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Version finale

34e législature, 3e session
(17 mars 1994 au 17 juin 1994)

Le mardi 17 mai 1994 - Vol. 33 N° 10

Consultation générale concernant le rapport de la Commission d'accès à l'information sur la mise en oeuvre de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels


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Table des matières

Auditions (suite)


Intervenants
Mme Pierrette Cardinal, présidente
M. Roger Lefebvre
M. Michel Bourdon
M. Jean-Claude Gobé
*M. François Bourque, FPJQ
*M. Andrew McIntosh, idem
*Mme Marie-José Nadeau, Hydro-Québec
*Mme Stella Leney, idem
*M. Paul Charbonneau, idem
*M. Paul-André Comeau, CAI
*M. André Ouimet, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission
________________

Journal des débats


(Dix heures onze minutes)

La Présidente (Mme Cardinal): Bonjour, messieurs, dames. Si vous permettez, nous allons ouvrir les travaux. Je vais rappeler le mandat. Le mandat de la commission de la culture est de procéder à des auditions publiques dans le cadre de la consultation générale concernant le rapport de la Commission d'accès à l'information sur la mise en oeuvre de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels.

Alors, M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. M. Dutil (Beauce-Sud) est remplacé par Mme Cardinal (Châteauguay); M. Messier (Saint-Hyacinthe) par Mme Loiselle (Saint-Henri); et Mme Pelchat (Vachon) par M. MacMillan (Papineau).

La Présidente (Mme Cardinal): Merci, M. le secrétaire. Maintenant, je vais donner l'ordre du jour pour cette journée: à 10 heures, la Fédération professionnelle des journalistes du Québec; à 11 heures, Hydro-Québec; et à 12 heures, la Commission d'accès à l'information – commentaires du président, M. Paul-André Comeau, et échange avec les membres de la commission. Voilà.

Maintenant, je vais déposer les mémoires qui ont été reçus par la commission, mais qui ne seront pas entendus. Alors, il s'agit de: Agence de collection financière Québec ltée, Association des cadres supérieurs de la santé et des services sociaux, Association des techniciens en droit du Québec, M. Alain Bayle, M. Marc Bellemarre, Centre d'enquêtes civiles du Québec, Collège des amoureux du contentieux, Confédération des syndicats nationaux, Confédération nationale des cadres du Québec, Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec, M. Pran Nath Mehta, M. Louis Piché et Mme Carole Wallace.

Je dépose également les lettres d'appui au mémoire de Mme Carole Wallace provenant du Regroupement des maisons de jeunes du Québec et du Regroupement québécois des centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel.

Maintenant, je demanderais à la Fédération professionnelle des journalistes du Québec de s'approcher et de présenter son mémoire à la commission.

Alors, bonjour messieurs. Si vous voulez vous identifier, pour les fins du Journal des débats .


Auditions (suite)


Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ)

M. Bourque (François): Bonjour. Mon nom est François Bourque. Je suis journaliste au Journal de Québec et je suis aussi membre du C.A. de la FPJQ. Je suis accompagné ce matin par Andrew McIntosh, qui a aussi été longtemps membre du C.A. de la FPJQ. Il est journaliste à The Gazette et le fut aussi au Globe and Mail pendant plusieurs années.

La Présidente (Mme Cardinal): Merci, monsieur. Alors, vous savez que vous avez 20 minutes pour votre exposé. Ensuite, il y aura 20 minutes pour le ministre, pour poser les questions et répondre. Le député de Pointe-aux-Trembles aura également 20 minutes. Nous vous écoutons.

M. Bourque (François): C'est M. McIntosh qui va vous faire la présentation de notre mémoire. J'aimerais juste prendre deux minutes de votre temps pour bien vous situer. La Fédération professionnelle des journalistes du Québec, c'est un organisme qui regroupe, sur une base volontaire, tous les journalistes qui veulent bien en faire partie. Actuellement, on regroupe à peu près 1100 journalistes, qui viennent de partout au Québec, de la plupart des grandes boîtes d'information. Il y a aussi des pigistes, des journalistes indépendants. Il y a des cadres qui en font partie, des syndiqués, des pigistes. Donc, des journalistes de toutes provenances. Nous sommes à peu près 1100 au Québec.

Un des mandats premiers de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, c'est de contribuer à assurer la protection du droit du public à une information honnête, complète et de qualité. Parallèlement à ça, notre mandat de base, c'est aussi de voir à ce que le droit du journaliste à la liberté d'expression soit assuré. Alors, ça fait partie de notre mandat de base. Corollairement à ça, la Fédération professionnelle des journalistes assure la représentation des journalistes auprès des gouvernements, des corps publics, de différentes associations. Enfin, sur toute matière qui concerne l'information, le droit du public à cette information. Je ne m'attarderai pas davantage. On pourra répondre à vos questions tout à l'heure. Je vais demander à M. McIntosh de faire la présentation du mémoire.

La Présidente (Mme Cardinal): Merci. M. McIntosh.

M. McIntosh (Andrew): Bonjour. Premièrement, j'aimerais vous dire que la Fédération professionnelle considère que la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics fonctionne généralement très bien pour les journalistes. C'est un des meilleurs systèmes existants au Canada au niveau de l'accès à l'information. Je vous dis ça même si, parmi nous, au Québec, les journalistes, on a tendance à l'utiliser très peu souvent. Les statistiques qui sont produites par la Commission d'accès à l'information et les études du ministère des Communications démontrent qu'il y a à peu près moins de 3 % des demandes qui sont formulées aux organismes publics par les journalistes et les médias d'information. Alors, en tant qu'organisme professionnel, c'est une question qui nous préoccupe et on souhaiterait que les journalistes utilisent davantage la loi. C'est dans ce but-là que le centre de perfectionnement de la FPJQ a commencé à tenir des ateliers de perfectionnement sur la loi, dans le but d'inciter les journalistes à l'utiliser plus souvent, pour augmenter l'utilisation de la loi.

Deuxièmement, il arrive encore trop souvent aujourd'hui que des fonctionnaires ou des organismes publics – tant aux niveaux municipal, provincial et régional – posent des embûches au droit d'accès des journalistes et du public même, des groupes de citoyens qui demandent des documents. On pose ces embûches-là pour éviter des reportages souvent gênants. Après maintenant dix ans que la loi est en vigueur, selon nous, à la FPJQ, il est temps d'assujettir les organismes publics à un système de responsabilité strict. Ce qui veut dire, selon nous, qu'on devrait mettre un peu de dents aux articles 158 à 162 dans le texte de la loi. C'est des articles qui concernent les questions pénales et les poursuites pénales.

La Commission d'accès à l'information, qui est responsable d'appliquer la loi, disons «les policiers de la Loi sur l'accès» ont eux-mêmes admis dans leur rapport sur la mise en oeuvre, en décembre 1992, que le fardeau de preuve exigé par la loi, dans son existence actuelle, rend presque impossibles les poursuites contre les gens qui font exprès pour éviter qu'on ne divulgue des documents. La loi, comme elle existe maintenant, exige de la Commission qu'elle puisse prouver que c'était l'intention de la personne d'éviter... ou de poser entrave à la loi.

Alors, en vertu d'un système de responsabilité strict, ce qu'on envisagerait, nous, c'est un peu ce que la Commission envisage, elle aussi, c'est: si des organismes ne respectent pas les délais de la loi, ne divulguent pas les documents qu'ils devraient, quand ils savent qu'ils sont «divulgables» en vertu de la loi... Il existe une montagne de jurisprudence dans beaucoup de domaines. On sait ce qu'on doit divulguer. On sait ce qu'on est en mesure de ne pas divulguer. On devrait leur donner comme un billet de vitesse, une infraction, une accusation pénale. Aussi, on suggère que les amendes doivent être augmentées pour refléter le sérieux de la chose.

De nuire au droit d'accès à l'information d'un citoyen ou d'un journaliste de façon délibérée, c'est une chose très sérieuse – ce n'est pas banal – et ça se fait encore régulièrement. Vous avez peut-être lu que le maire de Greenfield Park, qui est une banlieue de Montréal, sur la rive sud de Montréal, a dernièrement été dans les nouvelles pour avoir détruit des bandes sonores qui avaient été enregistrées lors des séances du conseil de la ville. Ces bandes-là avaient été demandées par un groupe de citoyens, en vertu de la Loi sur l'accès. Le maire les a ensuite détruites. À ma connaissance, il n'a pas été accusé encore d'avoir entravé les droits de ces citoyens-là d'avoir accès à des documents.

(10 h 20)

Il m'est arrivé beaucoup de causes semblables – une, en particulier, impliquant le ministère des Affaires internationales. J'avais demandé certains documents en vertu de la loi, et on a évité de m'en divulguer la grande partie jusqu'au matin de l'audience que j'avais demandée devant la Commission. J'avais demandé qu'on fasse révision de ma plainte et de ma demande. Le matin même de l'audience, le ministère des Affaires internationales se présente avec son avocat pour me livrer une pile de documents sur mon pupitre lorsque je préparais mon audience. Alors, je suis sûr qu'on savait ce qu'on était obligé de divulguer, au ministère, et ce qu'on était en mesure de ne pas divulguer, avant le matin même d'une audience.

Alors, au niveau des amendes, on suggère que les amendes prévues dans les articles 158 et 159 soient augmentées, pour atteindre 1000 $ pour une première offense, jusqu'à 1500 $ pour une deuxième, et 5000 $ pour un cas de récidive très flagrant. Aussi, j'ai constaté qu'il y avait comme une irrégularité au niveau des amendes, pour les articles 158 et 159. Moi, je pense qu'elles devraient être identiques, parce que ça donne l'impression aux gens, aux journalistes et aux fonctionnaires que l'État juge les entraves à l'accès par ses fonctionnaires moins sérieuses que la communication non permise d'un document à des gens du public.

Aussi – vous l'avez peut-être lu dans les journaux – on a fait état de l'une de nos revendications, de créer une exception à l'article 159 pour protéger les employés d'organismes publics qui divulguent certains documents, quand ils sont d'avis qu'il est de l'intérêt public d'en savoir le contenu. En français, on appelle ces gens-là des «sonneurs d'alarme»; en anglais américain, c'est des «whistle-blowers». On sait que ces gens-là font face, souvent, à des représailles – suspensions, mutations et même des congédiements – quand ils sont assez courageux pour dévoiler le gaspillage de fonds publics, la mauvaise gestion ou des menaces à la santé et à la sécurité des contribuables.

Aussi, on pense que la loi provinciale bénéficierait d'un article qui permettrait à la Commission d'accès à l'information d'ordonner la divulgation de documents par un organisme public lorsque la Commission juge qu'ils sont d'intérêt public. Il existe présentement un article semblable dans la loi fédérale d'accès. Il y a eu des jugements dernièrement, durant les deux ou trois dernières années, de la Cour fédérale du Canada, qui commencent à définir un peu ce que c'est, l'intérêt public, au niveau de la loi. C'est une jurisprudence qui, selon moi, est très importante. Québec semble être laissé un peu dans la poussière sur ces questions d'intérêt public et en matière de droit d'accès à l'information. Il serait souhaitable d'avoir une clause semblable dans la loi provinciale.

Notre quatrième recommandation, une recommandation plutôt d'ordre technique qui appuie celle de la Commission, c'est de donner concordance avec les délais qui sont prévus dans la loi fédérale, au niveau des documents de cabinets, du Conseil des ministres et du Conseil du trésor, pour des délibérés politiques, pour les réduire de 25 ans à 20 ans, et de 15 ans à 10 ans. Si les Québécois veulent être en mesure de savoir ce que leur gouvernement avait à l'esprit il y a 20 ans quand ils ont pris une décision importante, ils pourraient connaître aussi la perspective fédérale et provinciale au même moment et ne pas attendre un autre cinq années, maintenant, avant d'apprendre quels étaient les délibérés au sein du cabinet Bourassa lorsqu'on a ordonné que la Loi sur les mesures de guerre soit invoquée au Québec – un cas très précis qui est arrivé dernièrement.

Cinquièmement. On voudrait aussi que seules les décisions finales de la Commission d'accès à l'information puissent faire l'objet d'un appel devant les tribunaux. La Commission, dans son rapport annuel, cite souvent différents exemples de causes ou des choses qui se sont retrouvées devant les tribunaux pendant des années et des années. On n'a pas réussi à trancher la question. Est-ce que le monsieur, la madame ou le groupe était en mesure d'avoir un droit d'accès à ces documents ou pas? Souvent, c'est des questions techniques qui sont soulevées, où on questionne l'autorité de la Commission. Je pense que ça devrait seulement être après que l'audience se soit déroulée et qu'on ait rendu une décision finale que ces décisions puissent être portées en appel.

Dernièrement, moi, comme journaliste, il m'est arrivé souvent, à des collègues aussi, d'avoir des délais très longs avant d'avoir une date d'audience, lorsqu'on porte plainte et qu'on demande la révision d'une décision par un organisme public. Il m'est arrivé d'attendre quatre, six, huit mois avant d'avoir une date d'audience pour un document qui, pour moi, est très important, et pour mes lecteurs aussi... d'en apprendre le contenu. Avec des retards très importants comme cela, souvent, ça prend encore quelques semaines ou un mois, dépendamment de la complexité de la cause en question devant la Commission. Ça peut prendre encore un bon bout de temps avant d'avoir une décision. Des retards trop importants peuvent devenir, en pratique, des refus d'accès. En anglais, il y a la fameuse expression: «Justice delayed is justice denied». Je n'ai pas réussi à trouver une expression semblable en langue française. J'ai posé beaucoup de questions à mes collègues, et on n'a pas une expression semblable.

Juste pour vous donner une idée. En ressortant le rapport annuel de la Commission, 1992-1993, à la page – c'est dans une des annexes – tableau 1 à la page 43, on fait état qu'il y a eu, en 1992-1993, 278 audiences. C'est presque une audience par journée ouvrable. À ce moment-là, ils étaient trois commissaires. Ce que nous revendiquons, c'est que... Vu que la connaissance de la loi s'agrandit, que des gens en font une utilisation plus grande, qu'il y a plus de demandes de révision, il va de soi qu'il devrait peut-être y avoir, à la Commission, des effectifs plus considérables, pour pouvoir embaucher un ou deux commissaires additionnels, pour qu'ils puissent trancher les questions et les causes plus rapidement.

Alors, si vous avez des questions, je prendrai plaisir à y répondre.

La Présidente (Mme Cardinal): Oui, M. le ministre. M. le ministre, j'aimerais...

M. Lefebvre: Oui, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Cardinal): J'ai omis de faire adopter l'ordre du jour...

M. Lefebvre: Allez-y. Pas de problème, madame.

La Présidente (Mme Cardinal): ...et je crois que c'est très important, de part et d'autre. Est-ce que l'ordre du jour, tel que suggéré, est adopté?

M. Lefebvre: Adopté.

La Présidente (Mme Cardinal): Adopté. Alors, vous pouvez procéder, M. le ministre.

M. Lefebvre: Merci, Mme la Présidente. MM. McIntosh et Bourque, je vous remercie d'avoir soumis à l'attention de la commission un mémoire qui est d'une importance capitale pour la commission et ses membres, à savoir l'opinion de la Fédération professionnelle des journalistes. Vous êtes plus ou moins 1100 personnes, au premier chef, impliquées en regard de l'activité de la Commission d'accès à l'information. Vous êtes ceux et celles qui donnez l'information au grand public, en étant soumis – c'est ce que vous nous dites, M. McIntosh – à des règles que vous... J'essaie de traduire un petit peu votre mémoire et votre intervention de ce matin. Vous êtes soumis à des règles que vous acceptez, sauf que vous souhaiteriez certains assouplissements. C'est un petit peu là-dessus que je veux discuter avec vous.

Vous dites – M. Bourque, et vous aussi, M. McIntosh – vous indiquez dans votre document, et vous l'avez répété, que la Commission d'accès fonctionne bien, sauf dans certains cas. Des retards un peu et toujours trop longs, mais relativement acceptables. Ceci étant dit, je ne veux pas, pour le moment, vous parler de la Loi sur l'accès, mais de la Commission dans son fonctionnement quotidien. Qu'est-ce que vous pourriez suggérer pour qu'on améliore encore plus le fonctionnement de la Commission? Au-delà des problèmes de retard, à l'occasion, sur des décisions, est-ce que la Commission exécute bien les mandats qui lui sont confiés par la Loi sur l'accès à l'information? Est-ce que, de façon générale, il y a des améliorations qu'on pourrait cependant suggérer au fonctionnement de la Commission, parce que la commission de la culture a comme mandat d'évaluer, justement, si on ne pourrait pas, en 1994... Depuis cinq ou six ans, on n'a pas étudié de façon précise le fonctionnement de la Commission, des ajustements à la loi. Le mandat de la commission, c'est, s'il y a lieu, de recommander des modifications à la loi et également, techniquement, à la Commission. Alors, vous êtes, comme je l'ai dit tout à l'heure, très concernés par le fonctionnement de la Commission. Est-ce qu'il y a des améliorations que vous pourriez suggérer au fonctionnement de la Commission d'accès à l'information?

(10 h 30)

M. McIntosh (Andrew): Son indépendance a beaucoup d'impact sur son fonctionnement. Alors, je vais peut-être adresser la question au niveau de l'indépendance. Vous vous souvenez peut-être, lors de la fin du mandat de la commissaire, Mme Wallace...

M. Lefebvre: Oui.

M. McIntosh (Andrew): ...on a suggéré, dans les journaux, que le mandat de Mme Wallace n'avait pas été renouvelé parce qu'elle avait rendu des décisions qui ne plaisaient pas beaucoup au gouvernement. Vu que c'est un tribunal administratif, la Commission d'accès est assujettie aux mêmes règlements que beaucoup d'autres tribunaux administratifs. La Commission, selon moi, est plutôt unique. Souvent, j'ai pensé qu'il serait peut-être souhaitable que le gouvernement ne nomme pas ses commissaires pour cinq ans, mais pour 10 ans. Aussi, cela ferait en sorte que, pour une période de 10 ans, ils seraient plus indépendants. Cinq ans, un commissaire... Ça prend à peu près deux ans, selon moi, pour s'immerger, connaître la loi et tout ça avant d'avoir son rythme à la Commission, de commencer à connaître les questions de fond et la jurisprudence, d'avoir une espèce de sentiment où va la loi et comment on l'interprète. Alors, s'il y avait une suggestion à cet effet-là...

M. Lefebvre: Prolonger le mandat.

M. McIntosh (Andrew): Oui.

M. Lefebvre: Vous savez, M. McIntosh, que les commissaires sont nommés par l'Assemblée nationale; sur recommandation du gouvernement, mais par l'Assemblée nationale, aux deux tiers de ses membres avec... Ça nécessite donc un accord de l'Opposition. Je pense que vous saviez ça, M. McIntosh.

M. McIntosh (Andrew): Oui.

M. Lefebvre: Mais vous suggérez de porter le mandat de cinq ans à 10 ans. Vous considérez que les articles 158 à 162 ne sont pas suffisamment sévères, quand vous parlez de mettre des dents. Est-ce que vous suggérez tout simplement une augmentation des amendes?

M. McIntosh (Andrew): Non. On suggère aussi un changement du libellé dans ces articles-là.

M. Lefebvre: Bon. En renversant le fardeau de la preuve.

M. McIntosh (Andrew): Exactement, oui. Parce que, maintenant, la loi, ça fait 10 ans qu'elle existe, et les fonctionnaires, les responsables au sein de ces organismes-là sont en mesure de la connaître, la loi, maintenant. Ils participent à des ateliers de perfectionnement. Ils sont, dans beaucoup de cas, des avocats eux-mêmes dans des contentieux. Alors, il ne devrait pas être possible pour eux de déclarer qu'ils ne savaient pas qu'un délai était de 20 jours.

M. Lefebvre: Vous êtes conscient de ce que vous suggérez, là. Un renversement d'un fardeau, renversement de la mécanique, c'est toute la philosophie du droit pénal, là, que vous remettez en question quant à la preuve. Lorsque vous suggérez de renverser le fardeau de la preuve, c'est une exigence assez importante que vous... ou c'est une suggestion très, très grosse que vous nous faites, là, en renversant le fardeau.

M. McIntosh (Andrew): Oui, je suis très conscient de ça.

M. Lefebvre: D'accord.

M. McIntosh (Andrew): Mais je pense que la meilleure preuve que le système, tel qu'il existe, ne fonctionne pas, c'est qu'il n'y ait aucune condamnation de fonctionnaires en vertu de ces articles-là. Les histoires... Les journalistes pourraient venir devant vous des matins, des après-midi de temps et vous raconter comment on s'est fait empêcher l'exercice de nos droits, qui sont dans la loi. Je vous en ai raconté un exemple. Il y a d'autres collègues qui ont subi des délais d'années. Il y a des organismes publics qui n'ont pas jugé digne de répondre, même, à des demandes d'accès à l'information, ce qui, selon moi, est assez étonnant.

M. Lefebvre: Vous vous inspirez un peu, M. McIntosh, de ce qu'on a fait dans la loi 68, où on a un régime de responsabilité strict qui est différent justement de ce qui existe dans la loi d'accès à l'information, là. Oui, M. Bourque?

M. Bourque (François): Oui. J'ajouterais que c'est vrai que la demande peut paraître importante. Il faut aussi se rappeler...

M. Lefebvre: Mais je ne dis pas qu'elle n'existe pas ailleurs. Vous comprenez, là.

M. Bourque (François): Non. J'avais envie de vous rappeler que l'enjeu est aussi très important. Vous le savez aussi bien que nous, en démocratie, toute démocratie repose, entre autres, sur la libre circulation d'information, et c'est ça qui est en cause ici. Donc, la demande est importante, c'est vrai, mais il faut se rappeler que l'enjeu est crucial et primordial pour une société démocratique.

M. Lefebvre: Et vous savez qu'il existe des précédents. Je vous parle de la loi 68, et, dans ce sens-là, vous faites une recommandation. Vous épousez, à toutes fins pratiques, la suggestion de la Commission d'accès sur ce point-là.

M. McIntosh (Andrew): Oui. Et même, il y a un précédent dans la loi elle-même, où...

M. Lefebvre: Sauf qu'il faut être très prudent lorsqu'on inverse la mécanique du fardeau de la preuve. Oui, M. McIntosh, je m'excuse.

M. McIntosh (Andrew): Oui, il faut être très prudent. Je suis d'accord avec vous, il faut être très prudent. Dans la loi elle-même, lorsque les gens vont devant la Commission pour plaider leurs droits, le système, comme il existe maintenant, demande que l'organisme public... Le fardeau est sur l'organisme public...

M. Lefebvre: C'est ça.

M. McIntosh (Andrew): ...d'appuyer sa décision, de justifier sa décision.

M. Lefebvre: D'établir qu'il y a eu... C'est ça.

M. McIntosh (Andrew): Alors, il va de soi que si les délais n'ont pas été respectés, eux, ils doivent être en mesure de justifier pourquoi. Une omission ou une négligence, selon moi, n'est plus acceptable 10 ans après que la loi eut été adoptée. Peut-être qu'au début les gens ne connaissaient pas la loi, on apprenait un peu tous sur le champ comment l'appliquer, l'interpréter et l'utiliser, mais maintenant, tout le monde sait comment l'utiliser, tout le monde sait comment elle est interprétée. Il y a des bouquins de jurisprudence à cet effet-là. Alors, il ne devrait pas y avoir de... On ne parle pas d'un acte criminel ici, on parle d'une offense pénale.

M. Lefebvre: Vous êtes conscient, M. McIntosh, que vous placeriez votre fonctionnaire – sujet que je vais aborder avec vous, à savoir permettre au fonctionnaire, au nom de l'intérêt public, de divulguer de l'information – s'il y avait un renversement de la preuve, vous placeriez votre informateur fonctionnaire dans une position encore plus fragile et délicate, à savoir que c'est lui qui aurait le fardeau d'expliquer qu'il y avait un intérêt public, alors que, dans l'état actuel de la loi, c'est l'organisme qui aurait toujours le fardeau de la preuve.

M. McIntosh (Andrew): J'ai peut-être manqué d'élaborer sur cette question-là. En Ontario, dernièrement, ils ont introduit un projet de loi qui prévoit des mesures pour protéger des gens, justement, qui ont des inquiétudes au niveau de l'intérêt public, de la documentation, qui prévoit une tierce personne, une espèce d'ombudsman chez qui ils peuvent aller avec leurs documents, leurs preuves, leur information, pour qu'il y ait ensuite une enquête qui soit menée et que l'enquêteur fasse rapport à la Législature ontarienne tout en restant anonyme.

M. Lefebvre: C'est exactement la question que j'allais vous poser, parce que je veux... Évidemment, vous êtes conscient que c'est, là aussi, une question extrêmement importante que vous abordez, lorsque vous suggérez qu'un fonctionnaire du gouvernement du Québec qui serait d'avis qu'il y a intérêt public à divulguer une information puisse le faire. J'allais vous poser la question: Comment baliser, contrôler cette notion aussi large que peut être l'intérêt public? Pour quelqu'un, il peut y avoir un intérêt public, alors que, pour une autre personne, ça peut être le contraire, et vice versa. Alors, vous venez partiellement de répondre à ma question. Qui contrôlerait, qui baliserait cette notion très large de l'intérêt public? Alors, je vais vous demander de répéter peut-être avec plus de détails ce que vous venez de me dire. Comme en Ontario, oui.

M. McIntosh (Andrew): Il y a eu une réforme, une commission de réforme de la loi, en Ontario, une espèce de commission d'enquête qui a étudié des questions d'activité politique des fonctionnaires, et, dans son mandat, il était question d'étudier un système de «whistle blower» ou de sonneur d'alarme, comme il existe aux États-Unis présentement, au niveau fédéral et dans plusieurs États, qui permet au fonctionnaire de divulguer de l'information lorsqu'il s'agit d'une fraude, d'une menace à la santé de personnes ou de contribuables, d'un danger public quelconque, je ne sais pas.

(10 h 40)

M. Lefebvre: Je vous arrête tout de suite, M. McIntosh. Selon les informations que vous avez obtenues et vos recherches, que ce soit aux États-Unis ou en Ontario, le projet qu'on est à évaluer – je suis au courant, d'ailleurs – c'est en Europe, c'est en Suède. On définit ce qu'est l'intérêt public. Ce n'est pas l'intérêt public dans le sens large qu'on peut le comprendre présentement au Québec, là. C'est un intérêt public balisé. On définit ce qu'est l'intérêt public et on limite cette possibilité de donner de l'information, je pense – et je vous pose la question – à des secteurs d'activité très précis, dans des circonstances précises. C'est une question que je vous pose, M. McIntosh. Est-ce que j'ai raison quand je dis ça?

M. McIntosh (Andrew): Oui. En partie, oui, et, en partie, au niveau de la loi fédérale, l'intérêt public se définit avec la jurisprudence «évoluante», qui évolue en ce moment. Alors, une décision devant la Cour fédérale, une cause qui a traîné pendant neuf ans, impliquait un journal, The Ottawa Citizen , qui avait demandé des exemplaires de tous les baux qui avaient été octroyés par la Commission de la capitale nationale, à Ottawa, à des personnes qui bénéficiaient de prix de loyer en bas du prix du marché. Ils avaient refusé de divulguer la liste, soutenant que c'était une information nominative impliquant les parties en question. Le journal a argumenté que le système était... Il remettait en question le système parce que les loyers étaient tellement plus bas que les loyers au prix du marché qu'il était important... Il était plus dans l'intérêt public de savoir qui bénéficiait de ces loyers-là à prix avantageux que de protéger la vie privée des gens qui en bénéficiaient.

Alors, il y avait comme deux poids et deux mesures, et c'est un peu comme ça que je le vois aussi. Il faut regarder chaque cause séparément. Il faut les regarder individuellement. C'est dans ce but-là que l'Ontario a nommé – je ne me souviens pas du nom, du titre exact – une personne spéciale qui va avoir le mandat...

M. Lefebvre: Une espèce de commissaire, je pense.

M. McIntosh (Andrew): Exactement. Moi, je ne suis pas nécessairement d'avis qu'il faille créer un nouveau poste. On pourrait peut-être confier ce mandat-là au Vérificateur général.

M. Lefebvre: Ou, par hypothèse, la Commission d'accès...

M. McIntosh (Andrew): Aussi.

M. Lefebvre: ...pourrait jouer ce rôle-là.

M. McIntosh (Andrew): Exactement. Je suis d'accord avec vous.

M. Lefebvre: Et tout ça étant... Il faut toujours avoir à l'esprit qu'entre l'intérêt public... Même si on balise l'intérêt public de la façon la plus étanche possible, il faut comprendre qu'entre l'intérêt public et le règlement de compte puis la délation pour des raisons personnelles, qu'on peut comprendre, la partisanerie politique, peu importe pour quel parti politique, peu importe... Il n'y a qu'un pas entre l'intérêt public et ces travers-là, ces travers humains, qui sont compréhensibles. C'est à ça, je pense, qu'il faut s'arrêter lorsqu'on évalue votre suggestion, qui mérite sûrement réflexion, M. McIntosh. Mais on s'entend là-dessus, qu'il n'y a qu'un pas entre l'intérêt public et ce que je viens d'indiquer comme danger.

M. McIntosh (Andrew): Je suis très d'accord avec vous. Moi, j'ai étudié pendant plus de deux ans les questions de «whistle blower», un bouquin que j'ai écrit, mais qui est non édité pour des raisons que je ne peux pas discuter... Ha, ha, ha!

M. Lefebvre: Pour des raisons d'intérêt public. Ha, ha, ha!

M. McIntosh (Andrew): Non. C'est en vertu d'un règlement hors cour qui m'assujettit à la confidentialité, pour être franc avec vous. Mais, dans le cours de ma recherche, j'ai pu prendre connaissance des études faites par les agences gouvernementales aux États-Unis et des chercheurs indépendants des milieux universitaires. J'ai compilé ma propre banque de données, au niveau des sonneurs d'alarme au Canada, et, dans la grande majorité des cas, les gens qui dénoncent des abus, des gaspillages, des menaces à la santé publique et des dangers à l'environnement, ce sont des employés et des fonctionnaires qui sont honnêtes...

M. Lefebvre: Je dois vous interrompre parce que j'ai une autre question que je veux vous poser. Je m'excuse, il me reste seulement trois minutes.

M. McIntosh (Andrew): Oui, O.K.

M. Lefebvre: J'aimerais que vous me fassiez un parallèle entre la divulgation d'information confidentielle au nom de l'intérêt public et cette même information confidentielle, dans le secteur de l'entreprise privée, qui pourrait être d'intérêt public – je pense, entre autres, aux questions d'ordre environnemental. Est-ce que vous avez fait une recherche là-dessus? Est-ce que vous avez fait un parallèle entre ce qui existerait ou ce qui existe en regard de l'information confidentielle dans le secteur public et dans le secteur privé? Évidemment, je ne veux pas qu'on embarque dans l'espionnage industriel et tout ça, mais on peut penser, on peut imaginer qu'au nom de l'intérêt public, les employés d'une entreprise privée pourraient avoir intérêt à rendre publiques certaines informations.

M. McIntosh (Andrew): Oui. Et même, il existe, dans la loi fédérale sur la protection de l'environnement, le droit d'un employé de collaborer ou de dénoncer des déversements illégaux.

M. Lefebvre: Mais c'est en matière environnementale. Je pense que c'est à peu près le seul secteur où on va aussi loin.

M. McIntosh (Andrew): Oui, où on protège les employés qui dénoncent, où on les protège des représailles. Mais, selon moi, dans mon expérience de journaliste – et ça fait 11 ans que je fais ce métier-là – l'information confidentielle est souvent une information qui, hier, n'était pas confidentielle, mais qui aujourd'hui est confidentielle, quand le journaliste téléphone au bureau de la compagnie ou que quelqu'un veut savoir de quoi il s'agit. C'est sûr qu'il y a des questions de marketing et de finance qu'une entreprise privée peut tenir confidentielles, je suis d'accord avec vous, mais cette tierce personne que j'envisage peut regarder l'information du sonneur d'alarme pour voir s'il s'agit, au premier abord, d'une offense ou d'un non-respect pour une loi quelconque et de la référer aux autorités compétentes pour enquêter. Supposons que ce que l'employé a dénoncé, ça paraît une fraude. Alors, ils peuvent référer ces informations et documents à la Sûreté du Québec, ou à la sûreté municipale si c'est une ville.

M. Lefebvre: M. Bourque, vous aviez peut-être quelque chose à ajouter tout à l'heure. Je m'excuse.

M. Bourque (François): Non. C'est parce que vous évoquiez tout à l'heure la difficulté de bien cerner ou de bien baliser ce qu'est l'intérêt public. Soyez assuré que, nous aussi, on a parfois de la misère à bien baliser, dans nos discussions professionnelles, lors de nos congrès et autres activités. Vous avez évoqué l'opposition possible entre l'intérêt public et l'envie de vengeance qu'il peut y avoir ou de règlement de compte. Enfin, l'intérêt public s'oppose aussi à beaucoup d'autres notions, celle de la curiosité du public aussi. Enfin, cette notion-là, vous avez raison, elle est parfois difficile à cerner. Ce qui était d'intérêt public aujourd'hui ne le sera peut-être plus demain, et vice versa.

M. Lefebvre: Vous êtes confrontés...

M. Bourque (François): C'est parfois difficile de bien la cerner.

M. Lefebvre: Vous êtes confrontés à cette difficulté-là tous les jours.

La Présidente (Mme Cardinal): Excusez-moi, M. le ministre. Malheureusement, votre temps est écoulé. Alors, je vais céder la parole...

M. Lefebvre: Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Cardinal): Merci, M. le ministre. Alors, je vais maintenant céder la parole au représentant de l'Opposition officielle, M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: Alors, M. McIntosh, M. Bourque, vous avez parlé de l'indépendance de la Commission d'accès, qui est assez largement reconnue, mais il se pose quand même des questions. Par exemple, dans un passé pas si lointain, la Commission relevait du ministre des Communications. Elle relève désormais, parce qu'il n'y a plus de ministère des Communications, du ministre de la Justice. Dans le fond, la question que ça pose, c'est: Qu'en est-il d'un appel ou d'une requête à la Commission qui touche le ministre qui répond de la Commission en Chambre? Je sais bien qu'il en répond sans avoir un contrôle quotidien, qui est exercé par les commissaires.

Et que pensez-vous de la suggestion de faire que la Commission d'accès à l'information relève non pas d'un ministre en particulier – c'est dit sans hostilité envers le ministre qui en est responsable – mais qu'elle relève de l'Assemblée nationale comme telle, à qui elle rendrait des comptes?

La Présidente (Mme Cardinal): M. Bourque.

M. Bourque (François): J'avoue qu'on n'a pas réfléchi à cet aspect-là. Je serais assez embêté de prendre position, à ce moment-ci, au nom de la Fédération. Je vous avoue que cet aspect-là n'a pas fait l'objet de discussions, à moins que M. McIntosh veuille ajouter.

(10 h 50)

M. McIntosh (Andrew): Je dirais que c'est une idée très intéressante. Le Vérificateur général, je pense, lui-même, est responsable à l'Assemblée nationale. Alors, je verrais d'un bon oeil un changement comme celui-ci. Je pense que ce serait souhaitable.

Mais, au niveau du fonctionnement quotidien de la Commission, je pense qu'il serait plus important de rallonger la durée du mandat individuel des commissaires pour qu'ils puissent faire plus un impact sur le domaine, durant leur période à la Commission. Parce que, cinq ans, ce n'est pas long pour un commissaire. Et puis, pour avoir un mandat renouvelé, comme certains commissaires, je pense, l'auraient souhaité. Ça n'a pas été fait encore, sauf pour des questions administratives, à ce que je sache. Mais, nous, journalistes, on voyait qu'au début de son mandat un commissaire était plus strict dans ses interprétations de la loi et de la jurisprudence. Mais, durant le milieu et surtout vers la fin de son mandat, le commissaire devenait de plus en plus sympathique aux demandeurs, pas juste les journalistes, mais à tous les gens qui cherchaient à avoir des documents. Durant son mandat... Je vais présumer que je parle pour eux, mais je ne peux penser que ce qui les fait agir ainsi, c'est qu'ils voient les manoeuvres qui sont utilisées par des organismes publics et des ministères pour éviter de divulguer les documents qui devraient être divulgués.

M. Bourdon: Maintenant, vous savez que, de tradition, dans le cas de la Commission d'accès, l'Opposition est consultée avant les nominations, ce qui est une garantie, dans le fond, parce que votre suggestion est intéressante, sauf que si un mauvais choix était fait, 10 ans, à ceux qui demandent des renseignements, ça pourrait paraître long. Par ailleurs, la loi 68 prévoyait que, du fait que la Commission gère, d'abord, une loi qui a maintenant 10 ans, qui est mieux connue, donc plus utilisée, et que, maintenant, la Commission – elle ne pouvait pas en parler dans son rapport – gère la loi 68 sur la protection des renseignements personnels dans le privé... La loi prévoit l'ajout de deux commissaires. Parce que vous parliez de la longueur des délais pour avoir des auditions. Est-ce que, à cet égard-là, vous croyez que le gouvernement devrait appliquer la loi et nommer les deux commissaires qui sont prévus dans la loi qui est maintenant en vigueur?

M. McIntosh (Andrew): Moi, je suis au courant des deux qui ont été suggérés pour appliquer la nouvelle loi dans le secteur privé, mais je pense qu'ils auraient besoin d'être deux encore.

M. Bourdon: O.K.

M. McIntosh (Andrew): Selon moi, ce qui va arriver... Lorsque les employés, les syndicats et les entreprises vont commencer à prendre les mesures qui sont incluses dans la loi 68, il va y avoir une explosion de causes qui vont se trouver devant la Commission, et je suis très craintif à cet effet-là. J'en ai parlé avec des avocats du secteur privé aussi, qui sont là à se frotter les mains parce qu'ils voient beaucoup de commerce dans ça. Alors, moi, je présume qu'on va être deux pour traiter les causes impliquant le secteur privé, mais deux encore pour mieux traiter les demandes de révision croissantes. Je pense qu'il y a eu une croissance de 7 %, entre 1992 et 1993, au niveau du nombre de demandes, et le nombre de demandes de révision aussi. Alors...

M. Bourdon: Maintenant, je ne me prononce pas sur l'opportunité d'en avoir sept, mais je souligne qu'il est prévu qu'il y en ait cinq, et il y en a trois. Alors, dans le fond, on pourrait voir si c'est suffisant, cinq. Mais disons que, pour l'instant, malgré le rôle accru de la Commission, la pratique et l'ajout d'une loi, le gouvernement ne nomme pas les deux personnes qui sont déjà prévues.

Il y a une autre question qui me préoccupe, c'est la question de la mécanique d'appel, dont vous avez parlé, des délais et de la disproportion qui peut exister entre un journaliste qui veut avoir accès à un renseignement, ou un citoyen, et la capacité du gouvernement d'aller en appel, parce que, dans le fond... Je vais vous donner un cas relativement récent. La Commission avait décidé que le bilan-lits des hôpitaux de tout le Québec était un document public. Le ministère a obtempéré pour le bilan-lits de l'île de Montréal, mais a décidé que les autres lits, pour le reste du Québec, étaient des lits confidentiels. La cause procède à la Cour du Québec. Maintenant, dans le fond, comme souvent dans ces questions-là, il y a une question de droit contradictoire: le droit du public ou d'une organisation syndicale d'avoir accès au bilan-lits et le droit du ministère en cause de contester pour des raisons qu'il juge valides. Mais le fait est qu'à sa face même, si on regarde la question du bilan-lits, j'ai de la difficulté à comprendre que le bilan-lits de l'île de Montréal soit public et que le bilan-lits des autres régions du Québec ne soit pas quelque chose d'intérêt public.

M. McIntosh (Andrew): Je suis très d'accord avec vous. Il arrive souvent des causes complètement farfelues. Moi, j'ai été impliqué dans une cause, vous savez bien, l'usine des eaux traitées à Montréal. La grande, grande usine dans le nord de l'île avait beaucoup de bris de fonctionnement, et des eaux, des centaines de tonnes d'eaux usées non traitées ont été déversées dans le fleuve. La ville, la Communauté urbaine de Montréal a embauché un consultant pour étudier le fonctionnement de l'usine et pour voir ce qu'étaient les problèmes et recommander des solutions, chose, selon moi, très banale, très d'intérêt public. Lorsque j'ai fait ma demande à la CUM pour avoir le rapport du consultant pour savoir ce qu'il avait trouvé comme problème – parce que la CUM et les gens à l'usine ne parlaient pas – ils ont refusé de me donner accès. Lorsque je me suis présenté devant la Commission d'accès, la CUM était là, bel et bien armée de deux ou trois avocats et de conseillers juridiques. Moi, j'étais tout seul. Mon journal n'avait pas les moyens qu'il avait dans le passé de nous embaucher, nous aussi, des avocats pour plaider nos causes. Malgré les efforts du commissaire pour équilibrer le champ de bataille, il arrive que... C'est sûr que le demandeur ou la personne qui cherche à avoir des documents se trouve souvent dans des situations très pénibles, et ce, pour obtenir des documents qui, selon moi, devraient être publics. J'ai perdu la cause, d'ailleurs. Moi, c'est un document qui, de prime abord, est d'intérêt public, premièrement, et, deuxièmement, il n'y a pas de secret d'État dans ça. Le fonctionnement d'une usine d'eaux traitées, que ça fonctionne bien, qu'on le dise...

M. Bourdon: Ce n'est pas militaire.

M. McIntosh (Andrew): ...que ça fonctionne mal, qu'on dise pourquoi, puis qu'on dise qu'est-ce qu'on fait pour rétablir la situation.

La Présidente (Mme Cardinal): M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: Oui. Maintenant, à cet égard-là, je souligne, au passage, qu'il y a finalement un nombre restreint de causes qui sont portées en appel, mais, dans le fond, comme vous dites, il s'agit, cas par cas, de voir les enjeux. À cet égard-là, c'est certain que l'ensemble de l'appareil gouvernemental a des moyens que les citoyens ont moins, parce que, sur un budget de quelque 40 000 000 000 $, d'embaucher des avocats... Est-ce que vous craignez, à cet égard-là, surtout qu'on a ajouté une autre loi qui va être gérée par la Commission d'accès, que, d'une certaine façon, malgré les efforts de la Commission, il y ait une tendance à la judiciarisation du travail, dans le sens qu'il y ait de plus en plus de causes portées en appel et que le citoyen ou le médium de communication qui requiert le renseignement se voie privé du droit d'accès? Puis, remarquez que ce n'est pas simple, parce qu'on vit dans un état de droit. C'est sûr que la partie qui s'estime lésée par une décision de la Commission a un droit d'appel. On ne peut pas remettre ça en cause. Mais, dans le fond, ce que vous soulignez, c'est qu'il y a comme une disproportion entre celui qui ne veut pas divulguer l'information et celui qui en souhaite la divulgation, et même, j'ajouterais, la Commission qui décide que c'est «divulgable». Est-ce que vous avez fait une réflexion là-dessus, sur les moyens qu'il y aurait de tempérer cette tendance-là?

(11 heures)

M. McIntosh (Andrew): Je ne peux pas vous dire que j'en ai fait une, réflexion. J'ai souvent pensé, à titre personnel, qu'il y ait une espèce d'aide juridique au niveau des gens qui vont devant la Commission. Moi, je n'en aurais pas besoin. Je peux me débrouiller maintenant. Je ne dis pas que je gagne toutes mes causes devant la Commission, ou que je suis aussi bon que les avocats du gouvernement, ou, comme ça... Mais il y a des gens, il y a des groupes de citoyens, des personnes privées qui demandent des documents qui sont refusés, et qui se trouvent devant la Commission complètement intimidés.

Ça m'est arrivé dans une cause. Vous allez entendre le témoignage d'Hydro-Québec ce matin. Bien, je suis allé devant Hydro-Québec pour demander un rapport. Ils sont arrivés avec des avocats de l'externe – non pas de leur contentieux – deux sténographes, deux avocats-conseils, eux-mêmes d'Hydro-Québec. Ils avaient comme une espèce de peloton de soldats, et moi, j'étais seul. Dans une cause, en particulier, si vous réfléchissez un peu, c'est un gouvernement qui utilise mon argent pour restreindre... pour se défendre contre moi ou m'empêcher que je sache ce qu'ils font avec mon argent. C'est un peu comme ça que je vois ça. Dans le cas des contrats d'aluminium avec Hydro-Québec, par une demande que j'ai formulée en vertu de l'accès à l'information, j'ai pu apprendre qu'Hydro-Québec a dépensé 250 000 $ pour défendre des causes impliquant le contrat d'aluminium. On ne parle pas de 5 $ et 10 $, on parle de sommes d'argent qui sont assez significatives. Alors, j'ai souvent imaginé une espèce de ressource. La Commission le fait souvent, quand elle le peut ou quand le citoyen ose lui demander de l'aide, mais il faudrait peut-être donner un service d'aide aux gens qui vont devant la Commission, pour équilibrer le champ.

M. Bourdon: Vous avez parlé d'Hydro-Québec. Il fut un temps – ça a été abandonné – où, devant les commissions parlementaires, Hydro-Québec s'amenait avec des chariots de documents, ce qui plaçait les parlementaires aussi dans un rapport inégal pour tenter de savoir... Par exemple, des questions mineures comme 60 000 000 000 $ d'investissements sur 20 ans, qui sont des questions d'intérêt public. À cet égard-là, je voudrais ajouter à ce que vous avez dit que les parlementaires aussi ont le mandat de savoir. À cet égard-là, entre autres, Hydro-Québec n'est pas toujours un modèle de transparence. Par exemple, il y a trois semaines, Hydro-Québec, ici en commission parlementaire, pas la même, parlait de 250 MW de projets de cogénération. Une semaine plus tard, elle disait que ça se déciderait dans quelques années. En tout cas, la rumeur, parce que ce n'est pas facile de savoir, c'est qu'on serait rendu à zéro de cogénération, malgré les renseignements qui ont été donnés ici.

Même si c'est l'exception, dans le fond, ce que vous dites est vrai. La question, c'est: Y a-t-il une chance un peu égale pour ceux qui veulent savoir et ceux dans l'appareil d'État qui, pour des bonnes ou des mauvaises raisons, estiment que l'information n'est pas d'intérêt public. Je trouve intéressante votre suggestion d'avoir une aide aux requérants quand la décision est en appel. On a entendu ici, à la commission, une commissaire d'école à qui la commission scolaire refuse des renseignements. Elle va à la Commission d'accès à l'information pour avoir accès à des informations que, d'après moi, les gens qui l'ont élue l'ont chargée de colliger. Comme dans bien d'autres cas, on dit: Oui, mais il y a des renseignements nominatifs dans ce qu'elle demande. Bien oui, c'est bien sûr qu'une élue qui demande, par exemple, de connaître le contenu du contrat d'un cadre de la commission scolaire... oui, c'est un renseignement nominatif. Mais, est-ce qu'elle a un intérêt légitime à savoir, vu qu'elle vote le budget, à qui ça va et dans quelles conditions?

À cet égard-là, je ne pense pas qu'on puisse dire que la Commission est elle-même un facteur de durée, par exemple, sauf que la loi permet un recours à l'organisme qui est sollicité afin de donner une information. On ne peut pas, comme tel, dire que c'est anormal qu'un organisme se défende. La question, c'est: Est-ce qu'il y a égalité des chances? Est-ce qu'il y a des délais indus entre celui qui veut savoir et celui qui estime que son droit de savoir n'est pas établi?

M. McIntosh (Andrew): Juste un petit commentaire sur vos remarques. Je trouve intéressant qu'aujourd'hui encore on débatte la question, à savoir si un membre du public a le droit de savoir le nom, le titre et le salaire d'un cadre. La Commission d'accès a statué sur cette question à maintes reprises, puis ils ont dit que c'était toute l'information qui était publique. Mais, encore aujourd'hui, des gens qui font cette demande-là se voient refuser une information. Selon moi, ça ne devrait pas être le cas, et les gens devraient être mis au courant de ces... Ils sont au courant de ça. C'est parce qu'ils ne veulent pas... Souvent, les gens qui décident de ne pas divulguer l'information, ce sont les gens qui sont visés par la même demande.

À ce moment-là, c'est de là que vient ma suggestion et celle de la FPJQ de mettre des dents dans la loi pour éviter que des gens... comme la commissaire d'école dont vous avez parlé, pour qu'elle puisse faire son travail comme il faut.

M. Bourdon: Ça va.

La Présidente (Mme Cardinal): Le temps étant écoulé, est-ce que M. le ministre a quelques mots pour conclure?

M. Lefebvre: Oui, Mme la Présidente. Pour conclure, j'aimerais remercier M. McIntosh et M. Bourque de nous avoir soumis leur opinion dans un mémoire court, mais très pertinent. Je voudrais aussi vous remercier de nous avoir permis un échange, ce matin, sur des points tout aussi pertinents. Des points importants pour la Fédération professionnelle des journalistes, mais également pour les membres de la commission.

C'est évident que vous invitez les membres à une réflexion extrêmement importante et pertinente. Je suis convaincu qu'on en tiendra compte. Merci, M. McIntosh. Merci, M. Bourque.

La Présidente (Mme Cardinal): Quelques mots, M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: Je vous remercie également de votre présentation, et je pense qu'il serait utile que la commission de la culture ait une séance de travail, éventuellement, pour revenir sur les propos qu'on a entendus, pour pouvoir faire des recommandations à l'Assemblée.

La Présidente (Mme Cardinal): Je vous remercie, MM. McIntosh et Bourque. Si vous permettez, on va suspendre quelques minutes afin de permettre à l'autre groupe de prendre place.

(Suspension de la séance à 11 h 8)

(Reprise à 11 h 17)

La Présidente (Mme Cardinal): La commission reprend ses travaux. Bienvenue, mesdames et messieurs. Si vous voulez, Mme Marie-José Nadeau, vous allez nous présenter, pour les fins du Journal des débats , les personnes qui vous accompagnent.


Hydro-Québec

Mme Nadeau (Marie-José): Merci beaucoup. Alors, Marie-José Nadeau, secrétaire de la société Hydro-Québec et responsable de la Loi sur l'accès à l'information à Hydro-Québec. J'ai, à ma droite, Mme Stella Leney, qui est secrétaire adjointe et adjointe à la responsable de la Loi sur l'accès à l'information; et Me Paul Charbonneau, qui est avocat au contentieux d'Hydro-Québec.

La Présidente (Mme Cardinal): Alors, permettez-moi de vous rappeler que vous avez 20 minutes pour la présentation de votre mémoire. Le ministre aura 20 minutes pour échanger avec vous, ainsi que le responsable de l'Opposition officielle, le député de Pointe-aux-Trembles.

Mme Nadeau (Marie-José): Merci, Mme la Présidente. Alors, Mme la Présidente, M. le ministre, MM. les députés, après vous avoir rapidement présenté mes collègues, permettez-moi, tout de suite, de passer à la présentation de ce mémoire. Je vous le dis tout de suite: Je vous ai remis copie, ou on vous a remis copie dès notre arrivée pour la raison très simple que ce n'est que très tardivement, il y a quelques jours, que nous avons répondu positivement à l'invitation qui nous a été faite par le secrétariat de la commission de venir faire part de notre expérience de la gestion administrative et d'une expérience juridique de la Loi sur l'accès à l'information.

Alors, Hydro-Québec a pour objet de fournir de l'énergie et d'oeuvrer dans le domaine de l'énergie et de la promotion relative à l'énergie, de la transformation et de l'économie de l'énergie, de même que dans tout domaine connexe ou relié à l'énergie. La réalisation de ces objets doit aussi être compatible avec une saine administration financière.

Vous me permettrez ici de citer la vision que s'est donnée Hydro-Québec en 1992. D'ici l'an 2000, Hydro-Québec veut être reconnue par ses clients comme la meilleure entreprise d'électricité au Canada pour la qualité de ses services. Elle veut également que les Québécois la reconnaissent comme un partenaire majeur dans le développement durable du Québec. Pour atteindre ces objectifs, elle mettra en valeur le savoir-faire de ses employés et la ressource hydroélectrique.

Il n'est peut-être pas inutile de rappeler ici qu'Hydro-Québec dessert plus de 3 000 000 de clients et qu'elle compte environ 25 000 employés. La vocation commerciale, la dispersion de ses employés et la taille d'Hydro-Québec sont des éléments qui ont un impact sur l'application de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. C'est dans ce contexte que l'expérience particulière d'Hydro-Québec vous est soumise.

(11 h 20)

Au départ, il nous apparaît essentiel d'établir et de redire qu'Hydro-Québec souscrit aux valeurs fondamentales qui sous-tendent la Loi sur l'accès. C'est donc dans un esprit constructif que doivent être interprétés les commentaires et propositions qui font l'objet de ce mémoire et de cette présentation.

Hydro-Québec a toujours manifesté clairement son intention d'appliquer la Loi sur l'accès consciencieusement et avec un esprit ouvert. Elle a pris diverses mesures à cette fin. Citons les suivantes: la mise en place d'un réseau de répondants à travers toute l'entreprise dès 1984; l'instauration de procédures internes énonçant les règles de confidentialité à respecter à l'égard des clients et des fournisseurs; la rédaction de contrats types comportant une clause de confidentialité pour communiquer des renseignements nominatifs à des mandataires; et la déclaration de neuf fichiers de renseignements personnels selon les normes édictées dans la Loi sur l'accès. À cela s'ajoute l'organisation de rencontres d'information avec les représentants d'unités administratives où les documents sont nombreux, et la confidentialité, un facteur sensible. Notamment, l'approvisionnement, la sécurité informatique, les bureaux d'emploi et les centres de documentation. Pour compléter ces rencontres spécialisées, un plan d'information générale est en voie de réalisation pour expliquer ou réexpliquer, lorsque nécessaire, la Loi sur l'accès. Parallèlement, un document d'information à l'intention de tous les employés est en préparation.

Hydro-Québec a accumulé, depuis 10 ans, une riche expérience de l'application de la Loi sur l'accès. Les demandes ont augmenté, ces dernières années, en nombre et en complexité. De sept en 1984, elles sont passées à 78 en 1990, à 104 en 1991, à 73 en 1992, et finalement, à 338 en 1993, soit une augmentation de plus de 300 % par rapport à l'année précédente. Précisons que, de ces 338 demandes en 1993, seulement 15 ont fait l'objet d'un refus de la part de la société. En 1993, les demandes provenaient à 47 % d'associations, 13 % de citoyens, 12 % de journalistes, 10 % d'avocats, 9 % de syndicats et 9 % d'autres demandeurs, tels des compagnies et organismes publics.

L'augmentation du nombre de demandes exige qu'Hydro-Québec consacre beaucoup plus de temps à l'administration de la Loi sur l'accès. Qu'on pense ici au temps et aux efforts supplémentaires requis en 1993 pour le traitement de plus de 300 demandes. En outre, certaines demandes d'accès sont complexes à traiter car elles ont un caractère très large. À titre d'exemples, soulignons ici une demande d'accès à tous les documents reliés aux coûts d'un projet de développement; une autre portant sur les honoraires versés à des professionnels sur plusieurs années; une autre portant sur tous les rapports quotidiens de toutes les équipes affectées à certains travaux d'Hydro-Québec dans une de nos régions; une autre portant sur les 85 contrats conclus avec des producteurs privés.

C'est donc dans ce cadre que nous désirons vous faire part de nos commentaires et que nous vous invitons, dans certains cas, à considérer quelques modifications à la Loi sur l'accès. Selon l'article 11 de la Loi sur l'accès, «L'accès à un document est gratuit. Toutefois, des frais n'excédant pas le coût de sa transcription, de sa reproduction ou de sa transmission peuvent être exigés du requérant.»

Il nous apparaît, a priori, qu'Hydro-Québec devrait pouvoir exiger davantage que le coût de reproduction, lorsque les documents demandés portent sur des analyses, des systèmes, des études ou des banques de données pour lesquelles l'entreprise a déboursé des sommes considérables. De plus, la Loi sur l'accès devrait permettre que soient pris en compte les coûts de recherche interne des documents. Certaines demandes exigent de nombreuses heures de travail, vous en conviendrez, ainsi que l'implication de plusieurs personnes qui doivent effectuer les recherches en plus de leurs fonctions normales.

Pour répondre à certaines demandes, un volume impressionnant de documents doit être consulté pour repérer les renseignements demandés. Tout cela s'inscrit, bien sûr, dans un contexte où Hydro-Québec s'est engagée à réduire de 2000 personnes ses effectifs d'ici 1995. Par conséquent, Hydro-Québec considère que la Loi sur l'accès devrait permettre que soient pris en compte: premièrement, la valeur commerciale d'un document demandé et, deuxièmement, le coût réel de la recherche excédant 100 $. Nous pourrons revenir, si vous le souhaitez, sur ces points.

En vertu de l'article 32 de la Loi sur l'accès, «Un organisme public peut refuser de communiquer une analyse lorsque sa divulgation risquerait vraisemblablement d'avoir un effet sur une procédure judiciaire.» La Commission d'accès à l'information s'est prononcée à plusieurs reprises dans le sens que seules les analyses pouvaient faire l'objet d'un refus de communication. La portée restreinte de l'article 32 pose de sérieux problèmes à un organisme public tel Hydro-Québec, qui est souvent partie à des litiges civils. À titre d'exemple, nous vous référons à une demande d'accès aux documents d'expédition de contenants de BPC à être entreposés à Saint-Basile-le-Grand. Au moment de la demande, de nombreuses actions en justice étaient en cours contre, notamment, Hydro-Québec, suite à l'incendie de l'entrepôt. La divulgation prématurée de ces documents pouvait permettre aux demandeurs de s'en servir en preuve contre Hydro-Québec, alors que cette dernière ne pouvait pas bénéficier des mêmes avantages. Ainsi, un avocat qui représente un organisme public peut voir tous les éléments de sa preuve divulgués à l'avocat de la partie adverse, alors que ce dernier bénéficie du Code de procédure civile pour refuser de communiquer les documents qu'il invoque au soutien de sa procédure avant le moment prévu à ce Code.

La Commission d'accès à l'information en arrivait d'ailleurs à cette conclusion dans la décision Germain contre la Communauté urbaine de Montréal, dont vous trouverez les références dans le mémoire que j'ai déposé plus tôt.

L'article 32 crée ainsi une iniquité en octroyant un avantage certain à l'avocat qui représente une partie privée au détriment de celui qui représente un organisme public. Ceci a pour effet de créer deux régimes devant les tribunaux judiciaires: un pour les litiges privés, et l'autre pour les litiges où un organisme public est impliqué. Par conséquent, nous proposons de remplacer le mot «analyse» par le mot «document», à l'article 32 de la Loi sur l'accès.

L'article 47 de la Loi sur l'accès impose au responsable de l'accès de répondre à une demande dans un délai de 20 jours civils de la réception de cette demande. Bien que ce délai puisse être prolongé de 10 jours, cela demeure bien souvent insuffisant pour traiter les demandes imprécises, celles qui portent sur de nombreux documents ou celles qui exigent des recherches à travers différentes unités administratives réparties sur l'ensemble du territoire québécois.

Depuis plusieurs années, une jurisprudence constante de la Commission d'accès à l'information, confortée par la Cour du Québec, retient que ces délais sont de rigueur. Ceci a pour effet de nier tout droit de plaider à l'organisme public lorsqu'il n'a pas respecté ces délais, peu importe que les délais aient été dépassés de très peu ou que le demandeur n'en ait subi aucun préjudice. Cette interprétation ne nous semble pas justifiée et a particulièrement pour effet de contrevenir à certaines règles de justice naturelle.

La Commission d'accès à l'information, à la demande d'un organisme public, devrait pouvoir, selon nous, fixer le délai au-delà des 30 jours déjà prévus à l'intérieur duquel une demande d'accès complexe devrait être traitée. De plus, les délais pourraient être calculés en termes de jours ouvrables plutôt qu'en jours civils. L'organisme pourrait ainsi bénéficier de délais prolongés pour répondre à des demandes faites les jours précédant des congés fériés. Enfin, la Commission d'accès à l'information devrait pouvoir, pour un motif raisonnable, relever l'organisme du défaut de respecter ces délais, tout comme elle peut le faire pour le requérant qui ne respecte pas les délais pour une demande de révision.

Par ailleurs, nous comprenons de l'article 47 et de la jurisprudence sur le sujet que la décision de l'organisme doit être envoyée au demandeur dans les 20 jours, et non pas être reçue par ce dernier dans les 20 jours. Ceci a pour effet de causer une certaine incompréhension entre les parties lorsque le demandeur fait une demande de révision le 21e jour, et que la réponse de l'organisme est envoyée dans le délai de 20 jours. Il y aurait donc lieu de clarifier l'application de cet article, en parallèle avec l'article 135 de la Loi sur l'accès.

(11 h 30)

L'article 57, paragraphe 3°, ou alinéa 3° de la Loi sur l'accès se lit ainsi: «Les renseignements suivants ont un caractère public». À l'alinéa 3°: «un renseignement concernant une personne en sa qualité de partie à un contrat de service conclu avec un organisme public, ainsi que les conditions de ce contrat».

La jurisprudence de la Commission d'accès à l'information a donné un caractère public à certains renseignements nominatifs concernant les clients d'Hydro-Québec qui sont partie à un contrat de fourniture d'électricité avec cette dernière. Ainsi, le nom, l'adresse, le type de facturation, la catégorie et le tarif, le mode de chauffage, la date de responsabilité, la puissance souscrite, le régime de versements égaux, le multiplicateur utilisé, la quantité d'électricité utilisée et la fréquence des relevés de compteurs ont un caractère public.

Cette qualification a pour effet de permettre à tout demandeur – on peut citer ici le cas de créanciers, d'ex-conjoints, d'anciens propriétaires – d'obtenir des renseignements nominatifs, telle l'adresse, concernant toute personne. De ce fait, considérant le droit d'accès général prévu à l'article 9 de la Loi sur l'accès, Hydro-Québec devient une source de renseignements très recherchée.

Nous sommes donc d'avis que le législateur pourrait adopter une définition des termes «contrat de service», qui aurait pour effet d'exclure les clients d'Hydro-Québec et d'ainsi les traiter sur le même pied que les clients de services publics tels les hôpitaux, autres organismes publics ou les ministères.

À l'inverse, le fait que la Commission d'accès à l'information ait attribué à certains renseignements un caractère confidentiel empêche, par exemple, Hydro-Québec de divulguer au notaire qui prépare un acte de vente le montant d'électricité impayé par le vendeur, sans le consentement de ce dernier. Cette situation a des conséquences importantes pour l'acheteur d'un immeuble assujetti à la Loi sur le mode de paiement des services d'électricité et de gaz dans certains immeubles, car cette loi crée pour l'acquéreur une présomption de débiteur du compte impayé d'électricité du vendeur.

À titre d'exception, ce renseignement nominatif pourrait être communiqué au notaire car, selon nous, l'intérêt du demandeur le requiert. Ceci aurait aussi pour effet de concilier l'application de la Loi sur le mode de paiement des services d'électricité et de gaz dans certains immeubles avec celle de la Loi sur l'accès.

Par ailleurs, une jurisprudence constante de la Commission d'accès applique cet article aux contrats conclus entre un organisme public et des personnes morales. Cette interprétation de la Commission d'accès à l'information cause des inquiétudes – il va sans dire – à toutes les entreprises qui contractent avec Hydro-Québec, car elles craignent que des renseignements techniques, financiers ou autres puissent être divulgués à leurs compétiteurs.

Compte tenu du fait que cet article se trouve dans le chapitre relatif à la protection des renseignements personnels, nous ne croyons pas qu'il puisse s'appliquer à des personnes morales. Nous sommes d'avis qu'il est important, cependant, de clarifier l'intention du législateur et de préciser que l'article 57, alinéa 3° ne s'applique qu'à une personne physique.

Selon l'article 67.3 de la Loi sur l'accès, et je cite: «Un organisme public doit inscrire, dans un registre tenu conformément aux règles établies par la Commission, toute communication de renseignements nominatifs visée aux articles 67, 67.1, 67.2, 68 et 68.1...» J'interromps ici la citation.

Nous nous interrogeons depuis un certain temps déjà sur la pertinence de ces registres, difficiles à mettre en place dans une grande entreprise décentralisée s'ils sont trop détaillés, carrément sans intérêt si leur contenu est aussi général que le suggère le modèle illustré dans le bulletin L'accès . La Commission d'accès à l'information n'a d'ailleurs jamais édicté de règles officielles à cet égard, comme le prévoit l'article 67.3. Il existe, tout au plus, un document de travail, de juin 1991, qu'Hydro-Québec a pu se procurer à sa demande.

Des cinq articles de la Loi sur l'accès qui prévoient l'inscription dans un registre, deux stipulent déjà que les communications qu'ils recouvrent doivent s'effectuer dans le cadre d'une entente écrite – il s'agit des articles 68 et 68.1. Un autre, l'article 67.2, mentionne que le mandat doit être confié par écrit, ce qu'Hydro-Québec réalise par le biais des contrats. Les deux autres, soit les articles 67 et 67.1, portent sur des renseignements officiels qui peuvent être difficilement communiqués sans laisser de trace manuscrite ou écrite.

À la lumière de ce qui précède, nous soumettons que l'opportunité de maintenir l'exigence de l'article 67.3 pourrait être revue. D'ailleurs, dans le bulletin cité plus haut, il est précisé que les deux tiers des organismes publics soumis à la Loi sur l'accès ne se sont jamais conformés à cette prescription, et la grande majorité de ceux qui l'ont fait ont soumis des documents jugés incomplets. Je poursuis... Le bulletin que je citais, vous en trouverez la référence à la page précédente, dans le mémoire que je vous ai remis.

L'article 126 de la Loi sur l'accès se lit ainsi:

«La Commission peut, sur demande, autoriser un organisme public à ne pas tenir compte de demandes manifestement abusives par leur nombre, leur caractère répétitif ou leur caractère systématique.

«Il en est de même lorsque, de l'avis de la Commission, ces demandes ne sont pas conformes à l'objet des dispositions de la présente Loi sur la protection des renseignements personnels.»

Hydro-Québec reçoit des demandes d'accès dont certaines représentent une quantité considérable de documents. À titre d'exemple, nous vous rappelons la demande d'accès aux détails des coûts d'un projet de développement. Les documents demandés, dans ce cas, représentaient plus de 100 000 pages et étaient contenus dans 285 boîtes de 1 pi³.

D'autres demandes d'accès ont nécessité un travail démesuré de compilation, comme celle qui concernait toutes les ententes qu'Hydro-Québec avait pu convenir avec ses clients suite à la réclamation de cette dernière pour facturation erronée. Cette demande obligeait plusieurs agents de recouvrement d'Hydro-Québec, répartis dans 24 secteurs à travers le Québec, à parcourir tous les dossiers et à vérifier si une entente de cette nature y était contenue.

Hydro-Québec est aussi sollicitée par des compagnies pour obtenir des listes d'adresses de ses clients. Nous sommes d'avis qu'Hydro-Québec devrait être autorisée par la Loi sur l'accès à ne pas donner de telles listes. Bien que l'adresse ait été qualifiée de renseignement nominatif à caractère public par la Commission d'accès à l'information, nous ne croyons pas que l'intention du législateur était de rendre accessibles aux entreprises commerciales des listes d'adresses de clients d'Hydro-Québec. Nous sommes d'ailleurs, à cet égard, en attente d'une décision de la Commission d'accès à l'information relativement à une demande de liste d'adresses pour toute la Montérégie. Dans ce cas, Hydro-Québec invoque l'article 126, au motif que le fait que cette liste soit demandée pour des fins commerciales et lucratives va à l'encontre de l'objet des dispositions de la Loi sur l'accès.

L'article 126, tel que rédigé, permet difficilement à Hydro-Québec d'obtenir l'autorisation de la Commission d'accès à l'information de ne pas tenir compte de telles demandes. Il y aurait donc lieu d'étendre la portée de cet article à ce type de demandes. En outre, la Loi sur l'accès devrait permettre à un organisme public de recourir à l'article 126, même s'il a répondu en partie à la demande d'accès. En effet, Hydro-Québec accuse réception de la demande d'accès, et ce n'est qu'après une recherche préliminaire qu'elle est en mesure d'évaluer s'il s'agit d'une demande abusive.

Finalement, sur le droit d'appel d'une ordonnance. L'article 147 de la Loi sur l'accès stipule qu'«une personne directement intéressée peut interjeter appel d'une décision de la Commission devant le juge de la Cour du Québec sur toute question de droit ou de compétence.» Les ordonnances de la Commission d'accès à l'information rendues conformément aux pouvoirs qui lui sont conférés à la section II du chapitre IV de la Loi sur l'accès ont un impact aussi important sur un organisme public que les décisions qu'elle rend.

Par conséquent, nous sommes d'avis qu'un droit d'appel devrait exister tant pour les ordonnances que pour les décisions de la Commission. Nous soulignons, à cet égard, que le droit d'appel d'une ordonnance est prévu dans la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé.

Comme je l'ai mentionné dans mes remarques d'ouverture, Hydro-Québec souscrit aux principes exprimés dans la Loi sur l'accès. Les suggestions que j'ai énoncées au nom d'Hydro-Québec dans mon exposé permettraient toutefois à l'entreprise de mieux remplir ses obligations à l'égard de l'accès aux documents et de la protection des renseignements personnels. Notre engagement institutionnel envers les valeurs fondamentales qui sous-tendent la loi et envers le respect des obligations prévues dans la loi en témoigne.

C'est à ce titre qu'il nous a semblé approprié de vous faire part de notre expérience sur le plan administratif et juridique, et de contribuer, bien modestement, j'en conviens, à l'exercice de réflexion auquel vous nous aviez conviés. Alors, je vous remercie de votre attention et je suis prête à répondre à vos questions, si vous en avez.

(11 h 40)

La Présidente (Mme Cardinal): Merci, Mme Nadeau. M. le ministre.

M. Lefebvre: Merci, Mme la Présidente. Je veux saluer Mme Nadeau, Me Leney et Me Charbonneau. J'aurais souhaité, comme tous les membres de la commission, Mme Nadeau, que votre mémoire soit déposé un petit peu plus tôt que ce matin. Vous vous souviendrez que M. Parent, qui est ici, à ma droite, a communiqué avec vous il y a plus ou moins une quinzaine de jours pour vous inviter non seulement à être ici ce matin, mais aussi à nous déposer un mémoire. Alors, mieux vaut tard que jamais, mais je vous le dis, ça aurait été souhaitable qu'on l'ait avant ce matin.

Ceci étant dit, j'apprécie votre effort de dernière minute. Vous l'avez déposé. Il est bien fait. Il y a plein de choses là-dedans qui sont intéressantes. Vous êtes là, tous les trois, pour le commenter. La raison pour laquelle je vous dis que j'aurais souhaité l'obtenir avant ce matin, c'est que – vous l'avez vous-même indiqué, Mme Nadeau – on peut tirer de vos propos la conclusion que vous considérez, à juste titre, qu'Hydro-Québec est la société d'État et, de façon générale, probablement l'organisme au Québec qui est le plus concerné par l'accès à l'information, par l'ensemble des citoyens du Québec. Ça apparaît d'ailleurs dans votre document. Alors, dans ce sens-là, votre expérience, l'expérience d'Hydro, les recommandations d'Hydro, tout comme l'ensemble des intervenants, mais particulièrement Hydro-Québec, sont extrêmement importants. Votre expérience, vos recommandations sont importantes et pertinentes.

Compte tenu, justement, de cette relation presque constante qu'Hydro a avec la Commission d'accès, est-ce que, Mme Nadeau, de façon précise... Évidemment, vous faites des suggestions – aux pages 15, 16 – sur des modifications précises, mais, moi, je voudrais vous entendre sur le fonctionnement de la Commission, de façon générale. Est-ce qu'Hydro-Québec a une bonne relation quotidienne... C'est presque quotidien, j'imagine, vos rapports avec la Commission d'accès, compte tenu du nombre considérable de demandes qui vous sont adressées. Est-ce que vous avez une relation avec la Commission d'accès qui est facile, qui est rapide, en général? Je voudrais vous entendre là-dessus.

Mme Nadeau (Marie-José): Oui. Merci. Alors, tout comme vous, M. le ministre, je voudrais simplement répéter que je déplore n'avoir pu déposer ce mémoire plus tôt. Il s'agissait de le rédiger une fois ayant accepté l'invitation. J'aurais voulu pouvoir faire preuve de plus de diligence, mais je comprends votre remarque et je l'accepte.

En ce qui a trait à votre question plus précise, qui porte sur nos échanges avec la Commission d'accès à l'information, je dois vous dire que nous ne sommes pas sur une base de communications quotidiennes, mais que nous avons, avec la Commission, une excellente communication, une excellente collaboration. Compte tenu du rôle quasi judiciaire de la Commission, évidemment, lorsque nous sommes concernés par des demandes qui pourraient éventuellement être portées en appel, il nous faut faire preuve de prudence dans nos échanges avec la Commission. De part et d'autre, les membres de la Commission, ou les représentants de la Commission, plutôt que ses membres, les gens de mon bureau et moi-même avons eu de multiples occasions d'échanger, mais dans des contextes de collaboration et dans des contextes non contentieux. Lorsqu'une cause ou une demande d'accès est portée en révision devant la Commission, on doit, évidemment, prendre des positions plus juridiques. Mais, si ce n'est de cette mise en contexte, je redis l'excellente collaboration que nous avons avec la Commission.

M. Lefebvre: Vous aurez compris que c'est une figure de style, Mme Nadeau, compte tenu du nombre considérable de demandes de renseignements que vous avez de l'ensemble des citoyens.

Avez-vous évalué, à peu près, les coûts de traitement, à Hydro-Québec, des demandes qui vous sont adressées, des démarches qui peuvent s'ensuivre vis-à-vis la Commission d'accès? Quels sont les coûts que ça provoque chez Hydro-Québec, l'ensemble de cette activité à laquelle vous êtes soumis chez Hydro?

Mme Nadeau (Marie-José): Je vous dirais là-dessus que chaque demande, évidemment, doit être prise cas par cas. Il y a certaines demandes qui font appel à beaucoup de recherches. Mme Leney me citait hier des chiffres précis quant au temps consacré et au tarif horaire, si on se mettait à calculer. Mais, en moyenne, je pense que, pour des demandes qui exigent beaucoup de recherches, on va à 2000 $, 3000 $ par demande.

M. Lefebvre: Par dossier.

Mme Nadeau (Marie-José): Par dossier. Est-ce que vous voulez compléter, Mme Leney?

Mme Leney (Stella): Oui, merci. Voyez-vous, en 1993, on disait tantôt qu'on a eu plus de 300 demandes. Ces 300 demandes, ça veut dire, pour nous, beaucoup de correspondance, entre autres, à rédiger. En plus de la recherche interne du document, il y a beaucoup de correspondance. Il faut correspondre avec les tiers. Souvent, il faut correspondre avec le demandeur. Alors, c'est aussi des centaines de lettres qu'il nous faut faire parvenir à différentes personnes, sans compter, comme le disait Mme Nadeau, la recherche interne. Donc, c'est des milliers de dollars par demande.

M. Lefebvre: Soit Me Leney ou vous, Mme Nadeau, j'aimerais vous entendre sur les suggestions faites par la Commission d'éliminer la requête pour permission d'appeler, qu'on retrouve à l'article 147 de la loi. Également, la suggestion de la Commission, à l'effet que seules les décisions finales pourraient faire l'objet d'un appel. Compte tenu, justement, de cette expérience considérable que vous avez du fonctionnement de la Commission d'accès, est-ce que vous avez un commentaire sur ces suggestions de la Commission d'accès?

Mme Nadeau (Marie-José): Oui, on a...

M. Lefebvre: Oui, madame.

Mme Nadeau (Marie-José): Merci. Alors, on a déjà exprimé une première position dans notre mémoire, et j'inviterais Me Charbonneau à compléter.

M. Lefebvre: Oui, Me Charbonneau.

M. Charbonneau (Paul): Alors, concernant la proposition de la Commission d'accès à l'effet d'éliminer le stade de la requête pour permission d'en appeler, nous sommes tout à fait en accord avec cette proposition. Nous croyons que ça pourrait accélérer l'audition des causes en appel.

M. Lefebvre: Et que seules les décisions finales pourraient être portées en appel.

M. Charbonneau (Paul): Ou les ordonnances, comme nous le proposons.

M. Lefebvre: Oui.

M. Charbonneau (Paul): Mais on veut exclure ici les jugements interlocutoires. Disons que, sur cet aspect, nous avons un peu plus de réserves. Je me réfère tout simplement aux expériences antérieures. Il peut arriver qu'une décision intérimaire ait suffisamment d'importance sur l'issue complète du litige. Dans ces cas, l'organisme public, ou même le demandeur, pourrait être privé de certains droits. Je comprends l'intention positive de la Commission de vouloir accélérer le processus. Mais, encore là, il ne faut pas non plus défavoriser le droit des parties. Je n'ai pas de moyens intérimaires ou intermédiaires à proposer ici à la Commission, à savoir s'il y aurait une façon d'éliminer les recours qui ne viseraient qu'à gagner du temps. Mais, pour autant, il ne faut pas défavoriser ou préjudicier aux droits d'une partie dans un appel sur un jugement intérimaire.

La Présidente (Mme Cardinal): M. le ministre.

M. Lefebvre: Est-ce que vous n'avez pas l'impression que ça pourrait judiciariser encore plus le régime ou le système, Me Charbonneau, que d'éliminer la requête pour permission? Vous allez peut-être considérer que, ma question, elle est contradictoire, mais la requête pour permission d'appeler, elle existe pour limiter le nombre d'appels, hein? Sans vouloir élaborer inutilement sur le sujet, si la requête pour permission est éliminée... Sans vouloir me prononcer sur le fond de la question, strictement au niveau de la procédure, est-ce que vous êtes d'opinion que ça augmenterait le nombre de causes portées en appel, puisqu'on élimine l'étape de la requête pour permission? Qu'est-ce qui arriverait, selon vous, là-dessus?

M. Charbonneau (Paul): Avec respect, je ne crois pas que le fait d'éliminer le stade de la requête pourrait permettre ou avantager une partie qui voudrait en appeler. Au contraire, il faut bien penser que le stade d'appel serait finalement l'audition au fond. Donc, la partie qui voudrait en appeler n'appellerait pas pour gagner du temps, puisqu'elle devrait débattre au fond immédiatement tout le litige. Elle devra être préparée, alors que, dans la situation actuelle...

M. Lefebvre: Oui.

(11 h 50)

M. Charbonneau (Paul): ...la partie qui veut en appeler, elle présente sa requête pour permission. Si elle est acceptée, bien, elle jouit d'un délai, peut-être, de six mois avant d'être entendue au fond. Donc, je pense que la situation actuelle favorise justement le bénéfice pour un appelant de pouvoir gagner du temps.

M. Lefebvre: Nos tribunaux, notre Cour du Québec va se retrouver éventuellement avec un volume de causes débattues au fond, évidemment, plus considérable que ce qu'on vit présentement.

M. Charbonneau (Paul): Au niveau du stade d'une requête.

M. Lefebvre: Pardon?

M. Charbonneau (Paul): Au niveau du stade de la requête, effectivement.

M. Lefebvre: Oui.

M. Charbonneau (Paul): Ce serait le côté administratif qu'il faudrait envisager, et voir de quelle façon la Cour du Québec pourrait administrer cet aspect. C'est certain. Également, dans le même sens, je reviens sur votre question antérieure. Si la requête pour permission d'en appeler est éliminée...

M. Lefebvre: Oui.

M. Charbonneau (Paul): ...je vois davantage l'opportunité de laisser les intervenants présenter une requête sur un jugement intérimaire. Les délais ne seraient pas tellement en cause puisqu'on pourrait présenter la requête dans un délai relativement court.

M. Lefebvre: La Commission suggère que l'appelant, une personne qui demande une révision auprès de la Commission... Pas l'appelant, je m'excuse, la recommandation 13 de la Commission: La personne qui a déposé une demande de révision auprès de la Commission ne devrait pas être condamnée aux dépens par la Cour du Québec – c'est ça, un appel devant la Cour du Québec – si la décision de la Commission est portée en appel par une autre partie.

Alors, c'est strictement une question qui touche les dépens ou les frais. Je ne sais pas si vous aviez, Me Charbonneau, pris connaissance de cette recommandation ou suggestion de la Commission quant aux dépens. Si oui, quelle est votre opinion là-dessus?

M. Charbonneau (Paul): Oui, tout à fait. Nous avions pris connaissance de cette recommandation et nous n'avons aucune objection à ce que cette recommandation soit suivie éventuellement.

M. Lefebvre: Acceptée. J'aurai probablement, Mme la Présidente, d'autres questions tout à l'heure. Merci.

La Présidente (Mme Cardinal): Merci. M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: Mme la Présidente, je veux souhaiter la bienvenue à nos invités d'Hydro-Québec et dire, d'entrée de jeu, que je partage les commentaires de M. le ministre sur le caractère tardif du dépôt du mémoire qu'on a à envisager ce matin. Il y a d'autres organismes qui n'ont pas 25 000 employés et qui nous ont soumis des mémoires d'avance. La Fédération professionnelle est arrivée tardivement avec le sien... et il n'y avait qu'une page.

À cet égard, je conteste plusieurs des choses qui sont affirmées dans le mémoire. Il y a des choses évidentes, mais prenez... Dans le haut de la page 5, quand on dit: «Par conséquent, Hydro-Québec considère que la Loi sur l'accès devrait permettre que soient pris en compte: 1) la valeur commerciale du document demandé; et 2) le coût réel de la recherche excédant 100 $.» L'affaire qu'il y a, c'est qu'Hydro-Québec dépense chaque année des milliards. L'article 126 dit que la Commission peut permettre à un organisme public de ne pas répondre à une demande futile ou qui est faite de façon abusive. Cependant, il y a trois semaines, ici, Hydro-Québec nous disait: Oui, on a demandé des projets de cogénération. On a reçu des offres pour 8000 MW. On en a étudié 1200... puis, 760... et là, on s'est arrêté à 250 MW. La rumeur, c'est que, depuis trois semaines, les 250 MW sur 30 000 MW qu'utilise Hydro-Québec sont devenus zéro.

Alors, le mémoire, ce qu'il reflète, malgré les déclarations de principe, c'est qu'Hydro-Québec se considère comme une entreprise privée, fermée. Quand on voit qu'à l'égard des parlementaires... Par exemple, dans le cas de la cogénération, on dit une chose une semaine et on fait le contraire trois semaines après. C'est sûr que ça pose des questions. Je regarde le rapport de la Commission d'accès, qui nous dit, en page 22, qu'entre juin 1990 et juillet 1991, 310 503 requêtes ont été signifiées dans l'ensemble des organismes en vertu de la Loi d'accès. Vous nous dites ce matin que, l'année passée, vous en avez reçu 300. C'est sûr que vous n'avez que 25 000 employés à Hydro-Québec! Je trouve qu'il y a comme quelque chose de démesuré pour un organisme qui a 25 000 employés, pas tous affectés à l'accès, je veux bien, qui nous dit: L'année dernière, on a reçu en moyenne six demandes par semaine. C'est quelque chose qui est un fardeau invraisemblable! Dans le fond, dans le mémoire aussi, vous dites qu'il y a des problèmes à révéler des renseignements nominatifs sur des entreprises qui font affaire avec Hydro-Québec.

Il y a deux ans, vous aviez l'intention de dépenser 60 000 000 000 $ en immobilisations dans les 20 prochaines années. Je ne suis pas un expert en hydroélectricité, mais je suppose que, pour dépenser 60 000 000 000 $, il doit falloir conclure quelques contrats. À cet égard-là, je trouve que... Le mémoire, ce qu'il révèle, c'est que vous dites: le moins possible de renseignements. En réalité, 300 demandes par année, c'est un fardeau qui est considérable. Je vous dis, par exemple, que je suppose que le ministère de la Santé et des Services sociaux en reçoit légèrement plus que 300 par année.

Votre analyse de la loi... Je remarque... Votre réponse, par exemple, à la requête en permission d'appeler... J'observe que, quand Hydro-Québec est partie à un litige – c'est très rare qu'on voit un avocat d'Hydro-Québec qui est partie au litige – on embauche un bureau. Vous êtes en train de nous dire que la requête en permission d'appeler, ça ne peut pas constituer un moyen dilatoire. À cet égard-là, je vous pose la question: Trouvez-vous normal que ce soit un journal norvégien qui nous ait révélé le contenu de certains des contrats à partage de risques qu'Hydro-Québec a conclus il y a quelques années?

La Présidente (Mme Cardinal): Mme Nadeau.

Mme Nadeau (Marie-José): Alors, il y a plusieurs aspects à votre intervention, M. le député. Vous me permettrez de les couvrir tous. Au départ, vous comprendrez aussi que je n'aborderai pas les questions relatives à la production privée ou aux contrats à partage de risques et bénéfices. Mais, ce que je voudrais dire, c'est que, s'il ressort de notre mémoire que nous envisageons de laisser comme message: Les demandes d'accès, le moins possible! ou encore, qu'il s'agit d'un fardeau, je tiens à corriger cette impression dès le départ. Ce n'est pas, ce n'est surtout pas ce que nous avons voulu dire. Encore une fois, lorsque nous avons répondu positivement à l'invitation qui nous était faite par le secrétariat de la commission de venir faire part de notre expérience, c'était dans le but d'informer cette commission de la croissance des demandes. Il nous semblait que c'était une information utile de voir la progression constante depuis 1984.

Il ne faut pas déduire de cette série de statistiques que j'ai citées une plainte ou une insatisfaction de la part d'Hydro-Québec. Bien au contraire. J'ai pris la peine de préciser que, sur les 338 demandes, 15 ont fait l'objet d'un refus de la part d'Hydro-Québec. Alors, ce n'est pas le moins possible. On donne, au contraire, le plus souvent possible et dans le respect des balises que fixe la loi, accès aux documents.

Ce qui ressort aussi de ce que j'ai dit, c'est que 338 demandes... La progression des demandes d'accès nous oblige à une organisation administrative ajustée au nombre de demandes. Là aussi, il nous semblait d'intérêt de vous faire part de cette situation-là, mais pas dans le but, bien au contraire, de vous exprimer quelque insatisfaction de notre part. Il me semblait, et il nous semblait qu'il s'agissait d'un élément que vous pouviez être intéressé à connaître.

Pour ce qui est des demandes. Quand on dit qu'elles sont nombreuses, c'est qu'une demande peut porter sur plusieurs sous-questions. Il peut y avoir plusieurs sous-questions et plusieurs volets dans une même demande. Alors, ça demande, ça nécessite une recherche. Les réponses ne sont pas spontanées. Non pas qu'il s'agit de refuser ou de ne pas permettre l'accès à l'information, mais bien parce qu'il s'agit de donner l'information correspondant à la demande qui nous est faite. Il faudrait aussi ajouter que, quand on précise qu'on a mis sur place un réseau de répondants et de répondantes et qu'on diffuse l'information, les 338 demandes auxquelles nous faisions allusion pour l'année 1993 sont des demandes formelles d'accès à l'information, mais, partout sur le territoire, nos responsables d'accès ou les directions de communication font l'objet de demandes d'accès à l'information qui ne sont pas présentées formellement, mais les employés d'Hydro-Québec qui ont à traiter ces demandes sont informés des balises à l'intérieur desquelles ils doivent opérer, ce qui constitue un renseignement nominatif ou personnel ou ce qui, à l'inverse, est un renseignement qui peut être divulgué conformément à la loi.

Mais je reviens sur ce que j'ai dit tout à l'heure. Je ne voudrais surtout pas que vous interprétiez de nos propos quelque insatisfaction quant à la loi. C'est pour ça que j'ai bien répété que nous reconnaissions les valeurs de la loi et y souscrivions et qu'il s'agissait de vous faire part de notre expérience.

(12 heures)

La Présidente (Mme Cardinal): M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: Bien, vous parliez des 338 demandes et de l'augmentation de 300 %. C'est sûr, aussi, que, s'il y avait eu une demande une année puis trois l'année suivante, ça aurait pu faire 300 %.

Pour revenir à ma question, vous parlez, dans le haut de la page 4, de la valeur commerciale du document demandé. Est-ce que vous pourriez nous dire comment on va établir cette valeur commerciale?

Mme Nadeau (Marie-José): Je dois vous dire que je suis assez contente que vous posiez la question, parce que c'est une question que nous nous sommes posée nous-mêmes. Évidemment, il y a des documents, des logiciels – pensons à cet exemple-là – et il y a d'autres documents qui sont à Hydro-Québec et qui ont une valeur commerciale. C'est pour ça que j'avais indiqué que je pourrais revenir sur cette suggestion-là au cours de la période des questions. Ce qui pourrait être envisagé, et je le soumets bien humblement, c'est que la Commission puisse être autorisée par voie réglementaire à nous entendre ou à entendre l'organisme public qui suggère qu'un montant soit accordé pour la valeur commerciale attribuée à un document. L'organisme pourrait, dans cet ordre de pensées, suggérer un montant, mais la Commission pourrait être appelée à se prononcer et, d'une façon ou d'une autre, à entériner ou non la valeur commerciale identifiée aux documents sollicités.

M. Bourdon: Vous mentionniez tout à l'heure qu'Hydro-Québec signe des contrats avec des entreprises et que celles-ci ont droit au respect de ce qu'on appelle généralement le secret industriel. Est-ce à dire que si, par hypothèse, vous reveniez à votre projet d'investir 60 000 000 000 $ sur 20 ans, l'ensemble des 60 000 000 000 $ de contrats devrait demeurer quelque chose de confidentiel? Je vous pose la question. C'est sûr qu'une entreprise privée a droit, et c'est prévu dans la loi, à certains secrets, mais est-ce que vous ne pensez pas qu'une entreprise privée qui émarge à des fonds publics subit, de ce fait, certaines contraintes?

Mme Nadeau (Marie-José): Votre question, encore une fois, comporte plusieurs volets. Sur l'aspect privé de nos cocontractants, je pense qu'il y a là aussi une question d'éducation dans un but de maintien de bonnes relations d'affaires avec nos partenaires en affaires. Lorsqu'une demande d'accès à l'information nous est adressée concernant leur dossier, nous les en informons, et ils ne sont pas, évidemment, habitués. Le secteur privé n'est pas habitué à opérer dans un contexte... et il ne faut pas le lui reprocher non plus. Il s'agit d'une évolution récente dans notre système juridique. Il y a donc un phénomène un peu d'étonnement et de surprise et, je vous dirais, à certains égards, de crainte, mais de là la valeur de la communication et de l'information que nous devons leur fournir. De plus en plus, on tend à voir positivement l'insertion, dans le contrat même, d'une disposition qui prévoirait que les documents sont accessibles à l'information, en cas de demande d'accès, pour les familiariser avec cette idée, parce qu'ils traitent avec une entreprise publique et qu'il s'agit de documents qui pourraient être accessibles.

Pour ce qui est de l'autre volet de votre question concernant le budget d'investissement, l'importance de ce budget-là a été récemment remise en question par le président, et je pense même qu'il l'a déclaré en cette commission lors des dernières semaines, à l'occasion de la commission parlementaire sur le suivi du plan de développement. Mais, pour ce qui est des entreprises privées, et je reviens à votre question, qui sont partenaires en affaires avec Hydro-Québec, il y a aussi une évolution, mais ce n'est pas quelque chose auquel nous réagissons négativement, bien au contraire, conscients des devoirs que nous avons.

La Présidente (Mme Cardinal): M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: Bien, c'est que vous avez mentionné tout à l'heure que les plans d'immobilisation ont changé. Les plans d'Hydro-Québec changent vite. Je vous donne un exemple: le président nous a dit, il y a trois semaines, que la valeur des projets de cogénération qu'Hydro-Québec a envisagé à un moment donné d'acquérir est passée de 1200 MW à 760 MW à 250 MW. Et, apparemment, aujourd'hui, les 250 sont rendus zéro. Vous allez me dire: Ce n'est pas dans le cadre strict de la consultation qui est faite ici, mais, dans le fond, ce que je voudrais rappeler, c'est qu'Hydro-Québec a un actionnaire à 100 %, qui est le gouvernement du Québec, puis l'Assemblée nationale représente les citoyens qui élisent les gouvernements et qui sont propriétaires, par leur gouvernement, à 100 %.

Dans le fond, la question que je soulève est la suivante: Y a-t-il une quelconque transparence, par exemple sur les projets de cogénération, à nous tenir en quelques mois des discours qui se contredisent complètement? Je sais que ce n'est pas votre domaine propre, mais, dans le fond, si les parlementaires sont traités avec autant de désinvolture, est-ce qu'on peut penser que le citoyen ordinaire qui demande un renseignement à Hydro-Québec parce qu'il paye ses factures d'électricité et qu'il s'en estime actionnaire va être mieux traité? Et je sais que vous n'avez pas formulé une plainte comme telle sur le fait que vous avez eu 338 demandes l'année passée, alors que la Commission nous dit que, pour l'ensemble des organismes, il y en a eu 310 502. C'est juste révélateur d'un état d'esprit. Qu'est-ce que c'est, pour une boîte de 25 000 employés, de considérer 338 demandes?

Je vous accorde, d'entrée de jeu, qu'il y a des demandes qui sont plus importantes que d'autres et qu'à l'occasion il peut y avoir des demandes abusives ou futiles. Ça, vous vivez avec ça, mais vous avez 3 000 000 de clients actionnaires et un personnel de 25 000 personnes, puis, à cet égard-là, quand vous avez un mémoire à déposer, vous le déposez le matin même.

Alors, dans le fond, la question que je vous pose, c'est celle de l'imputabilité. Voilà un organisme public important, propriété de l'État, qui rend des comptes à l'Assemblée nationale. Et, dans le document que vous nous avez soumis, il y a bien des choses vraies, là, il y a bien des choses à regarder. Mais qu'est-ce que c'est que cette idée de dire, dans le fond, que c'est compliqué?

Et, dans le mémoire, vous parlez de déni de justice à votre endroit, dans des causes, par exemple. C'est vrai qu'il ne faut pas que l'avocat de la partie adverse, en utilisant la loi d'accès, ait accès à des documents qui le privilégient, mais pourriez-vous me dire si vous pensez qu'il y a une commune mesure entre les moyens juridiques d'un citoyen qui fait une demande et ceux d'Hydro-Québec?

Mme Nadeau (Marie-José): Je voudrais tout simplement revenir très rapidement sur le reproche que vous me faites à nouveau concernant le dépôt de notre mémoire ce matin. Lorsque l'invitation nous a été faite, il y a une dizaine de jours, ou 15 jours au maximum, deux choix s'offraient à nous: soit décliner parce que nous savions que nous soumettrions un mémoire à la limite de ce qui était raisonnable, soit profiter de cette occasion pour colliger l'information que nous pensions utile aux membres de cette commission. Nous avons choisi, par conscience, la deuxième voie. Je ne la regrette pas, mais je ne voudrais pas qu'en cela on interprète quelque négligence ou qu'on interprète notre dépôt de mémoire, ce matin, comme étant un traitement de peu d'importance. Bien au contraire, si nous sommes ici, c'est parce que nous avons estimé qu'il était utile de répondre favorablement à l'invitation qui nous a été faite. Si nous avions été sensibilisés plus tôt à l'exercice en cours, vous pouvez compter sur ma plus grande préoccupation que le mémoire vous aurait été remis bien avant la date d'aujourd'hui.

(12 h 10)

Quant à la question sur laquelle vous reveniez quant au nombre de demandes, je vous dirais que ce que je voulais démontrer, ce que nous voulions démontrer, c'est la croissance, la progression et les ajustements administratifs qui s'imposent dans ce contexte-là et non pas qu'il s'agissait d'une demande insurmontable ou d'un traitement insurmontable. À preuve, c'est que nous y avons répondu, nous y avons répondu favorablement dans la très grande majorité des cas. Je ne ferai pas le pourcentage, mais ça doit être à peu près à 90 %. Donc, ça se traite, ça se gère, et ça se gère bien. Mais il n'est pas inintéressant pour vous de le savoir également.

La Présidente (Mme Cardinal): Alors, M. le député, le temps étant presque écoulé...

M. Bourdon: Oui. Toujours dans le haut de la page 4, vous dites, au point 2, «le coût réel de la recherche excédant 100 $». Ça exclurait quel pourcentage des 338 demandes que vous avez eues l'an passé?

Mme Nadeau (Marie-José): Ah! mon Dieu! ce n'est pas énorme.

M. Bourdon: L'application de l'idée que le coût réel de la recherche excéderait 100 $.

Mme Nadeau (Marie-José): Ce n'est pas énorme. Peut-être que Me Leney pourrait répondre avec plus de précision. Mais, a priori, là, pendant qu'elle cherche dans ses statistiques, ha, ha, ha! je vous dirais qu'il s'agit des demandes qui font appel à des recherches très volumineuses ou très importantes, quand il faut aller dans les régions, aller dans les archives et faire du cas par cas, dossier par dossier, parce que ce n'est pas de l'information dont on dispose, à moins de consultation d'un fichier. Quand on nous fait, par exemple, une demande portant sur les rapports quotidiens de toutes les équipes affectées à certains travaux d'Hydro-Québec, c'est des demandes qui sont accessibles à l'information, mais le volume fait en sorte qu'il faut détacher quelqu'un pendant plusieurs heures et plusieurs journées, sinon plusieurs semaines pour aller repérer dans chacun des dossiers l'information demandée.

La Présidente (Mme Cardinal): Alors, merci, M. le député.

Mme Nadeau (Marie-José): C'est à ce genre de situation que ça fait allusion.

La Présidente (Mme Cardinal): Merci, madame. Je vais passer la parole, maintenant, à M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Oui. Merci, Mme la Présidente. Mme Nadeau, bonjour. Pour faire suite un peu, peut-être, aux questions – bien, on va prendre le temps nécessaire pour avoir l'éclaircissement, pour une fois qu'on peut les avoir devant nous, avec la permission de mon collègue – vous dites que vous avez été avertis il y a à peu près deux semaines, hein, que vous deviez venir ici. Pouvez-vous me dire qui s'occupe de ces rapports-là, chez vous, à Hydro? Y «a-tu» un département spécialisé, service juridique?

Mme Nadeau (Marie-José): Ça relève de la secrétaire de la société. Ça relève de moi. Je suis la personne désignée.

M. Gobé: Donc, ça a pris deux semaines pour réagir à ça puis amener ça ce matin.

Mme Nadeau (Marie-José): Oui, effectivement. Mais, vous savez, le but était d'en faire un exercice utile aussi, de compléter l'information. Nous avons une petite équipe sur place qui gère les demandes d'accès à l'information, et nous voulions aussi accorder à cette invitation...

M. Gobé: Combien de personnes dans votre équipe?

Mme Nadeau (Marie-José): Deux personnes, trois personnes. Une personne à temps plein, une autre personne au service de soutien, et Mme Leney et moi qui faisons ça, évidemment, parmi d'autres occupations.

M. Gobé: C'est parce que, justement, dans ma question, c'est une petite remarque que je voulais faire. Je trouve quand même un peu bizarre, paradoxal qu'une grosse boîte comme la vôtre, après deux semaines, nous arrive avec quelque chose de pas plus succinct que ça, des généralités dans beaucoup de pages. En tout cas, ce n'est peut-être pas le moment de faire le procès de votre mémoire.

Moi, j'aimerais vous entendre, peut-être, madame, en ce qui concerne l'accès aux documents, aux informations chez Hydro-Québec, en ce qui concerne le salaire des cadres supérieurs, en particulier. On sait que vous êtes une organisation gouvernementale, vous répondez devant l'Assemblée nationale. Le public est vos actionnaires. Un peu comme les députés, nous répondons. Nos salaires sont publics, les ministres, la même chose, les sous-ministres, enfin, les présidents d'organisme. Chez vous, là, c'est quoi, vos politiques là-dessus actuellement?

Mme Nadeau (Marie-José): Nous avons déjà donné des informations concernant cette demande spécifique, globalement, concernant tous les corps d'emplois, les salaires des cadres, les salaires des différents corps d'emplois.

M. Gobé: Est-ce à dire... Est-ce que c'est... Excusez-moi, madame, c'est important. Est-ce que vous entendez les rendre publics? Est-ce qu'on va pouvoir... Est-ce qu'il est de vos politiques que les salaires des cadres supérieurs soient du domaine public en général, oui ou non?

Mme Nadeau (Marie-José): Bien, je vous dirais que déjà le salaire des présidents est un salaire qui est public puisque paraissant dans un décret gouvernemental. Quant aux salaires des cadres supérieurs, il faudrait que je me penche sur la question. Nous n'avons pas eu à nous pencher spécifiquement sur cette question-là.

M. Gobé: Vous n'avez jamais eu de demande pour que les salaires des 40 vice-présidents, par exemple, soient rendus publics.

Mme Nadeau (Marie-José): Spécifiquement sur cette question-là? Je consulte à ma gauche ou à ma droite, non.

M. Gobé: Vous en aurez une bientôt, madame. Merci.

La Présidente (Mme Cardinal): Merci, M. le député. Alors, en conclusion, M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Lefebvre: Merci, Mme la Présidente. Alors, je veux vous remercier, Mme Nadeau, Mes Leney et Charbonneau. Je ne vous répéterai pas, ça vous a été clairement indiqué, que les membres de la commission sont un peu déçus quant au fait qu'on a reçu le mémoire seulement ce matin. Quant à moi, vous aviez le temps utile pour nous le déposer avant ce matin. Bon.

Ceci étant dit, je veux rappeler à la direction d'Hydro-Québec qu'Hydro-Québec, comme société d'État, vous savez, 300 et quelques demandes, c'est beaucoup et c'est très peu à la fois, compte tenu de l'ampleur des activités d'Hydro. Alors, je pense qu'on peut considérer que, de façon générale, les citoyens sont raisonnables quant à l'information qu'ils requièrent auprès d'Hydro. Je suis bien conscient qu'il y a, à l'intérieur de ces 300 et quelques demandes-là, des demandes considérables, c'est-à-dire à être traitées. Il y a des demandes plus importantes que d'autres qui peuvent émaner de groupes d'intervention, de pression au Québec.

Cependant, je vous rappelle, Mme Nadeau, qu'Hydro-Québec a des obligations en ce qui a trait à l'information légitime qu'on doit demander à Hydro-Québec, les citoyens et citoyennes du Québec. Vous avez des obligations. Et j'aurais aimé, moi, que le mémoire...

Vous savez, c'est à tous les cinq ans ou à peu près que vous avez l'occasion de faire connaître aux membres de la commission vos recommandations, vos suggestions quant à la pertinence de maintenir la loi d'accès, de la modifier, de la corriger, de l'améliorer. J'aurais aimé, et vous êtes accompagnée de deux juristes, et à votre gauche et à votre droite, qu'on puisse avoir un débat de fond. Ce n'est pas ce que votre mémoire nous a appelés à faire ce matin. C'est un échange, quant à moi, qui a été un peu décevant, dans ce sens-là. J'aurais aimé un débat de fond, compte tenu des obligations qu'a Hydro en sa qualité de société d'État majeure au Québec, compte tenu de l'expérience qu'Hydro a dans sa relation avec la Commission d'accès. Il me semble que votre réflexion aurait dû, quant à moi, être un peu plus poussée que ce à quoi on a eu droit comme échange ce matin, et également des commentaires qu'on retrouve à l'intérieur du mémoire.

Et je tire comme conclusion que, pour toutes sortes de raisons, vous avez peut-être préféré ne pas aborder le débat de fond sur l'accès à l'information, sur ce qui est le débat présentement au Québec, l'accès aux documents publics, à l'information publique qu'a le droit de requérir le citoyen tout, en même temps, en exigeant qu'on protège sa vie privée. C'est ça, le débat auquel vous étiez conviés, et, moi, je vous invite peut-être, à la prochaine occasion, à nous faire des suggestions sur le fond de la question. Je vous remercie, madame.

La Présidente (Mme Cardinal): Merci, M. le ministre. M. le député de Pointe-aux-Trembles, en conclusion, brièvement.

M. Bourdon: Oui. Je remercie les gens d'Hydro-Québec de leur mémoire et je formule le voeu qu'à un moment donné Hydro-Québec accède à une plus grande transparence.

La Présidente (Mme Cardinal): Merci, madame, messieurs.

Mme Nadeau (Marie-José): Si vous me permettez quelques mots, je retiens de vos remarques, M. le ministre et M. le député, ce qu'il faut en retenir. Je regrette évidemment votre déception. C'est un choix, effectivement, qu'on a fait compte tenu que nous étions dans une position d'opération avec la Commission d'accès à l'information, mais surtout aussi que nous souscrivons aux objectifs de la loi, et, dans toutes les démarches que nous faisons auprès de nos clients et auprès de nos demandeurs, c'est ce qui transparaît aussi. Merci.

La Présidente (Mme Cardinal): Alors, merci, madame, merci, monsieur, de la présentation de votre mémoire. Nous allons suspendre quelques moments pour permettre à l'autre groupe de se joindre à nous.

(Suspension de la séance à 12 h 20)

(Reprise à 12 h 31)

La Présidente (Mme Cardinal): Nous allons reprendre nos travaux.

M. Gobé: ...selon l'article 212...

La Présidente (Mme Cardinal): Oui, M. le député de LaFontaine, mais très bref, s'il vous plaît, selon l'article.

M. Gobé: Très bien. Merci, madame. Ça a rapport avec l'intervention précédente de Mme Nadeau d'Hydro-Québec. Lorsque je lui ai posé la question si elle avait déjà eu, à Hydro-Québec, des demandes afin de connaître le salaire des cadres, elle a répondu non. Je puis dire maintenant, pour avoir eu de l'information, qu'il y a déjà eu, en effet, une demande de la part d'un syndicat d'Hydro-Québec pour avoir le salaire des cadres. Ça avait été refusé par Hydro-Québec. C'était allé devant la Commission d'accès à l'information, qui avait donné raison au syndicat qui le demandait. Et, malgré ça, Hydro-Québec est allée en appel de la décision de la Commission. C'était ça que je voulais vérifier avec Mme Nadeau. Alors, c'était pour démontrer, peut-être, des fois, le peu d'insistance à la limpidité dans certains cas à Hydro-Québec, en particulier sur les cadres, qui sont payés par les contribuables du Québec.

La Présidente (Mme Cardinal): Merci, M. le député de LaFontaine. Alors, bienvenue, M. Comeau. Et, pour les fins du Journal des débats , si voulez bien avoir l'obligeance de présenter les personnes qui vous accompagnent.


Commission d'accès à l'information (CAI)

M. Comeau (Paul-André): Merci, Mme la Présidente. M. le ministre, MM. les députés, je voudrais vous présenter Me André Ouimet, qui est secrétaire de la Commission et directeur du Service juridique, de même que M. Clarence White, qui est directeur de la Direction de l'analyse et de l'évaluation.

La Présidente (Mme Cardinal): Vous me permettrez de vous rappeler que vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire, et 20 minutes, M. le ministre, et 20 minutes au niveau de l'Opposition. Si vous voulez...

M. Comeau (Paul-André): Je vous remercie. Je vous remercie, évidemment, en tant que présidente et je remercie les membres de la commission de me permettre de me présenter devant vous avec mes collaborateurs à la fin de cette session de consultations intensives. C'est la deuxième fois que l'Assemblée nationale, par sa commission, se prête à cet exercice original qui est celui de l'examen quinquennal de la loi. C'est, il faut le signaler, je pense, une initiative importante qui a été prise par l'Assemblée nationale au moment d'adopter la loi, en 1982, une initiative bien sentie qui permet à la loi d'être bonifiée périodiquement et d'apporter les correctifs nécessaires. Je pense que les mémoires qui vous ont été soumis, les témoignages que vous avez entendus, du moins d'après ce que j'en ai appris, correspondent précisément à cet objectif.

Vous comprendrez qu'il me serait un peu trop facile, peut-être même simpliste, de vous dire dès le départ que, oui, la loi doit être reconduite, puisque c'est l'objectif de cet exercice de révision. Je voudrais cependant étoffer cette réponse en démontrant comment cette loi correspond aux intérêts et aux besoins des citoyens et des citoyennes du Québec, et comment également son adaptation ou sa modification en parcours permet également de s'adapter aux conditions nouvelles de la vie de la collectivité mais aussi du système démocratique. Ce sont les deux thèmes que je voudrais développer, en reprenant, bien sûr, des données extrêmement concrètes.

On a souligné devant vous le phénomène de l'accroissement des demandes. Effectivement, c'est une donnée avec laquelle nous vivons depuis quelques années; c'est donc dire que la loi est utilisée par les citoyens et qu'elle répond à un besoin. Mais il y a quand même une donnée sur laquelle vous me permettrez d'insister, c'est que, de toutes ces demandes qui sont adressées aux organismes et à l'ensemble de l'administration publique, 80 % d'entre elles portent sur des demandes de renseignements personnels. C'est donc dire que les citoyens se sentent préoccupés par ces renseignements que l'État accumule à leur égard. Et, en adoptant et en adaptant la loi, bien sûr, le législateur a répondu de façon intelligente à une appréhension réelle des citoyens. Si vous regardez les sondages publiés en Amérique du Nord, aussi bien aux États-Unis qu'au Canada, par des maisons comme Équifax ou par des sociétés comme Gallup, vous constaterez que les citoyens se sentent un peu dépourvus et se sentent dépossédés en ce qui concerne les renseignements personnels. Que l'État ait pris l'initiative de leur permettre de constater l'exactitude des renseignements détenus à leur égard, c'est une façon intelligente et saine de répondre à cette inquiétude réelle qui revient dans les sondages de façon constante, et même de façon croissante malgré la mise en place d'un certain nombre de dispositifs.

Je pense qu'il faut aussi souligner le caractère judicieux de la mécanique qui a été mise en place à ce moment-là. L'Assemblée nationale a préféré décentraliser le système d'accès à l'information, donc de permettre aux organismes eux-mêmes, aux 3700 organismes qu'on a répertoriés, de traiter les demandes. C'est donc dire que la confiance a été signifiée aux organismes pour accueillir les demandes des citoyens. De cette façon-là, le contact est établi immédiatement entre l'entité administrative et le citoyen plutôt que d'avoir délégué ça à un organisme supérieur extérieur. Je pense qu'il y a un effet, une retombée indirecte de cette technique, qui est de permettre aux organismes eux-mêmes de découvrir les besoins exprimés par les citoyens et d'avoir également une autre façon de prendre le pouls de cette population. À cet égard, je réitère que la décentralisation qui a été privilégiée me semble utile et pour le citoyen et pour l'administration.

C'est également dans cet esprit de répondre aux besoins et aux attentes des citoyens que nous avons recommandé de façon expresse de modifier légèrement la mécanique de mise en place des fichiers de renseignements personnels. Je pense que l'expérience nous a permis de mesurer qu'il est plus facile, plus économique également de prévoir que de guérir dans le domaine de l'informatisation. Plutôt que de se lancer dans des entreprises bien intentionnées, parfois généreuses, et de devoir les corriger ensuite, nous préconisons la consultation préalable de façon à ce que l'on puisse, d'un commun accord, apporter des balises et même des correctifs avant de s'engager.

C'est le sens de notre recommandation, la recommandation 17. Et cette recommandation vise des choses extrêmement concrètes; ce n'est pas de la philosophie ou de la sémantique. Par exemple, lorsque les hôpitaux s'engagent dans la conversion des dossiers papier auxquels nous avons été habitués, s'engage dans la conversion vers l'informatisation, il est temps, à ce moment-là, d'intervenir et d'établir un mécanisme formel de consultation pour ne pas devoir ensuite, une fois les logiciels fabriqués et toute la quincaillerie mise en place, se rendre compte qu'on a oublié de prévoir des mécanismes de sécurité ou des mécanismes d'accès qui respectent précisément les renseignements personnels. Et c'est pourquoi nous demandons, lorsque l'on crée de nouveaux fichiers de renseignements personnels, lorsqu'on change la façon de traiter les renseignements personnels, d'entrer immédiatement en contact pour que l'on puisse, d'un commun accord, trouver les solutions respectueuses des droits des citoyens, mais les solutions également efficaces qui permettent à l'organisme de réaliser ses objectifs. Et ça nous semble nettement préférable à une consultation a posteriori où, là, on doit malheureusement avoir l'air du méchant qui impose des correctifs.

Il me semble que cette solution, cette recommandation, en tout cas, s'inspire à la fois de considérations pratiques mais aussi de considérations d'intérêt financier plutôt que de s'engager dans des dépenses qui ne correspondent pas au respect de la loi. Et, à cette occasion, selon la nature et l'importance de l'enjeu, la Commission a clairement démontré à quelques reprises, lorsque le problème s'est posé, qu'elle engageait les consultations nécessaires auprès des groupes. Nous l'avons fait massivement au moment où nous avons élaboré nos lignes directrices précisément pour l'informatisation des dossiers médicaux. Nous avons mené une ronde de consultations qui nous a menés auprès de 40 groupes, ou quelque chose du genre, qui sont venus faire part de leurs problèmes, qui nous ont également mis au courant de leurs expériences, ce qui nous a permis, je pense, d'aboutir à un résultat intéressant.

De même, nous l'avons fait lorsque, l'an dernier, à cette même date, nous avons publié nos lignes directrices sur la consultation des dossiers médicaux par les agents de pastorale dans les hôpitaux et les centres de santé. Là aussi, nous avons consulté des représentants des diverses religions, nous avons consulté des éthiciens, ainsi de suite, de sorte que le processus de consultation nous semble fondamental, simplement pour être réaliste et pour avoir les deux pieds sur terre.

(12 h 40)

C'est pourquoi, dans un même ordre d'idées, et toujours pour tenir compte des désirs mais aussi des appréhensions des citoyens – ça, on l'oublie; les citoyens ont peur de l'informatique et de certaines de ses applications – nous avons demandé, dans notre rapport qui vous a été remis il y a quelque temps, nous avons demandé de façon précise, et c'est l'objet de la recommandation 18, d'être informés de tout transfert, de tout échange de renseignements personnels entre organismes, qu'il soit ou non prévu par la loi. Là aussi, il s'agit d'une façon de favoriser la transparence. Et la mécanique que nous proposons, le délai de 60 jours, c'est ce que nous avons dégagé de l'expérience accumulée au cours des cinq dernières années. Et nous espérons, de cette façon-là, pouvoir traiter de façon plus expéditive ces demandes que nous formuleraient les organismes.

Évidemment, les besoins des citoyens et leurs appréhensions créent une certaine pression sur la Commission, c'est-à-dire que, au-delà du travail précis d'adjudication et de conseil dans le domaine de la protection des renseignements personnels, nous sommes extrêmement sollicités au chapitre de l'information et de la formation. Et la Commission, avec disponibilité mais selon ses possibilités, tente de répondre le mieux possible à ces demandes constantes de citoyens et d'organismes. Je dois dire que nous avons pu, heureusement, jusqu'à maintenant compter sur la collaboration constante et efficace de l'ENAP, qui multiplie les cours de formation et d'entraînement, de même que sur celle de la direction de la Loi sur l'accès qui existait au ministère des Communications et qui a maintenant été prise en charge par le ministère de la Justice. Nous tentons, évidemment, de donner un coup de pouce dans ce domaine-là, mais l'information représente un problème précis, plus important depuis l'entrée en vigueur de la nouvelle loi, dont je parlerai dans un instant.

Je voudrais également revenir de façon très pragmatique au choix qui a été fait par le législateur en ce qui concerne la décentralisation et de l'accès à l'information et de la protection des renseignements personnels. Cette décision a permis à la Commission de maintenir une taille svelte, c'est-à-dire que nous continuons à fonctionner avec 35 à 39 personnes, et c'est la moyenne au cours des quatre dernières années. À titre de comparaison, l'Ontario a un personnel de 101 responsables, et l'Ontario n'a placé sous la loi d'accès et de protection des renseignements personnels ni le réseau de l'éducation ni le réseau de la santé. Et ils en sont à 101 fonctionnaires, avec un budget qui est trois fois et demi le nôtre. C'est donc dire qu'il y a un pari qui a été fait et qui évite, je pense, une excroissance, même si, effectivement, il peut y avoir une certaine ponction qui est exercée sur les organismes. Mais, à mon point de vue, cette facon de procéder fournit des dividendes importants aux organismes en leur permettant d'avoir ce contact privilégié et direct.

Et c'est aussi, pour revenir sur des propos qui ont été échangés à quelques reprises durant vos travaux, le parti pris de la transparence qui a été mis de l'avant par le législateur et qui doit être compris dans des perspectives plus larges. La transparence permet, bien sûr, la compréhension de nos institutions, mais elle est, à mon point de vue, nécessaire dans notre système démocratique. C'est pourquoi la Commission a toujours eu une appréciation nuancée lorsqu'on prend en considération les demandes de déroger à la loi, donc l'inclusion dans des modifications législatives ou dans des nouvelles législations de cette fameuse clause dérogatoire dite «nonobstant». Je dois signaler, on l'a écrit, que, heureusement, cette tendance est à la baisse depuis quelques années. Ça, c'est quelque chose dont il faut se réjouir. À ce propos, je dois signaler l'esprit de collaboration des ministres et des hauts dirigeants de ministères qui engagent le dialogue à l'avance avec la Commission lorsqu'il leur semble nécessaire d'avoir recours à cela. De cette façon, nous avons pu, au cours des dernières années, convaincre nos interlocuteurs, soit de retirer ces dispositions dérogatoires ou de les limiter de façon extrêmement précise et restreinte. Je dois dire également qu'il y a quelques années l'intervention opportune du secrétaire général du Conseil exécutif a joué son rôle et a permis à tout le monde de prendre conscience du problème que signifiait pour la démocratie l'utilisation de cette clause dérogatoire. C'est une appréciation nuancée de la part de la Commission. Aussi, dois-je vous dire que nous accueillons avec satisfaction la proposition qui a été exprimée ici par le Barreau, et nous publierons dans notre rapport annuel, chaque année, la liste des dispositions dérogatoires qui auront été adoptées par l'Assemblée nationale durant les 12 mois précédant le dépôt de notre mémoire. De cette façon-là, on pourra, je pense, constater les progrès et le respect de l'administration envers la loi d'accès.

Depuis le dépôt de notre mémoire, il y a déjà un petit moment, les événements se sont accélérés. Le Québec a franchi un pas important en adoptant ce qui était le projet de loi 68 sur la protection des renseignements personnels. Je dois vous dire qu'après cinq mois bientôt d'entrée en vigueur de cette loi la collaboration des entreprises nous semble et nous est assurée. Quant aux citoyens, ils découvrent cette loi et, pour le moment, démocratiquement, ils nous inondent de demandes de renseignements. C'est donc dire que cette loi répond, semble-t-il, à un certain nombre de problèmes.

L'adoption de la loi 68 modifie un certain nombre de données de base. Tout comme en 1982, le Québec a joué un rôle de pionnier en Amérique du Nord à cet égard. C'est quelque chose de considérable. En adoptant la loi, en 1982, et maintenant celle en 1993, le Québec a défini un modèle important qui est maintenant imité. Ça, on l'oublie. L'Ontario nous a suivis en 1988 en copiant exactement le modèle. La Saskatchewan a fait de même. La Colombie-Britannique en 1992. Et maintenant, le projet de loi qui a été déposé à Edmonton par le premier ministre d'Alberta reprend exactement les grandes données, l'architecture et l'économie de notre législation. Je dois vous signaler également que d'autres organismes ou d'autres pays s'inspirent de notre modèle. Ça a été le cas de la Hongrie il y a deux ans, et aussi d'une nouvelle entité de la Fédération belge; la région bruxelloise, qui est une des trois parties, a copié parfois des pans complets de notre loi. Il y a donc eu propagation du modèle québécois. Mais, évidemment, le contexte, lui, est modifié par les progrès absolument fulgurants de la technologie, et c'est pourquoi la Commission essaie de suivre avec vigilance les nouvelles avenues, comme l'expérience de la carte santé avec microprocesseur qui se déroule présentement à Rimouski, comme l'EDI et comme l'autoroute de l'information.

La Présidente (Mme Cardinal): Excusez-moi, M. Comeau, il vous reste quelques minutes.

M. Comeau (Paul-André): Il me reste 20 secondes, madame...

La Présidente (Mme Cardinal): Ah!

M. Comeau (Paul-André): ...j'en suis arrivé à ma conclusion.

La Présidente (Mme Cardinal): Merci.

M. Comeau (Paul-André): Ces expériences suscitent une certaine admiration, mais une certaine appréhension aussi de la part des citoyens. Et c'est, je pense, le rôle de prévention de la Commission que d'intervenir au moment où on planifie.

Alors, en terminant, je pense que l'histoire des 12 dernières années constitue un cheminement de notre société démocratique et mise, en quelque sorte, sur la constitution de droit nouveau. Je pense que, ce fait, je l'ai mieux compris lorsque le Conseil de l'Europe, à Strasbourg, dans les mesures d'adjuvant ou d'aide à la construction de la démocratie dans les anciennes démocraties populaires, recommande à ces états de se doter de régimes d'accès à l'information et de protection des renseignements personnels. Je pense que c'est la meilleure illustration du caractère progressiste, novateur et intelligent de ce qui a été fait par le gouvernement, par l'Assemblée nationale du Québec et par les deux partis.

(12 h 50)

La Présidente (Mme Cardinal): Merci, M. Comeau. M. le ministre.

M. Lefebvre: Merci, Mme la Présidente. M. Comeau, je veux vous saluer, et MM. Ouimet et White également. Je veux vous rappeler ce que vous savez probablement déjà de façon générale. À l'occasion de cette commission, on a souligné le bon travail de la Commission d'accès à l'information, et je tenais à vous le dire personnellement. Ça a été avec plaisir qu'on a reçu les commentaires des différents intervenants qui, je me répète, là, saluent, en général, le bon travail de la Commission d'accès. Je veux vous rappeler que je sais que vous êtes en attente de la nomination de deux commissaires, conséquence de l'adoption de la loi 68. J'aimerais, M. Comeau, peut-être, cependant, vous souligner le commentaire qui nous été livré par deux intervenants, le Barreau du Québec et l'Association des archivistes. J'aimerais avoir votre appréciation du commentaire du Barreau, qui considère que la Commission d'accès peut se retrouver en situation conflictuelle compte tenu du fait que la Commission donne des avis et, en même temps, décide. Je voudrais vous entendre là-dessus, M. le président.

La Présidente (Mme Cardinal): M. le président.

M. Comeau (Paul-André): Je vous remercie, M. le ministre. Je vous ferai, si vous voulez, une réponse, pour employer une expression anglaise, de laïque, et si vous voulez avoir plus de détails juridiques, je passerai la parole à Me Ouimet.

Ma réponse, elle est pragmatique et, à la fois, philosophique. Elle est pragmatique en ce sens que le législateur, d'abord, a combiné l'accès et la protection sous une même loi et un seul organisme. Il y avait à cela des raisons précises et, je pense, des raisons de principe. Mais, en demandant à cette Commission de chapeauter un certain nombre de mandats, il l'a fait de façon très claire pour éviter la multiplication des organismes et la dispersion de ceux-ci. On aurait pu, bien sûr, en s'inspirant du modèle français ou même du modèle fédéral canadien, avoir deux lois, deux organismes, etc. Vous pouvez facilement mesurer les conséquences de cela. Personnellement, nous nous sommes très rarement sentis en conflit à cet égard. Ça impose une discipline différente...

M. Lefebvre: Mais c'est vivable.

M. Comeau (Paul-André): C'est vivable, sans aucun problème. C'est, d'un point de vue très laïque, là, mes impressions. Est-ce que vous voulez entendre M. Ouimet, d'un point de vue juridique?

M. Lefebvre: S'il vous plaît.

La Présidente (Mme Cardinal): M. Ouimet.

M. Ouimet (André): Le juriste rejoint le laïque, parce que... En fait, la création d'organismes multifonctionnels, ce n'est pas nouveau dans notre droit. Les tribunaux ont très souvent reconnu la validité de ces organismes quasi judiciaires multifonctionnels. Comme le dit M. Comeau, c'est dans la pratique qu'il faut le vivre de façon très claire et séparer les différents mandats qui sont confiés.

Évidemment qu'il y a des gens qui ont déjà contesté ça devant les tribunaux. Ce n'est pas arrivé pour la Commission d'accès à l'information, mais c'est arrivé pour d'autres tribunaux administratifs. La cause la plus célèbre, qui n'est pas encore entendue par la Cour d'appel, ou plutôt qui a été entendue par la Cour d'appel mais dont on attend une décision, concerne la Régie des permis d'alcool. Cette décision pourrait avoir des conséquences sur d'autres tribunaux administratifs. Nous, on pense que le fonctionnement de la Commission et la façon dont le législateur a fait la loi québécoise nous mettent à l'abri de décisions des tribunaux qui constateraient une certaine impartialité. Je pense, pour résumer, que tout ça est une question de contexte et de façon dont on se comporte.

M. Lefebvre: M. le président Comeau, l'Association des archivistes, de son côté, a indiqué souhaiter que la Commission d'accès soit peut-être plus vigilante quant à la conservation de la valeur patrimoniale des renseignements personnels. Vous êtes probablement également informé de cette recommandation de nos archivistes québécois. Qu'est-ce que vous pensez de cette suggestion et de cette recommandation des archivistes?

M. Comeau (Paul-André): Il faut, à ce moment-là, vivre d'abord avec la Loi sur les archives, qui est une loi très précise, mais il faut dire, je suis moi aussi préoccupé, depuis l'entrée en vigueur de la nouvelle loi et du droit civil, par les problèmes concrets que représentent maintenant non seulement la protection des archives, mais l'accès aux archives. C'est un des aspects qui devront être éclairés, parce qu'il y a des lacunes. Il y a des problèmes aussi élémentaires que celui de pouvoir dresser maintenant un arbre généalogique. Il va falloir revenir à ces questions-là. Que les renseignements personnels doivent être protégés dans les archives, c'est évident, plus que les documents administratifs. Là-dessus, il n'y a aucun doute. Je pense qu'il va d'ailleurs falloir rapidement engager le dialogue avec les archivistes, dans cette perspective de concilier et les provisions du Code civil et celles de la loi 68, parce qu'on a oublié aussi, je pense, l'importance des archives privées au Québec.

M. Lefebvre: Vous pouvez prendre pour acquis, M. le président, que vous allez, comme vous venez de l'indiquer, communiquer avec nos archivistes pour que les deux organismes puissent bien se comprendre sur, un, le message, deux, ce qu'il y aurait lieu de mettre en place pour répondre à leur préoccupation, mais à une préoccupation qui existait déjà, tel que vous venez de l'indiquer à la Commission.

M. Comeau (Paul-André): Tout à fait.

M. Lefebvre: Merci, M. le président. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Cardinal): Merci, M. le ministre. Avant de poursuivre, comme nous approchons de 13 heures, il me faut demander la permission de la commission avant de poursuivre.

Une voix: ...

La Présidente (Mme Cardinal): Merci. Alors, M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: Oui, Mme la Présidente, je voudrais souhaiter la bienvenue, à mon tour, aux membres de la Commission et peut-être débuter par une anecdote. Le président à parlé des provinces et des pays qui imitent le Québec en matière de loi d'accès, et il a mentionné l'ancienne Europe de l'Est, si on peut utiliser le terme, et, notamment, la Hongrie. Et je voudrais juste signaler que, dans mon comté, la compagnie CCR Noranda, qui affine du cuivre et des métaux précieux, fait depuis quelques années de la récupération de métaux précieux dans des appareils électroniques, par exemple ordinateurs, téléphones, où, me dit-on, on trouve plus de métaux précieux que dans le sol. Et un dirigeant de l'entreprise me signalait qu'après la chute du mur de Berlin ils ont obtenu un important contrat pour chercher les métaux précieux dans 50 tonnes d'équipement d'écoute électronique qui venait de l'Allemagne de l'Est. Et, comme la technologie n'était pas très au point, on me dit que l'apport en métaux précieux était particulièrement important dans ces appareils d'écoute. Mais 50 tonnes, parce que ce n'est pas très lourd, les appareils d'écoute, c'était passablement de poids.

Je voudrais demander à la Commission, parce que le rapport qu'on a étudié et au sujet duquel on a entendu des mémoires date d'un an et quelques mois, si la Commission s'est donné un plan de travail à l'égard de l'harmonisation de la nouvelle législation, dont le rapport ne pouvait pas encore tenir compte parce qu'elle n'était pas adoptée par l'Assemblée. Et j'ajouterais même, en sous-question: Est-ce que ça pourrait être envisagé, en rapport également avec la Loi sur les archives et les nouvelles donnes du Code civil, pour que ces éléments-là soient en relation?

La Présidente (Mme Cardinal): M. Comeau.

M. Comeau (Paul-André): Vous soulevez là, M. le député, un problème réel. On a commencé voilà quelques semaines à rendre de premières décisions en fonction de la loi 68, enfin, du projet de loi 68, et on constate, évidemment, la nécessité d'harmoniser ne serait-ce que des termes de vocabulaire. Il y a des problèmes, là, à cet égard qui entraînent des conséquences au niveau de l'interprétation. Il y aura nécessité de vous revenir, soit à la faveur du rapport annuel ou autrement, pour proposer effectivement des harmonisations dans les deux lois pour ne pas arriver à des interprétations complètement divergentes ou parallèles. Ça, c'est très évident, et on commence déjà à mesurer les problèmes. Il y a certains problèmes qui découlent du Code civil et avec lesquels on devra vivre plus longtemps, parce que je ne pense pas que le Code civil soit rouvert facilement. Mais, pour les deux lois, alors là, effectivement, nous allons vous revenir assez rapidement avec l'expérience que nous accumulons actuellement.

(13 heures)

M. Bourdon: Parmi les représentations qu'on a eues, il y a des gens qui ont fait observer, à l'égard des handicapés par exemple, que des mesures devraient être prises. Vous demandez dans le rapport que la Commission s'oblige à fournir les services, mais, dans le fond, l'organisme de sourds avec qui on a pu parler, parce que la commission avait prévu des interprètes gestuels, nous a signalé la grande difficulté pour des personnes qui ont un handicap moteur ou un handicap auditif ou un handicap visuel d'accéder aux documents. Alors, j'en viens à ma question. La Commission propose de s'obliger à fournir les services, mais est-ce qu'elle a une réflexion sur l'accès plus généralement par le réseau de répondants? Parce qu'il est impossible d'imaginer que les 5000 répondants vont, du jour au lendemain, s'adapter à ces réalités-là. Est-ce que vous avez entrepris une réflexion à ce niveau-là?

M. Comeau (Paul-André): Bon, on a non seulement entrepris une réflexion, mais on a eu des demandes en bonne et due forme à cet égard. On a dialogué avec des représentants, notamment de l'association des sourds. Me Ouimet s'est davantage occupé de cette question et il a été en contact avec eux; si vous permettez, je vais lui demander de poursuivre cette réponse.

La Présidente (Mme Cardinal): M. Ouimet.

M. Ouimet (André): De façon concrète, nous, on a eu quelques expériences avec des personnes handicapées. On a pris les moyens pour que ces personnes-là puissent faire valoir leurs droits devant la Commission comme devant n'importe quel autre tribunal. Par ailleurs, il y a aussi un organisme – dont je ne me souviens plus du nom – qui coordonne actuellement une démarche auprès des organismes publics pour qu'un service soit offert de façon assez générale dans chacun des organismes publics, soit par le biais de Communication-Québec ou dans l'organisme lui-même, pour répondre aux demandes de ces personnes-là.

La Présidente (Mme Cardinal): Merci, M. Ouimet. M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: Dans votre rapport, vous mentionnez l'accès aux documents officiels de haut niveau – je pense au Conseil du trésor et au Conseil exécutif – et vous proposez de sortir de la limitation actuelle qui est qu'au Québec ces documents sont confidentiels pour l'éternité. Je sais que ça commence à être éculé de ma part mais, comme le disait Woody Allen, l'éternité, c'est long, surtout vers la fin. Et vous proposez qu'on parle de 20 ans pour ces documents-là. Maintenant, le Barreau nous a parlé de cinq ans, et un autre organisme a même ajouté: à l'émission des brefs d'élection, ce qui se situe à cinq ans par les temps qui courent. Mais, est-ce que vous croyez que le délai que vous suggérez devrait être raccourci?

M. Comeau (Paul-André): Écoutez, nous avons effectivement, si vous avez remarqué l'ensemble des recommandations que nous avons faites, réduit les délais actuels de cinq ans. Cette décision-là n'est pas une décision mécanique; nous nous sommes ajustés sur les dernières législations en vigueur en Colombie-Britannique ou ce que l'on propose en Alberta, parce qu'il est normal qu'avec l'évolution des législations on raccourcisse les délais.

Il y a un certain nombre de problèmes qui se posent. Des délais d'éternité ou des délais de 20 ans, c'est vraiment trop long, ne serait-ce que pour les historiens. Et, là, on a un problème avec certains délais qui, dans la loi dans sa mouture actuelle, étaient vraiment, à mon point de vue, un peu trop longs, surtout si on compare à certaines législations existantes ou encore à certains pays qui n'ont pas de législation dans le domaine de l'accès à l'information mais qui permettent l'accès aux archives gouvernementales de façon plus rapprochée. Je pense que nous avons voulu harmoniser le cas du Québec avec les législations existantes, mais il est évident que, si on pouvait faire mieux pour reprendre le leadership en Amérique du Nord, je pense que tout le monde s'en réjouirait.

M. Bourdon: Il y a des intervenants qui nous ont entretenus de la question des cartes d'identité. La Commission a déjà publié un avis à cet égard-là, et on connaît la situation. Là, il y a maintenant deux pièces d'identité, celle du permis de conduire et celle de la carte d'assurance-maladie. Est-ce que vous ne pensez pas que la Commission pourrait conduire une consultation sur les moyens à prendre pour qu'on ne se retrouve pas dans une situation où chaque document identitaire fait l'objet de restrictions quant à son usage, mais que, dans le fond, il y ait multiplication des documents d'identité? Je pense aux revendicateurs du statut de réfugié, qui font l'objet d'une disposition de la Loi sur le ministère des communautés culturelles et de l'immigration. On dit maintenant l'Immigration et les Communautés culturelles. Mais, est-ce que vous ne pensez pas que cette question-là mériterait un nouvel examen, puisque, dans le fond, on vit dans une situation juridique qui est la suivante: des documents particuliers peuvent être émis à des fins particulières, et il y a des restrictions quant à l'usage qu'on peut en faire, mais en réalité, le premier ou les deux premiers documents qui comportent une photo vont avoir tendance, naturellement, à devenir les documents qui font preuve de l'identité?

M. Comeau (Paul-André): Alors, là, vous touchez à un problème majeur avec lequel, effectivement, on jongle, et je voudrais vous exprimer rapidement la base de notre position. Si nous sommes intervenus pour empêcher l'obligation de produire ces documents, c'est que ces deux documents, le permis de conduire et la carte d'assurance-maladie, et aussi la carte fédérale de sécurité sociale, le NAS, représentent les trois éléments, les trois pièces d'architecture des principales banques de données détenues dans le secteur public comme privé. Et c'est là où, par respect de la volonté de ne pas permettre de bâtir des superfichiers sur les individus par l'agglomération de ces données, nous avons pris cette option de recommander la spécialisation des cartes quant à leur utilisation.

Il est évident qu'il y a un problème en bout de piste, qui est le problème de l'identification dans toute société où les individus ne se connaissent pas. Votre suggestion de mener une consultation, elle est pertinente. Je dois vous dire qu'on y a réfléchi nous aussi, mais il nous semble que s'engager dans cette voie, qui est un choix de société, nous devons le faire mais avec l'assentiment et l'aval de l'Assemblée nationale, parce qu'il s'agit d'un projet aux conséquences importantes. Mais nous sommes à cet égard sur la même longueur d'onde. Le problème existe, et les solutions que nous avons préconisées sont imparfaites, parce que, si nous allons au bout de notre raisonnement, chaque carte ira et servira à des fins précises et aucune carte ne permettra à l'individu de s'identifier en tant que tel. Alors, là, il y a un problème, effectivement.

La Présidente (Mme Cardinal): M. le député.

M. Bourdon: Dans le fond, vous mentionnez les embûches, et, moi, je me permets d'être sceptique à l'endroit de conclusions hâtives qu'un organisme gouvernemental peut tirer. Par exemple, il y a des intervenants qui nous ont dit ici que de conclure que le nombre de demandes pour le renouvellement avec photo de la carte de la Régie de l'assurance-maladie du Québec indique que l'instauration du document a évité des fraudes de 60 000 000 $. Alors, les intervenants nous disaient: Il y a des données qui sortent qui indiquent que la procédure pour obtenir son document étant complexe, les citoyens les plus jeunes, qui recourent moins souvent aux soins de santé, négligent davantage que d'autres de se doter, de renouveler leur carte-soleil. Alors, ce que je veux dire, d'une certaine façon, c'est: Est-ce que vous ne trouvez pas qu'on conclut un peut trop hâtivement que telle donnée statistique sur les renouvellements indique qu'on a évité des fraudes, en donnant des chiffres, là, alors qu'en réalité la négligence ou l'indifférence de citoyens à l'égard d'un document identitaire, ça ne veut pas dire, mutatis mutandis, qu'on avait avant des fraudes et qu'en ayant moins de documents en circulation on a, par hypothèse, évité entièrement... Je ne dis pas qu'il n'y avait pas certaines fraudes que la carte permet d'éviter, mais de conclure qu'une opération menée sur un an, et fort complexe, là – parce qu'on allait tantôt au CLSC, tantôt dans un hôpital, tantôt ailleurs pour fournir ce qu'il fallait pour faire établir le nouveau document – est-ce que vous ne pensez pas que c'est un peu hâtif de dire que les citoyens étaient en général des fraudeurs et que, s'il y a moins de cartes en circulation, c'est qu'on a automatiquement éliminé tel ou tel élément de fraude?

(13 h 10)

M. Comeau (Paul-André): Alors, vous me permettrez, M. le député, de ne pas me précipiter dans la hâte, moi non plus, et de ne pas vous donner de réponse à cela tant et aussi longtemps que je n'aurai pas vu les chiffres que la Régie doit accumuler – et avec qui, d'ailleurs, on discutera prochainement. J'admets avec vous que la complexité de la procédure n'était pas la chose la plus facile pour aider les citoyens à s'acquitter de ce devoir. Moi-même, j'ai renouvelé ma carte dans un CLSC de campagne, en passant, où il n'y avait personne, parce que, en ville, j'ai renoncé aux files d'attente. Alors, quels sont les résultats, vraiment, de cela? Je ne le sais pas. Je n'ai pas vu les chiffres, et ce serait malhonnête de ma part de me prononcer.

La Présidente (Mme Cardinal): Alors, le temps étant écoulé, au nom du ministre et au nom de tous les membres de la commission, je vous remercie, MM. Comeau, Ouimet et White ainsi que tous les intervenants qui ont participé à notre commission. La commission ayant complété ses auditions publiques dans le cadre de... Ah! Vous voulez intervenir?

M. Bourdon: J'aurais 30 secondes, Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Cardinal): Oui. Allez, M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: ...pour suggérer à nos collègues ministériels – je ne dis pas que je m'attends à une réponse tout de suite – que la commission, ultérieurement, tienne une séance de travail pour discuter du contenu du rapport qu'on sera appelé à faire à l'Assemblée nationale. Alors, j'émets la suggestion.

M. Lefebvre: On va l'évaluer, M. le député de Pointe-aux-Trembles. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Cardinal): Merci, M. le ministre. Alors, la commission ayant complété ses auditions publiques dans le cadre de son mandat, j'ajourne les travaux sine die.

(Fin de la séance à 13 h 12)