L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission de la culture

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission de la culture

Version finale

35e législature, 1re session
(29 novembre 1994 au 13 mars 1996)

Le mardi 28 novembre 1995 - Vol. 34 N° 9

Consultations particulières dans le cadre de l'examen des orientations, des activités et de la gestion de Radio-Québec


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Organisation des travaux

Remarques préliminaires

Auditions


Autres intervenants
Mme Solange Charest
M. André Gaulin
M. Geoffrey Kelley
M. Yves Beaumier
M. Robert Perreault
M. Yvon Charbonneau
*M. Jean Fortier, Groupe-conseil sur la mission de Radio-Québec
*Mme Judith Newman, CSE
*M. Jean Proulx, idem
*M. Bernard Pilote, Conférence nationale des conseils régionaux de la culture
*M. Pierre Lapointe, idem
*Mme Lorraine Pagé, CEQ
*M. Pierre Beaulne, idem
*M. Jacques Poulin, SERT
*M. Louis Charest, ARRQ
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Quinze heures vingt-neuf minutes)

Le Président (M. Payne): Alors, je constate que nous avons le quorum et, donc, j'ouvre la séance en rappelant le mandat de la commission. La séance de la commission de la culture débute ses travaux cet après-midi avec un mandat de la commission de la culture de procéder à des consultations particulières dans le cadre du mandat de surveillance d'organismes que nos membres se sont donné unanimement le 19 décembre 1994. Et je demanderais au secrétaire d'annoncer les remplacements, s'il vous plaît.

Le Secrétaire: M. Morin (Nicolet-Yamaska) est remplacé par M. Bourdon (Pointe-aux-Trembles) et M. Bissonnet (Jeanne-Mance) est remplacé par M. Mulcair (Chomedey).


Organisation des travaux

Le Président (M. Payne): Vous avez tous reçu, je pense, copie de l'ordre du jour. Je prends pour acquis que tout le monde est présent: le Groupe-conseil sur la mission de Radio-Québec; le Conseil supérieur de l'éducation à 16 h 30; à 17 h 30, la Conférence nationale des conseils régionaux de la culture. On suspend à 18 heures. À 20 heures, la Centrale de l'enseignement du Québec et le Syndicat des employés en radio-télédiffusion de Radio-Québec et l'Association des réalisateurs de Radio-Québec, ce qui, si on suit l'horaire comme il faut, nous achemine à 22 heures pour l'ajournement.

(15 h 30)

Brièvement, parce qu'il s'agit d'un mandat spécial, nous avons eu une séance de travail la semaine passée et je voudrais rappeler à tout le monde l'entente intervenue à ce moment-là. On s'est entendus sur 30 minutes pour les remarques préliminaires et les remarques finales, partagées également entre les deux formations politiques, précédées par une brève mise en situation par moi-même.

L'audition des groupes se ferait de la façon suivante: le tiers du temps pour l'exposé, un tiers pour les questions des députés ministériels et un tiers pour les questions des députés de l'opposition. Et j'ai l'intention d'appliquer, donc, la règle de l'alternance, après 10 minutes d'intervention d'un membre de la commission.

Je rappelle également qu'une entente est intervenue pour permettre à la ministre de participer aux délibérations de notre commission et pour qu'elle puisse être secondée au besoin, à titre de conseiller, par le président-directeur général de Radio-Québec, M. Jean Fortier.

Je voudrais bien indiquer, au tout début, que nous exécutons cet après-midi, pour les prochains deux jours, un mandat de la commission et non du gouvernement, et c'est dans l'esprit de la réforme parlementaire de 1984 qui prévoit notamment une large part d'autonomie et d'initiative pour les commissions parlementaires et leur président. Cette réforme introduisait notamment un pouvoir de surveillance d'organismes en vertu duquel notre commission s'est donné le mandat d'examiner les orientations, les activités et la gestion de Radio-Québec qui est l'un de la trentaine d'organismes soumis à notre pouvoir de surveillance.


Remarques préliminaires


M. David Payne, président

Mes chers collègues parlementaires, quelques remarques préliminaires au début pour situer notre discussion. L'avenir de Radio-Québec préoccupe les membres de cette commission au plus haut point. Nous avons convenu unanimement de nous pencher sur cette question et je crois que la tenue de consultations publiques à ce moment-ci est tout à fait appropriée.

Le mandat de la commission est le suivant: nous voulons examiner l'adéquation entre les recommandations du Groupe-conseil sur Radio-Québec et les besoins de la société québécoise. Il y a quatre questions qu'on voudrait se poser, nous, membres de la commission.

Premièrement, quelles sont les réponses aux défis posés par l'émergence d'une société du savoir? En d'autres termes, comment la télévision éducative peut-elle compléter notre système d'éducation? De quelle façon peut-elle favoriser le développement d'une culture scientifique et technologique, en plus de s'acquitter d'un mandat de formation continue?

Deuxièmement, comment la télévision publique peut-elle apporter un soutien au développement culturel? Cette question, logiquement, nous amènera à nous interroger à la fois sur l'accessibilité aux produits culturels, sur la sensibilisation du public et sur les impacts sur les créateurs et les artistes.

Troisièmement, à quelles conditions cette télévision peut-elle assumer un rôle de levier culturel? Cette question touche plus spécifiquement le développement de contenus de langue française et de l'autoroute de l'information, le renforcement du partenariat avec les institutions gouvernementales et les sociétés privées, ainsi que la mission spécifique de la télévision éducative et culturelle dans le paysage audiovisuel québécois.

Quatrièmement, comment cette télévision peut-elle être le reflet des multiples réalités de la société québécoise? En tentant de répondre à cette question, nous serons amenés à nous interroger sur sa présence dans la capitale et dans les régions, sur le suivi des activités des institutions démocratiques et sur le pluralisme de la société québécoise.

Au cours des jours qui viennent, nous serons à l'écoute de Radio-Québec, sa direction, ses employés, ses partenaires et des organismes intéressés par son avenir. Nous, parlementaires, avons pris connaissance du rapport intitulé «Télé-Québec, le réseau du savoir». Les membres de la commission, sans les compromettre, voudraient donc sûrement examiner de plus près les implications de ce plan. Le rapport propose que Radio-Québec ait une fonction de diffuseur et de programmateur, la production devenant une mission externe dont le financement serait inévitablement assumé par Téléfilm, la SODEC, les sociétés en commandite, etc. Ce qui est recherché par nous, c'est une démonstration éclairée de la valeur de ce modèle.

L'effet de levier envisagé par un financement indirect des organismes tels Téléfilm et SODEQ, et les crédits d'impôt pourrait-il garantir la survie des émissions et des documents télévisuels à un coût moins élevé par la production privée? La coproduction sans prestation est-elle le modèle à suivre? De plus, comment allez-vous, Radio-Québec, rentabiliser une infrastructure technique de quelques dizaines de millions de dollars pour vos studios, infrastructure complétée il y a à peine deux ans?

Les régions, maintenant. Est-ce possible que nous ayons abandonné, à toutes fins pratiques, le mandat d'information factuel dans les régions? Les dizaines de journalistes en région le sont-ils vraiment? Et beaucoup d'autres questions seront sans doute soulevées au cours de nos discussions.

Finalement, nous avons, par conséquent, une abondante matière à réflexion. Une trentaine d'organismes – est-ce la marque de notre démocratie? – et d'individus nous ont transmis un mémoire. Au cours des prochains jours, nous en entendrons une vingtaine. Voilà qui nous permettra de bien cerner les principaux enjeux pour l'avenir de Radio-Québec, et j'annonce d'ores et déjà notre intention d'ajouter à ces mémoires notre rapport final. Il contiendra les recommandations des membres de la commission de la culture, lesquelles refléteront les préoccupations de nos concitoyens qui sont, après tout, les tout premiers intéressés par nos décisions. La parole est à vous.

Alors, on a une trentaine de minutes à se partager de part et d'autre. Ça, c'est mes notes préliminaires et, j'espère, un peu objectives. Je voudrais inviter la ministre pour une quinzaine de minutes et, ensuite, le porte-parole... D'ailleurs, je voudrais souhaiter la bienvenue à M. le député de Chomedey qui assume les fonctions de porte-parole de l'opposition en matière de communications. Pour une quinzaine de minutes, Mme la ministre.


Mme Louise Beaudoin

Mme Beaudoin: M. le Président, mesdames et messieurs, membres de la commission de la culture, nous amorçons aujourd'hui l'étude, en commission parlementaire, du rapport du Groupe-conseil sur l'avenir de Radio-Québec. Tout en remerciant ceux et celles qui nous ont déjà fait parvenir des mémoires et participeront aux travaux de cette commission, je tiens à dire toute l'importance que j'attache personnellement à cet examen que nous ferons ensemble cette semaine. Il m'apparaît également nécessaire de le remettre en perspective.

L'accès généralisé au savoir et à la culture, l'ouverture sur le monde, la mise en commun de ressources et de capacités créatrices dans un univers audiovisuel en profonde mutation sont des dimensions incontournables qu'il nous faut examiner avec le maximum de rigueur. Dans cet esprit, je formule l'espoir que nos échanges serviront à éclairer le débat et permettront d'établir des consensus sur les moyens à prendre pour faire coïncider la mission de Radio-Québec avec les besoins de notre société.

Apparue au milieu de ce siècle, la télévision est devenue un formidable vecteur de diffusion culturelle, d'identification et d'ouverture sur le monde. Capable du meilleur et du pire, elle a profondément modifié nos vies, multiplié les possibilités d'accès à la connaissance et bouleversé les règles du jeu démocratique. Dans le sillage de la Révolution tranquille, nous avons réussi, au Québec, à nous donner une télévision, publique et privée, qui nous ressemble tout en nous ouvrant de multiples fenêtres sur le monde.

Radio-Québec constitue un élément de cet ensemble. Sa contribution à la qualité et à la diversité de l'offre télévisuelle québécoise est indéniable. Depuis plusieurs années, elle s'est particulièrement distinguée avec ses émissions jeunesse dont la pertinence et l'impact sont reconnus par toute une génération de jeunes Québécois. Elle a aussi développé une expertise solide en recherche et développement et en conception d'émissions éducatives destinées à un large public.

Or, le contexte actuel, marqué par le développement fulgurant des nouvelles technologies de communication, la déréglementation, l'abolition des frontières et une pression concurrentielle de plus en plus forte, et, bien sûr, aussi, l'état des finances publiques au Québec nous obligent à revoir la mission, les objectifs et l'organisation de Radio-Québec.

(15 h 40)

Cette réflexion ne peut faire abstraction des autres éléments qui composent le paysage audiovisuel québécois, non plus que des phénomènes qui sont en train de le bouleverser. Qu'il s'agisse des discussions entre Vidéotron et CFCF, des difficultés qui secouent Radio-Canada, de l'arrivée prochaine des satellites de radiodiffusion directe, de la multiplication des chaînes spécialisées, de la prééminence des produits américains sur notre marché, il est évident que nous assistons actuellement à une reconfiguration globale du système. Y a-t-il encore une place pour Radio-Québec à l'intérieur de ce nouveau système aux contours plus ou moins définis? Nous croyons que oui, si nous arrivons à réunir certaines conditions.

La première concerne la mission éducative et culturelle de Radio-Québec qu'il faut remettre au premier plan en la recentrant autour d'objectifs concrets et réalistes. Ce qui implique qu'elle devienne un véritable partenaire de l'école, sans se substituer à elle, bien sûr, ni même lui ressembler, mais en offrant des programmes qui, sans être austères, donneront le goût et le plaisir d'apprendre. Ce qui implique également qu'elle soit vue comme une véritable chaîne-ressource tant par les enseignants que par la population adulte qui fait face à des besoins croissants de formation.

La deuxième condition est reliée à l'accessibilité de tous les Québécois à cet instrument de diffusion des connaissances. La télévision est, dans notre société, le véhicule culturel ayant la plus forte fréquentation. Elle est, de plus, disponible dans tous les foyers, permettant de réduire les écarts susceptibles de se creuser entre les régions et les grands centres ou entre les divers milieux socioéconomiques. Radio-Québec doit, à mon avis, être un outil de démocratisation du savoir en mettant à la disposition de tous des programmes de qualité. Elle doit aussi devenir un moyen privilégié d'interaction entre les citoyens et citoyennes de toutes les régions du Québec en reflétant les multiples réalités de notre société.

La troisième condition a trait à l'organisation de la chaîne. Dans un contexte de raréfication des sources traditionnelles de financement, je tiens ici à réaffirmer que Radio-Québec devra composer avec une subvention de 53 500 000 $. La télévision éducative et culturelle doit réinventer ses modes de fonctionnement et développer de nouvelles manières de faire basées sur une politique de maillage avec divers partenaires publics et privés.

Ces conditions ne sont pas nouvelles. Elles figuraient, formulées autrement, dans le mandat que mon prédécesseur au ministère de la Culture et des Communications, M. Parizeau, confiait, en avril dernier, au Groupe-conseil présidé par Jean Fortier. Ce Groupe-conseil se voyait confier un triple mandat: d'abord, redéfinir la mission de Radio-Québec dans le sens d'un recentrage de son intervention en matière éducative et culturelle; deuxièmement, réviser ses modes d'organisation et de gestion dans la perspective d'un plus grand partenariat avec d'autres intervenants; troisièmement, proposer des modes de fonctionnement qui garantissent une accessibilité maximale aux services de Radio-Québec et qui tiennent compte, d'une façon particulière, des besoins de la capitale, Québec, et des différentes régions du Québec.

Dans le cadre de ses travaux, le Groupe-conseil a consulté les principaux partenaires de l'institution dont notamment les syndicats d'employés et les organismes qui oeuvrent dans le domaine de l'éducation. Tous ont exprimé leur attachement à l'endroit de la télévision éducative et ont identifié de nombreuses et légitimes attentes envers elle. Cette consultation a mis en lumière le dilemme auquel nous sommes aujourd'hui confrontés: les besoins demeurent immenses tandis que les ressources, malheureusement mais inévitablement, sont limitées.

Le rapport du Groupe-conseil est paru en juin. Il propose un certain nombre de réponses et recommande, en particulier, que le réseau du savoir se définisse comme une télévision spécialisée en éducation, qu'il développe des partenariats étroits avec d'autres institutions gouvernementales et que sa structure organisationnelle soit substantiellement modifiée. Le premier ministre a réagi favorablement à ce rapport et a demandé à la direction de Radio-Québec d'amorcer, dès la fin juin, des discussions avec les employés afin de faciliter la mise en oeuvre de certaines recommandations jugées essentielles.

Conformément à l'engagement pris à ce moment-là, nous sommes invités à étudier le rapport de ce Groupe. Nos invités seront appelés à se prononcer sur l'adéquation entre les recommandations du rapport et les besoins de la société québécoise. Parmi les questions que nous aborderons sûrement, il y a la réponse aux défis nouveaux posés par la société du savoir, la complémentarité entre Télé-Québec et le système d'éducation, le soutien au développement culturel, le rôle de levier en ce qui a trait, en particulier, aux contenus destinés à l'autoroute de l'information.

Quelles que soient les opinions que chacun peut avoir sur les divers éléments de la proposition qui nous est faite, il nous faut convenir ensemble de la nécessité impérieuse du changement. Il ne s'agit pas ici de donner à Radio-Québec les moyens de survivre. Il s'agit bien plus de lui permettre de devenir un outil moderne d'éducation, de vulgarisation des connaissances et d'accès à la culture, branché sur les technologies de pointe et relié à un réseau de partenaires à travers le monde.

Le maintien d'une télévision publique n'a de sens que s'il permet de donner une valeur ajoutée à l'offre globale d'émissions et s'il contribue à l'éducation du plus grand nombre, ce qui suppose la création de contenus de qualité. Pour cela, il faut développer des nouvelles façons de faire placées désormais sous le signe de la souplesse, de l'invention et d'une capacité optimale d'adaptation au changement. J'espère que nos échanges permettront de dessiner ces inévitables changements et qu'ils nous aideront à faire de Radio-Québec un véritable réseau moderne du savoir.

(Consultation)

Le Président (M. Payne): Bon. Merci bien, Mme la ministre. J'invite donc M. le député de Chomedey, porte-parole de l'opposition en matière de communications.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Payne): Vous avez 15 minutes pour votre formation ou votre exposé.

M. Mulcair: Oui, d'accord. Je vais justement commencer en prenant sans doute beaucoup moins que les 15 minutes qui me sont allouées pour le début, et ma collègue, députée de Marguerite-Bourgeoys...

Une voix: Marguerite-Bourgeoys.

M. Mulcair: ...va se faire un plaisir d'ajouter sans doute, vu sa vaste expérience dans le domaine.

Alors, je tiens, d'abord, à saluer l'ensemble des personnes qui sont venues se joindre à nous cet après-midi. Je pense, M. le Président, que le nombre impressionnant de personnes qui sont ici, dans cette salle, témoigne de l'importance que beaucoup de gens dans notre société, de toutes sortes de milieux différents, accordent à Radio-Québec, Télé-Québec. Et je pense que justement ça augure très bien pour les audiences de la présente commission parlementaire.

Je dois dire, tout de suite en partant, M. le Président, que j'ai beaucoup apprécié le bref survol que vient d'effectuer Mme la ministre. Je pense qu'elle a situé très objectivement l'ensemble du débat. Mais, comme il est sain et normal dans une démocratie, on se permet de ne pas partager l'ensemble de sa vision. Nous avons eu l'occasion de le dire récemment, M. le Président, ce qui nous inquiète avec des coupures aussi importantes et radicales que ce qu'on est en train de regarder ici, c'est qu'on a peur justement qu'aucune mission ou mandat, peu importe le point auquel on tente de l'affûter ou de l'affiner, ne saurait être rempli avec les très minces ressources qu'on est en train d'accorder ici.

Qui plus est, M. le Président, sur le plan de l'institution qu'est Radio-Québec à l'heure actuelle et tout l'ensemble du monde de la production télévisuelle, on se permet de poser certaines interrogations dès le départ. Comme vous le savez sans doute, M. le Président, il y a des discussions qui sont en cours à l'heure actuelle entre, d'une part, CanWest Global et TVA en ce qui concerne l'exploitation de CKMI à Québec, proposition qui, si jamais c'était concrétisé, aurait pour effet de créer un certain nombre de postes ici, à Québec, mais qui se solderait par l'élimination d'environ 75 postes – c'est le calcul le plus sérieux que j'ai vu jusqu'à date – dans le domaine à CFCF à Montréal.

On sait tous, par ailleurs, qu'il y a des discussions très sérieuses qui sont en cours entre Vidéotron, d'une part, et CFCF qui impliqueraient des échanges importants d'actions et d'intérêts en ce qui concerne TVA, Télé-Métropole, Télévision Quatre Saisons, CFCF et Vidéotron. Tout cela aura peut-être aussi pour effet de réduire – et c'est assez facile de faire le calcul et de comprendre pourquoi – le nombre de postes dans ce secteur d'activité. Et il n'y a personne membre de cette commission qui ignore le fait que Radio-Canada procède actuellement ou, du moins, a annoncé des compressions importantes.

Il y a donc, au-delà de l'institution, tous ceux qui travaillent dans ce milieu au Québec auxquels on doit également s'intéresser car c'est un domaine d'activité professionnelle où justement, grâce à des instruments comme Radio-Québec, au cours des dernières décennies, on a été à même de bâtir une expertise et une expérience. C'est toute cette expertise-là, à mon sens, qui est mise en danger avec cet ensemble d'incidents.

C'est pour ça que, lorsqu'on regarde le rapport – évidemment, on aura l'occasion dans les minutes qui viennent de commencer à le regarder plus en détail – et surtout les personnes à qui on a demandé de faire ce rapport, on est un peu préoccupés. Je me permets de souligner en partant qu'à première vue plusieurs des personnes qui ont signé ce rapport ont des intérêts propres dans ce domaine-là et qu'ils risquent, par ailleurs... Sans du tout, du tout mettre en jeu leur bonne foi, je dois quand même constater qu'il y en a plusieurs qui risquent de profiter des suggestions que le rapport contient parce que, si on sort du secteur public ou du domaine public et qu'on s'en va vers le privé, évidemment, il y va de l'intérêt de certaines des personnes qui ont participé à ce rapport. Et c'est un élément objectif dont on a le droit de tenir compte dans notre analyse.

(15 h 50)

Je dois aussi dire, M. le Président – et, encore une fois, on aura l'occasion de l'analyser plus en détail – que les chiffres sur lesquels les experts se sont basés pour faire leur analyse manquent de rigueur. J'ai pu remarquer que vous-même, M. le Président, avez posé certaines interrogations là-dessus. Disons juste que le chiffre de 291 postes à couper datait du 1er avril 1994 et, au moment de compiler les chiffres, il y avait déjà une trentaine de personnes qui étaient parties, 35 presque qui étaient parties; ça changeait considérablement le calcul. Alors, là-dessus, on se permet aussi de se poser des questions.

Et, sur le plan de l'équité des relations employeur-employés, on se permet aussi de se poser quelques interrogations. C'est un principe important dans notre droit du travail qu'on ne doit jamais pouvoir sous-traiter sans respecter les conditions de la convention collective. Or, les offres déposées par le patron du côté de Radio-Québec risqueraient, à notre sens, d'enfreindre sérieusement les articles pertinents de notre Code du travail et on aura, bien entendu, des questions sérieuses à poser là-dessus.

Un des autres problèmes, c'est que l'ancienneté ne sera pas respectée et on voit des gens qui ont 20, 22, 25 et même un qui, très littéralement, j'apprends, était là pour ouvrir les lumières au tout début de Radio-Québec et qui ferait partie de ceux qui perdraient leur emploi. Ça, sur le plan humain et sur le plan professionnel, ça nous inquiète. Sur le plan humain, pas besoin d'une longue démonstration. Sur le plan professionnel, on réfère encore à cette masse critique de savoir, d'expertise et d'expérience dans le domaine que la ministre elle-même, à si juste titre, exprime avec beaucoup d'éloquence comme étant primordiale dans une société moderne.

Alors, on ne peut pas se permettre, d'un côté, de dire: Bien, c'est très important, dans une société de savoir, de disposer de tous ces moyens-là et, d'un autre côté, prendre parmi les personnes les plus expérimentées là-dedans, peu importent les conditions de primes de départ et tout ça, et leur dire: Bien, écoutez, on n'a plus besoin de vous comme État. Ils étaient là au début, quand la seule manière de faire ça était de faire appel aux ressources de l'État. Et je trouve ça vraiment manquer de respect pour tout ce qu'ils ont fait que de commencer à leur dire aujourd'hui: Bien, vous savez, la manière moderne de faire ces choses-là, c'est de contracter de plus en plus avec le privé et, peu importent les règles existant dans notre droit du travail, on va vous mettre dehors sans respecter l'ancienneté.

Voilà quelques-unes de nos préoccupations au début de ces audiences, M. le Président. Et je céderais maintenant la parole, avec votre indulgence, à Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys pour une partie de notre temps alloué.


Mme Liza Frulla

Mme Frulla: Merci, M. le Président. Brièvement, je veux souhaiter la bienvenue à tous ceux qui sont ici aujourd'hui. Ça fait plaisir de revoir des figures connues. J'aimerais que notre discussion aussi se porte sur un cadre peut-être un peu plus large. Je pense qu'on n'aura pas le choix. On s'aperçoit, comme disait mon collègue de Chomedey, qu'il y a des changements qui s'imposent, enfin, qui s'imposent forcément à cause souvent du développement des nouvelles technologies; des changements qui sont motivants, d'un côté, parce qu'il faut se redéfinir, il faut mettre des solutions sur la table, les étudier – donc, ça nous garde à l'affût et vigilants – et d'autres changements qui sont inquiétants parce que, dans l'ensemble de la discussion autant pour Radio-Québec que pour Radio-Canada, que pour justement les changements apportés, peut-être, là, si ça passe, entre CFCF et TVA, il y a une vigilance que l'on doit apporter par rapport évidemment, comme mon collègue l'a dit, aux postes qui seront inévitablement perdus, mais aussi par rapport aux conséquences, conséquences sur la concentration de l'information, conséquences aussi au niveau de la diffusion de notre contenu et produit culturel, conséquences auprès de la relève aussi que l'on forme, d'un côté, mais qui se doit d'avoir des débouchés, de l'autre côté, par rapport à toute la créativité aussi dans son ensemble. Et j'aimerais que – et je suis certaine que ça va se faire – la discussion se fasse sur une espèce de terrain qui est beaucoup plus large. Pourquoi? Parce que, quand elle se fait ici, c'est-à-dire dans l'enceinte d'une institution gouvernementale, bien, on donne l'exemple et elle se fait aussi ailleurs.

Encore une fois, je pense qu'il a des choses qui sont inévitables. Il faut se les poser, les questions, mais en gardant toujours dans notre tête qu'on a un devoir par rapport évidemment, encore une fois, à ceux qui ont bâti les télévisions, ceux qui continuent à y travailler, un devoir par rapport à cette relève que l'on doit former et à qui on doit donner des débouchés par rapport à cette culture aussi qui est unique en Amérique du Nord.

Alors, c'est avec enthousiasme qu'on commence ces discussions et, encore une fois, en espérant que ces discussions-là aient des répercussions aussi hors de nos murs pour un peu donner l'exemple à ceux qui ont des discussions similaires, mais dans d'autres cadres, que ce soit la télévision privée ou encore l'autre télévision publique. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Payne): Alors, je reviens au parti ministériel. Il reste neuf minutes du côté ministériel pour les remarques préliminaires et j'inviterais le député de Pointe-aux-Trembles.


M. Michel Bourdon

M. Bourdon: Bien, M. le Président, je voudrais, d'abord, saluer les artisanes et artisans de Radio-Québec qui nous font l'honneur de venir à cette consultation. Je voudrais également remercier la ministre d'avoir manifesté, à l'endroit du désir des parlementaires de cette commission de faire un mandat de surveillance à l'égard de Radio-Québec – je veux la remercier au nom des députés ministériels – son ouverture d'esprit.

Je voudrais souligner, avant qu'on n'écoute ceux qui veulent parler dans une commission parlementaire où nous voulons entendre ceux et celles qui vont vivre avec les décisions sur ce qu'ils proposent, ce qu'ils espèrent, qu'on ne peut pas négliger le fait que le paysage de la radio et de la télévision, au Québec, se modifie à un rythme fulgurant. En radio, et c'est récent encore, Télémédia et Radiomutuel se sont fusionnées d'un commun accord, dans une entente entre entreprises et que le pouvoir fédéral a sanctionnée de facto. C'est un coup de force auquel on a assisté impuissants et le récent référendum ne nous donne pas de moyens d'intervenir.

Mais il y a une qualité que les parlementaires de mon parti et que la ministre et les parlementaires de l'opposition ont: nous faisons partie des Québécoises et Québécois qui regardent la télévision en moyenne une vingtaine d'heures par semaine. Les adultes, au Québec, consacrent à la télévision les deux tiers du temps que les jeunes mettent à étudier. Donc, c'est une activité plus qu'importante; c'est une activité essentielle. Et ce à quoi on assiste au point de vue télévision, c'est à une concentration sans précédent des moyens. Une entente entre deux corporations privées a fait que tout le câble de facto va aller à Vidéotron et toute la télévision privée va aller au groupe de CFCF. Je ne voudrais pas m'allonger sur d'autres pays, mais en Italie, M. Berlusconi bénéficiait d'un pareil monopole et ça comportait des dangers pour la démocratie italienne.

Alors, ici, on a dénoncé souvent le danger de la concentration dans les quotidiens. Je me permets de souligner que la télévision atteint encore plus de monde que les quotidiens et que, s'il est vrai que les quotidiens sont dominés par trois hommes au Québec: M. Pierre Péladeau, M. Paul Desmarais et M. Conrad Black, je déplore publiquement que la télévision sera désormais contrôlée, du côté privé, par une seule personne, l'héritier de M. Pouliot à CFCF Cable, qui échange le câble contre la télévision grand public. Et ça n'est pas sans conséquence et je crois que notre commission devrait étudier les conséquences possibles. Les deux réseaux privés vont appartenir aux mêmes intérêts et, indépendamment de nos divisions partisanes, je crois que, comme parlementaires, cela nous interpelle, pour prendre un mot à la mode, et nous pose des problèmes.

(16 heures)

Et je finis en disant que la télévision publique, face à ce mouvement, devrait avoir de plus en plus de vigueur. Or, elle en a, la télévision publique, de moins en moins. Je ne parle pas du corset budgétaire qui impose à la ministre des contraintes très réelles. Je parle des attaques sans précédent contre la Société Radio-Canada qui fait partie du patrimoine québécois en télévision. Évidemment, le gouvernement de tutelle est agité par une volonté affichée, affirmée de chercher dans sa télévision le bouc émissaire d'un résultat de référendum jugé par d'aucuns insatisfaisant. Mon propos n'est pas de revenir sur le résultat du référendum, mais juste de souligner que les dangers de la concentration que M. le premier ministre a évoqués quant à la presse écrite quotidienne sont non moins réels pour ce qui est de la télévision privée: les deux réseaux appartiendraient au même homme.

Et je termine en souhaitant que les artisanes et artisans de Radio-Québec vont nous aider à développer un concept qui m'apparaît majeur: une télévision éducative, culturelle et régionale parce que le Québec est très démuni dans ses régions au point de vue de la télévision. Il faut bien voir – et le député de Chomedey, je pense, va finir par être d'accord avec ça – que, dans la mesure où le Québec ne constitue pas, pour d'aucuns, un peuple, mais une région, il n'y a pas de place pour les sous-régions. Mais, dans la mesure où on considère qu'on constitue un peuple, ce peuple vit dans des régions.

En terminant, je voudrais souligner que Montréal aussi est une région. Je sais que notre apport démographique est modeste. Il n'y a que trois millions et quelques cents mille personnes qui vivent dans la région de Montréal et il n'y en a que 1 850 000 sur l'île de Montréal. Mais, dans le développement d'une perspective régionale, il faudra considérer que Montréal aussi est une région avec ses sous-régions. Je pense qu'en matière de télévision ça n'est pas exprimé de façon complète. J'entends par là que Montréal, ce soir, par exemple, fait un excellent travail, mais, moi, je suis député de l'est où il n'y a que 500 000 personnes et, au centre, il n'y en a que 600 000 et, pour le reste, il n'y en a que 700 000.

Mais, dans la perspective de développer au Québec une télévision régionale, on a fait à cet égard-là un recul majeur, substantiel depuis 10 ans: TVA n'a plus à Québec qu'une antenne modeste, minimale; Radio-Canada a fermé sa station de Rimouski. Si on peut dire que c'est un drame pour la démocratie quand un quotidien disparaît, je crois qu'on peut dire que le fait qu'il n'y ait pas de télévision publique ou privée en région au Québec dans les faits, ça devrait être préoccupant pour n'importe quel démocrate. Je ne parle pas d'une approche partisane de la question, mais d'une approche réelle. Le Québec est un peuple et ce peuple existe dans des régions.

Le Président (M. Payne): Je vous remercie, M. le député de Pointe-aux-Trembles. Malheureusement pour votre formation, il reste 45 secondes.

Une voix: C'est de valeur.

Le Président (M. Payne): Je m'excuse, je suis en train d'expliquer le temps qu'il reste. Je vais revenir, dans quelques minutes, pour une minute, à la fin, pour la députée de Sherbrooke. D'ailleurs, je vous reconnais immédiatement parce que je n'ai pas d'autres demandes, à ce moment-ci, de l'autre côté.

M. Mulcair: C'est ça que j'étais en train de...

Le Président (M. Payne): S'il vous plaît! Il reste, je pense, cinq minutes du côté de l'Opposition, mais je n'ai pas de demandes d'intervention pour le moment.

Mme la députée de Sherbrooke.


Mme Marie Malavoy

Mme Malavoy: J'ai 45 secondes?

Le Président (M. Payne): Oui, à peu près.

Mme Malavoy: J'espère que le temps qui m'est alloué n'est pas symbolique de l'importance du contenu.

Je voulais enchaîner, d'ailleurs, avec ce que le député de Pointe-aux-Trembles a commencé à invoquer, c'était l'importance de la réalité des régions. Je sais qu'on va en parler. Moi, j'aurai un regard particulièrement attentif là-dessus pour les régions comme la mienne puisque je suis députée de Sherbrooke. Ce que je crains, c'est qu'il y ait un écart qui se creuse dans tout ce qui est le domaine des communications, soit entre des personnes qui posséderont un savoir et d'autres qui n'en posséderont pas, soit entre des régions qui auront accès à un savoir, accès à des informations et d'autres qui n'y auront pas accès.

Puisque j'ai peu de temps, je voudrais simplement dire que je souhaite que, quand on parle des régions, on ne pense pas simplement à rendre accessibles à des régions des informations produites ailleurs. Je pense qu'il faut également donner la parole aux régions, il faut permettre aux régions de se dire, il faut leur permettre de se mettre en valeur, il faut leur permettre d'influencer, elles aussi, l'ensemble de la société et de la culture québécoises.

Le Président (M. Payne): Merci, Mme la députée. Mme la députée de La Pinière, je pense que, de votre côté, il reste cinq minutes.


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Pour ma part, je voudrais intervenir, d'abord, à titre de députée de La Pinière, comme vous l'avez signalé, mais également à titre de porte-parole de l'aile parlementaire libérale en matière d'immigration et de communautés culturelles.

Radio-Québec est une télévision publique, c'est une télévision éducative, c'est la télévision de toutes les Québécoises et de tous les Québécois. Par conséquent, cette télévision doit refléter la réalité de la société québécoise, la réalité des régions, certes, mais aussi la réalité de la grande région de Montréal non seulement pour ce qu'elle est, mais aussi pour l'expliquer au reste du Québec. Pour ma part, puisqu'on discute des nouvelles orientations de Radio-Québec, il serait extrêmement important qu'on garde à l'esprit cette notion de miroir de la société pour, d'une part, refléter le pluralisme de la société québécoise d'aujourd'hui dans sa diversité, mais aussi pour éduquer l'ensemble de la société québécoise à cette réalité plurielle du Québec.

À cet effet, au niveau des structures de Radio-Québec en tant que telles, il me semble qu'il y a deux aspects extrêmement importants vus dans la perspective de la diversité de notre société. D'abord, il faut que ce pluralisme soit reflété en termes de présence des Québécois issus des communautés culturelles dans leur télévision publique et éducative, mais aussi en termes de visibilité, en termes de contenu. Car, si, pour la région de Montréal, on a l'opportunité de vivre la diversité au quotidien, il n'est pas clair pour l'ensemble de la société québécoise et des régions éloignées, que l'on saisit toute la portée de ce que cette richesse apporte au Québec.

Également, la télévision éducative publique du Québec, Radio-Québec, pourrait servir d'outil d'éducation pour les nouveaux arrivants, pour leur expliquer c'est quoi, le Québec, les institutions québécoises, l'adaptation, aussi, à la réalité du Québec comme société d'accueil. Et elle peut servir, par cette même occasion, à informer les régions du Québec de ce que c'est que la réalité du Grand Montréal et, éventuellement, servir de relais pour faciliter l'intégration des nouveaux arrivants dans les régions du Québec.

Le Président (M. Payne): Je vous remercie, Mme la députée et je remercie tout le monde pour les remarques préliminaires.


Auditions

Et c'est parti. Alors, je voudrais inviter le premier groupe à prendre place à la table, le Groupe-conseil sur la mission de Radio-Québec. Je vous souhaite la bienvenue, M. Fortier, je vois que vous êtes seul.

M. Fortier (Jean): M. le Président...

Le Président (M. Payne): Je vous rappelle que vous avez 20 minutes pour votre exposé. Par la suite, tel que convenu, je vais aviser mes collègues d'intervenir, de part et d'autre de la commission, pendant 20 minutes de chaque côté. D'ailleurs, à ce sujet-là, je voudrais proposer une orientation, ce n'est pas un impératif. Pour stimuler une bonne discussion d'échanges, je pense que c'est dans l'intérêt de tous nos membres de la commission de limiter, si possible, nos interventions pour maximiser le nombre d'interventions de part et d'autre. À partir de maintenant, vu que les remarques préliminaires sont terminées, je vais respecter l'alternance. Mais soyez assurés que je vais respecter fidèlement le temps alloué à chaque côté. Donc, ça va être très équitable et je pense que ça va produire un meilleur débat. M. Fortier.


Groupe-conseil sur la mission de Radio-Québec

M. Fortier (Jean): M. le Président de la commission, Mme la ministre, mesdames, messieurs, membres de la commission, vous me permettrez, tout d'abord, de situer les membres du Groupe-conseil qui ont oeuvré au printemps dernier et avec qui j'ai eu le plaisir de travailler pendant deux mois, qui ont été signataires, tous et chacun d'entre eux, du rapport du Groupe-conseil que vous avez devant vous et dont vous étudiez aujourd'hui la pertinence.

(16 h 10)

Alors, il y avait Mme Louise Spickler, qui est directrice générale de l'Institut national de l'image et du son, et vous savez que l'INIS accueillera ses premiers étudiants en réalisation, en scénarisation et en réalisation au cours des prochaines semaines, il engagera ses activités. Il s'agit donc d'une institution de formation dans les métiers télévisuels et cinématographiques. Il y avait M. Alban D'Amours, qui est inspecteur et vérificateur général à la Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins; également, M. Francis Pelletier, qui est directeur de la Maison de la culture de Sainte-Anne-des-Monts et vice-président du Conseil régional de la culture; Me Bernard Benoist, qui est actuellement professeur de droit, d'éthique et d'histoire des communications et du droit d'auteur aux universités de Montréal et de Sherbrooke, ainsi qu'à l'Université du Québec à Montréal et à l'Université Laval, mais qui fut, dès 1968, conseiller de M. Daniel Johnson père au moment de la naissance de Radio-Québec et qui, par la suite, pendant plus de 20 ans, fut directeur juridique et secrétaire général de Radio-Québec; également, M. Robert Thivierge, qui, au moment de nos travaux, était directeur exécutif au consortium UBI, au Saguenay–Lac-Saint-Jean, et qui, depuis, est devenu secrétaire général associé au Secrétariat de l'autoroute de l'information.

Quant à moi, j'oeuvre depuis 30 ans dans le milieu des communications: 14 ans à Radio-Canada, sept ans à Radio-Québec, sans compter la période actuelle, et neuf ans dans le secteur privé, essentiellement la moitié dans le groupe COGECO et la moitié dans le groupe CFCF, au sein de Télévision Quatre Saisons.

Voilà donc le groupe qui a reçu, comme l'indiquait Mme la ministre tout à l'heure, le mandat qu'elle vous a lu tout à l'heure, au mois d'avril dernier. Je dois dire que nous avons spontanément choisi d'entendre le plus de groupes intéressés possible à l'avenir de Radio-Québec avant de cheminer comme groupe pour arriver à des recommandations, ayant, bien sûr, pris en compte les différents commentaires tant des groupes internes qu'externes non pas pour faire les résultats et les recommandations du rapport de ce comité en fonction de ce qui avait été entendu, mais en tenant compte de ce qui avait été entendu, mais avec des paramètres dont j'aurai l'occasion de vous parler dans quelques minutes.

La première constatation que nous avons faite, c'est celle que je constate aujourd'hui en échangeant avec vous. Il s'agit d'un milieu en évolution non seulement constante, mais extrêmement rapide. Les attentes par rapport à une institution de communication, soit-elle éducative, sont extrêmement grandes et, tout au cours des rencontres que nous avons eues, tant avec les groupes à l'intérieur de la maison de Radio-Québec qu'avec les partenaires de proximité et ceux qui ont de l'intérêt dans Radio-Québec, on a constaté, tous et chacun d'entre nous, à quel point il y avait des attentes énormes et que les moyens à notre disposition ne permettraient certainement pas de répondre à toutes ces attentes. C'est une première constatation qu'on a faite extrêmement rapidement.

Nous avons cheminé par la suite. Après en avoir rencontré pendant un mois, nous avons regroupé les différentes interventions et réfléchi aux paramètres et au mandat qui nous avaient été confiés. La première constatation que nous avons voulu faire, et c'est inscrit dans le rapport, c'est qu'il nous apparaît extrêmement clair que, dans l'évolution rapide de nos sociétés, avec les modes de communication qui explosent littéralement, la connaissance avait aujourd'hui et aurait demain un rôle extrêmement important, nous en étions tous persuadés. Et, quand on regarde ce qui se passe dans l'univers, on est tout à fait en mesure de démontrer qu'il faut qu'il y ait, dans les systèmes de communication modernes, accès à des connaissances et la capacité pour chacun des citoyens, s'ils veulent se prendre en charge, d'avoir accès à de la connaissance.

Le deuxième élément que nous avons considéré, c'est le paysage télévisuel québécois. Nous avons fait notre mémoire au printemps dernier. Depuis le printemps dernier, déjà le paysage télévisuel est en mutation encore plus importante. Vous l'avez dit, la plupart d'entre vous, dans vos préliminaires. Donc, nous avions aussi constaté que, depuis la mission d'origine de Radio-Québec, particulièrement le milieu des années quatre-vingt, le paysage télévisuel québécois était en constante évolution. Sont apparus au milieu des années quatre-vingt un nouveau réseau privé en ondes ouvertes plus un ensemble de réseaux spécialisés – que vous connaissez comme moi – qui se sont ajoutés dans le paysage télévisuel.

Et, dans ce contexte, nous avons réfléchi, donc, à la première question qui était la mission de Radio-Québec et nous avons convenu sans l'ombre d'un doute qu'il était essentiel de réaffirmer que Radio-Québec est essentiellement et fondamentalement une télévision spécialisée en éducation. Elle utilise les ondes ouvertes pour la diffusion de son produit, mais ce n'est pas pour autant une télévision généraliste et commerciale puisque seul son mode de diffusion permet de la comparer aux autres télévisions généralistes et commerciales, mais, quant à sa mission première, c'est, c'était et, quant à nous, ça devait être sans l'ombre d'un doute une télévision spécialisée en éducation.

On a tenté de circonscrire – et vous le constatez dans le mémoire – quelques notions d'éducation. Nous n'avons certainement pas eu la prétention de cerner de manière exhaustive ce que le terme «éducatif», dans le cas d'une télévision, veut dire. Nous avons simplement capté et reconnu toute l'expertise historique de Radio-Québec. Il y a 27 ans d'expertise en produits et en programmation éducative dans cette institution, que nous avons, dans le rapport, reconnus.

Deuxièmement, puisque les moyens sont de plus en plus limités, recentrer la mission sur la spécialité éducative dans son essence nous apparaissait aussi fondamental. Il est certain que, quand on a une richesse, on peut, au-delà du premier cercle prioritaire, déborder légèrement sur d'autres types d'émissions qui ne sont pas nécessairement non éducatives comme séries, mais qui sont à la marge du centre principal. Nous avons donc recommandé, dans les propos que vous pouvez lire – quant à nous, c'était le sens de notre proposition – que sans l'ombre d'un doute Radio-Québec soit une entreprise spécialisée dans l'univers télévisuel et qu'il soit donc, puisque c'était sa mission principale, à nouveau réaffirmé qu'elle fait partie de tout notre système d'éducation avec ses caractéristiques puisque nous sommes en télévision et que nous communiquons par le biais des ondes ouvertes et que le public auquel on se destine est un public qui gardera toujours son libre arbitre de venir écouter ce que nous lui proposons. Si nous faisons bien notre travail, notre travail à nous, c'est de faire en sorte que les contenus de connaissance soient les plus pertinents, les plus attrayants et les plus écoutés possible dans le cadre de cette spécialité en éducation.

Nous avons, en réaffirmant cette mission, indiqué quelques éléments que nous avons, à la page 8 du document, signalés comme tels en disant: Le Groupe-conseil recommande que la mission, donc, de Radio-Québec, qui pourrait devenir Télé-Québec, soit de développer le goût du savoir – c'était pour bien faire comprendre que le centre de la mission, c'est l'éducation – favoriser l'acquisition de connaissances, même notion; promouvoir la vie culturelle. Nous l'avons indiqué. Certains d'entre nous avaient tous la conviction qu'une télévision spécialisée en éducation, cela va de soi, la culture en fait partie. Pour éviter une ambiguïté, nous avons choisi de réaffirmer le fait que promouvoir la vie culturelle, cela faisait partie d'une démarche éducative. Afin de ne pas permettre que les recommandations soient interprétées comme évacuant le secteur culturel, donc, nous l'avons renommé.

(16 h 20)

Et les «notamment» que vous découvrez sont des pistes que nous voulions, comme comité-conseil, indiquer au-delà de ce que Radio-Québec fait; ce sont certains ingrédients, certaines priorités, au cours des prochaines années, qui devraient, selon le comité-conseil, habiter Radio-Québec dans ses actions. Et vous retrouvez donc les «notamment»: en reflétant les réalités nationales et régionales du Québec; en jouant un rôle majeur dans la promotion des produits culturels; en contribuant à la vulgarisation de la connaissance scientifique et technologique; en assurant par les modes de diffusion les plus avantageux l'accessibilité de ces produits à tout public concerné et en faisant appel à de nouveaux supports technologiques susceptibles de favoriser l'acquisition de connaissances. Je le souligne, ces «notamment» ne sont donc pas exclusifs et exhaustifs. C'est une indication de certaines pistes qui habitaient l'esprit des membres du comité-conseil après avoir fait les consultations que nous avions faites. Donc, ce n'est pas là un plan de programmation et une décision de grille de programmation.

Pour le reste, nous avons choisi d'être suffisamment larges. Puisqu'une mission d'entreprise ne se redéfinit pas tous les ans, mais bien tous les 10 ans, nous avons choisi de circonscrire ce qui nous apparaissait la mission de la façon la plus large possible, tout en affirmant que ce soit une télévision spécialisée, pour permettre à l'institution de vivre, année après année, l'évolution sociale dans laquelle elle s'inscrit. Voilà pour la mission.

M. le Président, si je déborde dans mon propos liminaire, vous me l'indiquerez. Le schéma d'organisation de Radio-Québec était pour nous un élément qui partait des réalités budgétaires et des capacités financières de l'État. D'entrée de jeu, nous avons constaté que la subvention dédiée à Radio-Québec, au cours des prochaines années, à tout le moins, l'année 1995-1996, était une subvention de l'ordre de 53 000 000 $. Pour notre compréhension, il faut mesurer que, si l'indice du coût de la vie seulement était appliqué à la subvention dédiée à Radio-Québec, de 1988 à l'année en cours, nous aurions reçu avec cet indice d'augmentation 77 000 000 $ par année.

Vous constatez, comme nous l'avons constaté au comité-conseil, qu'il y a là, dans le statu quo, un écart extrêmement grand entre les besoins, en termes de progression de budget, et la réalité dans laquelle nous nous retrouvons aujourd'hui pour des raisons que vous connaissez sans doute mieux que moi. C'est la première constatation. Il y eut 10 000 000 $ de compressions budgétaires avant le 1er avril de cette année; ce 10 000 000 $ s'ajoutait à 1 800 000 $ de compressions et cela faisait en sorte qu'il y avait une diminution potentielle de 3 000 000 $ de revenus autonomes par conséquent. Donc, quand on annualise le manque à gagner d'une année sur l'autre, c'est de l'ordre de 15 000 000 $. Mais, quand on regarde en comparaison de 1989, vous mesurez l'écart entre 77 000 000 $ et 53 000 000 $.

Il nous fallait donc regarder comment faire en sorte que, dans ce contexte-là, une télévision éducative qui fut coupée au fil des ans et massivement la dernière année... Comment pouvait-elle continuer d'assurer une présence de produit éducatif qui, malgré tout, jouerait quand même son rôle dans la société québécoise? Et la conclusion à laquelle nous en sommes arrivés, c'est que, puisque nous avions l'obligation de faire l'équilibre budgétaire, nous avons donc choisi de ne pas recommander des compressions budgétaires dans le produit, l'argent variable de produit destiné à l'antenne, mais, malheureusement, dans la masse salariale. La raison pour laquelle il y a eu cette compression et tout le modèle organisationnel est une raison d'équilibre budgétaire.

Nous avons, cependant, constaté que, ce faisant – heureusement, dirais-je – il y a quand même une industrie qui pourrait peut-être apporter un effet que nous appelons un effet de levier. Mais la raison pour laquelle il y a des compressions budgétaires, ce n'est pas parce qu'il y a des effets de levier dans la production privée; c'est parce qu'il nous faut faire l'équilibre budgétaire. Et, si on ne coupe pas le 15 000 000 $ dans la masse salariale, nous devrons couper le 15 000 000 $ dans le produit dédié à l'antenne, les argents variables pour le produit. Et, pour vous donner une dimension, à l'heure actuelle, les argents dans le produit, si on oublie les autres frais variables, sont de l'ordre de 22 000 000 $ et nous essayons, dans le projet que nous avons proposé, de les maintenir autour de 25 000 000 $.

Voilà les raisons principales qui nous ont amenés à recommander ce modèle organisationnel et aussi à demander au gouvernement du Québec, dans les circonstances, d'y appliquer des conditions significatives, parce que nous constations, à grand regret, que les personnels de Radio-Québec, en grande partie, seraient touchés. Et nous avons demandé au gouvernement, qui en a convenu, dans les circonstances, d'appliquer un soutien au départ des personnels, qui soit socialement acceptable dans les circonstances.

Le troisième élément principal sur lequel nous nous sommes penchés: comme l'ensemble des Québécois, nous avons constaté – et Radio-Québec l'a, dans son habitude acquise, constaté depuis très longtemps – qu'il y a des régions, au Québec, qui existent. Il y a des gens qui y vivent. Il y a des gens qui y font des choses. Il y a des gens qui ont des choses à dire, et il y a obligation et nécessité de faire en sorte de faire revivre, à la capacité d'aujourd'hui, ces multiples réalités régionales.

Nous avons donc recommandé, en conséquence, dans les régions où il n'y avait plus de présence réelle de Radio-Québec, avec le minimum d'infrastructures possible, de réactiver l'ensemble de ces régions pour faire en sorte qu'à la mesure de nos moyens nous soyons capables de refléter le plus possible ce vécu régional dans le cadre d'une télévision éducative et culturelle, bien évidemment.

Nous avons, de plus, recommandé qu'à Québec, région de la capitale, il y ait deux centres qui soient actifs en contenu, soit l'Assemblée nationale et toute la vie démocratique du Québec, en plus d'un centre qui aurait comme responsabilité, comme toutes les autres régions du Québec, y compris Montréal, je le souligne, de faire en sorte de pouvoir contribuer à la programmation éducative de Radio-Québec. Donc, dans ces circonstances, avec deux sources d'alimentation constante, nous avons recommandé qu'il y ait une direction responsable à Québec, dans la région de Québec, de ces deux centres d'activité.

Nous avons, de plus, recommandé un ensemble de mesures qui, à notre avis, sont des mesures à moyen et à long terme, pour faire en sorte que toutes les attentes que nous avons entendues et auxquelles nous ne sommes pas capables d'imaginer répondre avec les ressources dont nous disposons pour le moment puissent éventuellement être captées. Le comité des parrains et le comité des partenaires, ce sont essentiellement des projets à moyen et à long terme pour essayer de faire en sorte, avec les partenaires, que, dans les enveloppes existantes de toutes les sociétés ou de tous les ministères qui ont une préoccupation identique à celle de Radio-Québec, il puisse, dans le temps, y avoir des sommes d'argent dédiées à des produits spécifiques entendus entre partenaires qui ont des objectifs similaires.

Quant au comité des parrains, il s'agirait, dans une philosophie connue aux États-Unis ou au Canada, d'un mécanisme qui pourrait peut-être faire en sorte que les entreprises, petites, moyennes et grandes, puissent éventuellement contribuer au soutien financier non attaché, dans l'esprit d'une fondation; elles pourraient contribuer éventuellement, espérait-on comme membres du comité-conseil, à soutenir financièrement cette société de télévision éducative. Le reste des recommandations, nous y croyons tout autant, mais je constate que c'est le temps qui m'était alloué.

Le Président (M. Payne): Je vous remercie beaucoup, M. Fortier.

De la ville de Québec, on va partir tout de suite pour le Bas-du-Fleuve avec la députée de Rimouski.

Mme Charest: Alors, merci, M. le Président. Merci, M. Fortier pour ce complément d'information à partir de votre rapport. Quand vous nous parlez des régions, que la réalité de chacune des régions doit être reflétée et qu'en même temps vous nous dites que, dans les régions, il faut resituer ou, en tout cas, améliorer la présence de Radio-Québec en région avec un minimum de structures, moi, ma question, c'est à l'effet de dire: Pourquoi un minimum de structures en région et un maximum de structures dans la métropole?

M. Fortier (Jean): Écoutez, je pense que, dans la métropole, avec 50 % des personnels qui vont disparaître, la structure de Montréal vient de changer de façon significative quant à sa taille. Dans les 289 personnes qui figurent au plan de Télé-Québec, vous constaterez que les gens des régions font partie de ce total. Donc, c'est en dessous de 250 personnes à la tête du réseau que sera Télé-Québec.

Quand je parle de minimum d'infrastructures, c'est pour faire en sorte que le maximum d'argent soit dédié au produit et le minimum d'argent dans les infrastructures. Ce qui sera vrai à Radio-Québec Montréal sera aussi vrai, dans le projet que nous avons soumis, dans les régions. Nous souhaitons, que ce soit à Montréal ou que ce soit partout au Québec, que le maximum d'argent aille dans le produit lui-même. Et, quand je parle d'un minimum de structures, je veux dire ce qu'il faut pour faire en sorte qu'une présence constante soit assurée, ne serait-ce que de façon quotidienne. Par exemple, dans le projet du Québec aujourd'hui , vous savez qu'il devra y avoir un jour des reportages qui viendront de partout à travers le Québec au-delà de la participation physique des plateaux que nous utilisons à l'heure actuelle dans le cadre de cette émission qui dure 30 minutes et qui durera éventuellement 60 minutes. Donc, il faut qu'il y ait le minimum dans les infrastructures et le maximum dans le produit.

(16 h 30)

Mme Charest: O.K. J'ai une autre question. J'y ai droit?

Le Président (M. Payne): Oui, vous avez ce privilège.

Mme Charest: Oui? Vous recommandez également que, dans chacune des 10 grandes régions administratives du Québec – à ma connaissance, il y a 16 régions administratives au Québec – Radio-Québec «renforce ses équipes régionales et utilise les facilités de production disponibles afin de refléter sur l'ensemble du réseau les multiples réalités régionales du Québec». Comment vous allez expliquer aux régions le choix de 10 parmi 16? Et pourquoi ces 10 là plutôt que les six autres qui ne seront pas dans le décor?

M. Fortier (Jean): Écoutez, nous avons pris le découpage territorial d'antan qui fut le découpage territorial au moment où la régionalisation, au début des années quatre-vingt, fut implantée à Radio-Québec. Et la recommandation que nous avons faite dans ce cadre-là, c'est de faire revivre les six régions qui vivaient à l'époque de la régionalisation de Radio-Québec, avant les compressions de 1988, ce qui a fait en sorte que, aujourd'hui, seulement quatre sur 10 des régions ont des infrastructures. Alors, nous avons, sur la base historique de Radio-Québec, qui n'est pas le découpage de la carte administrative du Québec, mais la carte historique de régionalisation de Radio-Québec, voulu faire revivre les régions qui, malheureusement, n'avaient plus ces moyens.

Mme Charest: Ha, ha, ha! Si on veut moderniser Radio-Québec, il faut quand même la mettre selon la carte actuelle du Québec et je pense que, là-dessus, il faudrait peut-être apporter une attention particulière. Je vous remercie, M. Fortier.

M. Fortier (Jean): Merci.

Le Président (M. Payne): Merci, Mme la députée. M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, M. Fortier, bienvenue. Je sais que ce n'est pas une tâche facile d'être assis là et d'être obligé de répondre dans des situations budgétaires et autres extrêmement complexes.

Je commencerai tout de suite en vous posant un certain nombre de questions sur les prémisses de base qui ont conclu à votre calcul de couper 291 postes. Si je ne me trompe pas, votre calcul concluait à une dépense d'au-delà de 30 000 000 $, n'est-ce pas, dans un premier temps? Au mois d'août, je parle, vos analyses vous menaient à conclure que ça exigeait 30 000 000 $, notamment au titre des indemnités de départ pour les 291 postes. Est-ce que c'est exact?

M. Fortier (Jean): Alors, ce qui fut entendu avec le gouvernement, c'était d'offrir et de permettre que chacun des individus qui seraient touchés par une mise à pied puisse profiter de deux ans de salaire, jusqu'à deux années de salaire. Alors, le calcul auquel vous faites référence, c'est effectivement le nombre de postes qui sont dédiés à être coupés et, en prenant la moyenne salariale, sur une base annuelle, multipliée par deux, c'est tout à fait la base de ces 30 000 000 $.

M. Mulcair: Merci, M. Fortier. Mais, en date du mois de novembre, quelque trois mois plus tard, votre calcul avait changé considérablement. Si on prend le nouveau calcul de 24 000 000 $ comme base, c'est une différence de presque 6 000 000 $ par rapport à ce qui avait été initialement prévu. Est-ce que c'est exact?

M. Fortier (Jean): Écoutez, ce que je peux vous dire, c'est que, de fait, il y a 34 postes vacants. Et l'unité de référence de 580 était le 1er avril 1994. Il faut toujours déterminer une date à laquelle on se compare. Donc, le 1er avril 1994, il y avait, à Radio-Québec, 580 postes permanents. Nous avons pris cette comparaison pour indiquer le nombre de postes qui disparaîtraient et non pas le nombre de personnes. Donc, ce fut la base de calcul des différents postes: 580 moins les 291, et il reste 289 postes à l'effectif. De fait, entre le 1er avril 1994 et aujourd'hui, au dernier décompte des postes vacants – parce qu'il y en a – il y avait 34 postes vacants en date de la semaine dernière.

M. Mulcair: Mais cette différence importante – on convient – de près de 6 000 000 $ entre les calculs effectués au mois d'août et les calculs effectués la semaine dernière, est-ce que ça vous permet de réviser le nombre de postes prévisibles? En d'autres mots, est-ce que vous allez pouvoir utiliser cette somme-là, cette différence-là à meilleur escient peut-être en évitant de couper dans le vif et de congédier des gens qui sont là, dans plusieurs cas, depuis 20 ou 25 ans?

M. Fortier (Jean): Il y a deux éléments que je dois soumettre à votre considération. Le premier élément: les sommes d'argent qui apparaissent dans le 30 000 000 $ sont donc des sommes d'argent que Radio-Québec empruntera avec l'accord du ministère des Finances et ces sommes d'argent seront remboursées, capital et intérêts, au fil des sept prochaines années. Donc, il ne s'agit pas là d'une somme identique à celle dont vous parlez. Mais il faut regarder l'annualisation amortie de cette somme d'argent; c'est comme ça que ça se reflète dans le budget annuel de la société. Alors, il faut prendre donc un montant d'argent et voir ce qu'il donne comme économie de remboursement annuel sur sept ans, capital et intérêts, ce qui est très loin évidemment d'être la somme elle-même puisqu'on rembourse capital et intérêts sur sept ans. Ça peut se transformer en l'équivalent de 1 000 000 $, ce 6 000 000 $ dont vous parlez et non pas un 6 000 000 $ qui à chaque année apparaît dans le budget de Radio-Québec. C'est un élément très important.

M. Mulcair: Ça représente, je présume, néanmoins, un certain nombre de postes.

M. Fortier (Jean): Une somme d'argent.

Le deuxième élément dont nous devons tenir compte, c'est qu'il faut évidemment que le modèle organisationnel que vous avez devant vous, qui est un modèle de fonctionnement d'entreprise, puisse être mis à contribution pour le fonctionnement de l'entreprise. Vous savez comme moi qu'une entreprise de radiotélévision, ce n'est pas un total de postes; c'est un ensemble de personnels qui font différentes fonctions nécessaires les unes aux autres pour faire en sorte qu'au total l'entreprise fonctionne. Donc, il faut qu'il y ait un résultat. S'il y avait une somme d'argent disponible pour l'appliquer aux effectifs, il faut évidemment que ce soit contributif à la raison d'être de l'entreprise, à sa mission éducative et à la fabrication ou diffusion d'émissions.

M. Mulcair: Merci. Effectivement, vous venez de nous renvoyer à l'ensemble de cette mission. Si on se réfère justement à votre rapport, le rapport que vous avez présidé, le Groupe-conseil, du moins, qui l'a rédigé, vous invoquez un partenariat avec le secteur privé de production et vous proposez un virage important – tout le monde en a fait état – en recommandant, et je cite, «que, sauf pour des produits d'information et d'habillage de chaîne, la production des émissions éducatives de Télé-Québec – le nouveau nom – soit confiée à des maisons privées de production».

Le 23 octobre dernier, si mon information est exacte, vous avez fait le dépôt, à titre d'employeur, de certaines offres et je présume – vous pourrez nous le clarifier à cet égard – que vous avez obtenu les mandats nécessaires de la part du gouvernement avant de déposer vos offres à titre de patron. Si nos informations sont, encore une fois, exactes, vous dites que, lorsque quelque chose serait produit, par exemple, avec des tiers même dans les locaux de Radio-Québec, les dispositions de la présente convention collective ne s'appliquent pas aux salariés de cette autre entreprise qui exécuterait un tel travail chez Télé-Québec, Radio-Québec devenue Télé-Québec. Est-ce que vous avez eu une réaction de la part de vos commettants, de vos principaux, c'est-à-dire les gens qui vous ont confié ce mandat, vos mandants au gouvernement, en ce qui concerne ce qui à sa face même apparaît aller à l'encontre des articles 45 et 46 du Code du travail du Québec?

M. Fortier (Jean): Alors, quand nous avons proposé, en juin dernier et évidemment en enchaînement au mois d'août et au mois de septembre derniers, l'ensemble des propositions, nous avons également proposé et indiqué qu'il fallait qu'il y ait entente entre toutes les parties de Radio-Québec: tous les syndicats, toutes les associations et la direction de Radio-Québec, bien sûr, avec l'accord de l'actionnaire qui est le gouvernement du Québec pour faire en sorte que, s'il devait y avoir telle modification, toutes les parties devraient s'entendre. Nous sommes toujours sous l'égide de cette responsabilité et il va de soi, dans notre esprit, que la question que vous soulevez passe par le fait que nous souhaitons nous entendre – et nous l'avons indiqué d'entrée de jeu, cela a toujours été très clair – sur la question de l'organisation du travail avec les différentes instances ou syndicales ou d'association.

Donc, le gouvernement, pour répondre à votre question, ne nous a pas donné d'avis sur cet aspect-là de la question. Nous avons, cependant, à Radio-Québec des avis sur cette question. Je ne suis pas juriste; vous comprendrez que des avis contiennent divers éléments d'analyse sur des questions comme celle-là. Ce que je peux vous dire, cependant, c'est que, comme direction de la maison Radio-Québec, nous croyons, d'une part, qu'il fallait et qu'il faut toujours discuter de tous les aspects de la question avec les personnels de Radio-Québec, si difficile soit la situation. Nous l'avons indiqué.

Deuxièmement, nous croyons que les articles auxquels vous référez, 45 et 46, sont dans la loi du Québec non pas pour empêcher des parties de s'entendre mutuellement sur un fonctionnement, mais pour éviter qu'il y ait, de la part d'une partie, de façon non transparente, d'une façon déguisée, un changement qui viendrait affecter les accréditations. Je vous dis: Je ne suis pas juriste, je n'ai pas la compétence pour entrer plus en détail dans cette question-là. Nous en étions conscients, nous voulons et nous avons déjà commencé à nous entendre avec certaines associations ou syndicats, nous souhaitons nous entendre avec tous les personnels, et cette question-là fait partie des discussions, bien évidemment.

(16 h 40)

M. Mulcair: Mais, au-delà du souhait de s'entendre avec tout le monde, M. Fortier, on utilise effectivement, dans notre système de droit civil, parfois – on appelle ça ainsi – des dispositions d'ordre public, et la législation sociale, la législation en matière du droit du travail en fait partie, et cette notion de protéger les droits de celles et ceux qui ont négocié librement une convention collective. Vous comprenez que ça viendrait frustrer un des éléments de base de tout notre droit du travail si un employeur, peu importe lequel, pouvait tout simplement, parce qu'il n'aime plus la convention collective, commencer à sous-traiter l'ensemble ou à tout faire à l'extérieur. Je comprends que cela vous place dans une situation délicate, mais, si je peux me permettre de résumer, oui, vous étiez mandaté pour faire cette offre et, non, personne ne vous a dit que ça allait à l'encontre d'une quelconque politique ou d'un principe du gouvernement actuel. Est-ce que je résume bien votre pensée?

M. Fortier (Jean): Quant à la position du gouvernement actuel, c'est très juste: il n'y a pas eu de pensée gouvernementale sur cette question. Comme direction de Radio-Québec, je souligne que nous avons eu des avis qui nous permettent de croire que le comportement et les propositions qui furent faites étaient corrects dans les circonstances.

M. Mulcair: Est-ce que vous serez...

Le Président (M. Payne): Excusez-moi, M. le...

M. Mulcair: ...prêt à partager avec les membres de cette commission ces avis-là?

Le Président (M. Payne): Excusez-moi, M. le député de Chomedey, votre temps est écoulé...

M. Mulcair: Nos 20 minutes sont écoulées?

Le Président (M. Payne): ...et je voudrais passer la parole au député de Taschereau. On a largement dépassé.

M. Mulcair: Oui, ça va.

Le Président (M. Payne): Ça va? Merci pour votre intervention. M. le député de Taschereau.

M. Gaulin: Alors, M. Fortier, je voulais vous poser une question. Vous définissez Télé-Québec par le savoir, comme un réseau du savoir. Est-ce que vous considérez que l'information fait partie du savoir? Autrement dit, est-ce que vous concevez qu'une télévision comme Radio-Québec doit informer le Québec en interaction, selon les régions, à partir d'une capitale, d'une métropole et de ce qui se passe dans les régions, pour qu'il y ait une sorte de concertation et de communication, ce qui fait le réseau, d'ailleurs?

M. Fortier (Jean): Alors, de toute évidence, oui, le comité-conseil et Radio-Québec considèrent que l'information fait partie de la connaissance. Quand nous le regardons de façon plus précise dans le paysage télévisuel québécois, nous considérons que, dans la démarche éducative, ce qui est le plus au coeur de l'éducation dans le secteur information, c'est la démarche d'analyse et non pas la démarche de faits. Pour être plus concret encore, nous considérerions, au comité-conseil et à Radio-Québec, qu'un service de nouvelles ne serait pas au coeur et au centre de la démarche éducative telle que nous l'avons comprise. Nous considérons que l'analyse des éléments d'actualité et d'affaires publiques – ce sont des termes de métier que j'utilise – qui va donc analyser plus en profondeur ce qui se passe dans nos sociétés, fait essentiellement partie d'une télévision éducative et de la connaissance que les gens en ont.

De plus, nous regardons dans le paysage télévisuel et nous constatons que la contribution que peut faire une télévision éducative dans ce sens, elle est plus unique encore quand elle permet aux différents Québécois et Québécoises des différentes régions du Québec de prendre conscience les uns les autres de ce qu'ils sont les uns et les autres. Il y a là un vide télévisuel que nous avons constaté et nos projets, à l'heure actuelle, sont tout à fait dans ce créneau-là.

M. Gaulin: En sous-question, si vous excluez la nouvelle ou l'information, est-ce que vous ne craignez pas de faire, finalement, un réseau du savoir qui est froid, qui est sans sensibilité, qui, finalement, n'a pas une couleur qui appartient justement à la communauté nationale que vous définissez par ailleurs?

M. Fortier (Jean): Écoutez...

M. Gaulin: Est-ce que cette communauté nationale là n'est pas formée, finalement, des diverses sensibilités? Moi, j'ai vu récemment à Radio-Québec un film sur Portneuf, qui m'a étonné parce qu'on avait là à la fois l'aspect sauvage du pays, mais l'aspect, aussi, très fin par l'intervention d'une voix de soprano. Il y avait là quelque chose de merveilleux. Évidemment, on peut envisager la télévision comme donnant la connaissance, mais on peut envisager la télévision, aussi, Télé-Québec, comme venant apporter un supplément à ceux et celles qui ont déjà une certaine connaissance également.

M. Fortier (Jean): Tout à fait. Alors, dans ce sens-là, ce que nous essayons de faire, reconnaissant que l'information, dans son sens large, fait partie de la mission éducative, dans le métier télévisuel, on découpe habituellement cette information-là en trois catégories: nouvelles, actualités, affaires publiques. Comme tous les réseaux de télévision font des nouvelles et que faire de la nouvelle, c'est essentiellement faire la même chose que les autres réseaux de télévision et que, vous le savez plus que moi sans doute, la nouvelle, c'est un extrait de quelque chose en 30 secondes, nous croyons que la démarche éducative est mieux privilégiée quand on y va en analyse de phénomènes d'actualité et d'affaires publiques. Le temps à la disposition est beaucoup plus grand – le temps d'antenne – et la démarche elle-même va beaucoup plus en profondeur. Et, dans ce sens-là, il nous apparaît que, dans l'échelle entre nouvelles et affaires publiques, plus on va dans l'analyse et la compréhension des phénomènes, plus on est éducatif et on permet une véritable acquisition de connaissances.

Le Président (M. Payne): J'ai une question aussi concernant les régions, M. Fortier. La question est souvent soulevée en ce qui concerne les informations factuelles. Vous avez en région, quoi, une dizaine de... Je ne sais pas quel corps d'emploi ils occupent. Si je comprends bien, dans le plan que vous m'avez envoyé et que j'ai distribué à mes collègues, ce sont des agents de recherche en région. Mais, en réalité, ils sont plutôt des journalistes. Est-ce qu'il y a quelque chose de réfractaire dans votre politique à ne pas les embaucher davantage dans la diffusion d'informations réelles et directes plutôt que dans une mission d'interprétation où on voit souvent des gens qui sont invités pour commenter l'information? Et nos délégués régionaux comme les députés soulèvent souvent ce point-là comme un manque de réel des régions.

M. Fortier (Jean): Alors, M. Payne, vous me permettrez une précision. Les postes d'agents de coordination dans les différentes régions du Québec, qui existent présentement et qui existeront en plus grande quantité, n'ont pas pour rôle de participer au contenu antenne de Radio-Québec. Ce sont des gens qui ont pour rôle d'assurer dans leur milieu la coordination du développement de tout le milieu, en contribution potentielle et éventuelle avec le réseau Radio-Québec.

Donc, il y aura, dans les régions, de véritables journalistes. Il y en a actuellement qui contribuent, par exemple, à l'émission Le Québec aujourd'hui . Au-delà – et elle est présente parmi nous – de la correspondante parlementaire de Radio-Québec, à Québec, vous avez actuellement dans toutes les régions du Québec des gens que nous appelons recherchistes et qui, jour après jour, sont en pupitre éditorial avec l'ensemble du réseau pour déterminer aujourd'hui, à Québec aujourd'hui , quels seront les invités et de quels coins du Québec ils seront, et comment on les interviewera, et sur quoi. Donc, il y a déjà une dizaine de recherchistes, plus notre correspondante parlementaire qui est journaliste dédiée à la vie parlementaire et démocratique du Québec, des gens qui font métier journaliste.

Les recherchistes, on ne les voit pas à l'antenne. Il y aura, quand il y aura du reportage – le plus tôt possible, donc en 1996-1997 – des journalistes-reporters dans toutes les régions du Québec, qui iront faire des reportages sur tous les phénomènes sociaux, économiques, culturels et politiques qui sont contributifs à l'amélioration de nos connaissances de ce qui se passe un peu partout à travers le Québec et ils seront des journalistes d'antenne qui feront du reportage d'affaires publiques.

Donc, l'agent de coordination, si vous voulez, dans les régions, c'est la personne qui coordonne la présence de Radio-Québec. C'est l'équivalent d'une responsabilité de coordination, de gestion et de projet.

Le Président (M. Payne): Merci. Juste une observation avant que je cède la parole à ma collègue de Sherbrooke. Ça, ce n'est pas clair dans le mandat. Donc, je pense que la précision est pertinente et on en prend bonne note, d'ailleurs. Mme la députée de Sherbrooke.

Mme Malavoy: Merci, M. le Président. M. Fortier, merci, c'est fort intéressant. Notre commission s'intéresse aussi à l'inforoute, l'autoroute de l'information. C'est un mandat d'initiative qu'on s'est donné. Vous abordez la question un peu rapidement à un chapitre où vous parlez de l'utilisation de nouveaux supports technologiques. Comme c'est un sujet qui nous passionne, parce qu'on a passé beaucoup d'heures là-dessus et on va continuer de le faire, j'aimerais vous entendre un petit peu plus sur l'impact de l'inforoute sur une télévision comme Télé-Québec.

(16 h 50)

M. Fortier (Jean): Mme Malavoy, la première constatation que le Groupe a faite, c'était que, dans le temps qui nous était possible pour travailler, il y a des éléments qui, de toute évidence, ne seraient qu'effleurés. Nous avions, en particulier, M. Thivierge, qui est maintenant responsable, donc, comme secrétaire général associé, de ces nouvelles technologies de l'inforoute, qui était parmi nous. Nous aurions pu, nous en sommes persuadés, écrire un mémoire à tout le moins de 50 pages uniquement sur cette question.

Nous avons donc voulu, dans le temps à notre disposition, indiquer très clairement que la télévision éducative se devait d'être consciente de l'évolution de ces nouvelles technologies et que l'acquisition de connaissances et l'accès aux connaissances passeraient obligatoirement, dans le futur, par l'obligation qu'aura l'institution Radio-Québec d'être partie prenante du développement de ces nouvelles technologies.

Et je conviens avec vous que c'est une affirmation non seulement de principe, mais de conviction et que le développement de cet aspect-là reste à faire. Nous en sommes très conscients. Nous devrons, au cours des prochaines années, dans cette institution qu'est Radio-Québec ou Télé-Québec, nous développer en arrimage avec ce milieu en évolution constante pour faire en sorte que tous les supports et tous les nouveaux modes de communication via les nouvelles avenues technologiques soient mis, à chaque fois que possible, à contribution pour donner des valeurs ajoutées aux connaissances que nous transportons actuellement par une méthode plus classique qui est une émission de télévision.

Nous assurons actuellement, vous le savez sans doute, une distribution importante dans les réseaux scolaires. Ça aussi, la distribution dans les réseaux scolaires, est appelé à évoluer. On parle de câblodistribution, etc. On parle de CD-ROM, on parle de produits d'accompagnement. Bref, on parle d'Internet. On sait que tout cela existe. On voulait indiquer, comme comité-conseil: Attention, Radio-Québec, quand vous êtes une télévision spécialisée en éducation, vous devez savoir que vous serez partie prenante de l'évolution de ces nouvelles technologies. Le comment et le quand, j'en conviens, seront à être appropriés par l'entreprise au fil des mois et des années.

Mme Malavoy: Merci.

Le Président (M. Payne): Merci, Mme la députée. M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: Bien, j'aurais quelques questions pointues à poser qui sont de l'ordre suivant. Si je comprends ce que j'ai devant moi, Québec serait toutes les régions, pour commencer. Et, dans le réaménagement des ressources, il y aura combien de monde en région, puis pour combien de budget? Très précisément, combien à Québec, puis combien dans toutes les autres régions du Québec? Puis, ici, je ne mentionne pas Montréal, c'est un autre débat. C'est une réaffectation de ressources qui s'impose à Montréal. Mais, pour vous donner une idée de ma préoccupation, Télévision Quatre Saisons, sa salle des nouvelles, à Trois-Rivières, c'est huit personnes. Est-ce qu'il y a quelque chose à Radio-Québec de comparable? Et y aura-t-il, à un moment donné... Les nouvelles, ça, on regarde ça de haut, mais pour analyser, refléter le Québec des régions – je ne parle pas de Montréal pour tout de suite – est-ce que vous pourriez me dire, comme dirait le député de Chomedey «meaning what», c'est combien de monde, c'est combien de millions? Puis «c'est-u» en centaines de milliers ou en millions? Et est-ce que ça procède de la pensée magique? À force de penser aux régions, elles vont exister. Alors, je vous pose une couple de questions en même temps, mais je veux être bref. Puis, après ça, j'en ai une autre.

Le Président (M. Payne): Une autre brève.

M. Bourdon: Oui, oui, oui.

Le Président (M. Payne): On va avoir une réponse brève aussi, d'accord.

M. Bourdon: C'est ça.

Le Président (M. Payne): M. Fortier.

M. Fortier (Jean): Ce qui figure dans le rapport du comité-conseil et dans les plans à court terme de Radio-Québec pour chacune des régions, il y a, si je ne m'abuse, sept postes qui sont prévus pour une présence constante dans chacune des régions du Québec, et j'oublie pour le moment Québec, comme vous m'avez demandé de le signaler. Il y a, dans chacune des régions, un agent de coordination et un agent de bureau qui assureront, donc, la présence dont je parlais tout à l'heure. Il y aura un réalisateur, un technicien, un journaliste et un recherchiste qui auront pour contribution, à ce moment-ci des plans de programmation, d'alimenter quotidiennement cette émission qui s'appelle Le Québec aujourd'hui .

Et ce modèle-là serait dans toutes les régions du Québec, y compris Montréal, sauf à Québec où il y aurait des gens qui, à l'Assemblée nationale, vont faire la couverture: donc, réalisateurs, journalistes, techniciens. Du côté de Québec région, c'est le même modèle que celui que je viens de décrire pour l'ensemble des autres régions et, pour coiffer les deux activités pour Québec et non pas l'ensemble des régions, pour la région de Québec elle-même, un directorat et son support secrétarial.

Donc, c'est entre six, sept et neuf personnes par région sur une base régulière, constante d'activités 52 semaines par année. Le reste des contributions serait sur le même modèle que celui utilisé par la tête de réseau, selon les propositions qui sont faites. Il y a des maisons de production aptes à faire des contributions très significatives; elles le font déjà, elles veulent le faire et encore davantage. Et ce modèle-là dans les régions sera le même modèle que celui de Montréal.

M. Bourdon: Mais, là, je voudrais être précis: Il y aura combien d'heures d'émissions particulières à chaque région et quelle sera la contribution des régions au réseau? Est-ce qu'il y aura quelque chose? Parce que, en télévision, dans le privé en tout cas, quand on parle de faire des émissions, c'est pour les diffuser. Alors, à cet égard-là, dans cette réorganisation, il y aura combien d'heures d'émissions locales et combien d'heures de contribution des régions au réseau?

M. Fortier (Jean): M. Bourdon, donc, à Radio-Québec – c'est la différence entre les autres réseaux existants et Radio-Québec – il n'y a aucun détachement local dédié à la région elle-même.

M. Bourdon: Ça va changer.

M. Fortier (Jean): Non, pas du tout. C'est un réseau qui diffuse tous ses produits sur l'ensemble du territoire québécois constamment. Donc, quand il y a une contribution d'une région, elle est vue par l'ensemble des Québécois. Voilà donc une des caractéristiques importantes, ce que les autres ne font pas. Et la meilleure connaissance interrégionale viendra du fait que, quand il y a quelque chose dans une région, les autres y ont également accès. L'exemple de tout à l'heure: s'il y a un document intéressant sur Portneuf, ce n'est pas parce que j'habite Montréal que je ne devrais pas y avoir accès. Alors, donc, c'est une diffusion réseau, toujours réseau et toutes les contributions d'où qu'elles viennent sont toujours entièrement diffusées sur l'ensemble du réseau.

M. Bourdon: Et dites-moi, M. Fortier, aux États-Unis, par exemple, un réseau de télévision, c'est une centaine de stations locales affiliées. Est-ce qu'on est les seuls à avoir le pas et qu'eux autres ils se trompent? Ils organisent des échanges; chaque station diffuse dans son marché, pour prendre le terme à la mode, et diffuse sur des réseaux, quand vient le temps de faire des réseaux. Êtes-vous en train de me dire que ce qu'on a découvert au Québec, à Radio-Québec, c'est qu'une région n'existe pas et contribue à un grand tout national québécois, mais que pour son public le détachement, ça n'existe pas? Et je résumerais par quelque chose d'assez extraordinaire, ça serait de résumer ça en disant: La preuve que vous existez, c'est que vous n'existez pas. Parce que, en télévision, la preuve qu'on existe, c'est qu'on diffuse des émissions.

Maintenant, ma question pointue, M. le Président, est la suivante.

Le Président (M. Payne): Non, M. le député de Pointe-aux-Trembles...

M. Bourdon: Qu'adviendra-t-il du studio à Montréal? Parce qu'à un moment donné, si tout s'en va dans le privé, il va rester un studio. Il a coûté 14 000 000 $, je pense.

Le Président (M. Payne): M. le député...

M. Bourdon: Je sais que c'est une question qui peut vous sembler, M. le Président, triviale, mais il a été payé, le studio. Que devient-il dans le beau plan de réorganisation?

Le Président (M. Payne): M. le député, merci pour la question. Le temps est passé par trois minutes. J'inviterais à une rapide réponse de la part de M. Fortier avant de céder la parole à la députée de Marguerite-Bourgeoys.

M. Fortier (Jean): Merci, M. le Président. Première remarque, si vous me permettez, M. Bourdon, tous les réseaux de télévision autres que Radio-Québec au Québec se détachent et nous en sommes conscients; nous l'avons, nous aussi, constaté. Nous avons constaté également que tous les réseaux éducatifs à travers le monde sont des réseaux qui diffusent sur l'ensemble de leur territoire sans détachement. C'est une autre constatation que nous avons faite. Donc, nous n'avons rien inventé à ce titre-là. TVOntario diffuse sur tout l'Ontario, Access Alberta sur toute l'Alberta, la cinquième sur toute la France, sans détachement. Il s'agit là d'un concept qui n'est pas unique à Radio-Québec, qui est un concept qui fait partie des traditions des télévisions éducatives.

(17 heures)

Ça n'empêcherait pas de faire du détachement, mais, pour faire du détachement, il faut y investir encore plus de millions de dollars et vous savez comme moi qu'à l'heure actuelle nous ne pourrons faire qu'une télévision éducative correcte et non pas une télévision éducative en développement. Nous pourrions ajouter même, en télévision éducative, donc, du détachement; ça nous coûterait trop cher. Ça va? Il y avait un deuxième volet.

Le Président (M. Payne): Rapidement.

M. Fortier (Jean): Les studios, les biens physiques de Radio-Québec existeront toujours et ils seraient mis, dans le projet que nous avons déposé, à contribution, ce que nous appelons en prestation de services physiques, c'est-à-dire que les gens avec qui nous serions en lien pourraient utiliser, dans les règles industrielles qui existent, les facilités de production qui ont été mises en place au cours des dernières années.

Le Président (M. Payne): Merci beaucoup. Il ne reste plus de temps au côté ministériel; alors, je suis obligé de passer la parole à Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys. De votre côté, il reste 10 minutes.

Mme Frulla: Merci, M. le Président. M. Fortier, c'est sûr qu'une coupure de 15 000 000 $ sur un budget de 70 400 000 $, c'est beaucoup. Alors, ça oblige évidemment à une révision globale et totale. Dans cette révision-là, vous faites état de donner ou de confier au secteur privé la production autre. Vous dites, là, que, «sauf pour des produits d'information et d'habillage de chaîne», donc, vous confiez la production à des maisons privées de production. Comment voyez-vous ça? Parce que c'est sûr que, habituellement ou dans la procédure habituelle, le réseau en confiait au producteur privé, le producteur privé allait chercher, souvent, des fonds de Téléfilm, de la SODEC, d'autres partenaires, le réseau en mettait aussi.

Alors, dans un cas comme celui-ci, sachant aussi que le milieu n'est pas très gros non plus au Québec, comment voyez-vous cette distribution, si on veut, des fonds? Deuxièmement, est-ce qu'il va y avoir une méthode, aussi, pour encourager tout le monde, encourager la relève, pour ne pas que ce soit toujours les mêmes non plus, là, qui en bénéficient? Et vous les connaissez, les questions, vous les avez vécues.

M. Fortier (Jean): Alors, comme vous le savez, il s'agit d'une pratique qui existe déjà. La très grande différence entre demain et aujourd'hui, c'est qu'il y aurait, donc, une amplification très importante de ce modèle de production qui existe dans l'industrie en général. Mais je répète qu'il s'agit d'un modèle qui n'est pas un modèle qui a été choisi parce qu'il nous semblait meilleur. C'est très clair pour tous les membres du comité-conseil et pour moi: la production maison de Radio-Québec, elle a été, historiquement, reconnue et à juste titre comme de grande qualité. Et les premiers à le reconnaître, ce sont les producteurs privés qui viennent souvent travailler avec les ressources maison, et ils déclarent régulièrement leur compétence et leur savoirfaire.

Donc, ce modèle, que nous sommes obligés de mettre en pratique parce qu'il faut équilibrer le budget – ce n'est pas parce qu'on veut aller dans le privé; c'est parce qu'on n'est pas capables de faire autrement – il existe et il fonctionne sur les bases que l'on connaît. C'est-à-dire que, effectivement, Radio-Québec, soit à partir de projets qui viennent de nous-mêmes, soit à partir de projets qui viennent de l'extérieur, soit à partir de projets de partenaires, convient de fabriquer une émission ou une série, ou de faire fabriquer une émission ou une série d'émissions, et, à partir de là, si ça vient du producteur qui est proposeur, c'est le producteur à qui on en confie la maîtrise d'oeuvre. S'il s'agit de Radio-Québec ou de partenaires, par exemple le ministère de l'Éducation, nous allons, par la suite, après avoir défini ce que nous voulons, en appels d'offres dans l'industrie privée de fabrication. Pour Passe-Partout , c'était le cas; il y a eu un concept, à partir du ministère de l'Éducation, etc., à l'époque, et il y a eu en appel d'offres auprès d'une maison privée pour la réaliser, la concrétiser, cette série d'émissions là. Donc, c'est le même modèle.

Il y a des circonstances où le producteur privé peut aller chercher d'autres sources de financement; parfois, c'est toute la chaîne et parfois il n'y a pas d'autre financement que la licence de Radio-Québec et le crédit d'impôt, si le crédit d'impôt, tant fédéral que provincial, s'applique. Ça, c'est la situation où il y a le moins d'effet de levier. La situation où il y a le plus d'effet de levier, c'est quand la SODEC s'y ajoute, Téléfilm s'y ajoute, le Fonds des câblodistributeurs s'y ajoute et un ensemble d'autres partenaires s'y ajoutent. Il est bien évident que, plus il y a de production, moins l'effet de levier est grand, plus on va remettre en question le système des bailleurs de fonds, moins l'effet de levier sera grand. Et, je le répète, il n'y aurait aucun effet de levier que le modèle ne peut pas changer. On n'allait pas chercher les effets de levier; on allait chercher l'équilibre budgétaire auquel nous sommes obligés, par le problème des finances publiques.

Mme Frulla: Très, très rapidement et je vais laisser la parole à Fatima.

La télé du savoir, c'est une télé où on communique évidemment le savoir, à la façon dont vous l'exprimez, mais il y a aussi une mission que l'État peut se donner, c'est-à-dire de s'assurer, par exemple, qu'elle procure le savoir à l'intérieur même de ses murs. On parlait de l'INIS, tantôt, bon, puis il y a l'Université Concordia, etc., etc. Et on forme des jeunes qui veulent aller en production, qui sont en cinéma, qui n'ont pas de débouchés, bien souvent, pour toutes sortes de raisons. Est-ce que vous prévoyez vous donner un mandat, Radio-Québec, pour justement faire la promotion du savoir non seulement auprès de la population, mais à l'intérieur de vos murs?

Et, quand je parle, si on veut, d'utiliser les ondes, je n'en parle pas seulement à Montréal non plus, là; je parle aussi au niveau des régions d'utiliser, finalement, Radio-Québec pour être, si on veut, là, une espèce de rampe de lancement. Parce que ce qui m'inquiète, aussi, avec les productions privées, c'est que, bon, évidemment, là, il y a des producteurs qui sont très équipés pour justement en faire, de la production privée de très grande qualité. Mais il y a aussi ces jeunes qui poussent et qui ont de la difficulté à avoir des débouchés. Est-ce que vous vous donnez comme mandat d'être, comme je vous disais tantôt, cette rampe de lancement là pour ces jeunes-là qui doivent se trouver une porte d'entrée quelque part?

M. Fortier (Jean): Je vous dirais deux choses, Mme Frulla, si vous le permettez. La première, c'est qu'il nous a fallu sacrifier quelque chose d'important dans les circonstances, c'est sacrifier toute l'expertise historique de production. Ce que nous avons pu sauvegarder dans ce modèle, c'est l'expertise de société de programmes. Donc, la décision des plans de programmation des émissions, de ce qu'elles sont, de ce qu'elles seront, de leur réalité de contenu et de mise à l'antenne, donc sur le fond et sur la diffusion, a pu être sauvegardée. Et ça, c'est la démarche éducative.

Ce que nous savons tous de l'industrie, c'est qu'ils sont maintenant, dans l'industrie, capables de fabriquer des produits, mais l'architecture de programmation éducative, ça n'a pas été exporté ailleurs qu'à Radio-Québec. C'est unique à l'intérieur de Radio-Québec. Il n'y a pas une maison privée de production qui a développé une expertise réelle de démarche éducative, comme l'a fait, au cours des 27 dernières années, une institution comme Radio-Québec.

Alors, heureusement, ce volet-là peut être sauvegardé parce que tout le rôle de société de programmes reste entièrement au sein de l'institution. Ce qui a été, malheureusement, touché, c'est notre capacité de continuer à produire autant. Mais produire sous la responsabilité éditoriale, si vous me permettez, de la chaîne éducative est sous notre responsabilité éditoriale. Et, dans ce sens-là, on a des exemples dans l'univers télévisuel d'ici ou d'ailleurs qui procèdent de cette façon-là. La cinquième, en France, qui vient de naître, qui est une télévision qui ressemble beaucoup à la nôtre, ne fabrique aucun produit, même pas des produits d'information ou de... Elle n'en fabrique aucun. Elle est essentiellement société de programmes. Nous, on a sauvegardé le maximum de ce qu'on était capables de sauvegarder en production, et le reste, évidemment, c'est la société de programmes qui a été sauvegardée.

Le Président (M. Payne): Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Dans votre rapport, à la page 8, vous rappelez la mission de Radio-Québec, et j'en retiens trois points principalement: refléter les réalités nationales et régionales; rendre compte des enjeux politiques, économiques et sociaux des divers milieux; assurer l'accessibilité des produits de Radio-Québec à tous les publics concernés.

L'une des réalités, que je considère extrêmement importante, est la diversité de la société québécoise. D'ailleurs, ici même à la commission de la culture, nous nous sommes donné un mandat d'initiative sur l'intégration, que nous allons entreprendre bientôt. À Radio-Québec, par le passé, il y a eu des efforts qui ont été faits pour refléter cette diversité de la société québécoise. Je fais référence particulièrement à la série d'émissions Planète , par exemple. Il y a eu également la fameuse série Arrimage qui avait réussi à attirer un auditoire assez large, francophone et québécois de différentes origines.

Et il y a eu également, au-delà de Radio-Québec, une réflexion qui s'est faite largement dans la société québécoise et canadienne autour de la nécessité de refléter la diversité dans les médias, parce qu'on estimait que les médias avaient un rôle primordial à jouer. Il y a eu plusieurs conférences nationales et québécoises; la Fédération professionnelle des journalistes a fait un colloque là-dessus, le Conseil des communautés culturelles et de l'immigration a également fait des consultations et préparé un mémoire à cet effet. Bref, c'est une problématique assez documentée.

Ma question est de savoir: Comment est-ce que vous entendez dans la nouvelle réorganisation de Radio-Québec refléter le pluralisme de la société québécoise dans les différents produits éducatifs et culturels?

(17 h 10)

Le Président (M. Payne): M. Fortier, comme le temps est écoulé de l'autre côté, je vous donne une brève réponse à la députée.

M. Fortier (Jean): Ce qui est clairement indiqué dans le rapport du comité-conseil, dans la structure et le fait que l'ensemble de ce qui se passe sur le territoire québécois puisse être reflété, contient tous les éléments, dans l'esprit des membres du comité-conseil, de ce qui s'y passe, de ceux qui l'habitent, de ceux qui le vivent. Nous n'avons pas, cependant, eu comme mandat, ni comme mission de fabriquer des plans de programmation annuelle pour définir quelles seraient les séries d'émissions que devrait faire Radio-Québec. Il appartient à Radio-Québec, dans son processus de consultations annuelles, de proposer au conseil d'administration année après année des séries d'émissions qui sont dédiées à des objectifs plus particuliers que d'autres. Donc, nous ne sommes pas entrés dans cette dynamique-là au comité-conseil, parce qu'elle est évolutive.

Mais je pourrais vous indiquer, par exemple, que, dans Le Québec aujourd'hui , qui est cette quotidienne d'information, dans ce qui habitera les journalistes et les équipes de production qui feront des reportages dans la région de Montréal, il serait, à mon avis, extrêmement surprenant que la réalité multiculturelle de Montréal ne soit pas reflétée comme faisant partie d'une réalité de cette grande région. Ça m'apparaît, à moi, aller de soi, mais il n'était pas du rôle du comité-conseil, donc, de proposer des plans de programmation annuelle; ça appartient au conseil d'administration de les décider.

Le Président (M. Payne): Je vous remercie beaucoup pour la clarté de vos réponses et commentaires, M. Fortier. J'espère que Radio-Québec nous écoutera pendant les prochains quelques jours, jusqu'à jeudi au moins. Jeudi soir, on vous invite de nouveau pour la discussion de la fin, qui est très importante. Avec cela, je vous souhaite une bonne fin de soirée.

M. Fortier (Jean): Alors, je vous remercie de votre accueil. Bonne commission parlementaire.

Le Président (M. Payne): Je voudrais en profiter, en invitant le prochain groupe qui est le Conseil supérieur de l'éducation, s'il veut prendre place, pour demander à mes collègues s'ils voudraient bien qu'on dépasse l'heure prévue de 18 heures, parce que nous sommes... Pardon?

Une voix: On a quelque chose à 18 heures.

Le Président (M. Payne): Donc, c'est impossible techniquement pour l'opposition. Alors, nous sommes en retard.

Une voix: Pour tout le monde.

Une voix: Pour vous aussi.

Le Président (M. Payne): Oui? Alors, ça explique. Parfait. Si la Conférence nationale des conseils régionaux de la culture est ici, je veux vous aviser tout de suite que, malheureusement, je vais vous reporter jusqu'après le souper, à 20 heures, plus ou moins. Ça vous convient? Après 20 heures.

Une voix: Tu vas commencer avec eux à 20 heures; donc, à 20 heures.

Le Président (M. Payne): Excusez-moi, si ce n'est pas à 20 heures, à 20 h 5. Ça va?

Une voix: Oui, oui, d'accord. Parce que ça pourrait être à 22 heures, si c'est après 20 heures.

Le Président (M. Payne): Non, non. C'est très bien.

Je voudrais souhaiter la bienvenue au Conseil supérieur de l'éducation, à M. Paul Inchauspé ou si votre délégué veut bien présenter la représentante et les collègues. Il n'est pas ici, je le remarque d'ailleurs.


Conseil supérieur de l'éducation (CSE)

Mme Newman (Judith): Non, M. Inchauspé n'est pas ici. Je me présente et c'est sur notre mémoire: Judith Newman, vice-présidente du Conseil supérieur de l'éducation, et je suis accompagnée par M. Jean Proulx, secrétaire du Conseil.

Le Président (M. Payne): On n'a pas trop compris. Mme Judith, pour le procès-verbal, Newman.

Mme Newman (Judith): Newman. N-e-w-m-a-n.

Le Président (M. Payne): Vous avez 20 minutes.

Mme Newman (Judith): Bon! C'est à titre de conseiller d'État en matière d'éducation que le Conseil supérieur de l'éducation accepte d'intervenir ce soir à cette commission de la culture pour donner suite à l'invitation qui lui a été faite par son secrétaire. Vous comprendrez certainement que le Conseil traitera ici des questions relatives à la place et à la mission d'une télévision éducative dans notre société plutôt que des aspects d'une mise en oeuvre concrète, ce que d'autres aborderont sans doute avec compétence. Sachez d'emblée que, en se fondant sur plusieurs de ses avis et rapports antérieurs, le Conseil peut donner ici son plein accord avec une redéfinition de la mission de Radio-Québec dans le sens d'une télévision éducative et culturelle, que l'on nomme d'ailleurs avec beaucoup d'à-propos «Télé-Québec, le réseau du savoir».

Nous vous présentons maintenant les réflexions et positions qui suivent en neuf points brefs. Premièrement, au coeur de notre société, l'information. On parle, aujourd'hui, de l'avènement d'une société de l'information. C'est le progrès fulgurant des nouvelles technologies de l'information et de la communication qui permet d'évoquer un tel avènement. Qui plus est, l'information massive transmise par les nouvelles technologies a maintenant envahi tous les secteurs de la vie sociale et fonde de plus en plus le fonctionnement de la société. De fait, l'information est devenue la caractéristique essentielle des modes de production, de consommation et d'échange de l'ère postindustrielle dans laquelle nous sommes.

En ce sens, l'information est devenue la nouvelle matière première, voire la ressource stratégique par excellence, car la production des biens et des services comporte de plus en plus une dimension informationnelle. Et la convergence de l'industrie informatique et de celle des télécommunications nous conduit aujourd'hui sur les voies de l'autoroute de l'information et de la réalité virtuelle.

Conséquence importante: les individus ont accès à plus d'informations et de connaissances; ils peuvent les utiliser dans leur vie quotidienne et, notamment, au service de leur développement personnel et social. À sa façon, la société de l'information nous renvoie donc à la démocratisation de l'éducation et de la culture dans un sens plus large que leur sens proprement scolaire. Et c'est à ce point précis qu'une télévision éducative – et on comprend qu'elle pourrait être importante pour le développement de contenus de langue française voyageant sur l'autoroute de l'information – peut entrer en jeu, aidant à sa façon chacun et chacune à passer de l'information au savoir et à se développer personnellement et socialement, ce qui nous situe, on l'aura deviné, au coeur même de l'éducation.

Deuxièmement, la participation à une société éducative. Qu'y a-t-il de commun entre un musée, un CLSC, une commission scolaire ou un cercle de jeunes naturalistes? Si l'on y regarde de près, on découvre que, en principe du moins, toutes ces organisations sont engagées, suivant des objectifs particuliers, des démarches originales, des moyens appropriés, dans des tâches éducatives. Allongeant la liste, on prendrait conscience qu'il existe un tissu d'organismes et d'activités répondant à des besoins éducatifs variés.

Dans tout cet ensemble se trouve un potentiel éducatif considérable, caractérisé par des pratiques pédagogiques adaptées aux attentes diversifiées d'individus et de groupes. Certes, l'institution scolaire y a une mission centrale et irremplaçable, celle de garantir des formations générales et des formations spécialisées, systématisées et reconnues socialement. Mais elle ne peut répondre à tous les besoins éducatifs. L'éducation permanente dont on parle aujourd'hui ne se réduit pas à l'école à perpétuité. Il y a et il doit y avoir plusieurs lieux éducatifs.

(17 h 20)

Dans ce contexte, la télévision peut-elle être, elle aussi, un lieu éducatif? Toutes les télévisions peuvent l'être, à un moment ou à un autre. Et elles devraient toutes avoir, comme horizon de leur programmation, non pas l'abrutissement, mais l'épanouissement humain des téléspectateurs et téléspectatrices. Mais la société a aussi besoin, comme de l'un de ses outils d'éducation permanente, d'une télévision éducative, c'est-à-dire d'une organisation qui utilise des moyens appropriés et met en oeuvre l'ensemble de sa programmation avec l'intention explicite et reconnue socialement de susciter l'apprentissage et le développement des personnes. Si Télé-Québec, le réseau du savoir, fait cela, c'est une télévision éducative et elle est essentielle à une société que nous voulons la plus éducative possible.

Troisièmement, il faut avoir une intention éducative et non scolaire. Si l'on demandait à une télévision éducative d'être formellement éducative, comme une immense salle de classe avec programmes, professeurs, évaluations et reconnaissances, il tombe sous le sens qu'une telle télévision verrait fondre son auditoire. Une télévision éducative n'a pas, généralement du moins, à produire ou à diffuser des émissions copiant la démarche et l'intention scolaires.

Ce que peut faire de mieux une télévision éducative et non scolaire, c'est de multiplier des programmes variés qui font entrer les personnes lucidement dans le monde de la culture – ce qui comprend le monde des arts, des lettres, des sciences de la nature et des sciences humaines, voire les technologies – c'est de proposer des émissions qui cultivent l'intelligence et la sensibilité des personnes; c'est d'offrir au public des activités télévisuelles qui lui apprennent à analyser l'information, à l'accueillir avec un regard critique, à y séparer l'essentiel de l'accessoire, en un mot à transformer la masse des informations issues de partout en un savoir où existent discernement, ordre et approfondissement. En ce sens, on a raison de dire: «Télé-Québec, le réseau du savoir» et non «Télé-Québec, le réseau de l'information». La télévision éducative fait plus qu'informer; elle fait cheminer les personnes dans leur apprentissage et leur développement d'une façon autre que purement scolaire.

Quatrièmement, une contribution à la démocratisation de l'éducation. Le Conseil a rappelé à plusieurs reprises que les grandes tendances de la société actuelle interpellent l'éducation. L'avènement de la société de l'information, grâce aux nouvelles technologies de l'information et de la communication, la transformation des rapports sociaux ayant trait à la pluralité, aux communautés de base ou à l'organisation du travail, ainsi que la restructuration économique, liée à la mondialisation de l'économie et à la transformation de la dynamique du marché de l'emploi, rendent aujourd'hui manifeste le besoin d'un vaste partage du savoir, l'accès du plus grand nombre possible au monde de la culture et, ainsi, l'exigence d'une meilleure démocratisation de l'éducation.

La télévision éducative peut contribuer à ce partage essentiel du savoir. Elle peut permettre de rejoindre des personnes et des groupes qui pourraient être autrement laissés à eux-mêmes. Elle fait ainsi sa part dans l'accès au savoir et dans la démocratisation de l'éducation. Elle participe à sa manière à une logique d'équité requise par toute entreprise de démocratisation. C'est pourquoi l'État, responsable de l'équité et du bien commun, a la tâche de soutenir une télévision éducative qui contribue à cette démocratisation de l'éducation.

Cinquièmement, un soutien à l'apprentissage et à l'enseignement proprement scolaires. Ce soutien peut avoir deux sens. D'abord, on l'a vu, c'est par sa complémentarité en tant même que médium éducatif que la télévision éducative tient une place de choix, pour ainsi dire, à côté de l'école. Elle fait partie de ces autres lieux éducatifs dont a souvent parlé le Conseil et qui se distinguent par leur manière d'être ou de faire particulière dans le vaste champ de l'éducation.

Mais ce qu'il importe surtout de signaler, c'est l'apport positif possible de la télévision éducative à la formation visée par l'institution scolaire. De fait, ce sont toutes les nouvelles technologies de l'information et de la communication qui offrent à l'école de nouveaux moyens pour réaliser sa mission en matière d'apprentissage, d'enseignement et aussi de recherche. On peut penser que, en synergie avec d'autres technologies, la télévision éducative peut soutenir l'apprentissage. Les mondes de la banque de données, de l'image, du son et du texte, utilisés en convergence et en mode interactif, peuvent servir à l'apprentissage des élèves, rendre ces derniers plus autonomes dans la construction de leur savoir et même soutenir leur désir d'apprendre et de se développer. Par ailleurs, en matière d'enseignement, l'utilisation de la télévision éducative, comme d'ailleurs des autres technologies, peut élargir le répertoire des ressources pédagogiques et, surtout, favoriser la diversification des pratiques pédagogiques dont l'école a tant besoin, du primaire jusqu'à l'université.

Sixièmement, une participation à la formation à distance. La formation à distance peut être définie comme une démarche d'apprentissage assistée qui permet à un étudiant ou à une étudiante d'accéder à des sources médiatisées du savoir. C'est un modèle de formation qui accorde une grande importance à l'indépendance personnelle, aux expériences de vie et aux objectifs des personnes qui s'y engagent. Le Conseil a toujours soutenu ce moyen éducatif original et proposé son développement comme un atout du système éducatif. Il a aussi incité les établissements d'éducation aux divers ordres d'enseignement à se donner des centres communs de recherche, de conception et de production, à éviter les dédoublements entre eux et à favoriser les échanges d'expertise.

Le Conseil encourage aussi les partenariats entre les centres de formation à distance, les établissements scolaires et une télévision éducative comme Télé-Québec. A-t-on besoin de rappeler l'émission Passe-Partout et sa valeur éducative pour l'ensemble des enfants et l'opération Passe-Partout qui a pu jouer dans la réussite scolaire en milieu défavorisé? Mme Claire Pimparé était, comme certains le savent, membre du Conseil supérieur de l'éducation. Quoi qu'il en soit, Télé-Québec, réseau du savoir, définie nettement comme une télévision éducative, devrait établir des partenariats encore plus féconds avec les centres de formation à distance des divers ordres d'enseignement.

Septièmement, un apport à l'éducation aux médias. L'éducation aux médias doit faire l'objet d'une attention particulière. L'impact de l'exposition aux médias, particulièrement à la télévision, sur la perception du réel et la construction de la pensée est important. De fait, la télévision mise sur un mode de connaissance par l'image, cultive une pensée en mosaïque plutôt que linéaire, pratique une approche de la réalité fondée sur l'instantané et offre ses messages sous la forme du spectacle. Le Conseil a souvent rappelé qu'il fallait intégrer l'initiation au langage des médias comme un élément de la formation de base de l'école.

(17 h 30)

Mais c'est aussi la tâche d'une télévision éducative, d'une part, de permettre de comprendre les mécanismes de la communication médiatique, de décoder les messages des médias et de les analyser de façon critique et, d'autre part, de faire connaître le potentiel des médias en tant que moyens d'accès à l'actualité, à l'information et à la culture. Ici encore, des formules de partenariat entre l'école et une télévision éducative – au moins, par exemple, grâce au prêt d'émissions – peuvent aider à relever le défi de l'éducation aux médias.

Huitièmement, une participation au développement régional. Lorsque l'on parle de développement régional, plusieurs croient qu'il ne s'agit que de développement économique. Certes, celui-ci est fondamental pour la vie d'une région, mais le Conseil a rappelé, à l'occasion, que le développement régional, tout comme celui de la société dans son ensemble, doit être envisagé comme un développement global. Il faut s'ouvrir à une vision large du développement, qui met en lien l'économique, l'écologique, le social, le culturel et le politique, en somme, se donner une façon de voir qui unit le niveau de vie et la qualité de vie.

Une télévision éducative, comme doit être Télé-Québec, peut faire partie des outils contribuant au développement culturel d'une région. Elle peut être, pour une région, le reflet ou le miroir de la vie culturelle – au sens large que le Conseil lui donne ici – un moyen d'ouverture et d'enrichissement culturel, ainsi qu'un levier de création culturelle. En somme, une télévision éducative participe au développement culturel d'une région en se nourrissant de sa vie collective et de sa créativité et en la nourrissant à son tour de ses meilleures émissions éducatives et culturelles.

Neuvièmement, des partenariats institutionnels. Le Conseil a, à de multiples reprises, invité l'école – et cela va de la maternelle à l'université – à agir en partenariat. C'est que, d'abord, l'école est toujours, par l'un des aspects essentiels de sa vie, une école communautaire; elle prend racine dans un milieu. En outre, elle doit apprendre à utiliser les ressources et à mettre à profit le potentiel qui existent dans les autres lieux éducatifs. La télévision éducative est l'un de ces autres lieux.

Nul doute que Télé-Québec devra chercher à développer, à son tour, des partenariats étroits non seulement avec l'école, mais aussi avec d'autres institutions à visée éducative, notamment avec les centres de formation à distance, les maisons de la culture ou les musées. Ce qui fonde ici tous les partenariats, c'est le partage d'une même visée éducative: aider des individus à épanouir leur intelligence, à se développer comme personnes et comme citoyens, à s'ouvrir à toutes les dimensions de la culture.

En conclusion, j'aimerais souligner que la mission éducative est immense. Le Conseil a déjà rappelé que chaque enseignante et enseignant ne peut accomplir seul la tâche éducative qui lui est impartie; chacune ou chacun fait partie d'une équipe-école. De même, l'école ne peut exercer seule toute la fonction éducative; elle a un rôle propre à jouer dans un milieu où existent d'autres ressources éducatives. La télévision éducative est l'une de ces ressources, aujourd'hui, indispensables. C'est pourquoi le Conseil ne peut qu'appuyer le développement d'une télévision éducative qui ne soit pas une télévision scolaire, mais qui puisse agir en partenariat avec l'école. Merci.

Le Président (M. Payne): Je vous remercie, Mme Newman, pour le Conseil supérieur de l'éducation.

Il nous reste 25 minutes jusqu'à 18 heures. Donc, je vais attribuer naturellement 12-12. Est-ce qu'il y a des interventions? M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Merci, M. le Président. Merci au Conseil supérieur de l'éducation pour la présentation. Moi, peut-être, je suis un petit peu dinosaure, je ne sais pas, mais, quand je suis allé à l'école dans les années soixante et soixante-dix, j'avais toujours l'impression que, quand l'enseignant met la télévision, c'est parce que ce n'est pas important, c'est presque le divertissement. On a mis la télévision; alors, pour moi, c'était presque une invitation à la désobéissance civile et tout ça pour jouer avec mes amis en arrière de la classe.

Dans votre mémoire et également dans le mémoire que M. Fortier a présenté sur l'avenir de Télé-Québec, on parle beaucoup de partenariat entre le ministère de l'Éducation et Radio-Québec. Mais est-ce que le Conseil supérieur a regardé: est-ce que vraiment la télévision est un bon outil à l'apprentissage? Est-ce que c'est vraiment quelque chose qui sera utile? Parce qu'on pense – la logique est là – qu'on met ça, on voit des belles images et ça va aider les enfants dans la classe à apprendre. Mais est-ce que c'est vrai ou non?

Et, dans votre mémoire, à la page 6, on parle de cultiver «une pensée en mosaïque plutôt que linéaire». Mais de prendre l'information – je pense que tout le monde en convient, il y a de l'information partout dans notre société – et de la transformer dans un petit peu de sagesse, peut-être ça serait même un exercice avant tout linéaire qu'il faut structurer; il faut mieux comprendre toute l'information.

Je prends toujours comme le meilleur exemple de tout ça: tout le monde dans la salle ici, on a vu des images, dans les dernières années, de la situation dans l'ancienne Yougoslavie. À tous les soirs, on voit ça à la télévision. Mais, si je dois expliquer vraiment qu'est-ce qui se passe aujourd'hui, je ne sais pas. Malgré des heures et des heures à la télévision, même des reportages spécialisés, des documentaires de 40 minutes, 60 minutes, d'expliquer aujourd'hui qu'est-ce qui se passe à Sarajevo, ça serait difficile à faire sans avoir recours aux bibliothèques ici, lire un livre, vraiment retourner à la lecture pour étudier le problème comme il faut.

Alors, je me demande: Est-ce que le Conseil supérieur de l'éducation a vraiment regardé la question: est-ce que la télévision est vraiment un outil à l'éducation ou est-ce que, avant tout, on regarde ça pour le fun?

Le Président (M. Payne): Mme Newman.

Mme Newman (Judith): J'espère faire les deux, ha, ha, ha! En 25 mots au moins.

Le Président (M. Payne): Votre temps est limité.

Mme Newman (Judith): On peut, j'espère, faire les deux. Il faut souligner que, dans notre mémoire, nous n'avons pas parlé seulement de la télévision éducative scolaire, mais pour une télévision éducative plus large, avec des aspects culturels, le bout que vous citez sur l'éducation aux médias, certainement. Moi, je dirais que ça dépend de comment on l'utilise. C'est-à-dire que ça peut être utilisé, comme il y a des décennies, pour regarder les films et puis les garçons d'en arrière jouent; c'est vrai, on l'accepte. Quand même, ça peut être utilisé de différentes façons aussi. Ha, ha, ha! Ça peut être utilisé dans la classe ou ça peut être aussi utilisé à l'extérieur de la classe. Et nous ne restreignons pas notre vision de Télé-Québec comme devant être seulement des émissions pour la classe, même si Radio-Québec le fait maintenant aussi: on a les émissions en classe, en anglais aussi, il faut le dire. Il y a des gens qui ne savent pas qu'il y a des émissions en anglais à Radio-Québec.

Mais, pour nous, oui, ça aide, ça aide d'une manière large, au-delà de la classe, et ça peut aussi aider à la classe parce qu'il y a certainement des choses qu'on ne peut pas démontrer dans la classe, qu'on ne peut pas montrer aux élèves, qu'on peut voir à la télévision. On peut penser aux émissions aussi des États-Unis, telles que Nova en sciences. On a besoin des émissions en français en sciences ici, au Québec, et on peut penser à des émissions qui peuvent beaucoup aider et dans la classe et à l'extérieur de la classe. M. Proulx.

(17 h 40)

M. Proulx (Jean): Je dirais qu'aussi, il y a un peu plus d'un an, nous avons produit un rapport annuel sur les nouvelles technologies de l'information et de la communication et l'éducation, ce qui inclut la télévision et, particulièrement, une télévision éducative. Et, dans de rapport-là, nous essayons de montrer comment, finalement, l'ensemble des nouvelles technologies, dont fait partie la télévision, peut aider non seulement à l'apprentissage, mais aussi à l'enseignement. Et on a noté que même, dans certains cas, c'est non seulement à l'aide à l'apprentissage, mais c'est à l'aide à la motivation à apprendre que ces outils-là, les outils nouveaux de l'information et de la communication, peuvent servir.

Mais ça sert aussi à l'enseignement. En particulier, on pense que ça peut être un outil parmi d'autres pour la diversification de la pédagogie, la diversification des stratégies pédagogiques dont on parle et dont on pense que l'école a un très, très grand besoin. Alors, je pense que, ensuite, l'utilisation d'une télévision, en particulier, éducative, on peut penser que ça va être plus facile à intégrer dans un contexte scolaire d'apprentissage. Mais il faut certainement avoir une intention lorsqu'on intègre un outil comme celui-là. Il faut avoir une intention, il faut savoir où l'on va comme enseignant et comme école quand on intègre de tels outils. Autrement, c'est sûr que ça peut être un divertissement, purement et simplement.

Le Président (M. Payne): Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.

Mme Frulla: Juste en complémentaire, avec les nouvelles technologies justement et avec, bon, la possibilité, par exemple, d'aller dans des bibliothèques visuelles, etc., d'aller chercher, si on veut, les documentaires dont on a besoin pour intégrer à notre enseignement – en tout cas, je ne sais pas si vous l'avez étudié dans votre rapport – comment voyez-vous justement l'apport d'une télévision proprement éducative? En ce sens que, avant, dans les années soixante-dix ou lors même de la fondation de Radio-Québec, bien, c'était la télévision éducative et, bon, quant l'émission passait, on regardait l'émission. Mais, maintenant, avec justement les nouvelles technologies, avec ce qu'on peut se procurer et puis avec, aussi, l'entrée de l'inforoute à l'intérieur même des écoles, comment voyez-vous justement le rôle de Radio-Québec en complémentarité avec tout ce qui est là et tout ce qui s'offre?

Mme Newman (Judith): C'est que j'ai une certaine difficulté à répondre précisément à votre question. Il me semble qu'il y a un apport un peu différent. On peut avoir beaucoup d'enfants qui regardent la télé, même s'il y a un apport avec l'autoroute de l'information, mais il n'y a pas tous les enfants, dans toutes le écoles, qui y ont accès. Le Conseil fait la promotion d'avoir plus d'accès aux nouvelles technologies de l'information, mais ce n'est pas tous les enfants, dans toutes les écoles, qui ont accès aux CD-ROM et tout ça. Alors, cet un autre aspect.

Mme Frulla: Mais je veux juste préciser, là...

Mme Newman (Judith): L'un n'exclut pas l'autre, c'était plutôt ça.

Mme Frulla: Non, d'accord. C'est juste, peut-être, comment voit-on cette télévision éducative, telle que vous la décrivez, par rapport aux outils que les professeurs peuvent se procurer, par exemple? Parce que vous en parlez comme outil pédagogique à l'intérieur même de votre mémoire. Alors, comment considérez-vous justement Radio-Québec dans la mission, telle que vous la décrivez, par rapport aux outils que les professeurs peuvent avoir et se procurer maintenant, en 1995? Et comment voyez-vous cette complémentarité-là? Je comprends que, à la maison, tous les enfants ont un ordinateur personnel, etc., mais, moi, je parle à l'école où, là, les professeurs ont accès, quand même, enfin, à certains moyens, ne serait-ce qu'aller louer, par exemple, un documentaire pour le présenter.

Mme Newman (Judith): Oui. Quand j'ai dit que tous les enfants n'ont pas accès, par exemple, aux CD-ROM et tout ça, je voulais dire à l'école, parce qu'il y a beaucoup de différence, beaucoup de...

Une voix: Oui, c'est sûr, là.

Mme Newman (Judith): Ça revient au rôle de l'État, c'est des questions d'équité. Mais je laisserais la parole, je pense, à M. Proulx, à cet égard.

M. Proulx (Jean): Bien, en fait, c'est que...

Le Président (M. Payne): Brièvement.

M. Proulx (Jean): ...c'est certainement un outil parmi d'autres. Ce n'est pas... On ne peut pas dire... Il ne faut pas en faire une panacée, là, mais on peut penser que des émissions éducatives présentées par Télé-Québec peuvent être un des outils d'apprentissage pour les élèves et un outil d'enseignement, aussi, pour l'enseignant. L'apport spécifique, je dirais, d'une télévision éducative, c'est qu'elle va montrer des choses à travers son médium propre, c'est-à-dire à travers une image en mouvement, à travers une forme, un mode de présentation, sous le mode du spectacle. Bon, enfin, le médium pourra contribuer lui-même à l'ensemble de l'apprentissage de l'élève, mais en faisant son apport propre. Mais c'est évident qu'un enseignant doit avoir une sorte, je dirais, de boîte à outils multimédia. Et ça n'exclut pas le livre, ça ne remplacera jamais le livre. On ne pense pas ça au Conseil, en tout cas. Ça doit se compléter, s'harmoniser, s'intégrer dans l'ensemble d'une stratégie éducative en jouant son rôle propre fondé sur l'image qu'il faut respecter, je pense, à ce moment-là.

Le Président (M. Payne): Bien, je vous remercie beaucoup. C'est tout le temps qui vous est alloué.

Côté ministériel? Alors, s'il n'y a pas d'autres interventions, M. le député de...

Une voix: Champlain.

Le Président (M. Payne): Champlain. C'est parce que c'est changé, la limitation de son comté. Excusez-moi.

M. Beaumier: Merci, M. le Président. Écoutez, moi, je mets un petit peu en parallèle le rapport du Groupe-conseil sur la mission de Radio-Québec et puis un petit peu ce que vous venez de dire. Dans le rapport du Groupe-conseil, il y a une des recommandations à l'effet «que Télé-Québec mette sur pied un comité externe de programmation composé des principales institutions du domaine de l'éducation et de la culture, notamment le ministère de l'Éducation, le Centre collégial de formation à distance, la Télé-université», etc. Est-ce que vous avez un peu eu le temps de penser de quelle façon l'apport du secteur de l'éducation pourrait se faire dans ce genre de comité externe de programmation? Et je fais le lien aussi avec quand on dit que ça pourrait être un soutien à l'apprentissage dans l'enseignement proprement scolaire.

J'ai juste une interrogation, mais je n'ai pas du tout de savoir sur ça. Moi, a priori, j'ai beaucoup de réticence à ce lien de partenariat, là, ou de complémentarité, peut-être, entre le secteur de l'éducation, ce qui doit se donner, notamment, aux niveaux primaire et secondaire, disons, je réfère à ceci, par rapport au mandat de Télé-Québec, qui me paraît beaucoup plus s'adresser aux citoyens et citoyennes de tout âge.

Mais je me méfierais – je peux le dire comme ça – d'une trop grande utilisation ou intégration du niveau scolaire dans ce qui pourrait être fait à Télé-Québec. Il ne faudrait pas que le secteur scolaire se l'accapare ou soit, j'allais dire, trop en lien. Je sais que je fais une inorthodoxie, mais pas trop en lien. Il ne faut pas... Il me semble que le secteur scolaire a ses propres programmes, ses propres modèles de développement de la personnalité, de l'apprentissage du développement, ce qui fait que, pour moi, Télé-Québec devrait être plus fonction du citoyen et de la citoyenne, plus global, plus ouvrant que trop en lien avec le secteur scolaire qui a son propre niveau de moyens d'apprentissage et de développement de l'individu.

Autrement dit, il y en a un que je verrais plus adulte et l'autre, le secteur scolaire, beaucoup plus fonction évidemment du développement de l'enfant dans le cadre de l'apprentissage et du développement de sa connaissance. En tout cas, j'ai une réticence à trop mettre l'un avec l'autre le secteur scolaire et le secteur tel qu'on le voit pour Télé-Québec dans son cadre éducatif. Autrement dit, il ne faut pas que ce soit trop le même objet éducatif. Le même projet peut-être, mais pas trop le même objet éducatif.

Le Président (M. Payne): Mme Newman.

Mme Newman (Judith): Le Conseil n'est pas en désaccord avec vous, monsieur, c'est-à-dire que l'aspect proprement scolaire est un aspect dont nous faisons la promotion aussi, mais il y a beaucoup dans notre mémoire qui va dans un sens beaucoup plus large. Même si ce n'est pas seulement les adultes, on peut avoir de la programmation où la cible, c'est aussi les enfants d'âge primaire et secondaire, mais pas nécessairement à l'école, pas nécessairement dans un cours ou un programme. Ça peut être une éducation à la citoyenneté, une éducation aux médias, qui n'est pas dans l'école du tout. Alors, nous voyons aussi Télé-Québec comme quelque chose de beaucoup plus large que seulement une télévision scolaire avec programmation scolaire dans l'école.

M. Proulx (Jean): Je pense que c'est important, au fond, de rappeler aussi que la démarche scolaire a son intention propre et c'est une démarche propre. Et c'est à l'intérieur de cette intention et de cette démarche que se situe l'apport d'outils comme une télévision éducative. Il y a des régimes pédagogiques, il y a des programmes d'études avec des objectifs très formalisés, il y a des cours qui se donnent, il y a des travaux à faire, il y a des évaluations et il y a des reconnaissances. C'est tout le système scolaire, ça, et c'est là-dedans qu'entre, comme l'un des outils possibles de l'apprentissage et du développement des élèves, l'apport d'une télévision éducative comme l'apport d'autres technologies. Il ne faut pas en faire une panacée, c'est évident, mais on pense qu'il faut s'ouvrir à ça parce que c'est des outils d'apprentissage et même de motivation pour l'élève à l'occasion et c'est des outils d'enseignement aussi.

(17 h 50)

Ça, je pense que c'est une partie de votre question, mais vous demandiez aussi quel peut être l'apport de gens de l'éducation sur un comité externe de programmation, de gens venant de système scolaire. Moi, je dirais: Sans doute qu'ils peuvent certainement toujours contribuer à maintenir une veille, si on peut dire, éducative, à toujours surveiller l'aspect nettement éducatif, c'est-à-dire le développement de l'intelligence, le développement de la personne, le souci de l'épanouissement de la personne, l'épanouissement du citoyen, l'ouverture sur l'ensemble de la culture.

Surveiller des aspects comme ça dans toute programmation, finalement, voir comment ça s'inscrit dans ces perspectives-là, je crois que ça pourrait être une fonction, certainement, de gens de l'éducation et aussi de voir à ce que puisse s'exercer véritablement la complémentarité entre les actions de l'école et celles d'une télévision éducative, parce que c'est des lieux éducatifs complémentaires. Si Télé-Québec est vraiment une télévision éducative, elle est complémentaire à l'école.

Le Président (M. Payne): Très bien. Il nous reste six minutes. Voulez-vous continuer, M. le député de Champlain?

Mme Newman (Judith): Est-ce que je peux... Oui, seulement pour compléter, ce n'est pas tout ce que nous voyons comme mission de Télé-Québec; alors, c'est une partie de la mission de Télé-Québec.

M. Beaumier: Mais, pour conclure, là, mon intuition – ce n'est qu'à ce niveau-là – c'est que la télévision éducative par rapport à tout notre système scolaire devrait être en dynamique, non pas en s'intégrant l'un dans l'autre, mais en se questionnant peut-être l'un l'autre. Si on peut dire que l'école devrait être en termes peut-être un peu plus linéaires – je ne fais pas d'hérésie en disant ça – le virtuel a sa place aussi, mais je les verrais beaucoup plus en dynamique et en dialogue et même en se contredisant, en se contrariant qu'en prenant le même moule les uns comme les autres. C'est ce que je soumettrais.

Le Président (M. Payne): C'est bien. Je voudrais lui laisser un peu de temps, parce que je voudrais accueillir l'intervention de notre collègue de Taschereau; il reste cinq minutes.

M. Gaulin: Ça ne sera pas très long. Vous avez parlé, à juste titre, de la télévision, à la page 6 – d'ailleurs, le député de Jacques-Cartier y faisait allusion – qui favorise «une pensée en mosaïque», une sorte de pensée éclatée, d'une certaine manière, plutôt que linéaire, c'est-à-dire linéaire dans le sens où on fait le lien d'une connaissance à l'autre. Par ailleurs, vous dites que la réalité de l'information nous renvoie très souvent le monde entier. On est au courant de ce qui se passe en Yougoslavie; on est au courant de ce qui se passe en Russie, mais souvent d'ailleurs de façon non pertinente parce qu'on fait des rapprochements, parfois, qui ne sont pas exacts, étant donné tout le substrat culturel qu'il y a derrière ces réalités-là.

Est-ce que, d'une certaine manière, l'information dans la télévision Télé-Québec ne serait pas une manière de redonner au développement des régions, qui seraient comme défavorisées, leur place dans la pensée commune et dans l'éducation commune du Québec?

Le Président (M. Payne): Mme Newman.

Mme Newman (Judith): Je ne suis pas certaine que j'ai bien saisi la question, parce que je dois dire que je ne comprends pas le lien entre l'aspect mosaïque et la différence et la défavorisation des régions.

M. Gaulin: Bien, c'est-à-dire que, finalement, par le fait qu'on soit très informés, dans nos télévisions communes, de ce qui est le plus loin par rapport à ce qui est le plus près, on est plus au courant des réalités qui sont à l'extérieur de nous que de celles qui sont près de nous. Quand je dis près de nous, ça peut être la Gaspésie, même si on considère que c'est loin. Mais, très souvent, finalement, on couvre seulement des grands points donnés, puis on ne s'occupe pas de la réalité quotidienne de l'ensemble des gens qui forment cette société avec nous. Alors, d'une certaine manière, s'il y a des défavorisés scolaires, il y aurait aussi des défavorisés dans ce type de télévision là, qui seraient les régions, surtout à partir de l'explication que nous en donnait, tout à l'heure, M. Fortier. On avait des sortes de commis voyageurs de l'information plutôt que des réseaux constitués en région.

Mme Newman (Judith): Pour moi, vous arrivez à deux questions. Un, la question de transformation de l'information en savoir. On est noyé dans l'information, mais les enfants, les adultes, tout le monde dans la société a besoin d'une analyse qui transforme ça en savoir. Et, deux, il me semble qu'il y a les questions de programmation là-dedans. La question de ce qu'on privilégie comme programmation dans Télé-Québec à venir, quel type de choses. C'est quelque chose à surveiller, disons. Mais ça ne va pas de soi, je ne dirais pas qu'une télévision éducative va laisser à distance. Ça peut aider à créer les liens, refléter la diversité de la population québécoise, par exemple, et aider à faire le lien entre différentes personnes et différentes régions qui peuvent être mieux connues même.

Le Président (M. Payne): Bien. Alors, je voudrais remercier tout le monde. Ça vous va, M. le député de Taschereau?

M. Gaulin: Oui, oui, merci.

Le Président (M. Payne): On va suspendre et reprendre à 20 heures, même place, avec les conseils régionaux de la culture. Merci, madame et le Conseil supérieur de l'éducation. On suspend.

(Suspension de la séance à 17 h 58)

(Reprise à 20 h 10)

Le Président (M. Payne): À l'ordre, s'il vous plaît! On va commencer sans délai. Je voudrais convoquer, s'il vous plaît, la Conférence nationale des conseils régionaux de la culture. Si vous voulez prendre place en avant, en vous présentant, votre porte-parole et vos collègues. Je vous indique que vous avez 20 minutes pour votre exposé, pas plus. Excusez-moi, avec le réajustement, le décalage horaire, ça va être 10-10-10, selon l'entente que nous avons. On s'est entendu avant le souper.

Alors, je vous invite à être très précis, concrets, directs, avec la proposition, ce soir, qu'après souper je pense que c'est une atmosphère peut-être décontractée. Je voudrais évoquer un débat sur le fond avec une certaine rapidité dans les réponses et les questions de la part des parlementaires et d'autres. C'est de cette façon que je voudrais animer la situation. Ce n'est pas une place pour les monologues, mais plutôt pour un échange direct. Beaucoup de parlementaires ont beaucoup de questions et, vous, vous avez tout intérêt à être précis, parce que c'est sur le temps du parlementaire qui a la parole. Avec ce règlement général de conduite, je vous invite à prendre la parole sans délai.


Conférence nationale des conseils régionaux de la culture

M. Pilote (Bernard): Merci, M. le Président. Mesdames, messieurs, Mme la ministre, je suis accompagné de Mme Lise Beauchemin, directrice du Conseil régional de la culture de Lanaudière, et de M. Pierre Lapointe, qui est directeur du Conseil de la culture Abitibi-Témiscamingue. Bernard Pilote. Il y a M. Raynald Harvey qui accompagne le groupe aussi, qui est de la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean. Moi-même, je suis président du Conseil régional Saguenay–Lac-Saint-Jean et de la Conférence des conseils régionaux de la culture.

Alors, c'est avec beaucoup de fébrilité que les membres de la Conférence des conseils régionaux de la culture ont pris connaissance du rapport du Groupe-conseil sur la mission de Radio-Québec. Pour les régions du Québec, la centralisation des médias de l'industrie télévisée est un drame fondamental aux lourdes conséquences sociales, culturelles et économiques. La Loi sur la SRTQ de 1979, qui créait une société de télévision publique ayant une préoccupation culturelle et assurant une présence effective dans les régions, avait fait naître l'espoir de redresser en partie le déséquilibre existant. Au cours de la dernière décennie, nos espérances se sont, cependant, peu à peu estompées.

En cette période où le concept de décentralisation émerge comme «la clé des réponses à une foule de questions qui se posent actuellement au Québec», nous croyons que la société québécoise doit se donner un service public de télévision vraiment distinct, ayant pour mission de combler quelques-uns des immenses vides de son paysage médiatique. La Conférence appuie donc, dans ses grandes lignes, la proposition du rapport du Groupe-conseil qui prévoit la transformation de Radio-Québec en Télé-Québec. Loin d'être inconditionnel, cependant, cet appui s'accompagne de demandes particulières.

Le passif accumulé par Radio-Québec en région, passif composé de nombreux espoirs déçus, d'attentes inassouvies et d'interruptions abruptes de projets de carrière pour les professionnels affectés, justifie amplement notre circonspection foncière et nous enjoint d'exiger de sérieuses garanties quant à la pérennité de la régionalisation proposée.

L'énoncé de mission. Alors, la Conférence nationale des conseils régionaux de la culture approuve l'énoncé de mission contenu dans le rapport du Groupe-conseil, mais estime que, en tant que service public de télévision, Télé-Québec doit avoir le mandat de corriger certaines des inéquités flagrantes de l'offre télévisuelle actuelle dont souffre la moitié de la population québécoise qui n'a pas le privilège médiatique de vivre dans un grand centre urbain.

Nous proposons, également, que les aspects éducatif et culturel – transmission des connaissances et des reconnaissances – qui composent sa mission soient mieux imbriqués de manière à ce que la promotion de la vie culturelle n'apparaisse pas, ni dans les mots, ni dans les faits, comme étant la proposition mineure de la mission de Télé-Québec. En offrant un appui actif à la vie culturelle dans toutes les régions, Télé-Québec contribuerait à pallier, dans une certaine mesure, les effets néfastes que la centralisation outrancière exerce sur une proportion importante des artistes et des créateurs québécois.

Inscrire la régionalisation dans les gènes de la nouvelle structure. Nous appuyons la proposition structurelle concernant Télé-Québec à condition que le principe de régionalisation soit inscrit dans les gènes mêmes de la nouvelle structure. Cela peut prendre la forme d'une direction ou de toute autre entité administrative, dans la mesure où celle-ci sera effective et non pas cosmétique, qu'elle sera positionnée stratégiquement et verrouillée dans l'organigramme pour qu'on ne puisse pas l'écarter ou l'étioler progressivement. Dans la perspective de renforcer la présence de Télé-Québec dans la capitale, on pourrait fort bien y localiser cette entité régionale.

Nous tenons à ce que Télé-Québec permette aux régions de faire valoir auprès des instances décisionnelles des projets d'émissions émanant de leurs milieux, d'avoir accès ou d'être parties prenantes à des projets de production panquébécoise, d'être en intercommunication avec l'ensemble des autres régions du Québec.

Une participation régionale directe dans le processus de programmation. Pour appuyer l'idée de créer un comité externe de programmation, le Groupe-conseil met une emphase particulière sur la nécessité, pour Télé-Québec, de systématiser ses relations de partenariat. Si cette nécessité vaut pour les institutions nationales, elle devrait également s'appliquer pour répondre aux besoins et aux attentes des régions. La Conférence demande donc que les régions soient parties prenantes du processus d'élaboration de la programmation, et non pas seulement à titre consultatif. Dans cette optique, les bureaux régionaux pourraient s'employer à relayer les besoins et les projets de production de leurs milieux vers l'entité des régions qui, elles, participeraient directement à l'élaboration de la programmation.

Nous demandons aussi que les intervenants du secteur de la culture et de l'éducation des régions soient directement représentés au sein du comité externe de programmation. Il existe des intervenants nationaux représentant chacune des régions, ayant des préoccupations et disposant d'expertises dans le domaine télévisuel, qui se feraient sûrement une joie de participer à ce comité. La Conférence nationale des CRC est de ceux-là.

Refléter toutes les réalités régionales. La Conférence approuve évidemment avec enthousiasme le principe voulant que «Télé-Québec renforce ses équipes régionales et utilise les facilités de production disponibles afin de refléter sur l'ensemble du réseau les multiples réalités régionales du Québec». Cependant, la proposition de limiter à 10 le nombre des grandes régions administratives se situe en porte-à-faux avec cette volonté de refléter adéquatement les multiples réalités régionales. S'il est économiquement justifié de maintenir des facilités de production dans chacune des 16 régions administratives, il reste indispensable de le faire partout où une masse critique le justifie et de garantir formellement le respect des identités régionales fondues dans de plus grands ensembles.

Le renforcement de l'industrie télévisuelle en région. Nous croyons que Télé-Québec, en tant que service de télévision public, devrait réserver une place très importante aux idées, aux projets et aux productions régionaux dans sa programmation. Dans les régions, un accroissement de la production télévisuelle peut provoquer un important effet de levier pour le développement artistique et culturel. Cet enjeu est énorme pour les professionnels concernés. Il faut comprendre que ces derniers n'ont à peu près pas accès à des sources de revenus connexes ou complémentaires – participations télévisuelles, vidéos corporatifs, publicités, doublage, postsynchronisation – et que les milieux artistiques régionaux reçoivent généralement moins que leur juste part démographique du soutien public accordé aux arts et à la culture.

Une vitrine culturelle régionale et synergies interrégionales. Afin de combler les énormes vides médiatiques diagnostiqués dans plusieurs régions du Québec, notamment l'absence de couverture culturelle, le manque de visibilité à la fois des créateurs régionaux et de leurs créations, la Conférence demande donc à Télé-Québec de devenir une vitrine de cette vie culturelle qui bat et se bat en région.

(20 h 20)

Nous lui demandons aussi de réinventer un espace interrégional à la place de l'hinterland créé par la centralisation médiatique en mettant en interaction les régions du Québec, leurs idées, leurs créateurs, leurs dynamismes locaux qui se font inévitablement intercepter au passage lorsque devant passer dans le filtre du grand tout national. Voilà là une occasion unique pour Télé-Québec d'aller glaner à la concurrence des portions intéressantes d'auditoire et de s'assurer par le fait même d'intéressants revenus commerciaux.

En conclusion – j'y arrivais – la Conférence nationale des conseils régionaux de la culture croit que Télé-Québec peut se construire une personnalité propre en comblant une partie des vides médiatiques existant au Québec non pas dans une banale vocation complémentaire, mais plutôt en privilégiant une approche dynamique et moderne de services publics pertinents et viables. Nous demandons que la préoccupation régionale soit accentuée dans le libellé même de la mission de base de Télé-Québec et qu'on y fasse explicitement mention d'un appui actif à la vie culturelle dans toutes les régions du Québec.

Un tel engagement régional et culturel doit être verrouillé au sein de la nouvelle structure organisationnelle, se refléter dans le processus de programmation et se traduire par un renforcement de la production télévisuelle privée en région. C'est là, à notre avis, le prix d'une adhésion totale et enthousiaste de la part des milieux régionaux envers une institution qui, par le passé, leur a causé des déceptions aussi grandes que les espoirs qu'elle avait d'abord fait naître.

En acceptant de devenir la vitrine de la vie culturelle de toutes les régions du Québec, un espace où se développe une synergie interrégionale, Télé-Québec se donnera elle-même un accès à tous les partenaires possibles en région. Voilà l'essentiel de ce qu'on voulait livrer à la commission et nous sommes disponibles pour répondre à vos questions, s'il y a des éclaircissements.

Le Président (M. Payne): Je vous remercie beaucoup, M. Pilote. On est dans la préoccupation, donc, on comprend bien, régionale. Et, si je comprends quelque chose, c'est que les membres de la Conférence estiment que le mandat, peut-être, n'est pas assez clair. Et, peut-être même dans le libellé de la mission, ça devrait être bien plus explicite, c'est quoi, la vocation pour les régions. Et vous indiquez, deuxièmement, si je comprends bien, que vous êtes des partenaires pas passifs dans cette vocation, mais aussi des partenaires qui ont un rôle à jouer comme aviseurs, comme surveillants et aussi des partenaires qui peuvent contribuer de la façon la plus pragmatique.

Est-ce qu'il y a des interventions là-dessus? M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci beaucoup, M. le Président. D'abord, permettez-moi de souhaiter la bienvenue à Mme Beauchemin, M. Pilote, M. Lapointe, M. Harvey. Merci beaucoup de vous être déplacés, mais, surtout, merci beaucoup d'avoir apporté autant d'attention à votre mémoire. Je pense que, pour nous, c'est une excellente manière justement de saisir toute l'importance de cette préoccupation des régions. Et je pense que, avec les contraintes qui ont été imposées ce soir, vous l'avez fait avec brio.

Je commencerais, M. Pilote, en faisant référence à quelque chose que vous avez mentionné au début de votre intervention. Vous avez mentionné – et ce n'est pas des mots qui passent inaperçus, ces jours-ci – effectivement, qu'on avait besoin, dans notre société, d'une télévision d'État ou publique qui était distincte. Et vous avez particulièrement fait référence, donc, à cette préoccupation des régions. Je mets ça ensemble avec les interventions qu'avait faites, plus tôt aujourd'hui, le député de Pointe-aux-Trembles, que j'ai trouvées fort pertinentes, lorsqu'il a mentionné que, dans le contexte actuel, il faut composer avec certaines réalités.

Mme la ministre nous a fait référence au fait qu'il y a des choses qui sont régies au niveau fédéral, à l'heure actuelle, sans apport suffisant – et je suis d'accord avec elle là-dessus – de la part du Québec. Par contre, avant de dire que c'est les structures qu'il faut changer ou les règles extérieures, il faut toujours – c'est un principe, une philosophie personnelle – faire du mieux qu'on peut avec ce qu'on a.

Alors, comme vous le dites si bien, une des choses qu'on a, au Québec, c'est le pouvoir, l'autorité, la compétence, la juridiction d'intervenir étatiquement au niveau de ce très important média qu'est la télévision. Et, si je vous entends bien, vous êtes en train de dire que vous craignez que, de la manière dont c'est présenté ici, cette facette importante de cette télévision d'État, qui est la préoccupation pour les régions, n'est pas suffisamment couverte avec le projet tel qu'explicité. Est-ce que je traduis bien votre pensée?

M. Pilote (Bernard): On a beaucoup d'inquiétude. On a connu Radio-Québec, il y a 15 ans, dans les régions avec une certaine vitalité et puis ça s'est désagrégé tranquillement pour finir par une activité presque nulle en région. Et ce qu'on fait comme mise en garde aujourd'hui, c'est dire: Oui, on souhaiterait que Radio-Québec véhicule véritablement les préoccupations des régions. Pour nous, c'est un véhicule absolument important, justement pour faire connaître la culture des régions. On représente les milieux culturels. On aimerait que Radio-Québec intensifie, vienne produire et ait des activités de plus en plus importantes en région.

Cet après-midi, c'était rassurant d'entendre le président de Radio-Québec nous dire qu'éventuellement il allait y avoir jusqu'à sept ou neuf personnes qui travailleraient dans les bureaux de Radio-Québec en région. Alors, va pour ça. Mais, nous, on pense que ce n'est pas tout d'avoir des gens qui travaillent en région; il faut avoir une préoccupation des productions qui se font en région. Et, là-dessus, ce n'est pas seulement le fait d'avoir des employés en région, mais on pense que les artistes en région doivent être mis à profit justement. Et c'est un des véhicules importants pour eux de pouvoir gagner une partie de leur vie et de pouvoir pratiquer leur profession, de pouvoir...

M. Mulcair: Localement.

M. Pilote (Bernard): ...continuer localement en région. Et puis c'est un véhicule où on peut lancer nationalement des choses intéressantes qui se font en région, alors, dans les 16 régions du Québec, comme dit Mme Beauchemin.

Le Président (M. Payne): Une question, d'abord, M. Pilote. Est-ce que vous considérez que vous êtes suffisamment représentés dans les régions par Radio-Québec? Question simple et directe.

M. Pilote (Bernard): Bien, actuellement, non. Il y a très peu d'activités de Radio-Québec, actuellement, dans les régions. Maintenant, dans ce qu'on peut envisager, je pense que, oui, il y a des possibilités d'avoir à nouveau des productions régionales. Et c'est ce qu'on espère.

Le Président (M. Payne): Parce que ce que mon collègue de Chomedey invoque, c'est pertinent à la discussion. Quelles sont les ressources, premièrement, en région concernant une possible production, quels sont les coûts, mais surtout quels sont les débouchés, c'est-à-dire les vitrines de sortie? Parce que, si nous, spectateurs, regardons la vitrine, de l'autre côté de la vitrine, c'est la réalité des régions. Si la réalité est là, il faut avoir à la fois les moyens de production, mais aussi un minimum d'infrastructures pour avoir accès à cette vitrine-là. Quels sont vos commentaires?

M. Pilote (Bernard): Est-ce que vous me posez la question à savoir s'il y a assez de vitalité culturelle dans les régions pour pouvoir...

Le Président (M. Payne): Non, non. Je prends ça pour acquis.

M. Pilote (Bernard): J'espère. Ha, ha, ha! C'est que, actuellement, il y a très peu d'équipement en région. On a perdu tous nos gens, dans la plupart des régions. Puis, moi, je viens d'une région où on ne n'est pas trop appauvris, quand même. Mais les gens qui voulaient oeuvrer dans le domaine de la télévision ont dû quitter les régions depuis les 10, 12, huit dernières années.

Le Président (M. Payne): C'est ça. Ma question est complémentaire à la remarque de mon collègue. Ça prendrait quoi en région pour réaliser votre objectif ou rêve de voir refléter cette réalité culturelle des régions?

M. Pilote (Bernard): Bien, nous, ce qu'on recherche, c'est qu'il y ait des productions régionales et diffusées nationalement. C'est carrément ce que l'on recherche. Je veux dire, on a du théâtre, on a de la musique, on a toutes les formes d'art en région, mais, souvent, notre problème, c'est la diffusion. Et Radio-Québec, pour nous, c'est un des canaux importants où on pourrait diffuser, où on pourrait véhiculer la production des régions dans l'ensemble des régions du Québec et, comme on l'indique dans notre mémoire, de faire de l'interrégional, aussi. Alors, c'est une possibilité. Oui, monsieur.

M. Lapointe (Pierre): Si je peux ajouter quelque chose à ce niveau-là, je pense que, aussi, non seulement...

Le Président (M. Payne): M. Lapointe, je crois.

M. Lapointe (Pierre): C'est ça, oui. On a non seulement, effectivement, une vitalité culturelle dans les régions, mais il y a aussi, dans plusieurs régions du Québec, des expertises en ce qui concerne la production télévisuelle et ces expertises-là, on ne les utilise pas assez. On les a utilisées pendant un bout de temps, on les a perdues jusqu'à un certain point, mais il y a encore des noyaux de base qui sont là et qu'on devrait pouvoir développer à travers Télé-Québec. Ça, ça serait très important, aussi. Et il y a des compétences qui sont là, qu'il faudrait remettre en selle, simplement rééquiper, et qui pourraient produire.

(20 h 30)

Le Président (M. Payne): Mon collègue de Chomedey.

M. Mulcair: Oui, brièvement, M. le Président, parce que ma collègue de La Pinière voudrait utiliser aussi son droit de parole. On a tous vu, par le passé, des souhaits. Vous avez parlé d'un espoir, même. Mais, lorsqu'il s'agit d'imposer un résultat, que ça soit aux termes de choses aussi disparates que les programmes d'accès à l'égalité ou encore pour le pourcentage de musique produit ici au Québec ou au Canada qui doit passer en ondes, vous savez que, parfois, ça prend une indication du résultat à atteindre.

Est-ce que, selon vous, il serait souhaitable, voire même nécessaire, aux termes de la législation ou aux termes d'un engagement formel quelconque, que l'État, le ministère, le gouvernement s'engagent formellement à ce qu'une partie x importante de cette production se fasse en région justement pour que cette expertise, ce travail, ces professions, ces métiers, cette expérience s'acquièrent en région et se développent là-bas aussi? Est-ce que ça prendrait donc plus qu'un voeu, sans doute bien intentionné, mais un voeu néanmoins, exprimé par le président de Radio-Québec auquel vous faites référence?

M. Pilote (Bernard): Je pense que vous répondez à la question. Nous, c'est ce qu'on souhaite justement d'intensifier la production en région et, si ça doit apparaître dans la nouvelle loi sur Radio-Québec, bien, oui, on pense que ça devrait y être. Même qu'on tend la perche aussi à Télé-Québec en offrant de participer au comité externe de production. On voudrait, nous, aller représenter, à l'intérieur de la structure même de Télé-Québec, justement les régions, aller continuer à véhiculer la préoccupation des régions. Je pense que c'est important, au Québec. C'est la moitié du Québec, les régions. Alors, on ne peut pas les laisser pour compte. On est là, on a le goût de continuer à se développer et je pense que, bon, Radio-Québec, c'en est un des volets importants pour les artistes et pour les créateurs en région.

Le Président (M. Payne): Non, un instant, c'est moi qui... Je suis dans l'alternance. Par contre, si c'est sur le même sujet, je vous accueille avec plaisir, Mme la députée de La Pinière. Sinon, j'inviterai quelqu'un de l'opposition.

M. Mulcair: Nous, on est l'opposition; vous êtes le gouvernement.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Payne): Il n'y a pas d'opposition ici.

M. Mulcair: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Payne): Avec plaisir.

Mme Houda-Pepin: Nous sommes tous des membres de la commission. Merci, M. le Président. Vous avez soulevé un point qui me semble très important, et je pense qu'il est central dans votre mémoire, quand vous avez parlé de la sous-représentation des régions dans la programmation de Radio-Québec. Et vous proposez que la régionalisation soit présente d'abord au niveau de la programmation nationale. Vous exprimez aussi des frustrations parce que cette programmation régionale n'est pas diffusée sur le plan du réseau national. Il existe déjà, dans certaines régions, les télévisions communautaires qui rejoignent déjà un certain public. Comment voyez-vous l'arrimage entre les télévisions communautaires, là où elles existent, où elles couvrent des territoires au niveau des régions, et ce que vous demandez par rapport à l'importance que vous voulez donner à la régionalisation?

Et, subséquemment, j'ajouterais que vous proposez également que la régionalisation soit inscrite dans la nouvelle structure. Donc, ce n'est plus uniquement en termes de contenu et de réseau de diffusion, mais vous voulez que ce soit inscrit dans le schéma d'organisation même de Radio-Québec. Ma question: Dans le contexte de la rationalisation des ressources à laquelle est confrontée Radio-Québec, comment voyez-vous l'opérationalisation de cette proposition d'intégrer la régionalisation au coeur même du schéma d'organisation?

M. Pilote (Bernard): Sur le deuxième aspect de la question, la régionalisation, nous, on vit actuellement des relations avec un ministère, qui s'appelle le ministère de la Culture et des Communications, et on a une instance, qu'on appelle un comité bipartite, qui nous permet quelques fois par année de nous réunir avec des personnes qui dirigent le ministère de la Culture, Mme la ministre et des personnes de différents programmes, pour pouvoir leur faire les doléances un peu des milieux régionaux, leur dire de quoi les créateurs en région ont besoin.

Alors, c'est un peu la même chose qu'on souhaite ici avec Radio-Québec, c'est d'être leur antenne des régions et d'être capables de se réunir, d'avoir un comité. On ne demande pas une structure lourde; on veut un endroit, qui s'appelle un comité bipartite ou un comité national, ou un comité des régions, où on pourra, quelques fois par année, se réunir et exprimer ce que l'ensemble des régions du Québec a comme préoccupations et ce qu'on pourrait envisager comme développement dans l'avenir.

On trouve que c'est concluant depuis quelques années avec le ministère de la Culture, depuis cinq ou six ans; on est en train de le mettre en place avec le Conseil des arts et des lettres du Québec et on pense que c'est un bon moyen d'aller établir justement une bonne relation et ça ne coûte pas cher, ces choses-là. C'est simplement donner la parole au monde des régions. Nous, on représente l'ensemble des créateurs et créatrices des régions du Québec. Alors, très rapidement, on est capables d'aller chercher l'expertise, d'aller chercher les besoins des régions et de l'exprimer auprès d'une instance, et on pense que Radio-Québec devrait nous ouvrir cette porte-là à l'intérieur de sa structure.

Le Président (M. Payne): Merci beaucoup, M. Pilote. Avec cela, le temps est épuisé du côté de l'opposition.

Mme Houda-Pepin: J'aimerais ajouter une autre petite question courte.

Le Président (M. Payne): Malheureusement pas, parce qu'on me rappelle que j'ai utilisé le temps du côté ministériel avec ma propre intervention. Je dois être rigide à votre égard aussi. C'est dépassé déjà depuis deux minutes. Mais, de toute manière, Mme la députée, c'est un débat, c'est une discussion de fond; ce n'est pas des chicanes de temps. On est dans la même piscine. Du côté ministériel? Tout à fait, M. le député de Taschereau.

M. Gaulin: Je voulais simplement, d'abord, vous dire que je trouve votre mémoire stimulant. Je reviens à la page 13 de votre mémoire où vous parlez de mettre en intercommunication les régions, de créer ou de réinventer l'espace interrégional. Vous venez justement de parler du fait qu'il y avait une sorte de lieu, de grand filtre national ou de grand centre de décision national. Est-ce que j'ai bien compris tout à l'heure que vous auriez aimé que ce soit rattaché plutôt à la capitale qu'à Montréal ou si j'ai compris comme un député de la région de Québec?

M. Perreault: C'est bon, ça.

M. Gaulin: C'est bon, hein, M. Perreault?

M. Perreault: La dernière partie est bonne.

M. Pilote (Bernard): Ce qu'on appelle national pourrait bien être montréalais, mais, effectivement, nous souhaitons que ce soit plus rattaché à la capitale nationale.

M. Gaulin: J'avais bien compris.

Le Président (M. Payne): Il reste deux ou trois minutes. Alors, rapidement, M. le député, ou peut-être Mme la députée de Sherbrooke.

Mme Malavoy: Merci, M. le Président. La question des autoroutes de l'information m'intéresse beaucoup et c'est un dossier sur lequel on travaille à cette même commission. Vous soulignez que Radio-Québec pourrait être mise à contribution pour sensibiliser et éduquer la population face à cette nouvelle réalité. Je suis tout à fait d'accord avec le principe, mais j'aimerais peut-être que vous me disiez un petit peu plus comment, selon vous, Radio-Québec pourrait mettre à profit son expertise. Parce que c'est un domaine dans lequel les choses vont extrêmement vite et, si on n'arrive pas à trouver une bonne piste rapidement, on risque d'avoir de bonnes intentions, mais, dit de façon un peu simple, de se faire damer le pion par les progrès des autoroutes de l'information. J'aimerais vous entendre un peu là-dessus.

M. Pilote (Bernard): Alors, ça va tellement vite dans l'autoroute de l'information que je vais vous passer M. Lapointe qui, lui, est plus à point que moi dans ce domaine-là, Mme Malavoy.

(20 h 40)

M. Lapointe (Pierre): Simplement vous dire que, dans notre mémoire, effectivement, on fait état de ça; on reprend un peu une recommandation du rapport Berlinguet sur l'autoroute de l'information. Et on demande effectivement à Radio-Québec d'appliquer ça, mais d'aller au-delà de ça aussi pour les régions en particulier où on dit: Avec ces facilités-là qui sont en train de se mettre en place, par exemple, lorsqu'on parle de faire de l'habillage de chaîne avec de l'infographie – quand on fait une émission de télévision, nécessairement il faut l'habiller avec de l'infographie quelque part – pourquoi ne pas aussi, à ce moment-là, profiter du fait que maintenant on a l'autoroute de l'information à portée de la main pour développer, en fait, pour faire un transfert de technologie du côté des régions à ce niveau-là, par exemple, donner des contrats en région au niveau de l'infographie et, donc, aussi, faire profiter des créateurs des régions à ce niveau-là? C'est une des façons qu'on voit aussi possibles d'utiliser l'autoroute de l'information avec Radio-Québec.

Le Président (M. Payne): C'est très bien. Je vous remercie beaucoup – si vous me permettez, Mme la députée de Sherbrooke – un excellent échange. Je vous remercie beaucoup, M. Pilote et vos collègues, pour une perspective des régions. J'espère que vous pourrez rester des nôtres au moins pour la fin de la soirée, parce que ça continue. À la prochaine.

M. Pilote (Bernard): On a tendu la perche et on est prêts à continuer la discussion dans les mois et les années à venir.

Le Président (M. Payne): On est à l'écoute.

J'invite donc la Centrale de l'enseignement du Québec.

(Consultation)

Le Président (M. Payne): Je ne veux pas perdre de temps. On va commencer, si je comprends bien, avec un petit vidéo de deux ou trois minutes, c'est ça? Par la suite, Mme Pagé va faire un exposé de quoi, 30 minutes?


Centrale de l'enseignement du Québec (CEQ), Syndicat des employés en radio-télédiffusion de Radio-Québec (SERT) et Association des réalisateurs de Radio-Québec (ARRQ)

Mme Pagé (Lorraine): Ça dépassera peut-être 30 minutes de quelques minutes.

Le Président (M. Payne): Légèrement, on en convient.

Mme Pagé (Lorraine): Je fais appel à votre tolérance, à votre compréhension.

Le Président (M. Payne): Et, à ce moment-là, on s'entendrait pour 45-45, de part et d'autre, dans la mesure où il y a consentement pour un dépassement de notre temps normal. Ça va?

Mme Pagé (Lorraine): Parfait.

Le Président (M. Payne): On y va.


Projection d'un vidéo

Mme Pagé (Lorraine): C'était une production maison et, comme nous allons parler de Radio-Québec, la façon la plus éloquente probablement de commencer cette présentation, c'était de vous présenter ce vidéo qui a été réalisé par les producteurs et les réalisateurs de Radio-Québec.

Alors, Mme la ministre, M. le Président, Mmes et MM. les députés, je voudrais d'abord vous remercier de nous accueillir et vous présenter les membres de la délégation CEQ, ce soir. Alors, en commençant avec mon extrême gauche, M. Jacques Poulin, qui est président du Syndicat des employés en radio-télédiffusion de Radio-Québec, il est technicien donc; M. Louis Charest, président de l'Association des réalisateurs de Radio-Québec; M. Pierre Beaulne, économiste à la CEQ, et M. Luc Allaire, conseiller au service des communications de la Centrale.

Alors, le vidéo l'a dit, cela fait plus de 25 ans que Radio-Québec est au service des Québécoises et des Québécois. D'entrée de jeu, je veux vous dire que la CEQ est très attachée à Radio-Québec, d'abord parce que c'est la télévision éducative et les membres de la CEQ, qui oeuvrent très majoritairement en éducation, sont en mesure, mieux que quiconque, d'évaluer l'importance du rôle de Radio-Québec comme complément au travail qui se fait dans les institutions d'enseignement.

Nous sommes attachés aussi à Radio-Québec parce que cela signifie pour nous de nombreuses séries d'émissions qui nous ont profondément marqués, tout comme elles ont marqué des publics de tous les âges, à commencer par les enfants. On parle de la génération de Passe-Partout . Enfin, nous sommes attachés à Radio-Québec parce que nous avons le privilège de compter dans nos rangs des artisans de Radio-Québec. Ces noms qui apparaissent au générique des émissions de Radio-Québec ont pour nous un visage et ce sont nos collègues techniciens et réalisateurs, syndiqués à la CEQ.

La commission s'est donnée le mandat d'examiner l'adéquation entre les recommandations du Groupe-conseil sur la mission de Radio-Québec et les besoins de la société québécoise. Alors, je voudrais commenter chacun des aspects que la commission a convenu d'étudier: la réponse aux défis posés par l'émergence d'une société du savoir, le soutien au développement culturel, le rôle de levier de la télévision éducative et culturelle et le reflet des multiples réalités, et, par la suite, aborder succinctement certains aspects qui, à notre avis, auraient dû être abordés par la commission, plus particulièrement la question de l'autonomie de Radio-Québec et l'intention manifestée par le Groupe-conseil de privatiser la production de Radio-Québec.

D'abord la réponse aux défis posés par l'émergence d'une société du savoir. Nous étions d'accord avec le mandat confié au Groupe-conseil de redéfinir la mission de Radio-Québec dans le sens d'un recentrage de son intervention en matière éducative et culturelle. Cependant, le rapport du Groupe-conseil nous a déçus à plusieurs égards. En premier lieu, sa recommandation concernant la mission de Radio-Québec, qu'on rebaptise Télé-Québec, est tellement vague qu'elle pourrait, à notre avis, convenir à la plupart des télédiffuseurs, qu'ils soient privés ou publics.

Que l'on prenne TVA ou Radio-Québec, tous deux pourraient avoir pour mandat ce que suggère le Groupe-conseil, soit de refléter les réalités nationales ou régionales; de jouer un rôle majeur dans la promotion des produits culturels; de contribuer à la vulgarisation de la connaissance scientifique et technologique; par les modes de diffusion les plus avantageux, de faciliter l'accessibilité de ses produits à tous les publics concernés et de faire appel à de nouveaux supports technologiques susceptibles de favoriser l'acquisition de connaissances.

Où est dans cette mission la spécificité de Radio-Québec? Au moment où le paysage audiovisuel québécois se diversifie, où se multiplient les canaux spécialisés, il est primordial de bien définir, de mieux définir le créneau de Radio-Québec en tant que télévision éducative. Nous renouvelons donc aujourd'hui notre appui à la mission éducative et culturelle de Radio-Québec, convaincus que nous sommes qu'elle a un rôle essentiel à jouer dans l'accès aux ressources éducatives et culturelles pour le plus grand nombre possible de Québécoises et de Québécois.

La CEQ souhaite que la mission de Radio-Québec soit réellement recentrée sur son intervention en matière éducative et culturelle. Pour atteindre cet objectif, Radio-Québec pourrait construire sur ses acquis. En effet, Radio-Québec a démontré par le passé que des émissions éducatives pouvaient être intéressantes, captivantes, qu'elles pouvaient rejoindre un vaste public. Elle s'est toutefois empêtrée, depuis le début de son histoire, dans l'ambiguïté d'une mission mal définie.

(20 h 50)

Or, non seulement le rapport du Groupe-conseil ne lève pas cette ambiguïté, mais il présente des propositions contradictoires, à notre avis. Ainsi, il affirme, d'une part, mettre la priorité sur la mission éducative, sans toutefois donner aucune indication sur la façon de traduire cela dans la programmation. D'autre part, les seules précisions qu'il fournit concernent le renforcement des équipes régionales et la couverture des travaux de l'Assemblée nationale. C'est assez mince pour recentrer sur une mission éducative et culturelle.

Comment le recentrage pourrait-il se traduire dans la programmation? Dans un premier temps, nous souhaitons que Radio-Québec maintienne et accentue sa présence dans les émissions jeunesse. Jusqu'ici, Radio-Québec a acquis une notoriété enviable – pensons à Passe-Partout , au Club des 100 watts – mais nous craignons que Radio-Québec abandonne ce secteur. Or, un abandon ou une diminution de l'investissement dans le secteur jeunesse serait dramatique, car il est déjà délaissé par les autres producteurs compte tenu que la publicité est interdite durant ces émissions.

Si la télévision publique et éducative délaisse ce secteur, qui prendra la relève? Le Groupe-conseil reconnaît l'importance de maintenir le secteur jeunesse. Il rappelle, à juste titre, que les jeunes passent plus de temps devant le téléviseur qu'ils n'en passent en classe. Il ajoute qu'il importe de conjuguer les forces de l'école et de la télévision pour ajouter à la formation donnée à l'école, mais il ne dit pas comment cela se traduira dans la programmation.

Radio-Québec a démontré, par le passé, qu'elle pouvait produire des émissions intéressantes qui atteignaient des objectifs d'éducation populaire et de formation continue: l'émission Graffiti , par exemple, l'émission Tandem . Toutes ces émissions ont permis de démystifier certaines réalités. Graffiti a permis de démystifier la réalité de l'analphabétisme. De nombreuses personnes analphabètes se sont reconnues à travers cette émission et cela les a amenées à entreprendre elles-mêmes des démarches d'alphabétisation.

Par ailleurs, on ne saurait passer sous silence l'excellent travail que fait, depuis plusieurs années, Janette Bertrand. Ses émissions Avec un grand A , Janette veut savoir , Parler pour parler ont toutes réussi à sensibiliser un très large public à des questions parfois délicates qui n'étaient habituellement pas traitées par les autres médias. Sans Radio-Québec, ces émissions et plusieurs autres, Droit de parole , Mode d'emploi , Questions d'argent , Téléservice , n'auraient jamais vu le jour. Le secteur privé, trop attaché aux cotes d'écoute, n'aurait certainement pas tenté d'investir dans ce type d'émission.

À ce sujet, précisons que Radio-Québec a agi à plusieurs reprises comme pionnier pour développer de nouvelles approches télévisuelles dont se sont, par la suite, inspirés les autres télédiffuseurs. Ces émissions respectent le mandat de formation continue qui a été donné à Radio-Québec. Il ne faudrait surtout pas que les compressions entraînent leur disparition ou qu'on leur laisse de si petits budgets qu'elles soient dans l'impossibilité d'atteindre les standards de qualité auxquels nous a habitués Radio-Québec depuis 25 ans.

Nous recommandons donc que Radio-Québec maintienne et accentue son mandat de télévision éducative, ainsi que sa présence dans les émissions jeunesse, et nous recommandons également que Radio-Québec continue à produire des séries d'émissions ayant pour objectifs l'éducation populaire et la formation continue.

Dans son rapport, le Groupe-conseil recommande que la mission de Télé-Québec inclue, entre autres choses, la promotion de la vie culturelle «en jouant un rôle majeur dans la diffusion des produits culturels». Nous sommes tout à fait d'accord avec cette orientation. Toutefois, l'atteinte de cet objectif exigera un sérieux coup de barre. Déjà, en 1991, devant la Régie des télécommunications, nous déplorions le fait que Radio-Québec produisait peu d'émissions d'information et d'interprétation dans le domaine des arts et de la culture, une situation que nous jugions anormale, car elle contrevenait aux objectifs de promotion de la culture québécoise.

Nous constatons, quatre ans plus tard, que la situation s'est détériorée. Il existe pourtant, au Québec, une abondance de productions culturelles. Comme plusieurs de ces productions sont subventionnées, il nous semble que Radio-Québec devrait évaluer, avec les ministères impliqués, la possibilité que soit fixée, comme condition à l'octroi de subventions importantes, la possibilité de diffusion, en direct ou en différé, de certains événements culturels majeurs comme, par exemple, le Festival du jeune théâtre, le Festival mondial de folklore de Drummondville, Musique Multi-Montréal, et on pourrait continuer la liste longtemps. Ce serait une façon d'offrir à l'ensemble de la population québécoise un accès à des événements culturels qui se déroulent parfois en région et auxquels elle contribue par ses impôts.

Quelques mots sur ce que la commission appelle le rôle de levier de la télévision éducative et culturelle. Alors, le Groupe-conseil affirme que, «en faisant appel à de nouveaux supports technologiques susceptibles de favoriser l'acquisition de connaissances, Télé-Québec verra son potentiel de diffusion enrichi. Les nouvelles technologies et, plus particulièrement, l'inforoute permettront une plus grande flexibilité de la diffusion par la multiplication des canaux, l'utilisation de la communication avec le téléspectateur et la diffusion de logiciels d'accompagnement et d'enrichissement des produits télévisuels. Les produits éducatifs bénéficieront ainsi d'une forte valeur ajoutée.»

Nous sommes tout à fait d'accord avec cette orientation et, selon nous, Radio-Québec a un rôle important à jouer afin de favoriser le développement de contenus de langue française sur l'autoroute de l'information. À notre avis, aux trois missions actuelles: producteur, diffuseur et programmateur que Radio-Québec doit conserver, il faudrait en ajouter une quatrième, une mission multimédia. Radio-Québec pourrait ainsi devenir un centre d'application des nouvelles technologies en éducation. Elle pourrait favoriser, par la recherche et le développement, l'accès aux émissions diffusées à Radio-Québec par le truchement de l'autoroute électronique et des ordinateurs multimédias dans les écoles, dans les centres d'éducation populaire, dans les organismes d'éducation populaire. Cette nouvelle mission de Radio-Québec permettrait d'offrir des contenus intéressants sur l'autoroute de l'information, ce que nous jugeons essentiel étant donné l'absence de contenus de qualité en français.

Dans son rapport, le Groupe-conseil accorde une importance très grande aux régions; c'est très bien. D'ailleurs, nous avons toujours souhaité que les ondes de Radio-Québec rayonnent sur tout le territoire québécois et c'est avec amertume que nous avons vu s'abattre le couperet gouvernemental sur la production en région. Par ailleurs, encore aujourd'hui, le signal de Radio-Québec ne se rend pas dans certaines régions du Québec. Et précisons, en passant, que la régionalisation pourrait se faire rapidement et efficacement dans le respect des conventions collectives qui lient Radio-Québec et ses employés.

Fait étonnant, le Groupe-conseil insiste tellement sur la région de Québec qu'il en oublie l'existence de la métropole et toute sa diversité socioculturelle. Cela nous inquiète car, si la région de la capitale constitue la deuxième agglomération urbaine en importance au Québec, la région de Montréal n'en demeure pas moins la première.

Parmi les aspects que la commission a convenu d'étudier, nous constatons quelques omissions flagrantes, notamment les recommandations du Groupe-conseil touchant l'autonomie de Radio-Québec et l'intention de privatiser la production de Radio-Québec. Pour ce qui est de l'autonomie, le Groupe-conseil suggère une révision des lois et règlements afin de confirmer l'autonomie de Télé-Québec dans l'exercice de sa nouvelle mission et d'en assurer l'imputabilité. Nous espérons que cette recommandation sera retenue. Les récents événements qui ont entouré le départ de l'ex-présidente-directrice générale montrent l'importance de cette autonomie face au gouvernement.

Par ailleurs, au moment de la création de Radio-Québec, la Régie des télécommunications s'était vu confier le mandat d'approuver la programmation éducative de Radio-Québec. Le gouvernement du Québec a aboli la Régie des télécommunications. Les communications, au Canada, sont de compétence fédérale. Si Radio-Québec relève de la compétence exclusive du Québec, c'est grâce au caractère éducatif de sa programmation. Mais, maintenant que la Régie des télécommunications est abolie, est-ce qu'il faudrait comprendre que Radio-Québec devrait se présenter au CRTC pour faire approuver sa programmation éducative? Nous avons un petit problème. Alors, nous croyons que la commission de la culture devrait demander au gouvernement du Québec de trouver une solution à ce problème afin que le Québec préserve la seule souveraineté qu'il possède encore en matière de communications.

Par ailleurs, au moment même où le Groupe-conseil dit souhaiter que Radio-Québec bénéficie de plus d'autonomie face au gouvernement, il recommande la mise sur pied d'un comité de parrains formé d'entreprises qui seraient en fait des bâilleurs de fonds. Il nous semble que c'est une curieuse façon d'augmenter l'autonomie de Radio-Québec.

Pour ce qui est de la privatisation, le rapport du Groupe-conseil est explicite. À la page 11, il est écrit que «le Groupe-conseil recommande que, sauf pour les produits d'information et d'habillage de chaîne, la production des émissions éducatives de Radio-Québec soit confiée à des maisons privées de production». Il justifie sa recommandation en affirmant que les producteurs privés peuvent compter sur l'appui financier de diverses sources comme Téléfilm Canada, la Société de développement des entreprises culturelles, les crédits d'impôt, les fonds privés d'aide à la production.

(21 heures)

Il parle d'un effet de levier associé aux mesures d'aide à la production privée. Cependant, le Groupe-conseil omet de dire que les producteurs privés investissent très peu de leur argent dans les coproductions. En d'autres mots, les gouvernements ont créé une situation qui fait en sorte que Radio-Québec n'est plus capable de produire les émissions qu'elle diffuse, et nous trouvons scandaleux que les gouvernements favorisent les entreprises privées en empêchant les télévisions publiques d'avoir accès à ces subventions.

Nous avons rencontré le Groupe-conseil en mai; nous lui avons demandé de recommander au gouvernement du Québec de changer les critères d'attribution de ces subventions et de faire pression sur Ottawa pour que Radio-Québec et Radio-Canada puissent, elles aussi, bénéficier de sources de financement. Il s'agit, après tout, de l'argent de nos taxes. Contre toute attente, le Groupe-conseil a préféré demander au gouvernement d'ajouter un nouvel abri fiscal, parce que nous considérons comme telle la recommandation du Groupe-conseil à l'effet de permettre que les commandites de prestige puissent être comptabilisées dans le calcul du 1 % que les entreprises doivent affecter à la formation et au perfectionnement de la main-d'oeuvre.

Cette recommandation était inadmissible. Les entreprises québécoises sont les entreprises du monde industrialisé qui dépensent le moins pour la formation de leur main-d'oeuvre. Il était hors de question qu'elles puissent utiliser cet argent pour faire de la commandite, fût-elle de prestige. La réglementation sur les dépenses admissibles, qui a été recommandée unanimement à la ministre de l'Emploi par le conseil d'administration de la SQDM, ne contient donc pas de disposition à cet effet.

Par ailleurs, il existe un préjugé tenace selon lequel une émission produite dans le secteur privé coûte moins cher qu'une production du secteur public. Déjà, la direction de Radio-Québec reconnaît que produire à l'interne ne coûte pas plus cher que produire à l'externe. En fait, il en coûte moins cher de produire des émissions de télévision à l'interne, comme le démontre une étude qui a été réalisée conjointement par notre syndicat de techniciens et la CEQ. Et M. Poulin va vous en présenter les grandes lignes.

M. Poulin (Jacques): Bonsoir. Pour justifier son projet de privatiser la production de Radio-Québec, le Groupe-conseil invoque le fameux effet de levier. Selon cette thèse, lorsque Radio-Québec produit avec les producteurs indépendants, ses investissements en production sont doublés, triplés, voire quadruplés car les producteurs privés ont accès à des sources de financement dont Radio-Québec est exclue. Cependant, il est loin d'être acquis que cet effet de levier puisse garantir aux téléspectateurs une programmation présentant suffisamment d'émissions originales variées et de qualité; que la privatisation soit à ce point rentable pour Radio-Québec qu'elle justifie de mettre à pied la moitié du personnel; qu'il en coûterait à ce point moins cher de produire avec le privé qu'il devienne profitable pour le gouvernement de verser des indemnités de départ pour que les employés de Radio-Québec aillent travailler ailleurs et que des gens d'ailleurs viennent travailler à Radio-Québec.

Pour justifier sa recommandation, le Groupe-conseil s'est appuyé sur un document de travail de Radio-Québec, intitulé «Productions externes, véhicules de financement et effets de levier». Après avoir passé en revue les principaux véhicules de financement dont peut disposer Radio-Québec, ce document présente par la suite un modèle théorique de financement pour chacun des types de coproductions, c'est-à-dire avec prestation de services ou sans prestation de services. Précisons que, pour une coproduction avec prestation de services, Radio-Québec investit dans une production en fournissant la main-d'oeuvre, ses studios et ses équipements. Plusieurs émissions sont produites de cette façon, comme Consommaction , Visa-Santé . Inversement, pour une coproduction sans prestation de services, la production est complètement confiée en sous-traitance.

Ce document indique que l'effet de levier est plus important lors des coproductions sans prestation de services parce que la participation de Téléfilm Canada est plus élevée pour ce type de production. Cependant, malgré cela, pour un investissement semblable, la coproduction avec prestation de services génère 166 % plus d'heures de diffusion. Nous ne concluons pas pour autant qu'il s'agit d'émissions de même calibre. Mais, comme Téléfilm Canada privilégie une participation à des documents de qualité et souvent à des documents uniques, les coûts horaires sont plus élevés et Radio-Québec obtient d'heures de diffusion pour les sommes qu'elle investit. Les chiffres sont éloquents: les coûts horaires pour Radio-Québec des coproductions sans prestation de services sont de 50 % plus élevés que celles faites avec prestation de services. De plus, les revenus que Radio-Québec reçoit pour fournir la prestation de services génèrent un profit.

Le document de travail de Radio-Québec confirme aussi que les coproductions sont financées principalement par les fonds publics. Ce sont les producteurs privés qui, dans les faits, bénéficient de l'effet de levier. Non seulement les producteurs privés ne participent pas de façon significative au financement des coproductions, mais ce sont eux qui possèdent les droits, les décors, les accessoires et les archives.

Pour pouvoir privatiser sa production, la direction de Radio-Québec prévoit doubler les fonds investis en coproduction. Pour ce faire, elle devra compter sur une augmentation substantielle des subventions de Téléfilm Canada, qui représentent, actuellement, la part la plus importante du financement des coproductions. À tel point que l'effet de levier est grand uniquement lorsqu'il y a participation de Téléfilm Canada.

Mais, sachant que, depuis 1990, les budgets de Téléfilm Canada affectés au financement des productions télévisuelles ont diminué de manière importante, est-ce réaliste de penser que les budgets de Téléfilm puissent augmenter dans une telle proportion? Selon nous, il serait téméraire d'extrapoler sur une augmentation sensible de la participation de Téléfilm Canada. Mais, même si les budgets de Téléfilm venaient à augmenter, ce ne serait toujours pas la solution car le coût horaire des émissions serait beaucoup trop élevé pour Radio-Québec. La réglementation de Téléfilm Canada fixe le coût de la licence de diffusion à un pourcentage du total du devis de production, ce qui a nécessairement une incidence sur le montant de la participation financière des diffuseurs.

Par ailleurs, c'est bien connu que Téléfilm Canada a des politiques extrêmement rigoureuses quant à l'indépendance des producteurs face aux diffuseurs, particulièrement concernant la prestation de services. On peut comprendre que les producteurs indépendants ont voulu se donner un avantage d'exclusivité afin d'obtenir une part du marché. Par contre, en leur consacrant une telle exclusivité, Téléfilm a créé une situation de concurrence déloyale dont sont victimes présentement les employés de Radio-Québec. Il est, aussi, paradoxal de voir une société d'État, qui exige constamment une augmentation de la productivité de ses employés pour qu'ils concurrencent avec le secteur privé, mettre ceux-ci à pied afin d'avoir accès à des fonds divers de financement de l'État.

Au mois d'août 1995, Radio-Québec a produit un «Scénario financier à long terme» qui présente les budgets de Télé-Québec de 1994-1995 à 2003-2004. Ce document indique que Télé-Québec allouera 25 000 000 $ à la production sur un budget total de 70 000 000 $. Cette somme se répartirait comme suit: 5 000 000 $ en frais directs pour la production maison, soit l'habillage de chaîne et l'information; 3 000 000 $ pour les acquisitions et 17 000 000 $ pour les coproductions.

Selon nos estimations, les productions maison totaliseront 300 heures de diffusion. Nous avons aussi évalué le nombre d'heures en coproduction sans prestation de services que peut procurer un budget de 17 000 000 $. Au coût horaire moyen de 65 000 $ de l'heure, cette somme procurera 262 heures de diffusion. La grille de programmation de Radio-Québec a présenté, bon an, mal an, au moins 1 000 heures de productions et de coproductions originales sur les 4 000 qu'elle diffuse. Une programmation qui prévoit 25 000 000 $ pour 300 heures de production et 262 heures de coproduction, c'est beaucoup d'argent pour peu. Conséquemment, la privatisation de la production ne permettra pas à Radio-Québec de diffuser une quantité suffisante d'heures originales de production pour présenter une programmation attrayante.

Mme Pagé (Lorraine): Alors, comme solutions nous recommandons plutôt que l'organisation du travail et le savoir-faire des employés soient au coeur de la stratégie de développement de Radio-Québec; que Radio-Québec privilégie la production interne et la coproduction avec prestation de services afin de rentabiliser ses installations et d'augmenter son efficience et que Radio-Québec réclame des gouvernements des modifications aux règles d'attribution des subventions de Téléfilm Canada et de la SODEC afin que les télévisions publiques puissent, elles aussi, y avoir accès.

Il y a longtemps que le soutien gouvernemental à l'égard de Radio-Québec n'augmente plus; en fait, en dollars constants, il a diminué de 35 % depuis 10 ans. L'annonce, cette année, d'une réduction de 10 000 000 $, récurrente, dont l'effet structurel serait plutôt de 15 000 000 $, ressemble à une stricte volonté d'obliger Radio-Québec à se redéfinir radicalement. Toute analyse, tout énoncé, toute tentative de relance doit donc disposer du postulat budgétaire: avec 53 500 000 $ de soutien gouvernemental, peut-on encore faire de la télévision éducative au Québec? Et, si oui, laquelle et comment?

Sur cette question, je cède la parole au président de l'Association des réalisateurs de Radio-Québec, M. Louis Charest.

M. Charest (Louis): Mme la ministre, M. le Président, Mmes et MM. les membres de cette commission, mon intervention sera assez brève puisqu'il est inutile de répéter des propos que vous venez d'entendre. Elle sera, cependant, un peu plus émotive, possiblement.

(21 h 10)

Je représente ici plus d'une trentaine de collègues réalisatrices et réalisateurs, permanents et contractuels, en région, à Québec et à Montréal. Plusieurs parmi nous, et j'en suis, oeuvrent depuis plus de 25 ans à Radio-Québec. Nous avons mis notre âme, notre talent, nos convictions au service de Radio-Québec et du peuple québécois qu'elle dessert. Et nous continuerons parce que nous croyons être plus que jamais nécessaires compte tenu de la mouvance actuelle du paysage télévisuel. Preuves de cette mouvance qui ne cesse et ne cessera jamais: les tractations actuelles dans le domaine de la télévision privée, la réduction du financement de Radio-Canada récemment annoncée, la mise en doute inquiétante de la pertinence de Radio-Canada exprimée par le premier ministre, M. Jean Chrétien. Tout cela rend plus que jamais inévitable et impérative une présence forte et résolue de Radio-Québec.

De plus – et c'est incident – il ne faut pas oublier qu'il n'existe pas de réseau radiophonique public québécois, ni AM, ni FM, pour diffuser les voix parlées, chantées, littéraires et philosophiques. Radio-Québec a donc deux espaces à combler. Les enjeux politiques et culturels sont trop grands et trop importants: nous devons en être.

Respectueuse de son mandat éducatif et culturel, mandat auquel nous adhérons de toutes nos forces et depuis toujours, cette télévision – la nôtre, bien sûr – doit demeurer libre, indépendante, audacieuse, forte, créatrice et avant-gardiste. Radio-Québec doit donc privilégier, favoriser et susciter en son sein l'émergence de la création et de la production au coeur même de ses activités éducatives et culturelles. La Société doit être capable de faire confiance à ses artisans et à ses créateurs, puisque nécessité oblige que la Société Radio-Québec allège sa structure administrative et qu'elle réduise cet encadrement omniprésent, inutile, paralysant et coûteux. Cet exercice participera à l'assainissement budgétaire et libérera la pensée créatrice des artisans de cet organisme d'État tenus, ces dernières années, en otage par une lourdeur administrative dominante.

Vous le savez, la «manière noire» de Marc-Aurèle Fortin, «le Penseur» de Rodin, la «Messe en si mineur» de Jean-Sébastien Bach ne sont pas les résultats de travaux de comités réévalués par des sous-comités. Radio-Québec ne doit pas passivement se contenter de programmer et de diffuser des contenus télévisuels; elle doit en être l'instigatrice. En plus d'être un reflet de notre société, elle doit provoquer, participer, faire et risquer la culture. Alors, elle se démarquera et prendra sa place d'une façon permanente si l'audace remplace la prudence et l'initiative le calcul.

Enfin, permettez-moi de citer le philosophe contemporain, Alain Finkielkraut, qui s'exprime ainsi dans «La Défaite de la pensée»: «Le problème auquel nous sommes depuis peu confrontés est différent et plus grave. Les oeuvres existent, mais, la frontière entre la culture et le divertissement s'étant estompée, il n'y a plus de lieux pour les accueillir et pour leur donner sens. Elles flottent donc absurdement dans un espace sans coordonnées ni repères. Quand la haine de la culture devient elle-même culturelle, la vie avec la pensée perd toute signification.»

Mme Pagé (Lorraine): La privatisation de la production repose sur le cliché que le privé peut produire à moins cher – nous avons démontré le contraire – et sur le postulat que l'assiette du financement extérieur peut nourrir une bouche de plus alors même que l'on sait Téléfilm Canada en danger. On privatise la production, mais pas la gestion ni la bureaucratie. Mieux encore, le bataillon des sous-lieutenants gagne en valeur ajoutée puisqu'il fera jonction avec les entrepreneurs.

Pour nous, la production est au coeur de Radio-Québec. En ce sens, nous croyons qu'une part plus importante du budget de 53 500 000 $ devrait lui être allouée. L'investissement devrait donc aller en tout premier lieu vers la production, vers la création et, conséquemment, faire le maximum d'économies possible dans tout ce qui n'est pas utile à la production. Car, après tout, la production n'est-elle pas l'essence même d'une télévision éducative? Radio-Québec représente un acquis essentiel qu'il faut préserver. C'est une télévision nationale, moderne, ouverte sur le monde, qui sait répondre, à l'échelle du Québec, aux besoins des individus et de la société en matière d'apprentissage et de compréhension, de connaissance et d'expression.

Radio-Québec est un outil privilégié d'éducation populaire, un complément au système d'enseignement. Son mandat est éducatif et culturel; sa fonction est de mettre en relation les personnes et les communautés avec l'évolution des idées, des valeurs et de la culture, en regard du développement économique, social, politique et scientifique. Radio-Québec c'est plus de 25 ans au service des Québécois et des Québécoises. Il faut maintenant lui redonner un second souffle pour son prochain quart de siècle. Je vous remercie.

Le Président (M. Payne): Très bien. Ce n'est pas ma langue maternelle, mais, quand je vois un texte de qualité de français comme ça, j'admire énormément. Je vous félicite pour la qualité de votre exposé, Mme Pagé et également M. Bouchard, M. Poulin, en premier temps, M. Beaulne, M. Allaire. Il s'agit évidemment d'une contribution majeure à nos considérations. Un mémoire qui ne laisse personne indifférent parce qu'il touche le fond. Ce n'est pas un débat; c'est une discussion où on se trouve actuellement, et on est là dans le vif de la discussion. Je voudrais entraîner à une discussion la plus animée possible, la plus sérieuse possible pour les prochaines quelques minutes. En temps normal, on doit finir à 22 heures; je voudrais bien qu'on puisse prendre le temps qu'il faut ce soir, s'il y a consentement, mais, jusqu'à nouvel ordre, on a jusqu'à 22 heures. Je vais couper ça en deux, c'est 45 à deux et, si on prolonge, on va en discuter, à ce moment-là, quelques minutes avant. Ça va?

Dans un premier temps, j'invite le député de Mercier à mener la discussion.

M. Perreault: Merci, M. le Président. Bonsoir, Mme Pagé et vos collaborateurs. Écoutez, moi, je ne suis pas du tout un spécialiste des questions de communication, loin de là, mais je vais vous dire un peu comment j'ai compris votre mémoire, très simplement. Je ne sens pas d'immenses débats, même s'il y a des ambiguïtés, des précisions autour des discussions de mandat. Je sens plutôt un débat quant aux choix très opérationnels qui sont faits par la direction en termes de façons de faire et d'organiser pour l'avenir l'organisation à la fois de la production et des services. D'autres avant vous sont venus parler des régions versus la capitale; d'autres, de certaines dimensions du rôle. Je sens moins ça dans votre mémoire.

Je ne sais pas si j'ai bien compris, j'avais compris que M. Fortier nous avait expliqué à peu près ceci. Il avait dit: Écoutez, il y a une partie de l'expertise de Radio-Québec qu'on ne peut pas privatiser, c'est celle qui est en quelque sorte le réseau de personnes, de connaissances, d'habiletés à concevoir et imaginer les émissions à caractère éducatif. Il a dit: Ça, dans le secteur privé, on ne trouve pas ça. C'est quelque chose qui s'est développé à Radio-Québec. Il semblait dire que, par contre, ce qu'on retrouve dans le secteur privé plus facilement aujourd'hui, c'est des gens capables de produire une émission, de livrer en quelque sorte le produit, la vidéocassette, enfin tout ça. Donc, moins au niveau de la conception, de l'orientation des choix pédagogiques, pour utiliser un langage que vous devez connaître; ça, c'était difficile à trouver, mais c'était peut-être plus facile à trouver du côté de l'emballage. Je ne veux pas minimiser, au contraire, la dimension du travail de production.

Puis vous attaquez directement – votre mémoire est au coeur de ça et je ne sais pas si j'ai bien compris, puis j'aimerais que vous m'expliquiez ça, parce que, moi, je ne connais pas ça – vous semblez dire que, dans le fond, ce choix est un petit peu fondé sur une analyse du rôle de Téléfilm Canada, des règles du jeu actuelles de Téléfilm Canada. Vous semblez dire que ce n'est pas acquis pour l'avenir, ça, et donc ce que je comprends de votre mémoire, c'est que cette hypothèse pourrait être comme erronée dépendamment de l'évolution des règles du jeu avec Téléfilm Canada. J'aimerais que vous m'expliquiez ça un petit peu; j'aimerais vous entendre parler de ça.

Mme Pagé (Lorraine): Il y a plusieurs éléments dans votre question. Tout d'abord, vous avez raison, sur un certain nombre de choses, nous donnons un appui aux recommandations du Groupe-conseil en demandant certaines clarifications, certains resserrements, certaines précisions par rapport à des ambiguïtés qu'on a pu déceler. Dans ma présentation, je n'ai pas longuement insisté sur les régions, mais, à l'époque, quand les régions avaient été fermées, nous avions été parmi les principaux intervenants à dénoncer la situation et nous croyons qu'il faut absolument que Radio-Québec donne davantage de rayonnement à la réalité des régions dans sa programmation. Il y a divers moyens qui peuvent être envisagés pour faciliter cette jonction avec les régions, mais, pour nous, c'est une dimension essentielle, même si je ne me suis pas attardée là-dessus très longtemps.

(21 h 20)

Effectivement, il y a une question centrale que vous abordez à la fin de votre question. Oui, les simulations qui ont été faites partent avec la prémisse du fonctionnement actuel de Téléfilm Canada. Nous en montrons les faiblesses, mais, en plus, l'avenir de Téléfilm Canada semble assez précaire par les temps qui courent. Alors, je pense qu'il y a là une voie semée d'embûches.

Deuxièmement – je ne suis pas, non plus, une spécialiste en télévision, moi; je suis plutôt une maîtresse d'école comme diraient certains – je trouve qu'à l'école il faut revenir à l'essentiel et je trouve que, dans une maison de télévision, il faut revenir à l'essentiel, c'est-à-dire faire de la télévision. Je trouve ça assez surprenant qu'un modèle de réorganisation d'une entreprise télévisuelle fait que le secteur qui est le plus touché, c'est le secteur où on fait de la télévision. Il me semble que c'est un peu saugrenu comme approche.

Il nous semble qu'il y a d'autres choix qui doivent être faits, et c'est une question centrale pour nous. Il ne s'agit pas juste de dire: Il y en a d'autres sur le marché. Peut-être qu'il y en a d'autres sur le marché, mais il y en a à Radio-Québec. On «peut-u» s'occuper des gens de Radio-Québec, qui sont là depuis 25 ans, qui ont contribué à faire une télévision de qualité? Regardons comment l'organisation du travail peut être revue, voyons comment on peut repenser l'organisation, le fonctionnement de cela. Mais je trouve ça un peu drôle d'entendre parler aussi sereinement de la mise à pied d'un nombre aussi élevé de personnes, au moment où on s'inquiète de la situation de l'emploi au Québec. Il me semble qu'il y a quelque chose qui ne marche pas là-dedans. C'est cette situation-là que nous avons voulu décrire quand nous mettons, effectivement, bien en évidence ce désaccord que nous avons par rapport à certaines recommandations du comité des sages.

Comme vous avez des questions un peu plus précises sur la production et les règles du jeu du financement, soit M. Beaulne, qui est pas mal plus ferré là-dedans que moi, ou M. Poulin pourront compléter ma réponse.

Le Président (M. Payne): O.K. Pourquoi pas M. Beaulne?

Mme Pagé (Lorraine): M. Beaulne.

M. Beaulne (Pierre): La raison pour laquelle on a évoqué Téléfilm, c'est parce qu'une grande partie du scénario, ça consiste à dire: On va couper la production maison et on va compenser par un recours à des coproductions avec le secteur privé. On a un effet de levier fort, qui a été indiqué comme étant de l'ordre de 4,4 pour un. Pour chaque dollar que Radio-Québec injecte, ça lui donne une valeur de produit de 4,4; pour 6 800 000 $, on a 27 000 000 $ de productions. Alors, on a décortiqué l'ensemble des coproductions, d'ailleurs. On a remarqué, d'abord, que les effets de levier variaient d'une manière importante; la plage varie de un à 55. Par exemple, un film comme Choco, le dernier oasis écologique , c'est un effet de levier de 55; Spirou , c'est 34; le film Léolo , c'était 20. Bon, c'est quasiment des acquisitions. C'est tirer le bouchon un peu loin de mettre ça dans des coproductions.

Mais, quand on regarde le reste, on s'aperçoit que, dépendant que Téléfilm est impliquée ou non, il y a une très grosse différence. Il y a des effets de levier extrêmement importants quand Téléfilm est impliquée, tandis que, quand Téléfilm n'est pas présente, soit pour des documents uniques, soit pour des séries, l'effet de levier est à peu près de 2,5 pour un. Donc, cette thèse-là est valable en autant qu'on peut compter d'une manière solide sur Téléfilm, et ça nous amène à une série d'interrogations sur la dynamique de Téléfilm qui a vu ses budgets réduits régulièrement, au Québec, d'une trentaine de millions à 23 000 000 $ de 1990 à aujourd'hui et dont la survie même était en cause ces jours-ci.

C'est dans ce sens-là qu'on questionne la prudence d'un scénario qui reposerait particulièrement sur Téléfilm, mais, de manière générale aussi, sur l'industrie privée. Parce qu'il faut être bien conscient – on l'a examiné également pour l'année dernière et l'autre année d'avant – que, dans ce qui s'appelle le secteur privé, les productions, ça varie; 73 % des fonds, c'est des fonds publics qui viennent de Radio-Québec, de Radio-Canada, de l'ONF, de Téléfilm, de SOGIC, etc. Il y en avait pour 73 % qui venaient du secteur public, puis, l'année d'avant, c'est à concurrence d'à peu près 90 %.

Le rapport Sauvageau-Caplan avait déjà mentionné que, à toutes fins pratiques, l'industrie privée, c'était surtout des gestionnaires des fonds publics. Alors, compter sur le secteur privé quand on sait que le secteur privé est largement alimenté par des fonds publics qui, ces années-ci, ne sont pas en expansion, ne sont pas en croissance, on s'interroge sur la prudence de ce type de scénario là.

Une voix: Merci.

Le Président (M. Payne): Moi, j'avais une question qui me tracasse depuis quelques semaines. Je voudrais avoir un éclaircissement sur toute la question d'effet de levier pour les coproductions, sans ou avec prestation de services, «in-house», comme on dit en anglais, ou pas. Moi aussi, je suis un peu un néophyte là-dedans. Parce que, effectivement, il y a deux positions: il y a Radio-Québec et il y a vous. Pouvez-vous expliquer davantage c'est quoi, le désavantage dans la coproduction sans prestation de services, c'est-à-dire sans utilisation des services comme l'équipement, comme le savoir-faire, le «know-how», l'infrastructure qui existe à l'intérieur? Je voudrais bien comprendre ça parce qu'il me semble que c'est capital au débat, hein? Est-ce que vous pouvez répondre rapidement? Je vais revenir avec une autre question par la suite.

M. Beaulne (Pierre): Je pourrais peut-être faire une première observation dans le sens que, quand on parle de coproduction, il faut être bien conscient de ce qu'on a comme produit au bout de la ligne, parce que ça, ça ouvre à des droits de diffusion un certain nombre de fois d'une émission. Mais les droits de propriété, les archives, le matériel de tournage, les accessoires, les décors, tout ça, ça reste la propriété du producteur qui peut en disposer. Dans la coproduction, il peut y avoir plus ou moins grande participation ou implication du diffuseur. La licence, à ce moment-là, a tendance à coûter de plus en plus cher aussi. On observe ça, en tout cas. Ça coûte plus cher comme licence si on veut avoir plus de contrôle, si on veut être impliqué dans le suivi, etc., si on veut avoir des exclusivités. Bon, plus on est impliqué dans une coproduction, plus la licence coûte cher. Donc, il y a des effets sur les coûts qui sont liés au type de produit qu'on veut, au type de contrôle, au type d'auditoire qu'on veut rejoindre, etc.

Bon, il y a une autre dimension à la coproduction à l'externe. C'est qu'il y a des coûts horaires qui sont élevés, en particulier à cause de Téléfilm. Téléfilm fait des productions haut de gamme. Il y a des gros budgets qui sont engagés dans les documents produits par Téléfilm, mais il y a des coûts horaires qui sont importants. Nous, on a des estimés ici sur les coûts horaires de production pour les coproductions sans prestation de services. Bon, sur une année ou sur une autre année, on avait des estimés dans nos documents; ça fait à peu près... ça fait pas loin du simple au double entre le coût d'une émission d'une heure de coproduction avec prestation de services ou de coproduction sans prestation de services. Le coût horaire est à peu près du simple au double. Ça ne veut pas dire qu'on a un produit qui est le même, cependant.

Le Président (M. Payne): Qui est de calibre égal.

M. Beaulne (Pierre): On ne parle pas d'un produit, nécessairement, de calibre égal.

Le Président (M. Payne): Oui, oui, je comprends.

M. Beaulne (Pierre): Il y a quand même une question de coût qui est impliquée.

Le Président (M. Payne): Non, non, c'est très clair.

M. Beaulne (Pierre): Puis, ce qui était signalé, c'est que, dans le cas des coproductions à Téléfilm, l'engagement est un pourcentage du coût du devis de réalisation.

Le Président (M. Payne): C'est ça.

M. Beaulne (Pierre): Donc, ça crée une pression inflationniste sur les budgets de coproduction de Radio-Québec. C'était déjà signalé dans des rapports internes, il y a quelques années, ça. Donc, ce n'est pas pour dire qu'il n'y a pas des choses intéressantes de ce côté-là, mais il faut être conscient aussi d'un certain nombre de conséquences financières, de conséquences sur les coûts, de conséquences sur le type de produit, sur le contrôle du produit, qui sont impliquées par ça.

Le Président (M. Payne): Je vous remercie. On va revenir aux ministériels tout à l'heure. De votre côté, est-ce qu'il y a un intervenant, un volontaire? Sinon...

M. Mulcair: Je vais y aller, M. le Président.

Le Président (M. Payne): M. le député de Chomedey.

(21 h 30)

M. Mulcair: Alors, Mme Pagé, M. Charest, M. Poulin, M. Beaulne, M. Allaire, merci beaucoup pour votre présence ici ce soir et pour votre présentation. D'abord, Mme Pagé, le maire de Laval m'en voudrait si je ne vous rappelais pas gentiment que c'est Laval, la deuxième ville en importance au Québec. C'est aussi une région en soi reconnue, c'est une MRC et c'est une île.

Une voix: Une autre capitale...

M. Mulcair: Ha, ha, ha! Mais, plus sérieusement, j'admire beaucoup, Mme Pagé, votre sang-froid, parce que, ceci dit en toute amitié, j'ai l'impression que, si jamais un gouvernement libéral congédiait la moitié des employés de Radio-Québec, on aurait du mal à passer à l'Assemblée nationale tellement les lignes de piquetage seraient épaisses. Et là vous arrivez, ce soir, bien documentée, avec beaucoup de pose, de calme et de sérénité, vous faites une bonne analyse de Radio-Québec, vous décortiquez le projet, le mandat de cette commission. Mais, autant que j'admire votre sang-froid, ça me préoccupe un peu; pour être un ancien syndiqué moi-même, pour avoir milité longtemps au sein d'un syndicat qui était justement affilié à la CEQ, je vous dis que «the times, they are a-changing», hein? Je peux vous dire qu'une des choses qui m'ont le plus préoccupé dans ce processus de congédiement de la moitié des effectifs à Radio-Québec, c'est ce que j'ai mentionné tantôt quand j'ai interpellé le président, M. Fortier, qu'à mon sens on est en train d'aller à l'encontre des articles 45 et 46 du Code du travail du Québec.

Vous avez sous-estimé votre propre rôle en vous décrivant vous-même comme maîtresse d'école. On vous connaît beaucoup trop bien comme militante acharnée et brillante présidente d'une des plus importantes centrales syndicales au Québec. J'aimerais bien savoir, Mme la présidente – si vous étiez capable de nous le dire – si, à votre sens, ces articles 45 et 46 du Code du travail du Québec peuvent être effectivement rejetés par une offre patronale, comme ça a été fait le 23 octobre dernier.

Mme Pagé (Lorraine): Avant de répondre à cette question-là, je voudrais vous dire, peut-être sur un ton badin, mais c'est très sérieux, que j'ai appris à développer mon sang-froid en négociant avec M. Daniel Johnson à quelques reprises.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Pagé (Lorraine): Ça a été une très bonne école pour apprendre à ne pas m'emporter quand arrivaient des situations difficiles. Cela étant dit, il faut croire que, quand on arrive dans certains dossiers, les comportements parfois ne sont pas plus aisés à supporter. Effectivement, tout ce qui concerne la façon, d'abord, dont les choses se sont déroulées: un Groupe-conseil qui s'est vu mandater assez rapidement, qui a produit un rapport en tout début d'été. Le rapport était à peine rendu public qu'on avait déjà la réaction du premier ministre soulignant l'audace du rapport. J'ai rarement vu quelqu'un d'aussi précipité pour commenter quelque chose qu'on venait à peine de rendre public. Des recommandations qui portent atteinte à des droits de travailleuses et de travailleurs.

Je pense que le gouvernement du Québec doit regarder cette question-là, bien sûr, à titre de gouvernement du Québec, avec les allocations qu'il doit distribuer à un ensemble de missions dont il est responsable comme gouvernement: l'éducation, la santé, la culture, bon, ainsi de suite, mais aussi comme employeur. Il n'est pas que l'employeur des gens qui travaillent en éducation, en santé et ainsi de suite. Il a une responsabilité d'employeur, même s'il n'est pas là comme employeur direct, quand on parle d'une société parapublique ou péripublique comme c'est le cas de Radio-Québec.

Et il y avait, dans les recommandations du Groupe-conseil, des dispositions qui, à notre avis, venaient vraiment contrevenir aux droits des travailleuses et des travailleurs. Ce n'est pas pour rien qu'on est en discussion depuis la parution de ce rapport, qu'on n'a pas signé d'entente hier soir, parce que nous sommes en désaccord avec le fond même du plan d'effectifs qui a été présenté par la direction de Radio-Québec, parce que nous sommes en désaccord sur le fond de la question. Nous privilégions toujours le chemin de la négociation.

Nous avons dit: Nous pensons qu'avec 53 500 000 $ nous sommes capables de faire une télévision éducative, culturelle de qualité, qui fait place à la création, qui tient compte de la réalité des régions. Pour cela, il faut regarder les façons de faire, il faut regarder la gestion bureaucratique et technocratique de cette entreprise parapublique ou péripublique, et il faut se recentrer sur l'essentiel. Nous sommes toujours disposés à faire ces négociations et ces discussions. Nous avons prouvé, au cours des derniers mois, des dernières années, que nous étions capables de convenir d'ententes, mais il faut se centrer sur l'essentiel de la mission et du service à dispenser pour être capables de le faire.

Le Président (M. Payne): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Pour revenir à ma question, Mme Pagé, les articles 45 et 46 du Code du travail du Québec ne constituent-ils pas des fondements mêmes de notre système de négociation collective des ententes de travail?

Mme Pagé (Lorraine): Écoutez, nous croyons même qu'il faudrait réviser les dispositions du Code du travail, particulièrement à l'article 45 parce que celui-ci est même tout à fait inadéquat face aux nouvelles réalités. Alors, bien sûr, une approche qui, à notre avis, vient contrevenir à des dispositions du Code, c'est des dispositions que nous ne pouvons pas reconnaître et que nous contesterons. Et c'est pour cela, d'ailleurs, que nous essayons d'arriver à une entente en négociant pour préserver l'emploi, préserver la mission éducative de Radio-Québec et, en même temps, définir des relations de travail respectueuses et marquées au sceau de la transparence, de l'équité dans les rapports. Il me semble qu'il y a moyen de faire les choses dans un rapport correct de relations du travail, comme on a été capables de le faire dans le passé dans d'autres secteurs. Tous les secteurs d'activité sont aujourd'hui soumis à des nouvelles contingences, à des réorientations, à des modifications, à des adaptations dont on n'aurait pas parlé il y a 15 ou 20 ans. C'est interpellant, c'est exigeant pour tous les partenaires qui se retrouvent à la table des négociations.

Mais nous continuons le travail. Nous avons eu de nombreuses discussions avec les représentants de Radio-Québec, y compris avec le président-directeur général de Radio-Québec. Nous entendons continuer dans ce sens-là pour réussir à conclure une entente qui permettrait de défendre, de respecter les travailleurs et les travailleuses que nous représentons, mais qui, en même temps, permettrait à Radio-Québec d'assumer le mandat qui lui est confié par le gouvernement, mais par la société québécoise, il ne faut pas l'oublier.

M. Mulcair: Vous croyez que, fondamentalement, il faut se servir, donc, des arguments. Est-ce que vous pouvez nous aider à bien cerner – je pense qu'on en a eu des débuts dans vos réponses et dans votre présentation – les arguments les plus propices à convaincre la ministre de s'opposer au courant de privatisation et de compression de ces outils essentiels de notre société distincte?

Mme Pagé (Lorraine): J'en ai donné pas mal. Ha, ha, ha! Je pense que tous les arguments sont dans notre mémoire, ils sont tous là. Non seulement il n'y a rien qui nous prouve que c'est meilleur, la privatisation, on a même fait la preuve que ce n'était pas meilleur. Deuxièmement, nous pensons qu'il y a un capital de ressources humaines à Radio-Québec, en termes de conception de télévision, de réalisation de télévision, de production de télévision, qu'il faut protéger. C'est un patrimoine collectif que nous avons et qu'il faut préserver. Troisièmement, nous croyons qu'il y a moyen de faire cette télévision-là avec les paramètres qui nous ont été soumis, à 53 000 000 $.

Bien sûr, on ferait mieux avec plus, mais nous pensons qu'il y a lieu, en recentrant la mission, en faisant l'examen de l'organisation de cette entreprise – je vais l'appeler vraiment comme ça – de réussir à concilier des impératifs budgétaires avec des impératifs pédagogiques, culturels, éducatifs et de défense des travailleurs et des travailleuses, et de reconnaissance de leurs compétences et de la part de leur vie professionnelle qu'ils ont consacrée à Radio-Québec depuis 25 ans.

M. Mulcair: Merci, Mme Pagé.

Le Président (M. Payne): Bon échange. Je reconnais le député de Pointe-aux-Trembles.

(21 h 40)

M. Bourdon: Je voudrais dire à nos invités que je connais assez bien les articles 45 et 46 du Code du travail parce que, dans une vie antérieure, j'ai eu à vivre avec des gens avec. Et, de son essence, le rapport du comité des sages propose d'amender le Code du travail pour en biffer les articles 45 et 46. J'ajoute qu'une telle opération de remplacer des hommes et des femmes par d'autres hommes et d'autres femmes qui auraient d'autres employeurs n'est pas plus acceptable à Montréal ou dans une région comme Charlevoix. Et, à cet égard, je pense que l'opération qui est engagée est, par nature, contraire au Code du travail.

Ceci dit, on n'est pas là pour discuter relations de travail uniquement, et je ne suis pas de ceux qui prétendent qu'il n'y a rien à changer à Radio-Québec. Et je n'ai pas compris que la présidente de la CEQ disait qu'il n'y avait rien à changer. Je trouve assez stimulant de l'entendre dire que la raison d'être d'un réseau de télévision, c'est de produire des émissions de télévision. Ça peut avoir l'air d'un truisme. Je ne suis pas souvent d'accord avec le député de Chomedey sur d'autres questions, c'est bien connu, mais, sur cette question-là, je pense qu'il a raison. Et je pense qu'on doit remettre en cause une opération qui est assez inhumaine dans sa conception même et qu'à cet égard, bien, il faut se donner le temps de réfléchir. Et, si on peut redéployer dans la santé, avec toutes les tensions que ça représente, dans le respect des droits des travailleuses et des travailleurs, il me semble qu'on pourrait faire la même chose en télévision. Personne ne dit que rien ne doit changer. Mais, après ça, il faut voir. Puis je prends comme indication de Mme Pagé qu'elle est prête à regarder, à s'asseoir à des tables, à négocier, à en venir à des changements.

Mais je finis sur un point qui m'a frappé dès le départ, cet été, dans la canicule, quand je lisais l'ensemble des mémoires, c'est que l'Association des producteurs de films et de vidéos du Québec demandait que la proportion de coproductions et de sous-traitances passe, sur une décennie, de 25 % à 50 % et que, là, on envisage de passer ça, en quelques mois, de 25 % à quelque chose comme 85 %. Ceci dit, les hommes et les femmes qui sont touchés par ça, bien, on les représente, nous autres. Ils vivent dans nos comtés. Et, foncièrement, il s'agit d'une injustice et je pense qu'on ne peut pas la tolérer.

Le Président (M. Payne): Mme Pagé.

Mme Pagé (Lorraine): Que pourrais-je ajouter de plus?

Le Président (M. Payne): Pardon?

Mme Pagé (Lorraine): Je dis: Que pourrais-je ajouter de plus? Je suis tout à fait d'accord avec l'intervention du député, M. Bourdon. Je pense qu'il y a moyen de faire les choses en considérant les personnes. Et, si on n'est plus capable de faire ça, c'est un peu à désespérer du caractère démocratique de nos sociétés. Bien sûr, il y a des exigences. On en est conscients, on vient de sortir d'une négociation dans le secteur public qui n'a pas été facile. Mais on a réussi à créer ce climat, ce contexte qui nous a permis d'arriver à des ententes qui ne sont pas reçues facilement parce que c'est des remises en question, c'est des réorganisations, c'est l'ouverture de nouveaux champs de préoccupation, mais qui, malgré tout, à notre avis, ont permis de préserver l'emploi, de préserver la mission, de garantir des services accessibles, gratuits, bon, ainsi de suite.

Alors, je pense qu'il faut s'inspirer de cette approche pour voir comment on est capables de satisfaire – je le disais tantôt – les exigences budgétaires dont les ministres de la Culture nous ont saisi et de voir comment, à l'intérieur de ces paramètres, en s'inspirant d'une bonne partie des recommandations du Groupe-conseil... M. Perreault l'a dit tout à l'heure, il y a un certain nombre de recommandations avec lesquelles on est d'accord; on demande des précisions, ainsi de suite. Mais, sur l'élément de la privatisation, là, nous croyons qu'il y a vraiment des lumières rouges clignotantes qu'il faut allumer et nous avons choisi de les allumer ce soir.

Le Président (M. Payne): Est-ce qu'on est sur la même discussion, M. le député de Bourassa? À vous le privilège de poursuivre.

M. Charbonneau (Bourassa): Je vous remercie, M. le Président. Je comprends mieux maintenant le plaisir que je constatais chez les membres des commissions parlementaires que je fréquentais autrefois de recevoir les mémoires de la CEQ tellement ils sont bien faits et bien présentés.

Merci beaucoup de cette mise au point et, en particulier, j'ai bien apprécié vos commentaires relatifs au manque de précision quant aux propos du Groupe-conseil sur la mission de Radio-Québec. Vous insistez beaucoup sur ce point-là. Je pense que c'est capital dans nos discussions, finalement. Il y a beaucoup de propos, d'échanges que nous pouvons tenir sur les stratégies, les moyens, l'accent à mettre sur la création, sur la privatisation, les régions, sur la production, etc. Mais tout part de la mission, tout part de l'idée qu'on se fait de la mission et du niveau de clarté qu'on met dans cette définition. Et j'espère que la commission, la ministre et le gouvernement, finalement, prendront bien en compte, accorderont beaucoup d'attention à ce niveau de la discussion, parce que de là découle le reste à bien des égards.

Alors, vous avez des propos là-dessus, à ce niveau-là, qui sont particulièrement intéressants et qui se situent dans le droit fil de ce que, quant à moi, j'ai toujours compris être la mission de Radio-Québec. Je crois que vous avez parfaitement raison de revenir là-dessus et d'insister pour que, dans l'avenir, cela soit maintenu et développé. C'est ça qui fait... On parle souvent de la société distincte: le Québec, société distincte. Nous avons ici, entre les mains, un outil de cette société distincte, une possibilité d'illustrer, comme on le disait dans l'ancien français, la société distincte. C'est un instrument possible. Il ne faut pas l'atténuer, il ne faut l'atrophier, il ne faut pas le laisser aller à la dérive sous des pressions du moment ou sous le coup de contraintes budgétaires, le laisser se diluer. Vous avez parfaitement raison là-dessus, à ce propos-là.

Je voudrais, quant à prendre la parole, soulever, peut-être, deux questions. Il y a, à quelques endroits de votre mémoire, Mme la présidente de la CEQ, des suggestions quant à développer ce que vous appelez la vocation multimédia. Mais j'ai comme l'impression que, pour ne pas faire trop long, vous vous êtes un peu retenue là-dessus, peut-être. En tout cas, j'aimerais vous donner l'occasion de développer votre pensée davantage. Dans votre présentation, vous avez dû faire vite, aller à l'essentiel, mais vous avez ici un volet de développement. Je connais votre attachement à toutes les questions d'éducation, de connaissance pratique des réseaux, etc. Est-ce que vous pourriez aller plus loin là-dessus? C'est ma première question.

Ma deuxième question, à vous ou à M. Poulin. Vous êtes revenue, à quelques occasions, Mme la présidente, sur les bénéfices escomptés de la réorganisation du travail quant aux employés que vous représentez dans le domaine. Par contre, mon collègue de Chomedey a quand même fait état des droits très précis qui existent en vertu des articles 45 et 46 du Code du travail. Est-ce que vous pourriez, M. Poulin peut-être ou Mme la présidente, nous donner une illustration ou quelques exemples de ce que vous avez en tête quand vous parlez de réorganisation du travail? Est-ce qu'il y a là un troc possible entre ces réalités que sont les droits que vous accordent 45 et 46 ou des négociations sur la réorganisation du travail? Est-ce qu'il y a quelque chose comme ça qui se profile?

Le Président (M. Payne): Mme Pagé.

Mme Pagé (Lorraine): Oui. Alors, d'abord, à la blague: les présidents passent, la qualité des mémoires reste. Alors, Radio-Québec est un instrument que, comme peuple, nous devons garder. Nous sommes plus qu'une société distincte, à notre avis; nous sommes un peuple francophone en Amérique du Nord et, à cet effet, nous avons besoin de cette vitrine culturelle que représente Radio-Québec.

Au chapitre des nouvelles technologies, c'est plus longuement abordé en page 6 du mémoire. Nous croyons que Radio-Québec pourrait devenir un centre d'application des nouvelles technologies en éducation, par exemple; qu'elle pourrait favoriser, par des crédits de recherche et de développement, l'accès à des émissions produites à Radio-Québec par le truchement de l'autoroute électronique, mais aussi par les ordinateurs multimédias qui vont prochainement entrer dans les écoles, si on se fie aux intentions du ministre Garon. On parle d'une conférence socioéconomique sur les nouvelles technologies à l'école.

Il y a déjà des ententes qui ont été prises, par exemple, avec Bell Canada. On sait que les câblodistributeurs aussi veulent faire un certain nombre de choses pour rendre disponible de la programmation dans toutes les écoles par le câblage de toutes les écoles. Alors, là, il y a des possibilités, par une qualité de production assumée à Radio-Canada, de donner accès à des nouvelles bretelles d'accès par soit les ordinateurs multimédias ou les inforoutes.

(21 h 50)

Enfin, la contribution de Radio-Québec serait particulièrement intéressante à cet égard-là parce que nous savons que le contenu de l'autoroute est anglophone. On circule en anglais sur l'inforoute. Et je disais, l'autre fois, à Mme la ministre, lors d'une rencontre, qu'on se retrouverait, avec la présence de l'inforoute dans nos écoles, à avoir la loi 101 qui prévoit que les élèves fréquentent l'école française, mais on les fait se promener sur l'inforoute en anglais.

Alors, là, il y a vraiment quelque chose qu'il faut penser. Il ne s'agit pas de confier tout le mandat à Radio-Québec, bien sûr, mais Radio-Québec pourrait être un agent important dans ce redéploiement au chapitre des nouvelles technologies en éducation. Et nous croyons que cela mérite que Radio-Québec se donne cette nouvelle mission multimédia. Je crois qu'on est portés à regarder la mission de Radio-Québec de façon statique, en disant: Elle est producteur, diffuseur et programmateur, conservons cela; ou bien encore à dire: C'est déjà trop, on en enlève, on reste juste programmateur et diffuseur, alors que les nouveaux défis devraient plutôt nous amener à envisager l'ajout d'un quatrième volet à la mission qui est la nouvelle mission multimédia.

Par ailleurs, je voudrais vous dire – je sais que la commission est très soucieuse d'aborder cette question de l'inforoute – qu'il nous ferait plaisir de venir vous rencontrer à nouveau. Nous avons plusieurs documents en préparation, nous avons déjà produit des notes de recherche sur le sujet et il serait très intéressant d'aborder toute cette question des nouvelles technologies en éducation, des inforoutes, du contenu francophone, de l'impact sur la culture, la société, l'éducation, les rapports de travail, avec la commission parlementaire. Ça nous fera bien plaisir de répondre à votre invitation.

Pour votre dernière question, M. Poulin. Il n'a pas parlé encore.

M. Poulin (Jacques): Oui, c'est ça.

Le Président (M. Payne): Non, mais moi, je regarde mon horloge.

Mme Pagé (Lorraine): Il va répondre à la dernière question de M. Charbonneau.

Une voix: Deux minutes.

Le Président (M. Payne): Est-ce que vous pouvez m'informer, s'il vous plaît? Il reste trois minutes d'échanges, ça vous convient? Allons-y, monsieur.

M. Poulin (Jacques): Je vais essayer de faire ça vite. Pour les articles 45 et 46, je peux vous dire qu'il y a déjà des requêtes qui ont été déposées auprès du commissaire général du travail. Ça concerne trois employeurs. Alors, on va faire appliquer notre convention collective chez ces gens-là. Question d'échange avec l'organisation du travail et les articles 45 et 46, je pense que ce n'est pas possible, on ne peut pas faire... Ce serait carrément illégal. Le député de Chomedey l'a dit cet après-midi, cette loi est d'ordre public et on ne pourrait pas par une entente privée défaire ça. Alors, voilà.

Quant à l'autoroute électronique, Radio-Québec s'est déjà intéressée à ça, il y a quand même deux ans, mais tout a été arrêté l'an dernier. Quand les problèmes financiers sont arrivés, le comité qui s'occupait de faire des contenus multimédias est disparu, il n'est plus là.

Mme Pagé (Lorraine): La réorganisation du travail n'est pas une alternative aux articles 45, 46; la réorganisation du travail est une alternative à des congédiements et à des pertes d'emploi. C'est pour nous une façon de faire que la production est réorganisée et que nous préservons des emplois. C'est une alternative à cette situation et non pas une alternative à 45 et 46.

Le Président (M. Payne): Je vous remercie beaucoup. Ne bougez pas.

Mme Pagé (Lorraine): Ce n'est pas terminé.

Le Président (M. Payne): J'invite, à sa demande, Mme la ministre de la Culture et des Communications.

Mme Beaudoin: Oui. Bonsoir, Mme Pagé, M. Poulin, M. Charest, M. Beaulne. Je voudrais dire à Mme Pagé que, dans le fond, c'est très vrai qu'on est au coeur du problème. En page 6 de votre mémoire, quand vous dites, en effet: Radio-Québec devrait être producteur, diffuseur, programmateur et dans le multimédia, ce dont vous venez de discuter avec le député de Bourassa, je pense que c'est vrai qu'on est au coeur du problème, parce que c'est toute la question: Est-ce que Radio-Québec, avec 53 000 000 $, peut, en effet, être tout cela? Et vous, vous répondez oui, et là toute la discussion, dans le fond – on a commencé ce matin – pendant les deux jours, va porter là-dessus: Est-ce que Radio-Québec peut faire tout ce que vous dites: producteur, diffuseur, programmateur, multimédia?

Je veux tout simplement, cependant, vous faire remarquer qu'il est faux de dire qu'une société de télévision doit produire. En France, la cinquième chaîne, qui est la chaîne du savoir, que j'ai eu l'occasion de voir, de visualiser, la semaine dernière, à Paris – j'ai rencontré, d'ailleurs, le président-directeur général, Jean-Marie Cavada – c'est intéressant... Non! Mais il faut sortir, oui, de Laval même, aussi, une fois de temps en temps.

M. Mulcair: Mais amenez-nous avec vous la prochaine fois, on va y aller!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Mulcair: C'est vrai. Mes bagages sont faits.

Mme Beaudoin: Oui! Alors, c'est ce qui s'appelle une société de programmes et toute la programmation se fabrique à l'extérieur. C'est une société, donc, qui s'appelle une société de programmation et qui ne fait pas de production du tout à l'interne. Alors, ça existe; je veux dire que ce n'est pas une obligation, ce n'est pas un dogme que de dire que... C'est parce que, à la fois, je pense, le député de Pointe-aux-Trembles et vous-même ou je ne sais qui a dit: C'est un truisme que de dire qu'une société de télévision doit produire. Ce n'est pas vrai. Bon! Il existe d'autres modèles.

Je veux quand même le signaler, je n'en fais pas... Je veux dire que, de mon côté non plus, je ne dis pas que produire à l'interne ou produire à l'externe, c'est mieux dans un cas ou c'est mieux dans l'autre. En tout cas, je vais écouter tout le monde. D'ailleurs, la SODEC sera là demain matin, l'Association des producteurs, aussi, de films et de vidéos. J'y ai travaillé moi-même et j'ai écouté avec intérêt ce que vous disiez de Téléfilm. J'y ai travaillé pendant trois ans; alors, je dois être celle, ici, qui connaît le mieux Téléfilm Canada de l'interne. Alors, donc, je pense qu'il faut quand même dire ça d'entrée de jeu.

L'autre chose aussi que je voudrais signaler, c'est que l'État-employeur, en effet, vous en avez parlé; il y a quand même un effort, un effort énorme de l'État-employeur parce que ça n'a pas été évident d'obtenir du Conseil du trésor, et vous le savez très bien, des dispositions pour justement aider au départ d'un certain nombre d'employés qui ne se retrouvent pas... Parce que à ça aussi, moi, je suis très sensible et, quand je suis arrivée comme ministre, une des premières questions que j'ai posées: Comment est-ce qu'on agissait comme État-employeur dans des situations comme celles-là? J'ai rarement vu, dans le secteur privé, en tout cas, les offres que le Conseil du trésor a accepté de mettre sur la table. Bon! Parce que je pense que c'est un point qu'on ne peut pas occulter.

D'autre part, je voudrais juste terminer en disant que, dans mon esprit, je ne voudrais pas qu'il arrive à Radio-Québec ce qui est en train d'arriver à TVOntario ou à Access Alberta; c'est déjà arrivé à Access Alberta. Il y avait trois télévisions éducatives, à ce que je sache, au Canada: TVOntario, Access Alberta, Radio-Québec. Et c'est pour sauver l'entreprise justement, compte tenu, bien évidemment, des problèmes budgétaires du ministère, et vous savez qu'il y a des enveloppes fermées, dorénavant, au ministère de la Culture comme dans les autres ministères.

Ce qui veut dire que ce qui irait à Radio-Québec en surplus – ou les déficits de Radio-Québec – eh bien, c'est au CALQ qu'on l'enlèverait, c'est aux créateurs, c'est ailleurs. On est coincés dans une situation budgétaire que tout le monde connaît, au Québec, et avec des enveloppes fermées, aussi, dans les ministères. Et, dans mon esprit, c'est évidemment pour sauver l'entreprise, pour faire en sorte que Radio-Québec, pour la raison que vous donniez, fondamentale, que nous sommes un peuple francophone en Amérique et qu'il y a une nécessité d'y avoir une télévision éducative et culturelle qui soit complémentaire, justement, et différente, et contre-programme par rapport aux télévisions généralistes et commerciales...

Mme Pagé (Lorraine): Un petit mot de conclusion?

Le Président (M. Payne): Oui, tout à fait. Et je vais chercher le consentement de mes collègues. Peut-être que je vais en profiter tout de suite. On arrive à 10 heures.

Une voix: Oui.

Le Président (M. Payne): Il reste techniquement une trentaine de minutes à notre discussion, qui nous sont allouées. Est-ce qu'il y a consentement pour qu'on puisse, je suggère, aller jusqu'à 10 heures et demie?

M. Mulcair: On ne peut pas. Malheureusement, on a d'autres engagements. Le consentement ne peut, malheureusement, pas être donné.

Le Président (M. Payne): Il n'y a pas de consentement.

M. Mulcair: Non.

Le Président (M. Payne): On termine...

M. Mulcair: À 10 heures.

Le Président (M. Payne): ...à l'instant.

M. Mulcair: Oui, dans deux minutes.

Le Président (M. Payne): Alors, la parole était à vous, Mme Pagé. Malheureusement, il n'y a pas eu de consentement.

M. Bourdon: Mais, M. le Président, je me permets de suggérer qu'on conclue demain matin, à 10 heures.

M. Mulcair: Pas de problème.

Le Président (M. Payne): C'est déjà entendu, hein?

M. Mulcair: O.K.

Le Président (M. Payne): C'est strictement pour le dépassement...

M. Mulcair: O.K.

Le Président (M. Payne): ...dans la mesure où nos invités sont capables ou intéressés à rester parmi nous.

M. Bourdon: Mais, M. le Président, je parlais de conclure avec la Centrale de l'enseignement du Québec, demain matin, à 10 heures.

Le Président (M. Payne): C'est déjà...

Mme Pagé (Lorraine): Je n'ai pas eu le temps de vérifier avec les personnes de ma délégation pour demain matin, 10 heures. Je prendrai quelques minutes pour voir si c'est possible.

M. Mulcair: Demande au boss d'avoir un peu de congé.

Mme Pagé (Lorraine): Peut-être conclure dépendant de ce que je pourrai avoir comme réponse tout à l'heure...

Une voix: O.K.

Mme Pagé (Lorraine): Oui. Bien sûr, il y a des chaînes de télévision qui ne produisent pas. Il y en a en France, il y en a ici. Le Canal D ne produit pas. Bon.

(22 heures)

Mme Beaudoin: Ce n'est pas de la production...

Mme Pagé (Lorraine): Mais, sur une chaîne de télévision, il y a de la production faite par la chaîne ou produite à l'extérieur. On s'entend: il y a de la production. Vous avez remarqué que, dans notre mémoire, nous ne parlons pas de production exclusivement assumée par Radio-Québec. Nous parlons de coproduction. Nous parlons du modèle à privilégier, qui est de la coproduction avec prestation de services. Donc, pour nous, préserver la mission de producteur, ça ne veut pas dire faire que toute la production est assumée exclusivement par Radio-Québec. Mais, entre assumer exclusivement la production et envoyer toute la production à l'extérieur, il nous semble qu'il y a d'autres voies qui méritent d'être regardées, peut-être dans un modèle original québécois, mais il me semble, en tout cas, qu'il y a des choses qui pourraient être regardées.

Bien sûr, le gouvernement du Québec a mis de l'avant tout un système pour des primes de départ et ainsi de suite. Soit. Je pense que c'était une responsabilité à laquelle il ne pouvait pas se soustraire. Mais l'objectif que nous avons, tout en disant que, quand on en arrive à des congédiements, il faut s'assurer que ça se fasse dans certaines conditions, notre objectif premier, c'est de préserver les emplois. Parce que nous savons que, pour un certain nombre des membres que nous représentons, quand on regarde ce qui se passe dans les autres télévisions, ma foi, ce n'est pas là qu'ils vont aller se replacer non plus, hein? Donc, on essaie de voir s'il n'y a pas des modèles qu'on est capable de trouver pour concilier les différents impératifs, les impératifs budgétaires – les enveloppes fermées, on le sait – la mission de l'entreprise et l'emploi pour les membres que nous représentons. Et c'est un peu à ça que nous voulons convier un peu tous les acteurs pour qu'on soit capables d'en arriver à une entente satisfaisante pour tout le monde.

Le Président (M. Payne): Je dois vraiment vous remercier. Je m'excuse qu'on ne puisse pas prolonger la discussion. Je ne sais pas si vous êtes en mesure d'indiquer tout de suite...

Mme Pagé (Lorraine): Je vais vérifier ça tout de suite.

Le Président (M. Payne): ...si vous pouvez être parmi nous pour une demi-heure demain matin?

Mme Pagé (Lorraine): Vous pouvez être là demain matin? On peut être là demain matin pour...

Le Président (M. Payne): Si on peut attendre deux secondes, s'il vous plaît? Est-ce qu'on peut...

Mme Pagé (Lorraine): Alors, de notre côté, il y a trois personnes qui pourraient être disponibles seulement: M. Poulin, M. Charest et moi-même; les deux autres personnes sont, malheureusement, retenues à Montréal demain matin.

Le Président (M. Payne): Donc, c'est un oui. On fait un rendez-vous pour demain matin. J'ajourne les travaux jusqu'à 10 heures pour une demi-heure avec la Centrale et vos collègues, pour continuer par la suite. Merci. On ajourne nos travaux.

Des voix: Merci.

(Fin de la séance à 22 h 3)


Document(s) associé(s) à la séance