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Version finale

34e législature, 2e session
(19 mars 1992 au 10 mars 1994)

Le mardi 25 mai 1993 - Vol. 32 N° 27

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude détaillée du projet de loi n° 68, Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé


Journal des débats

 

(Dix heures six minutes)

Le Président (M. Doyon): À Tordre, s'il vous plaît!

Bienvenue à tous les membres de cette commission. Je souligne à ceux qui nous font l'honneur de nous écouter que la commission de la culture est actuellement à faire une consultation particulière sur le projet de loi 86, qui est la Loi modifiant la Charte de la langue française.

Je constate le quorum et, donc, je déclare la séance ouverte. Après avoir rappelé le mandat, il me reste maintenant à demander à M. le secrétaire de nous annoncer des remplacements, s'il y en a.

M. le secrétaire.

Le Secrétaire: Qui, M. le Président. M. Fradet (Vimont) sera remplacé par Mme Bleau (Groulx); M. Leclerc (Taschereau), par M. Maltais (Saguenay); M. Boisclair (Gouin), par M. Bélanger (Anjou); M. Bourdon (Pointe-aux-Trembles), par Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve); et M. Paré (Shefford), par M. Brassard (Lac-Saint-Jean).

Le Président (M. Doyon): Très bien. J'indique aussi à cette commission que l'ordre du jour a été établi par un ordre de l'Assemblée. Nous devions, à 10 heures ce matin, recevoir le Conseil des hôpitaux d'enseignement affiliés à l'Université McGill. Je constate, conformément à la lettre qu'ils ont fait parvenir au secrétaire de la commission, qu'ils sont absents. Ils nous avaient d'ailleurs indiqué qu'ils le seraient. Je fais rapidement lecture de cette lettre datée du 12 mai. Elle se lit comme suit: «Monsieur, nous vous remercions d'avoir invité le Conseil des hôpitaux d'enseignement affiliés à l'Université McGill à se présenter devant la commission de la culture le 25 mai prochain dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi 86. «Nos hôpitaux membres ne seront directement touchés que par l'article 29.1 du projet de loi 86, et nous sommes heureux d'être à même de vous faire part de notre réaction et de nos représentations à ce sujet. «Compte tenu, toutefois, du nombre d'organismes qui viendront faire des représentations sur l'ensemble du projet de loi, nous ne croyons pas nécessaire pour nous d'utiliser le temps d'audition de la commission en se présentant devant elle le 25 mai. Lors des dernières discussions...» Il y a une longue explication qui ne porte pas sur leur absence ici.

Donc, je constate leur absence, et, compte tenu de ce fait, je suspends nos travaux jusqu'à 11 heures.

Mme Blackburn: M. le Président...

Le Président (M. Doyon): Oui, Mme la députée.

Mme Blackburn: ...peut-être avant de suspendre, est-ce qu'on pourrait déposer la lettre...

Le Président (M. Doyon): Oui.

Mme Blackburn: ...à tous les membres et est-ce qu'on pourrait en faire la lecture au complet? J'imagine que s'ils se sont donné la peine de l'écrire, ça doit intéresser tous les membres de la commission.

Le Président (M. Doyon): J'indique que copie de cette lettre a été envoyée à tous les membres de la commission. J'imagine que vous l'avez reçue, Mme la députée.

Mme Blackburn: Oui, mais j'imagine aussi que les auditeurs... Comme on paie 300 000 $ pour la télédiffusion des débats, il serait peut-être intéressant de connaître... d'en savoir un petit peu plus long sur les explications de l'absence de cet organisme qui avait été convoqué par ordre de la Chambre, faut-il le rappeler, et, semble-t-il, sans consultation préalable.

Le Président (M. Doyon): Oui. En fait, je voudrais rétablir les choses. C'est qu'ils ont été invités à se présenter et cette invitation est déclinée par eux. La lettre... Ce qui nous intéresse, c'est leur absence, ici. Les raisons... Vous avez reçu... Vous ferez des conférences de presse, ce n'est pas l'endroit.

Je suspends nos travaux jusqu'à 11 heures.

(Suspension de la séance à 10 h 10)

(Reprise à 11 h 1)

Le Président (M. Doyon): La commission de la culture reprend donc ses travaux. Nous allons entendre les représentants de la ville de Rosemère qui ont pris place à la table de nos invités.

J'indique à cette commission que la présentation qui sera faite par la ville de Rosemère, ainsi que les discussions qui s'engageront avec les membres de la commission, nous mèneront à midi. Ensuite, nous suspendrons jusqu'à 15 h 30, au moment où nous entendrons le représentant, le maire de la ville de Montréal, suivi du maire de la ville de Québec, à 16 h 30, pour une nouvelle suspension à 17 h 30.

Nous allons donc commencer avec les

représentants de la ville de Rosemère. Je leur souhaite la bienvenue. Je pense qu'il y a M. Deschênes, le maire, qui est avec nous, de même que M. Robitaille, qui est le directeur général. Je leur souhaite la bienvenue. Je leur indique, comme ils le savent probablement, qu'ils disposent d'une vingtaine de minutes pour nous faire leurs représentations. Ensuite, le reste du temps est partagé également entre le parti ministériel et l'Opposition pour s'entretenir avec vous, vous demander des explications et avoir vos réactions à certains propos.

Donc, M. le maire ou M. Robitaille, vous avez la parole.

Ville de Rosemère

M. Deschênes (Yvan): Merci. M. le Président, Mmes et MM. les membres de la commission parlementaire, nous sommes venus participer à vos travaux aujourd'hui parce que nous croyons utile de joindre notre voix à celle de ceux qui pensent qu'il est opportun d'apporter un certain éclaircissement à la Charte de la langue française, notamment à l'égard du retrait du statut d'exception accordé à un organisme en vertu de l'article 113f de la loi 101.

Afin de mieux comprendre l'ensemble de la situation, il est important de revenir en arrière et de faire un bref historique de Rosemère. Le nom de Rosemère, semble-t-il, nous vient de J.P. Withers, officier du Canadien Pacifique, qui avait nommé la maison qu'il acquit au bord de la rivière «Rosemère Grange» à cause des nombreux rosiers sauvages qui poussaient dans cet endroit marécageux. D'aucuns diront que c'est à cause de la proximité du village de Sainte-Rose sur la rive opposée. En 1880, il fit enregistrer ce nom à Ottawa, et il est demeuré pour la région.

À l'époque, Rosemère faisait partie intégrante de la paroisse de Sainte-Thérèse et avait environ 720 résidents. Elle grandit et, le 1er janvier 1947, suite à la demande de l'association de citoyens qui voulaient obtenir de meilleurs services qu'ils ne recevaient de la paroisse, son territoire en est détaché et Rosemère devient corporation municipale. Selon notre information, c'est probablement à cette occasion que l'accent de Rosemère apparaît officiellement pour la première fois.

En 1957, la population atteint 5500 habitants et le conseil municipal demande alors au gouvernement provincial d'accorder à Rosemère le statut de ville, qu'elle reçoit le 6 février 1958.

À son origine, Rosemère était surtout un lieu de villégiature et la population était de prédominance anglophone. Les principaux propriétaires terriens étaient francophones, mais plusieurs familles anglophones exploitaient aussi leur ferme. L'harmonie régnait déjà entre ces deux groupes, et de longue date. Avec les années, sa situation démolinguistique a changé et ainsi, aujourd'hui, la population est largement francophone. Les statistiques sur l'évolution de la population à Rosemère indiquent que de 1971 à 1986 le groupe francophone n'a cessé d'augmenter. Le recensement fédéral de 1986 montre que le français est la langue maternelle de 66,6 % de la population; le reste est composé de 24,3 % d'anglophones, de 5,1 % d'allophones et de 4 % de multilingues, ceux-ci ayant déclaré avoir deux ou mêmes trois langues maternelles.

Depuis toujours, chez nous, les relations entre les différents groupes linguistiques ont été imprégnées de respect mutuel et d'harmonie. Nous avons une longue tradition de bon voisinage, et c'est un des charmes de notre ville. Tous les conseils municipaux, toutes les associations locales n'ont cessé de promouvoir cette relation de bonne entente, nombre de familles, dont la mienne, ayant choisi de vivre à Rosemère, entre autres, à cause de cette harmonie entre les communautés.

Rosemère aura 46 ans cette année. Pendant 33 ans, la majorité des citoyens était non francophone, et pourtant, tous les conseils municipaux, jusqu'aux élections générales de 1990, étaient divisés également entre francophones et anglophones. Aujourd'hui, quatre des six conseillers sont francophones, les deux autres sont bilingues et, comme vous pouvez le constater, le maire est francophone.

Nos concitoyens anglophones, conjointement avec les francophones, ont été les artisans de l'héritage dont Rosemère bénéficie aujourd'hui.

Le 2 avril 1982, suite aux représentations de la ville de Rosemère, basées en partie sur le recensement de 1976 qui indiquait que les anglophones et les allopho-nes représentaient ensemble 51 % de la population, l'Office reconnaît à la ville de Rosemère le statut de «ville bilingue» en vertu de l'article 113f de la Charte de la langue française. Il est important de noter, et je le répète, c'est très important de noter qu'au moment où la ville recevait son statut d'exception de l'Office en 1982, la Charte de la langue française ne prévoyait aucun mécanisme de retrait de ce statut, de sorte que ni la ville ni l'Office ne pouvaient concevoir un tel retrait à partir uniquement de données statistiques.

Le 11 janvier 1988, suite aux pressions d'un petit groupe de citoyens et sans consulter la municipalité, l'Office décide de mettre fin à cette reconnaissance, au motif que les citoyens de langue autre que le français ne sont plus en majorité et que l'évolution démographique semble indiquer que dans un avenir prévisible cette situation est peu susceptible de se modifier.

Le 24 août 1990, la Cour supérieure rend un jugement invalidant la décision de l'Office et rétablit le statut de «ville bilingue» à Rosemère. Le tribunal juge que l'Office avait le devoir, dans le but d'équité procédurale, de donner l'occasion à la municipalité de fournir tous les éclaircissements nécessaires préalablement à toute décision visant à révoquer son statut. Le tribunal ajoute que l'Office aurait dû tenir compte d'autres critères que la langue maternelle des citoyens de Rosemère, car, à elle seule, elle ne lui permettait pas d'atteindre le but recherché par la loi.

Le juge Reeves souligne à l'Office les précautions à prendre s'il envisage une révocation, car, dit-il, «le préjudice créé par le retrait d'un privilège initialement

accordé est habituellement plus grave que le refus de l'octroi même, à cause de ses effets plus sérieux sur la situation de fait qui s'est établie». Fin de la citation.

Le 12 avril 1991, l'Office de la langue française adopte une politique administrative qui établit des critères d'analyse et prévoit des modalités de prise de décision; parmi ces critères, il y en a un en particulier qui, plus tard, retiendra notre attention, soit les résultats de toute étude ou de tout sondage particulier.

Le 25 novembre 1991, l'Office avise la ville de Rosemère qu'il a l'intention de réviser, encore une fois, le statut «bilingue» de la municipalité suite à une recommandation de sa Direction de la francisation de le retirer. Cependant, l'Office précise alors qu'il n'entend pas prendre une telle décision avant d'avoir pu analyser tous les aspects de la question et, ainsi, invite la ville à lui transmettre tout autre renseignement susceptible de l'éclairer. L'Office devait consulter la ville, comme le lui avait dit le juge Reeves. De son côté, le conseil municipal avait l'obligation morale de demander l'avis des électeurs, avant de se prononcer en leur nom. (11 h 10)

En vertu de la Loi sur les cités et villes, une municipalité peut tenir un référendum sur une question qui est de sa compétence. Or, l'affichage et la langue de communication de la municipalité avec ses citoyens en sont deux. Sur ce point, le ministre des Affaires municipales se montre très clair. Si vous le permettez, M. Ryan, je vais vous citer: «En premier lieu, il faut accueillir le résultat du référendum comme une expression d'opinion démocratique. L'autorité municipale a le droit, en vertu de la Loi sur les élections et les référendums municipaux, de tenir un référendum sur une question relevant de sa compétence.» Fin de la citation.

De plus, le juge Reeves écrit: «Et l'avis n'offrait point d'entendre les représentations de la ville ou de ses citoyens, premiers intéressés au statut de leur ville.» Et il ajoute: «II n'est pas inconcevable que dans une ville comportant une forte proportion d'anglophones et d'allo-phones et une majorité de citoyens de langue maternelle française, mais, par ailleurs, bilingues, cette majorité de citoyens veuille — le mot "veuille" est très important — se prévaloir de son bilinguisme parce qu'au plan des services municipaux elle y verrait un intérêt ou un avantage certain. Cela se pourrait, par exemple, au niveau de sa protection dans les services de prévention des incendies, de sa sécurité dans les services de police, de l'équité dans les services sociaux, de l'harmonie sociale et culturelle dans les services des loisirs, etc.» Fin de la citation.

Ainsi, en se servant tant du critère de l'Office, «les résultats de toute étude ou de tout sondage particulier», que des commentaires du juge Reeves, le conseil municipal a tenu un référendum sur le sujet. Vous trouverez en annexe le libellé de la question ainsi que les résultats. La liste de ceux qui ont voté est également disponible pour ceux que ça intéresse.

Les citoyens de Rosemère ont déclaré clairement qu'ils veulent continuer à recevoir les services dans les deux langues. en voici l'analyse avec les commentaires sur le résultat. lors des trois journées consacrées à la consultation publique sur la reconnaissance de la ville de rosemère, en vertu de l'article 113f de la charte de la langue française, 3211 des 8232 résidents éligibles ont exprimé leur choix, soit un taux de participation de 39 %. alors, si on regarde les votes, il y a eu 2493 personnes qui ont voté oui, pour 79 %; 664 personnes ont voté non, pour 21 %; 54 bulletins rejetés; pour un total de 3211. l'analyse des résultats montre que 51 % des participants avaient des noms de souche francophone et 49 %, des noms de souche anglophone ou allophone. il faut souligner cependant que, dans un cas comme dans l'autre, le nom de famille n'est pas garant de la langue d'usage. partant de l'hypothèse que 100 % des anglophones et même des allophones ont voté oui, le vote se répartirait dans les proportions suivantes: anglophones et allophones qui auraient tous voté oui, 1544. étant donné qu'il y a eu 664 personnes qui ont voté non, on va prétendre, pour fins d'analyse, que ce sont des francophones, ce qui donnerait 41 % des francophones qui auraient voté non et 59 % des francophones qui ont participé et qui ont voté oui.

Ceci nous amène à la question du taux de participation. À ce propos, il faut remettre en relief l'attitude même de l'Office. Cet organisme non politique chargé de l'application de la loi s'est vu entraîné dans une tourmente médiatique dont il se serait sans doute bien passé. Mis sous pression, l'Office a émis des commentaires sur le référendum, le jugeant futile — il y a des articles en annexe qui le démontrent — et ajoutant qu'en rapport avec les critères de la loi le résultat d'un tel référendum n'était pas pertinent dans le débat. Or, si l'Office demande ou suggère aux citoyens de s'abstenir, comment alors comprendre qu'il déplore le faible taux de participation anticipé de la population de Rosemère, tel que M. Racine, secrétaire général de l'Office, le mentionnait dans un article publié dans Le Devoir le 8 avril, quelques jours avant le référendum de Rosemère? dans un autre ordre d'idées, permettez-nous de vous rappeler que, lorsque les gens veulent un changement, ils le disent en votant dans ce sens. il est donc logique de conclure que si 61 % des électeurs ne se sont pas présentés, c'est, d'une part, parce qu'un certain nombre d'entre eux croyaient qu'il était inutile de le faire et, d'autre part, parce que les autres ne voulaient pas de changement dans la façon dont la ville s'affiche et communique avec eux. j'ajouterai aussi qu'un taux de 39 % est très intéressant pour une municipalité si l'on considère que, lors de la dernière élection partielle, qui s'est déroulée pratiquement durant la même période, le taux de participation était de plus ou moins 20 %. le plus haut taux de participation de l'histoire de rosemère se situe autour de plus ou moins 54 % lors de l'élection générale de 1990 où trois équipes complètes étaient en lice, soit 21 candidats qui ont sillonné les rues de rosemère pendant plus de six mois.

Si on maintient la loi dans sa version actuelle, qui, notamment, ne prévoit pas de mécanisme de retrait d'un statut d'exception accordé à une municipalité en vertu de l'article 113f, on se retrouve face à différentes interprétations du jugement Reeves sur la question. Ce jugement comble, de façon fort complexe et ambiguë pour nous, une partie du vide juridique laissé par le législateur originel, tout en laissant la porte ouverte aux divergences juridiques qui risquent encore de devoir être résolues par les tribunaux.

Voici un autre exemple de l'ambiguïté de la loi actuelle: l'article 113f de la Charte de la langue française dit, en partie, dans sa version française: «...qui fournissent leurs services à des personnes en majorité d'une langue autre que française». «En majorité d'une langue autre que française», alors que dans la version anglaise, on dit: «that provide services to persons who, in the majority, speak — speak — a language other than French».

L'ambiguïté dans la version française provient du fait qu'il n'est pas établi de façon limpide que la langue majoritaire est comparée à la somme des autres langues ou bien à chaque langue prise séparément. En retour, l'ambiguïté dans la version anglaise, laquelle réfère au fait que la majorité exigée pourrait comprendre tous les non-francophones de même que les francophones bilingues. Cela constitue un point de droit important.

D'ailleurs, le juge Reeves souligne que «les mots "personnes en majorité d'une langue" et "persons who, in the majority, speak a language" paraissent donc comporter un sens différent. L'importance de cette différence entre les textes français et anglais est capitale parce que les personnes qui parlent une langue autre que le français se réfèrent probablement ou nécessairement à la version anglaise de la loi.» Fin de la citation.

Il est donc plausible de considérer qu'en 1982 l'Office reconnaissait le statut conféré à la ville de Rosemère aussi bien pour sa majorité non francophone que pour sa majorité bilingue, et ce, pour une période de temps indéfinie. D'ailleurs, le juge Reeves dit: «Si le législateur avait voulu que le critère de détermination de la langue de la majorité, à qui les organismes municipaux fournissent leurs services, fût la langue maternelle, il l'aurait dit.» Fin de la citation.

Les tribunaux ne devraient pas être obligés de compléter ou d'éclaircir les lois alors que nous avons élu des dirigeants pour prendre ces décisions. Quant à nous, nous croyons qu'il est de loin préférable de profiter du moment qui, de toute évidence, semble opportun pour apporter des modifications à la loi actuelle. Ajoutez aux résultats du référendum de Rosemère les présents sondages qui indiquent que les Québécois sont favorables à certains assouplissements et le fait que les éditorialistes des principaux journaux du Québec se sont prononcés en faveur du maintien du statut bilingue de Rosemère.

Vous trouverez en annexe des éditoriaux de La Presse, du Devoir, du Journal de Montréal, de la Gazette, du Soleil ainsi que de notre journal local, le

Nord Info qui se prononcent tous en faveur du maintien du statut linguistique d'exception de Rosemère.

Certaines personnes ont l'impression que le statut bilingue d'une municipalité lui confère le droit de tapisser la ville d'affiches bilingues. Or, la réalité est tout autre. Voici ce que signifie la loi à cet égard. La reconnaissance en vertu de l'article 113f permet seulement à la municipalité d'avoir une dénomination bilingue, d'afficher sur les bâtiments publics dans les deux langues avec prédominance du français, d'utiliser les deux langues dans les communications internes. La reconnaissance en vertu de l'article 113f ne permet donc à la municipalité que d'effectuer certaines de ses activités dans une langue autre que le français. (11 h 20)

À Rosemère, nous avons toujours fonctionné dans les deux langues; la majorité de nos résidents est bilingue et, de plus en plus, les anglophones s'adressent en français à l'administration municipale. Cette situation de fait fonctionne très bien chez nous. D'ailleurs, un des critères actuels de l'Office, la langue de correspondance avec les organismes de l'administration, tel qu'interprété par l'Office, est selon nous préjudiciable aux anglophones qui démontrent un effort d'intégration en communiquant en français avec les organismes gouvernementaux. Ainsi, on se servirait de ces statistiques pour démontrer qu'ils sont moins nombreux et justifier les réductions de services dans leur langue.

Bien que la ville de Rosemère ait toujours fonctionné dans les deux langues et malgré le fait que nous sommes reconnus officiellement «ville bilingue», cela n'a pas empêché la progression du fait français à Rosemère. En effet, le rayonnement et la prédominance du fait français, dont la Charte de la langue française se fait le promoteur, sont une réalité à Rosemère. La ville arbore fièrement son certificat de francisation de l'Office. Toutes les communications internes se font en français. Nos employés sont pour la plupart francophones et tous s'expriment en français. Les plénières du conseil municipal se déroulent en français. L'anglais n'est utilisé que dans les communications avec les citoyens ainsi que dans notre affichage.

Ajoutons que le maintien de l'actuel statut linguistique ne pourra que favoriser l'harmonie entre les deux groupes linguistiques tout en assurant la prédominance du français à Rosemère. C'est d'ailleurs pourquoi nous avons intitulé notre mémoire: «Favoriser l'harmonie entre les deux groupes linguistiques à Rosemère tout en assurant la prédominance et l'épanouissement du fait français». Ainsi, nous assumons nos responsabilités de majorité face à la minorité qui contribue pleinement au développement de la ville. Nous portons la tête haute en étant généreux, accueillants et ouverts sur la réalité historique ainsi que sur l'aspect humain de la question. Selon nous, priver un de nos groupes linguistiques est un geste négatif qui ne donne rien à l'autre groupe, tout en étant un irritant pour une communauté respectueuse de ses différences.

Le conseil municipal a d'abord privilégié un droit

acquis ou une clause grand-père pour notre ville, mais, après avoir analysé le projet de loi du ministre, nous considérons que c'est un bon compromis qui mettra un terme au cauchemar bureaucratique auquel Rosemère fait face depuis plus de 11 ans et qui est à l'origine de débats stériles, porteurs de confrontations.

La loi force maintenant les fonctionnaires à prendre des décisions qui devraient plutôt incomber aux élus de la population, comme le propose le projet de loi. Peu de gens, dans un tel contexte, pourraient reprocher au gouvernement d'avoir éclairci la loi dans le sens demandé par les citoyens de Rosemère.

Enfin, ce geste en serait un d'ouverture, de tolérance et de respect envers cette communauté qui est une de nos composantes précieuses et qui mérite de continuer à être traitée avec justice et équité tout en respectant la lettre et l'esprit de la Charte de la langue française dont le préambule dit: «L'Assemblée nationale entend poursuivre cet objectif dans un esprit de justice, d'ouverture, dans le respect des institutions de la communauté québécoise d'expression anglaise et celles des minorités ethniques dont elle reconnaît l'apport précieux au développement du Québec.» Fin de la citation.

Alors, je vous remercie de votre attention et j'espère que l'expérience vécue par les citoyens de Rosemère pourra vous aider dans vos délibérations. Merci.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, M. le maire.

M. le ministre, maintenant.

M. Ryan: M. le Président, il me fait grand plaisir de souhaiter la bienvenue à M. Deschênes et au directeur général de la ville de Rosemère. Je pense que la présence de M. Deschênes parmi nous s'imposait en raison des positions publiques claires et franches que M. Deschênes a épousées et défendues avec vigueur dans le dossier relatif à la mise en oeuvre de l'article 113f de la Charte et, en particulier, dans le dossier relatif à la possibilité de retrait d'un statut bilingue une fois que celui-ci a été accordé à une municipalité.

Nous nous souvenons tous des débats qui ont eu lieu à l'époque. Je me souviens qu'à l'occasion de ces débats, qui remontent à peine à une année, on s'était rendu compte pour la première fois — parce qu'avant ça, le problème ne s'était pas posé — que le retrait d'un statut n'est pas la même chose que l'octroi d'un statut. Le retrait d'un statut entraîne un changement de situation par rapport à une situation à laquelle on s'était habitué. Et personne ne pourra admettre d'un point de vue raisonnable que, parce qu'une municipalité tomberait, disons, à 47 % ou 46 % de sa clientèle qui serait d'une langue autre que le français, ça devrait automatiquement entraîner une décision d'un organisme administratif changeant son statut.

Je pense que lorsque le maire a pris cette position, le maire de Rosemère, il a défendu une position qui se fonde sur le sens commun, sur un concept de respect élémentaire. Et nous, du gouvernement, étions très intéressés à ce que vous nous apportiez votre message aujourd'hui. Je constate que votre message est empreint de ce concept de respect, de «convivance» harmonieuse, de compréhension et de collaboration, et je puis vous assurer qu'il n'y a pas qu'à Rosemère que les choses soient vues de cette manière. Je considère, personnellement, que cette façon constructive de voir les choses est infiniment plus intéressante pour tout le monde que les conceptions qui reposent sur des interdictions légales pour des questions qui ne devraient pas relever de la compétence du législateur.

Nous avons parmi nous ce matin la députée de Groulx, comté dans lequel est située la ville de Rosemère, et avec votre permission, M. le Président, j'aimerais que les premières questions que nous adresserons à M. Deschênes soient laissées à Mme la députée de Groulx.

Le Président (M. Doyon): Mme la députée de Groulx, vous avez la parole.

Mme Bleau: Je vous remercie, M. le ministre.

Moi, je voudrais retourner, M. le maire, un petit peu en arrière, au moment où la ville de Rosemère a obtenu son statut de «ville bilingue». C'est en 1982, si je me rappelle bien. À ce moment-là, je pense que le gouvernement d'alors voulait reconnaître une situation de fait à la ville de Rosemère. Mais, en même temps, j'aurais une question à vous poser. Je pense bien que vous allez être capable de me répondre.

On s'est certainement basé sur un recensement. Alors, je voudrais vous demander sur quel recensement on s'était alors basé pour définir le nombre d'anglophones à Rosemère?

M. Deschênes:oui. alors, comme vous le savez, l'office prend des décisions à partir du recensement canadien qui, lui, est publié tous les cinq ans. le recensement qui a permis à l'office de prendre une décision en 1982 était le recensement de 1976, le recensement de 1976 qui indiquait à l'époque qu'à rosemère il y avait 46 % d'anglophones, combinés à 5 % d'allophones, ce qui a permis à l'office de reconnaître la ville de rosemère avec cette majorité de quelque 50 % de ce qu'on appelait à l'époque les non-francophones.

C'est une question que je juge très intéressante, parce que ça soulève justement un point. Lorsque l'Office a reconnu la ville de Rosemère, il n'y avait pas de mécanisme de retrait. Donc, ce n'était pas possible pour l'Office de concevoir qu'on pouvait retirer ce statut-là à partir de données statistiques. On sait très bien qu'en 1976 il y a eu quand même un mouvement d'anglophones particulièrement à Rosemère, mais ça n'a pas été un phénomène exclusif à Rosemère. Oui?

Mme Bleau: Justement, sur ce phénomène, si on s'était basé sur un recensement qui aurait été pris avant 1982, supposons en 1981, est-ce que la différence entre 1976 et 1981 n'était pas vraiment...

M. Deschênes: Oui, effectivement... Mme Bleau: .. .très forte?

M. Deschênes: ...il y a eu beaucoup d'anglophones qui ont quitté Rosemère, qui ont quitté le Québec en 1976, et on sait pourquoi.

Mme Bleau: À tort, à tort.

M. Deschênes: Je n'ai pas à juger là-dessus.

Mme Bleau: À tort.

M. Deschênes: Je ne suis pas ici pour parler de ça. Évidemment, à tort. D'ailleurs, beaucoup sont revenus par la suite pour acheter leur maison plus cher qu'ils ne l'avaient vendue. Mais ça, c'est autre chose.

Alors, effectivement, il y avait un recensement de 1981 qui était disponible, mais ce recensement, l'Office n'a pas attendu le recensement qui est sorti six mois après que l'Office ait pris sa décision et, effectivement, ce recensement-là indiquait, celui de 1982, que la ville de Rosemère n'avait pas de majorité combinée allophone-francophone, ou allophone-anglophone, à ce moment-là. (11 h 30)

Donc, c'est important de se situer dans le contexte, en 1982. La ville ne pouvait pas accepter... Parce que c'était une réalité, tous, on était au courant de l'évolution démolinguistique, et on savait que certains anglophones et un bon nombre d'anglophones quittaient. Donc, c'était inconcevable d'imaginer que la ville accepte le statut dit «bilingue» pour six mois. Et je ne pense pas aussi que l'Office pouvait donner le statut à la municipalité pour une période de six mois, étant donné qu'il n'y avait pas de mécanisme de retrait. Il faudrait demander au législateur originel quelle était l'intention, pourquoi on n'a pas prévu de mécanisme de retrait.

Est-ce que c'est un oubli, est-ce que ça a été fait intentionnellement? Je ne suis pas en mesure de répondre. Le fait demeure que la loi actuelle ne prévoit pas de mécanisme de retrait et, quand la ville a reçu son statut en 1982, il était évident que six mois plus tard la majorité anglophone, combinée avec des allophones, n'existait plus.

Mme Bleau: Moi, j'aurais une autre question à vous poser, peut-être un fait aussi. Je demeure, et je pense que vous le savez, dans le comté depuis 1963. J'ai, à plusieurs occasions, parce que j'ai été conseillère municipale à la ville voisine, eu à avoir des relations avec les gens de l'hôtel de ville de Rosemère.

Est-ce que la bonne entente qui a toujours existé entre le groupe anglophone et le groupe francophone est toujours la même aujourd'hui? Je pense, entre autres, à différentes associations comme les «âge d'or», la Popote, les groupes de hockey mineur ou de baseball. Est-ce qu'il y a une différence entre les anglophones et les francophones, ou si tout ça ça couvre les deux majorités?

M. Deschênes: Écoutez, c'est un phénomène très intéressant parce que, évidemment, les discussions linguistiques, à Rosemère, ont fait les manchettes de tous les journaux, autant au Québec qu'à travers le Canada. Et même, on a eu des articles qui ont été publiés au Japon, on a eu des journalistes qui sont venus des États-Unis. Ça a fait évidemment la manchette de tous ces journaux-là, mais, à Rosemère comme telle, on ne peut pas dire que ça ait soulevé des passions de la part des citoyens. À part le petit groupe qui est à l'origine des discussions linguistiques à Rosemère, il y a très peu de discussions; on n'en entend pratiquement jamais parler parce que les gens sont heureux de vivre cette situation qui fonctionne très bien. D'ailleurs, il y a beaucoup de gens qui ont choisi de vivre à Rosemère à cause du bilinguisme, à cause de l'harmonie.

Et puis, je peux parler de mon exemple personnel. Plus jeune, j'ai été élevé à ville Saint-Laurent. J'ai eu la chance, dans mon milieu familial, avec les voisins, de vivre en français, mais j'ai eu aussi la chance de côtoyer des anglophones et, aujourd'hui, si j'ai réussi en affaires, ce n'est pas à cause de l'anglais que j'ai appris à l'école, à l'université, c'est à cause de l'anglais que j'ai appris avec mes copains à ville Saint-Laurent. Alors, quand j'ai choisi de déménager à Rosemère, je savais que je pouvais offrir à mes enfants cette même chance-là, la chance d'apprendre une autre langue, tout en respectant notre langue maternelle, pour nous donner la chance d'être compétitifs, pour nous donner la chance de faire face aux marchés mondiaux. Alors, c'est cette chance-là que j'ai voulu offrir à mes enfants, et beaucoup de citoyens ont choisi de- vivre à Rosemère à cause de cette possibilité-là, à cause de l'harmonie qui règne entre les citoyens.

Il n'y a pas de problèmes linguistiques à Rosemère. Le problème a été soulevé à l'extérieur de Rosemère, et amplifié à l'extérieur de Rosemère. Dans le quotidien, tout fonctionne très bien. Mis à part les journaux qui sont publiés à Rosemère, on aurait l'impression que la situation dont il est question aujourd'hui n'existe pas à Rosemère.

Mme Bleau: Merci, M. le maire. Je vais donner la chance...

Le Président (M. Doyon): M. le député de Hull.

M. LeSage: Merci, M. le Président.

Alors, je veux également vous souhaiter la bienvenue, M. le maire, ainsi qu'à votre directeur général. Étant issu du monde municipal, je regarde votre mémoire et je veux vous féliciter. Je trouve que c'est un mémoire qui est clair, qui est net, qui est limpide; il reflète surtout la tolérance. On sent ça lorsqu'on lit ce mémoire, c'est la tolérance qui ressort immédiatement, ce qui me porte à dire que des gens qui s'objecteraient à

votre mémoire, M. le maire, prôneraient probablement l'intolérance.

Ce que je veux vous demander comme question: M. le maire, je sais que vous êtes, comme on dit dans le langage du monde municipal, dans le champ tout le temps. Vous et vos conseillers municipaux, vous êtes près de vos citoyens. Il est reconnu que le monde municipal, les conseils municipaux, ce sont les gens, les élus, qui sont les plus près de leurs citoyens. Est-ce que vous voyez une objection, par exemple, est-ce qu'il y a quelque chose qui vous chicote l'esprit, est-ce qu'il y a un conseil municipal, est-ce qu'il y aurait des conseillers municipaux ou des endroits, des municipalités, des paroisses où ce ne serait pas bien vu, où il y aurait des objections s'ils devraient tenir un référendum, par exemple, comme vous l'avez fait, pour donner votre avis ou l'avis de vos électeurs au ministère sur un statut bilingue? Y a-t-il des objections dans votre tête, quelque part, à ce que ça existe?

M. Deschênes: Écoutez, nous, c'est évident que le message était clair. Lorsqu'on regarde les critères de l'OLF, les résultats de jtout sondage ou de toute étude particulière, pour nous, c'était une invitation, sans compter les commentaires du juge Reeves, qui disait que les citoyens n'avaient pas été suffisamment consultés, eux, les premiers intéressés. Alors, évidemment, dans une situation comme celle-là, on ne pouvait pas passer à côté de l'occasion.

Et comment le conseil municipal, vous qui avez été impliqué dans une municipalité, peut parler au nom des citoyens sans sonder le pouls des citoyens sur une question aussi délicate? Parce qu'il faut le reconnaître, la question de la langue, malgré qu'elle ne cause pas de problèmes à Rosemère, est une question délicate. Donc, c'était important pour nous. En tant qu'élus, en tant que maire, on voulait savoir l'opinion, s'assurer que les citoyens partageaient vraiment notre point de vue. Ça a été confirmé par plusieurs campagnes électorales, alors que l'équipe que je représente a été élue. On mentionnait que nous étions favorables au maintien du bilinguisme; cette situation-là existe depuis les années soixante-dix, alors que les équipes ont toujours été élues, celles qui prônaient le bilinguisme, et facilement.

C'était important, étant donné que la question était très pertinente, malgré l'opinion émise par les représentants de l'OLF, M. Racine, qui est venu faire de l'ingérence à Rosemère. Je n'ai pas peur de le dire, il est venu dire aux gens: Ne votez pas, ne participez pas au référendum de Rosemère. Et, quelques jours avant le référendum, il a dit dans un article publié dans Le Devoir: Très peu de gens vont participer à ce référendum. Moi, j'ai l'impression qu'il essayait justement d'influencer les gens à ne pas participer pour pouvoir dire ce qu'il a dit par la suite, que 39 %, ce n'était pas suffisant.

Alors, je pense que, effectivement, c'était important pour nous de faire un référendum. Nous l'avons fait. Et je dirais, j'emprunterais une expression que M.

Parizeau a déjà utilisée: Les gens avaient l'occasion, par le référendum, de prendre le train; ceux qui ont pris le train ont pris le train, ceux qui ont participé au référendum, et maintenant le train est passé, il est trop tard. L'opinion des gens a été exprimée par ce référendum: 79 % de nos citoyens ont dit qu'ils étaient favorables au maintien du statut bilingue.

M. LeSage: Alors, si je comprends bien, M. le maire, vous y voyez un bien-fondé pour toutes les municipalités, les paroisses du Québec, pour qu'elles aient au moins la même chance que vous avez eue, pour tenir un référendum et faire valoir leur point de vue.

M. Deschênes: Ce que j'aime du projet de loi, c'est que le projet de loi dit: Le conseil municipal qui représente les citoyens va faire la demande à l'Office de la langue française, qui va étudier le dossier et qui va le soumettre au gouvernement qui, lui, en bout de ligne, va décider. Et je trouve que c'est bien. Le premier contact avec les citoyens, c'est l'élu municipal. Si l'élu municipal décide de consulter sa population, libre à lui de le faire. S'il pense que sa population est favorable, malgré un référendum, ou sans faire de référendum, c'est là où le gouvernement va intervenir et peut-être que le gouvernement va demander un référendum sur la question. Je pense que c'est important, sur une question aussi pertinente que celle-là, d'avoir le pouls de la population.

M. LeSage: Merci, M. le maire. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le député. Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président.

M. le maire, M. le directeur général, il me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue à cette commission au nom de l'Opposition officielle. Tout comme le ministre, j'estime que votre présence s'imposait. Le ministre y ajoute: En raison de votre position claire et franche. Je pense également, cependant, que dans toute démocratie il est important, lorsqu'on veut vraiment informer la population, d'entendre les deux versions. Le gouvernement, le ministre a refusé; il a refusé de façon discourtoise, je dirais, à l'occasion d'une question en Chambre, d'entendre le Regroupement de la révision du statut linguistique de Rosemère. Lorsqu'on n'a pas peur d'entendre la vérité, je pense qu'on a toujours intérêt à entendre les organismes qui le demandent. (11 h 40)

Évidemment, comme vous êtes là, j'aimerais qu'on essaie de mieux cerner la situation en ce qui a trait au statut d'exception accordé en vertu de 113f. D'abord, il faut rappeler que le statut 113f est particulièrement utile en deux secteurs, je pense: l'éducation, la santé et les services sociaux. Parce que, là, vous avez vraiment besoin de desservir... L'un a besoin d'offrir

des services en anglais, les commissions scolaires, et l'autre a besoin d'offrir des services en anglais à une clientèle qui éprouve des difficultés particulières en santé ou en service social. Évidemment, il s'est joint à ça l'idée de 113f aux municipalités, selon les règles qu'on connaît.

Moi, j'aimerais savoir de vous ce qu'une ville peut offrir comme services en anglais sans avoir le statut de 113f?

M. Deschênes: Oui. C'est une bonne question. Qu'est-ce qu'on peut offrir? M. Robitaille, peut-être, est en mesure de... On va le présenter à l'inverse. Ce que la loi nous permet de faire avec l'article 113f, je l'ai décrit dans le mémoire. Excusez-moi...

Alors, nous avons le droit d'avoir une dénomination bilingue. La ville de Rosemère pourrait s'appeler «ville de Rosemère» et «Town of Rosemère», et on ne le fait pas. O.K.? Nous, nous nous appelons strictement «ville de Rosemère», mais on pourrait s'appeler «Town of Rosemère».

D'afficher sur les bâtiments. Ça, on n'aurait pas le droit de le faire sur les bâtiments publics. Notamment, à l'hôtel de ville, d'avoir «Town Hall», ce ne serait pas permis de le faire, et sur tous les autres bâtiments: la bibliothèque, le centre communautaire, le poste de police, le service des incendies, sur les véhicules publics également.

D'utiliser les deux langues dans les communications internes, c'est-à-dire entre employés, ce qu'on ne fait pas aussi. Donc, nous, ce qu'on peut faire avec la loi, ce dont on se sert dans l'article 113f, c'est d'afficher dans les deux langues sur les bâtiments publics.

Mme Blackburn: Ça veut dire que si, demain, la ville de Rosemère avait perdu son statut, elle pourrait offrir à la population tous les services qu'elle offre actuellement. Simplement, c'est l'affichage sur vos édifices publics. Est-ce que c'est ça qu'on comprend?

M. Deschênes: Sur demande d'un citoyen, nous pourrions répondre à ce citoyen, mais on ne pourrait afficher dans les deux langues. Il faudrait que le citoyen en fasse la demande.

M. Robitaille a une intervention à faire.

M. Robitaille (Guy): Peut-être ajouter un exemple très pratique: le compte de taxes. Il faudrait que les comptes de taxes soient envoyés en français seulement et, sur demande d'un anglophone qui ne comprend pas son compte de taxes, là, on pourrait lui répondre en anglais.

Mme Blackburn: Tandis que...

M. Robitaille: Tandis que présentement on utilise la méthode qui est peut-être plus simple, on envoie un compte de taxes bilingue. Comme ça, tout le monde a toute l'information sans avoir à revenir à l'hôtel de ville et demander des explications en anglais. Et un compte de taxes, c'est quand même un outil important dans une municipalité.

Mme Blackburn: Oui, mais est-ce qu'il n'est pas exact que pour le compte de taxes certaines municipalités, à la demande du contribuable, indiquent dans quelle langue il veut avoir son compte de taxes? C'est presque un automatisme. Je pense à la ville de Montréal ou, finalement, on offre des services en anglais, mais la ville de Montréal ou celle de Québec n'a pas de statut de ville bilingue.

Je voudrais que ce soit clair, parce que l'impression qu'a laissée le référendum et le sens de votre question référendaire également, c'était l'impression qu'on ne pourrait plus communiquer ou offrir des services en anglais à la population de Rosemère. Moi, je voulais juste que cette question-là soit claire: Pour offrir des services en anglais aux contribuables anglophones dans une ville, est-ce qu'on a besoin de 113f?

M. Deschênes: Pour certaines communications, oui. L'affichage...

Mme Blackburn: Pour l'affichage.

M. Deschênes: ...fait partie des communications. Donc, ça prend absolument l'article 113f.

Mme Blackburn: Alors, pour l'affichage. Si on exclut l'affichage, tous les autres services répondent dans sa langue. Vous donnez les explications dans sa langue. Il n'y a rien qui interdit actuellement, dans la loi 101, de le faire.

M. Deschênes: Pour le compte de taxes, nous ne pourrions le faire.

Mme Blackburn: Bon.

M. Deschênes: II faudrait la permission ou la demande du citoyen.

Mme Blackburn: II reste donc la question de l'affichage sur vos édifices. Pour tout le reste, c'est permis.

M. Deschênes: Non, ce n'est pas ce qu'on dit. Ce n'est pas ce qu'on dit.

Mme Blackburn: Bien, c'est-à-dire que...

M. Deschênes: On dit que c'est l'affichage principalement, mais que si nous n'avions pas l'article 113f, il faudrait la demande du citoyen pour envoyer un compte de taxes en anglais, dans l'autre langue.

Mme Blackburn: Alors, ce que vous dites, vous l'envoyez bilingue à tout le monde.

M. Deschênes: Voilà! C'est beaucoup plus simple pour nous de préparer un compte de taxes bilingue, et on le fait depuis toujours, depuis les débuts de la ville de Rosemère.

Mme Blackburn: Dans vos communications internes, vous dites: On ne s'en sert pas.

M. Deschênes: Non.

Mme Blackburn: Est-ce qu'il y a des exigences quant à l'embauche du personnel...

M. Deschênes: C'est-à-dire que...

Mme Blackburn: ...des exigences de bilinguisme?

M. Deschênes: ...lorsqu'on engage un employé ou une employée qui fait face aux citoyens, qui rencontre les citoyens — réceptionniste, téléphoniste — c'est évident, étant à la recherche de l'excellence, qu'on veut offrir le meilleur service à nos citoyens, on va tenter d'engager quelqu'un qui est bilingue, c'est évident; on a 35 % de nos citoyens qui sont d'expression anglaise. Donc, on va tenter d'avoir quelqu'un de bilingue.

Peut-être que M. le directeur général, en tant que patron des employés, pourrait ajouter là-dessus.

Mme Blackburn: en fait, vous avez 24 %, mettons 25 % d'anglophones. les autres, c'est des allopho-nes qui auraient adopté l'anglais comme langue de communication.

M. Deschênes:c'est 35 %... Mme Blackburn: vous êtes 10 %...

M. Deschênes: ...disons, d'anglophones allopho-nes combinés.

Mme Blackburn: Parce que vous rangez automatiquement les allophones du côté des anglophones dans votre sondage?

M. Deschênes: C'est parce qu'on part de la même logique que l'Office a utilisée au début, en 1982, lorsque l'Office a combiné les anglophones aux allophones.

Mme Blackburn: Dans la même réponse, est-ce que M. Robitaille pourrait nous indiquer le nombre de postes pour lesquels le bilinguisme est exigé à la municipalité de Rosemère? Le pourcentage, là, des...

M. Robitaille: Je ne pourrais pas vous sortir un nombre précis, sauf que, disons, sur les 70 employés permanents à la ville, je pense qu'il y en a 68 francophones. Donc, évidemment, tout le monde parle français. Il n'y a pas un seul employé, à la ville de Rosemè- re, qui ne peut pas discuter complètement en français. Mais, comme M. le maire le dit, dans des postes cibles comme celui de réceptionniste dans les différents services, téléphoniste, on demande que la personne puisse au moins se débrouiller en anglais.

Mme Blackburn: Une dernière question, je voudrais laisser la parole à mes collègues qui voulaient intervenir là-dessus.

Dans le jugement, le juge Reeves dit, à la page 25, «compte tenu de l'objectif général visé par la loi, il ne saurait y avoir permanence à un statut d'exception sous conditions résolutoires», rappelant que le rôle de l'Office, évidemment, c'était d'assurer la qualité et le rayonnement de la langue française, et que l'Office devait avoir, avait le devoir implicite de retirer la reconnaissance.

Vous vous dites d'accord avec le projet de loi 86 en ce qui a trait à 113f et le statut bilingue de certaines municipalités. Est-ce que vous pensez que ce statut devrait être conféré à vie? Sinon, comment est-ce qu'il pourrait être retiré?

M. Deschênes: Bon. Écoutez, j'ai partiellement répondu, mais je vais ajouter que la loi, comme elle est présentement, il n'y a pas de mécanisme de retrait, on est obligé de s'en remettre au jugement Reeves. L'Office de la langue française prend ce qui l'intéresse dans le jugement Reeves, et c'est vrai que le juge mentionne que l'Office a le pouvoir et le devoir de le retirer, etc. Mais le juge dit également: Attention avant de le retirer, ça cause un préjudice plus grave que de ne pas l'avoir accordé au début. Vous devez consulter. Le fameux «veuille» que je mentionnais tout à l'heure. L'opinion des citoyens est importante.

Donc, je ne dis pas qu'il devrait être là indéfiniment, puisque le projet de loi 86 permet de retirer ce statut si le conseil municipal en fait la demande. Et qui représente les citoyens? C'est le conseil municipal. Si les citoyens ne veulent plus de ce statut, ils n'ont qu'à élire des représentants qui ne sont plus favorables au statut et ça va être à ce conseil municipal de faire la demande au gouvernement qui, lui, en bout de ligne, va prendre la décision finale. Pour nous, ça nous convient très bien parce qu'il appartient maintenant aux gens de Rosemère de demander d'être «déreconnus», si on peut utiliser le terme.

Le Président (M. Doyon): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger (Anjou): Merci, M. le Président.

M. le maire, j'aimerais revenir à votre question qui avait été posée lors du référendum. Je vous la lis: Etes-vous favorable à ce que la ville de Rosemère continue de s'afficher et de communiquer avec ses citoyens dans les deux langues officielles avec prédominance du français, tel que requis selon la loi?.

Pourquoi, dans votre question, avez-vous mentionné «communiquer avec ses citoyens» puisque vous

n'aviez pas besoin du statut de 113f pour avoir le droit de communiquer avec vos citoyens dans la langue anglaise? En tout cas, je ne sais pas, mais vous ne pensez pas que certaines personnes ont pensé que leurs droits à, justement, pouvoir s'adresser à la municipalité dans la langue anglaise était mis en cause par cette question-là, alors que ce n'était pas du tout le cas? Je veux dire, 113f... La seule chose, finalement, qui était en cause, c'était le droit d'afficher. Il n'y avait rien d'autre en cause. Vous ne pensez pas que ça a pu induire en erreur certaines personnes, puis que ça a pu créer une certaine crainte chez des gens de perdre des droits acquis alors que ce n'était pas du tout le cas? (11 h 50)

M. Deschênes: Non, je ne crois pas, parce que les gens ont été clairement informés. J'ai envoyé deux lettres aux citoyens. Il y a eu abondamment d'entrevues, d'émissions de télévision, d'articles dans les journaux, et le message était très clair.

Cependant, il faut comprendre une chose. Lorsqu'on parle de communiquer, l'affichage, c'est une forme de communication. On a expliqué à Mme Blackburn, tout à l'heure, que le compte de taxes, également, c'est une forme de communication; ça, il ne faut pas l'oublier.

Il y a aussi un autre aspect qu'on n'a pas touché, c'est qu'en étant reconnue ville bilingue, il nous est permis d'engager des employés bilingues. Et ces employés bilingues, qui font face aux citoyens à la réception ou au téléphone, communiquent également avec les gens. Alors, c'est dans ce sens large que nous avons mentionné «afficher et communiquer».

M. Bélanger (Anjou): Vous me dites finalement que si vous n'aviez pas eu le statut, en vertu de 113f, vous n'auriez pas eu le droit d'employer des employés bilingues? J'ai un petit peu de difficulté à vous suivre, là.

M. Deschênes: C'est-à-dire qu'on n'aurait pas pu rejeter — pardon, c'est ça — une candidature non bilingue.

M. Bélanger (Anjou): Maintenant, vous rejetez des candidatures quand la personne ne parle pas anglais?

M. Deschênes: Non, pas nécessairement. Ce qu'on dit, c'est dans les postes clés, où il y a un contact avec les citoyens, on demande à ces gens-là d'être bilingues. On est à la recherche de l'excellence, on veut offrir les meilleurs services à nos citoyens. De refuser de parler la langue de ses citoyens, vous savez, ce serait de...

M. Bélanger (Anjou): Oui, oui. Mais je comprends bien, finalement, que tout poste où il y a contact avec le public, l'anglais est exigé; être bilingue est une condition essentielle d'emploi quand le candidat recherché a un poste qui a affaire avec le public.

M. Deschênes: Pour ce qui est des postes clés, où on est en contact...

M. Bélanger (Anjou): Qu'est-ce que vous entendez par «postes clés»?

M. Deschênes: La réception, la téléphoniste. Effectivement, monsieur, il y a 35 % de nos citoyens... M. Robitaille veut ajouter quelque chose.

M. Robitaille: Je vais juste donner un exemple. Par exemple, un poste important dans la municipalité, c'est le greffier de la ville. Le greffier de la ville doit poser certains gestes comme les enregistrements de naissance et tout. Si un anglophone vient pour enregistrer son enfant, qu'il ne parle pas français et que la greffière ne peut pas dire un mot d'anglais, ça va se dérouler assez mal. C'est dans ce sens-là.

M. Deschênes: Mais, ici, je ne veux pas laisser l'impression que les employés de Rosemère sont anglophones; au contraire, les employés de Rosemère sont francophones, et tout se déroule en français à la ville de Rosemère, comme je l'ai expliqué.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le maire. Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président.

M. le maire, je vous écoutais présenter l'historique de la ville de Rosemère avec beaucoup d'intérêt. Je suis moi-même native de Sainte-Thérèse-de-Blainville et j'ai vécu jusqu'en 1967 — donc, un peu après l'arrivée de Mme la députée de Groulx — dans la ville. Je connais Rosemère pour l'avoir fait à pied, en bicycle, petite fille. Et, en vous écoutant... Je m'autoriserai d'ailleurs, de l'échange que vous aviez avec Mme la députée de Groulx où vous relatiez vous-même vos souvenirs de jeunesse à ville Saint-Laurent, à me rappeler un souvenir qui est assez douloureux pour moi, parce que c'était la première fois que j'assistais à une manifestation. Elle avait lieu devant ma maison—j'avais, à l'époque, huit ans et demi ou neuf ans — et il s'agissait d'un rassemblement de personnes appartenant à la communauté d'origine portugaise qui, très nombreux, durant les années cinquante, étaient venus s'installer à Sainte-Thérèse-de-Blainville. Ils ont constitué d'ailleurs sur la rue tous les voisins avec qui nous nous entendions très bien.

Ils avaient décidé, à une époque où il n'y avait aucune protection en cette matière, ils avaient décidé, je crois, comme communauté, en fait, par un très, très large consensus, d'envoyer leurs enfants à l'école anglaise de Rosemère. Et je me rappelle, à l'époque, que rien n'interdisait, donc, cette présence qui était accrue des enfants de familles immigrantes dans les écoles anglophones. Sainte-Thérèse étant une ville francophone, ne dispensant pas, donc, de cours en langue anglaise, c'est donc à Rosemère que ces enfants de familles

immigrantes recevaient leur éducation.

Mais là où le lait avait débordé la coupe, c'est lorsque la demande avait été faite pour payer le financement du transport scolaire. Et je me rappelle que mon père, qui était commissaire d'école, citoyen parmi bien d'autres, conscient de notre fragilité en Amérique du Nord, avait convaincu ses collègues commissaires d'école de ne pas financer l'anglicisation en finançant, à partir des taxes des gens de Sainte-Thérèse, le transport scolaire pour faire angliciser les voisins, les enfants des voisins, de familles immigrantes d'origine portugaise.

En vous écoutant, je me disais: Oui, le fait est qu'il y a une bonne entente, mais est-ce que, pour qu'elle dure, cette bonne entente, il n'y a pas justement besoin de balises très claires pour que des nouveaux arrivants qui nous adoptent sachent que chez nous, au Québec, la société se passe de telle manière que, par respect pour la majorité, ils doivent s'y intégrer? Et l'idée m'est venue de vous poser la question puisque vous êtes une équipe qui prônez le bilinguisme à la ville. Est-ce que vous avez également une opinion sur cette question du bilinguisme qu'on retrouve dans le projet de loi 86, en matière scolaire?

M. Deschênes: Alors, écoutez, je vais vous situer un peu en toile de fond Rosemère. C'est vrai qu'à Rose-mère il y a des affiches bilingues, notamment, comme je le mentionnais, au niveau de la municipalité. Tous les édifices publics s'affichent dans les deux langues, avec la prédominance du français; il y a également des écoles, écoles qui s'affichent en anglais. Vous avez aussi des églises qui s'affichent en anglais.

Un petit point intéressant, puisqu'on parle des écoles: À Rosemère, nous avons beaucoup d'écoles anglaises. Il y a l'école Elmwood qui, anciennement, était une école exclusivement anglaise sur la grande côte, et l'école vient de se franciser aujourd'hui. Elle a même changé son nom, alors qu'elle reçoit des étudiants francophones, et l'école s'appelle «Val-des-Ormes», qui est une traduction de Elmwood.

Alors, effectivement, malgré le fait qu'on ait des affiches bilingues, vous dites qu'on envoie un message aux immigrants que ça se passe en anglais. Si c'était le cas, la progression et le rayonnement du fait français ne seraient pas une réalité à Rosemère, alors que la progression du fait français est une réalité irréversible, malgré le fait que nous ayons quelques affiches bilingues, anglaises, ici et là dans la municipalité.

Je dirais, moi, que ça crée un meilleur climat. Le fait d'avoir cette vie harmonieuse entre les deux communautés crée un meilleur climat et, comme je le mentionnais, les anglophones s'adressent de plus en plus en français à l'administration municipale parce qu'il y a un climat qui prédispose à ce genre de collaboration. Ce n'est pas un climat de confrontation; les deux communautés se respectent mutuellement, s'entendent et vivent dans l'harmonie. C'est ce qui permet, selon moi, une meilleure et plus facile intégration du monde anglophone au milieu francophone puisqu'il se fait en douceur, en harmonie, sans problème.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le maire. Je suis dans l'obligation de reconnaître maintenant le député de D'Arcy-McGee qui m'a demandé la parole. M. le député.

M. Libman: Merci, M. le Président.

M. le maire Deschênes, je vous félicite également pour un mémoire très éloquent. Ce n'est pas rien que la ville de Rosemère qui pourrait servir comme exemple d'harmonie, de tolérance et de respect au Québec. Je pense que votre comportement personnel dans toute cette affaire a montré beaucoup de leadership, a été très respecté à travers le Québec par la majorité des Québécois.

Moi, je veux savoir si vous pouvez, ou êtes prêt à aller un peu plus loin dans vos pensées en ce qui concerne le seuil de 50 % qui existe, qui crée des exceptions dans l'article 113f. Dans tous les pays du monde, dès qu'une minorité linguistique historique affirme sa présence, entre 7 % à 30 % dans une municipalité, celle-ci devient ipso facto bilingue. Et, au Québec, comme nous le savons tous, pour qu'une municipalité soit reconnue comme étant bilingue, il faut que la minorité devienne majorité. Alors, c'est la langue de la minorité locale, le français, qui demeure obligatoire, et c'est la langue de la majorité locale, l'anglais, qui devient facultative. Et je trouve ça surprenant. (12 heures) est-ce que vous êtes prêt à reconnaître quelque chose que le ministre est en train d'examiner, la possibilité de baisser le seuil de 50 % pour permettre à d'autres municipalités d'avoir un statut bilingue, d'autres municipalités qui ont une minorité importante. je ne sais pas le pourcentage qu'on peut choisir, mais est-ce que vous croyez qu'il serait opportun de baisser ce seuil pour permettre aux municipalités qui ont une composition d'une communauté minoritaire importante d'avoir aussi un statut bilingue?

M. Deschênes: Vous allez comprendre que je suis ici en tant que représentant des citoyens de Rosemère. Le mandat qui m'a été donné, qui nous a été donné, le directeur général et moi-même, dans le cadre du référendum de Rosemère, était spécifique à l'affichage et aux communications. Alors, évidemment, la question ne se pose pas, le pourcentage concernant la reconnaissance à Rosemère, puisqu'on a eu cette reconnaissance. Je me suis plutôt penché sur la «déreconnaissance».

Mais je peux tout simplement vous dire, vous donner une constatation qui est peut-être le reflet aussi d'une opinion, constatation que le fait d'avoir «Town Hall» sur le bâtiment de l'hôtel de ville, d'avoir quelques mots anglais sur différents bâtiments publics n'empêche pas à prédominance, le rayonnement, et je dirais la progression du fait français. Je pense qu'on a une chance, ici, au Québec. L'exemple de Rosemère peut servir le Québec au complet. Il pourrait même servir le

Canada au complet. Nous avons la chance, il me semble là, de tendre la main à la communauté anglophone, de travailler ensemble à construire une province, à construire un pays, et si on le fait ensemble, en collaboration avec les deux communautés, notamment avec la communauté anglaise, nous allons être très forts, alors que si nous le faisons dans la confrontation, nous allons être très faibles.

M. Libman: Je sais...

M. Deschênes: Alors, nous avons un privilège, une chance d'avoir la richesse de ces deux communautés, profitons-en.

M. Libman: Je suis tout à fait d'accord avec vous, M. le maire Deschênes. Je parle strictement sur la question... Vous parlez d'un mécanisme de retrait, est-ce que vous croyez qu'il devrait y avoir un mécanisme d'ajout, par exemple, pour une municipalité qui veut avoir un statut bilingue, qui n'a pas une minorité qui représente 50 % ou plus de la population locale mais qui voudrait avoir, même pour des raisons symboliques, qui voudrait avoir un statut bilingue accordé par le gouvernement, même si ce pourcentage est beaucoup moins que 50 %?

M. Deschênes: Je suis obligé de vous répéter que mon mandat est d'être ici en tant que représentant des citoyens de Rosemère, que la reconnaissance, ce n'est pas une question chez nous, à Rosemère. Mais je vous donne la constatation que le fait d'avoir quelques affiches bilingues dans la municipalité de Rosemère n'a pas empêché la progression, le rayonnement du fait français. Donc, si vous me dites «est-ce que ça peut être préjudiciable au fait français d'avoir d'autres villes bilingues», je suis obligé de vous dire non.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le maire. M. le ministre, vous disposez maintenant de deux minutes pour terminer.

M. Ryan: Je voudrais remercier le maire de Rosemère des clarifications qu'il a apportées aujourd'hui. Je pense bien que le cas de Rosemère nous démontre de manière évidente que, par-delà les lois, la vie est encore beaucoup plus importante. L'évolution linguistique et culturelle du Québec est conditionnée beaucoup plus par la démographie que par n'importe quelle loi que pourrait imaginer le législateur.

On prend des villes comme Sherbrooke, Rosemère, Lachute, Montréal, ce sont toutes des villes qui ont été majoritairement anglophones à d'autres époques de notre histoire, mais qui ont été peuplées, avec le temps, de majorités francophones qui s'imposent beaucoup plus par le fait qu'elles sont là que par d'autres mécanismes. On a des mécanismes législatifs qui viennent soutenir, mais le but de la loi n'est pas d'enlever les mécanismes législatifs mais de les assouplir pour tenir compte davantage de la réalité. Et je pense que les événements qui se sont produits à Rosemère, qui étaient évidemment de nature hautement politique, indiquent clairement pourquoi il faut que la décision concernant le retrait éventuel d'une reconnaissance, une fois accordée, soit également une décision qui soit laissée à l'autorité politique.

Quand vous voyez des fonctionnaires qui vont dire, là: Votre référendum, c'est mieux que les gens n'y aillent pas. Ça n'a pas de pertinence, ce n'est pas leur rôle de dire ça, c'est évident. Et, à un moment donné, il faut, au bout de la ligne, que la décision soit prise par l'autorité politique, et là elle le sera aux deux bouts de la filière.

Tout d'abord, au départ, ce sont les élus légitimes de la population qui pourront prendre l'initiative de soumettre une demande au gouvernement. Et, deuxièmement, comme il pourra arriver que certaines initiatives soient sujettes à vérification, le gouvernement, après avoir consulté l'Office, se réservera la décision.

Je pense que, de ce point de vue là, nous aurons une situation infiniment plus préférable, et cette solution répond, entre parenthèses, à la plupart des commentaires qui avaient été émis par les éditorialistes à l'époque, y compris la directrice du Devoir qui avait, cette fois-là, émis un commentaire assez judicieux où elle disait: Une clause grand-père pourrait mettre ces municipalités à l'abri de la révocation sans que l'équilibre même de la loi soit menacé, ou encore, on pourrait exiger que la demande de révocation vienne de la municipalité elle-même, comme on le fait pour les écoles qui pourraient désirer la révocation de leur statut confessionnel, et l'Office serait débarrassé, de ce fait, du rôle de harce-leur qu'il ne désire pas. Voilà ce que le projet de loi entend accomplir.

Mme Blackburn: On va demander au ministre qu'il s'inspire des mêmes éditoriaux sur les autres questions. Ha, ha, ha!

M. Ryan: Et je suis convaincu que si un sondage était fait sur ce point précis, il donnerait les mêmes résultats que ceux dont on a entendu parler en fin de semaine.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le ministre.

Il me reste, au nom des membres de la commission, à remercier le maire, M. le maire Deschênes, ainsi que M. le directeur général, de bien avoir voulu se rendre à l'invitation de la commission.

Je suspends les travaux de cette commission jusqu'à 15 h 30, auquel moment nous entendrons le maire de la ville de Montréal qui sera suivi, une heure après, à 16 h 30, par le maire de la ville de Québec, M. Jean-Paul L'Allier.

Alors, suspension jusqu'à 15 h 30.

(Suspension de la séance à 12 h 6)

(Reprise à 15 h 38)

Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission de la culture reprend ses travaux et continue ses consultations particulières sur le projet de loi 86, Loi modifiant la Charte de la langue française.

Nous sommes rendus à recevoir les représentations de la ville de Montréal, qui sera représentée par son maire, M. Jean Doré. Je vois que M. Doré vient d'arriver. Je lui souhaite la bienvenue et je l'invite à bien vouloir prendre place à la table de nos invités.

Donc, vous êtes le bienvenu, M. Doré, ainsi que la personne qui vous accompagne, que vous voudrez bien nous présenter. Je vous indique, M. Doré, que, comme c'est l'habitude, vous disposerez d'une vingtaine de minutes pour nous faire part de votre point de vue en ce qui concerne la loi 86; ensuite, la conversation, les discussions vont s'engager avec les parlementaires, 20 minutes étant consacrées au parti ministériel, et un autre 20 minutes à l'Opposition.

Donc, M. Doré, si vous voulez bien commencer, vous avez la parole.

Ville de Montréal

M. Doré (Jean): M. le Président, d'abord, peut-être, pour présenter la personne qui m'accompagne: Jean-Robert Choquet, directeur du cabinet du maire et du comité exécutif à la ville de Montréal.

D'entrée de jeu, peut-être, pour dire que je vais peut-être faire une présentation d'une dizaine de minutes; donc, on va pouvoir respecter le temps qui est imparti. Je devrais normalement pouvoir vous quitter autour de 16 h 30 pour reprendre un avion à 17 heures.

D'abord, M. le Président, je voudrais remercier l'Assemblée nationale et les responsables de la présente commission, ainsi que le ministre, M. Claude Ryan, pour avoir convié la ville de Montréal à exposer ses vues sur le projet de loi 86 ayant pour but de modifier la Charte de la langue française. (15 h 40)

Le projet de loi 86 touche de nombreuses dispositions de la Charte. Aussi, je me limiterai aux considérations qui sont d'un intérêt immédiat pour mon administration, soit principalement les dispositions qui ont trait à l'affichage commercial, et certaines dispositions qui touchent à la langue d'affichage des organismes publics.

C'est un lieu commun, la composition démolinguistique de Montréal et de sa région tranche significati-vement avec celle du reste du Québec. Avec un peu plus de 1 000 000 d'habitants en 1991, Montréal est la seule métropole francophone d'Amérique du Nord, et c'est un héritage auquel l'ensemble des citoyens et citoyennes de notre ville sont profondément attachés. Mais Montréal est également une société cosmopolite où se côtoient 642 000 francophones, 135 000 anglophones et 242 000 allophones issus de plus de 80 communautés culturelles différentes. Les premières communautés francophones et anglophones établies à Montréal, ainsi que les communautés d'origines diverses qui ont immigré au courant des 150 dernières années, ont trouvé des manières de cohabiter qui leur sont propres. Ainsi, le paysage urbain de Montréal reflète-t-il, dans sa complexité, les mouvements de population et les modèles d'établissement que ces dernières ont adopté pour façonner les différents quartiers de la ville. Notre point de vue sur la question linguistique reflète donc nécessairement cette complexité. Il y a, en quelque sorte, un débat linguistique proprement montréalais.

En effet, si la Charte de la langue française s'applique à l'ensemble du territoire québécois, c'est sans aucun doute sur l'île de Montréal et à l'intérieur des limites de notre ville que la question des rapports entre les communautés francophones et anglophones se pose avec le plus d'intensité, et j'ajouterais de complexité.

En fait, au Canada, c'est à Montréal que les effets superposés des politiques linguistiques des États canadien et québécois produisent le plus d'ambivalence et de contradictions. Ces politiques linguistiques coexistent, chacune dans leurs sphères de compétences législatives, dans un état d'équilibre précaire influencé par un ensemble de facteurs politiques, sociologiques et juridiques. À Montréal, qu'on le veuille ou non, ces querelles politico-juridiques ont conditionné le quotidien des rapports entre les communautés francophones et anglophones. La situation est d'autant plus délicate et complexe que c'est la seule ville cosmopolite au Canada où les questions de l'immigration internationale et de l'intégration des immigrants à la société d'accueil se posent inéluctablement en fonction de la question linguistique. Avec une population composée de 24 % d'allophones, l'immigration est devenue un jeu central de la situation linguistique si particulière à la société québécoise.

Nous avons tenu compte de cette complexité et des enjeux en cause lorsqu'il y a 10 ans la formation politique à laquelle j'appartiens recommandait au gouvernement du Parti québécois de mettre fin à l'interdiction totale de l'usage de l'anglais et d'autres langues dans l'affichage commercial et plutôt d'autoriser cet usage pour les petits commerces, tels que définis par la Charte, et pour certains commerces spécialisés.

En 1988, à l'occasion du débat sur le projet de loi 178, nous faisions une recommandation similaire au gouvernement du Parti libéral. Les deux gouvernements successifs ont plutôt décidé de maintenir l'interdiction totale de l'usage de l'anglais dans l'affichage commercial extérieur. Les deux conséquences principales de cette décision ont été, d'une part, d'alimenter une contestation juridique qui s'est rendue jusqu'à l'ONU et, d'autre part, de causer entre-temps à l'étranger un tort considérable et injustifié au Québec en général, et à Montréal en particulier.

C'est en pensant aux petits commerçants non francophones, à leur sentiment d'aliénation et à l'importance de la diversité culturelle pour la qualité de vie dans les quartiers que nous avons fait notre proposition.

Je me permets d'ajouter que je ne me sens pas aussi troublé par le sentiment d'aliénation des grandes corporations.

En somme, la position que nous avons mise de l'avant en était une d'équilibre, tenant compte à la fois de la protection du français et de la nécessité de mieux refléter le pluralisme linguistique de la population montréalaise. De plus, cette mesure serait loin d'avoir un effet marginal, car, sur le territoire de la ville de Montréal, plus de 62 % des commerces seraient concernés. Même si elle ne caractérise pas les entreprises de la même manière, c'est une position assez semblable qui est présentée par le Conseil de la langue française. Ce qui est sous-jacent à ce genre d'orientation, c'est qu'une politique d'affichage doit être équilibrée, viser le consensus le plus large possible au lieu d'être menée par virages subits et successifs, passant de l'interdiction totale à l'ouverture totale pour risquer, éventuellement, de retomber dans l'interdiction.

En ce qui concerne la signalisation routière, nous privilégions, bien sûr, dans la mesure du possible, la forme pictographique pour permettre à toute personne, au-delà des barrières linguistiques et culturelles, de circuler en toute sécurité. Lorsqu'il n'existe pas de pictogramme approprié, il apparaît tout à fait normal de pouvoir utiliser l'anglais en plus du français en matière de santé et de sécurité.

Par ailleurs, il est important de poser des gestes concrets pour améliorer l'information pour nos visiteurs. Montréal souhaite plus de latitude, par exemple, pour être en mesure d'utiliser l'anglais et même l'espagnol dans ses équipements récréotouristiques fréquentés par de nombreux touristes.

Cette souplesse devrait également s'appliquer à d'autres aspects de la vie municipale. Par exemple, nous présentons, actuellement, une exposition à la Maison de la culture de Notre-Dame-de-Grâce qui porte sur l'histoire de la communauté anglophone à Montréal. L'information ne peut pourtant être disponible qu'en français. Le moins que je puisse dire, c'est que ce genre de situation ne contribue pas à faire avancer la cause du français chez mes concitoyens anglophones.

Telle est, donc, M. le Président, grosso modo, la contribution présentée par Montréal à la réflexion menée par la commission parlementaire sur le contenu du projet de loi 86. Pour ma part, je continuerai, parce que je considère que c'est mon rôle de le faire, de travailler au rapprochement de l'ensemble de mes concitoyens et de travailler surtout au développement d'attitudes positives et convergentes. Ce travail de rapprochement tient à l'intérieur des balises suivantes:

Premièrement, que les anglophones et leurs leaders reconnaissent le droit des francophones de prendre les moyens législatifs pour faire respecter la primauté du français au Québec, et particulièrement à Montréal; autrement dit, qu'ils reconnaissent la légitimité de la Charte de la langue française.

Deuxièmement, que les francophones et leurs leaders reconnaissent les droits historiques ainsi que le rôle important des anglophones dans le développement du Québec, et singulièrement de Montréal, pour le présent et pour l'avenir.

Et troisièmement, que tous reconnaissent que la situation unique de Montréal, métropole du Québec, où les francophones ont pris leur place tout en coexistant harmonieusement avec une communauté anglophone dynamique, alliée au fait qu'une partie substantielle de ses concitoyens, dis-je, maîtrisent non seulement deux grandes langues internationales, mais souvent même trois ou quatre, que cette situation unique, donc, constitue un avantage extraordinaire dans le monde où nous allons vivre, et j'ajoute: devrait même être un objet de fierté.

Alors, voilà, M. le Président, pour l'essentiel, la contribution que je voulais, au nom de la ville de Montréal, apporter à l'éclairage de la commission dans le débat qui se poursuit au sujet des amendements apportés à la Charte par la loi 86, et, comme vous l'avez souligné dès le départ, plus particulièrement en ce qui concerne les dispositions qui touchent l'affichage commercial. Je suis disposé, bien sûr, à répondre à toutes les questions que les membres de la commission voudront bien m'adresser.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le maire. M. le ministre.

M. Ryan: Alors, il me fait plaisir d'accueillir le maire de Montréal et son directeur de cabinet, au nom de la représentation ministérielle au sein de cette commission.

Je m'aperçois que le message que vous nous apportez est pratiquement le même que celui que vous avez donné l'autre jour au Canadian Club en ce qui touche la question linguistique; Je pense qu'on sent dans votre intervention une compréhension de la réalité montréalaise qui fait souvent défaut quand on en discute à Québec, et je l'apprécie.

Il y a un certain nombre de points de votre mémoire qui sont assez proches du contenu du projet de loi. Quand vous parlez, par exemple, de la signalisation routière, je pense que vos observations trouvent réponse dans l'article 4 du projet de loi, n'est-ce pas?

M. Doré: Tout à fait, M. le Président.

M. Ryan: Merci. Je voulais qu'il y ait un signe pour le compte rendu. Ha, ha, ha!

M. Doré: Oui, oui. Ha, ha, ha!

(15 h 50)

M. Ryan: Deuxièmement, quand vous dites que Montréal souhaite obtenir plus de latitude pour être en mesure d'utiliser l'anglais et même l'espagnol dans ses équipements récréotouristiques fréquentés par de nombreux touristes, de même que dans des initiatives à caractère culturel, comme cette exposition qui se tient présentement à Notre-Dame-de-Grâce sur la communauté anglophone à Montréal, je crois que ces

préoccupations trouvent leur réponse dans le même article du projet de loi, l'article 4, deuxième alinéa, lorsqu'on dit: «Toutefois, le gouvernement peut déterminer, par règlement, les cas, les conditions ou les circonstances où l'administration peut utiliser le français et une autre langue dans l'affichage.»

Je ne sais pas si vous trouvez dans cet article... Évidemment, sujet à ce que le contenu d'un éventuel règlement soit connu, je vous le concéderai sans difficulté.- Je pense qu'au niveau du texte législatif nous avons, dans ceci, des éléments qui permettraient de répondre aux inquiétudes de la ville de Montréal de manière positive. En tout cas, nous y avons pensé. Je ne sais pas si...

M. Doré: Écoutez, M. le ministre, mon commentaire serait que si telle est, en lisant l'article 4, la portée qu'éventuellement le gouvernement serait appelé à donner à la disposition qui dit que par règlement on peut fixer les conditions et circonstances où l'administration peut utiliser le français et une autre langue, et qu'on retrouvait là, dans l'intention du gouvernement, un éventuel règlement qui pourrait permettre d'assouplir ou de corriger la situation actuelle, je pense que ça pourrait répondre... Évidemment, je n'ai pas... Vous admettrez avec moi que, comme on n'a pas vu les projets de règlements, je ne pouvais pas savoir que telle était votre intention, mais je prends bonne note que ça pourrait nous permettre de régler un problème.

Je vais vous donner un exemple. Je souligne qu'on vient d'installer, sur le domaine public à Montréal, divers panneaux de signalisation dans la ville qui sont accompagnés d'affiches commerciales. Sur ces panneaux, notamment dans les quartiers touristiques, on pourrait estimer qu'il serait peut-être souhaitable que dans certains cas, outre le français, nous puissions utiliser d'autres langues; actuellement, ce n'est pas possible. Si vous me dites qu'éventuellement ces modalités pourraient être balisées dans un éventuel règlement, je pense que ça pourrait répondre à des préoccupations qui sont les nôtres.

M. Ryan: Oui. Nous avons pensé, en particulier, au cas d'une institution comme le Jardin botanique, un bon exemple, ça, d'endroit où un certain usage d'une ou de quelques autres langues serait tout à fait indiqué, étant donné la mission de l'institution, le genre de public qui s'y présente, etc. Ça va?

M. Doré: Ça va, M. le ministre.

M. Ryan: Un petit peu plus avant, vous dites dans votre mémoire que la législation actuelle, autant la première version que la version retouchée par la loi 178, ont causé à l'étranger un tort considérable et injustifié au Québec, et à Montréal en particulier. Pourriez-vous donner quelques explications de cette affirmation, M. le maire?

M. Doré: Ce à quoi nous faisons référence, M. le ministre, c'est, bien sûr, particulièrement aux dispositions aussi bien de la loi 101, à l'époque, que de la loi 178 qui comportaient l'interdiction de l'usage de l'anglais ou d'une autre langue dans l'affichage commercial qui ont pu être interprétées... On sait que, au fur et à mesure où le message se répète, il peut se déformer en cours de route et donner l'impression d'une société qui, par l'interdiction pure et simple, pouvait être marquée au coin d'une certaine forme d'intolérance.

J'ai eu l'occasion, à diverses reprises dans des tournées de promotion, notamment en Amérique du Nord, que ce soit sur New York ou ailleurs, de devoir répondre et corriger des perceptions souvent erronées ou déformées de la réalité sans pour autant nier le fait que les dispositions linguistiques comportaient une interdiction que nous aurions souhaitée être balisée, et c'est le sens de ce que nous présentions historiquement depuis 10 ans. Intuitivement, nous avons toujours estimé que l'interdiction totale, pour des individus, de l'usage de l'anglais ou d'une autre langue dans l'affichage pouvait comporter, pour eux, un sentiment d'aliénation; mais il y a, à mon point de vue, indéniablement amplification de cette situation, vue de l'étranger, et particulièrement de l'Amérique, qui a comporté, pour le Québec en général et pour Montréal en particulier, le fait qu'elle pouvait constituer une terre inhospitalière pour des fins de développement économique, du fait qu'on la percevait comme étant intolérante et excluant toute forme d'usage de l'anglais. C'est le sens de la démarche, enfin, de l'affirmation qui est contenue dans le texte de présentation.

M. Ryan: Justement, certaines dispositions de la Charte ont donné lieu à des jugements sévères de la part des tribunaux à tous les échelons de responsabilité: la Cour supérieure, la Cour d'appel, la Cour suprême. Plus récemment, une autre instance a été appelée à se prononcer, le Comité des droits de l'homme de l'Organisation des Nations unies. Est-ce que vous trouvez que la solution que vous mettez de l'avant, autoriser l'affichage pour les petits commerces de quatre employés et moins, est-ce que vous ne pensez pas que ce serait de nature à faire renaître les mêmes difficultés juridiques que nous avons connues au cours des dernières années, à moins que le gouvernement ne décide de recourir de nouveau à la clause «nonobstant»?

Vous savez que, dans son rapport, le Comité des droits de l'homme des Nations unies a considéré que des dérogations à des droits aussi fondamentaux que la liberté d'expression ne devraient être permises que dans des situations fort différentes de celles où nous sommes. En somme, est-ce que vous ne pensez pas que la solution assez restreinte que vous proposez ne fera pas renaître les mêmes difficultés que nous avons vécues depuis quelques années?

Le Président (M. Doyon): M. le maire.

M. Doré: Merci, M. le Président.

Écoutez, M. le ministre, je vais d'abord donner l'esprit dans lequel nous apportons notre contribution, et dans lequel nous avons mis de l'avant ces recommandations, comme je l'ai évoqué à divers moments au cours des 10 dernières années.

L'esprit qui sous-tend cette recommandation est de réconnaître que, pour des personnes... Nous avons utilisé, dans la recommandation que nous faisions en 1983 à une commission parlementaire qui se tenait ici, à l'Assemblée nationale, ce que la loi prévoyait; la loi faisait déjà une distinction entre les petits commerces et les autres. On disait que pour les petits commerces de quatre employés et moins on pouvait, outre le français, utiliser l'anglais ou une autre langue à l'intérieur. Et nous avions dit: Ce qui est permis à l'intérieur devrait l'être à l'extérieur. Et on l'a dit dans l'esprit suivant: Généralement, ces commerces ont pour caractéristique d'être la propriété d'individus, des petits commerces familiaux, et il est clair dans notre esprit que l'interdiction totale de l'usage de l'anglais ou d'une autre langue portait atteinte à leur droit et à leur liberté d'expression, à telle enseigne que la Charte de la langue française adoptée en 1977 le prévoyait, prévoyait déjà qu'on ne pouvait pas l'interdire à l'intérieur des commerces. On disait: Dans l'affichage, oui, mais à l'intérieur pour les petits commerces...

Je dirais, intuitivement, que le législateur a prévu qu'il était normal que, outre le français, un petit commerçant anglophone ou un petit commerçant d'autre origine puisse utiliser l'anglais ou une autre langue. Dans le fond, c'est de reconnaître que les commerces propriété d'individus sont dans une catégorie un peu différente que les commerces, peut-être, de grandes entreprises, corporations, capital-actions ou personnes morales.

Nous avons, encore une fois, utilisé... Il ne faut pas rester accroché au chiffre de quatre employés et moins. Nous le répétons, parce qu'il était comme tel prévu dans la loi, comme la Charte de la langue française prévoit d'autres chiffres: la francisation des entreprises se fait pour les entreprises de 50 employés et plus; ça pourrait être 25, ça pourrait être 75, on l'a fixé à 50.

En ce sens-là, notre position est assez assimilable à l'avis qu'a rendu le Conseil de la langue française. Le Conseil, dans le fond, dit: Ce n'est pas tant le nombre que la propriété individuelle des commerces, faisant une distinction entre la propriété individuelle, faisant une réserve en disant: Dans le cas des individus qui se sont incorporés pour diverses raisons, y compris fiscales, il faudrait également tenir compte que, maintenant, les lois permettent à une corporation d'exister avec une seule personne, mais ils font une distinction entre ça et les personnes morales ou les grandes corporations.

Il est clair que nous n'avons pas demandé un avis, nous n'avons pas engagé des sommes du budget municipal pour demander à notre contentieux de développer un avis élargi sur: Dans quelle mesure la proposition, la contribution qu'on met de l'avant pourrait passer le test auquel vous avez fait référence, du jugement de la Cour suprême. Mais le Conseil de la langue française a déposé un avis, qui est celui de M. Woehrling. Cette opinion de M. Woehrling dit essentiellement que, eu égard à une modification, ce qui est en cause, encore une fois, c'est l'interdiction. Si, plutôt que de l'interdiction, on avait une approche balisée qui dirait: Les individus propriétaires — c'est ce que dit le Conseil — pourraient utiliser, outre le français, l'anglais ou une autre langue, l'opinion de M. Woehrling, c'est que, eu égard à l'évolution et à l'assouplissement qu'a donnés la Cour suprême depuis le jugement sur la réforme, notamment, sur ce qu'on appelle le «test de la raisonnabi-lité» — est-ce qu'il est raisonnable que des limitations puissent être apportées dans une société libre et démocratique? — l'opinion de M. Woehrling est à l'effet qu'une telle proposition, celle qui est mise de l'avant par le Conseil et qui est assez assimilable à la nôtre quant à l'esprit, pourrait passer le test. (16 heures)

Vous avez fait référence à la décision du Comité des Nations unies. En autant que je sache... et là, encore une fois, on n'a pas fait l'exégèse et l'analyse à fond de l'ensemble, enfin du pacte, mais la lecture que j'ai pu faire de cette décision du Comité, en autant que je puisse en juger, ce qui a été mis en cause, d'abord, c'est une plainte d'une personne, d'un individu qui a été jugée. On a jugé que l'interdiction dans l'affichage d'utiliser l'anglais ou une autre langue était une atteinte au pacte sur les droits civils et politiques, notamment au deuxième alinéa de l'article 19.

Je vous soumets, encore une fois, en autant que je puisse en juger, que si c'est plutôt une disposition similaire à celle que l'on met de l'avant ou assimilable à celle que le Conseil met de l'avant, c'est-à-dire de reconnaître aux personnes, aux individus qui sont propriétaires de commerces ou aux corporations qui sont propriété d'un seul individu, la possibilité d'utiliser, outre le français, l'anglais ou une autre langue dans l'affichage, je vous soumets que, vraisemblablement, la décision du Comité des Nations unies aurait pu être différente. Ce qui a frappé le comité, c'était l'interdiction pour une personne de ne pas pouvoir utiliser, outre le français, l'anglais, dans le cas présent de la décision.

En ce sens-là, je vous soumets, M. le ministre, que, autant sous l'angle de la décision de la Cour suprême, et particulièrement des décisions rendues depuis l'arrêt Ford, qui ont un peu assoupli, nuancé le test très rigoureux qu'ils ont imposé dans le premier arrêt qui a invalidé des dispositions de la loi 101 et qui ont amené la loi 178, autant dans l'examen qu'en a fait le Comité des Nations unies et les raisons sur lesquelles il s'est appuyé pour considérer que les dispositions interdisant l'usage de l'anglais dans la loi 178 étaient contraires à l'esprit et à la lettre du deuxième alinéa de l'article 19, je vous soumets que ce qu'on met de l'avant, ou à tout le moins ce qu'on peut assimiler à celles aussi du Conseil de la langue française, pourrait, effectivement,

passer le test et que, conséquemment, il ne serait pas nécessaire d'utiliser une exception, qui est le «nonobstant», pour qu'elles puissent résister à cet examen.

Le Président (M. Doyon): M. le ministre.

M. Ryan: Je vous dirai, tout d'abord, là, M. le maire, que nous avons examiné soigneusement cette distinction...

M. Doré: Ah, ça, je n'en doute pas.

M. Ryan: ...et que nous en sommes venus à une conclusion contraire. Je vous rappellerai aussi que le rapport du Comité des droits de l'homme de l'Organisation des Nations unies a conclu essentiellement que le discours commercial fait partie de la liberté d'expression. Il n'a pas établi les distinctions que vous suggérez et, parmi les requérants qui se présentaient à lui, il y avait un M. Mclntyre dont l'entreprise, Kelly Funeral Home Inc., est une entreprise incorporée. Quand on entre dans ce genre de ^distinctions, où est-ce qu'on va établir les critères? Je pense bien que le critère de société incorporée ne suffit pas, parce qu'on éliminerait un paquet d'entreprises avec ça. Où est-ce qu'on va trouver le critère, exactement, qui serait de nature à satisfaire aux exigences découlant de l'association qui est établie par tous les tribunaux saisis de ces dossiers jusqu'à ce jour et par le Comité des droits de l'homme des Nations unies en discours commercial des libertés d'expression?

C'est là qu'est le problème, puis, quant à vouloir le résoudre, il faut qu'on le résolve de manière logique et cohérente. On ne peut pas arrêter en cours de route parce qu'on se dit: Passé 5, ça va déplaire, ça va créer des problèmes et tout. Comme vous le disiez justement, le chiffre qu'on choisit est arbitraire de toute manière. Nous avons même examiné le chiffre 50, parce qu'il aurait permis de faire la jonction avec d'autres passages de la Charte qui sont intéressants, puis on se disait: Les mêmes risques vont exister à ce moment-là.

Mais je suis sympathique quand même au point de vue que vous avez exprimé, M. le maire. Je ne voudrais pas m'attarder davantage et laisser d'autres députés poser des questions pour l'instant. J'aurai peut-être quelques...

M. Doré: Étant donné... Excusez-moi, M. le ministre. Je ne voulais pas vous interrompre, mais je...

M. Ryan: J'aurai peut-être quelques remarques complémentaires.

M. Doré: Oui. Je suis convaincu que le gouvernement peut être, et je l'ai exprimé spontanément... Je ne doute pas que le gouvernement puisse disposer d'avis juridiques qui puissent arriver à des conclusions contraires à celles rendues publiques par le Conseil de la lan- gue, accompagnant son avis qui est signé par le juriste de la Faculté de droit de l'Université de Montréal, M. Woehrling. D'une certaine façon, je dirais qu'à la limite la seule réponse véritable à cette question, ce serait de refaire le test dans une nouvelle disposition.

Cela dit, oui, le discours commercial est jugé faisant partie des droits, mais, encore une fois, le test était davantage centré sur un appel d'un individu, dans le cas de l'ONU.

Vous savez, votre question était de dire: Est-ce que vous pensez qu'on ne serait pas obligé d'utiliser le «nonobstant»? Ma réponse a été de dire: Je pense, quand j'examine la tendance de la jurisprudence de la Cour suprême et quand j'examine aussi les motifs au soutien de l'avis des Nations unies, qu'une disposition qui reconnaîtrait aux personnes, aux individus, y compris aux individus qui ont utilisé la fiction juridique de la corporation mais qui sont les propriétaires de leur entreprise, la possibilité d'utiliser, outre le français, l'anglais ou une autre langue dans l'affichage pourrait passer le test, et c'est l'avis de M. Woehrling.

Je dirais, d'une certaine façon: J'imagine que c'est un peu aussi l'avis des juristes du gouvernement d'estimer... Quand j'examine l'article 17 du projet de loi 86, et particulièrement le deuxième alinéa de l'article 17... le troisième alinéa, en fait, de l'article 17 où, après avoir affirmé qu'on peut utiliser, outre le français, une autre langue pourvu que le français y apparaisse de façon nettement prédominante, on ajoute «le gouvernement peut déterminer, par règlement, les cas, les conditions ou les circonstances où l'affichage public et la publicité commerciale doivent se faire uniquement en français ou peuvent se faire sans prédominance du français ou uniquement dans une autre langue».

Évidemment, ce pouvoir de réglementation vise plusieurs cas. Parmi ceux-là, j'ai compris — en fait, vous me corrigerez si mon impression était inexacte — que, vraisemblablement, pour aviser par règlement que, dans le cas des panneaux-réclame, par exemple, des panneaux-réclame en particulier, on puisse maintenir par règlement l'obligation de n'utiliser dans le discours commercial que le français. Il s'agirait donc, au principe général de l'article 17, d'une exception que le règlement prévoirait pour des considérations qui seraient déterminées par le gouvernement, notamment peut-être celle de garder un visage français à travers les différents panneaux-réclame. Mais puisqu'on n'a pas utilisé le «nonobstant» dans la loi, j'en conclus vraisemblablement que les juristes ont dû évaluer que même si, par règlement, on limitait le principe général, on pourrait vraisemblablement le faire dans une limite qui passerait le test de raisonnabilité tel qu'il a été assoupli par la Cour suprême.

Alors, je dirais, a contrario: la proposition qu'on met de l'avant et qui s'assimile à celle du Conseil pourrait vraisemblablement également passer le test. Sans ça, j'imagine que si on pensait qu'on pouvait éventuellement interdire l'usage de l'anglais ou d'une autre langue et de ne conserver que l'unilinguisme dans les panneaux-

réclame, si ça ne passait pas le test, on serait obligé de mettre un «nonobstant». Si on ne l'a pas fait, c'est qu'on estime qu'il peut le faire et, conséquemment, je pense que le même raisonnement, a contrario, peut s'appliquer par la proposition qu'on met de l'avant.

Le Président (M. Doyon): Une brève remarque de conclusion, M. le ministre. Le temps est terminé.

M. Ryan: Là-dessus, encore une fois, je vous répète que nous avons étudié toutes les formules possibles. Quand nous avons prévu la possibilité d'un régime d'exception pour les panneaux-réclame, nous avons considéré que c'est le plus loin que nous pouvons aller dans l'état actuel du dossier. Et nous ne voulons pas reprendre tout le cheminement qui a été fait ces dernières années parce que là, justement, la saga que certains prétendent vouloir éviter, on la reprendrait de plus belle et, avec les jugements qui seraient passés à différents niveaux, on n'en finirait pas de débattre cette question-là. Il faut qu'on agisse avec le maximum de sécurité possible, je pense qu'on convient de ça.

Maintenant, la détermination du niveau de sécurité. Nous écoutons les opinions qui nous sont données avec respect, nous les examinons soigneusement, mais il faudra tirer la ligne quelque part.

J'apprécie énormément l'esprit dans lequel vous nous faites part de vos observations et vous assure, comme dans les autres dossiers, de notre collaboration cordiale.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le ministre.

Mme la députée de Chicoutimi, j'indique à l'Opposition officielle que, comme d'habitude, étant donné que le député de D'Arcy-McGee m'a demandé la parole, vous disposez de 15 minutes et, ensuite, les dernières 5 minutes seront consacrées aux questions du député de D'Arcy-McGee.

Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Oui, M. le Président, une question de directive. Comme M. le maire n'a pas pris toutes ses 20 minutes, est-ce qu'elles ne sont pas, à ce moment-ci, réparties pour former l'heure, comme le veut la coutume?

Le Président (M. Doyon): Oui. Le problème que j'avais, c'était que nous avons commencé avec une dizaine de minutes de retard et, pour respecter l'horaire, l'idée, c'était d'avoir les 20 minutes prévues. Si la commission y consent, je n'ai pas d'objection.

Une voix: II doit quitter.

M. Doré: M. le Président, si vous me permettez, c'est un peu ma faute, j'ai été retenu à l'entrée par des journalistes.

Mme Blackburn: C'est la faute des journalistes!

M. Doré: Donc, j'ai retardé un petit peu le début, je m'en excuse profondément, mais j'ai peut-être indiqué tout à l'heure que je reçois à l'hôtel de ville, à 18 heures, les recteurs des universités canadiennes. C'est un événement qui est prévu depuis 3 mois.

Mme Blackburn: Bien.

M. Doré: II faut que je prenne l'avion à 17 heures. Donc, c'est pour ça que j'ai raccourci ma présentation, pour être sûr que je ne brime pas le droit de personne. En respectant le délai qu'on m'avait imparti, qui est 16 h 30, qu'on passe à une prochaine personne, ça m'aiderait beaucoup à prendre l'avion à 17 heures. (16 h 10)

Le Président (M. Doyon): C'est ce que j'avais compris, M. le maire.

Mme Blackburn: Je me rends...

Le Président (M. Doyon): Donc, une quinzaine de minutes, 15 minutes, Mme la députée.

Mme Blackburn: Je me rends à vos arguments, M. le maire.

M. Doré: Merci beaucoup, Mme la députée.

Mme Blackburn: Je voudrais vous souhaiter la bienvenue à cette commission, au nom de l'Opposition officielle, et vous dire qu'on est d'autant heureux de vous retrouver là que les deux unions municipales se sont désistées: d'abord, l'UMRCQ, et aujourd'hui nous apprenons également que l'UMQ ne viendra pas se présenter devant cette commission. Votre témoignage est particulièrement important parce que votre situation est unique au Québec. En fait, j'ose dire que votre témoignage envoie un message à tout le Québec de ce qui représente votre intention et votre perception des problèmes, parce qu'ils sont uniques, je le rappelle, à Montréal, et ce n'est pas parce qu'ils sont uniques qu'ils n'ont pas des répercussions importantes et majeures sur tout le Québec.

Alors, je voudrais juste rappeler que c'est un projet de loi majeur, qui contient 65 articles, dont seulement 10 articles touchent l'affichage; le reste des articles touchent à la fois la langue de la justice, de l'administration, de l'enseignement, et consacrent la disparition du conseil de protection de la langue, de la Commission de protection de la langue.

Évidemment, comme vous le rappelez justement, sans les règlements, évaluer l'ampleur des affaiblissements apportés à la loi 101, ça demeure un défi, mais c'est le secret bien gardé du ministre, actuellement.

Vous rappelez avec beaucoup de justesse que l'avis de José Woehrling, conseiller juridique du Conseil de la langue, invitait à faire le test de la raisonnabilité à la lumière des récents jugements de la Cour suprême. On prétend même que les dispositions, soit de 178 ou de

101 d'origine, en matière d'affichage commercial, pourraient traverser ou être jugées raisonnables.

Par ailleurs, ce qu'il faut ajouter, en ce qui a trait à l'avis du Comité des Nations unies: il n'y a pas une urgence extrême à se conformer à l'avis du Comité des Nations unies puisqu'il y a un précédent; ce Comité a rendu un jugement en 1984 sur ce qu'on appelait la cause Lovelace, dans le cas des femmes autochtones qui épousaient un Blanc et qui perdaient leur statut. Le gouvernement canadien ne s'est conformé à l'avis de ce Comité que quatre ans plus tard. Alors, le temps nécessaire au test de raisonnabilité, le gouvernement du Québec, s'il avait choisi de le faire, aurait eu amplement le temps et il serait probablement rentré largement dans les délais que le gouvernement canadien avait observés alors.

Je ne procéderai pas à une période de questions, je voudrais passer la parole à mes collègues de la ville de Montréal, et particulièrement à la députée de Hochelaga-Maisonneuve, qui est porte-parole de Montréal, pour Montréal, au nom de l'Opposition officielle, et au député d'Anjou, M. Bélanger.

Mme Harel: Alors, M. le Président... Ha, ha, ha!

Le Président (M. Doyon): Oui, oui, oui, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve. Excusez-moi.

Mme Harel: Merci. Merci, M. le Président.

Alors, M. le maire, vous réitérez devant la commission ce qu'on peut appeler la position historique de votre parti, le Rassemblement des citoyens et citoyennes de Montréal. J'avais eu l'occasion, lors de votre allocution, le 17 mai dernier, devant le Cercle canadien, d'en prendre connaissance. Vous disiez notamment qu'il était paradoxal qu'il soit refusé aux petits commerçants un droit qu'ils réclamaient alors qu'on s'apprête à donner aux grands magasins un droit qu'ils n'ont jamais demandé.

En vous écoutant, je me suis demandé quel était votre point de vue sur une des dispositions du projet de loi qui, moi, m'inquiète particulièrement et dont on n'a pas beaucoup parlé, et qui, pourtant, pour des Montréalais et Montréalaises, est omniprésente, c'est-à-dire la question des raisons sociales. Vous la retrouvez, cette disposition, à l'article 21, et on y constate que, contrairement à l'affichage, dont la règle serait la prépondérance du français, en ce qui concerne les raisons sociales, l'utilisation de l'une et l'autre langue se ferait sans prépondérance. Et, pourtant, dans la réalité quotidienne de Montréal, c'est surtout de raisons sociales dont il est d'abord question. Si on déambule à pied, en autobus ou en auto, c'est des raisons sociales qui nous parlent d'abord, avant même que ce soit l'affichage. Je sais que vous n'avez pas pu faire une étude élargie de toute la loi, mais, étant donné que toute cette question d'affichage vous intéresse au plus haut point, étant donné que le gouvernement a jugé bon de dissocier la question de la raison sociale de celle de l'affichage, quel est votre point de vue là-dessus?

M. Doré: Je dois dire très honnêtement, Mme la députée, que quand j'ai fait l'examen, la lecture du projet de loi 86, l'article 21 ne m'a pas particulièrement frappé comme étant... Peut-être que je n'en saisis pas la portée. Je ne vois pas... Honnêtement, je ne vois pas trop trop comment on puisse avoir un problème... Je prends une entreprise bien connue, qui est Canadian Tire. Je verrais mal comment on pourrait exiger que cette entreprise, qui est connue sous ce nom anglais, puisse s'appeler «Pneus canadiens inc.» Enfin, cela dit, quand je dis ça, je ne veux pas être sarcastique. Je dis: Le nom de l'entreprise est Canadian Tire. Cela dit, elle n'utilise pas uniquement sa raison sociale. Elle pourrait très bien faire de la réclame à l'extérieur qui pourrait utiliser et qui, à mon point de vue, devrait continuer de devoir n'utiliser que le français, même si le nom de l'entreprise est connu par un nom anglais. Il y en a un certain nombre, de ces entreprises, Toys R Us, je pense, qui est une entreprise américaine dans le domaine des jouets et qui s'appelle... qui est une entreprise qui est connue, en fait, dans divers pays sous ce nom-là.

Cela dit, même chose encore une fois dans ma vision à moi des choses et celle de mon parti et de la ville de Montréal: ces entreprises ne seraient pas assujetties à la capacité d'utiliser, outre le français, l'anglais dans l'affichage. Quand je disais... Vous avez cité...

Mme Harel: Vous permettez... M. Doré: Oui. Allez-y.

Mme Harel: ...M. le maire? Vous notiez justement que 62 % des commerces établis à Montréal employaient moins de cinq personnes; il s'agissait donc de petits commerces, et non pas de grandes entreprises comme Canadian Tire, qui utilisaient «pâtisserie» plutôt que «bakery». Donc, on comprend que les raisons sociales, dorénavant, pourraient être profondément modifiées.

D'autre part, on ne connaît pas les règlements. Alors, là, c'est encore une incertitude tant pour l'affichage que pour la raison sociale puisqu'on prévoit, dans des règlements qui nous restent encore inconnus, qu'il pourra y avoir, selon les cas, les circonstances et les conditions, des dispositions pour déterminer, en fait, l'affichage ou des raisons sociales sans prédominance du français ou en anglais seulement.

Alors, je comprends que, sur cette question des raisons sociales, vous n'avez pas envisagé de changements substantiels en regard de ce qui est proposé dans le projet de loi 86 par rapport à la réalité actuelle.

M. Doré: On a assimilé la question des raisons sociales, honnêtement, à l'ensemble de l'affichage commercial et on a exprimé, dans la contribution qu'on vous fait aujourd'hui, le fait que pour les commerces propriété d'individus, pour les petits commerces, ça nous semblait normal qu'ils puissent, outre le français,

utiliser l'anglais. Évidemment, je comprends que le projet de loi, s'il retenait cette suggestion, prévoirait par règlement comment se déterminerait la prédominance du français, ce qui...

Mme Harel: En matière de raison sociale, il n'y a pas de prédominance prévue dans le projet de loi.

M. Doré: Oui, je comprends, et ce que je dis, c'est que de façon générale, ce que les commerces annoncent, c'est ou le nom du commerce ou la nature du commerce, et je ne pense pas que, eu égard aux dispositions qui sont prévues... J'en ferai peut-être une analyse plus cursive, mais ça ne m'a pas frappé comme étant une modification substantielle par rapport à l'esprit général qui était notre recommandation sur la possibilité d'utiliser, outre le français, l'anglais ou une autre langue pour les petits commerces ou les commerces propriété d'individus.

Mme Harel: Une dernière question, M. le maire. Aujourd'hui même, le Conseil de la langue française publiait ou rendrait public plutôt un document intitulé «Contextes de la politique linguistique québécoise», en fait, un document de 180 pages qui est aujourd'hui disponible en librairie, qui vient d'être publié aux Publications du Québec, qui nous indique les contextes à la fois juridiques, économiques, démographiques dans lesquels évolue toute cette question linguistique.

J'aimerais peut-être simplement vous faire commenter, puisque vous êtes parmi nous, profiter de votre passage parmi nous pour vous faire commenter cette déclaration qui est faite en introduction de cette publication et qui dit ceci, à la page 14: «Les courbes de migration et les taux de natalité des années quatre-vingt-dix laisseraient présager une défrancophonisation relative de l'île de Montréal.» (16 h 20) toujours à la page 14: «les données déjà connues relatives à la langue maternelle suggèrent que la composition linguistique de la région de montréal est en voie de subir des changements substantiels. après avoir augmenté de façon constante à partir du début des années soixante-dix, le pourcentage des francophones de l'agglomération montréalaise est tombé, en 1991, à des niveaux inférieurs à ceux de 1981. ce qui est encore plus important d'un point de vue historique, c'est l'augmentation massive du pourcentage des allophones dans la population de la région, lequel est passé de 13,4 %, en 1986, à 16,1 % en 1991.»

Les auteurs considèrent une précarisation et une fragilité du fait français, présentement. Est-ce que c'est là également votre opinion?

M. Doré: J'ai eu l'occasion d'exprimer en commission parlementaire, sur l'énoncé de politique en matière d'immigration, que, pour peu que nous puissions prendre les moyens et nous donner les moyens de nos stratégies, le Québec et Montréal pouvaient consti- tuer une terre d'accueil qui pouvait s'enrichir au plan économique, comme au plan communautaire et au plan social, par une politique relativement ouverte en cette matière. J'insiste sur la nécessité de nous donner les moyens de nos stratégies, ce qui veut dire, notamment dans le domaine scolaire, puisqu'une partie de l'intégration va dans le domaine scolaire, de l'obligation non seulement pour les immigrants de s'intégrer à l'école, mais que l'école soit outillée pour les accueillir. Ça faisait partie de recommandations qu'on a faites en commission parlementaire sur un autre aspect de la loi.

Cela dit, je n'ai pas eu l'occasion de prendre connaissance, bien sûr, de ce document qui est rendu public aujourd'hui; donc, je vais en prendre connaissance avec intérêt. Je veux simplement souligner un élément quand même important: Quand on examine les chiffres de 1991, on se rend compte qu'une bonne partie de la croissance démographique qui s'est faite dans l'ensemble des couronnes, aussi bien à ville de Laval que sur la rive sud, a été d'abord et avant tout le fait d'allophones. L'espèce de vision manichéenne comme quoi les francophones quittent massivement l'île et que la ville de Montréal et l'île deviennent littéralement étrangères à la société québécoise est une fausseté.

Statistiquement parlant, quand on examine les chiffres de 1991, on se rend compte qu'une bonne partie des allophones s'intègrent aussi de façon plus importante. La croissance la plus importante de la ville de Laval et de la rive sud a été celle de nouveaux arrivants, et le départ massif des francophones vers la périphérie au profit d'un Montréal multiethnique est tempéré par les nouvelles données de Statistique Canada pour l'immigration en 1991.

Mme Harel: En fait, en 1991, on peut conclure que c'est toute l'agglomération montréalaise qui est en diminution de francophones.

M. Doré: C'est-à-dire que toute l'agglomération montréalaise... Il y a une croissance relative plus importante des allophones puisqu'on a admis des seuils d'immigration qui sont plus importants que ceux qu'on a eus par le passé, c'est indéniable. Encore une fois faut-il nous donner les outils, maintenant, et les moyens de notre stratégie. J'insiste sur cet élément-là et j'ai été très clair là-dessus lorsque je suis venu témoigner sur l'énoncé de politique en matière d'immigration devant la commission parlementaire.

Le Président (M. Doyon): M. le député d'Anjou, pour une minute.

M. Bélanger (Anjou): Merci, M. le Président.

M. le maire, récemment, les journaux rapportaient vos propos à l'effet que vous doutiez que le projet de loi, tel que présenté, allait apporter une paix linguistique, en particulier, dans la région de Montréal.

Alors, ma première question va être: Est-ce que vous partagez toujours cette opinion? Et maintenant,

est-ce que vous ne pensez pas que la paix linguistique, justement, dépend du fait, est beaucoup redevable du fait qu'on ne remet pas toujours en question les politiques linguistiques? Donc, est-ce que vous n'êtes pas un peu inquiet du large pouvoir réglementaire que s'est donné le gouvernement? Parce que, comme vous le savez, c'est beaucoup plus facile de changer un règlement que de changer une loi. Est-ce que ça ne vous inquiète pas?

M. Doré: Alors, rapidement, M. le Président, lorsque j'ai exprimé l'avis que je souhaitais que le débat que nous reprenons comme société, après celui de 1977, de 1983 et de 1988, en 1993, puisse au moins nous permettre, après tant d'années de débat, de trouver des solutions qui soient des solutions de compromis et qui nous permettent de tourner la page. Les défis de Montréal et de sa région sont des défis importants à relever au plan économique dans le contexte de la restructuration à laquelle on assiste à l'échelle nord-américaine et planétaire. Il est donc fondamental que l'ensemble des éléments de la société montréalaise — anglophones, allophones et francophones — travaillent main dans la main.

Ce qui nous préoccupe, ce qui me préoccupe — et je le réexprime aujourd'hui — c'est de risquer qu'on se retrouve dans une situation où, avec un changement de gouvernement — je l'ai dit tout à l'heure — on passe donc d'une interdiction à une très grande ouverture, au retour à l'interdiction. C'est cette situation-là que je trouvais malsaine et que j'estime qu'en matière d'affichage nous pourrions régler par un compromis qui me semblerait à la fois acceptable du point de vue des droits légitimes et du sentiment d'aliénation que comporte l'interdiction actuelle pour bon nombre de nos concitoyens anglophones, mais qui, en même temps, serait respectueuse de l'équilibre qu'il nous faut atteindre pour garder, de façon claire, le caractère français de Montréal et du Québec, qui est une mesure importante d'incitation et un message important, notamment aux nouveaux arrivants, que la société québécoise est une société qui, du point de vue de la langue de travail, des communications et des échanges, doit primer du point de vue du français.

C'est ça que j'ai exprimé comme préoccupation, et je vous soumets aujourd'hui que j'ai encore cette préoccupation qu'on puisse trouver une solution durable qui fasse qu'on ne reprenne pas ce débat de façon cyclique et qui est, à mon point de vue, contre-productif.

Sur le deuxième aspect, le règlement, je vais juste dire...

Le Président (M. Doyon): Malheureusement... M. Doré: Bon. Alors, voilà, M. le Président.

Le Président (M. Doyon): Autrement, autrement...

M. Doré: ...on ne respecte pas le temps. D'accord.

Le Président (M. Doyon): ...et c'est M. le député de D'Arcy-McGee qui en souffrira. M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Libman: Merci, M. le Président.

M. le maire, needless to say many English-speaking Quebeckers are very disappointed with your recent remarks, your desire to maintain an important ban on English on commercial signs. I have had the opportunity in the past year and a half to attend four functions where you were the guest speaker. And in each of those four instances, you showed considerable political leadership by making it seemingly clear that you opposed many of the restrictions that have alienated Quebec's English-speaking community for the past 15 years.

In November of 1991, in a speech at B'nai Brith's League for Human Rights, you said: «I am convinced that anybody who cares about Montreal's best interest will agree that without a vibrant English component, our city would not achieve its potential. The future history of Montréal has to be written in French and English.»

At a rally, in January of this year, to denounce anti-semitic vandalism, you articulated the very same vision that English-speaking Quebeckers are an equal part of Quebec's society. Much the same message was delivered by you in February of this year at a meeting of the Jamaican Association of Montréal.

And even more recently, on May 4th, at the opening of the exhibition in NDG that you referred to earlier, the inauguration of an exhibition on the first anglophone community of Montréal, you said, and I will read you a few quotes: «Montreal's economic, political, social and cultural life has been indelibly shaped and is continually enriched by the contributions of English-speaking Montrealers.»

Another quote: «If we are going to maintain Montréal as a progressive and human-scale city of the world we believe in, it means celebrating our diversity, and to do this means counting in each and every Montrealer, whatever their race, creed, color or language.»

Another quote: «We need you to stay here and keep building a better Montréal, to share your talents and imagination and to write new chapters in the long and fruitful history of the English-speaking community of Montréal.» End of quote.

Now these words were seen by many English-speaking Quebeckers as very encouraging, leading up to this debate that we all knew would be taking place in 1993. So my question to you today: Therefore, in light of your apparent reversal of the past couple of weeks, what message do you think your recent position sends to English-speaking Montrealers when the «maire» of their city wants to maintain a very wide ban on their language, and this after speaking out very forcefully for

two years about how they are an essential component of Québec society and must remain an essential component of Québec society?

The Government is willing to go a certain distance to remove some of these restrictions. Three quarters of Quebeckers, as recent pools have shown, are ready to go this distance. Why is the «maire» not ready, especially in light of some of the courageous statements you have made over the last couple of years? Would you not be insulted, if you were an anglophone Quebecker, after having heard what you said in the last few weeks?

M. Doré: I hope not. I hope not because I have been consistant. I have always said the same thing. I do not speak with a fork tongue. I have always said the same thing and I have been saying that to all the governments that have adopted linguistic laws.

I have been saying that, as a matter of principle, you cannot ban the use of English or other languages, particularly on commercial signs. I said it in 1983 to the Parti québécois government, I said it in 1988 to the Liberal government and I am saying it today.

I have said — sure, all the things you have quoted are perfectly exact — that the present and the future of Montréal will be written with Anglophones-also, that it is part of our heritage and it is part of the dynamism of our city. But I have always made a distinction in terms of the principle because the ban is affecting, I would say, the alienation of a certain number of Anglophones that have said: How cannot I use my language being part of this society, part of this city, having built it with the Francophones? How can you now send me a message that you are banning the use of my language on, for example, commercial signs?

M. Libman: But you proposed to maintain this ban. (16 h 30)

M. Doré: And I am saying that in making a distinction between that of individuals and the people that are the owners of commercial outlets in Montréal, and that of the Royal Bank, of Canadian Tire, or whatever, the major corporations. I have always said that the...

I do not see major corporations as being affected in their right of expression, notwithstanding the view of the Supreme Court on it, as it is by individuals that are owners of these shops, and that... their right in French. And what I am proposing and I have always been proposing, and I said: We used at the time, in 1983, the exception of the Charter, four employees or less. We could review that, the spirit of what the Conseil de la langue française put together, has said is individual and even one man corporation.

The idea is that I am making a distinction between the individuals that have a right of expression, which commercial signs is part of their liberty of expression, and those of major corporations. That is basically what I am saying. So, I am...

M. Libman: But, you are still maintining a ban, and do not forget the Supreme Court decision did not...

M. Doré: Well, the Government has said that it is not an exclusive and total right. Eventually, on billboards, they will maintain, supposedly they have said by bylaw, that that would be to maintain it in French. So, I mean, there is no absolute situation. The real thing is that individuals that see their right in French, and I have seen them since 1977... We could change that and that is what we propose to do, that is what we have been persistantly saying in the last 10 years, and we have been very consistent about that matter.

M. Libman: But how about the... Juste pour terminer, monsieur...

Le Président (M. Doyon): M. le maire, je ne voudrais pas que le député de D'Arcy-McGee vous fasse manquer votre avion. Il me reste à vous remercier et à vous assurer que vos remarques et tout ce que vous nous avez transmis sera pris de bonne part. Alors, merci beaucoup.

M. Doré: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Doyon): Suspension pour une minute ou deux.

(Suspension de la séance à 16 h 32)

(Reprise à 16 h 33)

Le Président (M. Doyon): S'il vous plaît! La consultation se poursuit en entendant la ville de Québec. Je vois que M. le maire L'Allier est prêt à prendre place à la table de nos invités. Il est accompagné de M. Can-tin. Je leur souhaite la bienvenue et je les prie de... Mme Leclerc, veuillez prendre place.

Vous êtes ici depuis quelques instants, je vous indique que les mêmes règles vont s'appliquer: une vingtaine de minutes pour la présentation de votre mémoire ou un résumé que vous voudrez bien en faire et, après ça, le temps sera partagé de la même façon que nous l'avons fait tout à l'heure: 20 minutes d'un côté, 20 minutes de l'autre.

M. le ministre m'indique qu'il s'est absenté pour une minute ou deux, mais, comme il a pris connaissance de votre mémoire, je pense qu'on peut commencer.

M. le maire, vous avez la parole.

Ville de Québec

M. L'Allier (Jean-Paul): Je vous remercie, M. le Président.

Mesdames et messieurs, je voudrais, en quelques secondes, dire que le sens de ce mémoire, c'est que nous avons, dans la ville et dans la région de Québec, atteint un niveau de paix sociale et linguistique remarquable, que notre grand objectif, comme celui du gouvernement ou

des gouvernements, a toujours été qu'en cette matière on atteigne un haut niveau de respect mutuel et de tolérance, ce que nous avons dans la région. Et, si vous me permettez, je commencerai mon mémoire en citant ce que j'ai toujours connu comme étant un proverbe anglais: «If it is not broken, do not fix it». m. le président, mesdames et messieurs, je garde un assez mauvais souvenir des débats parlementaires qui ont entouré l'adoption de la loi 22 il y a maintenant près de 20 ans. le gouvernement libéral de l'époque, dont je faisais partie, cherchait à satisfaire à la fois la majorité francophone et les minorités anglophones du québec. il hésitait entre deux choix politiques fondamentaux. d'une part, le premier, commandé par son allégeance fédéraliste, voulait pour l'essentiel qu'il se comporte en matière linguistique et culturelle comme le gouvernement de la plus importante minorité canadienne. mais il avait, d'autre part, envie d'être vraiment l'expression de la majorité québécoise, de cette majorité francophone en effervescence et qui se reconnaissait, s'affirmait de plus en plus comme société différente et qui voulait puiser dans cette différence les forces vives de son développement futur. ,

Cette double attirance du Parti libéral a constamment marqué son sort et son évolution, mais il a toujours ultimement et à chaque étape importante choisi, dans les faits, pour de multiples raisons que je laisse à d'autres le soin d'analyser, la première voie: celle du Canada d'abord, où l'on ne peut prétendre à rien d'autre qu'au statut de minoritaire. C'est incontournable et les conséquences le sont tout autant.

Quelques mois plus tard, le 15 novembre 1976, la population, malgré les sondages qui nous étaient favorables, nous jugeait. La loi 22 était trop québécoise pour les minorités anglophones, mais elle n'allait pas assez loin pour la majorité francophone.

Les objectifs que nous avions alors étaient de trouver la paix linguistique et sociale et d'en arriver autant que possible à une harmonie qui permette le développement de la tolérance, mais aussi la reconnaissance du Québec tel qu'il était et tel qu'il se voulait. Par la suite, c'est dans la loi 101 et la Charte de la langue française que la population québécoise s'est le mieux retrouvée et se retrouve encore maintenant. Je suis d'opinion, avec tout le respect que je dois aux parlementaires, que ce que l'on se propose de faire aujourd'hui avec le projet de loi à l'étude aura pour effet de relancer le débat linguistique, de mettre cette paix sociale en danger et de multiplier les actions d'intolérance et, somme toute, d'affaiblir le Québec.

Le statu quo, dans les circonstances et sur l'essentiel des dispositions législatives, conviendrait mieux à l'intérêt public que ce que l'on propose de faire aujourd'hui en jouant dans cette législation à haut voltage.

La langue française au Québec et au Canada sera toujours sous la pression anglophone de l'environnement nord-américain. Même à travers le monde, la langue française n'est pas en progression et, au fur et à mesure que l'économie se tisse sur une même trame, l'anglais s'impose peu à peu comme langue principale, sinon comme langue première des affaires, des échanges, de la technologie et de la science.

Mais, en matière de langue et de culture, rien n'est jamais si simple et rien n'est jamais si facile lorsqu'on veut utiliser la loi et la réglementation. La loi n'a de sens en ces domaines que dans la mesure où elle est l'expression extérieure des politiques et des volontés réelles des gouvernements qui représentent avec force et conviction en ces matières la population qu'ils gouvernent.

Dès lors, lorsque les administrateurs publics et les partis politiques, autant que les gouvernements qui en émanent, ne donnent pas spontanément cette impression qu'il y a, en matière de langue et de culture, des questions fondamentales qui ne sont pas négociables et pour lesquelles ils cherchent autre chose que les plus petits communs dénominateurs ou l'abri facile des parapluies judiciaires, c'est tout naturellement le poids et, derrière lui, la règle de l'autre majorité qui s'appliqueront dans le quotidien.

Aucune minorité culturelle et linguistique ne peut vivre très longtemps si le plus grand nombre de ceux qui la composent à tous les niveaux économiques et sociaux, en région comme en ville, ne sont pas convaincus qu'ils sont eux-mêmes quelque chose, qu'ils font partie d'une collectivité qui mérite et qui travaille non seulement pour survivre mais aussi pour se développer, parce qu'elle est à la fois dynamique, originale et réelle et qu'une grande partie de son potentiel se trouve précisément dans sa propre culture.

Il ne s'agit pas de nationalisme rétrograde, d'odeur de fleurs de lys, de frous-frous de drapeau, d'esprit «anti quoi que ce soit», il s'agit plutôt, M. le Président, d'un état d'esprit, d'une reconnaissance fondamentale, et pour nous-mêmes, de ce que nous sommes et de ce que nous voulons être.

On ne peut pas demander aux anglophones et aux autres groupes ethniques de défendre pour nous, plus et mieux que nous des choix que nous hésitons à faire et à défendre quant à la reconnaissance de ce que nous sommes. En choisissant nous-mêmes le statut de minoritaire, comment imaginer que ceux qui nous viennent d'ailleurs ne choisissent pas naturellement et logiquement de s'associer à la vraie majorité?

Il est vrai que chez nous, depuis une génération, un certain nombre de francophones se sont affirmés dans le milieu des affaires et dans le monde économique. Cette élite économique francophone a toujours considéré que la défense de la langue et de la culture était une affaire personnelle, une affaire individuelle, une affaire domestique et, finalement, aussi privée que les affaires de religion. Elle en a déduit logiquement que la défense de la langue et de la culture ne devait jamais se faire au détriment du succès économique. Pour grimper et se développer dans l'appareil économique et social, cette élite choisit d'avoir une double personnalité: un individu francophone en lui-même et peut-être en famille, mais nord-américain et anglophone dans ses comportements

collectifs, ses choix politiques et culturels, sa vie économique. (16 h 40)

Peut-on vraiment croire qu'il aura suffi de quelques centaines de francophones atteignant, sans avoir à changer de nom, les paliers intermédiaires ou supérieurs de la gestion des affaires sur notre propre territoire pour que l'on considère que la question est réglée et que nous vivrons ici en français, seul exemple du genre à travers le monde, sous une loi de l'apesanteur culturelle contraire à tout ce qui se vérifie ailleurs?

Je vais sauter quelques paragraphes, M. le Président, pour arriver à rester dans le temps qui m'est imparti.

À partir du moment où le gouvernement du Québec choisit de se comporter comme si la langue n'était qu'une affaire technique, une question de liberté de commerce et d'expression commerciale sans valeur culturelle profonde, politiquement neutre et sans importance quant aux rapports de force qui existeront toujours dans notre société, il nous invite à accepter, à assumer et même à rechercher un statut de minorité bilingue et nous identifie comme tel aux yeux du monde autant que dans ses actions, et il cherche à nous protéger comme on protège la principale minorité canadienne, dans l'esprit même du livre beige d'il y a quelques années, et que l'on aurait intérêt à relire ici.

Comment voulez-vous que, dans un contexte aussi net, la majorité anglophone ne conclue pas que nous sommes, en fait, tout à fait disposés à une meilleure intégration, et même à une assimilation inévitable à l'ensemble nord-américain, à la condition de pouvoir garder chez nous, au foyer, un minimum d'attributs culturels, mais privés? Pourquoi donc cette majorité anglophone canadienne, dont les anglophones québécois se sentent un prolongement légitime, aurait-elle de nous, en effet, meilleure opinion que celle que s'efforce de projeter de nous-mêmes le gouvernement?

On pourra dire ce que l'on voudra dans la loi et la Constitution au sujet de la protection et de la reconnaissance du Québec et d'une société distincte. Il faudra néanmoins des années d'avocasseries pour que les tribunaux donnent aux mots un sens qui pourrait bien être loin alors, très loin de la réalité qu'a voulu cerner le législateur. Ce n'est pas, de toute façon, une affaire de juges, c'est une responsabilité de gouvernement.

Lorsque cette volonté existe, lorsqu'elle se traduit dans les comportements et les attitudes des individus, lorsqu'elle est partagée sans honte et sans excuse permanente non seulement de gauche à droite, mais aussi de bas en haut d'une société, les lois et les règlements deviennent plutôt des symboles d'une réalité permettant d'éviter les excès des prothèses permanentes sans lesquelles tout s'effondrerait, s'effriterait, disparaîtrait.

La langue et la culture, comme ferments de solidarité et de développement, constituent des apports puissants et originaux à la motivation et à la capacité créatrice d'une société. Le Japon en est, parmi d'autres, un exemple frappant. Mais si, au contraire, on se com- porte comme s'il s'agissait de lourdes coquilles d'escargot que l'on porte de peur d'être nu, de peur d'être écrasé, ou parce que l'on pense que l'on ne peut faire autrement, elles peuvent effectivement devenir des poids et des contraintes pour l'économie. Il devient alors légitime de chercher, pour ceux qui pensent ainsi, et selon les règles de l'économie, précisément, à les atténuer au maximum.

Un ex-ministre libéral fédéral, fédéraliste incontestable, francophone et homme de culture, Gérard Pelletier, important dans le cabinet Trudeau, disait, alors qu'il était encore en fonction, mais un peu avant le référendum de 1980, qu'il trouvait tout naturel que, et je le cite, «Montréal ait un caractère aussi résolument français que Toronto était anglaise».

Deux langues et plusieurs cultures coexistent au Québec. Dans ce contexte, le défi des uns devient, d'une certaine façon, le problème des autres. Les gestes qui peuvent être posés pour valoriser et protéger la langue française n'en garantissent même pas la survie et l'épanouissement à cause, précisément, du poids naturel de l'environnement médiatique et économique anglophone dans lequel nous vivons. Au contraire, cependant, chaque geste qui vient, ici et là, enlever une garde et un soutien, un encouragement ou une contrainte, risque à coup sûr d'accélérer le processus d'un flou culturel inévitable, qui n'est même plus du bilinguisme, mais qui risque de faire de nous, d'ici quelques générations, une société bien particulière en ce qu'elle ne parlera, finalement, que deux langues secondes.

Lorsqu'on y regarde de près, dans la perspective des 20 dernières années, la Charte de la langue française, telle qu'elle est, a eu plus d'effets positifs que négatifs. J'ai eu le privilège de représenter le Québec en Belgique, M. le Président, pendant trois ans. Malgré une multitude de problèmes politiques dans ce pays, qui semble vouloir s'en sortir maintenant mieux, peut-être, que nous des nôtres, les Flamands demeurent et seront toujours aussi profondément flamands que les Wallons sont francophones. Vivant dans le pays qui accueille la capitale de l'Europe, les Flamands parlent, souvent sans accent, deux, trois ou même quatre langues sans mettre en danger l'essentiel de leurs valeurs culturelles parce que, précisément, ces valeurs sont partagées du plus haut au plus bas de la pyramide sociale et économique. L'éducation de base, la formation et l'information culturelle de base, les institutions culturelles respectent avant tout et intégralement les valeurs profondes de ces sociétés qui, pourtant, ne partagent leur langue qu'avec eux-mêmes et les Pays-Bas.

Un linguiste francophone de grande réputation, qui connaît le Québec depuis 30 ans, pour y être venu des dizaines de fois, le Belge Joseph Hanse, disait il y a quelques années, en parlant de nous: «Dans votre pays, mettre les deux langues sur le même pied équivaut à mettre les deux pieds sur la même langue.» L'image est forte, mais est-elle si fausse?

Il y a quelque chose de faux, d'agaçant même à n'aborder et à ne présenter la question linguistique

québécoise que sous l'angle de la loi, des droits, des décisions judiciaires ou même du cadre constitutionnel. Toute cette quincaillerie d'avocats n'a de sens, en effet, que lorsqu'elle correspond non pas au plus petit commun dénominateur, non pas aux engagements politiques pris en faveur d'une communauté minoritaire, mais bien aux intérêts autant qu'à la volonté profonde d'une société et d'un peuple d'être et de se développer avec cette langue plutôt que malgré elle.

Lorsque les parents demandent que l'on enseigne l'anglais dès les premières années du cours primaire — les sondages le diraient aussi si la question était posée — c'est qu'ils perçoivent intuitivement que c'est de cette façon qu'ils pourront donner à leur progéniture l'outil de travail que peut constituer cette langue anglaise pour quiconque veut gravir les échelons du progrès économique dans notre société et au-delà. Mais il ne faut pas leur faire dire cependant qu'ils renoncent du même coup à vivre et à se développer ici, en français, et dans une société essentiellement francophone. Ils nous l'ont rappelé, en novembre 1976. Il est sans doute exact que l'anglais est utile et même essentiel, au-delà des petites affaires qui nous, concernent et que nous faisons entre nous, mais pour en acquérir une connaissance qui permette effectivement la promotion économique réelle, il faudra plus que quelques heures d'anglais, la plupart du temps, dispensé par des francophones, ne conduisant qu'à une connaissance passive et approximative, tout juste suffisante pour permettre aux jeunes élèves de regarder plutôt des émissions de télévision en anglais dont la version française mettra, de toute façon, un ou deux ans à leur parvenir.

Maintenir et amplifier ce message que nous sommes en toute humilité une minorité et assumer courageusement ce statut de minorité des minorités, c'est créer un mirage qui pourra bien plaire un temps à l'ensemble canadien, mais qui blessera, à mon avis, et affaiblira une société déjà faible et dont personne ne peut dire, bien au contraire, qu'elle a renoncé à être et à se développer en français. Il n'y a pas, M. le Président, d'un côté, les problèmes linguistiques et culturels, et de l'autre, les problèmes économiques et sociaux. C'est un tout et, lorsque les équilibres fragiles sont rompus, personne ne sait où s'arrête la dislocation, mais l'histoire montre que jamais la société en question n'en ressort plus forte et meilleure, surtout dans un rapport de forces inégales comme celui qui existe entre le Québec francophone et le Canada anglophone dans l'ensemble économique nord-américain.

Percevoir la langue et la culture des Québécois comme un problème, une contrainte, un handicap à surmonter pour faire des affaires, une charge financière permanente qui hypothèque la capacité concurrentielle, un ensemble d'irritants pour les vrais Canadiens ou une taxe spéciale sur le développement, c'est plutôt voir les choses dans l'optique de l'autre majorité pour qui, effectivement, la cohabitation obligée avec un Québec francophone, au sein du Canada, peut présenter de tels traits, à tout le moins vu de l'extérieur.

Mais aussi longtemps que le Québec est et sera, dans les faits, une société politique sociale et culturelle différente de l'ensemble canadien, à plus d'un point de vue, aussi longtemps qu'il dispose des outils, des instruments et des institutions qui lui permettent, s'il en a la volonté, de se développer autant, mais peut-être autrement que les autres, aussi longtemps que ses choix d'investissement en matière sociale et en matière d'éducation ou en matière d'organisation économique peuvent effectivement et efficacement ne pas être les mêmes que ceux qui se font en Ontario, et malgré l'essentielle complémentarité, le Québec peut encore continuer d'être une société viable, prétendre à l'affirmation et à la reconnaissance de sa personnalité propre qui lui sont essentielles non pas comme gage de reconnaissance de ce qu'il a été, dans le passé, mais plutôt comme espace nécessaire à la définition de son avenir. Mais c'est d'abord lui qui doit se reconnaître lui-même avant de demander la reconnaissance des autres.

Aujourd'hui, un peu comme dans un rêve, on a l'impression que se remettent en place ici et là, mais selon le plan d'une inexorable mise en scène, tous les éléments pour recréer la polarisation, les durcissements et les affrontements que suscitent toujours l'arrogance et l'intolérance, indissociables conséquences de la rupture des équilibres linguistiques. (16 h 50)

Avec les attitudes qui sont les siennes depuis 20 ans, le Parti libéral du Québec risque d'être toujours soupçonné d'attentat à la pudeur lorsqu'il touche à la langue et même à la culture.

La capitale, la ville et même la région de Québec vivent aujourd'hui, je l'ai dit tout à l'heure, une paix linguistique et sociale exemplaire. L'image extérieure de Québec, foyer principal de la francophonie en Amérique, comme le dit le gouvernement lui-même dans sa politique d'affaires internationales, à la page 184, est exclusivement francophone et en français de qualité. L'affichage y est unilingue français et personne ne s'en plaint. Plus de 97 % de notre population est francophone et, des centaines de milliers de touristes qui viennent nous visiter, une majorité est anglophone.

Je n'ai jamais, M. le Président, dans l'exercice de mes fonctions, reçu une seule plainte au sujet de l'affichage et de l'image de Québec en français. La population, courtoise et intelligente, est capable d'accueillir dans leur langue, lorsqu'il le faut, pour des fins d'affaires et de commerce, nos invités, nos visiteurs et nos clients. L'image d'une ville historique française en Amérique est sans contredit un atout à exploiter, une source de fierté et un avantage auquel nous tenons. En permettant, sans nuances et sans restrictions, l'affichage extérieur bilingue, et malgré les arguties quant à la prédominance, on risque de voir cette image devenir un peu plus floue, plus ambiguë et contraire à la réalité qui fait notre fierté et à partir de laquelle une grande tolérance et une grande capacité d'accueil de la culture de l'autre peut s'exercer.

Il se trouvera bientôt ici et là un commerçant, une

entreprise ou même une société multinationale qui, étant libérés par la loi et y voyant une invitation non équivoque à s'afficher en toute solidarité avec ce qui se fait ailleurs au Canada ou en espérant un gain étroit dans la concurrence des petits commerces, pour vendre souvenirs et T-shirts, afficheront bilingue. «Couette et café» deviendra «Bed and Breakfast», la pharmacie reprendra sont statut de «drugstore» et les cadeaux et souvenirs deviendront «gifts and souvenirs». Il n'y a pas si longtemps, et vous pouvez le constater aux photographies que je vous invite à regarder, incidemment, et que je fais circuler autour de la table... Je fais circuler deux albums de photographies prises en 1968 et, ensuite, en 1978, des mêmes lieux dans Québec. Ces albums n'ont pas été préparés pour la commission, mais ils l'ont été dans ce que l'on faisait comme études sur l'affichage.

J'attire votre attention sur les mêmes bâtiments en 1968, autour de là, et en 1978. Dans le plus petit cahier, le cahier gris qui accompagne ça, ce n'était pas dans le cadre de l'affichage, mais vous avez des photos de l'affichage entre les années 1955 et 1975. Vous verrez comment cette ville, tout en étant francophone, s'affichait bilingue, mais dans un bilinguisme douteux. Vous pourrez le voir, c'est ça qu'on a corrigé.

Telle que proposée, M. le Président, la législation aura certainement les effets que j'indique plus haut, mais elle risque, en plus, d'être accompagnée — je ne le souhaite pas, mais j'en ai bien peur — de graffiti à la bonbonne de peinture comme nous en avons eu avant de transformer nos «arrêt-stop» en «arrêt».

Je vous demande donc — et je termine sur ces quelques mots, M. le Président — M. le ministre, à vous et au gouvernement, ainsi qu'à l'Assemblée nationale, de ne pas changer quant à nous, et dans l'intérêt de tout le Québec, le cadre législatif actuel pour ce qui est de la défense et de la promotion de la langue française. Si, cependant, vous jugez — et c'est à vous qu'il appartient de le faire — qu'il faut le faire, faites-le en accordant autant de respect aux 97 % de francophones qui vivent dans cette région que vous avez de sollicitude pour les besoins commerciaux des minorités anglophones qui demandent à s'afficher ailleurs.

Votre projet de loi prévoit à l'article 4, qui modifie l'article 22, que «le gouvernement peut déterminer, par règlement, les cas, les conditions ou les circonstances où l'administration peut utiliser le français et une autre langue dans l'affichage». Faites en sorte de clarifier la situation et reconnaissez notre droit, le droit de toutes les Québécoises et de tous les Québécois d'avoir une capitale, une ville et une région qui s'affichent, qui s'expriment et qui se développent en français si vous voulez vraiment y maintenir, à moyen et à long terme, la paix sociale, l'harmonie linguistique et la tolérance que l'on nous reconnaît aujourd'hui.

Je vous demande, M. le ministre, à vous et au gouvernement, d'utiliser l'article 17 du projet de loi 86 et d'affirmer par règlement, sinon dans la loi, que chez nous, dans la capitale, dans la ville et dans la région, l'affichage public et la publicité commerciale devront continuer de se faire en français, puisque ce nouvel article 58 vous permettra de le faire si vous lui donnez tout son sens.

Il ne m'appartient pas, comme maire de Québec, de parler au nom de la majorité des autres villes et régions essentiellement francophones. Je peux cependant vous suggérer une autre piste qui est celle d'explorer la possibilité que donne la Charte de reconnaître des villes bilingues et de travailler avec les municipalités qui se reconnaissent un statut en ce sens.

Les gens de Québec, comme tous les Québécois, sont fiers de leur histoire, de leur langue autant que de pouvoir travailler, se développer et créer en français. Ils me semblent particulièrement respectueux des citoyens anglophones qui ont choisi Québec ou qui y vivent depuis toujours. Nous travaillons à ce moment-ci, M. le Président, à la ville, à la création d'un centre d'interprétation et de mise en valeur de l'histoire des anglophones de Québec, et ça, depuis la création de cette ville, afin que la capitale se souvienne de la place qu'ils ont occupée à des titres divers dans l'évolution de notre ville. Cette initiative a d'abord été celle de l'hôtel de ville et de francophones et elle associe aujourd'hui des leaders anglophones de Québec. Discrètement, efficacement et là où c'est nécessaire, l'anglais trouve sa place à Québec, sans avoir à se battre pour la protéger. L'équilibre existe, mais la ville projette de plus en plus et de mieux en mieux l'image de sa réalité: une ville qui vit, s'affiche et s'exprime en français, une ville-capitale de la francophonie nord-américaine.

Ne transformez pas, M. le ministre, par des gestes qui peuvent vous sembler anodins et que vous pourriez croire sans conséquence chez nous, ce qui est pour nous une source de fierté et de motivation en occasion permanente de discorde et de que*elle, autant qu'en foyer potentiel d'intolérance. Regardez à nouveau ces quelques photographies que je fais circuler et qui montrent l'affichage des années 1968-1969 et la situation, dans les mêmes lieux, 10 ou 12 ans plus tard. Essayez d'imaginer un instant que l'on revienne à cette situation et pensez à ce que serait, au fil des mois et des années, la réaction de ceux et celles qui veulent garder à cette ville son caractère, sa personnalité et son visage résolument français.

Les sondages donnent toujours une image instantanée et ponctuelle d'une situation; ils n'indiquent pas toujours, cependant, les voies des meilleures décisions à long terme pour une société.

En m'exprimant comme je le fais aujourd'hui et avec votre permission, M. le Président — et je vous remercie de votre invitation — j'ai, quant à moi, la conviction de défendre les intérêts de notre ville et de notre région. Ne défaites pas ce qui, depuis 20 ans, s'est amélioré et bonifié. Aidez-nous à continuer. Respectez-nous dans ce que nous sommes et dans ce que nous voulons fièrement et harmonieusement continuer d'être.

Merci, M. le Président.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le maire.

M. le ministre, il vous reste une quinzaine de minutes.

M. Ryan: Merci, M. le Président.

Il me fait plaisir de souhaiter la bienvenue à M. le maire de Québec et aux personnes qui l'accompagnent. J'ai pris connaissance avec intérêt de la communication préparée par M. L'Allier et je dois inscrire au départ ma dissidence, là, quant à certaines affirmations générales que je trouve dans le mémoire. M. L'Allier n'en sera pas étonné.

Je vous donne un exemple, là. Il dit: «Quand on se définit comme une minorité...» Il le dit à plusieurs reprises dans le mémoire, au moins à quatre ou cinq endroits différents. Je ne sais pas à qui vous pensiez quand vous avez écrit ça, mais ce n'est pas notre perception de nous-mêmes et de l'action que nous menons; au contraire, nous sommes parfaitement conscients que les francophones forment une très forte majorité au Québec, ce qui ne les dispense pas de s'interroger sur le sort qu'ils font aux communautés minoritaires qui habitent le Québec, qui sont citoyens à part entière du Québec, en particulier à la communauté anglophone. Mais nous ne sommes pas du tout partie, dans cet exercice-ci, de la prémisse que vous suggérez.

Vous prenez une autre prémisse, vous dites: «Nous avions la paix, ne touchez pas à ça.» Ça dépend de la conception qu'on se fait de la paix. On peut se faire une conception frileuse, confortable puis refermée sur soi de la paix en se disant: Nous autres, on est contents; s'il y en a qui ne sont pas contents, bien ça, ça ne nuit pas à la paix. Nous autres, nous avons une perception différente, nous voyons tout le Québec, en particulier cette immense région de Montréal dont nous avons parlé tantôt. D'autres régions du Québec aussi.

La région d'Argenteuil, que je représente, comprend, sur 22 ou 23 municipalités, au moins 8 municipalités qui ont un statut bilingue en vertu de l'article 113f de la Charte. Dans le comté de Gaspé et le comté de Bonaventure, vous avez des communautés anglophones significatives. Vous en avez également sur la rive sud de Montréal. Dans plusieurs endroits, la communauté anglophone occupe une place importante sur la rive sud de Montréal. Dans la région de l'Outaouais, il y a des éléments anglophones très importants aussi. Alors, il faut que nous pensions à tout cet ensemble qui n'est pas aussi simple qu'on peut le penser. Et si vous avez l'impression, vous, que nous avions la paix dans ce domaine-là, c'est parce que vous n'êtes pas dans la politique québécoise. Vous êtes dans la politique municipale à Québec, je l'apprécie, mais vous gardez vous-même le souvenir de la campagne que vous avez faite dans Deux-Montagnes, où ce n'était pas si simple que ça. On se rappelle le problème de l'école secondaire de Deux-Montagnes qui n'était pas facile, hein?

Alors, cela étant dit, je ne partage pas, par conséquent, cette partie de l'analyse. Je la respecte, nous y sommes habitués, d'ailleurs, mais je ne voudrais pas vous laisser l'impression que nous penchons du même côté.

En fait, là, vous avez résumé le problème à la page 11 de votre mémoire, mais vous ne l'avez pas développé. Vous dites, là: «Vivre et se développer au sein d'une société résolument francophone mais largement ouverte sur les autres», voilà le défi pour le Québec. (17 heures)

Tout à fait d'accord, mais qu'est-ce que ça veut dire, ça? Ce défi-là comprend deux volets: d'abord, la volonté d'affirmation de nous-mêmes et, deuxièmement, l'acceptation de règles du jeu qui soient les mêmes pour tout le monde, pour toutes les personnes qui habitent le Québec dans toute la mesure du possible. C'est le fondement même de toutes les lois que nous concevons, au Québec. Nous essayons de faire des lois qui puissent s'appliquer à tout le monde avec le moins de distinctions possible et, chaque fois que nous instituons des distinctions, nous le faisons à condition que ça soit pour des raisons très solidement démontrées.

Dans le cas que nous avons, le problème fondamental qui se posait — il n'est pas touché dans votre mémoire, ça m'a étonné — c'était celui de la conciliation de notre législation en matière d'affichage commercial avec la liberté d'expression. Nous avons évolué pendant un temps avec la conception que le discours commercial échappait, dans une mesure plus ou moins grande, au concept de liberté d'expression, qu'on pouvait le réglementer de manière différente. Mais il est arrivé toutes sortes de décisions judiciaires, toutes sortes d'opinions autorisées qui nous obligent à réfléchir deux fois là-dessus, du moins en ce qui touche notre législation concrète. Et nous en venons à la conclusion qu'il faut que nous ayons une législation qui soit irréprochable de ce point de vue là, qui rencontre le test à la fois de l'opinion des tribunaux et de l'opinion de la communauté internationale, dans ce cas-là, la plus autorisée. Je pense bien que c'est difficile d'avoir plus autorisé, dans le monde très instable où nous sommes, que l'organisme qui s'est prononcé sur ce sujet.

Alors, je vous pose la question: Est-ce que ça vous est indifférent, vous, cette dimension-là? Est-ce que ça vous préoccupe? Est-ce qu'en maintenant le statu quo, comme le suggère votre mémoire, on réglerait ce problème-là? Est-ce qu'on peut se contenter de le nier tout simplement? C'est pas mieux d'essayer de le régler?

M. L'Allier: M. le Président, pour répondre à M. le ministre, je dois dire que je dois, comme maire de Québec et, à cause d'un mandat électif, parler au nom de la communauté que je représente, et cette communauté, c'est celle de la ville de Québec, que je situe dans une région qui est largement de même nature.

Partant de là, ce qui m'intéresse ici, c'est la qualité de développement dans cette ville et dans cette région. Or, que le gouvernement perçoive qu'il y a des difficultés ailleurs, je n'ai pas de jugement à apporter là-dessus comme maire de Québec. Comme individu, je

peux avoir des opinions là-dessus, mais là, je ne suis pas conseiller, ni consultant, ni commentateur de quoi que ce soit, ni parlementaire, etc.

Comme maire de Québec, ce que je peux vérifier avec mes collègues, ce que nous pouvons vérifier avec nos collègues, c'est que l'état actuel de la législation ne nous pose, ici, aucun problème, et il y a zéro demande exposant zéro de la part de nos communautés locales, quelles qu'elles soient, pour des modifications en ce sens-là. Partant de là, le gouvernement, en agissant dans son ensemble, risque, s'il ne fait pas la discrimination que l'invitent à faire ses propres articles — l'article 17, qui permet une réglementation indiquant les conditions d'affichage exclusivement en français — à ce moment-là, je dis: Le gouvernement risque de poser, d'implanter dans cette région des ferments qui, je le souhaite, ne se développeront pas, mais qui pourraient effectivement amener des images d'intolérance et ne pas correspondre à la réalité. Je vous invite à voir ce que c'était il y a 10 ans, et ça va revenir à ça rapidement.

M. Ryan: Regardez, le problème que pose votre suggestion, si nous allions faire une exception pour toute la région de Québec, après ça, il faudrait en faire une pour le Bas-du-Fleuve; il faudrait en faire une pour le Saguenay—Lac-Saint-Jean; il faudrait en faire une pour le Centre-du-Québec. Il faudrait en faire une pour partout, puis on se ramasserait avec un statut particulier à Montréal. Et, quand vous suggérez l'article 113f, ce n'est pas la bonne voie parce qu'il ne règle pas le problème de l'affichage commercial.

Puis, en même temps, vous ne réglez pas le problème de la liberté d'expression. Le problème va nous revenir d'une manière ou de l'autre, si nous agissons comme vous le suggérez. C'est un problème réel.

M. L'Allier: C'est un problème réel, mais qui...

M. Ryan: Je ne sais pas si vous avez une solution à ça.

M. L'Allier: M. le Président, c'est un...

M. Ryan: Euh...

M. L'Allier: Excusez.

M. Ryan: Non. Allez-y.

Le Président (M. Doyon): M. le maire.

M. L'Allier: M. le Président, c'est un problème réel, mais je ne partage pas le point de vue du ministre. Ce n'est pas un problème judiciaire; ce n'est pas un problème des Nations unies: c'est un problème politique. Et, si vous allez à Bruges, en Belgique, qui est la capitale de l'Europe, vous allez voir que cette ville est résolument et exclusivement affichée en flamand, et c'est une des villes qui a le plus d'attraits touristiques.

Est-ce que ces gens-là vont être mis au ban de la société européenne? Pas du tout. C'est un problème politique, et, à partir du moment où on fait des chemins. C'est mon opinion, M. le Président.

M. Ryan: Au Québec, nous nous sommes donné une Charte des droits de la personne, et notre législation a été jugée inacceptable par la Cour supérieure, au titre de la Charte des droits de la personne du Québec. Du Québec. Dans ces pays dont vous parlez, ils n'ont peut-être pas de charte de droits aussi élaborée que celle que nous nous sommes donnée ici. C'est à ce titre-là que la Cour supérieure avait décidé que la Charte de la langue française, dans ses dispositions traitant de l'affichage commercial, était contraire au principe de la liberté d'expression. Puis là, c'est complètement indépendant du contexte canadien, pour ça.

M. L'Allier: Le problème que vous exposez est probablement réel, tel que vous le présentez, mais il n'en reste pas moins que c'est la responsabilité du gouvernement d'y trouver des solutions qui n'en créent pas plus ailleurs.

M. Ryan: Mais...

M. L'Allier: Vous référez à Montréal. Montréal se définit définitivement dans son mémoire: Nous connaissons une situation unique, et, si c'est une situation unique, trouvons une solution à un problème unique, ne trouvons pas une solution à ceux qui ne sont pas malades.

M. Ryan: Là, je vous ai donné des exemples de situations qui existent aussi • ailleurs au Québec. Le gouvernement a fait le choix d'une solution qui embrasse l'ensemble du Québec. Vous dites: Si c'est ça le choix que vous avez fait, je vous demande de tenir compte de notre région de manière particulière.

Si c'est de tenir compte de toute la région que vous me demandez, je pense que ça crée de grosses difficultés pour le principe même du projet de loi. Maintenant, est-ce qu'il y a des aspects plus particuliers, à Québec, qui vous intéressent d'une manière plus directe, peut-être plus aiguë? Quand vous avez parlé de ça, là, de tenir compte de la réalité de Québec, je pense, par exemple, au quartier historique de Québec... Si vous présentiez une proposition disant: Là, on voudrait que vous regardiez ça de manière particulière parce que c'est vraiment le coeur et l'âme de Québec, le Vieux-Québec historique. On pourrait peut-être regarder, mais je ne prends pas d'engagement quant à la conclusion. Mais, si vous nous dites que c'est toute la région, à ce moment-là, je pense que c'est le principe même du projet de loi qui est remis en cause.

M. L'Allier: Vous posez une question qui invite une réponse. Je ne peux pas m'empêcher de... Il y a une expression qui me vient à l'esprit: j'appellerais ça la

«muséifïcation de la langue», c'est-à-dire qu'on est prêt à dire que, dans ce coin-là, le coin musée de la ville de Québec, on va permettre l'affichage en français comme une espèce de relique d'un temps passé. Moi, c'est aussi important que le boulevard Sainte-Anne, qui conduit 300 000 Américains à Sainte-Anne-de-Beaupré, ne devienne pas un boulevard bilingue — «room and board», «breakfast», etc. — ce n'est pas ça qu'on est comme région. Pas plus que dans la région de Boston, parce qu'il y a beaucoup de francophones, on affiche en français.

M. Ryan: Regardez, je n'ai pas dit: Nous serions prêts à vous donner ça, M. le maire. J'ai dit que nous serions prêts à l'examiner. Et, si vous ne le demandez pas, ça quitte mon esprit immédiatement.

M. L'Allier: Je dois vous dire, M. le Président, spontanément, que je ne suis pas prêt à accepter de demander que l'effort français se limite au vieux quartier parce que ça nous rapproche trop de la Louisiane, à bien des points de vue.

M. Ryan: Très bien. Alors, ma réponse est négative. C'était une question. Je voulais m'informer, et vous me donnez une réponse négative, c'est parfait.

Je pense que j'ai terminé, pour l'instant, M. le Président.

Le Président (M. Doyon): M. le député de Hull, m'avez-vous demandé la parole? Ce n'était pas très clair.

M. le député de Hull.

M. LeSage: Merci, M. le Président.

Alors, M. le maire, dans votre mémoire, vous nous suggérez de maintenir le statu quo. Et, lorsque vous avez pris la parole, tantôt, vous avez commencé en nous rappelant un dicton anglophone qui dit: «If there's no problem, don't fix it».

Je n'ai pas à vous apprendre qu'il y a problème. Les Nations unies, l'image du Québec, pour nous, c'est important. Je pense que ça l'est également pour vous.

Je vous ferai également remarquer, M. le maire... Moi, je me promène souvent et je passe devant un certain édifice, et ça me frappe à chaque fois — pas que j'en suis offusqué — mais je vois l'hôtel de ville qui est annoncé: «Hôtel de ville - City Hall». Pourquoi c'est comme ça? C'est une question que je me suis posée longtemps. Je suis content que vous soyez là; je vous la pose. Comment ça se fait que ce n'est pas changé, «City Hall»?

M. L'Allier: Je suis content, M. le Président, qu'on pose la question parce que ça illustre précisément le fait qu'on est des gens tolérants et respectueux de cette histoire. Cette ville, à des moments donnés, M. le Président, a été, dans toute sa partie économique, essentiellement anglophone. J'aurais pu vous apporter des photographies de la fin du siècle dernier, où les tramways s'appelaient «Québec Street Cars», où c'était «Québec Elevators», etc. Aujourd'hui, parce que l'économie s'est déplacée de Québec vers Montréal, de Montréal vers Toronto, etc., on se retrouve avec une ville qui, dans les faits, est essentiellement francophone à 97 %.

Dans les murs, on n'a pas à effacer «City Hall» et on ne le fera pas. De la même façon qu'on est en train de mettre sur pied — ce qui n'existe pas à Hull, je vous le signale, pour y avoir pratiqué le droit — un centre d'interprétation de la vie des anglophones dans cette région qui ont eu un apport considérable.

Quand vous dites «It's broken, we fix it» — c'est ça que vous venez de me dire: C'est brisé, on va le réparer — c'est peut-être brisé ailleurs, je le reconnais, mais mon mandat n'est pas de parler au nom de l'Opposition ou de Pierre, Jean ou Jacques, mais bien de dire qu'ici, dans la région, on ne perçoit pas de problème linguistique, on pratique la tolérance, et je ne connais pas de touriste qui se soit plaint d'avoir été mal reçu parce qu'on a refusé de lui parler sa langue quand il en avait besoin. (17 h 10)

M. Lesage: les gens que vous représentez, m. le maire, dans québec ou même au niveau du régional, là — parce que vous siégez également au régional — vous nous dites, dans votre rapport, à la page 14, que la région de québec est composée de 97 % de francophones. êtes-vous en train de nous dire, et croyez-vous sincèrement que, s'il était permis d'afficher dans une autre langue que le français, les québécois que vous représentez — vos commettants — vont se mettre à afficher bilingue tout simplement parce qu'ils peuvent le faire? et est-ce que vous pensez également que ça va se refléter dans le bas-du-fleuve et au lac-saint-jean, puis que tout le monde va se mettre à afficher bilingue, lorsqu'il y a seulement des francophones qui vivent alentour? est-ce que c'est ça que vous nous dites?

M. L'Allier: M. le Président, je voudrais inviter le député de Hull, qui n'a pas regardé le cahier de photos que j'ai passé, à le voir. En 1968, c'était bilingue: «125 cars parking». Ça, c'est à Québec, rue Saint-Joseph — pas «St. Joseph Street», rue Saint-Joseph. C'était comme ça. Cette image-là s'est améliorée. Et, si on affiche bilingue... Pourquoi on affiche bilingue? Parce qu'on a un petit commerce, parce qu'on a une multinationale qui, elle, dans sa chaîne, décide d'afficher bilingue parce que c'est comme ça que ça se passe. L'un le fait, l'autre le fait. Ça ne va pas changer le coeur des gens qui sont dans la ville, ça va tout simplement projeter une fausse image d'une ville qui n'est pas ça. Et, quand tout le débat que vous faites est pour permettre, M. le Président, l'affichage de gens qui sont de x, y origines et qui veulent faire du commerce en anglais, il n'existe pas, ce problème-là, à Québec. Le commerce, ici, il se fait en français.

L'attrait pour le tourisme... Vous pouvez dire: Ça

ne va pas changer le coeur des gens. Ça va changer, ça risque de redevenir comme avant. Et, si ça redevient comme avant, au fil du boulevard Sainte-Anne, «motels», «room for rent», etc., ça risque d'engendrer, ici et là, des gestes d'intolérance — parce que la sensibilisation des gens a augmenté depuis ce temps-là — et d'intolérance en photographie, en image, etc. On va se retrouver avec des situations qui font que, avec toute la bonne volonté que vous connaissez, le gouvernement se retrouve, vu de l'extérieur, comme un gouvernement qui massacre les Indiens, qui massacre les caribous, qui massacre la nature, tout ça. Bon, c'est ça.

M. LeSage: M. le maire, si vous le permettez, là...

Le Président (M. Doyon): Rapidement, M. le député. C'est terminé.

M. LeSage: Oui, rapidement.

J'ai regardé vos photos et j'ai remarqué qu'il y avait plusieurs commerces de fermés, là. Mais ce n'est pas ça.

Ma question était la suivante. Ce n'est pas du passé, je vous parle de l'avenir. À partir de demain, est-ce que vous croyez que vos commettants vont se mettre à afficher bilingue parce que c'est permis? C'est ça, ma question.

M. L'Allier: Pas systématiquement, mais ça va revenir à la situation antérieure. Oui, M. le Président, je le crois.

Le Président (M. Doyon): Très bien.

Mme la députée de Chicoutimi, vous disposez de 15 minutes, compte tenu que le député de D'Arcy-McGee m'a demandé 5 minutes.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président.

M. le maire, madame, monsieur, bonjour et bienvenue, au nom de l'Opposition, à cette commission parlementaire. M. Parizeau me prie de vous dire qu'il a fort apprécié votre témoignage et il demande de l'excuser parce qu'il a dû quitter: il avait d'autres engagements.

Vous avez exprimé de façon claire, franche ce que j'appellerais une volonté de vivre, de se développer et de s'épanouir en français. Et vous avez bien indiqué que, défendre la langue, ce n'était pas une espèce de nationalisme réactionnaire, mais qu'il s'agit d'une reconnaissance fondamentale de ce que nous sommes et ce que nous voulons être. Et vous avez rappelé que la langue et la culture étaient trop souvent présentées comme des handicaps parce qu'on avait tendance à dissocier économie, langue et culture, et qu'à ce moment-là l'individu n'étant pas vu dans sa totalité, dans son entièreté, évidemment, elles étaient vues en opposition. Et vous nous dites qu'on pourrait les utiliser comme ferments, et je vous cite: de solidarité, de déve- loppement qui constitueraient des apports précieux et originaux de création.

Et vous manifestez aussi beaucoup d'inquiétude — j'ai remarqué, dans votre mémoire — quant à la paix sociale. Vous dites que ça peut créer — quand on change aussi rapidement — de l'arrogance et qu'on présente une certaine forme d'intolérance.

Vous illustrez, je pense, de façon fort éloquente et vigoureuse les raisons qui militent en faveur d'une politique ferme, sans marchandage de politique, sans ambiguïté ni ambivalence, ce qui permettrait effectivement au Québec de s'épanouir dans sa langue et sa culture tout en respectant la minorité.

À la question, tout à l'heure, du député de Hull, à savoir si on reviendrait, après 15 ans, à la situation qui prévalait avant la loi 101, vous avez raison de vous en inquiéter parce qu'il y a 3, 4 ou 5 facteurs qui, conjugués, vont finir par entraîner la même situation que vous nous avez décrite.

Il y a la première, c'est la standardisation. Est-ce que — pour en nommer un — McDonald's aura des politiques d'affichage différentes, selon qu'elle soit dans le Vieux-Montréal, aux États-Unis, ou à Québec ou à Chicoutimi? Non, ils vont finir par avoir une politique un peu comme on a, comme ils n'ont adopté qu'une seule politique en matière de dépliants publicitaires. Alors, lorsque vous recevez ça dans votre boîte à lettres, vous avez beau être à Chicoutimi ou à Rimouski, c'est tout bilingue. Alors, ça va vraiment se réinstaller à travers le Québec, parce qu'il y a aussi la pression, l'habitude: pourquoi continuer à résister?

Bon. Alors, je pense que ça, il faut le rappeler. Il faut rappeler également — et j'en profite pour le faire, parce que le gouvernement a voulu laisser l'impression qu'il s'agissait d'un projet de -loi modéré, pour utiliser les termes de M. Ryan lui-même, alors qu'il s'agit d'un projet qui vient modifier en profondeur la loi 101, son esprit et ses objectifs. En guise d'illustration, rappelons qu'il y a 65 articles dans le projet de loi qui viennent changer 84 dispositions de la loi 101 — 84 articles de la loi 101 sur 215 — et qu'il y a seulement 10 articles qui touchent l'affichage commercial. Donc, il y en a 55 qui brassent complètement la loi 101, qui touchent à la fois la langue de l'administration, de la justice, de l'enseignement, et j'en passe: c'est vraiment une remise en question fondamentale de la loi 101 et de ses objectifs, et c'est un... je pense qu'on peut le dire, c'est la charte du bilinguisme institutionnel au Québec.

M. L'Allier, vous avez rappelé la fragilité du français au Québec. Je ne voudrais pas vous citer, c'est éloquent; ça exprime de façon claire les positions là-dessus. Quelques questions. Aux pages 6 et 7 de votre mémoire, vous dites déplorer le retour à l'affichage bilingue, et en particulier à Montréal, et je vous cite: «Avec le retour à l'affichage bilingue [...] dans un contexte de discrète invitation à la délinquance, on enlève le plâtre bien avant que la jambe ne soit guérie. Mais c'est l'affaire de Montréal de vous en parler.» Pourriez-vous nous dire ce que vous entendez lorsque

vous dites: «dans un contexte de discrète invitation à la délinquance»? Qu'est-ce qui va se passer, selon vous?

Le Président (M. Maltais): M. le maire.

M. L'Allier: M. le Président, c'est une opinion personnelle, mais, quand on est intervenu avec la loi 22, et ensuite avec la loi 101, on a voulu permettre la langue de travail, on a voulu faire en sorte que les Québécois et les Québécoises puissent se développer en utilisant leur langue maternelle.

À partir du moment où on ouvre la porte à un retour à la normalité — c'est-à-dire les règles du marché d'abord, les règles du marché, confirmées par les chartes, etc., etc. — on enlève cette protection à la langue d'une minorité, et cette protection m'apparaît essentielle. Elle peut s'exercer sans brimades.

Moi, quand le ministre dit, par exemple, M. le Président, qu'il faut que tout le monde soit mis sur le même pied, d'accord. Mais pourquoi ne pas mettre tout le monde sur le même pied que la majorité des gens du Québec, à ce moment-là? Pourquoi est-ce que le pied serait celui des minorité^; qui s'expriment et qui veulent faire commerce? Je comprends les arguments du ministre: c'est un choix politique, ça, on ne peut pas faire autrement et ne pas passer à côté; c'est un choix politique qui... Le ministre ne partage pas mon analyse, et je le constate, mais ce n'est pas plus grave que ça; en politique, on n'est pas obligés d'être d'accord sur tout. Je pense qu'on ouvre la porte, en disant aux minorités anglophones: Ce n'est qu'un premier pas, maintenant, vous avez l'affichage.

Il y aura bien une décision qui va dire, ensuite, que vous n'avez pas le droit de discriminer sur la dimension de l'affichage; il y aura bien, ensuite, une loi qui viendra dire, ou une interprétation de la Charte par un juge X, Y, qui dira que vous n'avez pas le droit d'empêcher quelqu'un, s'il le veut bien, de s'exprimer uniquement dans sa langue: c'est ça, la liberté des individus, poussée jusqu'au maximum. Et ainsi de suite, et ainsi de suite.

Ensuite, l'application, en d'autres mots, la négation de droits collectifs, en cette matière — ça, ça dépend de nous de s'en reconnaître; les majorités s'en reconnaissent — bien, la négation de droits collectifs est un comportement minoritaire. On peut le faire, on peut s'assumer comme minorité. Mais, à partir du moment où on s'assume comme minorité, il y a toute une série de conséquences, qui sont celles que je vois ici. (17 h 20)

Mme Blackburn: Est-ce que, selon vous, sur la base de ce droit de communiquer commercialement dans sa langue, est-ce qu'on pourrait, éventuellement, remettre en question le droit de s'adresser en français au travail? Je pense que le droit, on a beaucoup élaboré là-dessus, mais est-ce que, selon vous, on pourra étendre ce droit-là à celui de choisir sa langue pour s'adresser à ses employés, par exemple?

M. L'Allier: à mon avis, il n'y a pas de limite dans cette voie-là. c'est une opinion, encore une fois, qui peut être contestée, mais je pense qu'à partir du moment où on entre dans cette voie il n'y a pas de raison que l'érosion s'arrête à un moment donné. et vous avez employé une expression qui revient souvent: le droit de s'exprimer dans sa langue. or, la langue de cette population régionale et locale que nous sommes, c'est-à-dire plus d'un demi-million de francophones — et nous sommes 97 % — notre langue, c'est le français. nous voulons aussi que ce droit soit respecté avec autant d'attention et autant de sollicitude que celui qu'on se propose de respecter pour les minorités commerciales montréalaises.

Mme Blackburn: En matière d'affichage, comment pensez-vous qu'on pourra faire respecter l'esprit et la lettre de la loi en matière de prédominance?

M. L'Allier: À moins, M. le Président, qu'on se donne, encore une fois, une police linguistique — que l'on refuse de se donner — c'est ce que j'appelle l'invitation à la délinquance. On vous dit qu'il faut faire ça, mais on vous dit aussi qu'il n'y aura pas d'inspection, à toutes fins pratiques, dans les faits.

Mme Blackburn: Bien. À titre d'ex-ministre de la culture et des communications, pourriez-vous nous dire ce que vous pensez de la disposition de la loi 86 qui vise à instaurer des classes d'immersion en anglais, et ce, dès le niveau primaire? Je pense qu'à la suite du reportage qu'on a eu par rapport au succès tout relatif de cette pratique pour les clientèles anglophones...

Mais, comme vous avez davantage réfléchi à ces questions, pourriez-vous nous donner votre opinion là-dessus?

M. L'Allier: C'est une opinion qui dépasse le mandat que j'ai comme élu de la ville de Québec.

Mme Blackburn: Sur votre passé?

M. L'Allier: Je ferai tout simplement référence à un point que j'ai donné ici. Je pense que le défi qu'on a, au Québec, c'est effectivement de trouver la possibilité que les gens puissent utiliser l'anglais comme langue seconde, mais véritablement comme langue seconde, pas comme les premiers pas vers une langue première. Or, pour qu'une langue seconde — c'est pour ça que je citais la Belgique et la Hollande — puisse se greffer sur un citoyen sans mettre en danger l'essentiel de ses fondements culturels, il faut que l'ensemble de l'effort culturel de cette société soit beaucoup plus fort que ce que l'on fait actuellement au Québec, pour ce qui est de la culture française, qui a été soumise à l'impératif des industries culturelles, au fil des années.

Je ferme là mon commentaire. Quand je ne serai plus à la mairie, dans 25 ans, j'en reparlerai.

Mme Blackburn: J'avais peut-être une autre question, parce que mon collègue aussi voudrait vous adresser quelques questions.

Vous parlez beaucoup de la fragilité et de la vulnérabilité du fait français, et les messages que vous adressez au gouvernement, particulièrement, je pense à plusieurs pages, mais je pense que c'est celui à la page 3, 7 et 10, lorsque vous rappelez précisément que deux langues et plusieurs cultures existent au Québec... «Dans ce contexte, le défi des uns devient, d'une certaine façon, le problème des autres. Les gestes qui peuvent être posés pour valoriser et protéger la langue française n'en garantissent même pas la survie et l'épanouissement à cause, précisément, du poids naturel de l'environnement médiatique et économique anglophone dans lequel nous vivons.»

Il y a des messages assez forts là-dedans. Alors, ce que vous dites, c'est que, aussi longtemps que les gouvernements vont continuer à faire — selon le gouvernement — un peu de marchandage, les anglophones vont avoir tendance à penser, avec raison, qu'ils pourront toujours en obtenir plus, et nous, ils nous présentent évidemment dans une situation de minorité, puisque nous n'avons pas de droits collectifs, mais nous avons des droits individuels. Et, dans ce sens-là, le glissement se ferait. Mais est-ce qu'on peut penser que le glissement se ferait — parce que c'est ce qu'on me répond toujours — dans une région comme celle de Québec ou celle de Chicoutimi, Saguenay—Lac-Saint-Jean? Vous dites: Vous êtes loin de ça, il n'y a pas de problème chez vous, à 98 % francophones. Même si Montréal glisse, ce n'est pas dangereux. Qu'est-ce que ça veut dire, si Montréal glisse dans le sens où on l'appréhende?

M. L'Allier: II y a une ambiguïté, peut-être, dans ce que j'ai dit, mais il y a deux points, M. le Président, si vous me le permettez.

Le premier, c'est que, au Canada, la question linguistique est un rapport de force politique; qu'on le veuille ou non, c'est comme ça. Et le débat, quand il porte sur la langue au Canada, c'est un rapport de force entre les francophones et les anglophones; c'est la poursuite éternelle des batailles des plaines d'Abraham, d'une part.

Par ailleurs, il ne faut pas s'imaginer que l'ensemble nord-américain est ligué contre nous. L'ensemble nord-américain, il est absolument passif par rapport à nous autres. Il n'y a pas d'attaques nord-américaines sur le Québec francophone. Le simple poids des 97,4 % d'anglophones nord-américains qui pèse sur nous, autour de nous, dans nos industries, dans notre affichage, etc., suffit à créer une pression qui devient négative sur nous si on n'a pas l'ensemble des racines culturelles très, très fortes qu'on doit avoir, que les Flamands ont, que les Hollandais ont, que les Allemands ont, finalement. Et ça, nos racines sont faibles.

Les trois points d'ancrage traditionnels, qui étaient la famille, la religion et le système d'éducation, se sont effrités, au fil des années, puis on ne les a pas rempla- cés par d'autres. C'était un peu mon discours sur la loi 22, puis ça n'a pas changé tellement depuis ce temps-là.

Mme Blackburn: Merci.

Le Président (M. Doyon): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger (Anjou): Merci, M. le Président.

M. le maire, vous avez entendu, juste avant vous, le maire de Montréal réclamer certains droits de pouvoir afficher en anglais dans des endroits à forte affluence touristique. Au contraire, vous, dans votre mémoire, vous faites part que vous n'avez jamais eu de plainte relativement au visage unilingue français, ici, à Québec, et que même vous considérez comme un atout le visage français unilingue de la ville de Québec.

Comment pouvez-vous concilier ces deux visions différentes?

M. L'Allier: Je ne commenterai pas la décision de Montréal et l'analyse de Montréal; je veux pouvoir commenter ce qui se passe ici.

Un des attraits que présente cette ville pour les visiteurs, d'où qu'ils viennent, c'est précisément son caractère français, le caractère français, francophone et francophile. C'est ça que les gens recherchent, ici. Qu'ils soient Japonais, qu'ils soient Anglais, qu'ils soient d'ailleurs, c'est ça qu'ils recherchent, et ce qu'on représente, ici, c'est ça. Et, moi, je n'ai pas vu de cas où les gens se plaignaient d'avoir été mal reçus dans leur langue quand ils ne parlent pas autre chose. Mais le visage extérieur de Québec et tout ça, c'est un atout touristique, et je pense que les gens, même de l'industrie, vont le reconnaître. Et ça, ça peut se dégrader, au fil des années.

Le Président (M. Doyon): Une dernière question, si vous voulez.

M. Bélanger (Anjou): Oui. Maintenant, aussi, relativement aux questions de santé et de sécurité, le maire de Montréal semble ouvert au fait de pouvoir utiliser l'anglais pour des questions de santé et de sécurité. Au niveau du Conseil de la langue française, on n'a aucune donnée relativement à des incidents qui auraient pu être causés, dus au fait que l'affichage soit uniquement en français.

Est-ce que vous, vous avez eu des cas d'accidents qui seraient survenus, pour la ville de Québec, à cause...

M. L'Allier: À ma connaissance, non, mais je peux vous dire qu'on fait toujours un effort particulier, durant la saison touristique, pour s'assurer que nos policiers qui sont dans les zones touristiques soient, effectivement, capables de s'exprimer en anglais.

Lorsqu'on se sent majoritaire dans un milieu et qu'on veut développer des qualités démocratiques et de tolérance, ça se fait naturellement, on n'a pas besoin des

prothèses pour faire ça. Mais, à partir du moment où on va planter, ici et là, des signes qui risquent d'être interprétés par 0,05 % de la population comme des signes de provocation, ça va générer des images d'intolérance, les images d'intolérance vont générer des actions de... Ça va s'enchaîner. Ça peut être ça. Je ne veux pas être alarmiste, mais je dis que l'évolution des 20 dernières années n'appelle pas à un retour en arrière par rapport à l'image française de la ville et de la région de Québec. C'est ce que je dis.

Le Président (M. Doyon): M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Libman: Merci, M. le Président.

M. le maire, vous essayez, en nous montrant ces photos, de nous induire en erreur. En effet, je vois... où toutes les photos que vous montrez avant la loi 101 sont des affiches unilingues anglaises. Presque toutes les photos, ici, sont des affiches unilingues anglaises ou des affiches à prédominance anglaise, qui ne seront pas permises à partir de l'adoption de la loi 86. Alors, vous essayez de créer un visage qui ne sera pas le visage de la ville de Québec à partir de l'adoption de la loi 86. L'article 17 — l'article de la loi 86 — dit très clairement que l'affichage public et la publicité commerciale doivent se faire en français; elles peuvent également être faites à la fois en français et dans une autre langue, pourvu que le français y figure de façon nettement prédominante. Alors, toutes les photos que vous nous montrez, ici, dans ce cahier, ne seront pas légales à partir de l'adoption de la loi 86. Alors, ça, c'est une image que vous nous amenez qui ne reflète pas vraiment la vérité de la situation.

Deuxièmement, vous dites aussi que «If it's not broken, don't fix it». Comme mes collègues, je pense que «it's broken», qu'il y a des problèmes qui doivent être adressés. Comme vous suggérez ici, nous ne touchons même pas à cette loi. En décembre 1993, cette loi va expirer, et il y aura la capacité de n'importe quel commerçant de s'afficher en anglais seulement, si le gouvernement n'agit pas pour faire quelque chose, parce que la clause «nonobstant» doit être réinvoquée en décembre, cette année. Alors, dire: Ne faites rien, ou venir dire au gouvernement de ne rien faire est irresponsable parce qu'il faut faire quelque chose, il faut rectifier la situation. en ce qui concerne la question du tourisme à la ville de québec, moi, j'ai des chiffres devant moi qui me disent qu'en 1992 l'apport financier touristique pour la ville de québec s'élevait à environ 875 000 000 $, et un bon pourcentage — presque 60 % de ça — était des touristes anglophones qui proviennent ou du reste du canada ou des états-unis.

En 1990, il y avait une analyse qui avait été faite par l'Office de la langue française et, à la question qui concernait l'affichage unilingue sur les sites touristiques visités par les étrangers de langue autre que le français, sur 84 personnes interrogées, 59 d'entre elles — soit 70 % — se sont dites un peu ou passablement embarrassées par l'unilinguisme.

Alors, ma question est la suivante: En utilisant le sens commun, est-ce que vous ne croyez pas que ça ne fait aucun sens que, dans un musée ou sur un lieu touristique, d'obliger un touriste de venir et essayer de comprendre quelque chose, une explication de quelque chose dans une langue qu'il ne comprend pas, est-ce que, vraiment, vous croyez que ça va mettre en péril la langue française de permettre à un musée ou à un lieu touristique de donner une traduction, une simple traduction de quelque chose pour que des touristes, qui sont majoritairement anglophones, puissent comprendre, même apprécier ce qu'ils voient, même de leur offrir une fenêtre, à l'intérieur de la langue française, du lieu qu'ils visitent pour comprendre ce qu'ils regardent? Vous croyez... Juste en invoquant le sens commun, est-ce que vous ne croyez pas que c'est un avantage, dans ces lieux touristiques, de voir à faciliter la visite des touristes? (17 h 30)

Le Président (M. Doyon): II vous reste une minute pour répondre, M. le maire.

M. L'Allier: Les photographies qu'on a distribuées ne sont pas des photographies qui ont été préparées pour cette commission. C'est un document qui est aux archives depuis 11 ans, et on l'a sorti tel quel pour vous montrer l'évolution de l'affichage dans Québec, entre 1968 et 1978. Donc, on n'a pas essayé de tromper la commission, et c'est pour montrer que ces situations évoluent rapidement.

Sur le plan touristique, effectivement, dans la ville et dans la région de Québec, les touristes qui visitent les institutions, très souvent, vont trouver, dans les faits, une information, des feuillets dans leur langue. Ce n'est pas un problème. Le but n'est pas d'obliger les touristes à de l'immersion forcée en français. C'est de leur fournir des services acceptables.

Ce dont il s'agit ici, et tel que j'ai perçu l'objectif de la législation, c'était de modifier le visage extérieur du Québec dans son message public, global, anonyme à la population. Faites ce que vous voudrez, mais, dans notre région, ce message, actuellement, il est francophone et il est bien reçu par la population, par les touristes et par les Canadiens parmi les touristes qui viennent ici. On a la paix sociale, on y tient et on vous demande d'être prudents dans des gestes qui pourraient semer des ferments de discordes et de bagarres.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le maire. Malheureusement, le temps dont nous disposions est écoulé.

M. L'Allier: C'est moi qui vous remercie, M. le Président, de votre invitation.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup d'être venu.

Alors, j'indique à cette commission que, avant de suspendre les travaux, nous devrions nous retrouver ce soir, et il est au choix de la commission de l'accepter ou pas. Je demande un consentement pour que nous puissions...

Mme la députée de Chicoutimi, je vous demande un consentement et je vous laisse le choix pour que nous puissions nous retrouver demain matin, après les représentations et le discours du porte-parole de l'Opposition officielle sur le budget, compte tenu... Ou nous pouvons nous retrouver pour suspendre à 20 heures et resuspendre à 21 heures et le faire comme vous voudrez. Je vous laisse le choix.

Mme Blackburn: M. le Président, je pense que, comme il s'agit d'un ordre de la Chambre, nous n'avons pas le choix. Il a été décidé par le président de la Chambre — je pense que c'est jeudi — que nous devions procéder par... constater que l'organisme ne se présente pas et ajourner parce que c'est un règlement de la Chambre, et nous y sommes soumis.

Le Président (M. Doyon): Oui.

Mme Blackburn: Et je n'aurais pas, moi, le pouvoir d'aller outre aux décisions du président de la Chambre.

Le Président (M. Doyon): Oui. Encore faut-il que, pour se plaindre, il y ait des victimes, et je considère que, si tout le monde était d'accord, il n'y en aurait point. Alors, c'est pour ça que je sollicite le consentement, n'ayant pas de victime, il n'y aurait pas de plainte.

Mme Blackburn: II n'y a pas de consentement.

Le Président (M. Doyon): II n'y a pas de consentement.

Alors, nous nous retrouvons à 20 heures pour suspendre et resuspendre de nouveau à 21 heures.

Alors, ceux qui sont à la télé, n'ouvrez pas pour rien, il n'y aura rien qui va se passer.

Bonsoir.

(Suspension de la séance à 17 h 34)

(Reprise à 20 h 3)

Le Président (M. Doyon): La commission de la culture, tel qu'indiqué avant le dîner, reprend ses travaux, tout simplement pour les suspendre.

Oui, madame.

Mme Blackburn: Si vous permettez, juste avant que vous appeliez le prochain groupe.

Est-ce qu'on pourrait demander au secrétaire de faire un peu le bilan des quatre jours d'audience: le nombre d'organismes qui se sont présentés, qui ont accepté l'invitation, ceux qui ont décliné l'invitation et ceux qui ont demandé un report, et peut-être nous indiquer aussi quand nous pourrions entendre ces organismes?

Le Président (M. Doyon): Oui. Alors, c'est... Oui, M. le député.

M. Maltais: M. le Président, je trouve l'idée bonne en soi, sauf que, sans préavis pour le secrétaire, c'est un peu difficile. Je suggère qu'il nous donne ça demain, à l'ouverture de la commission.

Le Président (M. Doyon): Oui. Ça pourrait être fait demain, à un autre moment.

Nous sommes ici pour voir, là, tout d'abord... La première chose, moi, mon devoir, c'est de voir si le groupe que nous devions recevoir à 20 heures — donc, dès maintenant — qui était l'Union des municipalités du Québec... Je constate que, conformément à la lettre qu'ils nous ont fait parvenir...

Mme Blackburn: Est-ce qu'on a reçu une lettre?

Le Président (M. Doyon): ...ils sont absents. Oui, on a eu une lettre, oui.

Mme Blackburn: Est-ce que vous pourriez nous en...

Le Président (M. Doyon): Oui, oui. Mme Blackburn: ...faire lecture?

Le Président (M. Doyon): Oui.

Ça, c'est l'Union des municipalités régionales de comté, qui n'est pas ici non plus pour 21 heures, je le signale tout de suite, même si nous devrons revenir, à l'insistance de Mme la députée de Chicoutimi — ce que nous ferons — pour...

Mme Blackburn: Et à l'ordre... selon l'ordre de la Chambre, M. le Président. Correction et...

Le Président (M. Doyon): Oui, oui. Alors, nous nous conformerons à l'ordre, parce que Mme la députée ne consent pas — ce qui est parfaitement son droit — à ce que nous ajournions à demain. Mais, pas de problème, nous reviendrons à 21 heures.

Donc, j'ai reçu une lettre de l'Union des municipalités du Québec, en date du 20 mai 1993, signée par M. Ulric Blackburn, président et maire de Chicoutimi, qui me dit: «Monsieur, Nous avons bien reçu votre invitation à participer aux consultations particulières de la commission de la culture sur le projet de loi en titre et nous vous en remercions. «Sur réception de votre invitation, j'ai fait effectuer un relevé des interventions et prises de position de

l'Union des municipalités sur cette question depuis la quinzaine d'années que le débat sur la langue a été lancé au Québec. Cette démarche m'a confirmé que l'UMQ n'a jamais, à ce jour, participé à ce débat, en raison principalement de positionnements fort différents et parfois opposés de ses différents membres, à la fois pour des motifs de conviction politique, de composition de population, et de structure économique de leur milieu pour n'en nommer que quelques-uns. «La réunion de notre conseil n'étant prévue que pour le 4 juin prochain, et la commission étant antérieure à cette date, j'ai consulté mes principaux collaborateurs sur la pertinence pour l'UMQ d'intervenir dans ce débat à cette étape de notre cheminement collectif. «Au terme de cet exercice, je vous informe de notre décision de décliner l'invitation que vous nous faites de témoigner sur le projet de loi 86. «Confiant que vous comprendrez notre volonté de constance dans ce dossier, je vous prie de recevoir l'expression de nos sentiments dévoués. Le maire de Chicoutimi, président de l'UMQ.»

Alors, c'est la lecture de la lettre, et, compte tenu de l'absence, tel qu'indiqué, je suspends nos travaux jusqu'à 21 heures, si c'est le désir de cette commission. Pas d'objection à ça?

Mme Blackburn: Suspendu.

M. Maltais: Nous, M. le Président, on donnerait facilement notre consentement, parce qu'un ordre de la Chambre, lorsqu'il y a consentement des deux parties, il n'y a pas tellement de problèmes, mais, compte tenu, si Mme la députée de Chicoutimi... C'est son droit, et nous le respectons. Donc, nous reviendrons à 21 heures.

Mme Blackburn: M. le Président, peut-être parce que je pense qu'il ne faut pas laisser les choses dans un état d'ambiguïté qui laisserait penser que c'est la responsabilité de l'Opposition.

L'espèce de scénario qui a été...

M. Maltais: Non, non. Concernant le consentement, M. le Président, m«»i, c'est tout ce que j'avais à dire.

Mme Blackburn: M. le Président, j'ai la parole, vous allez me permettre de terminer.

Ce n'est pas la responsabilité de l'Opposition que d'établir l'agenda de cette commission. Ça a été fait par ordre de la Chambre, et donc, un ordre de la Chambre, comme nous l'a rappelé le président de la Chambre, c'est un ordre de la Chambre, et il a intimé au président de la commission le devoir de venir constater l'absence du groupe la semaine dernière, plus précisément, M. le Président, si vous me le rappelez, c'est mercredi ou jeudi; et, comme c'est un ordre de la Chambre, c'est un ordre de la Chambre.

Le gouvernement a voulu procéder unilatéralement dans ce dossier-là, sans consulter les organismes, avec comme résultat, évidemment, de se retrouver avec un agenda à moitié vide.

Le Président (M. Doyon): Bon.

Mme Blackburn: Alors, je ne voudrais pas qu'on impute la responsabilité...

Le Président (M. Doyon): Ces choses étant dites...

Mme Blackburn: ...à l'Opposition.

Le Président (M. Doyon): Ces choses étant dites...

Mme Blackburn: Je vous remercie.

Le Président (M. Doyon): ...j'indique à ceux qui nous font l'honneur de nous écouter que, comme président, compte tenu de la responsabilité qui est la mienne, si je n'avais pas eu d'objection et un consentement — je l'indique tout simplement pour que ce soit clair — s'il n'y avait pas eu d'insistance de la part de qui que ce soit de la commission, je me serais senti autorisé à suspendre les travaux, à les ajourner jusqu'à demain, ce que je ne ferai pas, compte tenu de l'insistance que je constate dans le moment. Mais j'aurais pu le faire, compte tenu des prérogatives qui sont les miennes.

Alors, je suspends jusqu'à 21 heures.

(Suspension de la séance à 20 h 8)

(Reprise à 21 h 1)

Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous plaît!

Je constate que l'UMRCQ n'est pas présente, conformément à l'avis qu'elle nous avait envoyé; j'avais reçu une lettre là-dessus. Avant que Mme la députée de Chicoutimi me demande d'en faire la lecture, je vais le faire volontiers, comme c'est mon habitude, d'ailleurs, au-devant de ses désirs.

Une voix: Quelle gentillesse!

Mme Blackburn: ...je peux conclure que vous allez aussi aller au-devant de mes désirs.

Le Président (M. Doyon): Ah, bien, il ne faudrait pas exagérer!

Mme Blackburn: Non. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Doyon): C'est trop risqué pour moi, le président étant une personne fort prudente.

Le 25 mai 1993, le directeur général de

l'UMRCQ écrivait au secrétaire de la commission et lui disait ce qui suit: «Monsieur, Nous désirons vous informer que l'Union des municipalités régionales de comté et des municipalités locales du Québec n'a pas l'intention de faire des représentations lors des consultations particulières sur le projet de loi 86, Loi modifiant la Charte de la langue française. «Veuillez agréer, etc. Signé, M. Michel Fernet, directeur général.»

Mme Blackburn: Juste un mot, M. le Président.

Le Président (M. Doyon): Oui.

Mme Blackburn: D'abord, pour m'excuser auprès du personnel. Il faut se rappeler que le contrat qui a été accordé pour la télédiffusion des débats de cette commission, c'est assez élevé. Ça représente, nous dit-on, quelque chose comme 300 000 $. Malheureusement, plusieurs organismes — ça va être près d'au moins 40 % des organismes — se sont désistés. Mais je m'excuse auprès du personnel parce que je sais que, si on n'avait pas respecté l'ordre de la Chambre, vous pourriez peut-être rentrer chez vous plus rapidement, mais, par ailleurs, je n'ai pas le goût de trop, trop m'excuser parce que, de toute façon, si on avait siégé, vous seriez avec moi ici jusqu'à 22 heures, alors que vous pourrez quitter à 21 h 5.

Je le dis, en même temps, sur un ton badin, mais pour le déplorer. Parce que, dans ces périodes de restrictions budgétaires importantes, qui affectent lourdement les familles, ce n'est pas vrai qu'on a le droit de dépenser comme ça — par improvisation et de façon tout à fait inutile — quelque 150 000 $.

Alors, je terminerais là-dessus, et, comme le groupe ne s'est pas présenté, je pense qu'on doit ajourner, M. le Président.

Le Président (M. Doyon): Oui. M. le député de Hull.

M. LeSage: M. le Président, si vous le permettez, j'abonde dans le même sens que la députée de Chicouti-mi, sauf qu'elle aurait dû également ajouter que l'on s'excuse auprès des téléspectateurs pour l'image que l'on peut projeter, alors que l'on se réunit ici tout simplement pour ajourner.

Mme Blackburn: ...d'improvisation.

M. LeSage: Et c'est un caprice de la ministre... de la députée de Chicoutimi, dis-je, alors que le ministre... le président de cette assemblée l'a très bien dit à l'ajournement de 20 heures qu'on aurait pu, avec consentement, ne pas déranger tout ce beau monde, faire rentrer un paquet de personnel pour rien, payé pour rien et déranger le spectateur pour l'image que l'on projette.

M. Tremblay (Rimouski): Ça, c'est du «gaspil»!

Mme Blackburn: M. le Président, je pense qu'il faut dire la chose telle qu'elle est...

M. Tremblay (Rimouski): Non, non. C'est la vérité.

Mme Blackburn: M. le Président.

M. Tremblay (Rimouski): C'est ça, les faits.

Le Président (M. Doyon): M. le député!

Mme Blackburn: M. le Président, c'est que c'est un contrat fermé et, qu'ils viennent ou qu'ils ne viennent pas, ils sont quand même rémunérés. Heureusement, je le dis — alors, soyons sérieux — et c'est dû beaucoup — et je ne voudrais pas le répéter parce que c'est vrai que c'est disgracieux — à l'improvisation et à ce sentiment qu'ont eu les organismes qu'on pouvait les convoquer à l'heure dite, à la journée dite, et sans consultation. Il y en a plusieurs qui ne l'ont pas bien pris, et avec raison.

Le Président (M. Doyon): M. le député de Saguenay, vous vouliez ajouter, rapidement?

M. Maltais: Pour terminer, M. le Président, comme improvisation, ça en est une belle preuve ce soir. On aurait pu s'exempter. Malheureusement, on a dû revenir à 20 heures et à 21 heures. Et, quant à moi, je ne pense pas que — l'ordre de la Chambre — on vive en dictature. Lorsqu'il y a consentement, il y a toujours moyen de s'entendre. Ça fait 10 ans que je suis à l'Assemblée nationale, puis c'est la première fois que je vois une chose comme ça. J'imagine qu'on n'a pas fini d'en voir avec la députée de Chicoutimi. Mais elle est toujours la bienvenue. Je respecte ses droits.

Merci, M. le Président, et à demain.

Mme Blackburn: M. le Président, vous savez aussi qu'il y a eu une première...

Le Président (M. Doyon): Rapidement, en terminant, parce que ça ne finira jamais.

Mme Blackburn: Oui, je termine là-dessus, pour mieux comprendre, un peu, pour les téléspectateurs.

Le Président (M. Doyon): C'est vrai qu'on a une heure, remarquez bien!

Mme Blackburn: II s'agit d'une première: jamais, dans l'histoire de la Chambre, le gouvernement au pouvoir n'a-t-il, sur ordre de la Chambre, convoqué une commission sans consultation de l'Opposition, en indiquant non seulement les organismes invités, mais les heures et les dates au cours desquelles... et ça, sans consultation des organismes en question, sans consultation aucune.

M. Maltais: Mme la députée de Chicoutimi a la mémoire un peu courte: qu'elle se rappelle la loi 3.

Le Président (M. Doyon): Alors, comme président de l'assemblée, on me permettra, étant donné que... et, comme c'est normal, j'aurai le dernier mot.

J'indique que nos travaux seront suspendus dans quelques instants. Et je le fais en ce qui concerne les groupes qui devaient venir demain. C'est qu'un article de notre règlement — c'est le deuxième alinéa de l'article 87 de notre règlement — suspend les travaux des commissions pour la durée du discours du représentant de l'Opposition officielle dans le cadre du débat sur le discours du budget. Ça aura lieu demain matin, de 10 heures à 12 heures.

Donc, à midi, nous reprendrons nos travaux de façon à entendre... je pense que c'est la Fédération des travailleurs du Québec.

J'indique que notre présence ici était requise, d'une part, par l'ordre de la Chambre, c'est vrai, mais, d'autre part, par l'insistance de certains membres de cette commission — ce qui était parfaitement leur droit — de nous réunir,de nouveau pour faire ressortir un certain nombre de points que les téléspectateurs, j'en suis convaincu, avaient déjà compris.

Alors, les travaux sont ajournés jusqu'à midi, demain.

(Fin de la séance à 21 h 6)

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