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Version finale

36e législature, 2e session
(22 mars 2001 au 12 mars 2003)

Le mardi 12 juin 2001 - Vol. 37 N° 11

Consultations particulières sur le projet de loi n° 122 - Loi modifiant la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, le Code des professions et d'autres dispositions législatives


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Table des matières

Journal des débats

(Douze heures treize minutes)

Le Président (M. Simard, Montmorency): Très chers amis, je constate que nous avons quorum. Vous me permettrez donc d'entrée de jeu de vous souhaiter la bienvenue, bien sûr, et désolé du contretemps que nous occasionnons à certains de nos invités. Ceci étant dit, vous me permettrez tout d'abord de rappeler le mandat de cette commission qui est de procéder à des consultations particulières et de tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 122, Loi modifiant la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, le Code des professions et d'autres dispositions législatives.

Alors, M. le secrétaire, y aurait-il des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Ouimet (Marquette) remplace M. Cusano (Viau).

Le Président (M. Simard, Montmorency): Merci. Alors, écoutez, j'aurais souhaité vous donner une lecture très précise des groupes qui vont se succéder aujourd'hui mais, compte tenu du décalage avec lequel on doit composer, nous allons donc commencer par nos remarques préliminaires de 15 minutes chacune, et nous entendrons tout de suite après la Commission d'accès à l'information ? et il se peut que notre temps déborde sur le 45 minutes de temps qui est imparti à cette Commission, donc il se peut que nous reprenions à 15 heures avec la Commission d'accès à l'information ? et ce sera tout de suite suivi par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.

Étant donné que nous avions une période de libre à 15 heures, donc le retard va beaucoup se combler. Nous entendrons ensuite la Confédération des syndicats nationaux, par la suite nous entendrons M. Pierrôt Péladeau, par la suite nous entendrons le Barreau du Québec. Et il devrait donc y avoir suspension autour de 18 heures.

Nous reprendrons ce soir avec l'Institut d'histoire de l'Amérique française, l'Association des régions du Québec, l'Association nationale des éditeurs de livres, le Mouvement au Courant, Option consommateurs, et il y aura ensuite ajournement de nos travaux vers minuit.

Alors, M. le secrétaire, vous me faites signe qu'il y aurait un autre remplacement.

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Bergman (D'Arcy-McGee) remplace M. Lamoureux (Anjou).

Remarques préliminaires

Le Président (M. Simard, Montmorency): Très bien. Alors, bienvenue, messieurs. Donc, voici, nous sommes donc prêts à procéder aux remarques préliminaires. M. le ministre.

M. Joseph Facal

M. Facal: Merci beaucoup, M. le Président. On se rappellera peut-être que, au mois de mai de l'an dernier, le gouvernement avait déposé à l'Assemblée nationale le projet de loi n° 122 qui fait l'objet de la présente étude par la commission de la culture. C'est un projet de loi qui vise à modifier deux lois ainsi que le Code des professions. Les deux lois visées sont bien sûr la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels ainsi que la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. On verra que le projet de loi a pour principaux objectifs d'étendre et d'améliorer l'accès de chaque citoyen aux documents détenus par l'administration publique du Québec ainsi que d'assurer également une meilleure protection des renseignements personnels qui sont recueillis, conservés, utilisés, communiqués tant par les organismes publics que par les entreprises privées.

M. le Président, nous aurons amplement l'occasion, tout au long des audiences qui s'amorcent, de voir un peu plus en détail les modifications apportées par le projet de loi. Je souhaiterais donc, en guise de remarques préliminaires, vous faire part d'abord de ma compréhension de ce que j'appellerais l'architecture générale de cette législation ainsi que de ma vision des travaux que nous démarrons ensemble aujourd'hui. À cet égard, je dois vous dire que je ne voyais aucune raison sérieuse de repousser à l'automne un exercice entrepris il y a déjà quatre ans. Je verrais assez mal comment on pourrait, de façon sérieuse, plaider d'un côté qu'il est regrettable que le présent exercice dure depuis quatre ans et du même souffle proposer de le repousser encore à l'automne. Je notais avec intérêt qu'un peu plus tôt aujourd'hui on nous a remis le rapport d'activité 2000 de l'Assemblée nationale du Québec dans lequel j'apprenais que 89 jours, c'est le délai moyen entre la présentation et l'adoption d'un projet de loi. Nous en sommes à la quatrième année d'une révision quinquennale; je ne voyais vraiment pas de raison de repousser encore le tout à l'automne.

Vous me permettrez, de façon générale, de dire, M. le Président, que plus j'étudie ces deux lois, à propos desquelles je n'ai aucune prétention d'expertise, plus je suis impressionné par leur exceptionnelle qualité. L'adoption de la Loi sur l'accès, en 1982, et de la loi sur le secteur privé, en 1993, a classé le Québec parmi les États les plus avancés en matière d'accès à l'information, parmi les plus avant-gardistes aussi en matière de protection des renseignements personnels. La législation québécoise soutient plus qu'avantageusement la comparaison avec les lois canadiennes et internationales en la matière, et il m'apparaît important de le souligner, d'autant qu'on ne le fait pas assez dans la mesure où ces questions ne font les manchettes que lorsque survient quelque chose de négatif, sans que l'on mesure, prenne acte du chemin parcouru et de la position globalement enviable du Québec en ce domaine.

On se rappellera à cet égard qu'en 1982 l'Assemblée nationale avait même jugé bon de conférer un caractère prépondérant à la Loi sur l'accès pour bien marquer l'importance qu'elle attribuait à ces valeurs démocratiques au sein de la société québécoise. Par la suite, la révision du Code civil et l'adoption de la loi sur le secteur privé sont venues, pour ainsi dire, boucler la boucle de notre ensemble législatif afin d'en faire un tout complet, cohérent et fidèle aux valeurs québécoises. J'ajoute également que, contrairement aux autres législations au Canada, les lois québécoises en la matière couvrent un champ d'application très large. Tous les ministères et organismes centraux y sont assujettis de même que les sociétés d'État et les organismes des secteurs scolaires, que ce soient les écoles, les universités, les commissions scolaires. Sont également assujettis toutes les municipalités du Québec ainsi que les organismes du secteur de la santé dont les hôpitaux et les CLSC. On parle donc de près de 3 500 organismes publics assujettis à nos lois. D'ailleurs, jusqu'à l'entrée en vigueur, l'année dernière, de la Loi sur la protection des renseignements personnels et le commerce électronique adoptée par le Parlement fédéral, le Québec était le seul État en Amérique du Nord à assurer l'accès et la protection des renseignements personnels de manière complète dans toutes les entreprises faisant affaires sur son territoire. Et dans cette optique, la mise en oeuvre de la loi québécoise dans le secteur privé peut être considérée comme une réussite ayant suscité peu de résistance de la part des entreprises et peu de critiques de la part des défenseurs de la vie privée.

n (12 h 20) n

On se rappellera par ailleurs que le gouvernement du Québec s'était à l'époque opposé à ce que la législation fédérale s'applique au Québec, la protection des renseignements personnels nous apparaissant comme nettement de juridiction québécoise. Je rappelle aussi au passage que la législation québécoise est aussi vue comme un modèle du genre notamment à cause du jumelage des volets accès aux documents des organismes publics et protection des renseignements personnels. Et cette approche du Québec a été reprise par plusieurs autres Législatures au Canada.

Malgré tout, comme nous aurons l'occasion de le voir, le projet de loi n° 122 introduit de nombreuses améliorations qui favoriseront encore plus, j'en suis convaincu, les droits des citoyens en matière d'accès à l'information et de protection des renseignements personnels. Ainsi, sans faire une revue exhaustive, à ce stade-ci, du projet de loi, notons simplement qu'il élargit la portée de la loi actuelle. Il est proposé que soient dorénavant assujettis des organismes qui ne l'étaient pas jusqu'à maintenant. C'est le cas notamment des conseils régionaux de développement et des centres locaux de développement. Ce serait aussi le cas des ordres professionnels pour lesquels un régime particulier sera mis en place afin de tenir compte à la fois de leur mission de protection du public et de leur nature associative. Et ces nouvelles règles seront évidemment soumises à la surveillance et au contrôle de la Commission d'accès à l'information.

En matière de protection des renseignements personnels, le projet de loi n° 122 propose aussi d'introduire plusieurs amendements sur lesquels nous reviendrons, qui, je le crois, contribueront encore plus à assurer la population que les renseignements personnels qu'elle confie à l'État sont et seront bien protégés.

J'ai, M. le Président, la conviction que, si ces nouvelles modifications étaient adoptées, elles contribueront de façon significative à l'amélioration de nos lois. Je note cependant au passage, je crois qu'il est bon de toujours le garder présent à l'esprit, que l'intervention législative en cette matière a aussi cependant ses limites, qu'il faut en être conscients et qu'au-delà des obligations qui sont ou seront éventuellement imposées aux organismes publics, il faut aussi admettre que la protection des renseignements personnels est également une affaire d'éthique, de gestion et d'imputabilité.

Je voudrais, M. le Président, terminer ces remarques introductives que j'ai souhaité, en raison du réaménagement de l'enveloppe de temps qui nous est impartie, que j'ai souhaité aussi générales et, à ce stade-ci, peu détaillées que possible. J'aimerais vous dire, M. le Président, particulièrement à la lumière de ce que nous avons vécu tout à l'heure et de ce qui s'est passé vendredi, que mon souhait vraiment le plus cher est que les audiences que nous entreprenons se déroulent dans un esprit d'ouverture aux nouvelles suggestions, en toute sérénité de part et d'autre, dans l'esprit le moins partisan possible, que l'on, d'une certaine manière, tente de refléter, dans toute la mesure du possible, l'atmosphère, le climat d'unanimité qui avait prévalu au moment où ces lois furent adoptées.

J'estime, et je m'en tiendrai là à ce stade-ci, que, dans sa forme actuelle, le projet de loi n° 122 est équilibré, nuancé, mais qu'il est encore certainement bonifiable, et j'accueillerai donc avec une grande ouverture d'esprit les commentaires qui nous seront faits par nos invités. Je crois d'ailleurs que le fait que nous tenions ces audiences au printemps, pour reprendre idéalement à l'automne, va justement nous donner quelques semaines, quelques mois, pour décanter ce qui nous aura été dit et aller chercher la substance des commentaires les plus pertinents qui auront été entendus.

À ce stade-ci, M. le Président, pour faire acte de discipline, je crois que je m'en tiendrais là dans mes remarques préliminaires.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Alors, merci beaucoup, M. le ministre. M. le porte-parole de l'opposition officielle.

M. François Ouimet

M. Ouimet: M. le Président, dans un premier temps, j'aimerais ? je l'ai fait en Chambre et je vais le répéter ici ? déplorer un peu l'arrogance gouvernementale concernant notre processus démocratique qui a été quelque peu bafoué par l'invocation de l'urgence par le ministre qui nous conduit ici aujourd'hui. Le ministre y a fait référence dans ses remarques préliminaires en disant que nous en sommes à notre quatrième année. Je vous rappelle, M. le Président, que le rapport de la Commission d'accès à l'information a effectivement été déposé il y a plus de quatre ans maintenant. Et donc, ça a pris quatre ans avant de nous rendre ici, et maintenant nous invoquons l'urgence, quatre ou cinq ministres plus tard.

On convoque les groupes avec un avis d'à peu près une semaine, une semaine et demie, sans leur permettre... sans leur donner le temps de se retourner de bord, de faire les ajustements qui s'imposent. Le mémoire, par exemple, de la Commission d'accès à l'information date de plus de 12 mois, et nous avons une nouvelle présidente à la tête de la Commission d'accès à l'information qui n'aura manifestement pas le temps d'imposer son orientation, compte tenu qu'on nous produit le mémoire qui a été rédigé et élaboré en juin 2000. Les mémoires ne tiennent pas compte non plus des différents événements majeurs qui se sont déroulés au cours des 12 derniers mois, et le tout se fait dans le cadre et dans le contexte d'une fin de session, avec un retard d'à peu près une heure et demie, qui n'est pas étranger au fait que nous sommes dans une fin de session. Alors, c'est pas le climat le plus propice pour faire l'étude d'une loi aussi importante que la loi que nous nous apprêtons à étudier.

Le gouvernement, qui privilégie par ailleurs une pratique abusive du secret et de la rétention de l'information, a-t-il vraiment l'intention de favoriser ce droit fondamental du citoyen, son droit de savoir, son droit de connaître les affaires du gouvernement, son droit d'être informé et son droit de pouvoir s'informer? Le droit à l'information et le droit de savoir constituent une liberté essentielle du citoyen, tout comme le respect de sa vie privée, et j'ai eu l'occasion, au cours des dernières années, de constater à quel point souvent ce droit, il est bafoué. Les principes sont reconnus, entre autres, aux articles 5 et 44 de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne. Principes qui sont par ailleurs encadrés par la Loi sur l'accès, le Code civil du Québec, le Code des professions et d'autres lois qui ont été élaborées par le gouvernement au cours de la dernière année.

n (12 h 30) n

Pourtant, ces droits fondamentaux, bien que reconnus, sont difficiles d'application. Par exemple, l'exercice du droit à l'information se bute trop souvent aux fortes résistances du gouvernement en place et de son administration. L'exemple le plus frappant et le plus récent est tout le dossier des fusions municipales forcées. Nous sommes en présence d'un gouvernement péquiste qui est pour le moins cachottier, qui, par ses gestes et ses directives, bafoue le droit du public de savoir. Ce droit inhérent à tout système démocratique, que certains appellent, et ça va vous faire plaisir de m'entendre prononcer ce mot-là, certains qui l'appellent la «souveraineté populaire», se trouve battu en brèche par la règle du secret sur au moins trois plans successifs dans le dossier des fusions municipales forcées.

Les citoyens ne sont pas informés parce que le gouvernement du Parti québécois retient l'information. Et, à combien de reprises la ministre retenait l'information en Chambre, ne dévoilait pas des études, ne dévoilait pas des documents qui ont pourtant été confectionnés avec des fonds publics?

Deuxièmement, les citoyens ne sont pas consultés. Alors que ce sont eux, ces citoyens-là, qui paient les taxes municipales, qui auraient le droit de s'exprimer, à tout le moins, sur l'avenir de leur communauté, l'avenir de leur municipalité, ces citoyens-là ne sont pas consultés, et les citoyens, en particulier ceux de Montréal, n'obtiennent aucune imputabilité aux redditions de comptes véritables de la part des agents du gouvernement, notamment les comités de transition, et en particulier, le comité de transition de Montréal.

Pourtant, la transparence doit prédominer, et pas le secret. Mais on aura compris que le secret permet au gouvernement de couvrir ses erreurs et son incompétence, et de continuer à mener ses actions qui sont erronées. Secret et incompétence vont souvent de pair ? les mémoires qui sont déposés nous le diront ? et la rétention d'information en est la conséquence. Pourtant, la circulation de l'information garantit l'exercice de la fonction des parlementaires que nous sommes de surveiller l'action gouvernementale. Et un régime de secret empêche au contraire les parlementaires, la presse et même les tribunaux ou les Québécois eux-mêmes de contrebalancer les énormes pouvoirs dont disposent le premier ministre du Québec et le Conseil des ministres.

Si la protection de la vie privée des individus justifie une part de secret, il n'en demeure pas moins indiscutable que la société québécoise ne peut se gouverner démocratiquement si le gouvernement ne permet pas à tous de se prononcer en pleine connaissance de cause sur des enjeux qui sont d'actualité. Et les citoyens ne peuvent se prononcer librement s'ils ne sont pas informés de manière suffisante pour former leur jugement. Les États-Unis se sont engagés depuis longtemps dans la voie de l'ouverture, et le système américain du «automatic routine disclosure», auquel certains groupes vont faire référence, constitue sans conteste un pôle principal de référence à la fois pour le droit à l'information et pour le respect de la vie privée des citoyens.

Alors, pour l'heure, en ce qui nous concerne, le projet de loi n° 122 n'est manifestement pas à la hauteur. Des modifications importantes de fond devront être apportées. Mais les modifications les plus importantes qui doivent être apportées concernent l'attitude du gouvernement et de son administration publique. Si la Loi sur l'accès est trop souvent appliquée comme une loi sur le secret et non comme une loi sur la transparence, comme nous diront la Fédération des journalistes professionnels du Québec, c'est à cause du manque de leadership au plus haut niveau du gouvernement.

Alors, M. le Président, le ministre disait que l'intervention législative a ses limites, il a tout à fait raison. Je pense que on devrait avoir, de la part du premier ministre à tout le moins, un signal clair de sa volonté d'ouverture et de sa volonté de transparence, et j'ose dire que nous n'en avons pas eu sous la gouverne du Parti québécois, depuis 1994. On aura beau apporter quelques modifications légères, je vous dirais, au projet de loi n° 122, ça ne corrigera pas les problèmes de fond qui seront identifiés tout au long de nos délibérations, au cours des trois ou quatre prochains jours. Le ministre parlait d'une ouverture d'esprit. Nous serons à même de constater s'il y a véritablement ouverture d'esprit ou si le gouvernement se satisfait du statu quo actuel. Voilà pour mes remarques.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Merci beaucoup, M. le député. Alors, y aurait-il d'autres remarques préliminaires? Vous savez que vous devez parler dans un temps, qui vous est imparti, de 15 minutes. Alors, Mme la députée, à vous la parole; ensuite, le député de...

Mme Houda-Pepin: Combien de temps à l'opposition?

Le Président (M. Simard, Montmorency): Sept minutes, madame.

Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: Alors, on va le partager équitablement. D'accord, M. le Président. Alors, je voudrais joindre ma voix à celle de mon collègue porte-parole de l'opposition officielle en matière d'accès à l'information pour vous dire à quel point ce dossier-là est préoccupant, est important.

À titre de porte-parole pour le dossier de l'autoroute de l'information, M. le Président, je suis très préoccupée par toute la dimension de l'accès à l'information, le respect de la vie privée, compte tenu qu'on vit dans une ère technologique où les technologies de l'information deviennent omniprésentes, et que le gouvernement, entre autres, détient des données sur les citoyens, sur pas mal de choses, M. le Président, et de personnes qui sont visées, et que, malheureusement, le gouvernement, par le passé comme par le présent, parce qu'il y a des projets qui sont devant nous, ne prend même pas les assurances minimales requises pour s'assurer justement de la protection des renseignements des citoyens. Alors, vous me voyez, M. le Président, très, très préoccupée par rapport à ça.

On se rappelle, M. le Président, du fameux projet Courriel que le gouvernement a mis de l'avant avant même de demander l'avis de la Commission d'accès à l'information, et que, il a dépensé de l'argent, il a aussi sollicité la participation de partenaires, et en définitive, avec l'avis de la Commission d'accès à l'information, on a dû débranché le projet Courriel.

On sait qu'actuellement au sein du gouvernement il y a un projet majeur, celui de GIRES ? gestion de ressources humaines, matérielles et financières ? M. le Président. C'est un projet sur plusieurs années qui implique, en fin de compte, l'implantation d'un progiciel intégré acquis de la compagnie américaine Oracle. On se rappellera que, encore une fois, ce contrat-là a été accordé avant même qu'on fasse l'étude des besoins, avant même qu'on fasse l'évaluation des coûts, avant même que l'on puisse analyser les bénéfices, et que, en cours de route, on s'est rendu compte, M. le Président, que les prérequis, notamment en ce qui a trait à la protection des renseignements, n'avaient pas été pris. D'autant plus qu'il y a eu également une évaluation, qui a été faite par KPMG, qui a révélé qu'il y avait 250 failles. Et, parmi ces failles, M. le Président, il y avait le trou béant concernant la sécurisation des données et des banques de données, en particulier.

Alors, je suis, M. le Président, très attentive à ce qui va se dire dans cette commission. je prends la peine de venir écouter les groupes parce que je trouve que c'est très important. Il y a eu dernièrement le fameux projet de la carte à puces qui a été également lancé; c'est un projet qui touche la sécurité aussi des données et des patients évidemment, et on va suivre ça de très près.

Récemment, le gouvernement a déposé un projet de loi ? le projet de loi n° 161 ? sur la sécurisation des transactions électroniques. Malheureusement, ce projet de loi prêche par sa confusion et par sa complexité et par la difficulté aussi qu'il a à atteindre les objectifs qu'on a énoncés dans le projet de loi. Et, à deux reprises, à deux reprises, les ministres ont débranché le projet de loi, c'est-à-dire qu'ils ont présenté des motions d'ajournement, ce qui fait qu'on n'est pas capable de l'analyser.

Alors, tout ça, M. le Président, pour vous dire qu'on est là, qu'on est attentif à cette préoccupation qui est majeure, et je vous remercie, M. le Président, de m'avoir écoutée. Merci.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Merci beaucoup, Mme la députée de La Pinière. M. le député de D'Arcy-McGee, à vous la parole.

M. Lawrence S. Bergman

M. Bergman: Merci, M. le Président, de me permettre de vous adresser ce matin, à la commission de la culture, dans le cadre des consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 122.

M. le Président, il arrive parfois en droit que deux principes fondamentaux se heurtent entre eux et forcent la société à réévaluer, à nuancer la prépondérance de l'un par rapport à l'autre. C'est le cas du présent projet de loi où il s'agit du droit à la confidentialité contre les besoins de la société représentée par ses institutions. Il s'agit d'une question sérieuse qu'il faut aborder, dès le départ.

M. le Président, la protection des renseignements personnels, que ce soit dans le secteur public ou dans le secteur privé, est un des défis majeurs que nous affrontons comme société démocratique, au début de ce nouveau siècle. Nous devons toujours avoir au coeur le citoyen lorsque nous cherchons à trouver un équilibre très délicat. Et, dans cette balance d'un côté ou de l'autre, c'est le citoyen qui en bénéficie.

n (12 h 40) n

On voit, M. le Président, ce fragile équilibre dans les modifications suggérées par le projet de loi n° 122 en ce qui concerne les ordres professionnels. Le projet de loi reflète cette situation en prévoyant la soumission des ordres à la Loi sur l'accès au secteur public à l'égard des documents qu'ils possèdent et qui sont en relation du contrôle à l'exercice de la profession, et en même temps, prévoit que les renseignements qui ne concernent pas le contrôle de l'exercice de la profession, les renseignements d'ordre privé seront visés par le régime du secteur privé.

En conclusion, M. le Président, j'aimerais remercier tous les organismes, les groupes qui ont préparé des mémoires pour les fins de cette commission; nous sommes à même de constater le temps ainsi consacré à la rédaction de ces documents. Nous pouvons leur assurer que leurs commentaires seront étudiés avec diligence.

M. le Président, mon seul regret, c'est le moment qui a été choisi, par le gouvernement, pour la tenue de cette commission, c'est-à-dire à la présente session parlementaire ? la session intensive ? et nous voyons que, même, nous avons pas le temps ce matin pour entendre les groupes que nous devons entendre, et c'est dommage qu'ils doivent attendre pour être entendus devant nous avec la cédule très serrée qu'on a, ce matin. Alors, merci, M. le Président.

Auditions

Le Président (M. Simard, Montmorency): Alors, merci beaucoup, M. le député de D'Arcy-McGee. L'ensemble des remarques préliminaires étant complété, j'appellerais maintenant la Commission d'accès à l'information à se joindre à notre table.

Alors, mesdames, messieurs, bonjour. Pour le bénéfice de l'ensemble de cette Assemblée, auriez-vous l'obligeance de vous présenter?

Commission d'accès à l'information
du Québec (CAI)

Mme Stoddart (Jennifer): Bonjour, M. le Président, M. le ministre. Mmes, MM. les députés, je suis Jennifer Stoddart, présidente de la Commission d'accès à l'information, et les gens avec moi, de la Commission d'accès, je commence à ma droite: Me Jean Laurent, qui est conseiller juridique; Me Denis Morency, directeur de l'analyse et l'évaluation. À ma gauche, Me André Ouimet, secrétaire de la Commission et directeur des services juridiques, et ensuite, Me Danielle Parent, conseiller juridique également.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Merci beaucoup. Alors, madame, à vous la parole.

Mme Stoddart (Jennifer): Merci. M. le Président, je comprends qu'on a à peu près 15 minutes actuellement, et nous commençons... nous continuons...

Le Président (M. Simard, Montmorency): Au retour, à 15 heures.

Mme Stoddart (Jennifer): D'accord. Comme ma présentation prenait à peu près 20 minutes, étant donné l'importance du sujet pour la Commission d'accès, et comme elle se divise à peu près en deux parties, je vous demanderais de faire la première partie maintenant et continuer à 3 heures avec la deuxième partie qui est un peu plus des considérations pratiques. Ça vous va?

Le Président (M. Simard, Montmorency): Avec le consentement de l'ensemble des membres? Ça va à tout le monde?

Mme Stoddart (Jennifer): Oui? Oui, d'accord.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Très bien, madame; très, très bien.

Mme Stoddart (Jennifer): Merci beaucoup. Donc, c'est avec un très grand plaisir, dans le cas de la Commission d'accès, que nous sommes ici, en commission parlementaire, et nous avons hâte à suivre les consultations publiques avec vous sur ce projet de loi extrêmement important.

Comme j'ai dit tout à l'heure, ce que je veux vous dire aujourd'hui se divise à peu près en deux parties. Premièrement, j'aimerais parler un peu des objectifs de notre dernier rapport quinquennal, des importants développements dans l'accès et dans le droit à la protection des renseignements personnels depuis quatre ans, et vous indiquer un peu nos observations sur les grandes tendances dans cette société québécoise depuis notre dernier rapport quinquennal; vous rappeler quelques-unes de nos actions récentes, et dans la deuxième partie, il y a une série de suggestions qu'on vous fera quant aux aspects de ce projet de loi qui contient beaucoup d'améliorations avec lesquelles nous sommes d'accord, mais j'aimerais insister particulièrement sur une dizaine d'aspects qui seraient importants pour améliorer l'exercice du droit par les citoyens. Alors, ça, je le ferai dans ma deuxième partie, si vous êtes d'accord.

Donc, il y a maintenant quatre ans, comme on a déjà dit, conformément aux exigences de la Loi d'accès, la loi sur le secteur public et celle sur le secteur privé, la Commission d'accès a remis au gouvernement son rapport quinquennal, et tel que l'indique la loi, ce rapport quinquennal visait l'atteinte de deux objectifs.

Premièrement, l'analyse de l'opportunité de maintenir en vigueur les lois qu'applique la Commission, et deuxièmement, proposer, s'il y a lieu, des modifications à ces lois-là. Alors, quant à l'opportunité de maintenir en vigueur la Loi sur l'accès et la Loi sur le secteur privé, je crois, sans risque de me tromper, que la réponse est évidente et unanime.

Près de 20 ans après l'entrée en vigueur de la Loi sur l'accès et de huit ans pour la Loi sur le secteur privé, personne ne songerait maintenant à remettre en cause la pertinence et la nécessité de ces lois. Ces dernières, dont le fondement est de favoriser le respect du droit à la vie privée et de l'accès à l'information, deux droits fondamentaux reconnus par la Charte des droits et libertés de la personne, ne sauraient disparaître sans qu'il ne soit sérieusement porté atteinte à des valeurs protégées par l'ensemble des pays démocratiques. Donc, je pense, cette partie du but de notre rapport quinquennal est claire pour tout le monde.

Cependant, nous avons eu quatre années de changements importants. Bien sûr, depuis que nous avons remis notre dernier rapport, la société québécoise a subi des transformations majeures qu'on pourrait difficilement ignorer. Ainsi, parler aujourd'hui du renouvellement des modes de fonctionnement de l'État ou des impacts majeurs sur nos vies des nouvelles technologies de l'information relève presque du cliché. Ce partage entre modes traditionnel et moderne de gestion et de communication nous invite maintenant à réfléchir à un cadre juridique qui pourrait mieux répondre à ces nouvelles réalités, tout en assurant le maintien des droits fondamentaux des individus.

Le premier thème que j'aimerais aborder, c'est la plus grande transparence nécessaire de l'État. Ces changements importants que vit la société sont loin d'amoindrir l'intérêt que les citoyens et les citoyennes portent au droit d'accès à l'information et au respect de leur vie privée. Au contraire, la facilité des échanges nous incite à exiger une plus grande transparence des organismes publics et même, oserais-je dire, de certaines entreprises du secteur privé. Cette transparence se traduit évidemment par un accès encore plus grand à l'information détenue par les organismes publics.

Ce besoin de transparence n'est d'ailleurs pas un phénomène propre au Québec. En effet, comme tous ont pu le constater lors du dernier Sommet des Amériques ici même, nombreux sont ceux qui croient fermement que démocratie et transparence vont de pair.

Dans l'optique de la gouvernance, l'État fait face à de nombreux défis variés et changeants. Cette gouvernance doit s'exercer en respectant de sévères règles éthiques, dont celle de la transparence qui, inévitablement, se traduit par l'accès à l'information. Faire fi de cette règle éthique écarte le citoyen d'une participation active aux décisions de l'État et limite considérablement sa capacité de savoir comment ce dernier exerce son pouvoir.

La Commission ne peut évidemment pas ignorer ce phénomène de transparence. D'ailleurs, le prochain rapport quinquennal, qui devrait être produit en 2002, accordera une importance toute particulière à cette question des règles de transparence des organismes publics.

Dans l'immédiat, elle ne peut toutefois passer sous silence ses inquiétudes quant à l'assujettissement à la Loi sur l'accès de certains organismes. Rappelons à ce sujet que les tribunaux ont, au cours des dernières années, jugé que la société Nouveler et la Société des casinos n'étaient pas des organismes assujettis à la Loi sur l'accès.

Le fondement de ces jugements repose sur le motif que le fonds social de ces organismes ne fait pas partie du domaine public. Le rapport quinquennal de la Commission propose qu'une solution législative soit trouvée afin que les règles de transparence puissent également s'étendre à tous les organismes largement alimentés par des fonds publics. Les organismes sans but lucratif dont les revenus proviennent principalement des fonds publics devraient, de la même manière, rendre accessibles les documents relatifs à la gestion de ces fonds. Espérons que le législateur saura apporter au projet de loi n° 122 les modifications requises, et voilà une de nos grandes préoccupations par rapport à ce présent projet.

n (12 h 50) n

Ensuite, j'aborderai le thème de l'informatisation et la vie privée. Au chapitre de la vie privée et de la protection des renseignements personnels, on peut également observer que les citoyens et les citoyennes se préoccupent de plus en plus du respect des droits ? de ces droits, pardon. Les individus sont en effet de plus en plus nombreux à faire part de leurs inquiétudes quant à la protection de leurs renseignements personnels, surtout lorsque ces derniers sont appelés à circuler sur les réseaux informatiques, que ces réseaux soient mis en place par l'État ou par le secteur privé.

En outre, nul ne peut contester le fait que l'incertitude ou le vide juridique actuel engendre un net ralentissement de l'implantation de nouvelles technologies de l'information. Qu'en est-il de la signature électronique, de la cryptographie, de l'ensemble des mesures de sécurité, de la durée de conservation des informations qui se retrouvent sur un support informatisé et de l'intégrité des données? Autant de questions auxquelles il faudrait rapidement, selon nous, apporter des réponses, afin de garantir le maintien du droit à la protection des renseignements personnels.

Ensuite, je passerai... Est-ce que je peux avoir encore deux minutes?

Le Président (M. Simard, Montmorency): Oui, madame.

Mme Stoddart (Jennifer): Oui? D'accord. J'aimerais parler, pour conclure cette section de ma présentation, sur le cas particulier du secteur de la santé et des services sociaux, pour nous ramener un peu à date, depuis notre dernier rapport quinquennal.

Dans un domaine plus spécifique, soit celui de la santé, la Commission a d'ailleurs eu l'opportunité, au cours des derniers mois, de souligner son inquiétude devant la concentration de plus en plus massive de renseignements personnels au sein d'un seul organisme public. Dans deux avis relatifs au projet d'implantation de carte-santé à microprocesseur, nous avons insisté sur la nécessité de débattre de cette concentration.

En outre, de nombreux organismes ou individus souhaitent vivement qu'un débat soit rapidement tenu au sujet de la confidentialité de plus en plus incertaine des renseignements personnels relatifs à la santé des Québécois et des Québécoises. Le recours aux nouvelles technologies de l'information ne doit évidemment pas se faire en écartant le respect dû aux individus ou en donnant moins d'importance à la confidentialité de renseignements, dont la sensibilité n'est plus à démontrer.

Je crois qu'il est important de rappeler ici que les objectifs poursuivis à ce sujet par la Commission n'ont aucunement pour but, comme le prétendent certains, d'empêcher que de meilleurs soins ou services soient dispensés aux usagers du réseau de la santé, loin de là. En effet, la Commission ne conteste pas qu'une plus grande circulation de certains renseignements puisse améliorer l'état de santé des usagers et éviter la répétition inutile d'examens dispendieux.

Toutefois, il nous semble important de distinguer les diverses utilisations qui pourraient être faites de ces mêmes renseignements. Il y a en effet un monde entre une utilisation des renseignements à des fins d'améliorer l'état de santé des usagers et une autre qui vise des fins strictement administratives. Sauf circonstances exceptionnelles clairement définies dans la loi, il ne devrait en aucun cas être permis d'utiliser les renseignements relatifs à la santé à l'insu des individus. Ces derniers devront toujours demeurer maîtres des renseignements qui les concernent, et en outre, aucune technologie ne devrait ouvrir la porte à la possibilité de dresser des profils exhaustifs sur l'état de santé des individus.

Je termine là-dessus, mais cette dernière illustration de notre travail, de nos préoccupations, je pense, est pertinente pour l'examen d'une des modifications au projet de loi n° 122 qui est devant vous. Donc, je continuerais là-dessus, si ça vous convient, M. le Président, cet après-midi?

Le Président (M. Simard, Montmorency): Bien. Chère Dame, vous savez, vous êtes une habituée des auditions publiques, vous savez que vous êtes maître de votre temps. Nous avions convenu que vous aviez 15 minutes pour vous exprimer. Vous en avez déjà pris 11 sur 15, il en reste quatre, ce qui laisse assez peu de temps finalement pour amorcer un dialogue alors qu'il est 12 h 55, vous en conviendrez facilement avec moi. Donc...

M. Ouimet: M. le Président, je me rends à la demande de la présidente de la Commission d'accès à l'information, là; 45 minutes, dans un premier temps, c'était très court. Si on veut l'écourter davantage, en tout cas, ça sera sans le consentement de l'opposition. On serait prêt à revenir à 3 heures, d'accorder le temps voulu à la présidente pour terminer sa présentation.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Ça vous va?

Mme Stoddart (Jennifer): Nous avons convenu...

Le Président (M. Simard, Montmorency): Oui, c'est ça. Non, tout à fait. C'est un peu ce que je voulais... Non, ce n'est pas ce que je remettais en cause, Mme la députée. C'était le fait, et vous savez très bien, qu'on entreprenne un débat alors qu'il reste à peine trois minutes pour le faire, c'est un peu difficile d'élaborer une pensée. Et puis, de pouvoir y répondre en plus en trois minutes, vous imaginez...

Donc, on suspend nos travaux, et on reprend à 15 heures. Merci de votre collaboration.

(Suspension de la séance à 12 h 55)

 

(Reprise à 15 h 5)

Le Président (M. Simard, Montmorency): Alors, très chers amis, je constate donc que nous avons quorum. Mme Stoddart, messieurs, chers collègues, donc, rebienvenue. J'espère que vous avez bien mangé. Donc, nous sommes toujours à nos consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 122 et nous entendions, avant de nous quitter, la Commission d'accès à l'information. Alors, madame, à vous la parole.

Mme Stoddart (Jennifer): Merci, M. le Président. M. le ministre, MM. les députés. Je continue donc ma présentation. Vous vous rappelez, dans la première partie de ma présentation, je me suis attardée aux quelques grands développements qui se sont accentués depuis notre dernier rapport quinquennal. J'ai parlé notamment de la protection des renseignements personnels, et ça, ça va avoir une pertinence pour un des projets de... un des articles du projet de loi qui est présenté. J'ai aussi parlé de la position de la Commission par rapport à la question de l'accessibilité en général, et donc l'assujettissement des organismes qui, jusqu'ici, n'ont pas été assujettis et pour lesquels aucun changement n'est prévu dans le projet de loi.

Je continue donc la deuxième partie en abordant tour à tour quelque 10 amendements ou quelque 10 points que nous trouvons primordiaux dans le projet de loi que vous allez étudier. Je dois dire que, je pense, vous avez reçu une quarantaine de mémoires fort complexes, très savants, représentant une diversité de points de vue, qui sont chacun valable de sa perspective. Alors, dans ce contexte-là, nous, ce sur quoi on aimerait mettre l'accent aujourd'hui, c'est l'exercice des droits par les citoyens. Et donc, la plupart des points que je vais vous énumérer se rapportent à la question de comment rendre la loi plus utilisable, si je peux dire, plus facile à exercer pour les citoyens.

Donc, vous conviendrez avec moi que la Loi sur l'accès et la loi sur le secteur privé doivent évoluer au rythme des profonds changements que vit la société québécoise. La Commission pourra d'ailleurs tenir compte de tous ces événements récents lors de la production de son prochain rapport quinquennal. D'ici là, la Commission d'accès à l'information espère néanmoins que certaines modifications à nos lois pourront être apportées. Le mémoire que nous avons déjà transmis aux membres de votre commission, au sujet du projet de loi n° 122, aborde en détail les nombreux volets que couvre ce projet. Je n'entends pas reprendre chacun des points traités dans ce mémoire.

Permettez-moi toutefois d'attirer votre attention sur certaines dispositions du projet de loi n° 122 dont l'adoption, selon nous, clarifierait certains droits ou en faciliterait l'exercice. Dans tous ces cas, les citoyens et les citoyennes, selon nous, sortiraient gagnants de l'adoption de ces dispositions. Et le premier est l'exercice des droits par les personnes handicapées. Tel est le cas, par exemple, des articles qui reconnaissent la situation particulière des personnes handicapées et qui ouvrent la voie à un plus grand respect de leur droit d'accès aux renseignements et de rectification.

Le deuxième est la question du meilleur respect des individus lors de l'utilisation de leurs renseignements. La Commission invite également le législateur à donner suite à l'article 17 du projet de loi. Cette disposition reconnaît clairement un des grands principes en matière de protection des renseignements personnels. Un organisme public ne peut utiliser un renseignement personnel à une fin autre que celle pour laquelle le renseignement a été colligé, à moins que la personne concernée n'y ait consenti. Pour déroger à cette règle, l'utilisation des renseignements devrait être nécessaire à l'application d'une loi au Québec et la Commission devrait en être avisée. Donc, principe extrêmement important, et on se réjouit de cette modification proposée à la loi.

Ensuite, la question des décisions prises à partir d'un couplage de fichiers. Pour la Commission, l'article 25 du projet de loi est particulièrement important pour permettre aux individus de connaître le fondement d'une décision prise à leur sujet suite à un couplage de banques de données informatisées. Ainsi, un organisme public, qui prend une décision résultant uniquement d'un tel couplage, doit en informer la personne concernée. Selon nous, la reconnaissance de cette obligation d'information est incontournable pour éviter que l'État puisse prendre des décisions importantes pour les citoyens sans que ces derniers ne soient en mesure de vérifier les sources d'information et l'exactitude des renseignements transmis à leur sujet.

n (15 h 10) n

Ensuite, question bien connue: le compte de dépenses. Largement débattue au cours des dernières années, la question du caractère public ou non des comptes de dépenses des élus municipaux ou de membres d'organismes publics a reçu diverses réponses contradictoires. Selon moi, l'importance de la transparence du fonctionnement des organismes publics, dont les organismes municipaux, justifie amplement que le législateur vienne clarifier ses règles. Si les modifications à l'article 57 de la Loi sur l'accès sont adoptées, les renseignements suivants auraient un caractère public: le nom d'une personne qui bénéficie du remboursement, le type de dépense, la date et le montant de cette dépense, le nombre de personnes visées par la dépense ainsi que la région où elle a été faite. Donc, on encourage le législateur à aller de l'avant avec cette clarification de la loi.

Cinquièmement: Question d'un accès plus large aux renseignements du ministère de l'Environnement. Ici, on traite de l'article 116 du projet de loi, qui reconnaît également un meilleur accès aux renseignements détenus par le ministère de l'Environnement. Considérant l'intérêt soutenu des individus quant à la qualité de leur environnement, il faut enfin reconnaître la pertinence de leur droit d'accès aux renseignements contenus dans les documents relatifs, par exemple, à des demandes de certificat d'autorisation, à des études d'impact sur l'environnement, à des programmes d'assainissement et des attestations de conformité environnementale, et ainsi de suite.

Un autre amendement à la loi actuelle, qui est très important, concerne l'accès plus rapide aux décisions du Conseil exécutif et du Conseil du trésor. Toujours au chapitre de la transparence de l'État, les citoyens et citoyennes devraient également avoir accès aux décisions du Conseil exécutif et à celles du Conseil du trésor. Présentement, ce droit d'accès n'est pas reconnu et ces documents peuvent demeurer confidentiels, sans aucune limite de temps. Le projet de loi modifie à raison cette règle afin de prévoir que ces documents pourraient être accessibles au terme d'un délai de 25 ans.

Les points suivants que je veux souligner concernent la question d'accès à la justice pour les gens ordinaires. Premièrement, le retrait des requêtes pour permission d'en appeler. Reconnaître des droits d'accès aux documents des organismes publics et à la protection des renseignements personnels est une chose, en favoriser l'exercice en est une autre. Voilà pourquoi la Commission estime important que les modifications apportées à ce sujet dans le projet de loi n° 122 puissent être reçues favorablement par le législateur. Présentement, lorsqu'une partie veut porter en appel une décision de la Commission, elle doit, dans un premier temps, demander l'autorisation de la Cour du Québec. Si cette dernière autorise l'appel, les parties pourront ensuite faire valoir leur point de vue respectif. Cette procédure en deux étapes allonge évidemment le délai d'attente préalable à la décision finale. Un tel délai diminue d'autant la portée de l'exercice du droit d'accès lorsqu'un organisme porte en appel une décision de la Commission. Aussi doit-on reconnaître que l'abolition de la requête pour permission d'en appeler, tel que le propose le projet de loi, favorisera, au bénéfice des demandeurs, une réduction du temps d'attente, donc raccourcir les délais.

Deuxième recommandation dans ce sens. Il s'agit d'une position qui a été adoptée par la Commission ce printemps; donc, vous ne le trouvez pas dans le projet de loi n° 122, mais c'est une suggestion pour l'amélioration, encore une fois, de l'accès à la justice par les citoyens ordinaires. Toujours au sujet de l'appel des décisions de la Commission, nous croyons que la portée du droit d'accès serait grandement favorisée si les demandeurs d'accès n'avaient pas à supporter les dépens que peuvent octroyer les tribunaux lorsque l'appel est logé par un organisme public ou privé. En adoptant la disposition du projet de loi, qui élimine la possibilité de condamner aux dépens un demandeur d'accès, le législateur reconnaît ainsi un meilleur accès à la justice administrative. Il faut éviter qu'une personne qui souhaite obtenir un document ne se trouve, à son insu, à payer des dépens alors que le recours en appel est exercé par un organisme.

La Commission croit également opportun de vous proposer une nouvelle modification à la Loi sur l'accès et à la loi sur le secteur privé, comme j'ai dit, modification qui est pas prévue dans le projet de loi parce qu'on vient de l'adopter. L'expérience aidant, nous constatons que les organismes et les personnes physiques sont loin de se retrouver à armes égales devant les tribunaux supérieurs. Bien souvent, la personne physique qui a obtenu une décision favorable de la Commission n'aurait pas les ressources financières pour se faire représenter par avocat. Si elle décide de se représenter elle-même, elle devra alors affronter des organismes dont les intérêts sont défendus par des avocats expérimentés. Dans de telles circonstances, on peut difficilement prétendre que le citoyen aurait eu l'opportunité de faire valoir tous les arguments de droit appropriés. Afin de reconnaître un exercice complet du droit d'accès, un organisme qui porte en appel une décision rendue par la Commission qui lui est défavorable devrait donc prendre en charge tous les frais judiciaires et extrajudiciaires de la personne physique à qui la Commission a donné raison. Voilà notre ajout aux propositions.

Ensuite, la question de l'autorisation de regroupement de citoyens afin de porter plainte en tant que groupe. Toujours dans l'optique de favoriser l'exercice des droits des citoyens, la Commission vous soumet également d'apporter des modifications à la procédure des plaintes. Présentement, un organisme voué à la défense de ses membres, au respect de leurs droits et libertés, ne peut porter plainte devant la Commission et agir à titre de représentant de ses membres. Pour pallier cette carence, la Commission vous propose d'ajouter au projet de loi n° 122 une disposition qui viendrait reconnaître que les regroupements de personnes ayant des intérêts communs peuvent déposer, auprès de la Commission, une plainte relative à l'exercice du droit d'accès ou du droit à la confidentialité des renseignements personnels. Une disposition de cette nature est déjà prévue à l'article 74 de la Charte des droits et libertés de la personne. Ainsi, conformément à cette disposition, peut porter plainte à la Commission des droits toute personne qui se croit victime d'une violation des droits relevant de sa compétence, et peuvent se regrouper pour porter plainte plusieurs personnes qui se croient victimes d'une telle violation dans des circonstances analogues. Donc, voilà une suggestion pratique qui aiderait les citoyens ayant des causes communes.

Le dernier point que je souhaite vous souligner aujourd'hui, c'est la nécessité de modifier la procédure relative au traitement des plaintes par la Commission. Une autre modification urgente à la procédure relative aux plaintes mérite votre attention immédiate. Sans un changement rapide de cette procédure, les citoyens devront continuer à subir des délais inacceptables avant qu'une suite ne soit donnée à leurs plaintes. Rappelons que la Commission est formée de cinq commissaires dont le mandat couvre entre autres les deux fonctions suivantes: premièrement, entendre les litiges entre un demandeur d'accès et un organisme public ou privé qui refuse de donner accès à un document précis; et deuxièmement, entendre les plaintes formulées par une personne physique qui estime que la Loi sur l'accès ou la loi sur le secteur privé n'a pas été respectée sans pour autant que l'accès à un document ne lui ait été refusé. Donc, c'est des cas de plaintes par rapport aux renseignements personnels, en général.

Dans le premier cas, un seul commissaire peut entendre les parties au litige. Toutefois, dans le cas des plaintes, trois commissaires doivent traiter le même dossier et entendre les parties intéressées. Or, cette obligation de procéder à trois commissaires nuit indéniablement à la rapidité d'exécution des mandats qui ont été confiés à la Commission par le législateur. Et, puisque trois commissaires doivent entendre une plainte, il s'avère difficile de fixer, entre autres, des dates d'audience dans des délais raisonnables. Cette situation explique en bonne partie pourquoi le rôle de la Commission a particulièrement changé. Permettre qu'un seul commissaire puisse entendre une plainte aurait sûrement un impact favorable sur le rôle de la Commission et diminuerait sans contredit les délais d'attente que doivent présentement subir les citoyens.

En conclusion, je me limiterai à répéter que le droit d'accès aux documents des organismes publics et le droit à la protection des renseignements personnels ne sont pas des valeurs que l'on doit évaluer en vase clos sans tenir compte du contexte social. Les recommandations du prochain rapport quinquennal de la Commission devront nécessairement refléter les nouvelles réalités sociales. Toutefois, dans l'immédiat, les citoyens et les citoyennes devront pouvoir profiter des dispositions du projet de loi n° 122 qui renforcent la reconnaissance et l'exercice de leurs droits. Et voilà notre thème principal à vous soumettre aujourd'hui. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Bien, c'est nous qui vous remercions, Mme Stoddart, pour votre concision. Alors, M. le ministre, à vous la parole.

n (15 h 20) n

M. Facal: Merci beaucoup, M. le Président. Je voudrais souhaiter la bienvenue à Mme Stoddart ainsi qu'à MM. Ouimet et Morency. Je suis très heureux que vous ayez, ce matin, dit que c'était avec grand plaisir que vous étiez ici. Je suis en effet très heureux que vous soyez heureuse que le gouvernement se mette au travail là-dessus plutôt que d'attendre encore. Et je vous remercie aussi d'avoir accepté de si bonne grâce que notre horaire de ce matin soit chambardé pour des raisons absolument hors de notre contrôle.

J'ai trouvé votre mémoire très riche, fort bien construit. Je me réjouis aussi de ce que vous jugiez essentiel de moderniser nos lois et du fait que vous estimiez aussi que le projet de loi n° 122, même s'il est bonifiable, même si, sur certains points, il vous laisse insatisfaits, contienne aussi des amendements qui sont des améliorations notables.

Je dois vous dire que depuis que je lis non seulement votre mémoire, mais les documents que produit la Commission, chose qui est relativement neuve pour moi, je suis un peu frappé ? c'est sans doute la réaction d'un néophyte ? je suis frappé de la fréquence avec laquelle vous utilisez des mots comme «transparence» plutôt qu'un mot fort simple et plus neutre qui est tout simplement «accès». Le mot «transparence», il est pas neutre, d'une certaine façon. C'est comme s'il laissait entendre qu'il y avait de la part du gouvernement une volonté de ne pas l'être, transparent, alors qu'en fait ce sont des masses et des masses et des masses de documents qui sont rendus publics. Et lorsque quelqu'un se prévaut de nos lois d'accès, c'est, règle générale, en dernier recours. Mais ça, c'est un point de vue personnel sur lequel je n'insisterai pas davantage.

Je voudrais commencer par la fin de votre mémoire. Vous dites que le droit d'accès aux documents des organismes publics et le droit à la protection des renseignements personnels ne sont pas des valeurs que l'on doit évaluer en vase clos et sans tenir compte du contexte social. Fort bien. Partons de là et arrimons cela à un point précis que vous soulevez: la question de savoir qui doit être assujetti et qui ne doit pas l'être. Vous vous réjouissez que, par exemple, les CLD et les CRD soient dorénavant assujettis mais vous déplorez que les filiales des sociétés d'État ne le soient pas et vous citez deux cas: Nouveler et la Société des casinos. Vous auriez pu en citer d'autres.

Justement, il m'apparaît qu'il ne faut pas évaluer en vase clos et sans tenir compte du contexte social le contexte fort particulier qui est celui des filiales des sociétés d'État, qui est très différent, par exemple, des CRD et des CLD. Et, dans votre mémoire, ces questions sont traitées aux pages 14, 15 d'une manière qui m'est apparue assez brève. Vous dites en effet que le législateur ne fait que se rendre à ce qu'ont dit les tribunaux, mais il me semble que, justement, tenir compte du contexte, c'est aussi voir que les sociétés d'État ont ressenti le besoin de se doter de filiales, que ces filiales exercent une activité généralement commerciale, qu'elles sont dans un environnement extrêmement compétitif et que, si elles étaient assujetties, les entreprises privées avec qui elles nouent des partenariats pourraient être extrêmement réticentes de vouloir s'associer à quelqu'un susceptible de devoir constamment faire la démonstration que telle ou telle donnée, parce qu'elle est financière, parce qu'elle pourrait avoir des incidences, n'a pas à être rendue publique. Et je me demande si une filiale qui serait assujettie ne serait pas défavorisée face à des concurrents qui, eux, ne le seraient pas. Je sais que vous avez déjà entendu cette argumentation, mais vous n'y répondez pas dans le mémoire.

Par ailleurs, ce n'est pas non plus comme si les filiales étaient dans les limbes. Elles sont soumises à des règles de vérification strictes que l'on retrouve dans les rapports comptables soumis aux conseils d'administration. Dans votre mémoire, le seul argument que j'ai trouvé en faveur de l'assujettissement, c'est de dire que les articles 22 et suivants permettent de toute façon aux organismes publics de protéger certaines informations. Mais, justement, ne pas évaluer en vase clos, c'est aussi peut-être percevoir que bien des gens pourraient être très réticents de s'associer à elle s'ils craignaient de devoir toujours faire la démonstration... qu'il faut invoquer 22 et suivants pour ne pas rendre public tel ou tel document. Est-ce que vous pensez vraiment que ne pas les assujettir est un si grand drame? Surtout que les tribunaux ont été pour l'instant, en tout cas, clairs sur cette question.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Mme Stoddart.

Mme Stoddart (Jennifer): Enfin, nous croyons toujours, ça a toujours été, je pense, la position constante de la Commission, que ces organismes devraient être assujettis et que la référence que j'ai faite, que vous avez reprise, et qu'on admet tous les deux est fort nécessaire, d'interpréter les besoins des organismes dans le contexte social devrait se faire, cas par cas, avec les faits de chaque cas mis en preuve, et non pas bénéficier d'une exemption globale par le fait même que ces sociétés existent, lesquelles font une variété, je pense, d'activités, remplissent une variété de missions sociales et financières. Et, nous, la position, je pense, constante de la Commission d'accès a été de dire: Les articles 22 et suivants existent, ils sont fortement utilisés, souvent utilisés... vous avez à lire les décisions de la Commission d'accès pour savoir à quel point ils sont invoqués souvent et que souvent la Commission donne raison, donc, et ayant lu à huis clos, ex parte, exactement qu'est-ce que c'est que les gens disent: On peut pas donner ça à nos compétiteurs, vous comprenez, c'est des choses, des secrets financiers, ça va nuire, etc.

Donc, nous, on est peut-être assez confiants de pouvoir utiliser à bon escient, de façon raisonnable, ces articles-là pour vraiment exempter ce qui serait une question de compétitivité, une question de secret. Il est question de secret aussi gouvernemental, des négociations intergouvernementales. Mais ce qu'on remet en cause, c'est l'exemption a priori dans la loi de ces organismes-là, lesquels les retirent donc du regard des citoyens, et ce sont des organismes qu'on fait valoir... émergent un peu des fonds publics ou, enfin, complètement des fonds publics dans certains cas.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Merci, madame. M. le ministre.

M. Facal: Vous soulevez également une autre question qui préoccupe plusieurs organismes qui viendront témoigner, et c'est la question de diffusion des renseignements personnels à caractère public. Plus précisément, vous recommandez que l'article 55 de la Loi sur l'accès et l'article 18.2 de la loi sur le secteur privé soient modifiés afin de limiter la diffusion de banques de données contenant des renseignements personnels à caractère public. Beaucoup d'intervenants sont préoccupés par cela. Je veux simplement rappeler que, si j'ai bien compris, à l'origine, l'ancêtre du projet de loi n° 122, appelons-le ainsi, l'ancêtre, 451, prévoyait que la communication de renseignements à caractère public pourrait se faire à l'unité. Il s'est avéré après examen que c'était une façon de faire difficilement envisageable en raison de sa lourdeur, puis le législateur a songé à s'inspirer d'un article du Code civil, celui qui est relatif à l'utilisation du registre de la publicité des droits qui empêche l'utilisation des renseignements à caractère public d'une manière qui porterait atteinte à la réputation ou à la vie privée, et vous ne vous êtes pas dits en accord avec cette façon de faire.

Le législateur s'est donc en bout de course rabattu sur l'article 24 du projet de loi, tel qu'il est là. Mais, plus largement, d'une manière un peu proactive, est-ce que la Commission aurait des suggestions à faire, des solutions à proposer sur la manière de contrer la commercialisation à grande échelle de ces renseignements?

n (15 h 30) n

Le Président (M. Simard, Montmorency): Mme Stoddart.

Mme Stoddart (Jennifer): Oui, bien, je pense que notre position a été d'insérer dans la loi la protection contre la commercialisation de ces renseignements, et on prétend toujours que la voie législative dans une question aussi délicate que justement l'utilisation pour les fins pour lesquelles n'étaient pas destinés ces renseignements, grâce à l'accroissement des capacités technologiques, est une question sérieuse, et devrait être encadrée de façon législative.

Par ailleurs, je sais qu'en l'absence d'une disposition législative nous avons travaillé beaucoup à sensibiliser les milieux sur la possible déformation des fins pour lesquelles ces informations ont été destinées, notamment auprès des municipalités qui essaient, si je comprends bien, de suivre un peu les règles éthiques que la Commission préconise, et j'ai compris que les municipalités se plient largement à cette position préconisée par la Commission, mais il s'agit d'une position un peu fragile; on souhaiterait que ça reçoive un certain renforcement. Évidemment, la force de la commercialisation, à un moment donné, vous savez, peut apporter bien des choses si la loi n'est pas claire à cet égard-là.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Merci, madame. M. le ministre.

M. Facal: Combien de temps m'avez-vous dit qu'il nous restait, de ce côté-ci?

Le Président (M. Simard, Montmorency): Trois minutes.

M. Facal: Bon. Moi, j'ai encore plusieurs questions. Peut-être y a-t-il des collègues qui...

Le Président (M. Simard, Montmorency): Personne ne s'est encore inscrit.

M. Facal: Très bien. En fait, c'est plus un commentaire d'ordre général. D'abord, évidemment, vous assurer que l'une des raisons pour lesquelles nous avons tenu à mettre un certain temps entre les audiences de ce printemps et l'étude article par article de cet automne, c'est de justement repasser au peigne fin à travers tous les mémoires pour essayer d'en sortir le maximum de suggestions pertinentes. Donc, nous allons accueillir vraiment avec ouverture d'esprit ce que vous dites.

Mais je veux tout de même faire le commentaire suivant: Vous dites qu'il est important d'imposer aux organismes publics l'obligation de faire état, dans leur rapport annuel, des mesures de sécurité mises en place pour la protection des renseignements personnels. Bon. J'avais, à cet égard-là, dit, dans les propos d'ouverture de ce matin ? et le député de Marquette a concouru ? qu'il fallait aussi comprendre quelles sont les limites à l'intervention législative, et qu'il fallait aussi ne pas oublier que ces questions sont également affaire d'éthique, de gestion et d'imputabilité. Et votre recommandation me donne l'occasion de dire que le gouvernement n'est pas resté inactif, et que, depuis 1999, a été mis en place un plan d'action gouvernemental en matière de protection des renseignements personnels, qui impose déjà une obligation de reddition de comptes assez exigeante à laquelle, me dit-on, quelque 90 organismes et ministères ont déjà souscrit. Donc, soyez assurés que la volonté de resserrer, elle est là.

Le Président (M. Simard, Montmorency): M. le ministre, il vous reste 15 secondes.

M. Facal: Bon. Très bien, très bien, M. le Président. Ça va.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Madame, voudriez-vous compléter en quelques secondes?

Mme Stoddart (Jennifer): Oui. Je pourrais dire que la Commission prend note des très grands efforts pour le respect non seulement de la protection des renseignements personnels, mais pour la Loi d'accès qui a eu lieu au gouvernement depuis les dernières années, et plusieurs de ces suggestions proviennent directement, comme on a dit, du dernier rapport quinquennal.

Alors, parfois, ils peuvent sembler avoir acquis un certain âge, et ne tiennent pas compte de changements récents dans les pratiques. Je pense que les principes demeurent des principes classiques. Ce qu'on n'a pas élaboré, c'est comment ça a changé.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Merci beaucoup, Mme la présidente. Alors, M. le député de Marquette, à vous la parole.

M. Ouimet: Merci, M. le Président. Mme Stoddart et messieurs de la Commission d'accès à l'information, bienvenue à cette étude du projet de loi n° 122.

J'aimerais, moi, aborder avec vous la question de la transparence du gouvernement et les mécanismes qui devraient favoriser cette transparence.

À la lumière de commentaires quelque peu sévères formulés par la Fédération professionnelle des journalistes du Québec dans leur mémoire ? je ne sais pas si vous avez eu la chance d'en prendre connaissance ? mais, bon, ils étaient quelque peu durs à l'endroit de la Commission d'accès à l'information.

Je vais me permettre de citer deux ou trois courts extraits de leur mémoire. Ils disaient ceci: «La Commission d'accès à l'information, d'après ses récents rapports annuels à tout le moins, ne consent aucun effort pour savoir dans quel état se trouve l'accès à l'information. Les fonctions d'avis, de conseils, d'enquêtes et de surveillance qui sont dévolues à la Commission d'accès à l'information sont entièrement mobilisées par la protection des renseignements personnels.»

Ils disent ni plus ni moins que la Commission d'accès à l'information a presque oublié l'autre pan de sa mission, c'est-à-dire de favoriser l'accès aux documents, et s'est beaucoup consacrée à la protection des renseignements personnels et confidentiels. En tous les cas, depuis quelques années, je pense que ça semble être le cas. Et ils disent: «La Commission d'accès est devenue, au cours des dernières années, un organisme unidimensionnel dont les activités extrajudiciaires sont uniquement axées sur la protection des renseignements personnels.»

Moi, première question que j'ai envie de vous poser: Est-ce que vous êtes d'accord avec ce constat, et comment en êtes-vous arrivés à cela, compte tenu que le législateur a confié deux missions importantes à la Commission d'accès à l'information? Il semble qu'au cours des dernières années l'attention ait été portée beaucoup sur la protection des renseignements mais peu sur la transparence du gouvernement.

Je sais que, vous, Mme la présidente, vous aviez indiqué il y a à peu près un an, dans un article dans Le Devoir, que vous souhaitiez voir la Commission consacrer plus d'énergie et plus d'efforts à toute la question de la transparence du gouvernement et de ses organismes. Mais je voulais avoir vos réactions par rapport à ce constat de la Fédération professionnelle des journalistes.

Et, dans un deuxième temps, si vous êtes d'accord avec ce constat, manifestement, le projet de loi n° 122 ne va pas suffisamment loin au niveau de la question de la transparence. Alors, pourriez-vous réagir?

Le Président (M. Simard, Montmorency): Mme Stoddart.

Mme Stoddart (Jennifer): Merci. Par rapport à ce mémoire de la Fédération des journalistes, c'est certainement des observations très intéressantes que j'ai lues, en entrant en fonction, avec beaucoup d'intérêt. Je pense que les rédacteurs de ce mémoire trouveraient, dans les actions qu'on a prises depuis, la réponse à beaucoup de questions qu'ils soulèvent, notamment l'importance des questions d'accès, l'importance de revenir là-dessus.

Mais je pense que la Commission a un équilibre, équilibre imposé par sa loi, par sa structure, une structure qui, je pense, est assez réussie, si on regarde d'autres possibilités, qui a résisté donc au temps, et à peu près la moitié des ressources de la Commission sont en permanence consacrées à la question de l'accès. Peut-être que c'est moins évident vu de l'extérieur tout le temps, parce que c'est une routine quotidienne; c'est l'adjudication des demandes d'accès. Donc, dire qu'on a négligé au cours des dernières années, je trouve ça un peu difficile à accepter.

Comme vous savez, comme j'ai répété plusieurs fois dans des commissions parlementaires et ailleurs, le thème de notre prochain rapport quinquennal, sur lequel on travaille déjà, est la question de l'accès, y inclus une partie dans laquelle on fait une révision, peut-être par sondage, de la question de l'accès au gouvernement.

Qu'est-ce qui arrive aux gens qui demandent accès à des documents au gouvernement? On entrevoit de faire des sondages au sein de certains organismes pour voir un peu l'état de l'accès ici, dans l'État québécois. On prévoit de voir aussi d'autres modèles d'accès qui existent dans d'autres juridictions ? soit au Canada mais surtout à l'extérieur du Canada ? qui pourraient peut-être être plus porteurs en ce qui concerne la question de transparence, question qui est parmi les grands enjeux de la démocratie aujourd'hui, comme vous le savez.

Donc, voilà un peu notre position sur la question de l'accès. Oui, c'est une question importante, aussi importante que la vie privée. L'une n'est pas plus importante que l'autre, les deux doivent être réconciliées. Je pense qu'on a un modèle qui a fait... qui fait la preuve de son utilité pour protéger ces deux grandes valeurs, et le thème de notre prochain rapport, c'est l'accès.

n(15 h 40)n

Le Président (M. Simard, Montmorency): Merci, Mme Stoddart. M. le député.

M. Ouimet: Dans le dernier rapport annuel qui avait été rédigé par votre prédécesseur, Paul-André Comeau, il léguait presque comme testament politique l'idée qui existe aux États-Unis depuis plusieurs années du «automatic routine disclosure», c'est-à-dire que les organismes et le gouvernement mettent à la disposition des citoyens plus d'information que moins d'information, et qu'il n'y a pas un fardeau sur les épaules des citoyens pour tenter de découvrir les études ou l'information que peut avoir l'État en sa possession. Il est très clair que l'État doit fournir tout ce qu'il a en sa possession pour faciliter l'accès des citoyens.

Est-ce qu'on retrouve, selon vous, l'ombre de cette philosophie dans le projet de loi n° 122? Ou est-ce qu'on est à des années-lumière de ce qui se fait aux États-Unis, par rapport à ces pratiques-là?

Mme Stoddart (Jennifer): Je pense que le projet de loi n° 122 est ce qu'on pourrait appeler une loi omnibus. C'est une loi qui apporte des modifications importantes mais qui ne touche pas la structure fondamentale ni la philosophie existante dans la Loi d'accès dans le secteur public ni dans le secteur privé. Il est très important comme loi qui apporte des modifications attendues depuis plusieurs années mais il découle aussi d'un rapport de la Commission, lequel rapport n'a pas remis en question jusqu'ici la structure et la philosophie actuelle du partage de l'information avec le public.

C'est un peu, comme j'ai dit, le thème de notre prochain rapport. Parce que, je pense, la pensée publique, la pensée des spécialistes, un peu l'évolution des valeurs démocratiques tendent vers une remise en question du partage de l'information. Je pense que c'est une des grandes questions qui émergent maintenant en termes de débat politique, mais ça n'a pas été fait jusqu'ici. Donc, ça aurait été surprenant de voir sur quoi le législateur se baserait pour faire cette modification. Je pense que ça aurait été prématuré le faire dans la loi n° 122 qui répond à des choses qui ont émergées déjà, il y a quatre ou cinq ans.

M. Ouimet: Dans votre présentation, à la page 15, vous parlez des délais. Vous faites... des délais que subissent les citoyens ou d'autres organismes qui veulent avoir accès à de la documentation lorsqu'il y a contestation, par exemple, devant la Cour du Québec. Vous faites référence aux étapes qui allongent évidemment le délai d'attente préalable à la décision finale.

Au-delà de cette problématique-là au niveau de la Commission d'accès à l'information, on me rapporte que, souvent, les décisions prennent beaucoup de temps avant d'être rendues par la Commission, et il faut y voir probablement un problème de sous-financement de la Commission d'accès à l'information, entre autres, pas suffisamment de ressources. Vous l'avez d'ailleurs vous-même plaidé dans un document que vous avez rendu public il y a un certain nombre de mois ou il y a quelques semaines, à tout le moins.

Mais seriez-vous en accord, par exemple, que le législateur fixe un délai à l'intérieur duquel vous devez rendre vos décisions? Par exemple, pour les tribunaux judiciaires, je pense que le Code de procédure civile impose à la magistrature qu'une décision soit rendue à l'intérieur d'un délai de six mois. Est-ce qu'il serait envisageable, pour la Commission d'accès à l'information, que le gouvernement, le législateur puisse fixer dans la loi un délai, par exemple, de trois mois à l'intérieur duquel délai vous devriez rendre, comme Commission, vos décisions par rapport à des dossiers dont vous êtes saisis?

Le Président (M. Simard, Montmorency): Madame.

Mme Stoddart (Jennifer): Je serais d'accord à la condition que tous les prérequis pour rendre les décisions dans les délais de trois mois soient là. Actuellement, ces prérequis ne sont pas là. Il y a des problèmes de procédure extrêmement graves, dont j'ai parlé dans la présentation aujourd'hui, qui sont abordés plus longuement dans le mémoire.

Deuxièmement, je ne considère pas actuellement que la Commission d'accès a l'infrastructure administrative nécessaire pour supporter un délai qui est un délai absolu de rendre des décisions. Vous avez fait mention à la demande de... enfin, aux problèmes de ressources. M. le ministre vous en a fait part lors de l'étude des crédits qu'on est en demande de ressources pour soutenir... beaucoup de ces ressources-là vont pour soutenir la fonction d'adjudication.

Quant aux délais, la Commission a déjà fait plusieurs pas pour réduire les délais, au cours de la dernière année. Donc, je pense que vous pourrez lire une explication là-dessus dans le plan stratégique, dans la déclaration de services aux citoyens, pour réduire les délais, sans qu'on ait besoin de légiférer là-dessus.

M. Ouimet: Et dernière question concernant les rapports annuels: Est-ce que vous comptez, peut-être dans le prochain rapport annuel, nous donner un état de la situation en ce qui concerne l'accès à l'information, d'y consacrer des efforts et des ressources pour voir dans quel état on se retrouve au Québec?

Mme Stoddart (Jennifer): Ça serait pas dans le prochain rapport annuel mais ça serait pas dans le rapport quinquennal. Parce qu'on doit mener deux de front; on doit faire un rapport annuel, tous les 12 mois, qui sont sur les activités de l'année de la Commission. Et on fait un effort particulier, là, tous les cinq ans, dans le rapport quinquennal. Donc, ça serait plutôt dans le rapport quinquennal qu'on va faire ce bilan.

M. Ouimet: Et, si le rapport quinquennal devient l'assise pour d'éventuelles modifications législatives, ça risque de nous reporter beaucoup plus loin, là, au niveau d'un accent sur la transparence et l'accès aux documents.

Mme Stoddart (Jennifer): Effectivement...

M. Ouimet: Si on veut amorcer un virage soit dans l'architecture de la loi ou dans une limitation de ses restrictions, qui sont invoquées assez librement par les organismes, ça va prendre un coup de barre important pour changer les mentalités, changer la culture.

Mme Stoddart (Jennifer): Oui. Oui...

M. Ouimet: Si on doit attendre, on n'est pas à la veille de corriger une situation, où à mon point de vue en tous les cas, le secret semble vouloir prédominer. On peut toujours donner accès à de la documentation mais de la documentation qui est moins pertinente par rapport à des questions d'actualité comme nous avons vécues récemment et que nous continuons de vivre dans le dossier des fusions forcées. Je veux dire, ça ne permet pas aux citoyens d'avoir un point de vue éclairé lorsqu'il n'a pas les informations dont dispose le gouvernement.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Mme la présidente.

Mme Stoddart (Jennifer): Oui, effectivement, c'est une perspective qui est plutôt lointaine que proche si on dit que notre rapport quinquennal ne serait pas remis avant le mois d'octobre 2002. Ensuite, je pense que c'est d'habitude plusieurs mois après ça que la commission parlementaire est convoquée pour l'étudier. Donc, ça nous ramène au printemps 2002. Tout changement législatif qui pourrait suivre, si nos recommandations, quelles qu'elles soient, sont retenues par le législateur, irait encore plus loin. Donc, effectivement, c'est dans quelques années.

M. Ouimet: Merci.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Merci beaucoup. M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Bergman: Merci, M. le Président. Mme Stoddart, merci pour votre présentation. Dans la section Accès aux décisions du Conseil exécutif et Conseil du trésor et la section pour... la transparence de l'État, vous mentionnez que le citoyen doit avoir accès aux décisions du Conseil exécutif et celles du Conseil du trésor. Et vous mentionnez que le projet de loi donne accès, après un terme de 25 ans, et dans votre présentation de juin 2000, vous avez mentionné 20 ans.

Mais, est-ce que, ça, c'est l'accès que vous dites que c'est nécessaire? Est-ce que... Après 20 ans, c'est vraiment pas une question de transparence, c'est pour avoir la communication d'un document, d'une décision de l'Exécutif après une période de 20 ans. Est-ce qu'il y a une confusion? Est-ce que je vous comprends bien quand vous parlez de transparence de l'État et accès aux décisions du Conseil exécutif seulement après une période de 20 à 25 ans? Est-ce que, ça, c'est l'accès auquel vous faites référence?

Le Président (M. Simard, Montmorency): Merci, M. le député. Madame.

Mme Stoddart (Jennifer): Oui. Notre recommandation était faite dans la perspective, où actuellement, il n'y a pas accès, hein? Et ça découle toujours un peu... un peu déphasé. Ici, aujourd'hui, ça découle d'un rapport qui était soumis il y a quatre ans, donc, qui est écrit il y a cinq ans, et nos positions sont toujours basées sur ce rapport-là.

Alors, par rapport à l'accès qui n'existe pas et l'accès après une période de 20 ou 25 ans, nous, on avait dit, dans notre rapport quinquennal, 20 ans. Aujourd'hui, c'est proposé 25 ans, mais c'est une nette amélioration sur l'accès qui n'existe pas. Cependant, quand on parle de modèles qu'on va explorer, qu'on commence déjà à explorer pour le prochain rapport quinquennal, c'est sûr qu'ils sont très, très différents de ce modèle-là, où on donne l'accès une génération après, quoi.

M. Bergman: Dans votre rapport d'aujourd'hui, vous n'avez pas...

Le Président (M. Simard, Montmorency): Brièvement, M. le député. Très, très brièvement, il reste à peine 10 secondes.

n(15 h 50)n

M. Bergman: Vous avez pas mentionné les modifications au Code des professions. Vous avez fait référence à ces modifications dans votre rapport de juin 2000. Et est-ce que vous êtes encore du même avis que le projet de loi tranche cette question en faveur d'un régime hybride dans une bonne manière pour les ordres professionnels?

Mme Stoddart (Jennifer): Il nous semble que c'est une façon, je veux dire, acceptable et pratique d'aborder la question d'assujettir les ordres professionnels, lesquels ne sont pas assujettis actuellement aux lois d'accès, simplement au Code civil, et c'est un trou un peu remarquable. Ça nous semblait, après ce qu'on a compris des discussions qui ont eu lieu avec les ordres professionnels, une approche qui était... qui rejoignait les buts que d'assujettir ces ordres-là à la loi.

M. Bergman: Très bien.

Mme Stoddart (Jennifer): Cependant, on a dit, on avait une préférence pour enfin tout mettre dans la Loi d'accès sur le secteur public. Mais, enfin, on rejoint les mêmes buts.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Très bien. Alors, merci beaucoup Mme Stoddart, présidente de la Commission d'accès à l'information. Merci également à M. Ouimet, à M. Morency, à Me Laurent et M. Parent.

Et je demanderais tout de suite à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse de se joindre parmi nous.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Simard, Montmorency): Alors, très chers amis, bienvenue parmi nous. Encore une fois, Mme Giroux, permettez-nous de vous offrir nos excuses pour le délai dont vous êtes la victime, en quelque sorte, et c'est bien malgré nous, sachez-le. Donc, on est très heureux de vous accueillir, et auriez-vous l'amabilité de nous présenter la personne qui vous accompagne?

Commission des droits de la personne
et des droits de la jeunesse (CDPDJ)

Mme Giroux (Céline): Il s'agit de Me Daniel Carpentier, qui est au service de la recherche, à la Commission.

Alors, merci, M. le Président, et bonjour, M. le ministre, Mme et MM. les députés, et soyez certains que, malgré cet inconvénient, la Commission est toujours contente de collaborer aux travaux de l'Assemblée nationale et des commissions parlementaires.

Alors, je vais, sans plus tarder, entrer directement dans le mémoire. Vous savez qu'en vertu de l'article 71 de la Charte des droits et libertés de la personne la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse doit assurer la promotion et le respect des principes de la Charte par toute mesure appropriée, y compris l'examen des texte législatifs.

Or, parmi les principes de la Charte figurent le droit au respect de la vie privée, garanti par l'article 5, et le droit à l'information, reconnu par l'article 44. Sur la base de ces principes, la Commission vous présente ses commentaires sur le projet de loi n° 122. Ces commentaires s'inspirent largement de ceux que nous présentions à cette même commission en 1998, lors de la consultation générale sur le projet de loi n° 451, et font suite à ceux que nous présentions à l'occasion de l'examen du rapport quinquennal sur la mise en oeuvre des deux lois pertinentes et aux interventions, bien sûr, passées de la Commission dans ce domaine.

La Commission désire souligner sa satisfaction face à l'orientation générale du projet de loi. De nombreuses modifications législatives proposées sont de nature à favoriser la reconnaissance et la mise en oeuvre du droit au respect de la vie privée et du droit à l'information.

Ce projet de loi est le deuxième qui fait écho à l'important travail de réflexion de la commission de la culture suite aux consultations publiques sur le rapport quinquennal de la Commission d'accès à l'information. Dans le présent mémoire, la Commission désire revenir sur quatre aspect sur lesquels elle a déjà formulé des observations: d'abord, l'assujettissement aux lois; deuxièmement, le délai de rétention ou de confidentialité; troisièmement, l'exercice par les personnes handicapées des droits qui leur sont reconnus, et dernièrement, la protection des renseignements personnels.

J'aborde le premier sujet, l'assujettissement aux lois. Dans son mémoire sur le projet de loi n° 451, la Commission rappelait que l'assujettissement à la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et la protection des renseignements personnels et à la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé échappait à un nombre croissant d'organismes en raison de l'interprétation judiciaire, à notre avis, trop restrictive de ces textes de nature quasi constitutionnelle. Le projet de loi corrige ce problème en proposant certaines mesures.

L'article 5 de la Loi sur l'accès serait modifié pour mieux assujettir les organismes du secteur municipal. La Commission appuie, bien sur, cette proposition qui clarifiera le domaine d'application de la Loi sur l'accès dans ce domaine.

Quant aux ordres professionnels, le projet de loi prévoit plusieurs mesures qui auront, d'une part, l'avantage de mettre un terme au débat juridique et judiciaire sur l'assujettissement des ordres professionnels à l'une ou l'autre loi ainsi qu'à l'incertitude qui en découlait mais qui risque, d'autre part, de créer de nouvelles ambiguïtés en créant un système hybride d'assujettissement aux deux lois et en exportant les principes applicables dans le Code des professions.

Ainsi, la Loi sur l'accès s'appliquerait aux documents détenus par un ordre professionnel dans la mesure prévue par le Code des professions. Une nouvelle section V.I est ajoutée au chapitre IV de ce Code. On y prévoit, à l'article 108.1, que la Loi sur l'accès s'applique aux documents détenus par un ordre professionnel dans le cas du contrôle de l'exercice de la profession comme à ceux détenus par un organisme public, à l'exception de plusieurs articles dont les articles 8, 28, 29, 32, 37 à 39, 57, 76, 77 et 86.1. Les articles 108.3 à 108.10 du Code des professions reproduisent, en les adaptant, les dispositions de la Loi sur l'accès qui ne s'appliquent pas aux ordres professionnels. Et l'article 108.2 assujettit les ordres professionnels aux dispositions de la Loi sur le secteur privé quant aux autres renseignements personnels détenus par ceux-ci.

Les modifications proposées règlent, bien sûr, la question de l'assujettissement des ordres professionnels aux Lois sur l'accès et la protection des renseignements personnels et les règles particulières proposées dans les modifications au Code des professions nous semblent respectueuses des principes contenus dans la Loi d'accès. Toutefois, la Commission s'inquiète du précédent qui serait créé en établissant un régime particulier d'accès et de protection des renseignements personnels en dehors de la Loi sur l'accès. Faut-il rappeler que cette loi a un statut quasi constitutionnel, puisqu'elle prévaut sur toutes les lois postérieures? Qu'en sera-t-il, à cet égard, des dispositions contenues au Code des professions qui, bien que similaire à celles de la Loi sur l'accès, ne sont pas prépondérantes? La Commission partage les interrogations de la Commission d'accès à l'information sur le possible effet de dilution de la Loi sur l'accès, par une telle approche sectorielle. La Commission aurait certainement préféré que, le cas échéant, des dispositions spécifiques eussent été introduites dans la Loi d'accès.

De plus, la Commission réitère les commentaires formulés dans son mémoire sur le projet de loi n° 451 quant à l'absence d'une disposition visant à régler le problème que pose le renvoi, dans la Loi sur le secteur privé, au mot «entreprise», tel que défini à l'article 1525 du Code civil du Québec. La notion de secteur privé devrait couvrir tout ce qui n'est pas visé par la Loi sur l'accès. En ce sens, la Loi sur le secteur privé pourrait prévoir que celle-ci s'applique aux activités non visées par la Loi sur l'accès, sous réserve évidemment d'exceptions possibles.

Notre deuxième point concerne les délais de rétention ou de confidentialité. On se rappellera que la Commission recommandait dans son mémoire à la commission de la culture, dans le cadre de l'examen du rapport sur la mise en oeuvre des Lois sur l'accès à l'information et la protection des renseignements personnels, la réduction des délais de rétention prévus à l'égard de certains documents publics, de même que la limitation de la période de confidentialité accordée à certains décrets ou aux décisions du Conseil exécutif.

n(16 heures)n

Sur le deuxième point, la Commission note avec satisfaction l'imposition d'une limite de 25 ans à la confidentialité des décrets et décisions concernés. Cette limite corrigera l'anomalie de la situation actuelle où l'absence de limite temporelle à la confidentialité équivaut à soustraire ces décrets et décisions au regard de l'histoire.

Sur le premier point, la Commission constate que les délais de rétention actuels sont maintenus. D'autres juridictions ayant maintenu des délais plus courts, la Commission réitère qu'elle est favorable à une réduction du délai, mesure qui irait dans le sens du droit à l'information reconnu par la Charte.

Notre troisième point a trait aux personnes handicapées. La Commission se réjouissait que le projet de loi n° 451 prévoyait la mise en place d'un cadre réglementaire qui aurait facilité l'exercice du droit d'accès et de rectification aux personnes handicapées. Elle déplorait cependant l'absence de toute disposition de cette nature visant le secteur privé.

La Commission constate que le projet de loi n° 122 prévoit, dans les deux lois, des mesures qui donnent à une personne handicapée le droit à un accès adapté aux renseignements personnels la concernant. Toutefois, la Commission note que ces mesures sont beaucoup plus restreintes que celles qui étaient prévues par le projet de loi n° 451 pour le secteur public. En effet, ces mesures adaptées ne sont prévues que pour l'accès et la rectification des renseignements personnels concernant une personne alors que le projet de loi n° 451 prévoyait également des mesures pour l'accès aux documents des organismes publics.

La Commission estime que des dispositions prévoyant des mesures adaptées pour permettre l'accès aux personnes handicapées aux documents des organismes publics devraient être présentes dans le projet de loi n° 122. Compte tenu des coûts que l'accès adapté pourrait représenter dans certains cas, des frais d'adaptation du document pourraient être exigés du requérant.

Maintenant, le dernier point: la protection des renseignements personnels. Un des points importants en matière de protection des renseignements personnels abordé à plusieurs reprises par la Commission est la diffusion à grande échelle de renseignements ayant un caractère public. Les technologies de l'information permettent dorénavant de diffuser facilement et largement de vastes fichiers constitués à des fins bien précises par l'État. Les risques d'un détournement de finalité sont donc bien présents.

La Commission doit déplorer que le projet de loi n° 122 ne comporte pas, comme le faisait le projet de loi n° 451, d'interdiction de permettre l'accès à ces renseignements autrement qu'à l'unité ni d'interdiction de communiquer un fichier contenant de tels renseignements, sauf si cela est nécessaire à l'application d'une loi. L'absence de limites dans la Loi sur l'accès sur la communication des renseignements personnels ayant un caractère public, conjuguée à la modification apportée à la Loi sur le secteur privé qui introduit l'article 18.2 autorisant une personne qui exploite une entreprise à communiquer, sans le consentement de la personne concernée, un renseignement ayant un caractère public, laisse entrevoir un développement rapide de la commercialisation des banques de données constituées de renseignements personnels ayant un caractère public.

La Commission est d'avis que le législateur devrait prévoir des dispositions similaires à celles que prévoyait le projet de loi n° 451 pour limiter la diffusion des renseignements ayant un caractère public, permettant ainsi d'empêcher la commercialisation de ces banques de données publiques.

Par ailleurs, au chapitre des échanges de renseignements personnels entre organismes publics, le projet de loi s'inscrit dans la perspective de la commission de la culture dont le rapport unanime recommande à juste titre un resserrement des normes applicables, dans le sens d'une plus grande protection de la vie privée. Le projet de loi propose notamment de préciser la forme et la qualité du consentement d'une personne à la communication ou à l'utilisation d'un renseignement personnel la concernant, et d'interdire d'utiliser un renseignement pour une fin non pertinente à celle pour laquelle il est requis. Il précise également le contenu d'une entente relative à la communication de renseignements personnels entre organismes publics et les éléments que la Commission d'accès à l'information peut considérer pour approuver ou non une entente.

Enfin, il prévoit la publication obligatoire dans la Gazette officielle comme préalable à toute approbation gouvernementale des ententes et demandes d'autorisation de couplage de fichiers sur lesquels la Commission d'accès a donné un avis défavorable. Dans le cas de la publication dans la Gazette officielle d'une entente sur laquelle la Commission d'accès a donné un avis défavorable, la Commission considère que le délai de 30 jours est très court. N'y aurait-il pas lieu, comme c'est le cas lors de la publication d'un projet de règlement, de prévoir un délai de 45 jours? Ce délai un peu plus long permettrait aux citoyens de prendre connaissance du projet et d'éventuellement faire parvenir leurs commentaires et suggestions au gouvernement.

De plus, la Commission souligne la présence dans le projet de loi n° 122 d'une nouvelle disposition de la Loi sur l'accès ? l'article 72.1 ? qui impose à un organisme public qui prend une décision résultant uniquement d'une comparaison d'un couplage ou d'un appariement de fichiers informatisés, l'obligation d'en informer la personne concernée.

La Commission exprime son appui aux modifications proposées, lesquelles répondent, pour l'heure, aux deux préoccupations qui sont les siennes soit la nécessité de rétablir un contrôle institutionnel a priori significatif sur les échanges de renseignements personnels entre les organismes publics et le besoin de permettre une évaluation sociale de l'impact et de la nécessité de ces échanges. Ces modifications, la Commission tient à le souligner ? oui ? ne dispensent en rien les organismes publics de l'obligation de s'interroger sur la nécessité objective de tout projet d'échange. Quel que soit l'encadrement législatif applicable, le recours au décloisonnement de l'administration publique en matière de protection des renseignements personnels doit demeurer une mesure d'exception, et le respect de la confidentialité des renseignements personnels le réflexe, bien sûr, de tout organisme public.

En conclusion, le projet de loi, nous en sommes convaincus, contribuera ainsi à mieux garantir le droit fondamental au respect de la vie privée et le droit à l'information reconnus par la Charte des droits et libertés de la personne, mais des lacunes demeurent, et nous les avons signalées; ça concerne, bien sûr, l'absence de dispositions sur le droit d'accès aux documents des organismes publics pour les personnes handicapées, et l'absence de limite pour l'accès aux renseignements personnels ayant un caractère public qui pavera assurément la voie à une large commercialisation des banques de données composées de ce type de renseignements.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Alors, Mme Giroux, merci beaucoup pour le respect du temps qui vous était imparti. M. le ministre, à vous la parole.

M. Facal: Merci beaucoup, M. le Président. Je vous souhaite la bienvenue, Mme Giroux, ainsi qu'à Me Carpentier. Je me joins au président pour déplorer le retard que vous nous avons fait subir pour des raisons bien indépendantes de notre volonté. Je vous remercie aussi pour votre contribution à nos travaux. Je le fais d'autant plus que je sais, Mme Giroux, à quel point vous tenez le fort de votre mieux en attendant des nominations que je souhaite aussi promptement que vous mais qui relèvent évidemment de l'Assemblée nationale et non simplement de l'Exécutif.

Vous dites, d'entrée de jeu, qu'une bonne partie de vos commentaires reprennent ceux que vous aviez déjà formulés à l'occasion de la présentation du projet de loi n° 451, autre preuve, s'il en est, de l'importance de procéder et de ne plus attendre. Je note aussi avec plaisir que, à quelques nuances près que nous allons toutes examiner l'une après l'autre, vous êtes généralement satisfaits du projet de loi n° 122. J'ai trouvé votre mémoire très intéressant, et je vous propose de prendre à tour de rôle, dans l'ordre auquel vous-même les avez amenés, les principaux points que vous soulevez.

Prenons d'abord la question de qui est assujetti aux lois et qui ne le sera pas. Vous êtes d'accord avec le principe général de l'assujettissement des ordres professionnels. Vous craignez cependant que l'on crée un régime particulier, dans leur cas, d'accès et de protection des renseignements personnels, en dehors du cadre habituel. Je prend bonne note de ce commentaire. Mais retenons simplement que le législateur a toujours agi avec parcimonie lorsqu'il fallait déroger au cadre général de la loi, et il y a lieu de croire que le législateur continuera à le faire, à l'avenir.

n(16 h 10)n

Comme vous le savez, la solution qui a été retenue dans le cas des ordres professionnels, c'est de les assujettir à un régime hybride, compte tenu du fait qu'un ordre professionnel a aussi une nature un peu hybride, puisque son volet protection de l'intérêt du public s'apparente au secteur public, et la nature associative et détermination des conditions d'exercice, par exemple, se rapprochent plutôt du secteur privé. Alors, il nous est apparu qu'un régime hybride était une façon de bien refléter la réalité de ce que sont les ordres professionnels.

À partir du moment où vous nous dites: Oui, nous sommes pour le principe général de leur assujettissement, qu'en même temps vous nous émettez une mise en garde comment vous réagissez au type d'encadrement particulier auquel nous suggérons de les assujettir? Cette proposition d'un régime hybride, vous êtes à l'aise avec ça ou pas? Et, sinon, comment les assujettir?

Mme Giroux (Céline): Bien, ce qu'on nous mentionne, c'est que, il y a un danger. Parce que, évidemment, la force d'une loi sectorielle n'est pas la même que celle de la loi prépondérante qui est ici, en l'occurrence, visée, et il peut y avoir un éparpillement de toutes ces dispositions-là. On crée deux systèmes parallèles, un système distinct où est-ce que...

C'est évident que, si on regarde certaines dispositions, elles n'ont pas tellement d'influence, elles n'auront pas tellement d'impact. Mais d'autres dispositions peuvent apparaître dans la loi et dans ces lois sectorielles et être beaucoup moins strictes, de sorte qu'on va arriver avec une différence de degré. D'autres peuvent être plus strictes que la Loi d'accès, mais il y a danger de glisser.

Alors, c'est pour ça que la Commission vous dit, vous suggère qu'il est préférable d'éviter de telles ambiguïtés et d'incorporer plutôt dans la loi constituante, la loi la plus importante, celle de la Loi sur l'accès.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Merci. M. le ministre.

M. Facal: Vous soulevez ensuite, à la page 5 de votre mémoire, la question des délais de rétention. Vous souhaitez que le temps qu'il faut attendre avant qu'un document ne soit rendu public soit raccourci. Comme vous le savez, ce que le projet de loi propose, c'est de rendre accessibles, après 25 ans, les décisions du Conseil exécutif et du Conseil du trésor, et de ramener de 150 à 100 ans tout ce qui a trait aux archives.

Par contre, dans votre mémoire, il n'est question, à la fin du premier paragraphe de la page 5, que des décisions du Conseil exécutif. Pourriez-vous être un petit peu plus précis? Vous nous dites que vous souhaitez qu'on réduise les délais de rétention de certains documents. Pouvez-vous préciser un peu lesquels? Je suis pas vraiment sûr d'avoir compris ce que vous souhaiteriez précisément en matière de raccourcissement des délais, les documents rendus publics par qui et lesquels?

(Consultation)

Mme Giroux (Céline): Oui, M. le Président...

Le Président (M. Simard, Montmorency): Votre collègue peut également, éventuellement, parler.

Mme Giroux (Céline): On se réfère aux articles 33 et 30 de la Loi d'accès où est-ce qu'il y a, disons, une description plus détaillée de ces documents, dont on parle. Alors, on parle de renseignements du Conseil exécutif, du Conseil du Trésor, d'un comité ministériel, d'un Comité exécutif d'un organisme municipal, etc. Et, aussi, si vous allez à l'article 30, c'est l'Exécutif. Donc, c'est à ces renseignements et documents dont on faisait référence, M. le ministre.

Le Président (M. Simard, Montmorency): M. le ministre.

M. Facal: Oui, poursuivons. Sur la question des personnes handicapées, vous souhaitez que la nouvelle loi prévoie des mesures adaptées pour permettre l'accès des personnes handicapées aux documents des organismes publics. Et puis, j'ai cru voir une phrase... Voilà, j'y suis: «Compte tenu des coûts que l'accès adapté pourrait représenter dans certains cas, des frais d'adaptation du document pourraient être exigés du requérant.» Ce n'est peut-être qu'un détail. Mais, le fait d'exiger des frais à des personnes handicapées, est-ce que ce n'est pas comme deux poids, deux mesures, créer un peu deux catégories de citoyens, les uns, parce qu'ils ont un handicap, se verraient charger des frais?

Prenez-le pas personnel. Mais, venant de la part d'un organisme comme le vôtre, ça m'a un petit peu étonné. À moins que j'aie vraiment mal compris, ce qui est possible. Ha, ha, ha!

Mme Giroux (Céline): Oui. M. le ministre. Je vois la phrase en question qui apparaît dans notre document. Nous ne le souhaitons pas du tout. Ce qu'on ne peut pas éviter, c'est que, on souhaite que ça ne puisse pas se produire, et voici comment ça pourrait ne pas se produire. Parce que, normalement, on doit appliquer la notion d'accommodement raisonnable, par rapport à la contrainte excessive. Et c'était, si vous voulez, dans cette mesure que nous émettions cette petite exception qui pourrait être corrigée, bien entendu, nous pensons, par presque tous les organismes visés.

Où il pourrait y avoir des difficultés, et c'est là qu'il faudrait peut-être prévoir une autre façon de compenser pour éviter que ça se produise, on parle de petites municipalités. Vous allez dire: Bien, ils ont toujours le pouvoir de taxation; ils ont toujours un certain revenu. Il peut y avoir aussi d'autres organismes qui sont visés, et que les coûts engendrés par cet accès puissent être difficilement assumables.

Donc, l'idée, c'est: Essayons, par toutes les mesures du possible, avec la règle que nous connaissons ? d'accommodement raisonnable ? de favoriser tout le monde. Et on craint que, parce que ce sont des handicapés, parce que ces accommodements et ces mesures peuvent être coûteuses dans bien des cas pour de petits organismes, c'est une charge additionnelle, et à ce moment-là, pensez-y, et voyez peut-être d'autres façons qui pourraient faire en sorte que ce ne soient pas ces requérants qui assument les frais. Peut-être que c'est mal exprimé, mais c'est ce qu'on a voulu dire.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Merci beaucoup, Mme Giroux. M. le député de Saint-Hyacinthe, à vous la parole.

M. Dion: Merci, M. le Président. Mme Giroux, monsieur, il s'agit... Nous travaillons dans un dossier qui est particulièrement délicat; évidemment, la question des droits à l'information et des droits de la personne, et je dois admettre dès le début que je ne suis pas un spécialiste de la chose.

Mais je vais quand même vous poser une question concernant ce que vous affirmez à la page 7, et sans doute ça vous permettra de nous expliquer un certain nombre d'informations. Vous parlez de la question de la divulgation de renseignements ayant un caractère public, et vous voulez voir limiter la diffusion des renseignements ayant un caractère public, de la même façon que ce qui est prévu à la loi n° 451. J'avoue que je ne connais pas exactement ce qu'il y a dans la loi n° 441, mais...

Une voix: ...

M. Dion: ...451, oui, vous avez raison. La première question que je me pose: Est-ce que c'est possible d'avoir des renseignements à caractère public qui ne soient pas accessibles au public? Et, la deuxième chose, je me dis: Si cela n'est pas possible, alors, si ces données-là sont accessibles au public d'une façon où de l'autre et difficiles à trouver, qu'est-ce qui empêcherait quelqu'un de les trouver? Et, puisqu'il met à la disposition du public un bien qui est une façon d'avoir accès à des informations qui sont publiques, pourquoi faudrait-il le restreindre? Et, si on le restreint au Québec, est-ce que ça empêcherait cela, qu'une compagnie située de l'autre côté de la frontière le fasse à notre profit et surtout au sien?

Alors, j'aimerais que vous nous donniez certaines explications au sujet de cette recommandation.

n(16 h 20)n

Le Président (M. Simard, Montmorency): Mme Giroux.

Mme Giroux (Céline): Ce qu'on mentionne... On peut peut-être donner un exemple, hein? J'imagine que, sans être des fins connaissants en la matière, il reste que des renseignements à caractère public, je parlerais peut-être, comme exemple, d'un rôle d'évaluation.

L'idée, c'était d'empêcher que quelqu'un ait accès, imaginez, à tout, à tout le rôle d'évaluation pour l'utiliser à des fins commerciales. C'est ce que nous disons. Nous disons: Si la personne, puisque c'est accessible effectivement ? les rôles d'évaluation sont accessibles ? vous ne pouvez pas en avoir une copie totale, et dévier, si vous voulez, la finalité du rôle d'évaluation pour l'utiliser à des fins commerciales. Et donnons accès à ces rôles d'évaluation, mais à l'unité, de sorte que vous les utilisez pour vos fins personnelles et non dans un autre but que pour lequel le législateur a voulu les rendre accessibles.

M. Dion: Mais, étant donné que ces documents-là, de toute façon, sont publics, qu'est-ce qui empêcherait à quelqu'un, juste de l'autre bord de la frontière, donc pas assujetti à nos lois, de faire ce travail-là, et de le rendre public et de le faire à son profit? En quoi cette disposition-là protège réellement les renseignements?

Mme Giroux (Céline): Alors, je vais demander à Me Carpentier de compléter la réponse que j'ai commencé à donner tout à l'heure.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Me Carpentier.

M. Carpentier (Daniel): Merci. Écoutez, si la loi interdisait la transmission du fichier complet de renseignements à caractère public, c'est pas parce que quelqu'un est à l'extérieur de nos frontières qu'il a plus le droit que ceux qui sont ici. Il a pas plus de raisons, ces gens-là n'ont pas plus de droits. Si ces renseignements, qui ont le caractère public, sont accessibles un à un, ils seront accessibles un à un et pour n'importe qui, bien sûr.

Il y a peut-être d'autres dispositions qu'il faudrait prévoir. Sauf que, pour empêcher la commercialisation de tels fichiers ayant un caractère public, ce qu'on dit ici, c'est dans l'analyse du projet de loi n° 122. On remarque qu'il y avait un projet de loi précédent qui était dans le même cadre, le même exercice de la révision quinquennale où on avait, dans un premier temps, prévu, afin de mettre un frein à la commercialisation de ces banques de données, qu'elles étaient accessibles...

Le Président (M. Simard, Montmorency): Bien.

M. Carpentier (Daniel): ...à l'unité.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Bien.

M. Carpentier (Daniel): Et donc, c'est dans ce sens-là qu'on reprend cette...

Le Président (M. Simard, Montmorency): Merci, Me Carpentier.

M. Carpentier (Daniel): ...recommandation.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Merci beaucoup. Alors, M. le porte-parole de l'opposition officielle.

M. Ouimet: Merci. Bienvenue, Mme Giroux et Me Carpentier. Plusieurs groupes et organismes dans leur mémoire ? et on va les entendre au cours des prochains jours ? ont souligné, de façon importante dans certains cas, la problématique de l'absence de transparence par le gouvernement et les différents... les différents organismes, même si le droit à l'information est reconnu à l'article 44 de la Charte des droits et libertés de la personne.

Ils nous indiquent également à quel point il peut être difficile pour un citoyen d'exercer ce droit-là à cause de délais auxquels ils doivent faire face, à cause de restrictions qui sont invoquées par l'organisme ou le gouvernement, ce qui fait en sorte que leur droit est souvent nié, et qu'ils doivent se battre. aller devant la Commission d'accès à l'information, interjeter appel, parfois, devant la Cour du Québec. Et, donc, c'est pas une mince tâche que d'obtenir de l'information lorsqu'on veut de l'information pour bien se renseigner sur différents débats d'actualité.

Moi, je me demandais: Est-ce que vous faites une distinction entre le respect de la vie privée, qu'on retrouve à l'article 5 de la Charte, et le droit à l'information qu'on retrouve à l'article 44 de la Charte? Parce que, à l'article 5, on retrouve le respect du droit à la vie privée sous le vocable de Libertés et des droits fondamentaux, alors que le droit à l'information vient beaucoup plus tard au niveau de la Charte, et c'est sous le vocable de Droits économiques et sociaux. Ça semble pas avoir le même caractère de droit fondamental et de liberté essentielle ou de liberté fondamentale du citoyen d'avoir un droit à l'information. Est-ce que vous y voyez là une distinction?

Parce que, certains groupes, entre autres, ont indiqué que la Commission d'accès à l'information ne semble pas se préoccuper autant de la question du droit à l'information que du droit au respect à la vie privée, et je me demandais si vous partagiez cette analyse, et si pour vous, il y a une nuance. Parce que, à l'article 44, on définit le droit à l'information dans la mesure prévue par la loi, et si la loi vient édulcorer le droit à l'information, ça fait en sorte que ce droit-là perd sa qualité, perd sa notion de liberté fondamentale, de droit fondamental.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Mme Giroux.

Mme Giroux (Céline): M. le Président, c'est pour cette raison que les personnes qui sont défavorisées aux points de vue économique et social doivent avoir des facilités précises intégrées dans la loi pour pouvoir exercer ce recours que, normalement, la plupart des citoyens peuvent faire parce qu'ils ont les moyens.

On dit: Toute personne a droit à l'information, dans la mesure, comme vous dites, prévue par la loi, ce qui est inscrit à l'article 44, et il faut... C'est des instruments internationaux dont on dispose, qui sont très catégoriques là-dessus, et qui doivent nous, je dirais, nous inspirer pour que, dans nos lois, nous favorisions l'exercice de ces recours-là y donnant accès. Et, ce ne sont pas deux droits incompatibles, ce sont deux droits qui doivent être exercés, et on doit en faciliter justement l'exercice pour ces personnes défavorisées.

M. Ouimet: Est-ce que votre Commission a mené des enquêtes ou a fait des vérifications sur l'état de l'accès à l'information au Québec? Je sais par ailleurs que votre droit de mener des enquêtes est présentement contesté par le gouvernement du Québec devant les tribunaux, même si des tribunaux inférieurs ont donné raison à la Commission des droits de la personne, à sa capacité de représenter, de mener des enquêtes, et lorsque le besoin s'en fait sentir, de se prévaloir de ses prérogatives dans la loi pour contester des décisions gouvernementales.

Mais est-ce que votre loi, qui encadre la Commission, vous permettrait de mener des enquêtes, à savoir est-ce qu'il y a abus ou est-ce qu'il y a difficulté d'application du droit à l'information, au Québec? C'est un mandat que la Commission d'accès à l'information a choisi pour l'instant de ne pas exercer. Mais je me demandais si, comme Commission des droits de la personne, vous seriez habilités à le faire.

Mme Giroux (Céline): Pour répondre à votre question, d'abord, vous avez fait une allusion aux procédures qui sont présentement en cour ? c'est rendu à la Cour d'appel ? cette position de la Commission sur le droit d'attaquer, si vous voulez, une mesure qui est dans une disposition de la loi qui enfreint, si vous voulez, des règles de la Charte.

Effectivement, les tribunaux se penchent là-dessus. Au niveau des tribunaux inférieurs, la Commission a actuellement gain de cause, et nous nous sommes retrouvés en Cour d'appel, et nous allons... Je crois que c'est fixé déjà pour quatre jours d'audition sur ce point précis du pouvoir de la Commission de contester une disposition jugée... pouvant être considérée comme inconstitutionnelle.

Alors, pour ce qui est du pouvoir d'enquête de la Commission en matière de vérifier, voir si les personnes ont accès à l'information, c'est pas dans le mandat actuel de la Commission. Le mandat actuel de la Commission, c'est de faire des enquêtes en matière de discrimination, sur, bien sûr, l'article 10, et en rapport avec les droits fondamentaux qui sont inscrits dans la Charte. Alors, spécifiquement, il faut qu'il y ait un lien entre les droits fondamentaux et un élément de discrimination apparaissant à l'article 10.

Alors, votre question, j'y répondrais par: Non, à cause du fait que, si c'est simplement là-dessus, et qu'il n'y a pas, si vous voulez, de lien avec l'article 10 de la Charte, nous n'avons pas juridiction.

n(16 h 30)n

M. Ouimet: Très bien.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Merci beaucoup. Alors, Mme la députée de La Pinière me demande le droit de parole. Je voudrais bien vous le donner, mais avant je dois m'enquérir du consentement de l'ensemble des membres de cette commission. Consentement étant obtenu, Mme la députée, à vous la parole.

Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, M. le Président. Mme Giroux, Me Carpentier, je voudrais vous saluer et, à travers vous, je voudrais saluer tous les membres de la Commission, le personnel qui travaille très, très fort. J'ai l'occasion de travailler avec un certain nombre d'entre eux, alors je voudrais, à travers vous, les saluer et leur dire que j'ai toujours beaucoup, beaucoup, beaucoup de considération pour le travail qui se fait dans cette Commission. Je regrette que le gouvernement ait coupé beaucoup dans le budget de la Commission, ce qui est un peu difficile encore pour les artisans de cette institution très importante pour nous.

Dans votre mémoire, vous avez abordé des préoccupations qui touchent les technologies de l'information. Je vois que c'est quelque chose qui vous préoccupe, surtout au chapitre de la protection des renseignements personnels. Dans le rapport quinquennal de la Commission d'accès à l'information qui a été déposé à la commission en 1997, il a été clairement recommandé que les organismes gouvernementaux et publics, avant d'utiliser l'autoroute de l'information ou des projets qui impliquent la technologie de l'information, devaient d'abord et avant tout demander un avis à la Commission d'accès à l'information. Malheureusement, le gouvernement, qui doit donner l'exemple, n'a pas respecté cette disposition, unanime d'ailleurs, de la Commission.

Je vous donnerais un seul exemple, celui du courrier.qc.ca qui est un projet lancé en grande pompe par le gouvernement en mai 1999, donc après ce consensus qui s'est dégagé de la Commission. Et, à ce moment-là, le ministre responsable disait: Ce qu'on peut dire aux Québécois, c'est: Venez naviguer, branchez-vous; l'assurance qu'on peut vous donner, c'est que ce branchement va se faire dans le respect de nos valeurs sociétales, renseignements privés, pas de publicité, des serveurs situés sur le territoire du Québec, donc sous les lois-parapluies du gouvernement du Québec; ce qui est en place pour la sécurité du site et des transactions est ce qui est fait de mieux dans le monde. Il disait ça au mois de mai 1999.

Six mois après, après avoir dépensé de l'argent des contribuables, la Commission d'accès à l'information a rendu son avis. Et que disait la Commission? La Commission, elle disait ceci: «Ce projet est nébuleux quant à la collecte des renseignements personnels, leur détention et leur échange avec des tiers. Les responsabilités ne sont pas clairement partagées entre les nombreux participants au projet, une quarantaine d'entreprises, d'organismes gouvernementaux et de groupes communautaires.» Donc, le branchement le mieux... qui était fait le mieux au monde a été débranché du fait que le gouvernement a été rappelé à l'ordre par la Commission.

Dans votre mémoire, à la page 7, vous parlez justement des échanges de renseignements personnels entre organismes publics. Mais il y a une pratique de plus en plus courante actuellement au gouvernement qui consiste à faire appel à des consultants externes et qui consiste même à transférer des renseignements personnels dans les entreprises privées, et je voudrais savoir si ça vous préoccupe, si vous avez fait une réflexion là-dessus. Qu'est-ce que ça vous suggère comme réponse de voir que le gouvernement, qui est détenteur de renseignements personnels et confidentiels, puisse les céder en gestion à des entreprises privées?

Mme Giroux (Céline): Alors, je pense, madame, si vous regardez à la page 8, la préoccupation de la Commission, exactement sur le point dont vous parlez, elle est bien signalée. Quand on dit que nos préoccupations sont au nombre de deux, d'abord la nécessité de rétablir un contrôle institutionnel a priori significatif sur les échanges de renseignements personnels entre les organismes publics, et bien sûr le besoin de permettre une évaluation sociale de l'impact et de la nécessité de ces échanges. Alors, je pense que vos préoccupations sont celles que la Commission a, et elle le signale dans son mémoire.

Mme Houda-Pepin: Est-ce que, à la Commission, vous avez des ressources, des personnes-ressources, des personnes compétentes, spécialisées pour analyser, entre autres, toute la problématique de la protection des renseignements personnels et confidentiels à la lumière de tout ce nouveau secteur qui se développe, des banques de données, des réseaux, de la capacité de transférer des informations par un clic? Toute cette dynamique-là, est-ce que ça vous préoccupe? Est-ce que vous avez des ressources, à la Commission, pour traiter de cette question en particulier?

Mme Giroux (Céline): C'est clair, madame, que nous n'avons pas les ressources pour nous mettre à étudier tout ce qui pourrait ou devrait être étudié. Actuellement, déjà, nous sommes en demande de crédits supplémentaires. Et vous savez que nous avons un nouveau mandat avec la Loi d'accès à l'égalité. Nous avons de la promotion à faire dans plusieurs secteurs et quelques agents d'information. Nous sommes limités au niveau des enquêtes. Alors, c'est clair qu'il faudrait des ressources additionnelles pour arriver à atteindre ces objectifs.

Mme Houda-Pepin: D'accord. Merci beaucoup, madame.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Merci beaucoup, Mme la députée de La Pinière. M. le député de D'Arcy-McGee, non?

(Consultation)

M. Ouimet: Excusez, là. Au niveau de la question des dépenses, on faisait une recommandation tantôt. Lorsque la Commission d'accès à l'information rend une décision favorable au citoyen et que l'organisme public décide d'interjeter appel, seriez-vous favorable à ce que le législateur puisse inscrire, dans la loi, le fait que l'organisme serait condamné aux dépens et aux frais judiciaires et extrajudiciaires afin de favoriser l'exercice du droit à l'information? Parce que, si le citoyen gagne devant la Commission d'accès à l'information puis que, par la suite, l'organisme décide d'aller devant la Cour du Québec pour contester, le citoyen doit encourir des frais ou abandonner, abandonner son droit, son recours. Alors, c'est une recommandation qui a été faite, entre autres, par la Commission d'accès à l'information. Avez-vous une opinion là-dessus?

Mme Giroux (Céline): J'ai entendu ce matin, dans le mémoire qui était présenté, et en partie cet après-midi, dans le mémoire présenté par la Commission d'accès à l'information... Nous n'avons pas pris de position. L'assemblée des commissaires de la Commission n'a pas pris de position sur cet élément-là, mais c'est une avenue intéressante. Ça pourrait être...

M. Ouimet: Une dernière question peut-être. Un article obscur de la Loi sur l'accès qui n'est pas modifié par le projet de loi n° 122 mais qui permet au gouvernement... Je vais vous lire l'article: «Le gouvernement peut, lorsqu'il le juge nécessaire dans l'intérêt public, ordonner par décret à un organisme public de surseoir, pour la période qu'il ? le gouvernement ? indique, à l'exécution d'une décision de la Commission ayant pour effet d'ordonner de communiquer un document ou un renseignement.»

En d'autres termes, le gouvernement a le pouvoir de surseoir à une décision de la Commission d'accès à l'information lorsque la Commission d'accès, par exemple, juge et détermine que le citoyen devrait avoir accès à l'information. Le Conseil des ministres pourrait par décret, par exemple, décider de ne pas suivre la décision de la Commission d'accès à l'information et même d'empêcher le citoyen d'aller devant la Cour du Québec.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Très rapidement, je vous prie, Mme Giroux.

Mme Giroux (Céline): Alors, comme c'est une question très technique, Me Carpentier a la loi à la disposition devant lui, je vais lui demander de répondre.

M. Carpentier (Daniel): C'est une disposition obscure, effectivement. Je ne sais pas si ça a déjà été utilisé. Je pense que la Commission qui nous a précédés serait la meilleure commission pour répondre à cette question.

M. Ouimet: Mais on pourrait l'abroger en d'autres termes. On pourrait l'abroger.

M. Carpentier (Daniel): Écoutez, c'est une question...

Le Président (M. Simard, Montmorency): Notre temps est révolu, malheureusement. Mme Giroux, Me Carpentier, merci beaucoup de votre présence parmi nous, cet après-midi, et bon retour.

n(16 h 40)n

Alors, j'appelle d'ores et déjà à se joindre à nous les représentants de la Confédération des syndicats nationaux.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Simard, Montmorency): M. Valois, soyez le bienvenu. Auriez-vous l'obligeance de nous présenter les personnes qui vous accompagnent?

Confédération des syndicats nationaux (CSN)

M. Valois (Roger): Oui, je suis accompagné aujourd'hui, pour la présentation du mémoire, de Me Anne Pineau, qui est au Service juridique de la CSN, ainsi que de Me François Lamoureux, qui est le coordonnateur du Service juridique de la CSN.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Nous vous écoutons, monsieur. Et vous avez donc 15 minutes.

M. Valois (Roger): La CSN est heureuse de l'occasion qui lui est fournie de faire part de ses commentaires à l'égard du projet de loi n° 122. L'intérêt de la CSN pour la protection des renseignements personnels et l'accès à l'information ne date pas d'hier. La CSN a soumis ses observations lors de chaque révision quinquennale de la Loi d'accès de même qu'à l'occasion de la consultation sur les cartes d'identité. Nous avons prôné l'adoption de la loi n° 68 sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. En 1997, nous avons soumis un mémoire suite au rapport quinquennal de la Commission d'accès à l'information: Vie privée et transparence administrative au tournant du siècle. De même, en 1998, nous avons participé à la consultation menée sur le projet de loi n° 451.

Par ailleurs, en 1999, nous avons soumis au comité parlementaire de la Chambre des communes notre position sur le projet de loi n° C-54 devenu le Bill C-6. Nous demandions que le Québec soit exclu de l'application de cette loi fédérale, vu la nette supériorité des lois québécoises en la matière et le danger de confusion qu'apporterait l'application simultanée des deux régimes de protection des renseignements.

Ceci dit, et pour toutes supérieures qu'elles soient à la loi fédérale, les lois québécoises de protection ne sont pas pour autant parfaites et plusieurs modifications se doivent d'y être apportées, selon nous. Or, le projet de loi n° 122 n'est pas satisfaisant à cet égard. Il ignore bon nombre de nos demandes formulées dans les mémoires de 1997 et 1998. Nous reprenons donc ces demandes au présent mémoire, espérant pouvoir être entendus, sinon être écoutés.

Par ailleurs, nous traiterons aussi d'un sujet qui nous tient à coeur et que n'aborde pas la loi n° 122: la filature des employés. Il s'agit là d'un problème contre lequel nous avons entrepris une croisade depuis quelques années et qui se situe très certainement au coeur de la protection de la vie privée des citoyennes et citoyens du Québec. Nous estimons qu'un tel problème ne peut être ignoré par le législateur dans le cadre de la révision de lois sur la protection des renseignements personnels. Les organismes publics assujettis à la Loi d'accès. Donc, les organismes gouvernementaux. Nous saluons le fait que les centres locaux et régionaux de développement aient été assujettis à la loi. Il nous apparaît en effet qu'il s'agit d'un... ? en tout cas, ça, là ? rendu nécessaire vu les décisions de la Cour du Québec à ce sujet. Il nous apparaît toutefois inconcevable qu'on laisse à découvert des filiales de sociétés de la couronne. Rappelons que, suite à des interprétations malheureuses de la Cour du Québec et de la Cour supérieure, des organismes tels Nouveler (filiale à 100 % d'Hydro-Québec) et la Société des casinos (filiale de Loto-Québec) ne seraient pas soumis aux règles de transparence administrative.

Ces organismes, propriété de la population québécoise ? par sociétés de la couronne interposées ? échapperaient à tout contrôle en matière d'accès à l'information. Nous réitérons que cela est inacceptable. On a trop vu, encore récemment dans le cas d'Hydro-Québec, toute l'importance qu'il y a à ce que de tels organismes rendent compte de leur gestion et de leur administration. Le silence du projet de loi à cet égard laisse songeur.

Les organismes municipaux. La modification apportée à l'article 5 paraît intéressante. Nous regrettons malgré tout le texte antérieur assujettissant tout organisme «relevant autrement de l'autorité municipale» et qui, interprété correctement, aurait couvert une gamme encore plus grande d'organismes municipaux.

Organismes scolaires. Dans son rapport quinquennal, la Commission faisait état de la décision de la Cour du Québec, dans Collège Français, selon laquelle il faudrait distinguer les corporations des établissements qu'elles gèrent. Ainsi, les corporations seraient exclues de l'article 6 de la loi, ne laissant au regard scrutateur du public ? qui subventionne ces corporations ? que les écoles ou établissements.

Comme le note à ce propos la Commission dans son rapport quinquennal, et je cite: «Dans la mesure où la corporation qui gère un établissement visé à l'article 6 est la seule à détenir les renseignements qui concernent la gestion de cet établissement, il faut conclure qu'il n'existe plus de droit d'accès à l'information.» En conséquence, la Commission proposait des amendements à l'article 6. Nous souscrivons entièrement à l'opinion de la Commission et nous nous étonnons que le projet de loi soit muet sur cette position.

Établissements de santé. Depuis 1997, nous faisons état du cas de la Buanderie centrale, organisme assumant le service de buanderie pour le réseau des établissements de santé au Québec. Le non-assujettissement à la Loi d'accès à l'information fut décrété en 1996 par la Commission. Pourtant, Buanderie centrale bénéficie d'une exemption de taxes municipales à titre d'établissement de santé. Cet organisme est en outre assimilé à un établissement aux fins de négociations des conditions de travail. Nous ne voyons aucunement pourquoi un tel organisme échapperait à la transparence administrative. Je vais sauter quelques pages pour aller directement à la page 8.

Les motifs de refus de l'article 50. L'article 50 de la Loi d'accès, ou son équivalent à l'article 34 de la loi privée, oblige l'organisme ou l'entreprise à fournir les motifs d'un refus d'accès. Or, c'est avec stupeur et consternation que nous avons pris connaissance d'un récent jugement de la Cour du Québec écartant 15 ans de jurisprudence de la Commission et décrétant que le défaut de motiver n'est pas fatal et que les responsables pourraient toujours invoquer, même à l'audition, de nouveaux motifs de refus.

Cette décision, qui a pour effet d'enlever tout sens à l'obligation de motivation prévue à la loi, est incompréhensible. Il est inacceptable qu'un organisme ou une entreprise puisse faire valoir des motifs additionnels à son refus initial. Le citoyen ou la citoyenne qui conteste un refus d'accès ou de rectification est en droit de savoir, dès le départ, pourquoi on lui oppose un refus de sorte à pouvoir évaluer correctement ses chances et le bien-fondé d'une contestation. Nous réclamons donc du législateur qu'il répare cette brèche fondamentale à la loi. Par ailleurs, nous approuvons qu'on édicte un délai fixe de 30 jours pour répondre à une demande.

Renseignements à caractère public (l'article 57). Dans son rapport quinquennal, la Commission alertait le ministre contre une décision malheureuse voulant que l'article 57 ne s'appliquerait qu'aux personnes physiques. La Commission soulignait, et je cite: «Finalement, en janvier 1996, la Cour du Québec a mis un terme à cette incertitude. Seules les conditions d'un contrat de service conclu entre un organisme public et une personne physique ont un caractère public, au sens de l'article 57. Cette conclusion de la Cour repose sur le constat suivant: l'article 57 figure au chapitre de la loi qui est consacré aux renseignements personnels. Or, la notion de renseignements personnels réfère à des données individuelles ou personnelles qui ne peuvent concerner qu'une personne physique.»

Et la Commission continuait: «Selon la Commission, les renseignements concernant une personne, qu'elle soit physique ou morale, partie à un contrat de service et les conditions du contrat devraient avoir un caractère public. Peu importe le statut de cette personne, il ne devrait pas être possible de soulever les restrictions énoncées aux articles 23 et 24 de la Loi sur l'accès.» Nous souscrivons entièrement à ces propos. Comment en effet peut-on honnêtement soutenir qu'il soit légitime de tenir secrets les termes d'un contrat passé entre une compagnie et un organisme public? Or, le projet de loi n'apporte aucune solution à cette faille.

Par ailleurs, le projet de loi n° 122 propose l'ajout d'un paragraphe 2.1° à l'article 57, paragraphe ayant pour objet de rendre public, et je cite:

«2.1° le nom d'une personne qui bénéficie du remboursement d'une dépense faite dans l'exercice de ses fonctions pour un organisme public, le type de dépense, la date et le montant de cette dépense, le nombre de personnes visées par la dépense ainsi que la région où elle a été faite.»

On sait que ces renseignements étaient déjà et avaient toujours été considérés publics en vertu de 57(1) jusqu'à un jugement critiquable de la Commission et de la Cour du Québec à l'effet contraire. La Cour du Québec a d'ailleurs à cet égard une jurisprudence contradictoire sur le sujet.

Le paragraphe 2.1° vient donc colmater une autre brèche résultant d'une interprétation sans précédent de la loi. Évidemment, nous souscrivons à l'oeuvre de restauration de l'article 57. Toutefois, nous entretenons la crainte qu'une énumération aussi exhaustive ait l'effet paradoxal de restreindre la portée de 57, en ce sens que tout ce qui n'y serait pas précisé strictement serait exclu.

Échange de renseignements. Nous avons toujours privilégié le contrôle a priori de la Commission sur tous les échanges de renseignements entre organismes. Nous regrettons donc qu'une partie des échanges demeure encore, en vertu du projet de loi n° 122, exclue du contrôle préalable. Mais plus encore, nous regrettons qu'on n'ait pas retenu notre demande d'ouverture sur le public quant à un contrôle d'opportunité de tels échanges.

n(16 h 50)n

Et tout de suite, je vais en bas de page. En résumé, les échanges de renseignements pourront continuer à se faire sans débat sur leur opportunité. Or, selon nous, il n'y a pas que la légalité ou la confidentialité des ententes qui soient en cause, il y a aussi la démonstration publique de leur opportunité, de leur nécessité et de leur bénéfice, et seul un mécanisme de consultation publique serait à même de permettre des débats.

Communication des renseignements nécessaires à l'application d'une convention collective. Nous reprenons ici une problématique décrite dans nos précédents mémoires autour de cette disposition. En 1988, dans Centre d'accueil Émilie-Gamelin, la Commission rendait une décision qui allait avoir un impact important pour nos syndicats. Dans cette affaire, le syndicat réclamait l'accès à des listes de rappel de salariés en vue de s'assurer que l'employeur respectait bien la convention collective lors de remplacements. Le syndicat évoquait l'article 67.1 au soutien de sa demande. Rappelons que cet article stipule:

«Un organisme public peut, sans le consentement de la personne concernée, communiquer un renseignement nominatif à toute personne ou organisme si cette communication est nécessaire à l'application d'une convention collective, d'un décret, d'un arrêté, d'une directive ou d'un règlement qui établisse des conditions de travail.»

Au terme d'un long débat, la Commission conclura: Oui, le syndicat a fait la preuve que les renseignements sont nécessaires à l'application de la convention collective; mais, non, l'organisme n'est pas tenu de les fournir, puisqu'il a entièrement discrétion, l'article 67.1 utilisant le mot «peut». Cette décision a été contestée, en vain, jusqu'en Cour d'appel, celle-ci estimant que l'interprétation retenue n'était pas manifestement déraisonnable.

Depuis ce temps, les demandes syndicales aux fins d'application des conventions collectives sont systématiquement rejetées. D'ailleurs, on n'en compte plus guère, car à quoi bon aller se faire confirmer que le renseignement demandé est nécessaire à l'application de la convention collective mais que l'organisme n'est pas tenu de le donner.

Nous soumettons que l'article 67.1 doit être modifié. L'interprétation retenue mène à l'arbitraire. Un organisme peut ainsi retenir des renseignements nécessaires à l'application d'une convention collective par pur caprice ou calcul. Or, on force alors le syndicat à déposer un grief, ce qui permettra l'obtention des renseignements via l'arbitre, beaucoup plus tard, il va sans dire. On aura ainsi fait dépenser temps et argent inutilement au syndicat et à l'organisme.

Nous estimons que l'idée d'accorder une discrétion à l'organisme dans l'octroi de renseignements est contraire à l'esprit de la loi. Le principe de base de la Loi d'accès à l'information est de rendre disponible tout renseignement à moins que l'organisme puisse justifier un motif de refus prévu à la loi. La décision dans Émilie-Gamelin sape ce principe puisque l'organisme peut refuser sans aucun motif, selon son bon plaisir. Nous demandons donc instamment au gouvernement de corriger cette lacune à l'article 67.1 de la loi.

Pouvoirs d'enquête de la Commission. La fonction d'enquête de la Commission constitue un pouvoir important et nécessaire à l'application de la loi. La clarification de ces pouvoirs par l'ajout des articles 126.1 à 126.3 nous satisfait. D'autre part, il est grand temps que ces pouvoirs puissent être exercés par un membre seul de la Commission. Nous nous objectons toutefois à ce que les ordonnances rendues suite à une enquête soient désormais appelables.

Appel à la Cour du Québec. Depuis des années, nous demandons l'abolition du palier d'appel en Cour du Québec. Plusieurs raisons militent en faveur d'une telle abolition. La plus importante tient au fait que c'est la Commission qui est l'organisme spécialisé en matière d'accès et de protection. Il apparaît donc évident que c'est cet organisme qui doit avoir le dernier mot quant à l'interprétation de sa propre loi constitutive et de la loi privée. Maintenir le palier d'appel devant le tribunal de droit commun dénature totalement l'objectif de la mise sur pied d'un tribunal spécialisé.

D'autre part, un palier d'appel signifie des délais. Or, on sait que plus souvent qu'autrement les délais peuvent servir d'arme pour décourager la demande ou la rendre sans objet. En outre, l'appel coûte cher et peut constituer un empêchement à persister dans une demande.

Finalement, nous réclamons plus loin un amendement à la Loi du Barreau pour qu'enfin la représentation par avocat ne soit pas obligatoire à la Commission. Or, en maintenant l'appel à la Cour du Québec, on réintroduit en bout de ligne la représentation par avocat, cette fois devant la Cour du Québec.

Depuis des années, nous réclamons que la Loi du Barreau inclue, aux exceptions de l'article 128, la Commission. Nous espérons que cette fois sera la bonne. Il s'agit là d'un point important pour nous. Nos syndicats sont de grands demandeurs de renseignements. S'ils n'ont pas pris le soin de faire la demande d'accès au nom de leur conseiller syndical ou s'ils changent de conseiller en cours de route, ils doivent utiliser les services d'un avocat. Sans compter les cas des demandes d'accès à un renseignement personnel pour le bénéfice d'un membre où là, dans tous les cas, il faudra recourir à un avocat à moins que l'individu se représente lui-même. Cela entraîne des coûts importants. Il en va sans doute de même pour bien d'autres citoyens qui désireraient pouvoir être représentés, par exemple, par un groupe populaire ou un parent.

Les demandes abusives. Nous nous opposons farouchement à ce qu'on élargisse les motifs permettant de ne pas tenir compte d'une demande. Rappelons que l'article 126 est une disposition exceptionnelle qui doit s'interpréter restrictivement; c'est la négation même du droit d'accès à l'information. Étendre l'application de l'article 126 aux demandes dont le traitement serait susceptible de nuire sérieusement aux activités de l'organisme nous paraît inadmissible. Il est par trop simple pour un organisme de se retrancher derrière des difficultés de fonctionnement pour refuser l'accès.

Si la transparence administrative peut nuire sérieusement aux activités d'un organisme, alors ce n'est pas la transparence administrative qu'il faut blâmer, mais l'organisme qui n'aura pas su s'organiser adéquatement pour permettre l'accès aux documents qu'il détient.

Organisme de protection de la vie privée. Lors de la commission parlementaire de l'automne 1997 sur le rapport quinquennal, nous avons réclamé une Commission résolument pro protection des renseignements et pro accès à l'information, bref militante. À cela, votre commission, dans son rapport d'avril 1998, objectait ? et je vais lire la... Oui?

Le Président (M. Simard, Montmorency): En conclusion, M. Valois.

M. Valois (Roger): En conclusion. On va aller tout de suite aux filatures parce que...

Le Président (M. Simard, Montmorency): Bien, oui.

M. Valois (Roger): ...on est venus quasiment ici rien que pour ça.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Ha, ha, ha!

M. Valois (Roger): Ben, on n'est pas venus juste pour ça, mais c'est un gros point pour nous. Au niveau des filatures, nous entendons par là le fait, pour un employeur ou un organisme du gouvernement ? comme la CSST, par exemple ? de faire suivre et filmer un employé en accident de travail ou en assurance salaire. Le but: vérifier si un employé est véritablement malade et amasser sur son compte une preuve pouvant servir contre lui lors d'un arbitrage ou lors d'une contestation en vertu de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

Mode exceptionnel de preuve au début des années quatre-vingt, la preuve par filature est aujourd'hui en voie de banalisation. Ainsi, de plus en plus d'employeurs ont recours à ce procédé répugnant pour tenter de justifier le congédiement d'un salarié qui, selon eux, aurait reçu sans droit certaines prestations. Pire encore, l'État québécois lui-même, via entre autres la CSST, utilise de tels procédés.

La CSN mène depuis quelques années déjà une campagne pour que le recours à la filature soit interdit ou à tout le moins qu'il fasse l'objet d'un encadrement légal serré.

En 1999, la Commission des droits de la personne, suite à une demande de la CSN, émettait un avis quant à la légalité des filatures. Selon la Commission des droits de la personne, la filature est un procédé qui, bien qu'il viole le droit à la vie privée, peut se justifier aux conditions suivantes: «...l'employeur ou l'organisme administratif doit respecter le critère de l'atteinte minimale au droit au respect de la vie privée.» Et on continue là-dessus: «Les moyens d'enquête ne portant pas atteinte à la vie privée doivent être utilisés au préalable. La filature et la surveillance vidéo ne doivent intervenir qu'en dernier recours, s'il n'existe aucune méthode alternative...» Je pense que tout le monde l'a lu, on fait référence à Bridgestone Firestone. Et on va terminer probablement là-dessus, là, au niveau de...

Le Président (M. Simard, Montmorency): Vous pourrez complémenter durant votre période de réponse, hein, M. Valois?

M. Valois (Roger): Oui, oui, oui, c'est ça, on va sûrement le faire, parce que...

Le Président (M. Simard, Montmorency): Très bien. Merci beaucoup de votre compréhension.

M. Valois (Roger): On va vous donner l'exemple du ministre Chevrette, là-dessus, qui est assez concluant au niveau des plaques.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Très bien. Merci, M. Valois. M. le ministre, à vous la parole.

M. Facal: Merci beaucoup, M. le Président. Bienvenue, MM. Valois et Lamoureux et Mme Pineau. Je vous remercie beaucoup pour votre contribution à nos travaux.

M. Valois, moi, je n'aime pas que les gens qui viennent ici ressortent frustrés. J'aime qu'ils sentent que ça a valu la peine de venir. Or, comme vous sembliez avoir très envie de parler des filatures et que vous avez même, dans un raccourci, dit que c'est principalement pour ça que vous étiez venu, bien, on va reprendre justement ce bout-là pour vous donner l'occasion de dire tout ce que vous voudriez dire là-dessus.

Vous dites à la page 15: «Mode exceptionnel de preuve au début des années quatre-vingt, la preuve par filature est aujourd'hui en voie de banalisation.» Bon. Là, vous parlez de la CSST et, après, vous citez quelques jugements de cour. J'aimerais que vous soyez un petit peu plus précis, dans le concret. Donnez-moi des exemples, dans le privé, de filature. Qui fait ça? Ça se passe comment? Moi, honnêtement, là, je connais pas beaucoup ces questions-là, puis je sens que vous en savez pas mal plus que moi là-dessus.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Alors, M. Valois.

M. Valois (Roger): Vous comprendrez que je suis pas venu avec deux avocats pour rien. Je vais les laisser pratiquer leur métier, qu'ils font de façon exemplaire, d'ailleurs. Je sais pas s'il y en a un des deux qui... Mme Pineau.

Mme Pineau (Anne): Bon. Alors...

Le Président (M. Simard, Montmorency): Mme Pineau.

n(17 heures)n

Mme Pineau (Anne): Anne Pineau. Au début des années quatre-vingt, en arbitrage de grief, quand un employeur congédiait un salarié en alléguant qu'il avait fraudé le système, qu'il avait reçu de l'assurance salaire, par exemple, sans droit, les employeurs faisaient leur preuve de façon normale, avec des témoins. Peu à peu, on a vu s'instaurer un système par lequel les employeurs utilisent une preuve vidéo pour faire cette preuve-là. Donc, les employeurs vont congédier un salarié qu'ils soupçonnent de frauder l'assurance salaire ou encore de bénéficier de prestations d'accident de travail sans droit, et la preuve qu'ils utilisent pour démontrer que le salarié a fraudé, c'est une preuve vidéo, c'est-à-dire qu'on a utilisé une agence d'investigation: des gens, des enquêteurs qui, de façon systématique, ont suivi le salarié dans ses déplacements de tous les jours alors qu'il était en assurance salaire ou en accident de travail.

Donc, on suit les salariés dans tous leurs déplacements. On les suit à l'épicerie. On les suit sur la route. On les suit quand ils vont à la garderie, chez le coiffeur. Bref, on détaille tous leurs déplacements. On sait tout le portrait de leur vie pendant plusieurs jours, jusqu'à ce que, selon l'enquêteur, on ait une preuve qui permette supposément de les coincer, de les piéger, et c'est cette preuve-là qui va être utilisée en arbitrage de grief. Pendant longtemps, les arbitres de grief ont dit: Que vous nous démontriez ou non que cette preuve-là porte atteinte au droit à la vie privée, ça ne sert à rien parce que rien ne nous justifie de rejeter une preuve, même s'il y a atteinte à la vie privée.

En 1994, le Code civil du Québec a été adopté comportant la disposition 2858 qui établit qu'une preuve obtenue en violation d'un droit ou d'une liberté peut justifier que la preuve soit rejetée dans la mesure où l'admission de cette preuve-là déconsidérerait l'administration de la justice. On a compté beaucoup sur cette nouvelle disposition-là pour amener nos arbitres à considérer nos objections à la preuve. Et on a aussi, parallèlement, demandé à la Commission des droits et à la Cour d'appel, dans deux dossiers, d'établir quelles sont les limites à la filature vidéo, par un employeur, de ses employés.

Alors, la Commission des droits de la personne a rendu une opinion qui établit des balises: un employeur ne peut pas recourir à cette preuve-là, à moins de posséder des motifs sérieux et importants de croire à une fraude. Il doit avoir considéré d'autres alternatives avant d'utiliser cette preuve-là. Il doit d'abord avoir tenté d'obtenir une expertise médicale qui démontrerait que la personne n'est pas malade. Il doit avoir tenté de rencontrer le salarié. Donc, c'est un moyen de dernier ressort. En outre, la filature ne devrait s'effectuer que sur une période limitée, et évidemment, dans des conditions qui portent pas atteinte à la dignité de la personne, et il n'est pas question de permettre des filatures au hasard.

Donc, une série de principes intéressants que la Cour d'appel a repris dans Bridgestone-Firestone, un cas où justement un salarié avait été congédié pour fraude, et où l'employeur avait utilisé une preuve vidéo. Dans cette affaire-là, l'arbitre avait admis la preuve en établissant qu'un salarié renonce au droit à sa vie privée en devenant salarié de l'employeur, et qu'en outre le lien de subordination juridique de ce salarié par rapport à son employeur ferait en sorte qu'il y aurait comme une renonciation au droit à la vie privée.

Alors, la Cour d'appel a écarté cette prétention-là. La Cour d'appel a aussi reconnu que, même dans des lieux publics, on a droit à une vie privée, et qu'il n'est pas normal et il n'est pas admissible que quelqu'un puisse être suivi sans raison comme ça, dans tous ses déplacements. Donc, la Cour d'appel a émis et a repris ces principes-là qui sont des principes intéressants.

Le problème à l'heure actuelle, c'est que, personne, aucun organisme n'est chargé de s'assurer du respect de ces principes-là. Donc, une filature continue à exister, continue à se faire, sans que personne, préalablement, établisse: Avez-vous des motifs sérieux de croire à une fraude? Avez-vous tenté, par d'autres moyens, d'obtenir votre preuve? Donc, les filatures se font en l'absence de toute règle de droit, ce qui fait que, la seule façon éventuellement de faire le débat autour des motifs sérieux ou de la pertinence ou du fait que d'autres moyens étaient utilisables, se font dans le cadre d'un arbitrage de grief, donc après coup, après violation des droits de la personne, et en plus, dans le cadre restreint de 2858 où la preuve obtenue en violation d'un droit est admissible, sauf si elle déconsidère l'administration de la justice. 2858 n'est pas une mesure de protection de la vie privée; c'est une règle d'administration de la preuve.

Donc, ce qu'on vous dit, c'est qu'il y a des beaux principes qui ont été établis mais qu'il faut qu'on s'assure d'un encadrement législatif et d'un organisme qui va autoriser ces filatures-là en s'assurant que ces principes-là sont respectés.

M. Facal: Êtes-vous en train de dire que, depuis l'établissement de ces balises par la Cour d'appel, rien n'a changé, qu'on passe outre aux balises?

Mme Pineau (Anne): Un récent recensement, là, de la jurisprudence arbitrale, suite à l'arrêt Bridgestone-Firestone, révèle ceci: Les arbitres ont été en quelque sorte contraints de reconnaître que, oui, une filature vidéo emportait violation du droit à la vie privée, mais les arbitres vont établir aussi dans des cadres un peu de voir-dire, c'est-à-dire l'employeur va démontrer s'il avait ou non des motifs raisonnables.

Alors, les arbitres vont nous dire, par exemple... et on a des exemples, là, je pourrai vous les donner, là, si vous voulez, dans nos dossiers où des arbitres ont dit: Non, l'employeur n'avait pas de motifs sérieux. Il y est allé sur la base d'un feeling, sur la base de dénonciation anonyme, sur la base d'un simple soupçon, et, non, l'employeur n'avait pas utilisé d'autres moyens préalables pour vérifier si la personne était vraiment ou pas malade. Mais, que voulez-vous? Cette preuve-là, bien qu'elle viole la vie privée, est admissible parce qu'elle ne déconsidère pas l'administration de la justice. Donc, on voit les limites à l'intérieur desquelles ont doit composer, et la difficulté qu'on a de convaincre nos arbitres de...

Le Président (M. Simard, Montmorency): En complément de réponse, M. Valois.

M. Valois (Roger): Oui, en complémentaire, parce que je pense qu'il faut citer, je pense, correctement le ministre Chevrette là-dessus, qui, dans des photographies des plaques avec les photoradars, qui va prendre bien soin de ne photographier que la plaque et non pas les individus qui vont être dans l'auto, puis que d'autres se permettent avec tout ce qu'on a ? on dit pas la chambre à coucher, mais c'est pas loin là ? en cas des fois... en cas de maux de dos, ils pourraient se rendre assez loin dans les filatures, mais Chevrette dit: On va photographier que la plaque et non pas ? j'ai peur que les autos des ministres soient toujours... en tout cas, ça c'est... ? mais on va photographier que la plaque, et on prend tant de préoccupations avec le photoradar que tout est laissé à la libre imagination. Même pas besoin d'aller chez le juge, même pas besoin d'aller au-devant de personne; on engage une firme de filature, et on file les individus à leur insu, et voilà.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Merci. M. le ministre.

M. Facal: Et, la dernière phrase de votre mémoire, c'est, je cite: «Le développement phénoménal de la technologie en matière d'outils de surveillance et l'espionnage rend encore plus criant le besoin d'une législation sur la question.»

La technologie, concrètement, moi, dans ma conception de néophyte de la chose, ce serait une personne qui en suit une autre ou qui la filme avec une caméra. Mais est-ce qu'il y a d'autres outils que ceux-là qui sont utilisés?

M. Valois (Roger): M. le ministre, il y a des caméras qui sont grosses comme le bout du stylo. Vous savez même qu'il y a quelqu'un qui en a une. On voit ça à la télévision dans des émissions qui s'occupent... Bazin, là, je me souviens plus du nom de l'émission, là, J.E. puis toutes les... qui vont interviewer du monde à leur insu, les caméras sont presque dans l'épingle à cravate, finalement. Donc, vous voyez que, la technologie, c'est pas des caméras comme vous voyez ici, là, c'est épouvantable. Mais la facilité qu'on a de filer des individus aujourd'hui sans permission et de déposer ça en preuve.

On a réussi dans l'arrêt Bridgestone-Firestone. Mais qui interdit tout ça? Devant qui on s'adresse pour faire ça? Il y a rien. On peut pas laisser libre accès à l'imagination au niveau de la filature des individus puis des personnes, dans ce pays-là.

M. Lamoureux (François): Peut-être ajouter, M. le ministre, que les arbitres au niveau de la ligne jurisprudentielle qui est suivie ? François Lamoureux, ça va? ? alors la ligne jurisprudentielle qui est suivie, les arbitres préfèrent admettre en preuve une preuve qui peut porter atteinte à la vie privée, en se disant: Oui, mais rejeter la preuve qui lui est soumise sur bande vidéo serait pire, alors que ça devrait être un raisonnement contraire.

n(17 h 10)n

Et je veux juste indiquer au ministre aussi également qu'il y a des situations que l'on ne connaît pas qui ne se rendent pas en arbitrage mais par lesquelles... par exemple, si j'ai un soupçon sur vous, et que je suis un employeur, et que je mets un enquêteur à vous suivre pendant deux semaines, à votre épicerie, à la pharmacie, dans les centres d'achats, peu importe, et j'en viens à la conclusion que, finalement, mes doutes s'estompent, que, finalement, je n'ai rien contre vous. Mais vous ne saurez jamais qu'on a été pendant deux semaines à vous filmer, puis à amasser des renseignements sur vous. Et ça, ça ne se retrouve pas devant les arbitres quand l'employeur a pas la preuve qu'il veut, ou encore... où on va tenter, lors d'arbitrage, de prendre des grands segments qui ont été filmés, et d'en faire des coupures ? évidemment pour garder, parce que ça peut s'échelonner sur des longues périodes ? et là on fait un voir-dire pour forcer l'authenticité aussi des documents, parce qu'on vous a filmé pendant x temps, dans votre vie privée de tous les jours. Il faut qu'il y ait un organisme comme l'accès qui puisse régir finalement la protection de ces renseignements privés.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Merci beaucoup. Il reste deux minutes du côté ministériel. M. le député de Saint-Hyacinthe?

M. Dion: Bien. Juste une petite question que je voudrais poser pour vous permettre de clarifier votre pensée. À la page 12, je crois, de votre mémoire ? c'est ça, en bas de la page ? vous parlez: «Il apparaît donc évident que cet organisme qui doit avoir le dernier mot quant à l'interprétation de sa propre loi constitutive et de la loi privée.» Donc, qu'il n'y ait pas d'appel possible devant la Cour du Québec.

J'ai de la misère, un petit peu, à comprendre ce que vous voulez dire avec ça. Parce que, dans toutes les lois qui régissent nos tribunaux administratifs, il y a toujours une possibilité d'en appeler à la Cour du Québec ou à la Cour supérieure dans les cas où on considère que les droits fondamentaux n'ont pas été respectés ou que les principes fondamentaux d'administration d'une preuve ou tout ça ou... s'il y a eu des erreurs judiciaires, quoi, juridiques dans l'administration de la preuve et dans la décision.

Alors, je vois pas comment on ferait disparaître tout ça. Est-ce que vous vous en prenez aussi à la possibilité d'avoir recours au Tribunal du Québec pour la révision de certaines décisions?

Le Président (M. Simard, Montmorency): Madame.

Mme Pineau (Anne): En droit du travail, on a souvent affaire... Par exemple, les arbitres de griefs sont des décideurs qui rendent des décisions finales et sans appel. La seule façon d'attaquer une sentence arbitrale de grief, c'est la révision judiciaire. Évidemment, on peut pas empêcher la révision judiciaire d'exister. Ha, ha, ha! On a bien beau le vouloir, on ne peut pas, constitutionnellement. Donc, évidemment, il est pas question ici de remettre en cause la possibilité d'utiliser la révision judiciaire, par exemple, en cas de violation des règles de justice naturelle, des cas d'interprétation manifestement déraisonnable. C'est pas de ça qu'on parle.

On parle de l'interprétation première de la loi. Quel est l'organisme, O.K., qui est composé de décideurs spécialisés qui connaissent les tenants et aboutissants de cette législation-là et l'importance de la transparence administrative, tous les principes entourant la protection des renseignements personnels? C'est la Commission d'accès à l'information; ce n'est pas la Cour du Québec. Or...

Le Président (M. Simard, Montmorency): Merci beaucoup, Mme Pineau; vous êtes bien aimable. M. le porte-parole de l'opposition officielle.

M. Ouimet: Oui, merci. Bonjour et bienvenue. Pour terminer la discussion sur la question de la filature, est-ce que, à votre point de vue, la Commission d'accès à l'information pourrait être l'organisme habilité à émettre une permission au préalable pour permettre la filature?

Le Président (M. Simard, Montmorency): À l'ordre, je vous prie, M. le député. Je m'excuse.

M. Ouimet: C'est un vote?

Le Président (M. Simard, Montmorency): Il s'agit non pas d'un quorum mais d'un vote.

M. Ouimet: Ah bon!

Le Président (M. Simard, Montmorency): Alors, je dois suspendre nos travaux. Désolé.

Une voix: Vote?

Le Président (M. Simard, Montmorency): Oui, il y a un vote.

Une voix: Un vote?

Le Président (M. Simard, Montmorency): Un vote. V-o-t-e, oui. Ha, ha, ha! Alors, nous allons nous acquitter...

Une voix: ...

Le Président (M. Simard, Montmorency): Oui, oui, oui, bien sûr. Nous allons nous acquitter de nos devoirs et nous revenons le plus rapidement possible.

J'ajourne donc nos travaux pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 17 h 14)

 

(Reprise à 17 h 29)

Le Président (M. Simard, Montmorency): Alors, très chers amis, nous avons de nouveau quorum, et nous allons reprendre nos travaux. Et, compte tenu des circonstances, je repars le compteur à zéro pour l'opposition officielle. Vous avez donc 15 minutes, M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Merci, M. le Président. Je suis désolé auprès de la CSN. Je sais pas si ça arrive souvent, dans les instances syndicales, où l'exécutif propose une motion et l'exécutif vote contre sa propre motion. Bien, c'est ce qui nous est arrivé, de l'autre côté. Alors, c'est des choses bizarres mais qui arrivent dans notre système parlementaire. Le gouvernement qui propose une motion et qui vote contre sa propre motion. Alors, désolé.

M. Lamoureux (François): ...habituellement, dans nos pratiques, il va y avoir un laisser-sur-table, et on peut pas y revenir. Alors, on est content, on peut recontinuer avec vous, là.

M. Ouimet: Ha, ha, ha!

Une voix: ...

n(17 h 30)n

M. Ouimet: Alors, nous en étions, je pense, sur la question de la filature, et la question que je vous posais, c'est: Est-ce que la Commission d'accès à l'information serait l'organisme tout désigné, selon vous, pour autoriser préalablement les demandes de filature?

Mme Pineau (Anne): Notre premier choix, en réalité ? et on l'a déjà soumis, vous savez ? c'était plus le Tribunal des droits de la personne. Ceci beaucoup, et on en parle dans notre mémoire où on demande que l'organisme qui soit chargé de toutes les questions entourant le droit à la vie privée, ce soit la Commission des droits de la personne et son décideur quasi judiciaire, c'est-à-dire le Tribunal des droits de la personne. Et ceci, on le faisait beaucoup suite à votre propre mémoire, vous, commission de la culture, ou alors que nous étions déjà venus vous voir pour vous parler du militantisme qu'on désirait à la Commission d'accès à l'information, on vous disait qu'on voulait une Commission d'accès à l'information militante, proactive, qui défende et qui promeuve les droits à la protection des renseignements personnels. Vous nous aviez dit: Écoutez, la Commission d'accès à l'information est aussi un décideur. Elle doit faire preuve de réserve, elle ne peut pas vraiment faire beaucoup de promotion. Et donc, nous, et on en parle dans le mémoire, on demande qu'à ce moment-là ce soit la Commission des droits de la personne qui soit chargée de tout l'aspect promotion des droits et libertés entourant la protection des renseignements personnels et qui puisse ouvrir sur tout le champ beaucoup plus large du droit à la vie privée qui dépasse la stricte protection des renseignements personnels.

Ceci dit, on n'aurait pas évidemment d'objection non plus à ce que ça puisse être la Commission d'accès à l'information, l'important étant d'avoir un organisme permanent qui puisse avoir de façon urgente... qu'on puisse avoir un décideur de façon urgente. Évidemment, si un employeur, par exemple, veut obtenir une autorisation, qu'il puisse le faire dans des délais évidemment relativement courts. On ne veut pas non plus empêcher totalement ce type de procédé là dans la mesure où il sera encadré correctement. Mais, en dehors d'un encadrement réel, on ne peut être que contre.

M. Ouimet: Très bien. Dans vos conclusions, vous dites assez clairement que le projet de loi n° 122 ne répond aucunement aux attentes que vous avez formulées. Vous faites plusieurs critiques au niveau de la loi n° 122, notamment l'assujettissement de certains organismes qui échappent à la Loi sur l'accès. Vous ne mentionnez pas les OSBL créés par le ministre des Finances lors de l'avant-dernier budget, qui ont reçu à peu près 735 millions de dollars, de fonds publics bien sûr, et qui ne sont pas assujettis à la Commission ou à la Loi sur l'accès à l'information. J'imagine que, lorsque vous identifiez Nouveler et Société des casinos, vous y ajoutez également les OSBL sur le même principe, en d'autres termes que nous puissions obtenir une reddition de comptes lorsqu'il s'agit de fonds publics et à 100 %.

M. Valois (Roger): On peut l'ajouter avec beaucoup de plaisir parce qu'on est en processus d'accréditation dans certains OSBL. Et c'est pas le mode corporatif, on ne vient pas à bout de savoir qui est l'employeur. Le monde reçoivent leur chèque de la caisse populaire, puis on sait pas qui est-ce qui dépose; il y a une main obscure qui dépose l'argent. On sait pas qui est-ce qui est l'employeur. C'est fatiguant parce que, nous, quand on dépose une requête en accréditation, il faut déposer ça pour un employeur. Mais le monde, ils savent pas pour qui ils travaillent parce qu'il y avait un vieux principe au Québec, avant, qui disait: Dis-moi qui te paies, je te dirai pour qui tu travailles. Mais aujourd'hui, avec le chèque Desjardins, le chèque emploi Desjardins, on retient la suggestion et on en fait la demande aussi d'ajouter... parce que ces OSBL-là doivent aussi rendre des comptes parce que c'est un financement public.

M. Ouimet: De près de 1 milliard. Ce qui m'a surpris dans votre mémoire, par exemple à la page 8, c'est que vous êtes d'accord à prolonger le délai, je pense, le délai qui était de 20 jours et qui serait maintenant un délai de 30 jours, lorsque l'organisme doit justifier son refus. J'ai pas trop compris pourquoi vous êtes favorable à extensionner un délai, alors que plusieurs organismes viennent nous dire qu'on utilise souvent les délais pour nier le droit à l'information des citoyens ou des organismes. Et là vous prolongez ce délai-là. Je ne comprends pas trop pourquoi. C'est pas expliqué dans votre mémoire.

Mme Pineau (Anne): Écoutez. Bon, d'abord, ça fait 10 jours de plus et, concrètement, souvent dans les dossiers, au terme, le 19e jour, on reçoit un avis qu'ils vont prendre 10 jours de plus pour étudier le dossier. Je veux dire, on peut rien faire, là. Donc, on est là avec les gens, dans nos syndicats, on leur explique que l'organisme a 20 jours, mais ça se peut qu'il demande 10 jours additionnels qu'il va avoir de toute façon. Ça fait qu'il y a, tu sais... Finalement, c'est pas pour 10 jours. Qu'il y ait un délai fixe de 30 jours dont on ne sort pas, c'est peut-être mieux que d'être là à dire: Bon, c'est 20 jours, mais, vous savez, ils peuvent quand même ajouter 10 jours. Puis là on calcule nos délais, c'est simplement ça. C'est pas ces 10 jours là qui sont le problème, c'est éventuellement les deux ans d'appel, après, en Cour du Québec.

M. Ouimet: Puis, par ailleurs, vous critiquez également cet élargissement au niveau de l'article 126, cet élargissement d'une restriction, là... On ajoute... Et je ne sais pas trop pourquoi le gouvernement ajoute une restriction, alors qu'on semble... plusieurs citoyens, plusieurs organismes semblent davantage critiquer la trop grande facilité avec laquelle les organismes se retranchent derrière des restrictions pour éviter de donner accès aux documents. En l'occurrence, ici, c'est une demande dont le traitement serait susceptible de nuire sérieusement aux activités de l'organisme.

Pourquoi est-ce que le gouvernement souhaiterait ajouter une telle restriction? Et ça paraît tellement large, un motif susceptible de nuire sérieusement aux activités de l'organisme. Un organisme pourrait facilement se retrancher derrière ce nouvel article pour dire: On refuse l'accès parce que ça nuit à l'activité de notre organisme. Je ne comprends pas.

Mme Pineau (Anne): Tout à fait, et, à la limite, ça peut être presque une prime à la désorganisation dans le sens que: Je ne prends pas les moyens pour que ça soit facile de rendre mes documents disponibles. Donc, ça nuit à mes activités que vous me demandiez des documents, donc j'invoque 126.

Et 126, là, c'est important, c'est pas comme n'importe quel autre motif, c'est le droit de ne pas tenir compte d'une demande, de faire comme si cette demande-là... de ne pas entendre la personne. C'est la négation du droit d'accès à l'information, la négation du principe même de cette loi-là. Et qu'on ouvre, alors qu'il y a déjà... Tout est là, à 126, à l'heure actuelle. On a le droit de ne pas tenir compte si la demande est manifestement abusive, par son nombre, son caractère répétitif ou systématique, et on a même... Il en est de même lorsque, de l'avis de la Commission, ces demandes ne sont pas conformes à l'objet des dispositions de la présente loi. C'est largement suffisant pour nous, en ce qui concerne ce principe-là auquel on devrait recourir de façon exceptionnelle. Il y a aucune raison pour nous de permettre d'élargir comme ça. Je ne sais pas ce que ça cache, mais...

M. Ouimet: J'imagine que le ministre aura l'occasion, parce qu'il ne l'a pas abordé, mais il aura probablement l'occasion de s'expliquer là-dessus parce que, moi, ça me dépasse un petit peu. À la lumière des mémoires dont nous avons pris connaissance, ça dépasse un peu notre entendement, mais il y a peut-être des motifs qu'on ne connaît pas. Il pourra s'expliquer là-dessus.

Alors, je vais céder la parole. Je pense que le député de D'Arcy-McGee avait plusieurs questions.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Volontiers. M. le député.

M. Bergman: Merci, M. le Président. Merci à M. Valois pour la présentation. Vous soulevez une question qui est très importante, la question des filiales des sociétés de la couronne, et je me demande aussi, comme vous, pourquoi le projet de loi est silencieux sur ce sujet. Et, comme on sait, on peut avoir une situation où les filiales sont aussi importantes que la société même, où la société peut être une coquille vide et toute l'action passe par l'entremise d'une filiale, et c'est une manière qui est excellente pour le gouvernement pour cacher des faits à la population.

Alors, j'aimerais avoir encore votre pensée. Vous dites que le silence du projet de loi à cet égard laisse songer. Alors, est-ce que vous pouvez nous donner encore vos pensées sur cette question qui est très importante, où on peut nuire à la population en laissant les faits dans les filiales et, de cette manière, nuire à la population?

Mme Pineau (Anne): Écoutez, lors du projet de loi n° 451, on avait soulevé effectivement cette problématique-là. On nous avait dit à ce moment-là, je me rappelle, le ministre Boisclair laissait entendre qu'il y avait des grosses difficultés à formuler quel type d'organismes on allait viser par cette mesure-là, quelle filiale viser, est-ce que c'est le degré d'investissement de 50 % des actions ou plus. Bon, il y avait peut-être des difficultés, mais il reste que là il y a rien du tout.

n(17 h 40)n

Et, pour nous, c'est clair, là: les décisions dont on parle, Nouveler et Société des casinos, c'est des filiales à 100 % de sociétés de la couronne, entièrement possédées. C'est pas parce qu'un organisme comme la Société des loteries et courses se dote d'une filiale pour remplir sa mission qu'elle devrait pouvoir échapper, de ce fait-là, aux règles de transparence administrative, là. Ça dépasse, pour nous, là, l'entendement, et on ne se l'explique pas. Et on a finalement des sociétés qui bénéficient, à notre sens, du meilleur de deux mondes, c'est-à-dire les avantages d'être un organisme public au niveau des fonds, au niveau des exemptions de taxation, mais qui refusent aussi les obligations qui vont avec, de transparence administrative, puis d'avoir à rendre des comptes sur l'utilisation des fonds. Et je sais pas pourquoi il y a rien dans...

M. Valois (Roger): C'est-à-dire qu'avec la controverse aussi que... Je pense que de ce temps-là ? avant de passer la parole à Me Lamoureux ? avec la controverse qui entoure toute la problématique de Loto-Québec, les jeux, les casinos, il faut être clair avec le public là-dessus, et on doit donner toute la lumière au niveau des casinos, surtout Loto-Québec. Donc, il faut être clair. Il faut pas que... Entre autres, Hydro-Québec aussi, mais notamment au niveau de Loto-Québec, il me semble qu'on ne doit rien avoir à cacher là-dedans.

M. Lamoureux (François): Oui. Alors, tout simplement ajouter...

Une voix: ...

M. Lamoureux (François): François Lamoureux. Alors, tout simplement ajouter que, quand l'objet de la loi est de faciliter l'accès à l'information quant aux renseignements qui sont détenus par cet organisme, quand l'objet de la loi est ça et qu'il y a un organisme, une filiale, par exemple, d'Hydro-Québec qui est Nouveler à 100 %, Nouveler, et qu'on soit pas en mesure... Si on aurait des explications, pourquoi qu'on veut soustraire à ce moment-là cet organisme-là? Alors, pourquoi? Est-ce que, par exemple, on pourrait donner des explications qu'Hydro-Québec, par rapport à la négociation de contrats, par exemple, au niveau des tarifs puis... Mais il y a pas d'explications qui sont données et qui peuvent justifier une telle soustraction. Casinos, la Société des casinos, il y a pas d'explications. C'est d'autant plus important pour la transparence du gouvernement que, dès le moment où t'entends restreindre un peu, t'éveilles chez les citoyens 10 fois plus de soupçons. Pourquoi? Ah, il y a des choses à cacher, il y a ci, il y a ça.

Alors donc, il faut rigoureusement expliquer pourquoi on s'en soustrait pour dire... parce que sinon les citoyens ne comprennent pas que ces sociétés-là puissent se soustraire à des objectifs bien établis en vertu de la loi. Et ça, je pense que c'est dans l'intérêt de tout le monde de pouvoir avoir cet éclairage-là qui pourrait nous dire: Oui, O.K., peut-être, on comprend certains paramètres. Mais Société des casinos, on sait pas ce qui se passe, soustraite à la Loi sur le tabac avec... Bon.

M. Bergman: En ce qui concerne les ordres professionnels, vous dites que... vous n'êtes pas clair pourquoi assujettir les ordres professionnels à deux lois, la publique et la privée. Mais est-ce que vous n'êtes pas d'accord qu'il y a des documents que les ordres professionnels ont, qui sont relatifs au contrôle de l'exercice de la profession, et d'autres qui sont dans des renseignements qui ne concernent pas le contrôle de l'exercice d'une profession mais qui tombent dans le privé? Alors, c'est la raison qu'il y a comme une situation hybride en ce qui concerne les ordres professionnels. À la page 7 de votre mémoire, il semble que vous n'êtes pas d'accord. Alors, peut-être que vous pouvez nous expliquer pourquoi vous n'êtes pas d'accord. Il semble essentiel que les documents qui sont de nature privée ne tombent pas dans la section publique de ces lois.

Le Président (M. Simard, Montmorency): M. Valois, en vous rappelant qu'il reste à peine une minute.

Mme Pineau (Anne): Écoutez, d'abord on est heureux que les ordres soient finalement assujettis à une loi, même deux finalement, eux qui ne l'étaient pas du tout... Maintenant, écoutez, c'est plus l'aspect complexe, O.K., à savoir: fonctionner avec deux lois, pour les citoyens, en plus d'avoir à référer au Code des professions. C'est une gymnastique qui peut créer de la confusion. Nous, on était pour un assujettissement d'abord et avant tout à la Loi d'accès à l'information. Donc, on est heureux qu'il y ait quand même une partie de l'assujettissement qui relève de la Loi d'accès à l'information à cause du volet évidemment accès, à titre d'organisme à caractère public. Mais la Loi d'accès à l'information comporte aussi un volet protection des renseignements personnels, donc elle a quand même ces deux volets-là, mais on n'en fait pas un problème fondamental. Nous, on est quand même heureux qu'il y ait un assujettissement, mais ce qu'on regrette peut-être un peu, c'est la gymnastique que ça implique de faire et d'avoir à recourir à finalement trois lois pour décider de quelle loi ça relève, là.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Merci beaucoup, Mme Pineau, M. Valois, M. Lamoureux, de votre présence parmi nous ce soir. Nous vous souhaitons un bon retour. Et j'invite d'ores et déjà M. Pierrôt Péladeau, coordonnateur scientifique, programme Éthique et Télésanté, à se joindre à nous.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Simard, Montmorency): M. Péladeau, soyez le bienvenu. Encore une fois, mille excuses du retard. Alors, voici, à vous la parole.

Nous allons terminer nos travaux, à moins qu'il y ait consentement pour prolonger, à 18 heures et, par la suite, nous reviendrons avec vous à 20 heures.

Est-ce que je comprends qu'il y a consentement pour poursuivre après 18 heures?

Des voix: ...

Le Président (M. Simard, Montmorency): Il n'y a pas de consentement. Très bien. Alors, nous arrêterons à 18 heures, M. Péladeau.

M. Pierrôt Péladeau

M. Péladeau (Pierrôt): Parfait. Donc, M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, cette consultation sur le projet de loi n° 122 se tient à un moment assez précis dans l'histoire de nos institutions d'accès à l'information et de protection des renseignements personnels au Québec.

En fait, ces institutions, on sait, visent à préserver certaines valeurs fondamentales de démocratie et de respect des droits et libertés des citoyens et, à ce niveau-là, elles n'ont jamais été aussi nécessaires et pertinentes qu'aujourd'hui.

Cependant, ces jeunes institutions marquent déjà leur âge et elles s'avèrent encore... Il y a des difficultés d'adaptation, en tout cas, aux défis nouveaux et complexes posés par nombre d'innovations sociales et technologiques.

Il faudrait peut-être procéder... en tout cas, il faut voir à certaines réformes substantielles de ces institutions, que ce soit au niveau des politiques publiques, des pratiques administratives ou même des lois elles-mêmes; et cela devrait faire normalement l'objet principal du prochain cycle de révision statutaire qui s'ouvrira par la publication du prochain rapport quinquennal de la Commission d'accès en octobre 2002.

Cependant, ici, nous croyons qu'il nous faut discuter dès aujourd'hui d'un certain nombre d'innovations législatives et sociales devenues indispensables, voire même urgentes d'adopter dans le contexte. Dans mon mémoire, je réfère à quelques cas éloquents d'échecs inutiles et destructeurs de projets au système d'information sur les citoyens, qui auraient pu être facilement évités par une démarche ouverte, transparente, préventive et participative de développement de projet. Ces quelques exemples-là, je les rappelle vitement, c'étaient ceux de l'échec du projet gouvernemental de fournir une adresse électronique à tous les citoyens québécois, l'échec du système de gestion des demandes d'aide financière en garderie et le démantèlement forcé du Fichier longitudinal sur la main-d'oeuvre de Développement des ressources humaines Canada.

En fait, l'économie actuelle des institutions d'accès à l'information et de protection des renseignements personnels ne réussit plus, en tout cas, à prévenir ces incidents coûteux pour le Trésor public et plutôt dommageables eu égard aux liens de confiance entre les citoyens et l'État. Mais des amendements législatifs mineurs pourraient déjà puissamment contribuer non seulement à la prévention de tels échecs, mais aussi à la bonification des projets de système d'information ou de transaction qui vont être de plus en plus nombreux, de plus en plus coûteux et aussi de plus en plus complexes.

n(17 h 50)n

Certaines de ces propositions-là que je fais dans mon mémoire s'inspirent directement de dispositions déjà existantes du Privacy Act fédéral-étasunien de 1974, c'est-à-dire, entre autres, particulièrement l'introduction d'une procédure d'avis public préalable pour la création de nouveaux fichiers publics de renseignements personnels, la modification ou le nouvel usage de fichiers publics existants et, conjointement, l'obligation de permettre aux intéressés de se prononcer sur ces projets qui ont fait l'objet d'avis publics. Deuxièmement, l'introduction d'une procédure similaire pour les demandes statutaires d'avis ou d'autorisation auprès de la Commission d'accès à l'information. Trois, l'introduction d'informations, l'obligation de mettre des informations sur les fichiers existants, les demandes d'avis et autorisations dans les rapports annuels des organismes publics. Quatre, l'élargissement de la notion légale de sécurité dans nos lois pour aller au-delà de la seule confidentialité et inclure les questions d'intégrité et de disponibilité des objets que sont les renseignements personnels, mais regarder aussi la protection des personnes humaines directement concernées par ces informations-là. Et, enfin, cinq, l'élargissement de critères d'évaluation d'un projet de communication ou d'appariement pour couvrir non seulement les enjeux d'accès à l'information et de protection des renseignements personnels, mais l'ensemble des droits et libertés fondamentales reconnus dans notre droit.

Les effets immédiats de ces mesures seraient, d'abord, une plus grande responsabilisation et des organismes publics et de la population elle-même eu égard au développement d'innovations en matière de production, de gestion et d'utilisation de renseignements personnels, et aussi une espèce d'élargissement des enjeux pris en compte spontanément dans ces développements par-delà les seules considérations de conformité à la loi. En d'autres mots, l'élargissement, là, à une démarche d'évaluation des impacts sociaux des innovations. Cela aurait comme effet ultime visé une plus grande adéquation des projets et une plus grande acceptation de ces innovations-là.

Une telle démocratisation du développement des innovations en matière de traitement des informations personnelles est devenue aujourd'hui une condition sine qua non de leur succès, car les innovations maintenant qu'on développe sont devenues si complexes et les enjeux qu'elles représentent sont devenus si nombreux qu'aujourd'hui aucun organisme public ne peut prétendre seul connaître a priori ce qui, dans le cas d'un projet précis, constituerait l'intérêt général, la meilleure solution technique, le meilleur design d'application et la meilleure démarche d'informatisation, et ça, notamment, eu égard à cet écheveau-là de plus en plus complexe d'enjeux sociaux, légaux et éthiques soulevés par ce type de projet là. Donc, un tel écheveau d'enjeux ne peut être... En tout cas, on ne peut espérer démêler un tant soit peu cet écheveau d'enjeux là que par une démarche collective, rigoureuse, et suivie de discussions publiques de projets, qui met à contribution le plus grand nombre d'acteurs concernés par le projet. Bon, et ça, c'est un peu les propositions immédiates pour le projet de loi n° 122 dans le contexte de cette espèce de mise au point de notre droit actuel.

Mais je crois qu'il faut aussi ? et là, la commission a peut-être un rôle à jouer ? préparer le terrain pour la prochaine révision. La commission de la culture peut identifier un certain nombre de questions-clés ? je pense qu'elle devrait le faire ? qu'on souhaiterait voir discuter lors de cette prochaine ronde de révision, qui va partir en 2002, ainsi que les rôles que pourraient jouer la Commission d'accès à l'information, le ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration et, dans une certaine mesure, la population elle-même, et ce, dans la préparation des discussions qui devront aussi se préparer publiquement parce que, ici encore, on ne pourra pas réussir, dans la mesure de l'ampleur des enjeux, sans encore une fois une démarche collective, rigoureuse, bien documentée et suivie de débats publics faisant appel à tous les acteurs concernés.

Parmi les questions qu'on pourrait traiter, il y a bien sûr la question de la diffusion électronique routinière des documents accessibles que souhaite déjà traiter la Commission d'accès dans son rapport quinquennal. Il y a aussi la question, que je soulève dans mon mémoire, de l'assujettissement des renseignements personnels non nominatifs à des dispositions de nos lois de protection des renseignements personnels.

Par ailleurs, il y a d'autres questions qui se posent. Par exemple, comment aller au-delà des seules questions de modalité légale dans les discussions de projets de système d'information ou de transaction impliquant les citoyens. Normalement, logiquement, quand on évalue un projet, ça devrait se faire en trois temps. Dans un premier temps, on évalue les fins qui justifient le recours à l'innovation. Dans un deuxième temps, une fois que ces fins-là, on les a identifiées et acceptées, déterminer quels emplois, quels outils sont aussi acceptables pour atteindre ces fins-là. Et c'est uniquement... Cela fait qu'on va regarder quelles doivent être les conditions et les limites des emplois jugés comme acceptables, des outils.

Or, la protection des renseignements personnels, telle qu'elle est constituée présentement, s'attarde surtout à la troisième question. Et ça se comprend, et ça faisait plein de sens dans le contexte historique de l'adoption des premières lois d'accès et de protection des renseignements personnels à l'époque, où on faisait face au secteur public, à des organismes publics qui appliquaient des programmes qui découlaient directement de l'application de lois qui, elles, avaient été discutées en assemblée législative et donc pour lesquelles les fins, et en bonne partie les moyens, avaient déjà été évaluées publiquement. Ce qui laissait à l'institution de la protection des renseignements personnels le soin de traiter de la portion non négligeable des questions et de certaines conditions et limites-clés à l'application des programmes des organismes publics.

Or, ce qui se passe présentement, c'est que les nouvelles innovations informatisées changent un peu la donne. Parce que c'est un peu le champion, là, ce n'est plus... On ne part plus des fins nécessairement, c'est les moyens qui font actionner les processus. Et un exemple très clair, c'est l'exemple du projet de carte-santé à microprocesseur. Dans ses deux avis, la Commission d'accès à l'information, tout ce qu'elle a pu évaluer, c'était les conditions et limites de l'utilisation d'un dispositif impliqué dans le projet de carte-santé, et ça, sans avoir et, en fait, sans pouvoir, parce qu'elle n'avait pas le mandat légal de le faire, évaluer d'abord les fins poursuivies pas plus que l'adéquation des outils proposés aux fins poursuivies. En fait, elle s'attardait essentiellement aux questions de modalité.

Ce qui veut dire, en pratique, que, par exemple, elle a... et elle l'avoue dans ses rapports, qu'elle ne pouvait se prononcer sur la question de... à savoir: Est-ce acceptable de fournir des relevés de coûts de soins prodigués aux patients? Est-ce une fin acceptable pour laquelle on doit utiliser des renseignements personnels? Est-ce aussi... Est-ce que mettre en place d'éventuels mécanismes de rationnement de services est aussi une fin acceptable? Au niveau des fins, ça, la Commission n'avait pas accès à ça. Au niveau des moyens non plus, elle ne pouvait pas en discuter. Est-ce que, par exemple, la constitution d'un dossier rétrospectif uniquement, et pas prospectif, et un dossier uniquement accessible en présence du patient est finalement le meilleur moyen d'améliorer la qualité des soins? La Commission ne pouvait pas se prononcer. En fait, elle n'a pu se prononcer que sur les modalités d'application des lois de protection des renseignements personnels.

Ce qui donne... En fait, la question, donc, qui se pose ici, qui émerge, une nouvelle question qui émerge, c'est: Comment trouver la formule qui permettrait une évaluation globale de ce type de projets là qui sont appelés à se multiplier dans l'avenir? Il y a plusieurs positions possibles. Je vais vous donner juste un exemple, en passant, pour illustrer. Par exemple, est-ce que la Commission d'accès aurait pas eu... Par exemple, s'associer avec l'Agence d'évaluation des technologies et des modes d'intervention en santé, cette Agence-là qui aurait évalué les fins et l'adéquation des moyens aux fins. Et puis une fois qu'elle a dit: Oui, c'est des fins acceptables et des moyens acceptables, là, la Commission peut entrer en ligne de jeu. Et, sinon, bien là la Commission n'a même pas à se prononcer. Bon. C'est ce genre de nouvelles questions qui émerge. Et donc, la question ici, c'est: Comment agir préventivement en amont des décisions plutôt que, comme on le fait jusqu'à maintenant, curativement, a posteriori.

Une autre question qui touche directement le législateur, c'est aussi: Comment les systèmes transactionnels légifèrent... qui sont en train de légiférer efficacement les rapports entre les citoyens et les organismes publics... Dans quelle mesure, dans quelle condition cette nouvelle forme de législation des rapports avec les citoyens est acceptable dans un État de droit et démocratique, et c'est quoi qu'on doit mettre en place pour le rendre acceptable? Ça, je pense que, déjà, à partir de peut-être déjà des éléments qui vont être présentés dans les mémoires sur le projet de loi n° 122 et peut-être des travaux qui pourraient être demandés au ministère des Relations avec les citoyens et à la Commission d'accès, on pourrait déjà baliser ce débat-là.

Entre-temps, la société québécoise a déjà été convoquée, pour l'automne prochain, à une première expérience collective de débat public d'un projet de système d'information et de transactions électroniques éminemment complexe, soit évidemment le débat sur le projet de carte-santé à microprocesseur.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Alors, M. Péladeau, la société québécoise était convoquée à certains travaux...

M. Péladeau (Pierrôt): C'est ça. Il me reste 1 min 39 s, c'est court.

Le Président (M. Simard, Montmorency): ...et nous sommes convoqués à autre chose à 18 heures. Nous allons reprendre, donc, avec votre intervention à 20 heures, hein.

M. Péladeau (Pierrôt): Parfait.

n(18 heures)n

Le Président (M. Simard, Montmorency): Nous allons vous laisser le temps, donc, de revenir et puis... Bon. Mais je tiens à préciser également, là, pour le bénéfice de cette commission, que nous entendrons, à la suite de M. Péladeau, le Barreau du Québec à 20 h 30 et que l'Institut d'histoire de l'Amérique française sera des nôtres vendredi prochain à compter de 16 h 30.

Alors, bon appétit à tous! Et je suspends nos travaux jusqu'à 20 heures. Vous pouvez laisser vos documents sur la table.

(Suspension de la séance à 18 h 1)

 

(Reprise à 20 h 2)

Le Président (M. Simard, Montmorency): Je constate que nous avons quorum. Permettez-moi d'entrée de jeu de vous rappeler le mandat de cette commission qui est de procéder à des consultations particulières et de tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 122, Loi modifiant la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, le Code des professions et d'autres dispositions législatives.

Alors, lorsque nous nous sommes quittés, à 18 heures, nous étions avec M. Pierrôt Péladeau qui est de l'Institut de recherches cliniques de Montréal. M. Péladeau, je vous rappelle qu'il vous restait cinq minutes à votre présentation.

M. Péladeau (Pierrôt): Parfait. Je vais commencer peut-être par faire une petite récapitulation, là. L'essentiel de ce que j'avais présenté, c'était de dire que, à ce moment-ci de l'histoire des institutions d'accès à l'information et de protection des renseignements personnels, il importait, un, de compléter l'actuel travail de mise au point du droit québécois en cette matière-là et de le bonifier le plus possible pour rendre compte des défis posés par les innovations technologiques; deux, de préparer dès maintenant la prochaine révision quinquennale qui devra revoir, à mon avis, une bonne partie de l'économie du droit québécois à la lumière justement de ces nouveaux défis émergents. Et ça, ça peut impliquer, bon, à travers les travaux actuels, mais éventuellement d'autres de cette commission, mais aussi peut-être du travail de recherche et de développement par la Commission d'accès à l'information et le ministère des Relations avec les citoyens et aussi, peut-être, de convier la population à ce niveau-là.

Et, trois, on était rendu à discuter qu'il fallait assurer finalement les conditions minimales de succès de la discussion publique à venir, prévue dans le cadre du projet de carte-santé à microprocesseur. Ce que je disais, où c'est qu'on en était avant la pause, c'était qu'on est face à une première expérience collective de débats publics sur un projet de système d'information et de transactions électroniques qui est éminemment complexe et que cet exercice-là est finalement un exercice relativement à haut risque parce qu'il n'existe actuellement aucun cadre institutionnel reconnu comme adéquat pour en assurer la réussite, et ce, à chacune des différentes étapes de développement du projet.

Donc, il importe de mettre en place immédiatement des conditions minimales de succès de cette expérience-là, y compris afin de tirer les leçons utiles pour la prochaine révision quinquennale. Ici, ce que la commission de la culture pourrait faire, ce serait de considérer l'opportunité de formuler quelques recommandations pour assurer justement le succès de cet exercice-là. Et, ici, on pourrait s'inscrire... s'inspirer des leçons que relèvent d'autres processus d'évaluation existants, notamment en matière environnementale.

Un premier préalable ? et là je vais énumérer un certain nombre de conditions ? c'est qu'il faut, et c'est pas évident, que le politique ? et quand j'entends le politique, j'entends non seulement le gouvernement, mais y compris les parlementaires, l'Assemblée nationale ? se donne les moyens d'être véritablement aux commandes du projet. En langage clair, ça veut dire: arracher, en quelque sorte, les commandes des mains des technocrates, et ça, c'est loin d'être évident, c'est tout un travail à faire. Et ça, ce préalable-là, permettra à la fois au gouvernement et aux organismes publics impliqués, un, d'accepter de s'engager dans un processus d'évaluation public et, donc, d'accepter d'être influencés. Deux, ça permettra au gouvernement et aux organismes publics impliqués de fournir une documentation détaillée, complète et compréhensible ? et ça, c'est important ? sur ce projet, y compris sur ses impacts sociaux appréhendés.

Trois, il faut que le processus d'évaluation public fasse partie intégrale, intégrante des processus de conception, d'adoption, de développement, de mise en oeuvre et d'opération du projet, et ça, ça implique des ressources et des budgets adéquats pour justement ce processus de consultation public là ou ce processus participatif de conception du système, l'expertise publique nécessaire pour permettre au public de participer, éventuellement même de financer une partie de la participation de certains intéressés-clés au processus. Et ça, présentement, dans le projet tel qu'il a été présenté, soumis, ces ressources-là, ces budgets-là, cette intégration-là du processus d'évaluation n'existent pas pour l'instant.

Ensuite, quatre, il faut s'assurer que ce débat-là se fasse entre les acteurs, et non pas sur le type de consultation un à un, et que ce débat-là porte sur des objets pertinents à chaque étape du projet.

Enfin, dernière condition de réussite tirée des leçons d'autres expériences de ce type-là, assurer un suivi à travers toutes les étapes du processus, du projet. Donc, c'est un petit peu, là, la... ça conclut pour l'essentiel ma présentation, là, donc, en trois parties: Comment faire face dès maintenant aux défis posés par nos nouvelles innovations.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Alors, merci beaucoup, M. Péladeau, pour la concision de vos propos. Je cède maintenant la parole à M. le ministre.

M. Facal: Merci beaucoup, M. le Président. Je vous souhaite la bienvenue parmi nous, M. Péladeau, et je vous remercie pour votre contribution à nos travaux, contribution d'ailleurs qui, dans votre cas, n'est que la dernière d'une longue série que vous avez l'habitude de faire autour de ces questions, vous avez acquis une réputation plus qu'enviable dans le domaine. Je dois vous dire que c'est toujours aussi avec beaucoup d'intérêt que je prends connaissance des propos des gens qui viennent en commission parlementaire seuls, à titre individuel, et qui signent: Citoyen. On est vraiment dans l'essence de la démocratie.

Votre mémoire est aussi un des plus étoffés, un des plus volumineux et, je vais être bien franc avec vous, le lire d'un bout à l'autre, c'est une lecture costaude pour quelqu'un qui, comme moi, est relativement profane et plus familier avec le dossier constitutionnel. Votre mémoire est aussi un des rares qui va jusqu'à dire: À tel alinéa, il faudrait remplacer tel mot par tel autre. Il y a peu de mémoires qui font une lecture aussi au microscope du projet de loi, et je l'apprécie.

n(20 h 10)n

Je prends bonne note de ce que vous dites à propos des ressources supplémentaires que devrait finir par se voir attribuer la Commission d'accès à l'information. Je partage aussi bien sûr votre diagnostic général à l'effet que, malgré leur relative jeunesse, le développement assez fulgurant des technologies de l'information fait que nos lois sont, à bien des égards, désuètes et que ce que fait 122, ce n'est pas une révolution, c'est la consolidation d'une architecture déjà en place, bonifiable, qui laisse en suspens un certain nombre de questions majeures qui devraient faire l'objet d'une révision qui s'amorcera une fois que celle-ci pratiquement aura été terminée.

Maintenant, il y a des choses cependant que vous allez devoir m'aider à comprendre. L'article 27 du projet de loi remplace l'obligation actuelle faite à un organisme de faire une déclaration de fichiers de renseignements personnels à la Commission et propose d'établir en lieu et place l'obligation de mettre sur pied et de maintenir à jour un inventaire de ces fichiers et d'en donner accès à toute personne. En outre, l'article 27 permet au gouvernement d'obliger un organisme à transmettre son inventaire à la Commission et l'oblige également à en indiquer la teneur dans son rapport annuel.

Et là vous nous dites: Ceci est insuffisant. Vous évoquez à ce moment-là, si je vous suis bien, une procédure dont l'origine se trouverait aux États-Unis, que vous appelez une procédure d'avis public et que vous basez sur l'idée que la Commission ne devrait pas exercer seule cette fonction de surveillance. Si je vous ai bien compris, vous dites: À chaque fois que le gouvernement crée un nouveau fichier de renseignements ou qu'il prend un fichier existant et veut lui faire jouer un nouveau rôle ou qu'il jumelle deux ou davantage de fichiers déjà existants, il devrait en avertir le grand public et chaque personne intéressée pourrait à ce moment-là s'exprimer, chaque personne intéressée pourrait s'exprimer.

J'ai peine à concevoir, parce qu'ici vous comprenez qu'au gouvernement on gère des volumes, et j'ai peine à comprendre comment un système d'une telle lourdeur, qui m'apparaît lourd, qui serait un petit peu comme la démocratie directe, là, Athènes, purement et simplement... sauf qu'on est des millions maintenant, là, on n'est pas quelques milliers. Je vois assez mal comment ça pourrait fonctionner. Expliquez-moi ça.

M. Péladeau (Pierrôt): Bien, on va prendre l'exemple américain, qui n'est pas... qui justement n'est pas submergé, sur le plan bureaucratique, à ce niveau-là. L'objectif, ici, c'est de dire: Bon, ce qui existait déjà dans la loi et ce qui est prévu dans l'article 27, c'est de dire: On vous informe de ce qui existe. Là, ici, ce que je propose et ce qui existe déjà aux États-Unis, c'est de dire: Maintenant, ce qui va exister, peut-être dans 60 jours, quelque chose comme ça, on l'annonce déjà ? et la plupart des organismes vont s'y prendre beaucoup plus longtemps que ça en pratique ? et de façon à ce qu'on puisse... Et quand on dit «tous les intéressés»... Aux États-Unis, c'est clair que c'est dans une logique politique de «check and balance», où le législatif contrôle l'exécutif. Ici, on est dans une autre culture politique. À l'époque, c'est pour ça qu'ils l'ont implantée dès 1974. Mais dans le contexte technologique actuel, c'est là que ça devient intéressant, même dans notre régime de gouvernement responsable, que les organismes puissent annoncer: On est en train de travailler sur tel projet de modification, tel nouvel usage, de telle manière que tout intéressé puisse... ? et ça, ça serait publié dans la Gazette officielle, en pratique ? puisse justement dire: Ah, il y a ça qui se passe, bon, c'est pas très grave, c'est juste une bonification, mais ça, ça devient important, et là on va intervenir.

Et, aux États-Unis, ça a entraîné... c'est pas tous les projets qui ont fait l'objet d'immenses débats, mais ça a permis à des commissions du Congrès, d'une part, d'intervenir sur des projets précis et de les examiner puis les bonifier et aussi de créer, dans la population américaine, dans la société civile américaine, une culture de vigilance face à certains projets. Et il y a un certain nombre d'organisations en pratique qui... En fait, c'est pas l'ensemble de la population américaine qui se pointe à Washington pour faire faire des évaluations, mais c'est un certain nombre d'organismes... d'organisations de la société civile qui, de temps à autre, identifient un projet: Oups! Ça mérite d'être examiné et d'être éventuellement discuté.

Donc, c'est ce qu'on... dans la mesure qu'on se dirige vers des projets qui ne sont plus... ? on modifie, par exemple ? bon, on va pas demander une nouvelle directive aux fonctionnaires de traiter maintenant cette façon-là de faire. Ce qu'on va demander maintenant, c'est d'implanter de nouveaux systèmes informatiques qui peuvent coûter des millions et quand la machine va fonctionner, elle va affecter les droits justement de centaines de milliers voire de millions de personnes d'un coup. Bien là je pense, si on parle de mesures préventives et en amont des décisions, que c'est une disposition qui ne coûte pas cher à implanter et qui, avec la vigilance développée et de la Commission d'accès, des autres organismes de surveillance et de la population, permettrait justement d'identifier de temps à autre ? et même à l'Assemblée nationale ? d'identifier aussi quelques projets qui méritent de meilleures considérations parce que peut-être que l'appareil technocratique n'a pas vu toutes les implications.

Le Président (M. Simard, Montmorency): M. le ministre.

M. Facal: Hypothèse: une sorte d'avis public dans la Gazette ou ailleurs est faite. Et là les gens qui sont intéressés par cela viendraient s'exprimer où? En commission parlementaire?

M. Péladeau (Pierrôt): La technique américaine est intéressante, c'est qu'elle laisse à l'organisme proposeur le soin de gérer à sa façon. Ce que prévoit la loi américaine, c'est de dire: Vous pouvez faire des présentations, ça fait que c'est sous forme de mémoires présentés directement à l'organisme. C'est uniquement dans le contexte américain, là. Donc, ça, c'est ce que prévoit la loi. Et, si c'est pas ça, c'est le Congrès qui crée une commission ad hoc pour étudier la question. Donc, en quelque sorte, il n'y a pas de... le porteur de ballon, c'est l'organisme proposeur lui-même, et donc qui reçoit les... qui peut les recevoir par écrit, par téléphone, par le mécanisme qu'il a décidé, mais il doit donner l'occasion ? en tout cas, c'est pour ça qu'il y a un délai ? à toute personne de pouvoir faire des représentations.

M. Facal: ...

M. Péladeau (Pierrôt): Mais ça rentre pas dans la machine, nécessairement, de l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Simard, Montmorency): M. le ministre.

M. Facal: O.K. Donc, la Société de l'assurance automobile, Emploi-Québec, la Régie du logement, etc., etc., devraient trouver des façons de montrer patte blanche en amont du processus.

M. Péladeau (Pierrôt): C'est ça. C'est rendre le processus transparent en amont. Donc, c'est... Et là, dans la majorité des cas, on peut dire dans 90 % des cas, ça n'aura pas... il ne se passera rien. Tout simplement, les gens vont suivre. Dans 10 % des cas, ça va poser des questions, il va y avoir un échange avec certains organismes, la Société de l'assurance automobile avec les assureurs, certaines associations de consommateurs, et ça se fait déjà dans certains organismes. Et peut-être dans 1 % des cas, bien là il va se poser un débat où ça va prendre peut-être une formule plus formelle justement pour traiter le cas, soit en commission parlementaire, soit devant la Commission d'accès ou autrement.

M. Facal: Ça ne m'étonne pas du tout qu'une chose comme celle-là existe aux États-Unis où culturellement la méfiance à l'endroit de l'État est fortement enracinée, ce qui n'a pas que des mauvais côtés. Mais est-ce que quelque chose comme ça existe dans des sociétés plus petites, davantage similaires au Québec?

M. Péladeau (Pierrôt): Il y a... ça, j'avoue, ça... Le seul cas que je connais à une échelle nationale, qui existe, c'est le cas des États-Unis. Il y a quelques mairies françaises qui ont établi des processus comme ça, mais c'est à une très, très petite échelle, là. On parle... Donc, à ce que je sache, c'est à peu près unique comme procédé.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Merci, M. Péladeau. M. le ministre.

M. Facal: Mais existe-t-il aux États-Unis une sorte d'équivalent de ce qu'est notre Commission d'accès à l'information?

M. Péladeau (Pierrôt): Non.

M. Facal: Ah! S'ils n'ont pas de chien de garde, à ce moment-là, il est davantage compréhensible qu'il ait fallu mettre cela. Mais, si nous, nous avons un organisme chargé de faire cela, si on lui donne les moyens et qu'il fonctionne correctement, faudrait-il en plus de la ceinture se mettre des bretelles?

n(20 h 20)n

M. Péladeau (Pierrôt): Oui, tout à fait, pour deux raisons, là. La première, c'est que la Commission ne peut pas, à elle seule, tout superviser et tout voir, et elle n'aura pas... elle n'aura jamais... on aura beau mettre des budgets, elle n'aura pas toutes les ressources et les expertises pour regarder l'ensemble des impacts possibles des enjeux. Et, même à ça, il y a beaucoup de ces enjeux-là ? et c'est ça, l'expérience américaine ?qui... Les questions relevaient pas nécessairement de la protection des renseignements personnels, ça relevait de toute autre question en termes d'impact social ou d'enjeux constitutionnels, là, fédéral-État, là, aux États-Unis, qui ont pu être révélés dans ce type de projet là.

Comme, par exemple, il y avait un projet, je vais donner un exemple, qui ne touche absolument pas la protection des renseignements personnels, c'était un projet du FBI de fichier centralisé, et comme ça nécessitait... à travers le Canada et à travers les États-Unis, et comme ça nécessitait une normalisation de la terminologie des crimes, ça... en tout cas, ça a été considéré par les États comme une façon, en tout cas, d'intervenir dans les juridictions des États, et donc on a révisé le projet en conséquence. Donc, ça permet non seulement de révéler les questions qui relèvent strictement de la protection des renseignements personnels, mais aussi d'autres enjeux sociaux, légaux ou éthiques, ou même constitutionnels qui sont soulevés par un projet et qui ne relèvent pas du mandat de la Commission.

Le Président (M. Simard, Montmorency): M. le ministre.

M. Facal: Une très brève question sur Statistique Québec. Vous proposez de retirer l'article 9.1. Cet article prévoit que toute communication de renseignements personnels à Statistique Québec est réputée nécessaire au sens de la Loi sur l'accès. Vous proposez de le retirer. J'avoue ne pas bien comprendre. Il me semble que, la cueillette de renseignements, on est comme dans l'essence même de ce qu'est l'Institut de la statistique, là.

M. Péladeau (Pierrôt): La question, en tout cas, moi, je l'ai posée en termes mêmes. Je collabore avec l'Institut de la statistique, là, donc je me disais: Je me sentirais mal de travailler avec un organisme qui est réputé recueillir des renseignements non nécessaires à sa mission. Et ça me pose un problème et ça pose un problème de confiance dans la population.

Je pense... Si je comprends bien, l'objectif de cette disposition-là, c'est de permettre, c'est pas de mettre le fardeau sur les organismes qui alimentent l'Institut de la statistique, le fardeau de faire l'extraction des données, et donc que ça soit fait, peut-être, par l'Institut, donc que l'Institut puisse recevoir les fichiers bruts et en tirer... O.K., parfait, j'arrête?

Le Président (M. Simard, Montmorency): Finissez votre phrase, monsieur.

M. Péladeau (Pierrôt): O.K. Et donc, en retirer les informations qu'il a ou qui lui sont nécessaires. Il y aurait une façon de contourner le problème qui serait très simple, c'est que... et qui est déjà prévue dans la loi, c'est-à-dire que les organismes publics pourraient mandater l'Institut de la statistique de faire cette extraction-là, qui serait donc légalement toujours détenue par l'organisme public, puis une fois que l'extraction est faite, c'est versé à l'Institut de la statistique.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Alors, merci beaucoup, M. Péladeau.

M. Péladeau (Pierrôt): Donc, à la limite, c'est aussi inutile, elle a pas besoin.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Ce bloc de 15 minutes dévolu à la partie ministérielle étant terminé, je cède maintenant la parole au porte-parole de l'opposition officielle.

M. Ouimet: Merci, M. le Président. M. Péladeau, bienvenue, et je partage tout à fait les commentaires, les bons mots qu'avait pour vous le ministre au tout départ de son allocution. Effectivement, c'est un rapport, c'est un mémoire très étoffé, de qualité, et on voit qu'il y a eu beaucoup, beaucoup de réflexion et de recherche dans la mise sur pied de ce mémoire.

Je veux revenir sur votre dernier échange avec le ministre parce que plusieurs groupes, dont le Barreau du Québec qui va vous suivre, ont fait valoir le danger d'une disposition comme celle de l'article 9.1 concernant l'Institut de la statistique du Québec. Le Barreau du Québec va nous dire que le risque de se retrouver avec un phénomène d'accumulation de renseignements personnels, similaire à celui qui a été dénoncé au niveau fédéral avec la banque de renseignements de l'organisme Développement des ressources humaines Canada, est réel.

Vous l'évoquez vous-même à la page 5 de votre mémoire, vous indiquez comment le gouvernement fédéral a dû démanteler son fichier longitudinal compte tenu des nombreuses plaintes et des nombreuses demandes de citoyens qui ont demandé accès à leur dossier personnel pour éventuellement favoriser le démantèlement. Ça devenait ingérable de la part du gouvernement fédéral, cette affaire-là. Vous l'évoquez de façon plus directe, également, dans votre mémoire, à la page 10, en disant que, et vous le répétez: «Cela est inacceptable et dangereux». Et à la page 11, vous dites, et je vous cite: «Il est troublant que cet amendement soit proposé précisément à une époque où la population montre une méfiance croissante vis-à-vis de l'usage de renseignements personnels provenant de leurs dossiers éventuels à des fins de recherche et de statistique et même conteste de plus en plus les enquêtes et recensements faits directement auprès d'eux.»

Je pense que ça va revenir et ça va faire l'objet de ? je suis convaincu ? plusieurs débats entre le ministre, la partie ministérielle et l'opposition. Mais j'aimerais que vous preniez plus de temps pour élaborer sur les dangers réels que comportent ce volet-là et en particulier l'article 9.1.

M. Péladeau (Pierrôt): Il y a des dangers, comme je le disais tantôt, d'autant plus inacceptables que, comme je vous dis, la loi actuellement permettrait de faire les traitements sans procéder par cet artifice, là, ou cet ajout à la loi sur le principe du mandat. Le danger, et ce que j'ai évoqué, c'est le fait que, si on établit cette règle-là pour l'Institut de la statistique ? et je parle en connaissance de cause, parce que je suis dans le domaine de la recherche ? les chercheurs dans le domaine des sciences sociales, des sciences biomédicales vont se poser la question: Bien, pourquoi l'Institut de la statistique peut recueillir des données au-delà de ce qui est nécessaire et, nous, il faut montrer patte blanche pour avoir accès aux données devant la Commission d'accès puis démontrer la nécessité, puis, si on n'a pas démontré la nécessité, on nous refuse l'accès aux données?

Et donc, il y a un effet éventuellement... non seulement possibilité de concentration... on peut faire confiance aux gens qui sont là actuellement, à l'Institut de la statistique, qu'ils vont pas... quand ils vont recevoir les données, ils vont épurer puis ils vont garder ce qui est nécessaire. Mais, effectivement, on met en place des conditions de dérapage, d'une part, non seulement à l'Institut de la statistique même, mais dans le milieu de la recherche en général. Et je citais l'exemple du numéro d'assurance sociale où il y a une tendance très forte de dire: Si on le permet à un, pourquoi qu'on le permettrait pas à d'autres? Puis il y a une culture où on dit: Bien, si on le... Je donnais le numéro d'assurance sociale. Si on l'a permis à Hydro-Québec, bien, il y a plein d'entreprises de services publics qui ont dit: Bon, bien, allons-y, recueillons le numéro d'assurance sociale. Même si on n'en a pas de besoin, objectivement, on pourra toujours le défendre puis essayer de le défendre si jamais il y a une plainte contre nous.

Je pense qu'il faut éviter aussi, outre le danger d'accumulation à un endroit, une espèce de culture de délinquance, là, aussi qui pourrait se développer parce que, je le répète, dans le domaine de la recherche, c'est pas évident. Présentement, là, on commence à peine, dans le secteur de la recherche, à faire prendre conscience que les règles de protection des renseignements personnels sont incontournables et sont même nécessaires à la survie de la recherche. Ça fait que si on se met à renverser la vapeur et à envoyer des signaux contraires, je pense que là ça va se mettre à débouler dans le sens inverse et on va reculer peut-être de plusieurs années, là, en termes d'éducation.

M. Ouimet: Vous avez choisi dans votre mémoire de ne pas faire de commentaires sur l'autre volet de la loi, l'autre mandat de la Commission d'accès à l'information qui est l'accès aux documents d'organismes publics. Est-ce qu'il y a des raisons particulières pour cela?

M. Péladeau (Pierrôt): Tout simplement que mon domaine d'expertise est plus dans l'évaluation des systèmes d'information sur les personnes et que je savais qu'il y avait des bons mémoires sur l'accès à l'information qui se préparaient, là, sur l'aspect. Mais je pense qu'effectivement il y a des besoins, en tout cas, de mettre à jour... si c'est pas la loi, c'est les pratiques, ça, c'est clair. Et donc, la question de la diffusion routinière et de l'accès routinier, surtout avec les voies électroniques et Internet, des documents publics, je pense que c'est à l'ordre du jour, là, et on peut là-dessus ici s'inspirer des expériences d'autres pays et même d'autres provinces à ce niveau-là.

M. Ouimet: Une dernière question: Pourriez-vous expliquer davantage votre préoccupation par rapport aux frais exigibles pour les actes accomplis par la Commission d'accès à l'information? À la page 17 de votre mémoire, vous dites: «L'imposition de frais pourrait affecter l'exercice des droits des citoyens et la mise en oeuvre des obligations des organisations.» Pourriez-vous élaborer davantage là-dessus?

n(20 h 30)n

M. Péladeau (Pierrôt): Bien, en fait... Bien, c'est ça, c'est-à-dire qu'il y a déjà beaucoup de freins systémiques à l'exercice des droits. Ne serait-ce que la question des appels, les délais, tout ça, si on ajoute la question des frais, là on complique l'exercice des droits. Et le problème, moi, c'était moins sur la question du principe qu'il y ait des frais que le fait... c'est qu'on le mettait dans la loi et on ne définissait pas de quels frais il était question, et donc ça laissait, comme je le disais ? presque comme un jeu de mots ? ça laissait un chèque en blanc à l'ouverture des frais. Ça fait que si on a des frais précis auxquels on songe, bien, qu'on les mette sur la table et puis là on pourra les évaluer en termes de quel impact ça aura sur l'accès ou pas. Mais de le formuler en termes génériques et ouverts, je trouve que ça pose problème dans ce type de loi là, qui traite de droits fondamentaux, et qui a un caractère quasi constitutionnel, en plus. Donc, je suis pas contre le principe, sauf que, si on veut faire ça, qu'on arrive avec une proposition concrète qu'on évaluera à sa face même et à sa valeur même.

M. Ouimet: Merci.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Merci beaucoup, M. le député de Marquette. M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Bergman: Merci, M. le Président. M. Péladeau, merci pour votre mémoire. Je vous avoue que j'ai appris beaucoup en lisant votre mémoire. Et, deux lignes m'ont frappé, quand vous dites: «Une certaine dose de scepticisme et vigilance est saine du point de vue des libertés individuelles et l'est aussi du point de vue de la démocratie.» Alors, c'est vraiment notre obligation, pour être certains qu'on révise les projets de loi en question avec ce projet de loi n° 122, qu'on garde en mémoire ces deux lignes de votre mémoire, que vous avez présenté à nous.

Vous indiquez que The Privacy Act, fédéral, États-Unis, l'article 552a, cet article exige qu'aucune autre mesure ne puisse suspendre, mettre fin, réduire ou rejeter une aide financière ou le paiement d'un bénéfice etc., si la personne en question n'a pas été avisée de ce problème. Et, je me demande, dans le cas qu'une personne est inéligible pour recevoir le bénéfice... Mais je me demande, car si la personne, vraiment, est inéligible pour recevoir le bénéfice, il semble que... Je comprends pas pourquoi on peut pas suspendre le bénéfice qui doit aller à cette personne qui a pas le droit pour le recevoir, si on a l'information. Je vois difficilement comment on peut protéger la liberté de quelqu'un qui reçoit un bénéfice qu'il n'a pas le droit de recevoir.

M. Péladeau (Pierrôt): Bon. Cet article-là de la loi fédérale américaine et qui existe dans d'autres lois de différents États aux États-Unis a une source très précise. C'est qu'il y a eu des expériences dans les années quatre-vingt, justement des décisions automatiques qui ont eu des impacts considérables. Je vais vous donner des exemples.

Dans l'État de New York, on avait... on avait mis en place un système, où ce qu'on faisait, c'était qu'on... On a décidé avec... en utilisant le numéro d'assurance sociale ? en fait, c'est le numéro de sécurité sociale américain ? on avait comparé la liste des bénéficiaires d'aide sociale avec les soldes de banques, et... bancaires. Et la loi est très claire: Si vous avez un solde bancaire, des liquidités de plus que tant, vous avez pas le droit à l'aide sociale. Et, ce qu'on a fait, c'est qu'on a coupé systématiquement et automatiquement... des décisions sans faire de vérification.

Or, il y avait plein d'erreurs de numéros de sécurité sociale, il y avait des gens qui avaient des... des gens qui avaient des comptes... Des cas, comme par exemple, des personnes, qui étaient exécuteurs testamentaires, et qui avaient donc ouvert un compte pour gérer une succession. Eux, c'était pas leur argent, à eux, mais le compte était à leur numéro de sécurité sociale, en tant qu'exécuteurs testamentaires, et là, à cause de ça, on leur coupait.

Donc, il y a eu plein, plein de cas, et ça, c'en est un parmi plusieurs qui ont été documentés, entre autres, par feue l'Office of Technology Assessment, aux États-Unis, qui a démontré que ça avait aucun bon sens de procéder soit par couplage ou décision automatique pour couper des droits que... Il y avait... En tout cas, les règles de justice naturelle devaient continuer de s'appliquer, et qu'en conséquence quand on va... on prend une décision qui va affecter les droits et que ça va être uniquement... découler d'une opération du dialogue entre deux machines ? à toutes fins pratiques, entre deux ordinateurs ? puis là, le résultat: on coupe plein de gens ou on leur enlève les droits, que ça avait aucun sens. Et je pense... Et j'ai pas cherché la jurisprudence, mais peut-être qu'il y a même eu des décisions des tribunaux disant que c'était inconstitutionnel, ce genre de procédé comme ça.

Donc, c'est ce genre de situation-là qu'on veut éviter, c'est-à-dire que la machine se mette à s'emballer, et là, on se dirige, là, dans un État de plus en plus informatisé, où l'essentiel des transactions entre l'État et les citoyens vont être déjà informatisées, et là, les communications vont se faire entre ordinateurs. Et les dangers que le sens de l'information entre un et l'autre... Et, déjà, ça se pose ici, au Québec.

Il y a, à tous les ans, au Québec et au Canada, à tous les ans, il y a quelques personnes âgées ou des gens qui reçoivent des pensions qui se font couper, tout d'un coup, parce que, suite à un couplage d'ordinateurs, ils ont été déclarés morts, tu sais, ils ont disparu ou ils ont disparu des... Il y a eu des cas de chèques, les gens disparaissent du fichier de l'allocation familiale; on l'envoie dans un autre fichier, puis là, la personne est déclarée décédée, et la personne va prendre des mois pour montrer qu'elle est vivante. Ça existe déjà, là. Le Journal de Montréal en rapporte de temps à autre. C'est ce genre de situation-là qu'on veut éviter. C'est-à-dire que, si on a des droits... en tout cas, c'est pas parce qu'on a l'efficacité des ordinateurs que ça nous dispense des règles de justice naturelle.

M. Bergman: Mais, dans ces cas, si les lois existent, ça va. Mais, si les lois n'existent pas, si la personne n'a pas le droit pour recevoir le bénéfice, alors on coupe pas un droit; on coupe un bénéfice lequel il n'a pas le droit de recevoir.

Vous faites référence ? dans votre section à 3.7 ? aux listes d'envoi, et vous dites qu'il y a un manque d'harmonisation entre la Loi sur le secteur privé et la Loi sur l'accès à l'information. Pouvez-vous nous parler un peu de questions des envois, enfin, des sollicitations commerciales et pourquoi vous avez demandé cette harmonisation entre les lois?

Le Président (M. Simard, Montmorency): Très succinctement, s'il vous plaît, M. Péladeau.

M. Péladeau (Pierrôt): Très succinctement. Bien, c'est simplement une question d'harmonisation. C'est-à-dire qu'il y a dans le secteur public ? il y en a peut-être 3 700, 3 800 ? et là-dedans, il y a des activités, des gens qui ont des activités commerciales, des activités charitables, des choses de même, et ils utilisent, dans certains cas, des listes d'envoi ou font affaire...

Par exemple, il y a des hôpitaux qui transfèrent leurs fichiers à leur fondation, leur bras charitable pour faire des sollicitations, et donc, à mon avis, dans ces cas-là, les règles qu'on a reconnues dans le secteur privé du fait que la personne devrait avoir l'occasion de pouvoir s'inscrire ou s'enlever de ces listes-là et pouvoir faire les corrections sur ces listes-là ou de décider de ne plus recevoir de choses, ça devrait s'appliquer. C'est une règle, en fait, de courtoisie qui devrait être simplement importée, et je pense pas, poserait problème dans le secteur public.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Alors, M. Péladeau, sur ces mots de courtoisie, c'est à nous de vous remercier de la vôtre pour avoir accepté de prolonger votre séjour à Québec. Alors, merci de votre présentation, et bon retour.

J'appelle d'ores et déjà le Barreau du Québec.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Simard, Montmorency): Me Gervais, soyez le bienvenue parmi nous. D'entrée de jeu, je tiendrais à vous remercier d'avoir accepté de déplacer votre présentation et de l'avoir repoussée, très tard en soirée. Donc, votre collaboration nous est fort précieuse. Auriez-vous l'obligeance de nous présenter les personnes qui vous accompagnent?

Barreau du Québec

M. Gervais (Francis): Oui, M. le Président. Merci. D'ailleurs, le Barreau du Québec veut remercier, dans un premier temps, la commission de son invitation.

Je me présente, Francis Gervais. Je suis bâtonnier du Québec depuis le 12 mai dernier, et nous sommes élus annuellement, et vous verrez pourquoi je vous le mentionne, à ce moment-ci.

Je suis accompagné ce soir du professeur Yvon Hétu qui est complètement à ma gauche. Je pense que c'est une personne bien connue dans le domaine de l'accès... Duplessis, je m'excuse. Alors, ça doit être la fatigue de la soirée. Marc Sauvé, de notre service de recherche et législation qui est responsable du comité, et ainsi qu'à ma droite Pierre Gabriel Guimont qui est syndic adjoint au Barreau du Québec.

Dans un premier temps, vous me permettrez de présenter succinctement le Barreau du Québec. Contrairement à certaines pensées populaires, nous ne sommes pas un syndicat, nous sommes un organisme professionnel qui, en vertu de la loi, doit voir à la protection du public comme premier objectif. Et, en ce sens, le Barreau est heureux du cheminement, ou en tout cas, de l'évolution du texte de loi ou des projets tels que nous les avons connus jusqu'à date, et quand on utilise les mots «évolution et amélioration», ça veut dire, quant à nous, qu'on a fait du chemin mais pas nécessairement jusqu'au bout. C'est la raison pour laquelle nous sommes ici, ce soir.

Évidemment, je dois vous dire, dans un premier temps, que la majeure partie des principes qui sont sous-jacents au texte de loi ? au projet de loi n° 122 ? nous sommes d'accord avec, et le but de notre présentation, c'est surtout pour faire voir certains points de vue particuliers.

Au niveau des règles, évidemment, il faut, comme protecteur de l'ordre public, faire en sorte de mettre en application deux principes soit celui de la transparence, je pense, de l'administration publique; d'autre part, le respect de la vie privée, et ce sont ces éléments-là que je vais voir sommairement dans le cadre de notre mémoire en laissant quand même l'opportunité aux gens qui sont avec moi de répondre aux questions, s'il y avait lieu.

Dans un premier temps, je pense qu'on vous a fait une première présentation sur la transparence des dépenses, en vous disant, M. le ministre: C'est bien. Mais la jurisprudence nous permet d'aller plus loin, et pourquoi effectivement le texte de loi arrête-t-il au moment où la jurisprudence lui permet d'avoir plus d'information? Nous avons fait un exposé un peu plus complet dans notre texte relativement à cette question.

n(20 h 40)n

Deuxième question que l'on a soulignée, c'est la nécessité d'envoyer de avis publics. Or, nous savons, pour avoir vécu cette situation dans d'autres domaines, que le simple fait d'envoyer des avis publics peut amener des fois des difficultés, peut causer préjudice à des individus parce que l'avis public est souvent une solution facile lorsque peu d'efforts sont faits pour retracer un individu.

Or, dans le cadre de l'application de la loi, il peut être opportun qu'une personne soit retracée le plus rapidement possible pour l'informer que son nom ou des informations nominatives feront l'objet d'une recommandation ou d'une décision, et en ce sens, le Barreau fait le commentaire de mentionner qu'il faudrait, au niveau des avis publics, qu'on inscrive une notion soit celle de faire des efforts nécessaires suffisants avant d'avoir usage... faire l'usage ? je m'excuse ? de l'avis public.

Quant au recours en appel, trois petits commentaires. On a mentionné effectivement que le recours en appel pouvait amener peut-être un élément dilatoire dans le processus, et nous sommes surpris quand même que, au niveau des modifications au projet de loi, on n'ait pas pensé ou songé à la possibilité de prévoir que cette procédure est une procédure d'urgence avec un rôle d'urgence qui est une technique qui est utilisée dans d'autres domaines de législation qui font en sorte que, lorsqu'un dossier vient sur le rôle de la Cour d'appel, on le met sur un rôle spécial d'urgence et qui fait en sorte que le juge en chef appelle ces causes-là de façon rapide, et tout simplement dans le fond, pour éviter que, l'appel, qu'il soit dilatoire, et retarde inutilement la divulgation d'informations.

Également, un autre élément qui nous surprend, c'est l'absence de suspension de l'exécution provisoire. Parce qu'on sait que, lorsqu'il y a un appel, tout est suspendu. Et je donne l'exemple simple: On demande 100 documents; 99 nous sont accordés, un centième fait l'objet d'un débat. On s'en va en appel pour le centième, et on ne peut même pas obtenir les 99 premiers parce qu'il n'y a pas de suspension de l'exécution provisoire. Dans plusieurs domaines, on peut facilement s'adresser aux tribunaux pour obtenir au moins la suspension et la permission d'avoir exécution sur les points sur lesquels on ne s'entend pas. Je pense que c'est une recommandation qu'on pourrait mettre en application.

Nous avons également souligné le fait que, actuellement, les appels se font uniquement sur les ordonnances et non sur les recommandations, et ça nous agace dans le sens suivant: c'est qu'une recommandation peut avoir des effets sur la réputation d'une personne ou sur des informations qui sont effectivement mises en circulation. Nous avons fait deux recommandations, soit qu'on aille en appel également des recommandations, ou que la loi prévoit à ce moment-là, lorsqu'on vise une personne en particulier, que la Commission ne puisse établir que des ordonnances.

Le quatrième point que nous avons souligné, c'est l'harmonisation au niveau des procédures pénales. Parce qu'il nous semble selon le texte ? et les articles sont reproduits dans notre mémoire ? qu'en matière d'organismes publics on est plus doux à l'égard des organismes publics parce qu'on exige la preuve d'avoir agi sciemment, ce qui est la preuve d'une intention coupable, ce qui n'est pas nécessairement le cas dans le cadre des entreprises privées, et on se demande pourquoi il y a cette absence d'harmonisation, en faisant la recommandation évidemment d'y aller vers l'harmonisation.

Quant à l'Institut de la statistique, je pense que ça a été soulevé tout à l'heure. Je vous rappelle tout simplement que la position du Barreau ? et je l'ai entendu ce soir ? c'est que nous avons un système dans lequel il y a un filtre ou il y a un chien de garde, et on ne comprend pas... Quant à nous, c'est inacceptable que, sans... qu'on n'utilise pas effectivement le système actuel, de telle sorte que, aujourd'hui, tout organisme public pourrait transmettre, si le texte de loi était adopté tel quel, à l'Institut de la statistique, sans aucune démonstration de la nécessité ou de la pertinence, un ensemble d'informations. Je pense que nos arguments apparaissent à la page 7 de notre mémoire, relativement à cette question.

Nous avons également ? je m'excuse ? fait des commentaires concernant le pouvoir d'enquête et processus quasi judiciaire ? je saute dessus pour l'instant.

La vérification diligente dans le secteur privé. Si on veut effectivement continuer d'être compétitif et faire en sorte de pouvoir s'adapter au monde actuel de la mondialisation, de la globalisation, il faut reconnaître une réalité au niveau commercial. C'est ce qu'on appelle la notion du «due diligence» ou la vérification diligente. Certaine vérification qui est requise de l'acquéreur qui est prudent fait en sorte que certaines informations doivent lui être transmises dans un cadre bien confidentiel, alors qu'actuellement nos lois ne le permettent pas ou ne prévoient pas de situation particulière pour ce genre d'opération là. Alors, un jour, lorsqu'on aura à se poser la question ? et le ministre de la Justice nous l'a posée dans le cadre du congrès du Barreau ? est-ce qu'il y a dans notre législation des éléments irritants qui feraient en sorte que nous ne serions plus compétitifs, je crois que cette disposition en est une.

Finalement, au niveau du régime d'accès concernant les ordres professionnels, je vous rappelle que le Barreau, étant un ordre professionnel, nous sommes également membres du CIQ ? du Conseil interprofessionnel du Québec. Nous avons vu le mémoire du CIQ. Le CIQ aura l'occasion de venir faire seul la présentation, et nous sommes tout à fait d'accord avec les représentations.

Simplement quelques petits points. Actuellement, il y a, dans le monde professionnel, une réforme qui s'en vient. Il y a des chantiers législatifs qui sont en place. Il y a des études qui sont faites, tout le monde y participe. Et on se pose la question, non pas: Est-ce que le principe de la divulgation devrait être là, si on est d'accord, mais est-ce que c'est le moment opportun de le mettre en application sachant qu'il y a des réformes en matière professionnelle?

Je vous donne un exemple. On prévoit, dans cette législation actuelle ? l'article 46.1 ? où certaines informations du tableau de l'ordre vont apparaître, dont les informations concernant quelqu'un qui n'est plus membre de la corporation.

Or, à l'article 46, quand on parle du tableau de l'ordre, c'est uniquement les gens, qui sont membres de la corporation, qui détiennent un permis. Alors, il y a un petit problème d'harmonisation de ces textes-là. Pourquoi est-il nécessaire à ce moment-ci d'avoir ces définitions-là? Pourquoi ne les laisse-t-on pas dans le domaine professionnel avec la réforme qui s'en vient?

Au niveau du responsable de l'information dans le domaine professionnel ? et j'ai volontairement mentionné que j'étais élu pour un an ? et tous les professionnels, toutes les corporations professionnelles, la loi prévoit que nous sommes élus à tous les ans. Or, le texte actuel prévoit que c'est le président de la corporation qui est responsable de l'accès. Il peut déléguer, je comprends.

D'autre part, nous avons une particularité ? qui est l'article 121 du Code des professions ? qui a été reconnue par la jurisprudence: le syndic. Le syndic est une personne autonome qui doit pouvoir agir en toute indépendance.

Alors, nous nous trouvons dans une situation où une loi qui ne traite pas de cas... qui traite particulièrement de divulgation d'information fait en sorte que le syndic pourrait devenir sous le joug finalement du président qui pourrait tout simplement prendre la responsabilité de la divulgation des informations. Alors, je pense encore une fois: absence d'harmonisation avec les lois professionnelles.

Tout simplement, également, un sujet qui pourrait être intéressant. Le syndic me soulignait dernièrement une difficulté... enquête sur des allégations contre un avocat. C'est que les informations sont entre les mains d'un autre organisme, un organisme public cette fois-ci, qui a fait enquête, et il y a absence de réciprocité puis d'échange d'information entre, pourtant, deux organismes qui sont là pour faire appliquer des dispositions législatives ou appliquer les textes de loi. En aucun endroit dans la nouvelle disposition n'a-t-on vu effectivement cette possibilité de réciprocité d'échange entre des organismes tels le syndic et les organismes enquêteurs en vertu de la loi qui, dans le cadre de chacune de leurs lois et de l'application de leurs lois, ne pourraient s'échanger de l'information.

Alors, je laisse à mes collègues, s'ils veulent à ce moment-là, compléter ou attendre vos questions. C'est l'objet principal de notre mémoire; je vous ai résumé les huit points. Me Duplessis, je pense que vous vouliez...

Le Président (M. Simard, Montmorency): Oui, M Duplessis, oui.

M. Duplessis (Yvon): J'aimerais, si vous permettez, peut-être compléter certains points, dont entre autres la transparence des dépenses qui font l'objet de remboursements à même les fonds publics.

Je pense que cette disposition-là constitue un net recul avec la situation actuelle. La jurisprudence nettement majoritaire de la Commission d'accès à l'information accorde un droit d'accès beaucoup plus généreux que celui que l'on propose à l'article 13 du projet de loi. Non seulement la Commission d'accès à l'information propose ou a reconnu un droit d'accès plus généreux, mais il existe également à l'heure actuelle deux jugements de la Cour du Québec qui s'opposent. Alors, il y aura, par contre, la Cour du Québec qui devra se prononcer prochainement de nouveau sur cette question-là, et il y aurait peut-être lieu d'attendre que ça se règle par les tribunaux, jusqu'à maintenant.

Également, et je pense que c'est le point peut-être le plus important, on a mentionné tantôt qu'il existait 3 500 organismes publics. Sur les 3 500, 2 200 sont des organismes municipaux. Si l'on regarde la Loi sur les cités et villes ou le Code municipal, on reconnaît, autant dans le Code municipal que dans la Loi sur les cités et villes, un caractère public non seulement aux comptes de dépenses, mais également aux pièces justificatives. Non seulement ça, mais un principe de droit municipal veut que tous les comptes de dépenses soient entérinés par le conseil municipal. Étant entérinés par le conseil municipal qui siège en assemblée publique, ces documents-là font partie des archives. Que l'on consulte la Loi sur les cités et villes ou le Code municipal, tous les documents qui font partie des archives sont également publics. Alors, ça constitue de la sorte un recul, du moins, en droit municipal. Et, encore une fois, j'insiste sur le fait qu'on retrouve 2 200 organismes municipaux sur un total de 3 500.

Quant au point 2, la procédure d'avis public, je pense qu'on a voulu régler un problème. Il y a un dossier, à ma connaissance, là-dessus, et c'est celui de General Motors, où l'on devait aviser 6 000 tiers. Alors, je peux comprendre qu'avec un nombre imposant de 6 000 tiers à aviser une procédure telle que celle que vous proposez s'impose. Mais, maintenant, il faudrait pas en faire une règle générale, comme le bâtonnier le mentionnait tantôt, et ça ne devrait qu'être dans des circonstances exceptionnelles où on pourrait se servir des médias pour aviser les gens, étant donné les droits qui sont en cause ici, des droits quasi constitutionnels, reconnus par la Charte des droits et libertés de la personne.

J'aimerais également insister peut-être sur l'article 110 de la loi qui concerne l'Institut de la statistique du Québec. Je dois vous avouer que, ce que vous proposez à l'article 9.1, me semble une première en l'espèce. Pour avoir fait le tour de la question, c'est la première fois qu'on dit qu'une communication est réputée nécessaire. Ça constitue en droit ce qui me semble être une présomption absolue ? présomption absolue. Il est assez difficile d'aller à l'encontre de ça, dans un premier temps. Et, encore une fois, j'insiste sur le fait qu'il s'agit, à mon avis, d'une première.

n(20 h 50)n

Là où ça pose également problème, c'est la dernière phrase de cet article-là: «Est également réputée nécessaire la communication de renseignements personnels par l'Institut à un organisme statistique d'un gouvernement autre que celui du Québec.» Quelle est la protection que l'on a pour les renseignements personnels que l'on transmet à l'étranger? Je comprends que c'est transmis à un Institut de la statistique de l'Ontario, à titre d'exemple, mais est-ce qu'il y a pas une possibilité que l'Institut de la statistique de l'Ontario transmette ces renseignements-là à une entreprise privée, à titre d'exemple, qui, elle, revendra ces renseignements-là à une entreprise québécoise?

Et quelle est la protection dont on bénéficie? Ça me semble être un problème très sérieux. Je veux dire, c'est beau avec l'Ontario si on prend des renseignements, mais qu'est-ce qui arrive avec le Yukon? Qu'est-ce qui arrive avec la Colombie-Britannique? C'est plus difficile; plus c'est loin, évidemment, plus c'est difficile d'avoir un contrôle. Il y a aucun contrôle qui est exercé ici, et ça, ça peut constituer, je pense, un sérieux problème quant à la protection des renseignements personnels.

C'est terminé, quoi? Oh, je m'excuse.

Le Président (M. Simard, Montmorency): En conclusion, cher maître.

M. Duplessis (Yvon): Ha, ha, ha! Bien, la conclusion, écoutez, on répondra aux questions. Je dois vous avouer que j'avais beaucoup de choses à dire, mais il faut se limiter. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Simard, Montmorency): Merci. Alors...

M. Duplessis (Yvon): On vous remercie du temps que vous nous avez accordé.

Le Président (M. Simard, Montmorency): ...M. le ministre, à vous la parole.

M. Facal: Merci beaucoup, M. le Président. Je souhaite la bienvenue à MM. Gervais, Duplessis, Sauvé et Guimont. Je vous remercie pour votre contribution à nos travaux. C'est toujours un plaisir de recevoir une institution aussi éminente que le Barreau, que, pour ma part, je n'ai jamais confondu avec un syndicat, même s'il n'y a absolument rien de dégradant à faire de l'action syndicale.

Vous êtes le premier organisme à aborder de front la question qui... une des questions qui soulèvent le plus de passion, celle des comptes de dépenses des élus. Alors, allons-y.

L'article 13 du projet de loi, tel qu'il est présentement libellé, consacre comme étant publics les renseignements suivants: le nom de la personne qui bénéficie du remboursement, le type de dépense, la date, le montant, le nombre de personnes concernées et la région.

Il est apparu au législateur qu'il s'agissait là de renseignements suffisamment précis pour que le grand public puisse juger de la pertinence, du bien-fondé de la dépense, mais en même temps, qui réussissaient à préserver certains aspects de la vie privée des personnes remboursées.

Du choix que nous avons fait pour l'instant, vous nous dites: Il serait préférable de laisser les tribunaux trancher. Là-dessus, je dois vous dire que je suis encore loin d'être convaincu. Moi, j'estime qu'en démocratie les élus font des choix, les font connaître, se présentent devant la population et en assument les conséquences. J'irais jusqu'à dire que nous vivons un excès de gouvernement par les juges, et sur certaines questions, je trouve parfaitement légitime que les élus du peuple disent: Nous pensons que c'est ceci qui est bon, plutôt que de laisser les tribunaux trancher.

Ce qui a été recherché par nous et qui peut être bonifiable, c'est, oui, un compromis, un équilibre. Il me semble qu'il y a une ambiguïté jurisprudentielle en ce moment, que vous avez vous-même parfaitement évoquée dans une affaire qui était Bourque contre la ville de Saint-Romuald. La Commission avait elle-même limité l'accessibilité à certaines parties du compte de dépenses, et cette décision a été renversée par la Cour du Québec.

Dans une autre affaire ? celle de ville de Lachine ? au contraire, la Commission avait eu une interprétation large, et la Cour avait ensuite restreint. Il y a une ambiguïté à lever.

Vous nous dites que ce que nous proposons est trop restrictif, et vous proposez d'ajouter les lieux et les noms des établissements fréquentés, ainsi que la qualité, soit les titres et les fonctions des personnes et des représentants des personnes morales en compagnie desquelles les dépenses ont été encourues.

Commençons par le commencement. Qu'y a-t-il d'insuffisant dans l'article 13, tel que nous l'avons rédigé? Ne me parlez pas de recul en termes de droit municipal. Vous connaissez ces domaines, pas moi, et je vous fais confiance. Dites-moi simplement: dans la liste des exigences prévues à l'article 13, qu'est-ce qui est insuffisant pour que le grand public puisse se faire une idée de la pertinence ou du caractère folichon de la dépense?

M. Duplessis (Yvon): Si vous me donnez la permission, je vous dirai deux points. Quand on mentionne le lieu et le nom de l'établissement... je vais vous donner un exemple. Écoutez, celui qui va manger au Troquet à Montréal, qui est un restaurant... et c'est un endroit éminemment public, est-ce qu'il y a que les gens qui peuvent se permettre d'aller manger au Troquet qui peuvent avoir accès à l'information quant à savoir où les élus ? et je vous parlerai des élus municipaux pour les fins de mon propos ? où les élus municipaux vont manger? Pourquoi est-ce que tout le monde n'aurait pas le droit de le savoir plutôt que seulement que ceux qui peuvent se payer ce genre de restaurant là? Je pense que ça peut m'intéresser, moi, de savoir si le maire, qui a été élu, va manger toujours dans les plus gros restaurants ou s'il est capable à un moment donné d'aller manger dans un restaurant qui est peut-être... où ça coûte un peu moins cher.

Deuxièmement, quand on parle des personnes qui accompagnent les élus, je pense que l'article 57 à l'heure actuelle reconnaît le caractère public de cette information-là, la fonction de cette personne-là, son nom. Alors, ici, on ne prévoit pas que les personnes dont le nom et la fonction est publique... À l'heure actuelle, en vertu de la loi, on n'a pas à le divulguer alors que la loi, dans l'état actuel des choses, permet la divulgation de ces noms-là. Alors, en ce sens-là, ça constitue un recul.

M. Facal: Mais si le public sait que mon souper en compagnie de deux autres personnes a coûté 182 $, qu'est-ce que ça change de savoir que c'était 182 $ au Troquet ou 182 $ chez Machin?

M. Duplessis (Yvon): Encore une fois, comme je vous dis, c'est un endroit éminemment public, et c'est la seule raison pour laquelle je vous dis ça. C'est un endroit où les gens qui vont souper se rendent compte quand le maire Bourque est là ou quand le maire Ducharme de Hull est dans un endroit. Pourquoi limiter ça aux gens qui peuvent se permettre ça? Pourquoi ne pas l'élargir? C'est un endroit éminemment public, encore une fois.

M. Facal: Mais si je vous dis que mon choix de restaurant relève de mes goûts personnels, et donc à certains égards, de ma vie privée, qu'est-ce que ça peut vous faire, vous, que je préfère chez Machin plutôt que Troquet si je vous dis combien j'ai dépensé et avec qui j'étais.

M. Duplessis (Yvon): Bien, je pense que, comme on le mentionne, ce sont des fonds publics. Alors, ça sort un peu de la poche de tous les contribuables, et je ne vois pas pourquoi il y aurait une honte ou il y aurait une question de vie privée quant au fait d'aller manger dans un endroit public, payer à l'aide de fonds publics.

M. Facal: La question n'est pas de savoir si ce sont des fonds publics ou pas; bien sûr que c'en est.

M. Duplessis (Yvon): Un endroit public.

M. Facal: La question est de savoir si un personnage public a encore droit à une part de vie privée. Et, moi, je vous dis qu'un personnage public a le droit à la préservation d'un espace de vie privée.

n(21 heures)n

Je vous donne un exemple. Supposons qu'à terme on en vienne à devoir dévoiler quels élus prennent leur automobile, quels élus préfèrent se déplacer en avion. Si un certain nombre d'explications, de mises en contexte ne sont pas données, vous savez très bien à quelle surenchère démagogique cela peut donner lieu, une sorte de palmarès comparatif: Un tel est dépensier, un tel est frugal.

Mais la vie privée pourrait jouer un rôle là-dedans. On suppose, par exemple, que je vous dis: Moi, j'ai des enfants en bas âge, et le fait de prendre l'avion me permet de sauver un peu de temps que je peux, à ce moment-là, passer en famille, l'auto me demandant plus de temps. Est-ce que ce n'est pas légitime comme préoccupation? Est-ce qu'un personnage public n'a pas le droit de vouloir préserver certains aspects de sa vie privée? Est-ce que, parce qu'on a choisi la vie publique, tout doit être public?

M. Duplessis (Yvon): Encore une fois, le problème que j'y vois, c'est qu'un restaurant est un endroit public.

M. Facal: Disons que ce n'est pas le passage le plus convaincant de votre mémoire, et nous serons en accord sur le fait d'être en désaccord là-dessus. Ha, ha, ha!

M. Duplessis (Yvon): Mais, à tout le moins, vous reconnaîtrez un point, celui du caractère public, à tout le moins, qu'on accorde au nom et à la fonction des gens, prévu à 57.1 et 57.2, et ça non plus... C'est un recul en ce sens-là, c'est que vous vous trouvez à créer une exception quant au caractère public d'informations à l'heure actuelle.

M. Facal: Je réfléchis à voix haute là-dessus et je vous soumets la réflexion suivante. Vous dites: Il faudrait aussi que soient rendus publics les titres des personnes avec qui l'élu est... celui avec... Oui, en effet, oui, mais vous savez aussi bien que moi que, de temps en temps, des élus, des personnages publics ressentiront peut-être le besoin, dans l'exercice de leurs fonctions, de rencontrer quelqu'un qui ne détient pas un poste électif, qui n'a pas un titre particulier, mais qui est simplement quelqu'un d'éminemment compétent dans son domaine, mais qui est un citoyen comme un autre, qui a peut-être jadis occupé une fonction, qui, maintenant, est à la retraite, mais qui peut avoir des choses extrêmement pertinentes à me dire, moi, sur une question. Il n'a pas de titre, et là je vais devoir expliquer que, oui, j'ai été souper avec monsieur X ou madame Y qui n'a pas de titre, mais que c'est quand même quelqu'un qui a des choses pertinentes à me dire qui peuvent enrichir ma pratique publique. Vous voyez jusqu'où on s'enfonce quand on va là-dedans?

M. Duplessis (Yvon): Je suis tout à fait d'accord avec vous, et on demande pas de rendre cette information-là publique, on parle des gens qui sont membres d'organismes publics et qui participent à ce dîner-là. Ce sont des renseignements qui, à l'heure actuelle, sont publics en vertu de la loi, mais qui ne sont pas prévus à l'article 13 en tant que tel. Il est évident que, si on parle d'un individu qui provient d'un organisme privé, c'est un renseignement personnel qui doit, en vertu de la loi, être protégé, et ça, on s'entend là-dessus.

M. Facal: Si je suis votre logique, ceci étant né du monde municipal, j'imagine que vous devez considérer que la Loi sur l'Assemblée nationale qui, elle, est celle sous l'égide de laquelle sont les députés et qui est beaucoup plus restrictive... Vous devez la juger carrément médiévale.

M. Duplessis (Yvon): Mais, vous avez tout à fait raison, la plupart des dossiers proviennent du secteur municipal, et, à ma connaissance, il y a pas eu de problèmes jusqu'à maintenant avec les membres du gouvernement quant aux comptes de dépenses. Sauf le dossier qui est en Cour suprême, là, mais...

Le Président (M. Simard, Montmorency): M. le ministre, il vous reste une minute.

M. Facal: Une minute? Je donne ma minute à quiconque voudra la prendre.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Alors, M. le porte-parole de l'opposition officielle, à vous la parole.

M. Ouimet: Alors, M. le bâtonnier et MM. les représentants du Barreau du Québec, bienvenue. Moi, je voulais aborder avec vous la question des délais au niveau de l'accès aux documents. Et, j'ai fait une proposition un peu plus tôt à la Commission d'accès à l'information, je ne pense pas me tromper en affirmant qu'au niveau du Code de procédure civile les juges des différents tribunaux doivent rendre une décision à l'intérieur d'un délai de six mois, n'est-ce pas? La même obligation ne s'applique pas au niveau de la Commission d'accès à l'information, de telle sorte que la Commission d'accès à l'information peut prendre, des fois, de 12 mois à 24 mois, dans certains cas, avant de rendre une décision concernant un organisme ou le gouvernement. Et on peut nier à quelqu'un le droit d'accès à l'information par le seul écoulement du temps compte tenu qu'une information peut être très importante à un moment donné, mais, dès le moment où on commence à accumuler des délais, elle perd toute sa valeur, toute son utilité. Comment est-ce que vous réagissez par rapport à une telle proposition où on pourrait mettre dans la loi une obligation stricte à la Commission d'accès à l'information de rendre des décisions à l'intérieur d'un délai x, de trois mois à six mois?

M. Gervais (Francis): En principe, dans la mesure où notre représentation était à l'effet que les délais devaient être réduits... Je pense qu'en principe ce serait acceptable, mais vous comprendrez d'autre part que, quant aux chiffres, sans connaître tout à fait le mécanisme et savoir à l'intérieur du délai quels sont ceux qui sont systémiques et quels sont ceux qui sont obligatoires, c'est pour nous difficile, ce soir, de venir dire: Oui, c'est trois mois, oui, c'est quatre mois, oui, c'est six mois. Mais je pense qu'en principe le fait d'imposer un délai pour qu'une décision soit rendue... Je pense qu'on pourrait vivre avec ce principe-là.

M. Ouimet: Très bien. Autre suggestion, lorsqu'un organisme invoque une restriction pour refuser de donner accès à un document, est-ce qu'il ne serait pas opportun, pour tenter, là, de faire pencher quelque peu la balance en faveur soit du citoyen ou de l'individu qui se présente devant un organisme pour demander accès à l'information ou éventuellement qui se retrouve devant la Commission d'accès à l'information, qu'on puisse avoir un genre de test de la balance des inconvénients? En d'autres termes, on pourrait déterminer que l'intérêt public peut l'emporter sur le préjudice causé à l'organisme si jamais l'organisme refuse de donner accès. Il y a comme une balance des inconvénients, et on permet de plaider le fait que l'intérêt public commande et l'intérêt public est supérieur afin que le citoyen puisse obtenir accès à l'information qu'il recherche même si l'organisme se cache derrière une des restrictions. Ça donnerait comme un deuxième test, parce que présentement on n'a qu'à invoquer à peu près la restriction pour être légitimé de ne pas dévoiler l'information en question.

Alors, je me demande, là, si on essaie de favoriser... de faire en sorte que la loi soit davantage favorable au citoyen qui est en quête d'informations, si on ne pourrait pas trouver un mécanisme pour lui donner une meilleure chance d'obtenir les informations.

M. Duplessis (Yvon): Bien, écoutez, la notion d'intérêt public, je dois vous avouer qu'elle apparaît dans le projet de loi n° 14 concernant les dossiers fiscaux. C'est pas une notion qui a été retenue dans la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. Toutefois, d'autres provinces telles que le Manitoba et le gouvernement fédéral ont pris une approche différente. Alors, par contre, le problème, c'est de déterminer qu'est-ce que l'on entend par notion d'intérêt public. Il peut être de l'intérêt public de ne pas divulguer un document pour un organisme public auquel on aurait le droit, comme il peut être d'intérêt public pour un individu d'obtenir un document qu'il n'aurait pas le droit d'obtenir. Alors, d'insérer la notion d'intérêt public, il faudrait peut-être établir certains critères, certains barèmes, certains paramètres pour, à tout le moins, guider la Commission d'accès à l'information, tout comme la Cour du Québec qui se prononce en appel.

Mais, encore une fois, ce sont des notions qui... C'est une notion qui a été retenue à titre d'exemple en matière environnementale, qui est une matière quand même importante, au Manitoba. Et c'est une notion qui a également été retenue dans la loi fédérale, mais qui n'apparaît pas dans la loi provinciale, sauf à un article, quand le gouvernement veut renverser une décision. Alors là il faut que... Il peut le faire quand il en va de l'intérêt public.

M. Ouimet: À la page 9 du mémoire du Barreau du Québec, vous semblez avoir des... Ou à la page 10, vous semblez avoir des réticences par rapport à l'assujettissement de l'ordre professionnel à la loi. Vous dites clairement à la page 10 ? et je cite le deuxième paragraphe de la page 10: «On peut très certainement se demander si les gains de transparence pour la population sauront compenser le poids administratif et financier et les pertes d'efficacité qui accompagneront inévitablement ce régime d'accès à l'information et de protection des renseignements personnels. La population a-t-elle véritablement besoin d'un tel régime? Quels gains concrets résulteraient de ce régime pour la population?»

n(21 h 10)n

Pourriez-vous peut-être élaborer davantage sur vos réserves, vos hésitations par rapport à cela? Je sais que vous le mentionnez un peu à la page 9 en parlant du fait que le financement de l'ordre professionnel ne dépend pas de fonds publics, mais davantage de cotisations des membres. C'est un motif, est-ce qu'il y a d'autres motifs?

M. Sauvé (Marc): Bien, je pense qu'on faisait en particulier allusion aux dossiers d'enquête du syndic, à savoir que la loi donne probablement de faux espoirs aux citoyens et aux personnes visées à l'effet qu'il y aura une transparence absolue des dossiers d'enquête alors que la protection du public elle-même et l'intégrité du processus disciplinaire imposent des restrictions à la Loi sur l'accès. Alors, la question que les avocats se posent ? et on est tous des avocats ici pour le Barreau ? on est encore à se demander qu'est-ce qui est accessible ou qu'est-ce qui ne le sera pas. Il y a un principe général d'accès aux documents personnels qui concerne la personne visée, mais il y a évidemment, comme on le mentionnait tantôt, pour des raisons de protection du public et d'intégrité du système disciplinaire, une série d'exceptions qui font en sorte qu'on va se retrouver, à toutes fins pratiques, à peu près systématiquement, pour les premières années à tout le moins, devant la Commission d'accès, et donc des litiges, de l'insécurité juridique. Tout ça pourquoi? Finalement, on peut se le demander.

On avait proposé initialement une approche administrative beaucoup plus simple qui était une approche, je dirais, de lister les documents qui seraient accessibles finalement au public, faire une liste générique des documents accessibles, ce qui aurait facilité la tâche à tout le monde, à toutes fins pratiques, et identifié ce qui est accessible au public pour éviter l'insécurité et les litiges inutiles.

Alors, c'est ce qu'on voit, on voit là-dedans, donc, des litiges, un certain nombre d'années avant que la Commission puisse fixer une jurisprudence et, en bout de course, peu de documents accessibles au public pour les raisons de protection, d'intégrité du système disciplinaire.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Merci beaucoup.

M. Ouimet: Une dernière question assez brève concernant le refus de demandes d'accès qui sont jugées manifestement abusives. Comment est-ce que vous définissez «manifestement abusives»? Est-ce que ce serait laissé à l'appréciation de l'organisation en question ou est-ce que ce serait une notion qui serait éventuellement définie par la jurisprudence de la Commission d'accès à l'information?

M. Duplessis (Yvon): Nous, on pense que la jurisprudence est maintenant assez bien établie. Je dois vous avouer que ça a été interprété restrictivement par la Commission d'accès à l'information. La Cour du Québec est intervenue dans CUM contre Winters, et je pense qu'on a rétabli les faits et que maintenant ça donne lieu à beaucoup moins de problèmes que ça en donnait antérieurement. Alors, je pense que l'interprétation, c'est quand même fondé à l'heure actuelle et ça pose beaucoup moins de problèmes que ça en posait antérieurement.

M. Ouimet: Merci.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Merci beaucoup. M. le député de D'Arcy-McGee, en vous rappelant qu'il reste cinq minutes à votre bloc.

M. Bergman: Merci, M. le Président. M. le bâtonnier, merci pour votre présentation, et j'aimerais d'avance vous remercier et spécifiquement votre section de législation, le service de législation, Me Sauvé qui est toujours disponible pour nous dans nos études des projets de loi. Et c'est quelque chose que nous apprécions sur une base professionnelle des deux côtés, mais, de notre côté, les appels au Barreau sont toujours quelque chose qui est traité dans une manière professionnelle, et nous apprécions beaucoup.

La question de «due diligence», que vous avez soulevée dans la section 7, page 9 de votre mémoire, est-ce que vous pouvez nous parler un peu de cette question des renseignements personnels qui sont nécessaires à la réalisation d'une transaction? Et il semble que vous estimez que des modifications devraient être apportées à l'article 18 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé pour prévoir ces situations et cette question de «due diligence» de l'information qui est passée pour vérification de l'entreprise avant l'achat, avant un document légal, l'importance de notre société dans nos transactions commerciales. Alors, j'aimerais avoir vos commentaires sur cette section, s'il vous plaît.

M. Gervais (Francis): C'est difficile d'aller au-delà de ce qui a été indiqué. Lorsque nous avons fait l'examen avec notre comité, ce sont des éléments qui nous ont été rapportés par des gens qui font effectivement affaire à des situations de «due diligence». Et, actuellement, ce qu'on nous dit de la part de ces gens-là c'est, tel que mentionné à la page 9, il y a des situations où il y a de l'information qui doit être obtenue pour procéder au «due diligence» et, à ce moment-là, il y a tout un processus et un mécanisme qui est quand même là pour mettre en application la divulgation de l'information et qui est quand même lourd pas in se, mais dans la mesure où on doit agir rapidement dans un «due diligence». Et la recommandation des gens qui travaillent dans le domaine, c'est de faire en sorte d'avoir des dispositions particulières avec des règles de confidentialité particulières dans le cas de «due diligence», justement pour favoriser et accélérer à ce moment-là la transmission d'information.

Écoutez, on est pas rentrés dans les détails de ce qui devrait aller, mais on dit: C'est un problème qui semble émerger, c'est un problème qui va effectivement être plus conscient... dont on va être plus conscient dans le cadre de relations avec l'extérieur. Il faudrait faire en sorte de prévoir cette situation-là dans le texte de la loi.

M. Sauvé (Marc): Mais, peut-être en complément de réponse, c'est quand même dans une situation très circonscrite, là, c'est pas dans n'importe quel contexte. Il s'agit donc, par exemple, de négociations pour l'achat, la vente, la fusion, la réorganisation d'entreprises. Et de quoi il s'agit? Bien, il peu s'agir de salaires d'employés, de dossiers d'employés, de renseignements concernant des clients ou des fournisseurs. Donc, il faut vraiment que ça soit ciblé, là, on veut pas ouvrir les portes, là, à n'importe quoi. C'est dans ce contexte-là qu'on demande une certaine souplesse pour ne pas nuire aux transactions commerciales.

M. Bergman: Il y avait beaucoup de mentions que... d'exceptions qui s'appliquent au Code des professions. C'est une question hybride ou dualité. Et, pour retourner à cette question que mon confrère vous a demandée, la question des documents qu'un ordre professionnel possède qui sont relatifs au contrôle de l'exercice de la profession sont sur le côté public. Est-ce que vous pourriez retourner à cette question et ce concept pour nous donner une définition de quelle est votre vision des documents qui sont relatifs au contrôle de l'exercice de la profession? Je pense que ça, c'est, à mon avis, la clé de ce projet de loi en ce qui concerne le Code des professions.

M. Sauvé (Marc): Évidemment, ce sont... Il s'agit là d'un élément fondamental, je dirais, de tout le régime qui va s'appliquer aux ordres professionnels. Tout ce qui concerne finalement la vie associative, O.K., que ça soit, là, donc, la relation pure entre l'ordre professionnel et ses membres, c'est le régime du secteur privé qui s'applique, donc la protection des renseignements personnels dans le secteur privé qui va s'appliquer à ces documents-là, à ces renseignements-là. Tous les autres dossiers ou documents qui sont reliés, donc, au contrôle de l'exercice de la profession... On parlait tantôt de l'aspect disciplinaire, il y a une liste d'ailleurs à un article, là, où on liste les cas, où on dit: L'inspection professionnelle, la conciliation, l'arbitrage de comptes... En fait, vous voyez ça à 108.1. Alors, ça donne une bonne idée, là, si vous voulez, là, du champ d'action: formation professionnelle, l'admission, la délivrance de permis. Bref, tout le champ où le Barreau exerce sa fonction de protection du public dans le sens de contrôle de l'exercice de la profession, c'est à ça que va s'appliquer...

Le Président (M. Simard, Montmorency): En conclusion, cher maître.

M. Sauvé (Marc): ...finalement la dimension publique.

M. Bergman: ...

Le Président (M. Simard, Montmorency): Très rapidement.

M. Bergman: C'est pas une relation entre le Barreau et ses membres... Vous indiquez plus tard que, dans les circonstances, ne serait-il pas plus sage de prévoir spécifiquement que la loi sur l'accès du secteur public ne s'applique pas aux documents détenus par le syndic. Les documents détenus par le syndic, les relations entre le syndic et les membres de l'ordre, c'est des documents privés, c'est pas un document qui s'applique à votre définition de contrôle de l'exercice de la profession.

M. Sauvé (Marc): Oui, c'est vraiment le contrôle... Quand on parle, par exemple, des documents d'enquête, c'est certainement un contrôle de l'exercice de la profession, parce qu'il y a une dimension de la déontologie disciplinaire, ça ne fait aucun doute. Et, s'il y a un document qui a trait au contrôle de l'exercice de la profession, c'est bien celui-là.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Merci beaucoup. Alors, le député d'Iberville m'a fait signe qu'il voulait récupérer la minute que lui offrait son ministre.

M. Bergeron: Merci, M. le Président, et le voudrais l'utiliser à bon escient. Le troisième sujet que vous abordez ? messieurs du Barreau, bienvenue ? c'est les recours en appel des ordonnances et des décisions. Au dernier paragraphe, vous dites: «La Commission a l'habitude de procéder par voie de recommandation plutôt que par ordonnance.» Dans un premier temps, j'aimerais bien saisir la nuance juridique, je ne suis pas un juriste.

n(21 h 20)n

Et, vers la fin, vous dites: «Au même titre que les ordonnances, les recommandations sont publiques et peuvent affecter l'image, la réputation.» Et, comme recommandation, vous dites: Que la Commission procède davantage par ordonnance que par recommandation. Et, j'aimerais que vous terminiez avec des exemples concrets, de quelle façon ça peut affecter l'image, la réputation ou les droits d'un plaignant?

Le Président (M. Simard, Montmorency): Maître.

M. Duplessis (Yvon): Bien, écoutez, dans un premier temps, je pense que l'ordonnance lie l'organisme public, alors que la recommandation, ça peut être un voeu pieux. C'est-à-dire qu'il y a aucune obligation, on recommande, maintenant l'organisme décidera s'il y a lieu de le mettre en oeuvre ou pas.

Quant à votre deuxième question, quelle était-elle déjà? Je m'excuse.

M. Bergeron: Bien, je vous ai demandé des exemples concrets comme quoi les recommandations peuvent affecter l'image, la réputation ou les droits d'un plaignant.

M. Duplessis (Yvon): Bien, écoutez, habituellement, si on fait une recommandation, c'est qu'il y a eu un problème. Est-ce que l'organisme se conforme ou ne s'y conforme pas? Alors, en ce sens-là, il pourrait y avoir un problème d'image corporative qui est causé à l'organisme sans que cet organisme-là puisse en appeler de cette recommandation-là. On peut appeler d'une ordonnance, mais on n'a pas le droit d'être entendu, en d'autres termes, sur la recommandation qui est faite par la Commission d'accès. L'ordonnance, j'en appelle à la Cour du Québec; la recommandation, ça s'arrête là parce que ça n'a pas pour effet de lier. Alors, j'ai donc pas le pouvoir d'intervenir pour me défendre et apporter des éléments qui n'ont peut-être pas... qui ne sont peut-être pas connus par la Commission d'accès à l'information.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Alors, merci beaucoup, Me Duplessis. Et merci également au Barreau du Québec pour sa présentation.

Très chers amis, j'aimerais maintenant inviter à se joindre à nous l'Association des régions du Québec. Je vois que des représentants de l'Association nationale des éditeurs de livres sont déjà parmi nous, j'aimerais simplement les aviser que nous avons un retard d'à peu près 30 minutes. En vous remerciant à l'avance de votre patience.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Boulianne): La commission va reprendre son travail. Alors, bienvenue, M. Nadeau. Si vous voulez nous présenter la personne qui est avec vous et commencer votre exposé.

Association des régions du Québec (ARQ)

M. Nadeau (Émilien): Oui. M. le Président, M. le ministre, il me fait plaisir, d'abord, de vous présenter Mme Sylvie Côté, qui m'accompagne comme agente de développement à l'Association des régions du Québec.

Je vous dirai, dans un premier temps, que l'Association est très heureuse que vous ayez accepté de nous rencontrer ce soir pour nous entendre quant aux modifications sur la loi de l'accès à l'information et aux documents.

Je vous dirai, dans un premier temps, que l'Association des régions du Québec regroupe d'abord les 18 conseils régionaux de développement des 17 régions administratives qui existent sur le territoire québécois. Elle agit, l'Association, à titre de porte-parole de ces conseils régionaux auprès du gouvernement et elle a également pour mandat de défendre et de promouvoir leurs intérêts en regard de toute question qui peut avoir des incidences sur le développement des régions. À cet égard, le projet de loi qui est devant nous nous interpelle directement, puisque le gouvernement souhaite y assujettir nos membres, c'est-à-dire les conseils régionaux. Nous nous sommes, par conséquent, intéressés de près à ce projet afin d'en mesurer tous les impacts sur le travail et la mission des CRD.

D'abord, je voudrais vous dire que les conseils régionaux de développement accueillent très favorablement la volonté de transparence du gouvernement québécois. La Loi sur l'accès, finalement, répond à un objectif fondamental pour le bon fonctionnement de notre démocratie. Cependant, en y regardant de plus près, nous pensons que le fait d'y assujettir les conseils régionaux pourrait comporter des effets néfastes sur l'accomplissement de leur mission ainsi que sur la conception même de leur statut auprès de leurs partenaires du milieu.

Loin de nous, d'ailleurs, l'idée de préconiser que nos membres ne devraient pas être soumis à aucune mesure visant la transparence de leurs actions et de leur gestion, on considère plutôt que l'assujettissement à la Loi sur l'accès n'est pas, dans notre cas en tout cas, compte tenu de la mission des conseils régionaux... n'est pas le moyen le plus approprié ni le plus adapté à réaliser l'objectif qui est visé, mais lequel objectif avec lequel on est d'accord.

Plusieurs raisons motivent notre position à l'effet de considérer que l'assujettissement des conseils régionaux à la Loi sur l'accès n'est pas souhaitable dans le contexte actuel: le moyen choisi par le législateur pour les assujettir, c'est-à-dire en les assimilant à des organismes gouvernementaux; le fait de singulariser aussi les conseils régionaux parmi une multitude d'organismes de même nature; les implications sérieuses découlant de l'application de la Loi sur l'accès sur la gestion quotidienne des CRD; et le risque, je vous dirais, d'altérer, jusqu'à un certain point, leur mission. En fait, nous sommes d'avis qu'on n'a pas nécessairement saisi toutes les implications qui peuvent résulter de cet assujettissement.

Cependant, nous voulons vous proposer des solutions qui nous semblent plus adaptées à la réalité de nos membres. D'abord, je devrais vous parler un peu du statut des conseils régionaux. Ils sont d'abord au coeur du développement social, économique et culturel de chacune des régions du Québec tant par leurs actions de concertation, de planification que par leur soutien au dynamisme des communautés locales et régionales de leur territoire. Plus précisément, les conseils régionaux permettent à leurs membres de se concerter et d'agir en interaction en vue d'une action commune et convergente pour le développement de chacun des territoires du Québec et de tous les territoires du Québec.

Les conseils régionaux, en fait, représentent l'ensemble des intervenants de la société civile ? et j'insiste sur la société civile ? et la participation pleine et entière de ces derniers aux activités des conseils régionaux favorise, en effet, la prise en charge par le milieu de son propre développement.

Les conseils régionaux agissent aussi à titre de conseillers auprès du gouvernement en toute matière concernant le développement des régions. Ils sont, en définitive, une interface privilégiée entre la société civile et le gouvernement.

Aux CRD, les quelque 800 bénévoles qui les administrent sont donc des émanations de la société civile. Bien que financés cependant dans une grande mesure à même les fonds publics, ce sont avant tout des réseaux d'acteurs du milieu que le gouvernement a reconnus et auxquels il a souhaité apporter son appui financier et sa reconnaissance légale. D'ailleurs, le gouvernement s'est engagé, via la politique de soutien au développement local et régional, que probablement vous connaissez tous d'ailleurs, à assurer une plus grande responsabilisation des communautés locales et régionales sur la base du processus de régionalisation.

D'ailleurs, suite à une rencontre avec le premier ministre, M. Bouchard ? c'est l'an dernier ? nous avions obtenu à ce moment-là qu'un comité de travail soit constitué afin d'évaluer les modalités de mise en place d'un système de reddition de comptes basé sur un contrôle a posteriori de l'ensemble des opérations des conseils régionaux. Et c'était à la demande des conseils régionaux à ce moment-là. Tout ça pour vous dire qu'on a, nous aussi, véritablement un souci de transparence. L'élaboration, d'ailleurs, d'un tel cadre d'imputabilité reflète bien la volonté que nous avons et la volonté aussi du gouvernement d'assurer une saine gestion tout en préservant l'autonomie des régions. Et, ce comité-là est actuellement en fonction, il y a déjà des premiers de rapports de sortis. Et c'est un comité mixte: Association des régions, ministère des Affaires municipales et le ministère des Régions lui-même. Donc, les premiers rapports sont sortis présentement.

n(21 h 30)n

Le fait d'assimiler les conseils régionaux à des organismes gouvernementaux ou même, à la limite, de les traiter comme tels sans leur conférer le statut compromettrait, selon nous, les fondements de l'approche préconisée depuis plusieurs années par le gouvernement du Québec en matière de soutien au développement des régions. Pourquoi? Parce que les CRD sont d'abord des corporations privées, à but non lucratif. Ils sont constitués en vertu de la troisième Loi sur les compagnies. Ils sont reconnus comme l'interlocuteur privilégié du gouvernement en matière de développement régional. Et même s'ils sont financés par le gouvernement en vertu d'une entente de collaboration, cela ne fait pas d'eux des organismes publics. Les CRD sont et demeurent des organismes privés, veulent aussi demeurer des organismes privés, et d'ailleurs plusieurs comptent sur un membership qu'ils vont chercher dans la population.

En substance, seuls les organismes publics sont assujettis à la Loi sur l'accès. De plus, aucun critère de définition mentionné par l'article 4 de la même loi ne s'applique au processus de nomination ou de rémunération des membres et du personnel oeuvrant dans les CRD.

En effet, l'article 4 mentionne que les organismes gouvernementaux comprennent les organismes non visés dans les articles 5 à 7 dont le gouvernement ou un ministre nomme la majorité des membres, ce qui n'est pas le cas des conseils régionaux de développement, dont la loi ordonne que le personnel soit nommé ou rémunéré suivant la Loi sur la fonction publique, ce qui n'est pas le cas non plus, ou dont le fonds social fait partie du domaine de l'État.

Les CRD ne correspondent, à notre avis, ni à la définition d'organisme public ni à la définition d'organisme gouvernemental. Chaque conseil régional est doté, d'ailleurs, d'une assemblée générale, d'un conseil d'administration et d'un comité exécutif conformément à la partie III de la Loi sur les compagnies en vertu de laquelle les conseils régionaux sont incorporés. Les administrateurs des CRD sont des bénévoles ? c'est important, je pense, de le dire ? nommés par leurs pairs en fonction de collèges électoraux.

Par ailleurs, bien que des mandats soient assignés aux CRD par le gouvernement, ceux-ci demeurent fondamentalement des organismes privés et autonomes distincts de l'appareil gouvernemental, et on pense que c'est bien qu'ils demeurent distincts de l'appareil gouvernemental.

Pourquoi, dans le fond, singulariser les conseils régionaux et, je vous dirais, aussi les centres locaux de développement? Parce que l'assujettissement à la Loi sur l'accès de tous les organismes bénéficiant d'un financement public majoritaire n'est pas une idée nouvelle. Prise dans son ensemble, une telle position se défend et se justifie bien. Après tout, c'est vrai que les contribuables sont en droit de savoir ce que ces organismes font des deniers publics qui leur sont confiés. On en est conscient et on est même d'accord avec ça.

Par ailleurs, ce qui est surprenant pour nous dans l'actuel projet de loi, le choix est fait par... Pourquoi le choix est fait par le législateur de singulariser les CRD et les CLD parmi l'ensemble des organisations qui gèrent les fonds publics et qui ne sont pas assujetties à la Loi sur l'accès? Pourquoi? C'est la question qu'on se pose.

Selon les avis obtenus par l'Association, les dispositions prévues aux articles 3 et 4 du projet de loi ne s'appliquent pas aux CRD. Ce n'est que par le biais d'une mention explicite à l'article 2 qu'ils sont assujettis à la loi, parce qu'à l'article 2 on dit: «Est aussi assimilé à un organisme gouvernemental un centre local de développement et un conseil régional agréé en vertu de la Loi sur le ministère des Régions.»

Cette disposition nous laisse perplexes. En effet, il est tout à fait légitime d'interroger les raisons qui ont mené le gouvernement à singulariser de la sorte les seuls conseils régionaux de développement et les centres locaux de développement. Selon nous, rien ne justifie un tel choix. Les CRD ont toujours reçu des demandes d'accès à l'information et chaque demande a toujours été traitée, selon nous, avec diligence sans qu'il y ait le moindre problème.

Le Président (M. Boulianne): Alors, M. Nadeau, je vais être obligé de vous demander de conclure, s'il vous plaît.

M. Nadeau (Émilien): Donc, j'en arrive, si vous voulez, par la suite, aux difficultés d'application de cette loi. D'ailleurs, les CRD détiennent une multitude de documents, de par leur mission, de par le travail qu'ils ont à faire en région, documents qui viennent tant de l'entreprise privée ou de toutes sortes d'entreprises. On a aussi des contrats de collaboration avec des organismes qui ne sont pas, eux non plus, assujettis à la Loi d'accès, et il nous apparaît qu'en termes de gestion, ça va être très difficile pour nous à gérer.

Ce qui nous apparaît aussi... Rapidement, sur les impacts de la mission, il nous apparaît important que les conseils régionaux de développement soient... qu'on continue de les considérer comme des organismes issus de la société civile. Et ça, par expérience, je pense que, comme interface entre la société civile et le gouvernement du Québec, c'est très important pour le gouvernement. Vous savez, quand on est en position d'autorité... Et dans une autre vie, à part d'être à l'Association des régions du Québec, j'étais aussi maire d'une municipalité, et je vous dirai que, quand je veux savoir ce que les citoyens pensent, je suis jamais le premier à parler, parce que c'est l'autorité qui parle. Et je pense qu'à ce niveau-là il est important pour le gouvernement du Québec de conserver en région les organismes qui, comme interfaces, peuvent véritablement sentir le pouls, voir ce qui se passe en région et être en mesure, par la suite, de travailler étroitement avec le gouvernement.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Nadeau. On pourra échanger, il reste encore du temps pour échanger avec les deux formations. Merci, Mme Côté.

M. le ministre, vous avez la parole.

M. Facal: Merci beaucoup, M. le Président. Bonsoir, M. Nadeau et Mme Côté. Je vous souhaite la bienvenue et je vous remercie pour votre contribution à nos travaux. Votre mémoire a un très grand avantage qui est celui de focaliser sur une question unique, la question de savoir s'il est souhaitable que vous soyez ou non assujettis à la loi. Et le fait que vous touchiez une seule question, au lieu de butiner sur un tas de questions, va faciliter la discussion.

L'essentiel de votre mémoire tient en une idée. Vous pensez que les CRD ne devraient pas être assujettis à la Loi sur l'accès. Peut-être ai-je tort mais, en vous écoutant, j'ai le sentiment qu'on ne se comprend pas, j'ai l'impression qu'il y a comme un malentendu. J'ai comme l'impression que c'est comme si vous sembliez penser qu'être assujetti va vous obliger à dévoiler tout à quiconque vous le demanderait, alors que c'est pas ça du tout. La loi, si vous y étiez assujettis, dirait qu'on peut vous demander des choses, mais la loi va aussi vous donner toute une série de poignées pour, si vous le jugez bon, ne pas rendre public tel ou tel renseignement. Il est évident que ne pas être assujetti est plus commode. Être assujetti vous demanderait l'effort de devoir à certains moments justifier pourquoi tel renseignement n'a pas à être rendu public.

Vous évoquez, par exemple, le fait que vous détenez beaucoup de renseignements liés à des projets économiques industriels. Justement, la loi actuelle dit, à l'article 22: «Un organisme public peut refuser de communiquer un secret industriel qui lui appartient. Il peut également refuser de communiquer un autre renseignement industriel ou un renseignement financier, commercial, scientifique ou technique lui appartenant et dont la divulgation risquerait vraisemblablement d'entraver une négociation en vue de la conclusion d'un contrat...» Autrement dit, être assujetti vous contraint à une exigence de transparence, mais vous donnerait aussi un certain nombre de poignées pour préserver ce que vous estimez essentiel. Je crois donc qu'il y a un certain nombre de craintes peut-être non fondées.

n(21 h 40)n

Vous dites par ailleurs que vous êtes étonnés du fait que le gouvernement semble singulariser, viser les CRD et les CLD. Ici encore, comprenons-nous, le gouvernement ne singularise pas, ne vise pas, n'en veut pas aux CRD et aux CLD; on les a créés. C'est simplement que... voici les organismes qui ne sont pas encore assujettis, alors que sont assujettis tous les ministères, tous les organismes gouvernementaux, tout le secteur municipal, tout le réseau de l'éducation, tout le réseau de la santé, et ça, au Québec, ça fait quelque 3 500 organismes. Donc, c'est pas vous qu'on vise. On voudrait que vous viendriez joindre des milliers d'organismes déjà assujettis et qui ne semblent pas s'en porter plus mal.

Vous nous dites: Oui, mais nous ne sommes ni un organisme gouvernemental ni un organisme municipal. Fort bien! Alors, ce sera ma première question: Comment vous définissez-vous? Comme des organismes entièrement privés?

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le ministre. Alors, M. Nadeau.

M. Nadeau (Émilien): Effectivement, les conseils régionaux se définissent comme des organismes privés issus de la communauté. C'est de cette façon-là qu'on se définit. On est régis actuellement par la troisième loi des compagnies comme organisme à but non lucratif, et la Loi sur le soutien au développement régional a reconnu les CRD, il y a quelques années, comme étant l'interlocuteur privilégié du gouvernement. Dans ce sens-là, on se dit issus de la société civile. D'ailleurs, il y a beaucoup de nos membres qui ont, oui, la subvention gouvernementale en termes de fonctionnement, en termes de concertation, etc., mais qui ont aussi un membership issu du milieu.

Ce qui nous apparaît important ? et je l'ai dit peut-être pas tout à fait clairement... D'ailleurs, M. le ministre, je suis très conscient qu'il y a à la fois... que ce qui est visé, c'est que ce soit un organisme que l'on peut questionner et qui a à rendre des comptes, et ça, on est d'accord avec ça. On est très conscient aussi que le fait d'être assujetti... on n'est pas obligé de tout dire, il y a des exceptions là-dedans. On est très, très conscient de ça. Ce qui nous préoccupe surtout, c'est le fait d'être assujetti à un organisme gouvernemental, et ça, ce qu'on dit, c'est que ça a des impacts dans le milieu. Et, je vous dirai, quand je faisais mon allusion tout à l'heure, à savoir: Quand t'es en autorité, il faut jamais que tu sois le premier à parler quand tu veux savoir ce que les gens pensent, parce qu'ils pensent que t'as toujours décidé.

L'attitude des gens face à des conseils régionaux de développement et face à des organismes issus de la société civile n'est pas la même que face à une autorité, et moi, je vous dis qu'à partir du moment où les conseils régionaux de développement seront perçus par le grand public comme étant des organismes gouvernementaux, on croit qu'ils ne pourront plus nécessairement jouer le rôle tel qu'ils le jouent présentement, et ça produira fort probablement que d'autres organisations à côté se créeront pour faire actuellement ce que peuvent faire les conseils régionaux de développement.

C'est de ça qu'on a peur, ce n'est pas de la transparence, et c'est dans ce sens-là qu'avec le ministère des Régions, d'ailleurs... Et ce qu'on avait discuté avec M. Bouchard, nous, on disait: On veut être transparents. On veut, en n'importe quel temps, être en mesure de dire comment les argents sont utilisés, où ils ont été, comment ils ont été dépensés, et on veut, je vous dirais, avoir une imputabilité administrative ? parce que je peux pas parler ici d'imputabilité politique ? face au gouvernement et face aussi à la population.

Donc, dans le fond, derrière ce qu'on veut sauver, c'est beaucoup plus la mission d'un conseil régional tel que perçue présentement. C'est pour ça qu'on dit dans notre mémoire: Oui à la transparence, oui, on veut être questionnés, oui, on veut rendre des comptes, mais on pense que le fait d'être assujettis à la Loi d'accès n'est peut-être pas le meilleur moyen. C'est dans ce sens-là, toute notre question de reddition de comptes, et c'est ce sur quoi on travaille présentement.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Nadeau. M. le ministre.

M. Facal: M. Nadeau, comprenez-moi bien, là. Loin de moi l'idée de penser que vous craindriez la transparence, et je suis ravi d'ailleurs de vous entendre dire que vous invitez à la transparence et que vous en êtes. Mais je suis pas sûr de vraiment comprendre en quoi le fait d'être assujettis à la Loi sur l'accès vous rendrait, aux yeux des milieux locaux, moins aptes à remplir votre rôle.

M. Nadeau (Émilien): Je vous dirai, M. le ministre, que, théoriquement, vous avez raison.

M. Facal: Oui.

M. Nadeau (Émilien): En pratique, c'est une autre chose, parce que, dans le travail qu'ont à faire les conseils régionaux, on travaille beaucoup en concertation avec tous les milieux et on essaie... Bien souvent, on est médiateur, on fait toutes sortes de choses en région qui permettent que les gens se mettent ensemble pour mieux avancer.

Et la perception devient extrêmement importante. Vous savez, en politique, ce qui est important, c'est la perception, c'est pas nécessairement ce qu'on dit. Et ce qui est important, c'est pas nécessairement ce qu'on dit non plus, c'est ce que les gens comprennent. Et ce bout-là nous apparaît, pour nous, extrêmement important en termes de perception de la part de la population en général. Oui, on dit, on veut être transparents, mais il ne faudrait pas être perçus comme des organismes gouvernementaux, c'est finalement ce qu'on dit. Et le fait d'être assujettis à la loi et nommément dedans, ça risque d'être ça, et c'est surtout là le danger.

Bon, par après, je pourrais vous parler que, compte tenu des petites équipes qu'on a pour travailler en régions, il y a quand même des coûts administratifs là-dedans, mais ça, je pense que vous connaissez ça, vous le connaissez aussi.

M. Facal: J'entends bien ce que vous dites, mais je pense que vos craintes sont peut-être exagérées. Vous dites qu'en théorie j'ai peut-être raison, mais qu'en pratique vous craignez qu'être assimilé à un organisme gouvernemental vous complique la tâche.

Écoutez, il y a au Québec quelque 3 500 organismes publics assujettis à la Loi sur l'accès, et je vous garantis qu'ils se considèrent pas pour autant comme des organismes gouvernementaux, et ils gardent d'ailleurs une saine distance critique vis-à-vis du gouvernement.

La députée de Mille-Îles et moi, lundi dernier, étions à l'assemblée générale du CRD de Laval, et j'ai comme l'impression que ce CRD est composé de gens issus de collèges composés d'organismes dont un bon nombre sont assujettis à cette loi-là. Vous comprenez un peu l'incongruité qu'il y a à ce qu'une instance ne soit pas assujettie mais qu'elle soit composée de gens issus de milieux, eux, assujettis.

Et puis, la question demeure: Vous gérez des fonds publics. Vous gérez des fonds publics, et c'est très bien, et je ne mets pas ça en cause. Vous gérez des fonds publics.

Le Président (M. Boulianne): M. Nadeau.

M. Nadeau (Émilien): Nous, on ne met pas en cause non plus le fait qu'on gère des fonds publics et que, par conséquent, on doit rendre compte de la gestion des fonds publics qu'on fait. Ça, on ne le met pas du tout en cause. Ce qu'on met en cause, c'est la manière actuellement de rendre compte. Nous, c'est la perception que nous avons.

C'est sûr qu'autour des conseils d'administration des conseils régionaux de développement, bon, vous avez des maires, vous avez des préfets, vous avez d'autres organismes, comme le Conseil de l'environnement, le Conseil de la culture, les URLS, vous avez aussi les syndicats de producteurs de bois, finalement on peut faire le tour. Il y a des organismes qui sont... On aura des représentants dont les organismes sont assujettis, on en a qui ne sont pas assujettis non plus, donc c'est un heureux mixage. Sauf que la population perçoit les conseils d'administration, pas comme des organismes gouvernementaux, mais comme étant leur organisme, et c'est cette perception-là que l'on veut purement et simplement préserver.

Et la question qu'on pose... Le meilleur moyen de rendre compte ? et on est d'accord pour rendre compte ? nous, on pense que c'est pas d'être assujetti à la loi, mais qu'on devrait trouver une formule dans les ententes qu'on a avec le gouvernement du Québec, une reddition de comptes, je vous dirais, politique ou administrative, ou peu importe, mais qui va assurer cette transparence-là.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Nadeau, merci, M. le ministre. Le temps est écoulé. Alors, je vais donner la parole et souhaiter la bienvenue à la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Merci beaucoup, M. le Président. Vous me permettrez évidemment de saluer M. Nadeau, Mme Côté, bien sûr, Mme Sauvageau qui est dans la salle, qui est présidente du Conseil régional de développement de l'Abitibi-Témiscamingue, qui a probablement fait une très longue route pour être avec nous ce soir, alors vous me permettrez de la saluer, et également M. Nadeau, pour leur dynamisme à l'Association des régions du Québec.

n(21 h 50)n

Évidemment, votre plaidoyer, M. le président, est assez éloquent et sans ambiguïté quant à la nécessité pour l'Association des régions du Québec de ne pas être assujettie au projet de loi qui est déposé, ou éventuellement à cette loi ou projet de loi qui sera adopté éventuellement. Et évidemment, un des arguments qui militent en faveur de votre position tient au fait, au statut distinct de l'Association des régions du Québec et, je devrais dire, de l'ensemble des CRD qui sont membres de l'Association des régions du Québec, et votre crainte, donc, d'être assimilés à d'autres organismes publics ou gouvernementaux.

Cependant, et ça, c'est important de revenir là-dessus, vous admettez tout de même qu'il y a la nécessité, donc, de répondre à certains impératifs de transparence dans le contexte, bien sûr, où vous êtes, où les CRD sont gestionnaires de fonds publics. Et vous nous dites finalement: Écoutez, on est d'accord avec ce principe-là mais, en même temps, on ne souhaite pas être assujettis à cette loi. Cependant, on travaille dans le cadre d'un comité qui, lui, se penche sur un système de reddition de comptes, et là vous me permettrez de vous citer, «qui est basé sur un contrôle a posteriori».

J'aimerais ça que vous puissiez nous en dire davantage parce que, dans le fond, ça semble être la solution que vous préconisez plutôt que d'être assujettis à la loi, à cette loi sur les organismes publics qui oblige... ? le ministre y faisait référence tout à l'heure: 3 500 organismes, donc, qui sont assujettis à cette loi dans un contexte, bien sûr, de plus grande transparence. Alors, dans le fond, j'aimerais vous entendre là-dessus. Vous nous dites: C'est intéressant, mais nous, on veut avancer une solution qui va respecter la dynamique des CRD et surtout la dynamique des économies régionales et locales. J'aimerais peut-être que vous puissiez nous en dire peut-être davantage sur la solution que vous semblez... vers laquelle vous semblez tendre plutôt que celle qui vous est proposée via le projet de loi ici.

Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme la députée. M. Nadeau, vous avez la parole.

M. Nadeau (Émilien): Alors, nous, la solution qu'on avance, c'est davantage, je vous dirais, une reddition de comptes politique face au gouvernement du Québec et face à la gestion que l'on fait par rapport aux fonds publics qu'on a. Il faut voir que, sur nos conseils d'administration, il y a aussi les députés qui sont là aussi. On a des difficultés là quand on parle d'imputabilité, quand on parle... il y a aussi là des difficultés. Comment, par exemple, un conseil régional va-t-il rendre des comptes, avoir une imputabilité politique à ses propres administrateurs? On a des difficultés à tourner ça, mais on est certains que, tout en respectant ce caractère-là, par exemple, de société civile, les conseils régionaux de développement, il est possible ? et c'est ce qu'on recherche activement avec le ministère des Régions présentement et le ministère des Affaires municipales ? il est possible de rendre compte des actions et, dans le fond, tous les livres sont ouverts. On a aussi nos assemblées générales. On a nos états financiers vérifiés. Les comptes, c'est ouvert. Les gens peuvent les consulter s'ils le veulent. Il n'y a pas de problème à ce niveau-là.

Notre crainte est toujours par rapport à la mission qu'on a. C'est comment on rend des comptes sans être perçus comme des organismes gouvernementaux. Parce que c'est clair que le matin qu'on est perçu comme étant un organisme gouvernemental... Vous avez d'ailleurs des exemples actuellement au Québec. Quand on commence à considérer... Quand la société civile commence à penser que les organismes, je vous dirais, officiels en place ne les représentent plus, bien, il s'en forme d'autres à côté. Pensez aux patriotes de la Gaspésie. Vous en avez actuellement aussi dans le Saguenay?Lac-Saint-Jean. Ça ne veut pas dire qu'il n'y en aura pas ailleurs. Ce bout-là, je pense qu'il faut, à un moment donné, tenter le plus possible de l'éviter. Et c'est là qu'on dit que la perception est importante. Par contre, être à la recherche active d'un moyen qui soit satisfaisant et pour le gouvernement du Québec et pour les citoyens tout en préservant ça, on travaille là-dessus. On n'a pas nécessairement la solution au moment où on se parle.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Nadeau. Mme la députée.

Mme Normandeau: Oui, bien, peut-être juste là-dessus, parce que je trouve ça intéressant. Est-ce que vous avez un échéancier annoncé pour vos travaux dans le cadre du comité qui a été formé? Parce que, dans le fond, ce que vous dites, vous parlez d'imputabilité politique. J'oserais dire que, dans ce cas-ci, puisque vous êtes... les CRD sont des gestionnaires de fonds publics, on pourrait peut-être parler aussi d'imputabilité administrative, là. Dans le fond, vous nous dites: On veut aller encore plus loin que l'imputabilité administrative en proposant donc une formule qui inclut aussi l'imputabilité politique.

M. Nadeau (Émilien): Actuellement, les travaux du comité qui est là sont presque à la fin. Tout ça va être déposé à la Table Québec-régions en début septembre, donc. Et à partir de la position que prendra à ce moment-là la Table Québec-régions, je pense que ça pourra devenir ou ça deviendra une pratique courante, au moins avec le ministère des Régions. Et je me dis qu'à partir du moment où on répond aux exigences d'un ministère au gouvernement du Québec, je pense que ce ministère-là doit s'assurer que ça répond en même temps aux exigences du gouvernement. Et l'échéancier est septembre pour les résultats de cette analyse-là.

Le Président (M. Boulianne): Merci. Mme la députée de Bonaventure, vous avez encore du temps.

Mme Normandeau: Merci, M. le Président. Une dernière question concernant l'alourdissement, dans le fond, de la gestion qui pourrait découler de l'assujettissement des CRD à cette loi-là. Vous nous dites à la page 7 de votre mémoire... vous parlez de surcharge administrative découlant de la gestion des demandes et de l'information que l'application évidemment de la loi entraînerait inévitablement. Pouvez-vous nous donner des exemples concrets? Parce que j'imagine que, si vous l'avez écrit, c'est parce que vous anticipiez déjà, donc, les problèmes dans la gestion quotidienne des organismes, ce que tout ça pourrait produire en termes de surcharge de travail.

M. Nadeau (Émilien): En fait, quand on parle de surcharge de travail, on a lu effectivement la Loi d'accès. On a pris aussi toutes les informations que l'on pouvait, légales ou autres, pour bien comprendre et bien saisir en quoi ça consistait avec toutes les exclusions, comme le disait tout à l'heure M. le ministre, on a été voir à tout ça. Peut-être... Je dirais que peut-être on se fait des... Peut-être qu'on se fait des peurs, mais il nous est apparu qu'en termes de gestion de ce processus-là, compte tenu de ce que nous avons comme renseignements personnels nominatifs, etc., etc., que ça... En tout cas, ça nous est apparu lourd de gestion en tant que tel, même si on avait... C'est certain qu'il faudrait peut-être avoir des cours ou des façons de faire. Ça nous est apparu lourd de gestion et, compte tenu des petites équipes que nous avons au niveau des régions pour assurer la concertation que nous avons faite, pour assurer nos propres mandats et pour assurer aussi les mandats que nous confie régulièrement le gouvernement du Québec... Donc, il nous est apparu que c'était lourd de gestion, que ça prenait de l'énergie qu'on n'avait pas nécessairement, mais qu'on pouvait par ailleurs rendre des comptes de façon différente. Donc, c'est dans ce sens-là.

Je ne vous dis pas, ce soir, qu'on a un vécu de la gestion de la Loi d'accès dans nos organisations. On l'a pas, ce vécu-là. On y a été par rapport à ce qu'on a pu voir un peu partout. Mais je reviens... Ça, c'est un argument, je vous dirais, mais ce n'est pas le majeur. Le majeur est beaucoup plus par rapport à la nature même de l'organisation que par rapport à la lourdeur de la gestion. Je pense que l'argument majeur est par rapport à la nature et non à la lourdeur.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Nadeau. Alors, Mme la députée, vous avez encore une minute.

Mme Normandeau: Non, ça va pour moi. Merci.

Le Président (M. Boulianne): C'est beau. Alors, on vous remercie beaucoup, M. Nadeau, Mme Côté.

Alors, nous allons accueillir l'Association nationale des éditeurs de livres, avec M. Denis Vaugeois comme président. Merci beaucoup.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Boulianne): Alors, la commission reprend ses travaux. Alors, bienvenue à l'Association nationale des éditeurs de livres. M. Vaugeois, si vous voulez nous présenter votre équipe et, par la suite, votre mémoire.

Association nationale
des éditeurs de livres (ANEL)

M. Vaugeois (Denis): Merci, M. le Président. Alors, à l'extrême droite, Mme Sophie Kenniff, qui est responsable des communications à l'Association des éditeurs; à ma droite, Antoine Del Busso, qui est tellement de choses... président de la Commission du livre à la SODEQ, qui est un ancien président de l'Association nationale des éditeurs, qui est directeur des Éditions Fides, des Éditions Bellarmin et des Presses de l'Université de Montréal; et, à ma gauche, M. Jacki Dallaire, qui est le patron des Presses Inter Universitaires.

n(22 heures)n

M. le Président, il faut vous dire que nous attendions cette rencontre depuis fort longtemps, et d'ailleurs, si vous avez lu notre mémoire, vous avez senti un certain ton d'impatience dans la façon de soulever nos préoccupations. Et je pense que ça va vous plaire parce qu'on tire pas dans toutes les directions. Finalement, on a des objectifs bien précis qui rejoignent, je crois, les intentions qu'avait le gouvernement dans les années 1979-1980, lorsqu'il s'est préoccupé d'accès à l'information. C'était le gouvernement dirigé par M. Lévesque qui était, par la nature même de son cheminement personnel, très préoccupé d'accès à l'information.

Mais, en même temps, on était conscient à l'époque qu'il fallait se préoccuper de ce que les banques informatiques accumulaient comme information, les banques étant interreliées et pouvant menacer, si vous voulez, la vie privée des individus. Donc, on avait accompagné, on avait ajouté à cette préoccupation d'accès à l'information, quand même une préoccupation de protection.

Les intentions, à notre avis, étaient louables. À notre avis toujours, les résultats sont pitoyables. Nous reviendrons sur la question du Code civil un peu plus loin, et tout de suite, je vous incite à être très attentifs à des mémoires comme ceux que vous ont présenté ou présenterons les historiens réunis à l'Institut d'histoire de l'Amérique française ou encore les bibliothécaires ou les généalogistes, et ainsi de suite. Ces gens-là d'ailleurs vont avoir des positions, parce que nous avons vu leurs mémoires qui sont très modérés. Nous pensons que nous allons un petit peu plus loin.

Le législateur, donc, dans la foulée de ces préoccupations, est arrivé avec deux lois, les lois n° 65 et n° 68, qui ont été tempérées en 1983 par la Loi des archives. Parce qu'autrement c'était la paralysie, on ne pouvait plus faire de recherches. Mais la Loi des archives a eu un énoncé qui a eu un effet bizarre. La Loi des archives a précisé que, les documents, même ceux qui comportaient des renseignements personnels, devaient être accessibles aux chercheurs, au plus tard, 150 ans après leur création. Ça, c'était «au plus tard».

Mais on aurait pu croire que les archivistes auraient fixé des délais de 25 ou 30 ans. Mais les aviseurs légaux ont dit: Non. Soyez prudents. La loi dit: «Au plus tard»; alors, au plus tard. Et on se retrouve donc aujourd'hui avec «au plus tard». Alors, si ça vous intéresse, je peux vous raconter des expériences personnelles.

Alors, vous êtes dans des archives, vous voulez consulter des procès-verbaux. Dans des procès-verbaux de 1880, il y a plein de noms de gens mentionnés. Alors, l'archiviste est obligé de vérifier alors document par document, page par page.

Par ailleurs, vous avez des registres d'état civil qui, eux autres, ne sont pas soumis à cette loi-là. Mais le directeur du service en question ? à moins que ça ait changé depuis qu'on a rédigé ce mémoire ? mais le directeur en question a établi un délai de 90 ans.

En fait, ce qui aurait pu être relativement simple est devenu extrêmement complexe, et les chercheurs se retrouvent, si vous voulez, empêchés de faire leur travail normalement.

Le législateur s'en est rendu compte, et est arrivé un premier projet de loi, pas assez vite à notre goût. Mais, tout de même, en 1998, on a vu arriver la loi n° 451, qui essayait de raccourcir les délais, et qui introduisait aussi la notion de décès ? 30 ans après le décès de la personne. Mais ça ne réglait pas grand-chose, à notre avis. De toute façon, les élections ont empêché ce projet de loi de franchir les différentes étapes.

Est arrivée la loi n° 122, et au moment où les audiences de la commission allaient se tenir, le ministre qui était responsable a choisi de quitter. Pour nous, nous tenons à rappeler ici que, de toute façon, même si cette loi n° 451 et cette loi n° 122 sont encore très loin de ce qu'on trouvait dans l'intention de l'époque qui se retrouve en particulier dans le rapport de Jean Paré qui, à notre avis, devrait continuer de nous inspirer...

Si nous regardons la loi n° 122, on retient trois éléments, un peu pour illustrer. Le premier, c'est que, quelque part ? c'est à la page 6 du document ? on indique que «les décisions du gouvernement et du Conseil du trésor peuvent être communiquées après 25 ans». Alors, nous, on se dit que les décisions du gouvernement en général sont rendues publiques beaucoup plus rapidement que ça, et on veut bien comprendre ici qu'il s'agit plutôt des procès-verbaux. Et, tant qu'à parler de cette question, pourquoi pas «doivent» plutôt que «peuvent»?

On revient sur les documents qui contiennent des renseignements personnels, et on revient avec des délais de 100 ans et de 30 ans. Nous dirons ce que nous en pensons, tout à l'heure. On a tellement peur, si vous voulez, que les documents puissent être consultés qu'on prévoit que si les documents comportent des index ou des ordres nominatifs, alors là, il faut être encore plus prudent.

Si on arrive aux biographies, alors là, c'est le Code civil. Le Code civil, je ne vous le citerai pas, mais je vous rappelle que, à l'article 35, par exemple, on se préoccupe de réputation et de vie privée. Et, dans la façon de porter atteinte à la vie privée, on dira, au sixième paragraphe: «Utiliser sa correspondance, ses manuscrits ou ses autres documents personnels.»

Alors, vous comprendrez que, pour un historien par exemple, c'est exactement ce qu'il fait quand il fait une biographie. Et l'article 37 précise que, pour pouvoir monter un dossier sur quelqu'un, il faut son autorisation ou l'autorisation d'un héritier. Là-dessus, j'ai décidé ce soir de faire une confession, M. le Président: Je suis fautif. Je connais le Code civil, et à tous les jours, je commets une infraction, de façon très délibérée, au Code civil, parce qu'à tous les jours j'accumule des renseignements personnels sur des gens qui sont décédés récemment ou il y a plus longtemps et même sur des gens vivants. Et je fais métier de rédiger des biographies, et peut-être une des vôtres, un de ces jours. Et je le fais avec l'intention de les rendre publiques, ce qu'interdit l'article 37, également. Alors, j'ai averti ma femme que peut-être que je rentrerai pas ce soir, mes aveux étant faits.

On se rend compte, si vous voulez, que, finalement, quand on réfléchit un petit peu à la portée des articles en question, c'est pas le chercheur, l'historien, le biographe qui est visé; ce sont les institutions financières en particulier, et même le gouvernement. Or, le gouvernement lui-même se soustrait constamment à sa loi en demandant aux gens concernés de ne pas avoir à respecter les renseignements personnels, et les institutions financières, bien, vous le savez comme nous, si vous faites une affaire à la banque, si vous achetez quelque chose d'important, une des premières choses qu'on vous demande, c'est de renoncer à la protection des renseignements personnels.

Les délais, qui sont proposés, de 100 ans ou de 30 ans après le décès, pour nous autres, créent des frais, créent des situations extrêmement coûteuses et surtout nuisibles à la recherche. Nous plaidons donc pour abolir tout délai, et d'imiter en cela, la plupart des autres pays, en particulier la France.

Je tiens à vous signaler un effet pervers de la situation actuelle; je vous mets en situation. Vous êtes archiviste, vous êtes responsable d'un centre d'archives. On vous amène des documents, une collection importante de documents. Vous savez qu'ils contiennent des renseignements personnels. Votre réaction normale, ce serait de dire: On n'a pas de place pour garder ça ou on ne gardera pas ça. Parce que, là, ce qu'on vous propose, c'est de conserver des collections de documents qui ne pourront pas être consultés avant 150 ans. Essayez d'imaginer la situation. Et là, on se retrouve vraiment dans la situation où des collections importantes ne trouvent pas preneur parce que les archivistes sont découragés d'avoir à appliquer une semblable loi.

En conclusion, donc, nous vous incitons à examiner ce qui se fait en France où les chercheurs profitent d'une forme d'immunité, et il faut faire la preuve que le chercheur a voulu nuire à la réputation, a voulu diffamer, ou encore, a introduit des renseignements inexacts pour que quelqu'un trouve à redire.

Je ne sais pas si vous l'autorisez, M. le Président, mais j'aimerais laisser la parole à mon voisin de droit. Est-ce que c'est possible dans la présentation...

Le Président (M. Boulianne): Oui.

M. Vaugeois (Denis): ...pour préciser un peu ce que fait un éditeur, justement, en face du travail d'un chercheur.

Le Président (M. Boulianne): Vous avez encore du temps. Alors, allez-y, monsieur. Vous vous présentez, vous....

M. Del Busso (Antoine): C'est bien. Pardon. Alors donc, essentiellement, le métier d'éditeur repose, je dirais, sur deux grands principes, le principe de la responsabilité, à savoir que nous regardons, nous examinons tous les jours des manuscrits qui nous sont soumis, et nous nous assurons que les auteurs ont bien fait leur travail, l'ont fait honnêtement, avec rigueur, et en respectant la réputation des gens dont il peut être question dans leurs manuscrits.

Alors, ça, c'est un premier principe, et nous nous assurons donc que le travail que nous publions est conforme à ce principe-là.

Le deuxième principe, c'est un principe de solidarité parce que nous sommes solidaires des auteurs que nous publions, et nous voulons évidemment partager les risques que ça comporte, ce genre de métier là. C'est-à-dire que nous voulons, nous plaidons pour un accès le plus large possible et le plus libre possible à l'information ? à toute l'information possible. Puisque vous vous imaginez que, avoir à demander l'autorisation de parler de quelqu'un, à avoir son autorisation préalable, c'est la façon la plus sûre d'assurer qu'il ne s'écrira rien de particulièrement intéressant, rien de particulièrement critique, et c'est tuer dans l'oeuf toute véritable recherche et tout esprit critique, ce qui serait éminemment grave.

n(22 h 10)n

Mais je parlais de principe de responsabilité parce que c'est justement ça, le fond de l'histoire. C'est qu'il faut prendre nos responsabilités. Il faut faire des recherches, il faut aller à l'information, et savoir que cette information-là doit être utilisée judicieusement, et que, si elle est utilisée avec des intentions malicieuses ou dans le but de nuire à la réputation de quelqu'un, bien, on en subit les conséquences. Et c'est pour ça que nous pensons que, finalement, le modèle français, si on peut l'appeler comme ça, est peut-être celui qui pourrait nous inspirer le mieux.

Le Président (M. Boulianne): Merci.

M. Vaugeois (Denis): Est-ce qu'il nous reste encore du temps, M. le Président?

Le Président (M. Boulianne): Oui, vous avez encore deux minutes.

M. Vaugeois (Denis): Alors, mon ami... mon ami M. Dallaire aurait quelque chose à ajouter, également.

Le Président (M. Boulianne): Alors, allez-y, M. Dallaire, on vous écoute.

M. Dallaire (Jacki): Jacki Dallaire, des Presses Inter Universitaires. Peut-être, pour renchérir un peu sur ce que Antoine Del Busso a dit, le métier d'édition... je racontais, dernièrement encore, à une personne que, souvent, on va lire un manuscrit mais c'est une ébauche. L'auteur va nous demander une espèce d'à-valoir pour montrer effectivement notre intérêt. On va décider d'investir sur l'auteur. L'auteur écrit quand même, travaille, essaie de gagner sa vie avec sa plume, et ça m'est arrivé encore dernièrement, sept ou huit mois plus tard, lorsque j'ai reçu la version finale, pour ma part, O.K., après avoir lu de nombreuses heures, elle était complètement inadmissible. Donc, je ne pouvais, en toute âme et conscience, publier ce genre d'ouvrage là, et j'ai retourné à l'auteur le manuscrit en question, en lui disant que, bon, aucune poursuite n'allait être entreprise pour récupérer les sommes, que ça faisait partie de mon métier et de mon risque.

Donc, lorsqu'on parle de partenariat entre l'auteur et l'éditeur, nous sommes preneurs des profits, effectivement; les investissements sont importants. Mais, s'il y a des pépins, nous sommes aussi preneurs de cette situation-là. Et, pour ça, on doit avoir, O.K.... Je pense que la loi, comme elle est stipulée, limite énormément le temps à l'information, va limiter notre histoire, à moyen et à long termes, énormément. Donc, l'historien, le chercheur, nous pensons bien honnêtement qu'ils doivent être... bon, je voudrais pas être... dire qu'ils sont... qu'ils sont... que la loi ne sera pas appliquée contre eux, mais nous espérons que. Merci.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Dallaire. Merci, madame; merci, messieurs. Alors, M. le ministre, vous avez la parole.

M. Facal: Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, madame; bonjour, messieurs. Je vous souhaite la bienvenue à l'Assemblée nationale, et je vous remercie pour votre contribution à nos travaux. En tant qu'éditeurs vous travaillez donc très étroitement avec des écrivains. Cela va donc vous permettre sans doute de m'expliquer, de nous expliquer, des choses que je ne comprends pas bien.

Lorsque vous dites que certains articles du Code civil interdisent, à toutes fins utiles, la préparation, la rédaction d'une biographie sans le consentement de l'intéressé, pourriez-vous me l'illustrer par des exemples aussi concrets que possibles? Puis quels sont les... les obstacles, précisément, qu'il y a dans le Code civil?

Je suis un peu... je suis un peu troublé parce que je ne suis pas un expert de ces questions, et vous avez vous-même, M. Vaugeois, commencé, en disant: J'ai un aveu à faire. C'est comme si je contrevenais tous les jours aux lois en vigueur. Illustrez-moi cela de façon concrète et non théorique.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le ministre. M. Vaugeois.

M. Vaugeois (Denis): Oui. L'article 36 du Code civil dit: «Peuvent être notamment considérés comme des atteintes à la vie privée d'une personne les actes suivants», il y en a un certain nombre d'énumérés, comme pénétrer par effraction, des choses comme ça, et le dernier point, c'est: «utiliser sa correspondance, ses manuscrits et ses autres documents personnels».

Alors, quand je prépare une biographie, et j'en ai fait plusieurs... Et, soit dit en passant, on a ici, au Canada, une oeuvre monumentale, qui est le Dictionnaire biographique du Canada, qui est publié à la fois en anglais et en français, et là, on est entré dans la période où des gens... on est dans... pour des gens qui sont morts en 1920, donc toute la recherche qui concerne ces gens-là est pleine d'obstacles parce que, à chaque fois que vous touchez des documents qui concernent ces gens-là, il y a une limite à leur accès.

Alors, je pourrais vous donner des... Je veux pas raconter, si vous voulez, mes dernières biographies. Moi, je me suis spécialisé entre autres dans les biographies de Juifs. J'ai fait la majorité des biographies de Juifs qui sont dans ce dictionnaire mais je l'ai fait à partir de la correspondance des gens, des journaux personnels, de leurs papiers d'affaires, ou encore, s'ils ont été dans un organisme, des procès-verbaux.

Exemple, j'étais à la ville de Québec il y a pas tellement longtemps. Je préparais la biographie de Cyrille Duquet qui est d'ailleurs responsable du cadran qui est là; Cyrille Duquet qui a fait ce cadran. Bien, en fait, il a pas fait le cadran mais il était orfèvre, il a dessiné, il a monté le mécanisme. Alors, quand je suis arrivé à la ville de Québec, j'ai demandé les procès-verbaux. Il a été échevin à la ville de Québec, j'ai demandé les procès-verbaux.

J'étais rendu dans l'après-midi, les documents n'arrivaient toujours pas. Mais j'ai dit: Il y a un problème? Moi, je suis là depuis ce matin; j'ai regardé des choses. Mais où sont les procès-verbaux? Là, on m'a dit: Bien, vous les aurez pas tout de suite, ils font l'objet d'une vérification parce qu'il y a des renseignements personnels. Alors, avant de me les montrer... Et là, on peut aller jusqu'à «opaquer», hein, sur le document, là, les endroits où il y a des noms de mentionnés. Alors là, écoutez, vous voyez le travail à faire; et je suis dans les années 1882. Je dis: Pour l'amour du ciel!

Alors... Puis, je l'ai fait sans l'autorisation de l'héritière ? que je connais ? de Cyrille Duquet. Et, quand j'ai eu fini mon travail, par gentillesse et politesse, je le lui ai montré. Mais j'aurais pas accepté, si vous voulez, qu'elle m'oblige à corriger mon travail. Alors que la loi, comme elle est rédigée, je ne peux pas entreprendre un tel travail sans l'autorisation de la personne concernée ou de ses héritiers. Et, au fur et à mesure que je progresse dans mon travail, je dois montrer le dossier que je monte.

Écoutez, tout ça, M. le ministre, tout ça est rédigé pour les institutions financières. C'est clair que ça ne vise pas l'historien. Et, soit dit en passant, j'étais ministre des Communications à l'époque, si vous voulez, où on a préparé ces documents. Il y a eu, à un moment donné, un glissement. On a posé déjà la question à Gil Rémillard qui avait été ministre de la Justice à l'époque. Lui-même était incapable d'expliquer d'où ça venait, mais je m'en souviens. C'est qu'on avait en tête si vous voulez la protection des renseignements personnels par rapport au gouvernement et par rapport aux institutions financières. C'est eux qui étaient visés. Et, finalement, ceux qu'on a attrapés, c'est pas les institutions financières; eux autres, ils s'en sortent. Ils nous demandent de renoncer à la protection des renseignements personnels pour nous faire des affaires. Mais, ceux qui sont bien attrapés, c'est le biographe, c'est l'écrivain, et ultimement, c'est l'éditeur.

Et, si on appliquait rigoureusement le Code civil, je ne pourrais pas monter de dossiers. À tous les jours, M. le ministre, à tous les jours où je trouve quelques minutes, j'attrape de l'information, et je me monte des dossiers parce que, quand on me demande une biographie, je peux pas l'improviser comme ça. J'ai donc des dossiers sur plein de gens.

Alors, le seul fait... Écoutez, l'article 37 dit: «Toute personne qui constitue un dossier sur une autre personne doit avoir un intérêt sérieux et légitime.» Disons qu'on me concède que mon intérêt est sérieux et légitime à le faire. «Elle ne peut recueillir que les renseignements pertinents à l'objet déclaré ? mais j'en ai pas déclaré, d'objet, là, il m'est personnel ? et elle ne peut, sans le consentement de l'intéressé...» Ça me prend le consentement de l'intéressé. Puis je dois m'engager aussi à ne pas le communiquer alors que mon intention, c'est le contraire. C'est de constituer une oeuvre que nous allons diffuser.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Vaugeois. M. le ministre, alors, vous avez eu des exemples. Alors, allez.

M. Facal: Ah! tout à fait.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Facal: C'est extrêmement éclairant, très éclairant. M. Del Busso, vous disiez tout à l'heure... j'espère ne pas triturer vos paroles. Vous avez dit quelque chose comme: Si j'ai besoin de son autorisation, rien de substantiel n'en sortira. Excusez ma naïveté, mais j'étais sous l'impression que, quand on rédige la biographie de quelqu'un qui est encore vivant, le problème est d'obtenir non pas son consentement, mais d'obtenir qu'il ne se mêlera pas d'avoir un droit de regard sur le produit final. Elle est plutôt là, la nuance, telle que je la voyais.

M. Del Busso (Antoine): ...pas tort; vous avez raison. Mais, pour arriver à ce résultat, c'est justement, il faut s'assurer que l'intéressé, justement, tel que rédigé dans la loi, n'ait pas le droit de regard avant même que la recherche commence parce que, si on doit... Et là, M. Vaugeois vient vraiment de le dire de façon beaucoup plus éloquente que je ne saurais le faire.

Si, à partir du moment où on doit constituer un dossier, on doit obtenir ces autorisations-là, c'est l'évidence même qu'on ne pourra pas aller très loin. Parce qu'on peut imaginer beaucoup de situations où justement l'objet même de la recherche est d'apporter un regard critique sur une situation ou sur des événements.

M. Facal: O.K. J'apprends aussi...

M. Vaugeois (Denis): M. le Président, est-ce que vous me permettez un complément de...

Le Président (M. Boulianne): Oui, oui...

n(22 h 20)n

M. Vaugeois (Denis): Je voudrais référer à la situation française. La situation française, par exemple, il n'est pas nécessaire, dans le droit français, d'obtenir le consentement de la personne concernée ou de ses héritiers. Ça, c'est prévu dans le Code français. Et puis, de rentrer dans la vie privée de quelqu'un, ce n'est pas interdit, non plus. Et les gens peuvent avoir recours s'il y a des faussetés d'introduites ou s'il y a diffamation ou si on s'attaque à la réputation de quelqu'un. Alors là, il y a des recours possibles. Mais, au départ, la voie est ouverte.

Et, M. le ministre, pour que vous ne soyez pas trop malheureux, je voudrais attirer votre attention sur quelques mots que je n'ai pas lus dans l'article 37, et je veux être de bonne foi. C'est que, l'article 37 dit quand même que... alors, ça dit bien: «sans le consentement de l'intéressé ou l'autorisation de la loi» ? «ou l'autorisation de la loi».

Ça veut dire que, vous, les législateurs, vous pouvez décider que la loi autorisera, hein, mais sauf que ça n'a pas été prévu nulle part. Alors, l'ouverture est là, l'autorisation de la loi. Si vous décidez d'autoriser la biographie, la possibilité est là. Parce qu'on ne touche facilement au Code civil, hein?

Le Président (M. Boulianne): Merci. M. le ministre.

M. Facal: Vous proposez aussi d'abolir tout délai. La première fois que j'ai lu ça, j'ai trouvé ça fort audacieux jusqu'à ce que je vous entende tout à l'heure dire, si je vous ai bien compris, et qu'ailleurs c'est la règle plus que l'exception, la non-existence des délais. Est-ce exact de dire que c'est comme plutôt nous qui serions en retard avec nos si longs délais, et que partout ailleurs, il n'y a pas ces délais? Est-ce que je vous ai bien compris?

M. Vaugeois (Denis): C'est certainement... Vous m'avez très bien compris, M. le ministre. Moi, ce qui me fascine quand je suis aux États-Unis ou quand je suis en France, c'est la profusion de biographies, hein, les gens qui sont en exercice, qui sont au pouvoir. Les devantures des librairies sont pleines de biographies non autorisées. Et, aux États-Unis, dès que la campagne électorale se déclenche, les candidats à la présidence voient arriver leur biographie, avec si vous me permettez, une certaine atteinte à la vie privée, hein, parce qu'on ne se prive pas.

Mais il reste que... écoutez, en France, c'est très rare finalement qu'il y aura des poursuites. Je vais vous citer une chose. Ce qui est extraordinaire, c'est que, au Québec, de mémoire d'homme, il y avait jamais eu de problème. On est arrivé avec ces restrictions- là. Puis, encore une fois, on ne visait pas les biographes, les écrivains et les chercheurs, on visait les institutions financières, et on attrapait les chercheurs.

Alors, c'est pour ça que nous plaidons vraiment... Les gens qui vont venir ici, là, comme les archivistes ou nos collègues, ils vont vous dire: Raccourcissez les délais. Moi, je vous dirais: Écoutez-les pas. Parce qu'eux autres ils sont un peu timorés finalement, parce qu'ils partent de 150 ans. Si vous leur donnez 30 ans, ils vont être contents. Moi, je vous dis: Laissez tomber les délais. Faites confiance aux archivistes, faites confiance aux auteurs, et faites-nous confiance, comme éditeurs.

Le Président (M. Boulianne): Merci. Alors, vous avez encore une minute, M. le ministre. Ça va? Merci, M. Vaugeois. Alors, M. le député de Marquette.

M. Ouimet: M. Vaugeois et les représentants de l'Association nationale des éditeurs de livres, à mon tour de vous souhaiter la bienvenue. Et j'ai envie de vous poser la question suivante: Qui aurait objection aux recommandations que vous faites?

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député. M. Vaugeois.

M. Ouimet: Qui sont vos adversaires dans ce débat?

M. Vaugeois (Denis): J'aime mieux pas trop répondre, ha, ha, ha! J'ai des opinions là-dessus, malheureusement.

M. Ouimet: Ha, ha, ha!

M. Vaugeois (Denis): La Commission... le rapport Paré, c'était Jean Paré qui était directeur de L'actualité à l'époque, et c'est lui qu'on avait recruté pour présider ce groupe de travail qui a fait un beau travail. Et je vous dirai une chose. C'est que, la conclusion du rapport Paré, c'était de créer une commission d'accès à l'information, d'introduire les préoccupations de protection des renseignements personnels mais d'abolir la commission après cinq ans. Il y avait une clause crépuscule dans le rapport Paré, l'idée étant de créer des habitudes, et l'objectif étant d'inciter le gouvernement et les pouvoirs publics à plus de transparence, à ouvrir leurs dossiers, à rendre publics, le plus tôt possible, les documents.

C'est absolument extraordinaire ce qui est arrivé. C'est qu'on a mis toute une série d'obstacles. Alors, qui les a mis, les obstacles, vous pensiez, M. le député?

Le Président (M. Boulianne): Oui. Alors, M. le député.

M. Ouimet: Alors, qui?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ouimet: Je vous retourne la question.

M. Vaugeois (Denis): Je vais exercer mon droit de réserve. Mais je peux vous dire que nous avons lu beaucoup de documents produits par des avocats en particulier, et on a ici entre autres un exposé fait par... c'est Me Doray qui est dans le bureau Lavery, de Billy, et qui a... document extrêmement intéressant et a une profusion comme ça de témoignages de gens qui se sont informés des expériences ailleurs.

Mais, pour être honnête et pour répondre à votre question, c'est qu'il y a aussi d'autres hommes de loi qui font un peu leur métier, si vous voulez, de surveiller la protection des renseignements personnels.

Mais il arrive des choses un petit peu aberrantes ? et là, c'est un peu personnel. Mais vous avez peut-être vu dans les journaux dernièrement, François Baby, un type de Québec ici qui a perdu sa femme, il n'y a pas tellement longtemps et qui, pour rendre hommage à sa femme, a voulu écrire sur elle, sur les 10 ans de lutte contre la maladie. Alors, il a demandé à l'hôpital de pouvoir consulter son dossier médical. On le lui a refusé.

Mais c'est pas ça qui est notre propos, ce soir. Mais c'est pour vous dire qu'on est allé tellement loin dans ce cheminement qu'il arrive des situations aussi étonnantes. Je ne dis pas... Je ne veux pas en discuter ce soir parce que le ministre tout à l'heure a félicité mon prédécesseur d'avoir un objectif. Alors, notre objectif, nous autres, c'est l'accès. C'est l'accès, et de nous laisser faire notre métier, si vous voulez. Mais c'est clair que la question est plus complexe que ça.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Vaugeois. M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Vous citez dans votre mémoire d'ailleurs certains extraits d'une conférence donnée par Me Doray. Je suis à la page 4, quatrième paragraphe, vers la fin du quatrième paragraphe où Me Doray disait: «La jurisprudence et la doctrine françaises apportent de nombreuses nuances et limites au droit à la vie privée. L'une de ces limites est clairement la primauté de la liberté de l'historien et du critique sur la protection du secret de la vie privée des morts.»

Est-ce que la volonté du défunt de demeurer dans l'oubli ou l'anonymat peut compter dans ce cadre-là?

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député. M. Vaugeois.

M. Ouimet: J'accepte... Ça doit être sûrement...

M. Vaugeois (Denis): Oui, absolument. D'ailleurs, nous l'avons écrit, quelque part. C'est clair que, si une personne remet ses documents aux archives et lui-même indique un délai, il doit être respecté. Ou si les héritiers le font, évidemment, je pense que toute volonté exprimée à cet égard doit être respectée.

Par ailleurs, quand on est devant des personnages publics, moi, personnellement, je considère qu'il faut des raisons très sérieuses. Mais, l'individu, si vous décidez de laisser vos documents aux archives, après votre mandat politique, vous avez le droit de mettre des délais, et je pense qu'il faudra les respecter.

Moi, si vous me consultez avant de mettre vos délais, je vous dirai: Bien, non. Mettez-en pas, de délai. Vous êtes venu en politique, si vous voulez, pour faire des coups marquants, pour laisser des souvenirs impérissables. Laissez les travailleurs rendre hommage à votre action d'homme politique.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Vaugeois. M. le député.

M. Ouimet: Oui, dernière question, puisque vous évoquez les expériences, en France. Est-ce que ça vous serait possible peut-être de soumettre aux membres de la commission un genre de tableau comparatif de ce qui se fait dans d'autres juridictions...

M. Vaugeois (Denis): Oui, on peut faire ça.

M. Ouimet: ...pour nous éclairer davantage? Je pense que c'est toujours rassurant pour un législateur de voir ce qui se passe ailleurs...

M. Vaugeois (Denis): Oui, oui.

M. Ouimet: ...eu égard à ces questions-là qui vous préoccupent.

M. Vaugeois (Denis): On fera pas un travail, si vous voulez, très considérable mais on peut donner un aperçu là-dessus parce qu'on est quand même une association modeste.

M. Ouimet: Un aperçu, oui.

Le Président (M. Boulianne): Y aurait-il moyen de l'envoyer au secrétariat de la commission?

M. Vaugeois (Denis): Absolument. Donnez-nous quelques jours, on va vous faire quelque chose là-dessus.

Le Président (M. Boulianne): Alors...

M. Vaugeois (Denis): Si c'est la dernière question, M. le Président, j'aurais un mot, une finale. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Boulianne): Oui. Alors, allez-y avec votre finale.

M. Vaugeois (Denis): C'est personnel. C'est personnel et pas tout à fait. Vous voyez ici, par exemple, autour de la table, il y a Mme Kenniff, il y a M. Del Busso puis il y a Jacki Dallaire. Moi, j'ai un nom qui a l'air francophone mais mes origines ne sont pas si anciennes que ça.

On a les registres de l'état civil, qui sont d'une très grande richesse, qui permettent de faire de la généalogie comme dans peu de pays on peut le faire. On n'a pas eu de guerre ici, on n'a pas eu d'incendie dévastateur, et on a des armées de généalogistes.

Actuellement, il y a des délais de 90 ans, à moins que ça a été corrigé récemment, là, et avec des frais et des procédures à suivre qui sont, à mon avis, hors de portée pour la plupart de ces généalogistes amateurs.

Laisser travailler ces gens dans l'histoire des familles, c'est leur permettre de découvrir notre société, d'apprendre que ce territoire ici s'est peuplé avec des gens de toutes origines parce que, dès qu'on ouvre notre arbre généalogique, dès qu'on s'intéresse à nos origines, on est toujours étonné de voir la diversité de nos ancêtres, des gens qui viennent de partout. Ces gens-là ont contribué à développer une culture qui n'est pas pure laine et d'une seule souche.

La culture québécoise a fait des emprunts aux autochtones, a fait des emprunts aux diverses couches d'immigrants qui sont venus ici depuis: les Allemands, les Irlandais, les Écossais, etc. Notre musique traditionnelle, notre façon de manger, notre façon de s'habiller, nos fêtes, tout ça, c'est emprunté à des gens de toutes cultures.

Moi, je trouve triste que, alors que les ressources sont là, que des gens sont prêts à s'y employer, alors qu'on a un discours aujourd'hui d'inclusion, d'ouverture, hein, de diversité, qu'on empêche des gens de montrer que, tout ce que nous proposons, nous l'avons déjà pratiqué depuis plusieurs générations.

n(22 h 30)n

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Vaugeois. Est-ce qu'il y a d'autres questions? Alors, c'est bien, on vous remercie beaucoup. C'était très intéressant.

Alors, je demanderais au représentant... le porte-parole du Mouvement au Courant, M. John Burcombe, de s'approcher, s'il vous plaît.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Boulianne): ...c'est bien. La commission reprend ses travaux. Alors, M. Burcombe, on vous écoute.

Mouvement au Courant

M. Burcombe (John): Bonsoir, M. le ministre, M. le Président, membres de la commission. Alors, le Mouvement au Courant est un groupe de bénévoles, vieux de 11 ans maintenant, avec deux grands buts: premièrement, de veiller à l'utilisation rationnelle des ressources naturelles et, deuxièmement, de promouvoir la participation publique dans les processus décisionnels.

Déjà, en 1994, nous avons commenté le rapport quinquennal de la Commission d'accès à l'information de 1992. Depuis, nous avons comparu à deux reprises devant cette commission à l'égard des changements à la Loi sur l'accès. La plupart de nos remarques, cette fois-ci, découlent de notre expérience de l'application de la Loi sur l'accès dans le domaine de l'environnement. Depuis 10 ans, nous notons qu'il est devenu plus difficile d'obtenir des informations des promoteurs de projets et que le service offert par la Commission d'accès à l'information a détérioré au point d'être médiocre, voire presque inutile.

Par ailleurs, il faut noter que l'absence de commentaires sur des changements spécifiques proposés dans le projet de loi n° 122 ne devrait pas être interprétée comme un appui ou un rejet de ces changements.

Premièrement, sur l'article 116 du projet de loi, bien que nous accueillions l'allégement de l'accès aux documents visés par l'article 118.5 de la Loi sur la qualité de l'environnement, l'utilité du changement est, pour nous, très limitée du fait que les articles 23 et 24 de la Loi sur l'accès s'appliquent toujours. Comme nous avons déjà expliqué lors de nos présentations antérieures à cette commission, l'invocation abusive par des tierces parties des articles 23 et 24 peut entraver l'accès à des informations sur des impacts potentiellement nuisibles pour l'environnement et la santé humaine. Le promoteur d'un projet assujetti à un examen préalable en vertu de l'article 22 de la Loi sur la qualité de l'environnement n'a qu'à mentionner les articles 23 à 24... excusez, 23 et 24 de la Loi sur l'accès afin de, effectivement, bloquer pendant des années l'accès à des volumes complets de ses études des répercussions environnementales.

L'article 118.4 de la loi, par contre, accorde l'accès public sans restriction à des données sur les émanations de substances polluantes produites, par exemple, par une usine en opération. Cependant, l'accès à la même information à titre prévisionnel pour un projet d'usine peut être facilement bloqué par le promoteur en invoquant les articles 23, 24. Il faut, en effet, attendre jusqu'au dépôt des premiers rapports de suivi des émanations, une fois le projet construit et en opération, avant d'avoir le plein droit d'accès à ces informations. Par contre, si le projet d'usine est de grande envergure, et donc assujetti à un examen public en vertu de l'article 31.1 de la Loi sur la qualité de l'environnement, l'étude d'impact sur l'environnement, y inclus de l'information sur les émanations polluantes, devient un document public. Tel que souligné à plusieurs reprises, nous trouvons cette situation où des petits projets peuvent échapper à l'oeil public illogique et pernicieuse et nous attendons toujours des correctifs par l'entremise, entre autres, de la Loi sur l'accès.

Par ailleurs, la déclaration que dorénavant les documents visés par l'article 118.5 de la Loi sur la qualité de l'environnement sont accessibles ne fait rien pour améliorer leur diffusion. Depuis longtemps, nous avons tenté de convaincre le ministère de l'Environnement de l'utilité de l'Internet pour le repérage et la diffusion d'information, notamment sur l'évaluation environnementale de projets assujettis à cette loi.

Nous avons donc lu avec intérêt le mot du président dans le rapport annuel 1999-2000 de la Commission d'accès à l'information. M. Comeau y note... C'est l'ancien président maintenant. M. Comeau note qu'aux États-Unis «le visiteur d'un site Internet est immédiatement inondé de renseignements concrets et utiles: comment et à qui s'adresser pour obtenir l'un ou l'autre document [...]. Certains de ces sites présentent même de véritables guides pour permettre à quiconque de cibler une requête vers le document qui puisse répondre à ses attentes.» Fin de citation.

Par contre, il continue: «Au Québec [...] le constat est différent. Le régime d'accès à l'information existe et fonctionne, mais il n'a pas franchi l'étape où l'offre s'affiche au vu et au su de tous.» M. Comeau demande si cette situation est une de «pudeur, de timidité ou peut-être de volonté de ne pas offrir plus que le client en demande».

Alors, notre plus récente correspondance avec le ministère de l'Environnement reflète bien ce constat. Nous avons demandé pourquoi le Répertoire des projets actifs ? c'est au site Internet du ministère ? n'a pas été mis à jour depuis presque un an. Alors, en réponse, quatre mois plus tard, le ministère indique, et je cite: «Nous avons effectivement éprouvé des difficultés à maintenir à jour les différentes listes de projets lors de la dernière année. Toutefois, je vous informe que, dès cet automne, les listes seront mises à jour sur une base trimestrielle. Par ailleurs, je tiens à vous préciser que nous ne prévoyons pas augmenter le contenu informationnel de ce répertoire à court terme.»

Alors, nous sommes très déçus de cette attitude qui démontre bien que le souci d'ouverture et de transparence en matière d'environnement mis de l'avant par M. Marcel Léger en 1978 reste toujours à réaliser. Et, comme suivi à ce constat, je suis heureux de rapporter que ledit Répertoire des projets actifs est maintenant tenu presque à jour, et la Direction des évaluations environnementales répond avec diligence à des demandes d'information. Alors, à ce point-là, il y a une certaine amélioration.

Maintenant, concernant les articles 8 et 9 du projet de loi, notre position est qu'un délai de réponse de 20 jours à une demande d'accès est raisonnable et adéquat. En 1998, nous avons indiqué à cette commission que l'ajout de 10 jours aux délais prescrits à l'article 49 de la Loi sur l'accès ferait en sorte que le délai total à un document pourrait atteindre 80 jours, ce que nous trouvons excessif. Le ministre alors responsable, M. André Boisclair, a promis de revoir ce point, mais je vois pas de changement dans le projet de loi n° 122.

n(22 h 40)n

Alors, pour d'autres changements, simplement des commentaires. Pour les sujets suivants, nous appuyons les arguments de la Commission d'accès à l'information présentés dans son avis de juin 2000 concernant le projet de loi n° 122.

Premièrement, l'assujettissement de certains organismes gouvernementaux, la gamme d'organismes assujettis devrait être élargie.

En ce qui concerne l'exercice du droit d'appel des décisions de la Commission, la crainte d'un demandeur d'accès d'être condamné aux dépenses suite à un éventuel appel devant la Cour du Québec représente une restriction à l'accès. Nous sommes d'accord avec ce constat.

Et, finalement, concernant l'administration du droit de révision par la Commission d'accès à l'information, il faut rapporter malheureusement que les délais de traitement des demandes de révision portées devant la Commission sont encore pires qu'en 1998.

Alors, nous avons, hier, acheminé aux membres de la commission copie d'une lettre ouverte en date de novembre 2000 intitulée Le régime d'accès à l'information en panne. Nous y expliquons comment les détenteurs d'information utilisent à leur avantage la Loi sur l'accès et les longs délais de traitement de dossiers par la Commission d'accès à l'information. Jointes à cette lettre étaient des mises à jour des bilans de nos propres dossiers au sein de la Commission. Le délai entre une demande de révision et la tenue d'une audience est toujours plus d'un an. De plus, le temps total de traitement d'un de nos dossiers était au-delà de 47 mois, ça veut dire presque quatre ans. Alors, pour nous, ces délais sont évidemment complètement inacceptables, et notre lettre ouverte a demandé comment le ministre prévoit améliorer la situation, et nous attendons toujours une réponse à cette lettre.

Par ailleurs, je crois que la Commission d'accès à l'information est bien consciente du problème. Plus tôt cette année, nous avons participé à un «focus group» à l'invitation de la Commission, et j'ai constaté que tous les participants ont vécu les mêmes expériences, et en particulier à l'égard des délais excessifs.

Le Président (M. Boulianne): M. Burcombe, je vous demanderais de conclure, s'il vous plaît.

M. Burcombe (John): Oui. Alors, juste un petit point que j'aimerais mentionner concernant le... sur le mandat de la Commission d'accès à l'information. Je crois, comme plusieurs, que la Commission ne devrait pas être responsable à la fois de l'accès aux documents publics et le contrôle des renseignements personnels. Pour nous, je crois qu'il y a toujours une possibilité de conflit d'intérêts sur ces deux mandats, et les mandats devraient être séparés afin qu'il y ait pas de possibilité de ce conflit. Merci beaucoup.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Merci, monsieur. M. le ministre, à vous la parole.

M. Facal: Merci beaucoup, M. le Président. Bonsoir, M. Burcombe. Bienvenue parmi nous. Je vous remercie pour votre contribution à nos travaux. Je vous confesse que, même si j'ai souvent entendu parler du Mouvement au Courant, je connais peu. En fait, je ne connais pas du tout sa nature. C'est, si j'ai bien compris, un regroupement de bénévoles?

M. Burcombe (John): En effet, oui, c'est un petit groupe qui suit les procédures d'audiences publiques. En particulier, on participe aux audiences du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement sur beaucoup de ses projets.

M. Facal: Votre spécialité, c'est vraiment l'environnement et les ressources naturelles.

M. Burcombe (John): Oui, c'est, en effet, l'exploitation des ressources naturelles, et on vise une exploitation rationnelle, et, pour nous, la façon de faire ça, c'est par des évaluations environnementales en bonne et due forme.

M. Facal: Et, tout ce que vous faites est fait par des bénévoles, vous n'avez pas de permanents, de secrétariat, ni rien?

M. Burcombe (John): Non, nous sommes tous des bénévoles.

M. Facal: Êtes-vous nombreux?

M. Burcombe (John): Excusez?

M. Facal: Êtes-vous nombreux?

M. Burcombe (John): Non, on est très... C'est un très petit groupe. On était plus nombreux, mais maintenant on est très restreints dans nos actions parce qu'il nous reste pas beaucoup de personnes. On cherche... C'est toujours un problème avec des petits groupes de trouver la relève, quelqu'un qui peut venir et avec les mêmes intérêts, et c'est un problème pour nous.

M. Facal: Nous tous qui sommes en politique pouvons, en effet, reconnaître que trouver des bénévoles et les conserver n'est pas une chose facile. Mais, dites-moi, donnez-moi une idée, vous êtes combien, à peu près?

M. Burcombe (John): Nous sommes seulement une poignée de personnes...

M. Facal: Une poignée.

M. Burcombe (John): ...au groupe, oui.

M. Facal: D'accord. Vous donnez l'impression, dans votre mémoire, que la législation québécoise en matière d'accès aux documents est timide, restrictive. Et, à cet égard, vous citez M. Comeau qui, lui-même, disait, j'ouvre les guillemets: «Pudeur, de timidité, ou peut-être de volonté de ne pas en faire plus que le client en demande.» Fin de la citation. Je trouve ce jugement bien sévère. Je vous reconnais parfaitement le droit à vos opinions, surtout dans un domaine que vous connaissez infiniment mieux que moi, mais le sentiment que, moi, j'en ai est qu'au contraire la législation québécoise, bien que perfectible, soutient assez avantageusement la comparaison avec ce qui se fait ailleurs, tant en ce qui a trait au nombre d'organismes assujettis qu'au jumelage inédit, jusqu'à ce que, nous, on le fasse, du volet accès et du volet protection des renseignements personnels, avant-gardiste aussi en ce qui a trait au caractère et à la rédaction large et généreuse des principes et des droits, et à la rédaction fine et précise des restrictions en contrepartie. Mais je reconnais que l'on puisse diverger d'opinions là-dessus.

Pour ce qui est de votre mémoire comme tel, vous dites que la gamme des organismes assujettis devrait être élargie. Vous savez que le projet de loi propose d'assujettir, en plus des 3 000 et quelques qui le sont déjà, les CRD, les CLD et les ordres professionnels, ainsi de suite. Qui d'autre, à votre avis, devrait être assujetti?

M. Burcombe (John): Oui, absolument, en particulier toutes les filiales d'Hydro-Québec. Maintenant, on les a changées de nom, je crois que c'est... Mais c'est CapiTech, qui est une filiale d'Hydro-Québec, qui contrôle plusieurs autres compagnies en partenariat, et on n'a pas accès aux informations sur les opérations de ces filiales. Même si Hydro-Québec est peut-être investisseur majoritaire dans ces fonds, on n'a pas accès à l'information sur ces compagnies. Et, on n'est pas les seuls à se plaindre de ce manque d'ouverture avec Hydro-Québec, si vous vous souvenez, le Vérificateur général a aussi indiqué qu'il était très préoccupé par le fait qu'Hydro-Québec ne veut pas lui fournir certaines informations.

n(22 h 50)n

Alors, ça, c'est un domaine où on travaille quotidiennement, et on connaît bien. Alors, il y a d'autres instances. Comme pour le Casiloc, on a tenté d'avoir de l'information sur Casiloc, mais, là encore, c'est pas un organisme visé par la Loi sur l'accès. Alors, ça, c'est quelques exemples.

M. Facal: Je crois comprendre que vous faites beaucoup de demandes d'accès à l'information et que vous tenez des statistiques assez précises sur les délais de réponse que vous recevez. Et, dans votre mémoire, il y a une section en annexe qui contient ces renseignements, pouvez-vous, assez brièvement, nous faire une sorte de bilan des demandes de renseignements que vous avez récemment faites et des délais de réponse auxquels vous vous êtes frottés?

M. Burcombe (John): Alors, c'est que nous n'avons pas fait si beaucoup de demandes récemment, étant un peu déçus en constatant qu'on n'a jamais l'information en temps utile. C'est quoi, l'utilité d'une information quatre ans plus tard que du moment qu'on l'a demandée? Ça, c'est un exemple assez récent, et une cause qui était débutée en 1997 a été seulement réglée au début de cette année 2001. Alors, pour nous, ça, c'est complètement inacceptable.

Et le plus récent exemple pour voir que rien n'a changé, c'est que, si vous prenez l'annexe 1 et le dossier n° 1, là on a demandé une demande de révision qui date de juin 2000, on vient juste de recevoir avis de convocation d'une audience pour le 8 août de cette année. Alors, ça, c'est déjà quoi, 15 mois de délai avant la possibilité même de tenir une audience sur notre demande de révision. Et, par la suite, il y a tout le temps possibilité que cette audience soit reportée, ce qui est une tactique des détenteurs de l'information, en particulier les compagnies privées. Il vient avec n'importe quelle raison pour dire qu'il peut pas être présent pour la date prévue, et, jusqu'à date, toutes ces excuses ont été acceptées par la Commission sans vraiment tenir compte des problèmes que ça peut causer. Et, par la suite, il y a tout le temps de délibérer des commissaires qui, dans certains cas, a pris des mois si pas des années. Alors, c'est une situation assez sérieuse pour nous et c'est pourquoi nous avons écrit cette lettre ouverte, mais intitulée Le régime d'accès en panne, parce que, pour nous, ça marche pas du tout en ce moment.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Merci beaucoup, M. Burcombe. M. le ministre, y aurait-il d'autres questions?

M. Facal: Ça va.

Le Président (M. Simard, Montmorency): M. le député d'Iberville...

M. Bergeron: Oui, merci.

Le Président (M. Simard, Montmorency): ...en vous rappelant qu'il vous reste deux minutes.

M. Bergeron: C'est que dans les deux buts que vous vous êtes fixés le deuxième, c'est «promouvoir la participation publique dans les processus décisionnels». J'aimerais que vous puissiez élaborer là-dessus, de quelle façon vous voyez à la promotion de la participation. Vous êtes, comme vous l'avez dit tantôt, peu de personnes, et, dans les annexes, je vois que souvent c'est des demandes de renseignements, des demandes d'auditions. Alors, parlez-moi de la promotion de la participation publique.

M. Burcombe (John): Alors, afin que le public puisse participer pleinement à des décisions, il faut que le public soit informé, et ça, c'est le «basis» de nos demandes d'information. Et, souvent, c'est en relation avec des projets où il y a un intérêt public, et certaines personne nous ont demandé qu'est-ce qui se passe sur tel et tel projet, et on a essayé de les assister pour avoir de l'information. Et, entre autres, une façon de le faire, c'est de faire des demandes d'accès. Et, en général, pour assurer ou pour promouvoir la participation publique, en particulier avec les audiences publiques, on fait la promotion de consultation publique dans toutes ses formes. Et, particulièrement, notre intérêt particulier, c'est dans l'évaluation environnementale, et on essaie d'assurer qu'il y a des audiences publiques tenues par le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement. Ça veut dire qu'on fait la demande d'audiences ? vous savez très bien qu'il y aura pas d'audiences si personne fait la demande ? et, une fois que ces audiences sont décrétées, on remarque très souvent que le public est très intéressé à participer. Mais il faut avoir l'information pour ça.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Alors, merci beaucoup. M. porte-parole de l'opposition officielle, à vous la parole.

M. Ouimet: Merci, M. le Président. M. Burcombe, merci de, je vous dirais, votre mémoire et votre témoignage, vous illustrez ce que je disais dans mes remarques préliminaires en début de journée concernant les problématiques d'accès à l'information. Vous l'illustrez. J'imagine qu'on vous a déjà dit également que vos demandes étaient considérées abusives. Est-ce que vous avez déjà entendu ça? Oui, plusieurs fois, sûrement?

M. Burcombe (John): Oui.

M. Ouimet: Pourtant, vous ne faites qu'exercer votre droit, comme citoyen, d'avoir accès à de l'information, droit qui est consacré à la Charte québécoise des droits et libertés de la personne. Je me demandais si vous avez reçu réponse à la lettre du 27 janvier que vous adressiez à Mme Diane Jean, sous-ministre au ministère de l'Environnement.

M. Burcombe (John): Pas vraiment. C'est que...

M. Ouimet: ...pas vraiment?

M. Burcombe (John): Cette lettre vise un accès plus large à l'information, et en particulier à l'égard des projets assujettis à l'article 22 de la loi, et ça, c'est un de nos chevaux de bataille, qu'on peut dire, parce que le grand problème pour nous, la loi est incohérente du fait qu'on a accès à des informations sur des projets de grande envergure, mais on n'a pas accès à la même information pour les projets de moindre envergure. Et ça, c'est pour nous une incohérence dans la Loi sur la qualité de l'environnement qui devrait être changée, améliorée.

M. Ouimet: Dans votre mémoire, vous rapportez les propos de Paul-André Comeau, qui a été président de la Commission d'accès à l'information, et, dans le dernier rapport annuel de la Commission d'accès à l'information, il plaidait... Bien que le ministre nous dit qu'il ne partage pas du tout le jugement, qu'il croit sévère, que vous portez, il a pourtant été porté également par le président ou l'ex-président de la Commission d'accès à l'information de façon assez sévère. M. Comeau invoquait l'expérience américaine et la philosophie américaine du Automatic Routine Disclosure, c'est-à-dire de donner beaucoup, beaucoup d'information aux citoyens, de leur faciliter la tâche afin que les citoyens puissent suivre et surveiller les actions du gouvernement et participer également au processus démocratique, aux débats. Je me demandais si vous aviez des liens avec d'autres organismes semblables au vôtre aux États-Unis. Avez-vous des échanges de correspondance, des échanges d'expériences à ce niveau-là?

n(23 heures)n

M. Burcombe (John): On a travaillé avec certains groupes dans le passé, mais tout récemment, non. On intervient toujours devant certaines commissions aux États-Unis comme le FERC, le Federal Energy Regulatory Commission. Et on a cette possibilité d'intervenir, mais récemment on n'a pas travaillé avec des groupes aux États-Unis, non.

M. Ouimet: Est-ce que, pour vous, vous n'avez pas... Je pense que vous livrez dans votre mémoire un témoignage d'expérience, que vous avez vécue, assez difficile avec différents ministères, différents organismes. Vous ne faites pas trop de commentaires sur les dispositions de la loi n° 122.

Mais j'aimerais vous demander: Est-ce que vous pensez que l'architecture de la loi n° 122 ou de la Loi sur l'accès aux documents, telle qu'elle est conçue présentement, répond adéquatement aux exigences de notre société moderne ou est-ce qu'on devrait donner un coup de barre un peu plus important?

Parce qu'il y a des petites modifications ici et là que le ministre entend apporter, dans certains cas. En tout cas, nous pensons que ce n'est pas une amélioration mais un recul. Certaines personnes sont venues nous dire ce soir qu'effectivement il y a des reculs même par rapport à la jurisprudence. Dans d'autres cas, ça semble être une amélioration. Mais c'est pas une réforme en profondeur qui semble répondre peut-être à ce que vous souhaiteriez lorsque vous invoquez Paul-André Comeau dans ses commentaires.

M. Burcombe (John): Oui. Pour nous, les changements prévus sont assez cosmétiques, et on a pensé qu'il faut avoir quelque chose beaucoup plus musclé pour changer la loi.

Le problème est que, les provisions de la loi, telles que présentées au début, étaient très bien. Mais, c'est que, par la suite, beaucoup des articles dans la loi sont très restreints par la jurisprudence. Et la jurisprudence, en général, était pour restreindre l'accès plutôt que de fournir plus d'ouverture.

Alors, à travers les années, un petit peu dans le domaine de l'environnement, la jurisprudence est venue pour restreindre l'accès jusqu'au point que la loi n'a plus de dents pour nous pour être utile dans une autre demande d'information. Et... oui, je pense que, ça, c'est les problèmes qu'on voit avec 122. C'est pas assez fort pour nous.

M. Ouimet: Merci.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Merci beaucoup, M. le député de Marquette. M. le député de D'Arcy-McGee, à vous la parole.

M. Bergman: Merci, M. le Président. M. Burcombe...

M. Burcombe (John): Bonjour.

M. Bergman: ...je suis fort impressionné par votre présentation, et le fait que vous êtes un groupe de bénévoles. Et on peut voir dans notre société l'importance des bénévoles qui s'intéressent à un problème particulier dans notre société.

Et je voulais juste être certain quand vous avez mentionné qu'il y a une gamme d'organisations qui sont ou devraient être ajoutées ou soumises au projet de loi ou aux commissions, et il y avait un groupe ce soir qui indiquait qu'il y avait des filiales des sociétés de la couronne qui sont pas assujetties et elles devraient être assujettis. Et je veux être certain que... avoir vos commentaires sur le silence du projet de loi à cet égard, le fait qu'il y a des filiales de sociétés de la couronne qui sont pas assujetties.

M. Burcombe (John): Comme j'ai déjà mentionné, pour nous, beaucoup plus de... il y a, comme maintenant, des sociétés en commandite qui sont associées à certaines... au municipal, par exemple. Les municipalités peuvent fournir des organismes qui sont... qui font du travail en parallèle au conseil municipal qui sont hors de la Loi sur l'accès, et je crois que, ça, c'est quelque chose à corriger. Et tous les autres problèmes qu'on a mentionnés avec les filiales d'Hydro-Québec et Casiloc, tous ces organismes, pour nous, devraient être assujettis à la loi. Ils ne le seront pas avec la loi, le projet de loi actuel.

M. Bergman: Merci. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Merci beaucoup, M. le député de D'Arcy-McGee. Alors, M. Burcombe, porte-parole du Mouvement au Courant, nous tenons à vous remercier de votre présence parmi nous ce soir, et vous remercier pour la qualité de votre mémoire.

Ceci étant dit, j'appelle d'ores et déjà le groupe Option consommateurs, représenté par Mme Louise Rozon et Me Jacques St-Amant.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Simard, Montmorency): Alors, chers amis, bienvenue. Nous vous écoutons.

Option consommateurs

Mme Rozon (Louise): Merci beaucoup. Récemment, il y a des chercheurs universitaires qui ont évalué qu'il se créera davantage de renseignements personnels dans le monde au cours des 10 prochaines années que depuis l'invention de l'écriture; c'est peu dire. Les technologies de surveillance, elles, continueront à se raffiner à un rythme toujours plus rapide. Il y a de quoi être un peu inquiet.

Or, M. le Président, M. le ministre, et MM. les députés, nous vous remercions par conséquent de cette occasion d'examiner avec vous rapidement l'état du droit québécois dans ce domaine et les mesures qui s'imposent pour le mettre à jour.

Option consommateurs est une des plus grandes associations de consommateurs québécoise. Elle a son siège à Montréal, et elle offre chaque année des services à environ 10 000 consommateurs, en plus d'intervenir publiquement dans plusieurs domaines comme les services financiers, les pratiques de commerce, les services professionnels ou l'énergie.

Il y a maintenant plus de 10 ans que nous nous intéressons aux questions reliées à la protection des renseignements personnels, et nous avons souvent comparu devant cette commission ou devant certains de vos collègues pour en discuter.

On attend depuis des années la mise à jour législative dont vous êtes saisis. Il faut donc la faire sans délai. Le projet de loi n° 122 contient d'ailleurs plusieurs dispositions dont l'adoption est clairement souhaitable, de notre point de vue.

D'autres mesures dans ce projet sont toutefois plus inquiétantes, et certaines devraient en être carrément éliminées. De plus, quelques questions demeurent en suspens.

Alors, dans les quelques minutes dont nous disposons, nous attirerons votre attention sur les éléments qui nous paraissent les plus importants en lançant d'abord les fleurs ? ça fait plaisir ? qui s'imposent, puis en formulant certaines critiques. Vous avez, d'autre part, reçu copie de nos commentaires écrits qui sont beaucoup plus détaillés que ce que nous allons vous présenter.

D'abord, une mesure heureuse. L'expérience des dernières années a démontré que le texte des deux grandes lois québécoises protégeant les renseignements personnels contenait des ambiguïtés que les tribunaux ont relevé avec un bonheur inégal. Le projet de loi n° 122 règle certains de ces problèmes, et c'est fort heureux. Par exemple, on vient préciser les règles qui s'appliquent aux municipalités ou aux sociétés paramunicipales ainsi qu'aux ordres professionnels, et cela s'impose.

On notera toutefois que le régime envisagé pour les ordres professionnels qui entremêle les deux lois n'est pas du tout simple, et on aurait pu préférer assujettir entièrement ces organismes au régime s'appliquant au secteur public, comme d'ailleurs, l'Assemblée nationale l'a fait en 1998 pour les organismes de réglementation créés par la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

On veut aussi assurer que les personnes puissent avoir accès aux renseignements qui les concernent sous une forme intelligible et faciliter l'accès à ces renseignements pour les personnes handicapées. Il ne resterait à cet égard qu'à préciser certaines questions dont les frais qui peuvent être imposés au demandeur.

En ajoutant les mots «à la collecte», à l'article 14 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, on vient heureusement réparer une omission législative qui avait de sérieuses conséquences.

Il faut dire un mot également des allégements proposés au fonctionnement de la Commission d'accès à l'information dont certains seront fort utiles, encore qu'on s'inquiète un peu de voir que plus de décisions prises par la Commission d'accès deviendront susceptibles d'appel, et que, comme le notait la Commission dans ses observations de juin 2000, ces mesures pourraient imposer indirectement des coûts importants aux citoyens, et ainsi, réduire l'accès à la justice.

n(23 h 10)n

En fait, on fait obligation aux organismes publics et privés de veiller au maintien du caractère confidentiel des renseignements personnels, lorsqu'ils décident de recourir à diverses technologies. Cela ouvrira la porte à l'examen au préalable de l'impact des changements technologiques, ce qui devient urgent. On pourra cependant faire mieux encore en obligeant ces organismes à veiller non seulement au maintien de la confidentialité, mais à celui de l'ensemble des règles de protection des renseignements personnels établies par la loi.

Maintenant, quelques inquiétudes. Abordons maintenant donc certains aspects plus inquiétants du projet de loi n° 122. On dira, d'abord, un mot des couplages de fichiers avant de recenser une demi-douzaine de modifications qui auraient, à notre avis, pour effet de réduire les droits des citoyens, en matière de contrôle sur les renseignements personnels qui les concernent.

Donc, en ce qui concerne les couplages de fichiers, vous n'êtes pas sans savoir que ces couplages sont très populaires notamment dans le secteur public, mais ils peuvent aussi être dangereux, et c'est pourquoi ils font l'objet d'un encadrement juridique détaillé tant aux États-Unis qu'en Australie, notamment.

On reste loin derrière, au Québec. Malgré la bonne volonté de la Commission d'accès, et les mesures que vous examinez n'amélioreront pas les choses. Pour l'essentiel, on donnerait à la Commission d'accès 60 jours pour examiner un projet de couplage. C'est peu. Elle pourrait l'autoriser ou encore recommander qu'il ne s'effectue pas. Si elle s'oppose au projet, le gouvernement peut passer outre en publiant simplement un avis public dans la Gazette officielle. Personne ne peut non plus contester la décision de la Commission de consentir à un couplage. Autant dire que le contrôle est de pure forme. Il ne restera à la Commission d'accès qu'un pouvoir de contrôle du traitement des renseignements couplés. Au lieu de prévenir, on devra tenter de guérir. On comprend mal que le gouvernement du Québec demeure à ce point ombrageux à l'égard de ce tout ce qui pourrait limiter sa capacité de faire des couplages de données, alors qu'il s'agit d'un enjeu démocratique fondamental.

Il faut dire un mot de la gestion des fichiers. Le nouvel article 70.1 de la loi régissant le secteur public permettrait à un organisme public, sur autorisation de la Commission d'accès ou du gouvernement, de céder les fichiers ou d'y donner accès en bloc. Il s'agit là d'un grave recul sur l'état actuel du droit et même sur le projet de loi n° 451 qui est l'ancêtre du présent projet de loi. Il s'agit aussi d'une apparente incohérence avec l'orientation du projet de loi n° 161 présentement examiné par la commission de l'économie et du travail. Il faut s'attendre à voir rappliquer des entreprises qui voudront obtenir un accès à des fichiers publics que des organismes gouvernementaux leur céderont peut-être à fort prix. Cette mesure devrait être, à notre avis, supprimée tout simplement du projet de loi.

D'autre part, le nouvel article 66.1 de la loi régissant le secteur public autoriserait un organisme gouvernemental à employer un renseignement personnel à une fin autre que celle pour laquelle il a été recueilli, sous prétexte que cela serait nécessaire à l'application de la loi. C'est donner, selon nous, carte blanche aux organismes publics qui, dès qu'ils auront obtenu un renseignement, pourront l'utiliser à toutes les sauces, et c'est battre en brèche trois des principes les plus fondamentaux parmi ceux qui sont reconnus à l'échelle mondiale dans le domaine, soit ceux de la finalité, du consentement et de la transparence.

Les organismes publics n'auraient plus à se préoccuper de bien établir pourquoi ils recueillent des renseignements. Ils n'auraient plus à s'assurer d'obtenir un consentement éclairé de la part des citoyens, et leur pratique deviendrait imprévisible. On ne voit rien qui, en 2001, pourrait justifier un pareil recul du Québec dans le domaine de la protection des renseignements personnels.

Certaines modifications à la loi régissant le secteur privé sont aussi malheureuses. On ne peut que s'inquiéter du nouvel article 18.2 qu'on ajouterait à la loi qui permettrait à l'entreprise de communiquer tout renseignement qui un caractère public, en vertu de la loi.

Mais quels sont ces renseignements? Faut-il y voir seulement des renseignements dont une loi dirait explicitement qu'ils sont publics? Il y en a si peu qu'on se demande à quoi servirait la disposition, ou tout ceux, par exemple, qui sont consignés au registre de l'état civil ou qu'on peut trouver dans des documents publics. Il s'agit là d'une mesure qui ouvre la porte à tous les abus qui pourraient permettre de contourner complètement la loi, et qui ne vient remédier à aucun problème réel. On devrait donc tout simplement l'éliminer.

Autre mesure incompréhensible. On permettrait à une entreprise, en modifiant l'article 40, de s'opposer avec succès à toute communication de renseignements lorsque cette divulgation révélerait vraisemblablement un renseignement personnel sur un tiers ou l'existence d'un tel renseignement. C'est dire, par exemple, que le citoyen n'aurait plus aucun accès aux renseignements qui le concernent et qui contiennent une opinion exprimée par un préposé qui l'a servi ou un cadre qui l'a évalué, comme c'est fréquemment le cas dans le domaine des services financiers, puisque ces opinions constituent un renseignement personnel rattaché aussi à ce tiers et pas seulement au citoyen. Il s'agit là d'une modification apparemment anodine qui aurait en effet un impact dévastateur sur l'accès des citoyens aux renseignements qui les concernent et qu'ils ont actuellement le droit de consulter.

On vient aussi élargir le bassin des gens à qui une entreprise peut révéler un renseignement personnel en ajoutant tous les cas où le renseignement est nécessaire aux fins de recouvrer une créance. Ici, la plume dépasse sans doute la pensée du législateur. Si on juge utile d'assouplir la règle en matière de recouvrement de créances, ce qui nous paraît par ailleurs inutile, il faudrait au moins écrire quelque chose comme «à toute personne à qui il est nécessaire de communiquer le renseignement aux fins de recouvrer une créance».

On engagera enfin le législateur à se montrer très prudent en modifiant l'article 17 de la loi concernant le secteur privé qui régit les plus... transfrontières de données. Ce texte avait été rédigé très soigneusement en 1993, et l'amendement proposé, qui paraît tout naturellement le simplifier, en étendrait en fait l'application d'une manière qui pourrait donner des résultats indésirables.

Alors, avant de conclure, il faut signaler trois derniers aspects. D'une part, les technologies permettant de porter atteinte à la protection des renseignements personnels se développent à toute allure. Pensons, entre autres, à la surveillance qui s'accroît, à la biométrie ou à la génétique. Il devient, dans ce contexte, essentiel qu'un organisme tel que la Commission d'accès à l'information soit dotée d'un mandat clair en matière de veille technologique et de ressources requises pour le mettre en oeuvre. D'ailleurs, et simplement pour s'acquitter correctement de sa mission actuelle, la Commission aurait certes besoin de plus de ressources.

Un mot simplement là où il faudrait une intervention détaillée pour rappeler que les agents de renseignements personnels, ou plus familièrement les bureaux de crédit, posent encore et toujours des problèmes considérables à l'égard desquels nous recevons régulièrement des plaintes.

Ensuite, le défi de la formation et de l'information dans le domaine de la protection des renseignements personnels au Québec demeure entier. Trop d'organismes publics, trop d'entreprises, trop de citoyens ne connaissent pas leurs droits et leurs obligations, et d'ailleurs, trop peu de citoyens même connaissent l'existence de la Commission d'accès à l'information. Il est vrai que la protection des renseignements personnels pose aux gestionnaires d'information des défis exigeants et les oblige souvent à changer leur pratique; c'est le prix à payer pour protéger des droits fondamentaux.

En terminant, le projet de loi n° 122 comporte de grandes forces mais aussi des faiblesses très inquiétantes. On peut facilement remédier à la plupart d'entre elles en éliminant quelques dispositions de ce projet, sans en retarder indûment l'adoption. Nous invitons votre commission et l'Assemblée nationale à donner rapidement leur assentiment à une version épurée, améliorée de ce projet.

Alors, bien sûr, nous sommes disposés à répondre à toutes vos questions. Merci.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Alors, Mme Rozon, merci pour votre esprit de synthèse et le respect du temps qui vous était imparti. M. le ministre et député de Fabre, à vous la parole.

M. Facal: Merci beaucoup, M. le Président. Bonsoir, Mme Rozon; bonsoir, M. Saint-Amant, bienvenue parmi nous. Je vous remercie pour votre contribution à nos travaux.

n(23 h 20)n

D'abord, je me réjouis du fait que vous pressiez le gouvernement de procéder sans délai à l'adoption d'un projet de loi que vous souhaitez voir bonifier. J'ai trouvé votre mémoire très substantiel, assez étoffé, rempli d'interventions et de suggestions pertinentes, même si évidemment, vous ne m'en voudrez pas de ne pas vous suivre lorsque vous utilisez certaines expressions fortes, comme par exemple, de dire qu'il aura un «impact dévastateur ? je vous cite ? à certains égards». J'ai un petit peu de difficulté à réconcilier cette caractérisation «dévastateur» avec ce que je lis dans la dernière phrase de la première page du sommaire, où vous dites que le projet de loi n° 122 constitue, et je vous cite: «un petit pas qui va globalement dans la bonne direction, mais il demeure, à beaucoup d'égards, nettement trop timide». Alors, il est timide ou il est dévastateur?

Je vais maintenant y aller de quelques commentaires plus généraux, assortis de quelques questions. En ce qui a trait aux ordres professionnels, vous souhaitez qu'ils soient assujettis au régime unique prévu à la Loi sur l'accès. Vous savez que le gouvernement a fait un choix un peu différent. Nous proposons un régime hybride.

Pourquoi? Parce que les ordres professionnels ont eux-mêmes une nature hybride, une mission double. Il est un petit peu court de les assimiler à des organismes publics simplement parce qu'ils défendent l'intérêt public. Cela est exact, mais en même temps, ils ont une nature associative, et ils déterminent eux-mêmes les conditions d'entrée et de pratique à la profession. Ils assurent eux-mêmes le respect du code déontologique des membres de cette profession. Donc, à d'autres égards, un certain nombre de traits de leur nature et de leur action les rapprochent du secteur privé. Nous avons donc tenté d'introduire dans la loi un reflet de ce double caractère qui est le leur. Je ne suis pas sûr de comprendre le problème que cela vous pose.

Mme Rozon (Louise): Peut-être que tu pourras compléter, Jacques. On trouve que c'est peut-être un régime... Le régime qui est proposé risque d'être très complexe, et on invite aussi les membres de l'Assemblée nationale et de la commission à être cohérents par rapport au régime qui a été adopté pour la Chambre de la sécurité financière et la Chambre de l'assurance de dommages qui sont des organismes très similaires aux ordres professionnels, et on a convenu d'assujettir ces organismes à la loi qui concerne les organismes publics. Donc, on voit pas pourquoi on adopterait un régime différent par rapport à des organismes qui ont tout à fait le même caractère hybride. Peut-être que Jacques pourrait compléter.

M. St-Amant (Jacques): Je n'aurais su mieux dire. De toute évidence et au point de départ, il est souhaitable que l'Assemblée nationale clarifie la controverse jurisprudentielle qu'il y a sur l'assujettissement des ordres professionnels à un régime ou à l'autre ou à aucun régime. Alors, ça, au point de départ, agissez! Comme le disait ma collègue, si on agit, autant le faire simplement et de façon cohérente avec ce que l'Assemblée nationale a déjà fait au cours des dernières années, essentiellement.

Et je me mets à la place des ordres professionnels, notamment les plus petits. Ils risquent d'éprouver un peu de difficultés à avoir à comprendre, à assimiler, à gérer non pas seulement un régime, mais un deuxième. Je parlais récemment à des gens qui sont des responsables de l'accès dans des organismes publics ici même, à Québec, il y a environ deux semaines, qui me disaient: Ce n'est pas simple à comprendre et à appliquer avec les ressources qu'on a. Plusieurs ordres professionnels sont de petite taille; leur demander de maîtriser le régime, c'est peut-être pas pratique. Et, ma foi, qu'est-ce qu'il y a dans la Loi sur l'accès qui pourrait causer un préjudice aux organismes publics?

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup. M. le ministre.

M. Facal: Vous dites un peu plus loin que la Loi sur le secteur privé, elle, devrait être modifiée afin de permettre aux requérants d'obtenir un document dans une forme intelligible lorsqu'il n'existe que sous une forme informatisée. À cet égard, je crois que la réponse à cette requête se trouve dans un autre projet de loi ? n° 161 ? qui prévoit, à son article 23 ? je cite ? que «tout document auquel une personne a droit d'accès doit être intelligible, soit directement, soit en faisant appel aux technologies de l'information».

Par la suite, je ne suis pas sûr de comprendre les réticences que vous éprouvez à l'endroit des échanges avec d'autres organismes du gouvernement fédéral. J'ai cru voir dans votre mémoire, en ce qui a trait à la communication de renseignements personnels, que vous nous mettez en garde contre des échanges d'informations avec d'autres gouvernements, notamment le gouvernement fédéral. Il m'apparaît que, si la pratique est correctement balisée, je suis pas sûr de voir les problèmes que cela pose.

M. St-Amant (Jacques): La difficulté se pose essentiellement au niveau des couplages de fichiers et des mesures qu'on prend pour s'assurer que ces processus-là sont publics, sont contrôlés, sont limités dans le temps, par exemple, ont une finalité bien déterminée.

Il y a actuellement, dans le régime québécois comme dans ce que le projet de loi n° 122 instituerait, beaucoup de flou, beaucoup plus qu'il n'y en a, par exemple, dans ce domaine dans la législation des États-Unis, dans celle de l'Australie, pour ne donner que ces deux exemples-là, où on impose aux organismes publics qui veulent faire des découplages, que ce soit avec un organisme du même gouvernement ou d'un autre ordre, beaucoup plus de normes, beaucoup plus de règles en termes de finalité, en termes de durée pendant laquelle on va pouvoir transférer des renseignements, par exemple. Il y a plein de détails, là, qui deviennent importants pour s'assurer qu'on sait où on s'en va.

Et je parlais récemment à des gens, qui sont dans ce domaine-là, qui me disaient: Au-delà même de cette difficulté-là, ce qu'on observe de plus en plus, c'est des fichiers qui sont pas simplement couplés mais qui sont, entre guillemets, partagés. c'est-à-dire que plusieurs organismes publics se créent des fichiers ensemble, et personne n'a l'air de s'en croire vraiment responsable, et là, on ne sait même plus sur qui repose le chapeau.

À l'égard de toute cette problématique-là de couplage de fichiers, des échanges de fichiers, il y a une réflexion à faire qui, je pense, est beaucoup plus fondamentale que ce qui est possible dans le contexte actuel mais qui devient urgente.

Le Président (M. Simard, Montmorency): M. le ministre.

M. Facal: Vous souhaitez également que l'usage de renseignements à des fins qui n'étaient pas celles prévues initialement nécessite l'autorisation... ou plutôt, je veux comprendre.

L'utilisation de renseignements à des fins qui ne sont pas celles prévues initialement pourrait-elle se faire simplement avec l'autorisation de la Commission ou êtes-vous d'avis qu'il faudrait que l'individu donne le consentement?

M. St-Amant (Jacques): Je dors... Et vous faites référence, j'imagine, entre autres aux dispositions concernant les couplages, ou votre question est plus large?

M. Facal: Je fais référence à votre interprétation de l'article 66.1.

M. St-Amant (Jacques): D'accord. De toute évidence, dans des cas comme ça, il est sans doute pas possible... il est pas possible de demander dans tous les cas le consentement de tout le monde, et donc, oui, dans un régime bien balisé où la Commission peut effectivement jouer adéquatement son rôle de chien de garde, un consentement éclairé de la Commission serait suffisant.

Mais, si on se retrouve dans une situation, de toute manière, quel que soit l'avis de la Commission, le gouvernement peut aller de l'avant en donnant simplement un avis dans la Gazette officielle qui, comme nous le savons, n'est pas un des principaux best-sellers. Je suis pas sûr qu'on ait ici les garanties qui sont vraiment rassurantes pour les citoyens, et c'est là qu'est notre préoccupation, essentiellement. Assurons-nous que le chien de garde peut faire son travail, qu'il a les outils et le temps pour le faire.

M. Facal: O.K.

Le Président (M. Simard, Montmorency): M. le député de D'Arcy-McGee, à vous la parole.

M. Bergman: Merci, M. le Président. Mme Rozon, Me St-Amant, merci pour votre présentation, et merci pour le bon ouvrage que vous faites dans le domaine de la protection des consommateurs.

Et je suis particulièrement intéressé dans les questions que vous soulevez dans la protection des renseignements personnels et le fait que vous déplorez que ce projet de loi a omis de se pencher sur un certain nombre de questions importantes.

n(23 h 30)n

La première question que j'aimerais aborder avec vous, c'est votre commentaire que... vous avez porté attention aux difficultés que de nombreux consommateurs éprouvent à obtenir des services essentiels comme les services bancaires, en raison des difficultés qu'ils éprouvent à s'identifier et sur les questions aussi, dans ce domaine, de renseignements personnels qui sont obtenus par les services bancaires ou des banquiers. Alors, j'aimerais que vous élaboriez à cette commission les problèmes dans ce domaine que, je pense, peuvent être un grand problème pour nos consommateurs si les renseignements personnels sont employés dans une manière abusive.

M. St-Amant (Jacques): Il y a déjà de nombreuses années qu'on constatait que les institutions financières, notamment les banques, exigeaient, par exemple, que les gens qui voulaient simplement ouvrir un compte très ordinaire, là, un compte d'opérations, présentent, par exemple, trois cartes d'identité. Or, pour un bon 15 % de la population québécoise, c'est une difficulté, ils ont pas trois cartes. À peu près tout le monde au Québec a la carte d'assurance maladie, la carte d'assurance sociale, mais, dès qu'on exige un troisième identifiant, ça devient difficile pour une portion de la population et notamment, au plan sociologique, des personnes à faibles revenus, des personnes démunies. La situation est tellement sérieuse ? elle l'est encore plus d'ailleurs hors Québec qu'au Québec ? que le Parlement fédéral vient d'adopter des dispositions dans la Loi sur les banques qui obligeront les banques à ouvrir des comptes et qui viendront réglementer de façon très particulière les identifiants que les institutions financières pourront exiger.

Autre problème qu'on constate et qui, lui, devient de plus en plus criant, c'est que les institutions financières, banques et Desjardins confondus, exigent de plus en plus souvent de consulter le dossier de crédit des consommateurs pour ouvrir, encore là, un simple compte d'opérations. Donc, si, pour votre plus grand malheur, vous êtes de ce genre de personnes qui, quand vous recevez votre compte d'Hydro-Québec, le mettez sur le coin du bureau en vous disant: Je le paierai la semaine prochaine ou je le paierai quand je prendrai cinq minutes pour faire mes chèques, vous allez vous ramasser avec deux ou trois cotes de crédit pas tout à fait parfaites dans votre dossier de crédit, et, pour avoir vécu l'expérience en décembre dernier, je peux vous dire que des banques vont refuser d'ouvrir des comptes parce que vous avez quelques comptes impayés. Ils vous offrent pas de crédit, là, ils veulent simplement vous ouvrir un compte. En fait, vous voulez qu'ils vous ouvrent un compte, on va refuser parce qu'il y a quelques mentions au dossier de crédit que vous n'êtes pas un débiteur parfaitement régulier.

Il y a là, je pense, un abus, un détournement de finalité des renseignements qui sont colligés dans les dossiers de crédit. Et c'est d'autant plus amusant dans ce cas-là qu'il y a eu une entente en 1998 entre l'Association des banquiers canadiens et le ministre fédéral des Finances dans laquelle les banquiers se sont engagés à ne pas utiliser les dossiers de crédit à cette fin-là, mais ils continuent à le faire quotidiennement.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Merci beaucoup, Me St-Amant. Madame, vous voulez compléter?

Mme Rozon (Louise): Oui. C'était juste pour compléter à l'égard des problèmes qui nous sont signalés par les consommateurs concernant les dossiers de crédit. C'est toute la question de la qualité de l'information qui se retrouve dans les dossiers de crédit et à partir desquels les institutions financières vont prendre des décisions importantes pour les citoyens qui font, par exemple, une demande de prêt. Et, quand un consommateur constate qu'il y a une erreur dans son dossier, souvent on va simplement le référer à l'entreprise pour dire: Bien, c'est l'entreprise qui a commis une erreur, donc essayez d'arranger le problème avec l'entreprise. Puis là, bon, c'est extrêmement difficile, à moins de loger une plainte à la Commission d'accès pour faire corriger l'information.

Et le simple fait de magasiner pour obtenir un prêt au meilleur taux possible nuit au consommateur parce que, à chaque fois qu'une institution financière fait une demande pour avoir accès à son dossier de crédit, cela a pour effet de diminuer notre cote. Et donc, pour nous, il y a plusieurs, finalement, informations qui font en sorte que ça peut nuire au dossier de crédit, alors que ça n'a aucun rapport logique entre le fait qu'on a la capacité de payer un prêt et l'information qui est donnée. Donc, on pense qu'il y a lieu de faire vraiment éventuellement une réflexion globale à l'égard des activités de ces entreprises-là et de corriger les lacunes qu'on constate.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Merci beaucoup, madame.

M. Bergman: ...quand vous faites référence aux banques, je présume aussi que vous faites référence à des caisses populaires, n'est-ce pas?

Mme Rozon (Louise): Oui, tout à fait.

M. Bergman: Dans un autre domaine, vous faites référence à l'assouplissement des... sur les lois des justiciables dans la question de signification des avis et les problèmes qu'on peut rencontrer dans les règles de signification. Vous avez consacré un paragraphe sur la page 5 de votre mémoire, et j'aimerais que vous élaboriez à cette commission les problèmes que vous voyez que le consommateur peut subir dans la question des significations d'avis ou d'autres documents par divers moyens. Vous avez émis une crainte à ce sujet, et j'aimerais avoir votre collaboration... si c'est possible.

M. St-Amant (Jacques): ...c'est que j'ai pas la même édition de nos commentaires que vous, alors je vais essayer d'y aller de mémoire. Mais, essentiellement, notre préoccupation était ? ah, voilà! ? de faire en sorte qu'on puisse faire la preuve de la réception d'un avis parce que c'est...Avec les mesures traditionnelles, on signifie, par exemple, par huissier ou par courrier recommandé. Ça va bien, on peut prouver qu'il y a eu une réception. Si on envisage éventuellement d'autres modes de signification, ça peut devenir assez difficile. C'est un détail, mais on voulait simplement attirer, là, l'attention du ministre afin qu'on s'assure que tout était ficelé à cet égard-là.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Merci, Me St-Amant. Mme la députée de La Pinière, à vous la parole. Il vous reste approximativement quatre minutes.

Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup. C'est ça, hein? C'est ça, désolée, on manque de temps. Merci, Mme Louise Rozon et Me St-Amant. C'est un mémoire qui est bien fouillé puis très instructif pour nous.

Je vais aller directement à ma question, à la page 13. Je ne sais pas quelle version que vous avez, mais, en tout cas c'est la recommandation 19. Peut-être, ça pourrait vous aider à vous retrouver. Vous dites: «Nous recommandons que soit modifié l'article 67.2 de la loi d'accès à l'information dont on propose l'adoption afin notamment de préciser que le régime de la loi d'accès à l'information continue à s'appliquer aux renseignements personnels en case même lorsqu'ils sont confiés à un sous-traitant.» Et, en effet, lorsqu'on lit l'article 67.2, il stipule qu'«un organisme public peut, sans le consentement de la personne concernée, communiquer un renseignement personnel à toute personne ou organisme si cette communication est nécessaire à l'exercice d'un mandat ou à l'exécution d'un contrat de service ou d'entreprise confié par l'organisme public à cette personne ou à cette organisme».

C'est une ouverture qui est considérable. Je veux dire, il y a une perte de contrôle du citoyen sur les renseignements personnels, et je trouve que vous avez une remarque et une recommandation fort pertinente. Si vous pouvez élaborer un peu là-dessus pour préciser davantage ce qui vous inquiète de votre perspective d'organisme qui oeuvre auprès des consommateurs.

M. St-Amant (Jacques): La mode est à l'impartition. On parlait tantôt des couplages de fichiers et des partages de fichiers. De plus en plus, des renseignements, par exemple, qui proviennent d'organismes publics peuvent... Et je pense notamment au domaine de la santé où des entreprises comme IMS, par exemple... Et on le voit actuellement en Grande-Bretagne où ? et c'est peut-être l'exemple le plus phénoménal ? le régime fiscal britannique est maintenant imparti à une entreprise privée. Donc, ils ont en main tous les renseignements fiscaux. On peut facilement imaginer des choses, des glissements du même genre dans des domaines comme la santé au Québec. Je peux penser à des centres hospitaliers qui diraient: Bon, bien, il faut faire des choix budgétaires, il y a des activités qu'on va impartir. Mais quel est, à ce moment-là, le régime qui s'applique aux renseignements personnels qui, a priori, là, sont liés à un organisme public, mais qui sont entre les mains d'une entreprise privée, qui sont peut-être entre les mains d'une entreprise privée hors du territoire québécois? Parce qu'il n'y a rien qui empêcherait cette entreprise-là de se dire: Moi, j'ai un centre de traitement aux Seychelles et je traite les renseignements là. Il y a, je pense, des mesures à prendre dès maintenant pour prévenir, dans l'avenir, des manchettes qui seraient dévastatrices.

Mme Houda-Pepin: Très brièvement, là, une précision au ministre. Juste...

Le Président (M. Simard, Montmorency): Merci, maître. Mme la députée de La Pinière, le député de D'Arcy-McGee avait demandé la parole.

Mme Houda-Pepin: O.K. Très rapidement. Je voulais juste préciser au ministre, pour le projet de loi n° 161 que vous avez cité tantôt... pour dire que la réponse est dans l'article 23. Le projet de loi n° 161 n'est pas encore adopté, et l'article 23 non plus. Donc, c'est pas encore décidé.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Merci. M. le député de D'Arcy-McGee, merci de votre patience.

Une voix: Nous souhaitons qu'il soit adopté.

M. Bergman: Me St-Amant, vous avez soulevé la question des demandes fréquentes de renseignements, que ça peut produire parfois une certaine lourdeur administrative et que le remède proposé par le projet de loi est trop radical. Sur la page 11 de votre projet. Est-ce que vous pouvez élaborer sur ce commentaire que vous faites dans votre mémoire, s'il vous plaît?

n(23 h 40)n

M. St-Amant (Jacques): C'est une chose de se dire qu'on n'exigera pas de tout fonctionnaire qui doit appeler quatre fois une personne pour régler un dossier qu'il lui fasse à chaque fois un inventaire complet de ses droits et de ses obligations. On peut peut-être alléger un peu.

Quand on dit essentiellement ? et c'est ce que le projet de loi envisage: À partir du moment où l'organisme public a obtenu un renseignement, il peut l'utiliser à toutes les fins qui sont nécessaires en vertu de la loi, là on peut assister à tous les détournements, là, de finalité. On se retrouve dans une situation où je donne un renseignement dans un contexte particulier à un organisme public, je pense que je sais à quoi il va servir, mais là l'organisme public pourrait, à toutes fins pratiques, en faire ce qu'il veut dans la mesure où ça entre dans son mandat législatif. Ça va à l'encontre des principes les plus élémentaires de protection des renseignements personnels de déterminer une finalité et de la respecter, d'obtenir un consentement éclairé des gens. Si, moi, tout ce que je sais, à partir du moment où je donne un renseignement à organisme public, c'est qu'ils peuvent s'en servir à tout ce qui est nécessaire, tout, à peu près, peut arriver, là, je perds le contrôle. C'est l'opposé même de la logique de la loi de 1982-1983.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Merci beaucoup, Me St-Amant. Mme Rozon, merci également à vous du groupe Option consommateurs.

Alors, il est 23 h 40, je tenais simplement, avant de vous quitter... Je tenais simplement à vous dire merci pour la qualité et le sérieux des travaux de cette belle journée. Nous avons reçu neuf groupes en audition, mine de rien, et donc nous avons travaillé pendant près de huit heures à échanger avec les différents intervenants qui ont eu l'amabilité de venir. Donc, félicitations à vous tous. J'ajourne donc nos travaux sine die.

(Fin de la séance à 23 h 42)



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