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Version finale

37e législature, 1re session
(4 juin 2003 au 10 mars 2006)

Le mercredi 25 janvier 2006 - Vol. 38 N° 64

Consultation générale sur le patrimoine religieux du Québec


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Table des matières

Auditions (suite)

Autres intervenants

 
M. Bernard Brodeur, président
M. Éric R. Mercier, président suppléant
M. Pierre Moreau
M. Daniel Turp
Mme Nicole Léger
* Mme Marie Marchand, RAR
* Mme Monique Boisvert, idem
* Mme Madeleine Aylwin, idem
* M. Laurent Tailleur, idem
* M. Grant-D. McConnell, Confessions autres que catholique, Table de concertation Québec-Chaudière-Appalaches, Fondation du patrimoine religieux du Québec
* M. Jean-Pierre Chénard, CQPV
* M. Robert Bouthillier, idem
* M. Marcel Viau, Faculté de théologie et de sciences religieuses de l'Université Laval
* M. Yoland Tremblay, fabrique de la paroisse de Notre-Dame de Montréal
* M. Rénald Julien, ACCRQ
* M. Michel Gosselin, idem
* M. Claude Dicaire, idem
* M. Richard Evans, QAHN
* M. Dwane Wilkin, idem
* M. Jean Duhaime, Faculté de théologie et de sciences des religions de l'Université de Montréal
* Mme Solange Lefebvre, idem
* M. Jean-Claude Breton, idem
* M. Dinu Bumbaru, Héritage Montréal
* Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Neuf heures trente-neuf minutes)

Le Président (M. Brodeur): À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, je déclare la séance de la Commission de la culture ouverte. Et, comme à l'habituel, je vous demande, si jamais quelqu'un avait un cellulaire et que la sonnerie ne serait pas éteinte, de bien vouloir éteindre la sonnerie de vos cellulaires.

Donc, je rappelle le mandat de la commission. Le mandat de la commission est de poursuivre les auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le patrimoine religieux du Québec.

Donc, M. le secrétaire, y a-t-il, aujourd'hui, des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Turp (Mercier) remplace Mme Caron (Terrebonne).

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Donc, bienvenue à tous à une nouvelle journée d'auditions sur le patrimoine religieux. Et, aujourd'hui, nous allons recevoir, et je vous donne brièvement la liste des gens que nous allons entendre aujourd'hui: cet avant-midi, le Regroupement des archivistes religieux, qui sont déjà installés ? bienvenue à la commission parlementaire; ce sera suivi de M. Grant-D. McConnell, représentant des confessions autres que catholique, la Table de concertation Québec?Chaudière-Appalaches, Fondation du patrimoine religieux du Québec; le Conseil québécois du patrimoine vivant, qui suivra; qui sera suivi de la Faculté de théologie et de sciences religieuses de l'Université Laval.

n (9 h 40) n

Cet après-midi, nous entendrons la fabrique de la paroisse Notre-Dame de Montréal; qui sera suivie de Mme Julie Dufour, étudiante à la maîtrise en éthique à l'Université du Québec à Rimouski; ce sera suivi de l'Association des cimetières catholiques romains du Québec; et nous entendrons également le Réseau du patrimoine anglophone du Québec; nous entendrons aussi la Faculté de théologie et de sciences des religions de l'Université de Montréal; et finalement, pour clore la journée, Héritage Montréal.

Auditions (suite)

Donc, nous allons débuter immédiatement en entendant le Regroupement des archivistes religieux. Je vous explique brièvement les règles des commissions parlementaires. Vous avez un temps maximal de 15 minutes pour présenter votre mémoire de la façon dont vous le jugerez à propos, c'est-à-dire que, quand vous allez arriver près du 15 minutes, vous allez me voir faire des signaux en voulant dire de conclure. Et ensuite de ça ce sera suivi par une période d'échange avec les membres de la commission. Étant donné que nous sommes en commission parlementaire et qu'il y a un Journal des débats, je vous demanderais tout d'abord de vous identifier pour le bénéfice du Journal des débats et ensuite de ça de procéder immédiatement à la présentation de votre mémoire. La parole est à vous.

Regroupement des
archivistes religieux (RAR)

Mme Marchand (Marie): Soeur Marie Marchand, présidente du Regroupement des archivistes religieux.

Mme Boisvert (Monique): Monique Boisvert, membre du conseil d'administration du Regroupement des archivistes religieux.

Mme Aylwin (Madeleine): Madeleine Aylwin, vice-présidente du Regroupement des archivistes religieux.

M. Tailleur (Laurent): Laurent Tailleur, membre du Regroupement des archivistes religieux, à titre de conseiller.

Le Président (M. Brodeur): Merci. Vous pouvez y aller.

Mme Marchand (Marie): Je remercie la Commission de la culture du privilège qu'elle nous fait de nous accueillir en audience à l'Assemblée nationale. Je présente l'organisme que représente notre équipe avant de résumer notre mémoire qui traite de l'avenir du seul patrimoine archivistique des communautés religieuses. Une réflexion sur les fondements théologiques et juridiques des biens de l'Église complétera nos considérations.

Le Regroupement des archivistes religieux rassemble les archivistes oeuvrant dans des organismes religieux, diocèses, paroisses, séminaires, congrégations religieuses et instituts de vie consacrée, tous établis majoritairement au Québec. Il compte au-delà de 200 membres francophones provenant de cinq provinces.

En réponse au triple questionnement de la commission: Que conserver? Qui conservera? Et comment?, nous pouvons dire que, depuis bientôt 10 ans, le Regroupement des archivistes religieux porte le même souci, la sauvegarde des archives des communautés religieuses. Je cite deux faits principaux à l'appui: le congrès tenu en 1998, sous le thème général L'avenir des archives ecclésiastiques des communautés religieuses au XXe siècle, puis l'étude mandatée par le RAR, à laquelle tous les membres, certains organismes et des supérieurs majeurs ont participé. Cette étude fut publiée sous le titre Avenir des archives religieuses. Étude de solutions concrètes pour leur permanence. Les recommandations de ce rapport suggéraient des moyens jugés concrets et durables pour assurer la sauvegarde pérenne des ensembles documentaires constitués et conservés par les congrégations religieuses, patrimoine d'une grande valeur pastorale, culturelle et historique. Beaucoup d'associations ont déjà parlé de ce dernier aspect, que je ne fais que souligner ici. Notre mémoire s'appuie donc sur les conclusions de l'étude de 2002 et présente les propositions que voici.

Premièrement, la création d'un centre commun régional. On recommande que les communautés religieuses d'une même grande région prennent ensemble l'initiative de se rencontrer pour étudier de façon approfondie la création juridique d'un centre commun régional pour conserver et diffuser leurs archives respectives. À cette fin, on les invite à contacter l'évêque de leur diocèse pour choisir ensemble un bâtiment à caractère religieux et historique, propre à accueillir le centre régional. La même démarche pourrait se faire auprès de communautés propriétaires d'un important édifice historique. Ces personnes évalueront également ensemble les conditions posées.

Deuxième recommandation, un partenariat avec le diocèse. Certaines communautés trouveront plus facile d'établir un partenariat avec leur diocèse. On propose donc de s'associer avec l'évêque du lieu, sachant qu'il est en faveur d'accueillir et d'héberger les archives en son centre d'archives paroissiales et diocésaines. On fera alors les démarches nécessaires pour établir un partenariat avec lui et s'entendre sur les conditions et les obligations qu'il comporte.

Troisième proposition, s'il agrée un partenariat, l'évêque pourrait lui-même prendre l'initiative d'offrir une association aux communautés établies sur son territoire. C'est une petite variante, une nuance possible de la proposition précédente.

Quatrième proposition, un partenariat dans le milieu immédiat. On privilégie les propositions précédentes, mais, dans certaines régions, des facteurs rendront difficile la mise sur pied d'un centre commun: région étendue, communauté dispersée et généralement moins nombreuse. Les communautés pourraient alors faire appel à un partenariat stable, entrevu possible dans leur milieu, selon des conditions qui assureront le caractère propre des archives ecclésiastiques des religieuses. On voit ici possible une alliance avec des organismes civils, publics ou privés, bien implantés dans le milieu, stables, par exemple une société historique, un centre d'archives privées agréé ou un centre d'archives publiques agréé.

Financement. Les conclusions de l'étude retiennent le besoin d'une fondation comme moyen de financement. Le RAR a la conviction que les communautés religieuses doivent compter d'abord et en très grande partie sur leurs propres ressources financières pour assurer la conservation et la mise en valeur permanente de leur patrimoine archivistique parce que ces solutions d'avenir font appel à des responsabilités, à un partenariat assumé financièrement et proportionnellement à l'importance des dépôts d'archives des communautés participantes. Et c'est pour beaucoup la clé du succès des propositions: la prise en charge par les communautés elles-mêmes de l'avenir de leur patrimoine religieux. Nous croyons que c'est là aussi la particularité des solutions proposées par l'étude de l'association: une fondation soutenue par les communautés elles-mêmes qui fournissent la mise initiale, investissement demandant des sommes importantes pour l'organisation, l'aménagement d'un centre selon les normes archivistiques et assurer son fonctionnement année par année.

Pour garantir l'efficacité et la permanence de telle réalisation, il faut donc accepter cette condition sine qua non de constituer une fondation par la participation de chacune des communautés ayant signifié leur volonté de déposer leurs archives dans un centre commun, centre géré par une fiducie indépendante. et fiable. et respectueuse de la volonté des propriétaires d'archives inaliénables, témoignage de leurs réalisations au nom d'une même et unique foi et demeurant disponible pour continuer la mission de l'Église.

Toutefois, la part du propriétaire n'exclut pas la participation et l'appel à d'autres sources de financement public ou privé. Les divers paliers de gouvernement, fédéral, provincial, peuvent, au moyen de subventions, aider à la conservation pérenne d'un héritage précieux. Les municipalités ont aussi intérêt à garder des centres d'archives qui servent non seulement pour l'évangélisation, mais aussi à des fins culturelles, sociales et autres. On inclut également le mécénat.

Ces formules requièrent l'arrêt de conditions légales. La propriété des archives et leur caractère propre d'archives d'Église requièrent ces conditions. Elles découlent des droits des communautés et elles doivent être identifiées, posées et bien établies légalement par un contrat signé entre les deux parties.

n (9 h 50) n

Pour le succès de ces solutions, il faudra donc compter certes sur la ténacité, le tact et l'esprit d'équipe de ceux et de celles qui auront la responsabilité de passer à l'action pour mettre cet héritage des siècles de vie des congrégations en Église d'abord à la disposition permanente de la mission de l'Église et également à la disposition de la culture régionale, nationale, internationale et de la promotion de la culture elle-même.

Je viens d'aborder le problème de la propriété des archives en posant ainsi que les communautés prennent l'initiative de la garde de leurs biens et, partant, en demeurent propriétaires. Je cède donc la parole à Mme Boisvert qui exposera la position de l'Église par rapport à ses biens en général, dont la gestion repose sur des fondements théologiques et juridiques. Merci.

Mme Boisvert (Monique): La réflexion annexée au mémoire avait pour but de retenir votre attention sur le fait que l'Église a été parmi les premières institutions publiques qui ont pris en charge, grâce à une législation appropriée, la création, la conservation et la valorisation du patrimoine mis au service de sa mission. J'aimerais exprimer en ce moment deux points, l'un canonique, l'autre théologique, afin d'aider la commission à nuancer certaines affirmations.

Permettez-moi de vous introduire au premier point par une question: De quelle Église parle-t-on? L'Église catholique est constituée de l'union indissociable d'un mystère invisible et d'une institution visible. Elle est société organisée hiérarchiquement en ce monde, la réalité visible, et corps mystique du Christ ou communion spirituelle des chrétiens, réalité invisible. Nous sommes donc en présence d'une réalité complexe, comme institution, constituée d'un double élément, humain et divin. Quand nous parlons des biens culturels, c'est de cette Église que nous parlons. Ceci vaut pour les églises orientales, catholiques et les églises orthodoxes.

Comme société organisée, l'Église a une législation codifiée, appuyée sur une jurisprudence pluriséculaire. Déjà du vivant des apôtres, l'Église réglemente les biens qui lui sont donnés, mais le canon 1254 du code actuel s'enracine dans l'édit de Milan IVe siècle et énonce à quel titre l'Église peut posséder. Je cite: «L'Église catholique peut, en vertu d'un droit inné, acquérir, conserver, administrer et aliéner des biens temporels, indépendamment du pouvoir civil, pour la poursuite des fins qui lui sont propres: organisation du culte public, subsistance de son personnel, oeuvres d'apostolat et de charité.» Droit inné, c'est-à-dire originaire, puisque lié non à la concession ou à la tolérance d'un État, mais à l'origine et à la nature même de l'Église.

Les instituts de vie consacrée jouissent-t-ils de ce droit? Aux termes du canon 1255, l'Église tout entière et le Siège apostolique, ce qui comprend les églises particulières aux diocèses, et toute autre personne juridique, publique ou privée sont des sujets capables de posséder, aliéner, selon le droit.

En février dernier, deux auteurs de Présence Magazine affirmaient: «La commission pontificale a bien raison de considérer les administrateurs du patrimoine religieux comme des gardiens et non comme des propriétaires.» La rectification de cette affirmation se trouve au canon 1279: «L'administration des biens ecclésiastiques revient à celui qui dirige de façon immédiate la personne à qui ces biens appartiennent, [...]restant sauf le droit d'intervention de l'autorité supérieure en cas de négligence de l'administrateur.» Donc, les administrateurs, les personnes physiques sont administrateurs pro tempore, sont les gardiens du patrimoine, mais le propriétaire du patrimoine, c'est la personne juridique.

Cependant, ceci dit, là, comme l'écrit Gérard Leclerc, dans son livre Pourquoi veut-on tuer l'Église?, «il existe une différence de fond entre les affaires politiques et les affaires religieuses». Et j'en cite un exemple: n'existe pas, pour les instituts ecclésiastiques, un principe de propriété absolu, ce qui veut dire que, sur tous les biens, le souverain pontife, en vertu de son autorité suprême, exerce un pouvoir de maîtrise ou de souveraineté qui le constitue «le suprême administrateur et dispensateur de tous les biens ecclésiastiques», aux termes du canon 1273. Alors, le pape agit en tant que dispensateur soit pour des raisons de soutien mutuel entre les communautés chrétiennes ou encore pour éviter de perdre un patrimoine.

La baisse des vocations met-elle en péril ce patrimoine? Affirmer que le phénomène du déclin de toutes les institutions et des pratiques religieuses a atteint un point de non-retour est peut-être prématuré parce qu'un institut ecclésiastique peut survivre dans un autre institut par mode d'agrégation, de fusion ou de fédération. Une famille religieuse ne naît pas d'un projet personnel mais d'un don de Dieu. Or, par la grâce de Dieu, le charisme fondateur peut reprendre vie et vigueur. C'est le cas actuellement des Pères trinitaires. Maintenant, je passe à mon deuxième point théologique, là...

Le Président (M. Brodeur): Il vous reste environ une minute avant une période d'échange, donc je vous demanderais peut-être de conclure immédiatement. Puis vous pouvez peut-être revenir, à l'intérieur de vos réponses, pour accentuer sur d'autres points.

Mme Boisvert (Monique): Bon, le deuxième point était assez important parce que je touchais la mission, la nature spécifique des biens culturels qui sont mis au service d'une nouvelle évangélisation ? la nouvelle évangélisation, on entend par là l'évangélisation des cultures. L'Église considère que les cultures peuvent se rencontrer sur des points fondamentaux pour le service de l'ordre, et c'est un chemin vers la paix.

La mission des communautés par les biens culturels, elle est intensifiée, actuellement. On rappelle aux instituts qu'ils doivent dépasser la simple conservation des biens culturels pour en faire une promotion organique au service de la pastorale de la culture.

Maintenant, je voulais parler un peu de notre histoire au Québec et du rapport de l'Évangile et Culture, mais je conclus en disant que chaque institution ecclésiale est à la fois gardienne et propriétaire de son patrimoine des biens culturels et que le personnel préposé à la mise en valeur de ce patrimoine doit le traiter avec l'esprit et la mentalité même de l'Église. C'est la raison d'ordre pastoral.

Une fois dit que les communautés sont propriétaires, l'Église encourage les regroupements au sein des églises particulières. Elle se réjouit également de la collaboration mutuelle avec les organismes civils aussi dans des projets concrets ? et, si vous vous référez aux pages 7 et 8 de notre réflexion, on le détaille un peu plus. Et, pour terminer... Elle exige toutefois une condition sine qua non, c'est que les normes doivent toujours garantir l'appartenance, la nature et la destination originelle des biens.

Nous appuyons, pour terminer, la proposition présentée dans un mémoire précédent pour une éducation aux biens culturels dans les institutions scolaires et peut-être aussi par les mass médias pour renouveler la conception des biens culturels. Je vous remercie.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup, puis excusez-nous de vous bousculer comme ça. Le temps, ça passe très vite. Vous savez que ça passe très vite. Je vous félicite pour cette présentation, une présentation déjà qui suscite certains débats. J'entendais alentour de la table déjà des questions qui vont s'adresser à vous, dans le cadre principalement des droits de propriété. Il y a eu toutes sortes de débats sur les droits de propriété du patrimoine religieux.

Moi, la première question est très terre à terre, ce que je vais vous poser. Vous êtes archivistes religieux. Vous avez tantôt émis l'hypothèse, là, que... non pas une hypothèse, mais une réalité, que les communautés sont vieillissantes, moins nombreuses, que vous êtes en effet toujours propriétaires de vos archives, mais il faut aussi avoir un regard sur le futur. Peut-être que la pratique religieuse redeviendra plus abondante, peut-être que ce ne sera pas le cas. Et il va falloir, pour nous, faire des recommandations sur un avenir potentiel qui se rapprochera le plus possible de la réalité.

n (10 heures) n

Ma première question est bien simple: Croyez-vous que les archivistes religieux ont la capacité et le potentiel de rassembler l'ensemble du patrimoine archivistique religieux du Québec, partout au Québec, pour avoir une pérennité de gardiennage ou, si les communautés religieuses sont appelées à être encore moins nombreuses, avez-vous la capacité de continuer l'administration de ces archives-là?

M. Tailleur (Laurent): Le rapport que nous avons présenté lorsqu'on a proposé aux communautés religieuses de se mettre ensemble dans une région donnée et puis d'essayer de mettre ensemble leurs archives, qui seraient gérées par une fiducie qui résultera justement d'une fondation, c'était en fonction justement de cette idée que les communautés religieuses, un jour ou l'autre, ne seront plus là. Ça, ça nous apparaît très clair.

Si les communautés religieuses ont des responsabilités par rapport à leurs communautés, par rapport à leurs biens, elles ont aussi une responsabilité par rapport à ce bien essentiel que constitue justement leur patrimoine, et plus spécifiquement leur patrimoine archivistique. Et, lorsqu'on recommande, hein, aux communautés de se regrouper, de se rassembler et d'étudier rapidement le problème de la survie, la survie de leurs archives, bien, on leur propose quoi? Une solution pérenne, pas facile, difficile, mais on leur dit de prendre en main elles-mêmes, hein, de prendre en main la responsabilité de les conserver d'une façon pérenne. Et puis c'est là que découle notre proposition sur la nécessité de faire une fondation, la nécessité justement de se mettre ensemble pour les sauvegarder.

On pense surtout à une possibilité de se regrouper, se regrouper dans des régions ? les grandes régions, c'est peut-être plus facile ? et puis de mettre en commun, hein, une fondation pour assurer l'avenir de ces archives-là d'une façon pérenne, indépendamment de leur survie, elles-mêmes, les communautés.

Le Président (M. Brodeur): Est-ce qu'on doit comprendre, là... Parce qu'il y a toutes sortes d'hypothèses qui sont émises, depuis des mois, sur la création potentielle d'une fiducie pour gérer ou protéger le patrimoine religieux, qu'on parle de patrimoine mobilier, immobilier, immatériel, etc. Est-ce qu'on doit comprendre que cette même fiducie là serait responsable également du département archivistique du patrimoine religieux du Québec? Est-ce que c'est la même entité qui serait appelée à...

M. Tailleur (Laurent): Je ne pense pas d'avoir bien compris votre question, là.

Le Président (M. Brodeur): Simplement, s'il arriverait, à un moment donné, qu'on décide de créer une fiducie en s'inspirant de ce qui se passe ailleurs en Europe, par exemple, et que cette fiducie-là serait chargée de, par exemple, voir à la pérennité du patrimoine religieux en général, incluant tout le patrimoine religieux, est-ce que je dois comprendre qu'elle doit aussi inclure les archives religieuses?

M. Tailleur (Laurent): Ce serait fait par un organisme qui ne serait pas les communautés elles-mêmes? Ce serait fait par un organisme qui est indépendant...

Le Président (M. Brodeur): ...chapeauté par un organisme.

M. Tailleur (Laurent): Qui serait chapeauté par un organisme. Évidemment, notre proposition ne va pas dans ce sens-là, mais je pense bien que ce n'est pas exclu justement qu'on puisse l'étudier, puisqu'on a une recommandation qui irait un peu dans ce sens-là, lorsqu'on dit que, dans les régions où ce ne serait pas possible de créer un centre d'archives, que les communautés n'auraient pas le moyen, la possibilité de former ce centre régional, que ces communautés n'auraient pas aussi la possibilité de s'associer avec l'évêque ? une autre façon de partenariat ? on disait: Bien, peut-être avec d'autres organismes publics, privés, là, on pourrait sûrement s'associer. Donc, à votre question, je réponds: Oui, on aura sûrement le moyen justement d'étudier cette façon de faire.

Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Moreau: Merci, M. le Président. Je veux vous saluer particulièrement, Mme Marchand, Mme Aylwin, Mme Boisvert et chanoine Tailleur, et vous remercier de votre participation aux travaux de la commission. Vous soulevez des questions qui sont fort intéressantes.

D'abord, la première, vous avez soulevé la question, bon, de la mise en place d'un financement public-privé, mais vous dites d'abord «une fondation gérée par une fiducie indépendante, fiable et respectueuse», dont la mise initiale serait faite par les communautés elles-mêmes. Un des constats qui est fait dans le document de consultation, c'est qu'il y a une détérioration et une perte importante au niveau de la conservation du patrimoine religieux, au Québec. Vous semblez dire, dans les réponses aux questions qui vous sont posées par le président, que les communautés auraient la capacité économique de faire ces mises de fonds initiales là.

Et, dans un autre mandat que j'ai réalisé pour le ministère de la Culture sur le financement privé en culture, lorsqu'on examinait la question du mécénat, on se rend compte qu'au Québec, suivant Statistique Canada, la répartition en pourcentage de la valeur des dons des Québécois par domaine, le plus important pourcentage est versé à des fins religieuses, soit 32 % de tous les dons privés qui sont faits. Donc, si on combine les dons privés qui sont faits dans le domaine religieux et la capacité des communautés religieuses, selon les affirmations que vous faites, ma question est: Pour quelle raison, selon vous, des initiatives semblables à celle que vous proposez n'ont pas déjà été prises par les communautés?

M. Tailleur (Laurent): Il faut dire qu'une dizaine d'années, une vingtaine d'années en arrière, si on retourne en arrière, le problème de la sauvegarde des archives du patrimoine religieux, c'était un phénomène un peu... qui ne remonte pas à bien des années, hein? C'est plutôt une question qui est récente, un intérêt que nous avons, là, qui remonte seulement à quelques années.

Mais, que le Regroupement des archivistes religieux, il y a une dizaine d'années, un peu plus d'une dizaine d'années, se soit intéressé à cette question-là, nous pensons que nous avons sonné l'alarme assez rapidement, parce qu'on s'est rendu compte que des communautés vieillissaient, on se rendait compte que ces communautés-là pouvaient ne pas, à la longue, pouvoir demeurer et puis on s'est intéressés justement à cette partie de leur patrimoine que sont les archives, on s'est dit: Bien, il faut faire quelque chose. Puis là le Regroupement des archivistes religieux, qui est un organisme d'entraide, a tout simplement dit aux communautés et aux archivistes: Mais il faut penser à des solutions.

Et puis, parmi les solutions, bien on a fait un congrès, on a fait une enquête assez poussée pour connaître le problème, le situer le mieux possible, on a fait aussi un rapport, une étude, un rapport, et puis on arrive à la conclusion qu'il est grand temps et plus que jamais temps justement de s'occuper et de prendre en main ce... de chercher des solutions à ce problème-là.

M. Moreau: Bien. Ma deuxième question s'adresse sans aucun doute à Mme Boisvert, parce que je dois vous dire que vous avez fait titiller les juristes qui siègent autour de cette table lorsque vous avez exposé certaines parties des réflexions sur les fondements théologiques et juridiques des biens culturels de l'Église catholique. Vous avez probablement... bien, à l'évidence, vous avez pris connaissance du document de consultation et vous avez vu certaines opinions émises notamment par M. Noppen sur la propriété, le droit de propriété ou...

Une voix: L'appropriation collective.

M. Moreau: Oui, voilà. Je ne vous dis pas que je partage ses vues. Au contraire, j'ai eu certaines réflexions, durant les travaux de la commission, qui indiquaient clairement que je me distançais des opinions émises par M. Noppen sur le statut juridique. Mais nous avons et nous allons entendre des gens qui vont traiter de cette importante question.

Sauf que, dans la réflexion, vous nous citez notamment le canon 1254 qui indique que l'Église est régie par son droit propre et qu'elle peut, en vertu du droit inné, acquérir et conserver des biens, ce qui est, selon vous, le fondement du droit de propriété ? si j'ai bien compris votre exposé ? des biens détenus par l'Église, qu'ils soient mobiliers ou immobiliers. Mais je ne suis pas un spécialiste du droit canon, mais ne croyez-vous pas que le droit canon régit les règles internes de l'Église, mais que, dans ses relations avec la société ? et le droit de propriété est une des relations avec la société ? l'Église elle-même est soumise aux règles du droit civil, tel qu'établi ici, au Québec, par le Code civil, et donc que le droit de propriété, s'il est à évaluer aujourd'hui, relève davantage du droit civil applicable au Québec et de la Loi sur les fabriques, qui me semble aller dans le sens d'une propriété...

n (10 h 10) n

Mme Boisvert (Monique): ...

M. Moreau: ... ? si vous me permettez de terminer ? aller dans le sens d'une propriété de l'Église mais pas basée sur le droit canon mais bien sur le droit civil et le droit régulier du Québec?

Mme Boisvert (Monique): Non, non, pas seulement aujourd'hui, ça a toujours été... L'Église et les gouvernements ou les États ont toujours bien collaboré, tellement qu'on disait: On civilise le droit canonique et on canonise le droit civil. Alors, dans tous les contrats, c'est bien certain qu'il faut tenir compte du droit du pays où nous sommes. Seulement, vous comprendrez qu'étant donné la nature de l'Église ? c'est pour ça que je vous ai spécifié: De quelle Église parle-t-on? ? étant donné la nature de l'Église, elle a besoin de ses biens pour l'ensemble, elle est universelle, et puis, elle a besoin de savoir faire l'entraide d'abord à l'intérieur de l'Église.

Je pense qu'elle pourrait garder un droit de propriété sur ses biens. Même quand on parle de regroupement à l'intérieur de l'Église, chaque institut, chaque personne juridique garde la propriété de ses biens. Vous parliez de fiducie, mais ça dépendrait des pouvoirs que la fiducie imposerait. J'ai lu le rapport synthèse de l'année 2000 et je trouve que la fiducie en prend beaucoup et prend tout le leadership de disposer des biens de l'Église.

M. Moreau: Ne croyez-vous pas... Il me reste...

Le Président (M. Brodeur): Il vous reste 30 secondes.

M. Moreau: Oui, il me reste 30 secondes. Alors, je vais vous permettre de faire une longue réponse sur une très courte question. Ne croyez-vous pas que ce leadership qu'on voudrait donner à la fiducie, c'est que la nature a horreur du vide et qu'on estime, vu la détérioration du patrimoine religieux, que l'Église elle-même a abdiqué sur ce point?

Mme Boisvert (Monique): Je pense qu'il faudrait un long débat pour la détérioration des biens culturels et la perte des biens culturels de l'Église. On voit les églises, on voit les immeubles, c'est une chose, mais, quand on parle... D'abord, il faudrait faire une distinction entre les communautés religieuses puis les églises, les églises particulières, les diocèses. Je pense que les communautés religieuses ont été très vigilantes à garder leur patrimoine. Les diocèses, il me semble qu'ils le sont. Je dois avouer qu'ils le sont un peu moins, ils ont beaucoup de chats à fouetter, si vous voulez. Mais, je ne sais pas, moi, j'ai été chancelier d'un diocèse, et on veillait sur le patrimoine. Évidemment, la vigilance, le devoir de vigilance n'est pas toujours facile, le civil le connaît aussi dans les grands projets.

Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le député de Mercier.

M. Turp: Alors, merci, M. le Président. Merci pour ce mémoire et de nous faire connaître les travaux que vous aviez effectués, les recommandations, là, dans l'étude de 2000 à 2002 que vous nous présentez à nouveau aujourd'hui, et pour ce document très bien écrit et bien documenté sur la Réflexion sur les fondements théologiques et juridiques des biens culturels de l'Église, qui, je pense, alimente notre propre réflexion sur le droit applicable sur ces questions et celui dont on doit tenir compte dans nos travaux.

Parce que, comme l'a dit le député de Marguerite-D'Youville, il y a plusieurs personnes qui ont remis en cause le droit de propriété de l'Église catholique sur les biens parce que ces biens seraient une propriété collective. Et on a eu des juristes, et on aura demain le professeur Caparros qui va venir nous en parler. Alors, ce que vous nous écrivez, ce que vous nous présentez de votre mémoire pourra nous aider à poser des questions à M. Caparros également et à nous intéresser à ses propres thèses sur cette question de la propriété. Donc, merci pour ce document qui va être très, très utile pour la suite de nos travaux.

Alors, j'ai deux questions. Sur les archives et les archives religieuses, je constate que vous ne réclamez pas de l'État québécois un soutien parce que votre mémoire se termine en suggérant que «les communautés religieuses doivent [...] d'abord et en très grande partie [compter] sur leurs propres moyens financiers pour assurer la conservation et la mise en valeur permanentes de leur patrimoine archivistique». C'est à la page 5 de votre mémoire, c'est sa conclusion.

Alors, est-ce que je comprends donc que, s'agissant des archives religieuses, en tout cas de celles qui vous intéressent, celles de l'Église catholique, dans l'état actuel des choses, l'Église catholique a les moyens suffisants pour s'occuper de ses archives et qu'elle n'a pas besoin ou n'aurait pas besoin de l'aide de l'État, ou d'une fondation, ou d'une fiducie qu'elle mettrait sur pied et qui pourrait avoir ou se donner une responsabilité d'assurer la protection et la mise en valeur des archives religieuses? Alors ça, c'est ma première question.

Ma deuxième question est liée au document de réflexion, que je trouve vraiment très utile, comme je vous l'ai dit. Il y a quelque chose qui m'a beaucoup frappé et qui mérite, je pense, un débat dans cette commission. Quand, à la page 3 de ce document, on lit que «l'Église catholique ? et je cite, là ? entend conserver ses biens culturels comme ? et c'est entre guillemets ? "des traces du passage de Dieu dans l'histoire des hommes" ? et il y a une note, là, qui réfère, je crois, à un document du souverain pontife, là, de 1963 ? ou, selon l'affirmation de Jean-Paul II, comme moyen ? entre guillemets encore ? de "donner [à l'homme] la possibilité de faire dès maintenant une certaine expérience de Dieu, qui rassemble en lui tout ce qui est bon, beau et vrai"», la question devient alors: Quand l'Église ne fait pas ça, quand l'Église néglige son patrimoine, quand l'Église, à l'encontre de la volonté même de ses paroissiens... Et on en a entendu ici, hein, et au Saguenay, et dans d'autres régions du Québec, dire: L'Église n'a pas voulu protéger mon église, mon patrimoine, le patrimoine auquel je suis attaché, elle a vendu mon église, elle a dilapidé les biens d'Église. Alors, est-ce que ce n'est pas justement quand cela se produit que l'État a même un devoir d'intervenir, a un devoir de partager avec l'Église la responsabilité de protéger un patrimoine que l'Église elle-même néglige?

Mme Boisvert (Monique): Ce sont des questions bien complexes, vous savez, dans le vécu, là, parce que d'abord l'église, les fabriques sont administrées par des laïcs, c'est le curé avec les marguilliers. Et ils font leur étude, leur rapport. Habituellement, ils essaient d'avoir un consensus. Mais, vous savez, si on écoutait les paroissiens, vous seriez vous-même obligés de garder toutes les églises. Et je vous dirai que, lorsqu'il est question de la réparation d'une église... Lorsqu'on demande des fonds pour la pastorale, ça ne répond pas, mais, lorsqu'on demande de l'argent pour réparer les églises, les gens donnent. Ils veulent garder leurs églises, mais parfois ce n'est pas réaliste. Ou on peut partager un autre lieu de culte et puis garder le peu d'argent pour soutenir des plus grandes églises. Vous savez, les questions sont tellement complexes qu'on ne peut pas dire que c'est dilapidé. Et d'ailleurs les biens culturels, les biens qui ont une valeur historique ou artistique, l'évêque est obligé d'en disposer en faveur de d'autres fabriques.

M. Turp: Mais l'arbitrage, là... Parce que c'est vrai qu'il y a peut-être des gens qui vont dire: Touche pas à mon église! hein, qu'elle ait ou n'ait pas de valeur patrimoniale. Mais il y a des gens dans une communauté, puis il y a des historiens d'art, et d'autres, qui finissent par dire: Non, non, non, vraiment c'est un bien patrimonial. Et l'Église veut s'en défaire. Et les paroissiens et les membres de la fabrique veulent le préserver. Mais l'évêque dit non. Puis il a un droit de veto, l'évêque, sur ces questions-là, il a le droit de décider en dernière analyse si on aliène ou non l'église, les biens ou l'église elle-même, qu'on la vende ou non. C'est ce qu'on a compris, c'est ce qui est même prévu dans la Loi des fabriques et reconnu dans la Loi des fabriques.

Alors, là, la question, elle se pose: Est-ce que l'État peut et doit intervenir lorsque l'Église ne semble pas assumer des responsabilités que des gens voudraient qu'elle assume?

n (10 h 20) n

Mme Boisvert (Monique): Je ne sais pas, moi, je dirais que l'évêque sûrement assume ses responsabilités. Mais seulement je suis d'accord avec vous sur ce point, que ça doit être, hein, en toute dernière, dernière analyse d'utiliser un droit de veto. Ça, je n'ai jamais vu. Vous savez, j'ai 70 ans, puis j'ai passé toute ma vie dans l'Église, j'ai travaillé dans deux diocèses, ça ne s'est pas passé comme ça.

M. Turp: Mais on a des expériences et, quand on va faire le bilan de nos travaux, on a des témoignages de gens...

Mme Boisvert (Monique): Ah oui, mais il faudrait peut-être...

M. Turp: ...qui ont vraiment considéré qu'un évêque avait exercé un droit de veto puis avait autorisé l'aliénation d'églises et donc... Mais en même temps je vois que vous reconnaissez qu'exceptionnellement ? est-ce que c'est ça que je comprends? ? qu'exceptionnellement une intervention de l'État serait acceptable dans un cas où il y aurait un veto inacceptable qui aurait été...

Mme Boisvert (Monique): Il y aurait toujours quelqu'un, oui, du gouvernement qui pourrait rencontrer l'évêque. On n'est jamais fermé à ça. Si le gouvernement offre des moyens... Tout dépend de la situation globale du diocèse. Vous savez, c'est une question... Mais il y a toujours moyen que quelqu'un du gouvernement ou un député, le député de la région rencontre l'évêque. Les négociations ne sont pas fermées. Moi, je pense qu'on a toujours bien négocié avec le gouvernement pour bien d'autres questions: pour les mariages, pour les adoptions, pour les... Je ne suis pas dans l'économat d'un diocèse, mais, à d'autres points de vue, on a toujours eu de très bons rapports, de très bonnes négociations, des concessions parfois, qu'est-ce que vous voulez...

M. Turp: Ma question était: En cas...

Le Président (M. Brodeur): Un instant!

M. Turp: Pardon?

Le Président (M. Brodeur): Un instant, M. le député de Mercier. Je pense qu'il y a un complément de réponse.

M. Turp: Ah! Excusez-moi.

Mme Marchand (Marie): Nous, notre rapport concerne les archives. La question des églises, on ne s'y est pas penchés pour répondre à des questions sur le partage des églises excédentaires, comme on les nomme maintenant. C'est sûrement une question très complexe. Il a pu y avoir des biens qui ont été perdus, ça, on ne le nie pas, mais je pense que notre mémoire montre aussi toutes les actions de l'Église pour protéger le patrimoine. Elle a été la pionnière dans bien des secteurs pour protéger les biens existants, pour empêcher qu'ils soient dilapidés, pour les restaurer, les entretenir, les mettre en valeur et, elle dit même, les accroître.

Et, quand on parle «des traces du passage de Dieu dans l'histoire des hommes», bien je pense que c'est assez visible par les documents. On peut parler des églises, oui, c'est sûr, mais on en parle beaucoup dans le terme de «patrimoine», alors qu'il faudrait voir aussi que la destination première d'une église: c'est le lieu du culte, c'est pour l'adoration des fidèles, c'est le lieu où la personne reçoit des sacrements, c'est là qu'elle entre dans l'Église, c'est là que sa foi grandit et c'est d'abord pour la croissance du chrétien. Qu'il arrive un aspect matériel à cause des facteurs qu'on connaît aujourd'hui, c'est sûr qu'il y a des questions à étudier. Mais l'Église ne se replie pas sur elle-même, comme on dit dans le document. Au contraire, les quatre derniers documents de la Commission des biens culturels, dans chacun de ces documents, sur les archives, les musées, les bibliothèques, l'inventoriage et le catalogage des biens, toujours il est question d'union, d'alliance, de dialogue avec le secteur public.

Puis, si on réfère au cas de Québec, en 1997, je crois, il y a eu un document qui a été connu, qui a été médiatisé, où il y avait une entente entre l'évêque, le maire de Québec...

M. Turp: Et le ministère de la Culture.

Mme Marchand (Marie): ...et le ministère de la Culture qu'à l'avenir il y aurait dialogue, dans les questions de fermeture de paroisses où il y a des questions de biens à considérer, pour le partage de ces biens ou la fermeture de l'église. Il a pu y avoir des erreurs, mais je pense qu'il faut considérer l'ensemble et puis que, dans l'ensemble, s'il y a quelqu'un qui fait attention à ses biens, pour la culture, pour le chrétien, pour les fins simplement culturelles et la promotion de la culture elle-même, c'est bien l'Église. On a donné, dans notre document, une liste d'interventions depuis l'édit de Milan, puis madame a parlé «depuis le premier siècle, du vivant des Apôtres», et puis on en arrive à 1802. Mais Jean-Paul II a bien protégé la culture, et l'a bien promue, puis il le dit bien: «Il n'existe de culture que par l'homme, pour l'homme et de l'homme.»

Il peut y avoir des églises excédentaires, mais on n'a pas étudié cet aspect-là. C'est sûr que c'était écrit «avec le secteur public», oui, puis je pense que ça se fait. Puis je pense que le cas de 1997 est assez clair, parce que ça a été bien médiatisé, et puis ça a été dit: À l'avenir.

M. Turp: Mais je ne voudrais pas que vous pensiez que l'opposition officielle, là, elle ne reconnaît pas le travail que fait l'Église pour protéger son patrimoine et qu'on ne devrait tous être reconnaissants à l'Église de protéger le patrimoine qui est partagé par tous, là, et qui lui est accessible. La question devient difficile lorsqu'un arbitrage doit être fait et que l'État veut intervenir là où l'Église dit: Vous ne devriez pas intervenir, c'est nos affaires, c'est les affaires de l'Église, c'est le droit canon, c'est notre droit de propriété. C'est là où on va avoir un grand débat, nous, là-dessus. Mais ce que vous nous dites aujourd'hui, c'est utile, mais je ne voudrais pas que vous pensiez que nous pensons que l'Église n'a pas fait de très bonnes choses, s'agissant du patrimoine religieux. Au contraire, nous le pensons.

Mme Marchand (Marie): Puis avec l'aide de l'État. Fondation du patrimoine religieux, c'est avec l'aide de l'État.

Le Président (M. Brodeur): Oui, allez-y.

Mme Boisvert (Monique): Ce que je suggérerais, c'est une réflexion, une participation, même des mass médias, pour former à la culture véritable aussi. Parce qu'il y en a bien qui me disent «culture», et c'est des liens sensibles, émotifs. Alors, s'il y avait une réflexion sur la culture, la culture entendue au sens philosophique du terme, et puis une nouvelle conception, informer les gens d'une nouvelle conception des biens culturels de l'Église, parce que de fait l'Église fait un devoir de mémoire et de justice à tous ceux qui sont en administration des biens de l'Église.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup, vous avez fait un exposé fort intéressant. Oui, en conclusion, petite conclusion?

Mme Marchand (Marie): Il y avait une autre question au sujet que nos recommandations ne semblaient pas faire appel aux sous du public. Parce qu'on termine en disant qu'on doit «compter d'abord et en très grande partie sur leurs propres moyens». Alors, «d'abord et en très grande partie», ça veut dire qu'il y en a d'autres. Et puis, aujourd'hui, j'ai bien dit que «toutefois la part du propriétaire n'exclut pas la participation et l'appel à d'autres sources...» J'ai nommé les paliers gouvernementaux, les municipalités et...

M. Moreau: Nous vous avions bien entendus.

Le Président (M. Brodeur): Oui. Merci beaucoup, merci de votre présentation. Je vais suspendre quelques instants, le temps que le prochain groupe puisse s'installer.

(Suspension de la séance à 10 h 28)

 

(Reprise à 10 h 30)

Le Président (M. Brodeur): Donc, nous allons continuer nos travaux. Nous accueillons maintenant M. Grant-D. McConnell. C'est bien ça? Je vous laisse le temps de vous asseoir, tout en vous expliquant les règles qui sont les nôtres. Vous avez un temps maximal de 15 minutes pour présenter votre mémoire de la façon dont vous le jugez à propos. Vous allez remarquer, si vous extensionnez un peu votre temps, que je vais me mettre à gesticuler pour vous faire conclure. Et ce sera suivi d'une période d'échange avec les membres de la commission. Immédiatement, la parole est à vous.

Confessions autres que catholique,
Table de concertation
Québec
?Chaudière-Appalaches,
Fondation du patrimoine
religieux du Québec

M. McConnell (Grant-D.): Merci beaucoup. Alors, je remercie aux membres de la commission de m'inviter à présenter un mémoire pour les autres traditions. Alors, comme vous le savez, les autres traditions, ça représente toutes les traditions sauf la tradition catholique. À la Table de concertation, j'ai un collègue qui représente les églises anglicanes et, par peut-être habitude ou tradition, je me suis occupé des autres Églises, telles que l'Église unie, l'Église presbytérienne, les Églises baptistes, ici, à l'intérieur de la région de Québec et aussi de Chaudière-Appalaches.

Alors, je pense que je n'aurai pas le temps de lire la présentation, donc je vais essayer de parcourir peut-être en soulignant quelques pages ou quelques passages que je considère peut-être plus importants que d'autres.

À la page 4, dans l'introduction, je remarque qu'il y a quand même... Comme vous le savez, nous sommes confrontés, aujourd'hui, avec un problème sérieux du patrimoine religieux, c'est-à-dire, en condensé: Qui est responsable de quoi, dans la situation actuelle? Et aussi, pour le choix des édifices, quels édifices ont une valeur culturelle importante? Il y a certains édifices évidemment qui ont une valeur culturelle plus importante que d'autres. Et finalement comment gérer sur le terrain les projets de transfert de propriétaire et de reconversion de la vocation de certains édifices ou certaines églises?

Alors, c'est des questions fort complexes, et j'essaie de les orienter, dans le mémoire, selon les questions qui étaient posées au début par la commission. Alors, je les note en haut de la page 5. Ce court exposé va essayer de répondre aux trois questions proposées par la Commission permanente sur la culture, soit: le choix par la sélection des biens d'Église; les types de projets de sauvegarde et de reconversion à proposer; et les rôles évidemment des responsables.

Dans le mémoire, j'ai essayé de regarder... Parce que, moi, j'ai une expérience très terre à terre, très pratique, étant donné que j'ai travaillé sur la Table de concertation depuis une dizaine d'années, alors c'est surtout le vécu du jour du jour que je connais plutôt que des grandes questions juridiques et d'autres. Donc, j'ai essayé de regarder un peu l'historique d'un patrimoine religieux et spécialement de la fondation. Et je note, à la page 5, un certain nombre de critères qui étaient établis dès le début pour faire un choix d'églises qui avaient évidemment un besoin urgent de réfection.

Alors, je note, à la page 5, les critères. Évidemment, ça prenait un lieu de culte et qui serait encore lieu de culte dans un espace de cinq ans, une période de temps de cinq ans. On s'occupait évidemment des églises qui étaient construites avant 1945. Il y avait aussi un critère de besoin urgent de travaux, ou ce qu'on a appelé quelquefois les gros oeuvres, fondations, murs porteurs, etc. Alors, voilà.

On avait aussi dès le début un financement de jusqu'à 85 %. Et je peux dire, je pense, que, bien que, comme je dis en haut de la page 6, peut-être, au début, le filet fut lancé un peu trop au large et avec une maille trop grande, dans le sens que peut-être on a essayé de tout régler dans un espace de temps très, très court, je pense que l'action de la fondation a été très utile. Et puis on était face à une situation d'urgence. Peut-être, si on recommençait à faire le tout dès le début, on ferait autrement. Mais dans l'ensemble je pense que l'action de la fondation a sauvé bien des églises puis a réglé bien des situations.

Et je peux donner à titre d'exemple... À la page 6, vers le milieu, je raconte un peu, très brièvement, l'histoire de l'Église unie ici, à Québec. Et je lis, vers le milieu de la page 6: On peut dire aussi que ce programme d'aide ? et je parle évidemment du programme d'aide de la fondation ? qui tombait à point pour plusieurs fabriques, a probablement sauvé plusieurs églises de fermeture et de vente précipitée, d'abandon et même de démolition. Un bel exemple de ceci serait l'Église unie Chalmers-Wesler, dont le clocher est visible de l'Assemblée nationale. Subitement, vers l'année 1993, Le Soleil annonçait sa mise en vente, en première page. Comme dans bien des situations semblables, la question de l'avenir du bâtiment a été durement débattue par le conseil ? ou ce qu'on appelle «the Board» ? de l'église, mais nombreux furent ceux qui s'opposaient à la vente sans y voir de solution pour sa réfection. Donc, le groupe des vendeurs prenait donc la relève en annonçant la vente de l'église. Ça, c'était en 1993. L'argent, il y en avait pour les frais récurrents mais non pas pour régler les frais de restauration, qui étaient estimés à 800 000 $. Heureusement, le programme d'aide de la fondation a changé l'enjeu, et les courtiers furent renvoyés chez eux. Alors, l'église est encore fonctionnelle, l'église en question est restaurée à 80 % ou 90 %, et on continue à vivre en tant qu'église.

En ce qui concerne encore l'historique de la fondation, on a vu que, vers 2003-2004, la fondation a commencé à ajuster son tir, avec l'introduction d'un inventaire des lieux de culte du Québec. Alors, je pense que c'était un inventaire qui était absolument nécessaire, ce fut fait, et que ça établissait comme résultat une classification des églises, une sorte de synthèse de classification de A à E, selon les gammes d'âge et de valeur de l'édifice. Et le plan élaboré par la fondation proposait aussi une classification interrégionale par une seule table, composée d'experts, en vue de vérifier la classification régionale qui avait déjà été effectuée en 2002-2003. Bien, à ma connaissance, cette classification finale est encore à faire.

Mais je tiens à souligner que cette classification, je pense, a été très importante. Ça permettait à la fondation de changer un peu son tir, de changer un peu ses critères. Et je note les critères qui étaient établis depuis la classification, établis en 2003. Il y a évidemment des critères qui restent les mêmes ? lieu de culte, période de vie après réfection de cinq ans ? mais évidemment il y avait la classification. Alors, je note, à la page 7, le point n° ii, ça devenait, disons, un critère qui était tout à fait nouveau: fournir des fonds, à la demande des fabriques, pour la restauration d'édifices classés: A, incontournable; B, exceptionnel; C, supérieur; moyenne; et significatif.

n(10 h 40)n

Pour la table 02, dans la région de Québec, les édifices classés A-B, traditions confondues, représentent 40 % du total du nombre d'édifices pour la région, c'est-à-dire 44 édifices sur 110. Et, pour la région de Chaudière-Appalaches, les édifices classés A-B, traditions confondues, représentent 32 % du total, 50 édifices. Alors, ça représente quand même un total de 94 édifices dans les deux régions, ce qui est un nombre appréciable.

Évidemment, le critère n° iii, c'était et ça reste le même: besoin urgent pour les travaux extérieurs ou les gros oeuvres. Cependant, il y a un critère qui rentrait en jeu, qui était un peu nouveau, pas tout à fait, mais... c'est-à-dire le critère basé sur le... de sécurité ou de protection. Donc, je lis, en haut de la page 8, point n° iv: fournir des fonds, à la demande des fabriques, pour la restauration d'édifices à protéger par des mesures de sécurité et qui sont accessibles au public pendant une période d'ouverture, etc. Et, sur le point v, la fondation a exigé pour la première fois un carnet de santé pour chaque église. C'était une sorte de ? comment on dit? ? check-up médical pour voir où était rendu le bâtiment, qu'est-ce qui avait été fait, qu'est-ce qui était en train de se faire et qu'est-ce qu'il y avait à faire à l'avenir.

Alors, et je lis, à la page 8, après le point v: Le but de cette liste de critères révisés fut de cerner davantage la problématique en mettant l'emphase sur les édifices de grand mérite culturel; de souligner davantage l'aspect de sécurité ? feu, vol; de chercher un diagnostic sur les besoins financiers à l'avenir ? ça, c'est le carnet de santé; et de contrôler les dépenses en fixant l'aide à un maximum de 70 %. Vous vous souvenez que l'aide était fixée à un montant de 85 % dans le premier ensemble de critères.

Bien que ces ajustements des critères vont, me semble-t-il, dans la bonne direction, ils manquent de rigueur à bien des égards. Par exemple, «un horizon minimal de cinq ans», «accessible pendant une période d'ouverture minimale», ça reste quand même vague. «Assurer la viabilité du bien immobilier». Alors, qu'est-ce qui constitue la viabilité exactement de cette église-là, surtout quand on a vu des fois qu'une église était viable un jour puis, deux mois après, ce n'était plus viable pour des raisons qui restaient un peu obscures?

Bien que la classification réduise le nombre d'églises à financer d'une façon notoire, la tâche à parfaire reste encore monumentale, avec 94 édifices dans les deux régions. En fait, pour un choix d'églises à l'intérieur de la gamme A-B, je serais tenté de proposer une nouvelle distribution de fonds, à l'intérieur de la fondation, au prorata des mêmes régions, c'est-à-dire les tables, mais basée uniquement sur cette nouvelle classification. Dans un premier temps, les subventions iront donc uniquement aux églises classées A-B, sans égard à la tradition. Cela donnerait une priorité, A-B, en vue de terminer dans un temps raisonnable les édifices classés A-B et surtout... et je parle ici pour les autres traditions. Celles-ci ? les églises des autres traditions ? ne sont pas nombreuses mais elles souffrent depuis toujours d'une pénurie chronique de fonds.

Je vais passer au point numéro 2, le type de projet, conservation, mise en valeur et reconversion, que vous voyez en bas de la page 9.

Le Président (M. Brodeur): ...vous demander de conclure, il ne vous reste qu'une minute.

M. McConnell (Grant-D.): Ah, il me reste une minute? Bon, le temps est déjà écoulé. Je pense que dans l'ensemble je propose deux choses qui peut-être, je pourrais dire, ont une certaine originalité. Je suggère d'abord que le financement de l'église, à l'avenir, à l'intérieur de la fondation, soit au prorata des régions mais fondé sur la nouvelle classification qui a été établie par la fondation, sans égard à la tradition.

Et j'ai proposé, à la page 5, à la page 10 et à la page 11, peut-être une possibilité de créer une charte du patrimoine religieux, un peu comme on a fait pour une charte de la langue française, à l'intérieur de laquelle on pourrait beaucoup mieux baliser tout ce mouvement d'églises vers... institution religieuse à une institution civile. Le terrain serait beaucoup plus balisé. Et en même temps, à l'intérieur de ça, on pourrait établir un élément fiduciaire qui permettrait aussi la gérance de tous ces bâtiments qui passent d'une église à une autre église, une institution religieuse à une autre, qui passent d'une église à une bibliothèque, et ceux qui sont carrément... qui sortent du domaine religieux, et qui passent dans le domaine civil, et puis, à ce moment-là, sont dans la responsabilité de l'État.

Dans ma proposition, je suggérais aussi qu'étant donné le grand nombre de bâtiments qu'on a à gérer, qu'on mette l'emphase sur l'église, en premier lieu, classée A et B, et, troisièmement, quand ça, c'est terminé, l'église classée C, et les édifices classés D et E, que ça reste tout simplement la propriété et la responsabilité de l'église. C'est évident, on ne peut pas tout sauver, mais, s'il y a des édifices qui sont incontournables, on est mieux de mettre de l'argent là-dedans plutôt que d'arroser l'argent ici, et à gauche, et à droite, puis plaire un tout petit peu à tout le monde mais finalement ne pas terminer la tâche qui est devant nous.

Le Président (M. Brodeur): Donc, vous aurez le loisir...

M. McConnell (Grant-D.): Bon. Alors, je peux arrêter... Je peux arrêter n'importe quand.

Le Président (M. Brodeur): Vous aurez le loisir de donner peut-être des compléments de réponse ou des compléments à votre mémoire à travers les réponses que vous allez donner. Je vais débuter par une question très brève.

Vous avez abondamment parlé des catégories d'églises. Que doit-on financer en premier, les A ou les B? Ça fait partie, là, du contexte actuel, là, des critères. Peut-être pourrons-nous en émettre d'autres, mais de toute façon vous nous avez parlé des critères actuels et des montants, des montants requis pour conserver ces églises-là. Mais vous savez que les montants pour la conservation et la restauration de ces monuments religieux là peuvent être très élevés, et sans cesse ces montants-là devront être ajustés aux besoins, là, du moment, qui seront, j'imagine, plus élevés d'année en année parce que ces monuments-là vieillissent de plus en plus, sont désertés de plus en plus et devront peut-être être recyclés d'autres façons. Ma question est bien simple...

Une voix: ...

Le Président (M. Brodeur): Oui. Par exemple, vous avez soulevé des chiffres, à l'intérieur de votre mémoire, concernant les montants à investir dans ces restaurations ou ces entretiens-là de monuments. C'est des chiffres très élevés. Est-ce que vous pensez que seuls le ou les gouvernements devraient investir dans ces restaurations-là ou dans l'entretien, ou devrait-on créer une autre méthode de financement si l'on veut subvenir aux besoins, là, de restauration du patrimoine religieux?

Je ne sais pas si vous vous êtes inspiré, si on peut s'inspirer peut-être de ce qui se passe ailleurs sur la planète, particulièrement en Europe ou au Royaume-Uni, où on a permis d'aller chercher des sommes extérieures à celles des gouvernements. D'ailleurs, les sommes que vous évoquez dans votre mémoire sont déjà plus élevées que ce qui est fourni aujourd'hui annuellement par le gouvernement du Québec, par exemple. Comment pourrait-on aller chercher ces sommes-là? Ou vous préconisez tout simplement un investissement gouvernemental, ce qui est peut-être plus difficile aujourd'hui. Est-ce que vous avez réfléchi à une solution possible de financement pour cet entretien de patrimoine religieux là?

M. McConnell (Grant-D.): Bien, aussi longtemps que les églises restent églises, alors il y a toujours un financement, il y avait toujours une partie qui était financée par les fabriques puis les paroissiens et les paroissiennes. Alors, dans quelques cas, ça allait jusqu'à 25 % du coût total des investissements. Donc, il me semble que le but premier, en s'attaquant à ce problème de réfection des églises, en tout cas c'était l'espoir que l'église continue à fonctionner comme église. Et je sais que ce n'est pas possible dans tous les cas.

n(10 h 50)n

Mais de toute façon l'exemple que j'avais donné pour l'Église unie, l'argent qui a été donné pour la réparation de l'église, ça a dans un sens sauvé l'église du marché, ça a resté comme église. Et je pense que c'est dans l'intérêt de l'État que, dans la mesure possible, les églises restent des églises. Et, tant qu'il reste des églises, il va y avoir toujours une participation des paroissiens et des paroissiennes, qui prennent, comme vous le savez, leur église très à coeur, et, dans la mesure possible, ils vont essayer de la garder et aider dans les coûts de réfection.

Évidemment, c'est difficile, dans la situation actuelle, de laisser le gouvernement à côté. Il y a aussi l'entreprise privée. Je souligne ce point-là très brièvement dans mes conclusions, je dis: Parce que cela implique aussi des gros sous et que le gouvernement ne peut pas de toute évidence tout payer et tout soutenir, il faudrait non seulement responsabiliser les partenaires de toujours ? c'est-à-dire le gouvernement puis l'église ? mais regarder aussi du côté privé, qui pourrait, à l'occasion et dans l'encadrement d'un projet communautaire, centenaire, faire des dons ponctuels en collaboration avec d'autres donateurs.

Alors, je pense que, dans la mesure du possible... Ça a été déjà soulevé, à un moment donné, comme point de débat à l'intérieur de la fondation d'essayer d'impliquer beaucoup plus l'aspect privé comme partenaire, et je pense que ce serait à développer. Mais je pense qu'il y a une possibilité là, au moins ponctuellement, d'avoir de l'aide de cette source-là.

Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Moreau: Merci, M. le Président. Il y a un aspect, M. McConnell, que vous n'avez, faute de temps, abordé que très brièvement, c'est la question de la charte du patrimoine religieux. Vous suggérez la constitution une charte du patrimoine religieux. Mais la compréhension que j'en ai dans votre mémoire, c'est que ce serait une loi qui assurerait un transfert ordonné et plus rationnel des biens de l'église vers le domaine civil. Une charte étant, selon nos compréhensions de juristes, un document quasi constitutionnel, est-ce qu'on aurait besoin d'une charte véritablement ou si est-ce qu'un amendement ou à la Loi sur les fabriques ou une loi spécifique ne pourrait pas suffire dans les circonstances? Ou est-ce que j'ai mal saisi votre approche et que véritablement on aurait besoin d'une charte et, si oui, pourquoi?

M. McConnell (Grant-D.): Bien, je vais laisser ça aux juristes de faire ce débat-là, mais je pense que peut-être une charte va constituer quelque chose de plus visible des lois...les lois partout, hein? Mais une charte constitue peut-être un statut spécial qui va rendre toute la problématique beaucoup plus visible, qui va la contourner, qui va la définir mieux qu'un ensemble de lois ici et là, dans toutes sortes de ministères, que personne ne connaît, et permettrait aussi de faire une gérance sérieuse, annuellement, avec une planification à long terme, pour que tous les partenaires sachent exactement où on s'en va avec tout ça.

Parce qu'au point de vue financement c'était, je pourrais dire, sporadique. Il y a des années qu'on avait de l'argent sûrement pendant un certain nombre d'années; après, ça a arrêté; après ça, ça a recommencé. Je pense que, si on veut vraiment s'attaquer au problème, on ne peut pas continuer de cette manière-là.

M. Moreau: Merci.

Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le député de Charlesbourg.

M. Mercier: Merci, M. le Président. M. McConnell, à la page 11 de votre mémoire ? à moins que je me trompe, évidemment ? vous parlez qu'au moins une grande église par région pourrait être convertie en musée régional d'art sacré ou en centre d'interprétation. Hier, nous avons reçu des gens qui ont abordé le volet du tourisme culturel. Puisque vous parlez de musée régional d'art sacré, évidemment, bon, on touche beaucoup plus au volet éducatif, de la promotion et de la diffusion de l'art sacré.

Ma question est que, bon, aussitôt qu'on parle de musées ou d'éducation, évidemment, bien, ça prend toujours une contribution soit du palier gouvernemental provincial ou des municipalités. Et vous savez qu'avec l'avènement des communautés métropolitaines, comme, par exemple, à Montréal, on s'accapare une certaine partie des fonds publics afin de pouvoir financer, hein, les...

M. McConnell (Grant-D.): La restauration?

M. Mercier: Non, pas la restauration, mais certains bâtiments ou institutions qui ont un volet éducatif. Et on est en train de le faire ici, à Québec. Alors, je vous demandais: Est-ce que les municipalités ou les communautés métropolitaines pourraient peut-être absorber une certaine partie du financement des bâtiments ou de ces musées que vous proposez?

M. McConnell (Grant-D.): Bien, surtout pour les centres urbains, qui sont supposés avoir plus d'argent que les petits centres, à l'extérieur. Mais je pense qu'il y a des exemples des ententes à l'intérieur. Je sais qu'ici... Je dirais que c'est un peu mal coordonné. Mais, nous, à la table, pour la fondation, on regarde un peu du côté du gouvernement, ministère de la Culture et aussi de la ville pour souvent des contributions tripartites qui avaient lieu dans le passé, je pense, pour l'exemple de Sacré-Coeur-de-Marie, sur la Grande-Allée, la tour qui a été réparée à presque 1 million de dollars, pour l'orgue, malheureusement... malheureusement, l'orgue malheureux, dans l'église Christ-Roi, à Lévis, qui a reçu une subvention des trois instances, ici, la ville de Québec, je pense, la fondation, le gouvernement ? je ne sais pas, il y a deux, trois partenaires dans ça ? et puis il y avait 1 million de dollars qui a été mis pour la réparation, la réfection de cet orgue-là.

M. Mercier: Si vous permettez, M. McConnell, n'est-ce pas l'obligation de toute une communauté ou de toute une agglomération finalement de payer pour un équipement qui est un équipement qui se veut collectif et non seulement centré sur un quartier? Et d'où ma question de la communauté métropolitaine: Est-ce que, par exemple, autant les contribuables de la Rive-Sud, pour Québec ou pour Montréal, et de la Rive-Nord devraient payer pour un équipement qui est situé... je dis «équipement», évidemment, c'est très péjoratif, mais pour un immeuble, par exemple, qui est situé sur la rue Saint-Jean mais qui contribue à attirer le tourisme, par exemple, dans la grande région de Québec ou à Montréal?

M. McConnell (Grant-D.): Je suis complètement d'accord avec ça. S'il y a plusieurs sources de financement ? si j'ai bien compris votre question ? s'il y a plusieurs sources de financement des différentes instances ou niveaux gouvernementaux, moi, je trouve ça parfait. Et puis ça pourrait faire partie aussi d'une charte ou d'un ensemble de lois qui régissent le financement de ces bâtiments. Est-ce que j'ai répondu à la question?

M. Mercier: Oui, tout à fait. Et c'est ce pourquoi je vous ai posé la question, parce que vous ne l'avez pas vraiment abordée, dans votre mémoire ou dans votre présentation, cette multiplicité, dans le fond, des fonds, de la provenance de ces fonds publics, et c'est ce pourquoi je vous lançais la question de la communauté métropolitaine.

M. McConnell (Grant-D.): D'accord. Mais je pense qu'à un moment donné j'ai parlé du gouvernement, les instances municipales, les MRC. Mais évidemment c'est très complexe, il y a plusieurs niveaux impliqués. Mais je pense que ce qui est important, c'est la coordination de tous ces... Par exemple, là ? je peux vous donner un exemple ? ici, on a commencé à financer les éléments de protection contre le feu, les gicleurs, tout ça. Alors, la ville de Québec aussi a un programme pour ça. Alors, dès qu'ils ont su qu'on subventionnait ça, bien, ils ne subventionnaient plus ça. Alors là, je pense que... À la dernière réunion de la fondation, j'ai même suggéré que peut-être quelqu'un de la ville pourrait venir nous expliquer ? il paraît qu'il y a cinq programmes de tout genre disponibles ? commencer à expliquer à nous exactement la nature de ces programmes, comment ça fonctionne et est-ce que ça pourrait fonctionner, s'il vous plaît, en coordination avec les activités de la fondation. Ce serait peut-être utile.

M. Mercier: Merci, M. McConnell.

Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le député de Mercier.

n(11 heures)n

M. Turp: Merci, M. le Président. D'abord, M. McConnell, merci beaucoup pour votre contribution et votre mémoire. Une de nos préoccupations, c'était d'assurer qu'il y ait devant cette commission des gens qui viennent témoigner de ce que pensent les autres traditions de l'avenir du patrimoine religieux, on a beaucoup insisté. D'ailleurs, à la dernière séance de travail, on a demandé que puissent être entendues, dans cette dernière partie des consultations publiques, les autres traditions parce qu'elles avaient peu participé aux travaux de la commission. Alors donc, vous venez ouvrir des horizons de cette commission.

C'est bien aussi, on a reçu quelque chose ce matin, un membre du secrétariat nous a donné quelque chose d'un musulman pratiquant qui nous a fait part de ses vues. Et je crois que ça, ça va aussi aider la commission à tenir compte de la diversité religieuse lorsqu'il s'agira pour elle de formuler ses recommandations.

Mais j'ai juste une question sur en fait la part qu'obtiennent les autres traditions des sommes reçues par elles pour préserver et protéger le patrimoine religieux. Vous écrivez, dans votre mémoire, que «le système de pointage basé sur le nombre relatif d'églises pénalise indûment les autres traditions». Page 12 de votre mémoire. Et on lit, dans la correction à votre mémoire, sur les données, que, pour la région de Chaudière-Appalaches, les subventions déjà accordées aux églises catholiques sont de 9 874 221 $, alors que celles accordées aux autres traditions sont de 290 492 $. Il y a un écart considérable. Et ça, c'est pour la dernière subvention, si j'ai bien compris, là.

M. McConnell (Grant-D.): Non, ça, ça représente les sommes durant une période de 10 ans.

M. Turp: O.K. 10 ans, alors. Et je crois que ce sera la même chose pour les sommes nouvellement consenties en 2005, où il y a un problème d'équité, est-ce que c'est ça? Est-ce que vous dites à notre commission, aujourd'hui, que les autres traditions ne sont pas traitées de façon équitable lorsqu'il s'agit des investissements de l'État et de la fondation en ce qui concerne leur patrimoine religieux?

M. McConnell (Grant-D.): Bien, je pense que ce serait peut-être trop de dire qu'elles étaient mal traitées parce qu'on a reçu des sommes d'argent importantes puis on a fait des travaux intéressants, on a fait des progrès, mais tout ce que je dis, je pense... Si je peux trouver la page où je donne cet exemple. Bon, alors, c'est en bas de la page 12. Je dis: «Par exemple, le budget accordé cet automne ? 2005 ? de 11 200 000 $ donnait à la région de Québec [1,3 million de dollars], dont seulement 135 600 $ aux autres traditions, argent qui servirait à un seul projet de taille moyenne qu'il faut ensuite partager entre les trois traditions en lisse, pour un moyen de 45 200 $ par tradition.»

Alors, déjà, et par le nombre d'églises, qui sont minimes donc, et selon les crédits accordés selon le nombre d'églises, le montant d'argent n'est pas très, très important, relatif à nos besoins dans nos églises. Et puis, si on parle d'un projet de 45 000 $, d'un côté, et, d'un autre côté, on parle des besoins, par exemple, les besoins actuels dans l'église presbytérienne, dans le centre de Québec, vous savez, en face du Morrin College, puis le carré écossais, puis la rue Cook, et tout ça, alors les besoins pour terminer ce projet-là sont de l'ordre de un demi-million de dollars. Bon, si on fournit chaque année, à cause du prorata, soit le nombre d'églises dans la région, un montant de 45 000 $, comme je dis dans le mémoire, ça va nous prendre au moins un autre 10 années de terminer les quelques bâtiments qui sont dans la région, les quelques bâtiments des traditions religieuses.

M. Turp: Vous n'osez pas le dire, là, vous n'osez pas le dire, mais je pense que ce que vous nous dites, c'est: Ce n'est pas équitable, il y a un problème, on ne traite pas les autres traditions de façon équitable.

M. McConnell (Grant-D.): Bien, moi, j'aimerais dire que j'aimerais un système qui est plus équitable, basé sur la nouvelle classification qui est mise en place aujourd'hui.

Le Président (M. Brodeur): Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger: Oui. Bonjour, monsieur, merci. Effectivement, dans notre commission, on encourage toutes les autres traditions, aussi, religieuses à venir témoigner de ce qu'elles vivent. Évidemment, c'est sûr que, s'il y avait énormément d'argent puis que... je pense, je suis convaincue qu'il n'y aurait pas ce genre de problèmes là que vous nous apportez aujourd'hui. C'est parce qu'il y a une répartition d'un montant d'argent qui est toujours trop minime pour subvenir à tout ce patrimoine-là religieux qu'il y a beaucoup de problématiques un peu partout, dans toutes les régions du Québec.

Alors, si on avait à partager évidemment, si l'enveloppe est partagée avec le pourcentage d'églises plutôt catholiques romaines, comparativement aux autres traditions, c'est sûr qu'en pourcentage il y a beaucoup plus d'églises catholiques romaines. Mais il reste que, si la répartition fait que vous avez plutôt certaines miettes de ce qu'il reste, alors merci de venir le témoigner.

Moi, je voudrais juste vous poser une question, parce qu'on manque de temps, là. Vous abordez le musée régional, la partie d'un musée régional d'art sacré que vous avez proposé. On a rencontré, lorsque nous étions à Rimouski ? je pense que c'était à Rimouski, oui ? la MRC de La Mitis. Je pense bien que c'est la MRC de La Mitis, lorsqu'on était à Rimouski, qui avait une pensée régionale de tout le patrimoine religieux et autant au niveau des archives, autant au niveau des besoins, autant au niveau, bon, du patrimoine qu'ils ont sur place, au niveau régional.

Parce que la plupart, je pourrais dire, la plupart de nos interrogations que nous avons menées tout le long des travaux a été beaucoup nationale évidemment et beaucoup locale. Et la dimension régionale, comment l'aborder? Ça a été abordé un petit peu par la fiducie, l'exemple d'une fiducie, d'avoir une fiducie nationale, mais il y a eu certains arguments que cette fiducie-là pourrait être aussi régionale.

Alors, voyez-vous d'un bon oeil, particulièrement pour les autres traditions religieuses, celles que vous nous parlez particulièrement aujourd'hui, que, s'il y avait une réflexion plus, je pourrais dire, approfondie d'une dimension régionale, que le bassin d'églises, ou, bon, peu importe, là, d'objets, ou tout ce qu'on étudie dans notre commission, s'il y avait une pensée plus régionale, que peut-être que ce serait plus facile, au niveau des autres traditions, par rapport à tous les financements, et besoins, et un avenir plus... qu'on pourrait plus dans l'avenir être capable de déterminer les besoins pour les prochaines années?

M. McConnell (Grant-D.): Bien, la fondation a marché d'une façon régionale déjà, par ses régions, alors je ne sais pas si une fiducie établie au niveau des régions serait vraiment plus efficace. Je ne sais pas. Ça dépend évidemment des montants d'argent qui sont disponibles. Alors, s'il y a une répartition des argents pour chaque fiducie et qu'on arrive au même résultat, c'est que, quand on arrive au niveau régional ou sous-régional, il y a très peu de fonds de disponibles...

Mme Léger: Oui, mais je ne parle pas nécessairement... Parce que, la fiducie, on ne parle pas nécessairement d'argent simplement de l'État, parce que la responsabilité, elle est partagée à travers tout ça.

M. McConnell (Grant-D.): Ah, une fiducie qui implique d'autres partenaires.

Mme Léger: Alors, c'est sûr que, si elle est nationale puis c'est juste l'argent de l'État, on revient au même problème, là, alors. Puis, lorsque c'est local, c'est souvent les citoyens, ou une fabrique, ou les administrateurs laïques qui se retrouvent aussi devant le fait accompli. Puis là il y a recherche de financement, puis là on y va à la pièce, là, pour vouloir chercher des sources de financement soit locales ou soit provenant des citoyens tels quels, ou de l'État, dépendant de la fondation aussi, parce qu'il y a des choix qui doivent se faire. Mais, si c'est régional, peut-être qu'il y a de l'implication des municipalités, il y a de l'implication d'une vision beaucoup plus régionale qui pourrait peut-être venir aider davantage des situations comme la vôtre, entre autres.

M. McConnell (Grant-D.): Je pense que l'élément régional est très important parce que les gens sont très impliqués dans leur région. Et, puisqu'on a une structure existante dans une région, que ce soit fiducie ou autre, qui va être assez proche de leurs intérêts, je pense que ça pourrait peut-être stimuler aussi le financement des projets. Donc, je ne vois pas d'objection que ce soit régionalisé, si ça, c'est le sens de votre question. Moi, je ne vois pas d'objection à ça, du tout. Est-ce que j'ai répondu à votre question, madame?

Mme Léger: Oui, oui, oui. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Brodeur): Oui? Terminé? Donc, je vous remercie beaucoup, merci de la présentation de ce mémoire intéressant.

Donc, je vais suspendre quelques instants, le temps que le prochain groupe puisse s'installer.

(Suspension de la séance à 11 h 10)

 

(Reprise à 11 h 12)

Le Président (M. Brodeur): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons continuer nos travaux.

Bienvenue, bienvenue au Conseil québécois du patrimoine vivant. Donc, j'ai vu que vous avez assisté auparavant aux travaux de la commission. Donc, je vous rappelle tout simplement, pour votre information, la façon dont on procède. Vous avez un temps total de 15 minutes pour présenter votre mémoire. Rendu à 13 ou 14 minutes, vous allez me voir faire des signaux. Donc, à la suite de votre présentation, il y aura une période d'échange, tel que vous l'avez vu précédemment, avec les membres de la commission.

Sans plus tarder, la parole est à vous. Étant donné que vous êtes trois personnes, je vous demanderais de vous identifier, pour le bénéfice du Journal des débats, et de procéder immédiatement à votre présentation. La parole est à vous.

Conseil québécois du
patrimoine vivant (CQPV)

M. Chénard (Jean-Pierre): Moi, c'est Jean-Pierre Chénard, je suis le directeur du centre... du Conseil québécois...

M. Bouthillier (Robert): Tu es président.

M. Chénard (Jean-Pierre): Président.

M. Bouthillier (Robert): Bien, c'est parce que Jean-Pierre est directeur aussi de quelque chose d'autre. Robert Bouthillier, directeur du Conseil québécois du patrimoine vivant.

M. Legault (Normand): Et Normand Legault, vice-président du Conseil québécois du patrimoine vivant.

Le Président (M. Brodeur): Bienvenue.

M. Chénard (Jean-Pierre): M. le Président, MM. les députés et Mme la députée, merci beaucoup de nous recevoir, aujourd'hui, pour nous permettre de vous exprimer verbalement notre point de vue sur le patrimoine religieux. Avant de laisser la parole à notre directeur, Robert Bouthillier, je voudrais simplement vous dire que le conseil est un organisme qui existe depuis 1993. Il est le fruit des états généraux qui ont eu lieu à Québec, en 1992, qui ont regroupé 225 représentants d'organismes et d'individus.

Évidemment, quand on parle de patrimoine vivant, on parle de pratiques culturelles actives, vivantes. Alors, nous, on travaille dans la contemporanéité. Alors, je laisse la parole à M. Bouthillier.

M. Bouthillier (Robert): Voilà. Donc, je ne vais pas relire bien sûr le mémoire, je vais essayer d'en sortir les grands points pour essayer même d'aller un tout petit peu plus loin que ce qu'on a écrit parce qu'évidemment la réflexion se poursuit et que les recommandations ou les idées qu'on peut avoir peuvent peut-être donner lieu à des développements ultérieurs.

Donc, après la présentation du Conseil québécois, on a insisté un peu sur la définition même du patrimoine vivant parce que, pour nous, c'est important de considérer que, quand on parle de patrimoine, il ne faut pas qu'on s'arrête à ses éléments peut-être ? je ne veux insulter personne, mais j'emploierai tout de même le mot ? réducteurs. Quand on parle de patrimoine, très souvent on pense à des objets, on pense à des monuments, à des immeubles et on pense en termes de conservation, de restauration et de préservation, alors donc une espèce de regard et une analyse un petit peu figés des choses.

Le patrimoine, on le bétonne, on fait des murs, on met des objets dans des vitrines, alors que le patrimoine, pour nous, c'est bien autre chose. Et on a bien insisté sur le fait que le patrimoine, ce ne sont pas que des produits, mais ces produits-là, ils sont fabriqués ou vécus par des producteurs et dans des mécaniques de production ou des dynamiques de production, et, pour nous, ça fait intégralement partie de la notion. Et c'est dans ce sens-là que la notion de patrimoine vivant, qui définit, dans son appellation, l'organisme et qui définit aussi le secteur dans lequel non seulement cet organisme-ci, qui est l'organisme de regroupement national, mais l'ensemble des partenaires, l'ensemble des associations, des autres organismes qui travaillent nationalement, ou régionalement, ou localement sur la mise en valeur de ce patrimoine dit vivant...

Quand on parle de patrimoine vivant, peut-être les documents officiels que vous possédez sur cette question parlent davantage peut-être de patrimoine immatériel ou de patrimoine intangible. Quand on veut employer un langage savant, on dit souvent patrimoine ethnologique, mais là la notion est un peu plus floue. Mais l'aspect justement immatériel peut encore être réduit à son aspect documentaire, c'est-à-dire la recherche ethno, la constitution d'archives de mémoire. Effectivement, on est dans le patrimoine immatériel.

Mais, au-delà de ça, au-delà des traces, au-delà de la mémoire, ce qui nous intéresse, nous, c'est les pratiques, c'est donc l'aspect... le fait que ce patrimoine ne soit pas nécessairement vu comme un élément du passé et appartenant exclusivement au passé, mais appartenant bien sûr, je dirais, à la contemporanéité, dans le sens que c'est intemporel. Si c'est du patrimoine, c'est parce qu'il s'est transmis et, s'il s'est transmis, c'est parce qu'il y avait des transmetteurs et il y avait des moments ou des circonstances de transmission qui font que le produit se perpétue.

Ceci étant, cette petite définition un petit peu théorique mais importante pour comprendre pourquoi on a intitulé notre mémoire Un autre regard sur le patrimoine religieux: on a voulu sortir de l'ornière de la sauvegarde, de la préservation, de la restauration de biens et d'objets. On peut se demander, à ce moment-là, pourquoi le Conseil québécois du patrimoine vivant s'intéresse à cette question du patrimoine religieux.

Bien, c'est justement parce que, dans la réflexion, dans le concept de patrimoine, tel que nous travaillons, tel que nous le considérons et ce sur quoi nous travaillons, c'est que le religieux ne se réduit pas à ses traces matérielles, le religieux, il ne se réduit pas à ses monuments, à ses objets, à ses objets de culte, à ses lieux de culte. Le religieux, c'est aussi tout un vécu, c'est aussi tout un imaginaire, c'est aussi toute une symbolique. Et, quand on parle de patrimoine religieux dans le sens où on entend le mot «patrimoine», nous, dans une notion globale qui inclut l'intangible comme le tangible, bien on devrait également prendre en compte un tout petit peu le fait qu'au-delà de ces traces matérielles il y a aussi tout un vécu, il y a aussi toute une mémoire, il y a aussi tout un discours, il y a aussi tout un ensemble de productions de l'ordre symbolique, de l'ordre immatériel, ou, même si elles sont de l'ordre matériel, c'est des productions esthétiques, par exemple ? je pense aux objets, les petits objets d'art populaire, les croix de chemin, des choses comme ça ? qui font aussi partie du patrimoine religieux. Encore une fois, des croix de chemin, des ex-voto, des éléments, on peut les mettre dans des vitrines de musées, on peut aussi les faire vivre peut-être un petit peu autrement.

Alors, c'est dans ce sens-là que le Conseil québécois du patrimoine vivant est, je dirais, tout à fait légitime de vous proposer une réflexion sur cette notion de patrimoine religieux et de sa mise en valeur.

Donc, bon, je ne veux pas faire d'inventaire à la Prévert, là, mais tout de même tout ce qu'on parlait, tout ce qu'on disait, à savoir les croyances, les légendes, les contes, les cantiques, les chansons, la façon de vivre, les rituels, par exemple, les rituels, qui sont teintés de religion, qui sont teintés de pratiques religieuses, les grands cycles de passages de la vie, naissance, mariage, mort, forcément ils sont inscrits aussi dans le religieux. Et, à côté de ça, il y a aussi un paquet de manifestations ou d'expressions qui sont à côté du religieux. Mais tout ça se mêle et tout ça contribue à la formation de ce que j'appelle, de ce qu'on appelle la mentalité ou l'imaginaire d'une collectivité, d'une communauté, d'une nation, d'un peuple ? on ne va pas entrer dans ces mots-là aujourd'hui. Mais tout de même, au-delà des pratiques individuelles, il y a quelque chose qui fait qu'un Québécois n'est pas un Malien, n'est pas un Irlandais ou n'est pas un Australien, et ça participe de ça, tout ce dont on parle.

Donc, bon, je reprends quelques termes, quelques phrases: «C'est ce que nous attendons, globalement, d'une éventuelle politique du patrimoine qui prendra en compte, sur un pied d'égalité, avec des moyens égaux, les aspects immatériels et matériels du patrimoine culturel [ou religieux] considéré dans sa globalité et non dans une de ses partialités.» Voilà.

Donc, le religieux nous a façonnés, ça c'est sûr. Qu'est-ce qu'on peut faire maintenant dans le sens de ce patrimoine, de cette notion du patrimoine, et voir, puisqu'on s'inscrit dans le patrimoine religieux? Bien, il y a trois dimensions qui nous apparaissent importantes. D'une part, quelque part, cette politique du patrimoine religieux, cette convention sur le patrimoine religieux, cette charte ? je ne sais pas qu'est-ce que ça donnera exactement ? devrait prendre en compte les aspects recherche, les aspects collecte et les aspects diffusion de la collecte ou des résultats de la collecte vers la population, vers les publics.

n(11 h 20)n

D'une part, il y a la recherche qu'on peut prendre sur le plan universitaire bien sûr, mais... je n'ai pas employé... on n'a pas employé le terme, dans le texte, comme ça, mais on peut aussi penser à des formes de recherche dites recherches action, donc des recherches qui s'inscrivent à l'intérieur de la communauté ? locale, régionale ? et qui font que le travail qu'on va faire, de collecte d'une mémoire, de rassembler de la documentation, ne soit pas exclusivement tourné vers son engrangement dans des archives, mais puisse éventuellement revenir sous forme d'action, sous forme de travail, sous forme d'action culturelle avec des groupes, sous forme d'expression ou de production expressive. Donc, quelque part, dans la mise en place d'une politique du patrimoine religieux et de sa préservation, aider ces aspects de recherche et ces aspects de collecte.

C'est d'ailleurs méconnu, la collecte, quand on parle de patrimoine intangible. On a l'impression que c'est simplement les archives de folklore. C'est vrai que, pendant 50 et quelques années maintenant, l'université s'est spécialisée dans le fait d'envoyer des chercheurs ou des étudiants en thèse sur le terrain pour aller rassembler de la documentation. Mais la collecte, c'est aussi autre chose. La collecte, pour les gens qui la pratiquent, qu'ils aient ou non une formation méthodologique scientifique, c'est d'abord une rencontre et une école, et une école de culture.

Parce qu'il faut s'imaginer, aujourd'hui, des jeunes urbains de 20, 25 ans qui tout à coup ont l'occasion de rencontrer un vieux conteur de 78 ans dans le fond de sa campagne. Pour eux, c'est un choc, et c'est un vrai choc, c'est un choc qui les frappe parce qu'ils rencontrent un autre univers puis tout à coup ils s'aperçoivent que cet univers-là est le leur. Je vous donnerai simplement l'exemple évidemment que tout le monde connaît, donc tout le monde comprendra: un Fred Pellerin, par exemple, qui réussit à nous faire passer toute une mentalité locale mais aussi une mentalité collective à travers ses personnages de Saint-Élie.

Voilà des exemples que, quand on a l'occasion en tant que non pas chercheur mais en tant que membre d'une communauté et éventuellement de porteur artistique des choses de cette communauté-là, c'est quelque chose d'extrêmement important que d'aller voir aux sources qu'est-ce que c'était, qu'est-ce qui peut encore en sortir, quels sont les témoignages, quelles sont les mémoires parce que c'est porteur de mentalités, c'est porteur d'esthétique et ça nous évite parfois de dévier trop dans le genre d'image ensuite qu'on projette quand on devient soi-même porteur des choses.

Puis la collecte, c'est aussi, pour les gens qui y sont soumis, c'est-à-dire pour très souvent les anciens qu'on va rencontrer, les gens du troisième âge, les gens de 70, 75 ans qui, pendant 20, 25, 30 ans, n'ont plus exprimé ce qu'ils savaient, et tout à coup il y a des petits jeunots de 20, 25, 30 ans qui viennent les voir et qui leur demandent, bien... qui s'intéressent à ce qu'ils étaient, ou à ce qu'ils sont, ou à ce qu'ils savent, alors que plus personne ne s'y intéresse... C'est ce que j'appelle, moi, la collecte valorisante, c'est-à-dire que ça permet aux gens qui sont porteurs de mémoire tout à coup de se rendre compte que ce qu'ils savent est important, ce n'est pas anodin, ce n'est pas dérisoire, ce n'est pas passé, ce n'est pas terminé. C'est aussi donc donner la chance à des gens de s'exprimer et éventuellement même de retrouver du plaisir à s'exprimer.

Je citerai juste l'exemple du conteur Ernest Fradette, qui vient de décéder, dans Bellechasse. Ernest n'avait pas conté pendant 20, 25 ans et tout à coup, après avoir été collecté, bien il a lui-même repris un peu de service et il est venu dans différents festivals, donc lui-même à titre d'artiste, non pas professionnel, mais à titre de porteur d'une tradition légitime. Et il est devenu le modèle, le mentor de gens qui ensuite se sont mis à raconter. Donc, c'est aussi redonner de l'espace, de la place à des gens qu'on avait peut-être un petit peu évacués en considérant que c'était terminé.

Donc, le patrimoine, la mémoire orale ? là, je dirais, je sors du religieux, mais tout ce que je dis s'applique aussi bien au religieux qu'au reste ? la mémoire orale est réitérable, elle est réactualisable et, à ce moment-là, elle redevient part du contemporain. Ça, c'est extrêmement important donc de voir le soutien à un travail de recherche non pas seulement pour le travail intellectuel, mais aussi pour toute la pratique culturelle que ça peut entraîner.

Deuxième chose, il y a l'aide aux archives, parce que c'est vrai que les archives manquent de moyens. Je ne vous renverrai pas aux rapports annuels du ministère, j'ai les chiffres ici, c'est quelques centaines de milliers de dollars donnés aux archives et c'est beaucoup de centaines... beaucoup de millions de dollars donnés à la restauration, aux musées, etc. Donc, il y a quelque chose ici... Qui parlait, tout à l'heure, posait une question sur l'inéquité? On oserait, nous, dire qu'effectivement il y a un traitement un peu inéquitable entre les différentes structures qui s'occupent de matière culturelle et de matière patrimoniale.

Et, troisième chose qu'il faudrait faire, c'est favoriser donc la réappropriation ou la réinscription dans la pratique culturelle, donc prendre en compte que le patrimoine immatériel, religieux ou non, n'est pas que quelque chose de passé, c'est quelque chose de parfaitement contemporain qui s'inscrit dans une continuité.

Voilà. Je résume rapidement, puisqu'il y a... Donc, aider l'action... Voilà. Comme il me reste cinq minutes, je pense qu'on pourrait aller plus loin que ce qu'on a écrit justement dans le mémoire et faire ce que je pourrais dire, ce que je pourrais appeler quelques recommandations.

Une voix: ...

M. Bouthillier (Robert): Oui, je sais, il reste trois minutes, mais c'est pour ça que j'abrège. Vous avez le papier, je ne vais pas aller plus loin.

Donc, dans la prise en compte du patrimoine, quelle que soit sa discipline ? mais je veux bien qu'on reste sur le religieux, puisqu'on y est ? que, dans la définition des politiques, dans la définition de programmes et l'attribution de moyens, on considère que les aspects intangibles de cette culture ont aussi leur place et qu'il faille trouver des budgets qui ne soient pas seulement affectés aux objets, aux murs, aux immeubles, mais qui soient affectés aussi au discours, à la mémoire, à la parole, à la fois dans l'expression de ceux qui la portent et donner la chance à ceux qui peuvent se la réapproprier pour en faire une expression contemporaine. Et ça, il y en a. Si vous êtes un petit peu...

Je parlais de Fred Pellerin, que tout de même tout le monde connaît. Je pourrais parler de Michel Faubert, que tout le monde connaît aussi. Il y a des gens qui sont porteurs de ça. Et, dans ce qu'ils sont porteurs, ce n'est absolument pas ni passéiste ni appartenant à une culture terminée, c'est quelque chose qui peut se poursuivre et puis qui peut continuer à exprimer la personnalité québécoise ? appelons-la comme ça ? dans ses diversités aussi ? ce n'est pas absolument sectariste ? qui peut avoir des déclinaisons dans toutes sortes de choses.

On recommanderait qu'effectivement quelque part il y ait une plus grande aide pour la constitution et la gestion des archives orales, partout au Québec. C'est extrêmement important. Encore une fois, vous regarderez les chiffres, c'est quelques centaines de milliers de dollars aux archives, à comparer à 55 millions aux musées. Encore une fois, l'objet est un peu scandaleusement aidé. Je n'ai rien contre, je ne suis pas ennemi des objets, mais, quand on regarde la répartition des budgets, c'est là qu'on considère qu'effectivement il y a des prises en compte qui n'ont pas été faites, et il me semble que c'est important de donner un son de cloche là-dessus.

En autre recommandation, là ? ce serait la dernière ? ce serait effectivement de prendre en compte aussi que la valorisation, la préservation, la sauvegarde n'est pas que dans l'aide à la représentation, l'aide à la mise en vitrine, l'aide à la fixation d'objets, de murs, etc., mais c'est aussi l'aide à l'action culturelle autour de ça parce que c'est comme ça qu'on rejoint les gens. On les rejoint parce que le patrimoine est une forme de pratique culturelle, à la fois dans le discours et la mémoire, et qu'il faudrait que les programmes prennent en compte l'action culturelle.

Encore une fois, je vous renvoie simplement aux chiffres, au rapport du ministère. Pour le patrimoine, le chiffre est très parlant, hein? Pour les projets en patrimoine ? que je ne dise pas de bêtise ? voilà, projets en patrimoine, organismes: 187 000 $ investis en 2004-2005 dans ça, l'action culturelle donc autour de cette pratique, autour de cette culture, par rapport à l'action muséale. Je vous laisse juste sur chiffre-là. Je ne vais pas en faire une guerre, ce n'est pas la question, mais c'est extrêmement important que vous preniez cette chose en compte et qu'éventuellement, dans le patrimoine religieux comme dans le patrimoine et dans une éventuelle politique du patrimoine ? évoquons quelques fantômes ? il puisse y avoir une réelle prise en compte de la dimension immatérielle de cette culture, en fonction de la convention de l'UNESCO qui était sur la sauvegarde du patrimoine immatériel, à laquelle, un jour, on espère que le Québec aussi adhérera.

Voilà. Je vous remercie beaucoup. Et nous répondons à vos questions.

Le Président (M. Brodeur): C'est nous qui vous remercions, c'est un exposé fort intéressant. Et je dois vous dire, d'entrée de jeu, je dois vous rassurer, que le patrimoine immatériel, tel que l'expression que nous avons employée, ou le patrimoine vivant préoccupe beaucoup, là, les membres de la commission, d'autant plus que, si nous n'agissons pas rapidement, ce patrimoine-là risque de disparaître. C'est le premier qui pourrait disparaître.

Une voix: ...la convention de l'UNESCO.

Le Président (M. Brodeur): Exactement. Donc, lorsque vous faisiez vos exposés, je voyais déjà, en patrimoine religieux, les processions de Pâques, l'expression «marcher au catéchisme» et aussi tout ce qui peut disparaître de nos communautés religieuses. On voyait des religieuses auparavant, que leur expérience, que leurs façons de faire pourraient disparaître à court terme si nous n'agissons pas rapidement. Et je trouve votre suggestion fort intéressante, là, celle d'appliquer un budget, un budget précis... budget précis ou pas, là.

n(11 h 30)n

Je vais vous poser cette première question là: Quelle ampleur devrait-on donner à ce budget-là pour procéder à la réalisation d'études, de recherches pour permettre la protection du patrimoine immatériel, comme nous l'employons, votre patrimoine vivant? Je pense que c'est peut-être, peut-être... là, je prends ça sur moi de dire que c'est une peut-être des premières recommandations que nous allons faire parce qu'il y a urgence d'agir. Quelle proportion, en termes de budget, devrions-nous permettre, devrions-nous suggérer à l'État pour conserver ce patrimoine-là? Et, je le répète, je crois personnellement qu'il y a urgence d'agir dans ce cas-là. Ce n'est pas dans 25 ou 30 ans, lorsque les gens qui ont vécu, particulièrement dans le patrimoine religieux, ces processions-là, ces façons de faire là seront disparus qu'il sera le temps de procéder. Donc, j'aimerais vous entendre sur la façon qu'on devrait procéder pour protéger ce patrimoine-là, en termes de budget et de façon de faire, et qui va le faire.

M. Bouthillier (Robert): Écoutez, bon, c'est dur pour moi d'avancer des chiffres précis parce que d'abord on n'a pas un projet déjà tout fait, sur la table, à vous présenter, en disant: Voilà, on a besoin d'une subvention de 200 000 $ pour faire ceci, là. Ce n'est pas la question. Pour l'instant, j'ai parlé un peu des disproportions. Maintenant, le problème, c'est que le problème, il est thématique, disciplinaire: patrimoine religieux mais, on peut globaliser, patrimoine en général.

Aller chercher la mémoire de personnes qui ont vécu, par exemple, les processions de la Fête-Dieu, l'eau de Pâques et autres choses comme ça, donc aller chercher du témoignage et de la mémoire, je vous dirais qu'à faire une campagne nationale de collecte de mémoire il faudrait investir quelques centaines de milliers de dollars de soutien aux équipes qui pourraient le faire, qu'elles soient universitaires ou non. J'insiste là-dessus parce qu'une ethnographie de la mémoire peut se faire dans un cadre institutionnel et elle peut se faire ? et ça, j'insiste ? dans le milieu et le réseau qu'on représente. Il y a énormément de gens qui de toute façon ont des formations très solides et qui ne sont pas nécessairement... quand bien même ils ne seraient pas, je dirais, agréés par l'institution, et il y a des personnes qui ont fait un remarquable travail de collecte sans avoir de label ou sans avoir eu une formation théorique, méthodologique préalable. Donc, aider la recherche, mais ne pas oublier que l'action culturelle peut faire beaucoup aussi de ce côté-là.

Bon, maintenant, avancer des chiffres, oui. Une campagne d'une année de...

Le Président (M. Brodeur): ...surtout sur la façon de faire. Qui devrait procéder? Si l'État donne les moyens à un organisme, à des gens, qui sont les gens compétents pour opérer tel inventaire?

M. Bouthillier (Robert): Je ne voudrais pas entrer dans des débats ou des querelles. Je suis un produit de l'université. J'ai moi-même travaillé pendant des années à faire du terrain. J'ai un tiroir, aux Archives de folklore, qui porte mon nom. J'en ai ramassé beaucoup à l'époque où j'étais universitaire. Je ne suis plus universitaire, mais je n'ai pas perdu ni les compétences que j'avais ni la capacité de le faire. C'est pour ça que je disais que le milieu culturel, aujourd'hui, est rempli de gens qui ont d'énormes compétences sur l'oralité, sur le geste, sur la danse, sur les technologies, sur plein de choses.

Donc, est-ce qu'il faut aider l'université ou est-ce qu'il faut aider les milieux? Je pense qu'il faudrait le faire en... que les deux soient obligés de se concerter parce que faire une campagne nationale de recherche demande des réseaux. Ce n'est pas une équipe de trois chercheurs qui peut faire ça. Et le fait que, par exemple, nous, le Conseil québécois du patrimoine vivant, avec l'ensemble des associations, des organismes régionaux, locaux qui participent à l'action qu'on fait... il y a des relais qu'on pourrait structurer, qu'on pourrait encadrer méthodologiquement et on pourrait faire quelque chose d'assez étonnant.

Encore une fois, bien sûr, qui dit collecte dit équipement, dit kilométrage, dit évidemment, si on va dans une région pendant trois jours... bien il faut qu'on se loge, etc., parce qu'on ne peut pas toujours faire ça avec le voisin d'à côté. Bref, il y a, il faut le prendre en compte, tout l'encadrement ou la formation des gens. Bon, est-ce que je risque le chiffre de 500 000? Est-ce que je risque, je ne sais pas, 1 million? Et puis en fait la collecte se fera... elle sera à la hauteur des moyens qu'on mettra dedans et elle sera, je dirais, véritablement nationale si on investit vraiment quelque chose là-dedans. Encore une fois, je ne sais pas...

Le Président (M. Brodeur): ...fort intéressant.

M. Bouthillier (Robert): ...20 millions de dollars...

Le Président (M. Brodeur): Non, je pense qu'on n'est pas ici pour émettre un chiffre.

M. Bouthillier (Robert): C'est pour ça que je n'ai pas avancé des choses. Je voulais simplement vous dire qu'effectivement un organisme de regroupement national comme le nôtre, qui a une petite dotation de 50 000 $ par année et qui n'est même pas capable de payer son permanent, c'est extrêmement difficile pour nous, dans ces conditions-là, d'impulser des choses, si on ne nous donne pas les moyens. Disproportion des moyens donnés à certaines institutions, par rapport aux associations, par rapport au terrain. Voilà. Je fais seulement vous renvoyer en face de cette réalité. À vous ensuite d'en tirer les conclusions et puis éventuellement d'infléchir quelque peu... sans déshabiller Pierre, de mettre peut-être un petit haillon de plus à Paul, et peut-être qu'il pourrait y avoir des choses très intéressantes qui pourraient sortir de là.

Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Moreau: Merci, M. le Président. M. Bouthillier, j'ai bien lu le mémoire, que vous avez probablement rédigé. Je vous trouve très sévère à l'égard du document de consultation qui a été fait, particulièrement sur tout ce qui n'est pas patrimoine mobilier ou immobilier, puisque la préoccupation du patrimoine immatériel se trouve à l'avant-propos, elle est réitérée, ce matin, par le président dans les questions qu'il vous pose, et vous le résumez aux deux encadrés de la page 14, en disant: L'ensemble du document semble plus intéressé par la protection des objets finalement, qu'ils soient mobiliers ou immobiliers, que par l'immatériel.

Hier, on a eu l'occasion d'entendre le Pr Laurier Turgeon, qui est venu et qui a produit un mémoire ? je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de prendre connaissance du mémoire ? qui a fait un lien fort intéressant entre le patrimoine matériel et le patrimoine immatériel et l'importance de l'immatériel pour comprendre le matériel. Et, à cet égard-là, ses propos ont eu énormément d'échos au sein de la commission.

Alors, ma première intervention est plus de l'objet de la remarque, de vous dire: Écoutez, vous avez un jugement qui est dur sur le document. Je tiens à vous rassurer sur le fait de l'intérêt de tous les membres de la commission à l'égard du patrimoine immatériel. Mais en même temps ? et je le fais avec beaucoup d'égards et en toute amitié ? je vous renvoie un peu la critique sévère en disant: Lorsque vous suggérez, comme ça, de s'intéresser de façon importante à l'immatériel... Bon, vous dites d'une part: Il y a une disproportion au niveau des chiffres. Vous ne voulez pas avancer de chiffres. Je peux vous comprendre, peut-être que les moyens mis à votre disposition ne vous ont pas permis de faire cette étude-là. Mais, au-delà des chiffres, lorsque l'on vous demande comment devrait être chapeauté ou constitué le groupe ou l'institution qui devrait aider à la sauvegarde de ce patrimoine-là, étant donné votre intérêt pour la chose, vous pourriez risquer une idée audacieuse et nous donner des recommandations, peut-être.

M. Bouthillier (Robert): Écoutez, bien, je n'ai pas voulu le faire. Mais je dis simplement que ce serait légitime qu'on soit pris en compte dans une telle opération. Mais je ne veux pas entrer en guerre avec Laurier...

M. Moreau: Quand vous dites que vous soyez pris en compte, vous parlez de...

M. Bouthillier (Robert): Du Conseil québécois du patrimoine vivant et l'ensemble du réseau qu'il constitue, c'est-à-dire... La dernière phrase du mémoire dit que... Bon, je ne vais pas la relire, là, mais la dernière page...

Une voix: ...

M. Bouthillier (Robert): Voilà. Bon, je connais Laurier, je connais les travaux de son laboratoire, et tout, et je ne veux pas entrer en guerre avec l'institution. La question n'est pas là. Je veux simplement qu'on comprenne qu'il n'y a pas que l'institution et que l'institution a peut-être un petit peu trop souvent tendance à travailler pour elle-même et, je dirais, pour ses objectifs d'avancement du savoir, et que les retours vers la population, vers les régions, vers les groupes, vers le vécu sont souvent légers, voire inexistants. C'est dans ce sens-là que je parlais d'encourager ou d'aider l'action culturelle là-dedans. Alors, allons-y, allons jusqu'au bout de la pensée: Nous serions légitimement un interlocuteur opérationnel pour un éventuel travail de ce genre-là mais, je dis bien, en partenariat et non pas en antagonisme avec personne.

M. Moreau: Nous allons entendre tantôt, de la Faculté de théologie et de sciences religieuses de l'Université Laval, le doyen et un professeur titulaire, ce qui est important, parce que je ne connais pas la nature de l'interaction qui peut exister entre un organisme comme le vôtre et les institutions, les universités, par exemple. Mais est-ce que l'on pourrait penser qu'un groupe ou multidisciplinaire ou multiparties entre les institutions universitaires, les communautés religieuses et les associations comme la vôtre est possible? Et, si c'est possible, quelle forme est-ce que cette collaboration pourrait prendre, à votre avis?

n(11 h 40)n

M. Bouthillier (Robert): C'est tout à fait possible. Et, comme je disais tout à l'heure, à partir du moment où on définit une problématique... Bon, vous aurez compris que ma réflexion est dépassée à la stricte question du patrimoine religieux parce que la problématique du patrimoine immatériel, bon, inscrite dans les politiques et les pratiques du ministère, c'est tout de même... Bon, les différences et les disproportions dont j'ai parlé, elles existent.

Maintenant, si on voulait parler strictement du religieux, je crois tout à fait au fait qu'on puisse être un partenaire à cause du réseau et à cause des relais, à cause de tous les participants en région, toutes les associations qui sont membres de ce regroupement, de ce conseil, qui pourraient, eux, s'ils avaient la délégation et le mandat, l'encadrement, la formation préalable et les moyens bien sûr de réaliser cette entreprise, entrer dans une phase de prospection de mémoire autour des témoignages, autour du vécu religieux, autour de la symbolique, autour de tout ce qu'on voudrait, et je crois qu'on décuplerait vraiment l'efficacité d'une telle opération, et on le ferait de façon très, très, très serrée et très sérieuse. Je disais qu'il faudrait que... C'est fini, le temps où l'université croyait être la détentrice de tout le savoir. Il y a véritablement un savoir populaire dans les milieux populaires et un savoir associatif, une compétence et une expertise qu'on serait absolument... qu'on mettrait avec joie au service d'une telle opération sur le patrimoine et sur la mémoire sur le patrimoine religieux.

M. Moreau: Merci.

Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger: Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. J'apprécie beaucoup votre mémoire. Évidemment, vous apportez la dimension immatérielle, telle quelle, mais vous faites quand même une certaine nuance, une grande nuance sur dans le fond ce qui est plutôt vivant. L'immatériel ne veut pas dire... vous l'expliquez clairement que ce n'est pas nécessairement en termes de protection, ou de conservation, ou de restauration, même si l'immatériel n'est pas nécessairement toujours facilement tangible. Alors, moi, je trouve ça intéressant, toute votre démarche.

Je comprends votre délicatesse aussi de ne pas déshabiller Pierre pour Paul par rapport au financement. Je comprends aussi votre délicatesse, dans toute la dimension du patrimoine religieux, et tous les organismes et les institutions qui oeuvrent autour de ce défi, de vouloir davantage parler du patrimoine religieux, mais aussi de vouloir exprimer ce qu'ils ont à dire devant la commission.

Je comprends aussi, quand vous parlez: «Nous aurions souhaité, tant qu'à parler d'enquête orale, qu'on propose également de donner la parole au peuple, aux fidèles, voire aux mécréants, et considérer comme faisant également partie du patrimoine religieux la façon de recevoir et de vivre au quotidien le discours normatif ? je le lis pour que ça reste dans notre écrit aussi ? de l'institution religieuse; la façon de vivre au quotidien avec la religion, les modes de dévotion, les rituels, les prières, les croyances, les peurs, les superstitions; les formes narratives, chansons, cantiques, récits, légendes, liées à ces pratiques au quotidien ou mettant en scène Dieu, les saints, les personnages bibliques, les anges, le diable; l'expression de la foi et de l'espérance dans la réalisation et l'utilisation d'objets, la réalisation de dessins ou de sculptures, l'insertion de motifs décoratifs dans le mobilier ou les vêtements, la fabrication de croix de chemins, d'ex-voto, etc.» Vous dites aussi: «...une politique du patrimoine religieux qui prendrait en compte non seulement les objets, mais aussi les hommes et les femmes qui les fabriquent et les utilisent, l'imaginaire et le discours de ces hommes et de ces femmes.» Je pense que vous vous exprimez très bien, là, pour qu'on puisse comprendre ce qu'est vraiment le patrimoine vivant selon votre définition.

Alors donc, c'est vraiment toutes les manifestations orales du patrimoine religieux que vous exprimez ici. Et vous faites cette référence-là dans votre mémoire, que ce soit plus indiqué et plus clair s'il y avait une politique du patrimoine religieux.

Ma question est... Il y a des gens... beaucoup de personnes sont venues nous dire qu'il faudrait une politique du patrimoine, puis il y en a qui l'attendent depuis 20 ans. Bon. Outre ça, là, il y avait quand même discussion entre la politique du patrimoine religieux et la politique du patrimoine dans son sens global et large. Vous parlez particulièrement de politique du patrimoine religieux, mais vous insérez, vous insérez davantage une politique plus globale, donc vous seriez en tout cas en faveur plus d'une politique du patrimoine dans son sens plus large.

M. Bouthillier (Robert): Oui. C'est-à-dire, vous m'étonnez en disant que j'ai demandé une politique du patrimoine religieux. Je ne crois pas avoir écrit ça.

Mme Léger: ...ça tel quel? Bon, peut-être que j'ai mal lu.

M. Bouthillier (Robert): Un travail sur le patrimoine religieux à mon sens ne doit pas se faire de façon sectorielle, ça ne doit pas être exclu, ça ne doit pas être mis à côté d'une politique générale du patrimoine. Une fois qu'il y en aura une, on pourra travailler sur le religieux, on pourra travailler sur les techniques artisanales, on pourra travailler sur les récits, etc., il n'y a aucun problème.

Une politique du patrimoine, si elle définit toute cette matière, qu'elle soit religieuse, profane, qu'elle soit liée au geste, à la parole, à la mémoire, au vécu communautaire, au rituel, etc., aucun problème. C'est une politique du patrimoine que ça prend, qui prenne en compte ça. Ensuite, on peut prendre le religieux comme étant un des axes sur lesquels on travaille pendant deux, trois ans. Ensuite, on pourra prendre peut-être la mémoire des conteurs qui sont en train, là... C'est en réelle déliquescence, là, et c'est d'autant plus dommage qu'il y a actuellement tout un mouvement de renouveau de la pratique du conte, le néocontage. C'est par centaines qu'il y a des nouveaux conteurs, mais ils n'ont plus de modèles ou encore ils ne savent pas où les trouver. Alors, et c'est dans ce sens-là qu'il y a une politique du patrimoine qui me semble extrêmement importante à définir...

Mme Léger: O.K., c'est clair.

M. Bouthillier (Robert): ...mais que le religieux n'est pas exclu. Pour moi, il s'inclut dedans.

Mme Léger: Non, non, d'accord. Bon, je suis contente que ce soit clair, que vous le dites...

M. Bouthillier (Robert): C'est très clair.

Mme Léger: Parce que vous avez commencé votre introduction en disant que le patrimoine n'est pas nécessairement figé. Bon. Aussi, je ne sais pas si vous avez entendu, ce matin, les autres groupes, peut-être celui précédemment. Mais il y a aussi le Regroupement des archivistes religieux. Je n'ai pas eu le temps d'exprimer un peu ce que j'aurais aimé discuter avec eux. Parce que, le patrimoine religieux, il y a toute la situation d'appartenance, là, entre la propriété des biens et des objets, telle quelle. Et vous élaborez très bien que le patrimoine est plus large. Évidemment, il y a de l'histoire, il y a de la culture.

Alors, une politique du patrimoine, dans son sens plus large, doit avoir le souci qu'un objet, si on parle d'objet ? vous parlez plutôt du vivant, là, mais il reste quand même que c'est plus simple de le démontrer par un objet... L'objet, en lui-même, a de l'inspiration, vient de quelque part, arrive de... il a une histoire, il a des liens avec le monde. Alors donc, quand vous parlez de figé, je comprends très bien que ce n'est pas nécessairement juste une... Il y a une discussion, en tout cas une réflexion sur que ce n'est pas nécessairement une appartenance qu'à l'Église, telle quelle. Bien, en tout cas, il y a une discussion, là, qu'on voit dans l'ensemble des mémoires des gens, là, entre le bien et la propriété tels quels, mais vous venez apporter cette dimension-là.

Alors, je vous remercie beaucoup parce que c'est très intéressant. Je n'ai pas vraiment plus de commentaires parce que vous avez... c'est assez clair, c'est assez clair, ce que vous nous apportez aujourd'hui.

M. Bouthillier (Robert): Si je peux me permettre, je ne prendrai pas un exemple dans le religieux parce que... Celui qui me vient en tête, c'est celui du fléché. Ce n'est pas du religieux, c'est une technique artisanale. On peut mettre de très belles ceintures fléchées du XIXe dans une vitrine. À la limite, pourquoi pas, il n'y a pas de problème. Mais, si ce n'est que ça qu'on fait, on interdit éventuellement à la technique de se perpétuer et de se continuer, alors qu'il y a des gens qui continuent d'en faire. Donc, la sauvegarde du patrimoine, ce n'est pas que de le mettre en vitrine, c'est d'aider ceux qui pratiquent encore de continuer à transmettre leur savoir, de continuer, je dirais, à faire de nouveaux émules de certaines pratiques.

Et ensuite, le fléchage, on peut en faire des ceintures modèle XIXe, mais on peut faire aussi des choses XXIe, avec ça, on peut le décliner autrement, dans le contemporain, dans l'actuel. C'est dans ce sens-là que c'est important que le patrimoine, ce n'est pas seulement les traits du passé, c'est aussi la perpétuation des savoirs et des pratiques dans le présent. Et ce n'est pas pour sacrifier au passé, ce n'est pas pour faire comme le XIXe siècle, c'est pour continuer de vivre aujourd'hui en exprimant aujourd'hui notre personnalité.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Merci de votre présentation. Et soyez assurés que nous tiendrons compte de vos propos lors de nos discussions.

Je vais suspendre quelques instants, le temps que le prochain groupe puisse s'installer.

(Suspension de la séance à 11 h 49)

 

(Reprise à 11 h 50)

Le Président (M. Brodeur): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons entendre maintenant la Faculté de théologie et de sciences religieuses de l'Université Laval.

Donc, bienvenue en commission parlementaire. Vous êtes M. Viau ou monsieur...

Faculté de théologie et de sciences
religieuses de l'Université Laval

M. Viau (Marcel): Je suis Marcel Viau, je suis le doyen de la Faculté de théologie et de sciences religieuses.

Le Président (M. Brodeur): Parfait. Donc, je vous explique brièvement les règles, qui sont à peu près toujours les mêmes. Vous avez une période maximale de 15 minutes pour présenter votre mémoire de la façon que vous jugerez à propos. Vous allez voir que, lorsque vous allez approcher le temps maximal de 15 minutes, le président commencera à s'agiter pour vous signifier que le temps achève et pour vous prier de conclure. Et ce sera suivi par une période d'échange avec les membres de la commission. Immédiatement, la parole est à vous.

M. Viau (Marcel): Alors, je vous remercie beaucoup. Je remercie les membres de la commission de bien vouloir recevoir la Faculté de théologie et de sciences religieuses de l'Université Laval. Je suis son représentant, donc le doyen de la faculté. Il nous est apparu d'intérêt public de partager avec vous nos opinions sur cette question de grande actualité, du patrimoine religieux. Non pas que nous ayons quelque compétence sur des questions qui relèvent du droit, nous ne sommes pas juristes, pas plus que nous soyons des spécialistes de l'histoire de l'art, mais certains de mes collègues sont déjà intervenus dans les journaux ou encore sur quelques tribunes à l'occasion de différents colloques. À chaque fois que se produisaient ces interventions, ils ont toujours cru bon de commenter le sujet à partir du point de vue du théologien, pour qui les églises sont beaucoup plus que de simples bâtiments matériels. En effet, une église est avant tout un lieu symbolique très puissant non seulement pour les chrétiens pratiquants, mais pour une population en général. C'est donc autour de cette dimension qu'ont gravité nos réflexions.

Comme vous avez sans doute déjà tous lu le mémoire, je me contenterai de rappeler quelques lignes. Nous voulons rappeler, dans ce mémoire, que le débat actuel repose surtout sur des prémisses incertaines: l'Église catholique, ou plus largement la religion, serait entrée dans un processus irréversible de déclin et d'extinction; la sécularisation lui aurait asséné un coup fatal; toutes les entreprises pastorales actuelles ne seraient que des derniers soubresauts d'un agonisant qui serait de toute manière condamné. En conséquence, l'Église catholique, moribonde, laisserait un héritage sans descendant.

Lors de l'écriture de ce mémoire, mes collègues spécialistes de l'histoire de l'Église m'ont rappelé à juste titre que ce n'est pas la première fois que la mort de l'Église est annoncée depuis sa fondation, il y a 2 000 ans. À ce que je sache, cette institution est encore présente aujourd'hui, ici et ailleurs. Je crois qu'aux dernières nouvelles il y avait 800 millions de catholiques dans le monde. Il nous semble prématuré de proclamer sans ambages que tous les rites symboliques et par extension tous les objets, meubles et immeubles, qui sont de son ressort n'ont plus leur raison d'être. Relire l'histoire nous permet parfois d'adopter une prudence élémentaire face aux réalités sociales, ce qui vaut bien sûr pour l'Église mais aussi pour la culture en général et, vous me le permettez, pour la politique également.

Comme nous le disions en introduction, une église a une portée symbolique évidente. Le maintien du lieu de culte est le symbole de la continuité d'un ensemble de valeurs spirituelles et religieuses dans notre espace humain, des valeurs en état de transformation certes mais qui sont toujours présentes sous une forme ou sous une autre au sein de notre société. Dans plusieurs collectivités où la présence du christianisme est affaiblie, la question de la sauvegarde des biens religieux se pose dramatiquement. Elle est liée à la question plus profonde du maintien d'une présence religieuse vivante ? et j'insiste sur le mot «vivante» ? qu'elle soit chrétienne, juive ou autre, dans un espace culturel particulier.

Ce maintien d'une présence religieuse significative ne relève évidemment pas de l'État, mais les symboles de cette présence, marquants dans notre histoire, ne peuvent être ignorés parce qu'ils sont indispensables à la compréhension de ce que nous sommes. Il y a là, posé de manière puissante, le fait de notre identité collective: identité des petites communautés, des villages, des quartiers urbains, pour lesquels le clocher de l'église représente le coeur de leur culture; identité des familles qui ont vu naître, se marier et mourir plusieurs générations des leurs dans cette église particulière de ce quartier; voire identité personnelle: un tel s'est converti dans cette église, un autre a trouvé sa voie dans cette autre. Combien d'histoires de ce genre n'avons-nous pas entendues dans nos salles de classe lorsque nous en avons parlé.

Il va de soi que toucher aux questions d'identité collective doit se faire avec énormément de prudence. Or, changer l'identité d'une église, par exemple la faire passer d'un lieu de culte à un patrimoine de la nation, c'est risquer de heurter de plein fouet des valeurs profondes, pas toujours conscientes d'ailleurs, de toute une population. Si les solutions envisagées pour préserver certaines églises en venaient à vider de leur charge symbolique ces bâtiments, nous aurions fait une grave erreur et les générations futures auraient raison de nous en vouloir.

Voilà ce qui risque d'arriver si nous adhérons à un argument que je considère très simpliste, qui consiste à dire: Ce qui a été payé par tous est la propriété de tous et ne doit pas être réservé à un petit reste de chrétiens pratiquants ? ce qu'on a entendu dans certains journaux, par exemple, à la télévision ou quoi que ce soit. Cet argument a le défaut de faire l'impasse sur la fonction véritable de ces lieux. On comprendra dès lors que la question de l'appartenance des églises ne peut pas se régler par une simple déclaration de propriété collective qui laisse ouverte et non résolue la question de la fonction à donner à ces édifices. Plutôt que de refermer le débat, il faut plutôt l'ouvrir et discuter des fonctions compatibles avec ces édifices religieux construits d'abord et avant tout pour la célébration du culte chrétien et l'expression de la foi. Ne serait-ce que sur le plan de la cohérence symbolique, ces édifices ne peuvent se prêter à tous les usages imaginables.

Après avoir évoqué donc le caractère hautement symbolique d'une église et son enracinement dans l'identité collective de la population, il importe de se demander comment cela se traduit dans le concret. Il est certain qu'un lieu de culte, au fond un amas de pierres, prend tout son sens dans l'utilisation que l'on en fait. Or, on croit souvent que l'usage des églises se limite au nombre de personnes fréquentant la messe dominicale, une donnée qui est d'ailleurs considérée par la plupart des sociologues de la religion comme trop réductrice. Il importe, par exemple, d'élargir la notion de fréquentation aux usages cultuels épisodiques ? célébration de funérailles, de mariages, de baptêmes, etc. ? de prendre aussi en compte les autres usages paroissiaux et surtout les usages communautaires, qui semble être la tache aveugle des débats actuels.

On fait parfois l'impasse sur le fait que les chrétiens ne se rassemblent pas seulement pour le culte, mais également pour des activités caritatives et celles se rapportant à l'intelligence de la foi, tout autant constitutives de leur vie ensemble. Dans ces deux types d'activités comme dans la liturgie, les chrétiens s'associent à tous les hommes et femmes de bonne volonté hébergeant dans leurs lieux des personnes aux options parfois multiples, voire vacillantes ou improbables. Il ne faut donc pas minimiser le rôle joué par ces bâtiments dans le domaine de l'économie sociale, de la solidarité, de l'entraide, de la vie associative et communautaire des localités et des quartiers de nos villes.

Comme on le voit, les édifices voués au culte sont toujours des lieux significatifs à plusieurs égards pour la liturgie et la pastorale, l'activité caritative et nombre d'activités dans les domaines de l'économie sociale, du développement culturel et communautaire. Il faut faire en sorte, dans les décisions qui seront prises, que le maintien et l'utilisation de ce patrimoine religieux servent la population, que ce soit à des fins religieuses, communautaires, sociales, économiques et culturelles. Dans certains cas, comme nous l'observons déjà, l'utilisation peut être mixte en joignant plusieurs fonctions compatibles. Dans d'autres cas, l'utilisation peut être repensée avec la population en respectant au maximum le caractère des lieux. L'appui de l'État reste évidemment indispensable, en matière de politique de conservation du patrimoine, et ce, en partenariat avec les populations locales pour qui ce patrimoine est significatif et représente une part de l'histoire sociale.

À titre de théologiens et de spécialistes du fait religieux, nous pensons que les édifices religieux de nos quartiers et de nos villages constituent des signes pour la population. D'autres collectivités, aujourd'hui comme hier, ont traversé des conflits, des révolutions violentes, des épisodes radicaux de séparation de l'Église et de l'État. Elles ont su préserver un patrimoine religieux qui reflète leur histoire et leur confiance en l'avenir.

Comme société, posons-nous la question du sens que peuvent encore avoir, dans le tissu urbain et la vie concrète de nos concitoyens, ces lieux de culte, humbles ou plus prestigieux. Comme individus, vérifions bien les effets que produisent en nous nos fréquentes ou rares incursions dans ces magnifiques bâtiments et demandons-nous ce que nous perdrions de notre identité si nous ne les préservions pas. Alors je vous remercie.

n(12 heures)n

Le Président (M. Brodeur): Merci. Merci beaucoup de votre présentation. Juste un simple rappel, pour les gens qui nous écoutent et les membres de la commission, que l'objectif que nous nous sommes donné, c'est de protéger le patrimoine religieux en tant que tel. C'est certain que nous ne ferons pas abstraction de la propagation du culte. Le culte et la pierre des bâtisses, les objets religieux, c'est deux choses tout à fait distinctes, quant à nous, et évidemment la protection du patrimoine religieux, si on parle d'églises par exemple, passe naturellement par la conservation du témoin de l'histoire, et, dans cette optique-là, il n'est pas exclu qu'une église qui n'est plus utilisée comme lieu de culte ne puisse pas le redevenir un jour. Donc, l'objectif, c'est de protéger ce patrimoine-là pour qu'il reflète toujours dans le temps l'histoire du Québec et l'histoire religieuse, également.

Ceci étant dit, nous aurons inévitablement à établir des inventaires quelconques. La Fondation du patrimoine religieux a déjà établi un inventaire du patrimoine immobilier. Nous devrons l'établir dans différentes choses. Tantôt, nous avons parlé de patrimoine immatériel. Nous avons parlé aussi abondamment, depuis quelques mois, de patrimoine mobilier. Vous aviez écrit que... Vous parliez d'inventaire crédible. Donc, ça me porte à poser des questions sur les inventaires qui existent et quels devraient être ces inventaires-là.

Est-ce que ça doit être seulement les inventaires du culte vendu ou désaffecté, comme vous l'avez écrit? Mais l'inventaire est très, très large à faire, on peut s'imaginer. Doit-on se limiter à tout ce qui est patrimoine religieux excédentaire ou doit-on y aller d'un inventaire total? Et de quelle façon pourrait-on procéder à cet inventaire-là? On nous disait, il y a quelques instants, que les universitaires sont peut-être les gens les mieux préparés à procéder à ces études-là, à des inventaires, probablement. Comment voyez-vous cette façon de procéder pour inventorier ce patrimoine religieux là du Québec pour qu'il... ce qui pourrait nous permettre de le situer et bien le conserver?

M. Viau (Marcel): Oui. Alors, les universitaires sont aussi connus pour demander de l'argent. Ce ne sera pas mon cas. Je vais simplement... Je me place vraiment dans la position du théologien, disons, qui a à coeur que l'on sache, au Québec, combien nous possédons de lieux de culte soit paroissiaux ou soit à l'intérieur des communautés religieuses, ou tout ça.

Je ne suis pas un spécialiste de la question du patrimoine religieux, mais mes collègues qui le sont me disent que cet inventaire-là de l'ensemble du bâti n'a pas été fait de façon systématique. Et il me semble que... Comment pouvons-nous prendre des décisions sur ce qu'on doit garder, ou sur ce qu'on doit démolir, ou sur ce qu'on doit vendre si on ne connaît pas la valeur et simplement le nombre de nos bâtiments à caractère religieux au Québec? Alors, évidemment, j'imagine que ça doit être un travail énorme, j'imagine que ça doit être un travail qui doit demander des investissements financiers et humains énormes, de faire cet inventaire global. Mais, pour répondre très précisément à votre question, je dirais: Il faut faire un inventaire de tout ce que nous avons actuellement, et ce ne sera pas perdu pour l'avenir, ça, j'en suis persuadé.

Le Président (M. Brodeur): M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Moreau: Merci, M. le Président. M. le doyen, bienvenue, merci d'être parmi nous. Et je vous dirais qu'à la lecture de votre mémoire, qui est d'une qualité exceptionnelle, et l'exposé que vous avez fait, je suis fier d'être un produit de l'Université Laval, très heureux de vous accueillir d'ailleurs comme membre de la commission.

Une voix: ...

M. Moreau: Non, non, je n'étais pas à la Faculté de théologie, mais ça ne fait rien, il y a un fond de l'Université Laval qui est extraordinaire, je voulais le souligner.

Une voix: ...

M. Moreau: Oui, il y a trois... il y a trois...

Une voix: ...

M. Moreau: On pourrait avoir notre cravate, comme M. le doyen. Mais je reviens à vos propos, qui sont beaucoup plus sérieux, particulièrement en ce qui touche la question juridique de l'appartenance des biens des églises. Peut-être étiez-vous avec nous, ce matin, lorsque nous avons entendu le Regroupement des archivistes religieux, et en particulier Mme Boisvert, qui est membre de son conseil d'administration. Et finalement vous ne le mentionnez pas dans votre texte de façon précise, mais je pense que vous vous opposez assez catégoriquement à la vision d'une appropriation collective des biens de l'Église. Et j'ai trouvé fort intéressante l'analogie que vous faites en disant: Bien, évidemment, si on regarde vers une réponse juridique, on va aller vers la Loi sur les fabriques et on va conclure à la propriété de l'Église.

Par contre, il y a des gens, il y a des voix dans la population qui parlent plus d'une appropriation collective. Et vous faites l'analogie suivante ? je crois que vous ne l'avez pas lue, je vais la lire pour les fins de nos travaux ? et je pense que ça, c'est la position défendue par M. Noppen, là, et sa collègue, et vous dites ceci: «Si l'on suivait cette logique ? donc, de l'appropriation collective parce que l'ensemble d'une collectivité a contribué à l'édification de l'Église ? les salons rouge [et] bleu des édifices parlementaires, payés et entretenus par les deniers de tous les citoyens, pourraient légitimement servir à tous ceux qui voudraient y organiser des rencontres, des réunions ou même, pourquoi pas, des fêtes de famille. Pour reprendre un exemple plus trivial encore, pourquoi ne pas permettre à tous les mécaniciens en herbe de venir faire leur vidange d'huile dans les garages municipaux?»

Et je trouve que l'image est très forte, mais elle reflète de façon extraordinaire l'importance qu'il y a à établir de façon définitive la propriété des biens. Il faut que la société puisse trancher sur cette question-là. Et je pense que vous partagez, à cet égard-là, la position qui a été défendue, ce matin, par le Regroupement des archivistes religieux.

Maintenant, vous êtes doyen de la Faculté de théologie, vous n'êtes pas juriste, nous dites-vous, mais vous connaissez les préceptes du droit canon. Moi, ce que j'aimerais que vous m'expliquiez, c'est quelle est votre vision des choses entre les préceptes du droit canon sur la propriété des biens de l'Église et l'application ou l'assujettissement de l'Église, comme membre de la société, aux dispositions du droit civil.

M. Viau (Marcel): Alors, je ne suis pas non plus spécialiste du droit canon, je vous rassure. Alors, écoutez, je n'ai pas voulu, dans ce mémoire, et nous n'avons pas voulu ? parce que c'est un mémoire qui a été écrit collectivement ? prendre des positions sur la propriété ou non des églises, ou quoi que ce soit de cet ordre. On pense que le débat s'est fait relativement bien, les positions sont assez bien campées.

Ma position est celle-ci, c'est-à-dire que, comme on dit, l'expression populaire n'est pas très belle, mais on ne voudrait pas que, dans ce processus-là, on jette le bébé avec l'eau du bain. C'est-à-dire que ces églises-là, ces bâtiments-là, si on se réfère seulement à ces bâtiments-là, représentent... non seulement représentent, mais sont quelque chose de fondamental pour non seulement une culture, mais pour ? on va dire le mot ? la foi d'un certain nombre de nos contemporains.

M. Moreau: Première vocation.

M. Viau (Marcel): C'est la première vocation, et c'est encore une vocation importante pour un certain nombre d'entre eux. On le sait, nous, parce qu'on est dans ces milieux-là et on se rend compte que... Bon, évidemment, on n'entend pas beaucoup parler dans les journaux du travail qui se fait dans les paroisses, dans les régions, du travail pastoral, etc., mais ça existe et ça mobilise énormément de personnes. Et je dirais même que la foi catholique de ces personnes-là est au coeur de tout cela.

Ce que je ne voudrais pas qu'on perde, dans ce processus-là, c'est... Bien, en tout cas, ce que je voudrais qu'on arrive, c'est qu'on considère toujours ces bâtiments-là non pas comme des objets de musée qu'il faut conserver ? et j'étais d'accord avec ce que votre prédécesseur nous disait ? mais que ce sont des pierres vivantes qui sont encore actives, qui jouent encore un rôle fondamental pour la foi des gens d'ici, pour un certain nombre de ces gens-là, du moins.

M. Moreau: Et, en ce sens-là, vous rejoignez tout à fait les propos de soeur Marchand, lorsqu'elle nous disait, ce matin: Ce sont d'abord des lieux de culte voués à l'adoration des fidèles et, si, par voie de conséquence ou l'importance que l'exercice de la foi religieuse a dans nos communautés, ils deviennent un héritage du patrimoine culturel, c'est par ricochet plus que par leur vocation première.

M. Viau (Marcel): Très précisément. Et, comme vous avez vu dans la première partie de mon mémoire, je pense que ce qu'il y a en dessous de certaines façons de réagir, aujourd'hui, autour du patrimoine religieux, ce qu'il y a en dessous de cela, c'est une vision ? que je ne partage pas ? à l'effet que toute cette culture religieuse disparaît, est quelque chose de... au fond, dans peu de temps, on n'entendra plus parler de tout cela et que donc c'est donc important qu'on conserve les bâtiments un peu décalés ou... oui, décalés et distanciés de ce qui les a fait vivre, de ce qui les a construits. Alors, je ne crois... Moi personnellement, et je ne suis pas le seul, on est un certain nombre de personnes à penser qu'il ne faut vraiment pas détacher ces deux choses-là.

n(12 h 10)n

Je n'ai pas de solution magique. On en propose quelques-unes, à la fin de notre mémoire, qui sont vraiment sommaires par rapport à ce que j'ai cru entendre et lire de ce que d'autres ont fait. Mais il me semble que c'est ça, la pointe de notre mémoire: ne détachez surtout pas trop rapidement le lien, je dirais, de foi que les gens ont avec leur bâtiment de ce bâtiment-là.

M. Moreau: Et, en ce sens-là, on peut dire, et je pense que c'est une bonne suite à donner à ceux qui vous ont précédés, aux groupes qui vous ont précédés et aux travaux du Pr Laurier Turgeon, de dire que ce qui est le plus important dans le religieux, c'est d'abord le patrimoine oral, qui vient donner cette vocation à ce qui est le matériel, que ce soient des objets mobiliers, des vêtements ou le bâti. Et c'est d'abord sous cet angle-là, lorsqu'on parle de patrimoine religieux, que l'on doit s'aligner.

Puis je vous fais... Et je termine là-dessus et je voudrais que vous y réagissiez, l'extrait du mémoire présenté par le Pr Turgeon. Il dit: «Or, la plupart du temps, c'est le patrimoine immatériel qui donne sens et vie au patrimoine matériel. S'il est un domaine du patrimoine où l'immatériel est important, c'est bien celui du religieux, animé par les abstractions de la foi, de l'amour et de la quête de la transcendance.» Vous partagez entièrement cette vision des choses?

M. Viau (Marcel): Je la partage, mais pas entièrement. Je crois que le bâtiment lui-même est pastoral, si vous me passez l'expression très technique de mon métier. Pas seulement ce qui entoure, pas seulement ce qui est dedans, pas seulement le rite, pas seulement les objets, pas seulement le discours, le bâtiment lui-même est, je dirais, acte de foi.

Je vais dire ça par un exemple a contrario, c'est-à-dire qu'éliminez du jour au lendemain de cette terre... Les discours, c'est facile, il suffit d'éliminer les gens qui le disent, et ça, on règle ça. Mais éliminez les bâtiments de cette terre, les bâtiments religieux chrétiens de cette terre d'un coup et il n'y aura plus de foi chrétienne du tout parce que la foi chrétienne, ce n'est pas un machin qui circule on ne sait pas où, dans les airs ou dans les nuages, c'est quelque chose qui circule dans des personnes mais aussi dans des pierres.

M. Moreau: Et c'est un tout indissociable.

M. Viau (Marcel): C'est un tout indissociable.

M. Moreau: Merci.

Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le député de Mercier.

M. Turp: Merci, M. le doyen, et merci pour cette contribution qui, si elle est collective, mériterait certainement d'être publiée. Est-ce que vous allez la publier avec vos collègues dans une revue scientifique ou...

M. Viau (Marcel): Non, je ne crois pas.

M. Turp: Non?

M. Viau (Marcel): Je vous remercie d'y avoir pensé.

M. Turp: Sinon, il aurait fallu faire quelques notes infrapaginales, là.

M. Viau (Marcel): Oui, bien sûr.

M. Turp: Mais je crois aussi que c'est utile d'avoir les vues d'un groupe de théologiens sur ce défi très grand que nous avons, là, d'arbitrer les vues de théologiens, d'historiens de l'art, de communautés religieuses, de gens qui veulent que l'État s'approprie collectivement l'ensemble des églises, comme en France, les nationaliser, et je pense que vos vues sont intéressantes.

Comme le disait le député de Marguerite-D'Youville, sur la question de la propriété, vous avez une approche très pragmatique. Et sur ça je voudrais peut-être vous entendre sur l'idée que, si on doit reconnaître la propriété... Et nos lois vont dans ce sens-là, puis il y en a qui veulent qu'elles soient maintenues en l'état. Par ailleurs, l'État s'est déjà donné la possibilité d'avoir des servitudes sur les lieux de culte et à l'égard des biens immobiliers et mobiliers parce que, quand on applique la Loi sur les biens culturels, on donne à l'État un droit de regard sur ce que les institutions font des biens cultuels qui sont classés biens culturels. Alors, est-ce que ça, c'est une approche qui, selon vous et vos collègues, demeure acceptable, mais pourrait être accentuée, ou est-ce qu'à un moment donné ? et je l'évoquais dans un échange avec les gens du regroupement des archives religieuses, tout à l'heure ? est-ce qu'à un moment donné l'État n'a pas le droit d'être l'arbitre ultime? Parce que c'est l'Église qui doit être l'arbitre ultime de ce qu'elle peut faire avec les biens d'Église, avec le patrimoine religieux mobilier ou immobilier.

Et l'autre question un petit peu plus fondamentale ? je ne retrouve pas l'extrait dans le mémoire, mais on l'a résumé pour nous de la façon suivante, ça doit être dans le mémoire ? je lis: La question de la sauvegarde des biens religieux «est liée à la question plus profonde du maintien d'une présence religieuse vivante, qu'elle soit chrétienne, juive ou autre, dans un espace culturel particulier. Ce maintien d'une présence [...] ne relève pas de l'État.»

Alors, qu'est-ce qui relève donc de l'État dans ce domaine? Qu'est-ce qui relève de l'État? Est-ce qu'il n'y a pas une contradiction? L'État doit-il faire quelque chose pour permettre que les religions puis la diversité religieuse puissent continuer de s'exprimer ou est-ce qu'il ne doit rien faire? Est-ce qu'il a un devoir d'abstention sur ces questions-là? Parce que la laïcité imposerait à l'État un devoir d'abstention.

M. Viau (Marcel): Oui. Alors, vous m'amenez toujours sur le terrain juridique. Je vous ai déjà dit que c'est un terrain que je connais très peu, c'est un terrain qui, pour moi, est très instable. Alors, c'est sûr que ? je vais vous répondre par une boutade ? je n'aimerais pas qu'il y ait un ministère des religions, institué ou non, dans la province de Québec ou au Canada, je n'aimerais pas qu'une telle chose comme ça existe, qui viendrait soit contrôler ou dire un certain nombre de choses sur les religions.

Mais je vous répondrais peut-être par un exemple, un exemple un peu que j'ai vécu il y a quelques années, lorsque j'ai fait quelques promenades en Europe, et, pour moi... en tout cas, ça va peut-être vous éclairer. En l'espace de quelques semaines, j'ai visité deux institutions. J'ai visité, dans le Poitou, ce qu'on appelle l'abbaye de Maillezais, je ne sais pas si ça vous dit quelque chose, les gens connaissent peu ça. C'est une abbaye, il ne reste presque plus rien, il reste un mur, tout ça. C'est absolument magnifique. C'est une abbaye, donc. Et, quelques semaines après, j'ai visité l'église, la Frauenkirche de Dresden, donc l'église Notre-Dame de Dresde, qui vient tout juste d'être reconstruite récemment.

Deux visions différentes par rapport à la façon dont l'État a traité ces choses-là. Première vision: Maillezais. Il ne restait plus grand-chose, on a décidé de ne pas reconstruire, mais c'est devenu une espèce de musée. Il ne se pratique plus rien là. Quand je vais là, moi, je ne vais pas là comme chrétien ou comme théologien, je vais là comme touriste. Dresden, la Frauenkirche, on a décidé de reconstruire mais en disant: Ça va servir aux confessions ?  Dresden est une église luthérienne, donc une immense église luthérienne ? ça va servir à des cultes oecuméniques pour montrer que, la paix, il faut conserver la paix. C'est un lieu de paix et un lieu de réconciliation. L'État est intervenu aux deux niveaux mais a traité les bâtiments de façon totalement différente, je dirais.

M. Turp: Intéressant. Et, selon vous, l'une de ces méthodes est plus souhaitable que l'autre ou est-ce qu'on doit vivre avec cette diversité aussi?

M. Viau (Marcel): Bien, écoutez, j'aime beaucoup les musées, j'aime beaucoup aller voir des belles statues du Moyen Âge, j'adore les statues romanes, et tout ça, mais je trouve ça toujours triste qu'on regarde ça sans prendre considération, avec une extraordinaire distance, alors que ceux qui ont construit, qui ont sculpté ces statues-là n'avaient pas cette distance-là, et on n'est pas capable de comprendre ça aujourd'hui, à tort ou à raison.

Alors, évidemment, ma position, ce serait ? et je sais que c'est utopique, mais ? qu'on puisse prendre en considération nos bâtiments religieux en prenant en considération ce qui a fait que des populations entières ont donné non seulement leurs sous, mais de leur sang puis de leurs bras pour construire ces églises-là. Et je pense que ça, aujourd'hui, pour des bonnes raisons culturelles, c'est éradiqué de nos débats. On dit: Ça, attention, on ne doit pas faire considération de ça.

Je sais que ce que je vous amène, c'est quelque chose de pas facile puis qu'on a tendance aujourd'hui à compartimenter les choses. Je ne crois pas qu'on puisse compartimenter de la sorte lorsqu'il est question de bâtiments religieux construits par nos pères et nos grands-pères puis qui l'ont fait pas pour des raisons de faire de belles choses, mais parce qu'ils croyaient profondément, bon, ils avaient une foi réelle qui était la foi chrétienne ou catholique.

n(12 h 20)n

M. Turp: Dans l'exemple de Dresde, qu'est-ce qui vous fascine ou séduit, au juste? Est-ce que c'est donc le fait d'avoir reconstruit une église et donc de donner suite à cette vision que vous avez que le passé mérite que l'avenir commémore ceux qui les ont construites et animées, les églises, ou est-ce que c'est le fait que ce soit devenu un grand projet oecuménique qui justifie peut-être que l'État s'investit dans le projet?

M. Viau (Marcel): Ce qui me fascine, c'est que, moi, j'ai donné un petit montant pour acheter un petit bout de pierre pour pouvoir participer à la construction de cette église-là et, moi, je l'ai donné parce que je suis un croyant catholique, en sachant que c'était une église protestante luthérienne. Et ce qui me fascine aussi, c'est qu'il y en ait d'autres qui aient probablement donné le même montant pour acheter ce petit bout de pierre mais qui étaient soit des incroyants ou soit des luthériens, ou autres, mais qu'on s'entend tous, tout le monde ensemble, pour dire qu'un coup reconstruite cette église-là va servir au culte. C'est assez fascinant. Et c'est peut-être une solution d'avenir, mais il va falloir qu'on requestionne ce que j'appelais nos prémisses de départ, là, je veux dire, là-dessus, je pense.

M. Turp: C'est intéressant. Donc, finalement, c'est parce que le bâtiment allait servir au culte. C'était quand même, là... Moi, je comprends que la finalité du bâtiment compte beaucoup pour vous.

M. Viau (Marcel): Servir au culte et a été construite par des gens qui croient à ce bâtiment-là, pas de la même façon que ceux qui ont construit ça au XVIIIe siècle ? parce que c'est une église du XVIIIe ? mais qui y croient encore, à cette foi chrétienne. Vous comprenez, ce n'est pas seulement... Il ne faut pas détacher, culte, ce qui se passe dedans et ce qui est la pierre. Je ne crois pas que ce soit possible.

Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger: Oui, oui. Bien, là, on conclut, là. Ce n'est pas évident, ce que vous nous apportez, de le rendre vivant et d'arriver, dans la pratique, à faire des recommandations pour la suite des choses, avec tous les... Parce que tout ça vient aussi, il faut quand même se le dire... Parce que, dans le très, très concret, c'est des citoyens qui sont venus souvent nous dire, soit des administrateurs de fabrique, des laïques qui sont venus dire que, pour conserver leur église... l'évêque a refusé que, leur église, ils puissent la conserver telle quelle. Donc, la réaction, ils sont venus nous expliquer que c'est une propriété collective et que ça leur appartient. Donc, tout le débat s'est fait, durant nos travaux: À qui appartient l'église et... Bon. Alors, là, vous nous apportez, aujourd'hui, un aspect très, très intéressant, pas facilement tangible dans la suite de nos travaux, mais en tout cas ça nous apporte tout un éclaircissement. Merci.

M. Viau (Marcel): Bien, comme intellectuel, on est rarement tangible, alors...

M. Turp: M. le Président.

Le Président (M. Brodeur): Oui?

M. Turp: Bien, je voudrais revenir sur la dernière partie de notre échange. Ceux qui ont payé comme vous, là, une modeste ou une importante somme et qui n'étaient pas des croyants ? parce que je pense que vous avez évoqué que des gens qui ne sont pas croyants avaient, comme vous, décidé d'investir dans la réfection de l'église, à Dresde ? alors, eux, ils ont une approche très différente de la vôtre, de toute évidence. Et qu'est-ce qu'on doit comprendre, qu'est-ce qu'on doit comprendre de cela? Qu'est-ce qui est compatible avec ce que vous avez fait?

Et ça, ça peut paraître bien théorique, mais en même temps on doit peut-être pouvoir, nous, dire: Regardez, là, pour le patrimoine religieux, il faut penser soutenir des individus, et ça peut être aussi concret que donner des déductions fiscales, qu'on soit croyant ou non, à des gens qui veulent contribuer à faire réémerger des églises qui ont été détruites ou à en assurer la pérennité en participant financièrement à leur restauration. Mais je veux comprendre, là, pourquoi vous vous réjouissez du fait que des non-croyants ont fait comme vous.

M. Viau (Marcel): Ce qui me réjouit, c'est que, par rapport à cette église-là, on a pris une position qui n'était pas de l'ordre d'exclure un groupe par rapport à l'autre ou de donner de l'importance à un groupe par rapport à l'autre. C'est-à-dire qu'on peut toujours dire... Maillezais, par exemple, l'autre exemple que je donnais tout à l'heure, ça, on a exclu le groupe croyant chrétien ? avec lequel je suis d'accord ? on a pris cette position-là parce qu'on dit: On fait un musée. À Dresden, on n'a pas exclu, on a cru que ces gens-là pouvaient ensemble regarder un objectif précis, accepter, tolérer, pour le non-croyant, qu'il se fasse là du culte et, le chrétien, tolérer que ça puisse aussi devenir un objet touristique. C'est ça qui est fascinant.

Dans certains débats ou dans certaines.... Il arrive parfois, dans certains débats autour du patrimoine religieux ? et ailleurs d'ailleurs, il ne faut pas se le cacher ? qu'il y a des exclusions, qu'on exclut les croyants ou qu'on exclut les incroyants. Ça me semble tout à fait ridicule, dans notre culture actuelle.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Malheureusement, c'est tout le temps dont nous disposons. On vous remercie pour ce que vous apportez à la réflexions des membres de la commission.

Et je vais suspendre nos travaux jusqu'à 14 heures, cet après-midi, en rappelant aux membres que nous avons une séance de travail dans quelques minutes.

(Suspension de la séance à 12 h 26)

 

(Reprise à 14 h 8)

Le Président (M. Brodeur): Donc, nous allons continuer nos travaux, cet après-midi. Et, déjà au point de départ, nous allons accueillir la fabrique de la paroisse de Notre-Dame de Montréal, que j'invite à s'asseoir en avant. Donc, veuillez prendre place.

Une voix: Là, vous n'êtes pas assez en avant...

Le Président (M. Brodeur): Non, ils s'en viennent, là, ils s'en viennent. Donc, bienvenue en commission parlementaire. Si je comprends bien, vous êtes M. Tremblay et M. Cyr?

Une voix: C'est en plein ça.

Le Président (M. Brodeur): Donc, bienvenue en commission parlementaire. Je vous rappelle brièvement les règles de la commission, qui sont très simples. Vous avez un temps maximal de 10 minutes pour présenter votre mémoire, et, à la suite de cela, il y aura une période d'échange avec les membres de la commission.

Je vous signale également que je dois m'absenter quelques minutes; c'est le député de Charlesbourg qui prendra place. Donc, je reviendrai dans les minutes qui vont suivre.

Et pour l'instant, là, je vais vous donner immédiatement la parole pour que vous puissiez procéder. Déjà, on est en retard sur notre agenda, donc il vaut mieux procéder immédiatement. La parole est à vous.

Fabrique de la paroisse de
Notre-Dame de Montréal

M. Tremblay (Yoland): Merci. M. Cyr, directeur des opérations, et moi-même tenons à remercier les membres de la commission pour le privilège qui nous est offert afin de rappeler les points principaux développés dans notre mémoire déposé en septembre 2005.

n(14 h 10)n

La fabrique de la paroisse Notre-Dame de Montréal est une institution religieuse au service de la communauté chrétienne, avec une histoire de près de 350 ans, intimement liée au développement de Montréal. Elle est donc vénérable. La fabrique est gestionnaire d'une diversité et d'une quantité de biens culturels de grand intérêt. Ils sont répartis sur deux sites majeurs: la basilique Notre-Dame de Montréal et le cimetière Notre-Dame-des-Neiges. Ils sont de nature donc architecturale, artistique, archivistique, commémorative et paysagère. La fabrique est donc en quelque sorte fiduciaire de l'âme et d'une bonne partie du poumon de Montréal.

La fabrique n'a pas attendu l'intervention de l'État pour entreprendre de très nombreuses actions sur ses biens culturels. Elle a investi près de 12 millions de dollars, au cours des 15 dernières années, pour les actions de conservation, de restauration et de mise en valeur de son patrimoine. Elle privilégie donc l'approche proactive et l'autonomie concernant que conserver, comment conserver et qui conservera.

Pour le «que conserver?», la fabrique fait appel aujourd'hui, donc, à des experts pour identifier son patrimoine. Pour le «comment conserver?», elle établit donc des priorités de mise en valeur, ouvre ses portes, est à l'écoute, et répond aux besoins de la population, et maintient actif le cimetière en demeurant sensible aux besoins des familles en deuil. Pour le «qui conservera?», la fabrique mise sur l'initiative, encourage les partenariats, favorise l'autonomie lorsque les besoins sont en concordance avec la mission et au respect du patrimoine.

Parlons rapidement de la conservation, de la consolidation et de la mise en valeur du patrimoine. Ces questions n'ont pas toujours été au coeur des préoccupations des administrations antérieures, il est vrai, mais pas plus que la population montréalaise en général. Elles sont maintenant reconnues comme un trait essentiel de la société actuelle, et la fabrique les reconnaît.

À titre d'exemple, voici quelques actions entreprises au cours des dernières années. Pour les biens mobiliers, nous avons réalisé, donc, des inventaires des différentes collections, nous avons aménagé des réserves selon les normes muséologiques, nous avons restauré et déposé, donc, des plans de grande valeur, des plans d'architecte qui ont servi à la construction de la basilique Notre-Dame et nous sommes à planifier la réouverture d'un musée à l'aide d'un comité scientifique, en réalisant un document, donc, de référence.

Pour les archives, nous avons aussi réalisé un inventaire partiel, une informatisation de tous les registres de naissances, de mariages et de décès. Pour les biens immobiliers, nous avons fait un état de santé des immeubles et un plan d'intervention, ce qui nous a permis, donc, de réaliser, au cours des dernières années, la restauration de la maçonnerie de la basilique, les couvertures de la chapelle et de la basilique, le parvis, de nombreuses fresques dans le baptistère, tout ceci, donc, pour un budget de 9,5 millions de dollars. À cet égard, la contribution, donc, du gouvernement du Québec a été de 2 660 000 $, soit l'équivalent de 27 % des données aux immobilisations.

Finalement, au cimetière, nous avons entrepris donc différentes interventions de conservation et de protection en finançant un inventaire plus poussé des monuments, en mettant un programme d'information et d'aide à la restauration des ouvrages privés. De plus, nous avons participé à l'inventaire de nombreuses oeuvres et à la restauration de nombreuses oeuvres d'art. Finalement, nous avons élaboré un plan directeur d'aménagement qui nous a permis de planifier sur un horizon de 20 ans le développement et la conservation, donc, du riche patrimoine... détentrice au sein du cimetière Notre-Dame-des-Neiges.

La fabrique continue donc de faire appel à des experts pour identifier son patrimoine: architectes, historiens, conservateurs, pour ne nommer que ceux-ci. De nature intrinsèque, la fabrique a donc un préjugé favorable pour la conservation et elle l'a démontré par l'accumulation des biens au cours des siècles. Notre engagement à préserver le mont Royal ne date pas d'hier. Et, pour que l'avenir soit tout aussi vert, nous nous sommes donc doté d'un plan directeur d'aménagement qui retrace le patrimoine historique environnemental du cimetière.

Tous conviennent que la sensibilisation de la population à l'architecture de nos églises, aux collections d'objets d'art ou à l'aménagement de nos cimetières, c'est la garantie, donc, de leur conservation. Et la première action de sensibilisation à privilégier est bien évidemment de rendre accessibles ces lieux et ces collections. Nous avons toujours appliqué le concept de portes ouvertes tant pour le cimetière que pour l'église. Le récent débat entourant l'aménagement du cimetière est un exemple probant. C'est parce que ce territoire est accessible aux Montréalais qu'ils se sentent impliqués.

C'est dans cette optique d'ouverture que les efforts ont été déployés pour accueillir aussi les touristes à la basilique Notre-Dame. Dans un contexte d'achalandage touristique, nous avons aussi aménagé un espace isolé pour permettre aux gens qui le désirent, donc, de pouvoir pratiquer leur religion dans une certaine quiétude.

La tenue d'événements artistiques constitue une autre forme d'ouverture. L'Orchestre symphonique de Montréal, donc, tient, depuis plusieurs années, des séries de concerts dans la basilique. Et, en 2004, au cimetière, nous avons lancé un grand concert extérieur dans la plaine du cimetière et plus de 10 000 personnes y ont assisté.

Nous avons aussi initié, donc, il y a quelques années, une mise en réseau de certains lieux de culte du centre-ville. Une publication a même été publiée, qui s'appelait Trésors de l'héritage religieux montréalais, tirée à... d'exemplaires et qui visait à identifier les lieux de culte qui étaient ouverts aux visiteurs.

Ouvrir nos portes, comment on peut le faire? Ça passe aussi par la capacité, donc, de répondre aux besoins de la population, surtout aux besoins qui participeront à maintenir vivants les lieux. La demande pour le tourisme culturel est manifeste depuis plus de 20 ans, dans le Vieux Montréal. Un tourisme cultuel est en voie de définition. La fabrique a d'une certaine façon actualisé, dans cette portion de la population souvent étrangère, la fonction de la basilique en l'ouvrant au tourisme culturel. Elle souhaite participer, voire initier une réflexion sur le tourisme cultuel.

Tous les efforts doivent être déployés donc pour maintenir la fonction originelle des biens patrimoniaux; c'est la meilleure garantie à leur conservation. L'obsolescence, donc, de l'usage crée la désaffectation, et ceci serait pratiquement dramatique pour le cimetière.

Un autre vecteur de changement de mentalité est évidemment la laïcisation de la population. Ainsi, la réduction du nombre et de la durée des rites religieux a amené à réviser les formules traditionnelles de funérailles, de célébrations liturgiques. En raison de la situation stratégique et avantageuse tant de la basilique que le cimetière, des charges, donc, financières énormes d'entretien et de restauration, des limites de revenus pouvant provenir de nos quêtes, des dons ou de la vente des lampions, une contribution est désormais demandée aux touristes qui viennent apprécier la basilique mais surtout visiter ce lieu historique et patrimonial dans une atmosphère religieuse.

Au moment de l'implantation des frais d'accession, il y a six ans, la fabrique a misé sur le fait que le touriste était prêt à payer pour voir un monument majeur, vivre une expérience au même titre qu'une visite dans un musée. Il est évident qu'aucune contribution n'est requise donc pour la prière ou l'assistance aux messes ou aux offices religieux.

À l'été 2002, afin d'offrir une dimension différente à la basilique, nous avons implanté un spectacle sons et lumières. Depuis cette date, plus de 125 000 personnes ont eu l'occasion donc de voir ce spectacle, fresque historique, culturelle et religieuse qui raconte l'histoire de Montréal à travers l'histoire de la basilique et met en valeur son patrimoine historique et ses oeuvres d'art.

En 2005, nous avons recyclé, donc, le sous-sol de la basilique pour y accueillir une exposition, Saint-Pierre et le Vatican, et plus de 80 000 personnes ont assisté, donc, à cette exposition. Un récent débat finalement...

Le Président (M. Mercier): Excusez-moi, en conclusion... Il vous reste à peu près deux minutes, une 1 min 50 s.

M. Tremblay (Yoland): Parfait. J'arrive tout de suite à ma conclusion, cher monsieur. La fabrique, donc, a reconnu dès le départ la contribution indéniable du cimetière à la définition de l'intérêt, donc, de l'arrondissement historique et naturel du Mont-Royal. Nous prenons donc toutes les précautions pour protéger tout cet aspect patrimonial environnemental.

Donc, en conclusion, nous pouvons constater que notre institution demeure très active dans la conservation, la restauration et la mise en valeur du patrimoine religieux. Nous nous efforçons de tirer profit de notre localisation au coeur d'un quartier historique très visité pour la rendre non seulement accessible, la maintenir vivante comme lieu de culte.

Nous souhaitons partager notre expérience au niveau du tourisme religieux et des avantages du concept de portes ouvertes, finalement participer à des groupes de réflexion sur la forfaitisation des lieux présentant du patrimoine religieux et participer à la mise en place d'un circuit touristique des différents lieux de culte tant sur le Mont-Royal que dans le centre-ville. Merci.

Le Président (M. Mercier): Alors merci beaucoup pour la présentation de votre mémoire et de votre témoignage fort apprécié. Et je dois vous avouer également que j'apprécie la qualité du mémoire que vous avez déposé ici, à cette commission, et d'autant plus qu'à la page 9 ? et je me permets de le lire ? le dernier paragraphe...

Une voix: ...

Le Président (M. Mercier): Non, on ne parle pas de Charlesbourg, M. le député de Marguerite-D'Youville. Mais, regardez, je vous le lis, c'est... Moi, j'aime lire des choses comme ça, parce que finalement vous démontrez avec une volonté certaine que, lorsque vient le temps de trouver des solutions, il y a toujours moyen évidemment d'en trouver pour finalement arriver à nos fins.

Et je vous le lis: «La fabrique n'a pas attendu ? et c'est là que j'aime la citation ? l'intervention de l'État et a investi près de 12 millions $ ? ce qui est fort considérable ? au cours des 15 dernières années, pour les actions de conservation ? vous l'avez dit vous-même ? restauration et mise en valeur de son patrimoine.» Et vous avez mentionné également, dans vos souhaits que vous avez formulés, de partager votre expérience notamment au plan du tourisme religieux.

n(14 h 20)n

Et, pour faire suite à la série de questions que je pose ici, en commission ? je parle habituellement à peu près toujours du tourisme religieux et je trouve ça fort important, et très important ? vous parlez du tourisme cultuel et des avantages du concept de portes ouvertes, et là, vous le dites vous-même, répondre aux besoins de la population. Alors, comment est-ce... Compte tenu que le temps est limité, je sais que mon collègue de Marguerite-D'Youville a quelques questions à vous poser. Comment est-ce que vous articulez cette intervention au niveau touristique et de quelle façon est-ce que c'est financé? Est-ce que ça pourrait faire partie de ce 12 millions ou est-ce que c'est d'autres sommes que vous allez chercher par d'autres moyens? J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Tremblay (Yoland): Premièrement, je vais vous dire que tout ce programme d'intervention touristique, on a essayé de le développer avec plusieurs institutions religieuses dans le Vieux-Montréal. Et naturellement la problématique, c'est de consacrer beaucoup de temps. Parce que naturellement ce n'est pas toutes les institutions religieuses qui ont cette capacité que nous avons actuellement de pouvoir mettre les efforts et la recherche pour être capables de bien identifier les besoins de la population. Nous avions pris le lead là-dedans parce qu'on croyait qu'on pouvait être un moteur, en fin de compte, un petit peu dans le patrimoine religieux pour le Vieux-Montréal.

Cependant, ce qu'on a constaté, au fil du temps, c'est qu'il y a un essoufflement de la part des autres partenaires religieux. Et la raison de cet essoufflement, c'est que c'est sûr que, même si on bâtit de beaux programmes, ça prend donc des investissements financiers relativement intéressants si on veut qu'il y ait un effet de rétention et si on veut que le tourisme se rappelle de nos institutions religieuses, et chacune des institutions prises individuellement n'a pas toujours les budgets de promotion, les budgets publicitaires pour être en mesure de dégager et de faire connaître nos institutions. Et notre réseau, qui avait été développé en 1998, n'a pas tenu le coup ? ça a duré seulement une année et demie à deux années ? par manque de ressources financières et aussi par un manque d'individus qui sont axés, qui sont orientés vers l'approche de... je vais dire, je vais utiliser vraiment le mot de «commercialisation», donc, du tourisme religieux. C'est des efforts assez importants. Et il ne faut pas avoir peur, ce n'est pas parce qu'on est une institution religieuse qu'il faut avoir peur de mentionner que ça prend de l'argent pour faire vivre ces institutions-là, et, si on veut les protéger, il faut le souligner aux gens. Et tout ça, c'est des efforts vraiment importants que, nous, on continue à faire parce qu'on est un peu le leader.

Mais, ce que je veux passer comme message, c'est qu'il faudrait aussi que l'État aide les institutions qui ont peut-être moins de moyens que nous pour avoir des ressources pas seulement financières, mais des ressources professionnelles. Et ça, c'est ce qui manque beaucoup dans ce domaine-là.

Le Président (M. Mercier): Alors, je suis maintenant prêt à reconnaître le député de Marguerite-D'Youville, qui a un temps de sept minutes à peu près pour poser ses questions. Évidemment, ensuite, je céderai la parole à la députée de Pointe-aux-Trembles, qui a sûrement plusieurs questions, elle également. Alors, M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Moreau: Merci, M. le Président. C'est toujours trop court. Alors, merci, M. Tremblay, merci, M. Cyr, d'être avec nous. Vous avez tout à fait raison, je pense, lorsque vous indiquez, en fin de propos, que les institutions religieuses ne doivent pas avoir peur de dire que ça prend de l'argent. Puis d'ailleurs je pense que, dans l'histoire des religions, de tout temps, l'argent, la capacité économique des groupes a été au coeur des discussions pour être en mesure justement de répandre leurs croyances propres à travers les civilisations. Et ce n'est pas différent parce qu'on est au XXIe siècle, mais il y a comme une espèce de côté, je dirais, négatif que l'on voit; on voit mal s'associer le mercantilisme à la piété, à la dévotion ou aux religions. Mais, au-delà de ça, je pense que votre propos est éloquent.

Dans votre mémoire, vous dites que vous êtes favorables à une approche autonomiste et qu'en définitive vous n'avez pas attendu l'intervention de l'État, vous avez d'ailleurs fait des investissements de 12 millions de dollars pour conserver, restaurer et mettre en valeur les biens qui sont sous votre administration.

Ce que j'aimerais savoir: Dans le mémoire, lorsque vous y allez de façon spécifique, lorsqu'à la fin de la page 8, pour les biens immobiliers de la basilique, vous dites que la contribution du gouvernement du Québec via le programme de restauration a été à la hauteur de 27 % du coût total des immobilisations, si vous y allez d'une façon plus globale, non seulement dans le cadre des restaurations mais dans le cadre de l'ensemble des activités ? puis Dieu sait que vous êtes détenteurs de joyaux patrimoniaux, que l'on pense à la basilique ou au cimetière ? sur l'ensemble des dépenses que vous devez rencontrer annuellement dans vos activités, dans la mise en valeur, et tout ça, pouvez-vous nous brosser un tableau des sources de revenus pour rencontrer ces dépenses-là et nous faire la proportion de l'effort de l'État?

M. Tremblay (Yoland): Il y a une chose qui est certaine, tous les revenus que nous obtenons, ce ne sont pas des revenus qu'on peut tirer de façon régulière dans une église ? je pense aux dons, aux quêtes, aux troncs des touristes, ou des choses comme ça ? c'est évident que ce ne sont pas ces revenus dits traditionnels... qu'on est en mesure, donc, de dégager des sommes pour être capables de faire fonctionner une église, donc, comme la basilique Notre-Dame. Donc, ce qu'on a fait, et je l'ai mentionné tout à l'heure, c'est qu'on a essayé de diversifier certaines activités pour aller chercher des revenus additionnels mais qui étaient en conformité avec la mission.

Je vous donne un exemple. Nous allons chercher, donc, passablement d'argent, et je dirais que c'est presque 50 % de nos revenus, de tout ce que c'est qui est le tourisme étranger à Montréal. Il y a quelques années, le touriste venait visiter la basilique, et passait une demi-heure, trois quarts d'heure dans la basilique, et ne déboursait aucun argent. Ça a été dur à implanter. Mais je pense que, quand on regarde ça, vous vous promenez dans les églises en Europe, dans d'autres pays, et il y a une contribution qui est exigée de la part des gens. Donc, si je viens visiter, je viens considérer l'église un peu comme un musée, comme une expérience culturelle religieuse que je veux vivre, si je viens prendre des photos, si je viens apprécier les oeuvres d'art, je pense que c'est important qu'il y ait une contribution. Donc, notre premier grand geste qui a marqué un peu le début de se sortir un petit peu la tête de l'eau, ça a été de demander une contribution, donc, au tourisme étranger, à l'ensemble du tourisme. Ça, c'est une partie excessivement importante de nos revenus.

M. Moreau: 50 % du revenu.

M. Tremblay (Yoland): C'est 50 % de nos revenus. Donc, c'est sûr que, si, demain matin, on arrêtait cette approche, nous aurions de grands problèmes de trouver de l'argent avec nos revenus traditionnels.

La deuxième source de revenus aussi, qu'on a lancée en 2002, c'est d'avoir un spectacle son et lumière où il y a environ 50 000 à 60 000 personnes qui paient pour venir assister à ce spectacle-là. Donc, ça, c'est une source de revenus qui est environ 10 % à 15 % de nos revenus, et donc c'est une source additionnelle.

Ce que ça permet aussi, ce qu'on essaie de faire dans toutes nos actions, c'est d'attirer, donc, le touriste pour venir apprécier la valeur historique, la valeur architecturale de l'édifice, sa beauté et en même temps lui dire: Si ça t'intéresse, maintenant tu peux venir vivre une expérience spirituelle, une expérience religieuse, les fins de semaine, parce qu'il y a des messes, il y a des messes solennelles, tout ça. Donc, ça nous permet donc d'étendre un petit peu notre approche, en disant: Bien, ce n'est pas juste un aspect d'activité avec une valeur financière, mais tu peux venir même les fins de semaine. Donc, ça a augmenté aussi l'achalandage à nos messes les fins de semaine seulement. Donc, ce deuxième lancement-là de notre spectacle, ça a été un autre point tournant pour aller chercher des revenus additionnels. Et tous ces revenus qu'on a dégagés nous ont aidé donc à payer exclusivement de la restauration et de la conservation.

Et le dernier volet de notre augmentation de revenus, c'est sûr que ce qu'on essaie de faire... On a lancé des messages, dans le milieu montréalais, pour les organisateurs de congrès, ceux donc qui organisent des activités, pour louer la basilique pour des concerts privés qui respectent la mission, donc, d'une église. Et donc il y a là un volume important de revenus qu'on va chercher, autant avec l'Orchestre symphonique de Montréal que toute une série de concerts privés. C'est sûr que ça prend beaucoup d'organisation. Et en plus, les plages, il faut respecter les plages, parce qu'en premier il faut respecter l'aspect religieux de l'église, là, l'aspect des messes. Mais on réussit à s'en sortir grâce à ces revenus additionnels là.

Le Président (M. Mercier): Merci. Alors, je suis maintenant prêt à reconnaître et à céder la parole à la députée de Pointe-aux-Trembles, qui a 10 pleines minutes pour poser ses questions, ses nombreuses questions. Mme la députée, la parole est à vous.

Mme Léger: Merci. Une députée de Montréal, pour Notre-Dame. D'abord, merci de votre mémoire. Quand j'ai vu que vous aviez déposé le mémoire, j'ai trouvé ça très intéressant parce qu'effectivement, en plus d'être une paroisse, la paroisse Notre-Dame, bien c'est tout l'impact de l'église, d'une part, aussi vous avez le cimetière face à l'église, toute, je pourrais dire, la réputation de l'église Notre-Dame, elle est immense. Alors, ça ne s'est pas créé tout seul. C'est parce qu'il y a des gens comme vous qui lui avez donné tout son sens.

Et je suis contente que vous veniez au patrimoine... venir ici, en commission, pour exprimer un peu ce que vous avez fait, en tout cas le cheminement et le processus pour arriver à ce que vous êtes aujourd'hui, non sans difficulté malgré tout, là, parce que ce n'est pas évident de rassembler les gens autour de projets, puis autour d'une mission, puis des objectifs que vous vous êtes donnés.

n(14 h 30)n

Moi, je vais souvent chez vous, même si, moi, je suis dans Pointe-aux-Trembles, je suis la députée de Pointe-aux-Trembles, je suis dans l'extrême est de Montréal. Mais le Vieux-Montréal, évidemment toute la partie touristique du Vieux-Montréal, c'est toujours très intéressant. Ce que je trouve intéressant, à travers tout ça, c'est d'avoir cette église, dans le fond ce monument historique aussi ? on peut quand même l'appeler ainsi ? au centre d'un milieu très, très touristique et d'être capable en même temps d'avoir le respect de la prière et du recueillement à l'église. Parce que, tout le long, je pourrais dire, de nos travaux, ce n'est pas toujours évident que des églises qui ferment puissent faire... Parce qu'il y a eu des discussions, ce matin, entre la foi, le culte et aussi tout le bien culturel, le patrimoine dans un sens plus patrimonial, là, et d'histoire de la religion catholique d'une part, là, alors faire tout ce lien-là. Alors, je comprends votre intervention, tout à l'heure, en disant aussi de garder aussi... de ne pas nécessairement de n'avoir un aspect que commercial, là. Alors, je sais que vous avez trouvé les mots un peu durs, vous-mêmes, de les dire, mais c'est quand même ça, là.

M. Tremblay (Yoland): Oui. Juste peut-être une petite précision là-dessus. Ça a été peut-être... Et ce n'est pas toujours facile. C'est que c'est bien sûr que les objectifs qu'on vous a tracés, notre mission de base, c'est de faire de la religion, donc c'est de faire la mission religieuse en premier. Et, nous, avec notre équipe de pastorale en place, ces gens-là ont compris qu'il devait y avoir une harmonisation, donc, entre les deux activités: l'activité, un, de remplir tous nos engagements religieux, les messes, les célébrations liturgiques, etc., et en même temps être capables d'offrir une autre expérience à ces visiteurs-là qui viennent dans Montréal. Et donc c'est d'en profiter. Mais en tout temps on a cette lumière rouge qui s'allume et de dire: Il y a une ligne de démarcation qu'on ne veut pas franchir parce qu'on reste foncièrement une église, entre-temps. Et des fois il y a des gens qui interprètent ça: Parce que c'est du mercantilisme, mais ça va au-delà du..., En ce qui nous concerne, ce ne serait pas du mercantilisme, c'est de dire: Il y a moyen de combiner la mission de base de notre institution et en même temps d'aller chercher des sous pour la protéger et la conserver au fil des années.

Mme Léger: Mais je pense que vous réussissez bien à faire tout ça. Parce que, qu'un touriste puisse arriver à l'église Notre-Dame, que les portes sont ouvertes et qu'il puisse rentrer à l'intérieur pour admirer autant l'architecture que le lieu lui-même et aussi de pouvoir se recueillir même s'il y a des centaines de personnes qui y sont... Vous réussissez quand même à le faire. Je trouve que ce n'est pas évident, où vous êtes situés, de réussir à faire ces deux-là.

Alors, ma question principalement est celle sur: Comment vous avez pu développer, malgré tous les mandats que vous vous êtes donnés puis le fait de financer aussi tout ça, comment vous avez pu faire pour garder cette proximité-là avec les besoins de la population et de vos citoyens qui sont préoccupés par la dimension du culte d'une part et d'aller chercher leur appui? Parce que, bon, vous avez parlé d'un réseau que vous avez puis qu'il s'est effrité après deux ans, un an et demi, deux ans. Mais, si j'essaie de trouver la façon... Parce que c'est quand même assez prestigieux, là, l'église Notre-Dame. On a beaucoup de fabriques ou d'administrateurs de petites églises très locales qui sont venus nous démontrer puis nous expliquer que ce n'est pas évident, là, un, de ramasser des sous, avoir du financement, de conserver leurs églises, bon, etc. Alors, comment vous vous êtes approprié cette proximité-là dans le fond avec les citoyens?

M. Tremblay (Yoland): Voici ce qu'on fait. Et, cette approche-là, on l'a développée au cimetière et on la développe pour la basilique depuis au moins cinq ans. C'est que de façon régulière, à tout le moins une fois par année, on prépare des sondages et on fait faire beaucoup d'enquêtes de marché. Et donc on pense que c'est une clé qui nous apporte beaucoup. Parce que naturellement l'évolution des mentalités, l'évolution de la société, ça change excessivement rapidement. Ça fait que, nous, annuellement, dans nos budgets, il y a une portion qui est prévue pour effectuer des sondages auprès de nos touristes, auprès des gens qui composent la population de Montréal, au même titre que vous faites des sondages CROP sur des produits nouveaux ou s'il y a des changements d'orientation sur votre institution en termes d'imagerie. Donc, nous, on a développé ce créneau-là avec une firme. Et ça nous permet donc de faire des sondages de façon assez régulière, avec des coûts quand même assez intéressants. Et, avec les résultats des sondages, on a été capables donc de s'adapter à ce que la population qui reste dans Montréal recherchait comme activités.

Mme Léger: ...population, pour vous? Parce que vous êtes...

M. Tremblay (Yoland): Bon, il y a deux volets. Nous, il y a deux populations qu'on recherche. On recherche en premier la population montréalaise, donc celle qui voudrait venir pratiquer leur culte donc dans cette église-là: Qu'est-ce qu'ils s'attendent, quand ils viennent chez nous? Est-ce que c'est plus de tranquillité? Est-ce que c'est plus de beauté, c'est plus de musique, c'est plus une programmation particulière événementielle? Donc, c'est ça.

Ça fait que ce qu'on a fait, et on le fait annuellement, on a bâti donc des sondages. Avec ces sondages-là donc, on sonde en moyenne de 500 à 1 000 personnes par année, dans différentes strates d'âge. Et, avec ça, avec l'équipe pastorale, on bâtit les événements pour l'année qui s'en vient. Et, quand on est capables, on essaie de faire une planification sur une période de deux à trois ans. Donc, première strate de la population.

Pour tout ce qui est le tourisme en général ? donc, je passe à Montréal, je reste à l'extérieur de Montréal ou je suis un touriste étranger ? on a fait faire des études et on a travaillé beaucoup avec Tourisme Montréal et avec CROP aussi là-dessus pour voir un peu qu'est-ce que le touriste, quand il met le pied à Montréal, il sort de l'aéroport, il sort des autobus, qu'est-ce qu'il recherche, quand il s'en vient dans une ville comme Montréal.

Et ce qu'on s'est aperçus ? et il a évolué beaucoup dans les cinq dernières années: il veut vivre une expérience. Si vous regardez le Vieux-Montréal, bon il y a le Vieux-Port qui s'est développé énormément, et ça nous a fait une très grande compétition. Ce qu'on a constaté, c'est que le touriste était prêt à investir du temps et de l'argent dans une église, dans un patrimoine religieux s'il vivait une expérience. Quand ils nous ont dit ce qu'ils recherchaient comme expérience, de savoir c'est quoi, l'histoire du lieu où ils sont, de le vivre avec la technologie, automatiquement on a mis une équipe là-dessus. Et c'est là qu'est sorti le spectacle son et lumière Et la lumière fut, pour être capable de répondre à ce type de besoin là et d'accrocher le touriste le plus longtemps possible dans notre église. Donc, c'est fait comme ça de façon annuelle. Et c'est les objectifs, sur une période de trois à cinq ans, qu'on se donne.

Mme Léger: Mais il vous faut régulièrement, dans votre conseil d'administration ou... je ne sais pas comment vous êtes organisés pour ne pas heurter non plus tout le côté essentiel et de base de l'église en elle-même.

M. Tremblay (Yoland): Oui. Mais on ne le heurte pas parce que, parallèlement à ça, au moins trois ou quatre fois par année, il y a un sondage maison qui est fait pour tous ceux qui viennent à la basilique pour assister aux messes régulières: Aimez-vous le contenu de la messe? Aimez-vous la musique qu'on y fait? Est-ce que vous aimez en plus la façon dont l'équipe pastorale fonctionne? Donc, nous, on se remet en question de façon très régulière par un système de sondages. Et c'est là qu'on permet autant à l'équipe pastorale de s'ajuster que, nous, aux activités touristiques, de s'ajuster.

Mme Léger: Comment... Pour conclure, probablement?

Le Président (M. Mercier): Une minute.

Mme Léger: Comment vous pourriez donner un peu de conseils ou d'avis ? parce que votre formule réussit, en tout cas ? face à la petite localité, la petite église d'une municipalité, là?

M. Tremblay (Yoland): Moi, le conseil que je pourrais donner... Parce que, vous savez, il y a cinq, six ans, on ne fonctionnait pas comme ça, là. C'était très, très différent, c'était à la bonne franquette, si je peux dire ça comme ça. Le conseil que je peux donner, c'est de dire: Il faut, à un moment donné, accepter le fait que, si on ne va pas voir des experts dans différents domaines, y incluant le domaine religieux, pour nous sensibiliser à l'évolution de la société et aux besoins de la population, on aura beaucoup de difficultés à répondre aux nouveaux besoins d'aujourd'hui.

Parce que c'est sûr que, spontanément, ça ne nous vient pas tout de suite à l'idée, quand on est dans le domaine religieux, d'aller faire des sondages, d'aller voir ce qui se passe ailleurs. Ce n'est pas spontané. Donc, il faut se faire une espèce de discipline puis il faut se faire un petit peu violence. Parce qu'on s'est fait un petit peu violence au départ, et toute l'équipe pastorale a embarqué. C'est sûr que, la première fois, là, ils ont dit: Hein, des sondages, aller faire du CROP, des choses comme ça... Ils étaient vraiment pas nécessairement emballés. Mais, avec les années, et ce que ça a donné...

Le Président (M. Mercier): Très rapidement, en 20 secondes, conclusion.

M. Tremblay (Yoland): Oui. Bien, moi, ce que je donnerais comme conseil: aller voir des experts dans le domaine de la commercialisation, d'aller s'assurer qu'on connaît bien les besoins de la population parce qu'ils évoluent.

Le Président (M. Mercier): D'accord. Alors, merci. Et malheureusement ceci clôt la période d'échange, fort intéressante. Et, tout en saluant le dynamisme de la fabrique de la paroisse de Notre-Dame de Montréal et ses représentants, je tiens à suspendre les travaux pour quelques minutes afin de pouvoir accueillir Mme Julie Dufour, étudiante à la maîtrise en éthique à l'Université du Québec à Rimouski.

(Suspension de la séance à 14 h 40)

 

(Reprise à 14 h 42)

Le Président (M. Mercier): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Je tiens à accueillir Mme Julie Dufour, étudiante à la maîtrise en éthique à l'Université du Québec. Mme Dufour, simplement pour vous réitérer évidemment les règles parlementaires ici, à cette commission, je tiens à vous souligner que vous disposez de 10 minutes évidemment pour faire votre exposé et nous présenter votre mémoire et qu'ensuite nous disposerons d'une période de 20 minutes d'échange. Je viens de vous présenter, mais je tiendrais quand même, pour les fins du Journal des débats, à ce que vous puissiez le faire vous-même, personnellement. Et nous sommes prêts à vous écouter, Mme Dufour.

Mme Julie Dufour

Mme Dufour (Julie): Merci. Je suis Julie Dufour, étudiante à la maîtrise en éthique à l'Université du Québec à Rimouski. Merci beaucoup de m'accueillir et merci d'avoir initié ces auditions publiques. Mon mémoire se veut une courte synthèse de mes recherches jusqu'ici effectuées dans le cadre de mes études, celles-ci portant sur la recherche des valeurs incarnées dans la conservation des églises hors des centres urbains au Québec.

De fait, je n'ai pas tenté de répondre directement aux questions soulevées par la commission dans le cadre de son mandat: Quoi? Comment? Et qui sauvegardera? En guise de contribution, j'ai plutôt posé une autre question: Au nom de quoi devrait-on sauvegarder les églises? Cette question fondamentale a souvent été à ma connaissance mise entre parenthèses dans le débat actuel. Je crois en fait qu'elle devrait occuper une place centrale dans le genèse du plan d'action en matière de sensibilisation et de prise de décision face à l'avenir des églises au Québec. Je désire donc, aujourd'hui, contribuer à la réflexion sur l'avenir du patrimoine religieux et plus particulièrement sur l'avenir des églises, car elles sont le coeur du patrimoine religieux au Québec, en proposant de développer une approche éthique de la problématique et de mettre ainsi en relief des dimensions inexplorées de sa complexité.

Vous connaissez donc les faits. Depuis quelques décennies, tous se questionnent sur l'état des églises. Parmi les approches ressortant du débat actuel, une qui est particulièrement intéressante et qui se situe au point de départ de ma réflexion est celle de M. Noppen et Mme Lucie K. Morisset. Dans leur récent ouvrage intitulé Les églises du Québec, un patrimoine à réinventer, les auteurs tendent à définir le concept de patrimoine appliqué à la conservation des églises au Québec dans la perspective d'un projet actualisant. Ce projet s'actualise à leur avis autour de la valeur d'usage de ces bâtiments, valeur qui consacre l'église comme étant fonctionnelle, pratique, voire utile.

En fait, les chercheurs défendent que la valeur d'usage de l'église se doit d'être au coeur des projets de conservation du patrimoine religieux, donc qu'il est important de trouver un usage à ces bâtiments. Ils ont aussi affirmé qu'il faudrait, bon, comme vous le savez, sauvegarder 40 % d'entre elles et peut-être plus, si on le peut, et ce serait particulièrement celles pour lesquelles la collectivité a trouvé un usage à court et à long terme. Mais en même temps ils misent sur le fonctionnement d'une évaluation qualitative subjective, c'est-à-dire une évaluation basée sur le patrimoine de proximité, donc basée sur les représentations que la collectivité se fait de l'objet patrimonial à conserver. Cette approche est à mon avis tout à fait justifiée. Or, il n'y a certainement pas que la valeur d'usage qui ressort d'une telle évaluation. Dans un petit village de 400 habitants, peut-on réellement demander aux habitants de trouver un usage à leur église? Je pense que plusieurs valeurs peuvent ressortir du patrimoine de proximité, qu'il faut les considérer et qu'il ne faut pas seulement prendre appui sur la valeur d'usage pour orienter les projets de conservation des églises.

Donc, une ou des valeurs peuvent être attribuées aux églises et aider aux prises de décision concernant leur sauvegarde. Mais comment choisir et définir ces valeurs? De plus en plus, on parle de patrimoine en tant que représentation, comme étant l'image de la communauté qui le protège. Produire le patrimoine implique donc une action collective, car elle engage un groupe d'êtres humains vivant ensemble dans un même espace. Ainsi, choisir les valeurs engagées dans la sauvegarde des églises exige donc la participation de la communauté. Sur cette base, différentes valeurs, sur le plan symbolique, peuvent être reconnues.

L'implication de la communauté dans le choix des valeurs engagées pour la sauvegarde d'une église se voudrait donc la base d'une solution applicable localement, et ce, dans chacune des régions du Québec, car la problématique de la conservation des églises varie grandement selon le lieu où elle est posée. Dans les grands centres urbains et en milieu rural, où les villes sont de plus petite taille, les variables ne sont pas les mêmes. Par exemple, on ne peut pas attribuer n'importe quel usage nouveau à une église située en milieu rural. On peut même se demander si on peut lui attribuer un nouvel usage. Mais cela n'indique pas pour autant que l'église en question ne mérite pas d'être conservée et restaurée. La place symbolique qu'elle tient au coeur d'une petite communauté, même si celle-ci est majoritairement laïque, est aussi importante que l'usage éventuel que l'on pourrait faire du bâtiment.

La problématique de la conservation du patrimoine religieux implique donc différentes valeurs émanant des individus constituant une communauté. Ces valeurs pourraient certainement contribuer à élargir les possibilités de projets de conservation des églises, et ce, particulièrement en dehors des grands centres urbains au Québec.

Les valeurs attribuées à une église par la communauté peuvent être contextuelles, comme par exemple identité, fidélité, appartenance, solidarité, bien-être, universalité; ou encore plastiques, comme les valeurs historiques ou artistiques. Elles sont nommées ici, ainsi que dans mon projet de maîtrise, valeurs incarnées. Choisies par un ensemble de personnes vivant ensemble, elles pourraient devenir des points de repère orientant l'action. Elles seraient ainsi l'assise de pistes d'action et d'orientations en matière de gestion des églises.

À la question: Au nom de quelles valeurs sauvegarder notre église?, une communauté choisirait en guise de réponse des valeurs qui incarnent ce qu'elle est et ce qu'elle veut pour les générations présentes et les générations à venir. Par exemple, la valeur d'ancienneté et la valeur historique d'un objet architectural sont importantes pour la reconnaissance et la conservation du souvenir rattaché à cet objet. Elles permettent d'offrir une base à la définition identitaire que l'on veut se donner. Mais d'autres valeurs, comme par exemple l'appartenance et l'attachement qu'une communauté ressent envers son église ou encore la fidélité qu'elle lui porte, émanant directement de la communauté, se rattachent également à l'objet patrimonial. Ces valeurs sont fondamentales. Il ne faut pas les négliger, particulièrement lorsque l'on pose la problématique en milieu régional et rural. «Le patrimoine est avant tout une idée qui prend forme dans le discours et qui existe par lui.» Cette phrase, tirée d'un récent ouvrage de Martin Drouin, historien du patrimoine, résume bien cette idée. L'objet patrimonial doit être identifié et soutenu par les gens qui le côtoient, c'est-à-dire la communauté qui vit près de lui.

Le patrimoine se doit donc d'être reconnu et valorisé collectivement, car il est étroitement lié au développement de la collectivité. Une des idées essentielles de la philosophie politique du philosophe Charles Taylor ? qui est en fait ma référence centrale au niveau philosophique, dans mon projet de mémoire ? est qu'il n'y a pas d'humanité sans culture, c'est-à-dire que l'homme, en dehors de toute culture ou horizon moral, est un être déshumanisé. La communauté et les valeurs significatives qui la dynamisent définissent et reconnaissent l'homme en tant qu'être humain. Je crois que cette idée se doit d'être étudiée dans le cadre du mandat de la commission. Les solutions qui en émergeront, même si elles ne sont que très peu teintées de cette idée, auront au moins le mérite d'impliquer la collectivité dans le choix de l'action, ce qui engendrera un agir responsable, collectif et humain.

Donc, n'ayant étudié que la question de l'avenir des églises au Québec, je ne me prononcerai pas sur la question des biens mobiliers et du patrimoine immatériel.

Ce mémoire présenté à la commission se veut court et concis, mais l'objectif principal était d'apporter une perspective que j'espère différente et réflexive, afin de collaborer à trouver des solutions saines et garantes d'un avenir riche pour les églises et pour l'ensemble du patrimoine religieux au Québec. Merci.

n(14 h 50)n

Le Président (M. Mercier): Alors, merci, Mme Dufour, merci pour la présentation de votre mémoire. Et je tiens également à souligner, pour les fins du Journal des débats et également les gens qui sont ici présents dans cette salle, que nous nous sommes déjà rencontrés, compte tenu que cette commission a fait une tournée du Québec, et que nous étions à Rimouski, donc dans votre patelin ou du moins pas très loin, et que vous faisiez vous-même partie de l'assistance, de l'auditoire à cette époque, lorsque nous y étions, et que nous vous avions lancé l'invitation, bien que vous fassiez partie des gens dans la salle, mais que nous vous avions lancé une invitation, et que vous avez de plein gré accepté notre invitation. Alors, on vous en remercie. Alors, tous les membres de la commission vous en remercient. Merci, Mme Dufour.

Ma première question. Mme Dufour, vous dites, à la page 4 de votre mémoire, que «la communauté ? et ça, vous en avez fait état tout à l'heure ? et les valeurs significatives qui la dynamisent définissent ? et là je lis évidemment ? et reconnaissent l'homme en tant qu'être humain». Selon l'auteur ? évidemment vous-même ? cette idée doit être prise en compte dans la présente consultation. Et évidemment je me réfère à l'espèce de résumé que nous avons ici et qui est très bien fait par notre secrétariat.

Ce matin, Mme Dufour, nous avons accueilli, comme dernier représentant avant l'heure du déjeuner, du lunch, le recteur à la Faculté de théologie de l'Université Laval. Et, pour vous résumer très brièvement, lui nous pointait une théorie ? évidemment, la sienne mais qui est partagée par l'ensemble du moins des théologiens à l'Université Laval ? à l'effet que l'âme, l'âme d'un lieu de culte est la religion, ses artistes, ses citoyens qui, à une époque donnée, ont contribué à l'édification d'un bâtiment. Et là je m'explique.

À partir du moment où, dans un lieu, on a une église, par exemple, qui date de 300 ans, 200 ans, 400 ans ? il nous en a fait état ce matin et il nous donnait des exemples européens ? si, par exemple, une église a été bâtie par les catholiques pour la religion catholique, mais qu'aujourd'hui on doit la sauver, cette église, mais qu'elle doit rester, dans son âme, catholique, mais que, pour la sauvegarder, toute la population ? et là c'est pour ça que je fais référence à votre terme exact, c'est-à-dire «la communauté et les valeurs significatives» ? toute la communauté, peu importe la religion à laquelle on adhère et que l'on soit athée ou non, doit contribuer à sauvegarder cet édifice, ce bâtiment et sa religion qu'il représente. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus.

J'ouvre un peu la porte finalement pour vous entendre sur les communautés et les valeurs significatives parce que vous-même vous le dites que c'est important, qu'il faut absolument que la communauté y contribue. Est-ce que vous partagez ce point de vue du recteur?

Mme Dufour (Julie): Bien, en fait, on n'a pas de réponse telle quelle parce que... Bien, enfin, je n'ai pas... Je vais vous expliquer ma réflexion. C'est que, comme je le disais et comme plusieurs le disent, le patrimoine, c'est une représentation et il est protégé par une communauté qui lui accorde certaines valeurs, et ces valeurs peuvent être historiques, architecturales, ou quoi que ce soit, bien d'autres valeurs, fidélité ou appartenance. Et ça va être selon la dynamique qui va s'établir entre ces valeurs-là que la communauté va choisir quoi faire avec l'église.

Je ne sais... En fait, c'est très intéressant, ce que disait cet homme, ce matin. Vous voulez savoir ce que je pense sur la question de...

Le Président (M. Mercier): Effectivement, ce que je veux savoir, Mme Dufour... Évidemment, ce n'est pas ? permettez-moi l'expression très québécoise ? ce n'est pas une colle que je vous pose, là, c'est tout simplement pour tenter de cerner un petit peu votre propre hypothèse par rapport à celle que nous avons entendue, ce matin, de la part du recteur de la Faculté de théologie de l'Université Laval, simplement pour un petit peu peut-être différencier vos points de vue, vos hypothèses. Ou peut-être partagez-vous la même.

Mme Dufour (Julie): Ce que j'explique, dans mon mémoire, c'est que finalement ce qui est important, c'est que la responsabilité des églises et la prise de décision soient collectives et que ce soient différentes instances qui soient en charge de décider, d'établir qu'est-ce qu'elles veulent faire et ensuite de prendre en charge la gestion. De là à dire si tous les individus doivent être impliqués, je pense que ça, c'est une question de droit et de respect, là, de chaque individu.

C'est difficile également parce que la problématique des églises ne se pose pas de façon identique selon le milieu, au Québec. En milieu régional, comme par exemple dans le Bas-Saint-Laurent, la population est relativement homogène, c'est-à-dire qu'il n'y a pas beaucoup de confessions religieuses qui ont des lieux de culte, à part... Il y a quelques églises protestantes, et je crois que c'est tout. Donc, la problématique est différente par rapport à ce qui peut se produire dans un milieu urbain où il y a plusieurs communautés qui vivent dans un espace commun. Ce que j'avance, c'est que vraiment je crois que la prise de décisions concernant l'avenir et la gestion se fassent de manière collective.

Le Président (M. Mercier): D'accord. Je suis maintenant prêt à reconnaître et à céder la parole au député de Marguerite-D'Youville. M. le député, je dois vous souligner que vous disposez d'à peu près cinq minutes, réponses et questions.

M. Moreau: Merci, M. le Président. On va aller au vif du sujet. Vous allez quand même plus loin, dans votre mémoire, que de définir ce que devrait être le groupe. Lorsque vous évoquez la philosophie politique de Taylor, où vous dites: «Il n'y a pas d'humanité sans culture, c'est-à-dire que l'homme en dehors de toute culture ou horizon moral est un être déshumanisé», ici on parle du patrimoine religieux, et je pense que, quand vous évoquez la philosophie de Taylor, ça induit qu'on doit prendre un point de départ qui tient compte du patrimoine à sauver.

Ici, dans le cadre du patrimoine religieux, le président évoquait avec beaucoup de justesse le mémoire de M. Viau, doyen de la Faculté de théologie et de sciences religieuses de l'Université Laval, mais aussi la position du Regroupement des archivistes religieux, qui ont été entendus ce matin. Et est-ce que finalement, lorsque vous dites: «L'objet patrimonial doit être identifié et soutenu par les gens qui le côtoient, c'est-à-dire la communauté qui vit près de lui», on ne devrait pas également ajouter: en fonction de ce qui a amené à la création de ce patrimoine-là?

Et je cite encore, là, le mémoire de Laurier Turgeon, lorsqu'il parle du patrimoine immatériel et matériel. On dit: «C'est le patrimoine immatériel qui donne sens et vie au patrimoine matériel. S'il est un domaine du patrimoine où l'immatériel est important, c'est bien celui du religieux, animé par les abstractions de la foi, de l'amour et de la quête de la transcendance.» Le doyen de la Faculté de théologie nous disait: C'est indissociable du bâti, de la pierre, du bâtiment ou des biens matériels eux-mêmes parce que d'abord et avant tout ce sont des lieux de culte pour l'adoration des croyants.

Alors, est-ce que ce n'est pas se rapprocher de la philosophie de Taylor que de dire: Dans les critères de sauvegarde, au-delà de ceux qui auront à se pencher là-dessus, le premier critère qui doit être déterminant, c'est celui de l'importance du bien considéré dans le cadre de sa vocation première qui était d'être un lieu de culte? Est-ce que vous êtes d'accord avec ça?

Mme Dufour (Julie): Si la... En fait, c'est... Vous avez de bonnes questions.

Le Président (M. Mercier): ...vous en remercie. Mais évidemment c'est pour mieux apprécier vos commentaires mais également pour faire une meilleure réflexion afin que nous puissions élaborer un rapport, là, des plus précis. Alors, c'est pour ça que vos réponses sont très, très, très importantes pour nous, Mme Dufour.

Mme Dufour (Julie): En fait, je pense que le point de départ, c'est vraiment si la communauté accorde une importance. Si la collectivité accorde encore une importance première au culte et que c'est la valeur de transcendance, ou d'autres valeurs rattachées au culte, qui, par rapport à d'autres valeurs, est priorisée, je pense que c'est...

Chaque église a une importance pour les gens qui vivent autour. Et ce n'est pas une échelle de critères applicables à toute la province qui va permettre de valoriser et de bien gérer l'église en question dans chaque petite paroisse. Vous comprenez? Je ne pense pas qu'il faut... Je ne crois pas qu'un modèle de critères puisse être adéquat pour évaluer la sauvegarde de toutes les églises au Québec.

n(15 heures)n

M. Moreau: Alors, vous prônez pour une régionalisation des critères et donc vous faites une dissociation de l'objet premier pour lequel ce patrimoine-là a été créé. Il n'a pas été créé pour être d'abord un patrimoine culturel, il a d'abord été créé pour être utilisé à des fins de culte. C'est d'abord un patrimoine cultuel avant d'être un patrimoine culturel. Mais vous dites, lorsque vient le temps de faire la sauvegarde, votre opinion, c'est de dire: On ne doit pas nécessairement prendre ça comme une vertu cardinale, là, le fait que ce soit d'abord un objet de culte, puis on doit aller vers des critères régionaux.

Le Président (M. Mercier): En 20 secondes, Mme Dufour.

Mme Dufour (Julie): Mon Dieu! Une église est un lieu de culte. Dès le moment où on lui accorde le titre de patrimoine, c'est parce qu'on lui accorde certaines valeurs, que la communauté autour accorde certaines valeurs. Si, parmi ces valeurs, la première valeur, c'est celle destinée au culte ou celle de la transcendance ou de la plénitude dans... tant mieux. Mais, si une communauté accorde à l'église, qui est un objet, qui peut devenir un objet patrimonial ou qui devient un objet patrimonial, une valeur différente, soit une valeur architecturale importante, une valeur historique, appartenance, c'est à elle de décider. Vous comprenez ce que je veux dire?

Le Président (M. Mercier): Merci. Je suis maintenant prêt à reconnaître la députée de Pointe-aux-Trembles. Mme la députée, la parole est à vous.

Mme Léger: Merci, M. le Président. Ce que je comprends, c'est que, pour vous, au départ, on devrait éviter les critères et mettre davantage le mot ou la façon de voir les choses par des valeurs. Je suis presque convaincue que, les valeurs d'appartenance, d'attachement, de fidélité, il y a toujours des citoyens, presque partout au Québec, qui auront ces valeurs-là auprès de leur église, ou de leur bâtiment, ou de leur couvent, bon, peu importe, là, à proximité de chez eux. La problématique, je crois, est beaucoup plus de comment les sauver, comment les préserver, comment les conserver, je crois. C'est sûr qu'il y a des citoyens qui vont être encore plus passionnés, et plus disponibles, et dévoués pour que leur église ne soit pas... que l'évêque ou que le diocèse ne décide pas que cette église-là sera fusionnée avec une autre. Vous ne trouvez pas?

Mme Dufour (Julie): Bien, en fait, présentement, comme par exemple au niveau de la Fondation du patrimoine religieux, ce sont des critères qui évaluent si telle et telle églises nécessitent un montant d'argent pour la restauration. Et, un exemple très concret, vous étiez là, à Rimouski, lorsque la commission a entendu la fabrique des Méchins, je crois que c'était un très bon exemple d'une communauté qui vit près... qui accorde une importance particulière à son église, qui accorde des valeurs davantage contextuelles, comme par exemple ils sont fidèles, ils y vont tous les jours, il y a une appartenance, mais, selon les critères de la fondation, ce n'était pas considéré, donc il n'avaient pas la subvention nécessaire pour l'entretenir. Et c'est ce qui fait qu'il y a plusieurs églises qui, en région, parce qu'elles n'ont pas de...

Mme Léger: Oui, mais ce n'est pas là ma question, Mme Dufour. C'est que de prime abord ? vous donnez un bon exemple, là ? cet exemple-là, c'est sûr que les citoyens ne veulent pas que leur église ne soit plus... qu'on ne puisse plus la conserver. Je veux dire, de prime abord, la prémisse, c'est évident qu'il faudrait conserver toutes les églises du Québec, hein, s'il y avait cette possibilité-là, parce qu'il y a des valeurs autres que des critères pour vouloir conserver les églises du Québec.

Alors, comment on peut conserver toutes les églises du Québec? Même si vous ajoutez les valeurs comme prémisses principales, il reste que la fondation... ou les critères qui sont émis par la fondation, c'est parce qu'on ne peut pas nécessairement.... Quand vous avez un budget de 12 millions de dollars puis vous voulez aider à financer, à vouloir conserver tous ces bâtiments historiques là et tout le patrimoine religieux du Québec, il y a un ordre de grandeur, donc il arrive des critères. Ce que je comprends, c'est que, pour vous, vous voulez me dire que les critères, ce n'est pas suffisant, c'est les valeurs qui sont plus importantes. Mais, moi, je pense qu'au départ les valeurs sont toutes là. Vous ne trouvez pas?

Mme Dufour (Julie): Oui, sauf que les actions envers les églises ne devraient pas porter sur la sélection des critères, mais bien sur la sélection des valeurs.

Mme Léger: ...toutes les conserver?

Mme Dufour (Julie): Non. Je ne crois pas qu'on...

Mme Léger: Vous ne pensez pas que toutes les églises du Québec ont leurs... il y a des valeurs... que chaque localité ou les citoyens de partout au Québec ne voudraient pas conserver leur église par des valeurs d'appartenance, de fidélité, de toutes sortes d'autres valeurs? Je pense que oui, moi.

Mme Dufour (Julie): En fait, ce que j'essaie d'expliquer, c'est que les subventions présentement accordées sont basées sur une échelle de critères, et il y a plusieurs églises qui reçoivent énormément d'argent parce que le critère historique est très élevé, le critère architectural est très élevé, tandis que d'autres n'en reçoivent pas parce qu'elles sont peut-être bâties... elles ont été bâties dans les années trente et qu'elles n'ont pas de matériaux particulièrement intéressants, mais que la communauté désire avoir un peu d'argent pour la protéger et pour éventuellement établir un plan d'action pour la convertir, ou la restaurer, ou quoi que ce soit. Est-ce que vous comprenez? Parce que c'est...

Mme Léger: Ah, il y a peut-être une réflexion aussi à apporter, si je fais suite à ce que vous dites sur aussi les églises qui sont urbaines et les églises rurales, parce que...

Mme Dufour (Julie): Présentement, mon mémoire de maîtrise porte sur la conservation des églises en dehors des centres urbains.

Le Président (M. Mercier): Alors, merci, Mme Dufour. Je suis maintenant prêt à reconnaître et à céder la parole à celui même qui vous avait personnellement offert une invitation ici, à l'Assemblée nationale, afin de venir partager évidemment votre mémoire et vos opinions. Je cède la parole au député de Mercier. M. le député, la parole est à vous.

M. Turp: Merci, M. le Président. Vous avez une bonne mémoire. D'abord, merci, Mme Dufour, d'avoir donné suite à cette suggestion de vous présenter devant cette commission. Quand je l'ai su, en décembre dernier, j'étais très content parce que ça démontrait un intérêt pour nos travaux qu'avait démontré votre présence. Et en région, de vous déplacer dans la capitale, d'avoir préparé le mémoire, c'est quelque chose qui est tout à votre honneur. Une étudiante de maîtrise qui prend la peine de faire ça à mon avis va aller loin. Et peut-être, un jour, vous viendrez dans notre Parlement comme députée.

Une voix: C'est bien loin, ça?

M. Turp: Prenez le temps qu'il vous faut. Mais il y a moins de femmes au Parlement du Canada, en proportion, à la suite de l'élection de lundi, et ça, c'est un problème auquel vous devriez...

Une voix: ...

M. Moreau: ...au fédéral, venant de vous, ce serait surprenant.

M. Turp: Non, justement il ne faut pas suivre l'exemple du Parlement fédéral, en ce qui nous concerne. Alors, est-ce qu'on peut concilier l'idée de valeurs et de critères? Parce que, vous savez, quand il s'agit d'assurer la préservation du patrimoine religieux et de faire des choses aussi concrètes que de soutenir des fabriques, est-ce qu'on peut se priver de critères? Est-ce qu'on peut se priver de normes plus objectives pour soutenir les efforts d'une communauté qui réclame un soutien, et notamment de l'État, à travers une fondation ou une fiducie? Puis, si tel est le cas, est-ce que ce n'est pas sur la base des valeurs qu'on doit établir des critères?

Mme Dufour (Julie): Tout à fait. C'est juste qu'il y a plusieurs valeurs qui ne sont pas... qui ne ressortent pas des critères actuels, qui ne ressortent pas dans les critères actuels. Ça fait que c'est pour ça que, moi, j'utilise le terme «valeurs». Mais ça pourrait être également «critères», sauf que c'est difficile d'identifier le critère d'identité ou d'appartenance. On ne peut pas mettre une échelle sur la valeur d'identité qu'une personne ressent envers un objet patrimonial. Vous comprenez? Ça fait que, moi, c'est pour ça que j'utilise le terme de «valeurs». Mais je crois que les valeurs historiques ou les critères qui évaluent la date d'édification de l'église sont aussi importants que les valeurs plus humaines, disons, là, dans la conservation des églises.

n(15 h 10)n

M. Turp: Vous savez, c'est intéressant parce qu'avec le doyen de la Faculté de théologie, ce matin, de Laval... Je ne sais pas si vous y étiez, là.

Mme Dufour (Julie): Non, mais on m'a résumé un peu, tout à l'heure.

M. Turp: Mais, vous voyez, le débat portait un peu sur cela, lorsqu'il a donné son exemple de la cathédrale de Dresde, parce que, pour lui, ce qui justifiait son geste de soutenir la construction, c'était vraiment une valeur religieuse, c'était sa valeur de personne qui est croyante, alors qu'il acceptait par ailleurs qu'une autre personne qui n'est pas du tout croyante veuille... il était content de reconnaître que cette personne-là voulait aussi investir dans le patrimoine.

Le Président (M. Mercier): En une minute, M. le député.

M. Turp: Alors, quelle est la valeur la plus importante qui devrait inspirer une autorité qui veut établir des critères lorsqu'il s'agit de l'avenir du patrimoine religieux?

Mme Dufour (Julie): En fait, il n'y a pas de valeur prioritaire ou priorisée sur une autre parce que chaque valeur a une portée et la portée délimite la primauté d'une valeur sur une autre. C'est à la collectivité, à la communauté, aux gens qui vivent autour de l'église à décider, je crois, quelles sont les valeurs qui sont prioritaires et d'établir, à partir de ces valeurs-là, les actions qui vont être nécessaires à la gestion ou à la restauration. Je suis tout à fait d'accord avec vous qu'il y a certaines églises sur le...

Le Président (M. Mercier): En conclusion, Mme Dufour, 20 secondes.

Mme Dufour (Julie): ...qu'il y a certaines églises qui ont une valeur historique intéressante, mais il y a des églises qui ont également une valeur d'identité ou d'appartenance intéressante pour des communautés, et ça, il faut le considérer.

Le Président (M. Mercier): Merci, Mme Dufour. Alors, ceci clôt cette période d'échange avec les députés. Évidemment, Mme Dufour, c'est bien de voir qu'il y a toujours de la relève quant à la recherche qui se fait sur l'avenir du patrimoine religieux. Et on vous remercie de votre présence ici, à l'Assemblée nationale, à cette commission parlementaire.

Je suspends évidemment les travaux pour quelques minutes afin de pouvoir accueillir l'Association des cimetières catholiques romains du Québec.

(Suspension de la séance à 15 h 12)

(Reprise à 15 h 13)

Le Président (M. Mercier): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je tiens maintenant à accueillir, à souhaiter la bienvenue à l'Association des cimetières catholiques romains du Québec.

Je vous rappelle quelques règles parlementaires ici, à cette Commission de la culture. Vous disposez de 15 minutes afin de nous faire part de votre mémoire, et ensuite il y aura une période d'échange de 30 minutes avec les parlementaires ici présents à cette commission. Avant même de débuter votre présentation, je vous demanderais de bien vouloir vous présenter, pour les fins du Journal des débats. Et nous sommes prêts à vous entendre. Alors, messieurs, la parole est à vous.

Association des cimetières catholiques
romains du Québec (ACCRQ)

M. Julien (Rénald): Je vous remercie, M. le Président de la commission, d'avoir accepté que l'association dépose un rapport à la commission. Nous étions dans les limites du délai.

Je me présente. Je suis Rénald Julien, président de l'Association des cimetières catholiques romains et en même temps directeur général du cimetière Saint-Charles de Québec. À ma droite, vous avez M. Michel Gosselin, conseiller juridique de l'association; à l'extrême droite, c'est-à-dire à votre gauche, M. Claude Dicaire, président du repos Saint-François-d'Assise de Montréal. Et j'ai, derrière moi ? parce qu'il n'y a que quatre sièges ? M. l'abbé Michel Fournier, curé de la paroisse Bienheureux-François-de-Laval.

Le Président (M. Mercier): Regardez, on pourrait peut-être demander à monsieur de bien vouloir s'approcher à vos côtés. Il y a sûrement moyen évidemment de vous accommoder afin que vous puissiez faire partie évidemment du panel de présentation.

M. Julien (Rénald): Et en même temps il est président de la Compagnie du cimetière Saint-Charles. Et, à ma gauche, j'aimerais vous présenter M. Brian Tregett, qui est surintendant du cimetière Mount Hermon, à Québec, qui représente la communauté des cimetières protestants au Québec, qui sont en appui avec la présentation du mémoire de l'Association des cimetières catholiques romains.

Il faut dire, d'une première part, que l'association est naissante ? à peine 1987. Quelques responsables de cimetières se sont réunis pour justement se sensibiliser aux défis des cimetières d'aujourd'hui, qui représentent certainement une valeur patrimoniale. Alors, vous avez, dans la page de présentation: L'Association des cimetières catholiques romains, l'ACCRQ, a été constituée en corporation par lettres patentes émises le 1er avril 1987, sous l'autorité de la Loi des évêques catholiques romains. L'archevêque de Québec est le visiteur de la corporation. Un conseiller épiscopal, Mgr Martin Veillette, est nommé par l'association des évêques du Québec. Et le siège social de l'ACCRQ est à Québec.

L'ACCRQ a pour objet de regrouper tous les cimetières catholiques romains, de promouvoir leurs intérêts en les aidant à assumer leurs responsabilités et leurs devoirs selon tous les aspects civils et religieux et de promouvoir les actions nécessaires pour leur développement, leurs opérations et leur administration.

En 2000, l'ACCRQ regroupe plus de 200 cimetières comme membres réguliers. L'association diffuse sa documentation auprès de 700 cimetières catholiques et auprès des chancelleries des diocèses catholiques de Québec. On y compte aussi des membres observateurs, individus ou organismes ne pouvant être reconnus comme membres réguliers mais intéressés aux buts poursuivis par l'association. On compte enfin des membres fournisseurs, individus ou entreprises fournissant des biens ou services utilisés dans un cimetière catholique romain.

Depuis sa fondation, l'ACCRQ tient des congrès annuels en diverses villes du Québec. Le congrès prend la forme d'ateliers sur des sujets pertinents et de l'assemblée générale annuelle de l'association. En 2003, ce congrès a eu lieu à Rivière-du-Loup. Il a été tenu, en 2004, à Amos, en 2005, à Baie-Comeau, et prochainement dans le Nord de Montréal, en 2006, à Saint-Jérôme.

L'ACCRQ organise des ateliers de formation à la gestion des cimetières. Elle édite et diffuse un manuel à cette fin. Les congrès annuels sont l'occasion de traiter des questions relatives aux lois et règlements, à l'environnement, à l'histoire, au patrimoine. L'ACCRQ donne une voix à ses membres vis-à-vis les instances gouvernementales et les organismes affiliés. Elle sert de référence pour les questions d'actualité. L'association publie un bulletin de liaison, Le Trait-d'union, diffusé auprès des cimetières catholiques romains.

Je tiens à ajouter également que, depuis un an et demi, nous avons demandé à nos membres, par la voie d'un sondage, quelle était leur position sur la disposition cinéraire, la disposition des cendres humaines ? et c'est ce qui fait l'objet principal de notre mémoire ? qui assurent à la fois une trace, dans l'histoire des individus, d'un lieu où c'est conservé, dans un terrain sacré à cette fin. Ne pas avoir rien, ça demeure extrêmement déplorable.

Je sors d'une grippe et j'aimerais laisser la parole, si vous le permettez, M. le Président, à M. Michel Gosselin.

Le Président (M. Mercier): Parfait. Allez-y, M. Gosselin, la parole est à vous.

M. Gosselin (Michel): Alors, bonjour à tous. Je suis avocat et je suis, sans prétention et avec toute humilité, le seul spécialiste en droit des cimetières au Québec. Et je fais des sessions de formation au droit des cimetières, et, en 2005, j'ai fait des sessions de formation pour environ 250 fabriques, c'est-à-dire le diocèse de Gaspé, le diocèse de Mont-Laurier et le diocèse de Québec, et nous allons continuer prochainement.

Ce que je veux vous dire, c'est que je suis aussi le procureur de plusieurs fabriques, le procureur de certains évêchés et le procureur de l'Association des cimetières catholiques romains du Québec. Et l'objet pour lequel nous désirons vous faire part aujourd'hui, c'est la question des cendres cinéraires. Alors, si vous me permettez, je vais lire certains extraits du mémoire que vous avez.

Dans un cimetière, lieu sacré et de repos des défunts, le corps privé de vie conserve sa dignité. Le baptême fait du corps des chrétiens le temple du Saint-Esprit et incite les fidèles à approcher le corps du défunt avec un sentiment particulier de respect et de piété. Cette culture funéraire imprégnée de convictions chrétiennes est, encore aujourd'hui, une réalité concrète, même si elle est moins manifeste. Les valeurs religieuses d'une sépulture dépendent essentiellement de la solidarité des vivants à l'égard des défunts, de leur famille et de leur cercle social. La parole de Périclès vaut encore aujourd'hui: Un peuple se juge à la manière dont il ensevelit ses morts.

n(15 h 20)n

Le Code civil du Québec souligne le respect obligé du corps après le décès. Ce sont les articles 42 à 49. Dans ses commentaires sur le Code civil du Québec, le ministre de la Justice rappelle que le droit d'une personne à la sauvegarde de sa dignité continue même après sa mort. Il souligne ensuite que son corps doit être l'objet de soins particuliers. Enfin, il énonce que les lois relatives aux cimetières, aux inhumations et exhumations, de même que celles relatives à la recherche des causes de décès prescrivent plusieurs règles pour assurer le respect du corps après le décès.

Cette reconnaissance explicite par le législateur du respect du corps après le décès coïncide avec les valeurs sociales et religieuses du peuple québécois et exprime une réalité solidement ancrée dans l'histoire du Québec et dans le vécu de ses citoyens. Toutefois, dans la réalité actuelle, la législation n'assure pas de façon adéquate le respect du corps après le décès, lorsqu'il est disposé après crémation.

Il faut souligner ici la position de l'Église catholique romaine du Québec, qui recommande fortement que les restes cinéraires soient inhumés dans un cimetière ou déposés dans un columbarium situé dans un cimetière. Cette position de l'Église catholique romaine du Québec est facilement compréhensible du fait que le corps des défunts de religion catholique romaine doit être traité conformément aux rites et coutumes de cette religion et que le cimetière catholique romain, qui est un lieu sacré, est le seul endroit de repos pour tous les défunts de religion catholique romaine, qu'il s'agisse d'un corps ou de cendres cinéraires.

Les dirigeants de cimetières catholiques romains sont fortement préoccupés par l'absence totale de réglementation quant à la disposition et à la conservation des cendres cinéraires dans le respect dû au corps des catholiques romains. L'absence de contrôle gouvernemental quant aux obligations de respect du corps après le décès, obligations civiles et religieuses... sont de moins en moins respectées par les héritiers ou successibles du défunt.

En effet, dans l'état actuel des choses, rien ne garantit que la totalité des cendres cinéraires se retrouve dans une seule urne ou un seul contenant et a fortiori qu'il y ait sépulture des restes du défunt dans un cimetière. L'on peut facilement envisager des cas où une famille ou des familles divisées se disputent les cendres d'un défunt, nonobstant les dispositions par lesquelles le défunt a réglé ses funérailles et le mode de disposition de son corps, pour finalement se les répartir en deux parties et les déposer dans des endroits distincts de toute nature autre qu'un cimetière.

La conservation non réglementée par le gouvernement soulève aussi d'importants problèmes pour le conjoint, les descendants, les ascendants et les collatéraux du défunt, entre autres la disposition des cendres cinéraires dans tout autre endroit qu'un lieu sacré, l'absence d'identification du défunt, l'impossibilité de se recueillir sur l'emplacement funéraire alors inconnu des proches, les heures très limitées d'accès à l'emplacement funéraire du défunt, etc.

La conservation des cendres cinéraires dans des résidences privées peut relever d'un certain sens du macabre ou a tout simplement pour but d'éviter les frais qu'implique leur disposition et dépôt dans un cimetière. Cette dernière motivation aboutit souvent à des situations où les cendres cinéraires sont purement et simplement reléguées au rang de vieilleries entreposées dans l'atelier, le garage ou le sous-sol. Qu'en est-il alors du respect du corps du défunt?

Le dépôt des cendres cinéraires chez une entreprise funéraire ne correspond pas non plus aux exigences du respect du corps après le décès, particulièrement du fait qu'il ne s'agit pas d'un lieu sacré ni d'un lieu assurant la pérennité de ce dépôt des cendres cinéraires. Aussi, les heures d'ouverture de l'entreprise funéraire sont très limitées et empêchent ainsi les proches du défunt de se rendre sur les lieux de dépôt des cendres cinéraires. Les entreprises funéraires sollicitant le dépôt des cendres cinéraires ne disposent généralement que de quelques niches aménagées dans un réduit s'apparentant plus à de simples casiers postaux intégrés dans un pan de mur.

Par ailleurs, il est impossible de faire abstraction des aléas auxquels est sujette l'entreprise funéraire, nonobstant les obligations contractuelles prévoyant la durée du dépôt des cendres cinéraires chez l'entreprise funéraire. Il faut souligner les possibilités que cette entreprise funéraire soit vendue, qu'elle ferme ou qu'elle soit mise en faillite. Dans de telles circonstances, les obligations contractuelles relatives au dépôt des cendres cinéraires deviennent très aléatoires et les risques de disparition des cendres cinéraires, sans qu'en soient informés les concessionnaires, deviennent ainsi une réalité éprouvante.

Ce questionnement de l'Association des cimetières catholiques romains sur la disposition des cendres cinéraires dans un lieu autre qu'un cimetière, même dans une église désaffectée, est aussi partagé par les dirigeants des cimetières protestants, juifs et non confessionnels du Québec avec qui l'Association des cimetières catholiques romains du Québec a pu échanger. Il y a unanimité de tous ces intervenants pour que tous les restes humains, quels qu'ils soient, soient l'objet d'une sépulture ou d'un dépôt dans un cimetière. Aussi, tout dépôt des cendres cinéraires dans une église désaffectée qui n'est plus alors la propriété d'une fabrique détenant un ou plusieurs cimetières serait au détriment du cimetière de la fabrique ou de la compagnie de cimetières catholiques romains dont la fabrique est membre. À cet égard, tous les dirigeants de cimetière partagent l'avis qu'il s'agit là d'une question essentielle visant le respect du corps après le décès et la pérennité des cimetières religieux.

Pour assurer la pérennité du dépôt des cendres cinéraires, les dirigeants de cimetière considèrent comme essentiel et élémentaire que les cendres soient déposées dans un cimetière, lieu sacré et de repos des défunts. Selon le choix du défunt, de ses héritiers ou successibles, les cendres doivent être déposées dans un carré d'enfouissement, dans un columbarium ou un mausolée-columbarium situé dans les limites d'un cimetière, tous ces lieux de dépôt étant des lieux sacrés.

Pour assurer la pérennité du dépôt des cendres cinéraires hors le cimetière, même l'entreprise funéraire devrait obligatoirement déposer les cendres cinéraires qu'elle reçoit en dépôt dans un columbarium ou un mausolée-columbarium indépendant de tout autre bâtiment de l'entreprise funéraire.

Enfin, le législateur doit prendre les dispositions utiles pour obliger le dépôt des cendres cinéraires dans un cimetière, que ce soit par enfouissement dans un emplacement funéraire, par le dépôt dans une niche d'un columbarium ou d'un mausolée-columbarium. Aussi, le législateur doit statuer afin d'empêcher la dispersion des cendres cinéraires et leur dépôt ailleurs que dans un cimetière, un columbarium ou un mausolée-columbarium indépendant de tout autre bâtiment de l'entreprise funéraire.

Pour assurer et garantir le respect du mode de disposition du corps d'un défunt et des conventions funéraires qui sont à la base du respect du corps après le décès, l'Association des cimetières catholiques romains du Québec formule les recommandations suivantes.

Que, préalablement à toute crémation ou incinération d'un corps, à l'inhumation d'un corps ou au dépôt des cendres cinéraires dans un cimetière, un columbarium ou un mausolée-columbarium, l'exploitant d'un cimetière, d'un columbarium ou d'un mausolée-columbarium prenne obligatoirement connaissance des volontés exprimées par le défunt ou à défaut que lui soit remis par le liquidateur de succession, les héritiers ou successibles une attestation écrite d'absence de toute volonté du défunt quant à la disposition de son corps et les options retenues par les héritiers ou successibles;

Que toute inhumation des cendres cinéraires provenant d'une crémation soit obligatoirement faite dans un cimetière légalement établi, sauf les cas autrement prévus par la loi;

Que le dépôt des cendres cinéraires soit obligatoirement...

Le Président (M. Mercier): En conclusion, il vous reste une minute.

M. Gosselin (Michel): Une minute?

Le Président (M. Mercier): Pour conclure, oui.

M. Gosselin (Michel): J'achève. Que le dépôt des cendres cinéraires soit obligatoirement fait dans un columbarium ou un mausolée-columbarium situé dans un cimetière ou indépendant de tout bâtiment utilisé aux fins d'une entreprise funéraire;

Que la totalité des cendres cinéraires soit obligatoirement déposée dans un seul contenant scellé et identifié au nom du défunt;

Que les cendres cinéraires non encore inhumées dans un cimetière ou déposées dans un columbarium ou un mausolée-columbarium soient obligatoirement inhumées dans un cimetière ou déposées dans un columbarium ou un mausolée-columbarium dans les 12 mois suivant l'adoption d'une réglementation à cet effet;

Et que les columbariums et mausolées-columbariums ne puissent être opérés et maintenus que par des personnes morales habilitées par la loi à opérer un cimetière.

Alors, je termine là-dessus. Et je veux, en terminant, simplement vous préciser que, si on se réfère dans les années soixante-dix, tous les corps étaient déposés dans un cimetière, et, si on se réfère aux années actuelles, il y a à peu près 70 % des corps qui sont incinérés à la demande des entrepreneurs de pompes funèbres, qui tiennent à les faire incinérer parce que c'est eux qui vendent l'urne, c'est eux qui reçoivent les cendres dans l'urne et c'est eux qui déposent l'urne dans la niche de leur propre petit columbarium. Ce qui fait que les cimetières maintenant sont en difficultés financières de façon très importante parce que, dans beaucoup de décès, il n'y a aucune espèce de continuation vers le cimetière catholique romain ou vers le cimetière protestant, juif ou autre. Merci.

Le Président (M. Mercier): D'accord. Merci pour cette présentation de mémoire. Peut-être également merci pour avoir épargné la voix de votre collègue qui est assis à votre gauche.

n(15 h 30)n

Écoutez, vous parlez de difficultés financières. Et je m'en réfère tout de suite à la page 1 de votre mémoire, lorsque vous dites que vos objectifs sont, entre autres, de promouvoir les actions nécessaires pour le développement, donc, d'une certaine façon ou de façon connexe ou parallèle, la rentabilité de vos opérations et de votre administration.

On connaît très bien évidemment le cimetière du Père-Lachaise, à Paris, celui de Boston et New York, etc. Est-ce qu'au Québec ? et là je vais être conséquent évidemment aux questions que je pose ici, à cette commission ? est-ce qu'au Québec le tourisme religieux, porté quant à l'intérêt sur le patrimoine religieux pour les cimetières, est-ce qu'il est important et est-ce que, pour vous, peut être une source de deniers publics ou du moins touristiques pour finalement rentabiliser vos opérations? Ou est-ce qu'évidemment on n'a peut-être pas assez d'histoire qui nous permettrait ou de gens historiquement connus ou ayant fait leur marque ici, au Québec, pouvant nous permettre de rentabiliser ces cimetières? Est-ce que ça pourrait être une avenue à explorer ou est-ce qu'on est à des années-lumière d'un cimetière évidemment, peut-être, un 1/10, 1/20, 1/50 à la hauteur de ceux que l'on retrouve un petit peu partout à travers le monde et qui sont mondialement connus?

M. Gosselin (Michel): Pour vous répondre, la première question que je soulève, c'est que, dans les années soixante-dix, soixante-quinze, tout le monde allait à la messe, tout le monde payait à la quête, tout le monde payait sa dîme, donc la fabrique avait suffisamment d'argent pour s'occuper de son cimetière et de faire en sorte que, même s'il y avait des personnes qui avaient plus ou moins le moyen de payer les frais d'inhumation, les frais d'entretien de l'eau ou quoi que ce soit, la fabrique s'en occupait parce qu'elle avait suffisamment d'argent pour le faire, alors qu'aujourd'hui il y a peut-être 10 % des personnes de la paroisse qui vont à la messe, de sorte que la fabrique n'a plus de revenus suffisants pour assurer la pérennité de son cimetière.

De sorte qu'on se rend compte, depuis plusieurs années, qu'il y a beaucoup de cimetières qui sont en train de périr de façon complète, et, à ce moment-là, évidemment, ils n'ont pas les moyens non plus pour entretenir leur cimetière et faire en sorte que le cimetière soit un lieu intéressant pour les personnes, soit un lieu attrayant pour les personnes qui désirent venir voir les défunts de leurs familles, se rendre sur les lieux de l'inhumation pour prier, voir un peu l'historique, et tout ça. De sorte que, si les fabriques ne sont plus en moyen de reprendre le moyen de faire survivre leurs cimetières, à ce moment-là, les cimetières disparaissent, les cimetières sont cédés à des municipalités, et, à ce moment-là, ce n'est plus du patrimoine religieux d'aucune façon.

Pour vous répondre enfin à ce que vous nous avez dit, les cimetières qui ont pris en charge leur survie sont devenus aujourd'hui des cimetières très intéressants, sont devenus des cimetières très beaux. Je vous donne comme exemple le cimetière Mont-Marie, à Lévis, je vous donne le cimetière Saint-Charles, à Québec, ils sont des lieux où les personnes préfèrent faire inhumer leur défunt dans ce cimetière-là plutôt que d'aller le faire inhumer dans une petite urne, dans un fond de garde-robe d'une entreprise funéraire. Mais pour ça il faut que le cimetière soit attrayant, il faut que le cimetière soit propre, il faut que le cimetière soit bien entretenu et il faut aussi que le cimetière demeure toujours le lieu sacré dans lequel on va inhumer les personnes qui sont décédées.

Aujourd'hui, évidemment, la jeunesse, disons ça ? puis je n'ai pas de prétention mauvaise à leur égard ? la jeunesse comme telle a moins le respect des personnes décédées et la jeunesse est plus ou moins intéressée à acquérir un lot dans un cimetière, être obligée de faire des paiements pour l'entretien du lot puis de renouveler le lot, etc., alors que, pour eux autres, peut-être que l'incinération puis la mise en niche dans un petit coin, c'est fini, merci, bonjour, puis on n'en parle plus.

Donc, à ce moment-là, il faut absolument que le législateur contrôle la disposition des cendres ? contrôle qu'il a abandonné depuis 1985 ? contrôle la disposition des cendres parce que, je vous dis, en tant qu'avocat, j'ai connu énormément de dossiers et il y a des dossiers où les personnes jettent les cendres dans le fleuve, jettent les cendres dans une rivière, jettent les cendres dans un trou qu'ils vont faire sur leur terre. Et il y en a même, je vais vous dire, jusqu'à un certain point, là, qui vont peut-être utiliser les cendres pour mettre en dessous de leurs pneus, s'il restent pris sur la glace, l'hiver. Alors, tout ça pour vous dire que c'est d'un ridicule criant et ça ne respecte pas le corps d'un défunt.

Parce qu'il faut bien oublier... Que ce soient des cendres ou que ce soit un corps qui est inhumé dans son entité dans un cimetière, on est encore obligé, puis même en vertu du Code civil, à respecter le corps du défunt. Mais le législateur a enlevé tout contrôle sur les cendres. Donc, avec les cendres, on peut faire ce qu'on veut maintenant, on peut les jeter où on veut, on peut faire tout ce qu'on veut.

Et l'Association des cimetières catholiques romains du Québec demande au législateur de reprendre le contrôle des cendres pour faire en sorte que les cendres, qui sont le corps humain d'une personne et qu'il doit être respecté, il faut que les cendres soient obligatoirement déposées dans un cimetière ou un columbarium, absolument, donc, à ce moment-là, défendre à qui que ce soit de jouer avec les cendres, de s'en débarrasser de n'importe quelle façon.

Le Président (M. Mercier): Effectivement, nous avons de très beaux cimetières, au Québec. Et le cimetière Saint-Charles en est un que je connais personnellement, il est magnifique. Et ça prend des sous évidemment. Et la façon de pouvoir générer ces sous et une des solutions, c'est peut-être le tourisme religieux. Ou peut-être les cimetières pourraient faire partie d'un circuit touristique quelconque, je ne sais trop, dans l'avenir. Mais évidemment la réponse réside entre vos mains. Vous vouliez rajouter?

M. Julien (Rénald): Je voulais rajouter, M. le Président, que le canevas juridique des cimetières est différent d'un pays à l'autre. Et je vous rappellerai que le cimetière Père-Lachaise appartient à la ville de Paris, et les employés... Évidemment, les gens paient avec les taxes, là, hein? Alors, c'est clair qu'ils ont des moyens financiers beaucoup plus importants et ils peuvent faire des choses fort intéressantes. Il y a également des vedettes importantes dans ces grands cimetières. Si je veux faire un parallèle avec le Québec, sur cet aspect-là précis du patrimoine religieux, on n'a que le cimetière Notre-Dame-des-Neiges, à Montréal, dans lequel on peut se souvenir du regretté M. Bourassa, ancien premier ministre, et Maurice Richard, et d'autres grandes vedettes, alors qu'à Québec il n'y a pas de ces personnes à très grande notoriété pour attirer du tourisme religieux.

Deuxième aspect important, notre municipalité, quand on parle de l'Office du tourisme de Québec, avec qui j'ai déjà eu des discussions, il n'y aurait pas de demande au niveau des touristes, même de l'extérieur, qui seraient intéressés à visiter les cimetières. Donc, vous voyez, je ne veux pas rêver en couleurs en disant que... Tenter de développer cet aspect-là est un immense défi et qui demeure une certaine problématique sur le plan de la rentabilité.

Le Président (M. Mercier): D'accord. Et je vais me permettre évidemment de me taire parce que je sais, pour employer une métaphore et une expression fort à propos à cette commission, je sais que certains ou plusieurs députés ici brûlent d'envie évidemment de vous poser des questions à caractère légal. Je cède maintenant la parole au député de Marguerite-D'Youville.

M. Moreau: Merci, M. le Président. Alors, si j'ai bien compris, pour rester dans le patrimoine religieux, pour vous, là, financer les cimetières avec le tourisme, ça relève de l'angélisme.

M. Julien (Rénald): Oui.

M. Moreau: Bon. Je vais m'adresser plus particulièrement à Me Gosselin. Vous êtes un spécialiste du droit des cimetières. Bon. Je comprends que votre démarche s'inscrit dans le respect des rites de l'Église catholique romaine pour la disposition du corps des défunts. Et vous dites, bon: L'incinération, c'est la prolongation de la disposition du corps d'un défunt et donc ça doit revêtir toutes les... ça doit... voyons, ça doit...

Une voix: S'imprégner.

M. Moreau: ...s'imprégner de toutes les règles du respect que l'on attribue aux dépouilles qui ne sont pas incinérées. J'essaie de suivre, là. Parce que vous demandez finalement une modification législative. Et vous situez en 1985 le moment où le problème est survenu. Si je comprends bien, là, l'enchevêtrement législatif des dispositions du Code civil, de la Loi sur les cimetières et de la Loi sur la protection de la santé publique fait en sorte qu'à l'égard d'un corps non incinéré il n'y a aucun problème.

M. Gosselin (Michel): C'est-à-dire que le corps non incinéré, il est contrôlé par la loi sur la santé publique parce que c'est un risque important pour la santé publique. Tandis que les cendres sont brûlées à 2000°, donc ça devient un matériau inerte. C'est pour ça que le législateur a cessé de le contrôler, parce qu'il n'y a aucune espèce de risque. Et le législateur évidemment ne contrôle pas la religion catholique romaine, il ne fait que contrôler la partie civile.

M. Moreau: O.K. Maintenant, là, vous nous avez référés aux articles 42 à 49 du Code civil. En fait, la plus grande partie de ces articles-là touche le prélèvement d'organes et s'assurer que l'inhumation est faite dans un certain laps de temps après le constat d'un décès pour éviter qu'on enterre ou qu'on inhume des gens qui ne sont pas morts, là.

n(15 h 40)n

M. Gosselin (Michel): Oui. Je veux juste vous préciser une chose qui est quand même bizarre ? parce que j'ai apporté une copie des articles ? c'est le chapitre quatrième, puis le titre, c'est «Du respect du corps après le décès», et le contenu ne parle pas de ça.

M. Moreau: Exact.

M. Gosselin (Michel): Voilà.

M. Moreau: Mais l'article, ce que vous suggérez finalement, là, l'article 42 du corpus législatif, c'est le plus important aux fins de la disposition du corps, et là on dit que finalement on doit s'en remettre aux volontés exprimées par le défunt...

M. Gosselin (Michel): Oui. Premièrement. Premièrement.

M. Moreau: ...et à défaut les héritiers. Bon. Ce que vous nous suggérez, c'est: dans l'éventualité même où le défunt faisait volonté de voir son corps incinéré après son décès, vous limiteriez le droit du défunt de choisir volontairement, par exemple ? là vous avez donné un exemple extrême, j'avoue ? de mettre les cendres sous les pneus de la voiture, l'hiver. Mais, par exemple, lorsque, de façon très poétique, les gens évoquent, je ne sais pas, moi, pour quelqu'un qui a passé sa vie comme un pêcheur, de voir ses cendres répandues sur la mer, il y a un certain respect là-dedans, il y a une image qui est très évocatrice et qui ne me semble pas a priori aller à l'encontre des préceptes de l'Église.

M. Gosselin (Michel): Ce que je veux vous souligner, c'est que la personne qui, dans son testament, détermine comment elle veut que son corps soit, disons, inhumé ou réduit en cendres, il faut bien comprendre que, lorsque la personne décède, tout ça se fait avant même qu'on ait lu le testament, parce que le testament, normalement il est lu à toute la famille 10 jours après le décès, ou quoi que ce soit, de sorte que ce sont les héritiers, les conjoints, ou quoi que ce soit, qui déterminent comment ils vont faire pour faire en sorte de disposer du corps, même si la personne en a disposé dans son testament. Il n'y a pas personne qui le vérifie avant parce que les testaments ne sont pas lus la journée même où la personne décède. De sorte que, lorsque le législateur dit, à l'article 42, qu'on peut déterminer comment on veut disposer de notre corps, le législateur le dit, mais la réalité fait que c'est tout à fait non concret parce que ce n'est pas comme ça que ça se passe. Bon, ça, c'est une première chose.

Que la personne veuille se faire inhumer ou se faire incinérer, l'Association des cimetières catholiques romains n'a rien contre ça. Ce qu'elle veut, c'est que... Le législateur oblige que tout corps soit inhumé dans un cimetière, et nulle part ailleurs. Ça, c'est exigé par le législateur. Je parle du corps, je ne parle pas des cendres. Et, au niveau des cendres, c'est motus, il n'y a rien qui est spécifié là-dessus. Alors, ce qu'on veut, c'est que le corps d'une personne qui est incinérée doit avoir le même respect que le corps d'une personne qui n'est pas incinérée. Et le respect que l'on considère valable, pour ce qui est de la législation puis la province de Québec, qui est quand même une province de religion catholique assez importante, c'est que les cendres soient obligatoirement déposées dans un cimetière, ou dans un mausolée-columbarium, ou dans un columbarium.

Ça veut dire qu'un columbarium, ça peut être un columbarium qui appartient à une entreprise de pompes funèbres. Le corps est déposé, les cendres sont déposées dans un columbarium mais un columbarium qui n'est pas un petit garde-robe dans un sous-sol, de façon à ce que les personnes puissent aller voir leur père une fois par mois ou une fois par année, se rendre compte où il est, le voir, voir qu'il y a un nom de gravé, ou quoi que ce soit.

Alors, ce qu'on souhaite, c'est que le législateur reprenne le contrôle de la disposition ou du dépôt des cendres, non pas le contrôle de savoir qu'il n'y a pas d'incinération possible, qu'il faut que ce soient toujours des inhumations, mais seulement, seulement ça, de sorte que les cendres ne soient pas utilisées pour des fins tout à fait ? excusez-moi, là ? tout à fait ridicules puis tout à fait contraires à la disposition du respect du corps.

M. Moreau: Et donc, en dehors des lieux identifiés dans vos recommandations, c'est-à-dire cimetière, columbarium ou mausolée-columbarium, votre opinion, c'est qu'on ne devrait autoriser, le législateur devrait intervenir pour n'autoriser aucun autre lieu pour la disposition des cendres.

M. Gosselin (Michel): Que le cimetière et le columbarium, d'une part, et, d'autre part, aussi, devrait défendre de partager les cendres. Alors, aujourd'hui, les entrepreneurs de pompes funèbres offrent aux personnes de leur vendre de petits médaillons, hein? Alors, ils vont vendre ça à toute la famille, 10, 15 petits médaillons avec tous des cendres du père ou des cendres de la personne défunte. Puis ils vont séparer ça en deux ou en trois parce qu'il y en a un qui veut en conserver une partie chez eux; l'autre, il accepte de le mettre dans le columbarium; puis il y en a un autre qui va vouloir aller le mettre dans le même lot du cimetière que l'épouse du monsieur. Alors, là, ça devient ridicule de savoir que, le corps d'une personne qui est incinérée, ses cendres sont divisées en 15, 20 endroits différents. Il y a quelque chose, là, qui ne fonctionne pas au niveau de la logique québécoise. Voilà.

Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le député de Mercier.

M. Turp: Merci, M. le Président. Bon. Ce matin, il y a des gens, et ce n'étaient pas les premiers ? ou hier, je crois ? qui ont suggéré que les personnes qui se font incinérer, là, puis les urnes puissent être placées dans des églises qui deviendraient des columbariums en quelque sorte et que cela contribuerait à la préservation du patrimoine immobilier parce que des églises qui deviendraient excédentaires ne le seraient pas parce qu'elles auraient cette responsabilité.

Alors, j'aimerais savoir ce que votre association pense de cela. Est-ce que c'est quelque chose que vous n'envisagez pas parce que ça pourrait nuire à vos cimetières ou est-ce que c'est quelque chose qui est compatible avec ce que vous faites et qui contribuerait à préserver notre patrimoine? Je vous ramène un peu dans le patrimoine parce que, la discussion juridique qu'on a sur ce que l'on devrait faire avec les cendres, je ne sais pas si ça concerne le patrimoine religieux, là. Ça concerne le patrimoine humain peut-être des individus. Mais j'essaie de voir le lien avec le travail que nous faisons, là, pour l'avenir du patrimoine religieux et je le vois moins, bien que...

Une voix: ...

M. Turp: Oui. Est-ce que c'est le patrimoine immatériel? Est-ce que ça va jusque-là? Mais en tout cas je vous...

M. Gosselin (Michel): Pour vous répondre, disons d'abord que tout endroit où on dépose le corps d'un catholique romain, soit un cimetière, soit un columbarium qui appartient à une fabrique, ou quoi que ce soit, c'est des lieux sacrés en vertu de la loi, de sorte qu'il faut bien comprendre... Puis même les jugements de cour, les derniers jugements, je viens d'avoir un jugement que j'ai fait, là, puis c'est un lieu sacré. Donc, les catholiques romains qui veulent que le corps d'un catholique romain soit placé dans un lieu sacré, c'est forcément dans un cimetière, un columbarium qui est dans le cimetière ou un mausolée-columbarium qui est dans le cimetière.

Et c'est sûr qu'avec la question que vous me posez: Est-ce qu'il pourrait y avoir un columbarium dans une église?, je peux vous dire que, oui, il peut y avoir un columbarium dans une église, mais il y a une question de coût. Parce qu'il faut bien penser que de fabriquer les niches et de les installer, c'est très, très, très dispendieux, parce que l'entreprise qui fait ça, ? on les connaît ? l'entreprise qui fait ça, bien, il faut faire en sorte que... Placer des niches, créer des niches, il faut que ce soit tout vitré puis tout bien fait. C'est très dispendieux. Donc, il faut, à ce moment-là, que, s'il y a une église qui est désaffectée puis qu'on veut que ce soit un columbarium pour placer des niches, bien il faudrait qu'il y ait quatre, cinq fabriques autour qui s'organisent pour que ça devienne le columbarium des quatre, cinq fabriques en question pour qu'il y ait suffisamment de personnes, suffisamment d'urnes qui vont être déposées dans l'église pour être en mesure de payer les frais de ça. Je vais vous dire, juste à titre d'exemple, j'ai été président de la Corporation du cimetière Mont-Marie, et la fabrication du mausolée-columbarium, avec toutes les niches, et tout ça, ça a coûté 1,5 million environ. Puis dernièrement il a fallu refaire... rajouter à peu près 1 200 niches additionnelles, puis les 1 200 niches additionnelles, ça coûtait encore énormément d'argent. Alors, lorsque le cimetière a suffisamment d'entrées de fonds parce que c'est eux qui reçoivent les corps, qui reçoivent les cendres, et tout ça, ils peuvent le faire, mais, lorsqu'ils sont dans une situation où ils sont vraiment en compétition avec l'entreprise funéraire, je vais vous dire bien franchement, emprunter 1,5 million pour faire des niches dans une église, il faut être sûr, financièrement parlant, avant de commencer.

M. Turp: Merci.

Le Président (M. Brodeur): Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger: Merci, M. le Président. Évidemment, la partie, bon, du défunt, puis tout ça, tout à l'heure, là, puis des cendres, ça me fatigue un petit peu parce que la volonté d'une personne écrite dans son testament qu'elle voudrait que ses cendres soient dans le fleuve ou toutes sortes d'endroits, ce n'est plus la même... Je peux comprendre la philosophie ou le respect de la foi catholique d'une part, mais vous faites le lien avec le corps lui-même qui n'est pas incinéré, qui est dans un cimetière. La loi a été faite en fonction de la santé publique particulièrement, vous l'avez vous-même dit, tandis que, pour les cendres, le rapport n'est pas là nécessairement. Comment un législateur pourrait exiger que la volonté même d'un défunt de vouloir que ses cendres soient ailleurs, exiger ça dans une loi, inscrire ça dans une loi, quand il n'y a pas de problématique de santé publique ou au niveau du bien commun qu'un gouvernement doit s'assurer? Je le vois mal, là, ce que vous apportez à ce niveau-là.

n(15 h 50)n

M. Gosselin (Michel): Il faut comprendre que la législation qui gouverne les cimetières catholiques romains, c'est une législation hybride, en ce sens qu'elle respecte le droit civil et elle respecte aussi le code canonique. Alors, si vous prenez, par exemple, la Loi sur les fabriques, vous allez bien vous rendre compte que le législateur a fait en sorte d'accepter, d'inclure dans sa législation civile, d'inclure des textes qui relèvent du code canonique pour faire en sorte que ce qui va se passer dans le domaine catholique romain va respecter le domaine catholique romain.

Alors, quand on parle de cendres, quand on parle de disposition de cendres de personnes catholiques romaines, ce qu'on désire, c'est que ça respecte, comme inhumation des corps, comme la Loi sur les fabriques, la Loi sur les compagnies de cimetières catholiques romains, que ça respecte aussi les us et coutumes de l'Église catholique romaine. Alors, évidemment, il faut comprendre aussi que, lorsque les premières cendres ont été faites puis ont été placées, ça a été placé dans des cimetières; plus aujourd'hui.

Puis la seule vraie problématique que je vous soulève, puis ce n'est pas une problématique que j'invente, c'est qu'il y a une compétition atroce entre les entrepreneurs de pompes funèbres et les cimetières de façon à ce que les entrepreneurs de pompes funèbres souhaitent que tous les corps soient incinérés, que ce soient eux qui leur vendent les urnes, que ce soient eux qui placent les urnes dans les niches qui sont les niches qui leur appartiennent à eux. Mais ce n'est pas des lieux sacrés, c'est simplement quelque chose d'ordinaire, c'est un garde-robe, disons ça, simplement. Alors, ce que...

Mme Léger: Faites-nous donc un peu la... Parce qu'on se posait vraiment la question, la différence entre le mausolée et le columbarium.

M. Gosselin (Michel): Le mausolée, c'est un endroit qui reçoit les corps qui sont dans un cercueil et qui sont entrés dans un enfeu ou une niche, une grande niche, si vous me permettez, ou un caveau, dépendant de ce que vous entendez. Et un mausolée-columbarium, bien c'est une bâtiment qui à la fois reçoit les corps dans des enfeus ? on appelle ça des enfeus ? et aussi a beaucoup de niches, sur un mur, deux murs, trois murs, pour recevoir les urnes comme telles. On se comprend bien?

M. Turp: C'est ça, c'est mixte.

M. Gosselin (Michel): C'est mixte.

Mme Léger: C'est mixte.

M. Gosselin (Michel): Alors qu'en vertu de la Loi sur les fabriques les fabriques ne peuvent pas avoir de mausolée, peuvent avoir seulement un columbarium, alors que les compagnies de cimetières catholiques romains peuvent être mixtes, peuvent avoir les deux.

Mme Léger: Je suis convaincue qu'il y aurait beaucoup de discussions, avec ce que vous apportez, pour pouvoir modifier la législation, puisque déjà, en faisant le lien sur la Loi sur les fabriques... La Loi sur les fabriques déjà, on nous demande déjà de pouvoir la modifier ou apporter des modifications à la loi. Et c'est une loi qui est là depuis très longtemps. Alors, aujourd'hui, j'imagine que les choses seraient peut-être... les discussions seraient peut-être différentes. Je termine. Vous faisiez le lien avec le tourisme. Les cimetières...

Le Président (M. Brodeur): Mme la députée, il y avait un complément de réponse que monsieur...

Mme Léger: Ah, excusez-moi.

Le Président (M. Brodeur): Il a la main levée depuis cinq minutes, là.

M. Julien (Rénald): Alors, vous avez un souci du patrimoine et vous ne... Et, pour attirer votre attention, je vous dirai que les cimetières d'aujourd'hui ont un patrimoine funéraire à préserver, et, si on n'a pas le volume de familles critique pour le maintenir, en quelque part ? je parle pour les corporations de cimetières ? il va y avoir de grandes difficultés.

Puis Me Gosselin me disait ce matin: Si tu avances quelque chose, il faut que tu apportes la preuve. Je n'ai pas la preuve, mais elle est facile à aller chercher. Je vous donne un exemple. La Belgique est un pays catholique, hein, le roi est catholique. Eh bien, la législature va jusqu'à respecter l'épandage de cendres mais dans un cimetière où on tient la trace et le nom de la personne, où on a épandu, dans une partie de cimetière qui sert à l'épandage des cendres... pour respecter un petit peu ce que Mme la députée voulait signifier, un petit peu. Alors, ils sont allés jusque-là, eux. Alors, évidemment, on peut obtenir ce document-là auprès du consulat de la Belgique, vous en auriez une confirmation. C'est là une demi-marche, là, qui fait en sorte que ça respecterait, pour quelques-uns, ce n'est pas la majorité... mais ça assurerait une pérennité à tous les cimetières. Puis là je ne parle pas que de cimetières confessionnels catholiques et protestants mais aussi les autres qui existent au Québec.

Mme Léger: Vous me permettez un petit commentaire. On a une discussion familiale parce que mon père, Marcel Léger, qui a eu une notoriété telle qui fait qu'on ne lui fait peut-être pas tout à fait honneur... Parce qu'on est au Repos Saint François d'Assise, d'ailleurs ? bonjour, monsieur. Et ma famille, on a des discussions à l'intérieur de la famille à savoir... Parce que, sur sa pierre tombale, tout est là. Mais il y a une discussion à dire: Ça n'a pas de bon sens, on ne lui fait pas honneur. Parce que vous parliez de tourisme puis de gens qui sont intéressés. Parce qu'il y a beaucoup de gens qui nous appellent: Où il est, votre père, pour qu'on aille prier à sa... Et, à chaque fois, on dit: Il est là, telle place, tout ça. On dit: Bien, voyons donc, comment ça se fait que... sa petite pierre tombale, puis tout le monde, autour de tout le monde? Puis il a une notoriété, puis on ne fait pas honneur à sa notoriété.

Alors, il y a une discussion familiale ? ce que vous avez discuté tout à l'heure ? de voir qu'il y a des gens qui vont là, pas de la famille mais qui viennent voir mon père, mais qu'on ne lui a pas fait assez honneur pour le mettre dans une belle... puis aussi plus grande, plus grosse, ou je ne sais pas quoi, là, qui fait que... qui attire les gens. Donc, il y a une problématique, là, effectivement, au niveau des gens, de certaines personnalités qu'on a à Montréal, là, mais qui ne peuvent pas avoir tout ce qui... Alors, il faudrait peut-être faire quelque chose.

M. Turp: Mais il est avec son peuple. Il est avec son peuple.

Mme Léger: Ah, oui, il est avec son peuple, dans l'est de Montréal, ça, c'est sûr, vous avez raison. Mais je fais le lien avec le tourisme que vous disiez puis des possibilités que les cimetières apportent ce genre d'initiative.

M. Dicaire (Claude): On pourra sûrement, si vous le désirez, vous organiser un endroit, ça nous fera plaisir.

M. Turp: C'est une occasion d'affaires, venir en commission.

M. Gosselin (Michel): Je voudrais vous préciser... Sans vouloir, là, vous donner des informations qui ne seraient peut-être pas utiles pour vous, je veux vous préciser qu'en vertu de la Loi sur les fabriques c'est l'évêque du diocèse qui a l'autorité de déterminer qui peut être inhumé dans un cimetière catholique romain et c'est l'évêque aussi qui a l'autorité de déterminer à quel endroit cette personne peut être inhumée.

Je vous dis ça parce que, si on vire ça de bord un peu et que la fabrique devient en difficultés financières, à ce moment-là, son cimetière va être désacralisé et va être transféré à la municipalité. La municipalité, elle, elle va être obligée de recevoir le corps de toute personne décédée sur son territoire, peu importe sa religion, peu importe le genre de personne que c'est, ils vont être obligés de le recevoir puis de l'inhumer dans le cimetière, qui ne sera plus un cimetière catholique romain, qui va être un cimetière municipal, un cimetière civil. Et, à ce moment-là, le patrimoine religieux du cimetière, il est complètement disparu, ça, c'est évident.

Le Président (M. Brodeur): Un court commentaire, M. le député de Mercier?

M. Turp: Juste un commentaire suite à votre échange, là, sur le respect de la volonté du défunt. Vous évoquez le problème que cette volonté n'est pas connue au moment où on doit procéder à la dispersion des cendres. Mais est-ce que ça, ce ne serait pas réglé par le fait qu'on ait l'obligation de dévoiler la volonté, là? Et ça peut prendre une forme autre que testamentaire. Il me semble que ce serait plus conforme à la volonté que de trouver une manière de rendre connue aux ayants droit la volonté du défunt à l'égard de ses cendres que de ne pas respecter la volonté du tout.

M. Gosselin (Michel): Vous avez raison. Et nous avons suggéré aux fabriques de faire en sorte de s'assurer que, la personne qui décrète dans son testament quel est le genre de disposition du corps qu'elle veut avoir, à ce moment-là, de faire en sorte de demander aux personnes d'envoyer une copie ou un extrait de ça à la fabrique pour que la fabrique sache comment faire avec le corps, et aussi à l'entrepreneur de pompes funèbres. Alors, les personnes qui vont chez l'entrepreneur de pompes funèbres et qui font ce qu'on appelle des préarrangements funéraires, à ce moment-là, dans les préarrangements funéraires, elles peuvent spécifier si elles veulent êtres inhumées, si elles veulent être incinérées puis comment on va disposer de leur corps, comment on va disposer de leurs cendres, ou quoi que ce soit. Alors, il faut le faire ailleurs que dans le testament parce que, le testament, il est toujours trop tard quand on en prend connaissance. Alors, des préarrangements funéraires, c'est une façon de faire. Aussi, une personne qui veut être inhumée dans le cimetière de sa paroisse peut facilement envoyer un écrit à sa fabrique pour dire: Moi, personnellement, quand je vais décéder, je veux que ce soit ça, ça, ça.

Le Président (M. Brodeur): Merci. Un court commentaire, M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Moreau: Je ne pensais pas, M. le Président, que vous me le donneriez, mon court commentaire.

Le Président (M. Brodeur): Trois phrases, quatre mots.

M. Moreau: Trois phrases et quatre mots. Vous suggérez...

Le Président (M. Brodeur): ...

n(16 heures)n

M. Moreau: Bien, attendez! Vous suggérez qu'on passe toujours par un cimetière, et également pour les cendres. Et notre collègue de Pointe-aux-Trembles dit: Oui, mais on va à l'encontre de la volonté du défunt, par exemple, de voir ses cendres répandues dans le golfe Saint-Laurent. Et vous le faites en disant: Bien, ça nous prive d'une source importante de revenus. Si on faisait en sorte que ça puisse être fait selon la volonté du défunt, sous réserve du respect, mais à travers les cimetières catholiques, autrement dit, pour ne pas vous limiter à l'inhumation à l'intérieur du territoire, mais que, par vos bons offices, on puisse faire suite aux volontés du défunt, est-ce que ça ne réglerait pas le problème puis ça rejoindrait la volonté du de cujus?

M. Gosselin (Michel): Sans vouloir être prétentieux... Puis j'aimerais vous donner un exemple qui n'est pas tout à fait un exemple valable, là, comme ceci. Mais ce que je veux vous dire, c'est qu'il y a plusieurs personnes actuellement, au Québec, qui aimeraient bien faire des choses que la loi leur défend de faire ? on se comprend bien, là? ? que ce soit n'importe quoi, un paquet d'affaires. La loi, il y a tellement de législations qui font en sorte que tu n'as pas le droit de faire ci, pas le droit de faire ça, pas le droit de faire ça, pas le droit de faire ça, et les personnes vivent avec parce que le législateur a passé la législation, puis c'est fait, c'est comme ça.

Alors, moi, ce que je veux simplement vous dire, ce serait: En vertu de quoi, pourquoi une exception aussi formelle qu'une personne pourrait décider que ses cendres pourraient être mises à bord d'un avion puis jetées dans les airs ou jetées dans le fleuve, ou quoi que ce soit... Il me semble qu'il y a quelque chose, je vais vous dire sincèrement, que je ne trouve pas pertinent. Mais je ne prétends pas être le bon Dieu puis je ne prétends pas posséder la vérité.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Merci de votre présentation. Et je vais suspendre quelques instants, le temps que le prochain groupe puisse s'installer.

(Suspension de la séance à 16 h 2)

 

(Reprise à 16 h 4)

Le Président (M. Brodeur): Donc, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons donc continuer nos travaux. Et je souhaite la bienvenue au Réseau du patrimoine anglophone du Québec. Bienvenue en commission parlementaire.

Je vous rappelle les règles, qui sont relativement simples. Vous avez un temps maximal de 15 minutes pour présenter votre mémoire de la façon dont vous le jugez à propos ? vous allez voir, si vous extensionnez jusqu'à 14 m 30 s, je vais commencer à m'agiter pour vous signifier de conclure ? et on procédera par la suite avec une période d'échange avec les membres de la commission.

Je vous demanderais, au point de départ, de vous identifier, pour le bénéfice du Journal des débats, et à la suite d'y aller immédiatement avec la présentation de votre mémoire. La parole est à vous.

Réseau du patrimoine
anglophone du Québec (QAHN)

M. Evans (Richard): Merci. Je m'appelle Richard Evans, je suis présentement directeur, trésorier, j'ai siégé sur le conseil d'administration de Québec Anglophone Heritage Network, le Réseau du patrimoine anglophone du Québec. Celui que j'ai ici avec moi, c'est M. Dwane Wilkin, qui est notre «executive director», directeur général de notre société, à notre bureau-chef qui est à Lennoxville, maintenant dans la ville de Sherbrooke.

Le mémoire qui est présenté et qui est devant vous, c'est bref et court, et je n'ai pas l'intention de le lire mot à mot, c'est de parler un peu autour de la présentation. C'est-à-dire que vous allez trouver là-dedans deux points majeurs soulignés, un pour encourager que les méthodes d'identification et de classification des églises et des sites religieux sont assez diverses qu'elles peuvent assurer les communautés anglo-protestantes que leurs églises, ici et là, et partout dans toutes les régions, sont considérées sur la même importance, sens d'importance, que les églises d'un plus grand... comme l'Église catholique romaine francophone.

Présentement, j'ai aussi siégé comme représentant de l'Église unie sur la table de concertation, dans la région 05, Estrie, mais c'était une nouvelle position pour moi de siéger avec eux autres. Mais avant j'étais un consommateur de services, étant membre d'une société patrimoniale dans une communauté où est-ce que nous avons restauré une église historique très importante dans les Cantons-de-l'Est, l'Église universaliste de Huntingville, qui est classée numéro un comme historique d'importance dans la région 05, Estrie. Alors, moi, je suis sûr que, dans la région 05 et dans la Montérégie haute, les tables de concertation considèrent assez largement l'importance des églises anglo-protestantes.

Notre réseau, c'est de servir les organismes autour de la province de Québec, surtout à l'intérieur, un peu à l'extérieur, mais pour être capables de les assurer que les projets comme le vôtre ont le potentiel de considérer tous leurs «concerns», leurs inquiétudes. Alors, vous allez voir que notre présentation, c'est moins à critiquer les systèmes d'évaluation, c'est pour être capable d'assurer à nos membres, ceux avec qui nous avons connexion, que les systèmes en place respectent la diversité religieuse, la très grande diversité.

La deuxième portion de notre mémoire est très semblable à ce que, vous autres, vous avez entendu aujourd'hui: la protection des cimetières. La protection des cimetières, c'est une question dans quoi il existe beaucoup de questions. Si vous tombez dans un coin local, dans une région, vous allez trouver que les gens qui s'occupent ou se concernent sur les petits cimetières, ils ne savent pas quelle loi, quel système de protection existe. Il y a un manque d'information assez sérieux là-dessus.

Pour aider à dresser ce qui concerne notre réseau, il y a deux ans, on a coopéré avec la Fédération des sociétés d'histoire du Québec pour organiser un colloque sur le patrimoine funéraire, et c'est pour adresser les inquiétudes et le manque des informations sur quoi qui est protégé. Alors, c'est clair que nous trouvons régulièrement des questions que les gens ont: C'est quoi qui est protégé? Comment et quoi? Sous quelle loi? Où trouver l'information, etc.? Il existe une particularité chez la communauté anglo-protestante en particulier, qu'il y a des petits cimetières familiaux, pionniers, qui ont été trouvés dans les premières années de placement dans leurs coins. Est-ce qu'ils sont protégés par quelque chose ou non? Il semble que non. Parce que ce sont des lieux très souvent d'un patrimoine très important.

n(16 h 10)n

En entendant les discussions sur la protection du patrimoine religieux, nous avons entendu, aujourd'hui, des présentations qui assument que pas tous les bâtiments peuvent être conservés et restaurés, et ce n'est pas pratique. Mais comment autrement préserver le patrimoine qui était là? C'est là qui est la grande question. Il y a diverses possibilités: des objets d'art, des papiers, les histoires orales, et aujourd'hui nous avons la possibilité des préservations virtuelles. Est-ce que nous avons besoin des musées ou des centres d'interprétation où est-ce que nous pouvons conserver des objets d'art, comme des fenêtres teinturées en vitre, s'il n'est pas possible de préserver l'église même? Comment préserver le patrimoine? Alors, là est beaucoup de questions. Et j'espère que, dans la considération de la commission, vous avez le potentiel de considérer toutes les possibilités de préservation de patrimoine religieux, non seulement des bâtiments, et incluant, que ce soit étendu aux cimetières.

Vous avez posé des questions, la question du patrimoine religieux touristique. Aujourd'hui, c'est clair que le tourisme patrimonial, c'est le coin de tourisme qui grandit le plus vite internationalement. Et on ne peut pas séparer le tourisme religieux du tourisme culturel, le tourisme patrimonial, c'est tout mêlé ensemble pour le tourisme potentiel.

Moi, comme un gars qui voyage un peu à ma retraite, avoir de temps en temps des semaines libres, je voyage en Nouvelle-Angleterre parce qu'une partie importante de mon «patrimony» maternel, ça dérive de la Nouvelle-Angleterre. Et je vois que, dans ces régions-là, on voit très souvent que la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick, Île-du-Prince-Édouard, Newfoundland et Labrador ont promu leur potentiel touristique. On voit rarement, rarement les efforts de la province de Québec d'encourager... Et c'est une chose qui m'embête un peu parce que nous avons un potentiel égal à toutes ces autres provinces en totalité. Et pourquoi nous sommes si absents de la promotion de nos possibilités touristiques? C'est la même chose avec les magazines américains, on voit tout, Nouveau-Brunswick, Nouvelle-Écosse, Île-du-Prince-Édouard, Newfoundland et Labrador; rarement Québec. Alors, le potentiel est là. Alors, peut-être, j'espère que peut-être une activité de la commission serait d'encourager d'autres branches des ministères qui pourraient régler ces affaires, améliorer ces affaires, encourager de les faire.

Je dois peut-être, pour le moment, terminer ma présentation et ouvrir la discussion à vos questions et commentaires. Je pourrais parler en long, mais c'est préférable que je vous laisse l'opportunité de nous poser vos questions. Merci de nous avoir donné la chance.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup, merci d'être là puis merci de nous avoir présenté votre mémoire de façon concise mais directe. J'ai une première question concernant la présence ou l'absence des dernières volontés, parce que vous suggérez... J'essaie de comprendre ce que vous suggérez. Est-ce que vous suggérez, en ce qui concerne les dernières volontés d'inhumation ou de crémation d'un individu, qu'on procède à une législation qui ferait en quelque sorte de créer un registre des dernières volontés concernant l'inhumation ou la crémation? Parce que ce n'est pas facile présentement. Il a été établi tantôt...

Puis je peux vous le dire immédiatement, j'ai pratiqué le notariat durant des années, et ça n'arrive pour ainsi dire jamais qu'on vienne consulter le notaire pour savoir quelles étaient les volontés, comme dirait mon collègue, du de cujus concernant son inhumation ou sa crémation. Est-ce qu'on peut comprendre, de votre mémoire, que vous suggérez une loi, une loi, une législation qui créerait un type de registre des dernières volontés et on s'informerait à cet endroit-là quelle était la dernière volonté, là, du défunt concernant une inhumation, une crémation, ou autre?

M. Evans (Richard): C'est une affaire qui n'est pas dans notre bref, et c'était peut-être eux autres avant nous qui ont parlé de ça. Ce que nous proposons, c'est un inventaire, un inventaire le plus complet possible des sites de cimetières autour de la province de Québec et leur «status», quel est leur «status». Est-ce qu'ils sont catholiques? Est-ce qu'ils sont protégés? C'est quoi qui est le risque de perdre le patrimoine qui est dans ces petits coins là?

Un autre point, que je n'ai pas mentionné, qui nous concerne sérieusement, c'est la protection de l'art sur les monuments et les sculptures qui sont dans ces cimetières-là. Il existe un trafic illégal sérieux, international sur les objets d'art volés, incluant les objets volés des cimetières. Malheureusement, le plus grand client, c'est les États-Unis. Malheureusement, un des plus grands passages du trafic, c'est le port de Montréal. Il existe une loi internationale, un traité que depuis longtemps le Canada a hésité de signer ? mais c'est de mettre notre signature dessus ? parce qu'il ne voulait pas trop déranger nos voisins américains. Et il existe un potentiel pour le Québec, ayant un inventaire, une connaissance des risques, d'encourager ces signatures-là. Vous avez, dans votre ministère, une madame conservatrice, Mme Little, qui s'occupe très bien, elle est vivement intéressée concernant... aussi M. Lacoursière, anciennement de... de Montréal, qui s'occupe de ce mouvement-là. Il y a quelque chose d'important parce que c'est un patrimoine religieux, culturel qui existe qui est à risque. Et, si nous avons un inventaire assez complet, on pourrait peut-être empêcher... ou savoir comment protéger.

J'ai voyagé en Irlande, et, en Irlande, ils ont fait des points d'interprétation, des centres d'interprétation, et, si des monuments artistiques et très historiques sont à risque, ils ont fait des copies. Les monuments importants sont à l'intérieur ? les réels ? des centres d'interprétation. Celui qui est exposé au public, c'est une copie. Vous voyez, comme exemple, j'ai mentionné l'exemple de l'Irlande. En Irlande, ils font une explosion de tourisme, et ils sont très semblables à la province de Québec en essayant de protéger leur langue et leur culture. Mais, en étant membre du marché européen, quand vous arrivez à un centre important pour le tourisme, vous voyez 12 ou 14 langues pour l'information. Ils encouragent que leurs arrivées... qui arrivent... trouver l'information du site touristique, ils sont capables de l'avoir dans leur propre langue. Alors, à long terme, ce serait très désirable que le Québec encouragerait un tel suivi de l'exemple d'Irlande, qui sont très...

Le Président (M. Brodeur): Du côté anglophone, vous avez fait un inventaire complet de ce qui est votre patrimoine religieux anglophone, comprenant autant les églises, les cimetières ou autres monuments, là, qui pourraient apporter un suivi sur un tourisme qui serait accentué sur le domaine justement, là, religieux?

M. Evans (Richard): Ça n'existe pas dans une seule collection. Ça existe en partie. Peut-être, ce serait un objectif pour notre organisme d'encourager un tel regroupement de toutes ces informations-là. Nous avons cité que certaines sociétés historiques ont un inventaire complet sur leur territoire, mais ça n'existe pas partout au Québec. Pour les églises, je crois que le ministère de la Culture et Communications a fait deux séries d'évaluation qui incluent probablement toutes les églises et les sites importants anglo-protestants ou autres qu'anglo-protestants comme tels.

Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Moreau: Merci. Alors, merci, M. Wilkin, M. Evans. Le temps nous file entre les doigts, mais je veux vous remercier pour votre mémoire et je me permettrai plus un commentaire qu'une question.

n(16 h 20)n

D'abord, je vous remercie pour la suggestion constructive que l'on retrouve à votre mémoire, où vous nous dites, après avoir lu le document de consultation, que, dans le document de consultation, vous voyez que le texte est imprégné de catholicisme et donc vous nous invitez, dans les documents ultérieurs, à opter pour un langage et une iconographie qui incluent l'ensemble des Québécois, et donc les religions anglophones, et je pense que vous avez parfaitement raison.

Et je vais citer juste un passage de votre mémoire avec lequel je suis en parfait accord. Bon, sur la fin de la phrase, vous dites ceci: «The Québec Anglophone Heritage Network strongly urges the Québec Government to develop and implement a national policy for the restoration and long-term preservation of all rural cemeteries, regardless of their linguistic or religious affiliation.» Et ça, je pense que c'est très important et ça rejoint le texte que nous avons reçu suite au questionnaire en ligne sur le patrimoine religieux.

Le député de Mercier faisait référence, ce matin, de M. Habib Fathallah, qui est un musulman pratiquant et qui nous dit que les critères choisis pour la protection du patrimoine religieux ne devront pas impliquer une discrimination systémique des communautés religieuses minoritaires récentes ou émergentes. Et donc ici c'est un musulman qui nous adresse la parole. Et je voulais vous remercier pour ces commentaires-là, qui seront certainement pris en très haute considération par les membres de la commission et je vous remercie de votre passage parmi nous.

Une voix: Le plaisir est pour nous.

Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le député de Mercier.

M. Turp: Bien, des fois, on est sur la même longueur d'onde, le député de Marguerite-D'Youville et moi, parce que c'est aussi ce que je voulais souligner. La diversité religieuse et sa reconnaissance au Québec passent par un certain vocabulaire, et, s'il est vrai que notre commission, dans son document de consultation, n'a pas utilisé une terminologie qui est respectueuse de cette diversité, on doit rectifier le tir. Vous nous donnez certaines... vous faites certaines suggestions sur le remplacement d'«église» par «lieu de culte», «paroisse» par «congrégation», et je pense, M. le Président ? puis on parle en présence de nos gens du secrétariat de la commission ? que l'on doit tenir compte de cela. Et c'est ce qui résulte de votre présence ici. Et, moi, j'ai toujours trouvé important que notre commission entende des gens de toutes les confessions parce que, si on n'entend pas des gens de toutes les confessions, on n'aurait pas un commentaire comme celui-là. Mais, puisque le Québec est une société où la diversité doit être respectée, bien je pense que vous aurez contribué, par votre présence, votre mémoire, à la faire mieux respecter par cette Assemblée et par notre commission. Alors, merci.

Alors, je voudrais... Sur la question des cimetières ruraux, vous leur donnez une très grande importance et vous suggérez même qu'il y ait une politique nationale sur les cimetières ruraux. Je pense qu'elle pourrait être incluse dans une politique nationale sur le patrimoine religieux, avec des choses particulières sur les cimetières ruraux. Et qu'est-ce qu'il est le plus important d'inclure dans cette politique, s'agissant des cimetières ruraux? Est-ce que c'est des questions relatives au financement pour assurer leur pérennité ou est-ce que c'est la question de l'inventaire? Sur quoi souhaitez-vous que nous fassions porter notre rapport, si on décide, comme vous nous invitez à le faire, de le faire porter en partie sur les cimetières ruraux?

M. Evans (Richard): Premièrement, je crois que l'information, c'est quoi qui est la protection disponible dans les régions, comment protéger, c'est quoi qui protège ces cimetières-là, l'information est manquante dans le moment, et il reste des inquiétudes un peu partout. Il existe, dans certains coins, des fonds, des finances pour les protéger; dans d'autres coins, ils n'en existent pas. Alors, une partie de l'inventaire qu'il nous faudrait, c'est de savoir où il y a insuffisance d'argent pour maintenir, entretenir, et où il n'est pas possible. Dans le moment, personne ne peut pas dire exactement.

C'est là que les agences du gouvernement peuvent nous aider. Autrement, nous pouvons aider les agences du gouvernement dans un échange d'information. Mais il faut avoir des offices d'échange d'information. Si je veux avoir des informations sur la taxe d'impôt, je peux aller dans un certain bureau pour trouver les informations. Maintenant, sur ces questions-là, c'est difficile à trouver où aller trouver les informations. Avez-vous d'autres commentaires?

M. Wilkin (Dwane): Si vous me permettez. Historiquement, les petites communautés anglophones, surtout dans les régions du Québec, ont pris en main leurs propres cimetières et ils ont gardé... ils s'occupaient de ça. Et ces cimetières-là ne sont pas tous affiliés aux églises. Certains parmi eux sont affiliés à une église. Et, où la communauté religieuse existe encore, est active, le cimetière, sa fonction, son entretien est bien... est dans les mains.

Mais, comme on peut constater, depuis 40 ans, la population a diminué fortement dans les régions. Ces petites communautés là et les cimetières à l'intérieur sont une richesse du patrimoine importante pour le Québec, mais les communautés n'ont pas les moyens. Souvent, on trouve les petites communautés sans moyen de continuer à entretenir les cimetières, là, qui datent souvent du XVIIIe siècle ou début du XIXe siècle, qui étaient entretenus pendant deux siècles par des familles du coin. Mais les familles ne sont plus là ou ils sont très âgés, les bénévoles ne sont plus là, il n'y a pas d'argent. Les petites corporations de cimetières ne se sont pas réunies depuis trois, quatre ans. Elles sont en train de perdre leur statut légal au point de vue d'organisme à but non lucratif. Alors, une crise s'impose dans ces communautés-là, pas toutes, mais plusieurs.

Au bureau, je reçois souvent des appels, d'une vieille madame, un vieux monsieur qui ne savent même pas combien d'argent leur petite corporation a dans son compte de banque. Ça fait cinq ans depuis que quelqu'un s'est fait enterrer. Là, c'est un problème énorme pour les communautés, là. Je sais que ce n'est pas la fin du monde qu'un cimetière s'est fait abandonner, mais quand même c'est un petit morceau de notre patrimoine en commun ici, au Québec, qui est en train de se perdre.

M. Turp: Mais alors ça veut dire quoi, ça, «the commitment»...

M. Wilkin (Dwane): Ça veut dire que je...

M. Turp:«A commitment of this scope undertaken by Members of the National Assembly», là, ça concerne... «The commitment», c'est quoi? C'est d'aider financièrement...

M. Wilkin (Dwane): Engagement. Engagement.

M. Turp: ...les communautés rurales à maintenir des cimetières qui ne sont pas maintenus par des églises ou aider les églises à maintenir les cimetières quand elles n'ont plus les moyens?

M. Wilkin (Dwane): Oui. Au contraire de ce que les messieurs devant nous ont exprimé, je crois que, dans certains cas, les municipalités ont la responsabilité d'entretenir ce patrimoine-là. La responsabilité légale pour la sauvegarde du patrimoine est dans la loi du Québec, déjà. Les cimetières font partie de ce patrimoine local. Souvent, l'église locale, l'église, soit protestante ou catholique, n'a pas les moyens de continuer à entretenir ces petits cimetières. Souvent, les cimetières se séparent d'une église légalement, ou c'était déjà fait il y a des années.

n(16 h 30)n

Mais, maintenant, au Québec, partout dans les régions, ces cimetières «orphan», orphelins, maintenant, O.K., il y en a, il y en a déjà. Qu'est-ce qu'on va faire avec ça? Pour sauvegarder le patrimoine qui existe à l'intérieur de ces cimetières mais aux alentours des cimetières, pour les protéger, qu'est-ce que ça prend? Ça prend d'abord un engagement des leaders locaux. Moi, je crois fortement, nous sommes de l'opinion que, dans certains cas, c'est la municipalité qui doit avoir la responsabilité pour sauvegarder ces petits lots. Ça fait partie de leur patrimoine déjà. Soit qu'ils parlent anglais ou français, n'importe quoi, ça fait partie de leur patrimoine et du patrimoine québécois.

M. Turp: Merci.

M. Evans (Richard): Peut-être si je peux additionner un petit commentaire.

Le Président (M. Brodeur): Allez-y, allez-y.

M. Evans (Richard): Il existe dans toutes sortes de niveaux... Je peux penser à un cimetière, un petit cimetière rural qui a été visité par un descendant d'une famille qui était là. Il a posé la question à l'Association des cimetières: De quoi que, vous, vous avez besoin? La réponse était: De l'argent. Il dit: Bien, je vais le régler. Il a donné un chèque de 100 000 $. Ça a réglé l'affaire.

Dans un autre coin, il y a quelqu'un qui est important dans le cimetière, alors les agences locales veulent le protéger. Comme le Mégantic Outlaw, un très petit cimetière, c'est protégé certainement par l'intérêt dans l'histoire de cet événement local. Mais d'autres sont juste du patrimoine qui existe, qui est juste là, comme M. Wilkin dit, un peu orphelins. Alors, comment régler tout ça et faire quelque chose qui pourrait...

Nous savons qu'il existe la loi qui permet et encourage les municipalités de citer des monuments historiques sur leur territoire. Si vous étudiez les chiffres sur les réponses à ça, vous allez voir aussi qu'il y a des municipalités qui sont très bien engagées et d'autres qui n'ont jamais rien, rien fait. Pourquoi ils n'ont jamais rien fait? Normalement, il semble qu'ils ont peur que ça prenne un engagement qu'ils ne sont pas capables de faire, une espèce d'ignorance du potentiel de la loi. Alors, ça prend aussi un encouragement d'étudier la possibilité, le potentiel, encore, d'information.

Nous avons un projet financé par une agence gouvernementale du fédéral pour encourager les sociétés d'histoire dans des communautés de s'engager avec les municipalités de transmettre des informations sur ces lois-là, comment citer des monuments historiques, c'est quoi que ça implique. Pour ce que je vois, après un certain nombre d'années à avoir suivi ça, c'est le manque d'information, de la mauvaise compréhension, c'est là qui est le plus grand problème dans le moment. Et je crois que peut-être il y a un potentiel dans l'Internet, le virtuel. Parce qu'on parle aussi de la prochaine génération, qui sont moins intéressés aux choses formelles, traditionnelles, mais là ils trouvent dans l'Internet...

Je vous donne un exemple. Townshippers Heritage Cultural and WebMagazine. Ça donne, pour la région des Cantons-de-l'Est, toutes les activités, les activités des sociétés d'histoire, les mouvements culturels, les activités des organismes à but non lucratif. Du moment qu'ils ont mis sur le site les ponts couverts, la première journée, 500 frappes, dès la première journée, 500 frappes de partout en Amérique du Nord. Alors, ça indique quelque chose. Le potentiel est là. C'est comment savoir comment exploiter un nouvel outil qui est dans nos mains, avec un potentiel énorme pour ce que nous nous occupons dans le moment, ce que nous discutons.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Merci de votre intervention. Je vais suspendre quelques instants, le temps que le prochain groupe puisse s'installer.

Une voix: Merci beaucoup, messieurs.

(Suspension de la séance à 16 h 34)

 

(Reprise à 16 h 37)

Le Président (M. Brodeur): Donc, à l'ordre, s'il vous plaît! Donc, nous accueillons notre prochain groupe d'invités, la Faculté de théologie et de sciences des religions de l'Université de Montréal. Donc, bienvenue en commission parlementaire. Je vous explique brièvement les règles de la commission, qui sont très simples, c'est-à-dire que vous avez un temps maximal de 15 minutes pour présenter votre mémoire de la façon dont vous le jugez à propos, et ce sera suivi par une période d'échange avec les membres de la commission.

Donc, pour le bénéfice du Journal des débats, je vous demanderais tout d'abord de vous identifier et, à la suite de ça, de présenter immédiatement votre mémoire. La parole est à vous.

Faculté de théologie et de sciences
des religions de l'Université de Montréal

M. Duhaime (Jean): Merci beaucoup. Alors, mon nom est Jean Duhaime, je suis le doyen de la Faculté de théologie et de sciences des religions de l'Université de Montréal. Je suis accompagné par le Pr Solange Lefebvre, qui est professeure à la faculté, qui est également titulaire de la Chaire Religion, Culture et Société, dont l'un des volets concerne la question du patrimoine religieux, et de Jean-Claude Breton, qui est professeur et secrétaire de la Faculté de théologie et de sciences des religions.

Je voudrais remercier M. Martin Cardinal de nous avoir accommodés en permettant qu'on puisse présenter notre mémoire à cette heure-ci. Merci.

Pour se situer un petit peu, notre mémoire ne touche pas toutes les interrogations de la commission. Mais, si je me fie au résumé qui paraît à la page 30 du document de consultation, on s'est surtout interrogés sur les valeurs qui devraient être au coeur du processus, ensuite sur le rôle respectif des différents acteurs et sur des expériences et initiatives étrangères qui pourraient inspirer le Québec dans sa recherche de solutions à la problématique du patrimoine religieux.

Donc, nous avons essayé, comme on peut le lire dans le résumé du mémoire au tout début, on a essayé de prendre en compte le point de vue de différentes instances concernées, et on a voulu souligner surtout les enjeux religieux, et nous formulons des recommandations qui touchent, entre autres, à l'éducation, à la recherche ? un peu plus nos secteurs de compétence ? à la collaboration intersectorielle et au financement.

Parmi les points de vue que nous vous demandons de considérer ? nous sommes sûrs que vous le faites: celui de l'Église catholique romaine en particulier, qui est donc une dominante dans notre tradition malgré la diversité qui est de plus en plus grande dans notre société, mais l'Église a elle-même différents niveaux, il y a différents niveaux d'appartenance; les populations sans affiliation catholique, la partie de la population qui n'a pas d'affiliation comme telle mais qui s'intéresse à ces questions; les visiteurs; les experts du patrimoine; les membres de facultés de théologie et de sciences des religions, qui pourraient consacrer davantage d'énergie, je crois, à ces questions; et finalement l'État, évidemment, qui a un rôle important à jouer dans ces questions-là.

Les propositions que nous mettons de l'avant sont des propositions qui se comprennent dans le cadre d'un paradigme qui est celui de la concertation et de l'intersectorialité. Donc, nous souhaitons qu'on dépasse la fragmentation des différents points de vue sur le patrimoine religieux, et qu'on entrevoie le patrimoine religieux comme un potentiel de développement pour le Québec, et qu'on puisse le mettre en valeur à différents niveaux, en particulier, en ce qui nous concerne, dans le domaine de l'éducation et de la recherche mais aussi dans d'autres secteurs.

Alors, je passe la parole à ma collègue, Solange, qui va donner les grandes lignes un peu de notre mémoire, et Jean-Claude Breton résumera les principales propositions.

n(16 h 40)n

Mme Lefebvre (Solange): Merci, Jean. Bonjour. Excusez la voix grippée. Alors, si vous le voulez bien, je vous inviterais à prendre la page 19 du mémoire. Comme vous en avez lu une bonne quantité, nous pourrions le regarder ensemble. Donc, à la page 19 et 20, vous trouvez un résumé des développements théoriques, là, qui précèdent.

Le premier point donc concerne l'intersectorialité. Il ne répond pas aux questions législatives que se pose la commission mais pose d'emblée une intention. C'est-à-dire, nous savons qu'entre différents acteurs dans le milieu il y a beaucoup de dissensions et de points de vue contradictoires, ça, c'est de toute évidence, et c'est pourquoi nous proposons des processus partenariaux et des processus décisionnels qui permettraient aux différents acteurs de dialoguer. À notre avis, ce n'est pas seulement l'évêque qui peut, selon les lois de la fabrique, là, catholiques, statuer, ce n'est pas seulement non plus les communautés religieuses, ce n'est pas seulement non plus les experts architecturaux du patrimoine, ni les paroissiens, ni les communautés locales, je pense que ça prend un processus décisionnel partenarial. Jean-Claude Breton y reviendra dans les propositions.

Alors, au point 2, «parmi les points de vue à considérer», Jean vient de les énumérer, je ne les reprendrai pas. Je vous dis simplement que ça renvoie aux pages 5 à 8 du mémoire. Et j'insiste simplement sur le point suivant. Parmi tous les acteurs, là, que vous connaissez déjà, il est vrai qu'il y a beaucoup d'experts du patrimoine, mais il est vrai que les experts du religieux, plus fondamentalement abordé, ont peu touché cette question, ont peu abordé cette question. Donc, ça demande aussi des points de vue plus fondamentaux et plus généralistes sur cette question-là, qui débordent les points de vue de classement ou d'évaluation, artistiques, légaux, juridiques, etc.

Le point 3, en bas, soulève une question historique qui renvoie aux pages 8 et 9. Toute personne qui s'intéresse à l'histoire du catholicisme dans la francophonie en Amérique du Nord est très consciente que le catholicisme francophone occupe une place extrêmement... peut-être plus importante qu'on le pense dans le catholicisme mondial, ce qui ajoute à l'importance de notre patrimoine. Au Québec, depuis les années soixante, nous sommes plutôt en mode repoussoir, vous savez, de renoncer à des pouvoirs, de prendre... la société civile qui prend sa place enfin, etc. Ça va parfois jusqu'au ressentiment à l'égard de cette Église qui fut très omniprésente. Mais il reste que, vu d'en haut, c'est-à-dire vu d'une perspective internationale de l'institution qui est une des plus vieilles en Occident, c'est un patrimoine qui est absolument central dans une histoire plus globale de cette grande tradition.

À la page suivante, donc au point 4, je décris un petit peu la crise du catholicisme québécois. Et là-dessus nous avons cru bon de renvoyer à l'ensemble de la population. Il y a des statistiques aussi sur les personnes qui se disent d'affiliation catholique dans les statistiques canadiennes, québécoises. Le nombre est étonnamment élevé, étant donné ce qu'on voit au plan de la vitalité des communautés pratiquantes et croyantes. Mais on énonce un certain nombre de clarifications pour expliquer quels rapports multiples la population québécoise peut entretenir à son patrimoine et à quels rapports à la tradition religieuse cela peut renvoyer. Ça peut être aussi éclairant au plan des valeurs et au plan de l'appropriation du patrimoine.

Aux points 5 et 6 ? ça renvoie donc aux pages 9 et 10 ? on fait divers commentaires sur la vitalité religieuse et sur les distances et les proximités des Québécois et des Québécoises à l'égard de leur héritage.

Le point 7 est particulièrement important, je crois, pour comprendre un peu un rapport ambivalent que les Québécois ont pu entretenir à leur patrimoine depuis les années... depuis la Deuxième Guerre mondiale. Nous tentons d'analyser les divers facteurs de dévaluation du patrimoine religieux, qu'est-ce qui a pu jouer dans cette dévaluation. Et il y a plusieurs aspects que vous trouverez résumés ici, au point 7, et qui se trouvent aussi aux pages 12 à 14.

Enfin, nous résumons les profils socioreligieux contemporains des Québécois, nous vous résumons les grandes enquêtes des années quatre-vingt-dix qui éclairent sur ces rapports complexes.

Et, à la page 21, je termine par le point 9. Nous évoquons la distinction entre bien privé, collectif et social, qui situe les usages éventuels du patrimoine, et actuels aussi. Nous évoquons diverses initiatives et nous proposons un plus grand nombre d'initiatives pour la valorisation de ce patrimoine, surtout au plan collectif et social, bien entendu, puisque la question privée déborde nos compétences.

Donc, voilà, on y reviendra dans les questions si nécessaire. Mais je laisserais la parole à Jean-Claude Breton pour aborder les propositions.

M. Breton (Jean-Claude): Merci. Alors, je commence tout de suite. Il y a une première proposition que je vais lire. Les autres, je ne les lirai pas au complet, je vais juste les évoquer. C'est le prolongement finalement de ce que vous venez d'entendre et c'est évidemment... Ce qui est important, c'est le regroupement par sections: l'éducation, la recherche, et ainsi de suite. On le verra.

Donc, la première proposition, qui est simple, nous paraît s'imposer, par ailleurs: travailler à la mise en valeur du patrimoine. À ce sujet, la valeur d'appropriation est fondamentale: si une communauté s'approprie le patrimoine, elle peut mieux le gérer. Et ça, «communauté», ça veut dire au niveau local... Bon, je pense, tout à l'heure, les cimetières dont on... quand ils deviennent orphelins, c'est parce qu'il n'y a plus de communauté, mais, quand il y en a une, communauté, c'est elle qui devrait, dans un premier temps, s'occuper de son patrimoine. Donc, à partir de ça, pour faire la mise en valeur, nous avons suggéré certains lieux d'investissement, donc des propositions, mais, à l'intérieur de ça, il y a des exemples concrets que je vais nommer. Mais, évidemment, ce n'est pas exhaustif et on pourrait en penser d'autres éventuellement.

Dans le domaine de l'éducation, il s'agirait, par exemple, dans les nouveaux programmes qui vont être mis sur pied tant au niveau primaire que secondaire, de faire une place à la sensibilisation au patrimoine religieux. Dans la même ligne, pourquoi ne pas créer une journée annuelle du patrimoine? Il y a beaucoup d'autres domaines qui sont touchés. Et ça, ça pourrait être une façon de valoriser à long terme. Je veux dire: une première année, ça fait rire; une deuxième année puis au bout de quelques années, ça devient une coutume. On pourrait remettre un prix du patrimoine religieux, un prix annuel aussi à l'occasion de cette journée annuelle, et penser aussi entre-temps à des activités patrimoniales, et voir aussi à encourager les églises et les communautés religieuses à favoriser un volet du patrimoine religieux dans l'initiation des plus jeunes à cette communauté.

Je saute parmi les autres et j'arrive tout de suite, maintenant, au volet recherche. Alors, évidemment, recherche, tout de suite, des universitaires, ça pense en termes bourses d'études. Mais c'est le deuxième point surtout sur lequel je voudrais attirer votre attention: fonds de recherche pour favoriser des recherches-actions. Et là, recherche-action ? il y a quand même des mots qui sont importants ? nous entendons une recherche ayant des impacts éducatifs ou participant à la création de projets citoyens. C'est-à-dire, donc que ce n'est pas juste des recherches, là, pour enrichir le C.V. des professeurs d'université, mais vraiment pour éduquer aussi, en même temps, les gens du terrain, toujours avec l'idée que, si on connaît son patrimoine, si on s'y intéresse, on peut le gérer mieux.

Troisièmement, favoriser des collaborations intersectorielles. Bien, vous les voyez venir, ces propositions-là, à partir de ce qui a déjà été dit par Jean et Solange.

Supporter les communautés paroissiales et religieuses, les supporter à rendre accessibles leurs espaces. Et pour ça, bien, il faut leur permettre d'élaborer des projets et j'ajouterais aussi consentir à ce que ça puisse prendre un certain temps, éduquer les communautés à faire ces choses-là. Mais c'est des choses qu'il faut...

Favoriser aussi l'accessibilité des églises pour éventuellement les inscrire dans des circuits touristiques.

Consolider le support aux organismes communautaires à tous les niveaux pour la valorisation du patrimoine religieux. Et là, dans le document, dans le mémoire, on parlait de l'exemple, en Europe, des églises ouvertes, ce seraient peut-être des choses à favoriser ici, aussi.

n(16 h 50)n

L'élaboration d'un modèle de cogestion ou de gestion commune du patrimoine. Et là je souligne la dernière phrase du bas de la page: Cela implique une coresponsabilité ? donc ni l'évêque, ni les conseils de fabrique, ni les communautés religieuses, ni les experts, ni l'État ne pourraient prendre de décision unilatérale. Et Dieu sait si on a eu des exemples dans un cas ou l'autre où, tout d'un coup, il y a quelqu'un qui a gagné, sa décision a été... la décision prise a été la sienne, mais ça a été une perte pour l'ensemble.

La mise à l'essai de nouveaux partenariats entre l'État, les municipalités, les paroisses et les communautés religieuses.

La consultation de l'ensemble de la collectivité et des autorités civiles.

Et finalement, des tables de concertation autour de la Fondation du patrimoine religieux pour étendre leur mandat et enrichir leur expertise.

Avant-dernier point, permettre le financement... Donc, une coresponsabilité monétaire, là aussi. Et en deuxièmement, deuxième temps, on souligne que, dans des cas semblables, l'État et les collectivités locales pourraient explorer avec les autorités religieuses des modalités de financement permettant de conserver et de mettre en valeur le patrimoine. Donc, un processus éducatif qui peut prendre du temps mais toujours initier des processus décisionnels et de financement où la coresponsabilité est toujours présente.

Et finalement, pour la consolidation du domaine de la muséologie, bien, on sait qu'il y a déjà plein de petits musées québécois qui ont déjà été explorés, et tout ça, puis il y a des musées plus importants aussi. Donc, on pourrait penser, dans ces réseaux de musées ou dans des succursales, avoir des lieux ou des sections qui s'intéressent plus particulièrement au patrimoine. Même si on pense que le musée, c'est toujours juste ça, le patrimoine, des fois ça l'est moins.

Et ensuite, bien, évidemment, on termine en disant d'encourager des collaborations avec les cégeps, et les universités, et les disciplines concernées ? histoire, muséologie, archives, théologie et sciences des religions, architecture ? et tous ces savoirs qui peuvent être des outils très importants évidemment pour encourager la muséologie. Et nous arrivons à la fin de nos 15 minutes, je crois, donc j'atterris.

Le Président (M. Brodeur): Exactement. Merci beaucoup. Merci, premièrement, de vous être déplacés, d'avoir envoyé votre mémoire, ce fut très apprécié de la commission. Dans un premier temps... Tantôt, vous avez parlé de recherche, et c'est normal pour des universitaires de nous souligner que la recherche est importante. D'ailleurs, ce matin, un groupe nous a souligné que, particulièrement pour le patrimoine immatériel, nous aurons besoin probablement d'interventions et de recherches pour bien inventorier ce patrimoine-là, et le situer, et le définir également.

Également, je dois vous dire que j'ai pris la peine, en septembre, au début de nos travaux, de bien informer le ministre de l'Éducation que possiblement la commission lui permettrait peut-être d'apporter des modifications à certains programmes et que le patrimoine religieux, notamment le patrimoine religieux, devrait, selon nous, pourrait, selon nous, faire partie de programmes un peu plus spécialisés non seulement à l'université, mais une matière qui pourrait être enseignée dès le plus jeune âge de nos étudiants, puisque, si l'on veut que ces jeunes-là aient au moins conscience de la valeur de ce patrimoine-là, ce qu'il représente pour notre société, la valeur de témoignage qu'il a, ils doivent être informés et éduqués le plus rapidement possible.

Donc, ceci étant dit, vous êtes quelques groupes à nous avoir parlé, à avoir abordé le sujet de l'éducation, à nous donner des suggestions. Est-ce qu'on peut comprendre de votre suggestion que la commission parlementaire devrait, dans son rapport, suggérer au ministre de l'Éducation de revoir son programme, d'y établir des normes un peu plus complètes en ce qui concerne le patrimoine religieux et d'agir dans les plus brefs délais, principalement pour peut-être certaines recherches que nous avons besoin, mais pas seulement ça, mais pour éduquer nos plus jeunes sur la valeur du patrimoine et ce que nos ancêtres leur ont légué? Est-ce que c'est la recommandation que nous devrons faire?

M. Breton (Jean-Claude): Bien, je pense que oui, si on parle en termes de recommandations. Puis, en fait, tout ça, c'est un peu uni, là, quand on parlait d'une journée annuelle, d'un prix du patrimoine, mais aussi, au niveau de l'éducation primaire et secondaire, inscrire, je dirais, comme une cloche, un rappel, pour les gens qui préparent des programmes, qu'on peut, à un moment donné, donner des exemples qui ont une valeur patrimoniale aussi pour toutes sortes de domaines d'éducation. On parle beaucoup, aujourd'hui, de transversalité, là. Alors, il y a des choses où on peut aller prendre des exemples dans le monde, dans des questions patrimoniales, pour justement enseigner autre chose. Et là, à ce moment-là, je dirais, c'est tout ça qui permet de sensibiliser au patrimoine et d'en faire quelque chose à quoi on s'intéresse et qu'on veut conserver. Donc, oui, oui, c'est sûr, là, pour l'éducation.

Le Président (M. Brodeur): J'aimerais vous entendre un peu plus. Vous avez soulevé vos projets de recherche-action, projets citoyens. Dans mon esprit, ce n'est pas clair. Est-ce que vous pourriez élaborer un peu plus sur ce projet-là.

Mme Lefebvre (Solange): Ce qu'on veut dire par là, c'est qu'il nous paraît que la recherche, jusqu'à maintenant, sur le patrimoine est très spécialisée. À l'Université de Montréal, en tout cas, les collègues que j'ai réunis autour de cette question-là sont en architecture, en évaluation, en classement de bâtiments, etc. Mais, comme il y a une question de valorisation du patrimoine en jeu, de formation et d'éducation populaire, c'est là que la recherche-action entre en jeu avec des projets différents, c'est-à-dire moins centrés sur l'histoire, par exemple, patrimoniale ou les détails et l'analyse, le classement, l'évaluation, mais aussi sur la sensibilisation populaire. Alors, les objectifs de recherche ne sont pas uniquement scientifiques. Ils peuvent ajouter, ils peuvent faire avancer les connaissances, bien entendu, mais ils ont aussi un volet d'éducation, ils peuvent avoir un volet pratique d'organisation de certaines expositions plus ou moins permanentes, de mise en place de projets historiques. Par exemple, ceux qui nous précédaient parlaient de l'abandon de cimetières anglophones de tradition protestante ou anglicane et ils semblaient dire que les villages ne prenaient pas charge parce que c'était au milieu d'eux sans qu'ils sachent trop quoi en faire. Il y a une question d'éducation là-dedans.

Alors, par quels projets pourrait-on sensibiliser et transformer le rapport à ce patrimoine? Bien, la recherche-action se présente comme un projet possible. Et c'est là que des projets plus ministériels ou gouvernementaux peuvent aider, parce que les grands conseils subventionnaires peuvent avoir des volets de cet ordre-là, bien entendu, des volets centrés sur le transfert de connaissances, l'action, l'éducation, mais aussi il y a des projets ministériels ciblés qui peuvent favoriser la mise en place de ce type de projets plus ciblés avec des buts de transformation de milieux précis et d'actions précises. Vous voyez ce que je veux dire, monsieur?

M. Breton (Jean-Claude): Si vous me permettez d'ajouter juste un mot. Par exemple, souvent, je dirais, dans les communautés locales, les églises sont l'objet, là, de décisions en situation d'urgence, à l'extrême limite, alors que, si on avait une mentalité de recherche-action, on pourrait engager des fois des réflexions sur le patrimoine avant d'être rendu à la situation d'urgence. Et, si on a déjà fait des expositions, si on a déjà fait des recherches historiques, si on a déjà valorisé des aspects, il y a plus de gens qui sont sensibilisés, plus de gens qui sont informés qui peuvent, à ce moment-là, permettre une décision éclairée. C'est ça aussi, une recherche-action.

Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Moreau: Oui. Je dois vous dire que je trouve vos suggestions fort intéressantes. Si vous voulez, je vais vous poser quelques questions sur deux d'entre elles particulièrement.

Au point 4.2, là, pour la question de soutenir la recherche sur le patrimoine religieux, vous parlez de création de bourses d'études et d'attribution de fonds de recherche voués à la recherche-action. Est-ce dire qu'à l'heure actuelle il n'existe aucune bourse d'études vouée, en sciences humaines, pour l'étude des questions relatives au patrimoine, au Québec ou au Canada?

M. Duhaime (Jean): À ma connaissance, dans notre secteur... Là, vous posez la question pour les sciences humaines. Moi, je vous répondrais davantage pour le secteur que je connais, qui est théologie et sciences des religions.

M. Moreau: Mais vous l'établissez comme ça dans le mémoire.

M. Duhaime (Jean): Oui, oui, d'accord, mais, dans le... Bon, autour du Centre d'étude des religions que nous avons à l'Université de Montréal, il n'y a pas de programme de bourses qui est dédié spécifiquement au patrimoine religieux comme tel. Et on peut susciter un intérêt et susciter des travaux par des bourses d'appoint dont le projet, qui doit être déposé pour poser sa candidature à une bourse comme celle-là, porterait spécifiquement là-dessus. Si on veut développer un secteur comme celui-là, c'est certain qu'il y a de l'intérêt chez plusieurs de nos étudiants, mais, s'il n'y a pas de financement et s'il n'y a pas de débouché potentiel au terme d'un travail là-dessus, les gens vont s'orienter ailleurs. Alors, dans ce sens-là, je ne dis pas qu'on ait fait un inventaire complet, mais de bourses d'études ciblées autour du patrimoine religieux, dans le sens de son interprétation de projet de type recherche-action comme celui qu'on évoque, à ma connaissance ça n'existe pas présentement.

n(17 heures)n

Mme Lefebvre (Solange): Les instances subventionnaires, bien entendu, subventionnent les meilleurs projets, quelles que soient leurs visées. Alors, il est certain que des historiens sont financés pour analyser un patrimoine paroissial, des archives, des architectes sont financés, des étudiants en architecture, en aménagement peuvent être financés pour analyser certains aspects d'un patrimoine bâti ou... Bon, il y a un financement déjà, bien entendu, général. Mais, quand un gouvernement souhaite qu'on cible davantage, il peut établir des programmes plus spécifiques qui étendent, par exemple, l'expertise.

Nous, notre compréhension, c'est que l'expertise jusqu'à maintenant est assez limitée à certains secteurs très spécialisés. Mais peu de sociologues travaillent là-dessus, peu d'anthropologues même, je dirais, peu de jeunes dans le secteur des sciences religieuses. Et ça, c'est des problématiques plus contemporaines et plus immédiatement formatives de la population. Voyez-vous, c'est ça qui est... Ce serait à analyser en tout cas, comment diriger certains programmes prioritairement pour le développement, je dirais, de nouveaux chantiers dans ce domaine, même s'il y en a déjà, bien entendu. Il y a déjà des experts de ces questions-là, mais très ciblés, encore une fois.

M. Moreau: Et, dans le domaine de la muséologie, vous parlez de la création d'un musée d'État de l'art sacré. Est-ce qu'il existe, à votre connaissance, des musées... évidemment, des musées d'État, il n'en existe pas, mais des musées privés qui s'intéressent à cette question-là? Parce qu'en Équateur par exemple il y a des musées extraordinaires sur l'art religieux, le patrimoine religieux.

M. Breton (Jean-Claude): Sur la religion populaire, à Nicolet, je crois, il y a des communautés religieuses qui ont mis sur pied un musée. Puis il y a aussi, dans certaines communautés religieuses, des... bon, pas un musée comme tel, mais, disons, des pièces d'archives qui sont ouvertes éventuellement au public, autour de certains édifices de communautés religieuses. Mais c'est Nicolet surtout qui me vient en tête, là, quand vous posez la question.

M. Moreau: Donc, vous dites: Parce qu'il en existe très peu et qu'ils sont à l'initiative privée, il y a un intérêt véritable de créer un effort d'État dans ce domaine-là.

M. Breton (Jean-Claude): Bien, c'est-à-dire qu'il y a d'autres musées qui ont à ma connaissance reçu certaines aides de l'État, même si ce n'est pas des musées d'État. Bon, l'idée, c'était de dire: Est-ce qu'on ne pourrait pas aussi encourager ces musées-là à se concerter ? l'idée du réseau ? puis aussi à être invités à se préoccuper davantage, là, de faire aussi ce travail, pas juste de conserver, mais aussi d'éducation? Parce que les musées, aujourd'hui, font de plus en plus ce travail d'éducation, d'éducation au patrimoine parce que c'est souvent eux qui ont entre les mains des outils très utiles pour l'éducation au patrimoine. Donc, ça, c'est les activités qui pourraient, autour de... Mais je ne suis pas muséologue moi-même, hein?

Mme Lefebvre (Solange): Mais, si je peux me permettre, on peut s'interroger sur la pertinence que le Québec s'engage là-dedans, mais il me semble que notre spécificité historique peut nous y inviter. On est connu: Montréal, la ville aux 100 clochers. Comme je le disais tout à l'heure, depuis les années soixante, on a plutôt pris la route de la révision, vous savez, de prendre une distance de cet héritage-là à plusieurs égards. Peut-être qu'aujourd'hui on pourrait le reconsidérer autrement et le voir comme un potentiel qui nous est propre. Parce qu'à mon sens l'histoire du catholicisme au Québec, de ses rapports avec le protestantisme, en plus des nouvelles communautés qui se sont ajoutées, est très singulière, est tout à fait singulière. Alors, il faudrait que la commission puisse évaluer la pertinence de mettre en valeur cette singularité historique. C'est dans ce sens-là qu'on pourrait, nous, opter pour un tel aménagement muséologique.

Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le député de Mercier.

M. Turp: Merci beaucoup, chers collègues, parce que, comme le député de Marguerite-D'Youville, moi, je suis aussi très fier d'être un professeur à l'Université de Montréal et de recevoir des collègues de la Faculté de théologie.

Une voix: Il faut leur expliquer, ils n'étaient pas là...

M. Turp: Ah, bien, quand vos collègues de l'Université Laval sont venus ce matin ? c'était ce matin ? je crois, alors il était très fier de parler de son appartenance à l'Université Laval comme diplômé...

Une voix: Nous sommes trois...

M. Turp: Les trois ici. Alors, vous avez un diplômé puis un collègue en congé sans solde de l'Université de Montréal, fier que l'Université de Montréal contribue aux travaux de cette commission par votre présence et votre mémoire.

C'est intéressant d'ailleurs parce que, votre mémoire, il y a deux parties très, très distinctes. Et, à moins que j'aie manqué le lien, ils me semblent très distincts. Il y a la partie qui nous situe le contexte et qui va être très, très utile, je le crois, pour nos travaux et peut-être pour la partie où on va devoir nous-mêmes parler du contexte dans lequel s'inscrivent nos recommandations, et la partie très, très concrète, avec des recommandations qui, là, pourront nous être très utiles et nous inspirer aussi. Alors, j'ai une question sur la première partie, puis une série de questions sur la deuxième, ou de commentaires qui pourraient peut-être mériter les vôtres.

Alors, la valeur d'appropriation. Parce que, ça, vous semblez lui donner une très grande importance. D'ailleurs, une étudiante est venue d'ailleurs avant vous parler des valeurs. Et, moi, j'aimerais savoir ce que vous donnez comme sens à la valeur d'appropriation, je veux comprendre ce que vous voulez dire précisément par cela et en quoi cette valeur doit nous influencer dans la façon dont on doit penser l'avenir du patrimoine religieux.

Alors, pour ce qui est des propositions, d'abord la journée annuelle du patrimoine. Vous savez qu'il y a une Journée européenne du patrimoine. Ça existe dans les pays membres du Conseil de l'Europe, la Journée européenne du patrimoine. D'ailleurs, ici, comme le président me le faisait remarquer, ça donnerait un peu de crédibilité au patrimoine d'avoir une journée du patrimoine, parce que Les minutes du patrimoine, elles n'ont pas beaucoup de crédibilité, par les temps qui courent, à cause de ce que vous savez. Alors, une journée du patrimoine, il me semble que c'est une bonne idée. Mais en même temps je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous qu'elle devrait être liée à la Journée de la culture ou aux Journées de la culture, parce que les Journées de la culture... Il me semble que j'ai vu ça. Non, vous n'avez pas proposé ça. Donc, vous voudriez que ce soit distinct, hein?

Mme Lefebvre (Solange): Non. La seule chose qu'on proposait, très, très précise par rapport à cela, c'est de la tenir avant la fin de l'année scolaire pour que les écoles primaires, secondaires puissent participer ? vous savez, pendant que les enfants, les jeunes sont à l'école ? et toute la population, bien entendu. C'était la seule proposition, oui.

M. Turp: Oui. Bien, je vois ça. Et ça s'arrimerait bien avec les Journées de la culture parce qu'elles ont lieu en septembre et donc elles sont aussi accessibles aux écoles, là, bien que ce soit surtout la fin de semaine, là, les Journées de la culture. Mais en tout cas c'est pour vous dire que ça me paraît être une très bonne idée, et ça contribuerait beaucoup à la mise en valeur du patrimoine auprès de l'ensemble des Québécois et des Québécoises. J'espère qu'on la retiendra, M. le Président, dans nos recommandations.

Alors, le prix du patrimoine religieux, en quoi se distinguerait-il du prix Gérard-Morisset, qui est un des prix du Québec et qui est un prix qui est consacré au patrimoine et qui cherche, à chaque année, à offrir une distinction à une personnalité qui s'est distinguée dans le domaine du patrimoine? Puis il y a des gens... Je pense que notre ami Alain Gariépy me disait que, je crois, Luc Noppen s'est vu attribuer le prix Gérard-Morisset, et donc on a de toute évidence souligné le travail que quelqu'un a fait dans le domaine du patrimoine religieux. Alors, sachant cela, est-ce que vous pensez qu'il y a lieu aussi de faire un prix particulier dans le domaine du patrimoine religieux? C'est votre recommandation, mais, à la lumière de cela, est-ce que vous maintenez cette recommandation?

Sur le musée d'État, moi aussi, je crois comprendre que ce serait quelque chose qui paraîtrait nécessaire, de faire un musée national qui concerne l'art sacré ou le patrimoine religieux. On a une série de musées nationaux, mais il n'y en a pas qui sont spécialisés dans l'art sacré. Alors, vous recommanderiez que l'État investisse une somme quand même importante, j'imagine. Un musée d'État, ce n'est pas donné, là. Le Musée national des beaux-arts, ici, à Québec, et le Musée national d'art contemporain, à Montréal, c'est des sommes considérables. Et est-ce que vous ne craignez pas que mettre des objets d'art sacré dans un musée national, loin du lieu où ils se trouvent à l'origine ne va pas à l'encontre d'un principe de proximité qu'on devrait respecter?

n(17 h 10)n

Et la dernière chose, c'est que, sur la cogestion commune du patrimoine pour éviter qu'une personne ou un groupe décide seul de son destin, je pense qu'on aurait besoin de précisions, là, parce que la recommandation n'est pas très, très élaborée sur la cogestion ou la gestion commune du patrimoine. Est-ce que vous êtes d'accord qu'il faut une fiducie, une fiducie du type britannique, ou est-ce que vous avez examiné ces questions?

M. Breton (Jean-Claude): On va commencer par les choses simples. Écoutez, on apprend aussi, à une commission. Alors, merci de nous instruire à propos du prix sur le patrimoine religieux. Bon, vous aviez une question sur la valeur d'appropriation, d'abord. Je ne sais pas si Solange veut revenir là-dessus.

Mme Lefebvre (Solange): On se complétera après.

M. Breton (Jean-Claude): Mais je vais revenir donc sur le prix du patrimoine religieux. Après ce que vous avez dit, là, la solution polie, ce serait de dire: Il y a déjà un prix du patrimoine religieux. Mais je persiste en disant: Si on mettait vraiment «patrimoine religieux» et pas juste «patrimoine», ça pourrait être, à ce moment-là, un beau lieu de favoriser la collaboration, pas juste de l'État, mais peut-être aussi des institutions religieuses dans ce prix-là, les mettre dans le jeu aussi. Alors, ce serait ma réponse spontanée à votre question.

Bon. Je suis content que vous appréciiez par ailleurs notre suggestion d'une journée. Et effectivement, comme disait Solange, la seule chose qu'on a à souhaiter, c'est qu'elle soit à l'intérieur de l'année scolaire.

On n'a pas fait, pour différentes raisons, y compris celle du temps, je dirais, le peaufinage légal dans les formulations, et ça va me permettre de répondre à la question de la coresponsabilité. Dans le fond, ce qu'on veut dire, c'est qu'on voudrait toujours qu'il y ait, selon le sens de notre première recommandation, des gens qui soient concernés par et que tous les gens qui sont concernés par le patrimoine, quand il y a une décision prise sur un bâtiment ou quelque chose dans le bâtiment, que les personnes concernées aient droit de parole.

Bon. Comment ça peut se faire légalement, puis évidemment comment on arrive à prendre une décision, à un moment donné? Ça, c'est une autre question, et c'est celle que vous me posez peut-être, pour laquelle on n'a pas répondu non plus, puis je ne pense pas pouvoir vous répondre après-midi. Mais ce qu'on souhaiterait, c'est que le législateur, en pensant fiducie ou autre chose, ait en tête, là, de permettre la concertation la plus grande possible. Puis, nous autres, on dirait aussi, avant ça: Pour permettre cette concertation-là, une éducation où, je dirais, il y a plus de gens concernés. Parce qu'il y a actuellement... On a eu, dans un passé récent, après Vatican II, par exemple, des curés qui ont vendu, sans consulter la fabrique ni leur évêque, des mobiliers d'église de grande valeur tout simplement parce qu'ils voulaient avoir moderne. Alors, il se fait des massacres épouvantables dans certaines églises. Alors ça, c'est parce qu'il y a un manque d'éducation. Donc, ce qu'on souhaite, c'est qu'il y ait une éducation et que le fruit de cette éducation-là permette au législateur de donner la parole à plus de personnes possible éduquées, au moment de prendre des décisions. Je m'arrête là puis je laisse les autres compléter.

Mme Lefebvre (Solange): Merci, Jean-Claude. Sur la valeur d'appropriation, on y voit plusieurs facettes, bien entendu. Je pense qu'une des lignes qui se dégagent de notre mémoire, c'est de favoriser une prise de conscience collective de la valeur du patrimoine. Donc, pour nous, l'appropriation est liée à la valorisation, et c'est pour ça que l'éducation nous semble fondamentale.

Une des intentions du mémoire aussi, en commentant un petit peu le rôle des divers acteurs, et ça va dans la ligne de l'intersectorialité, c'est-à-dire qu'il nous semble qu'il y a plusieurs points de vue complémentaires qui peuvent colorer cette valeur d'appropriation. L'expert va se l'approprier d'une certaine manière, mais le paroissien qui lutte à bout de bras depuis des années pour son église se l'approprie autrement et tout aussi respectablement, et ainsi de suite. Le citoyen qui est absolument non pratiquant mais qui réagit très soudainement à l'annonce de la vente d'un bâtiment ou d'une oeuvre, lui aussi s'approprie le patrimoine à sa manière, d'une manière qui doit être reconnue comme légitime.

Cela dit, ce qu'on perçoit dans le paysage, c'est une très grande fragmentation des décisions et des points de vue, à tel point que ça crée de grandes tensions, hein? Les uns se disent: Ce n'est plus à vous; non, c'est à nous. C'est sûr que... éventuellement, j'imagine qu'on pourrait se diriger vers une copropriété ou en tout cas des processus décisionnels qui s'assureraient que les points de vue multiples sont pris en compte.

Au plan pragmatique, la seule chose qu'on a risqué de proposer, c'est d'associer les tables de concertation qui auraient pu nourrir ces processus décisionnels aux tables déjà mises en place un peu partout au Québec autour de la fondation. Il nous semblait que c'était pragmatique. Peut-être de leur ajouter certains mandats et d'y joindre certains membres. Donc, des décisions en concertation.

Par rapport à la question du musée, je ne suis pas une spécialiste de la muséologie, personne d'entre nous ne l'est, mais il me semble qu'il y a une grande différence quand même entre le Musée d'art contemporain, des beaux-arts, le Musée de la civilisation, etc. C'est que, les oeuvres, on les a, hein? Ce serait d'un commun accord qu'on se donnerait un lieu, un espace, avec des succursales régionales, ce qui pourrait amenuiser la distance dont vous parliez tout à l'heure. Et par rapport au fait que: Oui, mais on sort les oeuvres de leur contexte, c'est déjà le cas des musées des beaux-arts, je vous le signale, hein, ce que je regrette toujours quand je visite un musée, aussi somptueux soit-il.

Il reste que la quantité d'oeuvres que nous avons est telle... Parce que, quand nous rencontrons les communautés religieuses, les gens des diocèses, les experts, je veux dire, les garde-robes sont pleins, les sous-sols sont pleins. Alors, une telle quantité à notre avis n'empêcherait pas qu'il y ait aussi des initiatives beaucoup plus familières, locales, et à ras du sol, là, hein, qui demeurent dans les bâtiments originaux, etc. Donc, il faudrait voir au plan des coûts. Si les gens sont d'accord pour que les oeuvres soient données, ça occasionnerait beaucoup moins de coûts. Et, bien entendu, au plan de l'espace, ça devrait être certainement bien plus modeste que les grands musées que nous possédons déjà.

Par ailleurs, il a été question, on a discuté aussi entre nous de sections des grands musées consacrées à cela. Ça pourrait être envisageable. Il en a été question au Musée des beaux-arts de Montréal, hein, d'acheter une superbe... je ne me souviens pas du nom de l'église, mais une superbe église protestante qui, en soi, est un joyau. Ça n'a pas été fait...

M. Turp: ...mais ils sont encore en négociation.

Mme Lefebvre (Solange): Bien, voilà. Bien, ça pourrait être une voie, hein? Mais il faudrait que ce soit une section qui, elle-même, est respectueuse du sens. Et l'achat d'une église serait pertinent à cet égard-là, mais pas seulement à Montréal, pas seulement à Québec, bien entendu.

Et dernière chose, la question des prix. Il me semble qu'il y aurait plusieurs... Je vous avoue, M. Turp, que je ne connais pas la composition des critères, du fait d'accorder ces prix, mais, pour favoriser la valeur d'appropriation, l'éducation populaire, on utilise cette stratégie dans bien d'autres domaines; une plus grande quantité de prix peuvent être donnés et ciblés à plusieurs niveaux. Par exemple, initiatives étudiantes, projets de recherches locales, tu sais, on peut initier plusieurs catégories de prix, hein, sans vouloir dévaloriser ce prix dont vous parlez. Voyez-vous ce que je veux dire? Mais, dans une «journée de», hein, comme on en a déjà beaucoup au Québec, c'est assez pertinent de souligner des initiatives, et ça fait partie des processus d'éducation populaire pertinents, me semble-t-il.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Malheureusement, c'est tout le temps...

Une voix: Il reste du temps?

Le Président (M. Brodeur): Non, malheureusement, c'est...

Des voix: ...une autre question.

Le Président (M. Brodeur): Pour peut-être une petite conclusion.

M. Duhaime (Jean): Écoutez, peut-être, en conclusion, une des lignes de fond qu'on a essayé de faire ressortir tout au long de ce mémoire-là, c'est la nécessité qu'il y ait une concertation des différents intervenants, que l'État puisse agir comme facilitateur pour favoriser cette concertation-là. Et, comme nous venons d'un milieu qui est enraciné dans la tradition catholique, nous savons qu'il peut y avoir certains irritants au niveau des droits et de la revendication de la propriété, et tout ça. Nous ne croyons pas que c'est par le biais, disons, d'une intervention, j'allais dire, radicale au niveau législatif qu'on peut résoudre ça d'abord, mais il faudrait d'abord envisager la voie de la concertation et faire valoir qu'il y a bien sûr des droits acquis, mais il y a aussi l'intérêt public, il y a l'intérêt d'autres groupes de citoyens, et il faut trouver une combinaison gagnante où tout le monde va tirer profit au fond d'une mise en valeur de cette richesse que nous possédons.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Merci de votre présentation. Donc, je vais suspendre quelques instants, le temps que notre dernier groupe puisse s'installer.

(Suspension de la séance à 17 h 20)

 

(Reprise à 17 h 23)

Le Président (M. Brodeur): Donc, comme on dit habituellement, à l'ordre, s'il vous plaît!, même si l'ordre est quand même revenu.

Donc, nous allons entendre Héritage Montréal. M. Bumbaru, bienvenue en commission parlementaire. Je vous explique brièvement les règles de la commission. Vous avez un temps maximal de 20 minutes pour présenter votre mémoire de la façon dont vous le jugerez à propos, et ce sera suivi par une période d'échange avec les membres de la commission. Donc, sans plus tarder, vous êtes notre dernier intervenant aujourd'hui, donc je vous cède la parole immédiatement.

Héritage Montréal

M. Bumbaru (Dinu): Bien. M. le Président, je vous remercie, je remercie également la commission de cet accueil qui nous est fait. Tout d'abord, on tient à remercier l'initiative qui habite cette démarche. Et c'est à notre avis un peu inhabituel, on n'est pas familier avec tout l'historique des débats parlementaires, mais il nous semble que la notion d'initiative, dans notre société contemporaine, est de plus en plus importante et malheureusement rare. Alors, on tient à le souligner. Dans ce cas-ci, on espère que ce sera...

Bon, on sait qu'il y a une crise dans le domaine du patrimoine religieux, ces jours-ci; on la vit. On la savait prévisible, depuis une vingtaine, une trentaine d'années, mais, aujourd'hui, on commence à la vivre de manière plus concrète, ce dont cet exercice témoigne davantage. Et surtout on espère que ce ne sera pas une crise qui oblitérera les besoins d'une organisation plus raisonnée de l'action générale de l'État et de ses partenaires sur le patrimoine en général.

Donc, on vous remercie également de l'invitation à être ici. Puis ça nous fait d'autant plus plaisir qu'on est ici à témoigner sous le portrait de Louis-Hippolyte La Fontaine, dont on essaie de sauvegarder la maison qui, à Montréal, a vécu les événements de 1849, donc les révoltes et les émeutes. Et cette maison est un peu abandonnée. On a tantôt employé le terme d'orphelin. Eh bien, il n'y a pas que les cimetières qui sont orphelins, il y a des maisons, il y a des... Enfin, la question de l'orphelinat dans le patrimoine est très grande.

On souligne également... Aujourd'hui, c'est la fête de la conversion de Saint-Paul, donc un chemin de Damas sur lequel peut-être vous vous êtes engagés et dont on espère beaucoup du résultat, puisque, comme organisme, Héritage Montréal prendra une attention particulière à lire votre rapport, à l'examiner, au sein de son organisation, afin qu'on puisse apporter un enrichissement dans les suites. Nous, ce qui nous intéresse beaucoup dans le patrimoine, c'est l'avenir et c'est donc les suites qui sont données aux recommandations, etc. Donc, on vous assure de notre solidarité et de notre attention à venir sur le fruit de vos travaux.

Je me présente tout d'abord, Dinu Bumbaru, je suis directeur des politiques à Héritage Montréal. C'est une association qui a été fondée en 1975. Elle a été fondée dans le but d'encourager la protection du patrimoine. Notre rôle d'encouragement est un peu la reconnaissance du fait que les seuls véritables protecteurs sont soit les détenteurs de ce patrimoine, soit les pouvoirs législatifs. Mais notre action a porté sur l'éducation, la représentation sur les thèmes du patrimoine dans une vision élargie. Nos fondateurs nous ont indiqué de travailler sur le patrimoine historique, architectural, naturel et culturel, et nous l'avons interprétée, cette mission fondatrice, sous cinq types de patrimoines qui nous intéressent, à savoir: le bâti, le paysager, l'archéologique, le commémoratif et le naturel.

C'est également une action que nous inscrivons dans une préoccupation pour le développement urbain, puisque notre action porte essentiellement sur la région montréalaise, même si nos lettres fondatrices parlent d'une action auprès des communautés de l'ensemble de la province du Québec. Nous avons également une préoccupation particulière pour les processus consultatifs, considérant que le patrimoine est une valeur qui ne peut pas être normalisée et donc l'objet de décisions programmées à l'avance ou traitées uniquement sur un mode administratif. Donc, la consultation est importante.

Je dois vous signaler également que personnellement j'ai un second chapeau qui m'amène à être particulièrement intéressé à la démarche actuelle, puisque je peux la lire dans une perspective un peu plus internationale. Peu de Parlements, d'Assemblées parlementaires ont pris des initiatives comme celle-ci, de se pencher sur cette question. On a vu des discussions en Angleterre, dont la tradition parlementaire a inspiré la nôtre, mais également aux Pays-Bas alors qu'on a eu des débats sur la question spécifique du patrimoine religieux. Donc, c'est à titre de secrétaire général du Conseil international des monuments et sites, qui est l'organe-conseil de l'UNESCO, que... Je ne suis pas ici pour déposer, puisque vous avez écouté notre comité national canadien, hier, je crois, mais je vous assure qu'il y a une oreille internationale qui est ici, pas un oeil ? ne prenons pas des images trop religieuses ? mais une oreille qui est certainement intéressée à cet exercice, puisque d'autres pays vivent des problématiques très, très semblables. Nos collègues à travers le monde sont particulièrement heureux de voir des initiatives comme celle-ci qui pourraient aider à développer une solidarité puis une réflexion commune à travers la planète.

Alors, rapidement. Vous avez eu notre mémoire dès le mois de septembre. Enfin, on s'excuse s'il y a encore quelques coquilles, fautes d'orthographe et absence syntaxique. Mais essentiellement c'est un mémoire que nous avons souhaité développer en prenant d'abord acte du document de réflexion produit par la commission, que nous avons trouvé fort intéressant. Nous avons également un peu mis en perspective nos propres réflexions sur la question du patrimoine religieux, et je vous en fais part rapidement.

Enfin, déjà, on souhaiterait stipuler qu'est-ce que nous entendons par «patrimoine religieux» parce qu'il y a eu... J'ai entendu tout à l'heure, au cours des discussions, des évocations qui nous laissaient croire qu'il n'y a de patrimoine religieux que lorsque la foi est en présence, alors qu'il nous semble qu'un monument funéraire qui appartienne à une instance civile et par définition s'inscrit dans une sphère de pratiques, de croyances et de rites, de traditions qui tiennent de la religion, même si la propriété juridique du bien est autre que celle d'un organisme religieux... Et donc, pour nous, on penserait peut-être utile d'apporter une définition, parce qu'on a vu, à travers votre document, une espèce de balayage qui part d'une introduction qui ouvre sur une grande largesse thématique et qui se termine un peu plus sur la question du foncier, de l'immobilier.

n(17 h 30)n

Peut-être qu'il serait utile de penser à aborder le patrimoine religieux sous la notion de biens ou de lieux associés ou témoignant d'actes, de croyances ou de pratiques de nature religieuse, qu'ils soient ou non détenus par des organismes de cette nature-là. Nous, comme je vous le mentionnais, on s'intéresse au bâti, au paysager, au commémoratif, à l'archéologique et au naturel et on considère que l'ensemble de ces dimensions se retrouvent exprimées à divers moments dans le patrimoine religieux du Québec et de la région montréalaise. Pensons aux chapelles d'Oka, qui n'appartiennent pas à une organisation religieuse, mais il n'y a personne qui pourra contester qu'il s'agit là d'un patrimoine qui est associé à la religion, même s'il se situe dans un écosystème naturel de grand intérêt puis qu'il témoigne de relations entre les cultures françaises et amérindiennes fort intéressantes.

Peut-être pour préciser qu'à travers notre existence nous avons eu plusieurs occasions, depuis 1975, quand on a été fondés, d'intervenir sur des dossiers de patrimoine religieux, et je voudrais juste mentionner que notre action a connu une diversification assez intéressante. On est passés d'actes d'objection à des gestes sacrilèges ou destructeurs, des demandes de classement, des choses comme ça, pour essayer d'empêcher une action néfaste, pour s'engager notamment dans la réalisation d'études prospectives, parce qu'on s'est rendu compte qu'on ne pouvait pas traiter ce dossier au cas par cas, comme malheureusement c'est trop souvent fait actuellement. Et c'est important de s'inscrire dans une démarche peut-être d'organisation, avec des outils.

On s'est rendu compte qu'il y a un problème de financement, il y a un problème juridique associé à la propriété, aux obligations relatives aux instances religieuses. On a aussi un manque de connaissance de ce patrimoine. Mais ça, c'est un problème qui touche le patrimoine en général, au Québec. Il est tellement méconnu. On se contente de dire: Ah, vous savez, c'est formidable, on a telle ou telle affaire, c'est beau. On se donne des tapes sur le dos, c'est merveilleux. Mais, vous savez, ça fait 40 ans qu'on travaille sur le patrimoine, on devrait être rendus un petit peu plus loin qu'où est-ce qu'on est maintenant. La basilique Notre-Dame n'est même pas classée. On a un rattrapage énorme. Il y a des pays qui ont connu la guerre qui ont plus de patrimoine que nous autres, alors que... Bien, en proportion. Et ça, ce sont des situations qu'on ne constate pas assez fermement et qu'on n'essaie pas de traduire en actes.

Donc, il nous semblait important de travailler sur les stratégies, sur aussi les collaborations. Et nous avons une collaboration particulièrement heureuse avec la Fondation du patrimoine religieux, qui s'est, pour nous, avérée importante pour développer des outils proactifs. On sait bien qu'on ne peut pas travailler uniquement à classer toutes les églises d'un coup. Il faut donc sensibiliser les acteurs. Le développement de principes de conservation à l'intention des marguilliers, des corporations ou des associations ? parce qu'il n'y a pas que des catholiques qui s'occupent du patrimoine religieux ? ça a été une chose qu'on a faite avec la fondation, qui nous a été à notre avis assez utile. Il faudrait peut-être diffuser ces principes, pas juste les cacher dans un rapport annuel, etc. Mais il y a un travail qui a été fait de ce côté-là.

Et nous avons fait aussi un travail avec la fondation et le Groupe Secor pour examiner, comparer les problématiques dans des agglomérations métropolitaines. Parce qu'on se dit, et c'est une chose qui se dégage de notre observation de la problématique du patrimoine, c'est qu'il y a des personnalités particulières aux différentes régions du Québec, en particulier à Montréal, quant à la nature des problèmes, à la nature du patrimoine, à la nature des défis mais aussi des alliances possibles pour apporter des réponses. Donc, on a cherché à comparer les métropoles parce qu'on s'est dit: Dans les métropoles du monde se trouve le problème de densité, se trouve le problème de diversité et se trouvent ? et pas toujours des problèmes, des fois c'est des richesses, hein, il ne faut pas oublier ça ? également des défis de complexité liés à la...

Vous savez, par exemple, à Montréal, on parle de 600 lieux de culte; à Paris, qui n'est quand même pas une petite ville, on parle d'une centaine de lieux de culte. Alors, ça vous donne une idée de l'ampleur des défis qui sont associés à cette problématique. En plus, on parle d'une très grande densité. Dans le quartier Maisonneuve, dans l'espace de... vous marchez pendant 15, 20 minutes puis vous allez rencontrer l'équivalent de six ou sept cathédrales, des gigantesques églises avec des oeuvres d'art magnifiques à l'intérieur, que les gens redécouvrent actuellement mais qui ont longtemps été comme des espèces d'éléphants blancs, enfin. Et c'est aussi une question de reconnaître la diversité des époques, des personnes, des cultures qui ont été associées à ces lieux.

Je pense, sur la question du patrimoine religieux, si on veut peut-être décrire l'identité montréalaise, c'est qu'elle est... c'est un lieu de friction. Vous savez, il n'y a pas beaucoup d'endroits sur la planète où le franco-catholicisme et l'anglo-protestantisme se rencontrent avec autant de contact. Et, plutôt que de se régler leurs comptes à travers des coups de couteau ou des explosifs, comme on le voit dans certaines régions du monde, ils ont procédé par concurrence, à travers notamment le foisonnement de leurs constructions religieuses, alors pas juste les constructions physiques. Pensons au défilé de la Saint-Patrick, qui est un défilé... un monument immatériel, si vous voulez, un événement patrimonial depuis 1834, je crois ? enfin, c'est très ancien ? de l'époque de ce personnage qui nous domine. Eh bien, cette friction a amené une espèce de personnalité particulière au patrimoine religieux.

Et en plus c'est un élément identificateur des quartiers. Donc, ce n'est pas qu'un inventaire d'objets. Il faut le considérer dans un contexte où il donne du sens. Même si les gens ne vont plus tellement en pratique, ce sont des repères qui évitent que les espaces des quartiers deviennent des espaces banalisés. Parce que la vue sur les clochers, le son des cloches parfois ou des chants... Parce que, dans certains quartiers, ce sont des yashiva, des synagogues, et les membres des communautés procèdent à des chants. Des fois, il y a des voisins qui n'aiment pas trop ça, mais ça fait partie du paysage souvent depuis un siècle, hein? C'est quand même une chose. Il y a aussi des odeurs associées à certains rites, certaines périodes de l'année, des fêtes, des pâtisseries, chez les Portugais, les Grecs. Ce sont des éléments qui sont très riches.

Quand on regarde le patrimoine religieux, comme je vous disais, nous, on le regarde évidemment sous l'angle du physique, mais on situe ça dans une définition un peu plus... une perspective. Et, en annexe de notre mémoire, vous avez vu une grille qu'on avait examinée pour essayer de situer le bâti dans un ensemble d'éléments patrimoniaux. Il y avait le bâti mais également des collections et des archives, il y avait les paysages sacrés ? ça peut être les routes, les pèlerinages, ça peut être aussi la silhouette des villes dominée par les clochers, etc., une notion de paysage ? et finalement les rites et les traditions, qui sont sans doute un élément sur lequel on a du travail de documentation à apporter grandement.

Il faut dire aussi que, dans un cas comme Montréal, il y a une situation socioéconomique qui est assez particulière, avec des pressions foncières qui sont en train de s'exercer et, je dirais, aussi une mobilité de la population sur le territoire qui fait que l'appartenance de ces biens à une collectivité ne peut pas se décrire de la même façon que, mettons, dans une zone où il y a une population qui est beaucoup plus enracinée. Vous savez, chaque année, on parle de quand même 100 000, 200 000 ménages qui déménagent, à Montréal; ça devient quasiment un élément dans les guides touristiques. Mais on parlait de tourisme culturel tantôt. Bien, ça, c'est assez étonnant.

Mais c'est simplement pour dire qu'il faut considérer cette relation humaine entre le patrimoine et les communautés qui l'entourent, et surtout, dans des quartiers où maintenant on a des communautés culturelles qui ont une présence beaucoup plus grande, comment est-ce que ces lieux, qui sont des lieux avant tout sacrés... Et je pense qu'à travers les cultures cette relation sacrée est un élément qui est partagé. Peu importe si l'architecture est néo-romane, ou néo-gothique, ou néo-byzantine, souvent on rentre dans ces lieux puis on se rend compte qu'on est dans un lieu un peu particulier par rapport à l'ensemble de l'espace urbain qui l'entoure. Enfin, c'est simplement la dimension, l'architecture est un élément dans cet espace-là.

Et, dans le cas de Montréal, c'est que les pressions économiques aussi jouent. Ce sont des terrains importants, dans des sites où les valeurs foncières sont en ébullition par endroits, et ça devient des objets de convoitise sur lesquels il faut une intervention peut-être plus visionnaire que simplement utilitaire. Et, quand on parle de patrimoine, je pense que c'est important de le rappeler, dans notre esprit, il y a des questions de court terme et de long terme. On doit avoir des bénéfices aux deux niveaux: pour la société puis pour les individus qui y sont directement associés. Mais il y a une notion d'intérêt collectif par rapport à des biens privés. C'est un équilibre. Et ça, ça ne se fait pas que par hasard. il faut des mesures pour agir là-dessus.

Et il y a aussi peut-être un élément qui est particulier au patrimoine religieux, mais c'est également pour l'ensemble du patrimoine, c'est que c'est une dimension humaine, humaniste, par rapport à une préoccupation actuelle très fonctionnaliste et utilitaire. Quand j'entendais la discussion tantôt sur la disposition des cendres, finalement on voit que le Code civil se préoccupe du corps humain ou des restes humains essentiellement pour des préoccupations utilitaires et sécuritaires de santé publique. Finalement, il n'y a pas tellement de différence, d'après ce que j'ai entendu, et peut-être qu'on me corrigera, mais entre une dépouille humaine et une carcasse de boeuf, et ce qui est quand même un peu malheureux, puisqu'il y a quand même beaucoup plus de différences qu'on devrait le croire, enfin. Enfin, je suis juste un naïf peut-être dans cette dimension. Mais il me semble qu'on a une dimension très utilitaire dans nos textes de loi, alors que le patrimoine touche à des aspects beaucoup plus humains qui sont peut-être moins quantifiables mais non moins importants.

n(17 h 40)n

Quelques éléments aussi sur les enjeux qu'on retrouvait par rapport à la conservation ? et, M. le Président, je vous rassure en disant que je vois l'horloge, au-dessus de votre tête, avancer avec, oui, avec... je m'y tiens ? c'est la question de peut-être changer la philosophie de la conservation du patrimoine. Depuis un siècle et demi, on travaille sur ces notions-là, il y a des expériences à travers le Québec. Ici, à Québec, à la capitale, c'était le dossier des murailles de la ville qui ont suscité beaucoup d'attention au XIXe siècle. C'est le gouverneur Dufferin qui est intervenu pour aider à les protéger contre une vision du progrès qui était très dévastatrice. Dans d'autres coins du Québec, c'étaient des bénévoles; on pense à M. Dion, au fort Chambly. Dans d'autres endroits, c'étaient des associations. Chez nous, à Montréal, il y a eu des pétitions, dans les années 1860, pour sauver le mont Royal. Donc, ça nous a donné un parc, et on est très fiers que le gouvernement du Québec ait accepté de le reconnaître comme patrimoine d'intérêt national.

Mais graduellement on a beaucoup vu se développer la notion de «conserver, c'est restaurer». Donc, conserver, c'est les grands travaux, alors que, peut-être dans une optique plus actuelle, on devrait s'intéresser d'abord aux questions d'entretien et de maintenance avant d'embarquer direct dans les projets qui ont beaucoup de nécessités d'investissements. Dans le cas du patrimoine religieux, on a vu que d'énormes investissements ont été consentis, ils étaient à notre avis tout à fait légitimes, et il y en aurait beaucoup d'autres à consentir d'ailleurs, mais ce sont surtout des investissements de rattrapage par défaut d'entretien au cours des dernières 20 ou 30 années. Et on est dans une société utilitaire, de consommation, de court terme, et l'entretien, ce n'est peut-être pas très drôle, ce n'est pas spectaculaire, il n'y a pas de ruban à couper, mais en même temps c'est beaucoup plus efficace au niveau investissement que, mettons, des travaux beaucoup plus larges.

Nous avons procédé à un examen de vos questions. On y a apporté un certain nombre de réponses qui sont écrites surtout sous forme de dimensions à considérer, là. Ce n'est pas un questionnaire qu'on a vu, mais c'est plutôt des éléments sur lesquels la commission entend se pencher. Et je pourrais peut-être en faire un rapide résumé.

D'abord, il y a une question de responsabilité. On parle beaucoup de pouvoirs mais très peu des devoirs, que ce soit dans la Loi sur les biens culturels, dans la Loi sur les fabriques et également dans la Loi sur l'aménagement. Il y a beaucoup d'autres lois qui touchent le patrimoine religieux qui auraient mérité d'être soulignées dans le cadre de votre document de référence. Donc, le besoin d'une responsabilisation et d'affirmer les devoirs.

On a aussi un besoin de transparence et de collaboration. Il nous semble que le traitement des biens religieux, d'abord des biens d'intérêt collectif lorsqu'il s'agit d'avoir les privilèges associés à la fiscalité, etc., puis des biens privés lorsqu'il s'agit d'en disposer, il y a un problème qui est difficile à régler. Ce serait peut-être bon au moins de s'assurer qu'il y a une imputabilité par rapport... S'il y a des privilèges permanents, il devrait y avoir des devoirs en réponse, notamment des devoirs de rapport annuel sur l'état de ces biens. Comment se fait-il qu'on découvre soudainement qu'on n'a pas entretenu ce patrimoine, alors que, depuis des années, il y a des bénéfices, que nous ne mettrons pas en question mais qui interpellaient d'une certaine façon à une relation à deux sens?

Et aussi il nous semble qu'il y a des besoins en termes d'outils. Présentement, il y a une réflexion. On a avancé à quelques reprises l'idée d'une fiducie de patience. Pour nous, c'est qu'on a vu des cas où des bâtiments étaient à 100 % religieux, communautaires et soudainement étaient libérés sur un marché 100 % privé. Alors, il me semble que... Dans cet esprit-là, notre organisme, en réfléchissant à ça, a constaté qu'on a un problème de transition. On n'a pas d'espace de transition. C'est ou bien un bien essentiellement communautaire ou bien c'est lâché sur un marché, sur lequel il y a beaucoup de distorsions qui sont exercées. Et donc c'est cette notion de fiducie de patience qui devrait bénéficier peut-être d'un régime fiscal, un régime gouvernemental. Et nous l'avions évoqué d'ailleurs dans le cadre pas juste des biens religieux, mais des biens d'intérêt collectif. On a vu des hôtels de ville, des casernes, des biens municipaux qui étaient liquidés par les commissions scolaires. Peut-être qu'il y a une interrogation à se donner là-dessus.

Et il nous semble que, dans un exercice de suivi... Quelque chose qui est intéressant, qu'on a trouvé, c'est le modèle, en Angleterre, du rapport annuel sur l'état du patrimoine. Alors, pour Montréal, nous autres, à Héritage Montréal, on a l'intention d'établir un indice et de faire des mécanismes de suivi. Mais ça, ça demande deux choses. Nous sommes un organisme associatif, il faut qu'on puisse compter sur les instances publiques. Et tout ce débat sur le patrimoine religieux, qui est souvent exclu du débat général sur le patrimoine malheureusement ? mais il faut commencer quelque part ? bien, ça interpelle la fiabilité de l'État comme partenaire. Et les associations ne sont pas juste là pour suppléer quand l'État n'est plus capable de le faire. Il faudrait qu'on développe un vrai régime de partenariat avec les acteurs privés, publics, associatifs et académiques. Et il nous semble que peut-être qu'un peu plus de concertation et d'organisation pour une politique du patrimoine seraient vraiment bienvenues pour nous aider à la réaliser. Merci.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Merci de cette excellente présentation. D'ailleurs, on m'avait dit à quelques reprises que vous étiez un bon communicateur et une personnalité très sympathique. On l'a constaté de visu.

Comme première question puis peut-être dans la foulée de ce qu'on a entendu tantôt de la part des gens de l'Université de Montréal, vous avez dit, lors de votre présentation, que le patrimoine religieux ou tout ce qui concerne le patrimoine religieux est tellement méconnu, au Québec, qu'évidemment, dans cette même foulée-là, on aura peut-être besoin de sensibiliser la population. Tantôt, les gens de l'Université de Montréal nous ont même parlé d'une journée du patrimoine religieux. Vous, dans votre esprit, comment voyez-vous le rôle gouvernemental dans une sensibilisation à la conservation du patrimoine religieux?

Vous parlez peut-être, oui, de créer vraiment une politique du patrimoine. Mais voyez-vous concrètement des recommandations que la commission devrait faire pour sensibiliser la population, sensibiliser aussi les gouvernements régionaux, qu'on parle des municipaux ou des MRC, à la conservation de ce patrimoine-là? Quels gestes devraient poser nos gouvernements afin de sensibiliser la population? Est-ce qu'on pense également, comme tantôt, où on a peut-être suggéré aux gens de l'Université de Montréal de modifier les programmes, les programmes scolaires afin d'éduquer premièrement nos jeunes? Mais il y a sûrement d'autres façons aussi, également, que peut-être vous avez pensées pour sensibiliser la population à la conservation de ce patrimoine-là.

M. Bumbaru (Dinu): Eh bien, M. le Président, je vous remercie de cette question. Tantôt, il a été question d'une journée du patrimoine. Vous savez que l'UNESCO, conférence générale, en 1982, a déclaré le 18 avril Journée mondiale du patrimoine. Alors, peut-être que la place du Québec sur la scène internationale, ça veut dire de se sensibiliser soi-même aux devoirs et aux possibilités qu'offrent les instances internationales. Par exemple, la Convention du patrimoine mondial signée par le Canada, qui permet que ce bâtiment soit sur la liste au même titre que les pyramides et puis Angkor Vat, eh bien, interpelle le besoin d'une politique du patrimoine, et on ne l'a pas encore fait. Alors, je pense qu'il y a des moyens de faire ses devoirs, ça va aider... Je pense que la population à notre avis serait plus sensibilisée si elle voyait ses instances publiques faire leurs classes et être plus rigoureuses dans l'accomplissement de leurs obligations.

Par ailleurs, la question de la sensibilisation des populations, vous savez, fait l'objet du travail de nombreux organismes. Comme Héritage Montréal, nous, ça fait 30 ans qu'on fait ça, de la sensibilisation. On a, depuis 15 ans, avec la ville de Montréal, une opération patrimoine architectural qui a lieu en septembre, qui dure deux semaines, qui rend hommage avec des prix attribués par le maire de la ville. Il y a 400 personnes à l'Hôtel de Ville. C'est un moment de fierté où des simples propriétaires qui ont procédé au coup de pinceau nécessaire se voient honorés. Et je vais vous dire que c'est vraiment surprenant de voir à quel point les gens sont fiers de se faire remarquer pour quelque chose qui est supposé être anodin. Parce qu'on a tendance à glorifier les grands héros qui mettent des millions dans un projet qui aurait peut-être été évité si on avait donné le coup de pinceau il y a 10 ans, mais il faut aussi ne pas négliger les petits propriétaires. Alors, le travail se fait à travers des opérations comme ça qui mériteraient peut-être d'être étendues à l'échelle du Québec. Et c'est d'encourager les municipalités à participer à une formule.

Ce qui serait certainement utile, c'est que le gouvernement, les instances du ministère de la Culture peut-être établissent un partenariat avec une table permanente. Vous savez qu'il n'y a pas de commission du patrimoine, au Québec. Il y a une Commission des biens culturels, dont on essaie de sauvegarder l'existence parce qu'elle est essentielle, à notre avis. Mais il serait peut-être intéressant d'avoir une table de concertation nationale sur le patrimoine pour que ces actions soient mises de l'avant.

L'idée des journées européennes du patrimoine est intéressante. Elle a servi d'inspiration aux Journées de la culture au Québec, mais il n'y a pas eu... Comme toujours, le patrimoine sert d'inspiration, mais on n'a jamais les ressources. Parce que, nous, on n'en a pas. Vous savez, le réseau du patrimoine, au Québec, c'est un réseau essentiellement citoyen et bénévole, et on demande à ce réseau d'agir d'une manière semblable à celle de grandes institutions, et c'est difficile. Il y a énormément de coeur et d'engagement personnel qui se fait, mais on ne peut pas tout faire juste avec du bénévolat, ça prend des ressources pour avoir un petit peu de suivi.

Et, nous, Héritage Montréal, on est particulièrement privilégiés parce qu'on a des citoyens qui nous appuient, des organismes, des entreprises privées. Vous savez qu'on n'est pas un organisme public, qu'on est une association indépendante, et on est très fiers de l'être, de pouvoir contribuer à ce titre-là. Mais tout le monde n'a pas cette chance à travers le Québec.

Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le député de Marguerite-D'Youville.

n(17 h 50)n

M. Moreau: Merci. Bienvenue chez nous. Votre mémoire est écrit en très, très petits caractères, il comporte beaucoup de choses. Et je constate que, dans votre discours, vous êtes à l'image de votre mémoire. Vous parlez de façon très dense et vous lancez beaucoup d'informations de façon très drue.

À l'égard des sociétés du patrimoine, il existe, dans mon comté, une société du patrimoine, notamment à Boucherville, qui, elle, a pu sauvegarder la Maison Louis-Hippolyte-LaFontaine, d'ailleurs qui en fait son lieu de rassemblement et qui félicite, comme vous le faites, les propriétaires qui ont donné le petit coup de pinceau. Et je pense qu'à certains égards c'est bon que les sociétés du patrimoine religieux soient indépendantes du pouvoir public parce que justement leur action citoyenne fait en sorte qu'on a une reconnaissance qui a une grande valeur parce qu'elle vient de la communauté même et de nos pairs. Alors, il ne faut pas nécessairement tout relier à l'État.

Mais, ce sur quoi je voulais vous interroger surtout, c'était aux suggestions que vous faites sur les modifications législatives. Mais je ne m'attarde pas nécessairement à ce que vous suggérez à la Loi sur les fabriques. Je vois que vous êtes un tenant de la dimension fondamentalement collective des biens qui forment le patrimoine religieux. C'est ce que je vois à la page... je crois que c'est la page ? votre mémoire n'est pas paginé, par exemple ? page 12 peut-être? Oui, page 12 du mémoire.

Et, dans votre présentation, vous semblez voir d'un mauvais oeil ? peut-être que j'ai mal interprété ?le fait qu'il y ait des privilèges fiscaux consentis à l'égard des biens immobiliers qui forment le patrimoine religieux en vertu de la Loi sur la fiscalité municipale parce que, dites-vous, ces privilèges fiscaux ne sont pas assortis d'une obligation. Et l'obligation, le lien d'obligation que vous faites serait celui d'avoir une espèce de respect d'une opinion collective avant la vente du bien patrimonial.

Donc, vous contestez ? et peut-être que... et je veux vous entendre là-dessus ? vous semblez contester le droit de propriété qui est reconnu, à l'heure actuelle, par le droit civil et la Loi sur les fabriques et le fait que l'on associe un privilège fiscal disant: Il n'y a pas de contrepartie à ce privilège-là parce que ces gens-là peuvent disposer de ces biens qui ont une valeur patrimoniale sans consulter personne, alors que la société leur a consenti un privilège. Est-ce que je traduis bien ou je comprends bien votre propos?

M. Bumbaru (Dinu): Bien, écoutez, tout d'abord, sur la densité de mon élocution, c'est peut-être pour rappeler qu'on a observé que les paroles sont ici retranscrites en verbatim et que les «euh», les silences sont également retranscrits. Ça fait drôle, quand on lit ça. Donc, c'est un premier point.

Sur le point que vous avancez, les discussions qu'on a eues à Héritage Montréal... Puis je me fais ici le porteur d'une discussion qu'on sait devoir évoluer graduellement. On comprend que votre rapport sera une étape importante, majeure, mais il y aura des suites à y donner, c'est ce que je mentionnais tout à l'heure. Sur la question de la propriété, pour notre part, on n'a pas d'allergie à voir des propriétés, des fabriques, etc., bénéficier d'un privilège qui est en fait le fruit d'un consensus social. Ce n'est pas quelque chose de volé, ça a été attribué par les textes ici puis ça s'inscrit dans une tradition du lieu. Il y a d'autres pays où ils ont été transférés à l'État pour qu'il y ait d'autres choses. On n'est pas sûrs que ce soit une formule très adéquate pour notre culture. Mais, pour nous, on ne met pas en question ces situations fiscales, mais on dit: Ce serait important qu'on sache, s'il y a une permanence dans une espèce de droit, d'une certaine façon, qui est légitime, il nous semble qu'il y aurait en contrepartie au moins un devoir d'informer sur l'état du bien qui bénéficie de ce droit.

Si vous allez dans la Loi sur les biens culturels, il doit normalement y avoir un «tout bien classé doit être conservé en bon état». C'est une phrase un peu simple, comme ça, mais à notre avis elle est porteuse d'une philosophie qui est que, oui, nous reconnaissons la valeur, oui, nous... Ce n'est pas un bien que nous exproprions. Pour la collectivité, il demeure un bien privé. Il est assorti d'une reconnaissance et dans certains cas de bénéfices sous forme de subventions, d'aides techniques, qui ont certainement besoin d'être bonifiées, mais en contrepartie il doit être conservé en bon état.

Et, dans le document que nous avons avancé, il nous est apparu utile peut-être de responsabiliser quant à la qualité de l'état de ces biens. Et la Loi sur les fabriques, par exemple, parle des objets, elle ne parle pas des bâtiments. Or, on ne peut pas nier qu'un bâtiment dans lequel il y a toutes sortes de peintures, des orgues, etc., qui ne sont pas considérés comme des objets, n'a pas de valeur patrimoniale. Il y a une faiblesse, dans la Loi sur les fabriques, qui témoigne d'une espèce de lecture du patrimoine paroissial comme étant uniquement ce qu'on peut déménager dans un autre bâtiment puis on liquide l'immobilier. Ça, il y a un problème, là, c'est faussé comme discussion.

M. Moreau: ...et, si vous poursuivez votre raisonnement, quelle serait la sanction du fait de ne pas maintenir en bon état? Parce que vous ne voulez pas être informés pour le plaisir d'être informés, vous voulez être informés pour dire: Il faut donner suite à une information qui nous parvient, qui nous montre une détérioration du patrimoine.

M. Bumbaru (Dinu): Bien, pour nous, ça s'inscrirait dans un système de suivi, de monitoring. On faisait la proposition du modèle néerlandais des Momunentenwacht, qui sont un système d'équipes qui sillonnent les régions et qui accordent un contrat de services aux bâtiments d'intérêt patrimonial, ce qui fait que chaque année on connaît l'État de ces bâtiments. Les frais du service sont minimums parce qu'ils sont partagés à parts égales entre les propriétaires et l'État. Et on a des gens compétents. En fait, en plus, ça crée de l'emploi de fierté, puisque ce sont des gens d'une région qui suivent l'état de leur patrimoine.

Et on s'est dit: Bien, voici une formule qui permettrait d'anticiper les dépenses, plutôt que de dire: Écoutez, on va attendre que tout commence à pourrir, puis là on va réclamer 200 millions, puis on va commencer à démolir puis à fermer des églises. Vous savez, nous, on n'est pas très heureux de voir le patrimoine uniquement traité en situation de crise. Et, dans notre esprit, de connaître l'état, ça nous permet, comme dans le domaine de la santé, d'anticiper les problèmes et donc d'être mieux prêts collectivement pour y répondre en mode préventif plutôt qu'en mode réactif.

Et les sanctions, vous savez, les sanctions, on pense toujours: Loi égale sanction. On devrait peut-être penser aussi à des lois d'encouragement aussi.

M. Moreau: Non, j'en conviens. Mais on ne peut pas nier le fait brutal qu'un propriétaire puisse dire: C'est bien, de vouloir partager à parts égales entre l'État et moi-même, mais mon patrimoine ne me permet pas de l'entretenir. J'entends toujours un de nos collègues nous parler de sa vieille tante qui a hérité d'une maison ou qui l'a construite à une époque où financièrement elle était capable de le faire, puis il dit: Aujourd'hui, si la maison brûlait et qu'elle n'avait pas d'assurances, elle serait dans une situation financière où elle ne pourrait pas reconstruire les choses.

Il arrive aussi que, dans le cas du patrimoine religieux, on puisse prendre pour un fait que les propriétaires de ce patrimoine-là n'aient pas toujours les moyens de fournir ou de suivre, même à 50 %, avec l'État. Alors, ma question, ce n'est pas tellement pour avoir un aspect punitif, mais pour dire: Quelle serait la solution lorsque le propriétaire vous dit: Je regrette, c'est beau, ce que vous me dites, mais, moi, je n'ai pas les moyens de suivre? On fait quoi?

M. Bumbaru (Dinu): Bien, écoutez, si on formait un fonds d'entretien pour le patrimoine, au Québec, là, puis qu'on se disait: On s'enligne sur le développement durable ici, on s'enligne sur des perspectives d'avenir mais avec une façon de développer qui prend en compte l'idée d'étendre la vie utile des biens.

Puis, nous, on considère que la conservation du patrimoine, c'est une dynamique au coeur de ça, puis on est fort heureux qu'il y ait une reconnaissance du patrimoine dans ces textes-là. Mais, pour nous, l'idée de faire des rapports annuels puis du monitoring comme ça, du suivi... C'est un peu ce qu'on a constaté en Angleterre, où ils peuvent faire des prévisions budgétaires. Ça ne veut pas dire... Vous savez, le 50 %, aux Pays-Bas, là, ce n'est pas le 50-50 sur les travaux, c'est le 50-50 sur la visite annuelle des inspecteurs. Parce que ça coûte une journée, mettons, pour visiter un bâtiment puis réparer la gouttière; bien là c'est des coûts de quelques centaines de dollars. Vous ne réparez pas la gouttière? Cinq ans plus tard, vous avez 15 000 $ de réparations à faire.

Alors, vous savez, en quelque part, c'est peut-être de développer cette culture du petit propriétaire ou de l'attention continue. Et, pour nous, c'est à travers les lois. On peut le faire. Si on appliquait déjà la Loi sur les biens culturels dans le sens de ce qui est écrit dedans et qu'on avait une attitude plus proactive dans l'identification des biens culturels qui marquent l'identité des régions du Québec, bien peut-être qu'on aurait un patrimoine sur lequel on aura développé des centaines d'emplois, une économie de maintenance qui est très riche et qui développe un sentiment de fierté, qui permet de perpétuer des savoir-faire et puis qui évite de dilapider un patrimoine. Parce que, quand on a détruit quelque chose, il faut réinvestir... Comme vous le dites très éloquemment, on va devoir remplacer des bâtiments magnifiques qui ont été faits à l'époque des grands artisans du Québec par des boîtes en placoplâtre avec du vinyle par-dessus parce qu'on n'est pas capables, aujourd'hui, de se payer ces bâtiments-là.

Alors, pour nous, c'est dans ce sens-là qu'on avance l'idée d'un lien entre un financement direct sous forme de privilèges et de droits en fiscalité ? on devrait peut-être mettre ça dans la colonne des «à payer» et des «en-lieu de», enfin, je ne sais pas, une comptabilité plus limpide, de ce côté-là, serait utile ? et puis, d'autre part, l'idée d'avoir un système de gestion qui soit intégré et qui ne touche pas nécessairement uniquement le patrimoine religieux. Mais, à notre avis, le patrimoine religieux est tellement nombreux et tellement ample qu'il permet d'avoir une masse critique pour mettre en place un système qui pourra servir aux autres biens de notre patrimoine.

n(18 heures)n

C'est dans ce sens-là qu'on le voit comme une occasion, en faisant des ajustements qui ne seraient quand même pas impérieux ni dictatoriaux, de demander aux gens de donner un état de santé régulier puis de se donner une façon de collaborer à cet effet, plutôt que de dire... Parce que vous savez, d'exiger... Par exemple, à Montréal, on exige des études patrimoniales de la part des promoteurs pour faire des projets. L'étude patrimoniale est financée par le promoteur qui a intérêt à liquider le bâtiment. Est-ce que vous pensez qu'on peut avoir des études crédibles et rigoureuses dans ce contexte-là? Nous, comme citoyens, comme organisme de la société, on n'est pas toujours convaincus et on se dit: C'est peut-être mieux d'avoir des règles d'exigence plus fortes puis une capacité de prendre des décisions conséquentes et responsables par rapport à ça plutôt que d'essayer d'atténuer les recommandations puis dire: Bon, bien, écoutez, on fait le... on diminue les...

Dans ce sens-là, les rapports de suivi, ça nous semble utile, puis ça introduit une culture de la conservation, puis ça peut aussi introduire une notion de sensibilité, puisque c'est chaque année qu'on redécouvre ce patrimoine, ce n'est pas à tous les 10 ans, quand on l'a complètement oublié. Et, vous savez, ça fait partie d'un tout. C'est un peu dans ce sens-là qu'on avançait cette proposition. Il y a un cadre juridique qui pourrait peut-être encourager ça. Nous, on pense que déjà il y a des éléments de ce cadre juridique dans des textes existants, en vigueur au Québec; ils ne sont peut-être pas suffisamment appliqués.

Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le député de Mercier.

M. Turp: Merci, M. le Président. Merci pour le mémoire effectivement très, très dense, et je pense qu'il va être très, très utile dans nos travaux.

Une première chose. C'est intéressant, vous avez de toute évidence bien lu ce document et vous avez signalé, à la page 8 du mémoire, ses forces et ses faiblesses, comment il pourrait être bonifié. Il me semble que les suggestions que vous faites nous seront très utiles pour la préparation de notre rapport lui-même, parce qu'on peut penser qu'on va mettre à contribution le travail qui a été fait pour préparer le document de consultation et que pourront se retrouver dans notre rapport des données qui y sont mais qui pourront être complétées, bonifiées à la lumière des suggestions que vous nous faites de façon très précise. Alors ça, pour les travaux de notre commission, c'est vraiment utile. Je vous remercie d'avoir pris le soin de commenter le contenu du document de consultation et de nous faire des suggestions sur ce qui pourrait le compléter.

Alors, moi, il y a une partie de votre mémoire qui m'intéresse beaucoup, c'est sur les expériences étrangères. Et je pense que vous êtes un de ceux qui peuvent nous éclairer beaucoup sur les expériences étrangères. Vous l'avez fait en consacrant la partie f du mémoire aux leçons de ces expériences étrangères. Et, M. le Président, c'est intéressant, M. le président nous quitte dans quelques jours, avec la députée de Pointe-aux-Trembles. Ils s'en vont en mission en Belgique et en France rencontrer des spécialistes et faire des visites sur le terrain.

Vous nous indiquez, quant à vous, qu'il y a des expériences dont on a peu entendu parler jusqu'à présent et qui pourraient et peut-être devraient même nous inspirer. Je pense à l'expérience australienne. À la page 16 du mémoire, vous nous parlez du cas de l'Australie, qui serait selon vous plus pertinent que celui du Royaume-Uni ou de l'Angleterre et de la France. Et on constate, en lisant la note 16, que l'Australie mène une consultation parlementaire, comme on le fait nous-mêmes, si j'ai bien compris, sur son patrimoine culturel. Alors, j'aimerais vous entendre un peu là-dessus.

Mais ce qui me semble encore plus intéressant, c'est la Suède. Et est-ce que c'est vrai que l'expérience suédoise devrait nous inspirer beaucoup? La loi nationale sur la conservation du patrimoine comprend un chapitre sur la protection de l'intérêt historique culturel des églises, sites et objets ecclésiastiques et cimetières. C'est sans doute quelque chose qui pourrait aussi nous inspirer, même si là-dessus ? et je vais terminer là-dessus ? j'aimerais ça avoir l'opinion de quelqu'un qui s'intéresse au patrimoine en général. Parce qu'il y a des gens qui sont venus nous dire: Vous faites tout à l'envers, ce n'est pas normal que vous vous intéressiez au patrimoine religieux quand on ne s'est pas intéressé au patrimoine en général, qu'il n'y a pas de politique du patrimoine dans laquelle pourrait ou devrait s'insérer une politique du patrimoine religieux. Alors, là-dessus, vous qui, je pense, vous préoccupez de l'avenir du patrimoine ? nous, on doit se préoccuper de l'avenir du patrimoine religieux ? pouvez-vous nous guider sur comment on peut bien faire les choses, même si on met la charrue devant les boeufs, là, et on fait quelque chose sur le patrimoine religieux, alors qu'on aurait dû faire avant quelque chose sur le patrimoine?

M. Bumbaru (Dinu): Bien, écoutez, je vous remercie de vos observations sur notre travail. Enfin, c'est une contribution. Certainement, ça pourrait être beaucoup plus développé, mais ça prendrait plus de pages.

Ce que je peux vous dire sur la question de l'Australie: Elle est intéressante. Enfin, je ne veux pas suggérer que les membres de la commission fassent un voyage un peu plus long, parce que la Belgique et la France, c'est dans...

M. Turp: ...aimeraient ça.

M. Bumbaru (Dinu): C'est pas mal plus loin, l'Australie. Mais c'est-à-dire que l'Australie vit des problématiques semblables à notre société. C'est encore... Il y avait des castes, les protestants et les catholiques qui étaient là, donc qui ont un peu fait de la concurrence. C'étaient plutôt les Irlandais et les Anglo-Écossais qui étaient dans cette situation. Il y a une dimension multiculturelle très importante, c'est un pays d'immigration et c'est un pays qui est résolument tourné vers l'avenir, qui est en train de se développer une identité remarquée sur la planète, mais ils le font d'une manière responsable, à travers des examens d'un cadre législatif qui est très proche du nôtre, et ils n'ont pas peur d'aller en commission, comme vous, et puis d'appeler des grandes consultations.

La dernière grande consultation sur le patrimoine, au Québec, c'est celle qui était sur invitation du Groupe-conseil sur la Politique du patrimoine au Québec, qui a donné son rapport le 15 novembre 2000, sans doute un rapport qui est très bien placé sur une tablette, quelque part. Mais, quand vous parliez de l'action générale sur le patrimoine, pour nous, ce n'est pas quelque chose qui est à engager. Nous, ça fait depuis 1986, 1985 que la ministre Lise Bacon nous avait demandé de contribuer. Puis, quand on parle de la fiabilité de l'État, bien, ça, c'en est un exemple, on demande à tout le monde de contribuer puis après ça on ne fait rien. Et, nous, on commence franchement à déposer des bilans sur ce genre d'attitude là. On peut vous développer des tableaux qui démontrent à quel point on a demandé au bénévolat québécois de s'impliquer pour des choses qui n'ont pas eu de suite. Bien, ça, dans un régime où on est de plus en plus en train de souhaiter collectivement, et autant les instances publiques que privées, associatives et académiques, à travailler ensemble, c'est une condition qu'il faut commencer à reconnaître. Il faut être fiable comme partenaire, et pas juste fiable pour dire: Les associations, elles sont tout croches, elles ont des idées pas sérieuses, etc. L'État également a son rôle dans la définition de cette fiabilité.

Vous parliez de la Suède. Pour nous, on a choisi la Suède comme exemple parce qu'on s'est dit: C'est très intéressant, tout le monde s'en va en France, etc, c'est l'fun, ils parlent français, on peut dialoguer avec eux, mais la France par rapport au Québec, c'est tellement différent. Et la Suède par rapport au Québec, bien il y a de la neige, et la question, dans bien des cas, c'est la maintenance de ces biens, c'est les questions de factures de chauffage. On s'excuse d'être aussi prosaïques que ça, mais en quelque part, quand il s'agit de préserver un bâtiment qui coûte 50 000 $ de chauffage par année, on a peut-être plus intérêt à voir le modèle suédois pour régler cette question que le modèle méditerranéen. Bon, moi aussi, j'ai été dans les deux contextes puis je peux voir qu'il y a des leçons à tirer des deux. Mais on a souhaité volontairement, dans notre examen, regarder ce qui se passait en Suède.

Et l'autre chose, c'est qu'avec la Suède eux autres aussi sont à un point charnière dans l'histoire de leur relation entre les pouvoirs publics et l'Église et les détenteurs de patrimoine religieux, puisqu'il y a une laïcisation de l'État qui s'est produite en 2000. Donc, ça nous semblait une occasion très intéressante de voir comment ces gens-là, qui ont souvent été des leaders dans l'ombre, parce que ce n'est pas un grand pays mais c'est un pays qui est vraiment très inspirant, comme peuvent l'être les Pays-Bas, et...

Je peux peut-être me permettre une suggestion aux membres de la commission: tant qu'à être en Belgique, d'essayer d'aller faire un petit tour aux Pays-Bas, il y a certainement des gens qu'il serait très intéressant d'aller rencontrer. Vous savez qu'il y a un réseau de 200 associations aux Pays-Bas qui s'occupent du patrimoine religieux. C'est des mobilisations de volontaires. Ils ont développé tout un système d'obligations d'épargne dirigé sur le patrimoine qui est très intéressant. Les Néerlandais, vous savez, c'est une nation pragmatique de banquiers. Tout le pays est menacé par les inondations, ça fait que ça fait des siècles qu'ils s'occupent de leur patrimoine, en solidarité avec des règles de comportement collectif très intéressantes, même s'il est protestant. Alors, je pense que ça vaut la peine de...

Pour nous, on regarde l'Europe. On a vu aussi tout le modèle des fondations et des programmes de mécénat aux États-Unis, qui sont très intéressants et qui pourraient aussi nous aider. Le programme des clochers à Boston: bien ils font de la levée de fonds en allant solliciter les gens dont la fenêtre donne sur les clochers. Puis il y a un paquet d'entreprises, évidemment. C'est en relation avec une économie qui est spécifique à ce qu'on a dans ces villes-là mais qui n'est peut-être pas dépourvue de potentiel d'inspiration pour nous. Ça ne veut pas dire qu'on doit transposer ça; on peut s'en inspirer.

n(18 h 10)n

On a tous les moyens, au Québec, pour regarder ce qui se passe à travers la planète, l'Internet, les aéroports, tout ce qu'on veut. Puis on a surtout beaucoup de collègues à travers le monde. On a beaucoup d'universités qui sont bien reliées avec les autres universités dans le monde. C'est formidable, ce qu'on arriverait à faire, là, de toute façon, si on mobilisait nos réseaux correctement. Puis on invite peut-être la commission à faire des recommandations dans ce sens-là, qu'il y ait une action permanente de complicité entre les acteurs associatifs et le gouvernement et les municipalités, qui jouent un rôle de plus en plus important.

Peut-être un dernier commentaire. Enfin, ça, c'est un livre qui a été publié en Italie. Vous savez qu'on parle beaucoup de la municipalisation ou de la nationalisation des biens religieux. Il y a des gens qui se sont faits les fiers défenseurs de ce genre d'option. Nous, on mettrait en garde contre ça. En Italie, où il y a une relation très proche entre l'État et le patrimoine, on est présentement en train de vivre une crise parce qu'il y a une dénationalisation du patrimoine qui est en train de se produire, et ça se fait dans des circonstances qui sont indignes d'un État de cette richesse. Et c'est peut-être à se dire qu'on devrait peut-être s'embarquer plutôt dans des formules de collaboration que de formation d'une espèce de grand portefeuille foncier immense qu'on ne serait jamais capable de gérer correctement.

M. Turp: C'est quoi, ce livre-là?

M. Bumbaru (Dinu): C'est le livre qui a été produit par le Pr Salvatore Settis, ça s'appelle L'assalto al patrimonio culturale ? Italia S.p.a. Donc, passez-moi l'expression, c'est la Berlusconisation du patrimoine, et c'est une... on est très... Parce que tout le débat se fait en italien. Donc, si vous allez au marché Jean-Talon, vous allez en entendre parler plus facilement. Mais c'est une crise à l'échelle internationale, compte tenu de la richesse de ce patrimoine-là.

Le Président (M. Brodeur): Pour une dernière question, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger: Oui, effectivement, il ne nous reste plus beaucoup de temps. Alors, bonjour. Oui, j'ai beaucoup aimé aussi votre mémoire, autant son propos, sa densité que sa pertinence mais aussi sa forme, comme vous avez l'esprit assez mathématique pour que ce soit assez clair.

Vous parlez d'acteurs associatifs. Moi, j'entends vos propos particulièrement sur l'autonomie puis l'apport des associations. Je vous rappelle juste qu'à l'époque du Parti québécois il y a une politique de reconnaissance qui a été mise de l'avant pour l'autonomie des organismes, leur reconnaissance, leur financement, mais qu'il y a encore beaucoup à faire évidemment.

Vous parlez d'un moratoire. Je pense que c'était notre premier mémoire, hein, qui était un mémoire avec l'archevêque, Mgr Turcotte, qui proposait le moratoire sur tout ce qui pourrait actuellement être en situation, comme vous dites, de crise. Est-ce que vous avez de quoi à élaborer sur le moratoire tel quel?

M. Bumbaru (Dinu): Écoutez, nous avions produit ? et nous l'avons mise en annexe de notre mémoire, l'annexe A ? une lettre ouverte demandant un moratoire. C'était une lettre qui a été produite en 2003. À l'époque, il y avait des églises qui étaient en démolition, et vraiment, visuellement, c'est une crise dans les quartiers quand ça, ça se produit. Et on a demandé ça parce qu'on souhaitait qu'il y ait... Ce n'est pas pour... Vous savez, actuellement, si on va dans les ministères, les gens qui parlent du patrimoine des municipalités, la première réponse, c'est: On ne peut pas tout conserver. Bien, nous, si on allait dans un hôpital puis on se ferait dire ça, quand on arrive malades, est-ce qu'on serait contents: On ne peut pas tous vous sauver, ça fait qu'allez donc contacter les gens tantôt qui étaient ici pour les cimetières? Alors, il y a un problème de fond.

Il faut quand même une attitude courageuse et une attitude d'a priori favorable au patrimoine, et ça, ça demande, pour nous, d'être exigeants. On sait que les sociétés qui progressent le plus, c'est les sociétés qui sont exigeantes envers elles-mêmes, non pas négligentes. Et l'idée de ce moratoire, c'était de se donner le moment d'organiser les choses. Mais ce n'était pas un moratoire pour un moratoire, c'était que, on le sait, depuis quelques années, il y a eu des déclarations, le Service d'urbanisme de la ville de Montréal a lâché l'information, à un moment donné, en séance publique, que 150 églises étaient sur le point d'être vendues. On sait que tout le monde prétend que ça va générer un marché qui va générer des fonds, mais, quand on libère 150 propriétés comme ça, les prix vont s'effondrer dans certains cas, vont se.... C'est qu'il va y avoir des magouilles qui risquent d'être produites, et on pense que ce n'est pas très sain. Ça va? Donc, l'idée est de mettre le holà là-dessus, peut-être d'avoir un régime de transition qui dit: O.K., il y a des problèmes de rattrapage, on va au moins avoir un état, combien ça coûterait juste pour éviter que les biens se dégradent sur les cinq années que ça va prendre pour organiser un système cohérent puis concerté. C'était dans cet esprit qu'on avait dit notamment que ce moratoire devrait servir à réunir non pas l'archevêque de Montréal et le maire de Montréal...

Parce que des discussions ont lieu, elles ont lieu, ces discussions, et c'est très bien, les gens ont le droit de se parler, et c'est formidable, mais on trouve que ça prendrait un exercice un petit peu plus concerté avec les autorités des communautés religieuses et les autorités municipales, mais également le milieu, pour qu'on n'oublie pas l'a priori au patrimoine, parce que, là, c'est traité uniquement comme des... Finalement, ils géreraient des entrepôts sur le bord de la 40, bien ce serait à peu près la même chose: C'est nos biens, etc. Mais, nous, on pense que ce sont des biens qui ont du sens pour plus que les gens qui s'en servent.

Et c'est sur cette base-là qu'on avait demandé un moratoire qui permette d'établir le cadre de gestion, les critères. On a proposé quelques critères de sélection à la demande de la commission, mais on souhaiterait peut-être mettre en garde que... Vous savez, la sélection, on a vu des églises tomber, à Montréal, au nom d'un diktat académique qui disait: Ces églises n'ont pas de valeur patrimoniale. Mais des fois la valeur, elle est jugée sur la base d'un potentiel monumental qui compare des pommes et des oranges, qui compare La Joconde avec une belle maison dans Charlevoix. Vous savez, ce n'est pas la même affaire. Et il faudrait être très clair. C'est pour ça que ça prend un exercice concerté, pas juste un exercice dont l'objectif, c'est de liquider ce patrimoine. Et, nous, on a cette crainte. On parle ici, à la commission, avec franchise, et peut-être que la commission souhaitera avoir des informations supplémentaires. Mais, dans notre esprit, ce moratoire, ce n'était pas un frein, c'était un moment de planification pour mettre à contribution les intelligences de tout le monde plutôt que de s'enligner pour des batailles rangées.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup.

M. Bumbaru (Dinu): Avec plaisir.

Le Président (M. Brodeur): Merci de votre présentation. Et pour le moment je vais ajourner nos travaux à demain matin, 9 h 30.

(Fin de la séance à 18 h 17)


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