de gestionnaires qu'il faudrait pour mettre en oeuvre un pareil plan de travail?

Autre remarque dans le même sens au sujet du conseil consultatif qui est proposé dans le rapport. Je me suis permis de souligner qu'il existe déjà beaucoup de ces conseils consultatifs: sur l'éducation, sur les universités - enfin, je ne ferai pas toute l'énumération; elle est considérable - en remarquant qu'en général ces conseils qui, souvent, travaillent très bien... Sur l'éducation, par exemple, le conseil a publié régulièrement un certain nombre de rapports très étoffés, très intéressants. Je les collectionne d'habitude, mais la portée politique des travaux de ces commissions me paraît assez mince. On a parfois l'impression que beaucoup de ces conseils existent un peu comme, pour ainsi dire, adjuvants à des politiques qui sont rarement mises en oeuvre.

Deuxième remarque sur le support à la création, je ne me suis pas attardé là-dessus parce que j'ai pensé que d'autres sont beaucoup plus compétents que moi pour en traiter. J'ai quand même remarqué que le support à la création ne consiste pas simplement à distribuer des subventions, mais à créer des institutions où peuvent oeuvrer les créateurs ou les chercheurs, puisque les deux occupations se ressemblent. Je me permets de souligner à nouveau que c'est un point, à mon sens, très important. Depuis la dernière Guerre mondiale, beaucoup de ces institutions ont été créées. On pense à l'expansion de Radio-Canada, on pense à l'Office national du film, on pense à d'autres institutions du même genre où beaucoup de créateurs québécois ont pu oeuvrer. Ça, ce n'est pas simplement une question de subventions. Je crois qu'aujourd'hui encore il faut se poser la question, à savoir si, pour les jeunes créateurs, il existe des situations semblables, des institutions qui pourraient ainsi favoriser leur travail.

Mais j'en arrive à ce qui, je pense, constitue l'essentiel de mon mémoire. J'ai voulu insister sur le rapport entre la création et la nécessité de favoriser l'accès à la culture. Dans le rapport Arpin, on parle de l'accès à la culture. Le chapitre 2, par exemple, est consacré tout entier à cette question, mais il me semble que le propos est beaucoup trop optimiste sur ce point. Par exemple, on fait une sorte de rapport obligé entre la hausse de la scolarisation depuis plusieurs années et la hausse du niveau de vie - il aurait fallu dire le niveau de vie pour un certain nombre de personnes, bien entendu - et puis une espèce de conséquence obligée quant à la hausse des pratiques culturelles. Je n'aime pas beaucoup l'expression "pratique culturelle", mais on la trouve dans le rapport et je vais l'utiliser telle quelle.

Or, dans le rapport, où on cite peu, à mon avis, de renseignements un peu précis sur la situation actuelle de l'accès à la culture de notre population, on souligne quand même, par exemple, que 60 % des Québécois ne vont jamais aux concerts, au théâtre, au musée. Le taux de fréquentation des bibliothèques publiques n'a pas bougé de 1983 à 1989. Il me semble que ça devrait susciter de sérieuses inquiétudes. J'ai mentionné aussi d'autres indices. Ils sont connus de tout le monde. La situation catastrophique de la fréquentation scolaire: 40 % des jeunes qui ne terminent même pas le secondaire; 40 % qui ne terminent pas le cégep; 50 % probablement qui ne terminent pas l'université. L'état où se trouve l'apprentissage du français. Ai-je besoin de souligner au passage que l'apprentissage du français, ce n'est pas seulement l'apprentissage de l'orthographe? Je parle, cette fois-ci, en tant que professeur. C'est aussi l'apprentissage de la lecture et l'apprentissage de la compréhension des textes, chose, me semble-t-il, essentielle pour accéder à la culture, quelle qu'elle soit. J'aurais pu aussi insister sur le fait que, sans

doute, dans la formation des jeunes, on arrête beaucoup trop tôt l'accès à des matières proprement culturelles. J'aurais pu insister, je ne l'ai pas fait parce que je sais que c'est revenu très souvent devant la commission, sur la régionalisation, la carence d'une politique culturelle régionale.

Je me suis donc attardé beaucoup à l'éducation en pensant que - et c'est une sorte de lieu commun, me semble-t-il - on peut bien, d'un côté, encourager la création, ce qu'il faut faire, bien entendu, mais il faut aussi veiller - et je m'excuse de parler en termes de marchand de tapis - à la clientèle. On pourrait aboutir, à la limite - ça se voit dans certains pays - à une sorte de juxtaposition entre une sorte d'élite intellectuelle - j'en parle sans remords puisque j'en fais partie - et, d'autre part, une population de moins en moins scolarisée qui n'aurait pas de véritable accès à la culture, malgré ce que les statistiques, apparemment, nous disent du progrès de la scolarisation. Donc, j'ai cru qu'il était important d'insister là-dessus et que ça concernait aussi cette commission sur la culture, d'autant plus que le rapport Arpin insiste, avec raison, sur le fait que, si nous voulons avoir une véritable politique de la culture, il ne faudrait pas commencer par cloisonner le ministère des Affaires culturelles par rapport à des questions, par rapport à des projets qui sont intimement liés comme ceux, par exemple, qui concernent l'éducation.

Pour terminer, je me suis permis de marquer ce que j'appelle la nécessité d'une nouvelle étape. Je constate comme tout le monde, surtout depuis la dernière Guerre mondiale, une extraordinaire floraison de la création dans tous les domaines. Nous avons, je pense, des écrivains de stature internationale, des chercheurs aussi, des artistes, des interprètes. Tout ça, je pense, est extrêmement réjouissant. Nous devons nous demander maintenant, sans négliger, bien sûr, le support que nous devons accorder à la création, si la culture a vraiment connu une expansion dans l'ensemble de notre population.

Pour finir mon mémoire, je me suis permis quelques allusions à nos débats constitutionnels. Je ne les reprendrai pas ici. Je formulerai simplement deux questions et je vais terminer là-dessus. Le rapport Arpin propose de récupérer en entier la maîtrise d'oeuvre sur la politique culturelle du Québec. Première question: Peut-on isoler cette récupération de celle des autres secteurs? Deuxièmement: Si nous ne récupérons pas les ressources en cause, à quoi sert-il de proposer une politique aux ramifications considérables sans avoir, par ailleurs, les moyens de la poursuivre? (11 h 30)

Le Président (M. Gobé): Avez-vous terminé, M. Dumont?

M. Dumont: Oui.

Le Président (M. Gobé): Merci. Je rappellerai aux membres de la commission que les manifestations ne sont pas de mise dans une commission parlementaire. Mme la ministre.

M. Boulerice: Ne sont pas autorisées. C'est bien différent!

Le Président (M. Gobé): J'ai voulu faire preuve de délicatesse en leur faisant savoir. En effet, elles ne sont ni de mise ni autorisées. Je crois que les gens avaient compris ce que je voulais dire. Merci de cette précision, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Mme la ministre, vous avez la parole.

Mme Frulla-Hébert: Merci, professeur. C'est un honneur pour nous de vous recevoir, d'une part, surtout que vous êtes finalement, le dernier intervenant, donc celui qui, en quelque sorte, met au niveau des intervenants le point final de cette commission.

Vous savez, on a beaucoup parlé, vous y touchez d'ailleurs, du mariage culture et éducation. Le constat, c'est qu'il y a un consensus, dans un certain sens, où l'un ne va pas sans l'autre. Vous en parliez. Vous dites que tous les intervenants reconnaissent l'urgence d'une politique culturelle pour le Québec. Par contre, vous préconisez aussi que cette politique devrait s'arrimer avec une politique de l'éducation. Selon vos constats, dans l'immédiat, quels seraient les moyens que vous privilégeriez, si on veut, pour décloisonner les deux, pour que l'on marche vraiment main dans la main et que ça aille de pair?

M. Dumont: Évidemment, je n'entrerai pas dans ce qui pourrait être des aménagements de l'administration publique. J'avoue être tout à fait incompétent dans ce secteur. Nous savons qu'il y a eu des tentatives. Par exemple, il y a un certain nombre d'années, existaient des comités interministériels; il en existait un sur le développement culturel, par exemple. Est-ce que ça a été vraiment efficace? Je n'en sais trop rien, mais, enfin, il faut trouver, je pense, des formules concrètes de ce genre. Mais, ça, je ne me fais pas d'illusions sur la complexité des administrations et des bureaucraties.

Ce sur quoi, dans le sens de votre question, iJ faut insister, c'est que - et c'est peut-être un lieu commun - il n'y a pas une politique culturelle. Il y a des politiques culturelles qui sont, au fond, extrêmement différentes et qui relèvent de critères assez différents les uns des autres. Par exemple, il me semble que, sans faire de théorie, on peut dire qu'il y a deux pôles des politiques culturelles: à un pôle - c'est celui sur lequel j'ai insisté - se pose la question de la diffusion de la culture. Là, vous avez des choses aussi disparates que les bibliothèques publiques, la vulgarisation scientifique, les musées, le pa-

trimoine, etc. Ça pose des problèmes d'infrastructures, je dirais de régionalisation, bien entendu, et aussi de pédagogie, en mettant le mot "pédagogie" entre guillemets, si vous voulez. Mais vous avez là toute une dimension des politiques de la culture qui est extrêmement proche, si je ne me trompe, de ce qui concerne l'éducation, à moins que l'on ne conçoive l'éducation - et ça m'apparaît être une sorte de préjugé entretenu en Occident et pas seulement ici - à moins qu'on ne conçoive l'éducation comme cette espèce de période de la vie durant laquelle on initie les enfants à un certain nombre de choses fondamentales, les plus brillants, supposément, allant plus loin, jusqu'à l'université. Par ailleurs, il y a des musées, il y a des bibliothèques, etc., qui n'auraient aucun rapport avec cette scolarisation.

C'est la jonction entre les deux qu'il faut faire. Autrement dit, il y a là une espèce de vaste terrain pédagogique pour lequel il faut une collaboration extrêmement étroite entre ce que nous faisons traditionnellement sous le nom de l'éducation et ce que nous faisons aussi, moins traditionnellement, mais c'est déjà presque de la routine, sous le nom de la diffusion de la culture.

Alors, vous avez là toute une dimension, me semble-t-il, des politiques culturelles qui est extrêmement proche de ce qu'un ministère de l'Éducation doit faire, de ce que les instituteurs, les professeurs comme moi doivent faire. Il faut trouver cette jonction-là. Ce doit être possible, me semble-t-il, de briser un peu les frontières d'administration ou de compétence officielle.

Vous avez, par ailleurs, un tout autre vecteur, je dirais, des politiques culturelles qui a, bien sûr, à faire avec ce premier-là, mais qui est, au fond, d'une autre nature, qui est l'aide à la création, la subvention de la création, l'entretien d'un certain nombre d'institutions: théâtres, musées, etc. Il y a, bien sûr, des rapports entre les deux, mais il faut commencer par reconnaître qu'il s'agit là, pour ainsi dire, de deux intentions qui doivent être également respectées.

Quand on pense à un ministère des Affaires culturelles, malheureusement - et je parle en profane, de l'extérieur - on a un peu l'impression que le patrimoine, l'aide à la création, la subvention pour les films, les bibliothèques, tout ça est un petit peu mêlé et, sans doute, fait partie de services différents. Mais si on veut faire une politique de la culture, il faut commencer d'abord par consentir à ce qu'il y ait des politiques de la culture et à mettre un peu d'ordre là-dedans. Remarquez que je parle un peu comme un professeur qui, sans doute, a été un peu trop amoureux de la logique, mais, la logique, ça peut servir parfois!

Mme Frulla-Hébert: Professeur Dumont, vous parliez aussi de la demande culturelle.

M. Dumont: Oui.

Mme Frulla-Hébert: Vous savez, quand même, on est garant de notre culture, dans un sens. Vous aviez raison. Dans votre mémoire, vous dites qu'il faut quand même que les gens voient, que les gens touchent, et plus on voit, plus on touche, plus on aime, c'est un cercle vicieux. Selon votre pensée, qu'est-ce qu'on pourrait faire, justement, pour encourager cette demande? Encore une fois, est-ce que ça part du système d'éducation, au niveau de la diffusion, rendre ça plus accessible? Comment fait-on? Il y a aussi des tendances qui sont positives. Je regarde seulement notre réseau de bibliothèques. Nos bibliothèques ne sont pas ce qu'elles étaient. On bâtit maintenant des bibliothèques qui sont des centres socioculturels où c'est très ouvert. Tous les centres d'interprétation... Le patrimoine, ce n'est pas des choses qui sont inertes et froides. Maintenant, il y a des centres d'interprétation qui font, qui expliquent. Comment fait-on, maintenant, pour continuer dans cette tendance et, justement, essayer d'améliorer cette demande-là?

M. Dumont: Je pense que la première chose à faire serait de se rendre compte de la gravité de la situation. Quand j'insiste là-dessus, je veux dire que nous devrions nous souvenir que ce que nous avons essayé de faire dans le domaine de l'éducation est relativement récent. Il ne faut pas s'étonner, d'ailleurs, qu'il y ait des ratés. On a voulu aller vite parce qu'on est parti de loin. Or, cette constatation est valable plus généralement pour l'accès aux bibliothèques, à la musique, au théâtre, etc. Donc, je pense que ce qu'il faudrait faire, c'est d'abord avoir ce sentiment de l'urgence et, je dirais, aussi ce sentiment de la modestie, à savoir que nous n'avons pas encore fait grand-chose. Nous avons fait notre possible. Nous avons fait la Révolution tranquille, nous avons fait notre possible, mais nous n'avons pas fait grand-chose!

Je sors un peu, encore une fois, de ce qu'on appelle étroitement les affaires culturelles, mais regardez simplement la formation professionnelle. Depuis 1985, nous sommes en train de redescendre en dessous de niveaux que nous avions atteints auparavant. Il faut avoir ce sentiment, à mon avis, de l'urgence, de la précarité de ce que nous avons fait et, par conséquent, aussi la volonté et le goût de nous engager dans une nouvelle aventure. Ce qui est vrai pour l'éducation, c'est vrai pour l'accès à la culture.

Je ne suis pas sûr, parce qu'on a parsemé un peu partout quelques bibliothèques municipales en les ouvrant, pour ainsi dire, au public, qu'on ait fait notre possible. Là encore, je reprends mon parallèle avec l'éducation. Quand on pense que, dans certains milieux... Prenez, par exemple, le décrochage. On dit: Le décrochage au secon-

daire, c'est autour de 40 %, probablement 36 % ou 37 %. Oui. Mais, dans certains coins, c'est 70 %; dans d'autres, à Sillery où j'habite, ça doit être à peu près 10 % ou 12 %. Eh bien, la fréquentation des bibliothèques, on n'a pas besoin de faire d'enquête, on sait très bien que c'est comme ça aussi que ça se pose! C'est évident que, quand ça coûte 35 $ ou 40 $ le billet pour assister à une pièce de théâtre, on a exclu ainsi une grande partie de la population, indépendamment du goût qu'elle pourrait théoriquement avoir pour le théâtre. Donc, quand j'ai dit qu'il y a une question d'urgence sur ce plan, ne nous consolons pas des quelques statistiques que nous avons sur les progrès, par exemple, que laissent déceler les taux de fréquentation scolaire. C'est l'ensemble de notre population qui a été tenu dans la misère culturelle pendant un siècle. Nous n'en sortirons pas par des miracles pendant un an ou deux, à la condition, encore une fois, de conserver le sens de l'aventure, le sens aussi de l'urgence. Sur ce plan-là, je pense qu'il n'y a pas simplement à copier ce qui se fait ailleurs, en disant: Nous avons semé un peu partout des bibliothèques, mais à entreprendre pour cette culture-ci, dans la situation où elle se trouve, des initiatives que j'appelle, moi, sans scrupules, pédagogiques. A mon avis, c'est cet état d'esprit qui manque. Quand on entend des municipalités nous dire que les premières choses qu'elles vont sacrifier après le trottoir de gauche pour le déneigement, ça va être la culture, ça veut dire, encore une fois, qu'il faut se rendre compte qu'on n'est vraiment pas rendu loin. C'est ce sentiment d'urgence qu'il faut d'abord retrouver.

Mme Frulla-Hébert: Sur la même question, professeur, vous savez, on a reçu la Conférence des évêques, et eux aussi ont fait un très grand plaidoyer pour l'accessibilité. Par contre, eux nous disaient quand même que, durant 30 ans, il y a eu aussi une énorme évolution. Il reste encore beaucoup à faire au niveau de l'accessibilité. On se rappellera quand même que le Québécois se battait pour mettre du beurre sur son pain, il y a 30 ans. Maintenant, on a parié à beaucoup de municipalités et, encore là, il y a toujours ce déchirement entre, oui, on va couper le loisir et la culture parce que, la culture, c'est le luxe. Mais quand on leur pose la question: C'est la santé d'un peuple, oui ou non? Alors, on choisit quoi? Là, le discours change. Vous avez raison au niveau de la pédagogie. Ayant été un observateur de tout ce qui se passe au fil des années, est-ce qu'il y a, selon vous, des signes encourageants ou si vous dites: On est au même point qu'avant?

M. Dumont: D'un côté, il y a des signes encourageants, c'est bien sûr. Quand on pense à la création, j'en ai parlé tantôt, quand on pense aussi à ('accès plus aisé au système scolaire, oui. Donc, on peut citer un certain nombre d'acquis.

Il ne faut pas non plus exagérer dans ce sens-là. Ce sur quoi j'insistais tout à l'heure, c'est sur le fait que ces réussites qui sont incontestables peuvent nous masquer des problèmes de fond. Vous reparliez, il y a un instant, de ce qui se passe dans les municipalités. Ce n'est pas étonnant. Ça ne sert à rien de faire de grands éclats à savoir que nos élus municipaux, à Saint-Onésiphore, n'accordent pas la priorité à la culture, mais ils doivent être, j'imagine, de mon âge. Moi, quand j'étudiais à Montmorency, tout près d'ici, l'école se terminait en neuvième année. Les commissaires d'écoles, je pense, sauf quelques-uns, ne savaient même pas lire. On ne pouvait quand même pas leur demander d'avoir une espèce d'obsession pour la culture. Encore une fois, il faut se souvenir d'où nous venons. Nous venons d'extrêmement loin. Le chemin que nous avons parcouru n'est pas aussi long qu'on le dit. Donc, il nous reste encore beaucoup de choses à faire. Et moi, je répète ça, c'est une sorte de leitmotiv, c'est que notre société risque d'être à nouveau bloquée, en se rassurant sur un certain nombre de progrès qui, encore une fois, sont très relatifs. On se rend compte qu'ils sont relatifs quand, justement, on se heurte à des obstacles comme ceux que vous signalez.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. Je vais maintenant passer la parole à M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Oui. Professeur Dumont, très heureux de vous accueillir en cette commission. Je pense que ce n'est pas faire injure à qui que ce soit et, surtout, à ceux qui vous ont précédé que de dire que cette commission n'aurait pas été complète sans votre présence, puisque vous êtes un intellectuel célébré dans notre pays et, également, dans l'ensemble de la francophonie. Vous avez été président de l'Institut québécois de recherche sur la culture, un organisme extrêmement prestigieux et qui a fait un travail considérable au niveau du Québec. (11 h 45)

Vous me permettrez de déplorer ce qui est arrivé à cet institut, d'être profondément attristé. Vous comprendrez que ce n'est pas nous qui avons pris cette décision, mais qu'un jour aussi, bien des choses devront être reprises, malheureusement, dans ce Québec. Mais, là-dessus, ce sera un bonheur de lui redonner la place qu'il avait. Donc, je ne vous parlerai pas de l'observatoire dont le rapport Arpin parle. L'observatoire, on l'avait, c'était l'IQRC. Professeur, on a refait un peu le débat à cette commission entre Athènes et Rome. On a beaucoup parlé des modèles français et britannique comme instruments d'intervention et de soutien de l'État à l'égard de la culture. Alors, la question que je vous poserai est au-delà de Rome et d'Athènes ou de Londres et de Paris: Quel devrait être le modèle québécois et quel devrait être le rôle du ministère des Affaires

culturelles à cet égard?

M. Dumont: Je disais un petit peu, en terminant mon exposé tout à l'heure, que je crois que, dans le rapport Arpin, parmi la multitude des propositions qu'on y retrouve, on trouve des suggestions qui sont, d'ailleurs, très intéressantes. Je n'ai peut-être pas suffisamment insisté sur le fait que ce rapport m'est apparu, à moi, comme un bon point de départ de travail. Je le dis dans mon mémoire. J'aurais dû le répéter oralement.

Je reviens à ce que j'allais dire. Dans ce rapport, il y a donc un nombre très considérable de propositions. Il y en a une où il est question, peut-être parce que c'est à la mode, d'une récupération totale des pouvoirs du Québec en matière de culture. Eh bien, à mon sens, ce n'est pas une proposition parmi d'autres. Ce n'est pas une proposition parmi d'autres et je dis ça, je pense, d'une manière tout à fait objective et, je dirais, tout à fait logique. Ou bien cette récupération totale va s'effectuer ou bien la multitude de propositions que contient ce rapport devient inutile. Ce n'est pas possible, à mon avis, d'entreprendre une politique culturelle de l'ampleur décrite dans ce rapport avec les moyens dont nous disposons actuellement. Alors, c'est l'un ou c'est l'autre. Par conséquent, la réponse à votre question, d'une certaine manière, est extrêmement simple: Ou bien nous entreprenons une véritable politique culturelle comme celle qui est décrite dans le rapport, en la modifiant, sans doute, à la lumière des multiples suggestions qui ont été faites à cette commission, ou bien nous nous contentons de faire une espèce de dépoussiérage de notre politique culturelle actuelle, de faire notre possible avec les moyens que nous avons et, à ce moment-là, ce rapport risque d'être une espèce d'alibi purement, je dirais, verbal et nous aurions, à ce moment-là, ce matin comme d'autres jours auparavant, causé aimablement de l'avenir de notre culture. Voilà, je pense, ce qui est l'essentiel.

Mais il y a un autre point que je voudrais souligner et qui me paraît important et qui se dégage, me semble-t-il, de ce qu'on a entendu à cette commission, d'après, du moins, ce que j'en ai lu dans les journaux. C'est que - et je vais jouer encore le pessimiste, si vous voulez - ma foi, on n'est même pas sûr qu'il est légitime que nous ayons une politique culturelle. Il me semble que plusieurs intervenants ont fait allusion à ça. Il y avait des articles, d'ailleurs, dans Le Devoir, hier, qui insistaient là-dessus. Il semble que ce n'est pas légitime que nous ayons une politique culturelle. Plusieurs ont insisté sur le fait qu'il faut faire attention à l'État, la liberté, la souveraineté de la création. Moi, j'appartiens à une université où 97 % du budget vient probablement de l'État et personne ne m'a encore dicté les cours que je dois donner ni les livres que j'écris. Par conséquent, je soupçonne qu'il y a, derrière ça, autre chose. Il y a, derrière ça, autre chose et ça sort, parfois, dans des propos que vous avez entendus ici et qu'on lit ailleurs, à savoir que faire une politique culturelle au Québec, c'est se fonder sur une sorte de nationalisme étroit. Nous voudrions faire une espèce de culture à nous autres qui serait marquée de nos traits ethniques de je ne sais trop quoi, alors que tous les pays du monde ont une politique culturelle, à commencer par Ottawa. Quand c'est Ottawa ou la Finlande ou la France ou les États-Unis - parce que les États-Unis ont aussi une politique culturelle - il semble que, là, ce n'est plus dangereux. Il semble que l'Etat est tout à fait gentil, distant, respectueux, mais lorsque nous, ici, nous pensons à faire une politique culturelle qui nous convienne, là, la menace de je ne sais quel spectre nationaliste est là.

Je pense qu'il ne faut pas oublier ça parce que, si vous me permettez de vous le dire, vous allez rencontrer cet obstacle-là comme l'obstacle premier. Il n'en est pas question dans le rapport, mais ça suinte de partout. Avons-nous le droit tout simplement, avant d'en faire une, avons-nous le droit à la légitimité de faire une politique culturelle? Voilà, me semble-t-il, la question première. Encore une fois, à lire certains articles, l'État nous menace de toutes parts, il faut se délivrer de ce monstre terrible. Mais c'est drôle, il s'agit toujours de l'État québécois. Est-ce à dire que l'État fédéral, lui, appartient à une autre espèce?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boulerice: Et d'une souplesse exemplaire, effectivement, alors que, professeur Dumont, vous me permettrez de vous le rappeler, les attaques les plus acerbes face aux politiques du ministère fédéral des Communications, etc., sont venues de nos compatriotes québécois anglophones. Professeur, vous insistez beaucoup - et je me dis: Pourquoi tant? - sur l'importance des liens entre culture et éducation.

M. Dumont: Je ne sais pas si vous voulez que je reprenne cette...

M. Boulerice: Oui, parce qu'elle m'apparait très importante.

M. Dumont: Mais j'ai peur de me répéter, en ce sens que, disons, je vais dire autrement ce que je disais tantôt. C'est impossible que nous ayons, de la part de la population adulte, un accès largement répandu aux oeuvres de culture si le démarrage n'a pas été fait, pour ainsi dire, au niveau de l'éducation. S'il n'y a pas, par conséquent, une sorte de concertation entre ces deux entreprises. Deuxièmement, ce n'est pas possible non plus si on considère que la pédagogie, ça doit rester enfermé dans les écoles et

qu'elle ne peut pas se diffuser, pour ainsi dire, plus largement et par toutes sortes de moyens dans l'ensemble de fa population. Cela résume à peu près, si vous voulez, je dirais, l'obsession centrale qui a présidé à la rédaction de mon bref mémoire.

M. Boulerice: Merci. Mme la députée...

Mme Blackburn: Oui, M. le Président, avec votre permission. Bonjour, M. Dumont. C'est avec beaucoup de plaisir que je vous entends et je vous écouterais sans doute, comme tous mes collègues ici, à cette commission, longtemps et sans lassitude, tant il est vrai que vos propos réussissent en peu de mots à traduire une réalité qui, à certains égards, nous avait un peu échappé. Votre remarque touchant le droit, selon certains, du Québec de se doter d'une politique culturelle, il est vrai que le gouvernement du Québec est souvent perçu comme étant autoritaire, sclérosant, alors que le gouvernement canadien, qui a la même politique, semble généreux, ouvert et compréhensif. Vous avez sans doute raison et ça en portera sans doute plusieurs à réfléchir sur cet aspect de la question. Questionner le droit du Québec de se donner une politique culturelle, c'est questionner son droit à une culture qui lui soit propre.

Dans votre exposé, tout à l'heure, et dans votre mémoire, vous avez abordé un certain nombre de questions en établissant, en questionnant la lecture que fait le rapport Arpin qui associe étroitement la hausse de scolarité, la hausse des revenus et la fréquentation des activités culturelles, en disant qu'il n'y avait pas un rapport aussi étroit que ça. J'aurais aimé vous entendre davantage là-dessus, à savoir comment ça se passe dans des pays comparables, à scolarité équivalente ou à revenus équivalents, et si on a une plus grande fréquentation.

Deuxième question. Vous établissez un rapport extrêmement étroit, d'ailleurs que je partage, et avec raison, entre l'éducation et la , culture, en disant... Vous disiez, à un moment, qu'on ne devait pas avoir une politique de la culture, mais bien plusieurs politiques de la culture. Vous dites: Est-ce qu'on peut se contenter de récupérer le domaine culturel d'Ottawa, les champs de juridiction en matière culturelle, et ne pas exiger l'argent également? Qu'en est-il des autres secteurs de compétence fédérale, partagés ou dans lesquels on a empiété? Moi, je voulais savoir. Il me semble qu'à la lecture j'entends qu'on ne peut se donner de véritable politique culturelle qu'en étroite association avec le secteur de l'éducation, ce avec quoi je suis d'accord, dans la récupération - si tant est qu'il y en a encore qui souhaitent qu'on reste au sein de la Fédération canadienne - des champs de compétence. Est-ce que vous ne pensez pas qu'il faudrait insister aussi sur la récupération des communications? Vous avez beaucoup parlé d'éducation, mais on ne vous a pas beaucoup entendu parler des communications et de leur importance dans l'établissement d'une politique culturelle.

M. Dumont: Je vais essayer de répondre brièvement aux deux questions. Sur le premier point, c'est-à-dire les rapports entre scolarisation et, disons, ce que le rapport appelle la pratique culturelle ou, enfin, l'accès à la culture, une première chose qu'il faut dire, je pense, c'est que le problème se pose dans tous les pays. Il se pose aussi bien en France, aux États-Unis qu'ici. Donc, ce n'est pas un problème exceptionnel. Quand, par exemple, en France, on veut, je ne sais pas, faire accéder presque tout le monde au baccalauréat, je dis que c'est un peu de la rhétorique, quoi! Donc, cette différence, cette distance, elle existe. Elle existe, je dirais, même à l'intérieur des systèmes d'éducation. Par exemple, le fait qu'il y ait un pourcentage, et il y aura toujours un pourcentage de jeunes qui ne terminent pas le secondaire, ça veut dire qu'ils auraient besoin d'accéder à une autre culture et non pas simplement d'être renvoyés chez eux comme inaptes à l'éducation.

Donc, le problème de la diffusion de la culture dans l'ensemble d'une population, qui se fait, d'une part, par l'éducation et, d'autre part, par d'autres moyens dont les politiques culturelles, cette tension entre les deux dimensions, elle existe dans tous les pays, mais - je crois que j'y faisais allusion tout a l'heure - elle est particulièrement vive ici, étant donné que la poussée de la scolarisation est un phénomène encore relativement récent et que l'influence de la scolarisation, je dirais, sur l'ensemble de la culture, ça prend beaucoup plus de temps que la durée d'une génération. Autrement dit, les premiers enfants de gens qui n'avaient à peu près pas d'instruction et qui sont allés à l'école à partir des années soixante ne seront pas nécessairement des diffuseurs de culture dans leur milieu. Un certain nombre d'entre eux sont allés à l'école parce que, comme on disait, selon le leitmotiv de l'époque, "Qui s'instruit s'enrichit". Ça fait qu'ils s'enrichissent et ils ne s'occupent pas beaucoup de la culture.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dumont: Ça prend du temps avant de créer des traditions culturelles, c'est-à-dire avant que, dans les familles, dans beaucoup de familles, on ait le goût de la musique, le goût de la lecture, une bibliothèque familiale. Là où il n'y a pas de bibliothèque familiale, ce serait bien curieux que la Bibliothèque nationale supplée. Bon. Donc, ça prend du temps avant que se créent des traditions de diffusion de la culture dans un milieu. Mais, encore une fois, la fonction d'une politique, ce n'est pas de remplacer ça. Ça, ça se fait presque naturellement dans le

cours des choses, mais c'est de pousser un peu là-dessus et d'être conscient que c'est dans la situation dans laquelle nous sommes. Nous sommes sortis, il n'y a pas longtemps, du bois et, par conséquent, il faut pousser un peu plus que d'attendre simplement que, par la force des choses, de génération en génération, la culture se répande dans notre milieu.

Deuxième question sur la récupération des pouvoirs nécessaires à une politique culturelle. C'est bien entendu qu'à moins qu'on ne considère la politique culturelle, ce que j'ai essayé de contredire depuis le début, comme un secteur relativement limité et conventionnel de la culture, c'est l'ensemble, au moins l'ensemble de ce qui touche à la culture qui doit être récupéré, c'est-à-dire aussi bien les communications que, bien sûr, ce qui concerne l'éducation. Au moins récupérer un ensemble un petit peu cohérent et où les rapports sont extrêmement étroits. Prenons un exemple qui a dû revenir, j'imagine, assez souvent devant cette commission, dans un certain nombre de mémoires: la suppression des stations de Radio-Canada en région. Eh bien, si ce n'est pas une question de développement culturel, moi, je n'y comprends rien. Et, curieusement, c'est une question de développement culturel qui comporte les deux dimensions de politique de la culture dont je parlais tantôt, c'est-à-dire, d'une part, la diffusion auprès des gens d'une certaine image de ce qu'ils sont et, d'autre part, l'existence en région d'un certain nombre de journalistes, de créateurs, d'intellectuels qui puissent non seulement parler de réalités concrètes, mais qui puissent aussi vivre en tant que créateurs - je mets le mot entre guillemets - en dehors de Montréal et de Québec.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. Dumont. C'est là, malheureusement, tout le temps qui était alloué, même dépassé un petit peu. Je vais demander à M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques peut-être un mot de remerciement en terminant.

M. Boulerice: Oui. Professeur Dumont, de nouveau, je vous remercie pour votre présence et la présentation de votre texte. Je retiens de votre observation que le modèle le plus acceptable pour le Québec est en définitive le modèle québécois. Si, en art et en culture, on peut créer de façon originale, je pense qu'en art et en culture on peut gérer de façon aussi originale. Encore faut-il avoir la compétence constitutionnelle de le faire et les moyens de mettre cela sur pied.

En deuxième lieu, je retiens que, si l'on veut que la culture ait un sens et une dimension, il faudra revoir également le sens et la dimension du mot "éducation". Je vous remercie de nouveau, au nom de l'ensemble de mes collègues, pour votre participation ce matin en guise de conclusion à nos travaux.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Mme la ministre, un mot de remerciement, s'il vous plaît.

Mme Frulla-Hébert: Oui, M. Dumont, je me joins à mon collègue pour non seulement vous remercier - effectivement, on aurait pu vous écouter encore très longtemps - mais pour vous dire aussi que je vais continuer à vous harceler pour avoir un peu de votre pensée. Je tiens à rappeler que j'ai initié cette commission parlementaire pour apporter des changements et vous confirmez ce profond besoin de changements. Vous me donnez aussi la flamme et le courage de pousser, de le faire. Merci beaucoup. Merci beaucoup d'avoir conclu en beauté. Merci.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. M. Dumont, au nom des membres de cette commission, je tiens à vous remercier. Ceci met fin à votre audition. Vous pouvez donc maintenant vous retirer.

Merci. La commission va maintenant reprendre ses travaux.

Des voix:...

Le Président (M. Gobé): Où est-elle? La commission est suspendue encore quelques minutes, pour raison d'absence de la ministre et du critique de l'Opposition.

(Suspension de la séance à 12 h 3)

(Reprise à 12 h 5)

Le Président (M. Gobé): Mesdames et messieurs, si vous voulez bien regagner vos places et faire silence afin que la commission puisse reprendre le cours normal de ses travaux. Le témoignage précédent, celui de M. Dumont, étant la dernière présentation de mémoires et d'invités à cette commission, nous allons donc maintenant passer à l'étape suivante qui est celle des remarques finales et des conclusions des différents groupes qui ont participé à cette commission. Alors, nous allons disposer d'une enveloppe d'environ 45 minutes, qui se répartira de la façon suivante: 20 minutes approximativement pour l'Opposition, la même chose pour le côté ministériel, et les 3 ou 4 minutes qui resteront pour que la présidence puisse procéder à l'ajournement et aux remerciements d'usage lors de cette commission.

Alors, dès maintenant, je demanderais à M. le critique officiel de l'Opposition en matière d'affaires culturelles, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, de bien vouloir commencer ses remarques finales. Vous avez (a parole, monsieur.

Conclusions M. André Boulerice

M. Boulerice: Je vous remercie. M. le Président, M. le vice-président, Mme la ministre, chers collègues de la commission, Mmes et MM. les représentants des organismes culturels qui vous retrouvez aujourd'hui en votre Parlement, le rapport Arpin aura provoqué un débat en profondeur sur les orientations d'une politique de la culture et des arts pour le Québec. Pour la première fois depuis 30 ans, c'est-à-dire depuis la création du ministère des Affaires culturelles, l'ensemble des milieux concernés, les organismes culturels au premier chef, ont pu faire valoir leurs attentes à l'égard d'une politique culturelle. Plus de 260 mémoires ont été déposés au secrétariat des commissions parlementaires. 180 organismes ou individus ont été entendus dans fe cadre de cette consultation générale sur le rapport Arpin. C'est considérable. Cela témoigne non seulement de la vitalité de notre culture, mais aussi de l'atttachement de l'ensemble de la société à son égard.

Les travaux de la commission parlementaire ont permis un dialogue construct entre les parlementaires et les représentants des milieux culturels. Ces travaux ont contribué à approfondir la réflexion initiée par le rapport du groupe Arpin. La suite des événements appartient donc essentiellement à la ministre des Affaires culturelles.

Au cours de ces huit semaines de commission parlementaire, un consensus assez large s'est forgé autour de certains éléments majeurs d'une politique culturelle. Au coeur de l'identité québécoise, la culture doit devenir une mission essentielle de l'État, au même titre que l'économique et le social, comme le recommande le rapport Arpin. Il y a une certaine urgence à adopter une politique culturelle avec comme fondement et pivot central le soutien aux créateurs. Sans création, il ne peut y avoir d'interprétation, de diffusion, de distribution de produits culturels ou d'industries culturelles. L'État doit contribuer à la mise en place d'un environnement propice à la création pour l'artiste.

Tous conviennent aussi de l'importance d'une plus grande place de la culture et des arts à l'école. Ceci implique une nécessaire concertation entre les ministères de l'Éducation et des Affaires culturelles. Il est primordial, pour l'avenir de notre culture, de rendre celle-ci contagieuse auprès des jeunes. C'est en bas âge qu'il faut sensibiliser les jeunes aux diverses formes d'expression culturelle. Comme tout citoyen, ils doivent considérer la culture comme une dimension importante de leur qualité de vie.

Le rapport Arpin a fait fausse route en consacrant Montréal et Québec comme pôles de développement culturel, tout en confinant les autres régions dans un rôle de réceptacle. La création existe et s'exprime dans l'ensemble des régions. Elle mérite d'être soutenue. À juste titre, les organismes culturels des régions sont venus en nombre pour réclamer une voix au chapitre en matière de conception et de gestion des politiques culturelles. Les régions possèdent une personnalité culturelle propre qui appelle une intervention adaptée à leur réalité, à leurs aspirations.

Cela suppose une modulation des programmes d'aide du ministère. Les normes sur les projets d'équipements culturels peuvent poser des contraintes importantes en Gaspésie par rapport à Montréal. Dans l'optique d'une véritable politique de développement régional, il faut en finir avec les normes mur à mur au chapitre des, mesures de soutien à la culture. Plusieurs plaident en faveur d'une nécessaire décentralisation au niveau de la conception et de la gestion des programmes. Les régions refusent que Dieu le Père tout-puissant, à Québec, détermine ce qui est bon pour elles dans le secteur de la culture. Il faut réfléchir aux structures appropriées de gestion pour concrétiser cette décentralisation, permettant aux régions de se donner les moyens d'agir sur le plan culturel.

La nécessité d'établir un nouveau partage des responsabilités entre le ministère des Affaires culturelles et les municipalités a fait l'objet d'un large consensus. Partenaires de plus en plus actifs en matière de soutien à la culture, les municipalités désirent que ce nouveau partage de responsabilités fasse l'objet d'une véritable négociation. Pas question pour elles d'assumer de nouvelles responsabilités en matière de culture sans transfert des ressources appropriées. Cette position est tout à fait légitime, et elle s'inscrit dans le cadre de (a réforme Ryan qui leur a imposé des responsabilités accrues sans compensation financière.

Face au désengagement progressif du ministère au chapitre de l'aide au fonctionnement des bibliothèques publiques depuis 1986, et qu'elles ont dû compenser, les municipalités craignent d'être à nouveau victimes de délestage. Il est illusoire de songer à une implication accrue des municipalités, en matière de culture, sans un contrat culturel s'appuyant sur des garanties solides, sur le plan de la fiscalité. À cet égard, le gouvernement devra réfléchir sérieusement aux conséquences de l'abolition de la taxe sur les divertissements pour y substituer la TVQ sur les produits culturels. Les municipalités financent en bonne partie leur effort budgétaire, en matière de culture, à même les revenus générés par la taxe sur les divertissements. Cette question est incontournable dans les négociations qui doivent avoir lieu entre le ministère des Affaires culturelles et les municipalités, si l'on désire vraiment établir un nouveau partenariat entre ces deux intervenants essentiels au soutien et au développement

culturel.

Sur la question cruciale du financement de la culture, il est clair que l'État québécois, compte tenu de ses responsabilités particulières, comme seul État majoritairement francophone sur ce continent anglo-saxon, doit investir davantage en matière de soutien à la culture. La grande majorité des organismes culturels doivent composer avec une situation financière précaire qui hypothèque lourdement leurs possibilités de développement. Plusieurs d'entre eux subissent un sous-financement chronique. Le ministère doit apporter rapidement des correctifs si l'on veut non seulement assurer leur développement mais, dans bien des cas, tout simplement le maintien de leurs activités.

À cet égard, deux voies proposées par le rapport Arpin suscitent l'adhésion des organismes culturels, a savoir une opération de restauration des assises budgétaires des organismes de création et de diffusion ainsi que l'élargissement de la formule d'ententes triennales de financement au plus grand nombre d'organismes et d'institutions possible. Ces mesures permettraient d'enrayer la détérioration de la santé financière des organismes culturels. Grâce à ces mesures, les organismes bénéficieront d'une plus grande stabilité leur permettant de mieux planifier leurs activités à court et à moyen terme. Tous s'entendent aussi pour souhaiter que les entreprises et les individus investissent davantage dans le secteur de la culture. L'État doit stimuler ces investissements pour accroître et diversifier les sources de financement des organismes culturels. Pour certains, il faut privilégier la voie des incitatifs fiscaux alors que d'autres préconisent la résurrection du fonds d'appariement aboli en 1988.

Il faut toutefois être conscient que le financement privé ne constitue pas la panacée aux problèmes de financement de l'ensemble des organismes culturels. Le financement des entreprises n'est pas désintéressé et n'est pas accessible non plus à tous les organismes. La recherche de commandites nécessite des structures et des efforts considérables pour les organismes culturels. De plus, une participation financière accrue des entreprises et des individus dans le développement culturel ne doit pas servir de prétexte ou de caution à un désengagement financier de l'État comme le souhaitaient les deux ministres qui ont précédé l'actuelle ministre.

En ce qui concerne spécifiquement les industries culturelles, l'État doit trouver, en concertation avec la SOGIC - j'ajouterais une SOGIC renouvelée - et le ministère de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie, des formules assurant une plus grande disponibilité de capital de risque pour nos industries culturelles. S'il y a un beau risque, c'est celui de la culture. (12 h 15)

Toujours sur la question du financement des arts, la proposition du rapport Arpin favorisant des mesures de rationalisation budgétaire pour mettre fin au saupoudrage a provoqué l'expression de propos fort divergeants au sein des milieux culturels, particulièrement ceux des régions. Le rapport Arpin fait fausse route sur cette question. Sans ce saupoudrage, le Cirque du soleil ne serait peut-être pas devenu ce qu'il est devenu aujourd'hui, le foisonnement d'activités culturelles en région non plus, d'ailleurs, et ce, en dépit de la situation financière difficile de la très grande majorité de nos organismes culturels. La fin du saupoudrage ne peut que conduire à la rationalisation budgétaire et au désengagement financier de l'État à l'endroit de nombreux organismes culturels.

Dans un marché culturel aux possibilités restreintes comme le nôtre, l'aide de l'État, si modeste soit-elle, doit s'adresser au plus grand nombre possible d'organismes et de créateurs. La question du saupoudrage est une fausse prémisse dans le débat sur le financement et sert de prétexte à une rationalisation budgétaire comme alternative à une augmentation de l'effort financier de l'État québécois consacré à la culture. En préconisant la fin du saupoudrage, il faut se demander si le rapport Arpin ne répond pas à l'une des conclusions du rapport Coupet à l'effet qu'il y a trop d'organismes culturels, une autre prémisse erronée visant à cautionner le désengagement de l'État.

Un large consensus prévaut au Québec depuis le début des années soixante sur une forte présence de l'État dans la vie culturelle. S'ins-pirant du modèle français, le rapport Arpin propose de faire du ministère de la culture et des arts le maître d'oeuvre de l'activité culturelle en renforçant considérablement son mandat par rapport à celui de l'actuel ministère des Affaires culturelles à partir des responsabilités suivantes: élaboration des politiques, gestion des mesures de soutien aux arts, rôle d'expert, rôle d'initiateur, coordination entre partenaires culturels, instance de recours, évaluation des politiques et activités culturelles.

Comme corollaire à cette maîtrise d'oeuvre, le rapport Arpin recommande que les responsabilités culturelles du gouvernement fédéral sur le territoire québécois fassent l'objet d'un rapatriement complet avec les fonds correspondants et avec pleine compensation financière. Les propositions du rapport Arpin sur le rôle du nouveau ministère de la culture et des arts ainsi que le rapatriement des responsabilités suscitent la méfiance de certains organismes culturels. Cette méfiance s'explique essentiellement par le caractère très interventionniste du ministère proposé par le rapport Arpin, dans un marché culturel où l'aide de l'État est incontournable, ainsi que par la crainte que les sommes rapatriées du gouvernement fédéral ne soient pas réinjectées dans le soutien à la culture par un

gouvernement qui n'a toujours pas respecté, six ans plus tard, son engagement solennel de consacrer 1 % du budget de l'État à la culture.

À aucun moment des travaux de cette commission, la ministre des Affaires culturelles n'est intervenue pour donner l'assurance que les sommes rapatriées du fédéral seraient réinjectées dans la culture. Au contraire, elle a semblé ébranlée par la méfiance et les inquiétudes des organismes culturels sur la question du rapatriement. Elle s'en est servi comme prétexte pour renoncer au rapatriement des responsabilités fédérales en affirmant que des institutions culturelles fédérales doivent continuer à exercer leurs activités au Québec. Cette volte-face constitue un recul par rapport aux revendications constitutionnelles traditionnelles du Québec, au rapport Allaire et au rapport Arpin. Le véritable motif du recul de la ministre réside plutôt dans la fin de non-recevoir des récentes propositions constitutionnelles fédérales à l'égard du rapatriement au Québec des responsabilités en matière de culture. Ottawa entend clairement maintenir les activités de toutes ses institutions culturelles nationales sur le territoire québécois. Prenant acte du refus d'Ottawa, le gouvernement québécois baisse pavillon parce que son parti pris fédéraliste l'amène à conclure une entente constitutionnelle à tout prix, notamment par une révision à la baisse de ses revendications.

Pour nous de l'Opposition officielle, le rapatriement des responsabilités fédérales est incontournable. Sans structure de pouvoir complète lui permettant de développer, de financer, de réglementer et d'agir, le Québec ne peut prétendre à la capacité d'intervention nécessaire à la mise en oeuvre d'une véritable politique culturelle. Or, dans le contexte actuel, le Québec est privé de cette capacité réelle d'agir, particulièrement dans le secteur des communications. Pour nous, il ne peut y avoir de politique culturelle sans intégrer le secteur des communications.

Dans l'optique de la souveraineté, le rapatriement devient inéluctable. À cet égard, nous croyons en une nécessaire distinction entre la conception de mesures de soutien à la culture et la gestion des ressources budgétaires qui y seront consacrées. Il faut s'assurer d'une distance relative entre la conception et la gestion des politiques de soutien à la culture. Responsable de la conception des politiques de soutien, le ministère doit confier la gestion des enveloppes budgétaires en découlant à un réseau d'organismes subventionnaires dotés d'une véritable autonomie de fonctionnement respectant le principe du "arm's length" de façon à ce que le pouvoir politique n'entrave pas la liberté d'expression des créateurs.

Dans la foulée de la réflexion amorcée par ma formation politique sur les enjeux d'une politique culturelle, je tiens à réitérer qu'une telle politique doit avoir comme finalité d'assurer le développement de l'identité culturelle de la société québécoise par la mise en place de conditions favorisant la création artistique, la diffusion des oeuvres de nos créateurs et l'accès des individus à la culture d'ici comme d'ailleurs.

Pour concrétiser cette finalité, cinq axes d'intervention doivent être envisagés: contribuer à l'identité culturelle du Québec, à son développement et à son rayonnement sur la scène internationale; soutenir la création et l'expression artistique; favoriser l'accès des Québécois et des Québécoises aux oeuvres d'art et aux produits culturels; appuyer le développement des communications; mettre sur pied une véritable administration publique et intégrée des arts, de la culture et des communications. La réflexion de notre parti sur la définition d'une véritable politique de la culture, des arts et des communications se poursuivra au cours des prochains mois. Une proposition de politique sera d'ailleurs soumise à une consultation des milieux culturels concernés.

En conclusion, comme je le disais au début de mon intervention, la suite des événements appartient désormais à la ministre qui aura à rédiger une politique de la culture et des arts à partir des délibérations de cette commission et des propositions du rapport Arpin et, ensuite, à la faire adopter par le Conseil des ministres.

La méfiance des organismes culturels est grande à l'endroit de son gouvernement qui n'a toujours pas respecté son engagement, pris il y a six ans, de consacrer 1 % du budget de l'État à la culture. La présence des représentants de la Coalition du monde des arts en cette enceinte aujourd'hui constitue un rappel accablant. Pour établir la crédibilité de son gouvernement auprès des milieux culturels, la volonté d'agir devra trouver les moyens d'agir. La ministre devra livrer la marchandise promise. À cet égard, les crédits qui seront dévolus en mars prochain au ministère des Affaires culturelles, pour l'exercice financier 1992-1993, constitueront un indicateur on ne peut plus approprié pour jauger la volonté du gouvernement de se donner les moyens de faire de la culture une mission essentielle de l'État.

Nous serons vigilants quant au suivi que le gouvernement entend donner au rapport Arpin et aux délibérations de cette commission. Entretemps, des actions urgentes peuvent et doivent être entreprises, particulièrement au chapitre du soutien aux créateurs, aux organismes de création et au réseau de bibliothèques publiques comme intervenants culturels de première ligne. Tous auront compris que ces dernières lignes sont en quelque sorte un avertissement renouvelé de ma part à la ministre. Nous ne pourrons jamais accepter le prétexte, aussi noble soit-il, de l'élaboration difficile et complexe d'une politique des arts et de la culture pour retarder des actions concrètes, immédiates afin de corriger des situations qui ont été dénoncées ici en

commission et qui n'ont pas besoin d'attendre cette politique.

Au moment où le Québec est à la croisée des chemins, au moment où nous concluons une commission d'une ampleur sans précédent - je m'en réjouis pleinement - force est de constater l'absence du premier ministre tout au long de ce débat d'une importance cruciale pour notre société. À aucun moment, le premier ministre ne s'est prononcé sur une politique culturelle depuis le dépôt du rapport Arpin en juin dernier. J'ajouterai, M. le Président, que ce silence est à la fois indécent, compte tenu du sujet et des enjeux, et blessant, compte tenu qu'il s'adresse à ceux qui chantent, jouent, dansent le Québec.

Je remercie les députés membres de cette commission ainsi que celles et ceux qui sont venus nous rejoindre au fil des débats. Je remercie également le personnel du secrétariat de cette commission, les groupes qui se sont présentés ici ainsi que ceux qui nous ont fait part de leurs préoccupations par leur mémoire, sans comparaître devant la commission.

Nous avons, je le souhaite, franchi une grande étape avec cette commission, sous la présidence éclairée du député de Louis-Hébert, M. Doyon, et également de la vôtre, M. le député de LaFontaine. Puisque l'on a appelé Malraux souvent en cette commission, je le citerai: "Le troisième millénaire sera spirituel ou ne sera pas." Il faut donc y lire: Le troisième millénaire sera culturel ou ne sera pas. Un peuple ou une nation accomplit son destin culturel quand tous ses créateurs participent à l'oeuvre commune en apportant en toute liberté et en toute dignité leurs témoignages. Merci.

Le Président (M. Gobé): Merci beaucoup, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Je vais maintenant passer la parole à Mme la ministre des Affaires culturelles qui, je le rappelle, a été à l'origine de la tenue de cette commission. Alors, madame, vous avez le mot de la fin. Il vous reste une vingtaine de minutes et nous sommes prêts à vous entendre. Vous avez donc maintenant la parole.

Mme Liza Frulla-Hébert

Mme Frulla-Hébert: Merci, M. le Président, M. le vice-président, chers membres de la commission qui ont été avec nous, certains depuis le début. À vous tous, membres de la Coalition, dont votre présence constitue pour moi un appui dans l'étape qui s'engage, je dois vous avouer que je suis émue. On s'est engagés dans ce processus, processus qui a été long mais extrêmement riche. La commission parlementaire qui se clôture aujourd'hui s'inscrit déjà dans l'histoire démocratique du Québec comme l'une qui aura suscité le plus de participation et aussi le plus de passion.

En ouvrant le débat sur la culture à tous les publics qui ont pu ainsi en apprécier à la fois le dynamisme et la sensibilité, la commission a largement dépassé son mandat et a rempli sa mission de consultation avec un éclatant succès. J'ai voulu que le débat soit le plus large possible et que les intervenants de tous les milieux viennent faire valoir devant nous leur point de vue avec la plus grande franchise. Nous avons été bien servis. À ce jour, nous avons entendu 181 témoignages et reçu 264 mémoires, ce qui en fait la deuxième en importance dans l'histoire du Québec après la commission Bélanger-Campeau. Nous aurions souhaité, mes collègues et moi, entendre tous les intervenants, mais nous devons conclure à présent de façon à pouvoir entreprendre rapidement la prochaine étape. J'ai aussi la conviction que nous franchissons aujourd'hui une étape historique car, pour la première fois depuis 30 ans, le milieu culturel, appuyé par d'autres milieux tels l'éducation, le milieu socio-économique, le monde municipal, a pu faire entendre sa voix avec force sur la problématique de son avenir. Nous avons aujourd'hui en main, avec les 264 mémoires, les principaux éléments pour élaborer une politique culturelle québécoise.

Là-dessus, j'aimerais dire que l'urgence qui s'est fait jour à cette commission a été en quelque sorte un appel général, non pas seulement au gouvernement au pouvoir, mais aussi à la population et à chacun d'entre nous. On m'a ici adressé une question qui était en fait une question collective, une question qu'un ancien ministre des Affaires culturelles, M. Jean-Paul L'Ailier, a reprise avec beaucoup d'à-propos: Quelle place voulons-nous donner à la culture dans l'ordre de nos priorités?

Dans le discours du Québec des 30 dernières années, il n'a jamais fait de doute qu'elle était une priorité absolue pour notre survie. Dans les faits, la culture est demeurée pour plusieurs un parent pauvre et nombre d'artistes se sont sentis abandonnés à eux-mêmes. Au cours des deux derniers mois, de nombreux artistes sont venus nous transmettre, tantôt leurs attentes, tantôt leur impatience. Ils sont venus plaider pour une reconnaissance qu'on ne peut pas leur refuser en tant que société. Ils sont venus plaider pour que la culture et les arts deviennent une fierté réelle et contagieuse. (12 h 30)

J'ai été très impressionnée par les différents visages qu'on a prêtés à la culture. Il m'a semblé qu'ils tendaient tous vers la recherche d'un sentiment d'appartenance qu'on ne peut résumer à l'intérieur d'une seule définition. Des critiques parfois très sévères ont été formulées sur l'action ou sur l'inaction des gouvernements. Je m'en félicite, car en initiant cette commission parlementaire, je réclamais ces critiques afin que notre projet de politique culturelle soit adapté le plus possible à une réalité présente et future.

Durant deux mois, on a parlé, entendu parler et fait parler de culture. La commission a

eu le mérite, dans le cadre d'un exercice démocratique sans précédent, de jeter un éclairage sur (es femmes et les hommes qui créent la culture au quotidien. Leur désir d'être reconnus à part entière et de jouer un rôle important dans notre société comme créateurs a été ici exprimé avec force et conviction. À ceux-ci, je dis: Vous avez été compris. Ces créateurs n'ont pas manqué de souligner leur longue patience face aux engagements du gouvernement québécois en matière de culture. Je suis heureuse de constater que cette patience n'a pas engendré que du cynisme, mais aussi une grande ferveur face à l'avenir.

En plus de donner la parole aux intervenants du milieu, les nombreux débats auront permis d'éveiller l'intérêt de tous les Québécois sur les enjeux de la culture au Québec. On a souvent répété, à cette tribune, que la culture était l'affaire de tous. Je suis parfaitement d'accord avec cette affirmation.

Je puis vous assurer que cette commission historique trouve déjà un écho dans tous nos milieux. Tous ont convenu que la culture doit trouver sa place, au même rang que l'économique et le social. C'est l'un des consensus importants qui s'est dégagé de cette commission.

Un autre aspect positif de cette commission aura été la vaste diversité des hommes et des femmes qui se sont présentés devant nous. En premier lieu, je voudrais souligner l'apport des créateurs eux-mêmes qui ont interpellé mon ministère et, à travers lui, le gouvernement, avec une rare intensité. Il y a ensuite la contribution des élus municipaux qui a été substantielle et très précieuse pour faire valoir, entre autres, le point de vue des régions. Je peux préciser à cet égard que nous poursuivrons nos échanges à travers la table Québec-municipalités sous peu.

Je pense également aux représentants des organismes culturels qui, nombreux, sont venus témoigner de leur expertise et de leur détermination à travailler pour le développement de la culture et des arts partout au Québec. Il me faut aussi remercier nos syndicalistes, nos représentants du milieu de l'éducation, nos entrepreneurs du secteur privé et aussi les représentants de nos grandes institutions québécoises qui ont collaboré aux débats de façon soutenue, et qui ont offert leur collaboration, pour aider à la mise en oeuvre de la future politique culturelle.

Je tiens à souligner la participation de représentants des communautés culturelles qui ont mis en évidence la diversité des cultures au Québec. Par ailleurs, les autochtones ont témoigné de leur contribution historique à la culture québécoise et aussi de leur volonté d'être inclus dans le projet de politique culturelle comme partenaires à part entière.

La participation des intervenants culturels anglophones a été importante. Plusieurs nous ont exprimé leur volonté de partager avec nous leur vision de la culture québécoise pour l'avenir. On a d'ailleurs dit ici combien la culture, de par la variété de ses formes d'expression, pouvait transcender les questions linguistiques pour atteindre l'universel.

De par le nombre et la diversité de ses participants, fa commission a donné lieu à un brassage d'idées très enrichissant et même, à l'occasion, très percutant, sûrement essentiel à l'élaboration d'une politique culturelle. Je voudrais remercier tous les intervenants qui ont rendu possible cet exercice démocratique.

Notre milieu culturel a longtemps souhaité un leadership accru du Québec en la matière. Historiquement, le Québec n'a pas occupé sa place, son espace. Aujourd'hui, nous faisons face à un gouvernement fédéral qui a bénéficié de sa capacité de dépenser pour modifier largement le poids d'intervention des deux paliers de gouvernement. Ainsi, plusieurs groupes nous ont exprimé des réserves sur tout projet de rapatriement; d'autres nous ont fait connaître leur scepticisme face à notre capacité et même à notre volonté d'agir dans ce cadre constitutionnel. Cette situation ambiguë est le reflet d'un héritage de tiraillement, de dédoublement et de chevauchement entre le Québec et le gouvernement fédéral. Elle est aussi la conséquence de notre attitude collective face à la culture. Nous avons tous un examen de conscience à faire là-dessus. Les Québécoises et les Québécois doivent manifester plus fortement et plus clairement qu'auparavant leur appui à la culture et aux arts qui sont le reflet de notre identité.

La question des chevauchements entre le provincial et le fédéral nous entraîne inévitablement sur le terrain constitutionnel que je vais aborder dès maintenant. L'action simultanée des deux gouvernements en matière de culture est à l'origine du malaise exprimé par certains groupes d'artistes et certains organismes qui craignent de perdre au change s'il y avait un rapatriement complet des pouvoirs culturels au Québec. J'aimerais tout de suite faire le point à ce sujet. Dans cette éventualité, il m'apparaft fondamental que les pouvoirs rapatriés et les fonds correspondants soient exclusivement réservés à la culture. Nous voulons, en conformité avec les demandes historiques du Québec, disposer des leviers et des pouvoirs qui assurent notre développement culturel en fonction des nouveaux défis qui se profilent à quelques années de l'an 2000. La vitalité de notre langue et de nos institutions distinctes en dépend.

Depuis 1966, quand M. Daniel Johnson déclarait que le Québec devait être maître d'oeuvre de ce qui a trait à son épanouissement culturel, les différents gouvernements qui se sont succédé ont demandé plus de pouvoirs, sinon tous les pouvoirs en matière de culture. Tant la commission Béianger-Campeau que le groupe Allaire, au cours de ces derniers mois, ont mis de l'avant des revendications qui vont dans ce même sens. Dans le cadre d'un réaménagement

constitutionnel global, je veux ici réaffirmer ma position sur cette question. Le Québec doit avoir la maîtrise des pouvoirs et des fonds afférents pour tout ce qui touche la culture et le développement des arts sur son territoire. Sans les pouvoirs qui accompagnent nos choix collectifs en matière de culture, je dirais que la notion de société distincte au Canada et sur le continent nord-américain perd de son sens.

M. le Président, je veux simplement réitérer, comme je l'indiquais le 1er octobre dernier, que j'entends fournir sous peu à la commission parlementaire sur la loi 150 l'analyse de l'impact dans le domaine culturel des offres fédérales du mois de septembre dernier. Une fois cette mise au point faite, nous devons veiller à ce que la politique culturelle soit, dans ses moyens d'application, à la hauteur de nos ambitions et le reflet fidèle du dynamisme de l'ensemble des intervenants de tous nos milieux culturels. Cette politique ne doit pas être et ne sera pas une entreprise bureaucratique servant à ses propres fins.

J'en viens maintenant aux avenues qui ont été discutées à la commission pour concrétiser à la fois le projet de politique culturelle et définir ce que pourrait être la nouvelle mission du ministère des Affaires culturelles. En voulant doter le Québec d'une nouvelle orientation culturelle, je m'engage résolument sur la voie du changement. Ce que j'ai entendu durant cette commission renforce mes convictions de départ. On doit, d'abord, s'attaquer à cette crise de confiance que tant d'artistes ont soulevée devant nous. J'ai encore à la mémoire les propos de M. René-Daniel Dubois qui, au nom du Centre des auteurs dramatiques, a exposé, de façon convaincante, cette profonde crise de confiance. Les mots étaient durs, mais francs. C'est cette franchise que nous avons appréciée chez les participants de la commission parlementaire. Selon les termes utilisés par M. Luc Plamon-don - je suis convaincue qu'ils ont une réson-nance dans tous les milieux artistiques - si les créateurs ne peuvent pas gagner leur vie, dit-il, il n'y a pas de création. S'il n'y a pas de création, il n'y a pas de culture.

Des représentants des municipalités, de l'éducation, des entreprises et des syndicats sont aussi venus nous dire que le soutien aux créateurs doit être une priorité pour assurer la vitalité de la création et, par conséquent, de la culture.

Le changement qui est réclamé ici dépasse le soutien financier. On nous parle d'un changement d'attitude fondamental. Des artistes sont venus nous dire qu'ils se sentaient perçus comme des "quêteux" et qu'ils étaient mieux considérés quand ils frappaient à la porte du Conseil des arts à Ottawa. Plusieurs organismes se sont plaints du manque de souplesse du ministère quant aux normes exigées. Le Conseil québécois du théâtre, dans cette optique, a déclaré avoir parfois l'impression de s'adresser au Conseil du trésor plutôt qu'au ministère des Affaires culturelles.

Il y a nécessité, et c'est une orientation très claire, d'établir un climat favorable aux créateurs. Toute notre politique de développement des arts découlera de cette orientation. Établir un climat favorable aux créateurs suppose une flexibilité et un respect que l'on doit retrouver dans nos relations avec les artistes et les artisans.

Dans ce souci de flexibilité, il faut continuer de préserver l'indépendance du créateur dans son rôle de questionnement de la société. Loin de moi l'idée de limiter sa capacité à faire preuve d'audace et à innover. C'est en puisant à ces sources que la culture trouve tout son dynamisme et toute sa vigueur.

Dans un autre volet de discussion, nous avons entendu à cette commission des témoignages portant sur le financement des organismes culturels et aussi le financement des arts. Les institutions et les organismes culturels jouent un rôle clé comme moteur de l'activité artistique ou comme diffuseur de la culture. C'est souvent par leur entremise que les créateurs peuvent trouver un public, explorer un marché, diffuser leurs oeuvres.

Plusieurs de ces organismes éprouvent des difficultés de capitalisation pour pouvoir fonctionner à moyen ou à long terme. La commission a entendu leur cri d'alarme qui n'est pas sans rappeler celui des artistes face à des conditions de vie précaires. Il est nécessaire d'analyser avec soin la situation de ces organismes et leur rôle en matière de développement culturel. Cette démarche doit être amorcée en vue de renforcer ces organismes tout en ayant pour guide le principe d'une saine gestion des fonds publics. Pour ce qui est des moyens de financement, la porte est grande ouverte aux nouvelles idées.

La Fédération des travailleurs du Québec, par la voix de M. Fernand Daoust, a annoncé qu'elle venait de conclure une entente avec l'Union des municipalités régionales de comté du Québec pour la mise sur pied de fonds locaux de développement. Je me réjouis de l'invitation faite par la FTQ aux organismes culturels d'aller frapper à ces nouvelles portes. D'autre part, cet exemple peut servir de modèle à la création de fonds établis en partenariat qui seraient destinés à soutenir des organismes ou des projets culturels au niveau régional ou local. On a aussi évoqué la possibilité d'établir un fonds national, favorisé par des mesures fiscales pour les entreprises et les individus, qui servirait de moyen d'investissement dans le domaine de la culture et des arts.

Quelles que soient les nouvelles formules de financement souhaitées, un consensus s'impose: le gouvernement ne doit pas se désengager face à la culture. Au contraire, il doit faire preuve de leadership. Dans cette optique, par exemple, nous

devons renforcer le soutien à l'innovation et à la recherche d'avant-garde.

Il nous apparaît aussi, aujourd'hui, de façon plus claire, que notre système d'éducation doit appuyer notre action. Le goût de la culture s'acquiert dès le plus jeune âge. Il est évident que le réseau scolaire représente à cet égard un partenaire privilégié dans nos efforts pour inculquer ce goût chez les jeunes. De la même façon, les collèges et les universités sont nos partenaires dans la formation des artistes et des intervenants de la culture au Québec.

Nous sommes conscients de l'importance pour le ministère des Affaires culturelles de coordonner étroitement son action avec le ministère de l'Éducation. Nous avons entendu, d'ailleurs, le ministre de l'Éducation, lui-même, démontrer devant notre commission cette nécessaire collaboration. Le ministre Michel Pagé a d'ailleurs annoncé, lors de cette commission, des mesures encourageantes touchant les bibliothèques scolaires pour l'année 1992. Il a aussi indiqué qu'il allait inciter les commissions scolaires a faire davantage pour l'enseignement des arts d'interprétation. Autre signe encourageant, les intervenants du milieu de l'éducation nous ont fait part de leur volonté de poursuivre leurs efforts pour la promotion et le développement culturel. Ils ont été nombreux à nous offrir leur appui et je les en remercie.

J'aimerais ici clarifier un point qui tient davantage à l'esprit de notre projet culturel qu'à sa formulation même. L'Assemblée des évêques est venue nous mettre en garde, avec justesse, je crois, contre le danger de n'encourager que les industries culturelles très organisées et une culture d'élite. En somme, il faut se préserver d'une vision trop économiste ou affairiste de la culture qui irait à rencontre du principe de l'accessibilité, particulièrement à l'endroit des plus démunis de la société.

L'accès à la culture doit constituer une de nos priorités. À cet égard, un grand nombre de porte-parole sont venus défendre la réalité culturelle propre à leur région. Plusieurs d'entre eux ont dit craindre que la spécificité culturelle régionale ne soit plus reconnue, et qu'elle soit mise à la remorque de grands pôles culturels comme Montréal et Québec. J'en prends pour exemple la région de l'Abitibi-Témiscamingue qui a délégué ici une forte représentation d'intervenants régionaux et municipaux. Ceux-ci ont été d'excellents défenseurs de leur personnalité régionale et ils ont convaincu l'assemblée, s'il y avait à la convaincre, que le Québec était constitué de 16 régions aux particularités propres et au dynamisme propre sur le plan de la création culturelle.

Mme Michèle Bédard, présidente du Conseil de la culture de cette région, a insisté dans ses recommandations pour que nos programmes de soutien en région soient, selon ses termes, "modulables", c'est-à-dire adaptés à la réalité régionale. Il y a là un défi pour nous. Pour sa part, le maire de Sept-îles, M. Jean-Marc Dion, a formulé une recommandation que beaucoup d'autres maires en région pourraient sans doute reprendre à leur compte, à savoir: que le gouvernement, dans le cadre de sa nouvelle culture, reconnaisse l'effort réel global de la muncipalité en matière culturelle.

Cet effort global, nous l'avons bien compris, c'est autant le soutien aux initiatives culturelles des écoles que les services de bibliothèques ou, encore, l'aide aux troupes ou groupes d'artistes. Beaucoup de municipalités ont recommandé très fortement pour leur région que ces efforts ne soient pas compromis par une politique trop centralisatrice. Plus que jamais, le gouvernement recherchera une association avec les élus et les intervenants régionaux pour favoriser ce développement. D'autre part, tout en reconnaissant l'importance d'assurer un développement culturel régional, la grande majorité des intervenants ont aussi reconnu le rôle de grands pôles culturels que jouent Montréal et Québec.

Il ne faut pas oublier que même en tant que grands centres culturels chacune de ces villes a sa personnalité propre. Le maire de Québec, M. Jean-Paul L'Allier, a présenté sa ville comme le berceau de notre histoire et le haut lieu de notre richesse patrimoniale. Ce caractère est indéniable et il est certain que, comme capitale, la ville de Québec abrite des institutions et des immeubles historiques qui constituent un trésor national. L'originalité et le caractère propre de Québec se révèlent à travers cette richesse culturelle qui est, ne l'oublions pas, une richesse collective que nous devons appuyer.

Le maire de Montréal, M. Jean Doré, a, quant à lui, expliqué que le Grand Montréal représentait près de la moitié de la population totale du Québec, et que cette population était composée de diverses communautés culturelles. Cette réalité, bien sûr, modifie les enjeux de Montréal par rapport à l'ensemble des autres régions du Québec où les communautés culturelles sont nettement moins présentes. M. Doré a aussi mentionné les milliers d'organismes culturels montréalais qui assurent, souvent dans des conditions difficiles, l'essor et le rayonnement de la culture québécoise ici et à l'étranger.

C'est d'ailleurs un autre volet de nos discussions: la dimension internationale. Notre ouverture sur le monde passe nécessairement par le rayonnement de la culture québécoise. De plus en plus, on se mesure à l'international dans une optique de concurrence, tantôt d'alliance, tantôt de course à l'innovation.

La formation de grands blocs commerciaux pose aux cultures nationales un formidable défi d'affirmation. L'expansion des canaux mondiaux de diffusion, comme l'a bien souligné M. André Chagnon du groupe Vidéotron, rend ce défi encore plus complexe. Nous n'y échappons pas.

Déjà, quelques-uns de nos artistes ont fait la preuve que nous pouvions jouer sur plusieurs tableaux à la fois, soit en profitant de la proximité du marché nord-américain, soit en tirant avantage de nos affinités culturelles avec l'Europe.

Au-delà de ces considérations, la nécessité d'encourager la diffusion de produits culturels vers le marché international apparaît essentielle. M. Michel Sabourin, par exemple, président de l'Association de l'industrie du disque et du spectacle québécois, nous a fait bien comprendre la réalité du marché à cet égard. Il faut se tourner vers l'exportation et investir pour percer de nouveaux marchés, principalement vers l'Europe francophone. En plus de renforcer nos réseaux d'échanges et de promotion dans le monde, il ressort de plusieurs commentaires que le soutien à l'innovation, au perfectionnement, à la recherche et au développement est tout aussi essentiel pour faire en sorte que nos créations s'imposent sur le plan international.

Avant de conclure, M. le Président, permettez-moi de remercier les membres de cette commission, vous-même, M. le Président, notre collègue de la circonscription de Louis-Hébert, le secrétaire, tous les députés qui ont siégé de ce côté-ci et nos vis-à-vis, dont le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques qui a assisté à la représentation de tous les groupes et qui, quand venait le temps des grands enjeux, m'a toujours offert sa collaboration.

Un merci également au personnel de la commission qui s'est affairé sans relâche. Un merci spécial aux membres de notre ministère des Affaires culturelles et à mes collaborateurs, spécialement Mme Mundy et M. Jean Lemieux, qui ont travaillé presque jour et nuit pendant deux mois à cette commission.

Je tiens aussi à remercier chaleureusement tous ceux et celles, individus et organismes, qui nous ont soumis des mémoires et qui sont venus s'adresser à cette commission. Soyez assurés que les enjeux qui ont été discutés sur la politique culturelle seront analysés avec soin dans la suite du processus dans lequel nous nous sommes tous et toutes engagés et ce, à compter de maintenant.

M. le Président, je m'en voudrais de ne pas remercier les membres du groupe de travail présidé par M. Roland Arpin qui ont, en quelque sorte, comme le disait le professeur Dumont, fourni la matière première des discussions et des consultations qui se sont déroulées ici. Leur travail effectué dans le respect d'échéanciers serrés mérite notre plus haute considération.

Vous savez qu'à mon entrée au ministère, il y a un peu plus d'un an, je me suis donné pour tâche de vérifier si le mandat vieux de 30 ans du ministère des Affaires culturelles était conforme à la réalité et aux besoins d'un Québec des années quatre-vingt-dix. La mission du ministère des Affaires culturelles et, par conséquent, celle du gouvernement, à la lumière de tout ce qui a été dit à cette commission, dort être profondément modifiée.

Dans la foulée de cette commission, nous devons maintenant concentrer nos énergies à doter le Québec d'une politique culturelle et d'un plan d'action. Mon objectif à cet égard est d'y parvenir avant le début de l'été 1992.

M. le Président, permettez-moi de vous laisser avec ce message de conclusion qui souligne à mes yeux l'importance historique de la commission que nous venons de vivre. L'action du gouvernement québécois ne sera plus jamais la même en matière de culture car, M. le Président, ce qui était devait être, mais ce qui sera se doit d'être mieux. Merci à vous tous, merci de votre collaboration et vous pouvez compter tous sur notre appui.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. À titre de coprésident de cette commission - mon collègue, le député de Louis-Hébert, en a présidé une partie et moi, l'autre partie - vous me permettrez aussi de remercier tous les gens qui ont participé à cette commission, et de vous dire que ça a duré longtemps, mais ce ne fut jamais long.

Je tiens particulièrement à faire valoir la coopération de tous les membres de cette commission, du député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, du député de Shefford en particulier. Le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, avec sa patience proverbiale et ses connaissances de la culture, a su nous dérider à l'occasion. Vous, Mme la ministre, par votre grande attention et l'attention que vous donnez à tous les groupes, vous avez su montrer le sérieux de cette commission. Croyez-moi, ce fut pour nous non seulement une grande expérience, mais quelque chose de très enrichissant et un apport très important à la communauté québécoise.

Je ne saurais passer sous silence le travail du personnel qui nous a suivis tout le temps, soit Mme Jocelyne Ouellet, qui était l'adjointe du secrétariat et M. Grégoire Mathieu, qui est le secrétaire de cette commission, qui, pendant ces deux mois, ont été constamment à côté de nous. Ils ont fait en sorte que les séances se déroulent dans le bon ordre, avec les bonnes convocations pour les membres, et que tout fonctionne à merveille. Je tiens à les remercier au nom de tous les membres de cette commission et je vous remercie tous. Ceci met fin à ces deux mois de travaux, à ces 181 mémoires que nous avons entendus et à ces presque 8 semaines de travail. Alors, merci beaucoup.

Je vais maintenant ajourner les travaux sine die, la commission ayant accompli son mandat. Merci. Bonjour et à bientôt, j'espère.

(Fin de la séance à 12 h 54)

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