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Version finale

37e législature, 1re session
(4 juin 2003 au 10 mars 2006)

Le mardi 13 septembre 2005 - Vol. 38 N° 48

Consultation générale sur le projet de loi n° 86 - Loi modifiant la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels et d'autres dispositions législatives


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures cinquante-quatre minutes)

Le Président (M. Brodeur): À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, je déclare les travaux de la commission ouverts pour ce matin. Pour la bonne marche de nos travaux, comme à l'habituel, pour les gens qui ne fréquentent pas régulièrement les commissions parlementaires, je vous rappelle de bien vouloir fermer vos téléphones cellulaires.

Et la Commission de la culture est réunie afin d'entreprendre la consultation générale et les auditions publiques sur le projet de loi n° 86, Loi modifiant la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels et d'autres dispositions législatives.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Dubuc (La Prairie) remplace Mme Legault (Chambly); M. Gabias (Trois-Rivières) remplace M. Mercier (Charlesbourg); et M. Bédard (Chicoutimi) remplace Mme Caron (Terrebonne).

Le Président (M. Brodeur): Merci, M. le secrétaire. Donc, pour le bénéfice des membres de la commission et des gens qui suivent les travaux sur les ondes du réseau de l'Assemblée nationale, je vous fais lecture de l'ordre du jour de façon succincte: à 9 h 30 ? donc, nous avons un peu de retard ? on débutera avec les remarques préliminaires; suivies du premier groupe à être entendu, la Commission d'accès à l'information; suivie du Protecteur du citoyen. Et, dans l'après-midi, après la suspension pour le repas du midi, nous entendrons, à 14 heures, l'Association pour une gestion écologique des déchets du Haut-Richelieu; à 15 heures l'Association pour la défense des personnes et biens sous curatelle publique; 16 heures, le Syndicat de la fonction publique du Québec; et à 17 heures, finalement, la Fédération des cégeps et Association des collèges privés du Québec.

Remarques préliminaires

Donc, comme à l'habituel, lors de ces consultations-là, nous allons débuter par des remarques préliminaires. En premier lieu, je suis prêt à entendre les remarques préliminaires du ministre. Donc, M. le ministre.

M. Benoît Pelletier

M. Pelletier: M. le Président, chers collègues de la Commission parlementaire de la culture, mesdames, messieurs qui êtes dans la salle avec nous, aujourd'hui, ou qui nous écoutez, j'aimerais d'abord vous remercier de m'avoir attendu et de m'excuser pour mon retard, qui était dû à des circonstances tout à fait incontrôlables. Et j'aimerais également vous présenter ceux qui m'accompagnent: d'abord, M. Louis-Félix Binette, attaché politique à mon cabinet, et, du Secrétariat à la réforme des institutions démocratiques et à l'accès à l'information, M. André Fortier, secrétaire général associé, et M. Robert Parent, directeur, ainsi que M. Yves D. Dussault.

C'est avec confiance, M. le Président, que je participe aujourd'hui au début des travaux de la Commission de la culture qui amorce la consultation générale sur le projet de loi n° 86 modifiant la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, de même que d'autres dispositions législatives.

Le projet de loi n° 86, c'est la réponse du gouvernement à de nombreuses consultations et réflexions qui avaient pour but de moderniser les lois en matière d'accès à l'information et de protection des renseignements personnels. Nous y avons mis temps et efforts avec la contribution d'intervenants de tous les horizons, dont celle des membres de la présente commission, que je remercie plus particulièrement.

Nous sommes ensemble, aujourd'hui, pour évaluer le travail accompli ainsi que la justesse et la pertinence des choix que le gouvernement a faits. Pour ma part, j'estime que le projet de loi n° 86 répond bien aux attentes de beaucoup d'intervenants qui souhaitent une législation plus adaptée au nouveau contexte de gestion publique davantage ouverte vers les citoyens et les services à leur rendre. Mais je suis conscient qu'il est toujours possible d'améliorer notre travail.

En ce début de nos travaux, j'aimerais rappeler toutes les étapes qui ont jusqu'à maintenant été franchies dans nos efforts de modernisation de ces lois. En 2002, la Commission d'accès à l'information a transmis son quatrième rapport quinquennal au gouvernement quant à la mise en oeuvre des deux lois déjà citées. Le rapport a été déposé à l'Assemblée nationale le 6 décembre de la même année.

En vertu de nos règles parlementaires, la Commission de la culture de l'Assemblée nationale a procédé à une consultation générale et a tenu des auditions publiques sur ce rapport, du 25 septembre au 30 octobre 2003. À la suite de ces consultations, la Commission de la culture s'est engagée dans un travail de grande qualité, un travail non partisan qui a conduit à la production d'un rapport comportant 24 recommandations adoptées à l'unanimité. Ce rapport a été déposé le 12 mai 2004.

Le gouvernement s'est alors engagé dans un important travail d'analyse et de réflexion. Il a par la suite proposé sa vision de l'accès à l'information et de la protection des renseignements personnels dans le secteur public et le secteur privé en déposant le projet de loi n° 86, le 16 décembre 2004.

À titre de ministre responsable de l'Accès à l'information, j'ai amorcé le débat sur l'adoption du principe du projet de loi, principe qui a été adopté à l'unanimité le 5 avril dernier.

Voilà, à ce jour, les étapes qui ont été franchies au cours de cette quatrième révision quinquennale des lois sur l'accès à l'information et sur la protection des renseignements personnels commencée en 2002.

n (10 heures) n

Nous amorçons aujourd'hui une autre étape stratégique dans ce parcours qui nous conduira à l'adoption du projet de loi n° 86. Au cours des prochaines semaines, la consultation générale sera l'occasion de partager notre vision de l'accès à l'information et de la protection des renseignements personnels. Le gouvernement, les parlementaires ainsi que les organismes, les groupes et les personnes qui ont répondu à l'invitation de la Commission de la culture vont échanger sur des enjeux de première importance. Permettez-moi d'abord de présenter les grandes orientations qui animent le projet de loi.

Dans un premier temps, nous voulons souligner notre attachement aux valeurs fondamentales du droit à la vie privée et du droit à l'information, sur lesquels sont bâties la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels et la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. Nous voulons également marquer notre volonté de moderniser l'État. En effet, les droits fondamentaux et nos valeurs collectives ne sont pas incompatibles avec la modernisation de nos lois et de l'État. Au contraire, nous voulons un État plus accessible, plus transparent, qui rend disponible aux citoyens l'information qu'il produit.

Nous voulons aussi développer l'accès aux services gouvernementaux en ligne afin de faire de l'administration publique québécoise une administration moderne, efficace, efficiente et pleinement au service des Québécoises et des Québécois. La mise sur pied d'un véritable gouvernement en ligne représente une priorité de premier plan du présent gouvernement. Cette volonté de modernisation de l'État, en recourant, entre autres, aux nouvelles technologies de communication et d'information, pose des défis formidables, car ce développement d'un État plus transparent, plus efficace, plus convivial ne saurait compromettre notre responsabilité de fiduciaires des renseignements que nous confient nos concitoyens et concitoyennes.

Dans un souci de transparence, nous augmentons le nombre d'organismes assujettis à la loi. Les centres locaux de développement, les conférences régionales des élus, un nombre accru d'organisme dans le secteur municipal et dans le secteur de l'éducation ainsi que les ordres professionnels seront assujettis à la loi. À l'égard de l'assujettissement des ordres professionnels, le gouvernement reprend le consensus qui s'était dégagé, en 2003, lorsque les représentants des ordres professionnels, à l'occasion de l'étude du rapport quinquennal de la Commission d'accès, avaient renouvelé leur appui à la solution proposée dans le projet de loi n° 122, mort au feuilleton en 2003.

En plus de l'augmentation du nombre d'organismes qui seront assujettis à la loi, nous prenons d'autres moyens pour améliorer la transparence. Le projet de loi n° 86 introduit le principe de la diffusion systématique de l'information par les organismes publics. Par le biais d'un règlement, le gouvernement définira notamment la liste des documents qui devront être diffusés systématiquement dans les sites Internet des organismes. Toute personne intéressée, toute organisation, tout groupe, association ou entreprise pourra y avoir accès sans délai et sans devoir recourir au processus prévu par la Loi sur l'accès.

Dans un premier temps, nous voulons concentrer nos efforts sur les ministères et organismes du gouvernement. Plusieurs souhaitent que cette diffusion systématique s'étende aux municipalités, au réseau de l'éducation et au réseau de la santé. Il s'agit d'un objectif louable que le projet de loi rend possible. Toutefois, j'indique qu'une telle avenue ne pourra être empruntée qu'avec la collaboration de chacun des secteurs concernés: municipalités, santé et éducation.

Le gouvernement propose aussi aux personnes handicapées visuelles ou auditives des mesures leur permettant d'exercer plus facilement leur droit d'accès en tenant compte de leurs besoins particuliers. Notre proposition constitue une amélioration par rapport aux projets de loi n° 451 et n° 122 qui n'ont pas été adoptés lors des précédentes révisions quinquennales. En effet, les mesures proposées s'appliquent tant dans le secteur privé que public et visent tout autant l'accès aux documents que l'accès aux renseignements personnels.

En matière d'environnement, le projet de loi fait une percée et innove de manière significative dans le but de faciliter l'accès à l'information. La plupart des restrictions au droit d'accès ne pourront plus être opposées aux demandes touchant un renseignement qui permet de connaître ou de confirmer l'existence d'un risque immédiat pour la vie, la santé ou la sécurité d'une personne ou d'une atteinte sérieuse ou irréparable à son droit à la qualité de l'environnement. Il en est de même quant à une demande d'accès concernant un renseignement qui touche la quantité, la qualité ou la concentration des contaminants émis, dégagés, rejetés ou déposés par une source de contamination ou concernant la présence d'un contaminant dans l'environnement, et ce, quel que soit l'organisme public qui détiendra l'information.

Au chapitre de la protection des renseignements personnels, le projet de loi n° 86 apporte également plusieurs changements importants. Avant de les aborder, je voudrais insister, M. le Président, sur la ferme volonté du gouvernement de ne pas dévier des principes fondamentaux de protection des renseignements personnels. Le gouvernement y souscrit, il les maintient.

Les citoyens exigent que le gouvernement assure une protection efficace des renseignements personnels qu'ils lui confient, mais ils exigent aussi que le gouvernement rende des services analogues à ceux qu'ils reçoivent déjà d'une multitude d'organisations publiques et privées qui ont recours aux nouvelles technologies de l'information. C'est à ce besoin que le gouvernement doit également répondre. Ainsi, les propositions contenues au projet de loi n° 86 visent cette recherche d'équilibre entre les exigences incontournables de protection des renseignements personnels et les attentes des citoyens en matière de services. En d'autres mots, le gouvernement s'est posé la question: Comment assurer une protection des renseignements personnels du plus haut niveau possible tout en offrant des services en ligne aux citoyens?

En 1982, les ordinateurs personnels occupaient peu de place dans les activités quotidiennes, et les organismes gouvernementaux étaient très limités dans leurs moyens à cet égard. En 2005, l'information circule davantage et le gouvernement doit tirer profit des solutions technologiques au bénéfice des citoyens qui s'attendent à recevoir des services efficaces et rapides au moyen des technologies. L'un des enjeux majeurs de la présente révision des lois réside assurément dans notre capacité de concevoir les technologies de l'information comme des solutions permettant à la fois plus de transparence, plus de services aux citoyens et également plus de protection des renseignements personnels.

Nous sommes conscients que beaucoup d'autres législatures dans le monde... à l'instar, pardon, de beaucoup d'autres législatures dans le monde, qu'il faut modifier notre façon de voir la protection des renseignements personnels en raison du développement d'un gouvernement en réseau qui se propose d'offrir des services intégrés à la population. Notre but est de nous doter de nouveaux outils de protection de renseignements personnels adaptés à cette nouvelle réalité. Le choix de notre gouvernement est de placer la protection des renseignements personnels au coeur même de la gestion publique. C'est ce que le projet de loi n° 86 propose.

Un autre volet important de notre réforme, M. le Président, est celui qui a trait au rôle de la Commission d'accès à l'information. Le signal du gouvernement est clair: la commission doit conserver son intégrité et exercer pleinement ses fonctions de surveillance et ses fonctions juridictionnelles. Nous voulons également une Commission d'accès à l'information plus efficace pour le citoyen. Par exemple, son rôle de promotion de l'accès aux documents et de la protection des renseignements personnels est formellement reconnu dans la loi. Plusieurs modifications sont proposées afin de raccourcir les délais relativement à son processus décisionnel.

Pour répondre aux problèmes soulevés par certains au regard de ses multiples fonctions, il est proposé de modifier la structure de la Commission d'accès à l'information. La commission sera constituée d'une section de surveillance et d'une section juridictionnelle, chacune sous la direction d'une vice-présidence. Dans cette perspective, nous proposons d'augmenter le nombre de commissaires à sept.

Voilà brièvement notre vision de l'accès à l'information et de la protection des renseignements personnels au niveau des principes et des tendances. Elle se concilie favorablement à ce qui est observé à l'échelle internationale. En effet, l'Organisation des Nations unies et l'OCDE reconnaissent que la participation des citoyens à la vie démocratique passe par un accès accru à l'information que possèdent les gouvernements et conviennent que les technologies de l'information auront un rôle vital dans la dispensation des services publics.

À l'échelle canadienne, les réflexions qui ont cours présentement confirment que les citoyens sont du même avis que les grandes organisations supranationales. Ainsi, dans le rapport final ayant pour thème Le citoyen face aux services publics, le Conseil national Traverser les frontières, un forum canadien, note que l'on ne peut plus concevoir dans l'abstrait la protection des renseignements personnels. On attend des pouvoirs publics qu'ils abordent les questions de protection de la vie privée dans un contexte d'une prestation de services axée sur les citoyens.

n (10 h 10) n

Quant à notre proposition visant la diffusion systématique de l'information, nous nous inspirons du concept d'«automatic routine disclosure», auquel ont recours, selon les modèles qui leur sont propres, la Suède, les États-Unis et la Grande-Bretagne.

Protection des valeurs fondamentales, vision, engagement et modernisation des moyens, le gouvernement a fait ses devoirs et a retenu aussi un bon nombre de propositions mises de l'avant par la Commission d'accès à l'information, par les intervenants et par les membres de la Commission de la culture. Après deux tentatives qui n'ont rien donné, soit les projets de loi n° 451 et n° 122, nous avons, nous tous, ici, une obligation de résultat envers les intervenants qui participeront à nos travaux et, plus largement, envers la population du Québec. Je nous souhaite donc à tous et à toutes des travaux des plus fructueux. Merci.

Le Président (M. Brodeur): Merci, M. le ministre. Donc, je suis maintenant prêt à écouter les remarques préliminaires du député de Chicoutimi et porte-parole de l'opposition en matière de justice et notamment, également, en matière d'accès à l'information.

M. Stéphane Bédard

M. Bédard: Merci, M. le Président. Alors, il me fait plaisir d'être ici avec vous pour cet important projet de loi, d'apparence plus technique mais qui, on le sait, est au coeur des relations entre le citoyen et l'État, donc d'où son importance. Il participe d'un exercice qui, lui, s'est étalé depuis plus deux ans, qui a commencé avec le rapport de la Commission d'accès à l'information, le rapport quinquennal qui a permis à cette commission, la Commission de la culture, d'entendre plus de 43 groupes qui sont venus devant nous faire part de leurs intentions quant aux modifications qu'ils souhaiteraient voir apporter à la loi actuelle.

Donc, c'est une mise à niveau de la loi qui, on le sait, à une certaine époque, était la plus moderne, même, dans les États occidentaux, mais qui, au fur et à mesure du temps, s'est un peu édulcorée et aussi qui, je vous dirais, n'a pas reçu peut-être toute l'attention qu'elle méritait quant aux modifications qu'elle aurait dû avoir. Donc, comme le ministre, nous souhaitons que cet exercice trouve son aboutissement et permette vraiment une mise à niveau de cette importante loi.

Nous avons effectivement voté en faveur du projet de loi, M. le Président, parce que nous sommes en faveur d'une amélioration, d'une modernisation de la Loi d'accès et de la protection des renseignements personnels, mais en même temps nous l'avons fait avec prudence, et je vous dirais même avec beaucoup d'inquiétude, puisque plusieurs des modifications apportées par le projet de loi nous semblaient inquiétantes, particulièrement, je vous dirais, par rapport à la protection des renseignements personnels.

D'autres inquiétudes se sont aussi manifestées par rapport au rapport de la commission. Vous le savez, après l'étude des 43 mémoires, la Commission de la culture a produit, comme le ministre le soulignait, un rapport, je pense, fort bien documenté et qui demandait ou qui ciblait des interventions quant aux modifications. Et malheureusement nous ne retrouvons pas chacune... ou du moins nous ne retrouvons pas le coeur des recommandations que nous avions faites lorsque nous avons produit le rapport, la Commission de la culture, sur cette réforme. Donc, nous souhaitons que la démarche actuelle permette de bonifier de façon substantielle le projet de loi de façon à correspondre aux attentes que nous avons.

Prudence qui se manifeste ? c'est les premiers commentaires d'ailleurs que nous avons faits lorsque le projet de loi est devenu public ? quant aux inquiétudes que nous avions aux modifications de la Loi d'accès qui soustraient le gouvernement de l'obligation de consentement ou d'autorisation préalable de la Commission d'accès à l'information pour le partage ou le couplage des renseignements personnels par les organismes publics. L'approche choisie par le gouvernement, soit celle d'une plus grande efficacité administrative, ne doit pas se faire... et doit même être combinée à l'importante réalité qui est celle de s'assurer de cette protection des renseignements personnels. Et j'ai l'impression, M. le Président, que cette recherche d'efficacité s'est faite malheureusement, dans le projet de loi actuel, au détriment de la protection des renseignements personnels, qui est au coeur de la confiance des citoyens dans l'État.

Donc, j'espère que les différents mémoires que nous avons entendus mais surtout que l'écoute qu'aura le ministre par rapport aux recommandations qui sont faites par les groupes qui seront devant nous... seront bien entendus et permettront de resserrer beaucoup plus qu'elle ne l'est actuellement... les modifications et s'assurer d'un rôle accru de la Commission d'accès à l'information. D'autant plus qu'une des recommandations de la Commission de la culture par rapport au couplage d'informations, la commission et l'ensemble des parlementaires étaient très inquiets de cette réalité et avaient souhaité d'ailleurs un vaste débat public par rapport à cette possibilité de couplage d'informations. C'était une des recommandations du rapport de la Commission de la culture.

Et ce débat, souhaitons-le, sera fait à l'intérieur de l'étude du projet de loi, mais je pense qu'il aurait peut-être été possible ou souhaitable que nous portions directement notre attention par le biais peut-être d'une autre façon, avant même l'étude du projet de loi, pour s'assurer que ces attentes et ces inquiétudes soient bien comprises et que nous évitions de sacrifier un élément aussi fondamental que la protection des renseignements personnels sur l'intérêt que tout gouvernement a de s'assurer de l'efficacité administrative et de l'amélioration des services. Je pense que les deux peuvent se combiner très bien, soit améliorer les services aux citoyens, mais en même temps s'assurer que ceux et celles qui communiquent des informations à l'État ne se trouvent pas finalement à être méfiants par rapport à la transmission de ces informations.

De plus, un des éléments importants que nous souhaitions voir... une des modifications importantes que nous souhaitions avoir au projet de loi et à la loi actuelle, plutôt, concernait l'indépendance des responsables de l'accès à l'information. Sans que nous parlions d'indépendance au sens de la Loi des tribunaux judiciaires, nous souhaitions que ces gens dans les différents ministères, qui sont appelés à appliquer la loi, à faire des recommandations, soient à l'abri de pressions internes indues, dû à la réalité gouvernementale mais aussi la réalité qui n'est pas malsaine mais qui fait en sorte que ces responsables se trouvent... je pense, ont un lourd fardeau et actuellement ne bénéficient pas de protection particulière.

Donc, c'était d'ailleurs une des recommandations de la Commission de la culture de leur accorder une protection particulière, de leur assurer une indépendance, mais en même temps, aussi, lorsqu'ils sont parfois victimes de mesures discriminatoires ou même de pressions indues, qu'ils aient accès à un mécanisme de protection particulier, modification qu'on ne trouve malheureusement pas à la loi. Ce qui fait que les intentions parfois d'amélioration du fonctionnement et la politique dont faisait part le ministre, celle de la divulgation automatique des informations détenues par l'État, va se trouver, je pense, entachée ou du moins diminuée par cette absence d'indépendance dont jouissent les responsables de l'accès à l'information.

Donc, d'autres éléments ne s'y retrouvent pas, entre autres au niveau des délais. On le sait, beaucoup de groupes sont venus devant nous pour faire part de leurs inquiétudes et leurs frustrations par rapport aux importants délais, moins devant la Commission d'accès que suite à la décision de la Commission d'accès, soit devant les tribunaux de droit commun, délais qui sont, vous le savez... qui d'ailleurs sont inhérents au processus judiciaire. Et nous souhaitions, par le biais de modifications plus substantielles, diminuer ces délais. Entre autres, et c'est une des recommandations de la Commission de la culture, de voir les décisions de la Commission d'accès finales et sans appel, donc ces décisions ne seraient soumises qu'à l'évocation devant les tribunaux supérieurs, voie qui nous aurait semblé beaucoup plus conforme à la volonté des groupes de voir ces délais diminués.

Malheureusement, une autre voie a été choisie et je ne pense pas qu'elle rencontrera les attentes des groupes quant à la diminution des délais, mais surtout quant à la diminution des coûts. Parce qu'on le sait, ces représentations se font souvent dans un contexte où le rapport de force n'est pas équitable, où les groupes, soit qui contestent ou qui souhaitent l'application de la loi, ont des situations d'infériorité souvent, du point de vue financier, importantes, ce qui les empêche parfois d'exercer leurs recours, ou, lorsqu'ils gagnent, dans des délais beaucoup trop longs qui les empêchent alors, à ce moment-là, d'exercer véritablement leurs droits.

Alors, je souhaite que le ministre entende la recommandation de la commission et qu'il se joigne à l'opposition mais aussi à tous... c'était une recommandation unanime, tous les membres de cette commission, d'améliorer effectivement les délais qui étaient prévus, qui sont actuellement, je pense, un des fléaux, là, de la Commission d'accès et de ceux qui se prévalent des droits devant la Commission d'accès à l'information.

n (10 h 20) n

Certains oublis aussi, je vous dirais, M. le Président, qui sont fort importants et qui touchent... À l'époque, nous avions manifesté le souhait que la commission soit reconvoquée rapidement pour faire un débat élargi sur l'utilisation, par les chercheurs, de certaines données dans le cadre de l'application de la Loi d'accès, avant que le ministre ne dépose le projet de loi, et nous étions d'avis, comme parlementaires, qu'il nous fallait entendre des spécialistes sur la question afin que nous puissions avoir une vision plus intégrée. J'espère que le ministre pourra nous éclairer quant à ses intentions là-dessus.

Quant aux tests génétiques, certains demandaient de pouvoir, lorsque possible, les utiliser, d'autres demandaient de les distinguer dans le dossier patient, d'autres nous demandaient de ne pas permettre l'utilisation de ces tests tant et aussi longtemps que ceux-ci ne seraient pas peaufinés et que l'interprétation n'aura pas été plus établie. Donc, c'est des questions, vous le voyez, fort importantes et qui demandent d'être regardées par un... et pas strictement dans le cadre d'un projet de loi, j'en conviens, mais qui demandent un débat beaucoup plus élargi avec des spécialistes sur la question. Donc, nous souhaitons que cette importante question, quant à l'utilisation de ces données par les chercheurs, fasse l'objet d'une commission et d'une étude approfondie.

Alors, je n'irai pas plus loin, M. le Président. Vous dire aussi que j'aurais souhaité que certaines problématiques... plus particulièrement un des groupes que nous entendrons à nouveau, soit l'Association pour une gestion écologique des déchets du Haut-Richelieu, que les problèmes qu'ils ont vécus aient une réponse un peu plus rapide. Nous l'avions proposé à l'époque à la ministre responsable. Ils viendront devant nous. Je crois que dans l'ensemble ils manifestent une satisfaction par rapport aux modifications. Mais évidemment, nous sommes près d'un an et demi plus tard, donc nous souhaitons... Il aurait peut-être été préférable que certaines des modifications fassent l'objet d'un projet de loi plus restreint mais qui aurait franchi les étapes du processus législatif avec beaucoup plus de rapidité.

Alors, par contre, je tiens à assurer le ministre de mon entière collaboration. Il l'a dit lui-même, c'est un projet de loi qui est au-delà, là, de toute connotation partisane et qui plutôt souhaite s'assurer, comme le disait le ministre, d'une meilleure efficacité administrative mais en même temps dans le respect de la protection des renseignements personnels. Donc, je m'assurerai que ces deux importantes questions fassent l'objet d'une étude approfondie mais en même temps d'un terrain propice à leur émancipation réciproque ou de leur application, plutôt, réciproque.

Alors, plusieurs autres recommandations, nous l'avons vu, sur la structure de la commission, sur les fonctions exercées par les responsables, sur la politique de divulgation aussi qui nous pose de sérieuses questions, puisque nous avons beau avoir cette intention de divulgation, si elle ne se manifeste pas de façon concrète, elle ne restera, M. le Président, qu'une politique, et ce sera alors les citoyens qui feront les frais, je vous dirais, de la non-application d'une telle politique.

Donc, par contre, je suis convaincu que nos travaux seront fort instructifs. Nous commençons bien, d'ailleurs, avec la Commission d'accès à l'information et le Protecteur du citoyen, donc deux importants joueurs dans ce domaine. Nous écouterons les propos de ces deux groupes avec beaucoup d'intérêt. Je souhaite que mes collègues le fassent aussi, et je souhaite aussi, évidemment, que le ministre le fasse dans un esprit d'ouverture, parce qu'il y a moyen. Et nous avons voté donc en faveur du projet de loi, parce que nous souhaitons une bonification majeure du projet de loi, et je suis convaincu que le ministre partage cette volonté. Donc, nous sommes prêts, M. le Président, au repas principal.

Auditions

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup, M. le député. Donc, nous sommes rendus à la partie auditions. Je demande au premier groupe de prendre place, la Commission d'accès à l'information.

Donc, pendant que nos invités prennent place, je rappelle les règles de consultation, qui sont souvent les mêmes. D'ailleurs, on sait que nos invités ont souvent témoigné en commission parlementaire. Donc, la règle est la même, les groupes ont 60 minutes, votre groupe a 60 minutes pour s'exprimer, et ce 60 minutes là est divisé de la façon suivante: vous avez un temps de 20 minutes pour la présentation de votre mémoire, et, à la suite de ça, 40 minutes d'échange divisées également entre le parti ministériel et le parti formant l'opposition pour les questions et les interrogations que chacun des membres a à se poser.

Donc, maintenant que je vois que la Commission d'accès à l'information est installée, je vous souhaite la bienvenue pour débuter. Et donc pour débuter, peut-être, M. Saint-Laurent, de présenter les gens qui vous accompagnent avant de débuter la lecture de votre mémoire.

Commission d'accès à l'information (CAI)

M. Saint-Laurent (Jacques): Merci, M. le Président. Ça me fait plaisir de vous présenter les personnes qui m'accompagnent ce matin. Alors, à ma droite, de la Direction des affaires juridiques, nous avons, immédiatement à ma droite, Me Madeleine Aubé, qui est la directrice des affaires juridiques de la Commission d'accès à l'information; elle est accompagnée de Me Chrystine Cantin, qui est également de la Direction des affaires juridiques de la commission; et à ma gauche, le directeur de l'analyse et de l'évaluation, qui est une direction fort importante également à la commission, Me Daniel Bourassa.

D'abord, j'aimerais remercier la commission et les membres de la commission de nous donner l'occasion de présenter des commentaires, des observations à l'égard d'un projet de loi qui touche aux principes fondamentaux de notre société, qui interpelle également, comme on peut le constater à sa lecture, qui interpelle directement la Commission d'accès à l'information.

Vous avez pu constater que nous avons présenté avec un certain retard, malheureusement, un mémoire qui est volumineux. Alors, je fais appel à la compréhension des membres de la commission, la Commission d'accès à l'information étant directement concernée, nous avons beaucoup de commentaires, et il était important pour nous de les regrouper dans notre mémoire. Alors, il est un peu long, mais il se voulait aussi un outil de travail, et j'espère que ce sera utile pour les membres de la commission, tout au cours des travaux, pendant les prochains jours.

Je voudrais aussi faire appel à votre compréhension sur le retard à produire ce mémoire-là. Nous avons eu certaines difficultés, et je suis conscient des inconvénients que ça a pu causer aux membres de la commission, le retard à produire, et je tiens à m'en excuser.

Avant d'aborder l'étude du projet de loi comme telle, j'aimerais peut-être juste faire un bref rappel des activités de la Commission d'accès à l'information. Bon, comme on le sait, la commission est chargée de la mise en oeuvre des deux lois principales, la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et la protection des renseignements personnels, elle est également chargée de la mise en oeuvre de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. Ça a des impacts importants d'un point de vue strictement opérationnel.

Il faut essayer de ne pas oublier qu'il y a 2 700 organismes publics, plus ou moins, qui sont visés par cette Loi sur l'accès à l'information. Il y a des dizaines de milliers d'entreprises privées qui sont visées par la Loi sur le secteur privé. La Commission d'accès à l'information est appelée à toucher à une multitude de secteurs d'activité très différents les uns des autres. Alors, ça prend une polyvalence assez exceptionnelle pour pouvoir composer avec les nombreuses situations qui se présentent.

Et cette polyvalence-là se retrouve également dans les fonctions que doit exercer la commission. On en a parlé, tout à l'heure, il y a des fonctions d'adjudication, il y a des fonctions d'autorisation, d'avis, de vérification et d'enquête. Nous aurons l'occasion d'y revenir tout à l'heure, mais je pense que c'est important de déjà rappeler que les activités de la commission ne se concentrent pas uniquement, par exemple, à l'activité d'adjudication, au contraire, il y a beaucoup d'autres éléments.

Pour faire tout ce travail-là, la commission compte actuellement sur cinq commissaires, dont un président que je suis. Il y a également, dans l'équipe de la commission, 42 personnes qui travaillent aux bureaux de Montréal et de Québec, principalement à Québec. Et la commission oeuvre avec un budget d'environ 4,2 millions par année.

Autre rappel historique très succinct, juste pour vous rappeler, aux membres de la commission, les fonctions que j'ai exercées récemment. Outre celle de président de la Commission d'accès à l'information, j'ai été d'abord, pendant trois ans, Directeur de l'état civil et pendant quelques mois à la fois Directeur de l'état civil et responsable, au sein du ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration, du secteur de l'accès à l'information, avant de devenir président de la commission.

Je me propose ce matin de vous parler de quelques commentaires généraux pour ensuite aborder les aspects de protection des renseignements personnels, les aspects d'accès à l'information, la question de la structure qui est proposée par le projet de loi et enfin une courte conclusion.

n (10 h 30) n

D'abord, sur les commentaires généraux ? et je vais essayer de respecter le temps qui m'est alloué; sur les commentaires généraux ? je pense que c'est important de mentionner dès le départ que le projet de loi n° 86 propose plusieurs mesures qui reprennent les recommandations du rapport quinquennal dont le ministre a parlé tout à l'heure. Nous ne soulignons pas nécessairement dans notre mémoire toutes les situations où les recommandations du rapport quinquennal sont reprises. Et il nous apparaissait important d'au moins le mentionner aux membres de la commission, que le fait que ces recommandations-là aient été reprises est fort apprécié et nous semble tout à fait pertinent pour l'intérêt des citoyennes et des citoyens au Québec.

Le travail d'étude du projet de loi n° 86 est un travail gigantesque qui mérite d'être souligné, et je pense plus spécialement à l'équipe qui entoure le ministre, je pense qu'on doit souligner le travail important qui est fait et remercier l'équipe de ce travail-là. Il faut aussi remercier les membres, je pense, de la Commission de la culture, qui ont étudié attentivement le rapport quinquennal et qui ont, eux également, produit un rapport, en 2004, rapport qui sert, je pense, de façon très utile aux travaux que nous entreprenons aujourd'hui.

Permettez-moi peut-être d'entreprendre dès maintenant la discussion sur la protection des renseignements personnels. À notre avis, et ça ressort, je pense, bien du mémoire, le maintien des règles actuelles en protection des renseignements personnels ne devrait pas ou ne doit pas nuire au déploiement du gouvernement en ligne.

C'est bien évident, et on en est conscient, qu'on a beaucoup de facilité à imaginer les bienfaits du déploiement du gouvernement en ligne. Comme le disait le ministre tout à l'heure, il y a beaucoup de facilité maintenant à utiliser Internet, on le voit dans des activités privées de toutes sortes, et on se dit: Pourquoi ne pas avoir les mêmes facilités, au niveau du gouvernement, que nous avons au niveau privé? Par contre, il faut selon moi être conscient qu'il y a des risques et que ces risques-là sont particulièrement difficiles à concevoir. Et je pense que la commission peut jouer un rôle intéressant, important pour nous aider à concevoir quels sont les risques que nous pouvons rencontrer à ce sujet-là.

Je vous donnerais simplement un exemple. Je recevais une publicité de l'Australie; le Commissaire à la vie privée de l'Australie a décidé de faire une campagne d'information récemment pour essayer de sensibiliser les gens à la protection de la vie privée, et cette campagne-là rappelle, sur une petite carte postale, ce qui est assez amusant, rappelle: Écoutez, la vie privée, c'est important, mais le problème, c'est que souvent on s'en rend compte au moment où on l'a perdue. Alors, c'est ça que j'essaie d'exprimer en vous disant que ce n'est pas toujours facile de concevoir les risques qu'il y a en utilisant des moyens pour simplifier au niveau de la prestation électronique de services, de concevoir les risques que ça comporte.

Par exemple, n'est-il pas risqué, dans le contexte du projet de loi n° 86, de confier à une seule personne la responsabilité de décider, par exemple, ce qui est nécessaire à l'exercice des attributions d'un organisme? Selon nous, il y a un risque qui est présent lorsqu'on dit: Une personne décidera de ce qui est nécessaire aux attributions ou non. Et ça peut amener malheureusement des dangers pour la protection des renseignements personnels.

Concernant la collecte des renseignements personnels par des organismes publics qui ne sont pas des utilisateurs, on se demande à la Commission pourquoi renoncer aux règles actuelles. C'est sûr qu'à première vue, encore une fois, les règles actuelles semblent un peu complexes, mais, si un organisme public recueille des renseignements qu'il n'a pas besoin, inévitablement la tentation est présente et la possibilité également est présente d'utiliser les renseignements ainsi recueillis à d'autres fins. Et encore là la personne qui aura à portée de main les renseignements, comment sera-t-elle à l'abri d'une influence qui ferait en sorte qu'elle les utiliserait malheureusement à mauvais escient? Le dernier élément sur ce sujet-là est quand même important, c'est que le citoyen ne saura pas non plus à quoi s'en tenir, n'aura pas de recours, s'il y a des décisions qui sont prises à son insu sans consentement. À notre avis, avant de modifier les dispositions législatives, il serait important d'identifier quelles sont les difficultés réelles que l'on appréhende.

Au niveau de l'utilisation maintenant de ces renseignements personnels là. Le principe de base qui a été établi et qui est reconnu par le projet de loi, c'est le principe que le citoyen doit être informé de l'utilisation des renseignements personnels qui est faite par les organismes publics. On introduit, dans le projet de loi n° 86, différentes propositions d'exceptions à ce principe de base là, dans un esprit, et on le comprend bien, d'essayer de faciliter les choses et de faire en sorte que les renseignements puissent circuler plus facilement. Par contre, on se demande, et je crois que je propose aux membres de la commission de se poser la question: Restera-t-il des cas où il sera nécessaire d'informer le citoyen de l'utilisation?

Autrement dit, si on prend l'exemple de l'article 65.1 et qu'on le relit non pas en se posant la question de savoir est-ce que l'article 65.1 nous donne des outils pour travailler, mais plutôt est-ce que l'article 65.1 fait en sorte que, dans les cas qui le justifieraient, le citoyen sera informé, malheureusement la lecture que nous faisons nous amène à constater qu'à toutes fins pratiques presque tous les cas d'activité seraient couverts, de telle sorte qu'il n'y aurait pas d'obligation d'informer le citoyen. C'est un élément important, que le citoyen sache à quoi s'en tenir, pour qu'il puisse éventuellement réagir d'une façon ou d'une autre. Je vous réfère à notre mémoire qui présente différents exemples où le citoyen ne saurait pas quels renseignements sont utilisés à son sujet, pour quelles fins, par qui et quand.

Si vous me permettez, je vous amène maintenant à l'aspect communication des renseignements personnels. Nous connaissons bien le principe de l'article 59 de la loi sur l'accès à l'information, principe qui dit: il n'y a pas de communication de renseignements personnels sans un consentement. Il y a certaines exceptions qui sont énoncées suite à ce principe-là, et la Loi sur l'accès actuelle, nous la connaissons, élabore, aux articles 67, 67.1, 67.2, 68 et 68.1, différents mécanismes qui permettent de communiquer des renseignements entre organismes publics sans le consentement de la personne concernée.

Je voudrais peut-être simplement attirer l'attention des membres de la commission sur l'ouverture qui est faite à l'article 67.2 du projet de loi, où on vient ajouter une disposition qui aurait pour effet que, lorsqu'on est en matière de contrat ou de mandat entre organismes publics, il serait possible de fonctionner sans nécessairement avoir besoin d'un écrit. Alors, imaginez la situation, on est sur le point de s'entendre avec un autre organisme pour lui demander de collaborer avec nous, et l'exigence de l'écrit disparaîtrait. On peut comprendre l'objectif d'efficacité. Par contre, il y a une rigueur qui nous semble essentielle à maintenir de faire en sorte que ces ententes-là qui ont des impacts sur la protection des renseignements personnels conservent certaines formalités dont celle de se conformer, lorsque c'est nécessaire, aux dispositions de l'article 68.

En introduisant la modification à l'article 67.1 comme il est introduit actuellement, malheureusement, un peu comme je viens de l'expliquer pour l'article 65.1, l'effet pratique, ce serait que la plupart des contrats, la plupart des ententes entre les organismes publics pourraient se réaliser via 67.2, donc sans formalité, avec les risques que cela peut présenter. Alors, il faut faire attention pour ne pas laisser la commodité administrative l'emporter, malgré l'attrait que ça puisse représenter en termes d'efficacité.

Peut-être, en terminant sur la communication, souligner, à l'article 67.1, lorsqu'on modifie le texte pour prévoir que ce sera, dorénavant, simplement au niveau de la comparaison des fichiers qu'il sera nécessaire de faire appel à l'article 67.1, le fait qu'on modifie l'article ouvre la porte à des risques d'interprétation qui nous apparaissent inquiétants. Alors, peut-être que ce serait préférable selon nous, à l'article 68.1, de s'en tenir au texte actuel plutôt que, par une modification, venir ouvrir la porte à d'autres interprétations que celles qui existent actuellement.

Par ailleurs, permettez-moi de vous souligner qu'à l'occasion de ces projets technologiques là qui nous intéressent particulièrement aujourd'hui, les projets technologiques dont a parlé le ministre dans le cadre du gouvernement en ligne, l'expérience qui est vécue à la commission est une expérience qui démontre que souvent la commission, qui examine avec les ministères et les organismes publics ces projets-là, apporte une expertise, et ça va de soi, une expertise qui n'est pas celle des ministères et des organismes, et dans plusieurs cas a conduit à des raffinements des projets, a conduit à des mesures de précaution qui, pour les organismes et les ministères en question, une fois les explications données, paraissaient évidentes.

Alors, le fait de soustraire les ministères et les organismes de l'obligation de consulter la commission et d'aller chercher cette expertise-là dont ils ne disposent pas présente selon nous des risques importants. La commission est l'organisme qui peut le mieux anticiper les risques que représentent ces changements technologiques là au point de vue de la protection des renseignements personnels. Elle a un rôle selon nous fondamental à jouer.

n (10 h 40) n

Je disais, au tout début de ma présentation, qu'il y a des possibilités selon nous très évidentes que le gouvernement en ligne puisse se réaliser sans avoir à modifier de cette façon les règles de la protection des renseignements personnels. Permettez-moi simplement de souligner les cas récents du Service québécois de changement d'adresse, le cas du Service québécois d'authentification gouvernementale et, plus récemment, également, les discussions que nous avons eues avec le ministre de la Santé et des Services sociaux sur le projet de loi n° 83, qui introduit des notions quand même très évoluées au niveau électronique lorsqu'on parle du dossier électronique partageable.

Pour la Commission d'accès à l'information, en conclusion sur cet aspect-là de protection des renseignements personnels, il y a un lien de confiance qu'il est essentiel de conserver entre les citoyens, et les citoyennes, et la population sur l'utilisation des renseignements personnels, la circulation de ces renseignements-là. Le citoyen est en droit de savoir quels sont les renseignements qui sont utilisés, à quelles fins, par qui et quand.

Nous avons souligné également, dans le mémoire, et je me limite à vous y référer parce que le temps avance considérablement, à la préoccupation ? on y reviendra peut-être à la période des questions; la préoccupation ? sur l'utilisation des renseignements publics, les renseignements personnels à caractère public dans certaines circonstances et également sur la question des renseignements qui seraient utilisés à l'extérieur du Québec.

J'aimerais enchaîner avec l'accès aux documents des organismes publics. Comme vous le savez, le projet de loi n° 86 introduit la notion de diffusion systématique des documents des organismes publics. L'accès à l'information est un outil important dans la gestion d'un gouvernement, c'est un outil important au niveau de la transparence. C'est une préoccupation fondamentale de la commission. Cette préoccupation-là a été exprimée en détail dans le rapport quinquennal de 2002, elle l'avait été également dans des rapports quinquennaux antérieurs. De telle sorte que la commission voit d'un oeil très positif cette introduction de la diffusion systématique des documents des organismes publics.

Il est important de souligner cependant que selon nous le gouvernement doit avoir l'obligation d'adopter un règlement à cet effet-là. Nous avons malheureusement l'exemple, dans la loi sur le secteur privé, où il y a un pouvoir réglementaire attribué au gouvernement d'établir par règlement, justement, un calendrier de conservation des renseignements personnels dans le secteur privé. Il n'y a jamais eu de règlement adopté depuis l'adoption de la loi en 1994. Alors, bien évidemment, on ne peut ignorer cette crainte que le principe de la diffusion systématique des documents reste lettre morte s'il n'y avait pas de règlement d'adopté. Donc, l'obligation pour le gouvernement d'adopter un règlement serait selon nous un élément important à considérer dans le cadre du projet de loi.

Serait également un élément important à considérer la possibilité d'introduire dans le projet de loi n° 86, également, le principe de l'assujettissement de l'ensemble des organismes publics. Nous comprenons bien, le ministre en a fait état, tout à l'heure, nous comprenons bien la préoccupation qui fait en sorte que certains organismes ne sont pas en mesure immédiatement de faire une diffusion systématique des documents au même titre que pourraient l'être certains ministères ou organismes. Par contre, d'élaborer le principe de l'assujettissement de l'ensemble des organismes, quitte à ce qu'il y ait des modalités d'introduites par un pouvoir réglementaire en conséquence, serait selon nous très important.

Permettez-moi peut-être de conclure ? et je vais devoir malheureusement renoncer à mes commentaires sur la structure, on y reviendra peut-être au niveau des questions; permettez-moi de conclure ? sur la notion d'accès par le principe ou la préoccupation de favoriser la transparence non seulement par les mesures législatives, mais également par des gestes concrets. Je pense que nous avons un travail à faire auprès des décideurs. Je parlais tout à l'heure de 2 700 organismes publics; il y a des multitudes de décisions qui sont prises par l'administration publique quotidiennement, et il y a une fierté de ces décisions-là qui n'existe actuellement pas, malheureusement. Et, si on pouvait faire en sorte de faire évoluer les mentalités pour que les décideurs soient enclins assez rapidement à diffuser leurs décisions et à diffuser les documents qui ont servi à prendre leurs décisions... me semble une approche qui serait très positive.

Il n'y a pas vraiment de problème selon moi à diffuser les décisions des organismes publics et les documents qui ont servi à motiver ces décisions-là. Le rapport quinquennal 2002 parlait d'identifier quels sont les préjudices rencontrés au niveau de ces divulgations-là; il faut selon moi inviter les décideurs des organismes publics à revoir leurs réserves, et à être plus fiers des décisions qu'ils prennent, et d'avoir l'ouverture de les communiquer rapidement. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Brodeur): Merci, M. Saint-Laurent. Donc, nous sommes maintenant prêts à débuter notre période de questions, pour ainsi dire, et je suis prêt à reconnaître le ministre responsable de l'Accès à l'information. M. le ministre.

M. Pelletier: Merci. Merci, M. Saint-Laurent, pour votre présentation. Merci également aux membres de la commission, à la Commission d'accès à l'information, pour le mémoire qui a été soumis à la Commission de la culture. Salutations aux gens qui vous accompagnent aujourd'hui.

Ma première question concerne précisément la structure de la commission, question au sujet de laquelle vous n'avez pas eu le temps de faire vos commentaires. Mais vous mentionnez dans votre mémoire que les membres de la commission ne jugent pas pertinent qu'il y ait deux vices-présidences et ne souhaitent pas par ailleurs être assignés à l'une ou à l'autre en quelque sorte des nouvelles composantes proposées pour la commission.

Évidemment, nous, du côté gouvernemental, sommes très soucieux d'assurer encore davantage l'indépendance de la commission. Nous croyons que le fait de diviser la commission entre un volet administratif et un volet plus, je dirais, adjudicatif, ce serait une bonne façon d'assurer l'indépendance de la commission. Alors, j'aimerais vous entendre à cet égard, parce que votre mémoire contient une affirmation qui en fait est extrêmement importante, une prise de position de votre part sur notre proposition de modifier la structure de la commission.

Le Président (M. Brodeur): M. Saint-Laurent.

M. Saint-Laurent (Jacques): Merci, M. le Président. Merci, M. le ministre, de poser cette question. Ça me permet d'apporter les précisions que je souhaitais apporter dans ma présentation. J'aurais peut-être deux commentaires à exposer à ce sujet-là.

La préoccupation de modifier éventuellement la structure de la Commission d'accès à l'information soulève une problématique qui a été énoncée, entre autres, au moment des discussions devant la Commission de la culture sur l'étude du rapport quinquennal, qui était le risque de conflit entre les activités d'adjudication et les activités de surveillance et de contrôle. L'analyse que nous faisons à la commission est différente.

Nous en arrivons au constant qu'il y a les activités d'adjudication et il y a aussi plusieurs autres activités. C'est difficile de scinder uniquement en deux et de compartimenter, d'une part, les activités d'adjudication et, d'autre part, les activités de surveillance et de contrôle. En fait, les activités de la commission, comme je le disais tout à l'heure, touchent non seulement l'adjudication, mais aussi l'aspect des avis, les autorisations qui sont données dans toutes sortes de circonstances, les vérifications que nous devons faire, les enquêtes et les approbations des ententes et des contrats dont on a parlé tout à l'heure. Alors, ce sont des activités qui selon nous se rejoignent et forment un tout.

Il y avait, en 1982, selon moi, un objectif qui se justifie bien, de dire: on va d'abord créer avant tout un organisme qui aura comme responsabilité d'être spécialisé, d'avoir une spécialisation et une compréhension fine et pointue de toutes ces problématiques-là. Au fil des ans, depuis maintenant un peu plus de 20 ans, la question théorique a été soulevée: Est-ce qu'il y a des possibilités qu'à un moment donné, lorsque nous sommes en activité d'adjudication, nous soyons indûment influencés, si je peux le dire de cette façon-là, par des avis que nous aurions donnés préalablement? La question a été posée de façon théorique, mais n'a jamais été présentée de façon pratique. La question n'a jamais été soulevée, soit dans des dossiers d'adjudication que nous ayons à traiter ou dans des dossiers d'avis.

n (10 h 50) n

Donc, à ce stade-ci, la problématique est demeurée théorique, et à notre avis la justification de départ de maintenir une commission avec de multiples responsabilités demeure pertinente, et l'intérêt d'avoir un organisme spécialisé demeure également très pertinent.

En pratique, s'il y avait des cas de conflit, comme ça se fait dans d'autres organisations, il est possible d'éviter le problème qui pourrait se présenter dans un cas particulier. Imaginons une situation où un commissaire a eu à trancher ou à donner un avis sur un sujet donné et qu'il se fait assigner par erreur un dossier qui concerne exactement le même sujet pour lequel il a donné un avis, bien il y a déjà, d'un point de vue administratif et d'un point de vue éthique, des moyens qui font en sorte de corriger cette situation-là. De telle sorte que la solution de séparer les activités de la commission en deux nous apparaît une solution peut-être très importante.

Le deuxième élément que je voulais souligner est un élément plus administratif, mais non moins important, qui est celui d'une création des deux vice-présidences et d'une création de deux vice-présidences qui seront en quelque sorte très isolées l'une de l'autre. Les membres de la vice-présidence adjudication ne pourront pas aller faire des activités dans la vice-présidence surveillance et contrôle, et réciproquement, et les membres seront désignés par l'Assemblée nationale. Vous pouvez vous imaginer à quel point ça impose une rigueur de fonctionnement qui m'apparaît passablement lourde pour la commission.

Actuellement, les commissaires oeuvrent dans les deux secteurs et vont chercher une expertise qui selon moi est très utile pour les deux secteurs et très utile pour améliorer nos commentaires autant au niveau de l'accès à l'information que la protection des renseignements personnels. L'isolement m'apparaît non seulement une solution difficile d'un point de vue administratif, pour la gestion quotidienne des dossiers d'adjudication ou des dossiers de contrôle, mais m'apparaît aussi très lourde pour la connaissance des contenus. Dans ce sens-là, ce serait préférable de continuer à permettre le mélange, si vous me permettez l'expression très familière, des activités d'un côté à l'autre.

Le Président (M. Brodeur): M. le ministre.

M. Pelletier: Est-ce que je dois comprendre que vous êtes favorables à l'abolition du droit d'appel des décisions de la commission?

M. Saint-Laurent (Jacques): La commission, dans son rapport quinquennal de 2002, et c'est une position qui me semble toujours pertinente, avait recommandé uniquement de revoir la révision de la permission d'en appeler et non pas de recommander l'abolition pure et simple du droit d'appel. À notre avis, il est pertinent de maintenir un droit d'appel, il est pertinent d'avoir un tribunal qui développe, au niveau des tribunaux supérieurs, une spécialité en accès et qui exerce un droit d'appel. C'était plus au niveau de la requête en autorisation d'appeler qu'il y avait un commentaire qui avait été fait et qui est maintenu.

Le Président (M. Brodeur): Merci, M. Saint-Laurent. M. le ministre.

M. Pelletier: Le fait que vous proposez que la commission reste comme une entité, je dirais, unique, plutôt qu'être une entité divisée, amène un petit peu le problème qui est le suivant. La commission, d'un côté, a un mandat de faire la promotion des droits d'accès à l'information et, d'un autre côté, a à rendre des décisions. Donc, en même temps, vous avez une vocation de promotion, donc forcément favorable aux droits d'accès, j'imagine, mais vous devez rendre des décisions sur des questions qui sont litigieuses. Comment pouvez-vous concilier les deux tout en gardant une apparence d'indépendance?

Le Président (M. Brodeur): M. Saint-Laurent.

M. Saint-Laurent (Jacques): Merci, M. le Président. Au moment où on se parle, dans la législation actuelle, il n'y a pas de dispositions relatives aux activités de promotion de la Commission d'accès à l'information comme telles. La commission a eu le souci, dans les années passées, d'essayer de rendre accessibles à la population, aux citoyennes et aux citoyens, des documents d'information, des documents de vulgarisation sur les principes de protection des renseignements personnels, également sur les principes d'accès à l'information, donc a eu effectivement quelques activités quand même très sobres, mais quelques activités de promotion.

Dans les commentaires que nous avions faits jusqu'à maintenant, si mon souvenir est bon ? les gens qui m'accompagnent me corrigeront ? je pense qu'on avait recommandé que les activités de promotion soient confiées au ministre. Alors, nous avons constaté effectivement que ces activités de promotion là sont proposées à la Commission d'accès à l'information. Et, pour répondre à votre préoccupation, nous envisageons de les effectuer avec une certaine sobriété, pour tenir compte justement du commentaire que vous faites, M. le ministre, et de les consacrer à un niveau beaucoup plus pédagogique qu'à un niveau de prendre position, si vous voulez, pour un point de vue ou un autre, si l'idée de confier à la commission des activités de promotion était maintenue.

Le Président (M. Brodeur): M. le ministre.

M. Pelletier: En ce qui concerne les communications de renseignements personnels qui sont jugées nécessaires à l'application de la loi, vous savez qu'en vertu de l'article 67 de la loi actuelle de telles communications sont autorisées. Nous proposons des amendements à l'article 33 de notre projet de loi. Vous avez fait des commentaires, dans votre mémoire, concernant l'application justement de ces... enfin ces communications, concernant ces communications. Mais je me demandais si, étant donné que les communications sont, que je sache, consignées dans un registre public, je me demandais si vous aviez vu vraiment des cas graves où vous avez jugé qu'il n'aurait pas dû y avoir communication de renseignements personnels. En d'autres termes, est-ce que vous avez identifié dans le passé des cas où il y a eu de l'abus et où il y a eu communications de renseignements personnels, prétendument pour, en quelque sorte, l'application efficace de la loi, qui n'auraient pas dû être faites?

Le Président (M. Brodeur): M. Saint-Laurent.

M. Saint-Laurent (Jacques): D'abord, c'est peut-être bon de mentionner que, dans le cadre de l'article 67, les communications se font sans qu'il y ait d'avis à la commission. Il y a simplement, là, le registre que les ministères et les organismes doivent tenir, mais il n'y a pas d'avis comme tel qui est présenté à la commission.

La situation se présente plutôt, M. le ministre, de la façon suivante. C'est qu'au moment où l'on se parle, ce qu'on a pu constater qui me semble présenter à l'occasion une difficulté, c'est qu'il arrive des cas de communications qui ne sont pas formalisées, où on ne s'est pas préoccupé soit de respecter l'article 68 ou les autres articles.

On a vu un cas, plus récemment, qui s'est présenté à la commission, où, en nous présentant une entente pour... qui modifiait une entente antérieure, le ministère a constaté qu'il y avait eu carrément oubli de consulter la commission sur l'entente initiale. Alors, ça peut paraître amusant, là, et on est en train, avec le ministère, de collaborer du mieux qu'on peut pour corriger la situation, mais ce qui m'apparaît plus préoccupant, c'est plus de ne rien échapper, si je peux le dire de cette façon-là.

Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le ministre.

M. Pelletier: Concernant la politique de diffusion systématique des informations, j'ai pris bonne note des commentaires positifs que vous avez exprimés, tout à l'heure, dans votre présentation. J'aimerais savoir, à votre point de vue, quels seraient les documents qui devraient être diffusés de telle façon, c'est-à-dire systématiquement, et qui seraient les plus utiles au public.

Le Président (M. Brodeur): M. Saint-Laurent.

M. Saint-Laurent (Jacques): Outre les documents d'information sur les activités des ministères et des organismes, où il y aurait peut-être lieu d'établir un dénominateur commun, de bien convenir avec les ministères et les organismes de l'importance de communiquer des informations qui permettent aux citoyens d'exercer leurs droits, je pense qu'il faut penser à des documents d'information qui concernent, d'abord et avant tout, les décisions qui sont prises par les ministères et les organismes, et par les activités souvent publiques de ces ministères et de ces organismes-là.

n (11 heures) n

Et essayons de penser, lorsqu'on l'exprime, à des activités non seulement des ministères et des organismes, mais également à des activités qui concernent les municipalités, les commissions scolaires. C'est à un autre niveau, mais, mon Dieu, on le voit par les demandes qui nous sont transmises quotidiennement, mon Dieu qu'il y a une pédagogie puis il y a une culture à corriger, au niveau des conseils municipaux, des organismes scolaires, pour carrément diffuser des documents qui sont par ailleurs publics parce que la loi le prévoit déjà.

Donc, dans la diffusion automatique ou systématique, je devrais dire, qui pourrait être introduite, il faudrait penser, à ces activités-là de décision, d'introduire assez rapidement le réflexe: Il y a une décision qui est prise, l'information relative à la décision, les documents accompagnant la décision pourraient assez rapidement être diffusés. Il y a des activités publiques qui ont été tenues... Imaginez qu'on reçoit encore des demandes d'accès aux procès-verbaux des conseils municipaux. Alors, c'est assez étonnant de voir qu'il y a des demandes d'accès qui concernent ça. Alors, d'avoir une politique de diffusion systématique qui fasse en sorte que le principe de la diffusion systématique des procès-verbaux des conseils municipaux est connue et appliquée par tous serait selon moi fort pertinente.

Le Président (M. Brodeur): Merci, M. Saint-Laurent. Je suis maintenant prêt à reconnaître M. le député de Trois-Rivières.

M. Gabias: Merci. Alors, M. Saint-Laurent, Mme Aubé, Mme Cantin et M. Bourassa, bonjour. Je vous amène à la modification proposée quant à l'obligation de produire, tous les cinq ans, le rapport sur la mise en oeuvre de la loi. On sait que le projet de loi propose que ce rapport-là soit produit par un tiers, ce à quoi vous vous objectez, si je comprends bien. J'aimerais vous entendre et peut-être que vous explicitiez davantage cette question-là, toujours évidemment avec le souci de transparence et d'assurance que le travail est le mieux fait possible. Alors, peut-être vous entendre là-dessus.

Le Président (M. Brodeur): M. Saint-Laurent.

M. Saint-Laurent (Jacques): Merci, M. le Président. En fait, c'est d'abord et avant tout un questionnement que nous avons sur cet aspect-là de la production du rapport quinquennal. Si on essaie d'imaginer la logique au départ du législateur, lorsqu'il a prévu en 1982 qu'il y ait un rapport quinquennal ? et ça a été repris par la suite dans plusieurs autres législations ? c'était de dire: On innove, au Québec, avec la législation en matière d'accès à l'information et de protection des renseignements personnels, et c'est tellement nouveau qu'on ne sait pas trop comment ça va se passer à l'avenir. On a besoin de savoir quels seront les résultats de ce qu'on met en place et on veut, nous, comme parlementaires, pouvoir réexaminer de nouveau cette question-là après un certain temps.

Et la question qui se pose, pour les membres de la commission, c'est celle de savoir: La Commission d'accès à l'information n'est-elle pas l'organisme au départ qui doit initialement communiquer l'expérience vécue au cours des cinq dernières années? Il est fort possible ? ça a été le cas pour le dernier rapport quinquennal ? qu'il soit utile également d'obtenir l'avis d'un tiers. Mais, de renverser la vapeur puis de prévoir dans la législation que dorénavant ce sera un rapport indépendant et éventuellement la personne à qui le mandat sera confié de préparer ce rapport-là pourrait consulter la commission, je dois dire qu'on ne comprend pas très bien, là. Le principe et la logique de départ étaient plus de dire: Allons chercher de la part de l'organisme spécialisé quel a été son vécu. Posons-lui des questions, au besoin, et, si on veut faire vérifier, obtenir des conseils additionnels, bien il sera toujours temps de faire appel à un tiers. C'est dans ce sens-là qu'on ne comprend pas bien l'objectif de la modification à l'article 179.

M. Gabias: Si vous permettez, M. le Président.

Le Président (M. Brodeur): Oui, M. le député de Trois-Rivières.

M. Gabias: À ce moment-là, dans la mesure où on conserverait le mode actuel, de quelle façon on pourrait faire intervenir ou quand devrions-nous faire intervenir un tiers dans l'évaluation, dans le rapport qu'il devrait faire? Qui ferait appel à un tiers, et quand, et dans quelles circonstances selon vous?

M. Saint-Laurent (Jacques): Bien, évidemment, je serais porté à suggérer que l'intervention du tiers puisse être faite uniquement d'un point de vue administratif, comme ça a été le cas pour le dernier rapport quinquennal. Maintenant, il est également possible d'introduire cet élément-là dans la législation en mentionnant, soit au niveau du ministre, soit au niveau de la commission, l'obligation d'avoir une section, une partie du rapport quinquennal qui fait partie... qui fait état, je devrais dire, de l'avis obtenu d'un tiers ou de tiers au sens général du terme. Ce pourrait être la façon de procéder.

Le Président (M. Brodeur): Merci, M. Saint-Laurent. Nous sommes maintenant prêts à entendre une première question du côté de l'opposition officielle. Donc, M. le député de Chicoutimi, la parole est à vous.

M. Bédard: Merci, M. le Président. Alors, M. Saint-Laurent, salutations aussi aux gens qui vous accompagnent. Alors, c'est un plaisir de vous accueillir ici avec un mémoire effectivement aussi fouillé sur les différents éléments. Malheureusement, nous n'aurons pas l'occasion de les aborder tous en profondeur, de leur accorder toute l'attention qu'ils méritent. Je peux vous assurer de toute façon que ce mémoire va servir aux fins des travaux de cette commission.

Vous dites dans votre rapport que le projet de loi actuel ? et là je reprends vos termes à la page 5 ? masque «l'ampleur des modifications envisagées, notamment aux contrôles préalables», quant aux assouplissements apportés à la protection des renseignements personnels. Et vous terminez en disant qu'«à toutes fins pratiques les barrières que dresse la Loi sur l'accès pour limiter la circulation des renseignements personnels entre organismes publics deviendront pure fiction». Ce qui, je vous dirais, va dans le sens de nos inquiétudes actuelles par rapport au projet de loi.

Pourriez-vous, de façon plus pratique, nous traduire quel aurait les impacts... quels impacts, plutôt, auraient les modifications actuelles, tant aux articles 67, 68, quant aux autorisations additionnelles? Je regardais toute l'argumentation que vous aviez, par rapport à l'introduction de l'article 65.1, qui concerne... que ce nouvel article permettrait cette autorisation. Donc, on énonce un principe de protection et de demande préalable, sauf qu'on lui amène tellement d'exceptions... Et je vous dirais, comme juriste... je regarde... Lorsque l'utilisation... «à des fins compatibles avec celles pour lesquelles il a été recueillie», c'est quand même assez large, très large, et sans autorisation préalable de la commission, lorsque l'«utilisation est nécessaire à l'application d'une loi au Québec», moi, je vous dirais, comme juriste, ça me semble très large comme application. Le seul cas où on demande d'en informer la Commission d'accès, c'est lorsque l'«utilisation est nécessaire à la prestation d'un service à [...] rendre». Dans ce cas, l'organisme public doit en informer la Commission d'accès au préalable. Ça me semble accorder des pouvoirs très larges, là, en matière d'utilisation d'informations personnelles.

Le Président (M. Brodeur): M. Saint-Laurent.

M. Saint-Laurent (Jacques): Merci, M. le Président. C'est une situation qui est assez complexe et qui a plusieurs ramifications, celles qui concernent le principe de l'article 59, dont je parlais tout à l'heure, et les différentes exceptions. C'est sûr que, si on prend isolément l'un des cas, par exemple, de l'article 65.1 et qu'on dit: Bon, bien, on doit décider s'il est manifestement au bénéfice d'une personne concernée, par exemple, de communiquer les renseignements personnels sans son consentement, théoriquement on peut se convaincre qu'une personne raisonnable va prendre une décision somme toute correcte.

La difficulté que ce projet représente, c'est celle de constater et de mettre en évidence le fait que, pour faciliter la tâche de l'Administration, on prévoit ces paramètres-là et on donne des hypothèses pour lesquelles il sera possible de communiquer ces renseignements-là en disant: La personne concernée, la personne qui a besoin de l'information décidera de ce qui doit arriver, décidera de l'utilisation, décidera de la collecte et décidera de la communication.

Et c'est cette problématique-là qui nous amène à soulever et à allumer, si vous voulez, une lumière rouge pour dire: Attention! Dans le feu de l'action, avec des pressions économiques, budgétaires, avec des pressions d'un entourage x ou y, le fait de dire: On va confier à un décideur dans une organisation municipale, dans une organisation ministérielle ou dans un organisme la responsabilité de décider, lui, si c'est manifestement au bénéfice ou non de la personne concernée, sans avoir de mécanisme de contrôle autre, d'approbation, ça nous apparaît dangereux.

n (11 h 10) n

Et c'est dans ce contexte-là qu'il est important de dire: Oui, tout ça s'explique, mais il nous semble manquer un maillon fort important qui est celui de dire: La commission est complètement écartée de ces activités-là et la commission est quand même l'organisme expert dans le domaine, l'organisme qui aurait les connaissances et l'expertise pour venir, au besoin, guider le décideur sur ce qui est manifestement au bénéfice de la personne concernée et ce qui le serait moins.

L'autre élément qu'il me semble important de souligner, c'est celui du citoyen. Le citoyen, n'ayant plus comme accompagnateur, allié, si je peux le dire de cette façon-là, la Commission d'accès à l'information, va être placé dans la situation où il va devoir constater... et c'est ce qu'on aura à lui dire: Écoutez, éventuellement vos renseignements personnels vont circuler, et on ne saura pas, nous, comme commission, et, vous, vous ne saurez pas non plus quels sont les renseignements personnels qui circulent, auprès de qui et quand.

Ce sont les deux lacunes pratiques pour lesquelles on voulait attirer les membres de la commission, pour dire: Est-ce qu'il n'y a pas une possibilité de faire en sorte que, lorsque la personne doit décider de ? je reprends l'exemple que j'ai pris tout à l'heure, qui est tiré de l'article 65.1 ? la personne doit décider de ce qui est manifestement au bénéfice de la personne concernée, qu'elle ait un organisme tiers dans l'entourage ? si je peux le dire de cette façon-là ? au même titre que dans un processus de décision administrative. Dans les règles de base de droit administratif, il y a un premier niveau de décision mais il y a toujours d'autres niveaux de décision qui viennent contrôler les activités du premier niveau.

M. Bédard: Ce que vous dites finalement, c'est que le citoyen ? et c'est l'exemple que vous donniez au départ, c'était la phrase que vous avez... vous avez commencé votre présentation avec ça ? c'est qu'en soustrayant beaucoup de ces décisions à la surveillance et à l'avis de la Commission d'accès, c'est qu'on se trouve a posteriori, lorsque le mal est fait finalement, lorsque le citoyen se trouve, je dirais, attaqué dans cette recherche ou dans ses attentes de protection de renseignements, à ce moment-là, le mal est fait, et la confiance est rompue, et vous dites... Parce que je regarde la plupart des articles où effectivement le rôle de la commission se trouve de beaucoup édulcoré, retiré, et là on n'agit pas de façon préventive, mais de façon curative. Or, lorsque le mal est fait, et vous le disiez très bien, il n'y a pas beaucoup de solutions à apporter à quelqu'un qui a vu ses renseignements violés de façon contraire à la loi.

Le Président (M. Brodeur): M. Saint-Laurent.

M. Saint-Laurent (Jacques): Merci, M. le Président. Bien, comme vous le soulignez, la petite publicité dont je parlais, de l'Australie, tout à l'heure, là, qui rappelle que, lorsque le mal est fait, il est trop tard... Et il y a aussi le fait que je pense qu'il faut être très conscients qu'au niveau des mesures de contrôle a posteriori les activités de la commission actuellement sont à toutes fins pratiques inexistantes, pour des raisons bien évidentes de capacités administratives et financières de les réaliser. Et, même en ayant certaines capacités financières, la quantité et la multiplicité des activités de communication rendent le contrôle a posteriori très éphémère dans une certaine mesure.

Je pense qu'il est important de mettre à contribution les personnes concernées dans ce contrôle-là, et on peut selon moi mettre à contribution les personnes concernées dans le contrôle en leur fournissant l'information. Lorsque nous étions dans un contexte papier, la situation était sans doute très, très difficile de dire: On va fournir l'information. Mais, dans un contexte électronique, dans un contexte où on peut ? j'ai oublié l'expression française, comment on dit en français «loguer»... journaliser, bon, ça me revient, là ? lorsqu'on peut journaliser les informations et avec les capacités des mémoires informatiques actuelles, bien c'est beaucoup plus difficile de dire qu'on ne peut pas rendre accessible l'information au citoyen sur ce qui a circulé à son sujet. Et je pense que de mettre à contribution le citoyen dans le contrôle pourrait être un élément fort utile.

Le Président (M. Brodeur): M. le député de Chicoutimi.

M. Bédard: Merci. D'autant plus que vous avez donné des exemples aussi actuellement, au niveau du gouvernement en ligne, de l'utilisation des services en ligne, il y a des possibilités... on peut combiner les deux.

Je regarde l'article 67 et les modifications qui sont apportées à l'article 67 qui permet à un organisme public de communiquer un renseignement personnel sans consentement lorsque la «communication est nécessaire à l'application d'une loi du Québec». Et là, tel que modifié, l'article 67 autorisera la communication si elle «est nécessaire à l'application d'une loi au Québec, que cette communication soit [prévue ou non] expressément par la loi». Qu'elle soit prévue expressément ou non par la loi. Pouvez-vous nous expliquer, pour nous, quelle sera l'application d'une telle modification pour laquelle vous avez des craintes?

Le Président (M. Brodeur): M. Saint-Laurent.

M. Saint-Laurent (Jacques): Oui. Merci, M. le Président. En fait, la modification proposée à l'article 67, pour la commission, sur le texte comme tel, ne pose pas vraiment de problème dans la mesure où il s'agit de la codification de la jurisprudence. Or, il y avait, dans le passé, des préoccupations des ministères et des organismes sur la possibilité que le mot «nécessaire» soit interprété comme exigeant une disposition législative explicite, et ce n'est pas le point de vue de la commission actuellement, de telle sorte que la modification qui est introduite vise simplement à codifier l'interprétation déjà existante de la commission.

Le Président (M. Brodeur): M. le député de Chicoutimi.

M. Bédard: Sur les informations publiques, les modifications... Vous nous disiez tantôt ? c'est l'article, je crois, l'article 25 du projet de loi actuel, qui concerne les informations qui sont publiques ou qui ne jouissent pas d'une protection parce que connues ? vous nous dites: Bon, les modifications actuelles peuvent avoir des effets néfastes, là. Pourriez-vous nous en faire part? Vous n'avez pas eu le temps tantôt de préciser votre...

Le Président (M. Brodeur): M. Saint-Laurent.

M. Saint-Laurent (Jacques): Oui. Merci, M. le Président. Malheureusement, on a une perception actuelle, au sein de l'Administration publique au sens large, que, lorsqu'on est en présence d'un renseignement qui a un caractère public, il est public à toutes les fins possibles et imaginables. Si on examine un peu plus attentivement la situation, on va constater qu'on va avoir conféré un caractère public à un renseignement pour une fin bien précise, par exemple le Registre des droits réels, personnels, mobiliers, ce qu'on appelle le RPDRM. Or, il y a des informations qui concernent les citoyens et les biens mobiliers qu'ils détiennent, pour lesquels il y a des liens financiers, des liens hypothécaires. Ces informations-là sont rendues publiques. Il y a aussi le registre municipal au niveau de l'évaluation foncière, pour en donner un autre exemple.

Or, de dire: Ce registre-là contient des informations publiques, et les informations que contient le registre seront dorénavant publiques largement, ça nous apparaît quelque chose qui ne correspond pas à la finalité du caractère public. Et de prendre conscience, surtout avec le développement actuel des technologies, du fait qu'on peut prendre la banque de données du registre des évaluations immobilières, par exemple de l'île de Montréal, et la jumeler à d'autres registres qui seraient, imaginons les situations un peu plus graves, le registre, par exemple, des prestataires d'aide sociale, dont est responsable aussi la ville de Montréal, et là on arrive à pouvoir faire le lien entre l'information du registre foncier avec l'information, qui, elle, est confidentielle, du registre des prestataires d'aide sociale. Et, dans ce sens-là, de dire: Il peut y avoir... Et la commission peut avoir à approuver parfois des transferts de fichier pour des raisons bien spécifiques ? elle le fait à l'occasion ? mais une fois que le fichier, par exemple du registre de l'évaluation foncière de l'île de Montréal est rendu entre les mains du ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale, la préoccupation de la commission, ce serait de dire: Les informations perdent leur caractère public, elles sont utilisées par le ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale aux fins de ses activités de prestations d'aide sociale et d'aide à l'emploi de toutes sortes. Et donc, à ce moment-là, il faut appliquer les règles de protection des renseignements personnels, même si par ailleurs, dans les activités d'évaluation foncière, ce pourrait être accessible.

L'autre élément qui nous préoccupe également, c'est qu'à l'époque, quand on a conféré un caractère public à ces renseignements-là, nous n'avions pas les capacités technologiques que nous avons actuellement. Au niveau technologique actuellement, on peut prendre le registre ? je reviens avec l'évaluation foncière ? le registre de l'évaluation foncière. Imaginez les recherches qu'on fait maintenant sur Internet avec Google. Alors, utilisons un outil de recherche semblable à Google avec le registre de l'évaluation foncière, et on se ramasse des données peut-être fort intéressantes sur les propriétés immobilières de M. Saint-Laurent sur l'île de Montréal, alors qu'à l'époque, lorsqu'on a confié le caractère public, ce n'était pas ça du tout qui était l'objet. Et il y a la possibilité de rendre accessibles sur Internet ces choses-là mais de bloquer le téléchargement de la banque de données au complet et de bloquer également le furetage pour des fins de ramasser toutes les... Je vous donnais l'exemple de mes propriétés foncières, mais ça pourrait être les propriétés foncières d'un artiste X ou Y ou d'un politicien X ou Y.

n (11 h 20) n

M. Bédard: Quant à l'article 29 du projet de loi, qui modifie l'article 64, l'ajout de: «Un organisme public peut toutefois recueillir un renseignement personnel si cela est nécessaire à l'exercice des attributions ou de la mise en oeuvre d'un programme de l'organisme [...] relevant de la responsabilité d'un ministre dont lui-même relève ou de l'organisme public avec lequel il collabore pour la prestation de services.» Ce que je comprends... Donc, ce que vous nous dites, c'est que cet article, il ne devrait pas avoir... Donc, l'organisme ne devrait pas avoir le droit de colliger pour un autre organisme public des renseignements personnels qui ne sont pas nécessaires à l'exercice de ses fonctions. Donc, ce que vous souhaitez, c'est le retrait pur et simple de cette modification.

Le Président (M. Brodeur): M. Saint-Laurent.

M. Saint-Laurent (Jacques): Oui. Merci, M. le Président. Vous savez, tout à l'heure, on a parlé de l'introduction, pour les articles 64, 65, 66, 67 et suivants, de différents mécanismes pour venir ouvrir différentes possibilités de circulation de l'information, de collecte et d'utilisation. La problématique de l'article 64, plus spécialement, c'est qu'on vient ajouter un nouvel élément qu'il ne faut pas banaliser, si je peux le dire de cette façon-là. D'une part, on vient introduire toutes sortes d'éléments facilitants ? appelons-les comme ça ? et en plus on vient ajouter à l'entrée, si vous voulez, à la collecte des renseignements aussi une nouvelle avenue.

Et permettez-moi peut-être l'image un peu simpliste de la circulation dans une municipalité. Alors, on vient introduire différentes règles de circulation dans une municipalité pour dire: On va empêcher tel ou tel type de véhicule, par exemple, de circuler, sauf à des endroits bien précis puis à des conditions bien précises ? et là ce sont nos articles 67 et suivants dont je parle ? et par la suite on vient introduire, à l'entrée de la municipalité, la possibilité de circuler par un autre chemin. Et là, avec l'article 64, c'est un peu ce qu'il se passe, si je peux le décrire de cette façon-là. On vient introduire une possibilité de collecte par un organisme qui n'est absolument pas concerné par les activités, qui a simplement un lien avec le ministre de qui relève le ministère ou l'organisme. Mais l'organisme en question n'en a pas besoin, des renseignements, et ça nous apparaît, un peu comme je le fais en image, là, une avenue à côté.

On s'est donné toute une série de règles puis on vient dire: Ah, mais il y aura une possibilité de circuler ailleurs dans la municipalité, si je continue mon image. Et ça peut être passablement selon nous dangereux, d'autant plus qu'il serait possible, soit par des ententes ou autrement, de confier des mandats, des contrats qui feraient en sorte que, si on doit demander à quelqu'un d'autre de faire une collecte, la Loi sur l'accès prévoit déjà des mécanismes. Alors, la porte ouverte, là, nous apparaît peut-être à première vue, à tout le moins, très grande.

Le Président (M. Brodeur): Merci, M. Saint-Laurent. Pour une dernière courte question, M. de Chicoutimi.

M. Bédard: Dernière courte... rapidement, je comprends aussi que vous êtes en faveur de la modification que nous souhaitions quant aux responsables de l'accès à l'information. Vous reprenez telle quelle la recommandation que la Commission de la culture et, je crois même, que la Commission d'accès avaient faite afin de prévoir un recours particulier, pour les responsables de l'accès à l'information dans les différents ministères, donc de les soustraire, si on veut, aux pressions indues. C'est une modification qui vous semble aller dans le sens de favoriser une... automatique, donc sans les pressions que pourraient subir ces différents responsables.

Et peut-être ? vous me répondrez, oui ou non, si j'ai bien compris ? peut-être une dernière chose aussi où vous avez mentionné... Vous ne souhaitez pas voir la commission ou plutôt une modification du régime actuel de façon à assurer une juridiction exclusive de la Commission d'accès à l'information sur les décisions. Il me semble ? et vous me détromperez, si je suis à côté de la track ? il me semble que le rapport antécédent de la Commission d'accès recommandait une telle avenue, celui de cinq ans avant, donc en 1997, je crois. Et est-ce que vous ne pensez pas que cette façon de faire, qui va dans le sens de l'organisation des tribunaux administratifs actuels, donc de respecter cette compétence qui se développe au sein de la Commission d'accès à l'information sur des sujets précis, là, cette compétence et les délais aussi surtout s'en trouveraient reconnus et améliorés, si, je vous dirais, la possibilité de contester les décisions ne se fait qu'en matière clairement juridictionnelle, donc une question de compétence de la commission? Ou, si la décision de la commission est manifestement déraisonnable, vous ne pensez pas que cette façon serait de nature à assurer que les délais et les coûts soient de beaucoup diminués pour les contribuables qui font appel à l'aspect juridictionnel finalement, à l'application de la loi?

Le Président (M. Brodeur): M. Saint-Laurent, pour une courte réponse parce que, théoriquement, le temps est déjà écoulé.

M. Saint-Laurent (Jacques): Bon, bien, je vais essayer d'être très succinct. Sur la question du responsable, j'aimerais peut-être simplement souligner que la préoccupation des membres de la commission, c'est de faire en sorte que le responsable, dans les ministères et les organismes et dans les municipalités, dispose des outils et de la latitude pour travailler. Il doit, à l'occasion, faire les consultations appropriées, mais c'est une personne, une fonction qui est très importante, qui est très importante dans un système démocratique, et les organisations publiques doivent avoir le souci de donner les outils au responsable pour qu'il puisse faire son travail adéquatement.

Sur la question de l'intervention de la Cour du Québec d'un appel, en fait c'est sûr qu'il y a une préoccupation de délai, il y a une préoccupation de coût, mais, ne serait-ce que par cohérence avec les commentaires que nous faisons à l'égard des décisions qui doivent être prises par les ministères et les organismes sur la communication des renseignements et l'accès, il est important qu'il y ait un contrôle, que les activités de la commission, au même titre que d'autres activités, soient contrôlées par un tribunal. Et l'important, c'est que le tribunal ait la possibilité de développer une spécialisation, de développer une expertise parce que c'est très complexe. La Cour du Québec, depuis 20 ans, l'a fait. Et c'est peut-être bon de mentionner aussi qu'il y a très peu d'appels. On parle d'une vingtaine par année, ce qui est très peu. Alors, dans ce sens-là, je pense que le maintien d'un recours à la Cour du Québec me semble justifié.

Le Président (M. Brodeur): Merci, M. Saint-Laurent. Je tiens finalement à remercier la Commission d'accès à l'information pour cet échange si intéressant. Donc, pour l'instant, je vais suspendre quelques instants, le temps de voir le Protecteur du citoyen s'installer pour un prochain mémoire.

(Suspension de la séance à 11 h 28)

(Reprise à 11 h 29)

Le Président (M. Brodeur): À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, nous sommes prêts à continuer nos travaux concernant ces consultations sur le projet de loi n° 86. Nous accueillons maintenant le Protecteur du citoyen. Bienvenue en commission parlementaire. Et immédiatement... Vous connaissez déjà les règles, nous avons un total de 60 minutes d'échange et... qui débute par une période n'excédant pas 20 minutes... de la présentation de votre mémoire. Donc, Mme Champoux-Lesage, si vous voulez présenter, premièrement, les gens qui vous accompagnent, avant de débuter votre présentation.

Protecteur du citoyen

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Merci, M. le Président. Alors, je suis accompagnée, à ma droite, de mon adjointe, Me Micheline McNicoll, qui est aussi responsable de la loi, de cette loi chez nous, et de mon conseiller juridique, Me Jean-Claude Paquet.

n (11 h 30) n

Alors, merci de nous accueillir. Ce n'est pas la première fois que le Protecteur du citoyen intervient sur le sujet de la loi sur l'accès et de la protection des renseignements personnels. Alors, j'imagine que les membres de cette commission ne seront pas surpris de la nature de nos préoccupations et des réserves que nous émettrons.

Alors, le projet de loi n° 86, Loi modifiant la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels et d'autres dispositions législatives, propose des changements importants aux deux volets de cette loi prépondérante. D'abord, en matière d'accès aux documents, l'introduction d'une approche proactive de diffusion automatique de l'information récolte d'emblée l'assentiment du Protecteur du citoyen. Par contre, le virage proposé en matière de protection des renseignements personnels soulève certaines interrogations.

Le Protecteur du citoyen, comme je viens de le dire, accueille favorablement l'ensemble des modifications qui touchent l'accès aux documents. Celles-ci vont permettre une plus grande accessibilité aux documents détenus par les services publics. Je veux citer pour exemple la mise en oeuvre d'une politique de diffusion de l'information, les mesures spéciales adaptées aux personnes ayant une déficience visuelle ou auditive, l'élargissement du champ d'application de la Loi sur l'accès en assujettissant les ordres professionnels et certains organismes municipaux, l'accessibilité aux décisions du Conseil exécutif et les obligations d'assistance du responsable de l'accès à l'égard des personnes qui veulent déposer une demande d'accès à un document.

Par ailleurs, les modifications proposées au chapitre de la protection des renseignements personnels soulèvent certaines interrogations. Depuis que la loi est en application, la protection des renseignements personnels repose sur les valeurs et les principes suivants: la responsabilisation de chaque organisme public dans la collecte, l'utilisation, la communication et la conservation des renseignements personnels ? cela s'est concrétisé notamment par le cloisonnement des organismes en cette matière; deuxièmement, la transparence dans la collecte et la prévisibilité, pour le citoyen, de l'utilisation et de la communication des renseignements personnels le concernant; troisièmement, la nécessité d'un lien formel rigoureux entre le fait de recueillir un renseignement et son utilisation. Ainsi, le renseignement recueilli doit être nécessaire à une ou des fins précises, connues, prévues dans les lois.

Ces principes et valeurs guident d'ailleurs la Commission d'accès dans ses avis et les organismes dans leur fonctionnement. Étant seul responsable de sa collecte de renseignements, chaque organisme en est imputable. Le citoyen pour sa part peut s'attendre à ce que les renseignements fournis soient à jour, exacts et utilisés à des fins précises dont il peut être clairement informé s'il le désire. Tout ce cadre réfère à l'idée qu'en matière de protection des renseignements personnels seule la prévention est efficace. En effet, lorsqu'un renseignement est communiqué erronément, il s'avère impossible de revenir en arrière, aucune action ne pouvant contrer a posteriori les effets de la divulgation. Le Protecteur du citoyen souscrit à tous ces principes et valeurs qui s'incarnent dans la Loi sur l'accès et qui jusqu'à présent sont apparus adéquats pour préserver les droits des citoyens ainsi que leur vie privée.

Aujourd'hui, on peut lire, dans les notes explicatives qui accompagnent le projet de loi ? je cite: «Le projet assouplit également certaines règles relatives à la collecte, à l'utilisation et à la communication de renseignements personnels.» Les motifs invoqués pour procéder à ces changements réfèrent à un souci de simplifier la vie des citoyens. En assouplissant les modalités de collecte et d'utilisation des renseignements personnels, l'objectif avancé semble être de faciliter la gestion de ces renseignements, ce qui devrait se traduire par un allégement des obligations qui incombent aux citoyens.

Dans l'absolu, le Protecteur du citoyen ne peut être qu'en accord avec ces objectifs généraux et se réjouit chaque fois que des mesures sont adoptées pour faciliter et simplifier les relations entre les citoyens et l'Administration publique. On peut également comprendre que certains ajustements soient utiles pour améliorer l'Administration et moderniser ses façons de faire. Mais faciliter la vie du citoyen et la gestion administrative ne doit pas se faire au détriment des valeurs et des principes qui ont contribué à instaurer des règles et des pratiques de transparence et d'imputabilité.

La lecture des articles 29 à 41, qui modifient l'ensemble des dispositions relatives à la collecte, l'utilisation et la communication des renseignements personnels, amène plutôt à penser, comme on le verra plus loin, que l'approche qui est maintenant la règle pourrait devenir l'exception, et ce, même si elle est réaffirmée en toutes lettres. Effectivement, si les modifications proposées sont adoptées intégralement, il pourrait ne plus être possible de savoir, même avec une relative précision, à quelles fins le renseignement recueilli par un organisme pourra être utilisé et à qui il sera communiqué. Le citoyen sera placé devant le fait accompli et n'en sera informé que s'il consulte le registre de chaque organisme.

Dans cette optique, le Protecteur du citoyen se demande ce que l'on cherche à accomplir qui n'est pas déjà possible avec la loi actuelle qui, elle, encadre la gestion des renseignements personnels. Cette dernière est pourtant déjà permissive. Nous citons pour exemple les articles 59 et 61 qui permettent la communication sans le consentement de la personne concernée dans de multiples circonstances. L'article 59 lui-même réfère à d'autres dispositions qui permettent la communication de renseignements personnels pour assurer l'application des lois au Québec et même permettre de recueillir des renseignements déjà colligés auprès d'une personne ou d'un organisme privé.

Alors, le Protecteur du citoyen se demande quels sont les problèmes à résoudre qui nécessitent de tels changements, quelles garanties seront fournies pour assurer le respect de la vie privée, outre les mesures de sécurité évoquées. Au motif de simplifier la vie au citoyen, le gouvernement ne vise-t-il pas plutôt à simplifier celle de l'appareil gouvernemental?

D'après son expérience, le Protecteur peut témoigner du fait que les citoyens accordent une grande importance à la confidentialité des renseignements personnels qu'ils confient à l'Administration publique. Par ailleurs, au cours des dernières années, nous avons constaté que les organismes publics ont à coeur de gérer les renseignements personnels en fonction des fins pour lesquelles ils sont recueillis et des attentes des citoyens à cet égard. Nous avons également pu observer, à l'occasion des multiples scénarios qui ont précédé l'actuel Service québécois de changement d'adresse, que de nombreux organismes publics se sont responsabilisés à l'égard de leurs relations avec leur clientèle, avec qui ils ont le souci de communiquer avec transparence et précision. Le Service québécois de changement d'adresse est d'ailleurs un bel exemple, comme l'évoquait la personne qui me précédait ici, illustrant qu'il est possible de faciliter la vie au citoyen tout en respectant l'autonomie et la responsabilité de chaque organisme dans le cadre de l'actuelle Loi sur l'accès. La preuve a donc été faite que cela est possible. Pourquoi alors introduire des changements aussi majeurs dans l'approche de la protection et de la gestion publique des renseignements personnels?

Afin d'illustrer notre propos, certaines dispositions méritent que nous nous y attardions. L'article 29 du projet de loi, qui est de droit nouveau, ajoute un alinéa à l'article 64 au regard de la cueillette: «Un organisme public peut toutefois recueillir ? je cite ? un renseignement personnel si cela est nécessaire à l'exercice des attributions ou à la mise en oeuvre d'un programme de l'organisme public relevant de la responsabilité d'un ministre dont lui-même relève ou de l'organisme public avec lequel il collabore pour la prestation de services.» À titre d'exemple et selon la compréhension que nous en avons, dans les faits cela pourrait permettre à la Société de l'assurance automobile de recueillir des renseignements pour la Société des traversiers ou l'Agence métropolitaine du transport simplement parce que ces trois organismes relèvent du même ministre. Il y a des exemples multiples aussi avec le ministère de la Justice. Alors, ce qui m'inquiète, c'est que je me demande qui va décider de procéder à de telles opérations, qui va interpréter cette disposition au sein d'un organisme public.

Cet ajout aux bases légales de la cueillette de renseignements personnels instaure donc comme critère le fait de relever du même ministre et le fait de collaborer pour la prestation de services, indépendamment de la nécessité du renseignement dans l'exercice des attributions de l'organisme qui recueille lesdits renseignements. Ce qui est énoncé comme règle au premier alinéa, à savoir le lien de nécessité à l'exercice des attributions, est battu en brèche par deux critères, créant ainsi une autre règle qui n'a aucun rapport avec la première qui, elle, établissait un lien de logique incontournable. Quand on considère le fait que la rattachement à un ministre n'est jamais immuable et peut changer au gré des remaniements ministériels, il apparaît utile de s'interroger sur la pertinence de ce critère.

L'article 31 du projet de loi ajoute l'article 65.1 à la Loi sur l'accès pour énoncer une règle implicite qui était le fondement de l'utilisation cette fois des renseignements personnels par les organismes publics. Je cite: «Un renseignement personnel ne peut être utilisé au sein d'un organisme public qu'aux fins pour lesquelles il a été recueilli.» Cette règle, sans être affirmée en toutes lettres comme le fait ce nouvel article, se déduisait des articles 64 et 65 ainsi que des dispositions 66 à 70 qui traitent de la communication de renseignements personnels à des fins déterminées ou déterminables.

On peut considérer l'énoncé de principe de l'article 65.1 comme une amélioration en termes de clarté de la règle applicable. Par contre, les quatre alinéas suivants permettent, pour ainsi dire, le contraire, c'est-à-dire l'utilisation pour des fins non prévues, avec ou sans le consentement de la personne concernée. L'usage du terme «cependant» confirme que le législateur en est bien conscient. On peut lire: «L'organisme public peut cependant utiliser un tel renseignement à une autre fin avec le consentement de la personne concernée ou, sans son consentement, [...] lorsque son utilisation est à des fins compatibles [...] lorsque son utilisation est manifestement au bénéfice de la personne concernée; lorsque son utilisation est nécessaire à l'application d'une loi au Québec, que cette utilisation soit ou non prévue expressément par la loi; lorsque son utilisation est nécessaire à la prestation d'un service», etc.

n (11 h 40) n

Il appert difficile d'imaginer une situation qui n'est pas couverte par cette énumération. En outre, le libellé de ces alinéas permet une interprétation très large et apparaît un virage à 90 degrés par rapport à ce qui a prévalu à ce jour. L'appréciation du bénéfice, par exemple, peut varier selon la personne qui prend la décision et celle qui la subit. À la lumière de l'information portée à sa connaissance, le Protecteur du citoyen se questionne, d'une part, sur les intentions du législateur et, d'autre part, sur les effets de l'application de ces exceptions qui contredisent pratiquement l'énoncé préalable de la règle.

L'article 33 du projet de loi, maintenant. La disposition actuelle, l'article 67 de la Loi sur l'accès, permet la communication, sans le consentement de la personne concernée, d'un renseignement personnel à toute personne ou organisme si cette communication est nécessaire à l'application d'une loi au Québec. C'est une disposition au libellé très large et qui ne devait pas devenir une façon de contourner les objectifs de la Loi sur l'accès. Dans cette optique et afin de donner un sens aux termes de cette disposition, la commission interprétait aussi dans ses avis: on devait retrouver dans la loi en question une disposition permettant la communication de certains renseignements. Au cours des années, cette interprétation a amené le législateur à devoir préciser dans les lois les renseignements que tel ou tel organisme pouvait communiquer. Un tel exercice a exigé, de la part des parlementaires, qu'ils s'interrogent sur la nécessité d'autoriser ces communications de renseignements. Cela a suscité des débats autour de ces questions et a contribué à responsabiliser toute la chaîne décisionnelle.

Je considère que le projet de loi n° 86 altère ce processus démocratique axé sur la transparence et la responsabilité, en ajoutant: «que cette communication soit ou non prévue expressément par la loi». Chacun pourra désormais interpréter à son gré, selon les besoins du moment, cette disposition déjà très permissive et qui ne nécessitait pas l'avis de la Commission d'accès ni même d'entente écrite. Seule l'inscription au registre des communications demeure. On comprend toutefois, même si le registre assure une certaine transparence, que cette inscription se fera une fois que la communication sera effectuée. Dans le domaine de la protection des renseignements, je le répète, c'est d'abord la prévention qui est efficace.

L'effet de cette modification à l'article 67 est amplifié par la modification apportée à l'article 68.1. Par cette dernière, il est proposé de supprimer l'obligation de procéder par entente écrite et avis de la Commission d'accès lorsqu'il y a communication d'un fichier de renseignements personnels aux fins de le comparer avec un fichier détenu par une personne ou un organisme. Cette obligation est remplacée par le seul devoir d'informer la Commission d'accès au préalable. L'information préalable à la Commission d'accès n'a pas la portée d'une entente écrite rendue publique avant toute mise en oeuvre, qui est de loin une façon de faire qui démontre le sérieux et le souci de donner de la consistance et des assises aux droits contenus dans la loi sur l'accès.

L'ensemble de ces considérations suscite donc des questions quant aux garanties qui demeureront pour assurer la transparence, la prévisibilité et l'imputabilité dans ce domaine. Aussi, le Protecteur du citoyen formule une recommandation assez large, c'est-à-dire que l'on s'assure que l'utilisation des renseignements personnels aux fins pour lesquelles ils ont été recueillis demeure la règle et non l'exception et que le projet de loi soit reformulé en ce sens.

Un mot maintenant sur les mesures de sécurité. Les mesures de sécurité constituent bien sûr des éléments essentiels d'un système de gestion des renseignements personnels qui soit crédible et fiable. Le Protecteur du citoyen accueille donc favorablement l'article 28 du projet de loi, qui impose aux organismes publics des obligations à cet égard. Toutefois, il importe de rappeler qu'assurer la confidentialité d'un renseignement ne se limite pas à mettre en place une infrastructure technologique de sécurité ou tout autre moyen de garde ou de contrôle. Le caractère confidentiel d'un renseignement réfère d'abord et avant tout à l'utilisation qui en est faite, par qui, selon quelles modalités et dans quel but. Il existe une différence entre des mesures de sécurité et le nombre de personnes et d'organismes qui peuvent consulter et utiliser les renseignements personnels des citoyens.

L'article 25 du projet de loi introduit une modification substantielle à l'article 55 de la Loi sur l'accès en édictant clairement que les renseignements à caractère public ne sont pas soumis aux règles de protection de renseignements personnels. Le second alinéa, entièrement de droit nouveau, suscite un commentaire déjà émis par le Protecteur du citoyen: Les renseignements à caractère public sont des exceptions et à ce titre ils ne doivent être accessibles qu'à la fin pour laquelle ils ont été rendus publics. Alors, je rejoins donc les préoccupations de mon prédécesseur à cette table. Ceci requiert évidemment que cette finalité soit déterminée et connue.

Lors de la consultation publique sur l'avant-projet de loi sur les nouvelles technologies de l'information, en 2000, adopté sous le titre Loi concernant le cadre juridique des technologies de l'information, le Protecteur insistait sur l'importance de retrouver dans la Loi sur l'accès, qui est prépondérante, la disposition équivalente à celle qui se trouve maintenant à l'article 24 de cette loi. Cette disposition limite l'accès à un renseignement à caractère public en fonction de la finalité particulière justifiant ce caractère public. En outre, le libellé de l'article apparaît nettement plus conforme à la logique et à l'approche globale préconisées en matière de protection de la vie privée et des renseignements personnels.

Malheureusement, le libellé de l'article 25 du projet de loi comporte bien des zones floues, en particulier quant à la notion de fins illégitimes. Je recommande donc d'harmoniser l'article 24 de la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l'information et l'article 55 de la Loi sur l'accès en retenant la finalité comme critère de restriction à l'accès à un renseignement à caractère public.

L'article 44 du projet de loi propose de supprimer l'obligation de produire la déclaration de fichiers de renseignements personnels à la Commission d'accès à l'information. Toutefois, l'obligation pour chaque organisme public d'établir et de maintenir à jour un inventaire de ces fichiers demeure. Afin de rendre l'exercice de cette fonction plus facile et du même coup permettre aux personnes concernées par ces fichiers d'en connaître l'existence, nous formulons, dans l'esprit de la diffusion automatique d'informations, une recommandation qui est la suivante: Que l'inventaire dont il est question à l'article 44 du projet de loi soit accessible sur le site Internet des organismes soumis à la Loi sur l'accès et qui disposent d'un tel site.

Quelques commentaires maintenant sur la modification de la structure de la Commission d'accès et l'ajout de deux commissaires. Pour notre part, nous accueillons favorablement les modifications apportées par les articles 58 et suivants du projet de loi. Même si, à la connaissance du Protecteur du citoyen, aucun cas de conflit d'intérêts à la Commission d'accès n'a été soulevé à ce jour en lien avec l'organisation interne de cet organisme, au cours des dernières années, plusieurs intervenants ont souligné le fait que les commissaires peuvent à la fois donner un avis sur un projet de loi et par la suite sanctionner son application. Selon ces intervenants, cette situation pourrait potentiellement être source de problèmes. Il est heureux de constater que le législateur a opté pour une solution qui préserve toutes les apparences d'impartialité de même que l'expertise globale de la Commission d'accès. La reconnaissance explicite de la fonction d'assurer le respect et la promotion tant de l'accès aux documents que de la protection des renseignements personnels est également une amélioration appréciable.

L'ajout de deux commissaires ainsi que l'imposition d'un délai pour prendre une décision constituent aussi des améliorations qui, nous l'espérons, contribueront à réduire les délais de traitement des dossiers, tant en révision qu'en enquête. Je ne peux que réitérer le souhait que nous avions déjà émis que la Commission d'accès soit pourvue des ressources et des effectifs suffisants pour assumer pleinement son mandat.

Concernant les règles de déontologie, le Protecteur est en accord avec la proposition voulant que la Commission d'accès adopte des règles de déontologie devant guider la conduite des commissaires. Il souhaite toutefois que le législateur aille plus loin et soumette l'ensemble des commissaires à l'autorité du Conseil de la justice administrative ou d'un mécanisme de contrôle équivalent. Actuellement, les citoyens ne disposent d'aucun recours lorsqu'ils souhaitent contester, par exemple, le travail ou l'attitude d'un commissaire de la Commission d'accès. À chaque année, le Protecteur du citoyen reçoit un certain nombre de demandes d'intervention à ce sujet mais doit les décliner puisque les fonctions juridictionnelles de la Commission d'accès échappent à son droit de regard.

Par ailleurs, il appert difficile d'expliquer pourquoi les commissaires sont soustraits à l'autorité du conseil, alors que tous les autres adjudicateurs exerçant des fonctions similaires y sont soumis. Du point de vue du Protecteur du citoyen, cette absence de recours, c'est une lacune, et le projet de loi n° 86 fournit l'occasion de la combler. Alors, on recommande que les commissaires de la Commission d'accès soient soumis, dans l'exercice de la fonction juridictionnelle, à l'autorité du Conseil de la justice administrative, avec les modifications de concordance nécessaires pour respecter la compétence de l'Assemblée nationale.

Concernant la médiation, le Protecteur du citoyen se réjouit de la disposition proposée à l'article 81 du projet de loi, qui reconnaît explicitement le pouvoir de la Commission d'accès d'agir en médiation. Il est cependant non seulement important de reconnaître formellement le rôle de la médiation mais aussi de la favoriser, et nous insistons sur ce point, car le libellé de l'article 40, tel que formulé, peut porter à confusion. Alors, nous recommandons que le projet de loi soit clarifié pour que la médiation ne retarde pas la mise au rôle d'une demande de révision.

Dernière intervention, concernant le rapport quinquennal. Sans critiquer aucunement les précédents rapports produits par la Commission d'accès, il pourrait être avantageux à notre avis qu'une personne indépendante porte un regard critique sur l'ensemble de la situation. Néanmoins, il nous apparaît que ce rapport ne sera pas complet si, avant son dépôt à l'Assemblée nationale, il n'est pas soumis à la Commission d'accès afin qu'elle puisse y ajouter ses commentaires. Il apparaît nécessaire que l'organisme chargé d'appliquer la loi génère aussi une réflexion qui fasse, elle aussi, l'objet de l'examen de la commission parlementaire chargée d'examiner ce rapport quinquennal. C'est d'ailleurs ce mode de fonctionnement qui est en vigueur chez le Vérificateur général, qui permet aux ministères et organismes d'intégrer leurs commentaires dans le rapport déposé à l'Assemblée nationale.

n (11 h 50) n

Alors, je conclus en disant que la loi sur l'accès aux documents et sur la protection des renseignements personnels, c'est un outil qui facilite l'exercice du droit à de l'information des citoyens, qui lui donne des garanties importantes, en matière de protection de la vie privée, dans ses relations avec les administrations publiques. Je considère donc que le projet de loi n° 86 apporte des améliorations substantielles, mais je ne suis pas convaincue que les modifications apportées, en matière de protection des renseignements personnels, soient véritablement nécessaires ou du moins que la nécessité en ait été clairement démontrée. Je vous remercie.

Le Président (M. Brodeur): Merci, Mme Champoux-Lesage. Excusez-moi de vous avoir pressée un peu dans le temps; 20 minutes, ça passe très vite. Donc, je suis prêt à reconnaître, pour une première question, M. le député de La Prairie.

M. Dubuc: Merci, M. le Président. Mme Lesage, Mme Micheline, M. Paquet. La question... Vous avez affirmé qu'il pourrait être avantageux qu'une personne indépendante porte un regard critique sur l'ensemble de la situation. Quels sont les avantages que vous voyez à ce rapport quinquennal indépendant?

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Je trouve qu'il est toujours intéressant qu'il y ait un rapport extérieur qui soit porté sur les activités ou l'application d'une loi. Je pense que c'est un avantage au regard de la transparence, l'impartialité. C'est toujours un peu difficile de se juger soi-même. Par ailleurs, comme la commission ? et c'est le sens de ma recommandation ? comme la Commission d'accès est quand même l'organisme chargé de l'application de cette loi, il me semble indispensable que ce regard externe soit accompagné des commentaires et des réactions de l'organisme chargé de l'application de la loi.

Le Président (M. Brodeur): Merci, Mme Champoux-Lesage. Je suis maintenant prêt à reconnaître M. le ministre.

M. Pelletier: Merci beaucoup, Mme Champoux-Lesage. Je salue les gens qui vous accompagnent aujourd'hui. Merci de votre présentation de votre mémoire. Vous vous dites favorables aux changements que nous proposons par rapport à la structure de la Commission d'accès à l'information. Vous êtes particulièrement préoccupés par l'apparence d'impartialité et ce que vous appelez également l'expertise globale de la Commission d'accès à l'information. Est-ce qu'à votre avis une situation comme la situation actuelle, où la commission, en fin de compte, est une structure unique plutôt que divisée comme nous le souhaitons, est-ce qu'à votre avis ça répond aux conditions d'impartialité et aux conditions qui visent le respect de l'expertise globale de la commission?

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Je pense que la situation actuelle n'est pas source d'impartialité. Il y a toujours des moyens de... Ils sont soumis quand même à des contrôles extérieurs aussi, comme n'importe quel juge administratif, ils sont régis par la Loi sur la justice administrative, les règles de procédure, je pense qu'on doit faire confiance. Mais, comme dans toute situation, l'apparence d'impartialité est tout aussi importante que les conditions qui favorisent l'impartialité... est toujours favorable. Donc, le fait de mettre deux vice-présidences en fait et de bien séparer, je pense, peut favoriser cette apparence d'impartialité sans poser un jugement que la situation actuelle était source de partialité. Et je pense qu'un des avantages, à tout le moins, que, moi, j'y vois, là, à première vue d'avoir deux vice-présidences mais de maintenir au sein d'une même organisation ces deux vice-présidences, c'est que ça va permettre de maintenir justement une expertise globale parce que ces gens vont quand même communiquer entre eux, vont échanger dans le quotidien de leur travail, donc pourront profiter de leur expérience mutuelle.

Le Président (M. Brodeur): M. le ministre.

M. Pelletier: Nous proposons actuellement, dans le projet de loi, des modifications à l'article 64 de la loi. Ces modifications-là seraient apportées par l'article 29 de notre projet de loi. Ça concerne la cueillette des informations personnelles. Nous jugeons que ces modifications-là sont nécessaires pour éviter, je dirais, la cueillette répétitive d'informations personnelles auprès du même citoyen. Vous ne semblez pas être de cet avis. J'aimerais savoir pourquoi et quelles sont vos suggestions au gouvernement pour éviter les cueillettes répétitives.

Le Président (M. Brodeur): Mme Champoux-Lesage.

Mme Champoux-Lesage (Pauline): D'abord, je m'interroge sur ces cueillettes répétitives. Sont-elles si nombreuses? Est-ce que les cas où nous devons interpeller le même citoyen sont vraiment nombreux? L'exemple a contrario, c'est de dire qu'on a trouvé le moyen de donner un service, par exemple, pour les changements d'adresse dans le cadre de la loi actuelle. Donc, il est possible, dans le cadre de la loi actuelle, de colliger des informations et de le faire avec les dispositions de la loi actuelle. Ce que je crains, ce que nous craignons, c'est l'ouverture, qui est très large ? autrement dit, il n'y a pas de balises ? et que n'importe qui puisse recueillir des renseignements pour quelqu'un d'autre. Il n'y a aucune disposition qui encadre ça. Je posais la question: Qui va prendre la décision? Comment vont être... Comment le citoyen va savoir ou va pouvoir avoir une idée de l'utilisation que l'on fait de ces informations-là?

Alors, je trouve qu'il y a des risques plus grands en matière de... L'esprit de la loi, c'est que le citoyen peut savoir la prévisibilité. Il peut savoir aussi qui est imputable de. Et je considère qu'avec les dispositions qui sont dans la loi actuelle on a des pertes, des risques de pertes à ce chapitre-là. S'il arrive des erreurs, s'il arrive des pertes de renseignements, des fuites, s'il y a des mauvaises utilisations, qui sera responsable entre, je ne sais pas, moi, tous les organismes qui dépendent du ministre de la Justice par exemple ou tous les organismes qui dépendent du ministère de l'Éducation selon la personne qui aura fait la cueillette? S'il y a des erreurs, qui sera imputable? Et je pense qu'actuellement en fait les dispositions de la loi nous inquiètent à ce chapitre-là. Et les contrôles, l'esprit, les valeurs qui sont à la base de la Loi sur l'accès me semblent mis en péril par ces dispositions qui m'apparaissent trop larges.

Le Président (M. Brodeur): M. le ministre.

M. Pelletier: J'ai noté également que vous appuyez le principe de la diffusion automatique de l'information. J'aimerais savoir d'après vous quels sont les documents qui devraient faire l'objet d'une telle diffusion et qui serviraient le mieux finalement l'intérêt des citoyens.

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Je pense que l'ensemble des... Toutes les informations qui concernent bien sûr tous les programmes gouvernementaux, toute l'information qui permet au citoyen de prendre des décisions éclairées quand il est consulté. Alors, c'est une des préoccupations qui est constante chez le Protecteur du citoyen. C'est la qualité de l'information qui est accessible et fournie, ou rendue accessible en temps opportun et dans un langage qui soit clair et compréhensible par l'ensemble de la population. Donc, on ne peut qu'être d'accord avec cette disposition. Et ce qui est important, c'est que toute la documentation pertinente pour les citoyens soit rendue accessible. Mais en premier lieu, bien sûr, tous les programmes qui les concernent, toutes les lois, les règlements qui les concernent doivent être rendus accessibles.

Le Président (M. Brodeur): M. le ministre.

M. Pelletier: J'aimerais également vous entendre par rapport à l'article 83 du projet de loi. Vous dites que cet article peut porter à confusion, qu'il peut avoir pour résultat de pénaliser des parties qui vont en médiation ou qui souhaiteraient aller en médiation et qui donc veulent aller en révision dans l'hypothèse où la médiation échoue ou ne connaît pas de succès. J'aimerais vous entendre par rapport à ces critiques formulées.

Mme Champoux-Lesage (Pauline): En fait, ce n'est pas sur le fond, là, c'est peut-être sur la formulation. S'assurer que ce soit vraiment explicite dans le libellé du projet de loi qu'en aucun cas le fait d'aller en médiation ne fait perdre la place au niveau du rôle, par exemple, ou des choses comme ça. C'est vraiment une question de clarification. Je souhaiterais que ce soit plus explicite. Ce n'est pas sur le fond.

Le Président (M. Brodeur): M. le ministre.

M. Pelletier: Ça va.

Le Président (M. Brodeur): Parfait. M. le député de La Prairie.

M. Dubuc: Selon vous, dans quelles circonstances un ministère ou un organisme pourrait-il utiliser à d'autres fins pour lui-même les renseignements personnels qu'il aura recueillis?

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Vous me dites: Dans quelles circonstances un ministère pourrait-il... Bien, en fait, il peut y avoir toutes sortes de circonstances où, pour des raisons de contrôle administratif, pour des raisons de contrainte financière, on peut être amené à utiliser des renseignements ou se dire: Ah, bien, si on les a à notre disposition, on pourrait les utiliser. Vous essayez de me dire... Vous voulez savoir de ma part: Est-ce qu'il y a des cas critiques potentiels, là?

M. Dubuc: Oui, des renseignements personnels déjà recueillis, là, qui pourraient se présenter. À ce moment-là, de quelle façon... La réponse se lisait: Selon vous, dans quelles circonstances un ministère ou un organisme pourrait-il utiliser à d'autres fins pour lui-même un renseignement personnel déjà recueilli?

n (12 heures) n

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Bien, je ne peux pas inventer des cas, mais il y a des possibilités que, par exemple, on ait accès à des renseignements qui concernent des individus. Tout à l'heure, M. Saint-Laurent, je pense, donnait des exemples en rapport avec l'évaluation foncière. Ça peut être, si on a accès, par exemple, dans le domaine de la sécurité publique... On sait qu'une personne a été incarcérée, par exemple, on sait qu'une personne a commis... pour telle et telle raison. Alors, ça peut mettre... Le fait d'avoir accès à des renseignements indirectement pourrait amener des gens à faire du recoupement, à faire des profilages, par exemple, de clientèles. Alors, ce sont des risques potentiels que la situation actuelle nous permet d'éviter.

Le Président (M. Brodeur): Merci, madame. Je suis maintenant prêt à reconnaître...

Mme Champoux-Lesage (Pauline): ...McNicoll ajoute quelque chose en complément de réponse?

Le Président (M. Brodeur): Oui, allez-y.

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Mme McNicoll.

Mme McNicoll (Micheline): Merci. En fait, c'est que la loi actuelle, qui est là depuis maintenant 1983, hein, a beaucoup discipliné les organismes publics et les ministères dans l'utilisation qu'ils font des renseignements. On voit, par exemple, depuis de nombreuses années, je peux dire au moins depuis 10 ans, sinon 15, et dans les derniers avis sur les projets de loi, les derniers avis de la commission, on peut le voir, le législateur maintenant se discipline lui aussi et prévoit, dans les projets de loi, dans les lois, qu'on va échanger des renseignements, qu'on va se communiquer des renseignements, et nous pensons, chez le Protecteur du citoyen, que c'est une excellente discipline. C'est comme une écologie du renseignement personnel, et c'est justement ça qu'on a à coeur de préserver. Alors, quand vous nous demandez: Dites-nous qu'est-ce qu'on craint?, ce qu'on craint, c'est une régression à cet effet-là. Je pense qu'actuellement on a une bonne écologie du renseignement personnel, et on peut vivre avec, elle est respectueuse. Elle suscite aussi la réflexion du législateur, la réflexion des personnes responsables dans les organismes publics qui se posent la question avant, et on pense que c'est encore notre meilleure protection dans notre société.

Le Président (M. Brodeur): Merci, Mme McNicoll. M. le député de Chicoutimi.

M. Bédard: Merci, M. le Président. Alors, merci, Mme Champoux-Lesage, de votre présentation, ainsi que ceux qui vous accompagnent. Peut-être, tout d'abord concernant le rapport d'un externe, vous vous déclarez en faveur d'un regard externe des activités de la commission, aussi de l'application de la loi. Parce que, vous savez, l'article 179 actuel donne l'occasion à la Commission d'accès à l'information, ce qui est quand même assez rare pour un organisme dont on veut assurer une certaine indépendance dans l'application d'une loi qui, vous le savez, est fort importante, là, on lui donne l'occasion de faire des recommandations sur les modifications qu'on peut apporter à la loi actuelle, au régime. Et d'ailleurs ces rapports ont permis de faire en sorte que les parlementaires ont été interpellés sur l'application de la loi. Lorsqu'on parle d'un rapport externe, et là vous le voyez, la rédaction actuelle du projet de loi est plus générale sur les activités de la commission, de la loi, mais sans préciser vraiment quel sera le rapport... la nature du rapport...

Vous savez, il ne faut pas regarder de... L'intérêt là-dedans, c'est de voir de quoi on se prive, et, moi, je me dis: Ce rapport externe, quiconque, quelque ministre que ce soit peut commander un rapport externe sur les activités de la commission, sur l'application de la loi, comme il l'a fait d'ailleurs lors du rapport de la commission, en même temps, nous avons des experts indépendants qui sont venus témoigner devant la commission de la nature des activités, en même temps des améliorations, sauf que, si nous n'avions pas eu la Commission d'accès à l'information qui avait elle-même proposé des modifications importantes, cela aurait fait en sorte de priver les parlementaires vraiment d'une lumière qui a servi, entre autres, aux modifications actuelles, qui a permis l'introduction d'améliorations ou qu'on souhaite voir introduites dans le projet de loi actuel. Alors, quel est l'intérêt de se priver d'une telle expertise? Parce que, si elle ne fait qu'ajouter des commentaires, elle répond finalement au rapport externe, là, d'un expert. Alors, quel est l'intérêt? Là, on a le meilleur des deux mondes. Pourquoi se priver d'une telle expertise de la commission?

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Bien, mon intervention visait justement à m'assurer que l'expertise de la commission soit maintenue, autrement dit que son regard, le regard que la commission porte sur soit l'application de la loi soit tout ce qui entoure la protection des renseignements personnels et l'accès... qu'ils conservent leur expertise. Ce que vous dites, c'est: Pourquoi garder le meilleur des deux mondes? Autrement dit...

M. Bédard: On n'a pas besoin finalement... Si on veut avoir un rapport de la commission, on maintient le projet de loi actuel et on fait comme la procédure veut... On veut continuer la procédure actuelle qui est celle de permettre un rapport d'expertise... un rapport d'expert plutôt, qui vient se joindre finalement, d'une façon indépendante, là, au rapport de la commission. Alors, est-ce que vous seriez à l'aise avec le maintien finalement, là, de... Donc, vous auriez, vous... Vos attentes, ce que vous souhaitez, ce que j'ai compris de votre rapport, vous souhaitez un oeil externe, que j'ai compris...

Mme Champoux-Lesage (Pauline): C'est-à-dire que ce que je dis, c'est que je ne m'oppose pas à ce qu'il y ait un rapport externe, ça peut être intéressant qu'il y ait un regard externe qui soit posé sur les choses. Au contraire, la réserve que je mettais, c'est qu'on ne peut pas justement évacuer la Commission d'accès et qu'on devrait à tout le moins créer obligation, qu'il y ait obligation que la Commission d'accès puisse réagir, donner ses commentaires. Parce que, si on n'a pas cette condition-là, je serais d'accord avec vous pour dire: On ne doit pas se priver de l'expertise de la Commission d'accès, elle est essentielle au regard critique.

M. Bédard: Donc, je comprends en même temps que vous soyez favorable au maintien du système actuel qui veut que la commission fasse elle-même ses commentaires. Elle ne réagit pas, elle a l'obligation de faire ses commentaires, et peuvent s'ajouter à cela les commentaires d'un expert externe.

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Bien, vous inversez la proposition. Ce que je dis, c'est que, moi... La proposition actuelle était que ce soit un observateur externe, et, moi, ce que je disais, c'est qu'à tout le moins il faut qu'il y ait... En fait, je réagissais à la proposition actuelle, que je trouve acceptable, qu'il y ait un observateur externe pour faire le point, dans la mesure où la Commission d'accès demeure partie à cette évaluation et qu'on puisse... justement parce que, si les commentaires sont intégrés, quand les discussions auront lieu en commission parlementaire, la Commission d'accès pourra être également invitée à participer. Alors, il y a peut-être des modifications à apporter en ce sens-là.

M. Bédard: Merci. Autre élément qui me semble fort important, et vous le soulignez beaucoup, là, les articles qui concernent la protection des renseignements personnels, ce qui est clair, c'est que vous êtes inquiète, le Protecteur, comme la Commission d'accès, est inquiet des orientations prises par le gouvernement, par le ministre. Je regarde, et je le relisais à nouveau, quand vous faisiez vos commentaires par rapport à l'introduction de l'article 65.1 et j'y voyais un certain cynisme, dans le sens d'affirmer un principe qui est reconnu, celui qu'un renseignement personnel ne peut être utilisé, au sein d'un organisme public, qu'aux fins pour lesquelles il a été recueilli, donc un principe, là, qui vise la protection mais qui sert finalement ? parce que cette affirmation-là était reconnue de toute façon ? finalement pour introduire une série, elle, de modifications... pas de modifications, mais d'exceptions, qui fait en sorte que finalement ce n'est plus la règle générale qui est prévue à 65.1, comme on le prévoit normalement en droit civil. Vous voyez, normalement on y va par grands principes, et là on est allé à l'inverse. On met le grand principe, mais, quand on lit l'article au complet, finalement ce qu'on se rend compte, c'est que c'est l'exception qui gouverne, alors qui devient finalement la règle générale. Parce qu'en apparence, quant à l'utilisation ? et, moi, j'ai de la misère à la circonscrire ? quelle sera finalement l'application de l'article, on se trouve à édulcorer ce qu'on voulait finalement affirmer.

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Tout à fait. Ça, je suis tout à fait d'accord, c'est exactement la teneur de mes propos. C'est qu'alors qu'on réaffirme explicitement ce qui n'était pas dans la loi précédente, un principe, on vient l'édulcorer par quatre ou cinq restrictions, et on se dit, je dis même: Ces exceptions-là pourraient devenir finalement la règle. Et surtout c'est la nature des exceptions. Et qui va juger de ça? Quand on parle, par exemple, du bénéfice ? je pense qu'on a eu un exemple, je ne veux pas entrer dans le fond du dossier ? mais le cas de divergence d'opinions en ce qui est un bénéfice pour une personne, si on pense au débat qui a entouré l'intervention de la ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles, quand on voulait avoir la liste, le nom des personnes qui allaient dans certains programmes, alors on disait qu'il fallait avoir ces renseignements-là parce que c'était pour le bien des personnes immigrantes, mais les représentants des personnes immigrantes disaient qu'on n'avait pas besoin de ça puis que ça pouvait être utilisé à d'autres fins, alors simplement de convenir de la manière dont on va évaluer le bénéfice, qu'on va apprécier ça, ça va laisser place à toutes sortes d'interprétations. Et je trouve que ces formulations-là sont beaucoup trop larges et à la limite dangereuses, et c'est pourquoi je m'oppose à cette ouverture.

M. Bédard: Donc, vous souhaiteriez le maintien donc du...

Mme Champoux-Lesage (Pauline): De la situation actuelle. Parce qu'on ne m'a pas convaincue qu'il y avait des contraintes telles, aujourd'hui, que c'était nécessaire de faire ce virage à 90 degrés.

n (12 h 10) n

M. Bédard: D'ailleurs, nous avons eu peu de recommandations dans ce sens-là, je vous dirais, donc d'où ma surprise de voir apparaître une telle modification. Même chose, là sans parler de cynisme, mais je suis quand même un peu surpris, on voit... et vous l'avez fait ressortir, mais je souhaite que mes collègues comprennent bien pourquoi on apporte des modifications aux articles, je voyais l'article 38 qui modifie l'article 68.1 actuel qui prévoit qu'«un organisme public peut, sans le consentement de la personne concernée, communiquer un fichier de renseignements personnels aux fins de le comparer, le coupler ou l'apparier avec un fichier détenu par une personne ou un organisme si cette communication est nécessaire à l'application d'une loi au Québec». Et là on prévoit: «Ces opérations s'effectuent dans le cadre d'une entente écrite.» La modification nous semble plus séduisante au départ en introduisant la possibilité, en faisant en sorte que, le même document, l'organisme public, lui, en informe la commission au préalable.

Et ce qu'on constate évidemment de l'application de l'article 68, c'est que c'est une entente. Donc, l'article 70 prévoit qu'«une entente conclue en vertu de [...] 68.1 doit être soumise à la commission pour avis», qu'«elle entre en vigueur sur un avis favorable de la commission». Autrement dit, là on est vraiment au préalable. Ce n'est pas un simple... c'est carrément un avis et là, à ce moment-là, une publication, donc une transparence. Et ça, on sacrifie cela à une procédure qui veut qu'on informe strictement la commission, qui va, j'imagine, réagir ou qui... Mais on avait un processus formel de transparence et là on le sacrifie pour un processus un peu... on informe les gens.

Et, je vous avouerais, et je veux vous entendre là-dessus, votre inquiétude, et même si vous avez déjà des exemples, ces avis préalables ont permis ? et, moi, je me souviens à certaines occasions ? d'éviter des dérapages, pas, je vous dirais, mal intentionnés, parce que rarement et, je vous dirais, même presque jamais l'appareil public est mal intentionné, alors, mais qui, avec ce regard préalable et aussi la publication, donc la transparence... Et le ministre nous dit qu'il souhaite être transparent tant dans l'adjudication des informations. Alors, je souhaite aussi qu'il souhaite aussi être transparent aussi dans l'application des politiques de son ministère par rapport à l'éducation à l'information. Alors, avez-vous des exemples, là? Et je voulais le poser tantôt à la commission, mais malheureusement j'ai manqué de temps, qui...

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Si vous permettez, je vais demander à Me McNicoll de répondre à cette question.

M. Bédard: Merci.

Mme McNicoll (Micheline): Merci. Oui, bien sûr que le couplage de fichiers, il y a quelques années, entre autres en 1996, a fait couler beaucoup d'encre et a suscité de grands débats dans cet édifice, et c'était l'époque où le ministère du Revenu voulait avoir accès à tous les fichiers de tous les organismes publics, à peu près, pour contrer le travail au noir et l'évasion fiscale, qui était un objectif et qui demeure un objectif tout à fait légitime. Et le fait que le couplage de fichiers devait être d'abord bien précis, bien encadré et déterminer d'abord à quelles fins, quelles catégories de gens, dans quelles conditions, la durée de conservation, a été un débat démocratique qui, enfin nous le croyons encore chez le Protecteur du citoyen, devait avoir lieu et doit continuer d'avoir lieu.

Le couplage de fichiers peut... certains, d'aucuns peuvent prétendre que c'est devenu habituel. Bon. On prend une banque de données, on la met avec une autre, et tout ça, et puis tout le monde est bien servi. Ça a toutes sortes de conséquences. On sait maintenant que, par exemple, le ministère du Revenu puis l'aide financière qui s'échangent la ligne ? je ne sais plus laquelle, 32 ou 44, là ? pour vérifier si les déclarations des étudiants sont bien conformes à la déclaration qu'ils ont faite au ministère du Revenu, c'est quelque chose de transparent, c'est quelque chose que l'étudiant sait parce que c'est écrit en bas de sa déclaration, c'est quelque chose aussi qui est très rigoureusement encadré et qui a des conséquences multiples. C'est ça, un processus démocratique et clair.

Le couplage de fichiers, ça demeure une opération qui a de multiples répercussions et qui doit être transparente. Et c'est sûr qu'il n'y a jamais personne qui est mal intentionné, seulement, quand on veut aller parfois un petit peu trop vite, soi-disant pour être efficace, il y a des dangers que la démocratie en souffre un petit peu. Et les principes qu'on a énumérés au début, la transparence, la prévisibilité, il faut que le citoyen soit au courant de ce qu'il fait, des conséquences de ce qu'il fait et qu'il puisse aussi les prévoir.

Le Président (M. Brodeur): M. le député de Chicoutimi.

M. Bédard: J'ai les mêmes craintes que vous. Et ce que je comprends par rapport aux articles tant, bon, 29, 31, 33 du projet de loi actuel, et 38, ce que vous nous dites finalement dans votre mémoire, c'est: c'est au gouvernement, lorsqu'il veut s'attaquer à des règles aussi importantes, à faire la démonstration de leur réelle utilité. Pour sacrifier possiblement, là, des éléments, là, des droits qu'on souhaite voir préserver, ce n'est pas à vous, aujourd'hui, de nous convaincre que finalement il faut les protéger, c'est au gouvernement à bien nous dire de façon pratique, là, où sont les gains.

Et pourquoi s'introduire dans un domaine qui pourrait avoir finalement des effets néfastes? Et même on sait toutes les craintes qu'a la population vis-à-vis, bon, un État qui contrôle toutes leurs activités, qui a une connaissance et qui s'assure par le couplage d'à peu près connaître, du début à la fin, là, quelles sont les activités de ses citoyens. Et ça, il y a une crainte réelle des citoyens. Vous dites: Avant de sacrifier cet élément-là, bon Dieu! pour dans un souci du gouvernement en ligne, attendons, là. Vous avez le fardeau de preuve par rapport à cela.

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Mais, moi, je pense qu'il faut maintenir la confiance des citoyens. Si on veut maintenir la confiance des citoyens dans les institutions gouvernementales, il faut leur offrir des garanties, des garanties qui actuellement sont bien assises, sont offertes par la loi sur la protection des renseignements personnels et d'accès. Alors, on dit: Avant de faire des modifications aussi importantes, il faudrait avoir... qu'on rende explicite... Au-delà de dire: Il faut que ce soit plus efficace, ce soit plus rapide, en quoi ces modifications-là sont essentielles, compte tenu des risques potentiels qui pourraient en découler, en quoi sont-elles essentielles, puisqu'on a fait la démonstration qu'on est capable de faire des... Avec la loi actuelle, on est capable d'aller de l'avant et d'être un État moderne et efficace.

M. Bédard: Et d'être transparent aussi.

Mme Champoux-Lesage (Pauline): D'être... important, oui.

M. Bédard: D'ailleurs, j'en prends pour preuve, et très rapidement, là, il y avait les fondations des hôpitaux qui sont venues devant nous pour nous demander de leur permettre d'avoir accès à ceux et celles qui vont à l'hôpital. Et, je vous dirais, moi, j'étais très sensible à leur représentation parce que je trouvais normal qu'une fondation sollicite automatiquement les gens, et sans les obliger, mais sollicite automatiquement ceux et celles qui ont accès aux services parce que l'hôpital, dans toutes les régions, à Montréal, partout, à Québec, c'est important ? et on sait le rôle des fondations pour l'amélioration des équipements. Je peux vous dire que ma vision ne l'a pas emporté, et à juste titre les gens de la commission vont dire: Écoutez, quelqu'un qui va, par exemple, pour des soins en santé mentale, est-ce qu'il aimerait, par exemple, qu'une lettre circule à ce niveau-là? Quelle va être la protection accordée? Et finalement, vous regarderez le rapport de la Commission de la culture, je me suis rendu aux arguments de mes collègues parce que je suis aussi soucieux de l'application ou du respect de la protection de ces renseignements. Donc, pour quelque chose qui me semblait évident, l'utilisation de services pour l'amélioration de ces services, il y a eu une levée de boucliers normale et légitime, et on a plutôt recommandé un débat sur cette question. Et là c'est très simple, on est dans le très... C'est un plus un égale deux. Alors, je me fais la même réflexion de façon plus large.

Mme Champoux-Lesage (Pauline): C'est intéressant ce que vous avez apporté parce que j'avais sur mon petit papier, ici, les fondations, parce que c'était un exemple. Quand tout à l'heure monsieur me demandait: Est-ce que vous pensez que des fois on peut utiliser à d'autres fins?, bien, en fait ça peut paraître banal, mais une personne, par exemple, qui est handicapée et qui reçoit une... qui dit: Bon, bien, la fondation qui appuie l'organisme qui me défend, bien, si je ne donne pas à la fondation, est-ce que ça va pouvoir entraîner une baisse de services à mon endroit? Il y a comme... Il y a quelque chose qui va au-delà du fait d'aller chercher un service. Et là il va dire: Mon nom a circulé, parce que je reçois un service, par exemple, je ne sais pas, moi, du Centre François-Charron, on va me demander de contribuer à la fondation, est-ce que si je ne contribue pas à la fondation, est-ce ça va... ils vont savoir que je n'ai pas contribué, est-ce que ça pourrait influencer la qualité des relations que j'aurai avec l'organisme? Tu sais, un citoyen ordinaire peut penser ça puis il peut être légitimé de réagir de cette manière.

Mais ça, c'est l'exemple des fondations. Mais est-ce qu'on pourrait être content que notre nom, parce qu'il y a des banques, ça circule puis que ce soit donné même à des organismes caritatifs ou autres, qu'à notre insu on utilise des renseignements qu'ils ont obtenus parce qu'on a été quelque part et qu'on s'en serve à d'autres fins? Alors ça, c'est un exemple qui en soi n'est pas dramatique mais qui pourrait se répercuter dans d'autres domaines ou dans d'autres secteurs.

Le Président (M. Brodeur): M. le député de Chicoutimi.

M. Bédard: Il me reste très peu de temps, simplement, peut-être, une dernière question sur les règles déontologiques, où vous souhaitiez soumettre les commissaires à l'autorité du Conseil de la justice administrative ou d'un mécanisme de contrôle équivalent. Comme les décisions de la commission ne sont pas finales et sans appel, donc il y a toujours matière pour quelqu'un, s'il n'a pas été traité équitablement, de se pourvoir en appel devant des juridictions de droit commun, quel est l'intérêt que vous voyez de faire en sorte que les commissaires soient finalement, là, astreints aux règles qui gouvernent la loi sur les fonctions administratives?

Mme Champoux-Lesage (Pauline): M. Paquet, si vous permettez.

n (12 h 20) n

M. Paquet (Jean-Claude): En fait, la compétence du Conseil de la justice administrative à l'égard des juges administratifs, c'est sur l'aspect déontologique et disciplinaire en appel ou en contrôle judiciaire, si c'était le cas.

M. Bédard: Déontologique? Strictement déontologique?

M. Paquet (Jean-Claude): Oui, c'est ça, oui, de la même manière, parce que, dans l'exercice de la fonction juridictionnelle, ils sont soumis aux grandes règles de la Loi sur la justice administrative, celle de la jurisprudence. Mais, comme Mme Champoux-Lesage le disait plus tôt, à l'occasion arrivent des citoyens chez nous pour se plaindre de ce qui s'est passé, de la manière dont ils ont été reçus. Nous, on n'a pas compétence sur l'exercice de la fonction juridictionnelle, c'est toujours à pas feutrés qu'on va intervenir là-dedans. Mais le Conseil de la justice administrative a cette compétence, cette sensibilité, et bien sûr c'est dans l'exercice de la fonction juridictionnelle que ça peut se faire.

M. Bédard: Merci.

Le Président (M. Brodeur): Peut-être une dernière courte question, il reste une minute de temps.

M. Bédard: Non, on a fait le tour. Merci.

Le Président (M. Brodeur): Bon, bien, parfait.

M. Bédard: Merci beaucoup.

Le Président (M. Brodeur): Donc, il nous reste à vous remercier pour cet échange. Donc, pour l'instant nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 14 heures cet après-midi. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 21)

 

(Reprise à 14 h 3)

Le Président (M. Brodeur): À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, je déclare la séance réouverte. Nous sommes maintenant prêts à entendre le troisième groupe de la journée. Donc, j'invite les gens de l'Association pour une gestion écologique des déchets du Haut-Richelieu à bien vouloir prendre place, et, pendant qu'ils prennent place, je vais répéter les règles des auditions. Vous aurez une période... on vous accorde une période d'une heure. Vous avez tout d'abord un maximum de 20 minutes pour faire lecture ou vous exprimer sur le sujet, et, à la suite de votre 20 minutes maximum de présentation, chacun des partis, le parti représentant le parti ministériel et le parti de l'opposition, aura chacun 20 minutes pour faire des échanges avec vous.

Donc, à prime abord, je vous demande de vous identifier et après prendre la parole pour le dépôt de votre mémoire.

Association pour une gestion
écologique des déchets dans le
Haut-Richelieu (AGED du Haut-Richelieu)

M. Arcand (Yves-Claude): Alors, si vous voulez bien, je vais me présenter et présenter les gens qui m'accompagnent. Mon nom est Yves-Claude Arcand. Je suis le vice-président, membre du conseil d'administration de l'AGED du Haut-Richelieu. Je remplace le président Claude Chagnon dont les activités professionnelles ne lui permettaient pas de se rendre ici aujourd'hui. Je suis accompagné de Jacques Morazain, sur ma droite, il est secrétaire-trésorier, membre fondateur et membre du conseil d'administration de l'AGED, et de Michel Lavallée, membre fondateur et membre du conseil d'administration.

Alors, si vous permettez, nous remercions la Commission de la culture de son invitation à venir lui présenter notre mémoire et de lui faire part de notre position au regard d'un cas très spécifique de l'application de la Loi sur l'accès.

L'Association pour une gestion écologique des déchets dans le Haut-Richelieu a été constituée en mai 1999 et compte 460 membres au 30 juin 2005. Elle favorise l'implantation de méthodes efficaces de gestion des matières résiduelles dans le Haut-Richelieu, en particulier des points de vue écologique, social et économique.

Depuis six ans, l'AGED a toujours milité en faveur de la transparence dans la gestion des deniers publics. En particulier, elle a milité pour que la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels s'applique à Compo?Haut-Richelieu inc., un partenariat public-privé sous forme de société d'économie mixte oeuvrant dans le domaine de la gestion des matières résiduelles. M. Lavallée.

M. Lavallée (Michel): L'AGED a déjà déposé deux mémoires sur le sujet et les a présentés à la Commission de la culture le 14 juin 2001, en consultation générale sur le projet de loi n° 122, et le 2 octobre 2003, en consultation générale sur le rapport quinquennal de la Commission d'accès à l'information.

Ce mémoire est divisé en trois sections dont les deux premières servent à mettre en contexte les commentaires faits dans le troisième. Les deux premières sections de notre mémoire répètent essentiellement des parties du mémoire que l'AGED a présenté en octobre 2003. Nous nous en excusons auprès des membres actuels qui faisaient déjà partie de la commission à ce moment-là. Jacques.

M. Morazain (Jacques): La première section traite de Compo?Haut-Richelieu et de la Loi sur l'accès. Compo?Haut-Richelieu, c'est une entité unique au Québec. En 1994 et 1995, quatre lois spéciales ont été promulguées pour permettre la mise en place de sociétés d'économie mixte: la Loi concernant la Ville de Saint-Romuald, la Loi concernant la Ville de Laval, la Loi concernant la Municipalité régionale de comté du Haut-Richelieu et la Loi concernant le Village et la Paroisse de Saint-Anselme.

Aucune société n'a jamais été constituée en vertu des deux premières lois. La Société de développement industriel de Saint-Anselme inc. a été constituée en 1995 et est gérée depuis lors par la ville de Saint-Anselme comme un organisme municipal assujetti à la Loi sur l'accès. Compo?Haut-Richelieu a été créée le 12 août 1994 par la MRC du Haut-Richelieu en partenariat avec ce qui est devenu maintenant Services Matrec inc. Comme aucune société n'a jamais été constituée en vertu de la loi-cadre sur les sociétés d'économie mixte adoptée par la suite en 1997, Compo?Haut-Richelieu est donc la seule société au Québec qui est gérée en tant que société d'économie mixte.

M. Arcand (Yves-Claude): La MRC du Haut-Richelieu et Compo?Haut-Richelieu ont conclu une entente de services qui a été rendue publique mais qui ne fait qu'accorder de façon exclusive à Compo?Haut-Richelieu, pour une durée de 20 ans, l'exercice de l'entière compétence de la MRC en regard de la gestion des déchets sur son territoire, c'est-à-dire jusqu'à décembre 2015. Compo?Haut-Richelieu gère donc la collecte, le tri et la disposition des matières recyclables ainsi que la collecte et l'enfouissement des ordures. Elles proviennent à 97 % des ménages du territoire de la MRC et de certains commerces, industries ou institutions qui ont choisi de faire affaire avec elle.

M. Lavallée (Michel): Compo?Haut-Richelieu, une entreprise ni privée ni publique. Bien qu'elle soit la propriété à 60 % de la MRC du Haut-Richelieu, l'autre 40 % appartenant à Services Matrec inc., bien que quatre de ses sept membres de son conseil d'administration soient obligatoirement des membres du conseil de la MRC, bien que son président soit obligatoirement un de ces quatre membres, Compo?Haut-Richelieu n'est pas un organisme municipal sujet à la Loi sur l'accès, selon l'interprétation la plus récente qu'en ont faite les tribunaux, parce qu'elle est une personne morale de droit privé. Une décision de la CAI, en 1999, l'assujettissant à la Loi sur l'accès a été contestée en Cour supérieure par Compo-Richelieu sur la base du statut de personne morale de droit privé spécifié dans la loi constitutive. Dans un jugement peu étayé rendu par le juge à sa dernière journée sur le banc avant de prendre sa retraite, la cour a déclaré que Compo-Richelieu n'était pas un organisme public assujetti à la Loi sur l'accès parce qu'il suffisait qu'une loi spéciale définisse un organisme comme personne morale de droit privé. La cour a ignoré, entre autres, le caractère prépondérant de la Loi sur l'accès spécifié à l'article 168. Un appel de ce jugement a été accepté par la Cour supérieure, mais l'appel a dû être abandonné faute de moyens financiers, même si un jugement assujettissant Hydro-Québec International à la Loi sur l'accès venait d'être rendu dans une cause similaire.

n (14 h 10) n

M. Morazain (Jacques): L'AGED soutient donc que la situation actuelle constitue une situation unique au Québec et que, du point de vue transparence, elle est pire que chacune des deux autres situations qui auraient été possibles. D'une part, si Compo?Haut-Richelieu était un organisme municipal assujetti à la Loi sur l'accès, le public aurait droit à tous les renseignements qu'on peut normalement obtenir d'un organisme public. D'autre part, si Compo?Haut-Richelieu était par contre un organisme privé normal, la MRC du Haut-Richelieu devrait aller en appel d'offres public pour les services qu'elle obtient présentement de Compo?Haut-Richelieu, accorder le contrat au plus bas soumissionnaire et rendre ce contrat disponible au public.

M. Arcand (Yves-Claude): La situation qui prévaut actuellement, c'est un manque aigu de transparence au regard de tout ce qui a trait à Compo?Haut-Richelieu. La MRC du Haut-Richelieu et son partenaire privé ont conclu une entente de partenariat qui n'a jamais été rendue publique et que la MRC refuse de rendre publique. En dépit du fait que les contribuables du Haut-Richelieu sont de fait propriétaires à 60 % de Compo?Haut-Richelieu, les états financiers ne sont plus diffusés depuis 1997, pas même dans une forme sommaire, ni aux membres du conseil de la MRC, les maires qui doivent les approuver, ni au public. Toute tentative d'obtenir des renseignements à ce sujet est rejetée autant par Compo?Haut-Richelieu que par la MRC.

M. Lavallée (Michel): L'entente de services n'inclut aucune procédure pour établir le montant à payer pour les services que Compo?Haut-Richelieu doit fournir à la MRC. C'est Compo?Haut-Richelieu qui de fait établit, à chaque automne, un estimé des montants qu'elle chargera au cours de l'année suivante. Le coût des services de déchets fournis par Compo?Haut-Richelieu représente plus des deux tiers du budget total de la MRC. Sans prétendre que la MRC accepte aveuglément les montants établis par Compo?Haut-Richelieu, il n'en demeure pas moins que c'est sur la base de sa proposition basée sur ses besoins financiers que les frais mensuels à payer par les contribuables sont incorporés dans le budget de la MRC pour l'année à venir.

Les frais de ces services sont payés à Compo? Haut-Richelieu sur présentation d'une facture mensuelle qui est rendue publique, mais tout ce qui est inscrit sur la facture, c'est essentiellement le montant à payer par la MRC. Comme pièce justificative de sa facture, Compo?Haut-Richelieu soumet une liste des frais qu'elle a encourus pour fournir les services. Cette pièce justificative est validée uniquement par le directeur général de la MRC, qui a affirmé devant la CAI ne jamais en divulguer la teneur à personne, ni aux membres du comité administratif de la MRC, ni aux membres du conseil de la MRC, ni au public, parce que la pièce justificative est considérée être partie intégrante des états financiers de Compo?Haut-Richelieu.

M. Morazain (Jacques): Un exemple récent démontre le peu de contrôle exercé par la MRC sur les montants facturés par Compo?Haut-Richelieu. L'AGED a demandé copie de deux factures payées à Compo? Haut-Richelieu: une facture de 172 039 $, payée sept mois auparavant, et une autre facture de 93 556 $, payée un mois auparavant. Moins de sept jours après la demande de l'AGED, la MRC avait obtenu un crédit de 107 614 $ en rapport avec la première facture et l'annulation complète de la deuxième facture. On peut se demander si la MRC aurait décelé ce qu'elle a décrit comme des erreurs, datant même de sept mois, si l'AGED n'avait pas fait la demande d'obtenir copie des deux factures. C'est 200 000 $ de l'argent des contribuables.

M. Arcand (Yves-Claude): La section 2 du mémoire est un historique. C'est l'évolution des dispositions qui devraient servir à déterminer si Compo?Haut-Richelieu est assujettie à la Loi de l'accès, et cette section vous sera présentée en résumé comme suit.

Pour que Compo?Haut-Richelieu n'ait pas à aller en appel d'offres public, sa loi constitutive spécifie que l'organisme est une personne morale de droit privé. Lors des auditions en commission parlementaire, en 1994, personne n'a toutefois évoqué la possibilité qu'il ne soit pas assujetti à la Loi sur l'accès. Au contraire, le gouvernement avait insisté à l'époque sur la nécessité de la transparence.

Le projet original de la loi-cadre sur les sociétés d'économie mixte spécifiait que toutes les sociétés d'économie mixte seraient assujetties à la Loi sur l'accès, celles à être constituées en vertu de la loi-cadre aussi bien que celles déjà autorisées par loi spéciale, comme Compo?Haut-Richelieu. Sous la pression des actionnaires autant que celle de la MRC, que celle de Services Matrec aussi, le projet de loi a été amendé en juin 1997 pour exclure toute référence à Compo?Haut-Richelieu.

M. Lavallée (Michel): Lors de la commission parlementaire sur le projet de loi n° 451, en septembre 1998, le ministre a affirmé que les modifications apportées au projet de loi prévoyaient que Compo? Haut-Richelieu serait un organisme municipal assujetti à la Loi sur l'accès. Le projet est malheureusement mort au feuilleton. Suite à la commission parlementaire sur le projet de loi n° 122, le ministre déposait, en décembre 2001, un amendement qui assurait que Compo?Haut-Richelieu serait assujettie à la Loi sur l'accès. Encore là, le projet de loi est mort au feuilleton.

Dans son rapport final de mai 2004, sur le rapport quinquennal de la CAI, la commission parlementaire recommandait que toutes les sociétés d'économie mixte, y compris Compo?Haut-Richelieu, soient désormais assujetties à la Loi sur l'accès. En juin 2004, la MRC d'Arthabaska a présenté un projet de loi spécial pour créer un partenariat public-privé pour le traitement des déchets. Le projet originel était tout à fait identique à la loi spéciale constituant Compo?Haut-Richelieu. Même si le partenariat a le statut de personne morale de droit privé, les deux actionnaires ont toutefois consenti à ce que le projet soit modifié pour expressément l'assujettir à la Loi sur l'accès. C'est la démonstration évidente qu'il n'y a pas de conflit entre le statut de personne morale de droit privé et l'assujettissement à la Loi sur l'accès.

M. Morazain (Jacques): Nous allons maintenant regarder le projet de loi n° 86, de la façon dont il s'applique à Compo?Haut-Richelieu. Dans le projet de loi n° 86, la définition d'«organisme municipal», à l'article 5 de la Loi sur l'accès, est modifiée dans le sens des recommandations de la CAI et de la dernière version des projets de loi nos 451 et 122. Les dispositions de cette définition qui pourraient s'appliquer à Compo?Haut-Richelieu sont les suivantes: les organismes municipaux comprennent donc, en fonction de l'alinéa 2°, tout organisme dont le conseil d'administration est formé majoritairement de membres du conseil d'une municipalité ? ce qui est le cas; ainsi qu'en fonction de l'alinéa 2.1° tout organisme dont le conseil d'administration est formé d'un élu municipal désigné à ce titre ? ce qui est le cas ? et dont une municipalité ou une communauté métropolitaine adopte ou approuve le budget ou contribue à plus de la moitié de son financement ? ce qui est le cas. L'AGED note avec satisfaction que le projet de loi élimine la restriction «à l'exclusion d'un organisme privé» qui se trouve dans le texte de l'alinéa 2° présentement en vigueur.

M. Arcand (Yves-Claude): En fonction des opinions juridiques qui lui ont été transmises, l'AGED a la certitude que l'adoption de cette modification établira une fois pour toutes que Compo?Haut-Richelieu est assujettie à la Loi de l'accès, en dépit de son statut de personne morale de droit privé. L'AGED entretient toutefois des inquiétudes sur trois points. L'expérience démontre que la modification de la Loi sur l'accès est une procédure complexe et sujette à de multiples interventions provenant de tous les segments de la société. Souvent, l'adoption des modifications est longuement retardée. L'AGED craint que cette situation ne se répète. Depuis 10 ans, Compo?Haut-Richelieu se soustrait à l'application de la Loi de l'accès. La population du Haut-Richelieu mérite qu'on mette fin à cette situation sans délai.

M. Lavallée (Michel): Déjà, en commission parlementaire, en octobre 2003, Mme Michelle Courchesne, ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration, a déclaré aux représentants de l'AGED qu'elle avait reconnu, et je cite: un aspect structurel défaillant ? en ce qui a trait à l'accessibilité des documents de Compo?Haut-Richelieu. Ça, je vous avoue que ça m'apparaît assez évident à la lecture et à l'écoute de votre mémoire. Je peux vous dire ainsi qu'il faut très certainement y regarder de plus près. Fin de la citation.

M. Stéphane Bédard, porte-parole de l'opposition officielle, a quant à lui affirmé, en faisant référence au cas de Compo?Haut-Richelieu, et je cite: «Et je tiens à assurer cette commission de toute ma collaboration [en vue] d'amendements ou de propositions qui pourraient être adoptés, même séparément de la réforme actuelle. [...]Alors, si on veut agir dans un cas très précis, moi, je tiens à assurer que nous serons totalement disponibles.» Fin de la citation.

n (14 h 20) n

M. Morazain (Jacques): Lors de l'adoption en principe du projet de loi n° 86, M. Stéphane Bédard, porte-parole de l'opposition officielle, a réitéré son offre à M. Benoît Pelletier, ministre responsable de la Loi sur l'accès, et je cite: J'offre ma collaboration ? je l'offre encore ? pour qu'on puisse corriger la situation vécue par ces gens qui ont vécu les décisions de cette société mixte. «Peut-être que nous aurons le dépôt d'un petit projet de loi [...] pour corriger cette situation et pour éviter surtout que ces gens reviennent nous voir en commission.» Fin de la citation. C'est manqué! Ils sont revenus.

L'AGED suggère donc au gouvernement de déposer un tel petit projet de loi immédiatement, à la session d'automne 2005, projet de loi qui pourra être adopté sans controverse, afin que Compo?Haut-Richelieu soit assujettie rapidement et définitivement à la Loi sur l'accès.

M. Arcand (Yves-Claude): Si le gouvernement ne juge pas opportun de présenter un tel petit projet de loi, ce seront des dispositions générales de la Loi sur l'accès, telles que modifiées par le projet de loi n° 86, qui s'appliqueront. L'AGED est confiante qu'elles sont adéquates pour garantir l'assujettissement de Compo et que, si les tribunaux étaient de nouveau appelés à statuer, ils en jugeraient ainsi. Toutefois, étant donné la propension de Compo?Haut-Richelieu à contester fréquemment devant les tribunaux, l'AGED s'attend à ce que Compo?Haut-Richelieu force un recours devant la CAI à la première occasion après l'entrée en vigueur de la loi modifiée, puis en appel devant les tribunaux, de toute décision de la CAI qui la déclarerait assujettie à la Loi d'accès.

M. Lavallée (Michel): Pour démontrer la propension de Compo?Haut-Richelieu à contester devant les tribunaux, qu'il suffise de mentionner, au cours des six dernières années, la contestation devant la Cour du Québec de quatre décisions de la CAI, la contestation devant la Cour supérieure d'un décret du gouvernement du Québec et l'appui à la contestation devant le Tribunal administratif d'une ordonnance du ministre de l'Environnement. Rien ne pourrait empêcher un recours de Compo?Haut-Richelieu devant la CAI.

Les dispositions générales de la loi modifiée seraient-elles suffisamment explicites pour empêcher un recours devant les tribunaux, pour permettre au tribunal de considérer comme frivole toute demande d'en appeler d'une telle décision de la CAI et de refuser d'entendre l'appel? Afin d'empêcher le plus possible les recours juridiques dilatoires, l'AGED suggère au gouvernement d'expliciter la portée de l'article 5 de la Loi sur l'accès en y ajoutant que les organismes municipaux peuvent être de droit public ou privé. Le début de l'article 5 se lirait donc comme suit: «Les organismes municipaux peuvent être de droit public ou de droit privé et comprennent», etc.

M. Morazain (Jacques): Notre dernier point d'inquiétude, c'est l'accès au passé. Dans la formulation actuelle du projet de loi n° 86, Compo?Haut-Richelieu deviendra assujettie à la Loi sur l'accès dès que les modifications proposées auront été adoptées. Le public pourra alors avoir accès aux documents de Compo?Haut-Richelieu produits à partir de cette date, même si des mesures dilatoires auprès de la CAI et des tribunaux pourraient peut-être retarder le moment où ils seront de fait rendus accessibles. L'AGED craint toutefois que Compo?Haut-Richelieu et les tribunaux refusent de donner accès aux documents produits avant cette date.

L'AGED sait les réticences du gouvernement à insérer des clauses de rétroactivité dans ses lois et règlements. Elle demande toutefois s'il ne serait pas possible de faire exception pour le cas particulier et unique de Compo?Haut-Richelieu, un organisme qui, en raison de sa nature et de ses caractéristiques, aurait toujours dû être assujetti à la Loi sur l'accès. L'AGED demande donc aux légistes du gouvernement d'ajouter une clause de rétroactivité, même limitée à une période de cinq ou de trois ans, soit dans un petit projet de loi soit dans le projet de loi n° 86. Ainsi, la population du Haut-Richelieu aurait le droit de vraiment savoir comment s'est faite la gestion de ses deniers chez Compo?Haut-Richelieu avant la date d'entrée en vigueur des modifications à la définition d'«organisme municipal».

Le Président (M. Brodeur): Malheureusement, le 20 minutes est écoulé, mais il est toujours permis, à l'intérieur d'une question d'un membre de la commission, de compléter votre réponse à partir de votre mémoire.

M. Morazain (Jacques): Une minute?

Le Président (M. Brodeur): Je vais vous laisser la chance de répondre peut-être à partir de la première question du ministre, de compléter votre point à la suite de la question.

M. Bédard: ...30 secondes-30 secondes.

Le Président (M. Brodeur): Parfait. On enlève 30 secondes-30 secondes de chaque côté, et on vous le donne à vous.

M. Arcand (Yves-Claude): O.K. L'AGED est pleinement d'accord... En conclusion, l'AGED est pleinement d'accord avec le sens des modifications apportées à la définition d'«organisme municipal» dans le projet de loi n° 86. Selon l'AGED, il est clair que Compo?Haut-Richelieu deviendra assujettie à la Loi de l'accès dès qu'elle entrera en vigueur. Mais l'AGED est aussi convaincue que le cas de Compo?Haut-Richelieu constitue un cas d'espèce qui justifie un traitement d'espèce. C'est la seule société d'économie mixte gérée comme telle qui existe au Québec, et, dans l'état actuel de la législation et de la jurisprudence, elle n'est pas assujettie à la Loi de l'accès. Par contre, les nouvelles sociétés d'économie mixte qui pourraient être constituées y seraient automatiquement assujetties.

M. Lavallée (Michel): La revue des débats des diverses commissions parlementaires qui ont traité du sujet depuis 1994 indique clairement selon l'AGED que les législateurs ont favorisé l'assujettissement de Compo?Haut-Richelieu à la Loi sur l'accès. La CAI a toujours souhaité elle aussi des modifications à la Loi sur l'accès qui augmenteraient le bassin des organismes considérés comme des organismes municipaux assujettis à la loi. Personne ne peut contester que Compo? Haut-Richelieu est une entreprise qui, premièrement, exerce une fonction municipale, deuxièmement, est financée majoritairement par des fonds publics et, troisièmement, est contrôlée par des élus municipaux.

M. Morazain (Jacques): L'AGED croit donc que Compo?Haut-Richelieu aurait toujours dû être assujettie à la Loi sur l'accès. Elle suggère maintenant des mesures pour assurer que la population du Haut-Richelieu ait rapidement et pleinement accès aux renseignements auxquels elle aurait toujours dû avoir accès: premièrement, réduire les délais par un projet de loi spécifique à Compo?Haut-Richelieu; deuxièmement, empêcher les recours dilatoires aux tribunaux par un texte plus explicite; et, troisièmement, garantir l'accès aux documents du passé par une clause de rétroactivité.

M. Arcand (Yves-Claude): Il est juste que la transparence ait dorénavant sa place, une chance de se manifester dans les affaires de Compo?Haut-Richelieu, filiale de la MRC du Haut-Richelieu. Merci beaucoup.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Donc, je remercie l'Association pour une gestion écologique des déchets du Haut-Richelieu. C'était fort intéressant. Je rappelle aux membres de la commission que nous avons donc pris trois minutes sur le temps des membres pour nous permettre de suivre l'agenda pour le reste de la journée. Donc, je suis prêt à reconnaître M. le ministre pour une première question.

M. Pelletier: Merci, M. le Président. Messieurs, bonjour. Merci de votre présentation. Merci de votre mémoire également. Ce ne seront pas vraiment des questions que je vais vous poser, je voulais tout simplement faire deux ou trois commentaires. Bien entendu, le président vous accordera sans doute le droit quand même, je dirais, de répondre aux commentaires que je formulerai. Mais je comprends que vous êtes d'avis qu'une fois que le projet de loi sera en vigueur et deviendra loi, je comprends que vous êtes d'avis que Compo?Haut-Richelieu sera assujettie à la loi. C'est effectivement notre interprétation également. Nous sommes d'avis que l'article 3 du projet de loi, qui modifie l'article 5 de la loi, fera en sorte que Compo?Haut-Richelieu sera indiscutablement assujettie à la loi une fois que celle-ci sera en vigueur. Deuxièmement... et c'est important, j'imagine, pour vous, et par ailleurs cette affirmation de ma part va être confirmée dans les galées évidemment, qui reprennent toutes les discussions de notre commission, qui ont cours pendant cette commission.

D'autre part, la question se pose à savoir: Est-ce qu'un document qui serait en possession de Compo? Haut-Richelieu au moment où la loi sera en vigueur et qui aurait été créé avant l'entrée en vigueur de la loi, est-ce qu'un tel document est assujetti à la loi? La réponse est oui. Le principe est applicable; en vertu de la loi, c'est que tous les documents qui sont détenus par, sauf exception bien entendu, mais tous les documents qui sont détenus par un organisme assujetti à la loi, peu importe la date de leur création, sont toujours, sauf exception, assujettis à la loi. Alors, vous voyez que nous avons tenu compte de vos préoccupations.

Vous avez bien hâte, d'après ce que je comprends, que Compo?Haut-Richelieu soit assujettie à la loi, et personnellement je crois que, grâce à la collaboration du député de Chicoutimi et de l'opposition officielle, collaboration dont vous avez fait état tout à l'heure, il sera possible effectivement d'avoir une nouvelle loi adoptée par l'Assemblée nationale d'ici la fin du mois de décembre. Du moins, c'est le souhait que je formule.

Le Président (M. Brodeur): Merci, M. le ministre. Est-ce que le groupe a des commentaires à apporter suite aux commentaires du ministre?

n (14 h 30) n

M. Morazain (Jacques): Je pense effectivement que nous sommes convaincus que la nouvelle loi va assujettir, et c'est incontestable; les opinions juridiques de spécialistes de la Loi de l'accès qui ont bien voulu nous en faire part sont à cet effet. Par contre, nous craignons énormément les mesures dilatoires devant les tribunaux. C'est un organisme qui a l'habitude d'aller devant les tribunaux, et nous avons cité des cas: on poursuit, là on conteste des décisions de la CAI, on conteste des décrets du gouvernement, on conteste des avis de ministres par des procédures judiciaires. Et on a peur qu'on invoque encore une fois ce fameux statut de personne morale de droit privé pour se faire entendre devant les tribunaux, même si on a enlevé l'exclusion, parce que, si vous relisez le jugement du juge en Cour du Québec, il a fait fi carrément de l'aspect prépondérant de la Loi sur l'accès. Une loi spéciale, c'est suffisant pour nier la Loi sur l'accès. Et on a peur qu'on invoque encore cet argument.

On est convaincus que ce sera rejeté, mais après combien de temps? Combien d'erreurs? Combien de mesures? Et des fois ça coûte cher. Nous avons eu un jugement que, si je ne me retenais pas, je l'appellerais d'inique un peu, par un juge, le juge de la Cour du Québec. Tous les spécialistes nous ont dit: Contestez, ça n'a pas de bon sens, ce jugement-là ne tient pas debout. Mais aller en Cour supérieure, c'est 20 000 $, 25 000 $, et nous avons peur qu'on soit pris encore devant des situations où on nous forcera à aller en cour et dépenser des sommes, qu'on nous aura à l'épuisement des moyens financiers ou de la volonté, je ne le sais pas mais... Et c'est pour ça qu'on demandait peut-être, aussi, cette précision à l'intérieur du projet de loi pour dire que... pour spécifier expressément que, un, un organisme assujetti à la loi peut être de droit privé ou de droit public, ce n'est pas... Ce qui a toujours été mais ce qu'on a contesté.

Le Président (M. Brodeur): M. Arcand, je crois, voulait ajouter.

M. Arcand (Yves-Claude): Oui, merci. Je voulais simplement ajouter que vous savez qu'un des cas où l'AGED s'est impliquée, c'est un projet, par la MRC Compo?Haut-Richelieu, de création d'un site d'enfouissement dans le Haut-Richelieu, et nous avons la conviction profonde que le dossier aurait été géré d'une façon fort différente et aurait coûté sûrement moins cher si les gens avaient su qu'ils auraient à rendre des comptes, soit aujourd'hui soit plus tard. Et ça, ça ne fait aucun doute dans notre esprit que c'est essentiel qu'on puisse retourner en arrière et aller voir ce qui s'est passé.

Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le député de Chicoutimi.

M. Bédard: Merci, M. le Président. Alors, à M. Arcand, M. Lavallée, M. Morazain, merci d'être encore ici. Comme vous l'avez vu, j'avais souhaité qu'on ne vous oblige pas à venir devant cette commission, mais il me fait plaisir par contre de vous y voir encore une fois, en vous disant, comme vous avez vu dans les commentaires que j'ai faits à chaque étape... Et je vois que vous lisez nos galées ? alors je me sens moins seul dans ce temps-là, lorsqu'on parle à l'Assemblée ? donc vous avez vu à quel point nous tenions à ce que les modifications législatives concernant votre situation se fassent le plus rapidement possible, et nous réitérons cette offre au ministre.

Parce que ma peur évidemment... Vous l'avez vu, le projet de loi est quand même important et, bien que je souhaite aussi très sincèrement son adoption d'ici Noël, il demeure que, vous avez vu, il y a plusieurs autres questions qui concernent la protection des renseignements personnels, d'autres éléments sur lesquels vous n'avez aucun lien et aucune... je vous dirais, qui ne vous concernent pas comme intervenants donc. Et le résultat des projets de loi, on le sait, c'est toujours le point de rencontre entre les attentes du ministre par rapport à ce projet de loi ou à ses intentions et celles de l'opposition, et le ministre est très au courant de cette procédure, je pense qu'il... Vous pouvez être convaincu que, bien qu'étant depuis deux ans dans l'opposition, j'ai bien compris aussi cette technique. Donc, je souhaite aussi très sincèrement et j'espère que le ministre nous accompagnera aussi dans cette volonté d'avoir un bon projet de loi pour Noël.

Mais il reste votre cas en particulier, qui fait ressortir des éléments inquiétants de l'application: tout d'abord l'équilibre des forces que nous avons oublié, soit... Dans le mémoire de la Commission de la culture, nous avions proposé, afin de rééquilibrer ce rapport de force entre les citoyens comme vous qui se prennent en main et qui ont des intentions nobles... Et peu importe qui a raison ou tort, c'est votre droit d'exiger de l'information, vous exercez un droit qui est prévu par la loi. Mais quelqu'un peut vous empêcher de le faire pour des motifs juridiques, à la limite étendre les débats jusqu'à ce que vous n'ayez plus les moyens de vous défendre, et, vous, vous êtes un groupe, donc c'est dur de trouver du financement. Parfois, c'est une seule personne. Alors, les membres de la commission se sont dit: Comment trouver une façon de rééquilibrer finalement ce rapport de force et d'empêcher un organisme, une municipalité, même l'État de combattre à force inégale contre quelqu'un qui a peu de moyens?

Et la Commission d'accès à l'information avait proposé, entre autres, le paiement des honoraires, et là je ne parle pas des honoraires judiciaires, mais des honoraires aussi extrajudiciaires, certaines demandes avaient été faites à ce niveau-là, et, nous de la commission, nous avions plutôt prévu de faire en sorte que les décisions de la Commission d'accès ne soient pas contestables, sauf évidemment erreur juridictionnelle ou erreur manifestement déraisonnable, ce qui rejoindrait les deux buts, soit peu de délais en termes de contestation, mais aussi et surtout à peu de frais. Donc, un citoyen peut se représenter devant la Commission d'accès, et là, après ça, c'est terminé, et l'évocation est, de façon très rarissime, là, acceptée.

Mais cette voie n'a pas été choisie, et je n'en veux pas au ministre, c'est un choix qu'il fait. Par contre, il ne prévoit pas de solution à votre problématique où, même lorsque vous avez eu raison ou vous auriez eu raison, vous n'aviez plus les moyens finalement d'aller plus loin dans cette contestation. Et vous avez estimé à l'époque les frais, vous me dites, à 25 000 $, vous avez consulté un avocat, c'est ce que je comprends, et c'était, là, l'étape de la première contestation. Ce n'était pas devant la Cour d'appel, là, on parle tout de suite après la décision de la Commission d'accès à l'information. Allez-y.

M. Morazain (Jacques): Bien, à la première étape, il y a eu l'audition devant la Commission d'accès, et ça, nous nous sommes toujours présentés en tant que citoyens, sans représentation légale juridique devant la Commission d'accès. Quand on arrive en Cour du Québec, c'était un peu au-dessus de nos capacités, nous avons eu un avocat qui nous a, je dis «gracieusement», représentés ? et les gens du ministère doivent le connaître, c'est un ancien du ministère, une des autorités en loi d'accès ? qui nous a fait une grande faveur de prendre notre cas par principe et qui nous a chargé tout simplement les frais extrajudiciaires pour l'audition en Cour du Québec. Quand est arrivé le temps de l'audition en Cour supérieure, bien, là, il fallait qu'il fasse faire des recherches, et c'était là que nous n'avons pas eu les moyens, nous n'avons pas été capables de réunir les fonds pour le faire.

Si vous vous souvenez, M. Bédard, et si vous avez lu notre mémoire, en octobre, en 2003, déposé sur le rapport quinquennal, nous avions fait état de ce déséquilibre des forces et nous étions pleinement d'accord avec certaines des recommandations de la commission d'essayer de rétablir... et toute mesure qui pourrait rétablir, compenser un peu l'équilibre des forces serait bienvenue. En tant que citoyen, je n'ai pas le goût d'aller me présenter devant les cours, les tribunaux du Québec seul, je n'en ai pas les moyens intellectuels, je n'ai pas les moyens financiers souvent de... et, en tant qu'association, on n'a pas les moyens financiers d'aller devant les cours et supporter de telles procédures, quand elles sont dilatoires.

Et, vous savez, nous avons eu des auditions devant la Commission d'accès, on a déposé des plaintes, et, le jour même de l'audition, à 9 heures moins une minute, on a concédé l'accès aux documents, qui était contesté. Ça n'a fait que retarder pendant 12 mois...

M. Bédard: Par la suite, ah oui?

M. Morazain (Jacques): À partir du moment où on a été en contestation, jusqu'au moment où l'audition a été... 12 mois. Et, le jour de l'audition, on a dit: Tiens, prenez-les. Évidemment, ils étaient un petit peu hors de contexte et un petit peu vieux à ce moment-là, mais...

Le Président (M. Brodeur): M. Arcand.

M. Arcand (Yves-Claude): À noter que, dans tous ces cas, la MRC du Haut-Richelieu, avec Compo, se paie des avocats avec les deniers publics, et ils nous ont laissé savoir, là, d'une façon cavalière, que pour eux il n'y avait pas de limite pour les sources de fonds. Ce n'est pas un problème, ils ont le pouvoir de taxation. Et ils savent très bien qu'on ne pouvait pas suivre. On joue au poker avec des moyens et on ne peut pas suivre.

n (14 h 40) n

M. Bédard: Et, d'autant plus... et vous me dites que Compo?Haut-Richelieu est la seule, c'est ça, au Québec, dans cette situation. Parce que la loi privée que vous me faites mention, effectivement c'était, à la première session ou la deuxième, où un organisme de même nature voulait avoir, par loi privée aussi, la composition de son conseil d'administration et de son existence, voire la création de son existence. Et j'ai moi-même, je vous dirais, personnellement demandé... et c'était moi qui ai agi à ce moment-là comme critique, parce que j'avais vu arriver le projet de loi, et, comme opposition, nous avons nous-mêmes négocié avec eux pour leur dire: Nous sommes prêts à le laisser aller à condition que vous mettiez dans le projet de loi que vous allez vous conformer, que vous êtes assujettis à la loi d'accès à l'information. Et ça a pris, je vous dirais, une journée, et, en bout de ligne, ils ont convenu avec nous que c'était la meilleure façon.

Parce que j'avais en tête votre exemple. Je leur ai dit: Vous ouvrez... C'est pour votre bien qu'on fait ça, parce que, si vous soulevez le doute, si vous n'êtes pas transparents dans votre gestion, c'est sûr que vous vous mettez devant des problématiques. Et les gens ont le droit de savoir, au-delà de connaître quelle est la finalité ou qui a raison à travers ça, les gens ont le droit de savoir. Et c'est là-dessus que je suis... Je reste convaincu que nous aurions dû agir de façon, je vous dirais, particulière dans votre cas, étant donné que c'est un cas effectivement qui est particulier, et de prévoir toutes les possibilités pour s'assurer qu'au lendemain de l'adoption d'une telle loi il n'y ait pas d'autre interprétation possible que de se conformer à la Loi d'accès. Et j'invite encore le ministre à réfléchir s'il souhaite aller de l'avant par des modifications qu'on pourrait extraire, tout en conservant celles qui existent actuellement, de façon à éviter toute ambiguïté ? je comprends que nos commentaires peuvent servir à l'interprétation d'une loi ? mais de s'assurer vraiment que tout est balisé et qu'il n'y a pas de recours dilatoire possible pour empêcher l'exercice de vos droits.

Alors, évidemment je souhaite que cette loi soit choisie par le ministre. Je souhaite aussi que, par votre témoignage, on se préoccupe de la situation que vous avez vécue, soit le déséquilibre des forces en présence, et qu'il y ait des modifications dans le sens, pour éviter la situation que vous avez vécue, et qu'on accorde pleinement... parce que ce n'est pas tout, avoir un droit, il faut avoir la capacité de l'exercer donc, et qu'on vous permette justement d'exercer ce droit, celui d'avoir accès à des documents qui, selon toute vraisemblance, sont assujettis à la Loi d'accès. Donc, vous l'avez dit, nos intentions sont claires. Souhaitons que ce sera la dernière fois qu'on se verra, à moins... Si vous venez par contre, il y a un projet de loi qui est plus particulier, bien, là, ce sera vraiment pour de bon, et ça, nous restons ouverts à cette possibilité, du moins de notre côté.

Le Président (M. Brodeur): Merci, M. le député de Chicoutimi. Est-ce qu'il y a un commentaire à apporter suite à l'intervention du député?

M. Morazain (Jacques): Nous vous remercions de votre intérêt pour notre cause. Nous espérons que tout ce qui peut être fait de votre côté comme du côté du gouvernement, qui détermine les mesures à prendre et le processus législatif, sera fait. Nous avons confiance et nous espérons vraiment que cette saga prenne fin le plus rapidement possible, qu'on ait accès à l'information à laquelle nous avons droit en tant que contribuables.

Et je vous l'ai souligné, ce n'est pas négligeable, c'est deux tiers du budget de la MRC qui s'en va dans cette compagnie-là sans qu'on le sache, qu'est-ce que c'est, pourquoi on le paie. Nous n'avons aucune information sur la façon dont ces deniers sont utilisés. Nous ne disons pas et jamais on a prétendu qu'il y avait malversation, mais la possibilité est là. C'est la plus belle structure pour avoir de la malversation qu'on ne peut pas avoir: un petit club fermé, une compagnie privée qui n'est pas sujette à aucune vérification par personne. Il pourrait y en avoir.

M. Arcand (Yves-Claude): Et une situation aussi où deux maires dans une MRC... Il y a deux maires qui sont ensemble. Le maire de la grande ville de Saint-Jean, il aura besoin de seulement un autre maire et il a le contrôle de toutes les décisions, de tout le budget, de toutes les approbations qui se passent. Alors, ils acceptent de payer des factures sans aucune information. Eux autres, ils la connaissent, l'information. Mais qu'est-ce qu'il y a dans la facture? Des montants très importants. On parlait d'une facture de 175 000 $ tout à l'heure, mais on a vu plus que ça, et ces factures-là sont payées sans que les autres maires de la MRC puissent savoir la raison pour laquelle on les paie, on paie. Alors, on n'a aucune indication qu'il y en a eu, une malversation, mais la possibilité est là, et je pense qu'il est urgent que quelque chose se fasse pour arrêter ça et permettre aussi qu'on aille voir en arrière dans quelle mesure les gens ont bénéficié de cet outil qui leur était donné.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Donc, je remercie l'Association pour une gestion écologique des déchets du Haut-Richelieu. Merci d'avoir été présents parmi nous et peut-être, ultimement, dans une autre commission aussi. Donc, je suspends quelques instants, le temps de laisser le temps au prochain groupe de s'installer pour les audiences.

(Suspension de la séance à 14 h 46)

 

(Reprise à 14 h 47)

Le Président (M. Brodeur): Donc, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons continuer nos travaux. Nous sommes donc prêts pour entendre un deuxième groupe cet après-midi, et le groupe prévu est l'Association pour la défense des personnes et biens sous curatelle publique. Donc, bienvenue en commission.

Tout d'abord, je vous rappelle les règles. Vous avez un maximum de 20 minutes pour présenter votre mémoire; s'ensuit une période d'échange de part et d'autre, dans un temps égal, la plupart du temps, pour chacune des formations politiques. Donc, je vous prierais tout d'abord de vous identifier et ensuite de ça de présenter votre mémoire.

Association pour la défense des personnes
et biens sous curatelle publique

M. Greenbaum (Ura): Merci, M. le Président. Je m'appelle Ura Greenbaum. Je suis directeur général de l'Association pour la défense des personnes et des biens sous curatelle publique.

Premièrement, je vous remercie de l'invitation de participer à cette commission parlementaire, principalement, comme j'ai exposé dans notre mémoire, parce que la voix des gens qui font affaire avec la curatelle publique est rarement entendue, surtout dans ce forum et dans la société en général.

Alors, je suis le directeur général, comme je vous ai dit, de l'association, un organisme communautaire en existence depuis 1995 ? ça fait 10 ans, là, on arrive, maintenant ? regroupant surtout les gens à travers la province qui font affaire avec la curatelle publique dont les protégés mais en grande partie leurs parents, les familles, les proches et aussi des gens qui s'intéressent à la curatelle publique tels qu'entre autres les personnes âgées, qui maintenant sont de plus en plus nombreuses avec le vieillissement de la population.

Essentiellement, la mission de notre association est d'aider les gens dans leur rapport avec le Curateur public, parce qu'il n'y a personne d'autre vraiment, à part de nous, spécialisé dans le domaine et qui offre ce service à cette clientèle, et, deuxièmement, comme deuxième volet, de surveiller le fonctionnement du Curateur public, agissant ainsi comme chien de garde de la société civile.

n (14 h 50) n

On peut se demander maintenant pourquoi aider et surveiller. Le Curateur public, dans ses rapports annuels, en vertu de la loi, se présente comme une personne. Il faut le démystifier. Le Curateur public s'occupe de plus de 10 000 personnes inaptes, surveille l'administration de plus de 10 000 tuteurs et curateurs privés des personnes inaptes et enquête sur des mandataires en vertu d'un mandat en cas d'inaptitude homologué.

Avec ses cinq bureaux à travers la province, régionaux, et son siège social au centre-ville de Montréal, de 10 étages, il y a plus que quasiment 550 personnes. C'est une machine. Le Curateur public représente l'industrialisation de l'inaptitude. La réalité sociologique est que le Curateur public n'est pas une personne, comme il est annoncé dans sa loi et dans ses rapports annuels, mais plutôt la bureaucratisation de la gestion des personnes inaptes. Ce n'est jamais vu comme ça, mais de notre perspective c'est ça, notre constat. À la place d'un membre de la famille, on a une machine. Et c'est ça, l'évolution en bref de la curatelle publique. Parce qu'autrefois, historiquement, une personne inapte était toujours représentée par un parent ou un proche. Maintenant, il y a une machine.

Comme toute bureaucratie, il développe ses propres intérêts, et sa première mission devient d'assurer son existence et d'affirmer son pouvoir. Ceci peut l'amener à des dérapages, des conflits avec son objectif affiché qui est de protéger les personnes inaptes et, à l'extrême, à son déraillement. Son déraillement fut confirmé ici, dans cette Assemblée nationale, dans le rapport d'enquête du Protecteur du citoyen, en 1997, et dans celui du Vérificateur général de 1998 ? pour ceux qui étaient ici à cette époque-là.

Parce que très peu de gens parlent pour les personnes composant avec le Curateur public, il nous appartient de vous informer de cette réalité méconnue en vous informant de ce que vivent ces gens et de vous sensibiliser à leurs peines. Cela, nous l'avons fait dans notre mémoire écrit, où nous vous avons fourni un échantillonnage du nombre impressionnant de dérives du Curateur public relatives à l'accès à l'information. On s'est arrêtés à 25 exemples, on aurait pu facilement tirer des nombreux dossiers un autre 25. Je ne veux pas répéter ce que vous avez déjà lu, je présume, mais je vais vous donner quelques exemples frappants et douloureux afin de valider et renforcer le portrait dressé dans notre mémoire et confirmer la perspective de la clientèle dans notre organisme.

Comme exemple, je vais vous donner en 1991 ? et ça, ce sont des cas qui ne sont pas dans notre mémoire, vous avez déjà pris connaissance, j'imagine, de ce qui est rapporté dans notre mémoire. En 1991, une famille a reçu de deux psychiatres des rapports indiquant que leur proche souffrait d'une psychose paranoïde. Quand la famille a présenté une requête pour le mettre sous curatelle publique afin de soutenir les constatations des experts médicaux, le Curateur public a envoyé un avocat, payé à même des fonds publics, pour faire rejeter la requête parce que la procédure n'a pas été mise entre les mains de la personnes inapte. La requête fut rejetée. La personne continuait de se promener dans les rues, vivre dans les maisons pour sans-abri, et, en fin de compte, 10 ans plus tard, il fut trouvé dans une chambre, dans une maison à chambres, là, gisant mort, ayant décédé d'une hémorragie parce qu'il n'avait pas la présence d'esprit d'aller à l'urgence de l'hôpital. Il était malade, et le Curateur public a refusé de le faire mettre sur un régime de protection pour le faire protéger.

Maintenant, comment est-ce que ça se relie à l'accès à l'information? Après le décès, la famille a demandé d'avoir tous les documents dans ce dossier, et le Curateur public a répondu: C'est confidentiel, ça fait partie du dossier de la personne morte. À ce moment-là, et la famille, ni la société, ni les députés, ni les autorités publiques n'ont jamais pu avoir la lumière comment ça se fait que le Curateur public a interdit... ou averti qu'une personne déterminée inapte par les experts médicaux a pu être... les procédures ont pu être avortées par le Curateur public et pour quels motifs. Tout est en vase clos et tout est balayé sous le tapis.

Un autre exemple qui n'est pas encore rapporté dans notre mémoire, parce que je ne voudrais pas perdre ni votre temps ni le mien: au mois de mai 2004 ? un an et demi, même pas ? dans un dossier à la cour, un juge de la Cour supérieure a remplacé et... oui, remplacé le Curateur public comme curateur d'une personne inapte parce qu'il avait abusé de ses finances et mal agi. C'est ce que le juge a déterminé et c'est entériné dans un jugement. Quand on a voulu avoir la lumière, les faits sur cette histoire-là, mais le Curateur public a répondu: Ça fait partie du dossier de la personne inapte et c'est confidentiel. Encore, tout est balayé sous le tapis à cause de la confidentialité, il n'y a pas de transparence. Alors, ça va ainsi de suite. Comme j'ai dit, je peux répéter... vous donner 25 autres cas, mais on va avancer.

Je ne vais pas vous répéter, comme je viens de dire, ce que vous avez déjà lu, et j'aurais pu ajouter quelques cas en plus, mais ce que je voudrais faire maintenant, c'est appuyé sur des commentaires sur le sujet de l'accès à l'information qu'on traite ici faits par des institutions et organismes étatiques qui surveillent le domaine de façon contingente et sporadique, et ça, je voudrais entrer dans le dossier que vous avez déjà lu, je présume. Dans le rapport Deschênes, qu'il a soumis au Curateur public à la demande du gouvernement et qui s'appelle, s'intitule La mission du Curateur public du Québec: ses fondements, sa portée, ses conditions de réussite, il a remarqué: «La règle générale de confidentialité qui, dans l'intérêt des personnes inaptes, se rattache aux dossiers détenus à leur sujet par le Curateur public n'est donc pas sans générer [...] certains effets pervers au détriment même des personnes qu'elle vise précisément à protéger.» Alors, cette étude à la demande du gouvernement est arrivée à cette conclusion.

n (15 heures) n

Ensuite, sur d'autres éléments que nous avons soulevés dans notre mémoire, si vous regardez à la page 7, concernant le bilan financier que le Curateur public a tenu à remettre aux proches d'une personne inapte, le Vérificateur général dernièrement a dit dans son rapport annuel: «Au terme de la vérification des livres et comptes des exercices terminés les 31 mars 2000, 2001 et 2002, nous avions recommandé au Curateur public de revoir la présentation de ses états financiers afin de fournir une information complète et compréhensible sur les patrimoines qu'il administre, conformément aux PCGR du Canada. Or, au 31 mars 2003, la présentation des états financiers est demeurée inchangée.» Maintenant, pour 2004, «nous avons de nouveau recommandé au Curateur public de revoir la présentation de ses états financiers afin de fournir une information complète et compréhensible sur les patrimoines qu'il administre, conformément aux principes comptables généralement reconnus du Canada».

Et, si cela n'est pas assez sévère, le Protecteur du citoyen, dans son rapport annuel de 2003-2004, a abondé dans le même sens: «Lorsqu'une demande d'accès à ce document ? parlant des états financiers ? était autorisée, le Curateur [public] transmettait un état des recettes et déboursés. Il s'agissait d'un document souvent incompréhensible, incomplet et non adapté aux personnes à qui il était destiné. Le Protecteur du citoyen lui avait recommandé de le modifier. Le Curateur public n'a pas encore apporté de modifications.» Alors, pour le Curateur public, comme tout administrateur du bien d'autrui, ce fiduciaire est obligé de rendre des comptes, et c'est ça, les commentaires des autorités publiques sur cette question où la lumière doit être fournie.

Aussi, sur une autre question, les coûts que le Curateur public parfois arbitrairement impose aux gens qui demandent des documents. À ce propos, dans la Revue de l'année 2003-2004 de l'Action gouvernementale et personnes handicapées, l'Office des personnes handicapées, dans cette revue, a rapporté: «Mis à part l'abolition des frais du Curateur public reliés à la surveillance des tutelles et curatelles privées qui devrait avoir un impact positif [sur] les personnes handicapées bénéficiant d'un tel régime de protection privé, les autres modifications proposées risquent d'avoir, du point de vue de l'office, des impacts plutôt négatifs pour ces personnes. En effet, ces modifications mettraient fin au principe de gratuité qui a prévalu jusqu'à présent en ce qui concerne les actions liées à la protection de la personne. Or, les actions qui ont pour but d'assurer que la personne inapte reçoive tous les services requis par son état, que ses droits soient respectés et que ses intérêts soient défendus ne devraient pas se monnayer.» Et le Curateur public a l'habitude de charger des coûts exorbitants simplement pour entraver parfois les personnes inaptes elles-mêmes ou leurs proches d'avoir des documents sur la gestion du Curateur public.

Avançons encore. Dans le rapport Deschênes, fait à la demande, rédigé à la demande du gouvernement encore, Jean-Claude, si je me rappelle bien, Deschênes a écrit encore: «Afin de pallier à ces derniers ? parlant des protégés ? tout en assurant aux proches de la personne protégée la possibilité de mieux surveiller les faits et gestes du Curateur public, il y aurait peut-être lieu d'envisager que ceux-ci puissent, en cas de refus du Curateur, bénéficier d'un droit d'appel à la Commission d'accès à l'information.» Ceci était écrit ou suggéré dans le cadre de l'étude que, quand une personne demande de l'information du Curateur public, la loi sur l'accès à l'information, que j'appelle, l'accès aux documents des organismes publics, exclut la juridiction du Curateur public... la juridiction, excusez-moi, de la Commission d'accès à l'information. Et donc, quand une personne cherche les informations, des documents du Curateur public, il n'y a pas de recours, il n'y a pas de procédure, il n'y a aucun endroit où les gens peuvent se tourner pour avoir accès à l'information à laquelle ils ont droit en vertu de la loi.

Et la Commission des droits de la personne, sur ce sujet, nous a écrit une lettre, le président lui-même, le 9 mai 2005, où il dit: «La question que vous soulevez ? c'est-à-dire qu'il n'y a pas d'issue pour les gens pour ce genre d'information ? la question que vous soulevez, l'absence de révision par la Commission d'accès à l'information de la décision du Curateur public de donner accès à un tel dossier aux proches de la personne sous curatelle publique nous semble importante eu égard au droit à l'information tel que reconnu à l'article 44 de la Charte des droits et libertés de la personne.» C'est-à-dire, selon la commission, le Curateur public ou sa loi n'est pas en harmonie à ce moment avec le principe de la transparence qui est entériné dans la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics.

Et, juste en terminant, je voudrais dire que, dans le projet de loi n° 86, comme nous avons fait état dans notre mémoire, il n'y a aucune mention des problèmes que nous vous avons soulevés dans notre mémoire. Et, si vous entendez faire un redressement de cette loi, il faut modifier et prendre en considération nos soumissions dans le mémoire et ce que je viens de vous rapporter cet après-midi.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Nous sommes prêts à ouvrir cette période d'échange. Et je suis prêt à reconnaître M. le ministre.

M. Pelletier: Merci, monsieur, merci de votre présentation. Je dois dire d'emblée que je suis sensible à ce combat que vous menez depuis quelques années contre ce que vous avez décrit comme étant une machine, tout à l'heure, et ce que vous avez décrit comme étant l'institutionnalisation de l'incapacité, si je vous comprends bien.

Cependant, je vous ferai remarquer... bien, vous le savez déjà, qu'en vertu de la Loi sur l'accès, vous savez que l'accès aux documents qui sont contenus dans un dossier que le Curateur public détient sur une personne qu'il représente ou dont il administre les biens de même que la protection des renseignements personnels contenus dans un tel dossier sont régis par la Loi sur le curateur public. Donc, nous sommes en présence en quelque sorte d'un statut juridique. Et, en ce qui concerne l'accès à l'information et la protection des renseignements personnels... n'est pas visé par la loi sur l'accès à l'information mais plutôt par la Loi sur le curateur public. Évidemment, s'il s'agit de documents administratifs qui sont détenus par le Curateur public, là c'est différent. À ce moment-là, la loi sur l'accès à l'information s'applique. Mais je pense que, vous, ce qui vous préoccupe surtout, c'est la question des documents portant sur des renseignements personnels ou contenant des renseignements personnels qui sont détenus par le Curateur public.

Alors, d'emblée, je dirais que je ne suis pas certain que nous sommes dans le bon forum, mais, à tout événement, j'ai pris bonne note de vos représentations. S'il le faut, je dis bien «s'il le faut», je m'engage à transmettre votre mémoire et vos représentations à la ministre de la Famille qui est responsable de la Loi sur la curatelle publique, sur le Curateur public.

Je comprends cependant que vous avez exprimé le souhait dans votre dossier, dans votre mémoire, dis-je, que les aidants, les aidants, c'est-à-dire je comprends les personnes bénévoles, qui donc aident en quelque sorte ou assistent une personne qui est inapte... vous souhaitez que les aidants aient accès au dossier de ladite personne inapte. Est-ce que je vous ai bien compris? Et, si oui, ça pose toute la question de savoir: Dans quelle mesure les informations personnelles détenues par le Curateur public doivent-elles demeurer confidentielles? Dans quelle mesure elles doivent demeurer confidentielles? Voilà. Je voudrais vous entendre là-dessus.

Le Président (M. Brodeur): M. Greenbaum.

n (15 h 10) n

M. Greenbaum (Ura): Oui. Premièrement, sur la première partie de vos commentaires, vous avez dit que notre mémoire se rattache plutôt ou les sujets soulevés s'attachent plutôt à la Loi sur le curateur public qui n'est pas vraiment votre mandat dans le cadre de la Loi sur l'accès... le projet de loi n° 86. J'aimerais, premièrement, vous référer aux recommandations que nous avons... les 32 que nous avons soumises à la fin de notre mémoire.

Et deuxièmement, pour plus de précision, si vous regardez l'article 4 et l'article 2.2 de la loi actuelle sur l'accès à l'information, vous allez voir que c'est en vertu de la loi sur l'accès à l'information qu'on renvoie à la Loi sur la curatelle publique, et c'est la loi sur l'accès à l'information qui ferme la porte aux pouvoirs et à la juridiction de la Commission d'accès à l'information. Alors, la loi sur l'accès à l'information, dont vous êtes saisis ici, effectivement entre en jeu dans le mécanisme qui ferme la porte à l'information détenue par le Curateur public. Et nous avons proposé, dans nos recommandations, justement que ces parties-là soient modifiées en tenant compte de la situation dont nous vous avons fait état aujourd'hui.

Et d'ailleurs même ? comme vous avez vu et comme vous avez entendu aussi ? la Commission des droits de la personne ainsi que le rapport Deschênes ont aussi dit que c'est la loi sur l'accès à l'information qui doit être modifiée pour concilier les contradictions et surtout le manque de transparence qui se trouvent par le biais de la Loi sur l'accès... la Loi sur le curateur public. Alors, les deux sont reliées, il n'y a pas vraiment de séparation entre les deux pour ce qui touche les gens qui font affaire avec la curatelle publique, avec tout respect pour vos commentaires.

Il y a une autre problématique que vous avez soulevée, un deuxième volet de vos commentaires concernant notre proposition: que les aidants doivent avoir accès à ces informations. Je suis d'accord que c'est un couteau à double tranchant parce que les aidants sont des tiers, et ce sont des gens pas forcément en relation personnelle ou intime, et familiale, si vous voulez, avec les protégés du Curateur public. Mais par contre la situation actuelle, et nous l'avons exposée dans notre mémoire aussi, est comme telle: la plupart des personnes sous curatelle publique, je dirais plus que 90 %, sont sous curatelle publique parce qu'elles n'ont pas de proches, ou de parents, ou de famille, et, d'après la loi, et le Code civil, et la Loi sur le curateur public, le Curateur public doit rendre compte de sa gestion annuellement, doit faire un inventaire des biens de la personne inapte, de son protégé, doit permettre aux parents d'avoir accès au dossier. Mais, pour ces 90 % des personnes sous curatelle publique, il n'y a pas de proches, il n'y a pas de parents. Alors, il y a une lacune dans tout le mécanisme, et le Curateur public ainsi ne rend compte à personne en réalité. La véritable réalité du Curateur public, malgré que la loi exige qu'il rende compte, qu'il y ait une surveillance familiale ou des proches, ne rend compte à personne, et ça, c'est à l'encontre de la loi, c'est illégal.

Alors, évidemment, il faut composer avec cette lacune-là qui n'est prévue nulle part dans la loi. C'est une lacune, je suis d'accord. Nous avons proposé les aidants parce qu'il n'y a personne d'autre, et, s'il y a des aidants dans le portrait, au moins ils ont un certain intérêt ou attachement à ces personnes-là, parce que le Curateur public doit rendre des comptes. Alors, comme j'ai dit, pour moi comme pour vous, c'est un couteau à double tranchant parce que c'est une personne tierce, mais par contre il y a une loi, il y a des obligations, et, dans l'intérêt de la transparence et pour ces fins-là, quelqu'un doit intervenir. Alors, il faut trouver un mécanisme, ou un compromis, ou un moyen, et ça, ce n'est pas ma responsabilité. Mais ceux qui rédigent les lois ou les projets de loi, comme les avocats du ministère de la Justice ou les avocats du ministère de la Famille maintenant, probablement, qui s'occupent de cette loi doivent tenir compte de ce que nous soulevons et composer ou dresser quelque chose qui va combler cette lacune.

Il y a un problème, ici. Il y a une loi qui exige imputabilité et comptabilité, des comptes, et il n'y a pas de personne qui peut exercer ce recours-là et peut exiger des comptes. Alors, pour toutes fins pratiques, je dis 90 %, le Curateur public ne rend compte à personne, et il n'y a aucune, aucune, aucune surveillance sur sa gestion. Et il gère, rappelez-vous, 10 000 personnes directement, 10 000 personnes indirectement, et 300 millions de dollars de leur actif, un tiers de milliard, et il n'y a presque pas de comptes rendus. Et, quand ces gens meurent sans famille, c'est l'État qui ramasse les biens, et encore l'État ne va jamais demander que le Curateur public rende des comptes de sa gestion parce que ça rentre dans les mains de la curatelle publique. Alors, c'est une boîte fermée, si vous voulez, et la suggestion de permettre aux aidants d'exiger cette information... C'est juste une suggestion, peut-être que vous pouvez trouver une autre alternative ou une autre option, mais il faut réfléchir. Il y a une problématique que j'ai soulevée, il y a une lacune dans le système actuel qui laisse ou... qui ouvre la porte aux dérapages qu'on a déjà vus assez.

Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le député de Chicoutimi.

M. Bédard: Merci, M. le Président. Alors, merci, M. Greenbaum, d'être parmi nous. Vous voyez, l'article 2.2 fait en sorte que le régime de la curatelle devient un régime autonome. C'est ce qu'il prévoit finalement, lorsqu'on le lit avec l'application des autres dispositions. Ce que je voulais savoir: Votre association a-t-elle fait des représentations, à un moment ou à un autre, là, depuis, disons, depuis les cinq dernières années, par rapport aux demandes que vous faites aujourd'hui?

M. Greenbaum (Ura): L'association, premièrement, est sur la scène, comme je vous ai dit, depuis 1995. C'est grâce, avec toute modestie, à notre pression et nos plaintes que le Protecteur du citoyen et le Vérificateur général sont entrés...

M. Bédard: ...vous interrompre parce que...

M. Greenbaum (Ura): ...il y a sept, huit ans.

M. Bédard: C'est ça. Et je me souviens d'ailleurs, il y a eu une enquête importante et des modifications. D'ailleurs, à l'époque, il y a un nouveau curateur qui avait été nommé. Il y avait eu une tutelle de la curatelle, je me souviens. Même le Vérificateur par la suite avait produit un rapport pour constater des améliorations, des modifications quant aux pratiques, parce que, je me souviens bien, à l'époque, c'était avant 1998, là, où... bien, le rapport Deschênes date de 1997, je crois, où il y avait eu...

M. Greenbaum (Ura): Le rapport Deschênes, c'est 1999.

M. Bédard: 1997, c'est ça, je crois.

M. Greenbaum (Ura): 1999.

M. Bédard: Mais le rapport Deschênes, c'est plus 1997. Le rapport est arrivé du Vérificateur en 1999, mais, avant ça, il y avait eu une tutelle aussi. Même, il y a quelqu'un qui avait été nommé...

M. Greenbaum (Ura): C'est ça.

M. Bédard: ...pour modifier les pratiques. Et, je me souviens, il y a plusieurs cas horribles dont vous faites mention d'avant 1997, là, qui avaient nécessité une intervention assez musclée, là, du gouvernement en cette matière...

M. Greenbaum (Ura): Effectivement.

M. Bédard: ...et qui remontaient à plusieurs années et qui ont fait en sorte de corriger en bonne partie, parce que le Vérificateur, depuis ce temps, vous le savez, produit différents rapports afin de constater des améliorations quant aux pratiques de gestion, quant aux...

Mais vous comprenez aussi que les membres de la commission connaissent moins bien ce régime parce qu'il est autonome. Et, lorsque, moi, je lis votre document, puis il y a beaucoup d'éléments que je suis incapable d'apprécier... Quelles sont les méthodes de vérification à l'interne, du Curateur, pour s'assurer, comme vous dites, comme 90 % des gens sont sans aidants... pas sans aidants mais sans parents proches... Donc, il doit y avoir évidemment un processus de vérification afin de s'assurer que cette gestion se fasse conformément aux règles et pour éviter les écarts qui s'étaient produits au début des années... avant 1997, si on veut.

Mais vous comprenez que c'est très dur pour nous de juger parce que ce régime est autonome. Et même si on mettait une disposition à l'article 2.4... 2.2, on soustrayait ou on rendait applicable, là, on rentrerait sur un terrain qu'on connaît peu, et c'est dangereux pour nous de faire ça, parce que... il y a une protection... Vous parliez des aidants naturels, je trouve ça bien aussi de vérifier la gestion, mais en même temps on parle de renseignements personnels des gens qui sont inaptes à donner leur consentement, et là quiconque qui se décrit comme un aidant peut vérifier cela. Est-ce qu'on est vraiment dans un processus légitime de vérification?

n (15 h 20) n

Tout ça pour vous dire que ce n'est pas que je suis contre ce que vous avancez, mais je ne crois pas qu'on ait la possibilité de juger de l'opportunité, là, des amendements que vous proposez. Mais c'est bien que vous en fassiez part à la commission, parce que ça traite évidemment de la protection et puis surtout de la divulgation d'information. Mais je vous invite... Si vous avez joué un rôle en 1995 et après 1995, lors de la mise en place de... et du rapport commandé par le gouvernement, vous avez sûrement été écouté, acquis une crédibilité qui vous permet aujourd'hui d'interpeller la ministre responsable de la curatelle et de s'assurer que vos modifications, dans un forum qui, je le pense, aurait peut-être... pas que ce forum-là n'est pas approprié par rapport à vos craintes, mais actuellement, dans le régime de la Loi d'accès, c'est dur pour nous d'ouvrir tout ce chapitre concernant la curatelle. Donc, peut-être continuer vos démarches, vous assurer effectivement que les représentations que vous nous faites... Et j'imagine que ça a été fait devant les autorités, il n'y a pas tellement longtemps, là. Vous avez dû faire des représentations devant les ministres responsables concernant les modifications que vous souhaitez?

M. Greenbaum (Ura): Nous informons la ministre ou les ministres, parce qu'il y a eu changement de la ministre aux Relations avec les citoyens, et maintenant c'est la ministre de la Famille, il y a eu mutation, mais nous avons effectivement... nous les informons des plaintes individuelles, pas collectives ou génériques, mais des plaintes individuelles pour montrer ce que les gens vivent. Nous en informons la ministre. Mais il y a un problème là, à ce niveau aussi, parce que la ministre...

M. Bédard: Et ce qui est important, c'est aussi... Là, vous parlez carrément de modifications législatives ? là, c'est important ? pas seulement des plaintes. Parce que le Curateur à ma connaissance doit rendre compte des plaintes. Et vous dites, dans votre mémoire, que le Curateur ne rend pas compte des plaintes. À ma connaissance, il rend compte des plaintes qu'il a. Mais c'est surtout, ce que je vous dis... Au-delà des plaintes, vous, vous proposez des amendements à la loi, donc c'est sur ces amendements que vous devez faire les représentations, pas strictement sur les plaintes. Parce que vous avez ? je lis votre mémoire ? une conception et des amendements très clairs, là, par rapport à la législation actuelle, donc allez-y plutôt du côté d'une modification législative, pas strictement sur les plaintes.

M. Greenbaum (Ura): En ce qui concerne les améliorations puis le redressement du Curateur public, simplement j'y ai fait référence et j'ai lu même les parties pertinentes dans les rapports des autorités diverses, comme l'Office des personnes handicapées du Québec, la Protectrice du citoyen, le Vérificateur général et la Commission des droits de la personne. Ce sont toutes des informations provenant des années 2003, 2004 et 2005. Alors, ça montre même que tout est arrivé et que tous ces sujets sont traités après le redressement du Curateur public, ce qui montre que ça continue et c'est une actualité que je vous rapporte. Et c'est justement la pertinence de ces documents que je vous ai lus pour montrer que ça continue comme avant, malgré le redressement, et le redressement au moins dans ce chapitre, ici, qui nous occupe n'a pas apporté de grands changements ou améliorations.

Vous avez aussi abordé la question que la Loi sur le Curateur public est un régime autonome, comme, tout à l'heure, a fait votre collègue, et ce n'est pas vraiment votre mandat sous le projet de loi. Mais je dois répéter dans ces cas-là que les deux sont en réalité, et dans la pratique, dans les faits, dans le vécu, reliés. Ils sont dans deux chapitres différents, si vous voulez, des statuts, mais dans la réalité il n'y a pas de séparation de ce que les gens vivent.

M. Bédard: On est d'accord avec vous. M. Greenbaum, on est d'accord avec vous. C'est simplement qu'on agirait à l'aveugle si on le faisait parce qu'on n'a pas tous les paramètres du régime. C'est dans ce sens-là. Mais vous avez raison que c'est intimement lié, et je suis tout à fait d'accord avec vous. Je ne vous dis pas: Vous êtes à la mauvaise place. Je vous dis que, pour nous, à l'heure actuelle, c'est dur d'agir comme ça, d'y aller dans le sens de vos recommandations parce qu'on n'a pas tous les éléments qui nous permettraient de prendre une décision correcte là-dessus, alors que... C'est pour ça que je vous dis, là: Votre combat, il n'est terminé. Puis ce n'est pas un combat, vos représentations, mais plutôt aussi de les faire devant la personne qui est responsable de l'application de la Loi sur la curatelle.

M. Greenbaum (Ura): Et justement, à ce sujet, la ministre de la Famille maintenant est responsable pour l'organisme et sa loi. Mais il y a des entraves à ce niveau aussi parce que la confidentialité... Comme vous avez dit, la Loi sur le curateur public est autonome. Et la confidentialité s'applique même à la ministre. On peut acheminer des plaintes à la ministre pour la sensibiliser, mais par contre elle ne peut rien faire, elle n'a pas le droit de vérifier les dossiers, elle n'a pas le droit de...

M. Bédard: Oui, mais là, M. Greenbaum...

M. Greenbaum (Ura): Je voudrais voir le...

M. Bédard: Oui, oui. Non, c'est ça. Puis là vous...

M. Greenbaum (Ura): Je voudrais décrire le processus pour que vous saisissiez.

M. Bédard: Vous avez raison. Et c'est pour ça que je vous disais: Allez-y, du côté de vos représentations, sur les modifications législatives. Là, elle n'est pas assujettie à la... C'est une modification générale que vous proposez, ce n'est pas sur un dossier, c'est plutôt sur... C'est pour ça que, lorsque vous l'approchez, ce n'est pas faire état des problématiques mais plutôt faire état des remèdes que vous souhaitez apporter de façon à... pour ne pas, elle, qu'elle soit... et c'est normal, elle est assujettie au secret, le Curateur aussi ne peut pas discuter des problèmes des gens sur leur dossier particulier avec n'importe qui ? pas que vous êtes n'importe qui ? avec moi, avec quiconque. Et c'est normal. Mais, si vous y allez sur le point de vue que vous faites état, avec beaucoup d'éloquence, là, le côté modification à la loi, elle va vous écouter. Elle va s'asseoir avec vous, normalement, puis elle va prendre en considération vos représentations. Mais, si vous commencez à parler de plaintes en particulier, c'est sûr que, là, c'est plus compliqué. Alors, moi, j'irais plus sur votre mode curatif dans vos recommandations.

M. Greenbaum (Ura): Mais justement une grande partie de cette problématique, ça provient de la structure de la loi sur l'accès à l'information parce que l'article 4 de cette loi et l'article 2.2, ensemble, créent un mécanisme qui permet cette... surtout les problèmes et situations que je vous ai décrits dans le mémoire de se produire. Alors, je vous soumets que, si ces deux articles-là dans la loi sur l'accès à l'information sont étudiés, et sont traités, et sont modifiés, là vous allez arriver, vous allez aboutir à une grande amélioration dans le système qui régit ces personnes-là. Alors, une partie de la problématique est justement dans la loi telle qu'elle est rédigée maintenant et n'est pas traitée dans le projet de loi n° 86, et c'est pourquoi d'ailleurs nous sommes ici.

Oui, je soumets, avec tout respect pour vos commentaires, que, oui, une partie de cette problématique se retrouve dans la loi sur l'accès à l'information et il faut apporter des modifications à la lumière de ce que nous vous avons apporté à cette table, ici, à ce forum, ici, aujourd'hui. Parce que, là, si nous décidons et faisons de la pression, ou peu importe de quelle manière, et demandons des changements à la Loi sur le curateur public, on va revenir ici, en commission parlementaire, et vous allez nous dire: Bon, nous sommes, aujourd'hui, pris avec la Loi sur le curateur public, mais nous n'avons pas compétence sur la loi sur l'accès à l'information, il y a deux articles qui ne nous permettent pas de l'aborder aujourd'hui parce que ce n'est pas le sujet aujourd'hui. Alors, on a chevauché et on va être... on est envoyés d'une porte à l'autre sans solution. À moins que chacun prenne sa responsabilité, et prenne les choses en main, et agisse. Oui, il y a les articles 2.2 et 4 de la loi sur l'accès à l'information qui doivent être pensés, repensés, réfléchis et travaillés pour que des solutions soient apportées à l'information que nous avons présentée, aujourd'hui, devant cette commission. Ce sont les deux lois, pas une des deux, qui créent le mécanisme, et vous êtes saisis de la moitié de ce mécanisme. Alors, si vous lancez la balle d'un à l'autre, on ne va jamais avancer, et les gens vont être pris dans le même engrenage, et ça va s'empirer, hein? Avec le vieillissement de la population, ça croît énormément, en flèche, les gens sous la curatelle publique et les personnes inaptes. Vous savez que, pour les gens de 85 ans et plus, 25 %... c'est 40 %, excusez-moi, 40 % sont atteints de la maladie d'Alzheimer et sont déments. 40 % des personnes de 85 ans et plus. Et l'âge... c'est quoi, l'âge moyen de la population? 76 ans presque, pas loin de 85. 40 % sont atteints et vont devenir directement ou indirectement des clients de la curatelle publique et vont faire affaire avec le Curateur public. Le problème que je vous apporte ici ou les problèmes que je vous apporte ici ne vont pas disparaître, ils vont s'aggraver, et vous devez en tenir compte.

n (15 h 30) n

M. Bédard: Merci, M. Greenbaum. Simplement vous dire en terminant qu'on souhaite surtout que votre combat ne soit pas inutile. C'est surtout ça. Et la loi d'accès est accessoire. Et on ne s'entend pas là-dessus, mais je vous le dis comme je le pense, là... Et ce que vous dites, les représentations que vous faites sont vraies par rapport aux gens inaptes. Et, moi, je suis très sensible à ça et je ne veux pas que votre combat se termine là ou que vous soyez désabusé par rapport à ça. Le meilleur moyen selon moi, et je vous le dis, là, selon ma courte expérience du processus législatif et de la responsabilité ministérielle, c'est d'y aller du côté de la personne responsable de la Loi sur le curateur. Je veux seulement terminer là-dessus, pas que vous avez tort ou j'ai raison, ou l'inverse, c'est que je veux que vous continuiez dans vos démarches parce qu'elles me semblent sincères et que vous avez des amendements à apporter que je ne suis pas en mesure de juger, mais qui méritent d'être écoutés. Alors, on vous remercie d'être venu...

M. Greenbaum (Ura): ...aujourd'hui.

M. Bédard: ...aujourd'hui, devant cette commission.

Le Président (M. Brodeur): Donc, merci beaucoup, M. Greenbaum, merci de votre mémoire. Et, pour quelques instants, je vais suspendre les travaux, le temps de recevoir le prochain groupe.

(Suspension de la séance à 15 h 31)

 

(Reprise à 15 h 47)

Le Président (M. Dubuc): ...de prendre place. Je crois que vous êtes complet, vous êtes trois dans la commission.

Une voix: Oui.

Le Président (M. Dubuc): Oui. Je voudrais demander à monsieur, monsieur, monsieur... un instant, là.

Une voix: Sawyer.

Le Président (M. Dubuc): ...Sawyer de se présenter puis présenter ses invités qui l'accompagnent.

Syndicat de la fonction
publique du Québec inc.

M. Sawyer (Michel): Merci, M. le Président. Je vais classer mes stylos, j'espère toujours signer un contrat de travail incessamment. Bon.

Alors, je vous dis le bonjour, on est heureux d'être parmi vous. Alors, je suis accompagné de deux personnes également du Syndicat de la fonction publique du Québec: à ma gauche, c'est la consoeur Lucie Grandmont ? j'ai un petit blanc de mémoire ? Lucie Grandmont qui est vice-présidente, chez nous, au Syndicat de la fonction publique; et également, au niveau de la recherche puis également au niveau du comité de soutien à la présidence, Me Érik Boulianne-Bouchard, qui est avec nous. Alors, on va faire la présentation. Selon ce qu'on nous avait dit... J'ai un bref texte qui reprend les éléments qui nous semblent importants à soulever de vive voix, ici, à la commission et par la suite on sera disponible à répondre à vos questions.

Le Président (M. Dubuc): Vous avez 60 minutes pour présenter vos mémoires: vous avez 20 minutes, puis 20 minutes de chaque côté qui représentent 40 minutes. On vous laisse la parole.

M. Sawyer (Michel): Merci beaucoup, M. le Président. Le Syndicat de la fonction publique du Québec représente plus de 40 000 personnes oeuvrant principalement pour le gouvernement du Québec dans les catégories d'emploi personnel de bureau, techniciens et ouvriers. Notre syndicat représente également environ 3 500 personnes oeuvrant au sein de ce que nous qualifions d'unités hors fonction publique, des organismes généralement issus d'un désengagement de l'État.

Le SFPQ désire faire valoir son opinion au sujet du projet de loi n° 86, puisque la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels touche directement nos membres à titre d'employés du gouvernement mais également à titre de citoyennes et de citoyens.

En septembre 2003, le SFPQ a présenté un mémoire dans le cadre de la consultation du quatrième rapport quinquennal de la Commission d'accès à l'information. Aujourd'hui, à la lecture du projet de loi n° 86, il appert que certaines recommandations concernant l'accès à l'information ayant fait l'objet d'un consensus lors de la consultation publique sur le quatrième rapport quinquennal ont été retenues. À cet égard, nous saluons les avancées proposées dans le projet de loi.

Par ailleurs, compte tenu de l'ampleur et de la teneur des modifications proposées au régime de protection des renseignements personnels dans le cadre du projet de loi, ce sont surtout ces modifications qui ont retenu notre attention. Nous traiterons, aujourd'hui, de deux thèmes centraux de notre mémoire, c'est-à-dire les assouplissements aux règles de protection des renseignements personnels et les risques liés à la transmission d'informations confidentielles aux sous-traitants.

n (15 h 50) n

Depuis le milieu des années quatre-vingt-dix, tous les pays développés ont adopté leur politique de mise en oeuvre du gouvernement en ligne. Le Québec ne fait pas exception à cette tendance et a, lui aussi, pris le virage du gouvernement en ligne depuis quelques années. Plusieurs sites d'organismes gouvernementaux proposent maintenant des fonctionnalités transactionnelles. Pourtant, il appert que les nouvelles technologies de l'information posent également de nouveaux défis à l'Administration publique, notamment en ce qui concerne la confidentialité et la protection des renseignements personnels. De fait, le recours au gouvernement en ligne et aux autres technologies de l'information pose l'incompatibilité suivante: la recherche d'une efficacité économique accrue peut se réaliser au détriment de la confidentialité et de la protection des renseignements personnels.

Alors que l'utilisation des nouvelles technologies et le gouvernement en ligne comporte son lot de nouveaux risques en matière de protection des renseignements confidentiels, le SFPQ désire centrer son intervention en traitant plus particulièrement d'un risque préoccupant, étant donné les plans gouvernementaux et les assouplissements proposés à la Loi sur l'accès. Ce risque, c'est celui de la concentration des données de nature confidentielle.

L'un des piliers fondamentaux de la protection des renseignements personnels qui gouvernait jusqu'à présent le développement des services gouvernementaux en ligne est celui de l'étanchéité entre les dépôts de données confidentielles. Il s'agit du principe selon lequel les ministères et les organismes gouvernementaux sont indépendants pour la gestion des informations confidentielles qu'ils détiennent sur les citoyens et citoyennes. Ainsi, aux fins de la gestion des renseignements confidentiels, l'Administration publique n'est pas considérée comme une seule entité mais comme un ensemble d'organismes indépendants. La Commission d'accès à l'information écrit, dans son quatrième rapport quinquennal: «Il convient de rappeler que le cloisonnement des institutions et l'étanchéité des banques de données au sein de celles-ci constituent les meilleures garanties de protection des renseignements personnels.» Pourtant, malgré ce récent rappel de la commission, le projet de loi n° 86 s'attaque directement à ces principes.

Quels sont les motifs expliquant les changements majeurs qui sont proposés? Selon le gouvernement, il faut permettre à l'information de circuler plus librement entre les institutions gouvernementales afin de profiter du plein potentiel des nouvelles technologies et de leurs retombées, notamment au niveau financier.

À l'instar de la CAI, les organismes voués à la protection des droits des personnes, comme la Protectrice du citoyen, Option Consommateurs et la Commission des droits de la personne et de la jeunesse, se sont opposés à la concentration des données confidentielles et à d'éventuels assouplissements aux règles législatives sur cette question. Ces organismes se sont clairement prononcés en faveur du cloisonnement et de l'étanchéité des fichiers.

Suite à la consultation publique sur le quatrième rapport quinquennal, la Commission de la culture établit, dans son rapport, que «l'utilisation des technologies ne doit pas se faire au détriment des principes de protection des renseignements personnels et de la vie privée ni mener à leur affaiblissement». Elle conclut ce qui suit: «...la commission juge essentiel que le gouvernement maintienne les exigences du consentement et de l'autorisation préalable par la CAI des projets de partage ou de couplage d'informations. Dans l'éventualité où le gouvernement souhaitait passer outre à ces exigences à l'occasion de la révision prochaine de la Loi sur l'accès et dans le cadre du projet de gouvernement en ligne, il faudrait alors absolument tenir un vaste débat public sur ces questions.»

Aujourd'hui, c'est dans le cadre de la présente consultation en commission parlementaire qu'a lieu ce débat réclamé par la Commission de la culture. Pourtant, jusqu'à présent, ce débat n'a malheureusement pas lieu au sein de la population. Combien d'articles de journaux ont été écrits sur le projet de loi sous étude? Combien de reportages ont fait état des changements qui sont proposés et des enjeux qui en découlent? Très peu. La population mérite d'être mieux informée de ce qui se passe actuellement.

La mise en oeuvre d'un portail unique et d'un gouvernement en ligne, aux services transactionnels plus intégrés, fait certainement partie des priorités du gouvernement actuel. Or, il appert que la Loi sur l'accès actuellement en vigueur constitue un irritant majeur à ces ambitions. À la lecture du projet de loi n° 86, on constate que le gouvernement a pris la direction de l'assouplissement.

Le SFPQ s'appuie sur la position de la CAI et des organismes de défense des droits de la personne pour s'opposer aux assouplissements des règles de protection des renseignements personnels et à la remise en question de l'étanchéité des banques de données des ministères et des organismes. Selon le SFPQ et contrairement à ce qui est défendu dans le rapport Gautrin, la concentration des données accroît considérablement les risques de dérapage et la gravité des conséquences d'une divulgation illégale.

Depuis septembre 2001, les citoyennes et citoyens ont suffisamment vu leurs droits fondamentaux érodés au nom de la sécurité et de la lutte au terrorisme. Cette fois, c'est au nom de l'efficacité et de la technologie qu'on nous propose d'assouplir les règles assurant le droit à la vie privée. Le SFPQ s'y oppose.

En conséquence, nous recommandons que l'on retire les articles prévoyant les assouplissements, afin de maintenir les règles actuelles de la Loi sur l'accès encadrant la communication des renseignements personnels entre les organismes publics. Le SFPQ recommande également que le concept d'étanchéité des fichiers soit reconnu par la loi à l'accès.

Abordons maintenant la question des communications de renseignements personnels à des tiers. Comme vous le savez, le SFPQ est bien au fait des initiatives de sous-traitance, d'impartition ou des autres types de délégation de responsabilités gouvernementales à l'entreprise privée ou à d'autres intervenants. Le syndicat fait face à cette réalité depuis plusieurs années. Le recours au secteur privé pose des risques nouveaux en termes de confidentialité des renseignements personnels, puisque de nombreux cas de sous-traitance requièrent la communication de renseignements personnels. Est-ce que la multiplication des communications de renseignements personnels aux entreprises privées est problématique? Tel que décrit dans le mémoire de la CAI... adressait déjà cette question... abordait plutôt... adressait déjà cette question en 1994 et en 2004.

De toute évidence, les organismes ayant la responsabilité de veiller à la protection des renseignements personnels sont plutôt inquiets de l'intrusion du secteur privé dans la fourniture des services publics qui requièrent la communication de données personnelles. Au SFPQ, nous le sommes tout autant. Nous sommes en effet convaincus que le transfert des services publics à des mandataires, par voie de sous-traitance, accroît les menaces à la protection et à la sécurité des renseignements personnels.

À l'heure actuelle, ce sont les articles 67.2 et 69 de la Loi sur l'accès qui régissent les relations entre les organismes publics et leurs mandataires ou sous-traitants en matière de protection des renseignements personnels. Ces articles stipulent que cinq conditions doivent être remplies afin de permettre la communication des renseignements personnels à un tiers.

Dans son mémoire du quatrième rapport quinquennal, le SFPQ affirmait que les conditions qui prévalent actuellement, bien que nécessaires, n'assurent pas adéquatement la protection des renseignements personnels transmis à un mandataire ou à un sous-traitant. Le problème provient de l'absence de suivi et de contrôle une fois le contrat de sous-traitance conclu. Il est malheureux de constater que le projet de loi n° 86 ne propose aucune mesure pour améliorer le suivi et le contrôle qui devraient être effectués par les organismes gouvernementaux.

À notre avis, les normes et le contrôle auxquels sont soumis les organismes publics sont plus à même d'assurer la protection des renseignements personnels. Les organismes publics sont soumis à la Loi sur l'administration publique et doivent produire annuellement un rapport sur leur gestion. De plus, les employés du gouvernement, soumis à la Loi de la fonction publique, doivent respecter le Règlement sur l'éthique et la discipline dans la fonction publique.

Évidemment, nous n'affirmons pas que ces règles de déontologie ou ces obligations de rendre des comptes constituent une protection absolue contre une divulgation illégale de renseignements personnels. Cependant, nous croyons fermement que les risques sont plus importants dans les cas de sous-traitance et de relations avec les mandataires. Deux événements récents renforcent notre position et nous portent à croire que la population partage notre avis.

Dans notre mémoire, nous faisons état de la polémique ayant entouré l'octroi, par Statistique Canada, d'un contrat de développement informatique à un consortium dirigé par Lockheed Martin dans le cadre du recensement de 2006. L'octroi du contrat à cette compagnie souleva un tollé général. La cause de ce tollé: l'éventuelle transmission à l'entreprise américaine d'une quantité importante d'informations sur les Canadiennes et Canadiens obtenues dans le cadre du recensement. Statistique Canada réussit finalement à calmer la polémique dans laquelle l'organisme s'était embourbé en donnant l'assurance qu'aucune donnée confidentielle ne serait traitée par l'entreprise privée américaine. Ce cas est un exemple éloquent qui démontre que la population accorde une plus grande confiance aux fonctionnaires des organismes publics qu'aux entreprises privées pour assurer la confidentialité des données à leur sujet.

n(16 heures)n

Le deuxième cas est celui du Patriot Act américain. En vertu de l'article 215 de cette loi, adoptée au lendemain des événements du 11 septembre 2001, toute société états-unienne ou toute filiale qu'elle contrôle doit fournir au FBI, sur demande autorisée par un juge, tous les renseignements confidentiels qu'elle détient sur tout citoyen états-unien ou étranger. Or, en 2003, le gouvernement de la Colombie-Britannique planifiait octroyer en sous-traitance la gestion du régime d'assurance maladie de la province à une entreprise privée, filiale d'une société états-unienne. Face à ce projet, certains groupes de la société civile de Colombie-Britannique prétendaient que ce projet de sous-traitance mettait en péril la confidentialité des informations personnelles des habitants de la Colombie-Britannique à cause du Patriot Act.

Le Commissaire à l'information et à la protection de la vie privée de la Colombie-Britannique fut saisi du dossier. Il mena une enquête publique et rendit son rapport en octobre 2004. Le commissaire est d'avis qu'une éventuelle divulgation du sous-traitant au FBI contreviendrait au Freedom of Information and Protection of Privacy Act de Colombie-Britannique. Le rapport mentionne également que les cours de justice américaines ont déjà, par le passé, autorisé la divulgation d'informations confidentielles de ressortissants étrangers au FBI, même si cette divulgation était interdite en vertu de lois étrangères.

En conséquence, le commissaire conclut que le projet gouvernemental prévoyant la sous-traitance de la gestion du régime d'assurance maladie à une société sous contrôle américain pose un risque raisonnable de divulgation illégale. Le commissaire recommande donc certaines modifications au Privacy Act, notamment y interdire la détention temporaire ou permanente de renseignements personnels à l'extérieur du Canada, y prévoir des pénalités sévères, jusqu'à 1 million de dollars en cas de divulgation illégale, et augmenter les ressources afin de surveiller les sous-contractants à travers les programmes de vérification.

À notre avis, les conclusions auxquelles arrive le Commissaire à la protection de la vie privée de Colombie-Britannique quant au risque d'une divulgation illégale en vertu du Patriot Act sont applicables au Québec.

En tenant compte de tout ce qui précède, le SFPQ réitère fermement son opposition à la sous-traitance et considère que les renseignements personnels des Québécois et des Québécoises sont mieux protégés lorsqu'ils sont collectés, utilisés et conservés par les membres de la fonction publique travaillant dans les divers ministères et organismes. Le SFPQ considère également que les critères actuels autorisant la communication de renseignements personnels aux tiers ne sont pas suffisants pour assurer leur protection pleine et entière. En conséquence de ce qui précède, le SFPQ recommande de modifier la loi afin d'inclure l'obligation pour les organismes publics de procéder à un contrôle et à un suivi afin de s'assurer que le mandataire ou sous-traitant respecte entièrement ses engagements en matière de protection de renseignements personnels.

Par ailleurs, en ce qui concerne les risques liés à la communication de renseignements personnels de Québécoises et de Québécois à l'extérieur du Québec, le projet de loi n° 86 propose une nouvelle disposition qui ne nous apparaît aucunement satisfaisante, d'abord parce qu'elle est hautement imprécise, mais aussi parce qu'elle n'intègre aucunement les recommandations ayant été formulées par le Commissaire à la vie privée de Colombie-Britannique pour faire face aux risques de divulgation illégale découlant du Patriot Act notamment. Le SFPQ recommande entre autres que l'on retire l'article 41 du projet de loi n° 86 et que l'on modifie la Loi d'accès afin d'interdire la détention temporaire ou permanente de renseignements personnels à l'extérieur du Québec et afin d'interdire toute divulgation de renseignements personnels de Québécoises et de Québécois en réponse à une demande de divulgation étrangère.

Pour conclure, j'aimerais réaffirmer clairement l'attachement des fonctionnaires et des ouvriers du gouvernement du Québec et de leur organisation syndicale, le SFPQ, au respect des droits de la personne et au caractère libre et démocratique de notre société. Dans cette optique, le SFPQ croit que l'utilisation des nouvelles technologies ne doit aucunement compromettre les fondements de la protection des renseignements personnels. Il considère plutôt que la Loi sur l'accès doit être renforcée pour faire face aux risques nouveaux d'atteinte à la vie privée. Je vous remercie, M. le Président et membres de la commission.

Le Président (M. Dubuc): M. le ministre.

M. Pelletier: Merci. Merci beaucoup de votre présentation. Merci également de votre mémoire. Je comprends que vous appuyez le principe de la diffusion systématique de l'information mais que vous exprimez néanmoins une réserve: vous craignez qu'on retrouve sur un site Internet le nom et les coordonnées d'employés de la fonction publique. Est-ce que vous pourriez être un petit peu plus précis par rapport à cette réserve?

M. Sawyer (Michel): Lors d'un dépôt précédent, lors d'une commission parlementaire sur le quatrième rapport quinquennal, il était prévu dans le projet de rendre publics... en tout cas ou d'opter de rendre publics de façon automatique, sur les réseaux Internet, les noms des fonctionnaires, leur lieu de travail, en tout cas toutes les coordonnées reliées à ça. Et on avait indiqué qu'on avait énormément de réticences à ça, compte tenu premièrement que, lorsqu'un dossier est traité à l'intérieur d'un ministère ou d'un organisme, avec un citoyen ou une citoyenne, celui-ci est en mesure de savoir avec qui il fait affaire. C'est la première chose. Sur Internet, je dois vous avouer, dépendamment de certains ministères ou d'organismes, ça nous semblait problématique sur la protection de la vie privée ou même, je dirai, de l'indépendance du fonctionnaire ou du personnel en tout cas visé par la Loi de la fonction publique, si ces données-là étaient automatiquement mises à l'accessibilité complète. Ça peut être du harcèlement.

Et, écoutez, on a des gens qui travaillent dans tous les domaines, hein, dans les ministères et les organismes. Bon, il y a des ministères qui sont moins compliqués. Ceux qui donnent des subventions, on en a moins. Bon. Mais il y a des ministères où... ? ça peut être autant au niveau de l'aide sociale ou au niveau du ministère du Revenu, je vous dirais, au niveau de la Sécurité publique, il y a le ministère également... ? qui peuvent faire en sorte... au niveau d'enquêtes ou quoi que ce soit, faire, à ce moment-là, l'objet soit de harcèlement, de pressions ou quoi que ce soit. Et c'était dans ce contexte-là qu'on l'avait amené, et la commission en tout cas avait retenu ce principe-là, et on maintient toujours cette recommandation-là. C'est véritablement dans ce contexte-là, c'est de faire en... Parce que quelqu'un qui a affaire avec le gouvernement sait avec quel fonctionnaire. Je veux dire, si un citoyen ou un de vous faites affaire avec le ministère du Revenu puis vous recevez une correspondance, bon elle est signée par le fonctionnaire en question, vous avez ses coordonnées, tout ça, quel est l'avantage d'avoir les 2 000 noms des employés du ministère du Revenu sur un site Internet? C'est dans ce contexte-là qu'on l'avait amené. Je pense que j'ai nommé quelques ministères, mais il peut y en avoir d'autres également, là.

Le Président (M. Dubuc): M. le ministre.

M. Pelletier: Alors, je peux vous assurer qu'on va examiner ça très sérieusement parce qu'on pense que c'est une observation de votre part qui est effectivement très sérieuse et qui mérite toute notre attention.

Vous exprimez également, dans votre mémoire, des réserves par rapport aux vidéosurveillances. Vous souhaitez que ce soit davantage balisé à la lumière de ce qu'a décidé la Commission d'accès à l'information. J'aimerais ça vous entendre davantage là-dessus aussi.

M. Sawyer (Michel): On l'avait déjà abordé dans un premier temps, dans le cadre d'une consultation en 2003. Actuellement, c'est un... Alors, il y a une nouvelle politique et des lignes directrices. Nous, on optait plus sur une notion de règle réglementaire pour que ce soit bien encadré. Ce qu'on avait... Il y a une sentence arbitrale ? je ne vous assommerai pas avec ça ? ville de Montréal, où on avait installé des caméras de surveillance. Et il y a eu un grief pour contester parce qu'à certains égards les caméras étaient fixées sur des individus en bonne et due forme. Et l'arbitre a établi que, dans ce cas-là, ça pouvait être autant du harcèlement qu'une atteinte à la vie privée. C'est dans ce contexte-là, je dois vous avouer...

C'est parce que, la problématique qu'on a aujourd'hui, tout le monde parle de sécurité, on installe de plus en plus des vidéocaméras un petit peu partout avec, à certains égards, des bonnes intentions énoncées, je dirai, mais en bout de ligne ça peut servir à quoi? Vous savez, je ne veux pas déraper, mais la semaine dernière il y avait un M. Colin Powell ? en tout cas je pense que c'est un monsieur qui était important aux États-Unis ? qui parlait de la guerre en Irak, qui disait: Bien, en fin de compte, on ne savait pas, on n'a jamais eu de preuve qu'il y avait des liens directs entre un terroriste et un président irakien. Et, à savoir y a-tu des armes massives de cachées, bien on n'a jamais eu vraiment la preuve.

n(16 h 10)n

Et, je vous dirai, le principe à retenir, c'est ça que je veux vous souligner, c'est qu'à un moment donné on peut évoquer des principes, cependant la portée peut dévier. Et c'est dans ce contexte-là qu'on pense que ça devrait être encadré. Actuellement, presque n'importe quelle entreprise peut mettre des caméras d'observation, pour divers motifs, dans certains... Et, dans le cas qui nous intéresse, dans la sentence de la ville de Montréal, je vous dirai que ce qui est intéressant, c'est qu'il y avait près d'une vingtaine de caméras, et elles n'ont pas toutes été traitées sur la même égalité comme résultat. Il y en a quatre, cinq environ qui ont été déclarées comme étant un abus, une notion qui pouvait s'interpréter comme une notion de harcèlement, qui compromettait les droits de la personne, tandis que d'autres, de la façon qu'elles étaient situées, le rôle qu'elles jouaient n'avait pas les mêmes qualificatifs ou les mêmes résultats.

Et c'est dans ce contexte-là, nous, qu'on dit qu'on devrait possiblement... Et on en a profité parce que le mémoire n'en parlait pas nécessairement... pas le mémoire, mais le projet de loi n'en parlait pas directement. Puis on est revenus à la charge un peu avec ça pour dire: Ce serait peut-être intéressant et important qu'on puisse se donner des règles réglementaires pour bien régir ça, pour ne pas qu'on se retrouve un matin où, en fin de compte, il y a des caméras partout.

Le Président (M. Dubuc): M. le député de Chicoutimi.

M. Bédard: Merci, M. le Président. Alors, M. Sawyer, Mme Grandmont, M. Bouchard-Boulianne, merci de votre présentation et de revenir devant la commission. Je me souviens de votre présentation lors des auditions concernant le rapport de la Commission d'accès à l'information, sur le rapport quinquennal, qui reprennent en grande partie vos craintes, mais évidemment plusieurs, je vous dirais... À l'époque, les mémoires portaient plus sur les modifications réclamées par la Commission d'accès à l'information, alors que le projet de loi, dans plusieurs aspects, évidemment répond à certaines des attentes mais, dans d'autres, a pris de plein front, je vous dirais, l'idée ou plutôt le principe de la protection des renseignements personnels.

Et je vous avouerai que je partage vos craintes par rapport au couplage. Vous avez lu d'ailleurs le rapport unanime de la Commission de la culture, où les membres de la commission manifestaient cette même crainte concernant l'utilisation et le couplage d'informations, donc de ne pas voir l'État, comme vous le dites d'ailleurs et comme plusieurs d'ailleurs le conçoivent... et qui est le principe, celui d'un appareil monolithique, mais plutôt que chaque citoyen, lorsqu'il s'adresse à une compétence particulière, s'attend raisonnablement à ce que l'information qu'il divulgue à l'État serve pour les fins pour lesquelles elle a été divulguée. Vous avez vu, plusieurs des amendements vont dans le sens contraire, réaffirment le principe mais prévoient des exceptions qui ont pour effet de transférer la règle générale finalement en exception, et nous partageons ces inquiétudes. Et je vous dirais que ces inquiétudes d'ailleurs sont aussi partagées par la Commission d'accès à l'information, qui est venue ce matin, ainsi que le Protecteur du citoyen.

Ce que je comprends, c'est que, vous, vous ne souhaitez pas... Ce que vous trouvez finalement, c'est que le régime actuel, qui demande évidemment, soit par entente entre les ministères, entre les organismes... des ententes qui sont approuvées par la Commission d'accès à l'information et qui sont divulguées, donc le citoyen en plus connaît... sait, et ils sont vérifiés... Donc, ce que vous nous dites finalement, c'est que ces mesures sont conformes à vos attentes en termes de protection des renseignements personnels. Mais en même temps est-ce que vous êtes d'avis qu'elles permettent de continuer ? et c'est ce qu'on... je comprends un peu de votre mémoire, là, mais peut-être l'expliciter un peu plus ? permettent l'utilisation des services en ligne malgré ou avec les ententes ou le fonctionnement actuel? Votre expérience au sein de la fonction publique.

M. Sawyer (Michel): En premier lieu, bon, toutes les sociétés modernes, hein, sont sur le gouvernement en ligne ? j'allais dire sur le Québec en ligne mais je ne suis pas sûr que tous les pays sont sur le Québec en ligne; mais le gouvernement en ligne. Un des éléments relativement importants... Il y a deux principes, dans le mémoire, qu'on voulait bien faire ressortir. Quelqu'un qui donne des renseignements à un ministère ou un organisme, si ce ministère ou organisme veut les transférer à quelque part, il faut qu'il ait l'autorisation de la personne. On est conscients que ce courant-là ou cette idée-là va à l'encontre de tous les consortiums, en tout cas de tous ceux qui travaillent sur les projets en ligne. Parce que, moins de réglementation, ils ont plus de facilité. Il y a également, je vous dirai, au niveau du projet de loi, actuellement, pour qu'un ministère puisse transférer certaines données, il faut qu'il le justifie auprès de la Commission d'accès à l'information. En vertu du projet de loi, cette notion-là de justification en tout cas n'apparaît plus. On informe. C'est le principe, je vous dirai, des silos. Nous sommes optés pour dire que le gouvernement du Québec, au niveau de la matière des renseignements personnels, doit demeurer à multiples volets, à multiples volets de silos. Si je fais... Le ministère du Revenu a certains renseignements... il y a actuellement certaines ententes qu'il a justifiées auprès de la Commission d'accès pour être en mesure de transférer certaines données.

M. Bédard: Par exemple, les changements d'adresses, je sais, qui existent. Parce qu'on prend souvent cet exemple pour justifier une opération plus large de divulgation, ou de couplage, ou de transfert, alors que dans les faits cela est possible dans l'application de la loi, il y a des ententes qui existent à ce niveau-là.

M. Sawyer (Michel): Oui. Actuellement, si on prend juste, là, les changements d'adresses via Internet, je dois vous avouer qu'ils donnent les six organismes, là, mais il y a des organismes, j'aurais même pas besoin de cocher, ils vont les avoir automatiquement puisqu'il y a déjà certaines ententes. Ça, c'est les adresses, mais il y a d'autres types de renseignements qui sont au-delà de ça.

Vous savez, dans le fond aujourd'hui on vient ici... Puis on prenait l'exemple de la Colombie-Britannique, ce n'est pas de la petite affaire, là, de donner la gestion du réseau de l'assurance maladie à une firme privée puis américaine. Et c'est là, là, dans le fond, à partir du principe de dire: Il faudrait avoir toutes les informations concentrées, puis ça va permettre une meilleure efficacité... Au premier abord, oui, mais, si on gratte un petit peu plus, c'est de voir qui a la gestion puis où on se retrouve. Puis actuellement je vous dirai que je pense qu'il y a un élément essentiel qu'il faut conserver puis qu'il faut... et ça, c'est un principe que je pense qui rallie tous les Québécois et Québécoises, et les Canadiens et Canadiennes, c'est que les renseignements de chez nous ne doivent pas servir à un tiers qui, en vertu de législations, peut venir chercher des informations. Et, à ce niveau-là, je vous dirai, là, il y a toujours un danger de dérapage.

L'idée absolue est la reconnaissance du principe que le citoyen qui fait affaire avec les ministères et les organismes, avec les organismes publics, a une garantie que les informations que cet organisme a, il va les utiliser pour les fins bien précises. Et c'est dans ce contexte-là que notre mémoire peut paraître un mémoire, je vous dirai ? je ne le dis pas de gaieté de coeur mais je sais que souvent on nous dit ça, là, dans les syndicats ? de statu quo. Bien, ce n'est pas une question de statu quo, c'est la sauvegarde de principes excessivement importants qui ont amené d'ailleurs d'avoir la législation actuelle dans laquelle il y a toujours des bonifications possibles mais sur cet aspect-là.

Alors, c'est véritablement la notion d'étanchéité, et tous les organismes des droits, là ? ils sont plus experts que nous, là, moi, j'ai une équipe extraordinaire, ils sont meilleurs que moi, moi, je suis entre les deux ? mais les groupes, là, de protection de droits, puis ainsi de suite, tout ça, arrivent à cette conclusion-là, et ça, je pense, c'est un des éléments qu'il faut essayer de sauvegarder.

M. Bédard: Non, d'ailleurs votre idée de réaffirmer le principe de l'étanchéité, je pense, c'est d'y aller par exceptions. C'est peut-être effectivement la meilleure des solutions parce que souvent ? et on le disait lors de la commission, et c'était tout près des événements de 2001, mais même on peut reporter à des événements qui se sont passés chez nous il y a plusieurs décennies ? c'est souvent dans des occasions, je vous dirais, où il existe une insécurité générale, où l'État ? pas de façon, je vous dirais, malhonnête, mais ? va utiliser ces données-là à d'autres fins ou va permettre leur utilisation à d'autres fins, et ça donne des excès, et par la suite on constate les excès, et on dit: Écoutez, là, on a abusé de ces pouvoirs-là.

Donc, je partage votre préoccupation d'autant plus même... Vous parlez beaucoup du secteur privé, mais je pense que vous êtes d'accord qu'il y aurait sûrement lieu de s'assurer qu'il existe une réglementation par rapport même aux informations que détiennent les compagnies privées et même leur conservation, de s'assurer qu'il y ait des délais pour, dans certains cas, même s'assurer de leur destruction, là, après tant de temps, comme il est prévu dans d'autres organismes. Est-ce que vous pensez que c'est nécessaire, ça, de faire une réglementation pour que ceux et celles dans le secteur privé qui détiennent ces informations soient assujettis aussi à un calendrier de conservation, lorsque ça arrive?

n(16 h 20)n

M. Sawyer (Michel): Je vous dirai... En tout cas, je pense qu'il y a déjà des normes, c'est ce qu'on m'indique, là, mais ce que j'allais vous indiquer, que ce soit réglementé oui, mais l'important, c'est toute la notion de la surveillance et d'être capable de faire un suivi. Et ça, je pense que vous êtes mieux placés même que nous pour savoir, dans le quotidien, quand une entreprise privée a des données, comment s'effectue au quotidien ou de façon hebdomadaire ? en tout cas j'espère pas de façon quinquennale; s'effectue ? la vérification, comment elles sont traitées. Et, à ce niveau-là, je pense qu'on a eu, dans les dernières années, des cas que... Il y a une banque, à un moment donné, où ils ont trouvé des boîtes avec toutes les données bancaires de leurs clients. Alors, même au niveau privé, là, ils se retrouvent avec certaines problématiques. Alors, c'est dans ce contexte-là, je vous dirai, qu'il faut que ce soit véritablement très encadré et avec une notion de surveillance. Et pas parce qu'il y a une notion de non-confiance. Ça, c'est un élément important, c'est la reconnaissance du principe que les renseignements personnels sont absolus. C'est un des éléments clés de la base des droits individuels et c'est le choix que le Québec a, comme la société canadienne avec ses chartes... Alors, c'est dans ce contexte-là qu'on croit qu'on devrait l'axer.

M. Bédard: Merci. Je vous posais cette question-là parce que je vois... Et ça m'avait semblé un peu anodin dans le projet de loi, mais on le lit et on le relit. Vous savez, il est assez volumineux, donc on finit toujours par y trouver quelque chose en le relisant, mais... Et là c'est à vous que je pose la question. En même temps, évidemment, je la pose au ministre, mais je veux constater vos craintes, c'est que ? et la CAI manifestait la même inquiétude, mais ? l'article 90 du projet de loi... l'article plutôt 133 du projet de loi actuel prévoit la modification de l'article 90 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé et prévoit que l'alinéa 3° allait être supprimé qui, lui, édicte le principe que le gouvernement, après avoir pris avis de la commission, peut, par règlement, établir des calendriers de conservation. Et là c'est pour ça que j'avais comme une inquiétude et je me demandais pourquoi on l'avait supprimé, alors que personne n'a recommandé ça. C'est une demande qui... Je ne me souviens pas, à ma connaissance, là, d'avoir eu une telle recommandation de qui que ce soit. Je me demandais pourquoi on y trouvait une telle modification, et j'imagine que vous n'avez pas plus de réponse que moi.

M. Sawyer (Michel): Bien, écoutez, premièrement, je vais vous dire, c'est une très bonne question. Malheureusement, ce n'est pas moi qui peux vous y répondre. Je n'ai pas... Et c'est un point sur lequel, je dois vous avouer, dans le cadre du mémoire, on n'a pas fouillé, mais je pense, sur les motifs, tout ça, ce sera aux parlementaires qui ont déposé, là, de...

M. Bédard: Je pense que ça va dans le sens de vos inquiétudes aussi...

M. Sawyer (Michel): Oui, bien sûr.

M. Bédard: ...celle de la détention, de façon plus générale, et de la surveillance des informations personnelles détenues à tous niveaux parce que leur utilisation maintenant, par le transfert des données... et empêcher surtout la réalisation de concentrations de l'information personnelle, ce qui est rendu possible. Si on laisse des banques de données un peu partout, quelqu'un peut les rassembler, et, à ce moment-là, on arrive au point que tout le monde redoute d'ailleurs ? ce qui est arrivé au fédéral, on se souvient seulement d'un organisme public, mais ? c'est de la concentration des données, parfois même qui peuvent sembler anodines, mais sur laquelle, je pense, l'ensemble des citoyens se rebutent très rapidement, là. Et d'ailleurs, je me souviens, à l'époque, le fédéral détenait des informations qui semblaient, comme je vous disais tantôt, plutôt simples, mais ils ont eu une série de courriels de gens leur demandant de détruire ces informations et ils ont détruit l'ensemble des fichiers. Alors, il est faux de prétendre que les gens n'ont pas de préoccupation. Au contraire, je pense que ce que vous exprimez comme crainte, c'est ce qu'on retrouve, pas simplement dans les milieux des fonctionnaires, là, c'est une crainte qui est partagée par l'ensemble des membres de la population, des citoyens du Québec, je le pense, et même de façon plus large, j'en suis aussi convaincu.

Votre mémoire aussi fait référence à un élément sur lequel nous tombons d'accord et nous avions souhaité, les membres de la Commission de la culture, qu'il y ait des modifications: une amélioration de la protection des responsables de l'accès ? et d'ailleurs c'était suite à vos représentations en commission parlementaire ? où, si on veut vraiment appliquer, si on a vraiment la volonté de s'assurer d'une divulgation automatique, il faut soustraire en partie... ou assurer une certaine indépendance aux responsables de l'accès. Et, entre autres, une des mesures que nous avions prévue, que nous avions souhaité voir apparaître ? et, si je ne me trompe pas, elle faisait partie de votre mémoire ? c'était celle de prévoir un recours particulier pour ces gens, comme il existe dans les villes concernant, si je me souviens bien... ? je pense que c'est les greffiers qui ont des recours qui leur sont propres ? donc pour s'assurer que ces gens-là agissent en toute indépendance et sont à l'abri, là, de pressions politiques ou de l'ensemble des pressions indues. Est-ce que vous... Et je comprends que c'est des attentes que vous manifestez aussi dans le projet de loi actuel.

M. Sawyer (Michel): Bien, écoutez, dans le mémoire qu'on a déposé, on a une section Indépendance du responsable de l'accès. C'est des éléments qu'on avait déjà amenés auprès de la commission lors de la consultation sur le quatrième rapport de la CAI. Alors, il est évident que pour nous c'est excessivement important pour qu'il y ait une notion d'indépendance. Je pense que vous avez bien situé, bien saisi la portée, puisqu'actuellement, à notre sens, cet aspect-là, il n'y a pas les garanties voulues. En tout cas, il n'y a pas eu de dispositions appropriées, les meilleures. On peut le bonifier. Et en plus la Commission de la culture partageait cet aspect-là.

M. Bédard: Et elle le partage... bien le partage encore. Il y a eu plusieurs...

M. Sawyer (Michel): Je dois vous avouer que c'est assez rare qu'on va en commission puis on partage nos points de vue. Alors, c'est pour ça que je me permets de les souligner lorsqu'il en est.

M. Bédard: Normalement, on souhaite l'entendre et quand c'est possible. Mais, dans ce cas-ci, c'est une recommandation unanime des deux côtés, là. Malgré que la composition de la commission est modifiée beaucoup, il reste que les gens avaient la même perception. Pourquoi? Parce qu'ils souhaitaient que... On a beau prévoir un principe de divulgation automatique, si la personne responsable de cette divulgation a les deux mains liées ou elle sent que sa carrière est menacée à chaque fois qu'elle prend une décision ? et je sais que ce n'est pas le cas, mais ? pour être sûr qu'elle est au-dessus, il faut prévoir, s'assurer... Et ça existe d'ailleurs dans plusieurs lois du travail. Je regarde même concernant les mesures de syndicalisation. Donc, nos lois ont toujours assuré cette protection, ceux qui ont... pour assurer soit cette indépendance ou l'exercice de droits légitimes. Et, dans ce cas-ci, c'est un droit qui est très légitime évidemment, c'est l'application de la loi d'accès à l'information.

Mais est-ce que vous pensez qu'on devrait aller même jusqu'à prévoir l'exclusivité des fonctions pour un responsable de l'accès afin qu'il exerce pleinement cette responsabilité? Parce que, quand on lui donne plusieurs responsabilités, dont la responsabilité de l'accès à l'information, bien, moi, j'ai peur que ? et là vous avez plus d'expérience que moi, mais que ? cet exercice soit un peu, là... joue à travers différentes possibilités. Quand on est accablé, on va toujours au plus urgent, et je ne suis pas sûr que la protection... la divulgation, plutôt, des renseignements est au coeur, là, des préoccupations de chaque sous-ministre, là, en termes d'ordre de priorités, je vous dirais. Est-ce que vous pensez qu'on devrait comme assurer une certaine exclusivité ou du moins une certaine prépondérance de cette fonction?

M. Sawyer (Michel): Je vous dirai, la question... On ne s'est pas nécessairement attardés sur cet aspect-là, mais, ce que je voudrais dire cependant puis je pense que vous l'avez soulevé, actuellement il est possible qu'il y ait des responsables que ce ne soit pas leur première priorité. Bon, c'est la première chose.

L'indépendance, en ce qui nous concerne, on pense que ça ne pourrait même pas nous nuire non plus. Parce que je dois vous avouer que, lorsqu'on fait des demandes comme on en a fait dernièrement sur des contrats de sous-traitance au ministère du Revenu, je ne sais pas si un tiers ou un gars plus... ou une personne ? ce n'est pas une question de sexe, là; une personne ? plus indépendante aurait été plus ouverte, mais en tout cas, chose certaine, elle n'aurait pas été plus dure que qu'est-ce qu'on a eu. Parce que je dois vous avouer que c'est assez difficile d'avoir certains documents ou même des parties de documents.

Moi, je pense... Écoutez, c'est l'importance qu'on accorde à la loi, hein, et à l'accessibilité des documents puis à la protection également des renseignements. Alors, il est évident, dépendamment de la charge de travail... Il est possible qu'il y ait des ministères qui n'ont pas beaucoup de demandes ou des organismes. Il y en a d'autres qui doivent en avoir un petit peu plus. Comment ils sont traités dans le quotidien? Je dois vous avouer que ça ne fait pas partie de notre personnel syndical non plus et, je dois vous avouer, on ne s'est pas attardés. Bien, c'est évident que ça devrait être une tâche reconnue et, quand on parle de notion d'indépendance, ça veut dire que la personne a une juridiction pour assumer pleinement et entièrement la responsabilité, en plus d'être entièrement libre et à l'abri de toute influence ou quoi que ce soit.

Alors, c'est sûrement un des éléments intéressants qui pourraient être regardés. Je ne sais pas si ça prend quelqu'un à temps plein, mais, chose certaine, si c'est la quatrième priorité, ou la cinquième, ou la sixième... Puis, par les temps qui courent, je dois vous avouer que, si ça se retrouve au bureau du sous-ministre, en tout cas, selon ce que je peux en observer, ce n'est pas nécessairement la première des priorités. Alors, il est évident, de la façon de le traiter... Mais on n'a pas creusé, là, pour savoir est-ce que ça prendrait quelqu'un qui ne fasse que ça ? mais je ne pense pas que votre question soit là ? qu'il soit dédié, que ce soit reconnu comme dans ses tâches importantes, principales, habituelles ? c'est des termes syndicaux ? mais, je vous dirai, j'espère que ce serait comme ça. Il faut que ce soit comme ça. Ce n'est pas juste un commissionnaire, là, c'est un gardien des principes d'une législation.

M. Bédard: Est-ce qu'il me reste du temps? Oui?

Le Président (M. Dubuc): Oui. Il vous reste une minute.

n(16 h 30)n

M. Bédard: Sur la divulgation automatique, on sait qu'il va y avoir une réglementation. On ne l'a pas encore, malheureusement, actuellement, donc... mais on devrait l'avoir d'ici une semaine, je crois. Peut-être nous faire parvenir vos commentaires mais de façon peut-être succincte, là. Qu'est-ce que vous pensez Qu'est-ce que vous pensez qui devrait obligatoirement se retrouver dans cette réglementation pour s'assurer justement, en ce qui concerne la divulgation des informations... sur une politique de divulgation?

M. Sawyer (Michel): Bien, là, vous l'abordez par rapport aux aspects du mémoire. Parce que je sais qu'il y a un endroit... ou en tout cas ce n'est pas nécessairement...

M. Bédard: Sur la politique de divulgation, il doit y avoir une réglementation qui va s'assurer... autrement dit, qui va faire état des principes de divulgation. Et qu'est-ce que vous pensez, vous, comme expert, ou peut-être ceux et celles qui vous accompagnent, qui devrait faire partie de cette réglementation pour s'assurer justement de l'application d'une telle politique de divulgation automatique?

Le Président (M. Dubuc): Si vous pouviez conclure rapidement parce que le temps est écoulé.

M. Sawyer (Michel): Érik va vous répondre.

Le Président (M. Dubuc): Rapidement?

M. Sawyer (Michel): Oui, rapidement.

M. Bouchard-Boulianne (Érik): Oui, très, très rapidement. Je vous avoue qu'on a plus considéré ce qui ne devait pas se trouver pour la divulgation automatique. Là, si vous nous demandez de façon plus large qu'est-ce qu'on pense que devrait inclure la politique de divulgation automatique, présentement ça n'a pas été l'esprit de notre réflexion là-dessus. Alors, bon, peut-être qu'on peut y réfléchir, mais pour l'instant je n'ai pas d'élément à vous amener.

M. Bédard: Peut-être, en conclusion, comme vous n'avez pas la réglementation, peut-être, lorsque vous l'aurez, de nous faire part, aux membres de cette commission, de vos commentaires. Parce qu'elle devrait sortir d'ici une semaine. Donc, c'est ce qui va concrétiser finalement cette politique de divulgation par... Ça peut aller par des exemples du type: une demande autorisée doit automatiquement être divulguée, tu sais, accessible sur le site Internet pour ne pas qu'il y ait des demandes à rebours ou... Bon, on avait plusieurs exemples, mais je ne veux pas aller plus loin là-dessus. Mais j'aimerais avoir vos commentaires par la suite.

M. Sawyer (Michel): Bien, écoutez, dans le mémoire on en parlait, de cet aspect-là, puis on disait qu'il devrait y avoir une consultation. Parce que c'est prévu d'être fait en à-côté, qu'il devrait y avoir une consultation. Alors, ça nous fera très plaisir, ce nous sera un plaisir d'ailleurs de vous envoyer nos commentaires sur ces aspects-là.

Le Président (M. Dubuc): Je tiens à remercier les porte-parole du Syndicat de la fonction publique d'avoir présenté vos mémoires. Ça fait que je tiens à vous remercier beaucoup. On va suspendre les travaux pour quelques secondes.

(Suspension de la séance à 16 h 32)

(Reprise à 16 h 34)

Le Président (M. Dubuc): Je demanderais à la Fédération des cégeps et Association des collèges privés de prendre place, s'il vous plaît.

Bonsoir, M. Boutin. Je voudrais vous demander de présenter vos invités, s'il vous plaît.

Fédération des cégeps et Association
des collèges privés du Québec (ACPQ)

M. Boutin (Marcel): Alors, bonsoir, M. le ministre. Bonsoir, M. le Président, Mmes et MM. les députés. Je suis accompagné, pour la Fédération des cégeps, de Mme Édith Massicotte, qui est directeure des études au cégep de Rosemont, et de Mme Viviane Fiedos, de la Fédération des cégeps, et, pour l'Association des collèges privés du Québec, de M. Richard Guay, directeur des études au cégep Jean-De Bréboeuf.

Le Président (M. Dubuc): Merci. La commission va consacrer 60 minutes pour l'audition de votre organisme. Il y a 20 minutes de votre présentation, puis il va y avoir 20 minutes de chaque côté, ce qui représente 60 minutes. On vous laisse la parole.

M. Boutin (Marcel): Merci beaucoup. Vous me permettrez peut-être de prendre moins de 20 minutes. Alors, je vais essayer de situer un peu la problématique de notre présentation de mémoire. Nos mandats sont définis dans les lois des collèges d'enseignement général et professionnel et aussi par la Loi sur la Commission d'évaluation de l'enseignement collégial. Alors, dans ce cadre-là et au-delà de leur responsabilité d'offrir la formation collégiale, les cégeps et les collèges doivent se doter et mettre en application des plans stratégiques incluant des plans de réussite et rendre compte de leur administration, de la qualité et de la portée de leurs programmes d'études et de la qualité et de la portée de leurs plans stratégiques et de réussite.

La Commission d'évaluation de l'enseignement collégial a souligné à quelques reprises la nécessité pour les collèges de bénéficier de données et d'outils statistiques plus fiables pour réaliser de meilleures autoévaluations.

Un premier comité de travail ministériel avec le ministère de l'Éducation, du Sport et du Loisir ? à l'époque c'était le ministère de l'Éducation ? qui portait sur les indicateurs de cheminement scolaire a été mis sur pied afin de permettre une meilleure reddition de comptes. Alors, ce comité a convenu d'indicateurs et d'outils conjoints entre les collèges et le ministère. Ce comité n'avait pas abordé le suivi des cohortes universitaires.

Le Comité de liaison de l'enseignement supérieur a créé un sous-comité de travail par la suite qui a rapidement convenu d'outils performants pour permettre le suivi universitaire des cohortes. Cependant, on a vite constaté les limites de la loi d'accès à l'information, et c'est ce qui nous amène ici aujourd'hui.

L'outil qu'on avait convenu au sous-comité du CLES, c'était une banque de données non nominatives comportant des paramètres ou des variables qui permettent d'interroger la banque de façon plus fine, et ça implique des petits nombres. Le ministère de l'Éducation, du Loisir et des Sports produit cette banque. Sa direction de l'accès à l'information et de la protection des renseignements personnels nous a cependant indiqué qu'elle considérait cette banque comme comportant des renseignements personnels parce que nous pouvions, dans les cégeps, par association ou enquête, identifier les individus là où il y a des petits nombres. Alors, nous avons reçu cette interprétation du ministère, et cela nous amène ici à réclamer une exclusion, à l'article 53, pour les statistiques de cheminement et de rendement scolaires de la catégorie des renseignements personnels à caractère confidentiel.

Alors, notre demande est fondée sur les limitations de l'article 67. Je vous rappelle l'article 67 qui précise qu'«un organisme public peut, sans le consentement de la personne concernée, communiquer un renseignement nominatif à toute personne ou organisme si cette communication est nécessaire à l'application d'une loi au Québec». Nous avons retenu un avis qui a été formulé par MM. Raymond Doray et François Charette dans une publication intitulée Accès à l'information: loi annotée, jurisprudence [...] et commentaires, dans laquelle ils expliquent qu'il faut démontrer que la communication de ces renseignements dits nécessaires est indispensable, essentielle et primordiale et qu'il était donc essentiel qu'une loi mentionne expressément qu'un organisme public doit communiquer des renseignements nominatifs ou personnels à une personne ou un organisme public ou privé pour que l'article 67 puisse s'appliquer.

n(16 h 40)n

Alors, nous proposons donc, compte tenu de cette courte analyse, que l'article 53 soit modifié pour une troisième exclusion. Et l'article 53, je vous le rappelle, porte sur le caractère confidentiel des renseignements personnels et prévoit que les renseignements personnels «sont confidentiels sauf dans les cas suivants ? nous proposons donc un troisième alinéa qui préciserait: 3° dans le secteur de l'éducation, ils permettent la transmission interordres des statistiques de rendement et de cheminement scolaires nécessaires à la réalisation de la mission des établissements scolaires».

Il nous apparaît opportun cependant de suggérer aujourd'hui que pour nous toute autre forme de modification au projet de loi qui permettrait d'exclure les statistiques de cheminement et de rendement scolaires de la catégorie des renseignements personnels à caractère confidentiel nous apparaîtrait acceptable.

En bref, nous avons compris, à travers l'interprétation du ministère de l'Éducation, du Sport et du Loisir, que nous aurons un accès limité à l'information recherchée sans l'exception demandée. Alors, voilà ce qui nous amène devant vous. Nous avons, dans notre avis, présenté de façon plus détaillée les obligations qui nous sont faites, les outils que nous utilisons pour effectuer notre reddition de comptes. Nous pensons plutôt aborder ces questions sous la forme de questions-réponses, si cela vous convient davantage. Et je mets un terme ainsi à ma courte présentation.

Le Président (M. Dubuc): M. le ministre.

M. Pelletier: Oui. Merci beaucoup. Merci de votre présentation. Merci d'être présents aujourd'hui. Si je vous comprends bien, vous voulez avoir des informations du ministère de l'Éducation du Québec pour procéder à l'évaluation de vos programmes, c'est bien ça? Et le ministère de l'Éducation refuse de vous donner les informations en question pour le motif qu'elles contiendraient des informations personnelles, c'est ça? Vous, vous soutenez qu'elles ne contiennent pas d'informations personnelles. Pour quel motif?

M. Boutin (Marcel): En fait, il n'y a pas d'information nominale. Lorsqu'on parle de banques de données dans le cas présent, c'est des données qui portent sur le programme d'études de l'étudiant, sa cote R ou le choix qu'il a fait de programme à l'université, dans quelle université et ensuite des renseignements sur son cheminement universitaire, donc taux de réussite au premier trimestre, réinscription, diplomation, dans quel délai, qui sont les outils généralement employés pour témoigner, là, de la portée d'un programme d'études.

M. Pelletier: O.K. Le ministère soutient qu'à la limite on pourrait quand même retracer le cheminement de certaines personnes, là, dans le cas de cheminements peut-être un peu particuliers.

M. Boutin (Marcel): ...un petit nombre puisque nous disposons d'un certain nombre de critères qui nous permettent d'interroger de façon plus fine la banque et, à ce moment-là, on pourrait même isoler des individus, dans certains cas, en fait des renseignements sur des individus, les individus n'étant pas nommés. Alors, nous prétendons que notre seul moyen de connaître ces individus, c'est de faire des recherches additionnelles ou complémentaires ou des associations avec d'autres banques de données.

M. Pelletier: Alors, je comprends que vous avez déjà formellement demandé des informations au ministère de l'Éducation, et formellement ils vous ont dit non. Non?

M. Boutin (Marcel): Non, et je vais faire une nuance. L'outil dont on parle ici a été développé par une équipe du ministère de l'Éducation qui est maître d'oeuvre et qui est possesseur de cette information-là, et on avait convenu de ça entre le ministère, en fait des représentants du ministère, devrais-je dire, des représentants des universités et des représentants du collégial. Cet outil nous convenait. Mais, lorsqu'est arrivée la sanction du Bureau d'accès à l'information, on nous a dit: Non, ça ne fonctionne pas, c'est un type de renseignement qui ne peut pas rentrer dans les collèges. Ce qu'on nous propose en lieu et place, c'est des documents imprimés, plutôt que le questionnement direct de la banque, avec toutes les données à petits nombres effacées.

M. Pelletier: Est-ce que vous avez pensé demander un avis à la Commission d'accès à l'information?

M. Boutin (Marcel): Nous ne l'avons pas fait. Il faut dire que les collèges sont dans une drôle de situation pour faire ça, hein? Nous tenons notre mandat de l'Assemblée nationale bien sûr, mais notre lien avec l'Assemblée nationale, c'est le ministère de l'Éducation. Alors, on se sent un peu mal placés pour questionner ce lien-là à une commission tierce, là. On réalise, parce qu'on a continué nos travaux depuis, que sans doute qu'on pourrait avoir accès à cette information. J'ai constaté récemment, hier pour tout dire, en mettant la main sur un avis juridique qui a été demandé par un groupe tiers, que cette information pourrait nous être disponible sans nécessairement avoir une modification à la loi.

Le problème qu'on a actuellement, c'est probablement le problème de l'interprétation que doit avoir chacun des ministères de la loi et des limites d'accès à l'information. Certes, c'est ça, mais, pour des organismes qui dépendent directement des ministères, c'est problématique, comme situation, et nous étions plutôt dans une logique qui avait été établie elle-même par le fameux bureau dont je vous parle, c'est-à-dire qu'on nous avait dit au départ: Étant donné que c'est des renseignements nominatifs ? et ça, c'était leur jugement sur la situation ? nous devions forcément passer par une exception. Alors, c'est ce que nous avons fait, dans les délais qui nous étaient impartis, pour présenter un avis. Depuis, certains travaux nous amènent à conclure qu'on pourrait travailler autrement.

M. Pelletier: Écoutez, pour l'instant, je me contenterai peut-être du commentaire suivant: Dans chaque ministère, il y a une personne qui est responsable de l'accès à l'information, et cette personne-là jouit d'une certaine autonomie d'exécution. On peut considérer globalement, en tout cas, qu'en la matière chaque ministère est autonome, au moins. Il me semblerait opportun qu'éventuellement il y ait un avis de la part de la Commission d'accès à l'information sur cette question-là. Pour l'instant, je me contenterai de dire ça. Pour le reste, j'examinerai davantage la situation.

M. Boutin (Marcel): Nous avons observé qu'il y a eu plusieurs avis de la Commission qui seraient favorables à notre interprétation, notamment sur la loi des petits nombres ou la règle des petits nombres qu'on nous oppose. Les renseignements n'étant pas nominatifs, ce qu'on comprend, c'est qu'on ne pourrait pas prétendre que, par association de banque de données ou par enquête... on ne peut pas retenir cet argument-là pour dire que les informations initiales sont nominatives. On a bien compris ça depuis qu'on a préparé notre mémoire. Cependant, nous avons jugé plus pertinent d'aller au bout de la démarche que nous avons faite par prudence. Et je note aussi que nos prédécesseurs, ici, ont plaidé justement cette autonomie, dans chaque ministère ou organisme, des gardiens de l'interprétation de la loi, alors nous voulons nous protéger de quelque façon de certains exégètes.

M. Pelletier: Écoutez, en tout cas, moi, je pense que ça mérite examen. Je vais regarder ça dans les limites de mes capacités, à la limite de mes pouvoirs parce qu'ils sont effectivement limités. Mais je répète que je pense que ce serait un bon sujet où il devrait y avoir un avis de la Commission de l'accès à l'information.

M. Boutin (Marcel): Je veux rapidement souligner qu'à la lecture ou à la relecture du projet de loi actuellement la question des banques de données est absente de façon directe. Elle est traitée de façon indirecte comme tout autre document jusqu'à un certain point. C'est une problématique qui va être de plus en plus présente dans l'évolution de notre société. Peut-être que la loi mériterait quelques précisions là-dessus, que ce soit pour le réseau collégial ou de façon plus globale.

M. Pelletier: O.K. Merci.

Le Président (M. Dubuc): M. le député de Chicoutimi, s'il vous plaît.

n(16 h 50)n

M. Bédard: Merci, M. le Président. Bien, très brièvement, je vous remercie, messieurs, mesdames, d'être venus nous faire part de cette problématique. Je vous dirais les mêmes commentaires un peu que le ministre, là, parce qu'à partir du moment où c'est le responsable de l'accès qui, dans son âme et conscience, a pris une décision et qui, je vous dirais... Souvent, dans la divulgation d'informations nominatives ou qu'il perçoit nominatives, il est encore plus prudent à juste titre parce que, lorsqu'elles sont dévoilées, bien il est trop tard, il n'y a personne qui peut se plaindre de ça. Donc, leur prudence est légitime, et elle est nécessaire aussi, et ils vont aussi, eux, souhaiter, dans des cas comme vous avez, d'avoir un avis de la Commission d'accès. Alors, si vous me dites que le bon droit est de votre côté et que vos prétentions devant la Commission d'accès seraient favorables à une telle divulgation parce qu'elle ne contrevient pas à la loi, bien, moi, j'aurais aussi tendance à vous dire: Exercez vos recours. Ils sont prévus à la loi, ils sont légitimes et, sans prévoir de la décision... Et par la suite nous aurons peut-être un véritable problème. Mais...

Et je comprends en même temps que vous ne souhaitez pas non plus, je vous dirais... Plus vous avez accès à ces informations rapidement, mieux c'est, j'imagine, dans l'évaluation de vos programmes, mais en même temps je comprends le ministre d'être prudent parce que la loi elle-même peut suffire. Et je ne vous dis pas que vous avez été négligents dans l'exercice de vos droits, c'est normal. Quand on a une réponse défavorable, on dit: Bon, est-ce que je vais étendre le recours pendant tant d'années avant d'avoir une réponse à cette question? Mais, si vous me dites que l'évaluation juridique vous a semblé favorable, bien, moi, je vous dirais: Allez-y, devant la Commission d'accès, et quitte après ça à voir s'il y a matière à exception. Mais pour l'instant on n'est même pas dans le domaine de l'exception, on est dans la possibilité. Donc, c'est bien que vous nous fassiez part, là... parce que ça peut revenir, mais j'ai l'impression aussi que le meilleur choix, c'est celui d'utiliser vos recours tels qu'ils sont prévus actuellement. Et je ne peux pas vous souhaiter bonne chance, parce que l'application de la loi, vous savez... la loi est dure, mais c'est la loi. Mais vos motifs sont nobles, c'est clair, par contre. Ça, c'est clair.

Le Président (M. Dubuc): M. Guay.

M. Guay (Richard): Si je peux me permettre, cette idée du recours devant la commission, bon on est placés devant un dilemme. Imaginez que le projet de loi passe et que la commission nous dise par la suite qu'en vertu de la loi et de l'interprétation qui est faite de la loi nous ne pouvons avoir accès à cette information. Vous imaginez un problème que ça nous pose. C'est un problème qui est posé à l'ensemble du réseau collégial québécois face à la formation de ses étudiants qui se destinent à l'université. C'est cette information. Actuellement, nous avons de l'information qui nous provient du secondaire quant aux étudiants que nous recevons. Nous les suivons évidemment quand ils sont dans nos institutions. Mais ensuite, si on veut avoir une évaluation des programmes, et de la formation que nous donnons, et de la qualité de cette formation-là, il est important d'avoir, si je peux m'exprimer ainsi, le feed-back des universités.

Et l'inquiétude que j'ai, c'est qu'éventuellement la loi passe telle qu'elle est et que l'interprétation soit donnée que finalement on ne peut pas avoir accès à cette information-là. Je rappellerai bien que l'information à laquelle on souhaite avoir accès, elle n'est nullement nominative, au sens où on ne retrouvera pas là-dedans des noms d'étudiants, des numéros de code permanent ou ainsi de suite, sauf que ce que nous objecte le ministère de l'Éducation, les spécialistes à ce niveau-là, c'est de nous dire: Bien, écoutez, si, à un moment donné, vous savez qu'il y a quatre étudiants de votre programme x qui se retrouvent à la Faculté de médecine de l'Université de Montréal, par recoupement, et ainsi de suite, vous êtes capables d'aller déduire quels sont les étudiants qui se retrouvent là et comment réussissent-ils à l'Université de Montréal.

M. Bédard: Effectivement, et je comprends le dilemme dans lequel vous êtes. Et là on est dans l'étude du projet de loi. Première chose, c'est que ? et sans présumer de rien, là, je n'ai pas tous les paramètres, mais ? ça me semble effectivement matière à évaluation, même dans le cas d'une décision défavorable de la part du ministère de l'Éducation, en collaboration évidemment avec le ministre responsable de l'accès à l'information. En même temps, avez-vous regardé, avec vos conseillers légaux, est-ce qu'il y a...

Deuxième chose, moi, je pense qu'il y a aussi... vous avez intérêt à impliquer aussi les représentants étudiants qui sont, je dirais... ? ce n'est pas de l'information nominative, mais ? qui ont aussi tout intérêt à savoir la qualité... pas la qualité, mais le rendement, si on veut, ou... de l'évaluation juste d'un programme collégial. Donc, peut-être que vous auriez intérêt à les impliquer, au niveau universitaire, dans cette approche.

Et, troisième chose, avez-vous évalué peut-être... On ne peut pas renoncer à l'avance à la divulgation d'informations. Est-ce que c'est une procédure que vous avez évaluée peut-être, lors de l'inscription, lors du parcours universitaire, que telle et telle information soit disponible au collège afin d'établir en balisant de façon très claire... Est-ce que ça peut être une procédure que vous avez évaluée?

M. Guay (Richard): Bien, à prime abord...

M. Bédard: Bien que ça va porter... Évidemment, ça va donner des résultats pas empiriques, là, mais ça devrait donner une bonne indication, là, je veux... En tout cas, c'est une des avenues aussi qui me venaient à l'esprit, si la Commission d'accès concluait à l'inverse de vos prétentions.

Mme Massicotte (Édith): Actuellement, on fait des évaluations de programmes bien sûr, on atteste de la qualité de nos programmes et, quand on a à aller chercher de l'information auprès de nos diplômés qui sont à l'université, on y va par questionnaires. On envoie des questionnaires bien sûr, avec un taux de réponse qui est évidemment, parfois, navrant. Bon, ça nous permet d'avoir une information, ça nous permet des fois de vérifier un certain nombre de choses, mais on est souvent appelés à faire appel soit à des groupes, inviter les étudiants chez nous pour les interroger, les étudiants qui ne sont plus les nôtres, qui sont à l'université. Alors, ça a des limites, et c'est pour ça qu'on faisait cette demande, et c'est pour ça que tous les travaux qui se sont déroulés entre le ministère, la Fédération des cégeps et l'Association des collèges privés pour nous conduire à avoir accès à cette banque d'informations là se sont tenus.

Or, la banque, elle est faite, elle existe. Le problème, comme on l'indiquait, c'est que, dès qu'on veut savoir... Si je veux savoir, dans une année... On arrive très rapidement à des petits nombres. Quand on veut savoir le rendement de nos étudiants en médecine dans les quatre dernières années... il n'y en a pas tant que ça. Et, si en plus on veut savoir le rendement de l'étudiant en médecine à McGill, ou à l'Université de Montréal, ou à Sherbrooke, bien, là, évidemment, tu sais, on se retrouve très, très rapidement dans des petits nombres. Et, dans le cas des collèges, des petits collèges, des collèges qui ont moins d'étudiants, le problème est encore plus difficile à régler. Alors, c'est pour ça qu'on se présentait, à la demande du ministère en quelque sorte, de la personne qui s'occupe de l'accès à l'information, pour voir s'il n'y aurait pas des modifications à faire à la loi.

M. Bédard: Bien, je me fais réflexion, moi, si j'étais responsable de l'accès à l'information, j'aurais, par rapport aux petits collèges, effectivement j'aurais un questionnement. Je réfléchissais en même temps que je lisais le mémoire hier, puis je vous écoute. Parce qu'il y a un moment où on peut presque repérer les gens, dans les petits collèges, et c'est pour ça, moi, je pense, qu'il y a un principe de précaution qui s'applique aussi au responsable de l'accès, ce que n'a pas l'obligation... Je veux dire, la Commission d'accès, elle, évalue beaucoup plus largement la...

Je comprends par contre le responsable de l'accès d'avoir eu cette précaution, je vous dirais, et pas que vous avez tort, mais, dans la logique d'une divulgation de renseignements, ou du moins la conclusion, ou l'émergence de renseignements nominatifs, je vous avouerais que ça m'éveille un questionnement. Et je ne vous dis pas que vous avez tort sur le fondement. Par contre, l'utilisation... D'où mon intérêt, d'où ma proposition aussi d'impliquer peut-être des représentants étudiants du niveau universitaire parce que c'est... eux aussi sont concernés par ces résultats, par aussi leur cheminement. Bien que ce n'est pas nominatif, ils ont, je pense, un intérêt, puis ce serait encore plus transparent, là, et tout en n'étant pas fermé... Le ministre a dit qu'il n'était pas fermé, et je vous avouerais que j'y réfléchis en même temps que lui. Je n'ai pas de solution, mais je comprends vos intentions. Elles sont légitimes.

n(17 heures)n

M. Boutin (Marcel): Il faut rappeler que nous sommes des organismes parapublics, du moins l'enseignement collégial public, et l'enseignement privé a les mêmes obligations que nous en termes de reddition de comptes. Alors, on se retrouve à la même place ultimement. On relève de deux lois, comme on l'a souligné, qui sont assez précises. On a des obligations d'éthique et des responsabilités assez précises. Dans toute la question des petits nombres et de gestion des petits nombres, on est très conscients, là, qu'il y a des limites interprétatives rapides à l'intérieur de ça. Notre intérêt pour les données plus fines, c'est de s'assurer que la tendance plus macro se révèle... n'est pas la cause ou n'est pas causée par une université en particulier ou par un groupe d'étudiants en particulier. Mais ça ne nous amènera pas à faire des publications qui vont impliquer des petits nombres. Nous n'aurions pas de crédibilité, on est très conscients de ça. Il s'agit juste d'aller en profondeur dans des données pour bien en comprendre la teneur, les tenants et les aboutissements.

Et, cette responsabilité-là, moi, je pense qu'on a le devoir de l'exercer, et la loi me semble assez claire là-dessus. C'est pour ça qu'on n'a pas demandé de modification à cet égard-là. Moi, j'ai déjà dit devant d'autres personnes que c'est une loi généreuse, je ne le dédierai pas aujourd'hui, et qui permet théoriquement, à nos yeux, cette gestion de données interordres. Nous constatons aujourd'hui, avec l'avis du ministère de l'Éducation, que nous n'avons pas ce privilège-là.

M. Bédard: Il date de quand, l'avis, en passant?

M. Boutin (Marcel): Pardon?

M. Bédard: Il date de quand, cet avis-là? Il date de quand, l'avis du ministère?

Une voix: De juin dernier.

M. Boutin (Marcel): Juin. Du mois de juin. Ensuite... Juin, oui, c'est ça.

M. Guay (Richard): Il faut bien voir que c'est le même ministère qui a produit les données et qui nous dit par ailleurs: Bien, écoutez, pour une bonne part, on ne peut pas vous les donner. J'attirerais votre attention sur une chose, quand vous parlez de petits collèges, c'est que des fois il peut y avoir des collèges qui sont de taille tout à fait respectable. Nous, on a 1 500 étudiants mais, quand on s'en va dans un programme donné, on arrive vite au problème des petits nombres. Et ça, vous allez le retrouver dans plusieurs collèges évidemment, force...

M. Bédard: Oui, oui. Non, non, c'est normal, oui.

M. Guay (Richard): Il y a énormément de collèges qui vont rencontrer ce problème-là.

M. Bédard: D'où, je vous dirais, peut-être cette précaution du responsable de l'accès.

M. Guay (Richard): Oui.

M. Boutin (Marcel): C'est une précaution qui m'apparaît mal fondée, mais ce n'est pas ici qu'il faut le discuter, hein?

M. Bédard: Mais je vous dirais que je ne suis pas pour et contre, mais... dans le sens que je comprends ce raisonnement parce que le principe de précaution ici veut que, si lui autorise et c'est contraire à la Loi d'accès, il a tout un problème, là.

M. Boutin (Marcel): Nous avons une responsabilité aussi par rapport à ce principe d'accès et de respect des données. Les collèges sont liés, comme organismes parapublics, à la loi d'accès à l'information. Alors, nous sommes déjà des gestionnaires de la loi d'accès à l'information.

M. Bédard: Oui, oui, en plus.

M. Boutin (Marcel): Il semble qu'on est, à cet égard-là, dans une situation bien différente qu'un simple usager qui demanderait accès à une banque de données.

M. Bédard: Je suis d'accord avec vous.

M. Boutin (Marcel): Et d'autre part notre intérêt n'est pas de faire des recoupements entre les banques pour aller identifier les personnes. Je ne sais pas à quoi ça nous servirait, je n'ai pas d'idée là-dessus. Alors, je suis un peu mal à l'aise quand on a la préconception que c'est pour ça que je veux avoir accès à des banques.

M. Bédard: Disons que vous êtes plus près de la ligne. Vous êtes plus près de la ligne. Alors, c'est pour ça que lui, quand vous êtes près de la ligne, aura tendance à dire: Bien, ça nous prend un avis de la Commission d'accès. Et je ne sais pas de quel côté vous êtes. J'aurais tendance... Et là évidemment il faut faire attention parce qu'on est le législateur, il y a des tribunaux qui sont appelés à... Et vous êtes plus près que d'autres, je vous dirais, par rapport à l'utilisation, et c'est peut-être pour ça qu'il y a une prudence. En tout cas, le ministre a dit qu'il allait évaluer. En même temps, je comprends vos arguments. Les deux recours parallèles ne sont pas, je vous dirais... seraient peut-être utiles, celui de continuer vos représentations mais en même temps de demander un avis de la CAI. Comme ça, dans les deux cas, vous ne seriez pas... Je veux dire, chacun des efforts a son utilité, selon moi. Ça semble décevant un peu pour vous, mais...

M. Guay (Richard): Je voudrais souligner... Vous le savez probablement, mais les collèges gèrent déjà toute une série d'informations qui ont un caractère nominatif. Nous avons le dossier scolaire de tous nos étudiants au secondaire. Ensuite, dans la plupart des collèges, on fait passer des tests pour évaluer la motivation des étudiants, les difficultés qu'ils peuvent rencontrer, et ainsi de suite, des informations qui ont un caractère très personnel. Et là la seule information qui nous manque, c'est l'information en aval sur qu'est-ce qui arrive à l'université mais des informations d'ordre statistique. Et c'est là qu'on est un peu embêtés par tout ça parce qu'on a un besoin qui est réel, qui est là au niveau de la Commission d'évaluation de l'enseignement collégial et qui correspond à un besoin, je pense, pour la qualité de la formation préuniversitaire au Québec. Et puis là, bien, écoutez, on n'est pas des juristes, là, mais une chose est sûre, c'est qu'on rencontre un problème.

M. Bédard: Je suis tout à fait d'accord avec vous, la pertinence de l'outil, on ne peut pas être contre ça, c'est clair. C'est clair que c'est pertinent dans la mesure de vos résultats, dans la... et ça, je suis, je vous dirais, en toute logique avec vous par rapport à cela.

Le Président (M. Brodeur): Oui, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger: Oui. Merci. C'est sûr que bon c'est particulier, là, mais il y a peut-être une vue à regarder, dans le sens qu'il y a le fait que vous êtes aussi vous-mêmes à faire attention à... Vous êtes déjà assujettis à la loi d'accès à l'information, donc peut-être il y a un lien qui peut se faire dans la réflexion du ministre, dans le sens que déjà d'avoir accès à l'information, c'est une chose, l'utilisation de ça, c'est une autre chose, mais d'un organisme parapublic qui déjà est assujetti lui-même à l'accès à l'information... Donc, il y a peut-être des choses à regarder qui peuvent être différentes d'une tierce personne qui demanderait un avis d'accès à l'information ou qui demanderait d'utiliser des documents mais qui n'est pas assujettie... Moi, c'est dans cet aspect-là que je trouve qu'il y a peut-être une solution que le ministre peut regarder.

Le Président (M. Brodeur): Est-ce qu'il y a un commentaire à apporter? Parfait. Est-ce qu'il y a un autre intervenant? Non? Donc, je vous remercie. Je remercie donc la Fédération des cégeps et Association des collèges privés du Québec. Merci de votre intervention. Et j'ajourne les travaux à demain matin, mercredi 14 septembre, 9 h 30, dans cette salle. Merci.

(Fin de la séance à 17 h 6)

 


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