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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le mardi 12 septembre 2000 - Vol. 36 N° 42

Consultation générale sur le plan triennal d'immigration pour la période 2001-2003


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente minutes)

Le Président (M. Boulianne): À l'ordre, s'il vous plaît! Je vous lis le mandat de la commission qui est, ce matin, de poursuivre les audiences publiques dans la cadre de la consultation générale sur le plan triennal d'immigration pour la période 2001-2003.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplaçants?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Cusano (Viau) est remplacé par Mme Houda-Pepin (La Pinière) et M. Laporte (Outremont) est remplacé par Mme Loiselle (Saint-Henri?Sainte-Anne).

Le Président (M. Boulianne): Merci.

Le Secrétaire: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Boulianne): Alors, l'ordre du jour, ce matin: nous entendrons d'abord, dans un premier temps, le Conseil du patronat du Québec; à 10 h 30, le Barreau du Québec; 11 h 30, l'Ordre des architectes du Québec. Il y a aura une suspension et nous reprendrons les travaux à 14 heures pour entendre la Solidarité rurale du Québec, le Centre des femmes de Montréal, le cégep de Jonquière et le cégep de Sainte-Foy.

Auditions

Alors donc, je demande au Conseil du patronat du Québec de se présenter et de présenter son rapport. Vous avez 20 minutes, messieurs, pour présenter votre mémoire.

Conseil du patronat du Québec (CPQ)

M. Taillon (Gilles): Merci beaucoup, M. le Président. Nous voulons remercier la commission de nous accueillir. Je voudrais vous présenter M. Guy Beaudin, qui m'accompagne, qui est directeur de la recherche sociopolitique au CPQ.

Alors, nous avons pris connaissance des orientations, des recommandations proposées dans votre document de consultation. Nous vous disons d'entrée de jeu que nous partageons plusieurs des énoncés de principe contenus au document. Je pense que notre mémoire le reflète, mais évidemment le Conseil du patronat ne se prend pas et ne se prétend pas un spécialiste des questions d'immigration. Par contre, nous sommes directement concernés au niveau des affaires au Québec par tout ce qui touche le développement économique et l'on pense que l'immigration est un élément important du contexte du développement économique du Québec.

Je pense que vous avez eu le mémoire à l'avance, vous l'avez lu, je ne ferai pas lecture du mémoire, je vais, en présentation, aborder les éléments qui nous apparaissent les plus importants, ce sur quoi nous voulons insister, et nous aurons sans doute l'occasion par la suite d'échanger avec vous sur des aspects que je n'aurai peut-être pas traités d'entrée de jeu, dans la présentation de départ.

Donc, nous pensons qu'il y a d'abord des considérations démographiques importantes qui militent en faveur, je dirais, d'une politique agressive au sens positif en matière d'immigration. Au plan démographique, je ne vous cache pas que nous sommes inquiets, compte tenu des projections que l'on peut faire, des modifications à la pyramide des âges au Québec dans les prochaines années. Le solde migratoire négatif ainsi que le faible taux de fécondité laissent entrevoir un vieillissement accéléré de la population.

Pas plus tard qu'en 2005-1006, selon les analyses de statistiques du Bureau de la statistique du Québec, si rien n'est fait, il y aura une inversion du rapport de dépendance démographique entre les jeunes et les vieux. Donc, nous ne sommes pas très loin, 2005-2006, il y a quand même urgence d'agir. Nous aurons une population qui sera davantage donc une population qui, chez les plus de 65 ans, dépassera le nombre de jeunes de 0 à 15 ans. Une substitution comme celle-là, une inversion, dans le fond, des proportions va sans doute créer des pressions importantes sur les dépenses sociales de l'État et sur les charges de l'État.

Le vieillissement particulièrement va accroître la pression sur les coûts du système de santé. Et même si on peut dire que le vieillissement a des effets bénéfiques en matière d'éducation, puisqu'il y aura des dépenses moins grandes de ce côté-là, on n'est pas sûr que le Québec sera capable, sans effort ou sans des gestes douloureux, de compenser totalement les gains ? si on peut parler en termes économiques ? au niveau des économies chez les jeunes pour rencontrer les obligations ou les charges supplémentaires du côté de la population vieillissante. Il y aura donc des choix douloureux à faire et on pense qu'il ne peut pas y avoir d'adéquation égale entre les économies, d'un côté, et les charges, de l'autre.

Si on ajoute à cela le fait que, dans certaines régions, la diminution du nombre de jeunes est importante, on ne pense pas qu'il soit réaliste de fermer des régions pour assurer le développement du Québec. Donc, il y a, sur le plan démographique, un vieillissement de la population, une situation qui nécessite, je dirais, des mouvements importants. L'immigration n'est pas la seule solution à ces problèmes. Je pense que nous ne sommes pas naïfs; on ne peut pas espérer qu'une immigration soutenue vienne régler tous les problèmes. Il va falloir agir du côté de la natalité, il va falloir agir du côté de la croissance économique. Nous aurons l'occasion, dans d'autres forums, de débattre de ces sujets-là.

Mais pour ce qui est de la commission aujourd'hui, on pense qu'une politique ouverte à l'égard de l'immigration, qui hausserait le nombre d'immigrants, qui ciblerait les clientèles immigrantes rentables, pourrait venir contrebalancer ou mettre fin, dans le fond, à un solde négatif au niveau migratoire qui serait bénéfique pour le rajeunissement de la courbe démographique du Québec.

Au plan économique, outre les incidences du vieillissement que nous venons de voir sur les dépenses sociales, sur les coûts de système, l'évolution de la pyramide des âges nous permet d'entrevoir aussi une diminution dans la proportion des gens âgés entre 20 et 59 ans, pas plus tard qu'en 2010, de telle sorte que la partie de la population la plus contributive sera aussi en diminution. Donc, les 20 à 59 ans, qui constituent le quart de la force active de la population, vont, selon les prévisions, si rien n'est changé, être en diminution.

Sans être inutilement pessimiste, parce que l'on croit que l'on peut par ailleurs changer des choses, exemple, sans doute que l'on devra envisager dans quelques années: penser à une retraite plus tardive pour maintenir une population active plus longtemps au travail. Je pense qu'on pourra envisager des solutions comme celle-là. Malgré cela, on pense qu'une approche agressive à l'égard de l'immigration serait de nature, je dirais, à promouvoir un effet économique non négligeable qui pourrait diminuer, atténuer l'affaiblissement dans la population active chez les 20-59 ans.

Dans ce contexte, compte tenu de ces éléments, étant donné que les immigrés reçus au Québec depuis plusieurs années sont relativement jeunes et qu'une part importante d'entre eux est très scolarisée, leur contribution est de toute évidence bénéfique. Pour un grand nombre d'entreprises, dans le domaine des technologies de pointe et du savoir en général, le marché de l'emploi spécialisé et technique est un marché en pleine croissance et les difficultés de recrutement dans ce secteur représentent, pour les entreprises de pointe au Québec, un défi de taille, voire souvent leur principal handicap au développement et à l'expansion de leur plan d'affaires.

Nous venons de terminer une consultation auprès des principaux dirigeants d'entreprises du Québec. Vous savez, le Conseil regroupe les quelque 400 entreprises les plus importantes au Québec, outre les associations patronales. Du côté entreprises, environ 400 entreprises sont membres chez nous, parmi les plus grosses. Dans la consultation que nous faisons aux six mois sur quels sont, dans le fond, les grands défis, les grands besoins et les facteurs les plus négatifs au développement de l'entreprise, pour la première fois dans l'histoire de nos consultations ? et nous en avons fait 49 dans l'histoire du CPQ; donc, depuis 25 ans d'existence, nous avons fait 49 consultations ? la rétention de la main-d'oeuvre et l'attrait de main-d'oeuvre spécialisée est la première priorité de nos entreprises. Ça dépasse même la fiscalité des particuliers comme étant un des facteurs les plus importants pour assurer le développement des entreprises. Donc, quand nous vous disons qu'il est important d'ouvrir la porte à une main-d'oeuvre spécialisée, à une main-d'oeuvre technique bien formée, donc d'ouvrir les portes de l'immigration, on fait écho à une préoccupation importante des dirigeants d'entreprises.

Si les compétences professionnelles des travailleurs immigrants sont prises en compte lors de la sélection et qu'elles correspondent aux perspectives à moyen terme du marché de l'emploi, il n'y a pour nous aucune raison de craindre que les immigrants indépendants ne viennent grossir les rangs des chômeurs du Québec, d'autant plus que les entrepreneurs et les investisseurs représentent une proportion non négligeable de cette catégorie d'immigrants. C'est ce qu'affirmait le document de réflexion du ministère lors la précédente consultation sur l'immigration au Québec pour les années 1998 à 2000, en citant une étude réalisée en 1996, révélant que, sur 300 entrepreneurs établis au Québec dans les années quatre-vingt, 71 % d'entre eux géraient toujours leur entreprise au Québec et que leur effet multiplicateur sur la création d'emplois était très important, à savoir une création moyenne de 3,3 emplois occupés par des personnes non apparentées à l'entrepreneur.

n (9 h 40) n

À ce sujet, donc, le CPQ pense toujours qu'on ne devrait d'aucune façon décourager les immigrants entrepreneurs ou investisseurs attirés par le Québec de s'y établir sous prétexte exclusif qu'ils n'ont pas de connaissance de la langue française. Nous reviendrons tantôt sur ce sujet. Il est évident que, dans l'attrait des travailleurs, dans l'attrait des autres immigrants, il est, je pense, un atout supplémentaire d'avoir une bonne connaissance du français, ça facilite l'intégration. On va vous le dire, on pense cela, mais, du côté des entrepreneurs, il est important d'être dynamique, et, si on a une bonne croissance économique, un bon facteur d'attrait, on pense que l'intégration viendra facilement de ce côté.

Il faut ? et nous allons vous le suggérer, comme vous le faites d'ailleurs dans votre document ? accroître le poids de ces immigrants de la catégorie des indépendants dans l'ensemble de l'immigration, d'autant plus que le Québec fait des efforts pour s'ouvrir sur le monde en favorisant davantage la continentalisation de l'économie nord-américaine et l'augmentation des échanges commerciaux avec les principaux pays industrialisés. Le CPQ est donc d'opinion que, au-delà des incidences directes sur les investissements et la création d'entreprises, la venue de gens d'affaires apportant avec eux un savoir-faire innovateur et un réseau international de relations contribue à dynamiser l'économie québécoise.

À l'occasion de la précédente consultation sur le niveau d'immigration 1998-2000, le CPQ incitait le gouvernement à viser un objectif de 55 % à 60 % pour la catégorie des immigrants indépendants; les résultats n'ont pas dépassé 50 %. Il est intéressant de noter que tous les scénarios soumis à la consultation suggèrent des normes dans la fourchette que nous recommandions en 1997. Nous sommes inquiets par ailleurs de la proportion de l'immigration humanitaire québécoise dans l'ensemble canadien, qui est de quelque 30 % alors que nous ne constituons que 24 % de la population canadienne et que nous n'accueillons que 15 % de l'immigration canadienne. Ce segment particulier d'immigrants, même s'il correspond à des valeurs qui animent la société québécoise et auxquelles adhère toujours la politique d'immigration du Québec, doit malgré tout être limitée pour tenir compte de la capacité d'accueil du Québec. J'ai cité donc le document de consultation et nous supportons fortement l'appréciation qui est faite dans le document à l'égard du sujet que nous venons d'aborder.

Bref, M. le Président, MM. les parlementaires, en tenant compte et en prenant en compte ces impératifs démographiques et économiques, le CPQ est d'accord avec les orientations générales énumérées dans le document de consultation. Nous soutenons que, pour des raisons d'ordre démographique et économique, la politique d'immigration québécoise à long terme devrait avoir pour objectif d'atteindre une proportion d'environ 25 % d'immigration canadienne. En effet, l'affaiblissement du poids démographique québécois au sein du Canada a une incidence non négligeable sur toute la question des paiements de transferts, transferts sociaux et péréquation. Nous comprenons que les efforts des différents ministères ont pu être touchés, comme dans l'ensemble de l'appareil de l'État, par les compressions budgétaires; mais maintenant que nous revenons à un assainissement des finances publiques, il ne faudrait pas négliger de faire de l'immigration une priorité importante au chapitre du développement économique du Québec.

Dans nos propositions, nous sommes allés de propositions chiffrées, quant au niveau général de l'immigration et quant à la proportion, quant aux cibles des immigrants à recevoir. Vous avez le tableau. Vous constatez sans doute que notre objectif vise à atteindre une proportion de l'immigration qui corresponde à notre poids dans la Fédération canadienne, donc 51 000 immigrants en 2003. Nous souhaitons qu'une grande majorité des immigrants reçus proviennent de la catégorie des indépendants et des familles et nous pensons que nous devrions réduire, un peu comme le suggère le document de consultation, la part qui est faite aux immigrants dits réfugiés.

Nous suggérons une augmentation un petit peu plus prononcée que celle du scénario 3, vous l'avez sans doute constaté, et nous sommes assurés qu'avec de telles proportions on parviendrait à corriger ou à infléchir dans le bon sens la courbe, la répartition ou la pyramide démographique du Québec. Nous appuyons donc la venue d'immigrants qui correspondent ou qui soient le plus aptes possible à intégrer le marché du travail et, comme atout supplémentaire, lorsque possible, les candidats qui connaissent le français, la facilité d'intégration à la société québécoise est d'autant facilitée. Nous pensons que l'immigration de personnes d'origines diverses est aussi un moyen extraordinaire de stimuler la capacité du Québec de bien se placer sur l'échiquier mondial au niveau du développement économique.

M. le Président, voilà en gros les orientations que nous favorisons. Nous voulons remercier la commission de nous avoir permis de faire état de nos intérêts pour cette question, et vous aurez compris que nous avons surtout insisté sur la partie économique de la chose parce que nous ne sommes pas, nous le répétons, des spécialistes du pointu de la question de l'immigration.

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup, M. Taillon, M. Beaudin. Alors, nous allons procéder à la période de questions. M. le ministre.

M. Perreault: Oui, merci, M. le Président. M. Taillon, M. Beaudin, bienvenue. Merci pour avoir rédigé ce mémoire, fait cette analyse, cette recherche. Comme vous le soulignez très bien, je constate que, sur ce qu'on pourrait appeler le sens du mouvement, les grandes orientations, il y a convergence de vues, vous appuyez la volonté du gouvernement manifestée dans les divers scénarios qui ont été mis sur la table d'augmenter le niveau d'immigration au Québec de façon significative et vous rappelez les enjeux à la fois démographiques et économiques qui sont reliés à cette question.

Je dois dire deux, trois remarques. Évidemment, tout en souhaitant, bien sûr, se comparer avec ce qui se passe au Canada, pour autant, la politique du Québec est indépendante relativement à la matière et donc nos scénarios tiennent compte de notre réalité. Je prends acte de vos considérations sur ces questions. C'est un peu étonnant ? je vous entendais parler ? parce que ici on a eu des discussions la semaine dernière où, à un moment donné, on nous proposait de considérer que les entrepreneurs, ce n'était pas, les investisseurs-entrepreneurs, tout ça...

J'entendais un député de l'opposition, d'Outremont notamment, dire que ce n'était pas rentable puis que c'était plutôt les réfugiés. Je ne veux pas opposer deux catégories, je veux juste vous faire la remarque suivante: Vous soulignez que le Québec accueille à peu près 30 % du poids relatif canadien des immigrants qui sont des réfugiés. Ce n'est pas tout à fait exact. C'est plus proche de 20 %, 22 %, ce qui est déjà, vous avez raison de l'indiquer, plus que autres provinces canadiennes, nettement plus.

n (9 h 50) n

Les scénarios qui sont sur la table ne visent pas à augmenter ces niveaux, mais, en tout cas, à les conserver en chiffres absolus. Je vous indique que, dans le cadre de votre mémoire, c'est peut-être ce qui nous sépare. Nous pensons qu'une société riche comme le Québec, toute proportion gardée, à l'échelle de cette planète, est en mesure de maintenir son effort. Et, dans un contexte où il y a augmentation de l'immigration, on se retrouverait avec probablement des pourcentages relatifs peut-être plus adéquats par rapport au reste du Canada, ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a pas des questions à soulever notamment dans le traitement canadien des demandes d'asile au Canada et donc au Québec, qui nous posent plusieurs problèmes. Mais c'est un autre débat.

Moi, j'aurais une question à vous poser, parce que, pour l'essentiel, les chiffres se rejoignent, les orientations se rejoignent. Vous dites: On ne devrait peut-être pas viser nécessairement des gens qui ont une certaine connaissance du français, notamment du côté des entrepreneurs ou des travailleurs indépendants. L'important, c'est que les gens soient dynamiques. Je vous rappelle que là-dessus notre objectif, compte tenu des quotas qu'on se fixe, c'est qu'ils soient tous dynamiques, mais qu'ils parlent aussi le français. Alors donc l'un n'est pas exclusif à l'autre. Évidemment, si, pour atteindre nos quotas, il fallait diminuer nos objectifs, là, il y aurait un problème. Mais à la limite, on peut peut-être même augmenter encore de 10 000 les quotas, de 20 000, et pour autant toujours souhaiter des gens qui connaissent le français et qui sont compétents.

Mais vous dites, bon, à votre page 8: «Avant même l'arrivée des immigrants, dans le but d'améliorer le processus d'intégration, il serait également souhaitable de mieux définir les rôles et les responsabilités de l'État et des organismes non gouvernementaux, des collectivités d'accueil et des immigrants.»

Alors, dans la foulée de ce que vous dites à propos des immigrants, notamment de la connaissance du français et tout ça, moi, j'aimerais un petit peu vous entendre me dire, si on doit redéfinir les rôles, quel pourrait être le rôle de l'entreprise au Québec pour favoriser l'intégration et notamment la francisation des immigrants.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le ministre. Alors, M. Taillon ou M. Beaudin, vous voulez répondre?

M. Taillon (Gilles): Merci beaucoup, M. le Président. D'abord, à la remarque du ministre, nous, on a pensé que les immigrants qu'on qualifie comme pourcentage de l'immigration humanitaire, selon les chiffres de votre document, que c'était autour de 30 %, peut-être que le ministre pourrait nous expliquer la différence entre, bon, qu'est-ce qu'il y a dans le pourcentage de l'aide humanitaire qui n'est pas des réfugiés. Mais, en tout cas, comme on n'est pas des spécialistes, nous, on a pensé que ce pourcentage-là correspondait, donc 30 %, à ce qu'on qualifie généralement de réfugiés.

Vous avez bien raison, M. le ministre, nous n'avons pas fait de l'usage du français... Ce que nous ne voulons pas, c'est que ce soit une condition sine qua non. On veut que ce soit donc, un petit peu comme dans les normes d'embauche, un atout. Bravo et cherchons de ce côté-là, mais il ne faudrait pas fermer la porte sous prétexte qu'il n'y a pas une connaissance du français surtout chez les immigrants dits indépendants. On pense que, si on a une croissance économique et une économie compétitive et dynamique, il y aura une force d'intégration qui va jouer d'elle-même. On l'a vu dans d'autres pays, ça se fait. La part de l'entreprise...

M. Perreault: On n'est pas tout à fait un pays, monsieur. Alors, ça crée des contraintes, quand même, non? Ça crée des contraintes.

Le Président (M. Boulianne): M. le ministre, on va laisser M. Taillon répondre et vous pourrez revenir par la suite. Allez-y.

M. Taillon (Gilles): On ne veut absolument pas embarquer, ce matin, dans un débat constitutionnel.

M. Perreault: Mais le problème est quand même réel, on n'est pas un pays...

Le Président (M. Boulianne): M. le ministre...

M. Perreault: Mais ce n'est pas simple, M. le Président, lorsqu'on aborde ces questions.

Le Président (M. Boulianne): Mais, M. le ministre, on va laisser M. Taillon élaborer sa réponse, vous pourrez intervenir par la suite, et aussi Mme la députée de Saint-Henri?Sainte-Anne après. Alors, allez-y, M. Taillon.

M. Taillon (Gilles): Je voudrais donc répondre, après cette remarque préliminaire, à la question du ministre: Que peut faire l'entreprise? On vous dit, nous, dans l'entreprise, il est évident qu'on est très, très ouvert. Les entreprises du Québec ne demandent pas mieux que d'embaucher des immigrants, donc de faciliter leur venue au Québec, surtout parmi les immigrants qui ont des compétences importantes, des savoirs dont nous ne disposons pas. On est actuellement, dans plusieurs secteurs économiques, en pénurie de main-d'oeuvre. Donc, il y a des ouvertures. Pas strictement à Montréal non plus, dans plusieurs régions du Québec, il y a des ouvertures. Et on pense qu'avec les lois actuelles, du côté linguistique, langue de travail, etc., il y a tout au Québec, avec nos lois relatives à l'éducation, pour favoriser, si les gens qui sont en emploi, sont embauchés, pour favoriser leur intégration à la société francophone québécoise. On ne pense pas qu'il faille ajouter, mais on pense qu'il faut être ouvert, être dynamique pour les accueillir et leur présenter le Québec comme étant une terre, dans le fond, intéressante pour brasser des affaires, pour éduquer sa famille, élever sa famille, avec des emplois intéressants, disponibles, actuellement.

Le Président (M. Boulianne): Merci. Est-ce que vous avez un commentaire, M. le ministre, avant de passer à l'opposition?

M. Perreault: Oui. Quand même, j'aimerais un peu que vous l'approfondissiez un petit peu parce que, vous avez raison et je pense que le document est clair là-dessus, la connaissance du français n'est pas un critère éliminatoire. Et ça, je pense que c'est clair, on n'a jamais soutenu le contraire. Cependant, on croit qu'on a intérêt à choisir, parmi les nombreuses personnes qui souhaitent immigrer au Québec, des gens qui ont une certaine connaissance du français; c'est un plus, comme vous disiez, et c'est comme ça d'ailleurs que notre grille de sélection est faite, surtout qu'on parle d'à peine 43 % des gens qui connaissent le français au départ. Donc, avant même d'être rendu à 50 %, on a un peu de chemin à faire.

Mais j'aimerais quand même que vous explicitiez un petit peu plus parce qu'il reste quand même... En tout cas, beaucoup de gens soulignent cet aspect-là des choses. Peut-être qu'ils ont tort dans votre esprit, peut-être que ça ne correspond pas à votre appréhension de la réalité, mais beaucoup de gens soulignent quand même qu'une partie importante de l'immigration, dans le contexte du double modèle d'intégration qui existe lorsqu'on arrive à Montréal entre le modèle canadien, l'anglais, le bilinguisme, le modèle québécois, il y a quand même des gens qui ont de la difficulté un petit peu à se franciser, à entrer dans le modèle québécois. Si on n'a plus ces exigences au départ, vous pensez qu'on va y arriver pareil? Vous avez l'air de trouver que ça a l'air de se faire tout seul. Il y a des gens qui sont venus nous dire et qui nous disent qu'il y a quand même des difficultés sur le terrain.

Le Président (M. Boulianne): Merci. M. Taillon.

M. Taillon (Gilles): On ne pense pas que l'intégration, ça se fait tout seul. On n'est pas naïf au point de croire qu'il n'y a pas de problème, mais on pense que, si on a un attitude ouverte et si on laisse jouer bien les lois du marché, dans le contexte de la réglementation actuelle, on pense que les choses vont se réaliser correctement. On ne peut pas nier au Québec qu'on est aussi en terre d'Amérique, qu'on est dans un entourage où il existe d'autres langues, l'anglais majoritairement chez nos voisins les plus proches, mais bientôt l'espagnol et le portugais compte tenu des transactions commerciales qu'on va de plus en plus faire avec l'ensemble de la l'Amérique. Donc, je pense qu'il ne faut pas négliger la possession, la connaissance de plusieurs langues...

M. Perreault: Ah! bien oui, ça, c'est autre chose.

M. Taillon (Gilles): ...il faut accueillir ces gens-là et, bien sûr, maintenir nos politiques dans le domaine du français, et je pense qu'à partir de là, dans l'usage du français au travail, dans l'usage du français à la maison ? les dernières statistiques, je pense, ne sont pas alarmantes ? il y a de l'intégration et il y a une possibilité d'avoir un Québec francophone dans un environnement qui est autre.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Taillon. Alors, nous allons donner la parole au porte-parole de l'opposition officielle, Mme la députée de Saint-Henri?Sainte-Anne. Allez-y.

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Seulement pour votre information, tantôt le ministre disait que mon collègue d'Outremont, la semaine dernière, disait que les entrepreneurs, les investisseurs, ce n'étaient pas rentables. Ce n'est pas du tout ce qu'il a dit, il a dit que le gouvernement devrait regarder l'apport économique au niveau du dynamisme et de la vitalité économique des réfugiés, et que les réfugiés, c'était rentable. C'est ce qu'il a dit.

Alors peut-être sur cette voie, messieurs, j'aimerais revenir à votre recommandation que vous faites au gouvernement de baisser le taux de réfugiés, de baisser notre proportion d'immigration humanitaire à 10 %. Si on se rappelle, il y a une dizaine d'années, les boat people, les Vietnamiens qui sont venus s'installer au Québec, ils sont arrivés au Québec avec absolument rien, rien dans les poches, rien dans leurs valises, seulement leur coeur, leur scolarité et tout ce qu'ils voulaient investir au Québec. On regarde aujourd'hui au niveau des Vietnamiens, ils se sont très, très bien intégrés au Québec. Il y a des médecins, des ingénieurs, des docteurs. C'est un succès au niveau de l'intégration.

Alors, je vous poserais la question: Comment conciliez-vous votre demande que vous faites au gouvernement, de limiter à 10 % la venue de réfugiés au Québec, quand on regarde le succès incroyable d'intégration de ces gens-là et surtout l'apport économique et la vitalité économique qu'ils apportent au Québec?

Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la députée. M. Taillon.

M. Taillon (Gilles): Merci beaucoup, M. le Président. Écoutez, nous souhaitons véritablement que dans les choix ? et c'est la recommandation que nous faisons ? on privilégie un accueil qui, majoritairement et très substantiellement, privilégie des immigrants qui sont indépendants, dont l'intégration sera facilitée. Nous ne disons pas qu'il ne faut pas d'être une terre d'accueil, qu'il ne faut pas accueillir des réfugiés, mais, si nous avons un choix à faire, nous disons: Augmentons la proportion des immigrants indépendants. C'est dans ce sens-là que nous faisons notre intervention.

n(10 heures)n

Notre objectif, c'est de rendre l'accueil des réfugiés possible mais de favoriser une intégration plus rapide, moins dépendante de l'ensemble de la société de ceux qu'on accueille. C'est dans cette optique-là que les gens d'affaires nous l'avaient signalé dans un sondage élaboré il y a quelques années ? on vous le dit dans le document ? et qu'ils nous ont répété qu'il fallait être quand même prudents et responsables dans l'accueil de l'immigration humanitaire. L'objectif, c'est d'accueillir de façon raisonnable des gens qui sont en situation difficile ailleurs, mais il est important aussi d'avoir des immigrants qui sont indépendants et fonctionnels rapidement au Québec.

Le Président (M. Boulianne): Merci. Mme la députée.

Mme Loiselle: Vous avez mentionné le sondage. Dans votre mémoire, vous dites que le sondage que vous avez fait auprès de vos membres... que, pour les membres, 10 % des immigrants, c'est un peu comme faire notre part comme société et que 80 % de ceux qui ont répondu n'étaient pas d'accord pour que le pourcentage de réfugiés dépasse un seuil de 10 %.

Dans le mémoire du Conseil des relations interculturelles, on fait référence au tableau 13 du document de statistiques qui accompagne le document de consultation. Au niveau des réfugiés, on dit que près du tiers des réfugiés ont 14 années et plus de scolarité et que près de quatre réfugiés sur cinq admis au cours de la période 1990 à 1998 sont toujours présents au Québec. Alors, le taux de rétention est excellent.

Je reviens toujours à ma question: Est-ce que vous ne devriez pas peut-être revoir ou ? c'est peut-être une méconnaissance de la part de vos membres du niveau de scolarité des réfugiés qui arrivent au Québec, au niveau aussi de leur taux de rétention... si c'est un manque de connaissance, est-ce que vous ne devriez pas, comme organisme, peut-être informer les membres du Conseil du patronat que finalement les réfugiés, c'est un apport important pour toute la contribution qu'ils apportent au Québec, quand on constate les données des statistiques actuellement du taux de rétention, et du niveau de scolarité, et du succès d'intégration de ces gens-là, particulièrement au niveau économique du Québec?

Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la députée. M. Taillon.

M. Taillon (Gilles): Je répondrais à Mme la députée que, pour nous, le taux de rétention n'est pas nécessairement un indicateur de succès. Il faudrait peut-être pousser plus loin. Le taux de rétention, on ne sait pas dans quelle situation les immigrants réfugiés sont retenus ici. Est-ce qu'ils sont encore dépendants de la sécurité du revenu? Il faudrait avoir donc la proportion à cet effet-là pour porter un jugement davantage économique.

Maintenant, c'est clair que ? nous vous l'avons signalé ? nous ne sommes pas des fins spécialistes de l'immigration et, s'il y avait des chiffres qui sont en mesure d'infléchir, au-delà du taux de rétention qui ne m'apparaît pas significatif, ou qui peuvent démontrer que les réfugiés, dans une proportion importante, sont indépendants, sans doute que ça nous permettrait d'ouvrir la discussion avec notre membership.

Le Président (M. Boulianne): Merci. Mme la députée, est-ce que vous avez d'autres questions? C'est beau? Alors, M. le député de Vachon.

M. Payne: Merci. Bonjour, M. Taillon, M. Beaudin. Moi aussi, je suis préoccupé par des questions qui ont été posées par ma collègues de Saint-Henri. Je pense qu'il y a, à vrai dire, à mes yeux, une certaine insinuation malheureuse peut-être dans le dernier paragraphe quand vous dites, faisant référence à la catégorie des réfugiés: «Ce n'est pas tout de les recevoir, il faut être en mesure de leur fournir les services dont ils ont besoin...» Si ma compréhension est correcte, à savoir qu'il s'agit d'un innuendo, pouvez-vous nous indiquer quelles sont les indications que les réfugiés du Québec sont déficients ou déficitaires au niveau des services qu'ils reçoivent? Ça, c'est ma première question.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député. Alors, M. Taillon.

M. Taillon (Gilles): M. Beaudin.

Le Président (M. Boulianne): M. Beaudin. Alors, allez-y.

M. Taillon (Gilles): C'est lui qui a fait la recherche.

Le Président (M. Boulianne): Excusez.

M. Beaudin (Guy): Une des questions qu'on se pose en fait, puis quand arrive... de juger quelle est la proportion, etc., c'était de se demander...Bon, quand ils arrivent ici, au Québec, ce qu'on observait, puis c'est là qu'on disait que c'était peut-être plus difficile comme capacité, je dirais, de les intégrer... c'était qu'on rappelait dans la documentation que, quand il s'agissait des réfugiés, bien souvent il fallait que le régime social du Québec les supporte plus longtemps que quelqu'un qui était indépendant, que quelqu'un qui arrivait ici avec son potentiel soit économique ou sa capacité de travailler immédiatement. Donc, il était à la charge de l'État peut-être un petit peu plus longtemps. D'ailleurs, quand on considère, même au niveau linguistique, s'il parle déjà français, c'est sûr qu'à ce moment-là, au niveau strictement de la langue, ça va être plus facile à intégrer que quelqu'un qui ne connaît pas du tout la langue française. C'est de cette façon-là. Donc, nous autres, ce qu'on voyait, c'est que, quand il s'agissait des réfugiés, c'était un coût social plus grand que lorsqu'il s'agissait soit d'entrepreneurs soit de travailleurs indépendants. C'est ça, là, dans le fond. C'est à ce niveau-là. Donc, ça ne veut pas dire qu'on ne fournissait pas le service, mais c'était un poids pour la société plus grand que quand quelqu'un est indépendant. S'il arrive ici et qu'il se trouve un travail le lendemain, il n'est pas à la charge de l'ensemble de la société. Ça ne veut pas dire qu'il ne contribuera pas dans cinq mois, six mois, sept mois, mais, je veux dire, sur le moment, sur le coup, lorsqu'ils arrivent, à ce moment-là ils sont dépendants de la société. C'est à ce niveau-là strictement.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Beaudin. M. le député de Vachon.

M. Payne: Vous dites que le Québec a sélectionné un grand nombre de réfugiés à l'étranger, ce qui a pour effet de gonfler la part québécoise de l'immigration. Là encore, à mes yeux, ça semble indiquer un certain préjugé à l'égard des réfugiés. Quand on prend en considération que le Québec, jusqu'à un certain point, sélectionne certaines catégories de réfugiés, avez-vous des indications ? encore ma question ? sur le fait que le Québec n'est pas en mesure d'efficacement sélectionner les réfugiés? Et je ferai référence aux témoignages de beaucoup de commentateurs sociaux, de journalistes et de chercheurs quant à, justement, la capacité d'accueil du Québec à l'égard des réfugiés.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député. M. Taillon.

M. Taillon (Gilles): Oui. Nous n'en avons pas contre les réfugiés, on veut être bien clair là-dessus, et on ne pense pas que la sélection... on ne porte pas un jugement négatif quant à la sélection de ce qui est fait. On dit simplement qu'il serait important, compte tenu des coûts d'intégration, compte tenu de la situation et des besoins économiques, il serait peut-être important de revoir la part entre les immigrants dits indépendants et les immigrants réfugiés. C'est strictement, M. le député de Vachon, l'orientation que l'on souhaite. Mais il n'y a pas un jugement négatif à l'égard des réfugiés ni de la sélection qui est faite. On se dit tout simplement: Est-ce qu'il n'y a pas lieu, compte tenu des contraintes au niveau des finances publiques du Québec, d'y aller d'une façon qui soit moins coûteuse? Si, comme je le soulignais à Mme Loiselle, on se trompe quant à notre évaluation, nous aimerions en avoir la démonstration, ce qui n'était pas fait dans le document, puisque, de toute façon, dans le document, on allait dans cette orientation-là, dans le document de consultation, le document gouvernemental.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Taillon. Est-ce que ça va, M. le député? Encore une dernière question?

M. Payne: Brièvement. Vous dites qu'il n'y a rien qui empêche le Québec de faire valoir son point de vue auprès du gouvernement fédéral sur l'importance et sur le choix des immigrants qu'il devrait accueillir dans sa province. Connaissant les limitations seulement qui existent au niveau de la sécurité et de la santé pour les immigrants en général, est-ce que vous revendiquez une position beaucoup plus ferme et est-ce que vous offrez un appui solide de la part du CPQ au gouvernement du Québec pour assumer sa pleine responsabilité en la matière?

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député. M. Taillon.

M. Taillon (Gilles): Nous n'avons aucun problème à défendre la position du Québec vis-à-vis du gouvernement fédéral dans ce dossier-là. Nous l'avons appuyée d'entrée de jeu au moment où les négociations se sont faites, et je pense que nous allons toujours soutenir le Québec là-dessus.

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup, M. Taillon. Merci, M. le député. Alors, Mme la députée de Sauvé.

n(10 h 10)n

Mme Beauchamp: Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. J'aimerais vous inviter, en page 8, à élaborer sur un des paragraphes qu'on y retrouve. Vous dites qu'il serait souhaitable de mieux définir les rôles et les responsabilités de l'État et des organismes non gouvernementaux, des collectivités d'accueil et des immigrants quant à la question du processus d'intégration. Vous terminez en disant que même les immigrants devraient assumer une plus grande part de responsabilités à cet égard. Est-ce que vous pouvez élaborer? Quelle est votre vision des choses sur le partage des responsabilités? Et, plus particulièrement, qu'est-ce que vous voulez dire lorsque vous dites que les immigrants devraient également assumer une plus grande responsabilité à l'égard de leur propre intégration?

Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la députée. M. Taillon.

M. Taillon (Gilles): Oui, rapidement. Je pense que ce que l'on souhaite, nous, c'est qu'au niveau, par exemple, de l'État... dans le fond, que l'État essaie d'offrir un service d'intégration qui soit d'une performance impeccable. On pense qu'il y a des améliorations possibles à faire au niveau, par exemple, de l'accueil des immigrants, de la formation, et on sait qu'il y a des mesures importantes qui ont été prises, mais, encore il y a quelque temps, on n'avait pas une performance extraordinaire du côté des services de francisation, de formation des immigrants. Je pense qu'il faut continuer dans ce sens-là. On pense aussi qu'il faut à un moment donné cesser, et chez les immigrants indépendants comme chez les réfugiés, il faut cesser à un moment donné, je dirais, l'encadrement systématique de l'État auprès de ces personnes-là. Il faut leur permettre de s'intégrer selon leurs propres ressources, selon leurs propres moyens.

Nous avons une énorme confiance, nous, dans les personnes et dans les individus, et nous pensons qu'à l'égard de ce qui arrive, une fois que l'État aura fait son travail, je dirais, de façon correcte et performante, efficace, il faut laisser les individus se prendre en charge, et les communautés d'accueil de ces groupes-là, les communautés culturelles d'appartenance, pourraient aussi être d'un précieux secours sans être nécessairement aux crochets de l'État. Bref, il faut renforcer, dans le fond, la confiance dans les individus à l'égard de l'intégration à la société québécoise.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Taillon. Mme la députée, allez-y.

Mme Beauchamp: Oui. D'ailleurs, je voulais vous inviter à définir ce que vous entendez par collectivité d'accueil. Vous venez peut-être de le faire un peu en mentionnant les collectivités reliées à l'origine, la communauté culturelle, je croyais que vous y donniez un sens plus large que ça. Ma deuxième question, c'est: Est-ce que vous considérez que le milieu des entreprises fait partie des collectivités d'accueil dans les différentes régions du Québec? Et je ramène un peu la question que posait le ministre un peu plus tôt, à savoir: Si vous considérez que vous faites partie des communautés d'accueil dans les différentes régions du Québec, quel pourrait et quel devrait être le rôle des entreprises dans le processus d'intégration des immigrants au Québec?

Le Président (M. Boulianne): M. Taillon, allez-y.

M. Taillon (Gilles): Je pense que l'entreprise est au coeur de l'accueil des immigrants à partir du moment où l'entreprise fournit un emploi à l'immigrant. À partir de là, à partir du moment où l'entreprise a offert un emploi ? c'est sa tâche fondamentale ? et a offert un milieu de travail qui soit accueillant, qui soit ouvert à la diversité, je pense que l'entreprise est sans doute le premier, après la famille, après la communauté d'appartenance culturelle, elle est sans doute le premier élément d'intégration à la société. Et je pense que l'entreprise, en offrant l'emploi, fait déjà un travail colossal en matière d'immigration. Elle reçoit de l'immigrant, mais elle donne aussi.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Taillon. Mme la députée, une autre question.

Mme Beauchamp: En terminant, certains intervenants, la semaine dernière, ont parlé de la notion de parrainage civique en prônant une participation plus active encore des entreprises sous la forme d'un parrainage civique. Est-ce que c'est une notion ou un genre d'engagement que vous avez considéré, discuté avec vos membres?

Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la députée. M. Taillon.

M. Taillon (Gilles): Très honnêtement, nous n'avons pas abordé cet aspect-là de la question. Maintenant, les entreprises sont énormément sollicitées au Québec. Il faut peut-être leur laisser faire leur premier travail qui est de créer de l'emploi et faire des bonnes affaires, de telle sorte qu'elles pourront réinvestir dans la société. Je pense que nous ne sommes pas opposés à un parrainage civique, à une implication plus grande de l'entreprise, mais, si l'entreprise offre un emploi et des emplois aux immigrants, je pense qu'elle a déjà fait un énorme travail d'accueil et d'intégration.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Taillon. Alors, il me reste un peu plus de quatre minutes. Il y a le député de Saint-Hyacinthe qui a demandé la parole et le ministre, alors vous avez la parole, vous pouvez vous arranger pour fonctionner dans les quatre minutes qui restent. M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Comme d'habitude, je vais essayer d'être bref.

Le Président (M. Boulianne): Allez-y.

M. Dion: Bonjour, M. Taillon et M. Beaudin. À la page 8 de votre document, vous dites ceci: «La rétention des immigrants en région dépend non seulement des services d'accueil, mais surtout d'une masse critique d'immigrants et des emplois disponibles.» Tout le monde conviendra que la régionalisation de l'immigration étant un phénomène tout à fait récent, la masse critique des immigrants existe généralement très peu en région. Donc, il faut compenser par, à ce moment-là, les services d'accueil. C'est sûr, je suis tout à fait d'accord avec vous que votre premier travail, c'est de fournir des emplois, mais ne croyez-vous pas que, pour assurer une plus grande stabilité des emplois, des employés et une meilleure rentabilité dans les entreprises, vous auriez intérêt, par exemple, à appuyer d'une façon plus directe autant les groupes communautaires que les municipalités qui ont à former cette communauté d'accueil pour les immigrants?

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député de Saint-Hyacinthe. M. Taillon.

M. Taillon (Gilles): Je dirais, dans le fond, deux brefs commentaires.

Je pense que la régionalisation de l'immigration n'est pas un phénomène récent. Je me rappelle, pour avoir, dans d'autres vies, travaillé dans d'autres secteurs où on recevait des immigrants... et l'objectif de régionalisation n'est pas neuf. Maintenant, c'est plus difficile à réaliser, vous avez raison. Le nombre, je dirais, la capacité d'accueil de la communauté des immigrants est plus faible ailleurs, c'est évident.

Quant à l'emploi, moi, je pense qu'il faut éviter de demander aux entreprises ou de solliciter les entreprises pour intervenir ailleurs que là où elles sont pleinement compétentes. Mais, si on leur permet d'être performantes, d'être en croissance, moi, je suis sûr qu'elles vont répondre à la commande d'accueillir des immigrants et de leur offrir, dans le fond, ce qui est le plus important pour eux, un emploi. Et je vous dis, chez nos membres, il y a cette volonté, cette recherche et cet accueil de travailleurs étrangers. Il y a cette volonté-là. Il y a des entreprises qui ont des services spécialisés de recrutement à l'étranger. Donc, on est loin d'être rébarbatif ou réfractaire au phénomène. Mais il faut peut-être éviter de demander aux entreprises de jouer dans les terrains où elles ne sont pas les maîtres d'oeuvre.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Taillon, et merci, M. le député. Alors, Mme la députée de Saint-Henri?Sainte-Anne, vous avez la parole. Il va rester deux minutes pour le ministre tout à l'heure.

Mme Loiselle: Merci. J'aimerais revenir, M. Taillon et M. Beaudin, sur la capacité de rétention de l'immigration au Québec, qui doit s'améliorer, d'après le Conseil des relations interculturelles, avant de penser à hausser les niveaux, parce que leur pensée, c'était que c'est bien beau de hausser les niveaux d'immigration, mais, si, d'autre part, on n'est pas capable de retenir les gens chez nous, ils quittent après un certain temps, on a un problème. Au niveau des immigrants investisseurs, les gens d'affaires, le taux de rétention est très déficient. À quoi attribuez-vous le fait que les gens d'affaires, les investisseurs, dès qu'ils arrivent au Québec... après quelques années, quittent le Québec pour aller s'installer soit dans d'autres provinces du Canada, aux États-Unis ou ailleurs?

Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la députée. M. Taillon.

Mme Loiselle: Qu'est-ce qui fait qu'ils ne restent pas ici?

Le Président (M. Boulianne): Oui. Alors, allez-y, M. Taillon.

M. Taillon (Gilles): Alors, je pense qu'on aura compris que nous ne sommes pas des partisans de retenir les gens de force. Ha, ha, ha! O.K. Ce qui explique le fait que les gens vont voir ailleurs, c'est sans doute les conditions générales de l'économie du Québec. On pense que, si on avait une fiscalité plus intéressante, si on avait une réglementation plus ouverte, si on avait donc des conditions économiques de croissance qui se comparent à nos concurrents ? l'Ontario principalement, les provinces de l'Ouest et les États nord-américains ? on garderait davantage nos immigrants investisseurs, qui vont là où se trouve la possibilité de faire de meilleures affaires. Donc, on dit: Améliorons l'économie du Québec. Nous allons en débattre dans d'autres forums, nous allons venir vous voir à d'autres occasions pour demander, dans le fond, aux parlementaires d'ouvrir le marché du travail, au sens large, par une meilleure fiscalité, une meilleure réglementation du travail, des conditions qui vont nous rendre compétitifs. Même si ça va bien au Québec actuellement au plan économique, ça va mieux ailleurs. Ça va mieux ailleurs. Donc, je pense que vous avez là votre réponse.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Taillon. Mme la députée, ça va?

Mme Loiselle: Je voudrais juste demander: Au niveau du Conseil, justement, étant donné le fait qu'on sait que les gens immigrants investisseurs quittent rapidement, est-ce que vous avez, vous, le Conseil, mis en place comme des projets de rapprochement avec ces gens-là? Il y a différentes associations de gens d'affaires des communautés culturelles qui existent, des chambres de commerce. Est-ce qu'il y des projets de rapprochement que vous avez mis en place pour essayer de les retenir, pas de force, mais pour les stimuler à demeurer au sein du Québec?

n(10 h 20)n

Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la députée. M. Taillon.

M. Taillon (Gilles): Ils sont fortement impliqués avec nos collègues, nos partenaires patronaux et syndicaux et le ministère de l'Industrie et du Commerce dans la recherche de mesures pour faire en sorte que le Québec se développe plus vite.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Taillon. Mme la députée, ça va?

Mme Loiselle: Merci.

Le Président (M. Boulianne): Alors, il reste deux minutes et un peu plus pour M. le ministre pour conclure.

M. Perreault: Écoutez, je vais laisser à M. Taillon une ou deux réflexions pour la suite des choses.

D'abord, il faut dire que, contrairement à ce qu'a affirmé, ici, le Conseil des relations interculturelles, le taux de rétention du Québec des entrepreneurs est comparable au reste du Canada. Il n'est pas inférieur. Je ressortirai des chiffres, mais c'est le cas. Et pour ce qui est de la difficulté de faire des affaires au Québec, là je suis obligé de vous dire aussi qu'il y a un problème. Comment expliquer d'abord que 90 % des investisseurs en valeurs mobilières, ceux qui prennent un risque d'investir des sous pour pouvoir immigrer, choisissent le Québec? Nous recevons 90 % de la totalité des investissements, donc du risque que prennent les entrepreneurs. Moi, je vous soumets tout simplement qu'il peut y avoir un problème de langue, de situation politique, de ce qui est la réalité québécoise. Il faut reconnaître qu'une partie importante de l'immigration qui choisit, non pas le Québec mais le Canada, à Montréal, a aussi, à un moment donné, une autre vision de son avenir. Ça peut être légitime. Mais j'aimerais quand même qu'on n'aborde pas ces questions d'immigration, encore une fois, comme si nous étions un pays indépendant. Nous sommes malheureusement encore une province à l'intérieur d'un pays et la perception qu'ont les étrangers, lorsqu'ils viennent chez nous, est évidemment une perception d'abord canadienne pour la plupart d'entre eux. Moi, je pense que c'est important de se rappeler ça, et c'est particulièrement vrai pour les immigrants investisseurs qui ont plus de mobilité que d'autres.

Puis je soumets à votre réflexion également un autre élément pour ce qui est des réfugiés. Je pense que là-dessus l'opposition et nous, on se rejoint sur l'essentiel de l'approche. Je vous soumets que, pour ce qui est des coûts, un des problèmes qu'on a tient davantage au traitement par le gouvernement fédéral des délais du traitement des demandeurs d'asile, puisque 60 % de ces demandes sont, d'une manière ou l'autre, à la fin du processus déboutées et que, si le processus dure un an et demi, deux ans, ce sont des coûts, parce que ces gens-là sont à la charge de l'État au niveau des services sociaux, tout ça, pendant un an, deux ans, puis finalement ce ne sont pas des immigrants qu'on va retenir. Et peut-être vous devriez fouiller, faire vos analyses de ce côté et on se rendrait compte que c'est peut-être là le véritable problème lorsqu'on aborde cette question. Moi, je tenais à préciser ça, M. le Président.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le ministre. Est-ce que vous avez un commentaire, M. Taillon, rapidement? Je vais passer à l'opposition par la suite.

M. Taillon (Gilles): Non, écoutez, je pense que je ne voudrais pas qu'on comprenne que j'ai dit qu'il était difficile de faire des affaires au Québec. On pense qu'il est possible de faire de bonnes affaires au Québec. La situation économique le démontre. Maintenant, on pourrait faire de meilleures affaires au Québec encore avec d'autres conditions. On pourrait donc accroître la capacité d'investissement, où on est encore en retard.

Le Président (M. Boulianne): Merci. Mme la députée de Saint-Henri?Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Dans la même veine, M. le Président, je dirai au ministre qui, depuis le début de la commission, nous ressasse ses émotions et son obsession nationaliste et indépendantiste.... Il vient de le dire, que, si on perd des investisseurs, c'est à cause du climat politique, et climat politique créé par le gouvernement en place. Et je lui remettrais dans la bouche les propos de son chef, d'hier, que, quand on négocie de bonne foi, de bonne foi, avec ouverture et fermeté, ce qui tantôt était un inconvénient pour le ministre se révélait hier un atout, parce que c'est 1 milliard de plus, supplémentaire par année pour la santé, M. le Président. Alors, le ministre, au lieu d'essayer de faire... Depuis le début de la commission, de ce côté-ci de la table, M. le Président, à aucune occasion on a fait de la partisanerie politique, mais le ministre, de façon quotidienne ? de façon quotidienne ? nous remet ça, ressasse ça. Et je dirais même que quelquefois c'est irrespectueux pour nos invités, parce que ce n'est pas tout le monde qui pense comme le ministre. Puis je pose une question de respect ici: d'essayer de nous ressasser sa vision politique, ce n'est pas l'endroit.

Le Président (M. Boulianne): O.K., s'il vous plaît, je fais appel à la prudence dans les termes. Est-ce que vous avez une question à poser à monsieur?

Mme Loiselle: J'aimerais demander à M. Taillon et M. Beaudin... L'ancien ministre des Affaires intergouvernementales, John Ciaccia, avait mis en place une formule intéressante pour intégrer les gens d'affaires des communautés culturelles dans les missions économiques, comme Mission Québec. Est-ce que cette formule-là existe toujours? Est-ce qu'il y a une bonne collaboration? Parce qu'on sait très bien que les gens des communautés culturelles, au niveau des affaires, sont des facilitateurs quand ils arrivent dans leur pays d'origine, ils ont un réseau là-bas, alors, pour les missions économiques, c'est un apport important. Est-ce que ça fonctionne bien?

M. Taillon (Gilles): Je vous dirais, M. le Président, que nous n'avons pas fait de recensement quant aux participations, mais je sais, pour avoir participé à certaines missions, qu'il y a des gens d'affaires d'autres communautés culturelles, il y a donc des investisseurs qui en proviennent. Maintenant, est-ce que c'est comparable à ce qui se faisait? Je ne peux pas répondre à cela.

Je voudrais simplement vous signaler, en dernier commentaire, que nous préférons énormément la collaboration et l'harmonie à la querelle et aux confrontations au Conseil du patronat.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Taillon. Mme la députée, est-ce que vous avez autre chose?

Mme Loiselle: Non, c'est terminé. M. Taillon a bien terminé ça pour moi.

M. Perreault: On préfère avoir nos impôts, M. le Président.

Le Président (M. Boulianne): Bon, s'il vous plaît! Alors donc, on vous remercie beaucoup, le Conseil du patronat du Québec. Et je demanderais au Barreau du Québec de s'avancer pour le prochain mémoire. Merci beaucoup.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Boulianne): La commission reprend ses travaux. Bienvenue au Barreau du Québec à la commission de la culture. Alors, je demanderais au porte-parole de présenter son équipe et de se présenter et, par la suite, de faire valoir son mémoire. Vous avez votre micro, oui?

Barreau du Québec

Mme Brosseau (Carole): Parfait. Bonjour. Je remercie les membres de la commission de la culture d'avoir invité le Barreau du Québec à se présenter ce matin. Pour ceux qui me connaissent déjà parce que je suis venue récemment, je suis Carole Brosseau, je suis avocate au Service de recherche et législation.

Je suis accompagnée, ce matin, de Me Hugues Langlais, qui est un avocat qui, au fil des ans... détient maintenant une expertise en droit de l'immigration. Il est également, et c'est à ce titre qu'il remplace le bâtonnier, président du Comité sur les communautés culturelles du Barreau du Québec. Il est également l'ancien président de l'AQAADI ainsi que l'ancien président de la Commission des droits de l'homme et de la défense.

Je suis également accompagnée, ce matin, de Me Annie Chapados qui est également avocate au Service de recherche et législation du Barreau du Québec, mais qui, elle, détient une compétence particulière dans le droit professionnel, et c'est à ce titre qu'elle va faire une présentation ce matin.

D'entrée de jeu...

Des voix: ...

Mme Brosseau (Carole): Est-ce que ça va?

Le Président (M. Boulianne): Oui, c'est bien. Alors, allez-y, oui.

Mme Brosseau (Carole): D'entrée de jeu, je dois dire qu'on félicite l'initiative gouvernementale, d'initier ces consultations, parce que, d'une part, dans le domaine de l'immigration, il y a toujours eu un consensus social autour des orientations qu'ont prises les différents paliers de gouvernement sur cette matière-là. Donc, l'initiative entreprise par le gouvernement est, je pense, heureuse, est une initiative heureuse.

En termes de méthodologie, je vais vous dire qu'on va suivre à peu près le mémoire qui vous a été présenté et que Me Langlais va vous présenter les différents aspects sur la régionalisation de l'immigration, l'intégration des immigrants ainsi que les perspectives d'avenir. Quant à Me Chapados, elle prendra la parole pour vous parler du système professionnel.

Si on fait un petit peu un bilan de ce qui se passe actuellement en droit de l'immigration, vous le savez tous, le gouvernement fédéral a entrepris une réforme importante, d'une part, en modifiant sa Loi sur la citoyenneté par le projet de loi C-16 qui est présentement devant le Sénat et, d'autre part, en déposant le projet de loi C-31 qui modifie la Loi sur l'immigration fédérale. Dans ce projet de loi, on accorde une grande importance aux accords fédéraux-provinciaux. Donc, le Barreau du Québec estime que, dans un avenir rapproché, ça va donner beaucoup d'autonomie au gouvernement québécois en cette matière-là, puisqu'il y a déjà un accord en place.

D'autre part, il y a eu des initiatives heureuses, particulièrement en 1996, lorsqu'on a apporté des améliorations au Règlement sur la sélection des ressortissants étrangers. Ça a eu des effets positifs, et je pense qu'ils doivent être maintenus.

n(10 h 30)n

Par ailleurs, et ça, je le rapporte au niveau des investisseurs et du programme investisseurs, on se rappellera que le Barreau du Québec avait fait une critique à l'égard des quotas qui avaient été imposés par le projet de loi n° 88 et on croit qu'il va y avoir un désintéressement des gens d'affaires suite à ces modifications-là.

Maintenant, je cède tout de suite la parole à Me Langlais sur la question de régionalisation.

Le Président (M. Boulianne): Alors, M. Hugues Langlais, on vous écoute.

M. Langlais (Hugues): Bonjour. Merci. Bon, la régionalisation de l'immigration, c'est un sujet qui est au coeur des préoccupations du ministère depuis de nombreuses années. Pour être un des intervenants du ministère depuis, de fait, quelques années, je suis au courant de cette question.

Il n'y a pas de solution miracle, nous n'en avons pas. Le Barreau du Québec n'en a pas, pas plus qu'une autre organisation n'en a, sauf que nous avons peut-être des pistes de solution, pistes de solution qui ont déjà été annoncées par des groupes et qui l'auraient été également lors de la précédente commission parlementaire sur les niveaux en 1997. On sait que, d'abord et avant tout, c'est l'emploi qui est générateur du flux migratoire et qui fixera le choix de l'immigrant de s'installer dans une métropole ou dans une région. Où cet emploi se situera-t-il, évidemment, est déterminant quant au choix que prendra l'immigrant de s'établir à quelque endroit.

Le Barreau du Québec estime, par ailleurs, à cet égard que les ONG qui oeuvrent en région sont largement sous-financées, largement sous-financées à un point tel qu'il n'est pas rare de voir des travailleurs d'ONG travailler à presque le salaire minimum pour offrir des services d'intégration qu'aucun fonctionnaire de l'État ne voudrait remplir tellement la tâche est exigeante. C'est une chose qui est à signaler de la part du Barreau parce qu'on fait reposer sur ces organismes l'accueil en région, et, en contrepartie, on ne reconnaît pas suffisamment le travail que ces gens font, un travail d'une très grande qualité humaine, mais qui, par ailleurs, n'est pas financé, n'est pas rémunéré à sa juste valeur. Et ça, c'est une chose qui doit être énoncée assez clairement.

Le Barreau du Québec estime également que la diminution prévisible de l'immigration dans la catégorie des gens d'affaires investisseurs aura un impact sur la régionalisation. On se rappellera les scénarios 1, 2 et 3 qui sont présentés dans la grille, en analyse dans les documents qui nous sont présentés. Dans chacun de ces scénarios 1, 2, 3, on se retrouve avec une baisse significative du nombre de gens d'affaires pour l'année 2003. Que se passe-t-il? Pourquoi 2003? Bien, c'est un secret de polichinelle que, le temps que le système digère tout ce qui est en route à l'heure actuelle, c'est en 2003 que se feront sentir les premières diminutions. Ces diminutions découlent, comme ma consoeur l'a mentionné, du projet de loi, maintenant loi, donnant l'autorité au ministre d'imposer des quotas et également de la modification, suite au discours du budget, sur le programme investisseurs, dont l'effet se fera sentir de la façon suivante. Aux dires même des représentants du ministère, c'est qu'on ramènera la part historique de l'immigration d'affaires à ce qu'elle était avant 1994, soit 30 % des immigrants investisseurs.

C'est de cette façon qu'on se retrouve avec une diminution significative du nombre d'investisseurs ou des clients dans la catégorie gens d'affaires, et, du point de vue du Barreau, ce n'est pas nécessairement sain pour l'économie générale du Québec, parce que, ce faisant, le Québec renonce à plusieurs millions de dollars qu'on pourrait évaluer quelque part autour de 500 millions de dollars en imposant des tels critères découlant du nouveau régime suite au discours du budget.

Nous estimons, par ailleurs, qu'un régime de parrainage civique serait sûrement une solution souhaitable permettant l'intégration en région, parrainage civique qui serait analogue au parrainage actuellement vécu dans la catégorie familles, faisant en sorte qu'une municipalité, municipalité régionale de comté ou autre organisation, chambre de commerce à la rigueur, s'obligeraient à prendre sur leur territoire une partie de l'immigration. Alors, il s'agirait d'un engagement ferme de garder la personne pendant un certain nombre de temps à son emploi en contrepartie du paiement des charges qui sont prévues.

Il faudrait également des infrastructures d'accueil et d'intégration des nouveaux arrivants qui soient mieux financées, ce que nous avons mentionné. À notre avis, des emplois suffisants, des structures d'accueil et d'intégration bien organisées, des avantages fiscaux et financiers pourraient être des facteurs qui influenceraient les nouveaux immigrants sur le choix à faire sur leur lieu de résidence.

On évoquait dans la période précédente qu'est-ce ce qui peut être un attrait pour le Québec. Évidemment, quand on a à choisir entre -40° C et 10° C, le choix est assez facilement fait. Il faut avoir une dose assez grande d'intérêt pour le Québec pour demeurer malgré l'hiver, surtout lorsqu'on vient d'un pays très chaud. C'est un élément qui n'est pas négligeable, et là-dessus le Québec n'a aucune influence. Encore.

L'intégration des immigrants, chapitre III. La migration est souvent un acte individuel basée sur une stratégie familiale. C'est un choix très personnel. Je citerais à cet égard Jean-Claude Icart qui dit: «L'adaptation se joue fondamentalement à l'école pour les plus jeunes et sur le marché du travail pour les adultes.» En disant ça, il a tout dit, et c'est une vérité que nous soutenons fortement.

Les immigrants sont sujets aux mêmes tensions que les gens de la société d'accueil à la différence près qu'ils ont un facteur d'aggravation qui est l'origine qui est différente de la nôtre. Ils proviennent d'un milieu, d'un endroit différent et ont l'obligation de planter leurs racines. Ils doivent trouver pour cela un terreau fertile. Quel est-il? La question est lancée.

Le Québec se veut un terreau fertile pour l'immigration. Toutefois, malgré tout cela, il se trouve que des gens choisissent de quitter pour aller ailleurs. On ne peut pas les retenir. Rien qui n'a pu être fait, il y a eu une tentative à un certain moment donné, en 1994, par des modifications réglementaires qui ont peu avancé, mais on reconnaît que l'immigration, d'émettre un CSQ sur la base de l'obligation de s'intégrer ou de s'établir en région ne pourra jamais fonctionner. Il faut donc aller sur le volontariat et non pas sur l'obligation, le volontariat étant d'inciter les gens à s'établir en région sur la base d'un parrainage civique ou autrement.

On reconnaît que c'est la famille et les autres groupes primaires immédiatement autour de l'immigrant, les amis, l'église, les associations, qui contribuent à atténuer les effets du déracinement et permettent ainsi à leurs membres d'être mieux équipés pour affronter les changements qui imposent l'adaptation au nouvel environnement. Il faut que ces groupes primaires soient eux-mêmes organisés. Certains le sont, d'autres ne le sont pas, et, lorsqu'ils ne le sont pas, il faut leur donner les moyens de s'organiser, et c'est la critique que nous mentionnions au tout début, qu'il faut pour cela financer les ONG de façon convenable, de façon à leur donner les moyens de faire ce qu'on leur demande de faire.

Pour créer un certain lien d'appartenance, il faut absolument que l'intégration des immigrants se fasse dès le moment où le visa, lorsque possible, est délivré. En effet, plus les immigrants seront pris en charge rapidement par leur société d'accueil, plus leurs liens d'appartenance se créeront efficacement. Nous le souhaitons de plus en plus que ça se fasse. Évidemment, le Québec n'a pas le privilège d'autoriser la venue sur son territoire dès l'émission du certificat de sélection. Il pourrait peut-être tenter de négocier des ententes avec le gouvernement fédéral pour favoriser cette venue. Souvent, on a des difficultés parce qu'il s'écoule parfois six mois, parfois un an, parfois deux ans entre l'émission du certification de sélection du Québec et l'émission du visa. Pendant cette période de deux ans, il n'est pas rare de voir l'immigrant qui a fait une première démarche commencer à chercher ailleurs parce que ça prend trop de temps. Alors, il faudrait peut-être trouver une façon d'intéresser, soit en négociant avec le fédéral ou tentant d'obtenir du fédéral qu'il soit un peu plus ouvert sur le permis de visiteur pour les immigrants provenant de pays pour lesquels le visa de visiteur est requis.

Je cite, pour la compréhension des gens, que tous les pays ne sont pas tenus à l'obligation de présenter... ou tous les ressortissants de pays ne sont pas obligés de présenter une demande de visa de visiteur, c'est le fait d'un certain nombre de pays à travers le monde. Disons qu'une centaine sur les 160 et quelques que contiennent les membres des Nations unies ont l'obligation de présenter une demande de visa.

L'intégration précoce des immigrants aura un effet positif sur la rétention des individus et particulièrement ceux qui décideront de s'installer en région.

n(10 h 40)n

Il nous apparaît que l'accessibilité à l'emploi sera un élément marquant ? nous l'avons déjà mentionné ? et que les pratiques quotidiennes autonomes soutenues par des appareils institutionnels facilitant la tâche d'intégration des immigrants seraient à privilégier. Qu'est-ce qu'on entend par «pratiques quotidiennes autonomes soutenues par les appareils institutionnels»? Eh bien, ce sont les ONG en région. À Montréal et dans les grands centres urbains, la question se présente peu ou pas parce qu'il y a des bassins ethniques suffisants pour intégrer les gens des différentes communautés, ce qui n'est pas le cas en région.

Quelles sont les perspectives d'avenir? Sans se prononcer véritablement sur un des quatre scénarios qui sont dans le document de consultation, le Barreau du Québec est en mesure de prendre bonne note des orientations générales qui s'y trouvent définies et qui les ont inspirés. Il s'agit d'augmenter le volume total d'immigration. À cela le Barreau du Québec n'a pas de problème particulier et soutiendra même cette position. Il s'agit également de voir un accroissement du nombre et de la proportion des immigrants connaissant le français ? encore là, le Barreau du Québec n'a pas de difficulté particulière à soutenir cette proposition ? et rechercher des candidats possédant les compétences professionnelles favorisant leur insertion rapide dans le marché du travail. Tout en soutenant en partie cette proposition, le Barreau a de sérieuses observations à faire au ministère à cet égard, et Me Chapados, ici, à mes côtés, vous entretiendra à ce sujet un peu plus loin.

Nous pensons donc que des mécanismes d'intégration précoces sont des éléments importants et que cela doit comprendre également les réfugiés. Pourquoi? Parce que les réfugiés sont, dans le processus ou dans la dynamique Québec, complètement abandonnés, et on oublie parfois ? un peu trop souvent à mon point de vue ? que, malgré le fait qu'ils sont ici dans un processus qui nécessite d'une année à une année et demie et même deux ans, ces gens-là sont généralement détenteurs d'un permis de travail, qu'ils auront généralement trouvé un emploi même précaire et qu'ils auront des retenues à la source sur leur chèque de paie pour lesquelles ils n'auront parfois peu ou pas de services. Alors, il est important de penser que les réfugiés ont quand même une contribution à l'économie québécoise qui n'est pas négligeable.

Il faudrait envisager également des jumelages avec des familles québécoises conformes aux expériences déjà réalisées et réussies. Il s'en est trouvé dans le passé qu'il y aurait lieu de rependre. Évidemment, le financement adéquat des organismes est pour nous un élément important.

Au niveau de la procédure proprement dite, il y a lieu de mettre des ressources supplémentaires et de voir à ce que dans les délégations québécoises... Et je pense que là-dessus on devrait donner suite à la proposition exprimée publiquement ? du moins, il me semble, publiquement ? de l'ouverture d'un bureau du Québec dans le Maghreb. Je crois que, si ça n'est déjà fait, il faudrait y arriver.

Il faudrait également envisager un traitement conjoint des dossiers entre les services d'immigration du Québec à l'étranger et le SVC, le Service des visas du Canada, dans toutes les catégories. Ce qui se fait déjà dans le cas des investisseurs, mais il faudrait l'envisager dans toutes les catégories de façon à réduire les délais qui sont beaucoup trop longs entre la décision de sélection, comme je le mentionnais, et l'émission du visa.

Également, il faudrait voir, dans une perspective d'augmenter la clientèle d'immigration, à aborder les critères de sélection avec un peu plus de souplesse. Il y a déjà eu des modifications réglementaires qui l'ont permis cet été, on le souligne, nous en sommes satisfaits. Tous n'ont pas nécessairement abondé dans le sens des recommandations que le Barreau et que les associations professionnelles avaient faites, mais, peu importe, il s'agit d'un changement significatif à notre point de vue.

Toutefois, il reste des choses qui doivent être mentionnées. Comme je ne... Le Barreau ne s'explique toujours pas pourquoi on refuse la sélection aux majeurs à compter de l'âge de 18 ans. Ceci constitue un mystère absolument inextricable à notre point de vue. Et je prends pour exemple nos étudiants qui terminent...

Le Président (M. Boulianne): Je m'excuse, M. Langlais, il reste trois minutes. Puis je pense que Mme Chapados voulait intervenir, alors j'aimerais ça qu'on puisse...

M. Langlais (Hugues): O.K. Je vais terminer ma phrase...

Le Président (M. Boulianne): Oui, allez-y.

M. Langlais (Hugues): ...si vous permettez. Et, donc, je prends pour exemple nos finissants de cégep qui ont 18 ou 19 ans, et, si on avait à les faire admettre dans un système étranger, ces gens-là ne seraient pas admissibles. J'ai l'exemple de techniciens multimédias de l'âge de 21 ans qui sont inadmissibles en vertu des règles actuelles. Pourtant, il y a trois ans d'expérience et toute la sagesse nécessaire pour bien entrer dans le système.

Et d'écourter les délais de traitement d'un seul formulaire, ça nous apparaît un élément important. Enfin, quant aux autres, vous pouvez les parcourir, et je laisserai la place à Me Chapados.

Le Président (M. Boulianne): Mme Chapados.

Mme Chapados (Annie): Une minute et demie, c'est ça?

Le Président (M. Boulianne): Allez.

Mme Chapados (Annie): En une minute et demie, notre société est une société qui doit être considérée comme évoluée sur le plan des choix sociaux qu'elle a faits au cours des dernières décennies. Et il y a certains secteurs d'activité qui bénéficient d'une réglementation précise, dont le système professionnel du Québec. À l'heure actuelle, le Québec connaît une période de mutation, selon moi, en ce sens qu'il vit des pressions économiques, des pressions reliées à la mondialisation, reliées à une plus grande mobilité de l'ensemble de la population de par le monde. Il est important, selon le Barreau du Québec, que, peu importe le secteur d'activité ? et, comme législateurs, vous êtes essentiellement visés en matière d'immigration ? il est important que vous soyez au fait de l'existence de ce système professionnel, au fait de la fonction de protection du public qu'assurent les ordres professionnels en matière de services professionnels rendus sur le territoire du Québec, au fait du statut de délégataire de puissance publique qu'a l'ordre professionnel en cette matière, et qu'en regard de la protection du public une des fonctions de l'ordre, c'est d'adopter un règlement qui porte sur la reconnaissance des équivalences de diplômes et de formation en vue d'accéder à un permis d'exercice d'une profession.

Cela étant, lorsqu'un ministère procède à des reconnaissances d'études, à quelque reconnaissance que ce soit, il est important que le message véhiculé auprès de la clientèle immigrante soit celui à l'effet que ça ne donne pas ouverture de façon automatique à un permis d'exercice professionnel. Brièvement résumé.

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup. Alors, merci, le Barreau du Québec. Juste avant de donner la parole au ministre, faire juste une mise en garde. Je ne voudrais pas que le débat, tantôt, qu'on a entrepris entre le ministre et la députée de Saint-Henri?Sainte-Anne prenne le dessus. Alors, il faut s'en tenir à la commission. Mais je vais vous permettre quand même une minute de réponse étant donné que j'ai permis à Mme la députée. Et c'est dans notre temps imparti évidemment.

M. Perreault: M. le Président, je ne veux pas du tout répondre à la députée, je veux aller au coeur des enjeux qui sont notamment constitutionnels. Chaque fois qu'on parle d'immigration, ça n'a rien à voir avec la partisanerie. Il n'y a pas un gouvernement du Québec qui peut aborder des questions d'immigration qui relèvent d'un accord entre le fédéral et le provincial et qui relèvent d'une partie de ses compétences constitutionnelles, qui n'a pas, de temps en temps, quand il rencontre des gens, à soulever un certain nombre de considérations qui sont de cette nature. Et donc je ne veux pas, là-dessus... La députée peut bien avoir toutes les opinions là-dessus qu'elle veut et considérer que c'est partisan, ça doit faire partie des raisons pour lesquelles la population a considéré qu'elle n'avait pas à leur faire confiance.

Une voix: ...

Le Président (M. Boulianne): S'il vous plaît! M. le ministre, alors qu'on procède à la question.

M. Perreault: M. le Président, là-dessus, deux aspects que je veux soulever: le premier traite justement de ce que je viens de discuter et un deuxième qui traite de l'intervention de madame, la dernière intervention.

Le premier, vous avez soulevé le fait que vous préfériez qu'il y ait un formulaire plutôt que deux formulaires. J'ai un petit peu de misère à voir comment on peut y arriver, mais c'est un détail, c'est une illustration. À ma connaissance, il y a deux formulaires parce qu'il y a deux juridictions. Mais peut-être que vous avez des suggestions à nous faire là-dessus.

Mais, au-delà de ce détail qui est quand même significatif pour les personnes concrètement, dans la vie quotidienne, moi, j'aimerais vous ramener à la page 17 de votre mémoire où vous dites: «Par l'application d'une directive d'Immigration Canada, des étudiants étrangers admis au programme de droit dans une université en vertu des programmes d'équivalences et par la suite à l'École de formation professionnelle du Barreau [...] sont empêchés d'obtenir un permis de travail leur permettant d'exécuter le stage obligatoire au terme de leur formation, stage par ailleurs requis pour obtenir le titre d'avocat au Québec». J'aimerais un peu vous entendre parler de ça. Puis, après ça, je veux revenir sur toute la question de l'ouverture des professions.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le ministre. Alors, M. Langlais ou Mme Brosseau.

M. Langlais (Hugues): Si vous permettez, je vais répondre à la première partie et transférer après ça à Me Chapados.

Le Président (M. Boulianne): Oui, c'est bien.

M. Langlais (Hugues): La question du formulaire. Je comprends que, pour l'exercice de la juridiction du Québec, il est important qu'elle soit représentée par un formulaire. On le voit en matière d'impôts et on le voit dans d'autres domaines. Cependant, pour l'individu, le contribuable ou le demandeur qui doit remplir deux formulaires pour consigner exactement les mêmes renseignements, c'est un peu superflu. Il y aurait lieu ? et c'est d'une simplicité ? d'avoir une copie Québec et une copie Canada qui pourraient avoir le drapeau d'un et de l'autre, si besoin est, mais faire en sorte... Les éléments d'information sont sensiblement les mêmes, et je pense que c'est tout à fait possible.

M. Perreault: ...d'abandonner notre formulaire? Vous ne proposez pas que le Québec, dans la sélection des immigrants dont il a la responsabilité, abandonne son formulaire?

M. Langlais (Hugues): Est-ce qu'une partie du formulaire ne pourrait pas contenir les données nécessaires à Immigration Canada pour la suite des événements? L'intitulé premier serait du Québec, et si cela est... Je pense que c'est tout à fait faisable.

Le Président (M. Boulianne): Mme Chapados, vous voulez ajouter un autre...

n(10 h 50)n

Mme Chapados (Annie): Oui. Écoutez, d'abord je pense qu'il y a une prémisse qui est importante, là, comprenons-nous bien, je n'ai aucune expertise particulière en droit de l'immigration. Ce que j'ai compris de la problématique que vivaient les étudiants en provenance de l'étranger, c'est qu'afin d'obtenir une validation pour être en mesure de faire leur stage leur formation doit respecter certains quotas. Or, la formation universitaire est considérée, d'une part, et ensuite est considérée, d'autre part, l'année de formation professionnelle à l'École du barreau, à laquelle s'ajoutera le six mois de stages. Or, six mois de stages, ce serait trop long comparativement aux 110 jours de scolarité à l'École du barreau, de telle sorte que certains quotas ne seraient pas respectés et que le permis, à ce moment-là, serait refusé à l'étudiant stagiaire.

Évidemment, je suis consciente du fait que cette question-là a été abordée, mais je pense que c'était pour illustrer ? non pas pour régler la question ? comme pour illustrer davantage la nécessaire complémentarité des règles ou des orientations que vous allez devoir choisir avec les règles encadrant le système professionnel du Québec, hein? Et je pense que cette nécessaire complémentarité là, elle est tout aussi valable vis-à-vis de ce qui est de la juridiction du fédéral que ce qui est de la juridiction du provincial.

M. Perreault: M. le Président, une dernière question.

Le Président (M. Boulianne): Oui.

M. Perreault: Parmi les irritants, quand on rencontre des personnes qui ont immigré au Québec, ce qu'elles nous soulèvent souvent comme irritant majeur, comme difficulté d'intégration, notamment les gens qui sont de mieux en mieux formés et qui sont dans des professions, c'est le fait qu'il leur est, ici plus qu'ailleurs, extrêmement difficile d'avoir accès à l'exercice d'une profession et, même si, dans le fond, au niveau du ministère, on fait un travail de reconnaissance d'équivalences, qu'il y a des obstacles, pour ne pas dire des réticences, des obstacles et des réticences même à l'ouverture dans le cadre de certaines professions.

Évidemment, vous représentez le Barreau, vous ne pouvez peut-être pas parler pour toutes les professions, et ce n'est pas le lieu, ici, de revoir les règles du jeu en matière d'accès aux professions, mais est-ce que votre lecture, c'est que c'est plus difficile ici qu'ailleurs? Et, deuxièmement, qu'est-ce qui pourrait être fait pour faciliter l'accès des personnes immigrantes aux professions?

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le ministre. Alors, M. Langlais ou Mme Chapados, on vous écoute.

Mme Chapados (Annie): Écoutez, évidemment, je ne me prononcerai pas pour l'ensemble des professions. J'ai noté néanmoins que vous receviez l'Ordre des architectes, je pense que ça va être un éclairage, et ils seront certainement en mesure de répondre pour ce qui a trait de leur secteur d'activité.

Pour ce qui a trait au secteur juridique dans son ensemble, je ne peux vous répondre que par la spécificité du Québec. Nous sommes une juridiction de droit civil, et, en ce sens-là, vous comprendrez que la formation académique acquise à l'extérieur n'est pas nécessairement une formation de droit civil et qu'en ce sens-là, donc, les gens qui font une demande de reconnaissance d'équivalence de formation peuvent être appelés à devoir retourner sur les bancs d'école.

Cela dit, je suis surprise, moi, de votre énoncé à l'effet qu'il est plus difficile ici qu'ailleurs... Que ce soit différent, peut-être, mais plus difficile ici qu'ailleurs, je suis surprise. Je ne vous dirai pas que vous n'avez pas raison, mais je suis surprise de me faire dire ça.

M. Perreault: Je faisais état de remarques qui nous sont faites. Je vous posais la question, ce que vous en pensez.

Mme Chapados (Annie): Chose certaine, je pense qu'un discours clair de la part des autorités gouvernementales viendrait grandement simplifier la situation, s'il était établi clairement vis-à-vis de la clientèle immigrante que ce n'est pas parce que la personne a exercé comme avocat cinq ans, 10 ans, sur un autre territoire... ce n'est pas pour ça qu'elle peut nécessairement exercer la profession. Alors, je ne sais trop pourquoi, les gens qui se présentent au Barreau du Québec pour demander une reconnaissance d'équivalence et qui se voient dans l'obligation d'être soumis à un processus d'évaluation... Et ce que j'entends par processus d'évaluation, c'est qu'il y a un processus d'adjudication qui est instauré, des membres de l'Ordre qui constituent un comité rencontrent le candidat et évaluent sa formation pas pour l'obliger à aller suivre davantage de cours, au contraire, pour essayer de réduire davantage la formation qu'il devra acquérir ici. Mais, quand on reçoit ces gens-là, ces gens-là sont sous l'impression que, entre autres, en invoquant certaines attestations d'études ou reconnaissances de formation académique ? je ne sais trop le terme que vous employez en matière d'immigration ? ils vont être admis de façon quasi automatique à l'exercice de la profession ici, sur le territoire du Québec, ce qui n'est pas le cas.

Le Président (M. Boulianne: Merci.

M. Perreault: Un dernier point.

Le Président (M. Boulianne): Un dernier point?

M. Perreault: Juste là-dessus, cependant, une mise au point. Nous informons à la fois verbalement et par écrit tous et chacun des candidats et candidates de la situation d'embauche dans les professions. Là-dessus, nous le faisons. Cela dit, ça n'empêche pas des gens, éventuellement, d'avoir des aspirations et des attentes, mais nous le faisons. Je tiens juste à le préciser à ce moment-ci.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le ministre. Mme Chapados, vous voulez ajouter?

Mme Chapados (Annie): Oui, juste pour ajouter. C'est peut-être là, compte tenu des aspirations. Ça serait encore un autre élément sur lequel on n'a aucun contrôle, mais ça serait peut-être là une des raisons pour lesquelles les gens ont certaines aspirations. Il faudrait peut-être prêter davantage d'attention à ces aspirations-là et voir à élaborer même un discours commun à cet égard-là, s'assurer que le message est reçu de façon très claire.

Le Président (M. Boulianne): M. Langlais, vous voulez ajouter quelque chose?

M. Langlais (Hugues): Oui, j'aimerais apporter un complément. La directive du ministre de l'Immigration du mois de mai abolissant la liste des professions inadmissibles au Québec va créer sur le système professionnel une pression telle qui est inimaginable à ce moment-ci. Pourquoi? Parce que, lorsque je regarde les chiffres qui sont annoncés, dans quelque scénario que ce soit, on se retrouve avec une augmentation considérable dans la catégorie des travailleurs. Le bassin généralement admis des travailleurs a toujours été sensiblement le même au fil des ans, avait peu évolué. En abolissant la liste des professions inadmissibles, il est évident que le recrutement de nouveaux candidats se fera dans ces catégories et que ces catégories feront des pressions sur les différents ordres professionnels pour tenter de s'intégrer.

Et, là-dessus, je dois mentionner que cette décision prise par le ministre dans la sagesse de son cabinet a été prise sans consultation avec les milieux intéressés. Comme praticien en droit d'immigration, je peux m'en réjouir, c'est une augmentation de clientèle. Pour les ordres professionnels, c'est le bordel. Excusez l'expression.

Le Président (M. Boulianne): Merci, non pas pour le mot «bordel», mais pour votre intervention. Mme la députée.

M. Perreault: Bon, il va me rester un peu de temps, M. le Président, sur le dossier bordel?

Le Président (M. Boulianne): Tout à l'heure, oui. Vous allez avoir...

M. Perreault: D'accord.

Le Président (M. Boulianne): Alors, Mme la députée de Saint-Henri?Sainte-Anne, vous avez la parole.

Mme Loiselle: Merci. Bonjour et bienvenue à cette commission. La semaine dernière, on a reçu vos collègues de l'Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration. Ils ont fait une suggestion au gouvernement au niveau des consultants en immigration, ils ont dit au gouvernement qu'il fallait freiner, limiter la prolifération des consultants en immigration, parce que, dans certains cas, c'est des gens qui n'ont aucune compétence en la matière ou très peu, qui offrent des services, à l'occasion, qu'on pourrait dire des services douteux aux gens qui en font la demande auprès d'eux. Ils ont suggéré au gouvernement de peut-être aller de façon législative pour mieux encadrer, disons, cette profession ? le mot n'est peut-être pas exact, là ? d'exiger une place d'affaires au Québec, d'exiger un cautionnement, qu'ils soient régis par la Loi de protection du consommateur, d'y aller de façon législative pour s'assurer que ces gens-là aient les compétences nécessaires pour les services qu'ils offrent aux gens.

Et, quand on leur a posé la question, ils nous ont dit: Vous poserez la question au Barreau du Québec pour savoir ce qu'il en pense. Alors, je vous pose la question: Qu'est-ce que vous pensez de leur recommandation quant à la prolifération, de freiner les consultants en immigration?

Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la députée. M. Langlais, ou Mme Chapados?

Mme Chapados (Annie): Oui, il complétera. Je vais y aller d'un seul énoncé, je pense qu'il s'agit là d'une tentative ? et, je ne veux pas porter de jugement sur la suggestion qui vous a été faite, là, je pense que ça mériterait qu'on s'y attarde davantage, parce que vous comprendrez qu'en arrière-plan se trouve toute l'exclusivité d'exercice des avocats, ce qui en a été exclu, ce qui bénéficie d'une exemption ? de gérer les conséquences d'une déréglementation entre guillemets. C'est-à-dire que, à compter du moment où vous ouvrez un secteur d'activité et que vous n'avez pas de contrôle, nécessairement vous allez retrouver là des gens, par exemple ? je vais vous donner un exemple, l'illustrer, c'est la meilleure façon ? qui ont fait l'objet d'une radiation, d'une suspension de permis au Barreau, qui ont déjà oeuvré en matière d'immigration et qui, là, vont dire: Bien, parfait, moi, j'ai été radié du Barreau, mais, compte tenu du fait qu'il s'agit là d'un secteur exclu du champ exclusif des avocats, je peux me permettre de continuer mes activités.

n(11 heures)n

Alors, écoutez, vous comprendrez la situation dans laquelle ça nous place. C'est bien sûr qu'à compter du moment où le Barreau du Québec a... En fait, le comité de discipline, il y a un processus qui a jugé bon de suspendre, limiter, radier ou peu importe la sanction dont la personne a fait l'objet, bien c'est sûr qu'on trouve ça triste que cette personne-là puisse par ailleurs représenter les intérêts d'autres personnes dans d'autres secteurs d'activité. Bon, je pense que c'est probablement le seul commentaire qui est très explicite en soi...

Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme Chapados. M. Langlais, vous vouliez ajouter quelque chose?

M. Langlais (Hugues): Oui, je voudrais ajouter quelque chose. C'est, pour moi, un sujet intarissable. On a quelques minutes, je vais donc me limiter. Ceux qui me connaissent le savent, c'est, pour moi, un cheval de bataille depuis de nombreuses années.

Malheureusement, le gouvernement du Québec a toujours été insensible à cette suggestion, de même que le gouvernement fédéral, pour des raisons probablement politiques ou des raisons de lobby.

Il est indéniable que, suite à la différente réglementation, à l'allégement des différents ministères et des gouvernements, d'anciens fonctionnaires se sont trouvé des jobs comme consultants en immigration. Certains d'entre eux ont des compétences, certains d'entre eux ont une certaine connaissance de la loi et de la réglementation, mais aucun d'entre eux n'a le loisir du conseil juridique, et cela est important parce que la notion de conseil juridique est du ressort exclusif de l'avocat, comme Me Chapados l'a dit, et donc, on doit faire attention.

Cela étant dit, qu'on réglemente sur la foi de la proposition faite par l'AQAADI, place d'affaires, cautionnement, l'assujettissement à la Loi de la protection du consommateur, je pense que c'est sûrement un début de quelque chose et je ne pourrais, à titre personnel, que souligner cette démarche. Est-elle suffisante pour empêcher les gens de se faire arnaquer littéralement et de se faire demander des sommes absolument astronomiques pour remplir un formulaire? Parce qu'il faut bien comprendre que ces gens ? qu'on appelle consultants ? ne font que remplir le formulaire.

Le conseil juridique qui vient derrière, il ne le donne pas parce qu'ils ne sont pas capables, ou s'ils le donnent, ils le font de façon illégale. Combien de ces consultants vont renseigner l'immigrant potentiel sur les conséquences fiscales de son arrivée au Québec? Combien? Ils ne le connaissent pas. Ils ne connaissent pas ces règles-là. Ils ne connaissent pas les règles douanières. Ils ne connaissent pas les règles de droit qui régissent le droit canadien et le droit québécois. Ils ne sont pas en mesure de le faire, et pourtant, ils sont là à remplir des formulaires et à demander des sommes faramineuses.

Je pense qu'il y a lieu de réglementer cela, et comme je vous dis, ce n'est pas d'aujourd'hui que je le mentionne et je pourrai ressortir, pour votre plaisir, tout ce que j'ai pu écrire sur cette question. C'est quelque chose qui doit être réglementé le plus rapidement possible, oui.

Le Président (M. Boulianne): Merci. Mme la députée?

Une voix: Merci. Non, j'ai ma collègue qui... Je vais partager avec ma collègue.

Le Président (M. Boulianne): Oui. Alors, je vais revenir. Je vais alterner. Il y a le député de Marguerite-D'Youville qui a demandé la parole. M. le député.

M. Beaulne: Oui. Merci, M. le Président. Ma collègue a un peu posé la question que je voulais vous poser concernant les affirmations des avocats spécialisés en immigration. Mais j'en avais une autre que j'ai posée, la semaine dernière, à un autre groupe.

Vous avez parlé de complémentarité, un peu en réponse à ce qui ressemblait un peu à une escarmouche constitutionnelle entre mes deux collègues ici, là. Il demeure que le domaine de l'immigration est un domaine de responsabilités partagées, en tout cas, en ce qui concerne le Québec et le gouvernement fédéral.

Vous, vous êtes des hommes, des femmes de loi. La question que je vous pose est la suivante: Puisqu'il s'agit d'un secteur complémentaire et que vous avez discuté tout à l'heure de certains ajustements qui pourraient être faits au niveau des formules, trouvez-vous normal que, lorsque le cheminement, le processus d'acceptation, au Canada et au Québec, culminent par les cérémonies de citoyenneté, le gouvernement du Québec soit complètement exclu de ces cérémonies, autant au plan symbolique qu'au plan pratico-pratique, ce qui me semble un peu étrange pour un champ de juridiction partagée?

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député. M. Langlais ou Mme Chapados?

Mme Chapados (Annie): Il s'agit essentiellement, pour ma part, d'une question de visibilité politique. Vous comprendrez que le Barreau du Québec va s'abstenir de répondre à une question de cette nature-là.

M. Beaulne: Bien, vous savez, chaque fois que j'ai posé la question... Tout le monde semble s'abstenir de poser cette question-là. Mais je trouve que, à un moment donné, puisqu'on est ici pour parler des vrais enjeux, il va bien falloir que quelqu'un se mouille. Et je trouve, personnellement, que, chaque fois que j'ai posé la question, tout le monde a la même réponse. Je trouve ça un peu désolant.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député. M. Langlais?

M. Langlais (Hugues): Je vais risquer une réponse à titre tout à fait personnel. Hormis le cadre du Barreau, je pense que, jusqu'à preuve du contraire, la citoyenneté n'est pas une juridiction partagée entre le fédéral et les provinces, et que je crois que vous avez la réponse dans cela. Merci.

Le Président (M. Boulianne): Merci. M. le député, est-ce que ça va?

M. Beaulne: C'est faible.

Le Président (M. Boulianne): Merci. Alors, Mme la députée de La Pinière, vous avez la parole.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, Me Langlais, Me Brosseau, Me Chapados, j'ai lu votre mémoire avec grand intérêt. Je ne m'attends pas à vous applaudir pour me donner les réponses que je veux entendre. Je voudrais, en fait, entendre vos réponses, et je respecterai le point de vue que vous allez exprimer.

Tout d'abord, je voudrais féliciter le Barreau du Québec d'avoir un comité sur les communautés culturelles, avec des avocats qui ont une expertise dans le domaine de l'immigration. Ça prouve l'intérêt que le Barreau apporte à ce dossier.

Je voudrais saluer tout particulièrement Me Langlais parce que j'ai eu la chance de travailler avec lui lorsqu'il était président de l'Association des avocats en immigration, et également, comme président du conseil d'administration de la Maison internationale de la Rive-Sud. Donc, le Barreau s'est enrichi d'une vaste expérience, je dois dire.

Ceci étant, dans votre mémoire, vous avez soulevé des points extrêmement importants sur lesquels j'aimerais quand même revenir. Vous avez dit que, pour la régionalisation, il y a des conditions nécessaires pour la réussir. D'abord, il faut que ça soit fait sur une base volontaire et non pas de façon obligatoire, que l'emploi est la clé du succès pour fixer l'immigration en région, et vous avez également ajouté deux éléments que je trouve pertinents: le premier, c'est le parrainage civil, et le deuxième, c'est la nécessité d'avoir un bassin d'immigration en région.

On oublie souvent ça parce que, pour intégrer, il faut que les gens se sentent accueillis et se sentent, en quelque sorte, dans un milieu qui leur est familier. Et donc, la cellule familiale ou la cellule communautaire joue un rôle très important, et vous l'avez très, très bien souligné.

Vous avez dit aussi que l'immigration est un choix individuel. C'est surtout le cas pour l'immigration indépendante, il va de soi. Les réfugiés, naturellement, n'ont pas le choix. Mais je vous dirais ? pour compléter votre réflexion ? que, si l'immigration est un choix individuel, au moins pour 60 % des immigrants qui nous arrivent, l'intégration, elle, demeure une volonté conjointe. C'est-à-dire, c'est l'immigrant qui exprime sa volonté de s'intégrer; donc, il fait les efforts pour, mais c'est aussi la société d'accueil, dans son ensemble, qui se donne les outils, les ressources pour intégrer. Et la réussite, c'est lorsqu'il y a la rencontre de ces deux volontés qui vont s'exprimer et que, au-delà de la volonté, il y a les moyens qui vont être mis en place pour accueillir et aider à l'adaptation et à l'intégration.

Dans votre mémoire, vous avez dit que vous voulez avoir plus d'immigrants, que vous les souhaitez francophones et plus dans la catégorie des immigrants indépendants, n'est-ce pas? Ou plus ou moins, c'est sur ces trois lignes que vous avez abordé.

J'aimerais vous entendre sur l'immigration francophone, parce que c'est vrai que le Québec a toujours signifié un intérêt pour l'immigration francophone. Le problème au niveau de l'intégration, c'est qu'il n'y a pas nécessairement de services d'intégration adaptés aux besoins de l'immigration francophone qui parle français, qui a une compétence en français, et lorsqu'ils arrivent, ces gens-là, les services d'intégration étant faits pour les allophones, on prend pour acquis qu'ils vont s'intégrer. Mais ils ont aussi besoin d'être accompagnés. Ils ont aussi besoin d'être parrainés civiquement, ils ont aussi besoin d'être accompagnés dans les institutions, les connaître, les maîtriser, établir un contact avec eux.

Est-ce qu'il y a une réflexion qui a été faite chez vous sur quels sont les services qu'on peut offrir, sur mesure, pour non seulement faire venir l'immigration francophone, mais aussi, la garder au Québec parce qu'on en perd qui partent ailleurs?

Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la députée. Alors, allez-y, M. Langlais.

M. Langlais (Hugues): Merci. La réflexion ne s'est pas faite au sein du comité. J'aimerais faire part d'une réflexion personnelle qui tient de l'expérience que vous avez mentionnée.

Je dirais que les plus grands cas de déprime chez l'immigrant sont les cas des immigrants francophones qui n'ont pas réussi ou qui ont une difficulté à trouver du travail parce que, étrangement, ils parlent français, mais ils parlent un français qui n'est pas celui parlé dans l'industrie ou dans la shop où il va aller se retrouver.

n(11 h 10)n

C'est significatif parce qu'on a tendance à penser, comme vous le mentionnez ? et, là-dessus, vous avez dû lire dans mes pensées ? que l'immigrant francophone est facilement adaptable. Ce n'est pas le cas. On n'a jamais vraiment ? et je suis dans le milieu depuis assez longtemps pour le dire ? mis en place un programme d'intégration de l'immigration francophone.

Mme Houda-Pepin: Voilà.

M. Langlais (Hugues): On a mis en place des programmes d'intégration pour les gens issus des différentes communautés, pour intégrer la société francophone, certes. Mais a-t-on fait un programme pour l'immigrant belge, l'immigrant suisse ou l'immigrant français ou l'immigrant du Maghreb qui parle français pour tenter de s'intégrer? La réponse, c'est: Non, je n'en ai jamais vu.

Il est intéressant et il est important que le ministère, à un moment donné, se dote de structures pour voir à l'intégration des gens issus de cette communauté francophone qu'il cherche à attirer, parce que il ne faut pas oublier qu'on déracine des gens, et lorsqu'on déracine des gens, il faut leur donner un terreau qui soit tout aussi fertile. Et quel est ce terreau fertile? Eh bien, c'est une réalité francophone à laquelle on les aura intégrés, pas juste déplacés ou déposés; mais il faut leur tenir la main.

J'ai toujours eu comme politique, lorsque j'étais dans ces organismes, de tenter le maximum possible, malgré certaines lourdeurs ? et j'en conviens ? de tenir la main de l'immigrant, c'est-à-dire, au moins, de lui montrer les choses essentielles. Il a besoin d'aller à la banque. À laquelle banque, de la panoplie des banques qui se présentent sur le marché, peut-il faire confiance? Il a besoin d'aller au marché d'alimentation. Lequel? Et ainsi de suite. Que ce soit le notaire, que ce soit l'avocat, que ce soit le comptable, que ce soir l'architecte, j'ai toujours eu comme politique d'intégrer et de tenir la main des gens ? jusqu'à un certain point, évidemment ? pour leur montrer les gens que je connaissais et en qui, moi, j'avais confiance.

Mme Houda-Pepin: Bien, oui!

M. Langlais (Hugues): Cela est une chose qui doit être faite dans le cadre de l'immigration francophone.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Langlais.

Mme Houda-Pepin: Merci.

Le Président (M. Boulianne): Mme Chapados, vous vouliez ajouter quelque chose?

Mme Chapados (Annie): Non, ça va. Merci.

Le Président (M. Boulianne): Ça va. Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, je suis très heureuse d'entendre Me Langlais, avec son expertise professionnelle et son expertise communautaire, témoigner et renforcer le point que j'exprime dans cette commission. J'espère que le ministre et le ministère vont nous entendre et que quelque chose va se faire pour faciliter l'intégration de ces immigrants, qui ont déjà 50 % des chances, finalement, en partant, de réussir leur projet d'intégration, il leur reste un coup de pouce que la société doit leur donner.

Dans votre mémoire, vous avez abordé la question des pratiques professionnelles et des corporations professionnelles et vous nous avez interpellés, comme législateurs, pour qu'on puisse regarder un peu cette question-là.

J'aimerais, juste pour qu'on se comprenne, que l'immigrant qui arrive ici et qui a répondu à toutes les exigences de sélection ? surtout l'immigrant qui vient pour travailler, donc, dans la catégorie des immigrants indépendants ? il est sélectionné selon une grille de points, il a des chances de se trouver un travail ici, puis finalement, il se butte à une barrière structurelle et institutionnelle; s'il est dans une profession, c'est qu'il ne peut pas l'exercer.

Moi, je voudrais vous demander si vous ne voyez pas un rôle, pour les corporations professionnelles, de s'ouvrir et d'intégrer les nouveaux arrivants dans leurs catégories professionnelles; elles ont une responsabilité d'accueil. Je ne vous parle pas de la protection des intérêts corporatistes.

Je présume que le Barreau du Québec, je présume que la Corporation des médecins du Québec, l'Ordre des architectes, l'Ordre des ingénieurs, l'Ordre des agronomes, l'Association des économistes, et j'en passe, ont une responsabilité de jouer un rôle de corporations sociales; ils ont aussi une responsabilité dans l'intégration des immigrants. Et, si ces corporations se butent à protéger de façon excessive leur territoire, ça va être extrêmement difficile pour l'immigration, dans la catégorie des indépendants, les compétences que le Québec recherche et qu'on ne peut pas avoir parce qu'ils ne peuvent pas les exercer.

Est-ce que vous ne voyez pas un rôle pour les corporations professionnelles d'aider et de faciliter l'intégration? Je ne dis pas ici qu'il faille intégrer, à rabais, des immigrants qui n'ont pas les qualités professionnelles pour exercer leur profession. Mais je vous donne un exemple. Quelqu'un arrive, il est ingénieur, par exemple. Il est accepté, il se cherche du travail. Premièrement, il faut qu'il ait une équivalence de diplôme. Le ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration transfère son dossier au ministère de l'Éducation, ça prend quelques mois pour avoir une équivalence, et ce, même s'il vient des pays francophones. Ça, c'est une bataille.

La deuxième bataille, il faut qu'il la mène avec l'Ordre des ingénieurs du Québec. Lui, il arrive, il n'a peut-être pas d'argent, ça lui prend 400 $, je pense, ou 500 $ pour pouvoir devenir membre de l'Ordre. Ensuite de ça, il faut qu'il soumette un dossier pour être accepté, et on s'engage dans une bureaucratie, là aussi, qui est très lourde pour faciliter le traitement du dossier.

Est-ce que vous ne trouvez pas que toute ces barrières-là découragent finalement des gens qui sont pleins de bonne volonté et qui veulent contribuer justement à l'enrichissement collectif du Québec?

Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la députée de La Pinière. Mme Chapados.

Mme Chapados (Annie): Je ne pense pas que l'immigrant se bute à une structure institutionnelle et organisationnelle qui l'empêche d'avoir accès à un permis d'exercice. Je pense que l'immigrant doit répondre devant une institution délégataire de la puissance publique qui a pour mission ? article 23 du Code des professions ? de protéger le public; que, par ailleurs les ordres professionnels aient une mission sociale, j'en suis; que certaines missions sociales viennent ajouter à la mission de protection du public, en vue d'élargir la notion de protection du public et d'en faire davantage une notion d'intérêt public, j'en suis. Mais le fait est que la mission principale des ordres professionnels, ça n'est pas de protéger un territoire, ça n'est pas de protéger un créneau d'exercice au bénéfice de ses membres exclusivement, ce n'est pas ça; c'est de protéger le public.

Quand un demandeur se présente devant un comité de reconnaissance d'équivalence de diplôme, il doit soumettre non pas uniquement le nombre d'années d'études qu'il a complétées puis quel est le niveau, etc., il doit soumettre également le cursus des cours qu'il a suivis, cursus qui est évalué en détail par des membres de l'Ordre. Et on examine la formation que cette personne-là a reçue, de telle sorte qu'on puisse lui dire de façon précise quelle est la formation additionnelle ou complémentaire ? puis des fois il n'en a pas besoin ? mais, le cas échéant, que cette personne-là doit aller chercher afin de s'assurer que cette personne-là ne mette pas le public en danger une fois qu'elle va pratiquer. C'est ça, le rôle du comité de reconnaissance des équivalences. C'est ça, le rôle du Barreau du Québec en matière de reconnaissance d'équivalences.

Quand on examine, par exemple, les examens de transfert auxquels peuvent être soumis les membres, on voit le détail des différents secteurs de droit qui sont soumis à l'examen; ça apparaît en annexe du règlement. Et là vous voyez, de façon précise, la nature des connaissances que cette personne-là doit avoir pour être capable d'exercer la profession d'avocat ici, au Québec, sans mettre en danger le public. Et c'est là la seule fonction que le Barreau exerce, sa mission de protection du public.

Le Président (M. Boulianne): Mme Brosseau, vous voulez ajouter quelque chose? Sauf qu'il reste une minute; alors, il faut faire ça vite.

Mme Brosseau (Carole): En une minute, je peux vous dire qu'il y a un rôle social aussi qui a été avalisé par le Barreau du Québec et c'est le rôle du comité sur les communautés culturelles qui voit à l'intégration des membres mais qui sont, comme l'expliquait Me Chapados, en amont. La question, elle vous a été répondue en aval.

Le rôle du comité est, entre autres, de voir à la bonne intégration des membres qui sont issus de différentes communautés ethniques. Et, d'autre part, on a une mission plus grande de protection du public où, là, on a un rôle d'information, de formation auprès des différentes communautés culturelles dans un sens beaucoup plus large, et c'est la mission que s'est donnée le comité.

Mme Houda-Pepin: En terminant, M. le Président...

Le Président (M. Boulianne): Il y a 30 secondes, Mme la députée.

Mme Houda-Pepin: Trente secondes. Je suis très étonnée de votre réponse concernant les barrières institutionnelles et les barrières psychologiques que rencontrent les immigrants professionnels quand ils viennent intégrer leur profession. Je pense que vous devriez parler à Me Langlais, il va vous expliquer ces barrières-là parce qu'elles sont réelles, vraiment réelles.

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup, Mme la députée. Merci.

Alors, il reste du temps pour le gouvernement. Donc, M. le ministre, vous avez demandé la parole.

n(11 h 20)n

M. Perreault: Deux commentaires puis je vais reprendre un peu sur ce sujet parce qu'il me semble important. D'abord, en termes d'information, peut-être que ça vous a échappé, Mme la députée. Vous soulignez, avec raison, que l'intégration en français de gens qui connaissent le français déjà n'est pas tout à fait la même dynamique que l'intégration de quelqu'un qui ne connaît pas du tout la langue. Mais je tiens quand même à préciser, parce qu'on dit: Il n'existe pas de services... Vous aurez peut-être l'occasion de voir un reportage ? en tout cas, je vous inviterais à le voir, je peux vous l'envoyer ? de mon interview des immigrants français, un reportage qui est très bien fait, et entre autres, on les voit, lorsqu'ils passent la semaine complète que nous leur dédions, à leur arrivée, en matière de formation pour les gens qui connaissent déjà le français et qui ont donc une logique d'intégration différente des autres. Je vous le signale.

Puis, je veux aussi rappeler que toute notre réorganisation du ministère par carrefours d'intégration, l'ensemble des services, que ce soit les services d'information à l'arrivée des immigrants ? d'une part, ils sont accessibles à tout le monde ? et l'ensemble des services y compris les liens avec le marché de l'emploi seront accessibles à tout le monde. Donc, à toutes fins pratiques, c'est uniquement la francisation qui évidemment n'est pas pertinente dans le cas présent mais il y a des efforts très précis de faits. Je tiens à le dire parce que, des fois, pour être sûr...

Puis, d'autre part, au point de vue des équivalences ? ça va m'amener à réembarquer sur la question des professions ? c'est maintenant le MRCI qui accorde les équivalences. Le ministère de l'Éducation a concédé au MRCI la totalité de la responsabilité en la matière. Donc, il n'y a pas de délai, là, maintenant. Bien, il y a des délais d'étude mais il n'y a pas de délai entre les deux ministères.

Écoutez, moi, je vous entends. Je veux bien, je comprends ce que vous évoquez. C'est la loi, c'est ainsi que notre système est fait en matière du rôle des professions. Vous le faites en des termes un peu durs mais, enfin, ils sont clairs. Mais je vous souligne quand même quelques problèmes et je vous inviterais à y réfléchir. Je ferai la même chose tantôt avec l'Ordre des architectes qui ont un mémoire semblable.

Par exemple, moi, on me dit ? je ne connais pas ça dans le détail ? mais on me dit que, dans certaines professions, on va aller exiger des gens qu'ils aient suivi exactement le même nombre d'heures que ce qu'on donne au Québec, dans une matière donnée qui est une sous-matière de la profession, indépendamment de toute analyse de: est-ce que ce qu'ils ont suivi comme cours, peu importe la méthode, leur a donné un contenu équivalent?

Moi, je souligne là-dessus... Je dis: Ce n'est peut-être pas le Barreau mais vous payez peut-être pour les autres, je m'excuse. Mais, dans la mesure où vous avez des conversations, peut-être avec d'autres professions, je vous souligne que, là-dessus, je crois très honnêtement qu'il reste des choses à améliorer, tout en respectant le rôle des professions. Ce n'est pas à moi, comme ministre, à changer les règles du jeu en ces matières, mais qu'il reste des choses à améliorer et que l'image qu'on renvoie aux personnes immigrantes au Québec, en matière d'accès aux professions, à tort ou à raison, leur semble extrêmement rigide.

Je sais que c'est complexe, analyser des équivalents. Mais, à la limite, je me dis: Même pour la profession d'ingénieur, on n'est peut-être pas obligé d'avoir suivi tous les mêmes cours pour être capables d'être ingénieurs. Combien de gens ici étudient, puis à un moment donné ? ou en droit ? on peut oublier. Moi, j'ai fait des études; à un moment donné, on peut oublier tout un bout de nos études, puis pour autant rentrer dans un milieu de travail, faire un bon boulot, se spécialiser, se réorienter et être d'un apport extrêmement solide.

Alors, il y aurait peut-être un peu de souplesse à introduire dans tout ça, une espèce d'ouverture pour faciliter les choses plutôt que de constater les difficultés. Moi, je reste là-dessus. C'est une réflexion.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le ministre. Alors, vous avez encore quelques minutes pour répondre, M. Langlais, Mme Chapados, ou pour des commentaires.

Mme Chapados (Annie): Écoutez, M. le ministre, si vous êtes disposé à discuter de la chose, on pourrait très certainement organiser des rencontres. Chose certaine, vous avez des messages de votre côté et nous avons d'autres messages de notre côté. Ceux que vous recevez ne semblent pas correspondre aux miens et l'inverse est vrai également, de telle sorte que, je pense, on peut, de façon certaine, conclure qu'il y a peut-être un manque de communication et un manque d'information au niveau de la fluidité, en tout cas, de l'information qui devrait normalement circuler, compte tenu de la complémentarité des différents secteurs.

L'autre élément sur lequel je voulais attirer votre attention ? et ça m'est venu à cause des interventions de différentes personnes ? mon collègue a parlé de la liste, la fameuse liste des professions, là.

On a parlé tantôt de complémentarité. Vous avez un collègue qui a parlé de complémentarité dans tous les secteurs et tout et tout. Alors, imaginez-vous un instant un immigrant qui se présente et qui voit une équivalence remise par le MRCI, qui se fait dire: Maintenant, l'ensemble des professions, elles ne sont plus sur la liste à l'exception des médecins, et on pourrait se demander pourquoi, d'ailleurs, «à l'exception des médecins», hein? donc, n'apparaissent plus sur la liste. Et là, vous avez un document d'orientation et si vous pensez favoriser un profil socioéconomique, etc.

Il y a, par ailleurs, au fédéral une réforme qui se fait où, là, on véhicule, de façon claire, un message à l'effet que, par exemple, l'expérience juridique ? elle est visée nommément ? est une expertise qui est en demande partout, même si la personne n'est pas dûment autorisée à exercer la profession sur le territoire. C'est de l'incitation à l'exercice illégal.

Or, imaginez-vous, là, ça, c'est de l'information qui circule. La personne qui veut immigrer ici, elle a cette information-là et d'autres, bien entendu, mais elle a cette information-là. Alors, imaginez-vous... justement, quand je parle de nécessaire complémentarité, à partir de ce moment-là, les fausses attentes peuvent être beaucoup plus faciles, très certainement. Je pense que ça serait important, effectivement, qu'on collabore davantage à ce niveau-là.

Le Président (M. Boulianne): Alors, M. Langlais, il reste une minute pour conclure, si vous voulez ajouter quelque chose ou faire un voeu.

M. Langlais (Hugues): Faire un voeu, j'en ferai un, oui: qu'on continue à avoir un certain consensus en matière d'immigration, consensus qui a toujours existé malgré les différences de partis.

Depuis aussi longtemps que je suis dans ce domaine, il y a eu consensus et j'espère juste qu'il y aura un consensus pour l'accueil et l'intégration de ceux qui constitueront la société de demain.

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup, M. Langlais, Mme Brosseau, Mme Chapados.

Alors, la commission suspend ses travaux pour cinq minutes.

(Suspension de la séance à 11 h 27)

 

(Reprise à 11 h 33)

Le Président (M. Boulianne): Alors, la commission reprend ses travaux. Je demanderais aux représentants de l'Ordre des architectes de se présenter. Alors, À l'ordre, s'il vous plaît!

Alors, bienvenue, messieurs, à la commission. Alors, j'aimerais que vous puissiez vous présenter et présenter votre mémoire.

Ordre des architectes du Québec

M. Hamelin Lalonde (Claude): Merci bien. Claude Hamelin Lalonde, président de l'Ordre des architectes.

M. Dumont (Jean-Pierre): Bonjour, Jean-Pierre Dumont, secrétaire à l'Ordre des architectes.

Le Président (M. Boulianne): Merci. Alors, vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire. Par la suite, on va vous poser des questions.

M. Hamelin Lalonde (Claude): Merci beaucoup. On s'excuse que le mémoire soit arrivé à la dernière minute, comme c'est le cas actuellement, mais j'espère qu'une lecture va pouvoir éclairer notre position. Donc, je rappelle ces quelques mots par rapport à l'organisme qu'est l'Ordre des architectes.

C'est un ordre professionnel qui regroupe actuellement 2 600 membres et dont la principale mission, comme vous le savez, est la protection du public. Dans son cadre de mission, l'Ordre des architectes s'engage à contribuer au bien-être et à l'essor de la société québécoise par la promotion de la qualité dans la conception et la production architecturale. Cette contribution s'appuie sur une démarche d'ouverture et d'échange avec le public ainsi que sur une amélioration constante de l'exercice de la profession. Dans le cadre de son mandat, l'Ordre des architectes se doit de s'assurer de la compétence de ses membres et des candidats à l'admission.

L'Ordre des architectes du Québec a pris connaissance des orientations du ministère des Relations avec les citoyens et de l'immigration en matière d'immigration pour les années 2001-2003 et remercie le gouvernement d'inviter les organismes intéressés à participer à une consultation sur le sujet. Dans le cadre de notre réflexion, nous avons lu avec intérêt le document intitulé L'immigration au Québec ? Un choix de développement ainsi que les divers communiqués émis sur le sujet. L'échange de correspondance entre le MRCI et le Conseil interprofessionnel du Québec a également retenu notre attention. En résumé, l'Ordre des architectes comprend les objectifs visés par le MRCI de favoriser l'immigration de professionnels francophones et de maintenir une attitude dynamique et ouverte à l'égard de l'immigration en général. C'est pourquoi nous accueillons favorablement dans son ensemble les objectifs visés par le MRCI tels qu'énoncés dans son document de consultation.

Les commentaires et suggestions formulés dans le présent mémoire se veulent donc essentiellement à titre préventif et se limitent à soulever certains questionnements relativement aux mesures qu'entend prendre le gouvernement à l'égard de l'immigration des professionnels et plus particulièrement d'architectes pratiquant à l'étranger. Il n'est d'ailleurs pas de notre intention d'émettre une proposition sur l'un ou l'autre des quatre scénarios proposés dans le document de consultation. De façon générale, l'Ordre des architectes considère cependant que la poursuite de ces objectifs en matière d'immigration ne saurait se faire au détriment des mécanismes de protection du public mis en place par les ordres professionnels. En ce sens, les exigences et critères d'admissibilité à la profession ne sauraient être allégés afin de favoriser un candidat étranger par rapport à celui du Québec.

Rappelons les mesures envisagées par le MRCI qui touchent la sélection d'immigrants professionnels. Premièrement, la réduction de la liste de professionnels inadmissibles, la modification du Règlement sur la sélection des ressortissants étrangers, la production par le MRCI d'outils d'information à l'intention des immigrants potentiels et enfin la reconnaissance de la formation et de l'expérience acquises hors du Québec. Le présent mémoire vise donc à émettre nos commentaires et suggestions sur ces mesures, et plus particulièrement en ce qui concerne la profession d'architecte. Avant d'aborder chacune de ces mesures, il y a lieu de décrire brièvement les conditions pour être admissible à pratiquer la profession d'architecte au Québec.

n(11 h 40)n

En matière de formation, le Québec est partie à une entente avec le reste du Canada, soit l'Accord de réciprocité entre les associations délivrant des permis d'exercice de l'architecture au Canada. En vertu de cette entente, l'étude des dossiers, des diplômes, de la formation obtenue par un candidat est déléguée à un organisme canadien, soit le Conseil canadien de certification en architecture. Dans le cadre de son mandat, le CCCA vérifie si la formation suivie par un candidat étranger répond aux normes canadiennes en matière d'éducation. Si tel est le cas, le CCCA émet un certificat en ce sens, lequel est entériné par la suite par l'Ordre des architectes. En matière de reconnaissance de la formation et de l'expérience acquises à l'étranger, c'est donc un organisme qui évalue si les standards canadiens sont rencontrés. Suite à l'émission de ce certificat, l'Ordre des architectes entérine la décision du CCCA et le candidat se doit d'accomplir une période de stage auprès d'un architecte du Québec. Cette période de stage est également uniforme pour l'ensemble du Canada, et j'ajouterais au mémoire: C'est la même chose au niveau des États-Unis. En bref, les candidats à la profession d'architecte se doivent d'accomplir un stage de 5 600 heures, soit l'équivalent de trois années, et de produire régulièrement les formulaires d'enregistrement de l'expérience.

En ce qui concerne l'expérience acquise comme architecte à l'étranger, celle-ci pourra être reconnu pour une période maximale d'environ un an, soit l'équivalent de 1 880 heures. Donc, conséquemment, l'architecte étranger se doit, au minimum, d'accomplir un stage supervisé de deux ans suivant son arrivée au Canada.

Enfin, la dernière étape du processus consiste à réussir l'examen d'admission à la profession, composé de sept parties. La réussite de cet examen d'admission nord-américain est obligatoire pour tous les candidats, et le coût de ces examens est approximativement de 1 400 $CAN, plus les taxes.

Ceci étant dit, nous commenterons, à la lumière de ces exigences, les mesures envisagées par le MRCI à l'égard de la sélection des immigrants professionnels.

Donc, sur le premier point, la réduction de la liste des professionnels inadmissibles, la première mesure mise de l'avant par le MRCI, en vigueur depuis le 20 mars 2000, est la réduction de la liste des professions inadmissibles. En bref, toutes les professions sur cette liste, dont celle des architectes, ont été retirées, sauf celle des médecins. À ce sujet, nous nous permettons de citer et de faire nôtres les commentaires émis par le président du Conseil interprofessionnel du Québec, qui était alors M. Pierre Bélisle, dans une lettre datée du 25 mai 2000 à l'attention du ministre Perreault: «Vous n'êtes pas sans connaître, M. le ministre, le rôle de mandataire de l'État dévolu aux ordres professionnels en matière de protection du public. Chaque ordre professionnel est un creuset d'expertise dans son domaine d'activité. Il est ainsi à même de bien connaître et d'analyser les données démographiques et économiques propres à ce domaine. Dans ce contexte et sans égard à l'analyse d'opportunités, c'est avec un certain étonnement que je constate que la réduction de la liste des professions inadmissibles a été décidée et appliquée sans au préalable consulter ou même informer des mandataires et partenaires importants de l'État dans son application, soit les ordres professionnels. Par ailleurs, l'impact de cette mesure peut varier d'une profession à l'autre, les données démographiques et économiques ne permettant pas une seule et même conclusion pour tous les domaines d'activité. Les ordres professionnels touchés sauront à cet égard vous faire état de la situation spécifique de leur profession.»

En ce qui concerne la profession d'architecte, l'Ordre compte approximativement 600 stagiaires et 2 600 membres à ce jour. À titre indicatif, le Québec compte autant d'architectes que l'Ontario, qui, elle, totalise aussi environ 2 600 membres. À l'échelle canadienne, nous représentons 33 % des architectes avec le nombre de membres à l'Ordre des architectes du Québec. C'est ainsi que, de façon préliminaire, il nous est permis de conclure qu'il n'y a pas de pénurie d'architectes au Québec. Il faut aussi considérer que la commande architecturale va de pair avec le domaine de la construction, qui est très cyclique en soi.

Enfin, dans le cadre de l'évaluation des besoins futurs, il y aurait lieu d'avoir une optique de long terme, compte tenu des exigences de stages et d'examens auxquelles l'architecte étranger doit se soumettre avant de pratiquer au Québec. En conclusion, à l'instar du CIQ, nous réitérons notre étonnement face à la réduction de la liste des professions inadmissibles sans au préalable consulter les ordres professionnels. Si une telle mesure peut être bénéfique à certaines professions en manque d'effectifs, il faut être prudent dans son application afin d'éviter l'arrivée massive de candidats qui pourraient se voir refuser l'accès au marché du travail pour des motifs économiques. Cette augmentation potentielle de chômeurs instruits et la désillusion que vivraient ces immigrants ne seraient à l'avantage de personne. Une telle conséquence constituerait en elle-même un frein à l'intégration de ces immigrants à leur terre d'accueil. Il est donc impératif pour le MRCI de consulter les ordres professionnels et de s'interroger au préalable sur la relève disponible avant de recourir à une immigration massive dans un secteur donné. Pour être efficace, à notre avis, une politique d'immigration se doit de tenir compte du contexte économique et des besoins d'effectifs propres à chacun de ces secteurs.

Par ailleurs, bien qu'à ce stade les impacts soient difficilement quantifiables, l'Ordre des architectes s'interroge sur les répercussions que pourrait avoir une arrivée massive de candidats étrangers sur les infrastructures en place. Les ordres professionnels, dont l'Ordre des architectes, auraient-ils les ressources humaines et financières suffisantes pour gérer toute demande d'information, d'inscription et les étapes propres au processus d'admission de ces candidats?

En ce qui concerne l'Ordre des architectes, la question de savoir s'il y aurait suffisamment de patrons de stages et de mentors se pose plus particulièrement. Il appert également que le recrutement des professionnels étrangers se base sur le postulat que de tels candidats posséderaient des qualifications qui leur permettraient aussi de travailler dans un domaine autre que leur profession. Or, l'Ordre des architectes ne partage pas entièrement ce point de vue. Bien que ces personnes disposent d'une formation universitaire et d'une expérience de la pratique d'une profession à l'étranger, elles n'ont pas nécessairement un potentiel de mobilité professionnelle. Un professionnel peut exceller dans un domaine particulier sans pour autant être en mesure de s'orienter vers un autre champ d'activité. De plus, et surtout, l'expérience nous enseigne qu'il peut être difficile pour une personne ayant oeuvré à l'étranger de devoir occuper des fonctions subalternes dans l'attente de pouvoir pratiquer sa profession au Québec. Ceci est d'autant plus vrai lorsque cette personne est soumise à un stage de trois ans, un examen d'admission en sept parties et des frais relativement importants qu'entraîne ce processus. À titre d'exemple, le personnel du service d'admission de l'Ordre des architectes reçoit régulièrement des commentaires de personnes ayant pratiqué comme architectes à l'étranger qui s'offusquent de l'obligation de se soumettre à un stage et à un examen avant d'être admis à l'Ordre. Par conséquent, il est important de bien renseigner les candidats étrangers sur les exigences et les procédures à remplir avant d'exercer la profession d'architecte au Québec. Il serait regrettable de laisser miroiter aux immigrants ayant pratiqué la profession d'architecte à l'étranger une admission quasi automatique à l'Ordre.

Le deuxième point étant la modification aux règlements sur la sélection des ressortissants étrangers. La deuxième mesure relative à la sélection des immigrants professionnels consiste à la modification du Règlement sur la sélection des ressortissants étrangers. Donc, en vertu de cette modification, l'immigrant potentiel n'aura plus à obtenir au préalable une attestation de l'ordre professionnel à l'égard de l'éligibilité pour la délivrance d'un permis d'exercice. Cette obligation de se soumettre aux exigences de l'ordre professionnel serait maintenue pour l'immigrant qui désire exercer une profession, mais ne serait plus un préalable à l'immigration. À ce sujet, nous réitérons les commentaires formulés précédemment à l'effet que l'information véhiculée devra être très explicite sur les étapes à franchir avant de pouvoir exercer la profession d'architecte au Québec, le tout de manière à éviter de créer de fausses attentes chez ces candidats.

n(11 h 50)n

Enfin, dans un objectif de protection du public, il est opportun de sensibiliser le gouvernement au risque de la pratique illégale que pourrait entraîner une immigration massive des candidats exerçant une profession à l'étranger. Étant donné les exigences et les coûts reliés au processus d'admission de l'Ordre des architectes, on peut penser que certains candidats pratiquant la profession à l'étranger seraient réfractaires à l'idée de refaire un stage et un examen. Comme ces personnes sont architectes dans leurs pays et compte tenu des étapes à suivre pour être admis à l'Ordre, nous croyons légitime qu'un certain nombre d'entre elles sera porté à exercer illégalement la profession plutôt que de mener à terme le processus. En bout de ligne, c'est le public qui en paiera la note, d'où l'importance d'être très prudent au niveau de la sélection et surtout très précis à l'égard de l'information diffusée.

Le troisième point, la production par le MRCI d'outils d'information à l'intention des immigrants. Compte tenu des orientations proposées par le MRCI, l'Ordre des architectes accueille favorablement cette production d'outils d'information à l'intention des immigrants potentiels. La validation de ces outils d'information devrait être faite par un ordre professionnel concerné, et ce, avant leur diffusion. Donc, en ce qui nous concerne, le contenu de ces documents et fiches devrait notamment inclure les éléments suivants: la présentation du système professionnel québécois, et plus particulièrement de l'ordre professionnel concerné; la description complète du processus d'admission; une précision claire à l'effet que l'équivalence d'études émise par le MRCI n'est pas suffisante pour être admissible à l'Ordre des architectes du Québec; et enfin, la mention reliée à l'interdiction d'exercer illégalement la profession, et les conséquences qui y sont rattachées pourraient être abordées. L'Ordre des architectes souligne également qu'un document explicatif au même effet est en voie de préparation par le Comité des conseils d'architecture du Canada, le CCAC, dont l'Ordre fait partie. Ce document pourrait être examiné au préalable, de manière à s'assurer de l'uniformité des informations diffusées à l'étranger.

Enfin, le dernier point, la reconnaissance de la formation et de l'expérience acquises hors du Québec. Tel que mentionné précédemment, le CCAC est l'organisme chargé de s'assurer que la formation du candidat répond aux normes canadiennes. L'Ordre des architectes entérine les décisions du CCAC. Le programme de stages en architecture est aussi uniforme pour l'ensemble du Canada. La réussite de l'examen d'admission à la profession est aussi une condition préalable à l'exercice de la profession, et ce, partout en Amérique du Nord. Par conséquent, souscrivant à ces critères d'admissibilité à la profession de niveaux national et nord-américain, l'Ordre des architectes ne saurait diminuer ni assouplir ses exigences pour favoriser un candidat étranger. Ces normes de base sont édictées dans le but unique de protéger le public en s'assurant que les membres exerçant la profession d'architecte au Québec ont toute la compétence requise pour ce faire. Et c'est là le fondement même de notre mission.

En terminant, nous remercions les membres de la commission de la culture d'avoir bien voulu prendre connaissance de ces commentaires et réflexions qui, nous l'espérons, sauront guider le gouvernement dans ses orientations en matière d'immigration pour les années 2001-2003.

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup. Alors, vous êtes habitués avec la précision, ça a fait 20 minutes juste. M. le ministre, vous avez des questions. Nous procéderons, par la suite, du côté de l'opposition.

M. Perreault: Oui. M. Hamelin Lalonde, M. Dumont, bienvenue et merci d'avoir soumis ce mémoire. J'avais lu votre lettre. Le mémoire reprend certains éléments. Mon Dieu! je pense qu'on va avoir une bonne discussion. Je vous entends... En fait, d'abord peut-être juste une précision ou deux. Ce que vous souhaitez, à la page 11, c'est qu'il y ait des outils d'information à l'intention des personnes immigrantes, relativement aux professions, qui contiennent un certain nombre de points. Vous en énumérez un, deux, trois, quatre, là: présentation du système professionnel, description des processus d'admission, je crois. Ma compréhension, c'est que le ministère, avec tous et chacun des ordres, actuellement, est en train de revoir dans le détail ces formulaires qui existent, de les revoir. Et on me dit qu'il y a des discussions également avec l'Ordre des architectes en ces matières, mais ce n'est pas terminé dans le cas de l'Ordre des architectes.

Je vous signale également... Il me semble que j'avais une autre précision ou information, mais enfin... Moi, je voudrais aborder le fond de votre dossier. Écoutez, est-ce que je comprends bien? Vous êtes en train de me dire... Une hypothèse: Moi, j'arrive de vacances, je suis allé dans un endroit magnifique qui s'appelle la Tate Gallery, à Londres. C'est une oeuvre architecturale extraordinaire. Je ne me rappelle pas le nom de l'architecte qui l'a faite, mais, s'il décide d'immigrer au Québec, est-ce que je dois comprendre qu'il est soumis à un stage ? votre mémoire disait trois ans, vous avez dit deux ans, je ne sais plus c'est quoi, là ? un examen d'admission en sept parties et des frais relativement importants? Est-ce que je dois comprendre que c'est le processus par lequel cet expert mondialement reconnu en architecture va devoir passer pour être admis dans l'Ordre des architectes au Québec?

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le ministre. Alors, M. Hamelin.

M. Hamelin Lalonde (Claude): Oui. Je comprends bien la problématique que cela pose. Il y a de grands architectes tels que Frank Garry, qui est venu travailler ici sur certains projets, et il n'y a pas actuellement... Il faut bien comprendre l'historique de comment ce dossier-là a évolué dans le contexte pas nécessairement juste celui de l'immigration. Tout le contexte de l'OMC, l'Organisation mondiale du commerce, on a cette même problématique.

Ce qu'il faut bien comprendre, c'est que l'exercice, au début, des architectes était d'assurer, à l'intérieur d'un même pays, une mobilité et une réciprocité. Cette mobilité-là a fait des ententes avec les autres provinces et ensuite on est allé sur le marché américain et on a établi des points et des normes. Parce que, autant au niveau de la formation, autant au niveau des stages ? et là je ferai une petite parenthèse, quand on parle de stages ? et des examens, ce sont trois ancrages principaux qui ont fait qu'on a pu avoir des ententes de réciprocité, ce qui permet soit au jeune étudiant qui est à l'Université Laval ici, à Québec, et à cause d'une circonstance économique absolument désastreuse au Québec, n'a pas le temps de faire de stage, pourra faire son stage en Californie, dans une autre province, en Colombie-Britannique, en Alberta. Donc, ça nous permet une mobilité et, pour permettre cette mobilité-là, on a développé ces outils-là pour qu'on soit quand même assuré de cette mobilité-là et de cette réciprocité-là.

Donc, ces outils-là sont venus dans notre but pas nécessairement de créer des barrières, mais de s'ouvrir des marchés et dire: Bon, on va s'entendre sur des balises et des normes, et tel point, et tel point, et qui nous ont permis de faire ça. Donc, actuellement, la réciprocité est permise au niveau des 10 provinces canadiennes et de 45 États américains. Actuellement, ces balises-là nous permettent aussi d'avoir des échanges avec la Chine parce que maintenant elle veut avoir réciprocité et mobilité. On est en discussion avec le Mexique. Donc, ça a été une entreprise qui a été faite par la profession sur le niveau national, nord-américain, et tout le volet canadien maintenant va s'associer à la fédération panaméricaine. Tous les pays de l'Amérique du Nord et de l'Amérique du Sud auront à discuter de ce cas précis.

Et je reviens à la question du ministre Perreault. C'est bien évident que des gens sont reconnus mondialement et que fait-on. Ce qu'on appelle, nous, dans notre jargon, avoir une clause grand-père... Vous êtes pratiquants depuis 20 ans dans un pays et que fait-on? Comment fait-on pour donner un espace économique à cette personne-là? Si vous permettez cette distinction-là, l'architecture telle qu'elle pourrait être pratiquée dans un pays étranger, sans le mentionner, peut être différente. Les conditions culturelles, les conditions techniques au niveau de la construction, les conditions climatiques sont différentes et je ne peux pas... Autant pour moi, il serait difficile d'aller pratiquer dans un État où on a peut-être un climat tropical, où il y a certaines conditions que je ne connais pas... On donne l'exemple des termites qu'on n'a pas, nous, ici. Je pense qu'il doit se faire un échange. Et la façon dont on réussit à inviter ces gens-là à participer, c'est ce qu'on appelle par la délivrance d'un permis restrictif, où un architecte étranger s'associe pour un projet particulier ici avec un bureau et c'est un échange commun entre les deux. Donc, c'est comme ça qu'on réussit, dans un premier temps, à pallier ce manque-là.

n(12 heures)n

Le point qui est si crucial, c'est qu'on veut assurer l'autonomie du ressortissant étranger, et là se pose la question: On a beau être un architecte reconnu dans un pays étranger, mais est-ce qu'au niveau de la formation, des conditions particulières de notre marché économique, de notre marché de construction, de la technique de construction, de la réglementation, des codes, et tout ça, on ne doit pas lui permettre d'avoir une façon de pouvoir s'intégrer à tout ce nouvel environnement qui est le nôtre pour qu'il puisse faire la même chose que les autres architectes canadiens ou québécois, assurer la protection du public par sa compétence et sa nouvelle connaissance?

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Lalonde. M. le ministre.

M. Perreault: Oui. Bien, en tout respect, on me dit qu'il y a du travail qui se fait conjointement avec l'Ordre. Moi, je vous inviterais quand même un peu à revoir ça de la façon suivante. Ce que vous m'avez décrit comme étant l'héritage d'un système ? et je comprends que ça puisse être une contrainte ? et que vous avez présenté comme une démarche d'ouverture, à l'époque, vers le continent nord-américain, on est à l'aube de l'an 2000, c'est la mondialisation, je pense qu'il va falloir ouvrir plus large que le continent nord-américain et ne pas être nécessairement à la remorque uniquement du CCCA et des Américains. Je veux dire, si le Québec a une politique d'immigration...

Puis, d'autre part, moi, je vous soumets bien humblement que quelqu'un qui a une formation solide... Je peux comprendre peut-être qu'il peut avoir un peu de rattrapage sur... en même temps, c'est plus les ingénieurs, mais, à la limite, sur les conditions climatiques. Il y a des considérations là-dessus, mettons, je veux bien, mais le programme que vous me décrivez me semble lourd. Alors, moi, ce que je soumets bien humblement, c'est: Est-ce qu'il n'y a pas moyen de réfléchir à tout ça en essayant de se poser la question non pas comment on maintient le système dont on a hérité, mais plutôt qu'on l'ouvre à des réalités nouvelles? Parce que, de toute façon, je veux dire, même les Américains, un jour, vont être obligés de s'ouvrir un peu.

Et puis ce que vous m'avez décrit comme ouverture, c'est tout autre chose, c'est le processus des concours internationaux, c'est les associations commerciales internationales. Moi, je vous parle de quelqu'un qui est devenu Québécois, qui a la compétence totale pour être un architecte et que vous obligez à suivre ce processus. Je veux dire, je n'arrive pas à comprendre. J'avoue honnêtement que je n'arrive pas à comprendre. Et je n'y vois qu'une raison, je vous le dis bien honnêtement. C'est quand vous dites qu'il n'y a pas de pénurie d'architectes au Québec, je n'y vois qu'une raison, c'est un réflexe de protection de la profession. Je n'en vois pas beaucoup d'autres dans le cas présent, tel que les conditions s'expriment. Je ne mets pas en cause la nécessité d'un examen, d'une vérification, pas du tout. Mais, autrement, je n'arrive pas à comprendre, surtout dans le cas d'une profession comme la vôtre qui a quand même des règles... Enfin, s'il y avait place, me semble-t-il, à un peu d'ouverture...

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le ministre. Alors, M. Lalonde.

M. Hamelin Lalonde (Claude): O.K. Deux petites précisions. Premièrement, ce n'est pas un héritage, cette façon de faire est venue d'un consensus entre les architectes. Ce consensus-là, si on n'a pas adhéré, c'est que les architectes se sont regroupés et ont dit: Comment pouvons-nous faire pour pouvoir se déplacer et se reconnaître entre nous? Ce n'est pas le gouvernement qui l'a fait, ce sont les praticiens qui l'ont fait. Ils l'ont fait au niveau du Canada parce que c'est nos partenaires les plus immédiats, et, comme je vous dis, ça s'est transporté. On peut regarder au niveau mondial, qui est l'UIA, qui est l'Union internationale des architectes, maintenant on s'entend sur un code de déontologie, sur un code d'éthique. Donc, avec tout ce qu'on a, je pense que la profession comme telle, avant même que les politiques d'immigration soient mises en marche, avant même que l'OMC, on a vécu ce problème de mobilité. Nous n'avons pas pris dans le sens d'«immigration». Nous, pour nous, «immigration», dans notre cas, était le mot «mobilité», comment pouvons-nous nous déplacer et permettre qu'il y ait une collaboration entre les professionnels qui sont de pays étrangers. Et là est la grande nuance. Donc, nous, ces normes-là sont venues des architectes pour dire: Si on a telles conditions et on les remplit, sans questionnement on va pouvoir avoir cette réciprocité et cette mobilité-là.

M. Perreault: Une dernière question, M. le Président.

Le Président (M. Boulianne): Oui, M. le ministre.

M. Perreault: De la même façon qu'à un moment donné vous avez reconnu, par exemple, que quelqu'un qui faisait des études dans une université américaine avait la compétence voulue pour être architecte, hein? C'est un peu l'exercice que vous faites.

M. Hamelin Lalonde (Claude): Ce n'est pas tout à fait... Quand on parle... Je vais essayer d'être bref et de vous expliquer les trois volets. C'est comme un banc avec trois pattes: il y a la formation, donc les programmes d'architecture dans les universités; le deuxième volet est le stage; et le troisième est l'examen. Les programmes, les universités doivent être accrédités, et il y a des règles à l'accréditation. Il y a 12 conditions, 47 règles, il y a plein de choses.

M. Perreault: Ça, ce sont les règles québécoises, mettons?

M. Hamelin Lalonde (Claude): Non, non, ce n'est pas les règles québécoises, ce sont des règles sur lesquelles les États-Unis, le Canada et, actuellement, la Chine s'entendent pour évaluer une école. O.K.? Et ça, c'est fait, et il y des accréditations. Et l'accréditation, c'est cinq ans maximum. Ça, c'est le premier volet. Donc, les universités, chaque université a un programme à suivre.

Le deuxième volet est le stage. Il faut dire que l'université peut donner le côté théorique de l'architecture, mais il y a un côté très pratique, les contrats, aller sur les chantiers. Ça, c'est fait par les stages. Donc, les deux volets sont couverts, parce que, à l'université, ils n'ont pas la facilité qu'on peut avoir dans des bureaux, et c'est couvert avec cette chose-là.

Et le troisième, c'est un examen. L'examen prend en compte toutes sortes d'exemples climatiques, les codes, et des choses comme ça, et ça couvre tous les éléments. Donc, si vous enlevez un branchement, c'est bien évident que la structure... Et les gens se sont entendus sur ces trois principes-là.

Je vous dirais que, actuellement, honnêtement, au niveau mondial, les deux premiers volets, qui sont l'accréditation des écoles et les stages, sont acquis. Le troisième, c'est l'examen, qui pose certains problèmes à cause que l'examen devra traiter de conditions spécifiques à chaque pays et que, actuellement, les seuls qui fabriquent des examens, ce sont des Américains. On attend, et il y a un fournisseur unique pour l'instant. Donc, je vous dis qu'au niveau mondial actuellement, autant pour l'accréditation des écoles et autant pour les stages, c'est admis au niveau de la profession. Mais ça ne règle pas encore votre question de départ, et ça, la seule façon de le faire, c'est par une collaboration entre les bureaux.

Le Président (M. Boulianne): Oui, vous avez encore une minute.

M. Perreault: Si je comprends bien, vous me dites qu'il y a des progrès qui se font en termes d'ouverture, notamment en termes de reconnaissance d'écoles et de formation. Tant mieux, c'est déjà beaucoup. En termes d'examens, qu'est-ce qui empêcherait l'Ordre des architectes du Québec d'avoir un examen qui est adapté à la situation? Autrement dit, quelqu'un arrive de l'étranger, on peut attester de l'école où il a suivi son cours, on peut attester de l'expérience qui est la sienne. C'est peut-être différent de notre système, mais, de la même façon qu'on a reconnu l'autre, on peut en reconnaître un autre. Et, on n'est même pas obligés d'en reconnaître un seul, il peut y avoir de la variété dans l'univers. Il n'y a pas une seule façon de faire bien les choses, il peut y en avoir plusieurs. Donc, on peut reconnaître que ce qui se fait ailleurs peut être différent, mais quand même correct, suffisant et, après ça, bien, s'organiser. Alors, qu'est-ce qui fait que, actuellement, ça semble à ce point aussi bloqué? Comment ça va débloquer?

M. Hamelin Lalonde (Claude): Bon. Ce n'est pas...

Le Président (M. Boulianne): Monsieur...

M. Hamelin Lalonde (Claude): Oui. M. le ministre, ce n'est pas aussi bloqué que vous semblez le croire si je prends votre question à deux niveaux. Le premier niveau, au niveau des universités, la formation, étant donné que notre Code civil est différent de celui des Canadiens, nous n'avons pas à être accrédités, le gouvernement reconnaît des programmes. Les universités, les trois universités en architecture ici, au Québec, n'ont pas à être accréditées, mais les universités ont jugé bon de s'inscrire dans le programme d'accréditation pour dire: Écoutez, là, nos programmes sont aussi bons. Et, je vous dirais qu'ils sont meilleurs que les autres, on n'a pas à passer à côté de cette norme-là. Donc, on n'aurait pas cette obligation-là si l'intention des universités, c'était de se faire valoir, dire: Écoutez, nos programmes sont capables de rencontrer vos exigences.

n(12 h 10)n

Votre deuxième question par rapport aux examens, l'Ordre des architectes du Québec avait ses propres examens, et, ce n'est pas encore terminé, il y a la moitié des examens qui sont préparés encore par l'Ordre et il y a une autre moitié qui, maintenant, est préparée... ce sont les mêmes examens que les examens nords-américains. Ce qui s'est fait dans ce cas-là, c'est que l'entente qu'on a eue en 1994... Ce n'est pas une entente qu'on a eue hier, c'est une entente en 1994. C'est que la réciprocité et l'entente de mobilité permettaient tranquillement que l'examen nous donne une chance à ce qu'on puisse intégrer les examens en français. Et je rappelle ici que les Canadiens, ça a coûté assez cher pour rendre le format pour nos étudiants québécois en français, et ce sont tous les Canadiens architectes qui paient à la francisation de ces examens-là dans le contexte, toujours, de la réciprocité et de la mobilité. Donc, maintenant les examens sont intégrés au fur et à mesure. Sur les sept, il y en a, je pense, quatre ou cinq maintenant qui sont disponibles, et, à la fin de cette année, tous les examens vont être disponibles en français.

Je vous rappelle juste un dernier point, c'est que c'est toujours la même attitude au niveau des Québécois, on s'est dit: Pourquoi on ne serait pas capables de prendre ces examens-là? Et, pour être traités d'une façon équitable par rapport aux autres... Et se faire dire: Bien oui, on vous accepte, mais les examens, ce n'est pas comme les nôtres, on a trouvé une formule et on a décidé de s'en aller vers les examens nord-américains parce qu'on croyait que nos jeunes étaient capables de les réussir. Et, actuellement, ce qu'on voit sur le terrain, c'est que nos étudiants réussissent mieux que les autres, et pour nous c'est une preuve de leur compétence.

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup, M. Lalonde. Alors, M. Langlais... Mme la députée de La Pinière, s'il vous plaît.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, M. Hamelin Lalonde et M. Dumont, de l'Ordre des architectes du Québec, je vous souhaite la bienvenue. Je vous remercie de votre mémoire. J'avais lu déjà les premières pages que vous nous avez envoyées, donc j'avais décodé un peu l'orientation que vous voulez donner à votre mémoire, mais c'est plus documenté et étoffé dans celui que vous nous avez soumis ce matin. Je voudrais vous poser d'abord une première question: Il y a combien d'architectes issus de l'immigration qui sont membres avec vous dans les 2 600 membres de l'Ordre des architectes du Québec?

Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la députée. Alors, M. Hamelin.

M. Hamelin Lalonde (Claude): Il s'agit de voir, je pense que ce n'est pas une donnée qui serait... Peut-être, si on m'avait posé la question antérieurement, on aurait probablement pu vérifier dans la base de données et la liste de noms.

Mme Houda-Pepin: Mais est-ce que c'est significatif? On parle de quoi, de 10 %, 20 %, moins de 5 %? C'est quoi?

M. Hamelin Lalonde (Claude): Je sais que je connais beaucoup de monde qui sont des immigrés, mais, de là à vous dire: Il y en a 2 % ou 5 %, ça, je ne pourrais pas vous dire.

Mme Houda-Pepin: O.K. D'accord. Parfait.

M. Hamelin Lalonde (Claude): Mais, si vous voulez qu'on vous le dise exactement, on pourra retenir la question et vous envoyer la réponse.

Mme Houda-Pepin: D'accord. Très bien.

Le Président (M. Boulianne): Mme la députée, continuez.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Nous avons reçu d'autres groupes qui sont venus plaider pour une immigration professionnelle avec des compétences recherchées et qui voyaient dans ça, en fait, un atout pour le Québec au niveau de son développement économique et social. Et, dans le domaine de l'architecture, je ne suis pas une architecte, je ne suis pas spécialisée bien que j'adore l'architecture. Entre autres, vous êtes dans un milieu, ici, dans ce parlement qui est une pièce architecturale unique au monde, et on nous dit, donc, qu'il faut aller chercher ces expertises-là. Dans le domaine architectural, il y a des expertises qui sont sollicitées internationalement, notamment lorsqu'il y a des appels d'offres pour des grands projets. La Grande Bibliothèque du Québec, par exemple, il y a eu un appel d'offres international, le Palais des congrès, et autres. Qu'est-ce qui nous empêche, au lieu d'aller chercher cette expertise de façon pointue et ponctuelle à l'occasion de certains projets, de l'avoir parmi nous et de l'intégrer dans la profession?

Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la députée. Alors, M. Hamelin? Alors, qui est-ce qui veut répondre?

M. Hamelin Lalonde (Claude): O.K. Encore deux nuances, deux niveaux de participation. Le premier, si on se réfère au projet de la Grande Bibliothèque nationale, c'est ce que je vous ai mentionné tantôt, ce qu'on appelle la collaboration, et on va chercher des équipes multidisciplinaires et on peut, à l'intérieur d'un grand projet qui a une certaine enveloppe, se permettre ça. L'autre, la nuance, c'est que ces gens-là, c'est pour un projet en particulier.

Mme Houda-Pepin: ...j'ai compris, M. Lalonde. Ma question justement est celle-là. Nous faisons appel à une expertise pour venir construire chez nous, dans un pays de froid, une expertise qui pourrait nous venir d'un pays de soleil, parce que l'architecte en question, il a les compétences recherchées spécifiques qu'on a voulu avoir, par exemple. Je vous donne ça à titre d'exemple, mais la question est de savoir est-ce que, nous, au Québec, on ne peut pas se permettre le luxe, au lieu d'aller chercher cette expertise de temps en temps, de l'accueillir chez nous, de lui donner la possibilité d'exercer sa belle profession et d'en faire un membre de l'Ordre des architectes du Québec pour que cette expertise-là ne soit pas juste sollicitée à l'occasion, mais que ça nous appartienne, que ça soit un rayonnement pour la profession architecturale au Québec.

Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la députée. M. Hamelin, allez-y.

M. Hamelin Lalonde (Claude): Là, je comprends bien votre question, et c'est toujours dans la dimension de la protection du public. Au-delà de l'architecture et de cette grande profession, nous sommes obligés à une responsabilité professionnelle. On a parlé des tables nord-américaines, et ça fait partie du débat. Dans le cas d'une participation et d'une collaboration, la responsabilité professionnelle, elle est prise par le bureau québécois. C'est lui qui, si jamais il y avait une défaillance par rapport à la construction ? et on ne se le souhaite pas, là ? va reprendre la responsabilité professionnelle de tout le contrat. Et c'est une dimension, je pense, qui vient amplifier notre mission, et de bien s'assurer... Et, quand on dit: En pratique de collaboration et pratique autonome, ça implique les deux. Donc, autonome, il y a une responsabilité professionnelle. Cette responsabilité-là, il faut absolument qu'elle soit soutenue par une compétence et une connaissance du milieu.

Le Président (M. Boulianne): Mme la députée.

Mme Houda-Pepin: M. Hamelin Lalonde, je voudrais vous rassurer, je pense qu'il n'y a personne ici, parmi mes collègues des deux côtés de la Chambre, qui voudrait mettre en jeu la protection du public. Comme législateur, c'est très important pour nous que le public soit protégé dans toutes les professions, n'est-ce pas, y compris celle de l'architecture, bien que, comme vous l'avez dit vous-même, il y ait des fois des défaillances. On l'a lu dans les journaux dernièrement d'ailleurs, ce ne sont pas des immigrants qui ont construit des immeubles qui sont en train de crouler, puis etc., ce sont des gens d'ici. Puis, si vous faites votre travail, évidemment ces choses-là pourraient être corrigées.

Mais ma question à moi, c'est de dire: On reçoit des immigrants qui sont, par hasard... Ce n'est pas nécessairement tous, mais, par hasard, peut-être quelques-uns d'entre eux sont des architectes. On voudrait les garder pour exercer leur profession, comment l'Ordre des architectes du Québec pourrait leur faciliter cette intégration sans sacrifier la compétence, sans sacrifier la protection du public?

Parce que là nous sommes en train de parler d'aménagement pour reconnaître une expertise acquise ailleurs pas seulement en termes d'études, mais aussi en termes de pratique, et je pense que, dans le domaine de la globalisation qu'on vit, où on va chercher des expertises un peu partout dans le monde... Et je me permettrai de vous dire que les professions sont de plus en plus éclatées. Je suis persuadée que, lorsque vous avez commencé à pratiquer comme architecte et ce que vous faites aujourd'hui, ça a beaucoup évolué. C'est la preuve qu'on peut s'adapter. Vous avez pu vous adapter. Puis je peux vous assurer, contrairement à ce que vous dites à la page 9 de votre mémoire, qu'il y a des immigrants qui peuvent s'adapter à l'intérieur de leur profession et à l'extérieur de leur profession.

Alors, c'est un peu ça, l'enjeu, et ça m'amène justement à vous questionner là-dessus, parce que je ne veux pas vous interpréter, mais l'affirmation m'a beaucoup surprise. Peut-être que vous allez m'éclairer, vous dites à la page 9: «Le recrutement des professionnels étrangers se base sur le postulat que de tels candidats posséderaient des qualifications qui leur permettraient aussi de travailler dans un domaine autre que leur profession. Or, l'Ordre des architectes ne partage pas entièrement ce point de vue.» Et vous dites aussi plus loin: Ces personnes-là n'ont pas nécessairement un potentiel de mobilité professionnelle. Un professionnel peut exercer dans un domaine particulier sans pour autant être en mesure de s'orienter vers un autre champ d'activité.

Étant donné que vous n'avez pas été en mesure de me fournir des données tantôt sur le nombre d'architectes issus de l'immigration qui sont dans votre Ordre ? donc, ça ne doit pas être significatif ? sur quoi est-ce que vous vous basez pour dire que des nouveaux arrivants, qui sont architectes ou qui sont dans une autre profession, ne pourront pas s'adapter pour travailler dans un autre domaine? Sur quoi vous vous basez?

Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la députée. M. Hamelin Lalonde, oui.

M. Hamelin Lalonde (Claude): M. Dumont va...

Le Président (M. Boulianne): Alors, M. Dumont.

n(12 h 20)n

M. Dumont (Jean-Pierre): Oui. Écoutez, ce n'est pas aussi tranché au couteau que ça, ce qui est écrit dans le mémoire. Tout ce qu'on voulait apporter... On n'est pas nécessairement contre le fait que ces personnes-là qui ont une formation peuvent avoir un potentiel de mobilité professionnelle. Cependant, il ne faut pas non plus en faire une règle absolue, c'est-à-dire que parce qu'un architecte étranger exerce une profession à l'étranger, il a nécessairement ce potentiel de mobilité professionnelle. C'est simplement un bémol qu'on voulait apporter par rapport à ce qui était défini au communiqué. Mais ce n'est pas non plus...

Mme Houda-Pepin: J'aime mieux la nuance que vous apportez...

M. Dumont (Jean-Pierre): Tout à fait.

Mme Houda-Pepin: ...parce que dans le texte c'est plutôt une affirmation.

M. Dumont (Jean-Pierre): Non, c'est...

Mme Houda-Pepin: Alors, quoi qu'il en soit, je suis rassurée de vous entendre, parce que je voudrais, pour votre gouverne, vous dire que la plupart des immigrants qui arrivent ici avec une compétence dans un domaine quelconque sont obligés de s'adapter au nouveau contexte du marché du travail, et certains d'entre eux sont obligés d'entreprendre des études dans un autre domaine. Par exemple, quelqu'un qui a été médecin dans son pays, tout d'un coup, il s'oriente dans la recherche en biologie, dans un domaine connexe. Ils sont capables de s'adapter pourvu, justement, qu'il y ait des ouvertures pour accueillir cette volonté d'adaptation, et c'est tout le débat qu'on est en train de faire avec vous.

Vous permettez, M. le Président? J'ai encore un peu de temps?

Le Président (M. Boulianne): Oui, vous avez encore du temps, Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup. Vous affirmez aussi quelque chose à la page 9, vous faites un lien entre la pénurie de travail dans un domaine donné, notamment chez les architectes, et le niveau d'immigration. Donc, vous dites: L'arrivée massive de candidats qui pourraient se voir refuser l'accès au marché du travail pour des motifs économiques, puis que cela pourrait augmenter le chômage instruit. Autrement dit, s'il n'y a pas de postes disponibles chez les architectes, on ne devrait pas accueillir d'immigrants architectes? C'est bien ça, votre affirmation?

Le Président (M. Boulianne): M. Dumont.

M. Dumont (Jean-Pierre): Oui. C'est-à-dire que ce n'est pas tout à fait ça, c'est avant d'y aller avec une immigration massive... Je dis bien massive, là, c'est un mot assez important. Il y a deux aspects qu'il faut considérer, à notre avis, au niveau de l'information qui va être diffusée aux immigrants, et, de un, c'est de bien informer ces gens-là des conditions pour être admissibles à un ordre professionnel. Et, de deux, c'est de justement informer les gens sur... Avant de cerner un secteur dans lequel il y a nécessité d'avoir une immigration... Évidemment, il faut tenir compte du contexte social et économique qui prévaut avant d'y aller avec une immigration dans un secteur donné. C'est un peu dans ce sens-là. Et, c'est ça, évidemment les mots importants, c'est «immigration massive».

Le Président (M. Boulianne): Alors, merci beaucoup, M. Dumont. Mme la députée, on reviendra, vous avez du temps encore. Je vais passer du gouvernement, le député de Vachon.

M. Payne: Oui, en effet, ce n'est pas souvent que le parti ministériel et l'opposition se trouvent en accord sur un certain nombre de questions. C'est encore moins souvent que je me trouve en accord avec la députée de La Pinière, mais c'est le cas aujourd'hui.

Mme Houda-Pepin: ...

Une voix: Oui, c'est ça.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Payne: Je sens ce matin un vent de conservatisme dans la salle qui ressort de toute évidence de votre mémoire, et ça saute aux yeux. La députée a cité un paragraphe, je peux vous en donner un autre: «De plus, et surtout ? dites-vous ? l'expérience nous enseigne qu'il peut être difficile pour une personne ayant oeuvré à l'étranger de devoir occuper des fonctions subalternes dans l'attente de pouvoir pratiquer sa profession au Québec.»

Ça revient constamment, ce drôle de préjugé: «Étant donné les exigences et les coûts reliés au processus d'admission de l'Ordre des architectes, on peut penser que certains candidats, pratiquant la profession à l'étranger, seront réfractaires à l'idée de refaire un stage et un examen.»

Je dirais: C'est plutôt pas vrai. Je voudrais remettre en question un certain nombre de ces postulats. Peut-être vous ignorez que... et tout ministre comme tout immigrant et la plupart des Québécois peuvent constater de vue une grande vérité au sujet des immigrants, c'est leur adaptabilité, leur assiduité, leur haut degré de scolarité, leur capacité de s'adapter d'une façon remarquable à de nouvelles situations. Et je pense que ce qui n'est pas évident ? et ce n'est pas élaboré plus qu'il faut dans votre mémoire ? c'est votre effort qui est manquant de réconcilier l'intérêt de vos membres avec l'intérêt du public. Vous parlez constamment de l'intérêt du public, mais pas des intérêts des membres. Et, quand vous parlez de l'arrivée massive des candidats étrangers, il n'y en a pas.

Je peux vous dire que c'est très facile d'avoir un profil démographique sur le nombre d'immigrants qui font partie de votre profession, de votre Ordre. C'est très facile parce que vous faites vous-même l'évaluation, ou les CCCI, très facile. Alors, moi, je voudrais que vous puissiez faire au secrétariat de la commission... dans les prochaines quelques semaines, si vous pouvez nous fournir cela, les pourcentages pour les dernières dizaines d'années. Vous êtes membres de CCCI depuis seulement quelques années, mais n'empêche que vous pouvez facilement sortir ce profil-là. Ça pourrait être très intéressant, je pense, pour la commission.

Je voudrais terminer avec une question, mais aussi une petite anecdote. Ma femme est architecte chinoise qui avait gagné une certaine notoriété et renommée en Chine pour peut-être une trentaine de projets, dont peut-être un tiers, elle était chef-architecte. Je n'entrerai pas dans le détail de son profil professionnel, elle m'en voudrait beaucoup. Elle ne pratique pas ici, au Québec. Entre-temps, elle est devenue ingénieure avec distinction à une université importante du Québec. Elle n'a pas les qualités que vous suggérez peut-être dans votre mémoire, et je peux vous dire que l'impression que, moi, j'ai comme député ? avec d'autres ordres aussi, c'est un peu la même impression ? c'est qu'on est peut-être un peu trop étanches, un peu trop fermés, et puis on a beaucoup de difficultés de réconcilier l'intérêt du public et le grand public pas seulement pour le protéger contre la mauvaise pratique, mais aussi je parle de «common public», dans l'expression anglaise, réconcilier ça avec les intérêts des membres. Je pense qu'on peut être beaucoup plus ouverts et beaucoup plus proactifs, et je voudrais vous demander, et c'est le sens de ma question: De quelle façon vous êtes proactifs pour accueillir et vous ouvrir aux talents globaux qui existent en matière de l'architecture?

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député. Alors, M. Hamelin Lalonde ou M. Dumont?

M. Hamelin Lalonde (Claude): J'aimerais à cet instant-ci ajuster un peu la perception des membres de la commission par rapport au mémoire qu'on a déposé. Le mémoire fait en sorte qu'il essaie de le placer dans le contexte actuel de la profession des architectes aux niveaux canadien et nord-américain. Il ne veut pas être un bouclier pour arrêter l'épanouissement d'une profession, mais de vous dire qu'actuellement nous avons des ententes avec d'autres provinces et d'autres États, et ces ententes-là sont basées là-dessus. Ce sont des données qu'on a voulu exprimer, vous dire: Écoutez, là, dans notre cas particulier de la profession d'architecte, il y a cette dimension-là qu'on doit évaluer et regarder.

Donc, cette dimension-là, elle est reprise aussi au niveau de l'Organisation mondiale de commerce, mais je ne veux pas qu'on perçoive comme quoi on vous lance tout ça en l'air et on dit: Écoutez, on ne peut pas faire ci, on ne peut pas faire ça. Actuellement, c'est l'environnement et le contexte professionnel que nous avons. Il doit y avoir une évolution, c'est évident que des tables comme on a ici aujourd'hui, les tables qu'il y a aussi avec l'OMC vont amener des changements, et peut-être que les balises vont changer, et on va se réorganiser. Mais je voulais apporter cette nuance-là par rapport...

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup, M. le député. Merci beaucoup. Alors, Mme la députée de La Pinière, vous avez du temps.

Mme Houda-Pepin: Oui. Merci beaucoup, M. le Président. On a combien de temps, M. le Président?

Le Président (M. Boulianne): Vous avez huit minutes, et on a dépassé. On va évaluer le dépassement, et vous aurez ces minutes-là aussi si vous en avez besoin.

n(12 h 30)n

Mme Houda-Pepin: O.K. Merci beaucoup, M. le Président. Alors, à nouveau M. Hamelin Lalonde et M. Dumont, ça me fait plaisir de reprendre la discussion. Je vous amène à la page 11 de votre mémoire où vous parlez de l'exercice illégal de la profession d'architecte et vous dites: «Comme ces personnes sont architectes dans leur pays et compte tenu des étapes à suivre pour être admis à l'Ordre, nous croyons légitime de croire qu'un certain nombre d'entre elles sera porté à exercer illégalement la profession plutôt que de mener à terme le processus.»

Est-ce que vous pouvez nous éclairer ou nous donner un ordre de grandeur, le nombre de personnes admises au Québec qui pratiquent illégalement dans le domaine de l'architecture?

Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la députée. Vous avez compris qu'on avait le consentement pour dépasser 12 h 30. Alors, allez-y, M. Hamelin Lalonde, on vous écoute.

M. Hamelin Lalonde (Claude): Vous nous demandez encore des statistiques par rapport à...

Mme Houda-Pepin: Bien, pas nécessairement le chiffre exact, mais, parce que vous dites que vous avez des raisons légitimes de croire que ces gens-là vont pratiquer illégalement au lieu de poursuivre les étapes normales, j'imagine que vous vous basez sur une évaluation quelconque, là.

M. Hamelin Lalonde (Claude): Donc, je vais donner ma perception personnelle, parce que j'ai déjà été président du Conseil canadien en architecture, j'ai aussi fait partie de la table des négociations avec le Mexique, je suis allé en Chine dans cette dimension-là, et ce sont les problématiques qui sont amenées autour des tables.

Mme Houda-Pepin: Au Québec, on a combien d'architectes qui pratiquent illégalement? Au Québec?

Le Président (M. Boulianne): Oui, M. Hamelin Lalonde.

M. Hamelin Lalonde (Claude): Actuellement, je ne peux pas vous donner de statistiques sur cette chose-là. Ce que, nous, nous questionnons, c'est que c'est une possibilité. Nous ne voulons pas avoir ça. Mais, étant donné qu'on a des règles très exigeantes, ça peut amener ce scénario-là, et nous ne le voulons pas. Ce que nous voulons, c'est que le gouvernement puisse bien informer les immigrants qui désirent venir pratiquer ici et en faire une pratique autonome, qu'ils soient au courant des exigences qu'on a actuellement.

Mme Houda-Pepin: Donc, il n'y a pas de pratique illégale de la part de résidents permanents au Québec qui...

M. Hamelin Lalonde (Claude): Ce n'est pas une affirmation, c'est un questionnement sur une possibilité qui revient autour des tables, dire: Écoutez, si... On considère que le trois ans, c'est difficile, et je peux me mettre dans la position d'un architecte... Je voudrais pratiquer en Angleterre, et puis on me demande trois ans, je dirais: Écoutez, là...

Mme Houda-Pepin: Donc, c'est une extrapolation que vous nous apportez. C'est une extrapolation que vous faites finalement, ce n'est pas basé sur autre chose.

M. Hamelin Lalonde (Claude): C'est un questionnement. Ce n'est pas une affirmation, c'est un questionnement qu'on a sur une possibilité, et on voudrait trouver une façon de ne pas avoir cette situation-là.

Mme Houda-Pepin: Mais le fait d'amener ce questionnement de façon aussi affirmative dans votre mémoire, à la page 11, est-ce que vous n'êtes pas en train de faire la preuve que votre système ne fonctionne pas, puisque vous êtes là pour protéger le public alors qu'il y a des gens qui exercent illégalement?

Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la députée. Alors, M. Hamelin Lalonde ou M. Dumont.

M. Hamelin Lalonde (Claude): Vous faites une...

M. Dumont (Jean-Pierre): ...

M. Hamelin Lalonde (Claude): Oui. O.K. Vas-y.

M. Dumont (Jean-Pierre): Excusez-moi. En complément d'information, cet énoncé-là contenu à notre mémoire, à la page 11, résulte, en fait, des commentaires reçus de façon régulière par notre comité d'admission qui reçoit, en fait, les demandes d'information de gens de l'étranger qui se demandent quelles sont les conditions à remplir pour devenir membre de l'Ordre des architectes du Québec. Et, comme ils ont à peu près, un peu, la même réaction dont on nous a fait part ici ce matin... Ces gens-là considèrent que c'est très excessif comme conditions et, de là, le questionnement à l'effet: Pourquoi je suivrais trois ans de stage, alors que je considère que j'ai une formation adéquate que j'ai suivie dans mon pays? Alors pourquoi je me soumettrais, un coup rendu au Québec, à toutes ces étapes-là avant d'exercer ici?

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Dumont.

Mme Houda-Pepin: Alors, écoutez, en terminant, puisqu'il nous reste très peu de temps, je voulais vous remercier pour votre mémoire et je voulais aussi vous inviter à vous instruire davantage sur la réalité de l'immigration, surtout dans votre profession. Je vous ai dit que, moi, je ne suis pas architecte, mais je connais des gens qui sont venus ici avec une compétence en architecture. Ce sont des gens qui se sont bien adaptés au Québec, qui exercent dans différentes professions, qui se sont formés dans les universités, qui contribuent au développement du Québec, et je vous souhaite, en tout cas, que cet exercice d'échanges que vous avez avec nous vous amènera à mieux saisir la dynamique de l'immigration et à mieux l'intégrer dans votre profession. Je vous remercie.

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup, Mme la députée. Merci beaucoup, M. Claude Hamelin Lalonde et M. Jean-Pierre Dumont.

Alors, la commission suspend ses travaux jusqu'à 14 heures en cette même salle. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 12 h 36)

 

(Reprise à 14 h 3)

Le Président (M. Boulianne): Alors, je demanderais à MM. Jacques Proulx et Pierre Desjardins de s'approcher pour présenter le mémoire de Solidarité rurale du Québec.

Alors, bienvenue à la commission. Vous avez 20 minutes, M. Proulx, pour présenter votre mémoire. Par la suite, une série de questions vous sera posée par le gouvernement et l'opposition officielle.

Solidarité rurale du Québec

M. Proulx (Jacques): Merci bien, M. le Président. Alors, je vais vous présenter M. Pierre Desjardins, qui est le secrétaire général de Solidarité rurale, qui est avec moi, cet après-midi, pour présenter nos commentaires. Alors, je voudrais vous remercier, au départ, de nous donner l'opportunité de présenter devant vous un peu la réflexion qu'on a faite, depuis un certain nombre d'années, à Solidarité rurale du Québec.

Alors, j'insiste pour amorcer ma présentation en vous rappelant que Solidarité rurale du Québec est simultanément l'instance-conseil du gouvernement du Québec en matière de développement rural. C'est une coalition d'organismes nationaux et régionaux intéressée par le développement rural et issue des états généraux du monde rural, tenus en 1991, à Montréal. C'est aussi un lobby à la faveur des communautés rurales et un lieu de recherche. Bref, nous sommes hybrides et heureux de l'être.

Je veux également dissiper tout malentendu entre régional et rural. Le monde rural est celui des villages. Alors, quand, par exemple, votre ministère fait la promotion de l'immigration à Sherbrooke ou à Trois-Rivières, il n'invite pas les immigrants à s'installer en milieu rural. Toujours au chapitre des malentendus, le monde rural québécois n'est pas, non plus, le monde agricole. C'est une confusion tenace dans votre ministère que l'axe agricole semble jusqu'ici avoir été le seul axe promu en matière d'immigration rurale. Je le redis: Quand Solidarité rurale parle d'immigration rurale, elle ne parle pas d'immigration en région ni de l'immigration d'agriculteurs.

Avant de vous lire nos recommandations, je veux prendre encore quelques instants pour partager avec vous un sentiment bien personnel, celui qui me fait croire qu'il faut que l'État favorise, par tous les moyens, l'immigration en milieu rural, à défaut de quoi il contribuera, peut-être à son insu, à accentuer l'écart ou la différence entre Montréal et le reste du Québec. Et, convenons-en, c'est difficile et un peu mal vu de parler de cela, mais j'ose le faire en vous demandant d'avance d'excuser les mots ou les erreurs de concept.

Lorsque je quitte mon village pour monter à Montréal, je suis toujours étonné de constater combien la ville, ce n'est pas comme chez nous. Ce constat, je le refais à chacun de mes nombreux passages, car, bloqué dans la circulation, je suis à même de voir que, Montréal, c'est les Nations unies. Les immigrants, dans mon environnement, il y en a une couple: un couple de Français qui tient auberge, un couple d'Italiens qui tient un restaurant, quelques familles suisses qui sont établies en agriculture. Deux Québec dans un.

C'est une idée forte des années quatre-vingt-dix qui se caractérise, par exemple, dans le niveau de scolarisation des urbains et des ruraux, le niveau de revenus, l'accès aux lieux de culture et aussi la composition de l'origine de la population. Cinquante pour cent du Québec ressemble de moins en moins à l'autre 50 %. Alors, les probabilités de tenir un dialogue de sourds entre ces deux groupes sont de plus en plus possibles. Pour s'en convaincre, on n'a qu'à songer à des questions épineuses comme celle de la souveraineté ou de l'organisation municipale.

Je limiterai notre présentation aux recommandations contenues dans le mémoire avant de passer à vos questions, car je crois qu'il serait plus profitable pour nous, aujourd'hui, d'engager une bonne discussion sur les enjeux de l'immigration rurale et sur les quelques pistes de solution que propose notre mémoire. Je tenterai, avec la participation de notre secrétaire général, de répondre du mieux possible à toutes vos questions.

Solidarité rurale du Québec croit que l'État devrait veiller à ce que le milieu rural accueille sa juste part des populations immigrantes. La régionalisation de l'immigration doit être adaptée à la réalité et aux besoins des communautés autres. L'État doit veiller à une répartition équitable de la population immigrante sur tout le territoire québécois avant que celui-ci ne puisse accueillir de nouveaux arrivants. Il doit faire la promotion du milieu rural comme lieu de vie. Ainsi, dans la perspective de l'arrivée d'un plus grand nombre d'immigrants en milieu rural, il devient primordial et légitime de décentraliser les programmes et les mesures afin que les chances de réussite dans le monde rural soient équivalentes de celles dont bénéficient la métropole et les milieux urbains.

Aux efforts d'aiguillage de la population immigrante et à la décentralisation des programmes et des mesures, doivent correspondre les mesures favorisant une intégration durable de ces immigrants. C'est essentiellement en soutenant le travail de planification, d'accueil et d'intégration des immigrants dans les communautés qu'il sera alors possible de garantir le succès de l'intervention.

n(14 h 10)n

Alors, je vous fais prendre connaissance des recommandations, en fait, qu'on fait à l'État. Premièrement, promouvoir auprès des immigrants le choix du milieu rural comme lieu de vie alternative à la ville et faire connaître les possibilités qu'il comporte; cibler les immigrants qui manifestent un désir de vivre en milieu rural au moyen d'activités de promotion auprès des pays étrangers, d'échanges ou de stages; connaître systématiquement les attentes, les besoins, les profils des immigrants et des communautés autres; rendre le territoire propice à l'intégration des immigrants en leur assurant une gamme de services en matière de logement, de santé, de formation, de soutien psychologique, d'emploi et d'apprentissage de la langue; soutenir les communautés autres dans leur travail de planification, d'accueil et d'intégration des immigrants; favoriser l'échange de moyens d'expérience d'intégration des immigrants entre les communautés rurales québécoises par des activités de promotion et d'information autant nationales, régionales que locales; créer des lieux inédits d'apprentissage en fonction des particularités et des besoins de chaque région et qui favoriseraient la rencontre entre la communauté autre et les immigrants; encourager les formules originales qui favorisent l'intégration d'immigrants en région sur la base des initiatives actuellement mises en place au Québec; laisser le temps à l'intégration des immigrants de faire son oeuvre pour que ceux-ci puissent évoluer à des rythmes différents et s'habituer à leur nouveau lieu de vie, et enfin, décentraliser la gestion des programmes et des mesures de soutien en matière d'immigration, tout en harmonisant les différentes interventions politiques des ministères impliqués.

Alors, voilà, M. le Président, en bref, un résumé ? c'est bien sûr ? du mémoire qu'on vous a remis dont je suis persuadé vous avez pu prendre connaissance. Et il nous fera un grand plaisir de répondre à vos questions.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Jacques Proulx. Alors, nous allons débuter la période de questions, M. le ministre.

M. Perreault: Merci. M. Proulx, M. Desjardins, bienvenue. Merci pour vos commentaires, réflexions et suggestions. Vous nous rappelez, avec raison, que le monde rural, ce n'est pas nécessairement le monde des régions, au sens strict, et que, de fait, quand le ministère de l'Immigration aborde ces questions, effectivement, il l'aborde... Jusqu'à date, en tout cas, dans cette commission, on a beaucoup parlé de régionalisation autour des pôles urbains de chacune des régions du Québec. Vous avez mentionné Sherbrooke, Trois-Rivières, Joliette, etc.

Donc, au moment où on se parle, l'immigration au Québec, à part les quelques cas, comme vous disiez, d'agriculteurs suisses ou, à l'occasion, un aubergiste français, pour l'essentiel, l'immigration est un phénomène urbain qui se partage à 80 % dans la région de Montréal et à 19,x %, pas loin, dans des centres urbains au Québec, ailleurs en région.

Avant que vous fassiez votre intervention, la semaine dernière, on a entendu des gens plaider pour les régions. On va en entendre d'autres tantôt. On va entendre des gens de Jonquière, notamment; le maire de Québec est venu, d'autres. Même à ce moment-là, ce n'est pas toujours évident, les conditions à réunir pour convaincre ou informer, d'une part, une personne immigrée du potentiel d'immigration en région et des possibilités d'emploi. Ce n'était déjà pas évident. Alors, moi, dans le fond, quand j'écoute le mémoire, vous intervenez peu sur les niveaux d'immigration ou les catégories de clientèle, vous plaidez pour un effort de sensibilisation et d'information du côté du monde rural.

Dans votre esprit, compte tenu que le monde rural, c'est les régions du Québec mais sans les pôles urbains, si je comprends bien ? c'est une définition peut-être à l'envers, vous allez me la recorriger ? quels sont, d'après vous, les lieux d'insertion, c'est quoi, le potentiel d'attraction du monde rural, prenant pour acquis, bien sûr ? vous avez raison ? qu'il y a sûrement des immigrants au Québec qui viennent de régions rurales dans le monde, je n'en doute pas, mais qui font la démarche d'immigration? D'après vous, c'est quoi, les pierres d'assise sur lesquelles on pourrait s'appuyer pour éventuellement convaincre les gens de s'installer en région, dans ce cadre-là?

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le ministre. Alors, M. Proulx.

M. Proulx (Jacques): Je vous dirai: La modernité du monde rural. C'est ça, la modernité du monde rural. Parce qu'il y a beaucoup de préjugés à abolir encore, à ce niveau-là. Beaucoup de gens, ici comme ailleurs, considèrent, pour, parfois, des raisons que c'est qu'est-ce qu'ils vivent dans leur région, dans leur pays, que le monde rural, c'est un monde passéiste, c'est un monde où la modernité n'est pas présente, c'est un monde qui a été laissé beaucoup pour compte dans le développement industriel de nos pays, ce qui n'est pas nécessairement le cas, aujourd'hui, du Québec.

Je ne dis pas qu'il n'y a pas encore beaucoup d'efforts à faire puis qu'il n'y a pas beaucoup de chemin à parcourir, mais je dirai que je pense que, au cours de la dernière décennie, en particulier, et un peu plus, il y a eu une modernisation assez forte du milieu rural.

Et peut-être une petite parenthèse ici, vous dire que ce n'est pas parce qu'on veut exclure les villes-centres, ou ainsi de suite, du monde rural, mais, je veux dire, je pense qu'elles font partie intégrante de la région. Mais, quand on parle de la ruralité, c'est le monde en dehors de ça.

Alors, je reviens à votre question, je dirai que, moi, je comprends les immigrants qui partent d'un pays x et qui considèrent qu'ils sont dans une région plus pauvre, plus de difficultés à l'accessibilité aux services, à la richesse, si on veut, à la prospérité, qui ne choisissent pas quand ils partent de là, parce qu'ils veulent s'en sortir. Alors, ils prennent pour acquis que, s'ils retournent dans un autre pays, dans un milieu rural comme chez eux, bien, ils ne partent pas pour ça, ils partent pour d'autres choses. Alors, ils partent avec la lueur qu'on voit partout, c'est-à-dire la ville. Tous les espoirs sont permis en ville.

Mais je vous dirai qu'aujourd'hui les espoirs sont aussi permis dans le milieu rural qu'ils sont permis dans le milieu urbain. Mais il faut créer un environnement qui est propice à ça, il faut bien informer les gens, il faut leur démontrer que, venir dans le milieu rural, ce n'est pas uniquement venir en agriculture où il y a des possibilités. Et vice versa. Pour nous autres, ça devient très intéressant parce qu'on a beaucoup besoin, dans la diversification du milieu rural qu'on considère qu'il doit aller, on a énormément besoin d'un ensemble d'intervenants, d'expertise et d'un savoir qui est très intéressant dans beaucoup de cas chez beaucoup d'immigrants.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Proulx. Alors, M. le ministre.

M. Perreault: Oui. Écoutez, deux questions. Je ne doute pas de l'intérêt du milieu rural et de la qualité de vie qu'on peut trouver dans le milieu rural; on a tous cette expérience à la limite. Bon, moi, je vis dans un milieu urbain, mais j'ai plein de famille, j'ai une résidence d'été, je reconnais la qualité de vie qu'on peut avoir en milieu rural au Québec.

Mais, si vous aviez, de façon plus pointue, à nous dire: Nous, comme ministère, si on veut développer un discours, une stratégie pour convaincre, informer d'abord ? peut-être même pas besoin de convaincre, mais informer ? les gens du potentiel, je leur dis quoi quant à ce potentiel, par delà de ce que j'appellerais la possibilité de, bien sûr, au Québec...

Vous dites, par exemple: Enlever un préjugé qu'il pourrait y avoir à l'égard du milieu rural. Le milieu rural au Québec, ce n'est pas le milieu rural n'importe où dans le monde. Ici, on peut avoir une qualité de vie, il y a une richesse, ce n'est pas la pauvreté nécessairement, le milieu rural. Mais y a-tu d'autres choses sur lesquelles on pourrait miser en termes d'information, en termes de stratégie pour les convaincre?

Deuxième question: Sans vous mettre mal à l'aise, parce que je sais que vous représentez la solidarité rurale à travers le Québec, est-ce que, cependant, vous faites des distinctions dans les divers milieux ruraux du Québec quant à la possibilité d'accueillir de l'immigration?

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le ministre. Alors, M. Proulx.

M. Proulx (Jacques): C'est sûr qu'il y a ? je vais commencer par votre dernière ? des distinctions. Tout le monde n'est pas égal. Toutes les régions ne sont pas égales. On a, vous le savez comme moi, certaines des régions qui sont beaucoup plus dépourvues à l'heure actuelle pour toutes sortes de raisons, au niveau économique particulièrement. Il y a des choses qui sont faites à l'heure actuelle pour essayer de corriger les situations.

Votre première question, bien, je pense que ça passe beaucoup par l'information qu'on donne, beaucoup par l'information réelle des possibilités des milieux. Bien sûr, qu'on pourrait rentrer dans les détails, toutes les ressources qu'on a dans le milieu, toutes les possibilités aujourd'hui, qu'on a avec la haute technologie puis ainsi de suite, les possibilités qu'on a de faire davantage directement dans le milieu à partir des ressources. Mais, je pense que c'est de mettre très clairement, d'exprimer très clairement toutes les possibilités qu'il y a si tu immigres au Québec. Je ne sais pas si Pierre voudrait rajouter des choses sur ça.

Le Président (M. Boulianne): M. Desjardins, allez-y.

M. Desjardins (Pierre): Je retournerais un peu votre question, c'est-à-dire le niveau de population est extrêmement préoccupant pour l'ensemble des communautés rurales. On le sait, l'allocation des services, que ce soit scolaires ou privés, est fondée essentiellement sur des masses critiques de population. Il y a déjà énormément de communautés qui ont fait preuve et qui ont fait montre d'un intérêt à accueillir des immigrants parce qu'il n'y avait pas un renouvellement nécessaire de population, etc. Donc, peut-être, pour des fins qui sont autres que des fins philanthropiques, c'est-à-dire, dans le fond, les immigrants, ça représente un potentiel de renouvellement de la dynamique puis de la synergie des communautés rurales, donc, de dire qu'il y a des communautés qui sont prêtes à se faire valoir.

Et, dans ce sens-là: Est-ce qu'il y aurait possibilité que le ministère ouvre une porte, un canal de communication qui permette aux communautés rurales... et là, on a juste à repenser aux villages. Dans le fond, quand vous faites la promotion de Sherbrooke, Sherbrooke n'est pas toute seule, il y a énormément de villages autour qui constituent des milieux de vie aussi organisés. Et quand M. Proulx dit: Le monde rural, ce n'est pas le monde agricole, c'est aussi un monde urbanisé mais urbanisé à une autre dimension.

n(14 h 20)n

Si je peux me permettre juste une parenthèse: On va se rappeler, tout le monde, d'une époque moins facile des réfugiés vietnamiens, entre autres. À ce moment-là, l'Église catholique était très présente, a créé, dans des paroisses, des milieux d'accueil, etc., et il y a eu un accueil des immigrants, principalement, vietnamiens et cambodgiens. Et on sait que ces expériences-là ont duré parce qu'il y a eu une volonté, il y a eu un accueil, il y a eu un échange, et effectivement, il y a et de l'emploi et un avenir dans un village. Il y a toujours moyen de se trouver, il y a toujours un dépanneur dans un village, il y a toujours besoin d'un avocat, il y a besoin d'un spécialiste. Ça fait que, dans le fond, il y a des opportunités d'emplois.

Il y a beaucoup de villages, au Québec, qui sont en recherche, qui sont en suremploi, donc, ils cherchent des bassins de main-d'oeuvre, et qui représentent des communautés qui sont appelantes de personnes. Mais il s'agit de permettre l'expression de cette voix-là et de ces opportunités-là qui se présentent dans le monde rural.

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup. Il y avait une première question aussi. M. Proulx. Est-ce que vous avez répondu à la première? On demandait que la ruralité fasse des suggestions au ministère pour bien appliquer. Est-ce que vous voulez répondre aussi à ça?

M. Proulx (Jacques): Bien, je pense qu'on en fait un certain nombre, de suggestions, dans ça. On ne peut pas rentrer dans les suggestions pointues. On peut bien rentrer, là, mais c'est à débattre par après.

Je pense que, au départ, il faut s'entendre si le ministère, si l'État du Québec est prêt à pousser plus loin dans le sens qu'on dit là et à favoriser justement ces nouvelles approches. Je pense qu'il faut sortir un peu des sentiers battus puis il faut développer vis-à-vis de la ruralité une approche qui est différente, en fait, de l'approche qu'on a au niveau de l'immigration urbaine.

Et je pense que M. Desjardins vient très bien de l'exprimer. Quand on valorise Sherbrooke, qu'on vend la ville de Sherbrooke, ou de Drummondville, ou bien de Trois-Rivières, ou de Saint-Hyacinthe, on valorise l'urbain. Mais, en même temps, ces villes-là sont devenues des concentrations, des pôles d'attraction à cause de tout l'environnement qui...

Je répète, là, mais la ville n'existerait pas s'il n'y avait pas, autour, un ensemble de communautés qui l'alimentent justement pour qu'elle existe. Trois-Rivières, s'il n'était, par exemple, de la forêt qui est au nord de Trois-Rivières, puis s'il n'y avait pas des communautés qui étaient là pour couper les arbres, les transporter et ainsi de suite, Trois-Rivières ne serait pas nécessairement Trois-Rivières.

Saint-Hyacinthe, si ce n'était pas de l'agriculture qui se pratique autour, ça n'aurait pas toutes les institutions qui sont là. Alors, ça ne serait plus la même attraction. Alors, je pense qu'il faut équilibrer ça, il faut valoriser tout autant le potentiel du milieu rural, mais c'est une approche différente. C'est comme dans tout le reste qu'on débat depuis des années: le monde rural est un monde différent et on doit respecter ces différences, sinon on le condamne parce qu'il n'est pas capable de vivre à partir de normes urbaines.

Le Président (M. Boulianne): Des questions, M. le ministre? On va passer à l'opposition, après.

M. Perreault: Une dernière question. Je comprends bien le message: une meilleure information et valorisation. Vous dites qu'il y a des gens intéressés. Je sais que vous avez collaboré avec le ministère. Notamment, il y a eu des missions en France et peut-être ailleurs.

Est-ce que vous avez des exemples, ailleurs, d'expériences réussies, à moyen terme, au niveau de l'immigration en milieu rural, notamment par rapport à la difficulté bien réelle de la rétention? Et, s'il y en a, est-ce que vous pourriez nous en suggérer quelques-unes comme pistes de...

Parce que la grande difficulté, c'est la rétention. Évidemment, les gens se sentent un peu isolés, hein, parce qu'on peut difficilement y aller par gros volume, et à ce moment-là, souvent, les gens, après s'être installés, quittent.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le ministre. M. Proulx.

M. Proulx (Jacques): Écoutez, je ne me hasarderai pas à vous donner des exemples. Je pourrais juste vous donner un exemple d'échec et ce n'est pas ça que vous voulez, c'est un exemple de réussite.

Mais, dans le cas des Bosniaques, par exemple, bon, on sait qu'on a eu un échec dans le Bas-Saint-Laurent et on sait que ça a très bien réussi dans la région de Sherbrooke. Là, vous allez me dire: Bon, bien, c'est Sherbrooke ou Rimouski, là. Mais c'est quand même que le rural n'y était pas, des petites villes, au bout de la ligne.

Mais on pourra regarder... Il y a certainement quelques exemples, mais ça a été surtout des exemples au niveau de l'agriculture ou de l'agroalimentaire et particulièrement avec les Suisses et les Belges, très peu les Français. C'est très difficile. Les Français, honnêtement, là, ne perdons pas notre temps à vouloir aller les chercher et les amener en agriculture, ils ne veulent pas venir en agriculture parce qu'ils ont des avantages, ils sont aussi bons sinon meilleurs que les nôtres. Il y avait un intérêt chez les Belges, chez les Suisses. Je pense qu'on pourrait avoir des intérêts ailleurs aussi, mais on veut dépasser ça.

Comment ça se fait qu'on a une intégration très facile avec ces gens-là au niveau agricole? C'est assez simple, c'est parce qu'ils arrivent dans un milieu où il y a un potentiel, ils ont des connaissances, on en a beaucoup, on est capable d'offrir des choses, et il y a un très grand accueil de la part des communautés.

Alors, tout à l'heure, un peu, c'est une blague et ça n'en est pas. Être dépanneur sur la rue Panet, à Montréal, ou bien donc, être dépanneur dans mon village, c'est être dépanneur, il y a une consommation. Alors, les réfugiés qui sont venus puis qui se sont beaucoup établis dans ces services-là, ils auraient pu s'établir autant chez nous qu'ailleurs et ils auraient gagné aussi bien leur vie qu'avoir un petit dépanneur sur le coin de la rue Panet et Sainte-Catherine.

Moi, je pense qu'il faut ? et c'est ça qui est intéressant pour nous autres d'aller dans plusieurs disciplines ? emmener ces gens-là avec leurs façons de faire, leur culture qui est différente, c'est ça qui est un enrichissement pour le milieu. Mais, en même temps, il faut préparer tout le monde et il faut les préparer, comme on vous dit dans notre mémoire, et il faut que les communautés se préparent aussi.

À partir de là, vous allez avoir des coûts ? parce qu'on aime beaucoup parler d'économie. Je suis persuadé que l'intégration d'un immigrant dans le milieu rural est pas mal moins dispendieuse qu'une intégration dans le milieu urbain et est pas mal plus durable, est pas mal plus intégration dans la communauté et dans la culture québécoises qu'elle l'est au niveau où on va se retrouver, à 15 minutes, dans son pays, par exemple. On va s'en aller dans le quartier chinois si on est Chinois. On a le groupe de Vietnamiens, ainsi de suite. Chez nous, c'est long, partir de là puis t'en venir dans la communauté chinoise, supposons, asiatique ou ainsi de suite, c'est dur.

Alors, moi, je pense qu'il y a une façon d'intégrer les gens qui est très, très différente et très peu dispendieuse. Parce que, moi, je peux vous parler d'une famille qui est arrivée, il y a quelques années, chez nous ? suisse-allemande ? et, aujourd'hui, je mettrais au défi les enfants de... Ils parlent québécois, là, il n'y a personne qui est capable de deviner qu'ils ne sont pas des Québécois de souche. Alors, l'intégration se fait à tous les niveaux.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Proulx. Alors, nous allons passer à la députée de Saint-Henri?Sainte-Anne. Alors, vous avez la parole, Mme la députée.

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Messieurs, bonjour et bienvenue à cette commission. Peut-être, toujours, au niveau de la promotion du milieu rural, parce qu'il y a plusieurs groupes qui nous ont dit que, à l'étranger, il y a peut-être une problématique quant au portrait que l'on fait du Québec, tant au niveau... On nous a parlé de l'emploi; ce matin, on a parlé des ordres professionnels, de la langue. Là, vous parlez que le milieu rural est comme absent de la publicité ou de la promotion qu'on fait de vous à l'étranger.

La semaine dernière, on a rencontré la dame responsable du Coffret, dans les Laurentides, qui nous disait qu'il fallait que, dorénavant, on mette toutes les actions en place pour que les régions ou les localités deviennent des lieux de première destination et de destination directe. Parce qu'elle disait que la problématique, c'est que les gens arrivent et ils s'en vont à Montréal, et, une fois que tu commences à t'intégrer comme dans la ville de Montréal, c'est plus difficile à ce moment-là de se déraciner pour aller à l'extérieur.

Est-ce que, vu que vous avez vraiment la volonté d'aller chercher de l'immigration pour le milieu rural, de votre part, de faire la promotion ou de sensibiliser les communautés d'appartenance qui sont bien établies, comme dans la grande région de Montréal, ce ne serait pas déjà comme un pas de promotion que vous pourriez faire par le biais du Québec? Et, éventuellement, si vous arrivez à sensibiliser ces communautés-là qui sont déjà établies, elles, en parlant avec des gens qui sont de leur entourage ou autres dans leur pays et qui veulent immigrer ici, pourraient déjà faire un début de promotion pour votre région, pour le milieu rural. Est-ce que ça serait une... On parlait tantôt d'outils nouveaux de promotion.

Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la députée. M. Proulx.

M. Proulx (Jacques): Oui, bien sûr. On le fait déjà, d'ailleurs. On ne le fait pas beaucoup mais on a déjà commencé à le faire, à rencontrer certaines communautés.

Je suis allé rencontrer quelques communautés à Montréal puis discuter de la ruralité. Oui, vous avez raison, c'est un moyen. Mais, seul, ce moyen-là ne suffira pas, je veux dire, parce que, quand tu pars avec une idée de ton pays, quand tu décides d'aller t'établir ailleurs dans un autre pays, tu as eu le temps de réfléchir à beaucoup de choses ? à part les réfugiés politiques, et encore ? tu as eu le temps de faire certains choix, tu t'es préparé, je pense, en conséquence, de t'en aller. Et, si tu t'es bien préparé pour être dans le milieu urbain à partir de l'idée que tu t'es faite et ainsi de suite, ce n'est pas rien que la communauté ici qui va te faire changer d'idée.

Alors, moi, je pense qu'il y a un peu des deux. Oui, effectivement, votre suggestion est bonne, et on profite des opportunités qui nous sont offertes pour commencer ça, parler de la ruralité, parce que, eux autres non plus, ils ne la connaissent pas. Mais, en même temps, il faut faire beaucoup aussi dans la promotion pour faire prendre conscience ? et on se répète ? qu'il y a des pôles intéressants, si tu viens ici, qui sont autres que celui... Même si ça porte le même nom que les leurs...

n(14 h 30)n

Vous savez, un paysan qui partirait ou quelqu'un qui vit dans une communauté assez pauvre dans ces pays-là, ce n'est pas nécessairement la même chose ici, et il faut changer cette mentalité-là, avant qu'ils partent, dans la promotion qu'on fait ailleurs.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Proulx. Mme la députée. Loi sur l'accès à l'égalité en emploi dans des organismes publics et modifiant la Charte des droits et libertés de la personne.

Mme Loiselle: Il y avait un groupe, la semaine dernière, qui nous disait... Je pense que c'est le groupe Justice et foi. Ils nous ont donné l'idée de peut-être prendre des anciens immigrants, qui sont déjà établis depuis quelques années à Montréal, et d'arriver à capter leur intérêt pour les amener justement dans des régions soit rurales ou dans d'autres municipalités. Parce que les groupes nous faisaient remarquer que les gens, quand ils émigrent, ils préfèrent aller où est-ce qu'il y a déjà une communauté d'appartenance. Déjà, il y a un certain appui, un encadrement. Ils vont se sentir déjà plus en sécurité dès leur arrivée. Mais ils nous proposaient ça, de prendre les anciens ? ils les appelaient comme ça ? immigrants, qui sont déjà établis depuis quelques années, qui ont déjà une intégration à la société québécoise, et d'arriver à capter leur intérêt pour aller s'installer dans d'autres régions, soit par le biais d'emplois ou autre. Qu'est-ce que vous pensez de cette suggestion de l'organisme?

Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la députée. M. Proulx ou M. Desjardins.

M. Desjardins (Pierre): Je pense que toutes les alternatives sont bonnes. Juste une parenthèse: On sait que les Italiens sont des grands chasseurs. Donc, ils connaissent particulièrement bien le territoire du Québec. Ça serait apparemment une communauté qui pourrait facilement en faire la promotion.

Je voudrais revenir sur votre premier énoncé. M. Proulx l'a très bien dit: Il y a un défi politique au Québec. C'est-à-dire qu'il y a la métropole, il y a la population de la métropole et il y a la population des régions. La population des régions, elle est nécessairement blanche, et, si elle est rurale, elle est nécessairement agricole et francophone de souche. Il y a un défi important de faire en sorte d'augmenter cette interpénétration et de rendre un Québec plus homogène, de dire que, dans le fond, on ne peut pas juste dire: La métropole, elle est cosmopolite et le reste du Québec, il est français bas de laine, les deux pieds sur la bavette du poêle. Ça ne se peut pas. Parce que ça va polariser la situation, qui n'est déjà pas facile. Parce que, dans le fond, ce que vous nous dites également, c'est de dire comment, demain matin, les ruraux pourraient se promener à travers le Québec pour leur dire: On existe, on est différents, pourquoi vous ne viendriez pas habiter chez nous? C'est un peu ça que vous nous dites en même temps. Il faudrait se faire connaître.

Mme Loiselle: C'est un peu ce que l'organisme a suggéré, oui.

Le Président (M. Boulianne): M. Proulx, est-ce que vous voulez ajouter quelque chose?

M. Proulx (Jacques): Non.

Le Président (M. Boulianne): C'est beau. Alors, Mme la députée, vous avez encore du temps.

Mme Loiselle: Oui, peut-être un dernier point sur ça. Est-ce que ça vous inquiète que la ville de Québec ait demandé au gouvernement de devenir le deuxième pôle d'attraction au niveau de l'immigration, Québec et son agglomération? Est-ce que, au niveau du milieu rural, vous pensez que c'est un côté bénéfique pour vous ou, au contraire, ça va faire ombrage à toutes les démarches que vous faites pour attirer de l'immigration dans vos régions?

M. Proulx (Jacques): Non, on n'est pas en compétition sur ça. Je veux dire, on ne veut pas être en compétition avec personne. On veut juste avoir notre juste part de, je dirai, cette expertise, de ce savoir très intéressant. Je pense que, si déjà la ville de Québec, il y avait un changement, ça donnerait peut-être le goût au ministère d'élargir puis d'aller. C'est un exemple à faire. Non, on n'est pas en compétition avec la ville de Québec. Je pense que ce qu'il revendique à l'heure actuelle est tout à fait un peu dans le même sens qu'on le fait, nous autres, parce qu'on n'a pas notre part. Huit immigrants sur 10 qui demeurent dans la métropole, alors on recrée... En fait, ils recréent leur pays, hein? On fait une concentration qui fait qu'on recrée et qu'il devient doublement difficile de s'intégrer à la culture québécoise.

Le Président (M. Boulianne): Merci.

M. Proulx (Jacques): Et je parle bien d'intégration, je ne parle pas d'assimilation, je parle d'intégration. C'est pour ça que je vous disais tout à l'heure: Ça se fait très naturellement dans le milieu rural, bien sûr à cause qu'il n'y a pas une masse critique d'Italiens ou de Belges ou de Chinois. Jusqu'à un certain point, ils sont obligés de s'intégrer, sinon ils vont se refermer sur eux. Mais, en même temps, il y a une culture rurale d'accueil qui est très différente et qui favorise ça. Mais, en même temps, il ne faut pas prendre pour acquis que c'est généralisé partout. Il y a des efforts à faire de ce côté-là.

Alors, c'est pour ça qu'on préconise et une information et une formation des immigrants, et une formation et une bonne information des communautés. À partir de là, l'intégration est extraordinaire.

Mme Loiselle: Merci.

Le Président (M. Boulianne): Merci. Alors, M. le député de Saint-Hyacinthe, contrairement à ce matin, je vais être strict sur le temps. Vous avez 3 min 30 s, question et réponse comprises. Allez-y.

M. Dion: Il me reste juste trois minutes?

Le Président (M. Boulianne): Oui, allez-y.

M. Dion: Tout le temps de...

Le Président (M. Boulianne): Alors, pendant que vous me parlez, vous perdez du temps, M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Bien, écoutez, je n'en perdrai pas davantage, je vais vous permettre de passer à quelqu'un d'autre. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Boulianne): Vous avez quand même 3 min 30 s. C'est beau?

M. Dion: Non, bien, si je n'ai pas le temps de poser ma question, je ne la poserai pas.

Le Président (M. Boulianne): Alors, l'opposition, est-ce que vous consentez à ce que...

Mme Loiselle: Je donne un petit peu de mon temps à mon collègue, M. le Président.

M. Dion: Vous êtes toujours aussi généreuse, madame.

Le Président (M. Boulianne): Alors, allez-y. M. le député de Saint-Hyacinthe, on vous écoute.

M. Dion: Je vous remercie. Je tiens à souligner cependant qu'il est assez frustrant pour un député, qui est élu à l'Assemblée nationale pour défendre les intérêts des citoyens, qui a rarement l'occasion de s'exprimer et que, quand vient le moment de s'exprimer, on lui donne deux minutes, une minute, deux minutes, trois minutes et, après, on sera bien près de lui faire des reproches de ne pas parler. Je comprends, M. le Président, que vous faites votre travail et que vous le faites très bien, mais je déplore une situation qui est une situation que tous les députés déplorent d'ailleurs, de quelque côté de la Chambre qu'ils soient et qui ne permet pas aux députés d'exprimer correctement ce qu'ils devraient exprimer au nom de leurs citoyens. Ils ont un devoir à remplir et il faudrait réfléchir à ça, mais, comme ce n'est pas l'endroit pour discuter de tout ça, maintenant que je vous ai dit ce que j'en pensais, je vais passer à ma question, étant donné que j'ai eu la chance d'avoir la générosité de la députée de Saint-Henri? Sainte-Anne.

Le Président (M. Boulianne): Alors, on vous écoute, M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Alors, voici. À la page 16 de votre document, M. Proulx, que j'ai lu d'ailleurs avec beaucoup d'intérêt, vous mentionnez que la rétention des immigrants est aussi attribuable à un ensemble de conditions favorables telles que l'accès au marché du travail, la disponibilité des services aux immigrants, la présence d'une communauté ethnique et l'accueil de la population locale. C'est très intéressant. D'ailleurs, vous, vous avez l'honnêteté de faire la référence à M. Dumont, qui est votre... Ce matin, on a eu exactement la même phrase dans un autre document, mais je ne suis pas sûr qu'on avait fait la même référence. Cependant, je vois que... Je trouve ça un peu difficile, je vais prendre un peu le contre-pied de ce que vous avez dit, parce que c'est pour les besoins de la cause, je vais me faire l'avocat du diable. Les communautés rurales évidemment actuellement n'ont pas eu beaucoup la chance d'accueillir beaucoup d'immigrants. Bien qu'il soit dans l'intention du ministère depuis longtemps de dérégionaliser, dans la pratique, les réalisations sont peu nombreuses, quelles que soient la bonne volonté du ministère et la pertinence de la politique.

Alors, dans ce contexte-là, évidemment dans le milieu rural, on a peu de possibilités d'avoir une communauté d'immigrants, une possibilité d'une communauté ethnique pour les accueillir: premier problème. Deuxièmement, si on déplore, comme vous l'avez fait à certains endroits, qu'il y a une tendance au dépeuplement des communautés rurales, une des causes, qui est bien reconnue, c'est le manque d'emplois en communauté rurale. Or, ça fait déjà deux prises contre une politique d'immigration en milieu rural. Alors, je ne sais pas comment on peut y arriver autrement que par la politique de la tache d'huile, c'est-à-dire à partir des villes-centres, ça ne semble pas trop vous plaire, mais enfin, à partir des villes-centres, arriver à déborder sur les communautés rurales qui entourent. Il y a peut-être d'autres moyens et c'est pour vous entendre que j'ai posé la question.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député de Saint-Hyacinthe. M. Proulx ou M. Desjardins.

M. Proulx (Jacques): Il ne faudrait pas prendre qu'on se bat contre les villes-centres. On dit simplement: Il ne faudrait pas que le ministère pense, parce qu'il y a de l'immigration dans des villes-centres, qu'il y aurait des problèmes d'immigration dans le milieu rural. Faisons la part des choses. Bravo! qu'il y ait des immigrants. Je pense qu'il faut qu'il y en ait dans les villes-centres, puis ça va être juste un avantage puis ça va aider pour établir des immigrants dans le milieu rural. Ce n'est pas contre ça qu'on en a. On dit simplement de se donner les opportunités et de donner des chances égales aux différents milieux qui existent au Québec pour avoir sa part de ce que j'appelle, de ces personnes-là qui nous apportent assez souvent de la fraîcheur, de l'expertise, du savoir dont on a extrêmement besoin dans le monde qui est en ébullition tel qu'il est aujourd'hui.

Moi, je trouve intéressant, parce qu'on parle de mondialisation d'un côté, mais on mondialise des petits morceaux. On mondialise l'urbain et le reste est laissé pour compte, alors que, à mon avis, on devrait profiter de ce qui se passe aujourd'hui puis offrir à l'ensemble du Québec, qu'il soit rural, urbain, semi-urbain, les mêmes possibilités puis qu'on valorise à un niveau égal. C'est juste ça. Moi, je suis bien content qu'il y ait des immigrants dans le milieu urbain et dans les villes-centres et j'espère que ça va déborder de l'autre bord. Et, pour que ça déborde de l'autre bord, il faut sortir de l'impression qu'on va laisser qu'on a rempli le mandat, c'est-à-dire qu'il n'y a plus que 60 % des immigrants qui s'établissent à Montréal; les autres sont en région. On va continuer avec les mêmes... C'est juste ça. Je ne sais pas, Pierre, si tu veux...

n(14 h 40)n

Le Président (M. Boulianne): M. Desjardins, est-ce que vous voulez ajouter quelque chose?

M. Desjardins (Pierre): Je choisis toujours un mauvais exemple, parce que je fais de la sociologie spontanée. Je vais prendre un exemple, dans un petit village, de cas de racisme. Ce qui me fatiguait, c'est de dire: On sait bien, le monde rural se vide parce qu'il n'y a plus d'emplois. Il n'y a peut-être plus d'emplois traditionnels, mais des opportunités d'affaires, il y en a plein. Et quelquefois, ceux qui y sont de tradition ne voient pas nécessairement le village comme ceux qui ont un regard neuf sur le village.

Prenons Saint-André de Kamouraska, si jamais vous passez par là, vous allez trouver une boulangerie et si par malchance vous y passez au mois de juillet il y a des chances qu'il y ait à peu près 50 à 60 personnes qui fassent la file pour acheter du pain, et le boulanger, il est allemand d'origine. Et, effectivement, à Saint-André de Kamouraska, il n'y a pas de renouvellement important de la population et on pourrait même dire qu'il y a une migration importante de la population. Donc, effectivement, un étranger est venu, il a vu une opportunité, il a vu la qualité du paysage et il a parti une entreprise qui fait un succès et qui engendre aussi des petits. Donc, c'est de dire: Est-ce qu'on peut donner la chance au coureur, à tout le monde, dans le fond, de dire: Est-ce que les communautés rurales peuvent avoir la possibilité de se faire valoir? Parce que, effectivement, elles ont des potentiels, de montrer ces potentiels-là à d'autres personnes qui ont peut-être des regards différents et qui verront des opportunités que ceux qui y sont ne voient pas. C'est juste ça, dans le fond. Ce n'est pas une mesure coercitive, là.

Le Président (M. Boulianne): Merci. M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Il reste que, pour quelqu'un de l'extérieur, ce n'est pas toujours évident qu'il y a un potentiel d'emploi dans les milieux ruraux. Je ne dis pas que ça n'existe pas. C'est que ce n'est pas toujours évident pour les gens de l'extérieur. Est-ce que, de ce point de vue là, il y a quelque chose qui peut être fait du côté de Solidarité ou d'autres... ou des communautés elles-mêmes pour que leur disponibilité ou le potentiel qu'elles représentent soit mieux reconnu?

Le Président (M. Boulianne): M. Proulx ou M. Desjardins?

M. Desjardins (Pierre): C'est clair que ça peut se faire et je reprends un autre exemple. M. Proulx parlait de la mission cet été en Europe pour aller éventuellement convaincre un ou deux agriculteurs français d'immigrer. Je dois dire qu'on a toujours été assez contre cette façon de voir les choses. On a participé pour montrer une bonne volonté puis faire participer l'expérience de M. Proulx en Europe. Mais l'important de ça, c'était de dire... Ce qui était intéressant, ce n'était pas d'aller essayer de tenter de recruter des agriculteurs en Europe, mais probablement d'aller tenter de recruter des artisans en Europe, des artisans en campagne qui font du fromage, qui font du foie gras, donc qui peuvent aujourd'hui occuper des créneaux importants. Il y a deux semaines, on donnait un prix à un fromage qui vient des Îles-de-la-Madeleine, où on a fini par faire un troupeau. Je suis dans l'agroalimentaire, c'est les exemples qui sont là. Aujourd'hui, il y a quelqu'un qui fait un fromage qui s'appelle le Pied-de-vent, qui est reconnu. Bon. Il y a des traditions en Europe ? on peut parler de la France, mais on pourrait parler de la Grèce ou de la Turquie ? il y a des traditions rurales extrêmement fortes avec le développement de métiers, de connaissances et de savoir-faire qui sont extrêmement intéressants et qui représentent pour le Québec des opportunités d'affaires importantes parce que c'est des créneaux inoccupés par nous, bons Québécois ruraux de souche et francophones.

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup. M. le député de Saint-Hyacinthe, ça va? Oui?

M. Dion: Merci.

Le Président (M. Boulianne): Mme la députée de Sauvé.

Mme Beauchamp: Merci, M. le Président. Bonjour, monsieur. Vous avez beaucoup insisté pour nous expliquer ? et je pense qu'on a bien compris le message ? le fait qu'il ne fallait pas mettre les régions urbaines en compétition par exemple avec le milieu rural dans le dossier de l'immigration et dans les objectifs qu'on se donne. Mais, néanmoins, moi, je reste avec une question que, à ma connaissance, vous n'abordez pas dans votre mémoire, mais c'est: Est-ce que les différents scénarios déposés dans le document ministériel que vous commentez aujourd'hui vous conviennent? En d'autres mots, est-ce que les cibles qu'on se donne et les cibles quantitatives dans les différents scénarios vous conviennent pour faire en sorte que ces différentes régions du Québec, les régions urbaines, mais aussi le milieu rural, y trouvent leur compte, c'est-à-dire aient la capacité d'atteindre les objectifs que chacune de ces régions-là se donne? Je ne l'ai pas retrouvé dans votre mémoire, mais est-ce que vous êtes en mesure de commenter les scénarios qu'il y a dans le document ministériel et est-ce qu'ils vous conviennent?

Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la députée. M. Desjardins.

M. Desjardins (Pierre): C'est parce que, nous, on a pris le problème au bout de la lorgnette. Dans le fond, on ne figure pas parmi les potentiels éventuels. La seule façon pour nous de finir par figurer sur le potentiel, c'est de lever le bras et de dire: On existe. Donnez-nous la chance de nous faire valoir et de nous exprimer et éventuellement on sera capables ou on sera en mesure d'accueillir des immigrants. Mais c'est clair qu'on ne compte pas dans le poids de la balance du pouvoir d'attraction du Québec des immigrants, ça va de soi. Le problème auquel vous allez être confrontés quand vous allez privilégier les centres urbains, qu'ils soient régionaux, ça va être les mêmes problèmes de rétention que vous souleviez tantôt: le pouvoir d'attraction de la métropole, des communautés enracinées, des communautés immigrantes, enracinées profondément depuis des dizaines d'années sinon des centaines d'années, pour certaines communautés, ça va toujours exercer un pouvoir d'attraction extrêmement important. Pour aller s'établir à Sherbrooke... c'est aussi difficile d'aller s'établir à Sherbrooke que de s'établir à Wotton ou de s'établir à Saint-Camille, d'où vient M. Proulx, parce que, effectivement, le pouvoir d'attraction de Montréal il est le même pour Sherbrooke ou pour d'autres.

Dans le fond, on revient toujours à la même problématique: s'il n'y a pas d'opportunité d'affaires, s'il n'y a pas de travail, s'il n'y a pas d'accès aux services publics, les Québécois, ils ne restent pas puis les immigrants non plus ils ne resteront pas. Donc, on peut toujours encourager, mais il faut supporter ces communautés d'accueil, parce que c'est des gestes volontaires. On ne parle pas de réfugiés, on parle d'immigrants qui choisissent un jour de partir. Quand on est sur un bateau puis on est à Cuba, bien, on ne choisit peut-être pas la place où on veut aller. Mais la journée où on décide, de façon volontaire, d'immigrer au Québec, on a le choix, alors on regarde où est-ce qu'on veut aller. Ça fait qu'il faut que le pouvoir d'attraction soit fort. Et de contrebalancer, ça va prendre des mesures extrêmement puissantes pour changer le spot de Montréal vers Québec ou vers Trois-Rivières.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Desjardins. M. Proulx, vous voulez ajouter quelque chose?

M. Proulx (Jacques): En fait, je reviens toujours avec mon vieux dada. Tant qu'on n'aura pas la conviction qu'il y a une partie du succès qui va passer par la décentralisation, tant qu'on va développer uniquement en fonction d'un modèle qui est là, qui doit exister, mais qui est le modèle urbain, ça va être extrêmement difficile de changer les choses, parce qu'on ne peut pas avoir un modèle unique d'immigration. On peut donner des priorités, mais on ne peut pas avoir un modèle unique pour l'immigration. Et, moi, je suis certain que, toutes proportions gardées, il y a autant d'immigrants dans mon village de 450 habitants qu'il y en a dans la ville de Sherbrooke, où il y en a 75 000, 80 000, je suis certain. Je n'en ai pas gros, mais je n'ai pas gros de monde. Alors, ça n'a pas mieux marché à Sherbrooke que chez nous. C'est ça qu'il va falloir regarder d'une façon différente dans l'avenir. Il faut regarder... peut-être ne pas changer celui pour la métropole, mais on ne peut pas appliquer celui de la métropole pour le reste du Québec, et ça, tant qu'on n'aura pas la conviction de ça, on ne changera rien. On va faire des essais légitimes, bonne volonté, mais qui n'auront pas de résultats.

Le Président (M. Boulianne): Merci. Mme la députée, vous avez encore du temps.

Mme Beauchamp: Donc, si j'ose tenter de résumer ce que vous nous dites, essentiellement, c'est que, pour vous, la volonté doit être exprimée dans, entre autres, la préparation et la collaboration avec les communautés d'accueil rurales, et ça ne passe pas. Ma question, dans le fond, c'est-à-dire: Est-ce que, pour vous, ça passerait par, par exemple, une hausse des cibles qu'on se donne au niveau de l'accueil d'immigrants? Pour vous, on n'est même pas rendu là. On est rendu plutôt à dire: Bien, si on travaille vraiment avec les communautés rurales d'accueil, on va réussir le défi de la décentralisation. C'est plus ça que vous nous dites.

M. Proulx (Jacques): Exactement, madame. Nous autres, on a la conviction... puis l'expérience qu'on a, en tout cas, le succès et la pérennité, ils sont là quand on l'a faite avec les communautés. Quand on l'a imposée, il n'y a pas de pérennité et il n'y a pas de succès.

Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la députée. Alors, avant de terminer, je veux remercier l'opposition officielle de sa collaboration pour le partage du temps. Je veux rassurer aussi le député de Saint-Hyacinthe que ce n'est pas dans l'intention de la présidence de le priver de son droit de parole. J'aurais peut-être une solution à court terme: négocier avec le ministre le temps lorsqu'on a à parler. Alors, merci beaucoup.

M. Dion: ...je pense qu'on devrait approfondir ça parce qu'on aurait peut-être des choses à dire.

Le Président (M. Boulianne): C'est bien.

M. Dion: Je ne poserai pas de question.

n(14 h 50)n

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup. Alors, je demanderais au Centre des femmes de Montréal, s'il vous plaît, de s'approcher pour le mémoire.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Boulianne): Alors, bienvenue, mesdames, à la commission. Alors, on vous écoute sur le mémoire. Je tiens juste à préciser une chose...

Une voix: Parlez au moins 20 minutes.

Le Président (M. Boulianne): Non, dans le temps qui est imparti. Les réponses aussi font partie du temps. C'est ça, il y avait une confusion tout à l'heure. Alors, on vous écoute.

Centre des femmes de Montréal

Mme Bélisle (Johanne): Merci, M. le Président. Alors, malgré la grisaille qui a accompagné le voyage, nous sommes très heureuses d'être parmi vous aujourd'hui et d'avoir l'opportunité de vous présenter brièvement le fruit de nos réflexions. Simplement pour resituer le contexte dans lequel...

Le Président (M. Boulianne): Oui, je m'excuse, est-ce que voulez-vous vous présenter et présenter votre équipe?

Mme Bélisle (Johanne): Oui. Je suis Johanne Bélisle, je suis directrice générale du Centre. Je suis accompagnée de Mme Makhoul, qui est directrice du service de première ligne et aux femmes immigrantes, et de Mme Grégoire, qui est directrice du service Option'Elle.

Le Président (M. Boulianne): Bienvenue.

Mme Bélisle (Johanne): Alors, simplement peut-être pour resituer le contexte dans lequel nos commentaires ont été émis, vous rappeler brièvement qui nous sommes. Le Centre a été créé en 1973 dans le but d'aider les femmes à s'aider elles-mêmes et, dès les premières années de notre implantation au coeur d'un quartier qui se voulait à l'époque un quartier étudiant et multiethnique, le Centre s'est donné comme mandat de venir en aide aux femmes de toute origine. De façon prioritaire, nous avons toujours dirigé nos efforts à aider les femmes désavantagées sur les plans économique, social et personnel en vue de leur permettre d'améliorer leurs conditions de vie et d'acquérir une autonomie personnelle et économique. En plus d'offrir des services directs à la clientèle, nous avons aussi comme mandat d'informer le public des préoccupations des femmes et de jouer un rôle de moteur dans l'amélioration des conditions de vie des femmes.

Pour situer un petit peu nos services et le fruit de nos réflexions, en fait, je dois vous dire que nous intervenons principalement en matière de lutte contre la pauvreté et la violence, d'aide à l'intégration pour les nouvelles arrivantes et leur famille et de soutien à l'intégration en emploi dans les secteurs traditionnels et non traditionnels. L'an dernier, le Centre a répondu à plus de 32 000 demandes de femmes vivant dans la grande région métropolitaine, et ce, par l'entremise de nos trois principaux services, soit les services de première ligne et aux femmes immigrantes, notre service Option'Elle et notre service formationnel, qui aide les femmes à intégrer le marché du travail dans des secteurs non traditionnels.

Ce qu'il est important de savoir, c'est que le Centre des femmes travaille aussi bien avec les femmes québécoises de souche et les nouvelles arrivantes et les immigrantes de longue date. Par l'entremise de nos services de première ligne et aux femmes immigrantes, on offre principalement des activités d'information, de référence et d'éducation, d'intervention évidemment, de dépannage, d'urgence. Ces activités visent à fournir aussi bien aux femmes québécoises, aux immigrantes qu'aux nouvelles arrivantes tous les outils dont elles ont besoin pour atteindre évidemment un bien-être personnel, familial, social et aussi jouer un rôle actif au sein de la communauté. Par l'entremise d'Option'Elle, nous offrons des services d'aide à l'intégration au marché du travail et, il y a maintenant près de 10 ans, nous avons développé dans le cadre de ce service-là un service spécifique pour aider les nouvelles arrivantes à intégrer le marché du travail, ce que nous appelons notre module FEMA. Dans le cadre de nos services d'aide à l'intégration au marché du travail dans les secteurs non traditionnels, nous offrons aussi des activités d'orientation, des ateliers de recherche d'emploi, de consultation et de stage en emploi pour les femmes qui veulent intégrer les métiers traditionnellement réservés aux hommes.

Alors, grosso modo, en termes d'expertise au niveau du Centre, au niveau de nos 27 années d'opération, il est clair que notre personnel a développé une expertise particulière touchant à l'intégration des communautés culturelles. Parmi les interventions qu'on a développées, évidemment il y a eu tout le volet d'ateliers de sensibilisation et de conférences sur la prévention de la violence conjugale en contexte multiculturel, des formations qui ont été données d'ailleurs à du personnel du MRCI, à des agents d'accueil également. Nous avons également développé des formations et des outils pour sensibiliser les intervenants et les gens du secteur privé au niveau de la sélection en emploi pour les personnes immigrantes. C'est également un volet sur lequel on a travaillé au cours des 27 dernières années.

On a également à notre actif différentes publications qui touchent toujours l'intégration des personnes immigrantes, des mémoires, des actes de colloques que nous avons réalisés pendant cinq années consécutives touchant l'intégration des personnes immigrantes, les guides pratiques concernant le travail direct auprès des nouveaux arrivants et nous avons également eu la chance de participer à différentes collaborations internationales. Nous avons présentement entre autres l'une de nos intervenants qui est en Ouganda et qui travaille sur un projet pour développer des outils pour travailler avec les femmes réfugiées et nous accueillons régulièrement aussi des délégations étrangères. Nous recevrons, d'ici deux semaines, une délégation de journalistes de la France qui viennent s'informer un peu plus des services que nous offrons au niveau des nouvelles arrivantes pour faire le parallèle avec les problématiques qu'ils vivent chez eux.

Donc, grosso modo, c'est un peu ce que nous avons développé au cours des 27 années et c'est à la lumière de ce travail direct avec les nouvelles arrivantes que nous avons développé les réflexions que vous avez reçues dans le mémoire. Je vais maintenant, à tour de rôle, M. le Président, si vous me permettez, céder la parole à mes collègues qui ont à présenter quelques points.

Le Président (M. Boulianne): Oui. Alors, allez-y, mademoiselle, on vous écoute.

Mme Makhoul (Dorys): Bonjour tout le monde. Toujours en lien avec le document qui a été présenté par le ministère face au point concernant les organismes au service des nouveaux arrivants, le document d'orientation opte pour que l'insertion des nouveaux arrivants se fasse à travers le réseau fréquenté par l'ensemble de la société. À ce sujet, il convient d'abord de rappeler que ces ressources externes offrent des services adaptés en fonction de certaines caractéristiques spécifiques telles que l'âge, le handicap, le sexe, la monoparentalité et bien d'autres.

Depuis plus de 27 ans, le Centre des femmes de Montréal aide les femmes immigrantes à s'intégrer à la société d'accueil et au marché du travail québécois. Celles qui sont arrivées au Québec depuis plusieurs années ou qui possèdent une expérience de travail dans leur domaine professionnel sont dirigées vers les services destinés à l'ensemble de la clientèle féminine. Par ailleurs, nos expériences passées nous ont amenées à conclure que les nouvelles arrivantes ont besoin de services spécifiquement conçus pour elles afin de s'intégrer socialement et professionnellement. De 1980 à 1989, les nouvelles arrivantes recevaient les mêmes services en employabilité que l'ensemble des participantes. Toutefois, elles avaient plus de difficultés à poursuivre leur démarche de recherche d'emploi et à se faire embaucher. Diverses études conduites en 1986 et 1989 nous ont poussées à mettre sur pied un module spécialement destiné pour elles. Les résultats obtenus depuis 11 ans par notre module FEMA se sont avérés probants. Ainsi, les nouvelles arrivantes ont accès à des services spécifiques qui se caractérisent par une prise en compte de leur situation dans sa globalité, et ce, aux plans personnel, familial, social, culturel, financier et professionnel.

n(15 heures)n

L'intégration demeure un processus dynamique complexe, mouvant et non linéaire qui diffère d'une personne à l'autre, selon les spécificités individuelles, l'écart entre les valeurs de la culture d'origine et celles de la société d'accueil, les expériences de vie, les raisons qui ont conduit à immigrer ainsi que les conditions de vie depuis l'arrivée au Québec. C'est pourquoi notre plan d'intervention poursuit divers objectifs. Il tente d'amener les femmes à briser leur isolement. Il favorise la création de réseaux d'entraide. Il a permis d'identifier les pertes subies suite à l'exil et d'acquérir une meilleure connaissance des différentes étapes du processus de deuil. Il a pour but d'apporter un support psychosocial suite aux marques laissées par les traumatismes prémigratoires et migratoires et face aux difficultés vécues au niveau de l'adaptation. Il favorise également l'autonomie et l'intégration des nouvelles arrivantes en fournissant de l'information sur les ressources générales disponibles pour elles et leurs familles. Il permet aux femmes d'effectuer le transfert de leurs acquis aux plans plan personnel et professionnel. Il les aide à comprendre l'impact de la culture sur l'organisation du travail, les valeurs au travail, le processus de recherche d'emploi et la sélection du personnel. Il vise également la francisation et la formation des nouvelles arrivantes.

Ces services sont similaires à ceux offerts par les autres membres du Regroupement des organismes au service des nouveaux arrivants sous le nom du ROSNA. Chacun d'eux a développé une expertise spécifique visant l'accompagnement des personnes immigrantes à travers leur processus d'intégration. Selon nous, de tels services adaptés aux besoins particuliers des nouveaux arrivants constituent une clé essentielle à leur intégration sociale et professionnelle.

Conséquemment, nous demandons au ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration qu'il reconnaisse que les organismes de services aux nouveaux arrivants ainsi que le Regroupement qui les représente, le ROSNA, constituent des ressources indispensables en matière d'accueil et d'intégration des personnes immigrantes. Merci.

Le Président (M. Boulianne): Merci. On vous écoute, Mme Grégoire.

Mme Grégoire (Francine): Merci. En ce qui concerne notre vision du concept d'intégration, il convient de préciser au préalable que notre mémoire a été rédigé suite à la lecture du document intitulé L'immigration au Québec 2001-2003 ? Un choix de développement.

Ce n'est qu'après avoir rédigé notre mémoire que nous avons lu ? avec beaucoup d'intérêt d'ailleurs ? le document de consultation pour le Forum national sur la citoyenneté. C'est pour cette raison que nous avons apporté certaines nuances dans le texte apporté.

Dans le document intitulé L'immigration au Québec 2001-2003 ? Un choix de développement, le ministre précise que les nouveaux arrivants ont le devoir de participer et de s'intégrer à la société d'accueil. Il indique, de plus, qu'être intégré, c'est également participer pleinement à sa vie culturelle et démocratique, c'est adhérer à ses valeurs et à ses institutions.

Le Centre des femmes de Montréal partage en partie la définition de l'intégration que propose le document d'orientation. En effet, l'intégration se manifeste par une participation active à la vie démocratique et culturelle. En outre, les nouveaux arrivants ont le devoir de respecter les institutions de la société d'accueil, comme tout autre membre de la collectivité. À notre avis, il demeure également légitime, pour une société, de demander aux ressortissants étrangers, comme à tout citoyen, de respecter ses lois et d'adhérer à certaines valeurs jugées essentielles à l'identité de la collectivité telle que la non-violence.

Selon le document d'orientation, il semble que l'ouverture au monde fasse partie des valeurs prônées par la société québécoise, puisqu'on y précise que la problématique de l'immigration s'inscrit dans une perspective d'ouverture au monde, à la diversité des cultures et des expériences humaines et à l'enrichissement mutuel qui peut en résulter.

Nous considérons que le MRCI devrait poursuivre ses actions afin de faire connaître les valeurs faisant l'objet d'un consensus social aux personnes immigrantes mais aussi à l'ensemble de la population.

D'autre part, le Centre des femmes de Montréal diverge d'opinions en ce qui concerne le devoir unilatéral du nouvel arrivant de s'intégrer au Québec. Selon nous, cette responsabilité doit être partagée par tous les membres de la société, qu'ils soient nouveaux arrivants, ressortissants étrangers ou Québécois d'origine. Cette définition de l'intégration implique également une redéfinition des valeurs communes par l'ensemble de la population, et ce, dans une perspective de développement social. Cette démarche, qui constitue un défi de taille, s'avère pourtant nécessaire à l'établissement d'un sentiment commun d'appartenance et d'une nouvelle identité collective reflétant l'ensemble de la société.

En immigrant, les diverses communautés culturelles apportent avec elles différentes conceptions de l'homme et de son environnement qui s'avèrent des perspectives nouvelles aidant la société d'accueil à solutionner ses propres problèmes, dépasser ses propres limites et établir un nouvel équilibre social. Ainsi, il convient de rappeler que les cercles de qualité utilisés en gestion par les entreprises nord-américaines sont empruntés aux sociétés collectivistes.

D'ailleurs, le document de consultation pour le Forum, dans ce document-là, le gouvernement reconnaît que l'individualisme est la rouille des sociétés démocratiques et précise que ce type d'individualisme conduit à des formes de désengagement social et politique et à la négligence des obligations liées pour chacun à la participation civique. Cet exemple illustre bien les problèmes et les limites auxquels nous sommes confrontés et l'apport possible des membres des sociétés collectivistes.

Conséquemment, nous demandons au ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration de reconnaître que l'ensemble de la population québécoise partage une partie de la responsabilité de l'intégration des nouveaux arrivants.

Le Président (M. Boulianne): Merci. Oui, allez-y, vous avez encore du temps.

Mme Bélisle (Johanne): Moi, je tenais aussi à vous parler de la question linguistique, et je tenais à vous rappeler un fait que nous considérons intéressant, dans la mesure où on a été, au Centre des femmes de Montréal, le premier partenaire de ce qu'on appelait, à l'époque, le «MCCI», lors du développement du projet-pilote des cours de français avec allocations pour les femmes immigrantes, avec les allocations de garderie. Ça, c'était au début des années quatre-vingt et ça a donné le résultat des PAFI aujourd'hui. Donc, on a été pionniers dans le partenariat au niveau de la francisation des femmes immigrantes à Montréal.

Le MRCI considère que l'apprentissage du français demeure un facteur primordial d'intégration. Nous partageons entièrement cette opinion. Par contre, je pense qu'il faut comprendre que l'apprentissage d'une langue seconde demeure un exercice qui est complexe et qui s'effectue sur une longue période de temps. Posséder cet atout au départ facilite l'intégration sociale et professionnelle du ressortissant étranger, et pour nous, ça ne fait pas de doute.

Le ministère veut inciter les nouveaux arrivants à utiliser le français, dès leur arrivée au pays. Nous sommes également d'accord avec cette mesure mais avec certaines réserves. Comme l'apprentissage d'une langue seconde prend du temps, nous considérons qu'il est essentiel de continuer à offrir des services d'accueil dans les diverses langues parlées dans les pays d'origine, et ce, afin d'éviter l'isolement des ressortissants étrangers. Pour nous, cette stratégie leur garantit un soutien à l'établissement et à l'intégration au niveau des services de première ligne et le temps nécessaire dont ils ont besoin pour réaliser leurs apprentissages.

En ce qui a trait aux nouvelles arrivantes, on sait très bien, par expérience, qu'un nombre élevé de nouvelles arrivantes ne se destinent pas nécessairement au marché du travail dès leur arrivée, et ce, pour différentes raisons: parce qu'elles ont des enfants en bas âge, parce qu'elles manquent de qualifications, pour des raisons aussi de valeurs culturelles. Ces femmes-là ont pourtant besoin d'apprendre le français pour s'intégrer socialement, pour communiquer avec les membres de la société d'accueil, pour converser dans cette langue avec les membres de leur famille, et entre autres, leurs enfants, et ainsi, assurer la pérennité du fait français au Québec. Par ailleurs, ces femmes-là ont besoin de mesures de soutien particulières pour pouvoir participer à des mesures de francisation; elles ont besoin de soutien pour se dégager de leurs responsabilités familiales.

Je pense que c'est important de noter aussi ? puis c'est un document qui vient tout juste de sortir, une recherche du Comité femmes, dont Mme Moisan fait partie ? que la méconnaissance du français et de l'anglais est largement plus marquée au niveau des femmes que des hommes dans la grande région métropolitaine.

La connaissance du français, bien qu'un élément-clé, demeure toutefois, à notre avis, insuffisante pour permettre aux femmes nouvellement arrivées de s'intégrer adéquatement à la société d'accueil. Nous considérons, par l'expérience que nous avons développée au cours des 27 dernières années, que cette activité doit s'inscrire dans un plan d'intervention qui est global et qui est adapté à chaque personne. Dans cette perspective, pour nous, il est essentiel que les cours de français continuent d'être dispensés par les organismes communautaires qui ont développé une expertise auprès de cette clientèle et qui sont en mesure de répondre plus adéquatement à l'ensemble des besoins.

Enfin ? le dernier point là-dessus ? sans nier l'importance d'assurer la survie du fait français au Québec, je pense que nous nous devons d'être réalistes. Nous savons toutes et tous que le marché du travail montréalais, où réside encore la majorité des ressortissants étrangers, requiert également la connaissance de l'anglais. Pour nous, l'accès à de tels cours demeure un gage important d'insertion en emploi et témoigne aussi de notre volonté d'assurer une équité en matière d'intégration en emploi à ceux et celles qui optent pour un transfert linguistique en faveur du français.

Donc, conséquemment, nous demandons que l'apprentissage du français s'inscrive dans un plan d'intervention plus large, tenant compte de tous les obstacles à l'intégration en emploi rencontrés par les nouvelles arrivantes en recherche d'emploi et par les nouvelles arrivantes travaillant à la maison, et que ces formations continuent d'être dispensées par les organismes communautaires spécialisés auprès de cette clientèle, et bien sûr, que les participantes ayant des enfants puissent bénéficier d'un soutien financier particulier. Enfin, nous demandons également que les ressortissants étrangers qui se destinent au marché du travail aient accès à des cours d'anglais en tant que troisième langue.

Le Président (M. Boulianne): Merci.

Mme Grégoire (Francine): ...

Le Président (M. Boulianne): Oui. Alors, vous avez encore une minute et demie.

n(15 h 10)n

Mme Grégoire (Francine): Une minute et demie? Alors, écoutez, je vais passer directement à une autre recommandation qui concerne les compétences professionnelles. Peut-être lire un petit préalable: Selon le ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration, la sélection d'immigrants doit s'établir en fonction du niveau d'adéquation entre les compétences professionnelles des postulants et les perspectives d'emploi au Québec, et ce, afin de favoriser une insertion rapide au marché du travail.

À notre avis, il s'avère périlleux d'évaluer la capacité d'absorption du marché du travail uniquement par le biais des perspectives d'emploi et de conclure que la situation professionnelle des personnes immigrantes est favorable. En ce faisant, on nie les obstacles à l'emploi que rencontrent l'ensemble des personnes immigrantes et plus particulièrement certains sous-groupes. Et, dans ce contexte, on demande au ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration qu'il dépose une politique en matière d'intégration des personnes immigrantes qui tienne compte également de l'ensemble des facteurs suivants: la reconnaissance des acquis, la durée d'établissement, la couleur et le sexe, parce que ce sont des variables qui ont une incidence directe sur le taux d'intégration au marché du travail.

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup. Alors, merci, Mmes Bélisle, Makhoul et Grégoire. Maintenant, nous allons procéder à la période de questions. M. le ministre, vous avez la parole.

M. Perreault: Oui, M. le Président. Il est 15 h 11? D'accord. Je commence. Alors, bienvenue à cette commission. J'en profite pour déposer un certain nombre de documents qui donnent des chiffres concernant la proportion d'hommes et de femmes en matière d'immigration au Québec. Ça nous avait été demandé. Vous-mêmes, vous soulevez évidemment, dans votre mémoire, des questions qui touchent davantage les femmes. Alors, je pense que ça pourrait être intéressant pour tous les membres de la commission.

Évidemment, le Centre a beaucoup d'expérience avec les femmes. Vous soulignez avec raison qu'il y a des problématiques particulières à l'intégration des femmes immigrantes selon, notamment, les communautés, mais de façon générale aussi. Selon qu'on est une femme ou un homme dans cette société, les choses se passent parfois différemment.

On y reviendra peut-être un peu plus loin, mais je veux commencer par la fin de votre intervention; je ne peux pas la laisser passer. Il y a un consensus établi, au Québec, des deux côtés de l'Assemblée nationale, depuis quelques années, à l'effet que l'intégration des immigrants doit se faire en français, et à date, aucun groupe n'a questionné ce consensus.

Vous-mêmes, vous soulignez la difficulté, par exemple, pour une femme immigrante, déjà, d'apprendre le français. Là, vous voudriez que, en plus, tout de suite, en commençant... Évidemment, quand elle sera immigrante reçue, quand elle aura franchi les obstacles à son intégration... Je veux dire, l'apprentissage de l'anglais est disponible comme pour toutes les Québécoises et tous les Québécois.

Mais là on parle de l'accueil et de l'intégration, et si je comprends bien, vous proposez qu'on donne des cours d'anglais, et la raison que vous donnez, c'est que le marché du travail nécessite cet apprentissage. Est-ce que vous ne mélangez pas les choses? Il faudrait intervenir sur le marché du travail, d'abord. Non?

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le ministre. Alors, qui est-ce qui répond? Oui, allez-y, on vous écoute, Mme Bélisle.

Mme Bélisle (Johanne): En fait, le point qui est pour nous le plus important, c'est de pouvoir maintenir des services de première ligne, d'accueil, en pouvant utiliser les langues qui sont parlées dans les pays d'origine des femmes que nous recevons. Les pourcentages sont assez importants, ils grossissent d'année en année en termes de provenance de pays d'Amérique latine, de provenance des pays d'Europe de l'Est. Et, pour nous, c'est important au niveau des services de première ligne de pouvoir continuer à les recevoir, dans un premier temps, dans cette langue-là pour faciliter leur processus d'intégration.

La notion de cours d'anglais, pour nous, n'est pas à l'étape d'accueil. Je pense que ça a peut-être été mal reçu, la façon dont nous l'avons présentée. Pour nous, c'est important de pouvoir leur offrir, dans un deuxième temps, cette possibilité-là, de façon à faciliter davantage leur intégration au marché du travail. Nous ne remettons pas en question le consensus qui est d'accueillir et de s'assurer que les nouveaux arrivants puissent fonctionner dans la langue qui est en usage au Québec et qui est le français.

Pour nous, ce qui est important, c'est de s'assurer de mettre en place tous les moyens pour faciliter leur intégration. Et, à ce compte-là, de pouvoir les recevoir, dans un premier temps, dans leur langue d'origine s'ils ne parlent aucune autre langue, c'est essentiel. Et, dans un deuxième temps, si nécessaire, pour faciliter leur intégration au marché du travail, de pouvoir leur offrir des cours d'anglais.

Le Président (M. Boulianne): Merci. M. le ministre.

M. Perreault: Toujours en surveillant bien mon temps, M. le Président.

Le Président (M. Boulianne): C'est bien.

M. Perreault: Dans tous les pays, à ma connaissance, il y a une langue d'accueil. Il n'y en a pas deux, ni trois, ni cinq, ni huit. Il y a, bien sûr, ils se sont développées comme ici, et c'est normal, des organismes communautaires relais qui appuient, qui sont des partenaires de l'État dans l'opération d'accueil et d'intégration, et évidemment, à ce moment-là, peuvent utiliser... Je veux dire, si quelqu'un ne parle pas un mot de la langue, on fait des signes puis on se parle un peu les bouts de langue qu'on connaît, mais la politique d'accueil est dans la langue nationale.

Je suis heureux d'entendre ce que vous avez dit, d'autant plus que je trouvais que l'argument utilisé, qui était que le marché du travail suppose qu'on connaisse l'anglais, me semblait nous ramener beaucoup d'années en arrière. Il y a eu des débats fondamentaux, au Québec, sur ces questions. Il faut plutôt se battre pour que le marché du travail soit en français et non pas faire le contraire. En tout cas, je vous l'indique, je pense qu'il faut qu'on soit clair là-dessus. Puis, à moins que l'opposition ait changé de point de vue, il me semble que c'est également le point de vue de l'opposition, non pas que la connaissance de l'anglais n'est pas souhaitable, comme d'ailleurs, la connaissance d'autres langues, l'anglais, sûrement, comme une troisième langue dans leur cas, comme deuxième langue dans le nôtre, sans aucun doute dans mon esprit, là. Mais ça me semblait important, M. le Président, à ce moment-ci, toujours en tenant compte de mon temps, il est et seize, de le dire. Je reviendrai, puisqu'il me reste du temps, plus loin.

Le Président (M. Boulianne): Oui. Merci, M. le ministre. M. le député d'Anjou, je pense que vous aviez une question?

M. Lamoureux: Oui, merci beaucoup. Merci beaucoup pour votre présentation. Je reviens à la page 6 de votre mémoire, c'est parce que il y a un bout qui m'a fait un peu sursauter; je vous le lis: «Par ailleurs, à notre connaissance, il n'existe aucun document officiel, produit par le ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration, qui fasse état de l'ensemble des valeurs caractérisant la société québécoise et faisant l'objet d'un consensus social. Il conviendrait donc d'abord de les identifier, et par la suite de les faire connaître aux personnes immigrantes mais aussi à l'ensemble de la population.»

Je peux concevoir que, comme société, il y a certainement des valeurs qui peuvent ressortir. Peut-être que, si on faisait l'exercice ici, chacun et chacune d'entre nous aurions des valeurs différentes auxquelles on adhère.

Je vous avoue que ça m'a surpris, parce qu'il me semble, remettre un guide aux immigrants en leur disant: Ici, au Québec, voici les valeurs auxquelles nous adhérons et auxquelles vous devez maintenant adhérer... Je ne parle même pas de la difficulté évidemment d'établir une liste: qu'est-ce qu'on laisse tomber, qu'est-ce qu'on inclut, qu'est-ce qu'on n'inclut pas.

Je voudrais un peu vous entendre là-dessus parce que je vous avoue que c'est quelque chose qui m'a surpris, surtout que, souvent, ce qu'on mentionne et avec raison, c'est que l'apport des immigrants et des communautés culturelles au Québec et dans les autres sociétés, c'est justement cet apport d'autres valeurs qui font en sorte que, comme société, collectivement, on puisse évoluer, parce qu'on mentionnait des valeurs d'ouverture sur le monde. Je veux savoir comment vous conciliez le fait qu'on puisse arriver, nous, à établir notre liste des valeurs typiquement québécoises et un peu les imposer à ces personnes-là.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député. Alors, Mme Grégoire, je pense que c'est vous qui allez répondre?

Mme Grégoire (Francine): Ça va me faire plaisir.

Le Président (M. Boulianne): Allez-y!

Mme Grégoire (Francine): Premièrement, c'est la raison pour laquelle j'ai apporté la nuance à l'effet que ce document, nos réflexions avaient été rédigées avant d'avoir lu le document de consultation pour le Forum. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle on disait qu'il n'y avait pas de document qui faisait état de nos valeurs parce que, disons que le document du Forum, à notre point de vue, ça reste un document qui se penche sur l'intégration, les valeurs de la société québécoise. Et ça va dans le sens de ce qu'on prônait mais c'est nouveau comme démarche. Et d'ailleurs, il va y avoir un forum qui va avoir lieu sur le sujet prochainement.

Je pense que, dans ce document-là, dans le document de consultation, on est d'accord avec le ministère quand il dit qu'«une société doit avoir un certain nombre de valeurs et de principes à la base, la démocratie en étant un, la non-violence en étant un autre». Ce sont des valeurs qui ont été soulevées: l'ouverture au monde, le multiculturalisme. Ça doit guider nos actions et toutes les actions des divers intervenants dans la société, que ce soit des Québécois d'origine, que ce soit des nouveaux arrivants, que ce soit les institutions. Tout le monde est convié à vivre ces valeurs-là au quotidien.

Mais, évidemment, toute la nuance, c'est quelques valeurs. Ce n'est pas un ensemble de valeurs qui est dicté. Effectivement, la difficulté, c'est d'arriver à s'entendre sur certaines valeurs communes ? qui sont peu nombreuses ? mais également de s'ouvrir aux valeurs des autres, et c'est tout là la complexité du processus et toute la richesse du processus aussi.

n(15 h 20)n

Nous, par notre quotidien, on est ouvert aux valeurs des communautés culturelles, et une des actions qu'on porte, c'est justement de sensibiliser les Québécois d'origine et les diverses communautés à différentes valeurs, entre autres: l'individualisme, qu'est-ce que ça prône comme valeur? le collectivisme, qu'est-ce que ça prône comme valeur? Il y a des sociétés aussi où il y a une plus grande hiérarchie, qu'est-ce que ça entraîne comme valeur? Il y a des sociétés qui sont plus égalitaires, qu'est-ce que ça entraîne comme valeur.

Ce sont des perceptions de l'homme qui sont différentes, et chaque conception de l'homme a ses limites mais a également ses richesses, et cette espèce d'interaction là entre les différentes conceptions de l'homme et de l'environnement, à notre point de vue, est une richesse. C'est quelque chose qu'on favorise mais en ayant effectivement un consensus sur des grandes orientations.

Dans notre quotidien, on ne prône pas la violence, on prône la non-violence, et ça s'inscrit à travers à travers notre démarche qui vise à sensibiliser les femmes à l'interculturel et tout. On prône cette valeur de non-violence là. Ce n'est pas incompatible.

Le Président (M. Boulianne): Merci. M. le député, une autre question?

M. Lamoureux: Oui. Dans le fond, je ne dois pas comprendre ça comme étant une liste de valeurs auxquelles la société adhère mais plutôt comme étant d'établir le contexte social dans lequel les immigrants et les immigrantes vont devoir évoluer.

Mme Grégoire (Francine): Non.

M. Lamoureux: Je pense par là, entre autres, au niveau des lois qu'on a et toutes ces démarches-là. Parce que je suis tout à fait d'accord, puis je pense que tout le monde s'entend là-dessus, que c'est nécessaire, je pense, que tout le monde comprenne le fonctionnement de la société, les différentes lois qui s'appliquent. C'est juste que je vous avoue que ça m'avait fait sursauter.

Donc, vous, dans le fond, si on était capable d'établir un peu le contexte social dans lequel ces gens-là devront évoluer, pour vous, ce serait suffisant pour faciliter encore plus l'intégration de ces gens-là.

Mme Grégoire (Francine): Oui. À notre point de vue, ça devrait s'adresser aux nouveaux arrivants mais à l'ensemble des citoyens de la société, de les connaître, les valeurs qui font l'objet d'un consensus social. Ça ne s'adresse pas juste aux nouveaux arrivants. Tout le monde devrait être sensibilisé à ces valeurs-là.

Le Président (M. Boulianne): Merci. Je reviendrai à Mme la députée de La Pinière tout à l'heure. M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Beaulne: Oui, merci, M. le Président. Deux questions. Il y a plusieurs groupes d'accueil, de soutien aux immigrants, que ce soit des hommes ou des femmes, qui sont venus devant la commission, depuis que nous tenons nos audiences, pour nous parler du besoin d'accentuer et d'améliorer nos services d'intégration puis de les calquer avec le niveau d'immigration que nous souhaiterions.

Mais, très rarement, les différents groupes, à moins qu'on le connaisse à travers nos questions-réponses, nous parlent très peu du type d'immigrant, du type de nouvel arrivant auquel ils prodiguent leurs services, habituellement. Parce que, selon que vous ayez affaire ? on a différentes catégories ? à ce qu'on appelle les immigrants légaux, ceux qui sont passés par la filière habituelle, sélectionnés, les réfugiés sélectionnés par rapport à ceux qui aboutissent au Canada puis qui finissent au Québec, il y a plusieurs catégories.

Vous, la plupart des femmes immigrantes avec lesquelles vous faites affaires, tombent dans quelle catégorie?

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député. Mme Makhoul, vous voulez répondre.

Mme Makhoul (Dorys): Si je prends un petit peu les demandes auxquelles le Centre ou le service qui offre les services aux femmes immigrantes en particulier, les services de l'an dernier, on a répondu à environ 8 000 demandes.

Je peux vous dire: En termes de chiffres, on a répondu à environ 900 demandes de clientes, de nouvelles arrivantes, qu'on appelle dans notre jargon, admissibles, donc, qui ont un statut de résidence permanente, qu'elles peuvent être aidées comme résidente indépendante ou parrainée. On a également répondu à d'autres demandes de femmes.

Au total, si on veut parler en termes de pays d'origine, on a eu des femmes de 75 pays différents. La grande majorité vient de l'Afrique; en deuxième point, vient l'Amérique du Sud, le Moyen-Orient, l'Europe de l'Est, les Antilles; et ensuite, ça vient de la France, la Grande-Bretagne.

M. Beaulne: Je pose la question parce que, évidemment, une des décisions qu'aura à prendre le gouvernement suite à ces audiences, c'est de déterminer le niveau optimal d'immigration.

Comme vous savez, dans le scénario... il y a quatre scénarios. Il va falloir que le gouvernement fasse son lit sur un des scénarios en termes de pourcentage d'immigration que nous voulons accueillir.

Au début de nos audiences, il y a un sociologue d'origine chinoise qui s'occupe beaucoup d'immigration à Québec, M. Yuho Chang, qui a fait certains commentaires à l'effet qu'il mettait, jusqu'à un certain point, en garde le gouvernement canadien et le gouvernement du Québec, qui partagent la responsabilité de l'immigration, contre le fait d'ouvrir trop grandes les portes à l'immigration non sélectionnée, et en particulier, à ce qu'on appelle les «réfugiés politiques», par rapport à élargir la notion de famille pour permettre à d'autres immigrants parrainés de venir au Québec, par rapport à tous ceux qui tombent dans la catégorie «réfugiés».

Alors, vous, comment percevez-vous cette suggestion ou ce commentaire?

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député. Mme Bélisle, vous voulez répondre.

Mme Bélisle (Johanne): Ce que je vous dirais par rapport à ça, pour nous, en fait, ce qui est essentiel, quel que soit le scénario qui soit retenu, ce qui nous importe vraiment, c'est la qualité des services qu'on va pouvoir offrir aux nouveaux arrivants, et dans la même optique, la reconnaissance des organismes qui offrent ces services.

Ce que je peux vous dire aussi, par rapport à notre mission première qui est d'aider les femmes en difficulté et leurs familles, c'est évident que, pour nous, tout l'aspect de réunification familiale est un élément important, et le travail que nous faisons avec les femmes et leurs familles est un des volets extrêmement importants de la clientèle qu'on dessert. Donc, c'est évident que nous privilégions une hausse des niveaux d'immigration et particulièrement en ce qui nous concerne évidemment, le travail qu'on fait au niveau des familles.

Le Président (M. Boulianne): Merci, madame. Une dernière question, M. le député.

M. Beaulne: Oui, j'aimerais un peu peut-être revenir sur un commentaire du ministre tout à l'heure. Vous avez élaboré assez longuement sur toute la notion de valeur, suite à une question de mon collègue.

Parmi les valeurs que vous avez énumérées ? moi, je suis d'origine franco-ontarienne, j'ai vécu longtemps en Ontario ? et les valeurs que vous énumérez, là, elles ne sont pas le diable différentes de celles de l'Ontario, de celles de la Colombie-Britannique ou de celles d'autres régions du Canada. Les valeurs que vous avez énumérées, en réalité, sont des valeurs nord-américaines que nous partageons même avec les Américains.

Alors, comme, si vous voulez, interlocuteurs d'accueil, quand vous parlez d'inculquer aux nouveaux arrivants les valeurs de la société d'accueil, à part ces valeurs générales que les mêmes intervenants leur inculqueraient, qu'ils soient à Toronto, à Vancouver ou à Halifax, comment leur présentez-vous les valeurs particulières à la société d'accueil? Et quelles sont ces valeurs que vous leur présentez?

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député. Alors, Mme Grégoire.

Mme Grégoire (Francine): Oui, évidemment, les valeurs qu'on a citées sont les valeurs... on citait le document de consultation en vue du forum. C'est la raison pour laquelle on a cité ces valeurs-là qui, effectivement, peuvent se retrouver dans d'autres provinces et qui sont quand même aussi des valeurs nord-américaines.

À notre point de vue, c'est là que ça devient important de poursuivre la réflexion et la consultation pour en dégager des valeurs sociales, d'autres valeurs sociales qui sont importantes pour les divers membres de la communauté. On a cité quelques exemples, mais je pense que c'est une réflexion qui doit être faite par l'ensemble de la société pour en dégager d'autres, et c'est à ça qu'on convie le gouvernement: de poursuivre la réflexion à ce niveau-là pour en dégager davantage et puis pour en informer les divers membres de la société.

Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme Grégoire. Merci, M. le député. Alors, nous allons passer la parole à Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Mesdames, j'aimerais vous saluer, et à travers vous, saluer toutes les femmes qui oeuvrent au Centre des femmes de Montréal. Je sais que, pendant un quart de siècle, il y a des femmes qui se sont relayées au Centre des femmes pour aider les femmes immigrantes à s'intégrer au Québec et vous le faites très bien. Et je pense que, dans votre mémoire, on sent votre expertise et on sent la sensibilité que vous avez de traiter avec des femmes qui, dans certains cas, sont démunies, dont d'autres ont besoin d'un coup de pouce ou d'être orientées. Donc, bravo! Continuez à faire votre beau travail.

n(15 h 30)n

J'aimerais revenir... Je ne peux pas m'empêcher de ne pas revenir sur les débats sur les valeurs parce que c'est une question qui me tient à coeur. Vous avez dit qu'il faudrait peut-être qu'il y ait un document qui explique aux nouveaux arrivants c'est quoi, les valeurs du Québec. On va s'entendre en disant que les valeurs, ce n'est pas statique, ça évolue. Les valeurs du Québec rural ne sont plus les valeurs de la société d'aujourd'hui, et je comprends par votre questionnement que vous êtes soucieuses, finalement, de voir que... Surtout, quand on accueille les femmes, les femmes sont porteuses de valeurs, finalement, dans la famille, et vous êtes confrontées au choc des cultures, vous êtes confrontées aussi à la réalité que vivent certaines femmes immigrantes, parce que, comme vous l'avez dit, bon, il faut qu'on comprenne que la violence n'est pas acceptée et qu'elle est interdite. En fait, il n'y a pas de société qui prône la violence, c'est dans la pratique du rapport de domination que cette violence s'exprime à l'égard des femmes immigrantes, mais aussi à l'égard de toutes les femmes. Pas étonnant qu'on ait des centres de femmes partout pour les femmes victimes de violence au Québec.

Alors, ceci étant, pour ma part, ce débat-là, je le ramène à quelque chose de très simple et je pense qu'il fait consensus, les valeurs de la société québécoise sont inscrites dans la Charte des droits et libertés. Encore faut-il que ces valeurs-là soient transmises soit via l'école, via les organismes qui font de la sensibilisation, et tout est là. Le respect de la personne, la dignité, l'égalité entre les sexes, etc., bon, on connaît les valeurs de la Charte, et je pense qu'on y adhère tous. Il s'agit évidemment que ces valeurs-là se rendent à bonne destination.

Vous avez également soulevé une question concernant les services directs aux femmes immigrantes et vous avez, en tout cas, proposé que peut-être ça puisse se faire dans différentes langues au niveau de l'accueil. Je comprends par là, si vous voulez expliciter davantage votre pensée, que votre souci, c'est d'accélérer l'intégration de la personne qui arrive, c'est de lui permettre de s'outiller le plus rapidement possible des instruments qui vont lui faciliter l'intégration au Québec, parce que, en parlant dans sa langue, en la mettant en contexte avec d'autres femmes, je sais que vous faites appel aussi aux femmes immigrantes de différentes origines pour interagir avec les nouveaux arrivants. Donc, c'est pour lui rendre le plus rapidement possible la société québécoise accessible à son niveau, vous ne remettez pas en question le fait que le français soit la langue d'intégration.

Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la députée. Alors, Mme Bélisle, vous voulez répondre?

Mme Bélisle (Johanne): Oui.

Le Président (M. Boulianne): Alors, on vous écoute.

Mme Bélisle (Johanne): Ma collègue va peut-être compléter si vous lui permettez.

Le Président (M. Boulianne): Très bien.

Mme Bélisle (Johanne): En fait, merci d'avoir précisé l'intervention, c'est exactement le cas. Et, d'ailleurs, notre expérience le prouve, pour nous, le premier accueil, dans la mesure du possible, doit être fait en français. Par contre, pour certaines des femmes que nous recevons, elles ont une connaissance extrêmement minime du français, d'où l'importance pour nous d'avoir accès à des bénévoles et du personnel qui puisse s'exprimer en d'autres langues au niveau des services de première ligne. Mais vous comprendrez qu'immédiatement ces femmes-là sont intégrées au niveau de nos activités de francisation, et c'est extrêmement important pour nous de poursuivre la démarche dans ce sens-là. Les services d'accueil, les services que nous appelons de première ligne, peuvent être offerts dans une autre langue dans la mesure où c'est une première étape du processus d'intégration, mais l'intégration, c'est un processus à long terme et c'est un processus dynamique, et l'apprentissage du français vient immédiatement après le premier accueil, lorsqu'il est nécessaire, s'il est fait dans une autre langue.

Le Président (M. Boulianne): Mme Makhoul, vous voulez ajouter quelque chose?

Mme Makhoul (Dorys): C'est ça, les 10 dernières années m'ont permis de constater et encore une fois confirmer qu'il est nécessaire d'essayer d'intervenir en d'autres langues, si on peut, à la première étape. C'est pour créer un certain sentiment de confiance. Parce que, au niveau des exemples, on en rencontre des centaines de femmes à chaque semaine, ça en prend beaucoup de courage pour venir parler des difficultés, pour se sentir à l'aise. Et, très souvent, les intervenantes, aussitôt qu'elles savent que la cliente peut parler une autre langue, sinon plus sa propre langue d'origine, on remarque un sentiment d'appartenance, elle est beaucoup plus à l'aise à s'ouvrir, ce qui aide à briser son isolement, à s'intégrer davantage à nos activités.

Ici, on parle comme première démarche d'accueil, et, tout au long ensuite, il y a toute la transmission des valeurs en prenant chaque situation, ce que... ça peut être des problème à l'école, ça peut être des problèmes au niveau du logement, au niveau de ses droits en tant que consommatrice. Donc, on prend des exemples, des vécus concrets et on essaie de respecter ses propres valeurs et de transmettre les valeurs de la société d'accueil et tout en la sensibilisant à l'apprentissage du français.

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup. Mme la députée, vous avez encore du temps.

Mme Houda-Pepin: Merci. Je vous ai bien comprise. J'ai bien compris votre intervention. Vous avez également soulevé une question très pertinente de la double discrimination que vivent les femmes immigrantes par leur condition d'immigrantes et aussi une discrimination sexuelle à l'égard de leur sexe. Vous avez une expérience aussi au niveau de l'intégration au marché du travail avec les femmes immigrantes, est-ce que vous pouvez nous parler des obstacles qu'elles rencontrent spécifiquement pour s'insérer sur le marché du travail?

Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la députée. Alors, Mme Grégoire.

Mme Grégoire (Francine): Oui. Ça me fait plaisir de répondre à cette question. Le principal obstacle pour intégrer le marché du travail, à notre point de vue, c'est la reconnaissance partielle ou la non-reconnaissance de l'expérience et de la formation acquises à l'étranger. C'est par les employeurs, mais c'est la difficulté aussi d'obtenir la reconnaissance des ordres professionnels. Au Québec, il y a plusieurs institutions qui émettent des attestations d'équivalence. Il y a le ministère de l'Éducation qui établit un système de reconnaissance des acquis, les ordres professionnels ont leur propre système de reconnaissance des acquis et le marché du travail a son propre système pour évaluer les compétences et l'expérience acquises à l'étranger. Ça, c'est un problème majeur pour les nouvelles arrivantes.

Vous avez évidemment... Comme toutes les femmes, elles sont confinées aux ghettos d'emplois féminins, elles sont victimes de discrimination salariale. Et, par contre, le fait d'être nouvelles arrivantes entraîne des difficultés additionnelles, parce que les personnes qui veulent se faire embaucher ne connaissent pas toujours les codes culturels des employeurs qui les reçoivent en entrevue d'embauche, elles vont adopter certains comportements qui ne sont pas nécessairement compris adéquatement. Le fait de provenir d'une culture différente, si on ne les initie pas au contexte de recherche d'emploi nord-américain, accentue leur difficulté d'intégration au marché du travail. Ce n'est que quelques exemples.

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup. Alors, nous allons aller du côté du gouvernement. Il va rester quelques minutes à l'opposition. Alors, M. le ministre.

M. Perreault: Oui. Je vais faire simplement un commentaire et laisser la parole à mon collègue qui a demandé la question. Vous avez raison de faire référence au Forum sur la citoyenneté et l'intégration. Je vous signale que, dans ce Forum, nous mentionnons le fait qu'il est peut-être important de passer d'une étape, qui était le contrat moral, à une autre étape qui est le contrat civique et qui rejoint une de vos préoccupations, c'est celle de la volonté de la société d'accueil, effectivement, d'assumer l'intégration et de mettre en place ce qu'il faut pour le faire.

Alors, le contrat moral, qui a fait consensus il y a quelques années, à l'époque de Mme Gagnon-Tremblay, posait l'exigence, en quelque sorte, à l'immigrant de reconnaître le fait français et d'apprendre le français et, vice versa, d'enseigner en français ? il ne faudrait pas l'oublier ? mais je pense que la société québécoise est mûre au niveau des concepts et des idées et de ces réalités pour passer à ce qu'on pourrait appeler un véritable contrat civique, évidemment, qu'on ne signera pas, là, mais qui est une interrelation entre la personne immigrante et la société d'accueil. Et c'est dans cet esprit-là également qu'on a fait la réforme du ministère au niveau des carrefours d'intégration qui vont réunir des partenaires de tous les milieux pour décentraliser l'action du ministère en relation avec la société d'accueil dans ces quartiers. Alors, je voulais juste le souligner, et, dans ce cadre-là, les organismes comme les vôtres auront leur place. Je voulais le souligner, M. le Président, je vais laisser la parole à mon collègue.

Le Président (M. Boulianne): Oui. Je vais la donner, la parole, M. le ministre, merci. Alors, M. le député d'Iberville.

n(15 h 40)n

M. Bergeron: Oui. Merci, M. le Président. Merci, mesdames, de votre intervention. Vous avez dit que votre mission première, c'est d'aider les femmes en difficulté. Je pense que c'est un secret de Polichinelle de dire que le dénominateur commun des femmes immigrantes, notamment à Montréal, c'est l'isolement, et il faut briser l'isolement. On a parlé beaucoup de valeurs, d'éducation à nos valeurs, mais, pour leur présenter ces valeurs-là, il faut les rejoindre, les femmes, et j'imagine que ça ne doit pas être nécessairement facile, parce que ces femmes-là vivent à la grandeur du territoire montréalais, notamment, et il faut trouver à les rejoindre. Et vous avez parlé de mesures de soutien particulières, mais, j'aimerais vous entendre, j'aimerais que vous me parliez de la description de votre action sur le terrain pour rejoindre le plus grand nombre possible et, d'une certaine façon, vaincre l'isolement qui doit caractériser beaucoup trop ce milieu.

Le Président (M. Boulianne): M. le député d'Iberville. Mme Makhoul.

Mme Makhoul (Dorys): Pour vous présenter un petit peu la situation, c'est que... Qu'est-ce qu'on fait? Avant tout, comment rejoindre notre clientèle? Je pense que le fait qu'on soit un centre de femmes est déjà un point qui va rassembler les femmes...

M. Bergeron: Les hommes n'y vont pas?

Mme Makhoul (Dorys): Pardon?

M. Bergeron: Les hommes n'y vont pas?

Mme Makhoul (Dorys): Ce n'est pas qu'on va leur refuser un service, mais le fait qu'il y ait un sentiment d'appartenance à un centre de femmes, déjà, aide beaucoup à ce que la femme se sente en confiance pour se présenter et demander un service. Et ce qu'on a remarqué et si je peux parler de ma propre expérience durant les 10 dernières années au sein de ce service-là, c'est que les femmes se parlent entre elles, et une femme qui a reçu un service, qui s'est sentie à l'aise, qui s'est sentie en confiance, qu'on a répondu à ses attentes et qu'on l'a aidée... Parce qu'on voit dans le cheminement, on a des participantes qui sont venues, qui sont actuellement bénévoles, qui aident d'autres femmes. Donc, on voit ce processus-là. Donc, il y a une qui va informer l'autre, et la diversité de nos services va faire d'accueillir davantage de clientes et de les inciter à venir participer à nos activités. Parce qu'il ne s'agit pas juste d'un accueil, de donner l'information et références, on implique les femmes dans nos activités, on favorise la prise en charge personnelle. On respecte leurs valeurs tout en essayant de les impliquer progressivement et de les mettre au courant des valeurs de la société d'accueil, et ceci, toujours en respectant leurs limites et dans le contexte dans lequel elles se situent, parce que, c'est sûr, la situation d'une femme varie d'une personne à l'autre.

Également, si je reviens un petit peu, briser l'isolement... C'est sûr, je peux vous dire qu'il y a des femmes québécoises qui sont autant isolées que les femmes immigrantes, mais, cependant, la situation de la femme immigrante quand elle arrive ici, quand elle arrive dans la société d'accueil, c'est qu'elle a laissé derrière elle tout un réseau de support qui peut être le réseau familial. Donc, elle arrive ici... C'est sûr qu'on dit qu'elles vont venir là où il y a plus de la même communauté, mais ce n'est pas toujours la même situation. Il y a également le fait de se sentir comme seule, il n'y a pas de support, elle doit prendre soin de ses enfants. Le conjoint, quand il s'agit d'une famille, devra aller se chercher un emploi, elle se sent coupable de quitter ses enfants. Il y a plusieurs facteurs, il y a la pauvreté, le manque de ressources ? personnelles, je veux dire ? le besoin matériel et bien d'autres qui la poussent malheureusement à s'isoler davantage. Cependant, il suffit juste de déclencher ce processus de la prise en charge, que tu peux venir, que tu peux avoir accès et participer en tant que personne, et c'est là où on dit: On répond à notre mission, c'est d'aider les femmes en leur offrant les outils nécessaires pour qu'elles se prennent en main. Et les expériences nous démontrent le cheminement que les femmes font.

Le Président (M. Boulianne): Merci, madame. M. le député d'Iberville, est-ce que ça va?

M. Bergeron: À la fin, vous avez dit: Les outils nécessaires. J'aimerais vous entendre là-dessus.

Mme Makhoul (Dorys): Oui. Par exemple, ici, ça peut répondre un petit peu, reconfirmer ce que Mme Bélisle disait, les outils... C'est sûr qu'il faut tenir compte de l'isolement linguistique, et, je le répète ici, on tient à ce que les femmes immigrantes parlent français, et ça, je pense, les intervenantes le répètent à la longueur de la journée. Il y a cet outil-là. Cet outil, peut-être, pour certaines paraît très simple, mais comment prendre un autobus? Comment faire des appels? C'est quoi, un CLSC? C'est quoi, un guichet automatique? Comment faire l'inscription? C'est quoi, une commission scolaire? C'est tout ça, parce qu'une dame nous appelle... Beaucoup nous appellent, surtout au mois de septembre: C'est quoi, l'établissement des parents dans une école... c'est ça, le comité d'établissement? C'est quoi, ça, une commission scolaire? Qu'est-ce que je devrai faire? Donc, c'est ces outils-là, en les informant, en vraiment leur présentant et en les initiant à prendre leur rôle comme citoyennes, que ce soit, par exemple... C'est quoi, un comité de quartier? C'est quoi, un centre local?

Et, en même temps, il y a un travail parallèle qui se fait au niveau personnel en essayant de développer, parce que, chez toute femme, on est bien conscientes qu'il y a un potentiel, et c'est vraiment de lui donner cette confiance en elle pour développer son potentiel et permettre à la société d'accueil de prendre avantage positivement de ceci.

Le Président (M. Boulianne): Merci, madame. Merci, M. le député. Alors, Mme la députée de Saint-Henri?Sainte-Anne, vous avez cinq minutes.

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Oui, j'ai cinq minutes, alors je vais le partager avec ma collègue qui a une autre question.

Alors, directement ma question: Dans vos niveaux de champs d'intervention, vous parlez de la lutte à la pauvreté et aussi de la violence qui est faite aux femmes, que subissent les femmes immigrantes. Dans votre travail au quotidien, vous êtes sûrement en mesure de nous dire quels sont les besoins urgents et particuliers auxquels le système actuel répond mal ou ne répond pas et qui sont spécifiques aux femmes immigrantes au niveau de la violence qu'elles subissent.

Mme Makhoul (Dorys): Je peux vous dire que, à date, il y a beaucoup de choses qui ont été faites. Cependant, il y a encore beaucoup de choses à faire. Si on regarde tout ce qui lie la campagne de la non-violence, le non face à la violence, et tout, c'est une évolution qu'on a faite dans ce facteur-là.

Cependant, le travail qui devrait se faire, sur lequel, nous, le Centre des femmes, nous penchons depuis 1994, c'est un petit peu de sensibiliser, parce que, quand la femme immigrante va arriver, la notion de la violence est différente. Elle vient avec un bagage culturel, avec une éducation différente. On peut voir dans certaines cultures où la violence est acceptée, où la violence psychologique ou la violence verbale est malheureusement souvent masquée. Donc, il y a un travail d'éducation qui se fait à la base, de sensibilisation pour pouvoir un petit peu, petit à petit, sans les choquer... parce que souvent on voit la réticence de certaines femmes, parce que c'est contre leurs valeurs, c'est comme trahir toute l'éducation, tout leur bagage qu'elles sont arrivées avec... Donc, il y a un travail d'éducation qui se fait et qui devrait continuer à se faire, et je pense, à date, depuis 1996, on a donné à environ 4 000 participantes aux cours de francisation dans les COFI des sessions de sensibilisation sur la violence conjugale. Je peux vous dire, après chaque session, on a de trois à quatre appels téléphoniques au Centre pour nous en parler, pour demander davantage.

Il y a également le travail qui devrait continuer à se faire, parce que je ne nie pas qu'il y a beaucoup de travail qui a été fait à date... c'est l'approche à utiliser dans la sensibilisation.

Le Président (M. Boulianne): Merci. Ça va pour... Question rapide avec une réponse rapide, Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup. Dans une autre vie, j'ai travaillé avec beaucoup de groupes de femmes, notamment l'Organisation nationale des femmes immigrantes et des femmes des minorités visibles et aussi le Conseil des relations interculturelles sur le dossier des femmes parrainées, qui sont évidemment très vulnérables parmi les femmes immigrantes qu'on reçoit, et on avait à l'époque travaillé pour réduire la durée du parrainage qui était de 10 ans. Ça veut dire que pendant 10 ans la femme était dépendante de son mari même si elle obtenait la citoyenneté canadienne. Est-ce que vous pouvez nous dire un mot sur la situation des femmes parrainées de nos jours?

Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la députée. Alors, Mme Makhoul.

Mme Makhoul (Dorys): La situation actuelle, on n'a pas une analyse... mon souhait, c'est de pouvoir faire une analyse sur la situation. Cependant, elles se sentent plus libérées dans ce sens-là. Si j'ai besoin de vous donner une réponse, c'est beaucoup mieux parce qu'elles sont beaucoup plus informées. Le gouvernement a développé beaucoup de choses, d'alternatives, si on peut le dire, pour répondre aux besoins de ces femmes-là. Cependant, il y a encore du travail à faire à la base, que, quand elle arrive, notre devoir, ce qu'on fait, c'est de la mettre au courant: Même si vous êtes parrainée, vous ne perdez pas votre droit en tant que citoyenne.

Le Président (M. Boulianne): Merci. Alors, Mme la députée de La Pinière, ça va? Vous avez encore... Il reste 1 min 20 s du côté... Ça va?

M. Perreault: Moi, je trouve que les derniers commentaires, M. le Président, étaient éloquents. Non, mais, au-delà de la blague, je pense qu'effectivement on est conscients qu'il y a des problématiques particulières dans certaines communautés de femmes immigrantes. Il y a des efforts qui ont été entrepris, notamment avec la collaboration des organismes. Là-dessus, on a notamment réduit la durée du parrainage pour les femmes des conjoints à trois ans. Bon, il y a encore d'autres demandes pour les mineurs, là, ce n'est pas évident, mais on est sensibles au ministère. Je pense que les gens du ministère sont sensibles à ces problématiques.

Le Président (M. Boulianne): Alors, merci beaucoup, Mmes Bélisle, Makhoul et Grégoire, pour votre mémoire.

Alors, la commission suspend pour cinq minutes. On recommence à 15 h 55.

(Suspension de la séance à 15 h 50)

 

(Reprise à 15 h 58)

Le Président (M. Boulianne): Alors, la commission reprend ses travaux. Alors, nous demandons aux représentants du cégep de Jonquière de s'approcher, s'il vous plaît, pour présenter leur mémoire.

Bienvenue à la commission de la culture. Alors, si vous voulez vous présenter, s'il vous plaît.

Cégep de Jonquière

Mme Brown (Marielle): Bonjour. Bonjour, MM. les députés, Mmes les députées, M. le ministre, bien sûr, bien avant, M. le Président. Je suis avec ma compagne, qui est Mme Jo-Ann Prébinski, qui est directrice du Centre linguistique au cégep de Jonquière, et, moi, je suis directrice des communications au cégep de Jonquière aussi, et nous vous remercions, dans un premier temps, de nous entendre dans cette commission consultative portant sur les orientations et les scénarios du prochain plan triennal d'immigration.

Permettez-nous d'abord de rappeler que nous sommes, nous, à Jonquière, au cégep, depuis trois ans, partenaires du MRCI dans notre partie de pays afin de contribuer à notre façon à la mise en place ? et je reprends les termes du ministre Perreault dans l'introduction de son travail de consultation l'épanouissement, l'intégration, voire même à l'inclusion des nouveaux arrivants, principalement des réfugiés, mais aussi d'autres catégories d'immigrants.

n(16 heures)n

Mme Prébinski (Jo-Ann): Le cégep de Jonquière, et plus particulièrement son Centre linguistique, se sont bien sûr attaqués à cette première condition essentielle de l'intégration, soit la francisation. De nouveaux modèles d'enseignement et d'immersion ont été mis en place par ce Centre qui possède déjà 30 années d'expérience dans l'enseignement du français, langue seconde. Nous avons élaboré des mesures de francisation répondant aux besoins spécifiques d'apprentissage de la clientèle immigrante et réfugiée. Alors, j'ajoute à cela que nous avons pu raccrocher au document fourni par le ministère tout le matériel élaboré au cours de plusieurs années, et nous avons pu, avec d'autres organismes, préparer du matériel qui rend bien l'apprentissage du français, langue seconde. Nous avons ajouté ce matériel comme matériel d'appoint et qui est bien connu de nos formateurs.

Avant d'avoir participé aussi à la nouvelle offre, nous avons déjà créé un logiciel d'auto-apprentissage intitulé Synthégramme, très utile pour nous, pour nos étudiants qui viennent en cours privé ou en cours de groupe ? quand on parle de Synthégramme, ce sont des synthèses grammaticales, bien sûr ? et qui est aujourd'hui utilisé dans la plupart des institutions qui sont partenaires avec le ministère. Il ne faut pas oublier, non plus, les conseils distribués à gauche et à droite, si on peut dire, des gens qui nous appelaient ou d'autres intervenants qui avaient à participer à la nouvelle offre, et nous sommes devenus, si on peut dire, les formateurs des formateurs. Sans fausse modestie, nous sommes en mesure de faire état d'une fiche impressionnante de rétention de la clientèle en francisation ? et moi, je dirais, à peu près 90 % ? et de progrès impressionnants chez la majorité des nouveaux arrivants qui font l'apprentissage du français chez nous.

Mme Brown (Marielle): Toutefois, ce qu'il convient de vous expliquer ici, c'est qu'en plus de l'offre d'une expertise et d'un transfert adapté de cette expertise auprès des clientèles immigrantes nous avons été le premier cégep ? et le modèle a fait des petits ? à développer une approche globale ou systémique de la francisation visant l'intégration dans le milieu même de la francisation, en nous appuyant en grande partie sur les ressources humaines de notre institution. Il y a environ 650 employés, 4 000 étudiants et il y a plusieurs personnes qui, à certains moments, sont interpellées et participent comme ressources. Mais on s'appuie aussi sur les ressources de la communauté locale et régionale.

Ainsi, dès l'arrivée des groupes des immigrants, alors même que la francisation n'est pas commencée, en lien avec le SEMO, qui est là-dessus le maître d'oeuvre, le service emploi et main-d'oeuvre, nos ressources sont présentes sous forme de soutien bénévole à l'accueil, des services... Tout à l'heure, les gens qui nous ont précédés, du Centre des femmes de Montréal, parlaient que, au tout début, bon, on se parle par signes, c'est évident, mais il y a un besoin, au départ, de certains services de traduction qu'on assure bénévolement. Et on assure également de façon bénévole, avec des ressources du cégep, un support à l'installation.

Mme Prébinski (Jo-Ann): Par la suite, au tout début de la démarche en francisation et tout au long de celle-ci, nous apportons une sorte de soutien psychosocial et communautaire à nos nouveaux clients souvent marqués par les conditions ayant prévalu à leur immigration. En effet, 90 % de notre clientèle immigrante est de la catégorie des réfugiés. Nous avons pu mesurer que le soutien psychosocial sous forme de guides, d'organisation d'activités récréatives, socioculturelles, de services de référence augmente le sentiment de sécurité et de bien-être, vacillant au départ, chez la plupart des réfugiés, améliorant ainsi les chances d'une intégration réussie et harmonieuse.

Ce travail psychosocial et communautaire s'appuie lui-même, comme on l'a souligné plus tôt, sur un partenariat étroit avec les différentes composantes du cégep qui constituent un riche potentiel de ressources de toutes sortes. Ici, je vais vous donner quelques exemples. En lien avec tous les autres départements du collège, on a su, à travers nos projets, amener les gens de différents départements à participer, non seulement les professeurs, mais aussi les étudiants. Alors, on réussit à créer des stages pour les étudiants du collège. Ça peut être en aide sociale, ça peut être en travail social, en techniques de garde. Alors, on en est rendu à créer des stages qui vont de l'aide au français... Quand on parle de l'aide au français, c'est pour les enfants de nos étudiants, après la classe, à 16 heures, ils viennent au collège, et ce sont des étudiants du collège qui les aident avec leurs devoirs ou même encore qui occupent les parents aussi à de la conversation en français.

Autre chose, il y a d'autres départements aussi, de techniques humaines, qui participent à cette aide. Mais aussi, ceci pourrait être très intéressant pour tout le collège de participer. Alors donc, le collège devient une vaste entreprise de consultants au service de nos étudiants. Il ne faudrait pas oublier non plus que les étudiants participent à toutes les activités du collège et que tous les services du collège sont à leur disposition. Ils deviennent un peu comme des étudiants à part entière du collège. Je voyais tout dernièrement un de nos étudiants qui désirait participer au conditionnement physique. Alors, on lui a trouvé sa carte, et tout ça, et ça s'est fait automatiquement. Et puis voilà, pour nous, c'est une forme d'intégration aussi. Il y a tous ces événements de la Semaine de la culture ou autre, où est-ce que nos étudiants participent aussi aux activités du collège.

Mme Brown (Marielle): C'est donc à partir de cette démarche systémique que l'on réalise un accompagnement vers un établissement durable, parce que c'est, au fond, l'objectif: la francisation, l'intégration et un établissement dans notre région. À cet égard, 89 % des personnes qui sont passées à travers notre approche de francisation intégrée sont actuellement en emploi dans la région, d'une façon ou d'une autre. Ça inclut des gens qui sont aussi retournés aux études, des fois dans notre collège. Une jeune femme, entre autres, d'Europe centrale qui est actuellement en génie mécanique et qui réussit fort bien, et je dois vous dire, au grand dam de ses confrères... Au fond, elle a appris le français depuis deux ans puis elle dépasse souvent les garçons de 20 ans dans des choses aussi difficiles que la fabrication assistée d'ordinateur ou le dessin assisté d'ordinateur.

Mme Prébinski (Jo-Ann): Et j'aimerais ajouter, Mme Brown, qu'elle a eu des félicitations aussi de la part de ses professeurs parce qu'elle est la meilleure en français.

Mme Brown (Marielle): Ha, ha, ha! Ça, Mme Prébinski est contente! Mais, afin de bien expliquer le principe d'approche globale, il faut noter qu'elle se fait en étroite collaboration, voire même en interface avec les autres ressources institutionnelles des milieux local et régional. Ainsi, les professeurs du Centre linguistique apportent un soutien aux enseignants des commissions scolaires qui voient arriver des enfants dans leurs classes. Et, comme les masses critiques ne sont pas importantes, ils ont souvent besoin d'aide pour être en mesure eux-mêmes d'aider les enfants qui arrivent.

Nous travaillons aussi à sensibiliser les citoyens de Jonquière à l'arrivée de nouveaux concitoyens, et ceci, avec les personnes qui sont en francisation ou en démarche de francisation intégrée. Par exemple, une activité comme Jonquière en neige, on les soutient pour participer. Quelques-uns ont même gagné des prix avec des sculptures de neige l'année dernière et ils arrivaient de Colombie ou du Salvador. L'été dernier, en lien avec la ville de Jonquière et en participation avec la ville de Jonquière, on a fait une activité d'été pour permettre à ces gens-là de se présenter à leurs nouveaux concitoyens.

C'est un peu ça, l'approche globale, c'est qu'on travaille à tous les niveaux pour faciliter l'intégration à partir du milieu de francisation, parce qu'il est le milieu pivot, là où on n'a pas de masse critique aussi grande que dans la métropole.

Mme Prébinski (Jo-Ann): Et maintenant, les enjeux de l'immigration chez nous. Dans le cadre de la présente commission, nous rappelons que nous nous sommes déjà positionnés pour une croissance plus marquée de l'immigration chez nous, au Québec, et, de même, dans notre région, cette croissance pourrait se traduire par une amélioration accélérée de nouveaux arrivants. En effet, si le Québec connaît des défis démographiques considérables, tels le déclin de la natalité, le vieillissement de la population, notre région 02 a, selon maints démographes et sociologues, amorcé pour sa part une courbe vers la dévitalisation qui inquiète et questionne les décideurs régionaux. Lors d'un dernier exercice de type sommet sur l'avenir de la région, on a d'ailleurs inscrit, parmi les pistes de solution visant à enrayer le phénomène, la régionalisation de l'immigration non seulement des réfugiés, mais aussi des indépendants, sans y voir là une panacée, bien entendu.

Mme Brown (Marielle): Et vous allez me permettre une petite parenthèse, que je vais faire vite. De façon caricaturale, on laisse souvent entendre que le Saguenay?Lac-Saint-Jean c'est la terre des Tremblay puis des Bouchard. Il y a même un ministre conservateur dans le cabinet de M. Mulroney qui avait fait un jour ce qui était peut-être une bourde, il avait dit: La population chez nous, elle est homogène, elle est pure. Il avait eu des petits problèmes avec des journalistes là-dessus. En fait, on doit dire que peut-être que ce ministre en question là s'était gouré un peu, puisque, en réalité, si on regarde le bottin téléphonique du Saguenay?Lac-Saint-Jean, où il y a à peu près 260 000 personnes, on retrouve pas moins de 1 250 patronymes, et c'est peut-être 1 500, qui ne sont d'origine ni française, ni anglaise, ni autochtone. Ça vous étonne, ça vous confond? Vous avez Mme Prébinski ici; moi, je m'appelle Brown. J'ai beaucoup de difficulté avec l'anglais, je dois vous dire, puis Mme Prébinski ne parle plus le polonais depuis quelques années.

Alors, c'est pour vous expliquer qu'on est quand même une terre d'intégration, et ceci, de façon, je dirais, historique. Cette histoire-là, elle mériterait d'être retrouvée. Qu'on regarde, et assez rapidement, l'histoire des gens du Proche-Orient qui sont arrivés au Saguenay?Lac-Saint-Jean au début du siècle avec des valises. C'est un peu le cas dans toutes les régions du Québec, ils se promenaient puis ils vendaient toutes sortes de choses dans les villages, mais ils sont restés. Ils sont toujours des commerçants avec pignon sur rue. Ils s'appellent des Abraham, ils s'appellent des Naziad, ils s'appellent Feriz ou n'importe quoi. Bon. C'est les premiers dont on peut se souvenir, mais, cette histoire-là, elle n'est pas ramassée.

n(16 h 10)n

Toute l'histoire de la construction des barrages hydroélectriques dans notre région, que ce soit les grands ouvrages qui ont fait de notre Lac-Saint-Jean un bassin, malheureusement, ça, c'est fait beaucoup avec un apport d'immigrants. La même chose à Shipshaw, qui était à l'époque le plus grand ouvrage hydroélectrique au Québec. On parle des années trente et quarante. Bien, ça s'est fait avec des immigrants d'Europe centrale qui sont restés, qui ont marié des Tremblay, des Bouchard et qui font partie de cette race pure dont parlait le ministre, qu'on vous disait tout à l'heure.

Tout ça pour vous dire que je crois que, dans notre région, on a une capacité naturelle d'accueil, d'intégration et d'inclusion dans le sens d'intégrer les gens pour qu'ils se sentent chez eux, inclus dans notre société. Elle existe et nous devons en comprendre les mécanismes de façon à poursuivre la régionalisation de l'immigration dans ce nouveau siècle. Car, si la situation démographique de notre région est inquiétante, que les jeunes se sentent attirés vers l'extérieur... Hier, on avait une délégation de ministres chez nous, le ministre Perreault était parmi eux, mais il y a eu beaucoup de bruit hier midi à la chambre de commerce régionale, où le vice-premier ministre, M. Landry, a dit: Arrêtez de conter des histoires puis de dire ça ne marche pas sur le plan économique. Chez vous, ça va très bien. Alors, je vous apporte les nouvelles, ça va très bien chez nous sur le plan économique. Si les jeunes partent de notre région, et il y a une recherche qui a été faite en ce sens-là, c'est beaucoup en raison... une recherche du Groupe ECOBES, qui est d'ailleurs au cégep de Jonquière, parce qu'on est un cégep superdynamique, et ce qui est prouvé, c'est que les jeunes partent pour des raisons culturelles. Ils s'en vont vers Montréal parce qu'ils disent: Bien, là, il y a de la vie; il y a un Québec moderne; il y a un Québec pluriel; il y a un Québec orienté vers le demain puis vers aujourd'hui. Alors, on se dit, nous, pourquoi pas accentuer l'immigration chez nous de sorte qu'on va pouvoir servir et garder dans notre région ce Québec pluriel?

Donc, moderniser la démographie régionale en ouvrant davantage la porte aux immigrants de toutes catégories ? et j'insiste sur «de toutes catégories» ? et en leur en facilitant l'accès par des programmes bien ciblés. Vous êtes, pour la plupart ici, vous me permettez, je crois, des personnes en provenance de la métropole et c'est normal. L'immigration est un phénomène très montréalais. Mais je pense qu'il y aurait intérêt à voir l'importance de travailler sur des programmes adaptés aux questions régionales.

Mme Prébinski (Jo-Ann): La tradition d'accueil et d'intégration, la volonté politique régionale. D'ailleurs, il existe une table, sous la tutelle du CRCD, qui en ce moment représente les différents intervenants socioéconomiques sur l'immigration. Les succès remportés ces dernières années avec des démarches de francisation et d'intégration telles qu'on les a menées chez nous, le plus bas taux de chômage en 10 ans parlent en ce sens. Un apport en immigrants de toutes catégories est très souhaitable. Nos ressources en place, communautaires et économiques, comme on peut dire familièrement, sont capables d'en prendre.

Mme Brown (Marielle): Toutefois, la tradition même de l'immigration massive étant métropolitaine, tant en Europe ? les Nord-Africains vont à Marseille ou à Paris ? aux États-Unis, au Canada qu'au Québec, bien, il serait illusoire de travailler en région avec les mêmes modèles que ceux mis en place à Montréal. La masse critique ne sera jamais la même de sorte que les projets et les programmes de régionalisation ne s'appliquent pas de la même façon pour Montréal que pour les régions. Mais encore là il existe un monde entre une région comme celle du Saguenay?Lac-Saint-Jean et la région de la Capitale-Nationale, qui a d'autres données, d'autres réalités. Nous souhaitons donc que, dans son approche d'immigration au Québec pour 2001-2003, le ministère soit à l'écoute des besoins spécifiques des régions dans l'administration de son appui et de son soutien.

Mme Prébinski (Jo-Ann): À titre d'exemple, nous ne craignons pas les difficultés de la francisation au Saguenay?Lac-Saint-Jean, puisque nous pouvons facilement remédier à cette question, car il est pratiquement impossible de vivre autrement qu'en français chez nous. Voilà pourquoi nous devrions peut-être davantage insister sur un apport d'immigrants possédant des compétences requises dans les différents secteurs économiques régionaux en complément avec les ressources déjà en place chez nous, cela, en concertation avec les analystes économistes rattachés à différentes instances régionales.

Mme Brown (Marielle): Enfin, et pour clore cet exposé, on revient à notre point de départ en rappelant que nous avons su initier dans notre région un modèle de francisation sous l'étiquette «milieu de francisation, milieu de vie, milieu d'intégration» et qu'on peut en parler comme d'une histoire à succès. Nous nous sommes donné des outils correspondant à nos besoins et à notre réalité. Il ne s'agit peut-être pas d'une recette exportable, mais elle devrait amener le ministère à croire en l'importance des initiatives régionales et spécifiques ? et non pas les initiatives locales, comme jadis ? dans des démarches de régionalisation et d'immigration, de la même façon qu'en évitant le passéisme on aurait tout intérêt à comprendre comment, au fil des années, des milliers d'immigrants provenant de tous azimuts se sont intégrés dans la région sans faire de vague. Moi, je souhaiterais vraiment qu'il y ait une étude sérieuse de faite là-dessus. Une histoire à succès là aussi qu'il nous faudrait comprendre en détail pour l'adapter à la sauce moderne de l'immigration québécoise 2000-2003.

Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme Prébinski et Mme Brown. Alors, nous allons passer à la période de questions. M. le ministre.

M. Perreault: Merci. Alors, bienvenue, ça fait plaisir de vous revoir aujourd'hui, puisqu'on a eu l'occasion de se rencontrer hier dans d'autres circonstances, sur des dossiers similaires, on a eu l'occasion de se rencontrer pour une discussion autour du Forum sur la citoyenneté et l'intégration.

Écoutez, je vous dirais que vous exposez avec beaucoup d'éloquence le succès du cégep de Jonquière en matière de francisation, aussi le dynamique avec lequel vous avez abordé cette question. Et, quand vous dites que votre modèle n'est peut-être pas... que vous avez des particularités, je vous dirais que votre modèle est tellement exportable que c'est lui qui m'a donné l'idée de modifier les structures du ministère dans la région de Montréal. Parce que je pense que vous avez très bien compris comment, dans le fond, l'enjeu fondamental, c'est un enjeu d'intégration et que la francisation fait partie de cette démarche. Évidemment, le cégep a un rôle moteur dans la francisation, mais, en même temps, vous avez su établir les partenariats sur toute la dimension de la vie des personnes. Moi, j'ai eu l'occasion de rencontrer... Je ne sais pas si la jeune fille dont vous parlez, c'est celle que j'ai déjà eu l'occasion de rencontrer. Donc, s'il y en a une autre en plus, bien, en tout cas, tant mieux. Alors donc...

Mme Brown (Marielle): Elle est mère de famille, celle-là...

M. Perreault: Bon, d'accord. Mais, effectivement, je veux dire, à l'évidence, cette personne, en dedans d'un an et demi, sans probablement oublier son histoire et ses appartenances passées, est devenue une Québécoise à plein temps, sans aucun doute.

Vous avez des taux impressionnants: plus de 90 % de rétention dans les cours de français, près de 90 % des gens trouvent un emploi. Donc, il y a là à l'évidence les ingrédients d'une recette qui fonctionne. Alors, maintenant ce qu'il faudrait faire, puisqu'on a pris votre modèle et qu'on l'a envoyé à Montréal, et ce n'est pas encore tout implanté, là, ça commence, il faudrait qu'on puisse trouver le moyen de prendre un peu de personnes immigrantes puis de les envoyer à Jonquière ou à Chicoutimi, puisque, comme vous le disiez, il y a un potentiel d'accueil réel puis il y a une volonté d'accueil réelle. D'ailleurs, je l'ai senti auprès de tous les partenaires que j'ai rencontrés, les maires, tout ça.

La question que j'aurais à vous poser, c'est la question à 100 000 $: Comment? Vous nous dites, avec raison: Il faudrait cibler les immigrants qui ont déjà une bonne formation, tout ça, par-delà les réfugiés. Mais comment? Qu'est-ce qu'il faut leur dire? Qu'est-ce qu'il faut faire? Quels gestes il faut poser pour les intéresser, les informer, les convaincre d'aller s'installer dans la région? Moi, j'ai des arguments, mais au-delà des arguments, qu'est-ce qu'on peut faire puis qu'est-ce qu'on devrait faire de plus?

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le ministre. Alors, Mme Brown.

Mme Brown (Marielle): C'est toute une question. Mme Prébinski.

n(16 h 20)n

Mme Prébinski (Jo-Ann): Je crois, dans un premier temps, il se fait du travail de... Écoutez, moi, je suis en communication, dans mon collège, je ne connais pas par le menu détail le fonctionnement de l'arrivée au pays des immigrants de toutes catégories. On pense que c'est comme une boule de neige. Si on regarde la réalité, à un moment donné, il va y avoir le rapprochement par les familles, c'est déjà commencé, il va en venir par les familles. Il fallait commencer par quelque part et, dans un premier temps, il faut supporter par des masses critiques qui sont très petites par rapport à ce qui se fait à Montréal. Mais il y a, je pense, dans les terres mêmes, dans les endroits mêmes où il se fait un choix d'immigrants, j'imagine qu'il se fait un tri d'immigrants, le Québec quelque part a son mot à dire là-dessus. Moi, je pense que quelque part les agents qui font du travail à l'étranger, notamment pour les immigrants indépendants, auraient tout intérêt à expliquer que la ruralité, dans un pays comme le Québec, c'est très différent de la ruralité dans un pays, je ne sais pas, moi, comme la Thaïlande. On a très peur du mot «rural», je crois, quand on est immigrant parce que ruralité signifie pauvreté. Tandis qu'une ruralité comme celle qu'on vit au Saguenay?Lac-Saint-Jean est somme toute très confortable. Et là-dessus, le ministre Landry avait tout à fait raison hier de dire qu'on allait très bien, merci, Madame la Marquise.

Et ces données-là, cette éducation-là auprès des gens qui vont venir bientôt, moi, je pense qu'il y a un travail à faire en amont, totalement en amont, parce que, une fois qu'ils sont arrivés à Montréal et installés à Montréal et qu'on les renvoie à Chicoutimi, ils font comme nos jeunes, ils disent: Aïe! ça roule sur la rue Saint-Laurent, il y a bien plus de magasins puis on retrouve bien plus de choses comme dans notre pays. Ça prend du temps avant que ça se produise. Moi, je pense qu'il ne faudrait peut-être pas les prendre de Montréal, peut-être pas démétropoliser l'immigration, mais il faudrait déjà l'avoir dans une perspective en éventail ou diversifiée à partir même du départ.

Le Président (M. Boulianne): Mme Prébinski, vous vouliez ajouter quelque chose?

Mme Prébinski (Jo-Ann): Oui. Bien, je voulais dire aussi qu'il faudrait encourager les gens qui sont déjà sur place, qui sont déjà chez nous. Nous avons eu notre premier groupe d'immigrants qui provenaient surtout d'ex-Yougoslavie. Et on sait déjà que plusieurs d'entre eux ont demandé à ce que les retrouvailles, si on peut dire, je cherche le terme exactement, et tout ça... alors, le frère de tel et tel voudrait retrouver son frère, et tout et tout, et on a déjà quelqu'un qui a créé son propre emploi. Alors, lui, il est intéressé à faire venir son frère. L'autre voudrait faire venir sa soeur, sa belle-soeur, etc. Ça aussi, il faut encourager ça. Et je sais que le groupe d'ex-Yougoslaves, il y en a plusieurs qui ont manifesté cet intérêt parce que leurs parents attendent vraiment une réponse positive du gouvernement pour venir vivre avec eux. Alors, là, il y a une possibilité déjà avec certaines personnes, il y a déjà de l'emploi possible. Mais les gens ont manifesté cet intérêt à amener le reste de la famille, si on peut dire.

Le Président (M. Boulianne): M. le ministre, oui, allez-y.

M. Perreault: Juste une question: Quelle est la nature des difficultés qu'ils rencontrent ou des délais? Y a-tu quelque chose qu'on peut faire de plus?

Mme Prébinski (Jo-Ann): Bien, c'est sûr qu'il y a une ambassade qui a été fermée à un moment donné, tout ça, alors là ça a vraiment créé des délais, et tout et tout. Il y a eu des refus, mais je ne peux pas vous dire exactement pourquoi.

Le Président (M. Boulianne): Mme Brown, vous vouliez ajouter quelque chose?

Mme Brown (Marielle): Non.

Le Président (M. Boulianne): Non? C'est beau. Alors, M. le ministre, ça va?

M. Perreault: Pour l'instant, ça va.

Le Président (M. Boulianne): Mme la députée de Saint-Henri?Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Mesdames, bonjour et bienvenue.

Une voix: Bonjour.

Mme Loiselle: Toujours dans la décentralisation vers les régions, le Conseil interculturel disait dans son mémoire, il l'a exprimé dans ses propos lors de leurs audiences, qu'il faudrait commencer par le début. C'est de faire l'évaluation par une base régionale, ce qui n'a jamais été fait, semble-t-il, de prendre chaque région et d'évaluer son potentiel, potentiel pour recevoir des nouveaux arrivants, regarder ses perspectives économiques, voir est-ce qu'il y a de l'emploi pour ces nouveaux arrivants-là, voir quelle est l'attitude de la population de la région face à l'arrivée de nouveaux immigrants, tout le volet, est-ce que les ressources sont là, les ressources communautaires, pour encadrer et appuyer au niveau de leur intégration, de l'accueil, est-ce que c'est en place, est-ce que les entreprises de la région sont prêtes à embaucher de nouveaux arrivants. Alors, il y a toute cette évaluation-là sur une base régionale qui n'a pas été faite.

Le Conseil interculturel qui privilégie, lui, la décentralisation avec décision et budget, dit: Il faut commencer par ça, par cette base-là et voir après. Et tantôt Solidarité rurale disait: Il n'y a pas de modèle unique. Le mur-à-mur, ce n'est peut-être pas la meilleure façon. C'est de voir quelle région au moment où on se parle est vraiment prête, comme la vôtre. De la façon que vous l'avez décrite, elle est prête, elle a le potentiel, elle a les structures, elle a les ressources. Vous avez même dit que les groupes communautaires sont capables d'en prendre davantage. Alors, peut-être qu'il faut cibler les régions qui ont toute la panoplie d'organismes et d'emplois et de réseaux, autant culturels que sociaux, pour amener et pour bien intégrer les nouveaux arrivants. Est-ce que ce n'est pas de base commencer par ça et voir la volonté de chaque région d'accueillir les perspectives d'emploi pour commencer un travail de décentralisation?

Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la députée. Mme Brown.

Mme Brown (Marielle): Sauf erreur, je crois que c'est déjà fait ou c'est déjà en marche. C'est toujours à recommencer. C'est-à-dire qu'il existe, par exemple, Mme Prébinski en a parlé un petit peu tout à l'heure, au moment où on a fait cet exposé, au Conseil régional de concertation et de développement, chez nous, une table où il y a différents intervenants économiques. Et, quelque part, l'intention a été très manifeste lors du dernier sommet sur l'avenir de la région, en 1996, en analysant l'ensemble des problèmes, les décideurs régionaux se sont tournés... À l'époque, déjà en 1996, puis je parle d'époque, là, il y a quatre ans, on pensait plus aux immigrants investisseurs. C'est un petit peu une marotte puis c'est un petit peu... Mais à partir du moment où on a compris que, comment je peux vous dire, la richesse, je pense que le mot «interculturel» est démodé, là, mais la richesse de la pluralité vient autant des gens qui sont des réfugiés que des gens qui sont indépendants... Il y a eu une évolution des mentalités depuis trois ou quatre ans.

Maintenant, c'est sûr que des études c'est souvent intéressant, mais des études c'est souvent démodé quand on en sort le... Moi, je pense qu'à partir du moment où une région en a le goût, c'est en faisant les choses qu'on est en mesure de faire la démonstration qu'on est capable de les faire.

Mme Loiselle: Oui, mais, justement, c'est ce que le Conseil disait: Avant de faire les choses... Vous, dans votre région, c'est clair que vous êtes déjà en avance peut-être sur d'autres régions. Mais ce n'est pas d'une étude qu'on parle, c'est d'une évaluation, une évaluation pour la région, est-ce qu'elle a le potentiel des ressources communautaires, est-ce qu'elle a le potentiel d'emplois, est-ce qu'elle a des emplois à offrir aux nouveaux arrivants, est-ce qu'elle est capable au moins d'offrir des emplois aux gens qui vivent actuellement dans sa région. Si elle n'est même pas capable, cette région-là, d'offrir des emplois à ceux qui y vivent actuellement, a-t-elle le potentiel d'aller chercher... Vous savez, c'est une évaluation des régions. Vous, vous êtes prêts dans votre région, mais le Conseil disait: Il faudrait voir toutes les autres régions, faire l'évaluation, partir par la base et après aller de l'avant avec la décentralisation, mais peut-être axer plus sur les régions qui sont prêtes à accepter et à avoir tous les outils nécessaires pour l'intégration de ces nouveaux arrivants là.

Mme Carrier-Perreault: Sans doute...

Le Président (M. Boulianne): Merci. Mme la députée, oui.

Mme Carrier-Perreault: Sans doute, mais je pense qu'il faut faire également très attention parce que, tant et aussi longtemps que la démarche... À Montréal, vous connaissez les bénéfices de l'immigration puis vous en connaissez les effets pervers. Nous, notre masse critique ne nous amène pas jusqu'à maintenant vers les effets pervers, alors nous comprenons tous ça actuellement.

Maintenant, au départ, il y a quand même, malgré que je vous parle des capacités d'accueil puis des traditions d'accueil puis d'intégration d'immigrants dans notre région, quelque part, au départ les gens disaient: Bien, ça peut être des voleurs de jobs. Moi, j'ai entendu ça, des gens qui disaient... faire voler les jobs. Le discours populaire qu'on entend, il y a tout un travail de sensibilisation à faire. Si, de façon brute, les gens n'ont absolument pas fait une démarche là-dedans, vous leur demandez, ils vont dire non. Ils vont dire non parce qu'ils vont dire: Il y a toujours au moins 7 % de chômage. Ça fait partie du système capitaliste. Il y a toujours une partie de la main-d'oeuvre... En tout cas, mes vieux cours de sociologie, là, étaient peut-être marxistes, mais ils disaient toujours que, dans les sociétés capitalistes, on avait toujours 7 % à 8 % de chômage, mais je pense que ça s'avère exact. Même en pleine prospérité, comme on vit actuellement, il demeure quand même qu'on a toujours 7 % ou 8 % de taux de chômage.

Alors, si vous allez dans une région comme, je ne sais pas, moi, la Gaspésie puis vous dites: Avez-vous de la place pour... Ils vont dire: Non, écoute, on a des problèmes. Je pense que, dans un premier temps, c'est du travail de sensibilisation à la richesse de l'immigration qui pourrait être fait, du contact avec l'autre.

Le Président (M. Boulianne): Merci, madame. Oui, Mme la députée, allez-y.

Mme Loiselle: Dans votre région, vous dites, dans la lettre qu'on nous a remise, que les villes moyennes de dimension... comme Chicoutimi, Jonquière, tout ça, ont la volonté, le dynamisme pour attirer l'immigration. Est-ce que les plus petites... Parce que je reviens toujours à Solidarité rurale qui tantôt disait que, bon, le milieu rural est comme oublié dans tout ça. Est-ce que les petites localités, comme Bégin, Rivière-Éternité, Saint-Ambroise, font partie prenante de votre processus pour attirer les nouveaux arrivants?

Le Président (M. Boulianne): Mme Brown.

Mme Brown (Marielle): À partir du moment que le CRCD, qui est une espèce de microcosme, un lieu de rencontre des décideurs régionaux, donc des maires, des représentants des MRC sont embarqués là-dedans et sont sensibilisés. Mais là vous dire que, si la municipalité de Saint-Ambroise est sur une échelle Richter de 1 à 10, à 2 ou à 4, je suis incapable de vous le dire. Mais probablement... je connais entre autres un producteur de fraises qui est belge et qui est installé depuis des années à Saint-Ambroise, puis un autre... Ils ont l'air à bien vivre. Mais peut-être que les gens de Saint-Ambroise vont dire: Bien, écoute, ils nous volent nos champs de patates. Je ne sais pas, là. Tu sais, moi, je crois beaucoup, beaucoup à l'éducation, à la sensibilisation, puis ça se fait dans un laboratoire avec des gens. On ne peut pas en parler de façon virtuelle. Je ne sais pas si c'est clair. Ça ne vous apparaît pas clair?

n(16 h 30)n

Mme Loiselle: Oui, c'est clair. Le point, je pense, où on se rejoint et dont plusieurs nous ont parlé, c'est de faire tout le travail d'éducation et de sensibilisation face à l'apport et la contribution que les immigrants apportent dans une région ou dans une ville. Je pense que ça, c'est un message que vous faites aussi au gouvernement, c'est d'aller plus loin dans ce niveau de promotion là de tout l'apport économique de ces gens-là et de l'apport à la vie sociale dans notre société aussi, autant au niveau culturel ou social. Merci.

Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la députée. Mme Prébinski, vous vouliez ajouter quelque chose?

Mme Prébinski (Jo-Ann): Oui. Je voulais ajouter que je pense qu'on a pris un peu beaucoup sur nous de faire cette sensibilisation. Parce que, avec l'école, avec le Centre linguistique, on crée différentes activités sociales, mais aussi, avec le regroupement SEMO, il y a le parrainage aussi. On a des gens du milieu des familles, du milieu, qui sont les parrains de nos étudiants et on organise constamment des soirées sociales, mais aussi toutes ces activités... On amène les étudiants à visiter la région, à rencontrer des artistes, à amener d'autres personnes, donner des petites conférences en classe, etc. Alors, je pense que, nous, on a presque pris le rôle de sensibiliser et d'éduquer les gens.

Mme Loiselle: D'accord. Merci.

Le Président (M. Boulianne): Merci. Merci, madame. Alors, M. le ministre, vous avez la parole.

M. Perreault: Bien, je vais repartir de la remarque de Mme Prébinski. Nous sommes, au ministère, dans un processus de transférer l'essentiel de la francisation au réseau institutionnel d'enseignement québécois, particulièrement le réseau collégial et universitaire, puisque nos immigrants, que nous sélectionnons, sont de plus en plus instruits, ont déjà une formation souvent même préuniversitaire, et nous sommes dans ce processus. On va probablement atteindre, en janvier, plus de 50 % ? c'est un peu ce qu'on souhaite, on n'y est pas encore tout à fait ? et on veut aller plus loin encore, à la fin de l'année.

Je pense que, ce que vous décrivez comme étant les ressources de votre milieu, démontre bien à quel point c'est une option qui est tout à fait justifiée. On ne pouvait jamais développer ce genre de ressources et d'appuis dans le cadre des COFI et de nos cours dans nos locaux. Vous avez, comme institution, toutes sortes de ressources. C'est un milieu dynamique, c'est un milieu plein d'étudiants, c'est un milieu de professeurs, c'est un milieu de ressources. Alors, moi, je pense que ça décrit bien ce choix comme étant juste, et en même temps, ça nous interpelle sur la nécessité d'appuyer ces initiatives qui dépassent souvent largement, en termes d'efforts et d'énergie ? je le dis en toute simplicité, je ne devrais peut-être pas le dire ? ce qu'on met comme argent. Mais c'est un peu aussi le rôle de ces institutions que sont les cégeps, par exemple, les universités, de rayonner plus large, ce que, comme ministère, on pouvait peut-être difficilement faire. Alors, moi, je veux dire qu'au-delà de... pris modèle chez vous pour les carrefours d'intégration, il y a aussi là un modèle pour la dynamique de francisation.

Moi, M. le Président, à ce moment-ci, je reste, dans le fond, un peu avec l'idée suivante. Vous nous soulignez à quel point il y a une démarche ouverte, dynamique chez vous. Vous nous rappelez que la situation de l'emploi, sans être parfaite, justifierait un accueil plus large de la population immigrante, et vous nous indiquez une piste, qui est celle de dire: Est-ce qu'on peut plus travailler ensemble en amont du processus? Je pense que ça fait partie des messages qu'on a reçus. Ce n'est pas simple pour autant, mais, en tout cas, on a eu quelques échos dans ce sens-là.

Je crois que, si on veut faire plus dans les régions, il y a quelque chose qui ressemble un peu à vos propositions, même si on n'a pas encore articulé la mécanique qui pourrait le permettre. J'entends ça comme ça.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le ministre. Alors, Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, Mme Prébinski, Mme Brown, merci. En fait, le témoignage que vous nous avez fait est assez parlant, est assez éloquent. On devrait vous envoyer dans différents cégeps du Québec pour expliquer le rôle de l'immigration et comment elle a contribué au développement du Québec, l'exemple du Saguenay?Lac-Saint-Jean. Vous avez dit qu'il y a des gens finalement qui ne sont pas conscients que la diversité, dans le Lac-Saint-Jean, ça fait partie de l'histoire de cette région. J'ajouterais qu'avant les Tremblay et les Brown il y avait des nations autochtones, et ils subsistent encore, je pense, à Pointe-Bleue.

Mme Brown (Marielle): ...sont là.

Mme Prébinski (Jo-Ann): À Mashteuiatsh, oui.

Mme Houda-Pepin: Oui, voilà, exactement. Vous avez même eu, je pense, un candidat qui est issu de la communauté autochtone dans une élection fédérale. En tout cas, il a voulu se porter candidat volontaire. Je l'ai trouvé très courageux.

En 1911, vous n'étiez pas nées ni l'une ni l'autre, je présume.

Mme Brown (Marielle): Quand même pas!

Mme Houda-Pepin: Quand même!

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Houda-Pepin: Mais, en 1911, le recensement indiquait que 10 % de la population du Québec était née hors Québec. Alors, ça vous donne une idée que la diversité est inscrite dans notre histoire, mais, finalement, on ne le réalise pas, on ne le comprend pas. Puis, aujourd'hui, vous nous avez bien éclairés, bien expliqué à quel point c'est important pour vous de rappeler ces éléments.

Vous avez aussi parlé que vous avez accueilli des réfugiés, particulièrement les gens de l'ex-Yougoslavie. J'imagine que vous faisiez allusion aux Kosovars ou d'autres...

Mme Prébinski (Jo-Ann): Non, pas du tout. Serbo-Croates.

Mme Houda-Pepin: Serbo-Croates, etc.

Mme Prébinski (Jo-Ann): Oui.

Mme Houda-Pepin: Je sais que l'accueil des réfugiés suppose toute une infrastructure psychosociale parce que c'est extrêmement difficile de faire oublier aux gens les drames qu'ils ont vécus et tout ça. Comment ça a été, cette expérience, pour vous?

Mme Prébinski (Jo-Ann): Bien sûr, on avait un projet...

Le Président (M. Boulianne): Madame, oui. Alors, allez-y, on vous écoute.

Mme Prébinski (Jo-Ann): Je m'excuse. On avait, bien sûr, deux intervenantes mais surtout une première intervenante et ça a aidé énormément. Mais il faut dire que nos professeurs sont très sensibilisés à la chose aussi. Au départ, ça a été tout nouveau pour nous et on a vraiment eu notre expérience sur le tas, mais on a fait avec ça. Je pense qu'on est des gens généreux, chaleureux, au départ, et on a été à l'écoute.

Mme Brown (Marielle): Et humbles et modestes. Ha, ha, ha!

Mme Houda-Pepin: On le voit, on le voit.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Prébinski (Jo-Ann): Et on a été très à l'écoute de leurs demandes. On les a suivis pendant 10 mois, au pas. Et, aussitôt qu'il y avait une difficulté ou quelque chose du genre, on le sentait en classe, immédiatement. Alors, on a amené des gens à intervenir, que ce soit notre intervenante psychosociale ou autre, et on dirigeait aussi nos gens vers les services nécessaires.

Le Président (M. Boulianne): Merci. Alors, Mme la députée.

Mme Houda-Pepin: Vous avez dit, Mme Brown, que, bon, les grands travaux dans votre région, les immigrants y ont été associés de très près: les Ukrainiens, les Hongrois, les Polonais, etc.

L'immigration que vous recevez actuellement dans le cadre de vos projets, elle vient essentiellement de l'Europe de l'Est ou elle vient d'ailleurs? Et ça représente combien de personnes, là? Vous travaillez avec quel matériel?

Mme Brown (Marielle): L'immigration qu'on reçoit actuellement au collège en francisation, ça dépend des groupes. Actuellement, on a des Colombiens, des Salvadoriens, Coréens. Puis on a eu des gens de l'ex-Yougoslavie, comme on vous le disait tout à l'heure.

Maintenant, dans la région, en général, on me dit: C'est un apport input ? pour dire un très joli mot français...

Mme Houda-Pepin: Intrant.

Mme Brown (Marielle): ...un intrant de 140 à 150 personnes par année. Et c'est pour ça qu'on dit que...

Mme Houda-Pepin: C'est bien.

Mme Brown (Marielle): ...de façon accélérée, on pense que ça pourrait être plus que ça.

Mme Houda-Pepin: Oui, c'est ça.

Mme Brown (Marielle): Et on répète aussi que, pour nous, la question de la francisation, ce n'est pas un problème, donc, au moment du choix des gens. Par contre, la question que vous avez dite tout à l'heure, j'aurais aimé ça ajouter quelque chose à ce que Mme Prébinski a dit.

Mme Houda-Pepin: Allez-y donc!

Mme Brown (Marielle): On a une intervenante qui a beaucoup développé ? c'est une travailleuse sociale ? elle a beaucoup, beaucoup développé l'approche pour soutenir les personnes qui étaient en francisation par rapport justement à ce qu'elle appelle, elle, des blessures de guerre.

Mme Houda-Pepin: Oui, c'est ça.

Mme Brown (Marielle): Les travailleurs sociaux, ça a toujours des beaux termes. Puis elle les aidait à passer toutes sortes de phases. Les jeunes femmes, tout à l'heure, du Centre des femmes de Montréal nous disaient qu'elles aidaient les personnes à dire: Ça, c'est un CLSC, ça, une commission scolaire et voici ce que ça fait et comment ça fonctionne au guichet automatique. Mais, elle, elle fait ce travail-là avec les gens. Au fond, elle représente, je dirais, une panoplie d'organisations communautaires.

Le Président (M. Boulianne): Merci. Mme la députée, vous avez encore du temps.

Mme Houda-Pepin: Bien, alors, écoutez, c'est très intéressant de vous entendre. Nous avons réfléchi aussi, dans les journées antérieures, sur la possibilité d'impliquer les régions dans le choix des candidats à l'immigration.

Vous avez une expérience davantage avec les réfugiés, vous souhaitez aussi diversifier votre immigration pour avoir l'immigration économique, peut-être les investisseurs, les gens d'affaires et les professionnels. Est-ce que, dans la région, il y a un bassin d'emplois suffisamment intéressants pour attirer de l'immigration économique?

Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la députée. Oui, madame.

Mme Brown (Marielle): Il faudrait voir M. Bernard Landry à ce sujet-là, mais je crois qu'il a très raison quand il parle de ça. Oui, effectivement, l'économie de la région est intéressante, mais je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de places pour des professeurs, je ne sais pas, moi, en politique, en sciences politiques puis il n'y a pas beaucoup de places non plus pour des professeurs de catéchèse.

C'est pour ça qu'il nous apparaît intéressant, quand on parle... Je pense qu'on a besoin, comme tout le monde, des gens en nouvelles technologies. On développe actuellement des réflexions très, très poussées sur la transformation de l'aluminium. Donc, des gens qui ont des compétences techniques pourraient être intéressants. Mais, là-dessus, il y a tout un autre...

Quand je vous dis qu'on ne connaît pas les effets pervers, la masse critique étant tellement faible, on connaît mal le problème des corporations qui accueillent, qui intègrent ou qui n'intègrent pas. Évidemment, on lit les journaux comme tout le monde puis on comprend que, quelquefois, ça semble difficile. Mais on pense que, en les soutenant très fort au niveau de la francisation, quelque part, ils vont pouvoir s'intégrer aussi. D'ailleurs, l'Alcan, qui est un des gros employeurs, l'industrie primaire dans la région, compte beaucoup parmi son personnel de personnes qui sont immigrantes de première et de deuxième générations.

n(16 h 40)n

Mme Houda-Pepin: Merci.

Le Président (M. Boulianne): Mme Prébinski, vous voulez ajouter quelque chose?

Mme Prébinski (Jo-Ann): Et je ne voudrais pas repousser une réponse, mais je suis certaine que... je pense que vous allez recevoir demain Mme Francine Lemieux qui s'occupe du regroupement SEMO et elle va pouvoir répondre plus spécifiquement à ces détails-là parce qu'elle a fait une recherche dans quels domaines il y auraient des possibilités d'emplois dans notre région, parce que, eux, s'occupent de l'intégration au travail.

Mme Houda-Pepin: On va attendre.

Mme Prébinski (Jo-Ann): D'accord. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Boulianne): Merci. Alors, merci, mesdames, de nous avoir fait partager votre chaleur. Alors, nous allons passer tout à l'heure au cégep de Sainte-Foy.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Boulianne): Bienvenue, madame, messieurs, à la commission de la culture. Présentez-nous votre équipe et vous pourrez par la suite présenter votre mémoire.

Cégep de Sainte-Foy

M. Bélanger (André G.): D'accord. Merci. M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, mon nom est André Bélanger et je suis le directeur de la Direction de la formation continue au cégep de Sainte-Foy, et à ma droite, Mme Béatrice Plourde, qui est mon adjointe, et à ma gauche, M. Sylvain Rossignol, qui est conseiller pédagogique et qui a été l'homme-orchestre pour le groupe des immigrants que nous avons reçus au cours des derniers mois.

Vous avez entre les mains, sans aucun doute, le mémoire que nous avons déposé. Je voudrais le parcourir rapidement et commenter au besoin, et par la suite, répondre à vos questions.

Alors, le cégep de Sainte-Foy est heureux de participer à la consultation générale sur le prochain plan triennal de l'immigration. Il a apprécié la pertinence des données, la lucidité des analyses et la clarté des propositions d'orientations et de scénarios qui apparaissent dans les documents de consultation produits par le ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration. De ces documents, le cégep place en épigraphe quatre citations qui ont éclairé, orienté et balisé sa réflexion et ses commentaires sur la planification de l'immigration.

Le premier point concerne l'accord Canada-Québec, de 1991, qui confère au Québec une marge de manoeuvre significative en matière d'immigration. Le deuxième point est celui: depuis plus de 30 ans, le consensus est établi, à savoir l'immigration doit constituer un apport économique, social et culturel convergent avec les objectifs de développement d'une société où le français est la langue publique commune, celle du travail et des institutions.

En troisième lieu, être intégré à la société québécoise, ce n'est pas seulement savoir parler français, occuper un emploi, en connaître les us et coutumes. C'est également participer pleinement à sa vie culturelle et démocratique. C'est adhérer à ses valeurs, à ses institutions. C'est participer aux réseaux sociaux qui animent la vie collective, et ainsi, contribuer au bien commun.

Finalement, le Québec demeure soucieux du caractère réaliste des volumes d'immigration qui seront retenus au terme de la présente consultation sur l'immigration pour les années 2001-2003.

Voici maintenant un bref profil du cégep de Sainte-Foy. C'est en 1967, lors de la grande réforme de l'enseignement postsecondaire au Québec que le cégep de Sainte-Foy est institué et succède ainsi à l'Académie de Québec, fondée en 1862 par les Frères des écoles chrétiennes. Le cégep accueille aujourd'hui plus de 6 400 étudiants et étudiantes à l'enseignement régulier et quelque 700 personnes inscrites à des programmes de formation continue. Je peux ajouter aussi qu'il y a 1 000 employés.

Il offre 28 programmes d'étude dont neuf préparent les étudiants aux études universitaires et 19 préparent au marché du travail, notamment dans les secteurs de la santé, des secteurs, entre autres, qui sont en pénurie comme celui de la radio-oncologie, de la radiologie, inhalothérapie, les techniques ambulancières, les techniques services de garde et plusieurs autres. On intervient également dans le domaine de l'informatique, du multimédia, du design et de la foresterie.

L'enseignement de qualité que dispense le cégep de Sainte-Foy en fait un cégep très recherché dont le rayonnement s'étend à l'ensemble du Québec. En tête de palmarès et des indicateurs de performance du ministère de l'Éducation, nos étudiants et étudiantes jouissent d'une excellente réputation, comme en témoigne le placement élevé de nos finissants du secteur technique et l'accès facile aux facultés universitaires, même celles contingentées. De plus, le cégep joue un rôle de premier plan dans l'intégration des étudiants handicapés de l'Est du Québec. Nous sommes un collège désigné par le ministère de l'Éducation pour les étudiants handicapés visuels, physiques et auditifs.

Quelques acquis du cégep de Sainte-Foy en matière de coopération internationale et de formation interculturelle. Le cégep de Sainte-Foy s'est donné des politiques et réalise une grande variété d'actions en matière de coopération internationale, de formation interculturelle et de soutien à l'immigration. Rappelons brièvement quelques-unes de ces réalisations.

En 1996, le cégep a défini un projet éducatif intitulé L'avenir en tête qui vise, entre autres choses, à promouvoir et à développer chez les étudiants l'ouverture au monde, l'esprit de coopération et d'entraide, le respect d'autrui, la compréhension et la tolérance à l'endroit des autres. Ces valeurs et ces attitudes préparent nos étudiants à bien accueillir les immigrants et à vivre avec eux dans l'harmonie et la coopération.

En 1997, le cégep a adopté une politique de coopération internationale et de formation interculturelle. Par cette politique, qui s'appuie sur de nombreuses réalisations antérieures, le cégep s'engage à mettre en oeuvre diverses mesures qui contribuent notamment à préparer les étudiants et les étudiantes à vivre de façon dynamique et harmonieuse dans une société de plus en plus pluraliste, pluriculturelle et ouverte sur le monde. Nos étudiants, par exemple, à l'enseignement régulier, ont des stages en Belgique, en France, en Italie, au Honduras, à Porto-Rico. Nous avons également mis sur pied un consortium international de développement en éducation ? le CIDE ? consortium qui intervient dans les pays de l'Afrique, de l'Amérique du Sud, de la Chine, et au moment où on se parle, du Chili.

En 1998, à la suite de la publication, par le gouvernement du Québec, de la politique d'intégration scolaire et d'éducation interculturelle, Une école d'avenir et du plan d'action en matière d'intégration scolaire et d'éducation interculturelle, 1998 à 2002, le cégep de Sainte-Foy a mis en place divers moyens dans le but de faciliter l'intégration des élèves issus de minorités ethniques, de lutter contre toute forme de discrimination, d'offrir un soutien linguistique et une aide à l'apprentissage aux élèves allophones et de former des élèves à la diversité culturelle.

En mars 2000, le cégep a dressé un premier bilan des actions qu'ils a menées dans le cadre du plan d'action en matière d'intégration scolaire et d'éducation interculturelle.

Il importe enfin de signaler que la situation du cégep de Sainte-Foy diffère beaucoup de celle de certains cégeps de la région de Montréal où les étudiants issus de communautés culturelles représentent, dans un certain cas, plus de 25 % de l'effectif étudiant. Au cégep de Sainte-Foy, au semestre de l'automne 1999, à l'enseignement régulier, seuls 17 étudiants venaient d'un pays autre que le Canada, c'est-à-dire l'Australie, la Bosnie-Herzégovine, le Burundi, le Cameroun, l'Espagne, la France, le Gabon, le Maroc, le Panama, la Pologne et le Zaïre, ce qui représente un très faible pourcentage dans l'ensemble de notre effectif étudiant. Ceci n'inclut pas, évidemment, les étudiants canadiens issus de diverses communautés culturelles qui sont inscrits au cégep de Sainte-Foy.

L'expérience du cégep en matière d'immigration. Quand le ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration a pris la décision de transformer les COFI et de confier aux cégeps et aux universités la prestation d'une partie importante des cours de francisation, le cégep de Sainte-Foy a été un pionnier dans le réseau collégial pour l'élaboration de contrats et d'ententes de services avec le MRCI.

Le cégep, dans sa première offre de services, résumait ainsi les objectifs de son intervention: Notre intervention se situe dans un processus de francisation dont le but ultime est de favoriser l'intégration du non-francophone dans la société québécoise. À cet égard, nous avons comme objectif d'amener la personne à s'exprimer de façon satisfaisante, en français oral et écrit, et à développer son autonomie eu égard aux services dont elle aura besoin pour sa subsistance.

n(16 h 50)n

De plus, nous entendons développer des objectifs de scolarisation, en offrant la possibilité à cette personne de s'inscrire à des programmes de formation offerts par notre institution ou tout autre établissement et favoriser, par le fait même, son employabilité.

En août 1999, le cégep accueillait ses deux premiers groupes de 17 personnes par groupe d'immigrants formés majoritairement de Kosovars et de quelques personnes venant de la Croatie et de la Bosnie. En termes d'âge et de scolarité, les deux groupes différaient légèrement. Les personnes du premier groupe avaient une moyenne d'âge de 29,7 ans et une moyenne de scolarité de 12,1 ans, celles du deuxième groupe avaient une moyenne d'âge de 34,9 et une scolarité de 11,4. La personne la plus âgée des deux groupes avait 53 ans, la plus jeune n'avait que 17 ans. La personne la plus scolarisée avait 14 ans d'études, la moins scolarisée n'avait que huit années d'études.

Alors, le cégep avait comme mandat initial d'assurer la prestation du programme de francisation, un programme, qui était de 600 heures, qui a été bonifié et a donné un total de 1 196 heures, en tout et partout.

En décembre 1999, le cégep et le MRCI ont procédé à une évaluation de cette première expérience. Plusieurs éléments positifs ont été notés. Les étudiants, les professeurs du MRCI, les tuteurs et les moniteurs ont particulièrement apprécié d'avoir à étudier et à travailler dans un milieu entièrement dédié à la formation. Ils ont trouvé qu'au cégep les services, les activités, les ressources et les équipements sont nombreux et accessibles.

Les membres du personnel et les étudiants se sont montrés accueillants et coopératifs. Il importe de souligner ici que le cégep de Sainte-Foy a pris des mesures qui favorisent le sentiment d'appartenance et les relations de convivialité, en regroupant les étudiants par programme d'études, dans des sections spécifiques du bâtiment et en créant des groupes stables. Des immigrants ont pu ainsi s'intégrer dans des groupes sans avoir à vivre l'insécurité et la solitude qu'on retrouve souvent dans des très grands groupes.

De plus, le fait d'être immergés dans un milieu entièrement francophone a contribué à la francisation et à l'intégration des immigrants dont les langues maternelles étaient l'albanais, le bosniaque et le serbo-croate. Il faut cependant noter que, même si les occasions d'entrer en contact avec les Québécois francophones sont nombreuses, les difficultés d'intégration demeurent grandes. En plus des problèmes de langue, il y a plusieurs facteurs qui peuvent entraver les contacts, notamment des facteurs reliés à la culture, aux façons de faire, aux comportements, aux attitudes.

Enfin, autre élément positif du bilan, les immigrants ont souligné l'efficacité des réseaux de transport en commun qui relient le cégep de Sainte-Foy aux villes environnantes, en particulier Charlesbourg, Beauport et Québec, où résident les immigrants.

L'évaluation a, par contre, mis en relief un certain nombre de besoins auxquels nous avons déjà entrepris d'apporter des réponses. Un premier besoin a trait à la motivation des immigrants étudiants. Les immigrants ont des antécédents scolaires très variables qui influent fortement sur leur capacité et leur motivation à apprendre le français et à s'intégrer à la société québécoise. Les étudiants avaient un statut temporaire de résidence, ce qui leur laissait ouvertes plusieurs portes, soit de retourner dans leur pays, soit de s'établir au Québec, soit encore d'aller dans une autre province canadienne. Incidemment, cinq Kosovars ont quitté pour l'Ontario, dès le premier semestre.

Plusieurs immigrants demeurent assez longtemps indécis quant à leur avenir personnel et professionnel, ce qui n'est pas propre à renforcer leur motivation aux études et leurs efforts pour s'intégrer. Le cégep a pris plusieurs mesures pour encourager les immigrants à persévérer et à s'engager dans leurs études, tels que l'offre de services de consultation, des projets d'alternance travail-études, des jumelages avec des étudiants francophones. Mais ce problème de la motivation étant très complexe et ayant de nombreuses dimensions, le cégep souhaite pouvoir accroître ses interventions dans trois domaines spécifiques: tout d'abord, pour aider les immigrants à résoudre des problèmes psychosociaux qu'ils ont à vivre, des problèmes familiaux, des problèmes d'argent, des problèmes d'éducation avec les enfants, des relations avec les parents et aussi des relations entre femmes et de violence, ce qui affecte souvent leur motivation aux études.

Ainsi, le Centre multiethnique de Québec, organisme non gouvernemental spécialisé en la matière, interviendra régulièrement au cégep afin de soutenir l'immigrant aux prises avec ces difficultés. Pour aider les nouveaux arrivants à s'insérer plus facilement sur le marché du travail, le cégep compte établir des liens avec certains organismes communautaires qui ont pour objectif de soutenir les personnes en recherche d'emploi, notamment le Carrefour jeunesse-emploi.

Enfin, pour favoriser l'admission et le cheminement des immigrants dans divers programmes collégiaux, le cégep pourra apporter des modifications et des adaptations à l'organisation des programmes, dans le but de répondre aux particularités des immigrants.

Un deuxième besoin a trait au matériel nécessaire à l'enseignement, à l'apprentissage et aux activités de soutien. Le COFI dispose déjà d'un abondant matériel mais ce matériel doit être rendu disponible au cégep et a souvent besoin d'ajustement pour répondre aux diverses caractéristiques des groupes d'immigrants.

De plus, il est nécessaire d'équiper des laboratoires de langue, de préparer du matériel pédagogique et de contribuer à l'ajout et au remplacement des équipements pour les activités de soutien. Le cégep a entrepris de développer du matériel à la fois pour les professeurs de francisation et pour les moniteurs d'activités, mais cela demande des ressources.

Enfin, un dernier besoin a été identifié, celui de soutenir les professeurs et les moniteurs dans leur travail auprès des immigrants. Ils ont besoin de journées pédagogiques, de rencontres de perfectionnement, d'échanges de concertation, d'encadrement pédagogique et d'initiation aux politiques et aux ressources du cégep.

À la suite de ces premiers groupes constitués majoritairement de Kosovars, le cégep a accueilli d'autres groupes d'immigrants venant de divers pays tels que l'Afghanistan, la Chine, l'Irak, la Bulgarie, la Thaïlande et la Bosnie?Herzégovine. C'est donc à partir de ces acquis et de ces expériences que le cégep de Sainte-Foy désire maintenant formuler des commentaires spécifiques sur le document de consultation.

Le premier point, le consensus social. Le document de consultation indique que la politique d'immigration doit faire l'objet d'un consensus social le plus large possible. Nous pouvons d'ores et déjà affirmer qu'il existe chez nous, tant chez le personnel que chez les étudiants, des attitudes d'ouverture, d'accueil et de solidarité envers les immigrants. Les politiques et le projet éducatif du cégep font d'ailleurs la promotion et le développement de telles attitudes. Nous considérons que le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration fait une lecture juste de la réalité quand il écrit que la société québécoise est ouverte, chaleureuse et hospitalière. Mais ces attitudes d'ouverture et de solidarité ne vont pas de soi. Il faut les développer et les renforcer. Le moyen le plus efficace d'y parvenir est de pouvoir côtoyer quotidiennement des immigrants, de vivre, de travailler et de partager avec eux.

Pour souligner la présence d'un consensus qui déborde de beaucoup les murs du cégep, nous aimerions rappeler, à titre d'exemple, que le CLD, le Centre local de développement de l'ouest de la Communauté urbaine de Québec, lors d'une rencontre en date du 15 juin 2000, a fait de l'immigration une des pistes d'intervention prioritaires pour le territoire.

De façon plus spécifique, le CLD s'engage à favoriser et assurer une meilleure cohésion entre les différents intervenants locaux, régionaux et nationaux; sensibiliser la population et les intervenants socioéconomiques à la réalité territoriale de l'Ouest de la Communauté urbaine de Québec qui prévaut en termes d'immigration au niveau de la population immigrante en forte croissance ? problèmes d'exclusion, d'isolement, de pauvreté; favoriser l'intégration de personnes immigrantes parmi les intervenants locaux, régionaux et nationaux. Nous faisons nôtres les orientations du CLD à cet égard. Et vous comprendrez que nous sommes partie prenante, étant donné que c'est nous qui avons fait la promotion de cet aspect-là, lors de la rencontre du mois de juin au CLD, notamment, par M. Rossignol.

Au deuxième point, la capacité d'absorption du marché du travail. Nous sommes d'accord avec l'idée que les volumes et la composition de l'immigration doivent tenir compte de la capacité d'absorption du marché du travail, mais nous sommes d'avis qu'il faudrait considérer cette condition avec une certaine souplesse. L'immigration n'est pas un processus de recrutement pour combler les postes vacants. En tant qu'établissement d'enseignement post-secondaire nous croyons peu aux adéquations trop rigoureuses entre l'offre de formation et les besoins quantitatifs du marché du travail. Il nous semble tout aussi important de développer des compétences génériques qui rendent capables l'adaptation et le transfert des connaissances que de développer des compétences très spécifiques et très pointues.

Les immigrants qui seraient recrutés pour répondre à des besoins de travail trop spécifiques risquent d'éprouver de sérieuses difficultés d'adaptation susceptibles d'entraver leur efficacité au travail. Il serait donc opportun de rechercher chez les futurs immigrants un ensemble de compétences génériques en plus de compétences spécifiques. Nous suggérons d'étendre la portée de l'orientation générale qui vise à maintenir les exigences de la sélection mettant l'accent sur la recherche de candidats possédant les compétences professionnelles, favorisant leur insertion rapide dans le marché du travail mais en y intégrant des compétences génériques.

n(17 heures)n

En troisième lieu, la connaissance du français. Nous sommes d'accord pour que tous les immigrants puissent recevoir des services appropriés de francisation. Cela nous paraît essentiel pour travailler, vivre et s'intégrer dans une société francophone. Nous ne recommanderions pas cependant d'intensifier la sélection des futurs immigrants aux seules personnes connaissant le français. Non seulement cela aurait pour effet de réduire considérablement notre bassin de recrutement à travers le monde, mais aussi, nous risquerions d'occulter les difficultés d'intégration à la société québécoise des futurs immigrants sous prétexte qu'ils parlent français.

La langue est un élément important de la culture d'un peuple, mais elle n'est pas toute la culture. Un Français, un Marocain, un Vietnamien, un Malgache, même si toutes ces personnes parlent français, peuvent avoir des difficultés d'intégration au travail et à la société québécoise si elles n'ont pas reçu une préparation adéquate. L'approche client, pour ne donner que cet exemple, varie beaucoup d'un pays à l'autre, d'une culture à l'autre. Il y a de nombreux immigrants dont la langue maternelle n'était pas le français qui ont appris le français et qui se sont merveilleusement adaptés à notre société.

À la suite de la restructuration des COFI et des ententes de services avec les collèges et les universités, nous croyons que nos capacités de francisation des immigrants non francophones se sont grandement accrues et améliorées. Au cégep de Sainte-Foy, par exemple, nous pourrions accueillir sans difficulté, simultanément, une vingtaine de groupes, c'est-à-dire 340 immigrants. Nous recommandons cependant d'éviter de disperser nos ressources en multipliant dans une même région les lieux de prestation des programmes de francisation. Il est très important de constituer des masses critiques d'étudiants, d'enseignants et de moniteurs, de développer des centres dynamiques de matériel didactique, d'équiper adéquatement des laboratoires, de créer un milieu scolaire propice à l'intégration, de tisser des réseaux avec divers organismes, de pouvoir organiser l'enseignement en constituant des groupes homogènes. Cela ne sera pas possible compte tenu des ressources financières limitées du ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration si nous faisons du saupoudrage en multipliant les lieux de prestation des programmes de francisation dans une même région.

Quatrième et dernier point: Nous privilégions le second scénario. Parmi les quatre scénarios proposés, nous privilégions le second scénario qui correspond à une croissance plus marquée des niveaux d'immigration. Des enjeux démographiques nous inciteraient peut-être, à première vue, à opter pour le troisième ou le quatrième scénario, mais il nous semble qu'il ne faut pas faire porter tous nos efforts sur l'immigration pour résoudre nos problèmes reliés à la démographie.

Il y a au moins deux autres problèmes majeurs qui méritent de faire l'objet d'une politique et de mesures gouvernementales, celui de la baisse de la natalité et celui de notre déficit des migrations interprovinciales. Avec un taux de natalité de 1,45 et un solde déficitaire annuel de plus de 15 000 personnes entre les entrées au Québec et les sorties du Québec, il y a là sûrement des actions à entreprendre qui pourraient contribuer à remédier à notre baisse démographique, à redresser notre poids démographique au sein du Canada et à donner un contrepoids au vieillissement de la population.

Quand on constate, comme l'écrit Yves Lamontagne dans Et si le Québec c'était la fierté?, que la moitié des immigrants investisseurs admis au Québec en 1993-1994 sont partis pour l'Ontario ou la Colombie-Britannique, n'avons-nous pas là une source de préoccupation qui appelle réflexion et action? De plus, si nous accélérons le rythme de l'immigration sans prendre les mesures appropriées pour inciter les nouveaux immigrants à s'établir en région, nous risquons d'exacerber certains problèmes de la région de Montréal liés aux difficultés d'intégration d'un nombre subitement accru d'immigrants.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Bélanger pour ce mémoire. M. le ministre, vous avez la parole.

M. Perreault: Oui. Alors, M. Bélanger, Mme Plourde, M. Rossignol, bienvenue. Merci d'être là et de nous présenter ce mémoire qui fait le tour de l'expérience du cégep de Sainte-Foy et qui va au-delà, qui nous fait un certain nombre de commentaires sur l'ensemble de la politique. Je dois dire que vous nous rappelez... avec raison je pense, parce que parfois, autour de cette table, on a entendu évidemment beaucoup d'expressions de bonne volonté et d'ouverture, puis je pense que c'est correct, et c'est le sens, d'ailleurs, de la démarche du gouvernement, mais quand même nous rappelez l'obligation qu'on a de demeurer, en ces matières, réalistes, d'aborder ces questions d'immigration comme le font tous les États du monde ? quand ils en font, parce que la plupart n'en font pas beaucoup ? de le faire en tenant compte d'un ensemble de considérations qui dépassent ce qu'on pourrait appeler le premier niveau d'ouverture et de bonne volonté, mais de prendre en compte des enjeux complexes. Vous nous rappelez avec raison qu'on ne réglera pas les enjeux de natalité au Québec par l'immigration. Ça ne veut pas dire que ça ne peut pas être un apport à la vitalité démographique du Québec, mais il y a des questions qui relèvent d'autres problématiques beaucoup plus déterminantes, et vous avez raison de nous le rappeler. Je pense, là-dessus, le cégep contribue à la réflexion générale.

Je comprends également vos remarques du côté de la connaissance du français, je veux juste vous rappeler, pour que ce soit clair pour tout le monde, que, même si nous atteignons nos objectifs, il y aura toujours à peine et même peut-être un peu moins que 50 % de l'immigration au Québec qui, à son arrivée, aura un minimum de connaissance du français. Un minimum, là, parce que, si on grattait, on ne se rendrait peut-être qu'à 70 %, ça va être bien limité. Mais, bon, je veux simplement l'indiquer tout en prenant acte de vos remarques.

Vous nous rappelez également avec raison la pertinence du choix qu'on a fait de travailler de plus en plus avec les institutions collégiales au Québec et universitaires pour des ententes sur la francisation. Je vous signale ? et je vais vous poser une question ? que vos remarques sur peut-être... Ça, c'est un point qui n'a pas été abordé, à date, beaucoup par les gens, mais, pour clarifier, là, quand on parle d'avoir des travailleurs de plus en plus formés, spécialisés, instruits, ce n'est pas des cibles spécifiques. Au contraire, on a aboli nos objections aux cibles, on a une approche maintenant qui est une approche générique, je pense, en ces matières. De ce point de vue là, on se rejoint tout à fait. Tout à fait. Notre objectif, c'est que les gens aient les compétences générales pour, arrivant ici, s'adapter, mais des compétences qui soient conformes un peu à la société d'accueil et au marché du travail et non pas cibler ça, sauf peut-être dans le recrutement de certains travailleurs bien spécialisés. Mais on est dans une logique un peu à la marge peut-être.

Moi, j'ai une question à vous poser. Vous plaidez pour une augmentation forte du potentiel de votre cégep, entre autres, donc de la région de Québec indirectement, mais vous soulignez l'importance de ne pas trop diversifier, éparpiller les ressources. Je vous signale que, dans la région de Québec, on travaille avec l'Université Laval puis notre Carrefour, c'est à peu près tout, et on vise à envoyer la majorité dans le milieu de l'éducation. Donc, il n'y a pas de problème, mais, quand même, je voudrais vous entendre un peu autour d'une réalité. Les gens qui sont venus avant vous ont beaucoup explicité les démarches que faisait le cégep de Jonquière ? je ne sais pas si vous étiez là ? par-delà l'exercice de francisation lui-même, les cours, les classes, les professeurs, la pédagogie, les démarches qui sont faites pour, en quelque sorte, introduire les étudiants à la communauté étudiante, à la communauté régionale, au milieu dans lequel ils travaillent, faire le lien avec le milieu du travail, et, d'une certaine façon, je me demande s'il n'y aurait pas ? j'aimerais vous entendre parler un peu de ça ? une certaine contradiction. Si on devait augmenter de façon très importante le volume, est-ce que vous seriez en mesure... D'abord, quelles sont les démarches que vous faites dans le sens de cette intégration? Puis est-ce que vous serez toujours la mesure de le faire? Dans la mesure où on ne veut pas reproduire la partie de l'expérience des COFI qui était moins heureuse, les travers de l'expérience des COFI.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le ministre. Alors, M. Bélanger.

M. Bélanger (André G.): Juste avant de passer la parole à M. Rossignol, je voudrais peut-être rappeler que l'intervention qu'on fait dans le domaine de l'immigration, ça fait partie de la mission sociale de mon collège. On en est très fiers, et ça se traduit par les politiques que nous instaurons à l'intérieur du collège pour amener non seulement le personnel, mais les étudiants. Et j'entendais dans les présentations antérieures que l'éducation, la population, tout ça, il faut la sensibiliser, et la première place où on peut sensibiliser une population, c'est à travers l'école, ça commence là. Et les gens qui sont chez nous, qui ont une moyenne d'âge de 17, 18, 19 ans, bien c'est les premiers intervenants qui vont arriver sur le marché du travail et c'est eux qui vont éventuellement travailler avec des immigrants. Alors, ça, là-dessus, pour nous, c'est fondamental. Ça fait partie maintenant de nos tripes, l'implication que nous avons à faire dans le domaine de l'immigration. Maintenant, pour aller sur le terrain pratico-pratique, M. Rossignol pourra compléter.

Le Président (M. Boulianne): Alors, on vous écoute. M. Rossignol.

M. Rossignol (Sylvain): Oui. Alors, on a commencé notre expérience avec des groupes... Comme vous savez, c'étaient des Kosovars plus particulièrement. Alors, on a commencé raide, proprement dit. On était sur le terrain avec une clientèle assez particulière qui avait le choix de demeurer en place ou de quitter, et, conséquemment, moi, je pourrais vous dire que j'ai appris énormément à travailler avec eux parce que j'ai dû m'investir pour les garder en place. Et je pense que j'ai quand même assez bien réussi, puisque, en juin, lorsqu'on a terminé le programme, on a quand même près d'une dizaine qui sont demeurés en place à la dernière journée du programme, et, je dirais, dans la quinzaine de journées qui précédaient, on avait tout près de 15, 18, là, sur les 34. Donc, c'est quand même assez bien, la rétention qu'on a pu faire avec eux, et j'en suis très fier par ailleurs.

n(17 h 10)n

Mais ça a demandé d'énormes efforts, des efforts, je dirais, à partir d'activités à organiser au niveau de l'ensemble de la collectivité. Ce que j'ai dû mettre de l'avant, c'est de mettre à contribution... Parce que j'étais du régulier et je connaissais tout le monde au niveau des départements, des coordonnateurs, etc., donc je les ai mis à contribution pour voir à intégrer ces jeunes-là dans les programmes d'études ? et, quand je dis des jeunes, il y avait quand même des gens de 35, 40, 45 ans, là ? à les intégrer dans les programmes d'études, à voir, même dans les activités physiques, dans les cours d'activité physique, à intégrer une activité physique à même les cours de nos étudiants au régulier et par des choix que faisaient nos étudiants kosovars. Et ça, ça a été intéressant, puisqu'on les retrouvait dans les salles d'entraînement, à côté de nos étudiants réguliers, ils partageaient ensemble des choses.

Et la même chose s'est reproduite dans d'autres cours, que ce soit en techniques d'éducation spécialisée, en travail social ou en philosophie. On voulait que ces mêmes personnes-là interviennent en classe, mais ça, ça n'a pas été tellement enrichissant, puisque, nos étudiants kosovars étant une clientèle particulière, ils avaient certaines réserves, O.K.? Chose qui, avec les groupes actuels, va être très différente, soit dit en passant. Mais ce que les Kosovars appréciaient, c'était l'activité physique, la salle d'entraînement, le bain libre et des activités où ils étaient en contact avec d'autre personnel du collège.

On a organisé aussi, parce qu'on a une thématique qui est répétée à chaque session d'automne et hiver, une semaine interculturelle où différents groupes ethniques avaient à présenter un kiosque, kiosque qui faisait état de la culture de leur pays, avec des articles qui provenaient de leur pays, des petits documents vidéo aussi qui étaient appuyés avec les articles, et, à ce moment-là, c'était très dynamisant. Il y avait même des soirées dansantes où on pouvait voir les danses de chacun de ces pays-là, et la collectivité, les étudiants étaient donc mêlés, et le personnel aussi était mêlé à cette activité-là. Alors, c'est des activités qui se déroulaient avec des thématiques, et ce, pendant une semaine. Ça a lieu à l'automne, ça a lieu l'hiver, et ça, c'était très dynamisant.

Donc, je vous dirais, en résumé, qu'une foule d'activités ont été mises à contribution pour l'intégrer, cette clientèle-là, mais, comme c'était une clientèle qui, déjà, arrivait avec des problèmes profonds, ça a été difficile de maintenir le cap avec eux. Quoi qu'il en soit, on a même fait un gros party de Noël avec eux où ils avaient à échanger. On a fait une sollicitation auprès du personnel du collège pour qu'il puisse s'investir dans des cadeaux à offrir à nos étudiants, on a eu une distribution de cadeaux avec un père Noël qui avait une poche remplie de cadeaux, et ce fut très intéressant de voir toute la dynamique avec les enfants, les étudiants adultes, les parents qui étaient sur place.

Tout ça pour vous dire que les efforts ont été mis, et je pense qu'on va continuer de les mettre, ces efforts-là. Par ailleurs, juste pour reprendre quelque chose que vous avez dit, M. le ministre, concernant le nombre de groupes qu'on serait prêt à recevoir, je vous dirai que c'est certain qu'on est... Il y a l'université, il y a le COFI, il y a le cégep Sainte-Foy, il y a le cégep Garneau. Si je prends la clientèle qu'on forme, on a présentement deux groupes en formation, puisque les deux groupes de Kosovars ont quitté, et il y a un groupe ou deux, je crois, à Garneau, et la même chose à l'université. Partant de cela, quand on a peu de groupes de formation, si je compare à mes collègues qui sont de Montréal qui démarrent des cohortes de quatre groupes en même temps, il est plus facile d'organiser, de se structurer et d'avoir une masse critique plus importante dans notre milieu.

Moi, présentement, avec les deux groupes que j'ai, ma masse critique est quand même diluée dans 6 300 étudiants. Et, quand je viens à solliciter ces gens-là pour les intégrer et que peut-être 50 % ont un intérêt, ça vient encore diminuer d'autant. Ce qui veut dire que je peux m'efforcer de trouver des activités, mais, si je n'ai pas un groupe d'étudiants massif dans mon organisation, ça devient plus difficile d'organiser des choses. Et, au terme même de l'apprentissage des programmes d'études, quand on retrouve des niveaux différents dans un même groupe, compte tenu qu'on a peu de groupes, bien ça devient difficile de faire des transferts. Alors, ça va de soi que, si on peut concentrer nos efforts vers de la formation regroupée dans un milieu, il devient plus intéressant de faire des transferts par niveau dans le programme d'études et, conséquemment, de répondre davantage aux besoins du client qui est notre étudiant immigrant.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Rossignol, merci, M. le ministre. Alors, Mme la députée de Saint-Henri?Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Madame, messieurs, bonjour et bienvenue à cette commission. J'aimerais peut-être revenir sur le sujet, suite à la réforme des services de francisation. Dans votre mémoire, vous dites: «Cette expérience a fait voir d'importants avantages à faire la francisation d'immigrants non francophones en milieu scolaire collégial.» Tantôt, vous avez dit que vous ressentiez que vous êtes les mieux placés actuellement pour faire ce travail-là, au niveau collégial, qu'est-ce que vous répondez aux enseignants, à vos collègues, aux intervenants des commissions scolaires qui, eux, disaient qu'ils se sentent un peu délaissés puis qui disaient: On est peut-être les mieux placés étant donné la proximité, étant donné notre implication dans la communauté, que les enfants sont déjà dans l'école? Qu'est-ce que vous répondez de la place plus petite, disons, qu'ont maintenant les commissions scolaires dans les services de francisation?

Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la députée. M. Bélanger.

M. Bélanger (André G.): Bien, en fait, ce qui se passait dans les commissions scolaires, c'était pas mal, c'est certain, sauf qu'au niveau collégial les équipements sont plus évolués, à mon avis. Si on prend les équipements sportifs, c'est pour les adultes. On a aussi tout ce qu'il y a... En termes d'organisation, c'est plus grand, il y a plus de monde, il y a plus d'intervenants, alors il y a plus de capacité, plus de possibilités. Les laboratoires, c'est un peu la même chose. Les laboratoires de langues, est-ce qu'on en a dans les commissions scolaires? Il peut y en avoir spécialement pour ça parce qu'il y a des groupes d'immigrants, mais, de façon naturelle, nous avons déjà ces équipements-là, ils sont disponibles. Nous avons des infrastructures qui sont quand même passablement imposantes.

Et, je ne veux pas dénigrer d'aucune façon ce qui se faisait dans les commissions scolaires, au contraire ils ont sûrement fait du bon travail. Et, il y a des éléments qui peuvent se retrouver là encore, moi, je n'ai aucune objection là-dessus, d'une part. D'autre part, nous avons pu intégrer les enseignants du ministère des Relations avec les citoyens, ce qui ne pouvait se faire dans les commissions scolaires. Nous, on les a accueillis à bras ouverts. Et, si on avait poussé un petit peu loin la démarche, on était prêts même à les intégrer au niveau des conventions collectives. Alors, ça, c'est quand même des plus que nous avons par rapport aux commissions scolaires. Ce que j'ai cru comprendre, en tout cas. Je ne suis pas le spécialiste, là, au niveau des commissions scolaires, mais c'est un des éléments majeurs qui ont fait en sorte que les commissions scolaires ont été un peu évacuées du dossier. Mais, pour chez nous, d'emblée, déjà à la première rencontre avec les gens du ministère, on a manifesté notre intention très claire d'accepter ces enseignants-là et éventuellement et de pouvoir les intégrer à l'intérieur de nos conventions collectives.

Maintenant, la situation actuelle, elle est différente. Nous respectons les choix du ministère, et ça se vit très bien. On va continuer à le faire tant que le ministère voudra bien continuer de cette façon-là. Alors, c'est le commentaire que j'avais à mentionner. Mme Plourde voudrait aussi ajouter quelque chose.

Le Président (M. Boulianne): Oui. Alors, allez-y, madame.

Mme Plourde (Béatrice): Donc, en complément d'information, il faut aussi, là, penser que l'âge moyen des étudiants qui fréquentent le collège est plus élevé que l'âge moyen des gens au niveau des commissions scolaires. Nous avons une forte clientèle aussi adulte au cégep Sainte-Foy dont l'âge moyen est de 32 ans. Et nous offrons, chose qui est possiblement aussi offerte par plusieurs commissions scolaires, des services de garde, alors, pour la clientèle immigrante ou réfugiée, c'est possible, là, de bénéficier de ces services-là aux mêmes conditions que la communauté collégiale.

Je voudrais revenir aussi, en complément d'information, à la question qui a été répondue par mes collègues tout à l'heure: Quel est l'intérêt à avoir une masse critique au cégep de Sainte-Foy, notre intérêt à avoir plus que deux, ou trois, ou quatre groupes par année? C'est, il ne faut pas se le cacher, assez coûteux à un moment donné de faire fonctionner des groupes, classes avec des laboratoires, il y a du matériel didactique à élaborer et ainsi de suite. Alors, sans avoir une approche purement mercantile, on a à fournir les ressources additionnelles pour l'élaboration, la diffusion du programme, l'encadrement des étudiants, et il y a sûrement une économie d'échelle à avoir une certaine masse critique dans un collège donné.

Le Président (M. Boulianne): Merci. Oui, M. Bélanger, vous voulez ajouter quelque chose?

M. Bélanger (André G.): Oui, juste un petit complément pour renchérir sur ce que Mme Plourde mentionnait suite à la question de Mme la députée. Prenez, par exemple, la bibliothèque. Quand vous êtes au cégep, les volumes, il y a quand même des dizaines de milliers de volumes qui sont d'un niveau, à mon avis, qui répond davantage aux besoins de la clientèle que l'on reçoit par rapport aux commissions scolaires où le niveau est inférieur, où, là où il y a des bibliothèques, bien ce n'est pas nécessairement d'un niveau assez élevé. C'était juste un aparté pour donner davantage de poids à notre...

Le Président (M. Boulianne): Merci. M. Rossignol, allez-y.

M. Rossignol (Sylvain): Encore en complément à la question des commissions scolaires par rapport aux collèges, je dirais aussi que c'est certain que la critique que les commissions scolaires ont eue à l'endroit du personnel enseignant des COFI... je pense que ça ne leur a pas donné des plumes dans le dossier, comme qui dirait, puisque, effectivement, ils ont comme retiré l'engagement qui était normalement prévu, là, pour l'enseignement de la francisation.

n(17 h 20)n

Par ailleurs, nous, ce qu'on a fait ? et je vous dirais que ce n'est pas facile pour les enseignants du COFI de vivre ce qu'ils ont eu à vivre, le démantèlement comme tel ? au contraire, on s'est dit: Voilà là une expertise ? ils l'ont, l'expertise, les gens du COFI ? il faut profiter de cette expertise-là. Et, c'est ce qu'on a fait à Sainte-Foy, on s'est dit: On va travailler en équipe, on va faire du personnel des COFI notre personnel. Même si, dans les livres, ce n'est pas de notre personnel, on les a intégrés, mais vraiment intégrés à notre milieu, présentés à d'autres enseignants aussi qui étaient sur place pour faire en sorte qu'ils se sentent bien et qu'ils puissent aussi faire le virage avec nous de ces programmes d'études là qui sont en changement présentement. On ne parle plus des mêmes programmes. Alors, on a épousé le virage en même temps et on profite de leur expertise pour le bonifier, ce programme-là.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Rossignol. Alors, nous allons aller du côté du gouvernement et nous reviendrons. M. le ministre.

M. Perreault: Oui. D'ailleurs, on a rencontré le président du syndicat, je pense que ? je tiens à le dire ? la réception de nos professeurs à cette transformation de notre approche a été extrêmement positive. Ils y ont trouvé une valorisation de leur travail, ils se sont retrouvés dans des milieux cégep ou universitaires avec d'autres équipes professionnelles, et c'est une expérience qui va bien. Ça ne veut pas dire que ça se fait toujours sans aucun problème, mais ça va bien.

Moi, je vous écoute et puis j'aimerais quand même un petit peu vous suggérer une piste pour l'avenir quitte à ce que vous élaboriez dessus. Vous nous avez beaucoup parlé de l'intégration et, je comprends, le groupe des Kosovars était très particulier. Et, je pense, quand vous dites: Ces gens n'avaient même pas encore décidé s'ils restaient ou pas, travailler sur l'intégration dans ce contexte-là, c'est un peu exigeant. On s'entend là-dessus. Mais vous dites: La situation est différente avec les autres groupes. Moi, je vous entends et je vous soumets une piste. Vous pourrez la commenter, mais je vous la soumets comme réflexion. Je ne doute pas de la capacité du cégep d'assurer la francisation, je vous entends et, en termes d'intégration au milieu collégial, je sens une volonté d'ouverture, tout ça. Je vous indique cependant qu'il faudrait peut-être penser à avoir en tête une étape de plus, plus exigeante encore et qui est celle de l'intégration à la communauté environnante. On a entendu tantôt les gens de l'expérience de Jonquière que je trouve significative. C'est clair que les tables de partenaires autour des carrefours, vous en serez, mais il y aura également autour de la table des gens du CLE pour l'emploi, des gens du CLD, des gens de la culture, et il faut que cette dynamique se crée. En tout cas, je vous laisse cette piste de réflexion sans nier l'intérêt, déjà, d'utiliser toutes les ressources de la communauté collégiale.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le ministre. Oui, M. Bélanger, allez-y.

M. Bélanger (André G.): Ça nous rejoint totalement parce qu'on a déjà eu des expériences, même avec des Kosovars, d'Alternance travail-études. On a eu des projets dans cette direction-là, mais les Kosovars, vous le savez, c'est un cas bien particulier. Mais ça fait partie de notre préoccupation, l'intégration à la communauté, ça, c'est certain.

Tandis que j'ai la parole, si vous le permettez, M. le Président, j'aurais un autre commentaire à faire.

Le Président (M. Boulianne): Oui. Allez-y, on vous écoute, M. Bélanger.

M. Bélanger (André G.): Et, on va s'échanger des pistes, moi, j'en ai une autre pour vous. Vous connaissez le MIT, vous connaissez autrefois la Sorbonne, vous connaissez des lieux de haut savoir et puis recherchés, j'aimerais ça qu'on parvienne au Québec à développer ce sentiment de haut savoir, de fierté avec le réseau collégial. Et je m'explique. Dans les pays, dans le monde entier, il y a des gens qui paient des sommes énormes pour aller étudier aux États-Unis, pour aller étudier dans des maisons de haut savoir, et c'est réputé, c'est recherché. Pourquoi qu'au Québec on n'aurait pas la même chose avec le réseau collégial? Ça existe au niveau des universités, il y a des étudiants étrangers qui viennent étudier ici, à l'Université Laval, ils viennent à l'Université de Montréal, ils viennent dans à peu près toutes les universités, et c'est recherché, ils ont des programmes, et c'est facilitant.

Au niveau des collèges, nous n'avons pas cette facilité-là. Quand nous recevons des étudiants de l'extérieur qui viennent réellement d'un autre pays pour étudier chez nous, nous sommes contraints à des obligations normatives, des obligations budgétaires qui sont fermées, et les montants de droits de scolarité qu'on impose à ces gens-là sont retournés au ministère de l'Éducation. Il n'y a pas d'incitatif pour les collèges. Alors, ce qui serait intéressant, ce serait d'ouvrir cette marge, ce qui nous permettrait d'aller faire du recrutement dans les pays étrangers et de développer ce sentiment de vouloir étudier au Québec, notamment en français, ce qui rejoindrait parfaitement les objectifs d'avoir des francophones qui viendraient étudier dans des collèges francophones. Il y a des collèges anglophones, mais il y en a beaucoup plus de francophones. Et ça, ça pourrait nous donner une autre porte d'entrée à ces gens-là.

J'entendais encore récemment à la radio des gens qui viennent étudier ici, à l'Université Laval, et qui demeurent au Québec. Pourquoi qu'on n'aurait pas la même chose au niveau technique? Ils se le permettent à l'université, ils ont des droits de scolarité qu'ils peuvent imposer aux étudiants et qu'ils conservent. Dans le réseau collégial, ce n'est pas le cas. On retourne au ministère de l'Éducation.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Bélanger. Un commentaire, M. le ministre?

M. Perreault: Ce n'est pas une mauvaise idée. C'est même une bonne idée, je vais l'apporter à mon collègue de l'Éducation parce que... Cependant, la nuance que j'apporterais à ce que vous dites, c'est très indirectement de l'immigration. Dans le fond, c'est une politique d'ouverture aux étudiants étrangers. On peut dire qu'à la limite, à la fin, une partie d'entre eux, peut-être, décideraient de rester au Québec, ça serait la partie immigration du projet.

Je souligne cependant que, on le sait, il y a moins de 10 % des étudiants étrangers qui demeurent au Québec, puis, d'autre part, les accords de coopération internationaux nous créent quand même un peu des obligations morales et à ces étudiants-là également de retourner dans leur pays. Alors donc, je dis juste: C'est une belle idée que le Québec devienne un centre d'excellence, y compris au plan technique. Il y a de la place pour ça, j'en suis convaincu. Ça serait peut-être d'abord une politique de l'éducation, et, à la marge, je sens peut-être effectivement une dimension d'immigration.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le ministre. Oui, M. Bélanger.

M. Bélanger (André G.): Juste en complément là-dessus. En plus d'avoir une clientèle importante qui viendrait ici, c'est tout l'environnement que ça crée. Si on se retrouve avec un immigrant dans un collège de 6 400, il est dilué pas à peu près, il est ignoré. Si on parvient à créer un volume qui entre et qui sort, ça devient un automatisme, et ces gens-là, quand ils retournent dans leur pays, ils parlent du Québec et peuvent réussir à convaincre d'autres alentour qui ont des idées. C'est comme ça que ça commence. Parce que courir après le client, c'est une chose. Quand lui décide de venir, c'est une autre chose.

Le Président (M. Boulianne): Merci. M. Rossignol, vous vouliez ajouter quelque chose?

M. Rossignol (Sylvain): Oui. C'est en rapport avec la piste que vous proposez. Je pense que, en tout cas, elle est bien reçue, et d'ailleurs il y a déjà une démarche qui est faite dans ce sens-là.

Je voudrais juste ajouter, ce qui serait peut-être intéressant à l'avenir... Présentement, on a beaucoup de collaboration avec Carrefour jeunesse-emploi qui est un organisme qui nous aide au niveau de l'emploi. On a même notre propre service de placement étudiant. Par ailleurs, comme vous le savez, les immigrants qui nous arrivent ont une culture, des choses qui sont très différentes de nous, et il faut les préparer. Et la plupart de ceux avec qui je me suis entretenu, ils me disent tous la chose suivante: J'ai hâte de voir la lumière au bout du tunnel, j'ai hâte de voir cette lumière-là. Puis, en quelque part dans le programme de formation, cette lumière, elle arrive tardivement, et je me demande s'il n'y aurait pas lieu d'investir davantage dans le processus de l'étudiant dès le départ qui va l'amener à une motivation plus grande et aussi peut-être un taux de déperdition amoindri si on l'encourage puis on lui montre cette lumière-là en l'orientant comme il faut vers une carrière qui peut être la poursuite de ses études ou encore vers l'emploi, mais déjà qu'il y ait un processus d'orientation qui mijote dans sa tête au point de départ pour le motiver davantage.

Et ça, moi, je travaille personnellement puis j'ai même un cas que j'ai travaillé avec un Kosovar, et lui-même me l'a dit: M. Rossignol, j'ai terminé mon programme de formation, il y a des organismes qui sont là, mais, en quelque part, il se retrouve tout fin seul, et il faut intervenir. Il y a comme un vacuum après la formation, et, moi, je me dis: Comme collège, on est une organisation où on peut intervenir encore là, mais il y a un coût de rattaché, et malheureusement, vous le savez, le ministre de l'Éducation aussi, il y a des resserrements budgétaires qui font qu'on n'a pas toutes les ressources pour aider. Mais Dieu sait qu'ils en ont besoin de ces ressources-là pour fermer la boucle. Je dirais que la boucle, présentement, il y a une petite ouverture, il y a une échappatoire, et, si on peut la refermer avec l'emploi en orientant dès le départ l'individu, ça va le stimuler, ça va le motiver, et, nous, bien on va être gagnants parce qu'ils vont être en emploi.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Rossignol. Et nous allons passer la parole à la députée de Sauvé.

Mme Beauchamp: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Boulianne): Alors, vous avez 13 minutes. Allez-y.

Mme Beauchamp: Ça sera moins long que ça. Mais je tiens à vous remercier particulièrement M. Bélanger. La dernière piste d'action que vous nous avez soumise, je pense qu'elle est intéressante. Enfin, moi, personnellement ? je pense que ma collègue non plus, mon collègue non plus ? on ne connaissait pas ce... Ce n'est pas un obstacle, mais en fait c'est le peu d'intérêt, si je peux dire, que peuvent en ce moment avoir les cégeps pour accueillir des étudiants étrangers. Et, bien qu'on sache que peut-être le taux de rétention n'est pas si élevé que ça, chose certaine, ce que vous nous dites, c'est: Ça peut à tout le moins favoriser le fait que nos établissements deviennent un peu plus tournés vers une clientèle dite étrangère, vers une clientèle éventuellement immigrante, favoriser le fait que notre communauté d'accueil s'articule plus autour de cet enjeu-là, et je pense qu'il y a là une piste intéressante pour faire que, entre autres dans différentes régions du Québec où les cégeps sont établis, on commence ne serait-ce que par côtoyer aussi cette réalité-là des étudiants étrangers.

n(17 h 30)n

Moi, je veux revenir sur un des besoins que vous avez identifiés. Je suis en page 8 de votre document puis je vous avoue que je vais vous poser des questions peut-être un peu de base, mais je vais vous demander de m'éclairer. C'est que vous identifiez un dernier besoin, et c'est celui de soutenir les professeurs et les moniteurs dans leur travail auprès des immigrants. Et, un peu plus tôt, vous nous avez mentionné que vous vous êtes déjà efforcé, au niveau de votre institution, au niveau du collège de Sainte-Foy, pour réussir cette intégration des professeurs que vous avez, si je peux dire, repêchés. Comme une forme de repêchage, vous avez repêché l'expertise des COFI, mais maintenant vous dites que ces professeurs ont besoin de journées pédagogiques, de rencontres, de perfectionnement, d'échanges, de concertation, d'encadrement pédagogique, d'initiation même carrément aux politiques, aux ressources du cégep. De qui ça relève? Enfin, ma première question de base, c'est: Finalement, de qui relèvent ces professeurs concrètement? Et ce dernier besoin que vous avez identifié au niveau des ressources que ça va prendre pour rencontrer ce besoin-là, de qui ça relève selon vous?

Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la députée. Oui, M. Bélanger. M. Rossignol?

M. Bélanger (André G.): Oui, juste, avant de lui passer la parole, les enseignants comme tels, ce sont des enseignants du ministère, du MRCI, mais au collège ils relèvent de la Direction de la formation continue. Ça, c'est une chose. Au niveau administratif, c'est comme ça que ça se passe. Sur le plan sociopolitique, ils relèvent du collège. C'est un dossier collège chez nous. Ce n'est pas le dossier d'un individu, ce n'est pas le dossier d'un département, ce n'est pas le dossier d'une direction, mais mon directeur général, il porte le flambeau en avant parce que c'est un dossier collège. Mais, sur le plan pratico-pratique, c'est avec nous qu'ils ont des liens.

Le Président (M. Boulianne): M. Rossignol.

M. Rossignol (Sylvain): Alors, ces enseignants nous proviennent du COFI. C'est des gens qui arrivent du COFI et qui enseignent au programme de francisation chez nous. Par ailleurs, je vous dirais que ce qu'on a pu constater ? je l'ai dit tout à l'heure à M. le ministre ? c'est qu'effectivement ce programme-là apporte un changement majeur au niveau des habitudes, des us et coutumes de ces enseignants-là, puisqu'on ajoute des activités d'encadrement, et ces activités-là nécessitent un changement au niveau du format même de leur enseignement, de telle sorte que le temps qu'ils ont à s'investir pour le nouveau programme, et en plus d'intégrer un nouvel intervenant qui est la monitrice ou des moniteurs qui vont réaliser des activités, ils doivent s'assurer de faire le pont de leur enseignement avec la monitrice qui va réaliser des activités, et ce temps-là d'investissement nécessite beaucoup d'énergie. Alors, je dirais que ce n'est pas que le COFI n'a pas eu l'oreille sensible, mais c'est que, en quelque part, il y a un coût de rattaché aux journées pédagogiques, et ce coût-là, bien ils ne l'ont pas là. Présentement, ils ont des journées pédagogiques qui sont l'équivalent d'une journée ou deux par deux mois ou une journée par mois, mais on sent qu'ils sont essoufflés par rapport à ça.

Maintenant, ce n'est pas tout le monde. Parmi les plus jeunes, il y en a qui sont très dynamisants puis qui y vont de l'avant, puis qui sont prêts à se relever les manches, mais il y en a des plus vieux qui sont plus essoufflés, et ça, c'est tout à fait normal. Ce qu'il faut voir, c'est d'essayer de convenir de ce virage-là et d'user de ressources qui vont les aider à faire ce virage-là. Et ce n'est pas tout le monde qui prend le virage aussi facilement que d'autres. Il y en a qui ont de la résistance, il y en a d'autres qui n'en ont pas de résistance puis qui y vont vers le changement. Mais il va falloir s'investir.

Et nous, bien ce sont des employés du COFI, mais qui sont comme à part entière dans et avec la mission du collège. C'est donc dire qu'on est très sensibles à ce qu'ils vivent. Par ailleurs, je pense qu'on a une très bonne collaboration aussi avec le COFI dans ce sens-là, mais on a, je pense, à travailler à trouver des ressources qui vont les aider, ces enseignants-là, à faire ce virage du nouveau programme et à s'intégrer dans un tout nouveau milieu, puisqu'ils étaient habitués dans un milieu qui était quand même un milieu clos, là.

Le Président (M. Boulianne): Merci. Mme Plourde, vous voulez ajouter quelque chose?

Mme Plourde (Béatrice): Oui, en complément d'information à ce que mon collègue Sylvain Rossignol avance, c'est que, au-delà de l'apprivoisement par les enseignants du COFI des us et coutumes des politiques du collège de Sainte-Foy, de l'arrivée d'activités avec des moniteurs en après-midi, et ainsi de suite, dans nos façons de faire au cégep de Sainte-Foy auprès des clientèles adultes, on a comme habitude finalement de toujours intégrer des activités pédagogiques pour nos enseignants, du perfectionnement, des moments d'échanges, parce que, contrairement à ce qu'on vit au secteur régulier, où les groupes-classes sont des groupes plutôt homogènes, quand on arrive avec des clientèles dites adultes, même si elles ne sont pas immigrantes ou réfugiées, ce sont des groupes très souvent hétérogènes et qui demandent davantage d'encadrement et de coordination entre les enseignants. Donc, même quand le virage va être pris ou l'intégration des enseignants COFI au collège de Sainte-Foy, ce besoin-là d'adaptation sur mesure à chacun des groupes-classes va demeurer.

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup, Mme Plourde. Mme la députée de Sauvé.

Mme Beauchamp: Bien, je veux juste reprendre ma question qui était les ressources que ça exige, ce dernier besoin que vous avez mentionné, au moment où on se parle. Je vous disais: Elles doivent venir d'où? Donc, est-ce que vous vous attendez à ce que, par exemple, le ministère soit particulièrement attentif à ce genre de besoins qu'ont les professeurs responsables des cours de francisation? Est-ce que vous vous attendez à ce que, éventuellement, dans une espèce de processus d'intégration auquel Mme Plourde vient de faire référence, ce soit plutôt au niveau du ministère de l'Éducation? Est-ce que vous, comme collège, vous dites plutôt: Dans nos processus habituels d'encadrement des professeurs, et tout ça, nous notons ce besoin et nous allons en prendre charge? Ma question, c'était: Ce besoin-là... Vous notez quatre besoins, celui-là en est un nommément. Et, compte tenu de la situation particulière de ces professeurs, je me posais la question: Comment on fait pour répondre à ce dernier besoin? D'où doivent provenir les ressources?

Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la députée. M. Bélanger.

M. Bélanger (André G.): Je vais laisser la parole...

Le Président (M. Boulianne): Alors, M. Rossignol.

M. Rossignol (Sylvain): Bien, c'est certain que ce n'est pas de notre personnel. Je pense que ça va de soi, si le COFI peut investir des sous additionnels pour pouvoir libérer ces enseignants-là à des activités de perfectionnement et des activités pédagogiques et aller chercher un budget de remplacement de ces mêmes enseignants là, ça pourrait régler le problème, le besoin étant d'avoir une ressource pour remplacer le professeur qui devra s'absenter pour s'investir davantage à du perfectionnement ou à des activités pédagogiques organisées.

Le Président (M. Boulianne): M. Bélanger, vous voulez ajouter quelque chose.

M. Bélanger (André G.): En complément, en fait, c'est des experts qu'on peut aller chercher à l'occasion pour du ressourcement dans les domaines de la pédagogie, au niveau des cultures, dépendant, là, des gens qui sont assis en avant de nous autres. S'ils proviennent de tel pays plutôt que de tel autre, à un moment donné, on a besoin d'informer non seulement d'informer, mais de donner de la formation à ces enseignants-là pour qu'ils puissent réagir correctement avec les différentes ethnies.

Un autre exemple. Tantôt, Jonquière mentionnait qu'ils ont développé un logiciel, Synthégramme, ou quelque chose comme ça, on se l'est procuré. Alors, il faut former ces enseignants-là au matériel informatique nouveau qui, pour eux... Il faut qu'ils l'utilisent avec les étudiants, donc il y a beaucoup de perfectionnement de cette nature-là qu'il faut faire. Et, c'est donc du ressourcement, ça nous prend des experts de contenu dans différents domaines, que ce soit en pédagogie, que ce soit au niveau historique de ces pays-là, au niveau des cultures. Il y a plusieurs choses, aussi de permettre à ces gens-là d'échanger entre eux, faire valoir finalement leurs besoins. Alors, ces périodes-là sont importantes, et, pour les regrouper ensemble, ça nous prend des ressources pour les remplacer. Alors, c'est ça que ça veut dire. Donc, c'est très, très large finalement, la palette.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Bélanger. Mme la députée de Sauvé, vous avez encore du temps.

Mme Beauchamp: Oui, merci. Une dernière question, et là je passe plutôt en page 10 de votre document. Ma collègue de La Pinière a déjà élaboré avec d'autres intervenants sur cette question-là que vous effleurez. C'est en deuxième paragraphe, vous dites ici qu'il faut faire attention, là, vous dites: «Nous risquerions d'occulter les difficultés d'intégration à la société québécoise des futurs immigrants sous prétexte qu'ils parlent déjà français.» Et j'aimerais ça que vous élaboriez sur cette notion-là, qu'il faut faire attention de ne pas laisser pour compte, dans le processus d'intégration, là, les immigrants qui proviennent déjà de communautés francophones. J'aimerais que nous en parliez peut-être à la lumière d'expériences que vous avez. Ou pourquoi, en tout cas, vous avez cette inquiétude particulière face aux immigrants francophones?

Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la députée. Alors, Mme Plourde.

Mme Plourde (Béatrice): Ce qu'on a voulu signifier dans ce paragraphe-là, c'est qu'on ne pensait pas que si, à un moment donné, on accueillait des gens venant de pays, par exemple, francophones, Tunisie, de pays d'Afrique du Nord, Algérie, Maroc et ainsi de suite... penser qu'accueillir un immigrant qui parle déjà français, que la chose est beaucoup plus simple, et qu'à ce moment-là le fait que la personne soit de la même langue que nous nous fasse passer à côté d'adaptation sur le plan culturel. Ces gens-là n'ont pas la même religion, n'ont pas la même histoire que nous, et ainsi de suite. C'est ce qu'on voulait dire par ce paragraphe-là.

Le Président (M. Boulianne): Merci. M. le député d'Anjou, vous aviez une petite question rapide. Il vous reste deux minutes.

n(17 h 40)n

M. Lamoureux: Oui. Parfait, merci. Merci beaucoup pour votre exposé. Je reviens un peu à ce qui nous a été mentionné, entre autres, par le groupe Solidarité rurale où on nous parle que, dans le fond, un des gros problèmes qu'on retrouve au niveau de l'immigration au Québec, c'est que Montréal a une force d'attraction extraordinaire par rapport non seulement aux régions du Québec, mais que ce soit Trois-Rivières, Sherbrooke et même Québec, tantôt les chiffres que vous avez mentionnés, 17 étudiants qui étaient nés dans un autre pays que le Canada, je veux dire, c'est des chiffres qui, déjà là, illustrent bien. Vous nous mentionnez que vous êtes prêts à donner plus de formation. C'est évident que, quand tu te retrouves 17, tu peux évidemment être tenté, à un moment donné, de retourner à un endroit où tu vas retrouver des gens de ta communauté. Mais, dans l'éventualité où vous êtes capables d'offrir plus de places, plus de formation, dans l'éventualité également... On a mentionné que Québec pourrait devenir le deuxième pôle en importance au niveau de l'immigration, dans le concret ? et puis ça, ça dépasse peut-être un peu votre mandat ? avez-vous des idées pour retenir ces gens-là sur une base que je dirais permanente dans la région, ici, au niveau, là, de Québec?

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député. Alors, M. Bélanger.

M. Bélanger (André G.): Bien, la réponse n'est pas simple. Ça fait plusieurs témoignages qu'on entend ici et là, on lit les journaux, nous autres aussi, et on constate que ces choses-là ne sont pas pour demain matin, comme on dit. Il faut travailler avec l'imagination. Il faut travailler en équipe, il faut travailler en concertation. On a des parcs technologiques, et ça nous avantage à certains égards. Par contre, c'est la haute technologie, alors d'où l'importance d'avoir des personnes qui ont des compétences génériques pour être capables de les amener à travailler dans ces milieux-là. On en a eu chez nous, on a eu des Russes, entre autres, qui ont performé d'une façon extraordinaire, et ils ont été embauchés le lendemain. C'étaient des ingénieurs russes, ils ont été recyclés comme programmeurs-analystes et ils ont été embauchés par une firme, et le premier mandat qu'ils ont eu, ça a été une intervention en France, parce qu'ils ont appris le français au Québec. Alors ça, des cas comme ça, on pourrait en citer quelques-uns, mais, si on veut élargir ça davantage, il faut travailler sur les compétences génériques. Que ces gens-là nous arrivent déjà avec des possibilités de transférer, c'est ce que le ministre nous a mentionné tantôt. M. le ministre nous a mentionné que c'était aussi dans ses préoccupations.

Maintenant, il y a aussi un facteur qui ne nous aide pas nécessairement, la région de Québec, c'est une région dont les fonctions de travail sont davantage au niveau tertiaire. Alors, ça aussi, à certains égards, ce n'est pas nécessairement, là, ce qui est recherché par les immigrants habituellement. Ceux qu'on a rencontrés, qu'on a eus vont se trouver des emplois à Val-Bélair, Saint-Augustin, dans la Beauce, donc dans l'entreprise manufacturière. Alors, le centre de Québec comme tel, ce n'est pas tout à fait ça. Alors, une partie au niveau des parcs technologiques, oui, mais c'est de la haute technologie. Donc, il faut composer avec ces choses-là, et je pense qu'on pourra y arriver en s'alliant des partenaires, en travaillant ça en concertation. On parlait du CLD tantôt, il y a les chambres de commerce, il y a tous les intervenants du CRCD, etc. Ça, ces gens-là doivent travailler en concertation pour aiguillonner ces personnes-là. Tantôt, Sylvain en a donné un exemple d'un étudiant qu'on a chez nous qu'il a pris à la remorque comme ça et puis qu'il a guidé lui-même. Mais, s'il n'avait pas été là, où est-ce qu'il se serait ramassé, cet individu-là? Alors, il y a beaucoup de choses qui se présentent de cette façon-là.

Le Président (M. Boulianne): En conclusion, M. Bélanger. Alors, il reste une minute que le gouvernement peut donner à l'opposition. Tout à l'heure, il l'a donnée. Si vous voulez compléter votre réponse.

M. Perreault: Si l'opposition a des questions, M. le Président, il me fera plaisir... Je souligne tout simplement que M. Bélanger a tout à fait raison de dire que c'est un processus qui est complexe, qui est l'addition de beaucoup d'interventions. On peut souhaiter intensifier nos efforts, il n'y aura pas des résultats immédiats. C'est une tendance qu'il faut créer, c'est un mouvement qu'il faut créer, et il y a quelques années devant nous. Je pense qu'il faut le prendre comme ça.

Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme Plourde, M. Bélanger et M. Rossignol. Alors, la commission ajourne ses travaux au mercredi le 13 septembre 2000, à 9 h 30, en cette même salle. Merci beaucoup.

(Fin de la séance à 17 h 44)



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