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Version finale

37e législature, 1re session
(4 juin 2003 au 10 mars 2006)

Le mercredi 29 octobre 2003 - Vol. 38 N° 14

Consultation générale sur le document intitulé Une réforme de l'accès à l'information: le choix de la transparence


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Table des matières

Journal des débats

(Quinze heures cinquante minutes)

Le Président (M. Cusano): À l'ordre, s'il vous plaît! Je déclare la séance de la commission de la culture ouverte. Et j'aimerais rappeler aux membres de la commission que le mandat de la commission est de tenir une consultation générale à l'égard du document intitulé Une réforme de l'accès à l'information: le choix de la transparence.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il a des remplacements?

La Secrétaire: Non, M. le Président, il n'y a pas de remplacement.

Auditions (suite)

Le Président (M. Cusano): Bon. Alors, nous sommes prêts à commencer avec le premier groupe. Et j'aimerais vous informer que cet après-midi nous entendrons le Mouvement des caisses Desjardins en premier lieu, suivi par le Barreau Québec et par le CEFRIO, en troisième lieu.

Alors, j'inviterais les représentants du Mouvement des caisses Desjardins à prendre place, et je remarque qu'ils l'ont déjà fait, et c'est bien. Et, pour les fins du Journal des débats, je demanderais à nos invités de bien s'identifier, s'il vous plaît.

Mouvement des caisses Desjardins

M. Morency (Yves): Alors, mon nom est Yves Morency, je suis vice-président aux relations gouvernementales à la Fédération des caisses Desjardins; à ma droite, qui m'accompagne, Me Guylaine Fortier, qui est conseillère à la Direction du développement des services juridiques de la Fédération des caisses Desjardins; à ma gauche, Me François Cholette, qui est vice-président Affaires juridiques et secrétaire institutionnel de Desjardins Sécurité financière; et, à mon extrême gauche, Yvan-Pierre Grimard, qui est conseiller aux relations gouvernementales à la Fédération des caisses Desjardins.

Le Président (M. Cusano): Merci, M. Morency. J'aimerais seulement vous rappeler que vous disposez d'une période maximale de 20 minutes pour faire votre présentation. Ce sera suivi d'un échange entre les membres de la commission et vous-même. Alors, on va commencer tout de suite, je vous donne la parole.

M. Morency (Yves): Parfait. Alors M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. membres de la commission. Le Mouvement des caisses Desjardins vous remercie de lui donner l'occasion d'exprimer son point de vue sur un sujet aussi important que celui de la réforme de l'accès à l'information. Nos commentaires porteront plus spécifiquement sur les modifications qui devraient, selon nous, être apportées à la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. Bien que la Commission établisse que l'examen porte principalement sur le secteur public, notre souhait est de voir la concrétisation de la réforme amorcée et qu'elle traduise notre réalité d'institution financière engagée dans le XXIe siècle.

D'abord, concernant l'exercice du droit d'appel des décisions de la Commission. Nous sommes d'accord avec l'abolition de la requête pour permission d'en appeler si cela représentait un assouplissement des exigences procédurales en ce qui a trait à l'appel d'une décision finale de la Commission. L'appel devenant de plein droit, le législateur pourrait également considérer l'ajout d'une requête pour demander le rejet de l'appel, s'inspirant du Code de procédure civile. Une partie pourrait demander le rejet de l'appel en raison notamment de son caractère abusif ou dilatoire. À défaut de le rejeter, la Cour du Québec pourrait assujettir l'appel aux conditions qu'elle déterminerait.

Dans cette même avenue, nous ne pouvons pas être d'accord avec la recommandation relative au droit d'appel réservé aux seules décisions finales. La Commission reconnaît que les organismes publics et les entreprises sont les principaux utilisateurs du mécanisme d'appel. Elle recommande que l'article 61 de la loi sur le secteur privé soit modifié afin d'éviter la présentation de requête pour permission d'en appeler tant que la Commission n'a pas entendu l'ensemble de la preuve et rendu une décision finale. Or, le processus d'appel est présent au sein de la loi sur le secteur privé pour permettre à la Cour du Québec de statuer sur la compétence de la Commission dans un dossier. L'étendue des pouvoirs de la Commission est ainsi grande, mais un droit d'appel permettrait d'en définir parfois certaines limites et pourrait assurer une application plus juste de la loi.

Nous sommes d'avis qu'une telle approche irait à l'encontre des principes élémentaires de justice, malgré sa justification administrative. Un appel d'une décision interlocutoire rendue par la Commission d'accès pourrait être accueilli en démontrant que ses exigences étaient inappropriées. Priver une partie d'un tel recours ferait en sorte de permettre, par exemple, le dépôt de documents ou d'autres éléments de preuve non pertinents dans le cours de la présentation d'une requête. Une fois la décision de la Commission rendue, il pourrait y avoir appel. Cependant, dans un tel cas, si l'appel était accueilli et démontrait que la Commission avait erré, il serait trop tard puisque la divulgation des informations non pertinentes aurait déjà été faite. Nous croyons qu'aux fins d'éclaircir cet imbroglio la loi sur le secteur privé, comme ce qui est prévu dans le Code de procédure civile, pourrait préciser que l'appel d'une décision interlocutoire n'est permis que lorsqu'il décide en partie du litige ou qu'il ordonne une chose à laquelle le jugement final ne pourra remédier.

De son côté, la primauté du droit de l'enfant est un principe important. Il faut néanmoins s'assurer qu'il soit exercé avec des modalités définies.

Il est vrai que les deux lois à l'étude ne consacrent pas la reconnaissance du principe selon lequel l'intérêt supérieur de l'enfant doit primer lorsque les procédures d'un tribunal ou d'une autorité administrative risquent d'affecter ses droits. Nous souscririons à une disposition qui stipulerait que l'intérêt de l'enfant doit prévaloir lorsqu'une personne y ayant droit demande accès au dossier de cet enfant. Cependant, il reste à déterminer qui aura l'autorité d'établir cette primauté. Dans le cas d'une disposition du Code civil, la Cour supérieure a compétence pour en débattre. Nous ne croyons pas qu'il serait de l'autorité de la Commission de trancher cette question en regard des renseignements personnels, à moins que le législateur ne lui reconnaisse une compétence spécifique à cet effet. Dans ce cas, la compétence de la Commission risque d'être débattue devant un tribunal.

La difficulté d'interprétation de cette primauté se vit à même le libellé de certains articles de la loi sur le secteur privé. En effet, depuis 1994, le législateur reconnaît les parents comme tuteurs de leurs enfants mineurs afin d'administrer leur patrimoine. En vertu de la loi qui nous gouverne, qui gouverne les caisses, soit celle sur les coopératives de services financiers, un mineur peut, sans l'intervention de quiconque, souscrire des parts de qualification dans une caisse, y faire tout dépôt et en retirer les bénéfices de même que le capital. L'article 30 de la loi sur le secteur privé permet l'accès au dossier d'un mineur à une personne qui est titulaire de l'autorité parentale. Lorsque que le parent désire consulter le dossier de son enfant mineur à la caisse sans obtenir le consentement de ce dernier, il faut inévitablement déterminer la primauté entre l'exercice des droits des titulaires de l'autorité parentale et le droit à la vie privée du mineur. Pour nous, les droits de l'enfant doivent primer, ce qui exigerait une modification du libellé des articles 30 et 41 de la loi sur le secteur privé.

Dans le même ordre d'idées, l'article 30 de la loi sur le secteur privé impose à toutes les entreprises de permettre l'accès au dossier d'un client ou d'un membre à tous ses héritiers. Nous sommes d'avis que la demande d'accès ou de rectification ne devrait être permise qu'au liquidateur de la succession.

En ce qui concerne l'accès au dossier de santé de la personne concernée, nous ne sommes pas d'accord avec l'accès élargi au dossier de santé que propose la Commission. Il serait désormais interdit de refuser à une personne l'accès à un renseignement qui concerne son état de santé, à moins que cette communication ne risque de créer un préjudice grave pour sa santé et que les lois, règlements et codes de déontologie des ordres professionnels soient adaptés en conséquence.

L'élimination de l'exception de l'article 39 de la loi sur le secteur privé aurait un impact important sur la gestion de nos dossiers d'assurance accident-maladie et d'assurance invalidité. L'article 39 nous autorise à refuser la communication d'un renseignement personnel lorsque sa divulgation risquerait vraisemblablement d'avoir un effet sur une procédure judiciaire. Cette restriction est souvent soulevée à l'encontre de la communication d'expertises médicales. Nous estimons qu'il s'agit de preuves et de documents dont la production et la communication sont bien définies par les règles du Code de procédure civile. Exclure ce refus d'accès risquerait d'avoir un effet considérable sur les frais entourant les procédures judiciaires et ébranlerait la saine gestion de l'administration de la justice.

Les exceptions de l'article 39 qui permettent à une entreprise de refuser l'accès sont souvent contournées. Dans les faits, une personne peut accéder à des renseignements la concernant en s'adressant au mandataire d'une entreprise qui a eu accès à ces renseignements dans l'exécution de son mandat. D'ailleurs, une expertise médicale demandée par une compagnie d'assurance à un spécialiste constitue un bel exemple de contournement de cette exception essentielle dans le cadre d'une procédure judiciaire. Pour nous, l'entreprise qui a mandaté un tiers devrait pouvoir faire valoir cette exception auprès de la personne concernée lorsque la demande d'accès est adressée directement au tiers par cette personne.

n (16 heures) n

Dans ce volet des exceptions au droit d'accès, nous insistons sur l'étendue du refus d'accès d'une personne aux notes personnelles inscrites sur un document, aux brouillons, aux notes préparatoires et aux autres documents de même nature. La Loi d'accès a déjà une stipulation à cet effet. La loi sur le secteur privé devrait, elle aussi, en bénéficier. Une personne peut encore passer outre à la protection accordée par le Code civil, laquelle permet à une entreprise de refuser l'accès à des renseignements inclus dans un dossier lorsque l'entreprise a un intérêt sérieux et légitime justifiant un tel refus. En accord avec cet élargissement, la concordance avec le Code civil serait ici souhaitable.

Nous recommandons donc que la loi sur le secteur privé soit modifiée pour y prévoir qu'une personne qui exploite une entreprise puisse refuser de communiquer à une personne un renseignement personnel la concernant si elle a un intérêt sérieux et légitime de le faire. Nous proposons de reprendre le libellé même de l'article 39 du Code civil.

Concernant le pouvoir d'ordonner la destruction d'un renseignement personnel, la Commission peut actuellement ordonner à un organisme ou à une entreprise l'application de toute mesure corrective propre à assurer la protection des renseignements personnels. La Loi d'accès prévoit à l'article 128 que puisse être ordonnée la destruction d'un fichier de renseignements personnels établi ou utilisé contrairement à la loi. La Commission ne dispose pas du même pouvoir en vertu de la loi du secteur privé, et nous sommes d'avis que cette distinction doit être maintenue.

La Commission demande aussi de pouvoir octroyer des dommages-intérêts punitifs lorsqu'il y a violation des droits relatifs à la protection des renseignements personnels. Dans notre droit, l'octroi de dommages compensatoires est la règle, les dommages punitifs l'exception. La possibilité élargie d'octroyer des dommages exemplaires conduit parfois à des abus, comme on peut le constater dans les provinces de «common law» ou encore aux États-Unis. La Charte des droits et libertés de la personne prévoit déjà l'octroi de dommages exemplaires en cas d'atteinte illicite et intentionnelle à un droit garanti par celle-ci. Cela nous apparaît nettement suffisant.

Concernant la destruction de documents, d'autres lois auxquelles nous sommes assujettis nous imposent la conservation de fichiers qui pourraient éventuellement être visés par une ordonnance de la Commission. Il y a donc là un risque de conflit potentiel. De plus, ces informations pourraient être nécessaires advenant que nous soyons impliqués dans une procédure judiciaire. Comment pourrions-nous alors nous référer à nos renseignements si un fichier avait été détruit suite à une ordonnance? De nombreuses données sont essentielles à la bonne marche de nos opérations, lesquelles servent avant tout à répondre aux besoins de nos membres et de nos clients. En fait, la Commission pourrait imposer la non-utilisation d'un fichier plutôt que sa destruction.

Au niveau des recommandations du Conseil de la santé et du bien-être, la Commission réitère sa demande de leur donner suite en regard de l'accès à l'information et la protection de renseignements personnels. Sans vouloir nous prononcer sur le débat entourant la génétique, l'interdiction pure et simple d'y recourir pour les assureurs de personnes pourrait conduire à des abus. En effet, en assurance, l'antisélection est un principe fondamental. Elle se définit comme étant la propension qu'ont les personnes représentant un risque plus élevé de s'assurer davantage que les personnes représentant un risque normal. C'est pour contrer l'antisélection et maintenir les primes à un niveau acceptable, et cela, dans l'intérêt du plus grand nombre, que les assureurs font de la sélection des risques.

Dans ce contexte, on peut comprendre qu'une personne ayant subi un test génétique révélant qu'elle a de sérieuses chances de développer une maladie grave veuille souscrire à une assurance ou augmenter encore celle qu'elle a déjà. Ainsi, le compromis pourrait être d'interdire aux assureurs de personnes de soumettre leurs clients à des tests génétiques mais de leur permettre d'en obtenir les résultats lorsqu'ils existent. Enfin, nous tenons à émettre des commentaires sur certaines recommandations relatives à la protection des renseignements personnels dans le secteur public qui pourraient avoir des répercussions sur le secteur privé.

Au niveau des mécanismes d'identification, le document de consultation mentionne ? et je cite le texte du document: «L'identité à distance présente un risque plus élevé d'erreurs qu'une vérification d'identité en personne[...]. Aussi, la Commission est d'avis qu'un organisme public peut, lors de [...] prestation électronique de service qui ne requiert pas de signature, utiliser l'appariement de données afin de confirmer l'identité de la personne concernée. La confirmation d'identité par croisement de données est, dépendant des circonstances, acceptable et même souhaitable.»

La notion d'un risque plus élevé d'erreur ne nous apparaît pas adéquate à l'absence d'une carte d'identité connue et reconnue à des fins spécifiques d'identification. La vérification en personne demande beaucoup d'efforts et offre des failles qui profitent aux usurpateurs d'identité. Il est vrai que c'est une nouvelle source de criminalité en forte progression, mais, lorsque l'usager est bien identifié au tout début d'une prestation de service, par la suite il sera reconnu par l'appariement des données qui auront été consignées lors de son identification.

De plus, la Commission souhaite l'identification par le croisement de données. Cependant, il faut considérer que celle-ci demande que les informations disponibles aux employés soient minimales et recueillies seulement pour la prestation demandée. Ces deux objectifs sont en opposition. L'identité par croisement de données demande de l'information qui n'est pas nécessairement essentielle à la prestation et surtout qui n'est pas facilement accessible à l'entourage du prestataire, comme, par exemple, le prénom de la mère.

Par ailleurs, contrairement à ce qu'énonce la Commission, il y a des arguments qui militent en faveur des cartes d'identité. Plusieurs de nos membres et clients souhaitent disposer d'un instrument qui leur permette de s'identifier sans avoir à produire des documents qui ne sont pas destinés à cet usage. Les institutions financières sont pour leur part confrontées à ces mêmes mesures. Le recours aux technologies modernes pour communiquer avec leurs membres et clients et pour leur permettre d'accéder à leurs comptes les oblige à porter une attention rigoureuse à tous les aspects reliés de près ou de loin à l'identité, à la confidentialité et à la sécurité. Nous devons vérifier l'identité du membre ou du client initialement lorsqu'un compte est ouvert et à chaque occasion où il transige sur son compte.

Plusieurs lois d'ailleurs nous interdisent d'exiger la présentation de certaines cartes ou pièces d'identification lorsque la fin poursuivie par le demandeur n'a aucune relation avec le but poursuivi par la carte. C'est un petit peu paradoxal, avant d'entrer ici, cet après-midi... Chaque fois qu'on vient à l'Assemblée nationale, on se présente et on nous demande des pièces d'identité. Si on ne les a pas, on ne rentre pas, et les pièces qu'on nous demande, qu'on accepte, c'est notre carte d'assurance maladie, c'est notre permis de conduire. Alors, il y a des incongruités qui existent déjà dans nos systèmes. Et c'était normal, ça nous prend une identification. Même chose quand les gens viennent pour obtenir des services dans les caisses et dans nos institutions financières.

D'autres dispositions légales exigent par ailleurs des institutions financières la présentation de cartes ou pièces d'identité reconnues avant de conclure une transaction avec une personne, par exemple le Règlement sur le recyclage des produits de la criminalité et les règles de l'Association canadienne des paiements en matière d'encaissement de chèques de non-clients qui exigent la présentation de deux pièces d'identité. Une solution à ces difficultés serait l'émission d'une carte d'identité officielle qui contiendrait différents éléments d'information strictement nécessaires pour supporter le but de base de la carte, à savoir identifier son détenteur.

Dans l'immédiat, nous sommes confrontés à des difficultés avec l'identification, donc, tant en personne qu'à distance. En l'occurrence, nous ne saurions trop insister sur la nécessité de poursuivre, et ce, dans les meilleurs délais, la réflexion portant sur une carte d'identification officielle.

La Commission...

Le Président (M. Cusano): M. Morency, je vous demande de conclure, vous disposez d'une minute et demie.

M. Morency (Yves): Une minute et demie? Parfait. Alors, je vais faire ça assez rapidement. Dans les cas de biens... L'article 97 de la loi sur le secteur privé permet aux caisses Desjardins et à la Fédération de communiquer et d'utiliser entre elles des renseignements personnels nécessaires à la gestion des risques, à la fourniture d'un bien ou à la prestation d'un service en vertu de la Loi sur les coopératives de services financiers. Pour permettre une utilisation optimale de ces renseignements et mieux servir nos membres, nous estimons que le critère de la pertinence devrait être retenu pour permettre la communication et l'utilisation des renseignements. En concordance avec la Loi sur les coopératives de services financiers et le Code civil, la loi sur le secteur privé devrait être modifiée en remplaçant le mot «nécessaires» par le mot «pertinents».

Une lecture attentive du rapport quinquennal de la Commission d'accès à l'information et un examen approfondi des recommandations ont incité le Mouvement des caisses Desjardins à soumettre ses commentaires afin que se réalise une véritable réforme des lois d'accès. Nous reconnaissons l'expertise de la Commission et nous sommes d'avis que sa présence assure une contribution significative à l'établissement d'une véritable culture de la transparence. Ses efforts doivent se poursuivre en respectant néanmoins tant les exigences des consommateurs que les contraintes opérationnelles des entreprises et plus particulièrement celles qui opèrent dans le secteur financier.

Nous espérons que notre mémoire et notre présentation auront fourni des éléments de réflexion face aux enjeux majeurs qui sont à l'étude. Mes collègues et moi sommes disposés à répondre à vos questions et à vous fournir des explications additionnelles au besoin. Alors, je vous remercie.

Le Président (M. Cusano): Merci, M. Morency. Je cède maintenant la parole à Mme la ministre.

Mme Courchesne: Merci, M. le Président. Alors, madame, messieurs, merci d'être devant nous aujourd'hui mais merci surtout pour le caractère très détaillé de votre mémoire. Il est très apprécié. J'ai remarqué que vous avez ciblé bien sûr des sujets qui vous concernent plus spécifiquement. Alors, comme on n'a pas beaucoup de temps, j'essaierai d'en aborder quelques-uns.

Le premier, je veux juste... Je vais aller par l'ordre un peu chronologique de votre résumé. Sur la recommandation 29, l'intérêt que vous avez dans le droit de l'enfant, est-ce qu'il y a un lien, par exemple, avec le fait que vous gérez je ne sais plus trop combien de millions de petits comptes scolaires qui nous initient à déposer nos maigres économies, comme enfant, chez Mouvement Desjardins? Non, mais je veux savoir: Est-ce que ça a un lien, votre préoccupation, avec peut-être des difficultés que vous rencontrez? Et quelles sont-elles plus précisément, si tel est le cas?

n(16 h 10)n

Le Président (M. Cusano): Mme Fortier.

Mme Fortier (Guylaine): Vous avez bien ciblé notamment un des problèmes auxquels on fait face effectivement, puisque, quoi qu'on en dise, les caisses scolaires existent encore beaucoup au Québec. Effectivement, lorsque... compte tenu que notre loi nous permet... permet à un mineur, contrairement à ce que le Code civil prévoit pour les mineurs, leur permet d'avoir des dépôts et d'effectuer des retraits, donc c'est un droit plein et entier qu'on donne aux mineurs, alors que dans la loi sur le secteur... sur la protection des renseignements personnels, c'est qu'on vient dire... on permet aux parents d'avoir l'accès. Alors, on se retrouve face à une contradiction, parce que notre loi donne beaucoup de droits aux mineurs: dépôt, retrait et transaction, alors que la Loi sur l'accès vient, en fait, un peu restreindre ces droits, parce qu'on permet un droit d'accès aux parents. Alors, la caisse, quand elle se retrouve devant une demande d'accès, est en contradiction entre ces deux... entre ce droit-là qui lui est donné et la restriction qu'on leur impose.

Mme Courchesne: Je veux bien comprendre, là. Ce que vous voulez dire, c'est que, par exemple, les parents pourraient demander l'accès au compte de leur enfant. C'est ça que vous voulez dire? Et puis là je vais pousser plus loin. Par exemple, est-ce qu'on peut imaginer des situations comme: à travers l'enfant, on fait des dépôts importants, dans une situation, par exemple, de séparation ou de divorce, et l'autre parent voudrait y avoir accès? Est-ce que c'est ça, votre problématique? Je pousse loin, là, mais je veux juste bien comprendre.

Mme Fortier (Guylaine): Non. Ça fait partie notamment des problèmes qu'on rencontre effectivement, et ça met la caisse dans une position où elle se retrouve à dire: Bien, oui, mais le mineur a le droit d'opérer tout son compte. En même temps, la loi permet...

Mme Courchesne: Ce que vous préconisez, c'est qu'au fond ce soit le droit de l'enfant...

Mme Fortier (Guylaine): ...qui prévale.

Mme Courchesne: ...qui prévale. Il y a à faire valoir le droit de l'enfant... ou l'intérêt de l'enfant, c'est-à-dire, plutôt, que l'intérêt des parents. Je voulais juste m'assurer que je comprenais bien.

Sous un autre volet, et là on touchera celui des assurances, vous comprendrez qu'on a reçu il y a quelques jours des représentants du Bureau d'assurance, des assureurs, et je crois comprendre que vous adoptez un peu la même position par rapport surtout au dossier santé. Ce que vous dites, c'est qu'il faudrait que l'accès élargi à mon dossier de santé, si je suis en litige avec les Assurances Desjardins, s'il a fait l'objet d'une expertise... bien, vous voudriez que mon accès, comme patient, si vous voulez, soit limité. C'est un peu ça que je comprends? C'est dans ce sens-là?

Une voix: Oui.

Mme Courchesne: Donc, ce que vous dites, c'est que le droit aux renseignements personnels et à la vie privée, dans le cadre d'une relation avec une compagnie d'assurance, devrait être davantage limité. Je vous avoue que, nous, on a beaucoup interrogé par rapport à ça, parce qu'on considérait qu'un renseignement sur un état de santé était probablement ce qu'on avait de plus précieux et que ça nous concernait au premier chef, malgré le litige qui pourrait nous opposer, soit en tant qu'employeur, employé ou en tant qu'autre litige avec une compagnie d'assurance.

J'aimerais que vous apportiez des précisions et les raisons pour lesquelles... Au-delà de la preuve que vous voulez protéger, est-ce qu'il y a d'autres motifs qui vous guident?

M. Morency (Yves): Me Cholette, pouvez-vous répondre?

Le Président (M. Cusano): M. Cholette.

M. Cholette (François): Merci. Alors, dans un premier temps, ce qu'il est important de dire, c'est que la règle générale, c'est que, dès qu'un assuré nous fait la demande d'accès à son dossier puis demande l'accès à une expertise médicale qu'on a faite sur lui, la règle générale, c'est qu'au-delà de 95 % des cas l'expertise médicale est communiquée sans restriction. Cependant, s'il y a une procédure judiciaire qui est en cours ou encore une procédure judiciaire qui est imminente ? puis ça, la jurisprudence de la Commission d'accès a décidé qu'une procédure judiciaire était imminente quand on avait reçu une mise en demeure d'avocat ou qu'on avait eu des menaces formelles de poursuite ? à ce moment-là, l'article 39.2 de la Loi de protection des renseignements personnels permet de refuser la communication de renseignements. Puis là c'est renseignements «at large», là, ce n'est pas seulement les renseignements de santé. Donc, on peut refuser la communication de renseignements si ça risquerait d'avoir un effet sur la procédure judiciaire qui est en cours ou qui est imminente. Ça, c'est dans un pourcentage très limité de cas, dans un premier temps.

Si une demande nous est faite puis qu'il y a une procédure judiciaire qui est en cours, nous autres, ce qu'on est d'avis, c'est qu'il y a le Code de procédure civile qui existe, le Code de procédure civile qui... Bon, ça fait des dizaines et des dizaines d'années que ça existe, les juges se sont penchés là-dessus, les avocats se sont penchés là-dessus, le gouvernement l'a analysé, c'est modifié de façon régulière puis c'est le fruit d'un équilibre, finalement, entre les droits des parties. Nous, notre opinion, c'est que les règles de divulgation de la preuve, quand on est dans le cadre d'un litige, bien, ça devrait être régi par le Code de procédure civile, puis on ne devrait pas traiter différemment, finalement, les renseignements de santé de tout autre type de renseignements. On a le Code de procédure civile qui équilibre bien les droits des parties puis qui fait le travail. Et d'ailleurs c'est ce que l'article 39.2 de la Loi de protection des renseignements personnels avait reconnu en édictant une exception. Ce qu'on a dit, c'est qu'une personne a droit d'accès à son dossier. Maintenant, dans le cas de procédure judiciaire, on s'en remet au Code de procédure civile.

Mme Courchesne: Oui. Si vous me permettez, M. le Président. On comprend bien cette réalité-là, mais aujourd'hui, dans le monde d'aujourd'hui, s'ajoute une nouvelle dimension au dossier médical, et vous l'abordez, c'est la dimension des tests génétiques. Et là je vous dirai que, pour moi, que ce soit un test sanguin ou un test génétique, ça fait toujours partie du même dossier médical ? jusque-là, on se comprend bien ? c'est mon dossier patient. Et j'essaie de comprendre la logique des assureurs qui disent que, bien, quand le test... on n'exigera pas un test génétique, mais, s'il existe, par exemple, là, on veut l'avoir de façon obligatoire. Alors là, je me dis, on crée une inéquité au niveau des citoyens par rapport à leur capacité d'être assurés, sans oublier la révélation que peut contenir un test génétique, qui est dans la loi de la probabilité. Parce que, même si le test révèle que peut-être je suis porteuse d'une maladie grave, peut-être que je ne l'aurai pas; peut-être que je vais l'avoir, mais peut-être que je ne l'aurai pas.

Alors là j'essaie de voir avec vous comment on peut continuer d'encourager cette inéquité et faire une différenciation par rapport à deux types de test qui me décrivent, qui ont une importance capitale et qui seront traités de façon bien différente au niveau des assurances. Il me semble que, là encore, il y a une atteinte à l'intégrité de la personne qui fait affaire avec l'assurance en cause.

Le Président (M. Cusano): M. Cholette.

M. Cholette (François): À l'heure actuelle, il faut bien s'entendre, les tests génétiques, on en parle beaucoup, mais il y en a une quantité infinitésimale, là. Je me suis informé auprès de notre département de sélection des risques, puis on m'a cité, pour les quelques dernières années, un ou deux cas où il est arrivé qu'il y avait des tests génétiques. Alors, ce dont on parle actuellement, ce n'est pas un problème qui est vraiment vécu actuellement. Par contre, avec le développement de la science, c'est des choses qui effectivement nous interpellent puis nous amènent à faire un débat, là, de société.

Mme Courchesne: Vous comprenez que, si on modifie la loi, on la modifie pour plusieurs années et que, dans plusieurs années, si on donne accès aux tests génétiques aux compagnies d'assurance... Pour l'instant, c'est peut-être très minime, mais peut-être que dans trois ans, cinq ans, ce sera considérable. Alors, il me semble qu'il y a là un débat de fond par rapport justement, comme je vous disais, à cette inéquité de mon dossier patient qui révèle des informations de différents niveaux, mais c'est toujours le même assureur qui assure la même population. Donc, il y a deux traitements qui ne sont pas les mêmes pour deux personnes qui sont susceptibles d'avoir la même maladie.

M. Cholette (François): Ce qu'on demande actuellement, dans le fond, là, ce n'est pas d'avoir accès aux tests génétiques, c'est que la loi ne vienne pas nous en refuser l'accès.

Mme Courchesne: Bien, on dit la même chose, là. C'est aussi...

M. Cholette (François): Parce que, bon...

Mme Courchesne: ...lourd de conséquences dans un cas comme dans l'autre.

M. Cholette (François): Oui, mais c'est parce que, avec les développements de la science, et tout, on ne sait pas où est-ce que ça peut nous mener, puis interdire derechef tout de suite la porte alors que, bon, on ne sait pas encore, tout ça, où est-ce que ça peut mener, là, ça nous apparaît dans un premier temps prématuré.

Ensuite de ça, il ne faut pas oublier qu'on a déjà des encadrements très stricts dans la loi. On ne peut pas... Vous parlez de discrimination. À la base, là, l'assurance, c'est une job où on discrimine entre les gens. Non, mais c'est bête, puis on a eu cette démonstration-là à faire quand on était allé devant la Commission des droits de la personne pour revendiquer l'article 20.1 de la Charte des droits et libertés de la personne. Le législateur permettait la discrimination sur la base du handicap dans la Charte des droits et libertés de la personne, mais, pour les assureurs de personnes, on a voulu éliminer cette exception-là.

n(16 h 20)n

Là, on a dit: Attention, les tribunaux interprètent tout état de santé qui est différent comme constituant un handicap. Donc, si on ne peut plus faire de discrimination quant à un handicap, bien, vous allez tuer la business de l'assurance de personnes parce qu'on ne pourra plus refuser quelqu'un qui a une condition cardiaque; quelqu'un qui a le cancer qui va mourir dans deux semaines pourrait venir s'assurer, on ne pourrait pas le refuser parce qu'on ne peut pas faire de discrimination sur la base du handicap.

C'est dans ce contexte-là qu'on nous a permis, à l'article 20.1 de la Charte des droits et libertés de la personne, de faire de la discrimination quant à l'état de santé en autant que c'est basé sur des données actuarielles puis que c'est sérieux, que c'est solide. Pour les tests génétiques, c'est la même chose. Il va falloir que ces tests-là soient fiables puis il va falloir que ce soit basé sur des données qui sont scientifiques puis qui démontrent qu'effectivement ça a une incidence importante, sinon on ne passera pas le test de l'article 20.1 de la Charte des droits et libertés de la personne, une personne pourrait porter plainte devant la Commission des droits de la personne. Puis, nous, là, on n'a pas intérêt à se retrouver sur la place publique avec des dossiers comme ça. Je ne vous en cache pas que, chaque fois qu'on a des dossiers comme ça, on les soupèse, on regarde, on examine nos pratiques, parce qu'on a une image de bon citoyen corporatif à préserver, puis, pour nous, c'est des questions sensibles qui sont très importantes, là.

Le Président (M. Cusano): Merci, M. Cholette. Je cède maintenant la parole au député de Chicoutimi.

M. Bédard: Merci, M. le Président. Alors, MM. Morency, Cholette et Grimard, et Mme Fortier, à mon tour de vous souhaiter la bienvenue à notre commission. Vous êtes dans les derniers, donc je vais être assez court dans mes commentaires et aussi dans mes questions. On a étudié évidemment l'ensemble des recommandations. Plusieurs groupes sont venus, que ce soit du domaine des assurances, du domaine... je vous dirais même de simples citoyens sont venus s'exprimer sur les attentes.

Alors, je vais me permettre de préciser mes questions par rapport à des éléments très précis de votre mémoire, mais avant j'aimerais savoir... Et là vous parlez d'image corporative. Je sais que Desjardins évidemment a le souci, comme toute corporation, mais, je dirais, peut-être même encore plus Desjardins, de maintenir cette image corporative presque intacte ou du moins à l'abri de tout, je vous dirais, dérapage ou... en termes médiatiques. J'aimerais savoir, en tenant compte évidemment et en sachant que chaque composante est indépendante: Quel souci... ou quelle intervention faites-vous pour sensibiliser le réseau à l'importance de la protection des renseignements personnels? Est-ce qu'il y a, au niveau central, des gens à temps plein... Je vois que vous êtes des gens du service juridique, mais est-ce qu'il y a de la formation, des explications données aux différents membres de la Fédération?

M. Cholette (François): Une institution financière, par définition, est basée sur la confiance. Donc, nous sommes très jaloux de maintenir cet élément de confiance là, de sorte que nous fournissons à nos employés toutes les informations pertinentes requises pour faire en sorte que justement toutes les conditions, les règles, les pratiques soient observées de façon intégrale. Et également quand même de plus en plus nous travaillons à ce que les consentements soient donnés selon les règles de loi pour que l'information puisse circuler, et toujours avec l'approbation du membre.

Donc, oui, il y a de l'information, il y a de la formation, il y a des gens qui s'occupent de plus en plus de l'inspection, de la conformité. Alors, ces éléments-là, dans les organisations comme la nôtre, et je ne ferai pas... dans les autres institutions financières qui sont basées sur le même principe de l'élément de confiance, je suis à peu près certain que les mêmes éléments sont présents, mais je peux vous dire que, chez nous, cet élément-là est pris en charge et il est important. Ça ne veut pas dire qu'à l'occasion, dans un réseau comme le nôtre, avec 39 000 employés, qu'il ne peut pas y avoir des écarts, mais soyez assurés que nous y prenons une attention toute particulière et que nous prenons toutes les dispositions pour que tous nos... toute la relation que nous maintenons avec notre membre soit faite selon les règles de confidentialité, de maintien de l'intégrité des gens avec lesquels nous transigeons.

Le Président (M. Cusano): Merci.

M. Bédard: Comprenez-moi bien, je ne mets pas en doute qu'effectivement vous le fassiez.

M. Cholette (François): Non, non, je suis d'accord avec vous. Non, mais je pense que ça va être important d'apporter cette précision.

M. Bédard: C'est ça, mais aussi, en même temps, c'est que, comme vous êtes évidemment une grande corporation ? peu sont venues ? et vous avez effectivement beaucoup de membres, simplement savoir et comprendre, parce que je sais qu'il y a de l'inspection, hein, au niveau des dossiers, par exemple en termes de crédit, d'autorisation de crédit, voir si les règles ont été suivies, et je sais qu'il y a un groupe qui se promène, je le sais, je vous dirais, parce que, en plus, ma femme travaille auprès des caisses Desjardins, donc, et sans vouloir rien dévoiler, mais je voulais savoir, en termes... Et je ne lui ai pas posé la question. Vous comprenez, elle aussi, elle a ses obligations de loyauté envers son employeur, et c'est tout à fait normal.

Alors, je profite de l'occasion que vous soyez ici peut-être pour illustrer... Vous êtes une grande... pas une grande corporation, une grande coopérative. Je comprends que la formation qui est donnée ou les informations en termes de protection découlent des services juridiques, mais est-ce qu'il y a, par exemple, un service qui à l'occasion va voir effectivement si les gens se sont conformés? Et on est d'accord qu'il va arriver des fois des cas malheureux, mais, en général, est-ce qu'il y a quand même un souci à ce niveau-là en termes pratiques, soit par inspection ou autrement, ou parce que souvent la jurisprudence va évoluer en termes d'accès, ou des nouvelles directives vont émaner de la Commission d'accès?

M. Morency (Yves): Écoutez, quand il y a des directives nouvelles ou des précisions, alors on se fait un devoir d'informer. On a des moyens de communication à chacune de nos caisses et aussi, par l'intermédiaire des caisses, aux employés. Il y a également une vérification, une inspection qui se fait par notre propre service d'inspection, mais notre loi nous autorise à faire ce service-là. Donc, si ce service-là observe des manquements, alors on lui apporte notre attention, et des correctifs sont demandés parce que ça fait partie du rapport d'inspection. Donc, il y a un suivi rigoureux qui est fait à ce niveau-là. Je ne sais pas si...

Mme Fortier (Guylaine): Et depuis maintenant, je vous dirai, 1999, il y a maintenant dans chacune des caisses ce qu'on appelle chez nous un expert en conformité. Cet expert en conformité là avait d'abord été nommé en lien avec les obligations relatives à la distribution des produits et services financiers, mais la fonction de cet expert en conformité là a évolué, et notamment fait partie de ses obligations, et de ses obligations de vérification, de s'assurer que le personnel effectivement et que tout ce qui est mis en place, les systèmes qui sont en place au sein de la caisse respectent notamment la protection des renseignements personnels. C'est également une obligation de la part du comité de vérification et de déontologie. Alors...

M. Bédard: Parfait. Bien, merci. Alors, je voulais savoir... Oui.

M. Cholette (François): Oui, bien, j'aurais ajouté...

Le Président (M. Cusano): M. Cholette.

M. Cholette (François): Je ne sais pas si vous avez connaissance des accords de Bâle qui portent, là, sur la gestion des risques. Alors, dans les banques, les caisses, les institutions financières, il y a un mouvement actuellement dans les institutions financières où, pour déterminer le niveau de capital requis pour supporter des opérations, ça va dépendre en partie du risque que tu représentes et la façon dont tu gères des risques, dont, entre autres, les risques de non-conformité à des lois. Alors, dans les institutions financières, les lois sur la protection des renseignements personnels, c'est un élément... Maintenant, dans toutes les institutions financières, on voit des départements de conformité, des équipes qui font des enquêtes pour s'assurer que les lois et règlements sont respectés dans les entreprises, des rapports qui sont signés par les gens attestant qu'ils ont pris telle, telle, telle mesure pour s'assurer que la loi a été respectée. On est en plein processus d'implantation de toutes ces choses-là, actuellement. Alors, je vous dirais qu'on en fait beaucoup actuellement, on en fera encore plus dans le futur.

M. Morency (Yves): C'est pour ça que souvent, quand on se présente devant des commissions, que ce soit la vôtre ou d'autres, on vous dit toujours que nous sommes une institution financière réglementée. Et c'est différent d'une institution financière puis un magasin de détail ou un autre magasin, parce que nous sommes déjà contraints à regarder, à observer, à suivre l'évolution de nos législations, de nos lois. Et même, dans ce cas ici, comme les accords de Bâle, ce n'est même pas imposé par le gouvernement du Québec, ce n'est même pas imposé par le gouvernement canadien, c'est imposé au niveau international. Donc, comme, nous, nous transigeons au niveau international, si on veut quand même être bien reconnus, avoir des cotes de notation et de crédit par les agences de notation qui soient bonnes et à des niveaux aussi élevés que les banques, on doit observer ces règles-là. Alors, c'est une différence entre une institution qui n'est pas réglementée et une institution qui est réglementée. Alors, c'est un peu ça qui...

Le Président (M. Cusano): Merci.

M. Bédard: Merci de m'avoir éclairé. Dans vos commentaires, un entre autres, vous mentionnez, et je ne crois pas que, dans votre présentation, vous y avez fait écho, vous vous opposiez au fait, par exemple, que les groupes, suite à la recommandation du commissaire au niveau du regroupement des plaintes... et vous sembliez... pas vous sembliez, il semble, selon toute évidence, que vous vous opposiez à ce regroupement pour des motifs qui me semblent assez particuliers, mais je veux bien les comprendre.

n(16 h 30)n

Là, je comprends, vous dites: Chaque dossier est différent, donc doit être traité différemment. Mais vous ne pensez pas qu'il est de l'intérêt, par exemple dans des cas où il y a, et selon l'appréciation du tribunal... du tribunal, de la Commission, où il y aurait, je vous dirais, une forme de litispendance ou plutôt que les différents dossiers seraient de même nature, qu'on puisse effectivement regrouper les plaintes et permettre aux gens que... comme on le fait dans d'autres domaines finalement, là, de ne pas dépenser inutilement, chaque personne ait à engager ou fasse suivre le procès au complet, mais qu'on puisse, par souci du respect de la loi, permettre à ces gens-là, pas de s'associer ensemble, mais de regrouper leurs plaintes dans un même canal? Est-ce que vous ne pensez pas que c'est plus simple pour ces gens?

M. Morency (Yves): Je vais demander à Me Fortier une réponse.

Le Président (M. Cusano): Mme Fortier.

Mme Fortier (Guylaine): Écoutez, oui, on peut paraître contre. Je pense qu'on est surtout prudents face à cette suggestion. D'une part, effectivement, c'est beaucoup en matière de comportement, en matière de protection des renseignements personnels, des dossiers individuels, d'une part. Mais, d'autre part, c'est qu'on a actuellement les recours collectifs qui existent, et, par les temps qui courent, on se rend compte que les consommateurs ont bien compris que ça existait, et on en a beaucoup sur... il y en a beaucoup qui sont intentés.

Et ce qui nous... où on a une réserve, c'est peut-être de penser que, bon, si on le permet pour la Commission d'accès à l'information, c'est que, peut-être, on se met un pied dans l'engrenage, et pourquoi pas le permettre pour tous les autres, pour tous les autres tribunaux administratifs? Ou, enfin, je pense qu'il faudrait peut-être faire une analyse plus en profondeur pour voir les impacts que ça pourrait avoir de permettre de tels regroupements.

Il faut aussi penser que, compte tenu que ça peut prendre de l'ampleur, comme on le connaît à l'heure actuelle avec les recours collectifs, même si on n'a rien à se reprocher, il faut quand même entamer les frais de défense et il faut faire les provisions. Alors, forcément, ça a une influence sur la gestion des risques, sur les provisions qu'il faut prendre face à des différents recours. Et, évidemment, lorsque c'est un regroupement, c'est toujours plus gros qu'un recours individuel, alors les provisions doivent être plus grandes. C'est pour ces raisons-là qu'on est plus réticents.

M. Bédard: Mais, comme vous respectez la loi, et je le sais, comme vous l'avez mentionné, peut-être que d'autres ont moins ce souci. Et, vous savez, en général, les recours collectifs souvent ont permis, je vous dirais, à des petites injustices, à des très grandes mais aussi à des petites qui n'auraient trouvé, je vous dirais, aucun preneur, où personne n'aurait réclamé... Et j'ai vu encore dernièrement, au niveau des recours collectifs, toute la question relativement aux intérêts payés sur les cartes de crédit, et finalement ils ne respectaient pas les délais prévus par la loi. Ça représentait peut-être quelques cennes par... ou quelques dollars par client. Il est évident que les gens n'allaient pas aller devant les tribunaux de droit commun, aller réclamer une piastre, un dollar, on s'entend. Par contre, ce que ça a comme effet, évidemment, c'est que, dans ce cas-ci, c'étaient ceux qui émettaient des cartes, mais ça peut être dans d'autres domaines, un souci de respecter aussi, à l'avenir. Mais je vous dirais même...

Le Président (M. Cusano): En terminant, M. le député.

M. Bédard: Oui. Et je vous dirais même d'aller plus loin, même de creuser et de vérifier si effectivement il y a peut-être d'autres contraventions à des règles aussi élémentaires que sont... dans ce cas-ci, c'était la Loi sur la protection du consommateur, et, dans ce cas qui nous occupe, c'est la loi d'accès à l'information et la protection des renseignements personnels, qui ne sont pas des lois quand même mineures.

Le Président (M. Cusano): Merci.

Mme Fortier (Guylaine): C'est que ça touche souvent du cas par cas. Une personne va se plaindre que l'institution aura recueilli des informations qui n'étaient pas nécessaires pour l'objet de son dossier. Mais c'est un cas, dans ce cas-là. C'est peut-être plus difficilement applicable que: Vous avez mal appliqué la formule pour calculer les frais de crédit.

Le Président (M. Cusano): Merci, Mme Fortier. Mme Fortier, M. Grimard, M. Cholette, M. Morency, au nom de mes collègues, j'aimerais vous remercier de votre présentation et de l'échange que vous avez eu avec les membres de la commission. Merci beaucoup.

Et j'aimerais à ce moment-ci demander aux représentants du Barreau du Québec de prendre place.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Cusano): À l'ordre, s'il vous plaît! Je demanderais aux membres du Barreau du Québec, les représentants du Barreau du Québec, de bien prendre place, s'il vous plaît.

Bon. Alors, j'aimerais demander aux personnes qui se sont présentées à la table, pour les fins du Journal des débats, de bien vouloir s'identifier, s'il vous plaît.

Barreau du Québec

M. Sauvé (Marc): Oui. Merci, M. le Président. Mon nom est Marc Sauvé, je suis avocat au service de législation. Je suis accompagné de Chantal Masse, et M. le bâtonnier vient tout juste de rentrer, qui fera la présentation pour le Barreau du Québec.

Le Président (M. Cusano): Merci. Alors, Me Gagnon, vous disposez d'une période de 20 minutes pour nous faire un résumé, et ce sera suivi d'un échange avec les membres de la commission. Alors, la parole est à vous, Me Gagnon.

M. Gagnon (Pierre): Alors, merci, M. le Président. Pardonnez-moi pour mon retard. Alors, je vous présente les gens qui sont avec moi, à moins que ça ait déjà été fait ? peut-être, je n'étais pas là: Me Chantal Masse, de notre comité sur l'accès à l'information, et Me Marc Sauvé, qui est responsable des dossiers concernant notamment l'accès à l'information au service de recherche et de législation du Barreau du Québec.

Alors, le Barreau du Québec a pris connaissance du rapport de la Commission d'accès à l'information et désire faire part de ses commentaires à ce sujet aux membres de la commission de la culture de l'Assemblée nationale du Québec.

Alors, rappelons certains principes au sein d'une société libre et démocratique comme la nôtre. La transparence de l'administration publique et le droit à la protection de la vie privée constituent des valeurs fondamentales, lesquelles sont par ailleurs consacrées dans les chartes et dans notre Code civil. L'accès à l'information gouvernementale et la protection de la vie privée constituent des principes et des valeurs auxquels le Barreau attache, donc, la plus haute importance. Il est intervenu sur ce sujet à de nombreuses reprises et ne se privera sûrement pas de le faire, si vous acceptez de nous inviter dans l'avenir, nous continuerons à le faire.

Alors, le Barreau du Québec formule dans le présent mémoire ses commentaires au sujet du rapport de la Commission d'accès à l'information du Québec. Le Barreau, je le rappelle, a pour mandat de protéger le public, et c'est à la lumière de ce mandat qu'il faut interpréter son intervention devant la commission de la culture. Alors, les commentaires que nous avons formulés dans notre mémoire gravitent essentiellement autour des recommandations suivantes: la recommandation n° 2, 5, 15, 16, 25 ? ce n'est pas un bingo, j'achève ? 27, 47 et 50 du rapport de la Commission.

Relativement à la recommandation n° 2. Dans sa recommandation n° 2, la Commission d'accès invite le législateur à s'interroger sur la pertinence de modifier la Charte des droits et libertés de la personne afin que le droit à l'information puisse jouir d'une protection équivalente à celle des libertés et des droits fondamentaux, des droits politiques, des droits judiciaires. Le Barreau du Québec est d'avis que c'est avec une extrême prudence, une grande retenue que le législateur doit envisager la possibilité de modifier la Charte des droits et libertés de la personne, qui constitue un texte que nous qualifions de quasi constitutionnel, portant sur les droits et libertés.

Alors, les dérogations au droit d'accès à l'information sont assez nombreuses et sont souvent justifiées, et ce, pour de nombreuses raisons. Alors, il nous paraît sage de laisser au législateur le soin de limiter par la loi ce droit à l'information. Autrement, nous avons l'impression qu'on obligerait le législateur à prévoir des clauses «nonobstant» qui, à la longue, pourraient avoir l'effet de diluer l'autorité morale de la Charte québécoise. Alors, une Charte quasi constitutionnelle, qu'on veut considérer comme étant un document très, très respectable et auquel il faut déroger le moins souvent possible, ça ne nous apparaît pas une bonne idée dans ce cas-ci de procéder comme suggéré par le rapport de la Commission d'accès.

n(16 h 40)n

Par ailleurs, la mise en oeuvre de cette recommandation aurait pour effet aussi de multiplier les occasions de litige. Ça vous surprend qu'un avocat vous dise ça, mais, de fait, on pense que ce n'est pas bien de multiplier les occasions de litige, car toute limite, directe ou indirecte, ou même implicite, au droit à l'information dans une loi pourrait être déclarée inopérante et elle pourrait être attaquée sur la base du nouvel article 52 de la Charte québécoise. Alors, nous ne sommes pas sûrs que nous avons vraiment besoin d'ajouter ce train de recours éventuels.

Recommandation n° 5. La Commission recommande que chaque organisme public ait l'obligation d'adopter une politique de publication automatique de l'information. Nous sommes d'accord avec cette recommandation. Nous sommes d'accord, nous pensons qu'une telle mesure est susceptible de réduire les litiges et de rendre l'information plus accessible. Maintenant, à partir du moment où on dit que, oui, c'est un bon principe, dans la pratique, il va falloir considérer un certain nombre de problèmes.

Il faut comprendre qu'une telle recommandation implique la mise sur pied d'un index de tous les documents existants au sein d'un organisme. On pense assez facilement à tout le travail que ça peut exiger. La confection de cet index implique la nécessité de consulter à l'interne chacun des documents pour pouvoir déterminer leur caractère accessible ou non. Une décision à quelque part doit être prise sinon sur chaque document, sur chaque catégorie, en tout cas, de documents. Pour certains organismes qui ont une longue histoire et qui existent depuis de très nombreuses années, cette recommandation exige des ressources considérables et représente un fardeau administratif qui nous apparaît colossal.

Alors, en conséquence, pour qu'une telle recommandation puisse être applicable, il faudrait minimalement prévoir un délai d'application ou ? je n'aime pas dire et/ou, mais, finalement, ça peut être ou un ou l'autre ? une date à partir de laquelle les documents pourraient faire l'objet de cette politique de... Alors, ou on dit: Ce sont tous les documents, il faut reculer dans le passé, et là il faudrait laisser un assez long délai pour faire ce travail-là; ou encore dire: Bien, tous les documents à partir de telle date devront faire l'objet de cette politique-là. Je pense que ce serait probablement plus raisonnable de penser que les organismes à ce moment-là pourraient se conformer à cette réglementation-là.

La recommandation n° 15. La Commission d'accès à l'information recommande l'adoption des dispositions concernant les ordres professionnels contenues dans le projet de loi n° 122 qui a été présenté à l'Assemblée nationale le 11 mai 2000. Il n'a pas été adopté; cependant, il y avait eu un travail très, très sérieux de fait au niveau de ce projet de loi là. On avait examiné dans tout ça beaucoup la dualité, la dualité des documents que peuvent avoir des ordres professionnels, à savoir soit des documents qui se rapportent à la protection du public ou soit des documents qui sont purement et simplement d'ordre de la gestion d'une corporation comme telle et qui devraient, selon ce projet de loi là, être traités différemment.

Alors, on avait, au Barreau du Québec, donné notre accord au projet de loi n° 122 qui proposait effectivement un régime, là, qui parlait de la dualité dont je viens de vous faire mention et qui prévoyait l'assujettissement des ordres à la Loi sur l'accès à l'égard des documents qu'ils possèdent et qui sont relatifs au contrôle de l'exercice de la profession. Alors, il y avait une partie qui prévoyait l'accès aux règlements... c'est-à-dire l'accès aux documents qui sont relatifs au contrôle de l'exercice de la profession. Par ailleurs, des renseignements qui ne concernaient pas le contrôle de l'exercice de la profession, mais plus reliés à la vie associative d'un ordre professionnel seraient visés à ce moment-là par le régime du secteur privé, c'est-à-dire assujettis à la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. Alors, nous vous invitons fortement à reprendre les dispositions du projet de loi n° 122, et, en ce qui nous concerne, nous sommes toujours d'accord si vous décidiez, par exemple, d'adopter les dispositions qui sont dans ce projet de loi là n° 122. Quant à nous, ce serait acceptable.

Recommandation n° 16. La Commission recommande que soient assujettis tous les organismes dont le financement est largement assuré par l'État. Alors, vous allez comprendre que le critère de financement, en tout cas à notre avis, ne doit pas être le seul à considérer, puisque plusieurs organismes privés jouissent de subventions publiques sans qu'il ne soit opportun de les assujettir à la Loi sur l'accès. On pourrait songer, par exemple, à assujettir à la loi les organismes dont les administrateurs ou dirigeants sont élus par les citoyens ou qui dépendent du gouvernement. Alors, nous pensons qu'on pourrait ajouter des critères dans ce genre-là, le seul critère du financement public à notre avis n'étant pas adéquat.

Recommandation n° 25. La Commission recommande d'éliminer la possibilité de présenter des requêtes pour permission d'en appeler avant que la Commission ait entendu l'ensemble de la preuve et rendu une décision finale. Alors, le Barreau n'est pas d'accord et s'objecte à cette recommandation. Il existe certaines situations exceptionnelles où la présentation d'une requête intérimaire pour permission d'en appeler avant que la Commission ait entendu l'ensemble de la preuve et rendu une décision finale à ce propos est nécessaire pour sauvegarder les droits d'un justiciable. Par ailleurs, nous sommes d'avis que la jurisprudence a déjà assez bien balisé et continue à baliser ces procédures de requête en appel pour éviter des abus purement dilatoires et qui seraient susceptibles de pervertir la finalité de la Loi sur l'accès.

Recommandation n° 27. La Commission recommande qu'un organisme public qui porte en appel une décision rendue par la Commission qui lui est défavorable devrait prendre en charge tous les frais judiciaires et actions judiciaires de la personne physique à qui la Commission a donné raison. L'objectif qui est poursuivi via cette recommandation vise l'accès à la justice, on le comprend. Cependant, l'obligation de prendre en charge tous les frais judiciaires et extrajudiciaires de la personne physique à qui la Commission a donné raison ne devrait s'appliquer selon nous qu'en cas de mauvaise fois de l'organisme. Cette obligation générale, telle que recommandée, semble excessive et exorbitante de la tradition juridique et des usages dans le cadre d'une saine administration de la justice.

Comprenant toutefois que l'objectif est louable et qu'il faudrait trouver une façon d'atteindre cet objectif-là, nous suggérons plutôt de favoriser par d'autres façons, comme par exemple de trouver une façon de rémunérer ou de créer un fonds qui permettrait de rembourser, par exemple, dans certains cas, plutôt que d'aller vers une mesure comme celle-là. On pourrait favoriser aussi ? et c'est mon dada, par les temps qui courent ? que l'assurance juridique puisse couvrir des démarches comme celle-là, ce qui réglerait le problème effectivement.

Dernière remarque, une seule remarque que concernent les deux recommandations, 47 et 50, et c'est, je vous dirai, la substance de ce qu'on est venu vous présenter ici aujourd'hui, c'est très certainement ce qui est le plus sensible et le plus significatif en ce qui nous concerne. À maintes reprises, le Barreau du Québec a exprimé ses préoccupations en regard de l'indépendance et de l'impartialité nécessaires à l'exercice des pouvoirs quasi judiciaires. Dans le cas de la Commission d'accès à l'information, la multiplicité des tâches qui lui sont confiées par loi constitue pour nous une source d'inquiétude. La coexistence des rôles d'adjudicateur, d'enquêteur, de promoteur des droits d'accès... ne peuvent valablement subsister au sein d'un tribunal sans que des mesures crédibles et efficaces de cloisonnement ne soient adoptées et appliquées avec toute la transparence nécessaire.

n(16 h 50)n

Alors, certaines activités de la Commission ne sont pas encadrées et l'étanchéité des fonctions diverses n'est pas assurée, à notre avis. Une crainte raisonnable de partialité pourrait naître dans l'esprit de certains. Nous croyons et nous vous faisons encore une fois une suggestion. Une solution intéressante, selon nous, pour éliminer ces préoccupations, serait de transférer la juridiction de trancher les litiges, donc le pouvoir d'adjudication en matière d'accès à l'information et de protection de renseignements personnels, à un organisme juridictionnel spécialisé existant. Nous nous permettons de suggérer le Tribunal des droits de la personne, qui, de l'avis de tous, on en conviendra, est très certainement l'organisme qui a... il n'est pas le seul à avoir cette capacité-là, mais certainement un de ceux qui est le plus apte à soupeser l'équilibre entre les droits fondamentaux individuels et les droits de la collectivité. Et c'est franchement... Dans la plupart des cas, les litiges qui sont à trancher sont en général, croyons-nous, de cette nature. Je crois savoir que la Commission accepterait... que le Tribunal des droits de la personne pourrait accepter un tel mandat si ça lui était suggéré.

Alors, la Commission d'accès serait alors transformée en un organisme non juridictionnel jouissant d'un pouvoir d'enquête, de médiation, exerçant des fonctions de promotion en matière d'accès à l'information, en matière de protection des renseignements personnels et de vie privée, et elle pourrait finalement aller, je dirais, encore plus loin dans l'exercice de ces rôles, qui sont des rôles très importants, qu'elle joue déjà. Alors, on serait donc favorable à ce transfert de fonctions juridictionnelles au Tribunal des droits de la personne.

Alors, M. le Président, Mmes, MM. les membres de la commission, je vous remercie de votre attention, et nous sommes disponibles pour échanger avec vous à partir de maintenant.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, je vous remercie, M. Gagnon. Alors, je céderais la parole maintenant à la ministre.

Mme Courchesne: Alors, M. le bâtonnier, madame, monsieur, merci beaucoup d'être venus aujourd'hui devant nous. Vous comprendrez que, pour nous, le Barreau du Québec, dans un contexte d'étude de sujets comme on a à faire... auxquels on a à faire face avec la Commission d'accès à l'information... est certainement un mémoire... devient un mémoire très important dans la contribution de la réflexion que vous nous apportez.

Puis j'aborderai d'emblée, si vous me le permettez, au départ, une question qui a été soulevée par plusieurs, qui concerne justement... Plusieurs nous demandent de considérer la possibilité d'introduire le droit à l'information au même niveau que le droit à la vie privée, donc de faire passer ce droit d'un droit économique et social à un droit fondamental. Et ce que je crois comprendre, à la lecture de votre mémoire, c'est que vous avez des objections à ça. Et, M. Gagnon, vous nous dites: D'une part, on pense que ça revient au législateur de déterminer la qualité de ce droit. Donc, on est ici aujourd'hui justement, et un jour nous deviendrons législateur possiblement. Donc, c'est dans ce sens-là que je poserai mes questions, dans ce contexte-là. Et vous dites: Nous, on pense que ça va diluer un peu l'autorité morale de la Charte. C'est ce que j'ai noté que vous avez dit dans votre présentation.

Alors, si on élève le droit à l'information au niveau d'un droit fondamental, en quoi ça va diminuer l'autorité morale de cette Charte? Est-ce que le problème ne se situe pas davantage sur, possiblement, la contradiction qu'on va rencontrer entre le droit fondamental... entre le droit à l'information et le droit à la vie privée? Est-ce qu'on n'a pas là, effectivement, un risque d'augmenter les litiges? Et comment on va faire... Comment ceux qui auront à juger de quand est-ce que le droit de l'information doit primer sur le droit à la vie privée, s'ils sont tous les deux égaux au niveau de la Charte, est-ce que ça ne soulève pas une contradiction? Est-ce que ça va augmenter le nombre de litiges? Ou est-ce que vous avez d'autres types d'objections à élever le droit à l'information à un niveau de droit fondamental?

Je vais juste conclure en disant que ceux qui défendent cet argument, c'est que le droit à l'information est tributaire, ouvre une porte fondamentale aussi dans notre droit d'exercer notre rôle de citoyen dans une société; c'est un peu ce qui sous-tend l'argument qui nous est présenté. Alors, je vous laisse la parole là-dessus.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, M. Gagnon.

M. Gagnon (Pierre): Je vais demander à Me Masse de vous répondre sur cette question.

Mme Masse (Chantal): En fait, l'objection n'a pas trait à ce qu'on le caractérise comme droit fondamental ou comme droit économique et social, elle a plus trait à la question de savoir est-ce que c'est un droit absolu ou est-ce que c'est un droit qui est assujetti à ce qui est prévu par la loi.

Et, à cet égard-là, je vous souligne un élément qui m'apparaît important. C'est que dans la Charte, par exemple, tous les droits fondamentaux ne sont pas absolus. Je vous réfère notamment à l'article 6 qui prévoit le droit à la libre jouissance des biens, le droit de propriété, au fond, et qui... Dans l'article 6, on assujettit ce droit à ce qui est prévu par la loi. C'est ce qui permet notamment d'avoir des lois en matière d'expropriation qui portent atteinte au droit à la propriété. Et, parce qu'il y a beaucoup de lois qui, si vous voulez, ont des impacts sur le droit à la propriété, on a préféré, même si c'est un droit considéré comme étant un droit fondamental, l'assujettir à la mesure prévue par la loi. On a un droit à la libre jouissance de notre propriété, sauf dans la mesure prévue par la loi, les limites qui sont apportées par la loi.

Et c'est la même chose qui est prévue à l'article 44 en matière de droit à l'information, c'est toujours: sauf dans la mesure prévue par la loi, on a un droit à l'information. Et, dans la loi sur l'accès à l'information, il y a des restrictions au droit à l'information. Si on en faisait un droit absolu, il faudrait être en mesure, dans chaque cas, de justifier. Il pourrait y avoir des litiges pour chaque disposition qui restreint le droit à l'information. On pourrait contester et dire qu'il faut le justifier dans une société libre et démocratique, etc. Il pourrait y avoir des litiges pour chacune des restrictions à l'accès à l'information.

C'est dans ce sens-là qu'on vous dit: Si on en fait un droit absolu, on risque d'augmenter les litiges. On pense que c'est un droit qui doit faire l'objet, dans plusieurs cas, d'exceptions pour protéger la vie privée, qui sont des exceptions qui sont déjà prévues cas par cas. Donc, à cet égard-là, pour nous c'est important de conserver ce «sauf dans la mesure prévue par la loi», qui est là, à l'article 44.

La Présidente (Mme Vermette): Mme la ministre.

Mme Courchesne: Juste pour bien m'assurer que je comprends, c'est que, étant donné qu'on a beaucoup d'exceptions, forcément... ou en tout cas, forcément... forcément dans la façon dont cette loi a été conçue il y a 20 ans, là ? et on verra si le futur... si une nouvelle loi devrait procéder de la même façon ? mais ce que vous dites, c'est: Parce qu'il y a beaucoup d'exceptions, c'est là qu'on devient vulnérable, c'est là où le droit absolu devient vulnérable, parce que c'est la loi avec ses exceptions qui pourrait primer, puis là, à ce moment-là, ceux qui veulent défendre le droit à l'information, bien, se sentiraient brimés et là pourraient porter atteinte au fait qu'on applique la loi plutôt que le droit absolu, là. Je pense que...

Mme Masse (Chantal): En fait, ce qu'ils pourraient exiger, à ce moment-là, c'est une justification faite par une preuve déposée dans un dossier judiciaire. Et, évidemment, le Procureur général serait mis en cause dans chaque dossier, il contesterait chaque disposition qui porte atteinte au droit d'accès à l'information ? lorsque ça les touche, évidemment, ça leur prend un intérêt ? et là il faudrait que le Procureur général apporte une preuve justificative de chaque restriction au droit d'accès à l'information. C'est pour ça que le «sauf comme prévu dans la loi» est très important dans l'application de ce type de droit là, là, qui ne peut pas être vraiment absolu.

n(17 heures)n

Mme Courchesne: Je veux juste vous dire que je trouve ça intéressant comme point de vue, parce qu'il est légèrement nouveau comparativement à ce qu'on a entendu. Mais, malheureusement, comme je ne suis pas avocate, je serais presque obligée de vous croire sur parole, ce que je n'oserai pas faire comme ministre non plus. Mais, cela dit, c'est un aspect qui est un peu différent de ce qu'on a pu aborder comme argument par rapport à ça.

Ce que, moi, ça me dit, c'est: si on modifiait cette loi ? je dis «si» ? ça peut vouloir dire une approche très différente par rapport à... Et ça m'amène sur le sujet de la divulgation automatique. Parce que, si effectivement on adopte une façon d'informer nos citoyens qui soit beaucoup plus ouverte, plutôt que dans la culture du secret ou dans la culture de ce qu'on ne peut pas dévoiler, mais en disant plutôt: Voici ce que, comme citoyens, vous devez avoir accès, à quel type de documents, et voici la liste, vous nous faites aussi une mise en garde en disant: Par contre, l'organisme public deviendrait le seul juge des intérêts des tiers. J'aimerais ça que vous soyez plus précis aussi dans votre pensée par rapport à cet aspect-là.

Mme Masse (Chantal): Aux tiers?

Mme Courchesne: Pourquoi la Commission ou l'organisme public qui fait la divulgation... Quels tiers? Faites-moi le lien entre le citoyen qui a droit à cette information-là et de quels tiers parlons-nous.

Mme Masse (Chantal): En fait, les organismes publics détiennent très souvent des informations qui émanent de tiers. Lorsque, par exemple, les organismes publics... Il y a certains organismes publics, comme des sociétés d'État, qui font des affaires avec des tiers, qui détiennent des informations dans lesquelles les tiers ont des intérêts...

Mme Courchesne: Mais qui sont sujets à l'exception, actuellement.

Mme Masse (Chantal): Qui sont sujets à des exceptions qu'il faudrait justifier si c'était un droit d'accès absolu. Ça devient très, très lourd. Donc, il y a les tiers qui font des affaires avec l'État, mais il y a aussi les personnes qui sont des justiciables ou des contribuables, dans le cas de... par exemple, le ministère du Revenu. Il y a toutes sortes d'informations qui sont détenues par l'État sur des tierces personnes, et, lorsqu'il y a des demandes d'accès à ces informations-là, ces tiers-là ont évidemment un intérêt à pouvoir intervenir, à pouvoir... Et la loi d'accès à l'information leur permet ça, d'ailleurs, parce que l'organisme est obligé d'aviser les tiers lorsque la demande d'accès vise des renseignements qui les touchent. Donc, c'est dans ce sens-là qu'on... On comprend qu'il y a un désir de grande ouverture et de transparence de la part de l'État, mais il faut comprendre aussi que l'État détient les informations sur des tiers qui ont intérêt, dans certains cas, et c'est très justifiable dans certains cas, que ces informations-là restent confidentielles.

Mme Courchesne: Et ce que vous dites, c'est que, si on adoptait un principe de divulgation automatique, vous croyez que ces tiers-là seraient davantage, je ne dirais pas lésés, mais seraient plus vulnérables? À quoi? À un glissement ou... Et j'essaie de comprendre la différence entre la situation actuelle et, par exemple, un processus de divulgation automatique par rapport à un tiers.

Mme Masse (Chantal): C'est-à-dire qu'il faudrait qu'il y ait des mesures certainement qui soient prises pour s'assurer qu'on ne touche pas les intérêts des tiers, à ce moment-là, par une divulgation automatique de renseignements les concernant.

Le Président (M. Cusano): Merci, Mme la ministre. Je cède maintenant la parole au député de Chicoutimi.

M. Bédard: Merci, M. le Président. Alors, M. le bâtonnier, Mme Masse... J'ai oublié votre nom, ce n'est pas drôle, hein?

Le Président (M. Cusano): Me Sauvé.

M. Bédard: Me Sauvé, c'est ça. Excusez-moi, Me Sauvé. Alors, c'est un plaisir de vous rencontrer. D'ailleurs, ça faisait près de deux semaines qu'on ne vous avait pas vus en commission, alors....

M. Gagnon (Pierre): J'ai pensé que vous vous ennuyiez un petit peu, puis je suis venu vous voir.

M. Bédard: Exactement, M. le bâtonnier. Quand je vous ai vu arriver, ça m'a rassuré quant à la présence du Barreau sur des questions aussi importantes.

M. Gagnon (Pierre): On n'est jamais bien loin.

M. Bédard: Oui, je le sais. Simplement vous dire, quant à votre prudence sur la Charte, effectivement, j'en fais mienne, pour des raisons qui peut-être diffèrent. Un point que vous amenez, et la ministre a fait état d'un des éléments, mais là vous dites que, si on intégrait, évidemment, dans les premiers articles, dans les droits fondamentaux, que ça aurait pour effet d'obliger le législateur à employer la clause «nonobstant». C'est ce que je comprends. Autrement que... Et là vous dites simplement: «On obligerait le législateur à prévoir des clauses "nonobstant"», même dans le cas de la Charte des droits et libertés québécoise.

Mme Masse (Chantal): C'est-à-dire que, si on enlevait cette réserve qui est présente à l'article 44 et qui prévoit que «toute personne a droit à l'information, dans la mesure prévue par la loi»...

M. Bédard: O.K. Si on enlève cet aspect-là? O.K.

Mme Masse (Chantal): ...si on enlève «dans la mesure prévue par la loi», pour en faire un droit absolu, à ce moment-là, effectivement, dans les lois qui dérogent, il devrait y avoir en principe une clause pour en assurer la validité. À moins qu'on soit en mesure d'apporter, cas par cas, lorsqu'elle sera contestée, une preuve justificative au sens de l'article 9.1.

M. Bédard: Dans une société. Oui. Parfait. Sur la composition du tribunal... ou plutôt les craintes de partialité ? et là vous dites que c'est le coeur de votre mémoire ? peut-être poussons un peu plus loin. Je vous avouerais que je n'ai pas creusé beaucoup là-dessus, et j'imagine que cette impartialité et cette indépendance que doit avoir le tribunal a sûrement été plaidée devant les tribunaux. Et, à ma connaissance, je me souviens même, à une époque, de l'avoir même invoquée. Est-ce que ça a été tranché, là, clairement, cette question qui est quand même assez importante?

M. Gagnon (Pierre): En tout cas, mes collègues pourront me contredire, je ne crois pas que ça ait été tranché comme tel. Et, nous, ce n'est pas tellement une illégalité, là, qu'on veut soulever, c'est une crainte raisonnable de. Alors, on sait, dans les faits, que les gens de la Commission d'accès à l'information travaillent ensemble dans des locaux, ils sont tous ensemble, ils sont au même endroit. C'est le même organisme qui, à quelque part, va et faire les enquêtes et, un peu plus tard, les juger.

Pour les juristes que nous sommes et que vous êtes, je pense qu'à quelque part on... Pourquoi se placer dans une situation où il pourrait y avoir une certaine crainte? Je pense, par exemple, dans mon domaine d'exercice du droit, au Commissaire de l'industrie de la construction, où il a été un bout de temps qu'il portait le même nom que la... C'était le Commissaire de la construction et la Commission de la construction. Les gens pensaient que c'était la même chose, alors que ce n'était pas vraiment le cas. On a, à quelque part, changé au moins la terminologie, en tout cas, puis on s'est assuré qu'il y avait vraiment une distinction quant aux endroits de travail.

Il y a toute une question d'apparences, aussi. Est-ce que quelqu'un a le sentiment que, face à une enquête qui est faite par la Commission d'accès, des plaintes portées... Et là on se retrouve au même endroit, avec le même monde autour. Malgré toute la bonne foi et malgré qu'il n'y a pas jusqu'à présent ? on me corrigera, là ? un tribunal qui a dit que c'était illégal, quant à nous, ce serait très certainement... Surtout, surtout, là, dans l'esprit où Mme la ministre, par exemple, mentionnait peut-être une intention, là, d'élever ce droit-là, là, au niveau d'un droit qui soit protégé par la Charte, je pense qu'à plus forte raison il va falloir lui aménager un tribunal qui très certainement sera de nature à ce qu'on s'assure qu'un droit qui est aussi important qu'il doit être tentativement protégé par la Charte soit quand même décidé dans un contexte où il n'y aurait pas de crainte de partialité. Et ceci dit, là, sans aucune allusion quant aux personnes qui font le travail ou quoi que ce soit, là, vraiment, ce n'est aucunement notre propos. Il n'y a personne ici qui pense que les gens ne font pas bien ce travail-là ou... Mais il y a vraiment une crainte, au moins raisonnable, de partialité. Et, quant à nous, bien, on se répète, là, ça fait plusieurs fois qu'on le dit dans chacun de nos mémoires, et on revient à nouveau ici, aujourd'hui, en vous le disant.

M. Bédard: Mais cette question a été évaluée ? simplement, et là c'est pour ma gouverne personnelle ? cette question a sûrement été évaluée par les tribunaux, et il y a eu des décisions?

Mme Masse (Chantal): Oui, en fait... Mais M. le bâtonnier a absolument raison en disant qu'il n'y a aucun tribunal qui a considéré que la Commission d'accès à l'information ne répondrait pas aux garanties, parce que ça n'a pas été soulevé à l'endroit de la Commission d'accès à l'information. Cependant, il y a des décisions...

M. Bédard: C'est ça que je veux savoir. Ça n'a pas été soulevé devant les tribunaux?

Mme Masse (Chantal): Pas à ma connaissance, en tout cas.

M. Bédard: Ah oui!

n(17 h 10)n

Mme Masse (Chantal): Il n'y a pas eu de décision dans laquelle la Commission d'accès à l'information... on aurait soulevé cet élément-là. Cependant, il y a des décisions qui concernent d'autres tribunaux, et je pense, entre autres, que Me Doray, dans son rapport, en fait état: la décision de la Régie des permis des alcools et une autre décision de la juge Julien, je pense que c'est la Régie des marchés alimentaires ou quelque chose du genre, où on fait état de certains critères qui sont tout à fait pertinents, je pense, à considérer vis-à-vis les garanties, les problèmes sur le plan de l'impartialité institutionnelle qui pourraient être soulevés vis-à-vis la Commission d'accès à l'information aussi. Et c'est une question d'apparence de justice pour les gens, les justiciables qui se présentent devant ces tribunaux-là, davantage qu'une question de réel problème.

Mais, lorsqu'on soumet des litiges qui portent sur des droits de cette importance-là, c'est encore, je pense, plus approprié d'avoir des garanties d'indépendance plus importantes. Ça devrait également être considéré au niveau du renouvellement, parce qu'il y a une décision récente qui porte sur le TAQ, entre autres, où il y a un processus maintenant de renouvellement qui donne des garanties supérieures à celles qui sont prévues pour le renouvellement des membres de la Commission d'accès à l'information. Donc, tous ces éléments-là pourraient éventuellement être soulevés pour la Commission d'accès à l'information. Le législateur a accepté la décision de la Cour d'appel vis-à-vis le TAQ , il y a eu de la réglementation...

M. Bédard: Il y a eu des modifications au processus.

Mme Masse (Chantal): ...des modifications qui y ont fait suite pour...

M. Bédard: Non, puis le processus d'ailleurs... et c'est pour ça que ça me surprend. Et je voulais simplement avoir une réponse par rapport au fait que ça avait été contesté parce que...

Mme Masse (Chantal): À ma connaissance, non.

M. Bédard: C'est ça. D'autant plus que les gens sont nommés pour une période où c'est non renouvelable, il y a quand même... Tu lis et du dis: C'est assez particulier. Mais, en même temps, bon, j'imagine que les gens qui ont contesté, bon, ont des droits d'appel. Peut-être que c'est simplement par le fait qu'il y a un droit d'appel qui s'exerce devant la Cour du Québec qui a pour effet, j'imagine, de traiter le dossier presque de novo parce que c'est des questions de droit.

Mme Masse (Chantal): Oui. Quoique c'est un appel sur permission.

M. Bédard: Sur permission, exactement. Mais là je me demandais: Est-ce qu'il y avait une jurisprudence que j'ai manquée? Mais vous me dites que cette question-là n'a pas été...

Mme Masse (Chantal): Moi, je ne l'ai pas vue. Je dois dire que je n'ai pas fait une recherche systématique dans ce sens-là, mais je n'ai pas identifié de dossier, là.

M. Bédard: O.K.

Le Président (M. Cusano): Merci. M. Sauvé, vous voulez donner un complément de réponse?

M. Sauvé (Marc): Oui. D'ailleurs, les problématiques que l'on soulève ici, ce ne sont pas des problématiques qui sont nécessairement attachées en propre à la Commission, ça s'adresse à l'ensemble des tribunaux administratifs qui ont... enfin, qui sont multifonctionnels. Et c'est face à de tels organismes qu'on est plutôt mal à l'aise. Raymond Doray a produit une étude ? Raymond est aussi membre de notre comité ? et les inquiétudes qu'il soulève sont des inquiétudes aussi partagées par le Barreau. Dans les mémoires que nous avons formulés dans le passé concernant les garanties d'indépendance et d'impartialité, ce sont souvent les mêmes inquiétudes qu'on voit.

En ce qui concerne la Commission d'accès à l'information, bien, en particulier le fait que la Commission soit un aviseur du gouvernement ou des organismes publics...

M. Bédard: ...bien, ça, ces aspects-là, effectivement, qui soulèvent...

M. Sauvé (Marc): Alors, ils sont nombreux.

M. Bédard: Mais, en même temps, ce qui me... Je vous avouerais le dilemme, un peu. Parce qu'il y a tout l'aspect, bon, droits et libertés, mais, vous savez, la Commission d'accès rend beaucoup de décisions qui traitent d'accès à l'information. Peut-être que quelqu'un pourrait prétendre... Je comprends que le Tribunal des droits de la personne, par exemple, s'il y avait une décision de faire, je vous dirais, une section particulière relative à l'accès à l'information... Mais quelqu'un pourrait prétendre, et je vous dirais plusieurs journalistes qui, eux, voient le droit... Au-delà de la protection, le droit fondamental, c'est l'accès, l'accès de eux-mêmes et l'accès du public à cette information, et qu'elle soit évidemment de nature privée. Mais qu'est-ce qui est de nature privée est d'intérêt public? Alors, vous comprenez que les gens... quelqu'un qui veut savoir... La population veut savoir, pourrait peut-être, elle, en déduire que ce droit-là que toute personne a à la protection de ses renseignements pourrait peut-être l'emporter dans un contexte où justement ces juges sont appliqués... appliquent régulièrement des règles qui sont relatives aux droits de la personne.

Mais je vous dis... Tu sais, je me le pose aussi parce que c'est important en termes de perception des gens qui, eux, veulent aussi avoir accès à cette information. Mais c'est un questionnement que vous avez bien exprimé, je pense, que l'indépendance aussi est un questionnement qui mérite d'être évalué. Ça me surprend, et c'est pour ça, mais je vais le revérifier. Et, si vous avez de la jurisprudence, vous me la transmettrez. Je me souviens même, une fois...

Mme Masse (Chantal): On peut certainement revérifier.

M. Bédard: ...on s'était dit: Au pire aller, on bloque avec ça, là.

Mme Masse (Chantal): Bon, on peut certainement revérifier, effectivement. Si on trouve quelque chose, on vous le fera parvenir avec plaisir.

Le Président (M. Cusano): Merci.

M. Bédard: Parfait.

Le Président (M. Cusano): Merci. Oui?

M. Bédard: C'est terminé?

Le Président (M. Cusano): Oui, c'est terminé. Mais vous pourrez revenir par après.

M. Bédard: Ah! Je n'ai pas abordé les recours collectifs. Bon, bien, c'est malheureux.

Le Président (M. Cusano): Je cède maintenant la parole au député de Marguerite-D'Youville.

M. Moreau: Merci, M. le Président. M. le bâtonnier, Me Sauvé, Me Masse, bienvenue. Encore une fois, vous me permettrez de souligner la qualité du mémoire présenté par le Barreau du Québec. Le bâtonnier est un homme de peu de mots; il y a eu beaucoup de chiffres en introduction, mais vous êtes allé droit au but, je pense, et ça mérite d'être souligné.

Deux points. Le premier relatif à la recommandation n° 2 de la Commission, c'est à la page 4 de votre mémoire, où on parle justement de la possibilité de modifier la Charte pour... est-ce qu'on doit modifier la Charte pour amener un droit, le droit à l'accès à l'information au même niveau que le droit à la vie privée. Et vous dites: Bon, dans un premier temps, il faut rappeler au législateur une certaine prudence en modification des... dans le domaine des chartes, avant de les modifier. Mais, néanmoins, vous en suggérez une, modification, qui est de modifier l'article 52.

La question que je me pose, puis on a entendu beaucoup de personnes s'exprimer là-dessus: Est-ce qu'il y a véritablement un problème qui nécessite une modification même à l'article 52? À l'heure actuelle, le fait que le droit à la vie privée soit reconnu comme un droit fondamental, alors que le droit à l'information, à l'article 44, est de la nature des droits économiques, est-ce que le Barreau, dans ses analyses, a constaté que dans la pratique des choses il y avait véritablement là un problème? Et sinon, eh bien, pour quelle raison ne s'inspirerait-on pas de la prudence que vous suggérez au législateur pour ne même pas modifier l'article 52 de la Charte?

Mme Masse (Chantal): Je m'excuse, mais je ne vois pas qu'on demande une modification.

M. Moreau: Bien, au deuxième alinéa, là: «Cependant, conformément à l'article 52 de la Charte québécoise, seule une disposition d'une loi qui déroge aux articles 1 à 38 doit énoncer expressément que cette disposition s'applique malgré la Charte...»

Mme Masse (Chantal): Ah oui.

M. Moreau: On propose ici d'amender l'article 52 pour y inclure le droit à l'information prévu à l'article 44.

Mme Masse (Chantal): Oui. En fait, c'est la proposition... Ce qu'on voulait... On s'est peut-être mal exprimé.

M. Moreau: Ce n'est pas une proposition du Barreau? Vous dites: Ce que l'on fait là, ce serait l'équivalent, et vous dites non.

Mme Masse (Chantal): C'est ça, ce qu'on revient à faire, oui, exactement.

M. Moreau: Parfait. O.K. Alors, là, là je suis heureux.

M. Gagnon (Pierre): Là, la qualité de rédaction de nos mémoires en prend un sale coup, là, avec ce...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Moreau: Oui, pour le deuxième alinéa.

Une voix: Ça prenait juste un avocat pour trouver...

M. Moreau: O.K. C'est bon.

M. Gagnon (Pierre): Quand, nous-mêmes, on lit notre document puis qu'on ne comprend pas qu'est-ce qu'on a écrit, là, on a des problèmes.

M. Moreau: Bien, c'est excellent. Deuxième élément, l'article... votre recommandation par rapport à la question de la recommandation n° 27 ou, en fait, plutôt lorsque vous nous parlez de la composition de la Commission d'accès à l'information et du possible conflit dans les mandats qui lui sont confiés. Je suis à la page 11 et 12 de votre mémoire. Et Me Sauvé tantôt soulignait que Me Doray fait partie de votre comité, et il a été entendu ici plus d'une fois. Je lui ai posé la question et j'ai eu sa réponse là-dessus. J'aimerais savoir si cette réponse-là est aussi une réponse que partage le Barreau.

Ce que vous dites essentiellement, vous dites: Il y a conflit parce qu'on donne à la Commission d'accès à l'information de multiples mandats qui peuvent être contradictoires. Et donc, en conséquence, vous suggérez de scinder en deux la juridiction de la Commission d'accès pour faire de sa partie adjudicatrice... finalement d'augmenter les pouvoirs ou de confier ces pouvoirs-là au Tribunal des droits de la personne. Me Doray faisait la même recommandation, ce qui avait le double avantage de maintenant permettre l'appel sur permission à la Cour d'appel et donc de ne plus faire de la requête pour permission d'en appeler un élément additionnel de délai, parce que, dit-on, la Cour du Québec est assez généreuse dans ses permissions d'appeler et on pense que la Cour d'appel le serait moins.

Mais la question que j'ai posée à Me Doray, et j'aimerais avoir la réponse du Barreau là-dessus: Si on faisait cela, pourquoi est-ce qu'on ne pousserait pas la suggestion du Barreau plus avant et faire de la partie résiduelle de la Commission d'accès à l'information un mouvement additionnel et le confier à la Commission des droits de la personne qui, elle aussi, débat des questions de droits qui sont prévus par la Charte des droits et libertés de la personne, et donc confier la juridiction restante à la Commission des droits de la personne pour ne pas qu'il y ait un organisme restant qui est investi d'une petite partie des pouvoirs, alors que le reste se fait au tribunal?

M. Gagnon (Pierre): En tout cas, voyez-vous, c'est peut-être pour ça que Me Doray fait ses documents différemment, aussi, du nôtre; il ne nous parle pas de tout. Et, quant à nous, là, que je sache, on ne s'est pas penchés sur cette possibilité-là. Je serais bien embêté, là... à moins d'improviser, ce qui ne sera pas une très bonne idée, parce que ça, tout le monde peut faire ça, on n'a pas besoin du Barreau pour ça, on peut improviser. Mais, honnêtement, on ne s'est pas penchés sur cette possibilité-là qui consisterait finalement à faire que... à joindre les deux organismes comme tels puis à faire faire le... Remarquez que, à première vue en tout cas, il nous apparaît que le travail se fait bien et qu'il se fait correctement, là. Mais, pour aller plus loin, il faudrait vraiment se pencher là-dessus, ce que nous n'avons pas fait.

n(17 h 20)n

Le Président (M. Cusano): Brièvement, M. le député.

M. Moreau: M. le Président, je ne sais pas si on peut donner des devoirs à nos invités, mais, si jamais le Barreau réfléchissait sur cette question-là, je suis convaincu que les membres de la commission seraient heureux d'avoir l'opinion que vous pourriez avoir sur la réponse à cette question.

M. Gagnon (Pierre): Alors, on reviendra dans 15 jours.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Cusano): Merci, M. le député.

M. Gagnon (Pierre): Je demeure à Québec, de temps à autre, alors ça me permet de venir chez moi.

Le Président (M. Cusano): Alors, je cède maintenant la parole au député de Chicoutimi.

M. Bédard: Une question très rapide. Vous étiez là un peu plus tôt, j'ai posé la question... Une des recommandations de la Commission est de regrouper, de permettre de regrouper les plaintes, finalement, un peu comme... sous une forme que vous connaissez bien, celui des recours collectifs. Et certains nous ont émis des réserves. Vous avez entendu tantôt au niveau du Mouvement Desjardins, je vous dirais les assureurs aussi, et je vous avouerais que je suis convaincu que, si on avait d'autres entreprises, elles auraient peut-être ces mêmes réticences. Vous, comme juristes, est-ce que vous pensez qu'il est possible, effectivement, de permettre ces regroupements, mais dans les mêmes... je vous dirais encadré, un peu comme on le fait dans les types de recours qui sont de même nature, qui sont prévus dans les règles que nous connaissons? Est-ce que vous pensez que c'est pensable et réalisable de permettre le regroupement de ces demandes?

Le Président (M. Cusano): Me Gagnon.

M. Gagnon (Pierre): Je serais porté à vous demander la possibilité de répondre quand on reviendra pour l'autre question de tantôt, parce que je n'ai pas de réponse à cette question-là et je ne voudrais pas... Encore une fois, c'est quand même quelque chose d'assez important, alors, si vous permettez, on vous... On demandera à notre comité de vous faire part d'une réaction sur ce point-là également.

Le Président (M. Cusano): Alors, vous allez faire parvenir vos recommandations au secrétaire de la commission?

M. Bédard: On ne sera pas facturés, M. le bâtonnier?

M. Gagnon (Pierre): Absolument, M. le Président. Pardon?

M. Bédard: On ne sera pas facturés?

Le Président (M. Cusano): Non, non, il n'y a pas de facture ici.

M. Gagnon (Pierre): Non, non, non. Vous pouvez vous munir de l'assurance juridique, aussi, c'est très bon.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Cusano): Alors, sur ce, Me Masse, Me Sauvé, Me Gagnon, on vous remercie pour votre présentation. Et je vais suspendre pour quelques instants, pour permettre à nos prochains invités de prendre place.

(Suspension de la séance à 17 h 23)

(Reprise à 17 h 26)

Le Président (M. Cusano): Alors, nous reprenons nos travaux. À ce moment-ci, nous allons entendre les représentants du CEFRIO. Et je demanderais à nos invités qui ont bien pris place, pour les fins du Journal des débats, de bien vouloir s'identifier, s'il vous plaît.

Centre francophone d'informatisation
des organisations (CEFRIO)

Mme Charbonneau (Monique): Alors, M. le Président, Mmes, MM. les membres de la commission. Alors, je me présente d'abord, je suis Monique Charbonneau, présidente-directrice générale du CEFRIO, et j'ai le plaisir d'être accompagnée de trois personnes qui représentent... à ma droite, un membre de notre conseil d'administration, M. Robert Mantha, qui est vice-recteur exécutif et responsable des systèmes et technologies de l'information à l'Université Laval; Michel Audet, qui est directeur scientifique au CEFRIO et également professeur en relations industrielles à l'Université Laval; et Éric Lacroix, qui est directeur de Veille stratégique au CEFRIO.

Le Président (M. Cusano): Merci, Mme Charbonneau. Alors, vous disposez d'une période de 20 minutes pour faire votre présentation sur votre mémoire, et ce sera suivi d'un échange entre les membres de la commission et vous-mêmes. Alors, vous avez la parole dès maintenant.

Mme Charbonneau (Monique): Merci, M. le Président. Alors, le CEFRIO, c'est le Centre francophone d'informatisation des organisations, et nous sommes un organisme à but non lucratif qui réalise des travaux de veille et de recherche dans tout ce qui concerne l'appropriation des technologies de l'information autant par les entreprises privées que publiques. Nous travaillons avec un réseau de 40 chercheurs associés, qui sont tous des chercheurs universitaires de multiples disciplines, et en partenariat avec des membres qui sont au nombre de 145 et qui viennent autant du secteur public que privé.

Et le mémoire que nous vous présentons aujourd'hui s'inscrit plus particulièrement dans le cadre d'un vaste projet de recherche que nous menons actuellement sur les services électroniques pour les citoyens et les entreprises. Et donc, ce projet est dirigé actuellement par Michel Audet, qui est à ma gauche, et regroupe six chercheurs de cinq universités québécoises. Donc, c'est un vaste projet multidisciplinaire qui s'intéresse au gouvernement en ligne. Alors, c'est un sujet, je dirais, d'actualité.

Évidemment, je vais vous présenter une synthèse du mémoire, parce que dans une vingtaine de minutes je ne passerai pas à travers le document que nous avons remis. Mais je vais essayer d'en conserver les éléments essentiels par une brève introduction, ensuite quelques mots sur le contexte et les enjeux, pour arriver aux six recommandations.

Donc, la tenue de la consultation publique d'aujourd'hui constitue selon nous une bonne opportunité pour revoir et assouplir le cadre juridique en vigueur et surtout questionner son application actuelle. Il importe de constater qu'actuellement certains projets de téléservices publics au Québec souffrent d'une certaine rigidité avec laquelle la loi est actuellement interprétée et administrée, ce qui en bout de ligne risque d'avoir un impact sur les services électroniques offerts aux citoyens.

C'est donc dans ce contexte que nous présentons un mémoire et six recommandations qui visent d'une certaine façon à favoriser le déploiement du gouvernement en ligne, sans bien sûr remettre en question les acquis du Québec en matière de protection des renseignements personnels. Dans notre mémoire, nous avons opté pour une approche pragmatique. Donc, nous ne faisons pas une analyse juridique, ni économique, ni sociale, mais bien plutôt certaines propositions, un cadre général de référence dont pourraient, s'ils le souhaitent, s'inspirer les responsables de la révision du texte de loi.

n(17 h 30)n

Contexte et enjeux, d'abord. Les services électroniques évidemment prennent différentes formes. Vous avez entendu certaines autres présentations, dont celle de Guy Morneau, du comité des CSRI, en fait le Comité stratégique sur les ressources informationnelles, qui vous a parlé, je pense, de tout ce qui touche les services transactionnels au gouvernement du Québec où les enjeux sont importants. Il y a des services transactionnels entre un citoyen et un ministère, et on parle, par exemple, des déclarations de revenus, mais il y a également des services qu'on appelle services intégrés aux citoyens qui ont été déjà abordés par d'autres mémoires, comme je vous dis, entre autres le changement d'adresse, une trousse de démarrage d'entreprise et même le dossier patient informatisé dans le domaine de la santé, à titre d'exemples. Donc, j'aborderai trois points: les services intégrés pour les citoyens, l'identification, donc, de la personne et l'application actuelle de la loi.

En matière de services intégrés, on a réalisé, au CEFRIO, une enquête récemment avec 4 000 citoyens du Québec. C'est une vaste enquête où on leur demandait quels étaient leurs besoins en matière de services gouvernementaux en ligne, et ça nous permet de dégager un peu les principales attentes dans ce domaine. Selon l'enquête qu'on a appelée NetGouv, la très grande majorité des adultes qui ont déjà utilisé Internet ? on parle de 83 %, soit environ 3 millions de Québécois et Québécoises ? considèrent qu'il est tout à fait ou plutôt prioritaire que le gouvernement québécois mette en place un guichet unique de changement d'adresse pour les ministères et organismes. Comme la mise en oeuvre de tels services intégrés implique le partage de données personnelles entre différents ministères et organismes, nous pensons que... l'intérêt des citoyens et des entreprises pour de tels services nous porte à croire, d'une certaine façon, qu'on peut faire l'hypothèse que les bénéfices perçus semblent plus importants que d'éventuelles craintes relatives à la protection des renseignements personnels.

Le gouvernement du Québec aussi jouit d'une très bonne cote de popularité et de confiance, je dirais, auprès de sa population, parce qu'on parle de 67 % des adultes québécois qui ont déjà utilisé Internet qui considèrent, et là je cite, «avoir confiance que le gouvernement a la capacité d'offrir des services transactionnels sur Internet en toute confidentialité». À titre comparatif, notons que seulement 29 % des Québécois considèrent que les achats par carte de crédit sur Internet sont très ou assez sécuritaires. Donc, 29 % par rapport à 67 %, lorsqu'on parle du gouvernement en ligne, en termes de confiance.

Si on aborde l'identification pour l'obtention d'un service, nous pensons que la question de l'identification est aussi fondamentale à cette prestation de services électroniques transactionnels. À court et moyen terme, la question va se poser: Est-ce qu'il est préférable d'obtenir une certification numérique d'identité pour chaque service gouvernemental ou est-ce qu'un identifiant unique pourra permettre l'accès à tous les services?

Il apparaît, encore une fois, que la majorité des Québécois, et même des Canadiens dans ce cas, sont favorables à une mesure unique d'identification leur permettant l'accès aux services gouvernementaux. En 1999, l'Institut de la statistique du Québec révélait que trois Québécois sur quatre, on parle de 76 %, seraient favorables à ce qu'il y ait une seule carte ou pièce d'identité donnant accès à l'ensemble des services du gouvernement du Québec. Dans la même veine, un sondage plus récent, donc en 2003, auprès de 3 000 citoyens canadiens révélait que 67 % d'entre eux seraient favorables à la mise en oeuvre d'une carte d'identité nationale obligatoire où figureraient des données biométriques. Au Québec, toujours selon ce même sondage, cette proposition obtient l'appui de 80 % de la population, la plus forte proportion parmi l'ensemble des provinces canadiennes.

Comme je vous le mentionnais en introduction, l'interprétation et l'application actuelles de la loi par la Commission d'accès à l'information semblent aller, à notre sens, au-delà du texte de loi lui-même. Et là le CEFRIO, on n'est pas les seuls à émettre ce constat, je pense, et nous nous référons au chercheur Pierrôt Péladeau du Centre de bioéthique de l'Institut de recherches cliniques de Montréal, et je le cite, où il dit: «La comparaison avec d'autres provinces et pays semble indiquer que ce serait moins la loi québécoise qui serait rigide que son administration. Il faut aussi se demander si cette apparente rigidité n'a pas aussi pour cause le fait qu'on ait investi la protection des renseignements personnels de missions qu'elle n'est pas en mesure de remplir, telle la protection des citoyens contre diverses formes d'abus de pouvoir ou contrôle social spontanément assimilés à des invasions dans la vie privée.» Fin de la citation.

Raymond Doray également, je pense, qui a présenté un mémoire, avocat associé au cabinet Lavery, de Billy, abonde dans ce sens, et je pense que vous connaissez son étude.

Notons qu'en France ? et je pense que c'est important de le dire ? en France, la Commission nationale de l'informatique et des libertés affirme faire preuve de plus de souplesse dans son interprétation législative. Assez récemment, le président de cette Commission, M. Gentot, et son vice-président, Marcel Pinet, ont rappelé, à de multiples occasions, et je cite: «Le développement des téléservices, dès lors qu'ils peuvent permettre de simplifier les démarches administratives et de rapprocher le citoyen de son administration, ne peut que rencontrer la faveur de la CNIL.» Fin de la citation. Et là c'est la Commission d'accès... pardon, la Commission nationale de l'informatique et des libertés, en France, qui parle.

Donc, à la lumière de l'examen de ces trois éléments de contexte fondamentaux ? un, la transformation naturelle de l'administration publique québécoise vers le gouvernement en ligne, on ne peut pas y échapper, je pense que tous les États modernes se dirigent vers cela; les besoins et attentes des citoyens qui vont grandissant parce qu'ils voient eux-mêmes d'autres services électroniques dans d'autres domaines; et le constat selon lequel l'interprétation de la loi doit être assouplie ? le CEFRIO formule donc ces six recommandations qui s'appuient sur le principe de base: le meilleur intérêt de la majorité des citoyens du Québec doit primer.

Donc, la première recommandation. Le cadre juridique devrait partager les actuelles responsabilités de la Commission d'accès à l'information en matière de protection des renseignements personnels entre des organismes distincts. Cette première recommandation nous semble assez fondamentale et représente l'assise de ce mémoire. En effet, en amont même du cadre juridique et de son éventuel assouplissement, la nécessité de partager les responsabilités en matière de protection des renseignements personnels nous apparaît tout à fait prioritaire pour le développement d'une nouvelle culture de protection, toujours dans le meilleur intérêt des citoyens du Québec.

À titre de membres de la commission, vous savez que le législateur a confié trois fonctions à la Commission d'accès à l'information: adjudication au Tribunal administratif, surveillance et contrôle ainsi que conseil. Pour faciliter la mise en place du gouvernement électronique, le partage de ces responsabilités à des organismes distincts paraît une solution à envisager. Dans le cadre d'une première hypothèse, la fonction d'adjudication ? mais là on parle à titre d'exemple ? pourrait être confiée au Tribunal des droits de la personne, la fonction conseil au ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration alors que la Commission d'accès à l'information pourrait jouer pleinement son rôle de surveillance et de contrôle.

Deuxième recommandation. Le cadre juridique devrait permettre et encadrer la circulation des renseignements personnels entre les différents ministères et organismes impliqués dans la prestation de services intégrés ? on parle quelquefois de grades de service; et Guy Morneau parlait, par exemple, de services tels que préparation à la retraite; on a parlé tantôt de changement d'adresse. Dans cette optique, une entente spécifique devrait décrire les responsabilités de chacun en matière de protection des renseignements personnels. Si l'encadrement juridique québécois permet ce type d'échange, actuellement son application par la Commission d'accès à l'information s'avère nettement plus restrictive.

En s'appuyant sur le mémoire du Comité stratégique sur les ressources informationnelles, le CSRI, qui dit aménager des espaces de circulation des renseignements personnels, pas de l'interconnexion de fichiers, ces espaces, selon des balises et des conditions appropriées aux enjeux de la protection de la vie privée et également les informations communiquées aux citoyens, donc dans une approche de communication qui est extrêmement importante, par souci de transparence évidement... Il y a également la SOQIBS, qui est la Société québécoise sur l'informatique biomédicale et la santé, qui formulait une recommandation semblable, qui semble fort intéressante, où elle propose de reconnaître des réseaux intégrés de services comme des entités à l'intérieur desquelles la circulation de l'information serait autorisée tout en étant balisée toujours par les principes de protection des renseignements personnels reconnus.

Troisième recommandation. Sans nécessairement établir ou reconnaître un mécanisme unique de certification de l'identité, le cadre juridique devrait prévoir, à notre avis, l'éventualité de la mutualisation de la fonction d'identification. Cette question de l'identification constitue une condition essentielle pour des transactions électroniques. On doit donc se poser la question: Est-ce que la multiplication des services électroniques gouvernementaux doit amener la multiplication des certificats numériques d'identité? D'après les récentes enquêtes, il semble qu'une telle situation ne reflète pas nécessairement la volonté de la majorité des citoyens du Québec.

Sans accorder une caution automatique à l'établissement d'un identifiant électronique unique, le CEFRIO recommande que le cadre juridique et son application ne ferment pas la porte à cette éventualité. Nous prônons une approche progressiste qui consisterait d'abord à mutualiser la fonction d'identification pour les services intégrés au moment où ceux-ci deviendront disponibles. Éventuellement, par contre, en fonction de l'évolution de l'offre de service électronique gouvernementale et surtout les attentes de la population, il ne faudrait pas exclure cette voix de l'identifiant unique. Donc, sans donner carte blanche d'emblée à ce processus, ce qui pourrait affaiblir certains mécanismes de protection établis, le cadre juridique ne devrait pas y opposer un frein définitif.

n(17 h 40)n

Quatrième recommandation. Le cadre juridique devrait conduire les différents ministères et organismes québécois à mettre en oeuvre des principes de gestion et de sécurité adaptés aux enjeux associés ? c'est important, là ? adaptés aux enjeux associés aux divers contextes d'utilisation des renseignements personnels qu'ils recueillent et conservent. Nous proposons donc une approche un peu plus contingente qui sache moduler la protection en fonction des enjeux et du niveau de risque associé aux renseignements personnels. Il importe de tenir compte tant du contexte d'utilisation de l'information transmise par les citoyens, sans évidemment ignorer la vulnérabilité particulière de certains groupes de citoyens, mais autant donc le contexte d'utilisation que la nature des services qui seront rendus.

Cinquième recommandation. Lorsque les enjeux le justifient, l'obtention du consentement du citoyen devrait demeurer une condition essentielle à l'utilisation des renseignements personnels. Encore une fois, comme membres de la commission, vous savez que, lorsqu'il est question des missions formelles des organismes publics, l'utilisation ou la communication de renseignements personnels sont régies par différentes réglementations et ententes législatives qui ont préséance sur le consentement du citoyen. La notion de nécessité l'emporte alors sur le consentement. Actuellement, lorsqu'il est question d'offrir des services intégrés à haute valeur ajoutée aux citoyens, services qui ne relèvent pas directement de la mission des organismes impliqués, cette notion de nécessité cesse de s'appliquer, il devient donc essentiel d'obtenir le consentement du citoyen.

Nous recommandons que le cadre juridique continue de respecter ce principe, tout en faisant preuve de souplesse dans son application. Ainsi, la nécessité pourrait être évaluée en fonction du meilleur intérêt du citoyen et des enjeux associés aux renseignements personnels plutôt que strictement en fonction de la mission des organismes impliqués. Évidemment, lorsque la notion de nécessité ne pourra être clairement établie, les organismes devront dans ce cas recourir au consentement.

Sixième recommandation. Le nouveau cadre juridique devrait prévoir un mécanisme permettant aux citoyens qui se prévalent de différents services en ligne d'avoir accès aux dossiers les concernant. Le cadre juridique actuel permet à un citoyen de s'adresser à un organisme public pour consulter et corriger les renseignements personnels le concernant. Le nouveau cadre juridique devrait s'assurer qu'un recours semblable soit prévu pour accéder aux renseignements personnels utilisés par plusieurs organismes pour la prestation de services en ligne intégrés.

En conclusion, et après avoir pris connaissance de nombreux mémoires et avoir surtout écouté aussi plusieurs des présentations qui ont été faites, par les débats télévisés, je me permettrais de soumettre une septième recommandation mais plutôt sous forme de question, et voici: Est-ce que les membres de la commission parlementaire seraient ouverts à tenir un débat global élargi, donc en commission élargie, débat sur la protection des renseignements personnels dans le cadre du déploiement du gouvernement électronique? Nous pensons que c'est extrêmement important, d'une part, d'améliorer les services aux citoyens et aux entreprises, puisque c'est un enjeu majeur pour le Québec, qu'il est aussi important de protéger les renseignements personnels, mais qu'actuellement il y a une certaine dichotomie entre ces deux problématiques, et il serait fort intéressant d'en débattre un peu plus longuement. Je vous remercie de nous avoir permis de vous présenter ce mémoire.

Le Président (M. Cusano): Merci, Mme Charbonneau. Je peux vous dire que, en ce qui concerne les membres de la commission, nous allons certainement passer beaucoup de temps à étudier et discuter de tous les rapports qui ont été soumis, et, à ce moment-là, on regardera la possibilité d'un débat plus généralisé. Alors, deuxième... J'avais une petite question. Vous avez cité un sondage que vous avez fait, que vous avez... Est-ce que ce serait trop vous demander de nous le fournir, si c'est possible?

Mme Charbonneau (Monique): Ça nous fera plaisir de vous le remettre à la fin.

Le Président (M. Cusano): Merci beaucoup. Alors, maintenant, je cède la parole à Mme la ministre.

Mme Courchesne: Alors, merci, M. le Président. Mme Charbonneau, M. Lacroix, M. Audet, M. Mantha, je vous souhaite la plus cordiale bienvenue, mais je vous remercie sincèrement d'être avec nous, surtout à une heure aussi tardive, par une journée on ne peut plus... et une semaine on ne peut plus pluvieuse. Mais je peux vous assurer que ça n'influence pas l'intérêt que nous avons dans ce débat-là.

D'abord, je veux vous dire plusieurs choses en introduction, rapidement. Votre titre est excellent: Pour une nouvelle culture de protection des renseignements personnels, dans le meilleur intérêt des citoyens du Québec. Je dois vous dire que ce titre-là résume énormément bien la teneur ou, en tout cas, nos préoccupations et certainement l'orientation qu'on veut donner à la suite de nos travaux tant d'un point de vue législatif que d'un point de vue d'un gouvernement en ligne. Ça, je pense que c'est à retenir.

L'autre aspect que je trouve plus qu'intéressant, c'est que vous avez su, dans votre mémoire, faire un esprit de synthèse très clair, très précis, court, mais certainement efficace, et vous touchez bien sûr une orientation gouvernementale, vous l'avez mentionné, qui, à mon avis, est absolument incontournable, qui est l'implantation de ce gouvernement en ligne. Je pense que, dans un Québec moderne, nous ne pouvons passer à côté. Je vous dirais peut-être même qu'on a un certain retard, tant qu'à moi, quant à l'implantation de ce gouvernement en ligne.

Et, Mme Charbonneau, je vous ferais un court rappel. Peut-être que vous ne vous en rappelez pas, mais à peu près au début des années quatre-vingt-dix, nos chemins se sont croisés autour de la table des grappes industrielles pour laquelle on avait demandé justement, au niveau du ministère de la Culture, à notre collègue de l'Industrie et Commerce de s'assurer qu'il y avait une table à la fois sur le multimédia mais qu'il y avait une table aussi sur les nouvelles technologies, et vous en faisiez partie. Et, à ce moment-là, écoutez, là, c'était, je me rappellerai toujours, la première fois où on était tous réunis puis on a eu accès à Internet, où quelqu'un nous a expliqué ce qu'était Internet. Ça ne fait pas des lunes de ça, là. C'est en 1991, 1992, si ce n'est pas 1993, parce que j'étais là, moi, jusqu'en 1995. Et aujourd'hui je regarde ça, 10 ans plus tard, 12 ans plus tard, puis vous nous parlez aujourd'hui de ça. Je dois vous dire que j'ai un profond respect pour les travaux du CEFRIO, parce que je sais d'où nous sommes partis il y a si longtemps.

Je voudrais revenir ? et je tiens à vous féliciter puis je tiens à le dire publiquement ? je voudrais revenir à vos recommandations, cela dit. Ce que je crois comprendre à la recommandation 2, là ? et je serai rapide et brève ? vous rejoignez un peu l'étude de Pierre Trudel, vous rejoignez un peu l'étude de Pierre Trudel, je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de la lire, mais un peu dans cette façon d'intégrer les services et de donner l'accès. Vous dites, au fond: Il faut faire une entente entre l'usager et l'organisme ou le ministère, une entente d'utilisation du renseignement et une entente sur la responsabilité de chacun sur le niveau de confidentialité aussi et comment circule cette information qui me concerne ou qui concerne le citoyen.

Par contre, là où vous ajoutez une dimension et pour laquelle je voudrais vraiment plus de précisions, c'est sur le mécanisme unique de certification de l'identité. Ça, ma question, c'est: Est-ce que c'est techniquement facile d'application? Est-ce qu'il faut... Est-ce que cette technique d'identification, et par rapport à l'ensemble de mon dossier qui se retrouve au gouvernement dans différents ministères, est-ce que c'est la forme d'un NIP? Est-ce que c'est la forme d'un consentement plus élargi? Est-ce que c'est quelque chose qui reste sur une base permanente? Est-ce que c'est comme une utilisation que je garderai tout le temps, à chaque année où... que je veux faire affaire avec les différents organismes? J'aimerais que vous m'apportiez des précisions par rapport aussi à notre capacité d'implanter un tel mécanisme de façon simple, et rapide, et efficace.

Le Président (M. Cusano): Mme Charbonneau.

Mme Charbonneau (Monique): Mme la ministre, M. le Président, n'ayant pas un profil technologique personnellement, je l'aborderai peut-être d'une façon un petit peu différente en présentant ce que la France... ou ce que le gouvernement Raffarin, je devrais dire, propose actuellement, qui me semble assez intéressant comme approche. Le gouvernement Raffarin a décidé qu'il y aurait trois cartes, donc trois types d'identification dans ce cas-ci, donc trois cartes qui permettraient aux citoyens de communiquer et d'avoir des services transactionnels de l'État: une première carte qui est une carte d'identité nationale, donc beaucoup plus sécuritaire, d'une certaine façon, et c'est à un niveau du ministère de la Défense, je pense...

Une voix: De l'Intérieur.

n(17 h 50)n

Mme Charbonneau (Monique): ...de l'Intérieur, pardon, de l'Intérieur effectivement; une seconde qui est plus la carte santé, donc Vitale; et une troisième qui est nouvelle, que je n'avais pas vue encore dans aucune autre juridiction, qui est une carte de la vie quotidienne qui permet aux citoyens d'avoir accès à un certain nombre de services de proximité. Et, dans ce cas-là, ce qu'il recommande comme opérationnalisation, c'est de faire en sorte que le citoyen pourra donc choisir lui-même s'il veut séparer ses renseignements: identité, santé et pour les services réguliers du gouvernement, ou s'il souhaite utiliser une de ses trois cartes comme identifiant unique. Je trouvais que c'était assez original comme approche, parce que la question que vous posez est fondamentale, et c'est sûr qu'un NIP à la Desjardins, ou à la Banque nationale, ou à une institution financière, c'est une chose; un NIP gouvernemental, c'est autre chose.

Alors, je n'ai pas une réponse définitive, mais il y a des modèles intéressants, et peut-être que certains de mes collègues, s'ils veulent compléter sur le plan plus technologique... Mais, personnellement, je pense que ce n'est pas un enjeu technologique. Actuellement, c'est plus un enjeu de société: qu'est-ce qu'on veut choisir et jusqu'où les citoyens sont prêts à aller en matière d'identifiant unique actuellement?

Mme Courchesne: Sauf que ce que je comprends, c'est que vous allez un peu dans la voie de mon collègue fédéral, qui propose une carte nationale d'identité pour laquelle il y a énormément de critiques, et de craintes, et de réserves. J'ai été la première d'ailleurs à faire publiquement des réserves importantes par rapport à cette carte nationale qui contient toutes sortes d'informations. Et le problème que ça pose, c'est l'utilisation des données qui seront colligées sur cette carte-là. Je me méfie un peu de tout ce qui est très, très globalisateur et englobalisant. Et aussi ça pose le défi du coût de l'implantation de cette carte-là, qui est évaluée à des sommes assez faramineuses. Je veux juste savoir si vous vous rapprochez. C'est un peu ça que vous nous suggérez.

Le Président (M. Cusano): M. Mantha, vous avez un complément de réponse?

M. Mantha (Robert W.): Oui. Simplement pour indiquer que ce n'est pas tellement la carte qui contient de l'information, mais on parle bien d'identifier le citoyen, et les données sont dans les ordinateurs du gouvernement. O.K. Mais c'est une question d'identifier le citoyen, et c'est l'authentification dont on parle ici et non pas nécessairement le...

Mme Courchesne: Mais vous vous rapprochez de cette position-là. C'est ça?

Mme Charbonneau (Monique): C'est-à-dire qu'on cherche une solution qui serait adaptée à la réalité d'aujourd'hui sans nécessairement briser certaines contingences, je dirais, de la confidentialité et des renseignements personnels, je veux dire, d'une façon.

Mme Courchesne: On aura peut-être l'occasion d'aller pousser plus loin sur cette question d'identité. Je comprends qu'elle est fondamentale. Moi, je pensais que, peut-être, avoir ce contrat, comme utilisateur, entre le citoyen et les organismes auxquels on s'adresse pouvait être suffisant dans un réseau d'organismes qui ont besoin d'informations similaires sur mon dossier.

Mais, cela dit, je veux revenir parce qu'il y a d'autres aspects que je voudrais aborder. Vous dites, dans la recommandation 4, par ailleurs, qu'on devrait mettre des principes de gestion et de sécurité qui seraient adaptés aux enjeux associés aux divers contextes d'utilisation. Dans cette même foulée, vous dites: Le consentement de l'individu, au fond, sera aussi nécessaire uniquement dépendant des enjeux qui sont associés. Ça fait que je rejoins un peu les deux, sauf que qui va définir les risques et les enjeux, qui va établir l'évaluation sur le fait que c'est un enjeu tellement important sur le respect de ma vie privée que ça nécessite ou ne nécessite pas mon consentement? Est-ce que vous allez y aller par grands secteurs? Par exemple, tout ce qui serait relatif à la santé ou tout ce qui serait relatif à mon revenu, à notre revenu ou à notre relation fiscale avec le gouvernement serait là aussi? Qui et comment on va évaluer ces risques, ces enjeux et ces nécessités, tant dans l'autorisation que dans les mécanismes de sécurité qu'on devrait déployer pour s'assurer que notre droit fondamental de vie privée est respecté?

Le Président (M. Cusano): La parole est à vous, Mme Charbonneau.

Mme Charbonneau (Monique): D'accord. Je voulais permettre à mes collègues de s'exprimer également. Je pense que... Qui d'autre dans le domaine de la santé est mieux placé que le ministère qui a cette responsabilité-là? Qui d'autre que, par exemple pour la préparation à la retraite où on voudrait, par exemple, offrir un service beaucoup plus pertinent à des gens qui veulent préparer leur retraite, que l'organisme responsable de cette fonction pourrait le faire? Alors, la question est peut-être de se poser toujours, au moins, qui, au gouvernement ou dans les réseaux, donc dans le domaine de la santé également, est le mieux placé pour répondre à ces questions-là.

Et je crois que, en revenant toujours à la France, ce qu'ils ont, d'une certaine façon, décidé, c'est de séparer, pour le moment en tout cas, en trois lieux et places cette responsabilité-là, donc des services plus de type proximité ou des services plus de type... traditionnellement, je dirais, moins stratégique, des services de type plus santé, et toute la partie de l'identité, donc le passeport, parce que, évidemment, dans un pays, il y a aussi toute cette notion-là.

Je pense que c'est là qui est la question. Ça ne doit pas, en tout cas, être concentré dans une seule entité. C'est un peu ça, le propos de notre mémoire. Il doit y avoir un certain partage des responsabilités, et ensuite on verra, selon l'évolution des services électroniques, selon les capacités aussi des citoyens à accepter cette façon de faire, et je pense qu'il faut... et on s'adaptera.

Mme Courchesne: Ce que vous dites, c'est que chaque organisme ou chaque ministère... Ça revient un peu à la recommandation 2, d'une certaine façon, où là on établit, entre l'utilisateur, l'usager ou le citoyen et les organismes, les niveaux: est-ce que ça prend le consentement, où sera la confidentialité et jusqu'où ira la transmission des données qui me concernent. Ce qui ne me rassure pas, c'est le mécanisme de sécurité qui doit être déployé par ailleurs. Ce que je veux dire, c'est que je pense que... il me semble qu'on ne peut pas avoir plusieurs niveaux de sécurité. Et là je ne fais pas référence uniquement aux ordinateurs. Pour moi, ce n'est pas uniquement une question de fichiers, c'est une question de qui utilise l'information, pourquoi et à quelles fins. Et la sécurité, pour moi, c'est ce que ça veut dire, au-delà de la technologie.

Donc, je trouverais ça complexe par ailleurs qu'on ne se donne pas des mécanismes de sécurité relativement élevés et uniformes à l'ensemble d'un gouvernement. Sinon, on ne sera pas capable d'établir la relation de confiance entre le citoyen et l'État. Ça va être difficile, à mon avis.

Le Président (M. Cusano): Oui?

M. Audet (Michel): Peut-être un complément d'information.

Le Président (M. Cusano): C'est M. Audet, n'est-ce pas?

M. Audet (Michel): Oui, j'ai un nom célèbre, M. le Président. Dans la recherche que l'on mène et les recherches que l'on a menées, on s'est butés beaucoup sur quels devaient être les standards de sécurité et est-ce qu'ils devraient être partagés par l'ensemble des ministères et organismes qui donnent des services. Il y a des services qui sont davantage ce qu'on appelle dans les stades de maturité d'ordre informationnel; il y a des services qui sont d'ordre interactionnel; il y a des services qui sont d'ordre transactionnel, et, dans les services d'ordre transactionnel, vous pouvez avoir un permis de pêche, un rapport d'impôts ou encore une radiographie sur votre état des poumons qui va être transmise entre un laboratoire et votre médecin.

Et, dans le fond, ce qu'on dit, c'est: C'est impossible de penser qu'on va avoir des normes de sécurité qui vont être standardisées et partagées. On doit essayer de moduler davantage des niveaux de sécurité en fonction de la nature des services qui vont être offerts aux citoyens, dans un contexte aussi où est-ce que les services sont évolutifs, dans le sens que... Exemple, en santé, il y a un premier service qui pourra être strictement informationnel, vous savez que les Québécois veulent beaucoup avoir d'information sur la santé par rapport, entre autres, à Internet, mais qui, éventuellement, il pourra davantage être interactionnel, c'est-à-dire en interaction avec un professionnel de la santé, pour aller éventuellement jusqu'à un service davantage transactionnel, soit de renouvellement de médicaments, de prescriptions par un médecin, etc. C'est un principe beaucoup de modulation et de flexibilité.

Je rajouterais aussi comme principe par rapport à qui devra faire peut-être les arbitrages, donner les balises, encadrer: Dans le monde occidental, il y a plusieurs façons de structurer un gouvernement en ligne. Il y a, je vous dirais, le nec plus ultra qu'on appelle la structure du «e-minister», c'est-à-dire qu'il y a une instance gouvernementale qui prend charge de tout le phénomène du gouvernement en ligne. Il y a des déclinaisons de ça chez nos voisins de l'Est, c'est-à-dire, exemple, au Nouveau-Brunswick, avec Services Nouveau-Brunswick, qui a pris en charge à la fois au comptoir mais à la fois de façon virtuelle l'ensemble du portefeuille de services qui s'en va en ligne pour les citoyens du Nouveau-Brunswick.

n(18 heures)n

Il y a d'autres structures qui sont un peu moins autonomes, qui sont la structure du Chief Information Officer et où est-ce qu'on a au moins, exemple, comme au gouvernement fédéral, un certain leadership fort et du partage de responsabilités qui ne fait pas de confusion parmi l'ensemble des intervenants gouvernementaux. Et ici, effectivement, on vit une restructuration administrative importante en matière de gouvernement électronique, mais il y a un choix stratégique à faire aussi par rapport à jusqu'où on doit relever le niveau d'imputabilité, de responsabilité à la fois administrative, à la fois politique aussi.

Le Président (M. Cusano): Merci, M. Audet. Je dois maintenant céder la parole au député de Berthier. On va certainement revenir. M. le député de Berthier.

M. Bourdeau: Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, mesdames, messieurs. Il me fait plaisir d'être avec vous aujourd'hui, surtout que vous tombez pile dans mon dossier, qui m'est attribué en tant que porte-parole officiel de l'opposition en matière d'autoroute de l'information. Ça me fait un grand plaisir d'être avec vous. J'ai beaucoup, beaucoup de questions, si je peux avoir le temps de faire la...

Le Président (M. Cusano): ...M. le député.

M. Bourdeau: Merci. Merci, M. le Président. Première question. Parce que, dans ce domaine-là, vous parlez beaucoup du gouvernement en ligne, et présentement, en tout cas dans mon esprit, et j'ai vu aussi le député de... M. Gautrin, député de...

Le Président (M. Cusano): Verdun.

M. Bourdeau: ...Verdun ? merci ? qui a fait une intervention par rapport au gouvernement en ligne, ce n'est pas clair encore. J'aimerais ça savoir votre opinion par rapport: Qu'est-ce qu'est pour vous un gouvernement en ligne?

Mme Charbonneau (Monique): Michel.

M. Audet (Michel): Bien, donne la réponse officielle de l'Office de la langue française.

Mme Charbonneau (Monique): C'est ce que j'allais dire. Nous avons fait une recherche ? c'est un peu amusant, là ? récemment, pour aller voir à l'Office de la langue française justement comment ils définissaient le gouvernement en ligne, et il y a de multiples synonymes: l'administration électronique, les téléservices publics, le cybergouvernement, etc., et, à la fin, on finit par donner un commentaire, et c'est assez intéressant, pour dire que finalement la définition n'est pas encore totalement circonscrite, puisque, dépendant si on s'adresse du côté américain, français, québécois, canadien, etc., il y a comme une espèce de large vision de cette problématique. Mais je laisserais Michel, qui dirige ce projet, peut-être aborder, là, d'une certaine façon, pour nous, qu'est-ce que ça représente, le gouvernement en ligne ou le gouvernement électronique. Je pense que...

Le Président (M. Cusano): M. Audet.

M. Audet (Michel): Nous, on a circonscrit ça beaucoup autour de l'ensemble du portefeuille des services publics qui est donné aux citoyens et on ne travaille pas, dans le cadre spécifique de nos travaux, présentement, sur le gouvernement électronique, sur le phénomène de la «e-democracy», c'est-à-dire la démocratie électronique. Je sais que M. Gautrin en a fait allusion, il parlait de l'expérience de Markham, en Ontario. Et on sait aussi, chez nos voisins du Sud, ce qu'a donné la boîte de vote électronique, là, à travers les années. Mais ce côté-là de la démocratie électronique, on l'a volontairement mis de côté.

Par contre, je dois vous avouer qu'il y a un paquet d'expériences, en Europe et aux États-Unis, très intéressantes sur la place que le citoyen peut occuper dans l'espace du gouvernement électronique pour influencer les preneurs de décision à la fois administratifs mais aussi beaucoup politiques. On a ici des exemples, là, de beaucoup de forums et de courriels qui ont circulé par rapport, entre autres, au phénomène des garderies à 5 $. Il y a beaucoup de forums publics sur la protection de l'environnement en Europe, sur le Web. Il y a beaucoup de forums publics sur l'agriculture, l'environnement également aux États-Unis. De sorte que ça devient aussi un outil important de consultation publique comme telle.

Mais, nous, pour les fins de nos travaux, on se préoccupe davantage des services en ligne. Dans les services en ligne, je vous disais tout à l'heure, il existe un certain nombre de niveaux de maturité. C'est-à-dire, il y a des services qui sont strictement informationnels, le citoyen ne voudra jamais aller plus loin, et ce sont.. Exemple, je veux savoir carrément... Et le service qui est le plus demandé, c'est: Quelles sont les heures d'ouverture du bureau où je peux me présenter au gouvernement pour avoir un service, par exemple? Donc, il y a des services strictement informationnels.

Il y a des services interactionnels, où je peux interagir avec un fonctionnaire de l'État, où je peux avoir des réponses à mes interrogations, donc actifs. Il y a des services transactionnels, où je peux avoir une déclaration, une certification, une permission, un permis, je peux même faire circuler de l'argent sur le Web avec le gouvernement, exemple au niveau de l'impôt. Et ce qu'on appelle au bout de la ligne, là, aussi, les services plus transformationnels, c'est-à-dire, je ne sais pas, moi, exemple, comme Emploi-Québec qui a un service de placement en ligne et un service d'information du marché du travail en ligne. Éventuellement, pourquoi ne pas être capable, par les bienfaits de la technologie, de provoquer, ce que je vous dirais, la convergence des services d'emploi qui touchent à la fois les entreprises et à la fois les chercheurs d'ouvrage, et les employés potentiels, et les gens de la population active à l'intérieur d'un ministère?

Il y a un deuxième niveau, qui est bien important, c'est les services intégrés. Et, quand on parle de services intégrés, on parle de grappe de services, on parle de bouquet de services, on parle de services qui sont intégrés dans ce que l'on appelle l'arrière-boutique pour des catégories de citoyens. Vous avez peut-être comme moi saisi l'opportunité de lire le dernier rapport de M. Dutil sur l'allégement réglementaire et administratif, c'est écrit noir sur blanc que le Québec doit avancer beaucoup par rapport aux services intégrés que l'on doit donner aux entrepreneurs québécois, principalement aux petites et moyennes entreprises, pour leur faciliter la tâche dans la façon de faire des affaires au Québec et à l'extérieur du Québec.

Donc, il y a des services intégrés soit pour les entreprises, soit pour les citoyens, soit pour les travailleurs autonomes, et ces services intégrés là demandent la possibilité d'avoir des identifiants qui se parlent, la reconnaissance de l'individu qui veut entrer en contact avec le gouvernement, des informations. Exemple: M. Morneau vous a fait la démonstration de son outil de simulation sur la rente où est-ce qu'on va avoir des informations de la CARRA, des informations de la Régie de rentes, du gouvernement fédéral, des régimes de pension privés, des institutions financières, etc. Donc, la nouvelle génération de services en ligne qu'on voit poindre dans tout le monde occidental, c'est cette génération de services là qu'on appelle la génération des services intégrés.

Et, dans tous les travaux que l'on fait, je dois vous avouer que sur ce point le Québec accuse un retard relativement important, parce qu'on a une culture de silo. Et, quand je vous cite strictement le guide d'interprétation de la loi à l'intention des ministères, de la Commission d'accès à l'information, on y dit que le cloisonnement administratif des organismes détenant ces mêmes renseignements représente les meilleurs gages de confidentialité. On est à des lunes de la possibilité d'avoir des services intégrés pour des catégories de citoyens ou d'entreprises au Québec.

Donc, nous, ce qu'on essaie de travailler beaucoup, c'est comment est-ce qu'on peut faire pour aider le gouvernement du Québec et la société québécoise de passer à la deuxième vitesse par rapport aux services intégrés. Et, là-dessus, il y a des problématiques reliées aux conventions comptables au gouvernement du Québec, aux pratiques de gestion budgétaire, aux pratiques de gestion des ressources humaines, aux pratiques reliées à tout ce qui découle de la Loi sur l'administration publique, la réforme de l'administration publique d'il y a deux ans, et, bien entendu, un os important par rapport à la protection des renseignements personnels et l'accès à l'information.

Le Président (M. Cusano): Merci, M. Audet. M. le député.

M. Bourdeau: Oui. Merci de votre explication. Ça met plus en perspective exactement dans quel côté, là... en ligne, parce que, présentement... en tout cas, ce n'est pas l'écho que j'avais de mon côté. Vous parliez aussi tout à l'heure... Bon. Vous donnez beaucoup... l'exemple de la France, avec les trois cartes, exemple intéressant, mais, je vous dirais, il y a une grosse différence entre la France et nous: ils sont un État souverain, ce qui fait une différence au niveau de la carte nationale. Parce que le problème de la carte nationale, ici aussi, ça peut choquer. Parce que vous dites, dans votre étude que vous avez faite, que 80 % des Québécois sont d'accord, mais, si je me souviens bien, c'était dans le cadre d'une carte nationale au Québec, pas canadienne, mais au Québec, si je me souviens bien. Est-ce que c'est ça?

M. Lacroix (Éric): Juste un complément d'information. C'est un sondage d'Ekos Research qu'on citait à ce moment-là, d'autres chiffres venaient d'une autre, celui-là vient d'Ekos Research, puis c'est 3 000 Canadiens qui ont été interrogés.

M. Bourdeau: O.K., celle-là, plus tard. O.K., c'est bon. Merci. Parce qu'il y a quelque chose, peut-être, qu'il serait intéressant de regarder, et je veux vous entendre là-dessus: Est-ce qu'on pourrait, par l'implantation de la carte santé, faire en sorte... Parce que la carte santé, ça a été démontré, là, il y a un rapport qui vient d'être déposé, là, que c'est plus profitable, que ça n'a de coût au bout de la ligne. Est-ce que vous pensez que, par l'implantation de la carte santé, on pourrait arriver à avoir une sécurité et avoir cette carte d'identification là, par la carte santé, pour identifier les gens au niveau des services?

Le Président (M. Cusano): Mme Charbonneau. Ou quelqu'un d'autre.

Mme Charbonneau (Monique): En fait, c'est une bonne question, mais je pense, encore une fois, que c'est une question de débat, comme Mme la ministre d'ailleurs mentionnait. Actuellement, là, nous sommes dans une province et il y a un pays, et le pays s'intéresse à la partie identité également. Donc, c'est sûr que la comparaison est un petit peu boiteuse si on compare le Québec à la France. Ce n'était pas... mon intention, ce n'était pas de comparer le Québec à la France, mais tout simplement de mentionner que, effectivement, dans ce cas-là, il y a trois niveaux de responsabilité. Dans notre cas, effectivement, le Québec a la carte santé. Mais, si on demande au citoyen: Est-ce que votre carte...

M. Bourdeau: La carte santé n'existe pas encore, la carte santé...

Mme Charbonneau (Monique): Enfin, carte santé, disons que, si on demandait ? je devrais dire plutôt le «si», là ? ...

M. Bourdeau: C'est ça. O.K. Excusez.

Mme Charbonneau (Monique): ...mais, actuellement, si on demandait au citoyen s'il accepterait que sa carte santé serve pour certains services dont Michel parlait tantôt, dont M. Audet parlait tantôt... Donc, c'est quelque chose qu'il faut vérifier, je crois, beaucoup et s'assurer qu'il y a une adhésion de la population, parce que je crois que c'est vraiment ça qui est important. Ce n'est pas les solutions technologiques, ce n'est pas les orientations et les visions des uns ou des autres, c'est vraiment une question d'adhésion de la population. Quand la population n'adhère pas, là... À titre d'exemple, quand la carte Vitale à l'époque, en France, a été mise en place, il y a eu un rejet, ça a pris un certain nombre d'années avant qu'elle soit acceptée. Donc, il y a toujours cette préoccupation, à mon avis, qui est fondamentale, de répondre aux besoins des citoyens, et ça, c'est quelque chose qu'il faut faire quand on prend ce genre de décision.

n(18 h 10)n

M. Bourdeau: Tout à fait raison. Il y a aussi d'autres gens qui nous ont fait le même commentaire, puis c'est de là, je pense, que votre idée de commission parlementaire plus poussée sur la protection des renseignements privés est intéressante. Parce que c'est bien évident... Évidemment, si les citoyens, citoyennes ont confiance...

Le Président (M. Cusano): En terminant, M. le député.

M. Bourdeau: Déjà? C'est rapide.

Le Président (M. Cusano): Déjà, oui. Vous aviez dit que vous aviez beaucoup de questions, mais...

M. Bourdeau: Oui, bon, bien, c'est ça. Et, si les gens adhèrent au principe, ce sera plus facile par la suite de l'implanter. Une petite dernière question très, très rapide au niveau de la recommandation 1 où vous dites qu'on devrait diviser. Est-ce que vous ne pensez pas que les citoyens, citoyennes seraient plus perdus dans un système plus fragmenté? Puis, en même temps, vous entendre peut-être sur la proposition d'un commissaire à l'information qui serait différent un peu.

Le Président (M. Cusano): M. Audet.

M. Audet (Michel): J'ai le bonheur d'être de formation de sociologie et de ne pas comprendre grand-chose en droit. Mais, dans la pratique que l'on a de travailler avec les administrateurs publics, qui essaient de bien servir les citoyens québécois et qui s'aperçoivent que les technologies peuvent être un levier important pour eux, il ne fait aucun doute dans la tête de toutes ces personnes-là qu'il va y avoir un signal important à envoyer dans la société québécoise au cours des prochains mois, à savoir: Est-ce qu'on veut faciliter vraiment la migration de services vers des nouveaux modes de prestation, de multicanal que l'on appelle, ou pas.

Et, moi, je vais vous avouer que, effectivement, en théorie des organisations, on appelle ça un peu la schizophrénie organisationnelle quand une organisation est appelée à jouer de multiples rôles, c'est-à-dire d'être un adjudicateur, de donner des conseils, de contrôler, de faire la police, d'essayer de stimuler, etc. Et ce qu'on s'aperçoit, c'est que peut-être qu'on rendrait service à la population si jamais on aidait les administrateurs publics à y voir plus clair et avoir des rôles plus clairs et plus supportants par rapport au déploiement des services en ligne. Je vous dirais que c'est le constat que je fais, mais, comme je vous dis, je ne suis pas un juriste, je ne suis pas un spécialiste en sciences po. Par rapport aux institutions, l'approche que l'on a prise est une approche très pragmatique, et c'est dans le pragmatisme, là, que je fais appel beaucoup aux parlementaires dans ce cas-ci.

Le Président (M. Cusano): Merci, M. Audet. M. le député de Charlesbourg, en vous rappelant que vous disposez d'environ 4 min 45 s.

M. Mercier: Merci, M. le Président. C'est effectivement très précis. Mme Charbonneau, messieurs, bienvenue à cette commission. C'est évidemment avec plaisir que j'ai lu votre mémoire. Comme pour la ministre, je salue effectivement, je vous dirais, l'excellence de votre titre, qui résume bien la problématique.

J'ai une question qui a été peu, pour vous... un volet qui est peu abordé, et c'est tout ce qui concerne l'international, et je m'explique. Et je l'aborde ici parce qu'on n'a pas beaucoup parlé du volet international à cette commission. Évidemment, le nombre de mémoires reçus, bien qu'exhaustif, peut-être ne nous permettait pas d'aborder cette question. En ce qui concerne la circulation de renseignements provenant de l'extérieur, donc tout ce qui est interétatique ou interprovincial, je vous donne des exemples, par exemple ? et j'en profite, puisque nous avons des intervenants du monde universitaire ici ? échange de documents, ou d'information, ou de renseignements en ce qui concerne les dossiers étudiants ou bien, par exemple, tout ce qui est transfert, immatriculation automobile entre provinces, donc tous les renseignements nominatifs de dossiers entre provinces ou États, j'aimerais savoir, moi, quelle est votre opinion là-dessus et comment est-ce que vous entrevoyez l'avenir à ce sujet. Parce que, évidemment, vous disiez tout à l'heure que le Québec accuse un certain retard, donc d'autres provinces ou d'autres pays sont plus avancés que nous en ce domaine, c'est-à-dire le gouvernement en ligne. Et, puisque nous voulons mettre de l'avant le gouvernement en ligne, comment est-ce que, vous, vous voyez toute cette problématique au niveau hors Québec ou hors frontières?

Le Président (M. Cusano): M. Mantha.

M. Mantha (Robert W.): Oui. Je peux répondre par rapport à l'Université Laval où nous avions à comparer des données interuniversitaires, mais entre les provinces. On a un groupe qui s'appelle le G10, le groupe des 10 plus grandes universités canadiennes. Et puis la loi le prévoit, la clause 67.2 prévoit le transfert des données nominatives. Mais, si on donne un mandat à un représentant, ou une tierce partie, ou un organisme autre, on peut, et on a eu des avis juridiques à cet effet-là, donc on peut donner mandat et permettre à d'autres personnes de recevoir ces données-là, évidemment dans le cadre du mandat et des responsabilités qu'on leur transfère, finalement. Donc, c'est quand même limité, mais ça permet... en tout cas, ça nous a permis de pouvoir comparer les données qui pouvaient poser problème, qui pouvaient être nominatives. Donc, ça, c'est une façon... ça, c'est un problème très précis. De façon générale, pour ce qui est de l'échange de données nominatives entre juridictions, puis je ne suis pas juriste, mais je pense que le même principe de responsabilisation et de partage de responsabilités devrait s'appliquer.

Mme Charbonneau (Monique): Et, en Europe, actuellement, il y a des débats là-dessus, parce que, actuellement, entre pays, il y a aussi cette problématique, et tout n'est pas réglé, hein? Alors, je pense qu'il faut regarder un peu ce qui se passe dans le monde et s'inspirer des meilleures pratiques en ce sens-là. Et, actuellement, c'est un peu ce... On n'a pas étudié cet aspect-là dans nos études, actuellement. Et Michel...

M. Audet (Michel): Un complément d'information.

Le Président (M. Cusano): Un complément de réponse, oui.

M. Audet (Michel): Oui. Tout à l'heure, je vous parlais de l'importance des services intégrés, donc de l'horizontalité à l'intérieur d'une juridiction nationale, territoriale, de services. Il y a tout un autre niveau, qui est la dimension verticale du gouvernement en ligne, et on a essayé, on est allés à la pêche un peu depuis plusieurs mois pour voir quel est l'intérêt de certains partenaires au Québec de travailler cette dimension-là, la verticalité du gouvernement électronique. Et la verticalité, ça veut dire: il y a des mêmes objets multijuridictions, comme, par exemple, l'emploi, qui appartiennent à un territoire donné, exemple une MRC, une ville ou une région, etc., la province et le fédéral.

Et on regardait l'opportunité de se saisir des technologies pour pouvoir mieux servir le citoyen. Parce que les citoyens, dans les enquêtes que l'on fait ou les «focus groups», ils nous disent: Nous, la guerre des drapeaux, on laisse ça beaucoup aux institutions, ce qu'on veut, c'est des services, et, si les services sont donnés en partie par le fédéral, par le provincial, par une municipalité, au bout de la ligne, je paie des taxes, c'est des enveloppes différentes, mais, au bout de la ligne, je paie des taxes. Donc, il y a beaucoup de pression aussi, éventuellement, qui va venir sur les gouvernements pour mieux intégrer des services qui visent les mêmes objets, mais avec des drapeaux et des armoiries qui sont différents.

Et je dois vous avouer qu'on était beaucoup à la pêche et on faisait beaucoup ça par curiosité, mais on n'a pas eu grand monde qui ont accroché la ligne, parce qu'on en a déjà, je vous dirais, plein notre assiette à essayer de comprendre la problématique de l'horizontalité des services à l'intérieur d'un gouvernement comme celui du Québec. On dit: Prenons les bouchées un peu plus petites et une à la fois et, éventuellement, on ira peut-être vers ce type d'enjeu.

Le Président (M. Cusano): Merci, M. le député de Charlesbourg. Merci beaucoup. Je cède la parole au député de Berthier.

M. Bourdeau: Merci, M. le Président. Vous parliez tout à l'heure des silos. Au Québec, on fonctionne en silo. On a eu la démonstration l'autre fois... Et vous savez sûrement qu'il existe quand même des ententes spécifiques entre différents ministères où l'information peut circuler, là. Dans le rapport de la Vérificatrice générale justement, Mme la ministre nous montrait, là...

Mme Courchesne: J'ai failli le sortir tantôt.

M. Bourdeau: Vous auriez dû. Vous auriez dû. Et on voit vraiment qu'il y a déjà des ententes spécifiques, comme, par exemple, à la RAMQ avec...

Une voix: ...

M. Bourdeau: ...c'est ça ? ou avec le Revenu, par exemple, où il y a des ententes spécifiques qui font en sorte qu'on peut avoir différentes données. Et là je vous amène à la question que je veux vous parler, c'est plus au niveau des banques de fichiers, O.K., parce que ça va être une question qui va revenir beaucoup, et au niveau de la protection de ces banques de fichiers là. Je vous donne un exemple. Pour la carte santé, il y a trois options qui sont proposées dans un rapport, soit la mégabanque de fichiers centralisée, soit une banque de fichiers décentralisée au niveau... moitié région, moitié nationale, ou complètement décentralisée dans toutes les régions. Selon vous, au niveau sécurité, qu'est-ce qui serait le mieux? Ce serait-u des mégabanques de fichiers soit par ministères ou globales? Et est-ce que ce serait mieux d'être décentralisé ou centralisé, là? C'est un peu sur ça que j'aime ça vous entendre.

Le Président (M. Cusano): J'ai l'impression, M. le député, que la réponse, elle va être extrêmement longue.

M. Bourdeau: Excusez, M. le Président.

Le Président (M. Cusano): Je vais demander d'y répondre brièvement, s'il vous plaît. M. Mantha, oui.

n(18 h 20)n

M. Mantha (Robert W.): De façon très succincte, je pense que, dans un monde branché, où se trouve physiquement la base de données n'est peut-être par un gros facteur. Dans le temps où on avait des espaces physiques et on devait défoncer des portes, peut-être, mais aujourd'hui, avec les réseaux qu'on a...

M. Bourdeau: ...citoyen.

M. Mantha (Robert W.): Non, je suis toujours... Non, mais, pour le citoyen, que ce soit dans trois bases, quatre bases, une base, je pense que c'est... il est branché dans le mur. Et puis, de là, on sait bien, avec tout ce qui se passe, les «hackers», et tout, que, finalement, où ça se trouve, ce n'est pas tellement important. Je pense que la sécurité doit être là peu importe l'organisation physique des fichiers, et je m'arrête là-dessus.

Le Président (M. Cusano): M. Lacroix, vous voulez ajouter?

M. Lacroix (Éric): J'ajouterais que la recommandation de M. Morneau, là, dont Mme Charbonneau faisait état tout à l'heure, qui parle d'espaces de circulation de renseignements personnels plutôt que davantage de mégafichiers, donc, au moment où il y a une transaction, il y a une interconnexion qui se fait au meilleur bénéfice du citoyen, semble être quelque chose de très profitable et ça semble potentiellement aussi être quelque chose qui rassurerait davantage la population, selon les études qu'on a.

M. Bourdeau: ...là-dessus, je ne suis pas d'accord avec vous quand vous dites que ça ne fait pas de différence pour le citoyen. Ça peut avoir une différence, parce qu'il veut savoir elles vont être où, qui et comment vont être utilisées ces données.

M. Lacroix (Éric): C'est une question de perception.

M. Bourdeau: C'est ça.

M. Mantha (Robert W.): Qui est responsable des données, c'est une chose. Physiquement où elles se trouvent, c'est autre chose. Mais qui est responsable... Effectivement, je fais la distinction entre la base, les données physiques et, logiquement, les responsabilités et l'imputabilité qui est associée à ça. C'est deux choses assez distinctes. Laissons aux techniciens le soin de s'organiser que les données soient bien protégées, puis, après ça, on verra qui est responsable de quelle partie des données. C'est pour ça que...

Le Président (M. Cusano): Vous voulez ajouter, M. Audet?

M. Audet (Michel): Oui. Dans certains travaux qu'on fait dans le réseau de la santé, vous avez peut-être entendu parler de nos travaux sur le CLSC du futur, on a également travaillé beaucoup sur les réseaux intégrés de services, et les informations cliniques informatiques qui circulent circulent pour des finalités très spécifiques. Exemple, en gériatrie dans la région de la Mauricie, pour le maintien à domicile dans La Côte-de-Beaupré, les intervenants mettent sur pied des dossiers-patients informatisés pour des finalités bien particulières. Et je vous dirais que, en termes de gestion, il va y avoir de la pertinence, de l'efficacité, de la rapidité dans le traitement à la condition que ce soit petit pour des finalités spécifiques. Et plus on va monter dans la hiérarchie des bases de données, plus ça va être compliqué. Puis je n'ai pas besoin de vous faire aussi des dessins sur les problématiques de progiciels de gestion intégrée de ressources qui visent à nourrir ces bases de données là aussi et ce que ça donne. Et plus on va monter, plus ça va être complexe, moins ça va livrer ce que ça doit livrer, plus il va y avoir des difficultés en matière de sécurité, etc. Donc, je vous dirais, moi, que, dans ça, là, le principe du «small is beautiful» est assez important, c'est-à-dire le petit, agile et rapide.

Le Président (M. Cusano): Merci. Vous avez terminé, M. le député? Bon. Alors...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Cusano): Non, c'est parce que, si je donne l'impression aux gens que je veux mettre fin aux travaux, c'est parce que je dois respecter des ententes et le mandat de l'Assemblée afin de respecter le droit de parole de tout le monde.

Alors, Mme Charbonneau et M. Lacroix, M. Audet, M. Mantha, ça a été un dialogue extrêmement intéressant, et, au nom de mes collègues, on vous en remercie. Et, sur ce, j'ajourne les travaux de la commission au jeudi 30 octobre, 9 h 30, à la salle Louis-Joseph-Papineau.

(Fin de la séance à 18 h 24)


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