L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission de la culture

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission de la culture

Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le mercredi 1 mars 2000 - Vol. 36 N° 23

Examen des rapports annuels 1997-1998 et 1998-1999 de la Commission d'accès à l'information


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Exposé du président de la Commission d'accès à l'information (CAI)

Discussion générale


Autres intervenants
M. Matthias Rioux, président
M. Marc Boulianne, président suppléant
M. François Beaulne
M. Thomas J. Mulcair
M. Jean-Paul Bergeron
M. Léandre Dion
Mme Fatima Houda-Pepin
*M. André Ouimet, CAI
*M. Robert Parent, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Quatorze heures neuf minutes)

Le Président (M. Rioux): Mmes, MM. les députés, je vous rappelle le mandat de notre commission pour cet après-midi. C'est conformément à l'article 119.1 de la Loi d'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. Alors, on étudie les rapports annuels 1997-1998 et 1998-1999 de la Commission d'accès à l'information.

Alors, M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Houda-Pepin (La Pinière) remplace M. Lamoureux (Anjou).

Le Président (M. Rioux): Très bien. Alors, j'inviterais maintenant...

Une voix: ...

Le Président (M. Rioux): Vous n'avez pas besoin de... Non, non, ça va. Alors, on a convenu que M. le président de la Commission d'accès à l'information présenterait les deux rapports, les 1997-1998 et 1998-1999, qu'une période de 30 minutes lui était allouée. Et, après ça, ce sera les discussions et les questions, en alternance de 10 minutes de chaque côté, pour les députés ministériels et les députés de l'opposition. Alors, monsieur...

(14 h 10)

M. Beaulne: M. le Président, juste une question de directive. Étant donné qu'on examine ici deux rapports annuels de deux années différentes, est-ce qu'il y aurait moyen de séparer le temps de manière égale sur les deux rapports?

Le Président (M. Rioux): En principe, moi, je n'ai pas d'objection à ça.

M. Beaulne: Deux heures sur un puis deux heures sur l'autre. Il y a deux ans.

M. Mulcair: De notre côté, M. le Président, la modalité proposée nous convient. C'est effectivement décevant d'avoir attendu deux ans. Puis aussi bien y aller. Sauf que, dans la mesure où les questions risquent de se chevaucher, je ne voudrais pas qu'on se formalise à outrance là-dedans. Mais, tant qu'il y a de la souplesse...

Le Président (M. Rioux): Alors, j'interprète donc qu'il y a accord pour commencer avec 1997-1998 pour le premier bloc et 1998-1999 pour le deuxième bloc.

M. Mulcair: C'est ça.

Le Président (M. Rioux): Alors, M. Comeau, bienvenue. Si vous voulez bien nous présenter vos collègues qui vous accompagnent aujourd'hui.


Exposé du président de la Commission d'accès à l'information (CAI)


M. Paul-André Comeau

M. Comeau (Paul-André): Alors, tout d'abord, à ma gauche, M. le Président et Mme, MM. les députés, Me André Ouimet, qui est secrétaire de la Commission et directeur du service juridique, et, à ma droite, M. Robert Parent, qui depuis plus d'un an est responsable de la Direction de l'analyse et de l'évaluation.

La Commission, ses précédents présidents et moi-même avons toujours considéré ces rencontres sur notre rapport annuel comme une occasion de profiter d'un éclairage différent et d'enregistrer des suggestions, des conseils qui visent à favoriser aux citoyens du Québec l'accès aux documents, ces lieux de la transparence démocratique, dans un certains sens, et aussi à mieux établir le respect de leur vie privée grâce à la protection de leurs renseignements personnels.

Avant de me pencher sur les activités et certaines des réalisations de la Commission durant cette période, dans un premier temps, je voudrais vous présenter un rappel quant à la Commission elle-même, ses mandats, sa clientèle et bien sûr son personnel. J'expliquerai ensuite les choix faits en vue de répondre aux mandats confiés par le législateur et aux attentes de la population. C'est ce qui va m'amener, dans un troisième temps, à épingler certaines des réalisations de la Commission durant la période sous examen soit en raison de leur impact sur l'ensemble de l'appareil public soit à cause de leur dimension au chapitre de l'innovation.

Ces dernières années, l'actualité a souvent propulsé la Commission à l'avant-scène. Certaines personnes qui nous découvraient alors ou s'intéressaient à nous pour la première fois ou de plus près n'en revenaient pas lorsque nous leur présentions les effectifs de la Commission. En tout et partout, depuis la réceptionniste jusqu'aux commissaires, sans oublier les avocats, les professionnels et tout le personnel de soutien, nous sommes exactement 41 personnes à composer une boîte qui est originale à plus d'un titre et une boîte qui est répartie entre Montréal et Québec.


Document déposé

Alors, je voudrais, pour faciliter la compréhension, M. le Président, faire distribuer un organigramme à vos collègues de la commission, si vous acceptez. Ces 41 personnes se regroupent en trois entités: le bureau du président, où se trouvent les membres de la Commission; le service juridique, qui assume également le secrétariat; et enfin la Direction de l'analyse et de l'évaluation. Bref, 20 personnes, cinq commissaires, sept avocats et neuf professionnels, répondent aux mandats fixés par l'Assemblée nationale grâce à l'appui évidemment du personnel de soutien.

Cette équipe modeste mais très productive, je tiens à le signaler, prend en charge le double volet de la loi ou plutôt des deux lois: l'accès à l'information et la protection des renseignements personnels, secteur public et secteur privé. La Commission s'est vu confier plusieurs mandats par le législateur en 1982 et en 1994. Cette décision a été confirmée de façon on ne peut plus claire par les membres de votre commission, la commission de la culture, dans votre étude du rapport quinquennal de la Commission d'accès à l'information qui a été publié en 1998. Je me permets de citer quelques paragraphes fondamentaux de ce rapport.

«Premièrement, la Commission d'accès à l'information, lit-on dans votre rapport, est un organisme d'adjudication au même titre qu'un tribunal administratif qui tranche les litiges opposant un organisme public à un citoyen ou deux citoyens entre eux, dans le cas de la loi sur le secteur privé. Deuxièmement, la Commission est également un organisme de surveillance et de contrôle qui, comme une régie, veille sur l'ensemble d'un secteur d'activité donné pour que la volonté du législateur y soit respectée. À ce double titre, la Commission exerce des pouvoirs décisionnels majeurs à l'égard des personnes ou d'autorités administratives dans le champ du droit à l'information et de la protection des renseignements personnels qu'on applique aux organismes publics et, depuis peu, aux organismes privés.

«L'importance des décisions individuelles – poursuit votre rapport – que la Commission peut prendre dans l'application de ces lois a des conséquences directes et incontournables sur sa nature et sur son mode de fonctionnement. En effet, dans notre système de droit, l'exercice de pouvoirs décisionnels de cette nature conditionne le statut de l'organisme ainsi que son mode de fonctionnement. Il importe – toujours selon votre rapport – de souligner que la Commission n'a pas, de par la loi, le mandat de faire la promotion ou de se porter à la défense des droits sous-jacents à la Loi sur l'accès, et cela, pour une raison bien évidente. Ce n'est en aucune façon le rôle d'un organisme d'adjudication ni d'un organisme de surveillance et de contrôle que de s'impliquer dans la promotion des droits dont il est l'arbitre. Un organisme juridictionnel qui tranche des litiges dans un secteur d'activité donné peut difficilement être appelé à faire la promotion des droits applicables dans ce secteur. Une telle position ne pourrait, à court ou à moyen terme, que le mettre en contradiction entre ses propos et les décisions qu'il doit rendre en application stricte de la loi. Ce n'est d'ailleurs le cas d'aucun tribunal administratif.»

Quant aux autres mandats édictés par le législateur en matière de surveillance et de contrôle, votre rapport est clair et précis, et je le cite de nouveau: «Sans entrer plus loin dans cette question de régie interne, la commission de la culture n'a pu s'empêcher de constater, d'après les chiffres qui lui ont été fournis, que le niveau d'effectifs de la Commission est, à ce moment-ci, minimal plutôt qu'optimal. La commission de la culture est d'accord pour que cette nouvelle exigence d'impartialité institutionnelle serve de fondement à un réexamen du niveau des effectifs de la Commission.» Fin de la citation.

Ces mandats sont confiés à la Commission, c'est-à-dire les cinq membres nommés par l'Assemblée nationale. Dans certains cas, ces commissaires, y compris le président, agissent de façon individuelle. C'est ainsi qu'en toute indépendance ils rendent des décisions exécutoires qui peuvent cependant faire l'objet d'un appel devant la Cour du Québec. Dans d'autres cas, ces mêmes commissaires s'acquittent ensemble des autres mandats qui sont confiés à la Commission par la loi. C'est le cas notamment du volet Avis et conseils que la Commission est appelée à émettre. Le président, qui ne dispose pas de voix prépondérante, se fait le porte-parole de ses collègues lorsqu'il s'agit de présenter et d'expliciter les avis de la Commission. Dans le cadre de ses fonctions précises, le président est en fait sur le même pied que chacun de ses collègues.

J'attire maintenant votre attention sur les clientèles auxquelles doit répondre cette même Commission. D'abord et avant tout, la Commission se veut au service des citoyens du Québec qui ont des droits fondamentaux à faire respecter. Dans le secteur public, pas moins de 3 200 organismes tombent sous l'emprise de la loi. On y retrouve évidemment les ministères et les organismes mais aussi le réseau de la santé, le réseau de l'éducation, le réseau municipal et une kyrielle d'autres organismes, 3 200 au total.

L'entrée en vigueur de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé a considérablement élargi cette clientèle. Les estimations à ce propos varient considérablement, mais, si l'on s'en remet aux chiffres de l'Inspecteur des institutions financières, au bas mot, plus de 200 000 entreprises sont visées par cette loi. 41 personnes – j'insiste et je reviens sur ce chiffre – pour assumer des mandats précis dessinés par deux lois et visant de très nombreuses clientèles, 3 200 organismes, 200 000 entreprises. En Ontario, la Commission analogue à la nôtre compte sur 65 personnes et, c'est important de le dire, la Commission ontarienne n'a pas juridiction sur le réseau d'enseignement ni sur le réseau de la santé, sans parler de l'absence de législation dans le secteur privé. En somme, au Québec, une équipe modeste qui revendique des réalisations sérieuses, des réalisations qui résultent des mandats donnés par le législateur et des choix effectués par la Commission.

Certains mandats s'imposent à la Commission et sont incontournables, ce sont d'ailleurs les plus connus. Il s'agit de l'examen des demandes de révision des décisions rendues par les responsables de l'accès de l'un ou l'autre des ministères et des organismes et aussi des demandes d'examen de mésentente dans le secteur privé. Bon an, mal an, comme en témoignent les deux rapports annuels, la Commission doit traiter près de 1 000 requêtes en vue de procéder à la révision des décisions de première ligne. Dans la plupart de ces dossiers, les avocats de la Commission pratiquent avec succès la médiation. Il n'en reste pas moins que chacun des commissaires tient audience à Montréal, à Québec et dans toutes les régions du Québec, d'où les quelque 350 décisions rendues chaque année. Aujourd'hui, c'est à plus de 3 400 décisions que s'élève le corpus des décisions de la Commission.

(14 h 20)

Mandat incontournable également, l'examen des plaintes en matière de renseignements personnels. La médiation s'impose ici devant les quelque 200 plaintes annuellement. C'est aux professionnels de la Commission qu'incombe cette activité, dont ils s'acquittent avec efficacité et succès. En fait, nous avons achevé la réforme de nos procédures d'enquête engagée dès 1996. Les plaintes qui n'ont pu être résolues par voie de médiation font l'objet d'audiences devant trois commissaires, comme l'exige actuellement la loi. Dois-je vous dire que nous espérons de tous nos voeux la modification de cette disposition législative.

Vous me permettrez aussi de signaler deux autres mandats qui s'imposent à la Commission: l'examen des projets d'échange de renseignements personnels entre ministres sans le consentement des personnes concernées; de même, l'évaluation des demandes de chercheurs, quelque 175 par année, qui veulent obtenir des ministères des renseignements personnels, toujours sans le consentement des personnes concernées. Ces deux activités, vous le comprendrez, sont accaparantes, et il n'y a pas besoin de calculatrice pour constater que ces tâches sollicitent une bonne partie des effectifs et des ressources de la Commission.

Selon les exigences de l'actualité, la Commission est moralement obligée de se saisir de certains dossiers et d'y consacrer du temps et des effectifs dans la mesure de ses moyens. Et c'est ici que s'inscrit la problématique des choix, des priorités. Avec ses effectifs et en raison de ses mandats incontournables, la Commission ne peut pas tout faire. Depuis le début, il y a maintenant près de 17 ans, la Commission a procédé à ses choix en tenant compte d'un a priori en faveur de la prévention et en misant sur les retombées d'une démarche pédagogique quant aux droits des citoyens.

Je m'explique. La Commission a toujours favorisé une démarche basée sur la prévention non seulement en matière de protection des renseignements personnels, mais aussi au chapitre de l'accès à l'information. Rien ne pourra corriger le viol de la confidentialité, même pas des dommages et intérêts faramineux. Il faut tout mettre en oeuvre pour prévenir de tels accidents, qui seront nécessairement amplifiés par le recours de plus en plus évident aux technologies de l'information.

Opter pour la prévention, c'est, de la part de la Commission, intervenir en faveur de l'enracinement d'une nouvelle dimension de la culture administrative, celle qui favorise la transparence par l'accès à l'information. De même, à l'égard de la protection des renseignements personnels, cette démarche vise l'instauration d'un réflexe et la mise en oeuvre de pratiques de prudence grâce à une sensibilisation systématique et constante du personnel et de la haute direction de l'administration publique. Ce parti pris en faveur de la prévention est, et j'en suis convaincu, la seule attitude compatible avec l'exercice du mandat quasi judiciaire confié à la Commission. Ce n'est pas sans fondement ni réflexion approfondie que le premier président de la Commission, le regretté Marcel Pépin, a tracé ce sillon, et il faut lui en rendre hommage.

J'en arrive au second critère qui guide les choix de la Commission lorsqu'il faut se déterminer entre plusieurs possibilités, entre plusieurs projets. C'est en fonction des retombées possibles quant aux droits des citoyens du Québec que nous arrêtons nos décisions en matière de projets ponctuels. C'est l'intérêt des citoyens du Québec que nous prenons en compte lorsque se présente, et elle se présente souvent, l'obligation de faire des choix.

Le contenu des deux rapports à la base de la rencontre d'aujourd'hui me paraît éloquent. Vous me permettrez de profiter de cette rencontre pour mettre en lumière certaines réalisations ou activités qui témoignent de l'expertise de la Commission.


Document déposé

J'attire tout d'abord l'attention sur la publication, en avril 1999, de la trousse pédagogique Inforoute, Attention zone scolaire . Je vous demanderais, M. le Président, de pouvoir également distribuer ce document. Malheureusement, je vous signale que l'édition anglaise – puisque nous avons fait deux éditions – est totalement épuisée. En plus de répondre à une demande du milieu scolaire lui-même, cette initiative a mobilisé durant plusieurs mois des intervenants du large monde de l'enseignement. C'est dans cette perspective que la Commission a accompagné ces travaux en vue de contribuer efficacement à l'utilisation sécuritaire d'Internet par les écoliers du primaire et les élèves du secondaire.

L'objectif de cette série de fiches: favoriser une utilisation intelligente des multiples possibilités d'Internet tout en évitant les dérapages, les incidents plus ou moins graves. Nous avons tous en mémoire un certain nombre d'exemples dont ont été victimes, surtout aux États-Unis, des enfants trop confiants lors de leur navigation sur Internet ou de leur participation à des groupes de discussion, les «chat groups».

Par ailleurs, au cours de l'année 1999, la Commission a mis un terme à son enquête sur les allégations de fuite de renseignements confidentiels au ministère du Revenu. D'entrée de jeu, il me faut rappeler que la décision du premier ministre invitant la Commission à faire toute la lumière sur ces allégations n'a pas fait l'unanimité. Tant dans les médias qu'à l'Assemblée nationale, des voix se sont élevées pour contester le recours à la Commission dans ce dossier. Les députés de l'opposition eux-mêmes ont plutôt mal accueilli cette décision. Ce constat n'est pas de moi, mais bien du juge Moisan.

Le président de la commission d'enquête sur les allégations relatives à la divulgation de renseignements fiscaux et confidentiels signale aussi que plus de sept mois auront été nécessaires pour mener cette enquête à terme. «Pourtant, écrit-il, les mandats à l'origine étaient circonscrits. Ils ont pu paraître banals et sans conséquence et résulter, poursuit-il, aux yeux de certains, d'une erreur malencontreuse. Mais le fait qu'ils portaient sur des renseignements confidentiels et qu'ils impliquaient le bureau du premier ministre leur a conféré une importance et des dimensions insoupçonnées», peut-on lire dans ce même rapport.

Dans une certaine mesure, l'histoire aura donné raison à ceux qui s'opposaient à l'enquête confiée à la Commission d'accès à l'information, mais l'utilité confirmée par le commissaire Moisan de la preuve constituée lors de l'enquête par la Commission d'accès à l'information nous rassure. En outre, je puis vous le certifier, la Commission a tiré des leçons de cette expérience pour le bénéfice même des citoyens qui l'interpellent. Aussi, depuis septembre dernier, la Commission a tenu près de 30 audiences publiques ou enquêtes où siègent en même temps trois commissaires. Aucune des décisions rendues au terme de ces audiences n'a été portée en appel. Nous y voyons là un motif de satisfaction.

Dans un autre ordre d'idées, en juin 1997, la Commission a soumis à l'Assemblée nationale son troisième rapport quinquennal intitulé Vie privée et transparence administrative au tournant du siècle . Ce rapport a enclenché le processus de révision des deux lois dont la Commission assure la surveillance. Ce rapport identifie les enjeux majeurs que l'administration publique et les entreprises doivent relever en vue de maintenir la transparence administrative et d'assurer aux renseignements personnels la protection et la confidentialité que garantissent le Code civil et deux lois prépondérantes.

Parmi ces enjeux majeurs, la Commission a signalé l'ampleur des questions que soulèvent l'introduction massive des nouvelles technologies de l'information et l'utilisation d'Internet en ce qui a trait à la protection des renseignements personnels et l'accès aux documents de l'administration publique. C'est précisément au problème de la sécurité informatique, l'une des conditions de base de la protection des renseignements personnels, que la Commission s'est attaquée de façon originale au printemps de 1998. À l'invitation de la Commission, 89 ministères et organismes se sont engagés simultanément dans une vaste opération d'audit de l'état de leur sécurité informatique. La Commission a ainsi impliqué au bas mot quelques milliers de personnes dans cette démarche échelonnée sur près de huit mois. La pratique d'un audit a nécessairement incité les responsables et les gestionnaires de l'informatique à se familiariser avec une démarche qui n'était peut-être pas courante, mais qui, à notre point de vue, devrait s'inscrire dans le cahier de charges de toute direction des services informatiques.


Document déposé

Au terme de cet audit, où des membres de la commission ont joué le rôle de personnes-ressources, la Commission a publié son rapport La sécurité des renseignements personnels dans l'État québécois – printemps 1998 – Une démarche bien amorcée . Je voudrais aussi maintenant, M. le Président, remettre à vos collègues une copie de ce rapport.

La Commission a placé au premier rang de ses cinq recommandations la nécessité de poursuivre et d'intensifier les démarches de sensibilisation des dirigeants et de l'ensemble du personnel de la fonction publique à la culture de la confidentialité des renseignements personnels, une recommandation qui peut sembler évidente mais qui traduit cependant une conviction partagée par tous les membres de la Commission. La protection des renseignements personnels passe d'abord et avant tout par la sensibilisation permanente de chacun des serviteurs de l'État et aussi par l'inscription de cette obligation dans le code d'éthique de chacun.

(14 h 30)

Je terminerai cette énumération de dossiers majeurs en rappelant la publication, à l'été 1998, du rapport de vérification Un défi de taille . Ici aussi, c'est le résultat d'une démarche où la Commission a pu compter sur la collaboration d'une dizaine de spécialistes en vérification venus prêter main-forte à son personnel permanent. Cette vérification a porté sur les avis, recommandations, ordonnances et conseils émis par la Commission entre 1992 et 1997. Au terme de cette vérification systématique, la Commission a mis en lumière et déploré une certaine nonchalance en ce qui a trait à la mise en oeuvre de ces décisions et de ces recommandations. Dès l'été 1998, nous avons engagé le suivi systématique des questions laissées en suspens lors de cette vérification.


Document déposé

Nous avons d'ailleurs publié en juin dernier, juin 1999, une mise à jour de ce rapport qui prend en compte les correctifs déjà mis en oeuvre. Et je voudrais aussi remettre ce document qui est relativement récent à chacun des membres de votre commission.

Enfin, je me dois de signaler le rôle de suppléance – et j'insiste sur ces mots, «rôle de suppléance» – joué par la Commission quant à l'information des Québécois. Chaque jour, trois membres du modeste personnel de la Commission, trois personnes sur 41, donc, répondent aux questions que des citoyens nous soumettent par téléphone. L'an dernier, plus de 20 000 appels téléphoniques ont été pris en charge par la Commission, et je ne parle pas des nombreuses demandes qui nous parviennent par courrier ou par courriel. Depuis des années, la Commission continue de s'acquitter de cette tâche qui ne fait pas partie de son mandat et pour laquelle elle n'a jamais été dotée d'effectifs précis. Depuis des années, la Commission maintient ce cap en vue de répondre aux attentes des citoyens.

Alors, voilà quelques-unes des réalisations importantes à l'actif de la Commission durant la période sous examen. Évidemment, nous avons dû négliger certains autres chantiers dont l'importance et l'intérêt ne font aucun doute. Je pense en premier lieu aux questions sérieuses que se posent beaucoup de Québécois, de Canadiens et d'Occidentaux, en fait, au sujet du commerce électronique et de la protection de leurs renseignements personnels lorsqu'ils y effectuent des transactions ou lorsqu'ils naviguent sur Internet. Quand on songe aux inquiétudes soulevées ces dernières semaines par les incidents et les pénétrations ou blocages de certains sites géants aux États-Unis, on devine l'importance, en tout cas l'utilité d'intervention à titre préventif d'organismes comme la Commission d'accès à l'information.

Il faudra aussi nous intéresser aux défis qui attendent les responsables de l'accès à l'information de l'ensemble de l'appareil administratif. Vingt ans exactement aujourd'hui après le lancement des travaux de la commission Paré, qui est à l'origine de notre régime légal d'accès à l'information et de protection des renseignements personnels, il y a, me semble-t-il, une nouvelle manche à engager au chapitre de la transparence administrative.

En terminant, je tiens à exprimer toute ma reconnaissance et ma gratitude aux membres et au personnel de la Commission en ce qui a trait à la qualité et au volume du travail accompli ces dernières années dans l'intérêt des citoyens du Québec. Je vous remercie, M. le Président.


Discussion générale

Le Président (M. Rioux): Merci, M. Comeau. Alors, nous allons tout de suite commencer la période de questions, de réflexions, de commentaires sur le rapport 1997-1998. Je commencerai, comme on fait d'habitude, par les députés ministériels. Alors, le premier à se... Ensuite, ce sera M. Bergeron, député de...


Mécanismes de protection des renseignements personnels et recours à la disposition des citoyens

M. Beaulne: Merci, M. le Président. D'abord, permettez-moi de souhaiter la bienvenue au président de la Commission d'accès à l'information ainsi qu'à mon collègue le député de Chomedey qui se joint à nous pour cette séance particulière.

La question que je vais vous poser d'entrée de jeu peut paraître assez évidente aux initiés de la commission et peut-être même à certains autres députés autour de la table, mais, pour le bénéfice des citoyens qui suivent nos échanges cet après-midi, il m'apparaît important de camper le rôle de votre Commission en regard de la protection des renseignements personnels des individus, d'une part, et, d'autre part, également en regard des recours que les individus peuvent avoir.

Je m'explique. Au cours des trois, quatre dernières années, le gouvernement du Québec, par diverses législations, s'est donné la possibilité législative de faire des croisées de données. Le gouvernement a permis à différents ministères, différents organismes de pouvoir s'échanger des données en vue d'améliorer la gestion des fonds publics, d'une part. Par rapport à cette nouvelle donne, les citoyens s'inquiètent, à juste titre d'ailleurs, des mécanismes qui sont en place pour permettre une protection minimum de ces renseignements. D'autre part, le gouvernement s'est également doté de l'équipement informatique lui permettant d'effectuer ces croisées de données, ce qui n'était pas nécessairement le cas il y a quelques années. Entre autres, au ministère du Revenu, on nous disait souvent que l'on ne disposait pas de l'équipement informatique suffisamment puissant pour effectuer ce genre de contrôle et ce genre de données.

Par rapport à ce double phénomène qui est particulier au cours des trois, quatre dernières années, est-ce que vous pourriez, pour le bénéfice de nos citoyens, expliquer d'abord quels sont les mécanismes de protection mis à leur disposition par votre Commission? Et, deuxièmement, advenant qu'ils se sentent lésés dans leurs droits, quels sont les recours qu'ils peuvent avoir?

Le Président (M. Rioux): M. Comeau.

M. Comeau (Paul-André): Je vous remercie, M. le député. Alors, votre question est très large, je vais tenter d'y répondre le plus correctement possible. Il faut dire que le problème des échanges de renseignements personnels entre des ministères et des organismes sans le consentement des personnes a été pris en charge dès l'adoption de la loi en 1982, c'est-à-dire qu'avant même qu'on songe aux progrès de l'informatique et aux nouvelles données déjà le législateur avait prévu de réglementer cela et de faire en sorte que ce soit l'exception plutôt que la règle, d'où la nécessité de conclure des ententes et de les soumettre à la Commission pour avis.

D'ailleurs, si vous regardez dans les deux rapports annuels, nous avons très clairement indiqué, si je prends le rapport de 1997-1998, aux pages 41 et suivantes, les ententes qui ont été soumises à la Commission durant cette année, qui ont été étudiées et qui ont été approuvées. Il s'agit là d'exceptions au principe fondamental établi par la loi, qui est une loi prépondérante, de l'étanchéité des ministères et organismes. Ça, c'est le législateur qui a décidé ça, que chaque entité, chaque ministère était un tout indépendant, et que c'était seulement par exception, puisqu'on allait à l'encontre de la loi, de la Charte et maintenant du Code civil, qu'on pouvait permettre ces échanges.

Le principe est en place depuis 1982. À cet égard, la Commission a donc comme rôle – c'est une obligation qui lui est imposée par la loi – d'étudier ces projets et d'émettre un avis à cet égard. Cet avis peut être rejeté par le gouvernement dans des circonstances précises, mais il doit toujours être publié dans la Gazette officielle . C'est donc dire que la Commission joue à cet égard un rôle précis d'évaluer s'il y a un fondement à cet échange et si les conditions prévues par le législateur sont en place.

Évidemment, ça ne fait pas l'affaire de tout le monde. Si vous vous rappelez, en 1996, le Vérificateur général est intervenu de façon très claire dans un rapport à l'Assemblée nationale pour dénoncer cet état de chose et pour faire en sorte que dorénavant le ministère du Revenu puisse aller chercher partout dans l'ensemble de l'appareil administratif québécois les fichiers dont il avait besoin pour combattre le travail au noir et l'évasion fiscale. Ça a été le début d'une vaste opération. Ensuite, le sous-ministre du Revenu de l'époque a obtenu, après avoir participé à une séance de la commission du budget et de l'administration de l'Assemblée nationale, une résolution unanime en ce sens, qui permettait donc au ministère du Revenu d'espérer obtenir carte blanche pour aller chercher partout tous les fichiers. Et là s'est engagée une chaude bagarre en commission parlementaire – d'abord en négociation entre la Commission et le ministère – où le Protecteur du citoyen, la Commission des droits de la personne sont venus se joindre à nous, et nous avons abouti à un consensus très clair.

(14 h 40)

C'est le Protecteur du citoyen qui a le mieux résumé ce consensus pour permettre au ministère du Revenu, malgré les principes fondamentaux de la loi, d'aller chercher les fichiers dont il estimait avoir besoin. Le Protecteur du citoyen, dans une lettre qui a été déposée à l'Assemblée nationale, dans une lettre au ministre du Revenu, le 13 juin 1996, écrit: «J'ai toutes raisons de croire que l'ensemble de ces amendements, dans la mesure où ils seront intégrés au projet de loi n° 32, feront en sorte que les droits des personnes intéressées seront valablement protégés dans le contexte très particulier de la lutte à l'évasion fiscale et au travail au noir.»

Et c'est là où la Commission a hérité de deux mandats très précis. En vertu de la loi modifiée du ministère du Revenu, elle doit étudier – et elle l'a fait à trois reprises – le plan d'utilisation de ces fichiers. Les deux premiers avis de la Commission ont été négatifs. C'est seulement au troisième avis que la Commission a accepté ce que voulait faire le ministère du Revenu.

De même, la Commission a comme obligation, chaque année, de joindre son avis au rapport que le ministère du Revenu doit déposer sur cette question à l'Assemblée nationale. Alors, c'est déjà le lieu d'un troisième rapport qui a été déposé en juin dernier et qui démontre comment la Commission intervient pour tenter de minimiser le plus possible l'impact de cette enfreinte au principe fondamental de l'indépendance des ministères entre eux sur la vie privée et la protection des renseignements personnels des citoyens. Alors, c'est un exemple précis, puisque vous avez soulevé le cas du ministère du Revenu, qui est utilisé par la Commission.

Maintenant, vous avez parlé aussi des recours à la disposition des citoyens. Les citoyens peuvent faire deux choses. Ils peuvent porter plainte à la Commission lorsqu'ils estiment que leurs renseignements personnels ont fait l'objet d'un traitement irrégulier, qu'ils ont été communiqués illégalement ou manipulés illégalement, et c'est là où la Commission intervient par médiation et, s'il le faut, par enquête. Ils peuvent aussi obtenir une audience pour réclamer la correction de l'accès à leur fichier de renseignements personnels et éventuellement des modifications. Cela se fait sous forme d'audience, avec une décision en bonne et due forme qui, je le répète, peut être appelable devant la Cour du Québec. Alors, il y a donc un volet global et systémique, si vous voulez, des activités de la Commission et puis il y a des activités individuelles exercées par chacun des commissaires. Je ne sais pas si je réponds à votre...

Le Président (M. Rioux): Il vous reste une minute, M. le député.

M. Beaulne: Oui. Question pointue: Au cours des deux années des rapports qu'on couvre, combien de plaintes la Commission a-t-elle reçues de la part des citoyens?

M. Comeau (Paul-André): En moyenne, c'est à peu près 200 par année. Ça joue entre 180 et 225 par année dans le domaine uniquement de la protection des renseignements personnels.

Le Président (M. Rioux): Il reste quelques secondes à...

Une voix: Non, ça va.

Le Président (M. Rioux): Non? Ça va. Alors, je vous rappelle qu'on a 10 minutes de chaque côté. Le temps inclut la question et la réponse. Alors, M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Juste pour m'aider avec le temps, à l'intérieur du temps qu'on s'était aménagé, vous voulez dire que vous voulez faire une alternance aux 10 minutes?

Le Président (M. Rioux): 10-10.

M. Mulcair: D'accord.

Le Président (M. Rioux): Alors, allez, monsieur.


Absence d'affectation d'un procureur de la Commission

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Alors, au nom de l'opposition officielle, je tiens à souhaiter la bienvenue au président de la Commission d'accès à l'information et à ses proches collaborateurs. Je les remercie d'être ici avec nous aujourd'hui. Comme le président l'a indiqué, comme tout le monde ici le sait, ça a été deux années extrêmement mouvementées. C'est toujours regrettable lorsqu'on doit passer plus que deux ans avant de revoir un organisme aussi important que la Commission d'accès à l'information pour voir son rapport annuel, pour pouvoir sonder ses principaux décideurs, mais, que voulez-vous, c'est comme ça. Cette fois-ci, on en prend deux en même temps puis on a à peine, comme vous l'avez mentionné au début, M. le Président, deux heures par rapport annuel.

D'emblée, j'aimerais aborder un thème que le président a lui-même traité dans beaucoup de détails. Il nous a parlé à plusieurs reprises du fait qu'il n'y avait que 41 personnes qui travaillent à la Commission d'accès à l'information. J'ai eu, M. le Président, moi-même à gérer un organisme au gouvernement, l'Office des professions du Québec, qui avait une taille tout à fait semblable. Je sais le défi que cela peut représenter et je sais donc, en conséquence, à quel point c'est important de toujours utiliser au mieux ses ressources. Et, avec cela à l'esprit, j'aimerais demander au président de la Commission d'accès à l'information, avec les maigres ressources dont il dispose... Et j'en profite tout de suite pour ouvrir une parenthèse et féliciter le personnel permanent de la Commission d'accès à l'information, au nom de l'opposition officielle, pour leur travail hors pair. À l'interne, les gens qui travaillent à la Commission d'accès travaillent comme peu de gens au gouvernement. On leur demande énormément, puis ils fournissent.

Mais c'est en termes de gestion qu'on a vraiment des questions aujourd'hui, pas avec le personnel permanent à l'intérieur de la Commission, M. le Président. J'aimerais savoir de la part du président Comeau comment il se fait qu'avec les maigres ressources dont il se plaint il s'est permis de tabletter le procureur Me Marc Bergeron, celui qui avait fait un travail très correct, très honnête dans toute l'affaire des fuites de renseignements confidentiels fiscaux au bureau du premier ministre du Québec, et en vertu de quoi il s'est permis de le tabletter.

Le Président (M. Rioux): M. Comeau.

M. Comeau (Paul-André): Je pensais que c'était là un dossier classé.

M. Mulcair: Good luck!

M. Comeau (Paul-André): Je n'ai pas tellement le goût d'en parler, d'autant plus que le principal intéressé occupe maintenant de nouvelles fonctions dans un autre organisme public. Mais vous voulez vraiment en parler?

M. Mulcair: J'exige qu'on en parle, M. le Président.

M. Comeau (Paul-André): Très bien. Alors, il y a eu effectivement une absence d'affectation à l'égard de Me Bergeron après la période de vacances qu'il a prise lui-même au lendemain de la fin de notre commission d'enquête. Cette absence d'affectation s'imposait en raison de la rupture du lien de confiance énoncée le 16 mars 1999 dans l'ordonnance que Me Michel Laporte, Me Roberto Luticone et moi-même avons signée et que j'ai lue en public.

Au sujet de la rupture de ce lien de confiance, nous nous sommes exprimés ainsi: «À notre avis, il est inacceptable que le procureur de la Commission ait posé les gestes suivants: laisser entendre, notamment dans sa lettre du 21 décembre 1998 adressée au président avec copie aux participants, que les commissaires ne voulaient pas faire toute la lumière dans cette affaire; prêter des intentions à des personnes qui n'ont pas encore été appelées à témoigner ou qui ne le seront manifestement pas; tenter d'intimider des témoins en les identifiant publiquement avant même de leur avoir parlé; répandre des allégations de conflits d'intérêts à l'égard de commissaires qu'il sait nullement impliqués dans les décisions administratives de la Commission; se comporter comme un participant sans se soucier du mandat particulier qui lui a été confié; manquer à son devoir d'indépendance en appuyant les requêtes de certains participants portant sur des matières excédant le cadre de ses fonctions. Vous en conviendrez – et je cite toujours le texte de cette ordonnance – notre patience a été mise à rude épreuve. Nous sommes très loin de la sécurité qui doit caractériser les travaux de la Commission. Devant ces faits, la Commission ne peut que constater que le lien de confiance avec son procureur a été rompu.»

Me Bergeron fait maintenant partie du service juridique du Curateur public. Il s'agit là de renseignements personnels à caractère public. Quant aux autres questions sur Me Bergeron, je n'ai pas son autorisation pour en parler. Je vais poursuivre, cependant, M. le Président, sur cette notion de lien de confiance qui est une notion fondamentale.

M. Mulcair: M. le Président, étant donné que le temps est limité, je remercie beaucoup M. Comeau de son offre de pérorer sur la notion de lien de confiance, mais, en tant qu'avocat moi-même, c'est une notion que je maîtrise assez bien, et je pense que le temps de notre commission, cet après-midi, serait mieux dépensé si on se concentrait sur la question qui est devant nous.

M. Comeau, à juste titre, dit que 41 personnes, ce n'est pas assez pour faire le travail qui lui est demandé, et, comme pour une fois, étant donné notre retard pour un des deux rapports annuels, on a la chance de le voir avant la défense des crédits, et, comme il sait comme nous qu'il n'a pas le droit de dépenser de l'argent des payeurs de taxes autrement que de la manière qui est prévue par loi ou par règlement, je demanderais à M. Comeau de nous montrer où, dans la convention collective des juristes de l'État, dans la loi régissant la fonction publique ou dans les règlements y afférents, on trouve la possibilité pour un président d'organisme de demander à un juriste de l'État de ne plus se présenter au travail et de le payer. Car, M. le Président, la convention collective stipule très bien que, en dehors d'un motif qu'on appelle dans le jargon «juste et suffisant», c'est-à-dire un motif de congédiement, il n'y a rien qui permet de faire ce que M. Comeau a fait avec Me Bergeron, lui demander de rester chez lui et dire: Je vais te payer pareil. J'aimerais qu'il nous dise où il trouve, dans les lois et règlements du Parlement ou du gouvernement du Québec, une telle autorisation de dépenser l'argent des payeurs de taxes de cette manière-là.

Le Président (M. Rioux): M. Comeau.

M. Comeau (Paul-André): Oui. Alors, je reviens à la raison à la base de cette absence d'affectation, la rupture du lien de confiance entre le procureur et la Commission. Alors, la Commission, par la voie de ces trois membres de la Commission...

(14 h 50)

M. Mulcair: M. le Président...

Le Président (M. Rioux): M. Comeau, un instant, s'il vous plaît. M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Le président de la Commission d'accès a parlé tantôt des limites de la patience, la mienne commence à être mise à dure épreuve. J'ai dit tantôt qu'on n'a pas besoin de leçon de la part de M. Comeau sur la notion juridique de lien de confiance, c'est une notion bien définie par la législation et par la jurisprudence. Ce que je lui demande... Comme administrateur d'État qui a une fonction au même niveau qu'un sous-ministre, comme président d'organisme, il n'a pas le droit de dépenser l'argent des payeurs de taxes autrement que de la manière prévue par loi ou par règlement. Il est en train de plaider sa propre turpitude, il nous dit que... S'il y avait un bris de lien de confiance, il n'avait qu'à agir de la sorte et procéder de la manière prévue, mais il a fait autre chose. Il constate lui-même qu'il y a un bris du lien de confiance puis il dit à la personne: Malgré cela, je vais te garder chez toi puis je vais te payer.

Je lui demande juste ceci: Aidez-nous. Moi, j'ai toutes les lois, tous les règlements, toutes les politiques de gestion du Conseil du trésor devant moi, j'ai dû manquer quelque chose, parce que je ne trouve nulle part là-dedans l'autorisation pour un président d'organisme de dire à un juriste de l'État: Toi, là, reste chez vous. Je ne veux plus te voir icitte, mais je vais te payer pareil. Ça se trouve où dans les politiques de gestion du gouvernement du Québec?

Le Président (M. Rioux): M. Comeau.

M. Comeau (Paul-André): Oui. Alors, je vous signale, M. le Président, que Me Bergeron représentait la Commission à Montréal devant la Cour du Québec, la Cour supérieure et, à l'occasion, la Cour d'appel. Il était impensable que la Commission demande à Me Bergeron, dont on avait dénoncé l'absence de lien de confiance, de poursuivre ses activités. Et c'est au nom du respect de la justice et du respect des institutions que nous avons espéré que Me Bergeron puisse reprendre sa carrière ailleurs. C'est au nom du gros bon sens que nous n'avons pas agi comme le député le laisse entendre.

Le Président (M. Rioux): M. le député, vous avez encore 30 secondes.

M. Mulcair: M. le Président, dans une lettre datée du 9 février 1998 adressée à Me Marc Bergeron, Paul-André Comeau a eu ceci à dire en lui parlant d'une des tâches qu'il venait d'accomplir: «Vous avez spontanément accepté de relever le défi d'assurer les fonctions de procureur de la Commission durant cette démarche, et je vous suis particulièrement reconnaissant. Vous avez également pris en charge les relations avec la presse, et je vous en remercie.»

Me Bergeron vient d'être nommé dans un autre ministère, effectivement, où il doit fournir, croyez-le ou non, l'expertise juridique dans des questions mettant en cause l'intégrité d'employés de l'État. M. le Président, ce qu'on essaie de faire comprendre à M. Comeau, c'est qu'au-delà de ses théories et ses perceptions personnelles il est régi par la loi. Me Bergeron a déjà été félicité par lui-même pour ses relations avec la presse, sauf que, quand ça allait dans un sens qu'il n'aimait pas, il prétend maintenant que cela brisait le lien de confiance. S'il y avait un tel problème avec lui et le respect des institutions, ce serait fort surprenant que le même ministère – parce que ça relève du même ministre – ...

Le Président (M. Rioux): M. le député de...

M. Mulcair: ...l'aurait nommé en charge de l'intégrité des employés.

Le Président (M. Rioux): Alors, vous avez quelques secondes.

M. Comeau (Paul-André): Écoutez, la Commission relève d'un ministre uniquement sur le plan financier, et là-dessus la loi est très claire.

Le Président (M. Rioux): Merci. Alors, je passe maintenant, du côté ministériel, au député d'Iberville.


Traitement des plaintes

M. Bergeron: Merci, M. le Président. M. Comeau, tantôt vous avez dit que vous avez un mandat qui est très vaste, 3 200 organismes, et que vous receviez à peu près 1 000 requêtes par année. Je regarde, dans votre rapport, les demandes reçues et les demandes réglées, et je me rends compte qu'il y a à peu près 80 % des demandes qui sont réglées. Donc, il nous reste un 20 % qui est en suspens. J'aimerais que vous me parliez... Qu'est-ce qui arrive? Quels sont les mécanismes pour ce 20 % là? Il doit y avoir appel, il doit y avoir des mécanismes d'ajustement, de résolution qui sont après, lorsqu'il n'y a pas eu règlement à la satisfaction de l'organisme ou de la personne demanderesse.

M. Comeau (Paul-André): Alors, là-dessus...

Le Président (M. Rioux): M. Comeau.

M. Comeau (Paul-André): Excusez-moi. Là-dessus, M. le Président, la réponse est simple, c'est que les demandes enregistrées pendant une période de 12 mois, les demandes qui sont enregistrées durant les derniers mois ne peuvent pas faire l'objet d'une audience durant l'année en question. Donc, il y a un pourcentage de ces dossiers qui sont reportés sur l'année suivante et qui seront entendus au début de l'année. Il y a un décalage entre l'entrée d'un dossier à la Commission et l'audience, en ce qui concerne le processus de révision, qui peut se situer, selon le cas, entre deux et quatre mois. Donc, ça joue.

Il y a aussi évidemment dans ce relevé les décisions qui ont été prises en délibéré et qui seront rendues dans les semaines à venir. Et puis il y a aussi quand même un certain pourcentage de dossiers qui ne sont pas réglés parce qu'ils sont portés en appel. Mais, globalement, 80 %, d'année en année, c'est le nombre de dossiers fermés. Et, je vous dis, grosso modo, il y a à peu près 20 % des dossiers qui le seront dans les semaines à venir, sur la nouvelle année, étant donné ce décalage.

M. Bergeron: Mais, sur ce 20 % là, M. Comeau, qu'est-ce qui se passe? S'il y a un règlement qui a été proposé et qui n'est pas à la satisfaction du demandeur, donc il y a appel. Qu'est-ce qui se passe dans ce cas-là?

Le Président (M. Rioux): M. Comeau.

M. Comeau (Paul-André): Oui. Alors, il faut distinguer, M. le député, deux choses ici. Les demandes de révision lorsque quelqu'un demande l'accès à un document. Si, à la suite de l'intervention du personnel de la Commission, la médiation échoue, il y a une audience avec une décision en bonne et due forme qui suit dans les trois mois. S'il s'agit d'une plainte à l'égard des renseignements personnels, alors, à la suite de la réforme que nous avons mise en vigueur, avec beaucoup de difficultés, je le reconnais, depuis 1996, mais qui fonctionne très bien maintenant depuis septembre, nous sommes obligés de tenir une audience avec trois commissaires pour entendre ce cas-là et là rendre une décision.

Alors, c'est extrêmement lourd et ça pose des problèmes majeurs. Ça pose des problèmes majeurs en ce sens qu'il faut dire que 60 % ou 70 % de tous ces dossiers proviennent de la grande région de Montréal. Donc, les audiences doivent se tenir à Montréal. Et là, étant donné que le siège social de la Commission est à Québec, il y a des problèmes de logistique, il y a des problèmes financiers aussi qui en découlent. Mais, grosso modo, la médiation permet de résoudre au minimum 70 % de tous ces cas-là. La marge est très réduite. Par exemple, sur 1 000 demandes d'examen de révision dans le domaine de l'accès, on n'entend que 350 à 375 causes par année. Tout le reste est réglé par la médiation, ce qui est un taux de succès de 65 % à 70 % qui est très impressionnant.

Le Président (M. Rioux): Merci.


Protection dans la transmission de renseignements personnels vers l'extérieur du Québec

M. Bergeron: Une dernière chose, je veux revenir sur la sécurité informatique. Maintenant, vous l'avez mentionné, c'est un domaine qui est très vaste. Il y a beaucoup d'intervenants qui viennent là-dedans, et souvent c'est que les renseignements personnels peuvent se situer dans des banques de données qui sont à l'extérieur du Québec. Donc, ma question, c'est: La Commission d'accès à l'information, ici, elle est sur le territoire national du Québec, et qu'est-ce qui arrive quand il y a des données qui sont à l'extérieur du territoire national?

Le Président (M. Rioux): M. Comeau.

M. Comeau (Paul-André): Là, il y a un problème juridique précis. Je ne suis pas sûr que le projet de loi fédéral va nous régler cela. Dans la loi québécoise sur le secteur privé, il y a une disposition, et je vais demander à Mme Ouimet de vous expliquer – parce que c'est de la technique juridique – exactement la situation à cet égard.

Le Président (M. Rioux): M. Ouimet.

M. Ouimet (André): Oui. En fait, dans les faits, il peut exister deux situations. La première, c'est une entreprise québécoise, mais qui va transférer des renseignements à l'extérieur du Québec. Je prends, par exemple, quelqu'un qui aurait, à l'époque, été employé d'Eaton, Eaton transmettait ses dossiers au siège social, à Toronto. Alors, la loi québécoise prévoyait des règles très claires, c'est-à-dire que Eaton, à Québec, ne pouvait transmettre des renseignements à Toronto sans s'assurer que Toronto respecterait les principes de la loi québécoise. Alors, ça, c'est l'article 17 de la loi.

(15 heures)

La situation est beaucoup moins claire lorsque c'est une entreprise qui est à l'extérieur du Québec qui recueille des renseignements. Prenons, par exemple, American Express. Elle recueille des renseignements sur les Québécois, mais on sait que ces renseignements-là sont gérés ailleurs qu'au Québec. Il y a eu des décisions de la Commission où la Commission a dit que la loi québécoise pouvait s'appliquer en matière d'accès aux documents. Maintenant, la difficulté d'application serait de vérifier, si la Commission recevait une plainte, comment l'entreprise qui est à l'extérieur du Québec applique les principes de la Loi sur l'accès. On n'a pas eu à le faire encore, mais vous comprendrez qu'on aurait des difficultés à s'en aller sur un autre territoire pour vérifier l'application de la loi.

Le législateur fédéral est en train de faire une loi, qui portait auparavant le nom de C-54, et maintenant c'est C-6, pour l'ensemble du Canada, sur la protection des renseignements personnels. La Commission d'accès québécoise s'est exprimée sur ce projet de loi là parce qu'elle considère qu'il y a des difficultés majeures d'application au Québec, si la loi devait être votée telle quelle. Mais, selon les informations que nous avons présentement, le ministre de l'Industrie et du Commerce canadien est en train de faire passer la loi canadienne.

Le Président (M. Rioux): Bien. Alors, M. le député de Frontenac.

M. Boulianne: Merci. Non, je vais attendre.

Le Président (M. Rioux): Ah, bien, il nous reste un peu de temps. M. le député de Saint-Hyacinthe, il nous reste 2 min 30 s.

M. Dion: 2 min 30 s? Ce n'est pas beaucoup de temps, ça. Écoutez, merci, M. le Président, de me donner la parole. Non seulement j'apprécie beaucoup que vous me donniez 2 min 30 s, c'est précieux, mais on va essayer de les utiliser de la façon la plus judicieuse possible.

Le Président (M. Rioux): Utilisez-les intensément.


Publication traitant de la navigation sur Internet

M. Dion: Justement, ma préoccupation est dans le domaine de l'Internet. Je viens de recevoir ce dossier qui nous a été remis et qui est très intéressant concernant l'Internet et j'ai l'impression que, autant le dossier est intéressant, autant il donnera sans doute lieu à d'autres documents, parce que ça me semble être des orientations assez précises et qui tiennent compte de l'âge des enfants, et tout ça. Mais je ne douterais pas qu'il y ait intérêt à ce que le ministère de l'Éducation reprenne ce document d'un point de vue pédagogique et le transforme en instrument pédagogique qui soit vraiment à la portée de chaque âge, parce que les jeunes entrent sur Internet à partir du plus jeune âge, actuellement, même avant le deuxième cycle du primaire. Alors, il y aurait peut-être des documents pédagogiques adaptés, à moins que la Commission se soit donné la mission de remplir cette mission-là.

J'aimerais savoir: Est-ce que la Commission a eu des relations avec le ministère de l'Éducation dans ce domaine-là?

M. Comeau (Paul-André): M. le député...

Le Président (M. Rioux): M. Comeau.

M. Comeau (Paul-André): Pardon. M. le Président, vous n'avez pas eu le temps de regarder ce dossier, mais je dois vous dire que ce dossier a été fait avec des représentants de la Centrale de l'enseignement du Québec, de la Fédération des commissions scolaires, de toute une série d'intervenants, y compris des fonctionnaires du ministère de l'Éducation, de l'entreprise privée. C'est un ouvrage collectif où la Commission a joué le rôle, en somme, d'accompagnateur ou de pilote extérieur.

Les fiches ont été rédigées, à l'intention soit des enfants soit des parents, par des spécialistes. Alors, la fiche pour les enfants est dans un langage qui va vous paraître enfantin. Je pense qu'on a réussi la démarche pédagogique, mais, en tout cas, ça a été fait, ça a été visé par des pédagogues, par des spécialistes. Chacune des fiches a un ton différent, selon le public. J'espère qu'on a réussi. Jusqu'à maintenant, en tout cas, les réponses que l'on a – parce que nous sommes inondés de demandes – nous laissent croire que l'on a assez bien réussi.

Si vous regardez, il y a deux fiches qui sont destinées l'une aux élèves du primaire, l'autre aux élèves du secondaire, et on emploie même le «tu». Par exemple, on dit: «Dans le cadre d'une activité pédagogique sur Internet, informe-toi auprès de ton professeur avant de fournir les renseignements personnels.» On a tenté de faire un instrument utile, et la présence dans ce groupe-là d'enseignants, de pédagogues et de représentants du secteur privé, je pense, nous a permis de réussir. La fiche la plus importante pour moi, c'est celle aux parents, qui est très lourde de conséquences et qui oblige à se poser de très sérieuses questions lorsque les enfants deviennent, comme vous le dites, très rapidement des navigateurs impénitents sur Internet.

Le Président (M. Rioux): Merci, M. le président. M. le député de Saint-Hyacinthe, vous pourrez revenir tout à l'heure dans le bloc de 10 minutes. M. le député de Chomedey.


Absence d'affectation d'un procureur de la Commission (suite)

M. Mulcair: Merci, M. le Président. J'aimerais reprendre avec M. Comeau le sujet qu'on abordait tantôt. Il nous disait que, hormis des questions proprement budgétaires, il ne relevait pas, à proprement parler, du ministre responsable; il avait un statut différent. J'aimerais lui poser la question suivante, suite à son analyse, et je vais le faire en utilisant un exemple qu'il connaît bien. À cette époque-ci, l'année dernière, le président Comeau et sa Commission ont rendu une décision suite à une analyse qu'ils avaient faite de certaines informations confidentielles qui avaient été transmises par le ministère du Revenu à une compagnie privée de sondage. Leur conclusion, c'est que c'était illégal. Même si la ministre, la députée de Rosemont, Mme Dionne-Marsolais, n'avait jamais elle-même participé à cette transmission d'informations, elle était obligée de démissionner. C'était elle qui était responsable comme ministre.

Moi, ce que j'aimerais savoir de la part de M. Comeau, c'est la chose suivante. Advenant le cas qu'il serait conclu qu'il y a eu une dépense de l'argent du contribuable qui n'était pas conforme à quelque loi ou règlement que ce soit, est-ce que c'est M. Comeau lui-même qui assumerait la responsabilité de cette dépense illégale ou est-ce que ça serait la responsabilité du ministre?

Le Président (M. Rioux): M. Comeau.

M. Comeau (Paul-André): Aucune réponse à cela. Je n'ai pas pensé à cette question.

M. Mulcair: Est-ce que le président de la Commission d'accès à l'information peut répondre? Parce qu'on n'a jamais eu une réponse tantôt, hormis ses impressions. Est-ce qu'il peut nous aider à trouver, dans la Loi sur la fonction publique, dans le recueil de politiques de gestion du Conseil du trésor, dans les autres documents émanant du gouvernement ou du Parlement, l'autorisation qu'il a trouvée pour payer un juriste avec qui, il a dit, il n'y avait plus de lien de confiance, de le payer pour rester chez lui? Il a trouvé où cette autorisation de dépense de cet argent public là?

Le Président (M. Rioux): M. Comeau.

M. Comeau (Paul-André): Oui. Alors, M. le Président, je répète que la Commission ne pouvait pas envoyer devant les tribunaux un procureur dont on avait dénoncé sur la scène publique, dans une démarche quasi judiciaire, la rupture du lien de confiance. Il faut être logique et cohérent. On ne peut pas dire aujourd'hui: Vous avez notre confiance; et demain matin, en Cour supérieure, en Cour d'appel ou en Cour du Québec: Alors là vous ne l'avez plus, ou vice versa. Et là c'est du gros bon sens. Et tous ceux qui ont administré des ministères ou des organismes savent fort bien qu'il y a des culs-de-sac ou des impasses et dans lesquels il faut faire preuve d'un minimum d'imagination à ce moment-là. Et ce n'est pas une imagination débordante que de demander à quelqu'un, dans l'attente d'une nouvelle affectation, qu'il approfondisse sa loi chez lui.

Le Président (M. Rioux): Merci. M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: M. le Président, je félicite le président de la Commission d'accès pour son imagination et sa créativité. Cependant, il a des contraintes comme nous tous ici. On est une commission parlementaire – on est des élus – formée des gens du côté ministériel et du côté de l'opposition. Ici, aujourd'hui, ça fait partie du travail qu'on doit faire au nom de l'intérêt public, on discute du rapport annuel d'un organisme d'État. Un organisme d'État est régi par la loi. Toute la gestion que doit faire M. Comeau est seulement régie par la loi, et les règlements, et les politiques qui en découlent légalement. On vit dans une société de droit. C'est la primauté du droit, sinon ça ne marcherait pas. S'il suffisait de baisser sa fenêtre et de dire au policier: Coudon, c'est le gros bon sens pourquoi je n'ai pas fait mon stop, ça serait problématique, même si la personne était dotée de beaucoup de créativité et que, pour elle, ça allait de soi qu'il ne fallait pas faire ce stop-là. C'est une opinion qui existe, mais mettons que ça ne nous amènerait pas loin comme société, si c'était comme ça.

Alors, je reviens à ma question: Quel article, M. Comeau, quelle loi, quel règlement, quelle politique où est-ce qu'il a trouvé l'autorisation de dépenser l'argent public de cette manière-là? Car, M. le Président, si c'était le cas qu'il y avait bris du lien de confiance, ils avaient une obligation. Il y a une loi là-dessus. Il y a un motif juste et suffisant de congédiement, on procède, et à ce moment-là il y a toutes sortes de procédures judiciaires. M. Bergeron aurait eu le droit de se défendre, Me Bergeron. S'ils avaient voulu le mettre en disponibilité, légalement, il aurait fallu donner un avis, et il aurait eu le droit de se défendre. Mais il était face à une décision occulte, avec aucune autorisation. On l'a écoeuré, on l'a envoyé chez lui. Quelqu'un qui a essayé de défendre la loi s'est fait, lui, punir par quelqu'un qui n'a aucune autorité légale pour ce qu'il a fait.

(15 h 10)

Je demanderais par ailleurs à M. Comeau de nous dire combien il a payé à la société d'avocats Flynn, Rivard, un cabinet privé d'avocats, pour rédiger le document daté du 22 octobre 1999 entre la Commission d'accès à l'information et Me Marc Bergeron. Combien d'argent du public a été dépensé pour la rédaction de ce document?

Le Président (M. Rioux): M. Comeau.

M. Comeau (Paul-André): Pour répondre à votre question précise, je ne le sais pas. Je vous répondrai rapidement. Dans les jours qui viennent, je vous enverrai le montant exact. Je ne suis pas préparé à cela. Je ne pensais pas qu'on était en défense de crédits aujourd'hui.

M. Mulcair: Je m'excuse, j'ai manqué la dernière...

M. Comeau (Paul-André): Je ne pensais pas que nous étions en défense de crédits. Je ne me suis pas préparé à ça, monsieur. Je vais être très franc.

Le Président (M. Rioux): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: O.K. C'est toujours le même plaisir pour nous d'accueillir M. Comeau, puis, nous, on est toujours prêts à aborder les importants sujets concernant la Commission d'accès.

M. Comeau (Paul-André): Je vais vous répondre dans les 48 heures, M. le député.

M. Mulcair: Puis peut-être pendant ce temps-là, M. le Président, pourrais-je demander à M. Comeau de nous citer, dans la réponse qu'il va nous donner sur les sommes qui ont été dépensées à Flynn, Rivard, de nous donner l'autorisation législative ou réglementaire qui existe pour la dépense de l'argent pour avoir gardé M. Bergeron chez lui, de nous dire en vertu de quelle loi ou quel règlement il a versé, aux termes de l'article 2 de l'entente intervenue entre la Commission et Me Bergeron, la somme de 1 500 $ comme dédommagement à Me Bergeron. Où est-ce qu'il a l'autorité légale de dépenser l'argent des payeurs de taxes là-dessus aussi? C'est des questions très importantes et c'est directement dans le mandat de la Commission d'accès à l'information. Je pense que, si notre travail ici, de part et d'autre, veut avoir un sens, c'est exactement le genre de question à laquelle on a le droit d'avoir une réponse, comme élus qui représentent l'intérêt du public.

Le Président (M. Rioux): M. Comeau.

M. Comeau (Paul-André): M. le Président, je vous transmettrai, vous la transmettrez à vos collègues, la réponse sur les deux dimensions de cette question: le montant exact de la note d'honoraires qui a été soumise par cet avocat de même que la base sur laquelle...

Le Président (M. Rioux): La référence réglementaire.

M. Comeau (Paul-André): Oui, exactement. C'est cela.

Le Président (M. Rioux): Très bien.

M. Mulcair: Je veux juste m'assurer, et c'est ce que j'aurais souhaité comme dernière partie de réponse, M. le Président, mais je ne suis pas sûr que c'est ça que le président de la Commission s'est engagé à nous donner. Alors, on s'entend bien: il va nous indiquer combien a été versé à Flynn Rivard et il va aussi nous indiquer son autorisation législative pour la dépense prévue aux termes de l'article 2 de l'entente...

M. Comeau (Paul-André): Exactement.

M. Mulcair: ...ainsi que la dépense de l'argent des payeurs de taxes pour garder Me Bergeron chez lui sans travailler.

M. Comeau (Paul-André): Non, non, ça, je n'ai pas dit cela, monsieur. C'est vous qui avez dit ça.

Le Président (M. Rioux): M. le président...

M. Mulcair: Je suis content qu'on clarifie la question.

Le Président (M. Rioux): M. Comeau.

M. Comeau (Paul-André): Oui. M. le Président, je m'engage à répondre très précisément quant au montant de la note d'honoraires et quant à la base de ce règlement. Quant au reste, je reviens, il y a une rupture de lien de confiance, et là il faut se servir aussi de sa tête. On ne peut pas, je pense qu'il faut être réaliste là-dessus, dire aujourd'hui: Il n'y a plus de lien de confiance, et demain confier un mandat devant un tribunal à ce procureur. Ça, je pense que c'est quelque chose de très élémentaire, et ça, tout le monde le comprend.

M. Mulcair: M. le Président, ce qu'on tente d'inculquer au président de la Commission d'accès depuis tantôt, c'est une compréhension de l'importance d'agir en conformité avec la loi et pas en conformité avec ses émotions personnelles. S'il y a effectivement bris de lien de confiance, il y a motif de congédiement. Il aurait fallu, en vertu de la loi, qu'il agisse de la sorte, auquel cas Me Bergeron et l'Association des juristes de l'État auraient pu se défendre. Mais, plutôt que de prendre à visière levée une décision claire qui s'impose lorsqu'il n'y a plus de lien de confiance, le président de la Commission a tenté d'avoir Me Bergeron à l'usure en l'envoyant chez lui. On voit qu'il y en a d'autres qui ont confiance parce que le mandat qui lui est confié maintenant est très important, ça concerne l'expertise juridique sur les questions d'intégrité d'employés de l'État et de demandes de corporations professionnelles.

Mais il n'a pas agi de la sorte. Il dit: J'ai agi selon mon gros bon sens. S'il n'y avait pas de lien de confiance, une action possible en vertu des lois et règlements, à moins qu'il en connaisse d'autres et qu'il veuille les partager avec nous, la seule que, nous, on connaît, c'est le congédiement, auquel cas il y a un processus qui s'enchaîne: ou le congédiement est justifié ou le congédiement n'est pas justifié. Mais, sous le coup de ses impulsions et sa réaction d'avoir été incapable lui-même de faire une enquête correcte sur les fuites de renseignements personnels au ministère du Revenu et par le cabinet du premier ministre Bouchard, et le voilà, il faut que, lui, il trouve un bouc émissaire pour son incapacité, et le bouc émissaire s'appelait Me Marc Bergeron. Et je le déplore.

Le Président (M. Rioux): Rapidement, M. Comeau.

M. Comeau (Paul-André): Oui. Alors, d'abord, je répète qu'il s'agit d'une enquête quasi judiciaire et que ce n'était pas l'enquête de Comeau, c'est une enquête de trois personnes. Les propos qui viennent d'être dits ne sont pas très louangeurs à l'égard de mes collègues.

Le Président (M. Rioux): Merci. Je retourne au député de Saint-Hyacinthe.


Conséquences du projet de loi fédéral sur la protection des renseignements personnels

M. Dion: Merci, M. le Président. Je reviens à ma question de tout à l'heure, qui m'intéresse au plus haut point, qui est toute la question de l'inforoute de l'information et de la protection des renseignements personnels. C'est une question excessivement complexe. C'est très difficile de traiter cette question-là et de prévoir les problèmes qui peuvent se présenter.

On sait que la mission de la Commission d'accès à l'information est bien définie dans la loi et on sait que la loi qui fait obligation au président de la Commission d'atteindre certains objectifs lui confère, par le fait même, le droit de prendre des moyens légaux pour les atteindre. Et, dans ce contexte-là, j'ai lu votre rapport de l'année 1997-1998 et j'ai vu un passage très intéressant sur la protection des renseignements personnels sur l'autoroute de l'information, où vous soulignez, à ce moment-là, que la Commission s'est penchée sur un certain nombre de dossiers qui cristallisent ces problèmes et ces défis. Et, ensuite, vous mentionnez que, dans l'ensemble de la fédération canadienne, il y a des normes et des principes légaux qui régiraient la protection des renseignements personnels sur l'autoroute de l'information.

Donc, c'est l'examen que vous avez fait, et vous arrivez à la conclusion, à la page suivante, que, donc de l'avis de la Commission, l'adoption de cette proposition équivaudrait à un recul par rapport à la situation actuelle au Québec au chapitre de la protection des renseignements personnels. Donc, le fait de se conformer au code volontaire élaboré par l'Association canadienne des normes, adopté en 1990, ne protégerait pas entièrement ou, en tout cas, pas aussi bien que la Commission le fait ou est en mesure de le faire au Québec. Pouvez-vous élaborer là-dessus pour qu'on comprenne bien de quoi il s'agit?

Le Président (M. Rioux): M. Comeau.

M. Comeau (Paul-André): Alors là, évidemment, je vais parler d'un projet de loi qui n'est pas encore adopté, parce qu'il a été réinscrit à la Chambre des communes voilà quelques jours. Quand nous avons analysé le projet, c'était avant les amendements qui ont été apportés par le Sénat l'automne dernier.

Notre problème à nous, c'est que le Parlement fédéral institue un régime qui repose sur la formule du Protecteur du citoyen, c'est-à-dire que la commission fédérale n'aura pas de pouvoir décisionnel, elle aura un pouvoir de recommandation, alors que la législation québécoise, au contraire, donne à la Commission et à ses membres des pouvoirs exécutoires. Il y a deux régimes.

Là où, pour nous, ça devient extrêmement compliqué, dans la vie concrète, c'est que, en vertu de ce qu'a dit le ministre et ce qu'il a répété, la Commission et d'autres commissions dans d'autres provinces, le Québec éventuellement, seraient responsables de l'administration de la loi fédérale. Or, ce qui veut dire qu'à un moment donné le commissaire québécois rendrait une décision obligatoire en vertu de la loi québécoise et, le lendemain, il rendrait une décision consultative en vertu de la loi fédérale, et souvent sur des renseignements qui sont les mêmes. La seule différence serait par qui ils sont détenus.

Alors là il y a un problème de fonctionnement, il y a un problème majeur, mais il y a des problèmes juridiques beaucoup plus graves. J'ai demandé à Me Ouimet de creuser cela, et c'est ce qu'il a fait avec son service juridique quand ils ont produit notre avis déposé à la Chambre des communes.

Le Président (M. Rioux): M. Ouimet.

M. Ouimet (André): M. le Président, dans le projet de loi fédéral, on y mentionne que cette loi va s'appliquer à toute organisation, soit qu'elle recueille, utilise ou communique dans le cadre d'activités commerciales, soit qu'elle recueille, utilise ou communique d'une province à l'autre ou d'un pays à l'autre, soit qui concerne un de ses employés, et qu'elle recueille, utilise ou communique dans le cadre d'une entreprise fédérale.

Or, notre compréhension de ça, c'est que toutes les entreprises québécoises actuellement pourraient être visées par le chapitre C-6 de la loi fédérale, ce qui fait qu'en pratique la loi québécoise sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé n'aurait plus d'application. Il y a un conflit juridique à prévoir. C'est ça qu'on a soumis au gouvernement fédéral dans le cadre d'un mémoire qui lui a été transmis en novembre 1998. On a expliqué le problème juridique qui se posait ou qui se poserait lorsque le gouvernement fédéral adopterait cette loi-là.

(15 h 20)

Le gouvernement fédéral, lui, répond que, s'il est convaincu qu'une loi provinciale essentiellement similaire s'applique à une organisation, une catégorie d'organisations, une activité ou une catégorie d'activités, il pourra exclure cette organisation ou cette activité. On se demande, nous: Comment va-t-il exclure une organisation, une activité? On ne parle pas d'entreprises, on parle d'activités, on parle d'organisations. Or, est-ce que ça va être un secteur complet? Est-ce que ça va être, par exemple, le secteur des assurances qui ne sera plus assujetti à la loi? Est-ce que ce sera une activité dans le secteur assurance? On a donc soulevé toutes ces questions-là au gouvernement fédéral dans notre avis. Et, de plus, on a constaté aussi que, dans le projet de loi fédéral, le ministre de l'Industrie pouvait confier à une commission provinciale l'application de la loi fédérale, ce qui est, je pense, assez original. Si le ministre fédéral confiait au Québec la gestion de cette loi-là...

Comme M. Comeau l'a souligné tantôt, on a des problèmes d'application de lois parce que la loi québécoise, elle, est une loi qui permet l'exécution des décisions rendues par la Commission, alors que le projet de loi fédéral, c'est de type ombudsman, c'est des recommandations que peut faire le commissaire à la vie privée. Alors, encore là, des problèmes juridiques à prévoir. Quel type de juridiction aurions-nous, pouvoir d'adjudication ou pouvoir de recommandation simplement?

Le Président (M. Rioux): Ça veut dire qu'il faudrait aligner le régime québécois avec le régime fédéral. C'est-à-dire que ça serait à peu près le même régime légal.

M. Ouimet (André): Probablement, probablement. Mais est-ce qu'à ce moment-là on se trouve... Évidemment, il y a des interprétations divergentes. Quand on parle à des gens à Ottawa, ils estiment, eux, que le pouvoir de recommandation est suffisant pour appliquer ce type de loi. Nous, au Québec, on a fait un autre choix. Dans nos lois de protection de renseignements personnels, on a donné aux commissaires à la protection des renseignements personnels, aux cinq commissaires de la Commission, des pouvoirs exécutoires. Alors, est-ce qu'on va appliquer l'un ou l'autre des régimes ou les deux en même temps, selon qu'on applique la loi fédérale ou la loi québécoise? Nous, ce qu'on a dit, c'est qu'il y a des problèmes juridiques d'interprétation à prévoir. Essayons de les éviter avant qu'ils ne surviennent.

Le Président (M. Rioux): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Oui. Quand le fédéral vous répond que le gouvernement fédéral est tout à fait disposé à faire en sorte d'avoir dans la loi une disposition qui prévoirait la possibilité d'exclure des secteurs, enfin, de l'application de sa loi, est-ce qu'on vous a donné un texte qui rendrait ça concret, cette intention-là, pour que vous puissiez juger dans quelle mesure les problèmes juridiques se trouvent résolus par ce texte-là?

Le Président (M. Rioux): M. Ouimet.

M. Ouimet (André): Merci, M. le Président. C'est l'article 27 de ce projet de loi là, qui dit, en substance, que «le gouverneur en conseil peut, par décret, s'il est convaincu qu'une loi provinciale, essentiellement similaire à la présente partie, s'applique à une organisation ou catégorie d'organisations ou à une activité ou catégorie d'activités, exclure l'organisation, l'activité ou la catégorie de l'application de la présente partie».

Là, l'article se poursuit, mais c'est là qu'on retrouve les motifs qui justifient M. Manley, le ministre de l'Industrie à Ottawa, de dire: Si une province respecte le cadre fédéral, de la loi fédérale, on lui déléguera la responsabilité et, en plus, on pourra exclure certaines activités de l'application de la loi fédérale. Nous, ce qu'on se pose comme question, c'est: Ce n'est pas des secteurs complets qui seraient non assujettis à la loi fédérale, qui seraient donc assujettis à la loi québécoise, c'est juste certaines catégories d'activités ou d'organisations. Alors, encore là, des problèmes d'interprétation. On ne dit pas, par exemple: Bon, bien, écoutez, comme le Québec a une loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, la loi québécoise s'appliquera. Ce n'est pas ça qu'on dit. On dit: «Certaines activités, certaines organisations ou des activités ou des organisations pourront se voir appliquer la loi fédérale ou provinciale.»

Le Président (M. Rioux): Encore faut-il être d'accord avec le cadre.

M. Ouimet (André): Ah! Exactement.

Le Président (M. Rioux): Et, après ça, le Québec pourrait intervenir pour identifier les exclusions ou les inclusions.

M. Ouimet (André): Voilà une autre question: Qui va suggérer, ou indiquer, ou demander que des exclusions... Est-ce que c'est une entreprise elle-même qui va aller voir le fédéral et qui va dire: Moi, je voudrais être exclue et plutôt assujettie à la loi provinciale? Est-ce qu'elle va dire: Moi, je voudrais être exclue pour mes activités avec mes clients externes mais pas avec mes employés, je voudrais être assujettie, pour mes employés, à la loi fédérale? Toutes les possibilités existent.

Le Président (M. Rioux): Alors, ça termine notre bloc de 10 minutes. M. le député de Saint-Hyacinthe, oui, allez-y donc.

M. Dion: Trente secondes. Juste 30 secondes.

Le Président (M. Rioux): Oui, oui, oui, vas-y.

M. Dion: Je trouve ça assez bizarre, parce que l'article 27 dit «s'il est convaincu que». Donc, ça donne un pouvoir discrétionnaire du fédéral sur l'application d'une loi provinciale, qui est reconnue dans le champ de juridiction provinciale. C'est très bizarre.

M. Ouimet (André): Tout à fait.

Le Président (M. Rioux): C'est correct. Très bien. Alors, Mme la députée de La Pinière, à qui je souhaite la bienvenue, d'ailleurs.


Actions de la Commission dans le cadre de la mise sur pied de l'autoroute québécoise de l'information

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. C'est toujours un plaisir de venir dans votre commission. Aujourd'hui, je suis intéressée évidemment à la rencontre avec la Commission d'accès à l'information à cause de mon dossier sur l'autoroute de l'information. Puis on a déjà abordé certains aspects.

Je vous dirai d'abord que j'ai écouté l'échange que vous avez eu, M. Comeau, avec mon collègue le député de Chomedey. Je me demandais, en fin de compte, comment ça se fait que le président du Conseil du trésor, M. Jacques Léonard, a déclaré, lui, dans Le Soleil du 27 septembre dernier, et je le cite: «Je ne tolérerai pas une telle situation», dans l'affaire de M. Loranger qui est un cadre qui a été tabletté depuis deux ans. Et il dit, je cite M. Léonard: «Tout fonctionnaire qui émarge au budget de l'État doit rendre des services pour le salaire qu'il reçoit. C'est le principe.» Fin de citation. Je ne pouvais pas m'empêcher de faire le lien parce que je trouvais ça quand même un peu distancé, la version que vous nous avez donnée par rapport aux directives du Conseil du trésor.

Mais revenons à l'autoroute de l'information. Comme vous le savez, la Commission d'accès à l'information commence à s'intéresser à ce dossier-là, c'est un dossier majeur en ce qui concerne la sécurisation de la vie privée, des renseignements personnels et confidentiels. Le gouvernement du Québec, dans le cadre de la modernisation de l'appareil de l'État, s'engage dans une opération majeure qui est celle, finalement, de sortir de l'État silo, où les ministères et les organismes travaillaient chacun séparément, et de se diriger vers l'État réseau, où là les informations vont pouvoir circuler librement d'un ministère à un autre. M. Comeau, vous avez dit tantôt que chaque ministère auparavant était considéré comme une entité indépendante. Avec l'idée de l'État réseau, ce n'est plus le cas.

Je pense, entre autres, au progiciel GIRES, dont vous avez certainement entendu parler, qui va pouvoir transférer, transmettre et traiter les données relatives aux ressources financières, matérielles et humaines au sein du gouvernement et qui implique tous les ministères et un certain nombre d'organismes. Je pense qu'on est rendu à 200 ministères et organismes gouvernementaux impliqués dans cette autoroute gouvernementale. Que fait la Commission d'accès à l'information pour s'assurer que, finalement, les balises qu'on s'est données par les lois que nous avons, notamment la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels ainsi que la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, vont être respectées, et plus spécifiquement par rapport à GIRES?

M. Comeau (Paul-André): Je vous remercie de votre question, Mme la députée. Je vous signale qu'effectivement la Commission s'intéresse au problème de l'autoroute de l'information depuis déjà un bon moment. En fait, nous avons publié une première fiche d'alerte, en septembre 1995, sur le sujet. Je ne sais pas si nous en avons des exemplaires, mais je pourrai vous donner ma copie, si vous voulez, et on en enverra d'autres à vos collègues.

Le Président (M. Rioux): Vous la déposez, M. Comeau?

M. Comeau (Paul-André): Oui, si vous voulez bien. Mais je n'en ai qu'un seul exemplaire, malheureusement.

Alors, pour répondre à un projet comme GIRES, il y a deux choses. D'abord, il faut bien se rendre compte que la Commission, son mandat vise la surveillance de la loi et non pas l'application. La mise en oeuvre de la loi, donc le recours à GIRES ou à d'autres instruments du genre, relève du ministre responsable de l'application de la loi. C'est lui qui doit avoir l'initiative dans ce domaine-là. La Commission intervient en deuxième ligne, si vous voulez, pour surveiller si l'application qui en est faite est conforme à la loi et si, à la suite de plaintes, il y a des problèmes ou s'il y a des erreurs et même des dérapages.

(15 h 30)

Alors, GIRES pose le problème – vous l'avez très bien énoncé – de la cohésion entre l'objectif du législateur, qui est dans la loi, qui n'est pas une question d'interprétation, de faire en sorte que les entités administratives de l'État soient considérées isolément les unes par rapport aux autres pour faire en sorte précisément que le gouvernement dans son ensemble ne sache pas tout sur chacun des citoyens, pour éviter, donc, que les renseignements puissent circuler et grossir le profil des individus.

Alors, il est évident que, dans la mise en oeuvre de GIRES, la Commission ne s'opposera pas au recours à des technologies modernes. Je pense qu'il faut cesser de jouer les éteignoirs. On ne les a jamais joués. Mais il faut que les principes qui vont présider à la construction de GIRES respectent cela, c'est-à-dire qu'entre un ministère A et l'organisme de traitement GIRES – je ne sais pas si ça sera une boîte ou une section du Conseil du trésor, je ne sais pas où c'en est – les principes devront être les mêmes. En d'autres termes, de GIRES à ce ministère-là, il y a un lien privilégié, dédié, comme diraient les anglophones, et seulement celui-là. Et le ministère ou l'organisme qui a la gestion de GIRES ne peut pas se permettre de faire dévier les renseignements de A vers un autre, et ainsi de suite. Il a l'obligation, qui est celle de la loi aujourd'hui, de respecter le mandat ou le contrat qui est le sien et de respecter précisément cette autonomie très forte de chacune des entités. Alors, il faut transposer en informatique des principes qui existent dans la loi depuis 1982.

Le Président (M. Rioux): Vous avez encore le temps pour une courte question.

Mme Houda-Pepin: Oui. M. Comeau, je vais vous demander de vous pencher sérieusement sur ce progiciel parce que c'est exactement ce qu'il permet de faire, de transmettre des données sans aucun contrôle d'un fichier à un autre, d'une banque de données à une autre. Et les balises dont vous me parlez, là, il faut vraiment s'assurer qu'elles sont là. Parce que l'État réseau, c'est ça, c'est que des informations qui sont disponibles au ministère du Revenu peuvent être communiquées, techniquement parlant, au ministère des Finances, ou au ministère de la Sécurité du revenu, ou à la RAMQ, et ainsi de suite. C'est ça, l'État réseau, c'est vraiment l'interconnexion des fichiers sans intervention humaine, à part celui qui intervient en premier pour donner la commande et puis que l'opération puisse suivre son cours. Donc, c'est majeur. Et, moi, je vous inciterais fortement – je ne sais pas si vous avez les ressources ou si vous pouvez les avoir – à regarder ça de très, très près.

Et, toujours dans cet esprit-là, je vous donne l'exemple du fameux projet qui avait été lancé le 14 mai 1999 par le ministre Cliche avec la ministre Louise Harel. C'était un projet-pilote pour donner une adresse de courrier électronique permanente aux citoyens de Baie-Comeau, Hochelaga-Maisonneuve et Sainte-Marie–Saint-Jacques. Ce projet, courrier.qc.ca, devait en fait servir de modèle pour brancher l'ensemble des citoyens. Et vous avez réagi a posteriori, la Commission, le 1er novembre 1999, pour dire: Attention, les balises ne sont pas mises, il n'y a pas la sécurisation des renseignements, la confidentialité des renseignements recueillis n'est pas garantie, les rôles et les responsabilités des partenaires ne sont pas clairement définis, et ainsi de suite.

Donc, vous avez agi, dans ce cas-là, a posteriori. Je dois vous avouer que j'ai été surprise de voir que vous avez réagi après que la société fut déjà en marche. Parce que c'est vrai que vous faites des avis au gouvernement, mais vous avez aussi le pouvoir de prendre des initiatives quand vous voyez qu'il y a une problématique sur laquelle votre expertise est sollicitée.

Le Président (M. Rioux): M. Comeau, vous avez une minute et demie.

M. Comeau (Paul-André): Très bien, je vais répondre à votre question, Mme la députée. Quand ce projet a été lancé, les discussions se sont amorcées entre les responsables de ce projet dans une des directions du Conseil du trésor et la Commission, et il y a eu un accompagnement. Les documents – comment dire – nous étaient transmis au fur et à mesure qu'ils étaient préparés. Finalement, en octobre, nous avons découvert qu'il manquait des documents qui n'avaient pas été complétés, qui n'avaient pas été signés. Nous avons demandé au responsable de ce projet de se mettre à table et de venir. Et, comme les projets n'étaient pas prêts, nous avons alerté, nous avons publié un avis à ce moment-là. Mais nous avons suivi le projet dès le début, et tout y a progressé, et c'est lorsqu'on s'est rendu compte qu'il y avait des failles qui n'avaient pas été remplies.

Mme Houda-Pepin: Est-ce que les documents qui manquaient ont été déposés, depuis?

M. Comeau (Paul-André): Alors, exactement. Si vous permettez, après de nombreux échanges, de discussions sur des projets, ainsi de suite, le 1er février, il y a tout juste un mois, donc, la Commission a reçu du Conseil du trésor les contrats et les autres documents en question. Ils sont présentement à l'analyse, et on espère en achever l'examen d'ici quelques jours. Mais il y a des problèmes majeurs. C'est des problèmes très nouveaux parce que ça implique et le privé et le public, ça implique deux lois. Et c'est loin d'être évident. Mais nous sommes là-dessus.

Le Président (M. Rioux): Merci, M. Comeau. M. le député de Frontenac.


Traitement des plaintes (suite)

M. Boulianne: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue, M. Comeau, à la commission. Moi, je voudrais revenir sur le sujet précédent, le traitement des plaintes. Alors, mon collègue de Marguerite-D'Youville le disait tout à l'heure, on n'est pas tous familiers avec la Commission et la procédure des plaintes nous échappe. Dans un premier temps, est-ce que vous pouvez me dire...

Prenons un cas, par exemple quelqu'un qui a été lésé, où son employeur a donné des renseignements personnels, confidentiels. Quelle est la procédure qu'il doit suivre? Est-ce que vous avez un bureau de plaintes? Est-ce qu'il porte plainte? Est-ce que c'est régi par une loi? Est-ce qu'il y a toute une procédure pour porter plainte, effectivement, pour avoir justice à ce chapitre-là?

Le Président (M. Rioux): M. Comeau.

M. Comeau (Paul-André): Je vous remercie. Alors, écoutez, les plaintes, si je comprends bien votre question, portent en matière de renseignements personnels.

M. Boulianne: Oui, c'est ça.

M. Comeau (Paul-André): Un exemple très clair. Un citoyen prétend qu'une entreprise a dévoilé à son sujet des renseignements sans son consentement. Vrai ou faux, peu importe, mais elle a dévoilé à une autre entreprise ou à une tierce personne des renseignements. Cette personne porte plainte à la Commission. Si c'est dans le secteur privé, donc entre une entreprise et un citoyen, à ce moment-là, la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé nous oblige à faire la médiation. Donc, il y a un responsable de la Direction de l'analyse et de l'évaluation qui entre en contact avec les parties et qui tente de trouver une solution au problème. Je vous donnerai des exemples, si vous voulez, tout à l'heure.

Si la médiation échoue, à ce moment-là, les parties, donc le plaignant, l'entreprise en question, sont convoquées pour une audience devant la Commission en bonne et due forme. Là, trois commissaires entendent le problème et rendent une décision écrite. La décision évidemment constate ou non s'il y a eu violation de la loi. Mais la Commission ne peut pas – c'est important – imposer des dommages-intérêts ou imposer des mesures analogues. La Commission peut cependant intervenir et dire à l'entreprise de modifier ses procédures ou des choses du genre, mais elle ne peut pas imposer des dommages et intérêts. C'est tout à fait différent.

Quant au processus de médiation, la façon dont les plaintes sont traitées, je pense que M. Parent, qui est responsable, peut ajouter quelque chose.

Le Président (M. Rioux): M. Parent.

M. Parent (Robert): Oui, merci, M. le Président. En fait, c'est un processus de médiation qui est fait. Dès le moment où on reçoit une plainte, la plainte est donnée à un professionnel qui est responsable de la médiation et il y a des discussions qui sont entreprises avec soit l'entreprise soit l'organisme public et le plaignant de manière à trouver une solution qui va permettre de régler le problème à sa base. Parfois, c'est une question de compréhension de la loi. En général, c'est assez simple à régler, ça se règle assez facilement. Je dirais que la médiation, on trouve, est positive à peu près à 70 %, 75 %. Donc, on réussit à régler de nombreux problèmes de cette manière-là.

M. Boulianne: Est-ce que vous pouvez nous donner des exemples de médiations dans le secteur privé qui ont réussi?

M. Parent (Robert): Ça peut être, par exemple, la cueillette d'un renseignement personnel au moment où vous vous abonnez soit à une revue ou... un produit quelconque. Si vous achetez un téléphone ou quelque chose de ce genre-là, il est possible qu'on vous demande, par exemple, de fournir un renseignement personnel, un numéro d'identification comme le numéro d'assurance sociale, ou encore qu'on vous demande des pièces d'identité, ou qu'on exige, par exemple, que vous fournissiez la carte d'assurance maladie ou le permis de conduire.

(15 h 40)

Alors, dès le moment où on informe une entreprise qu'il est interdit d'exiger ce genre de cartes d'identité, la plupart des entreprises comprennent bien la situation et changent leurs procédures de manière à être conformes à la loi. Donc, le problème est réglé à la base. Et il peut arriver même que les entreprises s'excusent auprès des personnes concernées de ce qui s'est passé. Le problème se règle comme ça, de cette façon-là, en médiation.

M. Boulianne: J'ai une autre question, M. le Président. Dans un autre ordre d'idées, à la page 14 de votre rapport, vous mentionnez avoir lancé un vaste chantier auprès des ministères sur la question des mégafichiers. Alors, est-ce que vous pouvez nous parler de ce chantier-là, en quoi ça consiste?

M. Comeau (Paul-André): Alors, le chantier des mégafichiers a été effectivement lancé à cette époque. On a réuni de façon régulière les représentants de ceux qui détiennent les plus gros fichiers de renseignements personnels, la Société de l'assurance automobile, la Régie de l'assurance maladie, le ministère du Revenu, etc., et on a fait deux choses. Dans un premier temps, on a regardé les problèmes communs et on a regardé ensuite les possibilités de recherches qui étaient faites par les ministères pour éviter la duplication.

Je prends un problème concret, qui est celui de la journalisation des données, c'est-à-dire que tous les ministères à peu près et les organismes sont équipés de systèmes informatiques et de logiciels qui permettent de savoir qui a consulté tel dossier à tel moment. Ça, c'est très beau, mais, dans un grand ministère, il y a des dizaines et des dizaines de milliers de consultations par jour. L'analyse de cela est pratiquement impossible, et on ne disposait pas d'instrument. Alors, l'objectif était de faire en sorte que l'un ou l'autre des responsables puisse s'engager dans cette voie.

On a appris récemment que le ministère du Revenu avait fait une percée et disposait maintenant d'un outil qui permettait de procéder à une analyse informatique de ses journalisations. De quelle nature est-elle? Je ne le sais pas. Mais il est évident que, si on aboutit à cela, il faudra le proposer aux autres ministères pour qu'eux aussi ils s'en servent. Parce que découvrir qui a consulté qui et quoi, si on n'a pas d'indice, si on n'a pas de phénomène de délation, ça devient pratiquement impossible. Alors, il y a eu toute une démarche.

Aussi, on s'est entendu pour que les ministères et organismes inscrivent dans leur rapport annuel les modifications, les bonifications qu'ils avaient apportées durant l'année à leur système de sécurité et de protection des renseignements personnels. On en a la preuve maintenant dans le rapport de la Régie des rentes, dans le rapport de la RAMQ, dans le rapport de la Société de l'assurance automobile. Ces organismes-là publient un état de la situation année après année d'après le canevas qui a été établi par cette table des mégafichiers. C'est quelques-uns des chantiers qui ont été élaborés. Mais l'objectif, c'est d'éviter de faire la duplication des efforts et de trouver des solutions nouvelles aux problèmes qui deviennent majeurs.

Le Président (M. Rioux): Je voudrais revenir un petit peu sur le traitement des plaintes. Lorsque quelqu'un se plaint puis ne trouve pas de réponse à l'étape de la médiation, on s'en va devant la Commission. Et vous dites: La décision, nous, on ne peut pas... il ne peut pas y avoir réparation. On ne peut pas dire: Vous allez payer telle amende, etc. Mais il peut toujours en appeler au tribunal, à la Cour du Québec.

M. Comeau (Paul-André): Je vais demander à Me Ouimet.

M. Ouimet (André): C'est ça. En fait, c'est deux recours différents. Il peut s'adresser soit devant la Commission, mais, devant la Commission, c'est un peu un geste pour la société, pour éviter que d'autres subissent ce que, lui, il a subi. Par exemple, l'exemple que donnait Robert Parent tantôt, on corrige une situation nécessairement a posteriori. Mais, si la personne s'estime suffisamment lésée et veut avoir un recours en dommages, elle peut aller devant les tribunaux ordinaires. Dans la Loi sur l'accès, on prévoit ce recours-là. Puis, dans le Code civil, de toute façon, il y a des articles qui ont été introduits en 1994, et c'est une atteinte au droit à la vie privée et à la réputation, à ce moment-là.

Le Président (M. Rioux): C'est important que les citoyens qui nous regardent et qui nous écoutent soient conscients jusqu'où on peut aller dans le processus, n'est-ce pas? Alors, M. le député de Frontenac, est-ce que ça règle un peu l'ensemble de votre questionnement?

M. Boulianne: Oui, ça répond, M. le Président. Oui, merci beaucoup.

Le Président (M. Rioux): Vous auriez peut-être une minute, M. le député de Saint-Hyacinthe. Vouliez-vous revenir sur la gestion...

M. Dion: Oui, je reviendrais.

Le Président (M. Rioux): ...d'un possible cadre fédéral avec une application au Québec?


Commerce électronique et cueillette de renseignements personnels

M. Dion: Bien, c'est-à-dire que c'est sur la gestion de l'inforoute. Parce que tout à l'heure on a parlé du document que vous avez publié, qui est excellent. D'ailleurs, je ne veux pas laisser entendre qu'il est... J'ai peut-être laissé entendre qu'il n'était pas à point, mais ce qui me préoccupe, au fond, c'est l'efficacité de la mécanique par rapport à l'objectif recherché. L'objectif, c'est de faire en sorte que les enfants et donc les parents aussi soient conscients du danger et prennent des moyens ordinaires qu'ils doivent prendre pour y faire face.

Alors, dans ce contexte-là, évidemment, la Commission, vous l'avez bien dit tout à l'heure, son rôle n'est pas de faire la promotion des droits, ni auprès des parents, ni auprès des enfants, ni auprès de qui que ce soit. Cependant, elle avait un rôle, je pense, d'encadrement qu'elle a rempli.

Alors, dans une vision de continuité qui vise à faire en sorte que les gens soient protégés dans leurs droits et prennent cette habitude de protéger leurs droits face à un mécanisme qui est très présent dans leur salon, où se termine le rôle de la Commission et où commence le rôle des autres, je ne sais pas, le ministère de l'Éducation? Pouvez-vous nous dire quelques mots là-dessus?

Le Président (M. Rioux): M. Comeau...

M. Comeau (Paul-André): Je suis incapable de dire...

Le Président (M. Rioux): ...une longue question, mais une petite réponse.

M. Comeau (Paul-André): ...où se situe la frontière, mais je pense avoir signalé à la fin de mes remarques, au départ, qu'actuellement nous sommes très préoccupés par le commerce électronique et la cueillette de renseignements personnels, et c'est là où nous devons nous pencher. Nous devons nous y attaquer prochainement. Là, il y a un problème majeur très évident. La cueillette des renseignements personnels est quelque chose de fondamental.

Je ne sais pas si vous avez vu tout le débat, aux États-Unis, sur la société DoubleClick qui permet de recueillir des renseignements de santé sur les personnes et de les vendre aux compagnies d'assurances et aux compagnies pharmaceutiques. Tout ce qui semblait jusque-là sécuritaire est maintenant remis en question de façon très sérieuse, de sorte qu'il y a des chantiers engagés. Mais, encore là, il va falloir faire des choix en fonction de nos moyens aussi.

Le Président (M. Rioux): Merci. Je retourne à la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Sur ce même sujet du commerce électronique qui est, en fait, au coeur de notre économie, de l'économie d'aujourd'hui et de demain. Toutes les études qui ont été faites, que ce soient les études internes du gouvernement ou les sondages qui ont été faits, démontrent effectivement que les citoyens, ceux qui sont branchés, qui ont accès à ces technologies-là, sont prêts à acheter des produits sur le Net. Le seul problème, c'est la sécurisation des transactions, c'est la sécurisation des données.

Lorsqu'il s'agit, par exemple, de donner sa carte de crédit, 60 % des personnes qui s'engagent dans le processus d'achat électronique laissent tomber parce qu'elles n'ont pas confiance justement au système. Et ça, ça nous joue des tours, nous, au Québec, parce qu'on est en retard par rapport à ça à cause que le gouvernement a promis une politique de cryptographie qu'on attend toujours, etc.

Alors, vous, comme organisme qui a une compréhension assez poussée dans ce dossier-là, qu'est-ce que vous faites à part d'être préoccupé? Est-ce que vous prenez une certaine initiative pour suggérer des choses au gouvernement? Qu'est-ce que vous envisagez de faire maintenant dans ce dossier?

M. Comeau (Paul-André): Alors, à l'égard du secteur privé, je vous le répète, nous avons fait peu de choses, mais nous sommes intervenus dans ce qui nous semblait urgent, la question des enfants, étant donné les problèmes qui se manifestaient aux États-Unis – c'est toujours le laboratoire prophétique de ce qui va arriver au Québec dans les mois à venir. Et, comment dire, nous avons également publié, dès 1998, un avis sur la cryptographie et nous avons tenté de voir comment la cryptographie pouvait améliorer ou non le problème de la sécurité.

L'an dernier, au début de janvier ou de février – je ne me souviens plus – j'ai annoncé la création d'un laboratoire des techniques de l'information. Et, au cours de cette première année, en plus d'un mandat très ponctuel, nous avons fait une chose précise. Nous avons, à la demande du Service des prêts et bourses du ministère de l'Éducation, étudié la vulnérabilité ou non de l'utilisation d'Internet pour permettre aux étudiants d'avoir accès à leur dossier de prêts et bourses au ministère.

Alors, deux professionnels avec l'aide de consultants extérieurs ont travaillé et viennent d'achever leur rapport d'audit sur le sujet. Ils sont actuellement en vérification auprès du ministère de l'Éducation pour mettre au point le rapport final pour qu'il n'y ait pas d'erreur. Et nous espérons, au cours des prochaines semaines, en dégager une méthode d'audit par les ministères sur l'utilisation d'Internet pour leurs besoins extérieurs avec leurs clientèles et leur permettre eux-mêmes de procéder à cela. Parce qu'il est évident que, si la Commission décide de procéder ministère par ministère, d'abord ça va prendre un temps fou et les problèmes vont se multiplier. Alors, nous voulons mettre cet instrument d'auto-audit à la disposition des ministères. Ça, c'est le premier résultat de ce laboratoire des technologies.

Alors, il nous reste à faire la même chose dans d'autres secteurs, dans le secteur privé. Vous avez, là-dessus, parfaitement raison. Si ça vous intéresse, je peux déposer notre avis sur la cryptographie, qui avait été fait précisément à la demande, donc, du groupe de travail interministériel à Industrie Canada, à Ottawa.


Document déposé

Le Président (M. Boulianne): On demande le dépôt? Alors, Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Oui. Merci, M. le Président. Évidemment, lorsqu'on parle de commerce électronique, ce qui nous vient spontanément à l'esprit, c'est les relations des entreprises entre elles, des citoyens avec l'entreprise privée, etc. Mais le commerce électronique inclut aussi les transactions avec les gouvernements, c'est-à-dire les citoyens et les gouvernements. Donc, votre rôle, il est primordial pour sécuriser les transactions électroniques.

(15 h 50)

Le Président (M. Boulianne): M. Comeau.

M. Comeau (Paul-André): C'est l'objectif de cet audit, oui.


Utilisation des fichiers gouvernementaux par des consultants

Mme Houda-Pepin: Bon. Voilà. Parfait. Toujours sur cet aspect-là, je me rappelle d'une discussion qu'on a eue sur la situation au ministère du Revenu et toute la notion du fonctionnaire. Parce que les données du gouvernement, qui a accès à ces données-là? Toujours en gardant à l'esprit l'État réseau, où les gens ont accès à des fichiers et à des mégafichiers qui se connectent entre eux, etc., qui a accès à ces fichiers? Quelle est votre compréhension, vous, à la Commission d'accès à l'information, par rapport à qui au gouvernement doit avoir accès aux informations confidentielles, aux informations nominatives, etc.? Et j'ai à l'esprit plus particulièrement le phénomène des consultants. C'est du personnel qui est extérieur à la fonction publique, qui a accès à des données qui peuvent être monnayées une fois utilisées à l'extérieur du cadre dans lequel on y a accès. Et le phénomène des consultants est un phénomène qui est assez important dans la fonction publique pour qu'on puisse se préoccuper de ça.

Alors, moi, je voudrais avoir votre avis là-dessus. Est-ce que vous considérez que les consultants, lorsqu'ils travaillent pour le gouvernement pour un temps déterminé, peuvent avoir accès aux informations nominatives et confidentielles au même titre que les fonctionnaires qui, eux, sont liés au gouvernement par un lien d'emploi régulier, etc.? Quel est votre avis là-dessus?

Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la députée de La Pinière. M. Comeau, s'il vous plaît.

M. Comeau (Paul-André): Mon avis là-dessus, c'est celui de la Commission. Parce que vous avez effectivement parlé du ministère du Revenu qui a une loi particulière à cet égard et des autres ministères. Il est évident que la Loi sur le ministère du Revenu, du moins l'interprétation qui en est faite là, donne au sens du mot «fonctionnaire» une interprétation qui est différente de la nôtre. Là-dessus, Me Ouimet pourra vous en parler, si vous voulez. C'est tout ce qui est à l'origine du problème du fameux sondage qui avait été confié à la maison SOM par le ministère du Revenu. Là, il y a un problème majeur.

Pour les autres ministères qui n'ont pas de telles lois, qui n'ont pas cette telle sécurité à l'égard de leurs renseignements personnels, il faut, à ce moment-là, que les dispositions de la Loi sur l'accès soient respectées, les dispositions qui ont trait aux mandats, qui ont trait aux contrats, ainsi de suite. Et il est évident que le recours à un consultant, à ce moment-là, doit se faire en fonction de la loi et en fonction également d'un certain nombre de précautions qui doivent être plus importantes s'il s'agit de renseignements sensibles.

Si on demande à un consultant de traiter des renseignements sur l'état des parcs du Québec, c'est moins important que si on demande à un consultant du ministère de l'Éducation, par exemple, d'étudier les variations de la fameuse cote Z. Ça, ce n'est pas très sensible, mais c'est quand même beaucoup plus sensible que l'état des parcs. Il faut, à ce moment-là, que ce soit fait au cas par cas en fonction de la loi du ministère en question. Tout dépend de ce que la loi constitutive d'un ministère lui permet de faire. Mais, pour le ministère du Revenu, c'est une question extrêmement complexe. Et là, vous le savez, notre interprétation est la base de notre avis sur les fameux sondages confiés à la maison SOM.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Comeau. M. le député de Chomedey.


Absence d'affectation d'un procureur de la Commission (suite)

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Je ne peux pas m'empêcher de dire à M. Comeau à quel point je suis content de l'entendre réitérer que son rôle principal comme dirigeant d'organisme occupant un rang de niveau de sous-ministre, comme président de cette Commission-là, son rôle premier, c'est de s'assurer que tout se fait – et il a répété à plusieurs reprises la phrase – en fonction de la loi.

Ça me permet de revenir à ma question de tantôt et de lui demander en fonction de quelle loi il s'est permis de dépenser de l'argent des contribuables en payant Me Marc Bergeron pour rester chez lui sans travailler pour le gouvernement. Me Bergeron a été nommé en vertu de la loi. Sa titularisation comme juriste de l'État s'est faite en vertu de la loi. Le gouvernement existe et ses organismes et ses ministères existent, comme le rappelle M. Comeau, pour appliquer la loi.

On veut savoir de la part du président de cette Commission où est-ce qu'il trouve, en vertu de la loi, l'autorité pour dire à Me Bergeron de rester chez lui et d'être payé quand même.

Le Président (M. Boulianne): M. Comeau.

M. Comeau (Paul-André): Oui. J'ai une question à poser auparavant. Si je comprends bien, M. le député a l'autorisation de parler des renseignements personnels qui concernent Me Bergeron.

Le Président (M. Boulianne): Un instant, s'il vous plaît. Je vais consulter si...

(Consultation)

Le Président (M. Boulianne): On me dit qu'en principe normalement pas, surtout les informations personnelles. En ce qui a trait à sa fonction antérieure, là on peut poser des questions.

M. Mulcair: C'est exactement ce qu'on fait, M. le Président.

M. Comeau (Paul-André): Parce que, moi, je n'ai pas l'autorisation de M. Bergeron de parler de renseignements personnels.

M. Mulcair: Juste pour mettre à l'aise l'esprit torturé du président de la Commission d'accès, je tiens à le rassurer qu'en date du 28 février 2000 j'ai une lettre ici de...

Le Président (M. Boulianne): M. le député de Chomedey, est-ce qu'on conclut? Le temps est écoulé. Est-ce que vous voulez reprendre ça tout à l'heure ou terminer?

M. Mulcair: Je tiens à le rassurer, parce que je le vois préoccupé par le sort de Me Bergeron...

Le Président (M. Boulianne): Trente secondes.

M. Mulcair: ...et des droits de Me Bergeron. Alors, je veux le rassurer. On a une lettre ici du président des juristes de l'État nous donnant tout le dossier de Me Bergeron. Parce que je veux vous dire une chose, M. le Président, c'est assez curieux de constater que c'est la première fois depuis un an que M. Comeau démontrait le moindre intérêt pour les droits de Me Bergeron.

Le Président (M. Boulianne): O.K. M. le député de Chomedey, merci. M. le député de Marguerite-D'Youville.


Accès aux renseignements nominatifs à des fins de recherche, d'étude ou de statistique

M. Beaulne: Merci, M. le Président. À la page 24 du rapport de 1997-1998, sous la rubrique Les autorisations de recherche dans les secteurs public et privé , on peut lire: «En vertu des articles 125 de la Loi sur l'accès et 21 de la loi sur le secteur privé, la Commission a le pouvoir d'accorder à une personne ou à un organisme l'autorisation de recevoir, à des fins de recherche, d'étude ou de statistique, communication de renseignements personnels sans le consentement des personnes concernées. La Commission a retenu plusieurs critères dans l'évaluation de ce type de demande.»

M. Comeau, j'ai une question à plusieurs volets. On note, dans le graphique – et je le dis pour le bénéfice de ceux qui nous écoutent – qui nous est présenté, l'évolution des autorisations de 1995 à 1997-1998, qui indique un plafonnement des demandes faites au secteur privé alors qu'il y a une légère augmentation au niveau du secteur public. Je vous demanderais, dans un premier temps, puisque ces chiffres datent de 1997-1998, au moment où on se parle, est-ce qu'il y a eu une augmentation de la tendance de donner ce genre d'informations au secteur privé?

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député de Marguerite-D'Youville. M. Comeau, est-ce que vous voulez répondre, s'il vous plaît?

M. Comeau (Paul-André): La tendance, si elle est là, est peu importante. Vous regarderez, pour l'année 1998-1999, c'est-à-dire le rapport dont on parlera plus tard, c'est exactement la même chose. Il faut dire que les fichiers de l'État sont les fichiers qui sont les plus sollicités par les chercheurs parce que ça correspond davantage à leurs préoccupations. Mais il y a une chose importante, c'est que les autorisations de recherche dans le domaine de la santé au niveau des centres hospitaliers ne relèvent pas de la Commission, elles sont accordées par le directeur des services professionnels dans chaque établissement. Et là on sait qu'il y a considérablement de recherches qui se font par des membres du centre hospitalier ou par des chercheurs affiliés. Il est vraisemblable qu'on ait accès, à ce moment-là, à des fichiers privés, mais nous ne savons pas.

M. Beaulne: Je vais vous énumérer mes questions pour que, dans le bloc de 10 minutes que j'ai, vous puissiez y répondre. Je vous ai parlé de la tendance du secteur privé. Deuxièmement, quels sont les critères qui sont retenus pour autoriser ce genre de transfert de renseignements? Troisièmement, quel est le type de recherche où ce genre de demande est la plus fréquente?

(16 heures)

Ensuite, quelles sont les garanties qui sont exigées de la part de la Commission pour faire ces autorisations-là, en particulier de la part du secteur privé? C'est peut-être les mêmes que pour le secteur public. Si ce ne sont pas les mêmes, moi, j'aimerais particulièrement celles qui concernent le secteur privé. Enfin, quels sont les recours des citoyens dans cette situation-là, puisque les renseignements qui sont transmis en vertu de ces articles-là sont faits sans le consentement des personnes impliquées?

Le Président (M. Boulianne): M. Comeau.

M. Comeau (Paul-André): Alors, les critères retenus ont été élaborés par la Commission il y a déjà un long moment dans une publication qui date de 1985. Parce que ce problème-là est un problème complexe, la Commission s'est penchée là-dessus et a publié, dès ce moment, un document, L'accès aux renseignements nominatifs à des fins de recherche, d'étude ou de statistique . Ce sont ces critères qui ont servi et qui servent toujours aux discussions entre les chercheurs et les responsables de ce dossier à la Commission.

Alors, la Commission se base, dans la mesure du possible, sur les avis éthiques donnés par les comités dans les centres de recherche, les universités, etc. Ensuite, elle se prononce sur la qualité des renseignements, le nombre de renseignements, sur les moyens d'accès, sur la transmission de ces renseignements, sur la conservation de ces renseignements et finalement leur destruction.

Alors, il y a tout un examen qui est fait en fonction de cela et qui permet, donc, d'autoriser les chercheurs à répondre et à obtenir les renseignements. Parce que, c'est arrivé récemment, j'ai dû faire des recherches, parce qu'il y a des choses évidemment qui avaient été faites avant moi, et la volonté de la commission Paré et ensuite du législateur était très claire: ne pas bloquer la recherche pour l'intérêt général et faire en sorte que l'article 125 de la loi permette aux chercheurs, en se soumettant à des conditions, de poursuivre leur volet de recherche. Et c'est l'essentiel des demandes qui nous viennent, sauf, je le répète, dans le domaine très important des centres hospitaliers et tout ce qui est le réseau de la santé, où là c'est pris en charge par les directeurs des services professionnels. Nous exigeons...

M. Beaulne: Je vous interromps, M. le président. Sur spécifiquement ces renseignements en matière de santé, d'après vous, lorsque ces renseignements sont transmis – puisqu'ils ne transigent pas via la Commission, vous n'avez pas droit de regard là-dessus – à votre avis, est-ce qu'on applique la même rigueur que, vous, vous appliquez?

M. Comeau (Paul-André): Écoutez, je ne peux pas répondre à cela. Je peux répondre par quelques cas isolés où j'ai été amené par des directeurs des services professionnels à dialoguer avec eux. Eux sont très préoccupés de ce genre de permissions dont ils disposent, et j'essaie toujours de savoir comment, nous, on les traite. Alors, je considère qu'ils ont le souci de respecter la loi et de faire en sorte que l'accès à des renseignements personnels sans le consentement des personnes respecte les principes mais ne bloque pas la recherche. Parce que, comme ça ne nous regarde pas, je ne suis pas en contact et ni le service de M. Parent n'est en contact avec les directeurs de services professionnels à cet égard.

M. Beaulne: Alors, si vous pouvez continuer...

Le Président (M. Boulianne): Alors, M. Comeau, on vous écoute pour la suite.

M. Beaulne: Les types de recherches.

M. Comeau (Paul-André): Alors, les garanties exigées, c'est évidemment la façon d'abord de recevoir ces renseignements personnels, sous quelle façon ils leur seront transmis, dans quelles conditions, quelles sont les garanties de conservation de ces renseignements personnels dans des locaux de recherche, quelles sont les personnes qui auront accès à ces renseignements personnels. On exige, lorsque ce n'est pas fait, que les personnes qui y auront accès signent des engagements à la confidentialité en fonction de ces renseignements et de cette recherche et puis, bien, on fixe un délai au-delà duquel le chercheur doit rendre compte et avertir la Commission de la destruction ou non des renseignements.

Alors, je vous signale qu'à cet égard, comme on l'a annoncé l'an passé d'ailleurs dans le rapport annuel, on a engagé depuis l'automne un premier exercice de vérification systématique sur un échantillon des autorisations de recherche qu'on a accordées depuis quelques années, depuis 1997, et on espère terminer cette vérification pour voir si les conditions sont respectées, s'il y a des problèmes, si nos conditions sont bien comprises, etc.

M. Beaulne: Justement, une des questions que j'allais vous poser par rapport aux garanties, c'est s'il existait un mécanisme de suivi. Alors, ce que vous êtes en train de nous expliquer, c'est le type de mécanisme de suivi.

M. Comeau (Paul-André): Un processus de vérification mais un processus automatique. C'est-à-dire que, dès qu'une autorisation vient à échéance, par exemple on a autorisé une recherche pour trois ans, il y a automatiquement une relance de la Commission pour demander: Qu'est-ce qu'il arrive des renseignements personnels que vous avez reçus à tel moment? Et puis là on a une vérification beaucoup plus systématique de l'utilisation de ces permissions.

Le Président (M. Boulianne): Il vous reste une minute et demie, M. Comeau, pour répondre.

M. Beaulne: Oui. J'avais parlé du type de recherche qui semble être le plus prédominant dans le transfert d'information.

M. Comeau (Paul-André): Je vais demander à M. Parent de répondre à ça, s'il vous plaît.

M. Parent (Robert): M. le Président, la majorité des recherches ou des autorisations qui sont demandées visent surtout le secteur de la santé. Je dirais, à près de 80 %, c'est le secteur de la santé qui est visé, c'est-à-dire des fichiers comme celui de la Régie de l'assurance maladie du Québec, par exemple, parce qu'on vise...

M. Beaulne: Écoutez, je vous interromps, là, juste pour éviter une certaine confusion par rapport à la réponse que M. Comeau vient de nous donner concernant le secteur de la santé, qui échappe un peu. Puis là vous venez nous dire que c'est de la recherche en... Expliquez-nous donc ça, là, pour ne pas qu'il y ait de confusion.

M. Parent (Robert): M. le Président, quand M. Comeau parlait du secteur de la santé, M. Comeau parlait des hôpitaux, le réseau de la santé. Le réseau de la santé détient des renseignements personnels, des renseignements, évidemment des dossiers médicaux, et ces renseignements médicaux ainsi que la possibilité de les communiquer à des chercheurs sont assujettis à la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Donc, ce n'est pas assujetti aux règles de la loi sur l'accès à l'information.

Mais, pour ce qui est des renseignements sur la santé qui sont détenus par les organismes publics, comme la Régie de l'assurance maladie du Québec, par exemple, en détient ou encore le ministère de la Santé et des Services sociaux, ce sont des fichiers qui, eux, sont assujettis à la Loi sur l'accès et, donc, aux règles d'autorisation de recherche décrites dans la Loi sur l'accès. Donc, c'est un secteur qui est double. Mais toujours le secteur de la santé, c'est le secteur prédominant dans le domaine des autorisations de recherche.

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup. Merci, M. le député de Marguerite-D'Youville. Alors, M. le député de Chomedey, vous avez la parole.


Absence d'affectation d'un procureur de la Commission (suite)

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Avec l'alternance, ça me permet de trouver d'autres manières de revenir à M. Comeau puis de tenter de lui faire répondre à une question pourtant fort simple. Au début, il a essayé de nous lire un long discours sur la notion de manque de confiance, de bris du lien de confiance; on a décliné l'invitation de faire ce voyage avec lui. On lui a demandé de répondre tout simplement. Vu que c'est lui qui avait ouvert là-dessus, on lui avait demandé de nous dire c'est qui qui était responsable s'il y avait une dépense illégale par son organisme, lui ou le ministre. Encore une fois, il a refusé catégoriquement de répondre.

Et tantôt, in extremis, sa dernière tentative, c'était de plaider les droits de Me Marc Bergeron. Je vous avoue que c'est une des seules choses que j'ai eu à admirer dans sa prestation d'aujourd'hui, mais bravo! Je trouve que ça prend une témérité certaine, puis ce courage, je tiens à le souligner. «It takes guts», comme on dirait en anglais, après avoir illégalement dit à quelqu'un qu'il ne faisait que remplir son rôle en vertu de la Loi sur le Barreau, la loi sur le ministère dont il relève, la Loi sur la fonction publique...

Le Président (M. Boulianne): M. le député, est-ce que vous avez une question? On pourrait poser une question, peut-être?

M. Mulcair: Oui, oui, M. le Président. Mais, puisqu'il s'agit de notre rôle, l'opposition, tout en admirant votre sens d'équité comme ancien journaliste, je vous informe que c'est à moi de formuler mes questions, pas à vous.

Le Président (M. Boulianne): Oui, c'est ça.

M. Mulcair: Alors, ce que je disais, M. le Président, à un autre ex-journaliste, qui est le président de la Commission d'accès à l'information, c'est qu'on veut toujours une réponse à notre question pourtant fort simple. Il a dépensé des sous du public en donnant un mandat à un bureau privé d'avocats qui s'appelle Flynn, Rivard. Je tiens tout de suite à ajouter qu'on n'est pas en train de critiquer de quelque manière que ce soit Flynn, Rivard, ses agents préposés, successeurs ou ayants droit de leur travail dans ce dossier-là. Ils ont été embauchés puis, de toute évidence, ils ont accompli une transaction conformément à l'article 2631 du Code civil pour M. Comeau en tant que président de la Commission d'accès à l'information.

Ce qu'on est en train de dire, par contre, c'est qu'on veut toujours savoir de la part de M. Comeau où est-ce qu'il a trouvé l'autorité législative de dépenser cet argent-là dans le cas de Me Bergeron, où est-ce qu'il a trouvé l'autorité législative de dépenser l'argent des contribuables pour dire à Me Bergeron: Écoutez, malgré le fait que vous soyez nommé et rémunéré conformément à la loi, malgré le fait qu'on va continuer à vous verser votre rémunération telle que prévue aux termes de votre convention collective, on va vous demander de rester chez vous et de ne plus fournir votre travail à l'État. On veut savoir où, en vertu de la loi – il est responsable de s'assurer que les gens font les choses en fonction de la loi – où, en fonction de la loi, il a eu l'autorité de faire cela.

(16 h 10)

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député de Chomedey, pour votre question. Alors, M. Comeau.

M. Comeau (Paul-André): Très bien. Alors, je veux revenir sur ma question fondamentale. Ce n'est pas une question de «guts» ni de couilles, en bon français, c'est une question de respect de la loi. Et je ne veux pas ensuite être accusé d'avoir révélé des renseignements personnels au sujet de Me Bergeron sans son consentement. Ça, je pense que c'est fondamental.

Cependant, je peux vous dire deux choses. La première chose, c'est qu'en début du mois d'août le Curateur public m'a informé lui-même qu'il avait proposé devant témoins à Me Bergeron un emploi chez lui. Ce que je ne sais pas: Comment se fait-il que tout cela ne se soit terminé qu'au moins d'octobre? Qu'est-ce qui s'est passé entre-temps? Je ne le sais pas. Alors, ces trois mois-là, du mois d'août au mois d'octobre, je n'en suis pas responsable. Auparavant, j'ai agi, comme on disait à l'époque, en bon père de famille. Il était impensable de confier des mandats devant les tribunaux à un avocat à qui on avait dénoncé la rupture du lien de confiance.

Le Président (M. Boulianne): Merci. M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Je tiens à nouveau à expliquer au président de la Commission d'accès que j'ai reçu, nous, on a reçu une lettre de Me Louis Robillard, président de l'Association des juristes de l'État, et je lui en fais part, c'est daté du 28 février: «Tel que demandé et avec le consentement de Me Marc Bergeron, nous vous transmettons par la présente les documents relatifs au litige mentionné en rubrique.» Donc, il n'y a rien de plus public.

Mais, par ailleurs, pour ne pas qu'il y ait de malentendu entre M. Comeau et moi, je ne suis pas en train de lui demander d'enfreindre quelque secret que ce soit avec Me Bergeron. Ce n'est pas un secret que Me Bergeron soit resté chez lui. Ça, c'était déjà public, j'ai les documents qui le confirment. Mais c'était pendant plusieurs mois, à la demande du président de la Commission d'accès à l'information, qu'il est resté chez lui. Je ne vous demande pas de nous révéler des secrets intimes de la vie privée de Me Bergeron. Je lui demande à lui, comme administrateur d'État, comme haut commis de l'État, de nous expliquer l'autorité législative pour son geste. C'est sa décision. Ce n'est pas la décision de quelqu'un d'autre dont on parle, c'est sa décision. On lui demande où est-ce qu'il a tiré l'autorité pour cette décision-là.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député. M. Comeau.

M. Comeau (Paul-André): Je répète que j'ai agi en bon père de famille, et c'est un principe élémentaire.

M. Mulcair: Donc, je reviens à mon autre question à laquelle je n'ai pas eu de réponse non plus. Parce que, jusque-là, je peux me contenter de la dernière réponse; dans la mesure où il va l'admettre, M. Comeau vient de nous dire qu'il n'y a pas d'autorité législative.

Advenant le cas qu'effectivement il y ait eu de l'argent du public dépensé sous sa responsabilité comme président de la Commission d'accès à l'information, avec l'analyse qu'il nous faisait tantôt – le ministre est ici, moi, je ne relève pas du ministre, sauf pour les budgets – est-ce qu'on se retrouve face à une situation similaire à celle qui a conduit à la responsabilité ministérielle de la députée de Rosemont lorsqu'il y a des informations confidentielles qui ont été données à une compagnie privée ou est-ce que M. Comeau est en train de nous dire qu'il est prêt, le cas échéant, à assumer lui-même la responsabilité de ses gestes si ce n'était pas autorisé par la loi?

M. Comeau (Paul-André): Je suis en train de ne pas dire ça et de ne rien dire de semblable.

M. Mulcair: Oui, vous êtes en train de ne pas dire ça et de ne rien dire de semblable. Je vous avoue que les gens qui vont lire les transcriptions vont être favorablement impressionnés par votre capacité de ne pas répondre à une question.

Ce que je vais quand même répéter, M. le Président, c'est une question fort simple: Est-ce que M. Comeau va assumer la responsabilité et poser le geste qui s'impose dans ces cas-là s'il a dépensé de l'argent du public sans autorisation législative, s'il a lui-même enfreint la loi? Car il serait extrêmement difficile pour quelqu'un chargé d'appliquer une loi de s'assurer que les choses sont en fonction de la loi s'il a lui-même agi en dehors du cadre prévu par la loi.

M. Comeau (Paul-André): M. le Président, je n'ai pas l'impression qu'il s'agit d'un procès ici. La prochaine fois, je reviendrai avec un avocat.

Le Président (M. Boulianne): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Je tiens juste à souligner au président de la Commission d'accès à l'information qu'à sa gauche il a un avocat qui travaille pour lui. Il a d'autres avocats qui travaillent pour lui. S'il veut les adjoindre à la table avec lui, il est le bienvenu.

C'est lui qui est responsable de la Commission d'accès à l'information. Ça lui est déjà arrivé de nous rappeler qu'il avait été nommé par les deux tiers de l'Assemblée, puis il a raison. C'est d'autant plus important qu'il comprenne que ce n'est pas à ses officiers, aussi compétents soient-ils, de répondre pour ses faits et gestes, c'est sa responsabilité. Et ça fait 2 h 15 min maintenant que M. Comeau, comme un F-16 qui essaie de tourner dans toutes les directions imaginables et possibles, s'esquive à chaque question, trouve une autre réponse: Moi, je ne veux pas répondre, parce que ça risque de jouer dans les droits de Me Bergeron. Il n'en avait jamais été question, mais une bonne tentative de réponse de la part d'un président de la Commission d'accès. Ah, je ne peux pas répondre, parce qu'il y a d'autre chose d'impliqué.

La question est simple: Est-ce qu'il va assumer, oui ou non, sa responsabilité?

Le Président (M. Rioux): M. le député de Chomedey, c'est à peu près la quatrième ou cinquième fois que vous posez la même question.

M. Mulcair: Ah bien, avec raison, parce que je n'ai toujours pas eu de réponse, M. le Président.

Le Président (M. Rioux): Non, mais quand même.

M. Comeau (Paul-André): M. le Président, je répète que j'ai agi en bon père de famille et dans les meilleurs intérêts de la Commission.

Le Président (M. Rioux): Merci, monsieur.

M. Mulcair: Est-ce que le président de la Commission d'accès à l'information peut nous dire si, en utilisant ces termes, en agissant en bon père de famille et dans les meilleurs intérêts de la Commission, il a agi en conformité avec la loi? C'est ça, notre question, M. le Président.

M. Comeau (Paul-André): Ma réponse, M. le Président, est la même. J'ai agi en bon père de famille et dans le meilleur intérêt du fonctionnement de la Commission.

M. Mulcair: Mais est-ce que le président de la Commission d'accès à l'information peut nous dire si, pour lui, la notion de bon père de famille comprend quelqu'un qui enfreint la loi?

M. Comeau (Paul-André): La notion de bon père de famille malheureusement comprend à l'occasion qu'on doive donner une punition à un enfant qui est désobéissant.

Le Président (M. Rioux): Merci. M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Mulcair: M. le Président, est-ce que notre 10 minutes est terminé?

Le Président (M. Rioux): Oui, c'est terminé.

M. Mulcair: Ah! Bien, on va revenir là-dessus.

M. Beaulne: M. le Président, avant de céder la parole à mon collègue d'Iberville, je reconnais à mon collègue et à mon ami le député de Chomedey d'excellents talents de plaideur. Si j'avais à avoir recours à un avocat, je n'hésiterais pas à faire appel à ses services. Toutefois, vous conviendrez avec moi que ça fait quatre ou cinq fois que la même question est posée au président de la Commission. De toute évidence, M. Comeau a dit ce qu'il avait à dire sur ce sujet. Je souhaiterais, pour le bénéfice des citoyens qui nous écoutent et qui sont intéressés à savoir quel est le rôle de la Commission d'accès à l'information, qu'est-ce que la Commission d'accès à l'information peut leur apporter comme protection dans un environnement en perpétuelle mutation, qui risque d'empiéter sérieusement sur les droits des individus, la confidentialité, comme d'ailleurs l'a souligné notre collègue la députée de La Pinière tout à l'heure, je vous demanderais d'insister un peu plus sur la pertinence.

Le Président (M. Rioux): La remarque a été faite au député de Chomedey. J'espère qu'il en a pris bonne note. M. le député d'Iberville.

M. Bergeron: Et j'ai mes 10 minutes dans leur intégralité?

Le Président (M. Rioux): Oui, oui, oui.

M. Bergeron: Si je comprends bien la tournure des événements, nous voyons les deux rapports, et c'est qu'il n'y aura pas une coupure et on aborde le deuxième. Donc, parfait. Écoutez...

Le Président (M. Rioux): On est dans le deuxième.

M. Bergeron: On est dans le deuxième parce qu'on est dans la deuxième demie.

Le Président (M. Rioux): On est dans la troisième heure.


Éventualité de la vente de renseignements personnels à des entreprises privées

M. Bergeron: Parfait. Écoutez, M. Comeau, il y a quelque temps, les médias nous ont rapporté qu'en Ontario le Bureau des véhicules automobiles a vendu des renseignements personnels à des entreprises, à des firmes privées, notamment des compagnies d'assurances.

Ma première question, c'est la suivante: Est-ce que la SAAQ, la Société de l'assurance automobile du Québec, a déjà eu recours ou a recours à une telle pratique?

M. Comeau (Paul-André): Avant de répondre, M. le Président, j'aurais une faveur à vous demander. Est-ce qu'on pourrait tout à l'heure faire une petite pause santé de quelques minutes?

Le Président (M. Rioux): Oui. J'avais l'intention, après que le député ait posé ses questions, de prendre une pause de quelques minutes.

M. Comeau (Paul-André): Je vous remercie.

Le Président (M. Rioux): Oui, parce que je dois quand même voir au confort des gens et à leur bien-être.

M. Comeau (Paul-André): Voilà. Bon, je reviens à votre question. Quand ce sujet est sorti en Ontario, j'ai demandé qu'on m'informe de la situation ici, au Québec. La réponse a été très claire. Depuis l'entrée en vigueur de la loi sur l'accès aux documents de l'administration publique et la protection des renseignements personnels, en 1982, ça n'existe plus. On a reconnu qu'auparavant effectivement au Québec on vendait ce genre de renseignements à des compagnies d'assurances, à des vendeurs d'automobiles, mais ça a été complètement aboli, et c'est complètement disparu du paysage, de sorte que la Société de l'assurance automobile s'est conformée à la loi très rapidement. C'est un problème qui n'existe plus ici. Mais en Ontario il est très clair qu'il existe et qu'il existe, semble-t-il, malgré la loi qui existe là-bas également.

(16 h 20)

M. Bergeron: Et les 60 et quelques personnes qui travaillent dans l'organisme... Donc, ce qui veut dire, M. Comeau, à partir, quoi, de 1982?

M. Comeau (Paul-André): 1982.

M. Bergeron: Maintenant, si on voit ça dans une perspective plus large, là, à l'ensemble de la société québécoise, est-ce qu'il y a de telles situations qui existent, vous savez, ce trafic de renseignements personnels là, disons, d'entreprises gouvernementales, de sociétés d'État? Bon, à la lumière de plaintes peut-être que vous avez reçues, parce que je me dis que, si une telle situation existe, elle est portée à votre attention, c'est parce qu'il y a des plaintes.

M. Comeau (Paul-André): Il faut vous dire que, pour répondre à la dernière partie de votre question, les plaintes qu'on reçoit sont vraiment les plaintes ciblées à des individus. C'est un individu qui est furieux, en bon québécois, qui est en calvaire parce qu'une entreprise lui a demandé, par exemple, des renseignements qui n'étaient pas nécessaires pour l'objet de la transaction. Quand vous allez au club vidéo et qu'on vous demande votre carte d'assurance maladie pour louer un film, quelle est la relation entre votre carte d'assurance maladie et la vidéo que vous voulez louer? Alors, c'est surtout ça, les plaintes. Les individus sont directement interpellés par l'abus de renseignements personnels qu'on leur réclame.

De façon générale, au Québec la mise en vigueur des deux lois, en deux temps, en 1982 et en 1994 dans le secteur privé, a changé beaucoup de choses, a contribué d'abord à imposer une culture nouvelle. Ça n'existait pas. Les renseignements personnels, en 1982, au Québec, à part ceux qui avaient travaillé dans la commission Paré, c'était relativement un langage de sorciers, les gens ne pigeaient pas trop ce que ça voulait dire. Lorsque le législateur a adopté sa loi, il y a eu, donc, l'imposition d'une nouvelle attitude à l'égard de cette dimension de la vie privée. C'est entré dans les moeurs. Il y a eu des progrès considérables. C'est arrivé aussi en 1994 dans le secteur privé. Et là c'était encore plus étonnant, parce que c'était le seul endroit en Amérique du Nord où on légiférait en matière de protection des renseignements personnels. Alors là il y a eu beaucoup d'entreprises – et le lobby qui s'est exercé à ce moment-là l'a clairement démontré – qui ne voulaient pas de cette loi-là, mais, une fois la loi adoptée, bien elles se sont mises en oeuvre et elles ont, grosso modo et dans l'ensemble, respecté la loi.

Je ne dis pas que tout est parfait. Vous savez, il faut là-dessus être réaliste. Ce n'est pas parce qu'il y a une loi qui dit qu'on ne peut pas dépasser 100 km/h sur l'autoroute que les Québécois la respectent. Ça, il faut être réaliste et se rendre compte qu'il y a, comment dire, des problèmes. Et, si la Commission a été mise en place, c'est précisément pour surveiller ça. Le jour où la loi sera respectée à 100 %, on ferme la boîte et on retourne chez nous. Ça, c'est assez logique. Mais il faut être, je pense, réaliste. Par hasard, je lisais hier que c'est au XIIIe siècle avant Jésus-Christ que Moïse à reçu les Tables de la Loi. On continue malheureusement à emprisonner des gens qui ont fait des homicides. La loi est toujours là, mais...

Alors, la Loi sur la protection des renseignements personnels, je pense, par mon expérience, a fait un chemin considérable dans la société, dans la culture. La preuve, c'est qu'ici on en discute de façon absolument musclée et intéressante, régulièrement. Je pense qu'il y a eu un changement, mais de là à dire que c'est la perfection sur terre, je pense ça n'existe pas.

Le Président (M. Rioux): M. le député d'Iberville.


Mécanismes de révision des lois assurant la protection des renseignements personnels

M. Bergeron: Oui. Écoutez, l'organisme que vous surveillez, ça s'appelle la Commission d'accès à l'information. Donc, ce qui veut dire: il y a des informations qui existent, on a un accès et vous êtes en quelque sorte le chien de garde. C'est que vous voyez à ce que l'information circule selon des paramètres qu'on pourrait qualifier d'idéaux, l'idéal étant un noble objectif. Et, pour le bénéfice des millions de personnes qui nous écoutent – parce que c'est transmis, et il faut aussi être optimiste – c'est que la protection des renseignements personnels, c'est la pierre d'angle, c'est central dans ce que vous faites et dans ce qui nous concerne aujourd'hui.

Tout le monde sait que la monnaie de plastique, l'argent de plastique, des cartes de débit, des cartes de crédit, ça existe, et le moindrement qu'on va à l'étranger, ou même ici, on s'en sert. Donc, ce qui veut dire qu'on sait les allées et venues des gens, on connaît leurs habitudes de consommation, ainsi de suite. Et plus ça va, plus c'est une situation qui s'accélère. On a de moins en moins d'argent dans nos poches et on consomme via ces nouvelles technologies là.

Donc, ce qui m'amène à ma question. On vit une situation qui fluctue, qui évolue rapidement. La Commission d'accès à l'information, je l'ai dit, et vous pouvez me corriger là-dessus, c'est un chien de garde. Donc, des problèmes nouveaux surgissent, O.K., et qui demandent une meilleure protection. Face à ce que vous avez comme outils, comme instruments pour protéger la vie privée des citoyens, est-ce que vous trouvez, M. Comeau, que ce que vous avez entre les mains – vous avez parlé de deux lois, celle de 1982, celle de 1994 – c'est suffisant ou bien, si le besoin se fait sentir, il y aura une législation supplémentaire qui devra venir encadrer davantage ce processus-là?

Le Président (M. Rioux): Une brève réponse avant la pause, M. Comeau.

M. Bergeron: C'est déjà fini?

M. Comeau (Paul-André): Je vais répondre très rapidement, M. le Président. La loi de 1982 comme la loi de 1994 ont ceci d'assez remarquable, c'est qu'elles obligent à tous les cinq ans, d'abord la Commission et ensuite le législateur, à revoir la loi. Le rapport quinquennal que nous avons déposé en juin 1997 contient, je ne sais pas, une cinquantaine de propositions pour améliorer les deux lois en question. C'est probablement la première loi dans l'histoire du Québec où on comprend dès le départ le mécanisme de révision de la loi, précisément pour tenir compte des changements, de la technologie et des problèmes nouveaux. Ça, je pense que c'est important.

Les technologies nouvelles posent des problèmes, c'est évident, mais la Commission à cet égard doit aussi être relativement prudente. C'est-à-dire qu'elle est amenée à trancher, par voie exécutoire, des litiges et des conflits. Elle peut se permettre de donner des conseils, de lancer des publications, mais elle ne peut pas – et c'est la commission de la culture qui le lui a rappelé dans son rapport il y a deux ans – faire la promotion des droits. Ça relève d'une autre instance, ça relève probablement de la Commission des droits de la personne. La Commission a son rôle décisionnel et son rôle consultatif auprès de l'Assemblée nationale et, dans certains cas, du gouvernement.

Mais ce qui est important, c'est que la loi est obligatoirement révisée tous les cinq ans, après que la Commission ait déposé son rapport quinquennal. Ça, je trouve que c'est le mécanisme le plus sûr, enfin le plus sûr, l'un des plus sûrs pour répondre à des attentes normales comme les vôtres.

M. Bergeron: Mais, face à une société en mouvance et en constante accélération telle que nous la vivons, avec des situations inédites et, comment dire, une vie privée qui devient de plus en plus publique, est-ce que, vous, comme responsable de la Commission d'accès à l'information, vous avez tout ce qu'il faut pour répondre à cette mouvance-là?

Le Président (M. Rioux): M. Comeau.

M. Comeau (Paul-André): Ma réponse est très claire, et je répète ce que vous avez dit dans votre commission de la culture, vos prédécesseurs évidemment, c'est que nous sommes actuellement avec des effectifs minimaux alors que, je pense, pour répondre adéquatement à cela, il nous faudrait des effectifs optimaux. Je souhaite évidemment que l'on puisse disposer de ressources plus importantes pour faire face aux nouveaux défis.

Le Président (M. Rioux): M. Comeau, je vous remercie. On va prendre quelques minutes, histoire de vous permettre de respirer un peu, et on va revenir dans cinq minutes.

(Suspension de la séance à 16 h 29)

(Reprise à 16 h 36)

Le Président (M. Rioux): On reprend nos travaux. Et, on avait terminé avec le bloc de 10 minutes des ministériels, nous allons maintenant du côté de l'opposition. M. le député de Chomedey.


Absence d'affectation d'un procureur de la Commission (suite)

M. Mulcair: Merci, M. le Président. On ne s'y attendait pas, mais évidemment c'est libre à lui de vivre avec ses non-réponses. Mais on a été fort surpris de voir que le président de la Commission d'accès à l'information refusait de donner aux élus l'information qu'on lui demandait, à savoir la source, s'il en était, juridique, légale de son action vis-à-vis de Me Bergeron. Mais c'est sa dernière réponse qui nous a vraiment pris de court, on ne s'attendait vraiment pas à entendre le président d'un organisme utiliser une telle terminologie qui était tellement révélatrice de son attitude vis-à-vis de Me Bergeron puis, aujourd'hui, vis-à-vis des membres de cette commission.

Parfois, quand un enfant est indiscipliné, il faut punir. Ce sont ses termes à lui, M. le Président, «il faut punir». Donc, par le fait même, il est en train de nous dire que... Parce qu'il y a des conventions collectives, il y a des politiques d'application, mais il n'y a rien qui permet de punir quelqu'un en lui disant: Reste chez toi, sans avis en vertu de la convention collective, sans suivre les autres étapes. Reste chez toi, mais on va te payer pareil. Mais, sans le vouloir, je pense que M. Comeau vient de nous donner notre réponse. Il n'y a absolument rien – on le savait – dans la loi qui l'a autorisé à faire ça. C'est personnel, c'est lui qui se voit comme une personne autorisée de punir quelque chose qu'il considère comme une inconduite.

J'ai eu l'occasion de parcourir toutes les lettres de félicitations, de références, de recommandations qu'avait obtenues Me Bergeron pendant son séjour à la Commission d'accès à l'information. C'est quelqu'un qui jouissait d'une excellente réputation, et il a dit ce que tout le monde avait bien compris, que le président, pour des raisons toujours inexpliquées, n'était pas capable, ou ne voulait pas, ou ne pouvait pas mener correctement l'enquête sur la fuite de renseignements confidentiels au ministère du Revenu vers le cabinet du premier ministre du Québec. Il n'était pas capable de le faire. Son avocat, sur la place publique, a dit: On ne me donne pas les moyens de le faire. Et finalement, en désespoir de cause, il est allé publiquement avec ses demandes, parce que, lui, il ne voulait pas faire ternir son excellente réputation. Et voilà que pour le punir – il vient de le dire – pour le punir, le président de la Commission d'accès à l'information lui a dit illégalement de rester chez lui. Évidemment, ça serait à nous de reprendre ce dossier en Chambre, publiquement, avec le ministre responsable, et c'est ce que nous entendons faire.


Consultation de la Commission concernant la transmission à une firme privée des déclarations d'élèves handicapés ou en difficulté d'apprentissage

M. le Président, je voudrais revenir sur un autre dossier qui a fait la manchette, et ça concerne les données confidentielles au ministère de l'Éducation. Le ministre Legault s'est levé en Chambre en réponse à des questions répétées de l'opposition puis il a dit ceci. Et je cite un des articles là-dessus, il y en avait dans La Presse , il y en avait dans Le Soleil . Je vais citer l'article de Michel Corbeil, dans le journal Le Soleil , là-dessus: «M. Legault a souligné qu'il n'a aucune explication au fait que la Commission d'accès à l'information a demandé de voir le contrat avant qu'il ne soit signé alors qu'elle avait déjà autorisé sa signature quelques mois avant. Il faut leur poser la question, s'est limité à dire M. Legault.»

Alors, que M. Comeau considère la question comme posée, et on aimerait savoir la réponse à la question de M. Legault posée par le biais des journaux. C'est la première occasion qu'on a de la poser à M. Comeau depuis que c'est sorti, ce dossier-là.

(16 h 40)

M. Comeau (Paul-André): Alors, je vais vous signaler les faits dans ce dossier, parce qu'on a procédé ces derniers jours à un examen en profondeur du dossier, qui s'étend sur quelques années.

Alors, le 14 novembre 1997, le responsable de l'accès à l'information et de la protection des renseignements personnels du ministère de l'Éducation informe la Commission de la possibilité de confier à une entreprise privée la saisie informatique des formulaires relatifs à ses étudiants. Alors, il me faut signaler ici une erreur dans notre rapport Un défi de taille : c'est bien en 1997 et non en 1995 qu'a eu lieu cette démarche du ministère de l'Éducation. Donc, 14 juillet 1997, une démarche du ministère de l'Éducation sur ces formulaires informatiques.

La Commission étudie le dossier et, le 13 novembre 1997, la Commission signifie au responsable de l'accès à l'information et de la protection des renseignements personnels du ministère de l'Éducation qu'elle acceptait le projet. Et, tout comme le ministère, la Commission considérait que le projet relevait bien de l'article 67.2 de la loi. Cet article permet de confier des contrats à l'extérieur moyennant un certain nombre de conditions.

La Commission ajoute à la disposition légale une condition supplémentaire en raison du caractère extrêmement sensible de ces renseignements, et cette condition se lit ainsi: «Le ministère de l'Éducation pourra effectuer le traitement par une firme privée de la saisie du formulaire de déclaration de ses élèves à la condition de faire signer un engagement à la confidentialité par chacune des personnes employées par la firme et impliquées dans le processus de saisie des données.» De même, et toujours dans cet avis de novembre 1997, la Commission annonce qu'au terme de cinq années la Commission vérifiera auprès du ministère de l'Éducation l'application de ces conditions et pourra les reconduire ou les modifier, selon le cas. Cinq années, donc, ce qui mène en l'an 2002.

Dans son rapport de juin 1998 sur la vaste opération de vérification qui a été menée dans 22 ministères et organismes, le rapport intitulé Un défi de taille , la Commission demande au ministère de lui soumettre ce contrat avant sa signature. Or, le contrat avait été signé en avril 1998, ce que la Commission ignorait. En somme, la recommandation n'avait plus sa raison d'être, car le ministère était allé en avant dans son projet sur la base de l'avis favorable de la Commission émis en novembre 1997.

En juin 1999, la Commission a maintenu cette recommandation dans la version révisée de son rapport Un défi de taille en prévision d'un éventuel nouveau contrat qui pourrait survenir avant le délai de cinq ans prévu dans l'avis de novembre 1997.

En septembre 1999, le ministère a décidé de réviser ce contrat signé en avril 1998, et c'est sur la base de ce contrat que s'est engagée une série de discussions avec le service juridique de la Commission. Le nouveau contrat qui va en résulter devrait, nous dit-on, être soumis prochainement à la Commission avant sa signature, et la Commission se prononcera alors sur ce contrat.

Mais je répète que la Commission avait, en novembre 1997, donné un avis favorable et je demanderais, M. le Président – et j'en ai un seul exemplaire – de déposer cet avis de novembre 1997.


Document déposé

Le Président (M. Rioux): Très bien.

M. Mulcair: M. le Président, non seulement on demanderait le dépôt de l'avis, mais on demanderait également à M. Comeau d'avoir l'amabilité de nous fournir, même si on a des transcriptions de notre conversation d'aujourd'hui, le cheminement critique de ce dossier-là, un peu de la manière qu'il vient de nous l'expliquer, parce que, de toute évidence, il y a quelque chose qui cloche là-dedans.

Le Président (M. Rioux): C'est oui, M. Comeau?

M. Comeau (Paul-André): Bien sûr.

Le Président (M. Rioux): Très bien.

M. Mulcair: O.K. Alors, M. le Président...

Le Président (M. Rioux): Allez, et il vous reste une minute et demie.


Délai pour combler le poste de directeur de l'analyse et de l'évaluation

M. Mulcair: Bon. On aimerait, par la même occasion, sur l'organigramme – parce qu'on est dans le rapport annuel – que le président de la Commission d'accès à l'information nous informe du niveau en termes des cadres de la fonction publique. C'est quoi, le niveau de la fonction suivante, directeur de l'analyse et de l'évaluation? C'est quel niveau de poste?

M. Comeau (Paul-André): Pour le moment, le poste est occupé de façon intérimaire, et c'est un niveau de cadre III.

M. Mulcair: Et pourquoi est-ce que le poste est occupé de manière intérimaire depuis plus d'un an?

M. Comeau (Paul-André): Parce que nous n'avons pas procédé au concours et nous n'avons pas non plus engagé toutes les démarches nécessaires. Nous avons procédé à la réévaluation de ce poste et nous avons obtenu du Conseil du trésor l'autorisation d'en faire un poste de cadre II.

M. Mulcair: Et pourquoi la Commission n'a pas encore procédé?

M. Comeau (Paul-André): Parce qu'on n'a pas eu le temps. On a reçu l'avis du Conseil du trésor cet automne, à la fin de l'automne.

M. Mulcair: Et est-ce que le président peut nous dire si la personne qui occupe par intérim le poste avait, au moment d'occuper le poste par intérim, le nombre d'années requises si on avait voulu la nommer de manière permanente sur le poste, tel qu'évalué à l'époque, comme directeur de l'analyse et de l'évaluation?

M. Comeau (Paul-André): De le nommer selon un concours, etc.? Je n'en ai aucune idée.

M. Mulcair: La question est...

M. Comeau (Paul-André): Nous l'avons nommé de façon intérimaire et pour tenir un concours et, entre-temps, nous avons décidé de «upgrader», en bon français, ce poste.

M. Mulcair: La question est importante, parce que la question se pose de la manière suivante: Est-ce qu'on a choisi la personne qu'on voulait et on l'a mise sur le poste lui permettant... En refusant pendant plus d'un an de tenir le concours requis aux termes de la loi, on permet à cette personne-là d'acquérir l'expérience manquante qui lui était normalement exigible pour occuper une fonction de ce niveau-là. Est-ce que ce n'est pas là une raison pour laquelle on n'a pas encore eu de concours dans ce poste-là?

M. Comeau (Paul-André): Non.

M. Mulcair: Parce que c'est extrêmement rare. C'est la première fois que je vois, dans près de 20 ans d'expérience...

Le Président (M. Rioux): M. le député de Chomedey, votre temps est dépassé, mais on va avoir la réponse de M. Comeau.

M. Mulcair: Oui. C'est la première fois, M. le Président, que je vois, en plus de 20 ans d'expérience avec le gouvernement du Québec, une fonction à ce niveau-là occupée d'une manière intérim pendant plus d'un an.

Le Président (M. Rioux): M. Comeau.

M. Comeau (Paul-André): Bien, je vous dirai que nous l'avons fait déjà auparavant, Me Simon Lapointe a occupé exactement par intérim pendant un an également.

Le Président (M. Rioux): Alors, M. le député de Saint-Hyacinthe.


Examen de la sécurité des renseignements personnels dans l'appareil gouvernemental

M. Dion: M. le Président, merci. M. le président de la Commission d'accès à l'information, je vois, dans votre rapport annuel de l'année 1998-1999, un passage fort intéressant touchant toute la question des renseignements personnels par rapport au fonctionnement de l'appareil gouvernemental – aux pages 14 et suivantes en particulier – de la sécurité des renseignements personnels dans les organismes de l'État. Et on voit, à la page 14, que vous avez fait une analyse de 22 organismes du gouvernement pour conclure un certain nombre de choses et, entre autres, fait 23 recommandations générales et 192 recommandations particulières à ces organismes-là.

Alors, évidemment, c'est un travail, je pense, très considérable que d'arriver à des recommandations aussi... J'imagine que ça doit être des recommandations très précises. Alors, je vois que vous dites un peu plus loin que vous envisagez d'élaborer un plan de vérifications qui viseront tout aussi bien la mise en oeuvre de l'accès aux documents administratifs que la protection des renseignements personnels. Donc, ce que je comprends, c'est que vous avez l'intention de faire un suivi régulier de ces recommandations-là parce que vous considérez que c'est un élément très important de votre mission de faire en sorte que les organismes d'État prennent les moyens appropriés, autant mécaniques, du domaine des procédures, pour atteindre cet objectif de protéger la confidentialité des renseignements personnels.

Alors, à ce jour, est-ce que vous avez fait des études complémentaires? Et où est-ce qu'on en est dans le suivi de ces recommandations-là?

M. Comeau (Paul-André): En ce qui concerne l'opération, appellons-la Défi de taille pour simplifier les choses, dès que le rapport de juin 1998 a été déposé, on a engagé immédiatement avec les 22 ministères – enfin, ceux où il restait des problèmes – une démarche de suivi auprès d'eux pour clarifier la situation, trouver des solutions aux problèmes qui avaient été soulevés, ainsi de suite. Cette opération s'est échelonnée pendant quelques mois. Elle a débouché sur l'édition révisée qu'on a publiée au mois de juin dernier. Et, pour le moment, on ferme les derniers dossiers qui laissaient encore des doutes et des problèmes et on intègre dans la démarche globale de vérification les quelques problèmes qui vont subsister.

(16 h 50)

Alors, pour bâtir une vérification, il faut effectivement disposer d'instruments et, pour employer un anglicisme, d'une expertise. C'est pourquoi on a lancé, au mois de septembre, je pense, dernier, l'opération de vérification au sujet des autorisations de recherche, d'avoir accès à des renseignements personnels sans le consentement des personnes. C'est un sujet limité, cadré qui nous permettait, pour employer une expression, de faire nos dents, donc de bâtir une méthodologie et de voir quels étaient les problèmes et d'aboutir à des résultats. Là, on est à la fin de cela et on espère pouvoir publier nos résultats lorsque tous les chercheurs visés par cette vérification auront été recontactés pour valider nos vérifications.

On veut – et c'est l'objectif de la Commission – systématiser les opérations de vérification, mais là on a un problème d'effectifs réels. Il va falloir que l'on nous donne les moyens. Pour faire Un défi de taille , on a été obligé d'aller chercher un peu partout dans l'appareil administratif de l'État une douzaine de chercheurs qui se sont adjoints au personnel permanent de la Commission pour faire cela, sinon on ne pouvait pas. On aurait pu sur des années, mais on ne pouvait pas faire une vérification systématique précise dans un temps normal. Alors, il est évident que là on s'est donné des instruments, mais là il faut avoir des effectifs pour utiliser ces instruments.

Le Président (M. Rioux): Oui, monsieur.

M. Dion: Dans ce contexte-là, vous parlez qu'après avoir fait une première démarche vous avez constaté, si j'ai bien compris, que, de façon générale, il y avait des progrès, mais qu'il subsistait quelques problèmes. Pouvez-vous nous parler de façon plus précise des problèmes que vous avez constatés à ce moment-là?

M. Comeau (Paul-André): Comme on l'a écrit, l'un des problèmes qui était agaçant et inquiétant également, c'est qu'il y avait – on a appelé ça une nonchalance, et je pense que le terme est exact – une certaine nonchalance de la part de fonctionnaires de tous les niveaux à l'égard des recommandations et des avis de la Commission.

Je prends un exemple qui intéressait tout à l'heure Mme la députée, l'utilisation d'Internet pour transmettre le courrier électronique. Là, on a découvert que des ministères n'avaient aucune procédure, n'avaient aucun système de cryptage pour transmettre des informations privilégiées, à plus forte raison des renseignements personnels. Alors, c'est l'une de nos recommandations très précises à de nombreux ministères, de se doter de politiques et de les respecter, dans ce domaine.

Mais il faut dire, à notre surprise, qu'on a rencontré des gens qui n'avaient aucune idée de ce que pouvait être la cryptographie, de ce que pouvait être le système de clé ouverte, clé fermée. Il y a un problème là. Il y a un problème de nonchalance, un problème aussi de fascination devant les nouvelles technologies de l'information. Parce que c'est des nouvelles technologies, il n'y a pas de problème, c'est bon, c'est parfait. Et c'est là où il faut alerter, il faut amener les gens à réfléchir. Alors, cet exercice-là, Un défi de taille , aura eu comme principal résultat, précisément, de semer une saine inquiétude un peu partout. Et puis, dans cette étude-là comme dans le rapport MARION qui a été mené de front, on en arrive à une première conclusion: ce qui est fondamental, c'est la sensibilisation et du personnel et de la haute fonction publique.

Le Président (M. Rioux): Mais, M. Comeau, dans votre document, à la page 15, lorsque vous parlez de l'évaluation que vous faites des mesures de sécurité qui entourent les renseignements personnels...

M. Comeau (Paul-André): Oui. Là, j'ai parlé de la page 14 jusqu'à maintenant.

Le Président (M. Rioux): Oui, mais l'examen que vous avez fait de la situation ou l'évaluation que vous avez faite, c'est de dire que le personnel qui est responsable de donner l'information n'a pas la formation qu'il faut. Même le personnel d'encadrement, il semblerait qu'ils n'ont pas tout ce qu'il faut pour exercer leurs fonctions.

M. Comeau (Paul-André): C'est exact.

Le Président (M. Rioux): Mais, cependant, vous dites: Nous autres, on va proposer d'entreprendre une campagne de sensibilisation. Trouvez-vous ça suffisant?

M. Comeau (Paul-André): C'est notre première constatation, il faut convaincre les gens de la nécessité de se pencher sur ces questions et de respecter les engagements de l'État à cet égard, de respecter les droits des citoyens. Très souvent, les erreurs qui sont commises, les fautes qui apparaissent le sont par ignorance, nonchalance ou par une espèce d'habitude de laisser-aller. C'est le principal problème. D'ailleurs, les études faites aux États-Unis dans ce domaine démontrent que, sauf les cas de «hackers», et ainsi de suite, les cas de pénétration volontaire, les erreurs et les problèmes sont tous dus à des questions d'absence de sensibilisation et de laisser-aller.

Le Président (M. Rioux): Vous orientez-vous vers des codes de pratique ou... Ça va être quoi, vos instruments de travail?

M. Comeau (Paul-André): Bien, écoutez, il y a effectivement des codes de pratique, mais le résultat fondamental de la mise en oeuvre de la méthode MARION dans 89 ministères et organismes, ce qui est énorme, ça a été de constituer et de faire fonctionner là où ça n'existait pas, c'est-à-dire à peu près dans 80 % des cas, des comités de sécurité informatique qui doivent se réunir, régler les problèmes et surtout poursuivre la démarche, relancer la démarche.

Alors, la Commission est revenue à quel moment? Le printemps dernier, et on a fait un suivi immédiatement pour demander aux ministères qu'est-ce qu'il en est. Et, là-dessus, je pense que M. Parent peut vous donner les résultats de ce suivi, huit mois après où on en était.

Le Président (M. Rioux): M. Parent.

M. Parent (Robert): Oui. Merci, M. le Président. Alors, la conclusion du sondage que nous avons fait dans les organismes publics où nous sommes passés faire la vérification et l'évaluation informatique à partir de la méthode MARION, ça se conclut de cette façon-ci. On dit que 79 % des participants à l'étude ont confectionné un plan d'action en matière de sécurité informatique; 69 % ont commencé à mettre en place des mesures correctrices; 70 % des organismes disent avoir maintenu l'existence du fameux comité informatique; et 75 % prévoient, dans le futur, refaire ce genre d'exercice à l'aide de MARION ou d'une méthode similaire. Alors, on pense ici surtout à l'ensemble des gros organismes publics, c'est-à-dire ceux qui détiennent des mégafichiers. Là, il y a eu un effort, suite à l'évaluation MARION, un effort important, considérable pour resserrer les règles de sécurité.

D'ailleurs, tout récemment, je pense au mois de novembre dernier, le Conseil du trésor a refait une directive sur la sécurité informatique et qui répond en bonne partie, en tout cas, aux demandes qu'on faisait suite au rapport MARION. Donc, je pense que, sur ce plan-là, les résultats de l'étude MARION que nous avons produits ont été très positifs.

Le Président (M. Rioux): Vous suggérez la mise en commun des connaissances et des informations, mais l'impression que j'ai, moi, c'est qu'il n'y a personne qui est responsable de la coordination de ça. C'est un cerveau, ça, là, c'est important.

M. Parent (Robert): Bien, si vous me permettez, M. le Président, selon les règles, en tout cas, du gouvernement, le Conseil du trésor est responsable de la sécurité informatique au gouvernement du Québec. C'est le Conseil du trésor qui émet des directives sur la sécurité.

Le Président (M. Rioux): Merci. M. le député de Chomedey.


Délai pour combler le poste de directeur de l'analyse et de l'évaluation (suite)

M. Mulcair: Merci beaucoup, M. le Président. Je veux revenir au sujet que j'ai abordé tantôt parce que c'est important pour nous de comprendre les patterns de gestion. C'est un peu à ça que ça sert, notre analyse du rapport annuel, entre autres. C'est pour ça qu'on a aussi un organigramme de la Commission d'accès à l'information. Alors, si je comprends bien la réponse de M. Comeau tantôt, cela fait un bon moment que la fonction importante de directeur de l'analyse et de l'évaluation est occupée par intérim. Est-ce qu'il peut nous dire depuis combien de temps au total, par Me Simon Lapointe et maintenant par M. Robert Parent, cette importante fonction est occupée sur une base intérimaire?

M. Comeau (Paul-André): Me Simon Lapointe l'a occupée pendant 11 mois à peu près.

Une voix: Un an.

M. Comeau (Paul-André): Un an, et M. Parent l'occupe depuis un an également.

M. Mulcair: Bien, on fait le compte, oui, ça va faire 14 mois ce mois-ci. Donc, ça fait plus de deux ans que cette importante fonction est occupée de manière intérimaire. Est-ce qu'il y a une raison objective qui fait en sorte que, pendant 26 mois bientôt, cette importante fonction n'est pas occupée par une personne titularisée conformément aux règles générales et normalement applicables de la fonction publique, c'est-à-dire un concours objectif, non paqueté d'avance, avec tous les gens ayant une chance égale, qui rencontrent les critères pour occuper la fonction?

Le Président (M. Rioux): M. Comeau.

M. Comeau (Paul-André): Oui. En ce qui concerne le mandat de Me Lapointe, il était convenu que c'était un mandat d'un an et à titre intérimaire. C'était très clair avec lui. Et, à ce moment-là, lui devait nous dire s'il voulait postuler et demander d'accéder à un concours sur le sujet. Je vous signale que Me Lapointe était avocat, ce qui posait un problème de cadre juridique. Enfin, c'était très clair au départ qu'il y avait un an de convenu avec Me Lapointe, et, dès le mois de décembre – je ne trahis pas de renseignements personnels à cet égard – il nous a signifié qu'il ne voulait pas – comment dire? – poursuivre le défi.

(17 heures)

Quand je suis allé chercher M. Parent, qui est dans la fonction publique québécoise l'une des personnes les plus compétentes en matière de protection des renseignements personnels – c'est lui qui a aidé le législateur à rédiger la loi sur le secteur privé – je l'ai engagé aussi à titre intérimaire parce que nous avions très clairement la notion que le poste, tel qu'il était défini, ne correspondait plus à l'ampleur des tâches, et il fallait réviser.

Alors, je dois vous dire que les effectifs de la Commission sont tellement restreints que toute cette question d'intendance, on l'a évacuée pendant quatre mois, de septembre jusqu'au mois de janvier, en l'absence du secrétaire de la Commission. Alors, nous avons été obligés, M. Parent et moi, de faire de la suppléance. À ce moment-là, nous avons complètement évacué cette question et nous l'avons reprise lorsque nous avons reçu l'avis du Conseil du trésor nous disant: Oui, vous avez le droit de porter ce poste à un niveau supérieur.

Le Président (M. Rioux): M. le député.

M. Mulcair: Je trouve ça extrêmement intéressant, l'analyse que fait le président de la Commission d'accès sur les talents de M. Parent. Je prends sa parole là-dessus. Sauf que j'ai bien pris en note, quand le président de la Commission d'accès nous a dit: Je suis allé chercher M. Parent. Et il nous le reconfirme d'un hochement de la tête. Les règles normales, usuelles dans la fonction publique, et c'est un peu le thème de notre discussion sur les rapports annuels, de la commission d'aujourd'hui... C'est gentil d'y avoir pensé, d'avoir été chercher M. Parent, sauf que les règles de la fonction publique exigent quelque chose qui s'appelle un concours. Et la raison pour ça, c'est pour éviter que quelqu'un puisse aller chercher quelqu'un, même s'il l'estime beaucoup. C'est censé être objectif, c'est censé être «fair», juste pour tout le monde.

Alors, ma prochaine question pour M. Comeau est la suivante: Est-ce que M. Comeau peut nous dire si, au moment d'occuper cette fonction de directeur de l'analyse et de l'évaluation par intérim, M. Parent avait les qualifications nécessaires? Parce que, à ce moment-là, c'était un administrateur classe III. Pour le monde qui ne suit pas ça de près, et je ne les en blâme pas, une classe II, c'est plus élevé qu'une classe III. C'est comme au golf, plus petit est le numéro, meilleur est le score, meilleur est le salaire. Alors, pour changer ça en poste II, est-ce qu'au moment d'occuper la fonction par intérim comme classe III M. Parent aurait pu l'occuper comme classe II? Est-ce qu'il avait l'expérience, la formation, tous les prérequis d'un administrateur d'État catégorie II, donc, en janvier 1999?

Le Président (M. Rioux): M. Comeau.

M. Comeau (Paul-André): Oui. Alors, je ne sais pas si j'ai fait une erreur, mais le poste était et il est toujours... Non, il était, jusqu'à ce que le Conseil du trésor nous signifie la permission de l'«upgrader», de classe IV. Il est maintenant «upgradé» à classe III.

M. Mulcair: Tout à l'heure, le président nous avait bel et bien dit III et II.

M. Comeau (Paul-André): Excusez-moi, j'ai fait une erreur.

M. Mulcair: D'accord. Alors, je formule ma question légèrement différemment, M. le Président, en fonction de cette information corrigée. Est-ce qu'au moment d'occuper le niveau IV, la fonction de directeur de l'analyse et de l'évaluation comme administrateur IV, M. Parent avait les prérequis nécessaires pour l'occuper si ça avait été une fonction III, c'est-à-dire administrateur III?

M. Comeau (Paul-André): Si ça avait été une fonction IV.

M. Mulcair: C'était une IV, à l'époque.

M. Comeau (Paul-André): Exactement.

M. Mulcair: Il n'aurait pas pu l'occuper... Et, moi, ce que je demande, c'est: En janvier 1999, est-ce que M. Parent avait les qualifications requises pour occuper une fonction de catégorie III? Parce que c'est en ça qu'on est en train de le changer.

Le Président (M. Rioux): M. Comeau.

M. Comeau (Paul-André): Non. Je vous répète, M. le Président, que nous avons reçu la permission de changer et nous n'avons pas changé parce que nous n'avons pas eu le temps.

Le Président (M. Rioux): C'est la réponse.

M. Comeau (Paul-André): C'est très clair. Je n'ai pas eu le temps de procéder à cela.

M. Mulcair: La réponse est très claire et, sans fausse modestie, ça doit être que la question n'est pas suffisamment claire. Alors, je vais essayer d'y aller autrement. On est janvier 1999, on a un poste qui s'appelle directeur de l'analyse et de l'évaluation. Ce poste, qu'on appelle, dans le jargon de la fonction publique, administrateur IV, exige un certain nombre de qualifications, une certaine formation, une certaine expérience, une certaine expertise. On peut effectivement, du moment qu'on a les qualifications, mettre quelqu'un sur un poste, dans la fonction publique, par intérim pourvu qu'on procède par la suite à un concours selon les normes. Entre-temps, regardant l'ampleur de la tâche, le président de l'organisme dit: Vous savez, à bien y penser, c'est un III, ça devrait être – pour appliquer son terme – «upgradé», ça devrait être réévalué à la hausse. Pas de problème avec ça. Pour être III, ça ne surprendra personne, vu que c'est une fonction plus élevée, ça prend plus d'expérience, ç'a plus de prérequis, ça prend plus de formation, etc.

Alors, ma question était bel et bien la suivante: Est-ce qu'en janvier 1999... Je prends pour acquis qu'en janvier 1999 M. Parent avait les prérequis nécessaires pour occuper une fonction d'administrateur IV, je ne remets même pas en question ça. Ce que je veux savoir, c'est: Est-ce qu'en janvier 1999 il avait ce qu'il fallait pour occuper une fonction III?

M. Comeau (Paul-André): Je ne le sais pas.

M. Mulcair: Vous ne le savez pas. Est-ce que, M. le Président, au moment de préparer ses réponses à nos autres questions, il peut nous préparer sa réponse à cette question précise là? Et je vais vous expliquer pourquoi c'est extrêmement important. La Commission d'accès à l'information est un organisme d'État pas comme les autres, hein. Ça fait partie de ces quelques-uns où justement on nomme les dirigeants et les membres de la Commission, on les nomme par une majorité de deux tiers à l'Assemblée nationale. C'est dire à quel point on trouve ça important, la Commission d'accès à l'information. Mais toutes les autres règles du jeu de la fonction publique doivent continuer à s'appliquer. Alors, afin de dissiper toute inquiétude possible sur le fait...

Et je reprends son terme, ce n'est pas moi qui l'ai dit, je n'ai pas mis ces mots dans sa bouche, M. Comeau a dit tantôt et il le confirmait: Je suis allé chercher M. Parent. Alors, normalement, dans la fonction publique, on s'en va chercher quelqu'un par concours, si on fait «upgrader», on fait un concours pour que la personne ait les qualifications. Donc, c'est important pour nous autres de savoir si, en attendant, on n'est pas en train d'utiliser cette nomination par intérim pour permettre à M. Parent d'avoir peut-être un avantage sur les autres personnes qui postuleront éventuellement.

Puis je terminerai en exprimant un souhait. Dans la mesure où le président de la Commission d'accès à l'information vient de s'exprimer très publiquement sur les qualités, que je ne remets pas en question, de M. Parent, j'espère que ni lui ni qui que ce soit qui est sous son autorité ne va participer au concours comme membre du jury au concours pour mettre quelqu'un d'une manière permanente sur ce poste-là, parce que ça serait vraiment injuste vis-à-vis les autres postulants. Si on veut avoir un concours objectif et correct, il va falloir vraiment que les apparences soient là. Parce que, jusque-là, j'entends quelqu'un donner à 110 mi à l'heure son imprimatur, son approbation, son appui et son soutien à une personne, mais il oublie qu'il faut quand même passer par un concours. Puis, si jamais M. Parent était confirmé dans cette fonction-là, ça serait injuste pour M. Parent que la moindre ombre de doute puisse planer sur la légalité et la rectitude de la nomination.

Le Président (M. Rioux): M. le député de Chomedey, votre temps est écoulé.

M. Mulcair: Merci.

Le Président (M. Rioux): Normalement, M. Comeau, il n'y aurait pas de temps pour une réponse, mais le député de Marguerite-D'Youville a soulevé une question, de privilège, j'imagine?

M. Beaulne: Non. Ce n'est pas une question de privilège, M. le Président, c'est une question, je dirais, de directive sur la conduite de nos échanges avec le président. Je comprends très bien le point de mon collègue, ça fait partie de l'examen normal de la gestion des organismes qui passent devant nous et de l'examen des rapports. Toutefois, j'inviterais mon collègue un peu à la prudence dans ses échanges avec le président, parce que je me vois mal ici me transformer avec les collègues en espèce de comité d'évaluation de la candidature d'une personne ou d'une autre. Et plus d'allégations sont faites et plus de commentaires sont faits sur un individu, sa capacité ou non d'occuper un poste... Il me semble, et je le dis en toute déférence, connaissant l'importance que mon collègue attache au respect des droits humains, il l'a démontré dans plusieurs législations, qu'on s'aventure sur un terrain plutôt glissant. Alors, je vous demanderais, s'il vous plaît, dans la mesure du possible, qu'on évite de discuter publiquement ici de cas particuliers dans l'espoir de ne pas nuire ou avantager quelqu'un.

Le Président (M. Rioux): Alors, M. Comeau.

M. Comeau (Paul-André): Vous permettez que je réponde?

Le Président (M. Rioux): Oui, oui, oui. Je pense que vous allez devoir répondre.

M. Comeau (Paul-André): D'accord. Alors, je vais rassurer, j'espère, et le président et ses collègues. Dans ce dossier, comme dans tous les dossiers, nous sommes conseillés par la direction des ressources humaines du ministère avec qui nous avons un contrat de services. Je vous signale également que le concours aura lieu, et qu'il aura lieu selon les règles de la fonction publique, et qu'il est évident que je ne serai pas membre de ce concours. Je pense que c'est la logique la plus élémentaire.

Le Président (M. Rioux): Alors, M. Comeau, nous allons suspendre quelques minutes. Je ne sais pas combien de temps.

M. Dion: M. le Président, est-ce que ça veut dire qu'on doit prolonger passé 18 heures?

Le Président (M. Rioux): Non, non.

M. Dion: Non. O.K. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Rioux): Non, non, ça ne prolonge pas. Alors, on va suspendre quelques minutes. Et, quand l'opposition officielle sera revenue, on continuera nos travaux.

(Suspension de la séance à 17 h 10)

(Reprise à 17 h 28)

Le Président (M. Rioux): Si vous le voulez bien, on va reprendre nos travaux. Et je vais céder la parole au député de Frontenac.


Utilisation de la méthode d'analyse des risques informatiques MARION

M. Boulianne: Merci, M. le Président. Moi, je veux revenir, M. Comeau, on en a parlé tout à l'heure, M. le président en a parlé, à la sécurité des renseignements personnels – vous avez passé ce document-là – dans l'État québécois. Et je veux revenir aussi à ce qu'il disait à la page 67. On parle de sensibilisation. C'est les fonctionnaires de l'État, en général, qui doivent vérifier. Puis, au niveau de la sécurité, vous dites qu'à ce chapitre-là le Québec fait bonne figure. Et vous parlez – vous en avez parlé tout à l'heure, mais j'aimerais avoir plus de précisions – de la norme MARION. On parle de moyennes entreprises à petites entreprises. Alors, vous parlez d'organisation et d'une norme de formation. Est-ce que vous pouvez élaborer là-dessus, s'il vous plaît?

Le Président (M. Rioux): M. Comeau.

M. Comeau (Paul-André): Alors, il faut vous dire que MARION est une forme d'audit mis en place par des actuaires et des économistes français depuis maintenant une quinzaine d'années. C'est une technique qui est mise à la disposition gratuitement des entreprises et des organismes pour procéder à l'autoévaluation de l'état de sécurité. C'est une technique compliquée, mais qui peut être scindée selon la taille des entreprises. L'intérêt de la formule MARION, c'est qu'elle a été éprouvée. On en est maintenant à 1 600 ou 1 700 expériences qui ont été menées avec MARION aussi bien dans les gouvernements que dans l'entreprise privée. Par exemple, Bombardier, chez nous, fait ses audits de sécurité dans ses filiales à travers le monde avec MARION. L'Université Laval commence son audit informatique avec MARION. C'est une méthode, donc, qui a été développée, perfectionnée, de langue française.

(17 h 30)

Et l'intérêt de MARION, c'est qu'elle oblige les dirigeants de l'entreprise, ou du ministère, ou de l'organisme et un nombre important de membres du personnel, dans le service informatique mais ailleurs, à participer à cela. C'est un travail qui s'échelonne sur plusieurs mois, avec des séances intensives, et qui débouche sur des résultats qui peuvent paraître un petit peu du chinois. Si vous regardez dans le tableau, vous avez un graphique qui n'est pas du langage cabalistique, mais qui donne l'impression d'être assez particulier. Et vous avez, à la fin, une série de tableaux qui donnent le résultat des mesures. C'est une méthode très technique, mais elle a l'intérêt de regrouper tout le monde et de les amener pendant des mois à réfléchir, et à se positionner, et à répondre à des questions très précises qui ont été validées.

Alors, évidemment vous me direz: C'est de l'autoévaluation. C'est vrai, mais de l'autoévaluation en ce sens que, si les gens donnent des réponses farfelues, à l'extérieur ou surévaluées, dès qu'il arrive un incident, ils vont être les premiers pincés et ils auront répondu... Et, à ce moment-là, il y a un problème majeur.

Alors, la méthode MARION, telle que nous l'avons pratiquée, a été prise en charge dans les ministères par des équipes constituées, avec l'intervention du sous-ministre ou du président d'organisme. Et la Commission jouait son rôle de conseiller. Elle participait aux réunions, mais en tant que conseiller. Et, au bout de cette méthode, de l'application de la méthode, chacun des ministères et des organismes a bâti et présenté un état de la situation avec évidemment des recommandations et surtout un plan d'action. Alors, selon les problèmes décelés, le plan d'action pouvait s'échelonner sur quelques années ou quelques mois. Il y a des solutions qu'on pouvait mettre en oeuvre immédiatement.

Alors, l'intérêt de la méthode MARION, une fois qu'elle est pratiquée et que les gens s'y sont familiarisés, c'est qu'elle peut être reprise totalement ou en partie. Et là, à ce moment-là, on continue à sensibiliser. Il y aura des départs, il y aura de nouveaux joueurs dans ces équipes-là. Il y aura une sensibilisation permanente, d'une part, qui est un des objectifs, mais il y aura aussi une amélioration constante de l'état de la sécurité. Mais la sécurité, c'est un des moyens, ce n'est pas la confidentialité et ce n'est pas la protection des renseignements personnels. Et notre constatation, c'est que c'est précisément au niveau de la sensibilisation. Les gens doivent être conscients que les renseignements personnels qu'ils manipulent sont importants, ne leur appartiennent pas et peuvent, s'ils sont mal utilisés, entraîner des conséquences graves pour la réputation des individus.

Alors, MARION, c'est, après le survol, la seule méthode qui répond à cela. Il y en a d'autres, méthodes, mais la semaine dernière je parlais avec le vérificateur de l'Université Laval, qui, elle, a payé un consultant pour se faire dire que MARION, c'était la méthode la plus utile sur le marché actuellement.

M. Boulianne: Vous l'avez appliquée au niveau de 89 ministères et organismes. Alors, qu'est-ce que la norme MARION a révélé à ce sujet-là?

M. Comeau (Paul-André): Ça variait d'un ministère à l'autre. Et évidemment, nous, ce qui nous intéressait dans MARION, c'était la partie protection des renseignements personnels. Parce que la méthode MARION balaie beaucoup plus large que ça. Elle étudie, par exemple, les conditions physiques de protection des renseignements personnels. Est-ce que, là où sont situés les ordinateurs, les mémoires, les banques de données, il y a une protection physique, une protection contre l'incendie, toutes sortes de critères? Mais, nous, ce qui nous intéressait davantage, c'est les critères de protection des renseignements personnels. Parce qu'il n'existe pas de méthode qui permet de vérifier l'état de la protection des renseignements personnels. Et là, encore une fois, on a constaté que des gens n'avaient pas eu de formation, parce qu'il y a eu un changement rapide de la haute fonction publique et de la fonction publique, des gens qui ont été installés là, qui n'avaient aucune idée de l'existence des lois, que ces lois s'appliquaient, que la sécurité informatique comportait aussi le volet... Et notre première recommandation, c'est banal, mais c'est la sensibilisation, faire des programmes constants de sensibilisation pour éviter l'accoutumance et la nonchalance.

M. Boulianne: Quand vous parlez de sécurité, de protection au niveau international, par exemple, au niveau des échanges, parce qu'il y a des renseignements qui vont s'échanger à ce chapitre-là, vous dites que la loi de protection du Québec est étanche à ce niveau-là, nous protège. Est-ce que c'est exact?

M. Comeau (Paul-André): Bien, écoutez, je ne sais pas à quelle citation vous faites référence de façon précise. La loi québécoise permet aux entreprises et aux organismes québécois de procéder à des échanges de renseignements personnels, dans les deux sens, avec des entreprises ou des organismes européens, en raison de la mise en oeuvre, en octobre 1998, de la directive européenne qui s'applique aux 15 pays. Et la loi québécoise, elle, répond à cela. Alors, c'est en ce sens que notre loi est conforme à la seule norme internationale qui existe actuellement, c'est-à-dire la directive de l'Union européenne.


Demandes d'autorisation de recherches portant sur le suicide

Le Président (M. Rioux): M. Comeau, vous vous intéressez au suicide chez les jeunes. Je voudrais savoir comment vous gérez la cueillette des informations et comment vous dealez, passez-moi l'expression, avec les régies régionales de la santé et les dossiers médicaux. On est dans quelque chose quand même d'important, là. Comment allez-vous faire pour avoir des résultats concrets?

M. Comeau (Paul-André): Le problème du suicide des jeunes a fait l'objet d'un certain nombre de demandes d'autorisation de recherche chez nous. C'est comme ça qu'on en a connaissance. Ce que font les régies régionales, les hôpitaux, ça nous échappe complètement; ça relève de l'autorité des directeurs des services professionnels, qui, en vertu de la loi, sont responsables de cela.

On a, si vous regardez bien dans le rapport de 1998-1999, accordé deux autorisations de recherche, l'une à la demande du Protecteur du citoyen lui-même, donc qui a respecté la loi et qui est venu chez nous pour demander l'autorisation d'avoir des renseignements sur le phénomène sans évidemment frapper à la porte des familles où on avait eu à déplorer un suicide, je pense que ça se comprend; la deuxième, c'est des chercheurs d'un centre de gériatrie qui veulent examiner en détail et de façon sérieuse, comme toutes les recherches doivent l'être, les raisons psychosociales et les raisons de santé qui sont liées à la mortalité et au suicide.

Donc, ils sont venus chez nous, et on a établi avec eux les modalités d'accès aux renseignements qui étaient nécessaires pour mener à bien leurs recherches, conformément à l'article 126 de la loi. C'est deux problèmes. Mais là on n'est pas partie prenante, on est des accessoires, en quelque sorte, qui veillent à minimiser les dégâts potentiels de l'utilisation de ces renseignements sans les personnes concernées.

Le Président (M. Rioux): Que ce soient les personnes âgées ou les jeunes, les informations que vous allez aller chercher sont forcément fragmentaires.

M. Comeau (Paul-André): Écoutez, ce n'est pas nous qui allons les chercher, c'est des chercheurs qui, eux, vont, en vertu de l'autorisation qui leur a été donnée, avec la permission de l'organisme concerné, aller chercher les informations qui répondent à leur protocole de recherche ou à leurs hypothèses.

Le Président (M. Rioux): Ils y vont en votre nom.

M. Comeau (Paul-André): Non. Ils y vont avec l'autorisation de la Commission. Et c'est l'organisme qui détient les renseignements qui prend la décision finale. Nous, on émet un avis, et un avis consultatif, et la décision dépend toujours du ministère ou de l'organisme qui détient les renseignements.

Le Président (M. Rioux): Merci. Alors, nous allons maintenant céder la parole au député de Chomedey.


Révision quinquennale du régime de protection des renseignements personnels

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Le point a été soulevé tantôt par le député de Frontenac, et je pense que ça vaut la peine d'y revenir. On est censé avoir une révision à tous les cinq ans de la Loi sur l'accès, mais le dernier rapport de la Commission date d'il y a trois ans maintenant, ça date de juin 1997. Et les choses, effectivement, évoluent rapidement. J'aimerais savoir si la pensée de la Commission, telle qu'exprimée par son président, a, à sa connaissance, évolué sur l'une ou l'autre des recommandations ou évaluations qui ont été faites et publiées en juin 1997 mais sans doute analysées bien avant. Donc, on a vraiment du retard sur notre rapport quinquennal, et ça nous inquiète, du côté de l'opposition. Est-ce qu'il y a des choses là-dedans, spécifiquement, qu'on devrait regarder en fonction des changements de perception ou de réalité autres qui sont intervenus depuis lors?

Le Président (M. Rioux): M. Comeau.

M. Comeau (Paul-André): Alors, nous avons dans ce rapport aligné une série de 45 ou 47 recommandations très précises. Ces recommandations nous semblent toutes valables aujourd'hui. Il y en a peut-être qui sont plus importantes que d'autres, mais, grosso modo, notre analyse demeure la même. De même, nous maintenons notre préoccupation à l'égard des quatre problèmes fondamentaux, dont le premier était l'impact de l'introduction des technologies de l'information. Alors, c'est évident que nous ne pouvons pas entreprendre une révision de ce rapport, puisque nous allons commencer dans quelques semaines à préparer le rapport qui sera dû en 2002. Ça prend à peu près un an et demi pour faire cette recherche-là. Alors, nous, nous attendons le projet de loi sur le rapport tel que nous l'avons déposé en juin 1997. Si on répond à nos préoccupations, nous serons déjà passablement satisfaits.


Registre des communications

M. Mulcair: Je vais poser une couple de questions très précises. J'y vais de mémoire. Alors, si ma mémoire est bonne, dans l'avant-projet de loi qu'on a vu, qui a été déposé sous l'égide de M. Boisclair lorsque, lui, il était ministre responsable des Relations avec les citoyens, il avait été proposé de supprimer l'exigence de tenir un registre. On se souvient tous, M. le Président, que c'est avec le registre, dans les différents ministères, qu'on peut savoir s'il y a eu des informations qui auraient été données à l'extérieur, conformément à certains critères contenus dans la loi. Je laisse le temps à M. Comeau de consulter.

(17 h 40)

M. Comeau (Paul-André): Si mes souvenirs et ceux de mes collaborateurs sont exacts, on n'avait rien dit à cet égard.

M. Mulcair: Je suis sûr qu'on proposait de supprimer l'article qui...

M. Comeau (Paul-André): Non, mais je veux dire nous, nous, la Commission.

M. Mulcair: Ah! Non, non. Je sais. Je sais que la Commission n'a rien dit là-dessus. Mais, malgré le fait que la Commission ne l'avait pas recommandé, le ministre proposait l'abrogation de l'article qui exigeait la tenue d'un registre. C'est ce registre-là... Rappelons un peu les historiques. Tous ceux qui étaient là en Chambre se souviennent. Printemps dernier, on commence à faire le tour des ministères, commençant par le ministère du Revenu. Il y a un citoyen qui est allé au ministère du Revenu – c'est ça, hein? – le citoyen est allé là-bas, le citoyen est allé au ministère de l'Éducation, a fait plusieurs ministères comme ça pour constater que ces ministères-là ne suivaient pas les prescriptions de la loi. Et c'est là-dessus que, nous, on s'est dépêchés d'aller vérifier dans ce qui avait été proposé, puis ce n'était vraiment rien du tout. C'était l'article un tel, 69, quelque chose comme ça, on proposait son abrogation.

Donc, il n'y aurait plus l'obligation de tenir un tel registre. Je veux bien que vous n'en ayez pas parlé il y a trois ans. Personne ne se doutait quelle importance ce registre-là allait revêtir. Je vous demande aujourd'hui: Est-ce que c'est une bonne idée de l'abroger ou est-ce que vous le garderez?

Le Président (M. Rioux): M. Comeau.

M. Comeau (Paul-André): M. Parent va répondre, parce que, moi, je n'ai pas réfléchi à cette question-là, je vais être très...

M. Parent (Robert): Vous permettez, M. le Président?

Le Président (M. Rioux): M. Parent, oui.

M. Parent (Robert): C'est exact, M. Mulcair, que le projet de loi n° 451 – son nom – proposait d'abroger le registre de communications. Je pense que ce que le gouvernement souhaitait à ce moment-là, c'était de modifier un autre article, qui est l'article 67, qui venait remplacer le registre de communications dans la mesure où, avec cette proposition de changement à l'article 67, tous les organismes publics seraient obligés, à ce moment-là, d'informer la Commission de tout projet de communication de renseignements personnels, parce que l'objet de l'article actuel de la loi, qui est le registre de communications, à 67.3, c'est de tenir les gens informés, ceux qui y ont accès, les citoyens, des communications qui se font entre les organismes publics, enfin, de la plupart des communications. Or... Oui?

M. Mulcair: Je comprends, et je remercie beaucoup M. Parent d'être prêt pour une telle question et pour la réponse détaillée qu'il vient de nous donner. Mais je reviens à M. Comeau, ou à M. Parent, ou au secrétaire de la Commission, à M. Ouimet. J'aimerais savoir: Est-ce qu'il y a une objection à ce qu'on garde quelque chose pour le citoyen? Parce que, moi, je vous avoue que ça ne m'a pas impressionné, ce qu'on a vu. On a vu que, pendant des années... Puis ce n'est pas moi qui le dis, c'est Bernard Landry qui s'est levé en Chambre pour dire: Ah, c'était tenu disparate, puis, nous, on va mettre de l'ordre là-dedans. Alors, il se vantait que le gouvernement actuel allait enfin exiger qu'on tienne ces registres-là correctement et, par le fait même, il tentait de blâmer l'opposition, vraisemblablement, pour une incurie qui aurait été commise lorsque, nous, on aurait été au pouvoir. Mais, par le fait même, il était en train de dire que la Commission n'avait jamais fait son travail non plus, parce qu'il disait que vous n'avez jamais checké pour savoir si les ministères tenaient ces registres-là correctement ou pas.

Alors, moi, je vous pose la question: En dehors des contraintes personnelles, en dehors de l'idée de remplacer ça avec quelque chose qui serait entre fonctionnaires, à l'article 67, avez-vous une objection fondamentale à ce qu'on garde à la disposition du citoyen, dans les ministères, un registre disant quand est-ce que l'information confidentielle personnelle a été transmise? Est-ce que vous avez une objection à garder ça?

M. Comeau (Paul-André): Non, pas du tout. Moi, je vais être très franc, ce que je souhaiterais, et certains ministères le font déjà, heureusement, à la suite des travaux du groupe de travail des mégafichiers, c'est que les ministères produisent, dans leur rapport annuel, toutes les nouvelles ententes sur le sujet, sur ce modèle, analogue à cela.

M. Mulcair: On peut aisément le demander... mais la caméra n'était pas encore sur vous tantôt, M. Comeau. Donc, moi, je me permets de répéter. Vous m'avez dit tantôt, en réponse à ma question, que nous n'aviez aucune objection.

M. Comeau (Paul-André): Non.

M. Mulcair: C'est bien ça?

M. Comeau (Paul-André): Tout à fait.

M. Mulcair: Aucune objection.

M. Comeau (Paul-André): Aucune objection. Et je vous dis, moi, que je suggérerais des mesures supplémentaires.

M. Mulcair: Merci beaucoup pour ça. Eh oui, merci pour la référence aux mesures supplémentaires. Vous pouvez être sûr que l'opposition du moins va tenter d'y donner suite.


Recommandations concernant le statut des organismes assujettis

Une autre question importante à notre point de vue, c'est la question qui concerne les filiales des organismes d'État. Ça va venir au plan politique au printemps. Il y a des causes importantes qui sont pendantes devant les tribunaux. Vous savez, M. le Président, si ce genre de révision quinquennale va servir à quelque chose, évidemment il faut faire la mise à jour de la loi en fonction des changements technologiques, mais il faut aussi tenter d'enlever les chicanes jurisprudentielles, c'est-à-dire d'être en cour pour débattre telle thèse, comment interpréter tel article versus telle thèse. Je sais qu'il y a des avocats qui font beaucoup d'argent avec ce genre de chicane là, mais c'est notre obligation première d'avoir des lois qui soient bien comprises par le public, et je pense qu'il y a moyen d'y parvenir.

Une des chicanes qui existent concerne les filiales des organismes publics. C'est-à-dire, si Hydro-Québec invente Hydro-Québec International, tout d'un coup, on ne peut pas aller vérifier certaines choses auxquelles pourtant, comme citoyens, on devrait avoir accès. Hydro-Québec est là. On peut avoir accès. La loi s'applique à Hydro, mais ils inventent Hydro-Québec International, Hydro-Québec bidule, Hydro-Québec roue moteur, Hydro-Québec patente à je ne sais pas quoi, puis on ne peut plus y aller.

Alors, la question qu'on a pour la Commission d'accès: Est-ce qu'ils ont une objection majeure à jeter un petit peu plus de lumière sur ces filiales-là, parce que c'est devenu une manière de contourner le but et l'esprit de la loi sur l'accès à l'information?

Le Président (M. Rioux): M. Comeau.

M. Comeau (Paul-André): Oui, je vais vous répondre en deux temps. Dans un premier temps, nous avions, si ma mémoire est fidèle, des recommandations très précises dans le rapport quinquennal sur le sujet. Dans un deuxième temps, étant donné qu'il s'agit de la jurisprudence de la Commission, je vais demander à Me Ouimet de vous répondre là-dessus.

Le Président (M. Rioux): M. Ouimet.

M. Ouimet (André): Oui, effectivement, on avait fait des recommandations dans le rapport «sunset». Je n'ai pas apporté le rapport «sunset», mais je me souviens qu'on avait fait des recommandations là-dessus, non seulement sur les organismes de l'État, mais aussi sur les autres articles de la loi qui concernent les organismes assujettis, parce qu'il y a d'autres problèmes, au niveau des municipalités, au niveau des organismes scolaires...

M. Mulcair: Tout à fait. Les CLD.

M. Ouimet (André): ... – oui – et au niveau des établissements de santé et services sociaux. Or, pour chacun de ces articles-là, il y aurait probablement lieu de revoir, pour couvrir ce qui est maintenant des zones grises, selon l'interprétation des tribunaux.

M. Mulcair: M. le Président, là-dessus, je tiens à exprimer un souhait. Je constate que les employés permanents de la Commission sont effectivement très occupés, mais, pour que, nous, on puisse faire oeuvre utile ce printemps... Parce que je remarque que, dans le rapport annuel 1998-1999, déjà en préambule, le président disait qu'il était très content que le nouveau ministre entendait procéder. Mais ce rapport annuel là couvre l'exercice qui a fini il y a un an, puis on n'a toujours pas vu le premier article de son projet de loi.

J'ai communiqué avec le ministre responsable, M. Perreault, au cours des dernières semaines, pour l'inviter à travailler avec l'opposition. J'ai soulevé un certain nombre de cas très précis. J'ai dit: Écoutez, il va y avoir telle sorte de questions. Et j'ai offert toute notre collaboration, qu'il a d'emblée acceptée. Malheureusement, il n'est toujours pas revenu. C'est dommage, parce que la session commence dans une dizaine de jours, et j'aurais vraiment souhaité, dans un dossier d'intérêt public, avoir une collaboration de la part du gouvernement. Parce que, évidemment, dépendant de quel côté de la table qu'on est, on veut ou fermer ça comme une huître ou ouvrir. De notre côté, ça ne vous surprendra pas de savoir qu'on veut savoir ce qui se passe au gouvernement; de son côté, il aime bien garder ça fermé.

Mais je termine, M. le Président, en disant ceci, que j'ai beaucoup apprécié les réponses qu'on a reçues sur ces questions-là de la part de la Commission, et, si elle peut se le permettre, peut-être sur un certain nombre de sujets par rapport à ce qui a déjà été proposé et ce qu'elle sait depuis lors... Les tendances jurisprudentielles en matière municipale, excellent exemple. Il y en a une qui a fait couler beaucoup d'encre. S'ils peuvent...

Le Président (M. Rioux): M. le député, vous devez conclure.

M. Mulcair: ...nous donner ça par écrit, quelques éléments de réaction, d'information, d'orientation, ça va faire avancer le projet de loi d'autant plus rapidement.

Le Président (M. Rioux): Merci, M. le député de Chomedey. M. le député de Marguerite-D'Youville.

(17 h 50)


Recommandations de la Commission pour le renforcement de son mandat

M. Beaulne: Merci, M. le Président. Nos échanges de cet après-midi avec le président de la Commission d'accès à l'information tirant à leur fin, j'aimerais, avant de vous poser une dernière question, faire certains commentaires. D'abord, je pense qu'il est important, pour ceux et celles qui ont suivi nos délibérations cet après-midi, de rappeler que le mandat de cette commission, d'ailleurs comme de toute autre commission, n'est pas d'insinuer, ou de jeter le doute, ou le discrédit sur les agences du gouvernement, les organismes gouvernementaux sur lesquels nous sommes appelés à nous pencher sous forme de mandat de surveillance ou de mandat d'initiative, mais plutôt d'examiner avec les intervenants pertinents et concernés la manière dont, nous, députés qui représentent le pouvoir législatif, pouvons contribuer à améliorer le fonctionnement de ces organismes en fonction des objectifs et des mandats qui leur sont confiés. Alors, c'est dans cet esprit que nous avons, tout du moins du côté ministériel, procédé à ces échanges.

Et je voudrais vous remercier, M. Comeau, ainsi que les personnes qui vous ont accompagnées, en vous assurant que le mandat de cette commission est avant tout de chercher à améliorer le fonctionnement et le mandat de la Commission d'accès à l'information. Pourquoi? Et je le répète encore une fois pour ceux qui ont suivi nos délibérations, la Commission a un double mandat, un double volet. Elle est un organisme, comme vous l'avez souligné dans votre présentation en début d'après-midi, qui veille au contrôle et à la surveillance de la diffusion des renseignements personnels, d'une part, et elle est également un organisme qui a une fonction quasi judiciaire, puisqu'elle est appelée à trancher sur des demandes d'accès ou non à l'information.

Ceci étant dit, je terminerai en vous posant la question suivante, M. Comeau. Dans cet esprit et dans cette perspective positive, vous avez évoqué un peu plus tôt les contraintes ou les limites qui étaient celles avec lesquelles devait vivre la Commission en termes de personnel et peut-être même en termes d'encadrement législatif. D'après vous, compte tenu de l'importance que revêt la Commission en vertu de ces deux volets, puisque, dans un monde qui est en changement perpétuel en matière de trafic d'information et de renseignements, c'est le seul organisme, au Québec, mandaté qui puisse assurer une protection, minimale soit-elle, aux citoyens qui se sentent inquiets face à ce nouveau phénomène, pouvez-vous nous dire ou nous recommander quelles seraient, d'après vous, certaines pistes de solution qui pourraient être envisagées pour renforcer votre mandat, vous permettre d'assumer vos deux rôles de la manière la plus efficace et de vous ajuster à une conjoncture qui est appelée à changer de plus en plus, principalement en raison des progrès technologiques? Alors, sur ce, je vous remercie au nom de notre formation, et nous attendons vos recommandations.

Le Président (M. Rioux): M. Comeau.

M. Comeau (Paul-André): Alors, il est évident que la mise en oeuvre du processus de révision de la loi est quelque chose de fondamental. C'est, je pense, la meilleure solution pour permettre de bonifier et de rattraper le temps perdu et de tenir compte des changements. Cinq ans, ça nous semble, dans l'état actuel de changement et de vitesse de changement, quelque chose d'assez judicieux. Moins que cela, ce serait trop rapide, et il faut éviter de prendre des décisions et de faire des recommandations sur l'impulsion du moment. Je pense que cinq ans, ça nous permet de mesurer une tendance et de voir un peu quels sont, en moyenne période, les changements possibles.

Au niveau de l'encadrement législatif, à mon point de vue – et ça, je ne sais pas si le secrétaire de la Commission partage mon point de vue là-dessus – l'un des dangers à éviter, c'est l'éparpillement législatif. Il y a une tendance actuellement, notamment dans d'autres provinces canadiennes, et c'est le cas aussi du sort qui semble réservé au projet C-6, au fédéral, d'ajouter des lois sur la protection des renseignements personnels dans la santé, sur la protection des renseignements personnels ailleurs. Là, on va aboutir, à moins que je me trompe totalement, à un problème pour le citoyen qui ne saura plus à qui s'adresser – on a toujours fonctionné, nous, avec un guichet unique – mais surtout on va déboucher sur des problèmes de jurisprudence et on aura, selon les secteurs, des conflits majeurs d'interprétation. Moi, je pense qu'on doit limiter au minimum les modifications dans d'autres législations et, au contraire, faire en sorte que la loi sur l'accès et la protection soit vraiment le pilier et le fondement. Moi, je suis très inquiet de voir la tendance à voir les lois sectorielles se multiplier. Je ne sais pas si Me Ouimet...

Le Président (M. Rioux): M. Ouimet.

M. Ouimet (André): En fait, il y a des gens dans les secteurs particuliers qui nous ont déjà signalé ce problème-là, particulièrement dans le domaine de la santé. L'archiviste médical qui est dans son hôpital, dans son CLSC, etc., qui doit répondre à des demandes, a une foule de lois à appliquer, que ce soit dans le domaine des professions, où il y a déjà des responsabilités particulières en vertu soit des codes de déontologie ou des règles sur la tenue des dossiers, ensuite il y a des lois aussi dans le domaine de la protection des renseignements personnels, il y a la Loi sur les services de santé et services sociaux elle-même, il y a la Loi sur la protection de la santé publique, etc., on pourrait vous en nommer une série. Donc, il y a des secteurs où, effectivement, c'est plus difficile de s'y retrouver.

Le Président (M. Rioux): M. Comeau, mon collègue a soulevé quand même quelque chose d'important, et le député de Frontenac nous l'a dit, puis le député de Chomedey également. On a l'impression qu'un organisme comme la Commission d'accès à l'information est toujours en constant rattrapage sur la réalité. Bon. Vous avez dit que cinq ans, c'est correct, c'est peut-être la sagesse pour faire les modifications d'usage lorsque c'est nécessaire.

Moi, j'aimerais vous demander, ça prolonge un peu la question du député de Marguerite-D'Youville: Au fond, compte tenu que ça a à prendre de l'ampleur, cet organisme-là, c'est un organisme central dans la vie des citoyens... Ce que vous avez vécu jusqu'à ce jour avec les moyens que vous avez, et vous avez vous-même évoqué pendant les travaux que vous aviez bien peu de ressources, que vous fonctionniez avec les ressources minimales, ce qu'on constate, c'est que les gens ont beaucoup de talent autour de vous parce que vous réussissez quand même à vous tirer d'affaire. Moi, ma question est fort simple: Est-ce que, dans l'avenir, s'il y a des modifications à la loi, il y aura des règlements qui l'accompagnent, vous avez l'impression qu'à un moment donné vous allez manquer l'essentiel, c'est-à-dire le financement pour survivre et garder la crédibilité de l'organisme puis lui permettre d'effectuer son travail sur les deux volets de son mandat?

M. Comeau (Paul-André): M. le Président, vous savez, dans votre commission de la culture, votre prédécesseur et vos collègues ont exactement soulevé ce problème. Je dois vous dire que l'automne dernier – et là je ne nomme personne – nous avons dû assister à la transformation de la Commission en une infirmerie. Il a fallu des miracles, il a fallu un surtravail de la part de tout le monde pour nous acquitter de nos mandats. Évidemment, c'est exceptionnel. Mais rien n'empêche qu'au fil des années les mandats se sont ajoutés – mandats formels, mandats ponctuels, etc. – et nous sommes obligés de faire des choix qui ne sont pas toujours les plus, comment dire, avantageux en longue période.

C'est évident qu'il faudrait que l'on puisse disposer d'une équipe de vérificateurs. Actuellement, on a une personne qui fait de la vérification et qui fait en plus, une journée par semaine, de la réponse téléphonique. Etant donné ce que j'ai signalé, l'obligation morale de répondre aux attentes des citoyens, une personne pour faire la vérification, c'est évident qu'on ne peut pas là-dessus être partout, et éteindre tous les feux, et faire toute la vérification qu'on voudrait. Nous avons besoin de ressources. Il est évident qu'on devra ou faire des choix qui seront malheureux ou disposer de nouvelles ressources. Ça, j'en suis convaincu, et votre rapport est clair là-dessus.

Le Président (M. Rioux): Alors, M. Comeau, je vous remercie au nom des membres de la commission. Je remercie M. Ouimet également et M. Robert Parent. Ça a été des échanges, je pense, fort importants, éclairants, et on vous remercie de votre présence. Merci. Alors, je rappelle aux membres de la commission que nous avons effectué notre mandat et j'ajourne les travaux sine die.

(Fin de la séance à 18 heures)


Document(s) associé(s) à la séance