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Version finale

34e législature, 2e session
(19 mars 1992 au 10 mars 1994)

Le mardi 1 juin 1993 - Vol. 32 N° 30

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultations particulières dans le cadre de l'étude détaillée du projet de loi n° 86, Loi modifiant la Charte de la langue française


Journal des débats

 

(Onze heures quarante-trois minutes)

Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission de la culture reprend ses travaux et procédera aujourd'hui à des consultations particulières et à des auditions publiques sur le projet de loi 86, qui est la Loi modifiant la Charte de la langue française.

Nous allons donc faire la suite des consultations que nous avons entreprises depuis 2 semaines, et je demanderais à M. le secrétaire de bien vouloir nous indiquer, tout d'abord, s'il y a des remplacements.

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Leclerc (Taschereau) sera remplacé par M. Maltais (Saguenay); M. Boisclair (Gouin), par M. Bélanger (Anjou); M. Bourdon (Pointe-aux-Trembles), par Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve); et M. Paré (Shefford), par M. Brassard (Lac-Saint-Jean).

Le Président (M. Doyon): Je fais un bref rappel de ce qui nous attend aujourd'hui. J'indique qu'à 11 h 30 — nous sommes un peu en retard, j'en tiendrai compte dans le temps — la Chambre de commerce du Montréal métropolitain nous fera ses représentations; nous suspendrons nos travaux après ça pour le déjeuner et, à 15 heures, nous reprendrons nos travaux, nos consultations pour entendre les représentants du Parti québécois, qui seront suivis, à 16 heures, par la Town-shippers' Association. Nous aurons ensuite, à 17 heures, le Mouvement national des Québécois.

Nous reprendrons nos travaux, soit à 20 heures, soit à 21 heures, étant donné que 20 heures était prévu pour la Commission des écoles catholiques de Montréal et ils nous ont indiqué qu'ils ne seraient pas présents. Je demanderai des consentements pour avancer l'heure de la présentation par le Conseil du patronat, qui est prévue à 21 heures, avec une possibilité que ce soit devancé à 20 heures; on verra tout à l'heure, et j'en informerai les membres de cette commission.

Ensuite, les représentants de la Chambre de commerce du quartier chinois ne semblent pas être disponibles. Il y a certaines difficultés à les rejoindre. Donc, nous ne prévoyons pas avoir personne à 22 heures; à 23 heures non plus. C'était supposé être l'Association des manufacturiers du Québec qui, depuis un certain temps, nous ont fait part de leur intention de ne pas se rendre à l'invitation que nous leur avions faite.

Donc, nous allons commencer avec la Chambre de commerce du Montréal métropolitain. Nous le faisons en souhaitant tout d'abord la bienvenue à ceux qui les représentent. Je vois que M. Roy est ici, Mme Vennat, et il y a M. Beauregard, je pense. Je leur souhaite la plus cordiale des bienvenues.

J'indique que la façon de procéder est la suivante. Vous disposez de 20 minutes pour nous faire part de vos représentations, votre point de vue sur le projet de loi. Ensuite, la discussion et les échanges s'engagent avec les parlementaires selon des règles qui sont les nôtres depuis le début, c'est-à-dire 20 minutes pour le parti ministériel et 20 minutes pour l'Opposition, 5 minutes à la fin, en ce qui concerne l'Opposition, étant réservées, si on m'en fait la demande, au député indépendant de D'Arcy-McGee.

Bienvenue! Vous avez la parole.

Chambre de commerce du Montréal métropolitain

M. Roy (Bernard A.): M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. membres de la commission, au nom de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, je désire remercier les membres de la commission de nous avoir invités à vous faire part, aujourd'hui, du point de vue du milieu des affaires montréalais dans cet important dossier qu'est la langue. Je remercie également les leaders du gouvernement et de l'Opposition de nous avoir accordé le temps requis pour procéder aux consultations qui s'imposent dans un organisme comme le nôtre et dans un dossier de cette importance. particulièrement depuis la fusion intervenue entre le board of trade de montréal et la chambre de commerce de montréal, notre organisme reflète la diversité et la richesse culturelle des milieux d'affaires montréalais. pour plusieurs raisons, la chambre est particulièrement bien placée pour exprimer le point de vue de l'ensemble de la communauté des affaires de montréal et de sa région dans le dossier linguistique. compte tenu de la mission de notre organisme, nous analysons en priorité dans notre mémoire les modifications suggérées à la charte de la langue française en fonction de leur impact économique et commercial, sans perdre de vue pour autant la réalité culturelle et sociale du québec. toute notre société ne peut évoluer harmonieusement que dans la mesure où son développement économique va de pair avec l'épanouissement social et culturel de sa population. '

Alors, d'entrée de jeu, la position de la Chambre sur le projet de loi 86 est la suivante. Nous accueillons positivement l'ensemble des mesures contenues au projet de loi et soulignons particulièrement notre accord avec l'approche incitative proposée dans la plupart des domaines où des modifications sont apportées à la Charte de la langue française.

Notre mémoire, qui a été déposé devant cette commission et que vous avez devant vous, se divise en 4 parties. Dans un premier temps, nous constatons que

les grandes orientations qui sous-tendent la Charte demeurent les mêmes et que des modifications qui touchent les modalités d'application proposées correspondent à l'évolution de notre société; deuxièmement, nous commentons l'approche proposée en matière linguistique en fonction du développement de la région de Montréal; troisièmement, nous suggérons certaines modifications au processus réglementaire qui est proposé dans le projet de loi; quatrièmement, nous commentons quelques points bien spécifiques, soit l'élargissement des fonctions de l'Office de la langue française, l'assouplissement apporté à certaines règles de francisation des petites entreprises et les précisions apportées quant à l'introduction de la clause Canada dans la Charte.

En premier lieu, j'aimerais aborder les grandes orientations de la Charte. Le visage français de Montréal confère à la métropole du Québec une caractéristique unique en Amérique du Nord. Beaucoup de travail a été fait au cours des dernières années pour inscrire la reconnaissance de cette réalité tant dans les habitudes de la population concernée que dans le cadre juridique qui peut aider à en assurer la pérennité.

À l'instar de l'immense majorité de la population du Québec, la Chambre insiste pour préserver le visage français de Montréal. Les consultations effectuées dans le dossier linguistique nous convainquent que, au sein de la communauté des affaires à tout le moins, personne ne met en doute cette nécessité. (11 h 50)

Notre analyse du contenu du projet de loi 86 nous amène à conclure que les grandes orientations que l'on retrouve à la Charte de la langue française sont protégées et demeurent intactes. Quelles sont ces grandes orientations? Le français demeure la langue officielle; les droits linguistiques fondamentaux sont protégés et sauvegardés; la langue de l'administration des organismes parapublics demeure le français; il en est de même pour la langue de travail, la langue du commerce et des affaires et la langue de l'enseignement. À notre avis, dans tous ces domaines, les grandes orientations de la Charte ne sont pas altérées; certaines modalités d'application le sont, ce qui est bien différent.

Pourquoi — certains le prétendent — faut-il modifier maintenant certaines modalités d'application de la Charte? La question mérite qu'on s'y arrête puisque le dossier linguistique a toujours provoqué, chez nous, des débats passionnés et des luttes qui, malheureusement, nous ont divisés.

Pour sa part, la Chambre croit que, au-delà de l'échéance du délai d'application de la clause dérogatoire dans le cas de la Loi sur l'affichage, et même des conséquences de la décision récente du comité des Nations unies sur le même sujet, certaines modalités d'application de la Charte doivent être revues. On ne peut pas nier le fait que, au cours des dernières années, le monde ait changé, et le Québec, comme société particulièrement ouverte sur le monde, n'échappe pas à cette réalité. Est-il nécessaire de rappeler que presque la moitié de la production manufacturière du Québec est destinée à des marchés situés à l'extérieur de ses frontières? Pareille situation place notre société dans une situation d'interrelation constante avec le reste du monde. De plus, il sera toujours préférable d'inciter que de proscrire, particulièrement dans des domaines où les attitudes et les comportements revêtent une importance primordiale. C'est précisément, selon nous, le cas du dossier linguistique.

Ce sont des considérations qui se rattachent à ces 2 ordres de raisonnement, c'est-à-dire l'évolution des mentalités — et, selon nous, mieux vaut inciter que proscrire — c'est pour ces 2 considérations, dis-je, que la Chambre a révisé ses positions, positions qu'elle avait rendues publiques il y a maintenant 5 ans dans le cadre du débat sur la loi 170, débat qui, à ce moment-là, il convient de le rappeler, avait porté sur le projet de loi en matière d'affichage, contrairement au projet de loi 86, dont la portée, on doit en convenir, est beaucoup plus large.

Nous sommes en contact quotidien, à la Chambre, avec un grand nombre d'individus et d'organismes qui émanent de divers milieux. Cette position d'acteur privilégié que nous avons au sein de la communauté nous permet d'affirmer que les perceptions de la société québécoise évoluent rapidement, notamment, dû au fait de son ouverture sur le monde. Ces perceptions nouvelles influencent les attitudes des Québécois, et nous sommes à même de constater, par exemple, qu'un grand nombre de Québécois sont maintenant d'accord avec l'utilisation d'une autre langue que le français dans l'affichage extérieur, sous réserve que le français soit nettement prédominant. Les derniers sondages qui ont été rendus publics confirment les perceptions de la Chambre et reflètent fidèlement ce que nos membres nous disent.

Les échanges que nous entretenons avec divers milieux nous permettent de constater entre autres le fait que les Québécois relient la possibilité qu'ont nos entreprises d'évoluer sur les marchés internationaux à la capacité de leur personnel de pouvoir utiliser plusieurs langues. Et cette perception est très claire, entre autres dans le milieu étudiant. Il nous apparaît clairement que les manifestations d'interdépendance avec le reste du monde, de plus en plus présentes dans la vie quotidienne des Québécois, contribuent à l'ouverture dont la majorité d'entre eux témoignent dans le dossier linguistique.

Ainsi, de plus en plus de Québécois sont conscients de l'importance de prendre les moyens appropriés pour que les jeunes maîtrisent davantage et mieux la langue anglaise. Cette évolution des mentalités va de pair au sein de la population avec les exigences plus élevées dans le domaine de l'enseignement du français, ce qui est extrêmement intéressant. On ne semble plus mettre en opposition l'apprentissage de plusieurs langues, comme ce fut le cas il n'y a pas très longtemps. On est de plus en plus conscients, au contraire, de la nécessité de maîtriser plusieurs langues. La Chambre, pour une, croit que l'évolution des mentalités à cet égard est extrêmement encourageante et elle traduit le

fait d'une assurance accrue dans nos moyens comme société.

Selon nous, le cadre législatif dont une société se dote doit refléter la situation qui prévaut à un moment donné. Ce cadre ne doit pas être immuable, ne doit pas être figé dans le temps, il doit évoluer en fonction des changements qui surviennent. Ce n'est qu'à cette condition, croyons-nous, que les lois qui régissent une société peuvent contribuer -à son développement et à son épanouissement. Un cadre législatif inaltérable, qui ne refléterait plus la réalité, risquerait, au contraire, de ralentir l'évolution d'une société. Voilà pour la première partie de notre mémoire. Maintenant, la seconde.

La seconde partie porte sur la langue et le développement de Montréal. Le développement économique et social de Montréal demeure, n'en déplaise à certains, la pierre d'angle de l'économie du Québec. Depuis plusieurs années, Montréal tente de se tirer d'une situation économique difficile. Les statistiques qui reflètent le taux de chômage et la misère dans certains quartiers de Montréal sont bien connues. Cette situation peu enviable a d'ailleurs fait l'objet de plusieurs études, dont un bon nombre concluent que la relance de la métropole du Québec passe notamment par l'accentuation de son caractère international, ainsi que par le développement accéléré de certains secteurs de pointe qui ont déjà percé sur les marchés mondiaux.

Du rapport Picard au rapport d'étape du Groupe de travail sur Montréal et sa région, en passant par celui du comité interministériel sur le développement du Grand Montréal, tous abondent dans le même sens.

Loin de nous la prétention que des modifications à la Charte de la langue vont entraîner quelque effet magique que ce soit sur la situation économique de Montréal. Il nous semble, par ailleurs, plus logique de croire qu'une grande ouverture ou une plus grande ouverture en matière linguistique, tout en assurant la prédominance du français, bien sûr, représente un des atouts sur lesquels nous avons tous les pouvoirs d'agir. Les changements proposés surviennent à une époque où nos leaders font la promotion de Montréal comme ville internationale, comme ville vibrante, généreuse, tolérante et ouverte sur le monde.

C'est là, selon la Chambre, un des facteurs importants dont il faut tenir compte. Agissons d'abord sur ce que nous pouvons contrôler. Bien sûr, nous n'avons aucun contrôle sur la situation économique mondiale dont on dépend largement; nous contrôlons, par ailleurs, certains domaines clés qui ont un impact sur l'évolution de notre société. C'est le cas, par exemple, de la qualité de notre main-d'oeuvre, de nos infrastructures, comme c'est d'ailleurs le cas de la législation dont le Québec s'est doté en matière linguistique.

Personne d'autre que nous n'a le pouvoir de nous imposer quoi que ce soit dans des domaines qui influencent profondément notre devenir. Pourquoi, alors, ne pas prendre tous les moyens afin de nous assurer que ces facteurs jouent en notre facteur sans, bien sûr, perdre de vue les grands objectifs que nous nous sommes fixés en tant que société?

Il est clair pour la Chambre que les Québécois doivent maîtriser d'autres langues que le français dont, bien sûr, l'anglais, qui est la langue par excellence du commerce international, mais également des sciences et de bien d'autres domaines, s'ils veulent réussir dans un monde qui est de plus en plus interdépendant. Il est également tout aussi clair que nous devons offrir des conditions d'accueil satisfaisantes si nous voulons attirer chez nous des personnes qualifiées qui peuvent contribuer au développement de notre société. C'est dans cet esprit que certaines modifications peuvent être apportées à la Charte de la langue française tout en ne faisant que des gagnants parmi les Québécois de toute expression.

Selon nous, certaines dispositions de la Charte sont restrictives et désincitatives à l'égard de la population francophone et risquent davantage de nuire que d'aider. Par exemple, la loi qui interdit l'immersion occasionnelle en langue anglaise pour faciliter l'apprentissage de cette langue: la révision de dispositions de cette nature ne pourrait être qu'à l'avantage des francophones qui savent bien que, sans une bonne maîtrise de l'anglais, ils éprouveront beaucoup de difficultés à évoluer dans un monde où la connaissance de cette langue devient chaque jour davantage une nécessité.

Que ce soit au Québec ou n'importe où ailleurs dans le monde, les institutions n'ont pas à être bilingues au Québec et ne le deviendront pas avec les mesures qui sont proposées. Ce qu'on va faire, c'est qu'on va fournir aux jeunes francophones l'opportunité de maîtriser l'anglais pour pouvoir mieux se débrouiller dans cette langue. (12 heures)

Dans le domaine des affaires, certaines dispositions relèvent davantage d'une démarche qui vise actuellement à prohiber l'usage d'autres langues plutôt qu'à inciter à l'utilisation du français. Dans le contexte actuel, tous y gagneraient à faire le contraire, c'est-à-dire à inciter plutôt qu'à interdire.

Bien sûr, de tels changements doivent se faire à l'intérieur de balises raisonnables. Il n'est pas non plus question de recréer la situation qui prévalait avant la promulgation de la Charte de la langue française, et nous croyons que tout le monde est d'accord là-dessus.

Une société comme la nôtre a tout intérêt à conserver chez elle les éléments les plus actifs et les mieux informés et à se donner les moyens nécessaires pour attirer les ressources qui peuvent contribuer à son développement. À tout le moins, il n'est certainement pas de notre intérêt de mettre en place des obstacles qui peuvent nuire à l'implantation chez nous de ces personnes. Et cela est particulièrement vrai dans des secteurs dont le développement est étroitement relié à la présence d'individus dont les réseaux personnels s'étendent bien au-delà de nos frontières, et c'est le cas du tertiaire moteur sur lequel toutes les grandes villes comme Montréal comptent pour asseoir le développement de leur économie.

La structure économique de la région de Montréal

justifierait que le tertiaire moteur soit un des piliers de son développement et, à l'instar de certaines personnes et de certains organismes, la Chambre s'interroge sur la possibilité que certains éléments, certains irritants dans le dossier linguistique puissent avoir et aient pu avoir un rapport avec le développement de notre tertiaire moteur.

Les études entreprises par la Chambre auprès des éléments non francophones de la population ont permis d^identifier un certain malaise et même un sentiment d'aliénation, particulièrement chez les jeunes anglophones. Ces personnes se sentent difficilement chez elles dans un environnement où la langue est interdite d'usage pour certaines fonctions qui se reflètent dans leur vie de tous les jours. C'est le cas, par exemple, de l'affichage. Dans ce domaine, on doit en convenir, les perceptions revêtent une grande importante.

La conséquence est claire: Montréal n'est pas le premier choix comme place d'affaires pour plusieurs anglophones. Aussi, cette perception contribue au départ de certains et constitue un frein quant à la venue d'autres personnes au Québec. La simple observation des faits démontre que de plus en plus d'entreprises nationales et multinationales limitent les activités de direction et de coordination établies à Montréal au seul territoire québécois, alors que les autres régions, elles, relèvent d'un centre de coordination qui est établi ailleurs.

Bien sûr, dans ce contexte, les postes qui demeurent à Montréal sont de plus en plus occupés par les francophones. De façon générale, tant la mobilité professionnelle réduite que l'étendue des réseaux personnels des francophones font en sorte que le rayonnement du tertiaire moteur montréalais, il faut le constater, se rétrécit géographiquement. Il ne s'agit pas de dire pour autant que les francophones soient moins efficaces et moins instruits que leurs collègues anglophones; cette situation ne fait que traduire le fait que les francophones ont moins étudié et travaillé ailleurs en Amérique du Nord que leurs collègues anglophones et, en conséquence, le «networking» ou le réseau d'affaires est plus limité. Il découle donc de ce fait qu'il est dans l'intérêt du milieu montréalais de prendre les moyens pour exercer au moins une attraction normale sur les personnes talentueuses qui vivent à l'étranger et dont les activités sont requises pour le développement du tertiaire moteur.

La Chambre croit donc que la prohibition de l'utilisation d'une langue en matière d'affichage et de raison sociale projette une image qui est inutilement négative. Au contraire, la promotion du français doit être le moyen privilégié pour favoriser l'utilisation du français tout en s'assurant que les acquis des dernières années ne soient pas mis en danger.

J'en suis maintenant au troisième volet de notre mémoire qui porte sur le processus réglementaire. Dans un domaine aussi important et sensible que l'est le dossier linguistique, les modifications qu'un gouvernement peut être appelé à apporter en cours de route doivent faire l'objet d'un processus démocratique qui échappe à toute critique. C'est pourquoi la Chambre tient à ce que la procédure habituelle de la prépublication des règle- ments, telle que prévue à l'article 84 de la Charte, soit rigoureusement observée.

La Chambre croit donc que pour assurer toute la transparence requise tout au long du processus réglementaire, il est primordial que le règlement s'engage à soumettre tous les règlements aux impératifs de prépublication prévus dans la Loi sur les règlements. Le résultat, c'est que tout projet de règlement en matière linguistique ne pourrait être édicté ou approuvé avant un délai de 45 jours à compter de sa publication dans la Gazette officielle du Québec, délai à l'intérieur duquel toute personne, tout organisme pourrait le contester et faire valoir ses représentations.

La dernière partie de notre mémoire comprend des commentaires portant sur des points bien précis de la loi 86. Ainsi, la Chambre est d'avis que l'évolution de la situation linguistique au Québec, de même que l'accent mis sur la promotion du français de préférence à l'interdiction d'utiliser d'autres langues, justifie l'élargissement des fonctions de l'Office de la langue française pour absorber les fonctions qui jusqu'à maintenant étaient dévolues à la Commission de protection de la langue. La Chambre va jusqu'à suggérer qu'une partie des fonds publics ainsi économisés pourraient être consacrés à la promotion du français.

Le milieu des affaires réagit très positivement à l'assouplissement des règles de francisation visant les petites entreprises. La Chambre croit que les assouplissements proposés n'auront pas d'impacts négatifs sur l'utilisation du français au travail puisque plusieurs de ces entreprises, de toute façon, entretiennent des relations constantes avec des entreprises de plus grande taille qui, elles, sont soumises à des règles bien précises dans ce domaine.

La Chambre est d'avis que le Québec se doit de lancer des signaux positifs en matière linguistique et, pour nous, l'introduction dans la Charte de la clause Canada est un des signaux que nous devons émettre. Il en va de même de l'assouplissement proposé quant à certaines règles qui s'appliquent aux personnes qui séjournent temporairement au Québec. Dans une ville qui veut attirer les talents du monde entier et qui veut se positionner comme ville internationale, des changements à ces dispositions s'imposaient d'emblée.

Donc, M. le Président, j'arrive à la conclusion. La Chambre croit que l'épanouissement de la langue française au Québec tient davantage à des mesures de nature à en faire la promotion plutôt qu'à des interdictions d'utiliser d'autres langues, le tout, bien sûr, à l'intérieur de balises qui sont raisonnables et justifiables. La Chambre est donc d'accord avec le maintien des grands principes qui sous-tendent la Charte de la langue française et avec l'ensemble des modifications apportées à certaines modalités d'application visant à harmoniser le texte de la loi avec la situation qui évolue constamment au Québec.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Roy. M. le ministre.

M. Ryan: M. le Président, je voudrais tout d'abord remercier l'Opposition d'avoir collaboré avec le gouvernement en vue de faciliter la présence de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain à cette tribune privilégiée qu'est la commission parlementaire chargée de l'examen du projet de loi 86.

Il est arrivé un inconvénient: la Chambre de commerce avait été inscrite au programme au tout début de nos travaux et elle ne pouvait pas se présenter pour des raisons qu'a indiquées M. Roy tantôt. Et, grâce à la collaboration qui s'est instituée entre les 2 côtés sur ce point précis et sur le réaménagement de l'horaire à l'intention des organismes dont la présence avait été rendue impossible à cause de développements divers, je pense qu'on a pu entendre ce matin l'un des mémoires... je ne sais pas, si je disais «les meilleurs», on trouverait que je m'approprie facilement les bonnes choses, mais, en tout cas, un des mémoires les plus clairs, les plus nets, les plus dénués d'équivoque qu'il nous ait été donné d'entendre depuis le début des auditions publiques de la commission parlementaire. Je voudrais vous en exprimer, M. le président de la Chambre de commerce, ainsi que Mme Vennat et M. le directeur général, ma vive appréciation et celle du gouvernement.

Vous avez rappelé de manière lapidaire qu'à votre point de vue, après examen attentif du projet de loi, celui-ci ne modifie en aucune manière les grandes orientations de la Charte de la langue, ni les principes de base qui sous-tendent l'économie de la Charte. C'est également l'opinion du gouvernement. Je suis content de constater qu'un organisme comme le vôtre en vient à cette constatation après un examen qui a duré plusieurs semaines et des consultations auprès de vos membres. (12 h 10)

Nous avons essayé dans ce projet de loi, après avoir longuement ausculté l'opinion, longuement observé les problèmes qui découlaient de l'application concrète de la Charte, au jour le jour, nous avons essayé d'apporter des modifications répondant à des problèmes observés à maintes reprises dans la pratique quotidienne. Je suis content de constater que la Chambre de commerce juge que telle est la portée du projet de loi. Il n'y en a pas d'autre que ça: faciliter les choses pour tout le monde. en ce qui regarde l'affichage, je lisais ce matin, dans la presse, je pense, l'opinion de m. raymond lévesque, un artiste bien connu, qui disait: la télévision fait entrer dans nos foyers à coeur de jour des messages en langue française et également des messages en langue anglaise. des messages en provenance du québec, en provenance du vermont, en provenance des états américains avoisinants, de l'ontario, etc. les imprimés... il suffit d'aller dans un kiosque de journaux et de périodiques pour constater que 80 % de la matière exposée dans nos kiosques de périodiques est une matière qui provient des états-unis ou d'ailleurs.

Dans un contexte comme celui-là, prétendre maintenir une interdiction absolue quant à l'usage d'une autre langue en affichage commercial est quelque peu contradictoire, en plus de créer des problèmes sérieux au chapitre de la liberté d'expression. Vous n'avez pas insisté sur ce point-là dans votre mémoire, mais je postule que les jugements rendus par les cours à ce sujet ne vous laissent pas indifférents.

Alors, j'apprécie énormément, par conséquent, ce que vous nous apportez comme jugement fondamental, et peut-être que le commentaire le plus fort que je ferais, en ce qui me touche, ce serait pour souligner combien je partage votre avis quant à la supériorité de l'approche incitative sur l'approche coercitive. Je pense, surtout dans une grande métropole, même quand un gouvernement veut se livrer trop abondamment à la coercition, il ne peut pas réussir. On l'a essayé dans toutes sortes de sociétés autres que le Québec et ça ne peut pas réussir au-delà d'un certain point où, tôt ou tard, la loi de diversité, de spontanéité, même une certaine anarchie qui préside au développement des métropoles — on ne peut pas tout contrôler dans une métropole et c'est bon qu'il en soit ainsi — finit par s'imposer.

Ce que nous essayons de faire, c'est de provoquer un certain rétablissement d'équilibre qui ne nous fera perdre de vue, en aucune manière, les objectifs fondamentaux que nous poursuivons tous et autour desquels, quelle que soi la vigueur de nos échanges parfois, nous restons, j'en suis convaincu, d'accord.

À la fin de votre mémoire, vous formulez certaines recommandations en ce qui touche le pouvoir réglementaire. Je pense pouvoir vous assurer, M. Roy, qu'il n'est pas question que le gouvernement use de la clause d'exception que contient la Loi sur les règlements pour s'exempter de la période de prépublication de 45 jours que prévoit la loi.

En ce qui touche les règlements, j'ai toujours l'intention de porter à la connaissance des membres de la commission, avant la fin de nos travaux, l'essentiel des projets de règlements que nous envisageons pour l'avenir prévisible, c'est-à-dire pour au moins les 2 ou 3 prochaines années, je dirais. Et on verra, quand on prendra connaissance de ces projets, qu'ils sont extrêmement modérés, qu'ils vont dans l'esprit général de la Charte et qu'ils s'inspirent largement de propositions qui nous ont déjà été soumises dans le passé, entre autres, par l'Office de la langue française. Mais, ce processus de vérification publique auquel vous tenez à juste titre sera, je peux vous en donner l'assurance, respecté.

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M. Roy: Ce qui nous a amenés, M. le ministre, à faire cette observation, évidemment, c'est l'abrogation de l'article 94 de la Charte qui prévoyait, n'est-ce pas, l'obligation pour le gouvernement, avant d'adopter des règlements, ou de les amender, ou de les modifier, de procéder à une prépublication... je pense que c'est 60 jours qui étaient prévus à ce moment-là. Alors, compte tenu de l'abolition de l'article 94 par le biais du projet de loi 86, c'est bien sûr qu'on est conscients que la Loi sur les règlements conserve toute sa rigueur, mais il y a

quand même une échappatoire qui permet au gouvernement, dans des cas qui sont prévus, de se dispenser d'avoir à prépublier. Alors, on voulait être bien sûrs que, là-dessus, le gouvernement continue d'être assujetti et d'appliquer, d'une façon très rigoureuse, la procédure de prépublication. Et s'il doit y avoir des débats à ce moment-là, il y en aura. , M. Ryan: Juste pour compléter ce que je disais, à moins qu'il ne survienne des obstacles imprévus pour l'instant, j'ai l'intention de porter à la connaissance des membres les projets de règlements que nous avons conçus. Ils n'auront pas été approuvés par le gouvernement, à ce moment-là. On aura tout de suite une première période pendant laquelle il sera possible de réagir. Moi, je n'ai pas l'intention de soumettre ces projets à l'approbation du gouvernement avant l'été. Et, une fois qu'ils auront été approuvés par le gouvernement, interviendra alors la période de 45 jours dont vous parlez, ce qui veut dire qu'on ne peut pas envisager l'entrée en vigueur d'aucuns règlements nouveaux avant une période de 3 mois après l'adoption du projet de loi, ce qui donnera à tout le monde tout le temps voulu pour réagir. Mais vous avez rappelé opportunément le petit changement qui est fait à l'article 94, et puis je pense que de nous conformer à l'économie générale de la loi sur la réglementation suffira. Je peux vous dire une chose: d'expérience, le gouvernement est de plus en plus sévère pour l'acceptation de cas exceptionnels au nom de la raison d'urgence. Il est arrivé des cas récemment. Je pense que le gouvernement est de plus en plus sévère là-dessus et, personnellement, je m'en réjouis.

Je voudrais vous poser peut-être 1 question ou 2. Je n'ai pas beaucoup de questions à vous poser parce que je ne veux pas amplifier démesurément le plaisir que me cause la communication des vues que vous nous avez apportées ce matin, mais j'aimerais que vous nous parliez un petit peu des raisons pour lesquelles, dans une société comme la société métropolitaine de Montréal, des méthodes d'incitation peuvent être plus efficaces que des méthodes coercitives et, en particulier, j'aimerais que vous nous parliez... Quand on parle des centres de décision, pourquoi, dans ces centres de décision pouvant affecter des activités qui vont bien au-delà de nos frontières, il peut être important de disposer d'une marge de souplesse élargie en matière d'usage linguistique?

M. Roy: Toute la question du tertiaire moteur et de son importance pour la région de Montréal est amplement développée dans notre mémoire et, ce que les statistiques dénotent, c'est que les anglophones ont toujours été surreprésentés traditionnellement au sein du tertiaire moteur. Depuis une dizaine d'années, on constate que la proportion des postes occupés par les anglophones dans le tertiaire moteur a diminué et ça nous inquiète beaucoup, parce qu'on sait l'importance de ce secteur pour l'économie de Montréal.

On s'est rendu compte qu'il y avait, de la part des anglophones, une certaine désaffection. Dans certains cas, ça tient davantage de la symbolique. La loi sur l'affichage avait entraîné, de la part des jeunes anglophones, un manque de... Ce sentiment d'appartenance qui est très fort chez les francophones, on le retrouve de moins en moins chez les jeunes anglophones. Quand on leur demande pourquoi, on constate que ça tient davantage à la symbolique, et la loi 178 y a été pour beaucoup. Ils ont plutôt tendance à s'identifier à leurs infrastructures, à leurs maisons d'enseignement et ont l'impression d'être mis à l'écart, ont l'impression d'être un peu — comment dirais-je? — ostracises, pour certains, par leurs collègues francophones, avec le résultat qu'ils regardent à l'extérieur du Québec pour aller gagner leur vie. Et l'exode, que certains ont appelé, la fuite de ces jeunes anglophones qui ont été élevés, instruits, éduqués au Québec, c'est quelque chose, à mon sens, d'absolument néfaste pour la santé économique de Montréal. C'est un phénomène qui ne tient pas seulement, il faut en convenir, aux questions qui sont abordées et qui sont discutées ici, il y a quand même aussi l'attrait vers d'autres marchés, l'expérience qu'on peut acquérir ailleurs, mais il n'y a aucun doute que... (12 h 20)

Moi, c'est ce que je dis, M. le ministre, depuis près d'un an. Quand j'ai assumé la présidence, en août dernier, j'ai fait porter une bonne partie de mon message sur le fait que je souhaitais que la Chambre travaille, dans le sens de ses interventions, pour rassurer les jeunes anglophones et faire en sorte qu'on cesse de se priver de ce bassin important que nous perdons à l'étranger. Pour moi, ce qui est proposé ici envoie un signal qui est porteur d'espoir, qui est encourageant, qui dénote une ouverture. C'est peut-être ce genre de signaux, finalement, qui sont de nature à rassurer davantage les jeunes anglophones qui, jusqu'à maintenant, avaient quitté ou sont en pleine période de réflexion quant à leur avenir au Québec.

Alors, en ce qui a trait au tertiaire moteur, nous savons, à partir de la réflexion que nos membres nous ont faite, que, de plus en plus — et c'est noté dans notre mémoire — Montréal devient davantage, pour les grandes entreprises multinationales, «branch office», devient non plus un bureau de direction, un siège social, mais devient... On régionalise, en somme, et, ça, ça tient au fait qu'il y a un affaiblissement au niveau du tertiaire moteur.

Encore une fois, je ne veux pas que les membres de cette commission parlementaire soient sous l'impression que, finalement, la Chambre fait porter l'odieux de cette situation uniquement sur la langue. Ce qu'on dit, c'est que, dans la mesure où on peut contrôler cette question-là, mettons toutes les chances de notre côté.

M. Ryan: Peut-être une dernière question, M. le Président, si vous me permettez. En matière d'affichage, plusieurs, dont le Conseil de la langue française, ont suggéré que nous fassions une distinction entre les personnes physiques et les personnes morales, disant: On

devrait autoriser l'affichage dans une langue autre que le français pour les personnes physiques ou les entreprises qui sont propriété directe et exclusive d'une personne et que toutes les interdictions actuelles demeurent pour les personnes morales et les entreprises, étant supposé que celles-ci n'ont rien à voir avec les chartes de droits fondamentaux. Est-ce qu'on pourrait avoir vos commentaires là-dessus?

M. Roy: Moi, je trouve que c'est une distinction spécieuse qu'on fait, et je m'explique.

On sait que, légalement, il est plus prudent pour les gens qui sont des commerçants de s'incorporer. Je ne suis pas ici pour donner un cours de droit, mais je pense que, sur le plan de la responsabilité, tout le monde sait que c'est plus prudent et qu'on échappe à la responsabilité personnelle quand on s'incorpore. Donc, si j'ai bien compris l'approche de certaines personnes, c'est de dire que si 1 ou 2 personnes, qui exploitent un commerce et que, pour des raisons parfaitement valables, elles décident de s'incorporer, ces personnes-là, comme personne morale, comme entité juridique distincte des individus qui l'ont créé, qui en sont propriétaires, devraient être traitées différemment de simples commerçants qui, peut-être pour des raisons parfaitement justes, décident de ne pas s'incorporer. À mon sens, c'est une distinction qui ne tient pas, et je ne vois pas comment on devrait traiter différemment une personne morale parce qu'elle est une entité juridique différente des personnes qui la composent.

Alors, pour moi, si on est pour assouplir, si on est pour changer, si on est pour modifier, ça doit s'appliquer, mutatis mutandis, aux personnes physiques et aux personnes morales.

M. Ryan: Merci.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Roy. Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président.

Il me fait plaisir d'accueillir la Chambre de commerce de Montréal et son président, M. Roy, qui a occupé entre autres fonctions, celle de chef de cabinet de M. Mulroney, Mme Vennat et M. Beauregard.

Je vais procéder rapidement à quelques remarques, une question, et ensuite je passerai la parole à Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Dans votre présentation, vous ramenez la relance de Montréal sur le bilinguisme. C'est un peu ce qu'on faisait pour justifier l'ouverture des commerces le dimanche, et les données statistiques ont la tête dure. Ce matin, ce qu'on nous dit, c'est que le commerce, la vente au détail aurait chuté de 13 %. On n'a pas obtenu les résultats qu'on en attendait, semble-t-il.

En ce qui a trait au malaise des jeunes, j'ai eu l'occasion de rencontrer plusieurs, de nombreux groupes de la communauté anglo-montréalaise, et on explique le malaise des jeunes Anglo-Québécois par 2 raisons.

Trois. Je pourrais en rajouter une troisième. La première, c'est une mauvaise maîtrise du français qui leur laisse l'impression qu'ils ont peu de chances d'avancement professionnel. Ça, c'est fondamental. Ça nous a été ramené par les jeunes et par les parents également. La deuxième raison, un discours défaitiste de la part de leurs leaders et, la troisième, l'état de l'économie. Et tout le monde dit à peu près la même chose: Offrez des emplois prometteurs, d'avenir au Québec, et les jeunes Québécois, qu'ils soient francophones ou anglophones, ne quitteront pas autant le Québec que c'est le cas actuellement.

Vous dites que ça ne modifie pas les principes fondamentaux de la loi 101. Je respecte votre opinion, mais je vous dis que cette opinion n'est pas partagée, et je dirais même: n'est pas le fait de la plupart des organismes qui se sont présentés ici. Et particulièrement, je pense à ces jeunes, le Conseil permanent de la jeunesse, qui, ce matin, tient des audiences parallèles où il rencontre, il entend une douzaine d'organismes qui représentent des jeunes travailleurs et des étudiants. Et ce que ces jeunes reprochent particulièrement au gouvernement, c'est l'arbitraire qui a présidé au choix des organismes entendus ici — ça ne met pas en cause votre présence ici cependant — et le fait qu'aucun organisme jeune — pourtant, l'avenir est supposé leur appartenir, qu'ils soient anglophones ou francophones — n'a été invité à cette commission.

Je voudrais revenir juste sur une question, ensuite, je vais passer la parole, c'est celle de la réglementation. Le Centre linguistique de l'entreprise et le regroupement, l'association des professionnels de la publicité — je pense à ces 2 organismes-là qu'on a entendus jeudi dernier — nous disent essentiellement la chose suivante: Dans ce genre de réglementation, la réglementation linguistique, on a intérêt à avoir la plus grande stabilité possible et à éviter l'arbitraire dans les décisions et les changements trop rapides.

Par exemple, ce que nous disait M. Van Houtte, de l'Association de l'industrie de l'aluminium du Québec, après la rencontre, c'est: Nous, les grandes entreprises, avons mis beaucoup de temps, beaucoup d'argent à la fois pour travailler en français, à la fois pour communiquer avec les employés en français et à la fois pour faire notre publicité en français. Si, demain matin, vous changez les règles du jeu, vous faites de nous des gens perdants dans le sens où vous ne soumettez pas aux mêmes règles les entreprises concurrentes. Et il n'y a rien que n'exècre autant une entreprise que les charlge-ments rapides de cap; on est capables de s'adapter, mais en autant que les règles soient claires.

Et ce que les organismes craignaient et nous également, la loi est plutôt sibylline sur la plupart des dispositions, elle laisse énormément de place au pouvoir réglementaire du ministre, donc, à une certaine forme d'arbitraire de tout gouvernement, quel qu'il soit, que ce soit un gouvernement de Parti libéral ou un gouvernement du Parti québécois qui, à l'approche d'élections, pourrait, pour des raisons strictement partisanes,

modifier en profondeur certaines réglementations avec des effets plutôt négatifs sur les entreprises.

Qu'est-ce que vous répondez à genre d'arguments des organismes qui vous ont précédés?

Le Président (M. Doyon): M. Roy.

M. Roy: Écoutez, il faut quand même convenir que la réglementation, qui fait l'objet des modifications, est en vigueur depuis un bon nombre d'années; depuis 1977, je pense, dans le cas de la Charte, et dans le cas de l'afficha,ge, depuis 1987-1988. (12 h 30)

II est fort possible, Mme Blackburn, que certains commerçants, bien qu'il leur soit loisible, en vertu des nouveaux règlements devant être adoptés, de s'adapter, d'utiliser la faculté qui va leur être donnée d'afficher dans les deux langues, choisissent, pour des raisons qui sont les leurs, de ne pas le faire dès maintenant pour des raisons économiques ou autres. Je pense que ce qui est important dans tout ça, c'est que le choix appartiendra en dernière analyse aux gens, aux commerçants qui sont assujettis à la Charte, à la loi et à ses règlements, de s'en prévaloir ou pas. Selon moi, on fait disparaître, par les modifications qui sont proposées, ce qui était des défenses absolues et des prohibitions, et on donne la faculté, l'opportunité aux commerçants de s'en prévaloir.

Maintenant, est-ce qu'il y a un coût relié à tout ça? Est-ce qu'un gouvernement, comme vous le dites, pourrait, dans un an ou deux ans, choisir de revenir au statu quo ante de modifier la réglementation? Je présume que, dans un régime comme le nôtre, un régime démocratique, c'est le propre d'un gouvernement de légiférer comme bon lui semble, mais je pense qu'il devrait tenir compte des conséquences, qu'il devrait tenir compte du coût que ça pourrait créer et aussi des implications et des conséquences sur le plan social, sur le plan culturel.

Alors, n'ayant pas entendu le mémoire de l'association qui nous a précédés, il est difficile pour moi de mesurer et de juger s'il y a là un problème. Mais, moi, ma réaction à tout ça, c'est que ce n'est pas un argument qui me ferait changer d'idée ou qui m'amènerait à revoir la position que nous défendons aujourd'hui au nom des gens d'affaires, et je serais fort étonné, fort surpris que cette opinion soit partagée par l'ensemble de nos membres.

Mme Blackburn: Une toute dernière question, mais brève.

Ce qu'on nous a invoqué ici, c'est que le jeu de la concurrence, finalement, ne laisserait pas le choix. Le jeu de la concurrence: dès que votre voisin affiche bilingue, vous vous sentez obligé d'offrir le même service, et c'est en train de se répandre ici, dans le Vieux-Québec. Et ça ne laisse pas vraiment le choix, le choix que vous prétendez qu'ils auront effectivement.

J'aurais terminé, M. le Président.

Le Président (M. Doyon): M. Roy ou Mme

Vennat.

M. Roy: Pardon?

Le Président (M. Doyon): Vous voulez répondre, un des deux?

Mme Vennat (Manon): Oui, peut-être au sujet de la réglementation. J'ai eu l'expérience de vivre la première réglementation sur les lois linguistiques, car je suis l'ancien directeur du Centre de linguistique de l'entreprise; c'est moi qui l'ai fondé. Et, à ce moment-là, le gouvernement que vous représentez a énormément consulté sur la réglementation qui a duré plusieurs années. Par ailleurs, j'ai vécu la même chose avec le gouvernement de M. Ryan lors de la loi 22.

Alors, je n'ai aucune hésitation, je n'ai aucune difficulté vis-à-vis de la consultation et du processus que vos gouvernements sont capables de prendre pour bien consulter les gens qui devront être soumis à cette réglementation.

En ce qui concerne la réglementation sur l'affichage et tous les règlements, les quelques modifications que vous voulez apporter, à mon avis, ce ne sont que des règlements qui permettent une certaine conduite. Et si, à un moment donné, la loi de la concurrence le désire, les entreprises auront le choix, mais ce ne sera pas nécessairement un coût important, car c'est le client qui va décider de qui il veut acheter; s'il veut acheter de quelqu'un qui affiche seulement dans une langue, il le fera, mais ce n'est pas une question importante quant au principe.

Le Président (M. Doyon): M. Beauregard.

M. Beauregard (Denis): Oui. Je voudrais juste faire référence à la toute première remarque préliminaire de Mme Blackburn qui, à moins que je ne l'aie mal comprise, disait que la Chambre semble ramener la relance économique de Montréal à une question d'ordre linguistique.

Je pense que tout le ton du mémoire est assez clair là-dessus. Ce qu'on dit, c'est que la question linguistique est un aspect parmi bien d'autres de toute la relance économique de Montréal. Par ailleurs, c'est un des points sur lesquels nous avons prise, ce sont là des questions qui relèvent de nos propres décisions, alors que, à de multiples autres égards, la relance économique de Montréal dépend de ce qui se passe ailleurs dans le monde. Ce qu'on dit, puisque c'est là un des sujets sur lesquels nous avons tout le loisir d'agir, c'est donc un sujet extrêmement important parce qu'on peut aller nous-mêmes, de nos décisions, changer des choses à ce sujet-là.

Autre remarque. Ce n'est pas seulement question de dire que nous n'avons pas le choix, donc, qu'il faut nous conformer, c'est plus que ça. Encore là, toute l'orientation du mémoire de la Chambre est à l'effet que

nous croyons qu'il est sage d'éliminer de la Charte de la langue les dispositions qui risquent d'entraver dans une certaine mesure l'évolution des Québécois eux-mêmes. On pense, par exemple, aux facilités d'apprentissage de la langue anglaise. Ça en est une, mesure.

Alors, ce n'est pas seulement question de dire: On n'a pas le choix, il faut donc, à contrecoeur, nous plier. C'est beaucoup plus que ça.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Beaure-gard.

M. le député d'Anjou. Non? Ah, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve. Excusez-moi.

Mme Harel: Merci, M. le Président.

J'aurais, en fait, 2 commentaires et 1 question à vous poser. Vous parliez du ton du mémoire. Justement, à la page 13, le ton m'a vraiment surprise, pour ne pas dire a créé chez moi un certain malaise, d'autant plus qu'à la lecture, là, on peut conclure que le rayonnement du tertiaire moteur montréalais risque d'être moindre si plus de postes sont occupés par des francophones même parfaitement bilingues. C'est l'impression qui se dégage vraiment de ce qui est écrit là, avec cette impression que «même parfaitement bilingues», puisque ça le nécessite, évidemment, pour occuper des postes dans le tertiaire moteur, que, finalement, tout ça va générer moins de rayonnement et va nuire au développement du tertiaire moteur.

J'aimerais que vous vous expliquiez là-dessus parce que, là, je trouve que ce qui était pour les francophones un progrès, ça devient un handicap maintenant, d'occuper des postes, ça devient un handicap pour toute la société. C'est l'impression, en tout cas, qui peut se dégager facilement à la lecture du mémoire.

D'autre part, je note à la page 10 également que vous soulignez qu'il ne faut pas confondre les mesures de protection nécessaires sur lesquelles, de toute façon, la majorité des citoyens sont d'accord avec certains éléments de la loi. J'aimerais vous inviter à préciser ce que vous entendez par ces mesures de protection nécessaires sur lesquelles la majorité des citoyens sont d'accord, d'autant plus que... Et vous semblez évidemment favoriser — vous l'avez dit à plusieurs reprises, pas juste maintenant, mais aussi auparavant; alors dans ce sens-là, vous avez vraiment de la suite dans les idées — les mesures incitatives à celles que vous appelez coercitives. Mais je comprends qu'il y a des exceptions, puisque vous êtes en faveur du maintien des certificats de francisation pour les entreprises de plus de 50 employés, entre autres, n'est-ce pas?

Alors, j'aimerais, à ce titre-là — et c'est ma dernière intervention — à l'égard de la page 3... Vous vous dites en faveur de l'ensemble des mesures contenues dans le projet de loi 86. Votre directeur général a fait allusion tantôt à celles qui portent dans ce projet de loi sur l'immersion. Aujourd'hui, dans les médias, partout on retrouve une position unanime de responsables, porte-parole, dirigeants du mouvement scolaire à Mont- réal. On retrouve l'Association des directeurs d'école, l'Association des cadres de la CECM, le syndicat des professionnels du milieu de l'éducation de Montréal, etc., et eux, représentant 10 000 personnes du milieu de l'éducation francophone, disent: danger! On est pourtant — vous, moi, eux — sur la même réalité territoriale. Eux sont plongés jusqu'au cou dans une réalité où ils ont à intégrer des enfants de familles immigrantes dont la moitié de leurs élèves maintenant sont membres; enfin, la moitié des élèves de la CECM ne sont pas de langue maternelle française et, comme ils le rappellent, ils sont déjà en situation d'immersion.

Alors, vous voyez donc cette possibilité d'immersion comme étant souhaitable. Est-ce que vous ne craignez pas, à l'instar de ces Montréalais qui, eux, travaillent dans le milieu de l'éducation, qu'elle conduise à la bilinguisation des écoles?

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve. Le temps dont disposait l'Opposition est écoulé. Malheureusement la longueur de la question ne permettra pas de réponse, on va rester sur notre appétit. C'est malheureux. Je sais que M. Roy... Nos règles étant ce qu'elles sont...

Mme Harel: Peut-être de consentement.

Le Président (M. Doyon): Alors, de consentement, oui, rapidement donc. (12 h 40)

M. Roy: Très bien. Alors, pour que nous ne soyons pas sur notre appétit, on va tenter de vous rassasier, et je vais demander à M. Beauregard de répondre à la question de Mme Harel.

Le Président (M. Doyon): M. Beauregard.

M. Beauregard: Je vais faire ça très rapidement.

La question que vous soulevez: Est-ce que l'apparition ou l'arrivée massive de francophones dans des postes de direction du tertiaire moteur, est-ce que ça veut dire, même s'ils sont bilingues, qu'à ce moment-là notre tertiaire moteur deviendrait plus pauvre? La réponse à ça c'est: Non, non.

Ce qu'on dit, c'est que dans ce type de services, il doit y avoir un ensemble de personnes autant que possible de toute provenance, des gens qui ont des réseaux personnels qui s'étendent partout dans le monde. On ne dit pas que les francophones sont incapables de faire'ça; ce qu'on dit, c'est que les gens qui sont nés aux États-Unis, qui ont travaillé là, qui ont étudié là, qu'ils l'ont fait en Europe, qu'ils l'ont fait en Asie, amènent avec eux des réseaux extrêmement complexes et bien bâtis de relations personnelles. Alors, ce qu'on dit, c'est: II ne faut pas faire échec à l'arrivée de ces gens-là chez nous. À ce moment-là, ces gens-là peuvent enrichir passablement le travail que des francophones accédant à ces postes-là peuvent faire.

Deuxième question, c'était: Quelles sont les

mesures de protection nécessaires et avec lesquelles les citoyens semblent d'accord? Très rapidement, je pense, par exemple, à tout ce qui touche le visage prioritairement français du Québec et de Montréal — et même au niveau de l'affichage, je pense que c'est maintenu — le français langue de travail également. Je pense que tout le monde est d'accord là-dessus, c'est maintenu. Le français, langue officielle... Et on pourrait continuer comme ça.

La dernière question, sur la question de l'immersion. Eh bien, nous, évidemment, vous comprendrez, nous ne sommes pas des spécialistes de l'enseignement. Alors, si les gens qui vraiment s'y connaissent disent que ce n'est pas ce qu'il faut, on dit: Bon, parfait. Ce qu'on dit, c'est: II faut absolument que dans nos écoles on trouve le moyen ou les moyens de faire en sorte que les jeunes Québécois apprennent l'anglais comme du monde et qu'ils soient capables de s'exprimer correctement dans cette langue.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Beaure-gard.

M. le député de D'Arcy-McGee, pour 5 minutes.

M. Libman: Merci, M. le Président.

J'accueille chaleureusement le témoignage de la Chambre de commerce de Montréal. Votre mémoire souligne un peu une certaine ironie qui existe, parce qu'en essayant de rencontrer les besoins du Québec en capitaux étrangers, le gouvernement est allé, depuis des années, jusqu'à annoncer l'existence d'une communauté de langue anglaise supposément florissante au Québec et d'un Montréal bilingue afin d'attirer les investissements étrangers. Mais, en même temps, les politiques du gouvernement réussissaient le contraire, en effet.

Alors, moi, je vous dis, M. Roy, que vous êtes le premier dirigeant francophone qui soit venu devant cette commission, qui ait souligné, en effet, la tragédie du départ des jeunes Anglo-Québécois, des jeunes Anglo-Québécois qui sont bilingues, qui sont capables, qui sont éduqués. Alors, je vous remercie pour votre franchise et d'avoir amené cette perspective très importante à notre commission.

Moi, je veux souligner deux phrases de votre mémoire que je trouve très importantes. À la page 10, vous dites: Les Québécois «doivent offrir des conditions d'accueil satisfaisantes aux personnes qui souhaitent s'établir au Québec et participer au développement de notre société». Aussi, à la page 14, vous dites, c'est très important: «...tout obstacle à la venue chez nous de personnes compétentes et dont la nécessité n'est pas démontrée nuit inutilement à notre développement.»

Alors, dans cette perspective, je veux examiner un peu avec vous la question de l'accès à l'école anglaise pour certains immigrants anglophones, certains qui proviennent des États-Unis, de l'Angleterre ou de l'Australie, certains immigrants compétents qui, peut-être, peuvent ou veulent s'établir ici au Québec. Mais un des «désincitatifs» qui existent ou un obstacle important que vous soulignez est la question de l'affichage. Moi, je pense que c'est un obstacle plutôt symbolique quand, au même moment, certains de ces immigrants anglophones, pour eux, une question est beaucoup plus fondamentale: l'éducation de leurs enfants ou l'accès à l'école anglaise pour leurs enfants.

Alors, est-ce que vous croyez qu'une mesure doit être examinée ou est-ce que c'est le moment pour le gouvernement d'examiner le fait qu'un obstacle très important pour certains de ces immigrants anglophones est la fermeture, pour eux, d'envoyer leurs enfants à l'école anglaise? Certaines recommandations faites, comme le rapport Chambers, affectent de façon très négligeable le réseau scolaire francophone. Est-ce que c'est une direction que le gouvernement doit examiner avec plus de profondeur, comme le Conseil du patronat qui a appuyé la recommandation du groupe de travail Chambers? Est-ce que vous voyez en ça un élément important qui agit comme obstacle à certains de ces immigrants anglophones au Québec?

M. Roy: Nous, on a fait porter notre mémoire à ce chapitre davantage sur la clause Canada versus la clause Québec qui, selon nous, va favoriser, va ouvrir, faciliter, devrais-je dire, grandement la tâche des entreprises qui veulent amener à Montréal ou ailleurs au Québec des cadres, des compétences, des gens qui ont des expertises ailleurs au Canada, et même aux États-Unis.

Que la loi, dans sa formulation actuelle, et que les règlements créent encore des entraves, des obstacles en ce qui a trait à la facilité ou à l'absence, devrais-je dire, de facilité pour les gens venant de l'extérieur, que ce soit d'Europe ou d'ailleurs, qui ne pourront pas envoyer leurs enfants à l'école anglaise, pour nous, de la Chambre, on pense que les mesures qui sont mises de l'avant par le gouvernement sont un pas dans la bonne direction.

Depuis l'adoption de la Charte, surtout sur le plan de la langue d'enseignement, c'a soulevé, évidemment, un tollé. C'a créé et ça continue de créer certains problèmes au niveau de la perception et tout le reste, mais je pense que ça prenait de telles mesures pour forcer, il faut le reconnaître, les allophones, les immigrants qui continuaient d'envoyer d'une façon importante, sinon massive, leurs enfants à l'école anglaise, à envoyer leurs enfants à l'école française.

Nous, de la Chambre, on verrait d'un mauvais oeil, en 1993, que dans le but de se montrer plus accueillants, plus généreux, plus tolérants, de faciliter l'accessibilité, de favoriser l'apprentissage de la langue anglaise aux francophones, qu'on ouvre toutes grandes les portes pour justement baliser, pour ainsi dire, ce qui se fait au Québec depuis plusieurs années.

Alors, pour moi — vous me posez la question à l'heure actuelle, en 1993 —j'aurais des réserves à offrir et je serais inquiet si les recommandations de la commission présidée par Mme Chambers — pour qui j'ai beaucoup de respect et beaucoup d'admiration — avaient

été suivies par le gouvernement dans son projet qui est présentement débattu.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Roy.

Tout à l'heure, la députée de Chicoutimi soulignait que, finalement, il y aurait un effet d'entraînement—c'est un discours qu'on a entendu à plusieurs reprises — et que la liberté de choix de généraliser un affichage qui serait bilingue jusqu'à un certain point, avec prédominance du français, et on faisait valoir que les règles de la compétition feraient en sorte qu'on ne pourrait pas résister et qu'on se retrouverait dans une situation...

Ce que je voudrais souligner là-dessus, en terminant, c'est que si jamais il y avait des abus de la part des commerçants, je suis sûr qu'il peut y avoir un effet contraire aussi, c'est qu'il va y avoir un refus de la part — Mme Vennat le soulignait — de la clientèle d'encourager les commerçants qui agiraient d'une telle façon, d'une façon abusive.

Je ne retrouve pas très souvent, dans les inquiétudes qui sont véhiculées, cette réalité qui est là, en ce qui concerne la possibilité qui est, justement, ce qu'on peut appeler un «backlash», c'est-à-dire que des abus entraîneraient, de la part d'une clientèle qui serait consciente des dangers, de se retrouver dans une situation qui serait inconfortable et qui ferait payer le prix aux commerçants. Ce n'est pas vraiment une question, c'est tout simplement un commentaire que je voulais faire sur le temps qui restait aux ministériels.

Je voulais aussi vous remercier de votre mémoire, vous remercier pour la clarté de ce mémoire, son réalisme. C'est un mémoire qui est préparé par des gens qui sont sur le terrain. Il rejoint en ça — le ministre m'en faisait la remarque tout à l'heure — un autre mémoire de même facture et de même qualité qui a été présenté, un groupe de travail sur Montréal. Et je profite de l'occasion, je me fais le porte-parole du ministre en même temps pour vous en remercier, parce que ce mémoire contenait aussi les mêmes qualités de clarté, de franchise aussi, de réalisme.

Alors, merci beaucoup, merci de vous être rendus disponibles, et je suspends les travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 50)

(Reprise à 15 h 13)

Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous plaît! J'invite les députés à reprendre leur place.

Tel qu'annoncé ce midi, la commission de la culture reprend ses travaux et se prépare à entendre les représentants du Parti québécois. Je vois qu'ils ont pris place à la table de nos invités et je leur souhaite la bienvenue.

Ils connaissent nos règles. Je les résume brièvement. Vous avez une vingtaine de minutes — 20 minu- tes exactement, plutôt — pour nous faire connaître votre point de vue, vos réactions à la proposition gouvernementale. Ensuite, la conversation s'engagera entre vous et les députés, 20 minutes étant réservées au parti ministériel pour cet échange et un autre 20 minutes aux partis de l'Opposition, sous réserve d'une demande de 5 minutes de la part du député indépendant de D'Arcy-McGee. Le reste du temps, les 20 minutes, s'il n'y a pas de demande dans ce sens-là, sont, en totalité, accordées aux représentants du Parti québécois.

Alors, encore une fois, bienvenue. Si vous voulez bien vous identifier pour les fins de la transcription de nos débats au Journal, et vous pourrez commencer dès ce moment.

Alors, vous avez la parole.

Parti québécois (PQ)

M. Sciortino (Giuseppe): Mon nom c'est Giuseppe Sciortino, et je suis membre de l'exécutif du Parti québécois ainsi que conseiller au programme. À ma droite, c'est Mme Gadbois, membre de l'exécutif du Parti québécois, ainsi que M. Pierre Boileau, directeur général du Parti québécois.

Le Président (M. Doyon): Bienvenue.

M. Sciortino: Ça va?

Le Président (M. Doyon): Allez.

M. Sciortino: Alors, on est venus ici aujourd'hui, MM. les députés du gouvernement ainsi que les députés du Parti québécois, M. le Président, vous livrer notre position concernant le débat et aider un peu le débat concernant le projet de loi 86.

La langue française, selon nous, constitue le fondement, le coeur même de l'identité culturelle québécoise. Le Québec est, en effet — est-il besoin de le rappeler — la seule communauté nationale majoritairement francophone sur le continent nord-américain, encerclée — tout le monde le sait — par presque 300 000 000 d'anglophones. Le Québec est depuis toujours français et entend le demeurer, en dépit du pouvoir d'attraction de l'anglais et des pressions culturelles qu'il subit sur ce continent massivement anglophone.

Étant conscients de la vulnérabilité du fait français au Québec et des responsabilités lui incombant confane seul gouvernement majoritairement francophone .en Amérique du Nord, le gouvernement du Parti québécois a fait adopter, en 1977, la Charte de la langue française, mieux connue sous le nom de loi 101. L'objectif— très ambitieux, il faut le dire — de la Charte, consistait à faire du français, premièrement, la langue commune de toute la société québécoise, dans toutes les sphères d'activité au Québec. Elle reconnaissait et reconnaît au peuple québécois le droit légitime de vivre, de fonctionner et de se développer normalement en français. Elle

favorise l'intégration en français de ceux et celles qui s'établissent ici, par la fréquentation de l'école française, la francisation des milieux de travail, ainsi que par un affichage commercial qui confirme le visage français du Québec.

Le préambule de cette Charte de la langue française résume cette volonté du gouvernement de M. René Lévesque de faire du français la langue commune de tous les Québécois. Ce préambule, et je cite: «L'Assemblée nationale reconnaît la volonté des Québécois d'assurer la qualité et le rayonnement de la langue française. Elle est donc résolue à faire du français la langue de l'État et de la Loi aussi bien que la langue normale et habituelle du travail, de l'enseignement, des communications, du commerce et des affaires. «L'Assemblée nationale entend poursuivre cet objectif dans un climat de justice et d'ouverture à l'égard des minorités ethniques, dont elle reconnaît l'apport précieux au développement du Québec.»

Concrètement, la Charte de la langue a fait du français la langue officielle de l'administration de l'État québécois, de la législation ainsi que de la justice. Dans le but de favoriser l'intégration des immigrants à la culture francophone, la loi 101 précise que ceux-ci doivent fréquenter l'école française, afin qu'ils réalisent que l'apprentissage du français est pour eux non pas seulement une condition de participation et d'intégration à la société québécoise, mais aussi un moyen concret de réussir et de s'épanouir au Québec. Il s'agit là d'un pilier fondamental de la loi 101.

De même, pour assurer une participation de l'ensemble des citoyens et citoyennes à la vie économique dans la langue de la majorité — comme c'est le cas dans toute société normale — la Charte de la langue française comporte des dispositions favorisant le français au travail. Ces dispositions visent à faire du français la langue normale et habituelle du travail à tous les niveaux de l'entreprise, y compris chez les dirigeants et le personnel cadre. Le français doit être la langue d'usage pour la terminologie, la publicité, l'affichage commercial et la raison sociale, ainsi que dans les communications externes et internes. Un tel objectif respecte à la fois le droit des travailleurs à exercer leurs activités en français et celui des consommateurs, majoritairement francophones, d'être servis et informés en français.

Comme le précise le préambule de la Charte de la langue française, la loi 101 constitue une démarche claire et légitime, non ambiguë d'affirmation du français, mais dans le respect des droits de sa minorité anglophone, qui conserve un réseau scolaire de la maternelle à l'université ainsi qu'un réseau d'institutions de santé et de services sociaux, qui sont financés par l'État sur le même pied d'égalité que leurs équivalents francophones. La minorité anglo-québécoise possède, aujourd'hui, ses institutions culturelles tout en bénéficiant de l'environnement culturel continental anglophone.

La loi 101 a permis d'établir une paix linguistique durable depuis son adoption en 1977. Elle a aussi permis des progrès considérables — quoique encore insuffi- sants — au chapitre de la fréquentation de l'école française par les enfants d'immigrants.

La francisation des milieux de travail a contribué à favoriser l'accès des francophones aux postes de cadres supérieurs et au niveau du personnel de direction des entreprises.

En dépit de ce progrès, la situation du français au Québec demeure précaire, fragile et, évidemment, vulnérable. Loin d'être menacée, la langue anglaise conserve toujours son fort pouvoir d'attraction. (15 h 20) au chapitre des transferts linguistiques de ceux ou celles qui n'ont ni le français ni l'anglais comme langue maternelle, ceux-ci continuent de se faire majoritairement en faveur de l'anglais, et c'est dans une proportion de 63 % en 1991. en clair, cela signifie que 6 — entre guillemets — néo-québécois sur 10 au québec choisissent l'anglais comme langue d'usage. les allophones s'inscrivent majoritairement dans les cégeps et universités de langue anglaise. en 1990, 55 % d'entre eux choisissaient d'aller à un cégep anglophone et 57 % fréquentaient une université anglophone. le français perd, en même temps, du terrain à montréal. selon des projections démographiques, les personnes de langue maternelle française formeront, à brève échéance, moins de 50 % de la population de l'île de montréal. le réseau d'écoles montréalaises ne compte déjà que 52 % d'élèves francophones. la francisation des immigrants demeure préoccupante pour le québec, qui accueille, en moyenne, 40 000 immigrants par année, dont près de 90 % s'établissent à montréal. au cours des 5 dernières années, la proportion d'immigrants connaissant le français à leur arrivée au québec a diminuée de 4 % par rapport à la période précédente et ne s'élève qu'à 35 % des immigrants reçus. au chapitre du français au travail, 63 % des travailleurs francophones travaillent généralement en français à montréal. plus du tiers de la main-d'oeuvre francophone est donc privée du droit de travailler essentiellement en français. à peine le quart des travailleurs allophones travaillent en français à montréal, alors que 37 % d'entre eux travaillent en anglais. enfin, presque 15 ans après, ou 15 ans après l'adoption de la loi 101, 34 % des entreprises de plus de 100 employés n'ont toujours pas obtenu leur certificat de francisation, dont près de 40 % dans le secteur manufacturier, alors que les entreprises de moins de 50 employés ne sont toujours pas tenues d'instaurer de programme de francisation.

Ces quelques indicateurs, ces quelques éléments sur la situation actuelle démontrent que les progrès demeurent fragiles et que le français a toujours besoin de protection. La prééminence du français est loin d'être assurée, surtout dans la région de Montréal. Souvenons-nous, le but premier de la loi 101, c'était que le français devienne la langue commune de tous les Québécois et de toutes les Québécoises, et cet objectif n'est pas encore atteint.

C'est pourtant dans un tel contexte, où la situation

du français demeure précaire et préoccupante, que le gouvernement libéral a choisi, délibérément, par son projet de loi 86, de s'attaquer, selon nous, aux orientations fondamentales de la Charte de la langue française.

Le projet de loi 86 va bien au-delà de la seule dimension de l'affichage commercial. Le projet de loi 86 va bien au-delà de ce que le comité de l'ONU demandait. Ce faisant, nous croyons qu'il prend le risque de compromettre la paix linguistique et de remettre en question le progrès fragile du français réalisé grâce à la loi 101. Il décide aussi de passer outre aux recommandations de l'avis du Conseil de la langue française ainsi qu'aux nombreuses études qui concluent à la fragilité et à la vulnérabilité du français dans la région de Montréal.

Le projet de loi 86 ouvre la voie au bilinguisme institutionnel en édulcorant le statut du français comme seule langue officielle de l'État. Après avoir subi une décision de la Cour suprême donnant une portée, selon nous, exorbitante de l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867, le Québec s'y résigne et fait volte-face en plaçant sur un pied d'égalité le français et l'anglais dans sa législation. De plus, le projet de loi stipule que tout jugement rendu en français par les tribunaux ou organismes ou tribunaux quasi judiciaires doivent, dorénavant, être traduits en anglais sur demande.

Le gouvernement et les organismes publics pourront désormais utiliser l'anglais dans leurs communications avec les personnes morales, entreprises, sociétés ou organismes établis au Québec.

La même logique du bilinguisme institutionnel s'applique en regard de l'affichage public, alors que le gouvernement pourra utiliser une autre langue que le français, c'est-à-dire l'anglais, pour tout sujet ou circonstance qu'il juge utile. Cela va beaucoup plus loin que les dispositions actuelles de la loi 101 qui ne limitent l'affichage public dans une autre langue que le français qu'à des situations liées à la santé et à la sécurité publiques.

Jusqu'où, nous demandons-nous, compte aller le gouvernement en matière d'affichage public bilingue? Impossible de le savoir pour le moment, puisque le gouvernement se réserve le droit de définir les modalités d'utilisation de l'anglais dans l'affichage public par un règlement qu'il refuse de rendre public. Ces dispositions sur la langue d'administration nous ramènent directement à l'esprit de la loi 22 qui faisait, en principe, du français la langue officielle du Québec, mais qui diluait ce statut, dans les faits, en prévoyant une série d'exceptions permettant d'utiliser l'anglais dans les communications de l'État et dans l'affichage public.

En matière d'affichage commercial et de publicité, le projet de loi 86 ramène le bilinguisme anglais-français sans limitation relative à la taille des entreprises ou à la nature de leurs activités. Le projet de loi 86 prévoit que le français doit apparaître de façon prédominante sur l'affichage extérieur. L'expérience de la loi 178, en regard de l'affichage bilingue avec prédominance du français à l'intérieur des établissements, permet de constater que ce concept est, à tout le moins, difficilement applicable.

Dans le cas de raisons sociales, l'on restaure aussi le bilinguisme, mais pas question de prédominance du français, qui doit, tout au plus, figurer de façon au moins aussi évidente.

Par son projet de loi, le gouvernement se donne le pouvoir de permettre, par règlement, que l'affichage puisse être fait uniquement en anglais ou sans prédominance du français. Quelles sont, demandons-nous, les intentions véritables du gouvernement à cet égard, notamment quant aux cas où l'on pourra afficher uniquement en anglais? Impossible de le savoir pour le moment, puisque le gouvernement se réserve encore le droit de le déterminer par un règlement qui sera adopté plus tard et sans débat public.

Le Parti québécois dit non à un semblable chèque en blanc, de même qu'à l'affichage commercial bilingue, qui affectera durement le visage français du Québec. Montréal va retrouver son visage bilingue d'avant la loi 101, avec les conséquences que l'on sait quant au message envoyé aux immigrants, aux nouveaux arrivants, qui estimeront que le français et l'anglais sont sur un pied d'égalité dans notre société. Comme le soulignait le Conseil de la langue française dans son avis au gouvernement, la reconnaissance générale de la possibilité d'utiliser d'autres langues que le français dans l'affichage comporte un risque de diffusion du bilinguisme sur tout le territoire québécois. Cette opinion était aussi partagée par M. Bourassa, en 1988.

L'école demeure un puissant instrument d'intégration à la vie collective, en particulier chez les enfants des nouveaux arrivants. C'est d'ailleurs pour favoriser cette intégration des enfants immigrants dans notre société que la loi 101 assure qu'ils reçoivent leur enseignement en français aux niveaux primaire et secondaire. Or, le projet de loi 86 vient atténuer l'objectif de la fréquentation de l'école française par diverses dispositions qui ont pour effet d'élargir l'accès à l'école anglaise. Le gouvernement est incapable de préciser le nombre réel d'élèves visés par ces élargissements au droit de fréquenter l'école anglaise.

Prétextant favoriser l'apprentissage de la langue seconde, le projet de loi prévoit que l'enseignement de toutes les matières pourra se donner en anglais dans les écoles françaises, et ce, dès le niveau primaire. Le ministre responsable de la Charte de la langue a évoqué publiquement la mise en place des classes d'immersion. Le projet de loi 86 autorise des modifications au régime pédagogique pour favoriser l'apprentissage de l'anglais. Comment vont fonctionner ces classes d'immersion? À qui vont-elles s'adresser? Est-ce qu'un élève pourra, d'année en année, participer à de telles classes d'immersion? Le gouvernement se contente d'introduire le principe dans la loi et se réserve le droit d'en définir plus tard la portée véritable.

Nous disons non à cet autre chèque en blanc, d'autant plus que tous admettent les difficultés d'apprentissage du français qu'éprouvent les étudiants aux

niveaux primaire et secondaire, avec les conséquences que l'on sait pour les niveaux collégial et universitaire. L'amélioration de la maîtrise de la langue française parlée et écrite nous apparaît être davantage prioritaire, actuellement, que l'apprentissage de l'anglais comme langue seconde. (15 h 30)

Le projet de loi 86 modifie la Charte de la langue française pour la rendre conforme à la constitution de 1982 et à la clause Canada. Pour la première fois dans un projet de loi de l'Assemblée nationale, le Québec s'apprête à reconnaître officiellement la légitimité du coup de force du gouvernement Trudeau et à cautionner l'intrusion fédérale dans la compétence exclusive du Québec qu'est l'éducation — coup de force, d'ailleurs, récusé constamment depuis 1982 par le gouvernement du Québec.

De plus, l'on ne peut que déplorer l'absence, dans le projet de loi, de mesures visant à renforcer l'utilisation du français dans les milieux de travail. Il est regrettable, en particulier, que le gouvernement ait ignoré les recommandations du Conseil de la langue française visant à accorder à l'Office de la langue française une véritable capacité d'intervention dans les entreprises de 50 employés et moins, afin d'y favoriser l'implantation de programmes de francisation. Compte tenu de la présence de la main-d'oeuvre allophone dans ces petites et moyennes entreprises, principales créatrices des nouveaux emplois, il nous apparaît nécessaire d'y instaurer progressivement un processus de francisation.

Le projet de loi 86 vient, selon nous, affaiblir considérablement les moyens mis en place pour assurer le respect des dispositions de la Charte de la langue française. Il abolit la Commission de la protection de la langue française, ce qui satisfera sans doute les lobbies anglophones qui la perçoivent à tort comme une police linguistique. Les fonctions de la Commission seront désormais assumées par l'Office de la langue française.

Le gouvernement ne sait pas tirer des leçons de l'histoire. Faut-il rappeler que l'expérience des lois 63 et 22 a montré la confusion et les dangers de confier à un même organisme les fonctions distinctes de surveillance des infractions et de promotion du français? De plus, l'on remplace les enquêtes par de simples vérifications. Les commissaires-enquêteurs sont remplacés par des vérificateurs, tandis qu'il n'y aura plus d'assistance à un plaignant pour la préparation d'une plainte, ni de protection de son identité.

Cherchant à récupérer le contrôle sur l'application de la Charte de la langue française, le gouvernement dépouille l'Office de la langue française de l'ensemble des pouvoirs réglementaires conférés par la loi 101. La définition de la portée réelle des dispositions de la loi sera désormais assumée en exclusivité par le Conseil des ministres. En clair, l'autonomie de l'Office de la langue française cède le pas à une véritable mise en tutelle par le gouvernement.

Une analyse globale du projet de loi 86 révèle une orientation très claire en faveur du retour au bilinguis- me. Le projet de loi 86 envoie un message ambigu, en particulier aux nouveaux arrivants, en plaçant, en quelque sorte, le français et l'anglais sur un pied d'égalité.

Première question: Pourquoi une telle attaque des orientations fondamentales de la loi 101, alors que le français a toujours besoin de protection et de valorisation, surtout dans un contexte où plusieurs études concluent à la fragilité et à la vulnérabilité du fait français au Québec?

Au ministre chargé de la Charte de la langue française: Pourquoi une réforme d'une telle ampleur, qui va bien au-delà du seul volet de l'affichage commercial et qui concerne l'ensemble des dispositions de la Charte de la langue française? Pourquoi refusez-vous de rendre public le projet de règlements, qui détermineront, dans une large part, la portée réelle des affaiblissements que vous vous proposez de faire à la loi 101 par ce projet de loi 86? Pourquoi compromettre la paix linguistique et remettre en question les progrès modestes de la langue française? Pourquoi le gouvernement a-t-il choisi de passer outre aux recommandations de l'avis de l'Office de la langue française qu'il a lui-même sollicité? Pourquoi reconnaître officiellement, dans le projet de loi 86, la légitimité du coup de force constitutionnel de 1982 qui portait atteinte à la compétence exclusive du Québec en matière d'éducation, alors que cette injustice de 1982 n'a toujours pas été corrigée et alors que le Québec ne dispose d'aucun pouvoir additionnel pour protéger son caractère de peuple distinct, de société distincte, qui repose essentiellement sur sa langue et sa culture?

Est-ce que c'est pour récupérer le vote des Anglo-Québécois que vous avez perdu lors de l'adoption de la loi 178, bien que les importantes concessions faites par le projet de loi 86 ne semblent pas satisfaire le porte-parole de la communauté anglophone qui promet de contester les nouvelles dispositions sur l'affichage et qui ne voit, dans ce projet de loi, qu'une première étape dans l'élargissement de l'accès à l'école anglaise, comme en témoigne l'adoption d'une résolution en faveur de la liberté de choix en matière d'enseignement au congrès d'Alliance Québec? Est-ce pour faire diversion ou pour camoufler l'incapacité du gouvernement à assurer la relance de l'économie? Est-ce un préalable, une condition sine qua non à la reprise des pourparlers constitutionnels, et qu'en conséquence le projet de loi 86 constitue un acte de foi envers la chimère d'un bilinguisme «coast to coast»? L'érosion des communautés francophones hors Québec témoigne pourtant des dangers liés à une telle chimère issue de la vision de M. Trudeau. Est-ce parce que le ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française et son gouvernement n'ont jamais véritablement accepté les prémisses et les objectifs des dispositions de la loi 101 permettant de faire du français la véritable langue commune des Québécois dans l'administration, dans les entreprises, dans les écoles et dans les commerces, et qu'il préfère revenir à l'esprit de la loi 22, où le statut de la langue officielle, du français, est limité par un

ensemble de dispositions favorisant le bilinguisme dans à peu près tous les secteurs d'activités de notre société?

Le Parti québécois reruse ce projet de loi 86 parce qu'il affaiblit les dispositions de la loi 101, parce qu'il envoie clairement le message que l'anglais et le français sont aussi importants dans le fonctionnement de notre société et parce qu'il vise, en somme, à faire du Québec une société bilingue.

Nous disons non au retour en force du bilinguisme qui menace le visage français du Québec et qui ne peut mener, selon nous, qu'à l'anglicisation progressive du Québec.

Merci.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Sciortino. M. le ministre, pour une quinzaine de minutes.

M. Ryan: Merci, M. le Président.

Je vous remercie, M. Sciortino, de la présentation que vous nous avez faite du point de vue du Parti québécois. J'ai apprécié la sobriété générale du ton, pas, évidemment, la teneur de toutes les critiques que vous avez...

Vous ne manquez rien, les 2 premières minutes, je ne dis jamais rien. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Sciortino: J'espère que vous allez vous reprendre dans les prochaines minutes.

M. Ryan: Pardon?

M. Sciortino: J'espère que vous allez vous reprendre dans les prochaines minutes.

M. Ryan: J'espère. Ça va dépendre de vous; je suis soumis à votre jugement.

M. Sciortino: Ça dépend surtout de vous!

M. Ryan: Je suis soumis à votre jugement, puis à celui de nos collègues de l'Opposition qui sont toujours injustement sévères, comme vous le savez.

Alors, j'ai apprécié la sobriété du ton de votre mémoire, même si je ne peux pas accepter, évidemment, toutes les critiques que vous y formulez. Vous l'avez fait sur un ton courtois et civilisé. Je l'apprécie et je voulais vous le dire bien simplement. Et je vais essayer de discuter avec vous dans le même esprit.

Vous avez terminé votre intervention par une série de questions. Je vais être un petit peu bref, parce que j'ai des collègues qui voudraient vous interroger également, et je voudrais leur laisser un petit peu de temps. Je vais essayer de répondre brièvement aux nombreux «pourquoi» que vous nous avez adressés à la fin de votre message.

Vous dites: Pourquoi une telle attaque contre les orientations fondamentales de la loi 101? Je nie ici la prémisse. Ce n'est pas vrai que nous faisons une attaque fondamentale contre les orientations essentielles de la loi 101. Et je n'en veux pour témoignage que celui que nous avons entendu ce matin de la Chambre de commerce de Montréal où le président est venu nous dire, après une étude qui a duré plusieurs semaines, que la Chambre de commerce en vient à la conclusion suivante: l'analyse du contenu du projet de loi 86 mène à la constatation que les grandes orientations de la Charte ne sont en aucune façon modifiées par le projet de loi; tous les principes de base restent inchangés.

Alors, je préfère, en l'occurrence, le témoignage d'un organisme non partisan, qui a à coeur les intérêts économiques de la région de Montréal au premier chef, et qui est venu nous donner ce témoignage ce matin, comme beaucoup d'autres. Je respecte l'opinion contraire, mais je veux simplement vous dire que, comme je ne souscris pas à la prémisse, je ne peux pas répondre à la question. Parce que, à mon point de vue, la question ne se pose pas. (15 h 40)

Deuxièmement: Pourquoi une réforme d'une telle ampleur, qui va bien au-delà de l'affichage? Les modifications que nous proposons demeurent fort modérées, fort ponctuelles. Nous touchons à 4 ou 5 éléments qui demandaient des ajustements, à la lumière de l'expérience que nous avons faite de l'application de la Charte, au cours des dernières années. Et nous avons amplement justifié, au cours des échanges publics qui ont eu lieu au cours des derniers mois, les motifs qui justifient, selon nous, chacune des modifications proposées. Mais on n'est pas obligés d'être d'accord; nous respectons l'opinion contraire. Mais nous avons amplement justifié chacune des modifications proposées, en particulier celles qui touchent à l'apprentissage de la langue seconde.

Tout ce que nous faisons dans le projet de loi, nous donnons plus de latitude au ministère de l'Éducation, aux commissions scolaires, pour le recours à des méthodes qui leur apparaîtront appropriées dans l'apprentissage des langues secondes. Et il n'appartient pas au législateur, à mon point de vue, de s'ériger en juge d'une méthode en particulier et d'aller jusqu'à l'interdire par voie de législation. Je pense que c'est souverainement antipédagogique que d'agir comme ça. Nous voulons rétablir une plus grande liberté pédagogique dans ce domaine, sachant que les artisans du système d'éducation sont parfaitement capables de régler ce problème-là dans l'exercice de leurs attributions normales. ' Us n'ont pas besoin de la tutelle du législateur pour cette question-là.

Pourquoi refuser de rendre publics les projets de règlements? Je reconnais la légitimité de la question et je répète avec plaisir que je compte être en mesure de porter à la connaissance des membres de la commission parlementaire et, par conséquent, de nos concitoyens et concitoyennes, lorsque nous entreprendrons l'étude détaillée du projet de loi, article par article, les principaux projets de règlements que nous avons conçus, qui

ne seront pas très compliqués, comme vous allez le voir et qui viendront confirmer, pour l'essentiel, tout ce que nous avons dit à titre d'exemple, ici ou là. Il s'était accumulé, au cours des années, une foule de situations particulières, où on constatait que la loi ne pouvait pas être appliquée littéralement. Et la plupart de ces situations m'avaient été signalées, d'ailleurs, par les organismes responsables de l'application de la Charte, dont l'Office de la langue française. Et les règlements traduiront ces cas qui nous avaient été signalés au cours des années. Mais on les aura avant l'adoption du projet de loi, puis on aura au moins 90, 100 jours pour en discuter. Ils ne seront pas adoptés par le gouvernement à la sauvette; on aura tout le temps voulu pour en discuter publiquement.

Pourquoi compromettre la paix linguistique? Je vais vous dire que nous travaillons, au contraire, à améliorer la paix linguistique, à l'étendre à tout le monde, y compris la minorité. Une vraie paix linguistique ne saurait exister que si tous les principaux éléments concernés sont relativement heureux. Or, tel n'est pas le cas, actuellement. Une paix linguistique qui ne satisfait que la majorité n'a jamais été une paix linguistique complètement satisfaisante. Alors, nous essayons de l'améliorer, et je suis convaincu que l'atmosphère sera encore meilleure, après l'adoption du projet de loi, qu'elle ne l'est actuellement.

Et je veux vous rassurer: si nous agissons ainsi... si nous avions voulu gagner le vote anglophone, dont une partie a pu nous échapper à la dernière élection, nous serions allés plus loin que nous n'allons. Nous savons très bien que le porte-parole de la communauté anglophone ne sera pas satisfait de plusieurs dispositions qui sont inscrites dans ce projet de loi ci. Nous maintenons, en particulier, l'obligation, pour les enfants de foyers immigrants, de fréquenter l'école française. Il n'y a pas d'équivoque, il n'y a pas de mouvement sur cette question-là du tout, même si on a essayé de faire croire le contraire dans certains milieux. Je pense que, si nous avions voulu aller chercher le vote anglophone, nous aurions procédé autrement.

Pour faire diversion par rapport à l'économie? Pas du tout. Nous savions très bien que cette critique nous serait adressée. C'est dans un souci de justice et de concorde, pas d'autre souci. Et prenez-le comme venant d'un vieux Québécois, le plus ancien parmi ceux qui sont autour de la table, celui qui a le plus d'années d'expérience comme Québécois — dont les racines remontent au XVHe siècle, du côté de sa mère, et au tout début du XVIIIe, du côté de son père — et qui a milité dans tout ce qu'on peut compter d'organismes au Québec. Il n'y a pas d'autre souci: celui de la concorde, de la justice et de l'équité. On peut avoir des conceptions différentes. Vous pouvez en chercher d'autres, mais je pense que vous cherchez à la mauvaise adresse, là, avec toutes les suppositions que vous avez faites.

Puis, en ce qui concerne le ministre actuel, il a appliqué loyalement la loi depuis 4 ans, maintenant, 4 ans et demi. On ne peut pas l'accuser de l'avoir détour- née de son but. Mais, c'est son droit et son devoir, s'il constate que certaines clauses demandent des ajustements, de les proposer à l'adoption... à l'approbation de l'Assemblée nationale.

Voilà pour l'essentiel. Je suis très heureux que vous soyez venus, que vous nous ayez fait part de vos points de vue avec franchise, dans un langage direct mais très correct. Je voudrais que mes collègues puissent vous adresser quelques questions, M. Sciortino.

M. Sciortino: Merci. Si vous me permettez, peut-être quelques secondes pour répondre à ce que vous dites.

Évidemment, M. Ryan, on peut avoir des opinions différentes. Vous avez la vôtre, moi, j'ai la mienne. Vous dites: Si on se base sur le mémoire de la Chambre de commerce, qui est venue témoigner hier ou ce matin, comme vous dites... Évidemment, vous admettrez avec moi qu'il y a eu d'autres organismes qui sont venus témoigner ici qui n'étaient pas d'accord avec vous. Et, à ce que je sache, il y en a eu plusieurs. En conséquence, même si je reconnais et je respecte votre position et celle de la Chambre de commerce de Montréal, il faut qu'en même temps on reconnaisse qu'il y a eu majorité d'organismes qui sont contre ce projet de loi 86. D'ailleurs, ceux qui, peut-être, étaient pour ce projet de loi 86 ne sont pas venus devant la commission.

Mais, quand vous dites que ce n'est pas vrai qu'on fait une réforme d'une très grande ampleur, je me demande... je me pose la question suivante: Suite à l'avis fourni par l'ONU qui a un peu déclenché le bal sur cette question, bien que c'avait été précédé par un avis demandé au Conseil de la langue française, il y a quand même au-delà de 65 articles qui sont modifiés dans le projet de loi 86. Il ne s'agit pas d'une modification de quelques irritants qui auraient pu faire en sorte, comme vous dites, de mettre... de créer une certaine paix linguistique au Québec, selon votre option. Il s'agit de modifier plusieurs des objectifs importants de la loi 101; ça, évidemment, à notre avis.

Évidemment, quand vous dites: La légitimité de la question de règlements, vous allez, par après, mettre de l'avant certains règlements. Vous savez comme moi que, lorsque vous affirmez un principe dans une loi, par les règlements, vous ne pouvez que le réglementer, vous ne pouvez pas nier par après le principe qui est émis dans la loi. En conséquence, les règlements, même si vous les adoptez, ne viendront pas défaire le principe qui est émis dans la loi.

La question qu'on se pose et que tout le monde se pose est la suivante: Comment ça se fait — concernant l'affichage, par exemple — que le premier ministre, M. Bourassa, déclarait, en décembre 1988, et je cite le Globe and Mail, M. Bourassa disait: M. Bourassa dit qu'il n'a maintenant aucun doute que permettre des affiches bilingues dans le centre-ville de Montréal ne pourrait, à long terme, que mener à l'anglicisation du centre-ville de Montréal. Si cette anglicisation se produit, cela aura un effet infectieux ailleurs.

J'aimerais que quelqu'un m'explique ce qui s'est passé depuis 1988, décembre 1988 — nous sommes rendus en juin 1993 — pour faire en sorte que cela — l'affirmation de M. Bourassa — ne soit plus vrai.

M. Ryan: Juste sur ce point-là — brièvement, je ne veux pas monopoliser la discussion — la Chambre de commerce nous a apporté une réponse à cette question-là, ce matin: le contexte économique, social et même linguistique dans lequel le Québec se développe a évolué considérablement au cours des dernières années. Si la situation qui prévalait il y a 5 ans, particulièrement au plan sociopolitique, pouvait justifier l'action qui a été prise concernant, notamment, l'affichage, il est clair que, dans une société évoluée comme la nôtre, l'incitation et la promotion offrent des chances de succès supérieures à l'interdiction. Il y en a beaucoup qui se sont rendu compte de ça, que, pour promouvoir le français, ce n'est pas nécessaire d'interdire l'usage d'une autre langue.

C'était moins clair il y a 5 ans, ça l'est devenu à l'expérience, par le cheminement que nous avons fait à travers des tribunaux, à travers l'opinion publique, à travers les relations internationales que nous avons. Le maire Doré est venu le dire, ici, en commission. Il dit: Cette partie-là de la loi nous a fait énormément de torts sur le plan étranger.

Les gens qui dirigent l'industrie des congrès et du tourisme sont venus nous dire la même chose, ici, la Chambre de commerce également. On a évolué, on a écouté ces choses-là, puis c'est comme ça qu'on a été conduits à une vision plus nuancée. C'est tout.

Le Président (M. Doyon): M. le député de Hull.

M. LeSage: M. le Président, brièvement, parce que le temps court rapidement.

J'ai entendu, à quelques reprises, l'interlocuteur du Parti québécois nous mentionner la paix linguistique, le ministre y a fait allusion également. J'espère que vous admettrez avec moi que cette paix linguistique, elle était partagée par les gens qui partagent également votre option politique, et j'aimerais également vous faire remarquer qu'une telle position il y a sûrement des gens qui ne partageaient pas votre opinion sur cette paix linguistique. Et les personnes visées étaient sûrement des gens qui auraient préféré le bilinguisme intégral, par exemple. Alors, il y a sûrement quelqu'un, quelque part, qui se sentait brimé, et ces personnes-là qui se sentaient brimées étaient brimées dans leur droit fondamental d'expression; c'est ce que les Nations unies nous ont dit. J'espère que vous le reconnaissez, ça. (15 h 50)

D'autre part, vous mentionniez tantôt que vous ne voulez pas que les immigrants qui arrivent au Canada, et plus spécifiquement au Québec, aient l'impression qu'on est sur un même pied d'égalité, ici. À mon avis, quand on n'est pas sur un même pied d'égalité, on est en supériorité ou en infériorité, puis lorsque vous portez à réflexion ce que vous venez de mentionner, là, ça m'inquiète beaucoup de voir que vous vous sentez en supériorité.

C'est les remarques que je voulais faire, M. le Président.

Le Président (M. Doyon): M. le député.

M. Sciortino: Est-ce que vous me permettez une courte réplique? Enfin, vous avez...

Le Président (M. Doyon): M. Sciortino.

M. Sciortino: Oui?

Le Président (M. Doyon): Vous avez la parole.

M. Sciortino: Vous avez fait référence à l'avis du comité sur les droits civils et politiques des Nations unies. Moi, je vous mets au défi de trouver dans cet avis-là quelque mention que ce soit permettant et disant, et disant... et disant que le fait d'empêcher des corporations d'afficher dans une langue de leur choix va à rencontre des articles du Pacte sur les droits civils et politiques. Le comité sur les droits civils et politiques, tout ce qu'il dit, c'est que le fait d'empêcher un individu — parce que vous savez comme moi que c'est seulement les individus qui peuvent s'adresser à un tel comité — le fait d'empêcher les individus de s'exprimer dans la langue de leur choix constitue une entrave à l'article. .. aux articles du Pacte concernant les droits civils et politiques. Mais, nulle part — et ceci, vous pouvez regarder dans le rapport du Comité — vous ne trouverez que le Comité dit d'une façon claire que ceci inclut aussi les corporations.

Le Président (M. Doyon): M. le député de Richelieu, pour une minute.

M. Khelfa: C'est moins que ça, M. le Président.

Juste une petite question: Vous savez très bien, M. Sciortino, que l'objectif ultime d'un parti dans l'Opposition, c'est d'avoir le pouvoir. Je vous pose la question —j'espère que vous allez me répondre. Est-ce que votre opposition à cette loi 86 est par opportunisme stratégique, électoralisme, ou bien, par le même sens que vous avez fait opposition, en décembre 1988, à la loi 178? Quand on est... quand je me souviens, en décembre 1988, pour la loi 178, on disait: Le Québec va être bilingue, même, il va être anglicisé d'une façon terrible, si on adopte cette loi.

Aujourd'hui, 5 ans plus tard, votre oiseau de malheur, il s'est étouffé. Est-ce que votre opposition, aujourd'hui, est uniquement par électoralisme, juste parce que vous ne voulez pas collaborer, et être présents dans le débat réel du quotidien du Québec?

Le Président (M. Doyon): M. le député, vous avez pris au-delà d'une minute pour poser votre

question; je vous avais averti. Alors, je n'y peux rien, la réponse restera...

M. Khelfa: J'aurais voulu avoir une réponse. M. le Président. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Doyon): ...à venir à un autre moment.

M. Sciortino: Mais j'aurais aimé répondre à cette qaestion-là, si vous le permettez, quand même...

Le Président (M. Doyon): Vous pourrez répondre sur le temps de...

M. Sciortino: Oui, je pourrais répondre sur ça. C'est vrai, vous dites que l'objectif ultime, pour le parti d'Opposition...

Le Président (M. Doyon): Rapidement.

M. Sciortino: ...c'est de prendre le pouvoir; je vous dis que l'objectif ultime du parti au gouvernement, c'est de le garder. Alors, je vous dis que, pour le garder, possiblement — et c'est ça, le sens de ma question — vous avez fait en sorte d'attirer les comtés, ou les quelques comtés dans lesquels le Parti Égalité a un certain pourcentage de vote, et c'est pour ça, là, que c'est nécessaire pour... c'est le motif pour...

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Sciortino, merci.

M. Khelfa: M. le Président, par consentement...

Le Président (M. Doyon): Mme la députée de Chicoutimi.

M. Khelfa: ...je peux... Ha, ha, ha! ...je peux répondre, quand même!

Mme Blackburn: Merci. Madame...

Le Président (M. Doyon): Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Mme Gadbois, M. Sciortino, M. Boileau, il me fait plaisir de vous accueillir, au nom de l'Opposition officielle.

J'apprécie que vous soyez là, puisque le Parti libéral s'est désisté. Il s'est désisté, parce qu'il aurait dû expliquer à la population du Québec comment il se fait, si le ministre a si bien écouté, qu'il n'ait pas respecté l'avis, l'avis et la proposition adoptée dans les instances provinciales du Parti libéral sur l'affichage commercial, alors que le Parti libéral parlait des petites entreprises, et que le Parti libéral recommandait au gouvernement de renforcer les dispositions touchant la langue de travail.

Alors, évidemment, leur absence s'explique en grande partie pour cette raison, à n'en pas douter.

Je voudrais excuser le départ de M. Parizeau: il m'a priée de le faire, puisqu'il prend actuellement la parole en Chambre, en réaction au budget. Et, comme vous savez, sur le budget, il y a beaucoup à dire... et l'importance de bien le dire, je pense que M. Parizeau avait là un devoir qui l'appelait de toute urgence.

M. le ministre, tout à l'heure, a tenté — vous avez bien fait de le relever — de minimiser l'importance de la loi. Il nous dit toujours: 4, 5 éléments; 65 articles, qui viennent modifier 84 articles d'une loi qui en contient 215. Alors, arrêtons. Il y en a 10 sur l'affichage; tout le reste, c'est une opération de sabotage. Je pense que vous aviez droit de le rappeler.

Il cite la Chambre de commerce de Montréal. Je voudrais lui dire — parce qu'il nous fait souvent des «religieusetés» — que la Chambre de commerce de Montréal, ce n'est ni le Coran, ni l'Évangile, et qu'il y a beaucoup de Québécois qui pensent autrement.

Pour ce qui est des consultations, il dit: J'ai largement consulté. J'ai le goût de le dire et de rappeler: il a consulté le Conseil de la langue française sur 5 points — il n'avait pas consulté sur l'apprentissage de la langue seconde, dois-je le rappeler — et le Conseil de la langue française — excusez, j'allais poser un geste disgracieux — il l'a tablette; il a tablette le rapport, littéralement. Alors, qu'il me dise qu'il a consulté: oui, peut-être un peu; mais qu'il a tenu compte: non, non. Alors, il ne faut pas induire la population en erreur, en prétendant qu'une fois qu'on a écouté le monde ça veut dire qu'on a pris compte des remarques et des commentaires. Et, d'ailleurs, vous avez raison de le rappeler, pour une bonne partie de la faction des Anglo-Québécois et l'ouverture à l'école anglaise, c'est un premier pas. On le sait, en fin de semaine, encore, on a eu l'occasion de se le faire rappeler.

Moi, je voudrais vous entendre sur une question. J'en aurais plusieurs, mais mes collègues veulent aussi intervenir. Alors, une question. Avez-vous examiné l'avis donné par Me José Woehrling prétendant que 178 aurait pu être acceptée par les tribunaux, à la lumière des derniers jugements, et même 101 d'origine avec les dispositions touchant l'affichage commercial?

M. Sciortino: Bien, écoutez. Dans l'affaire Ford, la Cour suprême affirme, à la page 779, ceci, je cite: «En fait, dans son mémoire et dans ses arguments oraux, le procureur général du Québec n'a pas tenté de justifier l'exigence de l'emploi exclusif du français. Il a plutôt insisté sur les motifs de l'adoption de la Charte de la langue française et de la législation antérieure en matière linguistique, motifs qui, il faut le répéter, ne sont pas contestés par les intimées.»

Les mêmes discussions au niveau du comité de l'ONU. La citation est très longue. Je vous dis que c'est à peu près la même chose que le comité conclut concernant les restrictions prévues à l'article 19 du Pacte relatif aux droits civils et politiques. Or, il semble que,

depuis le test que la Cour suprême a appliqué concernant la «raisonnabilité» des chartes, c'est-à-dire l'article 1 de la Charte canadienne et l'article 9.1 de la Charte québécoise, la Cour suprême dégage le but de la loi 101 et dégage un but qui semble vouloir être celui de la prédominance du français, alors que le but véritable de la loi 101 n'est pas nécessairement celui-là.

Ensuite, la Cour suprême applique, dans d'autres décisions... plutôt, applique les critères de l'arrêt Oa-kes — je ne sais pas si vous connaissez — concernant la rationalité, l'atteinte minimale et la proportionnalité. Depuis, ce test a été assoupli et semble... et je partage cet avis à l'effet que la liberté d'expression commerciale, si elle allait, aujourd'hui, reposer la même question devant la Cour suprême, pourrait justifier une protection moindre que la liberté commerciale individuelle.

Mme Blackburn: II faut rappeler, le jugement Ford, c'était sur la publicité touchant les jouets.

M. Sciortino: Pardon?

Mme Blackburn: Le jugement Ford.

M. Sciortino: Mieux connu sous le nom de Chaussures Brown.

Mme Blackburn: Chaussures Brown. C'est ça; la liberté commerciale.

Pour ce qui est de... Une toute dernière question. Je sais que Mme Gadbois habite la région de l'Outaouais et je prenais connaissance d'un article du Droit: Fonctionnaires obligés de travailler en anglais à Hull: les francophones ont peur des représailles.

Pourriez-vous nous parler un peu de la situation de votre région? On a souvent, ici, un député qui nous dit que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes — vous l'avez entendu tantôt — alors, j'aimerais que vous nous traciez un peu un portrait de la situation qui prévaut en matière de français au travail, dans votre région. (16 heures)

Mme Gadbois (Jocelyne): Avec plaisir, Mme Blackburn.

Effectivement, je témoigne pour la région de l'Outaouais, mais c'est un peu identique aussi dans la région de Montréal. Il va sans dire que l'ouverture que la loi 86 apporte actuellement au bilinguisme met en danger et en péril, notamment, la langue de travail, particulièrement dans ma région. Oui, en effet, cet article: Les francophones ont peur des représailles, c'est un phénomène constant, quotidien, quand on parle aux gens qui travaillent dans cette fonction publique fédérale dite bilingue. Les représailles, ils ont peur des représailles, ils ne peuvent pas avoir accès à des promotions, doivent même, à l'intérieur de leur syndicat, prendre des cours en anglais pour arriver à se défendre.

On a appris aussi que les mécanismes de plainte, de ce côté, sont à peu près nuls quand un francophone, dans cette fonction publique bilingue, veut faire reconnaître ses droits. Moi, j'ai peur énormément, dans le cadre de cette loi 86 où on veut affaiblir les mécanismes de plainte. On ne veut plus aider les plaignants, on ne veut plus cheminer ces plaintes, on ne veut plus les écouter de la même façon, on change les enquêteurs pour des vérificateurs alors que, dans le moment, la loi 101, difficilement appliquée dans une région comme l'Outaouais, la loi 178, n'a pas changé un iota au visage francophone de la région de l'Outaouais.

Nous avons énormément de difficultés, dans cette région, à l'affichage, par exemple, l'affichage unilingue anglais. Évidemment, pour moi, quand on dit «l'affichage bilingue, l'affichage commercial bilingue», pour moi, ça veut dire: retour à l'affichage unilingue anglophone. Ça veut dire ça pour ma région et ça veut dire ça pour la région de Montréal, particulièrement dans le centre-ville de Montréal. Et ça, pour moi, c'est un danger très, très présent. Et je ne me fais pas de peurs, je ne me fais pas d'illusions non plus, je suis une personne originaire de la région de l'Outaouais, je suis confrontée quotidiennement, depuis ma tendre enfance, à cet envahissement de la langue anglaise, et tous les jours, tous les jours, on s'adresse à moi en anglais quelque part dans ma propre ville. Alors, je me dis: C'est la même chose à Montréal.

Je pense que cette loi 86 doit effectivement prendre le bord des poubelles parce qu'elle ne respecte pas, à mon avis, l'esprit de la loi 101 qui est de faire la promotion et le développement du français pour la majorité francophone des Québécois.

Le Président (M. LeSage): Ça va?

M. le député d'Anjou.

M. Bélanger (Anjou): Merci, M. le Président.

Me Sciortino, vous avez mentionné tout à l'heure l'avis du comité de l'ONU. Quelques organismes qui sont venus témoigner devant la commission et plusieurs membres du côté ministériel ont fait part que, suite à l'avis, justement, du comité de l'ONU, il y avait un fait comme inexorable: on ne pouvait faire autrement que modifier les lois linguistiques au Québec. À en entendre même certains, on pourrait quasiment s'attendre à ce que les «casques bleus» descendent au Québec.

D'après vous, quelle portée devrait-on donner à cet avis du comité de l'ONU quant à la questioa de l'affichage et la question linguistique au Québec?

M. Sciortino: Bien, écoutez, l'avis, à mon avis, ce n'est pas une victoire ni une défaite pour personne, vous comprenez? L'avis mentionne qu'au moins concernant l'égalité devant la loi il n'y a pas de discrimination. L'avis mentionne aussi que la communauté anglophone au Québec ne constitue pas une minorité. Est-ce qu'il faut s'en réjouir? Je ne m'en réjouis pas. Est-ce qu'il faut leur enlever les droits qu'ils avaient auparavant? Ce n'est pas ça le problème. Mais essentiellement, ce qui est clair dans l'avis — je vous parle seulement de ce qui

est clair — c'est qu'une personne, qu'elle soit anglophone, italienne d'origine, grecque, chinoise, arabe, peut afficher dans sa langue ou dans la langue de son choix. Il ne s'agit pas seulement de l'anglais, il s'agit de n'importe quelle langue et de n'importe quelle personne. Ceci restreint, à mon avis, si on prend ce qui est clair, aux individus.

En fait, si vous regardez le Pacte, on parle de droits civils et politiques. La version anglaise, si je ne me trompe pas, c'est «Human rights», «les droits humains». Est-ce que vous connaissez des corporations qui ont des droits humains? Comme disait l'autre jour quelqu'un: On peut parler de problèmes de conscience, de liberté de conscience et de liberté d'expression d'une personne humaine et non pas d'une corporation. Moi, c'est mon père et ma mère qui m'ont fait, ce n'est pas l'État qui m'a créé. Mais une corporation, c'est la création de l'État et, en conséquence, l'État peut limiter la liberté de cette corporation, mais il ne peut pas limiter possiblement la mienne, sauf dans certaines situations et selon certaines restrictions pour permettre l'atteinte d'autres objectifs beaucoup plus grands.

Mais essentiellement, l'avis dit tout simplement qu'il y a entrave au Pacte international en ce qui concerne la liberté d'expression de l'individu.

Le Président (M. LeSage): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger (Anjou): Merci, M. le Président.

On sait que de nombreux concitoyens du Québec veulent que leurs enfants aient une meilleure connaissance d'une seconde langue au Québec. On cherche beaucoup à identifier le Parti québécois comme étant un parti qui est contre l'apprentissage d'une seconde langue. Que répondez-vous à ces attaques?

M. Sciortino: Voulez-vous que je vous réponde en anglais, en italien ou en espagnol?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Sciortino: Écoutez, il n'y a personne qui est contre. Je pense qu'il serait stupide de s'opposer au fait de parler ou d'apprendre une autre langue. Le problème n'est pas là. Le problème, à mon avis, est le suivant: S'il y avait un problème spécifique qui était mis à nu par le problème de l'ONU ou par la décision de la Cour suprême, par exemple, là c'est un problème. Changer complètement ou changer plusieurs des objectifs de cette loi, modifier plusieurs articles nous entraînent dans un engrenage où on ne sait pas où cela va arrêter.

Mais, évidemment, apprendre l'anglais au Québec, c'est nécessaire. Ça ne doit pas nécessairement se faire par immersion, on peut augmenter le nombre d'heures d'enseignement, on peut fournir des professeurs beaucoup plus spécialisés en français, s'il n'y en a pas — mais je pense qu'il y en a — on a les bains linguistiques, on a actuellement une kyrielle de moyens qui permettent d'apprendre l'anglais d'une façon beaucoup plus appropriée, si on veut vraiment l'utiliser.

Le Président (M. LeSage): Ceci complète la période de temps allouée à l'Opposition. M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Libman: Merci, M. le Président.

D'abord, j'ai 2 précisions à faire pour M. Sciortino: d'abord, en ce qui concerne les questions de corporation versus individus. Je vous dis que les plaignants devant la Cour suprême du Canada étaient Chaussures Brown inc., McKenna inc., Nettoyeur et Tailleur Mas-son inc. et La Compagnie de fromage nationale ltée. Ça, ce sont les plaignants devant la Cour suprême du Canada qui a rendu une décision très sage et qui, effectivement, parle beaucoup sur les distinctions entre individus et corporations. Elle a rendu le même jugement malgré le fait que 4 des 5 plaignants étaient des corporations.

Deuxièmement, vous, comme d'autres groupes, invoquez le terme «paix linguistique», que la loi 101 amenait avec elle la paix linguistique au Québec. Moi, je vous dis que la loi 101 a déclenché une guerre linguistique au Québec. Le fait que la communauté anglophone ne soit pas descendue sur la rue pour contester cette loi, pour casser des fenêtres, ça ne veut pas dire qu'il y avait la paix linguistique. La communauté anglophone a amené cette question devant les tribunaux depuis l'adoption de la loi 101, et les jugements récents donnaient raison à la communauté. On ne peut pas dire simplement qu'il y avait une paix linguistique tout autour de cette période quand ces questions étaient devant les tribunaux.

Moi, je vous pose la prochaine question. Il y a quelques groupes qui ont évoqué la menace de vandalisme à plusieurs groupes qui sont venus devant cette commission, qui s'opposent à l'affichage bilingue. Ils disent que si on permet d'autres langues sur les affiches, il y aura des actes de vandalisme, donc dérangeant la paix sociale au Québec. Est-ce que votre parti, qui s'oppose également à l'adoucissement de la loi 101, peut affirmer, aujourd'hui, que vous découragez tout acte de vandalisme comme moyen d'intimider les propriétaires de magasin qui veulent utiliser d'autres langues? Est-ce que vous découragez fortement les actes de vandalisme comme moyens d'intimidation dans cette question?

M. Sciortino: Vous avez raison lorsque vous dites que la Cour suprême a inclus les corporations en ce qui concerne la liberté d'expression. Cependant, vous devez voir que le critère, l'objectif... Quand on définit l'objectif d'une loi, ce que la Cour doit faire... L'objectif, c'était de refléter la prédominance du français. Or, je vous dis que l'objectif de la loi 101... Je pense qu'il y a une erreur de la Cour suprême dans la définition de l'objectif de la loi 101. L'objectif, ce n'est pas la prédominance, l'objectif, c'est le fait de la sauvegarde du français au Québec; c'est ça, l'objectif. Or, si, par contre, on se rend compte que l'objectif, tel qu'il est

défini, peut être interprété d'une telle façon, rien ne nous empêche de modifier et de rendre conforme le mot, le «wording», à l'objectif ultime. (16 h 10)

On affirme aujourd'hui, après certains arrêts de la Cour suprême, que la notion de liberté d'expression commerciale peut recevoir une portée moindre que celle qui a été donnée dans cet arrêt, l'arrêt de Chaussures Brown.

M. Libman: II n'y a aucun juriste qui va vous dire la même chose. Il n'y a aucun juriste responsable dans le monde occidental qui va vous dire la même chose. C'est très éloquent, la décision de la Cour suprême, même en touchant l'objectif de la loi 101. Si vous lisez le jugement de la Cour suprême, c'est un «testimonial» très éloquent de l'objectif de la Charte de la langue française, mais en tenant compte de la réalité des droits individuels. C'est très clair que cet équilibre n'est pas là, dans la loi 101.

M. Sciortino: Voulez-vous que je vous répète ce que j'ai dit tantôt? J'ai dit que dans l'arrêt Ford, à la page 779 — je ne me souviens pas du juge maintenant — on dit, en parlant de l'argument pour démontrer que, même si la liberté d'expression n'a pas été respectée, cela est justifié dans les circonstances. Voici ce que dit la Cour suprême, à la page 779: «En fait, dans son mémoire et dans ses arguments oraux, le procureur général du Québec n'a pas tenté de justifier l'exigence de l'emploi exclusif du français. Il a plutôt insisté sur les motifs de l'adoption de la Charte de la langue française et de la législation antérieure en matière linguistique, motifs qui, il faut le répéter, ne sont pas contestés par les intimées.» — «les intimées» étant le gouvernement du Québec...

Maintenant, il poursuit encore à la page 779, parlant tout le temps de la même chose: «Toutefois, les documents se rapportant à l'article premier et à l'article 9.1 n'établissent pas que l'exigence de l'emploi exclusif du français est nécessaire pour atteindre l'objectif législatif ni qu'elle est proportionnée à cet objectif.»

Cette question précise n'a même pas été abordée dans les documents des intimés.

Le Président (M. LeSage): Alors, merci. M. le député de D'Arcy-McGee, je m'excuse, mais...

M. Libman: Mais la deuxième partie de ma question? Il n'a pas répondu à la deuxième partie: sur la question de vandalisme, est-ce que vous dénoncez...

Le Président (M. LeSage): Brièvement, M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Sciortino: Sur la question de vandalisme, je vous dis que, moi, personnellement, le parti ne prône pas le vandalisme. On n'a jamais prôné le vandalisme.

Le Président (M. LeSage): Merci, M. Sciortino, M. Boileau et Mme Gadbois pour votre participation aux travaux de cette commission, et je suspends les travaux pour permettre à la Townshippers' Association de se présenter à la barre. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 12)

(Reprise à 16 h 14)

Le Président (M. LeSage): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission reprend ses travaux pour fins de consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi 86.

Nous entendrons immédiatement la Townshippers' Association, de l'Estrie, et je demanderais à la porte-parole de bien vouloir s'identifier pour fins d'enregistrement au Journal des débats et de bien vouloir présenter les personnes qui l'accompagnent.

Townshippers' Association (Estrie)

Mme Losier (Paillette): MM. et Mmes les membres de la commission, je vous présente Marjorie Goodfellow, membre du conseil d'administration et ex-présidente; Norma Humphrey, membre du conseil d'administration, et Susan Mastine, directrice générale. Je suis Paulette Losier, présidente.

Le Président (M. LeSage): Merci, Mme Losier. Alors, la parole est à vous. Vous avez 20 minutes, alors que le parti ministériel aura, par la suite, 20 minutes, et l'Opposition également, 20 minutes, et possiblement que le député indépendant pourrait requérir 5 minutes.

La parole est à vous. Nous vous écoutons, madame.

Mme Losier: Merci. Thank you for the opportunity to discuss Bill 86 with members of the Commission de la culture. Since Townshippers' Association has a vital interest in this bill, we welcome the occasion to present our views.

We have come here today, from the Eastern Townships, one of the few regions of Québec where the first settlers of European origin were not French. The area has welcome waves of immigrants beginning with approximately 40 United Empire Loyalist families Wack in the 1780s. In the 19th century, they were supplemented by Americans, Britons and Irish people as well as Europeans such as Swedes, Germans and Dutch. These people were joined by French-speaking people from other regions of Québec, seeking land or employment.

We are proud of the way these people of varied backgrounds have created a bilingual and bicultural corner of Québec. This special cultural characteristic of our region is often used to attract industry, tourism and

other important events. A recent promotional campaign to bring the 1999 Panamerican Games to the Sherbrooke region included the following statement: «A special vibrancy that is both welcoming and stimulating characterizes the Eastern Townships and the people who live there. Canada's two great founding cultures live and work side by side as they have for nearly two centuries and our architectural compellingly reflects the shared heritage.» End of quote.

Dans ce respect et cette tolérance entre gens d'expression française et anglaise dans les Cantons-de-1'Est, la communauté d'expression anglaise fait face à un avenir incertain. Elle se sent sous-estimée dans la société québécoise dans la dernière année. C'est pourquoi plusieurs jeunes gens ont établi leurs racines ailleurs et ils ont été suivis par d'autres membres et leurs familles.

Schooling enrolments figures vibrately demonstrate the crisis faced by the community. Between 1974 and 1993, enrolments in the English language elementary and secondary Eastern Township schools were nearly cut in half, dropping from 11 026 students to 6264.

Where will another 20 years of such decline leave us? What can we, and our French-speaking neighbours, do to arrest this exodus? What will the government do to help us? One of the answers to this last question involves amendments to the Charter of the French Language.

We welcome Bill 86, not as a resolution of all the problems that we face living as English-speaking people in today's Québec society, but as a start in making today's Québec society more welcoming to the English-speaking community, especially to the young people.

I will now ask my colleagues, Marjorie Goodfel-low and Norma Humphrey, to express the specific concerns of our association.

Marjorie.

Mme Goodfellow (Marjorie): Thank you, Paulette.

Au sujet de la signalisation routière, l'Association des Townshippers est heureuse de noter l'intention d'ajouter l'anglais au français sur les enseignes où un symbole ou un pictogramme ne peut rencontrer les exigences de la santé ou de la sécurité publique.

Nous sommes aussi encouragés par la réponse du gouvernement aux demandes de la communauté d'expression anglaise afin de permettre à l'anglais d'apparaître de nouveau sur les enseignes publiques et l'affichage commercial. À plusieurs reprises, l'Association des Townshippers a déjà recommandé que le français soit la langue prédominante dans l'affichage commercial, mais de permettre aussi d'autres langues. Donc, les articles du projet de loi qui touchent ce sujet nous sont acceptables.

Le Président (M. LeSage): Merci, Mme Goodfellow. Vous voulez céder la parole, maintenant, à Mme Humphrey. (16 h 20)

Mme Goodfellow: Oui.

Le Président (M. LeSage): Mme Humphrey, on vous écoute.

Mme Humphrey (Norma): En ce qui concerne l'accès aux écoles anglaises, l'Association des Townshippers est déçue des mesures contenues dans le projet. Les parents d'expression anglaise qui déménagent au Québec tiennent souvent beaucoup à donner à leurs enfants un enseignement en langue anglaise parce que l'anglais est leur langue maternelle et qu'il forme leur identité culturelle. Sans l'accès aux écoles anglaises, ces enfants ne peuvent acquérir d'identité culturelle, ni le sens de leur héritage qui contribue à enrichir les Cantons-de-1'Est et la province en entier.

Du point de vue de l'activité économique, les immigrants doivent se sentir bienvenus au Québec afin d'améliorer l'économie de la province. Étant donné l'existence d'un réseau d'écoles de langue anglaise, il est difficile pour certains nouveaux arrivants d'accepter des mesures restrictives au niveau de l'inscription des enfants des familles d'expression anglaise ou certains peuvent décider de ne pas venir dans la province, dont des investisseurs et des personnes possédant une expertise technique. Ces immigrants pourraient contribuer énormément à l'économie de la province. Nous sommes tous préoccupés par cette perte de résidents potentiels.

Pour la communauté d'expression anglaise, l'addition de nouvelles familles est primordiale pour sa survie et celle de ses écoles. L'établissement même d'une seule famille d'expression anglaise dans les Cantons-de-1'Est constitue tout un événement et peut aider à prévenir la fermeture d'une école. À chaque fois qu'une école anglaise ferme, la communauté linguistique perd de sa vigueur.

L'article 23 du projet de loi ne répond pas à ce dont notre communauté a besoin pour se renouveler. Nous avons entendu dire que notre communauté devrait prendre ses propres responsabilités sur ce sujet et que nous ne devrions pas avoir besoin d'immigrants de langue maternelle anglaise pour compenser notre population en déclin et vieillissante. Nous mettons en doute ces propos. Les communautés d'expression française puisent dans les immigrants pour contrer sa population en déclin. En tant que citoyens du Québec à part entière et en tant que peuple fondateur des Cantons-de-1'Est, nous aussi avons droit aux mêmes moyens pour soutenir notre propre population.

Ainsi, pour ces motifs économiques, culturels et éducatifs, l'Association des Townshippers recommande que le projet de loi 96 permette l'accès aux écoles de langue anglaise pour tous les enfants dont la langue maternelle est l'anglais.

Nous sommes d'accord avec les articles suivants du projet de loi 86 sur l'enseignement: l'article 30, qui parle des enfants en difficulté d'apprentissage, montre un humanisme qui ne peut qu'être loué par toute la société québécoise; de même, l'article 32, qui parle des

enfants qui séjournent au Québec de façon temporaire. Nous croyons qu'il y aurait un effet économique important dans les Cantons-de-1'Est et dans tout le Québec.

Le Président (M. LeSage): Mme Humphrey.

Mme Goodfellow: À cause du temps additionnel, du coût administratif et de la paperasse bureaucratique requis pour obtenir un certificat de francisation, l'Association des Townshippers est satisfaite que l'obligation d'obtenir un tel certificat sera exigée seulement des entreprises de 50 employés ou plus.

Les PME sont au coeur de notre économie. C'est pourquoi nous souhaitons que les dispositions du projet de loi soient adoptées afin de permettre à ces entreprises de se concentrer sur leur rentabilité et leur productivité.

L'addition de l'article 29.1 à la Charte de la langue française prévoit un processus par lequel le statut spécial des municipalités et des établissements peut être retiré. Ceci est nécessaire afin d'éviter le potentiel de conflit et de confusion qui peut arriver quand la population d'expression anglaise diminue à moins de la moitié de la population totale.

Même si l'Association des Townshippers préfère que ce statut spécial ne soit retiré à aucune municipalité ou établissement, elle reconnaît que si un tel statut est remis en question à cause d'un important déclin de la population minoritaire, la démarche de retrait de ce statut devrait provenir de la municipalité ou de l'établissement concerné. La demande de retrait sera alors suivie d'une consultation de l'Office de la langue française, puis par une décision, en dernier lieu, du gouvernement.

Il est louable que la loi prévoie que la demande provienne de la municipalité ou de l'établissement et prévoie une consultation appropriée. Cependant, nous enjoignons le gouvernement et l'Office à faire tout leur possible pour encourager les municipalités et les établissements à évaluer les besoins linguistiques et culturels de leurs populations minoritaires si elles font une demande de retrait de statut spécial.

Le Président (M. LeSage): Merci, madame. Mme Goodfellow, maintenant, si je comprends bien.

Mme Losier: Mme Losier.

Townshippers' Association welcomes these amendments to the Charter of the French Language. The majority of the changes proposed in Bill 86 will reduce to Charter's negative impact on the English-speaking community. The passage of this bill will be a signal that Québec is willing to be an open society. As the descendants of pioneers who settled the Eastern Townships more than 200 years ago, we look forward to the passage of this law which we hope will make English-speaking people feel more welcome in Québec.

However, we are alarmed that access to English schools is largely unchanged. Schools are the lifeblood of a community and ours are suffering from a declining enrolment. Thus, to community continues to dwindle.

The inevitable outcome will be a more linguistically homogenous population which will be a lost for all Québec society. Therefore, we urge you to allow access to English schools for children whose mother tongue is English.

We recognize that Québec is under unique pressures within the North American context. This is the reason we suggest that the French language and culture be promoted by positive measures. Would not the development of a full range of television programming for Quebec's young people, celebrating the French language and culture in a variety of creative ways, be an effective means to stimulate increased pride and awareness?

Mme Goodfellow: D'autres mesures pour renforcer la langue et la culture françaises pourraient être la promotion et un meilleur financement des arts, soit l'édition, l'écriture, le cinéma, le théâtre; la consécration d'un mois à la promotion de la langue et de la culture françaises, peut-être en juin où une semaine serait consacrée au théâtre et aux films, une autre à la poésie et à la prose, une troisième à la musique et à la danse, une quatrième au patrimoine et à la culture; la promotion et un meilleur financement des bibliothèques municipales et scolaires; un meilleur financement des archives pour des acquisitions et des expositions; l'augmentation des exigences de base des compétences en français à tous les niveaux dans les réseaux d'éducation français et anglais; une modification des programmes scolaires afin de mettre l'emphase sur l'histoire, les arts, la littérature et autres traditions culturelles du Québec; l'élargissement des programmes d'échanges scolaires pour y inclure ceux entre francophones de Québec et francophones d'ailleurs au Canada; des subventions pour la traduction de manuels de base pour les niveaux de cégep et de baccalauréats universitaires actuellement disponibles seulement en anglais; un meilleur financement pour la recherche sur tous les aspects de la langue et de la culture françaises; un financement additionnel des musées pour acquérir du matériel d'exposition, des pièces d'exposition, des guides audio et des catalogues; le financement d'émissions de télévision visant une plus grande connaissance et fierté du Québec, son histoire, ses langues et ses cultures. (16 h 30) si nous vous soumettons ces idées, c'est dans un esprit de respect et d'admiration pour la communauté d'expression française et les québécois d'expression française qui sont nos voisins et nos amis. *

Mme Losier: L'Association des Townshippers croit qu'il est possible de voir la langue et la culture françaises, de même que la communauté d'expression anglaise, s'épanouir au Québec. Dans le respect et l'harmonie, nous pouvons travailler ensemble pour construire un Québec plus fort et plus prospère.

Merci, M. le Président.

Le Président (M. LeSage): Alors, merci,

mesdames.

La parole est maintenant au ministre, et vous disposez, M. le ministre, de 20 minutes.

M. Ryan: Merci.

Il me fait toujours plaisir de vous revoir, Mme Goodfellow, ainsi que les collègues qui vous accompagnent. Je voudrais profiter de l'occasion pour vous fçliciter du doctorat honorifique que vous a remis, ces temps derniers, l'Université Bishop. Nous avons appris avec beaucoup de plaisir cette marque d'honneur qui vous a été décernée à juste titre en raison des services éminents que vous avez rendus à la communauté et à la vue de l'esprit dans l'Estrie. Alors, félicitations!

Mme Goodfellow: Merci.

M. Ryan: J'ai pris connaissance du mémoire que vous nous avez communiqué, évidemment, avec beaucoup d'intérêt et je vais essayer de commenter rapidement les principales recommandations dont vous donnez un sommaire à la fin du mémoire.

Je vais les prendre, rapidement, pour faire le tour: Que le français soit la langue prédominante dans l'affichage commercial, mais que soit également permis l'usage d'autres langues. Alors, ça, c'est acquis dans le projet de loi. Je pense que nous faisons une part significative dans la direction que vous souhaitez.

Que la loi soit amendée pour permettre l'accès aux écoles de langue anglaise pour tous les enfants dont la langue maternelle est l'anglais. Évidemment, sur ce point-ci, nous ne faisons pas de modification à la loi 101. Nous maintenons le régime actuel surtout parce qu'il nous apparaîtrait illogique de faire une distinction entre une catégorie d'immigrants et une autre et d'appliquer à des immigrants venant de l'extérieur du Québec un régime qui ne vaudrait même pas pour les citoyens du Québec qui sont francophones. Les citoyens francophones du Québec sont obligés d'envoyer leurs enfants à l'école française sous le régime actuel. Alors, il serait un peu paradoxal qu'on donne une liberté de choix à des parents qui viendraient de l'extérieur du Québec alors qu'à l'intérieur même du Québec nous ne la donnons pas aux parents francophones. Ça, c'est un sacrifice qui a été accepté quand la loi 101 a été instituée. On avait même institué cette obligation avec la loi 22. Alors, voilà, c'est un point sur lequel nous ne faisons pas de changement, et nous n'envisageons point d'en faire.

Maintenant, j'ai regardé les statistiques que vous nous donnez dans le tableau qui accompagne votre mémoire. Je constate une chose: Ça confirme des choses que j'ai déjà dites ici, et ce, à plusieurs reprises. Depuis 1983-1984, la situation a tendu, non pas à se dégrader mais à se stabiliser. Il y eut une chute importante, là, lors des premières années d'application de la Charte de la langue française, mais depuis 1983-1984, je regarde le total des élèves inscrits à Eastern Townships School-board, c'était 3693 en 1983-1984 et, 10 ans plus tard, 3558. Il n'y a vraiment pas de déclin spectaculaire ici; au contraire, une toute légère diminution.

Du côté de The District of Bedford Protestant Regional Schoolboard, 2673 en 1983-1984 et 2706 en 1992-1993, ce qui indique... Nos données indiquent qu'il y a une tendance à une stabilisation et même 2 facteurs devraient contribuer à une certaine augmentation au cours des prochaines années: d'abord, la diminution de l'exode interprovincial et, deuxièmement, l'augmentation du taux de fécondité chez les femmes de langue anglaise, ce qui est attesté par les statistiques des dernières années. Alors, nos pronostics indiquent qu'au cours des 5 ou 6 prochaines années il devrait y avoir non seulement maintien du plateau actuel, mais un certain dépassement, ce qui permettra, je pense bien, d'assurer une viabilité raisonnable des écoles de langue anglaise. Voilà la réponse à cette question-là.

Le statut bilingue à des municipalités. Je pense que nous améliorons les choses singulièrement. Il y aurait sans doute moyen d'aller plus loin, mais il nous est apparu que le mode défini dans la loi concernant le retrait éventuel d'un statut donne déjà des garanties beaucoup plus grandes que la loi actuelle. On donne la garantie que la décision ne sera pas purement administrative; elle sera également assortie d'une considération des facteurs politiques, sociaux, culturels et humains qui doivent entrer en compte dans une décision de cette nature.

Vous demandez que le statut bilingue de tous les établissements d'éducation et de soins de santé soit maintenu. Évidemment, dans la mesure où ces établissements continuent d'être d'abord au service de populations anglophones, je pense que ça devrait aller de soi, et je peux vous assurer que le gouvernement actuel n'entend faire aucune modification de statut à cet égard, à moins qu'on ne lui fasse la démonstration qu'une institution qui porterait un nom anglais en serait venue à avoir une clientèle à 95 % francophone; il faudrait bien se rendre à l'évidence. Mais sauf des cas où ce sera très, très clair, l'économie de la loi a été aménagée de manière à tenir compte, dans toute la mesure humainement raisonnable, de la réalité concrète.

En matière de signalisation routière, je pense que la recommandation que vous formulez trouve une réponse satisfaisante dans le projet de loi. Les entreprises de moins de 50 employés seront incitées à promouvoir le français par voie d'incitation plutôt que de coercition. Je pense que c'est ce que vous souhaitiez également.

Donc, de manière générale, je crois que, comme vous l'avez dit à la fin, l'une d'entre vous, le projet de loi 86 marque une étape importante. C'est un signal très clair de la volonté du gouvernement de faire en sorte que le Québec soit une société ouverte, qui non seulement est ouverte en paroles, également en actes et dans sa législation.

Maintenant, je vous pose une question ici à propos à l'accès aux écoles de langue anglaise. Est-ce que vous auriez, des statistiques que je viens d'évoquer, une interprétation différente de celle que j'ai proposée?

Le Président (M. LeSage): Mme Goodfellow.

Mme Goodfellow: Oui, merci. Nous avons des statistiques, et je demanderai à une de mes collègues de vous fournir ces statistiques tantôt, mais je retourne à quelques-uns de vos propos concernant la politique ou les propositions de la loi 86. Je veux souligner que nous, nous sommes un secteur de la population du Québec qui a la liberté de choix. Il y a déjà une inégalité de ce côté dans la société québécoise, c'est pourquoi nous ne voyons pas que ce soit un vrai problème de donner accès à nos écoles aux immigrants de langue maternelle anglaise.

Aussi, pour maintenir stable l'assistance dans nos écoles, il faut avoir une population qui n'est pas vieillissante mais qui devient plus stable aussi du point de vue de l'âge, de la distribution de l'âge de la population. Alors, c'est pourquoi, au premier niveau, il y a des fois des baisses d'inscriptions qui nous inquiètent beaucoup, et je demanderais à Mme Humphrey de m'aider de ce côté.

Le Président (M. LeSage): Alors, Mme Humphrey, on vous écoute.

Mme Goodfellow: Excusez-moi. Je dois demander à Mme Losier de m'aider de ce côté.

Le Président (M. LeSage): Mme Losier, la parole est à vous.

Mme Losier: Merci beaucoup, monsieur.

While the numbers have gone up in the schools in the last few years, we have noticed this year in kindergartens a decrease in our enrolment. And our future lies with the students who are coming in in kindergartens.

The students that are currently in high schools, and even in elementary schools, we have seen actually an increase and we are very happy. We are rejoycing that... some stabilization even though, as it was mentioned in our brief, a few numbers, a few students is cause for celebration in our schools when we have fewer that 60 students in several of those schools. (16 h 40)

However, kindergarten is of grave concern because, this year, we know, we have determined that numbers have gone down, and that is a cause of concern for us.

Mme Goodfellow: Alors, ces vagues de diminution nous inquiètent beaucoup parce que c'est très difficile de...

M. Ryan: Vous pourriez nous envoyer des statistiques détaillées sur ceci. Demandez aux 2 commissions scolaires de nous envoyer classe par classe, degré par degré, le nombre d'élèves qui étaient inscrits au cours des 5 dernières années?

Mme Goodfellow: Oui, oui. Nous pouvons vous fournir de ces statistiques.

M. Ryan: The number by grade.

Mme Losier: Grade by grade. Yes, we have that.

M. Ryan: O.K. I would like to have figures of that.

Mme Goodfellow: We will send them to you.

M. Ryan: II peut arriver que ce soit, cette année, un cas particulier et que, l'an prochain, ça reprenne. On suivra ça de près avec vous. Pardon?

Le Président (M. LeSage): M. le ministre, la parole est à vous.

M. Ryan: J'apprécie beaucoup la liste de suggestions que vous avez faites pour la promotion du français et de la culture française à travers le système d'enseignement et des activités collectives au Québec. Je pense que c'est une liste qui est très intéressante. Il y a déjà plusieurs de ces choses qui sont en voie de réalisation ou en cours, mais la liste constitue une somme impressionnante. Et comme vous le savez, déjà, la ministre de l'Éducation a accepté de donner suite à toutes les recommandations du rapport Chambers, sauf la première. Et, déjà, moi, j'ai demandé à la ministre de l'Éducation d'examiner avec une attention particulière les cas de fermeture d'école dans les petites communautés, parce que là il y a un problème.

Je suis tout à fait d'accord avec vous — je vous l'ai dit souvent dans le passé, même quand j'étais ministre de l'Éducation — que l'école, c'est le «cornerstone of community life». Et c'est bien important, aussi longtemps qu'on peut avoir des motifs le moindrement raisonnables de maintenir une petite école de le faire, pas seulement du côté anglophone. Évidemment, du côté anglophone, le problème se pose aussi. Nous avons été obligés d'en fermer beaucoup, d'écoles, du côté francophone. Moi, dans ma circonscription d'Argenteuil, il y a plusieurs municipalités importantes qui n'ont plus d'école primaire.

Si vous allez à Saint-Adolphe-d'Howard, par exemple, c'est une municipalité entre 1500 et 2000 habitants; il n'y a plus d'école primaire depuis plusieurs années. Les jeunes doivent aller à l'école à Saihte-Agathe ou à Morin Heights. Mais on est obligés dans certains cas; par conséquent, on ne peut pas établir une règle générale, mais la ministre de l'Éducation est d'accord pour regarder avec une attention particulière ces cas, et ça va être fait.

Alors, j'apprécie énormément cette présentation qui nous est faite et je crois comprendre que si un vote était pris demain sur le projet de loi 86, malgré votre réserve au point de vue de la question scolaire, il y aurait des chances que le vote soit positif

sur l'ensemble du projet.

Mme Goodfellow: C'est exact. M. Ryan: Merci.

Le Président (M. LeSage): Ça va, M. le ministre? »

M. Ryan: Ha, ha, ha! Merci.

Le Président (M. LeSage): Alors, Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Je me demande si la dernière question était utile; ça semblait évident.

Mesdames, il me fait plaisir de vous accueillir à la commission parlementaire, au nom de l'Opposition. J'ai remarqué que vous étiez exclusivement... Votre organisme est représenté par des femmes seulement. Je dois dire que je le dis pour l'apprécier parce qu'il est vrai que dans la société québécoise, lorsqu'il s'agit de parler de la langue, de la culture, de l'éducation, ça a presque été traditionnellement les femmes. Mais, malheureusement, j'ai souvent vu à cette commission cette préoccupation ramenée jusqu'ici presque exclusivement par des hommes. J'apprécie donc qu'on ait ici une représentation exclusivement féminine.

Tout de suite, d'entrée de jeu, je vais vous dire que je trouve votre rapport plutôt alarmiste quant à l'avenir de la communauté anglo-québécoise. En ce qui a trait à votre communauté en Estrie, je pense que, là, c'est une autre question. Il faut un peu faire des distinctions. Moi, je suis celle qui pense — et nous l'avons écrit — que la communauté anglophone a des droits au Québec et que, dans un Québec souverain, on a l'intention de les protéger. Ça, je veux dire, la perspective là-dessus, pour nous, est extrêmement claire. Il est important que nous le disions avant, par exemple, qu'il y ait un éventuel référendum sur la question. Alors, pour nous, c'est clair. à présent, je dis que vous êtes alarmistes parce que je relisais une déclaration de l'université mcgill, qu'elle avait faite en collaboration avec le psbgm à l'occasion de l'adoption de la loi 101 en 1977, et mcgill craignait de voir sa clientèle diminuer de façon radicale, considérable, ce qui n'a pas été le cas, puisque mcgill reçoit 27 % de toute la clientèle étudiante du québec alors qu'elle ne représente, dans les faits, que 10 %. la même chose pour les cégeps anglophones; ils vont chercher 24 % des clientèles alors qu'ils ne représentent que 10 %.

Vous êtes également très, très bien représentés dans tout ce qui a trait aux services de santé, les musées, les cinémas, théâtres, la littérature, ainsi de suite. Alors, moi, je pense qu'il m'apparaît un peu excessif de parler de la menace que fait courir la loi 101 ou la loi linguistique sur l'avenir de la communauté anglophone. Mais je dis en même temps: Vous avez raison, en région. J'ai vu une région qui s'est vidée pas seulement que des anglophones, mais des francophones, région que je connais bien, celle de la Gaspésie. Nous avions plusieurs petites communautés qui avaient sensiblement la même histoire que la vôtre et qui, pour des raisons historiques, ont été aussi, je l'ai rappelé à l'Université McGill, négligées par les grandes institutions d'enseignement. C'est moins vrai chez vous, parce que vous aviez vos institutions d'enseignement supérieur, ce qui n'était pas le cas dans la Basse-Côte-Nord, la Gaspésie, les régions plus éloignées où, là, vous avez des communautés anglophones complètement en déclin, mais, faut-il le dire, francophones aussi. une statistique que je prenais à la radio en venant ce matin nous apprend que dans le bas-du-fleuve et la gaspésie, la population active ne représente plus que 30 %, alors que dans une région relativement en santé, c'est 60 %. alors, ça vous dit que nos petites écoles, là-dessus, elles ferment un peu partout au québec, en anglais comme en français, et c'est ça, je pense, le drame du québec, c'est la situation économique dans les régions.

Vous avez une série dans votre annexe, je trouve ça fort intéressant, l'appendice 2: Les mesures pour renforcer la langue et la culture françaises. Moi, je ne peux qu'applaudir, et à deux mains, sur une liste de cette nature, ça fait des années qu'on le leur dit. Le premier geste de M. Ryan comme ministre de l'Enseignement supérieur, ça a été de couper dans un petit budget — c'étaient 225 000 $ — de l'aide à l'édition scientifique en français.

Tout ce qu'on voulait faire, c'est exactement ce que vous demandez. La traduction de volumes pour les universités et les cégeps, ils ont mis la hache là-dedans. Évidemment, on ne parle pas de l'état des bibliothèques. Dans votre communauté, je pense que vous avez eu plus de soutien, finalement, pour soutenir les acquisitions et tout ça, mais vous l'avez fait à force de bras, et je vous en félicite. Je connais un peu vos mouvements et la qualité de vos actions là-dessus.

Cependant, je dois vous dire que, en ce qui a trait au projet de loi 86, pour le Québec francophone... C'est la seule concentration francophone en Amérique du Nord, 6 000 000; il y a 300 000 000 d'anglophones autour. Vous comprendrez avec moi que ça demande un minimum de balises pour les protéger, et nous croyons que le projet de loi 86, et y compris sur l'affichage, va largement au-delà de ce que recommandait le comité des Nations unies où il disait: C'est vrai que l'individu devrait pouvoir afficher sur sa pelouse que sa maison est à vendre, dans la langue de son choix; ça nous apparaît élémentaire. Mais de là à prétendre que McDonald's a le même droit, Sears, La Baie, Zellers... Ce ne sont plus des individus, ce sont des corporations, et est-ce que les corporations ont des droits humains? Je pense que c'est comme ça que la question se pose. Et pour nous, on dit: Non. On dit: Ça va beaucoup trop loin, et beaucoup plus loin que ne l'exigeait le jugement.

En ce qui a trait à la langue de travail, vous vous dites heureuses de voir que les dispositions sur la langue de travail n'aillent pas plus loin... 11 faudrait que je le retrouve. Là encore, si, au Québec... Vous dites: Ne pas étendre la nécessité d'un certificat de francisation aux entreprises comportant moins de 50 employés, et vous vous en réjouissez. Quand on ne peut pas gagner sa vie dans sa langue, elle n'a pas beaucoup d'avenir; la langue que vous parlez après 17 heures là, elle n'a pas beaucoup d'avenir. Dans ce sens-là, c'est ça que nous disent les Québécois et les Québécoises francophones qui, pour trouver un emploi, de plus en plus, doivent être bilingues, parce que le travail se fait majoritairement en anglais.

J'aurais une question en ce qui a trait à l'admission aux écoles anglaises pour tous les enfants dont l'anglais est la langue maternelle. D'abord, je dois vous dire tout de suite: Vous n'avez pas à rougir de cette proposition. Je dis qu'Alliance Québec a recyclé... Vous irez voir dans les écrits de M. Ryan, alors qu'il était au Devoir, c'était exactement la proposition qu'il faisait. Il se scandalisait devant cette idée qu'on puisse interdire à quelqu'un qui vient de l'Australie d'envoyer son enfant à l'école anglaise. C'est à peu près ça. Sauf que je pense que la raison et les pressions l'ont amené à penser qu'il fallait maintenir les dispositions actuelles. (16 h 50)

Mais pour fins de mieux comprendre et de mieux cerner là-dessus votre avis: Les enfants dont l'anglais est la langue maternelle, ce serait quels pays? Ils viendraient de quels pays?

Mme Goodfellow: Mais ils viennent de plusieurs pays.

Le Président (M. LeSage): Mme Humphrey. Mme Blackburn: Non, c'est Mme Goodfellow.

Le Président (M. LeSage): Mme Goodfellow, allez-y.

Mme Goodfellow: Ils viennent de plusieurs pays, évidemment. C'est la langue maternelle des personnes dont nous parlons et ce n'est pas nécessairement lié à un pays ou à un certain nombre de pays.

Nous avons remarqué que parmi les immigrants de notre région... Je prendrais un instant pour vous répéter que nous parlons seulement de la situation des Cantons-de-1'Est, de l'Estrie.

Mme Blackburn: Oui, d'accord.

Mme Goodfellow: C'est notre situation que nous vivons. Nous ne recevons pas beaucoup d'immigrants de langue maternelle anglaise, qu'importe le pays. Alors, chacun est accueilli les bras ouverts.

Nous avons parlé des écoles et de la qualité de l'éducation. Ça dépend de l'inscription. Si l'inscription reste après une chute de la moitié pendant les 20 dernières années, c'est dire qu'il n'y a pas de programmes qui sont assez riches pour donner aux enfants des chances égales aux autres personnes d'expression française. Alors, c'est toujours ce que nous pensons dans nos propos.

Aussi, un réseau scolaire sain et dynamique donne l'occasion aux personnes d'expression anglaise de trouver un emploi. Je cite l'exemple de Mme Humphrey qui est récemment graduée de l'Université Bishop dans le domaine de l'éducation. Elle doit trouver un emploi, et j'espère qu'elle va réussir chez nous parce que nous avons besoin de jeunes. Ce ne sont pas les personnes de mon âge qui vont produire des enfants, ce sont les jeunes de son âge qui vont augmenter notre population.

C'est une question très complexe quand nous parlons de l'assistance dans nos écoles et l'augmentation de quelques immigrants. Mais, pour retourner à votre question, c'est la langue maternelle, qu'importe le pays.

Mme Blackburn: Ça veut dire que pour quelqu'un qui vient du Pakistan, par exemple, est-ce que sa langue maternelle est considérée comme étant l'anglais?

Mme Goodfellow: Si c'est sa langue maternelle, oui.

Mme Blackburn: Jamaïque? Vous comprendrez que ça fait... Comme il n'y a pas beaucoup... Parce que cela a été beaucoup évoqué mais... En même temps, je ne vois pas comment ça va relancer ou ça viendrait régler les problèmes des petites écoles anglaises sur le territoire du Québec. L'immigration, dans ma région, il n'y en a pas; ni en français, ni en anglais, il n'y en a pas. Il n'y en a pas non plus en Gaspésie. Il y en a peu ou pas en Abitibi. Il y en a 90 % qui s'installent dans Montréal et la grande région. Alors, moi, je pense que l'avenir et le développement de vos écoles, c'est sur d'autres facteurs. Vous avez raison, c'est que vos jeunes puissent rester au Québec. Ce que je souhaite.

Mais ce qu'on nous a dit, lorsqu'on a consulté la communauté anglophone, c'est que, pour qu'ils restent chez nous, faut-il encore qu'ils aient un avenir, c'est-à-dire des emplois. Ce qui les amène à l'extérieur, ce n'est pas la question linguistique, nous le leur avons demandé. Ce qu'ils nous disent, ce sont deux choses: II faut qu'on maîtrise mieux le français et donnez-nous,des possibilités d'emploi, donnez-nous un avenir professionnel. C'est ça qu'on nous a répété, et on nous'l'a répété de façon très insistante et constante. Le développement actuel du Québec, qui est en train de se ratatiner, c'est évident, ne donne pas plus d'avenir à vos enfants du côté des Anglo-Québécois que du côté des Franco-Québécois qui, de plus en plus aussi, s'expatrient.

Je pense que c'est de polariser des questions économiques autour du débat linguistique alors que, finalement, dans les faits, de façon concrète, réelle, pragmatique, ça n'a pas beaucoup à voir. C'est

l'absence de programmes de relance de l'économie, c'est ça un des principaux problèmes de l'exode, est-ce que vous ne croyez pas?

Mme Goodfellow: C'est seulement un problème de relance économique dont nous souffrons, actuellement. Mais aussi, il y a un accès aux emplois dans les autres domaines, dont la fonction publique. L'accès pour les personnes d'expression anglaise aux emplois dans la fonction publique du Québec est toujours très limité.

Mme Blackburn: Vous avez tout à fait raison. Mais on a constaté — parce que j'ai examiné aussi la question — que ça faisait un peu partie de la culture. Il y a peu d'applications, lorsqu'il y a des postes ouverts. Il faut vous dire qu'en plus ils n'en ouvrent pas beaucoup, là, mais il y a peu d'applications qui viennent des Anglo-Québécois parce qu'ils ont plus tendance à aller dans le privé. Ça fait partie de la culture anglo-québécoise.

Ensuite, il y a eu une espèce de désintérêt de la part des établissements d'enseignement supérieur quant à l'enseignement de l'administration, l'administration publique. On a retrouvé un programme en administration publique. La première fois, c'est à l'Université Concordia. Je ne pense pas que McGill en ait encore, moi. Alors, ça a créé quand même une tradition, puis une culture. Alors, ce n'est pas exclusivement par mauvaise volonté.

Moi, je suis de celles qui pensent qu'il devrait y en avoir de façon plus représentative. On aurait des bonnes chances de mieux se comprendre les uns les autres, quand ils seront un peu plus nombreux dans la fonction publique.

Mme Goodfellow: Mais je pense que la question est plus complexe que cela. Je pense qu'on doit créer une atmosphère, au sein de la fonction publique, qui attire les gens d'expression anglaise. Il faut publiciser comment faire une demande d'emploi — les gens ne savent pas — les autres personnes qui travaillent au sein de la fonction publique. Alors, il faut continuer le programme que M. Johnson a lancé récemment, d'informer par la voie des médias les gens d'expression anglaise comment faire une demande d'emploi dans la fonction publique.

Il faut aussi sensibiliser les gestionnaires de la fonction publique à engager les personnes d'expression anglaise parce que, au sein de la fonction publique du Québec, l'autorité pour engager quelqu'un est très dispersée. Alors, ce n'est pas une question facile à régler, mais je pense que c'est une responsabilité du gouvernement de l'adresser à tous les niveaux.

Mme Blackburn: Vous avez...

Le Président (M. LeSage): Alors, Mme la députée de Chicoutimi, une dernière question...

Mme Blackburn: Oui, une dernière question.

Le Président (M. LeSage): ...puisqu'il ne reste qu'une minute à votre formation politique.

Mme Blackburn: Vous avez insisté à quelques endroits dans votre mémoire sur l'importance de l'affichage, à la fois pour des raisons économiques, vous dites des raisons d'exclusion de la langue, mais aussi pour des questions de sécurité. Est-ce que vous avez eu connaissance, vraiment, qu'il y ait eu des accidents parce que quelqu'un, un Québécois, ne savait pas décrypter une affiche française? Moi, je me dis toujours: Si j'étais Anglo-Québécois, je serais absolument offensé. Ça veut dire que ces gens-là ne peuvent pas aller nulle part, à l'étranger, où on ne parle pas anglais, ce qui m'étonnerait fort, parce qu'ils se déplacent certainement tout autant que les francophones et ils vont dans des pays où ce n'est ni l'anglais ni le français. Moi, je suis toujours étonnée quand on m'avance cet argument-là.

Le Président (M. LeSage): Alors, brièvement, Mme Goodfellow.

Mme Goodfellow: Ce n'est pas une question de compréhension pour les Anglo-Québécois, mais il y a aussi les touristes qui doivent être informés comment obéir aux règlements au Québec. Alors, nous avons préparé un mémoire, il y a quelques années, qui a adressé à plusieurs niveaux cette question. Je pense que c'est important qu'il y ait un programme d'éducation, non seulement des Anglo-Québécois, des pictogrammes et des mots qui sont utilisés, mais aussi d'enseigner aux touristes qui passent aux frontières d'entrée ici, au Québec. Avec la vitesse sur les routes, c'est important que les gens comprennent rapidement ce qui est nécessaire pour une conduite sécuritaire.

Mme Blackburn: Mais vous savez qu'on n'a pas pu nous démontrer qu'il y avait eu des accidents dus à ça.

Le Président (M. LeSage): La période de temps étant maintenant terminée pour le Parti québécois, je cède maintenant la parole au député de D'Arcy-McGee.

M. le député de D'Arcy-McGee, vous disposez de 5 minutes. (17 heures)

M. Libman: Merci, M. le Président.

I would like to welcome the Townshippers' Association here. It is a pleasure to welcome you to our commission. And I think you have expressed very eloquently this morning that, yes, Bill 86 is a step forward, but, at the same time, it does not represent what the anglophone community really, really needs to be able to go towards the next century as a vital component of Québec society. I think you have highlighted very clearly a very painful and a very difficult reality that exists in Québec, contrary to what the critic from the Official

Opposition said.

The majority of the Anglophones who leave Québec — of young Anglophones — are highly educated, they are bilingual, and they leave not because of economic reasons, they leave because of this fatigue, because of this sense of feeling like second-class citizens in their province, and they are very uncomfortable about the direction in which Québec is going, and because of these linguistic restrictions and perhaps some of the dispositions of Bill 86, they will show a bit more optimism for the future, but, at the same time, it does not go far enough in really creating a solid sense of optimism for the future.

You spoke of the difficult decline in our schools. And this is perhaps, for the anglophone community, the most frustrating aspect surrounding the debate over Bill 86. To a large degree, this question is being buried in the intensity surrounding the question of signs when it is really the access to education issue that is at the heart of our community's future here.

Now, also, you speak of allowing mother tongue English to have access to English schools. You made reference to the Chambers Report, which should allow immigrants from English-speaking countries... Now, the Minister... And this is again what is the most frustrating thing. These are recommendations made by the anglophone community that would have a most négligeable impact on the French school system. These numbers represent maybe a 1 % drop in enrolment in French schools while, at the same time, this injection into our school system can be the very difference between some of our schools remaining open and closing. And although the Minister speaks of tabling statistics or the fact that there has been a bit of a leveling off lately, in any major demographic decline, eventually, it will level out. But if the level falls below the critical mass necessary to keep some of our schools open, that's it, we're finished. These schools will never open again once we are below the necessary threshold for these schools to remain open. And that, to me, is the most frustrating element of this whole debate, that a measure being recommended by the anglophone community will affect in a very négligeable way the French majority school system. a question i would like to ask you refers more to the bilingual status that you spoke of. you said that bilingual statuses granted in municipalities continue as long as the english-speaking population does not drop below 20 % for two consecutive census studies. so, what you are saying is that if it drops to that percentage, a municipality or an institution should not lose its bilingual status. but would you not agree that, presently, as the law is written, a municipality or an institution must be 50 % more to be able to have this bilingual status in the first place? therefore, the minority has to be a majority in certain institutions or municipalities. would you feel that the minister should look at the possibility of lowering this important threshold — the 50 % — specifically coming from a rural area of the province where institutions are less likely to be in the majority of the minority language group? would you favor an examination by the minister of lowering that 50 % for certain institutions and certain municipalities so at least some municipalities and institutions that do have a significant minority population — of 20 %, 25 % — would be able to enjoy bilingual status recognized by the government? do you think that threshold should be lowered?

Le Président (M. LeSage): Alors, Mme Goodfel-low, vous avez environ une minute pour répondre à cette question.

Mme Goodfellow: We are satisfied with the situation as it is now because, in our very small communities, people are very accustomed to operating in a friendly manner. I suspect that in the communities where there is a 20 % population they do in fact receive services in their own language.

We — I should point it out — mentioned the 20 % factor. We are very respectful of the wisdom of people who live together and work together at the local level. They manage to get along, and this is why we would prefer that government regulations not become too complex in this regard. As long as the option is given on an informal basis of service in the minority language, we think it works pretty well.

Le Président (M. LeSage): Alors, merci, mesdames représentantes de la Townshippers' Association, pour votre participation aux travaux de cette commission.

Je suspends maintenant les travaux pour quelques instants, alors que nous entendrons par la suite le Mouvement national des Québécois.

(Suspension de la séance à 17 h 6)

(Reprise à 17 h 7)

Le Président (M. LeSage): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission reprend ses travaux. Nous entendrons maintenant le Mouvement national des Québécois. J'invite donc le porte-parole à bien vouloir s'identifier et identifier les personnes qui l'accompagnent.

Mouvement national des Québécois (MNQ) .

M. Simard (Sylvain): Merci, M. le Président et député de Hull.

Sylvain Simard, président du Mouvement national des Québécoises et des Québécois. J'ai, à ma gauche, la première vice-présidente du mouvement, Mme Louise Laurin; à l'extrême-droite, ici, le vice-président, le second vice-président, M. Nicolas Girard; M. André Valois, le trésorier du Mouvement, à ma gauche; et

Mme Danielle Gagné, directrice générale du Mouvement, à ma droite.

Avant de prendre la parole, M. le Président, j'aimerais, pendant un instant, laisser quelques mots...

Le Président (M. LeSage): J'aimerais vous indiquer... , M. Simard: Oui.

Le Président (M. LeSage): ...M. Simard, que vous disposez d'une période d'environ 20 minutes pour faire votre présentation, alors que le côté ministériel aura également 20 minutes pour vous interroger; le côté de l'Opposition aura 15 minutes, et le député indépendant de D'Arcy-McGee aura 5 minutes.

Alors, la parole est à vous.

M. Simard: Merci, M. le Président.

Alors, je vais demander à M. Nicolas Girard, qui est vice-président, comme je viens de dire, mais qui est aussi président du Rassemblement des jeunes souverainistes, de vous adresser deux mots avant que je prenne la parole.

Le Président (M. LeSage): M. Valois.

M. Girard (Nicolas): M. le Président, il me fait plaisir, au nom des organismes de jeunes qui ont participé à la Commission jeunesse sur le projet de loi 86 qui s'est tenue aujourd'hui, de vous remettre les mémoires qui y furent déposés.

Le gouvernement nous ayant refusé le droit de participer à la présente commission parlementaire, j'ose espérer que ses membres prendront connaissance des documents que je vous remets cet après-midi.

Merci.

Le Président (M. LeSage): Alors, merci, M. Girard. J'ai fait un lapsus et j'ai mélangé les noms. M. Simard.

Mme Blackburn: M. le Président, permettez que...

M. Simard: Le...

Le Président (M. LeSage): Mme la députée de Chicoutimi,' vous avez une...

Mme Blackburn: M. Girard vient de déposer une douzaine ou 15 mémoires qui ont été déposés à la commission parallèle qui a été tenue par le Conseil permanent de la jeunesse, aujourd'hui. Alors, je pense que ce qu'il souhaite, c'est ce que nous souhaiterions, c'est que ces mémoires soient distribués à tous les membres de la commission, évidemment, ceux qui sont membres d'office de la commission et également ceux qui ont remplacé les membres.

Le Président (M. LeSage): Alors, je présume, M. Girard, que vous allez transmettre copie de votre mémoire à chacun des membres de cette commission. Merci.

M. Simard. (17 h 10)

Mme Blackburn: II s'agit...

M. Simard: M. le Président, tout d'abord...

Mme Blackburn: Pardon. Il ne s'agit pas seulement d'un mémoire, mais c'est des 15 mémoires qui ont été déposés aujourd'hui, avec votre permission.

Le Président (M. LeSage): Ces documents seront transmis, Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. Simard: M. le Président...

Le Président (M. LeSage): M. Simard, la parole est à vous.

M. Simard: M. le Président, d'abord, un mot pour espérer que le ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française nous rejoigne le plus tôt possible; j'espère qu'il n'est pas loin. Nous sommes venus de loin. Le voilà.

Le titre de notre mémoire, je pense, indique déjà certaines lignes de fond: «Le projet de loi 86: Ouverture d'esprit ou aveuglement historique?»

En plein déclin démographique, la loi 101 ne saurait être modifiée substantiellement sans égard à l'évolution de la population du Québec et à la capacité d'intégrer de la langue française. Il en va de l'avenir du français en Amérique du Nord, il en va de l'équilibre linguistique du peuple québécois, il en va de la nation québécoise.

Vous avez reçu... les membres de la commission ont reçu un mémoire qui vous a été distribué. Évidemment, c'est une version réduite dont je vous ferai part maintenant, puisqu'il ne s'agit pas d'aller dans le détail de toutes les démonstrations des tableaux et des études qui y sont présentés.

L'histoire du Mouvement national des Québécoises et des Québécois montre à l'envie qu'il a su mobiliser les Québécoises et Québécois, à chaque époque, autour des enjeux principaux pour le Québec. Depuis 1990, notre Mouvement a concentré son travail et ses études sur l'enjeu majeur que constitue pour notre peuple l'évolution de sa population. C'est cette question qu'il soumettait, d'ailleurs, à l'attention des commissaires de la commission sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec. Et nous en arrivions alors à la conclusion suivante: alors même que le Québec n'est jamais apparu aussi capable de maîtriser sa destinée, alors que la perspective d'un État souverain semble prochaine, qu'une génération nouvelle d'entrepreneurs

québécois peut avoir toutes les audaces, que les productions culturelles québécoises font carrière internationale, voilà que tous les signes apparaissent d'un rapide déclin démographique aux conséquences désastreuses. Si rien n'est fait pour l'enrayer, plusieurs effets ne tarderont pas à se manifester, à commencer par l'accélération de la diminution du poids relatif du Québec dans le Canada et dans l'Amérique du Nord. À l'intérieur du Québec même, le vieillissement de la population entraîne à son tour une kyrielle d'effets économiques et sociaux déstructurants pour une petite société: régions qui périclitent, masse critique francophone insuffisante à Montréal pour assurer l'intégration des immigrants, lourd fardeau fiscal et social pour la population active.

Aujourd'hui, fort de cette étude, le Mouvement national des Québécoises et Québécois presse vivement le gouvernement de ne pas procéder au démantèlement de ce qui reste de la loi 101. Non seulement rien ne justifie d'affaiblir encore la Charte de la langue française, qui a été charcutée déjà par les tribunaux, mais la langue française, qui fait face à de nouveaux problèmes, exige des mesures nouvelles.

En effet, une mise à jour des résultats des études produites depuis le moment de la rédaction du mémoire indique que, malgré quelques signes encourageants que nous saluons, la situation démo-linguistique globale du Québec s'est détériorée. C'est évidemment à Montréal que c'est le plus visible. Ainsi que le titrait Le Devoir du mardi 22 décembre 1992: «La loi 101 ne suffit plus à protéger le français à Montréal».

Les politiques qui se proposent d'agir sur la natalité, comme sur l'intégration linguistique et culturelle, ne manifestent leur plein effet que longtemps après leur adoption. C'est vrai partout, mais davantage au Québec. Au coeur du continent nord-américain, alors que la mondialisation de l'économie confère à l'anglais un quasi-statut de «lingua franca», le renversement de la tendance à l'anglicisation des immigrants et de leurs descendants ne peut être plus rapide, et ce, malgré l'apprentissage forcé de la langue française à l'école. Or, la chute de la natalité des francophones de la Révolution tranquille s'ajoute à leur exode de Montréal pour constituer dans l'île un vrai problème d'accueil et d'intégration des immigrants. C'est à Montréal, ne n'oublions pas, que se joue l'avenir du peuple québécois. Un gouvernement québécois digne de ce nom ne peut donc vider la loi 101 de sa substance sans assurance quant au sort de la langue française dans 20 ans, dans 40 ans.

Gouverner, c'est prévoir. Et le Québec est le seul foyer de la langue française en Amérique du Nord. La nation québécoise n'a pas à se défendre de devoir exister, elle a plutôt la responsabilité de défendre son existence. Un gouvernement québécois responsable ne peut capituler face aux pressions de la minorité anglophone, alors que c'est du côté de l'intégration des allophones que l'avenir du Québec se joue.

Dans un premier temps, notre mémoire rappelle à quel point le déclin de la population est un problème vital pour le Québec.

Dans un deuxième temps, nous y voyons que tous les scénarios de halte au déclin passent à la fois par des incitations à la hausse de la natalité et par l'immigration, celle-ci devant être d'autant plus importante que celle-là tarde à se manifester.

Dans un troisième temps, nous analysons les résultats des études disponibles sur la francisation des immigrants et de leurs descendants, études qui mettent en évidence la faible capacité d'intégration du français à Montréal.

Finalement, nous montrons qu'aucune des pressions qui s'exercent ne justifie de modifier en profondeur ce qui reste de la loi 101, au contraire. C'est au renforcement de la situation relative du français que le gouvernement devrait nous convier à travailler.

En matière de langue comme de démographie, l'action doit être soutenue et cohérente pour avoir un effet. Le projet de loi 86 va, selon nous, saboter le début d'une tendance encourageante qui se profilait à l'horizon. Le projet de loi 86 n'est pas un amendement à la Charte de la langue français, il en change la substance, il transforme la dynamique créée par la loi 101. La langue française n'est plus la langue officielle, elle est sous réserve. Le français n'est plus la règle, le bilinguisme est la règle, et le français, l'une des possibilités. Le projet de loi 86 ignore ou feint d'ignorer les difficultés auxquelles se bute la langue française au Canada et en Amérique du Nord. Il ne tient pas compte du fait politique incontournable qu'est la nation québécoise, comme s'il voulait l'effacer. Il se lave les mains de l'avenir, nous condamnant à la survivance, à moins qu'il ne compte sur le prochain gouvernement pour remettre les horloges à l'heure, non sans avoir causé au Québec, qui n'en a pas besoin, des tensions nuisibles.

Notre forte natalité et notre concentration sur le territoire du Québec nous avaient toujours protégés. Nous étions dominés; aujourd'hui, nous sommes menacés. Quelles sont les principales faiblesses du projet de loi 86?

Premièrement, en modifiant, conformément au jugement de la Cour suprême, le contenu de la loi concernant la langue de la législation et de la justice et en insérant la clause Canada, le gouvernement donne officiellement un droit de regard aux institutions fédérales sur la détermination de nos politiques linguistiques.

Deuxièmement, en permettant à l'administration de communiquer avec les autres gouvernements et avec, les personnes morales et même d'afficher dans une autre langue que le français, le projet de loi établit officiellenient le caractère de l'administration publique québécoise. ,

Troisièmement, en autorisant la rédaction en anglais des sentences arbitrales, le gouvernement donne un signal clair sur l'utilisation des deux langues et introduit la confusion. Ni la Cour suprême ni le Conseil du patronat n'en demandaient pourtant autant. (17 h 20)

Quatrièmement, au moment où tous constatent la nécessité de mettre en oeuvre tous les moyens nécessaires à l'amélioration de . la qualité du français, le

gouvernement autorise la «bilinguisation» des écoles par l'introduction de l'enseignement de l'anglais par immersion complète.

Cinquièmement, toute une série de mesures ouvrent davantage le champ des exceptions et vont permettre, avec l'autorisation du ministre, de contourner l'exigence de scolarisation en français aux enfants d'immigrants. , Sixièmement, en autorisant le ministre à s'accaparer du domaine réglementaire jusque-là dévolu à l'Office de la langue française, le projet de loi ouvre la voie à la politisation et au favoritisme. Il fera beau voir la communauté anglophone, actuellement silencieuse sur ce recul démocratique, jeter les hauts cris lors de la première décision réglementaire d'un ministre péquiste.

Septièmement, en acceptant le bilinguisme dans l'affichage sur l'ensemble du territoire québécois pour les petites entreprises à propriété individuelle comme pour les corporations québécoises, canadiennes ou multinationales, le gouvernement abat l'un des pans majeurs de la Charte de la langue française. Plutôt que de chercher à corriger un irritant où il se trouve, sur la base unique des droits individuels, le gouvernement subordonne l'autorité de l'Assemblée nationale en matière linguistique et culturelle au diktat de la Cour suprême du Canada. Cette «bilinguisation» du paysage visuel non seulement fera disparaître une part importante de l'industrie québécoise de la publicité, mais, surtout, indiquera chaque jour aux immigrants, surtout à Montréal, le caractère bilingue du pays où on leur demande de s'intégrer.

Dans l'Outaouais québécois, où, malgré la loi actuelle, une part importante de l'affichage est bilingue — quand il n'est pas unilingue anglais — cette rupture de digue entraînera le retour à la situation qui prévalait il y a quelques années. Minoritaires dans l'ensemble de la région de la capitale, les francophones se retrouveront au même point que les francophones de l'autre rive, bafoués quotidiennement dans leur identité linguistique.

On se demande bien, d'ailleurs, pourquoi le gouvernement libéral a voté la loi 178, si c'était pour s'écraser de façon aussi honteuse devant la Cour suprême et renoncer à jouer son rôle de défenseur des droits des francophones. D'autant plus que ce gouvernement est le seul en Amérique à être contrôlé par les francophones.

Huitièmement, en refusant de faire connaître les règlements d'accompagnement, le ministre pose un geste antidémocratique et interdit à l'Assemblée nationale et à cette commission de juger, en connaissance de cause, de l'ensemble des implications du projet de loi 86. À notre avis, le gouvernement rate une nouvelle fois l'occasion de régler, de façon permanente, la question linguistique et sème tous les germes de futurs affrontements dont il devra porter la responsabilité.

Tout comme les promesses électorales de 1985 sur les changements à la loi 101 avaient amené la prolifération, dans le centre de Montréal, de l'affichage unilingue anglais et semé, dans la communauté anglophone, de faux espoirs, le projet de loi 86 veut laisser croire que la majorité abandonne le projet de faire du français la langue commune au Québec. Le réveil risque d'être douloureux pour ceux qui, encouragés par les propos et l'attitude du ministre, en sont déjà à exiger le libre choix de la langue d'enseignement et l'instauration, en matière linguistique, de la loi du marché.

Par ailleurs, nous voudrions souligner à la commission et aux ministres l'appui constant que le mouvement nationaliste québécois a donné, ces dernières années, à la politique d'immigration du gouvernement du Québec. Tout en faisant certaines mises en garde, dont la ministre Gagnon-Tremblay a tenu compte, les mémoires du MNQ et de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal ont toujours apporté leur appui aux efforts du gouvernement. Nous avons d'ailleurs reçu un témoignage éloquent de la ministre pour notre effort visant à la participation des communautés culturelles dans les célébrations de la fête nationale du Québec, dont le MNQ assure la coordination.

En connaissez-vous beaucoup, à travers le monde, des mouvements nationalistes aussi ouverts que le nôtre? Les nombreuses rencontres que nous avons régulièrement avec les représentants de toutes les communautés démontrent clairement que, pour nous, sont québécois et doivent participer à la construction de notre pays tous ceux et celles qui habitent le Québec ou qui viendront se joindre à nous. Mais cette attitude d'ouverture n'est possible que parce que la loi 101 et la politique d'immigration du gouvernement visent clairement à l'intégration des nouveaux arrivants à la communauté québécoise, dont la langue commune est le français. Si le ministre Ryan devait confirmer ce que ses propos des dernières semaines laissent entendre et ce que le projet de loi 86 tente d'établir, à savoir l'abandon de l'objectif de faire du français la langue commune, nous devrons remettre en question notre politique. Les peuples, comme les individus, ont le droit et même le devoir d'assurer leur pérennité.

Par ailleurs, nous considérons que les Québécois et Québécoises doivent être les seuls à décider de leur politique en matière de langue et de culture. La Cour suprême du Canada n'est pas habilitée à décider à la place de l'Assemblée nationale. Ainsi que l'a déclaré à plusieurs reprises le premier ministre, M. Bourassa, lors du débat constitutionnel: La clause «nonobstant», c'est la meilleure garantie linguistique dans un régime fédéral.

Aussi, nous étonnons-nous du psychodrame que le gouvernement fait vivre à la population québécoise à propos de l'éventuel renouvellement du recours à cette clause. Le ministre chargé de l'application de la Charte de la langue française avait beaucoup moins de scrupules, à l'époque où il était ministre de l'Éducation, à évoquer cette clause «nonobstant».

Ainsi que nous l'avons démontré, la situation du français est encore éminemment fragile au Québec. Certes, la loi 101, que le ministre a toujours combattue, a permis des progrès indéniables, mais ceux-ci n'ont fait que compenser les effets catastrophiques de notre

affaissement démographique. À Montréal et dans l'Outaouais, tout au moins, la situation du français est tout aussi préoccupante qu'elle pouvait l'être lors de l'adoption de la loi 101, en 1977. Le moment n'est pas plus à s'abandonner à une ridicule euphorie qu'à un catastro-phisme inutile.

Les changements annoncés à la loi risquent d'avoir des effets considérables sur l'avenir de notre peuple. En voulant donner des gages à une minorité considérée comme une clientèle électorale captive, le gouvernement libéral s'apprête à rompre le délicat équilibre linguistique en faveur de l'anglais et relancer, pour des années, la querelle que nous avions crue terminée.

Je vous le dis, et non sans regret, si la loi 86 devait être votée sous sa forme actuelle, nous devrons consacrer le plus clair de nos efforts, à Montréal comme dans toutes les régions du Québec, à mettre en évidence les effets de la loi sur la francisation du Québec et en exiger le rappel. Les défis économiques et sociaux du Québec mériteraient, selon nous, que l'on y consacre tous nos efforts plutôt que la relance du débat linguistique. Ceux qui, cédant aux pressions d'extrémistes, l'ont relancé devront en porter le poids politique.

Il devient de plus en plus clair, à la lecture attentive du projet de loi 86, à la suite des propos du ministre à cette commission, qu'il s'agit d'un virage politique majeur à 180 degrés de l'État québécois. L'objectif central de la loi 101, faire du français la langue commune au Québec, est mis de côté et remplacé par un nouvel objectif: faire du Québec une société bilingue. Jamais dans notre histoire la volonté de «bilinguiser» le Québec n'avait été exprimée aussi clairement. Les propos du ministre à rencontre de l'intégration, qui constituait jusqu'à maintenant la politique de son parti, celle de son chef depuis la loi 22 ainsi que la politique officielle du ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration, la volonté qu'il a manifestée, lors du dépôt du mémoire de l'Union des artistes, d'orienter la législation linguistique vers l'aide au bilinguisme individuel et la mise en place de bilinguisme collectif, tout cela explique sans doute pourquoi le ministre a choisi de rendre l'affichage commercial bilingue sur l'ensemble du territoire du Québec et de s'attaquer, sur plusieurs points essentiels, au contenu, à l'esprit et aux moyens d'application de la loi 101.

Aussi, vous l'aurez compris, le MNQ s'oppose fermement à l'adoption de la loi 86. C'est, selon nous, aux moyens de renforcer la langue française que le gouvernement devrait nous convier, non pas à son affaiblissement.

Merci.

Le Président (M. LeSage): Alors, merci, M. Simard.

M. le ministre, pour une période de 20 minutes. (17 h 30)

M. Ryan: Alors, M. le Président, j'ai écouté avec intérêt le résumé dont M. Simard nous a donné lecture. Évidemment, dans l'exposé que nous avons entendu, les arguments invoqués nous sont maintenant familiers. Nous les avons entendus à maintes reprises depuis le début des auditions publiques de la commission parlementaire. Mais je les aborderai quand même un peu dans l'ordre où ils nous ont été soumis parce que je pense qu'on doit à votre organisme la même chance de discussion que nous avons essayé de donner à tous les autres qui sont venus devant la commission.

Lorsque vous affirmez, M. Simard, que le projet de loi 86 s'attaque à la substance même de la loi 101, qu'il en altère l'essence, je suis en profond désaccord avec vous. Et j'entendais, ce matin, le témoignage de la Chambre de commerce de Montréal, qu'on ne peut pas soupçonner d'antipatriotisme ou d'«apatridisme» quelconque, nous dire dans son mémoire les paroles suivantes: «[...] l'analyse du contenu du projet de loi 86 mène à la constatation que les grandes orientations de la Charte ne sont en aucune façon modifiées. «Le français, langue officielle; les droits linguistiques fondamentaux; la langue de l'administration et des organismes parapublics; la langue du travail; la langue du commerce et des affaires; la langue d'enseignement: autant de chapitres de la Charte dont les principes de base restent inchangés.» Alors, je termine ici la citation.

C'est la conception que nous avons du projet de loi 86. C'est l'esprit dans lequel nous l'avons rédigé. Et je pense que la démonstration de ce que vous affirmez n'a pas été faite jusqu'à maintenant. Elle ne l'a pas été davantage dans les arguments que vous avez invoqués.

Quand vous parlez de la langue de la législation et de la justice, nous ajustons la législation québécoise de manière qu'elle tienne compte des décisions rendues par la Cour suprême du Canada. Il n'y a rien d'irrégulier là-dedans: c'est la loi du pays dont nous faisons encore partie. Nous nous ajustons à la loi du pays. De toute manière, nous sommes obligés de le faire dans nos actes administratifs courants. Alors, nous préférons être vrais. Ça n'empêche pas qu'on combatte ce régime-là, qu'on essaie de le modifier. Très bien. Mais, aussi longtemps que nous vivons sous ce régime, nous préférons, nous, la vérité dans les textes législatifs à l'espèce d'enveloppement dans lequel on la gardait sous les textes que nous avons actuellement.

Alors, là-dessus, il n'y a aucun changement de substance. Nous gardons les mêmes opinions par rapport à ce qui a été fait en 1982. Et, en aucune manière, en inscrivant dans notre loi des dispositions qui résultent de décisions de la Cour suprême et dont nous acceptons, pour l'essentiel, les conséquences... L'article 133, rtous l'avons toujours accepté au Québec; moi, il ne me crée pas de problèmes de sommeil. Je pense que c'est un article qui est juste en soi. Et on nous a rappelé qu'il fallait l'appliquer sous le gouvernement précédent. Et le gouvernement précédent s'était empressé, dans les 24 heures qui suivirent le jugement — et nous l'en félicitâmes à l'époque — de redresser sa législation de manière qu'elle soit conforme. Il y avait encore des points qui ne l'étaient pas, nous les corrigeons.

Vous dites: la langue de l'administration... Ça

reste le français, exclusivement, sauf quelques cas exceptionnels, qui pourront être déterminés par règlement. Et je remercie le ciel qu'on se donne un peu de latitude en cette matière. Franchement, le rigorisme excessif que vous préconisez ne convient pas au Parti libéral du Québec ni à l'ensemble de la société québécoise, je vous le dis en toute franchise.

La langue de l'arbitrage. Vous soulevez un point intéressant. Nous laissions tomber l'article 44 de la loi 101 par souci de cohérence avec les changements que nous apportons aux dispositions traitant de la langue de la justice et de la législation. On nous a fait valoir le danger d'ambiguïté qui existait ici. Et j'ai indiqué déjà que nous prévoyons des amendements qui permettront de maintenir cet article sous une forme modifiée, de manière à l'ajuster à ce que nous faisons pour le domaine de la justice et de la législation. «Bilinguisation» des écoles: non, monsieur. Non. Ce n'est pas du tout ça qui est visé par le projet de loi. Ce n'est pas du tout l'intention qu'on doit lire dans l'article 22, qui modifie l'article 72 de la Charte. Certains peuvent souhaiter qu'on interdise, qu'on continue d'interdire par législation une certaine liberté d'apprentissage pédagogique: c'est absolument contraire à l'esprit du Parti libéral du Québec. Nous croyons qu'il faut faire davantage confiance aux responsables du système d'éducation, à commencer par le ministère de l'Éducation, les commissions scolaires, les enseignants, qui doivent faire leur travail dans les classes. Nous pensons qu'ils sont parfaitement capables de jouir... d'exercer de manière responsable une latitude plus grande que celle que permettait l'article 72 actuel de la loi 101. Et conclure de ça que nous allons vers des écoles bilingues, je pense que c'est vraiment, vraiment tenter — en vain, je le souhaite — de susciter des peurs qui ne sont pas justifiées par les textes que nous avons devant nous.

Au sujet du domaine réglementaire, nous faisons ce qui est normal: nous remettons entre les mains du gouvernement le pouvoir réglementaire qu'il a toujours exercé jusqu'à maintenant, parce que c'est lui qui donnait l'approbation à tous les règlements — il y en a une vingtaine édictés jusqu'à ce jour — et nous verrons, dans des modifications, à assurer que les organismes chargés d'assister le gouvernement dans l'application de la loi aient leur mot à dire à cet égard.

Quant aux règlements, le refus — là, vous pouvez prendre un gros mot si vous voulez, ça ne nous impressionne pas outre mesure — il n'y a pas de refus de faire connaître les règlements. Connaissez-vous, vous, un projet de loi qu'on dépose ici, puis dont on fait connaître les règlements avant que le projet de loi ne soit accepté? C'est contraire à la logique même de l'institution parlementaire. Pour édicter des règlements, il faut d'abord qu'on ait adopté un projet de loi. Puis j'ai indiqué ici que, par souci de bonne information des parlementaires, je compte faire connaître, au moment où nous aborderons l'étude en commission, l'étude détaillée du projet de loi, l'essentiel des projets de règlements que nous avons déjà pratiquement complétés, puis on verra, quand on prendra connaissance de ces projets, qu'ils ne contiennent pas beaucoup d'innovations par rapport à tout ce qui nous a déjà été proposé au cours des dernières années, en particulier par l'Office de la langue française. On s'est rendu compte, à l'application, que la rigidité que vous proposez de maintenir, elle n'est pas justifiée et crée même des problèmes très sérieux auxquels il faut trouver des remèdes, et c'est le moyen que nous avons trouvé, là, une certaine souplesse d'intervention au chapitre de la réglementation, laquelle sera toujours soumise, d'ailleurs, au processus du tamisage de la discussion publique en vertu de la loi québécoise sur les règlements. Alors, voilà l'essentiel.

Pour l'affichage, vous avez dit que ça posait certains problèmes, il y avait peut-être lieu de faire disparaître certains irritants. Pourriez-vous me dire ce que vous entendiez par là? Est-ce que ça posait un problème, oui ou non, au point de vue de la liberté d'expression, à la lumière des avis émis sur ce sujet par tous les tribunaux du Canada, y compris deux tribunaux québécois, et par le Comité des droits de l'homme de l'Organisation des Nations unies?

Le Président (M. LeSage): M. Simard.

M. Simard: Merci, M. le ministre.

Évidemment, vous comprendrez que votre interprétation n'est pas la nôtre et qu'il s'agit pour nous, effectivement — et je vais essayer de le démontrer — d'une attaque frontale contre la substance, c'est-à-dire ce qui inspire ou ce qui inspirait jusqu'à maintenant l'esprit et la pratique de la Charte de la langue française.

D'abord, lorsque vous parlez de l'intégration dans le texte des jugements — à partir de 133 — de la Cour suprême du Canada, vous ne changerez rien à la pratique, mais vous savez très bien — et ce n'est pas pour rien que vous le faites — qu'il s'agit là d'une acceptation de ce que, jusqu'à maintenant, le gouvernement s'était refusé à faire, une acceptation de la légitimité de l'intervention de jugements et d'institutions fédérales dans le domaine de la langue et de la culture au Québec, ce qui est hautement contestable, de ce côté-ci de la table, en tout cas. Je peux vous dire que ce n'est pas un aspect purement symbolique dans la perspective du Québec comme étant un peuple, une nation. De laisser à d'autres instances que celle émanant directement de la légitimité populaire le soin de dicter des changements profonds à la question linguistique et culturelle nous semble tout à fait inacceptable. Et vous entérinez, par l'intégration de ces articles dans la Charte de la langue française, cet abus de pouvoir, en tout cas, cette tradition qu'il y a longtemps chez nous, d'accepter, même dans l'inacceptable, l'intervention d'institutions fédérales. (17 h 40)

Maintenant, pour ce qui est de la «bilinguisation» des écoles, il y aurait beaucoup à dire. Vous citiez, tout à l'heure, la Chambre de commerce de Montréal, vous

avez peut-être eu l'occasion ou, en tout cas, vos assistants ont peut-être eu l'occasion de lire et même d'entendre à la télévision ou à la radio la conférence de presse donnée par des gens qui ne sont pas invités — c'est curieux comme il y a beaucoup de gens qui ne sont pas invités, d'ailleurs, ici —^ les gens de la CECM, à Montréal: personnel de soutien, instituteurs, conseillers pédagogiques, directions d'écoles, cadres scolaires, enfin, tous ceux qui ont à affronter quotidiennement, parfois dans des situations, dans des conditions très difficiles, ce que nous, la société québécoise, leur confions, c'est-à-dire, le soin d'enseigner le français dans des écoles où, souvent — où, trop souvent — les francophones possédant, maîtrisant déjà le français sont une minorité, et doivent donc se battre quotidiennement pour faire de ces nouveaux arrivants des francophones. Donc, je pense que vous auriez été... Il me semble qu'il serait important que vous soyez attentifs à ces voix des milieux scolaires qui voient un énorme danger dans les modifications que vous proposez au régime pédagogique. De toute façon, je demanderai, dans quelques instants, à Mme Louise Laurin, qui est aussi commissaire à la Commission des écoles catholiques de Montréal, d'intervenir à ce sujet.

Pour ce qui est de la réglementation, du pouvoir réglementaire, je pense que vous êtes trop sérieux pour croire vraiment ce que vous dites lorsque vous dites que ça ne changera rien: si ça ne changeait rien, vous ne l'auriez pas fait. C'est donc que vous savez très bien, vous êtes parfaitement conscients que cela permet de rapprocher de vous — enfin, ou du pouvoir exécutif — la réglementation, dans un domaine extrêmement sensible, extrêmement délicat, où le législateur qui a adopté la loi 101 avait voulu maintenir un minimum de distance, qui, d'ailleurs — je vous renvoie à la tradition britannique — qui n'est pas sans précédent et qui n'est pas sans intérêt, d'ailleurs. Contrairement à la centralisation excessive que l'on retrouve dans d'autres régimes parlementaires, il n'est pas aberrant de considérer qu'il est utile d'avoir des gens éloignés du pouvoir politique immédiat, qui ont le pouvoir d'initiative en matière réglementaire, tout en laissant, évidemment, le pouvoir final aux élus du peuple, ce qui, dans toute démocratie, est l'instance suprême. Donc, là-dessus, si vous pensez que ça ne change rien, retirez-le donc du projet et nous en serons satisfaits — non pas du projet, mais de cet article-là.

Lorsque vous dites: Les règlements n'ont pas à être connus, ce n'est pas la pratique de publier, au moment de la législation, l'ensemble des règlements qui en découlent, c'est oublier le caractère nécessairement exceptionnel, très délicat, très sensible de cette question linguistique, au Québec. Les règlements, c'est, dans le fond, la nature même de la loi. Vous avez beau faire la loi la plus généreuse, si les règlements sont mesquins, vous avez beau faire la loi la plus mesquine, si les règlements sont généreux, vous en changez l'esprit. Il aurait été normal... Et nous ne sommes pas les seuls — vous allez vous le faire dire dans quelques heures, même par le Conseil du patronat — à croire qu'adopter des lois sans en connaître l'esprit du fonctionnement, dans un domaine aussi important et capital pour l'avenir des Québécois, c'est légèrement irresponsable. M. le ministre, vous ne pouvez, là-dessus, balayer la question en disant que les règlements, habituellement, ne sont pas publiés en même temps, ne sont pas dévoilés en même temps que la législation. Dans ce domaine, ça m'apparaît faire preuve d'un peu d'hypocrisie, si je peux utiliser l'expression.

Pour ce qui est de votre question précise sur l'affichage, sur la question d'irritant, je vous renvoie exactement au texte que je viens de vous donner là-dessus. Lorsque je dis que plutôt que de chercher à corriger un irritant où il se trouve et sur la base unique des droits individuels, le gouvernement subordonne l'autorité de l'Assemblée nationale, etc., qu'il y ait irritant, qu'il y ait une situation où... Et il ne faut pas non plus en faire une question nationale.

Vous savez, lorsque vous ou d'autres ministres ou le premier ministre parlent de la réputation du Québec à l'étranger, de l'état absolument désastreux des relations, à l'intérieur du Québec, sur la question linguistique, je peux vous dire — parce que je voyage pas mal à l'étranger pour des raisons professionnelles — que ça ne cause pas d'émeutes dans les autobus, à Istanbul. Il y a d'autres sujets qui préoccupent l'humanité, beaucoup plus importants que ceux de la question des droits soi-disant individuels, soi-disant brimés par la loi 178 — loi que vous avez, d'ailleurs, adoptée. Qu'il y ait, cependant, des aspects inutilement vexatoires dans cette loi 178 — que vous avez contribué à rédiger, sans doute — nous n'en sommes pas responsables. Nous souhaiterions également que l'on analyse, à leur valeur, un certain nombre de propositions. Vous en avez eu — je vois M. Laporte, à ma gauche — du Conseil de la langue française; vous en avez eu, ici, du maire de Montréal; il y en a d'autres qui sont en circulation. Un débat sur cette base aurait pu être envisagé, et nous ne sommes ni sectaires, ni extrémistes, ni radicaux, contrairement à l'image que vous voulez projeter.

D'ailleurs, sur cette question, je me permets de vous dire que nous aurions aimé être éclairés davantage. Ce qui ressort de notre mémoire — et je conclurai là-dessus — c'est que vous jouez aux apprentis sorciers dans une matière où vous ne connaissez pas exactement les implications de ce que vous faites. L'intégration, des immigrants, la capacité du français, actuellement, d'intégrer les immigrants est une question très délidate. Les études et les enquêtes se multiplient, mais sont encore très partielles; nous ne connaissons même pas encore les résultats, sur la langue d'usage, du recensement de 1991.

Vous avez même fait, au gouvernement, une étude qui circule actuellement et que j'aimerais bien que vous rendiez publique, du groupe de travail sur la politique de population, faite par le Secrétariat aux affaires culturelles et sociales du comité exécutif. Ça circule dans toutes les directions administratives du gouvernement,

actuellement, et ça, la population n'en est pas informée.

Tout ça pour vous dire que vous prenez des risques dans un domaine crucial, dans un domaine où la fragilité du français est encore considérable, et nous sommes extrêmement angoissés à l'idée des effets que produiront les décisions que vous vous apprêtez à prendre. , Le Président (M. LeSage): Alors, merci, M. Simard.

M. Ryan: J'en ai assez pour tout de suite.

Le Président (M. LeSage): Bon. Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Est-ce qu'il avait... Une voix: Ha, ha, ha!

Mme Blackburn: ...fait son temps? Combien de minutes, là?

Le Président (M. LeSage): Je ne le sais pas, là. Il reste environ quatre minutes. En tout cas, allez-y.

Mme Blackburn: Bien. Merci, M. le Président.

M. Simard, Mme Laurin, M. Valois, Mme Gagné et M. Girard, il me fait plaisir de vous accueillir à cette commission parlementaire.

M. Simard, vous me pardonnerez sans doute si je commence par donner la parole et la voix aux jeunes, qui n'ont pas été invités à se présenter à cette commission, ni les jeunes libéraux, ni les jeunes péquistes, ni les jeunes du Parti Égalité; évidemment, ni les jeunes étudiants, ni les jeunes travailleurs. On a soigneusement évité d'entendre ou de convoquer ou d'inviter les jeunes, les associations de jeunes. Ils sont totalement absents de la première... de la liste qui avait été arrêtée par ordre de la Chambre.

M. Girard a aujourd'hui assisté à cette commission parallèle, qui s'est tenue ici, à Québec, qui a été organisée par le Conseil permanent de la jeunesse. Je dois souligner le courage du Conseil permanent de la jeunesse, et ça n'est pas seulement sur cette question. Le Conseil permanent de la jeunesse, de façon constante, et indépendamment des présidences, fait montre d'un courage — et je le dis, je le dis sans vouloir offenser personne — que je souhaiterais voir à tous les autres conseils consultatifs.

Alors, je voudrais demander à M. Girard de nous parler un peu de qui était là aujourd'hui et, peut-être, l'essentiel des remarques et commentaires des organismes qui se sont présentés devant cette commission parallèle.

M. Girard: Merci.

Il y a environ une quinzaine d'organisations jeunes qui se sont présentées lors de cette commission, princi- palement les grandes fédérations étudiantes: la Fédération étudiante universitaire du Québec, la Fédération étudiante collégiale du Québec, et il y avait également l'association étudiante de McGill. Nous avions également... Nous avons envoyé une cinquantaine d'invitations, y compris à la Commission-Jeunesse du Parti libéral. Une cinquantaine d'organismes ont été convoqués à venir présenter un mémoire, un texte pour exprimer leur position sur la question. Nous avons également eu la chance d'avoir des mémoires provenant du Forum Jeunesse du Bloc québécois, du Comité national des jeunes du Parti québécois, de la Fédération des associations étudiantes du campus de l'Université de Montréal, de l'association étudiante de Macdonald College également; donc, des associations, là, assez variées, et qui... (17 h 50)

Cette discussion nous a permis de faire un portrait du projet de loi 86, de discuter des grandes orientations qui sont inscrites dans ce projet de loi, et ce qui a été tiré, essentiellement, des conclusions, je peux dire, du déroulement de la journée: les organisations jeunes s'opposent, de façon majoritaire, au projet de loi 86, entre autres pour la question... Les fédérations étudiantes universitaires et collégiales s'inquiètent, entre autres, de l'insertion de classes d'immersion en anglais dans les écoles françaises — c'est pour nous une inquiétude — également de l'absence, dans ce projet de loi 86, de l'ajout, de l'abaissement, finalement, de la politique de francisation des entreprises, alors que plusieurs organismes jeunes souhaitaient que, dans les entreprises de moins de... qu'on abaisse les politiques de francisation des entreprises à plus de 10 employés. Or, dans ce projet de loi, on ne retrouve pas de «renforcissement» au niveau de la question du français. Et c'est ce que nous reprochons; c'est un projet de loi qui va à sens unique et qui donne l'impression que le gouvernement veut donner un visage bilingue au Québec.

Mme Blackburn: Je suis arrivée au moment... Je suis passée faire une courte apparition, ce matin, au moment où... juste où on terminait la présentation du rapport des étudiants de McGill. Vous pouvez peut-être juste nous en parler un peu, parce que ça m'a assez impressionnée.

M. Girard: Bon, les étudiants de McGill, ce qu'ils ont dit, c'est que ce projet de loi n'était pas, à l'heure actuelle, nécessaire. Ce n'était que «divisiste»... pour créer la division entre les francophones et les anglophones; que, à l'heure actuelle, ils souhaitent, comme le gouvernement l'avait mentionné après le référendum sur l'entente de Charlottetown, s'occuper des questions économiques, s'occuper des problèmes de chômage chez les jeunes, des graves problèmes économiques que nous connaissons et cesser de rouvrir constamment la question linguistique, de créer une instabilité et de créer des problèmes entre les différentes communautés anglophones et francophones. Et ça, ça crée des problèmes, également, entre organisations

jeunes chaque fois que des débats se produisent sur la question. Et ça, ils l'ont clairement expliqué ce matin, c'est nocif, à cet égard.

Mme Blackburn: Bien, je vous remercie. Évidemment, c'est vraiment un résumé fort intéressant et brillamment rendu, mais vous comprendrez que ça ne rend pas justice aux 15 organismes qui auraient voulu être entendus ici, à cette commission.

M. Simard, vous avez attiré notre attention sur différentes questions, et ça avait été fait par votre prédécesseur... celui qui vous a suivi, c'est-à-dire pas votre prédécesseur, mais celui qui vous a précédé à cette table. C'est le fait qu'on a fait la démonstration qu'un des problèmes reliés aux jugements ou une explication sur les jugements de la Cour suprême et sur le rapport du comité des Nations unies, c'était le gouvernement lui-même, le gouvernement du Québec, qui en était responsable, puisqu'il avait mal plaidé. Il avait mal plaidé; le reproche est venu à 2 reprises.

On a beaucoup invoqué la nécessité et l'urgence de régler cette question. On s'est même dit qu'il y avait seulement 6 mois pour le faire parce que, évidemment, le comité des Nations unies, son avis était extrêmement important. D'abord, il faut rappeler que ce n'est même pas un jugement, ce n'est même pas un avis. Ils appellent ça des commentaires, des constatations, pour utiliser le terme précis. On voit que le gouvernement canadien ne semble pas s'embarrasser de la même pudeur lorsqu'il s'agit de rapports de l'ONU. Et c'est dans le Journal de Québec, ce matin, mardi 1er juin, qu'on retrouve un article, «Pauvreté: Ottawa met en doute le rapport de l'ONU». Alors, ce qu'on nous dit... ce que nous dit le ministre canadien des Finances: «Le rapport a de sérieux problèmes et n'est long que de 6 minces pages. Ils n'ont pas fait beaucoup de travail d'enquête et ils n'ont pas très bien compris la situation actuelle au Canada.»

Il a soutenu que «le rapport déposé en fin de semaine devait mesurer la performance du Canada vis-à-vis de ses engagements internationaux comme signataire d'une convention internationale sur les droits économiques, culturels et sociaux. Le gouvernement canadien a refusé de donner certaines statistiques au groupe de travail de l'ONU, qui préparait un document et s'est donc fié aux données soumises par deux groupes non gouvernementaux s'occupant de la lutte à la pauvreté.» Le gouvernement canadien a trouvé une solution miracle pour diminuer la pauvreté au Canada: il va simplement diminuer, réduire ce qui est estimé être le seuil de la pauvreté. Dorénavant, 60 % pour payer votre logement, vos vêtements et votre nourriture, on va dire que, si ça va être à 70 % ou 75 %, vous allez ainsi réduire la pauvreté. C'est absolument, absolument aberrant, mais ça nous montre que, finalement, dépendant du niveau, on n'a pas le même égard à l'endroit des rapports des Nations unies, des comités des Nations unies.

J'aimerais... Dans votre mémoire, vous nous parlez, et je vous cite, à la page 3, vous dites: La chute de la natalité des francophones de la Révolution tranquille s'ajoute à celle de leur exode de Montréal pour constituer dans l'île un vrai problème d'accueil et d'intégration des immigrants. C'est à Montréal que se joue l'avenir du peuple québécois.

Pourriez-vous un peu élaborer?

Le Président (M. LeSage): M. Simard.

M. Simard: M. le Président.

En fait, l'objectif d'une politique d'intégration des immigrants à la langue commune du Québec, le français, c'est d'assurer, au minimum, qu'il y ait un taux de reproduction des francophones qui laisse au moins la situation telle qu'elle est. Sinon, c'est la décroissance. Je ne parle pas d'un accroissement du poids relatif ni du poids dans l'ensemble du Canada et de l'Amérique, simplement; le minimum, c'est de faire en sorte que, avec les nombres actuels d'immigrants par année, autour de 40 000, entre 40 000 et 50 000, selon qu'ils sont sous la loi québécoise ou des réfugiés... Il faudrait — pour simplement garder la proportion actuelle de francophones et d'anglophones au Québec — que 80 % des immigrants qui viennent ici s'intègrent à la vie française du Québec.

Attention, depuis le rapport Gendron, depuis qu'il y a de la planification linguistique au Québec qui a donné naissance, entre autres, à la Charte de la langue française, l'objectif a toujours été non pas d'apprendre — et c'est ce que le ministre, parfois, laisse croire — le français comme une langue seconde. La francisation, dans les écoles, des enfants d'immigrants, c'est une chose extraordinaire, essentielle, importante, mais, si ça se réduit simplement à l'apprentissage d'une langue, le français sera comme l'espagnol, comme l'allemand, Mme la Présidente, Mme la députée, et, comme plusieurs d'entre vous ici, vous possédez plusieurs langues — et c'est extrêmement enrichissant de posséder plusieurs langues — mais, l'objectif de la planification linguistique, ce n'est pas de créer des gens plus cultivés, c'est d'intégrer au Québec français, au minimum, 80 % de ceux qui viennent ici. C'est le seuil du taux de reproduction, et, en s'attaquant — une planification linguistique, c'est un ensemble, c'est une architecture, c'est un ensemble de mesures — à des pans complets de la Charte de la langue française, de cette planification linguistique, nous craignons fortement que le signal donné soit très clair face à ces nouveaux arrivants, déjà que, dans le Canada actuel, on sait très bien que Mes immigrants — le ministre ne niera pas ça — viennent en Amérique, viennent au Canada, et parfois même au Québec, c'est-à-dire que leur objectif, leur volonté de venir... Ils ne partent pas du bout du monde, la plupart du temps, pour venir aider à la cause du Québec français. Mais une majorité a le droit de se protéger, d'assurer sa continuité et d'exiger, comme nous le faisons depuis 20 ans, que les nouveaux arrivants s'intègrent au français.

Les signaux sont déjà confus dans la situation du

Québec dans l'État fédéral. Seule — à ce point de vue là, croit le Mouvement national des Québécoises et Québécois — la souveraineté clarifierait les choses. Mais, d'ici là, pourquoi semer inutilement la confusion? Pourquoi jeter encore l'image, à travers la communauté anglophone et les nouveaux arrivants, que le Québec recule, que la volonté de franciser recule? Pourquoi s'acharner à faire en sorte que l'environnement visuel de ces nouveaux arrivants soit bilingue, c'est donc dire qu'il y ait un choix? Il ne devrait pas y avoir de choix. C'est, au Québec, en français que ça se passe.

Le Président (M. LeSage): Mme la députée de Chicoutimi, il vous reste 4 minutes.

Mme Blackburn: Bien, madame... ma question s'adresserait à Mme Laurin.

Mme Laurin, vous siégez comme commissaire à la Commission des écoles catholiques de Montréal. Ce matin, on prenait connaissance du contenu d'une conférence de presse qui a été tenue par des représentants de l'Association des directeurs d'écoles de la CECM, des employés, des enseignants et des cadres qui demandaient au ministre, qui invitaient le ministre à faire preuve de rigueur et de prudence et l'invitaient à ne pas aller dans la direction qu'il avait choisie.

Pourriez-vous nous parler un peu des problèmes que pose particulièrement le projet de loi, en ce qui a trait à l'enseignement de l'anglais langue seconde, mais également sur d'autres dispositions. Là, je pense en particulier à l'article 30, qui vient modifier l'article 81: les enfants en difficulté d'apprentissage grave. Alors, ce sont deux questions. (18 heures)

Mme Laurin (Louise): Par rapport à l'immersion, nos élèves, à Montréal... plus de la moitié de nos élèves sont déjà en immersion française. Alors, c'est la problématique qu'ont soulevée les professeurs et les directions d'écoles davantage par rapport à cet article de la loi.

Alors, comment, quand nos élèves sont déjà en immersion française; quand, déjà, il y a une politique de la langue française dans nos écoles pour en assurer la promotion, pour en assurer la valorisation; quand, déjà, on a la difficulté qu'on retrouve, par exemple, dans les examens, dans les résultats en français; quand, déjà, on se plaint que nos élèves... même, ce n'est pas seulement à la CECM, mais qu'en général nos élèves ont de la difficulté à écrire, en particulier... Si je regarde à la CECM, dans les 6 dernières années, tous les résultats ont augmenté, se sont améliorés, sauf le français écrit.

Alors, quand on veut donner la qualité de l'enseignement, quand on parle de réussite éducative, quand on parle de l'intégration des jeunes allophones, l'école montréalaise a à relever un défi extraordinaire. Et elle est en train de le relever sans qu'on lui donne les moyens qu'il faut pour relever ce défi-là. Si, en plus, on lui met des classes d'immersion anglaise, alors que, déjà, l'immersion, elle y est... Quand on regarde les résultats de l'étude du professeur Locher de l'Université McGill qui a été demandée par le Conseil de la langue française, il y a une force d'attraction de la langue anglaise qui augmente de plus en plus, et les résultats le prouvent. Les jeunes écoutent la télévision en anglais, lisent en anglais, parlent anglais dans les corridors de nos écoles. Alors, qu'est-ce qu'on veut de plus, à ce moment-là?

Si l'enseignement de l'anglais est défectueux, on peut sûrement prendre d'autres moyens que de noyer les élèves dans une immersion anglaise, alors qu'on a déjà de la difficulté à donner un enseignement adéquat de la langue française.

L'environnement y compte pour beaucoup, et c'est pour ça que les professeurs et les directions d'écoles dénoncent l'affichage bilingue aussi, qui va troubler, qui va donner un message équivoque aux jeunes. Ils vont le savoir qu'ils sont au Québec et que ça se parle en français. Autrement, on va encore avoir des difficultés dans nos classes. Les jeunes adolescents, on connaît leur façon d'agir et souvent de se révolter dans cette situation-là.

Le Président (M. LeSage): Merci, madame.

Mme Blackburn: Une toute petite question, s'il vous plaît...

Le Président (M. LeSage): Ceci complète la période de temps alloué à la formation de l'Opposition.

Mme Blackburn: Si vous permettez, juste une...

Le Président (M. LeSage): M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Libman: Merci, M. le Président.

M. le Président, c'est toujours un honneur et un privilège pour moi de rencontrer M. Simard et d'avoir l'opportunité d'échanger avec lui. Ce n'est pas la première fois.

Tout d'abord, je veux commencer en disant qu'il n'y a aucune étude sérieuse qui trouve un lien entre l'affichage unilingue et l'intégration des immigrants. Dès que cette étude existe, c'est trop facile pour des groupes de venir ici et d'affirmer que ce lien existe.

Deuxièmement, moi, je trouve 2 aspects importants de votre analyse démographique qui induisent cette commission en erreur. Premièrement, pour avoir des résultats souhaités ou des chiffres inquiétants — souhaités, peut-être — vous parlez très convenablement ou vous citez des chiffres convenablement sur l'île de Montréal pour renforcer artificiellement votre analyse et pas la région métropolitaine de Montréal. Longueuil, par exemple, qui est à 95 % francophone, est séparé de l'île de Montréal par un pont. Les pourcentages des francophones ne sont pas alarmants si vous tenez compte de la grande région métropolitaine de Montréal. Ça, c'est le premier point que je souligne.

Deuxièmement, vous utilisez une analyse de Michel Paillé qui donne l'impression que l'intégration réussie dépend du nombre d'immigrants, du pourcentage d'immigrants. Moi, je veux vous lire une analyse ou un extrait...

M. Boulerice: M. le Président. Le Président (M. LeSage): Oui.

M. Boulerice: Juste pour vous dire que l'Opposition donne son consentement à ce que nous dépassions 18 heures.

Le Président (M. LeSage): Gentil de votre part. M. le député de D'Arcy-McGee, la parole est à vous.

M. Libman: La générosité du député de Sainte-Marie—Saint-Jacques ...

M. Boulerice: ...est légendaire!

M. Libman: ...dépasse toujours les bornes de...

Deuxièmement, je veux vous citer un extrait d'une analyse de Victor Piché, qui examine, en effet, les analyses de M. Paillé. Lui, Victor Piché, directeur du Département de démographie de l'Université de Montréal, il a écrit dans La Presse du 22 mai 1993, et je cite: «Je ne connais pas de scientifique sérieux qui oserait parler d'intégration réussie. De plus, dans le modèle multifactoriel sur l'intégration des immigrants, la variable "nombre d'immigrants" ne ressort pas comme étant importante. L'intégration dite réussie, étendue ici à tous les aspects de la vie sociale et pas uniquement à la langue, relève davantage de la volonté d'accueil que du nombre d'immigrants.»

Alors, moi, je veux avoir vos commentaires là-dessus parce que je pense que votre menace de retirer votre appui à l'immigration est très dangereuse. Ça envoie un mauvais signal parce que l'île de Montréal, la région métropolitaine de Montréal a besoin, d'une façon très importante, de l'immigration.

Le Président (M. LeSage): M. Simard, vous disposez de 2 minutes, 1 minute et demie.

M. Simard: Bien, ça va aller vite parce que, M. le Président, croyez-le ou non, je suis parfaitement d'accord avec l'essentiel de ce que vient de dire Robert Libman. Effectivement, la question, ce n'est pas le nombre d'immigrants. Et c'est pour ça d'ailleurs que, depuis des années, nous avons appuyé... et la communauté québécoise... J'ai fait le tour du Québec sur cette question. Je peux vous dire que, fondamentalement, les Québécois font montre d'une ouverture remarquable. Ce n'est pas une question de nombre, c'est la capacité d'accueil, notre capacité de montrer fermement notre volonté de faire de ces nouveaux arrivants des citoyens de langue française. Ce n'est pas le nombre, c'est les moyens mis à notre disposition, c'est la législation, c'est la volonté collective des Québécois de faire de ces nouveaux arrivants des francophones, et c'est pour ça que je suis parfaitement d'accord avec M. Libman.

Quant à l'île de Montréal, la perspective d'une île de Montréal où le français n'aurait pas droit de cité, entourée d'une périphérie francophone — serait-ce à 100 % — n'est pas, pour nous, une perspective réjouissante. L'île de Montréal, c'est le coeur de Montréal. L'île de Montréal, c'est le coeur du Québec, et nous n'abandonnerons pas, nous ne créerons pas de ghetto linguistique sur l'île de Montréal. L'île de Montréal doit être française, à l'unisson avec le reste du Québec.

Le Président (M. LeSage): Merci, M. Simard.

Merci, M. le député de D'Arcy-McGee; ceci met fin à votre période.

M. le ministre, votre formation dispose encore de 3 minutes.

M. Ryan: Alors, je serai bref, M. le Président.

En conclusion, là, je dois constater que les explications que nous avons entendues n'ont aucunement changé la perception que nous avons de la problématique et des défis qui se posent à nous pour l'avenir. Nous choisissons la voie de la confiance, la voie d'une plus grande confiance en la liberté, en l'aptitude de nos concitoyens et concitoyennes à prendre des décisions responsables. Le cadre général de la loi 101 demeure, et tout l'effort d'explication «catastrophiste» qui nous a été présentée par M. Simard et sa délégation n'a pas d'effet sur le gouvernement parce que notre problématique est profondément contraire.

En ce qui touche la langue d'enseignement, je voudrais seulement rappeler à Mme Laurin que, dans les écoles grecques et juives de Montréal, on enseigne 3 langues, 3 langues: le français, l'anglais et la langue nationale d'origine. Ce sont des écoles où le niveau de qualité de l'éducation est très élevé. J'ai été en contact étroit avec ces écoles lorsque j'étais ministre de l'Éducation et je souhaiterais que, dans d'autres écoles, on déploie autant de travail que dans certaines de ces écoles pour l'apprentissage de toutes les matières qui sont inscrites au cours primaire, qu'on invoque moins les peurs, puis qu'on fasse davantage confiance à la capacité de l'élève de progresser en étant stimulé à fond par les éducateurs et les éducatrices qui en ont charge.

Nous autres, ce que nous proposons dans le projet de loi, c'est un simple élargissement dans l'éventail *des méthodes pédagogiques que peut choisir celui qui a la responsabilité de l'éducation. On ne propose pas d'engagement à fond de train, tête baissée dans l'immersion. Ce sera une possibilité. Si vous voulez que l'apprentissage d'une langue seconde se fasse convenablement, il faut au moins que vous puissiez parler d'autres matières que la religion puis la langue anglaise dans cette langue-là, puis c'est interdit, actuellement, par la loi. Alors, il faut faire confiance, un peu, au sens des responsabilités et de l'initiative de ceux qui auront à prendre des

décisions à divers échelons.

Puis, encore une fois, je tiens à rappeler que les changements que nous proposons, nonobstant les critiques entendues, sont des changements fort modérés, des changements ponctuels, qui maintiennent l'essentiel de la loi et qui verront à mieux l'adapter aux réalités d'aujourd'hui.

À l'intention du porte-parole des jeunes qui était ici, je voudrais rappeler que, si le Parti québécois avait accepté la proposition de compromis que nous lui avions faite, vous auriez été invités à venir siéger ici comme d'autres organismes.

Merci. (18 h 10)

Le Président (M. LeSage): Alors, merci, M. le ministre.

J'aimerais également remercier les membres du Mouvement national des Québécois, et, avant de suspendre les travaux, si vous le permettez, messieurs, mesdames les membres de cette commission, comme vous le savez, on doit ajourner jusqu'à 20 heures, alors qu'on devait entendre — selon une entente intervenue le 26 mai avec le député de D'Arcy-McGee et les groupes parlementaires — la Commission des écoles catholiques de Montréal. Cependant, la CECM a informé la commission qu'elle n'entendait pas participer aux travaux de notre commission.

D'autre part, on nous a informés qu'il y aurait une entente entre les groupes parlementaires et le député de D'Arcy-McGee afin de devancer l'audition du Conseil du patronat à 20 heures, plutôt qu'à 21 heures.

Est-ce qu'il y a consentement?

M. Libman: Consentement.

Mme Blackburn: Consentement, M. le Président. Vous connaissez notre générosité et notre ouverture d'esprit.

Le Président (M. LeSage): Merci.

En deuxième lieu, on m'informe qu'il y a eu entente avec les mêmes formations politiques et le député de D'Arcy-McGee à l'effet que le Parti Égalité soit entendu demain, à compter de 16 heures.

Est-ce qu'il y a consentement à cette fin?

Mme Blackburn: Consentement, M. le Président.

Le Président (M. LeSage): Alors, je suspends les travaux jusqu'à 20 heures. Merci.

(Suspension de la séance à 18 h 11)

(Reprise à 20 h 5)

Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous plaît!

Simplement pour informer cette commission que, tel que prévu, la Commission des écoles catholiques de Montréal confirme qu'elle ne participera pas aux consultations. Donc, je comprends qu'il y a eu entente pour que nous puissions recevoir le Conseil du patronat à la première opportunité.

Mme Blackburn: Consentement.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la députée, je n'en doutais pas.

Et tout simplement pour dire que je suspends les travaux à loisir, jusqu'à ce que le Conseil du patronat se présente. C'est comme ça que ça a été entendu, je comprends.

M. Blackburn: On pensait qu'il venait à 20 heures.

Le Président (M. Doyon): Oui, mais c'est parce qu'on a eu des difficultés à les rejoindre. Simplement pour informer les membres de la commission et vous-même que, compte tenu du délai très court qui leur a été accordé, nous convenons entre nous que, dès leur arrivée, nous reprendrons nos travaux. Donc, suspension.

Oui, Mme la députée.

M. Blackburn: Alors, M. le Président, tout simplement pour dire que nous avions accordé notre consentement — d'ailleurs, le président l'a fait remarquer — on a également accordé notre consentement pour entendre le Parti Égalité. Nous déplorons simplement l'absence du Parti libéral; mais ça, c'est une autre question.

Le Président (M. Doyon): Les raisons ont été données...

Une voix: Le message est passé.

Le Président (M. Doyon): ...alors, je n'ai pas à élaborer là-dessus.

Tout simplement, suspension à loisir jusqu'à l'arrivée des représentants du Conseil du patronat. Suspension.

(Suspension de la séance à 20 h 7)

(Reprise à 20 h 54)

Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous plaît!

Tel qu'indiqué précédemment, la commission de la culture est prête à recommencer ses travaux. Nous allons recevoir, compte tenu de l'absence de la CECM, tel que je l'indiquais tout à l'heure, le Conseil du patronat du Québec. Je les vois qui sont devant nous, ils sont

prêts à prendre la parole. Je leur souhaite la plus cordiale des bienvenues.

Je leur rappelle tout simplement, très brièvement, les règles qu'ils connaissent: 20 minutes pour l'exposé de votre point de vue; après ça, la conversation s'engage avec les membres de la commission selon un partage du temps équitable.

Alors, M. Dufour, bienvenue. M. Laflamme, M. Duchesne, soyez aussi les bienvenus. Vous avez la parole dès maintenant.

Conseil du patronat du Québec (CPQ)

M. Dufour (Ghislain): Merci, M. le Président.

Je vous présente à nouveau mes deux collègues: M. André Duchesne, qui est président de l'Association des industries forestières du Québec et qui est membre du comité exécutif du Conseil du patronat, et M. Guy Laflamme, qui est président des Industries de la Rive-Sud et qui est président du conseil d'administration du Conseil du patronat.

M. le Président, avant de résumer notre mémoire, j'ai d'abord le goût de dire qu'au lieu de commencer notre présentation à cette heure-ci, 21 heures, on aurait pu la terminer s'il y avait eu le moindrement de souplesse des membres de cette commission à notre égard et on aurait sauvé beaucoup d'argent. En fait, on nous a fait attendre presque toute la journée. Le dernier téléphone qu'on a fait à la commission parlementaire, c'était vers 16 h 15, parce que ce matin, on nous avait appelés pour nous dire que la CECM, justement, ne viendrait pas et qu'on pourrait peut-être avancer notre présentation à 20 heures. Alors, on a attendu jusqu'à 21 heures. Il n'y a pas eu d'entente, paraît-il, avec l'Opposition dans ce dossier-là.

Vous pourrez répliquer, Mme Blackburn, tout à l'heure, si vous voulez, mais pour l'instant, je prends ça sur mon temps. Nous, ça nous a créé un certain nombre de problèmes. On a d'ailleurs l'impression, M. le Président, de l'extérieur, depuis le début des travaux de cette commission parlementaire, qu'on ne pense pas toujours à l'agenda des gens qui doivent se présenter ici. Nous aussi, on en a des agendas, et ceux qui viennent ici, démocratiquement, présenter leur point de vue auraient, à certaines occasions, droit à plus d'égards. Et si vous me permettez, ce n'est pas de cette façon-là que l'on va vraiment revaloriser les commissions parlementaires.

Ceci étant dit, nous passons maintenant au contenu de notre mémoire. Nous tenons à réaffirmer au départ que le Conseil du patronat, en sa qualité de porte-parole d'une importante partie de la communauté patronale québécoise, a toujours joué un rôle actif dans ces discussions; il a toujours accepté de soumettre au débat public sa propre vision d'une politique linguistique au Québec.

Cette vision se résume essentiellement de la façon suivante: nous sommes d'accord avec le principe général d'une action concertée entre l'État, les entreprises et les citoyens en vue de promouvoir l'usage du français au Québec et de parvenir à en faire la langue commune dans les activités économiques et culturelles, d'où notre accord avec les énoncés fondamentaux suivants: la nécessité d'affirmer le caractère fondamentalement français du Québec; deuxièmement, la nécessité de reconnaître le droit de la majorité francophone de parler sa langue au travail et d'être servie en français; troisièmement, la nécessité, par ailleurs, de donner par l'affichage et les autres textes exposés à la vue du public une image fidèle de la réalité du Québec et, finalement, la nécessité de respecter les droits des minorités.

Quant au choix des moyens de concrétiser ces énoncés, le CPQ a toujours soutenu que la promotion du français ne peut pas être considérée comme un absolu et que d'autres objectifs sociaux, les libertés démocratiques fondamentales, le progrès économique, le respect des minorités, doivent fixer les limites de l'intervention directe de l'État dans la vie du citoyen.

C'est donc dans cette perspective que nous situerons nos principaux commentaires sur le projet de loi 86, que, disons-le d'entrée de jeu, nous appuyons pour l'essentiel. Nous aborderons d'abord le dossier de l'affichage, puis celui de la langue d'enseignement et, finalement, celui de la langue de travail, et nous terminerons par quelques interrogations.

Signalons, par ailleurs, que nous avons confié à la maison CROP le soin de rejoindre par téléphone chacun de nos membres corporatifs au cours de la semaine du 17 mai 1993 pour nous assurer de la validité de l'analyse que nous livrons à votre commission. Des résultats de ce sondage scientifique sont annexés au présent document, et on pourra y revenir.

Premier volet: la langue d'affichage. Disons, d'entrée de jeu, que le CPQ a toujours, dans le domaine de l'affichage et de la publicité commerciale, opté pour le bilinguisme, anglais ou autre langue, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur des commerces, le français étant toujours nettement prédominant cependant. Il a soutenu cette position lors des travaux qui ont précédé la promulgation tant des lois 22 et 101 que de la loi 178. On ne se surprendra donc pas qu'il soit d'accord aujourd'hui avec les dispositions du projet de loi 86 à cet égard.

Déjà, dans un mémoire que nous soumettions en juin 1974 à la commission permanente de l'éducation, des affaires culturelles et des communications, sur le projet de loi 22, Loi sur la langue officielle, nous écrivions, et je cite: «Tout en étant d'accord avec le principe de l'utilisation obligatoire et prédominante du français dans l'affichage et la publicité commerciale, l'usage du français ne peut ni de doit être exclusif.»

Notre argumentation, M. le Président, à cet égard, repose tant sur des principes que sur des réalités économiques. (21 heures)

Sur le plan des principes, nous ne pouvons qu'être d'accord avec le Conseil de la langue française qui écrit, dans son avis de mars 1993, au ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française, et je cite: «Le Conseil estime que le maintien de l'interdiction

de l'usage des autres langues que le français à l'extérieur des établissements commerciaux de toute nature et de toute taille, et à l'intérieur, pour certaines catégories d'entre eux, lui est, aujourd'hui, difficilement justifiable au regard de l'éthique d'une société démocratique, compte tenu du redressement substantiel du visage français au cours des 15 dernières années. Ensuite, cette interdiction crée, est-il nécessaire de le souligner, un malaise certain au sein de la société québécoise en ne rendant pas justice à sa tradition de tolérance. Cette interdiction générale ne porte-t-elle pas atteinte à l'image du Québec au Canada et à l'étranger?

Enfin, le Conseil juge que, en levant la généralité de l'interdiction de l'usage de langues autres que le français dans l'affichage commercial, les fonctions linguistiques et symboliques de l'affichage en français ne sauraient être sérieusement remises en question.

Et il ajoute cette phrase clé, quant à nous: «II ne faut pas se cacher que l'interdiction générale des autres langues que le français agit tout autant comme un antisymbole que comme un symbole, parce qu'elle brime l'usage légitime des langues autres jusque dans les communautés locales». Répétons-le, nous partageons pleinement cette analyse. Rien, sur le plan des principes, ne justifie l'actuel unilinguisme français.

Tel est, d'ailleurs, également l'avis du comité spécial de l'ONU sur les droits de la personne qui écrit notamment: «S'il est légitime qu'un État choisisse une ou plusieurs langues officielles, il ne l'est pas qu'il supprime, en dehors de l'avis public, la liberté de s'exprimer dans une certaine langue. Le comité invite l'État partie à mettre fin à la violation en modifiant la loi comme il convient.» sur le plan économique, par ailleurs, qui est un volet, évidemment, qui nous intéresse, une organisation économique comme la nôtre, il est sûr que la loi 178 a eu des retombées négatives à l'extérieur du québec. rappelons-nous simplement tout ce que nous avons entendu à ce propos lors des discussions entourant l'accord du lac meech ou, plus récemment, lors des discussions entourant l'accord de charlottetown. il n'est donc pas surprenant de constater que les répondants au sondage crop-cpq de mai 1993 prévoient, dans une proportion de 64 %, que les nouvelles dispositions relatives à l'affichage auront des effets positifs sur les investissements et l'économie du québec. et je rappelle que, parmi ces répondants-là, vous avez les 100 plus grands décideurs économiques du québec.

D'ailleurs, n'est-ce pas ce que pense également M. Lucien Bouchard lorsqu'il affirme être d'accord avec l'affichage bilingue, et je cite: «...et ne pas partager l'analyse inflexible du Mouvement Québec français à ce sujet», ou encore le Parti québécois lui-même qui se déclare favorable à.l'affichage bilingue dans un Québec souverain?

Voilà pourquoi nous appuyons l'article 17 du projet de loi 86 qui stipule que «l'affichage public et la publicité commerciale doivent se faire en français», mais qu'ils peuvent également être faits à la fois en français et dans une autre langue pourvu que le français y figure de façon nettement prédominante.

Cependant, M. le Président — et on le dit depuis un certain nombre de semaines — appuyer le législateur à propos de l'article 17 est une chose, encourager les entreprises à laisser tomber automatiquement l'actuel unilinguisme français en est une autre. En fait, le CPQ recommandera à ses entreprises membres de maintenir l'affichage unilingue français dans tous les cas où cela leur sera possible, et nous faisons des distinctions très nettes entre l'affichage à Saint-Georges-de-Beauce, à Rimouski, Chicoutimi ou à Notre-Dame-de-Grâce, à Montréal.

La langue d'enseignement. Au chapitre de la langue d'enseignement, le projet de loi 86 incorpore essentiellement à la Charte de la langue française les dispositions de la clause Canada déjà en application depuis le jugement de la Cour suprême rendu en 1984 et précise, à l'article 72 de la Charte, que bien que l'enseignement doive être donné en français, cet article n'empêche pas l'enseignement dans une autre langue que le français afin d'en favoriser l'apprentissage.

Nous sommes d'accord, M. le Président, avec ces 2 dispositions. Dans le premier cas, il ne s'agit que d'une confirmation de dispositions déjà appliquées au Québec, la clause Canada. Dans le second, on confirme également une pratique qui existe déjà, à savoir l'enseignement d'une langue seconde, généralement l'anglais chez les francophones, mais qu'il est essentiel de promouvoir davantage. En effet, dans le contexte de la globalisation des marchés, la connaissance de l'anglais n'est plus simplement une question de culture pour les francophones, c'est maintenant une nécessité au même titre que bon nombre d'autres éléments du curriculum pédagogique.

Selon une récente consultation expresse menée par le CPQ auprès de ses membres corporatifs, seulement 37 % des employeurs étaient satisfaits de la qualité de l'anglais écrit, langue seconde, de leurs employés. N'est-ce pas d'ailleurs, et avec raison, le chef du Parti québécois lui-même qui rappelait récemment l'importance pour les Québécois de bien connaître l'anglais, langue seconde?

La langue de travail. Le CPQ a toujours donné son accord aux principales dispositions de la Charte de la langue française relatives à la francisation des entreprises. Comme la population en général, il croit en effet que c'est beaucoup plus le français comme langue de travail que comme langue d'affichage qui contribue à son épanouissement au Québec. Le CPQ n'a donc pas réclamé d'amendements à la Charte de la langue française au chapitre de la francisation des entreprises.

Mais le projet de loi 86 lui inspire quelques réserves. Ainsi, l'article 47 du projet de loi propose que l'article 146 de la Charte de la langue française comporte dorénavant l'obligation pour toute entreprise qui détient un certificat de francisation de remettre à l'Office, à tous les 3 ans, un rapport sur l'évolution de l'utilisation du français dans l'entreprise.

En principe, ce n'est peut-être pas une exigence déraisonnable puisque la loi fait déjà obligation à l'entreprise de s'assurer que l'utilisation du français y demeure généralisée à tous les niveaux, selon les termes de l'article 141. Mais il s'agit là d'un rapport additionnel dont les entreprises auraient bien pu se passer. Il faudra attendre de connaître les exigences quant au contenu même de ce rapport, et donc les coûts qu'il engendrera inévitablement pour être mieux en mesure d'en évaluer l'impact.

Soulignons cependant, a priori à tout le moins et sous réserve de prendre connaissance des exigences du contenu de ce rapport, que celui-ci nous semble un fardeau moins lourd pour les entreprises que ne l'aurait été l'accroissement des pouvoirs du comité de francisation que réclamaient plusieurs porte-parole syndicaux.

Certaines interrogations. M. le Président, on doit s'interroger sur 3 volets du projet de loi 86. Le premier volet, c'est le pouvoir réglementaire. Nous sommes toujours très mal à l'aise lorsqu'il nous faut juger d'une loi sans en connaître de grands pans, ceci devant être éventuellement précisé par règlement. Et c'est un peu l'embarras dans lequel nous place le projet de loi 86, notamment à son article 17, lorsqu'il stipule que «le gouvernement peut déterminer, par règlement, les cas, les conditions ou les circonstances où l'affichage public et la publicité commerciale doivent se faire uniquement en français ou peuvent se faire sans prédominance du français ou uniquement dans une autre langue.»

Je répète que la position du CPQ à l'égard d'une telle façon de légiférer est bien connue. Même s'il s'agit là d'un mode de législation de plus en plus utilisé et dont se servent ou se sont servi tous les gouvernements, nous enregistrons des réserves fondamentales à l'égard d'un tel processus qui soustrait à la responsabilité de l'Assemblée nationale une bonne part de la gestion des affaires publiques. Une telle façon de légiférer — et c'est là probablement notre point le plus important — n'est pas non plus sans risquer de relancer à chaque projet de règlement des débats inutiles et préjudiciables au climat social et à la bonne marche de l'économie québécoise.

Dans tous les cas donc, même si, pour des raisons de flexibilité, on peut comprendre que le gouvernement s'en tienne à des accords de principe, il faut quand même tenter de traduire les intentions gouvernementales aussi précisément que possible en termes technocratiques ou bureaucratiques pour ne pas tomber dans l'incertitude ou l'arbitraire administratif.

Pour préciser davantage notre crainte ici, si on attend dans 3 mois ou 4 mois pour faire un certain nombre de réglementations — notamment, les fameux tableaux Mediacom — est-ce qu'on ne risque pas encore de redémarrer dans le débat de la langue, un débat très difficile, très émotif, et qui nous fait perdre énormément de temps au plan économique?

Alors, ce qu'on suggère tout simplement: le gouvernement, le ministre a sûrement dans ses poches les projets de règlements. Pourquoi il ne les déposerait pas au moment du débat, en deuxième lecture, ce qui permettrait à ce moment-là de faire un bon débat? On ne propose pas de les faire accepter, mais on propose au moins de faire un bon débat à ce moment-là pour vider le plus possible le dossier.

Les pouvoirs de contrôle. Les gens d'affaires, et je ne vous apprendrai rien, ont éprouvé dans le passé beaucoup de problèmes avec la Commission de protection de la langue française. Dans un mémoire que nous soumettions le 1er octobre 1983 à la commission des communautés culturelles et de l'immigration de cette Assemblée, nous soulignions qu'un très grand nombre de problèmes reliés à l'application de la Charte de la langue française étaient causés non pas par les dispositions de la loi, mais bien davantage par ce qu'on appelait, à ce moment-là, les excès de zèle de certains inspecteurs et contrôleurs. (21 h 10)

Plusieurs de ces problèmes ne sont pas disparus depuis 1983, et nombreux sont ceux qui se réjouiront, chez nous, de la disparition de la Commission de protection de la langue française. Il n'en demeure pas moins, cependant, que la disparition de cet organisme, dont la mission aurait pu être confiée à l'Office de la langue française, fera jouer au gouvernement un rôle perpétuel d'enquêteur et de policier dans le dossier linguistique. Or, le gouvernement n'assume pas ce rôle en matière, par exemple, de normes du travail, en matière de santé et de sécurité du travail, en matière d'accidents d'automobile, de protection du consommateur. Il a désigné des organisations pour justement se préoccuper de ces problèmes-là. Pourquoi souhaite-t-il, en matière linguistique, assumer directement ce rôle?

Ce que l'on dit tout simplement, M. le Président, c'est que des explications plus étayées nous feraient probablement mieux comprendre le raisonnement gouvernemental.

L'article 44 de la Charte. Le projet de loi 86 abroge l'article 44 de la Charte de la langue française qui prévoit, et je le cite, parce que, pour notre milieu à nous, c'est important. Alors, l'article prévoit actuellement que «lors de l'arbitrage d'un grief ou d'un différend relatif à la négociation, au renouvellement ou à la révision d'une convention collective, la sentence arbitrale doit être rédigée dans la langue officielle ou être accompagnée d'une version française dûment authentifiée. Seule la version française de la sentence est pffi-cielle. Il en est de même des décisions rendues en vertu du Code par les agents d'accréditation, les commissaires du travail et le Tribunal.»

M. le Président, nous sommes habitués, depuis plusieurs années maintenant au Québec, à vivre des relations du travail en français. Les négociations se déroulent généralement en français, les décisions arbitrales sont généralement rendues en français, de même que les décisions du Tribunal du travail. Pour nous, il ne faudrait pas modifier cette situation sans raison valable. En fait, nous ne sommes pas contre l'abrogation; on n'en connaît tout simplement pas les raisons. Mais ce

dont nous ne voulons pas, ce sont de nouvelles tensions en matière de relations du travail, ce que pourrait certes engendrer l'abrogation de cet article. Il s'agira tout simplement, à un moment donné, d'une décision rendue dans la langue anglaise pour provoquer dans le domaine des relations du travail, un domaine très sensible, des problèmes, je le répète, qu'on ne veut pas vivre. Nous souhaitons donc vivement que toutes les raisons justifiant éventuellement l'abrogation de l'article 44 soient communiquées au patronat et au syndicalisme québécois.

Je dois dire là-dessus que j'ai lu, dans Le Devoir de samedi, 2 lignes qui disaient que le ministre avait fait une proposition d'amendement à cet article 44 de la Charte. Si tel est le cas, j'aimerais ça qu'on nous le confirme ce soir parce que, pour nous, c'est important. L'article de Michel Venne, dans Le Devoir de samedi.

Conclusion. M. le Président, rares sont les débats qui gagnent en qualité à être engagés sur le ton de la croisade et au terme desquels les protagonistes sont rangés dans le clan des bons ou dans celui des méchants. Particulièrement dans un domaine aussi chargé d'émotivité que la question linguistique au Québec, il faut être très prudent à cet égard et faire le débat avec beaucoup de sérénité, en évitant les tensions et les divisions inutiles.

Dans le dossier linguistique, le CPQ s'est, pour sa part, toujours efforcé de s'en tenir à une démarche rationnelle, réaliste, appuyée sur des principes qui ne sauraient être ignorés dans toute société pluraliste et démocratique. Il est d'autant plus à l'aise de le rappeler qu'il a toujours, toujours plaidé en faveur de la langue française comme langue commune et officielle des Québécois.

Le CPQ souhaite donc que tous les intervenants dans le débat portant sur le projet de loi 86 procèdent de la même façon et que les opinions exprimées, même contradictoires — on est habitué à ça dans tous les domaines au Québec, à avoir des opinions ou des points de vue contradictoires — reçoivent tout le respect qu'elles méritent.

Il appartiendra finalement au gouvernement de prendre les décisions qu'il jugera les meilleures. Il est d'ailleurs légitimement élu pour ce faire. Souhaitons-lui, comme nous l'avions d'ailleurs fait pour les gouvernements de l'époque, en 1974, en 1977, en 1983 — on en parle depuis longtemps — en 1988, la meilleure des chances pour faire les choix les plus compatibles avec le mieux-être des Québécois.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Dufour.

Tout à l'heure, vous avez fait état, en commençant vos représentations, que le Conseil du patronat était disponible pour 20 heures et que vous avez tenté d'avoir des confirmations pour que vous puissiez vous présenter à cette heure-là. Je voudrais juste, pour que ce soit très clair... Comme président, j'ai demandé l'accord des 2 partis. J'ai eu l'accord des députés ministériels et du ministre pour que nous puissions devancer l'heure, sachant que la CECM ne serait pas présente à 20 heu- res, pour que nous puissions vous entendre à 20 heures.

J'ai, bien sûr, aussi requis l'approbation, l'accord, le consentement de l'Opposition, représentée par Mme la députée de Chicoutimi comme porte-parole officielle — il était 11 h 30, à ce moment-là — de façon à ce que nous puissions vous en avertir en temps utile. Je me suis informé à plusieurs reprises, ayant l'assurance que du côté ministériel il n'y avait pas de problème, du côté de l'Opposition, s'il y avait accord pour que nous puissions vous entendre à 20 heures plutôt qu'à 21 heures. Je sais que, vous mêmes, vous avez été en contact avec le Secrétariat des commissions et que la dernière fois que vous l'avez fait, M. Dufour, il était 16 h 15. Voyant que vous n'aviez pas de réponse, vous avez dit: C'est très bien, si c'est comme ça, nous viendrons à l'heure dite. Vous n'aviez pas beaucoup d'autre choix, vous ne pouviez pas être sur la branche, comme ça, indéfiniment.

Alors, je voulais tout simplement que vous sachiez que la responsabilité du délai à vous donner un accord, à vous entendre avant, c'est-à-dire à 20 heures, comme ça aurait été fort possible, ne s'est pas rendu jusqu'à vous, suite à des consultations que Mme la députée de Chicoutimi — qui en avait parfaitement le droit — désirait faire avec son leader, qu'elle a faites, mais qu'elle a mené à bon terme à un moment où, finalement, ce n'était plus utile pour vous. Alors, je voulais tout simplement que vous le sachiez.

Mme Blackburn: M. le Président, un point d'ordre.

Le Président (M. Doyon): Oui, oui, M. Dufour.

M. Dufour (Ghislain): Juste pour réagir au président avant, peut-être, la réaction de Mme Blackburn.

Le Président (M. Doyon): Oui, bien sûr, allez.

M. Dufour (Ghislain): Ce que vous nous dites, c'est toute l'information qu'on avait. On n'a jamais blâmé le gouvernement. C'est l'Opposition qui n'a pas répondu à temps pour nous permettre d'être ici à 20 heures, avec tous les coûts que ça engendre, et j'insiste là-dessus.

Mme Blackburn: M. le Président.

Le Président (M. Doyon): Oui, Mme la députée.

Mme Blackburn: Une mise au point. La toute première. L'Opposition n'a pas été consultée lorsqu'on a déclaré ou on a fixé que vous comparaîtriez à 21 heures. C'est par ordre de la Chambre que ça s'est fait et sans consultation de l'Opposition aucune. Ça, c'est la première remarque.

La deuxième. Il est vrai que vous avez un agenda, mais il est vrai que nous en avons un également et, avant de déplacer des rencontres, encore faut-il vérifier

avec les personnes, ce que nous avons fait. Ce que nous avons fait. Nous avons accordé notre consentement et nous avons accordé également notre consentement pour pouvoir déplacer un certain nombre d'organismes qui ne pouvaient pas se présenter en raison de travaux en Chambre, particulièrement le budget.

J'aime bien prendre des choses, de haut si vous le voulez, mais je pense que la vérité, aussi, a ses droits. Nous l'avons accordé à un moment où le président avait cédé son siège à un de ses collègues, bon, et puis ça ne passait pas. Je n'ai pas trop compris comment ça s'est passé, mais je sais que c'était 15 h 30, et on n'a pas réussi à faire passer l'information.

Alors, M. le président du Conseil du patronat, je vous prie de croire qu'on respecte les gens et on voudrait bien que ce gouvernement en fasse autant et qu'il ne décide pas, de son pouvoir de majorité en Chambre, qu'il peut convoquer 40 organismes, en indiquer l'heure, la date, et sans consultation aucune.

M. Dufour (Ghislain): Moi, je ne veux pas embarquer là-dedans.

Le Président (M. Doyon): Oui, M. Dufour, je vous comprends parfaitement, c'est un débat qui ne vous intéresse pas et qui ne vous touche pas. Je voulais tout simplement que vous sachiez la façon dont se sont passées les choses. Je pense que la réplique que vous avez donnée aux quelques mots que j'ai dits, qui étaient beaucoup moins longs que ceux de Mme la députée de Chicoutimi...

Mme Blackburn: Ça va pour les commentaires!

Le Président (M. Doyon): ...éclaircissait suffisamment la situation.

M. le ministre, vous avez la parole.

M. Ryan: Merci, M. le Président.

Nous allons essayer, comme d'habitude, d'en venir au fond des choses; nous sommes ici pour discuter du fond des choses. Je remercie le Conseil du patronat du Québec de l'intérêt qu'il a toujours manifesté pour la question linguistique à toutes les étapes de ce débat prolongé que nous poursuivons dans cette société depuis plus de 20 ans.

Comme le rappelait le mémoire dont nous a donné communication M. Dufour, le Conseil du patronat a toujours été partisan d'une certaine modération en matière de législation linguistique. Il a toujours trouvé que les formules absolues ou les formules véhiculant des interdictions sont très dangereuses en ces choses. Je pense qu'il y a une certaine continuité dans la pensée du Conseil du patronat qu'il convient de signaler en une occasion comme celle-ci.

Sur plusieurs points fondamentaux, le mémoire du Conseil du patronat rejoint les préoccupations et les intentions du gouvernement, et je ne puis faire autrement que d'en exprimer ma satisfaction. Autrement, je pense que je ne serais pas sincère avec la commission ni avec le Conseil du patronat. (21 h 20)

II y a un certain nombre de points sur lesquels je ferai quelques commentaires, mais je vais vous adresser une question. Je suis le mémoire page par page. En ce qui touche la langue d'affichage, vous rappelez la position traditionnelle du Conseil du patronat émise pour la première fois dès 1974. Est-ce que vous appliquez ce principe général, cette orientation que vous définissez au bas de la page 2, au domaine des panneaux-réclame aussi bien qu'à toute autre forme d'affichage?

Est-ce qu'il est concevable pour vous que, dans un secteur comme celui-ci, une certaine exception puisse être envisagée par le gouvernement? Comment réagiraient les milieux que vous représentez à une mesure qui envisagerait un traitement d'exception pour les panneaux-réclame?

M. Dufour (Ghislain): Vous voulez la réponse tout de suite? Bon, O.K. On aurait souhaité que vous nous fassiez une proposition qu'on aurait pu regarder — c'est notre façon habituelle de procéder — sur laquelle on aurait pu consulter.

Nous, la question qu'on se pose actuellement, c'est: Si vous proposez l'affichage unilingue français, quelle sera la réaction de certains milieux anglophones qui pourront peut-être encore contester, au nom de certains principes, le fait qu'il n'y a pas de possibilité de bilinguisme? Ça, ça nous achale, parce qu'on ne voudrait surtout pas recommencer ça non plus.

On a un préjugé favorable, entre guillemets, dans ce genre d'annonce là, au français exclusif. C'est un préjugé favorable. Sauf que si les anglophones nous confirment que c'est perdre un droit, qu'ils ont le même droit sur ces panneaux-là qu'ils ont à l'extérieur des magasins, il faudra leur reconnaître ce droit-là. Pour l'instant, ce n'est pas clair, et c'est pour ça qu'on souhaiterait que vous puissiez faire le débat au moment du dépôt du projet de loi en deuxième lecture.

M. Ryan: À propos des règlements, je vais vous en parler tout de suite, puisque vous y faites allusion. J'ai déclaré à plusieurs reprises dans cette commission que je compte être en mesure de porter à la connaissance des membres de la commission, et par conséquent de la population, l'essentiel des projets de règlements que nous avons préparés, qui sont pratiquement au point, lorsque nous entreprendrons l'étude détaillée' du projet de loi en commission parlementaire.

À ce moment-là, les règlements n'auront pas été approuvés encore par le gouvernement. Ils seront portés à la connaissance de nos collègues et, par voie d'implication, des médias et de la population, de manière que les gens puissent réagir. Ce sera seulement une sorte d'avant-projet et, au cours de l'été, moi, je compte présenter ces règlements pour approbation au gouvernement, de manière qu'ils puissent ensuite être prépubliés en conformité avec la Loi sur les règlements, et ensuite

être soumis à l'approbation définitive du gouvernement au début de l'automne. Nous aurons le temps voulu pour les discuter. Et, quand on connaîtra la teneur des projets de règlements, on aura évidemment une idée plus précise de la portée exacte du projet de loi.

Je pense, en nous référant aux normes habituelles observant ces choses, nous serons bien en avance sur un échéancier auquel vous avez dû vous heurter souvent. Je pense qu'on aura toute la matière voulue...

M. Dufour (Ghislain): Bon. Disons, là-dessus, je n'ai, M. le Président, qu'une réaction. Ça rejoint, pour l'essentiel, nos préoccupations, c'est qu'on ne veut pas que tout soit réglé au niveau de la 86 et qu'après ça on part, dans une deuxième étape, avec d'autres débats...

M. Ryan: Maintenant, il y a une question de principe. J'aurais bien pu en mettre l'un ou l'autre sur la table, ça ne m'aurait pas dérangé du tout, mais il y a une question de principe: tant qu'un projet de loi n'a pas été adopté dans son principe, il est prématuré d'en faire connaître les règlements, parce que les règlements émanent du projet de loi. Il faut d'abord discuter du projet de loi, s'entendre sur le principe; ensuite, on fait ce qui est le plus indiqué dans les circonstances. Des fois, les règlements attendent longtemps; d'autres fois, ils viennent immédiatement. Dans ce cas-ci, je comprends l'impatience qu'on peut manifester en certains milieux, y compris du côté de l'Opposition, puis nous sommes prêts à faire un bon bout de chemin. Je pense que quand on aura vu l'essentiel des choses qui sont préparées, on comprendra que nous agissons dans un esprit de progrès, mais aussi de progrès dans la modération.

Vous avez parlé un petit peu plus loin, M. Dufour, de l'avis que vous donnerez aux entreprises concernant les pratiques qu'elles pourraient épouser en matière d'affichage. Je vous félicite de cette ligne de conduite que vous entendez observer. Je pense moi aussi que, dans un grand nombre de situations, il ne sera pas nécessaire de recourir au bilinguisme dans l'affichage, quoique je me dissocie foncièrement de toute pensée péjorative qu'on se plaît à énoncer au sujet du concept même du bilinguisme. Je pense que ce n'est pas un concept rapetissant pour une personne, et si ça ne l'est pas pour des personnes, ça ne peut pas l'être pour une société non plus. Il peut y avoir des abus, il n'y a aucun concept qui est parfait, inattaquable en soi. Mais essayer de dénigrer le concept même de bilinguisme, je pense que c'est rendre un mauvais service à une société. Il s'agit de l'appliquer suivant des normes raisonnables. Maîtriser 2 langues, dans mon livre à moi, qui est celui du sens commun, ça a toujours été supérieur au fait d'en maîtriser seulement une; il me semble que ça saute aux yeux.

Je ne comprends pas qu'on ait passé tant d'années à s'interroger là-dessus sans mettre les points sur les i. Pour une société, évidemment, il s'agit d'agir avec pondération. Étant donné le contexte où nous sommes, nous considérons que le français doit demeurer la langue de l'administration du Québec, mais aller proclamer cette règle jusqu'à dire «jamais, jamais, jamais, dans aucune circonstance, vous n'employerez l'anglais», c'est parfaitement ridicule, à mon point de vue, pour un gouvernement, une administration qui doit transiger quotidiennement avec des personnes, des institutions et des autorités politiques et autres qui fonctionnent dans la langue du continent, finalement. Voilà, sur l'essentiel, la position que nous défendons, et je pense que là-dessus nous pouvons compter sur un accord.

Au sujet du pouvoir réglementaire, je pense que j'ai clarifié les choses. Au sujet du pouvoir de contrôle, il y a peut-être une méprise dans le mémoire que vous nous avez communiqué à la page 7, vers la fin de la page. Vous dites, en parlant de la Commission de protection de la langue française: «II n'en demeure pas moins que la disparition de cet organisme, dont la mission aurait pu être confiée à l'Office de la langue française, fera jouer au gouvernement un rôle perpétuel.»

En fait, c'est ce que nous faisons dans le projet de loi, nous transférons à l'Office de la langue française, à toutes fins utiles, les fonctions qui étaient assumées par la Commission de protection de la langue française. Ça a été fait de manière délibérée et très explicite. Il y a seulement une modification: au lieu de parler des inspecteurs, nous parlons des vérificateurs. La fonction ne sera pas tellement différente. On a hésité beaucoup sur le choix des 2 termes. On aurait pu prendre le terme «inspecteur», ça n'aurait pas changé grand-chose, suivant nos conseillers juridiques.

M. Dufour (Ghislain): Là-dessus, si vous me permettez, oui, il y a un certain nombre de fonctions qui sont transférées à l'Office, mais au-delà de ça, il reste que la fonction ministérielle se réserve un certain nombre de pouvoirs qui n'existent pas actuellement.

M. Ryan: Non. Je vais vous dire une chose: le ministre n'a pas de pouvoirs. Il peut avoir de l'influence, et il se contente de ça. Il n'a pas de pouvoirs en vertu de cette loi-là; c'est une des lois qui donne le moins de pouvoirs au ministre, je tiens à vous l'assurer. Et vous savez que j'ai quand même l'expérience de plusieurs ministères. Je vous assure qu'à titre de ministre des Affaires municipales, de ministre de l'Éducation, de ministre de la Sécurité publique, j'ai infiniment plus de pouvoirs précis que n'en donne au ministre la Charte de la langue française. De ce point de vue, je pense que vous n'avez pas à vous inquiéter, il n'y a rien pour le ministre là-dedans. Il y a certaines choses qui vont au gouvernement, c'est une tout autre chose. Il faut avoir l'expérience de la pratique gouvernementale pour savoir qu'un pouvoir gouvernemental est très différent d'un pouvoir ministériel. Alors, si vous avez des passages dans le projet de loi qui donnent des pouvoirs au ministre, vous allez me réjouir. J'ai essayé d'en obtenir, je vais être franc avec vous.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dufour (Ghislain): Ah, vous me surprenez, là.

M. Ryan: Et je n'ai pas réussi à convaincre nos conseillers.

M. Dufour (Ghislain): Là, vous me surprenez.

M. Ryan: Pardon?

M. Dufour: Vous me surprenez.

M. Ryan: Ha, ha, ha! Mais, vous savez que j'écoute toujours. Alors, nous nous contentons de ça. Mais il n'y en a pas de pouvoirs ministériels. On peut répandre les légendes qu'on voudra, ceux qui ont participé avec moi à ces discussions-là le savent très bien. Moi, je considérais...

Prenez pour le renouvellement, par exemple, des permis de pratique des professions; que dans les cas qui impliquent des situations humaines particulièrement délicates, que le ministre puisse trancher un cas, ce serait seulement normal, il le fait dans tous les autres ministères. Mais ici, à cause du scandale qu'on aura provoqué de l'autre côté, on a dit: On va renoncer à ça. Il n'y en a pas, de choses comme celle-là. Si vous en trouvez, là, M. Dufour, vous m'éclairerez.

M. Dufour (Ghislain): Est-ce que je peux poser une question au ministre?

Le Président (M. Doyon): Ah, vous pouvez essayer.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dufour (Ghislain): C'est-à-dire qu'avec ma question je n'ai pas de problème, ce sera avec sa réponse...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dufour (Ghislain): Est-ce que vous ne considérez pas, M. le ministre, que vous vous donnez des pouvoirs réglementaires additionnels à ce qui prévaut actuellement? C'est ce que j'appelle «les pouvoirs du ministre», parce que je sais très bien que, dans toutes les situations gouvernementales et ministérielles, c'est le pouvoir réglementaire qui est important, et c'est le ministre qui les pilote au Conseil des ministres, à moins que ça ait changé, ce qui me surprendrait beaucoup.

Vous ne pensez pas que, actuellement, vous vous donnez beaucoup plus de pouvoirs réglementaires, au niveau gouvernemental, que la situation actuelle? Question.

M. Ryan: Non, non, pour le gouvernement, ça, je vous le concède, nous clarifions...

M. Dufour (Ghislain): Ah, oui, mais le ministre et le gouvernement... (21 h 30)

M. Ryan: Non, non, ce n'est pas la même chose, je regrette infiniment. Moi, j'ai le pouvoir de faire certains règlements à titre de ministre des Affaires municipales, que je ne suis même pas obligé de soumettre au Conseil des ministres. Il y en a plusieurs, on en a édicté une quinzaine dans le sillage de la loi 145, que personne n'a remarquée à peu près, sauf les administrateurs municipaux. Mais je n'ai pas ce pouvoir-là comme ministre de la Charte de la langue française, il faut que ça aille au gouvernement. Et le gouvernement est très très chatouilleux sur ces questions de langue; il ne s'aventurera pas dans une aventure ou une expérience réglementaire, s'il n'est pas sûr. En tout cas...

M. Dufour (Ghislain): Je vous concède que c'est probablement une façon de l'énoncer, mais il y a plus de pouvoirs pour le gouvernement dans ce texte de 86 que dans la situation actuelle. Moi, je pensais que le ministre Ryan était, dans ce dossier-là, celui qui pilotait les dossiers, et voilà pourquoi je lui donne des pouvoirs.

M. Ryan: Vous pensez au-delà du ministre actuel. Quand on légifère, on nous rappelle toujours ça, du côté de l'Opposition. Vous pensez au-delà du ministre actuel. Là, nous autres, nous avons pensé que le pouvoir réglementaire, ça doit loger au gouvernement, ça. Et si c'est ça, disons-le franchement, nettement, il n'y aura pas de malentendus. Mais, il n'empêche que les organismes qui assistent le gouvernement dans l'application de la Charte auront leur mot à dire dans l'élaboration de ces règlements-là, comme ils l'ont toujours eu.

J'ajoute une autre remarque à propos de l'article 44. Vous soulevez une question fort pertinente; j'apprécie que vous l'ayez soulevée. Je vais vous dire pourquoi nous agissons comme nous projetons de le faire, je vais vous dire la disposition dans laquelle nous sommes à ce sujet. Nous avons enlevé cet article-là parce qu'il est couvert, à toutes fins utiles, par le nouvel article 1, qui modifie l'article 7. Page 1 du projet de loi, le 9, en bas: «Tout jugement rendu par un tribunal judiciaire et toute décision rendue par un organisme exerçant des fonctions quasi judiciaires sont traduits en français ou en anglais, selon le cas, à la demande d'une partie, par l'administration tenue d'assumer les coûts nécessaires au fonctionnement de ce tribunal ou de cet organisme.»

Nous avons constaté que le rôle des organismes quasi judiciaires en matière de relations de travail doit être aligné sur la jurisprudence qui a été énoncée par la Cour suprême concernant la langue de la législation et des tribunaux. Il nous est apparu que c'était la meilleure façon de le faire.

M. Fernand Daoust, quand il est venu nous rencontrer avec la Fédération des travailleurs du Québec, nous a dit qu'il tiendrait beaucoup à ce que cet article reste dans le projet de loi. Et nous trouverons un moyen de garder cet article dans le projet de loi en modifiant,

par exemple, une disposition — je vais vous indiquer laquelle, vous allez comprendre notre point de vue, j'en suis sûr — lorsqu'on dit: Seule la version française de la sentence est officielle.

M. Dufour (Ghislain): Seule...

M. Ryan: Seule la version française de la sen-tepee est officielle. Ça, il faut qu'on retouche ce point-là parce qu'il peut arriver que la décision ait été rendue dans une autre langue, en anglais en particulier, et que là, en vertu de la jurisprudence fédérale, les deux langues doivent être utilisées pour l'interprétation du texte. Mais il y aura toujours, toujours l'accès à un texte français. Et, dans toute la mesure où les décisions d'organismes administratifs ne tombent pas sous le coup de ces jugements de la Cour suprême, le français reste la seule langue officielle, la seule langue d'interprétation qui ait la préférence.

M. Dufour (Ghislain): Mais c'est ce que ne dit pas actuellement le projet.

M. Ryan: Ça, nous allons corriger cette partie du projet de loi...

M. Dufour (Ghislain): Parce que moi...

M. Ryan: ...et je pense que nous conserverons l'article 44, en faisant l'ajustement dont je vous parle, de manière qu'il ne puisse pas être attaqué au plan constitutionnel. Il serait bien facile de nous gargariser et de dire: On reste comme ça, on est bien assis là-dessus, pas de problème. Il peut arriver qu'un original, à un moment donné, décide de se présenter devant les tribunaux. Et on a vu que, des fois, il y en a qui font des voyages qui les mènent loin, nous autres aussi. Alors, on veut agir avec sécurité. Mais il n'y a pas d'arrière-pensée du tout de diminuer...

M. Dufour (Ghislain): O.K. M. Ryan: O.K.?

M. Dufour (Ghislain): Ça, pour nous, c'est réglé. Mais je vous le répète, M. le Président, c'était majeur, parce qu'on fait toujours la distinction entre le quasi-judiciaire et l'administratif. Et vous venez de l'expliquer: une décision arbitrale, c'est administratif, ce n'est pas quasi judiciaire. Mais vous me donnez satisfaction.

M. Ryan: Et pour compléter, M. le Président, j'ai déjà laissé entendre que nous ouvrirons la porte à d'autres modifications, au stade de l'étude détaillée du projet de loi. On nous a fait une série d'observations, autant ici même, à la commission, qu'en dehors de la commission, et nous proposons un certain nombre d'améliorations qui permettront de dissiper les malenten- dus qui ont pu s'élever autour de telle ou telle formulation particulière, de manière, je pense, que nous puissions arriver à un projet qui sera équilibré, mais conforme aux intentions originellement annoncées par le gouvernement, c'est-à-dire l'intention d'assouplir la loi sur la question de l'affichage, d'assouplir la loi concernant l'apprentissage d'une langue seconde, de prévoir une certaine souplesse qui touche la langue de l'administration, laquelle doit demeurer fondamentalement le français et pourra subir un certain nombre d'exceptions, dans des cas que nous identifierons clairement dans les règlements dont je vous parlais tantôt, dont j'annonçais le dévoilement pour un avenir très prochain.

Alors, je remercie infiniment le Conseil du patronat de son apport très constructif à notre recherche commune, et je l'assure que nous travaillons ces choses dans l'esprit de sérénité, mais, en même temps, de liberté intellectuelle, très importante dans l'examen de ces sujets. Je pense que notre pire adversaire, quand nous discutons de ces choses, c'est un certain conformisme qui voudrait régner comme une sorte de manteau de plomb sur notre société. Ça, nous n'en voulons point, nous, à titre d'esprits libéraux. Nous pensons que quelque part, dans une recherche loyale, nous pouvons trouver les solutions pratiques qui donneront lieu à de larges consensus. Puis votre contribution dans cette recherche est très appréciée.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le ministre. Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président.

Le ministre reconnaîtra avec moi qu'une recherche loyale de la vérité ou du pouls de la population aurait voulu qu'on entende des organismes qu'on a simplement écartés. Je pense particulièrement aux jeunes. le ministre nous dit — puis ça fait plusieurs fois qu'il le dit, il faut que je le relève — que si le bilinguisme est bon pour l'individu, c'est bon pour la société. une société bilingue, ça n'existe pas. bruxelles, au début du siècle, était bilingue. compte tenu de la force d'attraction du français, on sait qu'elle est devenue française. voyons ce que c'a donné, le bilinguisme au canada, au canada anglais: à terre-neuve, 6 % seulement de ceux qui auraient droit à l'école française fréquentent effectivement l'école française; à l'île-du-prince-édouard, c'est 21 % seulement. ça veut dire qu'il y en a 79 % qui sont rendus dans le réseau anglais. nouvelle-ecosse, 34 %; 80 % au nouveau-brunswick; 57 % en ontario. ça veut dire qu'il y en a 43 % qui sont déjà dans le réseau anglais. et là, évidemment, le manitoba, c'est 29 %; la saskatchewan, 7,8 %; l'alberta, 7 %; colombie-britannique, 7 %. voilà. alors, en colombie-britannique, 10 %; 7 % en alberta et la saskatchewan, 7 %. autrement dit, ça n'existe pas, le bilinguisme, ça mène à l'assimilation. ça, le modèle... on n'a pas besoin de courir très loin, on n'a qu'à aller voir ce qui s'est passé au canada.

À présent, j'ai lu avec beaucoup -d'intérêt votre sondage, sondage qui s'est fait auprès d'une centaine d'individus. J'ai constaté que les femmes étaient encore moins représentées qu'à l'Assemblée nationale, 7 sur 100, c'est-à-dire 93 au masculin et 7 au féminin.

M. Dufour (Ghislain): Est-ce que je pourrais vous rappeler que c'est des pourcentages? Donc, il y en a plus que ça.

Mme Blackburn: Excusez-moi?

M. Dufour (Ghislain): C'est des pourcentages.

Mme Blackburn: Ah! Ah, d'accord.

La question 4, ça m'a étonnée de la retrouver là parce que la question 4, ça existe déjà dans la loi. Ça veut dire que c'est la clause Canada qui s'est appliquée, et ça s'applique déjà au Québec; c'est pour ça que j'étais étonnée.

Mais comment interpréteriez-vous la question 5 qui dit: Seriez-vous favorable ou défavorable à ce que la Charte soit amendée pour permettre l'accès à l'école anglaise aux enfants d'immigrants provenant des pays anglophones ou ayant déjà commencé leurs études en anglais à l'étranger? Là, vous retrouvez presque 50-50. C'est 48-49. Comment interprétez-vous cette réponse-là?

M. Dufour (Ghislain): Dans le cas de la question 4, quand vous dites que c'est très clair que la clause Canada est dans la Charte de la langue française, nous, nous disons: non. Et voici que l'on vient préciser vraiment ce qui a été la décision de la Cour suprême. On le dit maintenant de façon très claire.

Mme Blackburn: Elle a toujours été appliquée.

M. Dufour (Ghislain): Dans le cas de la 5... Dans le cas de la 5... Non, non, la clause Canada n'est pas clairement traitée actuellement dans la Charte, et c'est ce que ça vient faire. Ça n'ajoute rien, ça vient préciser la décision de la Cour suprême.

Dans le cas de la 5, c'est le rapport Chambers. Et ce n'était pas dans le projet de loi 86. Et, nous, on a voulu vérifier auprès de nos membres comment ils réagissaient au rapport Chambers, qui est l'accès à l'école anglaise d'enfants d'immigrants qui viennent de pays anglophones.

Ça, c'a donné les résultats que vous connaissez: 50-50. Mais on est convaincus d'une chose — et je le prends tel qu'il est — c'est que si le projet de loi avait piloté quelque chose dans ce domaine-là, il y aurait sûrement eu un accord plus élevé que ça, mais comme le débat actuellement ne se fait pas là-dessus, il n'est pas dans la loi, nos gens ont été très prudents. Ce sont des gens prudents, les gens d'affaires, Mme la députée, vous le savez. Alors, à ce moment-là, ils ont dit: Bon, ne faisons peut-être pas de débat inutile. (21 h 40)

Mme Blackburn: Alors, vous admettez...

M. Dufour (Ghislain): Mais dans mon mémoire, si vous me permettez, dans le mémoire du CPQ...

Mme Blackburn: Oui.

M. Dufour (Ghislain): ...Mme la députée, vous réaliserez qu'on est très clairs.

Mme Blackburn: Oui, ça va.

M. Dufour (Ghislain): Nous parlons de la langue d'enseignement en disant très clairement que nous, nous ne sommes pas d'accord avec l'entrée, actuellement, en tout cas, des allophones au réseau anglophone. On diffère de la position d'Alliance Québec de la fin de semaine. Mais, s'il fallait faire une campagne pour le rapport Chambers, ça, on le ferait probablement, mais ce n'est pas un débat, actuellement; alors, on ne le fera pas.

Mme Blackburn: Donc, vous reconnaissez que ça pourrait éventuellement être la prochaine... ce qu'on appelle la guerre des écoles ici.

M. Dufour (Ghislain): Ah, je sais où vous voulez m'amener, mais je n'embarquerai pas là-dessus.

Mme Blackburn: Bien. La question 6. Vous reconnaissez également que, dans les dispositions actuelles du régime pédagogique et de la Charte, it est possible... et même c'est au régime pédagogique d'enseigner l'anglais langue seconde.

M. Dufour (Ghislain): Oui.

Mme Blackburn: Ça existe, ça. Je ne comprenais pas vraiment. Ça me laisse une drôle d'impression parce que ça existe déjà, ça.

M. Dufour (Ghislain): Ça existe, mais est-ce que vous êtes capable de dire que nos francophones, actuellement, sont de bons bilingues?

Mme Blackburn: Ça, c'est une autre question là. M. Dufour (Ghislain): Non, non, non, mais...,

Mme Blackburn: Ce que je veux dire... Ce que je dis... Mais vous reconnaissez que ça existe?

M. Dufour (Ghislain): Est-ce que ça existe? Bien oui. Je veux dire, on a peut-être une demi-heure d'enseignement de l'anglais, à un moment donné.

Mme Blackburn: Oui. Puis ça, on pourra y revenir tantôt parce que je pense qu'on a beaucoup de... Vous avez raison d'insister là-dessus, sauf qu'on pense que...

M. Dufour (Ghislain): Mais là, vous n'êtes pas du tout sur la loi 86 là, vous êtes sur mes questions.

Mme Blackburn: Oui, je suis sur vos questions, juste pour rappeler une toute petite chose, une erreur sans doute, tout à fait involontaire... , M. Dufour (Ghislain): Non, mais permettez-moi là-dessus, là...

Mme Blackburn: Oui.

M. Dufour (Ghislain): ...sur l'apprentissage. Ce qu'on demande à nos membres, nous, c'est: Est-ce que, pour vous, c'est important? Et ils nous disent: Oui, c'est important. Puis je peux faire témoigner ici mes deux collègues.

Mme Blackburn: Oui. Puis ils ont raison. Ça va.

Ce que je voudrais juste vous faire remarquer, à la page 4 de votre mémoire, vous dites que 64 % des répondants disent «que les nouvelles dispositions relatives à l'affichage auront des effets positifs sur les investissements et l'économie du Québec» alors que, dans votre mémoire, c'est 55 %. C'est sans doute une erreur là. Parce que 64 %...

M. Dufour (Ghislain): Je regrette. On a baissé, parce que c'est 68 % à la question 3: Est-ce que l'affichage va avoir des effets positifs? 68 % disent: Oui. Dans le mémoire, on parle de 64 %.

Mme Blackburn: Parce que quand vous le décomposez, à la question 9, là, vous arrivez à 55 %.

M. Dufour (Ghislain): Non, non. Là, ce n'est pas du tout la même chose.

Mme Blackburn: L'augmentation des investissements étrangers au Québec.

M. Dufour (Ghislain): Mais, M. le Président... Mme Blackburn: Ça va.

M. Dufour (Ghislain): ...on est en train de tout mêler, là.

Mme Blackburn: Non, ça va.

M. Dufour (Ghislain): L'affichage, c'est une chose, 68 % de nos gens disent: Ça va être positif.

Mme Blackburn: D'accord.

M. Dufour (Ghislain): La question 9 réfère à la loi 86 dans son ensemble et, encore là, c'est positif.

Mme Blackburn: En page 4 de votre mémoire, vous dites: «Cependant, appuyer le législateur à propos de l'article 17 est une chose. Encourager les entreprises à laisser tomber automatiquement l'actuel unilinguisme français en est une autre. En fait, le Conseil recommandera à ses entreprises membres de maintenir l'affichage unilingue français dans tous les cas où cela leur sera possible.» Comment est-ce qu'on doit entendre ça?

M. Dufour (ghislain): les anglophones, pour parler de ce groupe-là, ont un droit strict d'afficher dans leur langue; la loi 86 leur donne ce droit-là. sauf que si ce n'est pas essentiel, nécessaire pour eux, pour faire des affaires, de faire de l'affichage bilingue — je pense à rimouski, par exemple — pourquoi ils en feraient? ils ont le droit strict de décider d'en faire, sauf que nous, on dit: ii n'y a pas une demande. il n'y a pas d'anglophones qui te le demandent. tu ne te priveras pas de consommateurs si tu ne le fais pas. donc, pour donner une image française à rimouski, où vous avez une population à 100 % francophone, bien, reste à l'unilin-guisme français. tu ne feras pas la même chose à sherbrooke, ou tu ne feras pas la même chose à bedford, ou tu ne feras pas la même chose à hull où, là, tu vas avoir une demande de consommateurs qui vont demander un droit strict, qui est celui de l'affichage en anglais.

Alors, c'est un appel, un peu, à l'appréciation. Ce n'est pas parce que c'est un droit que tu l'appliques. Je vais vous donner un exemple, puis je vous l'ai déjà donné, Mme la députée. On a gagné, au CPQ, en Cour suprême, la possibilité de contester les dispositions antibriseurs de grève. On ne les a pas contestées, parce qu'on pense que, pour le climat des relations de travail, actuellement, il ne faut pas le faire. Alors, je pense que ça illustre très bien ce qu'on veut dire.

Mme Blackburn: M. Dufour, vous adhérez aux principes, aux énoncés fondamentaux, et vous les énu-mérez dans la première page, vous dites: «une image fidèle de la réalité du Québec». Il y a 20 % d'anglophones au Québec, si on inclut les anglophones plus ceux... c'est-à-dire ceux qu'on dit d'origine et ceux d'adoption.

Est-ce à dire, si un jour on se retrouve avec le Québec peinturé d'affiches bilingues... Comment est-ce que vous traduisez ça, vous, «une image fidèle de la réalité du Québec»?

M. Dufour (Ghislain): Bien, nous autres, quand vous sortez ce genre de possibilité là, c'est vraiment inacceptable pour nous de penser que les entreprises vont peinturer le Québec en anglais. Je veux dire, c'est donner aux Québécois une mauvaise image de ce qu'est la réalité commerciale au Québec, puis c'est un argument qu'on prend de plus en plus difficilement, si vous me permettez.

Quand on dit respecter la réalité du Québec, ça veut dire qu'il y a des anglophones et que ces

anglophones-là doivent aussi se retrouver dans la réalité québécoise.

Mme Blackburn: D'accord.

M. Dufour (Ghislain): Et voilà pourquoi on dit «une image fidèle de la réalité du Québec». Ils sont là. 20 %, c'est une grosse minorité.

Mme Blackburn: Est-ce que vous accepteriez l'idée que l'affichage bilingue soit précisément autorisé pour les anglophones? Évidemment, ce qui excluerait les allophones et les francophones.

M. Dufour (Ghislain): Comment vous dites?

Mme Blackburn: Que l'affichage bilingue soit .autorisé précisément pour les anglophones. À ce moment-là, ça excluerait les allophones qui pourraient afficher dans leur langue, les francophones dans la leur, Est-ce que vous accepteriez cette idée?

M. Dufour (Ghislain): Je ne suis pas sûr que je vous suis, là. L'affichage dans une langue...

Mme Blackburn: Non. Ce que vous nous dites, c'est que les anglophones, ils devraient avoir le droit. Bon! En admettant qu'on partage votre avis, est-ce que vous verriez qu'on adopte des dispositions qui permettraient de faire cette distinction?

M. Dufour (Ghislain): Non. Notre position, je vais vous la résumer telle que, nous, on la voit: le bilinguisme doit être autorisé au Québec. Et vous avez vu que jamais, nous, on parle de l'anglais, on parle d'une autre langue. On ne parle pas de l'anglais. L'anglais, oui...

Mme Blackburn: Ah oui! Ça, je m'en doute.

M. Dufour (Ghislain): ...mais le grec, .l'italien... Alors, à condition que le français soit prédominant. Alors, appliquez cette règle-là et vous allez avoir la définition de notre bilinguisme.

Mme Blackburn: Vous insistez, avec raison, sur l'importance de maîtriser l'anglais, langue seconde. D'ailleurs, les anglophones nous ont dit la même chose par rapport au français, langue seconde, quand j'ai fait la consultation.

M. Dufour (Ghislain): II faudrait leur montrer un meilleur français aussi. On est d'accord avec ça.

Mme Blackburn: Et ce qui existe actuellement, c'est la possibilité de faire des échanges, de faire des bains linguistiques; c'est-à-dire qu'au moment où vous enseignez l'anglais, que ça se fasse exclusivement en anglais, sans un mot de français, ce qui est différent des classes d'immersion où, là, vous enseignez d'autres matières en anglais.

Ce que nous rappellent les gens de la CECM, en particulier, c'est que déjà 50 % des clientèles scolaires de l'île de Montréal sont en bain, en immersion linguistique parce que c'est une langue seconde.

N'estimez-vous pas que si le gouvernement avait donné ou avait pris les moyens pour qu'on respecte le régime pédagogique et qu'on donne tous les temps prévus à l'anglais, l'anglais langue seconde, qu'on avait profité, qu'on s'était donné les spécialistes requis, on n'aurait pas eu à ouvrir de cette manière, faire une brèche qui est importante et qui, selon les experts, est dangereuse par rapport à la capacité d'intégration des allophones?

M. Dufour (Ghislain): Écoutez, nous, nous ne sommes pas des pédagogues. On n'embarquera pas dans le dossier de là CECM d'hier, sauf que nous sommes — je vous l'ai dit tout à l'heure — des gens d'affaires qui réalisent, mes deux collègues peuvent en témoigner, que nos jeunes ne possèdent pas l'anglais.

Vous avez vu un sondage SOM-Le Soleil, la semaine dernière, qui dit que la population, à 80 %, souhaite que les jeunes Québécois soient davantage bilingues. Alors, l'anglais, il est mal enseigné actuellement.

Mme Blackburn: Bien oui, c'est ça. Ça, on est d'accord.

M. Dufour (Ghislain): Bien oui, mais qu'on prenne des bons moyens pour y arriver. Alors, qu'on donne de meilleurs cours d'anglais ou qu'on fasse ce genre d'immersion par cours autres que l'anglais. Une chose est sûre, c'est que, moi, je fais confiance aux pédagogues pour réaliser l'objectif qui est en arrière de ça. Comment y arriver? C'est une autre chose.

Mme Blackburn: Mais là, les pédagogues nous disent...

M. Dufour (Ghislain): Savez-vous ce que nous disent les anglophones, maintenant, Mme Blackburn? Puis ils ont raison. Ils nous disent qu'ils sont meilleurs bilingues que nous. Bravo pour eux autres, mais, je veux dire, moi, ça...

Oui, c'est vrai! Et, d'ailleurs, l'article de La Presse, la semaine dernière, nous disait que les... *

Mme Blackburn: Non. Ce qui a été dit plus précisément, c'est que c'est difficile à mesurer, parce qu'une déclaration, c'est une déclaration, alors que vous n'avez pas pu vérifier ou valider les déclarations comme quoi ils étaient bilingues. Mais ça, c'est un autre débat sur lequel je n'ai pas le goût de...

M. Dufour (Ghislain): Oh non, ce n'est pas un autre débat.

Mme Blackburn: Ce que je dis, c'est que vous vous prononcez comme étant en faveur de cet article qui préconise les immersions, O.K.? L'immersion. Nous, on dit, et les pédagogues prétendent que ce n'est pas nécessairement le meilleur moyen, et certainement pas le plus judicieux à Montréal, pour atteindre l'objectif qui est valable, c'est-à-dire de mieux maîtriser l'anglais. Il faudrait encore que le gouvernement prenne ses responsabilités, qu'il donne les ressources nécessaires et, avec le régime pédagogique actuel, ce serait possible. Essentiellement, c'était ça. (21 h 50)

Je voudrais revenir sur les règlements. Vous avez, je pense, avec beaucoup de justesse, rappelé au ministre qu'il s'est accaparé une série de pouvoirs réglementaires qui étaient, avant, antérieurement, à l'Office. Vous avez raison de dire que c'est le ministre qui pilote ce dossier-là et, évidemment, il a une influencé certaine.

Ce que nous a dit le Centre de linguistique de l'entreprise, son représentant nous a dit que ce que les entreprises n'acceptent pas, c'est ce pouvoir réglementaire très grand qui laissait à la merci d'un gouvernement la possibilité de changer rapidement les règles du jeu et que, quand on change rapidement les règles du jeu, ça indispose l'entreprise parce que ça prend du temps à une grande entreprise ou à une moyenne de se conformer aux règles, généralement, aux règlements, que ce soit en environnement ou aux règlements linguistiques. Ce qu'il disait au gouvernement Allez-vous-en pas dans cette direction-là, vous allez générer de l'instabilité.

Et la deuxième remarque, c'était: Vous nous avez donné l'équivalent d'une loi-cadre, l'essentiel va être connu dans les règlements, puis on ne les a pas. Ça ne nous permet pas d'apprécier. Alors, j'ai l'impression que vous allez également dans le même sens.

M. Dufour (Ghislain): On a travaillé notre mémoire avec Michel Guillotte, du Centre de linguistique de l'entreprise, auquel vous référez. Et cette question des lois-cadres nous fatigue tout le temps quand il y a des grands pans de la réglementation qu'on ne connaît pas. Mais j'ai bien précisé, Mme la députée, tout à l'heure, que ce n'est pas propre au dossier linguistique, ça fait une dizaine d'années que les gouvernements légifèrent par lois-cadres et des réglementations à venir. Ça nous oblige, bien sûr — et ça, Guillotte le sait — à être beaucoup plus attentifs à lire la Gazette officielle qu'à lire les projets de règlements. Et souvent, c'est plus important de regarder les règlements avant de regarder la loi.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Dufour. Merci. La conversation pourrait durer longtemps mais, non, le temps est terminé; ça fait un petit bout de temps, d'ailleurs.

M. le député de D'Arcy-McGee, 5 minutes.

M. Libman: Merci.

Bienvenue, M. Dufour et les représentants. Vous me surprenez un peu par vos déclarations à la page 4, le fait que vous allez recommander à vos entreprises membres «de maintenir l'affichage unilingue français dans tous les cas où cela leur sera possible».

L'adoption par ce gouvernement de la loi 178 a profondément blessé la communauté anglophone, bien plus que vous pouvez l'imaginer. Et cette insulte n'est pas limitée strictement à la capacité d'un individu, un commerçant, de s'afficher dans sa langue; c'est aussi le fait d'être capable de voir sa langue, de permettre l'usage de sa langue en public. Alors, cette déclaration, en même temps que vous voulez...

Excusez, M. le Président, je vais juste terminer ma phrase.

C'est seulement ça que je veux vous faire comprendre, que ce n'est pas strictement une question de liberté individuelle par un commerçant individuel, c'est une insulte profonde à notre identité, à notre visage, ici, au Québec. Je ne comprends pas pourquoi vous n'êtes pas prêt à aller dans la même direction de la grande majorité des Québécois qui sont favorables à ces assouplissements sans vraiment instruire ou trouver la nécessité d'instruire les commerces, de maintenir cet établissement.

M. Dufour (Ghislain): Je pense qu'on s'est inscrit dans la réalité québécoise, dans ce dossier-là, bien avant les sondages d'aujourd'hui. Déjà, en 1974, on plaidait le principe de l'affichage bilingue. Sauf que l'on dit aujourd'hui: Canadian Tire, qui peut afficher actuellement Canadien Tire, il va devenir quoi, lui, bilingue? Canadian Tire Ltd? Alors, il y a déjà de ces réalités-là. Eaton? Eaton Ltd?

Alors, on dit: Ne poussez pas ça au bout; gardez une réalité qui est la réalité. Si vous voulez le faire, faites-le. Faites-le, si vous voulez le faire, sauf qu'on dit que s'il n'y a pas une demande là, pour le faire... Certains trouvent que... Certains ultranationalistes trouvent que c'est provocant. C'est tout.

M. Libman: Non. Tout ce que je dis — et je pense que vos inquiétudes sont un peu exagérées — le bon sens va prévaloir, et c'est le visage...

M. Dufour (Ghislain): Parfait! Excellent!

M. Libman: ...la réalité du Québec qui sera reflétée probablement par ces assouplissements.

Moi, je veux aussi aborder, comme l'a commencé la députée de Chicoutimi, la question du rapport Chambers.

M. Dufour (Ghislain): Oui.

M. Libman: Vous avez dit, le 20 février, samedi le 20 février dans Le Devoir... Mais d'abord, vous avez appuyé... Quand le rapport Chambers a été déposé, le Conseil du patronat a appuyé le rapport Chambers et, le

20 février, vous avez dit: «nous croyons, encore là, que ce serait simplement faire preuve d'ouverture d'esprit à l'égard de la communauté anglophone, d'autant que le réseau scolaire anglophone au québec a connu une baisse majeure de sa clientèle au cours des 20 dernières années, soit 57 %.»

Mais ici, vous ajoutez: «À cet égard, une injection de sang neuf dans le réseau scolaire de langue anglaise permettait au Québec de se montrer généreux, accueillant, positif, tout en manifestant un esprit d'ouverture à l'égard du monde entier. Et cette mesure — ici, c'est la clé — ajoute-t-on, ne pénaliserait pas les francophones ni ne mettrait en danger l'avenir du français puisqu'elle n'ouvrirait l'école anglaise qu'à 10 000 élèves.»

Et, quand je fais référence à votre question dans le sondage sur le rapport Chambers, où le résultat montre que la moitié sont favorables, si vous aviez ajouté cette dernière phrase de votre citation, que cette mesure aura un impact négligeable sur les écoles françaises au Québec, est-ce que vous ne croyez pas que le taux de personnes favorables aurait été beaucoup plus élevé? Peut-être que la majorité des Québécois auraient été favorable à une telle mesure, s'ils avaient été sensibilisés au fait que l'impact sera minime sur le réseau scolaire francophone et, en même temps, que ça peut ajouter du sang neuf important à l'intérieur du réseau scolaire anglophone.

M. Dufour (Ghislain): Probablement. Moi, je dois vous dire que le conseil d'administration du CPQ, à 2 occasions, a appuyé le rapport Chambers; et ce n'est pas changé, ça. Il y avait une dissidence. Ce n'était pas une dissidence, c'était une abstention, c'était la Fédération des commissions scolaires, à cause de son implication, évidemment, dans le dossier de l'enseignement. Mais, autrement, c'était unanime au conseil d'administration du CPQ.

Sauf que là, ce n'est pas en débat. Ce n'est pas en débat. Et on est allé vérifier auprès de nos membres corporatifs qui, eux, ont dit à 50-50... Probablement que si on était en débat, ils iraient plus loin que ce qu'ils ont dit actuellement parce que, je vous répète, j'ai 2 résolutions de mon conseil d'administration appuyant le rapport Chambers. Mais on ne fait pas le débat.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Dufour. Ça termine le temps qui était prévu pour entendre le Conseil du patronat. Je vous remercie.

J'ai besoin d'un consentement parce que je veux savoir à quoi m'en tenir comme président, là.

Merci beaucoup, M. Dufour. Merci à ceux qui vous accompagnaient. Je vous libère pour ne pas que vous ayez à rester ici pendant que nous allons décider de ce que nous allons faire ce soir et demain.

J'indique aux membres de cette commission que j'ai des informations à l'effet que la Chambre de commerce du quartier chinois ne viendra pas. J'ai une lettre de l'Association des manufacturiers du Québec, qui devait être ici à 23 heures, qui ne sera pas ici. Je ne lirai pas la lettre, ils nous disent: On ne viendra pas parce qu'il ne s'agit pas d'un enjeu manufacturier. Je résume la lettre. Première lettre. Ce avec quoi... Bon. En tout cas, comme président, je n'ai pas à m'exprimer.

Demain, nous devions recevoir l'Association touristique régionale de la Montérégie. Eux me disent de nouveau que, bon, ils ne seront pas avec nous puisqu'ils ont déjà eu le privilège de s'exprimer récemment sur le sujet, lors d'une rencontre avec le cabinet de M. Claude Ryan, et ça leur suffit. C'était à 11 h 30.

À 15 heures, nous allons recevoir, et c'est prévu comme ça, la CSN. Il y a, d'après ce que je comprends, une possibilité d'entente que, comme président, je dois entériner pour recevoir les représentants du Parti Égalité, à 16 heures, au lieu de l'Association touristique des Laurentides qui s'est désistée.

Ce que je veux savoir: Est-ce que j'ai consentement pour que nous suspendions nos travaux jusqu'à demain 15 heures?

Mme Blackburn: M. le Président, oui, consentement. Cependant, sans poser une condition, je souhaiterais que demain, à la réouverture de la commission, on puisse donner le bilan de la consultation, c'est-à-dire le nombre d'organismes invités, le nombre de retraits et de désistements.

Le Président (M. Doyon): Nous le ferons. Si ce n'est pas avant, ce sera à la fin de la commission. Ce sera une question de...

Mme Blackburn: Très bien.

Le Président (M. Doyon): Alors, donc, suspension jusqu'à 15 heures. À 15 heures, nous recevons la CSN et nous recevrons, suite à un accord entre les parties, les représentants du Parti Égalité, à 16 heures demain, mercredi 2 juin.

Donc, ajournement jusqu'à demain 15 heures.

(Fin de la séance à 22 heures)

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