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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mercredi 27 novembre 1996 - Vol. 35 N° 25

Étude du rapport annuel de la Commission d'accès à l'information


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Table des matières

Journal des débats


(Dix heures six minutes)

Le Président (M. Gaulin): Nous allons commencer, si vous voulez, nous avons quorum. Alors, nous procédons ce matin à l'étude du rapport annuel de la Commission d'accès à l'information, à cette commission de la culture. Je souhaite la bienvenue à tout le monde, la bienvenue à M. Comeau.

Je rappelle que le mandat de la commission pour cette séance est d'étudier le rapport annuel 1995-1996 de la Commission d'accès à l'information, conformément à l'article 119.1 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Mulcair (Chomedey) remplace Mme Frulla (Marguerite-Bourgeoys).

Le Président (M. Gaulin): Merci. Est-ce qu'il y a des membres qui ont des remarques préliminaires? Bien, alors, je vais inviter M. Comeau à nous présenter le rapport et peut-être d'abord à nous présenter les gens qui l'accompagnent. Bienvenue.


Exposé du président de la Commission d'accès à l'information (CAI)


M. Paul-André Comeau

M. Comeau (Paul-André): Très bien. Je vous remercie, M. le Président. Mesdames, messieurs, merci de votre invitation. Je vous présente, à ma droite, Me Ouimet, secrétaire de la Commission, et à ma gauche, M. Clarence White, qui est directeur à la Direction de l'analyse et de l'évaluation.

Alors, je vous remercie d'avoir été aussi rapide à nous entendre. Le rapport a été déposé en juin et nous sommes entendus dans les délais prévus, ce qui est très intéressant. Il s'agit, vous l'avez mentionné, M. le Président, d'une obligation qui est incorporée à la loi, une obligation qui permet à la Commission de prendre le pouls de l'opinion de l'Assemblée nationale représentée par cette commission et aussi d'échanger un certain nombre de problèmes, de faire le point également sur un certain nombre de dossiers.

Le dialogue avec cette commission, au fil des ans, s'est étoffé et est très apprécié parce que, dans les deux cas, les deux lois qui nous sont confiées, il s'agit d'une législation novatrice, qui évidemment l'est encore davantage en ce qui concerne la loi de 1993, et il s'agit aussi d'un secteur qui est en complète mouvance, en complète transformation, surtout en ce qui concerne la protection des renseignements personnels, en raison des progrès technologiques, des innovations, des défis et aussi des menaces, dans certains cas, qui sont présentées. Mais le secteur est en complète transformation aussi par le changement du contexte économique.

Il s'agit pour nous d'une rencontre importante du fait que nous avons depuis déjà quelques mois engagé nos travaux en vue du dépôt, dans un an tout juste, de notre premier rapport quinquennal qui fera la jonction entre les deux lois, la loi sur le secteur privé et la loi sur le secteur public. Ce sera un exercice important, et nous nous préparons sérieusement, avec enthousiasme, grâce à la compétence et au travail de tout le personnel et des autres membres de la Commission.

(10 h 10)

La réflexion est plus importante, je pense, que par le passé parce qu'il s'agit de la première mise au point sur le fonctionnement de la loi sur le secteur privé, qui est une loi importante, mais une loi, aussi, unique en Amérique du Nord, qui évidemment nous pose un certain nombre de problèmes. La démarche sera d'autant plus importante à ce moment-là, lorsque vous serez saisis de ce rapport, que le paysage canadien sera sans doute en voie d'être modifié. Vous aurez sans doute pris note de la décision du gouvernement canadien de déposer prochainement une législation sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé qui couvrira bien sûr les organismes, mais aussi les entreprises qui relèvent de la juridiction fédérale.

Avant d'aborder les thèmes de mon intervention de façon précise, je voudrais évidemment vous transmettre mes remerciements pour la renomination dont vous m'avez fait l'honneur il y a déjà quelques mois. Je vous en suis reconnaissant et évidemment je suis conscient des défis que cela comporte. Ce matin, je voudrais aborder deux points, faire un retour sur le bilan de l'année qui fait l'objet du rapport annuel et jeter un regard sur une des démarches privilégiées par la Commission, c'est-à-dire la démarche préventive, ou la démarche a priori. Alors, je ne vous ferai pas du tout l'insulte de résumer ou de reprendre l'essentiel des données contenues dans le rapport annuel, qui ont déjà d'ailleurs fait l'objet d'une synthèse dans une note distribuée par la Commission voilà déjà quelque temps.

J'attire cependant votre attention sur quelques points qui me semblent importants, d'abord, en ce qui concerne le mandat d'adjudication ou la fonction quasi judiciaire de la Commission. Alors là je vous l'ai déjà laissé entendre, mais je vous confirme que nous avons retrouvé notre vitesse de croisière grâce à la nomination des commissaires au cours des derniers mois. Maintenant, le délai maximum pour avoir une décision à la suite d'une demande de révision, soit d'un refus d'accès ou d'une mésentente dans le secteur privé, ça se situe dans une moyenne de trois à quatre mois.

De même, nous avons continué à maintenir le principe des audiences en région, c'est-à-dire là où se situe le domicile du demandeur. Évidemment, il s'agit là d'une façon de respecter les droits de l'ensemble des Québécois, qui sont les mêmes quel que soit le lieu de leur résidence, aussi sur le fait que la majeure partie des cas de refus dans le secteur privé, comme dans le secteur public évidemment, portent sur des renseignements personnels. Il s'agit rarement de documents administratifs. Donc, ce qui concerne davantage les individus. Puis il faut bien reconnaître que la grande majorité des demandeurs ne sont pas représentés par procureur devant la Commission, ce qui les place dans une situation défavorable si les commissaires ne sont pas là.

Ce qui m'amène à vous souligner que la Commission consacre évidemment pour les audiences en région une partie appréciable de ses budgets, étant donné le coût de ses déplacements. Évidemment, depuis les compressions budgétaires qui sont entrées en vigueur ces derniers mois, nous avons comprimé ce poste-là comme tous les autres avec évidemment un certain nombre de dispositions précises. Nous tentons de regrouper davantage les audiences en région et nous offrons aux parties, lorsqu'il y a des cas d'urgence, de tenir des conférences téléphoniques. Mais, évidemment, tout cela est purement volontaire.

Vous me permettrez également de revenir sur le succès de la médiation qui avait été expressément prévue par la loi sur le secteur privé et que nous avons, de façon empirique, appliquée depuis plusieurs années au secteur public. Le taux de succès de la médiation dépasse maintenant les 60 % en ce qui concerne l'ensemble des demandes de révision ou d'examen de mésentente. Il y a à ça évidemment un certain nombre de raisons. Le contexte économique ne favorise pas, heureusement, la judiciarisation. Et puis, dans le secteur privé, les entreprises ont compris l'intérêt de régler calmement des différends ou des problèmes avec des citoyens consommateurs. Évidemment, la crainte d'une publicité négative équivaut souvent à un début de sagesse.

Dans le secteur privé, la jurisprudence se met en place. Elle commence à s'étoffer. Un certain nombre de causes ont été portées en appel, qui permettent, disons, maintenant d'y voir un peu plus clair.

Quant à la protection des renseignements personnels, c'est sans doute le secteur où nous avons connu les activités les plus fébriles, notamment en raison de la loi de 1993. Là-dessus, j'ai une remarque importante à faire, qui est celle d'un constat établi au fil des ans, aussi bien d'ailleurs dans le secteur public que dans le secteur privé. La Commission a vite compris que l'un des problèmes majeurs à ce chapitre était celui de l'établissement de l'identité, de l'utilisation des cartes d'identité et surtout des fameux numéros identifiants, comme le NAS, le numéro d'assurance sociale, le NAM, le numéro d'assurance-maladie, le numéro de permis de conduire et un certain nombre d'autres identifiants du genre, qui permettent aux individus de s'identifier lorsque c'est exigé.

À cet égard, les questions qui nous sont posées sont presque invariablement les mêmes. Elles sont toujours très nombreuses: A-t-on le droit d'exiger, dans telle circonstance, tel identifiant? Comment peut-on s'identifier de soi-même lorsque la possibilité nous est offerte? Et doit-on s'orienter vers une carte d'identité, s'en tenir au statu quo ou imaginer d'autres solutions? C'est un problème dont votre commission a été saisie à l'occasion de vos travaux sur l'autoroute, et la Commission s'était déjà engagée dans cette voie. Nous avons élaboré un document d'information qui, je pense, vous a été distribué, sinon, il le sera.

Je vous signale que le document, dans les prochaines heures, sera accessible sur un site Internet, celui du Secrétariat de l'autoroute de l'information, dans l'attente que la Commission puisse avoir son propre site. Nous allons donc diffuser ce document qui est un document d'information. Et, selon les réponses qui nous parviendront, nous verrons à ce moment-là quelles suites donner au chapitre, bien sûr, de la consultation. Si, comme je l'appréhende, la réponse est importante, il nous faudra évidemment solliciter de l'aide, et pourquoi pas peut-être d'une commission comme la vôtre, pour débroussailler ce terrain, étant donné les ressources de la Commission en personnel et, bien sûr, en finances. Alors, cette question va sûrement dominer l'actualité en ce qui concerne la protection des renseignements personnels au cours des prochaines années.

Je voudrais également dire un mot sur le problème des initiatives dans le domaine de la protection des renseignements personnels de façon accidentelle. C'est-à-dire que bon nombre d'organismes, d'entreprises même ont recours aux ressources des télécommunications, notamment d'Internet, pour se faire connaître. Mais là on prend des décisions bien intentionnées, mais un peu intempestives. On a vu, par exemple, ces dernières semaines, un certain nombre de villes du Québec publier sur leur site Internet leur rôle d'évaluation au complet, avec évidemment des détails qui sont un peu incongrus, sur l'ensemble de la planète, étant donné qu'on peut consulter ces sites-là partout dans le monde. Je ne vois pas pourquoi la religion d'un individu est révélée à l'ensemble des citoyens de la terre. Je ne vois pas non plus pourquoi l'histoire de ses chèques pour régler ses taxes foncières est également publiée. Il y a une série de problèmes. Évidemment, lorsque l'on constate ces problèmes, on essaie d'intervenir, et là la réaction immédiate des organismes: On n'y avait pas pensé.

Il y a donc de la part de la Commission un domaine d'intervention au niveau préventif qui est important, parce que la Commission est amenée à se pencher sur des problèmes reliés à la technologie à l'égard desquels il y a peu de choses. C'est pourquoi nous avons publié il y a déjà quelques mois une fiche contact sur l'utilisation et le recours à Internet, et nous nous apprêtons à publier également une fiche sur l'utilisation du courrier électronique, le E-Mail, qui évidemment est très populaire dans les entreprises et dans les organismes mais qui soulève des problèmes extrêmement complexes au niveau, bien sûr, des renseignements qui y sont contenus mais aussi de la vie privée de ceux qui utilisent le E-Mail, ne serait-ce que sur les lieux de travail.

(10 h 20)

Et ça m'amène, ces remarques, à vous parler de l'approche privilégiée par la Commission, l'approche préventive, qui n'est rien de nouveau. Elle a été mise en place depuis de nombreuses années par mes prédécesseurs, et je me suis inscrit là-dedans. C'est une démarche, évidemment, de gros bon sens. Une loi nouvelle en 1982, une loi nouvelle en 1993 obligent tout le monde à remettre en question un certain nombre de pratiques, d'habitudes dans le domaine administratif et dans le domaine commercial.

On pourrait justifier cette approche de plusieurs façons. Je pense qu'il s'agit au départ d'un réflexe élémentaire: mieux vaut prévenir que guérir. Et c'est une nécessité évidente, si l'on constate que les problèmes à la vie privée, une fois survenus, peuvent difficilement être réparés. La réputation d'un individu, lorsqu'elle a été entachée par erreur ou autrement, peut difficilement être corrigée. Par exemple, lorsque le dossier médical d'une personne est publié, on aura beau faire toutes les démarches possibles, le mal sera fait. À cet égard, je dois vous signaler que la Commission est sollicitée beaucoup par des organismes et aussi des entreprises qui s'aventurent dans ces secteurs nouveaux et qui veulent prendre toutes les précautions avant d'investir, avant de prendre des décisions qui seraient difficilement rétractables par la suite.

Par exemple, je vous donne deux cas. Nous avons accepté d'accompagner les responsables d'une expérience de télémédecine qui vise deux choses: bien sûr, le traitement à distance, mais aussi la formation à distance des médecins. Alors, cette expérience est menée par des chercheurs et des médecins de Montréal en conjonction avec l'université et le Centre hospitalier de Toulouse, en France. Et, à la faveur des discussions qui ont eu lieu par téléconférence, nous avons été heureux de constater que, du côté français, les responsables de cette expérience avaient également associé directement nos homologues de la CNIL, la Commission nationale de l'informatique et des libertés, qui joue, à l'égard de la protection des renseignements personnels, le même rôle que la Commission d'accès à l'information.

Nous avons été sollicités par d'autres entreprises, notamment à l'occasion des appels d'offres du ministère du Revenu pour bâtir sa centrale de renseignements, à la suite de la modification à la loi, le printemps dernier. Nous avons reçu également des demandes d'une entreprise québécoise, Cifra, qui nous demande de l'accompagner dans ses démarches.

Évidemment, tout cela est important, difficile mais stimulant. Mais nous considérons que cette démarche préventive se justifie aussi pour des considérations financières et pratiques. Je pense qu'il est plus facile de prendre des précautions avant de devoir imposer des correctifs après. Les technologies élémentaires à cet égard-là, on les comprend facilement. Prendre des précautions à l'égard du fax, c'est quelque chose d'important, mais prendre des précautions lorsqu'on bâtit un système informatique, c'est beaucoup plus exigeant, beaucoup plus rigoureux.

Alors, dans ce domaine-là, les décisions annoncées récemment par le gouvernement en ce qui concerne la mise en place de l'assurance-médicaments vont obliger la commission également à se pencher sur la circulation des renseignements personnels extrêmement sensibles qui vont devoir être utilisés pour le fonctionnement de ce système. De même, le ministère des Affaires sociales et de la Santé a annoncé il y a quelques semaines également le remplacement de la carte-soleil traditionnelle par une carte à micro-processeur; là aussi, il s'agit évidemment de quelque chose qui nous interpelle directement.

Cette démarche de prévention, elle est faite également pour des considérations stratégiques. C'est-à-dire que, en fonction des ressources disponibles, nous préférons intervenir avant de devoir jouer à la police par la suite. C'est un choix stratégique qui a été fait par mes prédécesseurs qui est d'autant plus impératif, me semble-t-il, que le contexte est difficile.

Je voudrais, en guise de conclusion, vous faire part de mes sentiments plus personnels d'un malaise et d'une inquiétude qui se sont cristallisés à la faveur de l'examen et des négociations, bien sûr, concernant la modification à la loi du ministère du Revenu.

Évidemment, la Commission et moi-même, nous sommes sensibles à la nécessité de réduire le déficit de l'État et évidemment de combattre le travail au noir. Cependant, nous sommes un peu inquiets devant le discours qui est derrière ces démarches et qui en arrive, si on n'y prend pas garde, à poser une affirmation extrêmement inquiétante. Le respect des droits des citoyens serait presque un luxe associé aux périodes de relative prospérité. Dès que les circonstances économiques le justifient, on mettrait entre parenthèses un certain nombre de droits, un certain nombre de garanties que l'État s'est imposés lui-même voilà déjà quelques années.

Évidemment, après les interventions qui ont eu lieu en commission parlementaire, le travail de vos collègues et de vous-même dans certains cas, après l'intervention du Barreau et du Protecteur du citoyen, des mesures ont pu être mises en place pour adoucir les prévisions ou les démarches de cette loi nouvelle. Alors, je ne vous cache pas que nous sommes un peu mal à l'aise, mais nous allons être vigilants et remplir le mandat qui nous a été confié à cet égard dans cette loi précise et vous faire rapport d'ici quelques mois.

Alors, j'espère que mes remarques vous auront permis de mieux suivre le sens des travaux menés à la Commission au cours de la dernière année. Je vous suis reconnaissant de m'avoir entendu. J'exprime également de façon publique ma gratitude envers les cadres, les commissaires et le personnel de la Commission et je souhaite que dans un an nous pourrons vous présenter un rapport quinquennal qui vous inspirera des décisions sages et audacieuses, analogues à celles qui ont présidé à l'adoption des lois en 1982 et en 1993. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Garon): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Alors, il me fait plaisir de souhaiter la bienvenue à M. le président de la Commission, M. Comeau, et à ses proches collaborateurs, MM. Ouimet et White. M. Comeau, autant ça nous fait toujours plaisir d'accueillir vos proches collaborateurs, ni M. Ouimet ni M. White ne sont membres de la Commission, ne sont commissaires proprement dit. C'est bien ça?

M. Comeau (Paul-André): Tout à fait.

M. Mulcair: Est-ce que les autres personnes qui sont membres de la Commission – parce qu'on en a nommées deux au printemps, si ma mémoire est bonne – vous accompagnent également ce matin? Est-ce qu'elles sont ici présentes?

M. Comeau (Paul-André): Non, parce que je suis, en vertu de la loi, seul responsable de la gestion de la Commission.

M. Mulcair: Oui, bien entendu, mais parfois ça aide...

M. Comeau (Paul-André): Parfois, oui.

M. Mulcair: ...au moins de connaître les visages des personnes, même si ce n'est pas de leur poser des questions directement.

M. Comeau (Paul-André): Oui.

M. Mulcair: Et, même si vous êtes la seule personne membre de la Commission qui est responsable de son administration, il me semble que la Commission est composée, justement, de commissaires.

M. Comeau (Paul-André): Tout à fait. Mais ils sont en audience ce matin, tous sauf un.

M. Mulcair: Oui. Je présume que, n'étant pas invités par vous à venir ici, ils doivent être en commission, c'est pour ça qu'on les paie. Mais on aurait peut-être pu profiter aussi de leur présence aujourd'hui.

M. Comeau (Paul-André): Tout à fait.

M. Mulcair: Et je l'exprime comme souhait pour la prochaine fois...

M. Comeau (Paul-André): Très bien.

M. Mulcair: ...qu'on aura l'occasion de vous rencontrer.

Le Président (M. Garon): Je vais vous demander de vous adresser au président quand vous parlez.

M. Mulcair: Ah oui? D'accord. Avec grand plaisir, M. le Président, ça me fait toujours plaisir de m'adresser à vous, mais, dans l'étude des rapports annuels par le passé, ça a déjà été moins formel, selon le cas.

Le Président (M. Garon): Bien, c'est parce que ça évite un dialogue qui serait...


Discussion générale


Interventions publiques de la Commission

M. Mulcair: Alors, je me permets de vous dire, M. le Président, que, aussi heureux que je sois de voir M. Comeau et ses deux proches collaborateurs avec nous ce matin, étant donné que la Commission est effectivement composée de commissaires qui sont nommés par l'Assemblée nationale, ce qui n'est pas le cas pour les personnes qui l'accompagnent ce matin, il serait souhaitable et peut-être profitable pour l'ensemble des membres de cette commission de pouvoir rencontrer l'ensemble des membres de la Commission dont il est le président.

J'ai écouté attentivement vos mots, M. Comeau, et, dans sa forme, votre présentation vous ressemble. C'est très gentleman, si vous me passez l'expression anglaise. C'est mené avec beaucoup de doigté, c'est toujours très diplomate.

Ce matin, le hasard a voulu que vous soyez ici en même temps que le Protecteur du citoyen et diagonalement en face de nous. Parfois «substance follows form» – si vous me le pardonnez encore – et on a pris l'habitude, du moins moi en tant que porte-parole dans ce dossier-là, à votre genre d'intervention. J'ai pris, par contre, aussi l'habitude de porter très attention à vos choix de termes. Je pense que c'est l'ancien éditorialiste en vous qui ressort à l'occasion, puis vous choisissez, vous soupesez bien vos mots.

Dans le dossier du ministère du Revenu, nous, on a pris bonne note de ce que vous avez dit, vos préoccupations très importantes que vous venez d'exprimer ce matin, et je vous félicite pour ça.

(10 h 30)

C'est au sujet justement du mode d'intervention et de votre manière d'assurer la protection et l'intérêt du public dans votre dossier dont j'aimerais vous entretenir quelque peu ce matin en ouverture. Car, autant je suis heureux de vous entendre ce matin, dans le dossier du Revenu, dire: Attention! Ce n'est pas vrai qu'on est en train de faire ça correctement, autant c'est relativement restreint comme diffusion, ici, ce matin. Vous avez, tout comme le Protecteur du citoyen, certains moyens dont vous disposez pour mettre ces préoccupations-là de l'avant pour sensibiliser le public.

Je vous demande s'il ne serait pas souhaitable, dans des cas comme ceux-là, que vous utilisiez vos talents de communicateur et votre expérience, et j'ose même dire votre prestige personnel, de votre fonction, pour mettre de l'avant clairement ces préoccupations devant le public. On s'en est parlé lorsqu'on a fait la défense des crédits, mais des fois ça rassure le public de savoir... C'est un mot qui, apparemment, perd quelque chose dans la traduction. En anglais, on dit, c'est très bien de dire: «You're a watchdog». Apparemment, ça perd quelque chose dans la traduction de dire «chien de garde», mais vous êtes la personne à qui l'Assemblée nationale demande de surveiller ces questions fondamentales, vous êtes une des seules personnes à occuper une fonction où ça requiert justement une nomination de l'Assemblée et non pas d'une formation politique.

Est-ce que, de temps en temps, vous ne sentez pas le besoin de pousser ça un peu plus fort et de le mettre plus clairement devant le public ou est-ce que c'est, selon vous, un système d'intervention qui rencontre les exigences de la fonction? Est-ce qu'on devrait s'attendre à ce que ça demeure ainsi?

M. Comeau (Paul-André): Écoutez, vous avez soulevé là un problème important. Là-dessus, je vous rapporte, pour vous expliquer un petit peu ma façon de remplir le mandat qui m'a été confié, aux pages écrites à ce sujet par David Flaherty, qui, à l'époque était professeur et qui est maintenant mon homologue à Victoria, en Colombie-Britannique. Et Flaherty revient sur cette notion de «watchdog». C'est celui qui, je pense, l'a le mieux formulée dans la littérature disponible, et il démontre comment l'exercice est un exercice parfois même d'équilibre entre des interventions publiques et des négociations sévères.

Vous me permettrez... Je pense ne pas trahir de secret à vous dire comment, par exemple, dans le dossier du ministère du Revenu, où nous avions dû tenir compte d'une résolution adoptée à l'unanimité par une commission de cette Assemblée, comment, dans les circonstances, nous avons pris collectivement, donc les commissaires et moi, la décision de négocier avec le ministère du Revenu avant d'aller sur la place publique pour ne pas, à ce moment-là, aller publiquement à l'encontre d'une résolution de l'Assemblée nationale, de la commission du budget, si je me souviens bien. Alors, nous avons à ce moment-là préféré négocier avant de faire connaître nos positions. Donc, il s'est écoulé quand même un certain temps, parce que les négociations prennent du temps.

Lorsque la commission parlementaire a été convoquée, quelque part en mai, pour étudier le projet de loi, il y avait beaucoup de travail qui avait été fait, heureusement, et à ce moment-là nous avons reçu l'appui de l'ombudsman, du Barreau et d'un certain nombre d'intervenants, dont des députés des deux côtés de la Chambre qui sont intervenus.

Alors, on aurait pu aller sur la place publique carrément – je prends cet exemple-là – mais je pense que c'était très embarrassant de le faire étant donné l'indication qui avait été clairement donnée par la commission du budget et de l'administration. Tout dépend des circonstances et tout dépend du risque que nous évaluons. Et, ça, évidemment, ce sont des décisions qui sont prises après réflexion. Donc, il ne s'agit pas seulement de mon style personnel, il s'agit d'une évaluation du dossier. Je ne sais pas si je réponds à votre question, M. le député?

M. Mulcair: M. le Président.

M. Kelley: Est-ce que je peux aller sur le même sujet, M. le Président?

Le Président (M. Garon): Oui. M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: O.K. Je veux abonder un petit peu dans le même sens, parce que j'ai lu attentivement le document que le ministre délégué au Revenu a déposé à l'Assemblée nationale il y a deux semaines, votre avis du 24 septembre concernant les dossiers du Revenu. Je comprends très bien, oui, peut-être que la commission du budget et de l'administration a adopté un principe, que la lutte au marché noir est importante, mais de là à ouvrir... Je pense qu'il y a 44 fichiers qui sont identifiés dans votre avis. Il y a des choses dont on dit ici qu'elles sont fort troublantes.

Quand je regarde – je pense que c'est sur la quatrième page – que la Commission est aussi préoccupée par le degré de transparence de cette opération, cette préoccupation vient du fait que le ministère du Revenu du Québec ne veut pas publier les noms de quelques fichiers et l'usage qu'il entend en faire, alors, ça, c'est incroyable! Comme citoyen, je lis ça et je dis: On a vraiment ici une opération à la cachette.

Puis, comme je l'ai dit, vous avez bien énuméré nombre de choses: les permis de service de garde, les permis de taxi, notre évaluation foncière, le fait que je veux rénover ma maison, etc. Et c'est énorme, les choses qui sont dans cet avis, que le gouvernement va faire, une loi que je veux souligner, un fait beaucoup plus important que quelque chose qui a été fait par la commission du budget et de l'administration – une loi qui a été adoptée par le bâillon face à une opposition du Parti libéral, où nous avons dit qu'il y a des questions énormes sur la protection de la vie privée.

Le gouvernement n'a pas donné suite à nos préoccupations, ne nous a pas donné d'assurance convenable. Il y a d'énormes problèmes dans l'application du projet de loi n° 32 qui, au bout de la ligne, était adopté à 3 heures du matin, 4 heures du matin, par le bâillon, parce que le gouvernement a imposé sa majorité. Et de voir la conclusion de votre avis, vous qui êtes le «watchdog», vous qui avez avant tout le mandat... Comme député, comme parlementaire, moi, je peux suivre ce dossier de près, c'est un dossier qui m'intéresse beaucoup, mais je suis également porte-parole de ma formation politique sur d'autres dossiers et il y a tous les dossiers de mes commettants. Alors, il faut avoir des talents un petit peu polyvalents comme député.

Mais, moi, je dis avant tout que c'est la Commission d'accès à l'information, nommée par l'Assemblée nationale, qui doit veiller à tout ça. Et quand je vois, dans la conclusion, que la Commission évaluera les impacts de cette opération et qu'au terme de la première année, après que les dégâts seront faits, elle déposera à l'Assemblée nationale sa propre évaluation, ça me laisse un petit peu insatisfait.

Moi, je pense vraiment que l'opération qui est en marche, l'étendue... Parce que, moi, j'ai lu le projet de loi; j'ai une certaine connaissance; j'ai fait mes interventions au moment de l'étude détaillée de ce projet de loi. Vous avez fait un excellent travail ici, mais c'est encore plus troublant quand je lis tous les fichiers, toutes les choses qui sont touchées: chaque fois que je veux mettre un autre mur dans ma maison, M. Bertrand va être avisé, le ministre délégué au Revenu. Moi, je trouve ça fort un petit peu. Ce n'est pas de ses affaires.

Et c'est juste toute cette optique de ce gouvernement, que tous les Québécois et Québécoises sont des fraudeurs, ça, c'est le point de départ de toute cette démarche: je vous soupçonne, M. Comeau, je vous soupçonne, M. le député de Taschereau, je vous soupçonne, M. le député d'Outremont, de faire quelque chose. Alors, je vais aller dans tous ces fichiers pour vérifier comme il faut si effectivement le député de Lévis fait les rénovations. Est-ce qu'il a les moyens pour payer ces rénovations à sa propre maison? Je ne sais pas et je ne pense pas que c'est le rôle de l'État de savoir tout ça et de porter d'une façon automatique un regard sur tous les dossiers, tous les permis, toutes les choses pour voir s'il y a quelque chose qui ne marche pas, parce qu'on sait tous que tous les Québécois et toutes les Québécoises sont des fraudeurs!

Alors, vous qui êtes mandaté par l'Assemblée nationale, moi, je m'attendais peut-être à un petit peu mieux que vous entendre nous dire que l'année prochaine, après avoir fait tous les dégâts, vous allez arriver ici avec une autre position, bien écrite, pondérée, responsable, qui va dire: Je respecte la volonté du législateur de faire telle et telle chose. Je ne sais pas. On a vécu la même chose.

(10 h 40)

Moi, je demeure toujours préoccupé par les renseignements qu'on a trouvés sur la liste électorale. Il y a beaucoup d'autres démarches, et je pense que tôt ou tard ça va être le devoir de la Commission de regarder dans leur ensemble les pratiques de ce gouvernement, parce que c'est un gouvernement dirigiste, c'est un gouvernement qui pense qu'avec l'ordinateur il a le droit de tout savoir sur les citoyens et citoyennes du Québec. Et, de ce côté de la Chambre, on a beaucoup de réserves et on attend de la Commission peut-être un avis et peut-être un petit peu plus de bruit à ce sujet.

Le Président (M. Garon): Je peux vous dire que je partage votre opinion, M. le député. Nous allons écouter M. Comeau.

M. Comeau (Paul-André): Je vous remercie. Alors, voici. L'avis que vous avez là a été rédigé lorsque nous avons reçu les premières demandes du ministère du Revenu. Évidemment, c'était immense, comme vous l'avez signalé. Et là nous avons fait comprendre au ministère qu'il était impossible pour nous de donner la bénédiction à cela. Il s'agit, fichier par fichier, et non pas par l'énumération, de voir les renseignements qui sont jugés nécessaires et sont trouvés nécessaires par le ministère. Notre rôle, c'est de dire: Vous avez le droit d'aller chercher tel fichier, mais, dans le fichier, en fonction de votre loi fiscale, vous n'avez pas le droit d'aller chercher tel et tel renseignements.

Et là, M. White m'apprenait que nous avons reçu, ces jours derniers, la liste des 18 premiers fichiers qui ont été récupérés par le ministère du Revenu. Et là nous faisons l'étude dans les fichiers de chacun des renseignements. Et il est évident que, si nous arrivons à des aberrations, si le ministère du Revenu ne veut pas se rendre à ce que nous disons, nous allons vous alerter, parce qu'à ce moment-là nous sommes dans la règle et dans l'esprit de notre loi de vous alerter à cet égard. Et c'est l'Assemblée nationale qui le sera.

Mais je ne peux pas actuellement vous alerter sur le fait que le ministère va chercher les fichiers, c'est autorisé par la loi. Nous étudions les fichiers détail par détail maintenant et nous essayons de comprendre ce qui est nécessaire vraiment à une loi fiscale. Par exemple, est-ce qu'il est nécessaire de savoir combien de temps ont vécu des personnes ensemble. Ça figure, je viens de découvrir ça dans un fichier. C'est évident que ce renseignement-là sera refusé. Alors, tout ça fait partie du mandat qui nous a été confié par cette loi-là. On a remplacé le contrôle que faisait la Commission par un dépôt d'entente, par l'examen des dossiers eux-mêmes. Alors, ce n'est pas facile, et je vous signale qu'il s'agit là de quelque chose d'extrêmement nouveau. C'est des renseignements, d'abord, quand on regarde les rôles d'évaluation, d'une complexité qui dépasse l'intelligence de tous les jésuites de la terre, c'est...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Comeau (Paul-André): Alors, il faut, là, repérer là-dedans... Parce que c'est des fichiers immenses, vous avez raison. Mais nous sommes obligés de faire rapport, nous allons le faire. Ça, c'est une innovation bienvenue. Mais si, évidemment, en cours de route, on a des problèmes, on va les signaler. Et je dois vous dire que l'avis en question, que vous avez, fait suite à une conversation, à des échanges avec le ministère du Revenu, très serrés, de sorte que c'est un document nettement amélioré par rapport à ce qui nous avait été présenté au départ. Alors, ça fait partie du jeu de négociation.

M. Kelley: Mais, également, je ne comprends pas, au moment du dépôt... Parce que des fois j'écoute le président de l'Assemblée nationale. Il a mentionné, dans les dépôts de documents, que ce document vient d'être déposé. Je trouve que c'est un document très important. Est-ce que la Commission, par exemple, a émis un communiqué de presse au moment du dépôt à l'Assemblée nationale de cet avis? Sinon, pourquoi pas?

M. Comeau (Paul-André): C'est une excellente idée, je ne vous le cache pas.

M. Kelley: Je trouve qu'il y a dans ça matière à réflexion. Et on peut dire que, oui, c'est dans la loi maintenant, mais il faut rappeler les conditions dans lesquelles cette loi a été adoptée. Et ce n'est pas une remarque partisane, parce que, quand on était au pouvoir, il est arrivé la même chose. Mais ça a été adopté à la vapeur. Le ministre est arrivé en commission parlementaire avec les amendements le soir même du bâillon. Alors, on arrive, on étudie un projet de loi.

Le ministre arrive, dépose un deuxième projet de loi qui a tout changé le premier projet de loi. Quelques heures après, on arrive avec le bâillon. Ça arrive, à l'Assemblée nationale, où des fois on ajoute quelques autres amendements. Les députés de l'autre côté qui ont des ambitions vont voter pour, selon leur whip, et, nous autres, on va voter comme notre whip nous avise, et ça finit là. Mais, de là, il y a énormément de travail à faire sur la portée, à la fois pour l'Assemblée nationale, mais vous êtes là également pour la population québécoise. Et quand, dans l'application, dans la mise en oeuvre d'un projet de loi, vous trouvez, comme vous venez de le signaler, la durée d'un couple vivant ensemble, encore une fois, comme le toit du député de Lévis, je pense également que cette question doit être hors de portée du ministre. Il n'y a aucune raison.

Mais, aussi, le principe, que vous êtes venu ici répéter à maintes reprises, que, règle générale, les informations recueillies doivent être utilisées pour les fins que nous avons annoncées, est complètement bouleversé pour ça. On ne peut plus parler de ce principe. C'est un très beau principe, que, si je fais une demande pour un permis pour un service de garde ou une exonération comme parent, c'est pour garder mon enfant. C'était un principe dans la loi sur l'Office des services de garde. Mais, si j'ai bien compris, dans cet avis, on peut oublier ça, parce que le fait d'être détenteur d'un permis pour gérer un service de garde ouvre la porte au ministère du Revenu pour aller fouiller dans tous mes dossiers. Alors, ce n'est plus la même permission. Et, comme je l'ai dit, oui, il y a une loi, mais vous avez également des responsabilités envers la population qui sont nettement plus importantes.

Alors, comme je l'ai dit, c'est juste par hasard que j'étais à l'écoute du dépôt de cet avis avant la période des questions, et je pense que les citoyens et citoyennes du Québec ont tout intérêt à en prendre connaissance, parce qu'il y a énormément de choses ici que je trouve troublantes, et je pense que la Commission peut, oui...

Vous avez vos responsabilités solennelles dans la loi d'écrire au ministre, de déposer à l'Assemblée nationale, toute cette mécanique formelle. Il y a également la communication, les communiqués de presse, convoquer les médias. Parce qu'il y a plusieurs médias, je pense entre autres au journaliste du Devoir , M. Venne, qui suit vos activités de près. Ce sont des personnes qui suivent la question de la vie privée avec un intérêt particulier. On a tout avantage, pour mieux communiquer avec les citoyens du Québec, à donner des outils, entre autres à M. Venne et aux autres membres de la Tribune de la presse qui ont suivi votre travail de près.

Alors, ça me déçoit un petit peu. Comme je l'ai dit, vous avez respecté vos engagements formels, mais qu'est-ce que la Commission peut faire dans l'avenir peut-être pour mieux communiquer à la population?

Le Président (M. Garon): M. Comeau.

M. Comeau (Paul-André): Oui. Il y a aussi là, comment dire? un jugement de stratégie. Est-ce qu'on devait alerter la presse à ce moment-ci ou quand on aura des difficultés avec le ministre du Revenu sur des renseignements précis? Il ne faut pas non plus – vous comprendrez que c'est mon ancien métier qui revient – crier au loup tout le temps, sinon les gens ne viendront pas. Et nous estimions que nous n'avions pas assez de prise. Là, j'ai des renseignements concrets. Celui dont je viens de vous parler, la cohabitation durant une certaine période, c'est un renseignement dont je n'aurais pas imaginé qu'il figure dans les fichiers. Là, on l'a. Alors, on peut avoir quelque chose, matière à s'intéresser.

Je ne peux pas me permettre non plus d'alerter la presse. D'ailleurs, la presse fait bien son boulot. Au lendemain du dépôt de cet avis à votre Assemblée, il y a au moins quatre journaux qui l'ont repris et bien repris. Alors, il y a une espèce de sensibilité à respecter d'intervenir auprès des médias lorsqu'on a vraiment quelque chose de majeur et non pas... Parce que, là, ce dossier-là du ministère du Revenu, vous me pardonnerez l'expression, mais c'est un dossier avec lequel on va vivre pendant trois années au moins. Ça va être constant. Alors, je ne peux pas me permettre à chaque semaine de faire une conférence de presse, j'aime mieux arriver avec de la chair.

Le Président (M. Garon): Mme la députée de Rimouski.


Nature et provenance des demandes d'intervention

Mme Charest: Merci, M. le Président. Moi, je suis heureuse, quand même, de rencontrer la Commission d'accès à l'information, et permettez-moi, M. Comeau, de vous féliciter pour le renouvellement de votre mandat qui s'est fait à l'unanimité par l'Assemblée nationale. Je pense que ce renouvellement de confiance repose sur les cinq ou six années préalables durant lesquelles vous avez assumé la présidence, je dirais, à la hauteur des attentes, en tout cas, de l'Assemblée nationale comme telle.

Ceci étant dit, j'aimerais que vous me donniez un petit peu plus d'information. Vous nous avez transmis un résumé de votre rapport et, dans le petit graphique qui parle de l'évolution des demandes de révision et d'examen de mésententes traitées par la Commission, je vois que les demandes de révision qui concernent le secteur public sont, j'allais dire, presque trois fois, d'après ce que je peux voir, celles qui proviennent du secteur privé. Et si je compare aussi avec les années passées, 1993-1994, 1994-1995, il y a quand même une augmentation significative.

Ce n'est sûrement pas strictement le ministère du Revenu qui vous occasionne toutes ces demandes. En tout cas, je l'espère. Est-ce qu'il y a d'autres ministères – parce que, si c'est le secteur public, je suppose que ce sont des ministères – qui sont vraiment l'objet de demandes?

M. Comeau (Paul-André): Très bien. Vous permettez, M. le Président?

Le Président (M. Garon): Oui, M. Comeau.

M. Comeau (Paul-André): Je voudrais revenir, si vous permettez, Mme la députée, parce que M. White m'a signalé une chose que j'avais oubliée et qui est importante, je pense, pour votre information, c'est que notre avis en question, qui a été déposé à la Chambre, avait été aussi déposé dans la pochette de presse, sans qu'on le sache, d'ailleurs, préparée par le ministère du Revenu au moment où ils ont tenu leur conférence de presse, début septembre, lorsqu'ils ont annoncé et dévoilé leur vidéo, le commercial qui est diffusé sur les stations de télévision, de sorte qu'on avait l'air fou, à ce moment-là, d'arriver et de faire une conférence de presse, nous aussi, sur un document qui était déjà publié par d'autres. Alors, c'est un peu la raison.

(10 h 50)

Je reviens maintenant à la demande de Mme la députée. Il y a deux choses à cela. D'abord, il faut dire que les demandes en provenance du secteur privé ne datent que de 1994; c'est le tout début. Donc, ça augmente tranquillement, ça n'atteint pas encore son régime de croisière parce que ça augmente continuellement, mais, en ce qui concerne le secteur public, il y a un autre volet qui est considérable, c'est les documents administratifs, les rapports, les études, les analyses, tous les documents qui n'ont rien à voir avec les renseignements personnels. Et c'est surtout là où les problèmes se posent.

Quand un ministère a fait faire une étude conflictuelle sur un sujet chaud, il n'est pas très porté à la donner, et c'est surtout ce type de documents que l'on entend en audience. Alors, ça explique, je pense, la disproportion qui va toujours demeurer parce qu'il y a ce volet documents administratifs.

Mme Charest: Dans le secteur privé, quel type de documents vous est surtout réclamé? À part le dossier de crédit des individus, qui peut faire l'objet de demandes?

M. Comeau (Paul-André): Évidemment, les documents... Nous, nous ne traitons que les dossiers qui sont refusés. Alors, qu'est-ce qui est demandé aux entreprises? On peut s'en douter un peu, mais, nous, on est là pour étudier les réponses négatives.

Mme Charest: Oui, mais ceux qui sont refusés par le secteur privé, c'est surtout de quel ordre?

M. Comeau (Paul-André): Je pense qu'il y a trois catégories. Il y a les dossiers d'employés, les dossiers détenus par des entreprises sur leurs collaborateurs. Et ça, ça rejoint un peu ce qui existait depuis déjà de nombreuses années dans le secteur public et dans les entreprises où les conventions syndicales le prévoient, l'accès de l'employé à son dossier. Et c'est une habitude qui est en train maintenant de se créer, mais qui révolutionne complètement les relations de travail dans les entreprises non syndiquées ou dans les entreprises où les conventions n'ont pas prévu cela. Ça, c'est un problème de culture.

Deuxièmement, c'est, bien sûr, les dossiers qui font suite à des consentements. Par exemple, vous demandez une assurance, vous signez des consentements; vous faites une réclamation pour une absence maladie, vous signez des consentements. Enfin, il y a toute une problématique à cet égard qu'on peut ramener autour de la notion de consentement. Consentement valide, consentement qui n'est plus valide au point de vue durée, consentement trop large. Enfin, c'est globalement cela.

Et puis, troisièmement, il y a tous les dossiers qui rejoignent les notions de crédit, d'assurance, etc. Et là, c'est, la plupart du temps, des dossiers qui font appel à l'intervention de la Commission, soit parce que c'est des zones grises dans la loi ou c'est des domaines où, vraiment, il n'y a pas de précédent, il n'y a rien.

Un cas précis. Par habitude et sans législation, les bureaux de crédit conservent des données à la suite d'une faillite durant sept ans. Pourquoi sept ans? Il n'y a rien, dans la loi, qui prévaut. Alors, les entreprises sont venues, à ce moment-là, devant la Commission et on est en train d'élaborer une jurisprudence.

C'est les trois secteurs: dossiers d'employés, problèmes des consentements et les dossiers de crédit et autres. En mésentente, oui, c'est-à-dire qui sont traités sous forme d'audience. Parce qu'il y a aussi des plaintes qui, elles, sont traitées par enquête; et là c'est légèrement différent.


Carte d'identité obligatoire et utilisation d'identifiants

Mme Charest: Je vous demanderais également... Les identifiants, ça semble un problème, surtout dans le secteur privé, pour appliquer la Loi sur la protection des renseignements personnels. Et vous dites dans votre résumé que ces difficultés d'application sont surtout présentes dans une société qui ne dispose pas d'une carte d'identité obligatoire.

Et quand je regarde votre document, avec les avantages, les inconvénients et les expériences européennes sur la question, il me semble que, au Québec, oui, c'est vrai, on n'a pas fait de débat formel sur la question de la carte d'identité obligatoire ou facultative, mais on en parle quand même déjà depuis un bon moment. Qu'il s'agisse de se rappeler qu'on a mis maintenant la photo sur la carte de l'assurance-maladie, on a mis la photo sur le permis de conduire. Il me semble qu'il y a des étapes, là, qui sont franchies, et j'aimerais vous entendre par rapport à ça. Moi, personnellement, je me dis: Oui, il y a des dangers, mais il y a aussi beaucoup plus d'avantages et de sécurité d'avoir une carte d'identité. De là à dire qu'elle soit obligatoire ou facultative, il me semble qu'on pourrait faire le débat. J'aimerais vous entendre, parce que vous avez quand même une expertise que, moi, comme députée, je n'ai pas nécessairement, là, sur l'application de ce que serait une carte, avec les effets pervers qu'il faudrait éviter.

M. Comeau (Paul-André): Bon. Le problème de la carte d'identité et des identifiants qui y sont liés, c'est un problème qui date, m'a-t-on appris quand je suis entré à la Commission, du début de la Commission, lorsque la loi a été votée.

Mme Charest: Oui. Ça fait longtemps.

M. Comeau (Paul-André): Et le problème, il est complexe, et il se présente aussi bien dans le secteur privé que dans le secteur public. Comment se fait-il que certains ministères qui s'occupent de chasse et de pêche exigent votre carte d'assurance-maladie pour vous permettre de participer à des tirages pour avoir le droit d'aller à la chasse à l'orignal? Ça n'a aucun sens. C'est à partir de ces raisonnements-là...

Mme Charest: Je m'excuse, mais, vous savez, des fois, quand on connaît la clientèle puis qu'on sait qu'ils y tiennent tellement, à participer à cette chasse et pêche là...

M. Comeau (Paul-André): Oui.

Mme Charest: ...moi, ça ne me surprend pas tellement qu'on la demande.

M. Comeau (Paul-André): On l'exige!

Mme Charest: Mais je comprends votre interrogation. Ha, ha, ha!

M. Comeau (Paul-André): Bon. Alors, c'est à partir de cela que l'Assemblée nationale a adopté au cours des années deux modifications importantes. C'est-à-dire que maintenant, en vertu de la Loi sur l'assurance-maladie, on ne peut plus exiger d'un individu qu'il présente sa carte d'assurance-maladie. On peut la lui demander, si vous en dégagez cette interprétation-là, mais on ne peut l'exiger sauf si c'est à des fins de consultation médicale, d'hospitalisation, etc.

Même chose, le permis de conduire, lui aussi, a été soumis à cette même législation, une législation analogue, évidemment, et on ne peut plus exiger d'un individu qu'il s'identifie par son permis de conduire, pour respecter le principe de finalité. C'est conforme à l'esprit, à la lettre des lois et c'est, à mon point de vue, très intelligent.

Cependant, on se rend compte des limites de cela. Et là vous avez sans doute entendu parler, au printemps dernier, de la démarche menée par des ACEF de Montréal qui demandent à un certain nombre de députés et au gouvernement d'intervenir pour faire modifier ces deux législations-là parce que beaucoup de citoyens n'ont pas d'autre moyen de s'identifier que la carte d'assurance sociale et la carte d'assurance-maladie. Et les entreprises qui sont prudentes et respectueuses de la loi non seulement n'exigent plus la carte, mais ne la demandent plus, de sorte que les gens sont complètement perdus.

Et c'est là où les problèmes se posent. Ils arrivent, par exemple, chez autobus Voyageur pour chercher un colis et on demande de présenter une carte d'identité. Ils ne présentent ni le permis de conduire ni la carte d'assurance-maladie. Qu'est-ce qu'ils font? Certains, peu, ont un passeport. Sinon, ça devient... ils présentent une carte de crédit ou quelque chose du genre.

Il y a toute une question qui n'a pas été évacuée, dont on n'a jamais dégagé les aboutissants non plus que les commencements, et c'est là, dans cet esprit-là, que la Commission a voulu faire réfléchir et amener les gens à aller au-delà des impressions. Il y a des gens qui disent: Moi, les cartes d'identité, ça ne me pose aucun problème. D'autres qui disent, au contraire: Je ne veux pas de carte d'identité obligatoire. Mais on n'a jamais réfléchi à la question depuis 1978. C'est le dernier débat. Il y a eu, comme vous le dites, toutes sortes d'instances où on en a parlé, mais, globalement, comme société, ça n'a jamais été fait.

Et là on se trouve dans une situation invraisemblable. Comment répondre au besoin d'identité réel, d'identification, mais respecter également les principes fondamentaux garantis aux citoyens? Alors ça...

(11 heures)

Mme Charest: Parce que, vous savez, maintenant, avec toutes les technologies de l'information et avec la circulation de plein de renseignements à peu près sur tous les aspects de la vie courante, il me semble que la carte d'identité, elle est presque maintenant inutile. Je mets ça entre guillemets, par contre, là, parce que je sais que c'est une grosse affirmation. Mais si vous comprenez dans quel sens je veux dire «inutile», avec tout ce qui circule déjà. C'est pourquoi je me dis: La carte d'identité, est-ce qu'elle poserait vraiment problème ou si, dans le fond, elle ne viendrait pas confirmer ce qui se fait déjà de façon informelle, pas nécessairement de façon transparente, parce qu'on ne sait pas que telle compagnie d'assurance va contacter telle maison de crédit ou, enfin, votre employeur pour avoir des renseignements, ou qu'ils vont faire des échanges de fichiers, et tout ça. Il me semble que la carte d'identité, quelque part, elle est beaucoup moins à conséquences néfastes pour la vie privée et personnelle des individus que tous ces fichiers informatisés qui existent, qui sont stockés et qu'on réutilise. Parce que, vous savez, quand vous faites une réservation dans un hôtel, une fois qu'on a pris votre carte de crédit pour payer les frais de votre location de chambre, vous pouvez rappeler un an plus tard et vous n'avez même pas besoin de donner autre chose que votre nom; ils savent déjà tous les renseignements qu'ils peuvent avoir sur vous parce que, la première fois qu'on a émis une carte de crédit, tout s'est enchaîné, sans votre permission, et on garde en banque ces données-là.

Alors, ce que je veux dire, c'est que la carte d'identité ne m'apparaît pas si dangereuse que ça, compte tenu de ce qui existe en termes de stockage d'informations et que les technologies de l'information font que, maintenant, je dirais que l'identité des individus, elle est là, elle est présente de façon virtuelle.

M. Comeau (Paul-André): Parfait. Bon, vous avez soulevé, Mme la députée, beaucoup de problèmes. Prenons votre exemple d'hôtel. C'est la même chose d'ailleurs quand vous téléphonez chez une grande chaîne de poulet; on sait fort bien que, vous, vous prenez des ailes plutôt que des cuisses; on a conservé votre profil de client, hein. Ça, c'est quelque chose qui est prévu par la loi sur le secteur privé. Ce qui déroge à la loi, c'est lorsque ces renseignements circulent ou sont vendus, l'autre problème que vous avez soulevé.

Le problème de l'identité, il se présente lorsque vous devez demander un service ou faire une transaction et que l'on ne vous connaît pas. Là, il y a un problème réel. Qu'est-ce que l'on fait traditionnellement chez nous? On vous demande une carte, qui est la plupart du temps le NAS, hein, la carte fédérale d'assurance sociale, et cette carte-là peut être vérifiée rapidement, si elle est valide ou non. Sans être sûr que c'est bien l'individu qui est en face de vous, dont le nom figure sur la carte, on peut dire: La carte est bonne, par un algorithme rapide. Bon.

Mais le danger de cette carte, c'est que, au fil des ans, au Canada, les fichiers informatiques de compagnies, le fichier des fonctionnaires de l'État, le fichier également des députés, pour le salaire, ça a été bâti non pas en fonction du nom des individus, mais du numéro d'identifiant, et c'est là où les problèmes naissent. Avec un numéro, on peut aller chercher sur chacun d'entre nous beaucoup plus d'informations qu'avec votre nom, parce que votre nom pose des problèmes. Et c'est là où les cartes d'identité dont nous nous servons actuellement ont été tellement utilisées pour structurer des fichiers de renseignements personnels qu'elles soulèvent des problèmes sérieux. Et c'est là où la question doit se poser: Continue-t-on ainsi, comme société, à s'identifier avec ces cartes qui servent à tout autre chose, ou va-t-on vers une carte d'identité? C'est le problème.

Mme Charest: C'est ça. Dans le fond, ce que je voulais dire, c'est: En quoi la carte d'identité est plus dangereuse pour aller à l'encontre de la protection de la vie personnelle des individus que ce qui existe présentement, dans le fond?

M. Comeau (Paul-André): Ça dépend de ce qu'il y aura sur la carte d'identité. Si c'est une carte d'identité qui comporte ce qu'on appelle un numéro séquentiel, un numéro qui peut être changé selon que vous perdez votre carte ou vous changez de statut, etc., c'est très difficile, à ce moment-là, de structurer des fichiers de renseignements personnels en fonction de cela. Ça, c'est une carte d'identité de plus en plus sûre – je ne dis pas parfaitement sûre – et c'est d'ailleurs ce vers quoi s'orientent les Européens, donc non pas une carte avec un numéro qui suit l'individu toute sa vie. Ça, c'est des choix de société à faire.

Mme Charest: O.K. Merci, M. Comeau.

M. Comeau (Paul-André): Je vous remercie, madame.

Le Président (M. Garon): Comme je suis arrivé en retard, M. Comeau, ce matin et que j'ai su que vous aviez déposé le document de réflexion sur la question des cartes d'identité au Québec et que vous avez fait part à la commission que vous n'aviez pas le moyen de consultation...

M. Comeau (Paul-André): Bien, ça dépend de la réponse, hein, c'est ça.

Le Président (M. Garon): Oui.

M. Comeau (Paul-André): Si on est inondé de demandes, là on va frapper à la porte d'une commission comme la vôtre...

Le Président (M. Garon): Bien, justement, je voulais vous dire que j'avais l'intention de proposer aux membres de la commission qu'on ait une rencontre conjointe pour voir de quelle façon on pourrait faire une consultation là-dessus...

M. Comeau (Paul-André): Très bien.

Le Président (M. Garon): ...parce que beaucoup de gens se posent des questions concernant ce... Et, comme la mise à jour n'a pas été faite dans ce secteur-là, ça serait peut-être l'occasion de faire la mise à jour aussi de l'état de l'opinion des Québécois, maintenant, sur une possibilité de carte d'identité.

M. Comeau (Paul-André): Je vous remercie beaucoup, M. le Président.


Fichier en matière d'assurance automobile

Le Président (M. Garon): Je voudrais juste poser une question rapide aussi, parce que c'est justement... Je sais que la députée de Sherbrooke veut aussi poser une question là-dessus, mais ça va exactement dans le sens que vient de demander la députée de Rimouski. J'ai entendu dire récemment que, il y a quelques années, il y avait eu un fichier, il y avait eu une loi qui avait été passée pour faire un dossier des conducteurs d'automobile en fonction des primes qui pourraient être chargées en fonction des responsabilités, des accidents que fait un conducteur et selon qu'il est responsable ou non. Au début, il était question que ce soit l'Inspecteur général des institutions financières qui s'occupe de ça, de faire compiler le fichier. Après ça, j'ai su, on m'a dit que c'est le Regroupement des assureurs qui devait faire le fichier. Et j'ai appris récemment, je n'ai pas vérifié, on m'a dit que c'était rendu chez Équifax.

Est-ce que c'est normal? Parce que ça va exactement dans le sens... Les députés parlaient du crédit de quelqu'un, puis, là, le dossier d'assurance, on me dit que... Ceux qui m'en ont parlé m'ont dit que c'était étanche, les deux systèmes, excepté qu'il s'agissait de peser sur un piton pour que ça cesse de l'être. Est-ce que c'est normal que... Alors qu'une responsabilité a été établie pour les fins d'assurance, que ça devait, au fond, contribuer à ce que les gens qui sont responsables aient des primes plus hautes, puis, finalement, on a réalisé, avec les années, que ceux qui ne sont pas responsables de quoi que ce soit, eux aussi ont des problèmes, parce que, justement, on se sert de ce crédit des gens pour d'autres fins que ce pour quoi le registre aura été fait.

Maintenant, que le registre soit rendu chez une compagnie qui établit le crédit des citoyens, bien, moi, je trouve que ça pose des questions... Je ne sais pas si vous avez été saisi, si vous êtes au courant de ça, si vous avez été saisi de ça. J'aimerais savoir votre opinion là-dessus.

M. Comeau (Paul-André): C'est un dossier qui est arrivé à la Commission peu de temps après ma nomination, et nous avons eu exactement le même raisonnement que vous. Même si, légalement, l'Inspecteur des institutions financières avait le droit de confier par contrat la gestion de ce fichier à une entreprise privée ou publique, peu importe, ça nous a posé des problèmes. Nous avons eu des démêlés judiciaires à cet égard et, finalement, nous sommes parvenus à une entente hors cour qui comportait une clause précise: l'Inspecteur des institutions financières s'engageait, à l'échéance du contrat conclu précisément avec Équifax, de revoir la question et de tenir compte de nos arguments.

Alors, c'est là où nous en étions. Et, si mes informations sont bonnes, le contrat est venu à échéance l'an dernier et le contrat est maintenant confié à une autre entreprise qui, semble-t-il, ne se trouve pas en conflit d'intérêts comme celui d'Équifax, le conflit que vous avez signalé, une maison qui fait du crédit et qui aurait théoriquement accès à des fichiers du genre.

Mais Me Ouimet pourrait vous en dire plus long, puisque c'est lui qui a piloté ce dossier et qui est parvenu à obtenir l'entente, si vous permettez.

Le Président (M. Garon): Oui. M. Ouimet.

M. Ouimet (André): Il faudrait peut-être juste ajouter qu'au départ, quand le projet de loi a été présenté, la Commission est intervenue pour dire que c'était un peu curieux qu'un fichier, finalement, privé soit confié à un organisme public. Et la loi a été passée. Finalement, les événements qu'a décrits M. Comeau sont arrivés et, selon nos informations, quitte à les vérifier, ce ne serait plus la firme Équifax. Cependant, à l'époque où c'était la firme Équifax, il y avait eu une vérification faite par l'équipe de M. White et il y avait une étanchéité entre la gestion des dossiers d'assurance et les autres dossiers de la firme Équifax.

Le Président (M. Garon): Est-ce que ce serait possible de nous renseigner là-dessus?

M. Comeau (Paul-André): Tout à fait.

Le Président (M. Garon): Où c'est rendu actuellement?

M. Comeau (Paul-André): Oui. Je sais que c'est arrivé il y a quelques mois. Le contrat est venu à échéance. Il y a eu un appel d'offres lancé par l'Inspecteur des institutions financières, et ce n'est pas Équifax qui a eu le contrat. Je ne me souviens plus quel est le nom de la société qui l'a eu. Est-ce que le transfert a effectivement eu lieu maintenant? Dans les 24 heures, vous aurez les réponses.

(11 h 10)

Le Président (M. Garon): Je vous remercie. Mme la députée de Sherbrooke.


Carte d'identité obligatoire et utilisation d'identifiants (suite)

Mme Malavoy: Merci. Je voudrais enchaîner, M. Comeau, sur cette même question. J'aimerais que vous me rassuriez un peu sur les discussions entourant cette carte d'identité. Je vais vous dire ma préoccupation. Je crains que, au moment où on aura fini le débat là-dessus, on parle d'une carte qui ne soit pas adaptée par rapport aux nouvelles technologies de l'information. C'est vrai que les problèmes que les gens vivent aujourd'hui sont plus des problèmes qui consistent à devoir sortir une carte pour montrer son identité réelle en un lieu où on est physiquement. Je vais à l'hôtel, je laisse l'empreinte de ma carte de crédit pour bien indiquer que je vais payer le compte en partant. Je vais chercher un colis au terminus Voyageur, comme vous dites. Et c'est vrai, c'est des expériences que nous faisons tous les jours.

Mais on s'en va vers un monde, si je peux dire, qu'on effleure encore à peine, mais où on aura accès, particulièrement avec les nouvelles technologies de l'information, à une circulation tous azimuts des informations nous concernant et de nos propres demandes aussi. J'imagine, moi, déjà, j'anticipe déjà un monde dans lequel je vais faire des transactions bancaires via Internet ou, via les nouvelles technologies de l'information, sur l'autoroute, je vais faire toutes sortes de réservations, je vais faire toutes sortes d'étalage de ce que je suis, et, pour le moment, tout ce qu'on entend dire, c'est: Il y a des méthodes d'encryptage possibles, il y aura des dispositifs de sécurité possibles.

Mais j'aimerais être assurée que, dans ce débat autour de la carte d'identité, on englobe bien tout cet aspect-là du débat. Parce que, à la limite, laisser une carte de... montrer mon permis de conduire au terminus Voyageur, ce n'est pas une inquiétude terrible, c'est juste désagréable parce que ça n'a pas de rapport, mais ça ne me gêne pas beaucoup. Par contre, le jour où je vais pour la première fois de ma vie faire une transaction par écran interposé, je vais être inscrite, parce que, là, je ne maîtrise plus ni le lieu ni le temps, ni rien, mon interlocuteur est une machine. Et cette crainte-là, je suis persuadée qu'elle est partagée par beaucoup, beaucoup de citoyennes et de citoyens. Et, comme je sais que vous discutez de ça en différents lieux du monde, j'aimerais être assurée que le débat, il englobe toutes ces dimensions-là.

M. Comeau (Paul-André): Bon. D'abord, je dois dire que votre inquiétude, Mme la députée, est partagée par un nombre important de nos concitoyens; 20 % des demandes de renseignements téléphoniques que nous recevons portent précisément sur cette question. C'est donc un sujet qui n'est pas réservé à un certain nombre de personnes, c'est une préoccupation générale. Et cette préoccupation, je pense qu'elle est parvenue à l'attention d'un grand nombre de personnes par la valse-hésitation des banques et des institutions financières en ce qui concerne l'utilisation d'Internet pour faire des transactions. Je ne sais pas si vous voyez l'ordre dispersé dans lequel les institutions financières se placent pour permettre ou non des transactions, soit par Internet ou autrement, par téléphone, etc. Il y a une inquiétude réelle. Et mon sentiment, c'est que, si les institutions financières s'inquiètent, c'est qu'il y a quelque chose de sérieux.

La communication de renseignements par téléphone, ligne sécurisée ou autres, c'est un problème évident, c'est un problème de sécurité. Évidemment, on peut minimiser un certain nombre de ces problèmes par, vous l'avez signalé, le cryptage des données, le chiffrement des données, et là ça pose aussi des considérations importantes. Je voudrais m'arrêter là-dessus parce que c'est un problème qui nous interpelle tous. Le cryptage, c'est évidemment la façon de rendre incompréhensibles des messages, de faire en sorte que les messages puissent être transmis intégralement et qu'ils ne puissent pas être modifiés en cours de route, et que le destinataire du message soit la bonne personne et que ce destinataire sache que l'auteur du message est bien celui dont il trouve le nom ou les coordonnées sur le message. Il y a toute une série de questions à la fois juridiques et à la fois techniques qui se posent.

Là, il y a un problème politique majeur. C'est que la notion de cryptage suppose des transactions totalement indéchiffrables, et les gouvernements sont très inquiets à cet égard. Il y a tout un débat international là-dessus qui, au Québec, ne nous a pas encore rejoints de façon très claire, on commence à peine à en parler. Ça a été lancé de façon dramatique aux États-Unis lorsque le vice-président Al Gore a lancé les audiences régionales sur la mise en place de l'infrastructure de l'autoroute de l'information, avec tout le débat autour de ce qu'on a appelé «Clipper chip», c'est-à-dire que le gouvernement se réservait le droit d'avoir les clés qui lui permettraient de déchiffrer tous les codes utilisés pour la transmission de données sur Internet ou sur d'autres circuits informatiques, ou l'inforoute. Ça a fait un tapage considérable, et là, la tendance dans le monde, c'est de faire un compromis entre la nécessité de la sécurité de l'État et la vie privée des citoyens.

Les Américains, Interpol aussi, craignent qu'Internet serve de moyen pour transmettre des commandes de drogues, transmettre des ordres d'actes terroristes, etc. Il y a toute une préoccupation de sécurité. Mais il y a l'autre côté: les droits des individus. Et là, la tendance actuelle, c'est d'établir ce qu'on appelle un tiers parti de confiance, ou un «trust party». C'est-à-dire que les logiciels ou les algorithmes de chiffrage seraient déposés auprès de cette autorité de confiance, qui ne serait pas gouvernementale, et qui en assurerait l'intégrité et qui, lorsque des ordres seraient émis, analogues, par exemple, à des mandats d'écoute téléphonique ou autres, pourrait permettre, donc, le déchiffrage des communications qui ont été faites grâce à cette technique.

Il y a toute une problématique mondiale à cet égard. En France, le débat vient d'avoir lieu, et l'organisme analogue au nôtre, la CNIL, a refusé de devenir le tiers de confiance, pour toutes sortes de raisons complexes et philosophiques également. Au Canada, le problème, il est très clair, et je pense qu'il faut que le Québec prenne position à cet égard. Le ministère de l'Industrie et du Commerce voudrait devenir ce tiers garant pour l'ensemble des codes utilisés au Canada, et il a la concurrence de Postes Canada. Alors, c'est le débat tel qu'il se déroule et, pour le moment, on n'y prête pas attention.

Je suis content que vous ayez soulevé cette question-là. On risque d'avoir une décision qui va nous tomber sur la tête sans que personne ne s'y soit vraiment intéressé. Et, d'après l'évolution des travaux, la décision serait imminente. Il faut, je pense, être conscient de cela. Donc, le problème du cryptage en est un. Le cryptage, lui, c'est pour la circulation.

Mais il y a le problème, maintenant, de l'accès sécuritaire à cette circulation. Et c'est là où certaines cartes deviennent plus utiles que d'autres. Or, il n'est pas inintéressant de constater que Visa et Master Card ont décidé que les transactions éventuelles sur Internet se feront avec une carte à microprocesseur, qui est la «smart card». Pour le moment, c'est l'outil le plus sûr dans le domaine qui permet de préserver les individus et aussi d'assurer la sécurité de la transmission des données. Alors, pour le moment, la carte à microprocesseur est un instrument... bien, ce n'est plus d'avant-garde puisque ça existe depuis une quinzaine d'années, mais on a tellement travaillé et étudié cela, il y a une espèce de consensus mondial à cet égard, c'est l'instrument privilégié pour l'identité sur, évidemment, les réseaux informatiques. Est-ce que c'est l'instrument privilégié comme carte d'identité en soi? C'est une autre question. Mais, pour tout ce qui impliquerait informatique et circulation de renseignements, il semble, pour le moment, que c'est le meilleur instrument.

Mme Malavoy: Est-ce que je peux ajouter une toute petite chose?

Le Président (M. Garon): Oui.

Mme Malavoy: Ça pourrait avoir l'air logique et plus simple de dire: Allons vers une seule carte, par exemple, qui combine tout. En même temps, il me semble que, du point de vue des citoyens, le fait d'avoir comme plusieurs possibilités, c'est rassurant aussi. C'est-à-dire que, si je n'ai plus qu'une seule carte qui m'identifie pour toutes mes transactions, j'ai peur bien plus de la perdre, ou j'ai peur bien plus qu'elle soit mal utilisée, ou qu'à un moment donné, si elle est volée, par exemple, elle puisse donner accès à absolument tout. Est-ce qu'on réfléchit aussi en ces termes-là, c'est-à-dire, du point de vue de ce que les gens vivent de façon très quotidienne et qui est de l'ordre de la confiance?

(11 h 20)

M. Comeau (Paul-André): Les échanges que nous avons avec des groupes et avec des citoyens sur les problèmes de l'identité, l'identifiant, portent précisément là-dessus. Et c'est là la nécessité de la consultation à laquelle nous sommes arrivés comme conclusion. Parce que les gens pèsent le pour et le contre; une bonne partie d'entre eux préfèrent avoir plusieurs cartes qu'une seule, pour des raisons soit impressionnistes ou des raisons très logiques. Mais on n'a pas d'image globale là-dessus.

Actuellement, vous savez, vous en avez été saisis lors de vos audiences sur l'autoroute de l'information, il y a un projet de carte multiservices qui est dans l'air et qui est élaboré à certains endroits, et puis il y a, à côté, la décision annoncée par le ministère des Affaires sociales et de la Santé d'avoir une carte-santé à microprocesseur à compter de 1998. Alors, ça, c'est un problème important. Et beaucoup de gens se disent: Pourquoi, encore une fois, deux cartes?

Là, il y a un problème majeur à résoudre. C'est que la carte-santé contient, elle, des renseignements personnels parmi les plus sensibles qu'on puisse imaginer, d'une part. Mais la carte-santé s'insère aussi dans un système. Il y a la carte du patient, mais il y a aussi la carte du professionnel de la santé. Sinon, il n'y a pas moyen d'avoir accès à la carte du patient. C'est l'avantage et la beauté de la carte à microprocesseur. Elle permet des accès garantis, segmentés selon les profils de compétence, selon une foule de considérations. Il faut donc un système totalement différent, pour la carte-santé, des autres cartes d'identification qu'on puisse imaginer, pour des raisons techniques, mais aussi, vous l'avez compris, pour des raisons de confiance.

Le citoyen, et ça, il faut faire quelques simulations et on s'en rend compte, le citoyen se verrait mal présenter sa carte dans laquelle il y aurait ses renseignements de santé au vendeur d'un magasin ou à la police sur la route. Les gens diraient: Ça ne se peut pas; la notion de confiance n'y est pas. Mais la notion de carte-santé à cette fin précise, une carte-santé univoque, est une notion importante. Et, là-dessus, je dois vous signaler – et ça, je parle au nom de mes collègues de la Commission – la satisfaction de la Commission lorsque le ministre des Affaires sociales et la RAMQ ont annoncé cette décision d'avoir une carte-santé à la seule fin des soins d'hospitalisation, de santé, etc. Et ça rejoint l'une des conclusions des groupes de travail auxquels j'ai été associé, et c'est l'une des conclusions qui sera d'ailleurs présentée au sommet du G 7, à Denver, dans quelques mois. C'est la norme mondialement acceptée actuellement par les experts. La carte-santé ne sert que pour des soins de santé et ne peut pas être confondue avec d'autres cartes. Sinon, ça devient impossible et, éventuellement, ça devient un non-sens, parce que la carte-santé nécessite nécessairement de l'espace et de la mémoire si on veut qu'elle serve à quelque chose. Il est impossible de lui donner d'autres fonctions, d'en faire une carte qui serait à la fois le permis de conduire, la carte d'identité, la carte d'accès à des services ou autre chose.

Là, je vous dis, la Commission, nous en avons discuté encore la semaine dernière, est très heureuse de l'orientation annoncée par les ministères de la Santé et des Affaires sociales et la RAMQ d'avoir une seule carte dans le domaine de la santé. Mais c'est en fonction d'un examen précis. Et la Commission, actuellement, a réussi à développer à l'égard de cette carte une expertise importante. Je ne dis pas que nous savons tout. Mais, à la suite de ce que nous avons fait comme démarches à Rimouski, de notre implication dans des travaux internationaux, on sait les conditions minimums et les précautions qui doivent être mises en place avant d'utiliser cette carte. Ah, ça nous permettait, bien sûr, ensuite d'extrapoler dans d'autres domaines. Mais la carte à microprocesseur, ça devient l'instrument important.

La semaine dernière, une grande compagnie canadienne de télécommunications annonçait la sortie d'un nouveau téléphone portable, qu'on appelait autrefois cellulaire, avec précisément une carte à microprocesseur pour garantir la sécurité des transactions et la sécurité des appels également. La carte à microprocesseur sert également dans des transactions bancaires en Europe depuis quelques années déjà, il y a une foule d'usages, et c'est l'instrument qui semble répondre le mieux aux impératifs de sécurité, mais aussi d'efficacité, pour le moment.

Mme Malavoy: Merci beaucoup.

Le Président (M. Garon): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Je pense que je vais... Est-ce que mon collègue de Nelligan peut prendre la parole?

Le Président (M. Garon): M. le député de Nelligan.

M. Kelley: Merci beaucoup.


Accès du ministère du Revenu à certains fichiers gouvernementaux

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président, pour cette chance de participer à ce débat. Je voudrais commencer par dire que la Commission d'accès à l'information joue un rôle de plus en plus important, mais je pense, aussi, difficile, avec les changements informatiques qui arrivent devant nous chaque jour. Je sais que, et je m'excuse d'être un peu en retard, mais j'ai eu des devoirs en Chambre, vous avez déjà commencé les discussions un peu sur le projet de loi n° 32, et vos avis, M. le Président, sur ce projet de loi. Je ne veux pas répéter, mais j'ai des craintes sur ce qui se passe maintenant. Et je sais que vous avez publié un avis et je voudrais juste citer un paragraphe de cet avis, mais aussi je voudrais citer ce que le ministère a dit sur cet avis.

À la page 2 de votre avis qui a été publié, on dit: «Le plan, tel que soumis, suscite des interrogations. Il s'agit d'un plan ambitieux qui comporte certains dangers et pour lequel il est extrêmement difficile d'obtenir des réponses satisfaisantes. En effet, la Commission est saisie d'une demande qui propose l'accès à de très nombreux fichiers, soit plus d'une soixantaine, au niveau des ministères et organismes gouvernementaux.» Avec ça, on sait que le fisc a un appétit insatiable pour l'information.

Quand j'ai participé, comme membre de la commission du budget et de l'administration, l'autre semaine, à une rencontre avec le ministère du Revenu, ils ont donné un document qui dit que, et je cite le document: «La Commission d'accès à l'information a émis un avis positif en regard du plan d'utilisation des fichiers de renseignements qui lui a été soumis. Ceci permet maintenant au ministère du Revenu de procéder à l'acquisition de plusieurs fichiers auprès de plusieurs ministères et organismes publics.» Avec ça, malgré votre travail et votre rôle comme chien de garde de la vie privée de la population québécoise, il me semble que le ministère du Revenu ne tient pas compte de votre avis, que j'ai trouvé utile et compréhensif.

Je voudrais juste mentionner aussi deux autres points d'information, parce qu'il me semble que les règles sont en train de changer et qu'on doit adapter la façon dont on agit. Pas parce que la façon dont nous avons procédé jusqu'à maintenant n'était pas bonne; sauf que la situation a changé. Nous avons vu une annonce du ministère du Revenu qui est en train de faire une entente avec un groupe privé, qui s'appelle DMR, pour créer une centrale de données. Ils vont avoir un secteur privé qui va avoir accès à toutes nos informations, une centrale de données. Effectivement, ce n'est pas en vigueur. Il est en train de négocier. Nous avons vérifié ça. Mais, déjà, c'est quelque chose, M. le Président, pour lequel, si nous n'avons pas 100 % de garantie sur la vie privée, on peut avoir des problèmes.

Et aussi, vous avez vu, je pense, tous vu dans les manchettes hier que le fisc a envoyé, selon l'information que j'ai reçue, à 52 000 restaurants, hôtels et bars une lettre qui demande, rétroactivement, toute l'information pour tous les serveurs et serveuses, les montants de pourboires de l'année 1995. Malgré que, pendant le débat – et, vous, M. le Président, vous avez participé au débat – malgré qu'ils ont promis de ne pas faire de chasse aux sorcières, ils ont dit que toutes ces règles vont commencer à tomber en vigueur juste quand il y aura un son de cloche, juste quand il y aura un problème: Quelqu'un a une Mercedes et n'a pas le droit d'avoir ça. Je me souviens du débat que nous avons eu sur ça. Mais il me semble que le fisc ne fait pas ça, pas du tout. Il est en train de collecter de l'information sur tout le monde. Il est en train de donner le pouvoir au secteur privé d'avoir une centrale de données de toute cette information. Avec ça, effectivement, les cloches sonnent, mais pas de la même façon.

Et je voudrais, particulièrement quand le ministre du Revenu dit que vous êtes d'accord avec tout ça et que, selon l'avis que j'ai lu, vous n'êtes pas d'accord avec ça, je voudrais savoir maintenant ce que nous sommes en train de faire pour assurer la vie privée, la confidentialité à protéger. Parce que, quand j'ai demandé la question, j'ai eu quelques interrogations à moi-même: Pourquoi vous voulez protéger cette vie privée? J'ai trouvé ça assez bizarre comme question, M. le Président. Et la même ligne que j'ai entendue souvent: Si vous n'êtes pas coupable, vous n'avez rien à cacher. Mais je m'excuse, j'ai le droit d'avoir une vie privée aussi. Et je compte beaucoup sur la Commission d'accès à l'information pour me protéger.

Je lance la question large comme ça, M. le Président, parce que je sais que vous avez participé vigoureusement au débat sur le projet de loi n° 32. Quand le terrain est en train de bouger, quand il y a ce que j'appelle un appétit insatiable, c'est difficile d'agir en même temps. Mais, avec les points DMR, secteur privé, 52 000 lettres, votre avis que, selon les documents que j'ai reçus du ministre du Revenu et dont il ne tient pas compte... je voudrais demander ce que vous pouvez faire pour assurer à la population québécoise qu'effectivement notre confidentialité est protégée.

(11 h 30)

M. Comeau (Paul-André): Bon. Alors, l'avis positif auquel vous faites référence visait l'accès par le ministère aux fichiers qu'il nous a identifiés – c'est-à-dire, il nous fait une liste qui est reprise – et nous avons, dans un premier temps, vérifié avec lui si ces fichiers-là pouvaient ou non tomber sous la nouvelle loi qui a été adoptée, vous l'avez dit, en mai ou juin dernier. Ça a été la première démarche, et on a fait réinscrire des fichiers qui, d'après le ministère, ne devaient pas figurer.

Finalement, il y en a un seul, fichier qui demeure secret, entre guillemets. Je vais vous dire exactement pourquoi sans vous dire le nom du fichier. C'est que ce fichier contient tellement peu de noms qu'il est facile de savoir qui c'est par son titre. Alors, c'est la seule exception que la Commission a acceptée. Tous les autres fichiers sont maintenant publics, et on sait que le ministère va à ces fichiers-là. C'est le sens de l'avis. Qu'est-ce que l'on fait maintenant avec ça? Et là je m'excuse de me répéter, pour certains de vos collègues, mais c'est important que vous le sachiez. Nous faisons deux choses: nous examinons le contenu des fichiers – 18 nous ont été transmis – et nous regardons les renseignements qui y sont contenus. Et, lorsque nous avons des problèmes, des doutes, nous obligeons le ministère à nous prouver que ces renseignements sont nécessaires. C'est seulement lorsque nous aurons approuvé fichier par fichier la liste des renseignements nécessaires qu'ils pourront être traités par le ministère.

La deuxième chose que nous faisons – et je pense que nous l'avons soulevé comme inquiétude – c'est que nous voulons également forcer le ministère à établir un délai de conservation de ces renseignements-là et non pas à faire en sorte qu'il puisse conserver jusqu'à la fin des temps les renseignements en question et, à ce moment-là, bâtir un supercentre de données absolument invraisemblable. Alors, c'est les deux domaines dans lesquels nous travaillons: l'identification des renseignements auxquels le ministère peut avoir accès dans les fichiers en question et la durée de détention de ces renseignements.

Évidemment, vous avez fait allusion à l'entente en bonne négociation avec une entreprise – qui était et qui est toujours, semble-t-il, DMR – pour prendre en charge un contrat important, de la part du ministère du Revenu, sur le traitement de ces fichiers et de ces variables absolument incroyables et très, très nombreuses. Pour le moment, le contrat n'est pas conclu. Vous vous rappelez sans doute que j'avais soulevé cette question en commission parlementaire. Nous avons reçu le contrat, nous sommes en train de l'étudier. Nous savons qu'il n'est pas conclu, je ne sais pas pour quelle raison. Ce que nous en comprenons – parce que c'est un contrat d'une complexité assez remarquable – c'est qu'il s'agit, pour cette entreprise ou l'entreprise qui aura le contrat, de préparer, clé en main pour le ministère, les logiciels et bien sûr l'équipement nécessaire pour faire ces appariements, ces croisements de fichiers. C'est une structure absolument importante. C'est donc un contrat confié par le ministère, et le ministère deviendra, une fois le contrat exécuté, propriétaire et opérateur lui-même de cette minicentrale ou de ce fichier géant – je ne sais pas trop comment l'appeler – et DMR ou l'autre société qui recevra le contrat aura, semble-t-il, un contrat de surveillance, d'entretien ou de maintenance. Mais c'est le ministère qui aura le contrôle.

Évidemment, il y a un problème, entre-temps: il est vraisemblable, pour permettre la mise en place du système, que DMR ait besoin de données des fichiers qui devront être traités sur une grande échelle; donc, faire des essais-pilotes, des démonstrations. Alors, là, il y a un problème qui se pose et il va y avoir un engagement à la confidentialité qui devra être obtenu de la part de l'entreprise DMR ou d'une autre et de ceux qui vont travailler à cela. Nous sommes cependant à cet égard dans une meilleure situation qu'il y a trois ans, c'est-à-dire que nous avons la loi sur le secteur privé qui va nous permettre d'intervenir également, à ce moment-là. Alors, c'est le travail que nous faisons sur ce contrat en voie de négociation. Je ne peux pas vous en dire plus, parce qu'on commence à l'étudier; on l'a reçu il y a quelques jours. Les négociations sont compliquées, semble-t-il. Moi, je pensais que tout ça était conclu, mais on nous a appris que non.

Vous avez également soulevé une autre question, c'est-à-dire la démarche, publiée dans les journaux, du ministère du Revenu de faire appel à la collaboration de 52 000 restaurateurs ou entreprises du genre. Ça, c'est un pouvoir que le fisc avait déjà avant la loi. Alors, il l'exerce normalement – enfin, j'espère – mais ça ne relève pas du tout de la compétence de la Commission, là.

M. Williams: M. le Président.

Le Président (M. Garon): M. le député de Jacques-Cartier...

Une voix: Non.

M. Williams: De Nelligan.

Le Président (M. Garon): ...pardon, de Nelligan.

M. Williams: Ce n'est pas loin.

Le Président (M. Garon): Oui. Ha, ha, ha!

M. Williams: Nous sommes les voisins. Merci pour votre réponse, M. le président, mais je n'ai pas mis en doute le pouvoir du ministère du Revenu de demander cette information, parce que, de la façon dont le fisc écrit les lois, il a tous les pouvoirs – légaux, au moins. Mais, selon l'information que j'ai reçue, juste pour utiliser... Et peut-être que je mélange les choses, mais, comme simple citoyen, je commence à avoir mes craintes, parce que l'exemple des 52 000, supposez que ça va toucher 100 000 travailleurs et travailleuses, plus ou moins, selon l'information que j'ai reçue, avec ça, probablement par un envoi d'une lettre, mettre ça dans l'ordinateur et envoyer ça... Le ministre envoie ça à tout le monde, et c'est aussi facile que ça. Il va rétroactivement, pas changer les règles, parce que, vous avez raison, les règles sont là, mais il commence à mettre en vigueur les règles. Il va avoir toutes ces données... qui a réclamé les pouvoirs ou non. Sans mettre en doute une bataille pour éliminer l'évasion fiscale, il va y avoir 100 000 noms fichés.

Dans le même temps, avec les projets-pilotes – vous-même en avez parlé – il va commencer à faire les comparaisons des fichiers, tout ça sans une entente-cadre, tout ça sans une protection qui a eu votre bénédiction; vous êtes la personnification de notre protection de la vie privée. Moi, je pense qu'on doit dire non, qu'on doit arrêter tout de suite, et je suis heureux que le contrat ne soit pas signé, parce que, quand j'ai vu l'annonce dans le communiqué de presse, ça donnait l'image qu'il y avait un contrat signé. Selon l'information que vous avez juste dite, ce n'est pas signé. Tant mieux, parce qu'il me semble qu'il y a un rôle essentiel, pour la Commission d'accès à l'information, d'être à la table et en même temps d'assurer que... Malgré les bonnes intentions – je ne mets en rien en doute les bonnes intentions de DMR – nous sommes en train d'avoir le pouvoir de faire des comparaisons de toute l'information privée que l'État a. Et qu'est-ce qu'on fait? On donne ça au secteur privé. Vous avez dit que c'est pour la surveillance et la maintenance.

M. Comeau (Paul-André): C'est ça.

M. Williams: Mais, pour faire la surveillance et faire la maintenance...

M. Comeau (Paul-André): La maintenance du système.

M. Williams: ...t'as besoin d'avoir accès.

M. Comeau (Paul-André): Oui.

M. Williams: Avec ça, je répète ma question un peu, mais le sens de mon intervention aujourd'hui est d'assurer que... J'espère que peut-être la commission, ici, peut aussi dire au ministère qu'il doit avoir la Commission d'accès à l'information à la table avant qu'il commence à faire la comparaison des fichiers, parce que, sans ça, aujourd'hui, je n'ai aucune protection de ma vie privée, malgré que je ne sois pas un serveur ou une serveuse, là, mais...

M. Comeau (Paul-André): Ha, ha, ha! D'abord, je dois vous assurer que, lorsque le couplage va commencer à se faire, c'est évident que nous serons là. Nous avons le pouvoir et nous serons là, ça fait partie de notre mandat que nous avons élaboré à la suite de l'adoption de la législation. Là-dessus, je peux vous rassurer, nous allons voir comment ça se passe et si ça se passe conformément à ce qui a été prévu.

En ce qui concerne la notion de surveillance, je précise qu'il s'agit surtout de... au sens de maintenance, c'est-à-dire qu'ils auront, ou une autre compagnie, le contrat de maintenance du système qui aura été mis en place, et ça, ça se fait à l'égard d'autres grands fichiers de l'État. Dans le domaine de la santé, par exemple, ce sont des compagnies privées qui font l'entretien et la maintenance, avec évidemment des contrats, des clauses de sécurité et de confidentialité. Il faudra que la même chose soit incorporée, si ce n'est déjà fait, au contrat. Ça, c'est clair et net.

Mais, là où il y a un problème, c'est lorsque DMR ou l'autre entreprise en question voudra faire ce qu'on appelle des «drun ry», des «run dry»... Hein?

(11 h 40)

M. Williams: «Dry runs». «Dry runs».

M. Comeau (Paul-André): «Dry runs». Voilà!

M. Williams: Oui, oui.

M. Comeau (Paul-André): Ça ne va pas, mon histoire ce matin.

M. Williams: Ha, ha, ha!

M. Comeau (Paul-André): Bon. Et là ils auront besoin de données de différents fichiers pour... Mais ils n'ont pas besoin de renseignements nominatifs, à ce moment-là. Ils peuvent purement et simplement prendre les données sans nom. Il y a des précautions à prendre pour que précisément ces renseignements sur M. et Mme Unetelle ne soient pas portés à la connaissance d'individus qui n'ont rien à voir avec cela, c'est-à-dire autres que les fonctionnaires du ministère du Revenu qui sont affectés à votre dossier à vous. Alors là, il y a des précautions à prendre, également. Il faudra y réfléchir et imaginer quelque chose de concret.

Pour revenir à votre cas des 52 000 – et là-dessus le secrétaire de la Commission me corrigera si je me trompe, parce que je ne suis pas avocat – si je comprends bien, notre...

Le Président (M. Garon): Le secrétaire non plus.

M. Comeau (Paul-André): Pardon?

Le Président (M. Garon): Le secrétaire de la commission non plus.

M. Comeau (Paul-André): Ah bon! Mais je vous parle de ma Commission.

Le Président (M. Garon): Ah!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Comeau (Paul-André): Si je ne me trompe, la Commission aura un droit de regard sur ces renseignements une fois qu'ils seront parvenus au ministère. Mais la Commission ne peut rien dire en ce qui concerne la collecte de ces renseignements. Le ministère exerce les pouvoirs qui lui sont déjà conférés par la loi. Mais, une fois les renseignements parvenus au ministère, là ils font partie des fichiers de renseignements personnels et ils tombent sous l'emprise de la loi.

Le Président (M. Garon): Est-ce que vous avez... Je pose la question parce que je... Bien, moi, je pense que c'est une question qui est majeure. Je lisais... Je ne sais pas si c'était quand on faisait les études sur l'inforoute, j'avais mentionné ça. Je ne sais pas si c'est vous qui étiez là à ce moment-là, mais, dans une étude futuriste un peu du New York Times , que comme journaliste vous devez sûrement lire, dans le supplément du dimanche, il y avait un très bon article: Quelles seraient les principales questions qu'on se posera au XXIe siècle? Et on disait que ce ne serait pas la protection de l'environnement, ce serait la protection de la vie privée. C'était la question la plus importante, qui serait le plus débattue au cours du XXIe siècle. On voit qu'on est rendu là-dedans. Je lisais des journalistes, par exemple, en fin de semaine, qui disaient que, quand il y a un congrès comme on a, comme on avait en fin de semaine, les gens peuvent se promener avec des appareils puis enregistrer une conversation à plusieurs pieds de distance sans même que vous le sachiez, parce que les moyens techniques existent.

Moi, je vais vous dire bien franchement: Je suis un de ceux qui sont très inquiets de ça parce que je pense que, contrairement à ce qu'on pense, on veut contrôler le travail au noir, des affaires au noir, mais j'ai l'impression qu'on va amener plus de gens au noir parce que, sachant qu'ils vont être surveillés, ils vont s'organiser pour ne plus être dans les fichiers autant qu'ils vont pouvoir, ne pas être dans les fichiers. Je pense que les gens vont faire beaucoup de choses. Ils vont changer leur comportement pour ne plus exister pour le gouvernement. Moi, je trouve que c'est très inquiétant, ces affaires de fichiers là.

La question que je me pose est la suivante: Est-ce que vous avez pensé, M. Comeau, ou si ça s'est fait ou non... Il y a trois personnes qui sont nommées par l'Assemblée nationale: vous, comme président de la Commission d'accès à l'information, le Protecteur du citoyen et le président de la Commission – je ne sais pas si ça s'appelle la Commission – des droits et libertés de la personne. Avez-vous pensé vous rencontrer tous les trois pour étudier cette question-là de la confidentialité par rapport au gouvernement? Parce qu'on dit: On prend des engagements, on prend un engagement, des clauses de confidentialité, mais, s'il n'y en a pas, de confidentialité, qu'est-ce qui arrive? Tu sais, c'est bien... On dit souvent: Les professionnels sont professionnels, mais quand ils ne le sont pas qu'est-ce qui arrive?

L'engagement, moi, c'est un engagement qui vaut quoi s'il n'y a pas de pénalité exorbitante concernant la confidentialité? Et je me demande, à ce moment-là... C'est parce qu'il y a des aspects... Le Protecteur du citoyen, lui, peut dire: Bien, par rapport à l'administration, est-ce que vous avez besoin de tout ça pour faire votre travail, au point de vue de l'administration? Je pense que la protection des droits et libertés de la personne, l'accès à l'information... Parce que je pense que c'est une question très importante qu'on commence à débattre véritablement de plus en plus et qui va être débattue de plus en plus dans l'avenir pour que le gouvernement – l'administration, disons, plutôt que de dire «le gouvernement» – l'administration ait un comportement exemplaire plutôt que de devenir le groupe qui a des moyens plus grands que les autres, dont on va se méfier le plus. Parce que le gouvernement peut être le plus fort des nôtres puis il veut être le plus fort des nôtres pour nous aider, mais pour nous nuire aussi, tu sais. Alors, est-ce que...

M. Comeau (Paul-André): O.K.

Le Président (M. Garon): C'est pour ça que je soulève la question un peu en vrac comme ça...

M. Comeau (Paul-André): Parfait.

Le Président (M. Garon): ...parce que je pense que c'est une question très, très importante. On va pouvoir nuire à des gens incroyablement parce qu'il y a des données qu'on collecte, dont on n'a pas besoin et qu'on fait circuler. Surtout si on les compile, il va être possible de dresser un portrait plus efficace que le KGB de Russie, qui n'avait pas les moyens techniques dans ce temps-là.

M. Comeau (Paul-André): Bon. Je vais commencer par votre dernière question et je vais remonter. Vous avez raison de soulever cette question-là de la confiance des citoyens envers le gouvernement. D'ailleurs, les lois en question, dont la loi québécoise, ont été adoptées précisément parce que l'État, par le législateur, voulait s'imposer des contrôles lui-même, donc voulait s'imposer des limites, hein? C'était la crainte de Big Brother telle que formulée à la fin des années soixante-dix, début des années quatre-vingt. Toutes les lois dans le monde ont été fignolées à ce moment-là, au moment où l'informatique explosait. L'ordinateur inquiétait, et il y avait une réaction de crainte. La réaction de crainte se maintient aussi bien aux États-Unis qu'au Canada, où il y a des sondages réguliers sur le sujet. Le taux de méfiance des citoyens envers l'État dans ce domaine est en croissance et il est nettement plus important qu'à l'égard du secteur privé. Les citoyens se méfient de l'État en ce qui concerne la vie privée.

Le Président (M. Garon): C'est ce que je pense.

M. Comeau (Paul-André): Il y a donc une constante réelle, qui rejoint d'ailleurs une tradition nord-américaine depuis le début de la fédération, de l'autre côté de la frontière. Là-dessus, vous avez parfaitement raison, le contrat de confiance entre l'État et le citoyen est loin d'être au beau fixe. Il y a des clauses qui devraient être révisées. Heureusement, les législations sont un premier pas dans ce sens, mais il s'agit de s'y tenir et non pas de faire des brèches systématiques.

Vous avez aussi abordé le fait que je partage avec l'ombudsman et le président de la Commission des droits de la personne un certain nombre de mandats en vertu de décisions que vous prenez vous-même, l'Assemblée nationale. Je vais vous dire que les rencontres ne sont pas formelles, périodiques, mais elles sont extrêmement fréquentes, de discussions aussi bien au niveau des présidents eux-mêmes que des collaborateurs. C'est un échange constant de renseignements, d'informations, etc. Il y a, là-dessus, une collaboration exemplaire et constante. On ne fait pas de dîners ou on ne fait pas de réunions, mais ça marche, je peux vous dire, et mes deux collaborateurs peuvent vous en donner des exemples presque quotidiens.

Vous avez aussi soulevé le problème du XXIe siècle. Alors là, c'est évidemment quelque chose d'important. Vous avez dit et vous avez, à ce moment-là, cité un certain nombre d'autres personnes, sans les nommer, qui sont inquiètes et qui considèrent que la vie privée et la protection des renseignements personnels vont devenir, au tournant du siècle, ce que l'environnement a été dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix. C'est tellement vrai que, à l'égard de tous les projets de développement informatique – les projets d'autoroute, les projets qui impliquent à la fois les télécommunications et les ordinateurs – on parle maintenant de «privacy impact assessment», c'est-à-dire qu'on a déjà des exercices d'évaluation a priori des conséquences sur la vie privée de l'introduction de telle ou telle technologie. Il y a un certain nombre de démarches qui sont faites en ce sens. Les théoriciens, entre guillemets, de ce type d'études, ce sont les Néo-Zélandais, avec qui nous avons des relations importantes à cet égard, et la Commission s'est fait les dents à cet exercice qui correspond aux études d'impact qu'on connaissait en environnement, s'est fait les dents en travaillant sur la carte à microprocesseur et en travaillant maintenant sur des projets comme la télémédecine ou autres.

Mais c'est évident que ça devient la question fondamentale: Est-ce que l'informatique et les télécommunications ne sont pas en train de rendre le citoyen captif? Et c'est là, je pense, la nécessité d'une démarche préventive: Avant de se lancer dans des aventures, essayons d'en mesurer les conséquences et prenons des précautions, et non pas l'inverse: Corrigeons une fois que tout est en place. Ou, si ce n'est pas en place: Empêchons-le si ça n'a pas de sens. Alors, vous avez parfaitement raison, la vie privée devient, pour ceux qui font un petit peu de futurologie, la question fondamentale.

Le Président (M. Garon): Je vous remercie. Est-ce qu'il y a d'autres membres de la commission qui veulent prendre la parole? Parce que je n'ai pas de demande. M. le député de Chomedey.

(11 h 50)

M. Mulcair: Oui. Merci, M. le Président. J'essaie toujours, comme mon collègue le député de Jacques-Cartier, de saisir le moment précis auquel l'inquiétude du président de la Commission s'est cristallisée, pour reprendre sa phrase du début, parce que je suis très inquiet de la manière d'aborder cette question. C'est comme si on acceptait a priori l'explication qu'on n'allait pas utiliser les renseignements cueillis à d'autres fins et que ça, en soi, ça expliquait que le projet de loi pouvait avancer dans sa forme actuelle, et l'application se ferait nonobstant les craintes exprimées par la Commission même.

Est-ce que le président de la Commission peut nous dire clairement si, oui ou non, il trouve acceptables la cueillette et la communication de renseignements telles que prévues aux termes des projets de loi nos 32 et 36?

M. Comeau (Paul-André): D'abord, ce n'est plus des projets de loi, ce sont des lois, alors, qui ont été adoptées comme telles...

M. Mulcair: Oui, vous m'excuserez, M. le Président, c'est vrai, mais on dit toujours «projet de loi».

M. Comeau (Paul-André): Oui.

M. Mulcair: On utilise les numéros des projets de loi, mais...

M. Comeau (Paul-André): Oui.

Le Président (M. Garon): Pourriez-vous dire sur quoi ils portent, pour le bénéfice de ceux qui écoutent ou qui vont... les deux projets de loi? Pouvez-vous...

M. Mulcair: Oui. C'est notamment dans le domaine du ministère du Revenu, pour le projet de loi n° 32. Bien, c'est en rapport avec l'évasion fiscale.

M. Comeau (Paul-André): Oui. Bien, écoutez, je vous ai dit que, quand le projet de loi avait été déposé, nous avions, devant l'avis unanime de votre commission du budget, entrepris des négociations avec le ministère du Revenu pour essayer de ramener ça à des proportions moins dramatiques, parce que ce qui était annoncé, c'était effectivement quelque chose qui nous effrayait, je ne vous le cache pas, et nous avons eu des négociations longues, difficiles, musclées avec le ministère du Revenu. Avant que la commission... – c'est la commission du budget, je pense, qui s'est saisie de ces projets de loi – que cette commission-là se réunisse, donc nous avions réussi quand même à circonscrire un certain nombre de problèmes, à limiter la portée, et nous avons fait introduire à ce moment-là ce contrôle sur les renseignements.

L'Assemblée nationale a permis au ministère du Revenu d'avoir accès aux fichiers. Nous, nous avons dit: Nous allons contrôler les renseignements auxquels vous aurez accès dans ces fichiers-là. C'était la bagarre que nous menions. Là-dessus, nous avons eu l'appui du Protecteur du citoyen, du Barreau, d'un certain nombre de députés et d'un certain nombre d'associations, et c'est là où nous avons eu, à la suggestion du Protecteur du citoyen, le mandat de suivre ce qui allait se dérouler et de le suivre sur le modèle néo-zélandais, puisque les NéoZélandais ont développé à cet égard toute une expertise pour faire la surveillance et le compte rendu, à leur Assemblée nationale, des appariements de fichiers, des «data matchings», et c'est ce que nous avons fait.

Mais je ne vous cache pas, je l'ai dit au début, que le fait que l'on mette entre parenthèses des pans importants de la loi d'accès me rend inquiet. Je ne vous le cache pas. Mais l'Assemblée nationale a voté, et je dois tenir compte évidemment de cette législation.

M. Mulcair: Merci, M. le président, c'est très clair.

Le Président (M. Garon): Tantôt, quand je vous ai posé une question, M. Comeau... parlé des clauses de confidentialité, vous avez dit: Il y a des clauses de confidentialité ou des engagements de confidentialité. J'ai dit en même temps... Vous aviez répondu... Bien, c'est vrai que j'avais posé plusieurs questions en vrac. Mais, si elles ne sont pas respectées, qu'est-ce qui arrive? J'ai l'impression que c'est un voeu pieux, que ces clauses-là sont un genre de voeu pieux, puis on se fie souvent au professionnalisme des professionnels, mais c'est une confiance, pour ma part, qui est limitée.

M. Comeau (Paul-André): Bon.

Le Président (M. Garon): Ha, ha, ha! Alors, je me demande comment on les applique, les clauses de confidentialité. Est-ce qu'il y a des pénalités très fortes pour les entreprises, qui s'organiseront pour faire payer ceux qui ne les ont pas respectées, ou, s'il n'y a pas de pénalité, au fond, c'est un voeu pieux, mais, si ces clauses de confidentialité sont transgressées, il n'arrive rien? Est-ce qu'il y a des clauses avec des pénalités importantes, où, encore là, il faut que les gens prouvent les dommages, puis ce n'est pas toujours facile de prouver ce qui arrive à des citoyens dont une partie de la vie est connue et qui ne devrait pas l'être?

M. Comeau (Paul-André): Bon, le problème de la confidentialité se mesure de deux façons. D'abord, il y a – et là vous me permettrez d'être très prudent là-dessus – des décisions assez embarrassantes des tribunaux supérieurs à cet égard. À quelques reprises, au Québec notamment... Entre autres, dans un procès qui a eu lieu à Gatineau voilà quelques années, le juge a exonéré complètement un citoyen policier qui transmettait des renseignements à des agents immobiliers, ou quelque chose du genre, des renseignements qu'il prenait sur les dossiers de police auxquels toutes les sûretés municipales du Québec ont accès, dossiers contrôlés à la fois par la Sûreté du Québec et par la Gendarmerie, et le juge a déclaré que tout le monde le fait; est-ce que c'est un problème? Et il l'a exonéré.

Récemment, dans l'affaire de Chambly – vous vous rappelez ce drame à Chambly où il y avait eu une descente de la Sûreté, il y a eu ensuite des procès – il y a eu un procès, précisément, où l'un des policiers transmettait du renseignement du genre sur des dossiers criminels ou non des personnes, et là aussi le juge l'a exonéré en disant que, comme il n'a pas fait ça pour de l'argent, ça ne pose pas de problème. Il y a des précédents qui sont inquiétants. Alors, ça, c'est une façon pragmatique de répondre à votre question. Mais, dans la loi sur le secteur privé, le législateur, c'est-à-dire vous, avait prévu des dispositions pénales qui varient, pour une première offense, de 1 000 $ à 10 000 $ et, pour une récidive, de 10 000 $ à 20 000 $.

Évidemment, la Commission – et là c'est l'ensemble de la Commission – a pris comme ligne de conduite de ne pas se servir de ces clauses pénales pendant les premières années de la loi pour permettre aux gens de s'adapter, de comprendre le sens de la loi, etc. Mais, évidemment, lorsque des problèmes se présentent, on y fait référence. Il y a donc des dents dans cette loi qui nous permettraient... Mais, au-delà de cela, dans les entreprises, il y a des engagements à la confidentialité qui se soldent parfois – et dans des ministères, ça s'est vu ici, à Québec – par des congédiements lorsqu'on a été infidèle à ce serment de confidentialité. Donc, il y a des dispositions, il y a des possibilités, mais il y a aussi le fait que les exemples en provenance de la justice ne sont pas très, très éloquents.

Je ne sais pas si je réponds à votre question, mais je pense que c'est la façon la plus honnête de le faire: le texte de loi, mais la réalité aussi, de l'autre côté.

Le Président (M. Garon): M. le député de Chomedey.


Accès aux comptes de dépenses des juges et d'administrateurs

M. Mulcair: Oui. Une question dans un dossier précis qui nous préoccupait, M. le Président. Il s'agit de l'accès aux comptes de dépenses des juges. Aux termes de l'article 3, les ministères sont des organismes publics. Les comptes de dépenses des juges sont reçus, visés, approuvés et payés par le ministère, mais le ministère refuse de donner accès aux comptes de dépenses des juges sous prétexte que les juges eux-mêmes ne sont pas un organisme public et donc ne tombent pas sous le coup de l'exception de l'article 57. J'aimerais avoir l'opinion du président de la Commission là-dessus.

M. Comeau (Paul-André): Je dois vous dire que je n'ai jamais été saisi de la question.

M. Mulcair: Si, vous venez de l'être.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Comeau (Paul-André): Oui, mais, je veux dire, avant votre intervention. Et, puisque vous faites cette intervention, c'est donc qu'il y a quelque chose dans l'air, et je ne voudrais pas prendre position sur un dossier qui risque de nous arriver. Ce serait se placer dans une situation embarrassante et donner l'impression d'être préjugé au départ. Mais je ne pense pas qu'il y ait eu de telles demandes dans l'histoire de la Commission. Je ne pense pas qu'on ait été saisi, et qu'il n'y ait rien au chapitre de la jurisprudence à cet égard.

M. Mulcair: M. le Président, il ne s'agit pas de quelque chose dans l'air, il s'agit de quelque chose de profondément enterré en dessous d'un tapis au ministère de la Justice. C'est pour ça que je voulais savoir l'opinion, l'attitude, l'interprétation tout à fait personnelle; ça ne lie personne d'autre. Je veux savoir ce qu'en pense le président de la Commission. C'est tout à fait normal et c'est à l'intérieur de ses fonctions ici, devant cette commission, de nous dire: Écoutez, par analogie, je peux vous dire que, lorsqu'on a regardé le rôle des tribunaux pour savoir si c'était accessible, on a effectivement dit que c'était ça; ça peut être ça. Est-ce que les comptes de dépenses à l'intérieur d'un ministère, peu importe qui les a utilisés ou qui a dépensé les sommes, ça devrait, selon lui, être une interprétation à privilégier de l'article 3? Est-ce que c'est là-dedans ou ce n'est pas là-dedans? C'est ça que je veux savoir de la part du président de la Commission.

(12 heures)

M. Comeau (Paul-André): Mais c'est parce que... Oui, il y a une question fondamentale qui va au-delà de savoir si les comptes sont accessibles. Est-ce que les juges sont assujettis à la loi? Ça, c'est la première question qui sera posée et que devra trancher le commissaire qui sera saisi de cela. Et ça, je n'ai aucune réponse à ça.

M. Mulcair: Est-ce que le président peut nous dire, M. le Président... c'est qu'il n'a aucune réponse là-dessus, pour les raisons qu'il a invoquées tantôt, qu'il ne veut pas nous donner une réponse ou, s'il n'a aucune réponse là-dessus parce qu'il n'a pas encore eu le temps d'y penser, auquel cas on peut lui donner une occasion de nous répondre par écrit à la fin des travaux de la présente commission...

M. Comeau (Paul-André): Non. Même là, je ne pourrais pas répondre, il faudrait entendre le cas devant moi. Je n'ai aucune idée des arguments qui seront présentés pour ou contre. Là, il y a un cas important. Et je dois vous dire que tout le problème des comptes de dépenses est un dossier qui refait surface à la Commission et devant les tribunaux depuis quelques années.

Il y avait eu au début, dans le secteur public bien sûr, un certain nombre de décisions sur les comptes de dépenses, et c'était à peu près tassé comme jurisprudence. Mais, depuis deux ou trois ans, on a vu les mêmes problèmes se reposer et parfois dans les mêmes organismes. Et tous ces cas-là sont maintenant devant la Commission ou en instance devant la Cour du Québec.

Et, personnellement, j'ai deux dossiers, sur lesquels je travaille actuellement, de comptes de dépenses dans des universités, des cadres supérieurs, exactement le même problème. Alors, là aussi se pose le problème de l'assujettissement.

M. Mulcair: Bon, alors, on va procéder d'une autre manière, M. le Président. Plutôt que de mettre le président de la Commission dans une position qu'il considère gênante parce que, selon lui, on est en train de lui demander de décider d'avance une cause qui reste à être entendue en commission, je vais lui demander ça d'une autre manière, parce que ça arrive au même point pour nous autres. Présumons, pour les fins de la discussion, qu'un tel compte de dépenses d'un juge n'est pas couvert. Est-ce que le président de la Commission, qui est ici pour nous donner sa vision de la chose, peut partager avec nous sa vision? Est-ce que, oui ou non, ça devrait être couvert? Est-ce qu'on devrait, devant les contribuables, être redevables de ces questions-là? C'est quoi, son opinion personnelle?

M. Comeau (Paul-André): Je vous rendrai ma réponse là-dessus, sur les deux décisions que je prépare actuellement à l'égard des universités, parce que ces décisions-là sont basées sur des arguments de chartes. Donc, ça va bien au-delà de la loi sur l'accès. Toute la défense qui a été bâtie par les procureurs est basée sur des arguments et de la charte québécoise et de la charte fédérale.

M. Mulcair: M. le Président, avec tout le respect que je dois au président de la Commission, sa réponse ne m'impressionne pas. Ce n'est pas le fait qu'il est...

M. Comeau (Paul-André): Je n'ai pas l'intention de vous impressionner, non plus.

M. Mulcair: Non, tant mieux. Ce n'est pas le fait qu'il est saisi de deux cas qui concernent les profs d'université qui change ma question qui est de savoir si lui, en tant que président d'organisme, voudrait... Présumons pour l'instant que la loi n'en parle pas. Est-ce que lui, son opinion comme président de la Commission, est-ce qu'il souhaiterait – donc, ça n'affecte strictement pas les deux causes qu'il vient de nous mentionner, pour les profs d'université – est-ce qu'il pense que c'est souhaitable, désirable, opportun de le mettre dans la loi? On présume que ça n'y est pas, pour les fins de la discussion. Est-ce que lui, basé sur son expérience et son expertise, nous dirait: Vous savez, je pense que ça serait une bonne idée de le couvrir? C'est ça que je suis en train de poser comme question, M. le Président.

M. Comeau (Paul-André): Mais, si je vous réponds, monsieur, le représentant des juges qui contesterait l'accès à ces dépenses-là va me dire: Vous vous êtes déjà prononcé à cet égard et vous ne pouvez pas vous reprononcer.

M. Mulcair: M. le Président, je n'arrive pas à comprendre le raisonnement du président de la Commission.

M. Comeau (Paul-André): Bien, je suis président d'un organisme dont l'un des mandats est d'être un tribunal quasi judiciaire, donc d'avoir une réserve sur les cas hypothétiques. Par contre, je vous annonce que, l'an prochain, dans notre rapport «sunset», nous allons aborder des problèmes du genre et nous allons demander au législateur, lorsque les débats seront faits, probablement, si mes collègues sont d'accord, de modifier certaines dispositions de la loi à la lumière de ce qui a été enregistré comme problèmes et comme décisions des tribunaux supérieurs au cours des années précédentes, comme l'a fait mon collègue John Grace, à Ottawa, dans son dernier rapport, avec évidemment tous les égards aux tribunaux supérieurs, et il demande, à la lumière des jugements qui ont été rendus, de modifier la loi.

M. Mulcair: M. le Président, c'est très important, ce qui vient de se produire dans la réponse du président de la Commission. On va avoir l'occasion, on a tous cette habitude, de regarder attentivement les textes de ses réponses. Mais c'est très préoccupant d'entendre le président d'un organisme, nommé par l'Assemblée nationale, nous dire que, parce que la Commission exerce des fonctions quasi judiciaires, il a un devoir de réserve sur les orientations de la Commission. Parce que ce qu'il est en train de nous dire, c'est qu'il ne peut pas émettre une opinion sur ce que devrait être la loi, nonobstant le fait que c'est un de ses rôles primordiaux que de nous conseiller et de nous faire des suggestions sur les orientations de la loi. Je ne lui ai pas demandé de se prononcer sur l'état du droit, je lui ai dit que, pour les fins de la discussion, il fallait présumer que la loi ne couvrait pas ces comptes de dépenses là. Je lui ai demandé: Si c'est le cas, si les comptes de dépenses ne sont pas couverts, est-ce que, lui, à son opinion, c'est quelque chose qui devrait être couvert? C'est sûr que c'est le législateur qui prend la décision, mais je lui demandais son orientation, M. le Président, et il refuse de répondre à la question. On prend bonne note.

M. Comeau (Paul-André): C'est une orientation qui sera, pour ce problème-là comme pour d'autres, si ce problème est retenu, déterminée par la Commission et qui fera l'objet du rapport de la Commission, rapport quinquennal l'an prochain. Et j'interprète ma réserve comme étant une fidélité à mon serment d'office.

M. Mulcair: M. le Président, on se permet de diverger de points de vue. Je pense qu'une personne qui est nommée à une position aussi importante se doit de partager avec les élus le fruit de son expérience, les fruits de sa réflexion sur ces questions-là. Puis quand une question sur un sujet est amenée, de se faire dire qu'il y a d'autres cas qui posent des questions qui touchent légèrement à ça et que «ça m'empêche de vous donner mon opinion», moi, je suis vraiment laissé sur mon appétit, ici, comme élu, dans une commission parlementaire où j'avais des questions pour un président d'organisme. Et, vu le refus de répondre, je prends bonne note, si je ne peux pas faire autre chose.

Le Président (M. Garon): Alors, M. le président, tout à l'heure, quand vous avez parlé concernant les comptes de dépenses, vous avez dit des administrateurs d'université ou des professeurs d'université?

M. Comeau (Paul-André): Les deux.

Le Président (M. Garon): Mais il y a eu un jugement déjà dans le cas des administrateurs d'université.

M. Comeau (Paul-André): Bien, en tout cas, sûrement pas les miens, parce que je ne les ai pas finis, je travaille, j'agonise là-dessus.

Le Président (M. Garon): Parce que je me rappelle l'association des... je ne sais pas quel organisme vous aviez, l'Université de Montréal...

M. Comeau (Paul-André): Montréal, ça a été tranché l'an dernier, mais, malgré ça, on a eu deux nouvelles causes qui portent sur des décisions semblables... sur des problèmes semblables. La décision, on verra ce qu'elle sera.

Le Président (M. Garon): Mais le tribunal a tranché dans le cas...

M. Comeau (Paul-André): Tout à fait.

Le Président (M. Garon): ...des administrateurs...

M. Comeau (Paul-André): Oui, tout à fait.

Le Président (M. Garon): ...d'université.

M. Comeau (Paul-André): Oui. Mais ça n'a pas été suffisant.

Le Président (M. Garon): Dans quel sens?

M. Comeau (Paul-André): Bien, d'autres demandes ont été faites ailleurs et les demandeurs ont essuyé des refus, et c'est ce dont la Commission est saisie, dans d'autres universités.

Le Président (M. Garon): On ne considère pas qu'il y a eu une jurisprudence d'établie avec la cause de l'Université de Montréal?

M. Comeau (Paul-André): C'est ce que je vous ai dit tout à l'heure. Depuis deux, trois ans, on assiste à une remise en question de ce qui semblait une jurisprudence bien établie.

Le Président (M. Garon): Est-ce qu'il y a d'autres membres... M. le député de Jacques-Cartier.


Systèmes de gestion des ordonnances médicales

M. Kelley: Oui. Je vais commencer avec une parenthèse sur une réponse antérieure. Je ne suis pas très rassuré par le fait que votre avis était inclus dans la pochette de presse du ministère du Revenu, parce que je lis dans les documents du ministère du Revenu – parce qu'ils sont habiles à interpréter ça à leur façon, à leur manière – que la Commission d'accès à l'information a émis un avis positif en regard du plan d'utilisation. Aussi, c'est effectivement le même avis, je pense; il y a pour moi des constats très inquiétants.

M. Comeau (Paul-André): Tout à fait.

M. Kelley: Alors, de dire que c'est un avis positif... alors, je reviens à mon point antérieur: c'est votre avis, ce n'est pas l'avis du ministre ni du ministère, et c'est votre propre devoir de dire que c'était inclus par un autre... c'est encore plus troublant, au lieu du contraire, parce que c'est vraiment eux autres qui vont interpréter ça à leur manière. Alors, je vais fermer la parenthèse sur cette discussion antérieure, mais je trouve quand même qu'il y a des choses très importantes dans cet avis, c'est vraiment nouveau, et de laisser au ministère le soin de divulguer tout ça, il y a des risques, et comme je dis, c'est noir sur blanc, le ministère a tiré la conclusion que c'est un avis positif.

Je veux aborder une autre question que nous avons discutée, je pense, au printemps, sur une autre grande réforme de ce gouvernement, c'est le régime d'assurance-médicaments. On a soulevé des craintes et des inquiétudes surtout au niveau de... dans les pharmacies mêmes, l'accès aux fichiers, l'accès à l'information qui restait hautement confidentielle... sur qui prend quel médicament pour quelle condition de santé, et tout ça. J'aimerais savoir, surtout au niveau des pharmaciens, dans l'implantation de ce nouveau système, c'est quoi, les démarches que la Commission a prises? Avez-vous trouvé les moyens de mieux protéger ces renseignements, ces banques de données? Surtout parce qu'il y avait toute la question: Qu'est-ce qu'on peut construire comme profil de consommation des médicaments par les Québécois et les Québécoises? C'est des informations d'une grande valeur pour des compagnies pharmaceutiques, entre autres. Alors, est-ce qu'il y a du nouveau dans ce dossier?

(12 h 10)

M. Comeau (Paul-André): Alors, vous avez fait allusion, donc, à cette séance de la commission parlementaire sur le sujet, où j'avais d'ailleurs fait part d'une découverte qui a laissé des gens bien incrédules, mais qui est maintenant confirmée, c'est-à-dire qu'on a découvert que, dans certaines régions du Québec, des sociétés commerciales avaient vendu à un prix vraiment d'aubaine des systèmes de gestion des ordonnances et des reçus dans les pharmacies et que ces systèmes, qui étaient fantastiques, avaient aussi la propriété de pouvoir être télédéchargés durant la nuit. Donc, la société qui avait vendu cela allait chercher pendant la nuit les renseignements nécessaires dans chacune des pharmacies où on s'était approprié de ce système.

Alors, on a un petit peu ri de moi à ce moment-là, lorsque j'ai annoncé ça. On est en train de poursuivre notre enquête, les informaticiens de la direction de M. Roy travaillent là-dessus. On a un mandat pour savoir exactement ce qui se passe, parce que j'ai l'impression qu'il y a des pharmaciens qui ne le savent même pas, qui ont découvert ça eux-mêmes. Mais ça pose, ça, tout le problème de la circulation des renseignements personnels de santé de la pharmacie vers la RAMQ demain matin, lorsque le système va entrer en vigueur. Pour le moment, ça se fait de façon un peu artisanale, mais, en début janvier, ça va être sur une vaste échelle. Alors, là aussi, on travaille pour savoir quelles sont les mesures de sécurité qui sont prises pour que ces transactions, qui souvent se transmettent par ligne téléphonique non sécure, soient d'abord cryptées et, ensuite, qu'elles circulent dans des circuits sûrs. Alors, il y a toute une étude qui est faite là-dedans.

Le problème est le cas des réseaux comme les pharmacies Jean Coutu, Pharmaprix, des choses comme ça, qui ont leurs propres circuits. Là aussi, il faut que ce circuit-là, qui va servir d'intermédiaire entre une pharmacie et la RAMQ, soit sécurisé. Là, il y a toute une série de problèmes très techniques qui se posent, mais avec des conséquences, évidemment, au niveau de la vie des individus. Nous voulons aussi – parce que, ça, c'est une constante – que, dans les officines de pharmacies, on puisse également faire du travail envers les gens qui sont des employés là, parce que, si vous allez acheter des médicaments, parfois on crie pas mal fort là-dedans ce qu'il y a dans les ordonnances. Il y a tout un problème lié à la confidentialité sur place; il y a un problème, ensuite, de sécurité technique; et il y a un problème, éventuellement, à la RAMQ, de la conservation de ces données: Qu'est-ce qu'on va faire de ça? et ainsi de suite.

Alors, ça, c'est le problème, mais il y a le problème antérieur – vous l'avez bien signalé – de l'utilisation des données dans les pharmacies pour des fins secondaires, pour dresser des profils non seulement de patients, mais surtout de médecins, hein. Tel médecin prescrit, lui, tel type de médicaments. Alors, vous comprenez à ce moment-là que c'est fantastique pour une compagnie pharmaceutique de convaincre le médecin qu'il devrait changer de type de médicaments pour tel autre, etc. Ça, c'est inquiétant et c'est un des dossiers majeurs sur lequel on travaille depuis le mois de septembre, mais ça demande... D'abord, ne serait-ce qu'au point de vue technique, on va devoir aller frapper ailleurs pour aller chercher de l'aide dans ce domaine-là, parce que les télécommunications, c'est devenu quelque chose d'ultra, ultraspécialisé et sophistiqué. On travaille là-dessus.


Accès aux plaintes et aux demandes d'intervention

Le Président (M. Garon): J'aimerais vous poser une autre question, M. le président, M. Comeau. Les demandes qui sont devant la Commission, est-ce qu'elles sont publiques ou vous les considérez comme des demandes privées?

M. Comeau (Paul-André): Il y a deux choses. Il y a les demandes de révision, c'est-à-dire celles qui nécessitent des audiences en bonne et due forme. Alors, ces demandes-là sont publiques, elles sont affichées sur un rôle qui est disponible et qui permet de savoir que, tel jour, il y aura une audience entre telle et telle partie qui sera présidée par tel commissaire. Ça, c'est l'exercice du mandat quasi judiciaire.

Les plaintes, elles, qui relèvent d'un autre domaine et qui font l'objet d'une enquête, alors, ces plaintes-là sont parfois considérées de façon confidentielle, mais, la plupart du temps, non. De façon confidentielle lorsque les sujets sont trop intimes ou menacent véritablement de causer plus de tort qu'il n'y en a déjà auprès de la personne qui porte plainte. Alors, c'est un jugement, là, au cas par cas, mais, massivement, je vous dirais également que les plaintes qui sont reçues à la Commission sont des plaintes traitées de façon publique. Par contre, dans la publication des résultats, il arrive que la Commission dénominalise des décisions ou des rapports d'enquête précisément pour préserver les individus.


Accès aux comptes de dépenses des juges et d'administrateurs (suite)

Le Président (M. Garon): Est-ce qu'il y aurait moyen de vous demander, dans le cas des rémunérations ou des dépenses des administrateurs ou des professeurs d'université, quelles sont les causes qui sont pendantes devant vous? Des demandes qui viennent de qui et quelles sont les parties en...

M. Comeau (Paul-André): Je vais vous donner les deux causes que j'ai devant moi. L'une vient du Syndicat des professeurs de l'Université du Québec à Trois-Rivières et l'autre, c'est... Attendez un petit peu. C'est une université également. Mais là je travaille sur l'UQTR. Je pourrais vous le donner, vous appeler et vous le dire rapidement. C'est une autre université également. Mais l'UQTR, c'est ce sur quoi je travaille depuis le mois de septembre et je suis...

Le Président (M. Garon): Puis elles portent sur les comptes de dépenses des administrateurs et des professeurs?

M. Comeau (Paul-André): C'est plus large que ça, c'est l'ensemble de ce qu'on appelle en mauvais français les bénéfices marginaux, et ainsi de suite.

Le Président (M. Garon): Est-ce qu'il y aurait moyen d'avoir exactement quelles sont les causes qui sont pendantes devant vous actuellement, dans les cas des deux universités et sur quoi elles portent exactement?

M. Comeau (Paul-André): Oui, parce que c'est des causes qui ont été entendues publiquement, et le Procureur général est intervenu là-dedans. Donc, il y a des plaidoiries écrites.

Le Président (M. Garon): Ça m'intéresse particulièrement. Ayant fait adopter la loi 95 sur la divulgation des rémunérations et des dépenses des dirigeants d'université, c'est une question qui m'intéresse particulièrement. Je suis persuadé qu'elle intéresse les autres membres de la commission.

M. Comeau (Paul-André): Mais il y a eu d'autres causes analogues, pas seulement dans les universités. Il y en a dans le domaine municipal maintenant, et celles-là sont en appel devant la Cour du Québec.

Le Président (M. Garon): Vous allez faire parvenir le renseignement au secrétaire pour qu'on l'envoie à tout le monde. Vous allez le faire parvenir à mon bureau ou...

M. Comeau (Paul-André): Tout à fait.

Le Président (M. Garon): O.K. Je vous remercie. M. le député de Taschereau.

M. Gaulin: C'est une question qui s'adresse aux deux, mais je pense que, peut-être, vous pouvez y répondre davantage: Que la loi 95 précisait, donnait l'obligation de rendre aussi compte des bénéfices marginaux que des fonctions... enfin, des gens occupant des fonctions ont... Par exemple, quels sont les avantages marginaux du recteur de l'Université de Montréal, ou du recteur de l'Université Laval, ou de n'importe quelle autre?

M. Comeau (Paul-André): Vous comprendrez bien, M. le député, là-dessus, que je vais maintenir la même réserve, puisque, précisément, c'est ce sur quoi je me prononce actuellement.

M. Gaulin: D'accord. Non, mais est-ce que la loi prévoit que... Ma question ne vous demande pas un jugement.

M. Comeau (Paul-André): Ah bon!

M. Gaulin: Elle veut simplement... Je fais appel au texte de loi. M. Garon doit le savoir, notre président.

Le Président (M. Garon): Bien, c'était la rémunération sous toutes ses formes, c'est-à-dire, les dépenses... C'était sous toutes ses formes.

M. Gaulin: Est-ce que le texte de loi était assez clair là-dessus?

Le Président (M. Garon): Bien, il me semble qu'il était clair.

M. Gaulin: D'accord.

Le Président (M. Garon): En tout cas, ça avait été demandé qu'on l'établisse de façon très claire pour que ça couvre toutes les sommes d'argent que reçoivent les administrateurs d'université, les administrateurs de l'administration supérieure, nominativement. Et pour d'autres, parce qu'on parle de 600 personnes, par exemple, dans le cas de l'Université Laval, de 600 personnes dans le cas de l'Université McGill... Alors, on avait l'administration supérieure, qui concerne une vingtaine de personnes, que ce soit nominatif. Les autres, que ce soit le plus haut ou le plus bas, ou la moyenne par groupe. Puis il y avait quatre catégories, si je me rappelle bien. C'était justement pour que les gens puissent... D'abord, le but, c'est que le fait de publier, ça exerce une certaine prévention, dans le sens que les gens savent que ça va être connu et, deuxièmement, pour que les gens le sachent pour qu'ils puissent discuter.

D'ailleurs, on est le seul endroit sans doute en Amérique du Nord où les dirigeants d'entreprises ne sont pas obligés d'avoir le... les cinq principaux dirigeants dont la rémunération n'est pas connue. Alors, on sait la rémunération des dirigeants d'entreprises inscrites à la Bourse de Toronto mais pas de celles inscrites à la Bourse de Montréal. Alors, ici, on a été beaucoup moins ouverts, à mon avis, au Québec, qu'on l'est aux États-Unis ou dans le reste du Canada, en tout cas en Ontario, pour la rémunération des dirigeants d'entreprises sous toutes ses formes, les principaux, c'étaient les cinq principaux. Alors, toutes les entreprises, les dirigeants de toutes les entreprises inscrites à la Bourse aux États-Unis, la rémunération des cinq principaux dirigeants doit être connue, la rémunération sous toutes ses formes: indemnités de départ, bonis, comptes de dépenses, fonds de pension.

(12 h 20)

Et, au Québec, la seule loi qui a été faite sur ce plan-là, c'est pour les administrateurs d'université. Moi, je souhaite qu'éventuellement on ait les mêmes lois qu'aux États-Unis puis qu'en Ontario. Ça permet aux gens de se faire une idée et aussi de donner des bonifications à ceux qui les méritent, pas ceux avec qui les compagnies perdent de l'argent puis de leur donner des bonis pour les récompenser d'avoir perdu de l'argent.

Oui, M. le député de Taschereau.

M. Gaulin: Est-ce que la Commission d'accès à l'information nous interdit, dans l'état actuel des choses – c'est une information que je veux aussi – d'avoir également les montants de rémunération des principaux administrateurs des banques? On voit qu'ils vont faire, à six banques, 6 000 000 000 $, ou à quatre banques, 6 000 000 000 $. On voyait ce matin aussi dans le journal qu'ils s'apprêtent à éliminer des centaines d'emplois, enfin, pour trois banques. Est-ce qu'on connaît les salaires des grands administrateurs de banques?

M. Comeau (Paul-André): La Commission n'interdit pas. C'est la loi qui interdit. La Commission applique la loi.

M. Gaulin: Oui.

M. Comeau (Paul-André): Mais ça ne relève pas du tout... Ce sont des organismes fédéraux, de juridiction fédérale, et la Commission n'a rien à voir avec cela. Mais je voudrais préciser que la Commission n'interdit pas. La Commission, lorsqu'il y a des refus ou des interdictions, interprète la loi. Mais je pense que...

Le Président (M. Garon): Sauf que les entreprises sont inscrites à la Bourse.

Une voix: Tout à fait.

Le Président (M. Garon): On sait, par exemple, le salaire de M. Bérard, de la Banque Nationale, pas parce qu'il est au Québec, parce qu'il est inscrit à la Bourse de Toronto. Alors, on le sait par la Bourse de Toronto. Parce que les lois de l'Ontario sont mieux faites que les nôtres à ce point de vue là.

M. Gaulin: Merci. C'est écrit.

Le Président (M. Garon): M. le député de Nelligan.


Accès du ministère du Revenu à certains fichiers gouvernementaux (suite)

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. Je voudrais retourner de nouveau à notre discussion avec la Commission d'accès à l'information concernant le ministère du Revenu, particulièrement avec le projet de loi n° 32. Je pense que j'ai besoin de rappeler un peu la grandeur de ce qui se passe, pas chez vous, mais à l'autre bureau, du ministre du Revenu, qui est en train de cibler 12 secteurs. Nous avons un document ici. Il touche la Société de l'assurance automobile du Québec, le Bureau du taxi de la Communauté urbaine de Montréal, la Régie de l'assurance-maladie du Québec, le ministre de la Sécurité du revenu, le ministère des Affaires municipales, les municipalités, la Société des alcools, l'Office des services de garde à l'enfance, la Commission de la construction du Québec, la Régie du bâtiment, Loto-Québec, la Commission de la santé et de la sécurité du travail, Hydro-Québec, l'Inspecteur général des institutions financières, le ministère de l'Agriculture, le ministère des Communautés culturelles, la Régie des rentes, la Commission des transports, le ministère de l'Environnement, le ministre de la Santé et des Services sociaux, la SDI, le ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie, le ministre de l'Éducation, les commissions scolaires, les Ressources naturelles et le Fonds des services gouvernementaux, pour n'en nommer que quelques-uns. Avec ça, c'est assez vaste comme démarche qu'il est en train de faire.

Aussi, dans la documentation du ministre du Revenu, sous le titre «Document d'information», il a mentionné trois objectifs: un, optimiser l'utilisation des informations déjà dans nos banques d'informatique; deux, saisir davantage de données; et, trois, obtenir des nouvelles données. Et il y avait trois sous-points: d'organismes gouvernementaux, de sociétés publiques ou privées et aussi de partenaires étrangers. Avec ça, il veut aller partout, avec information sur eux.

Aussi, dans un document que j'ai reçu du ministre du Revenu, il a dit que dans quelques mois il va soumettre à l'Assemblée nationale un rapport des activités et les comparaisons de tous les dossiers. Et c'est les notes... Juste pour vous dire – et aussi en ondes – dire que l'usage projeté de tous ces projets de recherche ou comparaisons, le ministre effectuera des comparaisons de ses fichiers avec ceux dont il dispose et ceux dont il disposera, pour extraire des dossiers irréguliers. Ce cas sera vérifié afin de valider le résultat entre comparaisons. Avec ça, il dit ça à tout le monde, c'est ça qu'il va dire partout.

Le ministère dit: Et aussi, il va soumettre un rapport des activités de comparaisons contenant un avis de la Commission – contenant un avis – d'accès à l'information. M. le Président, je demande: Est-ce que vous êtes à l'aise que votre avis soit soumis avec ce rapport du ministre du Revenu? Parce que, pour moi, comme citoyen, j'ai beaucoup plus confiance pour la protection de la vie privée avec la Commission d'accès à l'information que, avec tout le respect que j'ai pour le ministère du Revenu, avec le ministre du Revenu. Ils sont corrects avec leurs affaires. Mais, sur la protection de l'information, je préfère avoir la protection chez vous.

Il y a deux questions. Un: Est-ce que vous êtes à l'aise avec ça, d'être inclus dans ce rapport, ou est-ce que vous allez vous-même déposer un avis? Et, dans votre avis, est-ce que vous envisagez d'avoir des recommandations proactives, de dire... après quelques mois de travail ensemble et essayer que tout le monde fasse son travail de la meilleure façon, malgré toute la bonne foi, vous n'êtes pas satisfait avec les démarches du ministère du Revenu et vous-même avez quelques recommandations... Peut-être que, aussi, il peut aller inclure les changements à la loi. Parce que peut-être, de temps en temps, les législateurs, particulièrement quand on passe une loi aussi importante que la loi n° 32 pendant la session intensive, on peut faire des erreurs. Avec ça, est-ce que, dans votre avis, vous pouvez aller jusqu'à la recommandation de changer quelques articles de la loi si vous trouvez qu'ils sont incompatibles avec la protection de la vie privée de la population québécoise?

M. Comeau (Paul-André): Bon. L'avis en question est un avis qui nous est demandé, c'est une obligation qui nous est faite par la loi, hein. Ça a été décidé tel quel, donc on doit. Mais, évidemment, le contenu de l'avis, nous en sommes entièrement responsables, et il est évident que si jamais, par malheur, le ministère ne publiait pas intégralement notre avis, vous en recevriez une copie le lendemain directement par l'intermédiaire du président de la Chambre. Ça, soyez assuré de cela. Mais je dois vous dire que, pour le moment, les règles de travail qui sont établies avec le ministère du Revenu sont bonnes et nous permettent de penser que tout le monde fonctionne dans le fair-play. Mais c'est évident que notre avis, il va être un avis non pas simplement pour dire que ça s'est bien passé, mais pour soulever les problèmes, soulever également les projets de recommandation. Ça, c'est clair et net. Et là-dessus...

M. Williams: Incluant des changements à la loi?

M. Comeau (Paul-André): S'il le faut, bien sûr, si on se rend compte que ça n'a ni queue ni tête. Et là-dessus, je dois vous dire que, quand l'Assemblée nationale a inclus cette notion d'avis dans le rapport, elle s'est basée sur le précédent de la Nouvelle-Zélande, encore une fois. C'est eux qui ont été les premiers, lorsqu'il y a des appariements de fichiers du genre, à obliger le ministère ou l'organisme qui fait ces «data matching» d'accompagner son avis de l'avis du responsable de la protection des renseignements personnels dans ce pays. Donc, on a suivi le modèle. Mais, moi, je ne pense pas, en tout cas je n'ai pas du tout l'impression que ça minimise ma liberté ni celle de mes collègues. On va poser un jugement très précis et qui sera fait sur la façon dont ont été faites les comparaisons, sur la nature des renseignements utilisés, sur la conservation ou la destruction de ces renseignements, etc., sur les vraies questions.

M. Williams: Merci. Je suis content que vous ayez dit que ça n'a aucun intérêt de minimiser votre rôle dans ce dossier, ce pourquoi j'ai demandé des questions. Si j'ai bien compris votre avis, ça va être un avis tel que vous avez envoyé en septembre 1996, vous allez donner ça au ministre du Revenu. Il n'a aucun droit de le changer; il doit inclure ça verbatim...

M. Comeau (Paul-André): En effet.

M. Williams: Oui, oui, «certainly». Mais, selon l'apparence, il me semble que ça va être toujours de garder la Commission aussi indépendante possible...

M. Comeau (Paul-André): Tout à fait.

M. Williams: ...et juste le fait... Ça m'a frappé quand j'ai vu que l'avis va être inclus avec le rapport du ministère. Je préfère... Et ce n'est pas juste symbolique, votre indépendance est essentielle.

M. Comean (Paul-André): Oui.

M. Williams: Et ce pourquoi j'ai souligné la question et j'ai voulu aussi assurer que, effectivement, s'il y a des lacunes dans la loi, parce que l'opposition a été bâillonnée dans le débat sur cette loi, nous n'avons pas eu un plein débat sur ce projet de loi... Je compte sur vous...

M. Comeau (Paul-André): O.K.

M. Williams: ...au nom de la population, à savoir que, s'il y a des changements qu'on doit avoir, j'espère que ça va être bel et bien identifié, et pas juste les recommandations générales. Ça va être effectivement: les articles x, y et z doivent être changés pour protéger la vie privée. C'est ce point que j'ai voulu faire, monsieur.

(12 h 30)

M. Comeau (Paul-André): Je comprends très bien. Il faut dire là-dessus que, si vous avez adopté le modèle de la Nouvelle-Zélande à cet égard, c'est que les Néo-Zélandais, quand ils ont adopté ce style de rapport, voulaient que le législateur ait immédiatement, avec le rapport du ministère, l'avis de la Commission pour le guider dans son interprétation et sa compréhension. Alors, je pense qu'on a suivi le même modèle sans trop s'interroger. Mais, personnellement, ça ne me gêne pas, et je ferai, avec mes collègues, notre rapport sur ce qu'on aura vu et non pas sur le rapport du ministère. Peut-être qu'on y viendra plus tard, mais on fera notre rapport en fonction de nos mesures, de nos observations, de nos commentaires, etc. Donc, ce sera une évaluation indépendante.

Et, d'ailleurs, je reviens, si vous permettez, à la question soulevée par M. Kelley. Il a raison de signaler – et nous l'avons également trouvé surprenant – que nous n'avons pas du tout demandé que notre avis figure dans la pochette de presse du ministère du Revenu. Nous l'avons appris le matin même.

M. Williams: J'espère que vous avez passé votre commentaire pour le prochain avis.

Le Président (M. Garon): M. le député de Jacques-Cartier.


Renseignements requis par Hydro-Québec

M. Kelley: Oui, juste une dernière question. Moi, je suis toujours aux prises avec le problème que nous avons soulevé dans le passé: deux de mes commettants les plus importants résistent à donner à Hydro-Québec leur numéro d'assurance sociale. Un, c'est le maire de Dorval, qui est client d'Hydro-Québec depuis 45 ans, maire de sa municipalité et président de l'institut de police de Nicolet, bien connu. Alors, il dit qu'avec toutes les informations qu'on connaît de lui déjà, l'obligation d'envoyer son numéro d'assurance sociale, il ne trouve pas ça nécessaire, il préfère ne pas le faire.

L'autre est peut-être la commettante la plus importante dans mon comté, mon épouse, qui est également cliente d'Hydro-Québec depuis 20 ans. Elle a toujours payé ses comptes. Elle trouve ça inadmissible qu'elle soit obligée d'envoyer son numéro d'assurance sociale à Hydro-Québec.

Je vois encore une fois dans votre rapport annuel, et j'ai eu des échanges avec Me White à ce sujet... Oui, c'est quelque chose qui appartient au gouvernement du Québec, alors on peut faire une exception, mais il y a beaucoup de logique, il y a beaucoup de choses qui peuvent s'appliquer aux compagnies de téléphone, au Gaz Métropolitain, d'autres services comme ça qui auraient tout intérêt à utiliser le numéro d'assurance sociale comme numéro pour identifier un client, pour les personnes qui quittent un appartement sans payer. Ça va être beaucoup plus facile à l'avenir de trouver la personne qui a abandonné une facture de 300 $ ou 400 $ de téléphone ou qui n'a pas payé pour son gaz naturel, et tout ça.

Alors, avec quelle logique est-ce qu'on peut défendre la décision de la Commission d'accepter cette pratique? Et, deuxièmement, c'est quoi, les sanctions contre des bons clients d'Hydro-Québec, dont au moins deux résident dans mon comté, qui résistent toujours à cette entente qu'ils ne trouvent pas nécessaire pour les fins du paiement des comptes d'Hydro-Québec?

M. Comeau (Paul-André): Bon. Je vais d'abord rassurer vos commettants: sauf des exceptions, mais qui se règlent à la pièce, Hydro-Québec, lorsque des bons clients comme cela refusent, les laisse tranquilles. Ça, c'est l'assurance qui nous est donnée et c'est la pratique qui est mise en oeuvre. Je demanderai tout à l'heure à M. White de vous faire part des dernières... Nous avons eu des discussions encore la semaine dernière avec Hydro-Québec. Hydro-Québec, vous le savez mieux que moi, c'est une grosse machine, ça prend du temps, c'est 26 régions autonomes, et avant que chacun applique la directive de la même façon partout, c'est toute une aventure.

Il faut vous dire que depuis que nous nous sommes vus le gouvernement a adopté un règlement là-dessus, à la demande d'Hydro-Québec, et il a imposé à ce moment-là la cueillette du NAS parmi un certain nombre d'autres renseignements, peu nombreux. Je ne reviendrai pas là-dessus, parce que, vous le savez, vous avez lu nos documents, vous avez posé beaucoup de questions, il y a une logique qui s'est dégagée de l'examen de ce cas-là, le cas d'Hydro-Québec, et ce n'est pas une exception parce que c'est Hydro-Québec, c'est qu'Hydro-Québec, après une étude conjointe, a fait la démonstration que le NAS, dans les circonstances d'Hydro-Québec, était le seul instrument qui permettait de distinguer les clients. Non pas de les rechercher, de les distinguer, avec les problèmes d'homonymie et surtout les problèmes de déménagement.

Et, nous, après cette étude qui a duré un an, qui a été compliquée, nous avons accepté le raisonnement d'Hydro-Québec en disant: Parfait. Mais ce NAS, si vous le recueillez, vous allez vous en servir pour faire un numéro de client qui n'a rien à voir avec le NAS et qui va vous servir uniquement dans vos transactions avec les clients, c'est-à-dire au téléphone, dans la correspondance. Le NAS ne figurera jamais, mais il aura servi à établir ce numéro-là. C'est la logique.

Alors, qu'est-ce qui va se passer si nous avons des problèmes avec Bell, avec Vidéotron, avec un certain nombre d'organismes ou d'entreprises du genre? Ce sera l'examen du cas par cas, et je n'ai aucune idée de ce que peut réserver l'examen du cas. Mais si vous voulez en savoir plus, je demanderais à M. White de vous dire où on en est. Parce que, je vous dis, c'est compliqué, avec Hydro-Québec, dans la mise à jour.

Le Président (M. Garon): M. White.

M. White (Clarence): Merci, M. le Président. Avec Hydro-Québec, nous sommes rendus à l'étape de la mise en application du système. Hydro-Québec a déjà en main quelque chose comme 50 % de sa clientèle résidentielle. Elle détient le NAS pour à peu près 50 % de sa clientèle résidentielle. Hydro-Québec, l'entreprise, modifie ses systèmes informatiques et Hydro-Québec détruira tous les renseignements concernant les individus qu'elle détient autres que le NAS, le nom, le prénom, l'adresse et le numéro de téléphone aussitôt qu'elle aura le NAS d'une personne. Ce qu'on nous dit, c'est qu'il est bien évident qu'on n'exigera pas le NAS d'un client que ça fait 20 ans qu'on sert. On n'exigera pas ça.

Ce qu'il faut comprendre, c'est qu'Hydro, en haut, au siège social, avant qu'Hydro soit rendu à la région puis que, de la région, ce soit rendu au commis qui fait le contact, il y a des difficultés de langage, et c'est là qu'on a des problèmes à l'heure actuelle. O.K.? C'est sur la difficulté de l'interprétation de l'information, comment on donne l'information. On a vu des papiers qui étaient préparés à l'interne, à Hydro, et on se demandait comment ça se faisait qu'ils pouvaient arriver à écrire de telles choses. Alors, il faut que la culture de l'entreprise, là, il faut que ce soit modifié. Ça prend du temps. Ça va prendre du temps avant que ce soit modifié, mais on est en train d'y arriver. Donc, il ne devrait pas y avoir de problème. On ne fera pas une recherche, là, on n'ira pas couper l'électricité du bon client. O.K.? C'est assez évident.

On vise à obtenir un certain nombre, un pourcentage, un jour, de clients dont le NAS aura été validé et on pourra s'assurer que c'est toujours le même client. Vous vous souvenez du problème? Le client part puis il change de nom, ou il s'abonne ailleurs sous un autre nom ou il s'abonne ailleurs en donnant seulement son initiale, l'initiale de son prénom, et on n'est pas capable de le retrouver. Donc, c'était ça, la difficulté vu qu'on le faisait par téléphone.

Les gens qui ne veulent pas, là, qui sont des clients évalués à risque, mettons, qui ne veulent pas donner leur NAS, qu'est-ce qu'Hydro-Québec fait? Hydro-Québec dit: Très bien. Présentez-vous à nos bureaux. À l'heure actuelle, c'est ça, la directive: Présentez-vous à nos bureaux. Venez vous identifier à notre satisfaction pour qu'on soit capables de vous retrouver par la suite. C'est là notre problème d'identifiants, entre autres, au Québec. Il est là. C'est qu'en services on n'a pas d'identifiant unique, on n'est pas capable de retrouver le monde quand les gens disparaissent. On retrouve ça dans le secteur public. Dans l'entreprise privée, pourquoi on a besoin d'identifiants? C'est pour retrouver le monde. C'est la seule raison pour laquelle on demande des identifiants.

Avec Hydro-Québec, c'était le problème. Et, à l'heure actuelle, on est en train de finaliser l'affaire et Hydro-Québec va détruire – c'est une obligation et ils se sont engagés à le faire – tous les renseignements. Parce qu'ils détiennent d'autres renseignements, là, hein, sur les individus. Ils vont détruire tous les renseignements sur les individus qui ne sont pas les renseignements que je vous ai nommés tout à l'heure et qui sont prévus au règlement: nom, prénom, adresse, numéro de téléphone, NAS. Tous les autres renseignements personnels qu'ils vont détenir sur un individu, aussitôt qu'ils vont avoir le NAS, vont être détruits.

Le Président (M. Garon): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Moi, j'ai toujours mes doutes. Comme je l'ai dit, encore une fois, je ne vois pas, pour les bons clients, pourquoi ils sont obligés de faire ça. Je comprends, pour quelqu'un «at risk», quelqu'un qui n'a pas payé son compte dans le passé ou quelque chose comme ça, il y a un problème, mais, pour obliger mon épouse ou le maire de Dorval à aller se présenter après avoir été un bon client... Peut-être que j'ai mal saisi la réponse. Mais je veux dire aussi que les clients comme ça continuent de recevoir des lettres assez fréquemment d'Hydro-Québec qui leur rappellent qu'ils sont obligés d'envoyer le numéro d'assurance sociale. Nous avons reçu cette lettre la semaine passée. Alors, de dire qu'ils laissent tranquille ce monde-là, ce n'est pas tout à fait vrai.

(12 h 40)

M. White (Clarence): M. le député, je peux aller plus loin que ça. Il y a des lettres, tout dépendant des régions, où on dit: On vous coupe l'électricité si vous ne nous donnez pas le NAS. Écoutez, quand je vous dis qu'il y a une difficulté de langage et d'information au niveau de l'entreprise, il y en a une, difficulté, au niveau de l'entreprise, sur comment l'information est diffusée et comment l'information doit être donnée par la suite aux clients d'Hydro.

Il y a une difficulté qu'on essaie de régler avec eux; ce n'est pas nous autres qui allons pouvoir la régler pour eux. Mais on est saisis des problèmes parce qu'on a plusieurs demandes d'information téléphoniques. Les gens nous appellent et on a des plaintes écrites aussi. Les gens nous disent: Aïe, ça va faire!

M. Kelley: Merci, M. White.

Le Président (M. Garon): M. le député de Nelligan.


Confidentialité d'informations concernant les jeunes contrevenants

M. Williams: Oui, une brève question, M. le Président. Le député de Jacques-Cartier, le député de Robert-Baldwin et moi-même avons commencé un travail communautaire après une tragédie dans notre communauté, le meurtre d'un couple âgé, la famille Toope. Trois jeunes ont été impliqués. Nous avons commencé une démarche, nous avons essayé de rassembler tous les interlocuteurs dans le réseau des jeunes: la police, les CLSC, les centres de services sociaux, les municipalités, tout le monde impliqué. Nous avons fait plusieurs démarches, et je n'entre pas dans le détail de toutes les choses que nous sommes en train de faire.

Sauf que, pendant les discussions, nous avons entendu de plus en plus de questions sur la confidentialité de l'information sur les jeunes. Je sais qu'il y a la Loi sur les jeunes contrevenants, et tout ça. Mais, de plus en plus, les interlocuteurs, comme, par exemple, la police, disent: Nous avons arrêté un jeune, nous avons référé un jeune au CLSC pour un programme, et quand on rappelle, deux semaines plus tard, la réponse est: On ne peut pas dire qu'est-ce qui se passe avec nos jeunes. Il y a les conseillers pédagogiques dans les écoles qui réfèrent à un CLSC ou à la police l'information sur un jeune et, après ça, ils ne peuvent pas parler.

Avec ça, nous avons organisé un atelier communautaire, nous avons eu 50 personnes sur ça: représentants de la police, des CLSC, la communauté, et nous avons essayé de comprendre l'équilibre entre la nécessité d'échanger de l'information, de mieux surveiller la population et aussi partager la confidentialité de nos jeunes.

Je sais, il y a la Loi sur les jeunes contrevenants, mais j'arrive à ma question: Est-ce que la Commission a étudié ce problème, cette balance entre la nécessité de transférer l'information et protéger la vie privée, mais aussi protéger le professionnel dans ça? Et, deuxième question – effectivement, on fait ça dans l'Ouest-de-l'île de Montréal, mais c'est une question qui touche tous les secteurs du Québec – si vous n'avez pas fait ça, est-ce que vous êtes prêts à travailler avec nous pour explorer cette question? Parce que, selon l'information que nous avons reçue à cet atelier, c'est une question tellement chaude dans le réseau.

En terminant, le message que nous avons reçu, à cause de la confusion et du manque de compréhension de toutes les règles et souvent par respect pour la vie privée, beaucoup d'interlocuteurs et d'intervenants ne disent absolument rien. C'est mieux de dire rien, parce qu'on ne veut pas risquer de nuire à la confidentialité. Sauf que, selon notre discussion, nous avons compris que, effectivement, il y a des possibilités d'échanger de l'information entre les professionnels.

Ma question: Est-ce que vous avez étudié cette question qui touche tous les jeunes, les conseillers, les services policiers? Et, si oui, qu'est-ce que vous avez dit? Et, sinon, est-ce que vous voulez faire ça avec nous?

M. Comeau (Paul-André): Effectivement, on a eu un certain nombre – pas beaucoup – au cours des années, de demandes de révision de refus d'accès à des documents dans des cas et, la plupart du temps, c'est la Loi sur la protection de la jeunesse qui s'appliquait, de sorte qu'on n'avait pas grand-chose à dire. Mais, comme je connais mal cette loi – je vais être très franc – si vous permettez, je vais demander à M. Ouimet de répondre à cette question-là.

M. Williams: O.K. Merci.

M. Ouimet (André): Je pense que vous savez très bien que ces lois sont plus sévères que la loi d'accès, en ce sens qu'elles visent souvent à protéger des personnes mineures, qui ont moins de 18 ans. Donc, la Commission n'a jamais été vraiment appelée à donner un avis formel là-dessus; on n'en a jamais donné. On a juste dit, constaté que les lois faisaient en sorte qu'il n'y avait pas de communication possible de renseignements.

Dans le cas que vous soulevez, ce qu'il faudrait peut-être examiner, c'est les possibilités de communication de renseignements avec le consentement de la personne concernée. Évidemment, vous pouvez me dire: C'est difficile. Quelqu'un qui, par exemple, pourrait être un contrevenant ou avoir des choses à se reprocher ne va pas donner facilement son consentement. Mais, pour le moment, moi, la seule réponse que je peux vous donner: Juridiquement, il n'y a pas possibilité de communication; d'autant plus que, dans certains cas – et je ne connais pas du tout ce dont vous me parlez – il s'agit de professionnels qui vont être liés par le secret professionnel vis-à-vis des personnes concernées. Et la seule personne qui peut délier un professionnel du secret, c'est la personne concernée. Le secret professionnel n'appartient pas au professionnel, mais il appartient à la personne visée.

Donc, il y a plusieurs obstacles juridiques. Juste en faisant un survol, on voit qu'il y a le Code des professions et les lois au regard du secret professionnel, on voit qu'il y a la Loi sur la protection de la jeunesse, la Loi sur les jeunes contrevenants. Il faudrait peut-être à un moment donné effectivement démêler tout ça puis dire dans quelle mesure ces lois-là empêchent certaines démarches comme celles que vous évoquez. Mais, pour le moment, il n'y a rien de fait là-dessus.

M. Williams: Oui. Merci pour ça. De plus en plus, dans ce réseau, nous avons aussi les normes professionnelles, les travailleurs communautaires, et tout ça, et aussi les personnes qui ne sont pas nécessairement formées de la même façon qu'un travailleur social ou un policier. Mais le constat qui nous a tous frappés: il y a unanimement un appui de protection de la confidentialité. Sauf qu'avec peut-être des règles trop sévères nous sommes en train de tuer la prévention. C'est complexe. Je sais, dans les quelques minutes qui restent, nous n'allons pas trouver la solution aujourd'hui, mais j'ai voulu juste mentionner ça. C'est un dossier tellement actif dans notre communauté, et si on peut compter...

La raison pour laquelle je demande à la Commission d'accès à l'information, ce n'est pas juste... ce n'est pas un cas de comté. On commence dans notre comté, mais, l'impact, ça va être partout au Québec, et peut-être qu'on pourra trouver une autre fois une façon d'aller un peu plus loin dans cette discussion. J'ai apprécié l'ouverture à ça.

M. Comeau (Paul-André): Si vous permettez, M. le Président...

Le Président (M. Garon): M. Comeau.

M. Comeau (Paul-André): ...j'inviterais M. le député à en discuter. Je pense que ça vaut la peine de voir ça. Parce qu'il est possible aussi que des gens soient tellement craintifs qu'ils se ferment à toute forme de discussion. Et on peut aborder des problèmes sans nommer des noms, et ainsi de suite. Je pense qu'il y a moyen de voir cela. Moi, je serais heureux qu'on puisse en discuter avec vos collaborateurs, vos collègues.

Le Président (M. Garon): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Oui, juste sur ça, parce que je pense qu'on a fait une erreur, mon collègue de Nelligan et moi, on n'a pas enregistré cet atelier. Et c'était incroyable. Il y avait un avocat de la SPCUM, la police de Montréal, et également un avocat qui représente la Fédération des CLSC qui étaient capables de lire les mêmes textes de loi et tirer des conclusions complètement différentes. Et ils ont dit que c'était vraiment la première fois qu'ils se sont assis ensemble pour regarder tout ça. Parce que, comme je l'ai dit, il y avait cette tension toujours existante entre la protection de la vie privée et le devoir de travailler sur la prévention.

Dans le cas des trois jeunes contrevenants qui étaient impliqués dans cette tragédie, il y avait beaucoup de monde, soit dans la commission scolaire, soit la police, soit les travailleurs sociaux, qui avait un morceau de puzzle. Et à cause peut-être des freins dans la loi, mais je pense surtout à ce climat: On est beaucoup mieux de ne pas s'avancer sur ça, parce qu'on ne sait pas trop, trop. Les lois sont sévères, sont compliquées, sont nombreuses, alors, on est mieux de juste... C'est beaucoup plus prudent de ne rien dire.

Mais le résultat de tout ça: il y avait les jeunes dans des situations très difficiles, dans des familles difficiles, où il n'y avait personne qui menait le dossier. Il n'y avait pas de porteur de dossier, en fin de compte. Il y avait quelques renseignements ici, il y avait quelques renseignements là-bas, et c'était un genre de «time bomb» qui malheureusement a explosé dans notre communauté, une soirée il y a 18 mois, et c'est juste de voir qu'est-ce qu'on peut faire pour la prévention, mais toujours avoir le respect pour la vie privée. C'est un enjeu très compliqué et c'est un atelier qui a duré trois heures. C'était avec les intervenants dans le domaine et c'était fascinant.

(12 h 50)

Le Président (M. Garon): Me Ouimet.

M. Ouimet (André): Si vous me permettez, vous savez, il y a quelques années, il y a eu des problèmes au niveau des gens qui étaient impliqués dans des incidents particuliers. Il y avait des rapports de police de faits et, après, les personnes voulaient avoir accès aux rapports de police et elles ne pouvaient plus y avoir accès parce que les corps policiers répondaient: La loi d'accès nous empêche de divulguer cette information-là. Alors, nous, à la Commission, on a fait une recommandation dans un premier «sunset», une révision quinquennale, en 1987, si ma mémoire est bonne, et le législateur a modifié l'article 59 de la loi pour permettre justement l'accès, pour permettre aux corps policiers de donner accès à ces renseignements-là à certaines personnes impliquées dans des événements comme ça.

Alors, si on fait l'analogie, on peut tirer profit de l'expérience puis dire: Regardons cette situation qui effectivement est peut-être problématique. Et, comme M. Comeau l'a annoncé tantôt, nous, on est engagés présentement dans une démarche de révision de la loi et on pourrait considérer ça comme un problème à examiner pour la révision quinquennale qui va se terminer d'ici une dizaine de mois.

M. Williams: Merci.

Le Président (M. Garon): Alors, comme il n'y a pas d'autres questions des membres de la commission, je voudrais remercier les représentants de la Commission d'accès à l'information, particulièrement son président, M. Comeau, Me Ouimet, M. White.

Le secrétaire de la commission me faisait remarquer que c'est la première fois qu'on entend la Commission d'accès à l'information dans un délai aussi court après son dépôt de rapport. Normalement, la loi dit 60 jours, mais, 60 jours, ça n'a quasiment pas de bon sens parce que le rapport est déposé à la fin de juin. Il y a le mois de juillet puis le mois d'août, mais je souhaite que l'an prochain on puisse vous entendre dès le mois de septembre, le mois d'août, le mois de septembre, que ce soit fait rapidement, parce que je suis persuadé que la Commission d'accès à l'information sera dans les prochaines années une des commissions sans doute les plus importantes, sinon la plus importante pour les citoyens.

Les gens vont vouloir savoir ce que la Commission pense, d'autant plus qu'elle relève de l'Assemblée nationale et qu'elle est indépendante de l'administration gouvernementale, de l'administration publique. Donc, elle est libre de dire ce qu'elle a à dire, et son poids moral va être considérable, je pense, concernant la vie privée des citoyens.

Alors, le mandat d'étudier le rapport annuel 1995-1996 de la Commission d'accès à l'information étant accompli, la Commission de la culture ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 12 h 53)


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