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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le jeudi 27 mars 1997 - Vol. 35 N° 36

Étude détaillée du projet de loi n° 40 - Loi modifiant la Charte de la langue française


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Table des matières

Étude détaillée


Intervenants
M. Jean Garon, président
M. André Gaulin, président suppléant
Mme Louise Beaudoin
M. Pierre-Étienne Laporte
M. Camille Laurin
M. Geoffrey Kelley
M. Lawrence S. Bergman
M. Yves Beaumier
Mme Monique Simard
M. Michel Morin
* Mme Louise Caron, ministère de la Culture et des Communications
*Témoin interrogé par les membres de la commission

Journal des débats


(Quinze heures dix-huit minutes)

Le Président (M. Garon): Conformément aux ordres de la Chambre et puisque nous avons quorum, la commission de la culture est réunie afin de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 40, Loi modifiant la Charte de la langue française.

M. le secrétaire, y a-t-il lieu d'annoncer des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Bergman (D'Arcy-McGee) remplace M. Cusano (Viau); M. Brodeur (Shefford) remplace Mme Frulla (Marguerite-Bourgeoys); et Mme Simard (La Prairie) remplace Mme Malavoy (Sherbrooke).

Le Président (M. Garon): Bon. Alors, nous en étions, lors de notre dernière séance, hier, en fin d'après-midi, séance qui a été interrompue prématurément...

Mme Beaudoin: Par le vote.

Le Président (M. Garon): ...et un peu inutilement, parce que le vote a eu lieu non pas à 17 h 45, mais à 18 h 15. Nous aurions pu continuer jusqu'à 18 heures sans problème.


Étude détaillée


La Commission de protection de la langue française


Organisation (suite)

Alors, nous étions à l'article 162, contenu à l'article 12. O.K. Alors, est-ce que les membres sont prêts à procéder au vote sur l'article 162? En fait, il n'est pas très, très volumineux, considérable sur le plan de la pensée. Ha, ha, ha!

(15 h 20)

M. Laporte: On va réserver nos énergies pour d'autre chose.

Le Président (M. Garon): Alors, est-ce adopté?

Des voix: Oui.

M. Laporte: Nous présumons sur division.

Le Président (M. Garon): Ah! c'est à vous... Vous devez le dire. Je ne peux pas présumer.

M. Laporte: Vous ne présumez pas?

Le Président (M. Garon): Je ne présume de rien. À 162, sur division. Je comprends très bien le député parce que j'ai souvent fait ça quand j'étais dans l'opposition, moi aussi. Hein? Quoi? Non, mais je pense que je comprends ce qu'il veut dire quand il dit ça.

Une voix: ...

Le Président (M. Garon): Non. Comme j'ai toujours fait des choses réfléchies dans ma vie, je ne regrette absolument rien.

Mme Beaudoin: Sans regret. Je ne regrette rien.

Le Président (M. Garon): Il y a une belle chanson là-dessus, justement. Alors, nous passons à l'article 163.

Mme Beaudoin: Oui, M. le Président. L'article 163: «163. En cas d'absence ou d'empêchement du président, le gouvernement désigne, dans les conditions qu'il fixe, une personne pour le remplacer.» Cet article reprend un principe usuel. Il établit la règle applicable en cas d'absence ou d'empêchement du président.

Le Président (M. Garon): Est-ce que l'article 163 est adopté?

M. Laporte: Oui, sur division, M. le Président.

Le Président (M. Garon): Sur division. Alors, nous passons à l'article 164.

Mme Beaudoin: Article 164: «164. Les membres du personnel de la Commission sont nommés suivant la Loi sur la fonction publique (chapitre F-3.1.1).» Donc, les membres du personnel de la Commission seront nommés suivant la Loi sur la fonction publique.

Le Président (M. Garon): Est-ce que l'article 164 est adopté?

M. Laporte: Toujours sur division.

Le Président (M. Garon): Sur division. Article 164, adopté sur division. Nous passons à l'article 165.

Mme Beaudoin: Article 165: «165. La Commission a son siège au lieu déterminé par le gouvernement.»

Le Président (M. Garon): Est-ce que ce sera à Québec?

M. Laporte: Ah! ça, c'est...

Une voix: Ça dépend des pressions.

Le Président (M. Garon): Hein?

Mme Beaudoin: Ça dépend des pressions, ha, ha, ha!

M. Laporte: Alors, écoutez. C'est justement, M. le Président, là-dessus, si vous me permettez...

Mme Beaudoin: C'est toi qui a suscité, là... Ha, ha, ha!

M. Laporte: Je voudrais faire une suggestion à la ministre. C'est-à-dire que, comment dirais-je, je pense qu'il faut souhaiter que le siège de la Commission de protection de la langue française soit à Montréal. Parce qu'on le verra tantôt, là, dans ma philosophie de l'action linguistique, il est très important que les fonctionnaires ou les personnes responsables de l'application d'une loi – et surtout dans ce cas-là, puisque l'application de la loi est d'abord et avant tout une réalité montréalaise – soient le plus près du terrain possible. Évidemment, dans le cas d'une commission comme celle-là, compte tenu des tâches des employés qui sont des tâches de vérification et d'enquête, si les employés ne sont pas situés à Montréal, ça va générer aussi des coûts financiers additionnels parce que c'est à Montréal que sont concentrées les dérogations.

Maintenant, on pourrait toujours concevoir, disons, une organisation du type de celle de l'Office avec un siège social à Montréal puis un autre siège social à Québec, mais il me semble que... Enfin, ça, c'est une suggestion que je fais à la ministre. Elle voudra bien la retenir si elle le souhaite. Moi, je pense que ce serait sage d'établir le siège de cette Commission-là dans la métropole, mais je... Vous savez fort bien, M. le Président, que ce que je souhaiterais bien, c'est qu'il n'y en ait pas, de siège.

Le Président (M. Garon): Je sais.

M. Laporte: Mais enfin, s'il doit y en avoir un, à mon avis, ça serait un moindre mal qu'il soit à Montréal.

Le Président (M. Garon): Où vous voulez l'avoir. Ha, ha, ha! Non. Moi, ce que je pensais, c'est parce qu'hier, quand vous avez parlé des faucons puis des colombes, moi, je me suis dis, bien, à ce moment-là dans le calme et la sérénité de Québec, même de Lévis, hein... Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Garon): Est-ce que l'article 165 est adopté?

M. Laporte: Sur division.

Le Président (M. Garon): Sur division. Nous passons à l'article 166.


Inspections et enquêtes

Mme Beaudoin: L'article 166, M. le Président:

«Chapitre III.

«Inspections et enquêtes.

«166. La Commission peut, pour l'application de la présente loi, effectuer des inspections et des enquêtes.»

Alors, cet article accorde à la Commission des pouvoirs d'inspection et d'enquête nécessaires à l'exercice de son mandat.

M. le Président, quelques commentaires. La Charte a toujours prévu qu'il y avait soit des inspecteurs et des enquêteurs soit des vérificateurs, mais, en 1977, les pouvoirs d'inspection n'étaient pas balisés par les tribunaux comme ils le sont aujourd'hui à la lumière des chartes québécoise et canadienne des droits et libertés. Aujourd'hui, il est donc nécessaire de bien encadrer les pouvoirs d'inspection afin de garantir l'équilibre entre les droits pour l'administration publique de s'assurer du respect de la loi et le droit des citoyens au respect des droits et libertés protégés par les chartes. C'est ce que nous verrons, bien sûr, à l'article 174.

Le Président (M. Garon): Est-ce que l'article 166 est adopté?

M. Laporte: Non, M. le Président. Si vous me permettez, j'aurais des commentaires. On va y revenir plus loin parce que l'opposition officielle est contre la division du travail à l'intérieur de l'organisme qui est prévu ici et qui prévaut, finalement, depuis le début de la Charte de la langue française. Je ne veux pas anticiper sur mes propos, mais c'est difficile pour moi de ne pas le faire parce que là ce qu'on dit, c'est qu'il y a finalement deux tâches. Il y a des tâches d'inspection et des tâches d'enquête, les tâches d'inspection étant faites par ceux qui, dans l'ancienne Commission, s'appelaient des inspecteurs, les tâches d'enquête étant faites par des commissaires.

Dans ce cas-ci, c'est un peu, je pense, des inspecteurs. Il y a encore des inspecteurs ou des enquêteurs. Je reviendrai plus tard là-dessus. Encore ici, il est clair que, dans le processus de traitement des plaintes et le processus qui mène à assurer le respect de la loi, il y a des tâches différentes. Il y a vraiment une tâche qui consiste à aller vérifier sur place si une plainte est justifiée ou légitime, ce qu'on appelle une tâche d'inspection – ça pourrait être une tâche de vérification – et il y a des tâches d'enquête qui sont celles que décrit plus loin l'article 174 et qui consistent, une fois qu'on a établi l'authenticité d'une plainte, la légitimité d'une plainte, là, évidemment, à faire une enquête, dans certains cas, sur les lieux de l'établissement ainsi que c'est prévu à l'article 174. Les commissaires-enquêteurs, ce qu'on appelait les commissaires-enquêteurs – aujourd'hui ce sera peut-être des enquêteurs – eux, ont comme fonction d'envoyer des mises en demeure et de finalement transmettre des dossiers ou de transmettre des dossiers à la présidence qui, elle, les transmet au Procureur général.

Donc, il y a évidemment deux tâches. Une tâche de vérification et une tâche d'enquête. Et ça, je pense qu'on ne peut pas le nier parce que ce sont, en fait, des étapes d'un processus de traitement de plaintes. Il y en a peut-être d'autres, tâches, mais ça, c'est, à mon avis, secondaire. Le problème ici, et là j'anticipe sur mes propos futurs, j'anticipe sur les propos qui viendront, c'est que, à mon avis, la théorie organisationnelle sur laquelle repose ce chapitre, comme je l'ai dit hier, est une théorie fausse. Parce qu'elle présume que, pour chaque fonction, il doit y avoir une structure. Donc, pour une fonction de vérification, d'inspection, il doit y avoir quelqu'un, pour une autre fonction, il doit y avoir quelqu'un d'autre.

Je l'ai dit hier et c'est vérifié, on a de la littérature là-dessus. Le député de Bourget a bien présenté la question lorsqu'il a parlé de la spécialisation fonctionnelle. Au moment où la théorie de l'organisation parsonienne a été développée, on faisait grand état des effets d'efficacité de la théorie de la spécialisation fonctionnelle, alors qu'avec le temps les théoriciens d'organisation ont plutôt montré que cette théorie avait beaucoup d'effets d'inefficacité. Là, il y a un aspect théorique là-dedans.

Il y a un aspect théorique qui a été vérifié par un certain nombre d'études de sociologues et de politologues sur les organisations formelles. Mais il y a aussi un aspect d'expérience personnelle. Je ne parle pas exclusivement de théorie. J'ai vécu... Je n'ai pas vu naître cette division du travail, mais j'en ai vécu les maladies, les pathologies. J'ai vu une commission – et j'ai réussi jusqu'à un certain point à changer les choses mais vraiment pas à ma satisfaction – qui était composée à la fois d'inspecteurs et d'enquêteurs, les inspecteurs étant des gens moins payés que les enquêteurs et inférieurement classifiés dans la hiérarchie de la bureaucratie gouvernementale, mais les inspecteurs étant les véritables hommes et les véritables femmes de terrain, les gens avec qui j'aimais parler pour savoir de quoi ça revirait, le processus de plaintes.

(15 h 30)

Mais, malheureusement, une fois que ces gens-là avaient été sur place, qu'ils avaient fait une expertise, qu'ils s'étaient fait un jugement, qu'ils avaient parlé à la clientèle, et ainsi de suite, ils se retrouvaient – étant donné la division du travail – devant l'obligation de transmettre le dossier à des enquêteurs. Or, qui étaient-ils ces enquêteurs? C'était des bonnes gens comme vous et moi. Je vous l'ai dit, moi, je n'ai rien contre les fonctionnaires. Je ne suis pas en train de faire la critique des personnes. Je suis en train de vous dire comment faire la critique d'une organisation, et ça n'a rien à voir avec les personnes. Ça n'a rien à voir avec la nature humaine non plus. Ce n'est pas à cause de la nature humaine que les organisations fonctionnent comme elles le font, c'est qu'une fois qu'on fait des choix de design organisationnel on génère des conséquences.

Et, lorsqu'on décide de faire une division du travail entre inspecteurs et enquêteurs, les uns étant au-dessus et les autres étant en-dessous, les uns étant dans le champ et les autres étant le bureau, on se retrouve devant les pathologies organisationnelles que j'ai pu observer, à savoir que nous étions prisonniers d'une classe de personnel, d'enquêteurs qui vraiment ne sortaient pas de leur bureau. Là, on était vraiment en présence de ce qu'on appelle des bureaucrates, c'est-à-dire les gens qui ont vraiment investi dans le bureau au point d'en faire une bureaucratie.

Et j'ai essayé à maintes reprises de dire aux inspecteurs, aux commissaires-enquêteurs: Écoutez, c'est vous qui faites des mises en demeure, c'est vous qui êtes finalement les gestionnaires du processus de plainte. Pourquoi est-ce que vous n'iriez pas vers la clientèle dans le but de pouvoir faire ce que j'ai appelé hier du partnership, du partenariat? Non, vous ne faites pas ça. Vous êtes encore en train de distinguer entre un inspecteur et un enquêteur. Écoutez, là, je ne parle pas pour parler, je suis responsable, je suis un politicien motivé par l'éthique de responsabilité. Je ne suis pas en train de faire de la démagogie puis du théâtre. Si je suis théâtral, ça, ça fait partie de la personne que je suis, mais je ne fais pas du théâtre pour faire du théâtre, autrement j'aurais fait du théâtre, M. le Président.

Le Président (M. Garon): Je vais vous dire que c'est plus agréable.

M. Laporte: Vous en conviendrez. J'aime ça, c'est vrai. Mais il me semble qu'ici c'est toujours cette reprise de l'ancien jeu basé sur la fausse théorie, dont j'ai parlé, qui entraîne une division du travail organisationnel et qui génère toutes sortes de pathologies. Moi, ce que j'aurais aimé, si, en fait, cette structure avait été insérée à l'Office de la langue française, c'est qu'on ait des vérificateurs qui aient la responsabilité de tout le processus de traitement de plaintes et que ces vérificateurs, évidemment, soient animés par un esprit de terrain, par un esprit de rapport quotidien ou continu avec la clientèle, dans l'esprit d'une gestion de plaintes qui soit partenariale. Je ne peux donc que prévenir Mme la ministre que la fausse théorie organisationnelle qui préside à ce projet de loi, qui était dans l'ancienne loi et qui est toujours dans celle-là, et dont j'ai pu vivre tous les effets pathologiques, c'est toujours maintenu et ce n'est évidemment pas dans l'intérêt de l'efficacité organisationnelle.

Parce qu'il faut voir aussi une autre chose, là. Quand vous regardez comment ça fonctionne quand vous créez deux niveaux hiérarchiques à l'intérieur d'une organisation, des inspecteurs et des enquêteurs, vous vous retrouvez, par exemple, avec des gens qui vont rarement dîner ensemble ou déjeuner ensemble. Vous vous retrouvez avec des frontières, des barrières de communication, des inspecteurs qui mangent, des enquêteurs qui mangent. Écoutez, là, la nature humaine y est peut-être pour quelque chose, c'est-à-dire que, lorsqu'on place les gens dans des rapports hiérarchiques, ils utilisent ces rapports hiérarchiques pour générer des gains personnels, ou générer des gains interpersonnels, ou générer des gains sociaux.

Toute la théorie des organisations qui s'est développée depuis 10 ans, aux États-Unis, en France, en Allemagne, au Japon, c'est la théorie de ce qu'on appelle «flat organization», des organisations les moins hiérarchiques possible. Toute la nouvelle théorie nous amène à penser que ce n'est vraiment pas dans ce genre de modèle là, emprunté aux concoctions des personnes qui ont avisé le député de Bourget et que j'ai nommées hier, des sociologues qui ont été, dans bien des cas, des élèves du vénérable Talcott Parsons lui-même...

Et je ne le dis pas avec mépris, M. le Président. J'ai été moi-même un élève du meilleur élève de Talcott Parsons. Donc, ce n'est pas parce que je trouve que Talcott Parsons, c'était un imbécile. Je connaissais Talcott Parsons, c'était loin d'être un imbécile. C'était un génie de la sociologie mais qui se laissait emporter par un besoin de... Et là je reviens à ce que disait le député de Bourget, M. le Président. Il n'y a pas eu de tomiste en sociologie américaine plus exemplaire que le professeur Parsons. Il aimait donc distinguer, distinguer, classifier, séparer, différencier. Or, toute sa théorie était basée sur cette idée-là, que le monde fonctionnerait donc mieux si, pour chaque fonction, il y avait une structure.

On le voit, évidemment, dans ce cas-ci. Ce principe faux, cette théorie fausse est illustrée, en tout cas de deux façons. D'abord, on prend la fonction de contrôle et le traitement de plaintes puis on la sépare de l'Office. On dit: Pour chaque fonction, il doit y avoir une structure. Le député de Bourget nous a dit hier que ça reposait sur le sens commun. Écoutez, le sens commun, ça fait partie des – comment dirais-je – chemins qui mènent à l'enfer, le sens commun. C'est épouvantable, le sens commun, dans un sens. On y croyait dans la société traditionnelle. Mais, à l'époque où je faisais mes études universitaires à l'Université Laval et que le sous-ministre qui est en face de moi était mon ancien professeur et que j'avais comme professeur Fernand Dumont, M. le Président, de quoi on faisait la critique? On faisait la critique du sens commun.

Le Président (M. Garon): Vous avez eu Fernand Dumont comme professeur?

M. Laporte: J'ai eu Fernand Dumont comme professeur, bien sûr. Écoutez, on ne pouvait pas faire autrement à l'époque, quoi. Ces gens étaient incontournables.

Le Président (M. Garon): Avez-vous eu Yves Martin aussi?

M. Laporte: Évidemment, oui.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Laporte: Évidemment. J'ai beaucoup gagné à être exposé précocement à ces esprits, et, ensuite de ça, à être exposé à d'autres esprits, ce qui est aussi un avantage.

Donc, je reviens là-dessus. Je n'ai pas d'amendement à proposer, mais, si je devais en proposer un, ce que je proposerais, c'est que... On parle évidemment, comme on nous parle ici, d'inspections et d'enquêtes. Mais je dirais que ces deux tâches devraient être effectuées par je ne dirais pas une même personne, mais par un même personnel, par une même structure organisationnelle, de sorte qu'on n'ait pas cette division du travail, qu'on n'ait pas cette hiérarchisation, qu'on n'ait pas ces barrières de communication, qu'on ne crée pas ce système d'incitation – parce que c'est ça, les organisations, c'est des machines à inciter le monde à agir – qui fasse que les uns vont aller sur l'autre terrain puis que les autres vont se confiner dans leur bureau. Et je les ai vus, je les ai vus, M. le Président. Vraiment, comme bureaucrates, c'était difficile de faire mieux.

Maintenant, ce que je pourrais proposer, évidemment, peut-être, ça serait de dire que, pour l'application de la présente loi, on pourrait effectuer des... Bien, moi, le mot «inspections», ça m'achale. Je vous dis que j'aurais préféré les mots «vérifications et enquêtes». Le mot «inspections», c'est ça, finalement, qui fait qu'on appelle cet organisme d'un mot d'opprobre, qu'on l'appelle la police de la langue, tu sais. En d'autres mots, vous avez créé votre propre problème, quoi; ce n'est pas la Gazette qui l'a créé. On parle d'inspections, on parle d'inspecteurs.

Évidemment, c'est vrai que, lorsqu'il y a – comme je l'ai mentionné hier – délit d'ordre public, parce que la santé est en question, parce que la sécurité est en question, bien, là, on a des inspecteurs et des gens qui... Mais, finalement, dans ce cas-ci, l'une des tâches sur lesquelles nous sommes en train de réfléchir, c'est une tâche de vérification, c'est-à-dire qu'il faut se présenter sur place et aller voir si une plainte qui nous a été transmise est une plainte qui est fondée. Ça, c'est vraiment une tâche de vérification, ce n'est pas une tâche d'inspection. Mais ça, si vous voulez vous tirer dans le pied, ce n'est pas mon problème, ça, vous allez vivre avec. Je suis heureux, d'ailleurs, que vous vous tiriez dans le pied, ça nous rapproche du pouvoir.

Mais la... Non, non, mais, écoutez, on a... Ah! M. le Président, l'avenir est totalement imprévisible de nos jours, totalement. Il peut arriver des choses, M. le Président, on ne mentionnera pas quoi. Mais on le sait, on ne peut plus prévoir l'avenir, il faut tout simplement essayer de le gérer.

Mme Beaudoin: C'est vrai.

M. Laporte: Et la meilleure façon de le gérer, c'est encore de le construire. Mais là ce que je suis en train de vous dire, c'est que vous êtes vraiment en train de gérer un avenir... Vous êtes en train de le construire d'une mauvaise façon. Vous êtes en train de construire l'avenir tout croche, et c'est vraiment un spectacle désolant. J'en suis prisonnier, comme mes collègues d'en face, à cause des règles du jeu, mais c'est vraiment un spectacle désolant.

(15 h 40)

Donc, moi, ce que j'aurais souhaité, c'est qu'on parle de la présente pour effectuer des enquêtes et qu'on précise. On pourrait, aussi, si vous voulez, M. le Président, faire la chose de l'autre côté, c'est-à-dire qu'on ne nomme que des enquêteurs, qu'on ne mette plus d'inspecteurs puis de vérificateurs, qu'on ne nomme que des enquêteurs. C'est une commission d'enquête, dans un sens. Le processus, c'est un processus d'enquêter et de décider, compte tenu des résultats de l'enquête, des mesures à prendre dans le but de corriger. Alors, on pourrait dire: La commission peut, pour l'application de la présente loi, effectuer des enquêtes.

C'est ça, une enquête. J'ai appris ça au contact du sous-ministre qui est en face de moi. C'est, ça une enquête. C'est ça que disait Mao Tsê-Tung quand il disait: Faites des enquêtes. Vous allez sur le terrain, vous vérifiez, vous parlez aux gens, vous les écoutez, vous évaluez, vous examinez les alternatives, et puis finalement vous décidez que, compte tenu de tout ça, il faut ou bien faire la guerre de tranchée ou bien faire la guerre d'affrontement. Je n'ai pas à vous citer ces choses-là, vous les connaissez autant que moi.

Donc, c'est ça, c'est que la commission peut, pour application de la présente loi, effectuer des enquêtes. Et vous voulez vraiment vous tirer dans le pied en disant «des inspections». Écoutez, ce n'est pas drôle, quand on... Ça va créer, chez la clientèle... D'ailleurs, il faudrait que je voie la version... Avez-vous la version anglaise de la loi, pour voir ce que ça veut dire en anglais? C'est «inspection»? En d'autres mots, là, je suis en train de réfléchir et de me dire: Comment se fait-il qu'on en soit arrivé... Puis le député de Bourget, je suis heureux qu'il soit là, parce que ce n'est vraiment pas un problème psychanalytique, c'est un problème sociologique. Comment en est-on arrivé à construire ce terme d'opprobre qu'on appelle la police de la langue?

Une voix: C'est les libéraux.

M. Laporte: Non, non, non. Il faudrait faire une étude là-dessus, c'est-à-dire que c'est vraiment l'organisation, la dénomination qu'on a créée qui a fait que... Évidemment, les anglophones vont vous dire: Vous savez, «language cops», ça ne signifie pas en anglais ce que ça veut dire en français, c'est un «watch dog». Mais, finalement, à force d'utiliser des labels comme ceux-là, je ne suis pas étonné qu'on se retrouve étiqueté comme on l'est. Parce qu'ici, c'est: «Commission [...] make inspections and inquiries». «Inspections». Écoutez, lorsque Mordecai Richler va lire ça, il va sortir son grand fouet puis il va nous flageller à la face du monde. Je le connais bien, Mordecai Richler, c'est un homme qui a le sens de l'ironie. Sommes-nous vraiment des masochistes à ce point-là, M. le Président?

Une voix: Je ne parle pas pour les autres, moi.

M. Laporte: Avons-nous à ce point le goût de la flagellation que nous nous affichons sous des termes aussi potentiellement ambiguës d'interprétation que celui d'«inspections», alors qu'on a beau dire: «The Commission may, for the purposes of this Charter, make inquiries»? Là, ils vont me dire, M. le Président: Ce n'est pas une commission d'enquête comme la commission Gendron, ce n'est pas une commission d'enquête comme la BB, parce qu'ils ne font pas seulement des enquêtes, ils font aussi des poursuites.

Bien non. Tout ce qu'ils font, c'est des enquêtes, c'est un processus d'enquête qui aboutit à un certain nombre de processus de décisions touchant les actions à prendre en matière de plaintes. Et, si vous regardez, c'est essentiellement ce qu'ils font. Des inspecteurs, ça fait vraiment comme si un délit d'affichage devient un délit d'ordre public. Et ça fait vraiment comme si d'apposer une petite affiche, disons, dérogatoire dans un petit coin de son magasin ou de son établissement commercial, c'est vraiment un grand péché. Enfin, je ne veux pas aller plus loin dans mon analyse, mais je trouve qu'on a un vieux fond catholique là-dedans: les inspecteurs, alors que ça pourrait être des enquêteurs, des gens qui font des enquêtes.

Le Président (M. Garon): Alors, comme le temps est écoulé, de toute façon, c'est heureux que le député dise qu'il ne veut pas aller plus loin.

M. Laporte: Non, non, mon temps est écoulé. J'ai dit ce que j'avais à dire, M. le Président.

Le Président (M. Garon): Alors, est-ce que l'article 166 est adopté?

M. Laporte: Sur division, jamais on ne pourra faire autrement.

Le Président (M. Garon): Oui, sur division. D'ailleurs, si vous l'oubliez, je vais vous le rappeler, parce que vous l'avez dit comme principe que vous vouliez voter les articles sur division.

M. Laporte: Moi, j'aime ça. Vous, vous avez des relations d'aide avec votre clientèle.

Le Président (M. Garon): Bien, moi, je pense que les députés sont là pour s'exprimer.

M. Laporte: Non, mais c'est ça, des relations d'aide.

Le Président (M. Garon): Et leur opinion...

M. Laporte: Avec vous, on fait du partnership, M. le Président, mais avec les commissaires de la Commission, je ne sais pas si on va en faire beaucoup.

Le Président (M. Garon): Maintenant, nous passons à l'article 167.

Mme Beaudoin: Oui, M. le Président, l'article 167: «167. La Commission agit d'office ou à la suite de plaintes.

«Lorsqu'il y a eu plainte, le président peut exercer seul les pouvoirs de la Commission.»

Alors, cet article précise, comme le fait d'ailleurs la loi actuelle, c'est-à-dire l'article 118.2, et comme on le prévoyait sous l'ancienne Commission, les anciens articles 171 et 173, que la Commission pourra agir non seulement à la suite de plaintes, mais aussi d'office. Lorsqu'il y aura eu plainte, le président pourra exercer seul les pouvoirs de la Commission. Le président pourra ainsi seul, par exemple, refuser d'agir si la plainte est mal fondée, article 169; désigner une personne pour effectuer une enquête ou une inspection, article 171; envoyer une mise en demeure, article 177.

M. le Président, un commentaire et ensuite je demanderais... Alors, il est important – le commentaire – de prévoir que le président puisse agir seul ou au nom de la Commission afin de ne pas retarder l'étude des dossiers. Il n'apparaît pas opportun que les trois membres de la Commission analysent chacun des dossiers lorsqu'il y a eu plainte. Les décisions doivent alors pouvoir être prises par le président seul. Rien ne l'empêche, toutefois, s'il le désire, de soumettre un dossier particulier aux autres membres.

M. le Président, pour éclairer le mieux possible la commission parlementaire, si vous me le permettez, je voudrais demander à la juriste, Me Caron, de nous expliquer un certain nombre de choses. Je termine, moi-même, en disant, M. le Président, que, lorsque la Commission désire agir d'office, il apparaît préférable que le président ne puisse exercer seul les pouvoirs de la Commission. Il est important que cette décision se prenne en collégialité afin notamment d'éviter l'arbitraire. Alors, M. le Président, je demanderais à Me Caron de donner quelques explications sur les enquêtes et les plaintes.

Mme Caron (Louise): Au niveau des enquêtes et des plaintes, c'est deux niveaux totalement différents. L'inspection, c'est pour recueillir. L'inspecteur peut aller sur les lieux, peut aller en arrière, peut recueillir des preuves, peut voir si, de façon générale, la loi a été suivie et respectée. On va aller en enquête uniquement, par exemple, si on a besoin d'un complément de preuve, si on a envoyé une mise en demeure. L'enquêteur ne peut pas pénétrer sur les lieux, il peut juste aller aux endroits qui sont accessibles. C'est d'ailleurs pourquoi, à l'article 174, on ne permet qu'à l'inspecteur d'aller sur les lieux et de prendre des copies, de prendre des photographies, et tout ça. L'enquêteur, lui, doit utiliser des subpoena, faire témoigner. C'est comme une commission d'enquête.

M. Laporte: M. le Président, évidemment, là-dessus encore, comment vous dire, je comprends la logique, une logique du soupçon, une logique de l'inspection. À New York, à l'époque où le député de Bourget était mon ministre et qu'on autorisait, à ce moment-là, encore des C.T. pour permettre aux fonctionnaires d'aller s'éduquer et se renseigner – ce qui est de plus en plus rare dans la fonction publique du Québec, malheureusement – je me rappelle d'avoir vu fonctionner la Commission new-yorkaise sur les libertés civiles et d'avoir vu des petits fonctionnaires, de toutes petites femmes, de tous petits hommes, dans de vastes bureaux où il y avait des chaises avec des pattes qui, dans certains cas, étaient plus courtes les unes que les autres – évidemment, eux autres ne vivaient pas dans nos conditions matérielles, la ville de New York était quasiment en faillite à cette époque-là – et qui faisaient ce qu'ils appelaient du systématique et qui ciblaient des quartiers où, présumément, à partir de données statistiques qu'ils avaient compilées, il pouvait y avoir des problèmes de discrimination raciale.

Oui, bien, ils n'ont pas duré longtemps dans l'administration américaine, il se sont fait mettre à leur place. C'est-à-dire que, moi, j'ai toujours été favorable à une intervention basée sur plainte. Je pense qu'une intervention d'office – évidemment, on est dans un interventionnisme, là – ça peut se faire, ça, dans le cas où il y a des délits d'ordre public. Ça peut se faire dans le cas où la santé, la sécurité, disons, la stabilité politique... C'est ce qui arrive dans le cas du FBI. Le FBI, eux autres, ils font des inspections d'office. Ils se présentent chez vous un soir, clic! clac! clac! Tout est fermé, bingo! Et on vous interroge, quoi. Dans le cas où il y a vraiment un danger, eh bien, je peux concevoir qu'il y ait des appareils, un peu à la façon dont Michel Foucault les décrivait, des appareils de surveillance qui sont là pour essayer de «monitorer» le danger, de gérer le danger.

(15 h 50)

Écoutez, on n'en est pas là, quoi, on n'en est pas là dans l'affichage commercial. D'abord, premièrement, il n'y en a pas, de danger. M. le Président, malgré tout ce que nous dit le sens commun, il n'y a personne, personne, personne qui est encore capable de me faire la preuve qu'il y a quelque association statistique démontrable entre le fait que l'affichage soit dérogatoire et que le français soit en plus ou moins grande vitalité. Tu sais, il n'y a pas de danger. Ce n'est pas là qu'est le danger, quoi, on le sait fort bien.

D'ailleurs, tous ceux qui ont été les concepteurs et les architectes de la Charte l'ont toujours affirmé, c'est-à-dire vraiment là où il y a un travail de revitalisation et de vitalisation et de ce que Joshua Fishman appelle «the functional replacement» à faire... En d'autres mots, là où il y a un travail où on vise à redonner au français les fonctions qui sont ses fonctions de vitalité dans la société, ce n'est pas dans les affiches. C'est au travail, dans la technologie, dans les ordinateurs. C'est là que les enjeux sont. Moi, je n'ai rien contre un affichage qui, disons, symbolise, qui signalise, qui connote, comme les gens disent, une réalité linguistique souhaitée. Mais la loi 86 le fait d'abondance.

Mais ce n'est pas ça qui est en question, ici, là. On est en présence d'un appareil bureaucratique à qui on confie un devoir, une capacité d'intervention d'office. Et je ne veux pas qu'on tombe dans la paranoïa, là. Ce n'est pas le problème. Pour ceux qui nous regarde, évidemment, il y a peut-être un problème d'interprétation. Ils vont dire: Écoutez, là, c'est quoi, ça, là? Tu sais, on est presque dans la conception benthamienne de la surveillance, où il y a quelqu'un, à l'intérieur d'une salle, qui peut voir partout ce qui se passe, là. Je ne me rappelle pas exactement le mot que Bentham utilisait là-dessus, mais Michel Foucault s'en est servi – Jeremy Bentham – Michel Foucault s'en est tellement bien servi dans son Surveiller et punir .

Donc, moi, j'aurais souhaité que, je l'ai dit, la fonction d'enquête, que la fonction de contrôle soient inscrites ailleurs; du point de vue organisationnel, qu'on ne procède pas à une différenciation fonctionnelle ou à une spécialisation fonctionnelle, comme le disait hier le député de Bourget et qu'il s'agisse d'un organisme qui agisse sur plainte.

D'ailleurs, vous prévoyez, dans votre loi, que la Commission peut aider les gens à faire des plaintes. La Commission peut être un peu plus, disons, animatrice, de ce point de vue là. Mais que vous ayez des fonctionnaires qui, d'office, aient ce pouvoir d'inspection, de surveillance, de surveillance, quand on connaît la piètre qualité des données d'information... Évidemment, c'est facile. Je me vois très bien. Je suis président de la Commission de protection de la langue française et je me promène allégrement dans les quartiers de Montréal. Et puis, tout à coup, je me dis: Coudon, on va aller faire un tour à Hampstead...

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Laporte: ...quoi, ou bien, tiens, je vais faire une chose plus que ça, pour voir vraiment si ça fonctionne mal, je vais m'en aller comme observateur caché au St. Mary's, quoi. Comme observateur caché, vous savez ce que je veux dire? C'est-à-dire que je vais me présenter à St. Mary's, et puis je vais dire: Écoutez, là, j'ai un malaise, M. le Président, puis je vais bien voir si la petite préposée, elle va s'adresser à moi en français ou si elle va s'adresser à moi en anglais. Je peux faire, comme ça, des petits travaux, un peu comme le FBI, des petits travaux d'espionnage, à la limite, «undercover». Et puis, tout à coup, je dis: Coudon, là, dans tel quartier de la ville de Montréal, il me semble qu'il y ait peut-être un peu de péchés, n'est-ce pas? Il y a des gens qui vivent dans le péché. Alors, à ce moment-là, je leur envoie mes inspecteurs. Ouf!

Et là vous vous retrouvez, quoi, avec Mordecai Richler. Ha, ha, ha! Vous vous retrouvez avec Galganov, qui dit: Écoutez, c'est quoi, votre affaire, quoi? Évidemment... Ha, ha, ha! Donc, finalement...

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Laporte: Et c'est là que le député de Bourget pourrait nous éclairer. C'est vraiment un bel exemple de ce que Hofstadter appelait «the paranoid style of politics». Hein! Et ça, le député de Bourget, qui a écrit – j'ai lu ses ouvrages là-dessus – sur la dépression, qui a écrit sur l'indépendance, qui a écrit sur le sentiment de persécution, il pourrait nous en parler allègrement, de ces appareils de surveillance qui «monitorent» le danger et le gèrent par des mesures de contrôle du genre de celles qu'on trouve dans la loi. Et là c'est que, écoutez, on peut pénétrer, voyez-vous!

La ministre s'évertue à me dire: Écoutez, M. le député d'Outremont, on ne change rien, c'était comme ça dans l'ancienne loi et c'est comme ça dans la loi actuelle. Mais je vous dis: Madame, c'est exactement le problème, je n'étais pas d'accord avec l'ancienne loi. J'aurais souhaité une loi où on inscrive le processus de surveillance et de protection – appelons-le comme on voudra – dans un cadre qui soit celui du cadre des enquêtes et des enquêtes faites sur demande, faites sur plainte.

Parce qu'il y a un autre problème, aussi, là, à la limite, dont vous devez être bien conscients, et on en souffre au Québec. C'est qu'à force de créer des gens qui peuvent agir d'office, des fonctionnaires dans des bureaucraties célestes qui agissent d'office, vous déresponsabilisez le locuteur par rapport à sa langue. Je n'ai plus besoin de savoir si vraiment il y a de la conformité dans le système, il y a des fonctionnaires qui s'en occupent, n'est-ce pas? On le sait qu'actuellement il y a une déresponsabilisation, qui est, en fait, la conséquence pathologique de la bureaucratisation de la langue. Les gens ne se sentent...

C'est pour ça que mon collègue de Jacques-Cartier nous dit qu'en 1986, lorsqu'on a retrouvé, examiné la loi 86 – ce n'est pas vrai maintenant, la ministre nous l'a dit hier – on s'est retrouvé avec une demi-douzaine de personnes qui faisaient tout le travail. Écoutez, j'en ai rencontré, de ces personnes-là. Je ne nommerai pas de noms, mais j'en ai vu, des dévots de l'affichage et des dévotes de l'affichage. J'en ai vu! Ça a l'air un peu de... Des fois, ça frise la comédie de ce grand auteur français que nous connaissons tous, quoi!

Donc, c'est ça, c'est que, par tout ce dispositif qui peut agir d'office, de son proche chef, qui est maître de son action, vous déresponsabilisez les gens, vous créez l'apathie de la langue. Et ça, c'est vraiment la plaie du français au Québec. On n'a pas besoin de bien parler. Comme disait Jean-Louis Roux, on a élaboré une idéologie du mauvais parler. On n'a pas besoin de bien parler, puisque, finalement, il y a du monde qui normalise. Il y a l'Office de la langue française qui s'occupe de la qualité de la langue, qui s'occupe de la francisation. On n'a pas besoin de s'engager personnellement dans la francisation de son milieu de travail, il y a des fonctionnaires qui s'occupent de ça. Écoutez, on est en train, finalement, de renforcer ou de renforcir – dépendamment, comme le disait Mulcair, hier, de la variété de français qu'on décide d'utiliser, les deux se disent – on est en train de renforcer – moi, je préfère celui-là à l'autre – des pathologies de la société moderne dont la source a été bien identifiée comme étant la bureaucratisation.

(16 heures)

Alors, des bureaucraties, c'est ça. C'est des organismes qui agissent d'office, tu sais. Puis c'est l'autonomie bureaucratique. Et ça, moi, j'ai toujours été contre ça, parce que, si vous avez un processus d'enquête fondé sur des plaintes... Et ça, que les juristes viennent me dire que c'est ci, puis que c'est ça, puis patati, puis patata, je comprends, c'est toute l'idéologie. Je suis en train de déconstruire l'idéologie. Alors, ce n'est pas le juriste qui parle, c'est l'idéologie qui parle à travers le juriste. Qu'est-ce que vous voulez que j'y fasse? Je n'apprends rien, j'écoute l'idéologie parler. Alors, elle parle, elle s'exprime. Bien, l'idéologie qu'il y a derrière ça, c'est la vision de société que j'ai mentionnée plus tôt, c'est l'idéologie du soupçon, c'est l'idéologie de la méfiance, c'est l'idéologie de la menace, c'est l'idéologie de l'État surveillant. Mais quand est-ce qu'on va en sortir, de cette maudite maladie canadienne-française? C'est épouvantable! Alors, on la retrouve là-dedans, on la retrouvait antérieurement.

Nous autres, quand on était au pouvoir, on a remis les choses un peu en équilibre, en disant: Ça devrait s'en aller à l'Office. Parce que vous allez me dire qu'à l'Office ça va être la même chose? Je ne pense pas. C'est clair que l'Office... Il me reste combien de temps, M. le Président, deux minutes, une minute?

Le Président (M. Garon): Sept minutes.

M. Laporte: Ah! c'est beaucoup de temps, c'est beaucoup de temps.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Garon): Vous n'êtes pas obligé de le prendre.

M. Laporte: Non, non, mais, enfin, il est là, il est là. À l'Office de la langue française, qui est un organisme que j'aime beaucoup, disons, à la différence de la Commission de protection, où j'ai passé une année heureuse et où j'ai rencontré des gens, disons, aimables – ce n'est pas le problème, je vous l'ai dit, ce n'est pas les gens, c'est le système d'incitation dans lequel on les inscrit qui est fautif – à l'Office de la langue française, malgré des conneries... Je le dis, il y a des conneries, il y a des erreurs, des conneries, ils font des conneries encore. Et ça, quand on travaille sur des matières qui sont aussi explosives, des matières qui sont aussi chargées d'émotivité, d'affectivité, c'est normal qu'à un moment donné on soit emporté par je ne sais trop quoi puis qu'on s'attaque aux boulangeries casher ou qu'on examine les produits casher, qu'on ait, en fait, des espèces de poussées de besoin de surveillance. On a une espèce de poussée de... C'est un scrupule, finalement, on devient scrupuleux. Écoutez, je vous passerai, si vous voulez, M. le Président, le Petit Traité du scrupule du père de La Fontaine, dans les années 1614, vous allez voir qu'on est en plein là-dedans, ici, là.

Mais, moi, ce que j'aimais dans l'idée que tout ça soit inscrit, soit logé à l'Office, d'abord, c'est que l'Office, c'est un organisme qui a une expertise. L'Office, on n'a pas besoin de dire qu'il agit d'office. L'Office, ça fait partie de son mandat, d'aller sur place, de vérifier, d'enquêter, si on veut, de faire des recherches. L'Office serait un bon appareil de recherche.

Et, ensuite de ça, j'ai une chose qui est... Mais, ça, c'est difficile à faire comprendre, M. le Président. Moi, je suis en faveur des traditions. J'aime ça, des organisations qui ont des traditions, qui ont des pratiques organisationnelles qui s'inscrivent dans une histoire. Parce que, quand c'est comme ça, on se retrouve dans la situation de devoir prendre des décisions qui sont tout de même encadrées. Mais là ce n'est pas ça qu'on fait, ça n'a pas de tradition, cette bibite-là. C'est né du néant, ça apparaît à un moment donné dans toute son innocence, et puis on lui donne, vous savez, des armes, on crée des... Alors, c'est effrayant. On s'en va vers une situation où...

Et ça, je l'ai dit hier, M. le Président, et j'aurais donc souhaité qu'on le dise en Chambre avec plus de clarté: Ce qui nous a coûté cher, avec nos lois linguistiques et avec l'esprit qui animait nos lois linguistiques, ces lois linguistiques ayant été, par ailleurs, des lois linguistiques nécessaires mais pas nécessairement dans leur esprit, nécessaires... Mais il y avait des espèces, disons, de vents de... Il y avait un côté scrupuleux, janséniste, des lois linguistiques, qui me fait horreur, mais enfin, ça, c'est des questions, disons, de goût ou de tempérament, jusqu'à un certain point. Mais ce qui nous a vraiment nui, c'est qu'elles ont été source d'acrimonie, ce que les sociologues appellent les conflits acrimonieux.

Plus il y a d'acrimonie dans une société, je vous l'ai répété hier, plus la qualité de la vie baisse dans cette société-là, la qualité de la vie communautaire, la qualité de la vie intercommunautaire, la qualité des rapports entre nos communautés. Et l'acrimonie, qui génère son propre fiel et qui entraîne, évidemment, une baisse de nos qualités de vie... Parce qu'il n'y a rien de plus détestable, de plus désagréable, de plus inconfortable que de vivre dans un environnement acrimonieux. Demandez aux gens qui ont été condamnés au divorce, ils vont vous le dire.

Donc, ça, ça diminue la qualité de vie et, parce que ça diminue la qualité de vie, ça baisse la capacité d'attirer à Montréal des gens qui viendront contribuer à la richesse de la vie sociale, culturelle et économique de Montréal. Et vous ne viendrez pas me faire accroire que, lorsque vous parlez d'inspection puis lorsque vous parlez d'une Commission qui agit d'office, vous ne créerez pas d'acrimonie. Il y a du monde qui vont dire: Mais, vraiment, c'est l'enfer. C'est ça qui est à la source du désaccord avec lequel...

Ce que je veux exprimer, c'est que ça pourrait se faire d'une façon beaucoup plus fraternelle, sans acrimonie, en se fondant sur l'idée que, finalement, il y a un partnership, il y a du partenariat, il y a des gains mutuels. C'est bon qu'un petit commerçant affiche en français et en anglais et que l'affichage soit un affichage à prédominance française, parce que, d'abord, ça peut avoir un impact sur sa clientèle et ensuite de ça parce que ça contribue à son enracinement dans un paysage québécois. Les gens sont capables de comprendre ça, ce n'est pas la fin du monde. Il y a évidemment le 0,4 % d'idéologues à la Galganov qui ne veulent rien d'autre que le «free market of signs». Mais vous allez créer beaucoup d'acrimonie en créant une commission qui agit d'office.

Donc, M. le Président, je pense avoir épuisé mon temps, je pense avoir, comme toujours, échoué à convaincre les parties d'en face. Mais, en tout cas, je me dis: Écoutez... Je continuerai à prier pour eux, n'est-ce pas, parce que je pense qu'ils s'en vont vraiment en enfer et qu'ils nous entraînent avec eux dans l'enfer de l'acrimonie. Mais là je ne veux pas sortir mes grosses, grosses, grosses, grosses, grosses munitions, je vais garder ça pour la fin, parce qu'il n'y a pas de journalistes puis ça ne sert à rien. Je pourrais vraiment sortir des grosses munitions sur vos intentions quasiment métaphysiques, mais je trouve que ça pourrait se faire autrement. Ça pourrait contribuer à la qualité de notre vie, ça pourrait contribuer à l'efficacité de la Charte et ça pourrait finalement être une façon à la fois d'assurer la sécurité du français et la paix linguistique au Québec. Mais enfin, je me trouve en présence de gens qui souffrent de surdité, alors qu'est-ce que vous voulez que j'y fasse? Mais, malgré tout, je le répète, je vais continuer à me comporter comme un politicien responsable, une opposition responsable, qui dit ce qu'il pense qui devrait être fait pour que les lois soient bonnes.

Le Président (M. Garon): Merci, M. le député d'Outremont, puisque votre temps s'était écoulé. Le député de Bourget a demandé la parole. Il devait être inscrit et, par erreur... Moi, on m'a dit qu'au début de la période d'inscription des remplacements on ne nous l'avait pas mentionné. Maintenant, il a demandé d'être inscrit.

M. Laporte: M. le député de Bourget?

Le Président (M. Garon): Oui.

M. Laporte: Oui, bien sûr, voyons, c'est...

Le Président (M. Garon): Le député de Bourget remplace le député de Vachon. Alors, M. le député de Bourget.

(16 h 10)

M. Laurin: M. le Président, j'ai écouté avec un étonnement toujours plus profond la diatribe renouvelée du député d'Outremont à l'endroit des bureaucrates, particulièrement ceux de la défunte Commission de protection de la langue française que le gouvernement libéral avait abolie, et qui, pourtant, ont travaillé sous sa gouverne durant un certain nombre d'années. Je m'étonne de cette réaction extrêmement négative qu'il avait à leur endroit. Parce que hier il les traitait d'éperviers, d'oiseaux de proie, il disait qu'ils fondaient avec la rapidité de l'éclair sur leurs proies, et aujourd'hui il les traite de candidats à la pathologie, me rappelant les mots du Dr Knock qui disait que tout homme en santé est un malade qui s'ignore.

Tout bureaucrate de la Commission de protection de la langue française et de l'Office, même, jusqu'à un certain point, est un malade qui s'ignore. Il est exposé à toutes les pathologies et la plupart du temps il y cède. Non pas sur le mode masochiste, mais plutôt sur le mode sadique, sur le mode scopophilique. C'est-à-dire qu'il n'a pas de plus grande jouissance que de voir une infraction chez quelqu'un. Il veut la dévoiler à tout le monde et il veut, à la mode chirurgicale, l'éradiquer avec la rapidité et l'efficacité la plus grande.

Le tableau qu'il nous trace de la bureaucratie est vraiment celui-là. Et, encore une fois, je ne sais pas s'il a pris cette opinion-là pendant qu'il était président de la Commission de protection de la langue française, c'est peut-être le cas, mais aujourd'hui il étend même ça à... Il en fait une maladie canadienne-française, c'est-à-dire que nous sommes tous, francophones, sujets à cette maladie et nous sommes en instance d'y succomber à tout moment.

M. Laporte: ...

M. Laurin: Je pense que c'est une accusation qui serait extrêmement grave, si elle ne m'apparaissait aussi loufoque. De toute façon, pour être plus sérieux, je pense qu'on ne peut faire un procès d'intention à ce point sévère aux fonctionnaires qui seront chargés, au sein de la future Commission, sous les ordres de leur président, de protéger la langue française, les articles de la loi, tels qu'ils sont rédigés.

Ça a toujours été d'ailleurs le cas. C'est pour ça que je ne suis pas d'accord avec le diagnostique du député d'Outremont. Ça a toujours été le cas, parce que, même au moment où la Commission de surveillance a été édictée pour la première fois, on disait très bien, à l'article 176, que les commissaires-enquêteurs devaient faire montre de bonne foi et à un point tel qu'ils devaient refuser toute demande d'enquête qui leur apparaissait frivole ou faite de mauvaise foi.

Donc, s'ils doivent refuser toute demande qui leur est frivole ou faite de mauvaise foi, comment pourraient-ils se comporter aussi de mauvaise foi à l'endroit d'un public, à l'endroit d'une population qu'ils doivent protéger, en se comportant comme des matamores ou comme des malades ou comme des scopophiliques ou comme des sadiques, dans l'exercice de leurs fonctions? Non, je pense que c'est une accusation qu'on ne peut retenir, et on peut penser et on doit sûrement penser que le président, justement, dans les orientations, dans les directives qu'il doit donner à son personnel, dans le choix qu'il fait des personnes à qui il confie une enquête, doit leur indiquer précisément que le but est de faire respecter les articles de la loi purement et simplement et non pas de persécuter les gens, de les harceler.

Et cela est tellement vrai, M. le Président, que depuis 20 ans ou à peu près qu'elle existe, la Commission de surveillance ou de protection s'est comportée d'une façon extrêmement civilisée dans l'exercice de ses fonctions, puisque, malgré le très grand nombre de plaintes qui ont été faites, les commissaires ont réglé à l'amiable 97 % de ces plaintes en fournissant aux délinquants toutes les informations sur la loi, en leur demandant de la respecter.

Et, dans 97 % des cas, les contrevenants, à la lumière des informations qu'on leur donnait, se sont pliés à la recommandation qu'on leur faisait de respecter la loi. Et, encore hier, on disait que, dans les 20 années qui se sont écoulées depuis 1977, il y avait seulement 179 cas qui avaient été portés à l'attention du Procureur général.

Je pense que c'est la plus belle preuve que la Commission de protection a exercé ses fonctions de la manière la plus respectueuse des droits de la personne, respectueuse de la population et qu'elle a exercé son devoir, ses fonctions avec doigté, avec respect et avec la considération, même, qu'on doit apporter à tous ceux sur lesquels on a une fonction à exercer.

Je considère donc que toutes les représentations qui viennent de nous être faites par le député d'Outremont sortent de fantasmagories ou... je n'oserais pas employer le mot d'«hallucinations», mais de fantasmagories qui m'apparaissent relever de craintes, d'appréhensions qui, dans les faits, ne se sont jamais avérées, n'ont jamais prouvé qu'elles puissent véritablement exister.

M. Laporte: M. le Président, là, c'est vraiment...

M. Laurin: Pour ma part, je préfère qu'on s'en remette...

M. Laporte: Y «a-tu» dans le règlement des commissions parlementaires quelque chose qui empêche le député de Bourget de tenir sur moi des propos aussi dérogatoires? Parce que je regrette, mais je ne suis pas dans un comportement hallucinatoire, là.

Le Président (M. Gaulin): Vous pouvez invoquer l'article 35, mais...

M. Laurin: Nous sommes tous, M. le Président, sujets à des hallucinations, temporairement. Ce n'est pas un terme nécessairement applicable à une pathologie.

M. Laporte: Moi, je ne suis pas sur un divan de psychanalyste, là, M. le Président, je suis dans une commission parlementaire.

Le Président (M. Gaulin): Je voudrais rappeler, M. le député d'Outremont, que tout à l'heure, coup pour coup, vous en avez dit autant, si on reprenait les galées. Mais enfin, je pense que le député de Bourget vous indique que, dans son esprit, le mot «hallucination» n'est pas un mot qui lui paraît injurieux, mais enfin, ça a été le mot qu'il a utilisé.

M. Laporte: Non, mais, je veux dire, à aucun moment, M. le Président, dans mes propos, ai-je, disons, tenu des propos sur la ministre, qui...

M. Laurin: M. le Président, je vais retirer ce mot qui a paru offenser le député d'Outremont.

M. Laporte: Je regrette, mais vraiment...

Le Président (M. Gaulin): Bien. Alors, M. le député de Bourget retire le mot qui vous...

M. Laurin: Et je veux en revenir à mon argument principal.

Le Président (M. Gaulin): Vous avez la parole.

M. Laporte: On est rendu même à créer la supposition que j'aurais été président de la Commission de protection dans le but d'y satisfaire mes besoins sadiques. Écoutez, là, il y a tout de même un sacré bout, là!

Le Président (M. Gaulin): Alors, vous aurez la parole tout à l'heure. M. le député de Bourget, vous avez toujours la parole.

M. Laurin: Donc, pour ma part, M. le Président, je suis convaincu que les fonctionnaires – qu'on peut appeler si on veut «bureaucrates», malgré que ce mot a toujours une connotation péjorative – rempliront leurs fonctions avec tout le respect, avec toute la considération, sous les directives du président, qu'ils ont toujours montrée au cours des 20 dernières années, et je ne pense pas qu'il faille appréhender l'avenir, à la lumière de ce qui s'est déroulé dans le passé.

Le Président (M. Gaulin): Oui. Alors, vous avez terminé, M. le député de Bourget?

M. Laurin: Oui.

Le Président (M. Gaulin): Je vous remercie. M. le député de Chomedey.

M. Kelley: Un instant!

Le Président (M. Gaulin): De Jacques-Cartier, pardon.

M. Kelley: Je pense qu'il faut distinguer entre nos anglophones.

Le Président (M. Gaulin): Excusez-moi, M. le député de Jacques-Cartier. Je vous connais pourtant très bien.

M. Kelley: Ils ne sont pas génériques. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Gaulin): Vous avez la parole. Ha, ha, ha!

M. Kelley: Merci, M. le Président. Je pense qu'on tombe ici dans le coeur du débat sur la confiance ou la méfiance. Et, moi, je viens d'écouter les paroles du député de Bourget, qui vient d'invoquer le fait qu'il y a très peu de cas où on a besoin des grands pouvoirs, qu'on est capable de régler ça à l'amiable. Oui, peut-être que c'est une preuve du bon travail des inspecteurs, mais, avant tout, je pense que c'est une très belle preuve de la bonne foi de la population.

(16 h 20)

Et c'est ça. Je reviens toujours à la question du besoin. Est-ce qu'on a besoin de partir avec les pouvoirs élargis? Est-ce qu'il faut donner pas uniquement le pouvoir de mener les enquêtes suite aux plaintes, mais créer un pouvoir d'agir d'office et avoir d'autres initiatives – «The Commission shall act on its own initiative» – pas très précises. C'est quoi? Est-ce que ça va être des grandes visites? On décide que la municipalité de Lac-Brome, cette semaine, ça va être notre initiative, ou d'aller se promener dans Shawville ou Wakefield, ou les autres choses.

Même, dans le passé, les députés de l'autre côté de la Chambre ont embauché des étudiants, l'été, pour aller se promener, avec le budget discrétionnaire, dans des endroits pour porter plainte, et tout ça. Est-ce que c'est vraiment ça, la société qu'on veut créer? Est-ce que ça, c'est vraiment une société de confiance? M. le Président, je demeure toujours pas convaincu. Le gouvernement n'a fait aucune, aucune preuve d'un besoin.

L'architecte, l'auteur même de la loi 101 vient de dire qu'on est capable de régler ça à l'amiable dans 97, 99 % des cas, parce que la population, règle générale, est de bonne foi. Les Québécois et les Québécoises, règle générale, sont de bonne foi. Alors, moi, je dis: Avant de partir avec un dirigisme, avec une méfiance, et tout ça, il faut faire une preuve qu'on a un besoin. Et je reviens toujours sur ce thème parce que je suis toujours assoiffé de voir c'est quoi, le besoin de ces pouvoirs d'enquête.

Et je reviens toujours... On est bien. Tout le monde, ici, dans cette salle, notre chèque de paie rentre chaque deux semaines. Même aujourd'hui le compte de banque était positif pour quelques-uns dans la famille Kelley, entre midi et midi et deux, ou quelque chose comme ça. C'est tout parti maintenant. Mais il y a eu un moment, là, où la balance était positive, avant que les exigences de payer l'épicerie pour une famille de cinq enfants aient tout vidé ça. Mais ça, c'est un autre problème.

Mais c'est facile pour nous autres parce qu'on a nos paiements directs, on a un salaire – coupé un petit peu, malgré tout, mais un salaire quand même. On n'a pas la moindre idée de se mettre dans les souliers des petits entrepreneurs qui sont visés par ces articles de la loi, qui ne comprennent rien dans les règlements, dans les définitions, dans les exigences d'une charte qui a été modifiée par les deux côtés de la Chambre à maintes reprises. Ces petits entrepreneurs ne comprennent plus rien. Ils veulent faire vivre leur entreprise avant tout. Ça, c'est le défi principal pour eux autres parce qu'on a dit: L'État providence, c'est chose du passé.

Les grandes entreprises sont moins créatrices d'emplois que c'était le cas il y a 25 ans. Alors, le message que nous avons livré: Créez votre propre emploi; lancez votre propre entreprise. Et je pense que ça, c'est l'avenir pour l'emploi au Québec. Bon, ça, c'est le message des gouvernements, peu importe la couleur, ici, dans les autres provinces, dans les autres États. C'est ça, le message que nous avons lancé, et ce n'est pas évident. Juste comme preuve, on a juste à regarder le nombre de faillites des entreprises au Québec, souvent des petites entreprises. Même le plan Paillé, qui a été créé par l'ancien député de Prévost, prévoit un taux d'échec de 40 %. Alors, ça, ce n'est pas dire que le plan n'était pas bien pensé ou quelque chose comme ça, mais c'est normal que deux sur cinq fassent faillite. Alors, je pense que ça, c'est une preuve tangible qu'on parle d'un domaine très, très difficile. C'est très compliqué de gérer tout ça.

Et, malgré le fait que, selon le témoignage du député de Bourget qui a suivi ça depuis 20 ans et plus, on est capable de régler ça à l'amiable, il faut encore une fois recréer, lancer un grand bateau qui va arriver dans la vie de ces petits entrepreneurs avec les visites, les inspections: Est-ce que je peux aller dans vos livres? Est-ce que je peux aller dans ça? Est-ce que je peux aller dans ça? Est-ce que je peux mesurer vos affiches? Est-ce que je peux... etc. La personne va se sentir dans l'obligation d'embaucher son propre avocat pour voir c'est quoi, la nature de la loi: Est-ce que je suis vraiment en dérogation? Est-ce que je dois modifier quelque peu mon affiche? Alors, c'est tous les coûts qui sont liés à tout ça.

Et, comme je dis, on n'a aucune preuve qu'il y ait manque de bonne foi, au contraire. Si la preuve est faite qu'on est capable de régler ça à l'amiable avant de lancer ces grands pouvoirs d'enquête, les grands pouvoirs d'agir d'office, «why do it»? Pourquoi est-ce qu'il faut faire ça? Et je suis toujours à la recherche, dans le témoignage de la ministre, de ce gouvernement, dans les experts, de c'est où le besoin?

Comme je dis, moi, je demeure dans un des comtés peut-être avec le plus fort nombre de non-francophones au Québec. Il n'y a pas de problème. Je peux me promener dans mes centres d'achats, en fin de semaine, il n'y a pas de problème. Règle générale, la Charte est respectée. Alors, avant de lancer... Et, comme je dis: On va toujours trouver les exceptions. Mais, moi, je vais voir, dans les affiches, souvent, des erreurs de français. Ça existe. Mais ça existe dans une société où, malgré tout, un adulte sur cinq est analphabète. Ça, c'est la réalité des choses. On peut avoir notre long débat sur un français de qualité, et je suis conscient que, ça, c'est un enjeu important. Mais il faut se rappeler aussi qu'on vit dans une société où beaucoup de monde parle difficilement ou écrit difficilement soit l'anglais soit le français.

Alors, le chiffre, c'est quoi? 28 % des personnes dans notre société ont de la misère à écrire. Or, ce n'est pas leur faute. Ce n'est pas quelque chose... C'est malheureux. C'est quelque chose que, je pense, les deux gouvernements sont toujours engagés à corriger. Mais c'est ça, la réalité des choses. Et souvent ces mêmes personnes, malgré le fait qu'elles trouvent très difficile de lire notre projet de loi, même lire un article dans les journaux, malgré tout ça, elles vont lancer une petite entreprise. Et qu'est-ce qui va leur tomber sur la tête? Nos inspecteurs, les enquêtes, les lettres d'avocats. Peut-être qu'elles doivent même aller voir un ami pour essayer d'expliquer: Peux-tu lire ça pour moi? Je ne suis pas capable. Parce que, avec tout le respect que j'ai pour la profession des avocats, souvent leurs lettres ne sont pas d'une clarté exceptionnelle, et, pour le citoyen, de décoder tout ça, ce n'est pas toujours évident.

Alors, je reviens toujours à: Si on n'a pas besoin, si on ne peut pas faire un constat, ici... La situation, selon l'Office, selon le Conseil, demeure stable. Il n'y a pas de problème. Étant donné les enjeux économiques dans la province de Québec, y compris dans la région de Montréal, où ce n'est pas évident pour ces petits entrepreneurs, est-ce que, au lieu de revenir sur l'approche que nous avons privilégiée, on va les aider, on va les conseiller, on va leur donner un coup de main?

Parce que c'est du bon monde, ça. Je pense que la preuve est faite dans le témoignage du député de Bourget, c'est du bon monde. C'est du monde de bonne foi. Ils n'ont pas besoin d'envoyer un inspecteur de l'État; un conseiller, quelqu'un qui va les aider. Parce que ce n'est pas facile, et, comme preuve, des chiffres donnés par l'ancien ministre de l'Industrie: deux sur cinq feront faillite. Alors, ça, c'est tout le monde qui doit, en tout temps, aller voir son banquier, pour voir: Est-ce que je peux avoir un autre 500 $ sur ma marge de crédit? Est-ce que je peux peut-être retarder le paiement sur une hypothèque, ou quelque chose comme ça, pour une autre couple de semaines, parce que je n'arrive pas ce mois-ci, mais ça s'annonce bien pour la vente des parapluies, ou je ne sais pas trop quoi, le mois prochain?

Alors, c'est ça, la vérité des choses. Il va voir le propriétaire du centre d'achats: Est-ce que je peux avoir une autre semaine ou une couple de semaines parce que je n'arrive pas? Il va voir le fournisseur et, peut-être, avec la concurrence du grand Wal-Mart qui arrive dans notre quartier, ou je ne sais pas: Est-ce que je peux avoir une autre petite marge de manoeuvre, une petite souplesse avec mon fournisseur?

C'est ça, la vérité des choses. Ce n'est pas le monde qui arrive avec un chèque, chaque deux semaines, dépôt direct, gouvernement du Québec. On est bien, ici, nous autres, autour de la table. Mais il faut penser toujours à monsieur et madame qui essaient, et souvent c'est des entreprises familiales, de vivre, de faire gérer tout ça dans un contexte économique très difficile. Et c'est quoi, l'aide qu'on va donner pour promouvoir le fait français? On va envoyer des inspecteurs avec les carnets d'infractions. Et on sait fort bien qu'avec les carnets d'infractions, et tout ça, on va arriver et: Comme tout bon inspecteur, si je n'ai pas vidé mon carnet cette semaine, je suis paresseux. Je n'ai pas fait un bon travail.

(16 h 30)

Alors, il y aura une pression, pas de mauvaise foi, M. le député de Bourget, mais il y aura une pression quand même que: Si je suis bon, je vais agir d'office, je vais faire ma propre initiative, je vais vider mon carnet cette semaine, parce que, comme ça, je suis performant, je suis bon. Alors, quand le président va être capable d'écrire à la ministre pour le rapport annuel de la nouvelle Commission: Ah! que nous sommes performants, que nous sommes efficaces. Nous avons réussi à inspecter, fouiller dans les livres et les papiers, dans les entreprises de 2 000 Québécois et Québécoises, souvent des petits entrepreneurs, 3 000. Quel grand succès! On a réussi à compliquer la vie d'encore plus de nos concitoyens. Quelle bonne nouvelle, M. le Président! Quel heureux événement que nous avons réussi! Au lieu de limiter ça à compliquer la vie de 2 000 personnes, on va le faire à 3 000 parce qu'on est performant. On a vidé notre carnet et tout est beau, et peut-être qu'on va avoir une augmentation du nombre de lettres d'avocats parce que ça, c'est toujours impressionnant. Sans préjudice, écrit en haut, pour faire peur au monde.

Mais d'où est le besoin? Il n'y a aucune preuve. Nos experts disent: Il n'y a aucune preuve. Parce que, moi, j'ai énormément confiance dans la bonne foi de nos concitoyens. Moi, je trouve que, règle générale, on est chanceux ici, au Québec, parce qu'on s'entend bien, règle générale. Moi, je peux me promener n'importe où. En tout cas, j'ai toujours trouvé un accueil exceptionnel à travers le Québec parce que nous sommes de bons voisins, et on n'a pas besoin des inspecteurs. On est capables de trouver des moyens de médiation, des moyens de régler nos arbitrages supérieurs à l'inspectorat, au carnet d'infraction. On n'en a pas besoin, M. le Président, et je suis toujours sensible, parce que j'adore le Québec, à l'image projetée à l'extérieur par toute cette affaire-là, et ça ne s'explique pas.

Moi, j'ai de la parenté en Colombie-Britannique. J'ai de la parenté aux États-Unis. J'essaie d'expliquer tout ça. Mesurer les affiches, vous n'êtes pas sérieux, M. Kelley, vous n'êtes pas sérieux. Ah oui! Oui, non, non. Ça ne s'explique pas, qu'on n'est pas capables de régler ça à l'amiable. On n'est pas capables de régler ça comme de bons voisins. Au lieu de partir avec, comme j'ai dit, des carnets de billets d'infraction, nos oignons verts de la langue... Je ne sais pas si ça, c'est une terminologie plus acceptable d'une police de la langue. Alors, nos oignons verts de la langue qui vont arriver, vont mesurer, ils vont voir dans les papiers peut-être qu'il y a des choses qui ne sont pas tout à fait conformes, avec un pauvre gars qui est au bord de la faillite. On va arriver avec une lettre, une mise en demeure, une injonction, on va transmettre le dossier au ministère de la Justice pour faire suite, et tout ça. Quelle aide à notre petit entrepreneur!

Vraiment, qu'est-ce que nous avons fait pour donner un coup de main à notre petit entrepreneur? Au lieu de comprendre que sa vie est difficile. Qu'est-ce qu'il cherche à faire avant tout? C'est, à l'intérieur de l'économie de la Charte, de communiquer avec ses clients, avant tout, c'est tout ce qu'il veut faire. Il veut peut-être que le monde décide, au lieu d'aller à Wal-Mart, de venir acheter son parapluie chez lui. Ils vont venir acheter un produit chez lui. Il veut communiquer. Surtout les Anglais d'Angleterre adorent les parapluies, semble-t-il, «the look of Neville Chamberlain», je ne sais pas trop quoi, alors il veut promouvoir son industrie de parapluies. Il veut promouvoir son magasin. Et, moi, je pense que, comme gouvernement responsable, comme gouvernement qui a dit: On n'a plus les moyens, nous autres, de créer de l'emploi, on vient de faire abolir 15 000 postes, plus ou moins, dans la fonction publique, si j'ai bien compris...

On a vu que même les grandes entreprises... J'ai eu l'occasion de visiter l'atelier à Montréal de GEC Alsthom où, à une époque, il y avait 7 000 personnes qui ont travaillé là. Maintenant, c'est à peine 1 000. C'est toujours une compagnie qui essaie de faire fonctionner, qui essaie de faire vivre son entreprise, mais c'est moins nombreux. Ce n'est pas les grandes entreprises, règle générale, qui sont en train de créer de l'emploi. Alors, il faut donner un coup de main à nos petites. Mais ce n'est pas un inspectorat. On n'en a pas besoin. Et, comme symbole de méfiance... Moi, je ne suis pas méfiant, moi, je pense qu'on est capables de régler ça autrement avec des conseils, avec de l'éducation, en donnant un coup de main aux personnes qui ont essayé de lancer une entreprise et créer leur propre emploi.

Alors, c'est pourquoi je trouve que, comme je dis, on est maintenant, avec ces articles, dans les enquêtes et les inspections, au coeur de la méfiance et au coeur de ce qu'il y a qui nous divise autour de cette table. Parce qu'on n'a pas besoin de ça. On est capables de faire respecter les objectifs et les principes de la Charte sans tomber dans ce mécanisme, et je pense que la preuve est là, les statistiques, les indicateurs, et tout ça, qu'on a réussi. Et, même avec la loi 86, le progrès continue. Alors, je pense que la mise que nous avons faite, d'axer l'approche sur le bon voisinage, sur une confiance au lieu d'une méfiance, nous autres, nous avons pris la bonne route, et, en recréant ça, en remettant en ordre une commission comme ça, on fait fausse route, M. le Président. Merci beaucoup.

Le Président (M. Gaulin): Merci, M. le député de Jacques-Cartier. M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Bergman: Merci beaucoup, M. le Président. Je ne pensais jamais, quand j'ai été élu député, que je passerais du temps ici, dans cette commission, à étudier une section qui s'intitule «Inspections et enquêtes». Quand je vois le ton de ce chapitre et le ton de cet article, je m'étonne, et peut-être que c'est le moment le plus difficile pour moi, comme député, dans cette Assemblée.

J'aime penser, peut-être, à un moment, quand j'avais 13 ans, en 1953. Mon père, qui avait des magasins de robes, avait un magasin à Saint-Hyacinthe, et je suis allé avec lui. C'était mon cadeau de Pâques, d'aller avec lui à son magasin pour passer la journée là. Et je me rappelle, aujourd'hui, on est allés prendre un lunch et j'ai commandé le service de lunch en anglais. Et mon père était tellement fâché contre moi, tellement choqué contre moi que c'était... La balance de la journée a été terrible. Il m'a parlé de fraternité, il m'a parlé de respect, il m'a dit que j'avais insulté ses meilleurs amis, avec qui il vivait dans cette ville, et comment j'avais eu l'audace de ne pas reconnaître ces personnes, et de mon impolitesse, et le fait français. Et, toute la journée, il n'a pas arrêté de... Il n'est plus vivant aujourd'hui, car, s'il l'était, peut-être que c'est le moment où j'aimerais lui parler pour lui dire le désappointement que j'ai, comment cette société est tournée à l'envers, comment on est dans une mauvaise situation maintenant, comment les personnes de bonne foi ne sont pas dans nos gouvernements. C'est une question que nous avons un gouvernement de mauvaise foi.

Et c'est peut-être un des plus purs moments, pour moi, comme député, de penser à ces moments, en 1953, vraiment, avant la journée où nous avons eu besoin des lois pour donner une «incentive» à des personnes pour parler français. Et vraiment, même si elles ont un accent qui n'est pas tellement bon... Je fais l'effort et j'ai toujours fait l'effort, même en prenant mon droit à l'Université de Montréal. Alors, pour moi, je me demande quel type de société on est en train de bâtir, comment on peut bâtir une société basée sur la mauvaise foi. Les fondations d'une société, c'est comme la fondation d'un édifice. Si la fondation de l'édifice est faible, si la fondation de l'édifice n'a pas des principes, n'a pas des règles, n'est pas bâtie dans les règles de l'art, la bâtisse va tomber. Et on est en train de bâtir une société, ici. C'est notre responsabilité, c'est notre génération qui a maintenant le devoir de bâtir cette société, et on va bâtir une société qui est pourrie, qui sera pourrie pour l'avenir.

Quelle «incentive» est-ce que vous donnez à du monde qui veut apprendre le français, qui veut agir ici, dans cette société, avec bonne foi? Quand je lis ces articles, quand vous parlez d'une inspection, est-ce que vous parlez d'une inspection systématique? Mettez-vous à la place de la population qui va vivre chaque journée avec cette crainte que vous allez faire une inspection, commerce par commerce par commerce, jusqu'à ce que vous nuisiez assez aux personnes qu'elles ne pourront pas vivre dans ce type de société. Imaginez-vous la crainte que vous donnez à une société, imaginez-vous la crainte que vous donnez à des hommes et des femmes de bonne foi.

(16 h 40)

Moi, comme notaire, la Chambre des notaires nous fait des inspections chaque quatre années, des inspections normales, réglées. Moi, je suis notaire dans un des plus grands bureaux à Montréal, et nous venons d'avoir une inspection la semaine passée. Et pour voir dans le bureau, pour les deux semaines avant l'inspection, les craintes des notaires, les secrétaires, même si tout est en ordre, la crainte de savoir qu'il va y avoir une inspection, et pour voir, le jour de l'inspection, comment ils étaient tellement nerveux... Et ça, c'est des personnes qui sont des maîtres de droit. Ici, vous allez demander à une population de vivre avec cette crainte sur leur tête, la question de la peur, la question de l'insécurité que vous allez bâtir dans cette société.

Moi, j'ai des personnes dans mon comté qui ne dorment pas une nuit complète sans un cauchemar pour penser au passé de leur vie, ce qu'ils devaient vivre. Et, vous, vous allez installer une peur, une insécurité dans une société pour des personnes qui agissent, qui veulent bâtir un Québec fort, qui contribuent au fait français avec toutes leurs énergies.

Comment est-ce que vous pouvez dire devant moi, les députés qui sont ici, personnellement, que vous êtes des personnes qui sont ouvertes, tolérantes, accueillantes? Comment est-ce que vous pouvez me regarder dans le visage et me dire ça? Venez avec moi dans mon comté pour rencontrer les personnes qui vont subir les conséquences de cette loi. Venez avec moi et je vais vous montrer, commerce par commerce, le dommage personnel que vous allez causer à des personnes qui peuvent vous répondre en français, qui ont des enseignes en français, qui sont des bons citoyens de cette province, qui ont fait tout pour construire et bâtir cette province. Comment est-ce que vous pouvez me regarder et me dire que vous êtes des personnes ouvertes, tolérantes, démocratiques? Vous ne pouvez pas. Ce n'est pas possible. Vous devez avoir honte, ce n'est pas possible!

M. Beaumier: M. le Président...

Le Président (M. Gaulin): M. le député de Champlain.

M. Beaumier: ...est-ce que le député D'Arcy-McGee pourrait s'adresser au président? Ça serait bien, selon nos règlements, que le député de D'Arcy-McGee s'adresse au président.

Le Président (M. Gaulin): Oui, vous vous adressez à moi, M. le député de D'Arcy-McGee, s'il vous plaît. Oui, j'ai des demandes de parole. Ça va, allez-y, continuez, M. le député, en vous adressant au président.

M. Bergman: Je m'excuse, M. le Président, mais...

Le Président (M. Gaulin): Je vous en prie.

M. Bergman: ...je vous dis que les députés devant moi devraient vraiment avoir honte, honte de nous présenter un projet de loi de cette nature, un projet de loi qui est la preuve prima facie de l'ethnocentricité, de l'intolérance, un projet de loi qui va créer des divisions dans cette société.

Imaginez-vous, M. le Président, que, vous et moi, nous allons exercer un commerce. Vous allez avoir un commerce sur la rue Champlain; à côté de votre commerce, de votre petit magasin, moi, je vais avoir un magasin aussi. Imaginez-vous que nous ne sommes pas égaux. Les visites que, moi, je vais avoir, vous n'allez pas les avoir, que nous ne sommes pas des citoyens de la même classe au moment où cette loi est passée. Est-ce que vous pouvez me dire que nous sommes égaux, que vous bâtissez une société où les citoyens, ici, sont égaux? Nous ne serons pas égaux. Moi, je serai un citoyen de deuxième classe, deuxième classe.

Pour moi, oui, vous avez la majorité, dans cette commission, et vous avez la majorité dans l'Assemblée nationale, et je sais, à la fin, que, à moins qu'il y ait des députés qui vont se regarder dans le miroir puis qui vont prendre des décisions personnelles, que cette loi va passer. C'est facile pour vous de rire.

Le Président (M. Gaulin): Je ne ris pas, je regarde votre collègue de Jacques-Cartier qui me sourit, ce n'est pas la même chose.

M. Bergman: À mon avis...

Le Président (M. Gaulin): Il ne faut quand même pas nous prêter des intentions, M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Kelley: Oui, mais, M. le Président, je peux faire n'importe quoi, ce n'est pas de vos affaires, ce que je fais, honnêtement.

Le Président (M. Gaulin): Non, bien, si vous écoutez ce qui se passe, on vient de me dire que ça me faisait rire. Je ne faisais simplement que réagir à la salle. Alors, écoutez, on n'est pas de fer, on n'est pas de bois, même si on est président. Vous pouvez continuer, M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Bergman: Comme j'ai dit, avec toute probabilité, à moins qu'il y ait du sens, à moins qu'il y ait des députés qui auraient du sens, qui vont retourner à leur caucus puis qui vont expliquer l'injustice de ce projet de loi, ce projet de loi va passer à l'Assemblée nationale. Mais l'histoire va vous juger comme un parti qui détruit une société. Et le monde entier vous regarde et ne comprend pas. Moi, la semaine passée, j'ai eu la visite, à Montréal, d'un comptable d'un bureau international de comptables avec des bureaux partout dans le monde, et il travaille dans le domaine des logiciels. Et, moi, j'ai vu beaucoup les règles pour les logiciels, ici. Et il m'a dit, M. le Président, que les personnes ne veulent pas venir ici, que nous venons de perdre une grande entreprise, un grand commerce qui voulait venir ici, dans la province de Québec. Mais le monde ne veut pas venir ici pour travailler. Est-ce que vous êtes prêts à expliquer ça à la population dans un temps où on a du chômage, dans un temps où on a des difficultés économiques. Est-ce que vous êtes prêts à dire à la population les dommages que vous causez à cette population?

M. le Président, j'espère que, pendant la saison de Pâques qu'on va passer, peut-être du sens sera arrivé à ce gouvernement, le sens pour ôter cet article de ce projet de loi, l'article que nous étudions aujourd'hui. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Gaulin): Je vous remercie, M. le député de D'Arcy-McGee. Nous sommes toujours à l'article 167, j'ai encore deux demandes de parole. S'il y en a d'autres, on verra. M. le député de Champlain.

(16 h 50)

M. Beaumier: Oui, merci, M. le Président. J'ai écouté avec beaucoup d'attention les propos du député de D'Arcy-McGee et ceux du député d'Outremont aussi. Puis c'est vrai que c'est toujours émotif, cette dimension-là. C'est vrai, peut-être aussi, que c'est la journée du théâtre, je crois. Puis, je le dis très simplement, j'ai trouvé l'intervention très dramatique, très tragique. Celle du député d'Outremont peut-être d'un autre ordre, un peu plus comique, disons.

Mais, au-delà de ceci – parce que c'est important, le ton – j'aimerais dire simplement que j'ai bien entendu ce que disait le député de D'Arcy-McGee à l'effet qu'il y avait comme un genre de nostalgie – j'espère que ce n'est pas ça, mais je voudrais être bien clair – une espèce de nostalgie d'une époque qui est dans les années 1953, je crois, donc c'est avant, même, la loi 101, la Charte, notre Charte, c'est avant même la loi 22, même avant le Bill 63, à moins que je me trompe. Et, moi, je pense que, si c'était l'idée des propos du député de D'Arcy-McGee, de revenir à une situation sur laquelle personne, au Québec, que ce soit des individus, des mouvements, certainement pas, en tout cas, au niveau des partis politiques, ne voudrait revenir, une situation ante où... Justement, la Charte – dont l'auteur est ici présent – est devenue ce lieu de cohésion, de calme, de cohésion en ce qui concerne la société québécoise quant à la langue, ou quant aux langues aussi, hein? parce que les deux sont protégées.

Alors, moi, ça me fait un petit peu réfléchir de la façon suivante: Est-ce que l'objection qu'on aurait, dans une loi qui n'a comme objectif que de s'assurer qu'une Charte soit ou qu'une loi soit appliquée, qu'une loi soit respectée... Ce n'est pas plus. C'est un outil que nous avons actuellement. Bon.

Alors, est-ce qu'on remettrait en question l'essence même de la Charte? Est-ce qu'on pourrait s'imaginer que, comme facteur de cohésion ou de division... Qu'est-ce qu'il en serait si on revenait avant le temps où nous avons légiféré? À peu près tous les partis d'ailleurs ont légiféré pour retrouver une espèce d'équilibre, une espèce de sécurité pour tout le monde. Et j'espère que ce n'est pas ce que j'ai compris des propos du député de D'Arcy-McGee, parce que là c'est tout un autre débat et c'est...

M. Bergman: M. le Président?

Le Président (M. Gaulin): Vous parlez plus fort, M. le député de D'Arcy-McGee? Vous demandez quoi?

M. Beaumier: À m'interrompre.

Le Président (M. Gaulin): Bien, c'est-à-dire, je crois que c'est sur une question de règlement. C'est ça, M. le député? Alors, allez-y. Quel article?

M. Bergman: Sur l'article 35, l'alinéa 6°. Le député a imputé des motifs non raisonnables au député d'Outremont et au député de D'Arcy-McGee, en imputant des motifs indignes en disant qu'on fait du théâtre, ici. Je ne pense pas qu'on est ici, à 17 heures, juste avant la fête de Pâques, pour faire du théâtre. Je pense qu'on est ici sur une question très sérieuse et on ne fait pas de théâtre.

Le Président (M. Gaulin): Bien, j'en prends note. Je voudrais vous faire remarquer aussi... Si vous voulez qu'on soit strict, la présidence va l'être. Vous-même, M. le député de D'Arcy-McGee, vous avez dit quand même aux gens d'en avant qu'ils voulaient détruire la société. J'ai laissé passer. Alors, je pense que, si on veut être... Le ton était un peu plus léger, disons. C'est vrai qu'il a pris une teinte de tragédie en évoluant, cet après-midi. Alors, je pense que, si vous voulez, on va avoir une tolérance mutuelle, celle d'avant la loi, si la loi passe, si je crois certains propos. Alors, je vais essayer tout simplement de laisser les gens s'exprimer librement. On tient compte de votre observation, M. le député de D'Arcy-McGee. Alors, j'invite les députés à faire attention à notre article 35, dans la mesure où les susceptibilités seraient plus grandes à partir de maintenant. Je vous remercie.

M. Beaumier: Or, moi, M. le Président, je suis...

Le Président (M. Gaulin): Vous avez toujours la parole, M. le député.

M. Beaumier: Oui, je suis tout à fait – je vais terminer ici – d'accord avec la mise au point du député de D'Arcy-McGee, parce qu'elle s'applique de part et d'autre. Alors, moi, je suis prêt à retirer tout ce qui pourrait être blessant, sachant très bien d'avance qu'ils sauront retirer tout ce qui n'est pas correct aussi. Mais ceci dit, ça donne l'atmosphère qu'on a toujours dans ces choses-là.

Mais, ceci dit, c'est que, moi, je ne voudrais pas que l'exercice actuel en arrive à créer, chez nos citoyens, l'idée que la Charte que nous avons est une Charte qui, quand on l'applique, devient une Charte «divisive» chez nos concitoyens. Alors que tout le monde a essayé, puis avec un équilibre constant, un équilibre progressif aussi, que cette Charte-là, étant donné notre situation, devienne un facteur de tolérance, un facteur d'équilibre, et par le fait même un facteur de cohésion dans notre société.

Et, en ce sens-là – et je termine – si jamais des gens disaient: Bien, est-ce que nos citoyens ou nos citoyennes sont égaux? Oui. Les citoyens et citoyennes sont égaux, parce que... et ils sont égaux, parce que tout le monde... Et on l'est quand on respecte les lois, la loi fondamentale, en ce qui me concerne, de la Charte de la langue française, et quand on respecte aussi les lois qui s'assurent que les objectifs de cette Charte soient atteints. Alors, tous les citoyens sont égaux quand on respecte nos lois, la Charte et ce qui en découle. Et ça ne devrait pas, normalement, empêcher une population quelconque, de dormir. Merci.

Le Président (M. Gaulin): Je vous remercie, M. le député de Champlain. Sur une question de règlement?

Une voix: Non. Est-ce que je...

Le Président (M. Gaulin): Alors, Mme la députée de La Prairie.

Mme Simard: M. le Président, très succinctement, notre collègue député de D'Arcy-McGee a dit que nous devrions avoir honte. Je pense qu'en dramatisant... Et je pense que, oui, il y a dans son intervention une dramatisation de la situation qui m'inquiète énormément.

D'abord, lorsqu'il invoquait qu'il y a des gens qui ne dormiraient pas, je vais vous dire que, dans la société, nous avons une foule de lois et de règlements, dans tous les domaines, que la très, très grande majorité des citoyens et des citoyennes respectent. Mais ce n'est pas parce que la majorité de la société, la majorité des citoyens et des citoyennes respectent les lois et les règlements qu'il n'y a pas dans ces différentes lois et dans ces différents règlements un certain nombre de mesures pour s'assurer qu'ils seront appliqués, et un certain nombre de moyens et de ressources qui sont dégagés pour s'assurer, effectivement, que la minorité, et l'infime minorité, qui ne respecterait pas soit surveillée et avisée qu'il faut respecter.

Vous savez que c'est notamment un trait de civilisation que de se donner un certain nombre de codes, de règles, de lois avec un certain nombre de moyens pour les renforcer, pour les faire appliquer. Le danger, là, je le vois, c'est quand on décide de dramatiser une situation, qu'on décide de prêter des intentions, comme ça semble être le cas en disant que d'avance cela va être «divisif», que d'avance il y a une intention de traiter certains citoyens en citoyens de deuxième classe. Mais je regrette, la Charte, elle s'applique à tout le monde, les règlements s'appliqueront à tout le monde, et il n'y a pas deux catégories ou trois catégories ou quatre catégories de citoyens ici. Et, peu importe sa langue d'origine, peu importe où on est né, bien, cette Charte, elle s'applique et il n'y a personne qui a à se considérer... Et, si quelqu'un commence déjà à considérer qu'il est plus gardé à vue, c'est peut-être qu'il a quelque chose, qu'il a un problème avec la Charte au départ ou qu'il sait déjà qu'il ne l'applique pas. Est-ce que c'est qu'il y en a certains qui savent déjà qu'ils ne l'appliquent pas?

Le Président (M. Gaulin): Mme la députée de La Prairie, je vous demanderais aussi de vous adresser à la présidence, s'il vous plaît. Ça va être plus simple.

Mme Simard: Bon. Alors, M. le Président, il faut faire attention de ne pas... Si on veut effectivement éviter ce qu'on dit, la division de la société, je ne crois pas, sincèrement, que ce qui est proposé soit «divisif» pour la société québécoise. Mais je sais qu'on peut décider de le faire, qu'on peut attiser les divisions dans la société et que ça, ce n'est pas souhaitable. En tout cas, moi, je ne le souhaite pas, M. le Président, et je ne pense pas que ce soit l'intention, ici, que de diviser davantage la société québécoise.

Mais il y a une chose aussi qu'on sait, M. le Président, c'est que maintenant, depuis 20 ans ou presque 20 ans, depuis l'adoption de cette Charte, qui, Dieu merci, a été adoptée et qui a fait en sorte que le français n'a pas glissé davantage au Québec, on sait que certaines personnes, certains groupes de la société n'ont jamais accepté cette Charte. Alors, il ne faudrait pas, parce que fondamentalement on est en désaccord avec la Charte, à chaque fois que l'occasion se présente, tenter une fois de plus de renier, au fond, quelque chose qui est assez fondamental et qui est le fait – et d'ailleurs c'est le Parti libéral qui l'avait voté – de dire que le français, eh bien, c'est la langue du Québec, c'est la langue officielle du Québec.

Je ne veux pas là, M. le Président, dire que certains veulent revenir avant, dans une époque passée, dans les années cinquante... Et il faut faire attention de ne pas invoquer un certain nombre d'attitudes qui ont prévalu pendant des années et qui parfois étaient, bon, issues de la bonne foi des personnes mais qui, dans les faits, donc, étaient des attitudes un peu paternalistes à l'égard de l'utilisation du français et des francophones et qui, dans les faits, n'ont jamais fait avancer le français. Et ce n'est qu'au moment où on a décidé d'intervenir de façon législative qu'on a pu remonter la pente, si je peux prendre l'expression, et cesser le glissement du français dans son utilisation et dans sa qualité au Québec.

(17 heures)

Alors, si on n'a rien à se reprocher, si on considère que la Charte est une bonne Charte, qu'on veut se conformer aux dispositions de la Charte de la langue française, je ne vois pas en quoi on aurait à craindre la mise en place d'un certain nombre de mécanismes qui veillent à ce qu'elle soit respectée. En toute amitié, M. le Président, j'ai peur que, par des propos qui sont trop alarmistes, on suscite des divisions là où normalement elles n'existeraient pas.

Le Président (M. Garon): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Juste, M. le Président, quelques mots, là, pour réagir aux propos du député de D'Arcy-McGee, des propos qui se veulent un appel à la tolérance. Et je suis resté un peu surpris, quand même, là, d'entendre le député de d'Arcy-McGee nous dire qu'il y a une peur qui s'est installée et qu'on se réveillait durant la nuit, ou qu'on ne dormait pas, et qu'on se posait des questions, aussi, sur notre démocratie. Je pense que c'est sérieux, comme interrogation, là, quand on se questionne sur notre démocratie et notre façon de procéder.

Je pense aussi que notre histoire, parce qu'on nous a dit tantôt... Le député de D'Arcy-McGee, M. le Président, a dit que l'histoire nous jugerait. Bien, moi, je pense que, sincèrement, si l'histoire nous juge à partir de la Charte, écoutez, on va être très bien jugés. Et je ne pense pas que le député de D'Arcy-McGee puisse se questionner sur le jugement de notre histoire et en même temps aussi sur la tolérance que nous avons, comme peuple québécois, et sur le respect de la démocratie.

On a eu un référendum, il y a moins d'un an, ou à peu près un an, et le respect de la démocratie s'est exercé comme il s'exerce rarement dans les pays démocratiques. Et, pour ce qui est des leçons d'histoire et du jugement de l'histoire, je le répète, j'ai enseigné, j'ai étudié l'histoire durant... Je l'ai enseignée durant 20 ans; je l'ai étudiée pas loin de 20 ans. Écoutez, il y a des grandes leçons que notre histoire nous donne. Je ne pense pas qu'on va être mal jugés à partir de la Charte et de la loi n° 40, parce que ce qu'on veut, c'est seulement qu'elle soit respectée. Et on veut respecter la loi. On est loin du Serment du Test, là, M. le Président. Merci.

Le Président (M. Garon): Mme la députée de... Mme la ministre.

Mme Beaudoin: Mme la députée de Chambly. M. le Président, quelques mots à propos de ce qu'a dit, d'abord, le député d'Outremont. La seule chose qui me fait réagir, M. le Président, c'est que j'ai l'impression, des fois, que le député d'Outremont pense qu'on n'est pas allés à l'école, nous autres, qu'on n'est pas allés à l'université, parce qu'il nous cite abondamment tous ces brillants intellectuels. Il donne, donc, des leçons de sociologie. C'est vrai que je n'ai qu'une mineure en sociologie, en France d'ailleurs, à la Sorbonne, et puis plutôt une majeure en histoire. Mais enfin, je sais qui est Parsons; je connais le père de Foucauld, aussi; je connais...

M. Laporte: Je ne parle pas du père de Foucauld, moi.

Mme Beaudoin: C'est une blague, M. le député d'Outremont! Une blague qu'on vous a faite hier. On connaît Michel Foucault, quand même.

M. Laporte: Bien oui. Bien, alors, arrêtez de faire des blagues, des mauvaises blagues; des mauvaises blagues comme en fait le député de Bourget.

Une voix: Vous en avez fait tout l'après-midi.

Mme Beaudoin: Bien oui.

Le Président (M. Garon): Si vous voulez, à l'ordre!

Mme Beaudoin: M. le député d'Outremont a perdu le sens de l'humour entre 15 h 15 et 17 h 5, cet après-midi.

Le Président (M. Garon): À l'ordre. Chacun a le droit de penser ce qu'il veut.

M. Laporte: Ce n'est pas nous qui avons rompu la règle de l'humour. C'est vous qui avez tenu sur nous, sur moi...

Mme Beaudoin: Moi, ça?

M. Laporte: Madame, je ne m'adresse pas à vous.

Mme Beaudoin: Ah!

M. Laporte: M. le Président, je ne me m'adresse pas à la ministre.

Mme Beaudoin: Ah bon!

Le Président (M. Garon): Vous vous adressez à moi?

M. Laporte: Je m'adresse à vous, M. le Président. Mais vous étiez malheureusement absent. J'ai invoqué le règlement.

Le Président (M. Garon): Oui?

M. Laporte: On ne me fera pas passer pour un individu qui assouvissait ses besoins sadiques dans des fonctions officielles. Le député de Bourget... Ce n'est pas moi qui ai rompu la règle, M. le Président, la règle de... les bonnes moeurs.

M. Laurin: Question de règlement, M. le Président, on a mal rapporté mes paroles. Je n'ai jamais traité le député d'Outremont de sadique. J'ai dit qu'il pensait que les fonctionnaires étaient des sadiques, ce n'est pas du tout la même chose.

M. Laporte: Il faudrait revenir à la transcription.

M. Laurin: Oui, revenons-y.

M. Laporte: Oui, on y reviendra, si vous voulez. Je vais les faire sortir.

Le Président (M. Garon): Alors, Mme la ministre.

Mme Beaudoin: Alors, donc, tout simplement, ce que je veux dire au député d'Outremont, c'est qu'on connaît quand même un peu tout ça, là, et puis qu'on peut avoir des divergences, en effet, d'opinions sur l'ensemble de la question, mais ça ne veut pas dire qu'on n'est pas au courant.

Je veux quand même, bien sûr, dire quelques mots sur ce que le député de D'Arcy-McGee vient d'exprimer. M. le Président, ce dont il s'agit, c'est d'une loi, la loi 101 – je pense que la députée de La Prairie a bien expliqué les choses à cet égard – contre laquelle, je l'ai dit, le Parti libéral a voté dès 1977, à laquelle il s'est toujours opposé. Ce qu'on dit tout simplement, c'est que, comme tout autre loi, celle-ci doit être appliquée.

Je pense et je sais, M. le Président, que cette loi recueille un vaste consensus dans la société québécoise. Tous les sondages depuis 20 ans, toutes les expressions d'opinion... Et, vous le savez très bien, le Parti québécois en a été le porteur, bien évidemment. Elle a été amendée quand le Parti libéral était au pouvoir, mais enfin, l'idée même en quelque sorte d'une loi linguistique est demeurée. Et donc, une loi doit être mise en oeuvre et appliquée, elle doit faire l'objet de surveillance. Alors, ce dont il s'agit de discuter, c'est du moyen. Le moyen que nous avons choisi est différent.

D'ailleurs, quand j'entends les porte-parole de l'opposition, je ne sais pas trop à quoi m'en tenir sur la position officielle. Parce que le député d'Outremont nous dit qu'il voudrait que ça soit à l'Office de la langue française. Il reconnaît sûrement, puisque c'est la réalité, qu'en 1993, quand les pouvoirs de la Commission ont été transférés à l'Office, eh bien, les moyens ne lui ont pas été donnés visiblement, puisqu'il y a trois personnes qui ont été transférées à ce moment-là. Mais, quand j'écoute le député de D'Arcy-McGee, eh bien, j'ai l'impression – je peux me tromper – mais qu'il ne veut aucune application, aucune surveillance, que ce soit, donc, à la Commission de surveillance ou que ce soit à l'Office de la langue française. C'est le principe même de l'application de la loi, à moins que je me trompe, qu'il met en cause. Alors que le député de Jacques-Cartier, lui, il me semble entre les deux, si vous voulez, positions. Alors, je ne sais pas exactement, là, quelle est la position officielle du Parti libéral là-dessus.

Mais donc, pour moi, de la même façon que l'on contrôle et que l'on applique des lois concernant les consommateurs, concernant la sécurité au travail, c'est le même type de mandat et même de pouvoirs – et on y viendra, M. le Président – qui sont en cause. Et, moi aussi, je l'ai trouvée, bien sûr, assez dramatique, je l'ai écoutée attentivement, l'intervention du député de D'Arcy-McGee, mais il sait très bien que ce qui peut arriver, c'est une amende de quelques centaines de dollars, que c'est ça qui est en cause.

Il y en a un qui a voulu jouer au martyr, M. Galganov, cet été. Il aurait aimé être le premier martyr emprisonné. C'était tellement ridicule que ça ne s'est même pas rendu au premier but, si je peux dire, parce que ça s'est désoufflé complètement. Il n'y avait personne, il aurait reçu une lettre... D'ailleurs, son avocat a écrit à l'Office de la langue française pour dire – M. Julius Grey: Poursuivez-moi, ça presse, je peux être le premier martyr. Eh bien, on lui a répondu, à l'Office: Prenez votre numéro, monsieur, puisqu'il y a 3 400 plaintes, alors votre tour viendra. Et puis ça s'est désoufflé puis on n'en a plus entendu parler, puis je ne sais plus ce qui se passe. Mais, en tout cas, il faut voir quand même la réalité.

(17 h 10)

Et je termine plus sérieusement, M. le Président, en disant, donc, que c'est ça, là, ce qui est en cause, ce sont des amendes de quelques centaines de dollars au pire parce que ce sont, vous le savez, des lettres, ensuite un délai, ensuite une deuxième lettre, puis ensuite des discussions. Puis, quand on dit que l'Office de la langue française fait actuellement – et je veux bien le marquer, M. le Président – une campagne de promotion, justement, auprès des commerçants pour leur expliquer quels sont les tenants et aboutissants de la loi, pour les informer... Il y a une campagne de promotion intensive auprès des commerçants. Donc, l'approche... Oui, mais c'est un... Exactement, il y a une approche qui est double, ou triple même, par rapport à tout ça.

Je veux juste terminer en disant, très sérieusement, que ce n'est ni de la dictature ni de l'autoritarisme et que la preuve, M. le Président, c'est que les chartes – les chartes, je dis bien les chartes – canadienne et québécoise des droits et libertés s'appliquent et que, si un justiciable, M. le Président, trouvait une raison – puis il y en a qui l'ont quasiment déjà annoncée – pour trouver cette loi n° 40, quand elle sera adoptée, contestable, les tribunaux existent, M. le Président, les tribunaux existent. Nous sommes dans un État de droit, M. le Président, on ne peut pas laisser entendre ou laisser croire le contraire. Bon. Et c'est extrêmement important de le répéter.

Quant au jugement de l'histoire, M. le Président, je dois vous dire sincèrement, personnellement – ça m'a pris du temps à me faire élire, en effet, mais je fais de la politique quand même depuis 25 ans – que j'ai la conviction profonde... Parce que, si le député d'Outremont dit, prétend que, nous, évidemment, on n'a que de sombres desseins, bien sûr, qui nous animent, alors que, lui, c'est l'éthique de la responsabilité et l'éthique de la conviction... Je sens les choses de la même façon que lui, M. le Président. On peut avoir des convictions différentes, mais on ne peut pas prétendre que nous n'avons pas une éthique de conviction et une éthique de responsabilité. Personnellement, en tout cas, c'est comme ça que je vis ma vie politique, M. le Président, à 51 ans, et j'ai l'intention de la terminer sur le même mode, le plus tard possible. C'est tout.

Le Président (M. Garon): M. le député de Taschereau.

M. Gaulin: Oui, je vais parler très brièvement, M. le Président, mais je pense que... Vous savez, on pourrait se taire, écouter, laisser passer, voter les choses, mais la mémoire écrite dira que nous nous sommes tus à certains égards. Il y a eu des choses qui se sont dites, depuis le début de cette commission, moi, que je voudrais relever en partie. Je suis le député de Taschereau. Je suis le député du comté fondateur de la capitale. Je suis là où Champlain a fondé cette ville et ce peuple et ce pays, cette patrie, ce pays qui s'appelait le Canada, d'ailleurs, et je trouve que, si je me tais, c'est les pierres qui vont en parler. M. le député d'Outremont, on vous a écouté, écoutez-moi. Enfin, je devrais m'adresser au président.

Alors, tout à l'heure, justement, le député d'Outremont disait que, quoi qu'il dise, il fait front et face à la surdité. Je lui rappellerais, à cet égard, le poète Gaston Miron, qui demande, dans ses notes sur le non-poème et le poème: Sommes-nous coupables de tant de surdité, la même, grégaire? Sommes-nous coupables de tant de cécité, la même, grégaire? Alors, on pourrait se demander, à partir de là: Qu'est-ce qui est en présence dans cette loi que nous avons devant nous, dans cette loi n° 40?

On nous a parlé, depuis le début – et puis c'est un discours très ancien, statu quo ante, comme disait le député de Champlain, un discours très ancien – de la bonne entente, hein. On a, à Québec, le boulevard de la Bonne-Entente, on a la rue des Braves, on a enterré les ossements des mêmes gens sous le même monument. On nous parle de fraternité, on nous parle de convivialité, mais je pense que ce qui est en présence ici, ce n'est pas ça. Moi, j'ai des compatriotes que j'estime. Tout à l'heure, le député de Jacques-Cartier disait qu'il aimait le Québec, j'en suis très heureux, ce n'est pas ça qui est en présence.

Je pense que je l'ai dit à cette commission, à un moment donné, que ce qui est en présence, c'est la confrontation de deux langues sur un même territoire. C'est ça qui est en présence ici et c'est ça qui fait qu'il y a une loi. Si nous étions un pays souverain, il n'y aurait pas de loi, il n'y aurait pas de loi 101, il n'y aurait pas de loi n° 40, c'est ça qui fait la loi. Et, s'il y a une loi, ce n'est pas parce qu'on veut chercher des coupables, ce n'est pas parce qu'on veut envoyer les inspecteurs, c'est parce qu'il y a une loi qui n'est pas observée, qu'il y a toujours, à Montréal, des gens qui ne comprennent pas la langue de communauté, qui sont venus nous dire, au mois d'août, qu'il n'y avait pas de langue de communauté. Alors, je pense que c'est ça qui est en présence ici.

Moi, je refuse l'intolérance. On nous a, à un moment donné... C'était le député de Chomedey qui a parlé d'intolérance, et je répondais: La seule intolérance que je refuse, c'est d'être un citoyen de deuxième zone, justement, parce que, dans le pays qui est le même, pour le moment, que celui du député de D'Arcy-McGee, moi, je suis un citoyen de deuxième zone, en tant que Québécois, en tant que Canadien français, et c'est ça que je refuse. Et je pense qu'il y a, ici, une langue qui veut se vivre et un peuple qui veut se vivre dans sa langue. Nous voulons vivre l'Amérique en français, et c'est ça qui est en cause.

La loi qui est là, si elle est là, c'est parce qu'il y a un certain nombre de compatriotes qui nous disent qu'à Montréal, même si les indicateurs pourraient nous indiquer pas tout à fait la même chose, parce que je sais que le député d'Outremont va revenir là-dessus... Il y a des indices, un peu comme ceux qui sont particulièrement attentifs, il y a des indices qui nous montrent que la langue française risque d'être en régression. Et je pense que c'est ça qu'on veut éviter. Et on veut tout simplement donner des moyens techniques: pas faire une guerre de police, pas aller faire les magasins et les commerces de l'un à l'autre, comme on le laisse entendre, mais tout simplement, même dans la convivialité – puisqu'on invoque cette convivialité – rappeler à certains commerçants et commerçantes que ce qui est là n'est pas conforme à la loi, tout simplement.

Alors, je pense que c'est ça qui veut être fait, par cette loi-là. Ce n'est pas la logique du soupçon, comme le disait le député d'Outremont, la logique de l'inspection, le 0,4 % d'idéologues auxquels il faisait allusion et dont nous ferions partie, nous – nous serions nombreux dans ce 0,4 % là – le danger «monitorisé», comme il disait. Et je pense qu'on joue beaucoup, depuis le début de cette commission, sur notre culpabilité. On sait que c'est notre arme faible. C'est le député d'Outremont qui me disait d'ailleurs récemment que la culpabilité était toujours notre talon d'Achille. Alors, il a joué beaucoup là-dessus. Il nous a rappelé notre vieux syndrome catholique qui ferait qu'on se sentirait coupable de vouloir tout simplement parler notre langue. Moi, je ne me sens coupable d'aucun mal en voulant me vivre et m'affirmer en français.

Le député d'Outremont, d'ailleurs, tantôt, puisqu'il nous rappelle à une modération de ton, a parlé de la maladie canadienne- française qui était la nôtre. Je regrette de lui dire que, moi, ça fait longtemps que je ne suis plus Canadien français. Je suis Québécois, je fais partie d'une province qui aspire à devenir un pays, et la «canadienne francitude», qui est pour moi une notion littéraire, je l'ai laissée dans son ère des années 1840 à 1960, sous la vague, d'ailleurs, de l'ultramontanisme qui a marquée l'histoire et la littérature du Québec. D'ailleurs, je trouve ça curieux que le député d'Outremont, à cet égard, soit un Ultramontain...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gaulin: Alors, moi, je ne joue pas sur la culpabilité. Vous savez, d'entrée de jeu, ici, le député de Chomedey nous a dit qu'il faisait partie de la petite minorité de gens qui, à l'époque, étaient dans la fonction publique. Nous n'avons jamais interdit à nos compatriotes anglophones d'être dans la fonction publique. Nous avons respecté leur choix de plutôt préférer la fonction publique outaouaise, ce qui est parfaitement leur droit, mais je pense que notre fonction publique est ouverte à tout le monde.

Alors, je pense que, M. le Président, moi, je ne veux plus qu'on continue de jouer sur la tirelire ou jouer sur la sérénade pour essayer de nous culpabiliser face à une loi. On va essayer qu'elle soit la plus humaine possible, mais je pense qu'elle est tout à fait légitime. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Garon): M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Bergman: Merci, M. le Président. J'aimerais prendre quelques moments de votre temps pour répondre à quelques commentaires qui ont été faits. Je pense que c'est le député de Champlain qui disait que je voulais retourner en 1953. Vraiment, non, les années de ma jeunesse, oui, j'aimerais retourner aux années de ma jeunesse...

Une voix: 1853.

Des voix: Ha, ha, ha!

(17 h 20)

M. Bergman: Mais oui, pour répondre au député de Champlain et à la ministre, j'aimerais retourner à la loi n° 86, au moment où nous avons eu la paix de la langue, ici, au Québec, les années du mouvement libéral où il y avait la paix de la langue.

Et, moi, je comprends mal, dans un moment tellement difficile pour la population, où on a tellement de chômage, tellement de personnes qui ont des difficultés pour avoir des soins dans les hôpitaux, tellement de difficultés dans la section de l'éducation, que c'est une préoccupation de ce gouvernement, vraiment pour semer la division de la langue et après pour prendre tellement de temps de cette Assemblée pour avoir des discussion interminables sur la langue. Peut-être que la raison, M. le Président, c'est que ce gouvernement n'a pas de solution dans les autres préoccupations qui affectent notre société québécoise, et, pour moi, c'est un grand dommage, une grande perte pour toute la société québécoise d'avoir un gouvernement qui ne passe pas son temps à essayer de créer des emplois mais qui passe son temps à créer des divisions.

Il y avait aussi le député de Champlain qui a parlé de mes remarques sur les personnes qui sont inégales, ou c'était la députée de La Prairie. Moi, je dis que le fait que les personnes respectent la loi ne les fait pas égales. La loi même que nous créons, comme Législature, ici, à l'Assemblée nationale, peut créer des distinctions entre personnes, peut créer deux classes de personnes. On peut créer des lois qui créent ces divisions. Alors, le fait que toute la société doit respecter un projet de loi ne dit pas que la loi est parfaite. Et le point que je faisais: la loi qu'on est en train de rédiger ici crée des inégalités, crée des classes différentes dans notre société.

Aussi, c'était la députée de La Prairie et la ministre qui emploient deux fois le mot «surveiller» et «surveillance», et c'est juste le point que je voulais faire, M. le Président. C'est la question de surveillance, la question de droit de regard et la question des tensions qui seraient créées sur une population quand la ministre même vient d'admettre qu'il y aurait de la surveillance. Et je trouve ça inacceptable. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Garon): Merci. Alors, est-ce que... M. le député de Champlain.

M. Beaumier: ...dans mon intervention. Je m'excuse, c'est que le député de D'Arcy-McGee faisait allusion à une visite qu'il avait eue d'un investisseur potentiel. Je pense que ce serait très intéressant de mettre cet investisseur en relation avec nos ministères ou par le biais, peut-être, du député aussi de D'Arcy-McGee parce que je pense qu'il verrait très bien que nous avons, avec nos nouveaux budgets, toutes sortes d'outils qui pourraient faciliter l'investissement, et je suis sûr que M. le député de D'Arcy-McGee s'est fait l'ambassadeur certainement du Québec auprès de cet investisseur.

J'avais oublié ça dans mon intervention tantôt. C'est l'aspect très positif de la chose.

Le Président (M. Garon): Est-ce que l'article 167 est adopté?

Une voix: Sur division.

Le Président (M. Garon): Nous passons à l'article 168.

Mme Beaudoin: Article 168, M. le Président: «168. Toute plainte doit être faite par écrit; elle indique les motifs sur lesquels elle se fonde ainsi que l'identité du plaignant. La Commission prête assistance au plaignant dans la rédaction de sa plainte.»

M. le Président, juste quelques commentaires. Cet article précise donc la procédure et la forme applicables pour une plainte faite devant la Commission. La Commission prêtera assistance au plaignant dans la rédaction de sa plainte. Il apparaît préférable, tout comme sous l'ancienne Commission, de ne pas accepter de plainte verbale. D'ailleurs, en vertu de l'article 118.1, les demandes de vérification faites à l'Office de la langue française devaient, elles aussi, être présentées par écrit.

En 1977, la Charte précisait que l'identité d'un requérant ne pouvait être divulguée qu'avec son autorisation expresse. Les modifications apportées en 1993 ne reprenaient pas ce principe étant donné que la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels protège l'identité d'une personne physique ayant formulé une plainte.

Quant à l'identité des personnes morales, il n'y a pas lieu, ici, d'en protéger la confidentialité. Les lois relatives à la protection des renseignements personnels ne protègent d'ailleurs pas l'identité des personnes morales. D'autres lois au Québec exigent aussi que les plaintes se fassent par écrit, par exemple la Charte des droits et libertés de la personne, etc.

Ce sont mes commentaires, M. le Président.

Le Président (M. Garon): Est-ce que l'article 168 est adopté?

M. Laporte: M. le Président, si vous me permettez...

Le Président (M. Garon): Oui. M. le député d'Outremont.

M. Laporte: ...j'aimerais continuer mon travail de déconstruction de la loi n° 40. Je dois le dire, M. le Président, mais vraiment, là, avec calme et sérénité, mon travail n'est pas un travail de... Je ne suis pas en train de faire des procès d'intention, là. Je suis en train de faire une critique d'un projet de loi, et en particulier de faire une critique de l'appareil bureaucratique et des conséquences perverses que ce projet de loi veut créer. Je ne suis pas en train de faire des procès d'intention de fonctionnaires. Je suis en train de déconstruire la loi n° 40 pour faire la preuve de ce qui doit être fait.

Et j'en profite pour clarifier la pensée de l'opposition à l'égard de la présidence et de la ministre, M. le Président. Ce que l'opposition pense, c'est que la loi n° 40 et la Charte de la langue française, dans la structure qu'on veut lui donner actuellement et dans certains aspects de la structure qu'on lui a donnée antérieurement, est une mauvaise loi. Que ce soit très clair, c'est ça, ce que je dis, là. C'est ça, mon message. Je ne suis pas en train de dire qu'une loi ne doit pas être appliquée. Je ne suis pas en train de dire que les meilleurs intérêts de la langue française ne devraient pas être défendus. J'ai consacré 25 années de ma vie à le faire. Je me suis joint au Parti libéral parce que j'étais fort conscient que le Parti libéral partageait mes convictions. Ce n'est pas du tout ce qui est en jeu.

Ce qui est en jeu, c'est une version d'une loi linguistique dont certains aspects, et en particulier ce que l'on discute aujourd'hui, sont des aspects mauvais. Ce sont des aspects qui sont, de façon inopportune, ajoutés à la législation, et c'est sur ça que la critique porte, pas sur les intentions de fonctionnaires, les comportements de fonctionnaires, les intentions des personnes d'en face.

La ministre me prête des propos que je n'ai pas tenus. Je ne suis pas de ceux qui disent aux autres quelles devraient être leurs couleurs, n'est-ce pas: Devriez-vous pratiquer l'éthique de conviction ou l'éthique de conséquence? Je vous dis mes couleurs. Vous pratiquerez les couleurs que vous voudrez. J'ai depuis longtemps cessé de faire la leçon, M. le Président.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Laporte: Je ne suis pas un ancien maître d'école et je n'ai surtout pas l'intention de le devenir à l'occasion de cette commission-là. Je ne fais pas à personne la leçon. Je ne dis pas à personne ce que devrait être sa façon de se comporter. J'exprime le plus clairement, le plus calmement mais aussi le plus théâtralement possible – puisqu'il s'agit, disons, d'un style qui n'est pas sans porter fruit, jusqu'à un certain point, n'est-ce pas – une pensée. Comme disait Chomsky, lorsque je pense...

Une voix: Je suis.

M. Laporte: ...ne me demandez pas pourquoi je pense, je vous dis tout simplement ce que je pense. Voilà! C'est une question d'authenticité. Donc, il faut vraiment, là, comme je l'ai fait hier, au moment du début de la commission, établir clairement ce que sont nos références, ce que sont nos motifs et ce que sont les convictions et valeurs qui nous inspirent.

Je voudrais aussi mentionner, M. le Président, parce que c'est pertinent pour l'article 178... Il faudrait tout de même arrêter, M. le Président, d'essayer de faire accroire à je ne sais trop qui que la stigmatisation de la Commission de protection de la langue française qu'on dénomme «police de la langue» est le résultat d'un processus dont les agents sociaux ne sont pas répandus, présents de part et d'autre des frontières linguistiques.

(17 h 30)

Mon collègue de Jacques-Cartier l'a dit hier, nous l'avons vu en commission parlementaire, l'expression «police de la langue» est maintenant utilisée dans notre société de tous les côtés de la frontière linguistique, et la stigmatisation, c'est fait par des agents qui sont à la fois nos frères et qui sont à la fois nos concitoyens. Donc, la question qui se pose maintenant, c'est vraiment celle de savoir: Pourquoi ce processus de stigmatisation? Je vous l'ai dit tantôt; je ne vous le répéterai pas. La dynamique du processus réside dans le texte d'une loi, d'une part, et dans le «métatexte» de la loi, d'autre part; j'y reviendrai tantôt, sur les idéologies qui animent ce projet-là.

Donc, qu'on ne vienne pas nous dire que nous avons stigmatisé la... Cessons de faire des attributions de ce genre-là. Agnès Gruda, les éditorialistes, les gens qui sont venus nous voir, les gens qui sont venus en commission parlementaire, partout cette expression-là a été véhiculée et partout cette expression qu'on véhicule est évidemment une expression d'opprobre, de mépris, de rejet, un stigma. Ce n'est pas moi qui l'ai créé, le stigma. C'est ceux qui ont été responsables de la construction de l'organisme dont on parle maintenant.

Je m'adresse au président. Que la ministre soit là ou pas, ça n'a pas beaucoup de conséquences pour moi, puisque, de toute façon, elle ne m'écoute pas quand elle est là. Alors, voyez-vous, il n'y a pas de problème, quoi. Les absents, ça ne fait pas grand différence. Si vous voulez qu'on ne parle pas des absents, n'en parlons pas.

Troisièmement, M. le Président, et c'est très important dans la discussion que je vais faire de l'article 168, là, j'entendais la ministre dire qu'il y aurait un partage, ici-bas, entre ceux qui veulent appliquer et ceux qui ne veulent pas appliquer la loi. Mais la question n'est pas là. La question n'est pas de savoir si on se partage entre ceux qui veulent appliquer et ceux qui ne veulent pas. La question est de savoir... Le partage se fait dans la conception qu'on se fait du comment de l'application.

L'opposition n'a rien, mais rien, mais rien dit, jusqu'à maintenant, qui puisse la faire soupçonner, qui puisse, disons, faire qu'on interprète sa critique pour dire qu'elle souhaite que cette loi ne soit pas appliquée. Je l'ai appliquée, cette loi, M. le Président, et, à l'époque où le gouvernement libéral était là, la loi a été aussi appliquée. Qu'on nous reproche de ne pas avoir mis 42 personnes à l'Office pour remplacer la Commission... On aurait peut-être dû en mettre davantage. Si j'avais été responsable, à ce moment-là, j'en aurais probablement mis davantage. Mais on aura peut-être l'occasion, de toute façon, si la loi était appliquée telle qu'on veut, d'en mettre davantage, du personnel. S'il y a un besoin de personnel, personne ne s'objectera à ce que ce personnel-là soit là, soit confié, soit attribué.

Donc, la question n'est pas de se partager entre ceux qui sont bons puis ceux qui sont méchants, ceux qui veulent appliquer puis ceux qui ne veulent pas. Le partage se fait sur la conception du comment, et je vais essayer de vous démontrer, M. le Président, par un bref examen de l'article 168, que, sur le comment, cette loi comprend, contient de remarquables défauts.

Oh! j'aurais bien voulu aussi faire, peut-être, un commentaire sur les propos qu'ont tenus le député de Champlain, d'une part, et la députée de La Prairie, d'autre part. Je vais être très bref. Au député de Champlain, je dirai: Le gouvernement et ceux qui parlent en son nom et ceux qui parlent au nom de ceux qui parlent en son nom pourront affirmer, réaffirmer que cette loi est un lieu de cohésion; ce n'est pas vrai, M. le Président. Cette loi, si elle est un lieu de cohésion dans certains de ses aspects est aussi un lieu de création de l'acrimonie.

Si vous ne voulez pas le voir, si vous ne voulez pas le constater, si vous ne voulez pas l'accepter, si vous souhaitez jouer à l'autruche, ça vous regarde. Mais il est incontestable que la loi 101, dans sa version actuelle et dans ses versions antécédentes, ait créé de l'acrimonie. Ce que j'ai dit, c'est que cette acrimonie est en train de miner la qualité de nos vies, de notre vie, de nos vies communautaires et que, comme le disait si éloquemment le député de D'Arcy-McGee, ça amène des gens à s'interroger sur l'opportunité de prendre une décision de venir ou ne pas venir au Québec. L'acrimonie, il n'y a rien de plus destructeur que d'être plongé dans une ambiance d'acrimonie, et j'ose espérer que ce n'est pas du tout l'ambiance qui existe ici.

Moi, je n'ai d'acrimonie à l'égard de personne, je ne me sens pas persécuté. Je vous dis tout simplement ce que je pense et j'essaie de conduire une critique dure mais une critique vraie, néanmoins, de la version que vous nous proposez de la Charte de la langue française.

Venons-en, M. le Président, à l'article 168. Pour ce qui est de la députée de La Prairie, eh bien, j'attendrai qu'elle nous revienne pour lui faire mes commentaires.

M. Gaulin: M. le Président, point de règlement. Ça fait deux fois que le député d'Outremont fait allusion à l'absence ou à la présence de députés, ce qui est contre nos règlements.

M. Laporte: Eh bien, M. le Président, je le regrette, et j'aurai donc appris encore une chose de plus dans mon travail de parlementaire. Merci, M. le Président. L'article 168, la ministre nous l'a lu tantôt, dit: Une plainte doit être faite par écrit. Eh bien, ce que la ministre nous a dit, c'est qu'elle ne souhaitait pas que la Commission traite des plaintes faites oralement. Je pense que, sur ça, on peut s'entendre. En d'autres mots, ça fait partie un peu du sens commun qu'il nous reste, à savoir que, si quelqu'un décide d'appeler le président de la Commission pour se plaindre, le président de la Commission ne se lance pas à l'attaque du contrevenant à la suite d'un événement pareil, évidemment. Les téléphones de la Commission vont devenir complètement surchargés de personnes qui vont passer les huit heures du jour durant lesquels la Commission opère à se plaindre par le téléphone et à la rendre active. Évidemment, ce n'est pas le bon sens. C'est le sens commun qui parle ici, on ne peut pas être en désaccord avec le sens commun.

Mais ici, il y a par ailleurs une chose qui me paraît douteuse. On dit: Elle indique les motifs sur lesquels elle se fonde. Mais, M. le Président, pourquoi parle-t-on de motifs plutôt que de parler de faits? Qu'est-ce qu'on en a à faire avec les motifs de la plainte? Qu'est-ce qu'on en a à faire avec cet examen des motifs? Sommes-nous au confessionnal, M. le Président? Ce que la Commission devrait pouvoir constater, vérifier, examiner, valider, accepter et rejeter, ce ne sont pas des motifs, mais des faits, quels sont les faits. Il n'en est pas question dans la loi, il n'en était pas question dans l'autre, on est toujours en train de faire des processus de vérification de motifs. Ça fait vraiment partie de... C'est une des composantes de l'idéologie qu'on essaie de déconstruire lentement, c'est-à-dire d'une idéologie de surveillance où tout un chacun, finalement, est soupçonné dans ses motifs. Moi, ce que j'aimerais, c'est que la loi dise: Elle indique les faits sur lesquels se fonde la plainte, «what are the facts».

Lorsque j'étais président de la Commission de protection de la langue française, j'ai consacré beaucoup de mon temps à aller vérifier sur place les plaintes, la validité, le bien-fondé des plaintes qui m'étaient présentées, qui étaient présentées à la Commission. Si la loi avait prévu que des faits nous soient présentés, ça m'aurait probablement coûté beaucoup moins cher de frais de taxi. Les faits, M. le Président, pas les motifs. Les motifs, c'est... Ça n'a rien à voir ici avec les motifs. Si on veut demander pourquoi, si on veut demander quels sont les motifs, on dirait: Écoutez, moi, je vous dis, je vais vous en donner un, motif, c'est-à-dire que...

On va me dire, encore là, qu'il s'agit d'une expression juridique. Mais qu'est-ce que j'en ai à foutre, moi, des expressions juridiques? Je vous dis: Ce qui est important dans une enquête, c'est qu'il y ait des faits. Qu'on nous présente que la Commission ait comme mandat de s'interroger sur des faits et non sur des motifs. Si on veut qu'elle s'interroge aussi sur des motifs, on peut le dire, mais il faudrait au moins qu'on mentionne qu'elle s'interroge sur des faits.

(17 h 40)

On dit ensuite, dans cet article, qu'elle indique, la plainte en question, l'identité du plaignant. Et bien, écoutez, l'identité du plaignant, ça veut dire quoi? Ça veut dire son numéro de téléphone, ça veut dire son adresse, ça veut dire sa profession? On est dans une commission parlementaire, M. le Président, sur la carte d'identité. On réfléchit à la notion d'identité. Ça reste, ici, dans le contexte de cette loi n° 40, comment dirais-je, un terme qui demeure assez ambigu. Jusqu'où allons-nous aller dans le besoin d'établir l'identité? Mais enfin, je ne sais pas ce qu'on veut dire par l'identité, mais ça ne serait peut-être pas une mauvaise chose qu'on nous le dise.

Une chose qui n'est pas mentionnée, dans cet article 168 et qui est importante, M. le Président, c'est qu'il ne nous dit pas si la Commission agira sur des plaintes individuelles ou si elle agira comme elle a agi sur des paquets de plaintes. Qu'arrive-t-il de l'activiste linguistique qui vient déposer au bureau de la Commission 300 plaintes? Les unes étant, disons, contenant des faits, des motifs... Il y aurait peut-être lieu de faire une réflexion tactique, ici, de la part de la ministre, M. le Président, et de se demander comment la Commission va gérer ces deux types de plaintes: la plainte que je peux faire en tant que citoyen vexé, que citoyen offensé, que citoyen soucieux de la santé de la langue, à l'effet qu'un petit commerçant, une entreprise, une grande entreprise déroge à la loi 101, et, disons, l'amoncellement de plaintes que je peux, d'abord, ramasser, recueillir, les unes à une certaine date, les autres à une certaine date, de sorte que la Commission va se mettre à aller sur place pour vérifier des plaintes qui ont déjà été corrigées, faute d'une expertise convenable, suffisante. La question n'est pas posée.

Mais il y a pire, M. le Président. L'article dit: La commission prête assistance au plaignant dans la rédaction de sa plainte. Et bien, j'en conviens, M. le Président, que, dans un rapport d'aide avec le plaignant, la Commission peut lui prêter assistance dans le but de lui permettre d'établir les faits, les motifs. Mais, M. le Président – la ministre devrait m'écouter là-dessus parce que je ne le répéterai pas, mais je pense que c'est important, ce que je dis – si la Commission – et là on se met dans la déconstruction idéologique – assiste les plaignants, la question que je vous pose, M. le Président, c'est: Quelle assistance la Commission, dans le cas où la plainte est infondée ou non fondée, procure-t-elle aux citoyens à qui on a attribué un comportement déviant et dérogatoire, sans fondement?

Ça revient à dire, M. le Président, ce que j'ai répété à maintes et maintes reprises, que cette loi, en cette commission, fonctionne à l'idéologie d'adversité plutôt qu'à l'idéologie partenariale. J'en ai vu, de ces personnes, M. le Président, qui ont fait l'objet d'une vérification de la part des enquêteurs de la Commission et qui, suite à une vérification qui révèle que la plainte est infondée et non fondée, ont souffert d'un certain sentiment d'inconfort. On a mis, en fait, en question leur loyauté, leur bon comportement de citoyen. Qu'allons-nous faire pour assister ces personnes à faire le deuil d'une attribution de déviance qui ne repose sur rien?

Dans une conception partenariale des rapports d'un organisme public avec sa clientèle, la fonction d'assistance devrait s'exercer à la fois à l'égard de ceux qui se plaignent et à l'égard de ceux dont on se plaint, dans le cas où ce dont on se plaint est sans fondement. C'est grave, M. le Président, moi, j'en ai rencontré... Écoutez, c'est grave. On se présente chez moi, je suis un petit commerçant, il y a une personne qui souvent est, disons, défectueuse du regard ou passionnée ou...

Le Président (M. Garon): En conclusion, M. le député.

M. Laporte: La conclusion, M. le Président, c'est que... Il me reste combien temps, M. le Président?

Le Président (M. Garon): Il n'en reste plus.

M. Laporte: La conclusion, M. le Président, c'est que cet article 168 contient des défectuosités évidentes et que ce n'est pas par négativisme, comme certains voudraient nous le faire croire, qu'on s'oppose à cet article, mais parce que, à la suite d'un examen rationnel, on en vient à la conclusion qu'un bon article 168 devrait être inspiré, devrait se fonder sur les modifications que j'ai mentionnées, les faits et les rapports d'assistance à la fois avec les plaignants et avec les citoyens jugés en dérogation dans le cas où ce jugement est non fondé.

Le Président (M. Garon): Je vous remercie. Est-ce que l'article 168 est adopté?

Mme Beaudoin: Non, M. le Président. J'ai quelque chose à dire.

Le Président (M. Garon): Ah! Mme la ministre.

Mme Beaudoin: Je veux juste répondre, M. le Président, avec votre permission, au député d'Outremont, je vais lui lire l'article 118.2, adopté par le gouvernement libéral en 1993 et qui se lisait comme suit: «Une demande doit être faite par écrit et indiquer les motifs – M. le Président, non pas les faits; nous avons donc recopié ce que le gouvernement libéral, dans sa générosité, dans sa justesse...

M. Laporte: C'est ça, l'autre façon de gouverner?

Mme Beaudoin: ... – ah bon! alors, c'est ça – et l'identité d'un ou des requérants.» L'article 118.2, adopté en 1993. Voilà, c'est ça qui était ma conclusion.

M. Laporte: M. le Président, est-ce que je peux...

Mme Beaudoin: Non, plus de temps.

M. Laporte: On y reviendra.

Le Président (M. Garon): M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Bergman: Merci, M. le Président...

Mme Beaudoin: Ça devait être bon, c'est vous autres qui l'avez fait.

M. Laporte: Non, madame, nous n'avons pas fait que de bonnes choses.

Le Président (M. Garon): Non. À l'ordre, s'il vous plaît! Parce que le député de D'Arcy-McGee a la parole.

M. Bergman: J'aimerais, en faisant un commentaire à cet article, porter à l'attention de cette commission encore... Si on regarde l'article, des plaintes peuvent être faites par écrit par n'importe quel citoyen. Et je vous demande, car le député de Champlain, dans mon intervention pour l'article 167, a dit que cette loi ne crée pas de division dans notre société... Je prétends que cette loi crée des divisions, crée des inéquités, crée des craintes entre citoyens. Et quand...

M. Beaumier: M. le Président, article 212, s'il vous plaît.

Le Président (M. Garon): Oui.

M. Beaumier: Je voulais juste préciser. C'est parce que ce n'est pas ce que j'ai dit. Moi, j'ai dit que la Charte de la langue française était une loi qui était de cohésion et qu'elle n'était pas «divisive» et, deuxièmement, que les lois qui sont pour l'appliquer ont le même objectif, de ne pas être «divisises» non plus. Alors, c'est ça que j'ai dit exactement.

(17 h 50)

M. Bergman: M. le Président, est-ce que je peux demander au député de Champlain s'il ne pense pas que le chapitre III qu'on est en train d'étudier ne va pas créer des divisions entre voisins, des divisions entre amis et divisions entre familles. Et est-ce qu'il peut m'expliquer le deuxième alinéa de l'article 168, où on incite la population, on incite les personnes à faire des plaintes contre leurs voisins.

Si on donne l'exemple, il y a deux personnes qui ont un recours entre eux autres dans la cour civile dans une autre matière... On sait que maintenant devant les cours de cette province, et c'est normal, on a des causes pour beaucoup de raisons, dans la cour civile, et je ne sais pas combien de causes sont en train d'être entendues, M. le Président. Et, disons, dans une cause en particulier, il y a un problème, on peut prétendre qu'un citoyen peut nuire à son voisin, peut nuire à un groupe de personnes, peut nuire à une communauté en faisant inspection lui-même.

Comment pouvez-vous donner à n'importe quelle personne le droit de faire des plaintes sans être instruite dans la loi, sans savoir tous les faits de cette loi-là? J'aimerais demander si le député de Champlain pourrait me répondre. Comment peut-on prétendre que cet article qu'on étudie maintenant ne va pas créer des divisions entre voisins, entre citoyens dans notre société?

Avant de continuer, je vous demande, M. le Président... J'aimerais avoir la chance d'écouter mon collègue de Champlain sur cette question.

Le Président (M. Garon): Mais c'est la ministre qui répond, au niveau du gouvernement, parce que c'est un projet de loi du gouvernement. Ce n'est pas un projet de loi du député de Champlain.

M. Beaumier: Je pourrais répondre, M. le Président. Mais après, si tel est le cas, j'aurais une réponse très exacte.

M. Bergman: C'est important qu'on essaie de résoudre cette question et j'aimerais avoir l'opportunité, dans le peu de secondes qui nous restent... Alors, sinon, on continue.

M. Beaumier: Est-ce que le député de D'Arcy-McGee... Je lui repose une question à sa question, est-ce qu'il trouve «divisif» le fait qu'une loi soit appliquée? Prenez, par exemple, dans le cas de l'environnement, c'est le principe même de la loi de l'environnement de faire en sorte que tous les citoyens se doivent d'être responsables de l'application ou de faire en sorte que les objectifs de la loi soient atteints.

Alors, ce n'est rien de nouveau en ce qui nous concerne, et je reprends les paroles du député d'Outremont qui disait que c'était l'affaire aussi de tout le monde que le respect de cette Charte. Si c'est l'affaire de tout le monde, c'est l'affaire de chacun. Voilà.

M. Bergman: Bon. Je continue. Sachant les tensions qu'il y a avec l'aspect de ce projet de loi, sachant les tensions de la crise linguistique qu'on a vécue pendant les derniers mois à cause de ce projet de loi, je prétends que cet article incite des personnes de mauvaise foi, des personnes qui veulent nuire à leurs concitoyens à créer une division en faisant, comme la ministre elle-même l'a dit, de la surveillance de la part de leurs voisins, de la surveillance de la part d'un quartier en particulier et de la surveillance en raison d'un groupe de personnes en particulier.

Alors, moi, je suis très, très mal à l'aise et j'aimerais, avant de continuer, écouter la ministre sur cette question, car je pense que c'est un grand danger, dans une société, de donner un pouvoir tellement large à la population de faire ce type de surveillance en raison d'appliquer une loi. Alors, peut-être, dans les quelques moments qui restent, que la ministre peut m'expliquer.

Mme Beaudoin: M. le Président, je pense qu'on va discuter de ça à l'article 169, là. Alors, il y a l'article 168 et l'article 169 qui traitent de ça. Et puis je n'ai rien d'autre à ajouter. Je pense que le député de Champlain a très bien répondu et je ne pourrais pas faire mieux moi-même, M. le Président.

Le Président (M. Garon): Alors, est-ce que l'article 168 est adopté?

Une voix: Oui. Sur division.

Le Président (M. Garon): Alors, nous passons à l'article 169.

Mme Beaudoin: «169. La Commission doit refuser d'agir lorsque la plainte est manifestement non fondée ou de mauvaise foi.

«Elle peut refuser d'agir si le plaignant dispose d'un recours approprié ou si elle est d'avis que les circonstances ne justifient pas son intervention.

«En cas de refus, la Commission avise le plaignant de sa décision et lui en indique les motifs. Elle l'informe, le cas échéant, des recours dont il dispose.»

Cet article précise donc les cas où la Commission doit ou peut refuser d'agir, notamment lorsque la plainte est mal fondée ou de mauvaise foi. En cas de refus, la Commission doit en aviser le plaignant en lui indiquant les motifs et en l'informant, le cas échéant, des recours dont il dispose.

Le Président (M. Garon): Est-ce que l'article 169 est adopté?

M. Laporte: Non, j'ai des commentaires.

Le Président (M. Garon): M. le député d'Outremont, à vous la parole.

M. Laporte: Merci, M. le Président. Ma question... Et je vous repose la question, M. le Président, vous voudrez bien la transmettre à la ministre, c'est une formulation un peu plus précise de la question que j'ai posée antérieurement, ce n'est pas une question frivole, ce n'est pas une question partisane, ce n'est pas une question méchante. La question, c'est la suivante: Que fait la Commission, dans le cas où une plainte s'avère infondée, afin de réparer le tort fait à un citoyen qui se sent marqué dans un processus d'attribution d'un comportement de déviation ou de déviance irréel?

J'en ai connu, de ces personnes, M. le Président, j'en ai connu, de ces bonnes personnes que je suis allé visiter dans des centres d'achats où on m'avait dit qu'on n'avait pas pu obtenir des services en français. Et je les ai rencontrées, ces personnes. Et, si, évidemment, leur capacité d'offrir des services en français n'étaient pas celles qu'elles auraient possédées si elles avaient été de langue maternelle française, j'ai néanmoins constaté que ces personnes faisaient tout en leur possible pour parler notre idiome. Et j'ai compris, sur place, jusqu'à quel point l'estime de soi de ces personnes avait été, comment dirais-je, avariée par un processus d'attribution.

Je me rappellerai toujours, M. le Président, d'une visite que j'avais faite au centre d'achats Fairview, où je m'étais retrouvé, chez Laura Secord, en face d'une personne d'un âge avancé, dont le registre, dont la compétence en français était évidemment limitée mais qui faisait des efforts, comment dirais-je, louangeables, des efforts appréciables et appréciés pour me parler en français. Et je me rappelle de deux choses. Je me rappelle du sentiment d'inconfort dans lequel s'était trouvée cette personne d'avoir fait l'objet d'une plainte non fondée, enfin d'avoir fait l'objet d'une réprobation ou d'une plainte pour un comportement qui n'était peut-être pas un comportement parfait, mais tout de même un comportement disons plus qu'imparfait, un comportement qui se voulait de respect à l'égard de son client et de la langue française. Je me suis retrouvé devant une personne dont l'estime d'elle-même était avariée, et cette personne s'était d'autant plus sentie marquée – et là je ne fais pas de pathos – que, lorsque nous avons conversé ensemble, j'ai observé qu'elle avait un numéro d'écrit sur son bras gauche.

Le Président (M. Garon): M. le député d'Outremont, comme il est 18 heures, j'ai besoin d'un consentement unanime pour que nous puissions poursuivre.

Mme Beaudoin: Non, c'est les vacances, là.

Le Président (M. Garon): Il y a objection. Alors, la commission, comme il est 18 heures, ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 18 heures)


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