L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission de la culture

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission de la culture

Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le mercredi 6 septembre 2000 - Vol. 36 N° 40

Consultation générale sur le plan triennal d'immigration pour la période 2001-2003


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Journal des débats

heures trente-deux minutes)

Le Président (M. Rioux): Mesdames et messieurs, avec trois minutes de retard, nous allons débuter nos travaux. Notre mandat ce matin, c'est débuter les auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le plan triennal d'immigration pour la période 2001-2003. M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Houda-Pepin (La Pinière) remplace M. Cusano (Viau) et Mme Loiselle (Saint-Henri?Sainte-Anne) remplace M. Lamoureux (Anjou).

Remarques préliminaires

Le Président (M. Rioux): Nous allons débuter nos travaux par des remarques préliminaires. Il y aura 15 minutes consacrées au ministre et 15 minutes consacrées à la représentante de l'opposition officielle. Alors, M. le ministre, vous avez la parole.

M. Robert Perreault

M. Perreault: Alors, merci, M. le Président. Vous me permettrez, bien sûr, de saluer tous les membres de la commission et de vous présenter les personnes qui m'accompagnent. À ma droite, Mme Gagné, qui est sous-ministre adjointe à l'immigration; M. Turcotte, qui est le directeur général de l'immigration au ministère; et M. Laplante, qui est à mon cabinet.

Alors évidemment, M. le Président, on va aller directement dans le vif du sujet. Je suis, bien sûr, particulièrement heureux de me retrouver devant vous pour participer à une consultation sur, sûrement, un enjeu de première importance pour le devenir de la société québécoise. Je crois que depuis que l'Assemblée nationale a décidé en quelque sorte de revoir, comme ça, tous les trois ans, la programmation en matière d'immigration, je pense que c'est un exercice démocratique qui est extrêmement valable.

Je dois dire également que j'ai une raison additionnelle d'être heureux aujourd'hui parce que je me présente devant cette commission, M. le Président, avec la satisfaction que le gouvernement a atteint dans leur ensemble les objectifs établis lors de l'exercice précédent, donc les objectifs qui avaient été convenus concernant la planification de l'immigration qui couvrait la période 1998-2000. Ces objectifs ont été atteints d'une part en ce qui concerne les volumes globaux d'immigration qui avaient été fixés, mais également pour ce qui est de l'orientation fondamentale qui consistait, il n'est pas inutile de le rappeler, à optimiser l'exercice de la marge de manoeuvre du Québec dans la gestion de sa politique d'immigration.

Québec, en vertu de la Constitution, on le sait, et des ententes qu'il a conclues avec le gouvernement fédéral au cours des dernières années, ne détermine directement qu'une partie, j'allais dire, ne détermine encore, M. le Président, malheureusement, directement, qu'une partie du mouvement d'immigration qui se destine à son territoire. Ses pouvoirs exclusifs de sélection s'appliquent, mais s'appliquent uniquement aux immigrants qu'on appelle de la catégorie des indépendants et aux réfugiés et personnes en situation semblable qui sont sélectionnées à l'étranger. Donc, l'influence que le Québec exerce sur l'immigration familiale demeure restreinte, indirecte, et cette influence est à toutes fins pratiques inexistante quant à la reconnaissance du statut de réfugié et à l'octroi de droit de résidence permanente qui en découle, notamment dans le cas des demandeurs d'asile revendiquant ce statut au pays même. C'est important de se rappeler ça parce que, dans le fond, ce dont nous allons parler aujourd'hui, c'est uniquement de la moitié de l'immigration québécoise, même si, bien sûr, on pourra, à l'occasion, faire appel à d'autres dimensions.

Donc, c'est en faisant l'usage le plus judicieux possible des pouvoirs dont il dispose que le Québec peut tirer de cet usage les bénéfices les plus avantageux. C'est pourquoi le gouvernement auquel j'appartiens a choisi de viser, d'une part, une hausse importante de la proportion des admissions de la catégorie générale des indépendants, donc gens d'affaires et travailleurs, et d'autre part, d'augmenter le pourcentage d'immigrants admis qui ont une certaine connaissance du français au moment de leur arrivée au pays.

Je tiens à souligner, sur ce dernier plan, que c'est notre gouvernement qui a été le premier à finalement atteindre, en 1998, soit la première année de l'exercice de planification triennale, l'objectif de 40 % d'immigrants connaissant le français au sein du mouvement global annuel d'immigration. Je vous rappelle que cet objectif avait été fixé de façon unanime par l'Assemblée nationale, avec l'appui de l'Assemblée nationale, mais avait été fixé en 1990 dans l'énoncé de politique en matière d'immigration et d'intégration qui été adopté par le gouvernement de l'époque.

Pour ce qui est de l'objectif de hausse de la part de l'immigration admise en vertu de la sélection québécoise, alors que cette part était environ de 50 % du mouvement global en 1995 et 1997, nos projections indiquent qu'elle atteindra 60 % en l'an 2000. Donc, à l'évidence, les objectifs que le Parti québécois avait établis en 1997 et qui avaient, je pense, à l'époque, réuni un large consensus, étaient réalistes. Et je crois, de ce point de vue là, que c'est important, lorsqu'on fait ce genre d'exercice, bien sûr d'explorer diverses avenues mais se fixer des objectifs qu'on peut atteindre et, de fois en fois, marquer progrès tant dans l'évolution des mentalités que dans l'atteinte des objectifs que nous nous fixons. Donc, c'était, je crois, justement parce que ces objectifs, comme je le disais, étaient à la fois équilibrés entre divers enjeux de nature démographique, linguistique, économique, sociale, qu'on a pu effectivement atteindre ces objectifs.

La lecture des différents mémoires qui sont soumis à la commission de la culture en vue des présentes audiences par des organismes et des individus venus de tous les horizons du Québec, de toutes les sphères d'activité, m'a conforté, et je pense que ça devrait être le cas pour la plupart des membres de cette commission, dans cette conviction d'appartenir à une société ouverte aux réalités migratoires internationales. De façon plus spécifique, les convergences que j'ai constatées dans les mémoires portent sur un certain nombre d'aspects plus précis abordés dans le document soumis à la consultation.

Et je dois dire que je trouve particulièrement significatif, M. le Président, qu'à toutes fins pratiques on ait reçu plus de mémoires cette année, par exemple, de la région de Québec que de la région de Montréal. Que nous ayons des mémoires d'à peu près toutes les régions du Québec, ça me semble significatif d'un intérêt réel de plus en plus évident de tout le Québec à ces questions. On débattra bien sûr des préoccupations qui sont dans ces mémoires, des attentes parfois très larges qui sont dans ces mémoires, mais je crois qu'il y a là un signe d'ouverture qu'il faut saluer et sur lequel il faut capitaliser. Donc, un net consensus, je crois, au cours de l'orientation générale. Il faut faire croître, au cours des prochaines années, le nombre total d'immigrants admis et c'est évident, bien sûr, qu'après ça les gens vont mettre davantage l'accent sur certains aspects qui les préoccupent, qui les concernent, compte tenu de la nature de leurs activités.

n(9 h 40)n

De façon générale également, les mémoires se montrent favorables à l'idée d'accroître le nombre d'immigrants connaissant le français. Je veux être clair là-dessus, M. le Président. Bien sûr que la France et les pays dont la langue française est la langue principale constituent notre bassin principal de recrutement des gens connaissant le français, bien que ce bassin est beaucoup plus large, notamment l'Europe de l'Est. Qu'on pense par exemple à un pays comme la Roumanie où les gens ont déjà encore une bonne connaissance de la langue française, des pays latinoaméricains où les gens ont une bonne connaissance de la langue française. Donc, ce n'est pas, quand on parle d'augmenter le nombre de gens francophones, uniquement la France qui est visée comme bassin de recrutement, et pas nécessairement non plus uniquement des gens qui sont parfaitement francophones, mais donc l'idée est de faire en sorte que plus de gens que nous choisissons ont une certaine connaissance du français, puisque l'enjeu, c'est leur intégration dans la société québécoise, et notamment dans les diverses régions du Québec, et on sait qu'une des conditions facilitantes habilitantes, c'est une certaine maîtrise de la langue.

Je vais être clair également, M. le Président, même lorsque nous aurons atteint dans notre sélection plus de 60 % des gens connaissant le français, nous serons à peine à 50 % du mouvement total d'immigration au Québec de gens connaissant le français, compte tenu justement du jeu entre la part fédérale de l'immigration et la part québécoise. Donc, il n'est absolument pas question, lorsqu'on se fixe un objectif comme celui-là, de dire que dorénavant, au Québec, pour immigrer, il faut nécessairement être francophone, puisque plus de 50 % des gens qui continueront d'immigrer au Québec, que nous recevrons, que nous accueillerons, continueront d'être des gens qui n'ont aucune connaissance du français. Et pour le 50 % des autres, plusieurs n'auront qu'une connaissance limitée du français, donc nous devrons maintenir nos efforts notamment en matière de francisation.

Nous remplissons, M. le Président, nos obligations de solidarité internationale, notamment en sélectionnant des réfugiés. Je dois dire, cependant, que comme tout pays qui a une approche ouverte en matière d'immigration, évidemment le Québec se fixe un certain nombre d'objectifs dans son immigration, à la fois pour ne pas envoyer un faux message aux personnes que nous invitons à nous rejoindre et à la fois pour que la société d'accueil soit en mesure de les recevoir. Il ne servirait à rien d'envoyer un message tous azimuts que nos frontières sont toutes ouvertes si les personnes que nous recevons, par exemple, ne se trouvent pas d'emploi. Dans le fond, nous serions contre-performants, nous leur rendrions un mauvais service et nous nous rendrions un mauvais service.

Donc, nous avons aussi des critères en matière de sélection quant à la formation des personnes que nous sélectionnons, quant à leur métier, leur profession, même si nous voulons simplifier tout ça, mais pour faire en sorte que les gens qui nous rejoignent puisse intégrer rapidement le marché du travail, et donc, dans les projections que nous mettons de l'avant, cet objectif est maintenu. Et je vous signale à cet effet que, de plus en plus, les immigrants que nous sélectionnons, que le Québec sélectionne, ont une formation préuniversitaire et universitaire. Le Québec est de plus en plus une économie du savoir. Nous ne sommes plus à l'époque où l'immigration était une façon en quelque sorte de peupler, d'habiter le territoire, nous sommes vraiment plutôt dans un contexte d'économie du savoir, de haute technologie. Si on veut que les gens puissent trouver un emploi, s'intégrer, être bien accueillis, il faut qu'en ces matières nous ayons des objectifs. Cela dit, le Québec entend poursuivre son effort de solidarité internationale pour tout ce qui concerne la sélection à l'étranger de réfugiés publics.

Donc, M. le Président, on entendra bien sûr bien des commentaires. Bien sûr, j'imagine qu'à l'occasion ça débordera des questions comme le niveau d'immigration, les caractéristiques des immigrants que nous souhaitons recevoir, la question de leur connaissance du français, je suis disponible à en profiter pour répondre à des questions plus larges sur l'immigration, bien que l'enjeu de la présente consultation, évidemment, est ciblé sur ces questions; il y a d'autres forums pour débattre plus largement des autres questions.

M. le Président, je dois dire que j'aborde ces travaux avec optimisme parce que je pense que, à l'évidence, les signes sont là que la société québécoise est en train de changer, qu'elle est plus ouverte qu'elle ne l'a jamais été et que ma conviction, c'est qu'il faut lui redire que, à l'aube de l'an 2000, les peuples et les sociétés qui auront un avenir seront ceux et celles qui seront capables de s'ouvrir à la diversité, de s'ouvrir au monde, et l'immigration fait sûrement partie des enjeux pour y arriver.

Le Président (M. Rioux): Merci, M. le ministre. J'invite maintenant la porte-parole de l'opposition officielle à formuler ses remarques préliminaires, vous avez également 15 minutes. Alors, Mme la députée, on vous écoute.

Mme Loiselle: Oui, puis si vous me le permettez, M. le Président, que je vais partager avec mes collègues aussi. D'accord?

Le Président (M. Rioux): Oui, madame.

Mme Nicole Loiselle

Mme Loiselle: Merci. Alors, d'entrée de jeu, M. le Président, je vous dirais qu'il est très agréable et même rassurant pour nous de l'opposition officielle de constater que le gouvernement actuel continue de souscrire et de s'inspirer des grandes orientations développées il y a déjà une décennie par un gouvernement libéral sous la gouverne de feu M. Robert Bourassa.

Je crois qu'il est également important de rappeler que le consensus exprimé à l'époque quant à la vision et aux grands principes qui façonnent notre politique d'immigration et d'intégration est toujours intact. Je pense ici, M. le Président, à l'apport et la contribution de l'immigration face à quatre points importants: la dynamique démographique du Québec, la pérennité du fait français, le développement et la prospérité de notre économie, et, il va de soi, notre ouverture sur le monde.

C'est donc avec beaucoup d'intérêt et ? ça va plaire au ministre ? dans un esprit constructif que mes collègues de l'opposition et moi-même participerons à cette importante consultation sur la planification des niveaux d'immigration pour les trois prochaines années. Je suis d'autant plus convaincue, M. le Président, que tous ensemble, autant les députés de l'opposition, les députés ministériels et même le ministre à l'occasion, nous aurons la chance au cours des prochains jours d'enrichir nos connaissances par les témoignages de groupes, d'intervenants et d'individus qui partageront avec nous leur expérience, leur évaluation, leur expertise mais surtout leurs recommandations au gouvernement.

M. le Président, en lisant le document de consultation L'immigration au Québec ? Un choix de développement, j'ai été intriguée par quelques points et aspects du document ministériel. Permettez-moi de vous en faire part.

Premièrement, il faut se poser la question suivante: Pourquoi le gouvernement propose-t-il le scénario 4 qui suggère une croissance de 68 % quand, du même souffle, il indique subtilement aux lecteurs que le gouvernement rejette d'emblée cette option?

Deuxièmement, dans les trois premiers scénarios que nous propose le gouvernement, la catégorie gens d'affaires stagne à 3 200 admissions en 2003. Cette proposition de limiter à 3 200 le nombre d'investisseurs me semble en flagrante contradiction avec le discours gouvernemental quant à l'apport de l'immigration versus la prospérité et le développement économiques du Québec. Pourquoi freiner cette vitalité économique que génère la venue de gens d'affaires?

Troisièmement, en ce qui a trait à la régionalisation, le gouvernement semble avoir baissé les bras et ne suggère aucune mesure ou incitatif.

M. le Président, il y a contradiction également dans le document ministériel, et je m'explique. À la page 17 du document de consultation, on indique, et je cite: «Dans une large mesure, par exemple, l'immigration contribue à atténuer les effets de l'étalement urbain: en s'installant en grand nombre dans l'île de Montréal et dans la ville même, les immigrants compensent les départs vers les villes de la périphérie.» Quelques lignes plus loin, dans le même document, on stipule le contraire: «Tout programme devant inciter les immigrants à s'installer en dehors des grands centres exige du temps, de l'énergie et des ressources. Force est de constater l'efficacité limitée des interventions en régionalisation; les résultats demeureront toujours modestes et ne permettront pas de solutionner le problème démographique de dépeuplement de certaines régions ou de neutraliser la concentration de l'immigration dans les grands centres urbains.»

M. le Président, si on veut vraiment améliorer les modestes résultats ? je reprends les mots du document ? de la régionalisation, il faut d'abord avoir une volonté politique et également, et c'est nécessaire, une vraie politique des régions, une politique efficace, une politique prête à déployer des efforts significatifs afin de stimuler l'économie des régions et du même coup capable de capter l'intérêt des nouveaux arrivants à venir s'y installer.

En terminant, M. le Président, il me semble également qu'il aurait été de circonstance pour le gouvernement de profiter de cette opportunité de cette consultation publique pour faire la promotion d'un programme qui s'appelle le Programme collectif des personnes en situation de détresse. Aussi, il aurait été de mise de reconnaître dans ce document ministériel la mission essentielle et le rôle primordial des organismes communautaires quant à l'accueil et l'intégration des nouveaux arrivants à la société québécoise. Merci, M. le Président. Et je vais céder la parole à un de mes collègues.

Le Président (M. Rioux): Alors, en termes de prise de la parole et de remarques, je demanderais aux députés ministériels: Est-ce que vous avez des remarques à formuler à ce stade-ci?

Une voix: Non, M. le Président.

n(9 h 50)n

Le Président (M. Rioux): Alors, du côté de l'opposition officielle, Mme la députée de La Pinière.

Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. C'est toujours avec plaisir que je reviens à la commission de la culture. C'est la preuve qu'il s'y débat des enjeux importants pour le Québec, et ça me fait plaisir aussi de participer à cette consultation sur les niveaux de l'immigration. Je voudrais d'abord saisir cette occasion pour rendre hommage à ma collègue, Mme Monique Gagnon-Tremblay, députée de Saint-François, qui, en 1990, a rendu public L'énoncé de politique d'immigration et d'intégration qui est devenu une référence pour tout le Québec et pour les gouvernements du Québec, quelle que soit leur couleur, en matière d'immigration et d'intégration.

Dans ce document ? et ma collègue la députée de Saint-Henri?Sainte-Anne y a référé ? on a désigné un certain nombre de paramètres qui sont en fait des consensus sur lesquels les groupes intéressés dans la problématique de l'immigration souscrivent. L'immigration représente quatre enjeux: un enjeu démographique, un enjeu économique, un enjeu linguistique, et aussi un enjeu en termes d'ouverture du Québec sur le monde.

Dans le document qui nous est proposé pour la consultation, on reprend les trois enjeux: économique, démographique et linguistique. J'ai été intriguée de constater que l'enjeu concernant l'ouverture du Québec sur le monde a été remplacé par la capacité d'accueil. C'est là un message contradictoire qui nous indique que le gouvernement signale qu'il faut mettre un frein, au lieu justement de s'ouvrir au monde, surtout qu'on est dans un contexte de mondialisation où le capital humain est un apport considérable pour l'économie.

Le document, L'énoncé de politique en matière de immigration et d'intégration, a pour la première fois également dégagé un consensus majeur qui affirme officiellement que le Québec est une société pluraliste majoritairement francophone. Et je voudrais vous citer trois orientations qui ont été rendues publiques le 5 décembre 1990 par Mme Monique Gagnon-Tremblay, députée de Saint-François, qui disait qu'en matière de intégration, il y a trois éléments qu'il faut considérer et sur lesquels en fait il y a un consensus: premièrement, le partage du français comme langue commune de la vie publique de la société québécoise ? donc, il y a un consensus au Québec là-dessus; deuxièmement, le droit et le devoir de tous les citoyens, quelle que soit leur origine, de participer et de contribuer pleinement à la vie économique, sociale, culturelle et politique au Québec.

Donc, les Québécois d'origines diverses, d'arrivée récente ou de descendance d'immigrants, sont des citoyens à part entière. Et ça, c'est extrêmement important de saisir cette occasion pour le réaffirmer. Et le troisième élément, c'est l'engagement à bâtir ensemble au Québec un Québec pluraliste où les citoyens de toutes les cultures, de toutes les origines pourront s'identifier et être reconnus comme des Québécois à part entière. C'est très important, M. le Président, de rappeler ces éléments.

J'ai eu l'occasion, lorsque j'étais, dans mon premier mandat, critique en matière d'immigration, d'échanger avec mon vis-à-vis de l'époque, M. Landry, député de Verchères, qui me disait et qui affirmait que cette politique-là demeurait la référence pour le gouvernement actuel. Donc, je suis très heureuse de voir qu'on est dans un domaine consensuel et qu'il faudrait continuer à travailler dans ce sens-là.

Je terminerai, M. le Président, en remerciant les groupes qui vont se présenter devant nous; il y a eu 47 mémoires de présentés. Malheureusement, il y aura peut-être moins de 30 groupes qui vont se faire entendre. L'essentiel, c'est qu'on puisse en tout cas saluer le travail qu'ils ont fait et l'apport qu'ils vont amener à la commission. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Rioux): Merci, Mme la députée. D'autres remarques? M. le député d'Outremont.

M. Pierre-Étienne Laporte

M. Laporte: Merci, M. le Président. Je voudrais juste dire au ministre que ses remarques sur la fonction de l'immigration pour le renforcement de l'économie du savoir, c'est évidemment un objectif tout à fait important, mais il faudrait qu'à un moment donné il nous dise pourquoi, comparé à Toronto et à Montréal, le pourcentage, la représentation des travailleurs qualifiés selon la région est tellement plus faible à Montréal que c'est à Toronto et à Vancouver.

En fait, il y a deux caractéristique essentielles de l'immigration qui distingue le Québec: il y a d'abord la place que joue l'immigration francophone ? c'est clair que, comparée que Toronto et à Vancouver, la place de l'immigration francophone est beaucoup plus forte à Montréal que dans les deux autres villes ? et l'autre, c'est les travailleurs qualifiés. On est évidemment beaucoup en retard de Toronto et pas mal en retard de Vancouver. Et donc, si on est en compétition avec les autres grandes régions métropolitaines du Canada du point de vue du développement d'une économie du savoir, là, on a une côte à remonter.

Évidemment, lorsqu'on regarde aussi la source, l'origine de l'immigration, bien, c'est clair qu'à Toronto et à Vancouver on recrute beaucoup plus en Asie, beaucoup moins en Afrique. Donc, il y a un vrai problème. C'est-à-dire que, moi, je prends plaisir à vous entendre affirmer que ce n'est plus une immigration de peuplement, disiez-vous, mais une immigration de développement économique. Mais sur ce terrain-là le Québec accuse encore un retard considérable. Ça, j'ai des données de 1998, c'est tout ce dont je dispose. Mais ça n'a pas dû changer parce que les écarts sont tellement grands que, deux ans après, Toronto a encore deux fois plus d'immigrants qualifiés, sinon trois fois, puis Vancouver, presque une fois et demie. Donc, ça, ça me paraît être un des problèmes majeurs de la politique d'immigration du Québec pour ce qui est de Montréal, en tout cas, comparé aux deux autres grandes métropoles.

Auditions

Le Président (M. Rioux): Merci beaucoup, M. le député d'Outremont. Alors, je vais inviter maintenant le Conseil des relations interculturelles à s'avancer. C'est le mémoire 5. Je reconnais M. Vieira.

M. Vieira (Arlindo): Bonjour!

Le Président (M. Rioux): Rebienvenue, monsieur!

M. Vieira (Arlindo): Merci.

Le Président (M. Rioux): Et je vais vous demander, mon cher, de présenter les personnes qui vous accompagnent.

Conseil des relations interculturelles

M. Vieira (Arlindo): Oui, avec plaisir. Bonjour. À ma droite, vous avez M. Augustin Raharolahy, qui est membre de notre Conseil. Il est aussi une personne très impliquée et connue dans la région de Québec, parce qu'il est aussi membre du conseil d'administration du CRCDQ. Il est membre aussi du conseil d'administration de la Capitale nationale, il est président du comité du partenariat interculturel de la Chambre de commerce du Québec. Alors, il parlera surtout de la question de la régionalisation tout à l'heure, pour qui cette question revêt une importance de premier ordre. Et j'ai aussi Mme Lise Frenette, qui est agente de recherche de notre Conseil.

J'aimerais d'abord vous remercier, M. le Président, M. le ministre et membres de cette commission, de nous permettre d'ouvrir cette commission avec l'apport de notre Conseil. Vous savez, je pense que ça va de soi que notre Conseil est intéressé par cette question, est un interlocuteur privilégié qui propose des réflexions depuis un certain nombre d'années, qui permettent d'éclairer les décisions du gouvernement à l'égard de ses plans triennaux sur les niveaux d'immigration et sur l'intégration des personnes immigrantes.

Le Président (M. Rioux): À compter de maintenant, vous avez 20 minutes pour présenter votre document, et je rappelle aux parlementaires qu'ils auront 20 minutes de chaque côté, en alternance, comme on le fait d'habitude, pour poser des questions.

M. Vieira (Arlindo): Merci.

Le Président (M. Rioux): Alors, interprétez que c'était une introduction, vos deux minutes précédentes.

M. Vieira (Arlindo): Oui. Merci. Je vous fais remarquer aussi qu'il y a un document supplémentaire qui vous est remis aussi, qui est un abrégé, en quelque sorte. Il n'est pas contradictoire avec le premier que vous avez reçu, mais il résume, sous une forme beaucoup plus simple, je crois, les principales réflexions et les apports de notre Conseil, ce matin.

Donc, je désire vous entretenir plus particulièrement des enjeux que représente l'immigration pour le Conseil de relations interculturelles de même que certains éléments relatifs à ce qu'on peut appeler la capacité d'accueil, qui semblent avoir été peu documentés dans le document soumis à la consultation. Et je terminerai par des commentaires plus spécifiques sur les orientations proposées par le gouvernement et la recommandation du Conseil, et un mot aussi sur la question de la régionalisation que mon collègue fera.

n(10 heures)n

Pour nous, l'immigration, c'est un choix, un choix qui est humanitaire et en même temps un choix nécessaire pour le Québec. Comme nous le détaillons dans notre mémoire et plus encore dans l'avis du Conseil sur les niveaux 2001-2003, l'immigration ne pourra pas à elle seule, même avec un niveau de 30 000 immigrants par année et plus, empêcher la décroissance démographique du Québec qui se profile surtout à partir des années 2026, mais au moins elle contribuera à limiter la vitesse et la portée de cette décroissance.

De plus, en fournissant une main-d'oeuvre additionnelle qui rejoindra les rangs de la population active, l'immigration permettra de réduire l'apport de dépendance entre les inactifs et les actifs et d'atténuer les pressions sur les marchés du travail régionaux qui seront, certains, proches du plein emploi.

Mais cet objectif qu'on pourrait qualifier d'utilitaire ne devrait pas être le seul ou le principal même à considérer dans l'accueil des immigrants. Le Conseil des relations interculturelles privilégie plutôt une approche équilibrée qui tient compte aussi des aspects humanitaires de l'immigration. Une telle vision permet de concevoir l'immigration comme un apport important pour le dynamisme de la société québécoise à Montréal, dans les autres régions, mais aussi comme solution aux difficultés majeures que rencontrent un nombre croissant de personnes en situation de détresse.

Pour le Conseil, les deux angles sont également importants, soit de l'intérieur, celui de la contribution au développement démographique, économique, culturel, social au Québec, mais sans perdre de vue la perspective extérieure de ceux pour qui une terre d'asile permettrait de vivre plus décemment et une plus grande sécurité.

Il n'est pas inutile de rappeler non plus que, même si le parcours migratoire des réfugiés est plus difficile en général que celui des immigrants sélectionnés, le capital humain n'est pas négligeable et leur rétention, qui se compare à celle de l'ensemble des immigrants, est ainsi profitable, si on peut dire, en quelque sorte.

Une fois ce double objectif mentionné, le Conseil désire soulever quelques questions qui lui apparaissent essentielles dans une perspective d'augmentation des effectifs d'immigrants à accueillir. Et on se situe tout à fait dans cette perspective qu'on peut et qu'on doit augmenter le nombre d'immigrants. Mais il y a un certain nombre de considérations, je pense, pour apprécier d'abord la capacité d'accueil.

Et un premier mot sur la situation en emploi. Tout d'abord, depuis le début de la décennie quatre-vingt-dix jusqu'au milieu de celle-ci, les indicateurs du marché du travail affichaient une détérioration de la situation des personnes nées à l'extérieur du Canada par comparaison avec celles nées ici. Et vous avez ça dans le tableau n° 2.

Malgré le redressement des dernières années, certaines difficultés sont toujours présentes. Aussi, depuis quelques années, la baisse du nombre de prestataires de l'assurance emploi est plus faible pour les personnes nées à l'extérieur du Canada ? excluant les revendicateurs du statut de réfugié ? que pour celles nées ici. Les personnes immigrées ne semblent pas avoir bénéficié de la reprise économique autant jusqu'ici que les autres prestataires. Les écarts auraient même tendance à s'accroître.

D'autres informations indiquent que les immigrants ont encore plus de difficultés que le reste de la population à obtenir un emploi ou à participer au marché du travail et qu'ils sont plus en chômage. Ils ont aussi des revenus moins élevés et ils sont plus touchés par la pauvreté. Ces tendances semblent aussi plus accentuées dans la région métropolitaine de Montréal où ils vivent principalement, comme vous savez.

Les représentants des organismes travaillant en insertion en emploi des immigrants que nous avons consultés sont unanimes à témoigner de la qualité de la main-d'oeuvre disponible et d'une demande accrue de travailleurs sur le marché du travail. C'est la jonction entre ces deux constats qui semble difficile pour les raisons suivantes que nous avons identifiées avec eux.

Comme les immigrants choisis sont davantage qualifiés en raison des exigences de la nouvelle grille de sélection, leurs attentes sont élevées, mais ils ne s'attendent pas à une compétition aussi féroce sur le marché du travail. Plusieurs acceptent des emplois moins qualifiés alors que d'autres, découragés de la situation, doivent recourir à l'aide sociale ou songent à quitter le Québec.

À cette méconnaissance de la situation au Québec s'ajoute aussi la reconnaissance des diplômes ou des expériences acquises à l'étranger. Des efforts accrus seraient nécessaires pour adapter les formations que l'on juge non adéquates. On déplore aussi le manque d'adaptation des institutions québécoises à la diversité. Les entreprises sont très peu sensibilisées au bassin existant de main-d'oeuvre qualifiée. Les grandes entreprises, qui semblent plus conscientes de la diversité, embauchent relativement peu encore, alors que les petites et moyennes entreprises s'avèrent craintives devant cette main-d'oeuvre potentielle.

De plus, il demeure plus facile de placer un immigrant d'origine européenne que celui appartenant à une des minorités visibles. C'est aussi largement constaté. Les emplois dans les secteurs de pointe exigent très souvent la connaissance à la fois du français et de l'anglais. Privilégier la seule connaissance du français dans la sélection peut donc entraîner des difficultés d'insertion sur le marché du travail. Les besoins en main-d'oeuvre touchent la plupart des secteurs d'activité économique et plusieurs régions ont des pénuries de main-d'oeuvre, ce qui est peu connu des personnes immigrantes au Québec comme à l'étranger.

J'aurais aussi un petit mot sur l'état de l'opinion publique parce que ça a notamment un impact sur les relations interculturelles, qui est l'angle privilégié par notre Conseil. Divers sondages d'opinion publique sont menés au Québec et au Canada pour évaluer les connaissances sur l'immigration et sur les appuis à ce sujet. En comparant l'opinion publique québécoise à celle prévalant ailleurs au Canada, on observe un appui plus important au niveau actuel d'immigration chez les Québécois. Cependant, depuis 1996, tant au Québec qu'ailleurs au Canada, le soutien à une politique qui maintiendrait ou accroîtrait le niveau d'immigration gagnerait du terrain.

Un sondage d'opinion sur l'immigration et les relations interculturelles réalisé en 1996 révèle aussi que, dans la population, la connaissance des politiques et des niveaux d'immigration est assez faible. Toutefois, les contacts interculturels seraient de plus en plus fréquents et les attitudes à l'égard des relations interculturelles s'avéreraient d'autant plus positives qu'on a davantage l'expérience personnelle de tels contacts.

Aussi, un mot sur la rétention des immigrants et la migration interprovinciale. Pour que l'immigration contribue au développement du Québec et de ses régions, il faut s'assurer que les immigrants accueillis se fixent au Québec et y demeurent en forte proportion. On aurait souhaité que le document de consultation fasse état de deux faits préoccupants à cet égard, soit la question de la rétention des immigrants et la hausse récente du déficit migratoire interprovincial.

Les données consultées par le Conseil indiquent que le taux de rétention des nouveaux immigrants est en baisse. De plus, selon l'Institut de la statistique du Québec, on ne retrouverait en 1996 que 72 % des immigrants admis de 1991 à 1996 et que les deux tiers de ceux admis de 1981 à 1990. Quelles sont les caractéristiques de tous ces immigrants mobiles? Sont-ils jeunes, instruits? Où vont-ils? Pour quels motifs ont-il quitté le Québec et choisi une autre province ou un autre pays? Pourquoi, tel que l'indique le tableau 16 du document de consultation, tant de gens d'affaires quittent-ils le Québec? Si l'on veut garder les immigrants que l'on accueille, il nous faut un portrait plus précis de ces motifs afin de pouvoir apporter les correctifs qui s'imposent.

Sur l'immigration interprovinciale, qui dépasse de beaucoup le volume du mouvement migratoire international, quelques observations aussi. Depuis 1981, bien que toujours négatif, le solde interprovincial s'est nettement amélioré. Cependant, la migration interprovinciale demeure défavorable à l'évolution démographique du Québec et contribue à réduire le poids du Québec dans l'ensemble du Canada. La hausse des sorties interprovinciales depuis 1996 entraîne une augmentation du solde négatif de ces mouvements. Le Conseil estime important que l'on cherche à mieux comprendre cette évolution afin de cibler les interventions qui pourraient en réduire la portée. Il est certes vrai que le Québec a une tradition de pertes interprovinciales, mais, puisque ces départs impliquent aussi des immigrants accueillis par le Québec, il ne faudrait pas que des niveaux d'immigration plus élevés conduisent en bout de ligne à des sorties plus grandes du Québec.

Une remarque aussi sur l'évolution de la part de la sélection québécoise qui est mentionnée dans le document de consultation. Dans ce document, la part de la sélection québécoise est évaluée à 55 %, 60 % de l'ensemble des immigrants admis, et on souhaite l'augmenter pour atteindre 60 % et même 70 %. Toutefois, selon le Conseil, le calcul sous-estime la part réelle de la sélection québécoise. En effet, dans le cas des immigrants indépendants, ce n'est que le requérant principal qui est sélectionné, en tenant compte toutefois de certaines caractéristiques familiales.

Pourtant, lorsqu'on comptabilise les indépendants, on inclut le conjoint et les enfants de ce requérant, qui héritent automatiquement de la même catégorie que ces derniers. Moins de 50 % des indépendants sont dans les faits directement sélectionnés à ce titre.

Dans la catégorie de la famille, les deux tiers environ des personnes admises à ce titre sont en fait les conjoints ou les enfants d'un résident natif ou immigrant arrivé antérieurement. Ces personnes sont considérées non sélectionnées par le Québec, alors qu'elles sont dans la même situation que les conjoints ou enfants des requérants principaux ? sauf pour un décalage de temps ? qui, eux, sont pourtant classés comme indépendants. Si on les catégorisait comme directement sélectionnés par le Québec, ce qu'ils sont tout autant que les conjoints ou enfants des requérants principaux indépendants, la part réelle de la sélection québécoise actuelle, directe et indirecte, se situerait déjà plutôt à 75 % ou 80 %.

Juste, avant de conclure, quelques réactions aux orientations proposées par les niveaux 2001-2003. Donc, ces trois orientations générales, auxquelles se greffent quatre scénarios de planification présentant les effets à différents niveaux d'immigration pour la période 2001-2003, ont été soumis à la consultation. Et le Conseil souhaite présenter ici ses réactions et ses recommandations à chacune des orientations proposées.

Un premier argument en faveur d'une hausse des niveaux d'immigration repose sur le fait que le nombre d'immigrants reçu depuis quelques années est inférieur à ce que le gouvernement aurait souhaité au moment de l'implantation de la politique d'immigration, notamment en raison de la conjoncture économique difficile du début des années quatre-vingt-dix. Le Conseil souscrivait alors et souscrit toujours à l'orientation gouvernementale d'une hausse des niveaux. Cette position repose sur des motifs d'ordre humanitaire, économique, démographique et socioculturel.

n(10 h 10)n

Sur le plan humanitaire, le Conseil reconnaît l'importance pour le Québec de contribuer à diminuer le nombre grandissant de personnes en situation de détresse à travers le monde. Le Conseil est aussi d'avis que l'immigration constitue un apport démographique, économique et culturel intéressant et important pour le Québec et pour son développement à long terme.

D'ailleurs, plus particulièrement sur l'île de Montréal, n'eût été de l'immigration internationale, le nombre de personnes aurait diminué et le foisonnement culturel qui la caractérise n'aurait pas la même vigueur, nous en sommes sûrs.

La reprise économique actuelle permet, certes, d'appuyer une hausse des volumes. Les attributs des immigrants comme la jeunesse et la forte scolarité sont des atouts précieux pour renouveler la main-d'oeuvre dans un contexte de vieillissement. Les nouveaux immigrants constituent aussi un renforcement démographique direct et indirect par leurs descendants.

Par ailleurs, considérant le mandat du Conseil touchant la promotion des relations interculturelles harmonieuses, la capacité d'accueil s'avère une question centrale pour notre organisme. À ce sujet, nous avons déjà fait état de certaines difficultés d'insertion qui perdurent, des préoccupations de l'opinion publique, du faible impact jusqu'ici de la régionalisation. Mentionnons aussi la réduction des budgets de différents programmes d'accueil, d'établissement et d'insertion en emploi depuis quelques années, alors que les niveaux d'immigration étaient assez stables. Ces réductions se sont certainement répercutées sur l'intégration des nouveaux immigrants dont les difficultés perdurent. C'est pourquoi le Conseil s'avoue perplexe devant une perspective de hausse des niveaux qui ne s'accompagnerait pas d'investissements plus importants sur lesquels nous reviendrons plus loin. La relative fragilité du contexte actuel pourrait, si l'on ne soutient pas davantage l'intégration, risquer de dériver vers un certain nombre de tensions qui ont jusqu'ici été épargnées à la société québécoise.

En conséquence, le Conseil des relations interculturelles appuie une hausse des niveaux d'immigration pour la période 2001-2003, mais dans la mesure où les conditions suivantes seront respectées: que les niveaux futurs d'immigration correspondent à une perspective démographique de long terme et qu'ils s'en rapprochent le plus possible; qu'ils soient aussi déterminés et ajustés en fonction des prévisions économiques à court et à moyen terme; qu'une immigration pour motif humanitaire reflète proportionnellement cette hausse; que les régions du Québec soient partie prenante à la détermination des niveaux en réalisant, au plan régional, des évaluations de leur capacité d'accueil, qu'une décentralisation des décisions leur permette de moduler l'offre de services aux réalités régionales et que les actions en matière d'attraction, d'intégration et de rétention des immigrants soient régionalisées en s'appuyant sur une concertation régionale; que les investissements en intégration reliés à l'accueil, à la reconnaissance des acquis et en insertion en emploi soient ajustés à la hausse en fonction de niveaux plus élevés d'immigration; qu'une meilleure représentativité des immigrants, notamment de ceux appartenant aux minorités visibles, soit recherchée dans tous les secteurs d'activité de la société québécoise; que les indicateurs du processus d'intégration socioéconomique soient développés et diffusés annuellement de façon à ce que des correctifs soient apportés au besoin, tant dans les niveaux prévus que dans les modalités d'intégration qui poseraient des difficultés particulières; que des études soient entreprises pour établir les motifs et les caractéristiques des personnes qui quittent le Québec et se dirigent ailleurs au Canada ou ailleurs dans le monde, en distinguant les personnes nées au Canada et celles nées à l'extérieur du Canada, et que des mesures soient prises à la lumière de ces résultats; que le gouvernement sensibilise la population québécoise sur l'importance d'être un partenaire actif dans l'accueil et l'intégration et sur l'objectif et les orientations de sa politique d'immigration, en faisant ressortir la contribution des immigrants à la société et la nécessité d'adapter les institutions à la diversité grandissante pour favoriser une intégration réussie.

Bon, en gros, un petit mot aussi sur l'autre orientation, l'orientation n° 2. De prime abord, il est certain que la sélection d'immigrants connaissant le français requiert moins d'investissements en intégration linguistique tout en favorisant une meilleure rétention de l'immigration au Québec. Mais cette option limite dans les faits le bassin d'où peuvent provenir les immigrants, ce qui peut rendre plus difficile l'atteinte de l'objectif d'une hausse des niveaux.

Par ailleurs, connaître le français ne garantit pas pour autant l'intégration socioéconomique. Les qualifications et habiletés professionnelles, tout comme la scolarité et la connaissance d'une deuxième et même d'une troisième langue, demeurent des critères déterminants. Pour que le français soit jugé indispensable sur le marché du travail, il faut aussi que le message sociétal à cet égard soit clair, ce qui n'est pas toujours le cas. Ajoutons aussi qu'une scolarisation élevée qui caractérise plusieurs immigrants est un indice de leur capacité à se familiariser avec le français si jamais ils ne connaissent pas cette langue.

Une maîtrise suffisante du français est certes essentielle pour pouvoir participer à la vie économique, sociale et politique du Québec. Mais, si un candidat en immigration qui désire être admis à titre d'indépendant, de réfugié ou pour rejoindre sa famille ne connaît pas le français tout en sachant que c'est la langue de la majorité, il devrait pouvoir acquérir la maîtrise de cette langue au Québec. Le Conseil craint que la seconde orientation puisse conduire, en fait, à ne sélectionner que des travailleurs connaissant déjà le français, au détriment notamment du nombre de réfugiés et d'autres candidats potentiellement intéressants.

On sait que le français sera toujours en situation précaire dans le contexte nord-américain, et la société québécoise doit, si elle veut en préserver la pérennité, continuer de fournir une panoplie de mesures qui en renforcent à la fois la connaissance, l'usage et, si possible, l'attrait. En conséquence, le Conseil recommande: que la stratégie relative à l'information diffusée aux candidats en immigration qui se destinent au Québec et qui connaissent ou non le français soit revue de façon à faire savoir clairement que le français est la langue officielle et la principale langue d'usage de la société québécoise; que soit offerte à tout immigrant admis et aux membres de sa famille la possibilité d'apprendre et de perfectionner le français dans les lieux les plus susceptibles de favoriser cet apprentissage; que les personnes admises dans la catégorie «famille», comme conjoint et enfants d'immigrants admis antérieurement, soient considérées comme sélectionnées par le Québec et que les impacts d'un tel changement soient évalués et discutés.

Et, pour terminer simplement, une réaction à la troisième orientation. Une telle orientation permet d'attirer une main-d'oeuvre dont le Québec n'a pas à assumer les coûts de scolarisation et de formation qualifiante. On peut aussi penser qu'elle facilite l'insertion économique à court terme tout en répondant aux besoins du marché du travail. Mais cette vision de court terme risque de négliger les secteurs où existent des pénuries de main-d'oeuvre vraiment fortement qualifiée. De plus, dans la mesure où cette orientation conduirait à ne sélectionner que des gens très scolarisés, on négligerait alors certains métiers spécialisés qui sont tout autant en demande.

Une autre objection du Conseil repose sur le constat que, lorsqu'il s'est fixé des niveaux élevés, le Québec a eu de la difficulté à les atteindre. Aussi, un resserrement des critères d'admission, tant du côté des qualifications qu'à l'égard de la connaissance de la langue française, compromettrait sans aucun doute l'atteinte d'un niveau plus élevé d'immigrants. En conséquence, le Conseil recommande que la formation sur les emplois disponibles à Montréal et dans toutes les régions soit mieux diffusée auprès des candidats à l'immigration et que la grille de sélection soit revue de manière à sélectionner les candidats pour tous les secteurs et les régions qui offrent de bonnes perspectives d'emploi.

Le Président (M. Rioux): Alors, votre temps est terminé.

M. Vieira (Arlindo): Merci. J'aimerais juste, si vous permettez, deux minutes pour que mon collègue puisse présenter un petit point sur la question de la régionalisation M. le Président.

Le Président (M. Rioux): Vous mettez mon seuil de tolérance durement à l'épreuve.

M. Vieira (Arlindo): C'est le début de la journée.

Le Président (M. Rioux): Et ça sera deux minutes?

M. Raharolahy (Augustin): Je vais essayer de le faire en deux minutes, M. le Président.

Certes, en matière de régionalisation de l'immigration, nous pouvons constater une certaine tendance intéressante depuis 1995, d'autant plus que les mesures mises en place en la matière en sont encore à leur début. Nous pouvons donc constater que la part de Montréal en termes de destination des flux d'immigration a diminué, c'est-à-dire en 1991-1994, 84 % à peu près, 1995-1997, 72 % et en 1998, 70 %.

Cependant, il est à noter que les régions bénéficiant de ce mouvement de déconcentration sont celles de Montérégie, de Laval, des Laurentides, de Lanaudière. Or, pour des raisons de développement régional ou démographique, plusieurs régions auraient pu bénéficier de l'apport de l'immigration dont l'Outaouais, l'Estrie, Centre-du-Québec, Chaudière-Appalaches, Québec. Et aussi, bien sûr, d'autres régions périphériques méritent également une attention particulière selon leurs propres besoins.

Maintenant, en matière de décentralisation, vous voyez, à la page 32 du premier document, je pense, que le Conseil des relations interculturelles a procédé à une vaste consultation sur la régionalisation de l'immigration au Québec en 1996. Après avoir écouté les milieux, le Conseil était convaincu que la décentralisation des décisions et des budgets est une des stratégies-clés pour la réussite d'une politique québécois de l'immigration.

Les milieux consultés ont proposé une décentralisation et avec juste raison. En effet, dans le cas de régionalisation, il s'agit de modulation des interventions, des programmes, des produits et des services gouvernementaux, mais en fonction des réalités régionales ou locales avec la collaboration étroite des milieux régionaux qui soient en mesure de définir les besoins, les priorités et les moyens appropriés.

Pour la détermination, par exemple, des niveaux d'immigration à l'échelle du Québec, nous avons constaté que l'orientation première du document de consultation du ministère repose sur un certain nombre de facteurs: capacité d'accueil du marché du travail, des services publics et de la société au niveau de l'ensemble du Québec. Mais cette évaluation n'a jamais été faite sur une base régionale. Une telle approche régionale est privilégiée par le Conseil afin que l'intégration des immigrants soit prise en compte par tous les intervenants sociaux des régions et offre ainsi plus de possibilités de succès.

En effet, le Conseil a considéré plusieurs facteurs. D'abord, la capacité d'accueil à développer en collaboration avec les organismes communautaires économiques de la région dont les organismes et associations issus de l'immigration. Cela signifie la reconnaissance des ressources en provenance des personnes et des organismes qui connaissent bien la dynamique de l'immigration.

n(10 h 20)n

Deuxième facteur. Les perspectives d'emploi et la situation économique, les besoins démographiques et aussi l'ouverture sur le monde. Et cela implique une décentralisation des décisions. Et il serait inconséquent que les recommandations résultant de la concertation du milieu, dont font aussi partie les représentants ministériels régionaux, soient approuvées ou refusées en définitive par les instances centrales. C'est accorder peu de poids dans les faits aux volontés du milieu qui est le plus à même de juger de la pertinence des interventions à mettre de l'avant en termes d'attraction, d'établissement, de rétention et de sensibilisation.

Le Président (M. Rioux): Alors, votre intervention terminée? Merci. Les partis politiques ici présents ont 20 minutes chacun, et nous allons commencer par le parti ministériel. M. le ministre, avez-vous des questions, remarques?

M. Perreault: Bien sûr, M. le Président, je vous remercie. Je veux saluer M. Vieira, et les gens qui l'accompagnent. Le mémoire fait le tour effectivement de la totalité ou à peu près des points soulevés dans le document de consultation. Donc, c'est un mémoire exhaustif qui est soumis par le Conseil.

Je pense qu'on doit saluer ce qu'on peut appeler comme un consensus entre le gouvernement et le Conseil quant à l'opportunité d'une hausse des niveaux d'immigration. Le Conseil ne se prononce pas sur le niveau exact. Ça aurait peut-être pu être utile, mais, quand même, sur la direction, je pense qu'on partage la même analyse.

Il y a une question qui a été soulevée dans l'intervention du président sur laquelle je veux être clair parce qu'à mon avis il y a convergence là-dessus également quant à l'importance de maintenir une dimension humanitaire dans l'attitude d'ouverture et d'accueil de l'immigration au Québec. Je pense que, là-dessus aussi, il y a convergence. Je veux juste donner à l'intention ? quelques commentaires, M. le Président, avant de poser une question ? des membres de la commission le fait qu'il faut que ces chiffres-là soient sus parce qu'on les oublie, on ne les connaît pas. Je ne sais pas pourquoi, mais enfin.

Le Québec accueille une part proportionnellement beaucoup plus importante de l'immigration à caractère humanitaire que tout le reste du Canada et de chacune des provinces. Et, quand tantôt le député d'Outremont soulevait la question de savoir peut-être y a-t-il une différence en termes de niveau de scolarisation, ça peut expliquer des choses. Je donne quelques exemples. Le Québec a accueilli, tous réfugiés confondus... En 1998, 23 % des personnes qu'il accueillait étaient des gens qui avaient un titre de réfugié contre 12 % pour l'Ontario, contre 5 % pour la Colombie-Britannique et 13 % pour la moyenne canadienne. Donc, on en accueille quasiment le double. Il y a des raisons à ça, mais je pense que c'est important de le savoir.

Je signale que, dans le document qui est mis de l'avant, nous ne proposons pas de revoir à la baisse ces objectifs. Nous maintenons l'effort en volume. Évidemment, la proportion relative serait amenée à diminuer un peu, mais nous maintenons l'effort en volume.

Alors, je tiens à le dire. C'est important qu'on ait ça en tête dans nos discussions pour la suite des choses. Le Québec n'a, dans le fond, pas de leçon de solidarité à recevoir du reste du Canada en la matière. Je pense qu'on fait un effort important, puis il y a peut-être même là quelques questions à se poser, à la limite, mais je dirais que le mémoire qui est présenté maintient en chiffres absolus les objectifs. Donc, on ne reculera pas.

Deuxième commentaire peut-être que je voudrais faire, puis, après ça, je poserai ma question. J'ai bien vu, là, que vous proposez que les personnes admises dans la catégorie «famille» comme conjoints et enfants d'immigrants admis antérieurement soient considérées comme sélectionnées par le Québec. Moi, je voudrais bien, mais, vous savez, on vit dans un régime canadien, puis il y a une loi fédérale, un accord, qui ne nous permet pas de poser un tel geste. Je prends donc ces remarques plutôt comme une invitation soit à négocier des nouvelles choses avec le fédéral soit à changer de régime. Vous connaissez mon opinion personnelle, j'opterais plus simplement pour changer de régime, ce serait plus simple. Mais disons que je prends note de vos remarques là-dessus, mais je veux quand même souligner que le Québec n'a pas, en cette matière, la latitude de décision.

Moi, j'ai une question à vous poser qui me semble importante. Le Conseil est composé de gens issus de toutes les régions du Québec. La dernière partie de l'intervention a porté sur la question de la régionalisation du mouvement d'immigration. On a fait quelques efforts, même plusieurs efforts, depuis quelques années pour décentraliser l'immigration, et vous souleviez avec raison le fait que nous avons atteint un certain succès, mais dans ce qu'on pourrait appeler la périphérie de la région de Montréal.

Moi, je voudrais que vous me disiez un petit peu, le Conseil: Quels seraient, d'après vous, les moyens à mettre en oeuvre? Quelle est la clé? Où sont les outils? Quelle est la nature de l'intervention qu'il faudrait faire pour être davantage efficace en matière de décentralisation de l'immigration, notamment à Québec, la capitale nationale, qui est un grand centre urbain?

On va entendre des gens de la région de Québec bientôt ? et je pense que, vous-même, vous l'êtes, vous êtes dans la région de Québec ? on va entendre des gens de la région de Québec souhaiter une telle initiative. Mais, par-delà les intentions, quels sont concrètement les moyens à mettre en oeuvre? On a évoqué divers scénarios, mais y a-tu quelque chose qui, dans votre esprit, est plus déterminant que d'autres?

Le Président (M. Rioux): M. Vieira.

M. Vieira (Arlindo): Je vais laisser mon collègue compléter, mais juste très rapidement, sur le commentaire de M. le ministre, et je commencerai par cette dernière partie, moi, je pense qu'essentiellement c'est de partir de la concertation régionale et commencer là où il y a déjà, dans certaines régions, un embryon, je pourrais dire, d'organisations, d'organismes communautaires qui ont des suggestions, qui sont dans chaque région, qui ne sont pas les mêmes pour toutes les régions.

Et, à partir des organismes de concertation régionaux, nous avons fait une consultation avec les CRD. C'est le lieu par excellence de la concertation régionale. Plusieurs d'entre eux étaient prêts à s'impliquer, à élaborer un plan d'action sur la question dans la mesure où ils seraient appuyés par le ministère, avec la possibilité d'avoir un certain niveau de participation et décision, même dans les niveaux et dans le type d'immigration qui serait intéressant pour la région. Et, ça, en général, ça a peut-être été fait, mais le sentiment qu'ils avaient était qu'eux n'avaient pas participé à cet exercice-là et qu'ils le souhaitaient. Là, c'est peut-être une des clés, quant à nous, de la solution. Mais je vais laisser mon collègue compléter là-dessus parce que c'est une question qui le préoccupe particulièrement.

M. Raharolahy (Augustin): Oui, merci, M. le président.

Le Président (M. Rioux): Allez, on vous écoute.

M. Raharolahy (Augustin): On doit dire, et nous devons tous dire, que l'immigration ne peut pas se faire sans la régionalisation. Si nous voulons essayer de combler les questions, disons, les lacunes au niveau démographique et aussi pour donner un peu de souffle à la région, il faut que nous tenions compte des compétences issues de l'immigration.

C'est vrai que le ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration a procédé à des efforts. C'est vrai aussi que la régionalisation, disons, de l'immigration n'est pas encore ancienne. Je veux dire c'est tout nouveau en quelque sorte. Donc, cela, il faut le reconnaître. Nous avons quand même constaté dans la région de Québec, et je suis sûr, dans les autres régions, qu'il faut nécessairement décentraliser les projets, les décisions, les moyens. Moi, je fais partie du Fonds contre la pauvreté, tout récemment, et je vois, j'admire la façon de le faire à l'intérieur.

Alors, M. le ministre, vous demandez quels sont les moyens. Je pense que la première chose à faire, et là je me réfère à nos préoccupations dans la région de Québec ? je suis sûr, que dans d'autres régions, ça existe également ? c'est d'abord mettre sur pied une table de concertation régionale de l'immigration adaptée à chacune des régions, autour de laquelle des représentants travaillent ensemble pour identifier vraiment les priorités en matière d'attraction, de rétention et d'intégration.

C'est vrai que, dans la région de Québec, nous avons à sensibiliser les milieux en ce qui concerne l'immigration. Ce n'est pas facile, il faut le reconnaître. Mais ça commence à avancer. Donc, ça, c'est quelque chose qu'il faut faire.

Qu'est-ce qu'on fait concrètement autour de ça? Eh bien, il faut travailler au niveau de l'emploi: le développement de l'employabilité, la mise à niveau du travail, l'identification des pénuries de compétences. Vous avez vu, dans Le Soleil tout récemment, qu'ici, dans la région de Québec où le GATIQ avait fait une enquête sur les besoins, disons, des compétences, 84 % des entreprises ne savent plus où embaucher parce qu'il y a des exigences. Bon. Ça, ce sont les entreprises de la haute technologie et d'autres. Donc, il nous faut vraiment un partenariat avec les entreprises pour identifier ces besoins-là, quitte à les chercher à l'étranger si, évidemment, ils ne sont pas comblés par les compétences qui existent déjà dans la région.

Le Président (M. Rioux): Bien, alors, vous aurez l'occasion de revenir certainement sur le sujet parce que la régionalisation, c'est un sujet captivant, en tout cas pour les députés qui viennent de régions, notamment.

M. Vieira (Arlindo): Si vous me permettez, juste pour conclure, parce qu'on insiste sur la question de la régionalisation d'autant plus que le document de consultation, quant à nous, il était un peu faible. Il avait une position où, oui, on reconnaît qu'il y a des difficultés, mais il me semble un peu trop défaitiste par rapport à cette question, et, nous, on voulait un peu...

Le Président (M. Rioux): Très bien. Alors, nous allons aller du côté de l'opposition.

M. Perreault: M. le Président, si vous me permettez, j'ai évoqué des chiffres tantôt...

Le Président (M. Rioux): Oui, est-ce que vous voulez les déposer?

n(10 h 30)n

M. Perreault: Oui, je les déposerais à la commission.

Document déposé

Le Président (M. Rioux): Très bien. Merci. C'est déposé. Mme la députée de Saint-Henri...

Mme Loiselle: Sainte-Anne.

Le Président (M. Rioux): ...Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Bien, j'aimerais continuer peut-être dans la même discussion de la régionalisation. C'est vrai que, dans le document, vous avez raison de dire que l'attitude gouvernementale est très défaitiste, on prend des termes... C'est sûr, quand on dit, dans un document, qu'essayer de régionaliser l'immigration, ça prend du temps, ça prend de l'énergie, ça prend des ressources et que les résultats ? et on le dit au futur ? demeureront toujours modestes, on a vraiment l'impression que le gouvernement n'a pas l'intention ni la volonté d'investir beaucoup d'énergie à la régionalisation de l'immigration.

Vous suggérez la décentralisation, vous suggérez de mettre en place une évaluation, qui n'a jamais été faite finalement, régionale, des différentes régions du Québec, versus leur capacité d'accueil, versus leur dynamique économique, tout ça, la dynamique économique. Mais, si ce travail-là est fait comme outil pour attirer la régionalisation de l'immigration, comment allez-vous faire pour embarquer la ville de Montréal comme partenaire ouvert à ce qu'on fasse une décentralisation? Parce qu'il est clair que la ville de Montréal... pour nous, c'est une valeur importante, l'immigration, et les autorités de Montréal le disent très bien dans leur mémoire, on demande une hausse quand même importante des niveaux de planification de l'immigration. Comment allez-vous arriver, si jamais le gouvernement démontre une volonté d'aller de l'avant, à amener tout le monde, finalement, autour de la table et dont un élément majeur, la ville de Montréal?

Le Président (M. Rioux): Alors, qui répond à la question? M. Vieira.

M. Vieira (Arlindo): Bon, c'est certain que la pire chose à faire serait de mettre les régions les unes contre les autres. Et Montréal est très consciente de l'importance de l'immigration. Et cette politique-là ne devrait pas se faire contre Montréal, ça, c'est certain. Mais elle peut se faire, je pense. Il y a beaucoup d'actions qui pourraient, même à partir de l'étranger... par exemple, l'information qui n'est pas donnée. Les candidats connaissent ? en tout cas, c'est la remarque qu'on nous fait constamment ? très peu, par exemple, des potentiels. Même avant de penser à s'établir à Montréal, ils pourraient penser à s'établir ailleurs s'ils connaissaient un peu plus les réalités, les possibilités, le potentiel de beaucoup de régions. Donc, une hausse généralisée permettrait de combler les besoins de Montréal, d'en avoir autant à Montréal, et d'en avoir aussi dans les régions.

Mais il ne faudrait pas que ça se présente sous la forme de, par exemple, ceux qui sont déjà établis à Montréal, qu'on les incite ou qu'on veuille les sortir de Montréal pour venir dans les régions. Ça, on pense que ça serait très inhabile, inapproprié de procéder de cette façon-là. Mais on peut certainement, pour l'avenir, surtout si on envisage une hausse, changer la façon de faire pour augmenter l'attrait des régions, la connaissance des régions. Et, dans la mesure où les candidats existent à l'extérieur, à partir de leur propre choix, on pourrait au moins leur offrir la possibilité, les informer sur les possibilités qui existent, et elles sont réelles aussi. Il y a certaines difficultés dans des régions aussi, mais il y a aussi beaucoup de potentiel dans un certain nombre de régions qui pourrait être mis à profit. Moi, je pense qu'on ne doit pas mettre en conflit nécessairement Montréal contre les régions. Je ne sais pas si mon collègue Augustin...

Mme Loiselle: Non, c'est ça, d'où ma question que Montréal, dans un tel processus, doit être un partenaire de votre table de concertation et non pas quelqu'un qui travaillerait contre, c'est ça.

M. Vieira (Arlindo): Tout à fait, pour que ça ne soit pas un conflit, que ça n'ait pas l'apparence, non plus, d'être un conflit, que Montréal puisse bien le comprendre, elle devrait, évidemment, faire partie de ces tables de concertation.

Le Président (M. Rioux): Est-ce que votre collègue veut ajouter quelque chose à la question de la députée?

M. Raharolahy (Augustin): Oui, très rapidement, M. le Président. Je partage cette opinion. Je voulais seulement dire ceci, c'est qu'une politique québécoise de la régionalisation de l'immigration doit viser une certaine harmonisation entre les régions, et non pas seulement de dire: Bon, on va mettre par-ci, par-là ou on va essayer de faire... Je pense qu'il y a là une orientation globale à faire. Je partage cette opinion-là, mais, si, par exemple, disons, dans la région de Montréal, il y a effectivement des compétences qui ne sont pas utilisées pour telle ou telle raison, par exemple dans le domaine agricole, pourquoi ne pas l'inciter à aller dans d'autres régions du Québec? Rien n'exclut, parce que nous sommes dans la mobilité de la main-d'oeuvre. Alors, voyez-vous, il faut travailler ensemble, je pense, au niveau du Québec.

Le Président (M. Rioux): Très bien.

Mme Loiselle: Je ne me souviens pas quel mémoire j'ai lu en fin de semaine, mais quelqu'un suggérait... un groupe suggérait qu'au lieu, peut-être, de prendre les nouveaux arrivants pour essayer de les diriger vers les régions, on devrait peut-être se concentrer sur des immigrants, des gens qui sont arrivés il y a quelques années, qui ont déjà une certaine intégration à la société québécoise et les inciter à aller vers les régions. Est-ce que vous pensez que ce serait une avenue intéressante?

Le Président (M. Rioux): M. Vieira.

M. Vieira (Arlindo): Bon, ce n'est pas à exclure, mais je pense que les chances de succès sont d'autant plus difficiles... Je crois que les gens sont déjà établis, qu'ils ont leurs réseaux, et ce sont des raisons pour lesquelles ils se sont retrouvés à Montréal. Ça serait difficile et, en même temps, ça donnerait l'impression, peut-être, que l'immigration est plutôt un problème et que, bon, il faut les sortir de Montréal, parce qu'il y a un problème à Montréal. Je pense que c'est la mauvaise façon de le faire, moi. Je pense que plutôt, la façon, c'est de faire comprendre aux autres régions que, justement, Montréal en veut et elle veut les garder, et on le comprend, parce que l'immigration est un atout, c'est quelque chose d'important qui peut contribuer et qui a définitivement contribué au développement de Montréal. Les régions peuvent aussi en profiter. Et pas faire l'inverse, qui donnerait, je pense, cette impression-là, que l'immigration est plutôt un problème et qu'on essaie de se défaire de ce problème-là en se débarrassant un petit peu, si on veut, entre guillemets, à Montréal, de ce problème. Alors, je pense qu'il y aurait ce danger-là certainement si on accentuait beaucoup des politiques dans ce sens.

Le Président (M. Rioux): Alors, M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Merci, M. le Président. Évidemment, votre présentation est tout à fait intéressante et stimulante. J'ai été attiré évidemment, comme bien du monde, par le sujet qui est actuellement en discussion, la question de la régionalisation. Si on regarde toute la question de l'immigration moins peut-être en fonction de ses aspects négatifs, c'est-à-dire contrer la dénatalité, contrer le dépeuplement, satisfaire à une certaine compassion pour les gens mal pris, mais qu'on regarde ça d'un point de vue positif, en ayant des objectifs d'enrichissement collectif au plan financier ou culturel, ou tout ça, je me dis: Quelles sont les conditions qui vont faire que les gens vont y aller, en région, et vont y rester, de façon très concrète?

M. Vieira (Arlindo): Bon. Moi, je...

Le Président (M. Rioux): Alors, c'est vous, M. Vieira?

M. Vieira (Arlindo): Oui, c'est moi qui réponds. Moi, je pense qu'une bonne partie de la clé du succès, c'est l'implication des régions. C'est à la base. C'est en partant vraiment des instances régionales, avec les tables de concertation régionales, là où il y a des représentants de tous les milieux, dont les entreprises, etc., qui vont, d'une façon très concrète, être stimulées et sensibilisées à la question plutôt que l'inverse, donner l'impression qu'on impose qu'il y ait une politique... Par exemple, comme on a fait jusqu'ici beaucoup, les réfugiés surtout, on les a, entre guillemets encore une fois, envoyés dans les régions. Ce n'est pas tout à fait le cas, mais, pour simplifier... Ça donne un peu cette impression. Et les régions se trouvent, elles, à avoir un petit peu... Pour elles, c'est comme une sorte de fardeau. Elles comprennent très bien: une forme de solidarité à partager et tout ça, et elles le font, je pense, assez bien, mais elles ne devraient pas être les seules non plus à le faire.

Et l'immigration, jusqu'à... En tout cas, l'essentiel des efforts de l'immigration ont été concentrés sur les réfugiés, et je pense que ça a un danger de procéder de cette façon-là, parce que, d'abord, c'est une immigration qui a ses caractéristiques, qui ne répondent pas toujours aux besoins. Les gens ne se sont pas sentis impliqués. On n'a pas l'impression que c'est vraiment pour répondre à un besoin, que c'est un plus pour les régions. Et, si on procédait de la façon inverse, je crois qu'on aurait des chances de... Tout en étant conscient que ça ne sera jamais facile, il y a toute la réalité de la situation économique et le partage même du marché du travail au Québec, qui est en général très concentré. Il y a des régions qui ont elles-mêmes de la difficulté à une certaine vitalité. L'immigration ne pourra jamais être présentée ni être la solution pour la revitalisation d'une région. Elle peut néanmoins, quand même, contribuer à atténuer, enfin, certaines difficultés, mais elle ne pourra pas être présentée non plus comme la panacée pour les régions, parce que là il y aurait des frustrations trop importantes, parce qu'il y aura toujours dans les régions des difficultés accrues pour la rétention. Mais, dans la mesure où les partenaires sont vraiment impliqués dès le départ, dès la sélection, et dans les autres mesures qui vont être nécessaires pour adapter les institutions locales et régionales à cette réalité, dans cette mesure-là, on aurait des chances, tout en étant conscient que ça ne sera jamais facile.

Le Président (M. Rioux): Alors, essayez de ramasser vos réponses, parce que je voudrais faire parler les députés le plus possible...

M. Vieira (Arlindo): Merci.

Le Président (M. Rioux): ...sans vous priver de votre droit de parole par ailleurs.

Alors, je donne la parole maintenant à Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Je vais essayer de poser des questions brèves pour laisser le temps à mes collègues. Merci, M. Vieira et M. Raharolahy, de votre présentation, et madame.

n(10 h 40)n

Il y a des choses qui m'ont intriguée dans votre mémoire, notamment la notion de capacité d'accueil. J'ai eu l'occasion de lire pratiquement tous les mémoires et les avis du Conseil des relations interculturelles depuis qu'il existe et il y a probablement des choses qui m'ont échappé. Je n'ai pas trouvé, dans aucun de ces documents, une référence à cette notion de capacité d'accueil. Alors, je voudrais vous demander de nous la définir, si possible, et surtout de nous donner la référence où on peut aller pour mieux la comprendre, parce que vous dites dans votre document que, depuis toujours, le Conseil a référé à cette notion de capacité d'accueil. Moi, c'est la première fois que je vois apparaître cette notion dans les documents du Conseil. Vous allez me situer. Alors, si vous voulez peut-être aller avec ça rapidement, j'ai deux autres petites questions.

Le Président (M. Rioux): Rapidement, monsieur.

Mme Houda-Pepin: Capacité d'accueil.

M. Vieira (Arlindo): O.K. Je vais laisser ma collègue, ma collaboratrice qui a une...

Le Président (M. Rioux): Oui, Mme Frenette.

Mme Frenette (Lise): La notion de capacité d'accueil est une notion qui existe, je pense, depuis les premiers mémoires que le Conseil a fait parvenir au gouvernement. C'est une notion qui réfère à des indicateurs pour mesurer dans quelle mesure la société peut soutenir un apport additionnel d'immigrants. Alors, il y a des indicateurs de nature économique, des indicateurs de nature opinion publique. Et, dans la partie qui traite des conditions, qu'on appelle dans notre mémoire, ce sont les indicateurs qui ont été utilisés dans les documents antérieurs du Conseil pour évaluer cette notion de capacité d'accueil.

Je suis d'accord avec vous, il n'y a pas de définition comme telle qui a été donnée. Quand on l'a présentée pour la première fois, je pense que c'est dans les mémoires qui dataient des années quatre-vingt-dix, on faisait référence à une série d'indicateurs qui nous permettaient de juger de la capacité de la société d'accueillir de nouveaux immigrants. C'est surtout les indicateurs qui se réfèrent à cette notion-là.

Mme Houda-Pepin: Mais c'est la première fois que...

Le Président (M. Rioux): Alors, vous avez une autre question?

Mme Houda-Pepin: Oui, M. le Président. Un commentaire. C'est la première fois que je vois la notion de capacité d'accueil liée comme condition pour l'augmentation des niveaux d'immigration, c'est-à-dire, on veut augmenter les niveaux d'immigration à condition qu'il y ait une capacité d'accueil. Ça, je trouve une nouveauté dans les choses, nouveauté d'ailleurs qui est préoccupante.

Très rapidement, je voudrais vous signaler que la seule chose qui ait changée là, à part qu'il y ait un changement de gouvernement, c'est que le niveau d'immigration a baissé depuis 1995. De 1990 à 1994, le Québec a accueilli 18,1 % de l'immigration destinée au Canada et, depuis 1995 jusqu'à aujourd'hui, donc en cinq ans, ça a baissé jusqu'à 13,8 %. Donc, ça, c'est significatif. Est-ce qu'il y a quelque chose qui a changé dans la capacité d'accueil des Québécois? Je ne le crois pas. À part qu'on a été dans un contexte économique favorable, et pourtant l'immigration a baissé. On sait que généralement le niveau d'immigration baisse dans un contexte économique défavorable. Alors, il y a une inadéquation.

Je terminerai par une question, rapidement, sur l'immigration francophone. Ce n'est pas d'aujourd'hui que le gouvernement, les institutions veulent accueillir plus d'immigrants francophones. Je pense que là-dessus, ce n'est pas une nouveauté. La seule préoccupation que j'ai, c'est que depuis toujours on a eu des immigrants francophones et depuis toujours on a eu de la difficulté à retenir au Québec les immigrants francophones qui arrivent ici avec une connaissance linguistique maîtrisée et avec une compétence aussi dans des domaines recherchés au Québec; pourtant, on les perd. Qu'est-ce qui ne marche pas entre le discours et la réalité? Qu'est-ce qui ne se fait pas pour garder chez nous cette immigration tant souhaitée, tant voulue et pourtant qui nous quitte, comme l'immigration non francophone, vers d'autres destinations, une fois qu'ils ont appris l'anglais au Québec?

Le Président (M. Rioux): M. Vieira.

M. Vieira (Arlindo): Oui. Bon, il y a plusieurs choses. En ce qui concerne encore la capacité d'accueil, nous, on n'a pas dit surtout que la capacité d'accueil, on l'avait atteinte à un moment ou à un autre, mais je pense que ça va de soi. Et surtout maintenant de l'angle, du point de vue du Conseil qui n'est plus le Conseil qui a déjà été le Conseil des communautés culturelles et de l'immigration qui est maintenant le Conseil des relations interculturelles, je pense qu'on se doit d'analyser un peu plus les impacts que peut avoir sur la société le fait de l'immigration. Ça ne nous amène pas à recommander qu'on la diminue, qu'on la stabilise, mais il y a certainement un impact. Ce qu'on a appelé «capacité d'accueil», il me semble que c'est évident. Et dans toutes les sociétés dans le monde, je crois, on se doit d'analyser cette capacité-là, qu'on l'appelle comme ça ou autrement. Je pense que le Conseil l'a toujours fait plus ou moins de cette façon-là.

En ce qui concerne la diminution de l'immigration et la situation économique plus favorable, il faut toujours comprendre qu'il y a un décalage entre l'application, entre une mesure qui est annoncée et le résultat que cette mesure donne. Quand on a décidé d'avoir des niveaux au début des années quatre-vingt-dix, il y a eu la crise économique, mais, entre-temps, il y avait eu toute la partie de sélection, ça prend un certain temps jusqu'à ce que l'immigrant nous arrive, et il y a toujours un décalage qui se produit. Je pense que ça reflète un peu ce type de décalage là, cette inadéquation que vous mentionnez.

Le Président (M. Rioux): Alors, ça va?

M. Vieira (Arlindo): Maintenant, il y avait... Je ne sais pas si vous permettez...

Le Président (M. Rioux): Très bien.

M. Vieira (Arlindo): Ah! le fait des francophones. Nous, on le dit, en ce qui concerne la rétention, on note qu'il y a un problème qui semble aller en augmentant. On n'est pas en mesure pour le moment de se prononcer sur le pourquoi. C'est pour ça qu'on dit que ça demande une étude plus approfondie, mais que c'est une question importante, parce que ça ne sert à rien d'avoir des niveaux très importants s'ils finissent tous par partir.

Donc, on se dit: Attention! oui à la hausse, mais il y a l'autre bout, qui est la rétention. Si la rétention n'est pas améliorée, donc on serait au même niveau. Donc, il y a là un problème important qu'il faut analyser. On ne sait pas exactement c'est quoi, le phénomène, il faudrait l'analyser et réagir en conséquence. C'est à peu près ce qu'on dit dans notre mémoire.

Le Président (M. Rioux): M. le ministre.

M. Perreault: M. le Président, je trouve important quand même de corriger certaines interventions et affirmations et en même temps en profiter, à travers cet échange, pour poursuivre la réflexion.

D'abord, peut-être sur le dernier point. Les chiffres qui sont les nôtres disent le contraire, en tout respect pour la députée, de ce qu'elle a dit. De fait, nous retenons davantage les immigrants qui connaissent le français que les autres. De fait, notre taux de rétention des immigrants qui connaissent le français est de l'ordre de 86,7 % contre 80 % pour les autres. En moyenne, notre taux de rétention de l'immigration est de l'ordre d'un peu moins de 80 %, ce qui se compare au reste du Canada.

Donc, il faut faire attention. Je ne dis pas qu'il n'y a pas des phénomènes particuliers. On pourrait débattre longtemps, par exemple, du programme d'immigrants investisseurs de la communauté asiatique de Hong-Kong dont la base de référence demeure Vancouver, fondamentalement. Mais là on est devant des cas très particuliers mais qui ajoutent en nombre, puisqu'ils sont quand même quelques milliers dans nos chiffres. Mais, au total, nous retenons davantage les gens qui connaissent le français que les autres, et nous sommes dans la moyenne canadienne de rétention. Je tiens à le dire, M. le Président.

Tantôt, j'avais déposé des chiffres, parce qu'on affirmait aussi parfois que le Québec n'assumait pas sa part de solidarité, pour démontrer que nous faisons le double de l'Ontario et cinq fois ce que fait la Colombie-Britannique en termes d'accueil de réfugiés. Donc, c'est important de se rappeler de ça et que, dans la politique qui est mise de l'avant, il n'est pas question de diminuer les volumes.

Je veux rajouter quelques commentaires, M. le Président, quant aux volumes. Il faut rappeler que c'est Mme Gagnon-Tremblay elle-même qui avait en quelque sorte dégonflé ce qui avait été un peu un accueil très ponctuel, un peu extraordinaire, puisque, pendant un certain nombre d'années, se sont accumulés les demandeurs d'asile, les demandes non réglées par le gouvernement fédéral qui, à un moment donné, ont été réglées à coup de... En tout cas, bien, en une année, il est rentré tout près de 50 000 personnes au Québec. Ça n'a rien à voir avec ce qu'a été la moyenne québécoise d'accueil. La moyenne québécoise d'accueil a toujours été plutôt autour de 28 000, 29 000, 30 000, 31 000. Il y a eu une ou deux années particulières et, à l'époque de Mme Gagnon-Tremblay qui, elle-même, avait ramené le niveau d'accueil et introduit le concept de capacité d'accueil... C'est explicitement dans les interventions de Mme Gagnon-Tremblay. Donc, je ne suis pas étonné que le Conseil des relations interculturelles fasse référence à des concepts comme ceux-là ou que notre document y fasse référence. C'est un concept tout à fait normal. Il y a des paramètres qui font qu'il est plus facile d'accepter d'intégrer des personnes si on est en plein chômage, par exemple, quand on sait que l'emploi est le principal élément caractéristique. C'est ce qui fait qu'actuellement, par exemple, on est en mesure de proposer une très forte augmentation de l'immigration, parce que justement l'économie va bien. Donc, les mentalités et la capacité d'accueil... Il ne faut pas non plus envoyer des faux messages aux personnes qu'on invite à nous rejoindre.

Le Président (M. Rioux): Vous avez une question?

M. Perreault: Oui. Non, mais je veux quand même rajouter... Ça me semble important, M. le Président, parce qu'il y a quand même des choses qui sont dites qu'il faut préciser.

Une voix: ...c'est un échange.

M. Perreault: Oui, et j'y arrive, à l'échange.

Le Président (M. Rioux): Oui. Un instant.

M. Perreault: J'y arrive, à l'échange, M. le Président.

Le Président (M. Rioux): Je ferais remarquer que plus les remarques sont longues et plus le temps passe, moins il y a de députés qui parlent.

M. Perreault: Je comprends, M. le Président.

Le Président (M. Rioux): Il n'y a pas de mystère là-dedans.

M. Perreault: Il n'y a pas de mystère, M. le Président.

Le Président (M. Rioux): Alors, question, s'il vous plaît.

M. Perreault: M. le Président, je pense qu'on peut prendre notre 20 minutes comme on souhaite le faire, et je le fais avec l'appui de mes collègues, vous pouvez en être certain. L'opposition utilisera son 20 minutes comme elle le souhaite.

n(10 h 50)n

J'arrive justement au débat qu'on a fait sur la question de la régionalisation de l'immigration. Je vais commencer par quand même une nuance. Les efforts que fait le Québec en matière de régionalisation sont importants. Nous proposons d'augmenter de 38 % la part de l'immigration en région cette année. De passer de 3 800 à 5 200, c'est 38 % d'augmentation. J'ai une étude qui démontre que, quand on se compare à certains États américains dont la composition de population est semblable, nous faisons deux fois mieux que La Mecque des pays du monde en matière d'immigration, en matière d'intégration des immigrants en région. Et c'est pour ça que je vous repose une question.

Vous avez souligné, dans votre intervention, l'importance des ententes en région, la décentralisation qu'on est en train de faire va dans ce sens-là, et vous avez raison de souligner que c'est un mouvement nouveau qui va porter fruit dans quelque temps. Mais, moi, je voudrais vous soulever une autre question. Est-ce que vous ne croyez pas qu'il faudrait aussi, me semble-t-il ? je ne sais pas ce que votre expérience dit là-dessus ? avoir une intervention plus pointue au moment de la sélection et de l'accueil des immigrants par rapport à la capacité de leur faire connaître les régions et de les connecter avec des emplois en région?

Le Président (M. Rioux): M. Vieira.

M. Vieira (Arlindo): Oui. Moi, je pense que c'est la seule façon d'arriver à avoir un certain succès, autrement ce sera toujours la même façon. Ce sera perçu d'abord négativement du fait qu'on décide tout simplement d'augmenter dans les régions, et ça donne toujours l'impression, si c'est fait centralement, qu'on doit le subir et qu'on n'a pas été impliqué aucunement dans la décision. On ne sait pas. Peut-être tout d'un coup ça arrive, ça répond à nos besoins, mais c'est toute l'attitude qui est différente si, dès le départ, ils ont vraiment été impliqués. Et pour l'accueil aussi, la personne qui sait déjà... il y a un réseau qui est préétabli, elle sait qu'elle va arriver éventuellement, elle a déjà été en contact, etc., ça va faire toute la différence entre sa décision de rester dans la région peut-être et de partir ailleurs. En tout cas, moi, il me semble que, si on décide tout simplement de procéder de la même façon, augmenter tel qu'on le propose, le résultat sera à peu près le même que ce qu'on a eu dans le passé. D'abord, les gens probablement n'iront même pas, vu qu'il n'y a rien de préparé dans la région. Ça ne répond peut-être pas aux besoins de la région. Les régions n'ont pas été impliquées. Ça va leur apparaître comme une forme d'imposition que les régions auront peut-être à subir. Donc, ça va être vu et perçu négativement, et ça, ce n'est pas bon autant pour les relations interculturelles dans la région, etc., la perception que les gens peuvent avoir de l'immigration.

Le Président (M. Rioux): Merci.

M. Vieira (Arlindo): Oui.

Le Président (M. Rioux): Alors, M. le député d'Outremont.

M. Laporte: M. le Président, le ministre utilise les statistiques avec une certaine désinvolture et peut-être même une désinvolture certaine. On peut vous donner deux exemples.

D'abord, sur la question de l'immigration francophone, sur la rétention des immigrants francophones, c'est vrai, comme le document du ministère le proclame depuis quelques années, que les immigrants qui connaissent le français au moment de leur admission restent au Québec dans une proportion beaucoup plus forte que ceux qui ne connaissent que l'anglais ou qui ne connaissent ni l'une ni l'autre des deux langues. Mais il reste un problème, et c'est bien montré dans le document que va nous présenter une des personnes cet après-midi, M. Jedwab, la migration nette des immigrants admis francophones au Québec reste négative, on en a perdu 1 730, la migration nette. Donc, c'est vrai qu'on retient plus les francophones que les autres, mais on perd encore des francophones, et la question est de savoir: Comment ça se fait qu'entre 1980 et 1995, dans l'année fiscale 1995, on en a perdu 1 730 sur ceux qui sont entrés? Ça, c'est une première question.

La deuxième question qui concerne encore une utilisation que je considère comme un peu désinvolte des statistiques, puis là je voudrais que M. Vieira s'inscrive, c'est la réponse que le ministre m'a donnée tantôt au commentaire que j'ai fait sur l'immigration hautement qualifiée. Le ministre nous dit: On recrute moins d'immigrants hautement qualifiés qu'à Toronto et à Vancouver parce qu'il y a des contraintes ? le raisonnement, c'est ça; si ce n'est pas ça, vous le corrigerez ensuite ? qui sont le fait qu'on recrute beaucoup de réfugiés et que, étant donné que ce sont des vases communicants, bon, voilà, il s'établit un équilibre. Mais il y a un problème, c'est que, M. le ministre, les réfugiés qu'on recrute, c'est vrai qu'on en recrute plus au Québec que partout ailleurs, mais, parmi ces réfugiés-là, en 1990-1999, il y en a 30 % qui ont 14 années de scolarité et plus. Donc, les réfugiés, ce n'est pas seulement des paumés. Il y en a là-dedans qui sont très instruits. Donc, il reste encore le problème de savoir: Comment se fait-il que les travailleurs qualifiés, selon la région métropolitaine de recensement en 1998, sont beaucoup moins nombreux à Montréal qu'à Toronto, et pas mal plus nombreux à Montréal qu'à Vancouver?

Je comprends que les réfugiés constituent une contrainte structurelle. Ça, je ne le nie pas. Mais, à mon avis, ce n'est pas une explication suffisante pour expliquer comment il se fait qu'on a ce déficit de recrutement de travailleurs hautement qualifiés, compte tenu de votre objectif de renforcement d'une économie du savoir. Il y a un problème là. Je ne vous donnerai pas l'explication tout de suite. Mais l'explication, elle est dans ma tête, parce que je la cherche depuis deux ans, et je pense que je l'ai trouvée. Ça a à voir avec une orientation fondamentale de la politique d'immigration. Mais je ne la donnerai pas tout de suite, je vais la garder. Peut-être que la semaine prochaine... je ne vous la donnerai pas parce que je ne serai pas là de toute façon. Bon.

Non, mais je trouve que vous utilisez... M. le Président, je m'adresse à vous: le ministre utilise des données d'une façon qui me paraît un peu désinvolte. Et je pense que j'aimerais que M. Vieira, qui est un spécialiste des questions d'immigration et de chiffres, statistiques d'immigration, nous dise, s'inscrive dans ce débat-là, dise: On recrute moins d'immigrants hautement qualifiés au Québec qu'ailleurs au Canada ? je veux dire, dans les grandes métropoles, là ? est-ce que, ça, c'est strictement une affaire de réfugiés ou si ça a à voir avec d'autres aspects de notre politique d'immigration?

Le Président (M. Rioux): M. Vieira.

M. Vieira (Arlindo): Bon, deux choses sur la question. D'abord, sur toute la question des réfugiés et de la solidarité, je pense que le Québec, effectivement, fait une bonne part. Nous, on aurait souhaité que le document ? c'est un peu ce qu'on dit dans notre mémoire... on ne le trouve pas assez équilibré. Bon, le ministre vient de le confirmer, mais il n'a pas assez dit, quant à nous, spécifiquement, qu'il souhaite maintenir le même niveau, par exemple, de réfugiés. Je pense que le document accentue trop sur une perspective à court terme, sur le recrutement d'une main-d'oeuvre très qualifiée et n'est pas suffisamment équilibré au niveau de ces points de vue là. Tant mieux si maintenant c'est confirmé, mais il me semble que ce n'est pas assez explicitement dit dans le document.

Maintenant, en ce qui concerne la question que vient de soulever M. le député d'Outremont, bon, nous, on dit: Il y a certainement un certain nombre de phénomènes qui valent la peine d'être approfondis. Il y a un problème au niveau de la rétention. Je pense que, globalement, peut-être tout le monde a un peu raison. C'est normal aussi qu'on retienne un peu plus ceux qui parlent français; le contraire aurait été une aberration, je pense. Mais il reste qu'il y a un problème au niveau de la rétention au Québec et qu'il faut analyser et étudier ce phénomène, qui ne l'a pas été suffisamment. On a beaucoup étudié la question de l'immigration internationale, mais très peu l'immigration interprovinciale, au Canada et au Québec, et qui mérite peut-être... Parce que ce serait un peu vain de faire beaucoup d'efforts pour augmenter le niveau si, en bout de ligne, on se retrouve à les perdre quelque part, soit ceux qui sont récemment arrivés, soit ceux qui sont partis depuis un peu plus longtemps. On ne sait pas trop qui part. Parmi ceux-là qui partent, sont-ce ceux qui sont effectivement les derniers arrivés, sont-ce ceux qui sont arrivés depuis plus longtemps? C'est un phénomène qui mérite d'être beaucoup plus étudié que ce qui a été fait et que nous-mêmes n'avions pas les moyens de faire. Donc, c'est un peu ça qu'on dit. Il y a là une question qui est importante, qui mérite autant d'efforts peut-être que le recrutement extérieur.

M. Laporte: Sur la qualification des réfugiés, je vous ferai remarquer que c'est vous qui m'avez mis sur la piste, là.

M. Vieira (Arlindo): Oui, tout à fait. Nous, effectivement...

M. Laporte: En page 15, vous le dites bien, au tableau 13 du ministère.

M. Vieira (Arlindo): Oui, oui, oui, tout à fait. Souvent, on présente les deux comme opposés. Ce n'est pas le cas. Les réfugiés correspondent à peu près au même niveau ? enfin, grosso modo, là ? à ceux qui ont été sélectionnés, avec tous les efforts qu'on a faits, sélection et tout ça. On se retrouve avec ceux qui ont été autant ceux sélectionnés que les revendicateurs. Il faudrait faire des nuances, mais, grosso modo, ils ressemblent à peu près... ils ont les caractéristiques de ceux qui ont été sélectionnés. Donc, c'est autant un plus... comme ceux qui ont été sélectionnés, il ne faut pas les opposer. Donc, les réfugiés, ce n'est pas un fardeau à ce niveau-là.

Le Président (M. Rioux): Alors, il reste 30 secondes pour l'opposition.

M. Laporte: Si vous additionnez les 12, 13 années, les 14 années et plus, on se retrouve avec une différence qui est autour de 8 %, 9 %. Donc, vous avez parfaitement raison. C'est-à-dire, on a beau se casser la tête à sélectionner le monde, il reste que le flux des réfugiés nous amène des candidats qui sont pas mal de bonne qualité...

M. Vieira (Arlindo): Tout à fait.

M. Laporte: ...du point de vue de la scolarisation. Donc, il y a un problème, là. La différence entre Montréal, Toronto et Vancouver, elle ne s'explique pas par le fait qu'on accueille plus de réfugiés au Québec qu'en Ontario puis à Vancouver. Il y a une autre raison.

Le Président (M. Rioux): Alors, M. le député d'Outremont, je vous remercie. Je remercie aussi le Conseil des relations interculturelles pour sa présentation.

M. Vieira (Arlindo): Merci.

n(11 heures)n

Le Président (M. Rioux): Je vais inviter maintenant l'Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration à prendre place.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Rioux): Alors, je demanderais aux députés de prendre place. M. le député d'Outremont, vous êtes contraint à donner l'exemple. Maintenant que l'Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration est bien en place, M. Beauchemin, vous êtes accompagné par un collègue, voulez-vous nous le présenter?

M. Beauchemin (Jacques): Oui. Il s'agit de Me David Chalk qui est le vice-président de notre association.

Le Président (M. Rioux): Et vous, M. Beauchemin, vous en êtes le président.

M. Beauchemin (Jacques): J'en suis le président.

Le Président (M. Rioux): Alors, vous avez 20 minutes pour nous présenter votre point de vue, et ensuite, vous aurez à répondre aux questions des députés. Alors, on vous écoute, monsieur.

Association québécoise des avocats
et avocates en droit de l'immigration

M. Beauchemin (Jacques): Merci beaucoup. Donc, M. le Président de la commission, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, l'Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration est heureuse de participer aujourd'hui à la consultation à laquelle nous a conviés le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration sur les niveaux d'immigration et les orientations générales du gouvernement en cette matière.

Notre association regroupe exclusivement des avocates et des avocats, une centaine environ, oeuvrant principalement en droit de l'immigration. Nos membres représentent des réfugiés, des candidats indépendants, tels que les travailleurs ou les gens d'affaires, ainsi que des membres de la catégorie de la famille venant de toutes les régions du monde.

Voici en quelques mots un résumé des réflexions de l'AQAADI présentées dans son mémoire. Donc, je ne reprendrai pas ici le texte du document qui vous a été remis, je vais en faire un bref résumé. Le Québec, étant en concurrence directe avec les autres pays qui sont eux-mêmes à la recherche d'une immigration de qualité qui leur apportera un apport économique et démographique, doit profiter immédiatement de la nouvelle conjoncture économique qui semble lui être favorable pour les prochaines années. En effet, tout le monde est d'accord là-dessus, un bon contexte économique favorisera le recrutement, l'adaptation et l'intégration des immigrants, et placera le Québec dans une meilleure position dans le marché concurrentiel de l'immigration.

Afin de réaliser ses objectifs, le Québec doit faire preuve d'ouverture, de souplesse dans ses politiques, et être attrayant aux yeux de l'étranger, en plus d'être efficace dans le traitement des dossiers et la mise en oeuvre de ses politiques et programmes. La politique d'immigration du Québec ne doit pas donner l'impression d'avoir un caractère d'exclusion à l'égard des autres groupes linguistiques que le groupe francophone.

Le ministère doit, à notre avis, pour mettre en oeuvre ses politiques d'immigration, s'appuyer sur des partenaires. Et ici, j'insisterai sur les organisations non gouvernementales et sur les avocats eux-mêmes qui, à notre avis, doivent être considérés comme des partenaires à part entière dans la mise en oeuvre de la politique d'immigration.

Les ONG sont souvent les seuls ou les principaux acteurs auprès des réfugiés et des immigrants qui s'installent au Québec en termes d'accueil, d'orientation et d'intégration. Elles doivent être reconnues comme telles et devraient obtenir l'aide gouvernementale adéquate pour poursuivre leur activité à Montréal ou en région, surtout que l'on souhaite régionaliser notre immigration et retenir les immigrants qui s'installeront dans les régions.

Nos membres, qui sont des avocats et des avocates, sont déjà considérés par le ministère comme des partenaires à part entière dans une grande mesure. Le ministère a accepté, dans les dernières années, de reconnaître aux avocats le droit d'assister aux entrevues de leurs clients dans les services d'immigration du Québec à l'étranger ou au Québec même, ce qui est extrêmement positif. Il nous apparaît que cela a contribué à rendre plus rapide et plus efficace le processus de sélection. Nous souhaitons évidemment que cette façon de faire continue.

Nous remarquons également que le mandat qui est donné à un avocat par le candidat à l'immigration est habituellement bien respecté dans les services d'immigration du Québec à l'étranger, malgré qu'il y ait eu dans le passé quelques ratés à cet égard. Cependant, ce qui peut nous inquiéter ? et nous pensons qu'il faut ici peut-être faire la part des choses ? nous avons pris connaissance récemment d'un numéro du magazine Rebondir, qui est ce magazine-ci, qui est un magazine publié en France et qui produit des numéros hors série à l'égard de ceux qui souhaitent immigrer vers différentes destinations. Un numéro récent a été publié à l'égard du Québec.

On peut constater, à la lecture de ce document-là, que tous au sein du ministère ne partagent peut-être pas l'opinion que la présence d'un conseiller dans un dossier d'immigration est une bonne chose. En effet, dans le texte, on donne la parole à un conseiller à l'immigration à l'étranger qui met en garde les candidats à l'immigration contre les arnaques des consultants en matière d'immigration. Or, il est de notre avis qu'il ne faut pas mettre tout le monde dans le même bateau. Effectivement, les consultants et les avocats ne sont pas au même niveau quant à leur responsabilité. Les avocats sont régis par un code de déontologie alors que les consultants n'ont parfois même pas un bureau d'affaires au Québec. Parfois, ils ne font affaires que de l'étranger. Donc, c'est très difficile de les rendre redevables de leurs actes devant les tribunaux ou devant un comité de déontologie.

Nous estimons qu'afin d'éviter les abus commis dans le passé, qui ont pu décourager plusieurs candidats à l'immigration, ceux qui ont été victimes d'arnaques justement ? ces personnes-là ont donné une mauvaise réputation au processus d'immigration vers le Canada ou le Québec ? nous souhaitons que seuls les avocats soient reconnus comme des interlocuteurs valables auprès du ministère quant au traitement des dossiers. Évidemment, un candidat pourrait le faire par lui-même. Cependant, nous pensons que les avocats seraient les interlocuteurs les mieux placés. De cette façon-là, le ministère s'assurerait que les dossiers sont adéquatement montés, ce qui accélérerait le traitement des dossiers et s'assurerait également que les candidats sont représentés par des gens qui sont redevables de leurs gestes devant un ordre professionnel.

Dans un autre ordre d'idées, afin d'attirer un plus grand nombre de candidats valables au Québec, il nous apparaît que certains correctifs devraient être apportés à la grille de sélection. D'abord, il nous semble que des points devraient être alloués ou accordés aux candidats âgés de 20 à 22 ans et à ceux qui sont âgés de 40 à 45 ans. En effet, nous sommes actuellement trop souvent privés des qualifications professionnelles des plus jeunes et privés de l'expérience indéniable qui a été acquise par les plus âgés.

n(11 h 10)n

Deuxièmement, la politique linguistique a connu un certain succès au Québec quant à la langue de travail des immigrants et quant à l'éducation française de leurs enfants, les enfants des immigrants. Il y a donc lieu, à notre point de vue, d'être plus souple en matière de langue et d'accorder plus de points pour la connaissance de l'anglais. D'ailleurs, le ministre donnait une entrevue aux éditeurs de cette revue dans laquelle il reconnaissait lui-même que l'anglais était non seulement primordial, mais était un atout indispensable pour se qualifier et pour immigrer au Québec et qu'il faudrait également accorder des points à ceux qui ont complété une formation supérieure dans une autre langue que leur langue maternelle ? par exemple, des gens qui parlent le russe mais qui sont allés étudier au niveau supérieur dans la langue anglaise ? parce qu'ils ont manifesté ainsi, d'une part, leur facilité d'apprentissage d'une autre langue et, d'autre part, leur ouverture d'esprit. Donc, ces gens-là, à notre avis, devraient obtenir des points supplémentaires.

Nous avons remarqué dans les objectifs du ministère qu'il y avait un plafonnement pour les trois prochaines années dans la catégorie des investisseurs. C'est comme si le ministère nous avouait que le nouveau programme qui a été mis en place allait faire en sorte que le nombre de candidats que nous allons attirer dans cette catégorie-là sera moins important que dans le passé. Il nous semble qu'il faut revenir aux conditions qui ont prévalu dans le passé dans ce programme-là qui ont fait du Québec le programme par lequel le plus grand nombre de candidats, de gens sont venus au Canada.

Évidemment, il faut le rendre attrayant, d'autant plus que le ministre, dans son document, nous indique que l'apport économique de l'immigration est important pour le développement du Québec. Donc, il nous apparaît qu'il faut équilibrer les deux choses et faire en sorte qu'on attire un plus grand nombre d'investisseurs que ce qui est prévu dans la projection qui a été faite.

Quatrièmement, nous croyons qu'une liste ponctuelle des métiers en demande devrait être élaborée pour répondre rapidement aux besoins du marché, particulièrement pour les métiers traditionnels qui n'attirent plus les jeunes aujourd'hui et pour certaines techniques où des besoins de main-d'oeuvre sont importants et où la main-d'oeuvre est insuffisante. On peut penser à des métiers traditionnels de la construction, on peut penser au camionnage où parfois ce sont des gens qui sont peu éduqués, qui ont cependant de l'expérience professionnelle dans ces domaines-là, et dont on a besoin, et qu'on devrait pouvoir qualifier malgré tout, malgré le fait qu'ils soient peu scolarisés.

Nous suggérons également la mise sur pied d'un programme de parrainage civique avec l'aide des municipalités, des chambres de commerce, afin d'attirer des candidats vers les régions. Cela répondrait en plus aux besoins de main-d'oeuvre qui se sont manifestés dans les régions, tel que nous l'indique récemment la création de foires d'emploi dans différentes régions afin d'attirer des travailleurs d'autres régions du Québec dans une région donnée.

Tantôt, on parlait de concertation dans les régions afin d'arriver à attirer des candidats à l'immigration dans ces régions. Il nous semble qu'un effort, un engagement un peu plus grand pourrait être pris par les entrepreneurs eux-mêmes, les municipalités ou les chambres de commerce qui pourraient parrainer l'arrivée de travailleurs qualifiés pour combler les besoins de main-d'oeuvre dans une région donnée. On pourrait établir un programme qui serait semblable à celui que l'on fait quant au parrainage des membres de la famille. C'est-à-dire que, pour une certaine période de temps, on garantirait un emploi aux travailleurs étrangers qui viendraient s'établir dans une région. Et, dans l'effort dont parlait tantôt M. Vieira, je pense que ça pourrait être un élément à considérer.

D'autre part, nous considérons qu'il faut faire valoir à l'étranger, plus qu'on ne le fait encore, surtout auprès des communautés francophones, que le Québec offre une terre d'immigration en français et que, pour ce faire, on doit prendre des mesures concrètes afin de rendre attrayante une immigration francophone au Québec. Il faut vendre le pays, il faut vendre les emplois que l'on a et il faut se rapprocher des communautés francophones à l'étranger. Et, à ce sujet-là, mon confrère vous parlera tantôt de la question de la qualité des services et de l'étendue des services qui devraient être rendus à l'étranger.

D'autre part, nous encourageons le ministre à utiliser plus souvent ses pouvoirs dérogatoires qu'il détient en vertu de la loi afin de donner la souplesse requise à la grille de sélection dans la recherche des objectifs économiques et linguistiques. Parfois, il suffit d'un seul point pour qu'une personne se qualifie ou ne se qualifie pas. Par exemple, le simple fait d'avoir atteint l'âge de 40 ans fait qu'une personne n'aura peut-être pas le point qui lui manque pour se qualifier. Donc, les pouvoirs dérogatoires du ministre permettent d'offrir la souplesse que la grille de sélection n'offre pas toujours.

Cependant, d'autre part, on invite le ministre à ne pas imposer de quota par catégorie d'immigration, un pouvoir qu'il a suite à un amendement à la loi, ça nous apparaît contre-productif et il nous apparaît que ça instaurerait un climat d'incertitude dans l'esprit des candidats. Si le ministre commençait à utiliser ou imposait des quotas, ça signifie que des gens qui ont posé leur candidature pourraient se faire dire en cours de route: C'est malheureux, il faut attendre à l'année prochaine; cette année c'est trop tard, on a suffisamment de candidats dans cette catégorie-là. Il nous apparaît que ça serait de nature à nuire évidemment au pouvoir d'attraction du Québec parce que ça rendrait les gens incertains quant à l'éventualité d'être acceptés comme immigrants. Je vais laisser Me Chalk vous entretenir sur la question des prestations de services et sur la question de la qualité des services.

Le Président (M. Rioux): Monsieur, vous avez six minutes.

M. Chalk (David): Je ne vais pas les prendre toutes. Je voudrais vous parler brièvement de l'importance de la qualité des services offerts par les Services d'immigration du Québec en termes de la réalisation des objectifs d'immigration. D'abord, nous voudrions commencer par féliciter le ministère pour l'excellent travail effectué globalement par ses conseillers à l'extérieur du Québec et au Québec. Nous trouvons que, dans la grande majorité des cas, nos clients sont traités avec courtoisie et de manière efficace, et nous ne pouvons que comparer le bilan positif qu'on fait au Québec au bilan souvent négatif qu'on a au fédéral.

Cependant, nous voudrions souligner quelques choses. Nous sommes, comme a mentionné mon collègue Me Beauchemin, en concurrence actuellement avec d'autres pays et nous allons essayer d'augmenter les niveaux d'immigration dans un avenir rapproché. Pour beaucoup d'immigrants, le traitement de leur demande d'immigration, c'est le premier véritable contact avec l'administration québécoise et également avec, d'une certaine manière, le peuple québécois. Donc, l'impression qui est faite à ce moment-là est très importante à notre avis, ça fait partie intégrale de l'accueil des immigrants au Québec.

Nous considérons qu'en conséquence, d'abord, il devrait y avoir égalité dans les délais de traitement et tous les aspects de traitement entre les divers postes d'immigration au Québec. Nous ne pouvons que nous lamenter du fait que les candidats venant du Maghreb ont souvent à subir des délais de traitement qui sont deux fois plus lents que des candidats venant de d'autres coins du monde, tout en constatant que le Maghreb constitue un des bassins principaux de nos immigrants. Nous considérons que cela est inacceptable et que, de manière générale, ce genre d'inégalité est inacceptable.

Nous croyons également qu'il est d'une certaine manière inapproprié que les gens de ces pays se trouvent à envoyer leur dossier à Paris, qui peut rappeler pour eux une certaine mentalité de l'ère coloniale. Nous considérons que ça serait approprié et ça enverrait un message très important aux candidats maghrébins que soit établi sur le territoire maghrébin un centre d'immigration du Québec, et nous considérons que le nombre de demandeurs venant de ce coin du monde justifie largement ces mesures.

Nous considérons également qu'il faut conserver les acquis que nous avons actuellement. Le candidat à l'immigration au Québec qui se fait interviewer par un conseiller se trouve le plus souvent dans une atmosphère constructive: on va chercher les qualités de la personne, on va appliquer nos barèmes et on va voir, en fin de compte, si on a devant nous un bon immigrant ou non et, en conséquence, on va le conseiller. Également, nous, en tant que représentants, nous trouvons que les conseillers sont accessibles. Nous trouvons que quand nous avons des différends, nous sommes souvent capables de communiquer avec les conseillers et régler nos problèmes sans avoir recours aux instances judiciaires.

n(11 h 20)n

Cependant, dernièrement, nous avons vu un petit renversement en ce qui concerne un nombre important de candidats dans la catégorie des investisseurs, et je parle surtout dans la situation qui prévalait à Hong-Kong. Là-dedans, nous avons vu des cas où il nous semblait que les règles de droit administratif étaient moins bien respectées qu'avant et il semblait y avoir peut-être un manque de main-d'oeuvre. Si nous allons augmenter de manière importante nos niveaux d'immigration, il faudrait en même temps augmenter les effectifs au niveau des conseillers et donner aux centres d'immigration du Québec une main-d'oeuvre adéquate de manière à ce qu'on garde l'excellent service qu'on donne globalement à nos candidats et qu'on conserve les délais de traitement relativement courts que nous connaissons actuellement.

Nous voulons également éviter la judiciarisation du système qui existe au niveau fédéral. Même en tant qu'avocats, nous préférons régler nos problèmes de manière administrative, et, si les conseillers devenaient trop chargés, nous croyons que cela donnerait lieu à une situation où on ne trouverait pas de réponse à nos questions, les moyens qu'on a actuellement se perdraient. Donc, nous vous incitons à faire très attention à l'accueil, en termes de la qualité de service qui est proposée à nos candidats. Avec cela, je termine mes propos.

Le Président (M. Rioux): Merci, M. Chalk. Alors, M. le ministre.

M. Perreault: Oui. Alors, merci à l'AQAADI pour son mémoire, qui fait le tour de beaucoup de questions et qui a le mérite de faire des recommandations très concrètes, très précises. Je pense que c'est sans doute fondé sur, en bonne partie, l'expérience qui est la vôtre en cette matière. Tout en reconnaissant et en souhaitant continuer à collaborer, bien sûr, avec les professionnels et les avocats en matière d'immigration, vous comprendrez cependant que, lorsque vous nous proposez un peu de laisser tomber les ONG pour les intervenants ? c'est presque un peu ce que vous dites ? pour nous consacrer...

Une voix: Pas les ONG, les consultants.

Le Président (M. Rioux): Les consultants.

M. Perreault: Les consultants, d'accord, c'est différent, vous avez raison, je m'excuse. Alors, j'avais mal compris, je m'en excuse.

Le Président (M. Rioux): Ils demandent qu'on appuie les gens.

M. Perreault: Oui, oui, d'accord. Alors, écoutez, moi, je voulais faire un commentaire puis engager la discussion sur une chose. D'abord, il faut être conscient que les niveaux d'immigration du côté des gens d'affaire sont, dans le document qui est présenté, très élevés, ils sont en hausse dans tous les scénarios, du moins pour l'année 2000, 2001, 2002 ? il y a une certaine diminution en 2003 ? et il faut voir qu'ils atteignent jusqu'à 6 600 en 2001. Et dans le fond, on n'entrera peut-être pas dans le détail aujourd'hui de ce dossier, mais c'est clair qu'il y a une problématique très particulière, dans le cas des gens d'affaires, avec le dossier du bureau de Hong-Kong, qui est tout à fait particulière, qui vient un peu perturber les chiffres parce que, au total, notre effort du côté des gens d'affaires, non seulement se maintient, mais est en hausse.

Mais il est clair également que nous avons des préoccupations devant un certain nombre d'événements autour de l'immigration du côté de Hong-Kong et, tout en souhaitant maintenir notre effort, tout en souhaitant demeurer ouverts, nous avons à tenir compte là de certaines pressions qui nous viennent notamment de la Chine et qui ne peuvent être abordées sans aucune autre considération. Alors, je tiens à le souligner parce qu'il ne faudrait pas donner l'impression, au total, que nous souhaitons diminuer notre mouvement de gens d'affaires. De fait, nous souhaitons le maintenir, l'augmenter, mais dans un rythme et selon une proportion que je dirais, entre guillemets, sous contrôle. On pourra y revenir s'il y a des questions, mais ça me semble important.

Écoutez, vous faites une suggestion très concrète, que je trouve intéressante, sur laquelle j'aimerais vous entendre parler un peu plus. Jusqu'à maintenant, les gens qui avaient plus de 40 ans étaient un peu comme déclassés dans nos grilles de sélection, on les considérait comme trop vieux pour immigrer, et vous nous suggérez au contraire, en quelque sorte, de nous concentrer sur les plus jeunes et sur ce groupe d'âge. J'aimerais vous entendre un peu parler pourquoi, quelle est votre compréhension de ça, en quoi ça serait dans l'intérêt du Québec de se concentrer sur ce groupe d'âge. Vous l'évoquez un peu dans votre intervention, alors je vous laisse aller là-dessus.

Le Président (M. Rioux): Alors, M. Beauchemin.

M. Beauchemin (Jacques): Oui, merci. D'abord, j'aimerais faire un commentaire sur la question de la catégorie des gens d'affaires, je reviendrai à votre question par la suite. Dans vos scénarios, vous indiquez, pour l'année 2001, 6 600 personnes, et, en 2002, dans le scénario 1 et 2 en tout cas, on réduit à 3 800, et la troisième année à 3 200. Le 6 600, à mon avis, résulte des efforts antérieurs, c'est-à-dire que c'est une projection que vous faites quant à ceux qui seront acceptés cette année, mais qui ont déposé leur candidature en 1999 ou en 1998. Mais ce qu'on constate tout de même, c'est qu'il semble y avoir une diminution pour les deux années suivantes.

Pour revenir à votre question sur les plus âgés, il nous apparaît que la période de vie active des personnes est de plus en plus longue. D'une part, l'espérance de vie augmente et les gens demeurent actifs de plus en plus longtemps. Il nous apparaît que les immigrants qui ont vécu à l'étranger et qui ont accumulé une longue expérience professionnelle peuvent très souvent être de bons candidats pour nos entreprises ici, en tant que travailleurs qualifiés ou en tant qu'entrepreneurs, par exemple. Ce sont des gens qui disposent d'une expérience qui n'a pas encore été acquise, parfois, ici et qui peut certainement être utile à l'industrie. Et on constate qu'il y a plusieurs candidats qui ne sont pas qualifiés simplement à cause de leur âge, mais ils ont l'éducation, ils ont l'expérience professionnelle, parfois ils parlent le français et, en plus, il y a de plus en plus des gens de cet âge-là, de 40 à 45 ans, qui débutent une famille, qui ont des enfants. Donc, ça rejoint aussi les objectifs démographiques. Je pense que c'est un peu ça, notre raisonnement.

Quant aux plus jeunes, bien, il y a des gens qui sortent de nos collèges aujourd'hui qui pourraient, dans certains cas, difficilement se qualifier avec la grille que l'on a. Il y a des formations semblables qui sont offertes à l'étranger. Il y a des formations postsecondaires qui sont utiles pour l'industrie ici et qui pourraient qualifier des gens qui arrivent à 20 ans. Dans la grille actuelle, en bas de 23 ans, il n'y a aucun point pour l'âge. Donc, il nous semble qu'on pourrait étaler le nombre de points pour rejoindre de 20 à 45 ans, peut-être en concentrant autour des gens qui ont 30 ans et en donnant plus de points peut-être de 25 à 35 ans, mais tout de même en donnant quelques points à ceux qui ont une qualification professionnelle, qui sont jeunes et qui sont prêts à démarrer. Ce sont eux qui vont créer des familles chez nous. Ils ne vont pas la créer avant de partir, ils vont peut-être la créer une fois arrivés ici. Ils vont faire des enfants, donc l'effort démographique sera atteint de cette façon-là, et ils apporteront leur énergie nouvelle. Je pense qu'on ne peut pas se permettre, si on veut hausser les niveaux d'immigration, d'oublier ces personnes-là ou de les mettre de côté. Je ne sais pas si Me Chalk...

M. Chalk (David): Je voudrais simplement ajouter sur le côté jeune. Un finissant à l'université, aux États-Unis par exemple, va avoir 21, 22 ans, quand il va terminer son bac. Souvent, on a des étudiants étrangers qui souhaiteraient rester sur le continent nord-américain, et ils seraient très intéressés à venir travailler au Québec et ils auraient des atouts très intéressants pour les employeurs québécois, mais ces gens-là actuellement, à cause du pointage sur la grille de sélection, ne font pas les points. Peut-être que ces candidats-là sont exceptionnels mais il nous semble qu'il n'y a pas de raison d'écarter cette possibilité.

Le Président (M. Rioux): Bien, merci. Alors, je vais aller du côté de l'opposition.

Mme Loiselle: Oui, merci, M. le Président. Messieurs, bonjour, bienvenue. J'aimerais revenir aux organismes communautaires qui ont un rôle primordial et une mission au niveau de l'intégration, de l'accueil des nouveaux arrivants au Québec. Le gouvernement, d'après ce qu'on lit dans les journaux, semble jongler avec les scénarios 2 et 3. Alors, s'il y a une hausse des niveaux d'immigration, il y aura une pression supplémentaire sur les épaules des organismes communautaires qui, on le sait tous ? il ne faut pas se le cacher ? sont actuellement sous-financés.

Est-ce que vous pensez que, si le gouvernement va de l'allant avec une hausse des niveaux, il devra, d'ici la fin de cette consultation, aussi donner l'engagement formel que le gouvernement va hausser financièrement les budgets des organismes communautaires, sinon, il y aura un essoufflement de ces organismes-là et des gens qui y travaillent?

Le Président (M. Rioux): M. Beauchemin, c'est vous qui répondez à ça?

M. Beauchemin (Jacques): Je pense qu'on ne peut pas être en désaccord avec ce que vous dites. Déjà, ces organisations, qui assurent souvent elles-mêmes toute la partie intégration et orientation des immigrants qui arrivent chez nous, sont à bout de souffle, souvent. Elles sont composées souvent de personnes bénévoles ou de certains qui sont salariés mais à des salaires qui sont très peu importants. Et je pense qu'on n'a pas le choix que de compter sur leur collaboration et le gouvernement a besoin de leur collaboration pour assurer la continuité du travail qui a déjà été fait et pour l'améliorer. Je pense qu'on a besoin de ça et effectivement leurs budgets devraient être augmentés d'autant.

n(11 h 30)n

J'ai eu l'occasion de lire le mémoire qui a été préparé par la Table de concertation pour les organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes et je pense que vous allez entendre parler, de leur part, de cette nécessité pour eux qu'on investisse un peu plus dans leurs organisations pour soutenir l'effort d'immigration du Québec.

Mme Loiselle: Donc...

Le Président (M. Rioux): Oui, allez-y.

Mme Loiselle: Dans votre mémoire, vous laissez sous-entendre que le fait que le gouvernement ait modifié le Programme des investisseurs, que les exigences aient passé de 90 000 à 100 000, c'est peut-être ? vous ne le dites pas comme ça, mais, moi, je vais le faire ? une façon contournée pour le gouvernement finalement de limiter la venue de gens d'affaires.

Parce que, vous avez raison, quand on regarde les tableaux qui nous ont été soumis par le gouvernement, si on regarde 1998, 3 565 admissions; 1999, 3 407; on planifie 5 000 pour 2000. Là, il y a un rebondissement à 6 006, mais finalement les premiers trois scénarios, en 2003, on se retrouve avec 3 200 admissions au niveau des gens d'affaires. Vous laissez sous-entendre que d'avoir, il y a quelques mois, modifié le programme, c'est peut-être une façon aussi de ralentir, de limiter la venue de ces gens-là.

Le Président (M. Rioux): Oui, M. Chalk.

M. Chalk (David): Oui, nous voyons déjà que... On sait, ce n'est un secret pour personne que la plupart des candidats immigrants investisseurs qui viennent au Québec ont la possibilité de financer leurs investissements et le font dans un très fort pourcentage. À cause des changements, des modifications au programme, le coût de financement a augmenté de manière sensible. Des courtiers ont sorti des chiffres très dernièrement, le coût s'est majoré d'environ, je dirais, 30 000 $. L'écart également, entre le coût de financer un investissement destiné au Québec et ailleurs au Canada, est également beaucoup moins important qu'avant. Donc, nous croyons voir, dans la diminution du nombre d'immigrants investisseurs à l'avenir, suite à l'écoulement du stock qu'on s'est fait jusqu'au début juin de cette année, une diminution importante qui est le reflet du fait que notre programme est devenu moins alléchant qu'avant.

Cependant ? on a parlé tantôt, dans la présentation précédente, des capacités d'accueil au Québec ? on n'a pas encore entendu dans les tribunes publiques quelqu'un râler qu'il y avait trop d'immigrants riches dans son voisinage. Il nous semble que notre capacité là-dedans est très importante.

Le Président (M. Rioux): Alors, merci, M. Chalk.

Mme Loiselle: Finalement, le fait de vouloir freiner la venue de non-francophones qui amèneraient de l'activité économique au Québec, les plus grands perdants finalement, ce sont nous tous alentour de la table, parce que ces gens-là, qui amènent une vitalité économique au Québec, on essaie par diverses façons de freiner leur arrivée parce qu'ils sont non-francophones, dans le fond, là.

Le Président (M. Rioux): Avez-vous une réponse rapide à ça?

M. Chalk (David): Je crois que le commentaire parle tout seul, on n'a pas de réponse à ça.

Le Président (M. Rioux): Très bien. M. le député d'Iberville, oui.

M. Bergeron: Merci. Tantôt, dans le mémoire précédent, lorsqu'on a abordé l'immigration en région, on a parlé de concertation régionale, de CRD, notamment. Vous y êtes revenus et vous avez parlé de parrainage civique, vous avez parlé de chambres de commerce, vous avez parlé de municipalités. Votre association compte une centaine d'avocats. Je présume qu'ils sont disséminés à travers le Québec. Ou ils sont concentrés à Montréal?

M. Beauchemin (Jacques): Ils sont principalement concentrés à Montréal, peut-être 80 % sont à Montréal.

M. Bergeron: O.K. Donc, il en resterait une vingtaine ailleurs. Écoutez, vous avez parlé aussi de foire d'emplois. Dans ma région, dans le Haut-Richelieu, ça fait quelques années qu'on fait ça puis on se rend compte que c'est un mouvement qui s'essouffle, si je peux dire. J'aimerais vous entendre parler de stratégies pour attirer davantage d'immigrants en région. Écoutez, on vit des «success stories» à la grandeur du Québec. Le plus grand chantier d'Amérique du Nord est à Alma. Des villes comme Lac-Mégantic, comme Saint-Georges, en Beauce, manquent d'emplois. Sherbrooke connaît beaucoup de succès économique.

Le Président (M. Rioux): D'emplois spécialisés.

Une voix: D'employés.

M. Bergeron: Oui, d'employés spécialisés, d'emplois spécialisés. En Montérégie notamment, d'où je viens, le taux de chômage est de 5,9 % et, vous l'avez dit dans votre document, que le Québec va être dans le peloton de tête pour justement le développement économique. Et on présume que d'ici trois ans le chômage pourrait descendre aussi bas que 5 %. Donc, il faut qu'il y ait en région des immigrants. Alors, pouvez-vous élaborer sur ce que vous avez dit?

Le Président (M. Rioux): M. Beauchemin.

M. Beauchemin (Jacques): Je pense qu'on peut associer la proposition que nous faisions tantôt qu'il y ait une liste ponctuelle de professions ou de métiers en demande qui puisse être établie. S'il y a des organismes régionaux qui sont en mesure, par la concertation, d'identifier adéquatement les besoins de main-d'oeuvre à court et à moyen termes, on peut faire des projections, je suppose, sur le plan économique. Et les chambres de commerce ou les associations d'employeurs sont certainement en mesure de dire: Bien, moi, j'aurai besoin de tel type de techniciens pendant la prochaine période d'une année ou de deux années. Ou bien: On a tel projet d'investissement et on aura besoin de ce type de main-d'oeuvre.

Ces informations-là pourraient très facilement être communiquées au ministère. Le ministère pourrait établir une liste d'emplois privilégiés ou de professions privilégiées et ces emplois-là qui sont sur la liste auraient des points supérieurs aux autres afin d'offrir ces emplois-là, dans le fond, à des candidats à l'immigration qui sont à l'étranger. Et évidemment il y a un problème, il faut établir une communication assez rapide entre les délégations ou les services d'immigration à l'étranger et la région, par le biais du ministère, afin qu'on puisse identifier rapidement quels sont les besoins et qu'on puisse se mettre à la recherche des candidats sur le terrain à l'étranger rapidement.

Mais il faut pour cela, évidemment pour répondre aux besoins de l'industrie, que le traitement des dossiers se fasse de façon très rapide, qu'on ait la collaboration du fédéral parce que, chez eux, c'est encore plus long qu'au Québec dans le traitement des dossiers. Mais je pense que c'est ça qu'on veut dire. Concrètement, c'est aussi clair que cela. C'est-à-dire qu'on peut, à mon avis, identifier clairement certains types d'emploi, des techniciens dans tels domaines, des gens de métier dans tel autre domaine, et on communique cette information-là. L'organisme régional qui serait mis en place communique cette information-là au ministère qui, lui, le communique au service d'immigration à l'étranger.

Le Président (M. Rioux): C'est une suggestion que vous faites.

M. Beauchemin (Jacques): C'est une suggestion, oui.

Le Président (M. Rioux): Qui pourrait s'avérer efficace.

M. Beauchemin (Jacques): Effectivement. Et évidemment tous les intervenants en matière d'immigration, dont les avocats, qui ont eux des clients, pourraient s'assurer de trouver des candidatures qui vont répondre à ces besoins-là.

Le Président (M. Rioux): Très bien.

M. Bergeron: Je terminerais. Justement, vous en avez fait mention vers la fin de votre réponse et vous avez dit, lors de la présentation de votre mémoire, que les avocats sont les mieux placés ? je présume que vous parlez au nom de votre association ? pour que les dossiers soient bien montés. À un moment donné, on a fait mention des délais de traitement qui étaient assez longs, qui pouvaient aller à un an, un an et demi, quelque chose comme ça. Est-ce que ça veut dire, M. Beauchemin, que, si on met ça entre vos mains, ça va prendre moins de temps?

Le Président (M. Rioux): M. Beauchemin.

M. Beauchemin (Jacques): Ce que nous vous disons, c'est que...

Le Président (M. Rioux): Ça risque d'être oui.

n(11 h 40)n

M. Beauchemin (Jacques): ...si les immigrants ou les candidats à l'immigration savent que les avocats sont les interlocuteurs privilégiés du ministère ? et je pense que, nous, on est capables de vendre notre salade, on est capables de vendre la qualité de nos services professionnels; et on le fait déjà, et je pense qu'on rend de bons services professionnels, je pense que l'expérience qu'il y a eu depuis quelques années avec le ministère, où on accompagne le client aux entrevues, ce qui ne se fait pas au fédéral, on n'a pas l'autorisation d'accompagner nos clients aux entrevues au fédéral, c'est une expérience qui a été positive ? si on a une réponse du ministère rapide ? mais il faut que le ministère ait les moyens, les services d'immigration à l'étranger doivent avoir les moyens de traiter rapidement les dossiers ? on va atteindre des résultats rapides.

Les avocats, vous savez, dans les mandats professionnels qu'ils reçoivent, ils ont le mandat de s'assurer que la candidature qui leur est présentée va arriver à terme. Ils ne peuvent pas prendre des honoraires professionnels pour des services professionnels qui ne mèneront à rien. C'est-à-dire qu'on fait une évaluation préliminaire de la candidature de façon professionnelle ? on ne mènera pas les gens à des arnaques telles qu'on en a parlé et qui, dans certains cas, ont fait que certains consultants ont pris des honoraires et n'ont jamais offert les services ? on fait une évaluation préliminaire de nos propres clients et, si ça ne fonctionne pas, on leur dit honnêtement: Ça ne sert à rien que vous me payiez des honoraires, en bout de ligne, vous ne serez pas accepté par le Québec. Ce n'est pas dans notre intérêt comme professionnels non plus de fonctionner comme ça. On a une réputation à sauvegarder, on a une clientèle à sauvegarder et on a de bonnes relations avec le ministère à sauvegarder. Donc, on essaie de ne pas envoyer au ministère des candidatures qui ne sont pas valables. Et je pense que c'est là où notre collaboration est importante.

Le Président (M. Rioux): Merci. Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. M. Beauchemin et M. Chalk, merci beaucoup pour le mémoire et la présentation. Je retiens que vous avez, en tout cas, analysé les services de l'immigration à l'étranger et vous avez dit, à juste titre, que du côté du ministère, les conseillers de l'immigration font un bon travail avec les moyens qui sont mis à leur disposition. Cependant, il y a des délais de traitement des dossiers qui sont considérables, particulièrement en ce qui a trait aux bassins d'immigration francophone. Alors, nous sommes là face à une contradiction: le Québec veut accueillir plus d'immigrants francophones, mais là où il faut aller les chercher, là où il faut aller les solliciter, il n'y a pas de point de services ou, du moins, pas suffisamment de points de services, pas suffisamment accessibles.

Vous avez donné le cas du Maghreb, à juste titre, où il faut aller à Paris. Ça prend quand même une bonne distance et des moyens financiers pour pouvoir se rendre à Paris pour passer une entrevue ou quoi que ce soit. Est-ce que vous plaidez pour qu'il y ait une ouverture, un redéploiement des points de service de l'immigration du Québec dans les zones ou les bassins de l'immigration qui sont importants?

Le Président (M. Rioux): Est-ce que c'est M. Chalk qui répond?

M. Chalk (David): D'abord, je vais faire une petite précision. Les candidats du Maghreb ne sont pas obligés de se rendre à Paris.

Mme Houda-Pepin: Oui.

M. Chalk (David): Ils peuvent passer des entrevues dans leur pays respectif, dans la plupart des cas, il y a des conseillers qui partent en mission.

Mme Houda-Pepin: C'est ça. C'est ça.

M. Chalk (David): Mais c'est quand même le cas que, si le candidat veut un délai de traitement plus court, il faut qu'il se rende...

Mme Houda-Pepin: C'est ça.

M. Chalk (David): ...à Paris pour passer...

Mme Houda-Pepin: Exactement.

M. Chalk (David): ...son entrevue. Je crois que notre point de vue global, c'est que, bon, tout le monde s'entend pour dire que les délais courts sont meilleurs que les délais très longs. L'affaire, c'est: Quelle image on donne du Québec si, d'abord, il y a des délais très longs, et, deuxièmement, il y a une inégalité? Si le candidat dit: Moi, je dois valoir moins qu'un candidat en Europe parce qu'il faut que j'attende trois fois plus pour passer mon entrevue que lui? C'est sur cet aspect-là qu'on voulait mettre l'emphase. Je pense que ça parle très mal de notre avis sur les gens de cette région. Et je pense que c'est pour ça que, puisqu'on se veut une société multiculturelle, on se doit de se doter des moyens de donner le même service à tout le monde. On n'est ni pour ni contre la décentralisation dans la mesure où le système en place donne des services adéquats à tout le monde et des services égaux.

Mme Houda-Pepin: Oui, vous avez parfaitement raison parce que, en fait, ce qu'on constate... Il y avait d'ailleurs un point de services à Rabbat, pour le Maghreb, en tout cas, pour les pays de l'Afrique du Nord, ce qui facilitait les choses, et là, maintenant on est avec des conseillers volants. Il faudrait qu'ils aient le temps de se rendre dans les pays. Ce n'est pas facilitant pour les gens qui veulent immigrer.

Et moi, j'irais plus loin que vous. Je dirais qu'il faut, si vraiment le gouvernement se donne comme objectif d'aller chercher l'immigration, l'immigration francophone en particulier, il faut à tout le moins que les services suivent pour que les gens puissent se prévaloir justement de l'accessibilité à l'immigration.

Sur la question des consultants, vous avez soulevé un problème majeur qui est en fait en train de pourrir depuis un certain temps. Pour faire une histoire courte à l'égard de mes collègues, n'importe qui peut être consultant de l'immigration. Vous n'avez pas besoin de compétences, vous n'avez pas besoin d'un profil professionnel quelconque. Et souvent, c'est des escrocs ? c'est le cas de le dire ? des gens qui profitent justement de la naïveté, du manque d'information des candidats à l'immigration, qui se rendent dans un hôtel quelque part dans un pays d'Afrique ou d'Asie ou d'ailleurs, qui rencontrent les candidats à l'immigration, qui leur font signer des papiers, qui leur enlèvent leur argent qui est l'économie de leur vie.

Moi, je connais des gens qui ont payer jusqu'à 20 000 $ pour pouvoir avoir les papiers pour venir ici. Et on leur fournit des faux papiers en règle comme quoi ils ont un emploi au Canada. Et, lorsqu'ils arrivent, bon, parfois, le lieu où se trouve l'usine, c'est une résidence personnelle. Alors, les gens se retrouvent devant rien. C'est des cas qui ont déjà été relatés, etc.

Cependant, entre le fait que ce problème existe et qu'il faille le régler et le fait que vous demandez l'exclusivité du traitement des dossiers pour la profession juridique, c'est-à-dire pour les avocats, je trouve qu'il y a peut-être un juste milieu. Est-ce que vous avez réfléchi là-dessus? Est-ce que le fait peut-être d'encadrer d'une certaine manière, par un code d'éthique ou par des règles quelconques ou par législation, s'il le faut, en tout cas, cette profession-là, est-ce que c'est une solution qui pourrait être considérée, à vos yeux?

Le Président (M. Rioux): M. Beauchemin.

M. Beauchemin (Jacques): Si vous permettez. Peut-être que Me Chalk voudra ajouter quelque chose. D'abord, je pense qu'il faudrait s'assurer que les consultants aient au moins une place d'affaires au Québec, c'est-à-dire que le candidat à l'immigration puisse éventuellement le poursuivre en justice, qu'il ait une place d'affaires réelle qui existe où il a des activités. Je pense que c'est la première chose.

Il faudrait peut-être exiger un cautionnement de la part des consultants, comme on le fait en matière de protection des consommateurs pour certains types de vendeurs ou de commerçants. Je pense que ça pourrait être ça. Ils pourraient être régis par la Loi sur la protection du consommateur. Même s'il s'agit de gens qui sont à l'étranger. Il faut voir si c'est possible. Mais il pourrait y avoir un cautionnement qui est versé, de sorte qu'on ait des garanties de remboursement par exemple d'honoraires payés ou de frais qui ont été empochés sans être versés au gouvernement de la part de ces personnes-là.

Je pense qu'il y a des alternatives possibles, mais je pense que ça va demander un effort législatif pour encadrer l'activité de ces personnes-là. Je pense que le gouvernement, le ministère pourrait carrément dire que «si vous n'avez pas de place d'affaires au Québec, on refuse les dossiers que vous nous envoyez; et, si vous n'avez pas payé ou déposé votre cautionnement, on les refuse, vos dossiers», de sorte que le mot va se passer et ces gens-là vont devoir se mettre en affaires sérieusement et assumer leurs obligations réellement.

Ça, ça peut être le moindre mal parce que, évidemment, il y a peut-être... Et du côté fédéral, la loi fédérale ne fait pas de restrictions non plus. Cependant, on a eu l'occasion de converser avec la ministre, Mme Caplan sur cet aspect-là particulier des choses et elle nous a dit qu'elle était préoccupée par la question et qu'elle cherchait, elle, un moyen effectivement de s'assurer que les consultants aient au moins une place d'affaires au Canada pour que le ministère accepte de traiter leurs dossiers.

Le Président (M. Rioux): M. le ministre. Je vais revenir à vous, madame.

M. Perreault: Oui. Bien je voudrais revenir à certaines questions. D'abord, ça me semble important de le rappeler parce qu'on en a parlé, vous en avez parlé, l'opposition en a parlé, à propos du mouvement des gens d'affaires. Vous avez peut-être raison, si vous regardez le chiffre absolu de 3 200 pour 2003, mais quand on regarde les trois prochaines années, ce qui est prévu pour les gens d'affaires dans tous les cas de figure, c'est au minimum... On additionne les chiffres et on se retrouve avec une moyenne de 4 200 par année par rapport à 3 500 en 1965, c'est une augmentation de tout près de 20 % et quelques par rapport à ce qu'a été l'effort des dernières années.

Alors évidemment, ce n'est pas nécessairement listé de la même manière année après année mais, au total, la part des gens d'affaires dans le mouvement d'immigration va être en hausse de près de 20 % par année de façon cumulative. Ça, je pense que c'est important de le resituer dans le contexte. Et, encore une fois, il y a à Hong-Kong un dossier bien particulier.

Vous avez parlé tantôt du Maghreb, du potentiel, tout ça. J'aimerais ça vous entendre parler un peu de ce potentiel, potentiel tant du point de vue des gens d'affaires que du point de vue des autres catégories d'immigrants, des difficultés actuellement de recrutement compte tenu que nous n'avons pas de bureau là-bas, tout en vous signalant ? et je termine là-dessus ? que, du côté de Paris, on me dit actuellement qu'on a finalement réussi à régler nos problèmes avec l'ambassade du Canada pour ce qui est des délais d'émission de visa et que des moyens ont été pris et que les délais maintenant sont revenus à des délais normaux. Alors, tant mieux pour tout le monde. Voilà. Alors donc, j'aimerais vous entendre parler un peu pour ce qui est du Maghreb en particulier, parce que là ce n'est pas nécessairement réglé.

M. Chalk (David): Pouvez-vous me répéter la question?

Le Président (M. Rioux): M. Chalk.

M. Chalk (David): Je n'ai pas bien saisi la question.

M. Perreault: Sur le Maghreb, dans le fond, vous nous dites: Il y a un potentiel. J'aimerais vous entendre parler, tant pour les gens d'affaires, les travailleurs indépendants, de ce potentiel. Vous dites: Ils rencontrent des difficultés de réalisation parce qu'on n'a pas de bureau permanent là-bas. J'aimerais un peu vous entendre parler de tout ça.

Le Président (M. Rioux): M. Chalk.

n(11 h 50)n

M. Chalk (David): M. le ministre, je n'ai pas dit exactement... Ce que j'ai dit, c'est que les services, les délais de traitement et la qualité du service général qui semble ressortir, de l'avis de nos membres, c'est que la qualité de service et les délais de traitement surtout dans le Maghreb ne sont pas pareils qu'ailleurs. Et nous croyons que ça pourrait très bien donner l'impression à ces gens-là que leur présence au Québec n'est pas souhaitée ou qu'ils ne sont pas des candidats à part égale avec d'autres candidats.

Et l'autre préoccupation que nous avons, c'est également que le nombre de demandeurs provenant de cette région nous semble, en soi, mériter un centre d'immigration du Québec. Et, en même temps, ça pourrait nous permettre de corriger cette impression, qui a pu se répandre dans cette région, que la présence de ces gens-là au Québec n'est pas voulue.

M. Perreault: Et, d'autre part, vous avez ajouté, si j'ai bien compris, que le fait que les dossiers doivent transiter par Paris, compte tenu de l'historique des relations entre la France et ces pays, cela ne facilite pas la perception.

M. Chalk (David): Oui. Encore une fois, c'est une question de perception, M. le ministre, et je trouve, oui, qu'on pourrait peut-être s'améliorer en plaçant un centre d'immigration du Québec au Maghreb.

Le Président (M. Rioux): À quel endroit aimeriez-vous l'avoir: en Algérie, au Maroc?

M. Chalk (David): On n'a pas d'exigence particulière.

Le Président (M. Rioux): Casablanca, ce serait bien.

M. Chalk (David): Ça serait bien, Casablanca.

M. Perreault: Il est évident, M. le Président ? c'est un commentaire ? c'est sûr que, dans le cas du Maghreb, le traitement des dossiers, notamment du point de vue des enquêtes de sécurité, est un peu plus élaboré, bien sûr, que certains traitements de dossiers, disons, pour un pays comme la France, compte tenu notamment des événements dans certains pays. Prenons l'exemple de la situation de l'Algérie qui est difficile. Alors, c'est sûr que les enquêtes de sécurité sont plus difficiles, parfois plus longues, plus laborieuses, ce qui peut expliquer une partie des délais.

Une autre partie des explications vient sûrement du fait que les moyens notamment mis par le gouvernement fédéral à Paris pour traiter les dossiers, parce qu'ils étaient tous traités, étaient jusqu'à maintenant insuffisants. Déjà, on me dit qu'il y a une amélioration. Mais dans le cas du Maghreb, je retiens le fait qu'il y a des efforts particuliers à faire. Vous avez raison de souligner que c'est un bassin de recrutement important.

M. Beauchemin (Jacques): Surtout qu'il est francophone en plus, souvent.

Le Président (M. Rioux): Merci. Mme la députée de Sauvé.

Mme Beauchamp: Merci, M. le Président. Moi, je veux revenir sur le thème de la régionalisation. On a déjà mentionné ? et même le groupe avant vous un peu ? la tiédeur de la volonté politique qu'on pouvait lire dans le document ministériel qui nous est fourni. À juste titre, le ministre mentionnait d'entrée de jeu que vous nous proposez... Vous faites des recommandations très concrètes dont une qui pique un peu ma curiosité sur la notion de parrainage civique. Vous invitez, dans les régions, les chambres de commerce, municipalités, à faire du parrainage civique.

Et vous me corrigerez, mais j'ai cru comprendre, dans votre présentation, que vous ouvriez la porte à une notion très large et en même temps très responsable de la notion de parrainage civique. J'ai cru comprendre, dans votre présentation, que vous ouvriez la porte au fait que non seulement, bien sûr, il y ait un parrainage, par exemple, sous la forme de la proposition d'un emploi garanti par une municipalité et tout ça, mais j'ai cru comprendre que vous ouvriez ça même à une notion encore plus, j'ai envie de dire plus responsable, mais comme la notion de parrainage qu'on entend habituellement, c'est-à-dire qu'une municipalité ou une chambre de commerce se déclarerait, se porterait responsable d'une personne immigrante au Québec. Est-ce que vous l'avez ouvert jusque là, cette notion de parrainage civique? Ça n'apparaît pas dans votre mémoire, mais j'ai cru l'entendre dans votre présentation.

Le Président (M. Rioux): Alors, vous avez interprété soit la lettre soit l'esprit. Alors, vous avez la parole, M. Beauchemin.

M. Beauchemin (Jacques): Bon. Quant à la forme que ça prendrait, je pense que ça reste à déterminer. Je pense que le message qu'on veut passer, c'est: Si on veut réellement régionaliser notre immigration, si les régions ont des besoins en matière de main-d'oeuvre et qu'elles les expriment et qu'elles nous disent: On n'arrive pas à trouver cette main-d'oeuvre sur notre territoire ou sur le reste du territoire du Québec, je dis qu'il faut qu'elles se responsabilisent, que ce soit l'entreprise elle-même ou les entreprises, que ce soit des organismes plus larges comme une municipalité ou les chambres de commerce, mais qu'il y ait à l'égard de l'immigrant qui viendra un engagement ferme à l'effet qu'on ne l'emmène pas dans un piège.

On l'invite à vivre à Thetford Mines mais on l'invite là parce qu'on a un emploi à lui offrir. Et il faut que lui soit rassuré sur son avenir dans cette région-là pour qu'il y mette des racines et qu'il prenne racines là-bas pour qu'après ce trois ans il soit satisfait d'être là et qu'il voit qu'on a rempli nos engagements à son égard.

Évidemment, je vois mal comment les municipalités pourraient s'engager à parrainer quelqu'un et à rembourser au gouvernement du Québec, par exemple, l'aide sociale qui lui serait versée si l'emploi n'est pas là. Mais je pense qu'il y a, entre cela et une simple parole en l'air, certainement possibilité d'aménager quelque chose, un mécanisme qui va rassurer les immigrants et qui va les attirer chez eux. Je pense que c'est dans ce sens-là qu'on parlait.

Le Président (M. Rioux): Alors, Mme la députée de La Pinière...

Mme Beauchamp: Oui, merci.

Le Président (M. Rioux): Oui, ça va? Mme la députée de La Pinière?

Mme Houda-Pepin: Il reste combien de temps? Il nous reste...

Le Président (M. Rioux): Il vous reste quatre minutes.

Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup.

Le Président (M. Rioux): Alors, je vais aller du côté du député de Marguerite-D'Youville...

Mme Houda-Pepin: Allez-y donc.

Le Président (M. Rioux): ...et je reviendrai à vous.

Mme Houda-Pepin: Pas de problème.

M. Beaulne: Merci, M. le Président. Je voulais revenir sur le point soulevé par ma collègue concernant les gens qui s'improvisent conseillers de toutes sortes dans ce domaine. En 11 ans de vie parlementaire, j'en ai vu de toutes les couleurs, d'autant plus que je représente un comté de la région de Montréal, de la Rive-Sud. Ce que vous dites au niveau des recommandations, à savoir qu'il faut que ce soient des gens professionnels, qu'ils soient imputables ou quoi que ce soit, j'en suis, mais je ne peux pas partager votre point de vue à l'effet que ce doive être sur une base d'exclusivité.

Je vais vous dire pourquoi: parce qu'il existe des professionnels, entre autres, des catégories de professionnels qui sont soit retraités ou préretraités de la fonction publique québécoise en particulier et qui ont oeuvré au sein du ministère de l'Immigration, qui ont connu la machine de l'intérieur, qui ont été dans des bureaux de recrutement à l'étranger, qui maintenant sont à leur propre compte et qui sont en mesure de conseiller adéquatement des immigrants, souvent sur une base de frais inférieurs à ceux que leur chargent les avocats, et avec certains succès. J'en connais et j'ai même des cas qui ont été résolus grâce à l'appui de ces gens-là qui avaient été dans la machine au préalable.

J'ai connu d'autres cas aussi où des gens avaient eu recours aux services d'avocats, mais ça n'a pas abouti parce que, bien souvent, vous le savez, quand les gens sont pris dans des zones grises ? parce qu'au fond ce sont des gens qui tombent dans des zones grises où on cherche à faire intervenir la discrétion ministérielle ? à ce moment-là, bien souvent, si les députés qui représentent ces gens-là n'ont pas réussi à convaincre le ministre d'exercer sa discrétion ministérielle, ça arrive très rarement que des avocats extérieurs à tout le processus politique y parviennent. Alors, c'est les bémols que je voulais mettre sur vos recommandations.

Le Président (M. Rioux): C'est un commentaire.

M. Beaulne: Oui.

Le Président (M. Rioux): Bon. Alors, merci beaucoup, M. le député de Marguerite-D'Youville. Je m'en vais du côté de...

M. Beauchemin (Jacques): Me Chalk aurait voulu ajouter...

M. Chalk (David): Je peux répondre brièvement?

M. Beaulne: Oui, oui, certain.

M. Chalk (David): Je voulais simplement dire que, dans le fond, notre position, c'est qu'il faut que les personnes qui représentent des candidats soient redevables au Québec de leurs actes. Je voudrais ajouter également qu'il y a certains aspects du processus qui requièrent une certaine compétence juridique et il n'y a que nous qui sommes reconnus avoir cette compétence. Nous croyons, étant donné qu'il existe actuellement une lacune pour la réglementation des consultants, en attendant qu'il en existe, une telle réglementation, il ne devrait pas y avoir d'autres représentants pour l'instant que des avocats.

Le Président (M. Rioux): Ça va. Merci. Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Je voudrais revenir sur le point concernant la régionalisation de l'immigration. En fait, cette idée n'est pas nouvelle, ça fait longtemps qu'on parle de régionaliser l'immigration, et la volonté politique s'est exprimée depuis déjà une dizaine d'années de façon officielle.

Il n'en demeure pas moins que les résultats ne sont pas là, et ils ne sont pas là parce que certaines conditions préalables ne sont pas là. Régionaliser l'immigration implique une mobilisation de toute la société civile qui va accueillir, faciliter l'intégration et surtout la rétention en région, parce qu'il est déjà arrivé un certain nombre d'expériences où des gens ont été en région, ils ont passé un an, deux ans, trois ans, puis ils sont retournés à Montréal ou ils ont quitté le Québec.

n(12 heures)n

Donc, ces conditions favorables à la régionalisation et à la rétention de l'immigration, vous y avez touché, c'est d'abord et avant tout l'emploi. C'est par l'emploi qu'on réussit à faire une véritable intégration. Moi, je dis toujours, M. le Président, que l'intégration, c'est d'abord et avant tout l'intégration économique parce que c'est à partir de là qu'on permet de fixer la famille, de faire les racines et de s'installer, de s'intégrer dans la société.

Le Président (M. Rioux): Mme la députée de La Pinière, je vais demander le consensus pour déborder midi et pour lui permettre de terminer sa question, et peut-être aussi d'avoir une réponse. S'il y a consensus, on va redonner la parole à la députée de La Pinière. Il y a consensus?

Une voix: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Rioux): Très bien. Mme la députée.

Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, M. le Président. Donc, lorsqu'on parle de l'emploi comme condition préalable, c'est essentiel. Et, en même temps, on interpelle les acteurs régionaux. Moi, j'ai participé à une consultation, il y a quatre ans à peu près, sur la régionalisation de l'immigration. Le CRD l'a organisée chez nous entre autres, en région, en Montérégie, et on n'a pas les résultats. Il n'y a pas eu d'évolution sensible au niveau de la régionalisation de l'immigration. Pourquoi? Parce que les acteurs locaux et régionaux, notamment les municipalités ? parce qu'elles ont un rôle important, les municipalités, elles ont une infrastructure, elles ont un réseau, elles ont des services, elles peuvent retenir cette immigration ? n'ont pas les moyens. Parce qu'on veut leur donner une responsabilité mais il n'y a pas les moyens qui vont accompagner cette responsabilité-là. Quand on sait le contexte dans lequel les municipalités se font renvoyer les factures par le gouvernement, elles n'ont pas les ressources pour accueillir, intégrer et faciliter l'enracinement de ces gens-là.

Le Président (M. Rioux): Bien. Est-ce que vous avez une question?

Mme Houda-Pepin: Alors, ma question...

Le Président (M. Rioux): C'était ça, la question?

Mme Houda-Pepin: ...M. le Président, si vous permettez, c'est conséquemment à ça. Vous dites: Il faut qu'on invite les gens par rapport à l'emploi, et vous avez donné des exemples, notamment les métiers traditionnels. Je trouve que c'est une idée très intéressante, sauf que pour beaucoup de métiers, notamment dans la construction, ça prend une carte de compétence. Qu'est-ce qu'on fait avec les corporations et les organisations aussi pour les inviter à s'ouvrir et à accueillir cette immigration?

Le Président (M. Rioux): Vous avez deux minutes.

M. Beauchemin (Jacques): Bon. Sur ce point-là, je vais vous inviter à écouter nos collègues du Barreau du Québec qui traitent particulièrement du problème des corporations professionnelles et de l'accueil des immigrants face aux contraintes que cela pose que de devenir membre d'une corporation professionnelle. Et je pense qu'ils seront plus compétents que moi pour y répondre, puisqu'ils ont étudié plus profondément cette question-là. Je ne sais pas quel jour ils seront ici.

Le Président (M. Rioux): On aura l'occasion de les entendre un peu plus tard. Alors, je vous remercie, messieurs, de votre présentation. Ça nous a fait plaisir de vous accueillir.

M. Beauchemin (Jacques): C'est nous qui vous remercions.

Le Président (M. Rioux): C'est toujours agréable de rencontrer des gens qui travaillent tous les jours avec les immigrants et ceux qui surtout viennent frapper à notre porte pour demander l'asile. Merci.

Et moi, j'ajourne les travaux à 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 3)

 

(Reprise à 14 h 2)

Le Président (M. Rioux): Il nous fait plaisir maintenant d'accueillir Mme Line Chaloux, qui est directrice générale du Le Coffret. Madame, vous avez 20 minutes pour nous présenter votre point de vue sur le plan triennal d'immigration pour le Québec et, ensuite, les députés, tour à tour, vous poseront des questions. Il y a 20 minutes pour le parti ministériel et 20 minutes pour l'opposition officielle. Alors, madame, on vous écoute.

Le Coffret

Mme Chaloux (Line): Je tiens à vous remercier de nous permettre de nous exprimer. Je voudrais vous dire que nous sommes d'accord avec le plan, dans le sens où nous considérons que le Québec a une capacité d'accueil plus grande que celle qu'on vit présentement. Mais, nous, notre priorité dans ce contexte d'établissement, c'est surtout de voir à ce que la régionalisation de l'immigration puisse être prise en considération s'il y a un taux plus élevé d'immigrants qui s'amènent. Alors, vous m'excuserez un peu si je fais la lecture du document que j'ai présenté, mais c'est pour m'assurer de ne rien oublier.

Alors, dans un premier temps, on voudrait souligner que le rôle et les objectifs des organismes d'accueil et d'établissement veillent à répondre aux besoins des nouveaux arrivants, mais on doit, dans le cadre du financement, orienter nos interventions beaucoup en fonction des politiques et des programmes du ministère et on met, dans l'ensemble de notre concertation, rarement l'accent sur le désir véritable des rêves des nouveaux arrivants, dans le sens que le choix qu'ont fait ces gens-là de venir s'installer chez nous n'est pas toujours un choix qui consistait à s'installer dans une grande ville. Quand je parle de grande ville, je parle de Montréal, pas nécessairement de la capitale du Québec. Alors, pour eux, s'installer dans une grande ville, pour une famille qui rêvait d'être dans un endroit où il y avait de l'espace et de la sérénité, ça provoque souvent chez eux une désillusion puis, dans certains cas, une perte de confiance envers les gens avec qui ils ont à transiger. C'est pourquoi l'aspect social, le respect des demandes des nouveaux arrivants, la compréhension du cheminement parfois difficile qu'ils ont à vivre dans leur processus d'intégration devraient être respectés

quand on parle de régionalisation et de leur choix d'aller vers les régions. Nous, on considérerait que la sensibilisation devrait être faite le plus tôt possible auprès des nouveaux arrivants pour faire en sorte que le choc qu'ils vivent dans leur intégration soit mieux encadré par les organismes qui veillent à répondre à leur besoin d'installation. Si, dès le début, on était capable de sensibiliser ces gens-là aux possibilités qu'ils ont de s'installer en région, le choc de leur entrée en scène serait plus facile à traverser. Cela sous-entend que les régions ou les localités devront être mieux vues comme des lieux de première destination ou de destination directe pour les nouveaux arrivants, ce qui nécessite un effort de promotion des régions à l'étranger dès les premières sessions d'information sur le Québec. Pour être durables et porter fruit, ces efforts devraient être nécessairement arrimés à une politique gouvernementale de développement régional et de promotion des régions à l'intention de tous les Québécois, y incluant les nouveaux arrivants.

Le Québec doit se doter d'une politique gouvernementale de développement humain afin d'orienter l'ensemble des interventions de ses différents ministères vers une vision commune de l'identité québécoise. L'expérience que nous vivons en accueillant des réfugiés sélectionnés à l'étranger, entre autres, nous amène à réfléchir sur de futurs conflits possibles dans une société divisée en deux: une métropole multiethnique et des régions plus que traditionnelles. Il est urgent de se définir une vision du Québec que nous désirons laisser en héritage. Si c'est l'harmonie, la sécurité, la joie de vivre et la fierté qui nous animent, bien, soyons cohérents et agissons en fonction de garantir un avenir propice à l'épanouissement de ces valeurs pour un peuple pacifique comme celui du Québec.

Les nouveaux arrivants participants au projet de régionalisation ne représentent qu'un très faible pourcentage de l'ensemble des nouveaux arrivants. Ainsi, régionaliser l'immigration en ciblant des immigrants qui arrivent à Montréal, qui y vivent depuis quelques mois ou quelques années, nécessite une bonne collaboration entre des organismes d'accueil et d'employabilité des nouveaux arrivants à Montréal et ceux des régions. Les organismes impliqués doivent donc miser sur un partenariat efficace avec leurs vis-à-vis de Montréal. Les investissements en termes de disponibilité, de ressources humaines et de temps sont immenses mais récompensés, puisque, après cinq ans de représentation auprès de nos partenaires montréalais, le flux de nouveaux arrivants issu des efforts de la régionalisation de l'immigration devient plus dense et régulier.

Néanmoins, les constatations qu'on fait dans le document L'immigration au Québec ? Un choix de développement posent, pour nous, un certain problème d'éthique. On cite dans ce document que «tout programme devant inciter les immigrants à s'installer en dehors des grands centres exige du temps, de l'énergie et des ressources. Force est de constater l'efficacité limitée des interventions en régionalisation; les résultats demeureront toujours modestes et ne permettront pas de solutionner le problème démographique de dépeuplement de certaines régions ou de neutraliser la concentration de l'immigration dans les grands centres urbains.»

Pourtant, dans le même document, à la page 17, on stipule que «l'immigration contribue à atténuer les effets de l'étalement urbain: en s'installant en grand nombre dans l'île de Montréal et dans la ville même, les immigrants compensent les départs vers les villes de la périphérie». Donc, l'immigration peut régler les problèmes de l'étalement urbain pour la région de Montréal, mais, selon le document, ne saurait le faire pour les autres régions du Québec. Le plus grand défi demeure celui d'éviter de creuser de trop grands écarts entre les caractéristiques de la métropole et celles des autres régions du Québec.

Le Coffret est un pionnier en matière de régionalisation de l'immigration. Nous avons participé activement à élargir la concertation dans les Laurentides et avons également été précurseurs dans la réalisation d'activités et d'événements qui ont favorisé l'émergence d'une complicité étroite entre les intervenants d'organismes d'accueil et d'employabilité de Montréal et ceux de la région. Parce que nous y croyons depuis toutes ces années, nous nous sommes investis avec acharnement à développer, dans les Laurentides, une perspective positive et concrète de l'apport de l'immigration tout en participant à bonifier la planification de développement stratégique des Laurentides afin d'y inclure le volet immigration dans toute sa diversité. Ainsi, un des principaux défis de la régionalisation de l'immigration est d'aborder la question de l'attraction et de la rétention des immigrants en région avec imagination, créativité et transparence. Puisque, pour réussir l'immigration en région, une harmonisation des différents paliers administratifs et gouvernementaux s'impose, chaque échelon a son importance.

n(14 h 10)n

Dans le contexte actuel de restructuration et de responsabilisation des régions, l'immigration représente des possibilités de renouvellement démographique et économique, mais elle affiche assurément un potentiel de renouvellement socioculturel illimité et très important. À ce titre, il est juste de réclamer que le gouvernement veille à ce que la population immigrante soit équitablement répartie sur son territoire afin d'offrir aux régions les mêmes chances de réussite et de développement que celles dont bénéficie la métropole de façon naturelle. Une meilleure répartition de la diversité ethnique sur le territoire favorisera le développement harmonieux d'une culture commune à tous les Québécois. Ce qui renforcerait le tronc commun de notre société pluraliste, ce qui fonde le véritable attachement des individus à une société dans laquelle ils vivent, ce sont les possibilités que cette société offre à ses membres de s'investir, de se réaliser, d'être reconnus, bref de trouver des raisons de vivre en harmonie les uns avec les autres.

Une orientation claire de répartition et de régionalisation de l'immigration permettrait de mettre en commun des stratégies à court et à long terme. Ainsi, nous pourrions ensemble développer une vision de l'avenir du développement humain au Québec. S'il était possible d'envisager des projets triennaux pour favoriser le suivi, l'enracinement et le développement des circuits d'installation, le Québec serait innovateur et performant en matière de développement social et humain.

Le Président (M. Rioux): Merci, Mme Chaloux. Je cède maintenant la parole à M. le ministre.

M. Perreault: Oui. Bienvenue, Mme Chaloux.

Mme Chaloux (Line): Merci.

M. Perreault: Merci d'avoir fait l'effort de à la fois prendre connaissance des orientations, faire l'analyse et faire vos remarques et suggestions. Le Coffret, ce n'est pas n'importe quel organisme, c'est un partenaire important du ministère, c'est le principal partenaire pour la région des Laurentides. Vous avez une longue expérience.

Un commentaire puis une question. Le commentaire va introduire la question. Évidemment, il y a beaucoup d'organismes qui viennent nous voir aujourd'hui, et on va en entendre encore dans les prochains jours, et qui insistent, avec raison, sur l'importance de mieux répartir l'immigration, de davantage la régionaliser. J'ai indiqué tantôt, je le rappelle ? je pense que c'est important de le rappeler ? le Québec ne fait pas moins que bien d'autres pays en ce domaine. C'est un défi dans tous les pays, puisque l'immigration est souvent et surtout un phénomène de métropole, de grand centre urbain. Donc, ça demande des efforts particuliers; on en fait. On va avoir l'occasion de discuter de qu'est-ce qu'on peut mieux faire, mais je tiens à rappeler cependant que les efforts que nous faisons nous amènent à nous comparer même avantageusement avec certaines régions, par exemple aux États-Unis.

Alors, moi, la question donc que j'allais vous poser. Puisque vous êtes un organisme qui êtes très impliqué en région, vous avez beaucoup d'expérience très concrète sur le terrain ? j'ai eu l'occasion de le vérifier personnellement ? vous avez tenté les expériences de coopération, notamment avec des organismes de Montréal, autour de la question de l'attraction puis de l'accueil des immigrants. Moi, j'aimerais que vous me parliez de façon un peu plus concrète: C'est quoi, les gestes qu'on peut poser, c'est quoi, les actions qu'on doit poser, prenant pour acquis qu'on doit mieux travailler avec les régions, plus en partenariat, plus en concertation? Je pense que ça, c'est présent dans le mémoire. Et les réserves qui sont dans le mémoire sont plus pour nous rappeler à tous qu'il faut quand même être un peu réalistes. On ne pourra pas bouleverser à nous autres... le Québec ne peut pas être... le seul endroit au monde, qui n'est même pas un pays, où il y a des doubles modèles d'intégration qui se confrontent, à réussir ce qu'aucun pays n'a réussi dans le monde. Ça, là-dessus, le mémoire fait juste nous rappeler ça. Pour autant, il ne nie pas l'importance de faire des efforts du point de vue de la régionalisation.

Moi, ce que j'aimerais, à partir de votre expérience, c'est que vous me disiez qu'est-ce qu'on devrait faire de plus, quels sont les gestes qu'on pourrait poser, les actions qu'on pourrait poser, qui développeraient davantage l'immigration en région, à partir d'expériences que vous avez vécues.

Le Président (M. Rioux): Mme Chaloux.

Mme Chaloux (Line): Oui. Ce qu'on peut observer, c'est qu'il faut s'attarder à certaines catégories d'immigrants. Alors, entre autres, il y a les réfugiés sélectionnés qui sont installés directement en région et qui fonctionnent bien. Dans les Laurentides, on a un taux de rétention intéressant.

Dans la catégorie des indépendants, il y a toute la francophonie, si vous voulez. Ceux qui viennent d'Europe, de France, de Belgique, de Suisse, ce sont des gens qui s'intègrent très facilement et qui ne sont pas nécessairement au courant des possibilités d'installation qui sont offertes au Québec. Alors, ces gens-là ont une destination qui est écrite: Montréal. Ils arrivent ici et des fois ça prend trop de temps pour qu'ils puissent avoir accès aux régions: les enfants sont inscrits aux écoles, ils ont signé un bail, et ça devient difficile. La plupart, ce qu'ils nous disent, c'est: Si on l'avait su avant d'arriver au Québec ce qui se passe en région, c'est quoi, les possibilités d'emploi, c'est quoi, les secteurs en pénurie dans les régions. Et, nous, ce qu'on est en train de développer dans notre milieu, bien, c'est ça, c'est de développer un partenariat tellement serré avec le milieu, de bien cibler quels sont les emplois en pénurie, puis de faire en sorte d'orienter les organismes de Montréal qui doivent trouver des emplois aux nouveaux arrivants vers les régions, en fonction des emplois pour lesquels ces gens-là ont été sélectionnés. Puis, ça aussi, c'est aberrant de voir que c'est les emplois en pénurie, c'est ce qui permet d'identifier dans quel secteur on va aller recruter des immigrants. Puis ces gens-là ne se retrouvent pas nécessairement dans les milieux où on a besoin de cette main-d'oeuvre là.

M. Perreault: Vous permettez? Oui?

Le Président (M. Rioux): Oui.

M. Perreault: Pour continuer la conversation, puis j'arrête là-dessus. Juste quelques chiffres, c'est intéressant de voir... Vous savez, de 1991 à 1998, quand on regarde quelle était la destination projetée par les immigrants que nous avons sélectionnés, qu'on a admis, tout près de 80 %, 79,8 % choisissaient Montréal. Dans la réalité, pour la même période, le nombre de gens qui se sont installés à Montréal, c'est moins de 70 %, c'est 68,2 %. Et dans une région comme la vôtre par exemple, à peine 0,6 % projetaient s'installer dans les Laurentides, et, dans les faits, il s'en est installé deux fois plus, 1,2 %. Je le dis parce que, dans le fond, ce que vous venez de dire est important. Probablement que ce qui explique ça, c'est que la compréhension de la réalité du Québec que les gens ont, l'image qu'ils ont est limitée. Évidemment, c'est probablement Montréal qui occupe beaucoup d'espace, de place dans cet imaginaire ou dans cette représentation du Québec. Et vous soulignez donc qu'on peut penser qu'une fois sur place, connaissant mieux les régions, ils diversifient... il faut dire: peut-être un peu aussi à cause de nos efforts et des vôtres. Mais ce que vous dites me semble probablement réel, il y a une piste à explorer là. Au moment de la sélection, il y a encore plus d'information à faire, au moment de l'accueil, dès l'arrivée, pour mieux faire connaître les régions du Québec.

Mme Chaloux (Line): On a déjà des activités où on va rencontrer, entre autres, dans les nouveaux carrefours d'intégration de Montréal, on va commencer aussitôt que l'installation va le permettre, à Montréal, des rencontres avec les nouveaux arrivants pour les sensibiliser aux opportunités des régions. Mais, si ces gens-là pouvaient avoir des séances de sensibilisation avant de s'installer, parce que la plupart viennent visiter le Québec avant de s'installer... si, dans le processus où ils ont à liquider ce qu'ils possèdent avant de partir, il y avait une sensibilisation qui était faite puis que les gens pouvaient concrètement prévoir où s'installer puis déterminer dans quel secteur ils vont faire leur recherche d'emploi ou développer comme travailleur autonome, dépendamment de leur objectif d'intégration, ce serait plus facile pour eux parce qu'ils n'auraient pas une deuxième démarche d'installation à faire.

Vous comprendrez que ces gens-là, quand ils arrivent, ils s'installent à Montréal. Alors, s'ils ont des enfants, ils les installent dans les écoles, ils signent un bail, puis là ils sont pris dans une structure. Puis, après ça, quand ils viennent pour partir de Montréal, bien là il faut qu'ils attendent que le bail finisse, il faut qu'ils attendent que l'école finisse, puis là ça crée comme une deuxième immigration pour eux. Si on pouvait mettre l'accent sur une sensibilisation avant qu'ils arrivent, puis, dans la plupart des cas, surtout les gens d'Europe, ils viennent visiter le Québec avant, alors s'ils étaient sensibilisés, s'ils venaient voir ce qui se passe dans les régions, ils iraient directement s'installer dans les régions, ils ne s'installeraient pas à Montréal.

Le Président (M. Rioux): Merci. Mme la députée de Saint-Henri?Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Bonjour, Mme Chaloux.

Mme Chaloux (Line): Bonjour.

Mme Loiselle: Bienvenue à cette commission. Vous dites que vous êtes les pionniers dans la région des Laurentides au niveau de la régionalisation. Comment ça s'est fait au départ?

Mme Chaloux (Line): Bien, j'étais assise à peu près à la même place. Je pense que c'était la ministre Gagnon-Tremblay...

Mme Loiselle: Ah oui!

Mme Chaloux (Line): ..qui venait de déposer son livre blanc sur l'immigration. Et puis, nous, ce qu'on proposait, c'était que, dans ce programme-là, la régionalisation ne pouvait pas se faire à partir du ministère, dans un bureau à Montréal ou à Québec. Il fallait que ça se passe dans les régions, il fallait qu'il y ait de la concertation qui se vive dans les lieux où on désirait installer des gens pour qu'il y ait un comité d'accueil qui se forme, pour qu'il y ait de la sensibilisation qui soit faite pour adapter les services. Et c'était il y a 10 ans, au début des années quatre-vingt-dix.

Mme Loiselle: Est-ce que vous avez développé dans votre région, parce que ma collègue ce matin disait comment c'était important que l'intégration finalement passait par l'emploi... Dans votre région, est-ce que vous avez développé la dynamique où les entreprises sont sensibilisées à peut-être embaucher de nouveaux arrivants? Est-ce qu'il y a des liens qui se font?

Mme Chaloux (Line): Absolument.

Le Président (M. Rioux): Mme Chaloux.

Mme Chaloux (Line): Absolument. Nous, on travaille en partenariat avec... Excusez-moi, je prends la parole... Nous travaillons en partenariat avec un organisme d'employabilité, le Centre d'intégration en emploi, qui, eux, ont justement cette responsabilité-là de sensibiliser les employeurs. Et, à travers des programmes de stage pour les nouveaux arrivants, il y a un taux de placement de 95 %. Les gens qui se retrouvent en stage sont gardés à l'emploi dans les entreprises où ils vivent leur stage. Alors, ça se vit très bien. La plupart des gens trouvent facilement des emplois dans leur branche ou, si ce n'est pas directement dans leur branche, c'est dans un secteur connexe où ils ont pu transférer leurs habiletés.

Mme Loiselle: Au niveau de la collectivité, est-ce que le lien se fait bien quand les nouveaux arrivants arrivent? Est-ce que les organismes sociaux vont les chercher pour qu'ils participent à toute la dynamique, la vitalité sociale de votre région? Ça, ça a été créé?

n(14 h 20)n

Mme Chaloux (Line): Absolument. Nous, notre mandat, c'est justement de développer chez le nouvel arrivant non pas une dépendance envers nous, mais une ouverture vers les services de notre communauté pour que, le plus rapidement possible, il puisse participer, au même titre que les autres citoyens, aux activités du milieu puis prendre les services tels qu'ils sont offerts pour l'ensemble des citoyens.

Puis, au niveau des écoles, entre autres, nous, on se retrouve avec des écoles où il n'y a pas 99 % d'immigrants, c'est 99,9 % de Québécois pure laine. Alors, quand on vient installer des nouveaux arrivants, les gens, ils sont très heureux; les professeurs, ils sont très heureux de recevoir des jeunes d'ailleurs qui viennent comme concrétiser la géographie, l'histoire et l'ensemble des matières qu'ils abordent. Alors, c'est un plus au niveau culturel très important.

Mme Loiselle: Ce matin, le Conseil des relations interculturelles suggérait la décentralisation, mais une décentralisation aussi des décisions et des budgets. Êtes-vous en accord?

Mme Chaloux (Line): Absolument. On a vécu ça, je dirais, il y a trois, quatre ans, où on sentait qu'il y avait une volonté de décentraliser puis de laisser de l'autonomie aux régions, et on avait formé un comité à partir du CRD des Laurentides qui voyait à la concertation. Mais c'est devenu un peu un comité qui ne se rencontre presque plus parce qu'il n'y a pas de fonds disponibles qu'ils peuvent gérer, tout a été décentralisé par après.

Mme Loiselle: Merci.

Le Président (M. Rioux): Bien. Alors, M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Merci, M. le Président. J'ai écouté votre présentation avec beaucoup d'intérêt, madame. Vous présentez là un point de vue de personnes qui sont très impliquées, je pense, dans l'accueil des immigrants, et je pense que, dans les régions, les groupes communautaires impliqués dans l'accueil aux immigrants présentent un avantage comparatif par la capacité de les recevoir à toute heure du jour ou de la nuit, à tous les jours de la semaine, et d'être toujours, dans une certaine mesure, présents pour leur rendre service, pour leur permettre de s'insérer dans le milieu et connaître les différentes ressources du milieu.

Par contre, ces groupes communautaires là me semblent aussi présenter une certaine fragilité parce que, d'abord, souvent à cause d'un financement limité, une partie de leur personnel est constamment en mouvement, constamment changeant, il y a de la précarité d'emploi, ce qui crée une fragilité par rapport à la mission même d'intégrer des immigrants et par rapport à la mission du ministère d'avoir un plan sur un certain nombre d'années, et tout ça. Alors, ma question irait dans le sens suivant... C'est sûr que plus d'argent, ça pourrait peut-être aider la stabilité, mais je ne suis pas sûr que ce soit une solution parfaite, parce que, même si je vous posais la question: Avez-vous besoin de plus d'argent? vous me répondriez probablement oui.

Mme Chaloux (Line): On en ferait plus.

M. Dion: Mais la question, je veux la prendre sous un autre angle, c'est-à-dire: Est-ce qu'il n'y a pas nécessairement une relation à développer entre les groupes communautaires et les autorités locales ? je pense municipalités, MRC, CLD, CLE ? dans le cadre de l'accueil aux immigrants pour assurer à cet accueil aux immigrants une gamme de services plus complets et une plus grande permanence dans le temps?

Le Président (M. Rioux): Alors, vous comprenez ce que ça veut dire, ce jargon: CLD, CLE, CJE...

Mme Chaloux (Line): Oui, absolument.

Le Président (M. Rioux): ...et tout?

Mme Chaloux (Line): Oui, oui.

Le Président (M. Rioux): Vous savez de quoi on parle?

Mme Chaloux (Line): Oui, absolument.

Le Président (M. Rioux): Très bien. Allez, madame.

Mme Chaloux (Line): Merci. Bien, je peux vous dire que c'est sûr que, si on avait plus d'argent, on en ferait plus, mais, pour nous, le secret, c'est dans la diversité, alors nous avons une multitude de services que nous offrons. Et nous avons, avec le temps, développé un montage financier qui fait qu'en faisant plusieurs activités puis en allant chercher des partenaires diversifiés, bien, on arrive à boucler en fin d'année notre budget.

Dans la concertation, il est évident qu'on doit tenir au courant l'ensemble des élus municipaux. Nous, à chaque fois qu'on reçoit des groupes, on tient à informer les élus, parce qu'il faut qu'ils soient au courant de ce qui se passe, des gens qu'on accueille, et on les fait participer à cette concertation-là afin de toujours tâter le pouls, à savoir qu'est-ce qu'ils pensent de ça, comment ils voient ça. Puis on a participé aussi, au niveau stratégique, aux plans régionaux du CRD afin de faire en sorte de sensibiliser l'ensemble des acteurs régionaux à l'impact et à l'apport de l'immigration dans le développement des Laurentides.

M. Dion: J'aimerais, si c'est possible, M. le Président...

Le Président (M. Rioux): Vous voulez ajouter une question additionnelle?

M. Dion: Oui, une sous-question, dans le même sens. Est-ce que vous ne croyez pas qu'il serait important, avec vous, que les municipalités locales... je pense en particulier au CLE et au CLD qui sont au coeur de la dynamique locale de l'emploi, soient mis à contribution d'une façon systématique pour l'établissement des besoins par rapport à la main-d'oeuvre spécialisée face à l'immigration potentielle?

Le Président (M. Rioux): Madame, vous avez la parole.

Mme Chaloux (Line): Les CLD, par leurs activités, ils nous aident, ils sont déjà un de nos partenaires pour nous aider à identifier les métiers en pénurie puis les entreprises qui ont des besoins de main-d'oeuvre auxquels elles ne peuvent répondre dans la population locale.

Au niveau des CLE, bien, ce sont aussi des partenaires très importants parce que ce sont eux qui font en sorte que les participants à nos activités d'intégration peuvent avoir 30 $ de plus par semaine ou, quand ils vont au COFI, ils reçoivent une allocation supplémentaire et qu'ils ont un suivi particulier. Nous, on estime qu'à Saint-Jérôme, entre autres, l'ensemble des intervenants du CLE ont développé une ouverture face à notre clientèle, puis nous en sommes très satisfaits.

Dans les autres partenaires, que ce soit la commission scolaire ou les carrefours jeunesse-emploi, on développe des projets en partenariat, puis ça répond un peu à la question que vous m'aviez posée tantôt, le milieu participe à différents niveaux. La ville va nous laisser une salle dans le vieux palais pour pouvoir donner des conférences hebdomadairement, pour sensibiliser la population immigrante et sensibiliser la population à l'immigration. La commission scolaire va nous offrir des heures de francisation en jumelant un programme d'intégration avec le carrefour jeunesse-emploi. Alors, c'est des arrimages qu'on fait qui nous permettent de monter des programmes que le ministère n'a pas à financer. Alors, c'est vraiment le milieu qui développe des arrimages pour offrir des services en région, pour permettre à ces gens-là de demeurer en région. Puis je pense que le succès de la rétention, c'est justement le montage de projets de ce type-là qui font qu'il y a de plus en plus d'intervenants qui sont sensibilisés.

Le Président (M. Rioux): Très bien. Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Merci, Mme Chaloux. C'est toujours intéressant de vous entendre dans ce genre de forum...

Mme Chaloux (Line): Merci.

Mme Houda-Pepin: ...vous êtes devenue une habituée. Je vous félicite pour le travail que vous faites et les efforts pour la régionalisation de l'immigration. Bien que vous soyez un peu dans la couronne nord, alors vous bénéficiez un peu du rayonnement extraterritorial de Montréal.

Je voulais donc revenir sur certains commentaires que j'ai entendus par rapport à la concentration de l'immigration à Montréal versus les régions. Vous avez donc soulevé ça aussi en parlant des coupures entre une métropole cosmopolitaine et des régions monolithiques. En fait, Montréal, historiquement, a été la porte d'entrée de l'immigration pour le Québec et pour tout le Canada. Donc, elle a une longueur d'avance sur les régions. Je pense qu'il ne faut pas chercher à se battre contre Montréal, il faut peut-être développer des stratégies novatrices pour attirer l'immigration en région. Et je crois que l'élément déterminant dans la régionalisation de l'immigration, c'est l'emploi, parce que c'est par l'emploi qu'on va arriver à intéresser les gens, à les attirer puis à les fixer en région. Et je dis toujours, moi, que, si, un immigrant a eu suffisamment de courage pour traverser l'Atlantique, ça ne lui prendra pas beaucoup de courage pour aller en Abitibi, ou en Gaspésie, ou à Québec, et encore moins aux Laurentides, pourvu qu'il y ait un emploi. Parce que souvent, quand on parle de l'immigration, on parle des attentes de la société d'accueil vis-à-vis des nouveaux arrivants, puis on parle rarement des attentes des immigrants vis-à-vis de leur nouvelle société d'accueil. Et les gens qui viennent ici, ils viennent avec l'intention ferme de s'intégrer, et s'intégrer, ça veut dire travailler. Les gens ne veulent pas venir ici pour vivre sur le bien-être social, aux crochets de la société. Ils veulent réussir leur vie et ils veulent réussir aussi la vie de leurs enfants. Ils sont prêts à faire des sacrifices personnels pour justement atteindre cet objectif-là. Et donc, c'est par le travail qu'on va attirer les immigrants et qu'on va les amener en région.

n(14 h 30)n

Or, comment est-ce qu'on peut attirer les immigrants sachant que c'est ça, la condition du succès? Quand les jeunes des régions quittent leur région pour aller à Montréal parce qu'il n'y a pas justement suffisamment d'emplois, parce que la métropole continue à exercer cette attraction pour attirer les jeunes des régions, donc on a besoin véritablement d'une politique de développement économique régional qui va faire en sorte que les immigrants, lorsqu'ils vont arriver au Québec, ils vont choisir comme destination les régions parce qu'il y a de l'avenir pour eux puis il y a de l'avenir pour leur famille. Et cette politique-là, elle se fait attendre.

On peut toujours faire du sophisme en parlant de la régionalisation. Moi, j'entends parler de ça depuis des années, et on attend toujours les résultats, quoique je reconnais les petits succès, il ne faut pas les nier, les petits succès qui ont été réalisés, et vous êtes un exemple de ces succès-là. Mais il va falloir à un moment donné qu'on prenne le taureau par les cornes puis qu'on appelle les choses par leur nom et qu'on dise que, si on veut régionaliser l'immigration, il faut qu'il y ait des emplois pour les nouveaux arrivants en région parce qu'ils ne sont pas intéressés à aller vivre sur le bien-être social dans les régions du Québec.

Alors, il y a ce contexte économique à Montréal, dans la grande région de Montréal, qui fait que les gens viennent là, pas parce qu'ils ont un préjugé favorable nécessairement, quoique les gens sont attirés par la métropolisation, mais c'est surtout le caractère économique qui fait qu'on réussit l'intégration ou qu'on passe à côté de ça. Alors, je voulais vous entendre là-dessus.

Le Président (M. Rioux): Mme la députée, vous voulez que madame commente votre commentaire.

Mme Houda-Pepin: Non, je voulais savoir comment elle réagit sur la politique de développement économique régional.

Le Président (M. Rioux): Très bien, madame.

Mme Chaloux (Line): Je pourrais vous dire que, entre autres... Vous avez sûrement entendu parler des vagues de forums de l'emploi, des foires de l'emploi, et tout ça.

Mme Houda-Pepin: Oui.

Mme Chaloux (Line): Alors, dans notre région, il y a eu une foire de l'emploi dans la MRC Rivière-du-Nord où est situé Saint-Jérôme. Il y a 500 emplois qui n'ont pas pu être comblés par la population locale parce que c'étaient des emplois trop spécialisés et justement spécialisés dans les domaines où les immigrants sont sélectionnés. Alors, ça fait partie des emplois en pénurie puis c'est une réalité que vivent l'ensemble des MRC de notre région à chaque fois qu'elles font une activité de cet ordre-là. La population locale ne peut pas occuper... Les jeunes qui partent pour Montréal, ce sont des jeunes qui sont très peu scolarisés, qui ne sont pas spécialisés et qui ne peuvent pas occuper ces postes-là.

Quand on parle d'apport au développement régional, c'est que, si on va chercher les immigrants qui ont cette expertise-là, qui participent au développement des entreprises et qui vont permettre de développer des marchés, ils vont pouvoir à court terme employer des jeunes qui ne sont pas nécessairement scolarisés dans des emplois plus techniques ou de manoeuvre. Alors, moi, je considère l'apport du nouvel arrivant comme très recevable pour les régions dans leurs préoccupations d'emplois, mais plus encore pour les régions dans notre besoin de développement, notre besoin de main-d'oeuvre.

Puis, si on regarde juste notre région, avec le développement en aéronautique présentement, on manque de main-d'oeuvre. Il y a un manque de près de 500 personnes qui se vit encore, juste dans ce secteur-là, et c'est une branche où il y a des gens qui sont sélectionnés. Alors, comment faire l'arrimage entre les besoins régionaux puis la façon dont on sélectionne les gens à l'étranger pour leurs spécificités? Mais ça, si on les laisse à Montréal puis qu'ils se trouvent une job comme plongeur ou n'importe quoi, on a manqué le bateau, là.

Le Président (M. Rioux): Moi, je viens d'une région où l'intérêt pour la régionalisation de l'immigration a fait l'objet d'une analyse. Dans le Bas-Saint-Laurent et en Gaspésie, on désire attirer des immigrants. Mais j'ai pensé pour un instant que les immigrants investisseurs allaient peut-être régler une partie de notre problème. Je me souviens, ça a été lancé, ce programme-là, par Mme Robic alors qu'elle était ministre, je crois, de l'Immigration, à l'époque. Moi, j'étais journaliste puis j'avais appuyé ça de toutes mes forces parce que je me suis dit: Tiens, voilà peut-être un élément qui va nous aider à régler un certain nombre de problèmes. Mais ce qu'on a compris, c'est que l'immigrant investisseur, c'est un immigrant. Alors, pour attirer dans sa boîte des travailleurs immigrants, ils s'installaient dans la région de Montréal parce qu'il n'y en avait pas, de travailleurs immigrants en région.

Alors, ce cercle-là, on n'a pas réussi à le briser. La députée de La Pinière évoque souvent la question de l'emploi, je pense qu'elle a raison, mais la concertation dont on a parlé beaucoup cet avant-midi, à travers les organismes régionaux comme les CRCD, etc., c'est peut-être une piste, mais il me semble qu'il manque quelque chose. Je ne sais pas si vous, dans votre expérience pratique, parce que vous avez la chance d'oeuvrer sur le terrain... Qu'est-ce qu'on pourrait ajouter pour faire en sorte que, d'abord, le nombre d'immigrants investisseurs soit plus considérable et que, deuxièmement, on les achemine, ou on les incite, ou on les invite, ou on essaie de les attirer par des mesures qu'on n'a pas trouvées à ce jour, mais qu'on essaie de les amener en région?

Mme Chaloux (Line): Bien, si vous permettez, j'aurais un exemple. Il y a quelques années, je ne me souviens plus, il y a un investisseur chinois qui a ouvert dans les Basses-Laurentides une entreprise où il transformait de la pyrite ? techniquement, les mots m'échappent là ? une matière première, pour la vendre aux agriculteurs afin d'en faire une matière pour partir les semis. Puis, en tant que partenaire du milieu en immigration, on m'avait invitée à l'ouverture de cette entreprise-là et c'était très impressionnant. L'usine, c'était une énorme machine à pop-corn où ils mettaient la matière première puis, au bout, elle sortait éclatée. Puis ils mettaient ça dans des sacs puis ils vendaient ça. Puis là, avant que l'entreprise ouvre, ils avaient déjà vendu, pour les trois prochaines années, tout leur stock. Il fallait déjà qu'ils doublent la superficie. Alors, on était très impressionné de voir ça. Puis là on lui demande: Mais d'où vient la matière première? Il la faisait venir de Chine quand, en Gaspésie, il y a une mine qui est fermée et qu'ils en ont.

Alors moi, je pense que l'arrimage qui doit se faire, c'est avec l'ensemble des ministères des régions pour connaître c'est quoi, les ressources naturelles qu'on a au Québec qui sont endormies. Et on lit dans les journaux: Telle mine qui ferme, telle mine qui ferme, puis en même temps, il y a de l'importation qui se fait de matière première qui va à l'encontre du développement de notre pays.

Que les investisseurs viennent, oui, mais qu'ils prennent la matière première qu'on a ici. Ça développerait justement la Gaspésie, de réouvrir une mine puis faire en sorte qu'il y ait de la transformation qui se fasse sur place pour ouvrir des marchés que des investisseurs étrangers peuvent développer. Moi, je pense qu'il y a un arrimage à faire sur la connaissance de nos ressources premières et des besoins en développement de chacune des régions.

Le Président (M. Rioux): Donc, il faudrait être présent, comme on l'a fait pour les immigrants ordinaires. Que ce soit un immigrant investisseur ou un candidat à l'immigration, quel qu'il soit, il faudrait lui donner de l'information sur ce qu'il y a de potentiellement intéressant dans certaines régions du Québec pour lui et compte tenu de ce qu'il veut investir.

Mme Chaloux (Line): Mais je crois qu'il faudrait aussi faire une lecture de notre potentiel ici, au Québec. C'est quoi, notre potentiel, au niveau de nos ressources naturelles qui ne sont pas exploitées? Puis, quand il y a un immigrant qui vient ici puis qu'il veut développer quelque chose, bien, qu'on ait des projets à lui proposer. On en a, de la matière première. Il y en aurait, de quoi à exploiter, là, s'il y avait un arrimage qui était fait dans ce sens.

Le Président (M. Rioux): On a un problème, c'est qu'il y a des matières premières qu'on exploite trop, puis il y en a qu'on n'exploite pas assez.

M. Chaloux (Line): Ha, ha, ha!

Le Président (M. Rioux): Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Très brièvement, M. le Président, sur ce que vous avez dit par rapport à votre région, je voudrais tout de même apporter une petite nuance. La première, c'est que ce n'est pas tous les immigrants investisseurs qui emploient uniquement des gens originaires de leur propre communauté. C'est vrai, dans certains milieux et dans certaines professions, notamment la restauration et autres où ça fait appel à certaines spécifications, il y a beaucoup d'immigrants investisseurs qui créent des emplois pour tous les Québécois.

Deuxièmement, il n'y a peut-être pas beaucoup d'immigrants investisseurs qui sont allés s'installer dans votre région, mais il y a beaucoup de capital issu des investisseurs qui est dans des petites et moyennes entreprises de votre région et qui passe par les institutions financières justement qui colligent cet argent-là et qui le distribuent à la grandeur du Québec et dans les régions. Je voulais quand même vous rassurer de ces deux côtés.

Le Président (M. Rioux): Il reste trois minutes du côté gouvernemental. Du côté de l'opposition, il y a M. le député d'Outremont. Il n'y a personne qui a levé la main du côté... Ah, M. le député de Frontenac.

M. Boulianne: Merci. Bienvenue, Mme Chaloux. Vous savez qu'actuellement un des problèmes de la réforme municipale, c'est l'étalement urbain. Vous en parlez dans votre dossier. Vous dites qu'à Montréal ce n'est pas un problème, l'immigration peut le régler. Mais de quelle façon vous pouvez concilier la régionalisation de l'immigration et l'étalement urbain dans les régions?

Mme Chaloux (Line): Bien, nous, l'étalement urbain se vit surtout dans le développement de zones résidentielles, et puis c'est vraiment un cercle qui fait qu'au niveau du développement économique les nouveaux arrivants qui arrivent prennent pour la plupart des appartements et puis éventuellement vont s'acheter une maison à moyen terme, pas nécessairement à court terme. Alors, ça participe au développement économique puis c'est ce qui permet de faire vivre d'une certaine façon l'étape où ils s'en vont dans un appartement, après ça, où ils s'en vont dans une maison et où ils participent au développement de notre communauté.

On regarde Mirabel qui s'est développée au niveau résidentiel d'une façon phénoménale. Ce n'est pas dans le cadre de l'immigration, là, c'est vraiment dans le cadre de l'étalement des Québécois de souche, mais le phénomène est le même, là. S'il y a des immigrants qui viennent s'installer, ils vont suivre le même procédé. Ils ne passeront pas... Rares sont ceux qui arrivent et qui s'achètent immédiatement une maison. Ils vont venir s'installer ici, ils vont habiter un quartier où c'est des logements, ils vont vivre dans la communauté et, après ça, ils vont participer à l'élargissement de la communauté pour aller en périphérie du centre-ville, si vous voulez, en s'achetant une maison.

n(14 h 40)n

Nous, la clientèle avec laquelle on travaille beaucoup, ce sont les réfugiés sélectionnés à l'étranger, qui sont tous installés dans des appartements et qui n'ont pas d'auto quand ils arrivent, comparativement aux indépendants ou aux investisseurs.

Mais là on a un programme, qui commence la semaine prochaine d'ailleurs, où ? on se croise les doigts, là ? avec les banques et avec des partenaires au niveau des agences qui vendent des maisons, on veut comme identifier des petites fermes, des petites maisons très peu dispendieuses. En région, des fois, pour 30 000 $, vous pouvez vous retrouver avec une maison puis un grand terrain.

Alors on voudrait comme installer... Parce qu'on a vécu, entre autres avec la communauté kosovar, des difficultés d'adaptation. Ils ne sont pas capables de vivre dans des appartements. Ils ont toujours vécu sur des terres, ils avaient une montagne à eux, là. Puis là ils se retrouvent, ils ont un quatre et demi avec un voisin en haut puis en bas, alors c'est invivable. Alors, on veut développer un lien avec le milieu pour que les banques, la caisse populaire du milieu puissent identifier quelles sont les maisons qu'ils ont dû récupérer et qu'ils pourraient vendre à des prix intéressants aux nouveaux arrivants pour faire en sorte qu'il y ait justement une certaine forme d'intégration, pas juste comme locataires, mais pour devenir propriétaires puis s'enraciner dans le milieu.

Le Président (M. Rioux): Alors...

M. Boulianne: Une précision, M. le Président.

Le Président (M. Rioux): C'est terminé, mais enfin, si c'est court.

M. Boulianne: Quand vous définissez des régions, comme disait ma collègue la députée de La Pinière, ce n'est pas juste autour de Montréal, les régions: l'Abitibi, la Côte-Nord, tout ça. Est-ce que c'est comme ça que vous voyez ça?

Mme Chaloux (Line): Pour moi, la région, c'est les Laurentides. C'est sûr que c'est à l'extérieur de Montréal, puis je dirais que c'est même un peu le sud des Laurentides. C'est un milieu où l'intégration se fait instantanément, puis ce sont surtout des investisseurs qui vont aller s'installer là. Tandis que, plus on monte vers le nord, bien là, à ce moment-là, ce sont des indépendants qui vont venir s'installer, qui vont chercher de l'ouvrage et qui vont participer au développement économique par leur main-d'oeuvre, mais non pas par leurs investissements.

M. Boulianne: Merci. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Rioux): Alors, Mme Chaloux, on va souhaiter longue vie au Coffret.

Mme Chaloux (Line): Merci.

Le Président (M. Rioux): M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Bon. Allez-vous-en pas, M. le ministre, j'ai une question à vous poser.

Le Président (M. Rioux): Non, non, ce n'est pas terminé non plus. Mais je ne voulais pas oublier... Parce que je suis jaloux un peu, parce que je me suis dit: Un Coffret en Gaspésie, ça ne serait peut-être pas bête. Je vais vous appeler. M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Je ne sais pas si ma question s'adresse à Mme Chaloux ou au ministre, mais, en tout cas, je vais réfléchir tout haut, on verra. C'est intéressant, c'est très intéressant, ce que vous dites, ce que vous avez dit tantôt sur les emplois inoccupés, les 500 emplois inoccupés, surtout dans votre région où effectivement, avec la décision de Bombardier, là, il y a un développement de l'aéronautique qui est important, là.

Mais moi, j'entends les mêmes échos, je passe pas mal de mon temps, l'été, dans le Bas-Saint-Laurent, puis je rencontre des gens de Laporte, puis des gens d'un peu partout, puis des hommes d'affaire, puis c'est la même chose qu'ils me disent. Il y a des emplois qui sont inoccupés dans leurs régions, et ils souhaiteraient que l'immigration soit un levier pour combler ces emplois-là.

Donc, la question que je pose, c'est... Il y a des remarques qui ont été faites, ce matin, par le Conseil des relations interculturelles qui rejoignent ça, c'est-à-dire qu'il semble y avoir un problème de connexion. Je pense qu'on pourrait peut-être dire que l'emploi, les conditions de logement dont vous venez de parler, ce sont les conditions nécessaires pour qu'une régionalisation réussisse, mais ce n'est pas une condition suffisante.

Je pense que l'un des problèmes, c'est ? et c'est là que ma question s'adresse à vous, puis peut-être au ministre: Y a-tu un effort qui a été fait dans ce ministère-là pour modifier le modèle de gestion de la sélection? C'est-à-dire que, plutôt que de la faire toujours du haut en bas, pourquoi est-ce que vous ne la faites pas du bas en haut, du «top-down», plutôt que du «bottom-up», là?

Ce que les gens que j'ai rencontrés me disent dans les régions, c'est qu'ils voudraient participer, eux, à faire connaître leurs besoins. Madame parle d'un arrimage entre les besoins régionaux et la sélection. Mais pour que cet arrimage se fasse, il faut décentraliser, soit la structure de décision ou soit l'information qui circule. Avez-vous l'impression que le ministère vous rejoint, que vous avez un canal de communication direct avec le ministère, pour faire passer cette demande de 500 emplois, ou si les décisions sont prises en haut puis, vous, vous êtes plutôt les laissés-pour-compte dans ce jeu-là?

Le Président (M. Rioux): Mme Chaloux.

Mme Chaloux (Line): Oui. Bien, je voudrais répondre, dans un premier temps, que c'est sûr que les besoins régionaux et, je dirais, les besoins nationaux, sont très bien pris en compte par le ministère dans sa sélection. Où l'arrimage est difficile à faire, c'est une fois que les personnes sont sélectionnées puis qu'elles arrivent ici puis qu'elles se retrouvent à Montréal. Alors, c'est là. Comment on fait pour aller les chercher, ces personnes-là, puis leur dire: O.K. Vous, vous répondez à la case A-5 dans la région de l'Abitibi; vous, vous répondez à telle... C'est sûr que les documents avec lesquels travaillent les individus qui font la sélection à l'étranger, c'est une réalité concrète, l'arrimage se fait. C'est une fois que l'immigrant arrive ici: là, comment on va lui donner l'information? comment on va le référer au milieu où on a besoin de sa spécificité? C'est là que le travail de la régionalisation devrait se développer.

M. Laporte: Si, moi, j'étais un immigrant ? je ne sais pas trop où, là, en Chine ou ailleurs, là, peut-être en Afrique du Nord, là ? que j'étais un cordonnier, disons... Puis c'est clair que des cordonniers au Québec, c'est rare de rencontrer des choses comme ça. Il y en a peut-être dans ma région d'adoption. À La Pocatière, ils ont besoin de spécialistes en agroalimentaire, c'est clair, quoi. Si on le dit au ministère: Écoutez, nous autres, dans notre région, on a besoin de quatre personnes en agroalimentaire, quand ils vont les sélectionner, ils vont leur dire: Vous vous en allez à La Pocatière, vous ne vous en allez pas à Montréal, non? Il n'y a pas moyen de faire un arrimage de ce genre-là de sorte qu'on sorte de ces cercles vicieux de la sélection dont on parle depuis que j'ai un certain intérêt pour l'immigration?

Le Président (M. Rioux): M. le député d'Outremont, posez-vous la question à Mme Chaloux ou au ministre?

M. Laporte: Bien j'aimerais mieux la poser au ministre.

Le Président (M. Rioux): Bon, bien, il va prendre de votre temps parce que, lui, il n'en a plus.

M. Laporte: Ah, bien, je suis prêt à lui donner mon temps, moi.

Le Président (M. Rioux): Très bien. M. le ministre.

M. Perreault: Bien, deux, trois réponses rapides. Il n'y a pas un pays au monde qui a une politique d'immigration qui est capable de faire une sélection d'immigrants directement reliée à un emploi dans tous et chacun des cas. C'est impensable. Il y a donc des analyses de marchés, il y a des recherches dans les bassins de recrutement des candidats potentiels. C'est vrai, ce que Mme Chaloux soulève, qu'une fois ça fait, lorsque ces gens arrivent et s'installent, si on ne fait pas le lien rapidement en termes d'information, ils s'installent et là c'est difficile.

Deuxième remarque. Il faut rappeler que, n'étant pas encore un pays souverain, c'est un processus à deux gouvernements avec des délais qui ne sont pas en dedans du huit mois comme ceux qu'on souhaiterait, mais qui peuvent prendre parfois jusqu'à 12, 14 et 16 mois. Alors, lorsqu'une entreprise a un besoin de travailleurs qui sont bien spécifiques, si ça prend 14 mois pour pouvoir aboutir à la fin du processus, c'est trop long.

Règle générale, dans le cas des travailleurs très ciblés, on a un processus différent qui est autour d'un processus d'immigration temporaire. On a pris un certain nombre de mesures avec Montréal international, et tout ça, et on pourrait en prendre avec les régions. Il y a des pistes à explorer là-dessus.

Troisième information ? puis j'arrête là-dessus. Prenant notre mal en patience ? un jour les choses changeront peut-être ? on essaie de voir comment on pourrait utiliser les délais qui existent présentement au moment où quelqu'un a posé sa candidature, a été accepté puis qu'on attend que les délais se terminent pour mieux informer les gens, donc qui sont dans un processus d'immigration, qui n'ont pas encore l'accord final, du potentiel qu'offrent les régions du Québec et le marché d'emplois du Québec. Mais il reste qu'il faut être réaliste, là. Il n'y a pas un pays au monde qui sélectionne ça à la tête de pipe, je veux dire, c'est impensable. Donc, on a une approche plus générale. Mais on peut mieux cibler et mieux travailler avec les régions là-dessus qu'on l'a fait jusqu'à maintenant, j'en suis convaincu.

Le Président (M. Rioux): Très bien. Mme Chaloux, avez-vous un dernier commentaire avant qu'on se quitte?

Mme Chaloux (Line): Oui, bien, je pourrais dire que, dans ce même ordre d'idées là, pour les régions, il pourrait être intéressant de développer un modèle de concertation qui permettrait de faire cet arrimage-là aussi. On a la Table des partenaires en employabilité qui découle du ministère de l'Emploi du Québec. Et puis je ne sais pas si ça peut être par l'accord ou par un autre milieu, mais on pourrait développer un système, un circuit de communication qui permettrait cet arrimage-là.

Le Président (M. Rioux): Il y a tellement d'organismes qui s'occupent de développement au Québec, s'ils se concertaient un peu, on pourrait penser à attirer chez nous des immigrants dans notre région, soit investisseurs ou autres.

n(14 h 50)n

M. Perreault: On revient à ces méthodes, M. le Président.

Le Président (M. Rioux): La vérité est lente, elle la connaît. Alors, madame, je vous remercie beaucoup. Et j'invite maintenant le Centre multiethnique de Québec.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Rioux): Le Centre multiethnique est bien en place? Alors, Mme Françoise Lacroix, qui est la présidente, vous allez nous présenter vos collègues.

Centre multiethnique
de Québec inc. (CMQ)

Mme Lacroix (Françoise): Oui, avec plaisir, M. le ministre. Alors, je vous présente Mme Sylvie Dompierre, directrice du Centre multiethnique de Québec et non du Québec, et M. José Luis Lopez, intervenant social au Centre.

Le Président (M. Rioux): Bien. Alors, qui présente le mémoire?

Mme Lacroix (Françoise): Mme la directrice.

Le Président (M. Rioux): Très bien. Alors, vous avez 20 minutes pour exposer votre point de vue et nous présenter votre document.

Mme Dompierre (Sylvie): Merci.

Le Président (M. Rioux): Mme Lacroix?

Mme Dompierre (Sylvie): Mme Dompierre.

Le Président (M. Rioux): Ah, c'est Mme Dompierre qui présente.

Mme Dompierre (Sylvie): C'est ça.

Le Président (M. Rioux): On vous écoute.

Mme Dompierre (Sylvie): Je vais d'abord présenter brièvement le Centre multiethnique pour savoir d'où provient notre expertise, notre opinion. On est un organisme qui existe dans la région de Québec depuis maintenant 40 ans, 40 ans cette année.

Ça a été fondé par des bénévoles à l'origine qui avaient comme préoccupation de favoriser l'intégration des réfugiés à la population de la région de Québec. C'est le mandat que nous avons toujours, bien qu'il soit élargi parce qu'on a ouvert à d'autres catégories d'immigration. Donc, on accueille aussi les immigrants indépendants et on offre un support également aux gens parrainés, des gens de la famille, et tout ça. Et aussi on offre des services aux revendicateurs lorsqu'il y en a qui se présentent chez nous.

Il y a différents projets qui sont venus se greffer à notre mission d'origine pour faire en sorte de toujours nous adapter aux besoins des nouveaux arrivants parce qu'on a une préoccupation de les écouter et de savoir quels sont leurs besoins, qu'est-ce qu'ils veulent et comment on peut mieux répondre à leurs besoins.

Donc, nous avons lu avec beaucoup d'intérêt les documents présentés par la commission. Comme la plupart des personnes, on est d'accord avec un accroissement de l'immigration. Mais, dans ce document-là, ce qu'on voudrait apporter aujourd'hui, c'est notre expérience concrète et c'est notre opinion par rapport aux services offerts directement aux personnes immigrantes à leur arrivée et dans les années qui suivent leur arrivée.

Donc, on veut apporter une dimension ? comment je dirais? ? humaine, une dimension de comment ça se vit sur le terrain. Donc, on ne parlera pas beaucoup de chiffres, mais on va parler de notre expérience: concrètement, quand un réfugié arrive, une famille réfugiée arrive, de quoi elle a besoin; quand une famille d'indépendants arrive, qu'elle soit francophone ou pas, de quoi elles ont besoin. Et c'est dans ce sens-là qu'on ne se retrouve pas beaucoup dans le document parce qu'on parle beaucoup de ministères, d'institutions du réseau, mais on parle très peu des organismes communautaires.

Donc, à partir de notre expérience, ce qu'on veut dire brièvement, en relation avec la capacité de l'accueil de la capitale nationale, c'est qu'avec nos années d'accueil des nouveaux arrivants on a vu se mettre en place une infrastructure efficace pour accueillir les gens et pas seulement les réfugiés, mais aussi les indépendants.

Au début, il y a quelques années, quand je suis arrivée au Centre multiethnique, très peu de gens du réseau, du milieu scolaire, des autres ministères étaient sensibilisés à l'accessibilité de leurs services par les nouveaux arrivants. Mais on a vu un développement en ce sens-là au cours des dernières années.

L'expérience de l'an dernier où on a accueilli au-delà de 350 réfugiés kosovars dans la région de Québec a bien démontré que les gens du réseau de la santé, du réseau de toute l'aide sociale, du réseau scolaire aussi pouvaient apporter quelque chose en autant qu'ils acceptaient d'ouvrir leurs services et d'avoir un intérêt pour l'immigration. On a vu beaucoup de professionnels venir assister à des formations pour justement mieux comprendre la réalité des immigrants et adapter leurs services en conséquence.

Ce qu'on remarque aussi, c'est qu'en région ? et là, ça me fait mal au coeur, mais en tout cas, Québec est considéré comme une région, alors que c'est la capitale; mais, à toutes les fois qu'on se rencontre au niveau national, entre les organismes ou autres, on est toujours considéré comme une région; bon, on va vivre avec pour aujourd'hui ? on a beaucoup d'expertise, et cette expertise-là n'est pas toujours valorisée. On parle toujours de Montréal comme le lieu de l'expertise en matière d'accueil, de soutien et de services aux immigrants. On en parle un peu pour les régions, mais pas suffisamment. Et, l'année dernière, je suis allée à Montréal, où on se préparait pour l'accueil des Kosovars, et j'entendais des gens dire: Mais, à Québec, vous ne connaissez pas ça, il n'y a pas d'infrastructures, rien.

Alors, je pense qu'il y a un gros travail à faire au niveau de la valorisation de l'expertise. Il faut reconnaître, dans les régions, qu'il y a des gens qui font ce travail-là depuis plusieurs années. Et il y en a au niveau des organismes communautaires plus particulièrement et, aussi au niveau du réseau, c'est en train de se développer.

En ce sens-là, le rôle des organismes communautaires est primordial dans le sens où, nous, lorsqu'on reçoit une personne immigrante, on ne peut pas offrir tous les services à cette personne-là. Donc, on réfère dans le milieu. Cette référence-là sert de sensibilisation, parce que, lorsqu'on appelle dans un CLSC ou dans un ministère, l'intervenant qui est à l'autre bout, qui n'a jamais rencontré un immigrant dans sa vie professionnelle, il se pose des questions, il se demande comment il doit réagir, qu'est-ce qu'il doit répondre. Et, à force de référer des gens, à force d'expliquer qui ils sont, quels sont leur statut, comment ils sont arrivés ici, là, le professionnel ou l'intervenant développe tranquillement une préoccupation pour les personnes immigrantes. Donc, en ce sens-là, le rôle des organismes communautaires est important.

Il y a aussi un élément qui est à privilégier, c'est le lien de confiance qui est créé, lors de l'arrivée, entre la personne immigrante et l'organisme communautaire. Nous ? bon, brièvement ? on s'occupe beaucoup des réfugiés. Lors de leur arrivée, ici, à Québec, on les accueille, on est avec eux, on les aide pour toute l'installation: la recherche d'un logement, pour l'épicerie, la banque, et c'est par ces petits gestes-là que le lien de confiance se développe. Et on remarque que les gens ont besoin de ça, et c'est à nous qu'ils se réfèrent après pour savoir comment accéder à un autre service. Donc, on voit que l'organisme communautaire est un lien important entre l'immigrant et la communauté. D'accord? Parce qu'on entend beaucoup que l'immigrant doit se rendre directement dans les services, s'il est malade, il a juste à appeler Info-Santé. Mais, sur le terrain, ce n'est pas comme ça que ça se passe. Quand un immigrant est malade, c'est nous autres qu'il appelle et, ensuite, on aide l'immigrant à accéder aux services.

Je voudrais aussi mentionner l'importance du suivi. Dans les programmes de subventions pour les organismes communautaires, on parle beaucoup de l'accueil ? on est subventionné pour l'accueil ? mais la partie «suivi à l'adaptation» est un peu non dite, où c'est un peu ce qu'on fait, là, quand il n'y a pas d'arrivée, alors que ça devrait être valorisé parce que le suivi permet à l'immigrant de développer l'aide, de développer un sentiment d'appartenance à la région, de développer une qualité de vie.

Si la personne sait qu'on s'occupe d'elle, qu'il y a quelqu'un pour répondre aux besoins des enfants ou qu'elle a un centre de référence pour pouvoir agir dans n'importe quelle circonstance, elle va se sentir en sécurité. C'est sûr qu'il y a l'emploi pour favoriser la rétention, la régionalisation. Ça, c'est certain, on sait que c'est prioritaire. Mais on parle très peu aussi de la qualité de vie, et la qualité de vie se développe par un suivi adéquat.

n(15 heures)n

On voulait aussi parler de l'immigration francophone. On dit dans notre document que l'immigration francophone, selon nous, selon notre expérience, n'est pas une garantie pour l'adaptation. On voit passer des personnes qui parlent déjà le français, mais qui ont aussi beaucoup de besoins, mais, parce qu'ils parlent français, ont moins accès... ne sont pas dans des cours de francisation. Donc, ceux qui sont en francisation sortent de chez eux chaque jour, rencontrent des gens dans l'autobus, apprennent, bon, un paquet de choses tandis que ceux qui sont francophones, bien qu'il y ait des sessions pour les informer et tout ça, vivent plus d'isolement.

Donc, si on favorise l'immigration francophone, il va falloir aussi insister sur le suivi à l'adaptation de ces gens-là. Ça va être important. Et ce n'est pas parce qu'une personne débarque de Paris qu'elle n'a pas besoin de soutien ici. Peut-être que le soutien est différent, mais à ce moment-là on est capable de s'adapter aux besoins des gens. Mais c'est important de toujours assurer le suivi.

Et on voulait s'assurer aussi que l'immigration francophone ne se ferait pas au détriment, bon, de l'immigration humanitaire et aussi au détriment de certains bassins de population qui pourraient apporter une contribution considérable au Québec. On pense, bon, à tous les latino-américains, entre autres, un exemple. Ce serait dommage de se priver d'une immigration hispanophone parce qu'on privilégie une immigration francophone, alors que le potentiel d'adaptabilité n'est peut-être pas si étranger, là.

D'accord. Donc, voilà, je vais m'arrêter ici. Je crois qu'avec les questions on va pouvoir élaborer un petit peu plus, mais ça résume l'ensemble de nos réflexions.

Le Président (M. Rioux): Alors, je vous remercie, Mme Dompierre. M. le ministre.

M. Perreault: Oui, M. le Président. Bienvenue, Mme Dompierre, Mme la présidente, M. Lopez. Merci pour la présentation de ce mémoire. Écoutez, si vous permettez, deux, trois remarques puis une question. La première, vous avez trouvé que notre mémoire parlait beaucoup de chiffres. Je dois dire qu'évidemment l'enjeu de cette commission, c'est d'établir les niveaux, les volumes d'immigration. Évidemment, on a d'autres occasions pour parler de bien d'autres dimensions de l'immigration, ce qui ne nous empêche pas de l'aborder aussi à l'occasion de cette commission. Mais ça explique peut-être un peu, là, l'importance mise sur les chiffres. Et je dois vous dire que, si on a moins parlé des organismes communautaires, c'est non pas parce qu'on ne les définit pas comme des partenaires importants, au contraire, mais tout simplement parce que, encore une fois, l'enjeu, c'était de définir les niveaux et les catégories d'immigration.

Deux, trois remarques aussi concernant ce que vous dites. Vous vous inquiétez. Évidemment, votre vocation, comme organisme, vous êtes né un petit peu de l'apport de soutien aux réfugiés. Vous vous inquiétez un peu de notre volonté là-dessus. Je vous signale que, ce matin, j'ai déposé devant cette commission un certain nombre de chiffres qui indiquent clairement qu'en matière d'accueil des réfugiés ? réfugiés sélectionnés à l'étranger ou réfugiés au Québec ? le Québec fait beaucoup plus que le reste du Canada, notamment que l'Ontario, la Colombie-Britannique. On est au-dessus de 20 % et quelques de notre quota, alors qu'il y a 5 % en Colombie-Britannique, 12 % en Ontario, et que, quand on regarde les chiffres qui figurent dans les documents, on va tenir une moyenne de 2 200 par année au cours des trois prochaines années. On a fait 2 198 il y a un an. Donc, on maintient l'effort. Je veux juste vous le souligner. Il n'y a pas de volonté de diminuer l'effort, mais il y a une volonté d'aller chercher un peu plus d'immigration.

Moi, je voudrais revenir un peu sur la question de français, anglais parce que je veux vous entendre parler de ça un peu, vous êtes à Québec et je ne suis pas tout à fait d'accord avec ce que vous avez affirmé. En tout cas, les chiffres ne nous disent pas ça, et je vais déposer, M. le Président, un autre document à cette commission.

Nous, ce que les chiffres nous disent, c'est que la présence, en janvier 2000, au Québec, des immigrants admis entre 1989 et 1998 qui n'avaient que le français comme langue maternelle au moment de leur arrivée, 88 % d'entre eux sont toujours présents au Québec. Si on regarde ceux qui n'avaient que l'anglais, 69 % d'entre eux sont toujours présents au Québec. Et, si on regarde ceux qui n'avaient ni une langue ni l'autre, 74 % d'entre eux sont toujours présents au Québec. Donc, à l'évidence, ce que ça indique, c'est que les gens qui connaissent le français, tout ça, restent davantage.

Évidemment, je parle pour l'ensemble du Québec. Vous me parlez de l'expérience plus de la région de Québec. On a eu des débats ce matin là-dessus en cette commission, vous n'étiez peut-être pas là. Je vais déposer, M. le Président, le document.

Le Président (M. Rioux): Est-ce qu'il y a accord pour le dépôt?

M. Perreault: Donc, je vous poserais un petit peu la question, parce que je vous dirais ça de la façon suivante: Il faut se rappeler que, même lorsqu'on aura augmenté ? actuellement, là, à peine quatre immigrants sur six connaissent le français à leur entrée au Québec ? notre effort de sélection, on sera encore à peine à 50 % d'entre eux qui auront une connaissance du français. Donc, 50 % continueront à ne pas avoir aucune connaissance du français et, parmi les 50 % qui en auront une, il y en a qui en auront une toute relative. Donc, on n'est pas en train de dire qu'il y aura juste des francophones au Québec, loin de là, dans la sélection.

Alors, j'aimerais un peu vous entendre parler de ça, parce que, quand on regarde les chiffres, on est tenté de dire qu'il faut quand même faire un effort.

Le Président (M. Rioux): Alors, c'est M. Lopez?

M. Lopez (José Luis): Oui, José Lopez. J'aimerais un peu attirer votre attention également sur les caractéristiques de nos régions. On n'est pas à Montréal, on est à Québec, puis, souvent, l'immigrant, soit francophone ou allophone, a plus besoin d'information pour s'orienter, parce que le marché n'est pas le même.

Dans ce sens-là, les services d'adaptation et d'orientation dont l'immigrant a besoin... Il a plus besoin de soutien, soit qu'il soit francophone ou allophone. Dans l'ensemble, on pourrait dire: Oui, il y a un taux de réussite si on le regarde par les chiffres. Sur notre terrain, dans nos pratiques terrains, ce qu'on voit, c'est qu'on voit souvent aussi des francophones faire la file pour nous poser des questions tellement simples pour comprendre la dynamique de la province et de la ville de Québec. Puis, dans ce sens-là, nous autres, on se pose la question: Est-ce que, à l'intérieur de toutes ces politiques d'ensemble, ils ne tiennent pas compte des caractéristiques des régions aussi pour faire une application relative au travail terrain que, nous, on fait?

Le Président (M. Rioux): M. le ministre.

M. Perreault: Mais je termine en disant: Mais est-ce que, quand même, quand on regarde les chiffres globalement, ça ne vous interpelle pas un peu? Peut-être qu'il faut faire des adaptations pour la région de Québec, mais, de là à remettre en cause l'objectif de plus d'immigrants francophones dans l'effort de sélection...

M. Lopez (José Luis): Ça se peut aussi que, nous, on n'ait pas regardé dans l'ensemble de la région, parce que notre mémoire, il fait référence proprement à notre région de Québec. Notre préoccupation, dans l'ensemble, on s'est dit: Nous autres, on ne voit pas la différence à Québec en termes d'adaptabilité. On s'est dit: Oui, elle est où, la différence, si, dans notre travail terrain, on voit toujours des gens, soit allophones ou francophones, qui se posent des questions, qui veulent comprendre, qui veulent de l'information? Puis voilà notre rôle. On se dit: Nous, on est où? On est où pour vraiment continuer à desservir et permettre qu'un jour on arrive à avoir la même mobilité sociale qu'on a à Montréal?

M. Perreault: Merci.

Le Président (M. Rioux): Merci, M. Lopez. Mme la députée de Saint-Henri?Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Mesdames, monsieur, bonjour et bienvenue. Je veux revenir, madame, sur vos propos sur l'isolement de certains nouveaux immigrants qui arrivent dans la région de la capitale, parce que c'est vrai, si on compare avec Montréal, déjà à Montréal, il y a plusieurs communautés qui sont là depuis certaines générations et, quand des immigrants de cette communauté-là arrivent à Montréal, ils sont très bien encadrés et ils reçoivent de l'aide, de l'appui, de l'écoute de leur communauté. Je me demande: Quand ils arrivent comme à Québec, étant donné que l'immigration commence relativement dans la région de Québec, est-ce qu'on ne devrait pas établir, je ne sais pas, un suivi ou un encadrement beaucoup plus près de ces gens-là pour justement qu'ils ne se sentent pas isolés et qu'après un certain temps ils décident peut-être d'aller vers Montréal pour retrouver leur communauté qui est établie à Montréal? Est-ce que vous n'avez pas des points à nous suggérer que le gouvernement pourrait mettre en place justement pour garder ces gens-là, pour ne pas qu'ils aient le goût peut-être d'aller rejoindre leur communauté dans la région montréalaise?

Le Président (M. Rioux): Oui. Mme Dompierre.

Mme Dompierre (Sylvie): Oui, c'est ça. C'est exactement ce qu'on disait dans le mémoire. C'est que c'est sûr qu'on ne s'oppose pas à l'accroissement de l'immigration francophone, au contraire, sauf qu'il faut faire attention pour ne pas prendre pour acquis que ces gens-là vont s'adapter plus rapidement ou plus facilement que d'autres qui sont allophones.

Donc, c'est pour ça que, nous, on dit que c'est important de continuer d'offrir des services à ces gens-là comme s'ils étaient allophones. Dans le fond, il faut qu'ils puissent s'adresser à des organismes pour avoir des réponses à leurs besoins sans sentir qu'ils n'ont pas d'affaire là, que c'est des services pour les allophones, d'accord.

Je disais aussi tout à l'heure qu'on met beaucoup l'accent sur l'accueil, mais très peu sur le suivi, sur l'adaptation, et ça s'applique aussi aux francophones. J'ai vu beaucoup d'immigrants français débarquer avec plein de projets, mais qui sont partis par la suite parce qu'ils n'ont pas trouvé de support, ils n'ont pas trouvé d'appui dans la communauté pour réaliser leurs projets.

n(15 h 10)n

Puis il y a aussi la question ? je pense que c'est important de l'aborder ici ? des promesses qui sont faites aux gens avant qu'ils arrivent ici. C'est sûr qu'il y a des équipes qui vont pour promouvoir le Québec, c'est très bien, pour vanter le Québec ? parce qu'il a beaucoup de qualités à vanter, effectivement ? mais il faut faire attention de ne pas créer des illusions, parce que beaucoup de personnes arrivent ici en croyant que, tout de suite en débarquant, on les attend avec un emploi ou avec une possibilité de réaliser leurs projets. Donc, c'est là où on dit que c'est important pour ces gens-là d'avoir des références directement sur le terrain.

Peut-être même ? bon, une suggestion ? pouvoir créer des liens, que la personne, avant de quitter son pays, puisse communiquer ? maintenant, par Internet, ça se fait facilement ? avec les organismes de la région où elle s'en va pour avoir des informations, pour annoncer son arrivée, pour dire: Bon, à telle date, j'arrive avec ma famille. Ça fait que ça nous permet, nous, d'être plus prêts, de leur donner des informations aussi sur les logements, sur les quartiers où ils peuvent résider. Et des organismes peuvent aussi s'occuper de l'emploi. Mais c'est important, à mon avis, d'avoir un lien directement avec les organismes terrains.

Mme Loiselle: Pour arriver à ça, avoir un suivi puis un encadrement plus substantiels que ce que vous pouvez offrir actuellement, il est question de ressources et de budgets, j'imagine. Il va falloir qu'il y ait plus de gens qui travaillent à ces services-là. Est-ce que vous faites appel au gouvernement pour vous aider dans cette mission-là plus élargie finalement pour faire l'encadrement de ces personnes-là pour la région de Québec?

Le Président (M. Rioux): C'est M. Lopez qui répond à ça?

M. Lopez (José Luis): Oui, j'aimerais vous répondre. Premièrement, il faut se poser la question: Est-ce que l'adaptation est considérée dans la politique d'accueil?

Mme Loiselle: O.K.

M. Lopez (José Luis): C'est la première question à se poser. Je ne pense pas. On parle ici d'accueil, mais l'adaptation, on se lance la balle entre les programmes de services sociaux et les programmes d'accueil, d'établissement en se disant que le Français ou la personne qui parle français peut aller chercher des services dans la société d'accueil. Dans ces zones grises, voilà notre rôle. Ce n'est pas tout à fait vrai que l'immigrant va aller vers les services déjà en place dans la société, puis c'est là que la notion n'est pas claire. Le concept d'aller utiliser un service de la société, ça ne se fait pas comme ça dans la pratique.

Mme Loiselle: Parce que, voyez-vous, la ville de Québec demande dans son mémoire au gouvernement d'être reconnue comme l'agglomération de Québec, comme le deuxième pôle d'attraction de l'immigration après Montréal. Alors, si jamais le gouvernement va de l'avant avec cette demande-là, il va y avoir un fardeau supplémentaire, là, justement, M. Lopez, au niveau des organismes communautaires et de l'adaptation des nouveaux arrivants.

Alors, dans votre région, il va falloir vraiment qu'il y ait une dynamique ou le gouvernement devra... S'il va de l'avant avec ce que la ville de Québec demande, il va falloir qu'il y ait des ressources et du financement supplémentaires pour votre région parce que vous n'avez pas encore le réseau de communautés que, nous, on a à Montréal.

M. Lopez (José Luis): Tout à fait. Puis, en attendant que la transition se fasse, c'est nous autres, comme organisme, qui assumons, en espérant que le développement économique va se faire, en espérant qu'il y ait un changement social qui va se faire. Nous autres, comme organisme, on doit desservir, on doit soutenir pour que cette transition se fasse du point A au point B.

Le Président (M. Rioux): Très bien. M. le député d'Iberville.

M. Bergeron: Merci, M. le Président. Vous avez dit, Mme Dompierre, que votre organisme existe depuis 40 ans. Donc, j'imagine que vous en avez vécu, des bouleversements puis des évolutions, et vous vous êtes adaptés.

Je veux vous parler de régionalisation. Depuis le matin, on en parle. Et vous dites, à un moment donné, dans votre mémoire: «La régionalisation de l'immigration sera favorisée si l'on met l'accent sur l'implantation de groupes (des réfugiés notamment) dans les régions, sur la réunification familiale, sur la mise en place de projets novateurs.»

Vous avez parlé qu'il fallait s'adapter aux nouveaux besoins. Vous avez dit qu'il faut des projets novateurs. J'aimerais vous entendre. Des fois, j'ai l'impression qu'on a plein de voeux pieux et qu'on ne sait pas justement sur quel pied danser avec ça, avec la régionalisation de l'immigration. C'est sûr que, plus une région va être dynamique, plus elle va offrir de possibilités d'embauche aux gens, plus elle sera attirante pour les immigrants.

Mais vous avez parlé de 350 Kosovars que vous avez intégrés, là, en fin de compte. J'ai pris ça lors de votre exposé. J'aimerais vous entendre là-dessus, votre appel à l'innovation. Qu'est-ce que vous faites? Qu'est-ce que vous comptez faire dans les mois, dans les années à venir pour la régionalisation, pour, disons, votre région. Et, à partir de ça, on pourra voir pour les autres.

Le Président (M. Rioux): Mme Dompierre.

Mme Dompierre (Sylvie): Je vais vous citer l'exemple d'un projet qu'on a mené conjointement avec un organisme d'employabilité, SOIT Québec, un programme financé par le Fonds de développement de l'immigration en région, où, bon, nous, on s'occupait plus de la partie accueil et adaptation des personnes, alors que l'autre organisme venait compléter par toute la partie employabilité. Et on avait des partenaires dans la région de Montréal. Bon. Les sélections étaient faites ici, à Québec. On disait: On a besoin de main-d'oeuvre dans tel, tel domaine. On envoyait ça à Montréal. Les gens des organismes de Montréal nous envoyaient des candidats qui venaient faire des visites ici de prospection. Parmi ceux-là, plusieurs ont trouvé de l'emploi et plusieurs se sont établis à Québec. Donc, c'est un exemple concret de quelque chose qu'on a fait pour attirer des gens ici.

Puis il y a des secteurs... Bon, je ne veux pas trop embarquer dans le domaine de l'emploi, parce que ce n'est pas notre domaine d'expertise, mais on avait identifié des domaines d'emploi où il y a des pénuries, entre autres, dans la haute technologie.

Donc, par des projets comme ça, c'est possible de faire venir des gens. Après, eux, ils font venir leur famille. Eux autres servent de modèle, servent d'exemple pour d'autres personnes qui vont dire: Ah! c'est possible de réussir à Québec, donc on va tenter notre chance nous aussi. Ça fait que, ça, c'est un projet, mais qui n'a pas eu de suite malheureusement. Mais on attend la réponse pour la suite. Mais c'est un exemple.

On croit beaucoup au partenariat entre organismes aussi parce que, nous, on s'occupe de toute la partie accueil, adaptation, soutien à l'adaptation; d'autres organismes s'occupent de l'emploi; d'autres s'occupent, bon, du jumelage, et autres. Il faut aussi développer ça. Ça fait que, nous, vous nous demandez c'est quoi nos intentions à nous, c'est de développer ça, des projets en partenariat, mais aussi faut-il avoir le soutien du gouvernement pour ça, comme, par exemple, le projet dont je vous ai parlé tout à l'heure. Et on essaie aussi de toujours développer nos services d'adaptation parce qu'on mise beaucoup là-dessus parce qu'on voit des résultats lorsque les personnes ont reçu... Oui?

Le Président (M. Rioux): C'est bien.

M. Bergeron: Donc, concertation.

Mme Dompierre (Sylvie): Oui.

M. Bergeron: Et vous avez dit: On aimerait bien avoir le soutien du gouvernement. Est-ce que ça sous-entend que vous aimeriez avoir davantage de ressources? Parce que vous m'apparaissez bien branché avec le milieu communautaire, en général. Donc, là, présentement, ce que vous avez, dans votre perspective de concertation, est-ce que vous avez suffisamment de ressources pour répondre à la demande et, si on considère la région de Québec comme le deuxième pôle d'attraction des immigrants, pour faire face à cet éventuel accroissement, Mme Dompierre?

Le Président (M. Rioux): Mme Dompierre.

Mme Dompierre (Sylvie): Actuellement, je vous dirais, si on augmente le nombre d'immigrants, donc on augmente la charge de travail des organismes, il faut augmenter également le financement pour nous permettre d'avoir des ressources pour répondre aux besoins. Ça, c'est une équation très claire. C'est certain qu'on va avoir besoin de plus de ressources.

Le Président (M. Rioux): Merci. Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, Mme Lacroix, Mme Dompierre et M. Lopez, merci pour le mémoire et les explications que vous nous avez données. J'ai bien apprécié votre mémoire, votre présentation. Vous avez soulevé des points très pertinents. Vous avez dit que vous ne vous reconnaissez pas dans le document de consultation parce qu'il est silencieux sur le rôle des organismes communautaires. Et vous avez, à cet effet, réclamé une reconnaissance du travail qui est fait par les ONG des communautés culturelles. Et cette reconnaissance aussi peut se traduire par un ajout de ressources financières pour les aider à mieux assumer leur rôle et leur mandat.

n(15 h 20)n

Et, pour les conditions de succès, vous me paraissez avoir mis l'emphase sur trois éléments essentiels et complémentaires. C'est comme un triangle: l'emploi, la famille et les organismes communautaires. Et c'est très intéressant parce qu'on a abordé ce matin, et même en début d'après-midi, le rôle de l'emploi comme condition de succès pour l'intégration des nouveaux arrivants. Mais, vous, vous amenez un nouvel élément qui est celui de la réunification de la famille, qui, soit dit en passant, est une catégorie d'immigrants. Il y a des gens qui peuvent venir dans le cas de la réunification de la famille sans nécessairement passer par le processus de sélection auquel sont soumis les indépendants. Et ça, c'est un élément important. Vous avez raison, dans une région éloignée, pas nécessairement juste Québec, la réunification de la famille peut être une condition de fixation et de rétention de l'immigration. Et j'appuie totalement votre souci, votre préoccupation concernant le rôle des organismes communautaires, parce que, en fait, avant même qu'il y ait un ministère de l'Immigration au Québec, qui s'est occupé de l'intégration des nouveaux arrivants? Ce sont les organismes communautaires et ils continuent encore de le faire. Je trouve ça extrêmement important et justifié.

Et l'échange que j'aimerais avoir avec vous, c'est au niveau de l'adaptation, M. Lopez, que vous avez soulevé par rapport à l'immigration francophone, parce que, là, c'est un débat, à un moment donné, qu'il faudrait faire réellement. Le Québec veut accueillir plus d'immigration francophone. D'accord? Il y a un consensus relativement fort là-dessus. Cependant, les services d'intégration des nouveaux arrivants sont conçus en fonction des non-francophones, ce qu'on appelle les allophones. Alors, ces gens-là arrivent, ils parlent français, ils ont une formation en français, ils ont une profession qu'ils ont exercée parfois dans leur pays en français, puis là ils sont livrés à eux-mêmes littéralement.

Vous avez parlé d'isolement, c'est vrai. Ça peut paraître bizarre que quelqu'un qui parle français vienne ici pour s'intégrer plus facilement, parce qu'il parle la langue, puis se retrouve isolé. Il y a quelque chose qui ne marche pas. Pourquoi? Parce qu'on n'a pas conçu des services d'adaptation en fonction des besoins de cette clientèle, parce que, eux autres, ils n'ont pas le besoin de prendre la route des COFI pour apprendre le français, ils le connaissent déjà. Ils ont besoin de prendre la route pour trouver un emploi. Et c'est ce chemin entre le point d'arrivée et l'intégration au marché du travail, c'est sur ce chemin-là qu'ils ont besoin d'être accompagnés et c'est là où le ministère et les services en place manquent d'une certaine cohésion, de soutien.

Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus, parce que vous avez une expertise dans ce domaine. Si vous pouvez nous éclairer et nous illustrer c'est quoi, la difficulté que vivent les immigrants francophones qu'on veut tant faire venir au Québec et qui nous quittent pour aller en Ontario et ailleurs.

Le Président (M. Rioux): Alors, qui intervient, qui répond à la question? M. Lopez.

M. Lopez (José Luis): Oui. Je voulais répondre par rapport à l'isolement des francophones. Souvent, quand on dit «immigrant francophone», j'ai l'impression qu'on ne veut pas dire qu'il n'aura pas de choc culturel, qu'il a tous les acquis, qu'il comprend déjà la culture québécoise puis qu'il va s'adapter aussi vite. Mais, enlevons ces mots-là et voyons-les dans l'ensemble. C'est des immigrants, qui, chacun avec son histoire personnelle, vont avoir une adaptation, un choc ce qui amène, dans ce sens-là, un problème d'adaptation, une façon de regarder aussi et ce n'est pas parce qu'il parle français qu'il va passer à travers toutes les notions, les nouveaux concepts de la société d'accueil.

Puis, dans ce sens-là, j'aimerais attirer l'attention sur la notion d'«adaptation», comment on la regarde dans le plan d'ensemble qui ont été rédigés. Attention, ce n'est pas parce qu'il est francophone qu'il va passer plus facilement à travers une intégration réussie.

Mme Houda-Pepin: Vous avez raison. J'ai abordé cette question même ce matin, parce que je connais suffisamment de cas de gens aussi qui arrivent ici avec la maîtrise du français et qui trouvent tellement de difficultés et qui vivent des chocs culturels, comme vous avez dit, parce que leurs attentes sont tellement élevées. On leur a dit que, lorsqu'ils vont arriver au Québec, ça va être facile et, tout d'un coup, ils rencontrent des barrières, des difficultés, notamment celle de l'emploi, de l'accession au marché au travail qui devient extrêmement difficile à surmonter.

Et, moi, j'ai vu des immigrants francophones ne parlant que le français ? parce que, tantôt le ministre nous a distribué un tableau sur ceux qui parlent le français seulement ? qui arrivent au Québec et qui réalisent finalement que leur avenir, avec le français seulement au Québec, ça n'aboutira pas. Ils apprennent l'anglais très souvent à leurs frais et ils prennent le chemin des autres provinces canadiennes. Alors, je trouve que c'est une façon de financer le bilinguisme pour les autres provinces. C'est dommage, parce que, ces gens-là, on veut les garder ici.

Et, par ailleurs, pour revenir aux organismes communautaires, vous êtes davantage axés sur l'expérience avec les réfugiés, je crois. Votre expérience a été beaucoup avec les réfugiés. De ce côté-là, est-ce que vous pouvez nous dire quelles sont les difficultés que rencontrent les réfugiés particulièrement? Est-ce que l'intervention avec des gens qui viennent, par exemple, de pays que vous avez mentionnés comme des pays qui ont été déchirés par la guerre, les Bosniaques, les Kosovars, les Burundais même, les Rwandais... Ces gens-là, ils ont vécu des drames humains, donc vous avez besoin de plus que de donner un service d'information sur ce qui existe. Ils ont besoin d'un accompagnement psychologique. Comment est-ce que vous vous organisez avec ces gens-là?

Le Président (M. Rioux): M. Lopez.

M. Lopez (José Luis): Oui. Dans l'adaptation ou l'histoire personnelle que chaque immigrant amène avec lui, dans ce cas-là, les réfugiés, notre travail, premièrement, c'est l'accueil, c'est l'information et la référence, notre rôle tel qu'entendu dans les protocoles puis les programmes. Mais notre réalité dans cette référence-là, c'est que souvent les services de santé et services sociaux offerts ne sont pas prêts non plus à toute la notion interculturelle, toutes ces nouvelles façons de voir la société puis l'intégration. Donc, on se retrouve souvent... Je dirais, on revoie à des services, on fait la référence mais les travailleurs sociaux, les gens qui s'occupent de donner les services quotidiens, ils se posent la question: Comment on fait pour intervenir? Voilà, nous, on se trouve dans quel rôle en tant qu'organismes communautaires? On l'a, l'expertise. Notre travail, c'est de référer, mais, en attendant qu'on se mette d'accord dans une façon de fonctionner, l'immigrant qui arrive a besoin de services aujourd'hui et c'est là un peu notre questionnement.

Il y a une série de problèmes qui passent par l'intervention, l'adaptation puis tous les choc culturels. Puis, à partir de là, nous référons et, nous aussi, nous donnons des services de support très spécifiques à des problématiques particulières de la région.

Le Président (M. Rioux): Merci, M. Lopez.

Mme Houda-Pepin: Donc, je terminerai là-dessus.

Le Président (M. Rioux): Je reviendrai tout à l'heure avec vous, Mme la députée de La Pinière. M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Beaulne: Oui, merci. Je pense que, dans cette discussion-là, il faut éclaircir certaines choses pour comprendre où doivent s'adresser les services, les ressources financières, ainsi de suite. Je continue sur un peu ce que disait ma collègue, il m'est apparu, moi, en lisant votre mémoire puis en écoutant vos échanges, qu'une partie importante des gens que vous avez desservis est effectivement des réfugiés plus que des gens qui arrivent ici dans la filière habituelle de l'immigration sélectionnée. J'ai deux questions qui sont relatives à ça. Et vous déplorez également le peu de place qui est faite dans le document de consultation aux organismes.

Dans un premier temps, vous avez parlé de certaines illusions ou de certains mirages qu'on fait miroiter. J'aimerais que vous précisiez ça parce que, dans le contexte de l'immigration sélectionnée, donc qui arrive ici avec un profil d'employabilité qui répond aux besoins de la société d'accueil ? parce que c'est les mêmes règles qu'on applique tant au fédéral qu'au gouvernement du Québec en matière... Donc, en principe, les gens qui arrivent ici ne devraient pas être surpris ou désemparés face à un manque d'emploi s'ils viennent via la filière d'immigrants sélectionnés.

Donc, j'en déduis que vos gens, vous, ceux à qui vous avez affaire sont beaucoup plus de ceux qui viennent peut-être dans le contexte des réunions des familles ou dans le contexte de ceux qui viennent via la filière réfugiés. Alors, j'aimerais que vous précisiez quels sont ces fameux mirages auxquels vous faites allusion, d'une part, et à quelle catégorie de personnes nouvellement arrivées ici ça s'adresse. Parce que, pour avoir les bonnes solutions, il faut avoir le bon diagnostic, d'une part.

Et, deuxièmement, de la même manière qu'il existe, dans le réseau de la santé et des services sociaux, une panoplie d'organismes communautaires qui soutiennent les familles, les malades dans différents secteurs d'activité, y compris les services à domicile, comment vous voyez la complémentarité ? ça, c'est important ? entre les services d'État à proprement parler et ce que les organismes comme le vôtre sont disposés à offrir pour qu'il n'y ait pas de chevauchement, d'une part, de dispersion inutile de ressources et d'efficacité d'intégration en bout de piste?

Le Président (M. Rioux): Alors, qui répond aux deux questions du député? Mme Dompierre?

Mme Dompierre (Sylvie): Oui. D'abord concernant les mirages, on a entendu ça beaucoup de la part des immigrants indépendants, parce qu'on accueille des réfugiés qui sont aussi sélectionnés. Ce n'est pas des revendicateurs, mais c'est des réfugiés.

M. Beaulne: Non, je comprends.

n(15 h 30)n

Mme Dompierre (Sylvie): O.K. Mais on accueille aussi des immigrants indépendants, là, un nombre plus petit, mais on en accueille quand même. Et, souvent, ces gens-là arrivent ici en nous disant: On nous a dit que ce serait facile d'avoir un emploi, on nous a fait miroiter qu'il y avait beaucoup d'emplois au Québec. Mais le qui, ça, on ne l'a pas identifié, parce que c'est difficile de savoir exactement qui. Il y en a qui nous disent que c'est les délégations du Québec, d'autres disent que c'est des articles de journaux ? j'en ai vu aussi, des articles de journaux circuler. Mais ce qu'on veut dire...

M. Beaulne: Mais c'est important de préciser.

Mme Dompierre (Sylvie): ...c'est que c'est important aussi d'aller vérifier ça, d'aller vérifier quelle information ils ont avant d'arriver ici. D'accord?

M. Beaulne: C'est ça.

Mme Dompierre (Sylvie): Au niveau de la complémentarité. Actuellement, on entend beaucoup... le discours qu'on entend, c'est que, si un immigrant a besoin d'un service, considérez-le comme citoyen, et il doit s'adresser au service qui existe pour toute la population. Ça, on est parfaitement d'accord avec ça. Sauf que notre expérience nous démontre que ce n'est pas tout à fait comme ça que ça se passe. L'immigrant a besoin comme, je dirais, d'une zone tampon, où il a besoin d'apprendre comment ça fonctionne pour tous les citoyens, et c'est là qu'on situe notre rôle comme organisme communautaire qui s'occupe des immigrants. Comme je le disais tout à l'heure, nous, en référant dans les différents organismes du milieu, que ce soient des organismes communautaires ou des institutions, on fait de la sensibilisation, parce qu'on amène un immigrant au professionnel et on lui dit: Voilà, c'est un nouveau client, adapte tes services. Donc, lui, ça lui permet d'élargir sa panoplie de services. Et, en même temps, on fait de l'enseignement auprès de l'immigrant parce qu'on lui enseigne comment ça fonctionne ici. Parce qu'il ne faut pas prendre pour acquis que des services Info-Santé, ça existe partout dans le monde ? ça, c'est ici ? un service d'urgence à l'hôpital, ou pour recevoir un chèque d'aide sociale... Il faut que la personne ait le temps d'apprendre le fonctionnement de tout ça. Il y a toujours une partie fonctionnelle, mais il y a aussi une partie de non-dit. L'immigrant a besoin d'observer, a besoin de modèle, a besoin aussi de poser des questions. Et on considère que c'est à nous à pouvoir répondre à ces questions-là.

Le Président (M. Rioux): Bien. Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, on va compléter un peu l'échange qu'on a eu tantôt sur la notion d'adaptation, et on l'a abordée du point de vue de l'adaptation des nouveaux arrivants à leur contexte de société d'accueil, mais vous avez aussi amorcé la question de l'adaptation des institutions, parce que cette adaptation, elle doit se faire dans les deux sens. Et je sais qu'il y a eu un certain travail auprès des institutions d'éducation, de santé, des institutions publiques, pour accueillir la diversité, pour gérer la diversité. J'aimerais avoir votre point de vue là-dessus comme organisme intervenant dans le milieu. Est-ce que vous estimez que les institutions qui desservent les nouveaux arrivants sont réellement adaptées aux besoins de cette clientèle?

Le Président (M. Rioux): Mme Dompierre.

Mme Dompierre (Sylvie): Je vous dirais que c'est en cheminement. Si je compare à il y a 10 ans, quand je suis arrivée au Centre multiethnique où on était seuls pour tout faire parce qu'on s'adressait à différentes institutions et que, eux autres, les immigrants, ils ne connaissaient pas ça ou ne savaient pas quoi faire avec, comparé à aujourd'hui où il y a de plus en plus d'ouverture, il y a des comités qui sont mis en place pour réfléchir sur diverses situations. Je donne un exemple. On vient d'accueillir un groupe important de réfugiés africains, et la direction régionale, chez nous, a mis en place un comité, qui réunissait des gens du ministère de l'Éducation, de la Santé, de l'aide sociale, d'un peu partout, pour passer le message à ces gens-là, que l'accueil et l'adaptation des immigrants dans la région, ça concerne tout le monde. Donc, je crois que le message est en train de passer petit à petit et qu'il y a une volonté de vouloir élargir les services. Mais on rencontre encore des intervenants à qui on réfère un immigrant qui nous rappellent pour dire: Je ne sais pas quoi faire avec. Et le client est référé à nouveau chez nous. Donc, le travail n'est pas fini, il y a encore beaucoup de chemin à faire, mais c'est en progression.

Mme Houda-Pepin: Merci.

Le Président (M. Rioux): M. le ministre.

M. Perreault: Oui, bien, peut-être une seule remarque. Votre dernière intervention m'ouvre la porte. Si je comprends bien, vous êtes favorable à l'augmentation du volume d'immigration. Vous êtes évidemment favorable à l'effort du point de vue de la régionalisation. Vous soulevez des interrogations sur le fait de la francisation.

Vous faites référence à l'expérience qu'on vient de vivre notamment à Québec et, moi, je vous souligne que c'est un exemple où justement il n'y a pas de contradiction entre la volonté d'accueillir des réfugiés et la volonté d'avoir plus de francophones. On a accueilli, à Québec, des Congolais et des gens du Burundi, qui parlent donc le français, et qui sont en même temps parmi les réfugiés dans le monde qui avaient le plus besoin d'être accueillis, le plus besoin de solidarité internationale. Alors, je le souligne parce que, même pour une région comme Québec, il n'y a pas nécessairement contradiction.

n(15 h 40)n

Et, tantôt, je vous le rappelle, vous m'avez dit, et ça me semble important, que, à la limite, vous pouviez peut-être comprendre pour l'ensemble du Québec nos préoccupations. Vous disiez: Attention, dans une région comme Québec, ça ne s'applique peut-être pas mutatis mutandis. Mais il y a là une piste qui démontre que parfois on peut faire des recoupements, parce que ça demeure quand même beaucoup de monde, puis il y a beaucoup de variables, et puis ce n'est pas parce qu'on a eu un objectif global qu'on ne peut pas le moduler après ça, éventuellement, selon les régions. Je le souligne, M. le Président.

Le Président (M. Rioux): J'ai trouvé intéressant, Mme Dompierre, M. Lopez et Mme Lacroix, le fait que vous ne faisiez pas de la langue française une sorte de priorité. Vous dites: Une langue ou l'autre, ça ne nous gêne pas; nous, ce qui nous importe, c'est qu'on puisse avoir des groupes dans les régions, qui s'installent. Le député d'Iberville en a fait mention tout à l'heure. Et deuxièmement, vous attachez énormément d'importance au profil professionnel. C'est intéressant, ça. Vous apportez une souplesse, une sorte de... en tout cas, un élément qui, peut-être, nous manque parfois dans l'analyse de la question, et c'est intéressant.

Moi, en tout cas, je retiens ça parce que je suis désireux, comme bien des gens ici autour de cette table, que des immigrants s'installent en région. Et souvent, bien, on se dit: Ils pourraient aller en Gaspésie. Si l'immigrant parle français, c'est parfait. Peut-être que, si on a une job pour lui, ça serait peut-être intéressant aussi. Et on n'a pas abordé ici toute la question de la langue de travail. Il faudrait bien aborder ça un de ces jours. La langue de travail est un facteur d'intégration majeur pour le Québec. Alors, on aura l'occasion certainement d'en reparler.

Alors, il me reste à vous remercier, Mme Lacroix, Mme Dompierre et M. Lopez, pour votre merveilleux travail. Merci.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Boulianne): S'il vous plaît! Je demanderais aux membres de la commission de reprendre leur place. Alors, nous allons débuter.

Alors, je demanderais donc à M. Jack Jedwab de prendre place, s'il vous plaît, et de nous présenter son mémoire. Alors, vous avez 20 minutes. On vous écoute.

M. Jack Jedwab

M. Jedwab (Jack): D'abord, je veux remercier la commission parlementaire pour m'avoir donné l'occasion de présenter un mémoire sur l'immigration. Je fais ça à mon compte, à titre personnel. Je considère que ça fait partie de ma responsabilité civique. Je sais qu'on parle beaucoup de ça, alors je contribue de cette manière, en formulant ce mémoire qui, vous allez le reconnaître, porte largement sur le lien entre la démographie et l'immigration ou divers aspects de la question démographique qui nous préoccupent tous.

Justement, je viens de raconter à une collègue que je n'ai pas vue depuis un bon moment que ma femme est enceinte. Je sais que vous allez vous demander quel est le rapport entre ça et la question de l'immigration. Mais ça va être mon quatrième enfant. Juste pour vous dire que j'essaie de faire ma part pour contribuer à notre préoccupation démographique. Au moins, ma femme fait sa part pour contribuer à...

M. Laporte: ...il va falloir que vous travailliez encore beaucoup plus fort.

M. Jedwab (Jack): Alors, c'est ça. Je vais résumer un peu les grandes lignes du mémoire.

n(15 h 50)n

D'abord, tel que je le dis au début, toute étude, tout effort tentatif d'établir des niveaux d'immigration, que ça soit au Québec ou ailleurs au Canada, devrait tenir en compte les niveaux d'immigration annuels tels qu'établis par le gouvernement fédéral. J'ai la nette impression que le fédéral, d'ici les prochains trois ans ? ils sont en train, eux, de préparer un plan triennal sur l'immigration ? va aller vers une augmentation des niveaux d'immigration. Juste avant, ça va permettre au Québec, si c'est la voie que nous, les Québécois, choisissons, d'augmenter notre part aussi.

J'essaie un peu de chiffrer, comme vous allez le remarquer, les différents niveaux d'immigration. Je me rappelle ? on est entrés, présents, très actifs, dans tous ces débats qui concernent l'immigration et l'intégration ? que parfois on avait tendance à dire que nous n'avons pas reçu notre juste part de l'immigration au Canada. Je sais que présentement le Canada parle aussi dans le livre rouge du Parti libéral, il parle de 1 % comme cible quant à l'immigration annuelle, ce qui ferait à peu près 310 000 personnes. Si nous avons eu notre juste part, tel que je l'ai montré ici, 24 %, 25 %, ça ferait ? je fais le calcul assez simple ? à peu près 75 000 immigrants ou 80 000 immigrants par année. Je n'ai pas l'impression, selon nombre de sondages que j'ai vus, que nous, les Québécois et Québécoises, sommes prêts à accueillir 75 000 immigrants par année. Mais juste pour vous donner une idée quant à l'importance que ça pourrait prendre si on avait une part de l'immigration canadienne qui allait dans le même sens que notre part de la population du Canada, qui est présentement à peu près à 24 % et quelques, 24,2 %, 24,3 %.

Tout ceci pour essayer d'injecter un réalisme, je pense que le document qui est présenté par le ministère est réaliste dans ses divers scénarios, mais je pense aussi qu'il faut être réaliste quant au discours. Et c'est à ça que je m'adresse, le discours qu'on présente quant à l'immigration. Par exemple, si nous obtenons notre juste part, on prend le 80 %, environ 75 %, mettons, d'immigrants qui s'installent sur l'île de Montréal, ça ferait à peu près 60 000 immigrants sur l'île de Montréal. Comme à peu près 80 % de ce chiffre n'est pas de langue maternelle française, ça ferait à peu près 45 000 immigrants, mettons, de langue maternelle autre que française sur l'île de Montréal.

Et je suis un peu préoccupé pas nécessairement par la situation démographique ou démolinguistique sur l'île de Montréal, j'ai déjà écrit à de nombreuses reprises que je considère l'île de Montréal un peu artificielle comme référence géo-urbaine quant à la présence des francophones ou des non-francophones sur l'île, mais c'est un discours qui se réconcilie assez mal, je trouve, avec le discours qui dit ce qu'on dit depuis une dizaine d'années, pas toujours mais au moins au début des années quatre-vingt-dix: On a besoin des immigrants. Et je suis d'accord avec ceux et celles qui le disent fortement et clairement: Le Québec a besoin d'immigration.

J'ai remarqué, samedi, dans La Presse, que Roderic Beaujot, qui est un collègue démographe que je respecte beaucoup, dit que l'immigration en termes démographiques n'apporte pas nécessairement grand-chose en termes de la question de la pyramide de l'âge ou des cohortes d'âge; ça ne va pas nécessairement être une solution au vieillissement de la population. Il a en partie raison ? par ailleurs, bien sûr que ça dépend de l'âge moyen des personnes que nous recevons au Québec ? mais il ne dit pas ? et je pense que là il y avait malentendu ? que l'immigration ne contribue pas de façon importante à notre économie. Je pense que la preuve est là, je sais que c'est un débat qu'on entend depuis de nombreuses années, mais le fardeau semble être... ceux qui maintiennent que l'immigration a un apport important sur notre situation économique, je pense qu'ils ont plus raison que ceux qui continuent à dire que c'est incertain quant à cet apport de l'immigration à notre économie.

Justement, j'ai présenté des tableaux, une compilation spéciale sur l'emploi d'immigrants qui sont arrivés depuis 20 ou 25 ans ici, au Québec, et on voit qu'ils font beaucoup de progrès. Plus ils sont établis ici, plus ils sont installés au Québec, plus les immigrants trouvent, obtiennent de l'emploi. Alors, ils font une contribution importante, je trouve, sur le plan économique et autres, et démographique si notre objectif est l'accroissement de la population. Parce que le démographe Beaujot ne parle pas de l'accroissement de la population en tant que tel, il parle de la question du vieillissement. Alors, si nous considérons que l'augmentation de la population est bonne, tel que je le considère, que ça va nous assurer de maintenir notre poids politique, ce qui, je considère, est le cas, les niveaux d'immigration plus élevés sont un facteur important quant à l'accroissement de la population, sans parler du dynamisme que l'immigration donne, où le démographe Beaujot est d'accord. Il trouve qu'en termes de dynamisme social et culturel, c'est un apport assez intéressant, l'immigration.

Alors, pour revenir, je pense que réconcilier les deux discours: un discours que j'entends parfois de certains analystes, certains démographes, qui parfois ont des contrats du Conseil de la langue française, qui veulent nous alerter, qui sont très, très vigilants quant à la situation de la langue française sur l'île de Montréal ? je dirais qu'ils ont une extrême vigilance parfois ? et qui nous rappellent que la situation diminue, se détériore sur l'île de Montréal... Il faut être réaliste, il faut savoir que, si nous obtenons, si nous ciblons des niveaux d'immigration plus élevés, à 45 000, un niveau avec lequel je suis d'accord, comme je le maintiens dans mon document, ça va faire en sorte que, si le phénomène des banlieusards continue, si les gens quittent l'île de Montréal pour les banlieues, effectivement, c'est tout à fait possible que... si vous acceptez cette idée que l'île de Montréal est le centre névralgique de la vie québécoise en termes de la position de la langue française, ce qui, je considère, n'est pas le cas, que l'immigration va affecter la situation démographique sur l'île. Et je pense qu'il faut que le gouvernement sensibilise la population. On ne peut pas, d'une part, dire: Oui, on est parfaitement d'accord, on est pour une augmentation importante de l'immigration, et, d'autre part, dire: Oui, mais, si on a cette augmentation d'immigrants, on va être minorisé sur l'île de Montréal. Je trouve que c'est un discours contradictoire, et c'est important de le réconcilier si on veut vraiment que l'opinion publique soit favorable aux démarches que, j'ai l'impression, vous voulez entreprendre quant aux niveaux d'immigration.

Il y a une autre question que je me pose et que, je pense, on devrait se poser, c'est quant aux niveaux de rétention des immigrants, ce qu'on appelle, dans de nombreuses études, la migration secondaire ou migration interprovinciale des immigrants. On voit dans toutes les études qui ont été faites, même dans les études faites par le gouvernement... c'est-à-dire, des études faites par le gouvernement du Québec, c'est un phénomène assez important. Quant aux immigrants investisseurs, on a perdu à peu près 50 % de ces personnes, qui sont arrivées entre 1980 et 1995, un net, perte nette de 50 %. Je pense que chez les «steel workers», notre capacité de maintenir, de préserver ce groupe d'immigrants est plus forte, mais ça demeure que, dans cette catégorie des immigrants investisseurs et même dans la catégorie des réfugiés, on a quand même des pertes nettes qui sont assez importantes. Et je crois qu'il y a un lien à faire entre notre capacité de s'assurer que les immigrants qui arrivent ici restent ici... on ne peut pas les obliger naturellement, mais peut-être qu'on devrait revoir leurs besoins ou revoir nos besoins en termes du type d'immigration que nous essayons d'attirer au Québec.

Peut-être ne pas investir ? vous allez me pardonner pour utiliser ce langage ? ne pas nécessairement investir autant dans l'investisseur et voir, dans cette économie qui évolue beaucoup, l'économie de savoirs tels qu'on les décrit dans l'an 2000, qu'il y a d'autres types d'immigration sur lesquels on peut mettre plus d'énergie et des ressources, surtout ceux qui restent ici, au Québec, ou, dans le cas des immigrants investisseurs, explorer peut-être un peu plus, investir dans des recherches qui peuvent nous permettre de mieux saisir c'est quoi, au juste, la source du problème en ce qui concerne la rétention d'immigrants. Parce que, si on veut être réaliste, si on perd, comme tous les chiffres le démontrent, mettons, 15 % en moyenne, chaque année, de notre immigration, un taux de 25 000, 30 000, il faut soustraire le 15 % pour qu'on ait une idée juste de combien d'immigrants nous recevons actuellement au Québec, pas des immigrants, mettons, qui sont passagers, qui sont là pour quelques années, mais qui prennent le chemin d'une autre province.

n(16 heures)n

Je dirais même que, à l'intérieur de ça, il y a toute la question de l'exode des cerveaux, qu'on n'a pas vraiment regardé au Québec. Je sais qu'on dit que c'est un problème canadien, mais, quand on fait partie de la fédération, un problème canadien est aussi un problème au Québec. Et je constate, dans les chiffres sur les migrations ? pas l'immigration, les migrations ? que nous souffrons d'une sérieuse situation de déficit, au bord d'être dans un déficit migratoire. On aurait, dans cette situation ? je parle de tout le phénomène des migrations interprovinciales et internationales ? si ce n'avait été de l'augmentation de 3 000 immigrants en 1999, on aurait souffert d'un résultat négatif quant à ce phénomène de migration, c'est-à-dire que plus de personnes quittent le Québec pour ailleurs, mettons le reste du Canada et le monde entier, que des gens qui viennent ici du reste du monde et du reste du Canada.

Quoi d'autre? Je pense que je vais voir si ça résume un peu tout assez rapidement. On voit, en termes des grandes villes canadiennes, que, à Montréal, dans la région métropolitaine, la proportion d'immigrants, ce n'est pas aussi élevé que certains pourraient avoir l'impression, c'est-à-dire que je crois que notre capacité d'accueillir les immigrants à Montréal et dans le reste du Québec demeure quand même assez forte. Je crois toutefois qu'il faut être réaliste quant à notre capacité d'attirer les immigrants dans des endroits à l'extérieur de Montréal. C'est une idée tout à fait intéressante de tenter d'attirer les immigrants ailleurs au Québec qu'à Montréal, mais il faut aussi être réaliste, toutes sortes d'efforts ont été faits à cet égard depuis 10, 15 ans, qui ont porté peut-être un peu de fruits, mais il faut être réaliste quant à la capacité d'attirer les immigrants ailleurs qu'à Montréal, même si le 20 % ou le 25 % qu'on attire est intéressant ? il ne faut pas négliger ça.

Oui. L'autre question, c'est la question linguistique. Je crois que c'est absolument essentiel pour tout immigrant et pour tout Québécois, toute personne qui habite au Québec, d'apprendre la langue française, de parler la langue française. L'objectif de francisation de l'immigration est tout à fait légitime. Aussi, je considère que l'objectif d'attirer les immigrants francophones, ça aussi, c'est légitime.

Toutefois, on voit, dans les données sur les revenus et sur l'employabilité, que la connaissance des deux langues, même de trois langues, tel que, je pense, notre ministre qui est responsable de la Charte de la langue française, elle aussi, l'a constaté ? au moins, parfois, elle a constaté que l'apprentissage de deux et trois langues est tout à fait souhaitable. Je crois que, dans le cas de l'immigrant, malgré le fait que d'abord et avant tout ça devrait être prioritaire d'apprendre la langue française, c'est aussi important et utile d'apprendre les autres langues.

Et on voit que de plus en plus, à Montréal, depuis de nombreuses années, à Montréal, ceux qui connaissent les deux langues ont un niveau de revenu un peu plus élevé que ceux qui ne connaissent ni la langue française ni la langue anglaise ou juste la langue anglaise ou simplement la langue française. C'est un élément à prendre en considération. Ça ne s'applique pas strictement aux immigrants naturellement mais à l'ensemble de la société, comme on le sait.

Mais on voit ici les chiffres qui ne se contredisent pas. Il y a de nombreuses études faites là-dessus qui confirment que cette capacité de parler deux langues est une force économique. C'est du capital humain ou du capital social, tel qu'on le dit dans le vocabulaire dernièrement, en ce qui concerne la connaissance des langues comme facteur important dans l'économie pour l'immigrant qui arrive ici.

Je crois que ça résume un peu tout. Ça résume un peu l'essentiel du mémoire que j'ai présenté. Si vous avez des questions.

Le Président (M. Boulianne): On vous remercie beaucoup, M. Jedwab. Alors, nous allons procéder à la période de questions. M. le ministre, vous avez la parole.

M. Perreault: Oui. Bienvenue. Merci pour la présentation de votre mémoire sur vos temps libres, comme contribution civique. Effectivement, il y a un certain nombre de personnes qui sont venues à titre individuel, et on vous lit avec intérêt dans les médias sur ces questions. Vous les suivez avec attention.

D'abord, un petit commentaire. Il faut juste rappeler que l'Accord Canada-Québec visait justement à permettre au Québec de ne pas inféoder ses politiques d'immigration aux politiques canadiennes. Il ne faudrait pas qu'on y retourne. Je suis bien d'accord pour dire que les objectifs que se fixe le Canada en matière d'immigration peuvent être respectables, ils peuvent servir de point de référence et d'analyse pour le Québec. Et c'est sûr que tant et aussi longtemps que la question canadienne ou québécoise, selon le point de vue où on se place, n'est pas réglée, c'est évident qu'il y a des influences l'une sur l'autre, mais reste que le Québec est un peu libre de fixer ses objectifs, du moins par la partie de l'immigration qu'il sélectionne. Je vous le signale parce que dans votre mémoire, vous semblez beaucoup lier les deux.

Et je dois dire là-dessus qu'à date le Québec a préféré avoir des objectifs moins ambitieux, mais de les atteindre année après année, que de se fixer des objectifs peut-être plus théoriques, comme le 1 %, et de ne pas les atteindre. Alors, je fais ces remarques.

Ce matin, M. Jedwab, c'est un des aspects de votre mémoire, vous l'avez évoqué tantôt autour de la question notamment linguistique. Et vous avez raison de dire que le problème de la situation à Montréal n'est pas uniquement fonction de l'immigration, ça dépend aussi de la volonté des Québécois déjà installés sur place d'y rester, d'y demeurer, d'y vivre. Et ça, on ne peut pas reprocher aux immigrants de s'installer à Montréal si les Québécois ne s'y intéressent pas ? qui sont déjà là ? c'est un autre débat.

Mais on a abordé quand même la question du français de façon générale et notre volonté... Je constate d'abord que vous êtes favorable à l'augmentation des niveaux d'immigration, vous retenez le scénario 3. Moi, j'ai dit personnellement que j'hésitais entre le 2 et le 3 ou quelque part entre les deux. On verra un peu. La plupart des mémoires qu'on entend vont dans ce sens-là. Et vous rappelez avec raison l'importance de l'immigration pour le Québec, toutes autres considérations confondues. Cela dit, on ne peut, non plus, faire fi de toutes autres considérations dans ce genre d'exercice.

Il y a eu un débat ce matin, et je veux être sûr que je comprends bien le tableau 9 de votre mémoire. Et, je vais vous dire, après une certaine analyse qu'on a faite ici, là, si je comprends bien le tableau de la page 9 de votre mémoire, moi, ce que je comprends ? parce qu'on avait un débat sur le taux de rétention des immigrants connaissant le français puis le député d'Outremont, entre autres, affirmait des choses fortes, et puis d'autres; j'ai déposé un tableau, tantôt ? nous, ce qu'on comprend, c'est que vous, vous avez abordé ? j'ai déposé un tableau sur le mouvement général ? la question plus spécifique du mouvement migratoire interprovincial, les soldes d'entrées et sorties une fois que l'immigration est rentrée.

Moi, ce que je comprends de votre tableau, là, quand on fait les chiffres, c'est à peu près ceci: 96 % des immigrants connaissant le français seulement se trouvaient au Québec à la suite de ce mouvement migratoire net, les entrées, les sorties, les entrées interprovinciales; 93 % des immigrants connaissant le français et l'anglais se trouvaient au Québec; 82 % des immigrants qui ne connaissaient ni le français ni l'anglais se trouvaient au Québec et 76 % des immigrants qui connaissaient l'anglais seulement se trouvaient toujours au Québec à la fin, là, de la période que vous analysez, 1980 à 1995. C'est un peu les pourcentages qu'on a faits de vos chiffres. Avez-vous une explication?

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le ministre.

M. Perreault: J'ai une deuxième question après, M. le Président.

Le Président (M. Boulianne): Oui, alors, on va répondre à la première. M. Jedwab, on vous écoute.

M. Jedwab (Jack): Oui. Non, je crois qu'il faut faire un «matching», un jumelage, mettons, entre les facteurs linguistiques et aussi les catégories d'immigration. Beaucoup des immigrants investisseurs, par exemple, qui représentent à peu près 50 %, une perte nette de 50 %... En passant, un départ mineur, je pense que c'est important de le dire que les chiffres proviennent d'une étude longitudinale qui a été faite par Citoyenneté et Immigration Canada et Statistique Canada dans un échantillon de 55 % de tous les immigrants qui sont venus ici entre 1980 et 1995. C'est une banque de données que le Québec utilise aussi, que les personnes au MRCI utilisent, et je dirais que l'équipe de chercheurs au MRCI est excellente, en passant.

n(16 h 10)n

Dans le cas de cette immigration de dimension linguistique, effectivement il y a beaucoup d'immigrants investisseurs qui se situent là-dedans. Quant aux raisons pour lesquelles ils ne sont pas demeurés au Québec, les raisons pour lesquelles ils sont allés en large partie en Colombie-Britannique et en Ontario, c'est peut-être qu'ils ne se sentaient pas... que les conditions au Québec étaient celles qu'ils désiraient ultimement ou peut-être c'étaient les immigrants qui visaient ? je dis ça avec beaucoup de prudence ? à aller ultimement à Vancouver ou en Ontario. Peut-être que c'est une combinaison des deux: la difficulté d'adaptation qu'ils ont vécue peut-être au Québec, le niveau de confort plus élevé ailleurs, peut-être en Colombie-Britannique et en Ontario.

Je crois aussi que, dans le cas des autres, on voit, même avec les immigrants qui connaissent uniquement le français, qu'il y en a plus qui ont quitté qui sont venus. Je pense que dans le marché de l'emploi montréalais ils ont confronté des problèmes d'insertion, de trouver des emplois. Je pense que tout ceci, quelle que soit la dimension linguistique, sauf pour le cas des investisseurs immigrants, est relié à la difficulté d'obtenir des emplois. L'insertion dans le marché du travail est probablement l'élément essentiel qui explique ces questions de migration nette. C'est pourquoi la Colombie-Britannique, qui a des gains nets, et l'Ontario, par rapport aux autres provinces, ont attiré ces immigrants, parce que, entre 1980 et 1995, l'économie de la Colombie-Britannique était très, très forte. C'était également le cas de l'Ontario. Du début des années 1980 jusqu'à 1995, l'économie de l'Ontario était très, très forte, et même dans les migrations interprovinciales. Ceci est une réflexion, en partie ? les patterns qu'on voit ? de la migration interprovinciale où on voit que de plus en plus l'Ontario fait des gains impressionnants sur le Québec.

C'est pourquoi j'ai parlé de l'exode des cerveaux aussi, parce que je pense qu'il y a des combinaisons de personnes à l'intérieur de cette migration. Il y a des personnes qui ne trouvent pas d'emploi, mais il y a aussi des personnes, dans la migration «at large», qui sont très mobiles. Alors, il y a l'investisseur immigrant qui est extraordinairement mobile, qui n'a pas besoin de rester ici pour trouver un niveau de confort économique qui lui plaît, qu'il désire, et les autres qui ne trouvent pas d'emploi.

Maintenant, je veux juste ajouter, parce que je pense que c'est important: On n'a pas vu des études faites depuis 1995, ce qui fait que ? je crois, on constate à Montréal et au Québec en général une amélioration de la situation économique ? c'est possible qu'on voie des résultats différents. Moi, je suis limité par les données, mais, dans ces données, je pense que le phénomène qui est présenté est très important quant à notre analyse de la situation de l'immigration et des migrations.

Le Président (M. Boulianne): Merci. Vous avez une deuxième question?

M. Perreault: Oui.

Le Président (M. Boulianne): Oui. Allez-y, M. le ministre.

M. Perreault: Oui. En même temps, un commentaire en échange, c'est pourquoi je le souligne. On discute un peu des objectifs que se fixe le Québec au cours des prochaines années en immigration. Il y a la question du volume global puis il y a la question bien sûr des cibles. Un des enjeux, c'est notamment la cible du côté de plus de gens connaissant le français. On avait un certain débat ce matin. Et, nous, les chiffres que nous avons ? et je pense également les vôtres ? ce qu'ils démontrent, c'est que de façon très massive, très significative, les gens qui connaissent le français ont un taux de rétention plus élevé que les gens qui ne le connaissent pas. Il y a une raison évidente à ça: c'est la langue française qui est parlée majoritairement au Québec. Alors, il y a là une explication.

J'émets une hypothèse, parce que vous faites une analyse des migrations interprovinciales. Vous savez, à toutes fins pratiques, on peut difficilement recevoir des gens parlant français des autres provinces, dans un mouvement migratoire interprovincial, nous recevons... L'essentiel de l'immigration francophone qui rentre au pays rentre au Québec. Évidemment, il y a une part de celle-là qui quitte, quelques milliers, mais il n'y a même pas l'équivalent de quelques milliers pour tout le reste du Canada qui est rentré au Canada.

Alors donc, qu'est-ce que vous voulez, quand vous avez des chiffres comme 600 immigrants à l'extérieur de l'Ontario, à peu près, qui parlent le français, 4 000, 5 000 en Ontario, c'est évident qu'il ne peut pas en revenir 5 000 par année. Il peut en revenir 1 000, 1 200, alors que, sur les x milliers que nous recevons, un certain nombre peut aller vers l'Ontario. Je le souligne parce que ça pourrait peut-être donner l'explication à ce mouvement migratoire. Je pense que c'est important de l'avoir en tête. Je reviendrai, M. le Président.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le ministre. Alors, M. le député d'Outremont, vous avez la parole.

M. Laporte: Merci, M. le Président. J'ai beaucoup de questions à vous poser, mais je vais commencer par les plus simples, quoi. D'abord, ça suit un peu les propos que le ministre vient de tenir, c'est-à-dire que c'est un peu dans le même domaine d'intérêt.

On constate dans le tableau 4 du texte que les travailleurs qualifiés par province, au Québec, ça augmente de 1996 à 1998. Comment explique-t-on que... L'hypothèse que vous venez d'énoncer sur la capacité d'emploi, ça serait encore la même explication pour expliquer que le pourcentage de travailleurs qualifiés au Québec est tellement plus bas qu'en Ontario et assez plus bas que celui en Colombie-Britannique?

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député. Alors, M. Jedwab.

M. Jedwab (Jack): Excusez-moi, M. Laporte, pouvez-vous répéter le dernier bout de la question?

M. Laporte: Comment se fait-il que cet écart, l'écart se maintient entre le Québec, l'Ontario et la Colombie-Britannique en ce qui concerne l'attrait, l'attirance des travailleurs hautement qualifiés?

M. Jedwab (Jack): Parce que l'économie, je crois, encore selon les études que j'ai faites...

M. Laporte: C'est vraiment une explication économique.

M. Jedwab (Jack): ...de ces deux endroits est plus forte que notre économie. Et leur capacité d'attirer les immigrants est plus forte. Et, quant à la question de mobilité, si vous connaissez seulement la langue française, votre mobilité sera limitée. Alors, ça sera plus difficile pour vous d'immigrer ailleurs au Canada. Pourtant, j'ai constaté... Récemment, j'ai vu les chiffres d'immigration des États-Unis, Immigration and Naturalization Services, qui attirent plus d'immigrants de la France que le Québec. Alors, il y a toutes sortes de facteurs qui jouent là-dedans.

Mais je pense que l'économie de ces deux endroits est plus forte. On voit, en Colombie-Britannique depuis quelques années, un déclin de leur économie qui fait qu'il y a tout un virage qu'on a vu en termes des gains migratoires que la Colombie-Britannique a maintenus depuis à peu près 10, 15 ans. Maintenant, ça commence à changer. C'est l'Ontario qui attire un très grand nombre de Québécois et de Québécoises ou les Québécois et Québécoises récemment arrivés. C'est l'Ontario qui est le grand pôle d'attraction. Dans les chiffres qui viennent de paraître, de Statistique Canada pour le premier trimestre de l'an 2000, on voit que l'Ontario est vraiment, de plus en plus un pôle d'attraction pour les Québécois et Québécoises. Il faut que l'économie soit forte pour attirer l'immigrant.

Pour les autres immigrants, quand on parle de cet écart, il y a plus d'immigrants, les chiffres ne sont pas importants, mais je pense que symboliquement, c'est quand même important que les immigrants francophones... Effectivement, il n'y a pas tellement d'immigrants francophones à l'extérieur du Québec. Mais quand même, le fait qu'il y a perte nette est aussi en fonction du fait que, dans le marché d'emploi montréalais, l'insertion n'est pas aussi automatique qu'on croit dans le simple fait de connaître la langue française.

Ce n'est pas le simple fait de connaître la langue française qui va nécessairement être la garantie de l'emploi. Si c'était le cas, imaginez l'écart qu'on aurait au Québec dans l'emploi entre les francophones et les non-francophones, si juste la simple connaissance de la langue française était la garantie de l'employabilité et le fait de ne pas connaître la langue française voudrait dire qu'on aurait de la difficulté à obtenir de l'emploi. Les chiffres démontrent que connaître les deux langues contribue au revenu plus élevé chez les immigrants établis ici.

J'ai même remarqué, juste pour un ajout très rapidement, dans le tableau 7 ? on fait l'échange des tableaux ? sur la page 31 de ce document ici, Caractéristiques d'immigration au Québec, je trouve un peu étonnant, quant à la situation ? ça fait cinq, six ans ? quand on parle du nombre des personnes, du pourcentage d'immigration francophone au Québec. Je vous rappelle qu'on a parlé, ça fait cinq, six ans, de 20 % ou 22 %, mais là on parle, entre 1995 et 1999, d'un chiffre de 42 %. On dit: On a atteint un niveau de 42 % de l'immigration francophone. J'aime bien la définition très large de l'immigrant francophone parce que, ce qu'on a fait pour obtenir environ 43 % dans ce tableau, c'est de combiner les personnes qui connaissent seulement le français avec les personnes qui connaissent le français et l'anglais. On aurait pu dire: connaissant l'anglais, 19 plus 15: 34 %, les immigrants qui connaissent l'anglais. On aurait pu dire, c'est 34 % de l'immigration anglophone. Parce que, quand j'ai vu ce chiffre de 43 %, je dois admettre que j'étais un peu surpris. Je me rappelle, ça fait cinq, six ans ou sept ans, on a plutôt parlé d'atteindre comme 20 %, 22 %. Tout d'un coup, j'ai remarqué...

M. Perreault: On en parlait dans ce temps-là, maintenant on agit.

M. Jedwab (Jack): On a doublé le pourcentage et les chiffres réels. Je dis: Comment est-ce qu'on a fait ça? Ce n'est pas avec un bâton magique qu'on a simplement ajouté le nombre des gens qui connaissent les deux langues, avec une définition très large de qui est un immigrant francophone. Et je trouve ça tout à fait bon quant...

M. Laporte: C'est nominaliste.

Le Président (M. Boulianne): S'il vous plaît, est-ce qu'on pourrait être un peu plus concis, M. Jedwab, parce qu'il y a cinq députés qui ont demandé la parole pour poser des questions.

M. Laporte: J'aurais un autre...

Le Président (M. Boulianne): Oui, alors, allez-y, M. le député d'Outremont.

n(16 h 20)n

M. Laporte: Parce que, à la page 10 de votre document, M. Jedwab, vous nous suggérez, je pense, une autre explication de cette faible capacité. Enfin, ce que vous dites, c'est qu'il y a moins de travailleurs spécialisés parce que la croissance est moins forte ici qu'en Ontario ou en Colombie-Britannique. Mais là vous dites: «La progression du nombre et de la proportion des francophones admis au Québec n'est toutefois pas sans limite et se heurte à un certain nombre de contraintes. Outre le fait que cette proportion est nettement moins élevée dans certaines catégories d'immigrants, ces limites tiennent également au fait que les bassins de recrutement de candidats francophones présentant le profil socioéconomique recherché et susceptibles d'être intéressés à immigrer au Québec demeurent néanmoins limités.»

M. Jedwab (Jack): Oui, effectivement, si on veut bien...

M. Laporte: Donc, il n'y a pas seulement une question de croissance économique, il y a une question de politique de sélection en fonction des bassins où aller recruter.

M. Jedwab (Jack): Oui, à cause des critères de sélection que nous visons. Aux États-Unis, en 1998, 13 000 immigrants haïtiens sont venus dans ce pays. Naturellement, les États-Unis ont la capacité ? il faut faire attention ? d'accueillir beaucoup plus d'immigrants que le Québec ou le Canada dans son ensemble, mais 13 000 immigrants d'Haïti, c'est des immigrants francophones. Mais à l'intérieur de nos critères, si on n'a pas plus de flexibilité ? ce que je prône depuis un an ? dans les critères de sélection, non, je ne crois pas qu'on aura la capacité d'attirer un nombre beaucoup plus important d'immigrants francophones, mettons. Mais attendez, je veux nuancer parce que, si vous définissez l'immigrant francophone comme quelqu'un qui parle l'anglais et le français, bien, ça peut donner plus de flexibilité, mettons, tel que c'est défini dans le cahier-ci, mais si vous parlez des pays francophones, l'immigration des pays francophones par rapport à nos critères de sélection, je doute fortement, d'après les recherches et analyses que je fais ? je les fais présentement, en passant ? qu'on peut augmenter de beaucoup cette immigration.

Le Président (M. Boulianne): Merci. Alors, nous allons passer du côté ministériel. Je reviendrai du côté de l'opposition, il reste quelques minutes. M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Beaulne: Oui, merci. M. Jedwab, ce n'est pas souvent qu'on a l'occasion d'échanger avec vous, alors, c'est pour ça qu'on a des questions assez pointues...

M. Jedwab (Jack): C'est dommage. Je trouve toujours agréable de...

M. Beaulne: ...pour quelqu'un qui semble maîtriser assez bien le sujet. Moi, j'ai deux questions. Sur toute la question de la rétention, je me pose ouvertement la question à savoir si un des problèmes ne vient pas en réalité du fait que, pour plusieurs nouveaux arrivants ici, le Québec n'est pas véritablement leur premier choix.

Je m'explique. Dans le sens où on regarde la composition de l'immigration au Québec de 1995 à 1998 et par rapport aux principales autres provinces canadiennes d'immigration ? l'Ontario, la Colombie-Britannique ? et les pourcentages canadiens, le Québec accueille un pourcentage de réfugiés, par rapport aux immigrants indépendants, c'est-à-dire qualifiés, ainsi de suite, dont vous avez parlé, beaucoup plus important que les autres.

Alors, quelqu'un qui arrive ici comme réfugié, bien sûr, apprécie la possibilité d'échapper aux contraintes de son pays d'origine, mais ça ne veut pas dire nécessairement que ça demeure son point de destination ultime, et surtout, son point d'ancrage affectif, d'une part.

Deuxièmement, il y a également le fait que nous avons des politiques beaucoup plus généreuses, en termes d'assistance aux gens qui arrivent dans la catégorie non-indépendants, que des gouvernements conservateurs comme ceux de l'Ontario ou de l'Alberta. Donc, les personnes qui arrivent ici, qui sont réfugiées ou qui vivent des situations difficiles dans leur pays, connaissant la largesse des programmes sociaux qui existent au Québec, arrivent ici, au Québec, dans un premier temps, et ensuite, une fois établies, après avoir connu un peu plus la situation canadienne, s'être formées linguistiquement ou autrement, sont portées à quitter le Québec.

Alors, je m'interroge à savoir si le fait que le Québec n'est pas le premier choix pour certains d'entre eux expliquerait ces mouvements migratoires, d'une part. Et deuxièmement, il y a aussi le fait... On parle beaucoup de chiffres, il y a des scénarios d'augmentation qui sont... Vous avez, dans votre présentation, affirmé que vous reconnaissez tout à fait légitime qu'on veuille respecter l'équilibre linguistique, sociodémographique, et ainsi de suite. À quel niveau établissez-vous l'équilibre linguistique souhaitable? Parce que tout le monde parle de maintenir l'équilibre linguistique, la paix sociale et ainsi de suite. Mais, puisqu'on parle de chiffres, d'après vous, quel est un niveau souhaitable pour l'équilibre linguistique au Québec? Est-ce que c'est 55... Et je ne parle pas de gens de langue, d'origine française de souche, je parle de francophones. L'équilibre linguistique, c'est ça: anglophones, francophones, quelle que soit la souche d'origine des gens qui parlent la langue. Alors, c'est quoi, d'après vous, l'équilibre linguistique souhaitable?

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député de Marguerite-D'Youville. Alors, M. Jedwab.

M. Jedwab (Jack): J'imagine que c'est deux questions que vous me posez. D'abord, la première question porte sur...

M. Beaulne: Oui, oui, c'est deux questions différentes.

Le Président (M. Boulianne): Oui.

M. Jedwab (Jack): ...la flexibilité, mettons, qu'on a ici, au Québec, dans notre politique d'accueil des immigrants, qui, selon votre... pas analyse, mais selon votre hypothèse, mettons...

M. Beaulne: Oui, oui, je pose la question.

M. Jedwab (Jack): ...peut permettre à des immigrants qui ne sont pas destinés en premier lieu au Québec d'aller ailleurs. Je pense que c'est un risque qu'on prend dans tous les pays ou États ou provinces, dans ce cas-là, qui désirent avoir des immigrants. Il y a beaucoup de mobilité présentement en Amérique du Nord et beaucoup de mobilité dans le monde dans son ensemble. Effectivement, je crois que le Québec, dans certains de ses aspects, a tenté assez agressivement de faciliter le processus pour permettre à certains types d'immigrants et réfugiés, notamment, de s'établir ici. Je pense que c'est tout à fait à l'honneur du Québec d'essayer de contribuer à cet effort et d'aider les réfugiés, si c'est du cas des réfugiés dont vous parlez, à s'établir ici. Est-ce qu'ils vont demeurer ici? Ça dépend de notre capacité d'offrir les conditions qu'ils désirent en termes d'emplois et autres conditions qu'on a mentionnées tantôt.

Je ne suis pas sûr que c'est un phénomène important qu'on peut décrire de l'immigrant qui veut s'installer au Québec pour aller ailleurs. Je pense que, dans le cas des investisseurs immigrants, il y a peut-être des questions qu'on devrait se poser après 15 ans d'expérience. Ça, c'est une autre catégorie, pas dans la catégorie des réfugiés. Il y a des questions qu'on devrait se poser. Mais ce n'est pas à cause du bien-être social ou d'autres facteurs que les immigrants investisseurs ont choisi...

M. Beaulne: Non, non, non.

M. Jedwab (Jack): ...le Québec comme première destination, mais je pense que c'est plutôt là qu'on devrait se poser des questions quant à la question de l'immigration.

Pour la deuxième question, je ne m'avancerai pas sur un chiffre magique ou un barème quant à la proportion des francophones qui est nécessaire ou la définition de «francophone» qui est nécessaire pour assurer la sauvegarde de la langue française. Moi, je m'avancerai plutôt sur le nombre des personnes que je pense optimal pour être capable de parler la langue française: je considère que 90 % et plus ? tel qu'est la situation présentement ? des gens au Québec qui parlent français est un bon indicateur de la situation de la langue française. C'est ça que je dirais à cet égard.

Je ne m'avancerai pas, je pense que, pour les démographes, c'est imprudent de s'avancer sur un chiffre. Les gens qui disent que, à Montréal, 49 %, c'est la minorité... La situation démolinguistique n'est pas comparable à un référendum. Tu sais, à un référendum, 49 % ne suffit pas. Ce n'est pas le cas dans le cadre de la situation démolinguistique sur l'île de Montréal. Le 49 % représenterait quand même pas mal plus de ces autres 101 groupes qui sont sur l'île de Montréal. Un groupe linguistique, ce n'est pas un groupe homogène, sur l'île de Montréal, de 51 % de la population qui parle la même langue. Pas du tout.

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup, M. le député. Merci, M. Jedwab. Alors, je passe la parole à Mme la députée de La Pinière.

n(16 h 30)n

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Merci, M. Jedwab. C'est très intéressant, c'est très fouillé, comme d'habitude, et ça nous incite à réfléchir. Sur la catégorie des gens d'affaires, des immigrants investisseurs, vous avez un tableau 3 qui nous donne un peu la répartition par province et qui nous indique que le Québec finalement n'attire pas suffisamment d'investisseurs dans cette catégorie-là: en 1996, on était à 11,2 % contre 31,1 % pour l'Ontario et 41,1 % pour la Colombie-Britannique; en 1997, les chiffres respectifs étaient de 16,4 %, 33,8 % pour l'Ontario et 34,9 % pour la Colombie-Britannique; et, en 1998, on était à 25,8 % pour le Québec, 28,5 % pour l'Ontario, et 31,2 % pour la Colombie-Britannique. Donc, les données indiquent qu'effectivement on reçoit moins d'immigrants investisseurs que les...

Une voix: ...

Mme Houda-Pepin: Pardon?

Le Président (M. Boulianne): ...M. le ministre. Alors, continuez, Mme la députée. Vous interviendrez tout à l'heure. Continuez, Mme la députée, votre question.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Donc, selon le tableau 3, on recevrait moins d'immigrants investisseurs dans cette catégorie-là que les autres provinces du Canada. Et, pourtant, le Québec a fait quand même beaucoup de travail pour aller attirer cette catégorie d'immigrants. Alors, premièrement, comment expliquez-vous cela? Les données sont là, d'une part.

Et, d'autre part, vous avez dit aussi ? et c'est vrai ? qu'on perdait aussi, au niveau de la rétention des immigrants investisseurs, un certain nombre d'entre eux qui quittaient le Québec pour aller ailleurs. Est-ce que vous avez réfléchi sur les raisons qui poussent ces gens-là à quitter le Québec après l'avoir choisi comme destination d'investissement?

Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la députée. Alors, M. Jedwab, vous avez deux questions.

M. Jedwab (Jack): Je dis qu'il y a beaucoup d'interrogations à faire à ce sujet. On remarque, dans les chiffres, que le Québec fait des gains, par exemple, en termes de chiffres réels et en termes de pourcentage relatif ? ça fait deux ans, trois ans ? d'immigrants investisseurs, et la Colombie-Britannique a vu une diminution. C'est relié au fait que l'économie dynamique de la Colombie-Britannique n'est pas aussi dynamique que ça a été ça fait quelques années et, au Québec, l'économie est en train de s'améliorer depuis deux ou trois ans.

Naturellement, on avait offert des conditions de toutes sortes, des avantages et conditions, je crois, aux immigrants investisseurs pour qu'ils puissent s'installer au Québec. On a fait toutes sortes d'efforts pour les attirer. Je pense qu'on continue à le faire en pensant que c'est l'immigrant investisseur qui s'adaptera le mieux au Québec et qui va créer des emplois pour les Québécois et Québécoises. Et le taux de rétention demeure quand même assez important. C'est pourquoi je dis qu'il faut réfléchir sur ce phénomène, ne pas penser, tel qu'on a pensé depuis nombre d'années, que la solution magique ou un des éléments de solution magique aux situations d'emploi, c'est de faire tellement d'efforts et d'investir tellement d'énergie dans l'attraction des immigrants investisseurs qui sont extrêmement mobiles.

Ils ont une mobilité très importante. Ils peuvent être ici pour une brève période et ils peuvent partir après, ils peuvent même retourner, tel que certains l'ont fait, selon des études récentes. Ils peuvent même retourner à Hong-Kong. Alors, c'est le phénomène de la mobilité, de la transnationalité, tel qu'on dit dans les grandes conférences et qu'on voit reflété dans les chiffres que j'ai présentés.

En passant, naturellement, mes collègues du gouvernement du Québec et des MRC vont me dire que les chiffres pour 1999 sont disponibles. Moi, je me suis arrêté à 1998.

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup. Mme la députée, est-ce que vous avez une autre question?

Mme Houda-Pepin: Oui. Toujours sur ce sujet-là. Je crois que, dans le cas du Programme des immigrants investisseurs, le Québec s'accapare une part substantielle des investissements des gens d'affaires. Mais pourtant, les gens d'affaires vont vivre ailleurs. Comment expliquez-vous ça?

Le Président (M. Boulianne): Merci. Alors, M. Jedwab.

M. Jedwab (Jack): Parce qu'ils ont une mobilité assez importante et ils ne retrouvent pas nécessairement les conditions au Québec qu'ils souhaitaient peut-être à leur arrivée. Ou peut-être que c'était leur intention, ils savaient qu'ils étaient très mobiles, et c'était leur intention de tester le Québec pour peut-être partir ailleurs si les conditions qu'ils cherchaient n'étaient pas présentes, les conditions économiques et peut-être socioculturelles.

Effectivement, il y a une communauté assez importante en Colombie-Britannique de personnes issues de Hong-Kong. Et je pense que ceci aussi est un élément dans l'attraction, de ces immigrants au moins, en Colombie-Britannique et même en Ontario. Alors, ceci veut dire qu'il faut qu'on travaille de très près, en partenariat avec la communauté établie, que le gouvernement du Québec travaille de très près, le plus près possible, avec les communautés déjà établies, pour s'assurer que les conditions que désirent ces immigrants soient optimales. Est-ce qu'on le fait présentement? Je ne peux pas vous le dire parce que, honnêtement, je n'ai pas fait d'analyses là-dessus. Mais c'est ça qui existe dans les autres provinces. On travaille de très, très près avec ces communautés déjà établies. dans le partnership, le partenariat, pour inviter, pour essayer de créer les conditions auxquelles l'immigrant s'adapterait de façon évolutive, mettons.

On voit, dans les autres sondages qui ont été faits, un sondage de Angus Reid, qui a été fait cette année, qui montre que le Québec a un des taux les plus élevés, parmi l'opinion publique, dans le désir d'accueillir un plus grand nombre d'immigrants. Très favorable à l'immigration. Mais, quant à la diversité, on a un taux très élevé des gens qui disent qu'ils abandonnent leurs différences, mettons, quand ils arrivent ici, le plus rapidement possible. C'est différent des autres parties du Canada.

Ça peut paraître, à première vue, un peu contradictoire. Moi, je ne le considère pas contradictoire, parce que ça reflète plutôt les messages que nous avons tendance à donner ou que certaines personnes ont tendance à donner, ici, au Québec: Oui, on veut les immigrants, mais ce n'est pas inconditionnel quant à leur adaptation culturelle. On veut qu'ils se débarrassent très vite de ces caractéristiques qui peuvent les distinguer, ce qui n'est pas réaliste, parce que l'immigrant va s'adapter; quand il s'adapte, il ne va pas s'assimiler, il va s'intégrer et, l'intégration, il la préfère en douceur.

Le Président (M. Boulianne): Vous avez une dernière question, Mme la députée de La Pinière?

Mme Houda-Pepin: Oui, M. le Président, sur la régionalisation. Parce que votre mémoire a porté surtout sur la grande région de Montréal. Mais on a entendu d'autres groupes avant vous, et c'est un objectif de la politique d'immigration.

Vous, qui observez la scène politique et le dossier de l'immigration depuis plusieurs années, et vous y travaillez aussi sur le plan de la recherche, est-ce que vous estimez qu'il y a des conditions nécessaires pour réussir la régionalisation de l'immigration? Et, si oui, lesquelles? Qu'est-ce qui a manqué à ce jour dans la politique du gouvernement pour avoir des résultats tangibles quant à la régionalisation de l'immigration, en dehors de la RMR, la grande région de Montréal?

Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la députée. M. Jedwab.

M. Jedwab (Jack): Je vais être le plus réaliste possible, parce que chaque fois que j'entends ce débat, je vis un déjà vu. Ça fait comme 10-15 ans qu'on a le même débat, quasiment dans les mêmes termes. Alors, je ne sais pas si on avance beaucoup quant à cette question.

Je pense que, s'il y a plus à faire... Je vois ce qui se passe dans le reste du Canada, en Ontario et ailleurs. Il y a des petits groupes d'immigrants francophones, par exemple, en Ontario, à Toronto, ailleurs dans le Canada, on les appelle maintenant les «francophones ethnoculturels». C'est ça, le vocabulaire qu'on utilise. Et les francophones ethnoculturels ont des partenariats ou des relations assez intéressantes avec Citoyenneté et Immigration Canada quant à prendre les responsabilités, eux, d'accueillir les francophones ethnoculturels. Et peut-être que c'est là, la solution.

Mais je crois que le Québec fait des efforts, depuis 12, 15 ans ou plus, à travers ce chemin pour renforcer les liens entre les groupes, mettons, ethnoculturels ? je ne sais pas quel vocabulaire on utilise présentement au Québec; peut-être c'est les «citoyens issus des communautés ethnoculturelles» ou quelque typologie comme ça ? entre les communautés établies et le MRCI. Mais je n'ai pas fait d'analyse quant à ce qu'on investit déjà et ce qu'on peut investir quant à l'immigration hors Montréal, dans les organismes qui ont de l'expérience dans l'accueil. Je suis sûr que le MRCI peut vous fournir toutes ces données, si vous le désirez.

Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la députée. Merci, M. Jedwab. Alors, il reste quatre minutes, M. le ministre, c'est tout ce qui nous reste au complet.

M. Perreault: Je vais essayer de ne pas toutes les prendre, pour en laisser encore un peu à mes collègues.

Le Président (M. Boulianne): On vous écoute.

M. Perreault: Peut-être, d'abord, une chose qui est importante à rappeler: vous-même, je pense, M. Jedwab, dans votre document à la page 4, le tableau 3, vous soulignez le fait, et ça va amener quelques précisions, que, malgré ce qu'on a dit, le Québec, qui n'a que 15 % à peu près de l'immigration canadienne, accueille quand même plus de 25 % de l'immigration d'affaires. Donc, on peut toujours dire que nous retenons moins, mais il reste quand même que ce que les chiffres indiquent, que ce que vos chiffres mêmes indiquent, c'est que nous accueillons une part importante de la catégorie d'affaires.

n(16 h 40)n

Et, dans le cas du Programme d'investissement en valeurs mobilières, effectivement, compte tenu du succès du programme, nous recevons plus de 80 % des gens. C'est évident, cependant, que c'est une catégorie très particulière. Essentiellement, l'explication, c'est comme le très gros bassin vient de la Chine. Les gens souhaitent s'installer plutôt à Vancouver. Alors, dans le fond, c'est un phénomène. Il y a une partie qui s'installe à Montréal, mais une partie importante s'installe à Vancouver: la proximité avec le pays d'origine. Ces gens-là ont gardé des liens d'affaires avec la Chine. C'est un phénomène très particulier qui joue dans nos statistiques, mais, globalement, nous accueillons une part importante de l'immigration d'affaires.

Vous avez raison de dire aussi que les Québécois sont ouverts à l'immigration. Les choses le disent à ce point de vue là. Je pense que ce qu'on entend également, ici, à la commission, va dans le sens du consensus. Et il faut se rappeler qu'en même temps il n'y a pas du tout de contradiction. On va avoir un forum bientôt sur la citoyenneté et l'intégration sur le fait que les Québécois souhaitent que les nouveaux Québécois ? alors, moi, vous demandez comment on les appelle, moi, je les appelle des «Québécois issus de l'immigration récente» ? en quelque sorte s'intègrent. Et je souligne là-dessus qu'ils ne le souhaitent pas nécessairement au mépris des origines de ces gens-là, puisque, dans tout le Canada, c'est quand même au Québec que les immigrants conservent le plus leur langue d'origine.

M. Jedwab (Jack): Oui, je sais ça.

M. Perreault: Alors donc, il y a là des signes d'une société qui se veut ouverte et qui n'est pas assimiliationniste même si elle souhaite cependant l'intégration des immigrants. Moi, je vous pose une question, je pense qu'on se rejoint. Je veux être sûr que je vous ai bien compris, puisqu'on parlait des gens d'affaires et des autres catégories de travailleurs. Je ne suis pas sûr, d'ailleurs, que votre terme de «travailleur qualifié» n'a pas semé un peu d'ambiguïté. J'ai l'impression que, nous autres, on parle plutôt des travailleurs indépendants. C'est toute la catégorie de travailleurs. Il y a eu des discussions tantôt sur la notion de qualification.

Moi, je veux juste vous soulever une question. Je crois comprendre que vous êtes d'accord pour que nous augmentions, dans les cohortes d'immigration, le niveau de ce qu'on appelle, nous, les «travailleurs indépendants» comme catégorie à cibler.

Le Président (M. Boulianne): Deux minutes, M. Jedwab, pour répondre.

M. Jedwab (Jack): Même pas en deux minutes: Oui.

M. Perreault: Merci.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Boulianne): Ça va? Alors, est-ce qu'il y a d'autres... Ça va, M. le ministre? Eh bien!

M. Perreault: Avec une telle coopération... Je voudrais aussi rapporter un autre commentaire puis vous en discuterez un petit peu, vous pourrez faire des commentaires. Au-delà des notions des réfugiés, puis tout ça, là, je veux dire tant et aussi longtemps que les statuts politiques du Canada et du Québec sont ceux qu'ils sont présentement et que la situation linguistique est celle qui existe, me semble-t-il qu'on peut comprendre qu'une partie importante de l'immigration qui choisit le Québec comme porte d'entrée puisse aussi se sentir attirée par d'autres parties du Canada surtout si, dans le fond, la langue qu'elle maîtrise davantage est l'anglais. Il n'y a rien d'étonnant à ça. C'est un phénomène un peu normal et je crois qu'il n'y a pas à s'en scandaliser. C'est une des contraintes avec lesquelles nous fonctionnons.

De la même façon, quand vous faisiez référence au fait que, dans la volonté de maintenir un équilibre démolinguistique, que le bassin de référence, du point de vue des parlant français, est moins grand que le bassin des référence du point de vue des parlant anglais, c'est un fait, c'est une contrainte. Il faut en prendre acte. Mais je signale cependant que, de plus en plus, vous avez raison de le dire, les gens qu'on sélectionne parlent davantage le français, mais ils ont aussi souvent l'anglais comme deuxième ou troisième langue. Et, de ce point de vue là, ils seront aussi de plus en plus adaptés, parce que plus instruits au marché de l'emploi, en général.

Le Président (M. Boulianne): Merci, ministre. Alors, il resterait deux minutes pour le député d'Outremont, deux minutes juste.

M. Laporte: Juste sur la table 10, je ne voudrais pas qu'on l'oublie celle-là, elle est intéressante, parce que ça montre que... Ma question que je voudrais vous poser, c'est: Puisque l'immigration se concentre à Montréal, puisque les gens qui sont bilingues ont des revenus supérieurs à tous les autres, donc le marché du travail à Montréal, ça m'a l'air que ça fonctionne pas mal au bilinguisme, dans ce sens-là.

M. Jedwab (Jack): Absolument.

M. Laporte: Est-ce que j'ai compris que les données ici se rapportent à des personnes qui se seraient déclarées bilingues en arrivant ou qui le sont devenues au fur et à mesure qu'elles ont vécu dans le temps? C'est probablement...

M. Jedwab (Jack): Non, c'est leur première déclaration.

M. Laporte: Ils étaient bilingues en arrivant?

M. Jedwab (Jack): Oui, bilingues, mettons, oui. Ils se déclaraient bilingues.

M. Laporte: Alors, la question que je veux vous poser: C'est quoi, l'implication de ça pour la politique de sélection, là, parce que...

Le Président (M. Boulianne): Merci. Alors, vous avez une minute pour répondre, M. Jedwab, s'il vous plaît. Alors, ce sera en même temps votre conclusion. Oui, allez-y.

M. Jedwab (Jack): Je crois qu'il faut qu'on soit cohérent, parce que, effectivement, nous recevons depuis de nombreuses années des immigrants qui parlent l'anglais et le français. Il ne faut pas prétendre qu'on ne les reçoit pas, il ne faut pas prétendre que les objectifs de l'immigration francophone sont irréalistes. Et, dans les définitions qu'on donne, moi, j'aime beaucoup, un peu pour répondre à tout ce qui est dit, la définition très large de qui est un immigrant francophone: C'est quelqu'un qui, dans de nombreux cas, parle le français et l'anglais. Alors...

M. Laporte: ...Maurice Sauvé...

M. Jedwab (Jack): ...j'ai toujours insisté que je suis francophone.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup, M. Jack Jedwab. On s'excuse de vous avoir bousculé dans le temps. C'est très intéressant. Alors, nous demandons maintenant aux représentants du Congrès Juif canadien de s'approcher pour leur mémoire.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Boulianne): Alors, la commission reprend ses travaux. Bienvenue aux représentants du Congrès juif. Je demanderais à M. Boro, le porte-parole, de nous présenter sa délégation. Par la suite, il aura 20 minutes pour présenter son mémoire à la commission.

Congrès juif canadien (CJC)

M. Boro (Jeffrey): Merci, M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés. Alors, au nom du Congrès juif canadien et des Services canadiens d'assistance aux immigrants juifs, je vous remercie de nous avoir invités à présenter notre mémoire sur le document de consultation sur L'immigration au Québec ? Un choix de développement, 2001-2003.

Moi, je suis Me Jeffrey Boro, vice-président du Congrès juif canadien, région de Québec. Ici, c'est Me Richard Silver, directeur des relations communautaires du Congrès, qui justement vient d'Angleterre. À ma gauche, M. Jack Kuglemass, directeur général des Services canadiens d'assistance aux immigrants juifs, qui est venu aujourd'hui de Toronto où il dirige le programme de JIAS; et, à l'extrême gauche, Mme Anna Kulichkova, également des Services canadiens d'assistance aux immigrants juifs, qui est ici de la Russie depuis trois ans et qui travaille avec JIAS. Alors, si nous parlons de rétention des immigrants, nous avons un exemple vivant parmi nous aujourd'hui.

Alors, nos deux organismes collaborent de manière étroite dans le dossier de l'immigration au Québec depuis de nombreuses années. Depuis sa formation en 1919, le Congrès juif canadien joue un rôle de premier plan dans la représentation des préoccupations de la communauté juive de Québec. Le Congrès juif canadien n'hésite jamais à prendre position sur les questions et les enjeux qui touchent l'ensemble de la société québécoise et canadienne.

n(16 h 50)n

Pour sa part, JIAS oeuvre depuis sa création, il y a 79 ans, dans le domaine de l'immigration, de l'établissement et de l'intégration des immigrants et des réfugiés au sein de la société québécoise et de la communauté juive. Grâce à ses efforts, la communauté juive de Québec a réussi à accueillir et à intégrer des immigrants et des réfugiés juifs en provenance de plusieurs pays. Pensons à l'immigration séfarade des années soixante et, plus récemment, des Irakiens, des Iraniens, des Éthiopiens ainsi qu'aux initiatives visant l'immigration des ressortissants de l'ex-Union soviétique. Ces personnes ont contribué à la vitalité de la communauté juive ainsi qu'à la société québécoise dans son ensemble.

J'aimerais, en premier lieu, aborder la question de la détermination des niveaux d'immigration et le processus de sélection des nouveaux immigrants. Nous sommes d'avis que la détermination des niveaux d'immigration ainsi que la sélection des immigrants devraient répondre à des critères d'ordre économique, démographique et humanitaire. Nous croyons également qu'une immigration continue est essentielle au maintien de la vitalité de la société québécoise.

L'immigration constitue un apport en ressources humaines et une contribution nécessaire à l'avenir démographique et socioéconomique du Québec. Durant les années quatre-vingt-dix, le Québec a accepté 350 248 immigrants, soit une moyenne de plus de 35 000 par année. Bien que le nombre d'immigrants ait diminué au cours des six dernières années, ces chiffres témoignent de la capacité du Québec à accueillir et à absorber les nouveaux immigrants venus contribuer à l'avancement de notre société.

Cette année, le ministre propose quatre scénarios. Selon ces scénarios, le Québec accueillerait, au cours des trois prochaines années, entre 67 000 et 99 000 immigrants incluant les réfugiés sélectionnés à l'étranger, travailleurs et gens d'affaires. Si l'une ou l'autre de ces options est adoptée, la société québécoise absorberait une moyenne de 22 500 à 33 000 personnes par année, entre 2001 et 2003. Ces chiffres sont conformes au niveau d'immigration des années quatre-vingt-dix.

En abordant ces quatre scénarios, il est important de reconnaître qu'en plus des contributions culturelles et sociales importantes faites par les immigrants à la société québécoise le Québec profite des bénéfices économiques de taille qui résultent de l'immigration. Tel que souligné dans le guide de consultation, l'immigration alimente de façon substantielle la demande en biens et services, surtout dans la région du Montréal métropolitain. De plus, les immigrants investisseurs contribuent à l'activité économique du Québec et les travailleurs sélectionnés en fonction de leur formation et de leurs compétences occupent des emplois dans les secteurs où il existe une pénurie de main-d'oeuvre qualifiée au Québec.

Nous souhaitons apporter les commentaires suivants quant au choix des immigrants indépendants: l'intégration linguistique des immigrants dont la langue maternelle n'est pas le français s'avère un succès. Les démarches entreprises par le gouvernement pour permettre aux nouveaux arrivants de participer à la société québécoise en français ont été, dans une large mesure, fort réussies. Le guide de consultation souligne que 71 % de la population immigrée recensée en 1996 est capable de converser en français. De plus, le français est plus souvent connu que l'anglais parmi les immigrants admis depuis 1976. Enfin, parmi les immigrants allophones admis depuis 1976 qui ont abandonné leur langue maternelle et adopté le français ou l'anglais à la maison, deux sur trois ont préféré le français.

Il est également de notre avis que la réalisation des objectifs linguistiques assignés à l'immigration repose sur une consolidation des différentes stratégies visant à promouvoir l'apprentissage et l'usage du français par les personnes qui ne connaissent pas cette langue lors de leur arrivée au Québec. Il est essentiel que le gouvernement accorde des moyens suffisants pour que les immigrants maîtrisent le français, une étape nécessaire à leur intégration au sein de la société québécoise.

Le gouvernement devrait s'assurer que des moyens suffisants sont disponibles pour faciliter l'intégration des immigrants dont la langue maternelle est le français ou qui parlent déjà le français. On présume souvent que les immigrants qui parlent déjà le français s'intègrent sans difficulté à la société québécoise. Si cela peut être le cas pour certains immigrants, il doit être reconnu que leur capacité à fonctionner au sein d'une société donnée est fonction de bien plus que la seule connaissance de la langue parlée par la majorité. Les immigrants francophones peuvent également avoir besoin d'aide pour comprendre et saisir la société québécoise.

Le Québec sélectionne les immigrants indépendants en fonction de leur formation et de leurs compétences. Tel que mentionné dans le guide de consultation, il est important de maintenir et, si possible, d'augmenter la proportion des immigrants sélectionnés en fonction de leur profil socioéconomique.

Cependant, de nombreux immigrants qui ont reçu leur formation professionnelle à l'extérieur du Québec ont de la difficulté à faire reconnaître leurs compétences par les ordres professionnels du Québec. Cela signifie qu'ils ne peuvent pratiquer la profession pour laquelle ils ont été formés à moins de retourner sur les bancs d'école. Bien que nous soyons en accord avec les raisons d'être des ordres professionnels, soit la protection du public, il serait peut-être possible d'envisager une plus grande flexibilité quant à l'attribution des équivalences professionnelles. La rétention des immigrants hautement qualifiés s'avère difficile, surtout s'ils sont sollicités par d'autres pays où leur intégration professionnelle pourrait mieux être assurée. Maintenant, je vais passer la parole pour quelques instants à M. Jack Kuglemass.

M. Kuglemass (Jack): Merci. J'aimerais maintenant aborder la question des réfugiés. Le critère premier pour l'admission des réfugiés au Québec doit, bien entendu, être humanitaire. Au cours des années quatre-vingt-dix, le Québec a assumé avec succès ses responsabilités en accueillant plus de 60 000 réfugiés dont les personnes sélectionnées à l'étranger et celles acceptées par le Canada.

Certains éléments de scénario proposés par le ministère nous apparaissent pertinents. Trois des quatre scénarios proposent un niveau stable d'immigrants réfugiés admis. Seul le quatrième scénario, celui qui ne semble pas être favorisé par le ministère, suggère une légère augmentation de 2001 à 2003. Nous croyons que le gouvernement du Québec doit demeurer flexible quant au nombre de réfugiés qu'il accepte.

Le Québec accepte présentement une certaine part des quotas de réfugiés établis par le gouvernement fédéral. Ainsi, le Québec a accueilli 2 300 des 7 300 réfugiés admis par le gouvernement fédéral. Ce nombre dépasse le pourcentage de la population québécoise au sein de la fédération canadienne et reflète bien l'engagement humanitaire du gouvernement du Québec.

Nous reconnaissons également l'importante contribution faite par le Québec pour des programmes qui aident les réfugiés durant leur période de transition. Nous croyons que le Québec devrait inciter le gouvernement fédéral à augmenter le nombre de réfugiés admis au pays afin de permettre une augmentation du nombre de réfugiés pouvant s'établir dans la province. Les fonds fédéraux transférés au Québec pour l'établissement des réfugiés pourraient continuer à défrayer les frais de formation et d'apprentissage de la langue, offerts aux réfugiés à leur arrivée au Québec.

Bien que le nombre de réfugiés publics ait augmenté durant les années quatre-vingt-dix, il est intéressant de souligner que le nombre de réfugiés par année par le secteur privé est tombé durant la même période. Dans le cas du programme de parrainage collectif, le Québec a des ententes de parrainage privé qui ont permis à des groupes de faire venir au Québec des réfugiés et de les intégrer à la société. Ces groupes ont défrayé certains des frais liés à ce processus. Malheureusement, le public n'est pas toujours au courant du programme. Nous sommes déçus que le document de consultation ne fasse aucune référence à ces programmes de parrainage privé, puisqu'il est de notre opinion que le gouvernement devrait encourager de tels accords. M. Boro.

n(17 heures)n

M. Boro (Jeffrey): Je vais parler de réunification des familles et de parrainage. Tous les trois ans, lors des consultations sur les niveaux d'immigration au Québec, nous abordons la question de réunifications des familles. À chaque reprise, nous soulignons la nécessité d'élargir la définition de ce qui constitue une famille. La définition utilisée actuellement exclut les membres de la famille tels les frères, les soeurs et les enfants mariés. Nous souhaitons qu'ils soient inclus. De plus, nous recommandons que l'âge limite définissant les enfants dépendants soit établi au-delà de la limite actuelle de 18 ans. La seule exception existant à cette contrainte concerne les enfants qui ont plus de 18 ans et qui sont étudiants à temps plein ou ceux qui sont dépendants pour des raisons médicales. Nous croyons que ces critères excluent de manière inutile les jeunes qui n'ont pas les moyens financiers de terminer leurs études à temps plein. Nous souhaitons également suggérer au gouvernement qu'il étudie la possibilité de permettre le coparrainage.

Par ailleurs, nous croyons que le gouvernement devrait revoir les obligations financières qu'il impose à ceux qui parrainent des membres de leurs familles. Nous comprenons la crainte du gouvernement de devoir soutenir ces immigrants. Cependant, les obligations actuelles entraînent de lourds fardeaux pour les familles qui n'ont pas les moyens de les défrayer. Nous croyons que le gouvernement devrait tenir compte de la capacité de payer des individus et nous pensons qu'il pourrait se montrer plus flexible lorsque surviennent des changements temporaires dans la situation financière des parrains qui rendent impossible leur capacité à soutenir l'immigrant parrainé. De plus, l'imposition de lourds fardeaux financiers peut constituer une barrière importante à l'intégration à la société québécoise.

En conclusion, nous sommes d'avis, de concert avec de nombreux Québécois, que les immigrants ont contribué à la société québécoise de plus d'une manière: économique, académique, sociale, culturelle et politique. Ces apports sont bénéfiques pour tous les Québécois et non seulement pour la communauté dont est issu l'immigrant.

Ces dernières années, le gouvernement du Québec s'est fixé des objectifs d'immigration inférieurs à ceux du début des années quatre-vingt-dix. Comme les politiques d'immigration doivent être élaborées en ayant en tête l'intérêt du Québec à long terme, la situation démographique actuelle indique qu'une immigration accrue est nécessaire pour assurer l'avenir économique, culturel et social du Québec.

Cependant, nous réitérons au gouvernement la nécessité d'assurer la disponibilité de ressources suffisantes pour faciliter l'intégration des nouveaux arrivants au Québec. Plus particulièrement, les groupes communautaires à qui incombe cette tâche doivent posséder les moyens adéquats leur permettant de la mener à bien. Nous encourageons le gouvernement à continuer à prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer l'intégration des nouveaux arrivants au Québec. Merci beaucoup et nous serons heureux de répondre à vos questions.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Boro, ainsi qu'à votre équipe. Alors, nous allons procéder à la période de questions. M. le ministre, vous avez la parole.

M. Perreault: M. Boro, mesdames, messieurs, merci d'être là, merci de votre présentation. Votre mémoire fait le tour des préoccupations sûrement de la communauté juive du Québec et, plus largement, les préoccupations qui sont les vôtres à l'égard de l'immigration au Québec.

Un ou deux commentaires et une question. Vous reconnaissez, avec raison, que le Québec reçoit la part la plus significative des réfugiés au Canada. J'ai déposé, ce matin, un document: deux fois plus que l'Ontario, quatre fois plus que la Colombie-Britannique. Il faut être conscient que cet effort de solidarité n'est pas non plus sans s'accompagner d'obligations, de responsabilités, d'efforts financiers. Je le souligne parce qu'on colporte n'importe quoi à l'égard des pratiques ou des attitudes des Québécois en matière d'ouverture aux autres et d'immigration alors qu'on est parfois, dans certains domaines, peut-être pas exemplaires, mais, en tout cas, au moins comparables à d'autres, et avantageusement parfois.

Je dois vous corriger sur une affirmation que vous faites quand vous présentez les chiffres des scénarios. Le Québec propose, à toutes fins pratiques, d'augmenter le niveau d'immigration, selon les scénarios 2, 3... Par exemple, le scénario 1 est une augmentation de 10 %, 12 %; le troisième, de l'ordre de 37 %, 38 %. Bon, vous dites: Le scénario 4 serait peut-être préférable. C'est ce que je comprends de votre intervention. Mais, vous savez, je me posais la question: Y a-t-il un pays au monde, un pays au monde ? on n'est même pas un pays en plus, on n'a même pas les conditions d'être un pays encore ? y a-t-il un pays au monde qui consent un tel effort sur deux ou trois ans? Alors, je vous souligne cet effet.

Mais je veux plutôt vous amener sur un autre aspect que vous soulevez, qui est la question de la réunification des familles et parrainage. Là aussi, je suis obligé de dire que les questions que vous soulevez sont intéressantes. On va les regarder. Mais je suis obligé de dire que, malheureusement, nous sommes dans un contexte politique, un contexte de responsabilité constitutionnelle où ce que vous soulevez comme préoccupations et comme interrogations, aussi justifiées soient-elles, relève du gouvernement fédéral. Et nous n'avons pas le pouvoir de répondre à vos demandes en ces matières dans le cas de l'élargissement de la catégorie des familles. Alors, je tiens à le dire. Je prends acte de vos préoccupations, on peut à l'occasion les véhiculer dans nos rencontres, mais, malheureusement, cela relève d'un autre gouvernement.

Mais, sur le parrainage, j'aimerais un peu vous entendre parler davantage. Qu'est-ce que vous souhaitez que nous fassions? Qu'est-ce que vous aimeriez que nous corrigions ? là-dessus, on a fait des efforts, on peut en faire davantage ? pour mieux répondre à vos préoccupations?

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le ministre. Alors, M. Boro?

Des voix: ...

M. Kuglemass (Jack): Merci, M. le Président. Moi, j'ai appris le français à Montréal. Ma collègue Anna Kulichkova a appris le français à Moscow. Elle va m'aider aujourd'hui.

Au sujet de la réunification des familles, nous voulons dire que, s'il y a plus d'immigrants qui sont invités à vivre au Québec, il y aura plus de problèmes avec la réunification des familles. Et nous soulignons ce problème, nous reconnaissons que c'est une chose fédérale, et je vais parler avec le ministère fédéral, avec Mme Caplan, à ce sujet.

Au sujet du parrainage?

Une voix: Partenariat.

M. Kuglemass (Jack): Parrainage ou partenariat?

M. Perreault: Le parrainage.

Le Président (M. Boulianne): Le parrainage.

M. Kuglemass (Jack): Nous pensons que, si on met en place des partenariats entre le gouvernement, notre communauté ou les autres communautés et les employeurs, ça peut encourager les parrainages et l'immigration au Québec.

Nous trouvons ici, au Québec, M. le ministre, M. le Président, dans notre communauté, avec nos immigrants, que la plupart des immigrants restent ici, au Québec, ils ne quittent pas la province. Nous avons conclu une étude juste la semaine passée au niveau de notre programme nommé 300 familles ? oui, vous connaissez ce programme ? et la plupart, 90 % des personnes restent encore au Québec, restent encore ici. Puis je pense que, au niveau de l'immigration, c'est important de mettre en place des...

Une voix: Partenariats.

M. Kuglemass (Jack): Partenariats, excusez-moi.

M. Perreault: C'est un mot presque russe. Ha, ha, ha!

M. Kuglemass (Jack): Oui, oui, presque russe, oui.

Le Président (M. Boulianne): Mme Kulichkova, est-ce que vous voulez ajouter quelque chose?

Mme Kulichkova (Anna): Bon. De mon côté, je suis honorée d'être présente, ici, en tant que membre de la délégation du Congrès juif et de JIAS, la compagnie que je représente, et je suis fière de travailler avec cet organisme depuis un an et demi. C'est un organisme qui m'a accueillie après mon arrivée ici, au Canada, il y a trois ans, et qui m'a beaucoup aidée dans mes débuts et dont la raison d'être est justement d'exprimer cette volonté d'accueil qui est propre à la société québécoise. C'est cette volonté d'accueil qu'on ressent en arrivant, en posant notre pied sur le sol canadien. Et donc, j'aimerais remercier le gouvernement du Québec de ses efforts et de ses énormes efforts que vous faites pour accueillir les nouveaux arrivants. Voilà. Merci beaucoup.

n(17 h 10)n

Le Président (M. Boulianne): Alors, merci, madame. M. le ministre, on reviendra à vous tout à l'heure. Alors, nous allons passer à la porte-parole de l'opposition officielle en matière d'immigration, Mme la députée de Saint-Henri?Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Madame, messieurs, bonjour et bienvenue à cette commission. Tout d'abord, vous avez fait la même lecture que nous en ce qui a trait au scénario 4 quand vous dites... Vous exprimez votre déception, premièrement, par le texte qui l'accompagne, quand on parle de «mutation brusque de la dynamique démographique» dans le document ministériel, et qu'il est clair que le gouvernement n'a pas l'intention d'aller dans ce sens-là. Et, nous, on se posait la question ce matin: Pourquoi avoir mis le scénario 4 dans les pistes à analyser si, d'ores et déjà, le gouvernement l'avait rejeté du revers de la main?

J'aimerais revenir à un point à la page 5. Quand vous parlez de l'intégration linguistique des immigrants dont la langue maternelle n'est pas le français qui s'est avérée un franc succès, vous donnez des statistiques assez bonnes à cet égard-là. Et tantôt, il y avait un groupe ? peut-être M. Boro ? c'est un groupe de la région de Québec, le Centre multiethnique de Québec, eux proposaient au gouvernement peut-être de revoir l'immigration sur une base d'origine variée, francophone ou non, mais, ajouté à ça, le profil professionnel. Est-ce que vous seriez enclin à favoriser une telle immigration?

Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la députée. Alors, M. Boro, est-ce que vous voulez répondre?

M. Boro (Jeffrey): Oui. Alors, je devrais être d'accord avec ce principe. J'ai toujours pensé que le premier critère pour un bon immigrant dans un pays, ce n'est pas nécessairement la langue que la personne parle, mais l'adaptabilité de la personne. Je crois que, dans certains autres pays où ils ont des centres d'accueil, les personnes qui viennent, sont des immigrants dans ces pays, ne parlent pas la langue de ce pays, mais, après six à neuf mois, elles sont complètement intégrées. Alors, des fois, nous recevons des immigrants dont leur meilleure qualification, et je peux le dire, c'est qu'ils parlent le français. Mais ils ne sont pas les personnes qui vont être des atouts pour la province. Alors, c'est clair que parler la langue de la province, ici, c'est important; c'est important, question d'embauchement; c'est important, question d'insertion sociale, pour jouir de la culture québécoise. Alors, je pense qu'il devrait y avoir un élargissement, si vous voulez, des critères puis d'être plus souple dans le choix des immigrants que nous acceptons ici, dans la province.

Le Président (M. Boulianne): Merci. Mme la députée, est-ce que vous avez...

Mme Loiselle: Il y a monsieur qui voulait commenter.

Le Président (M. Boulianne): Oui, allez-y. Je m'excuse. M. Kuglemass, allez-y.

M. Kuglemass (Jack): Oui, je veux dire une autre chose au sujet de l'adaptation des immigrants. On a une nouvelle langue qui est créée ici, au Québec. C'est que, avec les adolescents immigrants juifs, immigrants qui viennent d'Israël ou de la «former Soviet Union»...

Une voix: De l'ex-Union soviétique.

M. Kuglemass (Jack): L'ex-Union soviétique, ils parlent une nouvelle langue. C'est une combinaison du russe, de l'hébreu et du français. C'est un «slang», comme on dit. Et c'est un «slang» qui les aide à se sentir un groupe, ensemble. Et c'est une méthode d'adaptation. Mais ici, au Québec, avec notre communauté, ils ne parlent pas anglais, ils parlent français avec un peu de l'hébreu et avec un peu de russe. Et ce sont des signes d'une adaptation. Et c'est une chose très importante de penser aux besoins des personnes adultes, mais aussi aux adolescents et aussi aux enfants qui sont très importants en immigration.

Le Président (M. Boulianne): Merci. Mme la députée, est-ce que...

Mme Loiselle: Bien, je peux peut-être revenir aussi au niveau... Tantôt, ma collègue... on ne pense pas à ça, mais les immigrants francophones ? elle a relevé ça cet après-midi ? il semble, on les oublie. Parce qu'ils arrivent au Québec avec l'apprentissage de la langue française, on a l'impression qu'ils peuvent tout de suite s'intégrer facilement et aisément à la société québécoise. Mais ma collègue me disait que ce n'est pas du tout le cas et que, finalement, ces gens-là n'ont pas peut-être les mêmes services que les personnes allophones ou qui ne parlent pas le français, quand ils arrivent, ils ont des services qui leur sont offerts. Vous en faite mention et vous dites au gouvernement qu'il devrait peut-être mettre en place de l'aide pour ces gens-là. Quel genre d'outils ou de services voyez-vous pour ces personnes-là, qui parlent le français, quand ils arrivent au Québec, pour vraiment qu'elles s'intègrent aisément au Québec et à la société québécoise?

Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la députée. M. Boro.

M. Boro (Jeffrey): Pour répondre, ce n'est pas facile, mais ce que je vais vous dire est de mon expérience personnelle. Les personnes, par exemple, qui viennent du Maroc, qui parlent très bien français ? c'est leur deuxième langue ? elles arrivent ici, elles n'ont pas d'appui, elles n'ont pas le support nécessaire. Quel est ce support? C'est des personnes comme les travailleurs sociaux qui sont prêts et sont présents pour les aider, pour leur expliquer comment les choses fonctionnent dans la province, comment elles peuvent trouver de l'emploi, quels sont nos règles et coutumes. La différence ? et je l'ai constaté moi-même dans ma vie personnelle ? entre un Québécois canadien-français et une personne qui vient de Paris, par exemple, c'est remarquable. Je regrette, les deux personnes, peut-être qu'elles parlent la même langue, mais elles ne pensent pas de la même façon, elles ne voient pas les choses de la même façon et elles agissent d'une autre façon. Alors, ces personnes-là doivent nécessairement avoir de l'aide pour s'adapter à la vie québécoise.

Le Président (M. Boulianne): Merci. Oui, M. Kuglemass.

M. Kuglemass (Jack): Il y a présentement une étude. L'école... the Kennedy School of Government, à Harvard, qui étudie maintenant les programmes d'intégration au Canada, et même au Québec aussi, a trouvé qu'il y a trois étages, «three stages»?

Une voix: Trois étapes.

M. Kuglemass (Jack): ...excusez-moi, trois étapes d'intégration. La première étape, c'est l'orientation; la deuxième, c'est des programmes concernant l'emploi ? l'orientation, ça inclut la langue ? et la troisième, c'est, comme on dit, le «councelling», la psychologie. Et, entre les «agencies» au Canada entier et au Québec, les «agencies» ? how do you say «lobby»?

Une voix: ...font des «promouvoir».

M. Kuglemass (Jack): ...font des «promouvoir» du gouvernement sur les deux premières étapes. Le meilleur programme d'intégration pour une personne qui vient du Maroc ou, par exemple, de la Russie ou d'Israël, c'est de former... Par exemple, pour des personnes qui sont venues ici de Moscow, ou quelque chose comme ça, c'est de faire un programme culturel avec la culture de leur pays d'origine; par exemple, un programme concernant Pouchkine, et ça, ça met en place une sécurité, qu'on peut vivre ici, au Québec, et aussi, personnellement, dans deux mondes en même temps: le monde du pays d'origine et aussi le monde du nouveau pays. À ce programme concernant Pouchkine, on doit amener ce programme en français, on doit peut-être organiser le programme dans un centre communautaire, dans une banlieue francophone, des choses comme ça. Ça, ce sont les programmes les plus efficaces. Pour les personnes qui sont venues ici d'Israël, le plus efficace programme, c'est, comme on dit en anglais, «a sing song», une chanson, une nuit pour les chansons d'Israël. Ce n'est pas les chansons... Et aussi, on a de temps en temps des chansons de Ginette Reno, ou quelque chose comme ça. Parce que, vraiment, l'intégration, c'est toujours une chose psychologique, mais aussi ça doit toucher ? how do you say «the soul»?

Une voix: L'âme.

M. Kuglemass (Jack): L'âme. Ça doit toucher l'âme.

Mme Loiselle: Merci.

Le Président (M. Boulianne): Merci. Alors, nous allons passer du côté ministériel. M. le député de Marguerite-D'Youville.

n(17 h 20)n

M. Beaulne: Merci. Dans un premier temps, j'aimerais remercier Mme Kulichkova des bons compliments qu'elle a eus à notre égard concernant notre ouverture aux nouveaux arrivants. Et peut-être pourrait-elle également nous donner la recette qu'elle a suivie pour maîtriser aussi bien le français, puisque, comme vous l'avez souligné, elle l'a appris à Moscow. Quand on parle d'intégration des immigrants à la majorité, à la société d'accueil, ce serait intéressant que vous nous disiez comment, dans un milieu non francophone, vous avez réussi à maîtriser si bien le français. Ça pourrait nous aider dans nos programmes d'intégration.

Ceci étant dit, vous avez également touché deux questions fondamentales qui nous préoccupent, qui sont l'adaptabilité pour faciliter l'intégration et, deuxièmement, un autre élément qui revient dans nos échanges, c'est la capacité de rétention, c'est-à-dire de retenir ici les nouveaux arrivants que nous formons et que nous intégrons à un coût social et à un coût économique pour la société d'accueil.

En matière d'adaptabilité, M. Boro, vous avez dit que c'était peut-être, selon vous, un des critères qui étaient les plus importants, au-delà de la langue. Comment définissez-vous l'adaptabilité? Comment peut-on mesurer l'adaptabilité d'un demandeur de statut de réfugié ou d'immigrant au Québec? Sur quels critères peut-on se baser pour mesurer l'adaptabilité d'une personne à une société d'accueil? Et deuxièmement, peut-être que vous pourriez nous expliquer comment il se fait que votre communauté réussit à retenir au Québec un pourcentage aussi élevé de ses membres, alors que d'autres viennent nous dire ici qu'on a un sérieux problème de rétention. Quelle est votre recette?

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député. Alors, il y a deux parties dans la question: il y a la recette, d'abord, de Mme Kulichkova ? on verra tout à l'heure ? et il y a l'autre question d'adaptabilité et de rétention. Alors, allez-y, qui veut répondre?

Mme Kulichkova (Anna): Merci beaucoup. J'aimerais répondre à votre première partie de votre question. Bon, il n'y a pas de recette, il ne s'agit pas de quelques mots magiques qu'il faut employer pour apprendre telle ou telle langue, pour apprendre à maîtriser tel ou tel métier. Seulement, à mon avis, d'après mon expérience personnelle, tout dépend du niveau de motivation de l'individu. Ça veut dire que, si quelqu'un est bien motivé, s'il veut les buts précis et s'il veut élargir ses horizons, apprendre à vivre dans un environnement tout à fait nouveau, être imbibé de la nouvelle culture qui va l'entourer dans sa vie quotidienne, alors, dans ce cas-là, en ayant les buts précis dans la tête, il va faire les efforts nécessaires pour apprendre à maîtriser une langue étrangère ou bien n'importe quelle profession. Puis c'est l'avidité d'apprendre et puis, à mon avis, il faut garder toujours l'esprit ouvert à apprendre des choses neuves qu'on peut retrouver dans la vie quotidienne. C'est ça. Et un peu de bonne...

M. Beaulne: Donc, motivation. La motivation, c'est très important.

Mme Kulichkova (Anna): Motivation, et un peu de bonne volonté aussi, un peu de chance. Merci beaucoup.

Le Président (M. Boulianne): Merci. Alors, nous allons passer à la deuxième question. M. Boro, s'il vous plaît.

M. Boro (Jeffrey): Alors, comment mesurer l'adaptabilité? Je peux vous dire que c'est une question de la survivance, si vous voulez. Si vous prenez une personne qui vient de la Colombie, qui est recherchée par les guérilleros pendant des mois de temps, puis qu'elle a réussi à s'échapper, ça, ça va être un très bon immigrant, parce que c'est une personne qui peut survivre. Comme un politicien qui change de parti politique, c'est un survivant, n'est-ce pas? Alors, il change pour le mieux peut-être, on ne sait pas. Alors, c'est de regarder la façon dont une personne a vécu dans son pays natal: Est-ce qu'elle était complètement passive? Quels étaient ses problèmes? Puis comment elle y a survécu?

Maintenant, je pense que les psychologues sont beaucoup mieux qualifiés pour décider ces questions-là, mais, en entrevue, je crois que les officiers d'immigration peuvent facilement voir à qui ils font affaire. Quand j'étais à l'école, j'ai fait un an au département d'immigration fédéral et je n'ai pas eu un grand training, mais c'était facile à voir qui était pour réussir, qui n'était pas pour réussir. Quand un bateau arrivait à Montréal, on était capable de voir quelles étaient les quatre personnes qui étaient pour sauter pour ne plus revenir sur le bateau à son départ.

Maintenant, quant à la capacité de rétention, je dois vous dire que la raison pour laquelle notre communauté retient beaucoup de nos personnes, c'est parce que nous sommes très organisés. Nous avons des équipes. Nous avons une expérience. Nous avons l'histoire derrière nous. Et nous savons qu'est-ce que ça prend pour garder quelqu'un: c'est de le rendre heureux, qu'il se sente chez lui à Québec. Justement, si je peux mettre un à-côté, sur la question de la régionalisation, d'envoyer des immigrants dans les régions.

Je pense que vous devez vous imaginer, vous-mêmes, Canadiens français, catholiques, pratiquants ou non, qui allez être envoyés à une place où il n'y a personne qui parle votre langue, personne qui pratique votre religion et personne avec qui vous pouvez séparer vos idées. Ça ne va pas marcher. Vous allez vous sentir isolés et vous allez aller ailleurs. C'est aussi simple que ça. Tandis que, notre organisation, nous sommes là. Nous sommes omniprésents. Et nous sommes là à tous les jours pour les aider à s'adapter. Et c'est pour ça qu'ils veulent rester, parce qu'ils se sentent finalement chez eux. Le Québec, c'est leur place.

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup. Vous voulez ajouter quelque chose rapidement, monsieur?

M. Kuglemass (Jack): Oui, je veux dire une autre chose. Votre question, c'est très intéressant et très important. Je pense aussi que la raison pour laquelle on peut retenir les immigrants ici, c'est à cause de notre philosophie de services. Nous regardons les immigrants comme des personnes avec beaucoup de potentiel... «potentiel»?

M. Beaulne: Oui, c'est correct.

M. Kuglemass (Jack): ...potentialité ? excusez-moi ? fortes, intelligentes, qui peuvent travailler, qui travaillent ici peut-être dans un marché d'emploi non réglé même si elles étudient le français et toutes sortes de choses. Nous encourageons les personnes à participer à la société. Et nous faisons une relation personnelle avec l'immigrant. Si l'immigrant me dit qu'il veut quitter Québec ou Montréal pour Toronto, je demande pourquoi. Est-ce que vous pensez que Toronto, c'est une meilleure place? La réponse, c'est: Ce n'est pas une meilleure place parce qu'on doit faire les mêmes choses qu'un immigrant en Ontario, à New York, à Miami, qu'on doit faire ici, au Québec. Et c'est une mythologie que l'immigrant sent que, s'il quitte la province, ça va être meilleur dans une autre place. Ce n'est pas vrai.

Le Président (M. Boulianne): O.K. Merci.

M. Kuglemass (Jack): Excusez-moi.

Le Président (M. Boulianne): Non, c'est beau. Merci.

M. Kuglemass (Jack): Je dois pratiquer le français. C'est une bonne place.

Le Président (M. Boulianne): Oui, je comprends ça.

M. Beaulne: Mais c'est très bon, ça. C'est très bien.

Le Président (M. Boulianne): Alors, nous allons passer à Mme la députée de La Pinière. Vous avez la parole.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, Me Boro, M. Kuglemass, Me Silver et Mme Kulichkova, j'ai apprécié votre mémoire et les commentaires que vous nous avez faits. Je vous félicite pour votre français tous, et particulièrement M. Kuglemass qui se pratique avec nous.

n(17 h 30)n

Vous avez soulevé pas mal de questions intéressantes, notamment en ce qui a trait à la reconnaissance des compétences professionnelles des immigrants. Et c'est vrai que c'est une pierre d'achoppement lorsque les nouveaux arrivants veulent s'intégrer sur le marché du travail. Et on sait qu'ils ont été sélectionnés dans des catégories de professionnels, c'est justement la raison pourquoi on a cette catégorie d'immigrants indépendants. Et là, s'ils sont médecins, ils ne peuvent pas pratiquer la médecine. S'ils sont agronomes, ils ne peuvent pas pratiquer l'agronomie. Tantôt, on a parlé de l'agroalimentaire dans les régions. Parce que c'est des professions fermées. Ingénieurs, c'est compliqué. Pour travailler dans la construction, il faut avoir une carte de compétence, et ainsi de suite. Et c'est vrai qu'il y a des choses qui se sont faites et des avancées qui ont été réalisées. Mais, dans le domaine des corporations professionnelles, il y a encore des barrières structurelles et institutionnelles considérables qui sont quasiment infranchissables pour les nouveaux arrivants.

Alors, qu'est-ce que vous préconisez au-delà de la flexibilité, etc.? Est-ce que, vous, dans votre expérience, vous avez été amené à travailler avec ces corporations, à les sensibiliser ou à proposer des projets? Comment est-ce que vous voyez la solution de ce problème?

Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la députée. Alors, M. Boro ou monsieur...

M. Kuglemass (Jack): Oui. Nous avons fait des groupes de professionnels qui ont parlé avec les collèges et les organisations qui règlent les professions, ici, au Québec, et au Canada. Ça suffit, mais ce n'est pas encore suffisant. Mais j'ai une autre idée pour le ministère. Moi, je pense que le ministère doit être le champion à reconnaître les compétences des professionnels qui ont eu leur formation à l'extérieur du Canada et du Québec. Ça va donner aux immigrants un moral élevé et ça va donner un message aux professions que leur politique est trop fixée. Et aussi, on a des arguments économiques. Nous essayons, mais c'est très difficile ici et aussi dans le reste du Canada.

Mme Houda-Pepin: Mais c'est aussi un problème...

Le Président (M. Boulianne): Oui, madame, allez-y.

Mme Houda-Pepin: C'est aussi un problème qui dure depuis longtemps. Le ministère est impliqué, il est sensibilisé, il y a un travail qui a été fait à l'intérieur du ministère avec les corporations, mais on ne voit pas vraiment les ouvertures nécessaires pour permettre à ce potentiel qui nous arrive de pouvoir s'épanouir, de pouvoir s'exprimer parce qu'il y a ces barrières-là. Alors, vous me dites que peut-être vous avez des idées pour le ministère. Moi, je suis intéressée à les connaître aussi parce que, dans le quotidien, on reçoit des nouveaux arrivants qui sont aux prises avec ces problèmes et qui ne savent pas vraiment comment les régler parce que les barrières sont toujours là. Et vous avez très bien dit que, dans la nouvelle économie où il y a une mobilité de main-d'oeuvre, les gens, s'ils ne trouvent pas des ouvertures ici, ils vont aller ailleurs. Alors, c'est une perte de capital humain pour le Québec.

Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la députée. M. Boro.

M. Boro (Jeffrey): Oui. C'est exact, ce que vous dites, et on voit les articles dans les journaux tous les mois ou tous les cinq, six mois. Un Vietnamien, médecin dans son pays, qui est venu ici, pensant qu'il pouvait pratiquer son métier, qu'est-ce qu'il fait? Il sert aux tables dans les restaurants. Il n'y a rien de mal dans ça, ça nous prend des personnes pour travailler dans les restaurants, mais pas des médecins.

Moi, je dis que les corps professionnels sont la création du gouvernement. C'est le gouvernement qui a passé la loi, c'est le gouvernement qui a passé le Code des professions et c'est le gouvernement qui peut changer la loi, s'il le veut, s'il le désire. Par exemple, si vous avez un médecin arrivant qui ne peut pas être dans une grande région, une métropole comme Montréal, parce qu'on n'a pas besoin de médecins là, on peut l'envoyer dans les régions avec une période d'adaptation, soit un an ou deux, comme les avocats quand ils sortent de l'école, ils font des stages. Alors, les personnes qui ont reçu une éducation dans un autre pays, qui ont quand même pratiqué leur art et leur profession pendant des années, on ne peut pas dire que ce sont des incompétents. On a quand même des personnes qui survivent dans les autres pays avec les traitements de ces médecins. On a quand même des personnes qui réussissent à défendre leurs causes. Des édifices qui ne tombent pas... d'une mauvaise architecture où un ingénieur... On a assez de ça ici, dans la province, et on n'en parle pas.

Alors, c'est à vous autres, le gouvernement, à dire: Pour ces personnes, on va faire des changements et, si le corps professionnel ne les aime pas, bien, ils vont faire du lobbying, ils vont tenter de faire ce qu'ils ont à faire. C'est comme l'assurance non-responsabilité pour les voitures. Les avocats n'ont pas aimé ça quand la loi a passé, mais le gouvernement l'a passée. La médecine sociale, les médecins ne l'aimaient pas, mais le gouvernement a passé la loi.

Le Président (M. Boulianne): Est-ce que ça va, Mme la députée?

Mme Houda-Pepin: Je vais laisser...

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup. Alors, nous allons passer du côté ministériel. Vous avez cinq minutes, M. le ministre, à partager avec le député d'Iberville.

M. Perreault: Je vais essayer de prendre juste une minute, vous répondrez, puis on laissera le reste au député d'Iberville.

Écoutez, sur ce dernier point, je pense que c'est important de souligner que, de fait, c'est un problème à travers tout le Canada, ce n'est pas propre au Québec. Cela dit, le Québec pourrait effectivement prendre les devants en législation. Vous avez raison de souligner que c'est une question importante qui souvent apparaît... qui est difficile à comprendre pour les personnes qui arrivent parce que ce n'est pas le même système dans les autres pays. Quant à moi, le système de protectionnisme des professions, c'est toujours quelque chose que... Peut-être parce que je ne suis pas moi-même avocat ou je ne sais pas quoi, mais j'ai toujours eu beaucoup de doutes là-dessus. Cela dit, le ministère fait des efforts. Vous avez vu qu'on a aboli toutes les restrictions, les 34 catégories d'emploi qui créaient des restrictions.

Moi, je vais vous poser une question différente un peu. Vous avez vu qu'on s'est engagé dans une importante réforme de la façon d'accueillir les immigrants, notamment dans la région de Montréal, mais partout à travers le Québec, avec la création des carrefours d'intégration qui se veulent en phase sur le milieu. Et vous aviez raison tantôt de dire que, au-delà de la francisation, tout immigrant... Vous parliez des Français. Moi, souvent, quand je rencontre des Français, c'est évident, je leur dis: Écoutez, ce n'est pas parce qu'on parle la même langue qu'on a la même culture. Une partie de la culture est commune, mais... Donc, ces carrefours sont ouverts à tout le monde, pas juste à ceux qui ont des difficultés d'apprentissage du français. Comment vous voyez la collaboration de la communauté juive dans le processus d'intégration des immigrants issus de la communauté juive avec ces carrefours d'intégration?

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le ministre. M. Boro.

Une voix: ...

Le Président (M. Boulianne): Oui. Alors, M. Kuglemass.

M. Kuglemass (Jack): Oui. Je pense qu'il n'y a pas une barrière entre la communauté juive et la grande communauté. Je pense qu'on peut participer avec ces carrefours et leur donner nos idées. Nous faisons cette sorte de travail depuis 1922; ça a été créé ici, au Québec, les JIAS. Aussi, nos immigrants ne s'intégraient pas seulement dans la communauté juive. S'ils s'intègrent seulement dans la communauté juive, ce n'est pas une intégration à succès, ce n'est pas un succès. Ça doit être une intégration dans la société québécoise. Je pense aussi que la communauté peut encourager les immigrants à parler français chez eux, à étudier le français. Dans notre agence, comme JIAS, nous parlons français comme langue de travail. Puis, quand les immigrants viennent nous visiter, ils parlent français. Ils parlent avec Anna et de temps en temps avec moi, si je suis là.

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup. Mme la députée de Saint-Henri?Sainte-Anne, vous avez encore quelques minutes.

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. J'aimerais vous parler du programme collectif pour les personnes en situation de détresse. On n'en a pas beaucoup parlé à date. Vous en faites mention dans votre mémoire, c'est des ententes qui ont commencé, je pense, en 1997 avec certains organismes, dont l'archevêché de Montréal, les Services d'aide aux immigrants juifs et l'Église anglicane, et d'autres, je pense. Vous, vous suggérez au gouvernement de faire connaître ce programme-là au public, parce que c'est vrai que ce n'est pas connu, et vous suggérez aussi au gouvernement de peut-être aller un petit peu plus loin dans ces ententes-cadres, et avec d'autres organismes. Alors, j'aimerais vous entendre davantage sur ce programme-là, s'il vous plaît.

Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la députée. Alors, M. Boro? Alors, qui nous apporte la réponse?

M. Boro (Jeffrey): Bon. Alors, c'est une question qu'on a soulevée dans notre mémoire, et c'est clair que, pour les personnes en détresse, on n'a pas beaucoup d'aide du gouvernement au point de vue de publicisation du programme et d'aide à ces personnes-là. Une solution, je n'en ai pas une pour le moment, je n'ai pas beaucoup pensé à cet aspect-là du problème. Je m'excuse, mais...

Le Président (M. Boulianne): Merci. Oui, madame. Oui, allez-y.

n(17 h 40)n

Mme Loiselle: Une précision. Dans les ententes-cadres que vous signez avec le gouvernement, est-ce que les frais encourus pour venir en aide à ces personnes en détresse là, c'est seulement les organismes qui les absorbent où il y a une participation aussi du gouvernement, au niveau des frais?

M. Kuglemass (Jack): Nous pensons qu'il doit y avoir plus de participation entre les organisations et aussi avec les personnes privées pour participer à ce programme pour les personnes qui sont en détresse. Est-ce que je réponds à votre question?

Mme Loiselle: C'est au niveau des frais, des coûts que ça comporte, est-ce que c'est seulement les organismes...

M. Kuglemass (Jack):«Who pays»? Ah! Qui va payer?

Mme Loiselle: Oui. Actuellement, est-ce que c'est seulement les organismes qui paient ou il y a une participation?

M. Kuglemass (Jack):«Well», moi, je pense que les personnes privées et que l'organisation doivent payer leur portion... «their portion»?

Une voix: Oui.

M. Kuglemass (Jack): Leur portion, parce que, si le gouvernement seulement paie, ce n'est pas la même chose. On doit créer une obligation sociale et une obligation civile, et, si les personnes privées et les organismes paient avec le gouvernement, ça crée une meilleure obligation sociale. Puis je pense que ce n'est pas seulement la responsabilité du gouvernement.

Le Président (M. Boulianne): Merci. Ça va? Il reste un petit peu de temps pour le député d'Iberville. Alors, si on veut faire ça rapidement et répondre aussi rapidement. Allez-y, M. le député.

M. Bergeron: Merci. Écoutez, je veux parler de régionalisation et de rétention des immigrants. Je pense que la communauté juive, vous êtes un exemple pour, disons, la rétention des immigrants, et les chiffres que vous avez présentés dans le mémoire le prouvent. J'aimerais vous entendre là-dessus. Quand vous dites qu'on devrait assurer une gamme de services et de projets complémentaires qui assureront la rétention des immigrants, est-ce que vous croyez qu'il y a possibilité d'envoyer des immigrants en région et de les retenir là? C'est une question à 50 $.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député. M. Boro.

M. Boro (Jeffrey): Oui, c'est toujours possible de les envoyer, mais, comme dans l'exemple que j'ai donné au député à votre droite tout à l'heure, vous ne pouvez pas envoyer une personne toute seule dans une région. On peut peut-être commencer avec un groupe de personnes. Si nous regardons les racines juives au Québec, quand M. Samuel Hart est venu, en 1764, il est venu avec sa famille et il a attiré d'autres personnes avec lui à Trois-Rivières, et il y avait une communauté florissante. La famille est encore là en partie, à Trois-Rivières. Mais il faut que vous créiez une situation où les personnes vont être heureuses dans la région.

Le Président (M. Boulianne): Merci. Alors, si la députée de La Pinière fait ça vite, il reste 15 secondes, mais je ne peux pas en permettre plus.

Une voix: ...M. le Président.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Houda-Pepin: Je voudrais, juste en terminant, que vous puissiez apporter une précision à la commission concernant les Services canadiens d'assistance aux immigrants juifs. On sait que l'immigration juive est pratiquement tari, là, il n'y a pas un flot, mais, par contre, vos services sont ouverts à l'ensemble des immigrants qui ont des besoins. Ou est-ce que vous demeurez toujours un service destiné uniquement aux immigrants juifs?

Le Président (M. Boulianne): Merci, madame. Alors, ce sera votre conclusion. Allez-y, on vous écoute.

M. Kuglemass (Jack): ...uniquement pour les familles juives, ça a été créé par la communauté juive, mais nous travaillons avec les autres organisations.

Le Président (M. Boulianne): Alors, merci beaucoup, Mme Kulichkova, M. Boro, M. Kuglemass et M. Silver. La commission ajourne ses travaux à demain matin, 10 h 30. Il y a un changement, non pas 9 h 30, mais 10 h 30, en cette même salle. Bonsoir, tout le monde.

(Fin de la séance à 17 h 44)



Document(s) associé(s) à la séance