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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le jeudi 30 octobre 1997 - Vol. 35 N° 67

Consultation générale sur le rapport quinquennal de la Commission d'accès à l'information sur la mise en oeuvre des lois sur l'accès à l'information


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Table des matières

Auditions


Intervenants
M. Michel Morin, président
M. Jean Garon, président suppléant
M. André Boisclair
M. Thomas J. Mulcair
M. David Payne
M. Lawrence S. Bergman
Mme Nicole Léger
Mme Solange Charest
*M. Michael Cloghesy, CPEQ
*M. Jean Piette, idem
*M. Jean Roberge, idem
*Mme Madeleine Plamondon, SAC
*Mme Louise Laplante, RRQ
*M. Pierre Normand, idem
*M. Benoît Laniel, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures quatorze minutes)

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Donc, nous avons quorum. Même si le ministre n'est pas arrivé encore, on vient d'avoir une communication avec lui, il devrait être ici dans les cinq minutes suivantes.

Donc, je déclare la séance ouverte. Je veux rappeler le mandat de la commission qui est de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques sur le rapport quinquennal de la Commission d'accès à l'information.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Frulla (Marguerite-Bourgeoys) est remplacée par M. Mulcair (Chomedey); M. Laporte (Outremont) est remplacé par M. Bergman (D'Arcy-McGee).

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci. Je vais vous faire la lecture de l'ordre du jour. À 9 heures, nous allons recevoir des représentants du Centre patronal de l'environnement du Québec; à 10 heures, les représentants et les représentantes du Service d'aide au consommateur; et, à 11 heures, nous terminerons avec les gens qui représentent la Régie des rentes du Québec. Nous ajournerons nos travaux à midi.


Auditions

Donc, j'invite les représentants et représentantes du Centre patronal de l'environnement du Québec à venir se placer en avant, ici. Donc, bienvenue messieurs. Je vous rappelle que nous avons environ 55 minutes ensemble. Normalement, votre présentation devrait être d'environ 15 à 20 minutes, et la balance du temps sera partagée entre les deux côtés de la présidence. Donc, je vous demanderais de vous présenter et de présenter les gens qui vous accompagnent, s'il vous plaît.


Centre patronal de l'environnement du Québec (CPEQ)

M. Cloghesy (Michael): Oui. Bonjour, M. le Président et membres du comité. J'aimerais d'abord présenter notre président du conseil, Me Jean Piette, associé avec la firme Ogilvy, Renault, anciennement avec le ministère de l'Environnement et de la Faune, qui est aussi l'auteur principal de la Loi sur la qualité de l'environnement. J'aimerais présenter Me Jean Roberge, directeur Environnement et Affaires juridiques pour l'Association minière du Québec, qui est aussi membre du conseil d'administration. Et, moi, je suis Michael Cloghesy, président du Centre patronal de l'environnement du Québec.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Bienvenue.

M. Cloghesy (Michael): Merci beaucoup. D'abord, quelques mots sur le Centre. Notre Centre est unique. C'est un organisme à but non lucratif qui représente une centaine de compagnies et une vingtaine d'associations sectorielles. On représente presque tous les secteurs d'activité au Québec. Il est unique dans le sens qu'on s'occupe uniquement du domaine de l'environnement dans un contexte de développement durable. Notre Centre est issu du Conseil du patronat, mais nous sommes un organisme complètement indépendant avec notre propre conseil et bureau des gouverneurs. Nous travaillons dans un contexte de développement durable, c'est-à-dire que, pour nous, l'environnement ne peut pas être dissocié du dossier économique, c'est-à-dire qu'il faut travailler les deux ensemble pour trouver des voies viables. Nous mettons autant d'importance pour assurer la qualité de l'environnement que pour s'assurer d'une croissance économique au Québec. Nous agissons autant au niveau provincial que fédéral et même international. On fait partie de la Commission de coopération environnementale.

À l'égard de ce dossier-ci, je dois vous dire que c'est un dossier pour nous qui est très important. Autant que nous croyons au droit du citoyen à l'accès à l'information que nous croyons qu'il est important de conserver le droit de la personne vis-à-vis de l'accès à l'information et de la protection de l'information. Sans aller dans les détails, puisque c'est Me Piette qui présentera notre mémoire, j'aimerais vous indiquer que nous serions évidemment très intéressés à vos questions tout à l'heure. Et donc, sans plus tarder, je demanderais à Me Piette de procéder avec l'énoncé de notre mémoire.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Nous vous écoutons, Me Piette.

(9 h 20)

M. Piette (Jean): Je vous remercie, M. Cloghesy. M. le Président, MM. les membres de la commission, le Centre patronal de l'environnement a déposé son mémoire. Je n'ai évidemment pas l'intention de vous en faire lecture. J'ai l'intention cependant d'insister peut-être sur certains aspects: d'abord, les conclusions et les recommandations de notre organisme et, d'autre part, je voudrais peut-être qu'on parle d'une façon particulière de l'accès à l'information environnementale.

Il est évident que l'organisme que nous représentons est un organisme qui se consacre entièrement au dossier de l'environnement et du développement durable, et toutes les questions touchant à l'environnement et au développement durable sont d'intérêt pour nous et pour nos membres. La question de l'accès à l'information environnementale est une question qui, je pense, présente des particularismes qui sont reconnus par notre régime de droit, notamment le fait que les premières initiatives de diffusion d'information environnementale, effectivement on les retrouve dans la Loi sur la qualité de l'environnement en 1978. C'est en 1978, dans le cadre de la loi 69, que le législateur québécois a pour une première fois – et ça ne c'était pas fait dans d'autres domaines – reconnu un droit au citoyen d'avoir accès à de l'information détenue par un ministère du gouvernement et c'est dans le domaine de l'environnement. Et ça, on est donc trois ans avant la commission Paré. Et d'ailleurs la commission Paré, dans son rapport, avait fait allusion aux premières initiatives dans le domaine de l'environnement, qui se sont retrouvées dans la Loi sur la qualité de l'environnement. De sorte que, aujourd'hui, en 1997, il existe un régime particulier pour l'information, la gestion de l'information environnementale. Et il y a, à côté de ça, le régime général, évidemment qui s'applique dans l'ensemble du Québec. C'est le régime de la loi sur l'accès à l'information.

Ce qu'il y a d'intéressant dans le régime de 1978 – le régime de la Loi sur la qualité de l'environnement – c'est qu'il y a deux dispositions: les articles 118.4 et 118.5 qui ont établi des droits en faveur des citoyens, qui leur donnent accès à de l'information en matière d'environnement.

Le 118.4 est une disposition qui dit que toute personne a le droit d'obtenir du ministère copie de tout renseignement disponible concernant les contaminants émis dans l'environnement ou concernant la présence d'un contaminant dans l'environnement. Alors, tout ce qui concerne la présence de contaminants dans le milieu... Et le mot «contaminants», ça couvre tout, hein. Ça couvre les contaminants de l'air, de l'eau, le son, les vibrations, les rayonnements, les odeurs, tout est compris dans ce terme de «contaminants». Alors donc, il y a un droit de savoir qui appartient à tout citoyen, savoir la contamination émise n'importe où dans le territoire du Québec, et, si cette information est entre les mains du ministère, le citoyen y a accès.

Pourquoi en est-il ainsi? C'est parce que l'environnement, c'est un bien partagé par la collectivité. C'est l'air que nous respirons. C'est l'eau que nous buvons. C'est le territoire que nous habitons d'une façon globale. Et tout ce qui touche à cet environnement, tout ce qui risque de l'altérer, bien, le législateur a dit: Il y a comme une sorte de présomption que c'est d'intérêt public et que le public devrait savoir les contaminants auxquels il est exposé. Alors, ça, c'est 118.4 qui a reconnu ce droit il y a 19 ans, 1978.

À l'article suivant, il y a une disposition qui prévoit que le ministre tient un registre des demandes de permis, des certificats, des certificats d'autorisation, des ordonnances, des attestations d'assainissement, bref, de toute la documentation administrative touchant à l'application de la Loi sur la qualité de l'environnement. Et pourquoi est-ce qu'on a mis cette disposition-là de façon particulière? C'est parce que, dans cette loi, en 1978, le législateur a reconnu aux citoyens un droit à la qualité de l'environnement.

Alors, pour exercer et mettre en oeuvre son droit à la qualité de l'environnement, le citoyen a le droit d'avoir accès à de l'information. Et, comme dans les mécanismes de mise en oeuvre du droit à la qualité de l'environnement, on permet aux citoyens de prendre des actions en justice... On permet à n'importe quel citoyen, même s'il n'a pas d'intérêt particulier dans une affaire, de demander un recours en injonction à la Cour supérieure. En 1978, on lui permettait même de prendre une poursuite pénale directement – ça a été abrogé par la suite, mais en 1978 c'était reconnu – quand un pollueur commettait une infraction et que les pouvoirs publics, pour une raison ou pour une autre, ne poursuivaient pas. Alors, pour pouvoir agir, ça prenait de l'information. Pour ne pas faire perdre le temps des tribunaux ou faire perdre son temps à lui et agir contre des personnes qui agiraient dans la légalité, le législateur a dit: On va vous donner un accès aux documents qui démontrent la conformité ou la non-conformité d'une activité aux dispositions de la Loi sur la qualité de l'environnement.

Il y avait également un autre forum d'accès qui était prévu en 1978. Il y a eu création du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement et aussi le droit d'intervenir en Commission municipale dans le cadre de procédures d'appel de décisions rendues à partir de la Loi sur la qualité de l'environnement.

Alors donc, il y a eu tous ces droits qui ont été reconnus aux citoyens, et le corollaire de ces droits, c'est-à-dire la façon de les mettre en oeuvre: on va leur donner des informations pour mettre en oeuvre ces droits, c'est à ce registre de l'article 118.5. Et donc, c'est là depuis 19 ans.

Il faut dire qu'au ministère cet article a présenté beaucoup de problèmes, beaucoup de problèmes de mise en oeuvre. Ça a pris du temps avant que le registre existe, avant que le registre soit accessible, avant que le registre soit constitué correctement, et ce, pour toutes sortes de raisons: raisons administratives, raisons de priorité, etc.

Quoi qu'il en soit, aujourd'hui il existe un registre, et ce registre est fort utilisé. Il est fort sollicité, puisqu'on me dit que le ministère traite des centaines et des milliers de demandes d'accès à l'information provenant de toutes sortes de demandeurs dans tous les milieux.

Alors, l'accès à l'information environnementale, je crois que c'est une réalité très vivante au sein du ministère de l'Environnement. Et je crois que la Commission d'accès dans son rapport a reconnu ce fait-là.

Là, on propose dans la loi des modifications à ce régime-là, suite notamment à une décision de la Cour du Québec qui avait statué que l'accès qui est reconnu par l'article 118.5, c'est effectivement l'accès au registre qui est prévu et non pas l'accès à chacun des documents in extenso qui servent à constituer le registre. Et là la Commission recommande effectivement d'élargir l'accès et de dire: Bien, s'ils ont accès au registre, ils devraient avoir également accès à tous et chacun des documents. Toutes les demandes de certificat d'autorisation in extenso, tous les rapports techniques afférents, les études économiques, les études scientifiques, tout ce qui est technique, tout ce qui concerne l'élément d'autorisation et tous les autres documents devraient être accessibles à tous demandeurs.

Alors, là, le Centre patronal de l'environnement a des réserves à cet égard, et je vais vous faire lecture de nos recommandations. Certaines de ces recommandations touchent effectivement à cette question que je viens d'aborder. D'autres recommandations touchent à d'autres aspects qui ont fait l'objet de proposition de la Commission d'accès dans son rapport.

Alors, la première recommandation que nous faisons, c'est: Toute intervention législative visant à modifier les règles existantes d'accès aux renseignements fournis au gouvernement par des entreprises, notamment dans le domaine de l'environnement, devrait assurer la confidentialité des secrets industriels et des renseignements commerciaux, industriels, techniques ou scientifiques de nature confidentielle qui appartiennent à celles-ci tout en permettant aux citoyens de connaître les normes environnementales applicables à une activité ainsi que les renseignements relatifs aux émissions de contaminants dans l'environnement.

Alors, la préoccupation que vous voyez dans cette recommandation, c'est effectivement la protection des secrets industriels, la protection de la capacité concurrentielle des entreprises, la protection des renseignements commerciaux, industriels, techniques et scientifiques de nature confidentielle. Ce sont des valeurs ou des choses que le législateur, que la loi d'accès protège déjà, entre autres aux articles 23 et 24 de la loi d'accès. Et cette protection est considérée comme étant très, très importante par les milieux d'affaires parce qu'on y trouve souvent le nerf de la guerre dans l'économie de marché dans laquelle nous agissons. S'il y a des questions effectivement de secrets industriels, il y a des questions de concurrence entre entreprises, il y a des questions de stratégies d'entreprises qui sont soulevées par ça, et il y a lieu d'aborder ces renseignements avec beaucoup, beaucoup de discernement.

Ce que nous croyons que le législateur a effectivement fait quand il a adopté la Loi sur la qualité de l'environnement en 1978 – et je ne vous ai pas parlé d'autres amendements dans cette loi-là en 1978 qui touchaient à la protection des secrets industriels – et je pense que le législateur, en 1982, quand il a adopté la loi sur l'accès, a également reconnu la sensibilité de ces préoccupations en leur donnant un régime de protection particulier mais qui est quand même sujet, poids contre poids, à un examen par un organisme ou même deux organismes publics, à des droits de nature procédurale comme le droit d'être entendu, le droit de faire valoir ses moyens, etc.

La deuxième recommandation se lit comme suit: Par souci d'efficacité, le législateur devrait éviter d'incorporer au régime de l'article 118.5 le régime et la procédure lourde et litigieuse de la loi sur l'accès. Ainsi, le caractère public du registre tenu par le MEF aux termes de l'article 118.5 devrait être maintenu sans que les documents qui y sont mentionnés ne se voient eux-mêmes conférer un caractère public.

Troisième recommandation: L'article 118.5 de la loi pourrait cependant prévoir que les renseignements permettant de connaître les normes environnementales applicables à une activité ont un caractère public et sont inscrites au registre. Cette disposition devrait toutefois indiquer que la confection du registre et son caractère public ne sauraient avoir pour effet de révéler des renseignements visés par les articles 22, 23 ou 24 de la loi sur l'accès.

(9 h 30)

Quatrièmement: À l'instar de ce que prévoit la loi canadienne sur la protection de l'environnement, la loi sur l'accès devrait offrir la possibilité pour une entreprise d'obtenir du ministère une décision anticipée sur le caractère confidentiel des documents et renseignements qu'elle fournit à ce ministère.

Cinquièmement: L'application de l'article 26 de la loi sur l'accès ne devrait pas avoir pour effet de compromettre le respect des droits fondamentaux reconnus par les chartes des droits et libertés que sont, par exemple, le droit à la vie privée, le droit à la présomption d'innocence et le droit à une audition impartiale, droits qui sont, du reste, actuellement protégés par des restrictions impératives de la loi sur l'accès, et je réfère ici, entre autres, aux articles 28 et 53.

L'article 26 – c'est notre sixième recommandation – de la loi sur l'accès devrait être modifié afin de prévoir clairement que, avant de divulguer des renseignements visés par cette disposition qui appartiennent à une entreprise, celle-ci doit être avisée afin qu'elle puisse faire valoir son point de vue et ainsi s'assurer que, dans la mesure du possible, l'information environnementale soit communiquée sans que ne soient révélés ses secrets industriels et autres: commerciaux, techniques, scientifiques et confidentiels.

Septième recommandation: La notification des tiers par avis public ne devrait être autorisée que dans les cas où l'organisme public concerné ou la Commission d'accès ont été incapables de rejoindre le tiers par le biais de l'avis postal prescrit par la loi. Et ça, ici, c'est une recommandation qui s'inspire de la procédure en cours selon le Code de procédure civile en matière civile.

Huitième recommandation: La loi ne devrait pas être modifiée afin de laisser à la Commission d'accès à l'information la discrétion d'accorder le statut de partie à un tiers qui a fourni des informations confidentielles à un organisme public.

Neuvièmement: La loi ne devrait pas être modifiée afin de restreindre ou d'abolir le droit d'appel des décisions de la Commission d'accès à l'information sur les erreurs de faits déterminantes ou déraisonnables, puisqu'il s'agit d'une garantie essentielle de justice.

Et finalement: Les décisions finales rendues par la Commission d'accès aux termes de la loi devraient être sujettes à appel, c'est-à-dire les décisions qui ne peuvent être remédiées en appel, notamment les décisions interlocutoires portant sur la compétence du tribunal. Et c'est ce que prévoit d'ailleurs la loi à l'heure actuelle.

Alors, voilà, messieurs, l'essentiel des préoccupations que nous voulions partager avec vous ce matin. Nous souhaitons que le législateur soit attentif aux préoccupations que nous véhiculons et aux recommandations que nous vous soumettons aujourd'hui. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci, monsieur. Vous voulez ajouter?

M. Cloghesy (Michael): Oui, j'aimerais demander, M. le Président et membres du comité, que Me Roberge fasse quelques commentaires.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Allez-y, Me Roberge.

M. Roberge (Jean): Merci. Je serai bref. D'abord, je veux renouveler le fait que nous croyons au droit de savoir. C'est important. Mais on croit aussi que le ministère de l'Environnement, dans l'application de sa loi, ses règlements, exerce ce droit de savoir dans le cadre de l'application de la loi et peut poser toutes les questions qu'il a besoin de savoir dans le cadre de l'émission d'un certificat d'autorisation, par exemple. Mais ce droit de savoir, qui est exercé en partie par l'autorité publique, existe aussi pour le citoyen et il est balisé par les articles que mon confrère Me Piette a mentionnés: 118 et les autres.

Ces balises ont établi un équilibre entre le droit de savoir et le besoin de gérer la question environnementale avec l'application de la Loi sur la qualité de l'environnement. Et c'est un équilibre auquel il faut porter beaucoup d'attention et être prudent pour ne pas débalancer. Par exemple, si une ouverture était mise sur la table pour amender la loi d'accès à l'information, qu'est-ce qu'il va advenir de tous les renseignements qui ont été confiés au ministère de l'Environnement sans la mention de confidentialité? Parce qu'une protection est établie et que les cadres sont connus. Alors, il y a une ouverture, une application dans le temps, qui nous embête en partie.

Un autre élément sur lequel aussi je voulais attirer votre attention, c'est: Dans un esprit de déréglementation, pourquoi on ne dirait pas aux parties intéressées: Si vous voulez avoir de l'information à propos d'une entreprise, d'une association ou d'une activité quelconque, adressez-vous d'abord à ce citoyen, à cette corporation. Si vous avez un refus, bien, venez voir l'autorité quasi judiciaire.

Il me semble que ça serait beaucoup plus simple plutôt que de faire intervenir un organisme quasi judiciaire qui fait des avis, pas dans les journaux, qui écrit des lettres ou appelle les gens concernés. Ce serait bien plus simple. Et la relation environnementale entre un citoyen intéressé et une corporation ou un autre citoyen serait beaucoup mieux servie de cette façon-là.

Alors, c'est les quelques commentaires que je veux vous faire.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci. M. le ministre.

M. Boisclair: Je vous remercie pour votre présentation; saluer M. Piette qui, si j'ai bien compris, a été longtemps au ministère de l'Environnement, donc riche de son expertise.

Je voudrais d'abord vous dire que les recommandations seront étudiées. Elles ne sont pas neuves aux yeux des membres de la commission, puisque l'Association des manufacturiers a soumis des représentations qui étaient fort similaires aux vôtres. Donc, nous comprenons qu'il y a convergence de vues sur cette question.

Je voudrais peut-être profiter de votre passage avec nous pour faire le point un peu sur l'article 26. Vous nous dites que l'article 26 devrait être étendu. Est-ce que l'article 26, dans le quotidien, auprès de vos membres, est un article qui est souvent invoqué par les autorités pour avoir accès à des documents? L'article 26 qui fait en sorte que, lorsqu'il y a un risque immédiat pour la santé et la sécurité, malgré certaines dispositions de la loi sur l'accès, un organisme ne peut refuser de rendre public? Est-ce que vous avez des membres qui auraient été visés par cet article, par l'entremise, bien sûr, du ministère de l'Environnement?

M. Piette (Jean): Je ne sache pas que nous ayons recommandé d'élargir la portée de l'article 26.

M. Boisclair: Je croyais, au contraire... À la page 10 de votre mémoire: «L'élargissement de la portée de l'article 26...»

M. Piette (Jean): Ah oui! Mais ça, c'est la Commission qui recommande ça, et, au contraire, notre position là-dessus en est une de réserve. Et le Centre patronal n'est pas d'accord avec la modification au statut de l'article 26 qui est proposée par la Commission. Le Centre patronal estime que l'article 26, conçu comme il est, avec un souci d'équilibre entre, d'une part, la protection des renseignements confidentiels des entreprises techniques, etc., et, d'autre part, la préoccupation légitime du citoyen pour des choses ayant trait à sa santé et à l'environnement, on estime que le régime qui est prévu est un régime fondamentalement satisfaisant.

Ce qu'on dit à propos de ce régime-là, c'est qu'on devrait le maintenir tel quel, sauf peut-être donner le droit du tiers, qui est visé, d'être entendu avant que la décision ne soit rendue. Alors, c'est la seule modification que nous recommandons à l'article 26.

M. Boisclair: Sur la question de l'article 118.5 et sa portée, il y a une décision de la Commission et des tribunaux qui indique que c'est uniquement le registre qui est public. Vous le soulignez. Si jamais on décidait de faire des modifications pour faire en sorte que l'ensemble des documents – pas uniquement le registre – soient publics, est-ce que vous auriez des recommandations à nous faire quant à la portée des articles 21 et suivants de la loi sur l'accès, pour faire en sorte qu'on puisse véritablement avoir ensemble le même objectif? Il est clair que nous ne voulons pas que des secrets industriels qui peuvent nuire à la compétitivité d'une entreprise soient rendus accessibles. La question est donc de savoir: Est-ce que les articles 21 et suivants sont des articles à portée suffisamment large pour éviter que les problèmes que vous voulez éviter puissent véritablement être évités?

M. Piette (Jean): Je pense que ces articles-là, effectivement, pour l'ensemble des documents sous des informations soumises par des tiers au gouvernement, offrent des protections adéquates. Ça, on doit reconnaître ça.

La proposition de la Commission cependant, telle que nous l'avons comprise, ne prévoyait pas que toutes ces protections s'appliqueraient au régime qu'elle propose pour l'article 118.5. Au contraire, on semble vouloir en limiter ses protections, et il y a des articles auxquels on ne fait pas allusion, comme les articles 22, 28, 37 et 39, qui offrent des protections et qui, selon nous, devraient également s'appliquer.

Cependant, nous avons des objections à la recommandation de la Commission. Nous ne trouvons pas, pour tout vous dire, que c'est une recommandation adéquate qui répond aux besoins sous-jacents à l'article 118.5. Nous croyons que ces recommandations-là, qui s'inscrivent bien dans la logique de la loi sur l'accès, cadrent mal avec la logique et l'économie propres à la Loi sur la qualité de l'environnement.

Et cette économie-là – j'ai essayé de l'expliquer tout à l'heure, je ne me souviens pas si vous étiez là quand j'ai donné mon explication – c'est le fait que, d'une part, le législateur dans la loi sur l'environnement a reconnu au citoyen un certain nombre de droits, des droits qu'il peut mettre en oeuvre devant les tribunaux judiciaires et devant des organismes administratifs comme la Commission municipale du Québec ou le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement. Pour nous permettre cette mise en oeuvre, il doit avoir de l'information.

(9 h 40)

Donc, il faut qu'il y ait un lien entre les deux. Il faut également que le mécanisme d'accès à l'information soit simple. Il faut qu'il soit le plus direct possible. C'est pour ça que, quand on regarde 118.4, 118.5, il n'y a pas beaucoup de procédure, là-dedans. Il n'y a pas beaucoup de mécanismes de poids, de contrepoids, de droit d'appel, de droit de révision, etc. On a tenté de reconnaître des droits, à l'intérieur de certaines limites, certes, mais de la façon la plus claire possible, tous les droits ou toutes les informations utiles pour mettre en oeuvre les droits substantifs de la Loi sur la qualité de l'environnement: le droit de connaître la qualité de l'environnement; la présence de contaminants dans le milieu; les émissions de contaminants de toutes les sources ponctuelles ou les sources diffuses qui existent, de toute nature, dans l'ensemble du Québec. Et le droit est reconnu. Il est balisé par les termes employés par le législateur, mais il n'y a pas de procédure.

Introduire, dans l'article 118.5, la procédure de la loi sur l'accès avec les restrictions, les notifications, les droits de révision, etc., me semble-t-il qu'on se crée une mécanique lourde qui détonne avec les objectifs et l'économie de la Loi sur la qualité de l'environnement. De sorte que nous favorisons une autre approche que l'approche de la Commission qui vous dit... qui se comprend bien dans le cadre de la loi d'accès, qui se comprend bien, compte tenu des préoccupations de la Commission d'accès à l'information, pour l'ensemble de la problématique d'accès à l'information dans tout l'appareil gouvernemental au Québec.

Mais le cas de l'environnement est un cas particulier. Il y a une loi qui reconnaît des droits, puis il faut qu'il y ait de l'information pour permettre la mise en oeuvre des droits. Donc, on se dit: 118.4 donne une bonne part d'information. Et je pense que les citoyens... D'ailleurs, vous devriez voir le nombre de citoyens qui réclament des informations selon 118.4. C'est un outil extrêmement utile pour le citoyen qui veut connaître la qualité de son environnement, et 118.4 est abondamment utilisé. Il n'y a pas de fla-fla, il n'y a pas de révision, puis tout ça. Il y a une demande claire qui est formulée auprès du ministère. Si la demande est recevable, les gens reçoivent leur information. Même si elle provenait d'une entreprise et que l'entreprise pourrait dire: Bien, c'est confidentiel, etc., non. Si ça concerne des contaminants dans le milieu ou des émissions de contaminants dans le milieu, il y a une présomption reconnue par le législateur que cette question de contamination du milieu est d'intérêt public.

Et, nous, ce qu'on pense, c'est que, là, il faudrait agir. Ça peut être cette commission-ci qui fasse des recommandations en ce sens-là ou ça peut être le ministre de l'Environnement qui s'en charge. Il devrait agir au niveau du registre parce que, finalement, c'est le registre qui crée le problème. La loi prévoit la création d'un registre. Le registre est censé donner les informations dont les citoyens ont besoin pour mettre en oeuvre les droits substantifs que leur reconnaît la Loi sur la qualité de l'environnement. Et les gens disent: On ne trouve pas dans le registre vraiment toutes les informations dont on a besoin, d'où ces demandes qui ont été faites. On voudrait avoir tout le document. On veut avoir tous les certificats d'autorisation. On veut avoir tous les documents qui accompagnent les certificats d'autorisation. Finalement, pour une entreprise, on peut demander huit pouces de documents. Parce que vous devriez voir certaines des demandes de certificats d'autorisation, ce n'est pas trois feuilles de papier, c'est des rapports techniques, des études techniques, rapports par-dessus rapports, rapport sur phase I, rapport sur phase II, études complémentaires, tout ça. Et le processus d'autorisation d'un projet peut, des fois, s'échelonner sur des semaines, des mois, des fois même des années. Alors, ça donne lieu à des dossiers très complexes, et les gens veulent avoir accès à toute cette documentation.

Mais, finalement, ce qui est important pour le cadre de la Loi sur la qualité de l'environnement, c'est: Quelle est vraiment l'information dont on a besoin pour mettre en oeuvre les droits de la Loi sur la qualité de l'environnement. Et, moi, je pense qu'on devrait agir au niveau du registre. Je pense qu'on devrait... Le législateur pourrait même prescrire dans la loi comment le registre devrait être tenu. Et, à l'heure actuelle, le registre, il y a peu de chose dedans. Vous pourriez le consulter, le registre. Pour une fois, vous verriez ce qu'il y a dedans. Il y a le nom du demandeur, son adresse...

M. Boisclair: Je vais vous arrêter ici parce qu'il y a d'autres de mes collègues... Je m'excuse, compte tenu des règles de temps, d'autres de mes collègues voudraient poser des questions, puis on doit y aller avec l'alternance. Alors, je vous remercie pour ces précisions.

M. Piette (Jean): Je vous en prie.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Alors, M. Cloghesy, Me Piette, Me Roberge, merci beaucoup pour votre présentation. Je vais y aller sur le sujet qui était abordé vers la fin, parce que j'entends des paroles qui nous rassurent quant à la compréhension du Centre patronal de l'environnement des buts, des objectifs de la loi. Cependant, je m'étonne quand j'entends, notamment, Me Piette nous dire qu'on va changer. Puis il propose de changer des questions de procédure, ce qui, à notre sens, M. le Président, viendrait rendre la mécanique vraiment beaucoup plus lourde qu'elle ne l'est déjà. Et souvent le fond suit la forme dans ces questions-là. Et, si la forme de la procédure prévue devenait aussi lourde que ce qui est proposé, il me semble que ça deviendrait presque inapplicable pour le citoyen qui désire savoir.

Par exemple, l'élargissement de la portée de l'article 26 de la loi d'accès, j'ai beaucoup de difficultés à suivre le raisonnement du Centre à cet égard-là. L'expérience qu'on a eue jusqu'à date dans cette commission parlementaire était plutôt le contraire: Les gens nous disent déjà que ça prend beaucoup trop de temps pour avoir de l'information.

Alors, j'aimerais m'assurer d'avoir bien compris. Est-ce que le Centre est en train de nous dire que la personne qui a fourni les renseignements devrait avoir l'occasion de faire valoir ses observations avant que la décision ne soit prise? C'est bien ça, la recommandation du Centre?

M. Piette (Jean): Oui, effectivement.

M. Mulcair: M. le Président, je demanderais aux représentants du Centre de nous expliquer leur appréciation – je sais que ça n'a jamais été mis en vigueur – basée sur leur expérience, des délais additionnels que cela ajouterait dans le système, qui est déjà encombré à notre point de vue.

M. Piette (Jean): Pour ce qui est de votre question, j'imagine que vous faites référence de façon particulière à la suggestion que nous avons faite à l'égard de l'article 26, où on recommande que le tiers soit entendu quand ce sont ses renseignements qui sont en cause. À l'heure actuelle, tout ce que la loi prévoit, c'est qu'on avise le tiers – parce que c'est ça, notre recommandation, il ne faut pas se méprendre là-dessus – qu'on doit simplement aviser le tiers quand on veut se prévaloir de l'article 26. Le Centre recommande que non seulement on avise le tiers, mais qu'il ait le droit d'être entendu.

C'est évident que ça peut nécessiter un délai supplémentaire, d'être entendu, dans ce cas-là. Ça ne nous semble pas exagéré, compte tenu du fait que, avec l'article 25, on va balayer les articles 23 et 24 de la loi. Ils sont vraiment balayés à cause du fait que quelqu'un évoque une préoccupation à l'égard de la santé ou de l'environnement. Et, compte tenu de ce fait-là, ça nous semblerait logique et légitime que le tiers, dont les informations confidentielles, techniques, commerciales, etc., ou dont la capacité concurrentielle est en jeu, ait l'occasion d'être entendu. C'est tout ce qu'on demande. C'est d'être entendu. L'organisme prendra ses décisions.

Et, s'il y a un caractère d'urgence, quand on parle d'un risque immédiat pour la santé, je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas prévoir une procédure expéditive, plus rapide et des délais plus courts pour traiter des objections dans ce cas-là. Il faut dire que le CRTC... À l'heure actuelle, il y a des gens qui ont dit que M. Arthur ne devrait pas faire ce qu'il fait, compte tenu du fait qu'il est candidat à la mairie à Sainte-Foy; bien, il y a une procédure très rapide pour entendre la plainte du citoyen. En Cour supérieure, devant les tribunaux civils, quand il y a une question d'urgence, il y a des procédures rapides pour que des affaires soient entendues par préférence. Et, compte tenu du nombre de cas où on pourrait utiliser l'article 26, ça ne me semblerait pas déraisonnable qu'on reconnaisse le droit du tiers d'être entendu quand ce sont ses informations qui risquent d'être balayées ou d'être divulguées; mais qu'on prévoie une mécanique, des délais plus courts par exemple, pour qu'il soit entendu rapidement. Je pense que personne ne s'objecterait à ça.

(9 h 50)

M. Mulcair: Le problème que, nous, on voit avec ça, M. le Président, c'est que l'expérience démontre que, malgré les bonnes intentions de vouloir accélérer, et tout ça, quand les entreprises, justement – que ce soit Hydro-Québec, dans le secteur péripublic, ou que ce soient des entreprises privées – quand l'entreprise a les moyens et les avocats d'Ogilvy ou les avocats de Lavery, c'est évident qu'on est capable de faire durer ça le temps qu'on veut. Il me semble que ce n'est pas déraisonnable non plus pour les entreprises de prendre acte du fait qu'en fournissant certaines informations dans ces buts-là leurs conseillers juridiques peuvent leur dire: Écoutez, sachez qu'aux termes de la législation québécoise existante, afin de protéger l'environnement et la population, il est possible que certains aspects de cette information-là, si ça contient des secrets, vont être rendus publics. Il y a d'autres barrières qui existent pour ne pas que ces secrets industriels soient dévoilés.

Mais je voudrais aussi – c'est relié – aller sur une autre question qui touche aux délais, et je citerais la page 18 de votre mémoire, lorsque vous dites à propos de l'abolition de tout droit d'appel sur les faits: «En effet, une société ne saurait tolérer que des justiciables ne puissent contester devant les tribunaux des erreurs factuelles déterminantes ou déraisonnables au risque de cautionner l'injustice.» Et vous poursuivez: «L'expérience démontre qu'à plusieurs reprises la Cour du Québec a eu à intervenir sur des questions de fait parce qu'elle a conclu, après analyse de la preuve, selon les critères d'équité judiciaire, que la Commission avait commis une erreur d'appréciation déterminante ou déraisonnable.»

Vous avez raison. Le Centre a raison de nous signaler ça. Cependant, l'Assemblée nationale a adopté, forte de deux ans de débat et des plus longues commissions parlementaires qu'on avait vues depuis un bon moment... On avait vu ici l'adoption du projet de loi sur le nouveau Tribunal administratif du Québec, où le gouvernement en place a balayé, pour ce qui est du citoyen, son droit d'appel dans la quasi totalité des cas qui étaient déjà prévus aux termes de la législation, souvent justement des appels à la Cour du Québec. Le raisonnement qui a prévalu, c'était que le citoyen n'avait pas besoin d'un droit d'appel parce qu'il allait devant une personne qui possédait une compétence beaucoup plus spécialisée dans chacun de ces domaines-là. Et les cas les plus graves pouvaient toujours faire l'objet d'une demande d'évocation à la Cour supérieure, avec les règles strictes que l'on connaît aujourd'hui.

Il n'y a pas eu de centre populaire pour l'environnement ou autre qui soit venu évidemment plaider pour les citoyens. C'était plutôt à l'opposition d'essayer de faire ce travail-là. Mais la décision est prise, la législation est adoptée dorénavant. J'aimerais entendre les représentants du Centre sur cette question-là nous dire: En vertu de quel principe d'équité, dans une société démocratique comme la nôtre, est-ce qu'on devrait accorder plus de droits d'appel aux entreprises, lorsque ça va dans leurs intérêts face à l'administration, que l'on en donne aux citoyens dans leurs affaires vis-à-vis de l'administration?

M. Roberge (Jean): Si je peux dire, ce n'est pas un droit d'appel dont on parle, c'est un droit de s'exprimer. Si un tiers demande des renseignements sur mon entreprise, je trouve tout à fait normal que l'entreprise puisse dire: Ces informations que vous demandez ont un caractère commercial important pour moi, ou sont brevetées, ou il y a un problème à les communiquer, un problème économique.

M. Mulcair: M. le Président, avec respect pour Me Roberge, il est en train de parler de nos discussions antérieures sur l'article 26. Nous, on est en train de parler de la proposition n° 5 qui paraît à la page 18 de leur mémoire concernant l'abolition de tout droit d'appel sur les faits.

M. Roberge (Jean): Ah! Le droit d'appel sur les faits. Effectivement, le droit administratif a modifié beaucoup de choses, mais c'est une consécration de la jurisprudence où des appels sur des faits, ça a été mis de côté depuis un petit bout de temps, et la réforme du droit administratif fait écho à cela. Ici, évidemment la Commission recommande de ne pas avoir d'appel sur des faits, et je pense que c'est dans la même ligne de pensée que les amendements au droit administratif. Il me semble que c'est la même chose.

M. Piette (Jean): Par contre, je pourrais peut-être ajouter qu'on n'a pas fait de comparaison dans notre mémoire entre le régime de la nouvelle loi sur les tribunaux administratifs et le régime. On a situé nos commentaires dans le cadre prévu par la loi sur l'accès.

M. Mulcair: J'essaie juste de sensibiliser nos invités, M. le Président, au fait que le législateur a pris une position récemment qui dit: Quand le citoyen est face à l'État, où il y a déjà une inégalité des forces, le citoyen n'a plus de droit à l'appel. Le Tribunal administratif du Québec, le raisonnement, c'est: C'est spécialisé, comme la Commission d'accès est spécialisée. Puis, même si nos invités disent avec raison que la Cour du Québec a eu à intervenir, ce n'est pas de génération spontanée qu'ils ont eu à intervenir. C'est avec des demandes formulées par des avocats. Puis un juge de la Cour du Québec, souvent face à un groupe populaire ou à un groupe de citoyens et des avocats en batterie comme ça devant lui, c'est une autre game, alors que la Commission d'accès qui avait sa mission regardait la loi à sa manière. On vient d'enlever aux citoyens leur droit d'appel en matière administrative face à l'État.

Ici, on ne propose même pas d'enlever le droit d'appel. C'est beaucoup plus timide, ce qui est proposé par le gouvernement, par la Commission, parce que ce n'est pas encore sous forme de projet de loi. Eux, ils disent: Au moins, là, enlevez les appels sur les questions de fait; allons-y sur les questions strictes de droit.

Moi, je vous avoue, M. le Président, que notre formation politique est très sympathique à l'idée formulée par la Commission et on ne demande qu'à être convaincus du contraire par le Centre qui est avec nous aujourd'hui. Mais j'irai plus loin. Moi, je trouve intrinsèquement difficile de soutenir la position de la Commission, étant donné ce que je sais sur le Tribunal administratif du Québec. En clair, je vois difficilement pourquoi le gouvernement, par exemple Hydro-Québec qui veut bloquer de l'information, aurait plus de droit d'appel des décisions d'une commission spécialisée, comme la Commission d'accès, que ne l'aurait le citoyen face à l'État. Il me semble que l'État se justifie ici pour lui-même, pour les entreprises et donne les choses que le citoyen n'a pas. C'est sur cette question-là que j'aurais voulu avoir la réflexion de Me Piette, notamment.

M. Piette (Jean): Comme je vous dis, moi, je ne suis pas tellement familier avec la décision. C'est une loi que je n'ai pas eu l'occasion d'étudier, la loi sur les tribunaux administratifs. Je reconnais cependant d'emblée que le législateur doit manifester un souci de cohérence dans les lois qu'il adopte.

Vous dites qu'on a enlevé certains droits de contester les décisions dans le cadre de la loi sur les tribunaux administratifs. Vous dites: Pourquoi est-ce que les entreprises devraient avoir plus de droits? Je devrais souligner cependant que les droits qui sont évoqués ici, ce n'est pas seulement des droits des entreprises. Certes, nous, on représente des entreprises, mais n'importe quel individu, municipalité ou autre personne est titulaire de ce droit d'appel. Donc, ce n'est pas un droit d'appel pour des entreprises.

C'est simplement savoir si c'est pertinent ou cohérent, compte tenu du régime de droits que l'Assemblée nationale veut accorder aux citoyens dans les questions d'appel en matière administrative, que les questions d'appel sur les questions de droit et de compétence comprennent tout ce que le droit administratif a rentré sous la définition de question de compétence. Là, ce qui est évoqué, c'est qu'on trouve que le droit administratif en met trop dans cette notion de compétence, entre trop dans les questions de faits déterminantes ou déraisonnables. Et je crois comprendre qu'on veut évacuer ça ou limiter le contenu des questions de compétence.

Alors, pour nous, comme Centre patronal, on était satisfait des droits d'appel qui étaient prévus. Les questions de compétences telles que développées par la jurisprudence nous conviennent parce que c'est évident que ça donne plus de droits, plus de recours. Puis je pense que des citoyens, généralement, tant des personnes morales que des individus, aiment ça jouir de mécanismes pour faire valoir leurs droits. Alors, c'est tout simplement normal, je pense, d'être attaché à un droit d'appel qui était reconnu par la loi et de manifester un intérêt et...

M. Mulcair: Tout à fait. Je trouve, moi aussi, tout à fait normal que le Centre soit attaché à son droit d'appel. Cependant, je tenais à sensibiliser le Centre au fait que, tant est du côté du gouvernement, tant est du côté de l'opposition, jusqu'à date, on avait un oeil plutôt sympathique pour la proposition de la Commission. De notre côté, on va tenir le gouvernement pour donner des comptes sur sa façon d'aborder la question parce qu'ils ont enlevé des droits d'appel pour les citoyens, et ça nous a aidé beaucoup, d'avoir votre point de vue là-dessus.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci. M. le député de Vachon.

M. Payne: Merci, M. le Président. Merci au Conseil d'être venu nous rencontrer. Moi, j'ai l'impression – j'ai plutôt l'impression, mais votre mémoire ne me corrige pas dans mes sentiments – qu'on est en train de banaliser un principe consacré dans nos lois et nos droits constitutionnels, à savoir que nul ne doit mettre en péril sa santé ou sa vie.

Quand vous dites que la notion de risque immédiat pour la santé ou l'environnement a un caractère éminemment vague et subjectif, j'ai l'impression que vous voulez sous-estimer son importance. Je voudrais que vous puissiez, d'une façon très brève et très succincte pour le bénéfice de mes électeurs... Quelles sont les circonstances, dans votre expérience concrète, où vous avez subi ou vos membres ont subi des préjugés directs à cause de l'application de l'article 26?

(10 heures)

M. Piette (Jean): M. le Président, sur cette question-là, je ne pourrais pas vous citer de cas où de nos membres auraient subi un préjudice par l'application de l'article 26. Il y a un certain nombre de cas où on a appliqué l'article 26 – dans les recueils de jurisprudence, on peut les trouver – et je ne crois pas que ça ait donné lieu à des abus. Je dois vous signaler d'ailleurs que notre recommandation... Nous, on ne demande pas de le changer, l'article 26, sauf d'ajouter un droit d'être entendu. Parce qu'il pourra arriver des cas où, nous semble-t-il, à cause des mots vagues qui sont employés, des tiers voudront s'exprimer, voudront éclairer le ministère ou la Commission d'accès sur les enjeux, sur les questions de santé et d'environnement. Et je pense que la décision de l'organisme n'en sera que meilleure si les gens ont l'occasion de s'exprimer là-dessus.

M. Payne: D'accord.

M. Piette (Jean): Comme tel, on ne demande pas de changer l'article 26, là, mais on disait: Sauf sur cette question du droit d'intervenir.

M. Payne: Bien, je vous remercie pour votre franchise qu'il n'y a pas de cas spécifique, que vous pouvez évoquer devant la commission, de préjudice auprès de vos membres.

M. Piette (Jean): Effectivement.

M. Payne: Bon, j'arrive à ma question. Je voudrais créer une situation qui n'est pas vague, qui n'est pas subjective peut-être, mais, de toute manière, il s'agit de quelque chose qui relève de l'intérêt public. Disons que dans mon comté il y a un incendie majeur sur une montagne de pneus, et des électeurs respirent cet air-là soupçonné d'être contaminant, toxique. Ça pourrait être un exemple, ça, mais peut-être, votre mémoire... Vous vous rappelez un cas vrai, qui s'appelle Saint-Amable, ou qui pourrait vous rappeler maintenant qu'il existe une discussion publique, c'est dans le public, il s'agit de La Salle. Vous suggérez d'ajouter un délai supplémentaire au moment où quelqu'un met en question la question de santé et un risque immédiat pour la santé et l'environnement. Et vous voulez ajouter un délai. Or, on sait fort bien que, dans ces circonstances-là, «time is of the essence». On avait un cas dernièrement, à Toronto, de «Legionnaire's disease», comme on dit en français: la maladie du légionnaire. Vous qui voulez simplifier les procédures, vous dites: On va ajouter une contrainte au moment où la vie et le risque est à son maximum. Pouvez-vous commenter?

M. Piette (Jean): Oui. Tout d'abord, pour faire allusion aux cas que vous mentionnez, le citoyen qui veut avoir de l'information a deux mécanismes devant lui. Il a deux recours possibles.

M. Payne: Ne me parlez pas de registre, parce que c'est très limité, hein!

M. Piette (Jean): Non, pas de registre, je parle de l'article 118.4, qui n'est pas un registre. L'article 118.4, c'est accès direct, sans ambages, à de l'information sur les contaminants de l'environnement. Alors, moi, je dirais au citoyen: Utilisez l'article 118.4, il n'y aura pas d'objection possible, sauf le cas de l'article 28, là. Mais 118.4, c'est la voie royale pour obtenir cette information.

C'est d'ailleurs une des raison – et je voulais mentionner ça tout à l'heure à M. le ministre – pour laquelle l'article 26 n'a pas tellement été utilisé, croyons-nous, dans les 10 ou 15 dernières années. C'est qu'il y a un mécanisme alternatif, 118.4, qui est rapide, qui n'est pas procédurier et qui permet aux gens de savoir, de tout connaître sur la contamination du milieu: eau, air, sol, bruit, odeur, polluant toxique, non toxique, etc. Tout est compris là-dedans. Et les gens se sont prévalus beaucoup plus de l'article 118.4 que de l'article 26 parce que c'est un meilleur accès.

M. Payne: Prenons mon exemple...

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): En vous rappelant, M. le député, qu'il vous reste deux minutes.

M. Payne: O.K. Je vais finir là-dessus. Prenons mon exemple. Si je suis un citoyen, un regroupement, un organisme à la défense de l'environnement, je dois communiquer avec le ministère de l'Environnement. Effectivement, il y a l'article 118 de la Loi sur la qualité de l'environnement, 118.4. Est-ce que c'est toujours nécessairement suffisant? Le registre est très limité. Ce qui suit, c'est-à-dire il fait partie du même article, 118.5, c'est le registre. Puis le registre n'est pas parfait. Ce n'est pas nécessairement complet non plus. Donc, il y a un autre recours qui est plus rapide, plus important, mais vous voulez ajouter un délai.

M. Piette (Jean): Comme je vous dis, le registre, quant à moi, n'a aucune pertinence pour la question que vous posez.

M. Payne: Je n'ai pas dit ça. J'ai dit: Ce n'est pas nécessairement complet.

M. Piette (Jean): Oui. Ça, on est tout à fait d'accord. Mais la question que vous posez, c'est 118.4, la réponse. Alors, le registre n'est pas pertinent dans ce cadre-là. Et, dans 118.4, les gens auront leurs informations. S'ils veulent avoir des choses autres que 118.4, effectivement, là ils peuvent utiliser l'article 26.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Une minute.

M. Payne: Mon exemple pour la maladie du légionnaire... Parce que la portée de l'article dépasse de loin les questions environnementales, mais plutôt la santé de l'individu.

M. Piette (Jean): Là encore, si on parle de la maladie du légionnaire, c'est une bactérie qui se propage dans l'environnement, donc c'est un contaminant de l'environnement, et l'information peut être disponible par l'article 118.4. C'est la bactérie qui est la cause de la maladie.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci. M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci. En terminant, je veux juste remercier sincèrement les représentants du Centre patronal de l'environnement pour leur mémoire réfléchi, qui démontre qu'ils ont beaucoup d'expérience en la matière, qui prend très évidemment et très naturellement et correctement le point de vue de leur clientèle. Il y a plusieurs éléments de votre mémoire qui vont alimenter notre réflexion.

Sans être d'accord avec vous sur l'article 26, je pense qu'il devrait peut-être y avoir un moyen de laisser savoir aux gens – peut-être d'une manière péremptoire – que leurs documents, s'ils les soumettent, vont être rendus publics. Il y a peut-être quelque chose comme ça qui pourrait être regardé.

Le point de vue de l'industrie qui a des secrets, qui a développé des méthodes, des techniques dans un marché de concurrence libre, ce n'est pas normal que ça, ça soit rendu public si ce n'est pas nécessaire de le faire ou si on n'offre pas de protection en retour. Tout le système de propriété intellectuelle qu'on a développé depuis un siècle a permis l'explosion, en termes technologiques et autres, de créer énormément de richesses. Une partie du «deal», si vous me passez l'expression, ça a été: Vous rendez ça public par votre demande de brevet, puis on va vous protéger. Ici, on est en train de dire: Il y a une problématique publique, il y a une priorité publique de santé, rendez ça public, puis on ne protège pas vos informations.

À certains égards, on comprend, on est sensible à la préoccupation du Centre. Mais, comme tout bon problème de cette nature-là, il y a toujours du pour et du contre, et c'est la manière d'arriver à une solution qui protège des choses qui méritent aussi d'être protégées. Parce que c'est une valeur aussi dans notre société de dire: On a créé une économie basée sur la concurrence, et il faut mettre des balises pour protéger les gens qui, de bonne foi, jouent le jeu de la concurrence et protéger l'environnement et la population. Vous avez amené beaucoup d'eau à notre moulin – de l'eau propre – et on vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): M. Piette.

M. Piette (Jean): Je dois vous dire qu'on est bien satisfait de la préoccupation que vous évoquez et on souhaite que le gouvernement ou la Commission trouve des solutions de compromis qui puissent accommoder les préoccupations que vous avez évoquées.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): M. Cloghesy, quelques secondes.

M. Cloghesy (Michael): Quelques mots de fin. On vous remercie, M. le Président, les membres du comité, et j'aimerais vous laisser avec des mots de conclusion qui vont clarifier notre position. Nous sommes un organisme qui est responsable. On ne vise aucunement à cacher des informations essentielles au public. Ça, c'est sûr et certain. Ce n'est pas notre objectif. C'est vraiment uniquement de protéger des droits d'information qui sont essentiels à l'industrie, qui ne vont en aucun sens dans le domaine de santé et environnement. Donc, on veut trouver des moyens vraiment plus efficaces, comme le suggère M. le député, peut-être un système beaucoup plus modernisé qui vise à clarifier quelles informations sont confidentielles, lesquelles ne le sont pas, donc, qu'on puisse offrir le dossier au public le plus rapidement possible. Voilà. Merci beaucoup.

(10 h 10)

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci infiniment de votre contribution à nos travaux.

J'invite les représentants, représentantes du Service d'aide au consommateur. Donc, bienvenue, Mme Plamondon. Ça me fait plaisir de vous accueillir, madame, ce matin, à nos travaux. Nous disposons environ de 50 minutes ensemble, et le temps que vous prendrez pour présenter votre mémoire que nous n'avons pas, par exemple...

Mme Plamondon (Madeleine): Je n'ai pas de mémoire. J'avais averti M. Jolicoeur. M. Jolicoeur a insisté pour que je vienne quand même vous présenter mes vues et échanger avec vous. Si ça vous va...

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Ça nous va très bien.

Mme Plamondon (Madeleine): Oui? Bon.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Donc, vous avez environ 15, 20 minutes pour la présentation de votre mémoire, et il y aura un échange ensuite entre les deux côtés de la présidence. À vous la parole, madame. Bienvenue.


Service d'aide au consommateur (SAC)

Mme Plamondon (Madeleine): Merci. Permettez-moi de présenter le Service d'aide au consommateur, qui est un organisme à but non lucratif qui a comme objectif de renseigner, conseiller, orienter les gens et les représenter devant tout organisme privé ou public dont cette commission.

Un des dossiers chauds du Service d'aide au consommateur, c'est la protection de la vie privée. On a fait, au cours des années, plusieurs études sur ce sujet-là. On a fait La confidentialité des données dans les institutions financières: est-ce que c'est un mythe ou une réalité , au début des années quatre-vingt. On a fait aussi Le dossier noir de la vie privée: la circulation des données dans le domaine de l'assurance-vie . J'ai participé à plusieurs colloques aux niveaux québécois, national et international. Je suis allée à l'OCDE, cette année, sur la protection de la vie privée et Internet. Tout ça pour vous dire que c'est un de nos plus chers... En conférence internationale aussi, sur la vie privée. Tout ça pour vous dire qu'on est actif dans ce domaine-là, puisque de plus en plus les gens formulent des plaintes à ce sujet-là.

Je voudrais revenir sur la création de la loi. Parce que la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, ça a des répercussions qui sont importantes. C'est clair, quand on vient devant une commission, que je vais être critique. Il y a des commentaires qui vont être négatifs. Je tiens à vous dire que ça a été une victoire pour les groupes quand la loi sur la protection de la vie privée a été instaurée parce que, même si on savait que ce n'était pas la meilleure des lois, si on avait été trop négatifs, si on n'avait pas fait des compromis à ce moment-là, on savait que le lobby était tellement fort vis-à-vis des institutions financières, d'Équifax et d'autres de ce genre-là qu'on ne l'aurait pas eue, notre loi. Donc, on s'est dit: On se reprendra à la révision quinquennale. Et nous voilà.

La protection de la vie privée, on a essayé, dans la loi, de la circonscrire avec le consentement. Le consentement doit être manifeste, libre et éclairé. Dans le moment, à cause de ce formulaire de consentement là, la loi sert de camouflage à une circulation de données, puisque le consentement n'est pas libre ni éclairé.

Je m'explique. Il n'est pas libre parce que, au moment où on le signe, on a besoin d'un service ou d'un bien. Il n'est pas éclairé parce que, s'il était éclairé, on serait éclairé sur l'impact du cumul des consentements qu'on donne un peu partout. De plus en plus, on retrouve un Québec qui est sous surveillance, pas juste avec des caméras qui nous guettent un peu partout dans tous les magasins, et les institutions financières, et partout. Et on ne sait pas pour combien de temps ces gens-là gardent les films, ce qu'ils font avec, de quelle façon ils vont les traiter. Mais je parle surtout des banques de données. On peut constituer une banque de données, mais il n'y a personne qui va vérifier ce qu'il y a dans cette banque de données là.

Les consentements, j'ai apporté quelques formulaires de consentement... C'est des consentements qui ont l'air anodin. On pense que c'est pour la transaction, ce qui était dans l'esprit de la loi, mais ce n'est pas juste pour la transaction parce que autant... Le code de l'Association des banquiers dit: On veut établir une relation d'affaires avec vous. J'ai apporté plusieurs exemples. J'en ai des banques, j'en ai des caisses populaires. La caisse populaire dit: On vous demande un bilan personnel. Mais, dans le bilan personnel, on va vous demander: Je consens à ce que la caisse recueille auprès de toute personne et détienne les renseignements nécessaires. Voyez-vous? De toute personne. Le consommateur, «de toute personne», ça veut dire son voisin, ça veut dire éventuellement de son employeur, de ses collègues de travail, ça pourrait dire n'importe qui.

Évidemment, le gouvernement, ce n'est pas un exemple avec la loi n° 32, où il a brisé le principe de la confidentialité, là, où il a cédé. Et que ça n'ait pas fait l'objet d'un débat public, bien, je trouve que c'est honteux que la loi n° 32 ait passé. C'est peut-être parce que, à un moment donné, c'est, comme on dit en anglais: «Scratch my back and I'll scratch yours.» C'est peut-être pour ça qu'il consent tellement de permissivité à l'industrie. Parce qu'il fait la même chose sur son côté.

Il faudrait que, dans une révision quinquennale, le gouvernement reprenne les principes qui étaient là, au départ, avec la protection des renseignements personnels et voie à ce qu'il y ait une étanchéité autant dans le domaine public que dans le domaine privé, et surtout avec la mondialisation des marchés, avec les fusions, les acquisitions, où on va voir, de plus en plus, le transfert de renseignements personnels un peu partout.

J'ai apporté un article de M. Harbour, de Desjardins, qui dit: Nous, on ne transférera jamais d'un secteur à l'autre des renseignements personnels, à moins d'avoir un consentement. J'ai apporté le code volontaire de l'Association des banquiers, puis il dit: Nous autres, on demande un consentement pour avoir des relations d'affaires. Mais, vous, vous voulez peut-être faire juste un dépôt dans une banque ou dans une caisse. Mais, si la caisse ou la banque dit: Non, nous, on veut faire des affaires avec vous, bien, faire des affaires, c'est vous connaître mieux que votre femme ou votre mari vous connaît.

Et, comme l'économie est fragile dans le moment, on est dans une position, comme consommateur, de vulnérabilité. Le chômage est à la hausse, ça fait les manchettes régulièrement; les faillites aussi. Et la publicité sur le crédit va même jusqu'à vous promettre d'acheter des biens et de les payer en l'an 2000. Il y a certaines publicités qui vont jusque-là. Et après on viendra nous dire que c'est le consommateur qui demande tout ça. C'est que, pour faire rouler l'économie à tout prix puis sauver les commerces, on accepte qu'on défère à un peu plus tard le commencement, si vous voulez, de notre remboursement. Pour ça, pour se donner des garanties, on essaie d'aller chercher le plus d'informations sur vous pour ne pas que vous vous sauviez. Donc, pour ne pas que vous vous sauviez, on essaie de jumeler des données pour essayer de vous rejoindre. Que vous soyez dans une partie du Québec, à l'extérieur du Québec, à l'extérieur de l'Amérique du Nord, on pourrait même vous rejoindre.

Et, comme je le disais, le paysage financier change. Et j'aimerais dire que le consentement, dans le sens qu'il n'est pas éclairé, c'est comme mettre le premier doigt dans l'engrenage, parce que ça amène d'autres consentements. Et là je vais parler de l'industrie de l'assurance.

L'assurance, j'ai apporté un consentement d'un expert en sinistre. Et là on ne s'en va pas chercher juste des petits renseignements. On s'en va chercher quelque chose sur le plan psychologique. Je vais vous donner le consentement. L'assureur: Je consens à ce que l'assureur obtienne verbalement et par écrit tous les renseignements personnels me concernant et relatifs à mes activités, à l'état des risques et aux sinistres qui en résultent ainsi qu'à tout dossier médical, d'hôpital, de psychologue. Bon, et on dit de qui on va aller chercher ça. Et il y a encore le petit «et de toute autre personne». Donc, regardez, là c'est grave. Moi, j'ai questionné, dans le cadre d'une recherche, un médecin qui m'a dit: Je suis mal à l'aise quand un assureur me demande le dossier médical parce que, lors d'une visite, le consommateur, on va lui demander des choses sur sa famille: Est-ce que ça va bien? Vos enfants, est-ce qu'ils ont des problèmes? Y a-t-il du stress? Puis là il met ça dans son dossier. Un dossier médical, c'est ça. Le dossier hospitalier, ça comprend si un homme a eu une vasectomie ou, une femme, un avortement. C'est un dossier hospitalier. Ça n'a rien à voir avec l'assurabilité, voyez-vous. Il y a toutes sortes... On va à la pêche avec un consentement. On ne s'en va pas vérifier une information qu'on a déclarée avec une signature que c'était exact, véridique et que je vous promets, puis je signe que c'est tout vrai. On dit: Non, vous le déclarez, mais je vais aller tout le vérifier. Puis, ce faisant, je vais aller chercher d'autres informations.

(10 h 20)

Et là j'arrive avec un dossier qui est connexe, mais je ne vous repasserai pas ce que j'ai dit à la commission parlementaire sur la loi 134. Mais ce qui regarde la protection de la vie privée avec la loi 134, je vais vous le dire quand même. C'est que, là, on nous parle de réingénierie, de «downsizing» puis de toutes sortes de choses. La réingénierie, en pratique, là, c'est: On ne vous connaît plus. Il faudrait qu'on vous reconnaisse, mais on ne veut plus vous voir. Pour ça, on va cumuler de l'information.

Ça fait que la caisse a décidé de nous offrir – là, je parle des caisses et des banques aussi – les paiements préautorisés, les dépôts préautorisés – parce qu'on ne se rend plus à notre institution financière – et, après ça, on nous demande d'aller au guichet automatique, on multiplie les types de transactions quotidiennes au guichet automatique et, encore là, on vous voit par la vitre. Et là on a décidé de vous envoyer au point de vente et de vous faire faire des transactions au point de vente. Parce que vous pouvez retirer de l'argent au point de vente quand vous voulez avoir un article.

Donc, pour ça, on veut vous ramener après à la caisse ou à la banque pour vous offrir d'autres services. Pour vous offrir d'autres services, il faut vous connaître, et voilà le bilan personnel. J'ai apporté le bilan personnel, et là on vous demande tous vos actifs, votre passif. On vous fait signer les autorisations que je vous ai mentionnées; vos cartes de crédit, avec qui vous négociez. Et là on parle de faire vendre de l'assurance directement dans les caisses et dans les banques.

Ce que j'ai dit au comité permanent des finances vis-à-vis de la vente d'assurances dans les banques, c'est que je trouve dans le moment qu'il n'y a pas assez d'étanchéité dans les systèmes informatiques, dans les accès. D'ailleurs, la Commission d'accès à l'information, dans un document, à un moment donné sur la loi n° 32, disait une phrase qui pourrait s'appliquer aussi dans le secteur privé: Plus on a des gens qui ont accès à une base de données, moins on est capable de les contrôler. Donc, avant de permettre de vendre de l'assurance par une même personne ou à l'intérieur d'un même local, il va falloir qu'on se penche sur le fait qu'il y a un danger pour la protection de la vie privée et qu'on fasse en même temps le même examen de conscience qu'on a fait avec la loi n° 32. J'attends vos questions.

Le Président (M. Garon): M. le ministre.

M. Boisclair: Madame, je voudrais vous remercier. C'est la première fois que j'ai l'occasion, je pense, d'échanger avec vous et je voudrais vraiment vous remercier pour votre témoignage. Je sais que vous avez été une pionnière dans le milieu et que, de longue date, vous vous êtes engagée à la défense des droits des consommateurs. Donc, je voudrais vraiment vous remercier sans doute pour l'ensemble de ce témoignage et, je pense, au nom de l'ensemble des membres de la commission, qui vous ont écoutée avec beaucoup d'attention, et aussi pour la simplicité avec laquelle vous avez défendu votre point de vue.

Je veux d'abord vous rassurer et vous dire que nous sommes déterminés ici, je pense, des deux côtés de cette commission. Nous souhaitons aller plus loin. Nous nous enorgueillissons du fait que nous avons au Québec une loi qui fait école mais que ce n'est pas tout et qu'il nous faut aller plus loin. Nous pensons à une révision des mandats à la Commission, nous pensons à un mécanisme d'évaluation préalable, nous pensons à des choses qui, je pense, seront d'augure à répondre aux attentes légitimes des Québécois et des Québécoises.

Je voudrais vous demander un peu, vous qui connaissez bien le milieu, votre appréciation de la Commission d'accès. Est-ce qu'elle est suffisamment proactive, assez présente sur le terrain? Est-ce que les contacts que vous avez avec la Commission et l'expertise qui s'y développe vous apparaissent être adéquats?

Mme Plamondon (Madeleine): Il y a plusieurs questions dans votre question.

M. Boisclair: Oui.

Mme Plamondon (Madeleine): Les contacts avec la Commission sont bons, puisque, chaque fois qu'on a besoin d'information, on l'a. Si c'est à ce niveau-là, aller chercher de l'information, aller chercher un avis, on l'a. On a réussi aussi, dans le cas d'une compagnie d'assurances, à faire changer les formulaires – justement le consentement, puisque le consentement était abusif – mais il a fallu le faire en notre nom. Je dirais que ce n'est pas assez proactif. Alors, je pense qu'il n'y a pas assez de monde à cette Commission-là, il faudrait donner des budgets supplémentaires plutôt que de penser toujours à couper. Le gouvernement, là où il va mettre ses priorités, il va mettre son argent. Si vous en voulez, de la protection de la vie privée, si vous voulez les voir plus proactifs, mettez de l'argent dedans. Si vous ne voulez pas mettre de l'argent dedans, ne blâmez personne. Parce que, si vous voulez couper, si tout le monde se met à couper 25 % dans ses effectifs, ne leur demandez pas d'en faire encore un peu plus.

Donc, je trouve qu'il n'y a pas assez d'inspections, je dirais de «spot checks» sur la façon dont ça se passe. Ce n'est pas les tout petits qu'il faut aller checker, il faut aller chercher les gros. Il faut aller dans les banques, il faut aller dans les caisses, il faut aller dans les compagnies d'assurances, il faut aller chez les cabinets multidisciplinaires d'assurances, il faut aller voir comment l'information circule. Il faut aller voir parce que c'est là que se brasse toute votre vie. Il faut aller voir comment ça se passe, les échanges, parce que tout l'échange des services financiers, l'échange d'informations financières, s'il y a quelque chose qui est inquiétant, c'est là; et du côté médical aussi. Donc, il va falloir aussi que dans les caisses... Je vous donne un exemple, là. Les caisses populaires ou les banques, quand on nous demande une assurance, que ce soit sur un prêt ou sur une hypothèque, on va nous demander des questions qui sont d'ordre médical. Il n'y en a pas gros, mais il y en a à peu près six, sept d'ordre médical. Ça n'a pas d'affaire à être là. Ça devrait être envoyé directement à l'assureur, ça. Ça fait qu'il faudrait qu'il y ait un formulaire à part. Puis il faudrait que ça soit envoyé directement à l'assureur, que ça ne reste pas dans les dossiers puis qu'ils n'en aient même pas connaissance. Ce n'est pas de leurs affaires, ça; c'est des affaires de l'assureur. Mais il faudrait que la Commission ait des moyens pour ça.

Une autre chose, c'est que la Commission devrait faire plus de débats publics. Puis, quand je dis «publics», ce n'est pas ici, en commission parlementaire; on est entre initiés. Moi, je le sais comment Équifax fait ses cotes. Je le sais que c'est des logiciels de Fair, Isaac, aux États-Unis. Je sais que ces logiciels-là sont vendus partout dans le monde. Je sais qu'ils servent aux banques aussi, ils servent à toutes les institutions financières. Mais est-ce que le consommateur sait de quelle façon il est coté, lui, là-dessus? Ça fait que, si, dans mon dossier, j'ai «cote» avec un chiffre à côté, est-ce que je peux contester? Je ne sais même pas ce que ça veut dire, si je suis un consommateur ordinaire, si je ne me suis pas penché sur la question. Ça fait qu'il faut que vous alliez au-delà de la lettre, mais allez dans l'esprit de la loi, qui est de protéger.

Il faudrait que les consentements... Il faudrait qu'il y ait un nouvel article dans la loi qui dise: Malgré le formulaire de consentement qui est demandé pour les transactions, l'institution ne peut pas recueillir des renseignements qui ne sont pas nécessaires. Elle ne peut pas les conserver. Dans le moment, c'est qu'on les accumule. On amasse des informations. Parce qu'il y a deux écoles de pensée dans le nécessaire – vous n'étiez pas là à ce moment-là, c'est M. Cannon qui était là, mais M. Parent était là. Je me souviens que le «nécessaire», là, on aurait voulu que ce soit «pertinent». Le lobby voulait que ce soit «pertinent». On a gagné «nécessaire». «Nécessaire» pour la Commission, ça veut dire, j'espère, indispensable. Mais allons voir ce qu'il y a dans les dossiers. Est-ce que ce sont des renseignements qui sont toujours indispensables qui restent là ou si on épure ce qui n'est plus indispensable? Mais là ce n'est pas fait, ça. Ça, c'est une faille. Parce que c'était peut-être indispensable à un moment de la transaction, mais ça ne l'est plus à ce moment-ci. Puis ça s'accumule. On accumule des renseignements pour le plaisir d'en accumuler.

Puis, avec l'informatisation, une consommatrice de Montréal nous disait qu'elle a demandé de voir l'écran dans une institution financière, dans une caisse. L'écran lui disait qu'elle faisait affaire avec telle compagnie d'assurance-vie, avec telle compagnie d'assurance-habitation, qu'elle avait loué une voiture. Puis on lui a dit comment la réingénierie s'enlignait. On a regardé des petites icônes. Là, il n'y avait encore rien quand on cliquait sur les icônes. Mais il va y en avoir, voyez-vous! Il y avait une petite auto, une petite maison, un petit sac en papier brun qui dit tous vos emprunts personnels, les cartes de crédit. Qu'est-ce qu'on va mettre quand on va cliquer là-dessus? Qu'est-ce que la Commission sait des plans de réingénierie? Non seulement le public ne sait pas ce que le gouvernement a l'intention de faire, il l'apprend tout de suite, d'un coup sec, mais il y a toutes sortes de plans en cours, là, qui vont changer la façon de traiter l'information. Le public l'apprend dans les journaux.

Mais, dans l'industrie privée, c'est la même chose. On est en train de faire la réingénierie. Êtes-vous là pour vérifier?

M. Boisclair: Quel est le rôle du milieu communautaire, selon vous, et des organismes de défense de consommateurs ou, de façon plus large, des gens qui s'intéressent à la protection des renseignements personnels dans cet appui à une mission gouvernementale? Je suis étonné, moi, madame, de voir qu'il y a peu de gens ou d'associations qui ont une expertise. Les quelques spécialistes, on les connaît, c'est un petit groupe de personnes. Mais est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de véritablement, même avec l'appui de l'État, faire en sorte que ces organismes – le mot anglais qui me vient à l'esprit là: des «watchdogs» – puissent faire de la surveillance? Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu aussi de travailler en complémentarité?

Mme Plamondon (Madeleine): C'est certain, mais ce n'est pas avec les budgets que vous donnez que les groupes vont être capables de faire ça, tu sais!

M. Boisclair: Non, mais c'est peut-être en...

Mme Plamondon (Madeleine): Non, mais je vous dis ça sans animosité, là.

(10 h 30)

M. Boisclair: Non, mais, Mme Plamondon, c'est peut-être aussi en en réclamant, puis en rencontrant les gens, et en en discutant qu'on peut en obtenir.

Mme Plamondon (Madeleine): Oui, mais je rencontrais Nicole Fontaine, la nouvelle directrice de la Protection du consommateur, puis je lui disais que, par exemple, une des initiatives qui n'est pas de l'argent mais qui pourrait être intéressante, ce serait de regrouper les groupes de consommateurs et d'amener des experts dans chacun de leurs domaines discuter de la mondialisation des marchés puis de l'arrivée sur Internet de toutes sortes de personnes ou d'organismes qui vont vous demander des renseignements personnels. Parce que ma visite à l'OCDE, à Paris, au mois de mars, ça ne m'a pas enchantée plus qu'il fallait parce que je suis revenue avec autant de préoccupations que j'en avais en partant. Parce qu'il y a trop de lois. C'est difficile, il va falloir que le Québec se positionne et que les Québécois sachent, quand ils embarquent sur Internet: Est-ce qu'ils sont protégés au Québec? Comment ils sont protégés? Puis, quand ils font affaire avec juste quelqu'un de Québécois ou avec quelqu'un à l'extérieur, quelles sortes de mesures le Québec a prises pour protéger les consommateurs?

Les gens se sont tous retirés après la réunion de quelques jours à l'OCDE avec les mêmes préoccupations. Je dirais même que quelqu'un de votre gouvernement, qui était près de moi, a dit: C'est la haute finance qui mène. Ça fait qu'il va falloir que le consommateur... On n'est pas en position d'équilibre. Il faut que vous nous aidiez. Il faut que vous nous aidiez pas juste avec des budgets, il faut que vous nous aidiez en regroupant les gens, en mettant à niveau l'information. Vous avez raison, c'est un petit groupe. Qu'on s'en aille dans un colloque à Chicago, à Washington ou à La Haye, je dirais même que c'est la même chose sur le plan international, on se connaît par nos prénoms. Si je rencontre quelqu'un en Allemagne, je l'appelle par son prénom, puis lui aussi. Il y a quelque chose qui ne marche pas, là. Ce n'est pas rendu au niveau de la population.

M. Boisclair: Mais comment vous expliquez, alors, qu'il y a – il y a un sondage, là, qui a été publié – peu de gens qui connaissent la Commission d'accès, malgré tous les débats qu'on voit, là, à la télévision, à la radio, partout. Moi, je me dis que ce n'est pas tout que de voter des lois, il y a une oeuvre d'éducation à faire aussi.

Mme Plamondon (Madeleine): Il y a une oeuvre d'éducation mais...

M. Boisclair: Comment vous expliquez qu'on n'ait pas encore réussi à faire ça?

Mme Plamondon (Madeleine): C'est parce que vous vous montrez trop rassurants quand il arrive une bourde. Vous essayez de rhabiller. Quand la loi n° 32 est arrivée, c'est votre gouvernement, là...

M. Boisclair: Oui.

Mme Plamondon (Madeleine): On essaie de dire: Non, non, c'est sécuritaire, il y a quelqu'un qui va vérifier, puis ça va... Bof! Et les gens se rendorment.

M. Boisclair: Mais dans les faits, madame, sur la loi n° 32, on a l'appui du Protecteur du citoyen et de la Commission d'accès à l'information. Comme garantie, il me semble que ce n'est pas si pire.

Mme Plamondon (Madeleine): C'est pas assez.

M. Boisclair: Bien, en tout cas, le Protecteur du citoyen, M. Jacoby...

Mme Plamondon (Madeleine): Ah non, non! Ce n'est pas assez. Il faudrait que les gens sachent où le ministère du Revenu s'en va piger, ce qu'il fait avec ces dossiers-là. Il faudrait que vous ayez comme une émission qui soit constamment là et que les gens puissent s'exprimer, y aller publiquement là-dessus, pas une fois de temps en temps, lors d'une conférence internationale.

Nous autres – c'est peut-être parce qu'on a été plus actifs – moi, j'en ai gros, des plaintes, là-dedans. J'en ai gros, des plaintes sur la protection de la vie privée. Parce que les gens ont commencé à être plus... Mais je vais vous dire une affaire. J'ai envoyé quelque chose contre le fait qu'Hydro-Québec demandait le numéro d'assurance sociale. J'ai envoyé le dossier à la Commission.

M. Boisclair: C'était tout un dossier, ça.

Mme Plamondon (Madeleine): Qu'est-ce qui est arrivé? J'ai perdu. Ils le demandent, le numéro d'assurance sociale. Qui a accès aux données d'Hydro-Québec? Le gouvernement aussi, le ministère du Revenu. Je l'ai vu dans un document de la Commission d'accès. Voyez-vous, ça fait qu'on va jumeler... Savez-vous ce que les consommateurs ne savent pas? Ils vont savoir qu'ils vont donner tel renseignement à tel organisme. Mais c'est le couplage, l'analyse, les logiciels d'évaluation d'un ensemble de données. Ils ne savent pas. Et c'est ça qui est l'impact, l'impact social. Puis vous avez escamoté ça. Il faut que ça soit rendu public, le cumul d'informations.

Promenez-vous dans un grand magasin avec des caméras: je vais fouiller dans ma sacoche pour me prendre un kleenex, il faut que tu t'éloignes du comptoir pour ne pas avoir l'air de mettre de quoi dans ta sacoche. Il faut que tu prennes des précautions, tu es épié partout. Tu es épié. On te demande tes choses, on dit: Qu'est-ce qu'ils vont faire avec ça? Mais ils ne le disent pas, ce qu'ils vont faire. Tu leur donnes un consentement «at large», puis eux autres posent des questions «at large». Et on ne sait pas où sont les données.

M. Boisclair: Je vous remercie beaucoup, madame.

Le Président (M. Garon): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Au nom de notre formation politique, je tiens à souhaiter la bienvenue à Mme Plamondon et la remercier pour d'abord partager son expérience et son expertise avec nous. Plusieurs aspects de sa présentation sont préoccupants, voire même inquiétants. Et, de notre côté, on va travailler en étroite collaboration avec le gouvernement, car c'est un de ces dossiers où tout le monde partage les objectifs. On va travailler pour s'assurer que les préoccupations qu'elles a soulevées, notamment à l'égard de deux sujets, soient soupesées et qu'on en tienne compte dans notre travail de rédaction législative. Les deux points sont: notamment le fait que, lorsqu'on a donné une permission, c'est souvent pour des choses beaucoup plus vastes qu'on peut le penser; et, deuxièmement, le fait qu'il n'y a pas d'épuration dans les dossiers: ce qui était nécessaire à un moment donné ne l'est souvent pas, et cette information continue à demeurer dans les fichiers.

Et je tiens aussi à la remercier de nous rappeler que ce qu'on appelle fichier, ce n'est plus, et ce, depuis longtemps, des bouts de papiers dans une filière relativement sécuritaire chez quelqu'un. Au contraire, avec les nouvelles technologies d'information, on appuie sur un bouton. Ça va tellement vite pour faire circuler cette information-là. Et on n'a qu'à le sortir de notre juridiction – un autre point que Mme Plamondon a soulevé – et on n'a plus de contrôle dessus.

Elle a soulevé plusieurs excellents points, puis, de notre côté, on va aussi travailler pour s'assurer que les organismes comme celui dont elle fait partie aient les budgets adéquats pour bien renseigner le public, pour bien représenter le public à l'occasion et pour faire un travail dans l'intérêt de la population, comme ils le font maintenant mais certainement pas avec des moyens appropriés. Merci, Mme Plamondon.

Mon collègue le député de D'Arcy-McGee avait aussi des questions, M. le Président.

M. Bergman: Merci, M. le Président. Merci, Mme Plamondon...

Le Président (M. Garon): Un instant, c'est parce qu'on va être obligé de faire l'alternance. Mais ça n'enlève pas votre temps, de toute façon. Alors, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger: Merci. Bonjour, Mme Plamondon. Je voulais simplement apporter un petit correctif. Quand vous parliez, au début, de tous les renseignements personnels qui sont demandés par les institutions bancaires ou par des compagnies d'assurances et qu'ils exigent au bas un consentement pour divulguer des informations, vous savez que ces renseignements, en fin de compte, on n'est pas obligé de tous les remplir? Ce n'est pas parce qu'ils nous demandent le numéro de nos cartes de crédit, qu'ils nous demandent tous nos actifs qu'on peut remplir tous les petits carreaux puis inscrire tout ça. Alors, c'est libre à la personne de ne pas tout remplir.

Mais vous parliez tout à l'heure de «libre et éclairé». Alors, quand vous dites que ce n'est pas nécessairement libre, j'aimerais que vous vous exprimiez davantage sur ça.

Mme Plamondon (Madeleine): Vous avez raison, il n'y a personne qui me prend la main puis qui m'oblige à remplir tous les carreaux. Excepté que, si j'ai besoin d'argent, de crédit, je vais les remplir, les carreaux, et je vais en signer, des consentements. C'est dans ce sens-là que le «libre», je le prends dans son sens le plus large.

Mme Léger: C'est que vous sentez que, si vous ne remplissez pas tous les carreaux, il va y avoir un genre de préjudice comme quoi vous ne voulez pas donner toute l'information, et ça peut amener, au jugement de la personne qui aura à décider si elle vous émet un prêt ou pas, que ça peut être préjudiciable.

Mme Plamondon (Madeleine): Exactement. Vous avez quelque chose à cacher à ce moment-là, si vous ne voulez pas le donner. Et, aussi, «libre» a un autre sens. Je ne sais pas ce qu'on va faire avec le consentement que je vais donner. Je remplis des carreaux et je sais que je donne ces renseignements-là. Et j'atteste que ces renseignements-là sont véridiques et exacts. Mais, après ça, je donne un consentement pour aller vérifier ailleurs, et là je le donne. Ce n'est pas libre parce que je ne sais pas à qui on va demander. Je ne sais pas les personnes physiques à qui on va parler. Je ne sais pas les organismes, toujours, à qui on va parler. Je ne sais pas à quel médecin. Je ne sais pas non plus quelles questions on va poser et ce qu'on va retenir dans le dossier. C'est ce qui fait que c'est un consentement qui est basé sur le fait de remplir un formulaire mais qui va au-delà. Donc, c'est un consentement qui n'est pas éclairé. Aussi, c'est un consentement où on ne peut pas dire que je suis libre parce que, si j'étais vraiment libre, je demanderais ce qu'on va faire avec tout ça. Puis peut-être que je ne signerais pas. C'est dans ce sens-là que ce n'est pas libre.

(10 h 40)

Mme Léger: Parce que tout le monde peut nous demander n'importe quoi, tout le monde peut nous demander toutes sortes de renseignements, tout le monde peut nous remettre des formulaires à remplir de toutes sortes de questions. On a, quand même, je crois, une certaine liberté d'écrire ce qu'on veut bien écrire ou de donner l'information qu'on veut bien donner.

Mme Plamondon (Madeleine): Oui, oui.

Mme Léger: Mais je comprends très bien aussi que, si on le veut, le prêt, ou si on le veut...

Mme Plamondon (Madeleine): C'est que dans la situation, surtout, de crédit... Mais vous avez raison que, dans le cas de l'épargne, par exemple, si je veux avoir un certificat de placement garanti – quelqu'un le disait – si je le demande et qu'on commence à me demander tout un questionnaire de même, je vais dire: Écoutez, si vous me demandez quelque chose que je n'aime pas, je vais aller l'acheter ailleurs, j'ai de l'argent à vous apporter. Mais, si j'arrive avec du crédit, mon consentement, j'ai les mains plus liées. Et, si même j'arrive avec une marge de crédit, j'ai peur qu'on rappelle ma marge de crédit.

Mme Léger: Je vais arrêter, parce que je veux donner la chance à ma collègue de Rimouski de poursuivre.

Mme Charest: Merci. Alors...

Le Président (M. Garon): M. le député de D'Arcy-McGee. Là, vous remarquerez que c'est le président qui donne la parole. Là, je vois que vous avez tendance à vous donner la parole; c'est toujours le président qui donne la parole, et il faut qu'il respecte l'alternance.

M. Bergman: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Garon): Et, quand les gens parlent, ils doivent s'adresser au président et éviter de faire des dialogues, parce que c'est comme ça que c'est supposé fonctionner en commission parlementaire.

Mme Léger: Donc, M. le Président, c'était juste pour vous avertir que...

Le Président (M. Garon): Alors, M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Bergman: Merci, M. le Président.

Mme Léger: Vous avertir qu'elle s'en venait.

M. Bergman: Mme Plamondon, vous avez raison, quand une personne a besoin d'un service ou d'un bien, c'est un moment de besoin, c'est un moment où on est vulnérable comme consommateur. Et je vous demande si on doit éliminer le consentement général, si on doit faire la prohibition d'avoir dans un contrat le consentement général et si on doit rédiger des formulaires de questions permissibles, quand on fait une application pour crédit ou une application pour un bien... Comme on en a dans les baux résidentiels, où le bailleur ne peut pas présenter un bail résidentiel pour, disons, louer un appartement sans que ce ne soit le formulaire qui est prescrit par les lois et qui est imposé dans les lois. Est-ce qu'on doit faire les mêmes choses dans les applications pour crédit, les applications pour biens, pour protéger le consommateur?

Mme Plamondon (Madeleine): Non. Le consentement doit être là, mais c'est un consentement qui doit être plus libre et qui doit être éclairé pour que les gens sachent à quoi ils s'engagent quand ils signent un consentement. L'autre chose, c'est qu'il faudrait que la Commission d'accès se penche sur les renseignements qui sont nécessaires pour une transaction et ne pas donner, autrement dit, un consentement qui irait vers une relation d'affaires très générale où on ne sait pas où les questions vont se poser et comment l'information va s'emmagasiner, ce qu'on va faire avec ça. À ce moment-là, c'est un consentement qui ne serait pas valable. Il faudrait peut-être redéfinir ce qu'est un consentement qui est valable.

M. Bergman: Mais c'est pour cette raison que je vous demande si on doit éliminer la possibilité pour le commerçant d'avoir dans ses contrats un consentement général, de demander un consentement général du consommateur.

Mme Plamondon (Madeleine): Ah! C'est d'un consentement général que, vous, vous parlez, là.

M. Bergman: Oui.

Mme Plamondon (Madeleine): Un consentement très général.

M. Bergman: Pour éliminer le droit de demander un consentement général quand on est devant une...

Mme Plamondon (Madeleine): C'est clair. Oui, oui. Non, je suis d'accord avec ça. Je pensais, j'avais compris «le consentement en général», l'éliminer partout. Vous voulez dire «un consentement trop général».

M. Bergman: Non, non.

Mme Plamondon (Madeleine): Non?

M. Bergman: Moi, je dis: Est-ce qu'on peut éliminer le droit pour le commerçant de demander un consentement général dans une application pour crédit, une application pour un service?

Mme Plamondon (Madeleine): Le consentement devrait servir pour la transaction ou pour les transactions que le consommateur veut faire. Il ne devrait pas servir à établir des relations que la banque veut avoir avec le client mais dont le consommateur n'a pas une idée de l'étendue. C'est ça. C'est que ça prend un consentement mais un consentement qui est libre et qui peut être négociable. Un consentement qui est libre, c'est un consentement qui est négociable. Ce que madame disait tantôt, c'est que, si je ne veux pas remplir telle case et si on me dit: Tu n'auras pas ton prêt si tu fais ça, bien, qu'on me prouve que c'est nécessaire de remplir telle case et pourquoi on veut le faire.

Le questionnaire, dans le moment, c'est un bilan personnel pour toutes vos activités financières. À ce moment-là, je trouve que c'est trop large quand, vous, vous voulez peut-être juste faire des dépôts et des retraits. Il faut que ce soit un consentement qui convienne à ce que vous voulez faire avec cette institution-là et qu'on sache l'impact, après, du consentement.

M. Bergman: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Garon): Madame, merci. M. le député. Mme la députée de Rimouski.

Mme Charest: Merci, M. le Président. Alors, bonjour madame. Je suis très heureuse de vous entendre parce que j'ai le net sentiment que vous parlez d'expérience et que vous avez vraiment une connaissance très proche du terrain, de ce qui se passe dans toutes les transactions qui lient les consommateurs avec plusieurs types d'entreprises. Et je suis du même avis que vous, c'est préoccupant, la question des consentements. Vous savez, on a tous, dans la vie, à signer des consentements pour des transactions, et c'est sûr que l'on peut refuser de donner des consentements, mais il faut avoir la marge de manoeuvre financière, la liberté financière pour pouvoir refuser ce type de consentement là. Et ça, je le comprends. Si on est dans une situation financière précaire et qu'on a besoin d'argent, bien là c'est sûr qu'on est lié et qu'on va le signer, le consentement. Ça, je comprends ça. C'est très clair. Moi, j'aimerais savoir: Comment vous verriez ou, en tout cas, est-ce que vous avez des suggestions à faire par rapport au consentement qui serait plus encadré et plus limité? Vous savez, si vous allez dans une institution financière et que vous demandez un prêt personnel pour l'achat, je ne sais pas, moi, d'une voiture, est-ce que vous verriez que le consentement ait, comme objet, l'achat d'une voiture, donc il faut qu'il y ait tel type de renseignements de demandés mais pas plus ni moins? Comment vous verriez ce type d'encadrement là?

Mme Plamondon (Madeleine): D'abord, il faut que...

Mme Charest: Parce que, si je vous ai bien comprise, ce que vous reprochez, c'est que ces consentements-là, ils ont été rédigés par des firmes d'avocats, là. Et ces firmes-là, elles travaillent pour des entreprises. Donc, ils les mettent le plus larges possible, ils se donnent beaucoup de marge de manoeuvre, beaucoup de possibilités.

Mme Plamondon (Madeleine): Bien, dans mon introduction, je ne visais pas spécialement les avocats parce que... Ce que je visais, c'était que l'institution financière, après vous avoir éloigné de l'institution, veut refaire des affaires, et, comme le décloisonnement dans les institutions financières amène à faire d'autres affaires que des dépôts et des retraits, on veut aller chercher le plus possible d'informations sur vous pour vous offrir les produits éventuellement. Puis, avec la révision de la loi 134 sur les services financiers, même si on nous disait, par exemple, que l'information médicale ne sera pas dans votre dossier de la caisse... Si, par exemple, vous avez été refusé à cause d'une maladie et – admettons que ça serait de 1 à 10 – vous êtes classé 4, puis à 4, ils n'en font pas, de prêt, bien, à ce moment-là, le 4, vous ne saurez pas ce à quoi ça réfère. Ça fait qu'il faut qu'on sache ce à quoi les codes réfèrent aussi. Je ne sais pas si vous voyez ce que je veux dire.

Mme Charest: Oui. Ce que je comprends, c'est que vous faites référence au cumul d'informations sur un individu...

Mme Plamondon (Madeleine): Souvent codées.

Mme Charest: ...et sur le montage de banques de données sous différents prétextes sur les individus...

Mme Plamondon (Madeleine): Les profils.

Mme Charest: ...à l'intérieur d'institutions et qui, elles, à leur tour, peuvent les échanger avec d'autres organismes, d'autres entreprises. Dans le fond...

Mme Plamondon (Madeleine): C'est parce que, si, moi, j'ai quelques informations sur vous et que je fais un profil, mon profil est faussé parce que je n'ai pas assez d'informations sur vous pour vous connaître. Puis, habituellement, ce qui est mis dans une banque de données, ce sont des choses qui ne sont pas nécessairement positives. C'est les fois où vous avez été délinquante dans vos prêts ou des choses comme ça. Donc, je ne sais pas ce que vous faites. Ça fait que la valeur morale des gens, on l'évacue. On ne connaît plus les gens. Donc, on les connaît par des informations qu'on a accumulées. Et, si on est capable d'accumuler des informations commerciales, on jumelle ça. Il y a déjà des études qui ont été faites et qui disent, par exemple, que c'est comme une intelligence artificielle qui évalue, avec un profil de consommateur, ce que ce consommateur-là fait. Par exemple, quelqu'un qui achète toujours Le Devoir plutôt que Le Journal de Montréal , bien, on va faire une évaluation de son profil à partir de ça. Je ne veux pas porter de jugement sur ni un ni l'autre, là, mais... Après ça, si vous achetez tel type de produit, si vous mangez telle chose au restaurant... Regardez, ce que vous mangez au restaurant, maintenant c'est sur votre reçu. Donc, vous le présentez ailleurs, et on sait exactement ce que vous avez mangé. Donc, on peut aussi déduire des choses là-dessus.

Mme Charest: Merci, madame, je comprends.

(10 h 50)

Le Président (M. Garon): Je vous remercie, Mme Plamondon, de votre contribution au nom du Service d'aide au consommateur aux travaux de la commission. Et j'invite maintenant la Régie des rentes du Québec à s'approcher de la table des témoins.

Mme Laplante, nous avons une heure ensemble. Si vous voulez vous présenter et présenter les gens qui vous accompagnent. Normalement, il y a 20 minutes pour votre exposé et 20 minutes pour chacune des deux parties. Alors, c'est à vous la parole.


Régie des rentes du Québec (RRQ)

Mme Laplante (Louise): Bonjour, mon nom est Louise Laplante. Je travaille au Service juridique de la Régie des rentes. Je suis accompagnée de M. Pierre Normand, qui est directeur du Soutien aux opérations, et de Benoît Laniel, qui est au Service des normes et de la formation. C'est M. Normand qui va faire la présentation du mémoire.

Le Président (M. Garon): Vous pouvez y aller.

M. Normand (Pierre): M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés. J'aimerais tout d'abord vous remercier de l'opportunité que vous nous offrez aujourd'hui de participer au processus de révision quinquennal de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels.

La Régie des rentes du Québec est détentrice de l'un des huit, ce qu'on appelle maintenant, mégafichiers gouvernementaux. Elle dispose d'informations concernant plus de 3 000 000 de cotisants au Régime des rentes et plus de 1 000 000 de bénéficiaires. À cette clientèle s'ajoutent celles des bénéficiaires du Programme des prestations familiales et des régimes complémentaires de retraite.

Pour administrer adéquatement ces différents programmes, la Régie doit échanger des renseignements avec plusieurs ministères et organismes, notamment les ministères du Revenu, de l'Emploi et de la Solidarité, la Commission de la santé et de la sécurité du travail et la Société de l'assurance automobile. La Régie doit également s'assurer que les personnes concernées par ces renseignements puissent en obtenir communication lorsqu'elles en font la demande. Dans ce contexte, vous comprendrez que la protection des renseignements constitue une préoccupation majeure et constante pour la Régie. C'est donc avec grand intérêt qu'elle a pris connaissance du rapport de la Commission d'accès à l'information.

La Régie reconnaît l'importance d'assurer une protection adéquate des renseignements personnels détenus par les organismes publics et elle considère que le caractère prépondérant de la loi offre cette assurance. Elle croit toutefois que des modifications pourraient être apportées à la loi afin de l'adapter à certaines réalités rencontrées notamment par les organismes qui desservent de vastes clientèles et qui détiennent, par le fait même, un volume considérable de renseignements personnels.

Je ne reprendrai pas aujourd'hui l'ensemble des commentaires que nous avons formulés dans notre mémoire, mais je m'attarderai plutôt sur deux points que nous considérons particulièrement importants: d'une part, les échanges de renseignements entre organismes et, d'autre part, les demandes verbales de communication de renseignements personnels. La recommandation de la Commission d'accès de remplacer la procédure d'avis aux tiers par un avis public sera également traité brièvement.

J'aimerais d'abord vous entretenir des échanges de renseignements entre organismes. Les dispositions de la loi relatives à la communication de renseignements personnels entre organismes, sans le consentement des personnes concernées, revêtent pour un organisme comme le nôtre une très grande importance. Dans certains cas, il est essentiel que nous recevions des informations d'autres organismes pour déterminer le droit à une rente ou le montant de celle-ci. Les échanges que nous entretenons avec la CSST et la Société de l'assurance auto en sont des exemples.

Dans d'autres cas, les programmes dont on nous a confié la gestion ne pourraient être mis en oeuvre sans que nous connaissions les données détenues par d'autres organismes. Je pense ici, entre autres, aux prestations familiales qui sont calculées à partir du revenu familial.

Certaines des données que nous recueillons sont particulièrement sensibles, puisqu'elles concernent notamment la santé des citoyens et leurs revenus. D'autres renseignements, moins sensibles, telles les adresses, sont parfois recueillis pour permettre l'application de la loi. Par exemple, les cotisants au Régime de rentes ne communiquent pas leurs changements d'adresse à la Régie comme ils le font à la Société de l'assurance automobile. Ce n'est pas vraiment essentiel lorsqu'ils ne reçoivent pas de rentes. Toutefois, il arrive que la Régie doive communiquer avec certains d'entre eux. L'adresse est alors recueillie auprès d'organismes qui disposent de ce renseignement. Je me permets de vous citer l'exemple d'avis de partage de gains qu'on doit expédier aux ex-conjoints suite à un divorce. Dans plusieurs de ces cas-là, nous devons cueillir l'adresse auprès d'un organisme partenaire. Toutefois, vous conviendrez qu'il serait quasi impossible de gérer adéquatement ces programmes en l'absence de tels échanges. Les citoyens comprendraient mal pourquoi nous leur demandons de nous fournir à nouveau les informations qu'ils ont déjà fournies à un autre organisme. La démarche leur paraîtrait superflue, et certains risqueraient tout simplement de ne pouvoir bénéficier d'avantages auxquels ils ont droit.

Des dispositions pertinentes de la loi ne facilitent pas toujours la tâche aux organismes concernés. La Commission d'accès reconnaît elle-même la confusion qui existe autour de la notion de couplage, de comparaison ou d'appariement de fichiers. Pourtant, cette distinction est fort importante, puisqu'elle permet de déterminer si une communication de renseignements nécessaire à l'application d'une loi sera soumise à la Commission pour avis. Seules les communications faites en vue de comparer, d'apparier ou de coupler un fichier doivent être soumises à la Commission.

La Régie suggère qu'aucune communication nécessaire à l'application d'une loi ne soit soumise à la Commission. Nous constatons également que le critère de nécessité contenu à la loi reçoit une interprétation souvent très restrictive allant jusqu'à exiger qu'une disposition expresse prévoie l'échange de renseignements. Ce critère, considéré actuellement dans les cas d'appariement, de comparaison ou de couplage de fichiers, devrait être reconsidéré si cette disposition devait demeurer dans la loi. Selon nous, il y aurait lieu de l'assouplir, et nous croyons que la finalité de la communication pourrait être prise en considération.

Un organisme ne doit pas recueillir de renseignements qui ne lui sont pas nécessaires, nous en convenons. Cependant, en certains cas, des renseignements utiles à l'application d'une loi devraient pouvoir être détenus par l'organisme, surtout lorsqu'il est à l'avantage des citoyens qu'il en soit ainsi. Ces modifications n'auraient pas pour conséquence de diminuer le niveau de protection des renseignements dans la mesure où les communications ont lieu dans le cadre d'ententes mentionnant les moyens mis en oeuvre pour assurer leur caractère confidentiel. Selon nous, le problème ne vient pas de la détention de renseignements utiles mais bien de l'utilisation qui peut en être faite. C'est pourquoi la Régie favorise plutôt le contrôle a posteriori de la part de la Commission.

Actuellement, la Régie conclut des ententes avec les organismes, même lorsqu'elle n'a pas l'obligation de le faire. Je pense ici au cas où la communication est nécessaire à l'application d'une loi et où l'avis de la Commission n'est pas requis. Les moyens qui y sont prévus pour assurer le caractère confidentiel des renseignements sont habituellement les mêmes que dans le cas des ententes exigées par la loi.

Afin de permettre à la Commission d'assurer un contrôle efficace, la Régie ne s'opposerait pas à ce qu'une obligation d'effectuer toutes les communications de masse dans le cadre de telles ententes soit introduite dans la loi. Une seconde obligation de transmettre ces ententes à la Commission après leur conclusion lui permettrait d'exercer son pouvoir de surveillance lorsqu'elle le jugerait opportun. La Régie ne s'opposerait pas non plus à ce que la Commission reçoive le mandat d'établir des ententes types. Nous croyons cependant que les organismes devraient être consultés avant de procéder à leur rédaction.

Avant de terminer sur la question des échanges de renseignements entre organismes, j'aimerais soulever un problème que nous rencontrons à la Régie du fait que nous administrons plusieurs programmes distincts. Comme vous le savez, la Régie est actuellement responsable de l'application de trois lois: la Loi sur le régime de rentes du Québec, la Loi sur les régimes complémentaires de retraite et la Loi sur les prestations familiales. D'autres responsabilités pourraient lui être confiées prochainement, notamment dans le cadre de la politique gouvernementale concernant la famille.

Il arrive que certains renseignements nécessaires pour l'administration d'un programme soient détenus dans le cadre de l'administration d'un autre programme également administré par la Régie. Dans certains cas, ces renseignements pourraient nous être communiqués s'ils étaient détenus par un autre organisme. Toutefois, rien n'est prévu dans la loi pour permettre la communication de tels renseignements à l'intérieur d'un même organisme.

(11 heures)

À titre d'illustration, citons comme exemple le cas d'un orphelin qui décède. Posons comme hypothèse qu'une rente lui est versée en vertu du Régime de rentes et qu'une prestation familiale est versée pour cet orphelin. À la suite de son décès, le conjoint survivant avise la Régie du décès de l'enfant et demande que la prestation familiale cesse d'être versée. Imaginons que cette personne oublie de faire la même démarche pour ce qui est de la rente d'orphelin. Dans une situation comme celle-là, la Régie ne peut ni de son propre chef ni avec l'autorisation de la Commission communiquer l'information reçue d'un fichier à l'autre.

Posons comme hypothèse que, dans l'exemple que je vous ai soumis, le conjoint survivant, qui n'aurait pas pensé à aviser la Régie en ce qui a trait au Régime de rentes, pourrait se voir réclamer la rente versée quelques mois plus tard parce qu'il a omis d'informer la Régie du décès de son enfant à l'unité qui est responsable du Régime de rentes ou parce que, tout simplement, la personne a cru que l'avis qui avait été communiqué à la Régie était suffisant pour mettre fin à la fois à la rente et à la prestation.

Il faut bien comprendre que les gens informent la Régie et non pas un programme administré par la Régie. Nous croyons qu'un mécanisme devrait être mis en place pour permettre que de telles communications aient lieu au sein d'un même organisme. Celui-ci pourrait, par exemple, s'adresser à la Commission pour obtenir l'autorisation de procéder à la communication.

J'aimerais maintenant vous entretenir des demandes verbales de communications de renseignements personnels. La loi sur l'accès prévoit que seule une demande écrite de communication d'un renseignement personnel peut être considérée. Par ailleurs, la demande d'accès à un document détenu par l'organisme peut être écrite ou verbale. On peut convenir que cette exigence d'une demande écrite a été introduite, à l'origine, pour assurer une plus grande protection des renseignements.

Toutefois, les ministères et organismes qui desservent une très large clientèle, comme c'est le cas pour la Régie, réalisent que cette procédure est à toutes fins utiles inapplicable. Refuser de répondre aux demandes verbales des citoyens qui veulent obtenir une communication de renseignements qui les concernent provoquerait, selon nous, un vif mouvement d'insatisfaction et un engorgement de l'appareil administratif. De plus, l'évolution technique permet aujourd'hui de mettre sur pied des mesures de vérification de l'identité du demandeur qui s'adresse à nous par téléphone.

La Régie, comme d'autres organismes, accepte donc de communiquer des renseignements en réponse à des demandes verbales après s'être assurée de l'identité du demandeur, considérant que le citoyen peut renoncer aux avantages d'une demande écrite. Je me permets d'ajouter que des demandes verbales de cette nature-là, la Régie en reçoit environ 1 000 000 par année.

À cet égard, une procédure d'identification rigoureuse est rendue possible par l'informatisation des fichiers. Le préposé demande à la personne de lui faire part de certaines informations qui le concernent, et, si celles-ci concordent avec celles qui apparaissent à l'écran ou avec celles qui sont détenues par la Régie, le renseignement lui est communiqué.

Si les informations diffèrent toutefois, il est alors conseillé à la personne d'adresser une demande écrite au responsable de l'accès. Cette procédure s'inspire de celle prévue pour les demandes d'accès aux documents détenus par l'organisme. Le droit de la personne de se pourvoir en révision de la décision de l'organisme est alors préservé.

La Commission d'accès à l'information n'ignore certainement pas ces pratiques bien qu'elle n'ait pas émis à notre connaissance d'avis formel sur cette question. La Régie soumet que la loi d'accès devrait être modifiée pour reconnaître cette pratique et prévoir des critères d'application.

commentaires sur la proposition de la Commission de permettre que la procédure d'avis écrit puisse être remplacée par un avis public sur autorisation lorsque les circonstances l'exigent. Un organisme doit actuellement procéder à une consultation auprès des tiers qui lui ont fourni un renseignement industriel, financier, commercial, scientifique ou syndical avant de communiquer ce renseignement.

En cas de révision de la décision du responsable au sein de l'organisme, la Commission doit à son tour donner avis à ces mêmes tiers. Il s'agit effectivement d'une procédure très lourde que nous avons employée à quelques reprises, notamment en matière de régime complémentaire de retraite. Dans un cas, la Commission a également dû transmettre des avis.

Nous croyons que la proposition pourrait être retenue tant au niveau de l'organisme que celui de la Commission. Toutefois, il faudrait qu'il soit tenu compte des particularités de chaque cas et qu'une autorisation soit requise. La règle devrait cependant demeurer l'avis par la poste qui assure, selon nous, actuellement, une protection adéquate des tiers. De plus, il faudrait éviter que l'introduction d'une telle procédure ne vienne allonger les délais de communication des renseignements.

C'était là les principaux commentaires que la Régie souhaitait porter à l'attention des membres de cette commission. Il nous fera maintenant plaisir de répondre à vos questions. Merci.

Le Président (M. Garon): M. le ministre.

M. Boisclair: Oui. Messieurs, madame, je voudrais vous remercier pour votre présentation. Je vais vous dire que le premier commentaire qui m'est venu à l'esprit, c'est: Lorsque je vous ai entendu nous dire que la Régie des rentes, sciemment, contrevenait aux dispositions de la loi d'accès, je vais vous dire que j'ai quelque peu sursauté, puisque la loi prescrit des choses qui sont claires et qu'on peut à tout le moins s'attendre à ce qu'elle soit respectée par les organismes gouvernementaux. Si le président de la Régie était ici, je me ferais un plaisir de le lui rappeler. Je me ferai certainement le plaisir de le rappeler à ma collègue ministre de l'Emploi et de la Solidarité parce que nous-mêmes essayons de convenir avec tous, même dans le secteur privé, de règles éthiques et plaidons pour le respect de la loi.

Que des organismes, sans aucune pudeur, viennent ici en commission parlementaire nous dire qu'ils ne respectent pas la loi et eux-mêmes apprécient ce qui fait plaisir aux citoyens, c'est inacceptable, monsieur. Je n'ai pas le plaisir de vous connaître. Je vous parle en termes francs, comme les gens savent que je suis capable de le faire. Je trouve que ça prend un brin de pudeur. En tout cas, de venir ici devant le législateur nous dire: On enfreint la loi parce qu'on estime que les gens seraient mieux servis...

Est-ce que je peux vous dire que, bien sûr, les gens souhaitent faire des demandes au téléphone, mais toutes sortes d'autres mécanismes, aussi, peuvent exister. Les problèmes que vous nous identifiez ne sont pas sans soulever un certain nombre de questionnements. En cas de divorce, par exemple, le conjoint, l'époux ou l'épouse connaît tous les renseignements personnels qui peuvent identifier la personne: la date de naissance, l'âge, l'adresse, le code postal, je présume des renseignements que vous utilisez pour identifier les gens. Le conjoint peut savoir ça et automatiquement savoir ce que l'autre conjoint – dans des moments de procédures de divorce qui sont des moments qui peuvent être parfois tendus – avoir toute l'information sur l'état de participation d'un citoyen à la Régie des rentes. C'est pour moi, monsieur, inacceptable et je voudrais que vous justifiez et que vous m'expliquiez devant nous tous, ici, nous qui avons voté ces dispositions-là, en quoi vous êtes-vous finalement justifiés d'avoir une pratique qui n'est pas conforme à ce que la loi prescrit.

Mme Laplante (Louise): M. le ministre, cette pratique existe depuis de longues années à la Régie. La Régie ne considérait pas aller à l'encontre de la loi d'accès en le faisant, mais donnait une interprétation de certaines dispositions de la loi sur la possibilité, en toute fin de loi, de poursuivre les pratiques existantes dans la mesure où on pouvait quand même s'assurer de la confidentialité des renseignements qui étaient transmis et les protéger.

M. Boisclair: Est-ce que vous avez demandé un avis à la Commission d'accès?

Mme Laplante (Louise): Non.

M. Boisclair: Pourquoi?

Mme Laplante (Louise): Je ne pourrais pas vous dire. Je n'étais pas là au moment où ça s'est décidé, mais ça se fait depuis toujours et ça se fait dans d'autres organismes. On en est conscients également. Il faut bien voir aussi que... Vous nous disiez que les renseignements qui étaient demandés souvent étaient des renseignements qui pouvaient être obtenus en cas de divorce, entre autres, parce que le conjoint connaissait toutes les informations qui étaient requises et tout ça.

On va replacer dans leur perspective le genre de demandes qui nous sont formulées généralement. Le million de renseignements qui nous est demandé par année, c'est 1 000 000 de renseignements toutes catégories confondues parce qu'on n'est pas en mesure avec nos systèmes informatiques d'établir s'il s'agissait bel et bien de demandes d'accès ou de demandes qui sont d'ordre beaucoup plus général. Les gens vont appeler souvent pour savoir... Ils vont dire: Bien, moi, je pense avoir droit à une rente. J'arrive à l'âge requis pour le faire. Quel est le montant de la rente à laquelle j'aurais droit? C'est sûr qu'on ne peut pas répondre à ce moment-là, mais dans ce temps-là on va donner surtout des balises. C'est ça.

M. Boisclair: Mais il y a un état de participation. Vous étiez même présents au... La Régie des rentes participe au salon Info-Services organisé par le ministère, chez nous, Communication-Québec, et il y a même moyen d'avoir... Sur la présentation d'identification, la personne peut obtenir son état de participation. J'ai moi-même réussi à l'obtenir en donnant uniquement mon numéro d'assurance sociale, et on m'a imprimé mon état de participation.

Moi, ce que je dis, tout simplement, c'est que, si vous recevez des demandes au téléphone, vous ne donnez pas les renseignements au téléphone, vous les envoyez par la poste. C'est ce que la Société de l'assurance auto, par exemple, fait. Lorsqu'un conducteur décide soit de s'informer du nombre de points de démérite qu'il a accumulés dans son dossier, il appelle et dit: Je souhaiterais avoir un état de situation. Les préposés disent: Je ne peux donner ces renseignements au téléphone parce que je n'ai pas de moyens de vous identifier correctement. Vous le recevrez dans les jours qui viennent. Même qu'un tiers ne peut le faire, requérir ces renseignements à un avocat, sans un consentement éclairé donné par le client.

(11 h 10)

Mme Laplante (Louise): Là-dessus, M. le ministre, c'est sûr que nous, les tiers, on ne les considère pas. On les renvoit automatiquement à la demande écrite, et les demandes qui sont visées, ce sont surtout des demandes qui ont cours naturellement concernant les rentes que les personnes reçoivent et concernant également les allocations familiales, ou les prestations familiales maintenant. Souvent, la personne, ce qu'elle va vouloir savoir, c'est: Est-ce que mon chèque va être posté prochainement? Ou les prestations de décès qui demandent beaucoup et qui suscitent beaucoup d'appels également. Ce n'est pas de l'information fine qu'on va donner par téléphone.

M. Boisclair: Avez-vous des codes? Est-ce que c'est codifié?

Mme Laplante (Louise): Ah! oui, ce sont des préposés qui ont un écran devant eux et, dépendant du service où ils travaillent, ont accès à très peu d'informations. Ils ont des codes où, vraiment, si quelqu'un travaille au niveau de l'allocation, il ne va avoir que les informations concernant l'allocation et non pas le dossier complet de la personne. C'est très, très succinct. Il faut avoir été entraîné pour être capable de lire ce qu'il y a sur l'écran de toute façon. Ce n'est pas des choses très élaborées qu'il y a là-dessus. Nous autres, si la personne appelle et dit: Bon, mon chèque est de 482 $ et je croyais qu'il allait être de 487 $, pouvez-vous me dire s'il y a une erreur? Si elle est capable de s'identifier comme il faut, c'est le genre de renseignement qu'on va donner. On ne donne pas de plus grandes informations que ça.

M. Boisclair: En tout cas, moi, j'arrête mon questionnement ici. Mais j'espère tout simplement que vous allez vous conformer aux pratiques qui sont celles de la loi. Et, moi, je vais vous dire: Peu importent les pratiques, peu importe le type de renseignements, nous pourrions avoir de longues discussions sans fin sur ce qui est sensible et ce qui ne l'est pas, sur ce qui est bien fait et ce qui devrait être mieux fait, là n'est pas l'objet de la discussion, ça serait une discussion sans fin. Il y a une législation, vous êtes un organisme public, je vous demande de respecter cette législation et, s'il y a des pratiques qui ne sont pas conformes à la loi, de modifier ces pratiques. Et je vous demande de le faire en collaboration avec la Commission d'accès à l'information qui, mieux que nous tous ici, sera à même de vous appuyer dans cette réflexion. Je vous remercie.

Le Président (M. Garon): M. Laniel.

M. Laniel (Benoît): M. le ministre, si je peux peut-être dire quelques mots. On peut vous garantir qu'à la Régie des rentes du Québec il n'y a aucun renseignement qui est donné à une personne qu'elle est elle-même censée savoir. Je vous donne l'exemple...

M. Boisclair: Comment vous faites pour savoir que c'est vraiment elle au bout du fil?

Le Président (M. Garon): M. le ministre, on ne fera pas des débats comme ça, non. Vous demandez la parole au président, et c'est lui qui donne la parole. Autrement, c'est un dialogue, et ce n'est pas comme ça que la procédure doit fonctionner. Alors, les gens me demandent la parole, et je l'accorde à ceux qui me la demandent. Alors, monsieur, vous avez la parole.

M. Laniel (Benoît): Ce que je voulais tout simplement dire, c'est que, à titre d'exemple, si une personne nous demande: Moi, j'ai trois enfants, est-ce que vous avez bien trois enfants dans vos registres? Ce n'est pas le genre de chose à laquelle on va répondre. Cette personne-là est censée savoir qu'elle a trois enfants. Au même titre: Quel est le montant de ma rente de retraite? Cette personne-là est censée savoir c'est quoi, le montant de sa rente de retraite. Dans ce cas-là, évidemment on va diriger la personne vers une demande écrite et on enverra le renseignement par écrit adressé à cette personne-là, bien entendu.

M. Boisclair: M. le Président.

Le Président (M. Garon): M. le ministre.

M. Boisclair: Je veux juste rappeler la portée de l'article 94 de la loi d'accès: «Une demande de communication ou de rectification ne peut être considérée que si elle est faite par écrit par une personne physique justifiant son identité à titre de personne concernée, à titre de représentant, d'héritier ou de successeur de cette dernière, d'administrateur de la succession, de bénéficiaire d'assurance-vie ou comme titulaire d'autorité parentale.» Les dispositions de 94 sont suffisamment claires. Est-ce qu'il faut les changer? C'est une autre chose. En attendant, respectez 94, je vous en prie.

Le Président (M. Garon): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Alors, je tiens à remercier Me Laplante, M. Laniel, M. Normand pour leur présence ici aujourd'hui, d'avoir apporté des éléments de réflexion importants à notre travail. On dit en anglais, M. le Président, «that you don't shoot the messenger». Et je pense que ça s'applique d'autant plus lorsque le messager n'est pas le responsable de l'organisme. Et je ne peux que dire, comme le ministre, que non seulement j'aurais souhaité que le président soit ici, mais on va convoquer le président de la Régie des rentes ici pour venir nous expliquer ce qu'on vient d'entendre ce matin. C'est ahurissant qu'un organisme vienne en commission parlementaire par ses représentants dire: Bof! vous savez, ça serait bien compliqué si on devait respecter la loi, alors on s'est trouvé une interprétation à l'effet contraire.

Ça me rappelle l'interprétation qu'on a vue dernièrement pour le site d'enfouissement des déchets toxiques à LaSalle. D'après les informations, il y a un illuminé qui a décidé que les BPC créés avant 1985, l'année de l'adoption de la nouvelle loi, étaient exemptés de l'application de la nouvelle loi, donc qu'on pouvait les enfouir où on voulait parce que ça s'appliquait seulement aux BPC créés après cette date. Ça, c'est le genre d'interprétation que l'on donne dans des ministères ou organismes lorsqu'on veut se faire plaisir, lorsqu'on veut obtenir un résultat.

Je tiens aussi à dire que l'exercice auquel on se livre nous permet justement d'aller chercher des exemples de problèmes. Quand la Régie des rentes vient – c'est la première fois que, moi, je l'entends – et qu'elle dit, à la page 7 de son mémoire: «La loi ne prévoit aucun mécanisme qui permettrait la communication des renseignements entre deux programmes administrés par un même organisme, car il va de soi que la Régie ne peut conclure d'entente avec elle-même», je me dis: Ah! C'est sûr que personne n'avait à ce problème-là dans la loi, merci d'apporter ça à notre attention, ça, c'est le genre de chose qu'on peut changer. On peut certainement changer une situation qui ferait en sorte qu'une personne se verrait demander – dans votre cas, des orphelins – de rembourser quelque chose, alors que ça ferait la une des journaux, comme quoi le gouvernement est rendu tellement stupide qu'à l'intérieur du même organisme on savait, pour un programme, que la personne était décédée et que, pour l'autre programme, on ne le savait pas. L'administration a ses torts, mais elle n'a pas tous les torts. C'est sûr et certain que ce n'est pas correct de mettre quelque administration que ce soit dans cette situation-là, situation qu'on n'avait pas pensée.

Je suis par ailleurs très sensible, pour avoir moi-même été dirigeant d'organisme au gouvernement, pour vivre maintenant des situations, comme député, où le gros bon sens est confronté par des règles... Mais, comme organisme de l'État, le jeu est le suivant: vous venez ici, vous nous dites où sont les problèmes et si une majorité des élus qui représentent le peuple le veulent, on change les règles du jeu. C'est inadmissible pour un organisme de prendre sur lui-même... Et encore une fois, M. le Président, je dis très clairement que mes propos ne s'adressent pas personnellement aux trois personnes qui sont devant nous aujourd'hui. Au contraire, on doit les féliciter pour leur courage et leur intégrité de nous avoir décrit cette situation si clairement. Je l'ai vécu dernièrement...

Le Président (M. Garon): ...des avocats...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Mulcair: J'ai eu une situation dans mon comté, dernièrement, qui m'a confronté à cette réalité-là des règles par rapport au gros bon sens. On avait un commettant qui était prestataire d'aide sociale. Il avait réussi, par un parent, à avoir une offre d'emploi très intéressante à 14 $ de l'heure. Quand on sort de l'aide sociale, ça change tout. Mon comté est à Laval, au nord de Montréal, et le prestataire d'aide sociale est originaire de la Gaspésie. Condition sine qua non pour avoir l'emploi: son diplôme de secondaire V. Exactement le même problème que vous décrivez. On est jeudi, et il a besoin de ça pour commencer lundi. Et, s'il ne l'a pas, pas question, le travail ira à quelqu'un d'autre. Physiquement, pas le temps d'avoir les approbations et les ci et les ça. Par un ensemble de circonstances, on a réussi avec un autre membre de la famille... En tout cas, c'était très compliqué puis ça a exigé quand même une souplesse très généreuse des gens qui étaient à l'autre bout.

Alors, quand on vit des situations concrètes comme ça, on se dit: Oui, on est face à une loi qui est là pour protéger ce même individu. Il ne faudrait pas que quelqu'un d'autre aille écornifler dans ses affaires pour savoir s'il a eu 78 % ou 52 % dans son cours d'histoire en secondaire V. Mais la personne est dans notre bureau, là – on l'a bien identifiée, on a la bonne personne devant nous – et elle dit: Moi, telle école secondaire, telle place, telle date, puis mes parents sont encore dans notre patelin et peuvent aller le chercher. On ne me le donne pas. Ça, c'est la réalité. Puis je compatis avec les gens qui, dans les cas qui sont donnés ici comme dans les cas de décès, etc., se disent: Ça n'a pas de bon sens. Pour qu'on puisse donner les réponses vite, il faut que les gens sachent s'ils vont avoir de l'argent, et tout ça. C'est très compréhensible. Mais c'est à nous, le législateur, de ne pas vous mettre dans cette situation-là. Ce n'est pas à la Régie de prendre sur elle-même le droit, de s'arroger le droit de contourner les règles qui sont là.

(11 h 20)

«If Mr. Bumble were here, Mr. Chairman, he'd say that sometimes the law is an ass; so be it», si c'est ça qu'on a édicté. Mais il faut respecter la loi. Et j'espère que le ministre des Relations avec les citoyens va accepter notre offre. Je trouve scandaleux ce qu'on vient d'entendre, comme lui. Et, moi, je veux que le président de la Régie vienne nous expliquer ça ici.

Le Président (M. Garon): On peut, en vertu de 51. Parce que je viens de regarder la loi de l'Assemblée nationale, l'article 51 dit: «L'Assemblée ou une commission peut assigner et contraindre toute personne à comparaître devant elle, soit pour répondre aux questions qui lui seront posées, soit pour y produire une pièce qu'elle juge nécessaire à ses actes, enquêtes ou délibérations.»

M. Mulcair: Bien, moi, je formule une telle demande en vertu de 51, et, si le côté ministériel est d'accord avec nous, on peut aller au fond de cette histoire-là.

M. Boisclair: Moi, je n'ai aucune difficulté à demander à... C'est juste que – moi, je vous le dis bien honnêtement – on clôture nos travaux mardi.

M. Mulcair: Mais on ferait ça le même jour où on fait notre séance de travail, où on prévoirait une demi-heure sur cette seule question-là avec le président de la Régie des rentes. On le ferait venir.

M. Boisclair: Moi, en tout cas, je ne me sens pas autorisé non plus à parler comme ça à tous mes collègues, mais... Moi, je n'ai pas de difficulté; je ne sais pas ce que mes collègues...

M. Mulcair: D'accord? Alors, il y a un accord des deux côtés, M. le Président. On va...

Le Président (M. Garon): La motion du député de Chomedey est acceptée de convoquer le président de la Régie des rentes du Québec. On s'entendra sur le moment pour... la semaine prochaine, je suppose, au moment de...

M. Boisclair: Moi, ce que je souhaiterais...

Le Président (M. Garon): Moi, je pense qu'on va finir un peu avant midi puis on pourra en parler tantôt.

M. Mulcair: O.K. On pourrait commencer, oui. Alors, c'est tout ce que, moi, j'avais à dire là-dessus, M. le Président. Merci beaucoup.

Le Président (M. Garon): Merci. Alors, il n'y a pas d'autres questions? Donc, je remercie les représentants de la Régie des rentes du Québec, au fond, le Service des affaires juridiques, le Service des normes et de la formation et le Soutien aux opérations, Mme Laplante, M. Laniel et M. Normand de leur contribution aux travaux de cette commission.

Nous allons transformer, si vous voulez, immédiatement la commission en séance de travail pour discuter de la question qui vient d'être proposée.

(Fin de la séance à 11 h 23)


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