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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mercredi 22 octobre 1997 - Vol. 35 N° 64

Examen du plan triennal d'activité 1997-2000 de Télé-Québec


Consultation générale sur le rapport quinquennal de la Commission d'accès à l'information sur la mise en oeuvre des lois sur l'accès à l'information


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Table des matières

Examen du plan triennal d'activité 1997-2000 de Télé-Québec

Consultation générale sur le rapport quinquennal de la Commission d'accès à l'information sur la mise en oeuvre des lois sur l'accès à l'information


Autres intervenants
M. André Gaulin, président
M. Jean Garon, président suppléant
M. Michel Morin, président suppléant
M. André Boisclair
Mme Nicole Léger
M. Pierre-Étienne Laporte
M. David Payne
Mme Claire Vaive
Mme Liza Frulla
M. André Pelletier
Mme Solange Charest
M. Thomas J. Mulcair
M. Geoffrey Kelley
M. Claude Lachance
*Mme Denise Larouche, AAPI
*Mme Cynthia Morin, idem
*Mme Stéphanie Gourgues, idem
*M. Richard Juneau, idem
*Mme Esther Taillon, FQSG
*M. Serge Bouchard, idem
*M. Henri Massé, FTQ
*M. Robert Demers, idem
*M. Claude Gélinas, SAAQ
*Mme France Desmeules, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures sept minutes)

Le Président (M. Gaulin): Mesdames, messieurs, bonjour. Nous avons quorum, alors je déclare la séance de la commission de la culture ouverte. M. président, est-ce que...


Examen du plan triennal d'activité 1997-2000 de Télé-Québec

Bien, avant, oui, je rappelle que le mandat pour cette séance est d'étudier le plan triennal d'activité de Télé-Québec pour les années 1997 à 2000, conformément à l'article 19 de la Loi sur la Société de télédiffusion du Québec.

Alors, M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Boulerice (Sainte-Marie–Saint-Jacques) est remplacé par M. Pelletier (Abitibi-Est).

Le Président (M. Gaulin): Je vous remercie. Alors, nous allons donner la parole au président-directeur général. Je salue le président. Je salue M. Inchauspé, qui est le président du conseil d'administration, et les personnes qui vous accompagnent. M. Normand, vous auriez peut-être quelque chose comme une demi-heure, et ensuite nous pourrions échanger.


Exposé de Télé-Québec

M. Normand (Robert): À votre convenance, M. le Président. Avec votre permission, je passerais la parole à M. Inchauspé, le président du conseil d'administration, avant de pouvoir faire le petit laïus dont il s'agit.

Le Président (M. Gaulin): Très volontiers.


M. Paul Inchauspé

M. Inchauspé (Paul): Alors, M. le Président, Mmes et MM. les députés, cela fait 10 mois que le nouveau conseil d'administration, dans le cadre de la nouvelle loi de Télé-Québec, a été nommé. Nous nous sommes réunis il y a neuf mois pour la première fois. Un de nos premiers mandats, c'est celui d'une adoption d'un plan triennal de développement, suivant la loi. C'est ce plan que nous présentons aujourd'hui. C'est Robert Normand, qui est le président-directeur général, qui va le faire.

Cependant, je tenais personnellement à être ici pour deux raisons: la première, c'est pour témoigner de façon concrète le soutien que le conseil d'administration apporte à notre président-directeur général et à toute son équipe de direction dans cette nouvelle orientation de Télé-Québec; la deuxième, c'est pour pouvoir écouter moi-même directement vos questions, vos commentaires et vos interrogations. Alors, je laisserais la parole à M. Normand.


M. Robert Normand

M. Normand (Robert): Merci. M. le Président, je suis très heureux de cette occasion qui nous est offerte, à Télé-Québec, pour faire le point sur notre évolution récente, sur les directions que nous nous proposons de prendre, pour tester nos orientations également, à la suite des échanges que vous avez eus au cours de cette commission et qui ont donné lieu à l'adoption de la nouvelle loi sur Télé-Québec. Également, je souhaite pouvoir bénéficier de vos suggestions. Je souhaiterais qu'elles soient le plus concrètes possible, de façon à ce que nous puissions les intégrer par la suite dans nos actions.

(9 h 10)

Avant de commencer, j'aimerais, si vous me le permettez, vous présenter mes principaux collaborateurs qui m'accompagnent ce matin. Et je leur demanderais de se lever à l'appel de leur nom, pour que vous puissiez les reconnaître. D'abord, Michel Houle, qui est un consultant qui nous a beaucoup aidés dans l'élaboration et la mise au point de ce plan triennal; c'est un consultant en matière de télévision que les autres téléviseurs s'arrachent et j'ai eu l'avantage de pouvoir utiliser ses services. Derrière moi, M. Mario Clément, notre nouveau directeur général de la programmation, qui a été vice-président chez Coscient pendant une dizaine d'années et qui a décidé de venir nous épauler pour nous permettre de bien concrétiser la nouvelle orientation de Télé-Québec. Mme Monique Goyette, la directrice générale de l'administration; M. Clément Bourassa, directeur général de toute la partie technique et de l'informatique à Télé-Québec; Me Denis Bélisle, qui est secrétaire général et conseiller juridique de Télé-Québec; Mme Claude Durand, qui est directrice du marketing; Mme Francyne Morin, qui est directrice des communications. J'ai aussi M. Pierre Daigneault, qui est directeur de la recherche, Mme Lisette Hébert, qui est directrice de notre action régionale, ainsi que Daniel Le Saunier, le coordonnateur pour la région de Québec.

Nous vous avons déjà fait parvenir le plan triennal ainsi que le résumé qui l'accompagne. Si certains d'entre vous ne l'ont pas, j'ai des copies additionnelles qui sont disponibles, n'hésitez pas. J'aimerais également, M. le Président, avec votre permission, distribuer aux membres de la commission quelques documents additionnels pour compléter leur dossier et nous permettre, possiblement, d'y référer en cours de route. Il s'agit essentiellement des documents suivants: un comparatif entre les recommandations de la commission de la culture que vous constituez et les gestes que nous avons pu poser en application de ces recommandations-là, depuis que la commission a siégé; un deuxième document qui vous indique quelles sont les actions que nous avons déjà entreprises en exécution du plan triennal. En d'autres termes, il s'agit d'un plan d'action pour trois ans, il doit s'accompagner d'actions. Alors, il y a un certain nombre d'actions qui sont en cours présentement; nous vous les présentons dans ce document. J'y reviendrai un peu plus tard. Un troisième document, c'est notre mandat régional, l'approfondissement et le redéploiement de notre mission, où nous faisons le point sur ce sujet afin de vous indiquer comment nous entrevoyons la réalisation de notre mandat régional.

J'accompagne aussi ces documents de documents purement informatifs: le répertoire de nos émissions qui sont en cours, de sorte que chacune des émissions est décrite et vous permet de voir la variété et le contenu de ce que nous faisons. Vous avez aussi la grille horaire qui est jointe et qui a été distribuée largement cette année, au début de la saison. Et j'ai ajouté, si vous me permettez, un petit message du commanditaire, une revue de presse qui a accompagné le lancement de notre dernière programmation. J'en suis vraiment très fier. Habituellement, Télé-Québec ne laisse personne insensible, et chacun en a profité, paraît-il, dans le passé, pour pouvoir lancer quelques flèches, à l'occasion, à l'endroit de Télé-Québec. Or, cette année, notre nouvelle programmation a été fort bien accueillie par ceux qui étaient traditionnellement nos critiques les plus virulents, les plus acerbes ou, disons, plutôt les plus authentiques. C'est avec fierté que je vous présente ce document de presse. J'y ai joint quelques petits articles élogieux sur Télé-Québec, bien sûr, pour vous permettre d'avoir une bonne vision d'ensemble. Il y a aussi quelques articles légèrement négatifs. Malheureusement, je n'en ai pas trouvé d'autres plus percutants. Si vous en avez, vous les porterez à mon attention.

Alors, voici l'ensemble de la documentation que je vous propose et, avec la permission du président, je souhaiterais que le secrétaire puisse les distribuer aux membres de la commission, ce qui est fait, je pense. Merci.


Documents déposés

Le Président (M. Gaulin): C'est fait au moment où on...

M. Normand (Robert): Merci bien. J'aimerais faire le point, avant de plonger dans le sujet plus directement du plan triennal. Je suis en fonction depuis à peine un peu plus d'un an. Je suis le sixième directeur général de Télé-Québec en moins de 18 mois. Ça n'a aucun sens. Mais j'ai décidé de faire en sorte que Télé-Québec puisse se stabiliser et puisse compter sur une permanence un peu plus grande qu'antérieurement. Ça fait donc un peu plus d'un an que j'y suis et, avec votre permission, je compte bien y rester encore au moins une année ou deux, pour stabiliser la boîte. J'ai indiqué aux employés, lorsque je suis arrivé, que mon mandat était de faire en sorte qu'on puisse regrouper nos forces et nos énergies pour concrétiser la mission de Télé-Québec, tous les débats et tout le remue-ménage qui nous ont précédés étant dernière nous.

Si j'ai accepté ce mandat, qui n'est pas un mandat facile, comme vous voyez – le nombre de personnes qui passent dans cette fonction – c'est qu'il s'agit pour moi d'un dernier mandat, vraisemblablement à mon âge, mais un mandat fantastique qui est de faire de la qualité, et c'est ce qui m'importe. C'est ce que j'espère réaliser et c'est en pleine conformité avec le mandat que vous nous avez donné.

Ce qui m'a fait accepter, c'est l'unanimité des membres de cette commission derrière Télé-Québec. Télé-Québec a toujours été sujette à discussion, a toujours été un sujet contentieux dans le passé, mais j'ai réalisé, à la lecture du Journal des débats , que vous étiez unanimes pour maintenir une télévision éducative et culturelle de qualité, et c'est la raison principale qui m'a amené à dire oui.

M. Inchauspé vous a indiqué que, il y a déjà moins d'un an, la nouvelle loi a été proclamée, un nouveau conseil d'administration a été nommé. Il s'est attaqué à la tâche et, en moins de trois mois, le nouveau conseil adoptait un nouveau budget, adoptait le plan triennal qui est devant vous et adoptait également la nouvelle programmation que vous voyez à l'écran présentement. Attention, cependant, nous ne pourrons pas mettre en oeuvre vos recommandations, mettre en oeuvre l'esprit de la loi en totalité. Nous ne pouvons pas faire ça rapidement. Une chaîne de télévision, ça ne se retourne pas de bord sur un 10 cents, pour reprendre une expression que j'ai déjà utilisée devant cette commission, le printemps dernier. C'est une sorte de bateau qui est lent à tourner, qui prend deux ans, peut-être trois ans avant de pouvoir se retourner complètement. Le plus bel exemple, c'est l'acquisition de TQS par M. Péladeau et vous ne voyez pas un TQS présentement qui est substantiellement différent de ce qu'il était le printemps dernier. Ça va prendre un certain temps. Il y a des contrats qui sont signés. Il y a des droits qui sont impliqués. Il y a une programmation qui a été élaborée. Il y a des conventions collectives également qui existent. Ça prend déjà un certain temps, mais j'ai bon espoir. Je pense que ce retournement est en train de s'effectuer, si je m'en remets, à tout le moins, à la perception que les médias ont pu avoir de notre nouvelle programmation cette année. Nous sommes donc une télévision en transition, au moment où je vous parle, mais je pense que nous sommes sur la bonne voie. Du moins, j'attends vos commentaires plus tard, à cet égard.

Notre nouvelle programmation reflète bien, d'ailleurs, notre intention de vouloir faire de Télé-Québec une entité ayant une personnalité bien campée avec une télévision éducative et culturelle de qualité; c'est ce que vous souhaitez. Le mandat est donc clair.

Nous avons réfléchi, avec le conseil d'administration, sur la façon de mettre en oeuvre le mandat que vous nous avez donné par la loi. Avant d'élaborer ce plan, nous avons fait une certaine réflexion et c'est contenu dans le document. Nous nous sommes dit que nous ne devions pas être une télévision généraliste qui soit le double des grandes chaînes existantes. Pour être une télévision généraliste à succès, il faut faire de la variété, du sport, de la nouvelle et avoir du fric pour pouvoir la soutenir. Ce n'est pas notre situation. Nous ne sommes pas non plus une télévision spécialisée de la même façon que les canaux spécialisés que nous connaissons naissent présentement. Nous ne sommes pas monothématiques comme ces canaux spécialisés le sont et nous disposons, en outre – il ne faut pas l'oublier – d'un réseau d'antennes exceptionnel qui nous permet, avec le câble et nos antennes, de rejoindre presque 98 % des Québécois. C'est une donnée qui nous est spécifique.

Nous avons donc décidé de nous définir comme une télévision spécialisée ratissant plus largement que les canaux spécialisés ou, à l'inverse, si vous voulez, une télévision généraliste qui n'en a pas tous les attributs et qui, au contraire, est campée dans une niche et une mission bien particulières. C'est ce qui fait que nous nous préoccupons moins, présentement, des cotes d'écoute qu'on ne l'a fait dans le passé. Notre but n'est pas d'aller chercher la grande cote d'écoute. Si nous devions avoir cet objectif comme mandat, nous devrions utiliser des moyens différents et avoir une personnalité différente de ce que nous sommes.

Nous nous comparons cependant avec d'autres télévisions de même nature – je pense à PBS, aux États-Unis, je pense à La Cinquième , en France, je pense à TVO ou à TFO, par exemple – et, à cet égard, je suis fier de constater que nous tirons bien notre épingle du jeu. Nous avons une écoute un peu plus forte, en général, que les télévisions que je viens de mentionner. Cette écoute-là a fléchi légèrement au cours de l'année dernière, en raison de l'apparition des nouveaux canaux spécialisés. Nos émissions pour les jeunes, qui étaient toujours très populaires, ont moins de popularité au moment où je vous parle parce que les jeunes vont tous voir le nouveau canal Télétoon. C'est l'engouement de la nouveauté. Les autres chaînes, comme Canal Famille, également, souffrent d'une perte d'écoute à cet égard. Mais il s'agit d'un phénomène normal et je pense bien qu'après un certain temps les parents et les jeunes eux-mêmes vont revenir à Télé-Québec, comme ils vont revenir également au Canal Famille, vu qu'ils vont, je pense bien, se lasser de cette répétition de dessins animés à Télétoon qui va sûrement prendre sa place dans l'échiquier, mais qui va restaurer en même temps également la place traditionnellement occupée par Télé-Québec.

(9 h 20)

Ce qui nous préoccupe, plutôt que la cote d'écoute, c'est la portée que nos émissions peuvent avoir, c'est-à-dire le nombre de téléspectateurs qui nous regardent pendant au moins 15 minutes chaque semaine. À cet égard, nous avons une portée qui est de l'ordre de 2 000 000 de Québécois qui viennent nous visiter une fois la semaine. Ce n'est donc pas rien.

Également, depuis les derniers mois, la dernière année, même, un peu avant que nous arrivions, notre mission nous invitait à devenir une entreprise plus légère, plus souple, plus efficace et recourant davantage au faire-faire. Nous l'avons fait. Nous avons réduit nos effectifs, avant que je n'arrive, d'environ 45 % et nous avons transféré une grande partie de notre production interne vers le secteur indépendant, profitant ainsi de l'effet de levier comme le souhaitait la commission parlementaire. C'est ce qui fait que les émissions qui sont à l'antenne de Télé-Québec présentement ne sont pas uniquement financées par Télé-Québec comme avant, mais sont, pour plusieurs d'entre elles, financées également par Téléfilm, par le fond des cablodistributeurs, par le programme des crédits d'impôt de la SODEC, etc.

Attention, cependant, tous ces leviers qui ont justifié le changement interne d'organisation de Télé-Québec sont en train de s'éroder légèrement. Il faut être attentif. Téléfilm contribue moins. Le gouvernement fédéral a décidé qu'une partie des sommes mises à la disposition de Téléfilm seraient affectées exclusivement aux productions de Radio-Canada. Il y a eu des changements, également, dans les crédits d'impôt, dans le dernier budget de M. Landry. Il y a donc des modifications qui se font périodiquement et il nous faut être attentifs, de façon à ce que nous puissions conserver substantiellement l'idée d'effet de levier qui a amené le revirement ou le changement administratif interne majeur à Télé-Québec que vous connaissez.

Également, je voudrais attirer votre attention sur la situation financière de Télé-Québec. La subvention qui nous venait du gouvernement a été réduite, il y a deux ans, de 10 000 000 $. En même temps, il nous faut présentement payer pour les coûts de réorganisation. Les quelque 350 personnes qui nous ont quittés ont bénéficié de primes de séparation. Ces primes-là sont financées sur une période de sept ans, ce qui nous amène à assumer progressivement l'extinction de cette dette-là, mais ce qui nous donne un poids financier additionnel à supporter chaque année, ce qui réduit notre marge de manoeuvre d'autant. Également, les investissements que nous avons faits, à Télé-Québec – le nouveau studio qui a été fait avant que j'arrive, qui est à la fine pointe, d'ailleurs – également, tous les investissements que nous avons faits en région greffent d'autant notre budget.

En outre, le plan de Jean Fortier, un de mes prédécesseurs – qui a été, je pense, un grand président à Télé-Québec – visait à faire en sorte qu'on puisse avoir une émission quotidienne d'information d'une durée d'une heure, alimentée principalement par les régions. Il y avait des coûts, bien sûr, à cette opération, mais, en contrepartie, malgré la diminution de la subvention, Télé-Québec devait bénéficier – c'est une des recommandations de votre commission, d'ailleurs – d'un fonds des partenaires, c'est-à-dire que chacun des ministères intéressés ou des organismes intéressés par la télévision éducative et culturelle aurait contribué dans un fonds, chaque année, une somme qui, globalement, aurait donné 25 000 000 $ de plus à Télé-Québec. Or, vous connaissez comme moi l'évolution des budgets des ministères et des organismes présentement, ce fonds des partenaires, malheureusement, n'a pas vu le jour et je ne vois pas l'heure où il pourra voir le jour non plus.

Donc, réduction de la subvention, hausse des charges et absence de ce fonds de 25 000 000 $, ce qui fait en sorte que nous nous trouvons avec moins d'argent, présentement, pour financer les productions qui vont à l'écran, que nous n'en avions antérieurement. Bien sûr, nous pouvons bénéficier de l'effet de levier. Les productions nous coûtent moins cher, mais nous devons quand même assumer les salaires d'une bonne partie de nos techniciens qui restent chez nous et dont nous louons les services aux producteurs qui viennent produire pour nous. Notre situation n'est pas une situation précaire, nous ne sommes pas au bord de la faillite, loin de là. Nous disposons quand même d'une somme d'argent substantielle pour que nous puissions faire de la bonne télévision, pour que nous puissions réaliser le mandat.

Mais je voudrais vous mettre en garde, cependant, contre des dépenses additionnelles que vous souhaiteriez peut-être nous faire réaliser. Vous voyez que nous sommes quand même dans un carcan un peu particulier. Même, cette année, pour pouvoir ajuster nos budgets et conserver des sommes suffisantes pour une programmation variée, surtout en investissant davantage dans la culture, nous avons dû réduire les coûts de l'émission Québec plein écran , qui est passée d'une heure à une demi-heure par jour. Nous avions déjà un poids considérable en information, à Télé-Québec, et trop considérable, je pense, compte tenu du mandat que vous nous avez donné. Québec plein écran diffusait une heure par jour et une heure en reprise. Mongrain diffusait une heure par jour et une heure en reprise. Nous avions, en plus, Droit de parole , une heure par semaine. Ça fait très lourd en matière d'information, pour une télévision éducative et culturelle. Nous avons donc réduit Québec plein écran d'une demi-heure, en la conservant cependant cinq jours par semaine, quatre jours pendant la semaine et une journée au cours du week-end. Le contrat de M. Mongrain est en cours et nous le respectons, et Droit de parole est une émission que nous n'avons pas du tout l'intention d'abandonner. C'est vraiment un rendez-vous hebdomadaire de beaucoup de Québécois. C'est une émission qui fait son 100 000, à toutes fins pratiques, chaque semaine.

Donc, il nous a fallu réajuster notre programmation en fonction du mandat, en fonction également d'un poids beaucoup trop lourd en information. Nous devons garder des émissions d'information ou d'affaires publiques. Nous ne pouvons pas concurrencer les autres réseaux parce que nous n'avons pas de salle de nouvelles. Nous devons donc trouver un créneau en information ou en affaires publiques qui puisse donner aux Québécois une dimension que les autres réseaux ne donnent pas, et je pense qu'avec Québec plein écran , cette année, nous avons trouvé une voie intéressante. J'aimerais obtenir vos commentaires, si vous en avez. Personnellement, c'est une émission qui me plaît beaucoup.

Cette situation financière, nous devons la garder présente à l'esprit qui nous a amenés à restructurer notre grille de programmation.

Notre programmation, d'ailleurs, est plus variée et plus diversifiée qu'antérieurement, plus directement liée à notre mission éducative et culturelle, et elle veut mieux répondre aux attentes des téléspectateurs, selon les études de marché que nous avons pu effectuer.

La commission de la culture avait également suggéré la création d'un comité de programmation externe comprenant des représentants de ministères ou organismes qui auraient versé dans le fonds des partenaires qui n'est pas né. Conséquemment, ce comité de programmation externe n'a pas vu le jour. Cependant, nous avons un conseil d'administration comprenant des membres venant de divers secteurs d'activité et de diverses régions, et nous avons élargi le comité de programmation du conseil d'administration; il comporte sept membres sur 10, à toutes fins pratiques, de sorte que l'objectif qu'avait la commission, nous le comblons d'une autre façon, compte tenu de l'évolution de la situation.

Si nous avons posé les gestes que je vous ai évoqués, c'est en vue de mieux réaliser cette mission éducative et culturelle. Nous avons également accordé plus de deniers, cette année, plus d'argent, au secteur culturel. Nous avons également adopté une programmation plus facile à détecter ou dans laquelle on peut se retrouver plus facilement, estimons-nous. Vous le verrez par la grille des programmes que nous vous avons distribuée. Nous avons des plages de 16 heures à 18 h 30 pour la jeunesse; à 18 h 30, c'est Québec plein écran ; et, à 19 heures, nous commençons la partie culturelle avec un programme de culture populaire, si je peux m'exprimer ainsi, Christiane Charette , qui est une émission produite par Radio-Canada et que nous reproduisons à 19 heures.

(9 h 30)

Ensuite, à compter de 20 heures, nous avons documentaires, cinéma, et vraiment des produits culturels authentiques. En outre, au cours des week-ends, à compter de 19 h 30, tous les samedis et tous les dimanches, nous avons des week-ends culturels. Si vous voulez une émission culturelle intéressante, venez nous voir le samedi ou le dimanche, vous allez trouver une variété d'émissions qui sont susceptibles de vous convenir et qui, conformément à la publicité que nous faisons, font en sorte que nous pourrons dire: Molière, 3 et Boston, 0 le samedi soir, pour ceux que la culture intéresse.

Nous, en matière éducative, nous avons également tenté d'être plus actifs que nous ne l'étions antérieurement. L'émission Allô Prof a fait son expérience l'année passée. Nous avons tiré un certain nombre de conclusions, nous avons fait des recherches formatives qui nous ont amenés à remanier l'émission, qui nous ont amenés également à multiplier les bureaux d' Allô Prof que nous avons un peu partout à travers le Québec. Allô Prof , je vous le rappelle, est une émission que nous diffusons à 5 h 30, tous les soirs, présentement. C'est une émission amusante pour les jeunes qui vise ceux du secondaire surtout, qui vise à les divertir, mais en même temps à passer une certain nombre de messages qui s'inscrivent dans l'ordre des préoccupations des jeunes. C'est l'objectif qui est visé.

En outre, nous voulons greffer à cette émission – et nous le faisons – un réseau de professeurs qui peuvent dépanner les élèves qui ont des difficultés à faire leurs devoirs. Nous avons donc recruté des professeurs authentiques, soit à la retraite, soit des jeunes qui ont des emplois précaires, et qui sont à la disposition des jeunes au téléphone tous les jours. Il y a un numéro qu'ils composent, et, dans chacune de nous régions ou dans plusieurs de nos régions, nous avons des profs qui sont à l'écoute des jeunes, qui ne font pas les devoirs des jeunes au téléphone, mais qui donnent aux jeunes les indications requises pour que les jeunes puissent régler eux-mêmes les problèmes auxquels ils font face. Ça me semble être une belle initiative en matière éducative par rapport à la jeunesse. C'est une émission, également, qui est en train de lever, je pense, et nous en sommes très fiers. Nous avons un comité permanent entre Télé-Québec et le ministère de l'Éducation qui se penche non seulement sur Allô Prof , mais sur d'autres sujets également afin que nous puissions améliorer notre programmation au cours des prochaines années.

Nous avons également un certain nombre d'émissions sur lesquelles j'attire votre attention: Culture éclair, Info-théâtre, Lectures de fin de soirée . C'est une innovation cette année. Vous seriez portés à croire que, à la télévision, faire de la lecture d'oeuvres en fin de soirée, ça n'attirera pas grand monde. À mon grand étonnement, au contraire, en fin de soirée, les gens qui continuent à regarder la télévision n'ont pas toujours des choses à leur mesure à se mettre sous la dent, viennent préparer leur sommeil, si vous voulez, en écoutant – et il y a un bon nombre de téléspectateurs qui viennent nous voir – des artistes connus de provenance régionale faire la lecture d'auteurs régionaux qui, sans cette émission-là, seraient totalement inconnus. J'en ai écouté quelques-unes de ces émissions-là et je dois vous avouer que j'ai été ravi par le produit à l'écran. Je vous invite à le faire si vous ne l'avez pas fait encore. Nous avons également, en matière éducative et culturelle, inauguré une histoire des musées qui nous permet de porter à l'écran les principaux musées qui existent dans chaque région du Québec .

Nous avons également un autre projet que j'affectionne particulièrement, et je m'explique. Tous les jours, nous avons une émission en langue anglaise d'une heure, l'après-midi, qui s'appelle Integrated Science . C'est une émission qui nous vient de l'Université d'Alabama, laquelle vise à sensibiliser les jeunes à la nécessité de se pencher sur les questions scientifiques. Des statistiques nous indiquent que les jeunes refusent de plus en plus, à mon grand étonnement, de s'adonner aux disciplines scientifiques. Integrated Science vise donc à populariser, à simplifier l'apprentissage des sciences, à rendre la science plus accessible par des émissions qui sont fort bien conçues, et, en même temps, l'Université d'Alabama forme des professeurs et fournit du matériel didactique aux professeurs pour qu'ils puissent utiliser l'émission Integrated Science dans leur cours.

Cette émission est diffusée sur nos ondes à tous les jours avec le concours de l'Université d'Alabama et des professeurs du Québec anglophones qui sont formés par l'Université McGill de concert avec l'Université d'Alabama. Voilà une belle expérience qui donne de bons résultats. Nous croyons qu'il soit possible de faire la même chose en français et nous nous sommes aboutés avec la Faculté d'éducation de l'Université de Montréal pour faire en sorte que cette disposition, que ce type d'émission puisse être adapté en français, l'Université de Montréal formant les professeurs, préparant le matériel pédagogique qu'il faut, et toute l'expérience est en train de s'élaborer au moment où je vous parle, et j'espère qu'elle pourra voir le jour à l'écran en septembre prochain ou, à défaut, en septembre de l'année suivante et je pense qu'il s'agira là d'une expérience porteuse non seulement pour le Québec, mais pour l'ensemble de la francophonie, où nous pourrons l'exporter, je pense bien, assez facilement.

Nous avons également une collaboration avec la Cinémathèque québécoise et nous avons une série sur les métiers du théâtre et du cinéma qui est en réponse à la demande du milieu de l'enseignement.

Voilà donc des objectifs que nous nous sommes donnés en application de notre mission qui, je pense, correspondent bien à ce que la commission souhaitait. Nous avons décidé également, dans notre plan triennal, de pouvoir réaliser notre mission par des gestes concrets – je vous en ai posé – mais également en donnant une attention particulière aux besoins et aux attentes des téléspectateurs. J'ai constaté, en arrivant à Télé-Québec, que nous faisions des enquêtes formatives sur certaines émissions, que nous étions abonnés, bien sûr, à Nielsen et au BBM, mais que Télé-Québec avait délaissé l'utilisation des instruments de marketing classiques que les autres téléviseurs utilisent. Je pense, par exemple, aux enquêtes 3SC de CROP. CROP, chaque année, interroge 3 000 à 4 000 personnes au Québec afin de connaître l'évolution des tendances de notre société vis-à-vis, surtout, de la télévision, et nous nous sommes réabonnés à CROP cette année pour constater que nous nous étions déplacés beaucoup dans l'ensemble de l'échiquier de la société québécoise au cours des années. Alors que, il y a sept, huit ans, nous étions plutôt une télévision marginale d'avant-garde, innovatrice, qui allait chercher un public jeune, pas toujours conformiste, mais en devenir, nous avons glissé vers le champ des télévisions généralistes en recrutant nos téléspectateurs à un âge plus âgé, plus conformiste. Ce n'est pas du tout le mandat ou la mission première, me semble-t-il, de Télé-Québec, et ce recours à cet instrument nous a incités à nous repositionner dans notre programmation, ce que nous sommes en train de faire présentement.

En outre, nous avons également utilisé les «focus groups», les groupes témoins et nous avons fait des «focus groups» de façon systématique l'année dernière: quatre à Montréal, quatre à Québec, quatre à Chicoutimi. Et c'est assez étonnant de voir qu'il y a une convergence entre les données que nous pouvons recueillir quel que soit l'endroit où nous nous situons. Nous avons constaté un certain intérêt qui subsiste pour Télé-Québec, mais, malheureusement, une désaffection des téléspectateurs par rapport à Télé-Québec. Les rendez-vous hebdomadaires que la population avait avec Télé-Québec et qui se concrétisaient sur des émissions comme Jeannette Bertrand, comme Beau et chaud ou comme d'autres émissions de cette nature ont disparu de sorte que nous sommes devenus, avons nous constaté à mon grand désarroi, une télévision plus grise, moins incitante. Nous accrochons moins les téléspectateurs qu'auparavant. C'est fort révélateur. Ce n'est pas gentil, mais c'est fort révélateur de pouvoir compter sur ce genre de données pour pouvoir se repositionner, ce que nous sommes en train de faire actuellement. Mais il faut, pour ce faire, disposer des instruments dont il s'agit. Alors, également, une grande enquête d'opinion avait été faite, avant que je n'arrive à Télé-Québec, et c'est ce qui nous a permis de pouvoir mieux ajuster notre programmation. Nous le faisons donc systématiquement et nous sommes à mettre en place des processus de fonctionnement qui assurent que ces informations sont reflétées dans nos stratégies de programmation, dans la conception et la réalisation des émissions concrètes, comme dans notre positionnement stratégique.

Un troisième objectif que nous nous sommes donné, c'est de s'affirmer comme distributeur multimédia de contenu éducatif et culturel. Ça correspond à une donnée qui nous a été fournie par la commission. Vous aviez insisté, d'ailleurs, sur ce point. Dans notre plan triennal, nous n'avons pas donné une première priorité à cet objectif. Nous l'avons conservé pour l'année deux ou l'année trois, l'année un devant nous amener à refaire notre programmation pour tenir compte des données que j'ai évoquées tout à l'heure. Cependant, nous ne sommes pas restés inactifs, et vous verrez, dans les documents que je vous ai déposés, que nous avons posé un certain nombre de gestes. Nous avons ainsi amélioré ou introduit des sites Web qui existaient, celui de Télé-Québec. Droit de parole , également, possède un site sur Internet fort actif que les jeunes utilisent beaucoup.

(9 h 40)

Pignon sur rue est une émission qui correspond bien au mandat de Télé-Québec, une émission qui est hors des sentiers battus. Tenez-vous bien, nous allons chercher une clientèle de 17 à 25 ans, la clientèle la plus difficile à aller chercher, et elle nous écoute le lundi soir, à 10 heures, au moment où tous les grands-parents, comme vous et moi, nous regardons Le Téléjournal ou Le TVA . Nous avons tout près de 100 000 personnes qui nous écoutent chaque semaine pour regarder vivre des jeunes de cet âge-là avec les problèmes qu'ils connaissent, qui les assaillent. C'est un succès, pour moi, vraiment, qui mérite que l'on se penche sur cette question davantage, et j'en suis très fier. Mais il y a un site Web qui est fort actif où les jeunes dialoguent entre eux après avoir regardé l'émission, où ils ont vu des gens comme eux vivre en colocataires et vivre les problèmes de la société moderne qui les confrontent.

Droit de parole également en fait partie, Plaisir de lire , et, je vous engage, pour ceux qui ne sont pas friands d' Omertà – mais Omertà va durer uniquement un semestre – à regarder la nouvelle émission Plaisir de lire avec Danielle Bombardier. Nous avons doublé cette émission-là de dispositifs électroniques et d'un site Web également. Et Allô Prof , j'en ai parlé tout à l'heure.

Nous avons également un projet de site Web sur la peinture québécoise qui permettra aux téléspectateurs qui ont vu des oeuvres de peintres québécois à la télévision, sur nos ondes, dans le passé... Ils pourront retrouver ces mêmes oeuvres sur un site. Nous sommes également en discussion avec Rimouski sur les métiers de la forêt, pour avoir un projet de téléformation sur ce sujet.

Nous avons également signé une entente récemment avec La Cinq , en France et La Sept/Arte , et un des volets de cette entente vise à ce que nous mettions en commun des banques d'émissions, que la France constitue une banque d'émissions – La Cinquième – numérisée, que nous fassions la même chose avec les émissions que nous allons sélectionner et que les deux banques puissent ensuite se parler et s'échanger des données par voie électronique, par voie même de satellite si les études de marché nous indiquent que ça vaut la peine, ce qui permettrait, d'ici relativement peu de temps, à une école de Strasbourg qui souhaiterait avoir accès aux émissions Passe-Partout de pitonner et de payer ce qu'il faut – en espérant que ça ne sera pas considérable – pour pouvoir recevoir, à l'aide de ces banques-là, sur l'appareil de télévision qui pourrait être dans une école ou une classe à Strasbourg, l'émission Passe-Partout qu'elle aura commandée, ce qui permettrait à nos gens, ici, de l'Outaouais, de l'Abitibi ou de la Gaspésie, de recevoir des émissions éducatives de La Cinquième ou, éventuellement, des émissions culturelles de La Sept/Arte .

Je pense que c'est vraiment poser un pas dans les techniques d'avenir. Ça ne sera pas opérationnel demain matin, nous allons faire une démonstration, cependant, la semaine prochaine dans le cadre du Festival des films scientifiques à Montréal. Mon homologue français, que j'ai rencontré récemment, va être à Montréal, va présider ce festival, et, mardi matin, à 11 heures, nous allons faire une démonstration de la façon dont ces banques-là pourraient fonctionner. S'il y en a que ça intéresse, vous êtes les bienvenus au Café Électronique à Montréal. Mais, par la suite, vous aurez la possibilité d'avoir accès à ce genre d'instrument assez facilement.

Nous avons également un projet de site pour la distribution de produits télévisuels dans les milieux scolaires et institutionnels et nous sommes en discussion avec le ministère de l'Éducation dans le cadre du comité dont j'ai parlé antérieurement.

Notre quatrième objectif stratégique, c'est de faire davantage de place à l'innovation puis de stimuler la création pour redevenir la télévision un peu hors circuit que nous étions, une télévision qui intéresse, qui intrigue, qui attire. Déjà, la grille 1997-1998, pensons-nous, est plus innovatrice. Les formules d'émissions sont plus variées, il y moins de magazines, plus de documentaires et de fictions. Nous recourons à des réalisateurs de la nouvelle génération pour l'histoire des musées, par exemple, pour deux adaptations de pièces de théâtre, pour de la production régionale. Nous diffusons des courts métrages des finissants de l'INIS et nous avons recours à un bassin d'entreprises indépendantes de productions indépendantes plus large et plus diversifié. Voilà les objectifs que nous nous sommes donnés, que vous retrouvez dans le plan.

Nous avons également un certain nombre de préoccupations prioritaires. En outre d'être une télévision éducative et culturelle, un peu comme j'ai tenté de vous démontrer que nous avons commencé à être, nous avons également d'autres préoccupations prioritaires qui nous viennent de cette commission dans le passé, entre autres de refléter la dimension régionale, multirégionale, et je vous ai distribué un document qui démontre que, nous, notre principal objectif est de faire en sorte que la préoccupation régionale ne soit pas cantonnée dans une ou quelques émissions drainant l'essentiel des ressources mais soit présente dans tous les volets de programmation: société, jeunesse, éducation, culture.

Concrètement, nous avons diversifié la production de nos équipes régionales. Elles collaborent toujours à Québec plein écran , mais pas seulement à Québec plein écran , elles contribuent également à produire Lectures de fin de soirée , aux capsules éclair que nous vous produisons tous les jours. Dans les cinq, six minutes qui précèdent huit heures, le soir, quand Christiane Charette finit, nous avons inauguré des capsules culturelles qui permettent aux Québécois de voir quelles sont les pièces de théâtre ou les activités artistiques qui se déroulent au Québec. La moitié de cette émission-là ou des informations que nous donnons porte sur Montréal, mais l'autre moitié porte sur les régions, et, vous verrez, j'ai vu récemment une troupe de théâtre de Chicoutimi annoncée sur nos ondes, ce qu'on ne voit pas sur les ondes d'autres télévisions.

Nous essayons donc, comme je vous dis, de diversifier. Nous faisons également des capsules jardin afin de montrer les beaux jardins qu'il y a sur l'ensemble du Québec sur nos ondes. L'encadrement des émissions jeunesse est également diversifié, de provenance régionale. Des capsules sur la sculpture aussi que vous avez vues sans aucun doute. En outre, l'émission de Mongrain vise à utiliser des reportages faits en région de temps en temps. Allô Prof , je vous l'ai mentionné tout à l'heure, dispose de bureaux en région. Nous avons, l'année dernière, inauguré une émission le 24 juin pour célébrer la Fête nationale: 24 heures de télévision sans publicité pour le 24, et cette émission-là voulait surtout refléter la région québécoise. L'année prochaine, nous voulons répéter l'expérience, mais en mettant à contribution les régions également.

Nous avons aussi augmenté le nombre d'émissions et de séries réalisées par des producteurs indépendants situées en région, et pour vous en mentionner quelques-unes: La culture dans tous ses états, Le Festival des harmonies du Québec, Des îles d'inspiration, 20 000 lieues sur l'estuaire , etc. En d'autres termes, nous ne voulons pas que l'activité régionale soit uniquement ghettoïsée, si vous voulez, ou se situe uniquement dans le cadre d'une émission Québec plein écran , comme ça devait être le cas antérieurement, mais nous essayons de faire en sorte que l'ensemble de notre programmation intègre des produits en provenance de régions. Avons-nous l'heure juste? Sommes-nous dans la bonne direction? Nous pensons que oui. Si vous avez des vues sur le sujet, nous serions, là aussi, fort intéressés à les connaître.

Une autre des dimensions importantes pour nous, c'est que nous devons refléter la diversité de la société québécoise, et je dois vous avouer que, sur ce sujet, nous avons un peu balbutié jusqu'à présent et que nous n'avons pas pleinement réalisé notre mandat. Nous nous demandons, d'ailleurs, un peu par quel bout prendre ça compte tenu des opinions très divergentes qui existent dans la société québécoise sur le sujet. Plusieurs communautés culturelles souhaiteraient que nous frabriquions des émissions qui puissent faire état de ce qui se passe au sein de ces communautés. Le groupe séfarade de Montréal est venu me voir l'année dernière pour que nous puissions produire une émission sur leurs activités. D'autres Québécois d'origine étrangère me disent: Non, nous, nous sommes des Québécois à part entière et nous ne voulons pas être ghettoïsés dans des émissions qui maintiennent un multiculturalisme au sein du Québec. Nous voulons, au contraire, montrer notre participation au devenir de la société, nous voulons être intégrés dans vos émissions, mais nous ne voulons pas d'émissions spécifiques sur les communautés culturelles. Nous ne nous sommes pas faits une tête de façon finale sur ce sujet. Comme question de fait, le prochain conseil d'administration, qui siège à la fin du mois de novembre, va commencer à se pencher sur cette question, et, si vous avez des données à me fournir, M. Inchauspé et moi serions les plus heureux du monde de pouvoir vous écouter et essayer d'avancer, si vous voulez, notre réflexion à l'aide de vos données sur ce sujet.

(9 h 50)

Avant de conclure, je dois vous répéter que la télévision est en pleine évolution. Il y a 20 ans, il y avait deux grands réseaux généralistes et il y avait «l'autre télévision». Aujourd'hui, il y a trois chaînes généralistes, Télé-Québec, onze chaînes spécialisées, une chaîne de télévision payante et une chaîne de télévision à la carte de langue française. En outre, tout récemment, 21 demandes additionnelles pour des services spécialisés de langue française ou bilingues ont été déposées devant le CRTC, dont la formation d'un réseau des arts que Radio-Canada pourrait mettre en oeuvre et qui viserait à avoir un réseau exclusivement culturel 24 heures par jour sur la télévision payante. Vous voyez que nous sommes dans un monde en pleine évolution. Et qu'adviendra-t-il de Télé-Québec dans tout ça? Nous faisons face à un défi considérable. Il y a également, si je me fie au Soleil de ce matin, TFO, la télévision francophone de l'Ontario, qui frappe à nos portes également.

Ça fait beaucoup de monde, et pourtant nous ne consacrons pas à l'écoute de la télévision un plus grand nombre d'heures par semaine. Il y a un phénomène de fragmentation et de segmentation de l'auditoire qui se produit, c'est-à-dire qu'il y a un partage d'une écoute globale relativement stable entre un nombre sans cesse croissant de services de programmation. La segmentation également, c'est la capacité accrue de rejoindre des segments spécifiques d'auditoires – les canaux spécialisés surtout – via une offre de programmation spécialisée et étroitement ciblée. Et c'est l'horizon dans lequel nous devons oeuvrer. Cela menace à terme le dynamisme et la santé financière des réseaux de télévision existants, et Guy Fournier, pour ne pas le nommer, disait récemment que la première vague de canaux spécialisés pouvait se prendre par les téléspectateurs québécois, mais que les 6 000 000 ou 7 000 000 que nous sommes, nous ne pourrons jamais avoir un nombre infini de canaux spécialisés et que le CRTC devra faire un choix parce que, autrement, ça amènera un affaiblissement des télévisions généralistes ou des télévisions comme celle de Télé-Québec. C'est effectivement une menace que nous avons à l'horizon.

Comment passer à travers ça? Je pense que c'est en ayant une personnalité bien campée, bien forte, bien articulée, que les gens nous reconnaissent, sachent quel type de produit nous pouvons mettre à l'écran et que, si nous réussissons à être excellents dans ce que nous voulons être, nous pourrons assurer une pérennité et nous pourrons ainsi distancer tous ces canaux spécialisés qui pourront naître. Je pense que c'est par la qualité que nous pourrons nous imposer, et c'est le défi que nous voulons relever présentement, et nous nous sommes donné les outils qu'il faut pour pouvoir mesurer l'impact de notre action périodiquement.

Pour ce faire, cependant – ce n'est pas une situation facile, c'est un défi imposant à relever – nous devons avoir des moyens pour pouvoir y arriver. Je ne viens pas vous demander de budget additionnel, je connais les contraintes financières du gouvernement. Ayant été aux Finances dans le passé, rien de neuf pour moi là-dessus. Je pense que nous avons le fric requis pour pouvoir faire une bonne télévision qui correspond à ce que je viens de vous évoquer. Comme l'a déjà souligné cette commission, comme, d'ailleurs, le rapport Facal vient de le remettre en lumière, il nous faudrait avoir des coudées administratives plus franches que celles dont nous disposons présentement. Ce n'est pas la peine de constituer des organismes gouvernementaux comme Télé-Québec ou d'autres si on ne leur donne pas la latitude qu'il faut pour agir et s'ils sont dans une situation analogue à celle où sont les ministères. Je pense qu'il nous faut nous affranchir d'un bon nombre de contraintes administratives pour pouvoir réagir rapidement au fur et à mesure des défis qui se présentent à nous plutôt que d'être gelés dans une structure administrative souvent sclérosante. J'espère qu'on pourra améliorer notre situation à cet égard. Notre survie, jusqu'à un certain point, peut en dépendre, sans vouloir dramatiser.

En résumé, nous sommes fiers de ce qui a été accompli en relativement peu de temps. Nous sommes fiers également de porter à votre attention le fait que Télé-Québec vient d'obtenir le prix Jules-Vernes 1997 décerné par le Conseil international du cinéma, de la télévision et de la communication audiovisuelle pour l'ambition et la qualité de sa programmation ainsi que pour son souci de pédagogie et d'innovation au service de la culture et de l'information scientifique et technique. Paris, fin septembre. Ça fait du bien. C'est un beau baume, si vous voulez. Également, nous sommes fiers que le nouveau logo que vous voyez sur nos ondes ait remporté un prix d'excellence au 20e Creativity Annual de la Art Direction Book Company aux États-Unis. Je ne connais pas l'organisation, mais, dans le milieu, il semble que ce soit une organisation bien cotée, et que nous puissions être reconnus comme ça outre-frontières, là aussi, ça nous fait un petit velours et ça nous laisse croire que nous sommes sur la bonne voie. Nous sommes confiants. Nous n'avons pas la prétention d'avoir la vérité toute cuite, toute crue, allez-y, de grâce, de vos suggestions. Nous sommes à l'écoute pour pouvoir en profiter. Je m'excuse pour ce laïus peut-être un peu long, mais j'estimais devoir accroître votre connaissance intime de Télé-Québec pour le reste des travaux de ce matin et je voulais également que vous puissiez avoir une vue de Télé-Québec en bonne connaissance de cause. Merci beaucoup, M. le Président.


Discussion générale

Le Président (M. Gaulin): Alors, merci, M. le président-directeur général, vous n'avez rien perdu de votre faconde. Vous avez fait le cinquante minutes, ça pourrait être une bonne séance universitaire. Vous avez toujours cette facilité, cette habileté d'élocution et votre façon à vous qui, d'ailleurs, donne le verbe façonner. J'imagine que c'est l'intention de Télé-Québec de vouloir façonner une nouvelle télévision. Vous l'avez bien démontré dans votre survol qui nous situe par rapport à vous, par rapport au temps aussi, puisque nous utilisons un plan triennal et, par rapport à vos objectifs, vous parliez de la mission de Radio-Québec. Alors, on pourrait dire, en citant Vigneault, puisque vous parliez de lecture d'auteurs: Chacun fait selon sa façon, moi, je fais encore de la télévision.

Alors, je rappelle nos règles. Nous avons jusqu'à midi. Nous fonctionnons par alternance. J'ai déjà la députée de Pointe-aux-Trembles qui m'a demandé la parole. Vous avez, en principe, 20 minutes chacun, chacune. On peut y aller de manière légère. Si vous ne voulez pas prendre tout le temps, on fonctionne par alternance. Donc, vous pouvez parler jusqu'à 20 minutes, poser des questions, etc. Je pense qu'il y en a déjà plusieurs qui ont hâte de vous parler. Je vais donner la parole à la députée de Pointe-aux-Trembles en rappelant peut-être la mémoire de Michel Bourdon, on se souvient, celui qui l'a précédée et pour qui Radio-Québec était très important. Je dis «était» parce qu'il était alors député, mais, s'il nous entend, je le salue. Alors, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.


Composition du conseil d'administration

Mme Léger: Oui. Bonjour, M. Normand, M. Inchauspé et à toute votre équipe. Dans un premier temps, j'aimerais vous féliciter du prix Jules-Verne de 1997 qui vous a été décerné et qui, quand même, démontre la qualité de vos produits et la possibilité que vos produits soient aussi exportables et innovateurs. J'aimerais avoir un petit peu plus de détails sur le nombre d'employés que vous avez maintenant à Radio-Québec.

M. Normand (Robert): Alors, je peux vous donner les chiffres très précis: 329 permanents et une quarantaine de contractuels.

Mme Léger: Votre conseil d'administration, vous avez dit tout à l'heure qu'il était très varié, que les gens viennent d'un petit peu partout, est-ce que vous avez la liste des membres de votre conseil d'administration que vous pouvez nous fournir?

M. Normand (Robert): Oui, je peux vous donner ça de mémoire.

Mme Léger: J'apprécierais, oui.

M. Normand (Robert): Il y a M. Inchauspé, qui en est le président; il y a M. Francis Pelletier, de Sainte-Anne-des-Monts, qui en est le vice-président; il y a Lefebvre, le cinéaste des Cantons-de-l'Est; il y a Mme McNicoll, qui était vice-rectrice à l'Université de Montréal; il y a Mme Norma Lopez-Therrien, qui représente les communautés culturelles; il y a une employée également, conformément à la loi, qui a été désignée par les employés et élue par acclamation, Annick Charest; il y a également, venant des caisses populaires, Micheline Paradis; il y a Bernard Pilote, du Saguenay également, qui est président du Conseil culturel de la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean; il y a votre humble serviteur qui en fait partie; et il y a une vacance au moment où je vous parle.

(10 heures)

Alors, vous voyez les régions représentées et la provenance, également, des personnes: cinéma, université, milieu de l'éducation, monde des affaires un peu, et Mouvement Desjardins avec Mme Paradis. Voilà.

Mme Léger: Est-ce que vous siégez à tous les mois, tous les deux mois?

M. Normand (Robert): Nous n'avons pas de séquences pré-déterminées, mais nous avons tenu, je pense, cinq ou six séances cette année, ce qui est beaucoup pour un conseil d'administration de cette nature. Au début, on a siégé tous les mois pour pouvoir adopter budget, plan de développement et programmation pour l'avenir. Nous avons un peu réduit notre rythme cet été. Mais je pense que la prochaine réunion de novembre sera la sixième au cours de l'année, ce qui est beaucoup. Le rythme que nous pourrions, que nous devrions suivre serait de quatre ou cinq séances par année.

Mme Léger: Maintenant, vos assises de Télé-Québec – on sait qu'il y en a à Montréal, Québec – où sont-ils, vos bureaux, si vous nous faites un petit peu une carte géographique du Québec?

M. Normand (Robert): Oui. Alors, Montréal, bien sûr, où est le siège. À Québec, nous avons un bureau important également. Nous avons également de petites installations qui couvrent l'Assemblée nationale. Nous avons, en outre, un bureau à Sherbrooke, pour l'Estrie. Nous avons un bureau à Carleton, pour la Baie des Chaleurs. Nous avons un bureau à Rimouski, pour le Bas-Saint-Laurent–Gaspésie. Un bureau à Sept-Îles. Nous avons un bureau à Chicoutimi. Nous avons un bureau en Abitibi. Et nous avons un bureau à Hull, pour l'Outaouais.

Mme Léger: O.K.

M. Normand (Robert): Et Trois-Rivières qu'il ne faut pas oublier, bien sûr.

Mme Léger: On va en parler un petit peu tout à l'heure. Mes collègues vont vouloir en reparler. On va attaquer un petit peu les régions.


Autonomie administrative

Vous avez parlé tout à l'heure que vous aimeriez améliorer votre situation, c'est-à-dire, vous avez sorti le terme des coudées administratives, s'affranchir de certaines contraintes administratives. Est-ce que vous voulez être plus précis, s'il vous plaît, pour les besoins de la commission? Que voulez-vous dire?

M. Normand (Robert): C'est qu'il y a beaucoup de gestes que nous souhaitons pouvoir poser, qu'avant de les poser nous devons aller au Conseil du Trésor ou au Conseil des ministres. Je souhaiterais avoir plus de marge de manoeuvre à cet égard, de sorte que nous puissions rendre compte de ce que nous faisons – il n'est pas question pour moi de ne pas rendre de comptes, pas du tout – mais ne pas être obligé d'aller chercher des approbations préalables.

Je vais vous donner deux exemples. Si je veux recruter quelqu'un de l'extérieur, comme ça m'est arrivé de vouloir le faire récemment, pour aller chercher des gens de qualité, il me faut pouvoir les rémunérer correctement. Je suis dans un milieu de compétition, à Montréal, dans la télévision, avec ce que l'on sait qui se paie dans ces milieux-là. Pour aller chercher quelqu'un, il me faudrait donc avoir une structure de rémunération qui tienne compte des possibilités de ce milieu, plutôt que de devoir appliquer des normes, critères et barèmes décrétés à Québec par des fonctionnaires, pour des fonctionnaires de Québec. Il y a là une opposition difficile. J'ai réussi, cependant, nonobstant ces difficultés, à recruter un excellent directeur général de la programmation qui a accepté une perte de rémunération, par rapport à ce qu'il faisait antérieurement pour venir à Télé-Québec afin de pouvoir, avec nous, essayer de mettre en oeuvre une télévision éducative et culturelle. Il est venu pour le principe. Il est venu pour le sport, si vous voulez. J'ai été ultrachanceux, mais ce ne sera pas comme ça tout le temps. Ce n'est pas possible que je puisse fonctionner et me retourner de bord rapidement, lorsque besoin est, tout en étant fort raisonnable, en voulant utiliser les deniers publics correctement – loin de moi l'idée de faire des folies, je ne veux pas du tout – en voulant rendre compte par la suite. Mais j'ai besoin d'une marge de manoeuvre.

Je vais vous donner un deuxième exemple, si vous voulez. Nous avons refait les structures administratives de Télé-Québec à la suite des changements majeurs de structure qui sont intervenus avant que je n'arrive. Le nombre de cadres a été proportionnellement réduit plus que le nombre d'employés réguliers, de sorte que la tâche des cadres s'est accrue. Nous nous sommes convenus, avec les gens du Trésor, d'une méthode d'évaluation des postes. Ça fait un an et demi de ça. Nous avons fait les évaluations, tout a été fait conformément aux règles de l'art, mais le dossier n'est pas encore réglé. Il est encore en discussion. Ce n'est pas vraiment une situation idéale pour stimuler et fouetter les troupes alors que nous devons affronter la compétition et le monde en évolution dont je vous ai parlé tout à l'heure. Je souhaiterais pouvoir disposer d'une plus grande marge de manoeuvre. Il y a sûrement beaucoup de présidents d'organismes qui vont vous dire la même chose, mais, que voulez-vous, nous oeuvrons – le siège social est à Montréal – dans un milieu de télévision en pleine effervescence. Et la création des canaux spécialisés amène une surenchère dans les offres salariales pour les personnes spécialisées qui... Alors, voilà ce qu'il me faudrait davantage.

Également, je vais vous donner un autre exemple. Mon prédécesseur – je n'y suis pour rien, mais, quand même, c'est ça – a cru bon – on pourra revenir sur le sujet, si vous voulez – d'utiliser les services de M. Mongrain chez nous. Il a discuté avec M. Mongrain et ils ont établi un contrat qui est, somme toute, raisonnable, si vous voulez. Ce contrat-là, cependant, ne peut entrer en vigueur que s'il est approuvé – tenez-vous bien – par le Conseil des ministres et publié dans la Gazette officielle . Il n'y a pas d'autre chaîne de télévision au Canada, à ma connaissance, qui procède comme ça. On se trouve, quand on engage quelqu'un comme M. Mongrain, à rompre la confidentialité, qui est importante, semble-t-il, dans le milieu, de sorte que nous essayons de faire de la télévision sans respecter les règles du milieu.

Je ne veux pas dire que je ne veux pas rendre des comptes, je vous le dis tout de suite, mais je ne crois pas qu'il soit sage que nous puissions nous en référer à un Conseil des ministres qui ne doit sûrement pas avoir beaucoup de marge de manoeuvre devant une situation comme celle-là. Je ne vois pas ce que ça ajoute, d'ailleurs, que de ce faire. Je ne parle pas du mérite de l'embauche de M. Mongrain – je suis prêt à reprendre ce sujet-là avec vous, si vous le souhaitez – mais je veux simplement démontrer ou démonter un mécanisme administratif qui me semble ne pas être adéquat dans le secteur d'activité où j'oeuvre. Voilà.


Deuxième année du plan d'activité

Mme Léger: Je pense que vous l'avez bien expliqué. Vous avez eu le temps de faire votre point. On a bien écouté. J'aimerais revenir sur votre... Vous avez parlé de l'an deux, de ce qu'on appelle... en tout cas, l'accès aux émissions par le truchement de l'autoroute de l'information. Déjà, en l'an un, vous nous avez expliqué tout à l'heure que vous avez priorisé autre chose. Mais je vois déjà... ce que vous avez de fait, de projets de sites Web, est déjà assez avancé. Alors, expliquez-moi ce que sera donc l'an deux.

M. Normand (Robert): Je vous ai parlé de projets, dont certains ne sont pas tous concrétisés. En l'an deux, il faudra les concrétiser, il faudra également en développer de nouveaux. Il y en a un que je n'ai pas mentionné et que je trouve bien intéressant. Nous avons subventionné, si vous voulez, la création d'un cédérom sur les chefs de la francophonie. Alors, il y a quelqu'un, un producteur à Montréal, qui a initié ce type de cédérom. Il veulent mettre Senghor là-dessus, ils veulent mettre les grands chefs d'État que nous avons connus, dont M. Lévesque. Alors, nous l'avons subventionné et ça va rouler dans le multimédia, de sorte que nous allons concrétiser en l'an deux les projets que je vous ai esquissés.

Nous allons sûrement en élaborer d'autres aussi. Mais nous ne nous penchons pas, là-dessus, sur l'élaboration de nouveaux projets, présentement. Nous en avons suffisamment et nous nous concentrons surtout sur la programmation de l'automne prochain, de façon que vous sentiez encore davantage que nous actualisons le mandat que vous nous avez confié. Nous sommes en redéfinition, nous sommes en transition, et je voudrais que la transition marque un pas encore plus fort dans une télévision éducative et culturelle de qualité pour l'automne prochain. C'est là-dessus que nous nous concentrons présentement.


Entente avec les chaînes La Cinquième et La Sept/Arte

Mme Léger: Je vais terminer avec une dernière question, pour laisser la chance à tout le monde. Télé-Québec a signé une entente avec La Cinquième et Arte, lors de la mission économique du premier ministre en France, il y a quelques semaines, avec Mme Beaudoin qui y était aussi. Alors, ça a été une bonne occasion, je crois, de mentionner le succès du volet culturel de la mission. Dans quelle circonstance s'est conclue l'entente?

M. Normand (Robert): Très simple. Nous avions déjà une entente avec La Cinquième , en France, La Cinquième étant une télévision éducative. Le monde de la télévision est aussi en évolution, en France. Il y avait une autre chaîne qui s'appelle La Sept/Arte . C'est une chaîne franco-allemande qui était dirigée par Jérôme Clément, une chaîne culturelle. Alors, sur les ondes françaises, La Cinquième faisait la partie de jour et La Sept/Arte faisait la partie de soir, culture. Ils ont décidé de fusionner la partie française de La Sept/Arte avec La Cinquième qui existait. Et Jérôme Clément est devenu le boss, si vous voulez, le président de ces deux chaînes françaises qui vont être unifiées juridiquement bientôt.

Comme nous avions une entente avec La Cinquième en matière d'éducation, il nous a semblé que c'était un bon moment de pouvoir étendre cette entente pour englober toute la partie culturelle, c'est-à-dire La Sept/Arte , en raison de la présence de Jérôme Clément et en raison de notre mandat culturel qui est important. Ça a été l'occasion. Nous avons donc ajouté la dimension culturelle dans l'entente qui existait. Mais nous avons aussi ajouté la création de cette banque de données dont je vous parlais tout à l'heure, qui, pour moi, est fort importante, surtout en matière éducative, dans un premier temps. Ça viendra par la suite en matière culturelle, La Sept/Arte produisant des produits culturels de très haut niveau, un peu élitistes, pourrait-on dire ici, mais qui ne manquent pas d'intérêt, je peux vous l'assurer. Je pense qu'il y a de la place pour une télévision de cette nature-là, à certaines heures, au Québec, et cette entente-là va recevoir des suites.

(10 h 10)

Également, nous sommes convenus de pouvoir nous représenter mutuellement. J'espère qu'avec les gens du marketing nous pourrons être plus actifs dans la vente de nos produits sur le marché nord-américain. En ce faisant, nous pourrons également représenter La Cinq et La Sept/Arte dans la vente de leurs produits. Nous serons donc, si vous voulez, un représentant de La Cinq et de La Sept/Arte sur le continent nord-américain, en sens inverse. Eux sont actifs dans les marchés européens qu'ils connaissent beaucoup mieux que nous – La Sept est jointe à la télévision allemande, comme je vous ai dit tout à l'heure – mais également ils sont présents sur les marchés asiatiques et ils pourront nous représenter dans ces marchés-là où nous ne croyons pas être présents, présentement, compte tenu de notre taille.

Il y a donc là des bénéfices mutuels qui se sont ajoutés à l'entente qui préexistait et qui me semble être un excellent pas dans la bonne direction. D'ailleurs, M. Jérôme Clément, mon homologue, si je peux m'exprimer ainsi, du côté français, viendra présider, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, le Festival du film scientifique – ça s'appelle Téléscience, maintenant, je pense – la semaine prochaine.

Mme Léger: Merci.

Le Président (M. Gaulin): Merci, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles. M. le député d'Outremont.


Réalisation des objectifs

M. Laporte: M. Inchauspé, M. Normand, bonjour. Merci de cette excellente présentation, M. Normand. J'ai plusieurs questions à vous poser.

La première. Je comprends parfaitement l'esprit dans lequel vous travaillez actuellement. Je trouve que l'expression que vous avez utilisée, de «retournement stratégique», est tout à fait exacte. C'est essentiellement ce que vous avez l'intention de faire. C'est vraiment un «turnaround», ou un «turnabout», comme disent les Américains. Mais il y a un certain nombre de problèmes qui concernent la planification stratégique que vous avez amorcée. Il y en a un que je n'ose pas aborder parce que c'est peut-être un peu trop savant, un peu trop abstrait, mais, en planification stratégique, c'est toujours important, pour que le plan ait de la cohérence, que, avant de se lancer dans l'opération, on ait produit un énoncé explicite des valeurs sociales de référence.

Dans votre cas – puis vous allez le voir, je vais revenir à ça dans une deuxième question – on ne sait pas exactement quel est le diagnostic de fond qui... Je comprends que vous êtes avec une organisation qui évolue dans une conjoncture financière spéciale, mais... Je vais vous donner un exemple de ce que je veux dire, là. Il me semble qu'il y a deux grands problèmes, dans une société contemporaine comme la nôtre, auxquels une télévision comme la vôtre pourrait s'adresser, puis je pense que vous vous y adressez en partie, c'est celui de l'apparition, à l'échelle des sociétés occidentales, d'une nouvelle forme d'inégalité, en particulier en matière d'accès à la connaissance, d'accès au savoir. Les valeurs de référence ne sont pas explicites, dans le plan. J'aurais souhaité qu'elles le soient davantage. Lorsqu'on le lit ou qu'on le relit, on voit bien qu'il y a un diagnostic de société qui est fait derrière ça et que vous voulez vous repositionner en fonction de ces valeurs de référence là, la bonne société, ce que Galbraith appelle la société meilleure. À mon avis, si ces valeurs de référence avaient été explicitées d'une façon plus claire, le plan aurait peut-être eu plus de cohérence qu'il n'en a maintenant. Du point de vue d'un administrateur, ce n'est peut-être pas une exigence essentielle.

Là où j'ai un problème dans votre plan – en vous écoutant, je ne suis pas encore arrivé à me satisfaire – c'est dans la définition que vous faites du premier but de votre mission stratégique, qui est de développer le goût du savoir. Dans un deuxième temps, vous dites: Favoriser l'acquisition de la connaissance. Évidemment, ce sont deux buts qui découlent de ce que vous appelez la mission éducative de l'État qui se réalisent à travers Télé-Québec. Mais, pour développer le goût du savoir, si vous aviez dit: Ce qu'on vise, c'est un partage accru du savoir... Développer le goût du savoir, la question que je me pose depuis le jour où j'ai lu votre plan, c'est: Comment vont-ils s'y prendre pour évaluer ça dans cinq ans, s'ils ont développé le goût du savoir?

Vous avez mentionné tantôt que – vous le mentionnez d'ailleurs dans votre document – chez les jeunes, il y a ce problème de désaffection ou de manque d'intérêt par rapport aux carrières scientifiques. Vous dites que, chez les jeunes francophones québécois, il y en a à peu près 10 % qui ont... C'est clair que vous voulez susciter ou, disons, élever le niveau d'attrait des carrières scientifiques chez les jeunes. Mais le goût du savoir, évidemment, ça pourrait être un objectif, une mission, un but de mission très général qui pourrait être défini opérationnellement de multiples façons. Mais je vous pose la question parce que c'est... C'est par rapport à quoi que vous avez fait ce choix de but?

Éventuellement, lorsque vous allez devoir vous évaluer comme institution par rapport à la mission que vous aurez accomplie... Ma première question, c'est: Comment allez-vous vous y prendre pour vous évaluer du point de vue de cet objectif? Comment allez-vous vous y prendre, en trois ans, pour dire: Moi, j'ai augmenté le goût du savoir dans la société québécoise? Si c'était le partage du savoir, ou si c'est l'attrait pour les carrières scientifiques, ou... Évidemment, sur une période de trois ans, vous ne réaliserez pas grand-chose là-dedans, mais, sur une période de cinq, 10 ans, ça se mesure. Le goût du savoir, j'ai hâte de voir comment vous allez vous y prendre pour mesurer ça. Vous allez certainement avoir à faire des consultations avec Pierre Bourdieu, qui est à mon avis le seul sociologue au monde qui n'ait jamais fait une sociologie du goût, n'est-ce pas, et c'est compliqué. Donc, ça, c'est ma première question: Le goût du savoir, vous allez vous évaluer, par rapport à l'atteinte de cet objectif-là, comment?

Ma deuxième question, ça rejoint un peu les commentaires qui viennent d'être faits par ma collègue de Pointe-aux-Trembles. Évidemment, là je ne dispose pas d'information suffisante pour pouvoir la poser peut-être avec toute la précision dont j'aimerais être capable, mais il me semble que – et vous pouvez peut-être «déconfirmer» ça – il y a une contradiction entre, d'une part, l'énoncé de but que vous faites, qui est de refléter les réalités régionales, et les décisions opérationnelles que vous avez prises touchant la réduction du niveau de production de certaines unités régionales.

Je pense, par exemple – j'ai un certain nombre de notes là-dessus – aux décisions qui ont été prises à Hull, Sherbrooke, Trois-Rivières, Sept-Îles, Carleton, à la colline parlementaire. Ce qu'on me dit – mais ce n'est peut-être pas, disons, des informations qui sont suffisamment fiables ou qui sont de la dernière cuvée – c'est que la nouvelle programmation... Et vous avez fait des commentaires là-dessus qui sont intéressants, en disant: On veut diversifier la programmation régionale pour la sortir de l'émission Québec plein écran puis l'infuser dans une diversification d'émissions plus large. Mais ce qu'on me dit, c'est que, dans certaines régions où la production régionale interne a été abandonnée ou fortement diminuée, et, dans certains cas, carrément abandonnée, parce que vous dites qu'on est passé d'une heure à 30 minutes pour l'ensemble des affaires publiques, Mais, dans certains cas, il y a eu abandon, c'est-à-dire qu'il y a un abandon au sens où les gens me disent qu'on ne parle plus d'événements qui se sont déroulés dans leur région, mais on parle dans leur région d'événements qui se sont déroulés ailleurs...

Donc, là je me suis posé la question et je me la pose toujours: Est-ce qu'il n'y a pas une contradiction entre un but stratégique, un objectif stratégique, comme vous l'avez décrit, et aussi une décision opérationnelle qui a été prise en fonction d'une conjoncture financière bien particulière? Ça, vous n'en êtes pas l'auteur, puis je veux bien reconnaître que ce n'était pas une décision facile à prendre. Mais je voudrais que vous me rassuriez là-dessus parce que j'ai eu des représentations qui étaient inquiétantes à cet effet.

Troisièmement, évidemment, là vous êtes pris avec un sacré problème avec lequel vous n'êtes pas le seul à être pris. Le Parti québécois nous a un peu foutus dedans sans nécessairement faire exprès. Mais, vous l'avez bien mentionné, en ce qui concerne cet objectif qui est de refléter la diversité de la société québécoise, vous êtes en panne, c'est-à-dire que vous dites: On va avoir une réunion de notre conseil d'administration, on va essayer de se dépanner là-dessus, au moins; on est dans l'incertitude, on est dans l'indécision. Ce n'est pas nouveau, parce que, avant, on affichait une idéologie, une ligne directrice qui était le multiculturalisme. Avec le PQ, on s'en est allés vers ce qu'on pourrait appeler une espèce d'idéologie républicaine, n'est-ce-pas, ou de citoyenneté. C'est un peu assimilationniste, dans le fond, sans qu'on le dise nommément. Ça rejoint un peu la théorie de Fernand Dumont sur la culture d'émergence, de convergence. Finalement, on convergeait tous vers une tradition centrale qui était la tradition française.

(10 h 20)

Vous dites qu'il y a des gens chez vous, qu'il y a de vos auditeurs qui sont d'ailleurs parfaitement d'accord avec ça. Ils disent: Écoutez, nous autres, on ne veut pas avoir des petites émissions pour nous autres, on ne veut pas être marginalisés, on ne veut pas être ghettoïsés, on veut faire partie de toute la programmation. Comme beaucoup d'autres au Québec, vous êtes pris avec ce problème-là, c'est-à-dire que je veux bien, mais vous avez deux idéologies et, à mon avis, vous n'avez pas encore réussi à faire un choix, à vous nicher entre ces deux idéologies-là. Parce que vous ne pouvez ni prendre l'une ni prendre l'autre. Si vous prenez l'une, vous rendez insatisfaite une partie de votre clientèle; si vous prenez l'autre, vous allez vous faire prendre. Donc, c'est une espèce de «no end situation», dans un sens.

Mais, ça, je vous répète que j'aimerais savoir un peu plus qu'est-ce que vous entendez faire pour sortir de l'incertitude, mais aussi je vous dis que je ne suis pas en train de vous blâmer, parce qu'on est tous pris avec ce problème de panne et je pense que les gens d'en face en sont largement responsables, d'autant plus que, à mon avis – et j'en sais quelque chose parce que j'ai travaillé assez longtemps, dernièrement, sur le plan triennal du ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration – ils sont en panne eux-mêmes. Ils ne nous offrent pas de porte de sortie. Donc, on est tous coincés, on ne le dit pas, on essaie de ne pas le faire paraître. Mais, pour qui est un observateur, disons, perspicace – je ne parle pas de moi, je parle de n'importe qui qui pourrait l'être – c'est assez évident, quoi. Donc, sur ça, j'aimerais savoir: Comment vous allez naviguer dans ce flou idéologique qui nous habite et qui nous habitera peut-être encore assez longtemps, compte tenu du fait qu'il y a une difficulté épistémologique d'en sortir?

La quatrième question que je veux vous poser, ça, c'est une question à laquelle vous avez partiellement répondu, mais là je voudrais vous la poser sur un autre plan. Pas tellement sur le plan des contraintes administratives auxquelles vous faites face, parce que j'en suis bien conscient. Quand vous dites qu'après un an vous êtes toujours en train d'essayer de faire approuver votre plan d'administration supérieure par le Conseil du trésor, ce n'est pas nouveau. J'ai connu ça moi-même. Je sais quel genre d'écoeurement auquel ça peut donner lieu dans certains cas. Mais la question que je me pose, là... Il y a deux questions. La première, c'est une question un peu terre-à-terre, c'est-à-dire: Qu'est-ce que vous attendez, qu'est-ce que vous espéreriez qu'on vous reconnaisse comme statut légal?

La deuxième question est moins terre-à-terre que ça. C'est que, lorsqu'on lit votre plan stratégique et qu'on le lit comme étant le travail d'un administrateur d'expérience et de compétence, disons, exceptionnelles, qui veut faire un retournement, un vrai virage à la fois dans la mission et dans la structure organisationnelle de l'institution, on se dit: Sans la marge de manoeuvre qu'il réclame, M. Normand, «y va-tu» réussir son retournement? C'est grave, parce que vous vous en allez vers une conjoncture où vous allez être en compétition avec bien du monde. Si vous n'avez pas la marge de manoeuvre dont vous parlez, à mon avis – enfin, j'exprime une opinion là-dessus, je ne fais pas une affirmation catégorique – j'ai l'impression qu'il y a un risque que toute cette entreprise louable et méritoire, et fort ingénieuse, et fort intelligente, de la part de votre conseil d'administration et de vous-même, risque d'être compromise. Donc, il y a une question de savoir quel statut légal vous souhaiteriez, et il y a l'autre question qui est, si vous me permettez, de lancer une espèce de cri.

Moi, je vous écoutais parler tantôt au sujet de ce que vous avez décrié comme vos contraintes. Il y a des contraintes administratives, techniques, comme: Écoutez, mon plan d'organisation supérieure, vous l'amenez ou vous ne l'amenez pas? Vous l'étudiez ou vous ne l'étudiez pas? Ça, c'est une chose. Mais, si vous voulez faire le moindrement de développement, en particulier à l'échelle internationale, et vendre des produits, vous trouvez des sources, comme vous dites, des leviers autonomes ou des leviers intérieurs de financement, avec le genre de marge de manoeuvre que vous avez, vous avez dit que vous seriez là pour deux ans, vous allez peut-être vous tanner avant ça, ou vous allez peut-être sortir de là pas mal fâché, dans un sens. Donc, je me dis: Y «a-tu» un risque? Y «a-tu» un danger? Et qu'est-ce qu'on peut faire, nous, pour vous aider là-dessus? Parce que, disons, l'enjeu est sérieux parce que, sans cette marge de manoeuvre, on peut s'interroger sur vos chances de succès comme administrateur stratégique qui veut faire faire à Télé-Québec un virage de mission et de structure majeur. D'autant plus qu'il ne faudrait pas – et je termine là-dessus – retourner, espérons-le, à l'espèce d'instabilité directionnelle de Télé-Québec au cours des sept ou huit dernières années. Vous avez dit qu'il y avait eu, quoi, sept ou huit présidents?

Une voix: Six.

M. Laporte: Six. Ça n'a pas beaucoup d'allure. C'est une espèce de chaos institutionnel, cette affaire-là. Donc, vous voulez sortir de ce chaos-là. Vous voulez donner à Télé-Québec une nouvelle direction. Vous voulez lui infuser, dans un sens, un nouvel élan – c'est ce que j'ai compris – et là vous vous retrouvez avec ce sacré problème de dire: Oui, mais, pour faire ça, il nous faut de l'autonomie. Et de l'autonomie, ce n'est pas très légitime dans la structure administrative de l'État québécois qui est un État hautement centralisé et doublé d'un autre problème. C'est que non seulement il est centralisé, mais il est localisé à Québec, alors que, vous, vous opérez à Montréal sur une clientèle qui est largement aussi une clientèle montréalaise. Donc, sur ça, j'aimerais vous entendre parce que je pense que l'enjeu est de taille et j'aimerais voir comment vous allez en discourir.

Donc, M. le Président, c'est à peu près l'ensemble de mes remarques. Je reviendrai peut-être avec des questions plus tard.

Le Président (M. Gaulin): Oui. Alors, j'indique que le temps de réponse est comptabilisé dans le temps des partis. Il vous reste quatre ou cinq minutes, M. le président, la question ayant duré longtemps.

M. Normand (Robert): M. le Président, si vous me le permettez et si le député d'Outremont le permet également, sa première question étant d'un niveau très élevé et se rattachant à des valeurs fondamentales à connotation philosophique, je souhaiterais que le président du conseil d'administration, qui est beaucoup mieux formé que moi en la matière, puisse tenter de répondre aux interrogations du député d'Outremont. Pour ma part, je tenterai de répondre aux trois autres questions qu'il a abordées, si vous le permettez.

Le Président (M. Gaulin): Président Inchauspé, allez-y.

M. Inchauspé (Paul): Alors, en 45 secondes. La question est extrêmement importante. Les états généraux de l'éducation qui ont eu lieu au Québec ont démontré une chose de façon évidente: il n'y a pas, chez nos jeunes, le goût du savoir. On apprend pour que ce soit utile et non pas pour le plaisir de savoir. C'est la raison pour laquelle cet élément a été indiqué là.

Il est évident que Télé-Québec ne peut pas, à elle seule, régler ce problème. Mais le groupe de travail que j'ai présidé pour la réforme du curriculum dit, je pense, des choses extrêmement importantes sur la revalorisation des savoirs. Et je crois que, ultérieurement, Télé-Québec, dans ses rapports avec le ministère de l'Éducation et dans l'approche de ces questions, va pouvoir aborder ces questions.

Je signale que ce sont aussi des milieux socioéconomiques qui sont préoccupés de ces questions. Je fais partie du Conseil de développement régional de Montréal, et dans l'objet de l'aide cette année, on a une question dont on se préoccupe: Que faire pour valoriser les savoirs? Or, le goût, c'est la curiosité, mais c'est aussi l'identification à la valorisation. C'est une question très importante qui a été posée, mais je pense que les réponses viennent de ces engrenages d'actions qui sont entreprises actuellement.

(10 h 30)

Le Président (M. Gaulin): Je vous remercie. M. Normand.

M. Normand (Robert): Si vous me permettez d'enchaîner. Comment pourrons-nous savoir si nous avons développé le goût du savoir? Ce n'est pas une mince question. Je vous réfère aux instruments de sondage de nos téléspectateurs que nous faisons périodiquement. Je vous réfère également aux 3SC de CROP. Les enquêtes de CROP peuvent comporter des questions que nous pouvons leur suggérer. Nous ne réussirons pas à obtenir une réponse pleine et entière à ce type de question, mais nous pourrions ainsi obtenir certains éléments qui nous permettraient de déterminer si nous avons réussi un tant soit peu à améliorer la situation à cet égard. Ce n'est pas facile, cependant, je n'en disconviens pas.


Production régionale

En ce qui concerne les trois autres questions, d'abord les réalités régionales, je vous ai expliqué pourquoi Québec plein écran , nous l'avions réduit d'une heure à une demi-heure par jour, il y avait un problème essentiellement financier à la base. Il y a également un problème de poids trop lourd de l'information dans la programmation de Télé-Québec. Nous avons donc dû ajuster nos équipements en région en fonction des besoins réels de Québec plein écran , et ce n'est pas possible de maintenir les mêmes équipes que nous avions antérieurement pour une émission d'une demi-heure par jour, alors qu'auparavant nous maintenions une heure par jour. Il y a donc un problème financier à la base. Cependant, nous avons, à certains endroits, laissé aller des employés temporaires qui étaient surtout journalistes, recherchistes ou réalisateurs.

Mais nous n'avons pas pour autant cessé la production locale dans les endroits où nous nous sommes partiellement délestés. Bien au contraire, nous continuons à maintenir dans chacune des régions un coordonnateur régional, une adjointe administrative et un cameraman monteur et nous utilisons des ressources des régions à temps partiel autres que des journalistes, ou des réalisateurs, ou des recherchistes. Nous utilisons d'autres ressources, des producteurs privés, par exemple, ou des gens à la pige pour pouvoir réaliser les actions régionales dont je vous ai fait état rapidement tout à l'heure et dont vous trouverez une liste plus complète dans le document que je vous ai distribué. En d'autres termes, il continue à se faire de la production en région, il s'en fait plus qu'avant. Nous répercutons ce qui se fait dans les régions mieux et davantage qu'avant, mais pas par le même canal, pas de la même façon, ce n'est pas par Québec plein écran que ça passe exclusivement. C'est notre prétention actuellement.

Avons-nous réussi? Je ne suis pas sûr que c'est nécessairement la bonne voie. Je souhaiterais avoir une émission Québec plein écran percutante qui puisse s'imposer, qui puisse avoir une heure par jour à l'antenne. C'est long, cependant. Nous avons remarqué – moi-même, je suis victime un peu de ça – qu'écouter Québec plein écran une heure de temps, c'était lourd comme émission d'information de sept à huit, après les nouvelles, après toutes autres les émissions. On a le goût, entre sept et huit, de relaxer davantage, et c'était lourd, une heure. Je pense que, à une demi-heure positionnée à 18 h 30, Québec plein écran donne mieux, me donne personnellement un plus grand degré de satisfaction. La contrepartie, c'est qu'il y a moins de place, si vous voulez, il y a moins d'espace pour pouvoir y passer des reportages autant qu'auparavant, encore que la fabrication des reportages, avec les équipes que nous avions, qui ont été choisies très rapidement, si vous me permettez l'expression, sur la gueule, souvent, avec des résultats pas toujours très satisfaisants, ne nous donnait pas un plein degré de satisfaction. Ce n'est pas parce que la sélection a été déficiente qu'il ne nous faut pas changer des gens. Et puis il ne faut pas laisser aller le bébé avec l'eau du bain en même temps. Bien non. Mais il y avait un problème financier.

Si je réussis à réorganiser la programmation de Télé-Québec de façon à pouvoir étirer Québec plein écran , reporter d'une demi-heure à une heure, nous le ferons, et, à ce moment-là, nous utiliserons de nouveau des ressources temporaires en région. Mais loin de moi l'idée de croire, loin de vous l'idée de croire que nous ne faisons plus de production régionale. Au contraire, les lectures de fin de soirée sont produites en région par notre cameraman monteur avec l'aide de personnes qui viennent des régions qui ne sont pas les mêmes qu'avant. Et, vous savez, quand quelqu'un, en région, a un emploi temporaire et qu'il ne voit pas son contrat renouvelé, il n'est pas heureux, et je le comprends aussi humainement, mais je pense que nous devons nous situer dans une évolution de notre programmation, et c'est ce que nous avons fait cette année, nous avons laissé tomber certaines personnes pour pouvoir utiliser d'autres personnes d'un autre type.

À Carleton, nous avions une recherchiste, l'année dernière, qui était excellente et qui veut faire de la réalisation. Nous l'utilisons pour faire de la réalisation cette année et elle s'est aboutée avec un excellent producteur privé, Vic Pelletier, de Matane, qui a décidé de la prendre sous son aile pour pouvoir lui permettre de réaliser sur la Baie-des-Chaleurs des émissions dont vous avez la liste dans les documents que je vous ai passés. Alors, c'est plus nuancé, je pense, que les perceptions qu'on peut en avoir à première vue ou que certains ont pu avoir dans le passé, mais là je ne veux pas m'embarquer là-dedans. Deux...

Le Président (M. Gaulin): M. le président, on y répondra peut-être par d'autres questions, il y a déjà six autres députés qui m'ont demandé la parole, et on a déjà dépassé de cinq minutes. Ça fait sept avec Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.

M. Normand (Robert): Très bien.

Le Président (M. Gaulin): Alors, M. le député de Vachon.


Enseignement des langues

M. Payne: Merci, M. le Président, et bienvenue à Télé-Québec. Il s'agit d'une synergie, en ce qui nous concerne, une synergie politique importante, c'est-à-dire l'association de la commission de la culture avec les dirigeants de Télé-Québec, parce que la complémentarité entre le rôle du législateur et un organisme autonome comme le vôtre est extrêmement importante. Et je ne laisserai pas sous silence les quolibets de mon collègue d'Outremont en ce qui concerne une politique du gouvernement, politique culturelle en panne sèche. Je me souviens, à titre de président de la commission de la culture, au début de ce mandat, ce qui était plutôt en panne sèche, c'était l'opposition qui venait de vider, libérer l'espace politique pour un gouvernement, je pense, qui a pris en main ses responsabilités, notamment à l'égard de Télé-Québec.

Il y avait une commission qui était mise sur pied, d'ailleurs, et un rapport unanime qui était déposé après de longues études. Nous avons travaillé en étroite collaboration avec Jean Fortier sous la présidence de Michel Pagé, ancien ministre libéral, pour, justement, s'engager dans la voie de l'avenir d'une façon courageuse. D'ailleurs, je dois remercier en passant le comparatif que vous avez préparé entre les recommandations de la commission de la culture et le plan triennal. Pour nous, c'est assez important parce que nous avons des membres de la commission – au moins de notre côté – qui viennent de toutes les régions du Québec presque – il y en a d'autres de l'autre côté de la commission aussi – et on reconnaît que la plupart des recommandations ne sont pas seulement prises en considération mais font maintenant l'objet d'une réalisation.

Bien sûr, on s'est adressé conjointement sur les orientations de Radio-Québec pour devenir Télé-Québec et puis on a clairement établi que les axes principaux de Télé-Québec, à notre avis, devraient s'entourer aux alentours de la culture, de l'information, de la jeunesse et puis de l'éducation formelle. Nous avons également discuté toute la question d'une télévision québécoise là où il y avait des composantes importantes des minorités culturelles et on souscrit à votre analyse à l'effet que la réflexion n'est pas faite, ne s'est sûrement jamais faite quant à c'est quoi, le rôle d'une télévision comme la vôtre à l'égard des communautés culturelles. N'empêche que nous avons apporté un certain nombre de réflexions dans notre rapport à ce sujet-là.

On s'est adressé, parmi d'autres, à la participation en région, on a discuté de la projection des émissions de la part des communautés culturelles, quelle valeur ça pourrait avoir, mais, d'aucune façon, notre préoccupation était pour faire en sorte qu'il y ait une philosophie sous-entendant une philosophie d'assimilation. Je ne pense pas que c'était la philosophie de Fernand Dumont. J'aurais bien voulu avoir ici, aujourd'hui, Fernand Dumont pour écouter les propos du député d'Outremont tout à l'heure. Oui, c'était plutôt une philosophie de convergence. Québec était un foyer de convergence caractérisé par une langue commune qui était le français, là où il y avait des valeurs partagées en commun, et la culture québécoise n'était pas une culture de l'État, mais plutôt l'expression essentiellement française historiquement par ses origines et traditions, avec un apport plus récent d'autres cultures, minoritaires celles-là, qui ont enrichi beaucoup nos valeurs au Québec, et je pense que ça marquait une nette distinction, là, avec la politique d'un autre gouvernement qui, lui, préconisait davantage un amalgame de cultures qui, populairement, s'appelle le «multiculturalisme».

(10 h 40)

En ce qui concerne l'autonomie – et je pense que les membres de la commission se sont exprimés unanimement encore – nous avons discuté de la problématique majeure posée par une institution qui est un gouvernement qui adopte un budget, comme tous les gouvernements occidentaux, annuellement, qui ont affaire d'une façon subventionnaire avec les institutions qui, elles, doivent opérer dans un contexte que vous avez décrit avec beaucoup d'érudition et d'expérience, un monde de compétition qui bouge vite, où les décisions doivent être prises vite, qui a des éléments de confidentialité et là où l'État peut, avec beaucoup de témérité, entrer dedans. N'empêche que le principe est exposé et déposé par la commission. Pour que ça soit assuré, ils ont dit, à Radio-Québec, une véritable autonomie, que cette assurance se traduise dans les lois et règlements. Ça, c'est le principe, et je pense que, ça, ce n'était pas négociable dans l'esprit des membres de la commission.

Ceci dit, le défi d'il y a trois ans, c'est qu'il aurait fallu répondre à la question: Est-ce que nous avons les moyens, les ressources, surtout financières, pour nous doter d'une télévision d'État? Pas d'une télévision de second plan, mais de quelque chose qui serait compétitif sur le marché d'aujourd'hui. Avec des coupures allant aux alentours de 12 000 000 $, je pense que l'illustration s'est faite ce matin que vous n'avez pas seulement fait un virage, mais témoigné et offert tout un miracle d'affaires. Nous avons eu un programme de préretraite qui était très difficile et délicat à gérer, difficile aussi pour nous, membres de la commission, parce que nous sommes des représentants de, précisément, cette partie de la société, souvent. Ma collègue, à ma droite, est le successeur d'un autre, Michel Bourdon, qui, lui, était très impliqué dans les négociations dans le temps, et plusieurs comme membres de la commission. Ça, c'est un projet qui coûte cher, mais qui était voulu par le législateur.

Donc, ce partenariat politique entre vous et l'État, je pense que c'était nécessaire. Ce n'est pas une valeur en soi, mais c'est un moyen pour faire en sorte qu'on puisse maintenir cet outil culturel qu'est Télé-Québec. Je pense que l'autonomie exigée par le député d'Outremont, on reconnaît qu'on a... Il n'était pas ici, il n'était pas membre de la commission à ce moment-là, il n'était pas député, mais nous avons longuement discuté de ça et nous avons entendu beaucoup de témoignages qui allaient dans le sens qu'on s'est donné finalement, c'est-à-dire donner l'autonomie, mais s'assurer que l'État soit là essentiellement comme bailleur de fonds. Pas comme contrôleur, mais comme bailleur de fonds. Et ça, ça a été respecté et ça a été évoqué à maintes reprises par nous comme membres de la commission, et je pense que c'est enregistré auprès de l'Exécutif. J'espère, au moins.

Je ne voudrais pas occuper du temps plus qu'il ne faut, je voudrais m'adresser à une question en particulier qui est justement la question des langues. Moi, je suis de ceux qui considèrent que Télé-Québec devrait exclusivement opérer en français et je ne comprends pas pourquoi il y a des projets fort intéressants – et je les regarde – pour l'apprentissage d'une langue seconde qui est l'italien ou l'espagnol. Moi, je suis un peu plus présent dans un milieu qui est plutôt anglophone, et la demande pour le milieu anglophone, au-delà de l'âge scolaire, pour l'apprentissage de la langue française langue seconde est énorme. Peut-être qu'il y a quelque chose qui m'échappe, mais je ne vois pas ça comme présent. Je dois dire en passant, par caution, que ce n'était pas demandé dans la commission. On avait discuté cela, on n'a pas exprimé une opinion, mais je m'attendais, dans la nouvelle programmation, à une certaine ouverture – et c'est important – au volet culturel. Les coûts sont très élevés pour l'apprentissage des langues. L'enseignement pour les adultes, dans son ensemble, est très cher. Il y a des moyens, il y a des instruments pédagogiques à la télévision qui sont remarquablement intéressants. Je voudrais avoir vos idées là-dessus.

Le Président (M. Gaulin): M. le président.

M. Normand (Robert): Sur votre dernière question, M. le Président, nous avons, le samedi et le dimanche matin, des émissions, précisément, d'apprentissage de l'espagnol et de l'italien qui s'appellent Destinos et In italiano . Alors, si vous vous en référez à la grille horaire que je vous ai distribuée, vous verrez que nous essayons d'améliorer l'apprentissage ou d'assurer l'apprentissage de ces langues par nos téléspectateurs. Nous avions, l'année dernière, une émission sur l'allemand. Alles gute , je pense que ça s'appelait. Et nous nous interrogeons sur l'efficacité de ces émissions-là, mais je crois comprendre que certains les trouvent intéressantes. Ma femme, chez moi, a commencé à apprendre l'espagnol et se faisait un plaisir de tester ses connaissances de l'espagnol en écoutant certaines de ces émissions-là un peu distraitement, sans être abonnée au cours nécessairement. Mais je pense qu'il y a là un effort que nous avons déployé et qui correspond à votre préoccupation.


Autonomie administrative (suite)

En ce qui concerne l'autre question, qui rejoint la dernière question du député d'Outremont, je pense que nous avons assez d'argent pour faire une télévision éducative et culturelle de qualité, mais nous sommes à la limite compte tenu des charges qui grèvent notre budget. Nous sommes à la limite, mais il y a moyen. Mais, pour ça, il me faut avoir une marge de manoeuvre qui me permette de prendre les décisions qu'il faut – vous l'avez évoqué – au moment opportun, quand arrive une évolution dans ce monde merveilleux en pleine évolution. Et M. Laporte, tout à l'heure, me demandait comment pouvons-nous concrétiser vos voeux, que nous partageons, à cet égard? Si la commission répétait formellement dans son rapport ou autrement la recommandation qu'elle a déjà formulée et qui est reprise par le rapport Facal à cet égard, je pense que ça pourrait constituer un élément qui, à terme, amènera le gouvernement à modifier notre situation.

J'ai évoqué, à la demande de la députée de Pointe-aux-Trembles, tout à l'heure, certains exemples. J'en ai peut-être oublié un, c'est tout le mécanisme d'appel d'offres, qui est très lourd. Bien sûr, il ne s'agit pas de revenir à l'heureux patronage de l'époque Duplessis – loin de moi cette intention, je peux vous en assurer – mais il nous faut quand même, sur des choses relativement mineures, avoir un processus de pouvoir, aller chercher des équipements de façon plus simple que toute la procédure que nous devons suivre actuellement. Alors, ma réponse, ce serait: De grâce, si vous pouvez répéter vos recommandations, je pense que vous pourriez poser un pas dans la bonne direction qui, espérons-nous, pourra nous mener à terme.

Peut-on réussir sans cette autonomie administrative? Pourra-t-on assurer le retournement complet comme vous le souhaitez? Moi aussi, je me pose des questions. Je ne suis pas sûr que nous allons réussir avec Télé-Québec. Il y a là un défi important avec des écueils majeurs, mais, par contre, j'ai la détermination de ce faire. Le conseil d'administration, M. Inchauspé vous l'a dit tout à l'heure, m'appuie totalement à cet égard, et, chez les employés, je ne vois aucune difficulté à cet égard. Nous voulons réussir, je pense que nous réussirons et je vous remercie d'ajouter votre contribution si vous le pouvez.

Le Président (M. Gaulin): M. le député de Vachon. Oui, il vous reste quelques minutes.


Enseignement du français aux immigrants

M. Payne: Merci beaucoup. Peut-être qu'on s'est mal compris en ce qui concerne l'enseignement des langues secondes. J'ai constaté avec approbation l'existence des programmes, par exemple, pour l'enseignement de l'espagnol et de l'italien, mais mon plaidoyer était plutôt pour l'enseignement du français langue seconde à l'intention des non francophones, sur les ondes de Télé-Québec.

M. Normand (Robert): Bonne suggestion. Je dois vous avouer que vous présentez la chaussette retournée à l'envers et d'une façon qui me surprend un peu. Je note votre suggestion avec beaucoup d'intérêt et je pense que, avec le ministère de l'Immigration et des Relations avec les citoyens, nous devrions pouvoir nous pencher sur cette question pour l'avantage non seulement des anglophones au Québec, mais également des autres personnes d'origine étrangère qui nous arrivent pour améliorer leur apprentissage du français. Je retiens la suggestion, M. le président, que vient de faire le député de Vachon avec beaucoup d'intérêt.

(10 h 50)

Nous avons timidement des capsules, cependant, qui s'appellent L'aventure de l'écriture et que nous diffusons périodiquement à divers moments sur nos ondes, de courtes capsules de 15 ou 30 secondes, je pense, qui sont diffusées également sur TV5 et sur les chaînes françaises. C'est une coproduction franco-québécoise qui vise à faciliter la connaissance élémentaire de la langue pour ceux qui font de l'apprentissage. C'est une façon de le faire, mais qui est moins structurée, moins formelle que celle, je pense, que suggère le député de Vachon si j'ai bien compris.

M. Payne: En tout cas, j'espère qu'on ne viendra jamais à une suggestion qui a été, une fois, évoquée ici comme quoi on devrait peut-être offrir des émissions dans des langues autres que le français. Mais, si on est effectivement Québécois à part entière, j'y souscris de toute évidence et je pense que c'est très important pour que les anglophones, par exemple, ou les Québécois de souche autre que française puissent être encouragés à regarder Télé-Québec. Une façon de le faire, c'est précisément de favoriser l'apprentissage d'une deuxième langue. Et c'est une clientèle, il faut bien le dire en passant, tout à fait différente de la clientèle cible de Télé-Québec.

M. Normand (Robert): Excellent.

Le Président (M. Gaulin): Alors, merci. Je vous indique qu'ont demandé la parole Mme la députée de Chapleau, M. le député de Nicolet-Yamaska, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, M. le député d'Abitibi-Est. Alors, si on y va au rythme de 20 minutes, on va manquer de temps pour tout le monde. C'est comme vous voulez, je vous suggère peut-être 10 minutes, un quart d'heure chacun, chacune quitte à revenir. Alors, Mme la députée de Chapleau.


Composition du conseil d'administration

Mme Vaive: Merci, M. le Président. Merci de la présentation, M. Normand. Vous avez un don pour présenter et vendre votre salade, comme on dit. Vous nous avez fait connaître votre conseil d'administration et vous avez mentionné qu'il y avait un poste vacant, et, au point 20, ici, dans le comparatif entre les recommandations de la commission et le plan triennal, on dit: Que la composition du conseil d'administration de Radio-Québec ou de Télé-Québec soit représentative, notamment, de l'ensemble des régions. Et, dans votre élaboration de membres du Conseil, si j'ai bien compris, je pense qu'il n'y personne de l'Ouest du Québec, de l'Outaouais, de l'Abitibi-Témiscamingue et je pense que... Je ne sais pas qui fait les nominations et de qui relèvent les nominations. Est-ce que c'est le gouvernement?

Une voix: Le gouvernement.

Mme Vaive: Le gouvernement. À ce moment-là, est-ce que ces gens-là... Parce que, moi, j'ai des noms que je pourrais suggérer, et puis c'est des bonnes personnes aussi qui ont à coeur la culture autant en Abitibi-Témiscamingue que chez nous, dans l'Outaouais. Je pense que ce serait important. Vous vous souvenez, je vous avais posé des questions le printemps dernier, lorsque vous êtes venus nous rencontrer en commission. On était inquiets des coupures, mais, par contre, nous avons compris le geste que vous avez posé. Je pense que c'était peut-être une bonne chose, mais vous savez que j'ai à coeur mon coin, et je veux le faire connaître, et c'est par l'entremise d'un poste de télévision comme le vôtre que, occasionnellement, on peut faire connaître ce qui se passe chez nous parce qu'il se passe de bonnes choses aussi. Vous n'avez pas à me répondre, là, c'est que, tout simplement, je voulais savoir qui faisait les nominations et je vais faire ma petite enquête.

M. Normand (Robert): M. le Président, si vous me permettez, je suggérerais à la députée de Chapleau de rencontrer la ministre de la Culture pour lui faire part de ses suggestions. Personnellement, je ne manquerai pas de faire état de votre intervention à cette commission auprès de la ministre, avec laquelle je suis en bon entendement. Lorsque des postes doivent être comblés, ces postes-là le sont par le gouvernement, mais le gouvernement nous fait la gentillesse, habituellement, de nous consulter, les organismes au préalable, et il y a un dialogue qui intervient, sans altérer pour autant le droit de nomination du gouvernement, et je ne manquerai pas de faire état de vos propositions.

Je dois vous dire que la vacance est une vacance de quelqu'un qui venait de la région de Montréal et que c'est toujours difficile de représenter avec un petit conseil d'une dizaine de personnes... Et je pense que le nombre est bon parce qu'il y a une synergie qui se fait, il y a une complicité qui s'établit, et ça marche bien au conseil d'administration lorsqu'on a un nombre aussi petit, mais la difficulté, c'est que, en même temps, ces personnes puissent représenter toutes les régions du Québec et également les divers secteurs d'activité dans lesquels nous oeuvrons. C'est un casse-tête pour la ministre, mais c'est le genre de beau casse-tête que les ministres aiment bien habituellement avoir. Je lui ferai état de vos propos, madame, si vous me permettez.

Mme Vaive: Merci.

Le Président (M. Gaulin): Merci, Mme la députée de Chapleau. M. le député de Nicolet.


Effectif à Trois-Rivières

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Oui. Bonjour, M. Normand. Mesdames, messieurs, bonjour. Écoutez, suite un peu à la question de ma collègue de Chapleau au niveau des régions, j'aimerais juste vérifier avec vous rapidement la situation de Télé-Québec à Trois-Rivières. J'aimerais, avec vous, là, regarder les effectifs, parce que, tantôt, vous nous avez parlé de 329 permanents, de 40 contractuels, puis, dans un document, ici, au numéro 17, vous avez 9 bureaux régionaux distincts comprenant 28 employés permanents et un nombre d'employés contractuels variant selon les besoins. Quelle est la situation actuellement, aujourd'hui, à Trois-Rivières? Combien il y a de personnes qui y travaillent?

M. Normand (Robert): À Trois-Rivières, de mémoire – Mme Hébert, qui est responsable de la région, me corrigera au besoin – nous avons une coordonnatrice régionale, excellente, en passant, très dynamique, pour laquelle j'ai beaucoup de respect. Elle est assistée d'une assistante, bien sûr, il y a également un cameraman monteur qui est sur les lieux en permanence, et elle peut recourir à des producteurs ou à des personnes occasionnelles en fonction des besoins qu'elle peut avoir ou que nous pouvons avoir. Le rôle des coordonnateurs régionaux, qui était de faire un peu de relations publiques l'année passée, qui était de voir à alimenter Québec Plein Écran le plus possible, s'est transformé en cours de route. Présentement, ce sont des agents qui visent à nous dynamiser, qui visent à venir ébranler le pommier à Montréal pour attirer notre attention sur des initiatives que nous devrions prendre en région et qui deviennent des plaideurs des régions, si vous voulez, auprès de nous, et ils réussissent. Beaucoup des nouvelles émissions qui répercutent des activités régionales que nous avons à l'écran viennent de ces initiatives des coordonnateurs régionaux, et, en particulier, celle de Trois-Rivières a été particulièrement active. Par exemple, l'année dernière, l'émission Droit de parole , qui, habituellement, se fait dans nos studios le vendredi à Montréal, s'est déplacée à Trois-Rivières sur un sujet universitaire. M. Inchauspé, d'ailleurs, s'est déplacé également et était présent, ce qui nous a permis de prendre contact avec la communauté de la région de Trois-Rivières. Juste un petit exemple qui démontre l'action d'une coordonnatrice régionale qui sort des sentiers battus pour amener une activité particulière.

Nos bureaux régionaux sont-ils occupés autant que nous le souhaiterions? Peut-être pas, mais de plus en plus, et je pense que ça va être de plus en plus également. Et nous répercuterons bien les régions dans la mesure où les coordonnateurs régionaux seront dynamiques et nous amèneront au moulin de l'eau que nous sommes prêts à recevoir de toute façon.

En ce qui concerne la région plus particulière de Trois-Rivières, nous avons produit récemment, dans le cadre d'un festival de poésie qui s'est déroulé à Trois-Rivières, une émission qui s'est appelée Les mots dits . Aïe! une émission sur la poésie en provenance de Trois-Rivières, il faut le faire, en principe. Ça a marché. Ça a tellement marché que Louise Cousineau, à La Presse , qui n'était pas tendre pour nous dans le passé, nous a fait un article dithyrambique que je me suis permis de vous livrer dans la documentation que je vous ai distribuée tout à l'heure. C'est la résultante de notre coordonnatrice de Trois-Rivières.

(11 heures)

On me donne une série d'actions que nous menons présentement à Trois-Rivières, en Mauricie–Bois-Francs, comme on appelle la région: Lectures de fin de soirée , dix émissions de 15 minutes réalisées par Jean-Pierre Piché, un contractuel local. La lectrice est Danielle Panneton, et on présente 30 oeuvres littéraires écrites par 28 auteurs de la région. C'est le fun, c'est intéressant. L'encadrement jeunesse, c'est 82 capsules de 10, 15 ou 30 secondes qui sont produites par un réalisateur interne chez nous, Gaétan Lavoie, et qui sont diffusées automne-printemps 1997-1998. Allô Prof , il y a des reportages variant de deux à cinq minutes, réalisateur coordonnateur, Pierre Gréco, de SDA.

Culture éclair , capsule de 30 secondes, réalisatrice, Louise Allard, chez nous, mais qui va chercher, avec le caméraman monteur, le matériel qu'il faut pour meubler cette émission. Les Capsules Jardins du Québec , dont je vous parlais tout à l'heure, également, 10 capsules de 20 secondes sur des thèmes bucoliques, qui se font également en tournage autonome avec le caméraman monteur dont il s'agit. M. Mongrain, également, songe à se déplacer davantage en région, pour avoir des émissions dans la région de Mauricie–Bois-Francs. Les 24 heures du 24 , le 24 juin prochain, on veut mettre les régions davantage à l'écran. Québec plein écran , ils sont encore actifs, à certains égards, peut-être moins qu'auparavant, mais il y a quand même une présence aussi. Les producteurs régionaux nous ont fait un documentaire de 60 minutes, qui s'appelle Orta , qui sera diffusé à l'automne 1999; c'est donc en gestation. Et il y a également deux documents de 60 secondes qui sont en production dans la région.

Or, tout ça démontre une activité diversifiée par rapport à ce que nous faisions antérieurement, qui résume de l'action de la coordonnatrice dont il s'agit. Est-ce que c'est suffisant ou pas? Bien, ça peut être amélioré. Et plus ça apportera d'eau au moulin, plus satisfaits nous serons.

Nous avons constaté d'ailleurs, si vous me permettez juste une précision additionnelle là-dessus. Dans les «focus groups», dans les groupes témoins que nous avons tenus, nous avons demandé la question spécifiquement, dans la région de Québec et la région de Chicoutimi, aux gens – j'ai l'intention d'en faire d'autres, cette année, mais dans d'autres régions aussi – comment ils percevaient la nécessité d'émissions régionales. Ce qui est ressorti des propos qu'on nous a tenus, partout, c'est que les gens conçoivent la télévision comme un divertissement à divers niveaux, mais il faut que l'émission les intéresse pour qu'ils la regardent. Ils ne recherchent pas une émission régionale à priori; ils recherchent une bonne émission de télévision qui les divertit, compte tenu du type de divertissement qu'ils veulent avoir. Tant mieux. Et ils seront heureux si l'émission comporte une dimension régionale.

Mais la conclusion, c'est que faire des émissions régionales pour faire en sorte que les régions se retrouvent bien, on peut le faire dans la mesure où ça s'inscrit dans une émission intéressante; c'est le défi que nous avons. Et je ne suis pas sûr qu'avec Québec plein écran , on réussissait cet objectif. Ma prétention, c'est qu'on réussit mieux présentement. Votre appréciation, je la respecte, si elle diffère.


Production régionale (suite)

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Je pense que je n'ai pas de jugement à porter sur les émissions. D'ailleurs, la qualité des émissions est assez exceptionnelle, sauf que je suis content de vous entendre dire qu'il y aurait lieu de mieux faire. Il y aurait peut-être lieu aussi, selon les budgets, d'avoir un peu plus.

Je ne veux pas vous rappeler de mauvais souvenirs, mais quand il a été question, à un moment donné, des régions ou de la vocation de Télé-Québec au niveau régional, peut-être que ça a été rapporté dans des contextes... ou hors contexte, certaines de vos citations, puis ça avait, par contre, fait sursauter les régions. À ce niveau-là, écoutez, j'ai un texte, ici, qui a paru dans Le Soleil le 19 septembre 1997 où M. Pelletier, je le cite: «Télé-Québec n'aurait plus sa raison d'être si elle met de côté les régions. Francis Pelletier estime que la somme versée à Jean-Luc Mongrain pour ses collaborations, c'est-à-dire 4 000 000 $ sur un budget annuel de 65 000 000 $, a fait mal. "Ces contrats étaient signés quand je suis arrivé au conseil, en janvier 1997". Il compte suggérer au conseil le rétablissement de cinq équipes régionales abolies, dès que des fonds seront disponibles, peut-être à l'échéance des contrats de M. Mongrain, fin 1997.»

Quelles sont vos orientations vis-à-vis ça? Vis-à-vis le contrat, peut-être que vous n'êtes pas obligé de me dire qu'il sera renouvelé ou pas. Sauf que, ce que je me dis, venant d'une région – puis je ne veux pas parler au nom des autres régions – mais la région de Trois-Rivières, de la Mauricie et le Centre du Québec, désormais, parce que nous avons notre région autonome... Est-ce que le fait qu'il y aura des budgets plus disponibles va faire en sorte que – je ne vous dis pas la qualité des émissions – la quantité des émissions en région va être augmentée?

M. Normand (Robert): M. le Président, il n'y a pas de langue de bois entre nous. Je suis très heureux des questions directes. Si vous me permettez, je vais répondre également dans le style qui est le mien, un style direct qui, quelquefois, offusque lorsque mes propos sont mal perçus. Pour reprendre l'allusion que vous avez faite aux propos qu'on a rapportés que j'aurais tenus en Gaspésie et que j'ai effectivement tenus – je regrette beaucoup si mes propos ont pu offusquer les gens dans les régions – je dois vous dire que je suis, pour un, totalement commis à l'endroit des régions non pas suivant des formules sclérosées qui doivent être maintenues, mais je suis totalement commis à l'endroit des régions, et je regrette que les propos que j'ai tenus aient été sortis de leur contexte et qu'on ait sorti uniquement quelques clips qui semblaient faire l'affaire de personnes qui avaient intérêt à les utiliser. Je ne veux pas faire de procès d'intention. Je ne voulais pas d'ailleurs ce matin aller plus loin que là où je suis rendu à cet égard.

Tout ce que je veux vous dire, c'est que je regrette que ça ait pu froisser des gens – ce n'était pas du tout mon intention – que je suis commis à l'endroit des régions et que, ce qui est important pour moi, ce n'est pas ce qu'on a dit, ce qu'on a dit qu'on avait dit ou ce qu'on a commenté par rapport à ce qu'on a dit qu'on avait dit; on est fort au Québec, dans beaucoup de médias, pour faire ce type d'analyse pointue, là. Ce qui importe pour moi, c'est ce qu'on fait et ce qu'on fera. Et ce qu'on fait, est-ce que c'est bon? C'est dans la bonne direction? Est-ce qu'il y en a suffisamment? Est-ce qu'il y a des retournements à faire? Ça, c'est le genre de question qui m'intéresse vraiment. Et à cet égard, je vous ai soumis bien respectueusement un document ce matin qui vous indique ce que nous faisons, comment nous le faisons, et nous avons l'intention de continuer et d'intensifier notre présence régionale. En termes budgétaires, entendons-nous.

Je peux difficilement... Au moment où je vous parle, en octobre 1997, je suis financièrement serré. Je ne peux pas prendre des deniers pour rétablir Québec plein écran à une heure, d'autant plus que ça ferait deux heures avec la rediffusion, plus Mongrain , deux heures par jour, plus Droit de parole . Je retombe dans l'ornière dans laquelle j'étais, et, financièrement, je ne le peux pas. Quelle sera la présence de M. Mongrain à notre antenne? Des discussions se sont engagées mais ne sont pas terminées. Le coût de l'émission de M. Mongrain, 4 000 000 $, ça ne me semble pas être un coût excessif, et je suis très à l'aise pour en parler parce que ce n'est pas ma décision: quand je suis arrivé, le contrat était négocié et était réglé.

Jean-Luc Mongrain produit tout près de 200 émissions. Il a une heure par jour tous les matins, plus les Commission Mongrain . Ça fait beaucoup d'émissions. Notre coût moyen à l'heure pour les émissions du matin, on va essayer de décortiquer tout ça: les Commission Mongrain coûtent 150 000 $, 200 000 $, dans ces eaux-là, et les heures de Mongrain, le matin, ça varie entre 15 000 $, 16 000 $ ou 17 000 $ de l'heure. Omertà coûte 800 000 $ de l'heure. Vous avez bien compris: 800 000 $. Les autres productions de la nature d' Omertà sont dans les mêmes eaux. À Télé-Québec, jamais nous ne ferons ça. Ce n'est pas notre mandat. Mais quand vous arrivez à un coût pour une heure de télévision qui est répétée ensuite dans la journée, de l'ordre de ce que je viens de vous indiquer, c'est tout à fait normal, je pense, et c'est même assez bas. Le 4 000 000 $, c'est pas un 4 000 000 $ qui va dans les poches de Jean-Luc Mongrain, qu'il met dans son compte de banque le lendemain matin, comprenez-moi bien. Il produit l'émission. C'est Productions Ostar, et il y a des coûts qui interviennent là-dedans. Il loue des locaux chez nous et il utilise notre personnel technique d'ailleurs pour produire son émission, de sorte que nous allons nous repayer un peu à même ces coûts-là.

Et, compte tenu du nombre d'émissions qu'il a produites, ça ne me semble pas un coût exagéré, loin de là. Et je vous dis: Je ne fais qu'expliquer une décision prise antérieurement. Je n'essaie pas de me justifier. Et M. Mongrain collabore très bien avec nous. On verra ce qui arrivera. Il n'y a pas de doute que, pour nous, c'est une dépense de l'ordre de 4 000 000 $ pour la période pendant laquelle il est en ondes. Et s'il décidait de ne pas renouveler son contrat... On verra, mais ça me libérerait autant de deniers que je pourrais utiliser pour la programmation générale de Télé-Québec. Et je répète: Je n'ai aucun doute dans mon esprit que, si nous avons des sujets d'émissions qui vont davantage répercuter ce qui se fait en région, soit par une émission d'information ou autrement, vous avez là un conseil d'administration et une direction tout à fait bien disposés pour pouvoir accroître encore davantage notre reflet de l'activité régionale. Je ne sais pas si ça répond clairement à la question, mais sinon allez-y.

(11 h 10)

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Oui, tout à fait. Écoutez, moi, je ne faisais que citer aussi. Je ne veux pas critiquer la qualité de l'émission de monsieur Mongrain, mais je citais monsieur Francis Pelletier qui, quand même, le 19 septembre 1997... Ça fait un mois, ce n'est pas il y a 10 ans, là, c'est quand même assez récent.

Et, l'autre chose... Je voulais vous donner l'occasion aussi, peut-être, de rétablir les faits au niveau des citations ou des paroles qu'on avait rapportées et qui avaient peut-être été situées hors contexte. Puis je suis content de vous entendre dire que les régions sont importantes et vont le demeurer aussi.

M. Normand (Robert): M. le Président, si vous me permettez, je me suis fait piéger comme un jeunot par trois journalistes qui m'ont fait une interview de 15 minutes dans laquelle je me suis exprimé avec beaucoup de verve et de verdeur – c'est le seul style que je connaisse – en pensant qu'il s'agissait de personnes qui étaient pour retirer la substance de mes propos pour faire des articles. Ils ont pris la lettre de mes propos sortis de leur contexte pour faire des articles. Je le regrette vivement, si la conséquence a été celle que vous avez évoquée tout à l'heure.

En ce qui concerne monsieur Pelletier, c'est un membre du conseil d'administration qui vient d'une région où les journalistes ont «effervescé» pendant un certain temps, suite à mes propos plutôt maladroits, pourrais-je dire, peut-être. Alors, je comprends que monsieur Pelletier ait dû quand même prendre la défense de sa région et tenir des propos pour lui permettre de continuer à vivre avec les gens avec lesquels il vit tous les jours. Nous aurons une réunion du conseil d'administration au mois de novembre; il n'y a pas de doute qu'on va reprendre ce sujet. Mais je n'ai pas de difficulté avec les propos qu'a tenus monsieur Pelletier; ils vont dans le même sens que ceux que je tiens présentement. À savoir s'ils vont se concrétiser de la même façon, ça devient une question d'opportunité ad hoc. On verra.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Merci.

Le Président (M. Gaulin): On veut souvent la substantifique moelle et on a l'os... Alors, merci, M. le président.

Une voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Gaulin): Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.

Mme Frulla: Merci, M. le Président. Bienvenue messieurs. J'aimerais qu'on parle TV pour TV, là. Comme le temps est limité... Alors, je voudrais revenir à la production d'émissions en région. Je vais revenir sur deux choses: d'abord, la programmation; deuxièmement, les budgets.


Contrat de M. Jean-Luc Mongrain

Programmation, d'une part. Il y a, effectivement, toute la question régionale que Radio-Québec a et s'est donnée comme mission – et Dieu merci – par rapport aux autres télévisions. Je veux revenir à monsieur Mongrain, entre autres, parce que je regarde sur la grille, et vous avez raison quand vous dites qu'à 17 000 $ l'émission, l'émission d'une heure... Mais pas juste ça, c'est que l'émission, elle est répétée deux fois: elle est répétée le matin, comme premier véhicule, elle est re-répétée à midi aussi, là. Plus les Commission , etc. Alors, c'est sûr que le chiffre paraît exorbitant pris dans son ensemble, et ce n'est pas donné, c'est sûr. Excepté que, comparativement à ce qui se fait – et on doit comparer à ce qui se fait ailleurs – c'est quand même dans la norme des choses. Je n'aime pas qu'on compare Mongrain à Omertà , par exemple, parce que ça c'est comme comparer des pommes avec des oranges.

Maintenant, cela dit, c'est parce que ce qui m'inquiète – puis je vais revenir, après ça, à la programmation – c'est que vous nous dites: On est rendus à mi-octobre, le contrat de monsieur Mongrain se termine, je pense, en 1997, à la fin...

M. Normand (Robert): ...fin de l'année en cours.

Mme Frulla: ...fin de l'année en cours. Et il donne de la visibilité aux régions aussi. Alors, est-ce que, selon vous, son contrat va être renouvelé ou non? Parce que vous semblez dire: Bien, s'il est là, il est là, mais s'il n'est pas là, on va le remplacer, puis ça fait pareil. Moi je ne suis pas sûre de ça. Comme ex-personne de média, là, je ne suis pas certaine qu'on peut troquer l'un pour l'autre, à moins de changer littéralement dans ces créneaux-là la vocation. Monsieur Mongrain c'est un populiste, il va chercher du monde et il va aussi chercher des cotes d'écoute, veux veux pas. On ne fait pas de la télévision pour soi non plus. Alors, ce qui fait que si vous enlevez monsieur Mongrain pour mettre quelque chose d'autre, une émission novatrice, intéressante puis tout ça, c'est aussi autre chose. Mais là nous sommes à la mi-octobre et je vois que la décision, si elle n'est pas prise, elle devrait être prise bientôt.

M. Normand (Robert): M. le Président, je m'attendais bien à ce que la question soit posée. Vous comprendrez que ma façon de répondre, qui n'est pas habituelle pour moi, vise à ne pas trahir des discussions qui sont en cours présentement. Et je ne voudrais pas annoncer, à l'occasion de cette commission, ou bien une cessation de contrat ou bien une prolongation de contrat.

Mme Frulla: Ça, on comprend ça.

M. Normand (Robert): Je ne sais pas si je vais satisfaire partiellement la députée, M. le Président, mais je peux vous dire que, dans ce que fait M. Mongrain, il y a son émission quotidienne du matin mais il y a également les Commission Mongrain . Les Commission Mongrain me semblent un produit qui, en tout état de cause, est innovateur, est nouveau, est intéressant. Si j'en juge par les cotes d'écoute, il est bien apprécié. Les coûts ne sont pas excessifs, et je pense que ce produit-là, en tout état de cause, devra être maintenu à l'écran, suivant des fréquences et sur des sujets que nous devons déterminer. Je ne voudrais surtout pas, si nos relations avec M. Mongrain devaient cesser quant à sa quotidienne du matin, que nous nous quittions comme Mme Bertrand a quitté Télé-Québec dans le passé. Ça, je le regrette beaucoup, d'autant plus que M. Mongrain a fait un travail vraiment très dévoué pour Télé-Québec, qui a vraiment fait corps avec nous, et je lui rends hommage présentement.

En ce qui concerne son émission du matin, nous avons engagé des discussions qui ne sont pas terminées, et je souhaiterais ne pas pouvoir aller plus loin que ça, sans vouloir offusquer, cependant, la députée par rapport à sa question très spécifique.

Mme Frulla: Non, non, pas du tout, on comprend. C'est parce que je veux revenir à la programmation puis à Radio-Québec tel qu'elle est présentement.

En 1995, M. Parizeau, pour toutes sortes de raisons, a décidé de couper le quart du budget de Radio-Québec, à savoir 15 000 000 $ sur l'ensemble.

M. Normand (Robert) ...millions sur 63 000 000 $.

Mme Frulla: C'est quand même beaucoup sur l'ensemble d'un budget, surtout que c'était applicable presque immédiatement. Il fallait se retourner vite; il y avait toute la programmation qui avait été faite. En tout cas, il y a des réalités qui existent en télévision et en média, qui font en sorte qu'il faut aussi vivre avec, et ça prend des sous pour faire de la TV, spécialement – comme vous le dites si bien – dans un contexte qui est très, très compétitif. À la création de Radio-Québec à l'époque, on avait des télévisions qui étaient relativement conservatrices dans le spectre télé. Présentement, c'est autre chose, et ça va continuer aussi avec l'ajout de canaux spécialisés.

Dans ce contexte-là, et je vois dans les comparatifs entre les recommandations de la commission de la culture et le plan triennal, etc., p. 9, tout ce qui s'appelle «sous» – compte tenu de toutes sortes de raisons, j'imagine – n'est pas livré. Un fonds dédié, ce n'est jamais évident avec le ministère des Finances, on sait ça. Nous autres, on avait parlé de créer un fonds applicable à certaines émissions, un fonds privé. Bon, ça, ce n'est pas non plus évident.

Donc, vous êtes pris avec une réalité budgétaire, un contexte plus rigide aussi que les autres quand vous parlez des appels d'offres, etc., pour faire de la télé.

M. Normand (Robert): Exact.

Mme Frulla : En 1997, alors que, là, les canaux spécialisés s'ajoutent et s'ajoutent... Et il y a aussi dans les canaux spécialisés certaines émissions éducatives, canaux pour enfants, puis tout ça.


Avenir de Télé-Québec

M. Normand, je vais vous poser la question très ouvertement, parce qu'on s'est penchés là-dessus, nous autres aussi, à l'époque, je me souviens, sachant ce qui s'en venait. Vous, là, d'après votre expérience – vous allez être là pendant un bout de temps – comment vous le voyez, l'avenir de Radio-Québec, présentement, honnêtement? Parce que les émissions que vous produisez sont d'excellentes émissions qui peuvent aussi se vendre partout ailleurs. Donc, vous produisez de bonnes émissions avec les moyens que vous avez. Mais dans le cadre même d'une programmation, veux veux pas, on a beau dire que les cotes d'écoute, ce n'est pas important, c'est quand même une certaine mesure, du moins, qui est considérée par plusieurs comme étant une indicatif d'appréciation.

Comment vous le voyez? Est-ce que vous le voyez éventuellement avec un partenaire privé pour alléger toutes ces méthodes de fonctionnement, pour avoir un influx financier aussi, à l'intérieur de votre masse budgétaire?

M. Normand (Robert): Je dois vous avouer, M. le Président, que la députée soulève des questions que je me pose moi-même très souvent.

Mme Frulla: J'imagine.

(11 h 20)

M. Normand (Robert): Comment pouvons-nous survivre? Je crois que Télé-Québec peut survivre avec les budgets que nous avons présentement, pourvu que nous nous concentrions sur des émissions bien campées, éducatives et culturelles de qualité. Et on peut faire de la télévision éducative et culturelle qui ne soit pas de la télévision plate. On peut faire de la télévision qui va accrocher le monde, même si elle est éducative et culturelle.

Juste à titre d'exemple, et je suis bien placé pour en parler, je n'en suis pas responsable, la série Épopée en Amérique sur l'histoire du Québec, que nous avons diffusée l'année dernière, est un petit bijou en la matière. Elle a été récompensée par des Gémeaux cette année, à juste titre d'ailleurs. C'est une télévision éducative, culturelle qui comble un besoin d'histoire, chez nous, et qui est extraordinaire, qui s'écoute très facilement et qui est allée chercher tout près de 200 000, avec les reprises, à Télé-Québec. Ils vont en faire beaucoup, TVA. C'est une coproduction. Nous avions la première part, TVA la deuxième. Ça leur a coûté meilleur marché que nous. Ils ont fait, peut-être, un meilleur deal que nous à cet égard, mais à cause de l'effet de chaîne positif qui est le leur, ils vont sûrement aller chercher 400 000 à 500 000 facilement. Ils vont commencer en décembre, je pense, à diffuser cette même série, cette année. Donc, l'avenir, pour moi, je le vois dans une personnalité bien campée en faisant de la qualité, mais en ayant des émissions qui vont chercher le public, d'où les instruments de marketing que nous utilisons afin de pouvoir nous ajuster périodiquement.

Pouvons-nous passer à travers? Je crois que oui. Autrement, j'aurais jeté la serviette avant aujourd'hui. Je crois que oui, mais je vais l'essayer jusqu'à fond avant de jeter la serviette.

Est-ce que notre devenir est dans un partenariat avec le privé d'une façon ou d'une autre, sorte de société mixte, si vous voulez? Je n'exclus pas ça pour éventuellement, mais on a assez joué dans les structures de Télé-Québec et de Radio-Québec, on a assez joué avec le personnel, on a assez joué avec les budgets que je pense qu'il faut s'arrêter pendant un certain temps et faire en sorte qu'on puisse faire donner le maximum aux structures en place avant de songer à les modifier de nouveau. Et le pari que nous faisons, présentement – j'ai un horizon de deux ans –, c'est de pouvoir atteindre les objectifs qui sont indiqués dans le plan triennal

Je parlais de part de marché de l'ordre de 3 %; je parlais de positionnement d'environ 2 000 000 de téléspectateurs par semaine. Ça, ça me semble être des objectifs atteignables. Et si on fait ça, j'en serai fier. Nous aurons réussi à nous imposer. Par la suite, je ne peux rien exclure. Nous sommes dans un monde en pleine évolution. Qu'est-ce qui se produira? Je n'en ai aucune idée. Je n'exclus pas d'aller dans le sens que vous évoquez, mais je ne vais pas dans ce sens-là au moment où je vous parle. On va faire l'expérience de ce que nous avons actuellement.

En ce qui concerne les cotes d'écoute, j'ai abordé brièvement ce sujet-là dans ma présentation tout à l'heure. Nous ne voulons pas, nous ne cherchons pas les cotes d'écoute, comme les télévisions généralistes le font. Si j'ai une cote d'écoute qui se situe près de 3 %, je vais quand même être généralement satisfait. Bien sûr, il faut qu'on soit écouté, autrement ce n'est pas la peine de consacrer des sommes importantes, d'avoir une belle télévision si elle n'est pas écoutée. Il faut qu'il y ait des gens qui nous voient. Pour moi, tout ce qui se situe autour de 100 000 spectateurs pour une émission me satisfait et va bien, sauf pour certaines émissions de type spécialisé.

Je vais reprendre un exemple classique: il y a 22 341 amateurs d'opéra au Québec. On les connaît: ils achètent des disques chez Archambault, etc. Et si je programme une émission d'opéra sur nos ondes – et je dois le faire parce qu'il s'agit d'un produit culturel et, dans une diversité de productions culturelles, il me faut recourir à ce type d'émission-là – si je rejoins 18 000 personnes, ce soir-là, qui nous écoutent, je pense que nous aurons une bonne cote d'écoute. Donc, je ne recherche pas le 2 000 000, si vous voulez, comme le font les télévisions généralistes, mais j'essaie, dans la diversité des produits que nous mettons en ondes, de faire en sorte qu'on puisse s'adresser à un peu tout le monde et d'avoir un nombre suffisant de spectateurs qui nous écoutent pour justifier et qui ferait en sorte que, hebdomadairement, j'aie une portée de l'ordre de 2 000 000.

Mme Frulla: M. le Président, deux minutes. Je vous écoute parler, puis c'est un peu ce qu'on soulevait dans le temps, c'est qu'il me semble que Radio-Québec raffermit un peu sa vocation, en ce sens où elle produit des émissions, elle peut se permettre de produire des émissions que les autres télévisions ne peuvent pas se permettre, d'une part, et que ces émissions-là, finalement, peuvent être reprises. La facture de Christiane Charette en direct , elle est différente de ce qui est produit ailleurs, d'une certaine façon; eux autres pourraient le faire mais quand même. Donc, ces émissions peuvent être reprises ailleurs, après avoir été, permettez-moi l'expression, un peu testées, si on veut, à Radio-Québec, d'une certaine façon, ce qui n'est pas mauvais en soi.


Partenariats avec d'autres chaînes

Maintenant, est-ce que cette tendance, comme Christiane Charette en direct , par exemple, ou quoi que ce soit, de faire un partenariat émission par émission avec les autres canaux de télévision, est une tendance que vous allez non seulement maintenir, mais peut-être renforcer? Parce qu'il y a aussi une...

M. Normand (Robert): M. le Président. Il s'agit d'une tendance qui a été initiée avant que j'arrive et qui me semble être bonne et saine. Et je crois que les télévisions publiques, par exemple comme Radio-Canada et nous, nous avons des budgets limités et nous devons faire en sorte qu'on puisse utiliser les sommes à notre disposition le mieux possible pour l'ensemble de nos téléspectateurs, pour les payeurs de taxes. Et je trouve ça très sain si Radio-Canada décide de produire Christiane Charette en direct à dix heures et demie le matin, elle me laisse la possibilité de l'utiliser à 7 heures le soir. Parfait. Et je pense que c'est une belle initiative, une belle collaboration. Nous le faisons pour Épopée en Amérique avec TVA également, et nous avons également initié avec Radio-Canada un partenariat intéressant suivant lequel eux produisent cette année trois télé-théâtres, si on peut les exprimer ainsi; nous aussi, nous en produisons trois. Eux ont la première passe; nous aurons la deuxième. Ceux que nous produirons, nous avons la première passe; eux auront la deuxième. Ça m'en fait six par année. Une entente de trois ans, ça nous permet d'avoir 18 pièces de théâtre sur une période de trois ans, alors que si nous n'avions pas un tel type de partenariat, nous n'aurions peut-être pas les moyens, nous n'aurions sûrement pas les moyens de faire ça.

Et ça nous permet, revenant à notre dimension régionale, de faire produire certains de ces télé-théâtres-là en région. Entre autres, Les sept branches de la rivière Ota avec Lepage à Québec. Et je pense qu'il s'agit là d'une voie qu'on ne doit pas étendre trop. Il faut qu'on conserve notre propre personnalité. Il ne faut pas que notre personnalité soit d'emprunter partout ailleurs. Je pense qu'on doit être soi-même, mais ça n'exclut pas que nous continuions à faire ce type de partenariat, et, personnellement, j'en suis.


Relations avec TFO

Mme Frulla: Juste une autre question, là. On a vu dans l'actualité dernièrement: «Télé-francophone ontarienne accuse Télé-Québec d'obstruction», etc. Et on a eu d'ailleurs nos démêlés, nous-mêmes, à l'époque avec TV Ontario. Est-ce qu'il y a des choses à ajouter là-dessus? Comme vous êtes là et puis que ça fait l'actualité, on est aussi bien de le prendre directement des personnes...

M. Normand (Robert): Alors, voici. Nous avons toujours eu de bonnes relations avec TFO dans le passé; nous avons été de bons partenaires. Mais TFO est allée diffuser à notre place au Nouveau-Brunswick au moment où nous passions de l'analogique au numérique. Elle est allée prendre notre place à toutes fins pratiques et diffuser certaines de nos émissions pour lesquelles elle n'avait des droits que pour l'Ontario. Nous n'avons pas trouvé le procédé très élégant, de sorte que nos relations avec TFO se sont rafraîchies depuis ce temps-là. Je crois comprendre, d'après les échos que je reçois du monde de la télévision, qu'il y a à TFO certains dirigeants qui ne sont pas toujours parfaitement fiables pour tout le monde, si je peux m'exprimer de façon doucereuse.

Conséquemment, je m'en suis exprimé en termes verts auprès des dirigeants francophones de l'Ontario. Comme ils ont décidé de maintenir le statu quo, moi aussi, en ce qui me concerne, j'ai maintenu le statu quo, mais il n'y a pas de guerre larvée comme ce que laisse entendre M. Bensimon dans Le Soleil ce matin, d'après ce qu'en dit Le Soleil . Si TFO n'est pas présente sur les câblodistributeurs québécois, c'est quand même pas le petit Télé-Québec qui empêche Vidéotron de faire sa programmation sur le câble comme bon lui semble. C'est nous attribuer une importance pour laquelle je le remercie jusqu'à un certain point. Mais Vidéotron est un grand garçon capable de prendre ses décisions.

(11 h 30)

Je trouve qu'il ne s'agit pas d'une mauvaise décision de Vidéotron cependant, parce que TFO est assez peu écoutée par les Franco-Ontariens eux-mêmes. Les proportions, par rapport aux cotes d'écoute des Québécois sur Télé-Québec sont quatre fois inférieures en Ontario, d'après les statistiques dont je dispose. Et je comprends maintenant Vidéotron de ne pas avoir programmé TFO sur le câble, surtout qu'on aurait demandé aux Québécois de payer pour une télévision ontarienne sans que la réciproque puisse être vrai, parce que le marché en Ontario auprès des francophones ne serait pas le même pour Télé-Québec.

Nous avons traditionnellement – et la ministre le répercute très bien ce matin – nous avons indiqué à TFO qu'ils pouvaient venir et que jamais nous ne les empêcherions de le faire, de venir sur le service de base gratuitement au Québec pour ajouter, pour les téléspectateurs québécois, une source de télévision francophone additionnelle. Ils seraient, en ce qui me concerne, les très bienvenus. J'espère que la réciproque serait vraie et qu'on pourrait également être présent sur le câble en Ontario de la même façon, mais ça ne fait pas partie de leur philosophie. Ils sont allés, récemment, au Nouveau-Brunswick – j'en faisais état – mais ils ont demandé au CRTC de pouvoir aller chercher 0,13 $ par téléspectateur néo-brunswickois. Le CRTC, mettant de côté toutes ses philosophies à cet égard, l'a accordé, nonobstant les demandes québécoises d'avoir une discussion générale sur l'opportunité, non pas sur le 0,13 $, mais sur le principe, parce que vous avez là une télévision publique ontarienne qui va chercher, sur le câble, une rétribution, ce qui n'est pas le cas pour nous. Je comprends qu'il ne s'agissait pas d'un sujet majeur, d'un petit montant quand même, mais le principe a été mis de côté par le CRTC.

Alors, tous ces agissements me laissent croire qu'une commission parlementaire ontarienne regarde présentement l'avenir de TVO et de TFO et que ça rend probablement nos amis franco-ontariens nerveux. Je répète que je leur ai tendu une perche, en disant: Si vous voulez notre collaboration, ça me fera plaisir de reprendre cette collaboration chaleureuse que nous avions dans le passé, mais, pour ce faire, il faudrait que nous puissions avoir des interlocuteurs parfaitement crédibles, avec lesquels nous pourrions discuter de bonne foi.

Mme Frulla: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Gaulin): Merci, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys. M. le député d'Abitibi-Est.


Autonomie administrative (suite)

M. Pelletier: Merci, M. le Président. M. Normand, M. Inchauspé, mesdames et messieurs de la famille, de la direction, des responsables de Télé-Québec, j'aimerais, avant d'arriver à certaines questions, faire ressortir un petit peu, comment je pourrais dire, la nouvelle atmosphère que je sens ici, ce matin, de Télé-Québec.

Vous avez fait une présentation et les réponses que vous avez apportées sont très intéressantes. Vous avez fait une présentation positive, très positive, de Télé-Québec, puis vous n'avez même pas demandé d'argent. J'aimerais juste attirer l'attention du député d'Outremont pour lui dire que je suis content que cette nouvelle atmosphère là se fasse sous l'égide du gouvernement du Parti québécois, parce que ce n'était pas l'atmosphère à laquelle on était habitué lorsqu'on est arrivé au pouvoir. C'était le contraire. C'étaient les problèmes de Radio-Québec puis c'étaient des demandes de budgets répétées.

Je suis tout à fait heureux de voir que, déjà, il y a quelque chose de nouveau qui s'installe, même là, au niveau où vous êtes après réformer ou revenir à certains créneaux de base de Radio-Québec, soit la programmation éducative et culturelle. C'est vraiment toute une différence, parce que, lorsqu'on est arrivé au pouvoir, on avait l'impression que Radio-Québec – parce que, aujourd'hui, Télé-Québec, je pense que vous avez senti le besoin de changer l'image au point de changer de nom – sous l'ancien gouvernement, ça ne s'en allait vraiment nulle part.

Je dis ça pour rappeler au collègue d'Outremont, qui n'était peut-être pas là au début, pour lui faire voir la différence dans l'atmosphère et la manière de faire. Puis vous semblez faire ça, en plus – vous avez donné certaines statistiques – avec moins de budgets – j'en suis conscient parce que nous y étions lorsque les budgets ont été diminués – puis aussi avec moins d'effectifs. L'image que vous donnez dans votre présentation ce matin, c'est que vous en faites plus dans le moment avec moins de monde et avec moins d'argent. Tant mieux. Moi, j'accepte cette réalité-là. Puis je ne la bénis pas, mais je vous dis bienvenue dans cette voie-là.

Concernant le budget, on est revenu souvent en disant que vous n'en avez pas beaucoup, mais, si vous êtes capables de continuer à donner un nouvel envol à Télé-Québec avec les ressources actuelles, tant mieux. Ce n'est pas dans notre mentalité actuelle, au gouvernement, de répondre à toutes les demandes même si vous en aviez fait en augmentant les déficits. Ce n'est pas notre manière de faire. On a voulu changer la manière de faire, et on le fait. Ce n'est pas toujours facile, mais c'est vraiment une atmosphère complètement différente d'avec l'ancien gouvernement.

Au niveau du budget, j'aimerais juste que vous me précisiez... Moi, j'ai l'impression que... Le budget actuel de Radio-Québec, je pense qu'il est à 53 000 000 $, alentour?

M. Normand (Robert): Il y a une subvention du gouvernement de 53 000 000 $ et nous avons des revenus autonomes de l'ordre d'environ 10 000 000 $, ce qui fait un budget total d'environ 63 000 000 $.

M. Pelletier: Soixante-trois millions. C'est bien.

M. Normand (Robert): Mais nous avons des charges qui grèvent notre budget, cependant, comme je l'ai exposé.

M. Pelletier: O.K. Merci. À un moment donné, vous avez dit que vous aimeriez vous sortir d'une certaine gestion administrative sclérosante. Je comprends, par les réponses, que vous vouliez avoir plus d'air et d'autonomie de la part du gouvernement du Québec. Est-ce que cette atmosphère administrative sclérosante va plus loin que l'ouverture que vous aimeriez ou que l'autonomie que vous aimeriez avoir du gouvernement du Québec? Est-ce qu'elle existe au niveau de la gestion actuelle, là, au niveau interne de la boîte? Est-ce que vous avez des problèmes de gestion interne de par votre structure, ou par votre syndicalisation? Est-ce que, lorsque vous avez mentionné cette gestion sclérosante, vous visiez particulièrement plus d'autonomie du gouvernement et que ça s'arrêtait là, votre réflexion?

Je terminerais avec peut-être deux petites questions concernant plus particulièrement ma région, l'Abitibi-Témiscamingue. J'aimerais que vous me précisiez la région de Télé-Québec, Abitibi-Témiscamingue. Ça comprend aussi la région de Chapais–Chibougamau et le Grand Nord, je crois. J'aimerais que vous me confirmiez ça.

Aussi, en ce qui me concerne, moi, j'étais content de voir que vous aviez une vacance au conseil d'administration...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Pelletier: ...parce que j'ai une vacance au niveau de ma région aussi, comme représentation au conseil d'administration. Peut-être qu'on pourra mettre les vacances ensemble et faire du bon travail. Merci.

M. Normand (Robert): M. le Président, moi aussi, je suis très heureux de l'atmosphère de la commission, ce matin, où je sens qu'on peut dialoguer, les gens de Télé-Québec, avec les membres de la commission, et dialoguer vraiment avec un objectif commun qui est de voir comment on peut utiliser le mieux possible les deniers publics pour une télévision telle que vous la voulez et, semble-t-il, telle que nous la souhaitons également. Je suis très heureux de ce type d'échanges là. Je souhaiterais qu'ils soient plus fréquents même si les lois ne nous l'imposent pas, et je souhaite que nous ayons d'autres occasions de pouvoir reprendre ça.

En ce qui concerne la gestion à l'interne, entre nous, on s'arrange bien. On a des procédures. Vous allez voir que c'est bien structuré. Mais là où nous avons des difficultés, c'est que, lorsque nous voulons poser des gestes administratifs qui nous semblent sains, bons et conformes à des normes, nous devons en référer à d'autres autorités, avec tous les délais que ça entraîne, de sorte que ce que nous souhaitons pouvoir concrétiser tombe entre les mains d'analystes qui, souvent, n'ont pas des connaissances adéquates de ce que nous faisons. Il faut réinventer la roue, réexpliquer le b.a.-ba chaque fois, et les décisions viennent ou ne viennent pas, avec des délais, ce qui rend notre action beaucoup plus difficile, ce qui nous oblige également à avoir à l'interne une structure administrative peut-être un peu plus lourde qu'elle ne le serait autrement.

En ce qui concerne le personnel, non. Il y a eu des problèmes syndicaux majeurs, ai-je cru comprendre avant d'arriver à Télé-Québec, mais je peux vous dire que je rencontre les syndicats, je rencontre les employés assez régulièrement, soit formellement, soit informellement, et que l'atmosphère dans la boîte me semble excellente. Les gens veulent, veulent faire en sorte que les objectifs qui sont dans le plan triennal et que je vous ai explicités ce matin se concrétisent. Il y va de leur intérêt. Il y va de leur fierté également, comme de la mienne. À cet égard, ça va bien.

Incidemment, le plan triennal que vous avez devant vous n'est pas uniquement la production des gestionnaires de Télé-Québec ou du conseil d'administration. Il a été soumis aux employés à tous les niveaux. Syndiqués, cadres intermédiaires et cadres supérieurs ont tous eu l'occasion de se prononcer et beaucoup de changements ont été apportés par rapport aux textes originaux. Le texte que vous avez là est le résultat de cet ensemble de consultations. C'est un style de gestion qui me va bien, malgré une réputation qui va dans un sens un peu différent. Je peux vous dire que les relations avec les employés, de mon point de vue, sont bonnes présentement. Je pense que les employés pourraient en témoigner également, en sens inverse.

(11 h 40)

M. Pelletier: Merci. Lorsque vous avez, au cours de l'avant-midi, fait le tour du Québec pour situer géographiquement les installations de Radio-Québec, vous avez fait tout le tour du Québec en mentionnant Chicoutimi, Rimouski...

M. Normand (Robert): J'ai parlé de l'Abitibi.

M. Pelletier: Vous avez parlé de l'Abitibi-Témiscamingue. Je voudrais tout simplement préciser que, dans l'Abitibi-Témiscamingue, Radio-Québec se situe à Val-d'Or.

M. Normand (Robert): Bien sûr.

M. Pelletier: Elle donne de bons services et on souhaite que ça continue de cette manière.

M. Normand (Robert): En ce qui concerne la question plus spécifique, oui, la région comprend Chibougamau.

Le Président (M. Gaulin): Merci, M. le député d'Abitibi-Est. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.

Mme Frulla: M. le Président, je comprends qu'on répond au député d'Outremont, mais, ce faisant, on beurre du monde. Oui, excepté que, moi, je veux absolument, M. le Président, et officiellement, remettre un peu les paroles dans le bon contexte.

C'est faux de dire... Parce qu'il y a des gens ici, qui sont derrière nous, qui étaient à Radio-Québec depuis très longtemps. C'est faux de dire que... Quand on dit: Les gens, ce n'est pas la mentalité, puis tout ça, on attaque les gens. Radio-Québec a toujours été une société d'information. Donc, on essaie, comme vous le faites au gouvernement, de prendre une certaine distance tout en essayant de collaborer. Cela dit, c'est faux de dire qu'il y avait une mentalité de dépenses, et tout ça. Ce n'est pas vrai. Radio-Québec a toujours essayé de faire du mieux qu'elle a pu avec l'argent qu'on lui donnait. Ce faisant, les budgets, comparativement aux autres télévisions, ont toujours été relativement limités.

Maintenant, autant au niveau de Jacques Girard, premier président, qui avait donné une tendance différente à Radio-Québec parce que, à l'époque, il semblait que ça s'imposait, Claude Sylvestre avant lui, Françoise Bertrand, ce sont tous des présidents qui ont travaillé avec énormément de coeur pour s'adapter à la réalité télévisuelle d'alors, si on veut. Ce faisant, cette réalité télévisuelle, c'est une réalité qui change, mais qui change tellement rapidement que, d'année en année, maintenant... Maintenant, le monde télévisuel est en évolution et, même nous, on a souvent de la difficulté à se retrouver. Cela dit, on essaie de faire aujourd'hui avec, un, ce que l'on a. Et je peux vous dire que – M. Normand le sait, là – pour deux ans, on essaie de s'adapter. Mais, vous le savez comme moi, vous n'êtes pas sortis du bois non plus, là. On n'est pas sortis du bois. Dans deux ans, on va se retrouver probablement ici, ou dans trois ans, à regarder une autre adaptation, et c'est sain, ça aussi.

Mais, cela dit, je veux, parce que j'ai été quand même interpellée... Pour avoir travaillé avec eux, ce n'était pas une mentalité de dépenses, Radio-Québec. Au contraire, Radio-Québec, selon mon expérience, a toujours eu une mentalité de survie à l'intérieur d'un monde en évolution et en changement. Une télévision qui est, oui, gouvernementale, c'est plus lourd que dans l'entreprise privée, entre autres, et c'est plus difficile à l'époque de faire appel à des sociétés extérieures, à cause de conventions collectives, etc., entre autres. Au fur et à mesure de négociations, de partenariat avec les employés, bien, il y a des flexibilités qui se montrent, qu'on n'avait pas à l'époque. Alors, ce n'est pas une mentalité... La mentalité change par rapport à l'évolution même de la société qui, elle, évolue par rapport au contexte télévisuel. Alors, pour les autres présidents et ceux qui ont travaillé non seulement dans mon temps, mais même avant, je dois vous dire qu'ils ont tout simplement, comme nous, essayé de s'adapter à cette évolution-là, mais ils n'avaient pas non plus, personne, une mentalité de dire: Bon, bien, au diable la dépense, là! Je n'ai jamais vu ça, moi, à Radio-Québec, jamais. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Gaulin): Je vous remercie de cette précision, à moins que... Je pense qu'on a situé les choses. Vous vouliez dire un mot?

M. Pelletier: Parlant d'atmosphère, j'ai mentionné l'atmosphère et aussi les demandes budgétaires dans le sens que... Mon propos n'était pas axé essentiellement sur les demandes budgétaires. Atmosphère ou mentalité gouvernementale, c'est ce que j'avais plus dans la tête. Lorsqu'on est arrivé au pouvoir, même si je sais que vous avez fait...

Le Président (M. Gaulin): ...

M. Pelletier: Même si ma collègue de Marguerite-Bourgeoys faisait tout son possible, dans l'ancien gouvernement, M. le Président, pour Télé-Québec, pour Radio-Québec d'alors, la mentalité gouvernementale qu'on attendait, dans les dernières années de l'ancien gouvernement, indépendamment de ma collègue de Marguerite-Bourgeoys, était beaucoup plus de mettre la clé là-dedans que de réorienter Radio-Québec comme on a fait, comme on fait dans le moment. C'est vraiment toute une atmosphère puis une mentalité gouvernementale différentes, mon cher collègue, de ce qu'on a connu sur l'ensemble de l'ancien gouvernement.

Le Président (M. Gaulin): Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, vous vous sentez interpellée, peut-être? Non?

Mme Frulla: Non, non. Tout simplement parce que, vous le savez comme moi, il n'y a jamais de plan de mettre la clé là-dedans. C'est toujours de trouver des solutions, entre autres, pour que Radio-Québec puisse survivre. Je vais vous dire une chose, les solutions qu'on regardait à l'époque de façon embryonnaire, puis pour voir, sont aussi regardées de nos jours par des administrations qui sont et qui se veulent responsables.


Activités dans la région de Québec

Le Président (M. Gaulin): Alors, étant donné que nos invités sont toujours là, moi, j'en profiterais, à titre de député de Taschereau, même si je préside, pour poser peut-être une dernière question de cet échange très dynamique et fructueux. Puisque M. Le Saunier est là aussi, de la télévision Télé-Québec dans la capitale, vous pourriez nous en dire un mot, M. le président?

M. Normand (Robert): Oui. Nous avons, comme je vous l'ai dit, un bureau sur le chemin Sainte-Foy. Nous avons également quelques installations au parlement, pour faire des entrevues en direct, en duplex avec Montréal. Mais nous ne sommes pas suffisamment présents à Québec. On a parlé des régions. Québec en est une grande, et j'en suis, pour un. J'y conserve encore ma résidence. Je suis issu également de cette grande famille du Parlement, de l'Assemblée nationale, et je trouve qu'on ne répercute pas suffisamment, dans les médias écrits, radiodiffusés ou télévisés, présentement, les travaux qui s'effectuent à l'Assemblée nationale. Un des projets que je caresse, ce serait d'avoir une émission hebdomadaire, d'une demi-heure ou d'une heure, qui ferait le point sur ce qui se fait, ce qui se dit à l'Assemblée nationale, non pas sous l'angle du sensationnalisme comme les médias généralistes semblent vouloir traiter la nouvelle, mais plutôt sous l'angle des examens en profondeur qui se font, particulièrement dans les commissions parlementaires. C'est un projet que je caresse depuis l'année dernière; j'espère pouvoir le concrétiser prochainement.

Également, je voulais rendre hommage aux gens du bureau de Québec qui ont été à l'initiative de ce 24 heures du 24 , l'année dernière, qui nous permettra de le rendre encore plus musclé et plus intéressant, je pense bien, l'année prochaine. Également, nous avons un autre projet avec le président de l'Assemblée nationale. Il existe présentement une chaîne spécialisée, le CPAC, qui télédiffuse les débats du Parlement et qui, lorsque le Parlement ne siège pas ou que les commissions ne siègent pas, télédiffuse également diverses émissions d'intérêt public. On a songé à la possibilité de créer un canal de cette nature-là pour les débats parlementaires, qui pourrait être intéressant pour le public. Nous avons des discussions avec les représentants du président Charbonneau et j'espère que nous pourrons en arriver à une conclusion intéressante également à cet égard.

Ce sont là divers projets. Il y en a d'autres également en ce qui concerne la région de Québec. Je peux vous assurer que, en ce qui me concerne, j'ai personnellement une attention particulière pour la région de Québec, bien sûr.

Le Président (M. Gaulin): Oui. Peut-être en sous-question, vous demander si vous avez aussi l'intention d'envisager une sorte de partenariat avec la Commission de la capitale nationale – c'est une commission pour laquelle on était tous mutuellement d'accord, d'ailleurs, des deux côtés. Est-ce qu'il y a des démarches qui vont dans ce sens-là?

M. Normand (Robert): Il y a eu des amorces qui ont été faites et qui se poursuivent présentement. Je ne suis pas en mesure de faire état de conclusion ferme, mais j'espère bien qu'on pourra y arriver prochainement. Est-ce qu'on a des choses qui sont avancées?

Une voix: ...

M. Normand (Robert): Il y en a d'autres qui s'en viennent, c'est ça. Ce n'est pas à maturité.

(11 h 50)

Le Président (M. Gaulin): D'accord. Je vous remercie. S'il y a un consentement des deux côtés, Mme la députée de Rimouski aurait voulu poser une question – s'il y a consentement, puisqu'elle n'est pas membre officiellement de cette commission – à propos de la région de Rimouski. On sait qu'elle défend ardemment sa région. Mme la députée de Rimouski.


Production régionale (suite)

Mme Charest: Merci, M. le Président, et merci aux membres de la commission de me permettre de rencontrer les membres de Télé-Québec. Écoutez, si j'ai dû m'absenter et ne pas être présente tout au long de la discussion, c'est que je suis dans une autre commission. Alors, comme j'essaie de suivre les deux, je tiens quand même à vous poser certaines questions.

Vous avez, comme membre du conseil d'administration, fait un séjour dans la région du Bas-Saint-Laurent–Gaspésie. Je sais, M. Normand, le directeur, pour en avoir parlé avec vous, que les choses sont claires entre vous et moi, mais, pour le bénéfice de la population, je pense qu'il y aurait peut-être lieu qu'on redise ici, en commission parlementaire, ce que vous m'avez dit. Parce que vous avez quand même fait l'objet d'entrevues dans les médias locaux et régionaux par rapport à la présence de Télé-Québec en région. Lorsqu'on a entendu ces déclarations, que vous avez de toute façon remises en question de la part du journaliste, ce qui a été rapporté et ce que la population retient, c'est que vous avez déclaré qu'il existait peu de producteurs, dans les régions, capables de produire du matériel télévisuel de qualité et susceptible d'intéresser l'ensemble des Québécois et des Québécoises, et que ce n'était pas nécessairement en maintenant des fonctionnaires de la télévision dans des régions – qui se trouveraient à recevoir du bien-être social déguisé pour se tenir en vie aux frais des contribuables – qu'on va pouvoir servir les régions.

Moi, je voudrais, pour le bénéfice de la population, que, publiquement et officiellement, vous me redisiez ce que vous m'avez déjà dit. Je suis très à l'aise de vous poser la question ici parce que je pense que c'est autant pour Télé-Québec que pour le bénéfice des citoyens et des citoyennes que ces choses-là doivent être dûment entendues en commission parlementaire.

Le Président (M. Gaulin): Avant de vous donner la parole, M. le président, je voudrais dire à notre collègue de Rimouski que vous l'avez déjà abondamment fait. Mais vous avez la parole, pour qu'elle vous entende de ses oreilles.

Mme Charest: Ha, ha, ha!

M. Normand (Robert): Toute la question a déjà été abordée pendant que vous étiez dans une autre commission, tout à l'heure, suite à une interrogation de votre collègue des Bois-Francs. Je peux vous redire les propos que j'ai tenus tout à l'heure. C'est que Télé-Québec en général et moi particulièrement, nous sommes totalement commis à l'endroit des régions. Notre mandat de représentation des régions, nous voulons le réaliser le mieux possible. Je regrette si les propos que j'ai tenus, effectivement, lors d'un séjour en Gaspésie, ont pu froisser des gens ou ont pu être interprétés de façon à froisser des gens. Ça me chagrine profondément et je le regrette à l'endroit de ceux qui se sont sentis visés. J'ai ajouté que j'ai été victime, comme un jeunot, d'une entrevue que j'ai accordée à trois journalistes, au cours de laquelle je me suis exprimé avec la verdeur de langage qui est la mienne habituellement.

C'est une entrevue qui a duré entre 15 et 20 minutes et je croyais que ces journalistes-là, qui me semblaient fort sympathiques, pourraient prendre l'ensemble de mes propos et donner le sens de mes propos pour leurs fins. Mais j'ai constaté par la suite qu'ils avaient plutôt pris des clips à même les propos que j'avais tenus, les isolant de l'ensemble du contexte pour leur faire dire des choses offusquantes qui n'étaient pas du tout dans mon intention. Là encore, je regrette d'avoir été vraisemblablement maladroit, vraisemblablement naïf aussi dans les circonstances, mais je n'ai pas, le seul, à porter cette responsabilité. Je pense que ceux qui m'ont utilisé doivent pouvoir également la partager.

Ce qui est important, ai-je ajouté tout à l'heure, madame, ce n'est pas ce que j'ai dit, ou ce qu'on a dit que j'avais dit, ou ce qu'on a commenté par rapport à ce qu'on a dit que j'avais dit. Ce n'est pas ça qui importe. Ce qui importe pour moi, c'est: Qu'est-ce qu'on fait et qu'est-ce qu'on va faire? C'est quoi, la véritable réalité? Et, à cet égard, je vous répète que nous sommes commis totalement à l'endroit de notre mandat régional, qui ne s'exécutera pas toujours de la même façon.

L'année passée, ce mandat s'exécutait via la présence à l'émission Québec plein écran . Pour alimenter Québec plein écran , il y avait des personnels que nous avions embauchés rapidement pour agir comme réalisateurs, comme recherchistes ou comme journalistes. Ils alimentaient l'émission qui durait une heure à ce moment-là. Pour des raisons budgétaires, pour des raisons également de trop grande présence dans le monde de l'information, nous avons réduit Québec plein écran d'une demi-heure et il nous a fallu ajuster nos équipes en conséquence. Mais, en ce faisant, nous avons également diversifié notre façon de répercuter ce qui se fait en région. Nous ne voulons pas ghettoïser les régions dans une émission comme Québec plein écran , mais nous avons, grâce à nos coordonnateurs régionaux, à leur imagination, aux pressions qu'ils ont réussi à exercer sur nous, diversifié notre action. Nous avons toute une panoplie d'interventions en région présentement qui, quant au nombre d'heures d'écoute, sont plus considérables que ce que nous avions avec Québec plein écran antérieurement. Ça, il faut que ce soit dit et bien compris. C'était l'essentiel, je pense, des propos que j'évoquais tout à l'heure.

En ce qui concerne les producteurs régionaux, nous utilisons présentement, pour des séries, des grandes séries, des producteurs en région. Je vous ai évoqué – je me souviens très bien d'une conversation avec vous à Rimouski – qu'à Matane il y avait un excellent producteur du nom de Vic Pelletier. Ils ne sont pas très nombreux dans les régions parce que, quand ils réussissent dans les régions, ils sont beaucoup attirés par Montréal, malheureusement. Mais il en existe. Ils se sont regroupés dans une organisation qui s'appelle Synercom. D'ailleurs, Synercom, à la suite des propos dont vous avez fait état, m'a envoyé une lettre qui me dit: Continuez, nos relations sont excellentes. Et, quoi qu'on en dise sur la place publique – je ne veux pas vous lire la lettre de Synercom – ils se montrent très heureux de leurs relations avec Télé-Québec en général, avec votre humble serviteur en particulier.

En outre, nous utilisons dans les régions également les personnes qui sont aptes à pouvoir faire le type de travail que nous leur demandons. Exemple, pour reprendre un truc spécifique et contentieux, à Carleton, nous avons laissé tomber notre équipe de pigistes qui y était l'année dernière, qui ne donnait pas toute la mesure que nous souhaitions en qualité et en nombre également, et en délais. Il y avait cependant une recherchiste dans le groupe qui était excellente, qui veut faire de la réalisation, présentement, de la production. Elle s'est alliée avec un producteur d'expérience, Vic Pelletier, qu'elle a rencontré à Carleton quand nous y étions – je suis heureux que notre présence ait au moins généré ce contact-là – et nous utilisons ladite recherchiste pour faire de la production, pour nous, de capsules aux fins de Télé-Québec qui répercutent la région de la Baie-des-Chaleurs. Ça me semble être une initiative qui est nettement meilleure que de maintenir une équipe pour laquelle nous n'avions pas tous les débouchés auxquels ils pouvaient s'attendre dans l'émission Québec plein écran .

En d'autres termes, c'est par une approche dynamique, diversifiée et évolutive, mais en nombre qui ne soit pas inférieur à ce qui se faisait dans le passé, que nous pourrons, je pense, mieux couvrir l'activité régionale non seulement dans le Bas-Saint-Laurent et la Gaspésie, mais aussi dans les autres régions. En ce qui concerne la région propre qui est autour de Rimouski, elle n'est pas mal servie.

Mme Charest: Pardon?

M. Normand (Robert): Elle n'est pas mal servie, je pense.

Mme Charest: Non, je ne pense pas. Alors...

Le Président (M. Gaulin): En terminant, puisqu'on arrête à midi.

Mme Charest: En terminant, merci, M. Normand, d'avoir réaffirmé ces propos haut et fort. Je ferais un dernier commentaire: M. Pelletier est excellent, mais il y en a d'autres aussi. Il ne faudra pas oublier les autres au détriment de quelques-uns.

M. Normand (Robert): Il y en a, oui.

Mme Charest: Je dois vous dire que les régions comptent beaucoup sur Télé-Québec. Il y a beaucoup d'attente par rapport à Télé-Québec de la part des régions, c'est très clair. Je pense que les régions n'ont pas besoin – et là je sais que c'est un mot fort, mais je vais quand même le dire – de condescendance par rapport aux grands centres. Les régions ont du potentiel, ont de l'expertise, et ils sont capables, à partir des régions, de faire des choses en étroite collaboration avec les gens de Télé-Québec. Ça, je pense que, là-dessus, oui, c'est vrai, c'est dans l'action que l'on va voir la volonté réelle de Télé-Québec de régionaliser non seulement ses opérations de production, mais ses réalisations aussi, et qu'elle aille chercher pas seulement en été, dans des tournées d'été... Parce que je voyais que, dans votre programmation tout à l'heure, on parlait de refaire le tour du Québec en été. Les régions, ce n'est pas juste l'été où c'est beau, bucolique et intéressant. C'est à l'année. C'est 12 mois par année.

Là-dessus, je pense qu'il va falloir qu'on change cette perception des régions qui est, à mon sens, une perception très folklorique de ce que sont les régions. Je tiens à dire que les régions, elles vivent au quotidien toutes sortes d'expériences et toutes sortes d'événements qui font qu'elles sont particulières, tout comme le sont la région de Montréal, la région de Québec, la région de l'Outaouais et la région de l'Estrie, peu importe.

Je pense que, ceci étant dit, ce n'est pas seulement une question de langage, quand on parle de régionalisation, c'est une question d'action. Et je suis très heureuse de voir que vous allez nous le démontrer, dans le futur, par vos gestes concrets. Je vous remercie beaucoup.

(12 heures)

Le Président (M. Gaulin): Merci.

M. Normand (Robert): Je souscris aux préoccupations de la députée de Rimouski, M. le Président.

Le Président (M. Gaulin): Merci, Mme la députée de Rimouski. Merci, M. Normand, M. Inchauspé et M. Houle. Merci et félicitations pour le prix Jules-Verne. Nous sommes très heureux de vous avoir entendus ce matin. M. le député d'Outremont, je vais terminer, si vous le permettez. Je voulais vous dire que Radio-Québec reste une très belle image et elle est aussi une interpellation à l'intérieur de nos feux et lieux.

Alors, le mandat d'étudier le plan triennal d'activités de Télé-Québec étant accompli, la commission de la culture suspend ses travaux jusqu'à 15 heures pour la suite des auditions publiques sur le rapport quinquennal de la Commission d'accès à l'information. Merci à toutes celles et à tous ceux qui vous accompagnaient. Bon appétit.

(Suspension de la séance à 12 h 2)

(Reprise à 15 h 47)


Consultation générale sur le rapport quinquennal de la Commission d'accès à l'information sur la mise en oeuvre des lois sur l'accès à l'information

Le Président (M. Garon): Alors, comme nous avons quorum, je déclare la séance ouverte. Le mandat de la commission est de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques sur le rapport quinquennal de la Commission d'accès à l'information.

M. le secrétaire, y a-t-il lieu d'annoncer des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Boulerice (Sainte-Marie–Saint-Jacques) est remplacé par Mme Charest (Rimouski) et Mme Frulla (Marguerite-Bourgeoys) est remplacée par M. Mulcair (Chomedey).


Organisation des travaux

Le Président (M. Garon): Alors, je vais donner lecture de l'ordre du jour, mais il va falloir en discuter, parce qu'il était prévu qu'on commence à 15 heures avec l'Association sur l'accès et la protection de l'information; à 16 heures, la Fédération québécoise des sociétés de généalogie; à 16 h 30, la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec; et à 17 h 30, la Société de l'assurance automobile du Québec. Nous avons deux groupes que nous recevons pour une demi-heure et deux groupes pour une heure, puis on doit ajourner à 18 heures.

Alors, je suis prêt à vous entendre. Est-ce que vous avez des propositions? Oui, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger: Malheureusement, le temps parlementaire fait que nous nous retrouvons ici à cette heure-ci. Il va falloir écourter pour arriver à 18 heures pour l'ensemble. C'est dommage pour les groupes, mais il faudrait que tout le monde soit à 30 minutes pour arriver, ou à peu près, ou 45 minutes. Je ne sais pas, là, il faudrait calculer le temps.

M. Mulcair: M. le Président, ça n'a peut-être pas besoin d'être aussi radical que ça. En écourtant les groupes prévus pour une heure de peut-être 10, 12 minutes...

Le Président (M. Garon): Il y en a seulement deux.

M. Mulcair: ...et en écoutant ceux qui sont prévus pour une demi-heure de cinq ou six minutes, on arrive.

Le Président (M. Garon): On n'arrivera pas vraiment.

Une voix: On finit à 18 heures de toute façon.

Mme Léger: Ça va.

M. Mulcair: Oui, c'est ça.

Le Président (M. Garon): Oui, mais ce n'est pas ça. Il y a des groupes qui sont ici, là.

M. Boisclair: Est-ce qu'on ne pourrait pas prévoir la possibilité de prolonger?

M. Mulcair: Aujourd'hui, de notre côté, on est corrects, mais ça dépend de vos collègues.

M. Boisclair: On ne peut pas prolonger, il y a un caucus.

M. Mulcair: C'est vrai.

M. Boisclair: Bien, on va faire ça vite. On va s'arranger pour partager le temps. M. le Président, peut-être pourriez-vous nous faire une proposition?

Le Président (M. Garon): Bien, moi, je ferais la proposition de réduire les groupes d'une heure de 15 minutes, ce qui récupérerait 30 minutes, et cinq minutes pour les deux groupes d'une demi-heure. À ce moment-là, bien, on...

M. Mulcair: 18 h 10.

Le Président (M. Garon): Pardon?

M. Mulcair: Nos invités savent qu'on a eu l'occasion de parcourir leur document. Peut-être synthétiser un peu la présentation, ce qui leur laisserait à peu près le même temps d'échanges après.

Le Président (M. Garon): Alors, c'est correct?

(15 h 50)

Des voix: Oui.


Auditions

Le Président (M. Garon): Alors, nous allons entendre l'Association sur l'accès et la protection de l'information, pour une période de 45 minutes. Je vais demander à Mme Larouche, la présidente, de présenter les gens qui l'accompagnent. Donc, normalement, une quinzaine de minutes pour votre exposé, 15 minutes pour les deux partis, comme le député de Chomedey vous a suggéré, mais c'est libre à vous.


Association sur l'accès et la protection de l'information (AAPI)

Mme Larouche (Denise): Parfait, M. le Président. Merci. Alors, je présenterai d'abord mes collègues. À ma gauche, Me Stéphanie Gourgues, qui est membre du conseil d'administration de l'Association; à ma droite, Me Cynthia Morin, qui est également membre du conseil d'administration de l'Association, et M. Richard Juneau, qui est membre de l'Association et qui est également responsable de l'application.

Alors, rapidement. M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, l'Association sur l'accès et la protection de l'information est un organisme sans but lucratif qui a été incorporé le 7 mai 1991 sous la partie III de la Loi sur les compagnies du Québec et qui compte 400 membres provenant des secteurs public et privé. Un conseil d'administration composé d'un président, d'un vice-président, d'un secrétaire, d'un trésorier et d'au plus cinq administrateurs élus par l'assemblée générale des membres dirige et administre l'ensemble des activités de l'Association.

Peut être reconnue comme membre de notre Association toute personne s'intéressant à la mise en application de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels ou de toute autre loi visant à favoriser l'accès aux documents des organismes publics ou à protéger les renseignements personnels. Les membres de notre Association sont, pour la plupart, des responsables de l'application de la Loi sur l'accès à l'information et de la protection des renseignements personnels dans le secteur public. Depuis l'entrée en vigueur de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, nous comptons aussi des membres de ce secteur. Ils ont donc la responsabilité, au sein de leur organisme et de leur entreprise, d'appliquer, le cas échéant, les règles de l'accès à l'information ainsi que de faire respecter les règles qui régissent la cueillette, la détention, l'utilisation et la communication à des tiers de renseignements personnels.

La mission de notre Association est de promouvoir et de faciliter la mise en application et le respect de la loi sur l'accès à l'intérieur des organismes publics, de favoriser la recherche et la réflexion en matière d'accès et de protection des renseignements personnels, de former, d'informer et de sensibiliser ses membres sur divers sujets d'intérêt reliés à tous les secteurs d'activité. Cette formation continue s'exerce par le biais de conférences, d'ateliers, de congrès et d'un bulletin d'information appelé AAPI Exprès , distribué trimestriellement à tous les membres.

Au fil des gens, l'Association a acquis une vaste expérience en matière d'accès à l'information et de protection des renseignements personnels. Elle est intervenue à quelques reprises lors de commissions parlementaires afin d'apporter son expertise, que ce soit lors de commissions concernant l'adoption de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé ou lors de la révision de la loi d'accès dans le secteur public.

Les sujets d'intérêt qui la préoccupent notamment sont la sécurité informatique, l'épuration des bases de données, le couplage informatique, la confidentialité et la gestion des dossiers, les directives de la Commission d'accès à l'information, l'interaction du pouvoir politique sur la gestion des lois concernant l'accès à l'information et la vie privée, les impacts économiques de ces lois, l'autoroute de l'information et, enfin, la carte d'identité.

L'Association sur l'accès et la protection de l'information, forte de son expérience et représentant plus de 400 personnes qui sont directement concernées par l'application des législations à l'étude, tient à soumettre à l'attention du législateur ses commentaires afin de l'éclairer sur certaines difficultés qu'ont à surmonter nos membres lors de l'application des législations en question, ainsi que quelques recommandations susceptibles de bonifier et, par le fait même, de faciliter l'exercice des droits fondamentaux soutenus par ces deux lois indispensables à notre société. Ici, je céderai la parole à Me Cynthia Morin qui vous présentera l'essentiel du mémoire. Merci.

Mme Morin (Cynthia): Comme Mme Larouche vient de vous le mentionner, la plupart de nos membres font partie du secteur public, sont des responsables de l'application de la loi d'accès à l'information dans le secteur public. Nous comptons très peu de membres, malheureusement, dans le secteur privé, mais c'est une chose que nous allons corriger dans le futur.

Alors, je vais commencer tout d'abord par vous présenter nos recommandations concernant la loi d'accès dans le secteur public et, par la suite, je vais faire quand même quelques commentaires qui nous semblaient opportuns pour la loi dans le secteur privé.

Tout d'abord, nous tenons à vous dire que nous appuyons la recommandation de la Commission d'accès à l'information à l'effet que la définition des organismes gouvernementaux et municipaux devrait être revue à la lumière des jugements rendus dans les affaires telles que Nouveler ou encore Société des casinos. Je me permets de rappeler peut-être les faits. Dans Nouveler, rapidement, c'est une société dont le capital-actions était détenu à 100 % par Hydro-Québec. On en entend parler encore cette semaine, d'une filiale d'Hydro-Québec. La Commission a dit que, comme les actions étaient détenues à 100 % par Hydro-Québec, les renseignements étaient donc publics, donc étaient accessibles. Il y a eu un jugement de la Cour du Québec qui est venu renverser ça, puis on a dit que c'était un organisme privé puis qu'il ne fallait pas regarder qui détenait les actions. Alors, on pense qu'il est grand temps que les définitions d'organismes gouvernementaux et municipaux soient revues afin que certains organismes échappent à l'obligation de transparence à laquelle les oblige la loi d'accès à l'information.

Notre seconde proposition serait le temps de recherche lorsqu'un particulier ou quelqu'un fait une demande d'accès à un renseignement dans un organisme public. On charge des frais pour la transcription ou la reproduction, c'est-à-dire les photocopies, mais on ne charge pas pour le temps de recherche. Donc, on propose que les articles 11 et 85 soient modifiés afin d'inclure le pouvoir de charger des frais raisonnables pour les temps de recherche ou encore l'élagage de renseignements qui ne seraient pas accessibles au public. À titre d'exemple, il est fréquent, dans les commissions scolaires, que des anciens étudiants, ou même dans les secondaires, n'importe où, demandent accès à leur relevé de notes. Ça, c'est quelque chose qui prend du temps. Alors, on suggère que le demandeur paie les coûts pour la recherche. Il ne s'agit pas de lui faire payer tous les frais, mais bien de partager les coûts. Puis, à ce titre-là, je rajouterais que, dans la loi fédérale, à l'article 11, paragraphe 2, on prévoit déjà cette disposition-là. Ici, on dit que – si vous me permettez – lorsque l'accès à un document est autorisé par la loi, il faut informer la personne du coût estimatif du total de la recherche du document et de sa préparation aux fins de sa communication. Alors, ça existe déjà au fédéral. Ça pourrait très bien se faire au provincial. On dit que, si la recherche prend plus de cinq heures, on peut charger 2,50 $ du quart d'heure pour le temps de recherche et l'élagage de renseignements.

Ensuite, notre troisième proposition serait l'épreuve d'évaluation des connaissances. L'article 40 de la loi d'accès prévoit qu'un organisme peut refuser de communiquer une épreuve destinée à l'évaluation des connaissances, des aptitudes ou de l'expérience d'une personne. Or, il arrive que, dans certains domaines tels que le domaine médical, on veut vérifier les compétences d'une personne. À titre d'exemple, si on veut vérifier comment une personne donne une injection, il faudrait qu'on puisse pouvoir refuser l'accès à cette épreuve. C'est pour ça qu'on demande que l'article 40 rajoute, dans son énumération, qu'on puisse inclure la notion de compétence.

Ensuite, la demande de précision. Compte tenu du court délai que la loi d'accès prévoit pour répondre aux demandes d'accès, qui est de 20 jours calendrier et non pas 20 jours ouvrables, les articles 42 et 95 de la loi devraient être modifiés de façon à suspendre le délai de 20 jours jusqu'à ce que le demandeur ait précisé sa demande. Il arrive souvent qu'un demandeur dise: Je voudrais avoir accès à tous les documents d'Hydro-Québec, par exemple. Bien là, en 20 jours, on ne peut pas... Le temps qu'on demande à la personne de préciser et que la personne précise, le délai de 20 jours est computé puis, à ce moment-là, on ne peut plus répondre à la demande.

Un délai de réponse, ça vient rejoindre ce que je dis là. C'est que, en ce moment, il est de 20 jours, l'article 47 prévoit 20 jours. Alors, nous, on demanderait 30 jours, un délai de réponse de 30 jours, ce qui est tout à fait raisonnable. C'est ce qui est prévu dans la loi sur le secteur privé et c'est ce qui est prévu à l'article 7 de la loi d'accès fédérale. Donc, il y a juste au provincial qu'on a 20 jours. Puis, comme on connaît une diminution constante du personnel, puis des coupures, bien, 20 jours, c'est vraiment très peu. C'est vrai qu'il y a un... Stéphanie, tu pourrais...

Mme Gourgues (Stéphanie): Si je peux me permettre, aussi. L'article 47, in fine, prévoit déjà qu'on peut prolonger le délai de 10 jours dans certaines circonstances. Alors, on voit déjà que la proposition de 10 jours n'est pas déraisonnable, compte tenu de tout ce que ça peut comporter. C'est pour ça qu'on propose un délai de 30 jours.

Mme Morin (Cynthia): Je poursuivrais avec la présomption de refus. Selon la jurisprudence actuelle, un organisme n'a pas le droit d'invoquer de nouveaux motifs de refus facultatifs à moins de circonstances exceptionnelles, après l'expiration du délai pour répondre. Nous souhaitons que la loi soit modifiée afin qu'un organisme puisse invoquer des motifs facultatifs malgré l'expiration du délai de 20 jours prévu par la loi pour répondre à une demande. À titre indicatif, les articles 52 et 102 pourraient être modifiés en y ajoutant ceci, et je lis: «La présomption n'a pas pour effet d'empêcher un organisme d'invoquer tout motif de refus prévu par la loi, et ce, même après l'expiration du délai. L'organisme devra toutefois transmettre ses motifs au moins 10 jours avant l'audience.» Ça pourrait être écrit comme ça.

(16 heures)

La proposition suivante: l'identification préalable selon les articles 65, 76 et 81 de la loi d'accès. Le devoir d'information aux personnes concernées, lors de la cueillette de renseignements, n'est pas toujours facile à réaliser et, dans la pratique, cela semble absolument impossible à faire. Plus particulièrement, lorsque la loi sur l'accès prévoit qu'un organisme doit indiquer quelles personnes auront accès aux renseignements recueillis, il est très difficile de répondre à cette demande. Nous proposons donc d'enlever les obligations contenues aux articles 65, paragraphe 3°, 76, 4° et 81, 5°.

Maintenant, au titre de la communication sans le consentement, si vous me permettez, très rapidement, je vais lire l'article 67 de la loi sur l'accès qui dit: «Un organisme public peut, sans le consentement de la personne concernée, communiquer un renseignement nominatif à toute personne ou organisme si cette communication est nécessaire à l'application d'une loi». On constate qu'il est parfois difficile de déterminer si une communication d'un renseignement nominatif... Par exemple, la communication d'un bulletin scolaire d'une commission scolaire à une autre commission scolaire, est-ce nécessaire à l'application d'une loi? On souhaite que le législateur ne fasse pas porter aux organismes le fardeau d'interpréter chacune des lois statutaires au Québec, afin de dire ce qui est nécessaire à l'application d'une loi.

On constate aussi que la Commission d'accès à l'information a une interprétation très, ou trop, je dirais même, restrictive de l'expression «nécessaire à l'application d'une loi». En effet, la Commission, dans ses décisions, exige quasiment que ce soit écrit textuellement que la communication est nécessaire. Alors, la Commission devrait plutôt se poser la question: Est-ce que la loi est applicable si la personne refuse de consentir à la communication? plutôt que de se poser la question: Est-ce que le texte de loi prévoit la communication du bulletin, par exemple, d'une ancienne commission scolaire à une nouvelle commission scolaire? Par conséquent, on propose que le législateur impose à la Commission d'accès à l'information d'avoir une interprétation moins restrictive de cette expression «nécessaire à l'application d'une loi». Mais ce qui serait peut-être plus facile à faire dans les faits, ce serait de modifier le texte de loi, puis, au lieu de dire «nécessaire», on pourrait dire «justifié par l'application d'une loi au Québec», ou encore «nécessaire dans le cadre de l'application d'une loi au Québec». Comme ça, on ne serait pas obligé de retrouver textuellement dans le texte de loi que la transmission d'un bulletin est permise d'une école à une autre.

Concernant le contrôle a priori de la Commission sur les échanges de renseignements, dans son rapport, la Commission d'accès à l'information recommande que, sauf en ce qui concerne les échanges prévus à 67.1 et 67.2, tous les organismes devraient l'informer lorsqu'ils prévoient communiquer des renseignements personnels sans le consentement de la personne concernée. Nous, on n'est pas en désaccord avec la proposition de la Commission à ce sujet-là; ça rejoint un peu ce qu'on a dit tout à l'heure. Par contre, la Commission dit, dans son rapport, qu'elle devra établir, pour guider les organismes, un protocole, notamment en ce qui concerne la définition des communications nécessaires à l'application d'une loi.

Depuis toujours, dans son rapport, la Commission dit qu'il est évident que plusieurs échanges projetés ne nécessiteront pas un avis formel. Par exemple, dit-elle, les échanges nécessaires à l'application d'une loi qui impliquent un nombre minime d'individus et qui sont à l'avantage de la personne concernée pourraient ne pas faire l'objet d'un avis. Alors, moi, la question que je me pose, c'est: Est-ce qu'on va retrouver ça dans le protocole aussi? Comment est-ce qu'on va vérifier ça, là, si c'est un échange? Est-ce qu'ils comptent deux personnes, 10, 15? Ça va être quoi, l'échantillonnage?

Donc, on est d'accord avec les principes, avec ces recommandations de la Commission, mais on s'interroge vraiment, à savoir comment, dans les faits, la Commission va pouvoir arriver à mettre en oeuvre cette nouvelle façon de faire. Alors, on est intéressés à le savoir. En autant que le processus n'entrave pas l'administration courante des organismes publics, on ne peut qu'acquiescer à une telle recommandation.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Rapidement, madame – il vous reste environ deux minutes – si c'est possible.

Mme Morin (Cynthia): Je vais essayer d'abréger. Les déclarations de fichiers, c'est quelque chose qui était nécessaire au début de l'application de la loi. Ça se faisait dans les plus gros organismes, mais ça ne se fait plus. Pratiquement, les articles de loi sont dans la loi, mais ça ne se fait plus. On demande que ce soit abrogé. On encouragerait plutôt les organismes à faire une politique interne pour dire comment ils ont assuré la protection des renseignements personnels dans leur organisme.

Ensuite, les autorisations de recherche sont dans l'article 125. En ce moment, c'est la Commission d'accès à l'information qui autorise pour les études longitudinales, pour les chercheurs. Alors, on pense que ça pourrait peut-être être accordé aux organismes eux-mêmes, comme il y a une exception dans la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Le directeur des services professionnels, lui, a le droit d'accorder des recherches aux chercheurs. Alors, on se demande pourquoi ça ne pourrait pas être la même chose dans chaque organisme.

Je voulais vous parler au sujet des nouvelles technologies de l'information et des communications. Ça viendra peut-être dans le cadre des questions. Ce que je peux vous dire, c'est que, en résumé, il n'y a pas de nouveaux principes directeurs à établir, juste que les principes demeurent, les mêmes que ceux véhiculés, et que des mesures de sécurité doivent être plus pointues et plus sévères, étant donné la rapidité de l'accès à l'information puis de la multiplicité des modes d'accès à l'information.

Les identifiants. En mars dernier, j'ai eu le plaisir de venir ici présenter un mémoire sur la carte d'identité, puis j'ai constaté, dans le rapport de la Commission d'accès à l'information, que, évidemment, les travaux de la commission de la culture ne sont pas terminés. Nous, on y tient vraiment, à ce projet-là. Je ne reprendrai pas les termes que j'ai présentés au mois de mars. On a une idée bien définie là-dessus, puis on pense qu'il est vraiment temps de régler cette question-là. Là la commission dit: Le statu quo, c'est la meilleure façon de faire. Mais, moi, je ne pense pas. À très court terme, peut-être, mais pas à long terme parce que... Pourquoi il y a eu une commission de la culture? C'est parce qu'il y avait des problèmes. Bien, s'il y a des problèmes, il faut les régler. Il y a deux thèses et il faut que quelqu'un décide. C'est sûr que ça ne peut pas plaire à tout le monde. Il y a deux positions très, très, très différentes. Nous, on est pour une position, c'est-à-dire... Je vais vous la dire, c'est l'adoption d'un mode d'identification qui protégerait la vie privée, mais qui réglerait une fois pour toutes les problèmes qu'on connaît à ce sujet-là.

J'avais deux petites recommandations à faire sur la loi dans le secteur privé, rapidement, à l'article 18.4. C'est juste pour appuyer ce que la Commission dit, comme recommandation, d'élaguer une partie de l'article 18.4 quand on dit que nous croyons... prévoit la possibilité de communiquer des renseignements personnels à une personne à qui il est nécessaire de communiquer ces renseignements dans le cas de l'application d'une loi ou d'une convention collective – et on pourrait en élaguer – et qui le requiert dans l'exercice de ses fonctions, parce que ça obstrue le...

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci, madame. Merci beaucoup. C'est un peu rapide, mais la situation étant celle qu'on vous a expliquée tantôt...

Mme Morin (Cynthia): Si je peux me permettre de rajouter une dernière petite chose...

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Rapidement.

Mme Morin (Cynthia): Le mémoire que j'ai fait là, c'est suite à une demande qu'on a eue de la Commission d'accès à l'information, en 1995. Ils nous ont demandé de faire une étude – parce qu'on a toujours collaboré avec la Commission – sur les échanges de renseignements dans la fonction publique. Alors, on a fait quatre secteurs, des tables de concertation, puis là, évidemment, nos membres se sont vidé le coeur puis ils ont dit: Ça, ça, ça, ça ne marche pas, dans la loi. Alors, c'est un beau résumé de... Ça vient vraiment de nos membres, des gens qui appliquent la loi, les propositions qu'on vous a présentées. Alors, merci.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci beaucoup. M. le ministre.

M. Boisclair: Je voudrais, mesdames, monsieur, vous souhaiter la bienvenue à l'Assemblée nationale. Je voudrais vous dire que votre point de vue, il est apprécié. Il nous vient de praticiens de la loi d'accès. Vous êtes, je présume, tous des fonctionnaires du gouvernement et, à cet égard, vous avez une riche expérience. Je peux certainement, d'ores et déjà, vous assurer que chacune de vos recommandations sera attentivement étudiée.

Nous avons déjà pris connaissance de votre mémoire, mais je voudrais peut-être profiter aussi de la présence de Mme Morin qui, si ma compréhension est juste, a été associée concrètement aux travaux de la première révision de la loi, puisque vous êtes certainement quelqu'un qui connaissez bien le domaine, qui connaissez bien le fonctionnement aussi de la Commission, de la législation et de la mécanique, si vous avez une réflexion particulière sur le cumul des fonctions, à la Commission d'accès à l'information.

Mme Morin (Cynthia): Merci. Je vous remercie de me poser la question. J'espérais que vous me la poseriez. Comme vous le savez, j'ai déjà travaillé au ministère des Communications, au service de la loi sur l'accès. Avant que je sois engagée au service, c'était une direction. Puis, au cours des 18 mois où j'ai eu le bonheur de travailler dans ce service-là, je disais toujours à votre conseiller, M. Parent: Pourquoi ce n'est pas le ministère qui fait ça? Pourquoi c'est la Commission qui fait ça? Pourquoi ce n'est pas le ministère? Pourquoi c'est la Commission? Parce que je m'apercevais que, en fait, c'est la Commission d'accès qui fait beaucoup de choses, puis qui en a peut-être un peu trop sur les épaules, avec les moyens qu'elle a, puis avec les coupures qu'on connaît aussi. Ce que je peux vous dire, c'est qu'à l'Association on a mis sur pied, il n'y a pas très longtemps... Au mois de septembre, il y a un conseiller juridique qui a été assez gentil de nous offrir ses services deux jours par semaine, bénévolement, pour répondre à nos membres, c'est-à-dire aux responsables de l'application de la loi. Là le téléphone, il sonne sept ou huit heures par jour, tous les jours. Ces gens-là, ils ne veulent pas appeler à la Commission d'accès à l'information, malheureusement, parce qu'ils ne peuvent pas dire: M. le policier, est-ce que je peux passer sur la lumière rouge, là? On ne peut pas appeler, on ne peut pas appeler à la Commission, avoir une opinion, puis, par la suite, se faire dire: Bon, bien, le citoyen n'est pas content. Il va en révision de la Commission, puis là le commissaire vient dire complètement le contraire de ce qu'un employé de la Commission nous a dit six mois auparavant.

(16 h 10)

Alors, c'est sûr qu'il y a des coupures budgétaires. Il y aurait peut-être un manque. Moi, j'ai aimé travailler au service de la loi sur l'accès. Puis, quand la loi a changé de main, du ministère des Communications, quand on a mis la hache dans le ministère, ça s'est passé au ministère de la Justice, on n'a même pas laissé un numéro de téléphone aux gens. Les gens, du jour au lendemain, ils appelaient au service de la loi, puis là, le lundi suivant, même pas un message: Il n'y a plus de ministère au numéro que vous avez composé. Le service de la loi sur l'accès est rendu au 1200, route de l'Église. Non, rien du tout. J'ai trouvé ça un peu dommage, puis je me suis dit: Bon, est-ce que je suis responsable de ça? Est-ce qu'on devrait faire quelque chose? Puis les gens, ceux qui ont été débrouillards, ils nous ont retracés, puis ils nous connaissent. C'est quand même un milieu qui n'est pas très grand. Ils nous appelaient au 1200, route de l'Église. Mais, à ce que je crois savoir, maintenant les gens, ils se débrouillent par eux-mêmes. Ils appellent leur conseiller juridique dans les organismes ou ils appellent à la Commission. Mais là, à la Commission, ils appellent, mais, à la Commission, moi, ce que je pense, ce que je connais du rôle de la Commission, ils ne sont pas là pour faire ça. Il y a deux services: le service juridique, pour les révisions, puis le service des enquêtes. Les enquêtes, ils répondent au téléphone. Ils ne font pas d'enquêtes, ils n'ont pas le temps, ils répondent au téléphone.

M. Boisclair: Alors, vous, si vous aviez une suggestion à faire, c'est de... Vous savez d'abord qu'il y a des ressources au ministère maintenant. On a reconstitué... Certains de vos collègues sont maintenant au ministère. Ce que vous me dites, c'est: Je n'ai pas de difficulté à ce que le rôle d'enquête et d'adjudication soient dans le même organisme, mais sortez la fonction conseil de la Commission et confiez-la au ministère responsable.

Mme Morin (Cynthia): Exactement, M. le ministre.

M. Boisclair: Mais vous n'avez pas de difficulté avec le fait que l'adjudication et les enquêtes soient dans le même organisme? On entend dire que, à cause de ce cumul des deux fonctions, les gens de la Commission, par exemple, sont très réticents à utiliser le pouvoir d'ordonnance que la loi leur confie.

Mme Morin (Cynthia): M. Juneau.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): M. Juneau.

M. Juneau (Richard): Non, on n'a pas de problème avec ça. Moi, je suis dans le milieu depuis le début, comme un responsable d'accès, et je vous dirai que le problème n'est pas là. Mais, évidemment, lorsqu'on appelle comme responsable – c'est un petit milieu, hein, on a bien beau avoir 400 membres dans l'Association – et qu'on est de l'organisme Y à la CAI, puis on dit: Est-ce qu'on peut faire ça? ou: Comment est-ce que je peux m'en sortir avec ça? ils sont de très bon conseil. Sauf qu'on sait que, si on est là pour un conseil mais qu'on ne le respecte pas, le conseil, on va se ramasser avec l'autre groupe. Et ça, c'est le groupe lorsqu'on va arriver devant le commissaire. O.K.? C'est pour ça que les gens sont un peu gênés. C'est pour ça que le service que l'Association offre maintenant, il est super, parce que là les gens ne se sentent pas pris.

Même au sein de ton organisme, des fois, comme responsable d'accès, tu te promènes les mains liées. Et je vous dirai que ça, c'est des responsables d'accès du gouvernement du Québec, d'organismes scolaires, du milieu scolaire, de la santé ou encore du secteur municipal, ministère et organismes. On est toujours un peu poignés, parce qu'on est entre l'arbre et l'écorce, comme responsables d'accès. Souvent, on a des demandes et on dit: O.K. Non. La loi nous permet de faire ci ou de protéger les renseignements de telle façon, mais il y a des éléments sur lesquels, comme responsables, on va donner une réponse, mais, après ça, il faut aller chercher des conseils.

Lorsqu'on va à la Commission, ils sont bons, mais ils ne sont pas toujours là. Le début de l'Association est venu justement quand le ministère des Communications a fini, a achevé de faire ces rencontres de responsables. Souvenez-vous au début, lorsque la loi est entrée en vigueur, et ceux qui y étaient. Je veux dire, c'était le ministère des Communications, la direction de la loi qui faisait le travail de réunir au moins une fois par année tous les responsables pour le secteur public, parce qu'à l'époque il n'y avait pas de loi dans le secteur privé, mais qui s'assurait qu'il y ait une cohésion entre les différents responsables. C'est le rôle maintenant de l'Association. Mais l'Association a 400 membres sur 3 700 organismes.

M. Boisclair: On pourrait peut-être tout simplement financer votre Association?

Mme Larouche (Denise): Ce serait une merveilleuse idée, M. le ministre.

M. Juneau (Richard): Mais j'irais plus loin, M. le ministre, si vous me permettez. Ce n'est pas juste une question de financement. Au Québec, on est chanceux pour une chose, c'est qu'on a deux très bonnes législations en matière de respect de la vie privée et d'accès à l'information pour des documents, mais on est très chanceux que les citoyens ne l'utilisent pas, parce que je vous dirai, personnellement, que, si l'ensemble des citoyens commençaient à utiliser les mécanismes qui sont dans cette législation-là, vos responsables d'accès ne suffiraient pas à la tâche et il y aurait du débordement budgétaire. Parce qu'il y a à peine 1 % des gens qui savent que la loi... ils la connaissent puis ils l'utilisent.

M. Boisclair: Ça, c'est un sondage dont on pourrait discuter longtemps des mérites. Il faut faire bien attention de ne pas colporter des choses qu'on ne peut pas démontrer. Ce sondage-là, je pourrais vous faire des démonstrations qui remettraient peut-être en cause vos conclusions.

Je voudrais juste qu'on poursuive la réflexion. Vous savez, la Commission d'accès oeuvre aussi en amont du processus législatif. Elle intervient même avant que des mémoires soient soumis au Conseil des ministres et elle fait aussi souvent office de conseil. Donc, souvent, des ministres vont requérir l'avis de la Commission sur des intentions d'un ministre et, souvent, la Commission va émettre des avis dans le cadre du processus législatif et du processus décisionnel qui est celui du Conseil exécutif.

Je dois vous dire qu'il y aurait un intérêt certainement, peut-être, à faire en sorte que cette expertise soit diffusée, mais je ne suis pas convaincu que ce serait aussi efficace si c'était un ministère, un autre collègue du Conseil des ministres qui disait à un ministre: Là tu passes sur un feu rouge, tu n'as pas le droit. Je pense que c'est peut-être plus efficace si c'est une commission avec l'autorité d'une commission qui pose ce genre de réflexion. Je comprends que ça peut poser des situations qui sont difficiles parfois, mais la requête qui est demandée à la Commission, ce n'est pas toujours: Est-ce que j'ai le droit de passer sur le feu rouge? L'image était très intéressante tout à l'heure, mais, dans les faits, ce n'est pas ça, la question. Les gens demandent conseil pour ne pas prendre le fossé. Je pense que ce serait plutôt là une façon plus correcte de présenter les choses, et c'est ce que le gouvernement fait régulièrement. La Commission a quand même une certaine autorité morale que ce qui n'est pas évident qu'un autre ministre pourrait avoir.

Alors, je veux soumettre ça à votre réflexion, en vous remerciant. Je comprends que les réflexions sont intéressantes sur la question des frais de recherche, des délais d'accès vers 30 jours. Il faut regarder ça. Les frais de recherche, je vous le dis tout de suite, il faut les regarder, mais je ne suis pas sûr que les clients, les citoyens devraient payer pour la mauvaise gestion documentaire de certains organismes. Parce que, si ça prend cinq heures parfois, ce n'est pas tant la faute du citoyen que peut-être la faute du ministère ou de l'organisme qui a un mauvais système de gestion documentaire.

La recommandation 15 sur Nouveler, l'objectif, ce n'est pas de reprendre des décisions que les tribunaux ont rendues. L'objectif, c'est de voir si véritablement, si Nouveler a été reconnue comme une entreprise privée, on va l'accepter comme telle et puis on ne pervertira pas nécessairement l'intention réelle du législateur.

Donc, ce sont des choses qu'on regarde. Merci pour vos recommandations et au plaisir de vous revoir peut-être à l'occasion de votre prochaine rencontre annuelle, comme j'ai eu le plaisir de vous rencontrer à Trois-Rivières il y a de ça quelques mois. Merci.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci, M. le ministre. M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Au nom de l'opposition officielle, il me fait plaisir de souhaiter la bienvenue au représentant et aux représentantes de l'Association sur l'accès et la protection de l'information. Évidemment, le temps est un peu court pour nous cet après-midi. Cependant, une des premières choses que je voudrais demander aux représentants du groupe, c'est justement sur la question du financement. Vous vous êtes incorporés il y a un certain nombre d'années. Qui paie pour le fonctionnement de l'Association? Est-ce que les membres paient une cotisation?

Mme Larouche (Denise): Absolument.

M. Mulcair: Est-ce que c'est avec ça qu'on a réussi à faire l'incorporation?

Mme Larouche (Denise): C'est notre seule source de revenus, évidemment, la cotisation des membres.

M. Mulcair: Donc, vos membres sont des fonctionnaires, des employés de l'État pour la plupart?

Mme Larouche (Denise): Oui.

M. Mulcair: Et ils paient cette cotisation de leur poche?

Mme Larouche (Denise): Oui. Nécessairement, les gens, certaines de ces personnes-là vont avoir la cotisation payée par leur organisme; d'autres, par contre, devront payer de leur poche.

M. Mulcair: Je trouve ça louable d'entendre dire qu'il y a des gens qui, par un intérêt vraiment altruiste, se disent: Bon, si on veut bien faire notre job, il faut qu'on communique avec d'autres qui font la même chose. Vous soulevez des questions très intéressantes. Comme le ministre l'a dit tantôt, vous vous occupez de ça, vous êtes sur le terrain, vous regardez ça au jour le jour, et il n'y a pas de réponse facile à certaines de vos préoccupations.

Je suis plutôt d'accord avec le ministre quand il dit qu'on... Moi, en tout cas, ça me ferait très plaisir, comme opposition, que le gouvernement essaie de facturer au public le temps de recherche, parce que, nous, on se ferait une partie de plaisir à l'annoncer. Mais je ne pense pas que ce soit très sérieux de dire qu'on va facturer le temps de recherche aux citoyens.

(16 h 20)

Cependant, il y a d'autres aspects de votre présentation qui nécessitent une réflexion profonde de notre part. Ça me rappelle un peu, à cet égard, la présentation, voilà deux semaines, peut-être même la semaine dernière, des régies régionales de la santé qui sont venues ici. Elles ont dit: Bon, voici, ils nous demandent de faire telle, telle, telle affaire, mais la réalité, c'est que ce n'est pas possible. Et telle demande est en contradiction. La dernière chose que, moi, je veux, c'est qu'on ait, en principe, deux lois qui, en pratique, ne valent pas grand-chose. Je m'inquiète quand je vous entends dire, par contre – je pense que c'était Me Morin, tantôt – qu'on ne va pas aller demander au policier si on peut passer au feu rouge. Moi, je ne voudrais pas qu'on s'invente quelqu'un qui puisse nous dire qu'on peut passer au feu rouge. Si la législation doit être changée, si ceux qui votent au nom du public se sont trompés en mettant un feu rouge à tel coin dans la circulation, moi, je préfère qu'on l'enlève, nous qui sommes responsables de cette loi, plutôt que des gens trouvent le moyen de le contourner, pour rester avec votre métaphore. Ça, cette partie-là m'a préoccupé un peu.

Par contre, l'ensemble de votre présentation est très utile pour nous et pour nos travaux. La seule chose sur laquelle j'aimerais... parce que mon collègue le député de Jacques-Cartier a aussi des questions pour vous. Il y a une chose particulière à propos de laquelle je voudrais discuter avec vous, c'est la première partie de votre présentation, l'assujettissement des organismes publics. Vous parlez des décisions des tribunaux qui ont exempté certaines sociétés parce que leurs actions étaient détenues par une société d'État. Vous dites qu'il faudrait, en principe, l'assujettir. Est-ce que, à votre point de vue, il ne faut pas faire une distinction importante entre quelque chose qui est financé avec des fonds publics mais qui concurrence dans un marché libre et quelque chose qui reçoit des fonds publics et où il y a un intérêt primordial pour la population d'avoir accès à de l'information? Je vais tenter, très brièvement, avec deux exemples de ces deux parties-là, un exemple dans chaque partie...

Dans un premier temps, imaginons une société filiale d'Hydro-Québec, justement, qui est en train d'essayer d'inventer un moteur électrique qui pourrait servir pour les voitures. Elle concurrence sur le marché des idées, sur un marché pour des ingénieurs, sur un marché pour l'accès à des sources de financement et de distribution. Si on les obligeait à dévoiler certains aspects de leurs opérations, on peut tous concevoir que ça pourrait être un grave problème puis ça empêcherait Hydro-Québec, même, de songer à aller là-dedans.

Par contre, si le Centre des congrès de Québec a une directrice générale qui, par hypothèse, dépense des sommes publiques, qu'on ne vienne pas me dire que je n'ai pas le droit de le savoir, parce que le Centre des congrès de Québec concurrence avec le Palais des congrès de Montréal. Alors, est-ce qu'il y a une distinction qu'on peut travailler là-dedans? Quelle est votre réflexion là-dessus?

Mme Morin (Cynthia): Je suis tout à fait d'accord avec vous, il y a une distinction à faire. Mais je n'ai pas la solution, par exemple. Je pourrais vous dire...

M. Mulcair: Nous non plus, en toute simplicité, et on réfléchit.

Mme Morin (Cynthia): Je ne l'ai pas. Je faisais une réflexion. J'ai lu les recommandations de la Commission. Puis, quand j'ai été conseillère auprès du ministre des Communications, à l'époque, en matière d'accès à l'information, c'est une question qui revenait souvent, ça. On avait des demandes d'accès où des responsables nous appelaient puis ils nous disaient: C'est une filiale. Est-ce que c'est accessible? Puis c'est quelque chose, je pense, qui est là depuis l'instauration de la loi. Les définitions ne sont pas claires. Je pense qu'il y aurait peut-être moyen de réfléchir là-dessus puis de clarifier ça pour éviter des jugements comme on a eu là. Je ne jugeais pas la décision de la Cour du Québec là-dedans. Je n'ai pas lu le jugement, j'en ai lu juste le résumé. Probablement que sa décision était fondée de dire que cette filiale-là devrait être considérée comme une entreprise privée. Mais je pense qu'il y a vraiment lieu de revoir les définitions, on n'a pas le choix.

M. Mulcair: Je terminerais là-dessus, M. le Président. Justement, à la page 7 de la présentation, sous la rubrique Communication sans le consentement , les membres de l'Association nous disent: «Par conséquent, nous proposons que le législateur impose à la Commission d'accès à l'information d'avoir une interprétation moins restrictive». Je pense qu'on peut changer ça légèrement et dire que c'est à nous, comme législateurs, de changer le texte, parce qu'on ne s'ingérerait pas dans l'interprétation que donne un organisme à notre texte. Mais ce qui est très précieux pour nous, comme législateurs, dans votre présentation, c'est de savoir que le vécu, au jour le jour, des gens à qui on demande de faire un certain nombre de choses, c'est qu'on se heurte à des problèmes pratiques. Et c'est vraiment à ça que ça sert, cette révision quinquennale. On regarde qu'est-ce qui se passe, quels sont les problèmes réels vécus par les groupes. Nous, on apprécie beaucoup la présentation que vous nous avez faite. Ça va nous aider énormément.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): M. le député de Jacques-Cartier, en vous rappelant qu'il vous reste trois minutes.

M. Kelley: Trois minutes?

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Trois minutes.

M. Kelley: Parfait. Juste une couple de questions très précises. Merci beaucoup pour votre témoignage. C'est toujours très utile de parler aux personnes qui doivent travailler avec la loi. Nous autres, on peut adapter les textes, mais c'est toujours très important d'échanger avec les personnes.

Juste des précisions. La première, c'est sur la question du temps de recherche. Ça impliquerait des coûts de combien, environ? Mettons, dans votre exemple d'un étudiant qui cherche un relevé de ses notes, ça coûterait combien?

Mme Morin (Cynthia): ...la disposition fédérale, parce que, dans la loi d'accès à l'information, c'est prévu. On dit, dans le règlement, je pense: Quand une recherche prend plus de cinq heures, on peut charger des frais de 2,50 $ pour le 15 minutes supplémentaire. Alors, je pense que ce n'est peut-être pas déraisonnable de demander 2,50 $, c'est-à-dire que ça fait 10 $ l'heure. Quand on est rendu à faire des recherches de six ou sept heures pour un renseignement pour un citoyen, cette personne-là, si elle passe une journée à chercher pour un citoyen, elle n'a pas fait... pas besoin de vous le dire, elle n'a pas passé ses mandats, ses dossiers, puis elle n'a rien fait d'autre. Alors, 10 $, ce ne serait peut-être pas...

M. Kelley: Parfait. Et en terminant, juste rapidement. Sur toute la question de l'autorisation de recherche, vous avez parlé des études de grande envergure. Avez-vous des exemples, des précisions? Parce qu'il y a d'autres chercheurs qui sont venus pour voir... Il y a certains obstacles ou empêchements dans la loi d'accès. Mais, moi, je suis toujours de l'avis d'être sécurisé, que, si le chercheur veut utiliser d'autre information, il doit revenir obtenir une autre approbation. Moi, je n'ai pas de misère avec ça. Mais avez-vous des exemples précis où cette autorisation de recherche devient vraiment trop lourde et pose trop de problèmes?

Mme Morin (Cynthia): Oui. Quand on parle de recherche de grande envergure, j'aurais peut-être dû dire «longitudinale». Je vais vous en inventer une, là. Quelqu'un qui fait une recherche sur le décrochage, puis il va suivre, je ne sais pas, une université quelconque. Il va dire: Nous, sur une période de sept ou huit ans, on va regarder des élèves du primaire et du secondaire, qu'est-ce qui se passe dans telle école, dans tel secteur. Alors, ça, c'est une étude longitudinale qui demande une autorisation de recherche qui ne devrait pas, à mon sens, être obligée. On ne devrait pas revenir chaque année devant la Commission puis demander... Puis, en ce moment, c'est ce qui se passe. C'est un exemple que je peux vous donner, comme ça.

M. Kelley: Alors, dans l'application, maintenant, il faut une approbation annuelle?

Mme Morin (Cynthia): Je ne dirais pas que c'est annuel, mais s'il faut, à chaque fois qu'on veut faire une recherche, qu'on veut aller chercher des renseignements, demander l'autorisation à la Commission... C'est une autorisation qui pourrait être donnée par l'organisme. De toute façon, les gens, dans la logique, ils doivent aller auprès de l'organisme dire: J'aimerais ça faire une recherche, est-ce que vous m'y autorisez? Là ils doivent aller chercher l'autorisation auprès de la Commission, puis revenir faire leur recherche. Alors, de toute façon, ils doivent communiquer. Parce que c'est un pouvoir facultatif des organismes, d'autoriser la recherche. Ce n'est pas parce que la Commission a dit: Vous pouvez aller faire des recherches dans telle commission scolaire, que la commission scolaire va dire: Oui, oui, oui; je n'ai pas le choix, la Commission a dit oui. Ils peuvent toujours refuser. Et, si on leur donne le pouvoir de refuser, on pourrait toujours leur donner aussi le pouvoir de dire: Bon, bien, on vous l'accorde pour tant de temps. On vous dit: Vous pouvez venir chercher, mais on va vous dire: Bien oui, vous pouvez rester tant que vous voulez.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci.

M. Kelley: Merci.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci beaucoup. On vous remercie infiniment, mesdames, monsieur. Merci. Merci de votre contribution aux travaux de notre commission et de la présentation de votre mémoire.

J'en profite pour inviter les représentants et représentantes de la Fédération québécoise des sociétés de généalogie.

J'invite les représentants et représentantes de la Fédération québécoise des sociétés de généalogie à se présenter en avant, ici, s'il vous plaît.

(16 h 30)

Donc, bonjour et bienvenue, Mme Taillon, présidente. Je vous rappellerai que nous disposons d'environ 25 minutes ensemble: une présentation de votre mémoire un petit peu raccourcie et on se distribue le temps qu'il nous reste des deux côtés de la présidence. J'aimerais que vous nous présentiez les gens qui vous accompagnent, s'il vous plaît.


Fédération québécoise des sociétés de généalogie (FQSG)

Mme Taillon (Esther): Merci, M. le Président. Merci à vous et aux membres de la commission d'avoir accepté de nous entendre. Alors, je suis accompagnée, à l'extrême gauche, du président de la Société de généalogie de Québec, M. Leboeuf; à ma gauche, Me Serge Bouchard, qui est le conseiller juridique de la Fédération; à ma droite, la vice-présidente de la Fédération, qui est Mme Jeannine Ouellet, de Rivière-du-Loup.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Bonjour et bienvenue.

Mme Taillon (Esther): Alors, la Fédération a été créée le 15 mars 1984, et c'est un organisme sans but lucratif de regroupement et de représentation de sociétés de généalogie régionales. Elle est actuellement composée de 27 sociétés membres réparties dans toutes les régions du Québec et son action dans plusieurs dossiers bénéficie à l'ensemble des généalogistes québécois que l'on estime à environ 20 000.

À la suite du dépôt du rapport quinquennal de la Commission d'accès à l'information, la Fédération québécoise des sociétés de généalogie désire évidemment collaborer à la révision de la loi sur l'accès et de la loi sur le secteur privé afin de favoriser la poursuite et l'épanouissement de la généalogie au Québec tout en préservant le droit des citoyens à la vie privée.

Depuis le 1er janvier 1994, la Fédération a constaté qu'il est beaucoup plus difficile, voire même impossible, de faire certaines recherches à caractère généalogique ou historique et surtout de publier le résultat des travaux compte tenu des modifications législatives récentes. Bien que nous sachions que tel n'est pas le but de cette commission, nous suggérons toutefois des amendements au Code civil du Québec, car nous croyons que procéder à la révision des lois précitées sans éventuellement toucher au Code civil pourrait laisser inachevée une démarche législative qui pourrait redonner une marge de manoeuvre aux chercheurs québécois. Le Code civil, bien sûr, est plus restrictif que la loi sur le privé.

La Fédération appuie l'objectif des mesures législatives, mais elle estime que, à cause de la généralité et de la portée de leur libellé, certaines dispositions briment d'autres aspirations légitimes des mêmes citoyens et de la société. Selon ce qu'elle peut percevoir, les mêmes qui s'opposent au regroupement des données de différentes sources à leur sujet par l'industrie ou les services gouvernementaux, en général dans un but de contrôle, de surveillance et parfois même de répression, ces mêmes personnes sont plutôt fières et reconnaissantes quand certains regroupements sont faits pour établir l'histoire objective de leur famille et sa place dans un milieu social donné.

Définissons d'abord ce qu'est la généalogie. Selon L'Encyclopédie universelle , elle est l'une des plus anciennes sciences du monde qui a pour objet l'étude objective et exhaustive des ascendances et des descendances des individus, de leurs rapports de parenté, de leurs particularités physiques, intellectuelles et morales et de leur biographie privée et publique. Elle conduit à une connaissance complète des familles à l'intérieur desquelles l'individu développe de façon originale des données héréditaires et sociales. Elle sert à la fois la génétique, la démographie et l'histoire sociale.

Au Québec, on distingue trois types d'intervenants en généalogie: le généalogiste amateur, c'est-à-dire une personne physique désirant habituellement faire sa généalogie ascendante et une courte histoire de famille ou monographie familiale; le généalogiste que l'on pourrait appeler professionnel, soit celui qui fait de la généalogie contre rémunération et qui peut utiliser la personnalité juridique d'une société pour des fins lucratives, tel que l'était l'Institut Drouin, par exemple; et, finalement, les sociétés de généalogie qui sont des personnes de droit privé. Elles oeuvrent dans le domaine et favorisent l'entraide entre leurs membres.

Le généalogiste amateur, le généalogiste professionnel et les sociétés de généalogie sont soumis au Code civil du Québec. Comme le généalogiste amateur n'est pas considéré comme exploitant une entreprise au sens de l'article 1525 du Code civil du Québec et, aux termes mêmes de l'article 1 de la loi sur le secteur privé, il ne serait pas soumis à cette loi. Toutefois, le généalogiste professionnel et les sociétés de généalogie y sont assujettis.

Mais, en vertu de l'article 37 du Code civil du Québec, ces trois types d'intervenants ne peuvent publier ou rendre accessibles les renseignements recueillis dans le cadre de leurs recherches s'ils présentent des renseignements à caractère personnel, à moins d'obtenir le consentement de la personne visée ou de ses héritiers. Aujourd'hui, au Québec, il est devenu difficile de recueillir des éléments à caractère nominatif ou personnel. On emploie soit «nominatif», «personnel» ou il y a un autre terme qui est employé dans les lois, mais la Commission d'accès nous a dit que ces trois termes étaient synonymes. Alors, il est, comme je le disais, devenu difficile de recueillir des éléments à caractère nominatif ou personnel, et la diffusion des travaux de recherche l'est tout autant. En regard de la divulgation d'éléments à caractère généalogique, la Fédération désire soulever les points suivants: d'abord, la difficulté de retracer les héritiers et d'obtenir le consentement; le caractère quasi éternel de la prohibition de divulgation de renseignements à caractère personnel; et l'absence de reconnaissance expresse de l'information à caractère public comme constituant une exception à la loi.

Depuis le nouveau Code civil du Québec, on doit maintenant obtenir le consentement des héritiers pour la divulgation de renseignements nominatifs sur une personne décédée sans pour autant se préoccuper de la date de son décès. Il semble que le décès de 1759 soit sur le même pied que celui de 1997. Ainsi, le généalogiste qui désire publier une biographie de son ancêtre comportant nécessairement des renseignements personnels à caractère généalogique devra obtenir le consentement de tous les héritiers visés. À titre d'exemple, la correspondance du chanoine Lionel Groulx, léguée au Centre de recherche Lionel-Groulx, touche environ 3 000 personnes. On peut aussi parler de l'histoire de Marie de l'Incarnation, pourtant décédée il y a plus de 300 ans. Cette histoire ne pourrait être divulguée quant à certains aspects à caractère généalogique sans obtenir le consentement des héritiers, mais je pense qu'elle n'aurait laissé aucun héritier. La même situation se produit lorsqu'on désire traiter de l'histoire des communautés religieuses au Québec. Comme il est impossible d'obtenir le consentement de toutes ces personnes ou de leurs héritiers, ces renseignements ne pourront plus être divulgués. L'autorisation des héritiers – quand il y en a de telles personnes – constitue une difficulté insurmontable en raison du fait qu'ils ne peuvent tous être retrouvés et tous être d'accord.

Il y a maintenant le caractère quasi éternel de la prohibition de divulgation des renseignements à caractère nominatif. Il est surprenant de constater que ni le Code civil du Québec ni la loi sur le secteur privé ne prévoient de limite temporelle permettant la divulgation de renseignements à caractère nominatif. Pourtant, l'article 19 de la Loi sur les archives prévoit que les archives auxquelles s'appliquent des restrictions au droit d'accès en vertu de la loi sur l'accès soient communiquées malgré cette loi 150 ans après leur date. L'article 26 de la Loi sur les archives permet la divulgation de renseignements nominatifs à compter de 30 ans de la date du décès de la personne concernée dans le cadre de dépôt d'archives privées auprès des archives nationales et la pratique notariale prévoit que le greffe d'un notaire cédé au ministère des Affaires culturelles devient public. Des dispositions similaires aux termes de la loi sur le secteur privé n'existent pas.

Notons que l'article 21 de la loi sur le secteur privé n'est qu'un faible échappatoire, puisqu'il permet aux chercheurs généalogistes d'obtenir le droit de consulter des renseignements à caractère nominatif, mais cet article ne prévoit pas la possibilité de publier l'oeuvre pouvant en découler. L'article 12 de la même loi précise une réserve de délai prévue par la loi ou par un calendrier de conservation établi par règlement du gouvernement, mais il n'existe rien sur cette question, et les seuls calendriers de conservation préparés à l'heure actuelle visent les membres des ordres professionnels reconnus par l'Office des professions, et ça n'est vraiment pas un calendrier de droit d'utilisation.

Avant le 1er janvier 1994, une personne pouvait divulguer des renseignements personnels sur autrui dans la mesure où ils avaient un caractère public sans demander de permission. Ainsi, la divulgation et la publication de renseignements provenant de documents consultés aux archives nationales, québécoises ou canadiennes, au palais de justice, au bureau des registres fonciers étaient des renseignements personnels ayant un caractère public compte tenu de leur accès général, mais le principe de la loi actuelle prohibe la communication à des tiers de renseignements personnels sans le consentement de l'intéressé, sauf si une exception est prévue à la loi.

La Fédération s'interroge à savoir comment un renseignement personnel qui a un caractère public peut être tenu comme confidentiel, et, ici, on a cherché à vous trouver des exemples et on a pensé, par exemple, à la compilation de renseignements tirés de journaux ou de revues. Si quelqu'un, une société, par exemple, compile les journaux de l'époque de la Deuxième Guerre mondiale, 1939-1945, pour publier sur les faits d'armes des familles québécoises, elle ne pourra pas publier le résultat de cette recherche. Et aussi, depuis janvier 1994, la Société doit obtenir la permission, justement, des personnes visées par cette information même si elle a été publiée dans les journaux de l'époque. On avait aussi les banques comportant des données, des actes de l'état civil, ce qui vient rendre impossible la publication de renseignements tirés de ces banques de données là.

(16 h 40)

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Madame, on m'informe que vous avez pris 10 minutes. Peut-être aller à vos recommandations pour ne pas vous imposer un rythme trop accéléré...

Mme Taillon (Esther): Oui, je pourrais vous parler de nos recommandations.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): ...et permettre aux deux côtés de la présidence d'échanger avec vous.

Mme Taillon (Esther): D'accord. Évidemment, nous sommes des généalogistes et non pas des avocats, mais, heureusement, nous avons un conseiller juridique qui, lui, peut-être, pourrait vous faire part de nos recommandations.

M. Bouchard (Serge): Je vous remercie. Alors, peut-être, allons brièvement aux recommandations. La première recommandation, comme vous disait Mme Taillon, c'est que, à notre sens, il faudra toucher au Code civil, puisqu'il ne faut pas oublier que la Loi sur le privé n'est là, à toutes fins pratiques, que pour encadrer les principes qui sont consacrés au Code civil sur le droit à la vie privée. Or, la problématique est qu'il n'y a pas, dans un premier temps, de limite temporelle prévue au Code civil. Donc, on vous recommande d'en mettre une tant à la loi sur le privé qu'au Code civil du Québec pour être, évidemment, consistant. Alors, nous vous suggérons qu'un document aurait, à toutes fins pratiques... Il serait libéré des obligations prévues tant au Code civil qu'à la loi sur le privé après un délai de 70 ans de la date du document. Et nous indiquons que la règle de 70 ans s'inspire des lois américaines visant les corps publics, puisqu'on vous rappelle que, au niveau du privé, la loi sur le privé a un caractère unique en Amérique, en passant. Donc, on s'est inspiré plutôt de législation de corps publics.

Deuxième commentaire et recommandation que nous faisons, c'est que nous vous suggérons aussi par la même occasion de prévoir ou tenter de définir ce que c'est, à toutes fins pratiques, un travail à caractère historique ou généalogique. Et on vous réfère au deuxième amendement à l'effet qu'il devrait y avoir une exemption qui permettrait la publication de recherches ou de travaux à caractère historique, généalogique, ce qui n'existe pas à l'heure actuelle. Vous remarquerez que, dans notre mémoire, là-dessus, on s'est inspiré, finalement, de législations européennes sur les mêmes questions. Vous savez que la France, par ailleurs, est vraiment l'endroit où les lois à caractère de droit à la vie privée sont les plus sévères, et pourtant on a prévu cette exemption en France.

Finalement, la troisième recommandation, c'est de reconnaître le caractère public de certains renseignements personnels déjà publiés, qu'ils proviennent ou non d'un organisme privé. Il s'agit déjà d'une exception qui existe à la loi sur le public, mais qui n'existe pas au privé.

Et, finalement, nous vous demandons de bénéficier du même droit à l'exception que le journaliste. Vous savez que la loi sur le privé ne s'applique pas aux journalistes, alors nous avons suggéré, dans le même cadre, pour des fins, évidemment, historiques ou à caractère généalogique, d'avoir la même exception.

Alors, ce sont les quatre modifications que nous proposons.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci. M. le ministre.

M. Boisclair: Mesdames, messieurs, je voudrais vous souhaiter la bienvenue à votre tour à la commission de la culture et à l'Assemblée nationale. Je voudrais vous remercier pour votre mémoire parce que, déjà, nous avons discuté de ces questions à quelques reprises. L'Association des archivistes est venue faire entendre son point de vue, je dois comprendre aussi que vous avez, à plusieurs reprises, fait entendre, soit publiquement ou auprès des différents ministres qui ont la responsabilité de cette loi, le point de vue qui est celui que vous venez présenter en commission parlementaire, et je voudrais vous dire que votre mémoire a certainement le mérite de nous faire comprendre un peu quelles sont les difficultés auxquelles vous vous butez, et vous nous faites une présentation qui est très claire. J'ai, pour la première fois, compris qu'il y avait trois sortes de gens qui s'intéressaient à la généalogie, autant des gens qui le font de façon amateur, des sociétés et des généalogistes qui sont professionnels.

Je serais surpris – et je vous le dis bien honnêtement – que nous retouchions aux dispositions du Code civil. Je dois vous dire que nous en avons suffisamment avec les deux lois pour, peut-être, repousser, revoir le débat sur les modifications au Code civil à plus tard. Le Code civil est la responsabilité de mon collègue de la Justice, le Code civil vient d'être amendé, et je pense que les gens au ministère de la Justice sont peu enclins à ce que nous revoyions un Code qui est tout fraîchement adopté. Je comprends cependant que, à l'exception des généalogistes amateurs, les sociétés et les professionnels sont, eux, soumis à la loi sur le secteur privé, et ce que nos spécialistes, les gens qui m'accompagnent dans cette réflexion, me disent, c'est que nous pourrions aller très loin dans la révision sur la loi sur le secteur privé sans pour autant avoir à modifier le Code civil, la loi sur le secteur privé étant une espèce de genre de loi d'application des dispositions qui sont prévues au Code civil. Donc, sans modifier le Code civil, il y a moyen de faire un bon bout de chemin.

Et je voudrais peut-être vous interroger dans ce contexte en comprenant que les généalogistes amateurs seront, eux, toujours soumis aux dispositions du Code civil parce que la loi sur le secteur privé ne s'applique pas à ces personnes, vous dire que, si le législateur avait à pousser sa réflexion... Vous nous suggérez, entre autres, un délai de 70 ans, et la Loi sur les archives prévoit un délai, si ma mémoire est juste, de 150 ans, ce 70 ans, il vient d'où? Et pourquoi il est celui que vous nous proposez?

M. Bouchard (Serge): Alors, le délai de 70 ans – et, d'ailleurs, on avait déjà soumis un mémoire au ministre de la Justice sur cette question – s'inspire des lois américaines où le délai est de 70 ans. Nous avons constaté qu'en Europe c'est plutôt 100 ans, et, comme vous l'avez mentionné, la Loi sur les archives prévoit un délai de 150 ans ou, dans certains cas, 30 ans du décès. Le 30 ans du décès, on l'a éliminé parce qu'il est très difficile d'établir le décès d'une personne. On ne voulait pas avoir une mesure de contrôle qui pouvait être difficile à gérer, alors il nous restait à ce moment-là la règle d'un certain nombre d'années à partir de l'âge du document. Nous avons suggéré 70 ans, ce qui s'inspirait des lois américaines et un peu de l'âge ou de l'espérance de vie au Québec, autour de 70 à 80 ans. Alors, c'était la logique, mais l'inspiration venait du côté américain.

M. Boisclair: Vous nous proposez de distinguer un certain nombre de renseignements, entre autres, vous dites des renseignements qui seraient sensibles, non sensibles, accessibles après 20 ans pour ceux qui seraient non sensibles. Donc, vous proposez une définition de ce que serait une information à caractère sensible ou non sensible. Vous nous parlez aussi d'essayer de reconnaître ce qui pourrait être le caractère social de certains renseignements. Comment nous pourrions traduire ces définitions dans des textes de lois, alors que ce sont des choses extrêmement complexes et qui font appel à beaucoup de subjectivité?

M. Bouchard (Serge): Oui, vous avez parfaitement raison, et, d'ailleurs, il s'agit de propositions venant des archivistes. Nous, les généalogistes, on a pris une règle plus simple, celle du 70 ans du document, parce que, effectivement, ça peut amener des difficultés d'interprétation. Alors, nous, nous ne vous proposons qu'une seule règle: la règle du 70 ans. Mais j'ai pris connaissance des autres mémoires de collègues, des archivistes, des historiens, et eux font des distinctions en s'inspirant de législations européennes. Mais, nous, nous sommes formels, vous ne devriez en faire qu'une seule distinction: l'âge du document.

M. Boisclair: Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci. M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. À notre tour, il nous fait plaisir de souhaiter la bienvenue aux représentants et représentantes de la Fédération québécoise des sociétés de généalogie. Ce n'est pas la première fois qu'on entend le propos tenu par les membres de la Fédération aujourd'hui, à savoir que, en voulant protéger certaines choses essentielles à notre dignité personnelle, peut-être le législateur a ratissé un peu trop large et a affecté des choses qui n'avaient jamais été prévues d'être affectées. Comme un des autres groupes qui est déjà venu nous voir a déjà eu l'occasion de le dire, dans une société où la devise, c'est Je me souviens , ça fait un peu curieux de commencer à fermer notre histoire, et c'est un peu le résultat qu'on est à même de constater encore avec la Fédération aujourd'hui.

M. le Président, ma première question pour la Fédération – parce que ça m'a beaucoup surpris – c'est: Comment ils sont arrivés à leur calcul de 20 000 généalogistes au Québec?

Mme Taillon (Esther): Je peux vous répondre là-dessus. C'est que, évidemment, on a commencé par additionner tous les membres qui sont déclarés dans chacune des 27 sociétés membres. Mais, comme on le dit au début, on représente aussi l'ensemble des chercheurs, les non-membres, et aussi il y a plusieurs, plusieurs chercheurs en généalogie qui viennent aux archives et qui ne sont pas nécessairement membres d'une société. Alors, on a souvent parlé de cette question, et je pense qu'il y a un certain consensus à l'effet que ces... Évidemment, on ne les a pas comptés, mais je pense qu'il y a à peu près 20 000 personnes, et, en majorité, ce sont des gens retraités, qui ont beaucoup d'intérêt dans toutes sortes de domaines. C'est une belle clientèle, je crois.

(16 h 50)

M. Mulcair: Maintenant, M. le Président, comme les autres groupes qui ont regardé cette question-là sous l'angle de la recherche historique et généalogique, la Fédération soulève le problème du Code civil du Québec et elle explique que le Code civil énonce les principes que les deux lois qui sont sur la table en ce moment viennent en quelque sorte appliquer. C'est des atténuations, c'est des manières de l'appliquer, puis on peut dire la même chose pour les principes qui sont contenus dans la Charte des droits. Et la Charte des droits est encore plus précise là-dessus, elle dit que les principes existent sous réserve des aménagements que pourra en faire le législateur.

La question, pour nous, M. le Président, est relativement simple: Est-ce que les membres de la Fédération peuvent nous dire qu'ils pensent que l'hypothèse du ministre de modifier les lois d'accès sans retoucher le Code civil du Québec soit une solution au problème?

M. Bouchard (Serge): Écoutez, l'analyse qu'on en fait d'un point de vue juridique, c'est qu'il me semble que c'est une demi-mesure, puisque ce qu'on nous dit toujours à la Commission d'accès à l'information, c'est que, même si les journalistes, par exemple, sont exclus de la loi sur le privé, ils sont quand même visés par le Code civil, et, dans ce contexte, ils pourraient s'exposer à des recours.

À l'heure actuelle, il existe d'ailleurs une cause devant les tribunaux sous cet aspect, c'est l'affaire... Je ne sais pas si vous avez entendu parler de l'affaire de monsieur Martineau, qui s'occupait de la caisse électorale du parti de l'Union nationale et qui a été aussi l'instigateur de Réno-Dépôt. C'est dans ce contexte que les héritiers sont intervenus, parce que, à l'origine, un des propriétaires actuels de Réno-Dépôt avait demandé qu'on fasse l'histoire ou la biographie de M. Martineau, et, finalement, ça ne lui a pas plu. Il a donc décidé de ne pas aller à l'édition et à la publication, sauf que l'historien qui avait fait la recherche a prétendu qu'il avait les droits d'auteur, et, dans ce contexte, il s'est dit: Moi, je vais les publier. Et là vous avez les héritiers de M. Martineau qui sont intervenus dans le procès, et eux prétendent que, aux termes du Code civil, ça prend la permission des héritiers pour divulguer. Alors, on va avoir une décision sur cette question.

Mon opinion personnelle, c'est que, comme l'accessoire suit le principal, vous devrez toucher au Code civil si vous avez l'intention de mettre une limite temporelle à la loi. Comme le soulignait tantôt M. le ministre, il a quand même raison pour la question que les généalogistes professionnels et les sociétés de généalogie pourront toujours dire: Bien, coudon, on est exempté de la loi sur le privé. Alors, il y aurait un paradoxe, là. En tout cas, c'est une question qui demeure ouverte à l'heure actuelle. Nous avons eu, de la part du ministre de la Justice, à l'époque, lorsqu'on a fait des représentations, la position inverse, en disant: Écoutez, on ne peut pas modifier le Code civil avant qu'on modifie la loi sur le privé. Alors, la question est délicate, là.

M. Mulcair: Effectivement. Et, encore une fois, c'est ce qu'on a dit avec le groupe qui vous a précédé. C'est la raison pour laquelle on vous rencontre, pour laquelle on parle. Vous avez de l'expérience dans un domaine précis, vous nous dites: Voici le résultat concret de l'existence de ces deux lois-là qui vivent en même temps que la loi principale dans notre société de lois civiles, notre Code civil, voici le constat qu'on en fait et ce qu'il faut faire. Et ce n'est certainement pas notre intention de vous laisser avec des paradoxes à la fin de la journée, pas plus qu'on a l'intention de laisser des gens comme les régies régionales de la santé ou les gens à qui on demande d'appliquer la loi d'accès dans les différents organismes et ministères avec le sentiment qu'ils doivent trouver des manières de contourner parce que la manière dont c'est écrit, ça mène à des non-sens. L'occasion qui se présente tous les cinq ans, c'est justement celle-là, de dire: Écoutez, au cours des cinq dernières années, qu'est-ce qu'on a rencontré comme embûches? Qu'est-ce qu'il y a de nouveau?

L'exemple que vous venez de donner, l'exemple de cette biographie, tombe à point nommé. C'est sûr qu'on peut attendre la décision des tribunaux puis décider de revenir, mais il me semble que, peut-être, on a le droit aussi de prendre de l'action préventive et de dire: Écoutez, si c'est vraiment une interprétation possible dans l'état actuel du droit, ce n'est certainement pas ça qui était prévu. Vous savez, c'est un principe aussi fondamental dans notre droit civil que l'actio personalis moritur cum persona. Bon, on dit que, si cette action-là relevait de la personne, c'est mort avec la personne. Si la famille a quelque chose à reprocher sur le plan du résultat, s'il y a peut-être une manière qu'ils se sentent lésés et qu'ils peuvent prouver des dommages, à ce moment-là, bien, notre droit civil peut aussi les protéger, mais il me semble que, a priori, de bloquer, même avoir la possibilité d'aller en cour pour bloquer une biographie, dans une société libre et démocratique, c'est absolument incroyable. Absolument incroyable. Et on est vraiment sur la même longueur d'onde que vous autres quand vous dites que c'est une demi-mesure et on se dit: Bien, quand même que ça relève d'un autre ministre responsable, ce n'est pas une raison pour ne pas y toucher. L'existence même d'un ministère des Relations avec les citoyens est une idée originale qui est en train d'être testée, mais qui est en train aussi, à certains égards, de faire ses preuves.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci, M. le député. Rapidement.

M. Mulcair: Le fait que certains aspects soient dans d'autres lois, M. le Président, pour nous, n'est pas une raison de ne pas y toucher, et, à notre sens, le ministre des Relations avec les citoyens devrait faire tout pour collaborer avec son collègue le ministre de la Justice pour résoudre le problème qui a été si bien soulevé aujourd'hui par les membres de la Fédération québécoise des sociétés de généalogie. Merci beaucoup.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci. Mesdames, messieurs, merci infiniment de votre contribution à nos travaux.

M. Lachance: M. le Président, je voudrais juste ajouter 30 secondes. Ces gens-là font un bon boulot, et c'est...

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): M. le député de Bellechasse.

M. Lachance: Je suis moi-même généalogiste amateur – vraiment amateur – et j'ai appris dans les mémoires de la Société généalogique canadienne-française, à la page 190 du dernier numéro, que notre premier ministre, M. Bouchard, et le premier ministre du Canada, M. Chrétien, seraient des descendants de Charlemagne. Alors, c'est des généalogistes qui nous apprennent ça.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci, M. le député de Bellechasse, de ces précisions.

M. Mulcair: J'ai toujours pensé qu'il y avait un lien.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Il me semblait, aussi!

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): J'invite les représentants et représentantes de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec à se présenter devant les membres de la commission.

Bonjour, M. Massé. Bienvenue à cette commission de la culture. Je vous rappelle que nous disposons d'environ 40 minutes. Je ne sais pas si vous étiez ici tantôt, quand on a expliqué que, dû au fait qu'on devait réduire la période de temps un petit peu, on avait réduit d'à peu près 20 minutes la présentation. Donc, présentez-nous, s'il vous plaît, les gens qui vous accompagnent.


Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)

M. Massé (Henri): À ma droite, c'est M. Robert Demers, qui est un conseiller syndical à la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec; Denis Courteau, vice-président de la FTQ et responsable ou président québécois du syndicat des postiers; à ma gauche, c'est Ronald Cloutier, conseiller syndical au Syndicat canadien de la fonction publique; Robert Guay, qui est un vice-président de la FTQ et président du syndicat des machinistes au Québec; Sylvain Lupari, qui est un des responsables de l'information des trois syndicats d'Hydro-Québec, du Syndicat canadien de la fonction publique.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Donc, bienvenue.

(Consultation)

Des voix: Ha, ha, ha!

(17 heures)

Une voix: Si vous y tenez vraiment, on peut le faire.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Donc, on vous écoute, M. Massé.

M. Massé (Henri): Tout d'abord, je voudrais vous remercier au nom des hommes et des femmes de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec pour cette opportunité de présenter notre point de vue devant votre commission.

La protection de la vie privée et l'accès à l'information nous apparaissent être porteurs d'enjeux majeurs pour le maintien d'un Québec ouvert et démocratique. C'est en ce sens que nous aimerions ici vous apporter nos commentaires et nos réflexions sur le rapport et les recommandations de la Commission d'accès à l'information, dont nous tenons, dès le départ et d'emblée, à souligner l'à-propos et la pertinence en général.

La vie privée et l'intérêt collectif. Notre législation, comme le soulignait le président de la Commission d'accès à l'information, se veut le résultat de compromis, de longues discussions entre le droit à la vie privée et les obligations de la vie en société. La notion même de la vie privée a évolué et s'est démocratisée, et, pour reprendre les propos de Michel Venne, l'idée que la vie privée soit menacée par l'utilisation que l'on fait des renseignements personnels, bien qu'elle soit fondée, cache la dimension collective du problème. Ce sont la démocratie et la liberté qui sont en jeu. L'accumulation et le traitement d'une masse incalculable de renseignements peuvent conduire à des formes de contrôle non plus d'une personne en particulier, mais de toutes, par la construction d'une société programmée, normalisée et brimant la liberté individuelle.

Comme centrale syndicale, nous sommes particulièrement sensibles à cet aspect collectif de la défense des droits démocratiques qui passe par le respect des droits individuels de tout un chacun. Sous l'angle de la démocratie, il n'y a pas vraiment d'opposition à entretenir entre le privé et le collectif mais plutôt un renforcement mutuel pour l'extension des droits et libertés. De même, nos positions sur le travail au noir, la fraude fiscale et l'évasion d'obligations sociales sont suffisamment connues pour éviter de plus amples démonstrations.

Cependant, était-il vraiment nécessaire d'avoir recours à des massues législatives comme la loi n° 32 qui donne au ministère du Revenu le pouvoir d'exiger l'obtention de n'importe quel renseignement personnel provenant de n'importe quel organisme public sur n'importe quel citoyen, à l'exception des dossiers médicaux? Était-il vraiment nécessaire de constituer ce mégafichier, alors que d'autres solutions auraient pu offrir une alternative aussi valable sans faire d'entorses à notre respect de la vie privée reconnue par la Charte des droits et le Code civil?

Donc, première recommandation. La FTQ invite donc le gouvernement à faire montre de la plus grande réserve quant au recours à la dérogation pour se soustraire aux dispositions de la loi sur l'accès – loi à caractère prépondérant – et à retenir des balises fixées par la Commission d'accès pour ce qui a trait à l'étanchéité des dossiers.

Constat de la situation actuelle. La Commission d'accès note le progrès, depuis l'adoption de la Charte des droits puis de la loi sur l'accès et de la loi sur le secteur privé, de l'accès à l'information et du respect de la vie privée. Nous nous inquiétons cependant de la fragilité du caractère prépondérant de ces lois et soutenons avec la Commission que le pouvoir de dérogation ne devrait en aucun temps le banaliser.

La FTQ souscrit donc à la première recommandation de la Commission à l'effet que soient maintenues la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels ainsi que la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé.

Les nouvelles technologies. Nous sommes d'accord avec la Commission pour avancer que les principes fondamentaux établis par nos législations sont suffisamment généraux pour s'adapter au progrès de la technologie. Cependant, il nous faut souligner ici le risque d'une marginalisation encore plus grande des moins fortunés ou des moins instruits, démunis devant l'arrivée de ces changements.

La FTQ considère donc, elle aussi, que l'adhésion aux services offerts sur l'autoroute de l'information doit être libre et volontaire, et que les moyens conventionnels d'accès à l'information et aux services soient maintenus.

La FTQ considère également qu'il y a lieu, pour les institutions comme pour les entreprises privées, de procéder à une évaluation des éventuels impacts de leur entrée sur l'autoroute de l'information sur la protection des renseignements personnels.

Les renseignements personnels à caractère public. Tout en souscrivant aux inquiétudes que la Commission soulève quant à la diffusion massive de renseignements personnels à caractère public, surtout à cause du détournement de la finalité appréhendée, nous tenons à ce que les articles 55 et 57 de la loi continuent de s'appliquer. L'article 57 de la loi sur l'accès donne un caractère public à certains renseignements qui concernent, entre autres, les employés, les dirigeants d'organismes publics ou les personnes qui reçoivent de ces organismes des avantages économiques sous forme de contrats ou autres. Le législateur, à l'article 55, a voulu qu'un renseignement qui a un caractère public en vertu de la loi ne doit pas être considéré comme nominatif, c'est-à-dire de caractère privé et non accessible. La Commission s'inquiète de la protection de la vie privée lorsque la demande d'accès, en vertu de 55 et 57, concerne des banques de données au complet, comme le rôle d'évaluation d'une municipalité. Nous comprenons fort bien leur inquiétude, mais nous ne voyons pas pourquoi il faudrait restreindre la portée actuelle de ces articles au seul motif d'un possible détournement de finalité de la demande. La FTQ considère que la Commission pourrait dégager des balises pour s'assurer du respect de la finalité de la demande, sans pour autant diminuer la portée et l'intention de l'article 55 de la loi, en excluant nommément les utilisations commerciales ou lucratives de la définition d'une demande recevable.

Les échanges entre organismes. Nous souscrivons globalement aux recommandations 8 à 14 de la Commission, lesquelles visent essentiellement à éviter la banalisation de ces échanges entre organismes publics. Il apparaît, en effet, que la tentation est grande de procéder à des échanges systématiques d'information entre ministères et organismes publics, surtout lorsque la technologie le permet rapidement et à peu de frais. Nous croyons que ces échanges doivent demeurer l'exception et non devenir la règle, comme le soulignait, en 1981, le rapport de la commission Paré. Pour la première fois, la loi n° 32 introduit une clause dérogatoire en prévoyant l'inapplicabilité des articles 65 à 70 de la loi de l'accès. La loi actuelle, qui permet déjà à l'article 68.1 la comparaison, le couplage et l'appariement de fichiers sans l'autorisation de la Commission lorsque c'est nécessaire à l'application d'une loi, est de nouveau gravement hypothéquée par le phénomène nouveau de la mise en réseau des banques de données, qui échappe à la formulation de la loi.

Donc, la FTQ, tout en reconnaissant et en soutenant les efforts du gouvernement pour lutter contre le travail au noir et l'évasion fiscale, partage certaines inquiétudes de la Commission et demande que cette libéralisation des échanges de renseignements soit encadrée et que des paramètres d'évaluation soient fixés, qui tiennent compte de la loi d'accès, des dispositions du Code civil et de la Charte des droits et libertés de la personne.

L'assujettissement aux lois. Plusieurs sections locales affiliées à la FTQ nous ont fait part de leurs problèmes d'accès à l'information, particulièrement dans les cas de partenariat et de sous-traitance entre un organisme public et le secteur privé. En ces temps de délégation de pouvoir, de régionalisation, de partage des responsabilités, de privatisations ouvertes ou déguisées, nous sommes heureux de constater que la Commission propose des avenues de solution intéressantes à un irritant majeur pour nos affiliés. Les articles 3 à 7 de la loi d'accès, de par une interprétation restrictive qui en a été faite, permettent à de nombreuses nouvelles entités d'échapper à la définition d'organisme public gouvernemental, municipal ou de la santé. Mêmes tributaires de fonds publics ou accomplissant un mandat dévolu à un organisme public, de nombreux organismes créés par partenariat, sous-traitance ou encore délégation de gestion échappent à la loi d'accès, remettant en cause la transparence de l'utilisation de fonds publics. On sait qu'il y a eu un jugement de la Cour supérieure, en 1996, validant un jugement de la Cour du Québec quant à la publication de documents de la Corporation de développement économique de LaSalle. Ça a soustrait 126 organismes paramunicipaux de la compétence de la Commission d'accès.

La FTQ appuie donc la Commission d'accès dans une nécessaire révision de l'assujettissement aux lois, compte tenu que les nouvelles façons de faire: partenariat, sous-traitance, délégation de mandats, réingénierie – on connaît la situation actuelle – dont l'État québécois fait la promotion, sont soustraites d'une transparence qui n'a jamais été remise en question, des organismes tributaires de fonds publics ou exerçant des mandats qui relèvent d'organismes publics, qu'ils soient gouvernementaux, municipaux, scolaires ou du réseau de la santé.

L'assujettissement des organismes gouvernementaux. La Cour du Québec, dans l'affaire Nouveler, a retenu que le fonds social de cette entreprise n'était pas du domaine public et, partant, que cette société n'était pas soumise à la loi d'accès, bien qu'Hydro-Québec soit, comme l'a estimé la Commission, un «agent» et une «propriété de la Couronne», selon sa loi constitutive. La Commission en était cependant arrivée à la conclusion que le fonds social de Nouveler, constitué d'un capital-actions entièrement détenu par Hydro-Québec, faisait partie du domaine public du Québec et que l'entreprise, par le fait même, devait être assujettie à la loi. Les sociétés des casinos de Montréal et de Charlevoix, pourtant sous la tutelle de Loto-Québec, ont été aussi soustraites à l'application de la loi.

(17 h 10)

La FTQ souscrit entièrement à la recommandation de la Commission quant à une nécessaire actualisation de la définition d'organisme gouvernemental. Il faut renforcer le sens et la portée de l'article 4 de la loi sur l'accès pour que tous les organismes dont le fonds social fait partie du domaine public soient reconnus comme des organismes gouvernementaux.

La FTQ considère, de plus, qu'Hydro-Québec, ses filiales propres ainsi que toutes les filiales dans lesquelles la société a une participation soient couvertes par la loi sur l'accès.

Les organismes municipaux. Nous considérons avec la Commission que l'intention première du législateur était de couvrir par l'article 5 l'ensemble des activités qui ont un caractère municipal. Les tribunaux ont introduit les notions de «degré d'indépendance» et d'«autonomie» et le contrôle routinier ou régulier des activités quotidiennes par la commission paramunicipale, même si la source des revenus, la composition du conseil d'administration et l'approbation de ses statuts relèvent d'un organisme municipal. Et dans le dossier de la Loi sur les sociétés d'économie mixte dans le secteur municipal, la loi n° 63, en juin dernier, qui a été sanctionnée, on s'est rendu compte que les sociétés d'économie mixte seront couvertes par cet aspect-là de la loi, et on pense que les autres sociétés paramunicipales devraient suivre la même voie.

La FTQ donne donc son entier aval à la recommandation 16 de la Commission et demande au législateur de revoir la définition d'organisme municipal prévue à l'article 5 de la loi.

On souhaite aussi que la notion d'«entreprise», aux fins de l'application de l'article 1 de la loi du secteur privé, soit revue par l'élimination de la référence à l'article 1525 du Code civil, ne couvrant qu'une activité économique organisée. Les ordres professionnels devraient également être assujettis à la loi sur le secteur privé par une modification en conséquence de l'article 1 à cette loi.

Enfin, dans les débats sur les identifiants, nous n'entendons pas reprendre ici ce que nous sommes déjà venus exposer en février dernier dans le mémoire conjoint avec la Centrale de l'enseignement du Québec et la CSN. Rien ne justifiait, selon nous, l'adoption par le gouvernement du Québec d'une carte d'identité à usage universel ou d'un numéro d'identification pour les citoyens. Nous nous étions alors conjointement prononcés contre toute solution de type universel pour l'identification des citoyens, peu importe que cette solution soit facultative ou obligatoire. Donc, nous représentons la même recommandation devant la commission.

Le droit à la santé, à la sécurité et à la qualité de l'environnement. Nous portons un intérêt tout particulier au droit à la santé, à la sécurité et à la qualité de l'environnement. Nous partageons l'opinion de la Commission à l'effet que la confidentialité des renseignements soustraits à l'attention du public ne saurait faire obstacle au droit à la santé, à la sécurité et à la qualité de l'environnement. Donc, nous considérons qu'il tombe sous le sens qu'une telle disposition ne devrait pas faire partie de la section consacrée aux restrictions relatives aux renseignements ayant des incidences sur l'économie; elle devrait plutôt apparaître à la section traitant des règles générales d'accès, de même que le sens et la portée de l'article devraient déborder le simple cadre des informations strictement économiques, afin qu'on ne puisse indûment s'opposer à la divulgation d'un renseignement permettant de connaître ou de confirmer l'existence d'un risque immédiat pour la santé et la sécurité ou la qualité de l'environnement.

Le caractère public des contrats de service. Devant la multiplication de la sous-traitance et des contrats de service auxquels ont recours de plus en plus les organismes publics, il est temps de préciser et d'étendre la définition de «personne» à l'article 57 de la loi d'accès. Un affilié de la FTQ, le Syndicat canadien de la fonction publique, dans le dossier de la Société du parc industriel et portuaire de Bécancour et celui de la Société de cogénération Kingsey Enr., s'est d'ailleurs trouvé devant des interprétations discordantes de ce que constituent une personne morale et une personne physique. Il nous semble que, lorsqu'il s'agit de transactions impliquant un organisme public, l'accès à l'information ne saurait être diminué à cause d'une définition de la notion de «personne» qui permettrait d'exclure la personnalité juridique ou morale.

La FTQ demande que les renseignements concernant une personne physique ou morale, en sa qualité de partie à un contrat de service conclu avec un organisme public, et que les conditions de ce contrat soient reconnus de caractère public.

Enfin, en conclusion, nous tenons à souligner ici une faille majeure dans la loi d'accès pour ce qui est de la communication de renseignements nécessaires à l'application d'une convention collective. La Commission d'accès à l'information s'en est tenue à une interprétation serrée du libellé de l'article L'organisme public peut communiquer un renseignement . Toutes les demandes syndicales sur les listes de rappel, les assignations du surtemps, etc., sont systématiquement rejetées, et on ne peut que conclure que cette discrétion donnée à l'organisme public est contraire à l'esprit de la loi. Nous demandons que l'on remplace «peut» par «doit» et qu'un refus de la part de l'organisme soit motivé par un motif prévu à la loi.

La commission nous semble sur la bonne piste, enfin, en empruntant celle de la déjudiciarisation, un terme qui nous est très cher à la FTQ. On l'a fait dans tous les secteurs d'activité, y compris dans la santé-sécurité. L'honnête citoyen face à l'appareil gouvernemental ou à une grande entreprise est de toute évidence démuni. On a une série de paliers d'appel, de permissions d'appel et le citoyen ou la citoyenne ordinaire n'est pas capable d'abord financièrement de suivre tout ce processus-là.

Les délais qui s'ensuivent. Les délais qui s'ensuivent font souvent que l'information, à partir du moment que vous gagnez votre cause, vous n'en avez plus de besoin. Donc, un accès... Il faut revoir l'ensemble de ces mécanismes d'appel pour que le simple citoyen ait vraiment accès à l'ensemble de ces mécanismes-là.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci, M. Massé. M. le ministre.

M. Boisclair: J'allais dire, de façon automatique: Mesdames, Messieurs, mais je vais me contenter de Messieurs. Je veux vous souhaiter la bienvenue à l'Assemblée nationale, vous dire qu'il y a des points de vue qui sont concomitants avec, entre autres, des discussions qui ont déjà eu lieu avec de vos collègues du mouvement syndical sur la question des listes de rappel. Ces recommandations sont bien entendues, et nous allons effectivement les fouiller.

Je voudrais tout simplement faire un bref commentaire avant de passer la parole à ma collègue députée de Rimouski qui, plus spécifiquement, voudrait vous poser quelques questions. Vous vous rappelez que sur le projet de loi n° 32, je voudrais vraiment corriger une perception qui affecte plusieurs personnes. Ça me fait plaisir de la reprendre avec vous. Mais, au sujet de la loi n° 32, ce que vous avez appelé la «loi massue» où on s'est donné véritablement des outils, je vous rappelle que le Protecteur du citoyen écrit – et je vais vous remettre une copie de ces lettres tout à l'heure – qu'avec les amendements qui ont été apportés par les députés et le ministre: «J'estime donc qu'avec ces amendements, le projet de loi n° 32 non seulement s'inscrit dans la philosophie de la lettre de la loi sur l'accès, mais respecte adéquatement les dispositions des Chartes québécoise et canadienne.» Signée de la main de M. Jacoby, le 13 juin 1996.

Le président de la Commission d'accès à l'information aussi s'exprime dans ces mots: «Les propositions d'amendements que vous nous soumettez permettront à votre ministère d'obtenir les renseignements nécessaires à la lutte contre l'évasion fiscale, un objectif sur lequel on s'entend, et le travail au noir, sans pour autant remettre en cause les grands principes de la vie privée qui reconnaît la loi sur l'accès.» Donc, je voudrais juste corriger, peut-être, votre perception.

Il reste un élément de discussion avec le ministère du Revenu, qui est sur le calendrier de conservation des renseignements, mais la discussion est toujours en cours. Il me fait plaisir de vous remettre ces documents, vous assurer que vos propositions seront retenues attentivement, entre autres en ce qui a trait aux articles 15 et 16 de la Commission, sur l'assujettissement. Autant sur les paramunicipales il nous apparaît opportun de procéder, autant la question à laquelle nous devrons répondre, c'est sur le critère à utiliser. Parce que si on utilise le caractère de la provenance des fonds publics, par exemple, tous les ONG seraient soumis à la loi sur l'accès, protection des renseignements personnels, parce que c'est financé dans bien des cas à plus de 95 %. Alors, il faut voir quels sont les critères à être utilisés. Et je vous indique que l'occasion de la révision de la loi n'est pas nécessairement non plus une occasion de refaire des débats qui ont déjà été faits devant les tribunaux et qu'à cet égard-là notre objectif c'est plutôt de voir comment on peut bonifier, dans le cadre du droit que nous connaissons.

Donc, je vous remercie beaucoup pour cette présentation, et ma collègue aura des questions plus précises à vous poser.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Est-ce que... Non, on prend... On respecte l'alternance ou...

M. Mulcair: Ou si le gouvernement désire épuiser son temps, l'un après l'autre, on reviendra après.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Mme la députée de Rimouski.

Mme Charest: Alors, merci, M. le Président. Bienvenue à ces messieurs de la FTQ. J'ai lu avec intérêt le résumé de votre mémoire, là. Je viens de revoir toutes vos recommandations et je vois que, globalement, vous adhérez aux recommandations de la CAI. Mais avant de vous interroger plus précisément sur certains éléments de vos recommandations, si je ne me trompe pas, en tant que syndicat vous êtes assujetti à la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé.C'est ça, je pense. Et, moi, j'aimerais savoir qu'est-ce que la FTQ a pris comme moyens ou qu'elle a mis en oeuvre pour assurer la protection des renseignements personnels dans le cours de ses transactions, soit entre ses syndicats ou avec d'autres organismes, avec ses partenaires, et pour respecter ses obligations qui sont contenues dans cette loi?

M. Massé (Henri): Écoutez, moi, je ne peux pas aller dans tous les détails. Mais on a d'abord travaillé avec des spécialistes de la question, entre autres au niveau du cloisonnement de nos dossiers, de nos fichiers au niveau du personnel. Tout était centralisé au même endroit. Au niveau des problèmes qui pouvaient se soulever avec...

Mme Charest: Excusez, M. Massé. Vous dites que tout a été centralisé. Est-ce que vous voulez me dire que vous avez une banque de données centrale sur tous vos membres?

(17 h 20)

M. Massé (Henri): Non, non, non. On parle au niveau du personnel, là. Au niveau des membres, c'est dans chacun des syndicats locaux. On n'a aucune banque à la FTQ. Nous, on s'est adressés...

M. Boisclair: Vous avez une grosse banque, par exemple.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Massé (Henri): Oui. On a regardé la question vis-à-vis du personnel que nous représentions. On n'a pas eu à le faire vis-à-vis des membres; c'est dans chacun de nos syndicats affiliés que ces questions-là sont soulevées. Et même dans nos syndicats affiliés, les listes de membres sont dans les syndicats locaux, et ces renseignements-là sont dans les syndicats locaux.

Mme Charest: Mais c'est quoi, les moyens de protection? Est-ce qu'il y a des directives générales qui encadrent les échanges de renseignements, et tout ça?

M. Demers (Robert): La Fédération – je réinsiste encore, comme Henri le disait – la FTQ n'a pas de membres comme tels. On ne signe pas de carte de membre de la FTQ.

Mme Charest: Non, non. Ça, je sais ça.

M. Demers (Robert): Ce sont des entités qui sont incorporées, qui sont des syndicats, qui sont également accrédités, qui, eux, gèrent ce genre de problème là.

Chez nous, si on veut parler du personnel de la FTQ, Henri pourrait vous répondre sur ce qu'il vient de vous dire, mais, nous, on n'a pas de système centralisé. On n'a pas de membres comme tels.

Mme Charest: Non, non. Je vous parle de votre personnel.

M. Demers (Robert): Le personnel de la FTQ?

Mme Charest: Est-ce que vous avez des renseignements? Parce que vous avez à échanger des renseignements. Est-ce que vous avez des lignes directrices par rapport à ça?

M. Demers (Robert): À ma connaissance, il n'y a pas de lignes directrices à la FTQ pour l'encadrement de la protection, sauf les dispositions de la convention collective, la consultation dans ta convention collective à ton dossier personnel auprès de l'employeur.

Mme Charest: Bon. Alors, c'est bien...

M. Demers (Robert): Et pour nos syndicats affiliés, on a fait une série de colloques avec des spécialistes de la question autant sur ces questions-là et la loi sur l'accès à l'information et les changements au Code civil. On a tenu une série de réunions à travers la centrale là-dessus. Maintenant, c'est à chacun des syndicats affiliés de l'appliquer.

Mme Charest: Vous avez dit aussi dans votre mémoire que vous souscriviez globalement aux recommandations de la CAI. Je voudrais vous entendre sur «globalement». Parce que si globalement ça va, est-ce que, dans le particulier, il y a des choses qui, selon vous, devraient être soulevées pour attirer notre attention de façon particulière sur certains éléments que vous voudriez qu'on surveille de près?

M. Demers (Robert): «Globalement», on l'a utilisé parce que, honnêtement, on n'a pas toutes les recettes à toutes les questions et à toutes les interrogations qui figurent dans les recommandations. Par exemple, on sait que la règle de 50 % de fonds publics, la question de délégation de ce qu'est un mandat. Si c'était si facile, on ne serait pas assis ici. On aurait des réponses mais on serait ailleurs.

On dit «globalement» parce qu'on pense que les questions qui sont soulevées, les avenues qui sont posées par la Commission nous semblent posées, nous semblent réfléchies. Puis elles nous amènent sur des pistes où on peut faire d'habiles compromis entre la protection de la vie privée et l'accès à l'information, respectueusement, des entreprises, des syndicats, tout comme des individus.

C'est en ce sens-là que, nous, on pense que l'exercice que la Commission a faite est bon. Je pense qu'elle répond, dans ce rapport-là, aux nombreuses critiques qui auraient pu être faites depuis l'avant-dernier rapport. Elle les a très bien systématisés. Elle y est allée en douce malgré toutes les critiques dont elle a pu faire l'objet au niveau de son mordant ou au niveau de son «missionnariat», sa mission de missionnaire dans l'opinion publique.

Nous, «globalement», c'est ca. On pense qu'ils posent des bonnes questions au bon moment. Ils n'imposent pas non plus de réponse. On dit, par exemple: Qu'est-ce qu'une société privée? Qu'est-ce que du partenariat? Qu'est-ce que le privé et le public? Qu'est-ce qu'un organisme public? Le monde a tellement évolué ces trois, quatre, cinq dernières années qu'on ne sait plus devant quelles nouvelles entités on sera dans deux ou trois ans. Alors, il va falloir fixer ça rapidement dans des textes législatifs très serrés pour accrocher des virgules, des points-virgules. Dans six mois, on ne tiendra plus compte des nouvelles réalités de la situation économique, des nouveaux types d'organismes qui vont naître par la régionalisation, qui vont naître par la délégation de pouvoir et par les nouvelles législations comme la SEM, par exemple. Alors, je pense qu'ils ont bien fait de ne pas figer les choses dans le ciment en forçant des virgules et des points-virgules.

Le Président (M. Garon): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: M. le Président, ça me fait plaisir de souhaiter la bienvenue aux représentants de la FTQ et j'aimerais rester sur cet... Il y a une question fondamentale qui est soulevée dans leur mémoire, M. le Président, qui nous intéresse aussi; ça a été soulevé avec d'autres groupes aujourd'hui. Tout le monde cite le cas de l'affaire Nouveler et dans les autres filiales. Le Fonds de solidarité de la FTQ, ce que le ministre vient d'appeler en boutade «la grosse banque de la FTQ», est constituée de plus de 50 % de fonds publics par définition même, parce que les crédits d'impôt que l'on reçoit lorsqu'on fait une contribution, c'est de l'argent du public qui est mis là-dedans, ni plus ni moins. On s'entend tous là-dessus. Est-ce que l'ouverture qui est préconisée par les représentants de la FTQ s'étendrait à une entreprise dont le fonds social serait payé par le Fonds de solidarité?

M. Massé (Henri): Non, moi, je pense qu'il faut bien distinguer là-dedans et, bon, le Fonds de solidarité, c'est pas des subventions, c'est des crédits d'impôt. Il y a plusieurs entreprises au Québec...

M. Mulcair: Mais on s'entend, M. le président, le témoin comprend bien qu'on est en train de parler d'un fonds public dans un cas comme dans l'autre, peu importe la provenance.

M. Massé (Henri): Oui, oui, oui. C'est ça que je veux essayer de démêler, là. Il y a beaucoup d'entreprises privées à l'heure actuelle au Québec qui ont des crédits d'impôt, des crédits à la recherche. Bon, on n'a pas demandé que ces entreprises-là soient couvertes par la loi d'accès à l'information. Ce qu'on essaie de dire et là, là, Robert Demers vient de le souligner, on n'a pas, devant votre commission on n'a pas de recette miracle. On n'en a pas. Mais j'ai vu dans vos documents. On dit: Est-ce qu'on va partir du financement à 50 % plus 1? Nous, ce qu'on veut vous dire... Je pense qu'il faut partir... On vit dans une nouvelle réalité: on a un secteur public qui est en train de se transformer au niveau provincial, municipal, scolaire, beaucoup de partenariat, beaucoup de sous-traitance, beaucoup de délégation de pouvoir. C'est en train de se transformer à un rythme, je dirais, effarant par rapport à ce qu'on a connu, la tranquillité qu'on avait connue dans les 25, 30, 40, 50 dernières années. Il faut tenir compte de ces nouvelles réalités là.

Donc, si on veut définir: Est-ce qu'une entreprise doit être couverte ou pas? Juste à partir du degré de financement 50 % plus 1, je pense qu'on se trompe. Nous, on pense qu'il faut regarder le financement, il faut regarder la finalité de l'entreprise, il faut regarder le mandat de l'entreprise parce que, dans plusieurs de ces entreprises-là, ils font tout simplement continuer le mandat public donné, accordé. Et c'est là qu'on pense qu'il faut être très attentifs et voir comment on peut redéfinir ça à la lumière des nouvelles réalités. Moi, je vous donnerais l'exemple de M3I. Je ne sais pas le degré de financement, mais on voit à l'heure actuelle ce que ça fait sur la place publique. Hydro-Québec est en train d'être obligé de reprendre le contrôle de cet organisme-là parce que la population est en train de se soulever parce qu'ils se disent: Aïe! un instant, il se passe des affaires qui sont pas correctes, puis il y a du financement public là-dedans, puis il y a une mission publique aussi. On aurait pas vu la même chose dans l'entreprise privée.

Donc, moi, je pense que, quand on a des intérêts, de l'argent, des ressources qui viennent du public, il faut être au-dessus de tout soupçon, mais, en même temps, il faut faire attention de ne pas dire que chaque entreprise privée qui recevra, qui reçoit des crédits d'impôt, qui recevra une subvention sera obligée d'être liée dans toutes ses opérations à la loi d'accès à l'information. Je pense qu'on...

(17 h 30)

M. Mulcair: Nous avons tendance à être d'accord que c'est la finalité et le mandat qu'il faut regarder aussi et même, surtout, car, effectivement, si on est en train de développer un produit commercialisé, l'exemple qu'on donnait tantôt, le moteur électrique qu'Hydro a essayé de développer, si les autres concurrents avaient le droit à un accès à ces documents ou des choses qui pourraient leur donner un avantage commercial vis-à-vis d'Hydro, on n'est pas pour se pénaliser parce qu'on a une loi qui dit: Accès. Puis on a tendance, avec nos formules, à avoir plus d'argent du public qui rentre dans les entreprises, que ça soit le Fonds de solidarité, ou la Société de développement, peu importe. On a des manières de faire qui sont tout à fait différentes.

De notre côté, M. le Président, on apprécie beaucoup la nuance dans la réponse, car, effectivement, il n'y a pas qu'une seule réponse. Je suis conscient aussi que la sous-traitance est une problématique particulière pour un syndicat, c'est-à-dire qu'on ne va pas inventer une manière de shipper le travail à l'extérieur et nous priver de notre droit de regard. De notre côté, on va continuer à réfléchir à ça. Je pense que ces deux éléments-là, de regard et de la finalité du mandat, sont plus importants que le pourcentage à la fin de tout. Mais ça va être extrêmement difficile de rédiger sur le plan législatif.

M. Massé (Henri): Ça, on en convient. Si ça avait été facile, on vous aurait présenté une proposition.

Et sur la dernière partie de votre remarque, M. le député, moi, j'aimerais vous rappeler les articles 23 et 24, les dispositions actuelles de la loi. Je pense qu'on a tous les mécanismes nécessaires. Là, on parle de secrets qui pourraient mettre les secrets industriels en danger: on parle de productivité, on parle... En tout cas, je pense que tous les mécanismes sont là. Ce n'est pas automatique. Nécessairement, ces renseignements-là vont être divulgués. S'il y a des dangers pour les questions que vous venez de soulever, on pense que c'est déjà prévu à la loi.

M. Mulcair: Oui, mais, M. le Président, les invités qui sont avec nous ont la même expérience que nous. Que ce soit dans le domaine syndical, lorsqu'on tente de définir, il y a toujours deux parties qui vont essayer de donner deux interprétations souvent diamétralement opposées. Quand il a été question de savoir si les contrats d'Hydro-Québec donnerait un escompte sur le prix de l'énergie à des sociétés importantes dans la région de la Mauricie, tout d'un coup, c'était un secret industriel. Ce n'était pas évident que c'était des secrets industriels. Mais on peut toujours, avec une ouverture, ou une exception, ou une définition, dire: Bien, c'est un sac suffisamment large, on va essayer de tout mettre là-dedans.

Il y a un intérêt du public; c'est ça qui est primordial. Le public a le droit de savoir comment ses fonds sont dépensés. Et il ne faut pas non plus que l'existence de ces exceptions-là ou ces définitions-là donnent lieu à des abus pour tenter de camoufler. C'est le principe qu'il ne faut pas perdre de vue. Et on partage l'analyse de la FTQ là-dessus. Nous non plus, on ne prétend pas avoir trouvé la solution la plus simple. Mais la flexibilité qu'on entend de l'autre côté émane aussi du nôtre.

Et on espère pouvoir protéger cet intérêt primordial pour le public de savoir comment, où et avec quelle justification les fonds publics sont dépensés? Et on tient à les remercier énormément pour leur présentation aujourd'hui.

Le Président (M. Garon): Alors, je remercie les représentants de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec de leur contribution aux travaux de cette commission. Et maintenant j'invite la Société de l'assurance automobile du Québec à s'approcher de la table des témoins ou des intervenants.

Alors, Me Gélinas, nous avons 25 minutes ensemble. Si vous voulez présenter les gens qui vous accompagnent et faire votre exposé. Nous avons dû raccourcir le temps parce que les travaux de la Chambre ont duré plus longtemps que prévu aujourd'hui; alors, on a commencé plus tard. Allez-y.


Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ)

M. Gélinas (Claude): Merci, M. le Président. Je me présente: mon nom, c'est Claude Gélinas et je suis secrétaire de la Société et directeur des affaires juridiques à la Société ainsi que responsable de la loi de l'accès. Je suis accompagné de Me France Desmeules, du service de la loi de l'accès chez nous, qui est, je pense qu'on peut la considérer comme étant la pionnière l'accès à l'information à la Société et qui a travaillé beaucoup à la mise sur pied du service de la loi de l'accès, parce qu'on a un véritable service chez nous qui a été mis sur pied et dont je suis le responsable. Je suis accompagné aussi de M. Luc Vigneux qui est le coordonnateur des ententes.

C'est un des sujets que je vais aborder aujourd'hui au niveau de la communication des renseignements et le nombre d'ententes qu'un organisme comme le nôtre est appelé à conclure sur une base assez régulière. Je vais passer droit au fait au niveau du mémoire, pas pour reprendre chacune des recommandations parce qu'on n'a pas le temps, mais simplement pour mettre l'accent sur les principales. Vous retrouvez la première recommandation à la page 3 du mémoire où on demande, nous, d'intégrer dans la loi sur l'accès la création d'un comité consultatif permanent d'experts issus des secteurs public et privé qui, normalement, devraient conseiller la Commission d'accès à l'information et le gouvernement sur les questions touchant les nouvelles technologies et la loi sur l'accès ou la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé.

Les raisons qui nous motivent à le faire sont que nous sommes conscients que la Commission d'accès à l'information, avec ses 44 employés, a des limites aux choses qu'elle peut faire et a des limites également au niveau du mandat qui lui a été confié, et qu'elle concentre la majeure partie de ses efforts et de ses fonctions d'enquête et d'adjudication par rapport aux organismes publics et aussi, maintenant, depuis 1994, au secteur privé.

Nous sommes conscients également que le processus de révision quinquennale qui est inscrit dans la loi de l'accès ne permet pas non plus de suivre l'évolution des nouvelles technologies de façon très serrée parce que ça revient à tous les cinq ans et ça ne permet pas de se tenir vraiment à la page sur tout ce qui se fait dans le domaine de l'infrastructure technologique.

Nous pensons également qu'un comité consultatif n'est pas incompatible avec la tenue d'enquêtes publiques ou d'audiences publiques, comme ça a été mentionné, et ça pourrait même faciliter la tenue d'audiences publiques en ayant des experts qui sont spécialisés dans le secteur, bien sûr, et qui sont intéressés à promouvoir les buts et les mandats de la loi de l'accès tant dans le secteur privé que dans le secteur public.

Également, nous sommes conscients que ça permettrait une coordination de l'expertise qui est disponible et ça permettrait d'assurer un certain leadership sur les questions qui touchent les nouvelles technologies. À ce niveau-là d'ailleurs, on a eu un mini-exemple de ce qu'il y a possibilité de faire, et c'est dans tout le dossier des mégafichiers qui a fait l'objet de débats, ici même, à cette commission parlementaire il n'y a pas très longtemps.

Le président-directeur général de la Société avait demandé à la Commission d'accès à l'information de former un groupe de travail sur la sécurité des mégafichiers, et la Commission a donné suite à cette demande-là. Le groupe se réunit maintenant, depuis quelque temps, pour discuter des initiatives à prendre dans ce secteur-là pour assurer encore une plus grande protection des renseignements à caractère nominatif. Donc, c'est la première recommandation sur laquelle on voulait insister.

La deuxième concerne la vérification préalable par la Commission de tous les transferts de communications. Nous sommes d'avis que cette recommandation-là, ce serait un retour à un ancien régime de contrôle, a priori, qui avait été abandonné en 1985 parce que, justement, il s'avérait trop lourd à appliquer à ce moment-là. Notre recommandation ne veut pas dire que l'on s'oppose à un accroissement des contrôles en matière de transferts de renseignements, bien au contraire. Cependant, nous nous interrogeons sur l'efficacité de la mesure proposée et nous croyons qu'il serait possible d'envisager d'autres moyens pour permettre de rencontrer les objectifs souhaités, c'est-à-dire avoir une vue d'ensemble sur les communications de renseignements et pouvoir intervenir sur les projets impliquant de nouvelles technologies ou mettant en danger la vie privée des citoyens.

La SAAQ a pour politique de conclure une entente administrative avec l'organisme demandeur lorsqu'il y a communication répétitive de renseignements. Je vais vous dire simplement que chez nous on a au-delà de 169 ententes relatives à des échanges de renseignements nominatifs, dont 161 avec des organismes publics québécois, canadiens et étrangers et huit avec des entreprises privées, dont cinq concernent des couplages de fichiers avec la CSST, la RAMQ, la RRQ et le ministère de la Sécurité du revenu; 133 sont relatives à des échanges de renseignements avec les cours municipales, surtout en matière de sécurité routière; 25 à des communications nécessaires à l'application d'une loi; trois à des informations dénominalisées, surtout au niveau des statistiques; deux à des ententes avec des intermédiaires pour la transmission d'information, telles que Téléglobe et Équifax; et un mandat avec le CCATM qui est un groupe pancanadien en matière de transport, qui réunit des représentants de tous les ministères de transport au Canada pour des campagnes de rappel des fabricants d'automobiles.

(17 h 40)

Donc, on a acquis avec le temps une vaste expérience au niveau des ententes, de la façon de conclure et de faire respecter également des ententes avec divers intervenants, tant dans le secteur public que dans le secteur privé. Nous autres, le fait qu'on conclue une vingtaine d'ententes par année, là-dedans – comme cette année, on a une douzaine de nouvelles ententes qu'on a ajoutées à celles qui existaient déjà –, ça nous amène à nous poser la question suivante: Est-ce que la Commission d'accès serait en mesure d'examiner un nombre considérable de projets de communications dans un délai de 60 jours, alors qu'actuellement il faut un délai minimal de trois mois pour l'obtention d'un avis?

Donc, il faut être conscient. C'est beau de faire la recommandation, mais il faut que ça soit efficace, il faut qu'on soit capable de la mettre en application. C'est pour ça qu'on préfère se concentrer, nous, sur autre chose et développer plutôt des outils efficaces qui soient disponibles pour l'application des exigences suivantes concernant l'administration de la loi ou, à défaut, que ces exigences soient simplifiées. Et si on n'est pas capable de les simplifier, bien qu'on les abroge. Et je fais référence aux listes de classement, à l'obligation d'avoir un registre des communications des renseignements personnels. Je fais référence également à l'obligation d'avoir la mise à jour des fichiers de renseignements personnels. Le registre – je veux insister en particulier sur le registre des communications de renseignements personnels – est un index, à l'heure actuelle, et n'est pas un journal des communications de renseignements.

Si l'objectif poursuivi c'est de permettre à la population et à la Commission d'accès d'avoir une vue d'ensemble sur les communications de renseignements sans consentement, nous croyons qu'il faudrait avoir un mécanisme centralisé qui permettrait à tous les organismes d'inscrire leur index de communications des renseignements. Un exemple de cette fonction-là, ce pourrait être que la CAI pourrait développer un formulaire accessible sur Internet. Chaque organisme pourrait y inscrire l'information relative à la communication de renseignements, selon un format uniforme, et la Commission d'accès pourrait gérer ces bases de données. Tout citoyen et tout organisme pourraient y avoir accès. L'objectif, je pense, à ce moment-là, serait atteint, dans le sens que la Commission pourrait savoir ce qui se passe partout, pourrait intervenir sur les nouveaux projets de communications de renseignements, nous croyons, en temps utile, et dresser également le tableau des échanges de renseignements tels qu'ils existent en réalité. Donc, ce sont des formules qu'on met de l'avant simplement pour qu'on ait l'occasion de les étudier à fond avant de revenir avec un contrôle a priori. Nous, c'est un peu la recommandation qu'on fait.

Nous avons également mentionné, dans notre mémoire, une préoccupation au niveau de la commercialisation des renseignements. Nous avons demandé que soit réactualisé le débat sur la commercialisation des bases de données, afin qu'une position finale puisse être prise à ce sujet. La question de la commercialisation des bases de données a déjà fait l'objet d'une étude. En février 1991, le groupe de travail sur la commercialisation des banques de données des organismes publics avait soumis un rapport au ministre des Communications de l'époque; ce rapport avait donné un bon portrait de la situation et contient également un projet de politique. Bien sûr, depuis ce temps-là, il y a eu des modifications importantes, dont, bien sûr, la loi de 1994 qui s'applique maintenant au secteur privé, ce qui n'existait pas en 1991 quand on a sorti le rapport sur la commercialisation des banques de données. Mais le but recherché, ce serait d'éviter les abus tout en rentabilisant les capitaux investis, et c'était ça que cette politique de commercialisation visait. C'était encore plus urgent avec l'autoroute de l'information qui était à développer, à ce moment-là.

En ce qui concerne la diffusion de banques de données se rapportant à des renseignements nominatifs à caractère public, un critère de finalité devait être introduit. Le groupe de travail avait insisté énormément sur ce caractère de finalité, et l'organisme détenteur de renseignements devait avoir un droit de regard également pour communiquer lorsque les fins d'utilisation sont compatibles avec les fins mentionnées lors de la cueillette de renseignements. Donc, nous aimerions qu'on puisse réactiver le débat au niveau de la politique de commercialisation des banques de données détenues par les organismes publics.

Enfin, une autre recommandation – et celle-là, peut-être, me tient particulièrement à coeur – qui est une refonte et une réévaluation du rôle du responsable de la loi sur l'accès dans les ministères. Je pense qu'on est rendus à un point maintenant, après une dizaine... Ça fait depuis 1984 que la loi est en vigueur; on est rendus maintenant en 1997. Il y a – et on le dit dans notre mémoire de façon très claire – maintenant, je pense, une acceptation. Au niveau des mentalités, il y a des changements majeurs qui ont été opérés dans tout le réseau public. Je peux parler uniquement du réseau public, c'est celui que je connais le mieux. Les gens sont conscients maintenant de ce que ça veut dire, un droit d'accès du citoyen. Ils savent ce que ça veut dire également la protection des renseignements personnels et les efforts qu'il faut faire pour protéger le droit à la vie privée. Ce sont des principes très vivants, très actuels dans les opérations quotidiennes. Du moins, chez nous, à la Société de l'assurance automobile, c'est une réalité; on vit avec et on la gère, je pense, assez bien.

Mais à ce niveau-là, on aimerait, au niveau des responsabilités qui sont conférées aux responsables de la loi de l'accès, qu'on puisse décentraliser un certain nombre de décisions, entre autres qu'on puisse nous-mêmes décider si une décision a un caractère abusif ou non et d'aller en appel à la Commission d'accès si on rend une décision qui est mauvaise, mais qu'on ne soit pas obligé d'aller devant la Commission d'accès pour lui dire: Nous croyons que cette demande est abusive; le pouvoir d'autoriser l'accès à des renseignements personnels pour fins de recherches, de statistiques ou d'étude, cette décision étant révisable par la Commission uniquement sur les mesures de sécurité et non pas sur l'opportunité pour l'organisme d'acquiescer ou non à la demande d'autorisation; le pouvoir de permettre la divulgation d'information personnelle lorsque des situations exceptionnelles médiatisées ou à caractère urgent le requièrent, compte tenu de l'équité à maintenir entre l'exercice des droits en présence. Et, à ce niveau-là, je pense que les responsables de la loi de l'accès pourraient jouer ce rôle-là d'une façon intelligente sans qu'il y ait des abus, parce qu'on a du vécu à ces niveaux-là maintenant; on n'est plus en 1984.

Donc, le dernier point sur lequel je voulais insister, c'est que soient facilités les échanges de renseignements entre les organismes ayant des programmes ou des lois complémentaires, compte tenu de la finalité commune d'utilisation des renseignements qu'ils recueillent. Ça, c'est un point important. Nous croyons que la Commission d'accès à l'information reconnaît qu'il n'est pas souhaitable de demander le consentement lorsqu'il est obligatoire à l'obtention d'un service, et ça, il y a eu des écrits là-dessus de façon très claire de la part de la Commission. La loi de l'accès à l'information ne tient pas compte du critère de finalité dans les communications de renseignements, et les clientèles des organismes payeurs sont souvent les mêmes. Un exemple: un accident d'auto peut mener à une invalidité – c'est bien connu – et impliquer la Régie des rentes du Québec et la Société; ça peut être un accident d'auto au travail où on est appelé également à avoir des rapports avec la CSST; ça peut être un prestataire de l'aide sociale, où, là, on peut être appelé à avoir des rapports avec le ministère de la Sécurité du revenu

Quand nous avons des finalités complémentaires de cette nature-là, je pense qu'on pourrait introduire dans la loi un principe de complémentarité qui nous permettrait de faciliter les échanges de renseignements, toujours avec des ententes, toujours avec des prescriptions très claires sur le respect de la protection des renseignements personnels.

Nous, notre politique, c'est que – et on n'est pas obligés de le faire; on le fait de façon systématique depuis 1986, je crois – chaque fois qu'on conclut une entente en vertu de l'article 67, il y a toujours une entente écrite. On n'est pas obligés de le faire mais on le fait. Pourquoi? Parce qu'on veut que la personne qui reçoit nos données comprenne bien les obligations que, nous, nous avons comme organisme qui donne de l'information, mais également on veut s'assurer que celui qui reçoit va respecter aussi les préceptes de la loi de l'accès au niveau de la protection des renseignements personnels. Ceci est d'autant plus facile que, maintenant, dans le secteur privé, nous avons une loi qui s'applique aussi à l'ensemble des organismes, à une bonne partie des organismes du secteur privé. Donc, ça facilite ces échanges de renseignements là et le respect des renseignements personnels.

Ce sont essentiellement les commentaires que je voulais communiquer aux membres de la commission, et, nous, nous sommes, bien sûr, intéressés à répondre à vos questions.

Le Président (M. Garon): M. le ministre.

M. Boisclair: Messieurs, madame, je voudrais vous souhaiter la bienvenue en commission parlementaire. Je voudrais vous dire qu'avec l'expérience qui est la vôtre, il est clair que vos recommandations font plein de sens et que de nombreuses, nous le souhaitons, seront en application.

Je veux vous dire que, sur toute la question du contrôle a priori, j'ai déjà fait savoir publiquement qu'il fallait aussi peut-être évaluer d'autres façons de faire, parce qu'effectivement ça pourrait être quelque chose de très long, surtout compte tenu des délais impartis. Je pense qu'il faudra peut-être penser à un contrôle a posteriori qui pourrait se faire. Et, à cet égard-là, je pense qu'il y a lieu de nuancer un peu les recommandations de la Commission d'accès à l'information.

(17 h 50)

Je comprends que vous nous interpellez aussi sur le mandat de la personne désignée dans l'organisme et de la possibilité qu'elle pourrait avoir elle-même de rendre un certain nombre de décisions pour des requêtes que le ou la préposé-e jugerait abusives. Ce sont des choses qu'il nous faudra, bien sûr, regarder.

Je remarque aussi que vous nous proposez la création d'un comité consultatif, et je voudrais vraiment aller au fond de votre réflexion. Qu'est-ce qui fait que vous nous proposez que la Commission crée un comité consultatif?

M. Gélinas (Claude): Pas que la Commission crée.

M. Boisclair: Que le gouvernement...

M. Gélinas (Claude): Que, au niveau de la loi, on crée un comité consultatif, parce que, justement...

M. Boisclair: Avec quel genre de mandat?

M. Gélinas (Claude): Avec un mandat de faire l'étude et de faire des recommandations au niveau de l'évolution technologique.

M. Boisclair: Mais, est-ce que, normalement, les commissaires et le président ne devraient-ils pas, compte tenu de l'environnement que vous décrivez... Le législateur devrait faire l'obligation au président de créer un comité. Ce que j'essaie de voir, tout simplement...

M. Gélinas (Claude): Non, non, ce n'est pas une obligation pour le président de créer un comité.

M. Boisclair: Ou à la Commission, ou...

M. Gélinas (Claude): C'est qu'on crée un comité qui fait des recommandations tant au gouvernement qu'à la Commission d'accès à l'information, et tant au niveau de l'accès à l'information que de la protection des renseignements personnels; il y a toujours les deux facettes.

M. Boisclair: Est-ce que vous estimez, à l'heure actuelle, que la Commission est dépassée par l'implantation des nouvelles technologies au point que vous nous proposiez la mise sur pied d'un comité? Concrètement, là?

M. Gélinas (Claude): Dépassée, c'est peut-être un grand mot, mais se tenir vraiment à la page sur tout ce qui se fait. Ça évolue tellement rapidement, surtout avec Internet, surtout avec la nature dont les communications se développent. La mondialisation des marchés, tout ça, ce sont des réalités avec lesquelles on est appelés à vivre. La Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, qui nous précédait, disait à quel point les rapports entre les intervenants, tant sur le plan commercial que sur le plan des échanges, se modifient et changent d'une façon radicale et importante, d'année en année. Il faut qu'on ait quelqu'un qui soit capable de réfléchir à ça.

M. Boisclair: Je suis entièrement d'accord avec vous. Ce qui m'étonne, c'est de voir que la Commission ne le fait pas encore et que ce genre de comité d'éthique ne soit pas déjà présent. Puis, la Commission, si elle ne peut pas avoir les ressources à l'interne parmi son personnel, qu'elle prenne les moyens pour le faire aussi. Et que, à cet égard-là...

M. Gélinas (Claude): Moi, je n'ai pas d'objection à ça, si elle veut prendre les moyens pour le faire.

M. Boisclair: Ce que j'essaie tout simplement de voir avec vous, c'est la pertinence de cette recommandation. Et, dans le fond, ce qu'elle illustre, c'est peut-être une absence de leadership que la Commission devrait avoir et qu'elle peut avoir. On en est rendu dans une situation où des gens viennent voir le législateur puis disent: Dans la loi, mettez-nous des comités. Écoutez, moi, quand j'ai besoin de me faire conseiller sur une question, je n'ai pas besoin d'un article de loi qui m'autorise à le faire, je crée le comité puis je vais chercher l'expertise.

M. Gélinas (Claude): Il n'y a absolument rien qui empêche la Commission de créer un comité d'experts comme ça pour faire ce travail-là, absolument rien. Si c'est la façon de le faire, tant mieux. Nous, ce qu'on veut, c'est qu'il existe un corps quelconque: que ça soit un comité créé par la Commission d'accès à l'information, que ça soit un comité consultatif en bonne et due forme, peu importe. L'important, c'est qu'il y ait quelqu'un qui réfléchisse constamment à l'évolution dans ce secteur-là et qui soit capable de se tenir vraiment au courant des effets que ça peut avoir, tant au niveau de l'accès qu'au niveau de la protection des renseignements personnels. Qu'on puisse évoluer ensemble.

M. Boisclair: Je comprends ça.

M. Gélinas (Claude): Et la révision quinquennale est insuffisante à ce niveau-là.

M. Boisclair: Vous proposez une espèce de décentralisation des pouvoirs. Vous donnez l'exemple du réseau de la santé où, entre autres, lorsque vient le temps de procéder à la mise sur pied de protocole de recherche, il y a des responsables dans les établissements qui ont un certain nombre de pouvoirs et qui peuvent agir. Est-ce que vous avez fouillé plus à fond? Est-ce que vous savez, par exemple, s'il y a des plaintes de la part des citoyens? Est-ce que c'est un mécanisme qui est efficace?

Le Président (M. Garon): Là, le temps est écoulé.

M. Gélinas (Claude): Oh! Mon Dieu!

Le Président (M. Garon): Je suis obligé de passer au député de Chomedey parce que, autrement, on n'arrivera pas.

M. Mulcair: Merci, M. le Président.

M. Boisclair: Bien, il y aurait peut-être consentement à...

M. Mulcair: On tient, de notre côté, à remercier les représentants de la Société de l'assurance automobile du Québec pour leur excellente présentation et d'avoir partagé avec nous les fruits de leur expérience et de leur réflexion.

J'aimerais me concentrer sur un aspect de votre présentation qui n'a pas été touché, de l'autre côté. C'est la question qui est soulevée aux pages 9 et 10 de votre mémoire. Vous parlez des finalités de l'utilisation des renseignements, notamment la question de la commercialisation des bases données.

M. Gélinas (Claude): Oui.

M. Mulcair: Vous soulevez le point très bien. Vous dites, en d'autres mots, que les bases de données développées grâce aux fonds publics sont un aspect à considérer lorsque des entreprises commerciales veulent accéder à des bases de données pour des fins lucratives. Est-ce que vous pourriez élaborer un peu là-dessus, pour nous autres?

M. Gélinas (Claude): Bien, c'est que nous avons développé, à la Société, une politique à deux volets. D'abord une politique sur les droits d'auteur. Ce que recommandait la politique de commercialisation, c'est qu'on protège les droits d'auteur au niveau des banques de données qui sont créées dans les organismes publics. Puis il y en a beaucoup. Et on est parmi les premiers organismes à s'être dotés d'une politique des droits d'auteur, autant pour les produits et services que la Société développe que pour ceux qu'on achète et qu'on utilise chez nous. Autant, nous, on veut respecter les droits d'auteur de ceux avec qui on fait affaire, autant on s'attend que les personnes avec qui on fait affaire respectent nos droits d'auteur. Et on s'est organisés pour qu'une politique des droits d'auteur soit non seulement en application chez nous, mais diffusée dans l'ensemble des unités administratives pour que les gens soient conscients de ce fait-là. Il y a quand même là une importance, je pense, une très grande importance de la protection des banques de données qu'on développe nous-mêmes.

Il y a également, au niveau de la protection des droits d'auteur, un deuxième volet. Je pense qu'on est peut-être le seul organisme à l'avoir fait, lorsqu'on s'est doté d'une politique de commercialisation. On est peut-être uniques à ce niveau-là, parce que, au départ, quand on a voulu le faire, on est allés voir ce qui existait ailleurs, parce qu'on n'est pas pour inventer la roue. Mais on s'est aperçu qu'on l'a inventée en partie, parce qu'on n'en trouvait pas, même pas à Hydro-Québec, qui avait une politique de commercialisation comme telle.

M. Boisclair: Allez aux Publications du Québec, la prochaine fois.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Gélinas (Claude): Oui. Parce qu'on n'en trouvait pas dans les organismes, en tous les cas.

Le Président (M. Garon): Un peu de discipline, là, parce que la parole est au député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. La question est importante, car dans le cadre d'autres travaux de cette Commission on a été à même de constater que la Régie de l'assurance-maladie du Québec s'apprêtait à créer une filiale dont les actions seraient détenues pour l'instant par la RAMQ et qui pourraient être offertes sur la bourse privée, et dont l'objectif serait de diffuser et de vendre de l'information dans les banques de la RAMQ. Et ça nous préoccupe au plus haut point, de ce côté-ci.

Étant donné que votre politique des droits d'auteur existe, a été créée et diffusée à l'intérieur de votre organisme, j'aimerais formuler la demande auprès des représentants de la SAAQ qui déposent auprès de cette Commission cette politique-là.

M. Gélinas (Claude): Avec plaisir.

M. Mulcair: Ça va nous intéresser, et toute autre information dont ils disposent qui va dans ce sens-là.

M. Gélinas (Claude): Sûrement.

M. Mulcair: Parce que je pense que, de la même manière qu'il ne faut pas être naïf et ne pas perdre une occasion, si ça se présente, de vendre de l'information, de vendre quelque chose qui est un produit créé par l'État, dans la mesure évidemment où ça ne peut jamais constituer une menace pour la protection de la vie privée, peut-être... Mais c'est la quadrature du cercle, parce que ce n'est pas évident comment on va parler et essayer de faire ça. Alors, on serait très intéressé de suivre le modèle et l'expérience de la SAAQ pour voir si les autres organismes qui sont en train de lorgner cette possibilité-là sont à la hauteur.

M. Gélinas (Claude): France, veux-tu ajouter quelque chose. Peut-être que Me Desmeules avait un point à...

M. Mulcair: Oui, s'il vous plaît.

M. Gélinas (Claude): ...si vous avez le temps.

Mme Desmeules (France): Je voudrais peut-être juste terminer, si M. Vigneux n'a pas d'intervention à faire. Je voudrais peut-être souligner qu'on en est à la troisième révision quinquennale de la loi. Comme on l'a souligné dans notre mémoire, c'est une révision qui est fondamentale parce que, les enjeux, on les a sur la table présentement. Et ça, je pense que tous les participants qui ont défilé devant vous l'ont soulevé.

(18 heures)

Mais, encore une fois, je voudrais rappeler que c'est très important que ce qu'on prend pour acquis, au niveau de la protection de la vie privée, au niveau de l'accès à l'information, qu'on ne se limite pas aux pratiques qu'on a mises en place depuis une dizaine d'années, qu'on dépoussière un petit peu les pratiques qu'on a à l'heure actuelle, et qu'on aille de l'avant, vers l'avenir, pour voir vraiment les enjeux qui s'en viennent et qu'on fasse un bon exercice de révision de la loi sur l'accès pour la prochaine révision de la loi sur l'accès.

Le Président (M. Garon): Alors, je remercie les représentants de la Société de l'assurance automobile du Québec de leur contribution aux travaux de cette commission. Et, comme il est 18 heures, j'ajourne les travaux à demain matin, 9 heures.

(Fin de la séance à 18 h 1)


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