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Version finale

34e législature, 3e session
(17 mars 1994 au 17 juin 1994)

Le mardi 10 mai 1994 - Vol. 33 N° 6

Consultation générale concernant le rapport de la Commission d'accès à l'information sur la mise en oeuvre de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels


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Table des matières

Remarques préliminaires

Auditions


Autres intervenants
M. Charles Messier, président
Mme Madeleine Bleau, présidente suppléante
M. Réal Gauvin
*M. Marc Sauvé, Barreau du Québec
*M. Raymond Doray, idem
*Mme Lise Thibault, OPHQ
*M. François Nichols, idem
*M. Jean-Yves Vachon, CCSMM
*Mme Lynda Gingras, idem
*Mme Nicole Dionne, BAIL
*M. Denis Cusson, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission
________________

Journal des débats


(Quinze heures vingt-cinq minutes)

Le Président (M. Messier): Il y a quorum. Je déclare la séance ouverte et je rappelle le mandat de la commission. Le mandat de la commission de la culture est de procéder à des auditions publiques dans le cadre de la consultation générale concernant le rapport de la Commission d'accès à l'information sur la mise en oeuvre de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels.

M. le secrétaire, il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Dutil (Beauce-Sud) est remplacé par Mme Bleau (Groulx) et Mme Pelchat (Vachon) par M. Gauvin (Montmagny-L'Islet).

Le Président (M. Messier): Merci, M. le secrétaire. Je vais faire lecture de l'ordre du jour: 15 h 25, remarques préliminaires, ministre de la Justice, 10 minutes; porte-parole officiel de l'Opposition, 10 minutes, et le député de D'Arcy-McGee, 10 minutes; 15 h 30, le Barreau du Québec; 16 h 30, l'Office des personnes handicapées du Québec; 17 h 30, suspension; 20 heures, Centre de la communauté sourde du Montréal métropolitain; 21 heures, Bureau d'animation et information logement du Québec métropolitain. Et nous devrions ajourner à 22 heures.

Je vais laisser la parole au ministre pour une dizaine de minutes. M. le ministre.


Remarques préliminaires


M. Roger Lefebvre

M. Lefebvre: Merci, M. le Président. M. le Président, je veux vous saluer et je veux saluer les membres de la commission, particulièrement M. le député de Pointe-aux-Trembles, critique de l'Opposition officielle en matière de communication en ce qui a trait particulièrement à la Commission d'accès à l'information.

Il me fait plaisir, M. le Président, de participer aux travaux de la commission parlementaire sur l'étude du rapport quinquennal de la Commission d'accès à l'information portant sur la mise en oeuvre de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. Cette loi, M. le Président, on s'en souviendra, adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale du Québec le 23 juin 1982, rend accessibles les documents des organismes publics et protège les renseignements personnels détenus par l'administration publique. Rappelons qu'à son article 179 cette loi énonce l'obligation suivante: «La Commission doit, au plus tard le 1er octobre 1987, et par la suite tous les cinq ans, faire au gouvernement un rapport sur la mise en oeuvre de la présente loi, sur l'opportunité de la maintenir en vigueur et, le cas échéant, de la modifier.»

La Commission d'accès à l'information, présidée par M. Paul-André Comeau, a remis, tel que prévu, son rapport intitulé «Un passé éloquent, un avenir à protéger». Ce document, M. le Président, a été déposé à l'Assemblée nationale le 16 décembre 1992.

Il y a plus de six ans déjà s'est tenue la première commission parlementaire chargée de procéder à une semblable consultation générale sur la mise en oeuvre de la Loi sur l'accès. À l'époque, 16 groupes, personnes ou organismes avaient été reçus et entendus alors par les membres de cette commission et 26 mémoires leur avaient été soumis. À l'issue de cet exercice démocratique, la commission de la culture produisait un rapport intitulé «La vie privée, un droit sacré», dans lequel elle recommandait, en conformité avec l'article 179.1 de la Loi sur l'accès, le maintien de celle-ci. Également, 23 autres recommandations apparaissaient au rapport de la commission de la culture, lesquelles recommandations proposaient au législateur des modifications de la loi visant à améliorer l'exercice des droits conférés aux citoyens et citoyennes du Québec. À la lumière de ces recommandations, l'Assemblée nationale adoptait, au mois de décembre 1990, le projet de loi 62, Loi modifiant la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels et d'autres dispositions législatives. Plus de 48 dispositions y étaient sanctionnées afin de rendre plus actuel le droit d'accès à l'information et le droit à la vie privée.

(15 h 30)

M. le Président, j'aimerais par ailleurs rappeler aux membres de cette commission que la première des recommandations formulées par la Commission visait à étendre au secteur privé, comme les agences de crédit, les assurances et les banques, les principes de protection des renseignements personnels énoncés dans la Loi sur l'accès. Il est intéressant de noter que la commission parlementaire a fait une telle recommandation alors qu'elle était chargée d'étudier la mise en oeuvre d'une loi qui ne vise, dans son application, que les organismes publics. Cependant, plusieurs mémoires présentés à l'époque avaient souligné l'importance, voire l'urgence d'étendre au secteur privé les mesures de protection des renseignements personnels édictées dans la Loi sur l'accès tant la protection de la vie privée au Québec leur apparaissait à ce moment-là – et c'est toujours aussi vrai aujourd'hui – importante. Ces mémoires pressaient aussi le gouvernement de mettre en vigueur les articles concernant la protection de la vie privée que l'Assemblée nationale avait adoptés en 1987 dans le projet de loi 20 portant réforme au Code civil du Québec du droit des personnes, des successions et des biens. Le gouvernement s'est donc remis à la tâche et n'a pas cessé de travailler depuis pour étendre à l'ensemble de la société le régime de protection de la vie privée dont bénéficient déjà, depuis plus de 10 ans dans le secteur public, les citoyens et les citoyennes du Québec.

M. le Président, le 1er janvier dernier entrait en vigueur le nouveau Code civil du Québec, par lequel le législateur introduisait notamment tout un chapitre sur le respect de la réputation et de la vie privée. Les articles 35 à 41 du Code civil confèrent en effet à une personne des droits importants. Le premier article de ce chapitre du Code civil énonce ce qui suit: «Toute personne a droit au respect de sa réputation et de sa vie privée.

«Nulle atteinte ne peut être portée à la vie privée d'une personne sans que celle-ci ou ses héritiers y consentent ou sans que la loi l'autorise.»

Par ailleurs, un individu peut désormais consulter et faire rectifier son dossier détenu par une autre personne. Un renseignement contenu dans un tel dossier ne peut être communiqué à un tiers sans le consentement de la personne concernée ou l'autorisation de la loi.

En même temps que le nouveau Code civil, la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé est entrée en vigueur le 1er janvier dernier. Cette loi vise plus particulièrement à soumettre les entreprises exerçant au Québec à un régime de protection des renseignements personnels relativement semblable à celui qui prévaut dans le secteur public. Ainsi, la loi protège tous les renseignements qui concernent une personne physique et qui permettent de l'identifier, peu importent leur forme ou le support sur lequel ils se trouvent. Tous les aspects de l'exploitation d'une entreprise au Québec sont touchés par cette loi ainsi que toutes les étapes de la vie de ces renseignements, depuis leur collecte jusqu'à leur communication, en passant par leur détention et leur utilisation. Désormais, tout individu a droit à la protection des renseignements personnels qu'une entreprise recueille, détient, utilise ou communique à son sujet. En principe, ces renseignements sont confidentiels et ne peuvent être communiqués sans le consentement de la personne concernée.

Comme vous pouvez le constater, M. le Président, le gouvernement libéral a travaillé fort pour doter les citoyens et citoyennes du Québec de mesures de protection de la vie privée uniques en Amérique du Nord, des mesures qui répondent aux exigences internationales les plus élevées en cette matière. Face à l'avenir, les Québécois et les Québécoises possèdent dorénavant des instruments juridiques leur permettant de mieux affronter les défis technologiques auxquels nous sommes déjà tous confrontés en cette fin de XXe siècle et qui, on le sait, sur le plan de la vie privée particulièrement, bouleversent toutes les notions avec lesquelles nous sommes habitués de vivre et de travailler. Je réfère ici évidemment, M. le Président, au projet d'autoroute de l'information, dont l'envergure dépasse de loin les frontières du Québec et du Canada, voire de l'Amérique du Nord. Il est essentiel, à mon sens, qu'un tel projet, porteur de développement économique pour le Québec, se réalise dans le plus grand respect de la vie privée des Québécois et des Québécoises. Malgré les importants instruments juridiques que nous nous sommes donnés, il faut rester très vigilants et sans cesse en évaluer la pertinence eu égard à la réalité qui, il faut bien l'avouer, risque de nous dépasser parfois à la vitesse de la lumière. C'est en ayant en tête cette réalité que je vous propose de tenir les présentes audiences publiques et d'étudier les mémoires qui vous seront présentés.

J'estime que c'est dans le même esprit qu'a été rédigé le rapport de la Commission d'accès à l'information intitulé «Un passé éloquent, un avenir à protéger». Comme ce titre le mentionne, ce rapport quinquennal fait une évaluation positive des cinq dernières années d'application de la loi. Mais, pour préparer l'avenir, la Commission d'accès à l'information recommande au législateur plusieurs modifications à la loi. Bien qu'elles ne constituent pas, selon ses propres termes, un chambardement du régime mis en place il y a 10 ans, la Commission considère que ces modifications amélioreraient, d'une part, la transparence de l'État et, d'autre part, la confidentialité des renseignements personnels que ce dernier détient et utilise régulièrement.

Permettez-moi de vous mentionner certaines recommandations de la Commission d'accès à l'information qui ont particulièrement attiré mon attention. La Commission recommande au législateur de restreindre la possibilité de déroger à la loi, de faciliter l'accès aux renseignements par les personnes handicapées, de raccourcir les délais de rétention des documents et de rendre accessibles les décisions du Conseil des ministres après un délai de 20 ans.

Enfin, la Commission recommande des changements majeurs à la loi en ce qui concerne les questions de développement informatique et de communication de renseignements personnels qui, je le crois, mériteront une étude approfondie. Il faut s'assurer en effet que la loi reste toujours aussi efficace, et même, le soit davantage, et ce, malgré les changements technologiques ou autres auxquels elle sera confrontée tôt ou tard. C'est donc avec le regard tourné vers l'avenir, M. le Président, que j'invite mes collègues de la commission de la culture à tenir cette consultation générale et à étudier les différents mémoires qui leur seront soumis. Notre préoccupation profonde, tout au long des travaux qui suivront, doit viser principalement à améliorer l'exercice des deux droits reconnus dans la Loi sur l'accès: le droit à l'information et le droit à la vie privée. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Messier): Ça me fait plaisir, M. le ministre. Avant de passer à l'Opposition officielle, je vais demander si on adopte l'ordre du jour. C'est adopté.

Le porte-parole officiel de l'Opposition, M. le député de Pointe-aux-Trembles, M. Bourdon.


M. Michel Bourdon

M. Bourdon: Alors, M. le Président, je veux d'abord souligner qu'il s'agit du deuxième rapport d'étape de la Commission d'accès à l'information, puisque, comme le ministre l'a souligné, la commission parlementaire a déjà pu étudier le rapport de 1987 de la Commission et a déjà pu recommander des mesures pour en renforcer le contenu. Je voudrais ajouter que la présentation du document sur la mise en oeuvre de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels revêt une importance, d'une part parce qu'il s'agit du deuxième rapport d'étape réalisé et que, depuis le 1er janvier, la loi 68 fait en sorte qu'une législation pour la protection des renseignements personnels dans le secteur privé est venue compléter la loi que la Commission d'accès à l'information gère depuis une dizaine d'années.

Comme en 1987, le rapport sur la mise en oeuvre de la loi conclut que la loi comporte des matières où il pourrait y avoir amélioration, mais qu'il convient de la garder parce qu'elle a bien atteint les objectifs, que la commission qualifie d'audacieux, qu'elle s'était fixés en 1982.

Je pense que l'exercice que nous faisons est important, puisque, dans le fond, la Commission, qui a fait son rapport, gère une question de plus en plus importante: celle de l'accès aux documents publics, d'une part, parce que la Commission a un double mandat, et celui de la protection des renseignements personnels que l'État et l'entreprise privée, qui est maintenant couverte, détiennent au sujet des citoyens.

C'est sûr que les changements technologiques ont fait que nous sommes de plus en plus fichés dans de plus en plus de fichiers, et qu'à cet égard l'État doit s'assurer que le droit à la vie privée des citoyens qui est prévu dans le Code civil et dont la loi 68 découle, que ce droit soit assuré et que nul n'utilise abusivement les renseignements qu'on détient sur les personnes.

(15 h 40)

Il est sûr aussi qu'il est toujours important de faire en sorte que les documents que détiennent les organismes et qui ont été réalisés à même des fonds publics soient, dans toute la mesure du possible, largement accessibles au public, et, à cet égard, la Commission fait état de près de 300 000 demandes de renseignements qui lui sont parvenues l'année dernière, ce qui indique que nous avons devant nous non seulement une bonne loi, je pense, la loi originale, et une loi, je pense, qui va dans le même sens, la loi 68, qui est en vigueur depuis le 1er janvier, mais qu'il s'agit de législations qui répondent à des besoins de la population, comme le manifeste, comme le souligne la Commission dans son rapport d'étape.

Et, à cet égard-là, je pense qu'il va falloir étudier peut-être plus au-delà d'entendre des mémoires d'organismes – le Barreau du Québec nous fait l'honneur d'être le premier organisme à venir s'exprimer – mais également peut-être de faire une ou des séances de travail de la commission pour le suivi qui devrait être donné, et, si ça ne se fait pas en commission, ça se fera à l'occasion d'un projet de loi, peut-être, pour venir préciser des choses que la Commission recommande de changer.

La Commission parle du dévoilement des documents du Conseil exécutif, principalement. Elle nous suggère que ce soit accessible après 20 ans au public au lieu de 25. J'ai cru comprendre, à la lecture du mémoire du Barreau du Québec, que ce dernier parle d'une période de cinq ans, c'est-à-dire ce que dure normalement, au maximum, un gouvernement, et que les suivants ou, en tout cas, la population pourrait avoir accès à ces documents... mais je pense que c'est une question qui revêt de l'importance.

Il y a également la préoccupation des délais et des manières dont les appels se font des décisions de la Commission. Je pense que c'est une chose qu'il faut regarder, notamment sous l'angle de l'inégalité qu'il y a, d'une certaine façon, entre le justiciable qui a demandé un renseignement, par hypothèse, et l'organisme, souvent public, qui va devant la Cour du Québec pour contester une décision de la Commission d'accès à l'information. Et l'exercice n'est pas théorique, M. le Président; on a vu, l'an dernier, le ministère de la Santé et des Services sociaux respecter une partie d'une décision de la Commission sur le bilan-lits, en rendant public le bilan-lits de Montréal, et le même ministère aller en appel pour ce qui est du reste de la décision, qui porte sur le reste du bilan-lits pour l'ensemble du Québec. Je n'ai jamais bien compris, M. le Président, ce qui faisait que les lits d'hôpitaux de Montréal étaient publics, alors que le lits d'hôpitaux du reste du Québec étaient une matière qu'il convenait, d'après le ministère, de garder privée. Et, à cet égard-là, je pense qu'il est bon, et le Barreau le fait, de revenir sur la mécanique quasi judiciaire qui préside aux décisions et aux appels qui peuvent être faits de ces décisions par des parties intéressées. Alors, M. le Président, nous sommes ouverts à cette discussion à laquelle la Commission nous convie.

Je voudrais souligner, dans le rapport également, le caractère modeste des fonds publics qui sont dépensés par la Commission d'accès. Il y a dans le document une comparaison avec un organisme similaire en Ontario qui révèle que notre Commission d'accès à l'information opère avec un personnel minimal, et, à cet égard-là, je rappelle au ministre, comme aux crédits, que, dans le fonctionnement de la Commission, depuis l'adoption de la loi 68, il est prévu d'ajouter deux commissaires, étant donné l'élargissement de son mandat, et que le gouvernement ne l'a pas encore fait, à ma connaissance.

Alors, M. le Président, nous sommes tout à fait disposés, avec le gouvernement, d'entendre les organismes qui veulent se faire entendre sur ce rapport d'étape – on appelle ça, dans le jargon, un rapport sur la mise en oeuvre de la loi – et de donner notre avis sur les moyens de la parfaire.

Le Président (M. Messier): Merci, M. le député de Pointe-aux-Trembles. M. le député de D'Arcy-McGee m'avise qu'il n'a pas de remarques préliminaires. Donc, j'appelle devant nous le Barreau du Québec, s'il vous plaît.

On reconnaît Me Doray et possiblement... C'est M. Sauvé, qui est à ma gauche et Me Doray, à ma droite. On a une heure: 20 minutes pour la présentation, et, après ça, il va y avoir un échange du côté ministériel d'une vingtaine de minutes, et, après ça, l'Opposition officielle et le député indépendant aussi.

Me Sauvé, ou Me Doray, vous êtes prêt à partir? Vous nous ferez signe.


Auditions


Barreau du Québec

M. Sauvé (Marc): M. le Président, M. le ministre, MM., Mmes les députés, mon nom est Marc Sauvé, je suis avocat au service de la législation au Barreau du Québec. Je suis accompagné de Me Raymond Doray, avocat spécialisé sur la Loi d'accès chez Lavery, de Billy, bureau d'avocats à Montréal.

Le Barreau a pour mandat de protéger le public, et c'est à la lumière de ce mandat qu'il faut interpréter notre intervention devant la commission. Le Barreau est intervenu à plusieurs reprises sur les questions de droit d'accès et de protection de la vie privée. La transparence de l'administration publique est une des caractéristiques d'une société libre et démocratique comme la nôtre. On reconnaît, en outre, l'importance de protéger la vie privée et les renseignements personnels. Notre groupe de travail du Barreau a pris connaissance du rapport de la Commission d'accès. Les recommandations de la Commission ont été examinées et ont fait l'objet de commentaires. Le groupe de travail a aussi soulevé diverses questions qui n'ont pas été traitées par la Commission. Outre les commentaires particuliers concernant les recommandations de la Commission, les principaux points soulevés dans notre mémoire sont les suivants: l'indépendance et l'impartialité de la Commission d'accès; le contrôle des demandes abusives; la protection du secret industriel et commercial; la publicité des procès et de la preuve, et les délais. En ce qui concerne les commentaires particuliers en regard des recommandations de la Commission, Me Doray se fera un plaisir d'expliciter davantage.

Alors, pour ce qui est du premier point, la question de l'indépendance et de l'impartialité de la Commission, à maintes reprises le Barreau du Québec a exprimé ses préoccupations en regard de l'indépendance et de l'impartialité nécessaires à l'exercice de pouvoirs quasi judiciaires. La multiplicité des tâches de la Commission d'accès et son triple chapeau d'enquêteur, d'adjudicateur et de régulateur constituent une source d'inquiétude pour le Barreau. Cette situation présente le risque que la Commission soit perçue comme étant juge et partie dans les affaires portées devant elle. Cette situation est aussi le lot d'autres tribunaux administratifs ou d'autres organismes qui exercent des pouvoirs quasi judiciaires. La Commission sera inévitablement appelée à donner des avis et à rendre des décisions administratives ou à donner des informations sur des questions qui pourront éventuellement faire l'objet de débats judiciaires devant elle.

Face à un organisme quasi judiciaire qui donne des avis, enquête et tranche des questions de droit sur le même sujet, un justiciable peut légitimement se demander si cet organisme est toujours en mesure de rendre des décisions indépendantes et impartiales. Lorsque les enquêteurs de la Commission d'accès procèdent à une enquête auprès d'un organisme public, ils prennent des notes ou enregistrent les échanges. Les enquêteurs indiquent rarement aux responsables des organismes publics les conséquences pénales ou les ordonnances qui peuvent découler de l'enquête. Après l'enquête, les enquêteurs remettent à l'organisme public copie de leur rapport en lui fournissant l'occasion de présenter des observations écrites. Par la suite, les enquêteurs présentent le rapport et les observations de l'organisme public aux commissaires de la Commission d'accès, en l'absence d'un représentant de l'organisme concerné. On déplore ici les graves lacunes au niveau des garanties procédurales propres à assurer l'indépendance et l'impartialité de la Commission. En outre, l'absence d'auditions est difficilement compatible avec l'article 23 de la Charte des droits et libertés de la personne, qui prévoit le droit à une audition publique devant un tribunal indépendant et impartial.

Il faut aussi garder à l'esprit l'importance que les décisions quasi judiciaires de la Commission soient rendues par des personnes qui ont une formation juridique, en raison des questions complexes dont la Commission est saisie. En effet, les questions d'accès à l'information comportent de plus en plus des aspects de droits fondamentaux et constitutionnels et nécessitent des efforts d'interprétation de textes juridiques divers. La rédaction des décisions exige en outre des connaissances juridiques et nécessite des références aux chartes, au Code civil, à diverses lois et à la jurisprudence pertinente.

Il est évidemment nécessaire de retrouver à la Commission d'accès des professionnels qui possèdent des expertises diverses et pertinentes. Dans l'intérêt public, nous insistons cependant pour que la personne qui décide sur le droit ait une formation juridique. Une réflexion en profondeur doit être faite sur ces questions qui sont liées à la réforme des tribunaux administratifs promise par le ministre de la Justice depuis de nombreuses années.

Une autre rubrique, celle du contrôle des demandes abusives. Une saine administration des fonds publics demande que la Commission exerce en temps opportun son pouvoir d'autoriser un organisme public à ne pas donner suite à des demandes manifestement abusives ou non conformes à l'objet de la loi. Ce pouvoir, prévu à l'article 126 de la loi sur l'accès, n'est malheureusement pas utilisé comme il devrait, de sorte que des demandes abusives et coûteuses sont assez souvent accordées. En conséquence, la Commission ne devrait pas hésiter à utiliser son pouvoir de contrôle lorsque la situation l'exige.

(15 h 50)

Protection du secret industriel ou commercial. Les entreprises commerciales se servent souvent de la Loi sur l'accès pour obtenir des informations sur une entreprise concurrente. Bien sûr, les articles 23 et 24 de la Loi sur l'accès permettent de protéger le secret industriel et commercial. Ces dispositions sont toutefois très contraignantes et leur utilisation implique des procédures et des déboursés juridiques qui peuvent être élevés. En conséquence, nous amenons le législateur à réfléchir sur la protection à apporter aux dossiers d'entreprises et aux informations commerciales transmises à un organisme public et accessibles à des entreprises concurrentes. Il faut renforcer la loi à cet égard.

L'intégrité du processus judiciaire et quasi judiciaire. Nous sommes d'avis que la Loi sur l'accès ne peut d'aucune façon servir à empêcher la communication d'une preuve ou d'un élément de preuve en matière judiciaire ou quasi judiciaire. Le principe général de la publicité et des procédures judiciaires et celui de la règle de la pertinence devraient être respectés intégralement. Si la confidentialité est nécessaire, le tribunal ou l'organisme quasi judiciaire pourra mettre le document sous scellé ou rendre une ordonnance de huis clos. Malheureusement, certaines décisions judiciaires ont permis l'utilisation de la Loi sur l'accès pour empêcher la communication d'une preuve au tribunal ou à un organisme quasi judiciaire. Nous sommes d'avis que les paragraphes 171.1, 171.3 de la Loi sur l'accès doivent être précisés de façon à prévoir que la loi ne puisse être utilisée pour empêcher la communication ou la production d'une preuve ou d'un élément de preuve dans le cadre d'un processus judiciaire ou quasi judiciaire.

Dans le même ordre d'idées, l'article 29.1 doit être revu de façon à affirmer clairement le caractère public non seulement des décisions rendues dans l'exercice de fonctions quasi judiciaires, mais aussi de la procédure, des archives et des documents produits devant l'organisme préalablement à la prise de décision. Encore une fois, si nécessaire, le huis clos ou les scellés pourront être ordonnés par l'organisme pour protéger la vie privée, conformément aux chartes ou aux critères élaborés par la jurisprudence.

La question des délais, maintenant. La longueur des délais pour obtenir une décision à la Commission est propre à discréditer la Loi sur l'accès. Il peut facilement s'écouler six mois entre la demande et la décision de la Commission. Les nouvelles responsabilités de la Commission en regard du secteur privé n'arrangeront pas les choses. Nous constatons que les délais entre la demande et la décision de la Commission sont trop longs, à un point tel que, souvent, lorsque la décision est rendue, l'information demandée ou le document demandé n'est déjà plus pertinent pour le requérant. Nous sommes d'avis que, dans le cas où l'intérêt public est en cause, une procédure accélérée devrait être prévue. Ce recours d'urgence devrait aussi être possible en appel devant la Cour du Québec.

Les commentaires particuliers, maintenant, par Raymond Doray.

Le Président (M. Messier): Merci, M. Sauvé. Me Doray.

M. Doray (Raymond): M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés. Avec votre permission, j'aimerais simplement faire quelques commentaires relativement aux recommandations du Barreau du Québec, où nous sommes soit en désaccord avec la position recommandée par la Commission d'accès à l'information ou encore auxquelles nous aimerions apporter quelques nuances ou quelques commentaires supplémentaires visant à compléter l'analyse ou la réflexion de la commission. Pour ce qui est des recommandations avec lesquelles nous sommes d'accord, je ne crois pas qu'il soit nécessaire d'élaborer plus avant, à moins que vous n'ayez des questions par la suite.

Tout d'abord, la recommandation 2, qui dans le document de la Commission d'accès à l'information vise l'utilisation parcimonieuse de la clause dérogatoire. Comme vous le savez, la Loi sur l'accès est une loi prépondérante, une des rares lois prépondérantes qui a un statut analogue à la Charte des droits et libertés de la personne du Québec. Et, de fait, je pense que l'utilisation d'une clause dérogatoire pour mettre de côté les principes d'accès à l'information et de protection des renseignements personnels que l'on retrouve dans cette Loi sur l'accès doit être utilisée avec la plus grande réticence, la plus grande parcimonie. Et le Barreau est convaincu d'ailleurs que, jusqu'ici, il y a toujours eu des débats assez sérieux avant que le législateur n'accepte d'accorder une clause dérogatoire ou d'ajouter une clause dérogatoire dans une loi. Cependant, ce que l'on réalise avec le temps, puisque la loi est en vigueur depuis maintenant 10 ans, c'est qu'il y a quand même plusieurs clauses dérogatoires dans les lois et dans les règlements applicables, si tant est que, pour le justiciable qui essaie de se retrouver dans les arcanes du droit de l'information au Québec – puisque maintenant on peut dire qu'il y a un véritable droit de l'information, dont la Loi sur l'accès du secteur public est certainement le pilier principal – c'est extrêmement difficile. Et, à titre personnel, je peux en témoigner puisque je gagne ma vie quotidiennement dans ce domaine et j'y consacre l'essentiel de ma pratique: le droit est devenu extrêmement complexe, et d'autant plus que la Loi sur l'accès est une loi prépondérante, il faut toujours tenter de comprendre exactement quelle est la portée de cette prépondérance eu égard à d'autres dispositions législatives. Et, en plus, avec les nombreuses clauses dérogatoires, il devient très difficile pour le citoyen, le justiciable, de savoir exactement quelle est la règle de droit applicable.

Et, d'ailleurs, comme le représentant de l'Opposition le mentionnait tout à l'heure, souvent il y a un débalancement, à savoir que les demandeurs d'accès ne sont pas représentés par avocat; les organismes publics le sont. Évidemment, la tâche des citoyens qui veulent obtenir des documents est d'autant plus ardue qu'ils doivent consulter à peu près l'ensemble des lois du Québec pour comprendre exactement quelle est la portée de leurs droits. D'où cette recommandation du Barreau, à savoir que toutes les clauses dérogatoires qui, au fil des ans ont été ajoutées aux lois et règlements du Québec de manière à mettre de côté la Loi sur l'accès et ses principes devraient se retrouver dans l'annexe de la Loi sur l'accès qui a d'ailleurs été prévue pour ça. Il y a une annexe dans la loi où l'on a déjà une dizaine de dispositions dérogatoires qui avaient été adoptées par le législateur en 1982, lorsque la Loi d'accès a été adoptée, et nous pensons qu'il y aurait lieu, il serait opportun de compléter cette liste avec les autres clauses dérogatoires qui ont été adoptées au fil des ans ou qui seraient adoptées éventuellement, de manière à ce que cette loi prépondérante soit un code complet ou, du moins, le plus complet possible des droits des citoyens en matière d'accès à l'information.

Recommandation 5, maintenant. Il s'agit d'une recommandation de la Commission voulant que le pouvoir discrétionnaire qui est accordé à l'organisme public de communiquer certains types de renseignements personnels visés par l'article 59 de la loi soit transformé en obligation de la part de l'organisme public à communiquer ces renseignements. Et, sur le fond, je pense que le Barreau est d'accord avec cette recommandation puisque son application peut donner lieu, effectivement, à une certaine iniquité. Certains corps de police sont beaucoup plus ouverts que d'autres à permettre aux citoyens de prendre connaissance de rapports d'événements de manière assez aisée. D'autres corps de police ont malheureusement une attitude beaucoup plus réfractaire à la transparence et se retranchent derrière le caractère discrétionnaire de l'article 59 de la Loi sur l'accès, caractère discrétionnaire, je le mentionne, qui a été confirmé par la Commission d'accès à l'information, par la Cour du Québec et par la Cour supérieure, et qui fait présentement l'objet d'un appel à la Cour d'appel du Québec.

Ce que le Barreau pense de cette recommandation, c'est qu'elle a tout à fait sa raison d'être, et il est d'accord. Cependant, il trouve qu'il y aurait peut-être même lieu d'élargir cette restriction prévue à l'article 59 de la Loi sur l'accès, concernant les rapports d'événements, de manière à ce que des tiers intéressés et même, des fois, l'ensemble du public puissent prendre connaissance d'un rapport d'événement. Il n'y a pas que les gens impliqués dans un sinistre automobile ou dans un incendie ou quelque autre événement qui donne lieu à un rapport de police qui ont un intérêt légitime à savoir ce qui s'est passé. Si la maison à côté de chez vous a brûlé, il est fort possible que ça vous intéresse de savoir si, effectivement, les raisons de cet incendie ne seraient pas que votre voisin garde des explosifs dans son sous-sol pour se préparer pour un quelconque événement.

Dans ces circonstances-là, le Barreau pense qu'il y aurait effectivement lieu d'élargir la portée de l'article 59 et de prévoir que non seulement les personnes impliquées dans un sinistre ou dans un événement faisant l'objet d'un rapport de police, mais aussi les personnes qui pourraient manifester un intérêt ou démontrer un intérêt direct puissent prendre connaissance de ces documents-là. Et cette notion d'intérêt pourrait, dans certains cas, s'élargir jusqu'à permettre à l'ensemble du public de prendre connaissance d'un rapport d'événement qui touche l'ensemble de la population, puisqu'il peut s'agir de questions d'intérêt public.

(16 heures)

Pour ce qui est des recommandations 6 à 9, maintenant, il s'agit de cette question ou de ces questions relatives aux délais pendant lesquels un organisme public est autorisé ou, dans certains cas – faut-il le mentionner – obligé de garder confidentiels des documents qu'il détient, généralement des documents qui sont rattachés à la prise de décision ou au processus décisionnel. Historiquement, si les membres de cette commission se rappellent bien, lorsque la commission Paré, en 1980, a étudié la problématique de l'accès à l'information et de la protection de la vie privée et a déposé, à l'Assemblée nationale, son rapport accompagné d'un projet ou d'une proposition de loi, de laquelle est d'ailleurs tiré l'essentiel de la Loi sur l'accès telle qu'on la connaît aujourd'hui, la commission Paré avait choisi des délais de 30 ans et de 20 ans en s'inspirant des règles de la «common law» et des grands arrêts de jurisprudence en droit britannique et en droit américain, où les règles de 20 ans, 25 ans, 30 ans étaient assez communes. Le fédéral, à la même époque, en 1980, avait déjà déposé devant le Parlement une Loi sur l'accès à l'information qui prévoyait aussi des délais analogues de 25 à 30 ans pour la plupart des documents reliés à la prise de décision. La commission Paré a réduit certains délais, notamment elle a imposé un délai de 10 ans pour les processus décisionnels des organismes, mais a quand même gardé ces 25 ans pour les documents du cabinet en s'inspirant de la «common law» britannique.

Le Barreau porte à l'attention de cette commission que la jurisprudence et la «common law» britanniques, aussi surprenant que cela puisse paraître, ont beaucoup évolué au cours des dernières années. Il y a quelques années à peine, dans une affaire très célèbre dont vous avez certainement entendu parler, qui est l'affaire Jonathan Cape, à la Chambre des lords, le plus haut tribunal britannique est venu dire que cette règle traditionnelle, ancestrale des 25 ans pour protéger les documents du cabinet n'avait plus sa raison d'être. Et on a permis, d'ailleurs, que les confidences d'un ministre de l'époque, M. Richard Crossman, très célèbre à l'époque, puissent être divulguées – et même publiées, dans un document ou un livre qui est devenu un best-seller – après trois ans, suite à son départ du cabinet. Et la Chambre des lords a dit que c'était tout à fait acceptable que dans les sociétés démocratiques, effectivement, les gens avaient droit de prendre connaissance des processus décisionnels et des fondements des décisions de leurs élus, que le secret du cabinet, l'intimité nécessaire à la prise de décision ne devait plus durer pendant 20 ou 25 ans. On a jugé que trois ans, c'était amplement suffisant pour les documents pas seulement d'un organisme public, mais bien du cabinet lui-même, c'est-à-dire du Conseil des ministres.

Et c'est dans cette foulée-là que le Barreau invite la Commission et le législateur à réfléchir à l'opportunité de maintenir cette tradition séculaire, peut-être surannée, probablement excessive de protection, qui est de protéger ou de prévoir des délais de 20 ans ou 25 ans pour certains documents, alors que l'histoire se fait beaucoup plus rapidement et que le besoin de comprendre le présent à l'aide du passé est un des fondements, je pense, de l'évolution démocratique.

Un petit point supplémentaire mentionné dans les commentaires du Barreau concerne la Loi sur les archives et son interaction ou sa corrélation avec la Loi sur l'accès. Le Barreau a noté certains événements au cours des derniers mois, notamment lors de la passation des pouvoirs, au fédéral, lorsqu'il y a eu changement de gouvernement il y a moins d'un an. Il arrive fréquemment que des députés, même du gouvernement fédéral, donnent leurs archives aux Archives nationales du Québec – il n'y a rien qui les empêche de le faire, puisque ce sont des documents qui ont été constitués au Québec – et, par ce fait ou de cette manière-là, se soustraient au régime d'accès pendant une période très prolongée, qui peut aller au-delà de 25 ans, en plus, de même, selon la Loi sur les archives, de protéger les renseignements personnels au-delà de la mort de la personne qui a fourni les renseignements, si les renseignements en question se qualifient à titre de renseignements personnels.

Le Barreau a jugé que cette situation était un peu inquiétante, que des documents qui ont été constitués par des élus pour des fins publiques se retrouvent emprisonnés dans le régime de la Loi sur les archives et qu'ils ne puissent plus être accessibles alors que les personnes qui les ont conçus et préparés, ces documents, ont déjà quitté les lieux et qu'on aurait besoin, peut-être, de comprendre la portée de leur décision, ou même, dans certains cas, de faire le suivi des dossiers et des plaintes que les citoyens leur ont transmises au moment où ils étaient en fonction.

Le Président (M. Messier): Juste pour peut-être une quinzaine de secondes, Me Doray.

M. Doray (Raymond): Je vais aller rapidement, M. le Président. Recommandation 11, en ce qui a trait à la disparition de l'appel des décisions interlocutoires de la Commission. Le Barreau recommande de maintenir la possibilité d'en appeler des décisions interlocutoires de la Commission d'accès à l'information – les enjeux peuvent être extrêmement importants – et il invite le législateur à s'inspirer de l'article 29 du Code de procédure civile, qui donne des critères qui nous semblent tout à fait adaptés pour permettre à la Cour du Québec de juger s'il y a lieu ou non de permettre l'appel.

Pour ce qui est de la recommandation 12, les ordonnances de la Commission, selon le Barreau, devraient faire l'objet d'un appel. On mentionnera que dans la loi 68, qui a été adoptée l'année dernière et qui est en vigueur depuis le début de l'année, il y a un appel prévu à l'article 87 des ordonnances de la Commission d'accès à l'information, et le Barreau ne voit pas pourquoi le même régime ne devrait pas s'appliquer dans le secteur public, où les enjeux peuvent être aussi importants.

Et je termine, M. le Président, si vous me permettez, avec les recommandations 14 et 15. On parle justement de comparaison et surtout d'adapter la Loi sur l'accès du secteur public à ce nouveau régime du secteur privé, de la loi 68. C'est justement la première occasion que cette commission et que les législateurs auront de faire cette adaptation ou de rendre compatibles les deux lois. Le Barreau note que les amendes et les infractions pour des violations à la loi du secteur public sont de l'ordre de 200 $ à 1000 $, alors que, dans le secteur privé, elles sont de 1000 $ à 20 000 $. Et on ne voit pas pourquoi, dans le secteur public, il serait moins grave et de conséquences moins lourdes de procéder à une violation de la vie privée, de cacher un document public ou de violer les dispositions de la loi.

Un petit dernier point, M. le Président, en implorant votre patience...

Le Président (M. Messier): Nous avons tranché, de part et d'autre, pour ne pas dépasser le temps. Allez-y.

M. Doray (Raymond): Je vous remercie. Pour ce qui est de la recommandation 16, la Commission demande que la loi soit modifiée de manière à permettre que soient convoqués par avis public un ensemble d'entreprises ou de tiers affectés ou susceptibles d'être affectés par une décision de la Commission d'accès à l'information. On comprendra, M. le Président, que les entreprises privées sont indirectement visées par la Loi sur l'accès du secteur public, parce qu'il arrive fréquemment que les documents qu'ils ont fournis aux organismes de l'État fassent l'objet d'une demande d'accès, auquel cas la loi prévoit à l'heure actuelle qu'on doit leur donner un avis et leur permettre de faire valoir leur point de vue quant à l'opportunité de la divulgation devant la Commission d'accès à l'information.

Ce que la Commission demande à l'Assemblée nationale, aux législateurs, de modifier, c'est de lui permettre de procéder par avis public pour convoquer des dizaines, des vingtaines, des centaines ou des milliers d'entreprises. Le Barreau est farouchement opposé à cette recommandation-là. Il y a eu un cas historique, d'ailleurs, qui est présentement devant les tribunaux, où la Commission, dans le cadre de la loi actuelle, a tenté de convoquer des entreprises, 12 000 entreprises, par un petit avis publié en page A-6 de La Presse , en bas, à gauche, et je vous avoue que je suis le seul avocat au Québec à l'avoir vu, non pas parce que je lis les avis légaux dans les journaux – la vie est trop courte pour ça! – mais c'est purement par hasard que je l'ai vu. Et la Commission s'apprêtait à tenir une audience visant 12 000 personnes alors qu'il n'y avait pas 100 entreprises au Québec qui avaient vu cet avis-là, et probablement pas 10 avocats non plus.

Je pense que c'est extrêmement dangereux, en termes de droit d'être entendu, de principes fondamentaux et de respect de la Charte, que les droits des citoyens, citoyens individuels ou corporatifs, soient mis en péril par une procédure de convocation qui n'est qu'un avis dans les journaux. Et, si vous êtes parti en vacances, ou si vous ne faites pas l'exégèse des journaux tous les jours, bien, vous risquez de vous retrouver dans une situation où les documents que vous avez fournis à l'État seront rendus publics, et, pour le Barreau, c'est une situation tout à fait inacceptable.

(16 h 10)

Pour ce qui est, de façon globale, des recommandations de la Commission relatives au régime de protection des renseignements personnels, M. le Président, ce que le Barreau souligne, c'est que ce que propose la Commission peut sembler une amélioration par rapport au régime actuel, qui prévoit des ententes pour certains types de transfert de renseignements personnels, mais il y aurait lieu, je pense, de faire bien attention que le régime suggéré ne soit pas plus lourd que ce que l'on a à l'heure actuelle, d'obliger les organismes à attendre 60 jours pour pouvoir mettre en oeuvre leurs échanges d'information, à l'heure de l'autoroute électronique où l'information doit circuler rapidement. C'est peut-être un peu illusoire et c'est peut-être se tirer dans le pied collectivement.

Par ailleurs, d'obliger les organismes à dénoncer, auprès de la Commission, tout changement technologique, toute interconnexion, le Barreau se demande sincèrement si c'est réalisable. Qu'est-ce que c'est qu'un changement technologique? Est-ce que le changement d'un programme, la modification d'un périphérique d'ordinateur, ça constitue un changement qui mérite de donner un avis à la Commission d'accès? Je pense que le concept me semble tout à fait aléatoire et peut-être risqué, et peut-être peu conforme à la réalité technologique et informatique. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Messier): Merci. M. le ministre, pour...

M. Lefebvre: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Messier): ...moins que 20 minutes.

M. Lefebvre: Alors, je veux saluer Me Sauvé et Me Doray pour, dans un premier temps, nous avoir soumis un mémoire qui, évidemment, fait des commentaires extrêmement pertinents. Nous sommes toujours très heureux d'avoir l'avis du Barreau dans des questions aussi délicates que la protection de la vie privée et, en même temps, l'accès à l'information auquel a droit ce même citoyen. Alors, c'est de ça, essentiellement, qu'on débattra au cours des prochains jours.

Me Doray, vous avez à juste titre insisté, dans vos remarques, au début de votre intervention, sur les interventions ou les décisions dérogatoires, et je suis d'accord avec vous que c'est extrêmement important d'évaluer ce qui s'est fait à date, d'évaluer s'il y a lieu de modifier ou pas les dispositions de la loi. Et, essentiellement, ce que je retiens de vos commentaires, Me Doray, c'est que vous êtes, il me semble à tout le moins, d'accord avec les recommandations de la Commission, qui nous indique que le pouvoir de dérogation doit être exercé avec extrêmement de prudence. Vous êtes probablement même mieux informé que moi, vous savez qu'il y a eu plus ou moins une cinquantaine de dérogations depuis l'adoption de la loi, en 1982, avec une démarche encore plus sévère au cours des dernières années. Il y a eu très peu de dérogations au cours des trois ou quatre dernières années. Dans l'état actuel de la loi, de la surveillance de la Commission d'accès à l'information, est-ce que vous considérez que, dans l'état actuel des choses, le statu quo serait acceptable quant à la dérogation à laquelle vous faisiez référence tout à l'heure?

Le Président (M. Messier): Me Doray.

M. Doray (Raymond): M. le ministre, c'est très juste que le Barreau est tout à fait d'accord avec cette parcimonie que la Commission d'accès invite le législateur à avoir à l'égard des clauses dérogatoires. Je vous dirais cependant que, avec les 50 clauses dérogatoires que l'on a à l'heure actuelle dans nos lois, il y aurait probablement lieu de s'interroger à nouveau sur l'opportunité de ces 50 clauses dérogatoires.

Plusieurs de ces clauses ont été obtenues malgré l'opposition de la Commission, qui a toujours fait un travail, je dois le dire, remarquable, pour mettre en garde le législateur contre l'adoption de clauses dérogatoires. Souvent, ces clauses ont été adoptées dans des contextes extrêmement serrés, dans des échéanciers extrêmement serrés, où, pour régler des problèmes très ponctuels d'un ministère ou d'un organisme public, on a adopté une clause dérogatoire qui, aujourd'hui, n'a peut-être plus sa raison d'être. Et je vous dirais que même, dans certains cas, par une méconnaissance législative ou légistique du fonctionnement de la Loi sur l'accès, on a adopté des clauses dérogatoires tout à fait inutiles, qui rendent d'ailleurs la vie impossible aux avocats et aux juristes et aux juges, qui doivent essayer de comprendre quel est le droit applicable. C'est comme si on avait mis la ceinture avec les bretelles, alors que ce n'était pas nécessaire. La Loi sur l'accès, qui a une assez grande flexibilité, aurait tout à fait permis de régler le problème.

Alors, moi, je pense que, dans la lignée de ce que vous venez de suggérer, M. le ministre, il y aurait lieu de faire une évaluation de ces clauses dérogatoires pour voir si elles sont toujours opportunes, de maintenir celles qui ont leur raison d'être, de les ajouter dans une annexe ou dans l'annexe qui est déjà prévue à cet effet dans la Loi sur l'accès et d'avoir toujours une attitude extrêmement vigilante. Mais, évidemment, il faudra toujours penser qu'il y a des problèmes qu'on ne peut pas prévoir et que, en ce qui concerne une loi prépondérante comme la Loi sur l'accès, il faut au moins s'aménager une voie de sortie lorsqu'il y a des sérieux problèmes de conflit de lois dont on n'a pas pu prévoir les impacts. Alors, je pense que l'opportunité d'avoir ce régime de clauses dérogatoires doit toujours persister ou demeurer.

M. Lefebvre: Alors, c'est la conclusion à laquelle vous arrivez, comme à peu près tout le monde, qu'il doit y avoir une mécanique de dérogation. Parce que le contraire serait impensable, invivable, sauf que vous nous indiquez être d'accord avec le processus actuel voulant que le ministre qui souhaite, dans sa propre loi, avoir une dérogation doit, dans un premier temps, consulter le ministre responsable de la loi d'accès et, également, la Commission d'accès.

Me Doray, j'aimerais que vous me donniez quelques exemples de ce qui apparaît aujourd'hui être des dérogations qu'on devrait revoir. En supposant, par hypothèse, qu'on voudrait se pencher de façon un peu plus précise là-dessus, est-ce que vous avez des exemples à l'esprit, de dérogation qui, aujourd'hui, vous apparaissent plus ou moins acceptables?

M. Doray (Raymond): Bien, il y a deux exemples qui me viennent à l'esprit, M. le ministre. Je n'ai pas fait cette étude exhaustive au cours des derniers mois, mais je pense aux quelques dossiers que j'ai eu à traiter au cours de la dernière ou des dernières années. Il y a tout le domaine du Fichier central des sinistres automobiles. Dans la Loi sur l'assurance automobile, on a prévu un régime particulier, qui s'applique nonobstant la Loi sur l'accès et qui vise ce fameux Fichier central des sinistres automobiles, qui est un fichier informatique qui appartient à l'Inspecteur général des institutions financières, donc qui relève de la loi du secteur public, quoique l'Assemblée nationale a été saisie d'un projet de privatisation, mais qui n'a pas été adopté, je pense, à la dernière session. Mais, néanmoins, la clause dérogatoire telle que libellée pour ce régime me semble assez mal rédigée, assez mal tricotée, et donne lieu à certaines aberrations.

Même chose dans le domaine de la santé et sécurité au travail. On a ajouté plusieurs clauses dérogatoires ponctuellement pour régler des problèmes, mais quand on met ça bout à bout, on se retrouve avec un régime presque «inadministrable», et il n'y a pas un citoyen qui comprend quels sont ses véritables droits, et je doute même que l'organisme spécialisé y comprenne quoi que ce soit.

M. Lefebvre: Me Doray, à la page 10 de votre mémoire, en regard de la recommandation 5 de la Commission, vous souhaiteriez que le rapport de police, le rapport d'enquête soit accessible à d'autres personnes que celles qui sont impliquées, en deux mots, accessible à d'autres personnes qui sont directement intéressées.

La première question que je vous pose: Est-ce qu'il n'y a pas une contradiction, dans la suggestion que vous faites, en regard justement de la protection de la vie privée, que le document... C'est une question que je vous pose, mais, dans un deuxième temps, j'aimerais que vous m'indiquiez à quelles personnes en particulier, autres que celles qui sont intéressées, ce rapport d'enquête pourrait-il être accessible. Dans un premier temps, à qui pourrait-il être accessible, et est-ce que vous ne voyez pas une contradiction entre cette suggestion que vous faites et la protection de la vie privée, qu'on recherche le plus possible, à tout le moins?

M. Doray (Raymond): M. le ministre, je pense que vous touchez là à un problème qui est fondamental, c'est-à-dire: à quel endroit doit-on tracer la ligne entre ce qui est du domaine privé et ce qui relève du domaine public. Et cette frontière-là changera toujours selon les circonstances, l'idéologie dominante, la perception que l'on peut avoir dans une société donnée à un moment donné. Il y a un mouvement très fort vers la protection de la vie privée depuis, je dirais, une dizaine d'années dans les sociétés occidentales. C'est aussi vrai en Europe qu'aux États-Unis, et, d'ailleurs, la législation, la loi 68, les amendements au Code civil répondent à cette préoccupation sociale pour la vie privée.

(16 h 20)

Mais je me permets de souligner qu'il y a aussi un danger à voir la réalité à travers le prisme de la vie privée au point même où les droits de la collectivité pourraient être compromis. Et c'est un peu dans cette perspective-là que la recommandation du Barreau a été dessinée, c'est-à-dire qu'il y a des événements qui, bien que, de prime abord, ils puissent se rattacher à la vie privée, se passent sur la place publique et concernent plus que les personnes directement impliquées. Et c'est pour ça qu'on a consacré constitutionnellement la liberté de la presse. C'est d'ailleurs pour ça que, dans le Code civil, on a voulu même que le chapitre relatif à la protection des renseignements personnels ne s'applique pas aux journalistes et au matériel journalistique. C'est justement pour permettre, dans certains cas, de faire la part des choses. Et les événements qui se passent sur la place publique, que ce soient des meurtres, que ce soient des viols, que ce soient des incendies, que ce soient des fraudes, on a confié à l'État, au cours des ans, le soin de s'occuper de la police et de la justice. Et vous en êtes, M. le ministre, responsable, de cette justice, chez nous.

Mais ce n'est pas parce que les citoyens on confié, par le biais du régime de gouvernement représentatif, à l'État le soin de s'occuper de la justice que les citoyens n'ont rien à faire dans les cours de justice. On reconnaît comme fondamental que tout le monde puisse assister aux assises judiciaires, parce que la justice doit être rendue en public.

Et, de la même façon, il y a des événements, je ne dis pas tous, et le Barreau n'a pas fait d'analyse exhaustive de cette question-là, mais il y a des événements qui... Prenons comme exemple un accident de la route où il y a des personnes qui sont témoins de l'accident. Elles auraient pu prendre certains renseignements d'elles-mêmes, mais dans notre société, on a confié à la police le soin de prendre les données. Dans un village, tout le monde aurait été au courant. Est-ce que c'est parce qu'on vit dans une société qui est plus grande qu'un village que le citoyen perd son droit de savoir ce qui s'est passé, les risques qu'il encourt ou les droits qu'il pourrait exercer? Le témoin d'un crime a certainement, il me semble, le droit de savoir ce qui s'est passé, mais il n'est pas une personne impliquée. Regardons l'article 59 de la Loi sur l'accès. Le droit d'accès, qui est discrétionnaire dans le libellé actuel de la loi, s'applique aux personnes impliquées et non pas aux personnes intéressées. Les personnes intéressées, il me semble que c'est plus large. Ce serait déjà un net progrès.

M. Lefebvre: Vous reconnaissez, Me Doray, que cette suggestion d'élargissement de l'accessibilité à des rapports d'enquête policière se heurterait aux prescriptions qu'on retrouve dans le Code criminel, également à certaines prescriptions et de la Charte canadienne et de la Charte québécoise.

M. Doray (Raymond): Je ne pense pas, M. le ministre, avec respect, que le fait de faire connaître ce qui est survenu dans un événement qui fait l'objet d'un rapport de police soit une atteinte à la présomption d'innocence. À ce compte-là, il faudrait interdire tous les journaux. Certains seraient peut-être d'accord avec cette proposition-là, M. le ministre, mais, boutade mise à part...

M. Lefebvre: Sauf exception, les rapports d'enquête ne sont pas censés se retrouver à la une...

M. Doray (Raymond): Oui.

M. Lefebvre: ...tant et aussi longtemps que ça n'a pas été déposé devant les tribunaux.

M. Doray (Raymond): Mais, M. le ministre, je ne parle...

M. Lefebvre: Sauf exception.

M. Doray (Raymond): Oui. Vous avez parfaitement raison, M. le ministre, et je suis tout à fait d'accord avec votre point de vue, mais ici, il ne s'agit pas de rapport d'enquête, il s'agit du rapport d'événements. Le policier qui se rend sur les lieux d'un sinistre, d'un accident de voiture, il ne fait pas une enquête, il fait simplement prendre le nom des témoins et prendre des informations qui sont les informations qui sont visibles à l'oeil nu, et c'est extrêmement important. Par exemple, c'est à partir de ces rapports-là que quelqu'un qui est victime d'un accident ou d'un forfait quelconque pourra prendre des procédures judiciaires. À l'heure actuelle, on ne sait pas quelle est l'identité de la personne qui nous a causé un dommage avant qu'elle soit poursuivie au criminel, et si elle ne l'est pas, bien, tant pis pour vous, vous assumerez votre dommage.

M. Lefebvre: En fait, votre suggestion, à la page 10 de votre mémoire, ne qualifie pas le rapport d'enquête. Est-ce qu'on est en matière criminelle, en matière pénale, en matière civile? Je pense qu'on finirait peut-être par se rejoindre, là. Il y a une distinction, effectivement. Lorsqu'on parle d'un accident d'automobile, on est en matière civile, là. Un rapport d'enquête de police sur un crime présumé, j'imagine que vous seriez un petit peu plus prudent dans votre suggestion ou recommandation.

M. Doray (Raymond): M. le ministre, de toute façon, pour ce qui est des rapports d'enquête de la police, ils sont visés par l'article 28 de la loi, qui interdit à l'organisme qui détient les renseignements, par exemple un rapport de police, de les rendre accessibles. Donc, sur l'application de l'article 28, le Barreau n'a aucune recommandation ou commentaire, il est tout à fait d'accord à ce que les rapports d'enquête soient gardés confidentiels, mais l'article 59, paragraphe 9° de la loi vise les rapports d'événements, donc de nature, à tout le moins, de prime abord, civile, tant et aussi longtemps que les policiers, suite à une enquête, ne décideront pas de poursuivre, et, à ce moment-là, l'article 28 reprend le flambeau.

M. Lefebvre: Merci, Me Doray, j'aurais beaucoup d'autres questions, mais mon temps est écoulé. Merci beaucoup.

Le Président (M. Messier): Merci, Me Doray. M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: M. le Président, je veux saluer les gens du Barreau qui sont venus et les remercier de leur mémoire. En page 8, vous parlez de la longueur des délais, que ça peut prendre jusqu'à six mois à la Commission d'accès pour rendre une décision. Comment ça se compare avec les tribunaux?

M. Doray (Raymond): Avec votre permission, M. le Président, j'essaierai d'être respectueux pour la magistrature. Évidemment, le système judiciaire a aussi ses grandeurs et ses misères, M. le Président, mais ce que l'on a voulu, justement, en adoptant la Loi sur l'accès et en créant un tribunal spécialisé, c'est clairement d'éviter cette lenteur du système judiciaire. D'abord, un recours rapide, gratuit et facile pour le citoyen, qui n'a pas besoin, d'ailleurs, d'être représenté par avocat. Et il ne faudrait pas que, à cause de l'engorgement du rôle de la Commission, ces objectifs extrêmement valeureux et importants de la réforme de 1982 soient mis en péril.

Et, à l'heure actuelle, je peux vous le dire, j'ai certainement une vingtaine de dossiers pendants devant la Commission. Les prochaines audiences sont pour... On fixe, en ce moment, pour le mois d'octobre et le mois de novembre de l'année prochaine. Ça, c'est fixer la cause. Ça veut dire que, si un citoyen a fait une demande d'accès il y a un mois, l'organisme public lui a répondu 20 jours plus tard. C'est entré dans la machine de la Commission vers le mois d'avril, et on fixe aujourd'hui des dates pour le mois de novembre.

Évidemment, dans le domaine de l'accès à l'information, l'information perd son sens avec le temps, et il est fort possible que des documents qui seront rendus publics dans quatre ans soient sans signification. Et c'est ça, je pense, qu'il y a peut-être lieu de corriger par la mise en place d'un «fast track», si vous permettez l'expression, c'est-à-dire un mécanisme qui permettrait à la Commission, lorsque l'intérêt public est en cause, un peu comme dans le cadre des injonctions interlocutoires provisoires de la Cour supérieure, d'entendre un litige d'intérêt public lorsqu'on lui a démontré, prima facie ou de manière préliminaire, que l'intérêt public est en cause, d'entendre les parties rapidement et de rendre une décision rapidement. Et je suis convaincu, M. le Président, que les journalistes, qui n'ont jusqu'ici, depuis 1982, jamais été des thuriféraires de la Loi sur l'accès, pourraient pour une fois en profiter et peut-être même apprendre à connaître la loi de fond en comble aussi bien que leur convention collective.

M. Bourdon: Est-ce que, à votre avis, la nomination par le gouvernement des deux commissaires qui manquent serait de nature à accélérer les délais pour entendre des cas?

M. Doray (Raymond): Je pense, M. le député, que votre question comprend la réponse, mais...

M. Bourdon: Maintenant, puisqu'on parle de délais, vous ne trouvez pas qu'il y a par ailleurs un paradoxe entre... c'est-à-dire, pas un paradoxe, mais il y a des délais pour avoir une décision de la Commission. Je vais en mentionner une que je connais bien, j'étais le requérant pour la Régie des rentes à l'égard des congés de cotisation pour les entreprises de 200 et plus. Avec la Commission, c'est allé assez vite, mais la permission d'appeler à la Cour du Québec – et, là, on est rendu en Cour du Québec... Dans le fond, je vous relance la balle. Dans le cas de la Régie des rentes, la décision est venue assez rapidement, et c'est la mécanique judiciaire, après, qui se trouve à allonger les délais.

(16 h 30)

M. Doray (Raymond): Vous avez parfaitement raison, M. le député. Ça fait partie, je pense, des misères plutôt que des grandeurs de cette réforme. La commission Paré avait d'ailleurs étudié cet aspect de la problématique et avait hésité énormément entre l'absence complète d'appel des décisions de la Commission, quitte à permettre, dans les cas d'excès de juridiction, l'évocation des erreurs juridictionnelles devant la Cour supérieure, pensant que ça serait peut-être un moyen plus rapide, et l'alternative, qui était un appel à un tribunal plus spécialisé, la Cour du Québec. La commission Paré a finalement choisi le deuxième volet, croyant qu'un tribunal spécialisé serait important. Il y a peut-être moyen, et c'est d'ailleurs dans la recommandation du Barreau. On dit: Cette règle du «fast track» devrait s'appliquer, elle aussi, par exemple à la Cour du Québec, où il devrait y avoir un rôle d'urgence.

Le cas que vous soulignez, M. le député, me semble un cas répondant tout à fait à ces exigences d'intérêt public. Il y avait des milliers de personnes susceptibles d'être affectées par cette question des fonds de pension et des suppléments non répartis des fonds de pension. C'est une question d'intérêt public, manifestement. Il y a des entreprises et des dirigeants d'entreprises qui utilisaient ces fonds-là à leurs fins propres. Une décision, d'abord, d'accès à l'information et, éventuellement, des tribunaux supérieurs sur le fond du litige est extrêmement importante. Je pense que vous vous seriez qualifié comme cas d'urgence, et la Commission aurait peut-être pu vous entendre dans une semaine, et, s'il y avait eu appel, bien, à ce moment-là, la Cour du Québec aurait peut-être pu vous entendre dans le mois suivant. Et c'est peut-être un régime auquel il faut penser. Je vous avoue que le Barreau en a discuté longuement. Pour ma part, ça fait 14 ans que je travaille dans ce domaine, 10 ans plus particulièrement depuis l'entrée en vigueur de la loi, et je suis convaincu qu'à la Commission on a toujours eu un malaise par rapport à la lenteur que provoque le régime avec possibilité d'appel, et, ça, il y a peut-être lieu de faire quelque chose dans la mesure du possible.

M. Bourdon: Maintenant, est-ce qu'il n'y a pas également un problème qui est soulevé par la contestation de décisions de la Commission par un organisme du gouvernement, sous deux angles. Un, il s'agit d'une commission établie par l'Assemblée nationale qui rend une décision et, deuxième aspect, c'est qu'on sait qu'un organisme du gouvernement dispose de fonds publics pour organiser sa défense, si on veut, pour entretenir un débat juridique. J'ai donné, dans mes quelques remarques préliminaires, l'exemple du bilan-lits. Comme on dit en anglais «time is of the essence». Je pense qu'il y a un intérêt public à connaître le bilan-lits, pas juste de Montréal, mais dans tout le Québec, et le ministère de la Santé et des Services sociaux... Je me permets d'essayer de voir une piste avec vous: Est-ce qu'il ne pourrait pas au moins y avoir une exigence... Le droit d'appel est élémentaire et fondamental. Je ne suis pas contre le fait qu'il y ait un appel, mais est-ce qu'au niveau du gouvernement il n'y aurait pas un certain progrès si c'était, par exemple, le ministère de la Justice qui décidait d'aller en appel? Mais, là, on aurait un problème supplémentaire: la Commission relève du ministre de la Justice.

Mais, en tout cas, je trouve qu'il y a quelque chose d'un peu aberrant de voir qu'un organisme du gouvernement, pour qui la question financière ne se pose pas, puisse aller longtemps contester une décision de la Commission d'accès. Remarquez que je ne dirai pas à des avocats – et je ne pense pas – que le droit d'appel n'est pas fondamental. Puis, comme vous le disiez vous-même, si on ne l'avait pas mis à la Cour du Québec, des parties seraient allées en évocation à la Cour supérieure pour exercer ce droit-là. Mais est-ce qu'il n'y aurait pas de l'ordre à mettre... Dans le fond, pour le public, quand un ministère ou un organisme conteste une décision de la Commission, l'impression que le citoyen moyen recueille, c'est que le gouvernement conteste une décision du gouvernement et que, quel que soit le bord où on est, c'est toujours le même contribuable qui paie.

M. Doray (Raymond): M. le Président, M. le député, c'est effectivement un problème qui peut se régler de deux façons, mais il n'y a évidemment pas d'idéal. Il y aurait eu une possibilité de concevoir la Loi sur l'accès d'une autre manière complètement, en séparant le tribunal, qui est la Commission d'accès, de la Commission, qui est l'organisme administratif, et de permettre à l'organisme administratif de prendre fait et cause pour les citoyens qui demandent accès à un document. Et la Commission, avec son expertise, ses avocats, aurait pu aller plaider, défendant le citoyen devant la Commission et, éventuellement, devant la Cour du Québec de manière à ce que l'équilibre des forces soit beaucoup plus égal. Le législateur n'a pas choisi cette voie-là, mais ça aurait été une voie tout à fait envisageable pour rétablir le rapport de force.

À l'inverse, M. le député, M. le Président, il me semble que, dans un système juridique basé sur la règle de droit, on ne peut pas, effectivement – et vous avez raison de le dire – empêcher ou enlever aux organismes de l'État cette possibilité de faire valoir leurs droits. Il faut comprendre que la loi est complexe, que la Commission est un tribunal, mais un tribunal spécialisé, qui a donc une vision du monde qui est peut-être teintée par la loi qu'elle administre elle-même. Il faut que les organismes... On a choisi de particulariser l'État en 2600 organismes plutôt que de le considérer comme bloc monolithique, parce qu'on a pensé que c'était préférable pour que la politique d'accès à l'information et de protection de la vie privée soit le plus efficace possible. Cette reconnaissance de l'État démembré en organismes publics, il me semble que son corollaire, c'est de donner à chaque organisme public la possibilité de défendre sa politique informationnelle. Sans ça, je pense que c'est tout le régime qui a été mis en place, toute sa logique qui serait mise en péril s'il fallait que l'organisme demande au ministre de la Justice: Est-ce que je peux en appeler de cette décision de la Commission qui m'a ordonné de rendre public un document? Ou si Hydro-Québec devait demander la permission au gouvernement pour contester une décision de la Commission d'accès à l'information. Je pense qu'on réalise à quel point on déresponsabiliserait l'organisme en question. Et on le mettrait dans une situation un peu intenable.

Pour vous rassurer, M. le député, il faut quand même noter des faits très positifs, à savoir que, maintenant à la Cour du Québec, on a une grande expérience en matière d'accès à l'information, et ce sont presque toujours les mêmes juges qui entendent les requêtes pour permission d'appeler. Et laissez-moi vous dire que ça ne passe pas comme une lettre à la poste. Les juges connaissent la jurisprudence de la Commission. Il y a deux ou trois juges, à peu près, qui siègent en matière de requêtes pour permission d'appeler des décisions de la Commission d'accès. Ils connaissent parfaitement la loi, parfaitement la jurisprudence. Et, s'ils voient ou s'ils sentent qu'il y a un caractère dilatoire à la permission d'appeler demandée, laissez-moi vous dire qu'il y a un rejet presque automatique. C'est beaucoup plus difficile d'aller en appel d'une décision de la Commission que ce ne l'était dans les premières années, et c'est tant mieux. Alors, il y a certainement là un mécanisme de contrôle que le temps a permis de peaufiner.

M. Bourdon: Maintenant, dans votre mémoire, vous parlez de la formation juridique des membres de la Commission, des commissaires, dans le fond. Au Barreau, c'est une revendication, je dirais, traditionnelle, mais, dans le fond, je crois que deux des trois membres actuels ont une formation juridique, et le président est un journaliste. Et je me permets de vous poser la question: Est-ce que, dans le fond, pour peu qu'il y ait des membres qui ont une formation juridique et pour peu que la Commission ait un contentieux, est-ce que vous allez jusqu'à dire que tous les membres de la Commission, y compris les deux que le gouvernement va nommer avant un an, un an et demi – parce qu'il va falloir qu'il nomme ou qu'il s'en aille ou qu'il fasse les deux – vous dites, dans le fond que... Parce que... J'arrête la boutade, j'en reviens au fait que, moi, ça ne me dérange pas que le président de la Commission soit journaliste. C'est une facette, vu que c'est la Commission d'accès à l'information, d'avoir un praticien de l'information. Et on peut penser qu'un membre non avocat de la Commission, ou des membres s'appuieraient sur d'autres membres qui sont avocats pour des questions de droit, ou s'appuieraient sur le contentieux de la Commission, dans la mesure où c'est quasi judiciaire et que ça peut se retrouver devant une instance judiciaire.

(16 h 40)

M. Doray (Raymond): M. le Président, M. le député, ça peut effectivement sembler très corporatiste d'entendre le Barreau qui revient avec cette litanie, année après année, mémoire après mémoire, demandant au législateur de nommer des avocats sur les tribunaux administratifs. Nous en sommes tout à fait conscients. Mais je pense qu'il faut aller plus loin que ça. Dans les années soixante, soixante-dix – c'est aussi vrai aux États-Unis qu'au Canada – on a commencé à créer ces tribunaux administratifs et à nommer des non-juristes comme décideurs, comme commissaires, comme adjudicateurs, suivant la logique de l'époque voulant que la justice serait plus humaine si ce n'était pas des avocats qui allaient la rendre, que la justice serait plus simple et plus expéditive et plus adaptée au quotidien et peut-être moins compliquée si c'étaient ce qu'on appelle en anglais des «laymen» qui allaient rendre les décisions.

Cependant, M. le Président, je pense qu'il y a une réflexion profonde à faire sur ce qui s'est passé dans les 25 dernières années. Parce que, dans la perspective de rendre cette justice plus humaine parce qu'elle aurait été rendue par des non-juristes, on a quand même confié à des gens dont ce n'est pas la formation de rendre des décisions de droit dans des législations extrêmement complexes, avec une Charte des droits, même deux chartes des droits qui rendent les débats inextricables dans certains cas. Ces gens-là n'ont pas la formation; ils sont intelligents, ils ont une culture générale remarquable, mais c'est les dentistes qui plombent les dents, c'est les chirurgiens qui font les opérations et ça devrait être les avocats qui tranchent les questions de droit. Ce qu'il faut bien comprendre, c'est que, si on confie à d'autres personnes qu'à des juristes le soin de rendre les décisions, M. le Président et M. le député, le risque, c'est que ce n'est pas la personne qui a entendu la cause qui va rendre la décision ou qui va l'écrire. Et, là, on a un véritable problème d'indépendance et d'impartialité. Tous ceux qui ont travaillé dans des tribunaux administratifs vous diront – incluant celui qui vous parle aujourd'hui – qu'ils ont rédigé des décisions. Et, parlons des choses franchement, là: ils ont rédigé des décisions alors même que, dans bien des cas, ils n'avaient pas assisté à l'audience.

M. Bourdon: Je vous ferai remarquer que...

M. Doray (Raymond): Et je ne dis pas que c'est le cas à la Commission.

M. Bourdon: Oui, mais, même à la Cour suprême des États-Unis, il y a des gens qui ne sont pas juges de la Cour suprême.

M. Doray (Raymond): Il y a des gens qui... Ils sont des juristes, au moins. Mais, effectivement, ça fait partie de nos institutions démocratiques, celui qui entend et celui qui doit décider. Et ça ne serait peut-être pas mauvais que, dans certains cas, les journalistes qui siègent à la Commission aient, comme adjudicateur, un spécialiste de l'économie et des sciences sociales. À ce moment-là, on peut avoir un complément, mais celui qui connaît les questions de droit est capable de faire l'analyse et de les trancher sans qu'on soit obligé de se rendre à la Cour suprême pour dépatouiller tout ça. Alors que, dans le fond, c'est la job des juristes de rendre des décisions de droit et d'interpréter le droit.

Le Président (M. Messier): Merci, Me Doray. ...se recycler, M. le député de Pointe-aux-Trembles. Peut-être, M. le ministre, juste pour les mots de remerciement d'usage.

M. Lefebvre: Deux ou trois phrases pour vous remercier, Me Sauvé et Me Doray, d'avoir, dans un premier temps, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, soumis un mémoire à l'attention de la commission et également d'être venus nous rencontrer cet après-midi pour nous faire ces commentaires qui, quant à moi, sont extrêmement pertinents, Me Doray et Me Sauvé. Merci.

Le Président (M. Messier): Merci, Me Doray et Me Sauvé. On vous remercie. On vous libère. Nous allons suspendre quelques instants et on va appeler l'Office des personnes handicapées du Québec, avec sa présidente, Mme Thibault.

(Suspension de la séance à 16 h 44)

(Reprise à 16 h 51)

La Présidente (Mme Bleau): La commission de la culture reprend ses travaux, et nous recevons l'Office des personnes handicapées du Québec, représenté ici par Mme Lise Thibault, présidente, et M. François Nichols, conseiller juridique. Mme Thibault... Est-ce que, M. le ministre, vous avez...

M. Lefebvre: Non, on va permettre à madame...

La Présidente (Mme Bleau): Alors, Mme Thibault, vous pouvez...

M. Lefebvre: On les salue.

La Présidente (Mme Bleau): Bon. Alors, vous avez les saluts du ministre. Vous pouvez lire votre mémoire.


Office des personnes handicapées du Québec (OPHQ)

Mme Thibault (Lise): Mme la Présidente, MM. les députés, c'est avec plaisir que j'ai accepté l'invitation de cette commission à venir présenter le mémoire de l'Office des personnes handicapées du Québec dans le cadre de l'examen du deuxième rapport quinquennal de la Commission d'accès à l'information sur la mise en oeuvre de la Loi sur l'accès.

À la page 28 de son rapport, la Commission d'accès, suite à des représentations que lui a faites l'Office des personnes handicapées en ce sens, émet une recommandation à l'effet que la Loi sur l'accès devrait reconnaître les besoins particuliers des personnes handicapées, selon des modalités à être déterminées par le législateur. En vertu de la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées qui le constitue, l'Office a pour fonction, entre autres, de promouvoir les intérêts des personnes handicapées. Or, il est dans l'intérêt des personnes handicapées que la recommandation de la Commission d'accès soit suivie, ce qui explique ma présence ici pour vous en convaincre.

La Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels édicte que toute personne – et je souligne – toute personne a droit d'accès aux documents d'un organisme public par consultation sur place ou obtention d'une copie, article 9; droit aussi à l'assistance du responsable de l'accès pour la formulation de sa demande et l'identification du document demandé, article 44; droit d'être informée de l'existence des renseignements nominatifs la concernant, article 83; droit de recevoir communication de ces renseignements, article 83; droit d'exiger leur rectification, article 89; et droit, pour ce faire, à l'assistance du responsable de la protection des renseignements personnels, article 96.

Pour une personne handicapée, il y a cependant une différence entre posséder ces droits et pouvoir en jouir. Bien souvent, l'exercice de certains droits prévus à la Loi sur l'accès lui est rendu difficile, voire même impossible à cause de sa ou de ses déficiences. En effet, les droits que l'on retrouve dans la Loi sur l'accès adoptée en 1982 n'y sont pas aménagés de façon particulière pour les personnes handicapées. L'Office propose donc de modifier la Loi sur l'accès de façon à permettre aux personnes handicapées de jouir, sans discrimination ni privilège, des droits qui y sont prévus. Cette opération serait conforme à l'application de plus en plus générale et sanctionnée par les tribunaux en matière de droit de la personne du principe suivant lequel l'identité de traitement des personnes ne correspond pas à une égalité de traitement et qu'il faut en conséquence instaurer des mesures dites d'accommodement en fonction des besoins particuliers que peuvent éprouver certaines catégories de citoyens dans l'exercice de leurs droits.

Il s'agit là de l'expression d'un souci d'équité sociale en regard duquel les personnes handicapées doivent être mises sur un pied d'égalité pour exercer leurs droits, ce qu'elles revendiquent d'ailleurs de plus en plus. En substance, les propositions de l'Office des personnes handicapées se rapportent aux situations suivantes.

Situation des personnes ayant une déficience visuelle, qui ne peuvent lire l'imprimé. Pour que ces personnes puissent exercer les droits que la Loi sur l'accès leur confère, les documents imprimés doivent leur être rendus intelligibles. Différents moyens, selon le cas, s'offrent pour cela: lecture ou enregistrement de documents, fourniture d'un appareil d'aide visuelle, transcription en braille, Iris, imprimés gros caractères.

Situation des personnes ayant une déficience auditive ou de la parole, qui ne peuvent comprendre ou émettre un message oral, parlé ou enregistré. Encore là, l'exercice des droits de ces personnes suppose le recours à différents outils de communication, tels la transcription en imprimé, le sous-titrage, le téléscripteur, le service d'interprétariat, l'amplification du son, et autres.

Situation des personnes ayant une déficience motrice, qui ne peuvent franchir certains obstacles architecturaux. Que ces personnes puissent consulter sur place un document ou une liste de classement suppose leur localisation à des endroits accessibles: hauteur de comptoir, par exemple.

Situation des personnes ayant une déficience intellectuelle, qui peuvent difficilement saisir le sens de certains documents. Dans une certaine mesure, cette situation peut être corrigée grâce à l'assistance du responsable ou d'un professionnel qualifié.

Il est à noter que les modifications législatives annexées au mémoire de l'Office ont un caractère purement indicatif. Elles servent à illustrer de façon concrète des adaptations possibles de la Loi sur l'accès à l'exercice, par les personnes handicapées, des droits qui y sont prévus. Ces modifications n'ont fait l'objet d'aucune consultation. Nous vous offrons ces suggestions comme le Conseil des ministres, dans l'actualisation des rôles, a mandaté l'Office, c'est-à-dire comme conseils au gouvernement.

Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bleau): Merci, Mme la présidente. M. le ministre, pour votre droit de parole.

M. Lefebvre: Merci, Mme la Présidente. Alors, Mme Thibault, je veux vous saluer, ainsi que Me Nichols, conseiller juridique, et vous remercier d'être venus cet après-midi commenter le mémoire que vous avez déjà soumis à l'attention de la commission.

De façon générale, Mme Thibault, vous voulez sensibiliser la commission aux problèmes évidents que l'on connaît, jusqu'à un certain point, pas nécessairement dans le détail, et vous êtes... C'est des questions peut-être un peu plus précises que je veux vous poser. Les problèmes quotidiens que vivent les handicapés au Québec, en regard particulièrement de renseignements, pour certains renseignements qui leur sont propres et, également, j'imagine, pour des renseignements d'ordre public, quelles sont les demandes les plus fréquentes que vous recevez à l'Office et qui font problème en regard des clientèles avec lesquelles vous travaillez quotidiennement?

Si vous pouviez, autrement dit, Mme Thibault, nous indiquer les problèmes les plus quotidiens auxquels font face les handicapés au Québec. Et, également, en sous-question: Quelles sont les premières interventions, si vous pouviez «prioriser» – je ne vous demande pas de le faire, je sais que ce n'est pas facile – sur lesquelles vous insistez le plus, qu'on pourrait faire comme gouvernement?

(17 heures)

Mme Thibault (Lise): Parfait. Mme la Présidente, d'abord, j'aime beaucoup la question du ministre: les problèmes les plus quotidiens. D'abord, les personnes handicapées veulent tout simplement être reconnues comme des citoyens à part entière, avec les mêmes droits, mais aussi avec les mêmes obligations. Et, nous, l'Office, on a à coeur d'outiller ces personnes-là et faire en sorte que la technologie qui est développée pour ces personnes-là, ou ces services, ou les connaissances qui sont déployées permettent de rendre la personne à un niveau égal à la personne qui ne vit pas avec un handicap.

Il y a 800 000 personnes au Québec, d'après les statistiques de 1991, qui vivent avec une limitation fonctionnelle permanente, donc qui sont appelées personnes handicapées. J'ai à coeur de développer des façons nouvelles, de développer un partenariat plus large, de simplifier. Mais, simplifier, ça ne veut pas dire donner moins, ça veut dire faire autrement. Par exemple, j'ai sensibilisé le ministre de l'Office du temps – qui était Marc-Yvan Côté – quand je suis entrée, de faire en sorte que tous les ministères reconnaissent les frais d'interprétariat pour les personnes sourdes comme frais administratifs réguliers. Quand vous avez un membre de la communauté anglophone qui demande la traduction de documents, vous ne vous posez pas la question à savoir si c'est normal. Vous devez faire la traduction de documents. Et on sait ce que ça coûte, une page de document traduite. Et, les personnes sourdes, qui, elles, ont besoin de ce service d'interprétariat pour être capables de recevoir ou de transmettre le message, finalement, au lieu que le Conseil du trésor fasse une réflexion sur le type d'enveloppe qu'il doit donner au ministère de la Santé et des Services sociaux, et qu'après le ministère de la Santé et des Services sociaux donne une enveloppe à l'Office, qui, lui, donne une enveloppe au service d'interprétariat, chaque ministère, chaque organisme provincial, municipal, scolaire devrait être le premier à accueillir les frais d'interprétariat comme frais administratifs réguliers. Et, à ce moment-là, on ne se posera plus de questions. Dans l'entreprise privée, on commencera aussi.

Vous vous imaginez une personne qui se prépare à avoir une intervention chirurgicale et qui ne comprend pas ce que son médecin veut lui dire, et c'est très fréquent. Vous vous imaginez quand une personne a besoin d'aller dans une municipalité pour aller consulter des documents par rapport à ses taxes ou par rapport à l'évaluation de sa résidence, c'est régulier. Et, vous savez, à Québec, il y a le SRIQ, par exemple, qui fait un travail extraordinaire avec l'Institut des sourds de Charlesbourg, et le directeur nous disait qu'en moyenne les personnes sourdes demandent huit services professionnels par année. Alors, ça, c'est un service qui ne coûterait absolument rien, absolument rien au gouvernement, c'est des frais. Et ça développerait le langage des signes; c'est un langage très, très esthétique. Qui peut s'assurer que sa vieillesse ne lui réserve pas la surprise du handicap de la surdité?

Si on regarde en technologie, par exemple, il y a, pour les handicapés visuels, toute la nouvelle technologie, par exemple le lecteur Iris. Vous savez qu'on peut glisser une page de papier journal ou un document comme celui-ci dans un appareil qui ressemble à un photocopieur. L'appareil absorbe le document et en fait la lecture à la personne qui est handicapée visuelle. Il n'y a pas toujours les gens qui ont plein, plein, plein d'handicaps, mais il y a des gens qui ont des problèmes pour la lecture et qui auraient besoin tout simplement d'avoir un document qui est écrit en plus gros caractères. Il y a le braille aussi, qui est un outil important.

Lors du Forum pour l'intégration sociale des personnes handicapées, l'an dernier, M. Dutil a annoncé un budget de 10 000 000 $, qui, dans le fond, est un projet de 40 000 000 $ sur quatre ans, pour permettre la parfaite accessibilité des édifices gouvernementaux aux personnes qui ont un handicap moteur. Mais il faut penser que, quand on s'ouvre à l'accessibilité de cette façon-là, on ne s'ouvre pas simplement pour les personnes qui sont reconnues comme handicapées moteur. Mais qu'est-ce que vous pensez de la population vieillissante? Qu'est-ce que vous pensez des petits parents qui s'en viennent aussi pour consulter ou pour remplir leur devoir de citoyen et qui s'en viennent avec une poussette? Ou les gens qui ont une maladie qui arrive dans leur vie? Alors, ce sont des moyens simples, mais je pense que le gouvernement a la première responsabilité d'ouvrir des portes, d'ouvrir des voies. Les personnes handicapées ne sont pas une race en voie d'extinction.

Plus on connaîtra les problèmes d'environnement, plus la génétique se développera, plus la vie nous fera entrer dans d'autres siècles, plus on découvrira, plus il y aura de nouveaux handicaps, plus on devra découvrir de technologies pour s'assurer qu'il y a de moins en moins d'exclus, qu'on donne de plus en plus la chance aux hommes et aux femmes d'être des citoyens à part entière.

M. Lefebvre: Vous savez, Mme Thibault, qu'il y a des législations au fédéral, la Loi sur la protection des renseignements personnels et la Loi sur l'accès à l'information, qui permettent aux handicapés auditifs, visuels d'avoir accès à des documents à caractère public ou personnel. Lorsqu'il s'agit de documents à caractère public, le requérant n'a pas à payer les frais relativement à la transcription. C'est le contraire, plutôt. Et, lorsqu'il s'agit d'un renseignement personnel, il n'y a pas de frais, à ce moment-là, qui sont exigés du requérant. Je voudrais vous entendre là-dessus. Qu'est-ce que vous pensez de cette procédure prévue au fédéral? Dans un cas, le requérant doit payer, dans l'autre cas, il n'a pas à payer les frais. Et, remarquez bien, je ne vous pose pas la question pour vous embêter, là.

Mme Thibault (Lise): Parfait.

M. Lefebvre: Je veux que vous soyez très à l'aise, Mme Thibault.

Mme Thibault (Lise): Parfait. Mme la Présidente, si vous permettez, je vais demander à mon conseiller de donner son avis, puis je vais compléter.

La Présidente (Mme Bleau): Alors, c'est M. François Nichols, conseiller juridique.

M. Nichols (François): Oui, Mme la Présidente. Dans le secteur public, au fédéral, la loi avait été adoptée à peu près à la même époque que la loi québécoise, et c'est en 1992 qu'on a apporté des amendements pour permettre aux personnes avec des déficiences sensorielles de mieux exercer les droits qui étaient prévus dans cette loi. Alors, la mesure que l'Office propose maintenant est un peu semblable à celle du fédéral, peut-être un peu plus ambitieuse, un peu plus complète, mais ça s'inspire d'un même mouvement et ça démontre qu'en fait il y a des mesures d'adaptation qui peuvent être apportées à la loi, bien concrètes.

M. Lefebvre: Dans ce sens-là, vous n'auriez pas d'objection si on adoptait des mesures semblables.

M. Nichols (François): Ah! pas du tout.

Mme Thibault (Lise): C'est le devoir du gouvernement, M. le ministre.

M. Lefebvre: Non, mais quant au paiement des frais. C'est surtout là-dessus que je veux vous entendre.

Mme Thibault (Lise): Ah! Pour moi, les paiements de frais, il ne doit pas y avoir de paiement de frais, nulle part.

M. Lefebvre: Ni dans un cas, ni dans l'autre.

Mme Thibault (Lise): En...

M. Lefebvre: Que ce soit un renseignement public ou un renseignement personnel. C'est pour ça que je vous posais la question.

Mme Thibault (Lise): Non. Parfait.

M. Lefebvre: C'est ce qui existe au fédéral.

Mme Thibault (Lise): Alors, M. le ministre, Mme la Présidente, pour moi, il faut se rappeler l'universalité qui a été acceptée par cette Assemblée en 1987. Et, le renseignement personnel... La personne handicapée n'est pas responsable de ça, dans ce cas.

M. Lefebvre: Non, mais c'est ça. C'est ça que je vous dis, Mme Thibault: pour un renseignement personnel, à ce moment-là, le requérant, au fédéral, n'a pas à payer pour...

Mme Thibault (Lise): Mais pour un renseignement public?

M. Lefebvre: Il doit payer, à ce moment-là, parce qu'on fait une différence entre l'exigence pour un citoyen, même handicapé, à savoir qu'il requiert des renseignements qui le concernent, lui. Alors, on considère qu'il n'a pas, comme vous alliez le dire, à payer pour son handicap, alors que, lorsqu'il s'agit de renseignements qui sont publics, on considère la démarche comme étant beaucoup moins personnelle et on lui dit, à ce moment-là: D'accord, mais vous devrez en défrayer les coûts. C'est la règle qui existe présentement, au fédéral.

Mme Thibault (Lise): La question que j'ai posée à mon conseiller, c'est...

M. Lefebvre: Oui, madame.

Mme Thibault (Lise): Est-ce que le citoyen, est-ce que le simple citoyen non handicapé défraie pour un renseignement public?

M. Lefebvre: Oui, maître.

(17 h 10)

M. Nichols (François): Peut-être pour apporter un élément d'information. Au fédéral, effectivement, il y a des frais qui sont exigés pour l'accès à l'information publique. Mais, dans le règlement d'application en ce qui concerne les frais, on précise dans la présentation que les droits exigés ne peuvent pas être plus élevés que les droits...

M. Lefebvre: Oui.

M. Nichols (François): ...habituels. Alors, par exemple...

M. Lefebvre: Autrement dit, il n'y a pas de pénalité à ajouter.

M. Nichols (François): Il n'y a pas de pénalité. Alors, ce n'est pas un privilège pour la personne handicapée. C'est simplement...

M. Lefebvre: Je ne suis pas – Mme Thibault, je veux que ce soit bien compris – en train de vous indiquer que je serais d'accord avec des dispositions semblables. Je voulais vous entendre, vous. Est-ce que vous considérez qu'au cours des dernières années l'attitude de la Commission et des différents ministères concernés s'est améliorée en regard des revendications que vous faites au nom des handicapés du Québec, en regard des demandes très spécifiques? Parce que, cet après-midi, on ne discute pas ensemble, évidemment, de handicaps, de barrières de nature physique, d'accès aux édifices publics. Ce n'est pas de ça qu'on parle. On parle de quelque chose de beaucoup plus précis. Est-ce qu'il y a une amélioration dans la démarche au niveau de la relation avec la Commission d'accès à l'information?

La Présidente (Mme Bleau): Mme la présidente.

Mme Thibault (Lise): Je ne pense pas qu'on ait une évaluation par rapport à ça, Mme la Présidente, mais je dois vous dire que c'est toujours très lent et c'est toujours trop lent. Les médias substituts, vous savez, sont de mieux en mieux développés. Mais, dans vos ministères, est-ce que vous avez un équipement pour offrir les médias substituts à vos commettants ou aux citoyens? Est-ce que, à l'intérieur des documents que vous produisez, vous avez une note qui exprime quel type d'accessibilité vous avez prévu pour que des citoyens, qui vivent avec une nuance d'une façon quotidienne, puissent eux aussi avoir le droit à la communication et à l'information comme tout autre citoyen? Très, très peu de ministères s'équipent.

M. Lefebvre: Merci, Mme la présidente. Je reviendrai tout à l'heure, si vous permettez.

La Présidente (Mme Bleau): M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: Alors, je veux d'abord souhaiter la bienvenue aux personnes qui sont venues nous présenter le mémoire et les assurer que, dans la mesure où la Commission elle-même nous demande que la loi lui fasse obligation de tenir compte des besoins spécifiques des personnes handicapées, je pense qu'il y a un bon pas de fait et, moi, je suis parfaitement d'accord pour que la Commission d'accès – et vous avez raison de le dire dans le mémoire – tienne compte que, quand c'est identique, le service qui est offert, c'est inégal pour des catégories de personnes.

Et, à cet égard-là, j'ai un souvenir, moi, du soir de l'élection de 1989, où une personne en chaise roulante est venue nous dire que le sous-sol de telle église n'était pas adapté pour les personnes handicapées. On a trouvé des personnes pour l'aider à aller exercer son droit fondamental de voter. Et, lors des élections, je le souligne au passage, on ne choisit pas toujours des locaux adaptés, de telle sorte que c'est une chose à laquelle il faut penser. Et, dans le fond, les personnes handicapées s'adaptent à la société, mais la société doit s'adapter à elles aussi. Alors, dans ce sens-là, c'est très clair que ce qui est suggéré par la Commission d'accès, ça va supposer des frais, des dépenses. Et je pense que ce serait logique de le faire.

Maintenant, je veux ajouter que, déjà pour faire adapter un véhicule, pour avoir un transport adapté ou pour faire adapter une maison, ce n'est pas simple. Et, à cet égard-là, la Commission, je pense, nous fait une bonne proposition pour se créer une obligation, mais, à cet égard-là, dans le fond, je vous pose la question: Est-ce que, d'après l'expérience que vous avez, ce seraient des sommes considérables que ça prendrait pour que la Commission s'adapte aux personnes qui ont un handicap?

Mme Thibault (Lise): Bon, savez-vous, par exemple, les frais d'interprétariat, c'est à peu près une trentaine de dollars de l'heure, et il y a un minimum. Si on pense amplification – je parle, là, handicap – écoutez, il y a une nouvelle petite firme de l'Estrie qui vient de développer un appareil qui amplifie le son, et c'est renversant. Pour 300 $, on peut avoir ça dans n'importe quelle salle de cinéma ou de spectacle. Et imaginez que le coût le plus élevé qu'on pourrait trouver – et c'est une parenthèse que j'ouvre, mais juste pour vous sensibiliser à ce que fait la technologie... Pour 2000 $, une église pourrait même avoir ce système d'amplification avec une antenne sur le toit et permettre aux personnes handicapées, aux personnes vieillissantes, aux personnes malades, d'écouter les services religieux dans leur maison sans débourser un sou, en captant simplement une bande FM à 10 km de l'église.

Alors, c'est juste pour vous dire que tout ce qui va permettre l'accessibilité, accolé à tout le développement technologique, plus ça va aller, moins ça va coûter cher, plus on va vouloir développer de nouveaux outils pour... Et, Mme la Présidente, M. le député a raison de dire que c'est... la société est bien plus handicapante que la personne handicapée peut l'être. C'est la société, la société avec ses préjugés, mais la société avec ses barrières aussi. Et on arrive à une période exceptionnelle, où on n'a plus à dire aux gens que les personnes handicapées ne sont pas une race en voie d'extinction et que les personnes handicapées ne retourneront plus jamais dans leur grenier, mais il faut maintenant partager sur le comment. Et je pense que c'est au gouvernement à trouver les moyens modernes et à donner le mouvement là-dedans. Et, nous, l'Office, nous vous offrons toute notre compétence, toute notre expérience pour vous orienter de la façon la plus juste possible dans les démarches à entreprendre.

La Présidente (Mme Bleau): M. le ministre.

M. Lefebvre: J'aimerais, Mme Thibault... et je pense que vous devez, j'imagine, avoir un inventaire quant aux demandes qui sont adressées à la Commission qui ne reçoivent pas les réponses souhaitées. Est-ce que, selon ce que vous pouvez avoir comme renseignements, ces demandes sont surtout sur des renseignements personnels ou sur des documents administratifs publics? Est-ce que ce sont... Est-ce que vous avez un inventaire du type de demandes qui sont adressées à la Commission ou... pas à la Commission, mais à l'ensemble des différents ministères? Est-ce que c'est des renseignements personnels surtout? Des renseignements publics?

Mme Thibault (Lise): Alors, écoutez. Nous avons, dans notre mémoire, fait une réflexion sur ce que ça devrait être. Nous n'avons pas fait de consultation auprès des personnes handicapées. Ça pourrait se faire, mais, par rapport à ce qu'on a comme responsabilités puis notre présence au quotidien avec les personnes handicapées, on est en mesure de vous donner des exemples, à savoir ce que ça devrait être et aussi démontrer qu'il faut absolument que le gouvernement démontre une volonté en faisant les premiers pas et puis en se servant de la technologie acceptée. Parce qu'il y a des associations qui représentent les personnes qui vivent avec différents types de handicaps. Alors, probablement que ces association-là, en accord avec leurs membres, pourraient conseiller le gouvernement ou conseiller l'Office, qui pourrait apporter son appui au gouvernement sur ce qu'on devrait «prioriser» comme technologie pour développer les services d'aide ou d'accès à l'information.

M. Lefebvre: Quand vous dites que le gouvernement devrait faire les premiers pas: avec, évidemment, l'expertise de l'Office?

Mme Thibault (Lise): Oui.

(17 h 20)

M. Lefebvre: C'est un peu dans ce sens-là, tout à l'heure, que je vous interrogeais. Les premières interventions du gouvernement ou de ses ministères devraient, dans un premier temps, porter sur quoi, exactement? Qu'est-ce que vous suggéreriez comme premières interventions? Est-ce que ce sont les handicapés visuels, les handicapés auditifs, les handicapés intellectuels légers? Quelles seraient les premières interventions, de façon générale, au niveau des ministères, parce que, que ce soient des renseignements qu'on veuille obtenir à la Santé et aux Services sociaux ou à l'Éducation ou à la Justice, c'est, j'imagine, dans certains cas, le même genre de questions et le même genre d'handicapés qui s'adressent à ces différents ministères-là. Quelles seraient les premières interventions que vous souhaiteriez qu'on «priorise», en prenant pour acquis qu'on ne peut pas tout faire en même temps? Qu'est-ce que vous souhaiteriez qu'on «priorise», et quels sont les ministères, selon vous, là, les plus interpellés?

Mme Thibault (Lise): D'abord, Mme la Présidente, M. le ministre, vous avez une question à laquelle je vais vous donner une réponse qui semble simpliste, mais qui est bien plus profonde que ça. Quand vous posez la question, à savoir quel type de clientèle devrait être «priorisée», si vous aviez un enfant de quatre ans, si vous aviez un adolescent de 12 ou 15 ans, si vous aviez un jeune adulte qui vivait avec tous les types de handicaps, que ce soit la surdité, que ce soit un handicap visuel, que ce soit une déficience intellectuelle, que ce soit une déficience physique, pour vous, la priorité, vous ne vous la poseriez même pas. Alors, toutes les personnes qui vivent avec un handicap ou avec une limitation quotidienne au point d'être appelées personnes handicapées ont toutes des besoins. Et, pour elles, leur besoin est prioritaire. Mais je vais vous dire que je souhaite fortement que tous les ministères, en 1994, reconnaissent les frais d'interprétariat comme frais réguliers, comme frais administratifs réguliers. Déjà, Santé et Services sociaux les reconnaît. Dans les coûts d'interprétariat, 34 % des coûts étaient attribués, au ministère, à des services que Santé et Services sociaux donnait. Alors, maintenant, main-d'oeuvre, Sécurité du revenu, Mme Trépanier m'a écrit la confirmation il y a deux semaines comme quoi il reconnaissait les frais d'interprétariat. Et je souhaite que votre ministère et tous les autres ministères s'engagent, et ce, d'une façon profonde, à reconnaître ces services-là comme...

Alors, ça, ça ne coûte rien au gouvernement, ça ne coûte rien. Le gouvernement va même économiser, parce que les fonctionnaires n'auront pas besoin de faire d'études de faisabilité et puis faire ces choses-là. Vous aurez tout simplement à recourir aux organismes qui, eux, peuvent vous mettre en communication avec les différents intervenants ou les différents interprètes. Alors, ça, c'est le premier pas. Alors, on règle la déficience auditive.

Si on pense aux handicaps physiques, d'abord, il y a des grands pas qui ont été faits en matière d'accessibilité. Il faut être... Nous, l'Office, on va être le chien de garde et jamais on ne laissera se reposer un gouvernement qui surseoira à son engagement du 10 000 000 $ par année pour les quatre prochaines années, de façon à ce que ses édifices soient parfaitement accessibles.

Après, il y a la déficience visuelle. La déficience visuelle, vous savez, il y a le braille, qui n'est quand même pas si dispendieux. Vous savez, il y a les appareils qui, aujourd'hui, passent du dactylo régulier au braille, qui en font la copie, si vous voulez, ce n'est pas si... Il y a l'imprimé gros caractères. Écoutez, vous êtes capable, avec votre photocopieur, d'agrandir ou de... alors, ce n'est pas la fin du monde. Il y a l'enregistrement sur cassettes. Alors, ce n'est pas... c'est le début d'un monde nouveau. Alors, ce sont ces handicaps-là.

Il faut aussi prendre en considération les personnes qui ont un handicap intellectuel, les déficients intellectuels. J'ai rencontré, il y a deux ou trois semaines, 40 jeunes handicapés intellectuels qui font partie d'un mouvement qui s'appelle personne d'abord du Québec inc., qui est né en Oregon et qui, maintenant, rayonne énormément. Ce sont des personnes qui vivent avec un handicap intellectuel, qui gèrent leur futur, qui sont accompagnées de personnes ressources, mais c'est elles qui décident. Et, à titre d'exemple, j'ai rencontré la présidente du mouvement un vendredi, à seize heures; eux se sont réunis à quatorze heures pour, ensemble, partager sur l'ordre du jour et partager sur les sujets qu'ils voulaient présenter à la présidente de l'Office. Ils ont écrit l'ordre du jour sur un babillard – eux, un procès verbal, ils ne connaissent pas ça, ils enregistrent leur rencontre et ça tient lieu de procès verbal – et, après ça, ils se sont donnés entre eux des droits de parole, et, ce mouvement-là, voyez-le bouger, voyez-le grandir au Québec.

Quand on pense à tous les gens qui vivent avec leur handicap intellectuel, eux aussi vont vouloir avoir accès et eux aussi vont vouloir prendre leur autonomie et leur envol. Pour ça, il faudra qu'il y ait des gens qui soient... et on vous faisait la proposition d'avoir des préposés à l'information capables de simplifier. Dans le langage de la fonction publique, il y a un langage qui est très, très hermétique et que le simple citoyen a peine à comprendre. Quand on passe d'un organisme à l'autre, des fois on a du mal à comprendre ce qu'on veut dire, et pourtant, c'est la même langue, qui s'appelle le français, qui est employée. Alors, il va falloir que nos fonctionnaires apprennent à avoir un langage correct, mais aussi à prendre en considération qu'il y a des personnes qui vivent avec un handicap intellectuel ou avec des limitations et qui ont besoin de... Alors, il n'y a pas de très grands coûts à ce que je vous ai proposé.

M. Lefebvre: Merci, Mme Thibault.

La Présidente (Mme Bleau): M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Gauvin: Merci, Mme la Présidente. Je pense que ma question serait de trop, parce que M. le ministre l'a posée et Mme Thibault y a très bien répondu. C'était le genre de question que j'aurais posée.

La Présidente (Mme Bleau): Alors, merci. M. le député de Pointe-aux-Trembles?

M. Bourdon: Je veux assurer Mme Thibault et l'Office que, indépendamment du côté de la Chambre où on se trouve, on est tous sensibles aux représentations que vous nous faites, et j'ai bon espoir que la Commission va obtenir les moyens juridiques et autres pour s'adapter aux personnes handicapées.

La Présidente (Mme Bleau): Merci. Mme la présidente, vous avez...

Mme Thibault (Lise): Je voudrais simplement ajouter quelque chose. Essayez, en fin de semaine, je ne vous dis pas ce soir, vous n'aurez peut-être pas le temps, mais le prochain bulletin de nouvelles, essayez de fermer le son pour voir ce que vous en retireriez, de cette émission-là. Nous sommes responsables de Radio-Québec, le gouvernement du Québec, et il faut que Radio-Québec soit un des premiers, soit à l'avant-garde pour apporter le sous-titrage aux citoyens québécois. Alors, ça fait aussi partie des réponses que vous... En tout cas, vous m'avez trop posé une belle question, M. le ministre. Je ne pouvais pas laisser passer cette occasion de juste rappeler les responsabilités aux ministères qui en sont responsables.

La Présidente (Mme Bleau): M. le ministre.

M. Lefebvre: Mme Thibault, vous aurez sûrement compris que j'ai tout fait pour que vous fassiez des commentaires que je souhaitais entendre, et c'est sans aucune hésitation que je vous ai tendu plein de perches, et je suis content des réponses que vous m'avez données. Je dois vous dire que, quand je pratiquais le droit, j'étais plus prudent lorsque j'interrogeais mes témoins. C'était volontaire, et je souhaitais que vous indiquiez où vous pensez, dans un premier temps, qu'on devrait intervenir, à court ou moyen terme, que vous indiquiez également ce qui apparaît avoir été des efforts louables au niveau du gouvernement et ce qui ne l'a pas été. C'est dans ce sens-là que je vous ai demandé, Mme Thibault, parce que je voulais que l'exercice, cet après-midi, avec vous et Me Nichols, soit comme vous, vous le souhaitiez tous les deux: positif. C'est pour ces raisons-là que j'ai insisté pour que vous «priorisiez», partant du principe qu'on ne peut pas tout faire en même temps. Mais j'ai apprécié aussi que vous reconnaissiez qu'on a fait certains efforts au ministère de la Santé, au ministère du Revenu. Soyez assurée d'une chose, c'est que j'ai pris bonne note des commentaires que vous avez faits et, autant à la Justice qu'ailleurs, je vais m'assurer que le message que vous nous avez livré aujourd'hui, Mme Thibault, sera entendu. Merci beaucoup. Merci, Me Nichols.

(17 h 30)

La Présidente (Mme Bleau): Merci, M. le ministre. Merci, Mme Thibault, M. Nichols. Nous suspendons nos travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 31)

(Reprise à 20 h 7)

Le Président (M. Messier): S'il vous plaît! On a devant nous le Centre de la communauté sourde du Montréal métropolitain, qui est représenté par M. Vachon et M. Arnaud. Nous avons deux interprètes: Mmes Giguère et Gingras. J'inviterais les intervenants à nous livrer leur message, et, après ça, il va y avoir un échange de part et d'autre, du ministre, M. Lefebvre, et de l'Opposition officielle, de M. Bourdon. On vous laisse le temps de réagir, à peu près une quinzaine de minutes, s'il vous plaît.


Centre de la communauté sourde du Montréal métropolitain (CCSMM)

M. Vachon (Jean-Yves): Bonsoir, tout le monde. C'est la première expérience que j'ai de venir ici au parlement, au Conseil législatif. Je désire vous exprimer les besoins des sourds, leur besoin d'avoir accès à l'égalité, leur besoin d'avoir des interprètes, d'avoir l'information complète, d'avoir des services adaptés.

Ça fait déjà quatre ans que je suis directeur des droits de la personne sourde, parce que les sourds ont besoin de beaucoup d'aide, et nous sentons que c'est très important.

J'ai envoyé une lettre à la Commission d'accès à l'information, mais j'ai comme l'impression qu'il n'y a pas vraiment une grosse collaboration. Je voudrais qu'on adapte d'abord les téléphones ATS pour les sourds, mais il y a toujours eu des défenses et des réponses négatives. Nous autres, nous désirons avoir une collaboration parce que nous avons besoin d'information, nous avons besoin de communication, nous avons besoin d'accès téléphonique, nous avons besoin aussi des services au palais de justice à Montréal, au palais de justice à Québec, des services téléphoniques qui seraient disponibles pour nous dans les palais de justice. On pensait que la Commission d'accès à l'information pourrait nous aider, qu'on aurait plus d'accès, et on voulait ajouter cela aux lois, dans la Commission d'accès à l'information, la loi 118, pour être plus précis, l'exercice des droits d'accès pour les personnes handicapées.

Moi-même, je suis une personne handicapée, je suis une personne sourde. J'ai essayé d'envoyer une lettre pour avoir un appui.

(20 h 10)

Moi, je voulais participer ici, ce soir, à l'Assemblée. Je vous ai envoyé une soixantaine de copies pour que vous puissiez prendre l'information de nos besoins, de nos désirs. Moi, ici, j'ai un papier jaune. C'est notre langage, notre français à nous, le français des personnes sourdes. Nous autres, ce n'est pas le français des entendants. C'est un français qu'on considère comme étant la LSQ. La LSQ, c'est la langue des sourds québécois, ce n'est pas le français des entendants.

Nous autres, on a besoin de services adaptés pour que, nous autres, on puisse comprendre le français des entendants. Pour ce faire, on a besoin d'interprètes... Les interprètes ont besoin de nous aider. Moi, j'ai de la misère à avoir accès au français des entendants, donc c'est une aide importante pour nous. Aussi, au niveau du téléphone, c'est difficile pour nous autres d'utiliser un français adéquat comme les entendants.

Je ressens que c'est très intéressant, ce soir, de pouvoir discuter avec vous au sujet de la Commission de l'accès à l'information. Nous avons quatre désirs qui sont plus essentiels pour les personnes sourdes, et on aimerait bien que vous puissiez les lire.

Droit à l'usage d'interprètes de langue de signes québécoise, LSQ, et American Sign Language, ASL, comme moyens de pallier à leur handicap.

Deuxième intérêt: Droit à l'usage des appareils téléphoniques pour les personnes sourdes, ATS, dans tous les lieux publics ou offrant des services au public ou à une clientèle spécifique.

Troisième point d'intérêt: Droit à une adaptation des services (aide pour remplir un formulaire à la personne sourde gestuelle).

Quatrième intérêt: Le droit à l'accès à de l'information sur cassette vidéo en langue de signes québécoise, LSQ, et American Sign Language, ASL.

Alors, les quatre points que nous venons de lire, ce sont les besoins fondamentaux des personnes sourdes. C'est afin que les personnes sourdes deviennent plus autonomes.

Et voilà, c'est ce que nous venons vous demander ce soir. Je vous remercie beaucoup de votre attention.

Le Président (M. Messier): Vous êtes bien gentils, M. Vachon et M. Arnaud. Nous avions la voix de Mme Gingras ou Giguère?

Mme Gingras (Lynda): Gingras.

Le Président (M. Messier): Mme Gingras, merci beaucoup. Il y a le ministre, M. Roger Lefebvre, qui va vous poser quelques questions. Merci.

M. Lefebvre: Alors, M. Vachon et M. Arnaud, je vous salue, je vous souhaite la bienvenue à la commission de la culture.

M. Vachon (Jean-Yves): Merci.

M. Lefebvre: Je salue également Mmes Gingras et Giguère. Je veux vous remercier, MM. Vachon et Arnaud, pour nous avoir soumis un document que j'ai sous les yeux, un mémoire, et aussi d'être là ce soir pour venir nous donner des explications additionnelles. J'ai ici sous les yeux, M. Vachon, la lettre que vous avez adressée à M. Comeau le 30 avril 1993. C'est de cette lettre-là que vous parliez tout à l'heure? Une lettre du 30 avril 1993?

M. Vachon (Jean-Yves): Oui, c'est bien ça.

M. Lefebvre: Vous avez eu – et je reconnais que la réponse a tardé un petit peu, là – en date du 13 août 1993, une réponse signée par Mme Mariette Dion, adjointe au président?

M. Vachon (Jean-Yves): Oui.

M. Lefebvre: Dans cette lettre-là, M. Vachon...

M. Vachon (Jean-Yves): Le 13 août 1993, c'est ça?

M. Lefebvre: Le 13 août 1993, oui.

M. Vachon (Jean-Yves): Oui.

M. Lefebvre: Dans cette lettre, où on dit: «je réponds à votre demande à l'effet que soit installé un appareil de télécommunication pour sourds à la réception de notre organisme», Mme Dion suggère, «pour toute information générale sur vos droits en matière d'accès ou de protection des renseignements personnels, d'avoir recours aux services de Communication-Québec, qui dispose d'un appareil ATS et qui offre à votre clientèle une ligne 1-800, sur tout le territoire du Québec, de même qu'un numéro local pour la région de Montréal.»

Ce que je voudrais savoir de M. Vachon, est-ce que, M. Vachon, cette réponse-là répond en partie à vos besoins, ce que mentionne Mme Dion dans sa lettre du 13 août 1993?

M. Vachon (Jean-Yves): J'ai lu la lettre que vous m'avez écrite. Mais, pour la Commission d'accès à l'information, supposons que nous avons une plainte à formuler, le bureau-chef est à Québec, il faudrait avoir un accès direct à l'information sans nécessairement passer par Communication-Québec. Lorsqu'on doit aller à Communication-Québec, souvent ils nous disent: Ce n'est pas nous, c'est au bureau de la Commission d'accès à l'information. Souvent, on n'a pas accès à l'information. Mais comment on va faire pour avoir les services? C'est ce qui est le problème présentement. Lorsqu'on veut avoir une rencontre avec le ministre des Communications du Québec pour qu'il nous donne des informations sur comment formuler une plainte contre quelque chose, on a besoin de savoir l'adresse, le numéro de téléphone, où on va aller porter cette plainte-là et aussi comment la formuler. C'est la seule information qu'on a, mais, souvent, ce n'est pas au niveau de Communication-Québec qu'on doit formuler la plainte.

J'ai déjà l'expérience d'incorporation... je voulais m'incorporer puis je ne savais pas exactement comment faire. À Communication-Québec, ils ne pouvaient pas m'informer au complet, il y a une information limitée.

M. Lefebvre: L'information est trop générale.

M. Vachon (Jean-Yves): Oui, c'est toujours général, c'est comme seulement les adresses qu'on nous donne. Les explications en détail, comment s'incorporer, on n'a pas ces informations-là, on ne sait pas comment. Il y a toujours une information très limitée. On nous dit toujours: Va contacter tel endroit, puis c'est là qu'on va nous donner les informations générales. Je contacte cet endroit-là, l'information, on n'a pas accès à cet endroit-là, on n'est pas capable de communiquer. J'ai l'impression d'avoir toujours une barrière entre moi et les autres services dont j'aurais besoin. J'essaie d'entrer dans les différents milieux, mais c'est impossible, il y a toujours une barrière.

M. Lefebvre: Est-ce que, M. Vachon, vous pourriez me dire combien il y a de personnes handicapées sourdes dans votre association pour la grande région de Montréal? Parce que, le Centre de la communauté sourde du Montréal métropolitain, c'est Montréal et la région métropolitaine de Montréal. Vous parlez au nom de combien de personnes ce soir, plus ou moins?

M. Vachon (Jean-Yves): O.K. Au Québec, il y a environ une vingtaine d'associations de personnes sourdes. Il y en a deux à Québec; à Montréal il y en a beaucoup plus étant donné que la région est beaucoup plus vaste. Le CCSMM, Centre de la communauté sourde du Montréal métropolitain, travaille plus activement au niveau politique, et d'autres associations travaillent plus au niveau loisirs. Il y a aussi une nouvelle association, l'Association des droits et intérêts des sourd(e)s du Québec. C'est très récent que c'est arrivé cette association-là. Il y a différentes associations, différents membres. En tout, à peu près, il y a environ 21 associations de personnes sourdes que je représente. Puis ça peut aussi aller en grossissant.

M. Lefebvre: Et ça représente combien de personnes, à peu près?

M. Vachon (Jean-Yves): Pour chaque association? Pour notre association, CCSMM, 350 personnes environ qui sont membres chez nous. Les autres associations ont également leurs membres, mais je ne sais pas, dans chacune, combien il y en a. Nous sommes environ 15 000 à 20 000 personnes sourdes dans la province de Québec. C'est impossible de savoir avec précision quel sourd appartient à quelle association, si c'est un malentendant ou une personne sourde gestuelle.

(20 h 20)

M. Lefebvre: Quelles sont...

M. Vachon (Jean-Yves): Des fois, il y a des gens qui pensent que c'est mieux d'utiliser «malentendant» que «sourd» parce qu'ils sentent peut-être qu'en disant le mot «sourd» il y a une certaine discrimination. Présentement, c'est un peu un conflit qui existe; on essaie de régler la situation pour définir quelle association représente des personnes sourdes, quelle autre association représente des personnes malentendantes. Mais il reste que le problème d'accès existe toujours, peu importe la personne.

Est-ce qu'il y a d'autres questions?

M. Lefebvre: Quelles sont les demandes les plus fréquentes que les membres de vos associations cherchent à obtenir des différents ministères du gouvernement du Québec? Est-ce que c'est au ministère de la Santé et des Services sociaux? Est-ce que c'est au ministère de l'Éducation? Quel genre de demandes surtout fait-on à ces ministères-là? Quelle sorte de renseignements, en général, veut-on obtenir?

M. Vachon (Jean-Yves): Il faut comprendre la situation. Les personnes sourdes sont limitées; elles ne peuvent pas vraiment téléphoner au gouvernement. Lorsque le téléphone est apparu au début, pour les entendants, ça allait bien. Nous autres, c'est en 1987 que le téléphone est apparu pour nous via le Service de relais Bell. Auparavant, on n'a jamais pu être en contact avec le gouvernement. Les sourds sont maintenant très frustrés parce qu'ils manquent de services au niveau du gouvernement; ils se sentent vraiment loin du gouvernement.

En 1993, ou en 1994, on commence à s'intéresser, on commence à se débrouiller davantage au niveau politique, on commence à connaître un peu les rouages de la politique; on essaie d'entrer en contact avec le ministère de l'Éducation. On veut que notre cause avance. Il y a plusieurs causes dont on voudrait débattre. Avant, on ne pouvait pas. Maintenant, on commence à plus se faire voir et à faire des demandes. On veut téléphoner et on veut avoir des informations. C'est la même situation pour les malentendants, qui ont besoin d'accès téléphoniques aussi. Une fois qu'on va avoir l'accès, on va pouvoir avancer.

M. Lefebvre: Est-ce que, habituellement, les membres de vos associations font... Est-ce que ça touche surtout des renseignements personnels ou si ça touche autant les renseignements d'ordre public, d'administration publique? Ou les deux?

M. Vachon (Jean-Yves): Ça peut être une réponse personnelle ou une réponse des membres. Je ne sais pas laquelle des deux vous voulez avoir. Aussi, savoir ce que mes membres veulent exactement. Le CCSMM veut avoir un accès au gouvernement afin de permettre aux personnes sourdes de pouvoir avoir des contacts personnels pour avoir accès à l'information publique et commencer à voir, au niveau politique, où on pourrait s'insérer. On a souvent des dépliants qui nous donnent des informations, mais ce n'est pas vraiment un accès à la personne, parce qu'il faudrait avoir ce document-là adapté pour la personne en langage visuel, gestuel, en LSQ. Lorsque la personne voit le message en signes, à ce moment-là, elle comprend davantage quelle information elle veut avoir. Après, elle peut avoir plus de questions elle-même à poser parce qu'elle comprend davantage le message. Je ne sais pas si je réponds adéquatement à votre question.

M. Lefebvre: Oui. Question des services que met à votre disposition le gouvernement fédéral pour ses différents ministères.

M. Vachon (Jean-Yves): C'est une très bonne question. J'ai déjà eu l'expérience de comparer le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral à ce sujet. C'est très différent, l'un et l'autre. C'est complètement différent, en fait. Pour ce qui est du gouvernement fédéral, ils obligent que tous, tous les services soient donnés avec un interprète, soient adaptés, soit par vidéo en LSQ. Tous les documents, toutes les informations, c'est incroyable. Par rapport à la Charte québécoise, il y a beaucoup de manques pour les personnes sourdes.

Moi, j'aimerais ça, peut-être, apporter plus tard des amendements à la Charte. Un employé qui pourrait travailler au gouvernement fédéral, par exemple, son patron, son employeur sait d'avance quels sont ses besoins. Ils savent quels problèmes il peut rencontrer au niveau des assurances, du chômage. Ça, toutes les informations, ils sont déjà au courant. Si je veux aller au Centre d'emploi, j'ai besoin d'un interprète. Alors, tout est accessible, au niveau fédéral. J'ai déjà analysé toutes ces situations-là. Ça fait quatre ans que je travaille et que je compare les deux niveaux de gouvernement. Quand les sourds vont voir les gouvernements, fédéral ou provincial, c'est au niveau fédéral qu'ils vont avoir beaucoup plus de services, beaucoup plus rapidement par rapport au gouvernement provincial. Des fois, on nous refuse des services. Des fois, on dit: Non, ce n'est pas accessible, le service d'interprète. Mais on a besoin de communiquer. C'est très important. On a besoin d'interprètes. On est toujours limité à ce niveau-là. Il faut toujours s'obstiner pour avoir l'accès pour les personnes sourdes. Il faut toujours s'obstiner pour avoir l'accès à l'information.

Au niveau fédéral, les gens sont toujours de bonne humeur. Ils nous accueillent toujours avec le grand sourire. C'est comme... J'ai l'impression qu'ils ont un pas d'avance sur le provincial. Au niveau provincial, c'est comme lourd, il faut toujours travailler très, très fort pour avoir quelque chose. J'ai l'impression que le gouvernement du Québec a beaucoup de choses à faire et que, moi, je suis très petit, au niveau du gouvernement. Il faut toujours que je m'obstine avec le gouvernement, puis ça dépense beaucoup d'énergie pour la personne sourde.

(20 h 30)

M. Lefebvre: Merci, M. Vachon.

Le Président (M. Messier): C'est le député de Pointe-aux-Trembles, M. Bourdon, qui va intervenir pour une quinzaine de minutes. M. Bourdon.

M. Bourdon: Alors, je veux d'abord vous souhaiter la bienvenue à l'Assemblée nationale. Ce qui est révélateur de la situation que vous vivez, d'une certaine façon, c'est que je crois bien que vous avez amené vos interprètes, parce que je ne pense pas qu'il y aurait eu les services disponibles ici pour pouvoir vous entendre. Parce que les personnes sourdes doivent faire des efforts considérables pour s'intégrer à la société et fonctionner, et ce que vous posez comme problème, dans le fond, c'est que la société, elle aussi, doit faire un effort pour s'adapter, pour comprendre les personnes. Vous avez parlé du gouvernement fédéral, qui a plus de services, et je pense que ça montre qu'il y a moyen de faire plus.

Dans le rapport de la Commission d'accès à l'information que nous étudions à cette commission, je crois que le rapport mentionne le problème que les sourds et d'autres personnes handicapées ont pour pouvoir se faire recevoir et pouvoir obtenir des services de la Commission d'accès à l'information. C'est ainsi qu'en page 60 la Commission d'accès nous dit: «La Loi sur l'accès devrait reconnaître les besoins particuliers des personnes handicapées, selon des modalités à être déterminées par le législateur.» Et, bon, vous êtes devant des législateurs.

Maintenant, j'ajoute que la solution au problème que vous vivez dans les relations avec la Commission d'accès peut être une partie de la question, mais je pense que le ministre va sans doute être d'accord avec moi, le problème est plus large et touche l'ensemble des services auxquels les personnes sourdes ou malentendantes ont droit. Et, à cet égard, je pense qu'il y a un rôle de coordination qui devrait peut-être être confié à Communication-Québec pour que les personnes qui ont ce handicap et d'autres personnes qui ont d'autres handicaps aient un moyen de communiquer avec l'appareil gouvernemental. Ce que j'en sais, c'est qu'avant que tous les ministères et organismes s'adaptent aux personnes il va sans doute couler pas mal d'eau dans le Saint-Laurent, mais il faudrait qu'un organisme ait la responsabilité de voir à recevoir, d'abord, les personnes qui ont un handicap et voir auprès des ministères et organismes quels services peuvent s'adresser à ces personnes-là.

Quant à moi, c'est une question de justice élémentaire. Les personnes qui veulent entrer en contact avec leur gouvernement doivent être capables de se faire comprendre, et, à cet égard-là, je pense que le ministre serait d'accord aussi, il y a une partie qui touche la Commission d'accès à l'information, mais il y a une partie plus large qui touche la communication des personnes sourdes avec le gouvernement, ses organismes. Je peux comprendre la frustration que vous devez éprouver, à l'occasion, de chercher à avoir des services. Parce que, moi, j'ai un handicap visuel, je ne suis pas malentendant, puis ça m'arrive au gouvernement d'être frustré quand j'essaie d'avoir une réponse à une question...

Une voix: Au salon bleu surtout.

M. Bourdon: C'est ça. Ou à un problème. Non, mais je le mettais plus général. Donc, je pense que votre venue est enrichissante pour nous parce que ça nous illustre l'état de la difficulté que vivent les personnes sourdes, qui sont des citoyens à part entière, qui doivent recevoir les services. Et, avant d'adapter tout l'appareil du gouvernement, moi, je me permets de suggérer qu'on trouve, avec Communication-Québec, un moyen de vous donner comme une porte d'entrée à l'appareil gouvernemental.

Quant à la Commission d'accès, sa proposition est précise: quant à elle, on devrait lui donner les moyens de pouvoir répondre aux personnes handicapées. Et le rapport de la Commission mentionne les personnes qui ont un handicap visuel ou auditif ou qui ont un problème de mobilité, qui ne peuvent pas marcher pour se rendre à la Commission. Mais j'ai conscience que vous avez écrit à la Commission d'accès à l'information, qui vous a fait une réponse. Ça, c'est reflété dans le rapport aussi qu'on a. Mais c'est un problème vaste.

Je n'ai pas une longue expérience de l'appareil gouvernemental, mais, si on demande à tout le monde de s'en occuper, personne va s'en occuper. Il faut trouver, je pense, un point d'entrée pour les personnes qui ont un handicap, et je pense que, logiquement, ça devrait être Communication-Québec, puisque leur fonction... et pas seulement pour vous dire où aller. Ce à quoi je pense, c'est que Communication-Québec pourrait avoir l'équipement, le service d'interprètes pour comprendre et devrait se charger des démarches auprès d'autres organismes et ministères et jouer un rôle de coordination pour amener les ministères à s'occuper, à voir. Puis je vous le répète, c'est une mauvaise blague: même quand on entend bien, on ne se fait pas toujours comprendre dans un ministère. Alors, quand on a un handicap, quand on est sourd... et les moyens technologiques existent plus qu'avant, il faut trouver les personnes, les moyens et la coordination pour que les personnes que vous représentez puissent avoir accès – puis c'est leur droit – à tous les services gouvernementaux et qu'elles soient reçues d'une façon correcte, parce que c'est une question d'égalité qu'il s'agit d'assurer.

Alors, je m'excuse, je voulais moins vous poser une question que vous exprimer la compréhension que j'ai de la question.

M. Vachon (Jean-Yves): Oui, je voudrais en profiter pour peut-être rajouter un petit peu. Suite à mon expérience de personne sourde, j'ai souvent des buts et j'ai le goût de réussir. La Commission des droits de la personne du Québec, j'ai souvent rencontré ces personnes-là avec des interprètes puis j'ai réussi à avoir différentes choses. C'est intéressant, ils m'ont respecté. J'ai essayé de faire différents contacts. Disons que c'est mon rôle, c'est mon devoir de le faire, étant représentant des personnes sourdes. J'ai fait des rencontres avec les personnes, je suis entré à différents endroits, j'ai eu des informations. J'ai comme déjà une formation comment m'y prendre avec le gouvernement, j'ai fait le tour de tout: la CSST, la CRT, la CAI, la Régie du logement, j'ai fait le tour des services. J'ai été obligé de me battre pour avoir les informations. J'ai toute l'expérience qu'il faut et j'essaie d'en donner aux personnes sourdes. Je comprends maintenant les besoins des personnes qui sont en chaise roulante, aussi, quand elles veulent avoir des rampes, et je suis très d'accord avec ça, parce qu'elles ont des besoins aussi. Les besoins des personnes handicapées... Elles ont besoin d'avoir des accès.

Mais, en ce qui concerne les personnes sourdes, par exemple, je me rappelle, auparavant, je suis allé au bureau de l'aide sociale. Je ne savais pas quelle personne je devais rencontrer, je n'avais pas d'argent, je ne savais pas trop comment m'y prendre. Il y avait un problème de communication déjà au départ. Puis c'est comme... Je n'avais pas accès à un interprète, je n'étais pas capable d'en avoir un. J'essayais de comprendre la procédure, comment m'y prendre, je voulais formuler une plainte, parce que j'avais besoin d'accès. Maintenant, ce dont j'ai entendu parler, depuis le 1er mai, finalement, ils ont accepté de payer les interprètes. C'est comme une barrière de plus qui est enlevée. Moi, je suis habitué de travailler avec le gouvernement, je suis habitué de négocier des choses, j'ai l'expérience, je sais comment faire. Moi, ça ne me dérange pas. Je vais aller rencontrer les gens puis je vais m'imposer. Je comprends que le gouvernement, il a des rôles importants, il a besoin de permettre aux gens d'avoir une communication. C'est mon travail, j'aime bien le faire, j'aime beaucoup ça, négocier avec les gens. C'est pour ça que je suis ici.

Le Président (M. Messier): M. le député de Pointe-aux-Trembles, est-ce que vous avez une autre question?

M. Bourdon: Non, ça va.

Le Président (M. Messier): Peut-être juste un petit point d'information. Vous avez fait mention tantôt, au niveau des dépliants que vous recevez... ils sont strictement écrits, là, je comprends. On a tendance à s'adapter. En tout cas, le gouvernement a tendance à s'adapter à sa clientèle. Mais vous vouliez avoir des documents sous forme de signes. C'est la première fois... Je ne veux pas créer de débat ce soir, mais il me semble que ça va à l'encontre... Je comprends, en braille pour les personnes aveugles, mais... À moins que vous nous disiez ce soir que la plupart des sourds et muets sont analphabètes... J'ai des classes à Saint-Hyacinthe, des classes spécialisées où on apprend aux jeunes sourds et muets l'alphabet et tout ça. Mais il semble que ce n'est pas vous rendre service ce soir de demander des dépliants non pas écrits, mais avec des signes.

(20 h 40)

M. Vachon (Jean-Yves): Il y a tout un historique sur les personnes sourdes. C'est un handicap invisible. On pense souvent que, pour la personne sourde, tout va bien dans sa vie, mais ce n'est pas vrai. Il y a beaucoup de frustrations, il y a beaucoup de problèmes. Ça ne va pas bien pour les personnes sourdes. C'est incroyable, la quantité d'obstacles qu'on rencontre. Il faut absolument qu'on adapte la documentation pour les personnes sourdes. Les sourds, au niveau du français, sont très faibles. C'est n'est pas comme un entendant. Nous, notre français est très bon. Souvent les entendants ont de la difficulté à apprendre le français; imaginez pour nous. C'est très difficile. C'est dommage que vous ne puissiez pas vraiment comprendre la vie des personnes sourdes, que vous ne puissiez pas vraiment vous mettre dans notre peau. Si vous pouviez le faire, vous comprendriez les difficultés, la problématique d'une vie sourde.

Tout à l'heure, vous disiez, au niveau des documents, que vous ne compreniez pas la différence entre avoir un document en langue de signes et, pour les malentendants... Les malentendants, ça veut dire quoi, dans le fond? Ça veut dire que la personne a déjà entendu, elle a déjà une structure grammaticale française et elle est devenue sourde. Au niveau de son intelligence, elle a acquis la structure grammaticale française. Pour ce qui est d'une personne sourde de naissance, où son audition est complètement fermée, elle n'a jamais entendu la structure grammaticale française... C'est très difficile de l'acquérir. C'est pour ça que les personnes sourdes ont toujours une grosse faiblesse, une grosse lacune au niveau de la grammaire française et c'est pour ça qu'il faut adapter les documents; pour que les personnes sourdes puissent vraiment comprendre. C'est vrai que, pour les personnes entendantes, le document est très clair. Pour les personnes sourdes, leur première langue, leur langue maternelle, leur langue naturelle à elles, c'est la LSQ, la langue des signes québécoise. Pour les personnes entendantes, elles ont beaucoup de difficultés à comprendre cela... Mais leur deuxième langue, c'est le français. Elles n'écoutent jamais la radio, les personnes sourdes. Elles n'entendent pas la télévision. Alors, comment peuvent-elles acquérir une structure grammaticale française adéquate et la comprendre? Si les personnes sourdes avaient un document qui était adapté, à ce moment-là, elles pourraient avoir un accès à l'information qui serait bon et elles auraient une information complète. Après ça, on peut devenir plus autonome, on peut se développer en tant que personne, en tant qu'individu. On est en 1994; il faudra penser aux deux groupes de sourds: les personnes malentendantes, qui ont déjà la structure, et les personnes sourdes, qui ne l'ont pas. Il ne faut pas renfermer les anciennes habitudes dans un tiroir et les garder là. Il faut que ça change. Il faut qu'on puisse avoir accès nous aussi.

Le Président (M. Messier): Vous êtes bien gentil. Merci beaucoup. M. le ministre, pour les mots de la conclusion.

M. Lefebvre: Merci, M. le Président. Je veux saluer M. Vachon et M. Arnaud. Vous avez eu – et ç'a été extrêmement important pour nous – l'occasion de vous exprimer. C'est pour ces raisons, pour vous permettre de bien vous exprimer, que la commission de la culture avait mis à votre disposition les deux interprètes, que je salue également et qui ont fait un travail impeccable.

Je veux vous rassurer, M. Vachon et M. Arnaud, que les commentaires que vous nous avez livrés... Comptez sur moi pour que, à mon tour, je les fasse connaître à mes collègues et aussi aux gens de la Commission d'accès à l'information, qui est représentée ici ce soir. Alors, les informations que vous nous avez livrées, les commentaires que vous nous avez faits, je suis convaincu – et je veux vous rassurer là-dessus – qu'ils n'ont pas été faits inutilement. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Messier): Merci. M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: Je voudrais vous dire que je souscris entièrement aux propos du ministre. Je ne savais pas que le ministère avait vu à vous fournir les interprètes, alors je corrige ce que j'ai dit.

Pour moi, ce soir, ça devrait être un premier pas vers l'établissement de mesures faisant que non seulement à l'Assemblée nationale, mais ailleurs, vous soyez compris, reçus et que l'appareil gouvernemental tienne compte des difficultés que vous avez à vivre. J'espère que c'est un pas vers une meilleure réceptivité aux difficultés très grandes que vous nous avez décrites.

Le Président (M. Messier): Merci, M. le député de Pointe-aux-Trembles. Je vais remercier M. Vachon et M. Arnaud et nos deux interprètes ce soir, Mmes Giguère et Gingras. Merci, bonne soirée.

Et je vais demander au Bureau d'animation et information logement du Québec métropolitain de se présenter en avant, s'il vous plaît. Merci.

Mme Gingras (Lynda): Merci beaucoup.

(Consultation)

Le Président (M. Messier): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous avons le Bureau d'animation et information logement du Québec métropolitain. Compte tenu que nous avons un vote tantôt, entre 21 h 30 et 21 h 45, on va juste raccourcir: au lieu de prendre une heure, on va prendre trois quarts d'heure. Si vous avez un exposé, environ une quinzaine de minutes au lieu de prendre les 20 minutes. Après ça, on va échanger de part et d'autre. Je vous demanderais de vous identifier, pour les fins du Journal des débats , s'il vous plaît.


Bureau d'animation et information logement du Québec métropolitain (BAIL)

Mme Dionne (Nicole): Alors, moi, je suis Nicole Dionne, coordonnatrice au Bureau d'animation et information logement. Mon collègue, il s'agit de Denis Cusson, qui est aussi coordonnateur à l'organisme.

Le Président (M. Messier): Merci beaucoup. Vous avez une quinzaine de minutes pour votre exposé.

Mme Dionne (Nicole): Oui, notre présentation est assez courte. C'est quelques commentaires que nous voulons faire. Nous vous remercions tous, d'abord, de nous avoir accueillis et permis de nous exprimer. Alors, je commence rapidement par la lecture de notre document, qui est assez court.

Nous sommes d'accord avec la presque totalité des recommandations faites par la Commission d'accès à l'information. Nous croyons que ces recommandations vont tant dans le sens de la protection des droits des individus que dans le droit à l'information du public à l'égard des gestes posés par le gouvernement et les organismes gouvernementaux.

Il y a quelques recommandations où nous irions plus loin. Ce sont les recommandations concernant les articles 30, 33, 35 et 37. Nous sommes d'accord qu'il faille protéger le processus décisionnel du gouvernement et des organismes publics. Cependant, la population a le droit d'être informée des faits et gestes, des études et rapports ayant aidé à la prise de décision. Elle a droit de savoir, non pas pour faire le bilan d'une décennie, pour la rédaction d'une biographie ou pour rédiger des livres d'histoires à ses enfants, mais bien pour juger des actes de ses élus à la fin de leur mandat. La population a droit à la meilleure information quand vient le temps de choisir ses représentants et représentantes. Ainsi, nous croyons que les délais de rétention prévus aux articles 30, 33, 35 et 37 devraient être ramenés à la date de déclenchement des élections. Ces documents devraient être disponibles aussitôt que l'Assemblée nationale est dissoute pour le déclenchement des élections. En période électorale, le gouvernement sortant fait valoir ses réalisations et justifie ses décisions. Mais que possèdent les citoyens et citoyennes pour vérifier la véracité de ces dires?

(20 h 50)

Nous croyons qu'il serait important d'apporter des modifications à certaines dispositions du Code de procédure civile. L'utilisation de la procédure d'appel par l'organisme public ou le ministère en cause peut servir de moyen pour se soustraire à une décision de la Commission. Les ministères ou organismes publics ne sont pas aux prises avec les mêmes restrictions qu'un organisme sans but lucratif pour l'utilisation des tribunaux. Les ministères et organismes publics ont, pour ainsi dire, un budget illimité pour ce qui est des frais juridiques. Ils ont un service de contentieux pour eux seuls. L'organisme sans but lucratif, toutefois, n'a aucun budget à cette fin. Obtenir un renseignement gouvernemental est gratuit au départ. Cependant, il pourra en coûter plus de 2000 $ en seuls frais d'avocat si l'organisme gouvernemental décide d'aller en appel. Cette seule perspective, un trou de plus de 1000 $ dans le budget, est un argument important qui peut entraîner le désistement d'un jugement favorable obtenu à la Commission d'accès à l'information. Si l'on veut conserver l'esprit de la loi, il faut enlever cet irritant à l'accès à la justice. Nous croyons que les règles de procédure en appel d'une décision d'un tribunal administratif doivent rester les mêmes que devant ce tribunal. Ou bien que, lorsqu'un ministère ou un organisme public va en appel, que ce dernier ait l'obligation d'assumer les frais juridiques que cela entraîne à la corporation sans but lucratif ou au citoyen.

La Commission d'accès à l'information ne fait pas de recommandations à ce sujet, mais bon nombre de demandes sont faites en invoquant l'article 16 de la loi. Un organisme public doit classer ses documents de manière à permettre le repérage. Il doit établir et tenir à jour une liste de classement indiquant l'ordre selon lequel les documents sont classés. Elle doit être suffisamment précise pour faciliter l'exercice du droit d'accès. Le droit d'accès à cette liste ne s'exerce que par consultation sur place pendant les heures habituelles de travail. Nous avons constaté qu'il est très difficile d'avoir accès à des documents publics, tels des jugements de la Régie du logement, tout simplement à cause de la façon dont ils sont classés.

Les décisions de la Régie du logement sont repérables de deux façons: le numéro de la demande, qui est fait à partir de l'ordre d'entrée de la demande au bureau, et par l'adresse du logement en cause. Cette façon de classer les décisions est bonne pour les parties en cause, mais totalement inutilisable pour le public, les juristes, les chercheurs. Comment voulez-vous trouver des décisions concernant les reprises de possession ou les fixations de loyer, par exemple, avec une telle façon de classer les décisions? La Régie du logement invoque que cette façon de procéder est conforme à ses besoins, qu'elle n'a donc pas besoin d'une classification ou de repérage différent. Il faut toutefois tenir compte que notre système judiciaire repose pour beaucoup sur la jurisprudence. Les tribunaux administratifs ou quasi judiciaires n'échappent pas à cette pratique. Comment peut-on faire cette recherche jurisprudentielle à partir de la date d'entrée de la demande ou à partir de l'adresse du logement? Étant donné que les tribunaux administratifs, dont la Régie du logement, sont des organes de la justice au Québec, étant donné que notre système juridique repose sur la jurisprudence, étant donné que les tribunaux administratifs sont créateurs de jurisprudence, étant donné que les citoyens et citoyennes doivent pouvoir bénéficier de tous les moyens juridiques disponibles pour assurer leur représentation de façon adéquate devant les tribunaux, étant donné que les décisions rendues par les tribunaux administratifs ont une utilité allant au-delà de l'intérêt des parties en cause, nous demandons que les décisions des tribunaux administratifs soient classées de façon qu'elles soient facilement repérables, en tenant compte du sujet traité. Nous demandons que la Commission d'accès à l'information ait le pouvoir d'obliger un tribunal administratif à faire un fichier afin que les décisions rendues par ce tribunal soient facilement repérables pour des fins de recherche jurisprudentielle. Merci.

Le Président (M. Messier): Merci beaucoup, Mme Dionne. Est-ce que M. Cusson a une intervention à faire?

M. Cusson (Denis): Non.

Le Président (M. Messier): Ça va aller?

Mme Dionne (Nicole): Il va répondre aux questions.

Le Président (M. Messier): Excusez-moi?

Mme Dionne (Nicole): Il va répondre aux questions.

Le Président (M. Messier): Ah! parfait, bon. On va y aller tout de go. M. le ministre.

M. Lefebvre: Merci, M. le Président. Alors, Mme Dionne et M. Cusson, je veux vous remercier, d'abord, de nous avoir soumis un mémoire qui touche, évidemment, les points qui sont propres à votre organisme particulièrement, et aussi d'être là ce soir non seulement pour l'expliciter ou en donner lecture mais également, comme vous venez de l'indiquer, Mme Dionne, de répondre à nos questions s'il y a lieu.

Je voudrais, dans un premier temps, savoir... Le Bureau d'animation et information logement du Québec métro – je pense que ça l'indique assez bien, là – le titre ou le nom de l'organisme, essentiellement, la responsabilité ou le mandat que vous vous êtes confié, c'est de donner de l'information aux locataires en général dans la région de Québec sur les droits qu'ils ont, sur les moyens qu'ils ont également, ces locataires, d'exercer leurs droits devant les tribunaux. J'aimerais, M. Cusson, si vous pouviez, dire en quoi consiste exactement l'organisme.

M. Cusson (Denis): Le BAIL est, d'abord et avant tout, une association de locataires. Son travail consiste à la défense et à la promotion du droit à un logement convenable pour tous et toutes. Ça passe donc par une information, par la diffusion d'information à caractère juridique et au soutien des locataires dans leurs démarches quand ils ont des problèmes de logement. Donc, ça peut aller vers la Régie du logement, au besoin, selon le cas, ou, par exemple, la Commission des droits de la personne, si c'est des problèmes de discrimination.

M. Lefebvre: Il y a combien de locataires dans votre... Vous venez en aide à combien de locataires, plus ou moins?

M. Cusson (Denis): Annuellement...

M. Lefebvre: À peu près?

M. Cusson (Denis): ...on rejoint, de façon directe, par le service de permanence au Bureau, environ 3000 locataires. Par des campagnes d'information, de sensibilisation, à ce moment-là le nombre est agrandi via les médias.

M. Lefebvre: Depuis quand existe l'organisme, M. Cusson?

M. Cusson (Denis): 1970.

M. Lefebvre: Est-ce que, depuis 1982 qu'existe la Loi sur l'accès et la Commission d'accès à l'information, finalement, la Commission d'accès à l'information vous est utile? Je comprends que ce n'est pas parfait, là, mais est-ce que vous avez recours à la Commission d'accès à l'information pour des renseignements, pour des interventions? Et, de façon plus globale et générale, est-ce que la loi qui a donné naissance à la Commission d'accès à l'information vous est apparue au cours des ans comme étant une amélioration à un organisme comme le vôtre?

M. Cusson (Denis): On a dû y avoir recours à une reprise, en 1992, pour avoir accès à des décisions de la Régie du logement. Par nos recherches, on a constaté qu'on n'était pas les seuls en matière de logement à avoir fait des demandes d'accès à des décisions de la Régie à la Commission d'accès à l'information. Il y a des chercheurs, des professeurs de Montréal qui ont fait des demandes. Il y a des locataires de Montréal, à titre personnel, qui ont fait des demandes. Puis il y a une association comme la nôtre, à Hull, qui a fait aussi une demande d'accès à des décisions de la Régie. Dans chacun des cas, il a fallu qu'on passe par la Commission d'accès à l'information parce que les décisions demandées, aux yeux de la Régie, n'étaient pas facilement repérables, étaient trop vagues, alors que c'étaient des demandes portant, dans notre cas par exemple, sur des décisions rendues par deux régisseurs en particulier. À Montréal, un locataire voulait avoir accès aux décisions rendues concernant son propriétaire en particulier; à Hull, c'était concernant des sujets particuliers. Et, chez les chercheurs à Montréal aussi, c'était par rapport à des sujets en particulier. Donc, comme les décisions sont, à mon sens, mal classées, ne sont pas classées de façon utilisable, il a donc fallu utiliser la Commission d'accès à l'information.

M. Lefebvre: Sauf erreur, la Régie du logement met à votre disposition un recueil de jurisprudence, je crois?

M. Cusson (Denis): Oui. Ce qui sort, quoi, quatre fois par année, tout au plus, là.

M. Lefebvre: C'est, à mon sens, ce qu'il y a de plus pertinent dans la mission que vous vous êtes donnée, ça, la jurisprudence disponible à la Régie du logement.

M. Cusson (Denis): Le hic dans ces recueils-là, c'est que la Régie du logement est un peu l'organisme qui édicte la jurisprudence, à savoir que c'est elle qui fait le tri des décisions et qui décide quelles décisions font partie de ces recueils. Ce n'est pas un organisme indépendant qui va faire le tri des décisions. Donc, la Régie du logement peut, qu'elle le veuille ou non, amener la tendance qu'elle veut bien. Et il peut se produire qu'il y ait des décisions qui peuvent demeurer cachées aux yeux du grand public, des décisions qui peuvent être momentanément minoritaires, mais dont la logique est suffisamment bonne pour peut-être devenir majoritaire quand c'est des changements de régisseurs.

M. Lefebvre: Mais est-ce que vous n'avez pas plutôt l'impression que la Régie veut mettre à la disposition du grand public, y compris des organismes comme le vôtre, une jurisprudence qui est pertinente, qui va traiter des points importants ou encore des décisions qui constituent un virage, à l'occasion, sur la jurisprudence établie antérieurement? Est-ce que ce n'est pas faire preuve de bonne foi que – que ce soit la Régie du logement ou au niveau d'autres tribunaux quasi judiciaires – de rassembler la jurisprudence, en ayant à l'esprit un peu ce que je viens de dire, à savoir mettre à la disposition de ceux et celles qui sont intéressés ce qu'il y a de pertinent?

(21 heures)

M. Cusson (Denis): Oui, on ne nie pas le bien-fondé des recueils de jurisprudence logement, sauf que, à mon sens, ce n'est pas suffisant. Il y a aussi la production de ce document-là qui est, là, maintenant, c'est quatre fois par année... L'an dernier, les recueils de 1992 ont été publiés en 1993 seulement; il y a eu une année complète de retard. Puis, quand le recueil sort, c'est sur des décisions qui vont dater déjà de quelques mois. Je dirais que notre bataille pour avoir accès aux décisions des régisseurs en 1992 s'est soldée par une entente hors cour, qui est presque un avancement par rapport à ce qui existe à l'heure actuelle, à savoir que, par cette entente-là, la Régie du logement rend publiques toutes les décisions à chaque semaine dans tous les bureaux de la Régie, ce qui est déjà un avancement. Sauf que, au niveau d'un chercheur ou d'un locataire, d'un propriétaire, même, qui voudrait préparer sa cause, ça veut dire se taper toutes les décisions pour voir: Ah! bon, celle-là traite du sujet qui m'intéresse. Ça fait que c'est peut-être 20 décisions, 30 décisions qu'il va devoir lire avant de se rendre compte que la quarantième est bonne pour lui. C'est ça qu'on veut améliorer au niveau du système.

M. Lefebvre: Mais vous reconnaîtrez que c'est un travail que votre organisme pourrait faire en collaboration avec la Régie, à savoir... Il ne vous est pas défendu d'avoir votre propre classement et inventaire de jurisprudence, M. Cusson.

M. Cusson (Denis): Ah! on aimerait bien ça que le ministère de la Justice, par son programme spécial, nous accorde une subvention pour qu'on puisse colliger cette information-là. On pourrait la rendre publique par la suite. On est bien disposé à engager une personne pour faire ce travail-là.

M. Lefebvre: Mais vous me semblez la personne toute désignée pour faire ça. Vous avez une bonne connaissance de la jurisprudence.

M. Cusson (Denis): Oui.

M. Lefebvre: Vous connaissez la loi.

M. Cusson (Denis): Je peux vous adresser une demande des données, dans ce cas-là, pour...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Cusson (Denis): Parce que, si, moi, je fais ce travail-là, il va falloir que mon organisme me remplace pour faire le travail que je fais à l'intérieur de mon organisme.

M. Lefebvre: C'est une détente, ça, vous savez, lire de la jurisprudence. C'est comme une lecture de chevet.

M. Cusson (Denis): Oui, mais ça prend du temps. C'est un temps qui est monnayable.

M. Lefebvre: Merci, M. Cusson.

Le Président (M. Messier): Merci beaucoup. Le député de Pointe-aux-Trembles, critique officiel en matière... M. le député.

M. Bourdon: D'abord, je veux vous remercier de votre mémoire et vous souligner que, pour ce qui est de l'information interne d'un gouvernement, ça va peut-être vous étonner, mais le Barreau fait la même demande que vous, avec une nuance: il demande que ça soit après cinq ans que l'information devienne disponible. Dans votre cas, vous parlez du déclenchement des brefs d'élections. Il n'y a pas de doute que ça ferait de la lecture intéressante.

Maintenant, vous parliez de la Régie du logement et, si je comprends bien, vous dites que les décisions sont rendues publiques – puis je sais que la Régie rend des dizaines de milliers de décisions chaque année. Votre demande, si je comprends bien, c'est que ça soit rendu public dans une forme qui est accessible, avec un classement qui permet de s'y retrouver sans avoir à lire toutes les décisions.

M. Cusson (Denis): Oui, dans le sens que la Régie pourrait conserver, à toutes fins pratiques, la même méthode de classement, sauf que ce qu'on demande, c'est qu'elle fasse un fichier dans lequel on puisse identifier un code qui serait, par exemple, un code x qui serait pour la reprise de possession, y pour les fixations de loyer, etc., pour faire en sorte que, par ce code d'accès là, je puisse facilement retrouver ma décision, puis, à ce moment-là, je n'ai pas besoin que la Régie mette sur une table la pile de 10 000 décisions dans chacun des bureaux. À ce moment-là, il y a comme un gain au niveau de l'espace utilisable par la Régie pour ses bureaux, puis ça facilite le travail pour tout le monde, tant pour le chercheur, qui passe moins de temps au bureau de la Régie, qu'au niveau de la Régie elle-même d'avoir à supporter un chercheur pendant moins longtemps parce qu'il va travailler plus rapidement.

Puis ce n'est pas non plus, je pense, une dépense qui va être si énorme que ça. Si on regarde les bibliothèques au Québec, qui ont des codes d'accès pour retrouver des volumes qui sont autrement plus élaborés, on peut retrouver des volumes par différentes façons, la même chose, une décision devrait être retrouvée de façon plus rapide.

M. Bourdon: Autrement dit, vous dites: Au lieu de rendre disponible une masse de papiers, de rendre disponible un index, où une personne, après avoir consulté l'index, pourrait demander qu'on lui procure telles, telles, telles ou telles décisions, qui sont, de toute manière, des jugements d'ordre public.

M. Cusson (Denis): Exact.

M. Bourdon: Ce ne sont pas des documents confidentiels. Et, la Régie, est-ce qu'elle a indiqué une volonté de classer autrement ses documents?

M. Cusson (Denis): À la Régie, il y a une ouverture depuis un certain temps, au niveau de la Régie, pour être plus transparente au niveau de son administration, ce qui nous fait plaisir. Sauf que les restrictions, évidemment, que la direction nous amène restent des restrictions au niveau monétaire, à savoir que, pour faire ce fichier-là, ça va nécessiter de nouvelles sources financières, en tout cas du nouvel argent, et, au niveau de l'argent, les budgets sont limités. Mais, considérant qu'à la Régie du logement ils ont en place un informaticien qui est à leur service, à mon sens, ce n'est pas de l'argent supplémentaire, c'est juste un nouveau travail qu'on donne à cet informaticien-là.

M. Bourdon: Je vous remercie.

Le Président (M. Messier): Ça va, M. le député de Pointe-aux-Trembles?

M. Bourdon: Oui.

Le Président (M. Messier): M. le ministre.

M. Lefebvre: M. Cusson, vous dites, à la page 2 de votre document: «Nous sommes d'accord qu'il faille protéger le processus décisionnel du gouvernement [...] Cependant la population a le droit d'être informée des faits et gestes, des études et rapports ayant aidé à la prise de décisions.» Et vous concluez que les documents devraient être disponibles dès le déclenchement des élections. J'imagine que, si vous jugez utile de savoir comment on a gouverné, vous devez également juger utile de savoir comment on aspire à gouverner. Alors, dans ce sens-là, est-ce que vous souhaiteriez également recevoir et que les documents de l'Opposition soient disponibles dès le déclenchement des élections?

M. Cusson (Denis): Bien, à mon sens, à date, les documents de l'Opposition, ce ne sont pas des documents gouvernementaux, puis, la loi, c'est concernant les documents gouvernementaux, ce sont les documents qui ont servi à la prise des décisions qui font en sorte que...

M. Lefebvre: Oui, mais, pour ça, il faudrait changer la loi, là. Tant qu'à la changer, on pourrait la changer également pour l'Opposition.

M. Bourdon: Changer de gouvernement.

M. Cusson (Denis): Si le gouvernement veut changer la loi en incluant l'Opposition, moi, je n'y verrais pas d'objection. Je veux dire... Tant qu'à rendre public ce qui a servi à la prise de décisions d'un côté comme de l'autre. Pourquoi pas?

M. Lefebvre: Alors, vous avez compris que c'est avec un questionnement un peu en boutade que je vous faisais ce commentaire-là.

M. Cusson (Denis): Que vous pointiez votre collègue d'en face.

M. Lefebvre: Alors, M. Cusson et Mme Dionne, moi, je vous remercie pour, un, le mémoire que vous nous avez soumis et également l'échange auquel vous nous avez permis d'avoir droit ce soir. C'est un point de vue qui est important. J'avais eu l'occasion de vous entendre à la commission des institutions sur le dossier de l'aide juridique et, encore ce soir, comme la dernière fois, vous étiez tous les deux très, très bien préparés. Je vous remercie.

M. Cusson (Denis): Merci.

Le Président (M. Messier): Merci, Mme Dionne et M. Cusson, et je vais ajourner les débats à demain, 10 heures.

(Fin de la séance à 21 h 8)