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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mercredi 30 octobre 1996 - Vol. 35 N° 23

Consultation générale sur le document intitulé «Les enjeux du développement de l'inforoute québécoise»


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Table des matières

Auditions


Intervenants
M. Jean Garon, président
M. Michel Morin, président suppléant
Mme Marie Malavoy
M. Pierre-Étienne Laporte
M. Yves Beaumier
M. Michel Bissonnet
M. William Cusano
*M. Martin Savard, UQCN
*M. Pierre Pâquet, ICEA
*Mme Lina Trudel, idem
*Mme Chantale Larouche, FNC
*M. Denis Guénette, idem
*M. Yvan Sinotte, idem
*M. David Masse, AQDIJ
*M. Gaston Bérubé, CRR
*M. René Perron, idem
*M. Pierre Gauvin, idem
*M. Michel Cloutier, CNQ
*M. Claude Perreault, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Dix heures neuf minutes)

Le Président (M. Garon): Je déclare la séance ouverte et je rappelle le mandat de la commission. La commission s'est donné le mandat d'initiative suivant: procéder à une consultation générale et tenir des audiences publiques sur «Les enjeux du développement de l'inforoute québécoise».

Alors, je vais donner l'ordre du jour, de la journée. À 10 heures, l'Union québécoise pour la conservation de la nature; à 11 heures, l'Institut canadien d'éducation des adultes; à 12 heures, la Fédération nationale des communications.

Ajournement à 13 heures; reprise à 15 h 30 avec l'Association québécoise pour le développement de l'informatique juridique; à 16 h 30, le Conseil régional de la Radissonie; à 17 h 15, la Chambre des notaires; et, à 18 heures, ajournement.

(10 h 10)

Je convie donc les représentants de l'Union québécoise pour la conservation de la nature à s'approcher de la table des délibérations. On nous avait annoncé deux personnes, M. Denis Bergeron et M. Martin Savard. Alors, si vous voulez vous présenter.


Auditions

M. Savard (Martin): Bien sûr. Alors, mon nom est Martin Savard.

Le Président (M. Garon): Alors, vous avez une heure, c'est-à-dire normalement une vingtaine de minutes pour votre exposé; la même chose pour chacun des deux partis. Ce que vous allez prendre en plus, je vais devoir le soustraire des deux partis; ce que vous prendrez en moins, ils pourront s'en prévaloir pour poser davantage de questions. Alors, à vous la parole, M. Savard.


Union québécoise pour la conservation de la nature (UQCN)

M. Savard (Martin): Alors, voilà, je ne suis pas ici en tant que spécialiste de l'informatique ou spécialiste des questions de l'inforoute, je représente l'Union québécoise pour la conservation de la nature, qui est un organisme parapluie, qui chapeaute environ 112 autres organismes à travers tout le Québec qui sont intéressés à l'environnement.

L'UQCN même regroupe environ 6 000 membres, mais lorsqu'on comptabilise l'ensemble des organisations qui sont regroupées sous ce nom, eh bien, on peut arriver autour de 50 000 à 55 000 adhérents. Alors, le message, dans le fond, que l'UQCN vient vous livrer ce matin, comme je vous le dis, ce n'est pas un message de spécialiste, c'est le message d'utilisateurs de ce réseau. Ce réseau Internet et ces technologies-là, on y a vu des avantages très importants pour des organisations comme la nôtre, qui fonctionnent avec peu de budget, qui ont des grandes ambitions, par contre, et puis qui regroupent un membership à travers l'ensemble de la province.

Alors, les points sur lesquels l'UQCN a jugé bon de vous faire connaître son opinion, ce n'est pas l'ensemble des points qui étaient suggérés par la commission, ce sont les points concernant la langue et la culture, l'accessibilité, l'isolement des personnes, le monde du travail, l'éducation et la santé, auxquels nous avons ajouté un commentaire sur les impacts pour l'environnement, ainsi que nous allons suggérer quelques autres rôles que nous voyons pertinents pour l'État québécois.

Alors, je reprendrai dans ses grandes lignes le mémoire écrit qu'on vous a déjà fait parvenir, et puis je commenterai avec certaines notes qui sont plus d'actualité.

Au niveau de la langue, il nous semble qu'à titre de pays francophone favorisé le Québec devrait faire montre de leadership dans la diffusion d'informations en français. Et ce leadership-là s'exprimerait par l'encouragement des initiatives faites en ce sens. Le Fonds de l'autoroute de l'information nous a semblé un excellent moyen déjà de donner cet appui et puis d'encourager l'action par des Québécois, par différents membres de la société québécoise dans ce sens.

La question de la langue pour nous aussi doit passer à travers des alliances stratégiques internationales au sein de la francophonie. Il ne nous semble pas prioritaire d'atteindre un pourcentage donné de contenu en français sur les inforoutes. Il ne nous semble pas prioritaire non plus de faire cavalier seul et puis d'essayer de remplacer ou d'entrer en compétition avec les initiatives d'autres pays.

Par contre, il nous semble important que nous soyons là, que nous soyons présents, au moment où vont se définir des outils technologiques ou alors des grandes orientations pour la mise en valeur des cultures qui pourraient être marginalisées par l'usage de l'anglais ou qui pourraient être marginalisées par la masse de documents provenant d'autres sources, provenant de pays plus fortunés ou de pays mieux pourvus technologiquement. Alors, déjà, pour nous, il nous semble important que le Québec s'inscrive comme acteur en participant à la définition du mandat des développements au sein des alliances internationales, comme la francophonie.

Au niveau de la culture, bien sûr, la question de la culture est en partie remise en cause par ces nouvelles technologies et le foisonnement de documents et de nouvelles productions qui sont faits au moyen de cette technologie-là.

Pour nous, le rôle de l'État... Bon, l'État est un grand producteur d'informations – je reviendrai là-dessus à la fin de mon exposé – mais l'État ne doit pas remplacer ou se substituer à ses citoyens pour produire des documents qui décrivent la réalité culturelle du Québec et qui en font la promotion, mais doit plutôt appuyer des projets structurants qui peuvent aider à la diffusion de l'information produite par ces citoyens et ces groupes.

Déjà, l'UQCN, pour vous donner une idée de ce qu'est pour nous un projet structurant, nous avons, il y a trois semaines, lancé officiellement l'ÉcoRoute de l'information, qui nous semble être un bon exemple d'une production structurante qui vise à la fois à encourager la diffusion d'informations, à encourager les nouvelles relations et les nouveaux réseaux de communications, mais il y a bien d'autres projets qui nous semblent structurants. Par exemple, l'accès au réseau Internet dans les bibliothèques, la mise en place de réseaux et de systèmes comme le Libertel, l'appui à des fournisseurs sans but lucratif, des fournisseurs de services sans but lucratif également, ce qui va me mener à la question de l'accessibilité, qui reprend un certain nombre de ces moyens.

Au plan de l'accessibilité, la commission posait la question: Internet ou l'inforoute doivent-ils être assimilés à un service de base? Nous croyons que non. Cependant, un certain nombre de mesures devraient être prises pour assurer une accessibilité la plus grande possible. En particulier, un certain contrôle des coûts pourrait être souhaitable pour prévenir l'éventualité où le marché diminuerait l'accessibilité de ce médium lorsque les coûts de branchement ou d'utilisation pourront augmenter, par exemple.

Ça me rappelle, au début du siècle, l'intervention du gouvernement canadien lorsque Bell Téléphone s'est retrouvée en situation de monopole. Alors, là, il y a eu une intervention pour s'assurer de l'accessibilité de ce nouvel outil de communication, à l'époque.

Alors, la maintenance d'infoports dans les institutions accessibles au public et l'idée de points d'accès gratuits ou à faibles coûts dans les endroits publics à la grandeur du territoire nous semblent de bonnes idées générales. Le branchement du réseau des bibliothèques publiques à des taux privilégiés pourrait être un moyen d'arriver à cette accessibilité. De plus, le gouvernement du Québec, sans nécessairement les financer directement, pourrait développer des incitatifs qui permettront le développement d'initiatives privées à vocation communautaire comme les Libertel et les cafés Internet dont je parlais tout à l'heure.

Le gouvernement du Québec devrait donc surveiller de près la question de l'accessibilité à l'Internet, normalement en contribuant à ce que soit réglementé le marché des fournisseurs de façon à garantir des prix accessibles en région. Il y a déjà beaucoup d'autres réseaux de services qui ont connu la même problématique. Je pense au service du transport en commun, je pense également au téléphone où le développement en région s'est souvent retrouvé financé par les centres urbains. Alors, peut-être il pourrait en être de même dans le cas des inforoutes.

L'accessibilité, pour nous, est extrêmement importante, parce que c'est en partie à cause de cela, selon notre avis, que le Québec se retrouve à être producteur de près de 50 % des contenus francophones sur le réseau Internet. Alors, ce n'est pas que les autres nations francophones ont moins d'intérêt pour ce système, ce n'est pas parce qu'elles ont moins de moyens, mais c'est surtout parce que, dans les autres pays francophones, l'accessibilité du téléphone – et partant aussi l'accessibilité à l'Internet – est beaucoup moins universelle qu'ici. Évidemment, la question, souvent, des standards et des protocoles de communication qui ont isolé certaines régions, un peu comme la France qui n'a pas su imposer son Minitel.

Je reviendrai un petit peu plus tard aussi... La question de l'accessibilité ne peut pas être séparée de la question de la production des documents et de l'information sur le réseau, et j'aborderai le rôle de l'État aussi en tant que producteur, vers la fin de ma présentation.

(10 h 20)

Au chapitre de l'isolement des personnes, pour nous, ce n'est pas un phénomène qui est nouveau, c'est un phénomène qui a déjà été amené en partie par la télévision, par les jeux vidéo. Il y a beaucoup de penseurs là-dessus qui ont souligné le fait qu'il ne faudrait pas confondre cet isolement, qui est un symptôme, avec les causes de l'isolement de l'individu, qu'on peut retrouver d'une façon beaucoup plus large et profonde dans les questions de société. Mais je n'aborderai pas ce point-là qui est peut-être beaucoup trop vaste pour ce qui nous occupe ici.

Ce qui nous semble particulièrement important, c'est de donner à l'individu l'occasion de se doter d'une réflexion sur les avantages mais aussi les inconvénients qu'apporte cette technologie-là. À l'UQCN, nous sommes un utilisateur, comme je le disais, de ces réseaux. Nous y voyons d'immenses avantages pour contourner des contraintes avec lesquelles nous vivons quotidiennement, des contraintes financières, également des contraintes au niveau des distances.

Cependant, on ne doit pas que chanter les vertus de cette nouvelle technologie, en particulier, dans l'éducation, qui est un endroit privilégié pour amener une réflexion critique sur ces nouvelles technologies, en particulier parce que la clientèle des milieux de l'éducation, c'est une clientèle captive – je pense aux étudiants et aux élèves – et que la réflexion n'est jamais un acte facile. Alors, c'est encore là un milieu propice à inciter fortement les gens à réfléchir et à se positionner individuellement par rapport à ces nouvelles technologies.

D'ailleurs, ces technologies – les questions de l'informatique – sont très souvent très valorisées dans le milieu de l'éducation, ne serait-ce que lorsqu'on en prône l'importance pour se trouver un emploi ou qu'on associe l'usage de l'ordinateur à la maîtrise de l'ordinateur, ce qui n'est pas nécessairement le cas.

Alors, en réponse à l'isolement des personnes, nous proposons qu'au niveau de l'éducation, qu'au niveau des institutions qui font de l'éducation il y ait une réflexion, une formation qui soient faites sur les avantages et les inconvénients apportés par ces technologies.

Du côté du monde du travail, on craint également certaines conséquences néfastes et on croit que le gouvernement du Québec pourrait, encore là, jouer un rôle en étudiant les impacts de l'inforoute pour la société québécoise, et plus particulièrement les lois sur le travail, afin de mieux protéger les travailleurs qui utiliseront la télématique pour travailler à la maison, et afin d'éviter également la constitution d'une classe de télétravailleurs serviles qui sont isolés, qui travaillent et qui sont payés à la tâche, finalement, pour qui la syndicalisation est impossible.

C'est déjà une tentation qui est forte au sein des entreprises, au sein des cadres qui ont conscience des avantages de la télématique, de se servir de ce système-là, dans le fond, pour... comment je pourrais dire? pour avoir une relation de l'individu à l'entreprise qui affaiblit un petit peu l'individu dans ses rapports de travail.

C'est aussi une tendance qu'ont plusieurs cadres à considérer les travailleurs à la maison comme des gens de seconde classe, qui sont étrangers à l'entreprise. Entre autres, ce que ça peut risquer de changer, c'est les définitions du travailleur autonome, par exemple. Alors, de quelle façon est-ce que ces nouvelles technologies vont changer cette dynamique du travailleur autonome? ce qui est de plus en plus répandu.

Les impacts des inforoutes sur l'éducation, à notre sens, tiennent... Pour nous, ce qui nous a semblé le plus important, c'est encore une fois la question de l'accessibilité. Alors, ce que l'on prône, c'est de rendre accessible cet outil-là et non pas de remplacer ou bien d'intégrer cet outil-là aux dépens des programmes d'éducation actuels. Par contre, se familiariser avec cet outil-là devrait faire partie de la formation de base des élèves. Les réseaux des inforoutes sont un outil puissant d'apprentissage autodidacte. Ce n'est pas une solution au décrochage scolaire, comme il a été suggéré à quelques reprises.

Pour nous, la valorisation des métiers qui permettent aux décrocheurs de s'épanouir est une solution beaucoup plus concrète et beaucoup plus importante que l'usage ou la promotion des inforoutes. Mais, par contre, encore une fois, comme je le disais précédemment, une mise en garde importante doit se faire quant à l'isolement que peut créer l'utilisation de l'inforoute et les abus que la consommation des inforoutes peut entraîner chez les élèves.

Donc, pour nous, cette intégration-là devrait suivre la séquence suivante, c'est-à-dire: d'abord, la formation des professeurs, concernant l'utilisation d'Internet, et sa signification comme agent de changement social. Il est extrêmement facile, dans le fond, d'accepter toute nouvelle technologie sans avoir fait la part des choses. «Tout nouveau, tout beau», comme on dit très souvent.

Alors, une fois que les professeurs seront mis au courant et auront fait une réflexion sur Internet comme agent de changement social, le moment sera prêt pour une initiation à ce médium aux élèves, initiation qui intègre une analyse critique de ce nouveau médium-là. Enfin, on pourra passer à l'élaboration de didacticiels québécois dans la langue française et également de trousses didactiques qui utilisent ce nouveau médium.

Pour nous, les inforoutes ne doivent pas prendre la place des programmes, mais simplement les compléter et les améliorer. Les inforoutes peuvent être également un outil. Quand je parle de l'amélioration des programmes, ce que j'entends, c'est évidemment une actualisation des programmes face aux enjeux auxquels les élèves auront à faire face dès maintenant et également dans leur vie adulte.

Sur le chapitre de la santé, pour nous, le principal avantage des inforoutes, c'est, bien sûr, un accès à de l'information de qualité, plus rapide et plus facile, cependant, qui ne remplace pas l'expertise du spécialiste.

Et la seule conséquence que l'on craint véritablement, c'est que la télémédecine ou l'utilisation des inforoutes en médecine soit conçue uniquement par des médecins qui habitent dans les métropoles, qui pratiquent dans les métropoles, et devienne une vitrine de plus qui fasse la promotion, dans le fond, de la centralisation des services dans les métropoles. C'est pourquoi, pour nous, la télémédecine devrait, autant que possible, être conçue et développée par les médecins en région, ceux qui y résident ou ceux qui désirent s'y implanter, de façon à ne pas remplacer ces services-là dans les régions par des sortes de dispensaires équipés de terminaux Internet.

Évidemment, en tant qu'organisme qui a à coeur l'environnement québécois, on ne pouvait pas s'empêcher de contempler aussi les impacts que pouvaient avoir les inforoutes dans notre milieu, dans notre domaine et auprès des gens près de qui on travaille. C'est un outil qui nous a semblé extrêmement intéressant à utiliser, à développer. C'est pourquoi nous avons, avec l'aide du Secrétariat du Fonds de l'autoroute de l'information, développé ce site Internet qui s'appelle l'ÉcoRoute de l'information. Nous l'avons conçu comme un salon de l'environnement et du développement durable, un salon télématique, un salon virtuel qui vise à mettre en valeur l'expertise québécoise en environnement, qui vise également à décloisonner les différents champs professionnels en rapport avec l'environnement au Québec. Alors, on a là une vitrine, on espère arriver à y construire une espèce d'encyclopédie de l'environnement, donc une mine d'informations et aussi un lieu où les gens de différents milieux qui ont en commun l'usage et qui ont en commun l'utilité qu'ils voient au réseau Internet vont pouvoir l'utiliser.

En environnement, la question du cloisonnement des spécialités est une question vraiment qui est centrale, qui nuit énormément au progrès, et puis nous croyons que là on a une occasion, avec les inforoutes, de contribuer à briser ce cloisonnement.

Nous considérons aussi que l'ÉcoRoute est un bel exemple de projet structurant, comme je disais tout à l'heure. D'ailleurs, la participation de correspondants du gouvernement du Québec est attendue et est déjà appréciée. Par exemple, nous avons déjà eu des commentaires extrêmement constructifs de la part de gens du ministère de l'Environnement et de la Faune, des gens responsables de l'éducation et de leur propre site Internet, comme M. Clément Gauthier et Mme Nicole Lefebvre.

(10 h 30)

Je vais terminer la présentation avec des rôles que nous voyons que l'État devrait assumer au niveau des inforoutes. Le principal, le rôle le plus évident est peut-être l'État comme producteur d'informations et producteur de documents écrits. Les groupes environnementaux font souvent face à une réelle lacune qui existe au niveau de la distribution et de l'accessibilité de documents publics. Il y a d'excellents documents qui sont produits continuellement par les différents paliers de gouvernement, un grand nombre de rapports, d'études, mais également un grand nombre de documents expressément conçus pour le grand public qui, malheureusement, ne sont disponibles que pour une durée limitée, et, très souvent, on se retrouve dans la situation où un fonctionnaire, de très bonne foi, a à gérer, dans le fond, une caisse de documents qui diminuent petit à petit et puis qui deviennent introuvables dès que la caisse est épuisée.

De la même façon, le dépôt de ces documents-là dans les bibliothèques des ministères ne permet pas une véritable consultation rapide et efficace de la part des citoyens et de la part des groupes environnementaux qui, souvent, n'ont pas un accès privilégié à ces bibliothèques. Alors, le gouvernement du Québec, selon nous, devrait veiller à ce que tous les documents d'information publics qu'il produit à des fins de distribution soient accessibles sur le réseau Internet. Ça permet d'éviter justement les problèmes dont je parlais tout à l'heure.

Cette mise en ligne de documents gouvernementaux pourrait s'étendre aux documents produits par les partenaires privés auxquels s'est associé le gouvernement. Sur les dossiers auxquels nous travaillons quotidiennement en environnement, les études, les inventaires, les évaluations environnementales donnés à contrat à des firmes privées de consultants sont souvent difficilement accessibles puis sont, encore là, souvent d'une importance très grande, pour les dossiers sur lesquels on travaille, et ça faciliterait grandement notre travail, ça améliorerait grandement la question de la gestion de l'environnement québécois si ces documents-là étaient immédiatement accessibles.

Enfin, nous pensons que le gouvernement pourrait veiller à ce que le réseau Internet québécois soit protégé des défaillances. Encore là, nous laisserons aux spécialistes des questions des inforoutes le soin d'identifier quelles sont ces défaillances et quelles sont les solutions à ces défaillances probables.

Également, nous considérons que c'est important, en tant qu'organisme communautaire ou, en fait, en tant que groupe de citoyens et organisme regroupant plusieurs autres, au moins une bonne centaine d'autres groupes de citoyens, d'encourager et de supporter la constitution de réseaux et de services communautaires, services, évidemment, de groupes de citoyens, mais également les réseaux de professionnels, les réseaux de la recherche et, également, les réseaux de groupes d'intérêts. Cette autoroute de l'information a un potentiel formidable pour faciliter et stimuler des échanges qui étaient autrefois contraints par les distances. La méconnaissance des acteurs d'une région à l'autre... les gens du Saguenay–Lac-Saint-Jean, souvent, connaissent bien leurs acteurs entre eux, connaissent peu les intervenants de Montréal, ou de l'Outaouais, ou de l'Estrie, alors les inforoutes permettent, encore là, de décloisonner et d'ouvrir cela. Et, encore une fois, une dernière fois, cette conviction qu'on exprime maintenant à cette table, eh bien, on l'a exprimée concrètement aussi à travers ce projet de l'ÉcoRoute de l'information.

Alors, voilà. Je me rends disponible si vous avez besoin d'éclaircissements sur nos opinions, sur nos avis là-dessus.

Le Président (M. Garon): Mme la députée de Sherbrooke.

Mme Malavoy: Bonjour, M. Savard.

M. Savard (Martin): Bonjour.

Mme Malavoy: Merci pour votre présentation, qui est aussi claire et bien ramassée que le texte qu'on a sous les yeux. J'aimerais d'abord que vous me parliez un petit peu plus de l'ÉcoRoute de l'information, puisque, d'après ce que je comprends, vous êtes le coordonnateur de ce projet. Ce que j'aimerais savoir, parce que vous en faites une description brève dans le document, c'est: À qui ça s'adresse, qui l'utilise ou quelles sont les clientèles que vous visez particulièrement sur ce projet d'ÉcoRoute? Est-ce que c'est un grand public? Est-ce que c'est un public plus spécialisé? Et comment, dans les faits, ça fonctionne, cette expérience?

M. Savard (Martin): Je vais d'abord répondre sur le point de la clientèle qui est visée, la clientèle qui est rejointe par ce service. De la même façon qu'un salon de l'environnement, un salon qui se déroule dans un lieu d'exposition, vise à rejoindre une large clientèle et vise à rejoindre des clientèles aussi qui ont plusieurs intérêts, parfois même divergents, on a conçu aussi l'ÉcoRoute comme un lieu de rassemblement. Alors, l'ÉcoRoute, concrètement, se divise en huit secteurs.

Un secteur est réservé à des services d'échanges et, je pourrais dire, des services auxquels les internautes sont appelés à référer régulièrement: des informations sur les événements et l'actualité environnementale, les congrès, les colloques. Également, il y a un forum de discussions que l'on gère en collaboration avec l'Association des biologistes du Québec et la Biosphère de Montréal. On va également mettre en ligne un carrefour de l'emploi qui vise à mettre, encore là, en communication les gens qui offrent des emplois en environnement et ceux qui en recherchent.

Les autres secteurs couvrent des milieux de l'environnement au Québec, des milieux qui sont un peu cloisonnés et qu'on a mis côte à côte de façon à ce que les gens puissent y cohabiter sans crainte, aussi, et puis, également, de façon à ce que ces différents intervenants là puissent constater ce qui se fait dans le milieu voisin.

Alors, les milieux qui sont représentés par les différents secteurs de l'ÉcoRoute sont d'abord le milieu de l'écotourisme au Québec. On ne se le cache pas, l'idée de réserver un secteur à l'écotourisme, c'était dans le but, d'abord, d'avoir un secteur qui soit vraiment attirant et intéressant pour le grand public. C'est souvent par l'écotourisme ou par le contact avec le milieu naturel que l'environnement a trouvé ses militants et puis ses défenseurs les plus ardents. Donc, encore une fois, on utilise ce même moyen.

On a également un secteur institutionnel qui identifie d'une façon, je pourrais dire, beaucoup plus extensive et beaucoup plus détaillée que ne peut le faire un annuaire téléphonique l'ensemble des intervenants des trois paliers de gouvernement, dans le fond, fédéral, provincial et municipal, qui jouent un rôle actif tous les jours en environnement. Alors, par ce secteur-là, l'internaute, que ce soit le grand public ou que ce soit un professionnel, peut identifier quel est le rôle que chacun des ministères et, dans certains cas, que chacune des divisions des ministères joue en environnement: donc, savoir à qui s'adresser, à la bonne personne, à quel moment.

On a un secteur de l'industrie de l'environnement pour lequel on a repris la liste des entreprises qui sont actives au niveau de l'environnement au Québec, dans le but, encore là, d'identifier les acteurs, dans le but d'identifier les technologies, les ressources québécoises. C'est un secteur dont on imagine qu'il sera beaucoup plus utile pour les professionnels mais, également, qui est aussi une vitrine tant pour les Québécois que pour l'extérieur du Québec sur ce qui se fait ici.

Nous avons un secteur, bien sûr, des groupes environnementaux qui présentera une liste, encore là, de divers groupes environnementaux par sujet, par dossier, par région du Québec également, de façon à ce que ces groupes-là se reconnaissent les uns les autres, alors que, auparavant, ils n'avaient pas de contact, et de façon aussi à ce que le public sache où les trouver et comment en faire partie, comment les rejoindre et comment les appuyer.

Nous avons également un secteur sur le consommateur vert qui s'adresse beaucoup plus au grand public et dont l'objectif est de donner au public les moyens, je pourrais dire, de transformer ses actions de tous les jours. Au niveau de l'environnement, les impacts passent beaucoup par la consommation, que ce soit la consommation de produits et services ou carrément la consommation, je pourrais dire, qui dépend d'actes moins raisonnés, comme la consommation de l'eau, la consommation des transports, ce genre de chose.

Ce qui caractérise, je pourrais dire, le plus, ce qui est le plus original dans l'ÉcoRoute de l'information, c'est que nous avons fait bien attention que ce ne soit pas le site Internet de l'Union québécoise pour la conservation de la nature. C'est un site Internet qui se veut rassembleur, qui, dans les douze prochains mois qui seront consacrés à son développement intensif et les années à venir, à la suite de ce développement-là... C'est un site que l'on veut créer par la plus large gamme possible d'acteurs. Déjà, je disais que des organismes comme l'Association des biologistes du Québec collaborent avec nous pour animer certains des éléments de l'ÉcoRoute de l'information, d'autres vont produire des documents, d'autres encore vont mettre à jour et maintenir des bases de données. C'est un travail que l'on n'aurait pas pu faire nous-mêmes, seuls. Par contre, c'est un travail que, en collaboration avec un grand nombre d'autres intervenants, on va réussir à lui faire prendre l'ampleur suffisante pour que ce soit un outil de référence bien fréquenté, bien utilisé et qu'il ne se noie pas à travers l'ensemble des autres informations. Alors, ce sont les paramètres, là, que l'on a utilisés pour concevoir l'ÉcoRoute.

Mme Malavoy: Est-ce que j'ai le temps pour une petite sous-question?

Le Président (M. Garon): Allez-y.

Mme Malavoy: J'aimerais savoir le genre de débat qu'il y a. Parce qu'il y a un forum, si j'ai bien compris. Vous dites que des enjeux sont débattus. Donnez-moi un aperçu du contenu de ces débats, de ces discussions.

(10 h 40)

M. Savard (Martin): C'est encore tout neuf. Alors, les débats n'ont pas encore... Je ne peux pas dire que ce qu'on voit actuellement sur l'ÉcoRoute, c'est le reflet de ce qu'on veut que ce soit et de ce que ce sera. Donc, c'est tout neuf. Actuellement, l'ÉcoRoute est à peine connu. Il a été mis en ligne et publicisé il y a seulement deux semaines. Alors, c'est très, très court. Cependant...

Mme Malavoy: Donc, on n'est pas en retard, nous, si on n'en a pas entendu parler. On n'est pas très en retard.

M. Savard (Martin): Non, non, non, vous n'êtes pas en retard.

Mme Malavoy: Vous me rassurez. Vous me rassurez. Ha, ha, ha!

M. Savard (Martin): Ça a été lancé à l'occasion du Congrès mondial de la conservation, congrès auquel nous avons bénéficié aussi d'une bonne couverture de la part d'autres membres de la francophonie que l'on a intéressés à notre projet également. On s'est montré ouvert à faire des passerelles avec d'autres projets. Bien que l'ÉcoRoute soit essentiellement consacrée aux ressources québécoises, nous voyons d'un très, très bon oeil que d'autres fassent une initiative semblable ailleurs.

Alors, notre objectif, actuellement, de la façon dont est conçu le forum, il est mis en parallèle avec le site de la Biosphère de Montréal, qui font un journal consacré à l'actualité environnementale au Québec, c'est une actualité qui est fortement centrée sur les questions concernant le fleuve Saint-Laurent, mais qui déborde, là, fréquemment, au-delà de cet unique thème. Alors, les internautes sont invités à consulter ces documents d'actualité, à y répondre, à échanger sur ces documents. Ce que l'on a l'intention de faire avec l'Association des biologistes du Québec, c'est qu'un animateur va lancer des sujets et inviter les gens à y répondre, à chaque fois qu'il y aura... bon, continuellement, d'une part, sur les sujets d'intérêt général, mais particulièrement à chaque fois qu'il y aura un dossier, je vais dire un dossier d'actualité, un dossier chaud, là, qui fera les manchettes. Alors, actuellement, on aurait bien aimé faire quelque chose sur la question, une question qui nous tient bien à coeur, la question de la gestion du cochon au Québec. Bon, on a manqué cette occasion. Actuellement, l'ABQ organise son colloque qui est consacré au thème sur le Saint-Laurent. Probablement, dans les prochaines semaines, on va voir, dans le forum, des sujets, des interventions qui vont être développées dans ce sens-là.

Mme Malavoy: Merci.

Le Président (M. Garon): M. le député de Laporte.

M. Laporte: Il n'est pas là aujourd'hui, M. le Président.

Le Président (M. Garon): M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Ah bon! Là, il arrive, lui. C'est correct, il est là.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Laporte: M. Savard, j'ai bien apprécié votre présentation. Il y a un aspect de la présentation qui est vraiment original là-dedans – on en a entendu beaucoup à un moment donné – c'est la crainte que vous manifestez touchant le risque ou le danger d'une dominance des régions par des contenus, ou des habitudes, ou des façons d'agir qui seraient métropolitaines. Vous l'avez mentionné dans le cas de la santé, vous dites: Il ne faudrait pas qu'Internet devienne un véhicule pour faire passer des représentations, disons, de la métropole aux régions, enfin des représentations exclusives, ou des façons de se préoccuper, par exemple, des priorités en matière de maladies, de traitements. Vous avez mentionné aussi d'autres choses. J'aimerais que vous explicitiez un peu cette partie de votre pensée parce que j'ai trouvé ça très, très original.

M. Savard (Martin): En fait, au niveau de la santé, ce qui est un peu particulier, on connaît le débat qui a lieu entre la centralisation des services et puis l'accessibilité des services médicaux, particulièrement en région. Alors, c'est peut-être ça qui nous a fait craindre que, sous le contrôle uniquement des centres urbains, les inforoutes pourraient oublier les besoins particuliers qu'on retrouve en région. Elles pourraient devenir une vitrine qui dise, finalement: Regardez à quel point on a un service bien développé à Montréal, regardez les dernières technologies que l'on enligne; eh bien, ces technologies-là sont malheureusement «indisponibles» en région. Et on peut même, on a déjà, à plusieurs reprises, suggéré l'avantage des inforoutes pour les dispensaires en régions très, très éloignées. Alors, dans les régions très, très éloignées, je pense au Nouveau-Québec, par exemple, il va de soi que des services médicaux ne peuvent pas être offerts sur place à chaque fois qu'on a une petite communauté de quelques centaines d'individus. Cependant, on pourrait imaginer que, dans des régions du Québec, les solutions trouvées pour ces régions très éloignées soient appliquées dans d'autres régions du Québec et puis deviennent une porte ouverte à l'inacceptable, dans le fond.

Un bel exemple, un beau contre-exemple, je pense, à cela, c'est le Réseau télématique, qui n'est pas un réseau Internet, c'est un réseau privé, qui a été développé par les sociétés d'aide au développement des collectivités, qui sont des organismes implantés dans toutes les régions du Québec, qui utilisent, dans le fond, la télématique pour informer les gens de l'Estrie sur ce qui se fait en Gaspésie ou sur ce qui se fait au Saguenay–Lac-Saint-Jean, donc pour vraiment échanger des idées, alors que, auparavant, les gens qui étaient, pas vraiment à la tête, mais les artisans de ces sociétés d'aide au développement des collectivités, finalement, ne pouvaient profiter que de colloques, ou de congrès, ou de rassemblements, une fois par année, pour discuter et échanger sur ces solutions-là. Alors, pour nous, on pense que c'est un beau contre-exemple à la crainte, là, que l'on a émise.

M. Laporte: Donc, il y aurait, d'une part, un risque de marginalisation, ils se sentiraient marginalisés, c'est-à-dire qu'ils n'auraient pas accès à ces biens, qui seraient des biens d'exclusivité montréalaise, et l'autre danger, ça serait une espèce de danger de – c'est plus difficile à décrire, là – ça a l'air d'un danger de corruption.

M. Savard (Martin): En fait, par exemple avec l'ÉcoRoute, on essaie d'éviter cela. Vous savez, par le passé, ce qui est merveilleux avec les inforoutes, et particulièrement Internet, par le passé, il existait des réseaux locaux. Il a déjà existé des réseaux télématiques pour les groupes environnementaux de Montréal seulement. Évidemment, tout le monde était appelé à participer à ces réseaux-là. Malheureusement, pour se brancher, il fallait utiliser des liens par des longues distances, qui ont entraîné des frais téléphoniques. C'est ce qui explique que ces communautés-là, de groupes, parfois aient évolué en vase clos, et lorsqu'ils défendent des intérêts qui concernent, dans le fond, tout le territoire, eh bien, bon, encore là, la voix des régions n'est pas écoutée. Mais, dans le cas des services médicaux, ce qui nous semblait inquiétant, c'est qu'Internet rend possible le fait de dégarnir les régions sans trop qu'on puisse crier au scandale, et c'est là notre crainte.

M. Laporte: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Garon): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Merci, M. le Président. Bonjour, M. Savard. Je vous ai écouté attentivement et j'ai senti chez vous, à travers votre présentation, je dirais, une certaine réticence – je ne dis pas du conservatisme – par rapport à l'avènement de l'inforoute. Mais vous avez employé une phrase où vous avez dit: Tout nouveau, tout beau! Et il semble, d'après ce que vous nous avez dit, qu'on ne devrait pas aller trop vite, on ne devrait pas s'engager trop rapidement dans cette nouvelle technologie là. Entre autres, bon, on ferait mieux, peut-être, de former des professeurs... en tout cas, moi, je suis tout à fait d'accord avec vous, là. Mais, en même temps, on s'est fait dire depuis peut-être 15 jours, ici: N'hésitez pas à aller plus vite parce qu'on est en train de se faire dépasser, et on nous encourage à avoir une accessibilité à l'inforoute la plus adéquate possible pour les régions; même qu'on nous dit que 97 % de nos régions sont câblées, prêtes à recevoir Internet ou inforoute. J'aimerais ça avoir vos explications là-dessus, sur votre réticence, peut-être, un peu.

M. Savard (Martin): C'est une réticence qui n'est pas une réticence de spécialiste, comme je vous dis, des inforoutes, de technicien, mais bel et bien d'utilisateur. Ce n'est pas une réticence qui demande de ralentir le processus, mais au contraire qui félicite, dans le fond, la démarche que vous faites avec cette commission de la culture, qui est une démarche de réfléchir, dans le fond, et de dégager quelles sont les véritables, les bonnes questions, et quelles sont les conséquences des actes, bon, pour lesquels, là, on vous donne beaucoup de pression, et puis ces actes qu'on vous incite, avec une grande force et une grande rapidité, à poser. Alors, c'est beaucoup plus à ce niveau-là que se pose notre prudence.

(10 h 50)

C'est une prudence aussi, qui, vous l'avez remarqué, se pose beaucoup plus au niveau de l'intégration d'Internet dans les écoles, l'intégration d'Internet dans le système d'éducation. Pour nous, l'implantation d'une nouvelle technologie ne peut pas se faire, je veux dire, comme on implante un nouveau système de tuyauterie ou d'électricité, c'est quelque chose que les gens doivent assimiler avec un certain esprit critique qui va leur permettre, dans le fond, de voir, de prévoir surtout à partir de quel moment il y aura des abus et quels sont les écueils qui sont possibles, qui ne sont peut-être pas des écueils très graves dans certains cas, mais qui sont des écueils qui peuvent le devenir à partir du moment où on les considérera comme inévitables parce qu'on n'aura pas pris la peine d'y réfléchir.

Alors, j'ai nommé quelques-uns de ces écueils. La commission, d'ailleurs, posait clairement la question sur le sujet de l'isolement des individus. Il y a également les relations du monde du travail qui sont appelées à être bouleversées pour un grand nombre de travailleurs autonomes et un grand nombre aussi des nouveaux emplois qui seront créés par ces technologies-là. Alors, tout ce que l'on dit, dans le fond, c'est de ne pas être étonnés, de se tenir prêts lorsque d'autres catégories de citoyens, d'autres groupes de citoyens diront: Nous subissons ce changement technologique beaucoup plus que nous en profitons. Et probablement qu'il y a des solutions simples qui ont déjà été proposées et qui continueront d'être proposées pour éviter ces écueils-là.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Je peux poser une autre question?

Le Président (M. Garon): Oui, oui.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Prenons, par exemple, le système scolaire, au niveau de l'éducation. Si nos enfants n'ont pas accès rapidement à ces nouvelles technologies là, pour employer une expression du sommet économique d'hier soir, est-ce que la compétitivité de nos futurs dirigeants et dirigeantes dans les années 2000 va être aussi à propos?

M. Savard (Martin): Il ne s'agit pas, je pense, d'une question de délai, il s'agit beaucoup d'une question, à savoir de quelle façon on va faire cette implantation-là. Je pense aussi que les délais doivent être courts, la réaction doit être rapide, mais la réaction doit être réfléchie. Si vous me permettez, je vais faire un parallèle avec les questions environnementales et la question de l'éducation relative à l'environnement, avec laquelle, bien sûr, je suis beaucoup plus familier.

Pour nous, il est important, il est extrêmement important que la question de l'environnement, qui, aussi, fait appel à des notions scientifiques passablement complexes dans certains cas, soit intégrée au curriculum scolaire et que les élèves, enfin les futurs adultes aient les moyens de comprendre et puis d'agir en conséquence des enjeux environnementaux qui vont se poser à eux. Cependant, on a rencontré la contrainte du fait que l'environnement n'est pas un domaine traditionnel, un champ traditionnel de l'enseignement, à côté, par exemple, si je peux m'exprimer de cette façon, à côté du français, des mathématiques, de l'histoire, de l'économie, ce genre de chose.

La solution que nous avons trouvée depuis plusieurs années, c'est l'intégration de l'environnement aux matières. Il est possible de parler d'environnement en français, il est possible de parler d'environnement en mathématiques, et, à travers ces notions, toujours en contribuant aux connaissances de base qui sont essentielles en français, en mathématiques, etc., en contribuant donc à ces connaissances de base là et à ces habiletés de base, il est possible de faire passer les valeurs et les choix de société que l'on se donne pour avoir un environnement qui soit durable.

De la même façon, avec cette technologie-là, ce sur quoi on insiste, c'est de faire attention à bien passer les valeurs et, encore là, donner à l'individu les moyens de faire ses propres choix face à l'obligation, si je puis dire, de se mettre à la page et de se mettre au courant de ces technologies-là, pas vraiment de les refuser, mais de les maîtriser.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Merci.

Le Président (M. Garon): Alors, je remercie les porte-parole...

Une voix: Le.

Le Président (M. Garon): ...le porte-parole, oui, de l'Union québécoise pour la conservation de la nature de sa contribution aux travaux de la commission au nom de son organisme.

Maintenant, je vais inviter – je ne sais pas s'ils sont arrivés – les représentants de l'Institut canadien d'éducation des adultes à s'approcher...

M. Savard (Martin): Je vous remercie beaucoup de cette occasion.

Le Président (M. Garon): Merci. Je vais inviter les représentants de l'Institut canadien d'éducation des adultes, Mme Trudel, M. Pâquet et Mme Pelletier, à s'approcher de la table des délibérations, en leur disant: Vous avez une heure, c'est-à-dire, avec la commission, normalement 20 minutes pour votre exposé, 20 minutes pour les députés ministériels et 20 minutes pour les députés de l'opposition. Si vous prenez moins que 20 minutes, ils auront plus de temps pour vous questionner, ce qu'ils ne sont pas obligés de faire. Si vous prenez plus de temps, ils auront moins de temps pour vous questionner, et ça, ça leur sera soustrait de façon impérative, puisque nous avons une heure ferme, maximum. Alors, si le porte-parole ou la porte-parole peut se présenter et présenter la personne qui l'accompagne.


Institut canadien d'éducation des adultes (ICEA)

M. Pâquet (Pierre): Merci, M. le Président. Mme, MM. les membres de la commission, permettez-moi de vous présenter Lina Trudel, directrice générale de l'Institut canadien d'éducation des adultes. Je suis Pierre Pâquet, président de cet Institut. Malheureusement, la troisième personne qui devait nous accompagner n'a pas pu venir ce matin; elle doit se présenter cet après-midi au sommet économique. Un projet de l'ICEA a été présenté qui, éventuellement, devrait être retenu dans le cadre du chantier sur l'économie sociale, et il y avait une présentation à faire également. Donc, nous serons présents. Nous sommes deux au lieu de trois, tel qu'annoncé.

L'Institut est un organisme volontaire, un organisme sans but lucratif, qui compte à peu près 80 membres des milieux syndicaux, des groupes communautaires, dans le domaine de la main-d'oeuvre, de l'éducation populaire, de l'alphabétisation, de la coopération, qui compte également des établissements d'enseignement des divers ordres. On a à peu près 80 membres associatifs et il y a à peu près autant de membres individuels. Nous sommes heureux de fêter cette année notre 50e anniversaire, et vous avez pu voir, sur le mémoire, le logo à l'occasion du 50e anniversaire, «Partager le savoir», qui s'adapte très bien au sujet qui nous préoccupe aujourd'hui.

À titre d'organisme voué à promouvoir l'accès au savoir et à la participation des citoyens à la vie démocratique, l'Institut accorde une très grande importance à cette discussion publique sur les orientations à privilégier en matière de développement des inforoutes au Québec. La révolution technologique, amorcée depuis presque deux décennies, a considérablement transformé nos sociétés et fait faire à la science des progrès exponentiels. Nous avons été ainsi à même d'en mesurer la portée, les limites et les dangers. Bien qu'étant des outils très puissants, nous savons qu'ils ne pourront jamais remplacer le talent, la créativité, la connaissance, l'esprit d'initiative et le besoin de partager et de communiquer. L'intérêt de ces outils réside plutôt dans la qualité des contenus qui circuleront sur l'inforoute et dans le type d'usage qu'on en fera pour améliorer l'égalité des chances et la démocratie pour tous.

Force nous est de constater que les avantages du progrès technologique sont, à ce jour, fort inéquitablement partagés. Ces enjeux semblent avoir été à l'origine de cette consultation parlementaire, et nous sommes particulièrement heureux d'y participer. Dans ce mémoire, l'Institut propose un ensemble de pistes d'orientation et de moyens visant à faire de l'inforoute québécoise une voie privilégiée de développement et de démocratisation de notre société. Nous avons traité essentiellement de questions relatives à l'accessibilité, à la participation des citoyens, à la culture et à l'éducation, et nous terminerons en parlant du rôle de l'État.

Pour l'ICEA, l'accessibilité est au centre des enjeux. L'inforoute ne doit pas servir qu'à se promener ou à regarder les façades de lieux d'information et de connaissances inaccessibles. Elle doit permettre d'aller quelque part, d'apprendre et de s'informer, de rencontrer d'autres personnes, de communiquer. Au coeur des enjeux, l'accessibilité porte une double injonction. En plus d'assurer l'universalité d'accès aux équipements, il importe aussi de garantir l'accès aux services et aux contenus essentiels pour le développement des personnes et des collectivités.

Les études réalisées aux États-Unis et ici révèlent que l'accès à l'inforoute est actuellement l'apanage des gens instruits disposant d'un haut revenu et habitant les grandes villes, donc beaucoup moins en région. L'accès aux équipements, bien qu'important, ne constituera peut-être pas le principal obstacle, car les entreprises ont tout intérêt à commercialiser leurs produits. C'est en regard de l'accès aux contenus et aux sites les plus pertinents, aux chapitres de l'information et des savoirs utiles au travail, aux études et à la prise de décision que les clivages les plus importants vont se produire.

(11 heures)

Les sites à valeur ajoutée où l'information peut être archivée, traitée, analysée et organisée entraînent de plus en plus souvent des frais représentant des coûts prohibitifs pour les individus et les organisations à revenus modestes. Au Québec, l'entreprise CEDROM-SNi a bénéficié du soutien du Fonds de l'autoroute de l'information. Pourtant, elle impute des frais aux services de base de 50 $, auxquels s'ajoutent des frais supplémentaires pouvant atteindre 50 $ par mois pour différents types de services. À cet égard, Bill Gates, dont on ne peut ignorer les visées, ne rêve-t-il pas d'une autoroute où les postes de péage se multiplieraient et où l'on nous vendrait l'information, la connaissance et le patrimoine culturel par tranche et au kilo-octet?

Soulignons, à titre d'exemple, l'achat récent des droits de reproduction électronique par Microsoft de tous les grands fonds d'archives photographiques pour les commercialiser sur Internet. Ses principaux clients potentiels, les enfants, qui cliqueraient sur une photo et paieraient pour l'intégrer à leurs travaux scolaires. D'ailleurs, les projets de monnaie électronique se multiplient.

Ces projets, en expérimentation sur Internet, rendront possible le paiement pour la consultation ou l'impression d'une page Web, d'un paragraphe, d'un texte ou d'un document. Ces microtransactions paveront la voie à la commercialisation et à la marchandisation de l'information, de la connaissance et du savoir. Elles paveront la voie d'une autoroute à péage.

Les mouvements de fusion et de concentration des entreprises n'affecteront pas que les contenus. Certains signes nous laissent craindre dès à présent la mise en place de consortiums qui contrôleront aussi l'accès aux inforoutes. Chez nos voisins du Sud, on assiste au rachat de fournisseurs de services Internet indépendants par d'autres entreprises. Au Québec, le mouvement de concentration est aussi amorcé. Depuis décembre 1995, plus d'une vingtaine de fournisseurs de tout acabit ont été achetés par des entreprises comme Microtech et Malofilm.

Le marché de la téléphonie locale, principale voie d'accès à l'inforoute, est également dans la ligne de mire. On peut craindre, à plus ou moins brève échéance, d'assister à une augmentation considérable du coût du service de base, voire même envisager l'apparition d'une tarification à la minute d'utilisation. Le journal Les Affaires indiquait récemment que la déréglementation et l'accroissement de la concurrence dans ce secteur pourraient faire doubler les tarifs de base imposés aux usagers.

Nos recommandations au chapitre de l'accessibilité. D'abord, pour assurer une véritable démocratisation de l'accès à l'autoroute, l'ICEA propose la mise en oeuvre d'un chantier visant la définition et l'implantation d'un service de base universel qui favoriserait l'accès aux outils de communication et aux services d'information et de formation continue.

En deuxième lieu, l'ICEA pense qu'il faudra multiplier les points d'accès publics dans les écoles, les bibliothèques et les organismes communautaires, et ce, tant dans les régions que dans les municipalités du Québec.

Le second enjeu a trait à la participation des citoyens. Le potentiel démocratique des inforoutes est considérable en raison de leur caractère interactif. Elles permettent une multitude de communications horizontales. Elles permettent aux individus et aux collectivités de s'exprimer, de produire et de diffuser des contenus.

Les réseaux électroniques et l'inforoute pourraient, par leur potentiel de communication, soutenir la vie démocratique, améliorer les rapports entre les citoyens et les décideurs politiques. Ces outils peuvent contribuer non seulement à accroître l'accès aux informations gouvernementales, mais à permettre aussi aux citoyens et aux citoyennes d'exprimer leurs besoins et leurs points de vue. À ce jour, les documents gouvernementaux traitent peu du rôle de l'inforoute dans l'amélioration et la participation des citoyens à la vie politique, sociale ou communautaire.

À cet égard, plusieurs projets américains de participation, initiés par des organisations de la société civile, pourraient constituer des avenues à considérer. On pense à la Californie, au Minnesota, à Philadelphie, où on trouve des projets supportés par des fondations qui visent non seulement à stimuler la participation aux élections, mais aussi l'implication dans les actions civiques et l'émergence de projets de développement économique communautaires.

L'ICEA recommande que l'État favorise et soutienne le développement de tels projets émanant d'organismes représentatifs de la société civile et visant l'utilisation des inforoutes pour stimuler la participation des citoyens aux débats et aux décisions les concernant.

L'Institut, avec la Puce communautaire, a d'ailleurs soumis un projet à cet égard, et c'est celui dont je vous parlais, qui doit être mentionné cet après-midi, qui a été retenu pour financement, qui doit aller aussi au Fonds de l'autoroute de l'information.

Mais, s'il est vrai que les réseaux télématiques peuvent contribuer à améliorer les relations entre l'État et le citoyen, ils peuvent également engendrer méfiance et suspicion et faire resurgir le spectre de Big Brother. Ainsi, l'absence d'un vaste débat public sur des questions aussi fondamentales que l'implantation d'une carte-santé, la signature électronique, le partage de données entre les différents ministères ou l'accumulation d'informations par les entreprises et les organismes de service nous inquiète. Dans certains cas, les décisions semblent même être arrêtées sans évaluation des impacts sociaux. Les débats, lors du projet de loi n° 32, permettant au ministère du Revenu de se soustraire à l'application de la Loi sur l'accès [...] et sur la protection des renseignements personnels, ainsi que sur le projet de loi n° 36, visant à donner des pouvoirs accrus au Contrôleur des finances en matière d'accès aux banques de données des organismes publics, ont soulevé, avec raison, un tollé de protestations.

En conséquence, l'ICEA recommande que l'État crée un forum public permanent visant l'évaluation préalable des projets de développement de l'inforoute, telles la mise sur pied d'un service de base, l'élaboration d'un code de déontologie et de règlements, la carte-santé, l'identification et la signature électronique.

Le troisième enjeu concerne l'éducation et l'appropriation sociale des nouvelles technologies. Les déséquilibres originant de la disparité des moyens sont souvent aggravés par le manque d'information et de préparation permettant aux personnes et aux groupes de sélectionner dans cette mer d'informations celles correspondant à leurs besoins, de les ordonner, de les traiter, de les gérer et de les utiliser. L'éducation, pour une réelle appropriation technologique, doit donc constituer une priorité. Le principal défi pour l'éducation ne consiste pas surtout à apprendre à utiliser les appareils et les logiciels, pas plus qu'il n'est nécessaire de connaître la mécanique pour conduire une auto. La convivialité des interfaces permet d'ailleurs aux individus d'apprendre à utiliser un logiciel de navigation en quelques heures seulement. Le véritable défi pour l'éducation consiste à fournir la carte du monde et la boussole pour se diriger dans ce vaste univers.

La capacité des personnes d'utiliser les nouvelles technologies pour accroître leur potentiel nécessite le renforcement de compétences fondamentales beaucoup plus que techniques: apprendre à apprendre, à traiter l'information, à porter des jugements critiques et à développer sa créativité. L'apprentissage tout au long de la vie s'inscrit de plus en plus comme une réalité incontournable. Les personnes doivent renouveler sans cesse leurs connaissances, mettre à jour leurs compétences, se recycler, acquérir de nouveaux savoirs et s'adapter à des réalités de plus en plus mouvantes.

Il n'y a pas que les jeunes qui sont au coeur de la tourmente. Rappelons que 70 % de la main-d'oeuvre active en l'an 2000 a déjà quitté les bancs d'école. Selon l'enquête de Statistique Canada portant sur l'année 1993, 31 % des adultes québécois ont mentionné avoir des besoins de formation continue non satisfaits. L'absence d'offres de formation constitue d'ailleurs le deuxième obstacle à l'accès à la formation continue, après le manque de temps et avant l'insuffisance de moyens. L'autoroute nous ouvre tout un univers de possibilités quant à l'information, l'acquisition continue de connaissances et la communication.

Le système public d'éducation, en collaboration avec Télé-Québec, devrait développer rapidement une offre de services éducatifs pouvant être accessibles sur Internet. Cette stratégie permettrait d'alimenter les autoroutes en contenu québécois et éviterait du même coup que ces services ne soient accessibles qu'aux personnes mieux nanties. Laisser le développement de ces services au seul secteur privé contribuerait à renforcer considérablement la tendance à la privatisation et à la commercialisation de la connaissance et du patrimoine culturel.

Le quatrième enjeu a trait à la mondialisation et à la fragmentation culturelle. Sur la scène internationale, la guerre pour le contrôle des contenus et des marchés a pris des proportions inégalées avec la convergence technologique et le processus généralisé de déréglementation. Au tournant du siècle, certains prédisent qu'une dizaine d'entreprises mondiales pourraient contrôler l'ensemble des informations et des connaissances de la planète. Situé dans le vaste continent nord-américain, un pays francophone à faible densité de population comme le Québec ne pourra pas compter uniquement sur l'entreprise privée pour se tailler une place significative dans le cyberespace. Dans cet espace interactif de communications sans frontières, la problématique des contenus se pose en des termes très différents de ceux prévalant en télédiffusion de masse.

(11 h 10)

Le divertissement commercial omniprésent sur les réseaux de télévision ne présente certes pas autant d'attrait pour les internautes. Les études démontrent que près de 52 % des personnes utilisent Internet pour leur travail, mais ils sont aussi à la recherche d'informations et de savoir pertinents et utiles pour faire face aux exigences de la vie quotidienne et à leur responsabilité sociale.

Dans l'univers des inforoutes, nous passons d'un modèle axé sur la transmission à sens unique à un modèle centré sur la communication horizontale et multidirectionnelle. Cette technologie contribuera très certainement à briser le monopole des médias et à faire éclater leur mécanique de sélection des informations. La démocratie pourrait vraisemblablement mieux s'en porter.

Pour être en mesure d'intéresser les gens d'ici et d'ailleurs, il faudra développer davantage de sites riches en informations traitées et analysées qui permettront le développement et la multiplication de groupes de discussion et de communautés virtuelles. Différents sites de ce genre existent au Québec, mais ils sont encore trop peu nombreux. Les divers organismes ainsi que les milieux culturel et médiatique doivent, à notre avis, éviter de se servir de cet outil uniquement comme vitrine de leurs produits. Ils devraient chercher davantage à utiliser le potentiel de ces technologies pour améliorer la qualité de leurs produits et services ainsi que pour diffuser des contenus plus riches et plus diversifiés, tels que la transcription d'émissions, d'oeuvres du domaine public, d'articles scientifiques, et ouvrir des groupes de discussion sur diverses thématiques.

Toute politique visant à enrichir les inforoutes en contenu québécois devra nécessairement s'attaquer à la numérisation des oeuvres du patrimoine culturel pour les rendre accessibles sur l'inforoute. Le secteur privé pourra certes contribuer à la réalisation de ce chantier d'envergure; il faudrait toutefois éviter de leur vendre notre patrimoine pour qu'ensuite ils ne l'offrent qu'aux clientèles solvables. Avec le déploiement des inforoutes existe un réel danger de privatisation du savoir qui aurait pour conséquence d'élargir les inégalités. Pour prendre notre place sur les inforoutes, il faudra assumer le fait que la bataille se livre aussi sur le terrain linguistique. La langue, c'est à la fois une arme culturelle et économique, sans oublier qu'elle constitue aussi un obstacle important à l'accessibilité. Accepter que l'anglais devienne à la fois la langue des communications internationales et celle de l'inforoute, c'est à toutes fins utiles abdiquer face à l'hégémonie américaine et à la tendance à l'uniformisation culturelle. Cette bataille contre l'utilisation d'une langue véhiculaire unique sur l'inforoute concerne non seulement tous les pays de la francophonie mais l'ensemble des nations. Nous avons donc intérêt à développer des projets concrets de collaboration avec d'autres pays. Les logiciels de traduction plurilingues pourraient constituer une des clés permettant d'assurer une circulation plus égalitaire de l'information sur l'inforoute. Il faudra aussi apporter une aide à la traduction des contenus et favoriser le développement de logiciels et d'outils multimédias en français.

En conclusion, nous traiterons du rôle de l'État. Pour l'ICEA, l'État ne peut laisser aux seules forces du marché le soin de définir quelle forme prendra la société de l'information. Il doit intervenir pour favoriser une véritable synergie entre les différents enjeux socioculturels et économiques. Pour ce faire, il lui faudra faire preuve de vison et d'originalité afin que l'ensemble de la société québécoise puisse relever les défis posés par la société de l'information.

L'esprit d'innovation et le souffle créatif qui caractérisent tous les acteurs de la société québécoise ont permis de réaliser des avancés notoires dans les domaines de l'informatique et des nouvelles technologies. Il ne faut toutefois pas négliger l'appropriation des nouvelles technologies par l'ensemble de la population. La mise en place d'une politique équitable, transparente et assortie de mesures spécifiques facilitant l'émergence, la réussite et la pérennité de projets issus de la société civile, de l'économie sociale tout autant que de l'économie formelle constituerait une avenue à privilégier.

Pour que l'immense potentiel des inforoutes soit harnaché et maîtrisé dans l'intérêt de la société et de l'ensemble des citoyens, il faut donc que l'État se dote d'une politique globale en cette matière. L'ICEA invite le gouvernement à dépasser une conception étroite et économiste visant à limiter son rôle à celui d'utilisateur modèle pour assumer un rôle de leadership face à l'ensemble des défis que pose la société du savoir et de l'information. Merci.

Le Président (M. Garon): M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Merci, M. le Président. Vous avez, disons, tenu des propos sur la privatisation, que j'ai trouvés fort intéressants. Mais, est-ce que j'ai bien compris, que ce que vous craignez, finalement, c'est que, disons, en laissant un trop large espace de contrôle ou de production à l'entreprise privée on prenne le risque, disons, de créer des inégalités du point de vue de la commercialisation et de la diffusion de la connaissance ou du patrimoine ou s'il y a d'autres raisons pour lesquelles vous jugez que la privatisation, dans ce cas-ci, vous fait courir des dangers?

M. Pâquet (Pierre): Je dirais, dans un premier temps, que c'est de faire valoir qu'il y a des besoins pour lesquels la privatisation ne peut pas être une réponse. Alors, il y a des besoins pour lesquels la privatisation peut être une réponse, il y a des types de besoins de développement pour lesquels le secteur privé peut fort bien faire des développements; et elle le fait déjà, et c'est quelque chose qui va très vite. Mais on se dit: il y a d'autres types de besoins au niveau de l'accessibilité de l'ensemble de la population, au niveau de la participation des citoyens qui ne peuvent pas trouver une solution de ce côté-là; ça prend d'autres approches. Donc, il ne faut pas que la tour de Pise penche seulement d'un côté mais qu'il y ait la possibilité de développer aussi l'autre versant, l'autre volet. Et c'est dans ce sens-là qu'on a insisté dans notre mémoire.

M. Laporte: C'est ça qui serait votre crainte majeure? Vous ne pensez vraiment pas que le marché peut générer des rapports à cette technologie qui soient des rapports fondés sur l'équité. C'est sur ça que vous avez des réserves?

M. Pâquet (Pierre): Je vais demander à Mme Trudel de compléter.

Mme Trudel (Lina): Bon, je pense que, comme le disait M. Pâquet, c'est sûr que l'entreprise privée a un rôle important à jouer dans le déploiement de l'inforoute québécoise. Mais, par contre, nous, ce qu'on pense, c'est que dans une société comme le Québec, avec une faible densité de population, il est évident qu'on ne peut pas compter sur le secteur privé pour rendre accessibles des services d'information, des services de formation à valeur ajoutée.

La production de ces services-là, bon, je pense que ça exige des investissements, c'est assez coûteux, et, finalement, ça limiterait considérablement l'accès à des services que l'on considère de plus en plus essentiels pour les personnes comme pour les collectivités régionales pour pouvoir développer leur potentiel. Le savoir, c'est désormais la principale richesse, c'est le facteur le plus discriminant pour réussir dans la société. Si tous les services étaient exploités par l'entreprise privée, donc commercialisés, donc payants, c'est évident qu'on limiterait énormément cet accès-là.

Donc, pour le Québec, c'est absolument important de se dire: Si on veut prendre le défi de la société du savoir, il faut accepter aussi d'investir des fonds publics pour permettre que ce potentiel profite à tous les citoyens et nous permette aussi, finalement, de se développer sur la base des capacités de toutes les régions et des individus.

M. Laporte: M. le Président, juste un dernier commentaire, et c'est enregistré. Donc, vous dites qu'il y a un risque de production d'inégalités sociales tant du point de vue des classes sociales que du point de vue des régions.

Mme Trudel (Lina): Tout à fait, tout à fait.

M. Laporte: C'est ce que je voulais vous entendre dire.

Mme Trudel (Lina): Et aussi au niveau du patrimoine. Je pense que l'exemple qu'on avait de l'achat de la banque d'images par Microsoft, c'est vraiment des phénomènes assez extraordinaires, ça. Ça fait frémir quand on pense à ça. Mais c'est aussi des banques d'images de ce qu'on possède aussi. C'est aussi notre patrimoine culturel qui va être acheté, commercialisé. Alors ça, c'est des défis considérables que toutes les sociétés, pas juste le Québec, doivent pouvoir affronter. Et c'est pour ça qu'il est important que le gouvernement, par exemple, dans une politique d'ensemble, dise: Il faut procéder à la numérisation de notre patrimoine culturel pour qu'il soit accessible et, aussi, on a des richesses collectives, on a des savoirs accumulés dans les universités, ce sont des richesses que tous les Québécois ont payées, et donc des savoirs qui devraient être accessibles aux citoyens, et c'est ça qu'on voudrait qui soit mis sur les inforoutes.

(11 h 20)

M. Laporte: D'accord, je comprends. Merci beaucoup.

Le Président (M. Garon): M. le député de Champlain.

M. Beaumier: Merci, M. le Président. Je voudrais juste signaler une chose, au début, c'est le titre de votre mémoire: «L'inforoute québécoise, un espace de création, de liberté et de partage». Je voulais vous dire que je trouve ça très bien. Je pense que c'est très vrai aussi parce que c'est un potentiel, malgré les dangers que vous avez soulevés et qui sont réels aussi, c'est un potentiel et un objectif qu'on partage énormément.

Et ce qui m'a frappé plus particulièrement, je n'ai pas assisté à toutes les présentations qui ont été faites, mais c'est la première fois, en ce qui me concerne, qu'un groupe est allé aussi loin en ce qui concerne la démocratie. C'est quelque chose qui nous touche un peu plus, évidemment. D'abord, vous faites un lien très direct: l'accès à la démocratie par l'inforoute – c'est ça qui est bien important – n'est possible que par l'accès démocratique à l'inforoute. J'ai vu aussi la question des services de base que vous donniez, qu'on partage. Alors, il faudrait faire une équation effectivement pour que, si on veut avoir davantage de démocratie, l'inforoute peut le permettre, à la condition qu'elle ait un accès démocratique, que tout le monde puisse y avoir accès; c'est ça que ça veut dire. Alors, je partage... C'est moins des questions que j'ai, finalement, que des concordances et des appuis.

Deuxièmement, vous faites le lien aussi entre le vote et puis les débats. Je partage aussi cette opinion qui pourrait s'exprimer ainsi: Ce n'est pas le résultat... Même si on parle de l'électoral, ce n'est pas le résultat des élections qui est important, c'est les débats qui les ont suscitées. Une élection sans débats, ça n'aurait pas un score extraordinaire, ça peut ne vouloir rien dire. Et des débats, ce n'est pas ça qui manque, la seule chose, c'est qu'il ne faut pas les éviter à ce niveau-là. Donc, c'est un outil de plus, et puissant, qui peut faire avancer la démocratie par le biais des débats qu'elle permet surtout sur l'aspect interactif. Vous avez bien fait ressortir l'aspect interactif.

Un point aussi. Moi, personnellement, je vais réfléchir davantage sur le lien qu'il pourrait y avoir entre le gouvernement ou l'État et les citoyens, en termes non seulement de mise à la disposition des informations – on a même des projets de loi – mais aller beaucoup plus loin sur le fait que les citoyens pourraient intervenir dans l'action même de l'État au moment, par exemple, de l'adoption, d'une discussion d'une loi ou d'un budget, quelque chose comme ça, mais permettre à ce moment-là que les citoyens soient un intrant et non pas un intrus à ce niveau-là.

Dans ce sens-là, vous avez fait allusion, puis ce serait peut-être l'interrogation, à certains projets aux États-Unis qui vont dans le sens de la démocratisation, d'une implication du citoyen au niveau du vote, au moins, peut-être au niveau des sondages, mais vous avez fait allusion aussi à un projet qui permet d'assurer le développement des activités locales et de la participation sociale.

Dans votre texte aussi, vous faisiez allusion qu'il y aurait un lien entre l'inforoute et puis l'économie sociale. Si vous faisiez allusion au projet de cet après-midi, je vais respecter votre devoir de réserve, j'imagine, mais, ce qui m'intéresse, c'est de savoir quelle est l'expérience, quant au développement des collectivités locales, de la participation sociale et du développement économique de ces communautés-là. Pouvez-vous m'en parler un peu, de ce qu'il y a eu comme expériences aux États-Unis?

Mme Trudel (Lina): Bon. Je ne suis pas, personnellement, moi, très au courant de toutes ces expériences-là, c'est Mme Francine Pelletier qui est l'experte de l'ICEA pour tous ces projets-là. Elle a fait, elle, une analyse comparative de l'appropriation des nouvelles technologies par le milieu communautaire aux États-Unis et ici, et elle a constaté qu'au Québec on avait eu des avancées vraiment très intéressantes au niveau, par exemple, des médias communautaires. Le Québec est reconnu à cet égard-là comme étant un chef de file au niveau, par exemple, du développement des médias communautaires pour démocratiser les médias.

Concernant les inforoutes, on constate que le Québec prend du retard par rapport à ça, que les organismes communautaires du Québec sont... Nous, avec l'aide du ministère des Communications, on a fait une étude de besoins pour savoir où en sont les groupes concernant leur informatisation, et donc la possibilité pour eux d'utiliser l'inforoute. On a constaté qu'ils sont équipés au niveau de l'informatique et qu'ils souhaitent aussi utiliser les inforoutes, mais ils n'ont pas encore les moyens de le faire.

Donc, c'est important pour la société québécoise, ici, de dire: On a un potentiel extraordinaire au niveau du secteur communautaire. Il y a 5 000 organismes communautaires au Québec qui ont créé environ 40 000 emplois, qui ont développé des expertises, qui aident les personnes à se prendre en charge, et donc qui pourraient utiliser les inforoutes pour améliorer leurs services et aussi faire en sorte d'être des relais par rapport aux citoyens qui ne seront pas favorisés. C'est un peu dans ce sens-là, à ce que j'ai compris, que se développent des expériences américaines, c'est-à-dire utiliser les inforoutes avec des groupes pour développer des projets d'économie sociale, des nouveaux services, et c'est dans ce sens-là que, nous, on a avancé avec notre projet. Alors, ça, je pense que c'est intéressant.

Et, effectivement, dans notre mémoire, je pense que la partie sur le rapport entre l'État et les citoyens, c'est une partie dont on a constaté que ça avait très peu été traité dans les documents gouvernementaux. Et, comme vous le dites très justement, nous pensons que ce serait un moyen privilégié pour améliorer les communications.

Et, quand on regarde aussi le rapport annuel du Protecteur du citoyen, on se rend compte qu'il y a beaucoup, beaucoup de lacunes concernant le rapport entre l'État et ses citoyens, des lacunes au niveau de l'accès à l'information pour les citoyens, des explications que l'État donne sur les règlements, les lois, etc., aussi sur le manque de consultation des citoyens avant d'adopter des règlements, des projets de loi, des décisions. Donc, je pense que l'autoroute, à cause de son caractère interactif, pourrait permettre cette communication. Je pense que c'est vraiment un potentiel qui sera à développer et que l'État québécois pourrait devenir un chef de file, pas juste sur le terrain commercial des produits, mais un chef de file sur l'utilisation démocratique de l'inforoute. Là, on pourrait intéresser d'autres pays aussi là-dessus et on a des acquis par rapport à ça.

M. Beaumier: C'est très juste. Une dernière petite question, M. le Président. Vous disiez tantôt que les organismes communautaires étaient équipés mais qu'ils n'avaient pas les moyens. Pouvez-vous m'expliquer les moyens qui manquent? C'est quoi? C'est parce qu'ils n'ont pas le savoir-faire?

Mme Trudel (Lina): Dans l'étude de besoins qu'on a réalisée, on a constaté, par exemple, qu'ils ont été très rapidement compétents pour utiliser l'informatique, comme les entreprises, etc. Au niveau, par exemple, des modems, ils sont encore peu équipés, mais ils ont exprimé aussi un besoin de formation pour être en mesure d'utiliser ces nouvelles technologies, pour promouvoir des nouveaux services, pour pouvoir aussi faire circuler leur contenu sur l'inforoute. Ça, c'est important, parce que le secteur communautaire, un peu comme un organisme, comme l'Institut, on est des gros producteurs de contenu.

Par exemple, sur la formation continue, on a une expertise considérable. Donc, on pourrait, nous, avec des moyens accrus, faire circuler ces contenus, les partager avec d'autres groupes et être en communication avec des groupes à l'extérieur du Québec, au Canada et dans la francophonie, pour partager aussi toute cette expertise et ces expériences-là. C'est ça que les groupes communautaires voudraient pouvoir faire. Je pense que ce n'est pas nécessairement des investissements qui pourront être très considérables pour l'État, mais des investissements stratégiques de façon à ce que ces organismes-là puissent aussi prendre le virage des inforoutes et aussi pour que la société profite de leur savoir-faire et de leur expertise.

(11 h 30)

M. Beaumier: Je vous remercie beaucoup de votre mémoire et je reviens aussi pour vous féliciter pour votre titre. Je le retiendrai! Merci.

Mme Trudel (Lina): Ha, ha, ha! Il correspond à ce qu'on pense que ça devrait être...

M. Beaumier: Oui.

Mme Trudel (Lina): ...très profondément, effectivement.

M. Beaumier: C'est ça, exactement. Merci.

Le Président (M. Garon): Mme la députée de Sherbrooke.

Mme Malavoy: Bonjour, Mme Trudel et M. Pâquet. Moi aussi, j'ai beaucoup apprécié votre mémoire. Je le trouve bien fouillé, je le trouve stimulant et je trouve que vous abordez certaines choses avec un regard un peu nouveau par rapport à ce qu'on a pu entendre jusqu'ici. Alors, dites-vous que, quand on vous dit ça, c'est bon signe parce que je pense que, je ne sais pas, on a dû entendre au-delà de 50 mémoires à l'heure qu'il est, donc, voyez, ça veut dire qu'il y a encore des choses stimulantes et qui viennent nous...

Une voix: Soixante.

Mme Malavoy: Une soixantaine? Bon. Alors, je veux simplement vous dire que c'est bon signe quand on vous dit ça et c'est sincère.

Il y a une chose qui m'a frappée beaucoup au départ de votre mémoire, aux pages 4 et 5. Vous dites les choses de façon assez crue. J'avoue que je n'avais jamais pris conscience de ce clivage entre le médium micro-ordinateur, d'un côté, et puis téléviseur, de l'autre, comme provoquant un clivage entre les mieux nantis et les moins bien nantis. On a eu plusieurs personnes qui sont venues nous dire ici: C'est l'un ou l'autre qui va gagner. Évidemment, ceux qui sont des câblodistributeurs préféreraient que le téléviseur gagne et puis d'autres qui sont plus du côté de l'informatique souhaiteraient que ce soit l'informatique. Mais, vous, vous abordez ça pas simplement en termes de guerre, si je peux dire, technologique, mais aussi vous dites: Si on va d'un côté, on risque d'avoir plus du divertissement, plus de l'information à bon marché, de la consommation; or, de l'autre côté, ça peut être plus sophistiqué et on peut avoir un clivage entre des gens qui vont utiliser l'inforoute comme une voie vraiment pour augmenter leur savoir, et donc leur prise sur le monde, mais, par ailleurs, des gens vont en être absents.

J'aimerais juste vous entendre peut-être réfléchir encore un peu plus sur cette question-là parce qu'elle me semble fondamentale. Et je voudrais savoir d'où vous vient cette idée qu'on risque ce clivage, et est-ce qu'il est inévitable ou est-ce qu'il y a un rapprochement qu'on peut imaginer?

Mme Trudel (Lina): Bon. Alors, d'où nous vient cette idée? Bien, vous savez qu'à l'Institut on s'est beaucoup préoccupé du rôle des médias dans la société. Depuis 50 ans qu'on existe, on est toujours intervenu pour faire en sorte que les médias contribuent davantage à accroître le savoir, l'information pour les citoyens. Et on a constaté que les médias avaient évolué, les médias de masse, dans un sens de nivellement vers le bas. Donc, les médias de masse et la télévision, finalement, des contenus de divertissement, ce qui a fait en sorte que le potentiel de ces médias-là a été passablement détourné.

Et donc, nous, on s'est dit, et aussi la société québécoise... On a beaucoup, beaucoup misé sur le développement de produits culturels de divertissement. Je pense qu'on a beaucoup de créativité dans ce domaine-là. C'est une bonne chose. On ne nie pas ça. Par contre, on n'a pas assez misé sur l'importance de développer le savoir, la connaissance, de produire aussi des connaissances et de les rendre davantage accessibles. Et donc, nous, on s'est dit, par rapport à l'introduction de l'inforoute: Il ne faut pas faire ce même choix-là. Nous avons déjà actuellement accès à une multitude de médias qui nous permettent d'avoir accès à des produits de divertissement de masse. Ce n'est pas ça dont on a besoin. On a besoin d'autres choses. Ce dont on a besoin davantage, c'est d'avoir accès à des informations, à des connaissances utiles pour le travail, pour la participation à la vie démocratique et pour faire face aux défis de la vie quotidienne. Et c'est ça, dans le fond, qui a fait le succès d'Internet. Et c'est le choix qu'on doit faire aussi comme société.

Et donc, ça, ça nous amène à dire: Il faut donc privilégier des technologies qui permettent, qui favorisent cette interactivité-là, qui favorisent l'accès à ces services à valeur ajoutée. Et donc là, pour nous, ce n'est pas une question de privilégier le câble ou la téléphonie, mais c'est de dire: Ne privilégions pas uniquement la circulation de produits commerciaux, bon, de masse; privilégions davantage des produits à valeur ajoutée. Et c'est là-dessus qu'on pourrait faire en sorte d'être davantage compétitifs. Je ne sais pas si ça développe davantage notre approche par rapport à ça.

Mme Malavoy: Oui, je comprends très bien votre préoccupation. Mais vous ne niez pas que le téléviseur demeure probablement dans le décor, mais vous dites: Mettons, donnons accès de toute façon, quel que soit le moyen, à des produits de qualité.

Mme Trudel (Lina): C'est ça, et puis on est inquiets aussi de voir que l'État québécois avait consacré beaucoup de ressources à promouvoir, par exemple, le projet UBI, qui ne nous semblait pas présenter des garanties d'être une inforoute qui a un caractère interactif, qui a un potentiel de communication réelle, mais qui était davantage une autoroute, où, là encore, des fournisseurs de services diffusent, transmettent des services à une population donnée. Comprenez-vous?

Mme Malavoy: Oui.

Mme Trudel (Lina): Donc, ce n'est pas interactif, il n'y a pas de partage véritable dans ça.

Mme Malavoy: C'est-à-dire, c'est interactif, mais au minimum.

Mme Trudel (Lina): Exactement.

Mme Malavoy: Je peux faire du téléachat...

Mme Trudel (Lina): C'est ça.

Mme Malavoy: ...mais, en fait, ce n'est pas une interactivité...

Mme Trudel (Lina): Oui.

Mme Malavoy: ...qui me met beaucoup à contribution.

Mme Trudel (Lina): Oui.

M. Pâquet (Pierre): Si vous me le permettez, et contrairement à la télévision, parce qu'on n'oppose pas l'un à l'autre, les groupes communautaires, les individus peuvent être eux-mêmes des producteurs et des participants. Donc, il y a des besoins d'une autre nature, et le projet, par exemple, de communautique, qu'on a soumis, est un projet qui vise à la fois à équiper et à mettre en réseau des groupes communautaires, qui peuvent eux-mêmes être des relais auprès de la population. Donc, il y a un rôle de dynamique, si on veut, d'interaction, qui est complètement différent de la télévision, qui n'est pas, à ce niveau-là, en concurrence, mais qui est fort différent, qui est un autre type de service.

Mme Malavoy: J'ai une autre question. J'ai une autre question qui enchaîne un peu avec ce que mon collègue le député de Champlain abordait tout à l'heure, la question de la démocratie. Je trouve d'ailleurs que, dans votre document, il y a très souvent des concepts bien ramassés qui illustrent des choses. Par exemple, quand vous parlez d'érosion d'identité culturelle, je trouve que vous nommez bien quelque chose. Vous parlez de démocratie participative par opposition à une démocratie électronique, qui ne mettrait pas les citoyens à contribution sur le fond des choses.

J'ai tout de même une question, mais là je vous la pose comme étant quelqu'un qui est en politique active et donc qui est intéressé de savoir ce que les gens pensent: Quel poids, selon vous, devrions-nous donner aux informations transmises de cette façon-là? On nous reproche, par exemple, à certains moments, de gouverner par sondages. On dit: Vous prenez des décisions si vous sentez qu'elles ont la faveur du public; si elles ne l'ont pas, vous retraitez. On nous reproche ça. D'un autre côté, on doit trouver le moyen de savoir ce que les citoyens et les citoyennes pensent. Ma préoccupation, c'est de réussir à faire le tri. Parce que je peux bien ouvrir un site pour recueillir tous les avis du monde, mais ils ne sont pas triés, ils n'ont pas un poids relatif correspondant forcément à ce que la population, vraiment, pense. Je me demandais si vous aviez réfléchi un peu à ces questions-là.

M. Pâquet (Pierre): Bien, à un niveau, à un certain niveau, je pense qu'il est sûrement plus intéressant d'avoir des débats interactifs que d'avoir des résultats de sondages avec des questions qui peuvent être elles-mêmes orientantes. Je pense qu'à ce niveau-là le potentiel des inforoutes, à la fois pour dynamiser les débats et permettre, là aussi, des réseautages et des échanges, est considérable, et c'était de l'ordre des préoccupations qu'on avait en parlant de l'enjeu de l'accessibilité et de l'enjeu de la participation des citoyens. Parce que je pense qu'on sait bien qu'un sondage offre des possibilités fort limitées. On peut bien déboucher sur des pourcentages, mais on sait comment on peut faire parler des pourcentages. Je pense qu'il est plus intéressant de mettre en interaction des gens via des moyens comme ceux-là, comme l'inforoute, pour être capable d'avoir une richesse, une qualité d'information et de débat, et je pense qu'à ce niveau-là c'étaient deux éléments majeurs de la présentation qu'on faisait.

Mme Malavoy: Mais, en même temps, je reviens quand même avec ma question, il faut que, moi, je sois capable de bien traiter cette information. Quelqu'un me disait récemment qu'on peut, par exemple, faire envoyer des messages par d'autres pays, comme si de rien n'était, alors qu'ils émanent, finalement, d'un site beaucoup plus proche. Bon, je n'ai aucune idée comment ça fonctionne, mais enfin, quand on m'a dit ça, ça venait d'une source relativement fiable. Alors, ce que je crains, c'est que nous soyons à un moment donné inondés d'informations qu'on ait du mal à bien situer dans leur contexte et qui aient une influence réelle, peut-être exagérément importante, sur des orientations ou des décisions. Je ne nie pas l'intérêt de ce que vous dites, mais j'essaie de le pousser un peu à sa limite pour me dire, ensuite: Il faudra trouver des moyens, peut-être, de faire un peu de ménage, de circulation ordonnée sur cette inforoute.

(11 h 40)

Mme Trudel (Lina): Moi, peut-être que j'ajouterais que... je pense que c'est une question extrêmement importante qui va mériter aussi de faire des réflexions approfondies sur l'utilisation de l'inforoute, par exemple comme moyen de sondages, qui peut être aussi un moyen de contrôle, hein. Je pense qu'il y a vraiment des choses, il y a un potentiel qui peut être positif, et qui peut devenir aussi négatif s'il est mal utilisé.

Moi, je pense que, concernant cette utilisation-là, il faut peut-être se donner comme approche une approche d'ouverture par rapport à transmettre l'information aux citoyens par le biais de ces canaux-là et à recevoir de l'information des citoyens. Mais, par contre, il ne faut pas tomber, à mon avis, dans l'approche de gouverner par sondages. Donc, c'est bien évident que ces techniques-là pourraient permettre davantage de gouverner par sondages et de faire constamment des sondes et d'ajuster toutes les stratégies, toutes les décisions en fonction de ça. Je pense que la démocratie, ce n'est pas une démocratie de sondages.

C'est dans ce sens-là qu'on considère important de mettre aussi en place des groupes de discussion et des groupes de veille, de créer des communautés virtuelles où les personnes vont pouvoir échanger, discuter ensemble, par exemple, de projets de loi, ou d'événements, ou d'enjeux, ou de craintes, et c'est à travers cette discussion-là que les décisions de l'État pourront être questionnées, que l'État pourra aussi recevoir le point de vue, le résultat de ces échanges-là. Je ne sais pas si vous comprenez qu'il y a comme une dynamique à regarder là-dessus. Il y a des groupes relais, il y a des groupes de discussion, de vigilance qu'il faut qu'ils soient développés, aidés pour permettre qu'il y ait une véritable discussion démocratique. Parce que les décisions puis la participation des citoyens à des décisions, il faut que les citoyens aient, pour ce faire, des informations, hein. Alors, des décisions par sondages où les citoyens n'ont pas de bonnes informations, ils n'ont que des préjugés, ça ne fait pas avancer les choses. Donc, il faut qu'il y ait un échange, que les citoyens aient l'information puis qu'il y ait aussi possibilité qu'ils disent: Oui, on est d'accord; non, on n'est pas d'accord. Mais c'est dans ce sens-là.

Mme Malavoy: Merci beaucoup.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Est-ce qu'il y a d'autres questions?

M. Bissonnet: Oui, juste une question.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): M. le député de Jeanne-Mance.

M. Bissonnet: Moi, ce sur quoi je me pose beaucoup de questions, c'est sur l'accessibilité. Le citoyen ordinaire, qui est en région, ou dans la ville de Montréal, ou à Québec, n'importe où, il n'a pas les moyens, lui, d'avoir un appareil de communication pour entrer dans l'Internet. L'État va dire: Bon, il y a des systèmes dans les bibliothèques, il y a des systèmes chez les groupes populaires. Est-ce que vous avez une idée de comment ça peut être accessible, au pourcentage de la population, l'inforoute, en étant réaliste, là? Je veux dire, c'est bien beau que vous allez communiquer avec le gouvernement sur des projets de loi, mais ça va toucher... Combien est-ce qu'il y a de personnes, véritablement, qui vont être intéressées, qui vont avoir accès facilement à ça, à l'inforoute? Moi, je parle pour le petit monde bien ordinaire.

Mme Trudel (Lina): C'est ça. Bon, je pense que, dans notre mémoire, on parle du fait que c'est accessible actuellement à des personnes qui ont quand même des revenus assez élevés. Il y a aussi une enquête qui est sortie, qu'on a prise sur Internet, canadienne, qui montre que, finalement, actuellement, au Québec, à Montréal par exemple, il y a environ, je pense que c'est 17 % des foyers qui disposent d'un ordinateur. Ceux qui disposent de modems, bien, là, c'est vraiment très limité, hein. C'est à Montréal où il y en a le plus, et c'est 7 %. Donc, actuellement, les foyers québécois sont équipés d'ordinateurs de façon limitée. Mais, moi, je pense que, bon, les coûts des ordinateurs vont continuer de baisser; ça, c'est sûr.

Dans une période de transition, je pense que c'est de développer différents moyens d'accès, par exemple, en mettant... Je pense que, là, on a fait des bons choix comme société, en disant: La priorité, c'est l'école. Faire en sorte que les écoles soient équipées puis que les jeunes puissent avoir accès aux ordinateurs à l'école, ça, je pense que c'est un choix intelligent, et il faut le maintenir. Il faut aussi, bon, dans les régions, dans les petites localités, que les municipalités puissent favoriser l'accès des citoyens aux inforoutes: les bibliothèques, les organismes communautaires. Alors, dans une période de transition, ça peut être des moyens pour permettre d'élargir l'accès aux inforoutes.

Et, aussi, je pense qu'il faut mettre en place l'idée du principe de base, le service de base, de façon à ce que l'accès à l'inforoute puis aux services intéressants soit accessible à une plus large tranche possible de la population. Ça, c'est très important aussi. Parce qu'on ne peut pas dire, bon, du jour au lendemain, que tout le monde va pouvoir s'acheter un ordinateur. Mais il reste que ça va augmenter. Et il y a aussi au Québec la possibilité qu'il y ait un double – comment on appelle ça, là? – une double possibilité d'accès, soit par l'ordinateur ou le téléviseur. Et donc, là, je pense que le fait que les compagnies de câblodistribution investissent beaucoup pour que l'inforoute soit accessible, et par l'ordinateur, et par le téléviseur, ça, ça va accroître l'accessibilité. Ça, c'est intéressant.

M. Bissonnet: Merci beaucoup.

Le Président (M. Garon): Alors, je remercie les porte-parole de l'Institut canadien d'éducation des adultes de leur contribution aux travaux de cette commission. Je vais inviter maintenant la Fédération nationale des communications à s'approcher de la table des délibérations, avec Mme Larouche, M. Guénette et M. Sinotte.

Alors, si vous voulez vous présenter, Mme Larouche, et présenter les gens qui vous accompagnent.

Mme Larouche (Chantale): Oui, merci, M. le Président.

Le Président (M. Garon): Et nous avons une heure ensemble, c'est-à-dire que, normalement, vous prenez 20 minutes pour faire votre exposé et 20 minutes pour chacun des deux partis pour vous questionner, et, si vous prenez plus de temps – je ne vous empêcherai pas de parler davantage – ils auront moins de temps pour vous poser des questions. Si vous en prenez moins, bien, ils pourront en avoir plus, s'ils le souhaitent.


Fédération nationale des communications (FNC)

Mme Larouche (Chantale): Parfait. Merci, M. le Président. Je tiens tout d'abord à saluer Mme et MM. les commissaires. Denis Guénette, qui m'accompagne, est vice-président de la Fédération nationale des communications, et M. Yvan Sinotte est conseiller à la Fédération nationale des communications.

La Fédération nationale des communications, c'est le regroupement de 93 syndicats pour 6 000 artisans du secteur des communications au Québec, au Nouveau-Brunswick et en Ontario. La FNC est affiliée à la Confédération des syndicats nationaux, qui représente 245 000 salariés répartis dans toutes les régions du Québec et qui travaillent dans différents secteurs d'activité.

La FNC est la seule organisation québécoise du secteur des communications qui est affiliée à la Fédération internationale des journalistes, qui regroupe plus de 350 000 journalistes de 90 pays et dont le siège social est à Bruxelles. Par ailleurs, la FNC est membre également de l'Internationale des médias et du spectacle, qui regroupe près de 130 000 membres à travers le monde.

(11 h 50)

La Fédération nationale des communications compte parmi ses membres des journalistes, des techniciens, des employés de production et de bureau des principales entreprises publiques et privées de la radio et de la télévision, de la presse écrite et de l'édition. De plus, trois associations de travailleurs autonomes en journalisme, en production vidéo et dans le domaine des arts de la scène sont affiliées à la Fédération.

Au Québec, la FNC est l'organisation syndicale représentant le plus grand nombre d'artisans des principales entreprises publiques et privées du secteur des communications dont Radio-Canada, Télé-Québec, Télé-Métropole, Télévision Quatre Saisons, Vidéotron, Cogeco et CF Cable TV. Les membres de la FNC sont donc directement concernés par les mutations qui sont en cours dans l'industrie des communications, et c'est pourquoi on souhaitait participer à cette consultation du gouvernement du Québec.

D'abord, pour la FNC, il est clair que les communications constituent le pivot de la souveraineté d'un peuple. Les ramifications de ce secteur d'activité s'immiscent dans tous les aspects de la vie quotidienne. Les communications assurent la vitalité culturelle d'un peuple et la vivacité de sa langue, facilitent ses échanges économiques et son ouverture sur le monde. Enfin, l'avènement de l'inforoute ou l'autoroute de l'information a le potentiel pour élargir la démocratie et améliorer la qualité de nos vies. Toutefois, cette révolution, pour avoir les effets escomptés, doit tenir compte de l'intérêt public, ce qui signifie qu'on accorde une priorité à l'accès universel et aux moyens permettant de l'obtenir.

Le gouvernement québécois doit se faire le promoteur et l'initiateur du développement de la francophonie sur l'autoroute de l'information dans l'espace américain, aussi bien du nord que du sud. N'oublions pas que le Québec est le pivot de la culture francophone en Amérique. Tous les francophones d'Amérique sont des utilisateurs potentiels de l'inforoute et, si l'inforoute doit servir à quelque chose, c'est bien à resserrer les liens qui existent entre ces solitudes.

Le Québec peut aussi servir d'interface entre l'Europe et ces diverses communautés francophones sans diminuer toutefois les efforts de collaboration qu'ils ont déjà entrepris et que nous maintenons, nous aussi, avec les francophones d'Europe et d'Afrique. Le gouvernement québécois peut et doit aider à la création de nouveaux sites francophones et de services qui vont au-delà de l'Internet. Pourquoi, par exemple, ne pas favoriser une mise à jour et un répertoire des sites francophones? Pourquoi ne pas s'associer à une campagne de promotion des sites francophones sur l'inforoute? Le Québec aurait tout à gagner dans cet effort, car la multiplication de ces échanges créerait une activité importante ici, au Québec. À coup sûr, le Québec y trouve son compte. Pourquoi ne pas reprendre la route des pionniers, devenir, finalement, les pionniers francophones de l'inforoute en Amérique?

Plus que jamais, les États devront favoriser le développement de contenus culturels répondant aux aspirations des populations pour préserver l'identité culturelle. Il est bien évident que les craintes d'un nivellement culturel anglophone sont fondées. L'anglais étant ce qu'il est, les États-Unis étant ce qu'ils sont, la menace est plus que réelle. Ceux qui dominent l'inforoute, ce sont, avant tout, ceux qui dominent les contenus.

La culture francophone peut-elle s'y retrouver vigoureuse et forte? Chose certaine, l'État et ses institutions doivent s'occuper d'abord de contenus. À ce titre, l'État doit compenser l'absence de masse critique par son soutien financier et matériel. Il doit favoriser les alliances stratégiques au sein de la francophonie, car, à défaut de contenus francophones, les utilisateurs se tourneront inévitablement vers les contenus anglophones.

20 000 000 $ par année, c'est bien peu pour développer des contenus variés de qualité et répondre entièrement aux attentes évoquées dans le projet gouvernemental. Peut-on aider nos concepteurs de logiciels à percer sur les marchés extérieurs et pour qu'ils aient leur mot à dire dans le développement de produits de réputation mondiale, par exemple, les traitements de textes, créneau du multilingue, navigateurs, etc.? L'État doit soutenir la production culturelle électronique sous toutes ses formes dans la mesure de ses moyens.

Les diffuseurs publics, dont Télé-Québec, ont contribué à la qualité des contenus. Cette mission doit être réaffirmée et soutenue. La mission fondamentale des sociétés publiques doit être reconnue et faire l'objet d'un engagement financier de l'État pour qu'elles continuent de contribuer à l'épanouissement culturel.

La création de fonds spéciaux de financement alimentés de contributions mixtes, publiques et privées, dont les proportions relatives pourraient varier selon le type de contenus ou d'espaces à soutenir, pourrait être envisagée. Le financement privé pourrait être généré en fonction d'un prorata, par exemple, des recettes ou de redevances sur le volume des transactions effectuées. Le soutien des fonds aux espaces et contenus commerciaux serait ici exclu, évidemment, de cette mesure. Au Canada, les règles de distribution des contenus en radiodiffusion ont donné quand même lieu à la création de fonds financés par les câblodistributeurs et à des obligations quant aux types de services à distribuer, qui doivent ici nous inspirer.

L'État doit parvenir à imposer des règles pour faire en sorte que les auteurs reçoivent leur juste part de l'exploitation commerciale de leurs oeuvres. Des ententes internationales doivent exister pour éviter les abus. De plus, la diffusion des oeuvres par le biais des nouvelles technologies doit obtenir le consentement des associations d'auteurs et des auteurs pour éviter tout risque de manipulation de contenus à l'insu de ces derniers. Ces mesures de protection des auteurs et de leurs oeuvres sont absolument nécessaires pour susciter leur implication dans le développement des contenus.

Les inforoutes peuvent donner un accès direct à l'information et à la connaissance. Pour que la population bénéficie réellement de ce potentiel, l'État doit soutenir l'éducation de la population sur ces enjeux et aussi sur l'usage du nouvel espace informationnel. Plusieurs acteurs sont ici appelés à intervenir: les milieux de l'éducation à travers l'instruction publique, les organisations de citoyens à travers l'éducation populaire, les entreprises de télécommunications, de radiodiffusion et de services de communications à travers l'information la plus complète possible sur leurs services et leurs activités. L'État doit donc assurer les programmes, le soutien financier et l'encadrement réglementaire qui permettront à chacun de ces acteurs de jouer ici leur rôle.

Les inforoutes doivent servir l'intérêt public et la démocratie. Il faut donc éviter qu'un petit nombre d'entreprises dictent la conception et les règles d'opération de l'espace informationnel. Nous le savons, les plans d'affaires de plusieurs promoteurs s'organisent d'abord et avant tout en fonction des grands marchés urbains ou des territoires particuliers qu'ils desservent. Il y a donc risque que les petites communautés, les régions rurales et les zones plus désavantagées économiquement n'aient pas d'accès adéquat au nouvel espace informationnel. L'État doit donc veiller à ce que le développement des infrastructures ne réponde pas uniquement à des intérêts financiers.

Ce qui est clair, c'est que toutes les régions du Québec doivent avoir accès aux services de l'inforoute; un service de qualité, à un prix comparable à ce qui est offert en milieu urbain. Le gouvernement québécois ne doit pas utiliser l'inforoute comme le seul moyen d'économiser de l'argent. L'inforoute ne remplace pas les services directs à la population; c'est un outil d'information et non de substitution. Les inforoutes doivent servir à améliorer la qualité des services aux citoyens et non à les éliminer.

Ainsi, l'accès aux services actuels qui obtiennent l'adhésion du public, et ce, à des coûts abordables, doit être garanti. Ces services constituent des acquis que nous devons préserver, et c'est le cas, entre autres au Québec, des contenus télévisuels québécois. Il ne faut pas croire que tous les Québécois, qu'ils soient situés en ville ou en région, peuvent s'offrir les services de l'inforoute. Il y aura sans doute toujours des inforiches et des infopauvres, et ce, malgré la progression fulgurante du phénomène de l'inforoute.

De plus, la convivialité des services devra toujours être prioritaire pour garantir l'accessibilité, car il existe un très grand nombre de personnes qui seront automatiquement exclues du nouvel espace informationnel, soit analphabètes fonctionnels, soit simplement technophobes ou peu à l'aise avec la technologie, soit souffrant de problèmes de vision ou d'audition.

L'inforoute peut difficilement être considérée comme un service de base, pour l'instant. Par contre, l'État doit pouvoir garantir un service accessible par le biais des bibliothèques ou lieux publics: centres culturels, etc. L'État n'est pas un pourvoyeur d'ordinateurs et d'équipements informatiques, mais il a une véritable responsabilité, celle de rendre accessible l'inforoute par ses institutions. Peut-on aussi penser à la naissance de nouveaux médias de type communautaire qui nécessiteraient de la part de l'État des mises de fonds moins importantes, par exemple, journal sur Internet, radio sur Internet, etc.?

(12 heures)

Si on assure un accès minimal à l'inforoute, ceux qui vivent l'isolement pourront y retrouver des lieux d'échanges jusque-là inexistants. Il faut toutefois prendre garde à l'effet paradoxal de cette technologie qui peut aussi favoriser l'isolement. L'exemple évoqué dans le document de consultation de cette même commission, au sujet des enfants japonais, en dit long à ce sujet. S'il est vrai qu'un enfant japonais sur huit est devenu un autistique de l'informatique, c'est-à-dire un enfant totalement isolé de sa famille et de la société en raison d'une utilisation intensive de l'ordinateur, il y a fort à parier qu'avec l'inforoute ce danger menace également les jeunes Québécois. Sans être alarmistes, il y a certainement lieu d'être prévoyant à cet égard.

L'être humain a une facilité d'adaptation étonnante, on ne peut tout prévoir et il ne faut pas chercher à tout baliser. Nous savons que des gens n'accéderont jamais à l'inforoute, d'autres en sont déjà des mordus. Entre les deux, on peut s'attendre à retrouver tout un éventail de points de vue sur ce qu'est et sera l'inforoute.

Si le monde du travail doit se transformer, il faut que ce soit en vue d'une plus grande efficacité. Il ne faudrait pas que ces changements se réalisent de telle façon que par des mises à pied ou des transferts dans certaines catégories d'emplois on en vienne à gaspiller des ressources humaines qualifiées et essentielles à la poursuite du développement des secteurs industriels. Au contraire, le développement de l'autoroute de l'information passe, entre autres, par la reconnaissance de la main-d'oeuvre existante. Ainsi, il est primordial de mettre en place des mesures permettant sa valorisation, notamment par son implication, sa formation et l'information.

L'État lui-même ne doit pas utiliser l'inforoute pour centraliser davantage son pouvoir. Nous savons que des entreprises utilisent la technologie pour essentiellement réduire leurs coûts: les banques en sont un bel exemple. La technologie informatique leur a permis d'afficher des profits records et, en même temps, de mettre à pied de nombreux employés tout en haussant de façon marquée leurs frais d'utilisation via, bien sûr, les guichets automatiques.

Il faut développer de plus en plus la formation en cours d'emploi par le biais de l'autoroute de l'information. Il faut aussi inciter les entreprises de production de contenus à former leur main-d'oeuvre. Dans les médias, cela pourrait contribuer à développer des concepts donnant une valeur ajoutée aux contenus déjà existants.

Le télétravail a ses avantages, entre autres, en terme de réduction des coûts des entreprises, mais ses inconvénients sont non négligeables. Un récent rapport du Bureau international du travail révèle que les travailleurs à domicile sont particulièrement vulnérables. En plus de l'isolement qu'ils subissent, les travailleurs à domicile se retrouvent sans recours en matière de sécurité sociale, de négociation ou de syndicalisation. Le Canada figure parmi les pays cités pour des problèmes juridiques de reconnaissance syndicale et de droit à la négociation.

Il existe au Québec deux lois régissant les relations avec les producteurs et diffuseurs, adoptées successivement pour améliorer le sort des artisans du secteur de l'industrie culturelle. Ces lois créent un régime particulier, différent du Code du travail, dont l'intérêt principal consiste à regrouper, aux fins de négociation collective, des personnes qui offrent leurs services à plusieurs employeurs.

Après cinq années d'application, il ressort clairement que ces lois sont insuffisantes et n'ont pas réussi à atteindre l'objectif d'amélioration des conditions d'exercice de la création artistique, culturelle et journalistique indépendante au Québec. L'une de ces lois, soit celle connue comme la loi 78, n'a pas encore permis, en fait, la conclusion d'ententes entre les artistes et les associations patronales, notamment parce que cette loi n'impose pas l'obligation de négocier.

Les lois du travail n'ont pas évolué et ne contiennent aucune mesure relative au travail indépendant, une catégorie d'emploi pourtant en très forte croissance. Au Canada, notamment, le travail à domicile a connu une augmentation de 40 % de 1981 à 1991 et le travail autonome passait de 7 % à 9 % de 1989 à 1994. Il est donc urgent de modifier les lois du travail pour y inclure des mesures qui tiennent compte des nouvelles réalités du monde du travail, dont la négociation multipatronale.

Au chapitre de la confidentialité, nous croyons qu'il faut absolument que l'autorisation du citoyen soit requise à chaque fois qu'il y a manipulation, transfert ou consultation de l'information qui le concerne.

Quant au contrôle des contenus, les organismes et mécanismes de contrôles existants doivent s'adapter à cette nouvelle technologie. Les policiers, douaniers et autres doivent faire leur travail. On ne peut codifier l'autoroute de l'information. Tout ce qui est illégal doit être sanctionné sur l'inforoute, comme ça l'est pour d'autres médiums.

Les organismes comme l'OPC et l'ACEF sont mieux équipés que nous pour traiter de ces sujets relatifs aux intérêts des consommateurs. Il faut surtout que les gens puissent se défendre s'ils sont piégés, que le commerce se fasse honnêtement, que les gens soient protégés contre tous les vendeurs à pression, commerçants et autres.

Le gouvernement doit éviter le recours systématique à la sous-traitance pour développer son expertise au bénéfice des citoyens. Que le privé ne s'accapare pas le fruit des recherches financées par l'État. Les logiciels doivent demeurer propriété de l'État et la connaissance ne doit pas devenir une propriété privée. Cela implique nécessairement la formation et la valorisation de la main-d'oeuvre actuellement à l'emploi de l'État. Il faut également qu'on interdise aux sociétés d'État et ministères de faire traiter leur matériel informatique à l'extérieur du pays, comme c'est le cas actuellement à la CSST où les copies de sauvegarde de leurs données sont confiées à une firme américaine.

La mise en place de l'inforoute québécoise permettra d'élargir la démocratie et d'améliorer la qualité de nos vies dans la mesure où l'intérêt public est au coeur de son développement. Une présence soutenue de l'État, à divers niveaux, apparaît ici essentielle.

Pour préserver l'identité culturelle, le gouvernement québécois doit notamment favoriser le développement de contenus francophones non-commerciaux.

La reconnaissance des auteurs s'avère primordiale, notamment au développement de contenus de qualité. Il est donc important d'établir des règles afin que ces derniers reçoivent leur juste part de l'exploitation commerciale de leurs oeuvres et conservent un certain contrôle sur les contenus en circulation.

Le gouvernement doit aussi veiller à ce que l'accessibilité aux inforoutes soit garantie dans toutes les régions du Québec et à toute catégorie de citoyens. La garantie d'accessibilité repose sur la convivialité des services, mais aussi sur un développement des infrastructures dépassant les seuls intérêts financiers.

De plus, la mise en place de l'inforoute ne doit pas avoir pour effet de limiter le développement et l'accès aux services actuels, les services directs à la population et les services de télédiffusion.

Enfin, le monde du travail doit s'adapter aux nouvelles technologies. Les lois du travail devront inévitablement évoluer pour tenir compte de ces changements, notamment par l'inclusion de la négociation multipatronale et la reconnaissance... je devrais dire une meilleure reconnaissance des travailleurs autonomes. La valorisation de la main-d'oeuvre par la formation et l'implication sont également nécessaires. Voilà ce qui conclut notre présentation.

Le Président (M. Garon): M. le député de Nicolet.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Merci, M. le Président. Mme Larouche, M. Guénette, M. Sinotte, j'ai beaucoup apprécié votre présentation. Je l'ai trouvée fort réaliste, parce que vous affirmez des choses dans ça qui, je pense, vont de soi; au niveau de la démocratisation, en fait, où vous dites qu'il y aura toujours des inforiches et il y aura toujours des infopauvres. Je pense que vous avez raison aussi là-dessus.

Il ne faut pas se conter de peurs, il y a des amants de l'ordinateur et il y en a qui ne le sont pas. Il y a des amants de la télévision et il y en a qui le sont moins aussi. J'oserais même citer... Il y a des producteurs agricoles dans mon comté qui sont à la fine pointe de l'informatique et leur voisin fait de la culture biologique. C'est sûr qu'il y a deux niveaux. Par contre, vous dites...

Une voix: Il y a même des sangliers.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Il y a même des sangliers, c'est vrai. Dans la belle ville de Bécancour. Vous dites, à propos de la cyberdémocratie: «L'inforoute [...] a le potentiel pour élargir la démocratie et améliorer la qualité de nos vies. Toutefois, cette révolution [...] doit tenir compte de l'intérêt public, ce qui signifie qu'on accorde une priorité à l'accès universel et aux moyens permettant de l'obtenir.»

Je ne sais pas si j'ai raison de voir une contradiction.

Mme Larouche (Chantale): Non. En fait, ce qu'on dit, c'est qu'il faut s'assurer qu'il y a un cadre de développement des infrastructures qui va permettre à l'ensemble du territoire québécois d'être desservi par des services de fournisseurs d'accès au réseau Internet. Évidemment, on ne demande pas à l'État de fournir des ordinateurs à chaque individu, ce serait un peu fou, mais, quand même, garantir l'accessibilité, c'est s'assurer que l'ensemble des infrastructures qui permettent d'avoir accès aux inforoutes s'étendent sur l'ensemble du territoire québécois, mais c'est aussi s'assurer – et on le dit un peu plus loin dans notre document – que, par nos propres outils, c'est-à-dire les bibliothèques, l'ensemble des acquis qu'on a comme gouvernement ou structure gouvernementale, services gouvernementaux, on puisse favoriser l'accès aux inforoutes à la population. Mais notre objectif n'est pas de fournir un ordinateur à tous, sauf que ça inclut également une espèce de contrôle et de cadre qui amène les investisseurs intéressés à développer les infrastructures à s'attarder à l'ensemble du territoire et non seulement aux zones payantes.

(12 h 10)

On sait très bien... Même avec la téléphonie – encore récemment on en parlait dans les médias – il y a des zones rurales qui n'ont pas encore accès à une ligne privée, une ligne téléphonique privée. Donc, il faut s'assurer que le phénomène ne se reproduise pas au niveau des inforoutes. Garantir l'accessibilité, c'est ça pour nous, sur l'ensemble du territoire. Peut-être mes confrères veulent-ils ajouter.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): J'aurais peut-être une autre question dans un autre domaine. À la fin de votre présentation, vous avez parlé de télétravail au niveau de la sécurité sociale; j'aimerais ça que vous développiez ça un petit peu. Je sais que vous êtes affiliés à la CSN.

Mme Larouche (Chantale): Oui.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): J'aimerais vous entendre aussi.

Mme Larouche (Chantale): Et nous représentons également trois associations de travailleurs autonomes, comme on le dit dans le document, au niveau de la production télé, au niveau des arts de la scène et au niveau journalistique.

Bon. Actuellement, les travailleurs autonomes n'étant pas reconnus notamment par les lois du travail et n'étant pas des salariés, alors, ils n'ont pas, à moins que ce soit inclus dans le Code du travail ou que ce soit adopté dans d'autres lois, ils ne peuvent pas négocier d'ententes avec les employeurs qui les embauchent. Par ailleurs, actuellement, le régime de sécurité publique ne permet pas aux travailleurs qui ne sont pas salariés de contribuer aux différents... bon, l'assurance-chômage, RRQ, etc. Donc, nous, on pense qu'il est grandement temps que la société québécoise se penche sur cette question et voie à permettre aux travailleurs qui n'ont pas un seul employeur d'avoir accès à ces services qu'ils méritent, parce qu'ils travaillent eux autres aussi. Alors, il faut développer des mécanismes leur permettant de cotiser aux différents régimes et leur permettant aussi d'être reconnus comme des travailleurs au sens des lois du travail, ce qui n'est pas le cas encore actuellement. À moins d'être salarié, actuellement, on n'est pas reconnu par les lois du travail comme étant un travailleur.

Les seules lois, comme on dit, qui nous ont permis de favoriser la négociation d'ententes pour les travailleurs autonomes, ce sont les lois sur le statut des artistes. Mais il n'y a pas seulement des artistes, actuellement, qui sont des travailleurs autonomes au Québec, il y a une foule d'autres catégories de travailleurs qui, eux, n'ont pas eu cette chance de passer par la Commission de reconnaissance. Donc, il faut absolument, à notre avis, inclure la notion du changement des modes d'emploi dans les lois du travail.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Comment verriez-vous ça pratiquement, là, d'une façon pratique? Je vous donne un exemple. Cinq, six dames, dans leur sous-sol, travaillent pour un grossiste. Elles fabriquent, je ne sais pas, moi, des pantalons. Puis, bon, c'est des travailleuses autonomes qui ne sont pas nécessairement reconnues en matière de sécurité. À ce moment-là, l'avènement de l'inforoute pourrait... elles pourraient s'inscrire ou on forcerait l'entrepreneur, ou l'entreprise, ou le patron, ou la patronne, a les inscrire sur l'inforoute et, à ce moment-là, ça serait géré de façon à ce que ça soit mieux contrôlé?

Mme Larouche (Chantale): Ah! Nous, quand on parle d'encadrer, c'est-à-dire de permettre aux travailleurs autonomes ou aux gens qui font du télétravail d'être protégés ou d'avoir accès aux différents régimes de sécurité sociale et aussi d'être protégés par le Code du travail, on ne le voit pas par le biais de l'inforoute, là. On pense qu'il faut une législation, au niveau des lois du travail, qui va permettre la négociation multipatronale, notamment.

Par exemple, dans le secteur manufacturier ou dans le secteur des services, on pourrait voir la constitution d'associations patronales qui négocieraient avec une association des travailleurs autonomes d'un secteur. Alors, nous, on pense que les modifications au niveau des lois du travail passeraient beaucoup par l'obligation de négocier en multipatronal.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Ce qui, selon vous, éviterait le travail au noir, entre autres?

Mme Larouche (Chantale): On pense que ça peut avoir des effets, effectivement, des effets positifs contre le travail au noir.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Oui.

Mme Larouche (Chantale): Compte tenu que, bon, ces gens-là, effectivement, auraient à déclarer des revenus, obligation de déclarer les revenus, mais, en même temps, ils auraient accès à la protection à laquelle les salariés ont droit. Alors, oui, ça peut avoir des effets positifs. On l'a vu avec une association de travailleurs autonomes dans l'industrie de la télévision, qui a négocié une entente collective avec une association, l'APFTQ, en fait, l'Association des producteurs de films et de télévision, qui ont négocié une entente collective qui prévoit les prélèvements relatifs à la sécurité sociale et le paiement des cotisations syndicales. Tout est fait par l'employeur, l'association des employeurs s'est engagée à le faire pour chaque personne qui fournit du travail dans l'entreprise. Ça a un effet positif.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Merci.

Le Président (M. Garon): M. le député de Jeanne-Mance.

M. Bissonnet: Merci, M. le Président. Alors, je voudrais vous souhaiter la bienvenue à l'Assemblée nationale au nom de l'opposition officielle et vous féliciter pour avoir présenté ce mémoire à la commission. Une première question. J'ai déjà été membre de la CSN...

Une voix: Qui ça?

M. Bissonnet: Moi, j'ai été représentant syndical. Ah oui! J'ai connu pas mal de monde, là.

Mme Larouche (Chantale): Alors, vous allez bien comprendre ce qu'on dit.

M. Bissonnet: Ils sont tous partis, évidemment, ça fait des années. Alors, de quelle façon votre Fédération sensibilise tous les syndiqués de la CSN à l'inforoute de l'information? Est-ce que, dans votre organisme, avec les syndicats, est-ce qu'il y a... De quelle façon vous faites le contact avec eux pour les sensibiliser à ce qui s'en vient dans l'inforoute de l'information? Avez-vous des symposiums ou est-ce qu'il y a des rencontres, de quelle façon procédez-vous?

Mme Larouche (Chantale): Je vais laisser la parole à Denis, qui est responsable actuellement de ce dossier à la Fédération.

M. Guénette (Denis): Alors, de façon très sommaire, ce problème-là ou, enfin, cette réalité-là de l'inforoute, du télétravail, du travail à distance, préoccupe beaucoup notre Fédération. D'ailleurs, dans chacune des instances de notre Fédération, chacune des réunions, qu'elle soit annuelle ou bisannuelle, on aborde ces thèmes-là. Par exemple, en juin, lors d'une rencontre qu'on a eue, ce qu'on appelle, nous, un bureau fédéral, il a été question beaucoup des droits d'auteur versus l'inforoute. C'est une chose qui, pour des gens qui sont journalistes, notamment, a beaucoup d'importance, et ce sont des choses qui nous préoccupent beaucoup.

On a travaillé passablement à ce niveau-là, tenté de voir comment il est possible de protéger le travail de ces créateurs-là, donc des gens qui font des articles, qui écrivent des textes, de quelle façon, lorsque ces textes-là sont envoyés ou utilisés sur l'inforoute, ils sont protégés. Alors, visiblement, pour l'instant, il n'y a plus de protection et les lois sur la protection du droit d'auteur ont leurs limites. Elles protègent d'une certaine façon, elles permettent à des pigistes comme tels d'avoir une certaine protection de leurs droits, mais, pour les employés eux-mêmes, c'est extrêmement limité puisque ça appartient... par exemple, dans le cas d'un journaliste du Soleil , le produit de son travail appartient au journal. Donc, on a beaucoup regardé cette question-là, enfin on commence à regarder cette question-là sous l'angle des droits d'auteur.

Aussi, sur une autre dimension, comment l'inforoute, elle, va réussir à modifier, à transformer le travail des journalistes, notamment? Est-ce qu'il existe encore une nécessité d'avoir un décodeur, un journaliste décodeur, quand un accès à l'information sur le plan universel, un accès large à toutes sortes d'informations de la part des entreprises privées ou publiques est accessible à tout le monde, à l'ensemble de la population? Alors, c'est une des réflexions qu'on fait en ce moment et qu'on va poursuivre, d'ailleurs, prochainement à un de nos congrès annuels. On observe, on essaie de voir comment l'inforoute va modifier le travail des gens qui sont dans cette Fédération-là, de quelle façon ils devront s'adapter, de quelle façon également l'employeur peut favoriser cet accès-là, cette connaissance-là de l'inforoute, et comment l'utiliser comme outil de recherche. Alors, c'est des dimensions professionnelles qui nous préoccupent et c'est dans ce sens-là que, nous, sur le plan du travail, on aborde pour l'instant la chose.

M. Bissonnet: Merci. Vous étiez présents dans la salle quand j'ai posé la question aux représentants de l'Institut canadien d'éducation des adultes. Moi, c'est l'accessibilité. Je trouve ça... En tout cas, je ne sais pas comment ça va se faire, mais on a parlé tantôt que, dans les écoles, le gouvernement faciliterait la venue d'ordinateurs et tout ça. Dans votre mémoire et dans votre résumé de mémoire, vous en faites état, et je vous cite un petit peu ici: «L'inforoute ne remplace pas les services directs à la population et le gouvernement québécois ne doit pas l'utiliser comme le seul moyen d'économiser de l'argent.

«Toutes les régions du Québec doivent avoir accès aux services d'inforoute, un service de qualité – un service de qualité doit être dans toutes les régions – à un prix comparable à ce qui est offert en milieu urbain.»

Et, dans vos conclusions, je voudrais tout simplement dire ce que vous avez dit tantôt: «Le gouvernement doit garantir l'accessibilité aux inforoutes dans toutes les régions du Québec et à toute catégorie de citoyens.»

(12 h 20)

Dans toutes les régions du Québec, c'est important, mais aussi à toute catégorie de citoyens. Moi, je pense au monde défavorisé, au monde ordinaire. Comment on peut s'assurer... Tantôt, on a parlé des écoles, des municipalités, des bibliothèques, mais, chez les adultes, il y en a beaucoup qui ne vont pas dans les bibliothèques. Les statistiques, dans les bibliothèques, des gens qui vont à la bibliothèque... Moi, je suis à Saint-Léonard, on a une bibliothèque extraordinaire. Des jeunes y vont, mais ceux qui ont plus de 30 ans, 35 ans, les bibliothèques, là, ils n'y vont pas souvent, à ma connaissance. Alors, de quelle façon le gouvernement devrait-il prendre les moyens pour s'assurer, et pour assurer votre Fédération que toute catégorie de citoyens va avoir un accès, une accessibilité à l'inforoute?

M. Guénette (Denis): Juste une chose, c'est que vous n'êtes pas sans savoir, que, bon, pour l'instant, pour accéder à l'inforoute, ça prend un minimum d'équipement: ordinateur, modem, abonnement téléphonique. Il y a, et vous le savez sans doute, des générations d'ordinateurs – et il y a des entreprises qui travaillent là-dessus – qui vont produire des ordinateurs dédiés, donc des appareils qui, pour un coût moindre, 300 $, 400 $, vont pouvoir permettre aux gens d'accéder à l'inforoute sans avoir à se munir, à s'acheter, à s'équiper d'un équipement qui coûte 2 000 $, 3 000 $. Donc, ça, c'est la prochaine génération d'appareils qui vont permettre d'avoir un accès plus universel à ce qu'on appelle l'inforoute de façon générale. Et on pense que fatalement, avec l'arrivée de ces nouveaux appareils-là, davantage de gens vont pouvoir y avoir accès. Et, ça, c'est déjà un premier pas de démocratisation, si on veut, d'accessibilité. Mais l'État a une responsabilité, pour l'heure actuelle et dans l'avenir.

Lorsqu'on parle des bibliothèques, lorsqu'on a accès ou qu'on a la possibilité d'avoir accès gratuitement dans une bibliothèque publique à l'Internet, c'est déjà un grand pas vers l'accessibilité, la démocratisation de ce service-là. On espère seulement que l'Internet, l'inforoute ne demeurera pas quelque chose d'élitiste, de réservé donc à des gens qui sont des initiés et qui sont des gens qui ont les moyens de se payer ce type de services, et qu'une partie importante de la population soit laissée pour compte par rapport à ce phénomène technologique qui, de toute évidence, prend de l'ampleur en ce moment.

M. Bissonnet: O.K. Au niveau de la confidentialité. Vous avez vu que j'ai lu votre mémoire, j'ai regardé ça attentivement. Sur la confidentialité, ce que vous dites, c'est important mais... Vous dites: «Il faut absolument que l'autorisation du citoyen soit requise, à chaque fois qu'il y a manipulation, transfert ou consultation de l'information qui le concerne.»

Selon vous – parce qu'on a posé des questions aussi au président de l'accès à l'information – comment ça devrait se faire, là, pour préserver cette confidentialité, quels sont les moyens? Est-ce que vous avez regardé ça un peu? Je voulais vous faire parler, vous aussi, c'est à votre tour.

Mme Larouche (Chantale): Oui. M. Sinotte peut répondre à ça.

M. Sinotte (Yvan): Bien, tout simplement, ce qu'on imagine, c'est qu'il faut que les personnes sachent quel type d'information on recherche à leur endroit et autorisent que cette information-là puisse se véhiculer. Actuellement, on sait qu'il y a une foule d'informations sur notre compte qui peut se retrouver à de multiples endroits. On est plus ou moins au courant de ce qui circule exactement et où ça circule, et c'est à ce point de vue... et on arrive avec une autoroute de l'information qui va encore davantage...

M. Bissonnet: Plus loin.

M. Sinotte (Yvan): ...multiplier, de façon exponentielle, les lieux de réserve de cette information-là, les lieux de compilation. Donc, il y a encore plus de gens qui vont pouvoir posséder de l'information à notre sujet et qui vont pouvoir la transmettre aussi à d'autres, et tout ça à notre insu. Donc, on pense qu'il est temps, là, de faire le point là-dessus et qu'il n'y ait pas d'informations qui transitent sans l'autorisation des personnes concernées.

Maintenant, le mécanisme qu'on peut mettre sur place pour assurer ça... C'est sûr que l'autoroute de l'information, si elle permet que ça circule plus facilement, ça permet également qu'on puisse mieux surveiller ce transfert d'informations. Donc, il s'agit de voir quels sont les mécanismes qu'on peut mettre en place. D'abord, s'entendre sur des principes: qu'est-ce qui est acceptable, qu'est-ce qui ne l'est pas et, ensuite, sur les mécanismes qu'on peut mettre en place, de façon à ce que l'information qui nous concerne ne soit pas transmise à l'insu des citoyens.

M. Bissonnet: Merci beaucoup.

Le Président (M. Garon): M. le député de Viau.

M. Cusano: Merci, M. le Président. Je voudrais premièrement m'excuser de mon retard. Au niveau de votre mémoire, vous parlez du problème de l'isolement des personnes. Je pense qu'on connaît tous, ici ou ailleurs, des personnes qui vont passer des heures et des heures, que ça soit des jeunes étudiants, que ça soit le barman au Hilton, par exemple, qui, après ses heures de travail, passe un autre deux, trois heures, justement, sur l'info, lorsqu'il arrive chez lui.

Moi, ce qui m'intéresse particulièrement, c'est au niveau des jeunes. On voit ça, ces personnes-là, tellement attirées par la multitude d'informations qui est là. Chez certains jeunes, précisément, il y a cet isolement. Puis vous dites, dans votre mémoire, qu'il faut être prévoyant à cet égard. Est-ce que vous pourriez élaborer un peu plus sur la prévoyance?

Mme Larouche (Chantale): Moi, dans un premier temps, j'aurais le goût de dire qu'à partir du moment où on décide d'amener des ordinateurs dans nos écoles, de développer la connaissance technologique auprès des enfants on devrait, en même temps, développer l'éducation à l'usage des technologies, comme on a souvent déploré que ça ne s'est pas fait quant à l'usage des médias. On a souvent dit, nous: Bon sang! on devrait éduquer les enfants très jeunes à l'utilisation des médias.

Et on pense aussi que l'éducation... En tout cas, ce qui a trait à l'utilisation peut-être abusive – en tout cas qu'on pourrait qualifier d'abusive – des technologies, ou non avertie, pourrait être aussi l'objet d'éducation, d'autant plus si on décide de l'implanter dans nos écoles.

Pourquoi on utilise ces outils-là? Oui, ça peut être pour s'amuser, ça peut être pour s'informer, mais les amener à comprendre les effets à plus long terme de ces technologies-là, mais aussi, bon, les effets positifs, mais peut-être les effets négatifs, et les former à devenir de bons adultes, finalement, des adultes sociables. Ha, ha, ha!

M. Guénette (Denis): Parce que c'est évident que, pour qui a circulé sur Internet le moindrement, on se rend compte que c'est un peu le reflet de la société, au fond. Il y a tout ce que la société fait de mieux et aussi tout ce qu'elle fait de plus mauvais. Il est facile, en circulant sur l'Internet, d'avoir accès à des sites de pornographie, comme il est facile d'avoir accès à des sites d'une extrême intelligence et à des sites extrêmement bien faits, où on peut aller chercher tout ce dont on a besoin, autant sur le plan culturel qu'informatif ou autrement.

Alors, loin de nous, évidemment, l'idée de censurer ou de voir ça dans une optique de censure de l'accès à l'Internet, sauf davantage dans une perspective d'initiation, d'apprendre aux jeunes, par exemple, comment utiliser l'outil à des fins de recherche, à des fins d'éducation, à des fins d'instruction, donc d'une façon positive.

Mais ça pose évidemment toute cette espèce de dilemme moral de ce qu'est l'Internet et de ce que ça permet comme accès, l'accès à n'importe quoi, d'une certaine façon. Et ça, ça nous pose des questions.

Et, lorsqu'on parle de prudence, c'est un petit peu en ce sens-là, sans avoir la réponse sur ce qui devrait être fait. C'est un sujet de réflexion pour nous, je présume, comme pour vous également.

M. Cusano: Non, non, ça, vous embarquez sur un autre domaine, c'est toute la question de ce qui est présent sur différents sites. Je pense qu'on se trouve dans une situation présentement, entre les enfants et les parents, où c'est «the generation gap». Le trou est très creux entre les parents qui n'ont aucune idée de ce qu'il y a sur l'ordinateur. Ils voient quelques petites bebelles, là; c'est à peu près tout. Mais, après que les parents sont couchés, il y a certains enfants qui ont accès à des choses qui, en tout cas, selon moi, devraient être censurées, mais c'est une question personnelle.

(12 h 30)

Et je présume aussi que, comme avec d'autres technologies, éventuellement il va y avoir des techniques à développer justement pour que, par accès dans une maison, certains sites puissent être interdits. Et, de ce côté-là, je pense que, du côté du gouvernement et du côté de différentes associations, il devrait y avoir beaucoup de – je ne vais pas employer le mot «propagande» – d'informations au niveau des gens, comme avec la télévision payante maintenant. Vous savez fort bien que, si des parents décident que certains canaux sont bloqués, ça ne rentre pas dans la maison. Alors, c'est avec des choses comme ça, je pense, que le gouvernement devrait essayer de motiver, au niveau de différents concepteurs, cette possibilité de censure, mais une censure qui est faite à l'endroit où on peut accéder à l'information et non une censure de la part d'un comité, quelque part, qui va décider que ça, c'est bon puis ça, ce n'est pas bon.

En tout cas, je voulais simplement, peut-être, vous entendre aussi de ce côté-là, actuellement s'il y a des technologies qui sont disponibles, des logiciels qui peuvent être implantés justement au niveau d'un système où les parents... Ou, sinon les parents, parce que, des fois, ça devient assez technique, des groupes de bénévoles, des associations peuvent faire la promotion d'un tel logiciel pour dire aux parents: Voici, s'il y a des choses que vous ne voulez pas que votre enfant puisse rejoindre, vous avez des moyens de le faire.

M. Sinotte (Yvan): Oui. D'abord, je veux juste préciser, comme père d'adolescents, que, pour ce qui est de l'isolement, il y a des soirées où je préférerais qu'ils continuent à s'isoler un peu plus sur Internet.

M. Cusano: Ça fait moins de bruit que la guitare. Ha, ha, ha!

M. Sinotte (Yvan): Puis on voit aussi où ils sont. Ha, ha, ha! Mais pour revenir, juste avant d'aborder la question que vous venez de soulever, pour ce qui est de la question d'isolement, ce qu'on signale aussi, c'est que ça permet à des personnes qui sont isolées de sortir un peu de leur isolement en recourant à ces nouvelles technologies là, qui permettent effectivement d'aller chercher à l'extérieur de l'information qui n'entrait pas autrement dans leur milieu.

Pour ce qui est de la censure, vous comprendrez que, même de la censure bien intentionnée, comme journaliste, comme représentant de journalistes et à titre d'ancien journaliste, j'ai beaucoup de difficultés à envisager quelque forme de censure que ce soit. Et même le système dont vous parlez, le système de protection avec une puce qui permet de filtrer le type de signal qui entre dans les téléviseurs – donc on retrouve un système un peu semblable pour ce qui est des ordinateurs et d'Internet – c'est difficile d'être capable d'adhérer à des formes comme celles-là, comme artisan de l'information parce que, jusqu'à un certain point, c'est une déresponsabilisation du milieu parental. Parce que, si on est obligé de recourir à des expédients comme ceux-là pour contrôler ce que nos enfants reçoivent ou ne reçoivent pas, c'est problématique. C'est parce qu'il y a des valeurs qu'on a transmises ou qu'on n'a pas transmises.

Parce que les enfants, lorsqu'ils accèdent à des endroits comme ceux-là, à des sites comme ceux-là ou à des émissions de ce type-là, il y a deux façons de le faire, c'est ou bien par curiosité, puis, quand c'est le cas, la plupart du temps, après quelques visites de ce type-là, on passe à autre chose... C'est un peu comme les premiers temps où on est branché sur Internet. On voit Donjons et Dragons, ça fonctionne pendant un bout de temps parce que c'est interactif, et tout ça, contrairement au jeu original, et la facture Internet est beaucoup accaparée par ça, mais l'engouement se dissipe un peu avec le temps, et le temps consacré aussi est moins grand. C'est un petit peu la même chose pour les sites.

Donc, si on a des valeurs qu'on transmet comme société et comme milieu familial, je pense que c'est encore la meilleure garantie. La censure en elle-même n'est jamais une garantie de quoi que ce soit parce que la censure, c'est la meilleure façon de s'assurer qu'on va trouver des moyens pour passer à côté. Ca, c'est sûr. Donc, ce n'est pas la solution, à mon avis. Là, je n'engage pas la Fédération, parce qu'on n'a pas nécessairement des prises de position là-dessus, mais à mon avis c'est ça. Et je pense que, comme professionnel de l'information, on n'aime pas voir endiguer l'information, où que ce soit.

Mme Larouche (Chantale): J'aimerais peut-être ajouter quelque chose, toujours sur le même sujet. Effectivement, la censure, on n'est pas d'accord avec ça. Et la surveillance parentale, peut-être que pendant une génération on aura des difficultés, compte tenu que, comme vous l'avez mentionné, il y a peut-être un écart important entre la connaissance technologique des enfants et celle des parents. Mais il me semble aussi qu'il est de notre rôle, comme société, et aussi du rôle de l'État de développer la connaissance de ces technologies-là auprès de l'ensemble de la population, de là l'importance d'avoir l'accessibilité.

Je pense qu'il ne faudrait pas oublier aussi qu'on a des outils, au gouvernement du Québec, pour mettre en place des programmations, par le biais de Télé-Québec notamment, qui peuvent former, sensibiliser et informer la population sur ces nouvelles technologies, et ça peut avoir des effets positifs, ensuite, dans la maison. Comme le mentionnait M. Sinotte, en tout cas, il me semble qu'encore aujourd'hui l'éducation des enfants, ça appartient en grande partie aux parents. Alors, peut-être qu'on aurait intérêt à s'adresser aux parents aussi, par le biais de ce qu'on a déjà comme outils d'information et de formation, dont la télévision, qui peut être un moyen privilégié.

M. Cusano: Est-ce que j'ai encore un peu de temps, M. le Président?

Le Président (M. Garon): Oui.

M. Cusano: Je suis complètement d'accord avec vous, lorsque vous dites que toute la question des valeurs, ça doit être fait principalement dans le foyer. Je suis 100 % d'accord avec vous, sauf que, moi, en tant que parent... Pour prendre un exemple – on ne parlera pas de sexe – on peut aller sur l'Internet, aujourd'hui, puis trouver comment fabriquer une bombe, avec l'équipement qu'on peut acheter à droite puis à gauche sans aucune difficulté. Moi, en tant que parent, j'essaie autant que possible de transmettre mes valeurs aux enfants, de faire comprendre que ce n'est pas la chose à faire, dépendant de l'âge aussi du jeune. Moi, en tant que parent...

Des voix: ...

Le Président (M. Garon): M. le député de Viau.

Une voix: Il n'y a pas d'âge pour faire des bombes.

Une voix: Non, il n'y a pas d'âge.

M. Cusano: Ce que je veux dire dans ça... En tant que parent qui essaie de transmettre toutes ces valeurs-là, je veux aussi avoir une espèce de net de sécurité où dire: Bon, parfait, moi j'essaie de transmettre ces valeurs-là à mes enfants, mais, pour m'assurer qu'ils ne soient pas influencés par quoi que ce soit, je veux interdire, de chez moi, l'accès à des sites semblables. Je suis d'accord avec vous que la responsabilité fondamentale est aux parents, à la collectivité aussi, à nos écoles, et ainsi de suite. Mais particulièrement avec la question d'isolement aussi, comme je vous disais en blaguant, être sur l'Internet, ça fait moins de bruit que jouer du «metal rock» dans la maison. Alors, vous n'êtes pas toujours au courant de ce que le jeune est en train de faire. Moi, je pense que c'est ma responsabilité aussi, comme parent, de pouvoir m'assurer que, de tous les sites qui sont disponibles, je puisse en bloquer quelques-uns, si je le désire.

Mme Larouche (Chantale): Effectivement, comme parent, vous pouvez faire ce choix de ne pas donner accès à certains sites à vos enfants. Il y a des logiciels qui existent. Et déjà il y a des sites où on peut donner des consignes, en tout cas, où on dit: De telle heure à telle heure... ou il n'est pas permis de donner accès à ce site. En tout cas, il y a de plus en plus, je pense, une sensibilité qui se développe au fait qu'à la maison on peut exercer un certain contrôle. Tout n'est pas encore à point. C'est quand même relativement nouveau et il y a encore des choses...

M. Cusano: Et ça change à tous les jours.

Mme Larouche (Chantale): Oui, oui, et on vit bien des pépins, même, des fois, en naviguant. Mais je pense que c'est en voie de développement. Et on est d'accord avec ça, que, chacun chez soi, on puisse exercer un certain contrôle, comme on le fait pour les médias. Les parents peuvent décider que, de telle heure à telle heure, le enfants ne regardent pas la télé. Alors, on n'est pas opposé à ça en soi.

(12 h 40)

Mais, en même temps, je pense aussi qu'il faut reconnaître que, sur certains dossiers, il y a eu un peu de panique liée au fait qu'on n'est peut-être pas encore outillé pour voir ce qui se passe exactement sur ces réseaux-là, notamment relativement à la pédophilie. Il y a eu beaucoup, beaucoup de débats sur la question. À notre avis, les lois s'appliquent encore, même lorsqu'il est question d'acte criminel par la voie des inforoutes. Maintenant qu'on a des policiers en moto, en patins à roues alignées, peut-être devrons-nous avoir des surfers, des policiers qui surfent, des cyberpoliciers. Il faudra peut-être envisager, oui, quand même, une surveillance à ce niveau-là pour s'assurer que les lois sont respectées. Mais le contrôle par le biais de l'État, au niveau de l'usage ou de l'accès à des services... Nous, on pense qu'il appartient à chaque individu quelque part de décider de ce à quoi il veut avoir accès. Par ailleurs, ce qui est criminel peut faire l'objet de procédures criminelles, s'il y a des gens qui exercent une surveillance. Et ça, c'est possible de le faire.

M. Cusano: Merci bien.

Le Président (M. Garon): Mme la députée de Sherbrooke.

Mme Malavoy: Bonjour, madame, messieurs. J'aurais une question précise sur une suggestion que vous faites à la page 5 de votre mémoire. Vous nous conseillez la création de fonds spéciaux de financement. Je suis bien votre raisonnement quand vous dites: «L'État doit soutenir la production culturelle...» Je suis d'accord aussi avec vous qu'on a besoin de contenus; c'est ce qui va attirer les gens. Dans la mesure où on a des contenus de qualité dans notre langue, on va avoir envie de consommer ces contenus.

J'aimerais que vous me parliez un peu de ces fonds spéciaux de financement, d'abord que vous m'expliquiez un peu plus en détail l'alimentation de ces fonds. J'ai lu le paragraphe, mais j'aimerais quand même que vous me le redisiez en d'autres mots. Donc, l'alimentation, ensuite à quoi ça servirait, l'utilisation des fonds, et puis finalement la localisation, parce que vous avez mis ça au pluriel, donc, je suppose que vous les voyez peut-être disséminés sur le territoire. Enfin, j'aimerais que vous me disiez aussi où ils seraient localisés, si vous avez réfléchi jusque-là. C'est juste que ça me soulève, ces interrogations.

Mme Larouche (Chantale): En fait, on n'est pas allés très loin, sauf qu'on est partis, nous, des principes qu'on connaît relativement aux fonds de câblodistribution, où les distributeurs des services télévisuels ont dû s'engager à financer le développement de contenus. Alors, nous, on dit: De la même manière, les distributeurs de services inforoute, les fournisseurs de services pourraient utiliser une partie des sommes, des argents qu'ils vont chercher quant à la distribution des services Internet, ils pourraient en imputer une partie au développement de contenus, par le biais d'un fonds national qui permettrait de sélectionner des contenus à mettre en place sur les inforoutes. On n'est pas allés vraiment plus loin que ça, pour le moment. Mais on pensait que le modèle qui s'est instauré dans l'industrie de la câblodistribution pour alimenter la télédiffusion, la production télévisuelle, pouvait être une façon intéressante d'impliquer et le privé et le public au financement des contenus à développer dans le futur.

Mme Malavoy: Donc, il y a automatiquement, dans votre idée, l'idée d'un développement aussi dans les différentes régions du Québec.

Mme Larouche (Chantale): Oui.

Mme Malavoy: Ça peut rejoindre cette préoccupation que vous avez également et que je partage, d'offrir des services de qualité dans les régions du Québec.

Mme Larouche (Chantale): Oui.

Mme Malavoy: Et ça pourrait se faire comme se sont développées les télévisions communautaires alimentées par des fonds de câblodistributeurs ou... Je vois que vous hochez la tête. Est-ce que...

Mme Larouche (Chantale): Ça peut être en partie ça. Mais, en même temps, nous, on pensait à un fonds réellement dédié à la production de contenus à être diffusés par l'Internet. Alors, un peu comme on le fait pour la production indépendante télévisuelle, ce qui se distingue quand même du financement des outils communautaires, mais vraiment de façon à offrir, au niveau national – au niveau provincial ou, bon, national, on va dire national, pour ici maintenant...

Mme Malavoy: On est à l'Assemblée nationale. Alors...

Mme Larouche (Chantale): Voilà.

Mme Malavoy: ...vous pouvez dire «national» sans problème.

Mme Larouche (Chantale): C'est qu'on dit souvent ça, quand on est à Ottawa, et là on se mêle un peu. Ha, ha, ha! Alors finalement, nous, ce qu'on pense, c'est à un fonds québécois voué au financement de la production de contenus, de logiciels francophones. C'est vraiment de cette manière-là qu'on le voit. Ce qui n'empêcherait pas nécessairement la contribution ou le financement d'un produit dédié à une région, par exemple.

Mme Malavoy: Est-ce qu'il vous semble nécessaire qu'il y ait beaucoup d'argent, dans ce fonds? Le voyez-vous comme... je ne sais pas, de quel ordre de grandeur, plusieurs millions ou... pour qu'on arrive à faire quelque chose qui soit significatif?

M. Sinotte (Yvan): Si on veut, ça va être en croissance proportionnelle au développement même de l'inforoute, c'est-à-dire que plus il y aura de gens branchés, plus on alimentera. Donc, ça veut dire que plus il y aura de gens branchés, plus il y aura de demandes pour des produits dédiés à l'inforoute. Et donc, à ce moment-là, plus il y a de demandes, plus on pourra y consacrer des fonds. Donc, si on y va sur une proportion du prix d'abonnement, à ce moment-là, les fonds vont s'accroître avec la popularité du média.

Mme Malavoy: Merci.

Le Président (M. Garon): Je remercie les représentants de la Fédération nationale des communications, pour leur contribution aux travaux de cette commission.

Et, comme nous avons épuisé l'ordre du jour pour cet avant-midi, je suspends les travaux de la commission jusqu'à 15 h 30, cet après-midi, pour entendre l'Association québécoise pour le développement de l'informatique juridique. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 47)

(Reprise à 15 h 38)

Le Président (M. Garon): Comme nous avons quorum, nous allons commencer nos délibérations. J'inviterais d'abord l'Association québécoise pour le développement de l'informatique juridique à s'approcher de la table. Je pense que c'est déjà fait.

Vous deviez venir demain soir, mais vous avez accepté, comme il n'y avait pas de session cet après-midi, d'être présents à 15 h 30.

Alors, je vais inviter immédiatement M. le président, M. David Masse, à se présenter et à présenter la personne qui l'accompagne. Je lui dis que nous avons une heure ensemble, c'est-à-dire que normalement vous avez 20 minutes pour faire votre exposé, 20 minutes pour les députés ministériels, 20 minutes pour les députés de l'opposition. Ce que vous allez prendre en plus va leur être soustrait. Si vous prenez plus que 20 minutes, c'est possible. Si vous prenez moins de 20 minutes, ils vont pouvoir vous questionner davantage. À vous la parole.


Association québécoise pour le développement de l'informatique juridique (AQDIJ)

M. Masse (David): Merci. M. le Président, Mme la vice-présidente et chers députés, mon nom est bien David Masse, je suis président de l'Association québécoise pour le développement de l'informatique juridique et je suis accompagné aujourd'hui de Me Robert Cassius de Linval, qui est membre de l'exécutif, vice-président exécutif et président du comité organisateur des activités de l'AQDIJ.

Alors, premièrement, une petite mise en situation. L'AQDIJ est une société sans but lucratif qui a été fondée en 1992 par le ministère de la Justice du Québec, le Barreau du Québec, la Chambre des notaires du Québec et la Société québécoise d'information juridique, mieux connue comme SOQUIJ. À l'époque, la mission de l'AQDIJ était de favoriser le développement de l'informatique juridique auprès des juristes. Parce que le gouvernement du Québec de l'époque avait le sentiment que les juristes québécois traînaient de la patte par rapport à leurs confrères américains et, disons, les confrères ailleurs dans le monde – et le gouvernement du Québec avait l'intention éventuellement de proposer des développements technologiques par rapport à l'administration de la justice – et que les membres du Barreau, de la Chambre des notaires et de la magistrature, etc., ne seraient pas prêts pour les développements qu'à l'époque on croyait être imminents.

(15 h 40)

À l'heure où on se parle, les choses ont énormément changé et, c'est peut-être le cas maintenant, les juristes courent devant le gouvernement par rapport au développement de l'informatique juridique. Et je crois que le facteur le plus important qui pousse, disons, l'informatisation des juristes, c'est incontestablement Internet et l'avènement des inforoutes, pour maintes et maintes raisons. C'est une technologie assez éblouissante, et nous vivons une situation où, depuis de longues années, le taux d'informatisation des avocats, en particulier, ne bougeait pas tellement. Ça touchait environ peut-être 25 % de la profession. Depuis environ un an, un an et demi, le taux d'adoption des nouvelles technologies dans la profession semble s'accroître très sensiblement. Et, si on prend purement et simplement l'exemple de mon propre cabinet, que je connais très bien, nous avons réussi à informatiser, depuis les six derniers mois, des avocats qui, si j'avais eu à parier il y a trois ans, j'aurais dit, n'étaient pas informatisables, en aucune circonstance.

Maintenant, je suis et j'ai été élu président de l'AQDIJ au mois de juin et je me suis donné comme mission et j'ai donné comme mission à l'AQDIJ de favoriser le développement des inforoutes au Québec et le plus rapidement possible. La question, peut-être, c'est: Pourquoi? Est-ce que c'est parce qu'on est obsédé, un peu, de l'informatique et qu'on veut tout simplement utiliser cette nouvelle technologie à toutes les sauces? Ou est-ce qu'il y a vraiment des enjeux importants, est-ce qu'il y a vraiment une raison importante pour harnacher un peu tous les pouvoirs de la communauté québécoise pour avancer dans ces dossiers-là?

C'est assez évident, je crois, que les enjeux et les opportunités qui existent présentement sont tels que nous n'avons pas vraiment de choix. Nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir, comme société, pour implanter le plus rapidement possible les technologies de l'inforoute au Québec, car je crois que l'autoroute est incontournable. Elle viendra, qu'on soit impliqué ou qu'on ne soit pas impliqué. Les changements, les bouleversements qui sont à venir dans tous les champs d'activité viendront, qu'on le veuille ou non.

Maintenant, si on était peut-être dans un État des États-Unis comme l'Utah, ou peut-être la Californie, ou peut-être le Wyoming et qu'on posait la même question, il se pourrait fort possiblement que la réponse soit: Si l'avènement des inforoutes est incontournable, pourquoi s'en faire outre mesure? On attendra que ça vienne puis, quand ça viendra, ça viendra, puis on l'utilisera si on trouve que c'est bon, puis, bon, c'est dépourvu d'intérêt. Mais je crois que, lorsqu'on se place au Québec, la réponse se doit d'être différente, car, nous le savons tous, et je ne crois pas que ça vaille vraiment la peine de le répéter, nous avons une culture qui se démarque évidemment de toutes les autres cultures en Amérique du Nord et nous sommes relativement peu nombreux. Donc, nous avons une société fragile. Et, devant un avènement aussi historique que les autoroutes de l'information, je ne crois pas qu'on puisse avoir le loisir, tout simplement, de laisser passer les événements, de laisser venir l'événement incontournable. Je crois qu'on a l'obligation de s'impliquer et de devenir les agents de ce changement-là. Pourquoi? Laissez-moi vous donner peut-être un seul exemple concret. Et je terminerai avec ça.

Il n'y a pas longtemps, il y a quelques semaines même, le Barreau publiait dans Le Journal du Barreau les résultats d'une réflexion de plusieurs mois sur l'avenir de la profession. Et la conclusion du Barreau, c'était que, si on ne faisait rien d'ici 10 ou 15 ans, le salaire moyen des avocats chuterait de façon très importante, face à la concurrence très, très vive dans le domaine. Alors, la question, c'était: Que doit faire le Barreau? Est-ce que le Barreau doit contingenter et restreindre l'accès à la profession ou y a-t-il autre chose à faire?

Le Barreau a appelé ces trois alternatives le scénario statu quo, donc, on ne fait rien; le statu quo Albani, qui est le scénario du contingentement et d'un paquet de mesures proactives pour limiter la concurrence dans la profession d'avocat; et le scénario Singapour. Alors, c'est assez clair, quand on regarde les trois scénarios, que peut-être que le scénario Albani, ce n'est pas celui qui est préconisé, que le scénario Singapour, qui a un beau nom exotique, est peut-être celui que le Barreau envisage.

Le scénario Singapour, c'est le scénario selon lequel les avocats québécois maîtrisent les nouvelles technologies pour devenir concurrentiels dans le nouvel ordre économique, l'industrie du savoir mondial, global, face à la concurrence globale, etc., deviennent efficaces dans ce nouveau marché mondial pour les connaissances juridiques.

Alors, ma réaction personnelle, quand j'ai lu ça, c'est que j'étais très sceptique. Parce que je me dis, comme avocat, j'ai beau avoir deux ordinateurs portatifs, trois téléphones cellulaires, deux pagettes, un téléphone satellite dans ma voiture, puis ainsi de suite, est-ce que je pourrai pour autant pratiquer le droit et faire concurrence à mes collègues de Chicago, New York, Los Angeles, Paris, Genève, etc.? Je pense que la réponse est assez évidemment non. La profession d'avocat demeure ancrée dans la juridiction territoriale. Alors, je suis avocat à Québec, point final. Ce n'est pas en me branchant que je vais pouvoir exercer ailleurs. Mais je me suis dit: N'y a-t-il pas néanmoins une graine de vérité dans la conclusion du rapport du Barreau? Et j'ai tenté d'envisager un scénario selon lequel l'hypothèse du Barreau serait vraie.

Imaginez pour un moment que nous utilisions les techniques de la haute technologie pour améliorer et décupler l'efficacité de nos tribunaux, de nos services judiciaires. Présentement, tout le monde le sait, les tribunaux, c'est lent, ce n'est certainement pas la meilleure méthode ou la méthode la plus efficace pour résoudre des différends, tout le monde le sait. Le ministre de la Justice prononçait un discours la semaine passée, dans le cadre d'un déjeuner-causerie de l'AQDIJ, à Québec, et il évoquait le fait que, selon les études du ministère de la Justice, le délai moyen entre l'institution d'une procédure devant la Cour supérieure et le jugement final tourne vers les sept ans. Alors, ce n'est certainement pas efficace.

Mais, si on utilisait la technologie et qu'on revoyait nos règles de fond en comble et qu'on réussissait à changer notre administration de la justice pour en faire l'administration la plus efficace au monde, n'est-il pas envisageable, en prenant pour acquis que ce soit possible, que le Québec devienne, pour les litiges, ce que la Suisse est pour les banques? Vous me direz peut-être que ce n'est pas tellement réaliste. On pourrait peut-être, dans une certaine mesure, dire: L'administration de la justice, au Québec, c'est une tortue, et vous voulez en faire un cheval de course, ce n'est pas certain qu'on puisse y arriver. Je crois néanmoins... Et j'ai pondu cette thèse-là devant bon nombre de personnes, et des personnes quand même assez influentes, des membres de la magistrature, des membres du Barreau du Québec, etc., et personne ne m'a répondu pour dire: David, tu es malade, oublie ça, ça ne marche pas; tu as passé trop de temps au soleil, cet été, alors, oublie ça. Non. Par contre, on me dit: Ah, c'est intéressant, oui, fort possiblement, on pourrait peut-être devenir très efficaces, hyperefficaces dans l'administration de la justice et, oui, c'est possible de croire qu'on puisse, éventuellement en venir à faire de la concurrence dans les marchés mondiaux pour la résolution de litiges.

(15 h 50)

Si, au Québec, on réussissait à siphonner peut-être 1 % ou 2 % du marché existant pour l'arbitrage international – c'est ce que les gens, disons, font, ils ont généralement recours à l'arbitrage lorsqu'ils ne veulent pas s'en remettre aux tribunaux, en fonction des longueurs de délais – on pourrait avoir une situation où on trouverait une nouvelle source d'emploi, premièrement, pour les avocats québécois et, deuxièmement, avec une administration de la justice hyperefficace, on aurait pour la première fois la possibilité d'offrir la justice à notre classe moyenne et aux gens plus démunis, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. La justice québécoise ne sert que les grosses entreprises, certains diraient même, ne sert que les sociétés d'assurances et les institutions financières. Alors, c'est un scénario peut-être pas très, très réaliste, mais c'est au moins un scénario selon lequel, en adoptant la technologie, on vient à augmenter l'efficacité économique des avocats québécois.

Maintenant, c'est clair que, si on fait ce genre de chose, on vient décupler également l'efficacité de l'administration de l'État à tous les égards, non seulement dans... Si on est capable de faire ce genre de chose dans le secteur des services judiciaires, on est capable de faire le même genre de chose dans les secteurs des services de santé.

Je ne puis dire que j'ai lu tous les mémoires qui ont été déposés devant votre commission. Mais j'ai eu l'occasion de lire certains mémoires que j'ai choisis, et je crois pouvoir dire, pour les mémoires que j'ai lus, que, s'il y a un thème qui se dégage, ce n'est pas un thème de prudence et d'action modérée face à l'autoroute de l'information, c'est plutôt le thème qu'il faut agir rapidement et implanter ces technologies-là au Québec le plus vite possible, afin de devenir des meneurs mondiaux et de faire de l'État québécois un utilisateur modèle.

Alors, c'est ce que l'AQDIJ entend favoriser. Et nous avons déjà débuté des travaux de concertation parce que nous regroupons entre nos mains un peu tous les filons de la vie juridique québécoise. J'ai, sur mon conseil, le délégué personnel du bâtonnier de la province. J'ai le représentant qui a été agréé par le président de la Chambre des notaires. J'ai le directeur général de SOQUIJ, M. Jean-Paul Gagné, et un représentant du Centre de recherche en droit public de l'Université de Montréal, que vous devez connaître très bien et qui d'ailleurs a déposé un mémoire devant la commission parlementaire.

Alors, tout ce qui vit, tout ce qui bouge, tout ce qui respire, en matière d'informatisation de procédés judiciaires, se retrouve un peu entre les mains de l'AQDIJ. L'AQDIJ étant une société sans but lucratif, on est bien positionné pour concerter les gens. On n'a pas particulièrement de parti pris. On a pour but de n'encourager aucune industrie au dépens d'une autre. Alors, nous sommes vraiment bien positionnés pour faire la concertation et, à notre connaissance, à l'heure actuelle, il n'y a personne d'autre qui en fait. Vous avez des situations où, dans certains ministères du gouvernement, les dossiers d'inforoute avancent très bien et, dans d'autres secteurs, à l'intérieur d'un même ministère, vous avez des gens qui travaillent à contrefil. Alors, c'est l'essentiel de ce que j'avais à dire. Et je souhaiterais, à ce moment-là, prendre des questions des députés.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci beaucoup. Je donne la parole à M. le député de Viau.

M. Cusano: Merci. Merci de votre présentation, M. Masse. Je trouve ça extrêmement intéressant, particulièrement parce que je comprends qu'il y a deux choses que vous semblez vraiment toucher. Ce que je retiens premièrement, c'est une question de structure de fonctionnement technologique, une espèce de réseau fermé au niveau du ministère de la Justice et de toute l'application de la justice au Québec. C'est malheureux qu'on constate bien des fois que les ordinateurs, dans plusieurs institutions, ont remplacé la dactylo et ne font pas plus que la dactylo. Alors, de ce côté-là, ma première question est à savoir si, du côté justement de la volonté, certainement par vos contacts, que ce soit du côté du ministère de la Justice... Y a-t-il une volonté de la part du ministère de faire un peu comme Provigo l'a fait et d'autres compagnies le font, où c'est une question de structure, d'organisation pour que le processus aille le plus vite possible, pour que, lorsqu'une compagnie vend des aliments, elle soit capable de savoir combien de cannes de tomates sortent du magasin, à quelque heure que ce soit, ainsi de suite? C'est certainement de l'efficacité et ça donne une possibilité aux personnes qui gèrent tout ça de voir où elles doivent se diriger. En tout cas, je le comprends comme étant un réseau fermé, au niveau du ministère, de l'application de la justice. Est-ce que, de ce côté-là, vous avez des avances favorables du ministère ou même de la profession?

M. Masse (David): Disons que je vais répondre de la façon suivante. C'est que, si on regarde l'histoire de l'informatisation et des services judiciaires québécois, vous avez une situation où, à l'heure actuelle, le Québec est un meneur mondial dans l'informatisation des services judiciaires. Le greffe de tous les tribunaux québécois est informatisé depuis le début des années soixante-dix. Ce fait nous démarque déjà de presque toutes les autres juridictions au monde. Il n'y a pas une autre juridiction, à ma connaissance, qui est informatisée, qui a informatisé son greffe de la façon dont le Québec a informatisé le sien.

Maintenant, c'est une technologie qui est vieille de 20 ans, mais ça demeure que le travail qui a été fait au début des années soixante-dix fait encore aujourd'hui du Québec un meneur mondial et que les gens viennent... Il y a des délégations, qu'on n'invite pas, mais qui nous dénichent et qui viennent voir au Québec ce qu'on a fait à ce niveau-là. Maintenant, le pendule, lorsqu'on se parle aujourd'hui en 1996, c'est d'informatiser davantage, pas seulement le greffe, mais d'informatiser les flux d'information entre les gens impliqués, soit les cabinets d'avocats, les notaires pour les procédures non contentieuses, les cabinets de huissiers et le greffe du tribunal.

Le Québec présentement, le ministère de la Justice fait face, comme tous les ministères et tous les secteurs de l'administration publique québécoise, à des compressions budgétaires très importantes. Donc, la marge de manoeuvre par rapport à dépenser sur la technologie n'est absolument pas là. C'est malheureux. Il y a des juridictions aux États-Unis présentement qui ont beaucoup plus de budget, qui ont énormément de volonté, qui ont peut-être, à certains égards, un meilleur accès à de la technologie et qui ne veulent pas plus qu'informatiser leur processus judiciaire de fond en comble. Et, si on songe tout simplement au célèbre procès du pauvre M. Simpson – bien, pauvre M. Simpson, peut-être pas – au procès Simpson et qu'on voit le déploiement à grande échelle de l'informatique et des techniques informationnelles à l'intérieur de ce procès-là, il n'y a rien, mais rien, mais rien qui se fait au Québec de cette envergure-là.

Mais, aux États-Unis, prenez un État comme la Pennsylvanie, qui a l'intention de moderniser son administration judiciaire de fond en comble, ils viennent... La première étape dans ce processus-là, c'est l'informatisation du greffe. Présentement, si vous prenez l'exemple de n'importe quelle autre juridiction en Amérique du Nord, prenez l'exemple de l'Ontario, tiens, qui est très comparable au Québec, pour faire une recherche pour savoir si un certain individu est impliqué dans un procès devant les cours, les tribunaux de l'Ontario, c'est nécessaire d'aller à chaque greffe, dans chaque palais de justice et de faire une recherche alphabétique par juridiction, par tribunal, par année, dans des cartes d'index. Alors, c'est clair, c'est clair, c'est clair que c'est absolument le contraire de ce qu'on a au Québec.

Alors, en Pennsylvanie, ils se disent: On a l'argent, on a la technologie, on veut faire ça, on a la volonté, avançons. La première chose, c'est: informatisons notre greffe. Et, là à un moment donné, les gens se posent une question philosophique pour se dire: Si on informatise notre greffe, n'est-ce pas dire qu'on pourrait interroger notre greffe à l'échelle de la juridiction? Et là à un moment donné – vous connaissez fort bien les Américains – ils se disent: Oh, attendez une seconde, tout ça, le respect de la vie privée, un paquet de problèmes! Comment, moi, je vais avoir une cause de divorce ici à Philadelphie et quelqu'un à l'autre coin de l'État va pouvoir interroger son ordinateur pour savoir: Ah oui, un tel est en train de divorcer? Et là, à un moment donné, il y a un débat philosophique très, très, très important qui se déclenche. Et, tant que ce débat-là n'est pas résolu, la Pennsylvanie n'avance pas. Parce qu'il n'y a pas un chat qui va débloquer un dollar dans un projet d'envergure d'informatisation des services judiciaires tant que le débat philosophique à savoir «"c'est-u" quelque chose qu'on veut faire, oui ou non?» n'est pas résolu.

(16 heures)

Alors, le Québec, on a franchi cette frontière-là il y a 20 ans. Ça nous donne une longueur d'avance, pas nécessairement technologique, parce que la technologie ce n'est pas d'envoyer une fusée à la lune, ce n'est pas compliqué. Mais sur le plan philosophique on a franchi une étape, il y a 20 ans, qui nous met encore parmi les meneurs au monde, sur le plan philosophique. D'accord?

Vous avez raison, quand vous dites: L'administration de la justice au Québec, on a certains retards. Oui, on a fait de bonnes choses, au début des années soixante-dix, mais c'est seulement en 1996, à titre d'exemple, qu'on informatise le secrétariat de la magistrature. On est très en retard dans ce domaine-là. Dans les autres provinces, même, je sais... Je parlais à la représentante de l'Association canadienne des juges de cours provinciales et, en Colombie-Britannique, qui est sa juridiction, je sais pertinemment que tous les juges de nominations provinciale et fédérale qui veulent avoir un ordinateur n'ont simplement qu'à en faire la démarche et des ordinateurs portatifs leur sont octroyés très rapidement.

Au Québec, ce ne sont que les secrétaires des juges présentement que l'on informatise. C'est une vague d'informatisation que les cabinets d'avocats et de notaires en pratique privée ont franchie il y a 10 ans. Ça, c'est la mauvaise nouvelle. Mais la bonne nouvelle: informatiser des gens, ça se fait du jour au lendemain. On va chez IBM, on achète des ordinateurs, et le tour est joué. Et du jour au lendemain ces gens-là sont à la fine pointe. À l'heure où on se parle, aujourd'hui, les secrétaires des magistrats de nomination provinciale, je peux vous le dire, vous l'affirmer, l'informatique dont on vient de les doter est à la fine pointe, encore meilleure que ce que j'ai, moi, dans mon bureau. Ils ont un Wang, à l'échelle de la province. Alors, ils ont présentement des outils performants.

Prenons un autre dossier, le dossier de dématérialisation des flux d'information au niveau des services judiciaires québécois. L'AQDIJ a un comité québécois qui travaille depuis plusieurs années là-dessus. Et je pourrais vous dire qu'à certains égards, par le passé, la collaboration du ministère de la Justice n'était pas, disons, fulgurante dans ces dossiers-là; ça marchait à très petits pas. D'accord?

À l'heure où on se parle, depuis, je dirais – et, là, ce n'est pas scientifique – il y a environ trois ou quatre mois, il semble qu'il y ait eu un virage politique au niveau du ministère de la Justice. Un des symptômes de ce virage-là, c'est le discours que j'ai entendu prononcer par le ministre de la Justice il y a deux semaines, lorsqu'il était l'invité de conférence, de dîner, lors du colloque de la magistrature, et encore vendredi passé ici, à Québec, lors d'un déjeuner-causerie de l'AQDIJ, à Québec.

Il est clair, mais clair, suite au discours prononcé par le ministre de la Justice, qu'il y a une volonté ferme d'avancer dans tous les dossiers d'informatisation de la justice. Maintenant, à savoir si cette volonté-là s'est déjà concrétisée par des démarches plus tangibles que l'informatisation des secrétaires de la magistrature, je pourrais vous répondre que notre comité d'EDI judiciaire, qui est un des deux comités ou des deux groupes de travail qui font le travail le plus à la pointe présentement au Québec, nous avons enfin eu un débouché et nous avons une rencontre organisée avec un des membres du ministère de la Justice, en la personne de M. Gaétan Lemoyne, le 13 novembre prochain.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): M. le député de Viau.

M. Cusano: Vous avez partiellement répondu à une deuxième question que je voulais vous poser. C'est que, advenant un miracle: que le gouvernement du Québec aurait amplement d'argent justement pour s'assurer que le tout, ce que vous souhaitez, soit mis en place, j'aimerais vous entendre sur la question – vous l'avez touchée en donnant un peu l'exemple de la Pennsylvanie – de l'accessibilité à des individus au niveau de certaines informations qui seraient sur des réseaux accessibles à l'ensemble du public.

Ça, moi, je trouve que... C'est sûr qu'il y a certaines choses, qu'on parle des textes de loi ou quoi que ce soit, tu sais, qui peuvent être disponibles; personnellement, moi, je pense que n'importe qui veut naviguer à travers le Code civil du Québec – c'est sur informatique – tant mieux, et ainsi de suite.

Mais lorsqu'on arrive justement, que ce soit à des jugements rendus ou à d'autres choses qui sont publiques, même aujourd'hui – là, ce n'est pas une question qu'ils ne sont pas publiques – par le fait, comme vous le disiez, qu'il faut aller à tel ou tel endroit, tu sais, tel ou tel temps, et ainsi de suite, il y a une espèce de censure limitée, si on veut. J'aimerais vous entendre justement sur la question d'accessibilité de Jos Public, tu sais, qui est un maniaque de l'informatique, qui commence à naviguer dans le système à travers son ordinateur.

M. Masse (David): Disons que c'est une question qui recouvre ou qui recoupe plusieurs questions de pointe. Entre autres, ça touche à la question du respect de la vie privée par rapport à l'immensité croissante des données qui sont stockées sur l'informatique, un peu partout. Dans la mesure où on permet... Disons: on a un réseau d'information très, très efficace à l'échelle de la province. Bien, c'est clair que ces choses-là s'interrogent d'autant mieux.

Le problème ou le risque qui est posé par l'informatisation des informations concernant les citoyens est un risque qui existe déjà, dans le sens que la plupart des données numérisées qui existent concernant les citoyens québécois résident dans des banques de données, généralement du gouvernement, des institutions financières, etc., qui ont été montées depuis longue date. Alors, le risque est à peu près complet, à l'heure actuelle.

Dans la mesure où ces systèmes-là ne sont pas montés avec la sécurité qui s'impose, c'est clair que des gens peuvent emprunter les réseaux de communications existants pour tenter d'entrer par effraction et voir un peu ces dossiers-là. Mais je crois que le risque est rendu, à l'heure actuelle, à peu près à son maximum, dans le sens que les renseignements sont déjà stockés et dans le sens où il y a déjà suffisamment d'ouverture pour les gens, les esprits malfaiteurs qui veulent entrer par effraction dans les systèmes qui existent présentement.

La nouvelle vague de l'informatisation qui s'en vient, l'avènement des inforoutes, apporte avec elle de nouveaux outils performants qui permettent de sécuriser, de façon à peu près étanche, les flux d'information dans les réseaux ouverts, et la clé réside justement là. Prenons l'exemple – parce que c'est peut-être l'exemple le plus frappant – du secteur des services de santé.

Présentement, vous savez qu'on parle de l'implantation, à grande échelle, d'une carte à puce pour remplacer la carte d'assurance-maladie. Cette carte à puce permettrait éventuellement de doter chaque personne assurée d'une identité numérique, et cette identité numérique, sans entrer dans les détails très complexes de la sécurité des données dans les réseaux ouverts, permettrait de faire transiter sur des réseaux tout à fait insécuritaires et ouverts l'ensemble du dossier médical d'un patient, à titre d'exemple, de façon que le dossier ne soit interrogeable que par le patient ou par les professionnels de santé avec qui le patient a un lien personnel: donc, son médecin traitant ou peut-être le responsable d'une salle d'urgence d'un centre hospitalier.

Pourquoi? Certains croient que la carte à puce contient d'elle-même le dossier médical du patient. Mais la réponse technologique est beaucoup plus sophistiquée que ça, parce que la carte ne peut pas contenir tant de renseignements.

M. Cusano : C'est ça.

M. Masse (David): Ce que la carte est, en définitive, c'est une clé, et c'est une clé qui permet de déverrouiller des données qui sont scellées à l'intention seulement du patient. Alors, prenez l'exemple où on a... D'ailleurs, la Chambre des notaires, dans son mémoire à la commission parlementaire, annonce son intention d'établir à l'échelle de la province une infrastructure de clé publique. C'est l'infrastructure de clé publique qui est l'infrastructure juridique et technologique qui permet ce genre d'accès, chiffré sur demande, tout à fait confidentiel, l'accès aux données.

Maintenant... Parce que je ne veux pas... je pourrais vous parler fort longtemps seulement sur ce sujet-là.

(16 h 10)

M. Cusano: Non, c'est extrêmement intéressant, puis je pense qu'on pourrait continuer. Ça, du côté de l'accès, là, par l'entremise de clés, je n'ai pas une grosse préoccupation, parce que je pense, comme vous l'avez dit, qu'il y a des moyens d'assurer, jusqu'à un certain point, là, l'accessibilité. Moi, c'était plutôt en termes d'accessibilité plus générale. Parce que, si je comprends bien, là – puis corrigez-moi si je me trompe – ce que vous dites, c'est que, oui, par méthode, ce seraient des personnes choisies, assignées, des corps de différentes professions qui auraient accès à cette information-là. Est-ce que vous me dites que le public en général n'aura pas accès à ces informations-là? C'est ça que j'aimerais préciser.

M. Masse (David): Disons que le public en général aurait accès dans la mesure où on veut bien lui donner accès.

M. Cusano: O.K., limité.

M. Masse (David): Présentement, vous avez une situation, avec le greffe des tribunaux québécois, où n'importe qui qui veut s'abonner, par le biais de SOQUIJ, à la banque de données du ministère de la Justice peut avoir accès au plumitif à l'échelle de la province. Alors, présentement, qui fait ça? Ce sont les juristes – généralement, les bureaux d'avocats sont tous branchés – ce sont les sociétés qui font, disons, des reportages de crédit, qui sont toutes branchées.

Est-ce que, à titre d'exemple, les bibliothèques sont branchées? Généralement, la réponse est non. Est-ce que les particuliers ont accès? Généralement, la réponse est non. Maintenant, ils peuvent facilement avoir accès, car les terminaux d'interrogation existent dans tous les palais de justice. Alors, c'est clair que le citoyen peut facilement, gratuitement, descendre au palais de justice de Montréal ou de Québec et interroger à coeur joie, sous réserve, évidemment, des limites de temps et de l'accessibilité des postes de travail, peut accéder à coeur joie à ces renseignements-là.

Mais c'est vrai de dire que présentement, à toutes fins pratiques... Est-ce que l'ensemble des citoyens québécois ont accès hebdomadairement ou journalièrement à ces renseignements-là? La réponse est non. Mais, de toute façon, la question, ce n'est pas: Devraient-ils ou pourraient-ils? La réponse, vraiment, c'est qu'on doit avoir un système d'information efficace à l'échelle de la province, pour ensuite décider à quels renseignements on donne accès, à quels renseignements on ne donne pas accès, et à quelles conditions. On ne parle que d'une infrastructure; l'utilisation qu'on en fait, évidemment, c'est l'utilisation qu'on veut.

M. Cusano: Merci, monsieur. Merci.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Mme la députée de Sherbrooke.

Mme Malavoy: Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Ce qui m'intéresse, moi, de bien comprendre, c'est le rôle que vous souhaitez jouer, parce que, si je lis bien ce qu'il y a dans votre mémoire, vous nous offrez vos services.

M. Masse (David): Ha, ha, ha!

Mme Malavoy: Bien, je ne sais pas, il me semble que c'est dit à quelques reprises. Alors, dites-moi si je me trompe, mais je l'interprète comme ça. Alors, je voudrais bien comprendre ce que vous seriez en mesure de faire, parce que vous identifiez qu'il y a un besoin manifeste d'un lieu de concertation. Vous dites qu'il faudrait que ce lieu soit accessible à différents intervenants et vous dites, il me semble, assez rapidement, que vous pensez que vous seriez tout indiqués pour jouer ce rôle.

Alors, j'ai une première question sur ma compréhension, d'abord, je veux vérifier si j'ai bien compris, mais j'aimerais que vous m'expliquiez en quoi vous pourriez avoir un rôle par rapport à l'ensemble des intervenants. Parce que je comprends bien, dans le domaine juridique, vous avez une longueur d'avance et vous avez du métier, si je peux dire, mais, à moins que j'aie mal lu, j'ai l'impression que vous voudriez jouer un rôle d'envergure générale...

M. Masse (David): Oui.

Mme Malavoy: ...et là il me manque des éléments pour bien comprendre que vous êtes en mesure de le faire et que ce serait souhaitable que vous le fassiez.

M. Masse (David): Disons que, premièrement, oui, on offre nos services gratuitement à la province. Seulement sur ce point-là, permettez-moi d'expliquer brièvement le travail de notre comité d'EDI judiciaire. Le gouvernement, comme je l'indiquais tantôt, n'a pas les fonds, disons, pour complètement remanipuler, repenser ses systèmes informatiques au niveau des flux d'information du ministère de la Justice. Alors, nous, nous avons mis sur pied un comité qui travaille pour justement permettre au gouvernement de le faire, et la méthode que nous utilisons présentement, c'est que nous rassemblons un consortium, qui est un consortium de juristes, évidemment, de l'AQDIJ, de juristes et de personnel au niveau du ministère de la Justice, et d'entreprises du secteur privé québécois, comme CGI inc. et Impact Média, qui sont des sociétés du secteur privé québécois qui travaillent dans l'informatisation des flux d'information, et nous faisons un montage économique.

Nous sommes en train de faire le travail. Ce n'est pas certain qu'on va pouvoir arriver avec quelque chose qui se tient en bout de ligne, mais, notre désir, c'est de faire un montage économique et technologique qui permettrait au gouvernement d'implanter des solutions en impartition, en partant, de façon à ce que ce soit un service. Or, si, à titre d'exemple, le ministère de la Justice, présentement, dépense, je ne sais pas, 1 $ par page pour le traitement des brefs et des procédures judiciaires devant les tribunaux, et qu'en utilisant des moyens performants, technologiques, nous soyons en mesure de traiter la même page, au lieu d'à 1 $, de la traiter à 0,50 $, à ce moment-là, nous, nous faisons un montage où un consortium de l'industrie privée viendrait dire au gouvernement: Faites l'impartition du traitement de ces données-là et nous les traiterons pour vous à 0,80 $ la page.

Alors, ça permettrait au gouvernement de moderniser son appareil, premièrement; deuxièmement, de comprimer ses budgets davantage; troisièmement, d'éviter de faire des investissements importants parce que le risque de développement et le risque financier seraient supportés par le secteur privé; et quatrièmement, encore plus important, c'est que la solution efficace et performante, à titre d'hypothèse, qui serait développée pour le ministère de la Justice québécoise se revendrait tout aussi bien aux États-Unis, en France, en Europe, à l'échelle mondiale, quoi. Alors, on règle d'une part les problèmes d'administration publique ici, on augmente notre efficacité et on crée pour des entreprises québécoises un marché mondial pour leurs services. Alors, ça, c'est disons l'utopie, mais c'est dans cette direction-là qu'on travaille.

Maintenant, l'autre branche de votre question, c'était: Bon, vous avez peut-être une expertise dans le domaine juridique, mais qu'est-ce que vous allez faire dans les services de santé?

Mme Malavoy: Enfin, je l'ai dit de façon plus nuancée...

M. Masse (David): Non, non...

Mme Malavoy: ...mais vous avez bien compris. C'est ça quand même que je voulais dire.

M. Masse (David): Bon. Présentement, la société québécoise – et nous le disons – repose très lourdement sur le papier. D'accord? Alors, tous nos processus, toute l'administration publique, tout le secteur privé, tout le monde, on sait très bien comment faire affaire sur un support papier, aucun problème.

Ce n'est pas suffisant de brancher tous les citoyens québécois sur Internet, tous les services gouvernementaux sur Internet et ensuite dire: Bon, maintenant, au lieu de pondre du papier, vous allez pondre des bits, et ça règle le problème. La vérité, c'est que le support numérique a des propriétés qui lui sont propres et qui font que ce n'est pas si simple que ça de transposer un processus documentaire sur papier vers un monde dématérialisé. Ça prend un soutènement juridique dans tous les cas, parce que la raison pour laquelle on a du papier, c'est, en bout de ligne, pour servir de preuve et servir de record de ce qu'on fait journalièrement dans nos entreprises. Que ce soit le secteur privé, le secteur public, les enjeux sont les mêmes.

Alors, afin de pouvoir faire la même chose électroniquement, on doit avoir les assises juridiques qui vont nous dire: Vous obtiendrez le même résultat. Que vous signiez un document, un contrat sur support papier ou sur support électronique, vous allez avoir le même résultat, en bout de ligne, mais on ne peut pas simplement transposer, on est obligés de modifier notre infrastructure juridique pour tenir compte de la nouvelle réalité. Alors, dans cette mesure-là, que ce soit le secteur des services judiciaires du ministère de la Justice, que ce soit le secteur des services de santé, que ce soit le secteur des transports, n'importe quel domaine où vous allez vouloir dématérialiser le support sur lequel vous transigez, vous allez devoir avoir une infrastructure juridique convenable. À ce niveau-là, nous avons une implication, disons, dans tous les secteurs, à tous les niveaux.

Maintenant, sur le plan de la concertation, c'est clair que l'AQDIJ ne peut pas jouer le rôle de concerteur dans tous les domaines. Premièrement, on n'a pas nécessairement les effectifs, on n'a certainement pas les budgets et on n'a certainement pas tout ce que ça nous prend pour, disons, aller intervenir et faire de la concertation au niveau disons des médecins pour favoriser l'implantation de la télémédecine et des choses comme ça. Mais, ce que nous pouvons cependant très bien faire, c'est établir les liens avec les organismes publics québécois qui sont en mesure de faire ce travail-là. Et une des choses que nous nous proposons de faire vers peut-être la fin de novembre, parce que nous avons un calendrier très chargé, ou peut-être le début de janvier, c'est de réunir dans un genre de forum semi-privé tous les organismes qui ont un intérêt et qui sont susceptibles d'exercer une influence.

(16 h 20)

Alors, à titre d'exemple, nous avons l'intention de convoquer une réunion où nous allons inviter un représentant du Centre de recherche en droit public de l'Université de Montréal, un représentant du CEFRIO, un représentant du CRIM, du CPLQ, etc., pour asseoir autour de la table tout le monde qu'on peut réunir et dire à ces gens-là: Voici, parce que c'est un mouvement de société, nous devons avancer. Nous parlons, dans une certaine mesure, pour le secteur juridique; vous parlez pour les autres secteurs. Qu'est-ce qu'on peut faire, de quelle façon peut-on avancer?

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Mme la députée de Sherbrooke.

Mme Malavoy: Il y a une dimension, tout de même, qui m'inquiète un petit peu, dans ce que j'ai lu tout au moins. À la page 6 de votre mémoire, vous parlez du rôle de concerteur que vous souhaitez jouer; là, je le comprends mieux avec ce que vous m'expliquez. Mais vous dites ensuite que les informations diffusées seraient diffusées de façon privilégiée aux membres industriels de votre association et, ensuite, ce serait accessible plus au public.

M. Masse (David): Oui.

Mme Malavoy: J'aimerais comprendre ça, parce que, tout à l'heure, vous avez parlé pourtant, en réponse au député de Viau, de l'importance de l'accessibilité, et c'est une de nos préoccupations. Et quand j'ai lu ça, que vous alliez avoir une diffusion qui privilégiera les membres industriels de l'Association, je me suis dit: Mais est-ce que ça n'est pas favoriser des gens au détriment d'autres? Pouvez-vous m'expliquer un peu comment vous concevez cette chose?

M. Masse (David): Oui. Alors, c'est quelque chose qui n'est pas encore en vigueur, parce que l'outil technologique n'est pas en place, mais le but de ça, c'est de nous permettre de vendre notre Association aux intervenants du secteur privé, principalement les concepteurs et les fournisseurs de logiciels au Québec. Alors, ce qu'on leur propose, à titre d'exemple, c'est simplement un décalage dans le temps. Alors, on leur donne... Disons, si on a une nouvelle à diffuser, la nouvelle serait diffusée en détail sur un secteur de notre site Internet qui serait réservé aux membres, disons, aux membres industriels ou sociétaires qui ont payé une cotisation en conséquence pour avoir un accès privilégié.

Alors, ces gens-là vont avoir le renseignement, disons, aujourd'hui, et le même renseignement serait rendu accessible à tous peut-être deux semaines, trois semaines plus tard sur notre site Web. Alors, c'est simplement parce que, évidemment, les renseignements ont une valeur, mais ont une valeur dans un schéma ponctuel. C'est-à-dire que je serais peut-être disposé à payer une certaine somme pour avoir... Bien, l'exemple le plus frappant et le plus patent, c'est exactement ce que les Bourses font. Si vous allez sur le site Internet de la Bourse de Montréal, vous serez en mesure de voir la cote de la Bourse évoluer pour différents titres et vous pouvez pitonner le nom d'un titre, dont les actions ordinaires de Bell Canada, à titre d'exemple, et voir, bon, que la cote est à 34,23 $ ou quoi que ce soit. Et on vous avise bien: il y a un décalage. Et le décalage n'est pas important, le décalage est de l'ordre de 15 minutes ou 20 minutes ou quelque chose du genre.

Mme Malavoy: Mais, dans ce domaine-là, ça veut dire beaucoup.

M. Masse (David): Oui. Alors, c'est un peu la même chose qu'on fait. On n'a pas encore décidé exactement quel sera le décalage dans notre cas, mais c'est simplement pour nous permettre de trouver un moyen de financer nos activités. Parce que c'est clair qu'on ne vient pas cogner à la porte du ministère de la Justice pour avoir de l'argent, on sait que le ministère de la Justice n'en a pas. Alors, à un moment donné, il faut quand même qu'on subventionne nos activités et les cotisations de nos membres sont insuffisantes pour subventionner toutes nos activités.

Nous avons un colloque annuel, qui est notre activité la plus importante, qui se tiendra d'ailleurs le 8 novembre, à Montréal. Ce colloque est un colloque d'une journée et nous avons à peu près tous les experts du domaine qui viennent à titre de conférenciers. Nous avons un budget pour le colloque, annuellement, qui tourne autour de 50 000 $, qui est financé en partie, évidemment, par le prix d'entrée, une partie par des cotisations et une partie par les exposants, qui sont des membres industriels, d'ailleurs, qui viennent évidemment avec des kiosques. Alors, c'est purement et simplement par souci de pouvoir financer nos activités de concertation, et c'est un décalage dans le temps, purement et simplement.

Mme Malavoy: Merci.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci. Donc, M. Masse et M. de Linval, je vous remercie infiniment. Merci de votre contribution à la commission.

M. Masse (David): C'est un plaisir.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): C'était un plaisir de vous entendre.

M. Masse (David): Merci.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): J'invite maintenant les membres du Conseil régional de la Radissonie.

Je vous souhaite la bienvenue à notre commission. J'ai le nom ici de M. Gaston Bérubé. Est-ce que vous êtes présent? Oui?

M. Bérubé (Gaston): Oui.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): M. Bérubé, donc je vous invite à présenter les gens qui vous accompagnent et je vous rappelle que vous avez 45 minutes pour la présentation de votre... Bien, en tout, 45 minutes. Normalement, si vous voulez que ce soit équitable: 15 minutes de présentation, 15 minutes pour le parti ministériel et 15 minutes pour le parti de l'opposition. Ça va?

M. Bérubé (Gaston): Ça va.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci.


Conseil régional de la Radissonie (CRR)

M. Bérubé (Gaston): Alors, madame, messieurs, je voudrais vous présenter, à ma droite, M. Guy Tremblay, qui est membre du conseil d'administration de la Radissonie; à ma gauche, M. René Perron, qui est permanent au Conseil régional de la Radissonie; et M. Pierre Gauvin, qui est consultant pour le Conseil régional de la Radissonie.

Le présent document traite des enjeux de l'avènement de l'inforoute au nord du 49e parallèle. Pour ce faire, il propose, en introduction, un bref aperçu socioéconomique de la région Nord-du-Québec, qui couvre 57 % du territoire, malgré sa faible densité de population.

Par la suite, des contraintes technologiques régionales en matière de téléphonie sont soulevées. Il est à noter que la compagnie Télébec, seule entreprise offrant les services de téléphonie dans la région, utilise, dans la partie du territoire qui est la plus densément peuplée, des équipements de type analogique datant des années quarante. Pour moderniser les installations desservant cette sous-région, Télébec compte implanter en l'an 2000 une technologie dont les capacités par rapport à l'inforoute sont très limitées eu égard aux besoins et aux opportunités qu'offre l'avènement de l'inforoute dans une région isolée et nordique.

Globalement, les infrastructures de télécommunications que propose d'implanter Télébec sur le territoire permettraient l'utilisation de la télémédecine, mais la capacité portante par canaux serait trop faible et représenterait, pour les utilisateurs, des coûts exorbitants. Il en est de même pour l'utilisation de la vidéoconférence tant en éducation que pour les entreprises.

D'autre part, Hydro-Québec possédera, en 1999, des installations numériques qui couvriront le territoire. Ces installations seront constituées de fibres optiques et les équipements nécessaires à leur fonctionnement serviront à gérer les installations hydroélectriques et le transport d'énergie du territoire. Puisque l'implantation de nouvelles technologies de communication exige des investissements considérables et que de telles infrastructures existeront sur le territoire, ne serait-il pas possible que le gouvernement du Québec favorise la participation d'Hydro-Québec dans l'offre de services de télécommunications?

(16 h 30)

À propos du dynamisme du milieu en matière d'inforoute, il est à noter que Creenet, une entreprise de Wemindji, a investi des centaines de milliers de dollars pour desservir les communautés cries du territoire. De plus, des investisseurs de Matagami et de Lebel-sur-Quévillon se sont regroupés et évaluent, avec les dirigeants des entreprises autochtones, la possibilité de devenir des partenaires commerciaux. Ces mêmes investisseurs ont entrepris des démarches pour s'associer à des investisseurs de Chibougamau ou de Chapais et de Radisson pour offrir les services d'inforoute dans ces localités du territoire.

En termes d'exclusion sociale, il est à noter que seulement trois commissions scolaires au Québec ne peuvent être reliées actuellement au réseau Internet. De ces trois, deux sont situées sur le territoire régional: la commission scolaire de Chapais-Chibougamau et la Commission scolaire crie, la troisième étant Fermont. C'est là un exemple de marginalisation sociale que connaît notre région par rapport à l'ensemble de la province, phénomène qui s'observe également en termes de services gouvernementaux.

À propos de la question du statut de l'inforoute en tant que service de base, nous répondons oui à ce statut. Toutefois, les investissements massifs qu'exigera l'implantation de technologies de pointe dans la région ne devraient pas être dédoublés. À savoir si cette révolution technologique peut contribuer à réduire les écarts au sein de la société québécoise, notre réponse est oui si et seulement si notre région peut suivre l'évolution technologique, sinon elle subira un clivage et elle se rapprochera davantage du type des pays sous-développés appartenant aux infopauvres. Dans une région périphérique et nordique, le nombre limité d'événements culturels et récréatifs, combiné à l'éloignement des grands centres, contribue à rapprocher les gens et tend à rendre l'isolement individuel moins important. De ce fait, les craintes reliées à l'avènement de l'inforoute, bien que réelles, ne feront pas le poids en comparaison des bienfaits que l'inforoute peut apporter.

Dans une région où les échanges sur la base régionale n'existent pas pour cause de manque de liens de communication tant routiers que journalistiques, imprimés ou électroniques, la venue de l'inforoute est attendue avec empressement. Ajoutons que l'inforoute est attendue dans la région avec confiance, puisque, en plus d'être un lien de divertissement et d'échange de biens et de services, elles constituera un lien de communication, d'éducation, d'accès au savoir et aux connaissances, un forum de discussions et de décisions ainsi qu'une place publique permettant la rencontre des diverses réalités ethniques du territoire. Pour les échanges que permet l'inforoute, elle peut favoriser le développement de l'identité collective et culturelle des Radissoniens.

La perspective entrepreunariale de l'inforoute est abordée lorsqu'il est question de l'opportunité, pour les professionnels, d'offrir leurs services de même que d'exercer leur profession à distance, ainsi que la possibilité, pour les individus, de bénéficier de services d'enseignement à distance. Pour les entreprises, la recherche de nouveaux marchés passera nécessairement par les inforoutes, d'où la nécessité de ne pas s'isoler davantage en accusant un retard en termes de technologie et de communication. Croyant que l'inforoute québécoise sera un support important au développement social et économique de la région, nous ne pouvons qu'appuyer les membres de la commission lorsqu'ils soutiennent que l'accès universel, à des coûts abordables, des inforoutes sera seul garant du maintien de l'égalité des citoyens dans la nouvelle société de l'information.

D'autre part, ils mentionnent que le Québec est fort bien doté d'infrastructures de toutes sortes. Pour le transport interurbain de l'information et des communications, 80 % à 90 % des liaisons sont en fibres optiques. À cet égard, nous aimerions signaler que, des 10 % à 20 % des liaisons qui ne sont pas en fibres optiques, une forte proportion se retrouve concentrée au nord du 49e parallèle, qu'à ce sujet la région accuse un retard qui s'est considérablement accentué au cours des 15 derniers mois et que, si la tangente se maintient, la région, qui peut être classée comme infopauvre, se retrouvera probablement classée, en matière de communication du moins, au même titre que les pays en voie de développement. Nous sommes en accord avec votre affirmation stipulant que l'universalité de l'accès constitue donc la première clé du développement des inforoutes. De même, les services électroniques doivent rejoindre toutes les entreprises, tous les citoyens, et ce, dans toutes les régions du Québec.

La région Nord-du-Québec compte sur son territoire des entreprises de sciage qui sont des leaders mondiaux, considérant leurs usines à la fine pointe de la technologie en matière de production. Ces mêmes entreprises sont desservies par des équipements de téléphonie de second ordre ou par des équipements de téléphonie modernes qu'elles défraient à gros prix. Ces grosses entreprises peuvent peut-être se permettre d'investir des sommes considérables en services de téléphonie, mais la désuétude des moyens de communication, en remettant la compétitivité de ces entreprises du territoire en question, risque de retarder l'expansion et même la création de nouvelles entreprises et de nouveaux emplois.

L'éducation. Il est permis de croire que l'inforoute québécoise pourrait contribuer à diminuer certaines inégalités en donnant la chance, entre autres, à tous les élèves québécois de terminer leur cinquième secondaire par des cours de sciences, cours qui sont obligatoires pour avoir accès au collège. À ce sujet, précisons que, sur le territoire régional et plus particulièrement dans la localité de Radisson, les élèves inscrits aux cours réguliers pour l'obtention d'un diplôme de cinquième secondaire ne peuvent suivre les cours de sciences normalement suivis dans les autres écoles du Québec parce que le nombre d'élèves inscrits ne justifie pas l'engagement d'enseignants dans ces matières. L'avènement de l'inforoute québécoise, et surtout l'utilisation possible de la vidéoconférence, donnerait la chance à ces élèves de suivre ces cours à distance.

La formation continue constitue un autre élément important qui se dégage de la venue de l'inforoute dans la région. Sans tomber dans l'école virtuelle à grande échelle, la possibilité de suivre à distance des cours pour les personnes possédant une formation postsecondaire représenterait un avantage certain dans une région où les communautés sont éloignées les unes des autres et où les distances par rapport aux grands centres sont importantes. L'accès aux inforoutes pourrait également contribuer à retarder le phénomène de l'exode des jeunes de la région et participer à mieux les préparer à affronter le monde du marché du travail.

Au niveau de la santé, en matière de santé et de services sociaux, la problématique régionale caractérisée, entre autres, par une pénurie quasi chronique de spécialistes médicaux de base – anesthésie, chirurgie, médecine interne – trouverait une réponse encourageante par l'avènement de l'inforoute. Il serait alors possible d'avoir accès aux professionnels les mieux informés sans avoir à souffrir de délais indus. Il en découlerait d'importantes économies sociales, par exemple dans les frais de transport et d'hébergement des bénéficiaires, dans les domaines de la formation médicale ou de la recherche sociale, pour ne nommer que ceux-ci.

La mise en place d'infrastructures permettant d'avoir accès à l'inforoute et, par-delà, à la télémédecine, à la vidéoconférence aurait un impact positif sur le recrutement et la rétention d'effectifs médicaux dans nos établissements de santé. Cette technologie permettrait à nos professionnels de la santé de profiter d'un meilleur encadrement professionnel et de programmes de perfectionnement.

Pour conclure, nous voulons souligner l'urgence, pour le développement de la région, d'avoir accès aux mêmes services de communication, et ce, à des prix comparables à ceux offerts partout ailleurs au Québec. Compte tenu du potentiel de développement des nouvelles technologies de l'information chez la compétitivité et l'économie des pays et des entreprises, et ce, dans un avenir rapproché, le Québec ne peut se permettre que l'une de ses régions soit exclue de cette révolution. C'est pourquoi nous tenons à remercier les membres de la commission de nous avoir permis de vous présenter les besoins de la région Nord-du-Québec, et plus particulièrement de la Radissonie, qui s'avèrent criants en matière d'inforoute.

Je voudrais donner la parole à M. René Perron pour vous présenter un addenda aux documents que vous avez reçus et vous expliquer pourquoi.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): M. Perron.

M. Perron (René): Merci. C'est que, suite à la conclusion de notre document, nous avons apprécié présenter le document en question à la compagnie de téléphone qui nous dessert, c'est-à-dire Télébec, et, suite à une rencontre avec Télébec, on a apporté l'errata que nous vous avons distribué et nous avons apporté un addenda.

L'addenda, étant donné que l'ensemble du document se positionne sur l'accessibilité de l'inforoute dans la région Nord-du-Québec et aussi sur les coûts d'utilisation, Télébec nous a préparé justement ce petit addenda qui nous indique que les coûts, effectivement, ont beaucoup diminué. Cependant, on aimerait apporter aussi une – comment je pourrais dire – ...

Une voix: Un bémol?

M. Perron (René): ...un bémol, effectivement, à l'information diminuée, puisque, là, on vient de s'apercevoir avec M. Gauvin, à qui la lettre a été transmise, que Télébec aurait omis un petit 1 000 $ par mois d'utilisation, ce qui s'ajoute aux coûts qui sont mentionnés dans cette lettre-là. Alors, c'est pour vous dire toute la difficulté que nous avons à entretenir des contacts – comment je pourrais dire – étroits avec cette entreprise pour ce qui est de la venue, du moins, de l'inforoute dans la région, même si cette entreprise participe à titre d'invitée à chacune des réunions que la Commission de la culture et des communications de la Radissonie a faites et fera dans l'avenir aussi.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci, M. Perron.

M. Perron (René): Merci.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): M. le député de Champlain.

M. Beaumier: Merci, M. le Président. Je comprends que l'arrivée de l'inforoute ne crée pas le problème que vous avez déjà, en termes de communication, au moins d'accès ou de coûts aux communications. Je comprends que ça pourrait être un outil extrêmement précieux chez vous, dans le sens où les gens pourraient plus facilement se contacter, se parler avec tout l'aspect interactif et tout ça. Donc, au fond, l'arrivée de l'inforoute a comme effet de rendre encore plus nécessaire cet outil-là chez vous, et c'est difficile, dans le sens que ce serait plus coûteux d'établir une certaine équité avec le reste du territoire du Québec. Donc, on voit bien que ce serait un outil formidable, mais qui risquerait, n'étant pas là, de vous – je ne sais pas comment dire – mais de vous marginaliser encore davantage ou de vous pénaliser, sans raison d'ailleurs, à ce niveau-là.

Alors, ce serait quoi, la solution? Vous parliez de Télébec tantôt, mais vous parliez d'Hydro-Québec, aussi. Pour que vous en arriviez à avoir un service, dans le cadre toujours de l'inforoute, qui soit équitable, pour ne pas dire égal ou du moins équitable, qu'est-ce qu'il faudrait faire concrètement et quelle serait la part, à ce moment-là, du gouvernement, quelle serait la part d'Hydro-Québec – parce que vous y faites formellement allusion – qui ferait que ça réglerait le problème? Autrement dit, vous avez une solution, j'imagine. Pouvez-vous me la décrire un peu? Ce serait...

(16 h 40)

M. Perron (René): C'est que la solution, elle existe en partie sur le territoire et elle sera complète sur le territoire en 1999, puisque Hydro-Québec a retardé l'installation de la fibre optique sur le territoire radissonien. Il faut savoir qu'Hydro-Québec, et je pense que vous en êtes conscient... 48 % de la production hydroénergique du Québec provient de la région radissonienne.

M. Beaumier: Combien? 80 %?

M. Perron (René): 48 %.

M. Beaumier: 48 %. Ah, c'est bon. O.K. Ça va.

M. Perron (René): 48 %, c'est-à-dire tout l'ensemble du bassin hydroélectrique de la Baie James.

M. Beaumier: C'est beau.

M. Perron (René): Et ce qu'il faut savoir, c'est que chacune de ces installations électriques là est sous contrôle à partir de Montréal, et, pour ce faire, ils ont besoin de communications qui sont fiables et précises. Présentement, ils ont un réseau de coupoles, donc de micro-ondes. Malheureusement, la micro-onde, en hiver, et comme les hivers sont fréquents et comme l'hiver persiste là-bas et que les tempêtes sont fréquentes...

M. Beaumier: Ha, ha, ha! Une spécialité, là. Ha, ha, ha!

M. Perron (René): ...est peu fiable face à la fibre optique. Alors, Hydro-Québec a entrepris de poser de la fibre optique partout sur le territoire radissonien pour gérer ses installations et devrait terminer l'installation de la fibre optique sur l'ensemble du territoire radissonien en 1999, ce qui nous donne la possibilité de desservir non pas seulement les municipalités que, moi, j'appelle «radissoniennes» et que les gens du gouvernement appellent «allochtones» du territoire, mais aussi de desservir l'ensemble des communautés cries du territoire, puisque la fibre optique d'Hydro-Québec, qui longe la Baie James, passe nécessairement pas loin de chacune des communautés cries du territoire.

Et je vous ferai remarquer, dans l'addenda de Télébec, qu'il est question de Lebel-sur-Quévillon, de Matagami, de Chibougamau-Chapais dans l'acceptation du conseil d'administration de Télébec de bien vouloir investir dans la région de Chibougamau-Chapais les millions de dollars nécessaires à la modernisation des centrales téléphoniques et du réseau de micro-ondes, parce que ce que Télébec veut installer, c'est de la micro-onde, ce n'est pas de la fibre optique, alors que déjà sur le territoire il y aurait de la fibre optique, et éventuellement Hydro-Québec a besoin de mettre de la fibre optique sur l'ensemble du territoire, et là on parle de 1999.

Alors, ce qu'il serait intéressant d'obtenir, c'est peut-être, de la part du gouvernement, de permettre à Hydro-Québec de se diriger carrément en communication, ce qui peut être un point de vue, ou de permettre à Hydro-Québec ou de demander à Hydro-Québec de faire un partenariat avec une entreprise de télécommunications qui nous permettrait à nous d'être desservis à un moindre coût, puisque l'argument clé de Télébec, aussi, c'est de nous dire que, lorsqu'elle développe dans le Nord, c'est tous les clients de Télébec qui paient, et on sait que le bassin de clientèle de Télébec est petit par rapport aux autres entreprises de télécommunications, et on en est conscient. Moi, j'ai juste à regarder mes coûts de «longue distance» pour m'en apercevoir. Et le fait que l'on bénéficie sur le territoire de la présence d'Hydro-Québec, ça nous donnerait un gros plus.

Je voudrais revenir à l'addenda de tout à l'heure en voulant vous dire que, lorsque l'on parle de Lebel-sur-Quévillon, de Matagami et de Chibougamau-Chapais, et tout le reste, et eux pourraient être sûrs de la standardisation du coût de – comment est-ce qu'il s'appelle, l'organisme gouvernemental? – ...

Une voix: Le Stantor.

M. Perron (René): ...Stantor, l'ensemble des autres communautés du territoire ne peuvent pas être sur Stantor, et là, à ce moment-là, ce sont des coûts qui sont excessivement élevés. À titre d'exemple – et tu me reprendras, Pierre, si je me trompe – à Lebel-sur-Quévillon, il en coûterait, comme on le disait tout à l'heure, pour faire juste de l'Internet, 660 $ pour avoir une ligne 56 kb. C'est technique, je sais, je m'en excuse. Mais, pour faire de l'Internet à partir de Wemindji, d'Eastmain, de tout ce qui est communauté autochtone du territoire, à ce moment-là on vient pratiquement de tripler le prix.

M. Beaumier: 650 $? Je ne sais pas.

M. Perron (René): 660 $. C'est le même prix que partout au Québec.

M. Beaumier: Sur quelle base? Sur une base...

M. Perron (René): Mensuelle.

M. Beaumier: ...mensuelle.

M. Perron (René): 650 $. C'est le même prix partout au Québec. Ça, c'est pour avoir une ligne dédiée 56 kb. Ça, c'est pour Lebel-sur-Quévillon, Matagami et éventuellement, peut-être, si le conseil d'administration de Télébec veut bien investir les millions nécessaires, Chibougamau, Chapais et Oujé-Bougoumou. Oujé-Bougoumou étant entre les deux, alors elle serait accessible.

Maintenant, pour les autres communautés cries du territoire, les autres communautés allochtones du territoire, c'est-à-dire Radisson, Joutel et Chisasibi, et là nommez les neuf autres communautés cries du territoire, là on parle de coûts excessivement chers, puisque l'on ne rentre plus dans la standardisation de Stantor. À ce moment-là, on triple les coûts d'utilisation, ce qui fait en sorte que, étant donné que, en plus, les communautés cries et les communautés comme Radisson, c'est là qu'il y a le moins de population, les coûts d'utilisation pour être relié à Internet deviennent faramineux, à ce moment-là, et pratiquement impossibles à assumer pour une communauté, à moins que la communauté assume entièrement les coûts de... peut-être pas entièrement mais majoritairement, du moins, les frais d'utilisation.

M. Beaumier: J'avoue que je ne suis pas très connaissant au point de vue technologie et tout ça. Ça veut dire qu'en 1999, dans l'avancement prévu d'Hydro-Québec, tout le territoire serait couvert. Et là, à partir de ceci, la solution, ce serait... Vous parlez d'un partenariat avec Télébec.

M. Perron (René): Oui. C'est qu'il faut comprendre que la difficulté n'est pas vraiment d'installer de la fibre d'optique.

M. Beaumier: Oui. Je comprends.

M. Perron (René): La fibre optique, c'est une ligne qu'on passe.

M. Beaumier: C'est ça. Elle va être là.

M. Perron (René): La difficulté, c'est qu'à chaque extrémité d'une fibre optique...

M. Beaumier: Oui.

M. Perron (René): ...si on veut l'utiliser, ça prend des lasers...

M. Beaumier: O.K.

M. Perron (René): ...qui vont calibrer la fibre optique et qui vont décalibrer la lumière, la transformant en paroles ou en data ou peu importe, et là on rentre en ligne de coûts. Et à ce moment-là aussi ça prend une centrale téléphonique susceptible de percevoir ce laser. Et là, si on parle de Chibougamau-Chapais, on est à une centrale téléphonique qui date des années quarante. C'est du pas-à-pas. Alors, vous vous souvenez des roulettes, quand on téléphonait et qu'on entendait le déclic à chaque fois? C'est comme ça à Chibougamau-Chapais, et ça, ça ne permet pas l'utilisation de l'inforoute, c'est impossible.

On nous dit chez Télébec que l'on va faire les investissements. On nous envoie une belle lettre nous disant que, oui, si le conseil d'administration veut, on va les faire, les investissements. Maintenant, c'est sûr que, quand ils ont lu notre document, ils n'étaient pas très fiers de nous, mais, que voulez-vous, on a à faire un travail pour, nous, être desservis au même titre que tous les autres citoyens du Québec, et on le fait, je pense.

Maintenant, la difficulté... Pourquoi on aimerait avoir un partenariat, que ce soit avec Hydro-Québec, Télébec ou peu importe, ou seulement Hydro-Québec? Je ne sais pas quelles sont les visions du gouvernement là-dedans. Nous, tout ce qu'on fait, c'est qu'on fait une proposition, et la proposition, c'est que, si Hydro-Québec ne va pas directement en télécommunications, peut-être lui serait-il possible de poursuivre déjà une entente qu'elle a avec Télébec, puisque, pour desservir Radisson, Télébec utilise la télécommunication, les installations d'Hydro-Québec pour desservir la localité de Radisson. Alors, peut-être qu'elle pourrait étendre ce type de partenariat Hydro-Québec–Télébec ou Hydro-Québec–une autre entreprise ou Hydro-Québec seule, peu importe, mais, nous, ce qu'on dit, c'est ça: c'est que la possibilité, elle existe, et, étant donné que la fibre optique est déjà là pour Hydro-Québec – et la fibre optique, nous, ça nous convient parfaitement, puisque c'est le summum présentement dans la technologie – alors, puisque c'est là, il ne faudrait pas penser à dédoubler des installations, surtout en dédoublant des installations avec des technologies qui, eu égard à l'utilisation de l'inforoute, sont déjà très limitées. Et c'est à ce point-là.

M. Beaumier: Si tel était le cas, qu'il y aurait un partenariat avec Télébec – Hydro-Québec–Télébec ou... – ça veut dire que vous... Autrement dit, vous pouvez en arriver à ce que ce soient des coûts égaux ou du moins abordables par rapport à ce qui se passe ailleurs?

M. Perron (René): Je crois que oui.

M. Beaumier: Et quel est l'empêchement qu'il y aurait à ce niveau-là? Quel serait le non-intérêt d'Hydro-Québec ou de Télébec de ne pas le faire? C'est que, eux autres, ça va leur coûter plus cher.

M. Perron (René): C'est que Télébec, présentement... Ha, ha, ha!

M. Beaumier: Donc, on a le même problème, hein!

M. Perron (René): Je pourrais passer la réponse à Pierre.

M. Beaumier: Mais c'est parce qu'on retrouve...

M. Perron (René): C'est que c'est toujours plus rentable pour une entreprise d'investir le moins possible...

M. Beaumier: Ah oui, je comprends. Ça, je comprends ça.

M. Perron (René): ...et de se permettre aussi, parce qu'elle investit le moins possible, de dire: Moi, ça me coûte terriblement cher de desservir le Nord, et je suis obligée de te faire payer le total quand je te charge. Et présentement, lorsque Télébec fait affaire avec une localité et que la localité en question n'est pas sur le standard des prix canadiens – d'accord? – à ce moment-là Télébec récupère l'ensemble des coûts pour elle-même.

Et là je pense que je vais laisser Pierre vous parler là-dessus, parce que c'est vraiment quelqu'un qui s'y connaît mieux que moi pour vous l'expliquer, d'ailleurs.

(16 h 50)

M. Beaumier: Ça allait bien.

M. Gauvin (Pierre): Bonjour.

M. Beaumier: Bonjour.

M. Gauvin (Pierre): En fait, pour peut-être le placer dans le contexte, ma société se spécialise dans le démarrage et l'installation de ce qu'on appelle le «fournisseur de connectivité Internet», et on a été approchés par la communauté crie de Wemindji pour démarrer le premier site, au nord du 49e parallèle, d'accès Internet, ce qu'on appelle en langage du métier un ISP, c'est-à-dire un fournisseur de connectivité Internet. C'est un projet ambitieux, puisque les infrastructures qui étaient disponibles pour permettre de réaliser le projet étaient, à toutes fins pratiques, inexistantes, de par les standards requis pour la complexité de la technologie, pour ce genre d'application. Alors, on a dû travailler très fort pour amener la technologie dans le Grand Nord et la rendre disponible à cette communauté-là qui, elle, au demeurant, avait choisi de faire un investissement majeur de ce côté-là, mais fortement déficitaire, je ne vous le cache pas, de ce point de vue là.

Alors, dans la réalité, techniquement, puisque mon intervention se borne à saisir un peu le caractère technique, en fait, du territoire dans lequel on travaille, la réalité des choses est que présentement les infrastructures présentes, disponibles ne permettront pas, ni à court ni à moyen terme, de soutenir la demande de plus en plus croissante au niveau de la bande passante, c'est-à-dire la grosseur du tunnel de communication, si je peux m'exprimer comme ça, pour voyager l'information, que ce soit sur l'Internet ou sur tout autre médium inforoutier souhaité. Il y a néanmoins des villes dans le Grand Nord, par exemple Matagami, Lebel-sur-Quévillon, Val-d'Or et maintenant Wemindji, qui ont été dotées par le fournisseur de télécommunications Télébec des infrastructures nécessaires pour faire partie d'un regroupement national qui s'appelle Stantor, qui est un regroupement pancanadien qui légifère, via naturellement le CRTC, la transmission de données et la transmission de voix au Canada dans le «longue distance».

Dans la mesure où ces infrastructures-là sont installées, les problèmes se règlent presque de par eux-mêmes, à ce moment-là, puisque, là, on a accès à des réseaux très efficaces et très performants de transmission de données. La réalité, cependant, nous confronte là où on veut étendre le service d'accès Internet, par exemple en utilisant Wemindji comme base d'entrée principale, puisque la majeure partie des investissements ont été faits là, ou, si on utilise Matagami ou Lebel-sur-Quévillon comme point d'entrée, si on veut desservir les autres communautés alentour, dans le territoire géré, si je peux m'exprimer comme ça, par le CRR, malheureusement ces technologies-là ne sont pas disponibles. Et les délais de livraison ainsi que les technologies qui sont suggérées par le fournisseur sont, à toutes fins pratiques, inacceptables dans la mesure où on va installer des systèmes d'accès Internet et inforoutiers probablement aux alentours de la fin des années quatre-vingt-dix, ce qui n'est pas très pertinent dans le marché actuel, ce qui n'est pas non plus très viable ni souhaitable pour les gens.

L'objectif qu'on a, c'est d'avoir un accès abordable, et pour ça il faut pouvoir doter ces communautés locales là d'infrastructures qui vont permettre aux habitants de ces communautés-là d'avoir un accès à des tarifs semblables à ce qu'on retrouve dans des villes comme Montréal, Québec, Val-d'Or ou toute autre communauté quelconque au Québec qui est bien située, du moins qui est équipée adéquatement à ce niveau-là. Le marché étant très compétitif, il faut pouvoir doter ces gens-là, puisque, dans le fond, ces gens-là, ils prennent un avion, ils descendent à Montréal, ils sont tout à fait confrontés au marché puis ils savent exactement ce que ça vaut. Alors, il y a une limite à ce qu'ils sont prêts à payer pour avoir accès à ça.

Et, là où le partenariat éventuel ou, du moins, l'utilisation des infrastructures... sans vouloir faire un jugement de valeur ou, du moins, faire un jugement quantitatif, c'est sûr que le réseau de fils qu'Hydro possède dans le Nord est extrêmement intéressant, compte tenu de la capacité appréciable que le réseau a et surtout de l'excès de capacité que le réseau a, c'est-à-dire qu'Hydro n'a pas besoin de toute la bande passante qu'elle détient. Alors, elle a une surcapacité qui pourrait être mise à la disposition des gens. Et, du côté de Télébec, on sent, en fait, la réticence à pourvoir les communautés rapidement des technologies nécessaires à permettre aux villes d'arriver avec des projets de connexion Internet qui soient viables et qui soient implémentables assez rapidement.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Oui, messieurs du Conseil de la Radissonie, je vous félicite parce que vous nous avez présenté un mémoire fort original, c'est-à-dire que le problème ou le défi auquel vous faites face est évidemment un défi, disons, inusité, pour le moins dire, donc votre mémoire, de ce point de vue là, est très intéressant. Je trouve aussi que votre proposition à propos du partenariat que pourrait envisager Hydro-Québec ou des services que pourrait vous vendre Hydro-Québec dans l'éventualité où il n'y aurait pas de partenariat, c'est une proposition qui est intéressante et je pense que c'est même opportun, à mon avis, qu'on puisse l'envisager.

Moi, je n'ai pas de questions particulières, parce que tout ça, c'est très clair, c'est très net, mais je vous ferais peut-être un commentaire, c'est-à-dire que la situation qui est la vôtre, c'est une situation qui est plutôt – comment dirais-je – exclusive ou inusitée ou inhabituelle au Québec, mais on la retrouve sur d'autres continents ou dans d'autres pays, et j'ai lu des choses dernièrement là-dessus, dans certaines régions isolées comparablement à la vôtre, par exemple en Islande ou ailleurs, et il y a aussi des travaux qui sont en cours. Je ne sais pas si ça peut vous aider de le savoir. Vous pourriez peut-être demander au secrétariat de la commission de vous donner des informations là-dessus, mais il y a des choses qui sont en marche et dont la responsabilité est à l'AUPELF-UREF, qui est un organisme de la francophonie, pour ce qui est de l'implantation de l'Internet, par exemple, dans un bon nombre de pays africains qui font face justement à ce que vous appelez, disons, la conjoncture de l'infopauvreté. Donc, je ne veux pas vous faire une comparaison qui serait disgracieuse, mais il y a peut-être des sources d'inspiration dans d'autres expériences conduites ailleurs pour la solution du problème ou du défi auquel vous faites face.

Il y a peut-être une question que je vous poserais, mais qui est vraiment complètement étrangère à vos propos. C'est que, puisque finalement la région dont vous parlez est, à ma connaissance, une région multilingue et dans laquelle il y a des langues autochtones dont on veut assurer la durabilité, la vitalité, comment est-ce que vous allez envisager de brancher ces communautés autochtones sur des grands réseaux d'information comme ça tout en leur permettant d'avoir, face à leur culture et face à leur langue, des droits qui seraient équivalents à ceux que, nous autres, comme francophones, on revendique lorsqu'on s'interroge sur la question de l'Internet?

M. Perron (René): Je pourrais peut-être y répondre.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): M. Perron.

M. Perron (René): C'est que présentement la communauté crie de Wemindji a un site sur Internet par l'entremise de Creenet et que cette même communauté a fait la demande au fonds de développement de l'inforoute, le volet 2, justement pour franciser son site, puisque, au mois de mai dernier, nous n'étions pas au courant que les Cris avaient travaillé à l'avènement d'un site par l'entremise d'une entreprise et qu'ils avaient investi 500 000 $ dans la venue de cette entreprise, et eux croyaient que, nous, nous étions reliés à Internet au même titre que partout au Québec. Et là on s'aperçoit qu'on a intérêt à travailler en commun, et c'est ce que l'on fait depuis le mois de mai dernier. On travaille en commun, et c'est pour ça que l'on retrouve aussi M. Gauvin avec nous pour justement développer les sites Internet dans le Nord. Et, à la question de la langue, je vous dirais que de plus en plus les Cris sont – comment on pourrait dire – habiles avec la langue française, puisqu'ils...

M. Laporte: Oui, ils sont francophonisés, oui.

M. Perron (René): ...ont des écoles de langue française...

M. Laporte: Oui, d'accord.

(17 heures)

M. Perron (René): ...maintenant et aussi des écoles de langue crie. Cela fait que, sur le territoire, lorsque l'on rencontre un Cri d'un certain âge, je vous dirais de 20 ans et moins, on n'a aucune difficulté à communiquer en français avec lui, ce qui n'est pas toujours facile pour ce qui est d'un Cri de 20 ans et plus.

Pour ce qui est maintenant des Inuit, on a beaucoup moins de rapports aussi directs qu'avec les Cris présentement, parce c'est quand même des distances assez exceptionnelles. Et je vous dirais que les rapports se font plus au niveau du Conseil régional Nord-du-Québec où justement siègent les Cris, les Inuit et les Radissoniens, mais qu'il y a une tendance à développer des relations plus serrées. Et, là-dessus, lorsque l'on parlait, pour les autochtones, d'avoir une facilité de communication avec l'Internet, je vous dirais que la venue de l'Internet dans le Nord permettrait aussi, je pense, une facilité de communication entre les deux ethnies ou même entre les trois ethnies, beaucoup plus facilement que ce que l'on vit présentement.

M. Laporte: Mais, M. le Président, juste pour une précision, est-ce que je dois comprendre que, dans ces communautés autochtones, il n'y a pas de revendication pour l'inscription des langues autochtones sur les réseaux?

M. Perron (René): Ah, oui, oui, absolument. Oui, oui...

M. Laporte: Oui, il y en a? Il n'y en a pas? Il y en a ou il n'y en a pas?

M. Perron (René): Oui, il y en a. Il y en a, mais il faut dire qu'ils ont une ouverture sur la langue francophone aussi.

M. Laporte: Bon, d'accord, d'accord.

M. Perron (René): Et c'est justement suite aux relations que l'on développe, ne serait-ce que par les commissions des communications, qu'ils se sont ouverts justement à l'idée de faire éventuellement plus d'affaires avec nous...

M. Laporte: Oui, d'accord.

M. Perron (René): ...qui sommes directement sur le territoire, d'où justement la demande au Fonds de l'autoroute de l'information pour pouvoir franciser leurs sites.

M. Laporte: Merci beaucoup.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Mme la députée de Sherbrooke.

Mme Malavoy: Bonjour, messieurs.

M. Perron (René): Bonjour.

Mme Malavoy: Je pense effectivement que c'est fort important de vous entendre parce que vous avez une réalité qui vous est assez unique. Nous, évidemment, on est spontanément assez marqués par ce que les gens des grandes villes viennent nous dire et je pense que c'est fort important d'avoir la contrepartie correspondant à votre propre réalité.

Vous évoquez, dans votre mémoire, le fait que l'inforoute pourrait aider à conserver les jeunes chez vous, à freiner l'exode des jeunes. Vous évoquez entre autres les possibilités de formation à distance. D'ailleurs, en passant, j'aimerais vous demander combien ça coûte pour brancher une école, sur votre territoire, sur l'Internet, par exemple, par rapport...

M. Perron (René): C'est impossible.

Mme Malavoy: Ah bon! Alors, la question est d'autant plus pertinente que la réponse est comme ça.

M. Perron (René): Ha, ha, ha! C'est impossible présentement.

Mme Malavoy: Donc, il ne faut pas y songer.

M. Perron (René): En fait, la commission scolaire du Nouveau-Québec, sans penser à relier une école à Internet, a pensé, l'année passée, à faire des démarches pour essayer de relier l'école polyvalente de Matagami, qui est sous sa responsabilité, à l'école de Radisson pour pouvoir donner des cours via la vidéoconférence aux étudiants de secondaire III, IV et V qui s'inscrivent en sciences. Parce qu'il y en a toujours quelques-uns qui s'inscrivent en sciences chaque année, même s'ils savent qu'ils ne pourront pas recevoir la formation. Ils s'inscrivent pareil en sciences. Et, pour contrebalancer ça, la commission scolaire du Nouveau-Québec a fait des études pour savoir combien ça lui coûterait pour installer la vidéoconférence entre les deux écoles et aussi l'école de Joutel, qui n'est pas tellement loin de Matagami, à 80 km, plutôt qu'à Radisson, qui est à 625 km de Matagami. Et les coûts sont tellement faramineux, étaient tellement faramineux, dans ce cas-là, et aujourd'hui le seraient encore même si, à Matagami, il y a une boucle locale qui est interne et qui fait en sorte que les coûts sont beaucoup plus abordables à Matagami, il reste qu'ils sont disproportionnés à Radisson et à Joutel, ce qui fait que, économiquement parlant, ils seraient mieux d'engager un professeur et de l'expédier à Radisson...

Mme Malavoy: Ha, ha, ha! D'accord.

M. Perron (René): ...comprenez-vous, même pour quatre élèves. Et c'est pour ça justement qu'ils ont laissé tomber cette vision des choses. Par contre, la venue d'Hydro-Québec, etc., ce dont on parlait tout à l'heure, il y aurait possibilité de le faire et d'une façon rentable.

Mme Malavoy: D'accord. Alors, je comprends le volet éducation et je suis heureuse de savoir ce que vous venez d'expliquer sur les coûts faramineux pour le branchement d'écoles. Je me demandais si, au plan du travail, vous pensez aussi que le développement de l'inforoute peut créer chez vous des types d'emplois qui conserveraient les jeunes dans leur région d'origine et éviteraient qu'ils ne soient obligés d'aller dans les grands centres. Et, si c'est le cas, quel genre de travail? Est-ce que c'est pensable ou est-ce que c'est trop rêver de dire ça?

M. Perron (René): Je pense que, même de l'ordre du travail, comme tel, on ne s'arrêtait pas jusque-là. Moi, je vous donnerais un exemple. À Matagami, à Radisson ou à peu près dans toutes les villes nordiques, lorsqu'un étudiant au secondaire IV ou V veut faire des sciences parce qu'il a en optique d'aller en sciences au collège et à l'université, il doit quitter le territoire ou continuer de faire son secondaire V et ensuite faire des cours de rattrapage à l'extérieur du territoire. Et, juste là, on ne parle pas d'emploi. Mais, juste là, ça répond d'une certaine...

Et, si on veut parler d'emploi, je parlerais des professionnels. Il y a des professionnels sur le territoire – et je pense aux médecins – avec des femmes qui peuvent avoir un métier d'avocat ou un autre métier, architecte, qui ne peuvent pas exercer sur le territoire. Alors que, avec l'inforoute, elles pourraient probablement offrir leurs services, du moins, à l'ensemble de la population.

Mme Malavoy: Donc, des jeunes qui seraient obligatoirement obligés de s'exiler pour des études supérieures, ça c'est certain, pourraient avoir envie éventuellement de revenir sur place pour exercer un métier...

M. Perron (René): Absolument.

Mme Malavoy: ...si ces moyens de communication leur permettaient de faire des choses qui ne sont pas accessibles pour le moment.

M. Perron (René): Oui. On est dans l'ordre de la perspective, mais je pense que oui. Si l'on croit les promesses de l'inforoute, éventuellement je pense que ça pourrait très bien se faire.

Mme Malavoy: Merci.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Ça va?

Mme Malavoy: Oui.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Je vous remercie infiniment, membres du Conseil régional de la Radissonie. Merci de votre contribution à notre commission.

M. Perron (René): Merci de nous avoir donné l'opportunité de faire comprendre un peu le développement nordique.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Ce qui était fort à propos. Merci.

J'invite donc les représentants de la Chambre des notaires à venir prendre place à l'avant, s'il vous plaît.

Bonjour messieurs, bienvenue à notre commission de la culture. Je vous invite à vous présenter. Je vous rappelle que nous avons environ 45 minutes, donc, à peu près 15 minutes pour votre présentation et une période de 30 minutes pour un échange avec les représentants de la commission. Ça va?


Chambre des notaires du Québec (CNQ)

M. Cloutier (Michel): Je vous remercie de nous entendre ce soir. Mon nom est Michel Cloutier, je suis président de Notarius, qui est la corporation technologique de la Chambre des notaires du Québec, et Claude Perreault, avec moi, est directeur général de cette corporation. Nous représentons la Chambre des notaires du Québec sur toutes les questions qui ont trait à l'autoroute de l'information et aux questions technologiques en général. Notre présentation va porter sur quatre points particuliers. Notre mémoire est beaucoup plus large que ça.

Notre plan de présentation. On va d'abord vous indiquer la manière dont on voit les enjeux reliés au développement de l'autoroute de l'information; deuxièmement, le rôle des intervenants; troisièmement, l'apport du notariat et l'intervention du notaire; et, quatrièmement, la complémentarité entre le secteur privé et le secteur public.

À l'intérieur du mandat d'initiative de la commission et du document qui a été mis à notre disposition par la commission de la culture, nous avons identifié cinq éléments principaux sur lesquels on a fait porter nos travaux. Le premier, c'est l'accessibilité, c'est-à-dire: Comment faire en sorte que l'ensemble des citoyens aient un accès universel sur l'autoroute de l'information? Le deuxième, c'est l'identité: Comment préserver l'identité des personnes physiques et morales dans le monde virtuel? Le troisième, c'est la confidentialité: Est-ce qu'il serait opportun de créer une carte d'identité électronique? Comment assurer la confidentialité sur l'autoroute de l'information? C'est un élément qui intéresse particulièrement les professionnels. Le quatrième point, c'est la sécurité: Quel encadrement mettre en place pour permettre aux citoyens d'accéder à l'autoroute de l'information en toute sécurité? Et, le dernier, c'est le rôle des intervenants: Quels sont les rôles respectifs de l'État et des citoyens ou du secteur privé dans la mise en oeuvre de l'autoroute de l'information?

(17 h 10)

M. Perreault (Claude): À travers ces éléments-là, on a relevé deux principaux enjeux, quant à nous, qui sont l'accessibilité à l'autoroute de l'information, c'est-à-dire la capacité physique, premièrement, d'accéder à l'autoroute de l'information par la mise en place de points de service, soit locaux, régionaux ou autres, et aussi la capacité d'échanger de l'information. Parce que, évidemment, on parle capacité d'accéder à l'information pour le citoyen, mais capacité d'échanger de l'information aussi pour les petites entreprises. On connaît un peu le milieu, aujourd'hui. Ce sont les grosses entreprises qui font du commerce électronique. Les petites entreprises sont un peu laissées pour compte, elles n'ont pas les moyens de se payer cette technologie-là. Donc, ça c'est le premier enjeu qu'on voit. Le deuxième est la sécurisation des communications électroniques, la sécurisation au niveau technique et la sécurisation, aussi, au niveau juridique. Donc, ça, c'est les deux enjeux que, nous, on a relevés à travers le mémoire.

Ce qu'on entend par sécurisation des communications électroniques au niveau technique, c'est d'assurer la confidentialité, l'intégrité et l'origine des communications électroniques. Il existe déjà des technologies, sur le marché, qui permettent de faire ça, qui sont efficaces et qui peuvent répondre aux besoins qu'on va avoir aussi sur l'inforoute québécoise, à notre avis. Par contre, il reste un enjeu important au niveau de la sécurisation juridique des transactions. Évidemment, on a une belle technologie, mais il n'y a pas de droit qui la supporte. Donc, il va falloir voir comment on va être capable, dans l'avenir, de certifier l'identité des parties à une transaction électronique qui est conclue à distance. Notre droit actuel ne couvre pas vraiment ça. Par contre, il y a peut-être des moyens de faire qu'on va voir en cours de route, qui vont nous permettre de régler ce problème-là.

L'enjeu principal d'un niveau juridique, évidemment, le Code civil est très clair là-dessus. Le Code civil dit que «le contrat se forme par le seul échange de consentement entre des personnes capables de contracter – donc, ça, c'est un premier élément – et que la manifestation du consentement à un acte juridique s'effectue généralement par l'apposition d'une signature». Évidemment, on entend parler beaucoup de la signature électronique, ces derniers temps. La signature électronique, elle est définie dans le Code civil comme étant «l'apposition qu'une personne fait sur un acte de son nom ou d'une marque qui lui est personnelle et qu'elle utilise de façon courante pour manifester son consentement». Donc, il y a déjà une possibilité d'utiliser une signature électronique. Par contre, il n'y a pas vraiment d'encadrement. La signature permet de manifester son consentement, par contre, à elle seule, elle ne peut pas établir la capacité d'une personne, c'est-à-dire: Est-ce que je suis apte à transiger aujourd'hui? Est-ce que j'ai les pouvoirs, la qualité que je prétends avoir comme signataire?

Donc, la certification couvre ces quatres aspects-là. La certification, c'est le processus juridique qui va permettre d'assigner une signature électronique à un individu ou à une entreprise. Et ça, ça réfère – la certification – à quatre éléments importants, c'est l'identification du signataire, la capacité du signataire, le pouvoir et la qualité du signataire. La signature électronique, aujourd'hui, tout ce qu'elle fait, c'est d'établir l'identité virtuelle d'une personne, mais, son identité juridique, elle, n'est pas établie. Donc, on va voir en cours de route qu'il y a moyen de régler ça.

Évidemment, ça constitue, cette question fondamentale, le confluent entre le droit et la technologie. On voit ça principalement comme étant une question technologique, l'inforoute, sauf qu'il y a un processus légal. Il y a des gens qui vont transiger à distance, qui vont accéder à l'information aussi à distance. Et donc il y a des conséquences juridiques qui vont découler de ça.

On tente de donner une définition très, très rapide de la certification sans vouloir entrer dans le détail. C'est l'apposition d'une signature électronique qui est jumelée à un processus de certification de l'identité des parties à une transaction électronique qui est initialisée et validée par une autorité compétente. Une autorité compétente, c'est celle qui a le pouvoir d'établir l'identité d'une partie.

Le rôle des intervenants à travers tout ça. Évidemment, le secteur public a un rôle à jouer, le secteur privé a un rôle à jouer. Le secteur public doit jouer évidemment un rôle de catalysateur, en mettant en place les programmes et les directives nécessaires, et doit aussi être un régulateur. C'est qu'à l'occasion il va être obligé d'intervenir. Si on se reporte à l'époque de la création des autoroutes qu'on connaît aujourd'hui, il n'y avait peut-être pas beaucoup de réglementation, au départ, mais on s'est rendu compte, avec les abus, en cours de route, qu'il fallait réglementer. Donc, il devra se produire, à notre avis, la même chose du côté des inforoutes. Et aussi le secteur public, l'État particulièrement, va devoir peut-être être un utilisateur modèle, c'est-à-dire prêcher par l'exemple en offrant ses services sur l'inforoute québécoise.

Le secteur privé, quant à lui, je vais l'aborder d'une façon plus liée au notariat. On va voir en cours de route quel apport le notariat et quelle intervention le notaire peut faire dans ce processus-là.

M. Cloutier (Michel): L'intervention qu'on identifie pour le notaire est liée d'abord à sa fonction d'officier public et de fiduciaire. Officier public, le notaire, est un délégataire d'une parcelle de la puissance publique pour certifier des transactions privées, pour donner aux transactions privées la même valeur qu'une transaction faite par l'État. Il détient cette parcelle de la puissance publique directement de la loi. Et son rôle consiste d'abord à s'assurer de l'identité, de la capacité et des pouvoirs d'une partie pour lui permettre de faire un acte juridique, pour lui permettre de certifier cet acte juridique.

Son rôle de fiduciaire est évidemment lié aux transactions qu'il reçoit. Et son rôle de fiduciaire, c'est de recevoir les sommes nécessaires pour assurer la transaction et d'en assurer la distribution suivant les règles qui lui sont données par les parties. Le notaire est actuellement, au niveau papier, un professionnel de l'information qui assure la sécurité juridique et financière des transactions. Au fil du temps, le notaire a évolué d'un rôle de certificateur de transactions qui étaient originellement faites devant témoin, parce que les gens ne savaient pas écrire, à un rôle de certificateur de transactions plus importantes ou du moins jugées plus importantes au moment où l'État a imposé de passer devant notaire. Le rôle du notaire va évoluer dans les prochaines années vers un rôle de professionnel de l'information au niveau de l'autoroute de l'information.

La pratique du notaire, actuellement et dans l'avenir, c'est un rôle de gestion de l'information, de distribution de l'information, de diffusion de l'information, suivant certaines règles, certaines normes qui respectent la confidentialité de certains contrats et qui respectent la publicité d'autres contrats; de conservation de l'information, le notaire est un expert en matière de conservation de l'information; et de sécurisation de l'information.

M. Perreault (Claude): Évidemment, à travers Notarius, qui est la filière technologique de la Chambre des notaires, on est en train de mettre en place toute l'infrastructure nécessaire justement pour que le notaire puisse évoluer dans l'ère de l'information. Ce n'est pas un changement, pour le notaire, de sa fonction ou de son rôle, c'est tout simplement de choisir de nouveaux outils, de nouveaux moyens d'exercer sa profession. On est en train de mettre en place actuellement l'infrastructure. On a un plan d'intégration technologique qui s'étale sur cinq ans. La première phase est la mise en place de l'infrastructure. On va mettre en place différents moyens, dont un centre de certification où le notaire va pouvoir, sur une base locale, établir l'identité d'une partie. L'identité de cette partie-là va être inscrite dans un registre. Et, suivant le type de transaction, il y aura peut-être nécessité de se rendre devant le notaire ou non, dépendant... Évidemment, si c'est une transaction de peu de valeur, le citoyen qui aura recouru à nos services pour se faire initialiser sa signature électronique n'aura pas besoin de se présenter à chaque fois devant le notaire. Par contre, dans des transactions plus importantes, on pourra le faire. Donc, on est en train de mettre en place la base pour ça et d'équiper les notaires dans leurs bureaux pour pouvoir faire ce travail-là. Ils le font de façon quotidienne, à travers leurs actes notariés, mais ils peuvent le faire aussi à d'autres fins.

Évidemment, on va intégrer ça à leur pratique, dans la deuxième phase, au cours des cinq prochaines années. Et on va ouvrir ça aussi à un commerce électronique plus large, c'est-à-dire qu'on va pouvoir initialiser des signatures électroniques des personnes qui voudront transiger à distance. Et, suivant l'importance de la transaction, elles pourront le faire de façon autonome ou devront faire intercéder le notaire.

Évidemment, on possède déjà une chaîne de certification, les notaires, au Québec et à l'étranger. Elle a une structure assez étendue. Elle part d'une autorité locale de certification, qui est le notaire, à une autorité sectorielle de certification, qui est le secrétaire de l'Ordre, qui est l'autorité qui nous régit comme notaires au Québec. Évidemment, la Chambre joue un rôle aussi de régulation et de contrôle envers les notaires. Et l'Union internationale du notariat latin, qui est à un niveau international, elle, régule l'ensemble des notariats à travers le monde, dans 110 pays.

Donc, la chaîne peut fonctionner très bien. On a des exemples, dans le monde papier, aujourd'hui, où un acte qui peut être reçu ici peut être expédié à travers la chaîne notariale et envoyé, par exemple, en Chine, ou en Inde, ou en Italie et avoir la force publique, c'est-à-dire l'autorité de l'État nécessaire. Évidemment, dans le monde électronique, ça serait beaucoup plus simple de faire ça. C'est un envoi électronique qui est certifié en cours de route et qui peut suivre son cheminement, être rendu quelques secondes ou quelques minutes plus tard dans un autre pays. Mais on n'invente rien. La chaîne, dans le monde papier, existe déjà. Donc, cette structure-là est déjà en place. C'est juste des moyens qu'on est en train de mettre derrière.

M. Cloutier (Michel): La complémentarité entre le secteur privé et le secteur public, on la voit aux niveaux technologique et juridique. Au niveau technologique, il y a une complémentarité évidente au niveau de l'infrastructure technologique. L'État va établir sa propre infrastructure pour ses fins à lui; le privé va établir la sienne pour ses fins à lui. Il va falloir établir un lien entre les deux.

(17 h 20)

Au niveau juridique, ça s'appelle la réciprocité des processus de certification de l'identité des parties. En s'assurant de l'égalité ou de l'équivalence des processus de certification, à la fois au niveau privé et au niveau public, on peut s'assurer qu'une certification donnée au niveau privé comme une certification donnée au niveau public a une valeur équivalente et permet de faire une transaction.

Au niveau national, le notariat, pour les fins des transactions privées, offre d'abord la sécurité juridique des transactions par le rôle d'officier public du notaire. Le notaire, en tant qu'officier public, accorde cette sécurité dans le monde papier. Il est disposé à l'accorder également dans le monde électronique. Le notariat a également un réseau de distribution très étendu, à travers 1 500 points de services partout au Québec. Rares sont les municipalités où il n'y a pas un notaire.

Au niveau international, Claude Perreault en a parlé tout à l'heure, l'Union internationale du notariat latin est présente dans 110 pays à travers le monde et est actuellement en discussion et en négociation avec l'American Bar Association pour établir les bases d'un système à peu près similaire aux États-Unis.

M. Perreault (Claude): Évidemment, pour être complémentaire, il faut qu'il y ait des ententes. Mais il y a aussi des procédés qui existent. Le type de certification dont je vous parlais tout à l'heure entre notariats de pays, d'un notaire à un autre notaire d'un autre pays, c'est ce qu'on appelle la certification en ligne, qui se fait à l'intérieur d'une même chaîne de certification. C'est-à-dire qu'on peut assurer la sécurité juridique des transactions parce qu'on fait partie d'un processus reconnu mutuellement.

Mais il y a aussi la possibilité de faire ce qu'on appelle la certification entrecroisée. Et ce qui pourrait être particulièrement intéressant entre l'État et le notariat, c'est de pouvoir faire de la certification entrecroisée. Par exemple, un notaire pourrait émettre une carte – parce qu'on sait c'est une des préoccupations de la commission – d'identification électronique universelle à un citoyen. Ce citoyen-là, par la suite, pourrait s'en servir pour communiquer avec l'État pour faire sa déclaration d'impôts, pour s'inscrire sur une liste électorale permanente ou pour tout autre besoin de communication avec l'État. Et, à ce moment-là, tout ce que l'État a à faire, c'est que le ministère concerné vient valider auprès de l'autorité de certification de la Chambre des notaires si cette personne-là a toujours l'identité, la capacité, les qualités et les pouvoirs qu'elle prétendait avoir le jour où elle a rencontré le notaire qui lui a émis sa signature électronique. Et là on vient de fermer la boucle, on vient de donner une valeur légale derrière tout le processus de transaction électronique.

Évidemment, nos travaux sont assez avancés. Ça fait cinq ans qu'on travaille sur la sécurité juridique et technique des transactions. On est sur le point d'être en mesure d'offrir ce genre de service là sur le marché. C'est un notariat que vous ne connaissez peut-être pas aujourd'hui, mais qui se dessine pour les prochaines années. Et l'Union internationale du notariat latin nous a confié le mandat, ici au Québec, étant donné l'avancement de nos travaux, de déterminer les normes de certification dont on va avoir besoin au niveau international. Donc, je pense qu'on a un élément de sécurisation important qu'on peut apporter au niveau de l'autoroute de l'information.

Et, je vous dirais, pour compléter ce que Michel disait tout à l'heure, ce qui intéresse les Américains particulièrement de l'intervention du notariat, c'est qu'ils ont toute la technologie, du côté américain, pour faire des transactions sur l'autoroute de l'information et ils se demandent aujourd'hui pourquoi il n'y a pas de transaction, pourquoi les gens utilisent peu l'autoroute de l'information. Bien, évidemment, il manque la base, il manque l'assise légale. Et c'est pour ça que l'American Bar Association a commencé il y a trois ans des travaux à travers son Information Security Committee pour créer un notariat type latin aux États-Unis. Et il y a une première initiative qui a été lancée par le Florida International Notarial Practice Act, qui est en troisième lecture dans l'État de la Floride. Donc, il y a un mouvement au niveau international aussi important à ce niveau-là.

Ça complète la présentation qu'on avait à vous faire. Si vous avez des questions, soyez bien à l'aise, ça va nous faire plaisir de vous répondre. Évidemment, le mémoire était plus complet que ça, mais on s'est limité au temps alloué.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci infiniment. Est-ce que, M. le député d'Outremont, vous avez des questions?

M. Laporte: Non, je n'ai pas de questions. C'est vrai que le mémoire contenait beaucoup de précisions sur les choses que vous avez dites, mais je trouve que vraiment vous... Enfin, vous me faites découvrir, en lisant votre mémoire, disons, des aspects de la modernisation du notariat que je n'avais pas entrevus. Vous êtes vraiment très avant-gardistes dans ce domaine-là. Et, peut-être, la question que je vous poserais, c'est: Pour réussir dans l'opération que vous avez engagée, est-ce qu'il y a des conditions qui vous sembleraient manquer ou y a-t-il des conditions plus favorables à ce que vous... Y a-t-il des obstacles auxquels vous faites face?

M. Perreault (Claude): Actuellement, l'obstacle qu'on aurait pu avoir – je parle d'il y a trois ans – il y a trois ans, c'était peut-être la capacité de s'informatiser des notaires. Et on l'a réglé, ce problème-là, en bâtissant notre plan d'intégration technologique. On s'est assuré que les notaires aient les outils et les moyens nécessaires pour pouvoir évoluer dans ce nouvel environnement là. D'un point de vue légal, le notaire n'a pas besoin d'avoir d'habilitation législative de certifier l'identité des parties, il l'a déjà. Donc, ça, c'est déjà acquis. Évidemment, le marché va avoir besoin d'un coup de pouce. Il va falloir faire de la publicité. On n'en a pas parlé, jusqu'à maintenant, de ce qu'on est en train de faire. C'est la première sortie publique qu'on fait avec ce dossier-là. Évidemment, il y a toute une réflexion derrière ça. Il y a beaucoup de travaux de recherche et développement qui ont été mis là-dedans. Il y a évidemment beaucoup d'investissement en temps aussi. Mais les obstacles, pour nous, ne sont pas très majeurs.

Évidemment, ce qu'on souhaite le plus possible, c'est d'avoir une collaboration avec l'État. Parce qu'on a soulevé un des points importants qui est l'accessibilité. Évidemment, si on veut émettre des signatures électroniques à tous les citoyens, il faut être capable de leur offrir des points de service. Et nous, ce qu'on offre un peu, à travers le mémoire, c'est d'être un de ces points de service là. Il y a 1 500 bureaux de notaires au Québec, un peu partout, et ça serait une chose intéressante de pouvoir collaborer avec l'État dans l'émission de cette carte d'identification universelle électronique. Mais d'obstacles majeurs, je n'en vois pas beaucoup, jusqu'à maintenant, du côté législatif, à tout le moins.

Il y en a peut-être, de façon pratique, pour les citoyens qui n'ont pas accès à un ordinateur, qui n'ont pas accès à... Ça, c'est peut-être le problème de base. Mais au niveau des citoyens publics, c'est peut-être le seul problème. Au niveau des entreprises évidemment, avec des moyens comme ça, on rejoint les PME très facilement. Donc, c'est pour ça qu'on a abordé les deux aspects, le citoyen et aussi la personne morale, l'entreprise.

M. Cloutier (Michel): Par ailleurs, il m'apparaît assez évident qu'éventuellement au fur et à mesure de l'évolution de ce programme-là, l'État va devoir se repencher sur la loi constitutive du notariat et intégrer les instruments électroniques beaucoup plus que ça n'est fait actuellement, parce que la loi est actuellement bâtie papier. Donc, jusqu'à maintenant, on peut fonctionner. On a déjà fonctionné d'ailleurs pendant 18 mois sur un projet-pilote, dans un secteur particulier, et ça fonctionne. Mais évidemment ça facilite les choses lorsque la législation est plus ouverte.

M. Laporte: Merci beaucoup.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Mme la députée de Sherbrooke.

Mme Malavoy: Bonjour, messieurs. D'abord, je trouve que vous avez un mémoire très fouillé, très documenté, très remarquable, en termes d'information. Je vous avoue bien modestement que je n'ai pas tout compris, ni en lisant, ni en vous écoutant, même si j'ai fait des efforts. Mais je me rends compte que c'est un monde à soi tout seul, et je vois que vous l'avez fouillé beaucoup. Donc, je vous pose quelques questions, mais sans prétendre du tout faire le tour de la question.

J'aimerais d'abord enchaîner sur ce que le député d'Outremont vient d'évoquer. Probablement que mon image des notaires est très désuète, je veux bien le croire, mais, en même temps, je veux bien me transposer dans un monde d'identité virtuelle et dans un monde où tous les notaires très spontanément transigent par l'autoroute de l'information. Mais est-ce que c'est vraiment vrai que tous vos notaires sont rendus à un tel point qu'ils peuvent plonger dans ce monde-là? Et est-ce que vous avez réussi à influencer les programmes de formation des nouveaux notaires et des nouvelles notaires qui représentent quand même la relève, dans ce métier-là? Autrement dit, est-ce que ça a profondément transformé la façon d'enseigner le notariat, ce vers quoi on se dirige? Alors, j'aimerais que vous me repreniez un peu la situation pour ceux qui sont déjà notaires et ensuite pour celles et ceux qui le deviendront sous peu.

M. Perreault (Claude): Je vais vous répondre pour ceux qui sont notaires et je vais laisser le soin à Michel de répondre pour le côté formation. Pour ceux qui sont notaires, on a pris le soin... Justement comme je disais tout à l'heure, il y a trois ans, nous, on avait une expérience déjà de communication électronique avec les notaires et on savait qu'il y avait un travail à faire auprès de ces gens-là. On a monté un plan d'intégration technologique pour ne pas arriver subitement avec une nouvelle technologie qu'ils doivent apprendre du jour au lendemain. On leur intègre graduellement différents nouveaux outils de communication de l'ère de l'autoroute de l'information. Ils sont rendus à un point x. Ils ont déjà une technologie disponible qui va leur permettre d'émettre, d'ici 15 à 18 mois, ces cartes-là, de faire du commerce électronique de façon quotidienne dans leur bureau. Évidemment, il y a une mise en place d'infrastructures importantes à faire. On a 15 à 18 mois pour la compléter.

(17 h 30)

Par contre, ce n'est pas le juridique qui va derrière; pour eux, il est déjà acquis. On n'a pas de formation à donner; ils l'ont déjà, cette formation-là. Ce qu'il leur reste à apprendre, c'est le fonctionnement du système informatique. On a validé cette approche-là auprès des notaires. Moi, j'ai fait le tour du Québec, le printemps dernier, j'ai rencontré environ 1 500 notaires, 1 000 à 1 500 notaires. J'ai fait 56 présentations dans 35 villes en 21 jours. Je me suis assuré de rencontrer le maximum des notaires au Québec, en personne, parce que je suis celui, chez Notarius, qui porte le dossier, je voulais avoir le pouls des notaires. Et la réponse a été hors de tout... On ne s'attendait pas à ça. On a eu une réponse à 96 % des notaires, qui nous ont dit: Oui, c'est la voie de l'avenir, c'est là qu'on s'en va et on est prêts à embarquer. La réponse était très importante. Est-ce que vous êtes prêts à vous engager dans cette voie-là? Ils nous ont dit oui.

Mme Malavoy: Vous les avez convaincus.

M. Perreault (Claude): Pas vraiment convaincus parce que ça s'est fait... On a fait la tournée. On leur a donné des noms de référence dans le projet-pilote qu'on avait fait et on a sondé de façon indépendante deux ou trois semaines après avec une firme de communication externe qui a validé notre processus en cours de route. D'ailleurs, drôlement, ça m'avait été interdit de vendre le projet aux notaires, mais de donner simplement de l'information, justement pour avoir un point de vue très, très objectif de la part des notaires. Et le résultat a été que 96 % des notaires nous ont dit oui. Donc, notre approche est validée là.

Elle a été validée une deuxième fois l'automne dernier, à l'occasion des états généraux sur le notariat. Les états généraux s'étaient faits de façon indépendante du projet qu'on fait, le projet technologique. Il y a six recommandations qui sont sorties des commissions qui se sont promenées un peu partout dans la province, sur les états généraux du notariat. Et, à la finale, à la dernière réunion des états généraux, qui était la plénière, si on veut, il y a une septième résolution qui a été rajoutée à la demande des commissions, c'est-à-dire l'intégration technologique des notaires, telle que proposée dans la tournée qu'on avait faite.

Donc, on a eu deux occasions où on a pu valider cette approche-là auprès des notaires. Une fois, c'est nous qui l'avons sollicitée puis la deuxième fois ce sont les notaires qui l'ont sollicitée. Donc, de ce côté-là, je ne suis vraiment pas inquiet.

Et la formation de ces gens-là. Moi, j'ai déjà commencé à faire une tournée, cet automne. J'ai déjà huit régions de faites, où je donne une première base de formation sur l'inforoute qu'on est en train de mettre en place. Et l'hiver prochain avec des collègues à moi – parce que je ne peux pas faire ça tout seul – avec d'autres formateurs, on va refaire une deuxième série de cours, mais qui va être plus appliquée de façon précise avec certaines applications particulières qui vont leur permettre justement de faire le genre de travail qu'on leur demande de faire dans l'avenir.

M. Cloutier (Michel): Pour les futurs notaires, la Chambre des notaires a modifié son programme de formation tout récemment. Ça vient d'entrer en vigueur. On a nos premiers stagiaires. Parce que, autrefois, il n'y avait pas de stages. On terminait la quatrième année à l'université, on passait un examen et on devenait notaire. À l'intérieur du nouveau système, il y a un stage de formation qui est joint à la fois à un stage dans les études et à des cours de développement des habiletés. Et c'est à l'intérieur de ces cours de développement des habiletés qu'éventuellement on va arriver à ça au moment où on va arriver avec les produits. Les produits sont en développement, on ne peut pas actuellement former, sur ces produits-là, les nouveaux notaires. Mais toute l'orientation de la formation de la Chambre des notaires est remise en question, et ça fait partie des éléments qui sont dans le collimateur des comités responsables de ça. Oui, il va y avoir une formation. Actuellement, il n'y en a pas de particulière.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Mme la députée de Sherbrooke.

Mme Malavoy: Par certains côtés, j'ai l'impression que ça peut simplifier beaucoup la vie des notaires. Ça donne accès, en tout cas, à une somme d'informations extraordinaire très rapidement. Ça permet de faire circuler de l'information. En même temps, j'ai l'impression qu'il y a peut-être des éléments du métier qui deviennent plus complexes. Dites-moi si je me trompe.

M. Perreault (Claude): Je peux peut-être vous répondre très simplement, le plus simplement du monde parce que la technologie qu'on bâtit, c'est un outil pour le notaire, c'est un moyen. Donc, on la bâtit de façon très simple. C'est le genre Windows que les gens utilisent, avec la souris, des choses très simples. Donc, même certains notaires avec qui on l'a testé peuvent le faire sans avoir suivi de cours de formation. On s'assure qu'il y ait le cours de formation. La technologie qu'il y a derrière, ça, c'est notre affaire. On la bâtit, on est sûr qu'elle est sécuritaire, elle est bien développée. Mais, pour l'usager, pour le notaire, notre client, qui va utiliser ce produit-là, pour lui, c'est très, très simple, très transparent, ça ne complique pas sa pratique. Je vous dirais que ça la complique beaucoup moins que de faire 12 copies du même document imprimées avec un sceau manuel, un rebord spécial qu'il est obligé de mettre sur ses documents. C'est beaucoup moins compliqué parce que, là, tout se fait à l'écran. Donc, c'est des outils qui lui permettent d'être beaucoup plus performant et beaucoup plus disponible pour ses clients aussi. Ça ne m'inquiète pas, ce côté-là, honnêtement. Pour avoir déjà pratiqué, moi, j'aurais bien aimé avoir ces outils-là, il y a sept ou huit ans.

Mme Malavoy: Il y a une chose que vous évoquez dans votre mémoire, qui me semble assez fascinante, c'est la question de l'infrastructure des clés publiques qui se développe dans l'Union européenne. Je pense qu'on peut comprendre facilement que ce soit un bon terreau pour développer des instruments comme ceux-là. C'est à la page 32, vous en parlez un peu. En même temps, vous expliquez que ce processus de certification transfrontalier va poser des problèmes nouveaux ou, en tout cas, va obliger à faire le lien entre des nouvelles technologies, qui sont une chose, mais aussi des traditions juridiques entre les pays, qui sont une autre chose. J'aimerais vous entendre un peu là-dessus. Et puis j'aimerais que vous me disiez si l'expérience québécoise, puisqu'elle est au confluent de deux traditions juridiques, peut être utilisée et éventuellement si elle peut servir de point de repère pour d'autres pays qui ont à faire cet effort.

M. Perreault (Claude): Je pourrais vous répondre, parce que je suis au coeur des travaux depuis le début. L'attrait des Américains est justement le côté québécois «common law» et le côté québécois droit civil, parce qu'on est de tradition civiliste et de «common law», dépendant des types de droit en question. Ça, ça les intéresse beaucoup. Je vous dirais, deuxièmement, ce qui est intéressant aussi, là-dedans, on parle des droits transfrontaliers et des types de professions juridiques, de traditions juridique.

Par contre, on a déjà une bonne base. Il y a 110 pays où il y a la même tradition juridique, c'est-à-dire le droit latin, où l'Union est présente. Donc, à ce moment-là, on n'a pas besoin vraiment de processus de certification entrecroisé parce qu'on reconnaît déjà, nous, les documents qui viennent d'un autre notariat comme ayant une valeur de l'autorité compétente qui les a émis dans le pays. Donc, elle existe déjà, cette base-là.

On le dit pour d'autres pays qui n'auraient pas... par exemple, des pays de «common law». Si je prends un pays comme les États-Unis, le problème, dans ce monde-là, pour les États-Unis actuellement, c'est d'être capable d'échanger avec des systèmes juridiques étrangers très différents. Et, dans le monde électronique, ça va devenir de plus en plus important, cette question-là, à un point tel que c'est le secrétariat d'État américain qui avait confié, à l'époque, à l'American Bar Association le mandat justement de regarder s'il n'y avait pas moyen d'harmoniser les droits au niveau international pour être sûr que les États-Unis demeurent compétitifs dans un environnement électronique.

Évidemment, on a été demandé en premier lieu par l'Union internationale pour participer à ces travaux-là parce qu'ils savaient qu'on faisait ça chez nous déjà. Et le représentant de l'Union, à l'époque, nous avait contactés ici. Moi, j'avais été mandaté par l'Union internationale pour aller participer à ces travaux-là qui ont résulté en la création, aux États-Unis, de ce qu'on appelle le Cybernotary, qui est un notaire de type latin qui va évoluer dans un environnement entièrement électronique. Et le premier exemple de ça, il va voir le jour d'ici trois à six mois en Floride et il va pouvoir déjà commencer à faire des transactions, je dirais, d'ici une période peut-être de deux à trois ans, évidemment le temps que la formation nécessaire soit mise en place. Mais la Floride a déjà décidé d'aller dans cette veine-là. Donc, oui, ça devient un pivot important, le Québec, dans ce processus-là parce qu'on marie les deux traditions. On a la tradition latine, à laquelle réfère le notariat, et la tradition de «common law», qui nous lie avec le Canada anglais. Donc, c'est un élément important.

Mme Malavoy: Merci beaucoup.

M. Perreault (Claude): De rien.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci infiniment. M. Cloutier, M. Perreault, on vous remercie infiniment de votre bonne contribution à notre commission.

Nous ajournons nos travaux à demain matin, jeudi, 10 heures.

(Fin de la séance à 17 h 39)


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