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Version finale

39e législature, 2e session
(23 février 2011 au 1 août 2012)

Le mercredi 23 mars 2011 - Vol. 42 N° 1

Consultation générale et auditions publiques sur le projet de loi n° 82 - Loi sur le patrimoine culturel


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Table des matières

Journal des débats

(Quinze heures trente-huit minutes)

Le Président (M. Curzi): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! Nous avons donc obtenu la permission de pouvoir commencer, même si le discours en Chambre n'est pas terminé. Alors, comme nous avons le quorum, je déclare la séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte. Je demande à toutes les personnes de bien éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Le mandat de la commission est le suivant: c'est de tenir des auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le projet de loi n° 82, la Loi sur le patrimoine culturel.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président, il y a deux remplacements. Mme Richard (Marguerite-D'Youville) est remplacée par Mme Poirier (Hochelaga-Maisonneuve) et M. Robert (Prévost) est remplacé par M. Turcotte (Saint-Jean).

Le Président (M. Curzi): Merci. Aujourd'hui, nous allons entendre les trois groupes suivants: le Regroupement de l'industrie de l'affichage extérieur du Québec, l'Association des archivistes du Québec et finalement le Conseil québécois du patrimoine vivant.

Comme, et je m'en excuse, nous avons commencé 40 minutes en retard, est-ce qu'il y a consentement pour poursuivre nos travaux au-delà de 18 heures? Oui? Nous convenons donc, de part et d'autre, que nous allons poursuivre pour ne pas priver personne de son droit de parole.

Auditions

Aussi, sans plus tarder, nous allons entendre les représentants du Regroupement de l'industrie de l'affichage extérieur du Québec. Je vais vous demander de vous identifier et de présenter les personnes qui vous accompagnent. Vous avez 15 minutes pour nous faire part de votre point de vue; ensuite suivra une période de questions de 45 minutes, partagées également entre les deux partis représentés. À vous.

Regroupement de l'industrie de
l'affichage extérieur au Québec (RIAEQ)

M. Lefebvre (Jeannot): M. le Président, Mme la ministre, Mesdames et messieurs de la commission, je m'appelle Jeannot Lefebvre. Je suis directeur immobilier chez CBS Affichage et porte-parole pour le Regroupement de l'industrie de l'affichage extérieur au Québec.

Je voudrais en premier lieu vous présenter les personnes qui m'accompagnent aujourd'hui: représentant la compagnie Pattison Affichage extérieur, M. Gaétan Bibeau, directeur des opérations; représentant la compagnie Astral Affichage et urbaniste de formation, M. Marc Olaechea, directeur immobilier; et, enfin, M. Pierre Prévost, qui agit comme conseiller auprès du regroupement.

**(15 h 40)**

Nous vous remercions très sincèrement de nous recevoir lors de ces audiences particulières. Avec votre permission, je dirai d'abord quelques mots pour présenter notre regroupement. Le Regroupement de l'industrie de l'affichage extérieur au Québec, que nous appelons le RIAEQ, a été formé en 2009. Il représente les trois grandes entreprises actives dans le domaine de l'affichage extérieur au Québec et au Canada. Ensemble, nos trois entreprises sont responsables de la quasi-totalité de l'activité de notre industrie au Québec. Notre parc de structures publicitaires est composé à 40 % de panneaux-réclames et à 60 % par l'ensemble de ce que nous appelons le mobilier urbain, soit des abribus, des colonnes, des supports à vélo.

D'entrée de jeu, il est primordial de faire une distinction entre une enseigne commerciale, exemple, du type restaurant McDonald ou un concessionnaire automobile, qui se situe sur les lieux mêmes d'une activité, et une enseigne publicitaire qui est localisée à un endroit autre d'où s'exerce l'activité, les produits ou services offerts. De plus, nous ne faisons pas d'affichage publicitaire à l'intérieur des commerces et nous ne fabriquons pas non plus d'enseignes commerciales. Nous ne sommes pas plus actifs dans ce qu'il est convenu d'appeler l'affichage sauvage que malheureusement nous constatons et que nous déplorons le long de certaines routes et qui est, pour nous, une concurrence malhonnête. Je vous donnerai, à titre d'exemple, des remorques stationnées dans des champs ou une structure en bois avec un message artisanal défraîchi, voire même à l'abandon.

Notre industrie est plus que centenaire. Elle s'insère dans la chaîne des médias de masse au même titre que la télé, la radio, l'Internet ou encore les journaux. Notre médium est reconnu comme étant le plus accessible de tous les grands médias de communication, et sa part du marché publicitaire se maintient, au fil des ans, environ à 6 %. Nous employons collectivement 360 personnes de façon directe et indirecte, dont une bonne part de personnel qualifié, tels des graphistes, des directeurs de recherche média, des directeurs de création et des imprimeurs.

Les retombées économiques de notre activité sont de l'ordre de 90 millions annuellement, dont plus de 8,4 millions prennent le chemin du trésor public au seul titre des différents impôts et taxes versées. Nous versons notamment à plus de 85 municipalités des taxes foncières pour nos structures. Nous payons également, chaque année, plus de 36 millions de dollars en loyers ou redevances tant pour les structures situées sur les terrains municipaux que sur les terrains privés.

En nous présentant ici, ce matin -- aujourd'hui, cet après-midi -- nous sommes conscients que notre situation est différente et, à certains égards, plus sensible que celle de la majorité des groupes qui sont intéressés par le projet de loi n° 82. Nous ne sommes pas des spécialistes du patrimoine matériel ou immatériel. Nous ne cherchons donc pas à prévoir dans le détail les critères, ou la portée des outils, ou encore la hauteur du financement qui sera mis à la disposition de la protection du patrimoine dans les prochaines années. Nous représentons cependant une industrie de création, et notre médium nous amène à partager les paysages urbains avec une multitude d'autres intervenants du public et du privé. Si vous me permettez, M. le Président, je vais donner la parole à M. Marc Olaechea.

Le Président (M. Curzi): Oui.

M. Olaechea (Marc): Nous sommes conscients, à titre de citoyens corporatifs, qu'il y a un besoin de protection de certains paysages au Québec, et il n'est pas du tout dans notre intention de plaider pour le statu quo. Nous croyons également qu'il est temps de se donner collectivement des outils nous permettant d'implanter des corridors paysagers qui sont sources d'identité, de fierté et de développement durable. Il nous semble important, pour diverses raisons, que ces outils soient précis et qu'ils évitent les excès qui pourraient découler de l'utilisation détournée par des groupes qui n'aiment pas notre médium. Nous croyons également... de rappeler ici que notre industrie vit en symbiose avec le réseau routier et fait partie du paysage habité, surtout en milieu urbain, depuis déjà plusieurs décennies.

L'attrait d'un corridor routier pour notre industrie tient évidemment au trafic qu'il génère. C'est pourquoi il n'y a pas d'affiche publicitaire dans des rues résidentielles ou au fond d'un parc industriel. Nos structures sont localisées le long des principaux corridors routiers ainsi que sur certaines artères commerciales. Notre industrie ne saurait donc accepter que l'on vise, sous prétexte de se donner des outils pour protéger nos paysages, à bannir les structures d'affichage publicitaire déjà installées légalement. Cela révèle, si besoin était, une des difficultés liées à la définition et à la portée du terme «paysage». Nombre d'intervenants qui ont déposé des mémoires à cette commission ont d'ailleurs souligné le besoin de se donner rapidement des critères objectifs et des outils de diagnostic paysager pour éviter un développement anarchique de ces notions.

En fait, il faut comprendre que nos structures s'insèrent dans une trame urbaine préexistante et, du fait de leur taille relative, elles sont l'objet du regard en fonction de différents points de vue. Parfois, elles ne sont pas situées aux meilleurs endroits possible, nous l'admettons, mais nous devons composer à la fois avec la concurrence et avec la réglementation municipale qui limite de plus en plus les sites d'implantation possibles. Certains remettent en question la présence de l'affichage extérieur de façon globale. Ceci soulève en parallèle une série de questions embarrassantes sur le degré de nocivité ou de nuisance de différents autres usages, qu'ils soient industriels ou commerciaux, sur ces mêmes paysages. Et on fait référence ici, par exemple, à l'entreposage extérieur, aux parcs éoliens, aux tours de communications ou même aux stationnements.

Nous conviendrons que les pouvoirs publics eux-mêmes ne sont pas toujours des modèles à cet égard. On parle, par exemple, du mobilier urbain mal entretenu, des pylônes ou des poteaux défraîchis. La présence de structures publicitaires a toujours été considérée comme légitime par les autorités publiques, puisque nos installations doivent respecter les lois en vigueur. Elles doivent aussi répondre à un ensemble de règles d'urbanisme pour l'obtention de leurs permis et, de plus, elles génèrent des taxes et des loyers. Quand on y pense, ce qu'on voit en regardant nos structures, ce sont les créatifs et non pas la structure elle-même qui se veut très discrète et normalisée en termes de matériaux, de couleurs et de volumes.

M. Lefebvre (Jeannot): Merci, Marc. Maintenant, si vous permettez, M. le Président, je vais céder la parole à M. Bibeau.

M. Bibeau (Gaétan): Au fil des ans, notre industrie a également cherché à minimiser les effets de la présence de l'affichage publicitaire à plusieurs endroits sensibles. Par exemple, nos entreprises n'exploitent plus de structures publicitaires le long de corridors routiers à vocation patrimoniale reconnue, comme route des baleines, à Sault-au-Mouton, arrondissement historique du Vieux-Québec, Baie-Saint-Paul, pour ne citer que quelques exemples.

Malgré toutes les précautions que nous prenons, comme dans n'importe quel autre secteur d'activité, il nous arrive de nous trouver au centre d'une controverse. Ce fut le cas, il y a trois ans, avec une campagne publicitaire de fabricants de motocyclettes ou, il y a une dizaine d'années, lors du lancement de l'album d'une chanteuse québécoise dont tout le monde se rappelle, même si elle n'a été affichée que quelques jours. Mais, sur les centaines de campagnes publicitaires qui prennent l'affiche chaque année, je dirais que notre moyenne au bâton est plutôt bonne.

Et d'ailleurs chacun se rappelle de quelques campagnes publicitaires qui l'ont marqué. Exemple, la campagne du détaillant Canac-Marquis ici même, à Québec, récemment, ou encore la campagne J'm d'une chaîne de restauration rapide, ou même la célèbre campagne du Club Med. Notre industrie est également habituée à appuyer diverses campagnes sociétales et caritatives. Cette contribution fait parfois une immense différence en termes de succès des campagnes de financement et de sensibilisation pour ces diverses causes. Exemple: Auberges du coeur, Centraide, Fondation de la faune, le Théâtre Jean-Duceppe, le Théâtre Bluff, le Carnaval de Québec, pour ne citer que quelques exemples récents.

Le ministre des Transports du Québec, à l'heure où on se parle... notre deuxième partenariat a débuté. Au total, sur cinq ans, ce sera plus de 3 millions de dollars en valeur d'affichage qui auront été donnés par nos trois entreprises pour les campagnes de sécurité routière du MTQ.

**(15 h 50)**

M. Lefebvre (Jeannot): Merci, M. Bibeau. L'industrie de l'affichage publicitaire reposera toujours sur la présence de ces structures situées le long des routes. Mais ces structures d'affichage ont évolué au fil du temps et elles continueront à le faire. Par exemple, nous débutons, ces années-ci, l'implantation de panneaux électroniques, ce qui était parfaitement impensable il y a tout juste 10 ans, tant à cause du coût que de la fragilité de cette nouvelle technologie.

Comme nous le faisions remarquer d'entrée de jeu, notre regroupement ne nie pas l'évolution en cours à propos des mesures de protection de certains paysages patrimoniaux. Nous croyons cependant qu'on doit viser en premier lieu à protéger quelques paysages vraiment exceptionnels et de ne pas banaliser ce concept, sinon aucune activité humaine ne sera plus possible à l'avenir. Et nous estimons qu'il faudra développer de bons critères, de bons outils d'analyse et des modalités efficaces de concertation dans le processus de désignation notamment.

Plus encore, au niveau local, il faudra apprendre à travailler mieux ensemble, à se sensibiliser aux réalités des autres et à utiliser ces mécanismes facilitateurs à bon escient. Si, par exemple, au terme d'un diagnostic bien documenté, il se trouve une structure publicitaire qui est clairement un obstacle à la création d'une importante percée visuelle vers un site, ou vers un monument, ou encore à la conservation d'un paysage exceptionnel, nous sommes ouverts à une relocalisation de cette structure ou à une compensation pour sa perte. Notre industrie d'ailleurs est familière de ces arrangements puisqu'à chaque année des travaux de réaménagement urbain forcent le déplacement ou l'enlèvement de certaines structures.

Le projet de loi n° 82 nous apparaît bien faire la part des responsabilités et des exigences à cet égard, et nous sommes prêts à prendre le beau risque de l'appuyer. Je vous remercie de votre attention. Mes collègues et moi-même sont maintenant disponibles pour échanger avec vous sur divers points qui nécessiteraient des clarifications.

Le Président (M. Curzi): Merci beaucoup, M. Lefebvre. Je vous remercie de votre présentation. On va entamer la période d'échange. Je vais donner la parole à Mme la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine. Mme la ministre, à vous.

Mme St-Pierre: Merci, M. le Président. Bienvenue à la présidence de la commission. Je salue mes collègues aussi, de l'Assemblée nationale, de l'opposition officielle. C'est un plaisir de reprendre cette commission parlementaire parce que c'est un sujet qui nous passionne tous. Et nous avions eu... Nous avons eu une interruption et là nous reprenons nos travaux, et nous les reprenons avec vous.

Alors, je vous remercie pour les commentaires par rapport au projet de loi, parce que, si ma mémoire est bonne, lorsque vous étiez venus, lors de la tournée que j'avais effectuée à la suite du livre vert, vous aviez certaines... Il me semble, mon souvenir me... Dans mon souvenir, vous aviez manifesté certaines inquiétudes par rapport à ce qui s'en venait, vous aviez des craintes. Et je vois que le... Quand vous voyez le texte, ça ne va pas de façon aussi draconienne que ce que vous aviez craint, tout en ayant la volonté de préserver certains paysages qui seraient jugés ou déclarés à caractère patrimonial.

Alors, j'aimerais comprendre un peu, quand vous parlez de votre industrie et de l'affichage, le ton de votre mémoire. Est-ce que vous sentez que, dans la population, vous avez un travail de relations publiques à faire? Est-ce que vous... Parce que vous êtes dans le domaine des communications. Mais est-ce que vous avez une mauvaise réputation? Parce que c'est comme s'il y avait dans votre mémoire -- je ne veux pas quand même vous prêter des intentions -- un aspect un peu défensif par rapport à votre image, à l'image que vous avez dans la population.

M. Lefebvre (Jeannot): Si vous permettez, je vais demander à...

Mme St-Pierre: C'est sociologique, ma question, là, mais...

M. Lefebvre (Jeannot): Je vais demander à M. Prévost, là, de vous répondre, madame.

Mme St-Pierre: Oui.

M. Prévost (Pierre): Oui. Bien, moi, je suis peut-être le plus neutre ici, parce que je ne suis pas un intervenant direct d'une des entreprises. On m'a demandé de travailler avec ce regroupement-là. Et je comprends très bien parce que, pour être plutôt un spécialiste du milieu municipal, on s'est rendu compte, au fil des dernières années... Depuis une quinzaine d'années, il y a un glissement, lent mais certain, vers... Depuis les états généraux du paysage, qui se sont tenus autour des années 1994 ou 1995, on sent qu'il y a une espèce de frilosité envers toutes sortes d'activités. C'est un peu normal jusqu'à un certain point.

Et on s'est rendu compte que beaucoup d'urbanistes qui sont à l'emploi de municipalités ont tendance à recommander -- et ça, sous des aspects extrêmement techniques -- soit de bannir ou d'enlever des panneaux d'affichage. Et il y a comme une espèce de... pas de pensée magique, mais il y a comme une espèce de bonne pensée, là, qui s'est établie graduellement, mais sans contrepartie. Vous avez raison à l'effet de dire qu'il y a peut-être un besoin pour cette industrie-là de tenir... de faire un effort de communication envers différentes clientèles parce qu'effectivement, au fil des ans, on a senti que graduellement ça s'en va dans un sens.

Et ce dont a pris connaissance au fil des derniers mois, c'est des efforts de regroupements, qui, au départ, étaient des regroupements de comités de loisir, qui sont devenus des comités de protection paysagers, et qui ont même tenté récemment -- je ne pense pas que ça ait abouti -- de créer une espèce de coalition contre l'affichage publicitaire. Donc, oui, il y a quelque chose qui se manifeste, et sourdement, mais ça se manifeste un peu partout, puis on le sent dans les relations avec les municipalités, on le sent dans les relations avec les groupements, soit des groupements de protection de paysages ou groupements environnementaux.

Je pense que ce serait nier l'évidence, là, si on ne disait pas qu'il y a effectivement quelque chose... Ce n'est pas partagé par toute la population, là, mais, je veux dire, il y a quand même une tendance qui se dessine.

Mme St-Pierre: Vous êtes quand même conscients que, lorsque ça va se présenter, la désignation d'un paysage à caractère patrimonial, il va y avoir des contraintes et qu'il va y avoir possiblement l'interdiction de faire ce... d'avoir des panneaux Mediacom ou des panneaux... ou des grands panneaux-réclames, et tout ça, plein de choses qui vont venir dans le paysage, justement. Mais vous êtes capables de vivre avec ce que vous voyez dans le projet de loi?

M. Lefebvre (Jeannot): Oui. Nous, avec... C'est pour ça que nous vous disions que c'est important qu'il y ait des critères qui soient bien établis, les comités qui seront formés également, mais aussi de ne pas permettre de faire indirectement ce que les gens ne peuvent pas faire directement. En quelque sorte, c'est que nous sommes là et, nous, ce que nous disons, c'est que nous sommes là avec les droits, les permis acquis.

Par contre, nous vous disons que, si jamais ça arrivait qu'il y avait une structure qui obstruerait ou qui vraiment ne cadre pas, nous sommes ouverts à le regarder et à négocier avec les gens, soit pour la déplacer ou avoir une compensation en échange. Mais définitivement, dans le libellé, nous sommes d'accord, nous appuyons le projet, nous appuyons votre loi, votre projet de loi, mais nous sommes toujours quand même... nous savons que d'autres personnes, d'autres regroupements sont venus ici. Probablement qu'on n'a pas tout à fait la même... On n'a pas tenu tout à fait le même discours.

Alors, on veut juste s'assurer que nous sommes entendus et, sans le répéter ad nauseam et, comme je vous avais dit la dernière fois, Mme la ministre, je vous rappelle que nous faisons partie du paysage depuis au-delà de 100 ans. Et je pense qu'on a bien évolué à l'intérieur et les nouvelles technologies vont nous permettre justement d'aller plus loin.

Mme St-Pierre: Bien sûr que c'est clair qu'il peut y avoir, à certains moments, des choses agressantes. Vous allez devoir, d'ailleurs, me rafraîchir la mémoire, après votre témoignage, sur le panneau-réclame que vous mentionniez tout à l'heure parce que, moi, je ne sais pas de quoi vous parlez. Mais je n'ai pas habité au Québec pendant un certain temps, alors probablement que c'était à cette époque-là que vous aviez fait la manchette.

Mais donc, pour revenir à votre mémoire, ce que vous nous dites, finalement, c'est que vous êtes capable de vivre avec le projet de loi n° 82. La façon dont nous voulons travailler par rapport aux paysages à caractère patrimonial fait votre affaire et vous êtes prêts évidemment à collaborer.

M. Lefebvre (Jeannot): Vous nous permettrez une précision, s'il vous plaît. M. Prévost.

M. Prévost (Pierre): Oui. Bien, on est d'accord avec l'esprit, avec le cadrage qui a été fait dans le cadre du projet de loi actuel. Cependant, on revient souvent sur le besoin de définir... enfin, de fournir peut-être aux municipalités, aux intervenants -- pas seulement aux municipalités, mais clairement aux municipalités -- des outils qui vont les aider dans, par exemple, que ce soient des critères de désignation ou de préservation de certains types de paysages: Qu'est-ce qu'une percée visuelle?

Je pourrais vous citer seulement deux exemples. Je vais être très court. Dans La Presse de samedi dernier, on voit que, dans le West Island, il y a un bungalow, modèle des années cinquante. Il y a eu un seul exemplaire au Québec. Et là il y a des gens qui disent: C'est terrible, les propriétaires actuels veulent le transformer. Alors, il y a des gens qui montent au créneau pour dire: Il faut à tout prix que la municipalité... Puis, si la municipalité ne le fait pas, ils vont finir par vous le demander, s'ils ne l'ont pas déjà fait, de classer ou enfin de citer ce bâtiment-là.

Bon. Et une des raisons qui est invoquée, c'est l'importance du paysage sur cette rue résidentielle. «Paysage», ça peut vouloir dire bien, bien, bien des choses, hein? Quand on dit l'importance du paysage, on ne parle pas d'une percée visuelle, on parle de tout simplement le respect des volumes, le respect des... Alors, on pourrait très bien... Enfin, les propriétaires du bungalow en question disent: Écoutez, on ne veut pas transformer ça en... je n'ai pas le terme français, mais en «monster house», là, comme on dit; je veux simplement le rénover puis le rendre habitable pour les années 2000.

Alors donc, voyez à quel point, des fois, il peut y avoir une dérive, là. Il n'y a pas encore de pouvoir puis il y a déjà des gens qui poussent pour utiliser ce terme-là, enfin, ce critère-là, sans définition, qui est le paysage. Donc, ça, ça en est un.

L'autre élément que je voulais porter à votre attention, c'est quelque chose que vous avez dit vous-même récemment quand vous avez rappelé que, de votre côté du fleuve, quand vous étiez... vraiment, quand vous étiez dans votre prime enfance, vous voyiez, je pense, le mont Sainte-Anne, là, avec des...

Mme St-Pierre: La Petite-Rivière-Saint-François.

**(16 heures)**

M. Prévost (Pierre): La Petite-Rivière-Saint-François, avec des cicatrices, là, l'été. Parce que c'est quoi, les cicatrices? En fait, c'est les pentes de ski. Donc, votre paysage à vous était peut-être atteint par ça, mais, de l'autre côté, il y a une activité, il y a des emplois qui dépendent de ça, là. Vous voyez la...

Donc, c'est important que le terme «paysage» soit défini, que des critères soient donnés aux gens qui vont devoir gérer les pouvoirs qui vont leur être accordés. Et, pour connaître, moi, comme je vous disais, de façon intime le fonctionnement des municipalités, la plupart du temps, dans une municipalité, on va dire: Bien, écoutez, on fait ça juste chez nous, inquiétez-vous pas, ça ne vous mettra pas à terre. Mais, si tout le monde fait ça, en dedans de cinq ans, l'industrie est à terre, et c'est remplacé par autre chose, des choses plus polluantes. Donc, il y a des impacts importants. C'est pour ça qu'on dit que ce n'est pas marginal, là, la demande de fournir plus d'outils, que ce soit dans la loi, dans un règlement ou autrement, si c'est possible, peut-être, de le faire. Et je pense qu'on n'est pas les premiers non plus à vous demander d'aider les gens à bien utiliser les pouvoirs qui vont leur être confiés.

Mme St-Pierre: Bien, je vous remercie beaucoup, M. le Président, peut-être que mes collègues auront des... Enfin, je sens que mon collègue a des questions à poser.

Le Président (M. Curzi): Oui. M. le député de Lévis.

M. Lehouillier: Écoutez, moi, l'image que j'ai au niveau de l'affichage: quand j'étais plus jeune, j'habitais justement dans un secteur plus traditionnel, puis, dès qu'il y a un trou qui... un incendie sur le coin d'une rue, il y a un panneau qui apparaissait. Et là il y avait comme un problème visuel avec l'environnement autour qui était plus patrimonial. Donc, je vous donne cette image-là pour vous dire qu'au fond vous dites qu'il faudrait établir des critères par rapport au paysage, sauf qu'en même temps, selon le projet de loi, pour obtenir la désignation d'un paysage culturel, les demanderesses vont élaborer un plan de conservation. Donc, ce plan de conservation là, ça va être au niveau des élus municipaux. Et actuellement les municipalités vont avoir le pouvoir de ce contrôle-là en vertu de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme. Le fait est qu'actuellement, au niveau des municipalités, ce qu'ils demandent, eux, par rapport à la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, c'est qu'ils disent qu'effectivement c'est beaucoup trop contraignant, les exigences gouvernementales, et qu'ils souhaiteraient avoir davantage de latitude, tu sais, dans l'aménagement et le développement de leur territoire. Alors, il y a toujours cette contrainte-là parce qu'en bout de piste ça doit comprendre le plan d'identification du territoire, la description des usages économiques, sociaux et culturels autorisés -- autorisés, je dis bien -- et ça, j'imagine qu'à la source c'est la collectivité qui va en décider. Donc, à partir du moment où c'est la collectivité qui en décide, de quelle façon vous voudriez, là, précisément que le gouvernement intervienne au niveau de critères sur l'affichage? Ça devient extrêmement complexe, à mon avis. Je voudrais vous entendre là-dessus parce que vous avez dit: Il faudrait qu'il y ait des critères et des règles. J'aimerais ça vous entendre là-dessus, parce que ça devient assez complexe, là, par rapport à... Je voudrais savoir qu'est-ce que vous entendez par ces critères-là. Exemple. Des exemples.

M. Lefebvre (Jeannot): M. Prévost.

M. Prévost (Pierre): Je peux y aller?

Une voix: Oui.

M. Prévost (Pierre): Bien, évidemment, ce n'est pas évident, on vous l'a dit d'emblée, on n'est pas, nous, des spécialistes ni de patrimoine naturel ou autre, mais, quand on dit «les critères», c'est, à la base, une définition qui soit claire. Comme par exemple, dans l'article 2 du projet de loi, on parle de... je parle de la définition de «paysage». Il faut qu'il y ait... Il y a le mot «remarquable», hein, qu'on retrouve dans la définition. Il y a un intervenant, je n'ai pas le souvenir exact, qui est venu vous dire -- je pense que c'était en 2008, un spécialiste justement du patrimoine -- qui est venu dire: Il faut faire très attention avec certains mots, dont «remarquable», hein? «Remarquable», il avait suggéré de ne pas l'utiliser, parce que «remarquable», «exceptionnel», toutes sortes de qualificatifs comme ça qui peuvent être... Vous savez, ce qui est beau dans l'oeil de quelqu'un peut être laid dans un autre ou ce qui est exceptionnel dans un cas... Dans le cas du visuel, on est dans un cas de figure où il n'y a pas de normes facilement identifiables. Quand on fait face à une pollution sonore, on prend un outil, un bidule, un équipement et on mesure le nombre de décibels. Quand on fait face à une pollution olfactive, on peut le mesurer aussi. Dans toutes les stations d'épuration, il y a ces équipements-là qui sont en place. Mais une pollution dite visuelle ou enfin un ennui visuel, une problématique visuelle, là, il va falloir que chacun se définisse, je dirais, une sensibilité, une limite acceptable. Et, nous, on craint que d'avoir affaire, justement, à 100 ou à une centaine de milieux, là... Parce que, on peut dire, il y a une centaine de MRC, donc une centaine de milieux où on va devoir faire face à... Parce que ce n'est quand même pas une industrie milliardaire, là. C'est important, mais ce n'est pas l'industrie des télécommunications. Donc, il y a une difficulté à faire affaire dans un cadre législatif qui laisserait beaucoup d'autonomie, beaucoup de place à la définition de ces critères-là au niveau local. Donc, autrement dit, je comprends la difficulté, d'emblée, là, de les définir puis de les imposer, parce qu'il y a des gens qui vous disent: Donnez-nous pas trop de critères, on est assez grands, on va les trouver nous-mêmes... Le problème, c'est que ce qui va se trouver au Saguenay--Lac-Saint-Jean, ce qui va se retrouver en Estrie, ce qui va se trouver à Montréal, ce qui va se trouver à Québec, dans la même année ou dans le même moment, ne vont probablement pas être basés sur les mêmes sensibilités. Alors, on peut utiliser le même mot mais ne pas avoir la même sensibilité, donc on risque d'avoir des difficultés à vivre avec ça de façon importante.

M. Lehouillier: Juste une... Est-ce que j'ai le temps pour une autre question?

Le Président (M. Curzi): ...

M. Lehouillier: Oui? Je voudrais savoir par rapport à ça, bien, sur les critères... En tout cas, je fais un constat, c'est que je ne suis pas plus avancé que quand j'ai posé ma question, en passant. Je voulais juste vous le dire, là. Vous me démontrez la complexité d'établir des critères qu'on amènerait dans le cadre de l'affichage. Mais je vais y aller d'une autre façon. Vous dites, dans votre mémoire, que vous faites des efforts d'adaptation de vos instruments d'affichage selon les contraintes urbaines que vous rencontrez. Au niveau du milieu patrimonial, par exemple, pouvez-vous nous donner quelques exemples d'adaptations que vous faites? Justement parce que ça, ça peut être des bons exemples pour... par exemple, au niveau des paysages, etc. Parce que vous savez qu'au niveau des paysages il n'y a pas juste l'affichage qui, souvent, est contesté, là. On a vu à L'Acropole des Draveurs, par exemple, dans Charlevoix, que, même les parcs d'éoliennes, même s'ils sont à 15, 20 kilomètres, étant donné qu'on les voyait, bien, déjà les gens disaient: Il ne faudrait pas qu'il y ait d'éoliennes à la vue de... Bon, etc.

Mais, nous, dans le fond, ce que le projet de loi fait, c'est qu'il se dit: La collectivité doit s'asseoir, regarder ensemble les contraintes et là définir jusqu'où ils veulent aller dans ces contraintes au niveau des paysages. Alors, comment vous voyez... comment vous adaptez, vous autres, vos interventions dans le milieu patrimonial, pour prendre quelques exemples?

M. Lefebvre (Jeannot): Je vous donnerai... Tantôt, nous avons cité Sault-au-Mouton. Je vous donne l'exemple, le ministère des Transports nous avait soumis, dans sa loi, nous avait soumis, justement, l'emplacement en question en disant que le panneau était situé, si vous voulez, sur le côté sud de la route 138 et qui donnait justement sur un point de vue sur la mer. Alors, bon, Sault-au-Mouton, vous savez, c'est un petit peu plus loin qu'ici, là. Alors, moi, je suis parti en allant faire une petite ballade en moto. Je me suis rendu moi-même voir, constater moi-même et, effectivement, c'était comme: Ça n'a comme pas sa place. Alors, au retour, le lundi suivant, on a écrit puis j'ai dit: Regarde, on met fin au bail, merci, bonsoir, puis on enlève la structure. Parce qu'effectivement je n'avais pas besoin que personne d'autre me le dise pour me convaincre. De moi-même, je constatais qu'effectivement ça n'avait pas... ça n'aurait jamais dû être là.

Par contre, historiquement, vous devez comprendre également que nos entreprises, à tout le moins la nôtre, a fait l'acquisition de certaines petites entreprises de publicité extérieure à l'époque, et peut-être que les règles n'étaient pas aussi sévères à certains égards. Il pouvait s'installer et il l'a fait avec les permis requis. Donc, nous l'avons fait... Même chose lorsque ça a été le temps de travailler avec la ville de Québec pour la Basse-Ville, le Petit-Champlain ou etc., ou encore dans le quartier, en haut. Alors, on l'a fait au fil des années, on avait des structures qui étaient là et, par justement des ententes, nous les avons enlevées. Alors, c'est la chose que nous faisons et nous sommes prêts à le faire... On le fait normalement dans chacune des villes.

Maintenant, gardez toujours à l'esprit que, nous, nous sommes facilement visés, facilement identifiables parce que nos structures portent nos noms. Par contre, il y a un paquet d'autres structures qui justement sont dans des environnements... Cet après-midi... ce matin, on faisait justement l'exercice sur la 40, on disait: Regarde, ça, ça ne devrait pas être là, ça, ça ne devrait pas être là, ça... Mais ce n'étaient pas les nôtres. Donc, il y a ce volet à regarder, et souvent, comme on disait, bien, nous sommes facilement attaquables de la part de différentes personnes qui croient que l'affichage ne devrait pas être là, mais, souvent, ce n'est pas nous qui faisons défaut. C'est souvent ce qu'on considère, nous, illégal, ce qu'on considère... Comme je vous disais tantôt, vous vous promenez, vous avez une remorque avec une publicité, vous avez un camion, vous avez une voiture. Regardez bien, là, c'est à peu près n'importe quoi et, souvent, c'est dans des endroits, sur un point de vue, un coup d'oeil, c'est dans un beau paysage ou en plein milieu... Quand on regardait, tantôt, tout près de la passe où est-ce qu'il y a les oies, bon, vous avez des structures qui sont là, qui donnent...

Une voix: ...

M. Lefebvre (Jeannot): Oui, c'est ça. Qui donnent... Tu dis: Pourquoi qu'ils ont mis ça là? Nous, on ne le ferait pas.

**(16 h 10)**

M. Lehouillier: Donc, si je comprends bien, là, un des outils que vous verriez, ça serait au niveau de... qu'on soit un peu plus exigeants au niveau de la législation, par exemple sur l'affichage qui est plus ou moins légal et qui laisse à désirer, alors que, vous autres, souvent, vous êtes soumis à une réglementation municipale assez sévère, etc. C'est ça que vous dites, là. Vous êtes en train de dire: Qu'on commence à éliminer ce qui est plus ou moins permis, là, tu sais, et...

M. Lefebvre (Jeannot): Entièrement d'accord avec vous. c'est exactement ce que nous disons, parce que les lois sont là. Tout simplement, qu'elles soient appliquées.

Le Président (M. Curzi): Merci. Oui, ça termine à peu près la période, si vous voulez. Je vais passer la parole à M. le député de Drummond, j'imagine.

M. Blanchet: M. le Président, merci. Messieurs, bonjour. J'ai effectivement, pour ma part, déjà utilisé les services de ce type d'affichage, et ça m'amène à l'esprit qu'il y a affichage et affichage, et ce, à plusieurs égards. Dans un premier temps, il y a la qualité de la création de ce qu'on voit sur l'affiche. Je pense qu'à la limite c'est un critère. On a toujours fait, à l'époque où je l'utilisais, des efforts considérables de graphisme pour que ce soit visuellement le moins déplaisant possible. Et l'exemple auquel vous référiez, d'une chanteuse qui a fait un usage spectaculaire de la chose, comme...

Une voix: ...était-u coupable?

M. Blanchet: Non, non.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Blanchet: Non, non. Mais la comparaison qu'on pourrait faire, c'est qu'il y a les artistes qui ont été affichés et qui ont fait scandale et il y a des artistes qui ont fait scandale en étant affichés. Alors...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Blanchet: Cela dit, je reconnais aussi que vous avez l'habitude de donner de la visibilité à de nobles causes, ce qui a pour effet, de façon fort légitime, de neutraliser certaines oppositions. Et, tout à l'honneur de ce que ça peut être, l'affichage, l'exemple est évident que ça peut être en soi un paysage. Times Square est un exemple absolument éloquent. Times Square, sans cet affichage qui est plus sauvage que l'affichage sauvage, ne serait pas Times Square. Est-ce qu'on transporterait ça dans Charlevoix? J'entretiens des doutes.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Blanchet: Mais le principe est là. Vous avez parlé d'affichage sauvage. Il y a deux définitions de la chose, par contre: celui qui est très urbain, qui est l'affichage d'affiches en papier sur toute espèce de palissade que les gens trouvent au milieu de la nuit, avec leurs chaudières et leurs moppes -- mais ça fait partie d'une culture urbaine, là, c'est très difficile de s'en prendre à ça, même si les villes parfois décident de le faire; et il y a les camions qui fréquentent des dinosaures sur le bord des autoroutes.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Blanchet: C'est peut-être autre chose. Donc, je comprends qu'il y a une discipline à développer. Je comprends aussi que vous êtes ici pour sensibiliser le ministère. Je n'entends pas de revendication, de revendication très claire de votre part, et on cherche effectivement à mieux le comprendre. Je veux savoir clairement c'est quoi, votre inquiétude, parce que, dans l'opinion publique et dans la législation, je doute fort que vous ayez préséance sur un paysage. Et, à défaut d'être capables d'établir des paramètres, comme mon collègue le demandait, pouvez-vous nous donner des exemples? Des exemples non pas de choses qui ont été corrigées, mais des choses où... même si elles l'ont été, que c'était à contrecoeur. C'est: Non, on nous a demandé quelque chose, puis on n'est pas d'accord. On nous dit que tel affichage, telle affiche, telle localisation est agressante, puis on n'est pas d'accord. C'est ça qu'on ne veut pas qu'il arrive. Je veux comprendre ce que vous ne voulez pas qu'il arrive en vertu de la lecture qui pourrait être faite de la loi.

M. Lefebvre (Jeannot): M. Prévost.

M. Prévost (Pierre): Une façon d'aborder le... Je pense que vous avez raison, on va y aller par la négative, c'est-à-dire ce qu'on ne souhaiterait pas qu'il se produise. Tout à l'heure, j'ai un peu ouvert là-dessus en disant: On ne voudrait pas être pris avec une centaine d'intervenants en même temps qui ont chacun leur sensibilité ou leur définition différente du terme «paysage patrimonial» ou «protection d'un paysage patrimonial».

C'est clair qu'à l'heure actuelle on est en train... Un exemple qu'on est en train de vous donner, avec la ville de Québec, on est en train de terminer une négociation raisonnée pour rationaliser le nombre de panneaux-réclames sur le territoire, notamment dans la partie centrale. Il n'y en a déjà pas dans le Vieux-Québec, mais la ville de Québec nous a approchés pour dire: Plutôt que d'essayer, par législation, par réglementation, d'enlever de façon unilatérale, parce qu'on avait un contentieux là-dessus, ils ont dit: Est-ce que vous pourriez vous asseoir avec nous pour qu'on regarde ça? Et là on est déjà en négociation, on est en attente d'une deuxième contreproposition, mais on devrait être capables de s'entendre assez rapidement pour diminuer le nombre d'affiches, donc rationaliser. Les compagnies, lorsqu'on les approche de cette façon-là, se disent: Est-ce qu'il y a une occasion pour nous de diminuer nos coûts de fonctionnement tout en préservant notre présence sur le marché? Donc, ça, c'est un exemple qui est beaucoup plus... peut-être moins typique, anecdotique peut-être que la randonnée en moto pour se dire: Bien, celui-là, effectivement, il n'a pas sa place, c'est évident, on l'enlève. Mais ça porte sur un nombre important de panneaux.

Ce qu'on ne souhaiterait pas, c'est de se faire dire par des municipalités importantes, dans lesquelles il y a une présence des panneaux-réclames... Là, on ne parle pas de... Il ne faut pas oublier que les panneaux-réclames des trois entreprises en question sont présents dans 85 municipalités sur 1 100 quelques. Donc, 7 % à 8 % des municipalités seulement sont visées par la présence de ces panneaux-là. Et donc il y a toute une industrie qui repose sur ça. Donc, on ne souhaiterait pas que, dans quelques-unes de ces 85 là, on se fasse dire: Écoutez, à partir de maintenant, c'est clair, toutes nos entrées de villes... Parce qu'il faut définir une entrée de ville, hein? Qu'est-ce qui est une entrée de ville, là? Il n'y a pas seulement trois ou quatre entrées dans un ville. Alors, il va falloir définir tout ça. Toute percée visuelle sur telle, telle montagne, ou tel fleuve, ou cours d'eau... Une percée visuelle, il faut aussi la définir parce que... À partir d'où est-ce qu'on considère la percée?

J'ai récemment révisé un document, on appelle ça un plan de... une espèce de plan directeur d'urbanisme, là, d'une grande municipalité où on... Si on fait la somme de toutes les bonnes intentions qui sont citées là-dedans, bien, il n'y a à peu près plus aucune activité qui est possible, en tout cas, au moins en termes d'affichage, parce qu'on y va avec un niveau emblématique, un niveau symbolique, un niveau patrimonial, un niveau... En tout cas, il y a cinq... il y a une gradation, là, et notamment le niveau panorama. Alors, panorama, à la grosseur qu'ont les structures d'affichage, si on est à 100 mètres, on le voit, si on est à 500 mètres, on ne le voit pas. Le panorama, on le définit comment? Ça, il n'y a pas de critère, là, actuellement, ça va être le «free-for-all», là. Tu sais, les gens vont y aller en se disant: Bien, écoutez, nous, c'est comme ça qu'on l'a considéré, puis prenez-le comme ça, puis battez-vous. Alors, on va toujours être en situation de tenter de convaincre les gens, dire: Bien, écoutez, si vous nous aviez appelés avant, vous ne seriez pas engagés dans cette voie-là de façon unilatérale, puis là on est obligés de faire un espèce de combat à reculons, ce qui n'est jamais gagnant pour des entreprises. Donc, c'est ça qu'on veut éviter. Je ne sais pas si c'est assez clair, mais je pense que ce sont quelques exemples...

M. Blanchet: C'est relativement clair.

M. Prévost (Pierre): ...qui permettent de comprendre ce qu'on veut éviter. Et on pense que, bien qu'on ne soit pas capables de les définir, parce qu'on n'est pas des spécialistes de ça, s'il y avait un peu plus d'uniformité par le biais de critères ou de... peut-être pas de critères mais de définitions de certains termes, bien, peut-être que les gens sur le terrain ne partiraient pas avec un spectre comme ça mais plutôt comme ça.

Donc, pour conclure là-dessus, on pourrait dire qu'au Québec des paysages dignes d'une intervention qui permet... qui ferait en sorte d'enlever certaines activités humaines, dont l'affichage, il n'y en a pas 5 000, là, hein? Et j'imagine qu'effectivement le fait de l'avoir, et c'est une très bonne... c'est très sage d'avoir agi ainsi. C'est la ministre qui va -- ou le gouvernement -- désigner ce paysage-là mais sur recommandation locale. Je pense que ça, ça peut peut-être être un facteur qui nous permettrait... Mais on ne souhaiterait pas, à toutes les semaines, être à votre bureau, là, pour vous dire: Écoutez, on n'a jamais été entendus, on a fait des offres, tout ça, ça n'a jamais été discuté ou même envisagé. On pense qu'avec un peu de définitions ou de critères -- enfin, on revient avec ça -- les choses seraient plus faciles à vivre à l'avenir.

M. Blanchet: Donc, vous me corrigerez si je me trompe, je comprends que vous ne voulez pas que la loi serve de prétexte au monde qui veulent se débarrasser de vous autres.

M. Prévost (Pierre): ...

M. Blanchet: Vous dites aussi que la loi pourrait amener des précisions quant à l'encadrement des notions qui peuvent effectivement servir à moins bien accueillir ce que vous faites.

M. Prévost (Pierre): ...justement définir les paysages de façon à ce qu'on puisse se battre sur un terrain égal en disant aux gens: Bien, écoutez, juridiquement, là, vous ne pouvez pas dire n'importe quoi avec «paysage». La loi le précise, ou un règlement, ou une politique, ou... vous êtes plus habiles que nous pour naviguer dans ces eaux-là, mais, de façon à ce que les gens sur le terrain, là, les gens dans les municipalités, dans les comités qui se mobilisent... Il ne faut pas minimiser ça, il y a des gens qui se mobilisent pour protéger... Il y a des gens qui font ça de façon très, très positive. Ils ne se lèvent pas le matin pour haïr l'affichage extérieur, mais il se trouve que, quand ils se promènent et qu'ils vont du point a au point b, ils se disent: Il y a un panneau là, puis il m'achale. Et ces gens-là, à ce moment-là, se disent: Bien, comment est-ce que je pourrais le scier, hein? S'il n'était pas si solide, je pense qu'il serait déjà scié. Alors donc, il y a des gens comme ça que... Je respecte leur opinion mais on n'est pas obligés de la partager, et donc on doit avoir des outils équivalents pour faire valoir les points de vue.

**(16 h 20)**

M. Lefebvre (Jeannot): Si vous me permettez, moi, j'ai le loisir... L'été, je me ballade en moto. Et, je vais vous dire, je ne fais pas les autoroutes, je vais vraiment à l'extérieur. Et le Québec, c'est grand, puis il y a des fichus de beaux paysages, puis il n'y a pas de structure publicitaire. Vous savez, j'ai l'impression que... et on veut se protéger, parce que j'ai l'impression que les gens, ceux qui utilisent la 20, la 40, les autoroutes, voient les panneaux, voient les structures publicitaires parce que c'est là qu'il y a une densité, c'est là qu'il y a la circulation, et c'est là qu'on doit être positionnés également. Les gens voudraient retrouver, en ville, la campagne. Les gens voudraient tout avoir. Je ne prétends pas que les paysages des villes ne sont pas agréables. Ce n'est pas ça, il ne faudrait pas me prendre ainsi, mais c'est de juste... Moi, je pense que le Québec, c'est beau, c'est grand, et j'inviterais des fois certaines personnes qui voudraient... qui veulent absolument nous voir disparaître, d'aller... des petites ballades du dimanche, là, qu'ils sortent un peu, qu'ils aillent voir ailleurs parce que c'est beau en petit péché, le Québec, c'est grand, il y a des belles choses à voir. Mais, lorsqu'on utilise constamment les mêmes routes, soit pour aller travailler, soit pour aller faire son épicerie, soit pour aller... Peu importent les raisons, là, on utilise normalement les mêmes routes, et ce qui nous achale une journée va nous achaler pendant bon nombre d'années. Et, malgré qu'il y ait un changement, qu'il y ait une modification, même si on arrive avec des panneaux digitaux et électroniques... Parce que c'est l'avenir, oui, il va y en avoir moins.

Et, à titre d'exemple, on a oublié de vous le mentionner, mais, depuis les années 2000, on n'est pas en construction. On n'ajoute pas des structures publicitaires. On enlève des structures publicitaires, strictement par un phénomène, appelons ça une érosion naturelle: la construction, un emplacement, ou encore, comme je vous citais l'exemple tantôt où une structure serait localisée près d'une église -- il n'y en a pas, parce qu'on n'en a pas construit -- ou encore près des écoles, parce qu'on est très loin des écoles.

L'industrie s'était déjà donné des disciplines. On sent juste, depuis quelques années, qu'il y a une espèce de vent probablement des gens qui n'aiment pas l'affichage, qui n'aiment pas ça puis qui... Ils mettent tout dans le même bateau. Parce que les panneaux-réclames dans l'univers des enseignes, c'est à peu près moins de 1 %. Mais on est facilement identifiable. Alors, on pense que... On veut juste s'assurer que, dans votre projet de loi, dans le projet de loi qui est déposé, oui, les critères vont être bien définis, oui, les gens qui vont prendre les décisions vont les prendre d'une façon très neutre et non pas en disant: Bien, est-ce que ça, ça peut être interprété par une municipalité, par une autre personne? C'est un peu dans ce sens-là que nous souhaitons...

M. Blanchet: J'ai une intuition à l'effet que, si les gens écoutaient votre voeu et sortaient des grandes routes pour aller fréquenter les petites routes, vous les suivriez avec des panneaux.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lefebvre (Jeannot): Non.

M. Blanchet: Cela dit, à demande, demande et demie: Y a-t-il eu, ici ou ailleurs, des tests de faits... Puis peut-être que ça n'a pas de bon sens, ce que je dis là, ce n'est pas grave, il y a des gens qui seront contents de le dire. Est-ce qu'il y a des tests qui ont été faits à savoir si vos structures peuvent être plus harmonieusement intégrées à leur environnement visuel? Que ce soit en restreignant... Tu sais, c'est spectaculaire, les panneaux lorsqu'ils sont lumineux, sur le bord de la 20, à Boucherville, mais je n'en mettrais pas un nécessairement dans la campagne bucolique. Donc, est-ce qu'il y a des espèces... soit des mesures d'autorégulation, soit des mesures de ce que la structure à l'air en soi ou soit des restrictions par rapport à ce qu'on permet comme type de graphisme de ça? Est-ce qu'il a des tests qui ont été faits pour favoriser une intégration plus harmonieuse de votre activité économique dans les environnements visuels?

M. Prévost (Pierre): Écoutez, encore une fois, encore une fois, je ne suis pas... je ne me considère pas un spécialiste de la chose mais je peux vous dire que cette industrie-là fonctionne... enfin, fonctionnait beaucoup en fonction de la réglementation municipale: Est-ce qu'on a le droit? Oui. On s'installe parce qu'on pense qu'on a là... N'oubliez pas ce qui a été mentionné, ça fonctionne en raison du débit automobile, hein? Il faut que ça soit vu, un panneau, là. C'est la clé du système. Et donc, aujourd'hui, les gens, même de l'industrie, constatent qu'à cause de la façon dont la réglementation municipale de zonage a été instaurée, il se trouve des forêts de panneaux à certains endroits puis eux-mêmes me disent souvent: Ça, c'est sous-optimal, parce qu'au fond on entretient tous ces panneaux-là, mais... Je l'enlèverais, mais, si j'en enlève, je ne veux pas qu'un concurrent s'installe là. On a cette problématique-là et donc on voudrait... C'est ce à quoi on a commencé à travailler, prendre le temps de se revirer de bord puis aller visiter les villes puis leur dire: On voudrait faire un peu d'urbanisme de contingentement. C'est-à-dire, on voudrait garder un certain nombre de panneaux; si vous me garantissez qu'il n'y a pas un concurrent qui va venir s'installer là, autrement dit, par modification du zonage, on est prêts à en enlever.

Et c'est un peu ce qu'on fait avec la ville de Québec actuellement. Et c'est un test important pour nous, à cet égard-là, parce que c'est une grande ville, une belle ville. Et donc on se dit: Bien, si on peut rester dans cette ville-là, contribuer à son développement mais de façon plus rationnelle, tout le monde va être gagnant.

Quant au test de... le visuel ou, bon, ces structures-là ont quand même une personnalité. Mais c'est vrai que 95 % de la structure, c'est le créatif, hein? Je veux dire, on voit le créatif, puis après ça on oublie la structure. Elle est faite de façon... Bon, elles sont propres, elles sont solides, on ne les voit jamais tomber, peu importe les vents, peu importe quoi que ce soit. C'est très...

M. Blanchet: C'est la moindre des choses.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Prévost (Pierre): Non, non. Non, c'est vrai, c'est vrai, c'est la moindre des choses, mais encore faut-il comprendre que, dans ce... Moi, en tout cas, c'est quelque chose qui m'a frappé, c'est vraiment construit de façon extrêmement, extrêmement solide, avec des matériaux qui durent très longtemps. Il y a des passerelles pour... Lorsque la CSST, à une certaine époque, a dit: Il faut que les gens qui viennent installer le créatif, là, le papier, soient mieux protégés, ils se sont tous dépêchés d'installer des passerelles, et tout ça. Donc, ça, je pense, là-dessus, ils sont nickel, là, je veux dire. Les entreprises, c'est des entreprises professionnelles qui fonctionnent bien. Maintenant, est-ce qu'au niveau des créatifs il pourrait y avoir un effort? Moi-même, je trouve qu'elles ne sont pas toutes jolies, les créatifs. Mais ce qu'on voit à la télévision non plus. Ce qu'on entend à la radio non plus, bon, hein?

Le Président (M. Curzi): M. Lefebvre.

M. Lefebvre (Jeannot): En complément. Je pensais à votre question, et je peux vous dire que, dans les années 1977, dans les années... fin 1970, début 1980, les structures publicitaires que vous voyez aujourd'hui, ce n'était pas ça qui était à l'époque. Vous aviez des structures plutôt rectangulaires avec des marges qu'on appelait... C'est à peu près un pied d'épais. L'intérieur était... Le visuel était toujours 10 pieds par 20 pieds parce que, d'un bout à l'autre du Canada, c'est 10 pieds par 20 pieds au niveau du panneau-réclame. Donc, c'est un format pour éviter qu'il y ait plusieurs formats. Et il y avait effectivement... Je pense que c'est à Montréal, l'université, à l'UQAM, qu'ils ont présenté le dessin pour justement simplifier.

Mais toujours est-il... Il fallait également adapter parce qu'il y avait plusieurs structures qui étaient, passez-moi l'expression: deux trous, deux poteaux, on visse ça là, puis on n'en reparle plus. Puis, avec les vents, ça faisait comme ça, là. Mais, maintenant... Plus aujourd'hui. Maintenant, avec la CSST, c'est des plans d'ingénieurs, les permis sont déposés de cette façon-là. Et nos structures sont épurées le plus possible. Il y a Astral qui a développé des structures avec ses superpanneaux, ainsi que Pattison, qui ont commencé à donner du volume, à donner... à modifier la rigueur, la rigidité, qui est juste la colonne. Ça, ça se fait. Ce sont des coûts supplémentaires. Mais encore est-il... Ce que les gens voient, ce sont les concepts. Vous ne remarquez pas forcément... Si je vous posais la question: Il y a combien de lumières après nos panneaux? Sur les superpanneaux, il y en a combien? Est-ce que c'est une patte? Deux pattes? Trois pattes? Les gens, ce qu'ils voient, c'est les concepts. Si les concepts sont intéressants, les gens remarquent la publicité. Si les concepts ne sont pas intéressants, c'est comme n'importe quoi, les gens ne les remarquent pas.

Donc, dire: Est-ce qu'on pourrait être mieux intégrés? On pourrait être mieux intégrés, oui. S'il y avait des arbres devant, le panneau serait en arrière. Tout le monde trouverait ça beau, sauf qu'on ne verrait pas le concept. Alors, on est toujours pour que la structure soit le plus visible possible. À certains endroits, nous faisons des aménagements: des arbustes, des trucs du genre, mais c'est à peu près le mieux qu'on peut faire présentement. Mais les nouvelles structures, exemple, digitales, bien, il n'y a pas de passerelles. Elles sont drôlement plus épurées que nos structures standard. Mais, de l'autre côté, on se doit de vivre avec les normes, avec la CSST qui, soit dit en passant, sont très, très, très exigeants, mais, c'est parfait, c'est pour la sécurité de nos employés, mais ce qui fait qu'on est obligés d'avoir des pièces qui peuvent, je vous dirais, alourdir. Donc, vous savez, nous avons des contraintes. On aimerait que ça soit épuré, on souhaiterait bien, mais on doit vivre avec les contraintes.

Une voix: ...

Le Président (M. Curzi): Malheureusement, il reste à peu près une quinzaine de secondes. Alors, je pense que, pour une question et une réponse, c'est...

Une voix: ...

Le Président (M. Curzi): Très, très, très court, là.

M. Turcotte: Vous me permettez de me replonger dans mes cours d'université, là, en gestion des médias publicitaires. Est-ce que, quand on parle de paysage culturel patrimonial, ça égale un endroit où il y a une hausse... une grande exposition, en termes de publicité? Est-ce qu'on peut avoir des affiches avec des plus hauts PEB, mettons, si on est dans un beau paysage culturel ou ce n'est pas nécessairement lié, là, avec le... Beau paysage égale plus de fréquence d'exposition?

M. Lefebvre (Jeannot): Non.

M. Turcotte: Donc, ça ne risque pas de vous nuire, là.

**(16 h 30)**

M. Lefebvre (Jeannot): Non, non, non. Notre industrie fonctionne avec la circulation automobile. Donc, c'est la circulation automobile. Convenons que ce sont les autoroutes où est la plus grande densité de véhicules. Donc, c'est pour ça que vous allez retrouver une bonne participation, un bon nombre de structures publicitaires en bordure des autoroutes.

Le Président (M. Curzi): Bien. Ça répond? Messieurs, je vous remercie de votre présentation.

On va suspendre quelques minutes, le temps que l'autre groupe s'installe. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 16 h 31)

(Reprise à 16 h 32)

Le Président (M. Curzi): À l'ordre! Comme on est un peu pressé par le temps, si on veut respecter notre horaire, je vais demander au prochain groupe, à l'Association des archivistes du Québec, de s'installer, s'il vous plaît. Je ne veux pas vous bousculer, mais on aimerait que chacun puisse bénéficier du maximum de temps. D'accord?

Une voix: ...

Le Président (M. Curzi): Alors, je vais vous demander, la question traditionnelle, de vous identifier et d'identifier les personnes qui sont avec vous. Vous avez un maximum de 15 minutes, et il y aura une période, donc, de 45 minutes qui va suivre votre présentation.

Association des archivistes
du Québec (AAQ)

M. Lévesque (Michel): Merci, M. le Président. Donc, M. le Président, Mme la ministre, Mmes, MM. les députés, mon nom est Michel Lévesque. Donc, je suis le vice-président de l'Association des archivistes du Québec. Je suis accompagné de: Mme Andrée Gingras, la directrice générale; M. Marc Beaudoin, le directeur des affaires associatives; et M. Gilles Héon, qui est un membre émérite, expert-conseil et corédacteur, finalement, du mémoire que vous avez eu.

Je vous prie d'excuser notre présidente, Mme Brigitte Pollock, qui n'a pu se déplacer d'Ottawa pour des raisons familiales. Sa fille est malade.

Une voix: ...

M. Lévesque (Michel): Donc -- ça arrive -- permettez-moi, avant de présenter certains points de notre mémoire, de remercier sincèrement Mme la ministre ainsi que les membres de la commission de tenir cette consultation générale. Nous espérons que l'ensemble des intervenants dans le domaine du patrimoine culturel, et Dieu sait qu'ils sont nombreux et pas toujours sur la même longueur d'onde, puissent accorder leurs voix pour faire en sorte que cette loi fort importante soit adoptée dans un proche avenir. Donc, là, je vais passer vraiment à notre mémoire.

Présentation courte de l'association. L'Association des archivistes du Québec a été créée en 1967. Elle compte présentement 675 membres, autant d'étudiants, d'archivistes qui travaillent dans les milieux privés, dans les milieux publics, donc un très bon groupe représentatif, finalement, de cette profession. L'association, elle a pour but principalement d'assurer la formation de ses membres et son perfectionnement, mais on comprend qu'elle veille aussi à la promotion, entre autres, de la Déclaration québécoise des archives, qui a été promulguée voilà cinq ans -- donc, on est à son cinquième anniversaire -- qui a servi de base au texte de la Déclaration universelle des archives. Donc, ce n'est pas n'importe quoi; l'UNESCO est en train de reprendre ce texte-là, là.

Donc, l'AAQ oeuvre depuis plus de 40 ans à la constitution de la mémoire collective des Québécois, considérée à la fois comme soutien et partie intégrante de notre culture. Donc, nous avons une mission sociale, culturelle et professionnelle qui est basée, bien sûr, sur des principes archivistiques universellement reconnus en vue d'assurer l'authenticité, l'intégrité et l'intelligibilité des archives québécoises, qualités qui en font de véritables porteuses de signification.

C'est ce qui explique aussi nos interventions en commission parlementaire et dans les consultations générales. On est intervenus au rapport Arpin, on est intervenus sur le livre vert sur le patrimoine culturel, on est intervenus souvent sur l'accès et la protection des renseignements personnels, et c'est pourquoi nous intervenons aussi, parce qu'on se sent très interpellés par ce projet de loi aujourd'hui.

Dans le vif du sujet, prenons les définitions. C'est sûr que, pour nous, archivistes, ne pas avoir vu la définition d'«archives», ça nous surprend toujours, mais on se rallie beaucoup à la définition, finalement, du terme «document patrimonial», parce qu'il est défini autant comme un élément constituant le patrimoine culturel dans ces définitions qui sont données dans le projet de loi. Donc, ça fait notre affaire de parler de patrimoine, de document patrimonial, qui est l'équivalent, à la limite... ou un terme plus actuel, à la limite, pour «archives» parce que l'archiviste exerce aussi au premier chef sa compétence en évaluant l'intérêt de tout document appelé à être acquis... à acquérir le statut de bien patrimonial. D'une certaine manière, il revendique même l'exhaustivité, l'archiviste, de déterminer la valeur historique, scientifique ou technologique de ces documents.

L'AAQ se réjouit aussi que la notion de patrimoine culturel soit étendue autant aux biens meubles et immeubles, mais également aux personnages, aux événements, aux territoires, aux sites, voire même aux pratiques et savoir-faire. Mais elle rappelle que les archives ou les documents patrimoniaux expliquent et vivifient ces biens culturels en fournissant des informations nécessaires à leur évaluation et à leur juste compréhension.

Prenons -- exemple -- le patrimoine immatériel, c'est sûr que nous ne sommes pas des spécialistes de ce patrimoine-là, mais on rappelle que la notarialisation de ce patrimoine pour des fins d'étude, de conservation et de mise en valeur ne se fait que par sa captation textuelle, visuelle ou sonore, constituant ainsi des documents dont la gestion obéit aux règles définies par l'archivistique. Donc, on s'interroge, par contre, sur le fait que, pour les termes «désignation», «identification», «classement», «déclaration» et «citation»... que ces termes-là ne soient pas définis, ce qui cause parfois des problématiques de compréhension à travers le projet de loi. On pense que ces termes-là devraient être définis dans la loi, ou dans un règlement, ou etc., mais au moins qu'ils soient définis, surtout les termes «désignation», «identification», «déclaration» et «citation» parce qu'on a eu quelques problèmes de sens vis-à-vis ce qui était dit par la suite dans le projet de loi.

Nous sommes tout à fait d'accord avec la constitution d'un registre de patrimoine culturel du Québec. C'est essentiel. Ce registre-là est essentiel. La seule problématique qu'on y a vu: on semble restreindre son accessibilité. Et là on se pose une question: Pourquoi? Ça devrait être un document, un registre qui soit accessible à l'ensemble de la population pour qu'il puisse prendre connaissance de ce que sont ces biens culturels comme tels. Parce que l'article de loi parle beaucoup de: Bon, on peut faire des extraits, c'est ces extrait-là qu'on... On semble voir, donc, un manque d'accessibilité. Est-ce que c'est ça ou non? Vous pourrez nous le confirmer.

Nous sommes tout à fait d'accord aussi avec la production, la réalisation des inventaires parce que, pour nous, un registre ça se constitue à partir d'une analyse. Cette analyse-là, c'est l'inventaire qui permet d'aller chercher quels seront les biens patrimoniaux et, particulièrement donc, des documents patrimoniaux qui pourront faire l'objet du registre. On s'interroge par contre sur les modalités financières et professionnelles qui seront assujettis à ces inventaires-là ou à la constitution de ces inventaires-là parce qu'on comprend que, pour les faire, ça prend de l'argent. Et ça prend aussi des personnes. On pense que les archivistes sont bien placés pour en faire une partie concernant les documents patrimoniaux, mais on comprend qu'on a cette préoccupation-là présentement.

**(16 h 40)**

Est-ce que Mme la ministre prévoit faire... de dresser un inventaire des seuls bien culturels classés? Parce que, ça aussi, on a trouvé que ce n'était pas clair. Est-ce que c'est uniquement les biens culturels classés? Parce que là revient la définition des «désignés», «cités», etc. Est-ce que le registre devrait contenir tout ça? Nous, on pense que oui, et là, donc, on se pose cette question-là, finalement.

Bon, au niveau de la désignation et protection du patrimoine culturel, il est souvent mentionné le plan de conservation. Donc, on comprend que tous les biens reconnus et classés selon les dispositions de la Loi sur les biens culturels deviennent des biens patrimoniaux classés, mais leur protection n'était pas toujours... variait dans l'ancienne loi. Est-ce que là ça va être uniquement sur les biens patrimoniaux classés, ce plan de conservation? Est-ce que les intervenants qui ont des biens classés connaissent aussi ce qu'ils auront maintenant comme problématique à gérer l'ensemble de ces biens classés? Et on s'interroge vraiment sur c'est quoi, la définition d'un «plan de conservation», parce qu'on n'a pas vu sa définition dans le projet de loi. Ce n'est peut-être pas le lieu, encore là, mais il faudra à un moment donné qu'il soit défini, finalement, pour savoir de quoi vraiment on parle quand on parle de «plan de conservation».

Encore là, nous croyons que les archivistes disposent vraiment de l'expertise appropriée pour déterminer des mesures de protection des documents patrimoniaux classés, mesures exigées en vertu de l'article 26 du projet de loi. Nous, on connaît la conservation des documents. La conservation des documents patrimoniaux, bon, je pense qu'on a développé une expertise et des critères pour pouvoir en assurer leur conservation, de là l'intérêt qu'on pose comme question de savoir: Qu'est-ce qu'un plan de conservation pour... dans le projet de loi?

Le droit de préemption. Le droit de préemption à l'égard de tout bien patrimonial classé, sa disposition est tout à fait bienvenue, mais, à notre avis, trop limitative. Finalement, on considère qu'elle devrait être étendue à tout bien qui aurait cet intérêt patrimonial au Québec, donc: pouvoir intervenir directement dans une salle de vente et aller chercher, effectivement, certains documents ou certains objets qui ont, après analyse, bien entendu, cet intérêt patrimonial.

Par rapport aux pouvoirs généraux du ministre, l'AAQ souscrit à la possibilité d'attribution d'aide financière sous forme de contributions, de subventions ou d'ententes pour assurer la protection et la conservation, de même que la connaissance et la mise en valeur des biens patrimoniaux. C'est sûr qu'on est pour ça. Mais les budgets dévolus à cette fin devront être consistants et équitables, surtout équitables, envers tous les partenaires culturels, dont les services d'archives, étant bien connue la modicité des ressources accordées à la gestion des documents patrimoniaux dans les programmes actuels, comme ont pu le démontrer plusieurs intervenants lors de la tournée de consultation de Mme la ministre, justement, il y a deux ans. Je pense que ça avait quand même très bien ressorti que des centres d'archives privées agréés n'ont pas beaucoup de budget pour administrer. Et dernièrement je donnais une conférence sur la gestion des documents électroniques à des centres d'archives agréés. C'est bien beau, les documents papier, mais comment vont-ils pouvoir prendre en charge, entre autres, des documents électroniques qui seront les nouveaux documents patrimoniaux? Ça prend des budgets, et de forts budgets, parce que cette gestion, elle n'est pas toujours facile. La migration de documents électroniques, ça coûte des sous. Donc, c'est notre recommandation d'avoir des budgets conséquents.

Par rapport au Conseil du patrimoine culturel du Québec, il est fait mention, à l'article 85, qu'il y a des directives du ministère en lien avec la valeur marchande qui sera fixée par le Conseil du patrimoine d'un bien patrimonial acquis par le centre d'archives ou une institution muséale. Mais on se pose des questions sur ces directives. En tout cas, du moins, moi, je ne les connais pas. J'aimerais bien les connaître. Parce que c'est sûr que les centres d'archives et les institutions muséales ont des politiques d'acquisition où, là, on définit très bien les critères d'acquisition des biens. Mais quelles sont, en plus, les directives qui s'y rajoutent? Parce que là on rajoute les directives du ministère et, après ça, il y aura l'évaluation de la valeur marchande. Mais quelles sont ces directives? Il faudrait qu'on nous éclaire. Comment, d'ailleurs, le Conseil du patrimoine entend-il se prévaloir de ce pouvoir? Nous vous rappelons encore que les archivistes ont développé une expertise en la matière, tant du point de vue procédural qu'à propos de l'intérêt artistique, emblématique, ethnologique, historique, scientifique et technologique -- je cite des titres... des objets de la loi -- pour les documents eux-mêmes. On a déjà développé une certaine expertise en ce sens.

Vous vous en doutez bien, pour la composition du conseil, c'est sûr que nous trouvons nécessaire, voire obligatoire, la présence d'un archiviste, au besoin recommandé effectivement par le conseil... recommandé par nous, c'est-à-dire, par l'association, sur le conseil. Parce qu'on comprend que le conseil va avoir de nombreux dossiers qui vont lui être dévolus, c'est-à-dire, entre autres, l'évaluation monétaire de documents patrimoniaux, l'évaluation de la valeur historique de documents, l'agrément des services d'archives, et j'en passe. Donc, on considère, même s'il y a un comité ad hoc pour la constitution de questions relatives à la Loi sur les archives... On comprend qu'encore là cette composition du comité n'est pas... On ne sait pas s'il y a quelqu'un du conseil d'administration, disons, du comité qui va siéger sur ce comité ad hoc là. Donc, on aimerait bien qu'il y ait un lien direct et toujours suivi de personnes qui suivent exactement l'intérêt des documents patrimoniaux, et on pense qu'un archiviste... et des archivistes... On sait que, par le passé, sur des comités ad hoc en relation avec la Loi sur les biens culturels, il y avait des archivistes, et donc on aimerait bien qu'elle soit maintenue, mais maintenue au sein du comité.

Donc, au niveau de la fixation de la valeur marchande d'un bien patrimonial, l'AAQ est sceptique sur le processus de fixation de la juste valeur marchande. En fait, le comité va recevoir la demande de la part d'un service d'archives ou d'une institution muséale, il va... il peut requérir tout renseignement ou tout document pertinent à sa demande, il va statuer sur la demande et fixer la valeur pour ensuite la communiquer au donateur, au demandeur ainsi qu'au ministre du Revenu, processus qui, pour chaque demande, doit se faire en quatre mois. Donc, on pense qu'il faudra nécessairement recourir à des experts reconnus en la matière. Il y a le Conseil national d'évaluation des archives canadien qui fait ça, et, imaginez-vous, au Québec, il n'y a que 10 spécialistes à peu près pour évaluer, faire de l'évaluation monétaire de documents d'archives, ce qui n'est pas beaucoup.

On se réjouit que... J'ai encore...

Le Président (M. Curzi): Vous avez quasi terminé. Il vous reste quelques secondes si vous voulez aller vers votre conclusion, s'il vous plaît.

M. Lévesque (Michel): O.K. Oui. On se réjouit que les municipalités aient effectivement un rôle dévolu de citation. Où on a quelques réticences ou quelques réserves, c'est sur, effectivement... eux autres aussi pourront imposer des plans de conservation. On imagine, encore là, que, s'ils sont bien définis, ça sera bien.

On a un peu de réserves sur les comités d'urbanisme parce que, souvent, on veut qu'ils aient aussi une préoccupation de documents patrimoniaux et non pas uniquement pour le patrimoine bâti, le patrimoine immatériel, donc qu'ils aient aussi une préoccupation... Souvent, ils n'ont pas toujours une préoccupation sur l'essence même, c'est-à-dire des documents patrimoniaux qui, en plus, même peuvent témoigner des documents du patrimoine bâti ou des documents du patrimoine immatériel.

On considère aussi qu'ils devraient avoir la possibilité de citer pas uniquement des biens qui leur appartiennent, donc de citer... Si la ville de Portneuf, par exemple, voudrait citer les archives de Plamondon, bien, qu'elle puisse le faire et non pas uniquement des archives ou des documents qui lui appartiennent. Ça va...

Le Président (M. Curzi): Merci, M. Lévesque. Ça complète... On a déjà légèrement débordé du temps, mais, pour vous permettre de répondre aux questions... Mme la ministre, je vous cède la parole tout de suite.

**(16 h 50)**

Mme St-Pierre: Merci. Merci, M. le Président. Alors, merci, vous abordez beaucoup, beaucoup de sujets dans votre présentation. Merci beaucoup. On va essayer de... Je vais essayer d'y aller quand même de façon assez... dans le même ordre que vous y êtes allés. Quand vous parlez de la question de l'accès aux... C'est comme si... En fait, il existe deux... Il va y avoir le registre, il y a le registre, puis il va y avoir le Répertoire du patrimoine culturel. Puis vos préoccupations, je pense, trouvent leur réponse dans le Répertoire du patrimoine culturel, qui est un répertoire qui va vraiment... qui comprend ou va comprendre à peu près tout ce qui se fait en termes de patrimoine au Québec, incluant les documents, incluant les archives.

Alors, ça vient de... Ici, j'ai les données, là: «Le répertoire est un important instrument de diffusion des connaissances.» Donc, il est très, très accessible au grand public, non seulement aux chercheurs, mais aussi au grand public. «Il permet la diffusion d'un ensemble d'informations relatives au patrimoine culturel. Il rassemble tous les biens protégés en vertu de la Loi sur les biens culturels, y compris les arrondissements et les biens protégés par les municipalités.»Donc, c'est vraiment très, très large. «On y trouve aussi des données venant d'inventaires comme, par exemple, l'inventaire des lieux de culte et celui de plaques commémoratives.»

Alors, j'ai l'impression que la réponse à votre préoccupation se trouve, à moins que je me trompe, dans le Répertoire du patrimoine culturel. Et on va verser là-dedans, et au fur et à mesure, des éléments.

M. Lévesque (Michel): Oui, bien, là, ça correspond...

Le Président (M. Curzi): Oui.

M. Lévesque (Michel): Oui ça conviendrait, effectivement. On aurait peut-être cru que celui-là n'existerait plus et serait remplacé par le registre.

Mme St-Pierre: Non.

M. Lévesque (Michel): Donc, il est... Il n'existe pas encore.

Mme St-Pierre: Oui. Il va être encore plus riche et plus important. Il va être...

M. Lévesque (Michel): Voilà. O.K.

Mme St-Pierre: Alors, c'est ça. Sur la question des budgets, je vais tout simplement signaler, rappeler pour les gens qui nous écoutent, parce que c'est quand même important, les chiffres: 2010-2011, le budget est de 990 305 $. C'est sûr qu'il y a plusieurs sociétés d'archives privées qui sont agréés, et les subventions vont... varient entre 23 000 $ et 56 000 $. Alors, c'est la fourchette. Je sais que vous avez... vous faites des représentations pour qu'il y ait évidemment plus d'argent, mais vous connaissez comme moi la situation, puis on doit évidemment être très rigoureux dans la gestion des deniers publics.

Est-ce que vous auriez des idées sur la manière ou la façon d'aller chercher plus d'argent sans aller piger dans les poches des contribuables? À quel endroit iriez-vous couper pour grossir le budget des archives privées? À quel endroit pourriez-vous aller chercher de l'argent que peut-être... qui dort quelque part puis que, nous, on ne voit pas?

M. Héon (Gilles): ...centres d'archives privées ont recours aux municipalités. Ils acceptent de gérer les archives municipales de l'endroit où ils sont situés, ce qui leur apporte un complément de financement, finalement. C'est la seule façon à date. Quelques centres d'archives ont fait -- comment dire? -- des sollicitations dans leurs régions. Je pense à Portneuf tout dernièrement où on a voulu... On a fait une campagne de promotion. On a reçu au-delà de 5 000 $ de la population. Alors, ce sont des voies possibles pour suppléer au montant de 30 000 $ qui est remis par BANQ généralement aux centres d'archives agréés.

L'an dernier, il y a eu un supplément de 2 000 $ ou 3 000 $ qui a été ajouté parce que, malheureusement, on a dû fermer deux centres d'archives, celui des Îles-de-la-Madeleine et celui de Lionel-Groulx, je crois. Alors, les budgets dévolus pour ces deux centres d'archives là ont été répartis dans la vingtaine d'autres centres existants.

Mme St-Pierre: Et les archives des Îles-de-la-Madeleine sont allées où?

M. Héon (Gilles): Je crois qu'elles sont restées aux Îles-de-la-Madeleine, gérées par la société d'histoire là-bas, et peut-être, au mieux, une partie aurait été apportée à Gaspé.

M. Beaudoin (Marc): Je pourrais compléter aussi que, vous savez... Bien, on parle de l'exemple du fonds d'archives Lionel-Groulx. Vous savez que, lorsque le débat a eu lieu là-dessus, bon, finalement, les Archives nationales ont récupéré le fonds d'archives, mais il n'en demeure pas moins que c'était le syndrome du sous-financement des centres d'archives. La fondation Lionel-Groulx a dû faire des choix drastiques de façon à maintenir sa vocation première, et c'est là le problème que vivent beaucoup de centres d'archives, beaucoup de petits milieux, qui vivent d'accords sur le milieu. Des ententes avec les municipalités, avec certaines entreprises peuvent aider le financement, mais ce n'est pas la seule source, et souvent ça n'assure même pas la pérennité du personnel compétent pour le faire. Il y a vraiment un problème.

Mme St-Pierre: Oui, oui. Je suis très sensible à vos préoccupations. D'ailleurs, lors de la tournée, il en avait été question, il y avait... Dans toutes les régions où je suis allée, on nous a parlé de ça. Mais vous ne répondez pas vraiment à ma question: Où on va chercher cet argent-là? À quel endroit? Est-ce qu'on demande aux contribuables de faire un effort supplémentaire? Est-ce qu'on demande à des compagnies de verser de l'argent si elles s'installent dans une région? Est-ce que vous voyez, dans le projet de loi, que le ministre se donne un pouvoir habilitant possible?

Et il faut que je sois très prudente quand je parle de ça parce que c'est des choses financières. Vous comprenez que, bon, c'est le ministère des Finances, et tout ça. Mais il y aurait une possibilité d'aller percevoir lors de, par exemple, l'émission de permis. Si on est dans la transformation, dans l'édifice patrimonial, et que le promoteur nécessite un permis puis qu'il veut aller... qu'il va aller aménager là des condos qui vont varier entre 650 000 $ puis 6 millions, 7 millions de dollars, bien, il y a peut-être moyen d'aller chercher de l'argent pour l'émission des permis qui serait transféré au Fonds du patrimoine culturel, et là on pourrait aller chercher des sources financières. Mais est-ce qu'on va aller couper en éducation, en santé? Comment? Comment vous... Si vous étiez à ma place, là, vous iriez chercher où?

M. Lévesque (Michel): Non, mais...

Le Président (M. Curzi): M. Lévesque, vous êtes à la place de la ministre, allez-y. On vous écoute.

M. Lévesque (Michel): Je vous comprends très bien. Les contribuables ont toujours... C'est une question de sensibilisation. Pour nous, archivistes, ces documents patrimoniaux là sont ce qui constitue la base et l'essence même de l'histoire du Québec.

Mme St-Pierre: Je comprends, je comprends très bien. En tout respect pour...

M. Lévesque (Michel): ...et de ce qu'ils sont et ce qu'ils devront... ce qu'ils deviendront.

L'association avait déjà émis des hypothèses au niveau, effectivement, des entreprises et des organismes. Je pense qu'il pourrait là y avoir... On avait émis deux hypothèses: le mécénat, aller chercher le mécénat, donc de grands mécènes qui pourraient contribuer effectivement à promouvoir des expositions ou, bon, en tout cas... ou ne serait-ce que des investissements pour la conservation comme telle des biens patrimoniaux, mais on avait pensé aussi aux compagnies, c'est-à-dire un effort plus grand, qu'ils investissent une certaine somme d'argent à la conservation effectivement du patrimoine. Parce que, qu'on prenne les entreprises comme le Cirque du Soleil, Cascades, etc., je pense -- je donne des exemples -- qu'ils pourraient contribuer effectivement dans un effort particulier à cela dans leur région respective, s'il en est. Mais on pense qu'il y aurait peut-être là une avenue possible pour aller chercher des sommes comme telles.

Votre idée effectivement est intéressante aussi, mais on comprend que, nous, on va faire des propositions, mais il peut y avoir des moyens législatifs qui vont presque imposer, à la limite, une obligation. Parce que, s'il n'y a pas d'obligation, bien, on revient au mécénat, mais le mécénat, c'est... il va investir où il veut investir et dans ce qu'il veut investir. On l'a vu avec M. Lassonde, du Musée national du Québec, bien, il a investi pour sauver le... voyons...

Une voix: ...

M. Lévesque (Michel): Non, non, les documents de Nelligan, le manuscrit de Nelligan, bon.

Une voix: Ses carnets.

M. Lévesque (Michel): Ses carnets. Donc, on voit bien, bon. Lui, il décide d'investir 45 000 $, rachète ça, effectivement. On pourrait se poser la question: Pourquoi? Ça aurait pu être aussi d'autres qui auraient fait la même chose, là. Ça fait que, donc, en ce sens-là, oui, il peut y avoir des efforts de fait, c'est des avenues possibles mais... On est prêts à en discuter, mais je n'ai pas de solution toute faite, là.

Mme St-Pierre: Alors, M. le Président, je pense que mes collègues brûlent d'envie de poser des questions. Alors, je vais laisser de l'espace. Merci beaucoup.

Le Président (M. Curzi): M. le député de Charlesbourg, c'est à vous, la parole.

M. Pigeon: Oui. Merci, M. le Président. Bonjour. Une première petite question: Quand est-ce que des archives, quelles qu'elles soient, deviennent des documents patrimoniaux? À quelle place qu'on tire la ligne? Je veux dire, on vit tous... À un certain âge, on vit tous un peu les mêmes choses: nos parents nous quittent et on obtient des documents, et ainsi de suite, et à partir de... On souhaite les archiver, il y a une certaine mémoire de choses anciennes, et tout ça. À partir de quand ça devient du patrimoine? Est-ce que toutes les archives, c'est du patrimoine?

**(17 heures)**

M. Lévesque (Michel): C'est intéressant, votre question, parce que nous sommes des spécialistes de l'évaluation des documents. Un document en soi peut naître et avoir déjà en soi une qualité historique. C'est sûr qu'il va servir à des fins purement administratives ou pour des fins personnelles. Votre baptistaire, bon, vos rapports d'impôt, c'est sûr qu'ils servent... Mais, par la suite, il y a une évaluation de la qualité historique de ces documents-là qui va se faire la plupart du temps après qu'ils aient servi à des fins, je dirais, administratives ou personnelles, là. Et, au bout d'un certain temps, on fait une évaluation. Mais, intrinsèquement parlant, le document va l'avoir, cette valeur historique. Et, cette évaluation-là, on la fait avec d'autres... avec des personnes et à partir de cette évaluation-là où on a déterminé que ces documents-là, oui, avaient un intérêt historique, c'est-à-dire, bon, c'est fondamental, c'est des textes fondamentaux pour l'histoire du Québec ou ça documente la vie sociale d'un quartier X, on va déterminer que certains documents, donc, deviennent historiques. Puis on dit bien «certains». En règle générale, on dit entre 5 % à 10 % de la masse documentaire totale qu'un individu ou qu'une entreprise va créer est considérée comme étant des documents historiques. Ce n'est pas beaucoup, là.

M. Pigeon: Mais, donc, si je comprends bien...

Une voix: ...

M. Pigeon: Non, mais la masse de documents qu'on produit, puis qui est un peu notre mémoire collective, là, je dirais, elle est appelée à augmenter sans cesse, et donc on va faire face, éventuellement, là... Puis, moi, je pense aussi aux documents privés, parce qu'on parle de trucs publics, les municipalités vont citer, etc., mais là vous êtes entrés dans le cas de M. Plamondon -- c'est privé, mais on pourrait le citer -- mais, en fait, il y a toutes sortes de gens dans le privé qui ont des tas de choses intéressantes. Alors, moi, je me demandais simplement, même si ce n'est pas une question strictement d'un point de vue physique, on s'arrête où. Je veux dire, la démarche qui est de considérer, comme vous dites, là, la documentation comme étant quelque chose d'important, et ainsi de suite, vous en faites l'évaluation, etc., les archivistes déterminent que ça a une valeur, mais, moi, il me semble que c'est quelque chose qui est appelé à augmenter beaucoup.

M. Lévesque (Michel): Oui et non. Oui, si on ne le gère pas, mais l'association, entre autres, a fait plusieurs publications, entre autres pour les organismes, les associations, etc., les archives personnelles, les archives d'entreprises, les archives de maisons d'édition, pour qu'ils puissent gérer cette masse documentaire là. Et, au bout d'un certain temps, on parle de durée de conservation, bien, au bout de ces durées de conservation là qui sont de deux, trois, quatre, cinq ans, dix ans, 20 ans, au bout de cette durée-là, quand elle se termine et que, donc, les documents auraient un intérêt historique, ils sont prélevés de cette masse-là, ils sont conservés, on espère toujours, dans des endroits très bien faits pour leur conservation, et c'est comme ça qu'on constitue ce qu'on appelle, nous, des fonds d'archives en bonne et due forme, qui ne contiennent donc que le strict minimum de documents historiques.

M. Pigeon: Et donc, si une personne...

Le Président (M. Curzi): Non, non, vous avez le temps.

M. Pigeon: Ça va, M. le Président?

Le Président (M. Curzi): M. le député de Lévis veut prendre la parole, mais c'est à vous, M. le député.

M. Pigeon: Non, mais ça ne sera pas très... Mais, si une personne, je dirais, là, âgée, décide de trier sa documentation, j'imagine que, sur votre site Web, il y a des indications. Les brochures dont vous parlez ou les éléments d'information sont retraçables assez facilement.

M. Lévesque (Michel): Tout à fait, tout à fait.

M. Pigeon: Bon. Et dernière chose, puis je laisse la place à d'autres après, moi, ce qui me fascine un peu, c'est la question des archives électroniques avec toutes les questions technologiques où la machinerie change sans cesse, là. Comment entrevoyez-vous l'avenir? Comment on va faire, dans 50 ans, dans 100 ans, dans 200 ans, pour garder des documents électroniques quand on n'aura plus Windows XP ou je ne sais trop, là. Mais il me semble qu'il y a là une problématique assez fascinante sur laquelle des gens comme vous doivent se pencher?

M. Lévesque (Michel): Effectivement, on s'y penche très fortement. Et d'ailleurs des solutions sont en train d'émerger, justement, pour la conservation du patrimoine électronique. C'est évident qu'on ne peut pas penser conserver certaines archives natives, de la façon dont elles ont été créées, avec WordPerfect, avec Excel, etc. Il y a de plus en plus des formats un peu plus standardisés ou qui respectent des normes ISO qui vont nous permettre donc de conserver particulièrement des documents patrimoniaux, donc des documents historiques, d'une très bonne façon. Là, je parle de format. Et les façons de conserver, les supports de conservation, là, encore là, on délaisse un peu présentement les supports comme étant les CD et les DVD pour conserver, finalement, des archives historiques sur des disques rigides ou des rubans magnétiques.

Ce qui n'empêchera pas des migrations, parce que la technologie continuera d'évoluer, les standards vont continuer à évoluer, mais au moins émergent présentement des formats, entres autres un format qui s'appelle PDF/A, pour archives, qui vont nous permettre, donc, d'être beaucoup plus rassurés et même légalement rassurés sur l'image qui sera conservée dans ces formats-là. Si on n'arrivait pas à ça, là on aurait un sérieux problème. Parce que, là, on ne peut pas conserver les applications, une certaine technologie qui permettait de lire ces documents-là.

Mais on comprend qu'il y a une évolution, et ce sera toujours des documents numériques, on comprend qu'on aura toujours besoin d'une machine, mais, si le format est lisible par n'importe quelle technologie, bien là ça devient plus intéressant. Et on s'y penche. C'est un défi, un véritable défi.

Le Président (M. Curzi): Oui, M. le député de Lévis, il vous reste environ...

M. Pigeon: Je termine, je termine là-dessus, M. le Président.

Le Président (M. Curzi): Ah! Vous terminez.

M. Pigeon: Oui, oui, je trouve ça intéressant, c'est un défi. Mais par contre ça pourrait aussi permettre éventuellement de régler le problème de la masse de documents parce que, là, évidemment...

M. Lévesque (Michel): Exact. Ce qu'on avait sur le papier, on l'a aussi en électronique, là. Et, d'autant plus qu'on est capables de multiplier de façon beaucoup plus facile le nombre de documents qu'on conserve, là.

M. Pigeon: Merci.

Le Président (M. Curzi): M. le député de Lévis, il vous reste environ cinq minutes.

M. Lehouillier: Ah! O.K. Alors donc, sur l'article 27 du projet de loi, là, qui permet à un conseil municipal de citer, en tout ou en partie, un bien patrimonial situé sur son territoire, vous dites dans votre mémoire que vous êtes un peu déçus que cette citation-là est limitée aux seuls documents ou objets dont la municipalité est propriétaire et là vous parlez des documents patrimoniaux qui appartiennent à des organismes, ou à des entreprises privées, ou encore à des individus. Le problème, c'est qu'à partir du moment où une municipalité cite ces éléments-là... Moi, j'ai fait un peu de politique municipale pendant plusieurs années et je doute que, si, par exemple, une personne a une collection ou, peu importe, puis qu'elle déménage de ville... La ville n'a aucun pouvoir là-dessus, elle ne peut pas citer quelque chose qui est mobile.

Parce que les objets mobiliers comme ça, ils sont mobiles par définition. C'est pour ça que la loi va dans le sens de ce qui peut être permis aux municipalités. Par contre, je pense qu'au niveau des grandes collections le ministre a certains pouvoirs là-dessus, alors est-ce que ça, ça peut vous satisfaire? Parce que je me pose la question: Pourquoi vous amenez ça puisque, légalement, ce n'est pas possible pour une municipalité de le faire? Ma question est là.

M. Lévesque (Michel): On n'avait peut-être pas entrevu ce volet.

Le Président (M. Curzi): M. Lévesque.

M. Lévesque (Michel): Merci. Par contre, bon, sans aller peut-être... Je donnerais peut-être l'hypothèse qu'elle pourrait aider la municipalité, un organisme ou un individu à faire une démarche de citation au moins, parce qu'il pourrait y avoir une certaine expérience qui pourrait donc être mise à profit. On n'avait pas évalué ça, hein, n'est-ce pas, mes collègues? Il faudrait y réfléchir, là.

M. Beaudoin (Marc): Mais, moi, j'ajouterais quelque chose quand même. Je ferais presque du millage avec ce que vous venez de parler et ce que la ministre posait comme question tantôt en ce qui concerne le financement. C'est qu'une municipalité... Je comprends très bien, là, la logique, là. Bon, d'accord. Mais techniquement la municipalité pourrait quand même encourager une entreprise qui est sur son territoire.

Je pense à la... Je me souviens très bien qu'à la ville de Québec, entre autres, le service d'archives avait identifié l'ensemble des entreprises qui étaient sur son territoire et celles qui avaient une valeur... de par leur ancienneté, pouvaient avoir une valeur intéressante en termes de d'archives, de conservation de leurs archives, dans l'optique éventuellement de pouvoir récupérer des fonds d'archives si jamais l'entreprise disparaissait. Donc, ça pourrait se faire dans ce contexte-là et, en même temps, bien, ça pourrait devenir une des manières de financer les centres d'archives en région.

M. Lévesque (Michel): Je peux comprendre...

Le Président (M. Curzi): ...

M. Lévesque (Michel): Excusez, M. le Président, on n'est pas habitués.

Le Président (M. Curzi): Non, non, c'est juste pour...

**(17 h 10)**

M. Lévesque (Michel): Je peux comprendre qu'effectivement il y ait des personnes qui pourraient décider de leur vivant de s'en aller, mais on a vu, à Trois-Rivières entre autres, des compagnies fermer et leurs archives importantes... Prenons leurs grands livres financiers, c'étaient des compagnies de textile qui sont fort importantes pour la région, bien, ils se sont retrouvés dans un container à déchets. C'est l'archiviste, finalement, des Archives nationales qui est allé récupérer ces archives-là. Si elles avaient été citées, à la limite, ou identifiées, ça aurait été beaucoup plus difficile de les mettre dans le container à déchets.

Et on comprend que les villes aussi ont un atout important. Elles ont des services -- bien, les grandes villes, du moins -- d'archives. Elles ont des spécialistes, qui sont membres de l'association, qui peuvent très bien aider les individus dans leurs communautés à faire ces exercices d'évaluation, finalement. Et j'espère qu'ils vont aussi contribuer au plan de conservation qui pourrait être imposé, comme on disait, comme tel, là. Ça fait que, donc, je comprends votre... dans le cas où c'est volatile ou certains pourraient se retirer, mais, par mesure de protection, la ville peut faire beaucoup ici, là.

Le Président (M. Curzi): La dernière minute. Si vous avez une très brève...

M. Lehouillier: Bien, moi, c'était au sujet des pouvoirs du Conseil du patrimoine culturel. Vous semblez douter que le conseil puisse assumer, là, certaines responsabilités. Et donc, lorsqu'un bien patrimonial autre qu'un bien décrit au... est acquis par un musée, là, alors donc... Mais cette responsabilité-là, elle appartient déjà à la Commission des biens culturels. Est-ce que ça cause problème actuellement? Parce qu'il n'y a pas nécessairement ce que vous demandez au niveau de la Commission des biens culturels. Puis pourtant, depuis 1997, ils ont l'air à opérer avec ça, puis je n'en ai jamais entendu parler, là, comme quoi ça causait problème. Alors, je vous pose juste la question à titre de curiosité.

Le Président (M. Curzi): Est-ce que vous voulez... Je ne sais pas si cette question intéresse l'opposition. Ce serait une bonne... Parce que...

Une voix: ...

Le Président (M. Curzi): Allez-y.

M. Lévesque (Michel): On ne remet pas en cause la constitution de... et son rôle important. Ce que, nous, on veut insister davantage, c'est que, je pense, sur la Commission des biens culturels présentement, il y a un archiviste, d'office, qui y siège. Et c'est ça qu'on veut s'assurer. C'est que la question... Parce que ça touche les documents patrimoniaux et ça peut toucher aussi des documents qui ne sont pas forcément patrimoniaux, mais qui documentent les autres patrimoines. Bien, qu'il y ait cette préoccupation fondamentale qui soit prise en compte au comité comme tel, c'est ça qu'on veut s'assurer.

Ça l'était. C'est sûr qu'aussi il peut y avoir un comité ad hoc qui discute de questions. Mais, encore là, on veut que ça, ça soit... qu'il y ait un arrimage entre le comité et le comité ad hoc. Vous allez me dire: C'est évident. Mais on veut que ça soit, oui, très évident.

Le Président (M. Curzi): Merci. Je vais passer la parole à l'opposition. M. le député de Drummond.

M. Blanchet: Bien le bonjour, messieurs. Rassurez-vous de ne pas avoir attendu l'autorisation du président: nous sommes supposés être habitués et, des fois, on se fait un point d'honneur de ne pas attendre. Alors, ce n'est pas si grave, M. le Président.

Le Président (M. Curzi): ...attendre. C'est juste que c'est pour faciliter l'identification de qui parle, tout simplement. Mais je n'ai pas de...

M. Blanchet: Plus sérieusement, est-ce que cette loi -- et le sujet de la numérisation a occupé un certain espace dans l'actualité -- a les moyens de ses ambitions sans prévoir d'emblée des ressources significatives en termes de numérisation?

M. Lévesque (Michel): C'est toute une question que vous nous posez.

M. Blanchet: J'ai une petite idée de la réponse...

M. Lévesque (Michel): Je sais.

M. Blanchet: ...mais j'aime mieux que ce soit vous qui la disiez.

M. Lévesque (Michel): En préambule, je dirais que oui, c'est une importante loi. Oui, c'est une importante loi, parce qu'elle fixe quand même une base. Est-ce qu'elle a les moyens de ses ambitions? Je dirais: En partie. Je pense qu'elle devra être accompagnée effectivement d'éléments, de règlements et de directives fortes, et peut-être, comme on le disait tantôt, de développer des moyens d'aller chercher des contributions purement financières pour aider. Mais on croit quand même à l'importance d'une telle loi, là.

M. Blanchet: Personne ne conteste l'importance de la loi. C'est même un exercice qu'on peut faire en n'étant pas nécessairement d'accord à un certain nombre d'égards. Mais tout le monde souhaite que cette loi aboutisse. Cela dit, un peu dans le même esprit, parce que j'écoutais l'échange: Est-ce qu'une loi qui va appeler à différents égards le déploiement de ressources, carrément des dépenses, ne devrait pas d'emblée, dans sa facture et dans sa rédaction même, prévoir comment l'exercice sera financé? Quand vous lisez la loi, est-ce que vous ne vous dites pas -- parce que, moi, je me le dis, surtout lorsque j'écoute les interventions: Où est-ce qu'ils vont prendre l'argent pour faire ça? Ou est-ce qu'ils l'ont prévu? Ou est-ce qu'ils ne devraient pas l'avoir d'emblée prévu? Parce que, sans la ressource, ça n'arrivera pas, ce qui est écrit là.

Le Président (M. Curzi): Messieurs, madame, peut-être...

M. Lévesque (Michel): Moi, je pense qu'une loi peut déboucher sur des programmes pour lesquels il y aura effectivement création de budgets conséquents. Peut-être qu'ils ne feront pas nécessairement toujours l'unanimité en termes de montants, mais au moins ça pourrait déboucher sur... ou l'amélioration de programmes existants. Donc, une telle loi, présentement, pour certains programmes, pourrait améliorer ou bonifier ces programmes-là. Pourquoi pas? Est-ce qu'on peut toujours tout prévoir? Moi, je pense qu'il y a nécessairement un budget de prévu pour l'administration de cette loi-là. Est-ce qu'il est suffisant? Je ne peux pas vous répondre, mais, moi, je pense que ça continue une action qui était déjà là. Je pense que ça la renforcit, ça donne des responsabilités à certains autres intervenants qui devront aussi se préoccuper et investir -- je pense aux municipalités -- et en ce sens-là -- et là il y a peut-être la recherche d'autres intervenants qui pourraient aussi contribuer -- si tous ces gens-là mettent à profit cela, et même les institutions, organismes qui représentent les différentes sortes de patrimoines, par d'autres avenues aussi, de commandites, de ci, de ça, injecter des fonds nécessaires à l'application de ça, bien, moi, je pense que ça peut fonctionner. Je suis optimiste.

M. Blanchet: J'ai grand mal à imaginer qu'une loi puisse se rendre tributaire d'un exercice de mécénat ou de commandite pour pouvoir devenir applicable. Et on verra aux crédits, mais un des problèmes que je vois, c'est qu'on vient de recevoir un budget qui ne prévoit absolument rien des importantes ressources que cette même loi déjà déposée va appeler. Donc, c'est un enjeu considérable.

Le dépôt, la captation. Je m'en vais sur le patrimoine immatériel parce qu'il y en aurait pas mal, de questions. Le patrimoine immatériel peut subsister par son exécution parce qu'on le transmet de façon active et il peut subsister parce qu'on le capte, parce qu'on le dépose sur un support, qui prend la forme, de plus en plus, de disques durs, et ça pourrait devenir autre chose. Ça devient forcément, à ce moment-là, des documents au sens large de «documents». Pouvez-vous nous aider à identifier -- parce que je pense que ça n'a pas été fait -- qu'est-ce que ça prend comme ressources, tu sais, pour faire cet exercice-là... on en a parlé en termes plus ethnologiques, mais pour faire l'exercice d'aller observer les éléments du patrimoine immatériel et, une fois que, techniquement, on les a transposés sur un support... Bref, le mécanisme, la ressource pour la répertoriation et l'entreposage, c'est un mécanisme qui est votre spécialité. Pouvez-vous me donner une idée de ce que ça demande comme ressources, comme exercice?

**(17 h 20)**

M. Lévesque (Michel): Ça demande principalement des archivistes. Ça dépend où on est. On pourrait vous donner un exemple. Il faudrait faire l'étude présentement... Prenons le patrimoine bâti, ce qu'ils prennent comme photos, ce qu'ils prennent en vidéo, l'entreposage qu'ils en font, comment il est fait? Je ne sais pas. L'archiviste pourrait leur dire: Bien, voilà, là, par rapport à ce que vous avez pris comme images, vidéo, à ce que vous avez transcrit, la façon électronique, vous en faites quoi? Nos guides, dont on parlait tantôt, pourraient les amener à mieux gérer ça pour faire en sorte que, même au bout d'un certain temps, ils ne conservent que ce qui est important par rapport à ça. C'est un peu les poupées russes, là, tu sais, qui s'imbriquent les unes dans les autres, et ça prend des archivistes.

Ça dépend. Un centre d'archives privées agréé va pouvoir avoir à sa disposition deux, trois, quatre archivistes, dépendamment des budgets qu'il aura, pour faire ses inventaires et déterminer ses plans de conservation, puis, après ça, procéder à la gestion de ça, on comprend, mais ça peut être aussi un regroupement. Plusieurs municipalités pourraient se regrouper ensemble, ou plusieurs personnes, dans un milieu x, ou trois ou quatre compagnies, et demander, engager un archiviste contractuel qui, à chaque année, va découper, s'il y a quatre ou cinq entreprises, puis il va aller faire la gestion. On le voit de plus en plus, dans certaines municipalités qui n'ont pas les moyens d'avoir un archiviste, ils engagent donc ce qu'on appelle, nous, des archivistes volants et qui vont faire cette gestion, et qui vont s'assurer, à chaque année, de pouvoir maintenir un fonds d'archives historiques, en plus, très bien constitué parce que les municipalités, elles, vont investir par la suite pour payer un équipement. Là, je parle d'équipement, des locaux, des moyens de diffusion finalement pour promouvoir tout ça. Je ne sais pas si ça répond à votre question.

M. Blanchet: Ça répond à ma question puis ça m'amène à une autre question. Vous dites: Ça va prendre des archivistes. J'assume que les archivistes qui sont déjà en emploi sont des gens occupés. Donc, on s'entend que ça va prendre d'autres archivistes, donc ça va prendre les salaires d'autres archivistes, donc ça va prendre des ressources. En termes de ressources financières, il y aura débat à savoir si les municipalités l'ont ou ne l'ont pas; elles, elles disent que non.

En termes, justement -- et ça, c'est une piste où je souhaite que nous allions -- municipalité par municipalité, il est peu probable que chacune ait accès à une expertise archivistique localement. Sur une base régionale, je me plais à croire que, oui, la compétence qui devra s'assujettir davantage de gens, parce que l'appel, ne serait-ce que du patrimoine immatériel, est très considérable... On va avoir besoin de davantage de gens. Mais est-ce qu'à peu près chaque région du Québec peut retrouver, à l'intérieur, sur son territoire, des expertises de base au niveau archivistique pour être capable d'assumer éventuellement ce mandat-là, si elles en ont les ressources?

M. Lévesque (Michel): Présentement, je répondrais: En partie, parce que certains archivistes, comme nous qui aimons, qui adorons notre métier, font du bénévolat, vont donc aller aider.

Mais ça m'amène sur une autre piste de solution. Exemple, on connaît une petite entreprise. C'est des finissants de l'université qui ont parti leur propre compagnie, et c'est eux qui desservent certaines municipalités comme telles. Il serait très intéressant comme avenue, via le ministère, je ne sais pas, moi, de l'Industrie -- il ne faut pas que je me trompe de ministère -- en tout cas, de l'Innovation, etc., qui pourrait développer des programmes pour aider des entreprises de gestion de documents patrimoniaux à s'établir, à fonctionner en région, de jeunes PME autrement dit... et donc d'avoir des moyens pour ce faire comme tel. Ça, ça pourrait donc être une solution aussi pour doter certaines régions de telles...

Parce que des finissants à l'université, formés en archivistique, il y a trois universités qui forment: l'Université Laval, l'Université de Montréal et l'UQAM. J'enseignais, moi. Si j'avais enseigné... je donnais mon cours sur l'évaluation des archives présentement, j'aurais 100 étudiants. Ça fait qu'il y a une matière, il y a... Des ressources humaines, il y en a. C'est sûr que l'association pourrait aussi travailler dans ce sens-là, de favoriser des jeunes et de partir des compagnies comme ça.

Mais, s'ils avaient des incitatifs, effectivement, ou, en tout cas, ils pourraient s'inscrire dans des programmes -- il faudrait le vérifier -- tant mieux. Ça permettrait aussi, ça, d'assurer la permanence, ne serait-ce qu'au niveau des documents patrimoniaux. Parce que c'est sûr que ça prend des personnes pour le faire.

M. Blanchet: Bien, moi, je conclurai mes questions à moi en vous disant qu'effectivement la loi doit avoir les moyens de ses ambitions et que ces moyens-là doivent être prévus avant même qu'on ait la prétention d'adopter une loi qui ne serait pas, compte tenu des ressources, tel qu'on en connaît la prévision, applicables, compte tenu de ce qui a été mis à sa disposition. Je crois que mes collègues ont des questions.

Le Président (M. Curzi): Oui. M. le député de Sainte-Marie--Saint-Jacques.

M. Lemay: Oui. Je pensais qu'il y en avait avant moi, c'est pour ça que je n'étais pas prêt.

Merci, M. le Président. Madame, messieurs. On entend beaucoup parler, depuis les débuts des travaux de cette commission, d'un registre d'édifices, parce que généralement, quand on parle de patrimoine, hein, ce qui vient à l'esprit des gens, c'est les édifices, ce qui est le plus simple, encore que ce n'est pas simple, là. Mais on oublie très souvent que les historiens, les ethnologues, les sociologues... Bref, le travail que vous faites va servir dans 20 ans, 50 ans, et ça prend une vision à très, très long terme pour se donner un plan d'action en terme d'archives, et, comme disait notre collège, avec tout ce qui se passe actuellement comme messages électroniques, disons que les défis sont assez grands.

Donc, j'aimerais que vous nous disiez... Plusieurs ont dit qu'en terme de patrimoine physique, disons matériel, qu'on peut voir -- et là on va réfléchir également au paysage -- il manque à l'heure actuelle une espèce, passez-moi l'expression, de recensement. On a, bien sûr, ce qui est classé, on a, bien sûr, ce qui est aussi cité dans les villes, mais en termes d'archives avez-vous une idée générale de ce qu'on a ou peut-être de ce qu'on n'a pas? Le travail, en fait, qu'on a à faire pour se donner une bonne idée de ce qu'il y a de fait, avez-vous une idée de ça?

M. Héon (Gilles): La Loi sur les biens culturels prévoyait la réalisation d'un inventaire national des biens. Et, dans le domaine...

M. Lemay: ...archives.

M. Héon (Gilles): D'archives et autres.

M. Lemay: Et autres, bon.

M. Héon (Gilles): Et les biens susceptibles d'être reconnus et classés, ce qu'on ne voit pas dans cette loi-ci. Et, à l'époque, les Archives nationales du Québec avaient mis sur pied un service de l'inventaire national des archives qui a donc fonctionné de 1983 à 1992 et qui avait identifié au-delà de 12 000 fonds d'archives susceptibles d'être reconnus et classés, hein? Mais ce programme-là a été coupé au début des années quatre-vingt-dix, de sorte que, depuis, je ne crois pas, à ma connaissance, qu'il existe d'inventaire formel, là.

M. Lemay: Donc, M. le Président, nous aurions à l'heure actuelle une analyse de 12 000... Parce que ça, évidemment, on ne l'a pas perdu, là?

M. Héon (Gilles): Absolument pas.

M. Lemay: Mais on a, disons, une première analyse, là.

M. Héon (Gilles): On a une base, si vous voulez.

M. Lemay: On a une base de travail...

M. Héon (Gilles): Oui, oui.

M. Lemay: ...sur laquelle on pourrait s'appuyer pour relancer, disons, le projet. Je ne sais pas si Mme la ministre... Je ne sais qui pourrait nous donner des informations. Ça me semble très intéressant. Parce que, si on a déjà une base, M. le Président, ça me semble... Dans la poursuite des travaux que nous allons avoir article par article, ça me serait...

M. Héon (Gilles): Dans l'article 8 du projet de loi, là, hein, on dit: «Le ministre contribue à la connaissance du patrimoine culturel notamment par la réalisation d'inventaires...» Et, nous, nous nous demandions s'il s'agissait seulement de l'inventaire des biens classés, mais des biens susceptibles d'être classés.

M. Lemay: Disons qu'on... La prochaine étape du projet de loi, c'est l'étude article par article. Et nous aurons certainement, pour le bonheur de Mme la ministre, mille et une questions, mille et un commentaires à faire, dont justement cet article-là qui est un peu le coeur de ce projet de loi. Parce que le ministre -- la ministre -- sera responsable mais, bon, est-ce qu'elle aura les moyens? Bon. Et on a une base. Alors, je ne le sais pas, M. le Président, est-ce que je fais une demande formelle? Je ne le sais pas. Il me semble que oui. Mais, en tout cas, avoir du ministère quelque chose, pas un document de 100 pages, là, mais quelque chose d'assez simple qui nous décrirait un peu ce dont monsieur vient de nous parler. Il me semble qu'on partirait au moins sur cette base-là. Alors, je fais la demande officielle à la commission.

Le Président (M. Curzi): Écoutez. Donc, une demande d'une annexe qui décrirait un petit peu ce qui serait susceptible d'être archivé. C'est ça? C'est ce que je comprends. Bien, je pense que c'est bien reçu du côté ministériel. Donc, c'est un document qui pourrait nous servir. Est-ce que vous avez une réponse à apporter à cette non-question?

M. Lévesque (Michel): Peut-être un commentaire.

Le Président (M. Curzi): Ce n'était pas vraiment une question. Mais il y a... Non. Sans blague.

M. Lévesque (Michel): Mais peut-être juste un commentaire...

**(17 h 30)**

M. Lemay: ...c'était une question. Je crois. Oui.

M. Lévesque (Michel): Par ailleurs, M. le député, il faut préciser que les bibliothèques et archives nationales conservent des fonds d'archives qui... Et peut-être certains auraient intérêt à être classés, mais ils ne feront pas nécessairement une demande de classement, là. Parce qu'ils sont déjà effectivement conservés dans de très bonnes conditions, etc., On comprend. Et cette nuance-là est quand même importante, là. Ça pourrait venir relativiser l'ensemble des fonds d'archives ou certains documents qui pourraient avoir un statut de classement, là.

Le Président (M. Curzi): Oui. M. le député.

M. Lemay: Oui. On a appris, il y a quelques semaines, quelques mois, qu'il y a des archives de l'histoire du Québec qui sont manquantes, qui ont été pillées, qui ont été volées au début du siècle dernier, qui regardaient, je crois, d'Iberville, bref, des choses probablement sans intérêt, hein?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lemay: Mais des trésors, ni plus ni moins. On s'entend que le pillage d'archives est probablement aussi vieux que les archives ou les oeuvres d'art elles-mêmes, là, mais avez-vous une idée un peu... Je sais que ma... Ça va être une question, M. le Président, là, j'en suis convaincu.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Curzi): ...M. le député.

M. Lemay: Avez-vous une idée de ce qui aurait été pillé ou ce qui serait... avoir une idée de ce qui est manquant? Je ne parle pas d'avoir une idée de ce qu'on n'a pas, mais de ce qu'on sait qu'on avait, qu'on a eu et qu'on n'a plus aujourd'hui? Point d'interrogation.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lemay: Merci. Avez-vous une petite idée?

M. Lévesque (Michel): C'est impossible. Je ne pense pas qu'on ait... Il n'y a pas d'inventaire de ce qui a été pillé. D'ailleurs, certaines personnes n'iront pas crier sur les toits qu'ils ont été pillés, là. Vous comprenez que d'établir un tel inventaire...

Il faut relativiser aussi les choses, là: il y a des documents importants, il y a des documents moins importants. Il y a certains voleurs qui pensent que, parce que c'est marqué «1898», ça devient important, là. Ce n'est pas forcément comme, pour répondre... Ce n'est pas forcément historique, là, on comprend?

Mais, par contre, oui, c'est vrai qu'on constate qu'il y a eu des pertes de documents, mais il y en a... il peut encore y en avoir, des pertes de documents, il peut encore y avoir, même dans des maisons d'encan, des pertes de documents. La France intervient beaucoup plus de façon coercitive pour récupérer des documents considérés comme des documents quasiment d'État qu'on peut le faire. Ça fait que, donc, en ce sens, que ce soit à la face du monde ou caché, oui, il y a des... Mais est-ce qu'il y a un inventaire? Non, je ne crois pas. Et c'est... Bon.

M. Lemay: Mais il y a le moyen -- et je termine là-dessus, M. le Président -- par exemple dans ce projet de loi -- peut-être que c'est indiqué, là -- d'être peut-être un petit peu plus énergiques. Quand on découvre qu'il y a des archives nationales qui se retrouvent chez Sotheby's ou ailleurs, à des ventes aux encans, il y aurait peut-être moyen d'adapter une stratégie plus énergique que celle que nous avons depuis plusieurs années, j'imagine?

M. Lévesque (Michel): Mais l'article 73, je crois, Mme la ministre, s'est donné effectivement un droit... c'est-à-dire, un devoir d'action par rapport à cela. Le droit de préemption, comme on disait, pourrait aller plus loin, là, mais, en ce sens, je pense qu'il y a des avancées.

Le Président (M. Curzi): Merci de vos questions, M. le député. Il vous reste deux minutes, M. le député de Drummond.

M. Blanchet: Rapidement. Quand vous parlez «de manière coercitive», davantage coercitive, à l'exemple de la France, c'est seulement à l'intérieur, sur son territoire, ou les mesures qu'ils prennent lorsque c'est à l'étranger sont plus «hmm»?

M. Lévesque (Michel): C'est beaucoup plus sur son territoire.

M. Blanchet: O.K. Et autre question, et sans rentrer dans les détails ici, je fais l'exercice d'essayer de trouver, sinon la manière... Si vous deviez essayer d'élaborer une liste de ça malgré tous les obstacles, vous commenceriez pas quel bout? Parce que je vous confirme que c'est extrêmement difficile. Parce qu'on appelle les institutions aux États-Unis puis à Montréal, partout, puis c'est une game de badminton avec pas mal de filets puis beaucoup de moineaux, hein? Ça revole partout, puis pas grand monde qui nous met sur la piste. Par quel bout vous poigneriez ça? Parce que c'est important au moins d'essayer, de prendre la responsabilité d'essayer d'identifier ce qu'on n'a plus qu'on devrait avoir.

M. Beaudoin (Marc): Je vous ferais remarquer que, surtout en Amérique du Nord, nos fonds, la majorité de nos fonds d'archives qu'on qualifierait d'historiques -- je parle de la période, dans notre cas, du régime français et de la première moitié du XIXe siècle -- ce sont des fonds d'archives qui ont été constitués de copies qu'on allait prendre, qu'on allait faire... constitués en Europe dans les centres... dans les dépôts d'archives des anciens ministères des colonies, O.K.? Donc, déjà en partant, nos fonds d'archives ici, ce qui a constitué notre mémoire collective est parti de choses d'époque copiées. Ce qui nous restait...

M. Blanchet: Copiées manuscrites.

M. Beaudoin (Marc): Copiées manuscrites.

M. Blanchet: Pas Xerox, là.

M. Beaudoin (Marc): O.K. Donc, on recopiait...

M. Blanchet: Ça n'a pas la même valeur historique.

M. Beaudoin (Marc): Plus, évidemment, il y a des choses qui étaient restées sur place, à la conquête, bon, des archives notariales, etc., qui sont restées sur place, qui ont été gérées comme telles. Mais techniquement, faire... Déjà, il faut avoir un portrait complet d'une situation pour pouvoir identifier les manques. Et les manques ne sont pas nécessairement des documents perdus, mais c'est tout simplement pas des documents trouvés. Donc, la dynamique est très...

Le Président (M. Curzi): C'est extrêmement passionnant. Malheureusement, on est rendus au bout de notre... Désolé de vous interrompre à ce moment-là. Malheureusement, c'est tout le temps dont on dispose. Merci infiniment. Merci.

(Suspension de la séance à 17 h 36)

 

(Reprise à 17 h 37)

Le Président (M. Curzi): Merci infiniment. Je vais... Merci infiniment. Nous allons continuer, s'il vous plaît.

Des voix: ...

Le Président (M. Curzi): Messieurs dames, à l'ordre, s'il vous plaît!

Des voix: ...

Le Président (M. Curzi): À l'ordre! Aucune influence. Archivez vos conversations, s'il vous plaît.

Des voix: ...

Le Président (M. Curzi): Voilà. Merci beaucoup. Comme le temps nous presse, nous allons inviter le troisième groupe à prendre place.

Alors, j'invite le Conseil québécois du patrimoine vivant à s'attabler, se présenter et nous faire leur présentation pour qu'ils puissent disposer d'un temps égal à ceux qui sont déjà passés. Bonjour, messieurs.

Conseil québécois du
patrimoine vivant (CQPV)

M. Legault (Normand): Alors, je me présente: je suis Normand Legault, président du Conseil québécois du patrimoine vivant, et je suis accompagné aujourd'hui de Raynald Ouellet, à l'extrême droite, trésorier, ainsi que d'Antoine Gauthier, qui est directeur au conseil québécois.

Alors, M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les membres de la commission, je vous remercie d'avoir convoqué le Conseil québécois du patrimoine vivant à cette séance. Le projet de loi sur le patrimoine culturel interpelle au plus haut point le CQPV en sa qualité de regroupement national des forces vives en patrimoine culturel et matériel. En effet, le conseil québécois rassemble plus de 50 associations un peu partout au Québec dans le domaine des pratiques culturelles traditionnelles qui touchent elles-mêmes des dizaines de milliers de membres actifs. J'en profite pour mentionner la présence, dans la salle, de représentants de quelques-uns de ces organismes. Je les salue et salue également le travail soutenu qu'ils font dans leur région pour promouvoir, transmettre le patrimoine immatériel des Québécois au quotidien.

**(17 h 40)**

Le Conseil québécois du patrimoine vivant se réjouit de l'inclusion du patrimoine immatériel dans un instrument législatif comme la future loi sur le patrimoine culturel. Il y a déjà plus de 30 ans que le milieu associatif des arts et des savoir-faire traditionnels ainsi que de la recherche ethnologique se mobilise pour réclamer davantage de reconnaissance par une loi, par une politique et surtout par des programmes de soutien aux actions culturelles qui concernent des pratiques transmises de génération en génération.

L'initiative du projet de loi n° 82 est donc encouragée pleinement par le CQPV et constitue un bon premier pas vers un soutien accru à la pratique, à la diffusion et à la transmission des éléments qui constituent le patrimoine immatériel des Québécois et qui appartiennent à tous en droit.

Le projet de loi sur le patrimoine culturel prend en considération le devoir de développement et de sauvegarde d'éléments du patrimoine immatériel: danses, chansons, musiques, contes et pratiques artisanales traditionnels, langues amérindiennes, fêtes anciennes populaires toujours célébrées, activités ludiques traditionnelles, savoirs ancestraux sur les herbes médicinales, pour ne nommer que celles-là. Toutes ces pratiques méritent en effet d'être retransmises aux générations futures comme autant de richesses économiques et identitaires qui logent à l'enseigne de la diversité culturelle nationale et mondiale.

Je cède maintenant la parole au directeur général du conseil québécois, M. Antoine Gauthier, qui va vous expliciter les grandes lignes de la vision du conseil par rapport au projet de loi sur le patrimoine immatériel.

M. Gauthier (Antoine): En tant que regroupement national en patrimoine immatériel, le CQPV a analysé le projet de loi n° 82 pour en faire ressortir les forces et les faiblesses en vue de conseiller le législateur vers d'éventuelles modifications au texte de loi. Le résultat de cette analyse se retrouve dans le mémoire que vous avez en main. Voici maintenant un succinct résumé de celui-ci.

D'abord, on remarque au paragraphe 5° de l'article 78 du projet de loi que ce projet-là ne prévoit d'octroi d'aide financière aux éléments du patrimoine immatériel que pour leurs connaissances, donc, si on comprend bien, pour la recherche, la documentation ou les inventaires. Rien n'est prévu, par exemple, comme soutien pour la transmission, qui est pourtant au coeur même de l'idée du patrimoine immatériel. C'est la transmission qui permet qu'il y ait de la musique traditionnelle, qui rend possible des soirées de danse traditionnelle dans les maisons, les festivals ou les salles de danse. C'est grâce à la transmission qu'il y aura des histoires de chasse-galerie ou de Corriveau dans l'imaginaire des Québécois du futur, qu'il y aura encore des canots d'écorce ou des ceintures fléchées de confectionnés.

Les choix par le Québec en matière de culture et d'éducation n'ont, à ce jour, pas permis un développement véritablement durable du patrimoine vivant. À titre d'exemple, il est actuellement possible au Québec d'étudier 20 ans en musique, soit du primaire au conservatoire, sans jamais avoir entendu ou étudié, ne serait-ce qu'une seule fois, une pièce instrumentale du répertoire traditionnel québécois ni jamais avoir pu observer les techniques propres aux virtuoses de ce domaine. La musique traditionnelle constitue pourtant l'un des fleurons de notre patrimoine, celui qui aujourd'hui probablement nous représente le plus à l'étranger. Et il en va généralement de même pour les autres disciplines du patrimoine immatériel; celles-ci demeurent généralement absentes du cursus pédagogique québécois tant général que spécialisé, et pratiquement aucun matériel pédagogique n'a été créé à cet égard. Il s'agit là d'une lacune à corriger.

La Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, de l'UNESCO, a été mise de l'avant dans le but de régler un problème, voire une situation indésirable, à savoir le déclin marqué des pratiques culturelles de tradition orale dans plusieurs régions du monde. Le projet de loi n° 82 suit en théorie cette trace, et c'est là une excellente chose, surtout dans un contexte où le Canada n'a pas signé la convention de 2003. Mais il faudra, en revanche, que des mesures concrètes soient mises en place dans ce sillage. Il apparaît donc de la plus haute importance que l'article 78.5° du projet de loi soit modifié pour permettre, à l'instar des autres types de patrimoine, un soutien financier et technique à la mise en valeur et à la transmission du patrimoine vivant, pas seulement pour la connaissance. C'est un point majeur de notre mémoire.

Donc, si le patrimoine immatériel est d'une importance telle qu'il faille l'incorporer dans une loi, il mérite, en effet, d'être soutenu à hauteur des besoins liés à sa présence dans la société. Or, on remarque actuellement une profonde dichotomie entre le discours sur la valeur sociale du patrimoine immatériel et le support réel alloué à ce dernier. Les six organismes en patrimoine immatériel de portée nationale reconnus par le ministère de la Culture se partagent, par exemple, un maigre 179 000 $ par année au total pour leur fonctionnement, et ce, au total, pas chacun: 179 000 $ au total. Cela ne suffit même pas à engager une personne à temps plein par organisme. La situation est telle qu'il est devenu extrêmement difficile de retenir du personnel qualifié ou de générer des projets porteurs dans les collectivités.

Le projet de loi repose actuellement sur une logique de documentation. Quelqu'un pratique chez lui une activité traditionnelle, un chercheur capte des informations, les inscrit dans un inventaire, puis on poste sur un site Web officiel une mention pour l'activité en question, qui encouragera l'artiste ou l'artisan amateur à continuer son travail. Le soutien financier pour la seule connaissance du patrimoine immatériel est donc le reflet de cette conception. Dans ce contexte-là, les statuts de reconnaissance prévus dans le projet de loi, donc l'identification nationale et la désignation par les municipalités, ces statuts donc apparaissent comme une simple carte postale dans une boîte à souvenirs, et je suis certain que là n'est pas l'intention du législateur.

La chaîne de développement du patrimoine immatériel peut également se comprendre selon une autre logique complémentaire selon laquelle on a affaire à un milieu assez structuré offrant des services divers: des instances comme les festivals d'art traditionnel, des associations régionales, organismes de portée nationale, fournisseurs de formations, ateliers d'artisans, centre d'archives, économusée et parfois certains musées. Toutes ces entités, pour ne nommer que celles-là, contribuent à la promotion et à la mise en valeur des éléments du patrimoine immatériel et constituent des forces d'action structurantes, régionales pour la pérennisation de ce patrimoine-là. Ce sont elles qui regroupent les porteurs de traditions, les médiateurs du patrimoine vivant et qui créent un espace et ouvrent un marché pour le patrimoine immatériel.

Or, avec l'actuel projet de loi n° 82 et son soutien dirigé uniquement vers la connaissance du patrimoine immatériel, les acteurs culturels porteurs de traditions vont vouloir faire tout sauf dire qu'ils font du patrimoine immatériel afin d'espérer recevoir un soutien financier, alors que les chercheurs, les posteurs de vidéos sur YouTube et les documentalistes vont soudainement tous vouloir s'en réclamer. Il s'agit évidemment d'une situation absurde qui représente un frein au développement et à la sauvegarde du patrimoine immatériel au Québec. Il s'agit également d'un aspect contraire à la convention de 2003 de l'UNESCO pour laquelle il est primordial pour un État d'offrir davantage de soutien à ceux qui font vivre ce patrimoine commun, pas le contraire.

Or, le paragraphe 5° de l'article 78 propose effectivement de restreindre le pouvoir déjà existant du ministre en matière de soutien au patrimoine immatériel. Nous avons bon espoir donc que l'article 78.5° sera modifié et permettra un soutien plus adapté au développement du patrimoine immatériel pour ces raisons et toutes les autres d'ordres juridique et socioéconomique mentionnées dans notre mémoire.

Ceci étant dit, le reste du mécanisme de développement et de sauvegarde des éléments du patrimoine immatériel qui est mis de l'avant dans le projet de loi demeure intéressant. Saisir les municipalités du dossier du patrimoine immatériel régional apparaît une riche idée susceptible d'intéresser davantage de gens aux pratiques de traditions orales. Le processus d'identification semble une bonne initiative pour allier les associations locales chargées de la promotion du patrimoine immatériel avec l'appareil municipal afin de favoriser une action culturelle plus riche et plus concertée en matière d'arts et de savoir-faire traditionnels. Ce processus constitue une bonne incitation à inclure le patrimoine immatériel dans les politiques culturelles municipales.

Le mécanisme du Conseil du patrimoine culturel apparaît également satisfaisant et prévoit en son sein une place suffisante à des représentants provenant de divers domaines du patrimoine québécois, tout en ouvrant la porte à des représentations d'organismes culturels. La reconnaissance octroyée par le statut de désignation apparaît, quant à elle, dans un contexte d'article 78.5° modifié, comme une mesure assez porteuse qui pourrait engendrer des effets bénéfiques. Les aides et subventions éventuellement accordées tant vers la connaissance, la mise en valeur que la transmission des éléments du patrimoine immatériel sont aussi susceptibles de favoriser le développement des pratiques qui sont transmises de génération en génération. Ce mécanisme de soutien là en constituerait, en fait, le principal outil de développement.

La question de la définition, maintenant, du «patrimoine immatériel» est plus technique et demande davantage d'analyse que le temps nous le permet aujourd'hui. Mais on peut néanmoins dire que, si la définition pointe vers le bon objet, elle est beaucoup trop floue pour être éclairante et opérante. Il faudrait, par exemple, préciser ce qu'on entend par «tradition», voire par «fondés sur la tradition», afin de bien saisir de quoi on parle et afin de ne pas inclure tout et son contraire dans le patrimoine immatériel. Il y aura lieu aussi d'ajouter des exemples de ce que peuvent être concrètement, dans le concret, des éléments du patrimoine immatériel, tel que la convention de l'UNESCO de 2003 l'a d'ailleurs fait.

Pour conclure, on pourrait dire que le projet de loi est un excellent pas vers une loi modifiée qui inclurait toutes les conditions gagnantes pour assurer une sauvegarde et un développement adéquats des disciplines du patrimoine immatériel. Le secteur économique et culturel compris par les services qui sont offerts par les divers médiateurs du patrimoine immatériel demande un soutien spécial, et la loi va se devoir de refléter correctement la logique de développement de ce secteur d'intervention, qui est jugé d'intérêt public. Il sera ensuite nécessaire d'adopter une politique du patrimoine immatériel, mais la nécessité d'une telle politique ne doit pas faire achopper le processus actuel qui doit mener à une loi. Le momentum est bon: le milieu revendique une telle loi et le politique avance bien sur la question. On pourrait très bien se doter d'une politique et de programmes spécifiques après ou en parallèle à l'adoption de la loi, compte tenu de l'avancement actuel des travaux. Soyez du reste assurés de notre entière collaboration dans ce cheminement.

Nous vous remercions de recevoir le Conseil québécois du patrimoine vivant à cette tribune et on en profite pour vous convier au colloque international du CQPV, portant sur les mesures de soutien au patrimoine immatériel, qui va avoir lieu du 14 au 17 avril prochain ici, à Québec. Merci.

**(17 h 50)**

Le Président (M. Curzi): Merci, M. Gauthier. Mme la ministre de la Culture, à vous la parole.

Mme St-Pierre: Merci beaucoup. C'est clair, c'est court, ça va droit au but. Vous avez un mémoire qui est vraiment, vraiment... D'ailleurs, la facture est impeccable, de votre mémoire. Et vraiment c'est exceptionnel, le travail que vous avez fait. Et je sais, pour vous avoir rencontrés sur le terrain, lors de la consultation, pour avoir rencontré aussi tous ceux qui s'intéressent à la musique traditionnelle... Je vois M. Gallant qui est là, qui fait un travail remarquable pour faire connaître... Et vraiment on voit, chez la jeune génération, particulièrement dans la région où vous êtes, un engouement. Évidemment, Fred Pellerin aide à le transmettre, mais il reste qu'il y a vraiment toute une génération qui s'intéresse au patrimoine immatériel, la musique traditionnelle, et qui veut faire en sorte que ce soit connu partout. Puis il y a un succès incroyable non seulement au Québec, mais également sur la scène internationale, et je l'ai vu, et j'en ai été témoin, puis bravo pour le travail que vous faites.

D'ailleurs, on va effectivement, à la lumière de vos commentaires, regarder cet article qui, en fait, vous inquiète le plus, là, parce qu'il y a probablement... On sait que le projet de loi peut être bonifié. Il n'est certainement pas parfait. Alors, c'est important, l'éclairage que vous nous donnez.

Vous dites qu'on... vous proposez d'adjoindre au projet de loi un lexique afin de préciser certains termes de la définition du patrimoine immatériel, puis vous en faites... vous le faites d'ailleurs, dans votre mémoire. Pourquoi sentez-vous le besoin qu'il y ait vraiment cette définition très, très pointue, précise, claire? Qu'est-ce qui... Est-ce que ce qu'on fait n'est pas finalement... n'inclut pas tout ce que vous suggérez?

M. Gauthier (Antoine): Ce qui est prévu, dans la définition du projet de loi n° 82, certes, inclut ce qu'on suggère, mais possiblement inclut la vie en général aussi, puisque les mots «fondés sur la tradition»... On peut penser que n'importe quel trait social, n'importe quelle pratique culturelle peut se réclamer, avec un minimum d'habileté argumentaire, d'être fondé sur une tradition quelconque. Donc, ça pourrait apparaître tellement large que n'importe quoi pourrait entrer là-dedans. Or, il n'y a pas lieu, je crois, de faire une loi si ça n'amène rien de nouveau de ce qui se fait déjà actuellement au ministère de la Culture, à savoir, donner des financements ou donner un appui quelconque à des pratiques qui sont issues d'une tradition quelconque. Or, ce n'est pas là ce qu'a voulu dire l'UNESCO, en tout cas dans sa convention de 2003, et ce n'est pas là ce qui a été pensé dans tout le cheminement, là, du projet de loi et des conventions internationales.

Mme St-Pierre: Alors, ce que vous nous dites, c'est de vraiment nous coller davantage sur la convention.

M. Gauthier (Antoine): En partie, oui, c'est ce qu'on dit, dans le mémoire, à certains égards. C'est pour ça que j'ai dit tout à l'heure que c'était une question assez technique parce qu'il y a certaines choses évidemment, dans la convention de l'UNESCO, qui s'appliquent mal à une législation nationale. Donc, il faut adapter la définition dans un contexte national, bien sûr, mais il y a des éléments qui ont été perdus dans la définition du projet de loi n° 82, qui devraient peut-être être réchappés, des notions de «transmis de génération en génération», par exemple. Il y a d'autres exemples, mais ça, ça a été exclu de la définition, et c'est quelque chose qui rendait davantage pointue la définition, c'est quelque chose qui éclairait de la manière de transmission et c'est quelque chose qui, de façon intéressante, mettait en lumière le caractère commun du patrimoine immatériel, à savoir: la propriété intellectuelle appartient à tout le monde. C'est une passation de génération en génération qui fait en sorte qu'il n'y a pas d'auteur unique pour ce qui est des arts traditionnels. Et, pour ce qui est de l'artisanat traditionnel également, il n'y a pas de brevet. C'est quelque chose qui, en droit, appartient déjà à tout le monde. Et donc c'est quelque chose que l'aspect «de génération en génération» apportait, cet aspect qui déjà appartient en droit à tout le monde de par le partage communautaire qui a été créé autour du patrimoine immatériel.

Mme St-Pierre: Mais ça indique aussi qu'on peut remonter un courant. Il y a une chaîne... comme un chaîne de possession. On peut remonter dans le temps quand... Si on inscrit «de génération en génération», c'est très, très clair que ça vient de quelque part et que ça peut même venir d'ailleurs qu'au Québec.

M. Gauthier (Antoine): Tout à fait. Tout à fait. Ça peut venir d'ailleurs qu'au Québec et ça met en lumière également une manière de transmettre qui est hors institution, qui est généralement orale, et c'est là tout l'intérêt du patrimoine immatériel, d'un soutien à ce patrimoine-là puisqu'il a été... qu'il a grandi à l'extérieur des institutions de façon davantage orale et qu'il est en déclin à certains égards. C'est la raison pour laquelle on doit soutenir certains éléments du patrimoine immatériel.

Mme St-Pierre: Je voudrais vous entendre sur la recommandation n° 2: «Incorporer dans la loi un article prévoyant la prévalence des effets de cette loi sur l'ensemble du gouvernement ainsi que la transmission du patrimoine immatériel par l'éducation publique et la formation, en conformité avec la Loi sur le développement durable et selon les principes de l'UNESCO. Ajuster corrolairement l'article 3 du projet de loi.»

J'aimerais vous entendre là-dessus, sur qu'est-ce que... l'argumentaire que vous nous proposez en nous demandant... en nous signalant cette recommandation... en nous faisant cette recommandation.

M. Gauthier (Antoine): Je parlais tout à l'heure de la musique traditionnelle -- ce n'est qu'un exemple -- qui n'est pas incluse nulle part, dans aucun cursus pédagogique au niveau scolaire public. Il n'y a rien dans la loi qui oblige le... «obliger» n'est peut-être pas le bon terme, mais il n'y a rien qui incite aucun autre ministère...

Une voix: ...

M. Gauthier (Antoine): ...qui favorise -- merci -- aucun autre ministère à embarquer activement dans le bateau du patrimoine immatériel, et il y a certains aspects qui demandent à ce que, par exemple, le ministère de l'Éducation se saisisse du dossier et inclue certains éléments. On ne parle pas de mettre ça mur à mur dans tous les cursus, bien entendu, mais en inclure un minimum dans leurs cursus pédagogiques.

On parle également de... On parlait du canot à glace. Il y a eu des études qui ont été faites, commanditées par le ministère, sur le canot à glace, patrimoine immatériel. Or, il me semble que c'est du ressort... le développement du canot à glace, à supposer qu'il ait besoin de développement -- c'est un exemple, là -- serait davantage du ressort du ministère des Loisirs et du Sport, je crois, que du ministère de la Culture. Maintenant, peut-être que je me trompe, là, je ne suis pas dans les arcanes de la chose.

Mais c'est pour dire que, pour ce qui est du développement, les éléments qui ne sont pas artistiques ou artisanaux, ils vont tomber où si les autres ministères n'en sont pas saisis? Ça, c'est une chose, et, la deuxième chose, c'est pour ce qui est de l'éducation, il y a un besoin, il y a un besoin criant de saisir le ministère de l'Éducation de certains programmes pour pérenniser le patrimoine immatériel comme ça se fait dans beaucoup de pays qui ont signé la convention de l'UNESCO.

Mme St-Pierre: Dans la réforme pédagogique, on prévoit, de secondaire I à secondaire V... enfin, avant ça, c'était secondaire I, secondaire II, je pense, les cours d'arts plastiques ou d'art, et maintenant c'est de secondaire I à secondaire V. Donc, pendant cinq ans, il y a des cours de cette nature. Donc, est-ce que ça pourrait être dans ce cadre-là qu'on inclurait peut-être un choix pour l'enseignant ou pour une école de faire du... de parler de patrimoine immatériel? Est-ce que vous voyez l'obligation d'avoir un cours ou si ça pourrait être à la discrétion, là, de...

**(18 heures)**

M. Gauthier (Antoine): Bien, il y a plusieurs niveaux, là. J'hésite à parler d'obligation soviétique de patrimoine immatériel partout. Mais il y a possibilité de créer des outils pédagogiques qui existent très peu actuellement. Il y a possibilité de favoriser l'intérêt pour les professeurs, d'abord, de connaître davantage les éléments de la culture traditionnelle et, après, avoir le goût de l'enseigner. Ça, c'est une chose. Et il y a possibilité aussi d'inclure ça dans certains programmes, mais je ne pense pas qu'il faille aller jusqu'à mettre un cours spécifique là-dessus, là. Ce n'est pas ce qu'on recommande, mais il y a un bout de chemin à faire à ce niveau-là, ça, c'est certain.

Mme St-Pierre: Puis, pour ce qui est de cette idée de prévoir que la loi s'applique sur l'ensemble... enfin, «incorporer dans la loi un article prévoyant la prévalence des effets de cette loi sur l'ensemble du gouvernement», donc, il y aurait comme une obligation, un peu comme la Loi sur le développement durable, pour les autres ministères d'embarquer dans une démarche de protection de leur patrimoine spécifique immatériel.

M. Gauthier (Antoine): Voilà. Exact.

Mme St-Pierre: Est-ce que je suis bien, là?

M. Gauthier (Antoine): Oui. Minimalement, d'avoir une case d'intérêt là-dessus. Par exemple, on parle des plantes médicinales amérindiennes. Est-ce que le ministère de la Santé n'aurait pas -- c'est un exemple -- l'obligation d'avoir une petite case de dire: Bon, bien, on va intéresser quelqu'un à ça pour voir ce qu'il en est. C'est sûr que, si le ministère de la Culture s'intéresse à ça, le lien de cause à effet entre l'utilité des plantes médicinales puis son utilisation effective est assez mince, là, si on emploie le chemin uniquement du ministère de la Culture. C'est ça qu'on veut dire dans notre recommandation.

Mme St-Pierre: Parce que je me demande... J'essayais juste de voir l'intérêt parce que je me dis, bien, il y a quand même des gens, des chercheurs qui s'intéressent à ces questions-là, qui vont faire beaucoup de recherches dans les universités, et tout. Alors, je me dis, bien, il y a quand même des gens qui se spécialisent là-dedans et qui font cette recherche très, très pointue. C'est juste l'encadrer dans une loi. J'essaie de voir comment on pourrait y arriver, mais on va essayer de réfléchir là-dessus parce que je me dis que cette loi, elle va quand même couvrir très, très large. Et, moi, je vois très bien, dans la loi, qu'on parle de quelque chose qui est du patrimoine industriel, par exemple, qui n'est pas nécessairement une tradition de génération en génération, mais qu'il y a quelque chose de patrimonial dans un patrimoine industriel et que ça relève plus du ministère de la Culture que du ministère du Développement économique. C'est plus là que je me dis: Si le ministère de la Culture et cette loi-là embrassent tout cela, bien, ça sera la loi de ce... C'est la loi qui aura cette responsabilité-là.

M. Gauthier (Antoine): Tout à fait. La question du patrimoine industriel tombe à l'extérieur de mes cordes, mais de saisir les autres ministères, on prend... On pense davantage au ministère de l'Éducation, là, lorsqu'on recommande ça, là, de créer des ouvertures pour l'enseignement du patrimoine immatériel, là, dans certaines écoles, à divers degrés restant à préciser.

Mme St-Pierre: Alors, vous êtes demeurés très -- vraiment -- pointus sur le patrimoine immatériel. Vous n'avez pas touché les autres aspects du projet de loi. Est-ce qu'il y a des aspects du projet de loi quand même qui vous ont... sur lesquels vous auriez des commentaires à faire ou si vraiment votre intérêt, c'est vraiment le patrimoine immatériel? Est-ce qu'il y a d'autres aspects, parce que, quand même, vous vous intéressez aux questions du patrimoine en général aussi.

M. Gauthier (Antoine): Non.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gauthier (Antoine): C'est-à-dire que oui de façon personnelle, mais le Conseil québécois du patrimoine vivant regroupe des associations, là, dans le domaine du patrimoine immatériel uniquement, et on laisse la compétence aux autres pour ce qui est du patrimoine bâti.

Mme St-Pierre: Merci beaucoup. C'est fort intéressant. Je pense que mon collègue, M. le Président, aurait des questions à poser.

Le Président (M. Curzi): M. le député de Lévis.

M. Lehouillier: Merci beaucoup. Moi, une première question, là, juste de curiosité, parce que le patrimoine immatériel, ça s'ajoute dans la loi, ce n'était pas là avant: Vous viviez de quoi avant et qu'est-ce que vous faisiez? Je vais arriver à ma deuxième question après.

M. Gauthier (Antoine): C'est quoi, le sens exact de la question?

M. Lehouillier: Bien, le sens de la question, c'est donc, comme il n'y a pas de reconnaissance dans une loi, etc., alors vous faisiez quoi? Vous tentiez de convaincre de la nécessité de... C'était ça, un peu votre travail?

M. Gauthier (Antoine): C'est-à-dire que... Le CQPV même, là?

M. Lehouillier: Oui, c'est ça.

M. Gauthier (Antoine): Le CQPV vit de ressources du ministère de la Culture, qu'on remercie d'ailleurs, mais vit des ressources insuffisantes pour avoir une personne à temps plein...

M. Lehouillier: O.K. O.K.

M. Gauthier (Antoine): ...même à titre de regroupement, même à titre de regroupement de facto, là, en patrimoine immatériel.

M. Lehouillier: O.K. Comment vous voyez, suite... Parce que, là, il va y avoir la loi. Parce que je sais qu'à un moment donné on a... Tu sais, il y a d'autres organismes qui s'intéressent aussi au patrimoine. Pouvez-vous me faire la différence? Par exemple, il y a le Centre de valorisation du patrimoine; vous autres, c'est le Conseil de valorisation du patrimoine. Comment vous voyez tout ça après, au niveau de la loi? Parce que vous parlez beaucoup, dans votre mémoire, de: Bon, ça va être intéressant, ça va être emballant... Puis votre mémoire est très bien fait, d'ailleurs, en passant. C'est un excellent mémoire, surtout l'image qui est présentée en couverture, que j'ai trouvée drôlement intéressante au niveau du patrimoine immatériel. Et simplement pour vous dire: Comment vous voyez votre rôle par la suite? Parce que, comme c'est nouveau, voyez-vous une espèce de regroupement de tout ce qui touche les organisations qui touchent le patrimoine immatériel? Comment vous voyez votre rôle après, après la loi, à l'adoption de la loi? Parce que c'est nouveau. C'est pour ça que je vous pose la question.

M. Gauthier (Antoine): Notre rôle actuel? Vous parliez du Centre de valorisation du patrimoine vivant, et dont il y a des représentants ici d'ailleurs derrière. Il y a d'autres associations qui, eux, sont des associations qui font du travail de terrain, qui organisent des festivals, qui organisent des expositions, de l'enseignement, de la formation initiale et, nous, on regroupe, au niveau national, ces organismes-là qui oeuvrent dans différentes régions au Québec pour faire du réseautage, pour faire de la formation professionnelle, pour faire des activités comme le colloque international qu'on organise prochainement. Et donc, ça, c'est ce qu'on fait actuellement.

Ce qu'on pourra faire de plus après une loi éventuelle? C'est certain qu'on peut travailler de concert avec les municipalités, avoir des consultants sur le terrain pour montrer des bonnes pratiques qui se font dans d'autres municipalités ou qui se font à l'étranger aussi, et donc être appelé aussi à collaborer avec un éventuel Conseil du patrimoine culturel pour des questions d'identification, par exemple. C'est des choses, là, qu'on pourrait être appelés à faire éventuellement après la loi, oui.

M. Lehouillier: O.K. Est-ce que je peux me permettre une autre question, M. le Président?

Le Président (M. Curzi): Oui. Il vous reste quelques minutes.

M. Lehouillier: O.K. Moi, une affaire... un élément qui me... Parce que vous savez que, quand on parle de patrimoine immatériel, là, pour ceux qui nous écoutent ou qui nous regardent, ce n'est pas toujours évident. Mais ce que je trouve intéressant, c'est que vous avez trouvé à propos, dans la définition qui est amenée au niveau du patrimoine immatériel... Donc, vous trouvez que le projet de loi est bien fait de ce côté-là, que c'est centré sur l'activité des porteurs de traditions plutôt que sur les porteurs de traditions. Mais souvent, pour les gens qui parlent de patrimoine immatériel, tout le monde pense que c'est le porteur de traditions. Pouvez-vous expliquer, pour que les gens comprennent bien, qu'est-ce que c'est au juste, ce que vous entendez par le coeur du patrimoine immatériel, là, l'activité des porteurs de traditions plutôt que les porteurs de traditions?

M. Gauthier (Antoine): Je veux dire, les deux font un ensemble, évidemment, là. C'est du patrimoine vivant, c'est ça qui est intéressant, c'est du patrimoine qui est en train d'être pratiqué et qui le sera encore. Vous parlez d'une emphase au niveau administratif davantage, c'est de ça dont on parle. Il y a davantage de flexibilité, je pense, à choisir l'aspect tel qu'il est préconisé par la loi... le projet de loi actuellement, davantage de flexibilité à dire: On soutient telle pratique, par exemple le conte traditionnel, sans devoir passer par une seule personne canonique qui enseignerait à Québec ou à Montréal et pas dans d'autres régions où il y a des variantes régionales ailleurs. Donc, je pense que le projet de loi est bien fait en ce sens-là, là, de mettre l'emphase sur les pratiques qui, de toute façon, sont véhiculées par les porteurs de traditions, là. C'est juste une question de gestion, finalement.

M. Lehouillier: Ça répond à ma question. C'était pour le bénéfice des gens qui nous regardent, Je trouve que c'est intéressant d'avoir cette vision-là, qui correspond d'ailleurs à celle du projet de loi. Alors, moi, je trouve que c'est intéressant. Et je suis assez d'accord avec vous qu'il faut y aller avec plus l'activité comme telle, et ça, je trouve ça intéressant. Merci.

Le Président (M. Curzi): Mme la députée de Mille-Îles, il vous reste un peu moins de quatre minutes.

Mme Charbonneau: C'est vrai?

Le Président (M. Curzi): Oui.

**(18 h 10)**

Mme Charbonneau: C'est presque excitant, M. le Président. Merci.

Vous avez suscité énormément d'intérêt quand vous avez parlé d'éducation. C'est arrivé de mon côté puis, vous allez voir, c'est arrivé de l'autre côté aussi. Le patrimoine immatériel en éducation, vous avez raison, c'est quelque chose qui est quelquefois même nébuleux. On dit que, même nous, adultes, chacun chez nous, on ne sait pas trop c'est quoi, le patrimoine immatériel. Mais j'ai une légère expérience en éducation et ce qui se pratique au quotidien dans le primaire et le secondaire, donc vous avez suscité chez moi quelque chose de fort intéressant.

Je vous pose mon dilemme, puis vous allez voir où je m'en vais. Si j'ai une activité de cabane à sucre dans une école, dépendamment de l'intérêt de mon groupe scolaire et de mon équipe enseignante, je peux aller loin dans la tradition du sirop d'érable. Et, si je vais assez loin, je finis par comprendre qu'à quelque part il y a quelque chose d'extraordinaire, d'un grand peuple qui a fait quelque chose qui s'appelle le sirop d'érable, et, avec le temps, nous, les Québécois, on l'a mis en pratique. Ça vient d'ailleurs. Par contre, si je parle de la ceinture fléchée, j'ai quelque chose de matériel, j'ai quelque chose que je peux montrer, qui est un petit peu moins pratiqué. Donc, trouver mon spécialiste... Mais ça prend un intérêt de mon enseignant.

Mais, si je leur présente Fred Pellerin et que je leur dis que c'est une personne intéressante et qui finit, comme il l'a fait avec nous, par charmer le groupe qui l'écoute, la première question qui vient à un élève de cinquième année, c'est: Pourquoi, lui, il peut parler tout croche, puis, moi, je ne peux pas?

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Charbonneau: Je vous le dis comme ça parce qu'on peut trouver charmant... et, pour avoir assisté à trois de ses spectacles, une fois le même à répétition parce que j'avais vraiment adoré, je suis partie quand même avec ce dilemme complexe là: Comment je fais pour garder un système éducatif qui répond aux adultes mais qui garde en vie un monde imaginaire, immatériel que je peux valoriser?

Une voix: ...

Mme Charbonneau: Oui.

M. Gauthier (Antoine): C'est une question poétique, ma foi.

Mme Charbonneau: C'est une question, je vous dirais, pédagogique, parce que je suis une fille qui est intensément attachée à la culture et, à chaque fois, j'ai ce même dilemme quand je rencontre des adultes qui me parlent du français avec un français écrit avec un f aussi fort que «Francine», je vous le jure, mais qui, en même temps, aimeraient entendre valoriser quelque chose qui défait en partie... Puis je vous le dis parce que c'est mon dilemme.

Alors, dans le fond, je vous pose une question ou vous allez peut-être pouvoir m'aider à répondre à un questionnement qui revient constamment. Comment je fais pour pratiquer une culture immatérielle? Comment je fais pour dire à des élèves comment c'est important, la langue innue, quand il sort de chez eux, puis il est dans Hochelaga-Maisonneuve, puis son dilemme, c'est plus son français à lui qu'une langue autre?

Des voix: ...

Mme Charbonneau: Bien, j'ai pris... Bien, je vais dire «à Laval», je vais dire «à Laval». J'ai dit...

Une voix: ...

Mme Charbonneau: Non...

Le Président (M. Curzi): Vous devez répondre par un haïku, parce qu'il vous reste 15 secondes.

M. Legault (Normand): Ce que je pourrais dire, c'est que les trois éléments que vous abordez font référence à un panorama de pratiques. On passe de la pratique savante à la pratique populaire. Et tout cela, dans la mémoire des gens, fait référence à des systèmes de rituels, de récits où tout le monde se retrouve, veux veux pas. Alors, il n'y a plus de lieu où savant et où populaire... On tombe dans la pratique, on devient participant, on adhère... C'est le phénomène social qui prend la ressource en main et qui fait naviguer, qui fait voguer l'aspect immatériel. Alors, l'immatériel se transmet à ce moment-là, que ce soit Fred Pellerin, par un récit savant tout bien structuré, ou un conte de M. Fradette, qui est aussi imaginatif, mais d'un autre temps, d'une autre époque... Mais les deux récits correspondent aux mêmes schémas, aux mêmes structures narratives.

Alors, c'est juste que le savant, le populaire, on est souvent confrontés à ça. On donne de la formation en danse, on donne de la formation en musique. Les gens partent d'un niveau populaire puis, avec la pratique, bon, ils développent un art, le rendent un peu plus savant, plus articulé, plus académique aussi, mais ça fait partie quand même... Ça participe de la même intervention populaire ou savante. C'est immatériel. Alors, on ne peut pas dire que, oui, c'en est; il n'y a pas du vrai patrimoine puis du moins bon patrimoine, c'est un élan, c'est une étincelle, c'est un peu l'éphémère qui se passe, mais c'est toujours présent. Alors, peu importe le système, qu'on soit aux sucres ou la ceinture fléchée, ça dépend du moment, ou de l'ambiance, ou de... il y a tout un paquet de petits éléments qui font que, oui, on se retrouve à travers ça. C'est difficile à qualifier, mais c'est ça.

Le Président (M. Curzi): Je vais devoir...

M. Legault (Normand): Oui.

Le Président (M. Curzi): ...vous interrompre pour passer la parole au porte-parole officiel en matière de culture et de communications, le député de Drummond.

M. Blanchet: C'est de ma faute.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Blanchet: Fort intéressant exemple que celui du sirop d'érable, parce que je pense que tout ce qu'il y a de culture immatérielle, c'est la technique autochtone de cueillette de l'eau d'érable traditionnelle, parce qu'outre ça tout est très, très, très documenté, et le sirop en soi est extrêmement matériel.

Cela dit, je vais compacter mes questions et, si on peut tous faire ça... parce qu'il y a pas mal de gens qui ont été bien stimulés par votre intervention. Ne croyez-vous pas que la définition de patrimoine immatériel devrait justement préciser que ce sont des connaissances, ce sont des valeurs, tout ce qu'on peut mettre, là, dans l'enveloppe, mais préciser que ce n'est pas disposé sur un support et que ce n'est pas porté par un document dans sa forme première?

M. Gauthier (Antoine): C'est-à-dire que, lorsqu'on parle de connaissances, on parle parfois de documentation, cette documentation-là, sur des supports vidéo, sur des supports audio, peut servir et doit servir à la pratique, à enrichir la pratique de ceux qui font le patrimoine immatériel. On parle de sucres, là, la documentation sur les sucres doit... la logique du patrimoine immatériel, c'est que cela doit servir à ceux qui pratiquent l'activité pour qu'ils puissent mieux pratiquer l'activité. Ce n'est pas une fin en soi de chercher la connaissance et la documentation; la fin en soi, c'est de réussir à avoir une pratique qui a un sens et qui est pratiquée dans une collectivité.

M. Blanchet: Il y a une nuance ethnologique majeure entre la capacité de capter une pratique, de telle sorte qu'on puisse la transmettre en termes précisément de connaissances, dès qu'on est dans l'ethnologie, et dans... entre ça et le fait que la captation d'une pratique ne lui enlève pas son caractère immatériel, parce que la captation reste incomplète sur son caractère immatériel. Ethnologiquement, ça me semble une nuance très clair et, à cet égard-là, si on appelle ça «patrimoine immatériel» et qu'on ne mentionne pas l'absence dans l'essence de la pratique d'un support, est-ce qu'il n'y a pas un morceau fondamental qui manque à l'exercice de définition?

M. Gauthier (Antoine): D'abord, le terme «patrimoine immatériel», là, je pense que le focus ne doit pas être mis sur le fait que c'est immatériel, là. C'est un choix sémantique qui a été fait pour diverses raisons à l'UNESCO et qui... On pourrait l'appeler «patrimoine x», là, ou «y», là, ça adonne que c'est «patrimoine immatériel» pour diverses raisons, on n'entrera pas là-dedans, mais on peut l'appeler «patrimoine vivant», «culture traditionnelle», «folklore». Je pense que le fait qu'on a appelé ça «immatériel», c'est tout simplement pour le défaire du patrimoine immatériel, des bâtiments en général. Donc, je ne pense pas qu'il faut toujours penser en termes que ce patrimoine-là est immatériel, là, je pense que c'est tout simplement pour dire que le patrimoine, c'est un patrimoine vivant, qui est constitué de pratiques orales transmises de génération en génération par une communauté et donc qui n'a pas d'auteur particulier, là. Je pense que c'est tout simplement ça que ça veut dire, et il y a toute une constellation d'outils nécessaires à la pratique de ça, qui inclut parfois la documentation.

M. Blanchet: O.K., bien, on n'aurait pas assez du 20 minutes pour trancher ce débat-là. Je me permets, comme anthropologue...

M. Gauthier (Antoine): On se reprendra.

**(18 h 20)**

M. Blanchet: ...d'être en total désaccord avec cet exercice-là. Le choix du mot «immatériel» par UNESCO n'est pas un choix naïf du tout, du tout. Il a un sens extrêmement précis qui devrait appeler justement des précisions dans la définition qui en est donnée dans le projet de loi.

Je vais quand même passer à autre chose. On confond, en général, culture et art, c'est une espèce de pratique qui remonte à... peut-être même à l'apparition du ministère ici, il y a précisément 50 ans. Sauf que, lorsque vous perpétuez, en effet, la pratique d'une forme d'art, mais qui est considérée comme traditionnelle et qu'elle, comment dire, reprend vie, qu'elle retrouve sa place dans les expressions artistiques courantes qui ont cours, qu'on voit, qui circulent dans les lieux de diffusion, à cet égard-là, vous vous appelez des ressources, mais est-ce que... et là j'imagine que la ministre va être contente, parce que je pense que, rendus là, on devrait envoyer ça... Est-ce que ça ne devrait pas se situer dans les arts et dans tous les programmes qui existent déjà? Autrement dit, si la pratique est perpétuée dans son exercice le moindrement répandu, on tombe dans la catégorie des arts qui, Dieu merci, sont tout à fait vivants mais qui sont déjà couverts par d'autres types de programme.

M. Gauthier (Antoine): C'est quoi, la question, exactement?

M. Blanchet: Est-ce qu'on ne passe pas de la notion de patrimoine vivant à la notion d'expressions artistiques à un certain moment donné, lesquelles sont couvertes par des programmes existants?

M. Gauthier (Antoine): Oui, tout à fait, c'est-à-dire qu'une majorité d'arts... une majorité du patrimoine immatériel, là, tout ce qui touche la majorité des gens, tant au niveau de la pratique qu'au niveau de la diffusion, c'est certain que c'est les arts traditionnels qui prennent une grande place. On parle de la danse traditionnelle, la chanson traditionnelle, la musique, le conte, mais il y a également les savoir-faire artisanaux qui... Si on parle le grec le moindrement, c'est la même chose, «art» et «technique». Oui, ça peut... Nous, ce qu'on recommande, c'est d'inclure ça dans certains programmes, c'est sûr, du ministère de l'Éducation. Je ne sais pas si c'est un peu ça, le sens de votre question, là.

M. Blanchet: Je vous parlais que les programmes... D'abord, je ne confonds pas «art» et «technique», je disais qu'il ne faut pas confondre arts et cultures, qui ont des définitions fort différentes, c'est-à-dire que, lorsqu'on en perpétue la pratique, il y a une ligne un peu floue mais qui éventuellement se franchit, Fred Pellerin étant le meilleur exemple. Il tombe définitivement sous la coupe des programmes en art, même si l'exercice de ce qu'il fait est quand même une expression de patrimoine vivant, de patrimoine immatériel qui ne peut pas, même si on le capte, être transmis dans son essence autrement que par la tradition orale.

M. Gauthier (Antoine): D'abord, on parle de programmes de soutien comme le Conseil des arts et lettres du Québec ici, là, par exemple. Le Conseil des arts et lettres du Québec soutient beaucoup de professionnels, de pratiquants professionnels en patrimoine immatériel actuellement, et c'est une très bonne chose. Or, il n'y a pas de stratégie; ça reste aléatoire. C'est ça qu'on veut dire, il n'y a pas de stratégie comme telle, comme il y a à certains autres endroits sur la planète, d'orienter directement vers le patrimoine immatériel. Donc, ça dépend des demandes qui, elles-mêmes, dépendent de l'éducation, dépendent de ce qu'il y a dans les médias, etc. Donc, ce n'est pas quelque chose qui est en croissance, pas du tout.

Lorsqu'on parle de Fred Pellerin, c'est certain que c'est quelqu'un qui compose ses propres textes. Il a un droit d'auteur sur le contenu de la chose. Bon, il s'inspire vraisemblablement du patrimoine et des contes anciens, mais ce n'est pas, à proprement parler, du patrimoine immatériel.

M. Blanchet: Michel Faubert, par contre, reproduisait du patrimoine immatériel original, si je peux dire ça comme ça.

Vous avez dit une chose tout à l'heure qui a soulevé... et j'invite les gens du ministère à se pencher là-dessus: à partir du moment où on fait une exécution publique d'une oeuvre, il y a l'appel à une prestation, et il faudrait que le ministère se penche sur la question de la juridiction de certaines conventions collectives professionnelles. J'ai parlé un peu aux gens de l'UDA, aux gens de l'ADISQ là-dessus, et il faudrait le faire aussi du côté des sociétés qui représentent les auteurs et les compositeurs, parce qu'il n'est pas exact que tout ce qui est patrimoine vivant et patrimoine immatériel automatiquement est libre de droits, parce que le droit d'auteur est applicable jusqu'à 50 ans après la mort de l'auteur original. Et un élément pourrait être jugé patrimonial et être encore couvert pour une longue période par la notion de droits d'auteur. C'est vrai en art visuel, malgré les grandes difficultés qu'ils ont à le faire reconnaître, c'est évidemment vrai en musique. Donc, il y a une recherche à faire pour être sûr que cette loi-là ne se mettra pas en conflit avec des conventions de travail existantes.

Par contre, dans le «très immatériel», qui n'est pas couvert par ça, je me demandais si vous aviez une réflexion spécifique sur la question des premières nations, dont l'essentiel du patrimoine est immatériel. Il n'y a que certaines traces en bois, certaines traces en pierre, certaines traces en matériaux tirés des animaux qui peuvent survivre un certain temps, très longtemps dans le cas de la pierre, mais toute la très riche tradition culturelle des autochtones est immatérielle. Vous êtes-vous penché spécifiquement là-dessus? Et ma question précise, pour passer rapidement la parole à mes collègues: Est-ce que ça ne devrait pas être laissé à leur propre prérogative au maximum, la perpétuation de leur patrimoine?

Le Président (M. Curzi): M. Ouellet. Vous voulez prendre la parole, M. Ouellet?

M. Ouellet (Raynald): Bien, moi, je voulais revenir sur l'intervention précédente. C'est que, moi, la pratique instrumentale... Je suis musicien de formation. Je suis Raynald Ouellet, Carrefour mondial de l'accordéon de Montmagny. Et, de par mon métier, comme musicien, je suis intervenu en tant que musicien professionnel dans les différents secteurs: la télévision, la radio, etc., le cinéma, et, par le fait même, ça existe déjà, ces normes-là, là. Je suis membre de La Guilde des musiciens du Québec depuis 30 ans, puis les royautés de SOCAN de droits d'auteur, ça existe, là. C'est quand qu'on arrive... Il y a plusieurs niveaux au niveau de la pratique...

M. Blanchet: ...musée, ça ne sera pas simple comme ça, là.

M. Ouellet (Raynald): Si je vais dans un musée, ce ne sera pas simple comme...

M. Blanchet: Dans un musée. Parce que le patrimoine immatériel est souvent exécuté... exécution publique dans un ensemble de lieux qui deviennent des lieux de diffusion, dont plusieurs musées à travers le Québec. En général, à l'heure actuelle, l'UDA fait... On passe à côté. C'est correct. On ne s'attardera pas là-dessus exagérément parce que c'est des cas relativement marginaux. Mais, si la pratique se perpétue, ce qui semble nécessaire, si on veut vraiment donner vie à ce patrimoine-là, la question va être soulevée. Parce que, si vous allez dans un endroit qui n'a aucune habitude, qui ne sait pas c'est quoi, la SOCAN, puis qui n'a jamais parlé avec La Guilde, et il y en a un grand nombre, la question va se poser sur une base très différente.

M. Ouellet (Raynald): Bien, ils vont l'apprendre rapidement parce qu'il va y avoir quelqu'un de la SOCAN puis de La Guilde qui va leur dire.

M. Blanchet: Et donc?

M. Ouellet (Raynald): Bien, moi, chez nous, je suis... J'organise un festival chez nous, puis on a commencé comme ça, on donnait des prestations, mais ça n'a pas été long qu'on a eu... toc, toc, toc, le petit monsieur de La Guilde est venu, puis on a eu une lettre de la SOCAN, puis on se conforme à la normalité.

M. Blanchet: Mon point, c'est que ce soit prévu, parce que ça vient avec des coûts, et il y a des institutions qui vont trouver ça difficile. Ça ne coûte pas rien, un contrat UDA puis un contrat Guilde, à juste titre.

M. Ouellet (Raynald): Bien, ça ne coûte pas plus cher que de faire venir un plombier.

M. Blanchet: Bien, il y en a qui vont trouver ça difficile.

Le Président (M. Curzi): Est-ce que ça complète votre question, M. le député de Drummond?

M. Blanchet: Ça ne répond pas du tout à la question sur la partie premières nations.

M. Gauthier (Antoine): Bien, c'est-à-dire que les premières nations, il y a... La logique de la loi prévoit de s'appliquer un peu à tout le monde, là; ça inclut les premières nations. Mais on sait que les premières nations, au niveau juridique, ont un régime souvent un peu différent, là, notamment pour ce qui est de l'éducation. Vous parliez de leur laisser eux-mêmes le...

M. Blanchet: Un maximum.

M. Gauthier (Antoine): ...un maximum de maîtrise, c'est évidemment ça qui est prévu par tout le système municipal, qui inclut les conseils de bande, dans le projet de loi, et c'est ça qui est très, très intéressant. Or, je ne suis pas certain que les autochtones ne verraient pas d'un bon oeil justement l'idée qu'on fasse davantage d'outils pédagogiques dans leur propre langue.

M. Blanchet: Bon, on y reviendra, mais je peux vous assurer que, pour l'instant, ils ne voient pas du tout ça d'un bon oeil, ce qui est dans la loi présentement. Il y a un problème de juridiction, d'emblée. Mais là je laisse mes collègues... On va y revenir.

Le Président (M. Curzi): M. le député de Saint-Jean.

M. Turcotte: Moi, j'aimerais ça vous parler de la question... Vous avez parlé des savoir-faire et des métiers traditionnels en faisant un lien avec la formation. On sait qu'en ce moment le ministère de l'Éducation est en train de revoir toute l'offre de formation, notamment des D.E.P., en lien avec l'adéquation de la formation et les besoins de la main-d'oeuvre. On sait aussi que ce genre d'enseignement là est souvent contingenté ou du moins même inexistant dans le système de l'éducation pour la simple et bonne raison que malheureusement il n'y a pas assez de gens qui ont besoin de ces métiers-là.

Donc, quand on parle d'une restauration d'un vieil édifice avec des techniques ancestrales de maçonnerie ou autres, bien, avant de rentrer sur un chantier, là, disons que, là, dans ce cas-là, ce ne sera pas La Guilde qui va venir cogner, ça va être la CCQ qui va venir cogner à la porte.

Donc, dans ces cas-là, comment vous voyez ça, au niveau de la formation? Est-ce qu'il devrait y avoir un centre de formation spécialisé dans la perpétuation de ces métiers-là ou avoir un volet dans chacune des formations? Comme, exemple, la cordonnerie, là, qui risque de disparaître de l'enseignement au Québec, bon, bien, maintenant, ce n'est peut-être pas considéré comme un métier traditionnel mais, dans quelques années, ça va le devenir parce qu'il n'y aura plus personne qui va pratiquer ce métier-là, là.

M. Gauthier (Antoine): Je pense que chaque discipline, là, du patrimoine immatériel requiert des mesures adaptées à ses besoins et à son marché. L'idée, je crois, du projet de loi n° 82, de l'inclusion du patrimoine immatériel dans la loi, là, c'est de faire une balance entre le marché puis l'intérêt public. Si on juge d'intérêt public de perpétuer certaines pratiques -- on ne parle pas de toutes les pratiques existantes -- c'est évident que ces pratiques-là sont sujettes aussi au marché, à un marché de base, là. L'idée, c'est d'essayer de faire en sorte que les fluctuations du marché, dans le cas d'une discipline qu'on juge vraiment d'intérêt public qu'on veut sauvegarder pour le futur, l'idée, c'est de donner un petit coup de pouce au marché, incluant l'éducation.

Mais je ne pense pas qu'on peut appliquer mur à mur, pour toutes les disciplines du patrimoine immatériel, une logique, là, miracle pour ça. Je pense, c'est vraiment du cas par cas, puis il faudrait en reparler à ce moment.

**(18 h 30)**

Le Président (M. Curzi): Oui, merci. M. le député de Sainte-Marie--Saint-Jacques.

M. Lemay: Oui. Merci, M. le Président. J'étais très intéressé par la page 18 de votre mémoire, qui est la connaissance du patrimoine immatériel, et j'ai réagi parce qu'on a vu la controverse qui a entouré le nouveau cours d'histoire, on a vu l'étude qui a été faite sur... comme quoi il n'y a plus d'histoire du Québec au collège, dans les cégeps. Très certainement qu'on va apprendre qu'il n'y a plus d'histoire politique et nationale dans les universités bientôt. Bref, vous partez de loin, là. On est à peu près... On est un des rares peuples occidentaux qui s'efface lui-même dans ses cours d'histoire. Et ce n'est pas moi qui le dis, ça a été démontré dans des études sérieuses. Le ministre, à l'époque, le ministre de l'Éducation avait promis des changements aux cours d'histoire qui avaient été proposés.

Donc, je pense que ce que vous proposez est intéressant. Malheureusement, dans tous ces dossiers-là, je suis toujours obligé d'être un peu le rabat-joie pour dire que vous partez de loin, parce que, l'histoire au Québec, son enseignement est dans un mauvais état dans beaucoup de domaines. Donc, je me dis, votre demande tout à fait légitime d'un certain enseignement, de renseignements sur des traditions, quelles qu'elles soient, est tout à fait légitime. Mais, dans le contexte actuel où il n'y a presque plus d'histoire qui est enseignée, je me demande comment on va faire pour rétablir...

Je donne l'exemple, M. le Président, de la chanson Dégénérations. Ce n'est pas pour rien que ça a explosé. Il y a des enfants de 12, 13, 14, 15 ans qui ont entendu parler de leurs grands-parents ou leurs arrière-grands-parents pour la première fois de leur vie, là. Ça fait que, quand vous parlez de transmission de quelque chose, je trouve, dans le fond, ce que vous proposez là est un défi énorme, et effectivement, vous avez tout à fait raison de le dire, vous êtes un des seuls -- peut-être que je me trompe -- à dire: Vous n'êtes pas tout seul, le ministère de la Culture, là-dedans; peut-être que la bouchée est grosse. Et effectivement, dans ce que vous proposez, la bouchée est grosse parce qu'il y aussi l'enseignement de l'histoire avec un grand h, évidemment, là, et ça en fait partie.

Donc, avez-vous considéré le contexte actuel dans lequel l'histoire s'enseigne et s'apprend? Et ce que j'ai dit, moi, c'est le... je réfère au programme du ministère de l'Éducation et non pas à la compétence des professeurs, évidemment, des profs d'histoire. Alors, avez-vous réfléchi à ce volet-là aussi? Parce que vous avez certainement vu des controverses qui ont entouré ce domaine-là au cours des dernières années.

M. Gauthier (Antoine): C'est certain que nous, notre emphase, là, ce n'est pas tant de regarder ce qui s'est fait historiquement parlant, mais bien de documenter et de servir la pratique actuelle et future de certaines disciplines, là: les arts et savoir-faire traditionnels. C'est davantage vers là qu'on veut aller. Et, à la page 18, ce qu'on dit, c'est qu'il serait dommage de restreindre la mention de la connaissance, qui est un élément important... il serait dommage de restreindre cette chose-là dans le texte de loi aux seuls inventaires, bien que ces inventaires-là soient utiles au niveau de la gestion, là. Il y aurait lieu éventuellement de rajouter certains aspects pour dire qu'est-ce que pourrait représenter la connaissance du patrimoine immatériel. C'est tout ce qu'on dit à la page 18.

M. Lemay: Mais tout ça part de très loin, M. le Président, malheureusement. Je suis obligé de vous le dire, là, mais c'est ce que je pense. Malheureusement.

Parlant d'inventaire, on... En tout cas, je... Nous posons invariablement la question parce qu'on veut savoir un peu... Le projet de loi arrive, c'est un projet de loi intéressant. C'est un gros... C'est du costaud, là, et on se demande... on demande toujours aux différents intervenants, justement, en termes d'inventaire, sans tomber dans la mécanique, là... Vous avez vu la question que j'ai posée tout à l'heure, je crois. Est-ce qu'on a une idée un peu, en termes d'inventaire justement, où on en est rendus? Est-ce qu'on a une bonne idée? Ce que je comprends, c'est qu'en termes de connaissances il reste du travail à faire. Et, en termes de transmission de connaissances aussi, de transmission, il reste beaucoup de travail à faire. En termes d'inventaire, où en sommes-nous, d'après vous, d'après ce que vous savez, dans les différents domaines, parce que c'est très large, là, dans les différents domaines?

M. Gauthier (Antoine): Bien, il y a diverses manières, là, de comprendre un inventaire. Et de ce que je semble avoir compris, là, où se dirige le ministère de la Culture, je pense que c'est intéressant, c'est de cibler les pratiques traditionnelles qui sont... qui pourraient faire partie du patrimoine immatériel. Maintenant, est-ce que c'est vraiment nécessaire de savoir que, dans tel village sur la Côte-Nord, c'est Pierre, Jean, Jacques qui fait ça spécifiquement? Je veux dire, c'est des choses qui sont appelées à changer: les gens meurent, les gens déménagent. Je pense qu'il y a une approche, là, qui a été adoptée, je crois, sauf erreur, par le ministère de la Culture qui est intéressante, de dire: On va cibler certaines pratiques et on va avoir un portrait global. Nous, ici, on regroupe la majorité des associations, là, nos membres individuels ou nos membres associatifs dans diverses régions du Québec, on est capables d'avoir un portrait quand même assez fidèle de c'est qui, les acteurs dans ce domaine-là.

M. Lemay: Donc, si je comprends bien, M. le Président, il faut peut-être d'abord prioriser -- est-ce que c'est ce que vous dites? -- prioriser ou cibler le domaine d'intervention. Je veux juste être sûr de bien comprendre, là.

M. Gauthier (Antoine): C'est-à-dire qu'au lieu d'utiliser la manière d'inventorier, disons, de se dire: On veut savoir ce que tout le monde fait sur la province de Québec exactement: Tel fait telle affaire dans tel village... Ça ne finira plus, là. C'est du gaspillage de ressources parce que ça ne finira plus. L'approche autre, c'est de dire: Regardez, il existe des gens qui font du canot d'écorce, voici ce que ça représente, faire un canot d'écorce, voici quelques personnes qui en font. Mais est-ce qu'on doit vraiment aller chercher tous les gens qui en font et leur demander leur adresse? Peut-être pas, là. C'est ça que je...

M. Lemay: Ne pas tomber dans... D'accord. Merci.

Le Président (M. Curzi): Je vous remercie, messieurs, de votre présentation.

Je lève la séance. Et la commission ajourne ses travaux à jeudi le 24 mars, après les affaires courantes, à la salle Louis-Hippolyte-La Fontaine. Merci infiniment. Bonne soirée.

(Fin de la séance à 18 h 37)

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