L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission de la culture

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission de la culture

Version finale

34e législature, 3e session
(17 mars 1994 au 17 juin 1994)

Le jeudi 12 mai 1994 - Vol. 33 N° 8

Consultation générale concernant le rapport de la Commission d'accès à l'information sur la mise en oeuvre de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Auditions (suite)


Intervenants
Mme Huguette Boucher Bacon, présidente
M. Roger Lefebvre
M. Michel Bourdon
M. Pierre Bélanger
*Mme Lorraine Guay, RRASMQ
*Mme Claudine Laurin, idem
*Mme Lyse Pinault, idem
*M. Luc Bessette, BSQ
*M. Vincent Emmell, Société Progestaccès
*M. Pierrôt Péladeau, idem
*Mme France Latreille, ACEF du Nord de Montréal
*M. Ronald O'Narey, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission
________________

Journal des débats


(Dix heures cinq minutes)

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Alors, je voudrais rappeler le mandat de la commission. Le mandat de la commission de la culture est de procéder à des auditions publiques dans le cadre de la consultation générale concernant le rapport de la Commission d'accès à l'information sur la mise en oeuvre de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. M. Dutil (Beauce-Sud) est remplacé par Mme Boucher Bacon (Bourget); M. Messier (Saint-Hyacinthe) par Mme Loiselle (Saint-Henri); et Mme Pelchat (Vachon) par M. Gauvin (Montmagny-L'Islet).

La Présidente (Mme Boucher Bacon): J'aimerais lire l'ordre du jour. En premier lieu, à 10 heures, c'est le Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec; à 11 heures, le Bureau de la statistique du Québec; à midi, la Société Progestaccès; et la suspension à 12 h 30. Est-ce qu'il y a des changements? La suspension est à 13 h 30. À 16 heures, il y a l'Association coopérative d'économie familiale du Nord de Montréal; à 17 heures, M. Stéphane Côté; à 17 h 30, Murielle Lavigueur; et, à 18 heures, l'ajournement. Est-ce que l'ordre du jour est adopté?

Une voix: Adopté.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Merci. Alors, j'aimerais inviter le premier groupe à se faire entendre, c'est-à-dire le Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec. Si vous voulez prendre place, s'il vous plaît.

Alors, j'inviterais les gens qui représentent le Regroupement à se présenter, s'il vous plaît.


Auditions (suite)


Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec (RRASMQ)

Mme Guay (Lorraine): Alors, mon nom est Lorraine Guay. Je suis coordonnatrice du Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec.

Mme L aurin (Claudine): Je suis Claudine Laurin, coordonnatrice de l'Association des groupes d'intervention en défense de droits – Santé mentale du Québec.

Mme Pinault (Lyse): Lyse Pinault, directrice générale, Coalition des organismes communautaires québécois de lutte contre le sida.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Est-ce que je pourrais savoir qui va présenter, s'il vous plaît?

Mme Guay (Lorraine): Je vais commencer et, ensuite, nous allons nous partager la communication.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): D'accord. Alors, j'aimerais simplement vous faire valoir la formule du temps. C'est la formule 20-20-20. Alors, vous présentez pendant 20 minutes; M. le ministre, 20 minutes; et l'Opposition officielle, 20 minutes. Ça va?

Mme Guay (Lorraine): Parfait.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Alors, vous pouvez commencer. Merci.

Mme Guay (Lorraine): Alors, tout d'abord, je voudrais, d'entrée de jeu, signifier que nous ne sommes pas des experts en informatique. Nous représentons plutôt les gens qui sont fichés, c'est-à-dire ceux avec qui nous travaillons, ceux qui constituent les jeunes, les femmes, les personnes qui ont des problèmes de santé mentale, les gens qui ont des problèmes de sida. Donc, ce sont les clientèles, entre guillemets, celles avec qui nous travaillons. Aussi, je pense qu'il faut le dire, ce sont les gens qui représentent parmi les populations les plus démunies au sein de la société québécoise et, bizarrement, les gens les plus fichés à l'heure actuelle. Donc, on n'est pas des experts. On représente... On est des experts, je dirais, des abus éventuels, possibles et certains des systèmes d'informatisation. C'est de ce point de vue là que nous parlons.

Qui représentons-nous aussi? Je pense que c'est important de le dire. On est trois ici, mais vous avez, dans notre lettre-mémoire, une vingtaine d'organisations, de regroupements provinciaux d'organismes communautaires qui représentent tous, chacun, quelques centaines de groupes membres, de groupes locaux, que ce soient les personnes âgées, que ce soient les jeunes, que ce soient les femmes, que ce soient les gens qui travaillent en santé mentale et, aussi, un syndicat, la Centrale des enseignants du Québec. Donc, ce ne sont pas seulement trois personnes qui sont ici, mais l'ensemble de ces populations-là.

(10 h 10)

Deuxième point, on voudrait vous dire, dans le fond, qu'on ne partage pas, à l'heure actuelle, le bilan extrêmement positif ou nettement positif que fait la Commission d'accès à l'information du volet «protection des renseignements personnels». L'autre volet, «accès aux documents et aux organismes publics», ce n'est pas cet aspect-là que nous avons travaillé, c'est le second. Donc, on ne partage pas ce bilan positif et, nous, on suggère un virage radical concernant la législation qui encadre l'accès à l'information. Nous allons vous dire pourquoi.

Premièrement, on voudrait attirer votre attention sur le fait que, en tant que personnes fichées, on constate, comme plusieurs dans notre société, qu'il y a une véritable boulimie de cueillette d'information sur les gens, et ça, ça nous inquiète au plus haut point. On voudrait, dans deux secteurs particuliers, attirer votre attention; sur la santé mentale, à partir de systèmes d'information-clientèle, qui sont en train de se mettre en place à un rythme fulgurant et qui touchent des secteurs névralgiques et sensibles de la population: jeunes en difficulté, sidatiques et personnes en santé mentale. On va essayer de vous illustrer à quel point ces systèmes d'information-clientèle là vont avoir un impact sur la vie des gens, vont avoir un impact aussi sur la qualité des interventions, sur le type d'intervention professionnelle qui va être fait, et, ensuite de ça, on reviendra sur des considérations plus générales qui vont fonder nos recommandations.

Alors, au niveau des systèmes d'informatisation-clientèle, Mme Laurin va vous parler du système d'informatisation-clientèle en santé mentale, qui s'appelle le SICSM.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Mme Laurin.

Mme Laurin (Claudine): Oui. Au niveau du SICSM, en fait, c'est tout un système intégré de cueillette de données en santé mentale. Ça va partir du diagnostic, et, en même temps, ça doit tenir compte de un à trois facteurs maximum, des facteurs prédisposant la personne à avoir des problèmes de santé mentale. Donc, on peut parler d'agressivité, on peut parler de la violence conjugale, on peut parler des problèmes de couple, on peut parler de la pauvreté. Ça ne va tenir compte que de un à trois facteurs. Ce qui signifie que ça va ficher une personne dans une donnée centrale à partir d'un portrait qui ne tiendra pas compte du contexte mais plus d'un facteur. Donc, ce n'est pas contextualisé, l'agressivité. Quand on voit, déjà, dans la population, comment l'agressivité et la santé mentale sont mêlées, ça va être de plus en plus dangereux pour la personne en santé mentale d'être embarquée dans un système comme celui-là.

En plus, le SICSM repose aussi sur le diagnostic. On sait très bien que le diagnostic en santé mentale est quelque chose d'assez flou, qui a beaucoup de difficulté à être précis. On voit beaucoup de gens, en santé mentale, avec cinq à six diagnostics différents au cours de leur vie. Là, ils vont être pris avec un diagnostic parce que, en étant centralisé, la position d'un autre expert ou d'un médecin qui modifierait un diagnostic d'un de ses premiers confrères, dans un fichier central, ça serait quasi impossible à penser. Donc, tous les services vont être enclenchés vers un diagnostic qui n'est pas du tout, n'est pas du tout, présentement, à l'heure où on se parle, sécure et vraiment scientifique, entre parenthèses, puisqu'on en rencontre qui, dans leur vie... Je prends un hôpital où des nouveaux médecins sont arrivés. La plupart de ceux qui étaient diagnostiqués schizophrènes se sont retrouvés avec un autre diagnostic. C'est monnaie courante d'avoir deux à trois étiquettes quand on pense en termes de santé mentale.

Ça fait que la contre-expertise va être de plus en plus difficile, alors qu'elle l'est déjà. On enferme la personne dans une vision, et même si elle change de coin de pays, elle va se promener avec les données marquées là-dedans sur son agressivité, sur la pauvreté. Et ça va aussi amener le réseau communautaire, qui est un réseau informel présentement, où les usagers, justement, vont chercher entre eux les réseaux d'entraide et tout... Ils se bâtissent un réseau informel qui a autant de succès, sinon plus que le réseau institutionnel. Bien, ça, ça peut tout tuer le réseau informel ou amener la personne, justement... Parce que le réseau informel va boycotter, c'est évident, ces réseaux-là. Donc, ça rend même inopérant le SICSM.

Présentement, le dossier unique a créé beaucoup de problèmes à la clientèle de santé mentale. Quand elle s'en va dans un centre hospitalier, elle ne se fait plus traiter pour un problème de santé physique sans passer par la santé mentale. Donc, c'est évident que le dossier unique ayant créé ça, un système d'information de données va même amoindrir toute la qualité des services que l'usager va recevoir. C'est très clair qu'on ne peut souscrire à un tel projet, qui enferme la personne dans une définition définie avec un pattern d'intervention face à elle. Elle n'a plus sa relation de confiance avec l'intervenant. Il n'y aura plus d'essai qui va se faire. On va partir avec un pattern d'intervention qui risque effectivement d'arriver à l'échec. Mais, pour le sida, Lyse va vous entretenir.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Alors, j'invite Mme Pinault.

Mme Pinault (Lyse): Le VIH et le sida sont encore... est encore une problématique très ostracisée. En 1994, un diagnostic de sida connu peut encore nous amener à perdre un emploi, à perdre un logement, à perdre son environnement. On a parlé, au ministère, de faire une déclaration obligatoire des personnes ayant passé un test de VIH qui s'est avéré positif. L'Ontario a fait cette expérience-là. Ce qu'on a pu constater, c'est que les Ontariens venaient se faire tester au Québec. On ne peut toujours pas encore, en 1994, même donner les adresses des organismes communautaires qui hébergent les personnes séropositives. Elles sont obligées de se cacher pour protéger les familles, pour se protéger elles-mêmes. Alors, une divulgation du test de séropositivité serait une catastrophe. Les systèmes d'information, qu'on a beau dire très sécuritaires, je pense qu'ils ne le sont pas encore. Et on voit aussi beaucoup, dans notre clientèle, un refus de travailler avec le réseau, d'aller dans les CLSC, d'aller dans les ressources officielles, jusqu'au moment où on est dans une phase terminale et on ne peut plus éviter l'hôpital, de façon à ne pas être connu ou reconnu.

J'étais à Rimouski il y a deux semaines. L'hôpital de Rimouski a très peu de tests de dépistage du sida. Les gens vont dans d'autres villes. Les gens vont à Québec ou à Montréal de façon à ne pas être reconnus. Les garderies, on a vu un peu ce que la divulgation de séropositivité pouvait avoir comme effet, je pense qu'on l'a vécu cet hiver d'une façon suffisamment chaude pour faire ce constat-là.

Alors, la Coalition des organismes communautaires et ses groupements, au nom des personnes vivant avec le VIH-sida, s'opposent à la divulgation du test de séropositivité. Nous prônons encore des tests anonymes pour des raisons de vie immédiate et aussi pour toutes les personnes qui n'ont pas nécessairement un résultat séropositif, mais qui, après, vont vouloir avoir des assurances-vie, pour lesquelles il faut répondre: Oui, j'ai déjà passé un test, et pour qui ça va rendre ça difficile. Ça peut être la même chose chez un employeur. On constate, surtout en assurance-vie, qu'une personne qui va déclarer qu'elle a déjà passé des tests va être automatiquement retestée par la compagnie. Il y a des compagnies d'assurance-vie qui, lorsqu'elles font un prêt, une assurance sur un prêt à des conjoints de même sexe, vont automatiquement, quel que soit le montant, faire passer des tests de séropositivité.

Alors, ça vous donne un petit exemple de l'importance que des résultats comme ça, s'ils étaient fichés quelque part, pourraient prendre pour l'industrie de l'assurance-vie. On en connaît l'importance économique, le pouvoir de lobby, etc. C'est les principaux facteurs qui nous font refuser la déclaration des résultats des tests de séropositivité, ou de séronégativité, même.

Il y a aussi ce qu'on voit dans les systèmes informatisés des affaires sociales, un profil, on voit se dessiner une espèce de profil d'intervention, les documents le disent, je pense. On voudrait voir créé un profil d'intervention de façon à rendre les choses efficientes et économiquement rentables. Pour nous, c'est un danger, en termes de santé physique, et ça l'est aussi, je pense, en termes de santé mentale. Qu'on en vienne à dessiner un profil d'intervention, ça veut dire que la médecine ou les intervenants à tous les niveaux du système social auront à se conformer à un plan d'intervention, ce qui va laisser la clientèle prise avec juste un système. On voit juste un médecin, il y a juste un plan d'intervention possible, etc.

On voit actuellement des cas de cancer où les gens vont faire plusieurs consultations, vont prendre plusieurs opinions. On le voit très fréquemment et presque tout le temps dans tous les cas de personnes séropositives, qui vont avoir à consulter parce qu'ils ont une vision des choses ou qu'ils aiment mieux la façon de travailler d'un médecin par rapport à un autre. Cette liberté-là, ils ne l'auront plus.

Et, pour nous, c'est très dangereux. C'est dangereux, parce qu'on pense aussi que ça peut empêcher de faire évoluer la médecine vis-à-vis des problématiques comme la nôtre, qui sont importantes. Je pense que ce qu'on demande, ce qui justifierait ou ce qui tente de justifier une déclaration de séropositivité, c'est le système d'épidémiologie. On s'imagine que, par là, en connaissant exactement les chiffres des personnes séropositives, on va pouvoir contrôler quelque chose. On ne contrôlera rien du tout. On sait qu'on a un taux d'erreur de 15 %, 15 % de plus, 15 % de moins. L'objectif, là, c'est de faire la promotion de la santé, c'est de faire de la prévention, et quel que soit le chiffre, le nombre de personnes séropositives au Québec ou au Canada, la prévention doit être là partout. Et, la déclaration... Et, que les épidémiologistes et les statisticiens puissent avoir des chiffres exacts, on n'y attache aucune espèce d'importance.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Alors, Mme Guay, si vous voulez poursuivre.

(10 h 20)

Mme Guay (Lorraine): Dans le fond, ces deux exemples-là, et on aurait évidemment pu continuer longtemps avec des exemples encore très, très, très précis à ce niveau-là, ça montre que les premières personnes concernées, celles dont il est question ici, n'ont absolument aucun impact, aucun pouvoir sur la mise en oeuvre, à l'heure actuelle, de ces systèmes d'informatisation-clientèle.

Et, bien plus, dans le mémoire même de la Commission d'accès à l'information, on reconnaît que la notion de consentement de la personne concernée est actuellement détournée. L'article 68.1 permet la communication de renseignements sans le consentement de la personne, en les soumettant à la Commission évidemment, lorsque l'application d'une loi au Québec implique la comparaison, le couplage et l'appariement de deux fichiers. Or, la Commission nous dit elle-même que, à l'heure actuelle, ça, c'est interprété de mille et une façons et que ça exclut en particulier le phénomène des communications via la mise en réseau de fichiers informatisés. Alors, ça, nous, on est extrêmement critiques par rapport à ça. Le consentement des personnes concernées est absolument exclu de l'ensemble de ces systèmes-là.

Troisièmement, on nous promet une sécurité à toute épreuve de ces systèmes informatisés. Or, dans le mémoire de Mme Carole Wallace, que nous appuyons – en fait, notre mémoire est une lettre d'appui au sien – il est démontré qu'il y a plutôt une insécurité chronique de ces systèmes-là. Et, ça, la population est de plus en plus au courant de ce genre de failles, de faillite, de brèches, de trous, de panier percé, comme l'appelle Michel Venne dans le livre qu'il vient de sortir. Or, nous, on pense que, à ce niveau-là, la Commission d'accès à l'information n'est pas suffisamment critique et que ce n'est pas seulement en respectant des normes sécuritaires ou les règles de l'art qu'on va faire face à ce problème-là.

Quatrièmement, on trouve que les balises sont nettement trop fragiles. Il y a deux notions qui sont invoquées par la Commission d'accès à l'information, dans la loi, qui permettent de recueillir des informations: Si c'est nécessaire, on va en recueillir, et si c'est efficace, on va en recueillir. Or, nous, à l'heure actuelle, ce qu'on dit, c'est qu'on est passé à côté de la première question, la question primordiale: Est-ce qu'on a besoin de tous ces systèmes-là? Avant de se poser la question: Comment on va aller les recueillir? Il faut se poser la première: Est-ce qu'on en a véritablement besoin? Et il n'y a pas de lieu au Québec, à l'heure actuelle, où on peut se poser cette question-là.

Alors, nous, on voudrait que ça soit: Pourquoi? Parce que la notion de nécessité même, tout fait en sorte que, à l'heure actuelle, elle nous apparaît dépassée, insuffisante et, à la limite, parfaitement arbitraire, dans un contexte où l'évolution rapide de l'informatique modifie la teneur même de cette notion de nécessité. Et, pour nous, la politique de santé et bien-être, c'est ce dans quoi on travaille dans l'ensemble des problèmes sociaux et de santé au Québec. La politique elle-même de santé et bien-être confirme que les systèmes d'information-clientèle sont absolument nécessaires à l'atteinte de ces objectifs. Alors, à partir d'une affirmation comme celle-là, si un gouvernement dit: On a besoin de systèmes d'informatisation-clientèle pour remplir nos objectifs de santé et de bien-être, bien, la notion de nécessité vient là de prendre toute sa signification, et les gens concernés, encore une fois, n'ont absolument aucun recours par rapport à ça.

La notion d'efficacité aussi. Nous, on dit: En quoi l'informatisation du système, à l'heure actuelle, va améliorer la qualité des soins? En quoi ça va être si efficace que ça? En quoi ça va répondre à l'ensemble des critiques sévères qu'a faites le mouvement communautaire au système de santé et des services sociaux, par exemple le sexisme des approches, l'institutionnalisation à outrance qui infantilise le monde, la surspécialisation, la surmédicalisation des processus de vie des femmes? En quoi ça va vraiment améliorer les affaires?

Nous, on a plutôt des preuves qu'il y a des effets pervers. La même chose qu'au niveau de l'industrie des médicaments, l'industrie pharmaceutique, l'industrie des technologies médicales; l'industrie informatique, à l'heure actuelle, est en train d'introduire des effets pervers. On vous donne un petit exemple dans notre mémoire. On a voulu informatiser un département de psychiatrie. Or, on s'est aperçu que loin, mais loin d'améliorer la situation des gens soi-disant malades, on a au contraire diminué le temps nécessaire pour être en relation avec les gens, parce qu'on pitonnait pendant ce temps-là, et que ça a amené énormément de frustration de la part des patients et de la part du personnel, ce qui a créé, effectivement, une inefficacité du système, du point de vue des patients eux-mêmes.

Or, prendre pour acquis que l'informatisation de tous les secteurs clientèle va améliorer automatiquement la qualité de la relation, la qualité des soins, c'est se faire illusion. Ça comporte au contraire des dangers immenses au niveau... On est dans le domaine du social, on est dans le domaine de la relation. Ce n'est pas des objets, ce n'est pas des matières inertes avec lesquelles on travaille. Or, il y a, encore une fois, des effets pervers à ce niveau-là.

Finalement, on trouve qu'on fait très peu de cas de l'impact du lobby, de la force avec laquelle, à l'heure actuelle, l'industrie technologique de l'informatique fait ses pressions sur le gouvernement. Bizarrement, c'est un des seuls secteurs qui n'a pas subi de grandes coupures. Au contraire, il y a une augmentation importante.

C'est aussi le seul secteur où on ne s'interroge pas beaucoup sur les coûts de ça. À Robert-Giffard, par exemple, pour mettre en place l'ensemble du système... Robert-Giffard, un hôpital psychiatrique qui, en principe, devrait disparaître. Les hôpitaux psychiatriques, c'est des institutions du Moyen Âge, ça ne devrait plus exister dans une société. Or, ça a coûté 2 000 000 $ et quelques pour mettre en place l'ensemble du système d'informatisation de cet hôpital-là, dont le SICSM, un de ceux-là, ça va coûter 500 000 $ par année pour le maintenir, puis, au bout de 10 ans, il va falloir le renouveler, à part ça. Pendant ce temps-là, on coupe les postes et on coupe des services aux gens.

Alors, tout ça mis ensemble – je pense qu'on approche la limite de notre temps – fait en sorte que, premièrement, de façon immédiate, nous, on demande un moratoire sur l'implantation des systèmes clientèle. Tant qu'il n'y aura pas de moratoire, on va être placé devant des faits accomplis, et ça, on refuse, comme citoyens et citoyennes, d'être placés devant des faits accomplis. Alors, on demande un moratoire et on demande une nouvelle législation qui va permettre l'évaluation sociale, politique, économique des systèmes d'information avant qu'ils soient implantés, parce que, une fois qu'ils sont implantés, on ne peut plus faire grand-chose par rapport à ça. Et on demande aussi une législation qui va rendre obligatoire la tenue d'audiences publiques, un peu comme le CRTC, un peu comme le BAPE, etc. Si, pour bâtir un bout de route, on peut faire des audiences publiques pour savoir quel est l'impact sur l'environnement, on pense qu'une autoroute électronique devrait avoir infiniment plus accès à des audiences publiques, à ce niveau-là.

Donc, je vais terminer là-dessus. Ce sont les trois demandes qu'on a à l'heure actuelle.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Je vous remercie beaucoup, Mme Guay. Pour les besoins de l'enregistrement, vous êtes bien rentrée dans votre temps. J'aimerais simplement que vous puissiez lire les organismes qui ont cosigné avec vous, s'il vous plaît, et je donnerai la parole après à M. le ministre. Merci.

Mme Guay (Lorraine): Alors, l'Association des groupes d'intervention en défense de droits en santé mentale, l'AGIDD; l'Association québécoise pour la défense des droits des personnes retraitées et préretraitées, l'AQDR; l'Association des ressources intervenant auprès des hommes violents, l'ARIHV; l'Association québécoise de suicidologie; la Centrale des enseignants et enseignantes du Québec; la Coalition des organismes communautaires québécois de lutte contre le sida; la Fédération des ressources d'hébergement pour les femmes violentées et en difficulté du Québec; L'R des centres de femmes du Québec; le Mouvement d'éducation populaire et d'action communautaire du Québec; le Regroupement des maisons d'hébergement-jeunesse du Québec; le Regroupement des centres de santé des femmes du Québec; le Regroupement des organismes orienteurs du Québec; le Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec; le Regroupement provincial des maisons d'hébergement et de transition pour femmes victimes de violence conjugale. À cela, il faut ajouter les CALACS, les centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel, et les maisons de jeunes du Québec.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Je vous remercie beaucoup. Alors, M. le ministre, la parole est à vous.

M. Lefebvre: Merci, Mme la Présidente. Mmes Guay, Pinault et Laurin, je vous salue et je vous remercie d'être présentes ce matin devant la commission de la culture, qui traite d'un sujet extrêmement important. Vous en êtes évidemment très, très conscientes, parce que vous nous avez soumis un mémoire qui est un questionnement très, très légitime et qui sera aussi utile, j'en suis convaincu, à la réflexion que les membres de la commission parlementaire devront s'imposer après la tenue de ces audiences publiques. Vous savez que la Loi sur l'accès à l'information nous oblige, à tous les cinq ans... De façon générale, je pense qu'on peut résumer l'exercice auquel on s'est livrés depuis hier: c'est de réévaluer, s'il y a lieu, d'actualiser la loi et, conséquemment, l'action de la Commission d'accès à l'information. C'est pour ces raisons-là qu'on a invité les intervenants du Québec à nous soumettre des suggestions ou des commentaires, et c'est ce que vous faites dans votre mémoire et également ce matin.

Mme Pinault, vous avez dit tout à l'heure que le système de dossier unique... Si j'ai bien compris, vous êtes inquiète et vous considérez que ce système pourrait causer des problèmes aux patients, là. J'aimerais que vous me donniez un peu plus de précisions et que vous commentiez un peu plus cette avancée que vous avez faite tout à l'heure.

(10 h 30)

Mme Pinault (Lyse): Je parlais d'un profil de traitement unique. Quand on regarde un peu la documentation qui nous arrive du ministère ou d'ailleurs, on pense que, au bout de la ligne, l'objectif serait de pouvoir, finalement, tracer un profil d'intervention pour des types de maladies ou des types de problématiques. Ça existe déjà, ce type de profil là. Les compagnies d'assurances l'utilisent pour accepter ou refuser un temps d'arrêt de travail à des assurés qui ont eu une opération pour une affaire ou pour une autre. On dit: C'est six semaines dans un cas comme ça, puis, si le médecin dit huit, nous, c'est six. Les deux autres, vous les vivrez sur votre bras.

Quand je parle d'intervention au niveau de la problématique sida – je parle juste sida, mes collègues pourraient parler d'autre chose – c'est une problématique qui est jeune et qui, nous l'espérons d'ailleurs, ne vieillira jamais, c'est-à-dire qu'elle s'éteigne avant de vieillir. C'est une problématique où les médecins apprennent chaque jour en travaillant avec des patients. Chaque jour, il arrive de nouveaux médicaments, il arrive de nouveaux traitements. Il y a des façons différentes d'appliquer les traitements. Alors, d'un médecin à l'autre, on va faire des essais, parce que toute notre clientèle, ce sont des cobayes actuellement. On fait des essais. On essaie un médicament avec un autre, et puis ensuite avec un autre, et ensuite avec un autre. Il n'y a donc pas de profil qu'on voudrait voir créé, parce que c'est ces essais-là qui, parfois, font évoluer d'un petit «step» la problématique et qui peuvent amener – pas une guérison, puisqu'on sait qu'il n'y a pas de traitement de guérison – un peu plus de confort dans une dernière partie de vie ou peut-être allonger cette partie de vie là. Et, moi, je vois un danger. Je le vois de ma problématique parce que je travaille depuis un certain nombre d'années dans celle-là. Je ne connais pas suffisamment la santé mentale, mais, bon, on a tous un certain nombre de personnes dans notre environnement qui ont eu un cancer et qui nous parlent des traitements qu'elles ont eu à subir, des choix qu'elles ont faits comme patients d'aller vers un type de traitement ou un autre type de traitement.

Alors, le profil, pour moi, d'intervention qu'on pourrait en venir à dessiner et dans lequel on pourrait cadrer un intervenant est dangereux, dangereux pour l'évolution de la médecine et dangereux parce qu'on en ferait deux médecines: il y aurait la médecine où je n'aurais pas les moyens d'avoir un autre médecin, où je travaille uniquement avec le réseau et j'accepte de rentrer dans un profil donné et il y a celle de la personne qui a de l'argent pour se payer un médecin qui va essayer d'autres profils à condition qu'on le paie. Alors, avec un système comme ça, moi, je pense qu'on va vers deux médecines: celle des pauvres et celle des riches.

Mme Laurin (Claudine): J'aimerais ajouter... C'est plutôt moi, monsieur, qui avais aussi parlé...

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Mme Laurin.

Mme Laurin (Claudine): ...du dossier unique en santé mentale, en disant qu'il y avait un danger, parce que, dans un premier temps, le dossier unique... Avant, on avait deux dossiers en santé: un pour la santé physique, un pour la santé, services sociaux, soit psychologique ou santé mentale. Dans les années qui sont venues, on n'en a fait qu'un unique. L'enquête Santé Québec a révélé que les gens en moins bonne santé physique sont les gens, curieusement, qui ont passé par les services de psychiatrie, dont les gens hospitalisés même en psychiatrie, qui sont hospitalisés à même les murs d'un centre hospitalier. Il est évident que, maintenant qu'il y a un dossier unique et qu'ils se présentent en CLSC et qu'on voit qu'ils ont été traités pour un problème, que je n'aime pas étiqueter «schizophrène», mais qui, malheureusement, est le langage commun, il est évident – et, ça, on a eu de multiples exemples – que la personne qui se présente pour un mal de tête est interprétée automatiquement par sa maladie mentale et n'est pas traitée.

J'ai eu moi-même à faire hospitaliser des gens parce qu'ils souffraient d'une gastro-entérite sévère et que ça faisait trois fois qu'ils étaient retournés à la maison. Ça fait que c'est sûr que, si c'est le dossier unique qui a créé ça en santé mentale, il est évident qu'un système centralisé, informatisé de toutes les données risque de faire encore plus de catastrophes.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): M. le ministre.

M. Lefebvre: Vous suggérez dans votre mémoire... En partant du commentaire qui apparaît à la page 12 de votre mémoire, en fait, vous interprétez une opinion de M. Péladeau qui a paru dans un document intitulé «Informatique, libertés, démocratie...», etc., et je vais en lire un court extrait, là, pour bien situer votre propre commentaire, là. Alors, M. Péladeau dit ceci: «Pour protéger efficacement notre vie privée, nous devons revendiquer une plus grande démocratisation de la société. Les technologies de l'information pourraient être des outils pour augmenter le pouvoir dont disposent les citoyens et citoyennes pour décider de leur vie tout autant que de leur environnement social et physique. Mais ces mêmes technologies augmentent aussi la capacité de l'État, de l'entreprise et des autres organisations hiérarchiques de contrôler et de réduire les autonomies individuelles et collectives. La démocratisation se révèle comme le seul moyen efficace de les préserver et d'infléchir la révolution de l'information dans une direction socialement acceptable.»

Si j'essayais d'interpréter un peu M. Péladeau – mais on aura l'occasion de lui faire préciser peut-être les commentaires ou de lui demander de faire des commentaires additionnels – ce que je comprends de l'opinion dont je viens de vous donner lecture, c'est que l'informatique, toute cette haute technologie de la communication ou de la protection des renseignements ou de la cueillette des données, qu'est-ce que vous voulez, c'est incontournable. On devra, comme société québécoise, comme un petit peu partout dans le monde, vivre avec ces nouvelles technologies modernes dans le monde de l'information. Le commentaire que vous faites, c'est le suivant: «Nous sommes...» Et remarquez bien que je respecte ce que vous dites dans votre mémoire, là: «Or, nous sommes de plus en plus placés devant des faits accomplis...» Alors, indirectement ou de façon un peu différente, vous semblez admettre que nous sommes confrontés à cette situation. Si je vous traduis mal, vous me corrigerez: «...ce contre quoi nous nous insurgeons. D'où nos demandes de moratoire...» Alors, j'aimerais... Je ne sais pas si c'est Mme Laurin, là, ou Mme Guay qui peut commenter cette partie-là, qui est importante dans votre mémoire.

Mme Guay (Lorraine): Oui.

M. Lefebvre: Parce que vous dites: C'est un fait accompli. Donc, je le traduis en disant, moi, que vous semblez être d'accord pour dire: On doit composer avec ça. C'est incontournable, inévitable, et, en même temps, vous nous demandez un moratoire sur les systèmes d'informatisation-clientèle. Est-ce que, autrement dit, il n'y a pas une contradiction entre ce que vous semblez considérer comme étant un fait accompli, donc incontournable, inévitable et, en même temps, vous nous demandez un moratoire plutôt qu'un ajustement à la situation? Je voudrais vous entendre là-dessus, Mme Guay.

Mme Guay (Lorraine): Oui, ce qu'on dit: On est devant un fait accompli. On ne dit pas que, ça, c'est correct, d'être devant un fait accompli.

M. Lefebvre: Non, non, je comprends, madame.

Mme Guay (Lorraine): Et c'est... Si vous dites... Si l'informatisation est incontournable, la démocratie est aussi incontournable, et encore plus que l'informatisation.

M. Lefebvre: Absolument. Ça, je suis d'accord avec vous.

Mme Guay (Lorraine): Et on dit d'ailleurs dans notre... On n'est pas contre l'informatisation en soi, c'est... bon, c'est être contre les médicaments ou contre un certain nombre de nouvelles techniques qui arrivent dans notre société, qui sont un progrès social, mais ce qu'on dit, c'est que, à l'heure actuelle, qui s'arroge le pouvoir de mettre en place ce système-là sans, je dirais, en parler à personne? C'est ça, le SICSM, là, la façon dont il est mis en place à l'heure actuelle, comité aviseur, etc., quelques fonctionnaires, et vlan! les gens concernés sont placés devant cette situation-là. On nous dit d'avance: Voilà, c'est de cette façon-là que la technologie informatique va être implantée, avec les objectifs en question. Ce qu'on dit, nous, c'est que, avant de faire ça, pourquoi est-ce qu'on ne donnerait pas l'occasion à la population, aux promoteurs, aux gens impliqués, aux clientèles visées de s'asseoir ici même autour d'une table et de discuter: avant même qu'elle soit implantée, est-ce que cette technologie-là qu'on nous propose, que ce soit au niveau du sida, que ce soit au niveau de la santé mentale, au niveau de jeunes en difficulté, au niveau des femmes, etc., qu'est-ce que ça améliore dans notre qualité de relations? Qu'est-ce que ça améliore dans la qualité des services qu'on a à apporter aux gens? Et là on va discuter. On va discuter des objectifs, on va...

M. Lefebvre: Madame...

Mme Guay (Lorraine): Je m'excuse, c'est parce que je n'avais pas terminé et, comme vous n'écoutez pas, je...

M. Lefebvre: Oui, oui, j'écoutais. Oui, j'écoutais.

Mme Guay (Lorraine): D'accord.

M. Lefebvre: C'est parce que je demandais à mon conseiller une précision, là.

Mme Guay (Lorraine): Mais c'est parce que... Ce qu'on dit, encore une fois, c'est que la population est tout à fait prête à s'asseoir avec des promoteurs de ces systèmes-là et à discuter, à faire une évaluation sociale, politique, économique, des finalités, des buts, des objectifs, des enjeux de ces systèmes-là. Et là on pourrait peut-être utiliser la technologie à bon escient. On pourrait peut-être voir que, dans le domaine de la santé mentale, oui, il y a peut-être des affaires qui peuvent être informatisées, et ça va améliorer les choses, mais il y en a d'autres qui vont avoir des effets pervers. Si on l'avait fait pour un certain nombre de médicaments en psychiatrie, par exemple, si on l'avait fait pour certaines technologies médicales, peut-être qu'il y a certains effets pervers qu'on ne verrait pas aujourd'hui. Il faudrait peut-être apprendre de l'introduction de technologies dans d'autres secteurs. Et là on s'adresse à un secteur infiniment fin, c'est toute notre vie qui est dans ça.

(10 h 40)

Alors, ce qu'on dit, M. le ministre, ce n'est pas: On est contre l'informatisation en soi – c'est complètement réactionnaire de dire ça – mais on est contre le fait qu'uniquement un certain nombre de personnes isolées, toutes seules, que ce soient des fonctionnaires, que ce soient des promoteurs de l'industrie privée, installent ça et placent la population devant ce qu'on appelle des faits accomplis. C'est ça qui est contournable. Ça, on n'est pas obligé, la population n'est pas obligée, le Québec n'est pas obligé de se faire faire, à l'heure actuelle, l'informatisation massive du secteur de la santé et des services sociaux sans qu'il y ait un débat public infiniment plus majeur, une sorte de commission large, pour qu'on soit au courant de ces affaires-là.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): M. le ministre.

M. Lefebvre: Ce que vous dites, en un mot, c'est que vous souhaiteriez un resserrement de la loi, la loi actuelle, la loi d'accès, sur ce volet-là particulièrement, qui touche votre mémoire et que vous commentez ce matin, une loi plus rigoureuse, qui baliserait de façon plus sévère. Parce que, vous savez, entre un moratoire et des modifications suggérées, il y a tout un monde entre les deux.

Mme Guay (Lorraine): Mais on dit, M. le ministre, que la Loi sur l'accès à l'information, elle a été mise en place il y a une dizaine d'années ou plus.

M. Lefebvre: En 1982, oui.

Mme Guay (Lorraine): En 1982, c'est ça. Elle a été mise en place dans un contexte donné, au moment où cette poussée massive de l'informatisation, en particulier de la mise en réseau de systèmes, n'était pas encore technologiquement possible – en tout cas, moi, je ne connais pas grand-chose au niveau de la technologie comme telle – mais là on est 10 ans, 12 ans plus tard, dans un autre contexte, et la loi même n'est plus adéquate, n'est plus adéquate. Le cadre législatif n'est plus adéquat, est désuet par rapport à ça. On ne dit pas qu'il ne faut plus une Commission d'accès à l'information. On ne dit pas qu'il ne faut plus un organisme qui va gérer tout ça, mais il faut qu'il soit profondément modifié. C'est pour ça qu'on demande un changement de cadre législatif. En attendant, ce qu'on souhaite de façon immédiate, c'est: arrêtons de nous mettre devant des faits accomplis, parce que, là, le changement de cadre législatif va être infiniment plus difficile après qu'avant.

M. Lefebvre: Je suis convaincu que vous vous réjouissez, Mme Guay, de l'exercice auquel vous participez et j'apprécie que vous soyez là, évidemment, ce matin.

Mme Guay (Lorraine): Tout à fait. C'est pour ça qu'on est ici.

M. Lefebvre: Et le législateur, en 1982, lorsqu'il a adopté la Loi sur l'accès à l'information, avait probablement compris un peu, jusqu'à un certain point, la problématique à laquelle vous faites référence, puisque, dans la loi elle-même, il y a une obligation, à tous les cinq ans, de se prêter à l'exercice commencé depuis hier, pour justement vous permettre à vous, les intervenants et intervenantes qui êtes sur le terrain, de venir dire au législateur: Attention, il y aurait peut-être lieu de corriger, d'améliorer la loi pour qu'elle soit plus efficace quant à ce qui est essentiellement son objectif de base: permettre l'accessibilité aux renseignements publics tout en protégeant la vie privée du citoyen et de la citoyenne au Québec. C'est cet exercice-là qu'on doit faire parce que c'est prévu dans la loi.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Je vous arrête ici. Est-ce que vous voulez répondre brièvement, parce que le temps...

M. Lefebvre: Merci, madame. Merci, madame.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): ...parce que le temps de M. le ministre... Il faudrait aussi laisser le temps à l'Opposition. Est-ce que vous voulez répondre brièvement?

Mme Guay (Lorraine): Bien sûr qu'on apprécie, c'est pour ça qu'on est ici. C'est un exercice démocratique important.

M. Lefebvre: Oui.

Mme Guay (Lorraine): Mais on ne voudrait pas se laisser enfermer uniquement... De dire: On améliore cette loi-là, petit pouce par petit pouce, alors que le contexte général a changé et qu'il faut changer la façon même de voir cette loi-là.

M. Lefebvre: Merci, madame.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Alors, M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: Alors, Mme la Présidente, vous posez, dans le mémoire, la question de la finalité des systèmes d'informatique. Dans les années soixante-dix, l'État consacrait à l'informatique 114 000 000 $; en 1992, c'était rendu à 450 000 000 $. Donc, il y a eu une croissance importante, et je pense que vous posez un vrai problème en disant qu'il faut débattre de quelle sorte d'informatisation on a besoin, et que les citoyens soient associés à la discussion, alors qu'on pourrait dire que, dans bien des cas, les citoyens ignorent même l'ampleur, la diversité des renseignements qu'on détient à leur sujet. Alors, je trouve que c'est un vrai problème.

C'est une question fondamentale, mais le gouvernement, récemment, a décidé de mettre en cause la gestion des systèmes informatiques plutôt que les fins qu'ils poursuivent parce qu'il envisage, ou il envisageait, on ne le sait plus trop, de confier au secteur privé la gestion des systèmes, ce qui ajouterait des dimensions au problème que vous soulevez, et, d'une certaine façon, l'idée n'est pas de dire que l'informatique n'a pas son utilité, mais de poser la question comme vous la posez, dans le fond, de dire: À quoi ça sert? Pourquoi on s'en sert? À quelles fins? Et est-ce que c'est un progrès quand on l'introduit? Et le secteur que vous touchez, de la santé, est éminemment sensible, puisque, d'une certaine manière il y a beaucoup de renseignements personnels que l'État détient, mais on peut dire que ceux relatifs à l'intégrité physique ou mentale des personnes sont plus sensibles que d'autres sortes de données.

Et, dans le fond, ça fait 20 ans qu'on parle d'informatique. D'une certaine manière, il y en a qui posent ça quasiment... Il y a comme une déification du système en tant que système. Vous me permettrez de donner un exemple récent. À mon bureau de comté, on travaillait à organiser une rencontre avec des détenteurs de permis d'une régie. Et, pour préparer la rencontre, la Régie nous a demandé la liste des détenteurs de permis. Mon bureau a dit: Écoutez, vous émettez les permis, vous devez savoir qui détient des permis. Là, on nous a expliqué qu'on avait un nouveau système informatique, de telle sorte que la Régie ne savait plus à qui elle avait donné des permis. On est en matière publique; quelqu'un est détenteur d'un permis. Ce n'est pas un renseignement sensible. Et je pense que vous posez une vraie question, de dire: Est-ce qu'on pourrait débattre publiquement de quelle sorte, de quelle quantité, de quels moyens l'État a besoin pour s'acquitter de ses fonctions? Parce que ça touche les citoyens directement. Dans ce sens-là, moi, je souscris à ce que vous soulevez, dans le sens que...

Et les ordinateurs ont des failles. Je donne un autre exemple récent d'une personne – j'entendais ça à la radio – qui se fait retirer sa carte de crédit par l'hôtel où elle se trouve parce qu'on a confondu son nom avec un autre. Il s'agissait d'un Tremblay qui habitait au Lac-Saint-Jean, alors les risques d'erreurs sont considérables en matière de Tremblay. Mais la personne a subi des inconvénients importants parce qu'on l'avait confondue avec une autre. De telle sorte que, quand vous parlez du couplage des renseignements médicaux, parmi les risques que ça comporte, c'est qu'à un moment donné l'ordinateur se trompe de personne et confonde des dossiers parce que la machine n'est pas correcte.

(10 h 50)

Alors, dans ce sens-là, je trouve que vous soulevez une vraie question en disant qu'il faut s'interroger. Peut-être qu'avant d'envisager de privatiser tout l'appareil informatique du gouvernement il faudrait se poser la question: Qu'est-ce qu'on a? à quelles fins? et pour quels besoins? pour que le besoin administratif et bureaucratique ne se développe pas indépendamment des besoins des personnes, parce que l'État s'occupe des personnes. Alors, dans ce sens-là, est-ce que je dois comprendre de votre mémoire qu'à votre avis la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels devrait être mise de côté? Ou est-ce que je dois comprendre que vous dites, dans le fond, que ce qui est devant nous n'est pas suffisant pour débattre des questions qui se posent?

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Mme Guay.

Mme Guay (Lorraine): Je pense qu'on ne pourrait pas fonctionner sans filet de sécurité. Je pense que, présentement, la loi est là, il y a un certain nombre de modifications qui sont suggérées par la Commission elle-même et par différents mémoires qui viennent suggérer une bonification de cette loi-là. Ça, on dit: Effectivement, il faut faire ça, il faut tenir compte de ça absolument dans l'immédiat, mais, en faisant ça, il faut absolument, pour nous, moratoire absolu, incontournable sur les systèmes d'informatisation-clientèle, et attaquons-nous à la construction d'un nouveau cadre législatif, qui pourrait être proposé dans un an ou deux, mais un nouveau cadre législatif qui serait débattu publiquement, à ce moment-là, et qui aurait comme objectif de sensibiliser en même temps la population aux énormes impacts de l'informatisation massive dans le secteur de la santé et des services sociaux, en particulier. Donc, on fonctionne avec ce qu'on a, à l'heure actuelle, bonifié. On met un stop aux affaires pour ne pas mettre... pas juste le petit doigt dans la porte, parce que, là, en mettant en place des systèmes d'informatisation-clientèle de plus en plus sophistiqués, le doigt est là, après ça, c'est la moitié du bras, après ça, on rentre et on va devenir incapable de revenir sur ces faits accomplis, encore une fois. Mais, pour nous, c'est évident que la loi, elle est désuète, en gros. Elle a été bâtie il y a 10 ans, elle doit être refaite pour tenir compte du nouveau contexte informatique à l'heure actuelle. Ça, on trouve ça très important.

Je voudrais revenir aussi, M. Bourdon, sur le fait... C'est sûr qu'on insiste beaucoup sur... Il faut qu'on se pose la question: Est-ce qu'on a besoin de ça? Qu'on ait besoin d'informatisation, ça, c'est évident, on est d'accord avec ça, mais revenir aux finalités premières.

Et on demande au gouvernement: Ne prenez pas pour acquis que ce que disent les promoteurs privés de compagnies d'informatisation, c'est ça qui est le bout du bout, je dirais. Pourquoi ils seraient les seuls écoutés à l'heure actuelle? Et pourquoi les populations concernées ne seraient pas autant écoutées que ces promoteurs-là? On peut prendre exemple au niveau des technologies médicales. L'industrie des technologies médicales a beaucoup avancé, effectivement, a fait des progrès. Mais, quand on parle d'effets pervers de ça, on est, à l'heure actuelle au Québec, une des provinces et un des pays qui utilise le plus la césarienne. Ça dépasse même le taux que l'Organisation mondiale de la santé permet, en tout cas, suggère comme acceptable dans les normes. Effectivement, la césarienne, c'est une technologie très intéressante quand il y a des complications. Comment il se fait que... Il y a des régions, à part de ça, où c'est infiniment plus élevé que d'autres. C'est l'utilisation même de ce genre de technologie qui a un impact sur la vie du monde. Alors, on pourrait dire, en soi, que la césarienne ou la technologie qui est là, c'est bon, oui, mais son utilisation n'est pas adéquate. On pourrait faire exactement la même chose avec tous ces logiciels-là, qui sont introduits dans le secteur de la santé mentale, dans le secteur du sida, etc., et se poser la question au départ: Est-ce que, effectivement, on a besoin de ça à l'heure actuelle? Et, après ça: Comment ça va être utilisé? Pour nous, c'est majeur d'intervenir, et on souhaiterait que soit entendue la voix des gens qui sont les fichés, là, qui sont les gens sur lesquels ces systèmes-là vont être utilisés, et pas uniquement ceux qui en font la promotion.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): M. le député.

M. Bourdon: Dans le fond, à vous entendre, je me posais une question, que je vous transmets: Est-ce que, parmi les pistes envisagées, il n'y aurait pas celle du droit de retrait d'une personne d'un fichier où elle ne souhaite pas appartenir, d'une certaine manière?

Mme Pinault (Lyse): Si on n'en vient pas à avoir un débat social convenable sur les systèmes d'information, oui, on en viendra à demander un droit de retrait et, oui, on dira, sans ou avec droit: On se retire. Oui, je pense que les gens devront prendre conscience de l'impact de ces systèmes-là sur leur vie personnelle. Si vous regardez un petit peu les systèmes d'information, dans certains systèmes, on parle de votre propreté personnelle, de votre vie sexuelle, de vos comportements à risque. Pensez-y, quand ça va être dans l'ordinateur, ça va être vous comme moi. C'est votre vie privée qui va aller là. Est-ce que c'est vraiment utile, tout ça?

L'informatisation, c'est incontournable. On est en 1994, on ne reviendra pas à la machette, on va travailler avec l'ordinateur. Mais, quand on travaille avec des ordinateurs... Moi, je n'ai pas juste travaillé dans le communautaire, je travaillais dans le corporatif avant, avec des systèmes d'information confidentielle gigantesques. Et on se rend compte vite, quand on est là-dedans, qu'on perd de vue que ce qu'on a là, c'est le dossier d'un humain, que c'est une personne quelque part. C'est l'écran cathodique, pour nous autres. Remarquez, quand vous fonctionnez, vous allez quelque part où il y a des dossiers confidentiels, est-ce que les employés ont le réflexe de vous éteindre l'écran quand vous entrez dans leur bureau? Bien non, ils le laissent là. Moi, j'ai vu des fois des salaires d'un paquet de gens que je n'avais pas à voir parce que les employés n'ont pas le réflexe de l'enlever. Combien de fois, comme gestionnaire, j'ai passé mon mot de passe à mes employés parce que j'étais pressée, j'avais le feu quelque part et que je leur donnais: Tiens, mon code d'accès, et prends donc ce dont tu as besoin, et que, finalement, au bout de deux semaines: Là, il y a tout le monde qui l'a, il faudrait bien que je le change. Sans réfléchir, on ne voit plus ça.

Je vais vous lire un petit extrait de ce que Carole Wallace avait fait, un extrait de ce que disait un promoteur du système RICIB, le fameux RICIB, l'autoroute du ministère. Il dit: En simplifiant un peu, on peut dire que le RICIB permettrait à n'importe qui, à partir d'à peu près n'importe quel terminal, d'avoir accès à peu près à n'importe quelle information, dans n'importe quel ordinateur, peu importe où l'un et l'autre se trouvent.

Comme dirait ma fille, il «tripe», il «tripe» pas à peu près. C'est sa vision des choses, et je comprends: il a monté une magnifique autoroute. Mais, les chars sur l'autoroute, c'est des humains. Comme disait ma collègue ce matin, un beau trip de gars: il a changé son train électrique pour une autoroute ordinateur. Mais voilà, nous, on est comme poignés, vous remarquez, sur l'autoroute. Moi, je regrette, les sorties ne sont pas assez près. Je me dis: Si les systèmes restent comme ça, je vais me débrouiller pour ne pas avoir à y embarquer. C'est ça qu'on demande. Il faut réfléchir. L'informatique reste incontournable, mais il faut réfléchir avant.

Mme Laurin (Claudine): J'aimerais ajouter quelque chose au niveau du droit de retrait. Je trouve ça tout aussi dangereux d'inscrire un droit de retrait, c'est pour ça que je pense que ça prend un moratoire. Parce que le droit de retrait, quand la personne se retirera, c'est elle qui vivra l'odieux. Surtout au niveau de la santé mentale, où le consentement aux soins, tu as toujours le droit de le négocier; s'il y a une place où tu n'as pas le droit, c'est bien là. C'est rendu des droits très aléatoires, présentement, ces droits-là, et inscrire un droit de retrait, pour moi, c'est laisser croire aux gens qu'ils pourront se retirer sans mesures de représailles. J'ai un peu peur que l'odieux soit porté par ceux qui auront à se retirer.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Je vous remercie beaucoup, Mme Laurin. Alors, ça termine ici. J'inviterais peut-être M. le ministre... le mot de la fin.

(11 heures)

M. Lefebvre: Oui, je voudrais juste commenter, peut-être, ce que disait Mme Pinault, en lui rappelant: vous savez, Mme Pinault, la confidentialité du renseignement personnel qu'on retrouve dans le support papier, dans le dossier classique, c'est aussi dangereux qu'on fouille dans un dossier, que ce soit dans un dossier médical ou un dossier à caractère juridique dans un bureau d'avocat. On n'est pas plus à l'abri du fouineur qu'on peut l'être au niveau de l'informatique. Autrement dit, dans les deux cas, il faut que l'État... et c'est ça, la responsabilité de l'État, particulièrement avec les nouvelles méthodes modernes, qu'on fasse le maximum pour protéger la vie privée des citoyens. Et je voudrais conclure, vous êtes sûrement au courant de ce qu'ont donné comme opinion deux des meilleurs experts au niveau de l'analyse de la protection de la vie privée au Québec, Me René Côté et René Laperrière, qui sont deux professeurs de l'Université du Québec à Montréal, qui ont publié un volume qui s'appelle «Vie privée sous surveillance». Je voudrais vous rappeler très rapidement ce que ces gens-là disent quant à l'intervention de l'État en regard des problèmes que vous soulevez, qui sont vrais, là.

Le questionnement que vous faites, il est important et il est vrai, mais on dit ceci: «Vie privée sous surveillance, parce qu'il ne fait pas de doute que la vie privée des individus fait l'objet d'une surveillance quotidienne. Il faut vivre avec le fait que notre vie quotidienne laisse des traces de l'épicerie à l'hôpital, en passant par le guichet automatique. Par son action, le législateur québécois a mis sous surveillance les personnes qui surveillent notre vie privée. Déjà, l'Assemblée nationale avait adopté, en 1982, la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, qui visait à protéger les renseignements personnels détenus par l'administration publique, mais jusqu'à tout récemment, les entreprises du secteur privé subissaient très peu de contraintes à cet égard. L'intégration d'un chapitre relatif au respect de la réputation et de la vie privée dans le nouveau Code civil du Québec et l'entrée en vigueur, le 1er janvier 1994, de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé viennent mettre sous surveillance ceux-là mêmes qui surveillent la vie privée des citoyens».

Autrement dit, la responsabilité de l'État, c'est de surveiller les délinquants, de les encadrer de la meilleure façon possible, et je vous cite deux opinions très objectives de Mes Côté et Laperrière, qui arrivent à la conclusion que l'État du Québec a fait son travail et son devoir. Évidemment, il y aura toujours des interventions additionnelles qu'il faudra poser, et on devra se questionner également, en partant de témoignages comme ceux que vous avez faits ce matin. Dans ce sens-là, c'est extrêmement pertinent et utile que de vous entendre. Et je conclus en vous remerciant de nous avoir soumis un mémoire bien fait et également d'avoir été là ce matin pour le commenter.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Alors, je vous remercie beaucoup. Je remercie le Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec, Mme Guay, Mme Pinault et Mme Laurin. Alors, je vous inviterais à vous retirer afin qu'on puisse entendre, dans nos délais, à 11 heures, le Bureau de la statistique du Québec. Merci, Mme Pinault.

(Consultation)

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Alors, nous allons suspendre pour quelques minutes, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 11 h 4)

(Reprise à 11 h 9)

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Nous allons débuter avec M. Luc Bessette, directeur général, représentant du Bureau de la statistique du Québec, dans le cadre de la commission de la culture, sur la consultation générale sur la Commission d'accès à l'information du Québec sur la mise en oeuvre de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. Alors, M. Bessette, la parole est à vous.


Bureau de la statistique du Québec (BSQ)

M. Bessette (Luc): Merci, Mme la Présidente. Je voudrais d'abord remercier la commission de nous avoir invités à présenter notre mémoire. La façon dont je compte procéder est la suivante. Ce que je vais d'abord faire, dans la présentation générale, c'est, à partir du document qui vous a été soumis, relever les principaux points et l'argumentation soulevée par le Bureau de la statistique du Québec ainsi que les principales recommandations.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): M. Bessette, je m'excuse, j'ai peut-être omis de vous indiquer qu'il faudrait que vous présentiez les gens.

M. Bessette (Luc): Oui, j'allais justement le faire.

(11 h 10)

La Présidente (Mme Boucher Bacon): D'accord.

M. Bessette (Luc): Je serai aidé par un certain nombre de personnes, surtout quand viendra le temps de répondre aux différentes questions, les différents spécialistes du Bureau de la statistique. Je voudrais d'abord présenter, à ma gauche, M. Guy Savard, qui est le directeur général adjoint, responsable de la statistique et des enquêtes; à ma droite, M. Denis Baribeau, qui est directeur général adjoint, responsable, lui, de la statistique et de l'informatique. Plus à ma gauche, vous avez Mme Louise Bourque, qui est la directrice de la méthodologie; et, à ma droite, toujours du Bureau de la statistique, M. Claude Dionne, qui est responsable de la statistique sociodémographique. Nous sommes accompagnés ce matin d'un représentant du ministère de la Justice qui agit comme conseiller juridique auprès du Bureau de la statistique du Québec, Me Bertrand Roy.

En vertu de l'article 5 de sa loi constitutive, le Bureau est chargé de recueillir, compiler, analyser et publier des renseignements de nature statistique sur toute matière de juridiction provinciale et de collaborer avec les ministères du gouvernement dans la réalisation de ce mandat. Compte tenu des missions respectives de Statistique Canada et des ministères et organismes gouvernementaux du Québec en matière de production statistique sur le Québec, le Bureau de la statistique travaille en complémentarité avec eux afin d'éviter tout dédoublement.

C'est dans le cadre de la réalisation de sa mission, en respectant ses orientations stratégiques, que le Bureau de la statistique du Québec est appelé à devoir exploiter les fichiers administratifs gouvernementaux. L'utilisation des fichiers administratifs s'est avérée, depuis de nombreuses années, un moyen indispensable auquel ont recours les agences statistiques officielles afin de produire les statistiques dont les gouvernements ont besoin. Le BSQ ne fait pas exception à la règle et, à l'instar de Statistique Canada, du U.S. Bureau of the Census, de l'Institut national de statistique et d'études économiques de France, l'INSEE, et des agences statistiques nationales des autres pays de l'OCDE, il doit exploiter des fichiers administratifs pour cinq types principaux d'utilisation, soit la compilation directe de données; l'estimation indirecte de données; l'établissement de bases de sondage pour des rencensements ou des enquêtes; l'évaluation de la qualité de données et l'intégration de données de diverses sources.

Pour vous permettre de mieux comprendre, voici des exemples de ces types d'utilisation. Les compilations directes de données réfèrent au décompte des unités dans un fichier, à leur classement selon certaines caractéristiques, au regroupement des variables quantitatives associées à chaque unité. Les statistiques sur les naissances, les mariages et les décès compilées sur une base continue par le Bureau de la statistique à partir du fichier des déclarations des répondants sont un bon exemple d'une telle utilisation.

On parle d'estimations indirectes quand il s'agit de travaux où on utilise des données qu'on extrait de fichiers administratifs pour établir une estimation. Un bon exemple est ce qui se fait à Statistique Canada lorsqu'on utilise les fichiers fiscaux sur les petites entreprises au lieu de collecter les renseignements par enquête pour établir les données requises sur les activités de production.

Dans le cas des bases de sondage, les dossiers administratifs sont utilisés pour dresser la liste des unités, que ce soient des ménages, des individus, des entreprises, des établissements, des institutions ou autres, d'une population cible qu'il faut recenser ou sur laquelle il faut enquêter. Par exemple, le Bureau de la statistique exploite le fichier des employeurs de la CSST pour identifier les entreprises nouvelles qui ont été créées et les entreprises qui ont cessé d'exister, afin de tenir à jour sa base de sondage-entreprises dont il tire ses échantillons pour des enquêtes spécifiques et pour valider la base de sondage qu'utilise Statistique Canada, tirée de ses fichiers fiscaux, pour ses enquêtes auprès des entreprises situées au Québec.

Un autre exemple est l'utilisation par Statistique Canada de plusieurs fichiers administratifs sur les particuliers, notamment ceux des naissances et des immigrants reçus, pour tirer un échantillon de Canadiens qui auraient dû être recensés lors du recensement quinquennal de la population afin de vérifier s'ils l'ont effectivement été et d'établir, par la suite, une estimation du sous-dénombrement par âge et par sexe.

Les deux derniers exemples constituent en fait des cas d'utilisation combinée. Le dernier exemple, plus spécifiquement, touche notamment la quatrième catégorie d'utilisation, soit celle où les fichiers administratifs sont utilisés pour évaluer la qualité des données résultant d'un recensement ou d'une enquête.

Quant à l'intégration de données de diverses sources, c'est une application particulière du recours à des fichiers administratifs pour produire des compilations directes ou des estimations indirectes. Par exemple, Statistique Canada a mis au point il y a quelques années, à la demande d'Emploi et Immigration Canada et du ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu du Québec, une banque de données longitudinales sur un échantillon de ménages en regroupant des données provenant d'enquêtes de Statistique Canada sur l'activité de revenu et de données provenant notamment des fichiers d'assurance-chômage et de l'aide sociale. C'est ce genre d'exploitation des fichiers auquel on réfère quand on parle de pairage, d'appariement ou de couplage à des fins statistiques.

Les divers exemples mentionnés indiquent que les agences statistiques ont recours à des renseignements administratifs concernant aussi bien les entreprises que les particuliers. Deux raisons sont à la base de l'exploitation des fichiers administratifs à des fins statistiques: minimiser les coûts d'une production statistique dont la demande et les exigences de qualité sont croissantes; en même temps, minimiser le fardeau imposé aux répondants par l'accroissement de ces besoins. Le contexte de rationalisation budgétaire, la pression de plus en plus forte du public pour un usage parcimonieux des fonds publics, les revendications répétées des entreprises pour la réduction de la paperasse administrative sont autant de facteurs qui ont fait de ces deux motifs non seulement des objectifs que doivent poursuivre les agences statistiques, mais des impératifs dorénavant incontournables. En contrepartie, tant les particuliers que les entreprises attendent des agences statistiques qu'elles respectent le secret statistique, c'est-à-dire qu'elles assurent la confidentialité des renseignements administratifs qu'elles exploitent tout autant que celle des renseignements qu'elles recueillent par enquête.

Bien que la conjoncture ait favorisé, au cours des dernières années, une référence accrue à ces critères ou préoccupations dans les débats publics, au Québec comme ailleurs le législateur les avait déjà inscrits depuis longtemps dans les lois régissant les organismes statistiques. En effet, au Québec, la Loi sur le Bureau de la statistique contient des dispositions explicites faisant obligation aux répondants pour permettre au Bureau d'établir des statistiques soit à partir de renseignements obtenus par enquête, soit à partir de données administratives. Il s'agit plus spécifiquement des articles 11 et 12 de la Loi sur le Bureau de la statistique, et je me permets de les citer. L'article 11 dit: «Toute personne est tenue de répondre aux questions posées par un fonctionnaire ou employé du Bureau dans le but de recueillir des renseignements statistiques et doit remplir et transmettre au Bureau chaque questionnaire exigeant une réponse». Et l'article 12, qui réfère plus spécifiquement à l'utilisation du fichier administratif, dit: «Quiconque a la garde d'archives, de registres ou d'autres documents du gouvernement ou d'un organisme public est tenu de donner, à tout fonctionnaire ou employé du Bureau, accès à ces archives, registres ou documents.»

Les articles 21 et 22 prévoient même des pénalités pour ceux qui ne se conformeraient pas à ces obligations. Les intentions du législateur sont donc clairement exprimées à l'égard du pouvoir du Bureau de la statistique de recueillir des renseignements à des fins statistiques, que ce soit par enquête ou par exploitation de fichiers administratifs.

En contrepartie, la loi de la statistique contient, aux articles 16 et 17, des prescriptions strictes en matière de respect de la confidentialité des renseignements obtenus.

J'aimerais maintenant parler du traitement légal qu'a fait au BSQ la Commission d'accès à l'information. Bien qu'elles apparaissent limpides au vu des articles cités de la Loi sur le Bureau de statistique et de celle de l'accès, l'expérience des dernières années révèle cependant que les intentions du législateur quant à l'accès du Bureau aux renseignements personnels ou nominatifs qui sont contenus dans les fichiers administratifs des ministères et organismes publics sont soit méconnues, soit incomprises, soit ignorées.

En effet, les ministères ou organismes auxquels le Bureau de la statistique demande accès à des fichiers de renseignements personnels dans le cadre de ses attributions et en vertu de l'article 12 de la Loi sur le Bureau de la statistique ont de plus en plus le réflexe de vouloir demander l'aval de la Commission d'accès à l'information. Si cette attitude peut être expliquée par la méconnaissance de leur part de l'ensemble du contexte légal pertinent, jointe à une prudence de bon aloi, compte tenu du caractère délicat de la transmission des renseignements personnels, l'attitude adoptée par la Commission d'accès à l'information nous est plus difficile à comprendre. Alors que, selon nous, la Commission devrait indiquer à ses interlocuteurs que la transmission au Bureau de la statistique doit se faire sous l'empire de l'article 67 de la loi d'accès, elle suggère plutôt de traiter ces situations en référence, selon le cas, aux articles 125, 67.2 ou 68.2 de la Loi sur l'accès.

En référant à l'article 125, la Commission d'accès se trouve à assimiler le Bureau de la statistique du Québec à un chercheur universitaire. Pourtant, en page 16 de son rapport à l'Assemblée nationale, la Commission d'accès à l'information fait ressortir que cet article est particulièrement destiné au traitement des demandes émanant du milieu de la recherche universitaire ainsi que des firmes privées d'études et de recherche. Y rattacher des communications de renseignements à l'intention du BSQ ou de Statistique Canada, comme la Commission d'accès mentionne l'avoir fait dans cette même page, c'est soit confondre la nature et les attributions de l'organisme gouvernemental officiel de statistique avec les besoins de multiples chercheurs individuels ou organisés en groupes, soit se soustraire à l'obligation d'accorder à celui-ci le traitement prévu par la loi.

Le même type de commentaire vaut pour les cas où l'on invoque l'article 67.2 quand le BSQ est impliqué. Traiter le BSQ comme un consultant ou un sous-traitant sous prétexte qu'il réalise une activité sur demande dans le cadre d'un contrat avec paiement au Fonds du Bureau de la statistique, c'est confondre la modalité, selon nous, et la finalité de l'activité, avec pour effet de la soustraire du cadre légal approprié. Toutes les activités de production statistique du Bureau, qu'elles soient réalisées sous son budget régulier ou avec le paiement au Fonds du Bureau de la statistique, le sont en accomplissement de sa mission de recueillir des renseignements de nature statistique sur toute matière de juridiction provinciale et de collaborer à cet effet avec les ministères et organismes gouvernementaux comme dépositaires ou utilisateurs de l'information statistique requise.

(11 h 20)

Les commissaires de la Commission d'accès à l'information se sont référés à l'article 68.1 de la Loi sur l'accès pour traiter la requête du BSQ, à la demande de la RAMQ, pour l'utilisation des données démographiques extraites du fichier d'inscription des bénéficiaires.

Sur le plan strictement légal, les conseillers juridiques du Bureau de la statistique sont convaincus que l'article 68.1 ne peut, d'aucune manière et en aucune circonstance, s'appliquer au Bureau. En effet, conformément à l'article 79 de cette loi, les articles 71 et 77 ne s'appliquent pas aux documents versés au Bureau de la statistique du Québec. Pour ce seul motif, on ne saurait donc appliquer l'article 68.1 à une communication de renseignements faite par un organisme public au Bureau, conformément à la Loi sur le Bureau de la statistique.

Selon nous, la Commission d'accès à l'information, dans ses interventions récentes concernant la communication au BSQ de renseignements personnels tirés de fichiers administratifs, ne semble pas tenir compte de façon adéquate du cadre légal qui régit l'accès du Bureau à de tels renseignements. De plus, son attitude et ses gestes, quand il s'agit du Bureau de la statistique du Québec, soit la jurisprudence qu'on lui prête ou la référence qu'elle fait cas par cas à divers articles de la loi d'accès, introduisent ou entretiennent la confusion parmi les ministères et organismes dont le Bureau demande la collaboration – ou qui lui demandent la sienne – dans l'accomplissement de son mandat. Un tel fonctionnement nuit à l'efficacité du système statistique québécois, car il empêche celui-ci de produire dans les délais requis ou avec le degré de fiabilité qui s'impose l'information statistique nécessaire à la prise de décision gouvernementale.

Selon nous, le message uniforme que la Commission devrait livrer en tout temps, c'est que quand il s'agit de communication au Bureau de la statistique de renseignements personnels qu'ils détiennent ou d'accès à des fichiers administratifs, c'est l'article 67 de la Loi sur l'accès qui s'applique, de telle sorte qu'aucune entente au sens de cette loi n'est requise, ni avis favorable de la part de la Commission.

La Commission d'accès ne semble pas avoir une vision complète des exigences et des obligations auxquelles est confrontée une agence statistique officielle dans la cueillette et le traitement des renseignements de nature confidentielle, ni une perception claire de ce qui distingue une telle agence dans l'exploitation de tels renseignements de la communauté des chercheurs scientifiques, d'une part, et des autres ministères et organismes gouvernementaux, d'autre part. Le rapport quinquennal de la Commission d'accès à l'information et l'exposé de son président à l'ACFAS, l'an dernier, énoncent en effet certains principes ou formulent certaines craintes qui ne sauraient être appliquées sans nuances à l'organisme statistique gouvernemental.

Le mandat de l'agence statistique, conformément aux canons de l'approche traditionnelle dans les pays de tradition libérale, n'est pas de dresser ou de diffuser des profils d'individus, mais d'établir et de diffuser des statistiques sur des populations ou sous-populations, des groupes socioéconomiques ou des catégories sociodémographiques, des unités géographiques, soit par essence des chiffres portant sur des ensembles et non sur des individus en particulier.

Si l'agence statistique doit partir de l'information individuelle et parfois réunir des informations de diverses sources sur un individu, ce n'est jamais par intérêt de connaître l'individu pour lui-même. L'agence statistique ne vise donc pas à dénuder le citoyen, selon l'expression utilisée par la Commission d'accès, mais elle doit plutôt lui enlever, en quelque sorte, son individualité pour en faire de la statistique.

Le changement d'attitude attendu de la Commission d'accès doit se traduire, en pratique, par la cessation de toute référence, comme je le mentionnais tantôt, aux articles 125, 67.2 ou 68.1 quand il s'agit de transmission de renseignements au Bureau de la statistique du Québec.

Si la Commission d'accès se montrait en désaccord avec ce réalignement ou prétendait que la loi est sujette à interprétation – et si on se fie à l'expérience des dernières années, on peut croire que c'est le cas – le BSQ est d'avis – et c'est notre principale recommandation – que le législateur devrait lever toute ambiguïté sur les rapports entre la Loi sur l'accès et la Loi sur le Bureau de la statistique. Selon nous, une façon de le faire serait d'amender la Loi sur la Commission d'accès en spécifiant, plus spécifiquement à l'article 79, un article qui pourrait dire, par exemple: L'article 67 s'applique à toute communication de renseignements nominatifs détenus par un organisme public au Bureau de la statistique, conformément à la Loi sur le Bureau de la statistique.

Deuxièmement, le BSQ recommande que les deux organismes collaborent l'un avec l'autre, en respectant leurs attributions et responsabilités respectives et en fournissant une assistance mutuelle fondée sur l'expertise de chacun. Ainsi, compte tenu de la fonction générale de surveillance de l'application de la Loi sur l'accès, attribuée à la Commission d'accès dans le cadre de l'article 123 de cette loi, le BSQ n'a pas objection à transmettre à la Commission d'accès à l'information, pour information, les ententes qu'il conclut avec des ministères et organismes gouvernementaux pour l'exploitation statistique de données administratives nécessitant la comparaison, le couplage ou l'appariement de fichiers. La Commission d'accès pourrait même être informée, si elle le jugeait utile, des cas d'exploitation sans pairage.

Par ailleurs, même si la Commission d'accès ne peut pas prescrire au BSQ des conditions concernant les fichiers de renseignements personnels – puisque ce pouvoir dont dispose la Commission d'accès à l'égard des organismes en vertu de l'article 124 ne s'applique pas au Bureau de la statistique – le Bureau est disposé et très intéressé à recevoir les conseils de la Commission d'accès, particulièrement sur ses processus et pratiques destinés à la protection de la confidentialité des renseignements qu'il détient. L'expertise développée par la Commission d'accès à l'information à cet égard, et dont elle fait état en page 39 de son rapport en décrivant son rôle préventif, peut constituer un apport précieux pour le Bureau de la statistique dans un contexte où l'évolution technologique rapide, par exemple, rend nécessaire l'examen et la mise à jour périodiques des façons de faire.

En contrepartie, le mandat et l'expertise du Bureau de la statistique en matière statistique ainsi que les prescriptions très spécifiques et rigoureuses de sa loi concernant la protection de la confidentialité sont autant d'attributs qui pourraient sans doute être exploités avec profit par la Commission d'accès à l'information dans l'accomplissement de son propre mandat.

La Commission d'accès pourrait trouver avantageux, par exemple, dans la poursuite de sa mission de favoriser le recours au BSQ par les ministères et organismes gouvernementaux dans les cas où des pairages de fichiers de différents ministères s'avèrent nécessaires à des fins de statistique, d'étude ou de recherche. Plus généralement, le BSQ pourrait aussi conseiller la Commission d'accès à l'information, en matière de méthodologique statistique, dans l'évaluation des demandes qui lui sont faites par la communauté scientifique pour l'exploitation de fichiers de renseignements personnels à des fins de statistique, d'étude ou de recherche. Une autre voie de collaboration du Bureau de la statistique aux travaux de la Commission d'accès pourrait être la mesure statistique des risques de divulgation et de développement des techniques de masquage, deux domaines d'application méthodologique auxquels le Bureau a dû s'intéresser pour établir les schémas de confidentialité des enquêtes et pour répondre aux besoins d'encadrement par les ministères de la diffusion de leurs données administratives.

En conclusion, au cours des dernières années, le Bureau de la statistique a opté pour une approche pragmatique et exploratoire laissant place à la discussion et à l'apprentissage réciproque entre les deux intervenants. Le BSQ a d'ailleurs contribué de manière très particulière au rapprochement entre les intervenants en organisant entre ces derniers un échange d'informations et de points de vue lors du congrès de l'ACFAS l'an dernier.

L'examen du rapport quinquennal de la Commission d'accès à l'information par la commission de la culture de l'Assemblée nationale et l'invitation de cette dernière à lui soumettre des mémoires ont fourni au BSQ l'occasion de faire le point sur l'expérience des deux dernières années dans ses relations avec la Commission d'accès à l'information.

Tout en confirmant au Bureau sa conviction que la Commission d'accès à l'information déborde de son champ de juridiction à son endroit, cet examen amène aussi le Bureau de la statistique à conclure que, dans le respect de leurs attributions respectives, chacun des deux organismes peut mettre à profit son expertise propre pour appuyer l'autre dans la réalisation de sa mission.

Le Bureau de la statistique exprime donc le souhait que le législateur lèvera toute ambiguïté qui pourrait persister sur les rapports entre la Loi sur l'accès et la loi du BSQ, et que la Commission d'accès acceptera le partenariat proposé par le Bureau de la statistique du Québec.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Alors, je vous remercie infiniment, M. Bessette. Vous êtes rentré dans votre temps d'une façon remarquable. Alors, comme on a pris un peu de retard, M. le ministre a accepté simplement son droit de parole de 15 minutes. Est-ce que vous acceptez la même chose, M. le député de l'Opposition? Ça va. Alors, vous avez chacun 15 minutes. M. le ministre.

(11 h 30)

M. Lefebvre: Merci, Mme la Présidente. Je veux saluer les représentants du Bureau de la statistique, parce qu'il y a M. Bessette, son directeur général, et madame et vos collègues qui vous accompagnent, M. le directeur général. Je vous remercie pour le mémoire que vous nous avez soumis et également pour l'exposé que vous en avez fait.

Le Bureau de la statistique jouit d'un certain régime spécial pour des raisons évidentes. Il y a des exceptions prévues dans la Loi sur l'accès, dont bénéficie le Bureau de la statistique, évidemment, pour lui permettre de remplir sa mission. J'aimerais savoir, M. le directeur général, M. Bessette, si vous considérez que les exceptions qu'on retrouve à l'article 64 et suivants de la Loi sur l'accès sont suffisantes ou si on devrait, comme législateur, réévaluer ces exceptions-là, soit pour – et je sais que vous allez être objectif dans votre réponse – les restreindre, les élargir, les repenser, réévaluer. Je voudrais vous entendre là-dessus.

M. Bessette (Luc): D'accord. Lorsque la loi d'accès a été votée par l'Assemblée nationale, la loi d'accès, dès le départ, reconnaissait la spécificité du Bureau de la statistique du Québec, et, en fait, on peut référer à l'article 79, l'article 170, à l'annexe a. Donc, le législateur, là, reconnaissait, comme je le disais, un caractère spécifique au Bureau de la statistique.

Notre prétention, c'est que, dans l'application de cette loi-là, nous, on devrait être traités en vertu de l'article 67, parce que c'est notre rôle, notre mission. Notre loi nous dit qu'on doit recueillir de la statistique, compiler de la statistique, et, dans ce sens-là, ça fait partie de notre mandat de recueillir de la statistique ou de faire de la statistique. Et, dans ce sens-là, nous, on pense qu'on devrait être traités en vertu de l'article 67. Ce qui est arrivé, dans les interprétations au cours des deux ou trois dernières années, c'est que la Commission d'accès à l'information, elle, prétend plutôt qu'on devrait être traités soit comme un chercheur universitaire ou une entreprise privée; c'est l'exemple que je vous mentionnais, de l'article 125, soit être traités comme un sous-contractant, là, ou un consultant – parce que, dans le fond, le Bureau de la statistique ne fait pas de la statistique pour lui-même, il en fait pour des clients, si on veut, à ce moment-là, et ses clients privilégiés sont l'administration publique – ou être traités en vertu de 68.1. Et, pour nous, ça nous semble inadéquat. C'est pourquoi, nous, on recommandait au législateur de concrétiser ou de rendre très clair le fait que tout renseignement transmis au Bureau de la statistique devrait l'être en vertu de 67 et, donc, ne nécessiterait pas, à ce moment-là, d'entente, comme c'est prévu en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, ni même de l'approbation de la Commission d'accès à l'information.

M. Lefebvre: Le Bureau de la statistique comme tel existe depuis combien d'années, M. Bessette?

M. Bessette (Luc): Plus de 75 ans, là, je n'ose pas vous dire 78, 79.

M. Lefebvre: Plus ou moins. Plus ou moins 75.

M. Bessette (Luc): C'est ça. Disons que c'est le plus vieil organisme statistique au Canada.

M. Lefebvre: Même si je vous demande si vous étiez là ou pas en 1982, ça ne vous fait pas vieillir tellement. Vous étiez là en 1982 et avant? Vous êtes là depuis quand, vous, M. Bessette?

M. Bessette (Luc): Moi, je suis là depuis 1982.

M. Lefebvre: Vous êtes arrivé avec...

M. Bessette (Luc): Donc, c'est très clair que je n'étais pas là au début du Bureau, là, en 19...

M. Lefebvre: Ha, ha, ha!

M. Bessette (Luc): J'étais là comme directeur général adjoint, et je suis directeur du Bureau depuis 1987.

M. Lefebvre: Vous avez... Est-ce qu'avant 1982 vous travailliez au Bureau autrement que comme...

M. Bessette (Luc): Non.

M. Lefebvre: Non. Bon.

M. Bessette (Luc): Non, j'étais dans d'autres ministères.

M. Lefebvre: J'aimerais avoir votre avis ou celui d'une de vos collègues sur ce qui se passait avant la mise en place de la loi d'accès et évidemment de la Commission créée par cette même loi, en regard des activités du Bureau avant 1982 et aujourd'hui. J'aimerais que vous fassiez un parallèle entre les activités, la performance, la facilité ou pas qu'a donnée au Bureau de la statistique de faire son travail, de remplir sa mission, la mise en place de la Commission d'accès.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): M. Bessette.

M. Bessette (Luc): Oui, du côté légal, en fait, toutes les questions d'accès ou de protection de la confidentialité étaient prévues avant 1982. Donc, dans ce contexte-là, si on regarde l'aspect légal des choses, il n'y a pas eu de changement. Par contre, dans le vécu avec la Commission d'accès à l'information, les trois dernières années ont été plus laborieuses, dans le sens qu'on ne s'entend pas, à savoir est-ce qu'on devrait, lorsqu'on requiert de l'information en vertu de notre loi... Nous, on prétend que cette information-là devrait nous être transmise et qu'on n'a pas besoin d'avoir l'autorisation de la Commission d'accès à l'information. La Commission d'accès à l'information, bien évidemment, au cours des dernières années, prétendait plutôt que, au contraire, les ministères devaient demander, autrement dit, l'autorisation à la Commission d'accès avant de nous transmettre l'information. De sorte que, si je réfère aux dernières années, pour des impératifs d'efficacité ou d'efficience, à un moment donné on s'est dit: Bien, arrêtons de nous chicaner. On va le demander en vertu de 125 et, à un moment donné, on va le demander en vertu de... Sauf que, le Bureau de la statistique s'est toujours dit en désaccord avec ces façons de procéder. Et ces façons de procéder, justement à cause de l'interprétation différente qu'en font nos deux organisations, ont généré quand même certains délais qui, dans certains cas, ont été quand même très significatifs. Je pense, par exemple, l'accès à l'information... Et je dois corriger le mémoire dans ce sens-là, au moment où il a été écrit, il n'y avait pas entente. Depuis le mois de mars, il y a eu entente sur ce dossier-là. Mais c'est quand même un dossier qui a fait place à de la négociation pendant plus de trois ans. De sorte que c'est quand même des délais très lourds administrativement, et, pour nous en tout cas, il nous semble que ça a des impacts très négatifs sur l'efficience, sur la performance de la statistique au Québec, si on veut, ou sur la performance du Bureau de la statistique du Québec.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): M. le ministre.

M. Lefebvre: Est-ce que c'est possible, en partant des renseignements que vous obtenez, que vous détenez, d'identifier des citoyens ou des citoyennes en croisant ces renseignements-là qui se retrouvent, finalement, à votre disposition ou à votre connaissance?

M. Bessette (Luc): Il faut dire que, dans un premier temps, lorsqu'on fait une enquête, par définition, on adresse un questionnaire à un individu ou à une entreprise, et ce questionnaire-là nous revient. Oui, on peut... on a de l'information individuelle, si on veut, sur des individus. La même chose, on gère ce qu'on appelle le «Registre de la population», mais qui est plutôt le registre d'inscription des naissances, des mariages; on a quand même des questionnaires où le nom des individus est là.

Par contre, nous, ce qu'on pense être un des éléments forts de la loi de la statistique, c'est que, premièrement, l'information qui entre au Bureau de la statistique ne peut pas être transmise à aucun ministère ou à aucun organisme, à aucun individu, sans l'autorisation préalable ou a posteriori des individus. Et la loi va même plus loin, c'est-à-dire que, si un individu disait: Moi, je ne suis pas intéressé à ce que mon questionnaire sur mon entreprise soit remis au ministère de l'Agriculture, non seulement on a à respecter la volonté de l'individu, mais on se doit d'aller plus loin dans les règles de confidentialité et probablement utiliser des méthodes de masquage sur certaines données, parce qu'on pourrait déduire ce que l'individu... ou l'information de l'individu en partant du total.

Pour ce qui est des pairages, actuellement, il ne se fait pas de pairage ou de couplage de fichiers de différentes organisations au Bureau de la statistique, sauf dans un cas, qui est dans le domaine des statistiques laitières, et c'est fait avec le consentement des deux organismes qui nous ont fourni l'information et au su des gens qui sont impliqués. D'ailleurs, c'est dans le cas de la statistique laitière, et la Fédération des producteurs de lait et la Régie des marchés agricoles l'ont fait justement à la recommandation des différentes personnes concernées.

M. Lefebvre: Évidemment, le Bureau existe, c'est-à-dire est régi, a des dispositions très précises, il y a une loi qui gouverne vos activités, qui s'appelle la Loi sur le Bureau de la statistique. J'aimerais, M. le directeur général, que vous nous expliquiez quelles sont les dispositions dans la loi qui obligent le Bureau, de façon très étanche, à la confidentialité. Quelles sont les dispositions dans la loi qui protègent, finalement, la confidentialité quant à la vie privée des citoyens et des citoyennes du Québec?

La Présidente (Mme Boucher Bacon): M. Bessette.

(11 h 40)

M. Bessette (Luc): En fait, si vous référez aux pages 6 et 7 de notre mémoire, on fait référence, justement, aux articles 16 et 17, qui sont des prescriptions strictes en matière de confidentialité. Comme je vous mentionnais tantôt, ces deux articles-là, en fait, empêchent un employé du Bureau de communiquer... ou à son directeur – quand on parle d'employé, c'est l'ensemble des employés – de communiquer à des gens de l'extérieur de l'information individuelle. Comme je le mentionnais tantôt, on ne peut le faire qu'en demandant l'autorisation soit au préalable ou a posteriori des individus, à ce moment-là.

Une des choses qu'on fait très rapidement, et je pense que c'est un avantage non seulement du Bureau de la statistique du Québec mais, je dois dire, des agences statistiques, très souvent, on va justement procéder par échantillonnage. Très souvent, on va dénominaliser l'information même si elle est à l'intérieur du Bureau de la statistique. Ce sont des mesures qui sont prises pour assurer la confidentialité de l'information, de sorte que, si vous allez... c'est-à-dire que, si quelqu'un avait accès à nos fichiers informatisés, à ce moment-là, ce qu'on retrouverait, ce ne serait que des codes, si on veut. Dans ce sens-là, les préoccupations qu'a la Commission d'accès à l'information, en disant: On devrait, là où c'est possible, plutôt que d'y aller par recensement, y aller par échantillonnage, là où c'est possible, de se dépêcher de masquer l'information, dénominaliser l'information, nous, ce qu'on dit, c'est que notre loi est même plus sévère, parce que, finalement, il ne s'agit pas juste de masquer l'information. On se doit de protéger la confidentialité de ce qu'on appelle, au deuxième niveau ou au troisième niveau. Et je donnais l'exemple d'un individu qui dirait: Moi je ne veux pas que mon information soit transmise. Non seulement on n'a pas le droit de la transmettre, mais il faut la protéger, ce qu'on appelle la «confidentialité indirecte», c'est-à-dire qu'il faudra, à ce moment-là, soit refuser à l'organisme qui le demande de lui transmettre plus qu'un établissement, soit utiliser des méthodes qui sont très techniques mais qui permettent, dans un certain sens, de s'assurer que cette information-là ne sera pas transmise aux gens.

Deuxièmement... Mais il y a toutes sortes de processus à l'interne qui sont mis en place pour s'assurer, justement... Parce que, pour nous, c'est toute une question... c'est toute notre crédibilité qui est en jeu. En fait, les gens font affaire au Bureau de la statistique parce qu'ils se disent: On a deux avantages: c'est neutre et c'est confidentiel. Vous vous imaginez que, si on ne respecte pas ces deux principes-là, on perd tout l'avantage stratégique qu'on peut avoir par rapport à d'autres organismes. Et, dans ce sens-là, je pense que c'est un avantage de venir au Bureau et c'est un avantage pour le Bureau de maintenir cette position-là, parce que, finalement, on ne fait pas de la statistique pour nous autres, on en fait pour d'autres.

Je peux vous donner des exemples de processus qu'on utilise pour assurer la confidentialité. Par exemple, les questionnaires qui sont reçus sont toujours sous classeur fermé – c'est-à-dire, je ne parle pas du fichier informatique, mais le document de base qu'on doit conserver pendant un certain temps – dans l'unité responsable de la collecte et n'est pas accessible aux autres employés du Bureau, et, dans cette unité-là, lorsqu'on va en pré-archivage, on enlève l'enregistrement de l'individu, à ce moment-là, c'est une deuxième mesure. Quand vient le temps de détruire ces questionnaires-là, ce qu'on fait, c'est que c'est un employé du Bureau qui va à l'incinérateur lui-même et voit à ce que tout soit détruit en sa présence, ou des choses comme ça. C'est certifié dans ce contexte-là. Je pense que c'est toute la crédibilité du Bureau qui est en jeu dans des mesures comme celles-là.

M. Lefebvre: Je vous remercie, M. Bessette.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Je passe la parole à M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: D'abord, je veux remercier le Bureau de la statistique pour son mémoire, qui est, je pense, fort utile. Dans vos tribulations avec la Commission d'accès, est-ce qu'on a déjà abordé la question... Je la formule autrement: Est-ce que le Bureau de la statistique, par sa loi et ses pratiques, est autorisé à communiquer les renseignements qu'il détient à des tiers? Je pense à des chercheurs universitaires, pour être bien clair.

M. Bessette (Luc): Comme je le mentionnais, la seule donnée individuelle que pourrait être habilité à transmettre le Bureau à un tiers doit être faite avec l'autorisation, comme je disais, au préalable ou a posteriori de l'individu ou de l'entreprise concernée. Quand je dis «au préalable», c'est que, au moment où on envoie un questionnaire, ça va être marqué, par exemple, je vous donne un peu la phrase: L'information que vous allez fournir sera transmise au ministère, disons, de l'Agriculture, à moins d'avis contraire. Si l'individu nous transmet l'information et dit: Moi, je ne suis pas intéressé à ce que ce soit transmis au ministère de l'Agriculture, on ne le fera pas. Dans le passé, à un moment donné, il y a eu, par exemple, des subventions aux pêcheurs, et le ministère de l'Agriculture et des Pêches disait: Ce serait utile d'avoir une donnée objective pour donner des subventions aux pêcheurs. On avait cette information-là. On n'a pas pu la transmettre au ministère de l'Agriculture. Ce qu'il a fallu faire, c'est écrire à chacun des individus, leur demander une autorisation écrite pour que, nous, on puisse transmettre leur dossier au ministère concerné, à ce moment-là. Et c'est toujours la façon de procéder. Il n'y a aucune information qui sort du Bureau, à moins que ce soit ce qu'on appelle une «information statistique». Et, par définition, une information statistique, c'est une donnée qui protège la confidentialité des individus.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: Est-ce que vous transmettez des données à Statistique Canada, et vice versa?

M. Bessette (Luc): Il y a des échanges qui sont faits avec Statistique Canada, et, là aussi, c'est prévu dans notre loi et c'est prévu dans la loi de Statistique Canada, et, là aussi, quand c'est des enquêtes qui sont résultat d'enquêtes, c'est mentionné que ça peut être transféré. Dans ces cas-là bien spécifiques, du fait que les deux organismes sont protégés par la loi statistique, les législateurs, dans les deux cas, tant dans la loi fédérale que dans la loi provinciale, disent qu'on n'a pas à demander l'autorisation aux individus pour transférer cette information-là.

M. Bourdon: Maintenant, après que Statistique Canada a reçu des données de votre part, est-ce que sa loi constitutive contient des sauvegardes quant à la transmission à des tiers?

M. Bessette (Luc): La loi... En fait, pour avoir droit ou permettre cet échange-là entre les deux organismes, ça présuppose, autant dans une loi que dans l'autre, que les deux lois constitutives fournissent les mêmes garanties aux individus. Et, à ce moment-là, dans la mesure ou Statistique Canada trouverait que la loi québécoise ne donne pas suffisamment de protection, elle pourrait refuser de transmettre les informations individuelles, et il en va de même.

Mais, actuellement, entre la loi fédérale et la loi québécoise, il n'y a pas de problème, ce sont des lois très semblables et qui donnent ou permettent tout ce genre de garanties là. Mais il y a au moins deux cas qui sont actuellement en discussion, un cas avec la province de l'Alberta et un cas avec la province de l'Ontario, où Statistique Canada est en train de regarder si les échanges devraient continuer, par exemple, parce que les garanties qui existaient auparavant semblent moins évidentes. Donc, c'est sous revue régulièrement, et, nous, on est soumis aux mêmes engagements de par notre loi.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Alors, M. le député.

M. Bourdon: Ça va.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Est-ce qu'il y aurait d'autres personnes qui voudraient poser des questions? M. le ministre, est-ce que vous voulez faire la conclusion, parce qu'il nous reste quand même assez largement de temps. Ça va?

M. Lefebvre: Alors, moi, je vais saluer M. Bessette et ses collaborateurs et collaboratrices, Mme Bourque et tous ceux et celles qui vous accompagnent. Je vous remercie, encore une fois, d'avoir répondu à nos questions et de nous avoir soumis un mémoire qui est extrêmement pertinent. Parce que tout le monde a compris, et c'est encore plus évident face aux explications que vous nous avez fournies, que le Bureau de la statistique est un organisme très concerné par la Commission d'accès et les objectifs de la Commission d'accès, mais vous nous avez expliqué, et c'est rassurant pour ceux et celles qui en auraient douté, même si on le savait déjà, que votre organisme est déjà très, très, très bien encadré et soumis à des règles extrêmement sévères quant à la confidentialité. Alors, merci, M. Bessette, et madame et messieurs.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Alors, je vous remercie beaucoup, les gens du Bureau de la statistique du Québec, MM. Dionne, Baribeau, Bessette, Savard, Mme Bourque, et M. Roy. Alors, je vous inviterais à vous retirer, s'il vous plaît.

Et nous allons passer... Oui, j'aimerais suspendre une minute, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 11 h 49)

(Reprise à 11 h 55)

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Nous allons procéder avec la Société Progestaccès. Si vous voulez nous présenter les membres qui vous accompagnent, M. Emmell.


Société Progestaccès

M. Emmell (Vincent): Certainement. À ma droite, Annie Rousseau, qui est vice-présidente aux affaires juridiques, et, à ma gauche, Pierrôt Péladeau, qui est vice-président en recherche et développement.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Avant que vous débutiez, j'aimerais vous informer de la formule du 10-10-10, pour les trois parties. Vous avez 10 minutes pour présenter votre mémoire.

M. Emmell (Vincent): Merci. Alors, Mme la Présidente, M. le ministre, MM. les députés. Notre entreprise offre des services en gestion de l'information administrative et se spécialise dans l'accès à l'information, la protection des renseignements personnels et de la vie privée. Nous offrons une gamme de services en gestion, vérification, recherche, évaluation sociale de systèmes d'information, formation professionnelle et droit. Nous avons déjà aidé plus de 150 organisations québécoises, principalement dans la mise en place de programmes de protection des renseignements personnels. Nous préconisons une approche favorisant l'atteinte, pour l'entreprise, d'une gestion économique, efficace et efficiente de son information administrative, et particulièrement l'information personnelle, à travers une vision globale et intégrée de l'ensemble des enjeux en cause.

En premier lieu, notre entreprise appuie sans restrictions les recommandations de la Commission d'accès à l'information pour le maintien de la Loi sur l'accès à l'information. Nous ne visons pas à commenter l'ensemble des recommandations de la Commission d'accès à l'information, mais plutôt à souligner, à la lumière de notre expérience, trois points que nous considérons importants de vous présenter.

Le premier de ces points, c'est l'évaluation sociale des projets de systèmes d'information. Nous ne croyons pas que la recommandation 17 du rapport de la Commission d'accès à l'information entraînera une meilleure protection des droits des citoyens ni ne favorisera la bonne gestion administrative de la part des organismes publics. C'est pourquoi nous recommandons que les organismes qui veulent changer les systèmes informatiques de gestion des renseignements personnels produisent une déclaration d'impact social de ces nouveaux développements.

Nous croyons que certains ajustements dans la loi, en simplifiant son administration, garantiront une meilleure atteinte de ses objectifs en matière de protection des renseignements personnels. Ces changements concernent principalement la collecte d'information personnelle, l'utilisation de cette information, la communication de cette information et le droit de rectification de cette information.

Finalement, nous croyons qu'un débat public doit être tenu sur l'usage des identifiants personnels. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Je vous remercie beaucoup. M. Emmell, vous m'avez prise par surprise, parce que je croyais que vous alliez utiliser vos 10 minutes. Alors, M. le ministre.

M. Lefebvre: Je ne voudrais pas – et je pense que vous serez d'accord avec moi, Mme la Présidente – que nos invités se sentent serrés par le temps. S'il faut prendre plus de temps que... vous souhaiteriez avoir un peu plus que les 10 minutes, même dans l'échange, je veux vous indiquer tout de suite que, quant à moi, il n'y a pas de problème. Je suis convaincu que c'est la même chose pour M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: Oui.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Si vous voulez poursuivre. Parce que, moi, j'étais en train de regarder votre document. Si vous avez d'autres choses à nous indiquer, M. Emmell.

M. Lefebvre: Si vous avez d'autres commentaires, c'est ça, avant notre questionnement...

M. Péladeau (Pierrôt): Peut-être aller avec des exemples.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): M. Péladeau, oui.

M. Péladeau (Pierrôt): Oui, c'est ça. Par exemple, au niveau du débat sur la question des identifiants, nous croyons que c'est important que la Commission fasse ce type de débat là, parce qu'il y a des enjeux globaux, y compris sur ce qu'on vient de discuter tantôt avec le Bureau de la statistique du Québec. Parmi les discussions... Parce que, présentement, le secteur privé est en train de développer, dans le cadre du développement de l'autoroute électronique, des méthodes d'identification qui ne pourront pas résoudre un tas de problèmes que, présentement, ont autant les organismes publics que privés concernant l'authentification des transactions. Il y a un problème de sécurité de transaction, et la tendance, présentement, des organismes, c'est de recueillir n'importe quoi, style numéro de permis de conduire pour ouvrir un compte, dans une bibliothèque, etc. La même chose dans le secteur privé. Les clubs vidéos, qui font la même chose, et les grandes entreprises de services publics, qui demandent ça par téléphone, croyant s'assurer une plus grande sécurité.

Nous, on fait la démonstration que, comme le dit la Commission, ce n'est pas utile ni nécessaire, donc encore moins nécessaire, ce genre de pratique là, parce que ça ne garantit pas pour autant une meilleure sécurité, d'une part, et, d'autre part, il faut se rendre compte qu'avec le développement de l'autoroute électronique, de toute manière, de plus en plus on va faire des transactions à travers des échanges à distance. Donc, il va falloir garantir l'authentification des personnes. Et, pour faire ça, il y a des moyens techniques que le secteur privé est en train de développer... autant des gens autour du groupe Vidéotron ou des entreprises de téléphone comme Stentor, des expériences qui se font déjà en Europe. Et, ça, ça peut résoudre toute une série de problèmes, d'une part, d'authentification, ce qui fait que ça va assurer la sécurité des transactions. Ça pourrait même introduire des contrôles sur la communication de renseignements qui feraient que des dispositions de la loi seraient sanctionnées par la technologie elle-même. C'est-à-dire que, par exemple, pour le consentement de communication, il faudrait passer par la carte de l'usager avec son NIP.

(12 heures)

Ce genre de choses là, même pour le Bureau de la statistique... Par exemple, en Allemagne, on étudie la possibilité, en utilisant justement ces cartes à mémoire là, de faire qu'on va résoudre le problème que le Bureau de la statistique réglait, parce que, pour un centre de statistique, ils n'ont pas besoin de savoir, au fond, nominalement qui sont les personnes. Eux autres, ce qu'ils ont besoin de savoir, c'est: s'ils font des couplages sur 10 ans entre les informations de déclarations de revenus d'impôt et la situation de santé, les dossiers de santé, eux autres, ce qu'ils veulent savoir, c'est s'ils font toujours les références aux mêmes personnes pendant 10 ans, dans 20, 30 dossiers. Donc, ce dont ils n'ont pas besoin, c'est d'information nominative. Ils ont juste besoin d'avoir une information là-dessus. Or, les techniques qui sont quand même développées vont permettre de le faire sans aucune transmission de renseignements personnels. Donc, on règle le problème à la source. Ce que le statisticien veut, c'est d'avoir la garantie que c'est toujours les mêmes personnes de qui on parle. Il n'a pas besoin de savoir les nom, adresse, numéro de téléphone de ces personnes-là. Là, présentement, on est obligé de les demander pour s'assurer que c'est toujours les mêmes personnes.

Donc, il y a un débat qui va se développer, qui va déterminer les règles par lesquelles les personnes exercent leur droit civil, par lesquelles les gens s'identifient, font des contrats, font même la signature électronique, font des consentements, et, nous, on pense qu'il faudrait s'assurer que les développements qui se font, dans la mesure où c'est le secteur qui est en train de les faire, ça respecte les grands objectifs sociaux qu'on se donne et que ça pourrait même solutionner des cas comme le cas du Bureau de la statistique. Donc, ça, c'est un exemple qu'on peut donner pour ce qui est du débat sur l'identification.

Sur la question de l'évaluation sociale, peut-être illustrer ce qu'on entend par l'importance de l'évaluation sociale, parce que, chaque fois qu'on met en place un système d'information, qu'il soit papier ou informatique, ça impose des contraintes, ça induit... un peu comme les médicaments, là, il y a des effets secondaires, puis il faut les évaluer puis il faut les contrôler. Je vais donner deux exemples... Je vais en donner seulement un, juste pour l'illustrer, puis je vais choisir un organisme public étranger, ça va éviter des susceptibilités. C'est un cas français qui date du début du siècle, donc, très vieux. C'était bien avant l'informatique. Pour les taxes, pour établir les valeurs des propriétés pour fins de taxation, on essayait de trouver un système qui ne serait pas tellement intrusif, qui serait plutôt objectif, qui n'imposerait pas d'entrer dans les maisons pour faire l'évaluation des demeures et tout ça, et il y avait quelqu'un qui avait découvert un beau système, quelque technicien qui avait décidé: On va faire quelque chose de très objectif, on va compter les fenêtres. Il a dit: C'est objectif, il n'y a personne qui peut contester, on n'a pas besoin d'entrer dans les maisons. Ça fait que, là, on va établir ça. On a établi ça. Du point de vue, peut-être, de la Commission d'accès, ils avaient trouvé ça génial. Je veux dire, ce n'est pas intrusif, ça ne recueille que les renseignements nécessaires, etc. Ça a eu deux résultats: une diminution sensible des revenus de taxation et une augmentation dramatique des taux de tuberculose. Les gens muraient leurs fenêtres ou bâtissaient sans fenêtres.

Et ça, il y en a plein de ça. On pourrait vous en citer des cas, des cas, des cas. Par définition, il n'y a pas un système d'information qui n'introduit pas des effets secondaires. Parce que c'est des systèmes compliqués de gestion d'information, qui interviennent avec des sujets humains, qui vont réagir avec ces systèmes-là.

Donc, nous, ce qu'on pense, c'est qu'il faut absolument assurer que, avant qu'on prenne ces décisions-là, les décideurs prennent le réflexe, comme ça s'est fait dans le passé... Il y a 10 ans, les informaticiens concevaient encore les systèmes informatiques sans consulter les gens qui allaient travailler avec. Ils mettaient le système en place, on mettait la «switch» à «on», et c'était la catastrophe, et le système, on était obligé de le mettre aux vidanges. On s'est dit: Bon, là, on va être obligés de consulter les gens qui vont travailler avec, regarder comment ils travaillent, comment on modifie leurs conditions de travail.

Je pense qu'on est rendus à une étape plus loin, c'est-à-dire de regarder quel effet ça a sur les personnes sur lesquelles on recueille des informations. Et, ça, nous, on propose un mécanisme qui n'utilise pas un terme technologique, c'est-à-dire développement informatique, parce que ce n'est pas rien que de l'informatique, ça peut être papier, un. C'est un nouveau concept qu'on introduirait dans la loi, donc ça conclurait les choses. Il existe déjà une obligation de faire une déclaration de fichier. Quand on ouvre un fichier, il existe déjà une obligation, quand il y a une modification, un nouvel usage, une nouvelle communication, une nouvelle catégorie de personnes qu'il va y avoir, de modifier cette déclaration-là. Donc, en faisant que, à chaque fois qu'on fait ça, cette déclaration-là soit rendue publique, comme ça se fait aux États-Unis, et que, éventuellement, on oblige les gens à faire une déclaration d'impact... Ce n'est pas très long, mais y penser, au moins ça force les gens... Là, je veux laisser la chance à tout le monde de parler.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Je voulais juste...

M. Péladeau (Pierrôt): Donc, je pense qu'on comprend l'esprit de ce qu'on veut dire, et, maintenant, on vous laisse le soin de poser vos propres questions.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Merci, M. Péladeau. M. le ministre.

M. Lefebvre: Merci, Mme la Présidente. Je veux remercier Mme Rousseau, M. Emmell et M. Péladeau d'avoir soumis un mémoire qui est assez, évidemment, particulier pour la commission, mémoire qui nous est soumis par une entreprise privée qui se spécialise dans l'activité qu'on discute, qu'on évalue depuis hier. Vous touchez évidemment des points extrêmement importants pour les membres de la commission.

Je voudrais vérifier, dans un premier temps... L'activité de votre entreprise se spécialise et dans l'accès à l'information et dans la protection des renseignements personnels. Est-ce que ça se partage à peu près, au niveau du volume d'affaires, à 50-50, M. le président?

M. Emmell (Vincent): C'est que nous nous servons actuellement de la loi 68 comme fer de lance pour entrer dans l'entreprise. Ce que nous proposons aux entreprises, c'est de bien gérer tous les renseignements personnels. La gestion des renseignements personnels, c'est une activité de qualité dans l'entreprise et ça peut se refléter sur toute leur gestion de l'information qu'ils ont dans l'entreprise. Alors, nous leur prouvons, avec les renseignements personnels, et nous continuerons ensuite à donner de la consultation pour les autres renseignements qui sont dans l'entreprise, comme les renseignements financiers et les renseignements administratifs et autres choses comme ça.

M. Lefebvre: On considère, comme gouvernement, que l'adoption de la loi 68 avec, en plus, si on ajoute les dispositions qu'on retrouve dans le nouveau Code civil, on considère et on est appuyé par... J'en ai parlé ce matin – je pense que vous en avez eu connaissance – de l'opinion de certains experts en la matière. On considère que la vie privée du citoyen au Québec, elle est bien protégée, et on prétend même, au gouvernement, que le Québec est avant-gardiste dans ce sens-là, au niveau de la protection de la vie privée, en Amérique. Est-ce que vous sentez, dans votre travail, au niveau de votre entreprise, que le citoyen au Québec, en général, se sent bien protégé quant à la confidentialité de ce qui le touche, lui, personnellement?

M. Emmell (Vincent): Je crois que les sondages disent que, premièrement, le citoyen est extrêmement préoccupé par ça. Il n'y avait pas vraiment d'outils pour tout ce qui concerne l'entreprise privée avant. Il y a des outils qui existent pour les organismes publics, mais ils sont quand même, pour le citoyen moyen, assez difficiles à utiliser.

C'est officiel qu'on ne peut pas demander au citoyen moyen de connaître la loi sur le bout de ses doigts et de pouvoir l'utiliser de façon très efficace. On s'en rend compte. Les organismes utilisent énormément les services d'avocats pour empêcher les citoyens ordinaires d'avoir de l'information qui, dans bien des cas... Les citoyens demandent des choses, mais ils ne savent pas comment les demander. Alors, on interprète toujours ça comme s'ils voulaient la lune, mais, en réalité, ils ne veulent vraiment pas la lune.

Mais on aurait dit que ce qui se produit actuellement, c'est qu'on force le citoyen, en fin de compte, à dire: Bon, bien, la transparence... Il a l'impression que la transparence n'existe pas. Mais je pense qu'il y a un bon chemin de fait. Des entreprises comme la nôtre vont peut-être pouvoir aider les organismes publics à voir l'efficacité de l'entreprise privée s'appliquer à eux.

M. Lefebvre: C'est ce que le législateur a fait.

M. Emmell (Vincent): Bien, le législateur a contribué énormément à favoriser cette chose.

(12 h 10)

M. Lefebvre: M. Emmell, qu'est-ce qui inquiète le plus le citoyen au niveau de la protection de sa vie privée? Vous dites qu'il est préoccupé. Ça tient, j'imagine, à la publicité qu'on peut retrouver dans les médias ou, je ne sais pas... Comment expliquez-vous que le citoyen, depuis un certain temps, soit, comme vous l'avez mentionné tout à l'heure – et je suis d'accord avec vous – préoccupé ou tellement préoccupé par cette facette de sa vie quotidienne, la protection de sa vie privée?

M. Emmell (Vincent): Je vais laisser mon confrère répondre à ça, mais je pourrai ajouter après.

M. Péladeau (Pierrôt): O.K. Il y a Alan Westin, qui a fait une série d'études pour Équifax qui résumaient assez bien, là. Le taux d'inquiétude est directement lié au sentiment de contrôle qu'ont les individus sur les institutions puis les entreprises. Dans la mesure où il semble que, de plus en plus, ils ont affaire à des appareils compliqués et qu'ils ne comprennent pas, donc la confiance de la population dans ses institutions et les inquiétudes en matière de vie privée, c'est directement lié, ça se suit directement. Ça, c'est l'élément, là, général, global.

Ce par quoi les gens sont préoccupés, c'est que... En fait, il y avait trois éléments dans un sondage sur lequel j'ai travaillé il y a deux ans, là, pour des entreprises privées et des organismes fédéraux. Ça disait trois choses, c'est-à-dire les gens veulent avoir un contrôle. Ils veulent savoir ce qu'on fait avec l'information à leur sujet. Et, déjà, ça fait référence à une de nos recommandations. Malgré les dispositions de la loi disant que les organismes publics doivent informer les citoyens de quelles informations ils recueillent, pourquoi et à quelle fin, qui a accès, et tout ça, les organismes publics ne le font pas, en pratique. Et c'est pour ça qu'on demande d'enlever le «au préalable», parce que, eux autres, ils disent: Bon, bien, on reçoit quelqu'un à l'hôpital, on ne va pas, avant de lui donner les services, lui expliquer tout ça ou, si on est Hydro-Québec, on ne va pas commencer, au téléphone, à lui expliquer tout ça. Donc, au préalable, c'est trop compliqué, donc on ne le fait pas.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): C'est à quelle page, M. Péladeau, votre recommandation?

M. Péladeau (Pierrôt): On retrouve toutes les recommandations en page 11, là, c'est la troisième, là. C'est modifier l'article 65 de la loi d'accès afin d'y soustraire le terme «au préalable», qu'on retrouve un peu avant, à la page 7, en matière de collecte. Et, nous, ce qu'on constate, et c'est ce qu'on a fait valoir en commission parlementaire sur la loi 68, c'est que si on enlève le «au préalable» puis on dit: Vous avez un devoir d'informer, puis trouver, vous autres, après, les moyens de le faire, les entreprises vont le faire. Et les entreprises le font. Les nouveaux formulaires qui sortent, et mêmes les banques, qui se disent non assujetties, le font. Ça fait que c'est pour ça qu'on se dit que si on assure, donc... Les gens veulent savoir ce qui se passe, et si déjà ils savent ce qui se passe, ça va assurer une plus grande confiance. Donc, ils veulent savoir ce qui se passe.

Deuxièmement, ils veulent avoir un contrôle sur les communications de renseignements à leur sujet. Ça, c'est un élément important, c'est ce que les gens veulent. Puis, troisièmement, ils veulent peut-être aussi... Parce que la vraie raison, le problème, ce n'est pas qu'on recueille des informations, c'est qu'on prend des décisions avec, et, donc, en ayant un système de transparence pour qu'on sache sur quelle base, sur quelles informations on prend des décisions à notre sujet, on peut un peu contrôler la qualité des décisions qui nous affectent. Ce qui irrite les gens, c'est les gens qui se font, dans le concret, là, déclarer décédés ou pas encore nés parce que, là, on a fait un couplage d'informatique mal foutu. Il y a toute une série d'absurdités bureaucratiques qui se produisent à cause qu'on gère l'information au lieu de la connaissance des personnes. On ne connaît pas les personnes, mais on gère les informations puis on arrive à des résultats.

Ça fait que, dans la mesure où, un, ils vont sentir qu'ils savent ce qui se passe, déjà, on améliore énormément les choses. Et les petites modifications qu'on amène vont améliorer sensiblement les choses. En tout cas, les organismes publics n'auront plus d'excuse. Ça, c'est dans un premier temps.

Dans un deuxième temps, je pense qu'il y a le fait qu'il y a des changements technologiques, il y a des changements de pratique, l'introduction de nouvelles cartes, tout ça, et les gens se sentent bousculés là-dedans, et, dans beaucoup de cas, ça affecte leur vie très concrètement. Dans ce sens-là, les gens veulent encore avoir leur mot à dire là-dedans parce que ce sont les premiers concernés par ce qui va se passer.

Et, ça, on le sent, en tout cas au Québec en particulier, si on prend juste le cas du Québec, que, de plus en plus, pour les associations d'usagers dans le secteur public et de consommateurs dans le secteur privé, maintenant ça devient une priorité. Parce que le rapport dans les relations de service, dans les relations entre les individus puis les entreprises, dans les relations entre les individus puis les administrations, ça passe par l'échange d'information et, donc, ça passe par les systèmes d'information. Donc, c'est clair que maintenant, un peu comme on se préoccupe de la loi, on se préoccupe des systèmes d'information qui servent à appliquer la loi. Donc, il faut s'attendre à ce que ça ne soit que croissant comme préoccupation. Je ne sais pas si ça répond à votre question.

M. Lefebvre: Oui, oui, ça répond. Merci, M. Péladeau.

M. Bourdon: Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Oui, M. le député de l'Opposition.

M. Bourdon: Dans le document que vous nous avez soumis, vous parlez de trois sujets en particulier, dont l'évaluation sociale des projets de systèmes d'informatique. Dans le cas de l'État, est-ce que vous ne pensez pas que l'évaluation devrait aussi avoir un caractère rétroactif? Parce qu'il n'y a pas que les développements à venir qui doivent préoccuper, mais l'État détient déjà beaucoup de systèmes, beaucoup de données. Est-ce que vous ne pensez pas que les exigences dont vous parlez pourraient également, par étape, en venir à évaluer aussi ce que l'État possède déjà, qui est considérable?

M. Emmell (Vincent): Je crois que, dans la loi, déjà, il y a un critère de nécessité, et peut-être que l'État, justement, les organismes devraient regarder encore la nécessité d'avoir les renseignements qu'ils ont actuellement. Déjà, juste à faire ça, on pourrait se rendre compte qu'il y a beaucoup, beaucoup, de renseignements personnels qui sont colligés qui sont là pour rien. Ça, le critère de nécessité, dans le fond, c'est un critère de bonne gestion, parce que moins on a de renseignements, moins ça coûte cher à gérer.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: Vous parlez aussi de la question des identifiants, qui peuvent être électroniques, mais autres... Et, moi, j'ai en mémoire les lancements simultanés de campagnes de la Société de l'assurance automobile et de la Régie de l'assurance-maladie. Et la Commission d'accès avait fait valoir un point de vue à cet égard, qu'il y aurait peut-être utilité à envisager un identifiant universel, dans la carte, inventer des moyens et forcer les gens à se faire photographier et à se rendre à un CLSC ou à un autre bureau pour s'identifier. Et j'ai une autre question qui va avec: Pensez-vous que, dans le cas de la Régie de l'assurance-maladie, la conclusion qu'on a éliminé 60 000 000 $ de fraude parce qu'il y a moins de cartes qu'avant en circulation, c'est absolument sûr comme donnée?

M. Péladeau (Pierrôt): Ça, je peux peut-être...

La Présidente (Mme Boucher Bacon): M. Péladeau.

M. Péladeau (Pierrôt): ...répondre par le dernier bout. La Régie de l'assurance-maladie elle-même est très sceptique quant à ses propres chiffres là-dessus. Et je pense que l'exemple de cette carte-là montre justement, dans le cas des cartes, l'utilité qu'aurait eue une évaluation d'impact. Dans le cas de la Société de l'assurance automobile du Québec, à ce qu'on sait, ils ont pris quatre ans pour développer leur projet. Ils ont étudié tout ce qui s'est fait ailleurs, ils sont allés aux États-Unis, tout ça, et pour implanter, ils vont prendre deux ans. Et ils ont vraiment fait attention pour internaliser les coûts le plus possible, pour éviter d'encombrer le problème avec les citoyens, et tout ça, alors que le permis de conduire, ce n'est qu'un privilège, ce n'est pas un droit.

Au niveau de la RAMQ, en tout cas, ce qui s'est produit, ça a été de l'improvisation. On a fait ça sur les chapeaux de roues, sans aucune évaluation d'aucune sorte, avec des conséquences, en tout cas, des effets pervers assez étonnants que des associations de consommateurs, des associations de citoyens avaient soulevés, déjà, dès le départ, et d'autres qu'on n'a pas eu le temps de voir.

Je vais vous donner juste un exemple... Je vais vous donner toute une série d'exemples. Le simple fait de se rendre au niveau... Parce qu'on a «externalisé» les coûts. Il faut se rendre compte que, toute cette opération, l'argent économisé est sur la base du fait que tous les coûts, l'essentiel des coûts de l'administration de ça ont été «externalisés». Par exemple, c'est les points de service qui s'occupent de l'authentification. Ça veut dire que, dans les CLSC, dans beaucoup d'hôpitaux, à même les ressources, sans aucune augmentation de ressources, on a dû dégager une secrétaire, des fois une secrétaire et demie, uniquement pour faire les authentifications. Donc, on a diminué les ressources dans les services de santé et services sociaux pour cette opération-là.

Et, non seulement ça, ce qu'on nous dit, dans les CLSC, c'est que le fait que les gens se rendent pour la première fois de leur vie au CLSC – parce qu'ils ne mettaient pas les pieds là – qu'ils se mettent en ligne – parce que, là, ils sont obligés d'attendre – ils prennent des dépliants, et, là, la conséquence, c'est que quand la personne arrive pour faire authentifier, là, elle a déjà lu les nouveaux services auxquels elle a droit, et, là, c'est dans le domaine des services sociaux qu'il y a une augmentation de la demande. Ça fait que, là, il faudrait comptabiliser ça, d'une part.

(12 h 20)

Il avait été annoncé qu'il y aurait des problèmes, des difficultés de déplacement et de mobilité. On n'en avait pas tenu compte. Il a fallu réviser tout ça. En tout cas, il y a eu toute une série, là... Je ne ferai pas une liste, et il serait intéressant de faire l'évaluation, mais, ce qu'on sait, c'est que, dans la plupart des cas, les coûts sont liés. En tout cas, les gens qui ne se sont pas réinscrits, ce sont des jeunes entre 18 et 35 ans, qui n'utilisent pas beaucoup les services.

Donc, à la limite, c'est peut-être des gens qui ont dit... Parce que c'est très compliqué. Je ne sais pas s'il y a des gens qui ont eu à... C'est très compliqué et ça prend du temps. Donc, les gens qui n'utilisent pas beaucoup les services... Donc, même, en termes de santé publique, on peut se poser la question si, là, il y a des jeunes qui ne vont pas se faire soigner et qui vont dire: Ah, c'est trop compliqué, tout ça, et, là, on va être obligé de payer plus tard.

En tout cas, il n'y a eu aucune analyse dans ce projet-là. Ç'a été une improvisation totale, alors que, à la SAAQ, qui est juste à côté, ils ont pris quatre ans à faire l'étude de ça, ils vont prendre deux ans pour l'implanter, et probablement que ça va être relativement mieux fait.

D'autres exemples. Le Directeur général des élections étudie la possibilité d'informatiser le recensement. Ils ont fait des études, ils ont publié des documents, ils ont permis aux gens de faire des commentaires, et ça pose toute une série de problèmes. En tout cas, ce n'est pas évident, faire le recensement électronique. En tout cas, dans ce sens-là, je veux indiquer qu'il faut regarder où c'en est.

Pour ce qui est de la question d'avoir une carte ou deux, là, je pense qu'elle est en train de se régler d'elle-même, parce que, là, les cartes, elles sont là, et, là, les employeurs en font, des cartes avec photo, les institutions d'enseignement en font, les cartes de crédit, ça s'en vient. Donc, à un moment donné ou un autre, du moment qu'on va avoir... Ce serait plus simple pour tout le monde et moins coûteux pour tout le monde d'avoir une carte qui fait le rapport figure, nom, signature, parce que c'est ce qui garantit un minimum... En tout cas, c'est ce qui garantit la non-transférabilité et ce qui réduit la possibilité de fraude. Ce serait possible de le faire. On éviterait des coûts à tout le monde. Mais, là, ç'a l'air qu'on va le régler autrement. C'est que tout le monde va avoir sa carte avec photo.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Merci beaucoup, M. Péladeau. M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: Je vous posais la question, parce que, à un moment donné, il y a des conclusions hâtives qui se tirent. Par exemple, à la radio, j'entendais il y a quelques jours que la Régie de l'assurance-maladie a éliminé 60 000 000 $ de fraude par l'émission de la carte. Autrement dit, vous mentionnez, par exemple la catégorie des jeunes, des utilisateurs moins fréquents des services de santé qui, devant la complexité de la démarche pour avoir son identifiant, s'abstiennent. Et ça n'en fait pas des fraudeurs pour autant. Ce que je veux dire, c'est que ça va probablement éliminer des fraudes, mais il ne faut pas sauter aux conclusions rapidement pour dire qu'un jeune qui n'était jamais malade, qui n'est toujours pas malade et qui n'a pas renouvelé sa carte, eh bien, il ne se donnait pas de soins à cette personne-là, par hypothèse. Et ce n'est pas parce que là, elle n'a plus sa carte qu'elle a arrêté de frauder. C'est peut-être qu'il y a un problème d'accès à l'identifiant qui fait que ça pose de nombreuses difficultés. Dans mon comté, il y a un hôpital privé conventionné qui était devenu identifiant, et ça perturbait les services aux malades, et les gens de l'hôpital ne trouvaient pas a priori que leur fonction première, c'était d'authentifier des cartes d'identité. C'est qu'on les détournait de leur vocation première pour ce faire.

Et vous ne trouvez pas que, d'une certaine façon, il y a un élément qui est faux dans le débat, de dire qu'une carte d'identité pourrait être dommageable aux libertés de la personne? Et d'en introduire successivement plusieurs, est-ce que bien des cartes, c'est mieux qu'un seul identifiant? À cet égard-là, la preuve n'est pas faite que, bien balisé, un identifiant principal causerait moins de problèmes. Parce que c'est une grosse machine quand ça part, et, dépendant des régions, se faire photographier, ça coûtait plus ou moins cher et c'était une des obligations – vous parliez de transferts de coûts – avec lesquelles le citoyen se retrouvait.

L'autre aspect, c'est que, quand on dit dans une loi, par exemple que la carte d'assurance-maladie n'est exigible que pour les fins pour lesquelles elle a été créée, la même chose pour le permis de conduire, on passe à côté d'une difficulté que, à la caisse populaire, on ne peut pas forcer quelqu'un à s'identifier, mais le client ne peut pas forcer la caisse à lui remettre 500 $ de retrait. De telle sorte qu'on fait semblant qu'il n'y a pas d'identifiant principal, mais les deux qui ont été faits avec photo vont être de plus en plus exigés, à bien des endroits, pour obtenir des services ou pour obtenir de l'argent, dans le cas des institutions financières. Est-ce que je comprends bien votre mémoire, que, à cet égard-là, vous pensez que la Commission d'accès devrait pousser plus loin le débat et consulter, possiblement, sur les moyens que cette situation-là se place?

La Présidente (Mme Boucher Bacon): M. Emmell, d'une façon brève, s'il vous plaît.

M. Emmell (Vincent): Je crois que c'est essentiel qu'il y ait un débat public sur cette question des identifiants, parce que, les transactions commerciales, on a besoin d'un identifiant le plus sûr possible pour sécuriser les transactions. Il n'en existe pas actuellement. Ce qui existe peut causer des gros problèmes à la vie privée, et l'entreprise privée, avec l'autoroute électronique et les cartes à puce, est en train de probablement trouver la solution au problème, qui va protéger la vie privée et va être un identifiant positif. Alors, je crois que c'est là qu'il devient de plus en plus essentiel de faire un débat là-dessus, pour être sûr que ce qui va sortir va au moins aller comme un gant à tous les citoyens.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Merci, M. Emmell, nous avons écoulé notre temps. M. le ministre, s'il vous plaît, en conclusion.

M. Lefebvre: Alors, merci, Mme la Présidente. Je veux remercier M. le président Emmell, M. Péladeau, le vice-président, et Mme Rousseau de nous avoir, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, soumis un mémoire qui est extrêmement important pour la commission, puisque vous êtes les seuls intervenants de l'entreprise privée qui aurez eu l'occasion de se faire entendre par les parlementaires de la commission. Je vous remercie également d'avoir été là ce matin pour venir ajouter des commentaires à ceux qu'on ne retrouvait pas à l'intérieur de votre document. Ce sera extrêmement utile pour la commission. Je vous remercie beaucoup.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Alors, j'invite la Société Progestaccès à se retirer, et j'indique que la commission est suspendue et reprendra ses travaux à 16 heures. La séance de cet après-midi aura lieu à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 28)

(Reprise à 16 h 5)

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Il me fait plaisir d'ouvrir, à 16 heures, la commission de la culture. Le mandat de la commission de la culture est de procéder à l'audition publique dans le cadre de la consultation générale concernant le rapport de la Commission d'accès à l'information sur la mise en oeuvre de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels.

M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: Est-ce que j'aurais le consentement pour être remplacé par Pierre Bélanger, parce que j'ai un projet de loi en Chambre.

M. Lefebvre: Aucun problème.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Consentement.

Maintenant, j'inviterais l'Association coopérative d'économie familiale du Nord de Montréal à se présenter devant nous. J'aimerais rappeler à l'Association coopérative qu'elle bénéficie d'une heure et que la répartition du temps sera de 20 minutes pour votre temps de parole, 20 minutes à M. le ministre et 20 minutes à l'Opposition. Alors, si vous voulez nous présenter, madame, les gens qui vous accompagnent et vous-même.


Association coopérative d'économie familiale du Nord de Montréal (ACEF du Nord de Montréal)

Mme Latreille (France): Oui. Alors, je suis France Latreille, de l'Association coopérative d'économie familiale du Nord de Montréal et...

M. O'Narey (Ronald): Ronald O'Narey, de l'ACEF du Nord de Montréal, et je représente la Fédération aujourd'hui.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Ça va. Alors, vous pouvez procéder.

Mme Latreille (France): Alors, bonjour. Je voudrais peut-être commencer par expliquer un petit peu notre travail, nous, à l'Association coopérative d'économie familiale. On travaille dans le domaine du budget, crédit, endettement. On rencontre des familles qui sont aux prises avec des dettes, avec des problèmes de consommation, avec des problèmes de budget. Dans le cadre de notre travail, on a rencontré des gens qui avaient été sollicités par des redresseurs financiers. À partir de là, on a ouvert un dossier, et c'est ce dont je viens vous parler aujourd'hui, des redresseurs financiers qui utilisent des banques de données des plumitifs et des bureaux du dépôt volontaire.

Comme vous avez pu le constater à la lecture de notre mémoire, notre propos n'est pas centré sur l'étude du rapport sur la mise en oeuvre de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. Nous apportons plutôt un point de vue et des recommandations sur des dossiers publics qui ne sont pas soumis à cette loi, c'est-à-dire les dossiers détenus au plumitif et dans les registres du dépôt volontaire, ce qui crée certains abus, comme vous pourrez le voir.

À deux reprises, soit en 1991 et en 1992, nous sommes intervenus en commission parlementaire pour demander au ministre des Communications qu'il légifère sur l'utilisation abusive des banques de données détenues au plumitif, au dépôt volontaire et dans les bureaux d'enregistrement. Voici un bref rappel des faits.

Depuis 1988, nous travaillons sur le dossier des redresseurs financiers. Ces commerçants rencontrent une clientèle aux prises avec des problèmes d'endettement et leur demandent un paiement assez élevé pour les référer en faillite. Nous avons plusieurs centaines de dossiers, à l'ACEF, qui démontrent que cette solution n'était pas toujours la bonne pour les débiteurs. Les personnes ont payé deux intervenants pour faire faillite, soient le redresseur et le syndic, alors que la procédure normale est que seul le syndic recueille des frais pour administrer une faillite.

Le recrutement des consommateurs aux prises avec des problèmes financiers se fait principalement de quatre façons: par le biais des pages jaunes – il y en a même un qui s'annonce comme étant mieux qu'un syndic; par une publicité régulière dans les journaux, cette publicité insiste principalement sur la possibilité de trouver rapidement une solution aux problèmes de dettes, on y annonce même une possibilité de faire faillite gratuitement; troisièmement, par une lettre personnalisée, avec numéro de dossier à l'appui, aux personnes sous le coup d'une action légale. Ils puisent ces informations à partir des registres publics disponibles dans tous les palais de justice du Québec, le plumitif. Une lettre similaire est aussi envoyée aux personnes qui inscrivent leur dette au dépôt volontaire. Ces gens qui inscrivent leur dette au dépôt reçoivent dans les jours suivants plusieurs lettres de sollicitation de la part de redresseurs financiers. C'est une clientèle de choix pour tous les redresseurs, car elle est aux prises avec de sérieuses difficultés financières. Un des ces redresseurs, Michel Ste-Marie, a été poursuivi à plusieurs reprises par la GRC et par l'Office de la protection du consommateur. Actuellement, un recours collectif est intenté contre lui. La Chambre des huissiers a envoyé une lettre au ministère de la Justice pour demander que cesse l'utilisation du plumitif par les redresseurs financiers.

Les sources principales de ces redresseurs pour recruter leur clientèle sont le plumitif et le dépôt volontaire. Les consommateurs qui sont sous le coup d'une action légale ou qui inscrivent leur dette au dépôt voient automatiquement leurs coordonnées inscrites au registre du palais de justice. Les nombreux redresseurs qui existent maintenant s'y rendent allègrement y cueillir les noms pour leur envoyer une lettre personnalisée. Le modèle le plus récent de cette lettre ressemble à s'y méprendre à un bref d'assignation. J'en ai annexé une copie, qui est en jaune, à la fin du mémoire. Les gens reçoivent ce papier, qui est plié en trois et qui ressemble à un bref d'assignation. Il y a le numéro de la cause et c'est écrit: Cour du Québec, chambre civile, Service des dépôts volontaires, compte, le nom de la personne avec son adresse. Donc, les personnes qui reçoivent ce papier-là se disent: Bon, est-ce que c'est un bref d'assignation? Qu'est-ce que je reçois là? C'est tout simplement une annonce d'un redresseur financier qui offre ses services de redresseur financier.

(16 h 10)

Ceci est sans contredit un exemple d'une utilisation abusive des banques de données publiques. Les gens qui reçoivent ces lettres sont choqués de voir que toute personne peut se servir de leurs renseignements personnels pour faire de l'argent sur leur dos. Il est en effet inadmissible que des renseignements personnels à caractère public soient disponibles pour une finalité qui n'est pas celle pour laquelle ils ont été recueillis.

En février 1991, un groupe de travail qui a travaillé sur la commercialisation des banques de données des organismes publics, mandaté par le ministre des Communications, remettait un rapport à ce dernier et recommandait, entre autres, ceci: Les bureaux d'enregistrement et les tribunaux judiciaires détenteurs des registres des causes civiles et criminelles devraient être intégrés à la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. Le groupe de travail introduit le principe de finalité. Il considère que les renseignements personnels à caractère public devraient perdre ce caractère public dès lors qu'ils sont utilisés dans une finalité qui n'est pas conciliable avec celle pour laquelle ils ont été recueillis.

Nous appuyons toujours ces recommandations. D'après nous, il faut absolument freiner l'utilisation abusive des données sur la vie personnelle des gens détenues au plumitif et au dépôt volontaire, de façon à empêcher le détournement de finalité. Il faut éviter que ces données soient utilisées à des fins commerciales abusives. C'est tout. Merci de votre attention.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Je vous remercie beaucoup, Mme Latreille. Alors, M. le ministre.

M. Lefebvre: Merci, Mme la Présidente. Je veux saluer Mme Latreille et vous remercier d'être venue nous faire vos commentaires sur le mémoire que vous avez soumis et saluer également M. O'Narey.

Ma première question porte sur les commentaires que vous faites dans le mémoire en disant qu'il y a une utilisation abusive des données qu'on retrouve dans des documents qui sont publics, des plumitifs dans nos greffes, et également tous les renseignements qu'on retrouve à l'intérieur du système des dépôts volontaires. Qu'est-ce que vous entendez, qu'est-ce que vous voulez indiquer par cette mise en garde, les remarques que vous nous faites, qui peuvent être effectivement fondées, Mme Latreille? Ce n'est pas, évidemment, un reproche que je vous fais. J'aimerais que vous nous donniez un peu plus de détails sur ce que vous considérez abusif. Est-ce que ce sont les créanciers? Ça peut être, dans certains cas, des huissiers; ça peut être des agents de crédit qui s'alimenteraient à cette source-là pour des renseignements qui leur serviraient dans leur propre entreprise ou pour des fins autres que celles pour lesquelles ces documents-là existent. J'aimerais vous entendre là-dessus, madame.

Mme Latreille (France): Bien, principalement, c'est surtout l'utilisation par les redresseurs financiers. Bon, c'est l'exemple qui nous vient, nous, en tête en premier parce que c'est un dossier sur lequel on travaille depuis longtemps. Les gens qui inscrivent leurs dettes au dépôt volontaire, donc qui ont un problème d'endettement, croient avoir trouvé la solution en inscrivant leurs dettes au dépôt volontaire, et, quelques jours qui suivent l'inscription au dépôt volontaire, ces gens-là reçoivent trois, quatre, cinq lettres de la part de redresseurs financiers. Donc, ces gens-là ne se sont pas inscrits au dépôt volontaire pour recevoir des lettres des redresseurs financiers. L'utilisation abusive vient du fait que les données qui sont là, je crois, bon, c'est du domaine public, je suis d'accord, mais ne sont pas là pour faire rouler des commerces qui ne sont pas toujours très honnêtes ou qui ne fonctionnent pas toujours dans le droit chemin. C'est une banque de données. La clientèle est très vulnérable. C'est des banques de données de gens qui ont des problèmes d'endettement, qui ont des actions légales qui ont été prises contre eux, donc qui ont des problèmes sérieux d'endettement. C'est certain que c'est des clientèles très vulnérables pour ces redresseurs financiers-là. Donc, c'est abusif du fait que c'est une clientèle vulnérable. Ces gens-là voient leur nom, leur numéro de cause inscrits et reçoivent des lettres à leur nom. Ils sont choqués. Ils sont...

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Est-ce que vous me permettez de poser une question, M. le ministre?

M. Lefebvre: Oui, oui. Allez-y, madame.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): J'aimerais que vous m'expliquiez un peu, quand vous parlez de ces redresseurs-là, où est-ce que... Comment ils fonctionnent? Parce que vous avez dû avoir des plaintes.

Mme Latreille (France): Oui.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Alors, j'aimerais, pour le bénéfice des gens ici, que vous nous citiez un cas ou montriez exactement...

Mme Latreille (France): D'accord. Ça peut être une personne qui inscrit ses dettes au dépôt volontaire parce qu'elle a trouvé que c'était le bon moyen pour s'en sortir temporairement. En étant inscrite au dépôt volontaire, cette personne-là reçoit des lettres de redresseurs financiers. Il y en a qui expliquent dans leur lettre de présentation – les redresseurs financiers, j'entends – qui expliquent: Nous pouvons trouver une solution facilement. Venez nous rencontrer. Première consultation gratuite, etc. Donc, c'est certain que les gens peuvent être tentés d'aller les rencontrer, vont rencontrer ces redresseurs-là, et le redresseur va regarder brièvement leur situation financière. On a entendu des témoignages de gens qui disaient: La personne a regardé ça 20 minutes et m'a référé en faillite. Ou m'a dit: Va faire faillite. Sans parler de syndic, sans parler de... La personne avait aussi des dettes qui n'étaient pas libérables en faillite, si on prend l'exemple de prêts étudiants où, avant la nouvelle Loi sur la faillite, il y avait toutes les nécessités de vie qui n'étaient pas libérables en faillite. Mais le redresseur financier n'informait pas la personne de ces dettes non libérables. Il disait: Bon, la faillite, c'est la bonne solution, vas-y. Alors, la personne payait ce redresseur financier-là au lieu de payer un syndic. Elle se retrouvait avec des gros montants à payer pour une consultation qui avait duré à peu près 20 minutes.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Et ça pouvait se chiffrer à combien?

Mme Latreille (France): Oh! on a vu des situations où c'était 1500 $, 2000 $, parce que, à ce moment-là, la pratique des redresseurs... Parce que ça fait tellement longtemps qu'on intervient, et, comme je disais un petit peu plus tôt, il y a des redresseurs, un entre autres, qui a quand même été poursuivi par l'OPC, la GRC, etc.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): M. Ste-Marie.

Mme Latreille (France): Donc, il a changé sa pratique, il a contourné le plus possible les lois, mais, lui, à un moment donné, c'est lui qui retenait les retours d'impôt des gens. Ça pouvait être un retour d'impôt de 1700 $, de 1800 $. Donc, il s'est fait un bon revenu avec ce commerce-là.

M. O'Narey (Ronald): Pour compléter, je dirais que, un des problèmes, c'est justement que, pour chacun des redresseurs... Parce qu'il y a évidemment M. Michel Ste-Marie que, nous, on poursuit en recours collectif au niveau de l'ACEF et qui a fait la manchette des journaux pendant un certain temps. Mais il y a plein d'autres redresseurs qu'on a vu apparaître, puis, nous, on les voit apparaître tout simplement parce que les gens qui s'inscrivent au dépôt volontaire reçoivent une pile de lettres de différents redresseurs. Donc, c'est pour eux un bon moyen de prospection commerciale, et c'est là que, nous, on s'interroge sur l'utilisation du plumitif et du dépôt volontaire, parce que ça sert vraiment à faire de la prospection commerciale, donc à de la recherche de clientèle. Et je ne pense pas que ça a été pour ces raisons-là que ces banques de données là ont été rendues publiques. Ce n'est sûrement pas pour faire de la prospection commerciale.

Je dirais que les redresseurs financiers, en général, pour synthétiser le travail qu'ils font, finalement, c'est de solliciter les gens qui ont des problèmes financiers pour tirer le maximum d'argent qu'ils peuvent aller tirer avant d'aller les référer à la faillite, tout simplement. Alors, c'est ce qu'on a vu comme pratique de façon générale.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Je vous remercie. M. le ministre.

(16 h 20)

M. Lefebvre: Est-ce que, Mme Latreille et M. O'Narey, vous ne considérez pas que les dispositions qu'on retrouve dans le nouveau Code civil qui visent spécifiquement à protéger la réputation, la vie privée, particulièrement l'article 37... et je suis convaincu que vous en connaissez la teneur, mais je vais lire peut-être le début à tout le moins: «Toute personne qui constitue un dossier sur une autre personne doit avoir un intérêt sérieux et légitime à le faire. Elle ne peut recueillir que les renseignements pertinents à l'objet déclaré du dossier et elle ne peut, sans le consentement de l'intéressé ou l'autorisation de la loi, les communiquer à des tiers ou les utiliser à des fins incompatibles avec celles de sa constitution; elle ne peut non plus, dans la constitution ou l'utilisation du dossier, porter autrement atteinte à la vie privée de l'intéressé ni à sa réputation.»

En fait, ce que je veux vérifier avec vous: Est-ce que vous reconnaissez que l'article 37, que je viens de vous lire, répond – je ne vous dis pas que, en pratique, c'est facile à appliquer; ça peut constituer certaines difficultés, l'application de l'article, parce que, quotidiennement, on ne peut pas avoir, évidemment, une surveillance de tous les greffes de nos cours supérieures un petit peu partout au Québec – si, techniquement, ce que je viens de lire comme texte qu'on retrouve à l'article 37, ça répondrait à ce que vous exprimez comme inquiétude. Et non seulement comme inquiétude: vous nous rapportez des cas très précis. Mais est-ce que l'article 37 du Code civil, du nouveau Code civil, constitue une sécurité aux problèmes que vous nous expliquez cet après-midi?

Mme Latreille (France): J'imagine que ça peut constituer une sécurité s'il y a un jugement qui dit explicitement que ce type de commerçant n'a pas le droit de constituer un dossier parce que son intérêt n'est pas sérieux ni légitime.

M. Lefebvre: Oui, oui.

Mme Latreille (France): C'est certain que, à ce moment-là, ça peut empêcher la constitution de dossiers, sauf qu'au départ on ne sait pas comment un juge va interpréter le...

M. Lefebvre: C'est ça, vous avez raison. Vous attendez l'interprétation qu'un tribunal donnera, que les tribunaux donneront à l'article 37.

M. O'Narey (Ronald): C'est ce qui nous inquiète beaucoup, de voir comment ça peut être tranché par un juge. Nous, ce qu'on pense, c'est que ça ne devrait même pas être laissé à l'interprétation du juge. Qu'on limite directement l'utilisation commerciale, pour de la prospection commerciale, qu'on limite directement, au niveau du législateur, la possibilité de l'utiliser de cette façon-là et de ne pas laisser au juge la possibilité d'interpréter. Est-ce qu'un redresseur financier qui charge un montant d'argent pour les services qu'il va rendre, est-ce que c'est légitime, finalement, d'offrir ses services par le biais du... en utilisant, finalement, les banques de données du dépôt volontaire? On pense qu'il y a un risque que ça soit interprété de façon que ce soit légitime et, finalement, d'ouvrir la porte à tous ceux qui veulent l'utiliser.

Donc, je pense que le législateur doit prendre des mesures pour que ça soit déjà interdit, qu'on ne laisse pas à l'interprétation. C'est dans ce sens-là qu'on voulait que ça soit soumis à la commission.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Merci. M. le ministre.

M. Lefebvre: J'aurai d'autres questions, Mme la Présidente, tout à l'heure. Je vais céder la parole à mes collègues.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Alors, M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: D'une certaine manière, on est devant, peut-être, une contradiction aussi entre les deux lois. C'est que, dans la loi 68, qui ne fait pas l'objet du rapport, pour avoir accès à un renseignement, on pose la nécessité d'avoir un intérêt légitime, je ne m'en rappelle plus du terme... sérieux et légitime. Alors, d'une certaine façon, ça pose, ce que vous soulevez, la question de l'harmonisation des deux lois. Ce que je veux dire, c'est que l'équivalent d'un redresseur financier n'aurait pas accès à des renseignements, possiblement, dans le secteur privé, puis il l'a dans le secteur public, pas parce que c'était la volonté du législateur, mais parce qu'il y a une zone d'ombre dans la loi d'accès actuelle sur la protection des renseignements personnels.

Et la démarcation n'est pas simple à faire. Le Conseil scolaire de l'île de Montréal, par exemple, nous disait: Le registre de l'évaluation municipale, qui comporte le nom de l'institution financière qui a un lien hypothécaire sur l'immeuble et la date d'échéance de l'hypothèque, est un document public en soi. Par exemple, l'acheteur d'une maison peut aller le consulter pour savoir quelle hypothèque est due sur la maison qu'il veut acheter. Mais le Conseil scolaire a eu des demandes pour avoir la banque des données de tout le rôle d'évaluation, avec les dates d'échéance des hypothèques, et l'a refusée, se disant que c'était pour commercialiser le rôle, dans le fond. Il voyait le moment où toutes les institutions financières se garrocheraient au créancier hypothécaire dont l'hypothèque est échue pour lui vendre telle ou telle hypothèque.

Alors, dans le fond, vous le dites bien dans le mémoire, c'est la question de la finalité puis des motifs de la personne qui requiert qui est en cause. Ce n'est pas, en soi, qu'un créancier ait accès au nom d'un débiteur qui est inscrit au dépôt volontaire pour vérifier – parce que je crois comprendre que lui-même s'inscrit pour recevoir des sommes, mais là vous parlez d'organisations qui se servent du document public à des fins commerciales et qui n'ont pas, pour reprendre les termes de la loi 68, un intérêt sérieux et légitime dans la question. Est-ce que vous pensez que ça devrait faire l'objet spécifiquement d'un nouvel article dans la loi d'accès?

Mme Latreille (France): D'ajouter un article semblable à ça dans la loi d'accès à l'information?

M. Bourdon: Oui.

Mme Latreille (France): Si c'est pour empêcher l'utilisation de ces banques de données là à des fins commerciales, oui, absolument.

M. Bourdon: Maintenant, il y a peut-être aussi un autre aspect, si je parle d'harmonisation entre la loi qu'on étudie et 68, c'est que, dans la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, une personne qu'on sollicite a le droit de savoir en vertu de quelle liste et pourquoi on la sollicite et, en plus, peut indiquer – on ne parle pas, là, de l'équivalent du plumitif – en s'abonnant ou en faisant un geste de cette nature-là, qu'elle ne veut pas être sollicitée à des fins commerciales. Mais, dans le fond, est-ce que vous croyez que ce serait suffisant d'introduire dans la loi d'accès les mêmes termes, dans le fond, que dans la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé: que la personne qui requiert un renseignement doit avoir un intérêt sérieux et légitime?

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Mme Latreille.

Mme Latreille (France): C'est qu'il faudrait voir, encore une fois, comment un juge...

M. Bourdon: Oui.

Mme Latreille (France): ...va établir si le redresseur financier a, oui ou non, un intérêt sérieux et légitime. C'est ça. Ce qu'il faudrait... C'est sûr que le mécanisme, ou la façon de faire, je ne la connais pas pour l'instant. Ce qu'il faudrait, c'est bloquer... Ce qu'on voudrait, nous, c'est bloquer à la source l'utilisation abusive de ces banques de données là pour éviter que les gens reçoivent ce genre de papiers là. Parce que, actuellement, quand les gens reçoivent ces papiers-là, ils n'ont pas vraiment de recours. Ils n'ont pas de recours, là, pour dire: Ils n'avaient pas le droit d'utiliser la banque de données publique. Oui, à moins d'y aller avec, bon, l'intérêt sérieux et légitime, mais là, tout va dépendre du jugement...

M. Bourdon: D'interprétation.

Mme Latreille (France): C'est ça, d'interprétation.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Il n'a peut-être plus les moyens pour faire ces recours-là non plus.

Mme Latreille (France): Oui.

M. O'Narey (Ronald): En même temps, comme on dit, ça peut légitimer, si on se retrouve en cour là-dessus... Il y a des risques que ça soit légitimé, d'une certaine manière.

Mme Latreille (France): C'est ça.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: Je vous remercie, Mme la Présidente. Je partage un peu l'appréhension de votre organisme quand vous avez des réserves relativement à la portée de l'article 37. Je ne prétends pas être un expert quant au nouveau Code civil, loin de là, mais, quand même, quand on parle que, finalement, le seul prérequis qu'on demande aux gens pour pouvoir avoir accès à certains documents, c'est d'avoir un intérêt sérieux et légitime à le faire... Alors, à partir du moment, d'après moi, qu'on permet le commerce ou qu'on permet d'exercer la profession de redresseur financier, ça devient, en tout cas, d'après moi, si ce n'est pas prohibé par le Code civil, on peut dire que c'est un intérêt sérieux et légitime, à ce moment-là. Alors, moi, je me demande jusqu'à quel point... Justement, l'article 37, d'après moi, n'est pas réellement, là, quant à moi, une protection relativement aux préoccupations.

Quand vous parlez que vous voudriez couper à la source l'utilisation de ces banques de données là quant à la finalité de prospection commerciale, on s'entend bien, parce que je ne pense pas que vous vouliez, d'une façon ou d'une autre, enlever le caractère public de ces banques de données là.

(16 h 30)

Mme Latreille (France): Absolument pas.

M. Bélanger: D'accord. Parce que vous comprenez que ces banques de données là ne sont pas uniquement disponibles ou accessibles au plumitif, mais n'importe qui avec un modem et qui paie une mensualité à SOQUIJ...

Mme Latreille (France): Oui, c'est ça.

M. Bélanger: J'en parle en connaissance de cause. Mon bureau avait directement accès au bureau d'enregistrement et à tous les greffes des palais de justice du Québec. Directement de mon bureau, je pouvais faire imprimer comme je voulais, avec les adresses et tout ça. Je pense qu'on ne peut pas vraiment vouloir limiter ça. C'est uniquement à l'utilisation. C'est ça que je comprends bien, là, que vous voulez...

Mme Latreille (France): Oui, c'est ça, absolument.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Merci. Est-ce qu'il y a d'autres questions de la part de l'Opposition?

Une voix: Ça va.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Alors, M. le ministre.

M. Lefebvre: Oui, Mme la Présidente. Merci. Alors, Mme Latreille, je veux vous rappeler, et vous le savez ça aussi, que la loi 68, l'article 4, entre autres, de la loi 68, qui entrera en vigueur le 1er juillet qui vient, dit ceci: «Toute personne qui exploite une entreprise – on en a parlé tout à l'heure – et qui, en raison d'un intérêt sérieux et légitime, peut constituer un dossier sur autrui...» Alors, c'est ces gens-là qui auront le fardeau de démontrer, sur plainte de quelqu'un, plainte déposée à la Commission d'accès.

Si, par hypothèse, un de vos clients ou une de vos clientes considère qu'il y a eu entorse à la loi 68 en regard de l'article 4 et d'autres dispositions un peu de même nature, qu'on retrouve à 22 et suivants, qui touchent particulièrement la sollicitation personnelle, vous savez qu'à partir du 1er juillet... ajoutez à ça ce que je vous rappelais tout à l'heure, l'article 37 du Code civil, et moi, je suis convaincu que votre clientèle aura en main tous les outils pour se protéger et corriger la situation que vous nous expliquez là. Je suis convaincu, moi, si on prend bien l'article 4, l'article 22 et suivants de la loi 68, l'article 37 du Code civil, en tenant compte, évidemment, de ce que vous disiez tout à l'heure – puis, vous avez raison, de l'interprétation qu'on donnera à l'article 37 du Code civil – je suis convaincu qu'on a donné aux citoyens et citoyennes du Québec, par ces deux interventions-là, 68 et le Code civil, ce qu'il faut pour protéger ce qu'il y a de plus légitime, effectivement: la vie privée.

J'aimerais, Mme Latreille, vous poser une question que j'aurais pu vous poser tout à l'heure, en début de questionnement avec vous. Pourriez-vous me dire, l'ACEF du Nord de Montréal... Parce que j'en profite pour vous dire à quel point j'apprécie, moi, ce que font les ACEF un petit peu partout au Québec. Il y en a à Montréal, il y en a partout au Québec, et vous avez un rôle extrêmement utile et nécessaire. Ça regroupe combien de personnes, l'ACEF du Nord de Montréal? Combien est-ce qu'il y a de personnes qui travaillent à l'ACEF? Vous dépannez et vous aidez, quotidiennement, au cours d'une semaine ou d'un mois, combien de...

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Lefebvre: Ça vous fait rire un peu, parce que c'est beaucoup de monde, hein?

Mme Latreille (France): Oui.

M. Lefebvre: Parce qu'il y a toutes sortes d'interventions. C'est par téléphone, c'est par des rencontres que vous avez avec ces gens-là. J'aimerais que vous me disiez ou c'en est, l'ACEF à Montréal. Il y en a qui pensent... Un peu comme la Saint-Vincent-de-Paul, il y en a qui pensent que ça n'existe plus, la Saint-Vincent-de-Paul, qui a un rôle extrêmement utile, d'une autre façon, mais ça existe encore, la Saint-Vincent-de-Paul. L'ACEF aussi, ça existe encore. C'est important. Ce n'est pas important et utile, c'est nécessaire. Profitez-en pour nous dire où vous en êtes, là.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Mme Latreille.

Mme Latreille (France): À l'ACEF du Nord, principalement, on est une équipe de quatre personnes qui fait un très, très gros travail, qui fait un travail de plus que quatre personnes. Au niveau du nombre de personnes rejointes, c'est assez difficile, parce qu'on fait de la consultation budgétaire. On rencontre les gens individuellement, on donne des cours sur le budget, on rencontre des groupes.

M. Lefebvre: Quelle sorte de groupes rencontrez-vous particulièrement, Mme Latreille?

Mme Latreille (France): On rencontre des groupes de femmes, d'immigrants, des groupes déjà formés qui nous font des demandes d'information sur le budget, le crédit, l'endettement. Donc, on rencontre ces groupes-là de façon assez régulière. On publie un bulletin d'information, on fait des outils, on rédige des mémoires, on participe à des commissions parlementaires. C'est ça. Au niveau du nombre de personnes rejointes, c'est assez difficile à dire, mais on...

M. Lefebvre: Vous êtes à l'ACEF depuis combien d'années, vous?

Mme Latreille (France): Moi, ça fait 12 ans.

M. Lefebvre: Douze ans.

Mme Latreille (France): Oui.

M. Lefebvre: Vous êtes arrivée avec la mise en place de la Commission d'accès à l'information.

Mme Latreille (France): C'est ça.

M. Lefebvre: Et vous, M. O'Narey?

M. O'Narey (Ronald): Moi, ça fait 12 ans environ, oui, également que je suis à l'ACEF du Nord de Montréal.

M. Lefebvre: Alors, vous savez de quoi vous parlez.

M. O'Narey (Ronald): Oui. Puis ce pourquoi d'ailleurs on venait aujourd'hui, c'est justement parce que les dossiers qu'on amène, c'est parce que les gens se plaignent. On voit la situation. Quotidiennement, les gens s'adressent à nous pour se plaindre de certaines pratiques, et c'est ce qui nous amène à intervenir sur ce dossier-là, et c'est ce qui nous amenait peut-être à craindre pour les consommateurs l'interprétation possible au niveau de la loi, qui, à notre avis, ne semble pas assez étanche au niveau de l'article 37 pour nous garantir qu'il n'y aura pas d'abus de ce côté-là.

M. Lefebvre: Est-ce que c'est un... Je pose la question, puis j'ai envie d'y répondre en même temps. Ce n'est sûrement pas un phénomène nouveau, ça, là, les redresseurs dont vous parlez dans votre mémoire. Est-ce que ça s'est accentué depuis quelques années?

M. O'Narey (Ronald): Ce n'est pas un phénomène nouveau. C'est un phénomène qui, je dirais, remonte à peut-être, à notre connaissance, cinq ou six ans, les premières plaintes qu'on a commencé à recevoir sur les pratiques des redresseurs financiers. Et puis quand on regarde, de toute façon, l'évolution du nombre de faillites au Québec, donc – il y a des statistiques qui sont données par le gouvernement fédéral là-dessus – on voit qu'il y a une augmentation très importante depuis cinq ou six ans du nombre de faillites.

Évidemment, la situation économique y est pour beaucoup, mais on pense, sans avoir de preuves bien précises là-dessus, que le travail de promotion de la faillite qu'ont fait les redresseurs a sûrement influencé beaucoup les consommateurs qui ont eu à faire faillite, et pas toujours pour leur mieux-être dans certains cas.

M. Lefebvre: Mme Latreille et M. O'Narey, moi, je vous remercie pour nous avoir soumis un mémoire qui est court, mais qui est bien rédigé, qui touche un point très précis qui est important, et, aussi, j'ai apprécié que, dans votre document, vous analysiez justement ce dont je parlais tout à l'heure, les dispositions du Code civil, la loi 68. Et votre questionnement est pertinent, à savoir... Moi, je suis convaincu, comme législateur, que si les consommateurs, si vos clients et clientes veulent utiliser ce qu'on leur a donné comme instruments de protection, je suis convaincu qu'on va arriver ensemble, les organismes comme l'ACEF, le gouvernement, qu'on va arriver à protéger – on parle des gens les plus démunis, là, hein – ceux qui ont besoin de l'être. Je vous remercie beaucoup, madame, monsieur.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Merci, M. le ministre. M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: Merci, Mme la Présidente. Je lisais avec attention les dispositions du projet de loi 68 sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, et je suis loin d'être convaincu que cette loi protège réellement les gens relativement à l'utilisation par des redresseurs financiers de plumitifs ou de banques de données publiques du gouvernement. Je regarde en particulier l'article 23, que j'ai relu. Bon, permet l'utilisation de listes nominatives, permet cependant... Il y a des dispositions qui permettent que le nom soit retranché, qu'une certaine utilisation soit faite, mais ça n'empêche pas qu'il y a une première lettre qui soit envoyée. Rien n'empêche qu'une première approche soit faite ou, on pourrait dire, une première manoeuvre de sollicitation soit faite.

Je pense que c'est ça qui doit être... En tout cas, quant à moi, on doit retrouver une disposition qui le prohibe purement et simplement, parce que 68 n'est qu'un encadrement, finalement, de par ma compréhension de 68, qui donne accès aux gens aux banques de données constituées, qui empêche certaines utilisations ou certaines divulgations de renseignements personnels, qui permet aussi une certaine confidentialité au sein de l'entreprise, mais il n'y a rien qui empêche cette première sollicitation-là qui serait faite par une entreprise qui ferait du redressement financier. À moins que, je ne sais pas, le ministre ou quelqu'un puisse m'indiquer une façon claire, un article, soit du nouveau Code civil ou de la loi 68, qui permet cette première utilisation-là, je n'en vois pas, quant à moi.

M. Lefebvre: Qui proscrit.

M. Bélanger: Qui proscrit. Qui empêche.

M. Lefebvre: La première.

M. Bélanger: La première. Le premier envoi. Je pense que c'est évident que, à partir du moment où il y a un premier envoi, 68 donne un recours pour empêcher l'utilisation, mais le premier envoi, il n'y a rien qui l'empêche, puis c'est ça, je pense, qu'on veut éviter. Parce que ce premier envoi-là provient, finalement, de plusieurs compagnies qui font ce travail-là maintenant, et je sais, à Montréal, quand je pratiquais, mes clients arrivaient, justement, des fois, avec trois, quatre lettres provenant de différentes compagnies puis me disaient: C'est quoi, cette histoire-là. J'ai reçu ça, il y a des gens qui pensent que je suis en difficulté financière tout simplement parce que je suis poursuivi pour 2000 $ par quelqu'un qui... Ça n'entache en rien ma solvabilité ou ma crédibilité, puis je reçois des lettres de redresseurs financiers. C'est assez insultant pour des gens qui sont, finalement, tout à fait solvables, tout à fait... C'est insultant.

M. Lefebvre: Il y a des sanctions.

M. Bélanger: Et il y a rien... En tout cas, quant à moi, les dispositions qui vont entrer en vigueur le 1er juillet, ça ne me rassure pas. Le Code civil, c'est vrai qu'il encadre ou prévient certains aspects, mais ça ne me rassure pas non plus. Mais je ne vois, en tout cas, rien qui prohibe.

M. Lefebvre: Mme la Présidente... Le député d'Anjou, en posant la question, devrait trouver la réponse. L'article 4 de la loi 68, dont on a parlé tout à l'heure, est la réponse à votre questionnement: «Toute personne qui exploite une entreprise et qui, en raison d'un intérêt sérieux et légitime...» L'intérêt sérieux et légitime, le législateur a mis en place une disposition qui protège les clients et clientes, qui sont les vôtres, en disant, en exigeant que toute personne ait un intérêt sérieux et légitime. Et les redresseurs, dont Mme Latreille nous parle, auront l'obligation de démontrer cet intérêt sérieux et légitime. Autrement dit, après qu'ils se seront risqués une fois ou deux, vous aurez l'occasion, avec ceux et celles que vous protégez, d'intervenir, de déposer une plainte à la Commission d'accès à l'information. Tout comme il n'y a rien qui garantit qu'un automobiliste va en tout temps respecter les feux de circulation lorsqu'ils sont rouges, mais il y a, dans le Code de sécurité routière, des dispositions disant qu'on ne peut pas circuler sur un feu rouge. La conséquence, c'est l'amende, c'est la pénalité prévue dans la loi. La conséquence à l'article 4, c'est l'intervention de la Commission d'accès à l'information.

(16 h 40)

On ne peut pas, comme législateurs... sinon on se retrouverait dans un régime de surveillance policière... Moi, je pense qu'on vous a donné... Et, dans ce sens-là, je me répète, mais c'est un peu ce à quoi vous arrivez dans la conclusion de votre mémoire. Les nouvelles dispositions du Code civil et de 68, si elles sont interprétées comme on souhaite qu'elles le soient – c'est un peu en sous-entendu ce que je retrouve dans votre mémoire – si elles sont interprétées comme vous le souhaitez, vous arrivez presque à la conclusion qu'il y aura une sécurité pour votre clientèle.

M. O'Narey (Ronald): Oui, je dirais que, effectivement, dans la façon dont le texte est rédigé, si l'intérêt sérieux et légitime empêche les redresseurs financiers de s'adresser directement aux gens qui sont inscrits dans ces dossiers-là, évidemment. Sauf que notre conviction, c'est que ce n'est pas évident, à la lecture du document, que ça va être interprété de cette façon-là. Et c'est pourquoi on souhaitait qu'il y ait, quelque part, quelque chose qui dise clairement que la prospection commerciale qui utilise des banques de données publiques ne soit pas reconnue comme étant sérieux et légitime, et, de cette façon-là, on boucle la boucle et on règle le problème. Sinon on va devoir s'adresser, effectivement, puis je pense qu'on l'annonce déjà, on va le faire, on va se prononcer... Si la décision de la Commission fait qu'ils peuvent l'utiliser, on va revenir vous voir.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lefebvre: Ça me fera plaisir. Vous reviendrez me voir à l'automne.

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Merci, M. O'Narey. M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: Très brièvement, Mme la Présidente. Moi, tout simplement pour un peu renchérir sur mes appréhensions. Peut-être que mes appréhensions seront tout à fait dissipées suite aux premières interventions, aux premières plaintes qu'il va y avoir devant l'organisme concerné, mais c'est parce que l'article 24 permet, d'une façon formelle, de faire de la prospection commerciale à partir de listes nominatives. En tout cas, l'article 24 du projet de loi 68, telle est ma compréhension de cet article-là. Alors, à ce moment-là, je vois mal comment une entreprise qui dit: Moi aussi, je fais de la prospection commerciale tout simplement comme redresseur financier, comment on pourra dire, finalement, que ce n'est pas légitime et sérieux pour cette entreprise-là, en vertu de l'article 4, de se constituer des dossiers ou d'avoir accès à ces renseignements-là. En tout cas, moi, c'est la compréhension que j'en ai, et c'est pour ça que je ne suis pas certain que 68, c'est si...

M. Lefebvre: Sauf que, M. le député d'Anjou, au moment où on a adopté la loi, vous aviez pris une chance, parce que vous avez voté pour.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bélanger: Je ne dis pas que je suis contre la loi, là.

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Boucher Bacon): On commencera pas un dialogue.

M. Bélanger: Je ne dis pas que je suis contre la loi. Je parle d'un problème particulier où la loi ne couvre peut-être pas...

M. Lefebvre: Ça me fait plaisir de vous retrouver, ça faisait un certain temps que je ne vous avais pas vu.

M. Bélanger: Vous vous ennuyiez de moi, M. le ministre?

M. Lefebvre: J'avais le goût de vous agacer un peu.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Bon!

M. Bourdon: Mais, dans le fond, c'est que...

La Présidente (Mme Boucher Bacon): M. le député de Pointe-aux-Trembles, est-ce que c'est une question?

M. Bourdon: ...la loi 68, ce qu'elle prévoit principalement, c'est des personnes qui recueillent des renseignements sur les citoyens, et on pensait aux agences de crédit et, par ailleurs, à une personne qui, mettons, s'abonne à un magazine et indique qu'elle ne veut pas que son nom soit utilisé à des fins de prospection commerciale, alors que dans le cas du plumitif, c'est différent de nature. Les deux lois, dans le fond, sont comme interpellées dans le sens que le document qui est recueilli par les redresseurs financiers, il est public, lui, ce document-là, mais l'entreprise privée qui l'utilise, il y a la question: À quelles fins est-ce qu'elle l'utilise? Puis évidemment qu'on ne peut pas appliquer, mutatis mutandis, les dispositions de 68, qui disent qu'une personne peut faire biffer son nom d'une liste ou indiquer qu'elle ne veut pas que ça serve à la solliciter, dans le sens que la personne est inscrite au dépôt volontaire. Ça, c'est un geste public et c'est un registre qui, en soi, est public. En tout cas, l'idée, c'est de trouver la façon de pallier à cette situation, parce qu'on ne peut pas dire que quelqu'un peut faire enlever son nom de la liste des dépôts volontaires. Elle veut s'inscrire au dépôt volontaire.

M. Lefebvre: Délibéré.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Ça va?

M. Bourdon: C'est ça.

Une voix: Ça va.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Alors, je vous remercie beaucoup, Mme Latreille et M. O'Narey, de vous être présentés à cette commission, et on vous remercie. Est-ce qu'on suspend deux petites minutes? Alors, je demanderais de suspendre deux minutes, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 16 h 47)

(Reprise à 16 h 49)

La Présidente (Mme Boucher Bacon): La commission reprend ses travaux en indiquant à M. Stéphane Côté de se présenter, s'il vous plaît. Alors, M. Côté, vous bénéficiez d'une demi-heure, c'est-à-dire 10 minutes pour votre intervention, 10 minutes pour le parti ministériel et 10 minutes pour l'Opposition. Alors, est-ce que vous êtes prêt?


M. Stéphane Côté

M. Côté (Stéphane): Oui.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Ça va. Alors, vous pouvez commencer.

M. Côté (Stéphane): Est-ce que les gens ici ont pris... Est-ce que ça a été lu ici? Est-ce que tout le monde est au courant du mémoire? Est-ce que je dois le relire encore une fois ou si je peux entrer immédiatement dans le sujet?

(16 h 50)

La Présidente (Mme Boucher Bacon): C'est de la façon dont vous voulez. Vous pouvez le relire comme simplement...

M. Côté (Stéphane): Donc, j'aimerais le relire. La présente communication vise la clarification et la modification de certains aspects de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics ainsi que certaines modifications relatives au domaine d'application de la loi pour les différents organismes concernés, et plus particulièrement la Commission d'accès à l'information du Québec. J'aimerais spécifier ici que: clarification et modification, c'est dans le sens de précision à apporter à la loi et non pas un changement dans la loi elle-même. Cette communication fait suite à diverses démarches que j'ai effectuées auprès d'un organisme qui, d'évidence, est du domaine public – l'organisme en question, c'est Nouveler, une filiale d'Hydro-Québec – et a attiré mon attention sur certaines lacunes dans l'application de ladite loi qui ne peuvent être justifiées dans le contexte actuel.

Deux considérations d'importance doivent être posées ici: les sociétés d'État sont des organismes publics dont la crédibilité financière et le financement proviennent de l'État, qui lui-même puise ses ressources auprès des contribuables. Dans certains cas, le ministère des Finances, représenté par son ministre, détient les actions de ces sociétés d'État. Ces sociétés font bien souvent appel à des recours juridiques lorsque, pour diverses raisons, elles estiment ne pas être concernées par la loi d'accès à l'information. Les coûts relatifs à ce genre d'actions sont, d'une manière ou d'une autre, défrayés par le contribuable. Il est à noter que le coût de fonctionnement de la Commission d'accès à l'information et de ses différents recours juridiques sont aussi défrayés par le contribuable.

C'est ainsi que la longue et coûteuse procédure habituelle afin de voir une société d'État listée ou reconnue comme organisme public accessible par différentes demandes pouvant être effectuées par le public révèle une très importante lacune dans l'application de la loi. Ceci surtout lorsqu'il s'agit d'organismes telles de puissantes sociétés d'État dont le fonds social est détenu en totalité ou en majorité, directement ou indirectement, par le ministère des Finances.

Le problème est que des sociétés d'État qui désirent se soustraire à leurs responsabilités s'appuient sur certaines interprétations possibles de la loi donnant lieu à un débat ou à un vide juridique. Par exemple, l'expression «le fonds social» n'indique pas l'aspect quantitatif. Ou, encore, la loi ne spécifie pas qu'un organisme public telle une société dont la totalité ou la majorité du fonds social est détenue par une société d'État – société d'État dont la totalité ou la majorité du fonds social est détenue par le ministère des Finances – soit contrainte à respecter la loi d'accès aux documents des organismes publics. C'est ainsi que l'expression «du domaine public» serait ambiguë, même si la totalité du fonds social est détenue par une société d'État interposée par le ministère des Finances, ce qui fait de cette dite société, en toute logique, une société d'État, puisque, dans les faits, elle est possédée et contrôlée par l'État.

Nous demandons, en conséquence, que toute société dont le fonds social est détenu totalement ou majoritairement par l'État ou par une société d'État interposée soit contrainte à respecter la loi d'accès aux documents des organismes publics et que soient apportées les modifications et précisions – ici, les précisions – nécessaires à la loi d'accès aux documents des organismes publics en ce sens. Ces modifications et précisions devant permettre d'établir sans autre considération – et ici, c'est très important – par la Commission d'accès à l'information et sans débat juridique entre les organismes publics et ladite Commission, c'est-à-dire les sociétés d'État et la Commission d'accès, une liste exhaustive de toutes les sociétés dites d'État ou organismes publics. Les sociétés ainsi listées seraient immédiatement contraintes, et sans autre recours, à respecter la loi d'accès aux documents des organismes publics. Ceci pourra grandement faciliter l'accès à l'information pour le citoyen et diminuer considérablement les coûts d'application de la loi et de son fonctionnement en général.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Est-ce que vous voulez prendre encore vos 10 minutes ou est-ce que vous êtes prêt à la période de questions, M. Côté?

M. Côté (Stéphane): Je peux expliquer un peu le cas dans lequel je me situe.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Ça va. Oui, vous avez du temps. C'est à vous.

M. Côté (Stéphane): Merci. Moi, j'ai fait une demande d'information auprès de Nouveler, une filiale d'Hydro-Québec. Hydro-Québec détient 100 % des actions de cette filiale. Donc, le gouvernement détient 100 % des actions d'Hydro-Québec, ce qui fait que, en fin de compte, dans les faits, le gouvernement détient 100 % des actions de Nouveler. Les oppositions qui m'ont été amenées, c'est que, finalement, Nouveler, appartenant à Hydro-Québec, n'est pas immédiatement assujettie à la loi parce qu'elle n'appartient pas au gouvernement, donc elle ne serait pas soumise à la loi.

Quand j'ai fait les demandes d'information et que je me suis adressé à la Commission d'accès à l'information, il y avait deux interprétations, ou deux vides juridiques. C'était «du domaine public» et le «fonds social». On m'avait dit que si... Peut-être que c'était parce que... Ils ne voulaient pas répondre à votre information peut-être parce que le fonds social, ce n'était pas 100 % des actions. Dans le cas de Nouveler, Hydro-Québec détenait 100 % des actions de Nouveler, et le gouvernement, automatiquement, le ministère des Finances détient 100 % des actions de Nouveler par une société d'État interposée, qui est Hydro-Québec.

Alors, maintenant, la Commission d'accès à l'information, dans le jugement qu'elle a rendu en tout dernier lieu, a décidé que Nouveler était assujettie à la loi d'accès à l'information. Maintenant, Nouveler est allée en appel de cette décision-là, ce qui veut dire que, finalement, ça va entraîner des coûts, ça va entraîner... Pour la personne qui va demander encore de l'information, ce n'est pas encore accessible, même si le commissaire a dit que, effectivement, aux termes de la loi, elle est assujettie. Donc, à cause de ces imprécisions à la loi, on en arrive finalement à ne pas avoir accès à l'information et à avoir des petits problèmes de ce côté-là.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Ça va, M. Côté?

M. Côté (Stéphane): Oui.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Alors, M. le ministre, vous êtes prêt à procéder?

M. Lefebvre: M. Côté, je vous remercie d'être là et de nous avoir soumis une opinion qui, c'est le cas de le dire, est d'actualité.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Côté (Stéphane): Surtout que Nouveler est une société technologique, est un développeur en technologie.

M. Lefebvre: Et c'est pour ça qu'il existe, dans la Loi sur l'accès à l'information, la disposition obligeant le gouvernement à réévaluer, à actualiser, à discuter sa loi. On en a une preuve, vous êtes là aujourd'hui. Ça vous permet, justement, de venir donner votre avis à la commission de la culture.

Je voudrais vous poser une question qui est un peu personnelle. Vous n'êtes pas obligé de me répondre, là, parce que ça tombe probablement sous l'emprise de la loi: Qu'est-ce que vous faites dans la vie, M. Côté, pour que vous vous intéressiez à... Évidemment, vous avez vécu une expérience personnelle, là. Comme travail, comme occupation, M. Côté...

M. Côté (Stéphane): Je me considère tout simplement... Non, je n'aimerais pas entrer dans ça. Je préfère que ça reste comme ça. Je pense que...

M. Lefebvre: Non, c'est parce que je voulais vérifier si votre travail...

M. Côté (Stéphane): De quelque classe de citoyen que l'on soit, je pense que...

M. Lefebvre: Oui, je comprends.

M. Côté (Stéphane): Quel que soit le niveau social auquel on appartient, je pense qu'on a le droit de s'affirmer comme citoyen à n'importe quel niveau.

M. Lefebvre: Ce n'est pas dans ce sens-là que je vous pose la question. Il faut que ce soit bien compris. J'ai même pris la peine de faire un préambule à ma question. Si, par hypothèse, dans votre travail...

M. Côté (Stéphane): Mon travail...

M. Lefebvre: ...quotidiennement... Vous n'êtes pas obligé de me répondre, M. Côté.

M. Côté (Stéphane): ...ne concerne pas la Commission d'accès à l'information...

M. Lefebvre: Mais ce n'est pas tous les...

M. Côté (Stéphane): ...même le domaine juridique.

M. Lefebvre: Oui. Je suis d'accord avec vous que tous les citoyens, de quelque niveau qu'ils soient, je suis parfaitement d'accord avec vous, là, sont protégés par la loi d'accès. Et ce ne sont pas tous les citoyens qui sont confrontés à des situations qui les appellent à utiliser les mécanismes qui les protègent, et plein de citoyens l'ignorent, malheureusement, là. Alors, c'est un peu dans ce sens-là que je voulais vous questionner, mais vous n'êtes pas obligé de répondre.

Quand vous dites, dans votre conclusion, que la Commission d'accès devrait établir une liste exhaustive de toutes les sociétés d'État ou organismes publics, là, qui aurait la responsabilité? Ce serait la Commission elle-même qui aurait la responsabilité de faire l'inventaire?

M. Côté (Stéphane): Oui, avec une loi précise.

M. Lefebvre: Qui devrait être actualisée quotidiennement? Parce qu'il y en a des nouvelles, il y en a d'autres qui tombent, il y a des regroupements, il y a des fusions, etc. Comment, dans les faits, là...

M. Côté (Stéphane): O.K.

M. Lefebvre: ...pensez-vous que ça pourrait se faire, que ça pourrait être effectué, ce travail-là?

M. Côté (Stéphane): D'abord, apporter des précisions à la loi. C'est-à-dire que si les actions d'une société sont détenues en majorité par le gouvernement, c'est-à-dire au moins la moitié des parts plus un peu, à ce moment-là, la décision revient au gouvernement, puisqu'il détient la majorité des parts. À 100 % des actions, évidemment, la décision est complète au niveau du gouvernement. Donc, le gouvernement se trouve à être le propriétaire ou le patron de l'entreprise. À ce moment-là, ça nous ramène au citoyen, qui, lui-même, est le garant des prêts et de tout le processus économique qui est lié à une société d'État. Donc, à ce moment-là, si on précisait ce fait-là, quel que soit... Si le fonds social est inférieur à la majorité, à ce moment-là, elle pourrait peut-être ne pas être considérée comme une société d'État, mais aussitôt que le fonds social est considéré majoritaire et qu'il va jusqu'à 100 %, à ce moment-là, c'est une société d'État automatiquement.

M. Lefebvre: Est-ce que... Vous avez vécu une expérience avec la Commission d'accès. Avez-vous une opinion sur le fonctionnement de la Commission? Je parle évidemment du processus, là, je ne parle pas du fond du dossier, M. Côté.

M. Côté (Stéphane): Oui. J'aimerais tout simplement faire un commentaire ou faire observer quelque chose. C'est que la première décision qui était supposée être remise était supposée être remise à une certaine date, et, finalement... En fait, ici, la première convocation était le 1er février 1994. Cette convocation a été remise au 9 mars 1994, et on ne m'a donné aucune raison pourquoi. Simplement parce que les avocats de Nouveler ont fait une démarche auprès de la Commission d'accès à l'information.

M. Lefebvre: Finalement, vous avez été entendu?

(17 heures)

M. Côté (Stéphane): Pardon?

M. Lefebvre: Finalement, vous avez été entendu par la Commission?

M. Côté (Stéphane): Oui. La Commission d'accès a donné une réponse favorable pour...

M. Lefebvre: De façon générale, on peut tirer la conclusion que votre demande a...

M. Côté (Stéphane): C'est le seul incident.

M. Lefebvre: Oui.

M. Côté (Stéphane): Ce que je veux dire, c'est que c'est le seul incident. Je me demande pourquoi on a retardé sans donner aucune raison. C'est le seul incident. À part ça, de manière générale, j'ai reçu une très bonne information et j'ai été appuyé par la Commission d'accès à l'information ici à Québec.

M. Lefebvre: D'accord. Avez-vous d'autres commentaires à faire sur l'ensemble de la question de l'information, de la protection, de l'accessibilité aux renseignements publics et, en parallèle, de la protection de la vie privée, M. Côté?

M. Côté (Stéphane): J'aimerais ajouter, pour ce qui est de ce dossier-ci, c'est que, si une société d'État détient une filiale, détient la majorité des actions d'une filiale, elle doit être considérée comme société d'État aussi, sinon il peut s'avérer que plusieurs filiales d'une société d'État ne seront pas soumises, ne seront pas assujetties à la loi alors qu'elles le devraient, parce qu'on va argumenter qu'elles ne sont pas détenues directement par le gouvernement. Or, le gouvernement est propriétaire de ses actions et responsable de la compagnie, et les gens qu'elle emploie pour aller sur les conseils d'administration sont aussi sous la responsabilité du gouvernement.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Merci, M. Côté. M. le ministre, est-ce que vous auriez d'autres questions?

M. Lefebvre: Un instant, ce ne sera pas long, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Ça va. Est-ce qu'on peut passer peut-être à l'Opposition en attendant, monsieur?

M. Lefebvre: Oui, oui, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: Je vous remercie, Mme la Présidente. M. Côté, au nom de l'Opposition, je vous remercie d'avoir présenté ce mémoire et de vous présenter devant cette commission aujourd'hui. Vous faites référence, vous, à la notion de majorité au niveau de la détention d'actions. Vous savez que, dans certaines lois, plutôt que de parler de majorité, surtout quand on parle de compagnies ayant une très grande – comment je pourrais dire – une très vaste structure de capital, là, on parle plus de contrôle, parce que, dans certaines compagnies, vous savez, on peut avoir uniquement 20 % ou 25 % du capital-actions et contrôler, de facto, la compagnie.

M. Côté (Stéphane): Effectivement.

M. Bélanger: Vous ne pensez pas que ce serait préférable, à ce moment-là, plutôt que de parler de majorité, que de se limiter à la majorité, c'est-à-dire 50 % plus un, de reprendre la notion de contrôle, c'est-à-dire que ça pourrait être une compagnie contrôlée par le gouvernement?

M. Côté (Stéphane): Si la compagnie est réellement contrôlée par l'État et que l'État a à prendre des décisions, à ce moment-là le citoyen serait supposé être en droit d'avoir de l'information sur les décisions de l'État.

M. Bélanger: Parce qu'en vertu de la loi sur les... Je pense que c'est la Loi sur les valeurs mobilières qui reprend cette notion de contrôle là, et on ne nécessite pas...

M. Côté (Stéphane): À ce moment-là, ça veut dire qu'il y a plusieurs partenaires, je pense.

M. Bélanger: Oui, c'est ça.

M. Côté (Stéphane): Alors, à ce moment-là, ça fait un partenariat. En tout cas, en autant que le contrôle est véritable, en autant qu'il y a un véritable contrôle du gouvernement, ça pourrait être considéré comme une société d'État.

M. Bélanger: Finalement, ce que je comprends aussi, c'est que, dans la façon qu'on devrait compter, finalement, le nombre de parts détenues par le gouvernement, vous souhaiteriez qu'on confonde État et filiale de l'État.

M. Côté (Stéphane): Exact.

M. Bélanger: C'est-à-dire que, si l'État en a 25 % et qu'une filiale contrôlée par l'État en a aussi 25 %, à ce moment-là, ça fait 25 plus 25, c'est 50 % contrôlé par l'État. Vous voudriez qu'on confonde, à ce moment-là, les... qu'on confonde ça, c'est ça? Que ce soit considéré comme étant à l'État.

M. Côté (Stéphane): Oui. C'est-à-dire que, du moment que le contrôle est effectué par la société d'État sur une... Par exemple, dans le cas d'Hydro-Québec, 100 % des actions appartiennent au gouvernement. Le capital, les actifs lui appartiennent, 5 000 000 000 $, je pense. Et la filiale d'Hydro-Québec, Nouveler, qui est une filière de développement technologique, appartient aussi au gouvernement, par la société d'État interposée, Hydro-Québec, qui détient 100 % des actions.

M. Bélanger: D'accord.

M. Côté (Stéphane): Donc, c'est une société d'État, et ça pourrait être la même chose en considérant le contrôle. Comme vous dites, ça pourrait être même considéré...

La Présidente (Mme Boucher Bacon): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: Merci, Mme la Présidente. Au niveau de l'exemple que je vous donnais, on va dire une compagnie dont les actions seraient détenues à 25 % par Hydro-Québec et à 25 % directement par le gouvernement du Québec, à ce moment-là, ce serait une compagnie qui serait détenue à 50 % par le gouvernement du Québec?

M. Côté (Stéphane): Absolument.

M. Bélanger: C'est ça. C'est dans cette optique-là, l'exemple que je vous donnais, de confondre, à ce moment-là

M. Côté (Stéphane): Oui, oui.

M. Bélanger: D'accord.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Merci. M. le ministre.

M. Lefebvre: Je voudrais conclure, Mme la Présidente, en remerciant M. Côté de nous avoir soumis, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, son opinion et également d'être venu l'expliciter et de l'avoir défendue avec beaucoup de talent et de connaissances. J'ai apprécié ça, M. Côté. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Oui, M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: Merci, Mme la Présidente. M. Côté, vous semblez avoir eu affaire assez souvent à la Commission d'accès à l'information. Je voudrais savoir, au niveau de la rapidité des réponses que vous avez de la Commission d'accès à l'information, est-ce que c'est assez rapide? Vous me dites que vous avez été satisfait de l'appui et des informations reçues.

M. Côté (Stéphane): En ce qui a trait à la Commission d'accès à l'information...

M. Bélanger: Oui.

M. Côté (Stéphane): ...que j'ai contactée, ici à Québec, ça a toujours été excellent au niveau des réponses et ça a été assez rapide, sans aucun problème. J'ai toujours eu des problèmes lorsque j'ai fait affaire avec Nouveler, où, lorsque je suis entré, finalement, j'ai demandé à la Commission d'accès d'intervenir. À ce moment-là, ce sont des procédures qui sont plus longues. Moi, mon dossier a pris environ 10 mois. Depuis ma première demande jusqu'au jugement rendu, ça a pris 10 mois.

M. Bélanger: Je vous remercie.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Alors, je vous remercie beaucoup, M. Côté, et j'inviterais à ce que vous cédiez votre place à...

M. Côté (Stéphane): Je vous remercie beaucoup de votre attention.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Merci. Deux minutes? On va prendre deux minutes, qu'on m'indique, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 17 h 7)

(Reprise à 17 h 8)

La Présidente (Mme Boucher Bacon): J'inviterais Mme Murielle Lavigueur à prendre place, s'il vous plaît.

Mme Lavigueur, je voudrais vous mentionner que vous avez 10 minutes de temps de parole. Vous bénéficiez d'une demi-heure, c'est-à-dire 10 minutes pour vous, 10 minutes pour la partie ministérielle et 10 minutes pour l'Opposition.

Alors, on va vous donner quelques secondes, là, pour sortir vos documents. Est-ce que ça va?


Mme Murielle Lavigueur

Mme Lavigueur (Murielle): Oui.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Alors, on vous invite à commencer.

Mme Lavigueur (Murielle): Je suis commissaire à la commission scolaire de Valleyfield. J'ai vécu une situation inacceptable en démocratie. Ma commission scolaire m'a refusé accès à des documents pertinents à l'exercice de mes fonctions. J'ai dû adresser à 12 reprises des demandes de révision à la Commission d'accès à l'information. Je me suis désistée dans cinq causes, suite à la réception des documents en litige. Sept causes ont été entendues devant la Commission d'accès. J'en ai gagné cinq.

Je dois reconnaître que la situation s'est corrigée depuis septembre 1993. Toutefois, les problématiques demeurent. Des non-élus peuvent décider des documents auxquels ont droit un élu dans l'exercice de ses fonctions et quand il les reçoit gratuitement. Pourtant, l'élu a besoin d'avoir en main les documents nécessaires à une prise de décision éclairée s'il veut remplir adéquatement ses obligations face à la population.

La Loi sur l'instruction publique définit clairement les rôles et les obligations ainsi que les pouvoirs du conseil des commissaires, des hors-cadres, des cadres de services, des cadres d'école et des professeurs. Elle est muette à ce propos au niveau des commissaires. Cependant, elle accorde à ces derniers une forme d'immunité et dicte leur comportement lorsqu'ils sont en conflit d'intérêts.

De plus, le conseil des commissaires a le pouvoir de déléguer des pouvoirs au comité exécutif, aux hors-cadres, aux cadres de services et hors-cadres scolaires. Toutefois, toute politique de délégation de pouvoir doit prévoir un mécanisme de reddition de comptes au conseil. J'ose croire que c'est à cause des lacunes contenues dans la Loi sur l'instruction publique que le commissaire, pour agir, doit obtenir au préalable l'autorisation de ses pairs ou de l'institution.

La politique d'embauche de ma commission scolaire fait en sorte que deux commissaires siégeant en comité de sélection décident de l'engagement après consultation du cadre présent. Par la suite, le comité de sélection recommande le candidat retenu au conseil, et cela, avec très peu d'information et sans pièce justificative. En somme, le conseil entérine aveuglément les recommandations du comité de sélection. J'ai exprimé clairement mon désaccord face à la politique d'embauche le 21 septembre 1992. Suite à cette intervention, la commission scolaire demanda un avis juridique de la Fédération des commissions scolaires. Selon cet avis juridique, la majorité d'élus du conseil a le pouvoir de refuser l'accès aux renseignements requis à une prise de décision éclairée et de déterminer qui d'entre eux consultera lesdits documents.

(17 h 10)

En somme, un élu dissident d'un conseil d'administration peut être traité en simple citoyen par son propre organisme en regard de la loi d'accès. C'est ce qui ressort de l'avis juridique de Me Bernard Jacob, de la Fédération des commissions scolaires. J'ai de sérieuses réserves face à cet avis juridique, que je qualifie de faible. D'une part, on y analyse une situation en regard d'une seule loi et sans tenir compte du rôle de représentativité d'un élu. Et, d'autre part, j'interprète différemment l'article 124 de la Loi sur l'accès ainsi que les directives émises par la Commission d'accès à ce propos. Un corps politique et un conseil d'administration sont des personnes morales. Ces entités s'animent dans la mesure où les personnes qui les constituent leur prêtent vie. Ces entités ne peuvent ni analyser, ni comprendre, ni proposer des solutions, d'où la nécessité que chacun des membres ait en main, lors d'une prise de décision, toute l'information et toute la documentation pertinente.

J'estime que le droit attribué au corps politique ou au conseil d'administration s'étend à chacune des personnes constituantes. De plus, je doute qu'une majorité qui renonce à ce droit puisse le faire au nom de l'ensemble. Certes, l'exercice de ce droit se fait dans le respect des lois en vigueur et entraîne des obligations. Un élu à qui on refuse l'accès à des documents a uniquement les recours prévus par la Loi sur l'accès.

La Commission d'accès statue sur le caractère public, mais elle jouit d'un double mandat. Ce double mandat l'oblige à traiter le requérant en simple citoyen, peu importe sa fonction. Cette approche est saine mais a le fâcheux inconvénient de bloquer l'accès à des renseignements nominatifs à des personnes qui peuvent y avoir droit à cause de leurs fonctions.

Il serait impérieux de définir clairement les droits d'accès à l'information d'un élu, d'établir le cadre dans lequel ils s'appliquent et de prévoir les recours pour l'élu lésé. Car il serait difficile pour un élu d'obtenir en Cour supérieure un jugement favorable dans une requête demandant d'établir ses droits sur cette question. Le gros bon sens ne pèse pas lourd dans la balance lorsqu'un magistrat doit statuer à partir de lois qui en sont parfois dénuées.

En vertu de la Loi sur l'accès, la Commission d'accès à l'information veille à son application. Elle peut intenter des poursuites contre un organisme public ou une personne qui commet une infraction en regard des articles 158, 159 de la loi d'accès. Cela ne pose en soi aucun problème, mais elle ne dispose pas de tous les outils nécessaires. Le processus de dépôt d'une plainte par un citoyen n'est pas clairement établi. Les amendes prévues sont ridicules et, dans les faits, la Commission d'accès peut rarement intenter des poursuites, à cause de la complexité de la preuve et des délais occasionnés par la procédure à suivre.

De plus, les amendes sont plus élevées pour une infraction commise en regard de la protection des renseignements personnels que celle commise en regard d'accès aux documents. En somme, transmettre des renseignements nominatifs est plus grave que de bloquer l'accès à l'information. Le droit à l'information est fondamental dans une société libre et démocratique. Ce droit s'exerce librement et gratuitement dans le respect des personnes et des lois en vigueur. L'article 11 de la Loi sur l'accès en assure la gratuité tout en permettant aux organismes publics qui le désirent d'exiger des frais n'excédant pas le coût de sa reproduction ou de sa transcription. Ce montant et les modalités de paiement sont prescrits par règlement. Un organisme qui s'en prévaut doit en aviser le requérant avant de procéder à la transmission de tout document demandé. Toutefois, l'organisme n'est pas obligé de dire qu'ils peuvent les consulter, lesdits documents, sur place. Il n'y a pas de... Le coût de 0,25 $ par photocopie prévu dans le règlement sur les frais exigibles est contraire à l'esprit de l'article 11, parce que ce coût dépasse largement les coûts de revient d'une photocopie. Ce prix devient exorbitant pour un document volumineux, malgré la franchise de 5 $. Il a alors un effet dissuasif qui est réel pour le requérant qui ignore l'opportunité de consulter sur place pendant les heures de travail.

Les archives de certains organismes publics sont dans un état lamentable. Cette réalité rend presque inapplicables les articles 10, 13 et 16 de la Loi sur l'accès. Il est urgent de trouver une solution à cette problématique en obligeant les organismes fautifs à se conformer à la Loi sur les archives.

Un membre dissident d'un corps politique ou d'un conseil d'administration doit être traité sur le même pied que ses collègues. Un élu doit disposer de tous les outils requis à l'exercice de ses fonctions. Malheureusement, ce n'est pas toujours le cas. La population a perdu confiance en ses institutions et en ses dirigeants politiques, et il nous appartient de la reconquérir en assumant pleinement nos rôles et obligations de façon transparente. Certes, ces rôles et obligations ne sont pas toujours clairement établis; c'est le cas d'un élu scolaire. L'adoption des amendements proposés dans le mémoire aidera à résorber la crise de confiance que nous traversons, donnant aux élus le moyen de remplir adéquatement leur mandat.

En terminant, il est essentiel de continuer à favoriser l'accès à l'information, tout en protégeant les renseignements nominatifs. Certes, les technologies de pointe rendent cela de plus en plus difficile.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Ça va? J'avais l'impression, Mme Lavigueur, qu'il vous restait encore des choses à dire, mais c'est terminé?

Mme Lavigueur (Murielle): Oui.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Je vous remercie. M. le ministre.

M. Lefebvre: Merci, Mme la Présidente. Mme Lavigueur, je veux vous saluer, vous aussi. Vous avez soumis à la Commission d'accès à l'information... c'est-à-dire à la commission de la culture, qui évalue, comme vous le savez...

Mme Lavigueur (Murielle): Le rapport.

M. Lefebvre: ...le rapport de la Commission d'accès en regard de la loi d'accès, qui doit, tous les cinq ans, ou, à tout le moins, le plus tôt possible après cinq ans, faire son propre examen de conscience avec la complicité et la collaboration des parlementaires de l'Assemblée nationale. C'est ça, l'exercice qu'on a commencé hier. Et c'est là que vous devez réaliser que, au Québec et au Canada, mais au Québec, chez nous, on vit dans un système très démocratique, puisque vous avez tout le loisir de venir expliquer à la commission et à ses membres le problème personnel que vous avez vécu. Et je vous remercie d'être là pour nous faire connaître votre point de vue.

Je voudrais avoir votre avis sur... Comment vous mettez ça en parallèle, vous, les deux principes, là, dont un qui est fondamental, à savoir que tous les citoyens sont égaux devant la loi et, en même temps, ce qu'on retrouve à l'article 62 de la Loi sur l'accès à l'information, qui dit – vous le savez, vous connaissez l'article – «Un renseignement nominatif est accessible [...] lorsque ce renseignement est nécessaire.» Alors, le renseignement «est accessible, sans le consentement de la personne concernée, à toute personne qui a qualité pour le recevoir au sein d'un organisme public». Ça comprend évidemment... Et on parle surtout des élus, particulièrement... «lorsque ce renseignement est nécessaire à l'exercice de ses fonctions.» Je veux juste avoir votre avis, là. Comment... Lorsqu'on dit: Tout renseignement qui est nécessaire, c'est en corollaire au grand principe général disant que tous les citoyens sont égaux devant la loi. Autrement dit, si on interprète – on fait un peu les juristes, là, vous et moi – 62 de la façon, je pense, dont on doit l'interpréter, c'est que, à partir du moment où le renseignement que vous voulez obtenir n'est pas nécessaire... Évidemment, ça devient une question de fait et de discussion.

Mme Lavigueur (Murielle): C'est justement, d'ailleurs, le problème. C'est...

M. Lefebvre: Non, mais, là, je parle juste du principe. Après ça, je vais vous demander le commentaire. À partir du moment où on en arrive à la conclusion que le renseignement n'est pas nécessaire, là, vous devenez assujetti à l'autre grand principe qui veut que tout citoyen soit égal devant la loi, tous les citoyens sont égaux devant la loi. Alors, je veux vous entendre là-dessus. Comment vous mettez ça en parallèle, là?

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Mme Lavigueur.

Mme Lavigueur (Murielle): Je vais vous donner un exemple d'un cas précis où je suis allée à la Commission. Moi, en tant que commissaire d'école... On reçoit ce qu'on appelle la liste des comptes à payer. Là-dessus, j'ai vu qu'il y avait une irrégularité. Il y avait quelqu'un qui avait joui d'un privilège, c'était clair selon les documents.

M. Lefebvre: Selon vous.

Mme Lavigueur (Murielle): Selon les documents, c'était clair, parce que, l'an passé, il devait avoir payé ses taxes, puis il revient l'année suivante et la somme est plus volumineuse; donc il n'a pas payé. Puis il y a un document qui me dit qu'il avait payé. En tout cas, il y avait une contradiction qui était claire, puis je voulais vérifier quelque chose. Il me semble qu'en tant qu'élue, là, j'avais une problématique. Pour moi, à ce moment-là, j'avais... C'est sûr que je savais que je n'avais pas à divulguer le renseignement, mais j'avais, en conscience de cause, à veiller à ce que tout le monde soit traité sur le même pied. J'avais un doute sérieux, j'avais des documents qui me justifiaient d'avoir le doute. À ce moment-là, le mot «nécessaire» me disait que, d'après moi, je devais avoir accès. Je posais une question. Mais, vu que personne ne voulait vérifier ça, ne voyait pas la pertinence, je n'ai pas pu y avoir accès. Là, on m'a dit que ce n'était pas nécessaire à mes fonctions.

C'est sûr que, si je voulais avoir le dossier personnel d'un de mes employés par fantaisie, c'est normal que je n'y aie pas accès. Mais, quand tu as un document qui te permet... qu'on te consulte, parce que c'est une résolution adoptée et que tu as des renseignements nominatifs à vérifier suite aux documents qu'on te donne, parce que les documents ne sont pas clairs, pour moi, le mot «nécessaire» s'appliquerait dans ce sens-là. C'est là que je vois la différence. C'est que, quand tu prends une décision qui touche l'information que tu cherches, je pense que le renseignement nominatif, à ce moment-là, devrait être accessible.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Je vous remercie. M. le ministre.

M. Lefebvre: Pourriez-vous me dire: Vous vous êtes adressée à plusieurs reprises à la Commission d'accès, Mme Lavigueur?

Mme Lavigueur (Murielle): Oui.

M. Lefebvre: Je ne vous demande pas de commenter les décisions, là, je veux juste avoir votre avis sur la façon avec laquelle la Commission a traité vos demandes. Pas le fond, je ne parle pas du fond, là, la procédure, le processus, le côté administratif de la Commission, là.

Mme Lavigueur (Murielle): Disons, au niveau de la cause seulement d'une demande de révision, tout est bien, il n'y a pas de délai. Je trouve que le délai est quand même raisonnable, et ça va assez vite, ça va bien. C'est quand il y a, mettons, contestation de la décision, que tu vas en Cour supérieure, là, c'est un peu plus long, et, moi, dans un de mes cas, j'ai trouvé ça complexe, parce que j'avais eu gain de cause dans un dossier, et la commission scolaire me refusait, malgré tout, d'avoir le document. J'ai dû, à ce moment-là, faire apposer un timbre de loi, retourner devant la Commission, ce qui fait que la procédure, à ce moment-là, devenait longue.

M. Lefebvre: Disons que ce n'est pas la Commission, là, quant à...

Mme Lavigueur (Murielle): Ce n'était pas la Commission...

M. Lefebvre: ...qui était en cause, là, au niveau de...

(17 h 20)

Mme Lavigueur (Murielle): ...non, c'était la commission scolaire qui refusait, en fait...

M. Lefebvre: ...de respecter...

Mme Lavigueur (Murielle): ...de respecter un jugement, une décision de la cour. Ça, je suis parfaitement consciente. Mais, quand tu arrives à ce stade-là, de faire respecter une décision, ça devient assez complexe. Parce que tu as le choix d'aller en Cour supérieure pour le non-respect de jugement, mais, là, il faut que tu aies des moyens assez solides, les moyens de te payer un avocat. Si tu n'as pas d'argent, il ne te reste rien que la Commission d'accès. La Commission d'accès ne peut pas aller activer les choses. Là, il a fallu que je recommence la procédure à nouveau, redemander le document, retourner à la Commission d'accès. Là, après un deuxième refus, la Commission d'accès, à ce moment-là, aurait pu intenter des poursuites contre la commission scolaire. Mais, moi, je trouve cette procédure-là longue.

M. Lefebvre: Merci, Mme Lavigueur.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Moi, j'aurais une question, suite à ce que M. le ministre a invoqué. En page 10 de votre version révisée, est-ce que c'est ce que vous venez d'expliquer, ça: «Ce contrat, tantôt égaré, tantôt inexistant, refait soudainement surface au moment même où je suis en mesure de démontrer son existence. J'ai dû alors me désister dans cette cause.» Est-ce que c'est ce que...

Mme Lavigueur (Murielle): Oui, parce que là ils m'ont assez écoeurée que j'ai été obligée de tout refaire le deuxième... J'étais pour être entendue; 10 jours avant d'être entendue, le fameux contrat en question refait surface, et on me l'envoie. Dès que j'ai réception du document, là, tout arrête automatiquement. Je n'ai pas d'autre choix que de me désister. Et, pour moi, là, j'ai de la misère dans ce dossier d'admettre la bonne foi de la commission scolaire, parce que, connaissant la loi des archives, un contrat d'un directeur général qui est à sa retraite, tu n'égares pas ça et tu ne perds pas ça. C'est supposé être dans tes filières.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Je vous remercie. M. le député de Pointe-aux-Trembles ou...

M. Bourdon: M. le député d'Anjou.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: Merci, Mme la Présidente. Si je comprends bien un petit peu la portée de votre intervention et de votre mémoire, c'est que vous considérez que, pour un élu d'un organisme public, vous voudriez avoir un peu comme un statut spécial, finalement, pour avoir une accessibilité plus rapide...

Mme Lavigueur (Murielle): Oui.

M. Bélanger: ...une intervention plus rapide de la part de la Commission, et aussi peut-être un pouvoir plus grand de la Commission pour pouvoir policer un peu, faire la police auprès d'organismes publics qui sont récalcitrants et qui ne respectent pas, à ce moment-là, comme on dit, qui ne rendent pas accessibles les documents nécessaires à votre travail, c'est ça?

Mme Lavigueur (Murielle): Oui, parce que le problème qu'on a présentement, vu que ce n'est pas clair, le cadre, vu que l'article est dans un sens large, le mot «nécessaire», c'est les non-élus qui l'interprètent, c'est les fonctionnaires. Toi, tu peux dire, dans une étude de dossier, que tel document est pertinent, eux prétendent que non, c'est eux autres qui tranchent, et après que le cadre s'applique, au moment de la prise de décision, ce qui fait que tu n'as pas beaucoup de temps.

M. Bélanger: Oui.

Mme Lavigueur (Murielle): Et ça ne te donne aucune marge de manoeuvre. Si, par contre, c'était très clair, que tous les documents, à un moment donné... Moi, je ne demande pas d'avoir accès en tout temps, là, seulement quand tu as soit une prise de décision... ou j'ai des motifs sérieux, j'ai une étude de dossier qui est en cours, et les renseignements que j'ai, il faut que je vérifie d'autres choses, à ce moment-là, le cadre, que ce soit défini dans la loi, et ça s'appliquerait rien qu'à ce moment-là. Et l'obligation de tenir serait là, parce que, quand tu exerces un droit, tu as des obligations en retour à faire.

M. Bélanger: Je comprends, mais c'est parce que, pendant que vous me parlez, j'essaie d'imaginer un peu comment on pourrait faire cette appréciation-là, du motif sérieux. Est-ce que, finalement, il suffirait pour vous de dire dans votre demande: J'ai un motif sérieux d'avoir accès à ça pour avoir accès, ou est-ce qu'il va falloir que quelqu'un apprécie votre motif sérieux? En tout cas, le problème, je le vois peut-être là, à un moment donné, pour pouvoir apprécier ce motif sérieux...

Mme Lavigueur (Murielle): Oui, c'est sûr...

M. Bélanger: ...ou ce caractère raisonnable de votre demande.

Mme Lavigueur (Murielle): Oui, mais, quand tu demandes... Si je demandais à la Commission d'accès un dossier... parce que, moi, j'ai l'habitude, quand j'envoie un dossier... j'aurais envoyé le document, je dirais: C'est ça que je veux vérifier à cause de tel, tel, tel motif. Je suis sûre qu'on devrait motiver notre demande. On ne peut pas dire ça, là, de façon générale. Il faut que ce soit clairement établi, les raisons. Mais il faudrait que quelqu'un puisse statuer, à un moment donné, pour... Parce que, ce qui est arrivé, moi, dans le cas du fameux dossier, on s'est rendu compte après que le contrat fût sorti... j'ai pu prouver qu'on avait donné trop d'argent au directeur général quand il a pris sa retraite. On lui a donné cinq semaines de vacances qu'on ne lui devait pas. On est obligé, à cause de ça... Le conseil des commissaires est obligé de prendre une résolution pour donner des vacances rétroactives. Et c'est pour ça que, à un moment donné, il faut qu'on ait une décision qui se prenne assez rapidement. Parce que, des fois, ce sont des décisions qui entraînent des sous. Ce sont les sous des contribuables. Et, quand on a pris une mauvaise décision parce qu'il nous a manqué telle, telle information, et tu le découvres, qu'est-ce que tu fais après? Tu ne peux plus réparer. Tu ne peux rien.

M. Bélanger: Donc, si je comprends bien, du simple fait que, finalement, comme commissaire, vous êtes une gestionnaire des fonds publics de la commission scolaire, d'après vous, ça devrait, à ce moment-là, pouvoir justifier une... j'allais dire un plus grand accès à la Commission, mais disons une intervention plus rapide de la Commission, peut-être une procédure aussi simplifiée dans la Commission pour...

Mme Lavigueur (Murielle): Oui.

M. Bélanger: ...à ce moment-là, avoir rapidement les documents que vous demandez. C'est ça?

Mme Lavigueur (Murielle): Oui. Surtout quand c'est un dossier qui touche une résolution et qui entraîne des dépenses, c'est quand même, en somme, l'argent de tout le monde qu'on gère. Et, si tu n'as pas tous les éléments en main pour prendre une décision, tu as des risques de prendre des mauvaises décisions.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): M. le député.

M. Bélanger: Oui, merci, Mme la Présidente. Est-ce que je dois comprendre que, suite aux diverses interventions que vous avez faites devant la Commission, aux diverses demandes de documents que vous avez faites, il y a eu un changement de comportement de la part de commission scolaire? Est-ce que, maintenant, elle est plus transparente?

Mme Lavigueur (Murielle): Non.

M. Bélanger: Elle collabore mieux avec vous?

Mme Lavigueur (Murielle): Il y a changement de secrétaire général, c'est tout, et le nouveau secrétaire général est plus ouvert.

M. Bélanger: Donc, vous avez moins de problèmes, maintenant, avec la commission scolaire?

Mme Lavigueur (Murielle): Et, en plus, on est en année électorale. Ça aide beaucoup mes collègues, de pouvoir...

M. Bélanger: Je comprends ça.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Alors, est-ce que c'est terminé? Ça va?

M. Bélanger: Relativement aux coûts... Vous parlez de réduire à 0,05 $ le coût exigible pour une photocopie. Quant à vous, 0,25 $... On vous chargeait 0,25 $ pour l'obtention d'un document?

Mme Lavigueur (Murielle): Ça m'est déjà arrivé. Pour me dissuader de faire mes recherches, on s'est mis, à un moment donné, à me charger des frais. À un moment donné, ça m'a coûté 80 $. Une fois, il y avait une demande, ils me disaient que ça m'aurait coûté 500 $. J'ai été consulter les documents sur place, parce que, moi, je savais que je pouvais les consulter sur place. C'était... Et, moi, en même temps, vu que mes photocopies, je ne les faisais pas à la commission scolaire, je les faisais à l'entreprise privée, c'est 0,035 $, 0,04 $, 0,05 $, une photocopie, selon un document, ce qui fait que ce n'est pas 0,25 $ la page... À 0,25 $, on paie le temps de la personne, plus la feuille et toute la copie. Et je sais qu'à la commission scolaire ça coûte 0,035 $ par photocopie. Ça fait qu'en chargeant 0,25 $...

M. Bélanger: Incluant le coût de la personne qui manipule l'appareil?

Mme Lavigueur (Murielle): Oui, 0,035 $, tout. C'est ça, le coût de revient. C'est ce qu'on m'a dit. Et même l'entreprise privée... Le mémoire que je vous ai envoyé, je l'ai fait faire par l'entreprise privée, ça me donnait à peu près 1000 feuilles. Ils m'ont chargé 0,035 $ et c'est eux qui l'ont fait, ce n'est pas moi.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Merci, Mme Lavigueur.

M. Bélanger: Oui, Mme le Présidente, c'est parce que... Non.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Non, non, ça va, M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: 0,035 $, je dois vous avouer, je trouve ça assez bas, pour avoir eu, au bureau, des photocopieurs, et je pense que c'est 0,05 $, juste en calculant le coût de la photocopie et la location et l'appareil et l'encre. On arrive pas loin de 0,035 $, 0,04 $ déjà. Alors, c'est pour ça que je demandais si votre prix de 0,035 $, ça incluait aussi la personne qui fait aussi l'opération. Et aussi je voudrais peut-être porter à votre attention que, dans un palais de justice, où les documents sont tous publics, il y a des coûts qui sont assez dispendieux...

Mme Lavigueur (Murielle): Oui, je sais.

M. Bélanger: ...pour faire photocopier des documents qui sont aussi publics. Mais, encore là, est-ce que je dois comprendre que la demande que vous faites pour abaisser le coût devrait être, à ce moment-là... Là, je pourrais peut-être plus la comprendre, dû au fait que vous êtes une gestionnaire de fonds publics et, à ce moment-là, bon, vous devriez avoir, à coût moindre que tout le monde, accès à des documents qui vous permettent de faire votre travail.

Mme Lavigueur (Murielle): Mais, moi, je sais que, pour mes autres collègues, c'est gratuit.

M. Bélanger: Ah! bien, là, deux poids, deux mesures, dans votre commission scolaire, c'est ça que vous me dites. Ça, c'est un autre problème.

Mme Lavigueur (Murielle): Là, présentement, je n'ai plus ce problème-là. Mais, à cette époque-là, c'était 0,25 $ la copie.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Alors, je vous remercie beaucoup, Mme Lavigueur, et j'inviterais M. le ministre à conclure, s'il vous plaît.

(17 h 30)

M. Lefebvre: Mme Lavigueur, je vous remercie. Un, vous nous avez soumis un mémoire qui est important pour la commission, et je dois vous avouer que vous défendez votre cause avec beaucoup de vigueur...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lefebvre: ...et, ne serait-ce que pour ça, je vous félicite. Il faut que les citoyens et les citoyennes, même si, à l'occasion, ils subissent des défaites, qu'ils continuent à se battre. C'est le droit qu'on a, au Québec. On a le droit de se battre, parce qu'on vit dans une société démocratique. Il y a des instances où vous pouvez faire valoir vos droits, c'est la Commission d'accès, ce sont des tribunaux de droit commun, c'est des commissions parlementaires comme celle devant laquelle vous êtes venue témoigner aujourd'hui en plus d'avoir eu l'opportunité de nous soumettre votre point de vue par écrit. Alors, je vous remercie d'avoir écrit à la commission et d'être venue défendre, cet après-midi, votre document et de nous avoir également fait part d'expériences qui seront, j'en suis convaincu, utiles à la réflexion des membres de la commission. Je vous remercie, madame.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Oui, M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: Merci, Mme la Présidente. Je voudrais à mon tour vous remercier d'avoir produit ce rapport et d'avoir pris le temps de venir le défendre avec brio devant cette commission. Je pense que vous défendez avec conviction votre cause et je suis certain que vous devez défendre avec autant de conviction l'intérêt des gens qui vous élisent à votre poste.

Quant à moi, ce que je comprends, c'est que, bon, vous avez constaté certains problèmes relativement au poste que vous occupez, relativement à l'accès à des documents, et je pense, en tout cas, que c'est tout à fait... Quant à moi, je suis sensible aux représentations que vous avez faites. En tout cas, au nom de l'Opposition, je vous en remercie.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Merci. Alors, je voudrais remercier les gens de la commission et surtout M. le secrétaire, qui m'a permis de faire, dans ma première journée de présidente de commission, un très bon travail.

Alors, je voudrais ajouter que la commission ajourne ses travaux au mardi 17 mai 1994 à 10 heures, alors que les travaux reprendront à la salle du Conseil législatif. Merci.

M. Lefebvre: Félicitations pour votre travail, Mme la députée.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Merci.

M. Lefebvre: Vous avez très bien fait ça.

(Fin de la séance à 17 h 32)