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Version finale

40e législature, 1re session
(30 octobre 2012 au 5 mars 2014)

Le lundi 29 avril 2013 - Vol. 43 N° 26

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 23, Loi modifiant la Loi sur l’instruction publique concernant certains services éducatifs aux élèves âgés de moins de cinq ans


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Table des matières

Remarques préliminaires

Mme Marie Malavoy

Mme Francine Charbonneau

Mme Nathalie Roy

Auditions

Association des commissions scolaires anglophones (ACSAQ) et Association des directeurs
généraux des commissions scolaires anglophones du Québec (ADGCSAQ)

Association d'éducation préscolaire du Québec

Association des directeurs généraux des commissions scolaires (ADIGECS)

Association québécoise des centres de la petite enfance (AQCPE)

Autres intervenants

M. Éric Caire, président suppléant

M. Luc Trudel

M. Émilien Pelletier

Mme Danielle St-Amand

*          M. David C. D'Aoust, ACSAQ

*          M. David Birnbaum, idem

*          Mme Roma Medwid, ADGCSAQ

*          Mme Francine Boily, Association d'éducation préscolaire du Québec

*          Mme Danielle Jasmin, idem

*          M. Raynald Thibeault, ADIGECS

*          Mme Sylvie Anctil, idem

*          M. Michel Bernard, idem

*          Mme Hélène Gosselin, AQCPE

*          Mme Claudette Pitre-Robin, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Quatorze heures trois minutes)

Le Président (M. Caire) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Donc, ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires, s'il vous plaît.

Le mandat de la commission est de tenir des audiences publiques dans le cadre de la consultation particulière du projet de loi n° 23, Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique concernant certains services éducatifs aux élèves âgés de moins de cinq ans.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Roy (Bonaventure) sera remplacé par M. Trudel (Saint-Maurice) et M. Sklavounos (Laurier-Dorion), par Mme St-Amand (Trois-Rivières).

Le Président (M. Caire) : Merci. Donc, à l'ordre du jour, cet après-midi, nous allons débuter par les remarques préliminaires puis nous recevrons l'Association des commissions scolaires anglophones du Québec conjointement avec l'Association des directeurs généraux des commissions scolaires anglophones du Québec. Par la suite, nous entendrons l'Association d'éducation préscolaire du Québec, l'Association des directeurs généraux des commissions scolaires du Québec et l'association des centres de la petite enfance.

Remarques préliminaires

Nous allons débuter par des remarques préliminaires pour une durée de 10 minutes du côté du... cinq...

Une voix : Six.

Le Président (M. Caire) : ...six minutes du côté du gouvernement, six minutes du côté de l'opposition et, du côté du deuxième groupe d'opposition, pour trois minutes. Donc, sans plus tarder, Mme la ministre de l'Éducation, j'entends vos remarques préliminaires pour une durée de six minutes.

Mme Marie Malavoy

Mme Malavoy : Merci, M. le Président. Nous sommes réunis aujourd'hui pour lancer les consultations particulières à l'égard du projet de loi n° 23, Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique concernant certains services éducatifs aux élèves âgés de moins de cinq ans. Et, pour que ce soit bien clair, on parlera ici de maternelle quatre ans pour des enfants de milieux défavorisés. Je suis heureuse de prendre part à l'exercice. Je salue, d'ailleurs, les représentants et représentantes d'organismes qui vont venir partager leurs commentaires et leurs recommandations avec nous.

Je me permets de vous indiquer également quels sont les gens qui m'accompagnent : M. Alain Veilleux, qui est sous-ministre adjoint au ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport; j'ai mes collègues, qui sont deux collègues députés, qui prendront part aux discussions; et il y a derrière moi des gens que je ne vois pas, mais dont je sais toute l'attention et qui font partie et du ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport et du ministère de la Famille et qui vont venir, donc, prendre en note tout ce qui va être dit ici.

Je me permets de vous dire en quelques mots très simples qu'est-ce qui nous guide dans notre démarche. Pourquoi un tel projet? Je vous dirai, d'entrée de jeu, que ce qui est au coeur de nos préoccupations, ce sont les enfants. Nous souhaitons faciliter l'accès à des services de qualité à des enfants de milieux défavorisés, accroître leurs chances de réussir. Et, vous savez que ce sont des valeurs fondamentales du système d'éducation au Québec, nous avons choisi d'offrir à des enfants de milieux défavorisés la maternelle quatre ans à temps plein. Cette mesure que nous voulons instaurer s'appuie sur des principes et des moyens reconnus par la recherche qui montrent l'importance d'agir en amont et d'intervenir tôt dans le processus éducatif de l'enfant. Parce que, sans l'apport d'un soutien particulier, plusieurs enfants risquent de ne pas avoir les bases nécessaires pour commencer adéquatement leur scolarisation et connaîtront rapidement des difficultés d'apprentissage. Notre projet repose donc sur le constat largement reconnu qu'en permettant aux enfants plus vulnérables, dès le début de leur parcours scolaire, de pallier les carences susceptibles de compromettre par la suite leur réussite nous les aidons à développer et à conserver le goût d'apprendre tout au long de leur parcours scolaire.

Dans cette démarche, nous sommes guidés par trois principes. D'abord, celui de ne pas se substituer aux parents ni de leur imposer un choix. Nous proposons la maternelle quatre ans dans les milieux visés comme un servicesupplémentaire offert sur une base volontaire. Ensuite, nous souhaitons instaurer progressivement ce nouveau service. J'ai déjà indiqué — dans la mesure où ce projet de loi serait adopté, bien entendu — un groupe d'en moyenne 15 enfants serait formé dans chaque commission scolaire dès septembre 2013. Ces enfants proviendraient d'un milieu défavorisé d'indice 9 ou 10, donc parmi les plus défavorisés. La prochaine année scolaire deviendrait donc le point de départ de ce projet que nous souhaitons implanter de manière progressive et ordonnée. Les commissions scolaires disposeraient du temps nécessaire pour s'approprier ce programme d'activités. Le troisième principe, mais non le moindre, qui sous-tend notre démarche, c'est celui d'assurer la complémentarité entre les services de garde éducatifs actuellement offerts par le ministère de la Famille et ceux de la maternelle quatre ans à temps plein en milieu défavorisé. Nous poursuivons, d'abord et avant tout, l'objectif d'élargir l'offre de services aux parents et de rejoindre le plus d'enfants possible des milieux défavorisés, répondant ainsi à une diversité de besoins.

Avec ce projet de loi, nous nous attaquons non seulement au décrochage scolaire, mais aussi et surtout nous voulons soutenir davantage les enfants qui en ont besoin. Nous voulons qu'ils aient accès à des services de qualité, nous voulons accroître leurs chances de réussite. Nous plaçons chaque élève au coeur de nos priorités et nous voulons qu'on lui donne tous les outils à la fois pour conserver son goût d'apprendre — parce que je pense qu'il est inscrit en chaque être humain dès la naissance — mais pour lui permettre également de construire sa réussite, de persévérer jusqu'à la fin de son parcours scolaire.

Je sais que toutes les personnes qui prendront la parole à l'occasion de ces consultations partagent la même préoccupation de mettre les élèves au coeur de toutes nos réflexions. Je les remercie. J'ai hâte d'entendre ce qu'ils et ce qu'elles ont à dire. Nous prendrons bien en note tous leurs besoins, toutes leurs opinions, mais je me permets simplement, en terminant, de rappeler que l'essentiel de ce projet de loi, c'est de s'assurer que des petits enfants qui ont aujourd'hui quatre ans et qui font, dans certains cas, un saut immense en arrivant à cinq ans en maternelle, surtout s'ils viennent de milieux très défavorisés, que ces petits enfants de quatre ans aient toutes les chances de leur côté et qu'on leur offre un service nouveau qu'est celui d'une maternelle pour qu'ils aient le droit, eux aussi, à la réussite. Merci, M. le Président.

• (14 h 10) •

Le Président (M. Caire) : Merci, Mme la ministre. Donc, je vais aller du côté de l'opposition officielle, toujours pour une durée de six minutes. Mme la députée de Mille-Îles.

Mme Francine Charbonneau

Mme Charbonneau : Merci, M. le Président. Mme la ministre, mes salutations. Deuxième semaine qu'on passe ensemble, c'est toujours intéressant. Le projet de loi la semaine passée, le premier. Le deuxième, cette semaine. Chers collègues, ma collègue de Trois-Rivières, mes collègues en face, les gens qui les accompagnent, M. le Président, ma collègue de Montarville, qui est un petit peu plus loin. Et, Mme la ministre, si jamais ça bouge trop en arrière, je vous ferai signe. Comme ça, ça va vous donner une indication.

Le Parti libéral du Québec s'est dit ouvert à la proposition de la ministre. Elle est fort intéressante. Elle est intéressante, puisque l'éducation reste un endroit où on apprend et on aime apprendre, et on aime… je ne vous dirai pas croire, mais c'est un lieu où on sait que le premier amour que l'enfant a, c'est vraiment ce principe d'apprentissage par le jeu, et la maternelle est toujours un endroit fort intéressant. Mais, un peu comme l'anglais intensif, que Mme la ministre a décrié pendant quelque temps, je vous dirais qu'on se questionne sur le principe du mur-à-mur, est-ce qu'on doit le faire partout de la même façon, et c'est ce que les intervenants viendront nous dire cette semaine et nous guider dans la meilleure façon de prendre cette décision.

Le principe de défavorisation, le principe de prendre le problème en amont est toujours bien, sauf quand il met en place un principe de ghetto. Là, il faut aussi regarder la façon de faire, puisque je pense que la mixité peut rendre les choses intéressantes pour les enfants, autant des milieux défavorisés que des milieux allophones, que des milieux bien nantis. Je pense que la mixité peut être fort intéressante. Il ne faut surtout pas oublier que, dans le milieu scolaire, il y a une facture insidieuse. On en parle quelquefois, mais pas assez souvent. Il y a la facture du service de garde, la facture du dîneur, il y a l'habillement. Si je suis dans un milieu défavorisé, il faut quand même que j'en tienne compte. Et, dans le principe du préscolaire à une classe par commission scolaire, il y a aussi le principe de déplacement. Le temps que mon enfant va passer en déplacement, je dois le considérer. Donc, ce sont des choses qu'il faut regarder parce qu'on ne le voit peut-être pas nécessairement arriver de la même façon.

Nous allons participer, comme on l'a fait la semaine passée et comme on va continuer à le faire, participer à un dialogue de façon constructive, faire avancer, mettre en place les valeurs qu'un Québec veut voir dans un préscolaire quatre ans qui arrive tranquillement dans son organisation. Nous allons entendre des groupes de différents milieux, l'éducation, les services de garde. J'espère entendre des gens du milieu familial, les principes différents qui guident différents milieux. Et j'espère qu'on va pouvoir échanger avec différents intervenants sur le programme Passe-Partout parce que je pense que c'est un programme qui se dirige plus dans les régions qu'à Montréal — à Montréal, il n'existe presque pas, sinon pas du tout — qui donne une couleur à la volonté du partage des responsabilités entre le parent, et l'intervenant scolaire, et l'élève ou le jeune et son intervenant.

On sait que, dans la pyramide de Maslow, le premier critère, c'est la sécurité. Il faut que l'enfant se sente bien, il faut qu'il ait un sentiment d'appartenance, puis, au préscolaire, c'est l'endroit parfait pour pouvoir développer ce premier principe là. Par contre, si j'ai des intervenants qui m'arrivent de partout — du service du dîneur, du service de garde, le transport, et tout ce qui s'ensuit — je ne suis pas sûre de développer correctement cette relation-là. Mais, ceci dit, les intervenants nous guideront à prendre les meilleures décisions.

Je nous rappelle aussi que le préscolaire quatre ans, ce n'est pas nouveau. J'aimerais penser que c'est une nouvelle idée, mais le préscolaire quatre ans existe à temps partiel, et je pense que ça va nous aider à guider encore les meilleures décisions pour prendre pour un temps plein. Mais, dans certaines commissions scolaires anglophones du Québec, le temps plein existe, et on aura le privilège d'entendre les gens de l'école Saint-Zotique, qui, eux, ont mis en place le principe temps plein depuis 2009 sur un principe de projet pilote, et je pense qu'à eux aussi on aura énormément de questions.

Pour une bonne implantation d'un programme avec une valeur ajoutée qui s'implante correctement et pour les bonnes raisons, bien, il ne faut pas oublier que, parallèlement à ça, il y a des coupures qui se font dans les commissions scolaires et qui font des choix durs et difficiles sur le service à l'élève après la première année. Donc, moi, je veux bien qu'on travaille en amont, je suis d'accord, je vais louanger ce principe-là. Mais, à partir du moment où j'ai un service à quatre ans qui est réduit rendu à cinq ans et je n'en ai plus du tout en deuxième année, je commence à avoir un problème sur ma participation active comme communauté pour m'assurer d'un service correct et pour la réussite de mon jeune rendu au secondaire et sa poursuite de ses études. Donc, M. le Président, on a hâte de commencer.

Le Président (M. Caire) : Merci, Mme la députée de Mille-Îles. Je vais donc aller du côté du deuxième groupe d'opposition pour trois minutes. Mme la députée de Montarville.

Mme Nathalie Roy

Mme Roy (Montarville) : Merci beaucoup, M. le Président. Mme la ministre, collègues du gouvernement, collègues de la première opposition, soyez tous salués en ce beau lundi après-midi. Mon temps étant imparti, je vous lirai une déclaration pour être sûre de bien être comprise et d'avoir le temps de le dire.

Alors, d'entrée de jeu, la Coalition avenir Québec entre dans ce processus animée par la conviction que le dépistage précoce des problèmes d'apprentissage ou de comportement chez les enfants de quatre ans est important, puisque ces problèmes sont des indices qui prédisent, jusqu'à un certain point, le décrochage scolaire. Conséquemment, nous appuyons toutes les mesures efficaces qui favorisent le dépistage précoce. Aussi, l'intervention précoce est, à partir d'un bon dépistage, une des priorités de notre formation politique parmi les actions à poser dans la lutte contre le décrochage scolaire. C'est un fléau épouvantable, ce décrochage scolaire, sur lequel les gouvernements des dernières années n'ont eu que très peu de prise. La coalition entretient donc un préjugé favorable envers le fait d'intervenir auprès d'enfants dont le développement normal est compromis.

À quatre ans, un enfant bâtit sa confiance et son estime de soi. Il a besoin de sécurité, d'amour et de soins. Il a aussi besoin d'être stimulé et encadré. S'il ne faut en rien présumer que les enfants de quatre ans en milieu défavorisé vont décrocher, il y a lieu d'être plus attentif et de bien soutenir les parents dans la tâche de bien préparer leurs enfants pour leur entrée à l'école.

On comprendra que la Coalition avenir Québec part avec un préjugé favorable au projet de donner aux enfants âgés de quatre ans issus de milieux défavorisés l'accès à des services d'éducation préscolaire, mais nous nous posons de nombreuses questions, des questions sur le projet actuel de la ministre de l'Éducation, celui qui est présenté avec ce projet de loi n° 23.

Alors, voici quelques questions. A-t-on bien regardé du côté des services offerts dans les CPE spécifiquement implantés dans les milieux défavorisés? Dans les structures actuelles des commissions scolaires et des problématiques liées à leur financement — on en a parlé — est-ce une bonne idée de se lancer dans des projets pilotes où de si jeunes enfants sont en cause? Les ratios éducateur-enfants nous préoccupent. Comment distinguer, dans des classes de préscolaire de 15 enfants, les avantages des inconvénients pour un enfant en difficulté quand il pourrait se retrouver dans un groupe beaucoup plus petit dans un CPE? Finalement, comment rejoindre efficacement les quelques milliers d'enfants de milieux défavorisés non rejoints actuellement pour mieux dépister et intervenir face aux problèmes de dépistage ou de comportement?

Alors, M. le Président, vous pouvez compter sur ma collaboration la plus entière à l'occasion de ces travaux, je suis préoccupée par l'aide aux enfants et le support à offrir aux parents. Et, si la pression pour un enfant est de devoir grandir plus vite que son développement normal l'exige, la préscolarisation comporte des dangers, et nous aurons l'occasion d'en reparler.

Auditions

Le Président (M. Caire) : Merci beaucoup. Donc, merci pour les remarques préliminaires à tous. Nous allons maintenant débuter avec l'audition du premier groupe, et, donc, j'invite l'Association des commissions scolaires anglophones du Québec et l'Association des directeurs généraux des commissions scolaires anglophones du Québec à s'adresser à nous. Je comprends que nous recevons aujourd'hui M. David D'Aoust. M. D'Aoust, peut-être avoir l'obligeance de nous présenter les gens qui vous accompagnent.

Association des commissions scolaires anglophones (ACSAQ)
et Association des directeurs généraux des commissions
scolaires anglophones du Québec (ADGCSAQ)

M. D'Aoust (David C.) : M. le Président, Mme la ministre, membres de la commission, il me fait plaisir de vous présenter notre directeur général de l'Association des commissions scolaires anglophones, l'ACSAQ, David Birnbaum, quelqu'un que vous connaissez déjà, j'en suis sûr, et Mme Roma Medwid. Elle est assistante-directrice générale à la commission scolaire English-Montréal. Alors, elle est ici représentant l'Association des directeurs généraux des commissions scolaires anglophones du Québec. Pas l'ADGESBQ, l'autre association.

Le Président (M. Caire) : Je vous entends donc pour une période de 10 minutes pour votre présentation, M. D'Aoust.

• (14 h 20) •

M. D'Aoust (David C.) : Oui, merci. L'Association des commissions scolaires anglophones du Québec se réjouit de cette opportunité d'offrir ses commentaires au sujet du projet de loi n° 23 et de l'initiative ministérielle qui l'anime, soit la création d'un programme de maternelle quatre ans temps plein dans chacune des 69 commissions scolaires du Québec.

Nous sommes particulièrement heureux de faire cette présentation aujourd'hui, de concert avec nos partenaires, l'Association des directeurs généraux des commissions scolaires anglophones.

Primo, nous désirons manifester notre appréciation à la ministre et son gouvernement d'avoir accordé une priorité à la stratégie d'intervention précoce — vous venez d'en discuter, et merci — et ce, dès le discours inaugural de la première ministre. Malgré une conjoncture économique difficile, nous devons, sans plus tarder, offrir à nos enfants les meilleures opportunités possible pour qu'ils puissent réaliser leur potentiel et, ainsi, devenir des citoyens du monde productifs. Des choix importants, même s'ils encourent de nouvelles dépenses, doivent se faire.

D'une même voix, l'ACSAQ et l'association des D.G. désirent souligner le fait que nous supportons cette approche. Notre intérêt pour l'intervention précoce remonte à 2007. Déjà, à cette époque, l'ACSAQ était fière d'initier sa propre étude de faisabilité au sujet de la prématernelle. Nous l'avons alors partagée avec le gouvernement en place et, à nouveau, avec le gouvernement actuel parce que nous sommes convaincus que le Québec doit, dans un avenir rapproché, faire preuve de leadership et rendre de tels services disponibles pour tous.

L'ACSAQ et ses directeurs généraux ont participé au comité MELS-Réseau — merci beaucoup — avec les commissions scolaires, visant à mettre en place les premiers 69 groupes de maternelle quatre ans à temps plein pour l'année scolaire 2013‑2014. Nous avons pu y consulter plusieurs études qui font la preuve de la valeur inestimable de l'intervention précoce en éducation des enfants, particulièrement dans le cas de ceux provenant du milieu défavorisé. Ces services de prématernelle vont certainement aller dans le sens de l'engagement que nous, Québécois, avons pris de s'attaquer au décrochage scolaire, un problème qui nous concerne tous et toutes. Notre réseau d'écoles publiques anglophones constate, d'ailleurs, d'importants progrès en cette matière, et nous avons identifié l'intervention précoce comme étant une étape clé.

Cela dit, nous désirons, tout de même, soulever un certain nombre de questions et de préoccupations pressantes qui devront être abordées si nous voulons que nos commissions scolaires puissent offrir de manière efficace une première série importante de programmes… et va préparer le terrain pour l'expansion, nous espérons, du réseau prématernelle des années à venir.

Mme Medwid (Roma) : Permettez-nous donc d'exprimer les réflexions suivantes. En ce qui concerne l'approche pédagogique du programme de prématernelle quatre ans, l'ACSAQ a noté dans sa propre étude de faisabilité que les programmes devraient être fondés sur le jeu et l'exploration, et non pas sur une approche didactique, et que le concept de l'équilibre des activités physiques, socioémotif, communicatif et intellectuel est important, de même que le mélange d'activités initiées par les adultes et d'autres par les enfants.

L'avis important publié par le Conseil supérieur de l'éducation en août dernier souscrit à cette approche. Sachez que nous tenons à préciser que nous réitérons cette prise de position dans le but d'exprimer notre conviction que ce programme est et doit être différent de celui des services de garde en milieu scolaire. La valeur éducative du jeu, l'importance cruciale du lien avec l'enseignant, qui maîtrise à la fois les stades de développement de la petite enfance et les aptitudes à acquérir pour optimiser les apprentissages scolaires à venir, sont d'importants gages de succès, et nous y souscrivons.

Nous sommes heureux de noter à l'article 224.1 du projet de loi une modalité au sujet des services et du soutien aux parents des élèves de ces classes de prématernelle. Nous sommes impatients d'en savoir plus à ce sujet, compte tenu du lien à créer avec ces derniers dès l'inscription de leur enfant dans un tel programme.

Nous avons également des questions importantes et concrètes au sujet de la manière que ces services vont être organisés, financés et évalués, de même qu'en ce qui a trait au personnel désigné pour rendre les services. Chacune de ces questions est pressante, étant donné qu'il ne reste qu'environ quatre mois avant la rentrée scolaire de 2013.

Les règles budgétaires publiées récemment prévoient le financement individuel pour un groupe jusqu'à 18 élèves par commission scolaire. Plusieurs de nos commissions scolaires, comme vous le savez, desservent un territoire immense et peu peuplé. Que va-t-il se passer si une école donnée ayant un indice de défavorisation de 9 ou 10 ne peut rassembler un groupe de 18 personnes, mais seulement neuf? Comment cette école va-t-elle prévoir le personnel adéquatement et appuyer un tel service basé sur un financement uniquement basé sur un montant par élève? Ne serait-il pas plus approprié d'offrir un financement de base suivi d'une allocation par élève? Nous nous demandons quand nous connaîtrons les paramètres en ce qui a trait à la charge de travail des enseignants de ces classes.

M. Birnbaum (David) : Mme la ministre, ces petits enfants qui proviennent de milieux défavorisés et qui débutent la maternelle à temps plein auraient besoin de soutien. Le seul financement par élève ne saurait couvrir les dépenses en services complémentaires pour soutenir ces élèves. Les règles budgétaires font présentement l'objet d'une consultation, et, donc, nous vous exhortons d'examiner ces questions et de vous assurer de prendre en compte la réalité de nos écoles rurales et que ça soit pris en considération, particulièrement en ce qui a trait au défi potentiel de trouver un groupe de 18 élèves pour former un seul regroupement. Nous voulons être prêts pour bien accueillir ces nouveaux venus et leur famille dans nos écoles. L'échéancier est serré, et votre considération des enjeux soulevés fera toute la différence.

Nous devons aussi exprimer notre malaise face au défi imposé aux commissions scolaires d'identifier et de solliciter les élèves sur la base de leur milieu socioéconomique à eux, et non celui de l'école pour cet unique groupe par commission en vue de la prochaine année scolaire. Ce défi est encore plus difficile pour nos écoles qui desservent un très grand territoire. Il est regrettable que des familles éligibles seront probablement confuses par les conditions et restrictions d'admissibilité et par le fait que beaucoup d'enfants qui pourraient bénéficier de ce service ne pourront y avoir accès.

Nous sommes d'avis que ces premiers 69 groupes de maternelle quatre ans à l'école publique doivent n'être qu'un début. Il serait essentiel, toutefois, que les commissions scolaires et le ministère, en partenariat, consacrent les ressources et le temps nécessaires pour évaluer chaque étape de l'implantation de ce programme de façon systématique et ouverte.

L'ACSAQ et l'ADGCSAQ ont hâte de prendre connaissance de vos questions et de vos commentaires au sujet des préoccupations que nous venons d'exprimer et aussi de travailler en collaboration avec nos partenaires du ministère. En dépit des obstacles, il est essentiel que ce programme maternelle quatre ans initial garantisse que chaque jeune Québécois de tous les milieux socioéconomiques, de toutes les origines et au potentiel varié se voie offrir la meilleure opportunité possible de commencer son apprentissage scolaire avec enthousiasme et curiosité. La cloche va bientôt sonner, Mme la ministre. Il faut que nos nouveaux petits élèves puissent apprendre et s'épanouir sur une base égale, dans un environnement sûr et sécuritaire, mais il reste encore quelques devoirs à faire avant de pouvoir les accueillir. Merci.

Le Président (M. Caire) : Merci beaucoup, messieurs, madame. Nous allons donc procéder maintenant à la période des échanges avec les parlementaires. J'ai compris qu'il y avait consentement pour utiliser la totalité du temps en un seul bloc, ce qui donnerait au côté ministériel 24 minutes, à l'opposition officielle 20 min 30 s et au deuxième groupe d'opposition 5 min 30 s. Donc, s'il y a consentement, nous allons commencer du côté ministériel, Mme la ministre, pour une période de 24 minutes.

Mme Malavoy : Merci, M. le Président. Merci, madame, messieurs, d'être parmi nous aujourd'hui. Je sais que c'est une question qui vous tient à coeur et je suis heureuse de vous voir à cette occasion-là parce que vous faites partie des gens qui ont une expérience en la matière. Et, donc, c'est très utile pour nous, bien entendu, de réfléchir avec vous aux questions que vous posez, puis j'y viendrai au fur et à mesure, mais je pense que c'est important de parler à des gens qui ont, je dirais, une expérience vécue et qui ne discutent pas simplement en théorie : Est-ce qu'il faut faire ceci ou il faut faire cela? Et je l'apprécie beaucoup, et je suis très heureuse que vous soyez les premiers à parler aujourd'hui parce qu'on va se situer dès le début — pour moi, c'est très important — en pensant à la réalité que vivent certains enfants et, donc, en essayant de voir est-ce que d'avoir un service comme celui-là, qui, je le rappelle, ne se substitue pas à autre chose, est un ajout, est un service complémentaire. On va se demander : Est-ce que ça rend des services?

Alors, ma première question, avant même d'entrer dans des sujets un petit peu plus spéciaux que vous avez abordés, ma première question, ce serait que vous me disiez, de votre expérience, vous qui avez des maternelles quatre ans pour des enfants de milieux défavorisés, en mots très simples, qu'est-ce que ça donne. Quelle est votre évaluation de ce que ça donne?

• (14 h 30) •

M. D'Aoust (David C.) : Merci, Mme la ministre.

Mme Medwid (Roma) : Merci. Pour nous, comme vous avez dit, nous avons vécu cette expérience avec les prématernelles quatre ans dans nos milieux défavorisés. On a trouvé que c'était un outil de réussite pour les enfants. Aussi, on a trouvé que ça permettrait aux enfants des milieux les plus pauvres de partir sur le même pied que les autres enfants. En plus, l'apprentissage est aussi positif sur l'éveil de tout enfant, mais surtout pour ces enfants de milieux défavorisés.

Encore, ce programme est un outil de plus pour faciliter le développement des enfants. Il permettra à certains enfants des milieux défavorisés de s'adapter à la vie scolaire pendant deux ans au lieu d'un an. L'enfant va découvrir le plaisir d'apprendre et va établir des fondements forts de ses apprentissages futurs. En plus, c'est un outil pour identifier les troubles d'apprentissage ou de comportement, et nous avons deux ans pour leur montrer des stratégies gagnantes qui peuvent agir en école, puis trouver la réussite, puis monter leur estime de soi. En plus, c'est un autre service qui permettra... puis ça agit... les services qu'on peut offrir aux parents, puis ils sont très contents d'avoir ce service.

Mme Malavoy : Une des questions qui se pose, c'est : Pourquoi ces parents-là ne veulent-ils pas que leurs enfants aillent dans des services de garde? Quelle est votre expérience de ce point de vue là? Quel est, je dirais, l'attrait, pour les parents de ces milieux défavorisés, d'envoyer leur enfant en maternelle alors qu'ils ne l'enverront pas dans un service de garde?

M. D'Aoust (David C.) : Mme la ministre, vous n'êtes sans savoir que 35 % des jeunes qui se présentent à la maternelle éprouvent déjà des problèmes d'apprentissage qui pourraient mener à un échec plus tard. Alors, ces mêmes parents le savent aujourd'hui puis savent comment c'est important que leurs enfants aient le goût d'apprendre pour vouloir aller à l'école. Ils réalisent que chaque enfant a du potentiel, chacun se développe à son rythme, il y en a qui devront commencer plus de bonne heure.

Alors, pour nous, on est convaincus que ces enfants devront avoir cette opportunité-là à l'âge de quatre ans. Je vous garantis que, dans ma famille, où est-ce que mon épouse est une éducatrice, on n'est pas toujours sur le même angle. J'ai déjà pratiqué ce matin à la table du petit-déjeuner et j'en ai sorti beaucoup de points. Mais c'est nouveau. Je pense que ça aurait été adopté ici, au Québec, dans les premières années. Parce que ça se fait en Ontario, puis ça se fait en Colombie-Britannique, puis ça se fait «at large» aux États-Unis, c'est une... Oui, c'est une approche précoce, les élèves vont avoir un peu de difficultés au début, les parents vont vouloir être assurés que leurs enfants vont être capables de s'adapter. Mais c'est à partir de ce qu'on a à l'école dans ces quatre ans-là qu'il faut travailler, et nous sommes convaincus qu'au bout de la ligne ces élèves-là vont avoir toute la possibilité au monde d'obtenir un diplôme d'enseignement secondaire dans leur vie et être heureux.

Mme Malavoy : Je comprends donc que, pour vous, l'expérience, elle est concluante, elle est positive. Depuis combien de temps ça existe chez vous? Et c'est à quelle échelle, là? Parce que vous êtes, je dirais, vous êtes pour nous un point de repère intéressant, puisque vous l'avez déjà pratiqué.

M. D'Aoust (David C.) : Ça s'est passé dans trois ou quatre de nos commissions scolaires, plus spécifiquement sur l'île de Montréal, où est-ce qu'il y avait le nombre d'élèves. Parce qu'à la campagne, dans les parties rurales, il y a des régions, souvent c'est difficile à regrouper assez de monde pour avoir une classe. Mais ça ne s'est pas passé toujours par l'entremise de la commission scolaire. On avait des groupes de parents qui voulaient travailler avec les quatre ans, ils ont implanté des maternelles quatre ans dans nos écoles avec l'espace qu'on leur a passé parce qu'ils étaient convaincus que c'était nécessaire. Et la preuve que ça marche… il faudrait voir le sentier de chacun, le cheminement de chacun de ces élèves-là, mais je vous garantis que ces élèves-là sont toujours à l'école, n'abandonnent pas leurs études scolaires. Alors, à la commission scolaire English-Montréal, je ne sais pas combien de classes qu'il y avait…

Mme Medwid (Roma) : Dans nos écoles, nous avons présentement... Dans toutes nos écoles en milieu défavorisé, ça veut dire 13 qui ont les classes de maternelle quatre ans temps partiel.

M. Birnbaum (David) : Et je crois que, derrière ça, c'est l'idée que ça va se passer à l'école et que c'est un cheminement normal — on parle des enfants de quatre ans — où, en quelque part, ça va être facultatif, qui suggère l'idée que l'école est un lieu positif, un lieu où on peut se sentir à l'aise. Aussi, ça donne déjà un pas devant pour les parents de comprendre qu'ils sont des intermédiaires, qu'ils sont les bienvenus au sein de l'école. Et, on voit, là, le terrain risque d'être semé comme il faut pour les 11, 12 ans qui vont se suivre, et voilà un pas de l'avant pour les enfants qui risquent de ne pas avoir cette culture si l'opportunité ne leur est pas fournie avant la maternelle.

M. D'Aoust (David C.) : Puis il faut rendre grâce aux parents parce que, comme l'immersion, c'est les parents qui nous ont poussés contre le mur, puis les parents qui nous ont poussés contre le mur pour avoir des maternelles quatre ans, puis, bravo, les parents. Une commission scolaire qui est active dans son milieu est à l'écoute des parents. Alors, on est peut-être gâtés, dans un sens, que nos parents s'intéressent beaucoup à l'éducation et qu'est-ce qui se passe dans leur milieu.

Alors, nous sommes convaincus… Depuis 2007 qu'on fait des essais en maternelle quatre ans, spécifiquement au niveau de l'école, mais même loin avant ça, avec les parents, non reconnus par la commission scolaire. S'il n'y avait pas du gros bon sens attaché à ça au bout de la ligne en termes de succès scolaire, on ne serait pas là.

Mme Malavoy : Vous le savez, M. D'Aoust, une des questions qui va se poser, là, tout au long des consultations à plusieurs reprises, c'est le fait d'avoir des maternelles quatre ans, donc, dans le milieu scolaire pour des enfants de cet âge-là par rapport aux services qu'on offre dans les centres de la petite enfance, dans les services de garde. Est-ce que, là-dessus, vous avez une opinion? Est-ce que vous pouvez expliquer pourquoi, par exemple, les parents que vous avez évoqués tout à l'heure ont voulu que, pour certains enfants, ça se passe à l'école plutôt que de faire pression pour développer d'autres types de services, des services de garde plus classiques?

M. D'Aoust (David C.) : Vous savez, on est chanceux au Québec qu'on peut faire un choix, CPE ou, bientôt, maternelle quatre ans. Je pense que les parents voyaient bel et bien qu'il y avait des ressources au niveau de l'école, et on était... Du côté anglophone, je sais qu'on est toujours prêts à partager ces ressources en autant que ça ne pénalise pas les élèves en place. Alors, que ça soit le gymnase, que ça soit la bibliothèque, que ça soit certains spécialistes qui visitent, que ça soit l'assemblée des élèves, les maternelles quatre ans non légalement reconnues, hein, sont présentes, on les invite toujours. Alors, ils font partie du tissu social de l'école. Alors, ils en bénéficient. Que ce soit un simple film qui est offert aux jeunes, que ça soit une partie sur la glace, que ça soit quelqu'un, un écrivain qui se présente à l'école, que ça soit quelqu'un qui a bien réussi, que ça soit un astronaute qui est présent, les quatre ans sont là. Alors, c'est une richesse que l'école a, peut-être que les CPE n'ont pas.

• (14 h 40) •

M. Birnbaum (David) : Mme Medwid risque d'avoir des précisions, mais, sur le plan général, comme le rapport du Conseil supérieur de l'éducation a constaté, le nombre est trop important pour plusieurs raisons… le nombre est trop important de jeunes qui n'ont pas accès ou qui ne se prévalent pas d'une option ou une autre — les CPE ou quoi que ce soit — pour l'instant. Alors, toutes les modalités sont bonnes, d'intervention, et là on parle d'un ajout complémentaire qui risque d'être une option beaucoup plus pertinente pour certains parents qui ne sont pas impliqués d'une façon ou d'une autre avec leurs enfants de quatre ans. Alors, ça s'ajoute.

Mme Medwid (Roma) : …les parents, aujourd'hui, ils sont très consciencieux avec l'Internet quand leurs enfants ont des difficultés, surtout les parents qui ont des enfants avec des troubles d'apprentissage. Et, quand ils ont eu des succès à l'école avec un autre enfant, ils veulent emmener leur enfant à l'école. Puis, pour l'école, c'est très important aussi. S'ils sont là à quatre ans, on peut identifier les problèmes d'apprentissage, puis il y a un suivi qui se fasse à l'école pour les enfants. C'est très important. Toujours, quand on a une organisation en dehors de l'école, la transition, ce n'est pas parfait. Mais, si l'enfant est à l'école à quatre ans, puis on peut faire un plan pour lui d'intervention individuelle, on travaille avec l'enfant, puis il y a un continuum ou des services. Puis, les personnes qui vont travailler avec l'enfant, c'est très important pour les enfants à cet âge.

Mme Malavoy : Je vous remercie. C'est éclairant, ce que vous dites. Je vais reprendre certaines choses que vous avez évoquées pour répondre à certaines questions de façon préliminaire, là, parce que notre processus n'est pas terminé. Puis, ensuite, j'aurai d'autres questions à vous poser, de même qu'un de mes collègues.

D'abord, vous avez manifesté ça, d'entrée de jeu, dans votre mémoire, le fait qu'à l'âge de quatre ans on apprend par le jeu. Je veux confirmer que les gens qui travaillent actuellement depuis le mois de février dans le cadre d'un comité de suivi travaillent vraiment à un programme qui soit un programme adapté pour des enfants de quatre ans. Et, comme le dit d'ailleurs très bien... Je vais vous le citer parce que je trouve que c'est une très belle phrase de l'avis du Conseil supérieur de l'éducation, que vous avez mentionné, qui dit — attendez un peu — qui dit ceci : «L'enfant apprend en jouant, mais il ne joue pas pour apprendre.» Je trouve que c'est une phrase pleine de sens, hein? L'enfant apprend en jouant, mais il ne joue pas pour apprendre. Lui, dans sa tête, s'il joue, il n'est pas en train d'avoir des notions de mathématiques ou d'alphabet. Il joue, lui, l'enfant, et il faut que notre approche soit centrée là-dessus. Donc, je crois que, là-dessus, on s'entend bien.

Vous avez évoqué également la question du financement. Donc, je réitère que nous ajoutons de l'argent pour ce projet spécifique dans les commissions scolaires, donc dans les écoles. On ajoute de l'argent neuf, mais, en même temps, on est en train de regarder la composition des groupes. Alors, sans que ce soit arrêté de façon absolue, je veux quand même que vous ayez à l'esprit qu'actuellement la moyenne, au préscolaire, d'enfants par groupe, la moyenne, c'est 15 enfants, mais nous sommes en train de regarder si on pourrait autoriser un démarrage de groupe à partir de six enfants pour éviter que, dans certains milieux, on ne soit pas capable de démarrer un groupe parce qu'on n'en a pas 15. 15 est une moyenne. Mais, selon la grandeur du territoire et selon les écoles desservies, il pourrait y avoir des groupes plus petits. Alors, je n'en fais pas une annonce absolue, là, mais je prends quand même la peine de vous le dire pour que vous l'ayez à l'esprit. Donc, ça ne veut pas dire : Il faut remplir à 15 élèves absolument, là. Ça peut être six, sept, huit, bon. Et, si c'est en bas de six, bien, on verra d'autres possibilités éventuellement. O.K.? Donc, je voulais vous rassurer là-dessus tout à fait.

Une chose qui m'intéresse, c'est de savoir comment, sur un territoire comme le vôtre, des territoires comme les vôtres, comment on organise ça parce que vous avez une vaste expérience de très grandes étendues. D'ailleurs, à certains moments, ça vous pose des difficultés. Mais mettons que, dans vos commissions scolaires, on ait une maternelle à plein temps pour les enfants de quatre ans, comment on organise ça dans des territoires aussi vastes? Je pense particulièrement à ceux qui sont plus au nord ou plus à l'est et à l'ouest du Québec.

M. D'Aoust (David C.) : Très bonne question. Permettez-moi, d'abord, de dire que de vous entendre aujourd'hui parler de la moyenne de groupe, là, ça nous soulage beaucoup parce que ça prend en considération les régions. On va faire comme on a toujours fait. Les premières journées vont être une initiation. Graduellement… Au début, on a droit à trois ou quatre journées, si ma mémoire est bonne, selon le régime pédagogique. On voudrait bien que ces élèves-là veuillent venir à l'école et trouvent ça intéressant, et qu'il y ait un bon accueil.

Oui, il va falloir qu'on développe un système de mentors pour qu'ils soient accompagnés sur les autobus scolaires. Parce que ça va être les autobus scolaires qui vont les amener. On a un système d'autobus scolaires qui fonctionne très bien, il y a quelques commissions scolaires qui ont leurs propres autobus, mais on est toujours conscients que, quand les jeunes viennent à l'école, qu'ils soient anglophones ou francophones, là, ça requiert une attention particulière. Et il est sûr que les parents ne seront pas capables de les emmener à l'école. Alors, il va falloir qu'on fasse notre possible pour les ramasser porte à porte. Ils sont trop jeunes pour les faire marcher à un coin, donc ce serait ce qu'on appelle de porte à porte sur le réseau scolaire, avec quelqu'un qui va descendre de l'autobus, qui va les monter, puis il va les accompagner sur le trajet. Après tout, ça donne quelque chose à faire pour les plus âgés puis ça les entraîne comment faire fonctionner et travailler avec les jeunes. Un jour... On a des autobus scolaires où est-ce qu'on a du primaire et secondaire. Les parents aimeraient mieux que ce soit toujours du primaire ou uniquement du secondaire, mais ce n'est pas possible, c'est un luxe qu'on n'a pas à la campagne. Alors, soyez assurés que nous allons faire notre possible pour les accueillir comme il faut.

Le Président (M. Caire) : Merci, M. D'Aoust. M. le député de Saint-Maurice, pour un peu plus de cinq minutes.

M. Trudel : Oui. Alors, bonjour. Vous avez quand même une bonne expérience, là, dans la mise en opération de ces maternelles à quatre ans. J'aimerais connaître, là, pour vous, votre point de vue, là, sur l'importance de cette mesure-là. Quand on sait qu'il y a 25 % à 27 % des jeunes qui font leur entrée directement dans le système d'éducation, qui n'ont pas passé dans d'autre type de système et qui entrent, là, pour la première fois dans une institution au niveau des commissions scolaires, au niveau de l'école, ne croyez-vous pas que, comparativement à ça, la mise en place de ça, là, que ce n'est pas plus le rôle de la famille, au niveau préscolaire, de s'occuper du développement de leur enfant? Donc, comment que cette mesure-là se distingue? Et quelle est la plus-value d'offrir ce service-là pour les 25 % qui n'ont pas eu accès avant, là, au niveau préscolaire, là, au réseau scolaire?

M. D'Aoust (David C.) : Premièrement, c'est une option qu'ils n'avaient pas, qu'ils n'ont pas eu jusqu'à date, à moins que la commission scolaire organisait une maternelle quatre ans ou que les parents l'organisaient dans les écoles avec permission de la commission scolaire. Pour certains parents, l'option de CPE, comme c'était le cas dans ma famille… Ce n'était pas l'option voulue pour une de mes filles, mais c'était l'option voulue pour une autre. Et une revendiquait toujours une maternelle quatre ans.

Alors, je crois qu'il y a des parents qui sont prêts à envoyer leurs enfants à l'école à l'âge de quatre ans pour beaucoup de raisons. On parle maintenant de milieux défavorisés. Je pense que l'école a toujours un rôle primordial pour la communauté. Souvent, les parents voient que c'est la voie de succès pour leurs enfants, et voudront bien qu'ils aient toutes les possibilités d'obtenir une vie de succès, et ils sont convaincus qu'à l'âge de quatre ans l'école est peut-être mieux préparée pour l'initiation à la formation, la formation de base. David.

M. Birnbaum (David) : Nous avons noté avec intérêt, et ça… On offre notre appui à l'article 224.1, si je ne m'abuse, où on parle de la... pas juste la complémentarité du rôle de l'école, éventuellement de rendre ce service-ci, et, le parent, qu'on ne parle pas d'un choix à trancher : Bon, est-ce que le parent va avoir ça comme son devoir, puis l'école ou même le CPE, l'autre moitié de ce travail-là? C'est un travail conjoint, et, souvent, les parents qui sont ciblés, on imagine, par un tel programme, c'est les parents, pour toutes sortes de raisons socioéconomiques, ne se trouvent pas à la taille de la tâche. Ce n'est pas dans leur vécu de comprendre l'importance de préparer leur enfant pour participer à l'école. Alors, ce parent a besoin de l'aide, et on parle dans le projet de loi de prévoir — et on est tout à fait d'accord — de prévoir l'implication et l'appui du parent dans son implication avec l'enfant. Alors, les deux vont de pair pour nous. C'est de faciliter le rôle du parent, qu'on a besoin d'amplifier et d'ajouter aux services de disponibles au sein de l'école à un âge précoce.

• (14 h 50) •

Le Président (M. Caire) : M. le député de Saint-Maurice… M. le député de Saint-Hyacinthe…

Mme Medwid (Roma) : Excusez-moi.

Une voix : ...

Mme Medwid (Roma) : En plus, il y a à peu près 8 000 enfants à Québec qui ne vont pas au service de garde, puis c'est les parents qui attendent, pour une raison ou une autre, pour le rentrer à scolaire. C'est nos enseignants qui sont entraînés pour accueillir ces enfants, puis l'espoir de ces parents, c'est tellement fort que, dans certaines de nos écoles, nous avons des prématernelles privées qui sont du service de garde, mais elles sont situées dans nos écoles. Puis, souvent, les parents qui ne vont pas à leur service de garde, c'est les parents qui vont fréquenter ces prématernelles parce qu'ils veulent rentrer dans l'école... Ça, c'est la première expérience de la famille à l'école, puis ils voient qu'il y a une valeur pour rentrer à quatre ans au lieu de cinq ans. Au commencement de ces services de garde dans nos écoles, c'était parce que c'était dans les écoles, puis c'est l'expérience scolaire qu'ils voulaient avoir pour leurs enfants.

Le Président (M. Caire) : M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Pelletier (Saint-Hyacinthe) : Merci. Courte question. Je vous remercie de partager avec nous vos expériences parce que c'est très, très valorisant, très formateur pour la commission. Mais, moi, ma question, c'est : Comment vous intégrez ces jeunes-là de quatre ans dans des écoles où il y a des première, deuxième, troisième, quatrième, cinquième... Avec les plus grands, il n'y a pas eu de problèmes de...

Le Président (M. Caire) : En 30 secondes, s'il vous plaît.

M. D'Aoust (David C.) : Facilement. Pour vrai dire, on se prépare pour. Ils ne se rendent pas à l'école du jour au lendemain, on prépare un accueil pour ces élèves-là, et c'est une attention particulière. C'est leur premier jour dans un établissement scolaire, alors il faut être... C'est une façon de procéder délicatement et avec les parents.

Le Président (M. Caire) : Merci beaucoup. On va donc passer aux échanges, maintenant, avec l'opposition officielle pour une durée de 20 min 30 s. Mme la députée de Mille-Îles.

Mme Charbonneau : Merci, M. le Président. Bonjour, madame, messieurs. Il n'y a pas si longtemps, on se voyait… Tiens, c'est la semaine passée. Pas pour M. D'Aoust et pas pour madame, mais M. Birnbaum a un abonnement au salon rouge depuis quelque temps de façon fréquente.

D'emblée, je vous rappelle qu'on se connaît d'une ancienne vie. Donc, je connais le principe même de l'éducation au sein de la communauté anglophone du Québec. Vous le disiez un peu plus tôt, puis je le mentionnais, même moi, dans mon ouverture, vous avez implanté avant tout le monde… Pas pour les enfants en difficulté, pas pour les enfants... mais il y avait une volonté, dans votre communauté, parentale de mettre en place un service quatre ans dans vos écoles. M. D'Aoust, vous avez fait le tour de ça pour dire qu'effectivement il y avait une volonté, et vos parents ont bien insisté… Et je pense qu'il faut aussi se rappeler que, pour la communauté anglophone, l'école, c'est le milieu de vie de la communauté anglophone. On peut dire que c'est pour mettre en place un système en amont pour la persévérance, mais il faut aussi se rappeler qu'entre vous et vos parents il y a un principe communautaire qui est fort. Je vais aller aussi loin — en exagérant juste un peu — pour dire qu'il y a un principe communautaire de survie d'une communauté minoritaire dans certains milieux. C'est sûr que je ne dirai pas ça d'English-Montréal parce qu'on sait qu'il y a une communauté plus présente. Mais, si je vais à Joliette, la communauté anglophone est un petit peu moins forte. Si je vais à Mont-Laurier, mes étudiants anglophones font un trajet d'autobus extraordinaire. Donc, pour les parents, je peux comprendre qu'il y avait une volonté forte et sincère d'unifier les familles rapidement, dès l'âge de quatre ans, dans un milieu scolaire.

J'ai quelques questions pour vous, puis sur la même pratique que mes collègues, c'est-à-dire pour profiter de votre expérience du quotidien. Mais, avant de poser mes questions, je vous dirais que je veux aussi nous rappeler que la communauté anglophone, en éducation, c'est le plus grand donneur de francisation qu'on a au Québec. On l'oublie, puisque mon élève — parce qu'on va l'appeler comme ça, s'il rentre à l'école à quatre ans, c'est un élève — il vient d'une communauté anglophone, donc peut-être, peut-être que, dès lors de ses quatre ans, il n'a pas beaucoup touché à la langue francophone. Mais, en entrant chez vous, il est automatiquement dans un système de francisation. Et, là-dessus, je pensequ'il faut dire qu'en amont vous faites un travail extraordinaire, puisque, quand ils sortent de chez vous en secondaire V, ils sont bilingues. J'en conviens, j'en connais beaucoup, et, à Laval, la commission scolaire Sir-Wilfrid-Laurier fait un travail extraordinaire que je ne peux pas faire autrement que de le mentionner.

Maintenant, si je fais du transport pour du quatre ans… Vous avez expliqué un système de mentorat. Est-ce que vous faites ce que moi, j'appellerai dans le vocabulaire scolaire une run de lait? Vous les ramassez à la porte ou vous les ramassez à l'arrêt? Est-ce qu'ils marchent? Dans votre politique de transport, a-t-il un certain nombre de pas qu'il doit marcher pour se rendre à l'arrêt? Doit-il être obligatoirement accompagné de son parent à l'accueil et ce que j'appellerai au «drop off»? Ça veut dire que, quand il revient de l'école, est-ce qu'il doit y avoir un parent à l'accueil pour accueillir l'enfant de quatre ans ou c'est le système de mentorat qui prend toute sa place? Puisque, si je l'envoie à l'école et je fais affaire avec une clientèle défavorisée, je vais le mettre dans l'autobus pour qu'il aille à l'école et je vais le récupérer à la fin des classes, puisque probablement qu'il y a un des deux parents qui est à la maison, où il y a cette possibilité-là de récupérer le jeune. Il n'ira pas en service de garde parce qu'on ne veut pas créer une facture, on veut surtout créer un système en amont pour la persévérance.

Donc, je m'arrête tout de suite. Le transport, ça fonctionne comment? Puis, au travers de la politique du transport de chacune de vos écoles, ça perce comment?

M. D'Aoust (David C.) : Je vais commencer. À la maternelle, nous offrons le porte-à-porte, c'est trop dangereux. À moins qu'il y ait un frère aîné ou une soeur aînée. Là, ils peuvent être accompagnés peut-être à l'arrêt, mais, dans des zones dangereuses — puis il y en a plusieurs pour différentes raisons — c'est à la porte.

Souvent, je critique notre service de transport. Sur une grande route, à titre d'exemple, la 138, du pont Mercier jusqu'à la frontière américaine, l'autobus va arrêter et, 500 pieds plus tard, il va arrêter encore une fois. Des fois, ça cause des accidents parce que le camionneur qui arrive derrière un autobus, voit que les lumières clignotantes arrêtent, pense que l'autobus va déclencher, va s'en aller à 60 milles à l'heure, puis il arrête 500 pieds plus tard. Ça prend des chauffeurs d'expérience, premièrement, et, souvent, on a une influence sur les différentes compagnies qu'on engage. Elles sont beaucoup plus petites que dans les villes, et on peut les tenir au courant… des fois, il faut que l'autobus débarque de la route pour éviter qu'un accident arrive. Mais, avec des grandes soeurs ou des grands frères, c'est évident, ils peuvent les accompagner à l'arrêt. Souvent, c'est les parents, puis on demande aux parents d'être présents en autant que possible pour mettre leurs enfants sur l'autobus et les recevoir à la fin de la journée.

S'ils n'ont pas de frère ou soeur, ça va être un moniteur qui va les accompagner. Ma jeune fille, en secondaire I, qui fait exactement ça tous les jours, elle est fière de sa petite jobine, là, puis elle parle souvent du fait qu'ils ne peuvent pas garder toujours le même petit copain, il faut changer pour qu'il y ait l'expérience avec d'autres enfants. Elle est dans un programme universel, alors c'est une très bonne expérience d'enrichissement pour le secondaire et les plus âgés dans le primaire. Je n'ai aucune crainte par rapport à leur transport, mais on va demander aux parents d'être présents, c'est sûr et certain.

Mme Charbonneau : Merci. En ce moment, dans les groupes que vous avez reconnus temps plein… Je dis reconnus temps plein parce que je le sais que le ministère finance le temps partiel pour les élèves à défi spécial. On va le dire comme ça, puisqu'à chaque fois que je vais dire EHDAA il y a des gens... les 6 000 personnes qui nous écoutent à la TV vont se demander de quoi on parle. Donc, à défi spécial. Je voulais savoir, dans les groupes qui sont déjà établis temps plein, ils sont à combien, vos ratios?

M. D'Aoust (David C.) : Combien?

Mme Medwid (Roma) : D'habitude, c'est 1-18, mais, s'il y a des problèmes d'apprentissage ou de comportement, on a toujours quelqu'un qui va travailler, un technicien qui va être dans la classe, qui va être présent, des fois deux techniciens. Ça dépend des problèmes d'apprentissage, le code qu'ils portent.

• (15 heures) •

M. Birnbaum (David) : Voilà. Et, le même problème qui risque de s'imposer dans ces nouvelles prématernelles, il y a toujours la problématique de combler un groupe de 18. On pense, dans un premier temps, aux besoins des élèves, et là on regarde le bassin, et, des fois, ce n'est pas la solution la plus efficace au plan planification économique. Des fois, c'est beaucoup moins que 18, évidemment, même après qu'on aurait pondéré ces enfants-là.

M. D'Aoust (David C.) : Chez nous, on prend ce qu'on a parce que ce n'est pas organisé par la commission scolaire telle quelle, mais c'est les parents aussi qui les amènent pendant les premières semaines, ils doivent être impliqués. Puis, s'il y a de la place sur les autobus scolaires, on les embarque par après.

Mme Charbonneau : Dans le principe de ratio encore — parce que je reste dans mon principe de ratio — est-ce que vous faites du multi-âge, quatre ans, cinq ans, ou vous restez toujours fermés à quatre ans puis fermés à cinq ans?

M. D'Aoust (David C.) : Il y a des commissions scolaires qui le font, il y a un mélange de niveaux. On a cette école, à titre d'exemple, à Franklin, au Pied du Mont, et là on a des quatre ans à demi-temps avec l'autorisation du ministère pour de bonnes raisons : milieu défavorisé, problèmes pas de comportement, mais des déficits… et ça va… ça roule très bien. Les parents attendent de nous, à chaque année, à ce qu'on ait droit... Ils posent beaucoup de questions avec la fin de l'année scolaire.

Mme Charbonneau : Donc, ça peut arriver, si je comprends bien, qu'il y ait du multi-âge, mais, la plupart du temps, vous êtes dans le calibre quatre ans toujours bien précis. Dans vos écoles où il y a du quatre ans, est-ce que vous avez le Club des petits déjeuners ou c'est... vous avez aussi... Parce que je le sais qu'à Laval j'en ai quelques-uns, clubs, là, mais...

M. D'Aoust (David C.) : Chez nous, on l'a, à la commission scolaire. C'est l'avant-dernière petite commission scolaire du côté anglophone, mais on l'a dans nos écoles, oui.

Mme Charbonneau : Vous l'avez dans la plupart de vos écoles primaires?

M. D'Aoust (David C.) : Oui.

Mme Charbonneau : O.K. Vous disiez, un petit peu plus tôt, que vos parents se sont mobilisés pour organiser, hein… pour vous faire des demandes très spécifiques, puis vous avez accueilli ça avec beaucoup d'ouverture. À ce moment-là, puisque ce n'était pas des élèves reconnus en adaptation scolaire, est-ce que vous avez pris une enveloppe spéciale pour les financer à même le budget de la commission scolaire? Et, si oui, ça fonctionne comment? Puisque, comme le disait la ministre, c'est par tête de pipe, hein, donc ça fonctionne comment si je veux avoir un budget pour financer un groupe qui n'est pas nécessairement — je le dis entre parenthèses — reconnu par le ministère, puisque c'est une préscolaire quatre ans mise en place d'une volonté d'une communauté?

M. D'Aoust (David C.) : Ils ne sont pas admissibles à des subventions du ministère, mais c'est les parents qui font une contribution, puis on a beaucoup de clubs sociaux comme les Optimistes, le Rotary...

Mme Charbonneau : Le Rotary...

M. D'Aoust (David C.) : Oui. Dans mon coin, étant un ancien Rotarien pendant des années, on fait un tournoi de golf pour ramasser une vingtaine de mille dollars à chaque année, le 24 mai — si vous êtes intéressés à jouer au golf — et puis à Saint-Anicet, et tout l'argent ramassé va aux écoles primaires des environs pour les petits déjeuners.

Mme Charbonneau : Je ne suis pas inquiète, je suis sûre que la ministre reçoit des invitations à la pelle pour des activités scolaires parce qu'il y en a partout. Puis j'espère que vous jouez bien au golf, Mme la ministre, parce que je le sais que le tournoi de golf est très populaire dans les commissions scolaires.

Donc, vous l'avez financé à même levées de fonds, sollicitation chez les Lions, chez les clubs Optimistes. Est-ce que vous prenez une enseignante ou une personne du service de garde? Qui s'occupe du groupe? Dans le principe même, puisque vous n'êtes pas financés pour une enseignante, mais vous financez le programme, donc on engage qui?

M. D'Aoust (David C.) : Quand c'est subventionné par le ministère, il faut absolument avoir des personnes légalement reconnues.

Mme Charbonneau : Oui. Oui, ça, j'ai compris le principe.

M. D'Aoust (David C.) : En ce qui concerne les maternelles quatre ans, les parents favorisent avoir quelqu'un qualifié, alors quelqu'un qui n'enseigne peut-être pas à temps plein, qui voudrait plutôt avoir une maternelle quatre ans à temps plein au lieu de travailler à temps partiel. Dans l'école de mon épouse, c'est vraiment le cas et, dans plusieurs de ces écoles-là, c'est de même. Ils ne sont peut-être pas nécessairement légalement reconnus au Québec, mais, en autant qu'ils ont une formation, on les accepte parce qu'ils ne sont pas... c'est évident que ce n'est pas nécessaire de rencontrer les exigences du ministère quand c'était une classe organisée par les parents.

Mme Charbonneau : Donc, ça peut être un enseignant à la retraite, ça peut être un enseignant reconnu à l'extérieur du Québec, mais pas nécessairement au Québec, mais c'est... Et je ne veux pas mettre de pression, mais ce n'est surtout pas quelqu'un qui vient des CPE, qu'on appelle communément, là, les centres de la petite enfance, qui, dans leur formation, eux, sont formés pour s'occuper des jeunes, tandis que nos enseignants ont à peu près 15 % de leur formation, là…

M. D'Aoust (David C.) : Ayant des services de garde chez nous, on veut toujours que ces personnes-là soient qualifiées et d'excellentes, excellentes préposées aux CPE. Et, s'ils veulent s'occuper d'un quatre ans, c'est à eux de s'entendre avec les parents. Mais les parents, vous savez, ils sont particuliers, ils veulent que leurs enfants aient le meilleur apprentissage possible et la meilleure expérience. Après tout, quatre ans, c'est l'initiation à l'apprentissage, et que l'expérience en soit une qui est favorable et positive est très, très important.

Mme Charbonneau : Toujours dans la technique, en ce moment, comment vous faites pour entrer en contact avec les parents des enfants de quatre ans?

M. D'Aoust (David C.) : Facilement. On utilise le petit journal de l'école souvent. On a plusieurs écoles maintenant qui travaillent sur le Net, le réseau social, publient leurs lettres. On ne distribue plus des feuilles maintenant, là, aux parents avec l'Info-Arthur ou quoi, c'est par l'Internet et le bouche à oreille. Ça va vite, ça part très vite, et, souvent, les personnes qui sont impliquées aux maternelles quatre ans vivent dans la communauté, fréquentent certaines églises — c'est encore une vieille tradition chez les anglophones — et de bouche à oreille, le dimanche, le samedi, sur le terrain de baseball ou de soccer que ça se passe.

Mme Charbonneau : Vous savez, fréquenter l'église, ce n'est pas un défaut. À chacun ses valeurs et à chacun le respect de ces valeurs-là. Ça fait que, oui, sur le perron de l'église, comme on dit, des fois il se passe des communications fort intéressantes, puis un milieu social très actif sur comment je donne des nouvelles, puis comment j'en prends, puis comment je te guide dans cette communauté à laquelle j'appartiens. Comment je pourrais faire la phrase sans qu'elle...

M. D'Aoust (David C.) : Si vous me permettez, Mme Charbonneau, c'est que les parents, aujourd'hui, qu'ils soient en milieu défavorisé ou pas, veulent avoir le meilleur pour leurs enfants. Et, je pense, beaucoup de mes expériences, sans regarder le background socioéconomique d'une mère de famille, elles veulent que leurs enfants aient une instruction, elles veulent qu'ils réussissent, pauvres ou riches.

Mme Charbonneau : Je vous arrête parce qu'il ne me reste pas assez de temps. Parce que je dois vous dire que j'en ai trois et j'ai voulu le meilleur, et je veux encore le meilleur malgré le grand dam de mes enfants. Quand je leur dis que je veux le meilleur, je leur dis quoi faire un peu aussi, ils sont bien malheureux de ça. Mais, ceci dit, quand on est parent, on est parent pour toujours puis on veut le meilleur pour nos enfants, vous avez raison.

Maintenant, quand vous rentrez des enfants de quatre ans dans vos écoles et que, de façon très naturelle… Puis, je pense que la ministre le disait bien, la plupart des enfants vont au préscolaire cinq ans. Maintenant, d'emblée, hein, c'est acquis, la communauté y va. On ne sait même pas que c'est facultatif, on y va de façon naturelle, et je poursuis jusqu'au secondaire V. Le suivi des services par rapport... Je vois qu'à quatre ans j'ai un problème linguistique, ou de langage, ou... j'arrive en préscolaire cinq ans, bien là il est détecté, il est reconnu, mais est-ce que vous avez des professionnels au préscolaire cinq ans? Parce que toutes les commissions scolaires n'en ont pas. Des fois, ils commencent en première année. Et, si j'ai besoin d'un orthophoniste parce que j'ai été détecté à quatre ans, j'arrive à cinq ans au préscolaire, pas sûre… Je pense que, là, c'est le prof qui a encore la responsabilité, problèmes langagiers. Mais, de la première année à la troisième année, est-ce que j'ai un suivi orthophoniste ou ça s'arrête en première année et en deuxième année ou...

• (15 h 10) •

M. Birnbaum (David) : C'est le souhait. Il y a des grandes, grandes pénuries de ressources, et, on se permet de le mentionner dans notre mémoire, dans la règle budgétaire associée à notre démarche dont on parle aujourd'hui, on ne parle pas d'une contingence pour les services complémentaires, ce qui nous préoccupe beaucoup. Suite à votre question, on fait ce qu'on peut. Il y a un manque d'orthophonistes du primaire jusqu'au secondaire V, c'est sûr.

Le principe est : Si on est pour vraiment se privilégier de cette étape-ci, ça serait justement de mettre l'emphase sur le dépistage de problèmes et le suivi. Alors, si on est pour vraiment bénéficier de ces programmes-là, ça va être une chose essentielle. C'est notre orientation toujours, mais est-ce que les ressources sont au rendez-vous? Déjà, c'est un grand défi qu'on ajoute à ça. Des écoles très, très éloignées, l'attente pour un orthophoniste, à chaque niveau, est assez longue des fois. Il y a des problèmes… Quand on parle d'un orthophoniste habile en anglais aussi, ça s'ajoute au problème. Alors, le souhait est toujours là, et on le mentionne davantage pour cette étape dont on parle aujourd'hui.

M. D'Aoust (David C.) …on n'a jamais assez de ressources dans le réseau scolaire.

Mme Charbonneau : Donc, si vous aviez une recommandation à faire en amont, ce serait de non seulement faire l'implantation d'un préscolaire quatre ans, mais d'avoir un suivi en services professionnels avec peut-être… puis je vous le glisse à l'oreille, mais avec peut-être une enveloppe particulière pour les besoins pour le suivi. Parce que, si je fais un travail en amont puis que, rendu en deuxième année au préscolaire, je n'ai plus de services, le travail que j'ai fait va peut-être tomber rapidement dans le désordre et dans l'inéquité dépendamment de ma région, de mes services et de ma commission scolaire.

M. D'Aoust (David C.) : Premièrement, bien, vous avez raison, s'il n'y a pas de ressources complémentaires, il n'y a pas de services, bien d'accord, on ne peut pas le nier. On fait notre possible de distribuer de façon équitable les ressources que nous avons dans les commissions scolaires, et je dois vous avouer… peut-être que je suis un vieux de la vieille par la couleur de mon poil, mais nos enseignants s'occupent beaucoup de nos jeunes. Et j'ai assisté à une réunion du comité — je ne me rappelle plus le nom du comité — pour l'évaluation scolaire, et on prétend toujours que ça nous prend un orthophoniste, mais ce n'est pas toujours vrai. Il y a des gens sur les lieux, sur le tas, qui peuvent commencer, et la première équipe de personnes qui devrait commencer avec l'évaluation, c'est l'équipe de profs. Et on a établi une fois pour toutes qu'ils ont le droit de commencer, ils ne devront pas attendre un orthophoniste, on peut faire la démarche tout de suite. Alors, oui, ça va nous aider à connaître les élèves qui ont besoin d'un appui continuel. J'imagine que plusieurs vont avoir besoin de cet appui-là, mais, souvent, les services vont être là, en place, déjà par la commission scolaire.

Le Président (M. Caire) : Merci, M. D'Aoust. Brièvement, vous avez fait référence à un mémoire. La commission n'a pas reçu de document de votre part. Est-ce que vous avez un document à déposer? Parfait. Alors...

M. D'Aoust (David C.) : ...ces jours-ci, M. le Président, je m'excuse.

Le Président (M. Caire) : C'est avec plaisir, M. D'Aoust, que la commission va recevoir votre mémoire. Je suis convaincu que ses membres vont le lire avec intérêt.

Je vais donc maintenant continuer l'échange avec le deuxième groupe d'opposition, Mme la députée de Montarville, pour un temps de 5 min 30 s.

Mme Roy (Montarville) : Merci beaucoup, M. le Président. Madame, messieurs, merci de votre visite, merci pour le mémoire, que nous allons lire. Et moi, j'ai aimé vous entendre, et j'ai d'autres questions factuelles à vous poser. Puisque vous avez déjà des maternelles quatre ans dans vos commissions scolaires anglophones, actuellement est-ce que vous en avez plus d'une par commission scolaire?

M. D'Aoust (David C.) : Oh là là! Chez nous, il y en a plus qu'une, c'est sûr. Et, écoutez, on n'est pas une commission scolaire riche, et on est une commission scolaire pleine de jeunes parents qui veulent le meilleur pour leurs enfants. J'imagine que, dans toutes les commissions scolaires, ça doit être pareil, hein? Je suivais un article sur une école à Saguenay, là, les élèves voyagent d'Alma à la petite école Riverside, deux heures d'autobus ou 2 h 30 min par jour. Mais je sais, là, qu'il y a une maternelle quatre ans. Je connais la personne qui l'organise, elle est commissaire ici, à Central Québec. Oui, il doit y en avoir partout.

Mme Roy (Montarville) : Est-ce que ce sont des maternelles quatre ans à temps partiel ou c'est toute la journée, à temps plein?

M. Birnbaum (David) : C'est à géométrie très, très variable. Il y en a à temps partiel, il y en a toute la journée. Il y a des commissions scolaires qui en ont à peine, deux, trois programmes. C'est à géométrie très variable et aux modèles variables aussi. Il y en a où il y a une contribution exigée aux parents, il y en a d'autres en milieu très défavorisé, d'autres qui s'insèrent dans les programmes Passe-Partout, les programmes reconnus par le ministère, et plein d'autres écoles où il y aurait une demande des parents, mais qui n'est pas comblée actuellement.

Mme Roy (Montarville) : Donc, vous en avez plusieurs. Et, maintenant, ma question est la suivante : Comme on sait que le projet de loi n° 23 s'adresse spécifiquement aux enfants issus de milieux défavorisés, quel serait, selon vous, le pourcentage de ces enfants qui fréquentent déjà vos maternelles quatre ans?

M. D'Aoust (David C.) : Pas assez.

Mme Roy (Montarville) : Mais pour nous donner une idée de grandeur.

M. D'Aoust (David C.) : Oh là là! Il faudrait que je regarde des dossiers spécifiques, mais souvent, pour ces parents-là, un CPE, ce n'est pas une option. Alors, maintenant que ça va être une maternelle quatre ans garantie par la commission scolaire et le ministère, ce serait une option, je vous l'assure. Et il ne faut pas oublier que, souvent, les prématernelles quatre ans ne sont pas là pour la journée longue, ils ont du service de garde par après.

M. Birnbaum (David) : Si je peux...

Mme Roy (Montarville) : Oui, oui, allez-y, allez-y.

M. Birnbaum (David) : …c'est probablement important juste d'insérer une petite chose qui touche au dossier actuel. Le calcul des index de défavorisation nous défavorise, si je peux… Il y a plein d'écoles qui accueillent les jeunes qui sont issus des familles très défavorisées, l'école se situe dans un coin qui ne l'est pas. Alors, même d'identifier de façon précise et correcte les gens en milieu… qui vivent des difficultés, ce n'est pas facile en région. Et, en région, souvent, l'accès aux programmes déjà reconnus n'est pas là à cause du problème que je viens de mentionner.

Mme Roy (Montarville) : Il y a quelques problèmes, effectivement, que vous avez mentionnés : la distance, cette identification des milieux défavorisés comparativement à la vraie personne défavorisée qui est dans un milieu qui, lui, est favorisé. Pensez-vous que, pour vous, c'est un défi qui sera facilement relevable que d'arriver pour septembre prochain et d'identifier ces enfants qui ont bien besoin de cette maternelle quatre ans ou auriez-vous besoin de temps davantage ou davantage de ressources?

M. D'Aoust (David C.) : Non. Je pense qu'il nous reste assez de temps d'identifier les élèves. On n'est pas inquiets, on les connaît peut-être déjà. Et, sûrement, ceux qui vont être là seront ceux qui auront besoin d'être là.

M. Birnbaum (David) : Il n'y a aucun doute qu'on a souligné dans nos remarques la difficulté… on n'a pas de solution à proposer, mais de confier à la commission scolaire de trancher et de trouver un petit regroupement de 18 élèves. Et on parle d'un programme qui vise, en quelque part, l'estime de soi-même de l'enfant, et même de sa famille s'ils sont pour le suivre. Alors, il n'y a aucun doute que cette façon d'implanter un programme à la fois n'est pas idéale. Il n'y a pas d'autre façon, il faut commencer en quelque part, mais nos commissions scolaires membres sont conscientes des défis sur le plan humain de cibler 18 élèves ou moins et, des fois, d'être obligées de dire à la 19e famille, qui est tout à fait en besoin, que, bon, le groupe est déjà comblé. Alors, ce n'est pas facile, cette tâche devant nous.

M. D'Aoust (David C.) : Et on travaille davantage avec les CLSC et les CSSS. Il y a une complicité maintenant, une complicité positive, si vous voulez, là, avec le réseau scolaire, où est-ce qu'eux en ont identifié, certains élèves. Mme Medwid vient de me dire qu'à la commission scolaire Lester-B.-Pearson, juste en faisant une annonce lousse, là, dans les écoles, ils ont eu déjà neuf élèves qui sont inscrits à leur groupe à date, ça fait que… Et c'est des élèves qui seront acceptés.

Le Président (M. Caire) : Merci. Malheureusement, Mme la députée de Montarville, c'est tout le temps que nous avions. Je voudrais remercier Mme Medwid, M. D'Aoust, M. Birnbaum.

Je vais inviter immédiatement l'Association d'éducation préscolaire du Québec à se joindre à nous, et on pourrait suspendre une petite minute, le temps de saluer nos invités et de faire la transition.

(Suspension de la séance à 15 h 19)

(Reprise à 15 h 22)

Le Président (M. Caire) : Donc, nous reprenons nos travaux. Nous recevons maintenant l'Association d'éducation préscolaire du Québec. Mme Boily, peut-être nous présenter la personne qui vous accompagne, et vous disposez ensuite d'un temps de 10 minutes pour faire votre présentation. À vous la parole.

Association d'éducation préscolaire du Québec

Mme Boily (Francine) : Merci. Je suis accompagnée par Mme Danielle Jasmin, qui est vice-présidente de notre association, l'Association d'éducation préscolaire du Québec.

Alors, M. le Président, Mme la ministre. Bonjour à tous les membres. Je me présente devant vous à titre de présidente de l'Association d'éducation préscolaire du Québec, association qui fêtera cette année ses soixante ans. Nous regroupons 1 200 membres, dont 90 % enseignent à la maternelle cinq ans.

Je vous remercie de nous recevoir pour entendre notre point de vue sur le projet de loi n° 23 sur la maternelle quatre ans. Je laisse Mme Jasmin présenter notre mémoire.

Mme Jasmin (Danielle) : Bonjour. Ça me fait plaisir d'être parmi vous aujourd'hui. Moi, je suis membre de l'Association d'éducation préscolaire depuis le début de ma carrière. Je suis ici parce que la cause des jeunes enfants me tient à coeur. J'ai enseigné 37 ans, vous pourrez donc comprendre que je suis plus à l'aise dans une salle de classe que devant vous de par mon expérience.

Notre mémoire comporte neuf pages. Je ne sais pas, vous avez sûrement pu prendre le temps de le regarder. Je vais ajouter des informations qui ne sont pas dans le mémoire. Dès sa création, en 1963, notre association a toujours été impliquée dans le développement du réseau des services aux enfants du préscolaire. C'est notre association qui a fait pression pour que le gouvernement vote, le 10 mars 1961, la loi qui permettait l'instauration des maternelles cinq ans à demi-temps dans les écoles, des maternelles publiques et gratuites, ce qu'il n'y avait pas avant. On s'était donné 10 ans pour qu'il y ait des maternelles cinq ans à demi-temps partout, puis ça a été beaucoup plus rapide que ça, ça a été un super beau succès.

Notre association, travaillant toujours conjointement avec le ministère, a pris part à différentes expériences avec les quatre ans. Il y a eu l'expérience des maternelles roulotte, il y a eu l'expérience des maternelles maison et il y a eu l'expérience Passe-Partout, qui est devenue maintenant l'excellent programme Passe-Partout qui est le seul encore en place.

Au début des années 70, il y a eu l'instauration des maternelles d'accueil pour les enfants issus de l'immigration à quatre ans et à cinq ans, puis, un peu plus tard, les maternelles quatre ans à demi-temps en milieu défavorisé. L'association a toujours été partie prenante de tout ce qui a été fait pour les enfants de quatre et cinq ans. Malheureusement, peut-être pour un manque de communication, on a été obligés de forcer la porte du MELS pour être considérés dans ce qui se passe présentement pour les maternelles quatre ans.

En 1976, j'ai eu le privilège et la chance d'enseigner dans une maternelle d'accueil temps plein pour enfants de quatre ans issus de l'immigration à la commission scolaire de Laval. Je vais vous expliquer comment ça fonctionnait pour voir, la maternelle idéale à quatre ans, ce que c'était. J'avais 18 petits qui arrivaient à 8 h 45 en autobus scolaire. L'autobus avait été les chercher chacun à leur porte. On avait eu la chance avant d'aller visiter chaque enfant avec le chauffeur d'autobus à la porte et voir chaque famille avant qu'ils arrivent. Ensuite, en arrivant à l'école, ils jouaient dans une petite cour spécialement réservée aux maternelles, qui était attenante à la grande cour. Ensuite, quand c'était le temps de rentrer à l'école, ils rentraient dans l'aile des maternelles quatre ans et cinq ans. À midi, j'avais une aide-enseignante qui venait me rejoindre en classe. Elle était là pour le dîner et elle restait avec moi jusqu'à 4 heures, lorsque l'autobus revenait chercher les enfants.

C'étaient vraiment des conditions idéales. C'était le nombre d'adultes… Pendant la moitié de la journée, on était deux adultes avec 18 enfants. Le local était approprié. On avait la chance d'avoir de très grands locaux, bien éclairés, qui avaient une toilette dans le local de classe et deux lavabos à la hauteur des enfants.

C'était idéal au niveau de l'organisation pédagogique. Les enfants n'étaient pas obligés d'aller au service de garde avant. Le midi, ils restaient en classe avec l'aide-enseignante, qu'ils connaissaient bien, et ils retournaient à la maison après. Alors, le nombre d'adultes qu'ils avaient à côtoyer dans la même journée, c'était deux. Le petit de quatre ans, dans une école, a beaucoup, beaucoup plus d'adultes que ça à côtoyer.

C'était idéal par la formation reçue. À l'époque, il y avait des conseillères pédagogiques au préscolaire dans toutes les commissions scolaires. Maintenant, elles sont rares, les conseillères pédagogiques au préscolaire. Quand elles sont là, elles vont avoir un 20 %. On était bien accompagnés par les conseillères pédagogiques.

C'était idéal au niveau de l'équipement. On avait eu des gros budgets pour équiper nos classes. J'avais même une cage à grimper dans ma classe. Je vous dis que les petits garçons s'en donnaient à coeur joie quand c'était la période de jeu. Et on avait du matériel très riche à tous les niveaux, mais spécialement au niveau du développement du langage. Il y avait des spécialistes qui avaient fait des trousses qui nous étaient offertes pour être capable de développer le langage chez les petits enfants allophones. Ces conditions, d'après ce qu'on comprend de ce qui va se passer pour la maternelle quatre ans, sont très éloignées de ce que le projet de loi propose.

Vous aurez compris que, traditionnellement, nous, l'association, avons toujours été pour la maternelle quatre ans. Mais, ces dernières années, on a dû se pencher sur les nombreux problèmes de la maternelle cinq ans. Le Conseil supérieur de l'éducation, là — ça, là, c'est notre bible, là, c'est vraiment... — ils ont étudié la situation des enfants de quatre et cinq ans, et tout y est. Si on veut vraiment aider les enfants de quatre et cinq ans, c'est là-dessus qu'il faut construire les services qu'on va donner aux enfants de quatre et cinq ans. Donc, nous, à la lecture de ça, à l'automne dernier, on s'est dit : Oh! on n'est plus sûrs si on veut les maternelles quatre ans, et là on s'est mis à étudier, de notre côté, sérieusement cette question-là. On a lu des recherches, on a communiqué avec des chercheurs, on a fait des rencontres de praticiennes, puis là on a été obligés d'arriver à la conclusion qu'on ne pouvait pas dire oui à la maternelle quatre ans, on pouvait dire oui à des places réservées en CPE, au centre de la petite enfance, ou à l'élargissement du programme Passe-Partout pour les enfants en milieu rural.

Durant la campagne électorale, Mme Marois a promis, de très bonne foi, d'ouvrir les maternelles quatre ans à temps plein en milieu défavorisé. Probablement qu'elle ne savait pas que le conseil supérieur était pour publier son avis quelques semaines plus tard. Ensuite, nous autres, on a cru que le comité mis sur place par la ministre dirait : On va construire à partir de ça. Mais ce qu'on voit, on ne voit pas que c'est ça. Parce que, si ça avait été ça, ce n'est pas la maternelle quatre ans qu'on nous proposerait aujourd'hui, si ça avait été basé sur l'avis du conseil supérieur.

• (15 h 30) •

Est-ce que les gens du comité savent que le conseil supérieur a travaillé à temps plein pendant un an et demi, où ils ont, avec neuf agents de recherche, ils ont entendu de nombreux experts, ils ont réalisé une enquête sur la maternelle, ils ont analysé des expériences étrangères, ils se sont même rendus à l'étranger pour pouvoir comparer et ils ont analysé plus de 225 publications sur le sujet? Ils font 15 recommandations, et, pour moi, la première chose qu'on devrait faire avant de construire quelque chose de nouveau comme la maternelle quatre ans en milieu défavorisé, c'est : On va regarder, on va regarder l'état des maternelles.

Nous, à l'association, on entend des enseignantes de maternelle dire : La toilette, elle n'est pas sur l'étage. Mes petits de maternelle, il faut que je les envoie deux par deux pour aller à la toilette, il n'y a pas de toilette dans la classe. Le local est mal éclairé. Il n'y a pas d'équipement dans les maternelles. Il y a un manque de formation initiale, il y a un manque de formation continue. On a des gros problèmes avec la maternelle cinq ans, et là on va se dire : Bien, elles sont là, les maternelles cinq ans, mais on va offrir un nouveau service.

Alors, nous, parce qu'on veut vraiment le bien-être des enfants, qu'ils habitent la ville, la campagne, le milieu rural ou une municipalité dévitalisée, on va en trouver, des solutions pour les enfants qui ont des défis particuliers. Dans le mémoire qu'on vous a présenté, on vous fait part que ce qui nous a étonnés, ça a été le Center for the Developing Child de l'Université Harvard. Eux, ils ont pris une centaine de recherches sur qu'est-ce qui fait réussir le mieux les enfants d'âge préscolaire et ils ont dit : Dans toutes ces recherches-là, on a développé qu'il y avait sept facteurs gagnants. On les a écrits dans le mémoire, je peux vous les énumérer ici. Le premier facteur gagnant, c'est des groupes de petite taille. Quand j'entends Mme la ministre dire qu'il y a peut-être des classes que la moyenne des enfants, ça va être 15 pour pouvoir... Oui?

Le Président (M. Caire) : Je vais devoir vous interrompre, là, votre 10 minutes, malheureusement, est écoulé.

Mme Jasmin (Danielle) : Est déjà... Bon.

Le Président (M. Caire) : Mais vous aurez l'occasion, très certainement, de continuer vos explications avec les échanges qui vont suivre et qui vont débuter avec le groupe ministériel pour une période de 24 minutes.

Mme Jasmin (Danielle) : Je ne pensais pas que c'était pour être minuté comme ça.

Le Président (M. Caire) : Ça va vite, hein? Vous voyez que vous vous en sortez bien, finalement.

Mme Jasmin (Danielle) : C'est beau. C'est beau, oui.

Le Président (M. Caire) : Nous sommes vos élèves.

Mme Jasmin (Danielle) : Non, non. Quand je me préparais chez moi, je ne pensais pas qu'on serait à la minute près comme ça. Voilà.

Le Président (M. Caire) : Malheureusement, on est obligés de tenir le temps.

Mme Jasmin (Danielle) : C'est beau. Alors, on est prêtes à répondre à vos questions avec grand plaisir.

Le Président (M. Caire) : Alors, Mme la ministre, à vous la parole.

Mme Malavoy : Oui, merci. Bonjour, Mme Boily. Mme Jasmin, bonjour. Oui, nous sommes à la minute près, puis, en période des questions, c'est à la seconde près. Alors, dites-vous qu'aujourd'hui, finalement, ce n'est pas si mal, on a quand même un petit peu de temps devant nous.

Écoutez, merci de venir partager vos préoccupations avec nous. J'aimerais peut-être faire une petite introduction, un petit rappel sur nos intentions, mais j'ai vraiment besoin, ensuite, de vous poser des questions plus précises. Notre approche, nous, est une approche, je dirais, d'un grand réalisme. Moi, je ne me demande pas quels seraient, dans un monde idéal, les services à offrir à des enfants de quatre ans, je pars du principe que le Québec a fait un choix, il y a déjà plusieurs années — et Dieu sait que le Parti québécois y a contribué — en disant : On croit que le développement de nos petits enfants serait fort bien assuré par des centres de la petite enfance. On ne remet pas ça en question. Ça a été un choix de société, alors que, dans d'autres pays, on a des enfants, même avant quatre ans, qui vont dans des milieux scolaires avec, on le pense bien, des programmes éducatifs adaptés à leur âge. Mais le choix qui a été fait au Québec, c'est de dire : Implantons des centres de la petite enfance. Et vous nous avez entendus récemment, par la voix de ma collègue ministre de la Famille, dire : On va compléter le réseau, on annonce 28 000 places. Donc, on y croit. On n'est pas, je dirais, en rivalité avec ce réseau-là ou en questionnement, on y croit, on croit en sa valeur et on souhaite l'implanter et le compléter du mieux possible.

Cela dit, le même avis que vous évoquez — et je ne dirais pas que c'est ma bible, mais disons que je le regarde aussi très attentivement — nous demande dans ses recommandations d'assurer l'accès à des services d'éducation et d'accueil de qualité pour tous les enfants de quatre ans. Et, ils nous disent ceci, ils notent qu'actuellement seulement 65 % des enfants québécois de quatre ans ont une place dans les services de garde. Et ils nous disent : Au total, c'est moins de 73 % des enfants de quatre ans qui fréquentent un service de garde. Donc, il y a environ 27 % des petits enfants de quatre ans au Québec, aujourd'hui, qui passent directement de la maison à l'école. Dans certains cas, je suis persuadée que la maison leur a fourni des apprentissages. Mais, on le sait, dans bien des cas, c'est un choc culturel majeur. Et ils proviennent de familles qui ne veulent pas... puis on pourrait peut-être s'étendre là-dessus si on le veut, mais qui ne veulent pas que leurs enfants se fassent garder, qui les gardent, eux, et, donc, ces enfants-là... Et, là-dessus, il y a des recherches extrêmement bien documentées montrant que les petits enfants arrivent en maternelle cinq ans — ce qui est usuel, là, presque tous les enfants de cinq ans vont en maternelle — qu'ils arrivent avec déjà des carences, déjà des difficultés et qu'on peut prévoir que ça va les suivre.

Alors, mon point de vue à moi n'est pas un point de vue, je dirais, théorique — on part de rien, et puis qu'est-ce qu'on implante au Québec?— je pars du principe qu'on a un réseau de services de garde qui est excellent, que je valorise. Mes propres enfants y ont été, mes petits-enfants y ont été, puis je ne dirai jamais la moindre chose critique par rapport à ce service. Par ailleurs, je reconnais qu'il y a des enfants qui n'y vont pas et pour lesquels je me sens une responsabilité. Et, si je peux ajouter un service complémentaire, si je peux avoir une autre porte d'entrée plutôt qu'une seule, si je peux avoir une autre porte d'entrée, il me semble que c'est de ma responsabilité de leur offrir, mais, bien entendu, en adaptant ce qu'ils vont trouver, une fois la porte franchie, à leur âge, à leur niveau de développement, au fait que c'est des enfants de quatre ans et qu'être à l'école ne veut pas dire être scolarisé quand on a quatre ans. Et je pense que la table qui travaille au programme, et dont vous faites partie, je crois, Mme Boily — je pense que vous y êtes — elle prend ses précautions pour qu'on arrive avec un programme adapté.

Alors, vraiment, sincèrement, là, j'ai besoin que vous m'expliquiez pourquoi vous êtes mal à l'aise avec l'idée qu'on ajoute quelque chose, non pas qu'on substitue, mais qu'on ajoute une porte d'entrée spécifique pour des enfants qui, sinon, n'iront nulle part.

Mme Jasmin (Danielle) : Est-ce que vous avez eu la chance d'aller voir les maternelles quatre ans demi-temps à la CSDM? Moi, je vous invite à aller faire une visite-surprise dans plusieurs écoles où les écoles débordent. Il n'y a pas de locaux, on a mis des maternelles quatre ans demi-temps dans des petits locaux très peu éclairés, pas de toilette, pas de lavabo, les conditions déjà existantes pour les maternelles quatre ans. Alors, on dit que, dans cette école-là… bien, peut-être que cette école-là ne pourra pas avoir de maternelle quatre ans à temps plein parce qu'il n'y a pas de locaux. On a déjà sacrifié, dans beaucoup d'écoles, les bibliothèques parce qu'il n'y a plus d'espace dans les écoles. Je ne veux pas juste parler du problème montréalais, mais ça l'est.

Ensuite...

Mme Malavoy : Est-ce que je peux revenir là-dessus?

Mme Jasmin (Danielle) : Oui.

Mme Malavoy : Bien, je voudrais juste revenir là-dessus parce que je voudrais être capable de différencier les types de problèmes. Là, vous me parlez de problèmes d'aménagement des lieux, et je ne vous donne pas tort, là, je suis persuadée que ce que vous avez vu, c'est probablement des choses qui sont avérées, de même que je sais qu'il y a un certain nombre d'écoles dont la qualité de l'air n'est pas ce qu'elle devrait et qu'il y a des choses à faire du point de vue des lieux. Mais est-ce que cela veut dire que, parce qu'il n'y a pas, mettons, des lavabos ou des espaces comme il faudrait, est-ce que ça veut dire qu'on refuse de penser à implanter une maternelle quatre ans à plein temps dans une école d'une commission scolaire?

Mme Jasmin (Danielle) : Bien, en tout cas, je ne veux pas entrer dans les détails, il y aurait la demi-maternelle qui continue, plus la maternelle temps plein. Comment on va choisir les clientèles? Pourquoi un enfant va avoir le droit à la demie, puis l'autre, au temps plein? C'est une autre question.

La maternelle a... On ne veut pas refuser des services, mais, si on prend l'enfant de quatre ans... Moi, je regarde l'enfant de quatre ans et je me dis : Si, en CPE, il y a des places réservées pour les enfants en milieu défavorisé, si, comme le propose Camil Bouchard... Vous avez tous vu la publicité qu'il y a à la télé pour le papa qui fait lire son petit bébé de 10 mois, là, de la fondation Chagnon. Si on pouvait avoir de la publicité qui dit aux parents : C'est bon de stimuler les enfants, qu'on puisse les convaincre que, s'ils amènent leurs enfants en CPE, là ils vont être dans un ratio de un pour 10 avec l'éducatrice, ils vont être dans le monde de l'enfance, ils vont être dans le monde à leur mesure. Là, le petit de quatre ans… Moi, avec les enfants de cinq ans, là, toute la transition à faire, à s'habituer à la grande école, ne plus avoir peur d'aller dans la cour de récréation quand il y a 500 élèves, c'est un travail qui dure jusqu'à la mi-octobre. Là, on va mettre des enfants de quatre ans dans une structure scolaire où ils sont des petits, tout-petits. Est-ce qu'on peut les laisser dans un milieu à leur mesure en leur permettant d'aller au CPE, en essayant d'organiser pour voir s'il y a des places au CPE?

Mais on sait que l'aura… les parents disent : Moi, entre faire garder mon enfant au CPE ou l'envoyer à l'école, où il va être éduqué et instruit, bien sûr je vais choisir l'école. Donc, c'est à nous revaloriser le CPE, de travailler, comme le suggère le conseil supérieur, à la formation continue des éducatrices en CPE et de permettre à l'enfant de quatre ans de rester dans son monde d'enfance avant de passer du statut d'enfant au statut d'élève. Quand il est assez... En CPE, on parle toujours de l'enfant. À l'école, on parle d'élève, il perd son statut d'enfant. Alors, nous, ce n'est pas le priver de quelque chose, c'est lui offrir autre chose qui est, à notre avis, plus respectueux de ce que l'enfant de quatre ans a besoin.

Le Président (M. Caire) : Mme la ministre.

(15 h 40)

Mme Malavoy : On est là pour discuter, ça fait que j'apprécie que vous y alliez franchement avec votre opinion. Quand je parlais tout à l'heure d'une approche qui me semble un peu théorique, c'est justement quand on dit : Si on faisait ceci, si on faisait cela. C'est sûr que, si on faisait plus de publicité ou plus de campagnes de sensibilisation, peut-être qu'on attirerait un certain nombre de personnes. Mais il me semble que c'est plus profond que ça, qu'il y a des parents qui veulent faire d'autres choix. Et est-ce que moi, j'ai à juger du choix des parents? Si des parents me disent : Moi, mes enfants, je les garde moi-même, je ne les fais pas garder ailleurs… Et, c'est profond, ce n'est pas une fantaisie, c'est une culture autre. C'est une culture autre que celle que moi, j'ai pu avoir ou que bon nombre de gens ont, c'est l'idée qu'un service de garde, c'est un prolongement du rôle des parents, et il y a des parents qui se disent : Cet aspect-là de la vie de mon enfant, je m'en occupe moi-même.

Puis, si ces parents accueillent bien l'idée que leur enfant de quatre ans puisse aller dans une maternelle et que… Ils ne sont pas obligés. Mais, si c'est ouvert et qu'ils le font, pourquoi est-ce que moi, je leur refuserais? Pourquoi je n'ajouterais pas ce service-là? Pourquoi est-ce que je penserais qu'il y a un seul canal, une seule voie, puis que le reste, ce n'est pas bon et... Pourquoi je penserais qu'à quatre ans ça ne marche pas, puis, à cinq ans, ça marcherait? Cinq ans, c'est aussi des enfants, ils ne sont pas non plus dans une logique de scolarisation. Donc, j'essaie de comprendre — comment je dirais? — l'aspect très, très ferme de votre approche qui est comme : Il y a un modèle, puis il faut l'appliquer partout de façon absolue. Et, si on ne l'applique pas, bien, faisons des campagnes pour que les gens entrent dans ce modèle-là parce qu'ils ont tort de croire qu'il pourrait y en avoir un autre qui leur convienne.

Mme Boily (Francine) : Mme la ministre, si je peux me permettre…

Mme Malavoy : Oui.

Mme Boily (Francine) : …alors, écoutez, en 1997, quand le gouvernement du Parti québécois a instauré les maternelles cinq ans à temps plein et était d'avis… et même, pour ouvrir les maternelles quatre ans à demi-temps, nous, on applaudissait cette idée-là et on était en accord. Mais on était en 1997. En même temps, en 1997, il y a eu l'ouverture des CPE. Vous avez favorisé le développement des CPE, et c'était un développement extraordinaire aussi, puis qu'on apprécie. Ensuite, il y a eu aussi les services de garde. Et tout ça, c'était toujours au coût de 5 $. Après, ça s'est rajouté à 7 $. Bon, ce qui est arrivé, c'est que les écoles sont devenues obèses parce que, justement, à cause de ces belles choses là qui sont arrivées, eh bien...

Une voix : ...

Mme Boily (Francine) : Obèses, bien, c'est-à-dire que...

Une voix : ...

Mme Boily (Francine) : Oui, exactement, c'est qu'il manque de locaux. Assez souvent, les enseignants n'ont même pas leurs locaux pour pouvoir préparer leurs classes pendant le dîner parce que le service de garde vient dans les classes pour dîner. Bon.

Alors, nous, aussi, pourquoi on est... On n'est pas contre, on n'est absolument pas contre un service aux enfants de quatre ans puis de rejoindre les enfants en milieu défavorisé. Quand vous dites qu'on veut favoriser une seule méthode, non, ce n'est pas tout à fait ça parce qu'on est pour Passe-Partout aussi, qui est une excellente façon de rejoindre le parent. Puis il y a beaucoup de recherches qui disent que, si on veut rejoindre l'enfant, c'est par le parent, et Passe-Partout réussit très bien dans ce domaine-là. Parce que, quand on veut avoir un changement, assez souvent… très souvent...

J'ai, moi aussi, 37 ans d'expérience au préscolaire, hein, et, en passant, j'ai été dans les premières animatrices de Passe-Partout. Alors donc, quand vous dites : Pourquoi ne pas offrir ce service de qualité là?, c'est qu'on a comme l'impression que c'est un champignon qui pousse tout d'un coup, et puis on se dit : Pourquoi ne pas réfléchir, s'arrêter, réfléchir sur qu'est-ce qu'on peut offrir? Pourquoi aller aussi vite? Pourquoi arriver en septembre pour le faire? Prendre le temps d'organiser… Et puis, quand on parle du conseil supérieur, de l'avis du conseil supérieur, bien, c'est là qu'on dit : Bien là, si vous voulez aller vite, là, si vous voulez faire quelque chose, bien, pourquoi ne pas le faire du côté des CPE, puisque les recherches l'ont prouvé jusqu'à date, et ensuite c'est une...

Une voix : ...

Mme Boily (Francine) : Comment? Oui, tu veux continuer…

Mme Jasmin (Danielle) : Mme la ministre, tantôt, quand je vous ai décrit les conditions que j'avais à la maternelle quatre ans à la commission scolaire de Laval, si vous m'assurez que toutes les maternelles en milieu défavorisé, quatre ans, que vous voulez instaurer vont avoir cette qualité-là, on n'est pas contre, on est pour. Mais je ne pense pas que ce soit la réalité, que ce soit possible que ce soit comme ça.

Et je vous dirai aussi qu'à la page 77 de l'avis du Conseil supérieur de l'éducation, ils ont regardé quel était un service de qualité pour les enfants de quatre ans. Ils énumèrent une série de 11 critères qui vont faire que l'enfant de quatre ans va être bien, et, à la fin, on dit : «Si, au Québec, différents types de milieux préscolaires présentent plusieurs des caractéristiques mentionnées ci-dessus, le "modèle CPE" est celui qui correspond le mieux à cet idéal de qualité.» Alors, nous, c'est dans ce sens-là qu'on souscrit à ça. Mais faites-nous l'assurance que les maternelles quatre ans vont avoir la qualité que j'avais en maternelle d'accueil en 1976, je vais vous dire : Allez-y avec ces maternelles-là.

Mais l'autre chose, c'est le contact quotidien avec les parents que l'éducatrice du service de CPE a et que nous, on n'a pas. Et, quand on travaille avec des enfants avec des défis spéciaux comme ça, des enfants vulnérables, c'est très, très important d'avoir un contact, un lien avec le parent pour être capables de cheminer avec lui pour trouver les solutions. Et je veux juste vous faire part d'une expérience qui a été faite à Chicago. On a pris des parents de milieux défavorisés avec une garderie, un «day-care center», les enfants de bas âge. Avec les travailleuses sociales, on a identifié les familles très vulnérables. Ces travailleuses sociales là ont accompagné les mères à venir passer une journée au CPE. Et, quand ces mères voyaient le travail qui était fait au CPE, elles pouvaient décider de faire du bénévolat au CPE en étant assistantes-éducatrices. Et ces heures cumulées là d'assistante-éducatrice étaient, à la fin de l'année, données en crédits pour terminer leur secondaire V. 90 % des mères qui ont passé l'année à faire du bénévolat dans ces CPE là sont retournées finir leur secondaire V. Donc, quand on parle d'une démarche écologique où on inclut les parents, on redonne confiance aux parents dans leurs compétences parentales, mais ça, ça en est, des expériences comme ça.

Le Président (M. Caire) : Mme la ministre.

Mme Malavoy : Avant d'aborder un autre sujet, je veux quand même rappeler que le volet parents est important, effectivement, et que, dans le programme qu'on est en train de développer, il y a un lien. Je sais qu'on va avoir les gens qui sont très liés à cette expérience pilote de l'école Saint-Zotique, qui est un modèle, semble-t-il, du genre et où il est évident qu'il y a tout un travail qui se fait avec les parents. Et, là-dessus, vous n'avez pas besoin de me convaincre longtemps que c'est un ingrédient qui est essentiel.

Mais je comprends que, dans votre esprit, c'est comme si le milieu scolaire avait des carences, mais même au plan de l'organisation, beaucoup de carences au plan de l'organisation et qui vous laissent croire que ce n'est pas un lieu pour les enfants de quatre ans. Mais vous avez dit : S'il était de la même qualité ou de la même nature qu'il y a peut-être 25 ou 35 ans, je ne sais pas, votre degré de confiance serait peut-être plus élevé. Il y a quelque chose comme ça. Vous dites : Nos écoles sont devenues impropres. Je comprends que vous dites ça.

Mme Jasmin (Danielle) : Tout à fait. Tout à fait. Parce que l'enfant pouvait vivre sa vie d'enfant. L'enfant n'était pas avec les grands de sixième année, l'enfant n'avait pas à croiser des grands dans l'école. Le petit de cinq ans, ça lui prend du temps à se sentir à l'aise dans la grande école de 500 élèves avec les autres. Donc, le petit de quatre ans, ça va être encore plus difficile pour lui. Donc, si l'enfant vient à l'école, il n'a pas besoin du service de garde, il n'y a pas beaucoup d'adultes qui sont en contact avec lui, il y a un ratio très peu élevé, un grand local éclairé… Ça n'existe plus, Mme la ministre, des grands locaux éclairés pour les maternelles, et c'est de ça que... Puis plus l'enfant est petit, plus il a besoin de bouger. Alors, prévoir des petits locaux de classe ordinaires pour les enfants de maternelle, des enfants de quatre ans, ça n'a pas de bon sens. Mais il n'y en a plus, de grands locaux.

• (15 h 50) •

Mme Malavoy : Mais je comprends que c'est beaucoup lié... en tout cas, les dernières interventions que vous avez faites sont beaucoup liées aux lieux.

Là, je voudrais aborder une autre question. Parce que vous êtes l'Association d'éducation préscolaire du Québec, là il y a quelque chose, honnêtement, qui m'apparaît un peu curieux dans votre approche et votre position, c'est-à-dire que vous représentez, donc, des gens qui ont une formation pour enseigner au préscolaire, donc des gens qui ont une formation universitaire pour enseigner au préscolaire et primaire, mais donc au préscolaire, et vous semblez ne pas croire que cette formation-là peut avoir une valeur telle que... Tant mieux si des éducatrices qui ont été formées pour être des éducatrices pour les enfants de cinq ans en maternelle peuvent, avec peut-être certains aménagements de leur formation, être aussi avec des enfants de quatre ans alors que, vous le savez, du côté des services de garde, il y a deux personnes sur trois qui ont une formation de niveau collégial et qui sont donc des éducateurs, des éducatrices, bon, plus, évidemment, la qualité de leur expérience.Mais pourquoi la formation des gens que vous représentez ne vous semble-t-elle pas une formation appropriée pour être avec des petits enfants, puisqu'en principe leur formation les a conduits à ça, et c'est, tout de même, une formation de quatre ans universitaire?

Mme Boily (Francine) : Oui, Mme la ministre. Je vais répondre à ça. Je suis moi-même chargée de cours aussi à l'université depuis des années. Alors, le problème, c'est qu'avant on avait des écoles normales qui formaient les enseignants, et puis c'était pendant quatre ans, et puis on se spécialisait en préscolaire, on se spécialisait spécialement au préscolaire pendant quatre ans. Et, quand les écoles normales ont disparu, peut-être vers les années 77, les universités ont promis de mettre 20 % de leurs cours libellés au nom de préscolaire primaire, de donner au moins 20 % de leurs cours pour le préscolaire. Or, ça, ça ne se passe pas. Et, je dois vous le dire, on a fait une enquête là-dessus dans toutes les universités, il n'y a que deux cours spécifiquement au préscolaire qui sont offerts. Il y a peut-être un cours en éducation de la... de la psychologie de l'enfant, mais il y a beaucoup de didactique. Mais il y a peu, très peu de cours… Et, en plus, dans certaines universités, quand un étudiant ne veut pas enseigner en maternelle, bien, il peut s'organiser pour ne pas faire son stage — en stage I, stage II, stage III en maternelle — puis, rendu en stage IV, eh bien, dans certains milieux, il y a un problème d'écoles, il n'y a pas assez d'étudiants qui peuvent aller faire leurs stages en maternelle. Alors donc, ils vont sortir avec un baccalauréat préscolaire primaire sans avoir mis un pied dans la classe de maternelle. Alors, nous, on déplore vraiment ce manque de formation là. C'est un manque de formation, on le déplore, et ça fait longtemps qu'on en parle.

Le Président (M. Caire) : Mme la ministre.

Mme Malavoy : Mais, à vous entendre, j'entends une critique sur la formation au préscolaire. Ce que vous me dites, ça s'applique tout autant aux gens qui enseignent ou qui ont des enfants de cinq ans qui sont des enseignants d'enfants de cinq ans. Le fait qu'on parle de quatre ans, ce n'est pas tellement l'âge, quatre ans par rapport à cinq ans, ce que vous me dites, c'est qu'actuellement la formation préscolaire et primaire se fait au détriment du volet préscolaire, et vous dites : Là, il y a quelque chose à rééquilibrer. Est-ce que je comprends bien?

Mme Boily (Francine) : Oui. Et puis ce qui fait aussi que certaines enseignantes, quand elles arrivent au préscolaire, pour enseigner au préscolaire, bon, vous savez que, des fois, c'est le hasard, hein, qui nous permet ça. Bon, on s'en va remplaçant puis, tout à coup, oups! on tombe dans une classe de maternelle. Qu'est-ce qu'on fait? Eh bien, on a tendance, plutôt que d'aller chercher dans le développement de l'enfant, on a tendance à aller chercher des kits, tu sais, des kits tout faits ou de l'aide, tu sais, des choses, papiers, crayons, qui vont... Parce que les parents peuvent les pousser aussi, tu sais, de dire : Bon, l'enfant, il fréquente la garderie depuis l'âge de deux ans, mon enfant, bien, je pense que, là, il entre dans la grande école, il a le droit à être scolarisé maintenant alors que l'enfant a vraiment cinq ans. Parce qu'on parle des enfants de cinq ans. Alors donc, elles ont tendance, justement, à ne pas aller vers le développement global.

Et, dernièrement… Je donne des formations auprès des enseignantes aussi, d'enseignantes qui ont de l'expérience, puis nous, on offre un congrès par année, un congrès qui se trouve à être une formation continue, et puis les enseignantes disent : C'est la meilleure formation qu'on n'a pas, on va la chercher là une fois par année. Et ça aide parce qu'elles continuent, justement, à former l'enfant de façon globale.

Mme Malavoy : J'aurais simplement pensé qu'étant représentantes de l'Association d'éducation préscolaire vous auriez dit : Bien, on va tout faire pour améliorer les choses plutôt que de dire : On n'est pas compétents pour s'occuper d'enfants de quatre ans. C'est ça qui me rend perplexe.

Mme Jasmin (Danielle) : Ah! bien, on n'a pas dit...

Le Président (M. Caire) : Mme Jasmin, je suis désolé…

Mme Jasmin (Danielle) : O.K. Oui, parfait.

Le Président (M. Caire) : …malheureusement, les 24 minutes allouées au groupe formant le gouvernement sont échues. Je vais donc passer la parole à l'opposition officielle, Mme la députée de Mille-Îles, pour 20 min 30 s.

Mme Charbonneau : Merci, M. le ministre. Alors, je vais joindre ma voix...

Le Président (M. Caire) : Président, ça va faire pareil.

Mme Charbonneau : M. le Président, excusez, je pensais à la ministre.

Le Président (M. Caire) : Peut-être, êtes-vous voyante.

Mme Charbonneau : Je voulais parler à la ministre, puis, finalement, je lui ai donné une paie de plus. Mais, bon, calmez-vous, calmez-vous.

Je suis heureuse d'avoir été assise quand j'ai lu votre mémoire. Le titre ne m'annonçait pas le contenu. Je me disais : C'est sûr que ces gens-là sont pour, hein? J'avais même écrit déjà «pour» sur mon ordre du jour d'aujourd'hui en disant : C'est écrit dans le ciel, les étoiles s'enlignent, c'est leur titre, c'est leur volonté. Donc, je suis restée un peu surprise, mais je l'ai lu avec beaucoup d'intérêt parce que je me disais : Si quelqu'un vend cette marchandise, s'occupe de ce monde-là et, tout d'un coup, est contre un projet, il faut qu'il y ait des raisons pour ça.

Je me souviens, en 1997, quand on a parlé du préscolaire temps plein, puisqu'on utilisait les classes de la commission scolaire de Laval à temps partiel pour les cinq ans, l'annonce a été accueillie pas nécessairement avec grande joie. Il y a des parents qui n'étaient pas d'accord pour des raisons que la ministre soulignait, hein? On aime bien, quand on a choisi de rester à la maison pour ses enfants, choix que j'ai fait… on aimait bien penser qu'ils y allaient juste à mi-temps puis qu'ils revenaient. Quand ça a été à temps plein, on est restés un peu surpris. Mais, quand on est à l'intérieur de la démocratie scolaire, et qu'on prend des décisions, et on réalise qu'une classe qui servait pour deux moments dans la journée va maintenant servir pour un seul moment, bien, dans une école comme l'école Villemaire, qui est à Sainte-Rose, où il y avait huit locaux qui servaient à 16 groupes, tout d'un coup j'avais besoin de huit locaux, puisque mes 16 groupes n'avaient que place pour la moitié.

Dans une décision bien réfléchie, avec une bonne volonté, la volonté et les valeurs de la décision peuvent être bonnes, mais, si le financement pour les places n'est pas là… Il peut être là pour l'enseignant, mais, s'il n'est pas là pour les places, effectivement vous avez raison de vous inquiéter parce qu'on va les mettre où on a de la place. Et, souvent, une classe d'éducation physique, un plateau sportif, c'est la classe d'à côté. On tasse les chaises puis on fait notre activité physique là parce qu'à cinq ans on n'a pas besoin d'aller dans le grand gymnase. J'imagine qu'à quatre ans ça ressemble aussi un peu à ça.

Mais, de par vos expériences, ce que j'ai apprécié, c'est que vous avez dit que vous étiez dans un programme maternelle quatre ans d'accueil. Donc, toute la valorisation puis la relation parentale, puisqu'une classe d'accueil, c'est une classe où j'accueille des élèves qui ne sont pas nécessairement francophones au départ, donc des familles...

Mme Jasmin (Danielle) : Issues de l'immigration.

Mme Charbonneau : C'est ça, donc allophones. Donc, j'aimerais vous entendre sur l'expérience que vousavez eue, sur cette relation-là. Parce que la ministre l'a déjà souligné, je pense que c'est important de se le dire, souvent notre difficulté à l'éducation, c'est d'avoir une relation entre le parent et l'éducateur. L'enfant, sa relation, il la développe et il est dans le système, mais la relation avec le parent… Et, si vous étiez en contact, déjà là, avec des enfants de quatre ans, comment était votre responsabilité de lien avec le parent?

• (16 heures) •

Mme Jasmin (Danielle) : On a eu la chance, à Laval, de pouvoir, comme enseignantes du préscolaire — on nous appelait jardinières d'enfants à l'époque — avec le chauffeur d'autobus, parce que les enfants n'entraient pas en classe en même temps que les autres, se rendre dans chacune des familles. On avait pris rendez-vous dans chacune des familles, des familles qu'on n'avait pas pu rejoindre au téléphone parce qu'elles ne parlaient pas français, et on arrivait, on sonnait à la porte, et on se rappelle qu'on donnait un ballon puis une pomme aux enfants puis on les invitait avec les parents, on parlait de venir à l'école. Donc, l'étape suivante était : le parent met le pied dans l'école, et, ensuite, on a fait des activités où les parents venaient, des activités plus sociales, etc. Donc, on a pris le temps.

Quand, Mme la ministre, tantôt, vous parliez qu'à la maternelle de Saint-Zotique on va donner du temps pour travailler avec les parents, je ne sais pas où on va trouver ce temps-là pour travailler avec les parents parce que moi, comme enseignante, je suis engagée par la commission scolaire pour être toute la journée dans la classe. Alors, est-ce qu'on va me libérer pour que je puisse parler avec... travailler avec les parents? Comment on va faire pour que moi, dans mon temps, qui est déjà à temps plein, je vais avoir du temps pour travailler avec les parents? Donc, ça, c'est extrêmement important. Au CPE, ça fait partie de la vie du CPE d'être en contact quotidien avec le parent, ce qu'on n'a pas à l'école.

L'autre chose, tantôt, qu'on voulait savoir, c'est : Est-ce qu'on dénigre notre formation, on déplore que notre formation n'est pas adéquate? Heureusement qu'il y a l'Association d'éducation préscolaire du Québec qui fait un congrès à chaque année, où on peut aller parfaire sa formation parce que le ministère, il y a plusieurs années, s'est délesté de son rôle de formateur, a remis ça aux commissions scolaires, et les commissions scolaires font ce qu'elles peuvent avec le budget qu'elles ont. Il y a des commissions scolaires qui ont des conseillères pédagogiques au préscolaire pour être capables de faire de la formation continue, mais il y en a d'autres qui n'en ont pas. Alors, au niveau d'être formés pour les enfants de quatre et cinq ans, oui, on part avec quelque chose de pas solide, mais...

Le Président (M. Caire) : Mme la députée de Mille-Îles.

Mme Charbonneau : Oui. J'ai dit au président que j'étais pour être délinquante et j'étais pour vous interrompre. Donc, il l'a fait pour moi, il est très aimable.

Mme Jasmin (Danielle) : Oui. C'est beau.

Mme Charbonneau : Moi, je voulais savoir, après la pomme et le ballon, là, il y a une continuité de relation avec le parent? Vous étiez en lien avec la famille, où il y avait l'accueil, la pomme et le ballon, le premier lien. J'imagine qu'après ça vous preniez des notes pour savoir si c'était une famille de communauté x, y, z pour vous aider, peut-être avec des traducteurs, je ne le sais pas… Mais, après, la relation parent-enseignant, elle était comme — je vais utiliser un... — comme au préscolaire cinq ans, c'est-à-dire dans les mêmes principes de rencontre, là?

Mme Jasmin (Danielle) : Oui. Les seules choses qu'on ajoutait, c'était… à la fête de l'Halloween, on invitait les parents, comme on fait à la maternelle cinq ans, et il y a des parents qui viennent, d'autres qui ne viennent pas. À Noël, on faisait un réveillon spécial d'intégration, etc. Mais la fréquence, comme les enfants arrivaient en autobus, on ne voyait pas plus souvent les parents.

Mme Charbonneau : O.K. Au niveau des services… Parce que vous dites la commission scolaire de Laval, mais, en 1976, vous étiez dans Mille-Îles, dans Chomedey ou dans Les Écores?

Mme Jasmin (Danielle) : Les Écores.

Mme Charbonneau : Merci. Donc, proche de mon comté probablement, puisqu'il y a eu unification, là, en 1998 de la commission scolaire. Est-ce qu'au niveau des Écores ou de la commission scolaire des Écores il y avait le programme Fluppy à ce moment-là ou ça n'existait pas encore?

Mme Jasmin (Danielle) : Non. Le programme Fluppy a commencé très tôt aux Écores, et quand… Moi, je suis passée au primaire, je suis revenue au préscolaire quand c'était le temps plein, et on avait le programme Fluppy, l'excellent programme Fluppy qui a été, malheureusement… où il n'y a plus les budgets qui suivent, etc., au détriment, je dois dire, là, de mettre l'argent sur des kits pédagogiques qui coûtent extrêmement cher. Je vais nommer La forêt de l'alphabet, mais ça peut être n'importe quel autre kit. Mais ces kits-là coûtent très cher parce qu'on libère l'enseignant deux jours, on achète... Donc, c'est deux journées de suppléance, on achète le matériel à 300 $ ou 350 $ et on paie aussi pour une formation. Donc, c'est beaucoup, beaucoup d'investissement pour une approche particulière. Est-ce qu'on va faire ça après ça avec la formation en psychomotricité? Est-ce qu'on va faire ça en numératie? Est-ce qu'on va faire ça en littératie? Et c'est comme aller chercher au privé une formation que la commission scolaire devrait être en train de donner ou le ministère devrait être en train de donner.

Mme Charbonneau : Merci. J'ai connu plus Fluppy et 1, 2, 3 Go! que Passe-Partout. Passe-Partout, à Laval, je ne l'ai pas beaucoup connu, il était plus discret. Par contre, vous sembliez dire que vous connaissiez le programme Passe-Partout pour l'avoir vu, puis je pense que c'est un bel endroit pour regarder comment on fait le lien entre le parent et un système éducatif. Même si je ne suis pas encore rendue à l'école, il y a quand même là un lien intéressant à faire.

Je reviens à vous, Mme la présidente, puisque vous disiez que vous étiez, au niveau de l'université, près de nos prochains… ce qu'on appelle les maîtres en éducation, nos enseignants. Il y a dans plusieurs mémoires des reproches faits par rapport à la formation des uns et des autres. Et, j'en conviens avec vous, quand je deviens une enseignante ou une élève qui veut devenir une enseignante, je ne choisis pas toujours mon stage où je veux, comme je veux puis comment je veux. Puis, dans les commissions scolaires, on le sait, il y a un choix multiple, hein? Il y a les années… Un, il y a les niveaux, hein, primaire ou secondaire. Après ça, j'ai l'école... Vous, vous avez dit l'école normale — j'ai trouvé ça vraiment amusant, je n'avais jamais entendu le terme — mais il y a l'école alternative et l'école régulière. Il y a la possibilité...

Mme Jasmin (Danielle) : Excusez-moi, l'école normale, c'étaient les écoles de formation des enseignants.

Mme Charbonneau : Ah! d'accord. Ah non! ce n'est pas du tout ce que je pensais, d'abord.

Mme Jasmin (Danielle) : Non, non, non. C'est ça. Alors, ça s'appelait comme ça.

Mme Charbonneau : Je me souviens de collègues d'un certain âge qui me parlaient de l'école classique. Ça fait que je savais qu'il y avait un terme sur le classique. Mais, l'école normale, je ne connaissais pas. C'est la première fois que j'entends le terme de l'école normale.

Donc, quand je veux faire mon stage, je demande à la commission scolaire, et, après, on m'assigne, dans la mesure du possible, le choix que j'aimerais avoir. On m'offre un endroit où je peux faire ma formation ou faire mon stage, là, auprès d'une autre enseignante. Il faut aussi que l'enseignante accepte, hein, le coaching puis la volonté comme ça.

Comment je peux faire — puisqu'on est ici pour vraiment avoir une discussion ouverte puis aller chercher les meilleurs outils — pour améliorer le principe de l'enseignement au préscolaire? Est-ce que je fais un programme uniquement préscolaire? Parce que, la ministre le disait, au niveau des CPE, sur trois personnes, j'en ai deux qui ont une formation 100 % petite enfance. Pas 15 %, 100 %. Comment je fais pour mettre en place dans mon système universitaire un programme qui donne une formation 100 % préscolaire? Et est-ce que c'est recommandé ou vous y voyez la possibilité de pouvoir se promener un peu dans le système scolaire si je n'ai pas une formation… Parce que j'ai beau vouloir être enseignante en sixième année, là, ça se peut que je n'y arrive pas avant 12 ans. Puis, en plus, je n'aurai pas ma permanence, je vais juste avoir ma classe. Je n'aurai pas ma permanence, je vais être encore temporaire, mais je vais arriver après 12 ans d'expérience dans le monde scolaire… Prenons la commission scolaire de Laval, puisqu'on en parle puis que j'en suis très fière. Et, de ce fait, j'arrive en sixième année, la classe que j'ai toujours voulu avoir, l'année que j'ai toujours voulu avoir, mais après 12 ans d'expérience. Puis j'ai bamboché dans toutes les autres classes de façon très professionnelle, mais je n'ai pas pu avoir la place parce qu'elle était prise et bien prise par des gens qui avaient une permanence. D'ailleurs, au préscolaire, il n'y a pas beaucoup de places.

Mme Boily (Francine) : Non, les enseignantes…

Mme Charbonneau : Restent.

Mme Boily (Francine) : C'est ça.

Mme Charbonneau : Les enseignantes apprécient, restent et développent de façon extraordinaire une compétence avec cette petite enfance. Mais la formation de base, elle n'est pas comme ça. Comment je fais pour l'améliorer?

Mme Boily (Francine) : Écoutez, on ne pourrait pas régler ça cet après-midi. J'aimerais bien d'ailleurs...

Mme Charbonneau : Grandes lignes. Grandes lignes.

Mme Boily (Francine) : C'est certain que, nous, on a fait les... C'est certain que, s'il y avait une spécialité préscolaire au bout de la troisième année ou bien dans la troisième année, ce serait bien, là, qu'il y ait une espèce... puis que les étudiants soient dirigés vers ce choix-là. Nous, on a fait auprès du CAPFE, qui se trouve à être le comité de programmes, là, des universités, on a fait une demande, justement, pour... Justement, attendu la particularité des quatre ans, cinq ans, on demande la reconnaissance de la spécificité de l'éducation préscolaire. Et justement, comme je vous disais tout à l'heure, on demande neuf heures sur 45 heures de cours, par cours qui sont libérés, éducation préscolaire, primaire.

Mme Jasmin (Danielle) : C'est-à-dire, par exemple, la didactique des sciences au préscolaire et au primaire, le professeur d'université qui devrait donner ce cours-là devrait en donner neuf sur 45 heures dédiées au préscolaire. Donc, si tous les cours où c'est écrit le libellé préscolaire, primaire, il y avait neuf heures réservées, soit le cinquième des heures, au préscolaire, ça donnerait une formation préscolaire beaucoup plus intéressante.

Et on invite les universités à créer des certificats en éducation préscolaire, certificats qui pourraient être suivis par les éducatrices des CPE, autant par les éducatrices des CPE qui ont un D.E.C., qui pourraient être admises au certificat à l'université en préscolaire, que les enseignantes déjà formées qui ont le goût, comme moi je l'ai fait avec l'Université de Sherbrooke, d'avoir un certificat en éducation préscolaire qui m'a permis d'avoir des ailes quand la maternelle cinq ans temps plein est arrivée.

• (16 h 10) •

Mme Charbonneau : Dans le mémoire que vous avez déposé, à la page 8, vous donnez deux trucs que j'ai beaucoup, beaucoup, beaucoup appréciés. Un, l'opinion du Dr Julien, qui est une sommité auprès de la clientèledéfavorisée, hein? On le regarde avec beaucoup d'attention sur l'ensemble des gestes qu'il pose. D'ailleurs, il y a différents endroits maintenant au Québec qui font le même service que Montréal parce que les communautés ont décidé de se prendre en main puis de mettre en place le même système.

Mais vous amenez des solutions, vous proposez des solutions. Je les ai lues, il y en a une que je n'ai pas trouvée. Ça fait que je me suis dit : Peut-être que j'ai la berlue, peut-être que juste de l'imaginer fait en sorte que ça ne fonctionne pas. Mais, puisque vous défendez ces gens-là et que vous m'avez déjà étonnée avec le mémoire, je vous pose la question : Si on mettait dans les écoles du Québec des enfants de quatre ans dans des classes temps plein avec du personnel CPE plutôt que du personnel enseignant, est-ce que les gens que vous représentez auraient déjà des pancartes, des clowns puis des ballounes en face de la porte de la ministre, du bureau à Montréal, pour dénoncer le fait qu'on mélange deux métiers, deux professionnels, deux façons de faire ou est-ce que, là, il y a une possibilité de trouver un terrain d'entente intéressant pour les uns et pour les autres, puisque je serai dans le monde scolaire, je serai dans le système «j'apprends par le jeu», je vais garder mon professionnel de la petite enfance avec mon petit de quatre ans, mais je le mets dans un milieu qu'il doit apprivoiser et voir avec le reste des milieux, c'est-à-dire cinq ans, six ans, sept ans puis, quelquefois, jusqu'au secondaire parce qu'on le sait que, dans certaines de nos régions, l'école est utilisée du préscolaire jusqu'au cinquième secondaire?

Mme Jasmin (Danielle) : ...pourquoi vouloir devancer? Pourquoi ne pas commencer à trois ans, d'abord? Pourquoi...

Mme Charbonneau : ...en France, on commence à trois ans.

Mme Jasmin (Danielle) : Ah oui, mais ils n'ont pas... l'enfant n'arrive pas dans la grande école, l'enfant arrive dans l'école maternelle trois ans, quatre ans, cinq ans. Donc, l'enfant, il est dans un monde d'enfants.

Dans le CPE, l'enfant est dans son monde d'enfants. Tout est à sa mesure. Imaginez juste votre fils, ou petit-fils, ou petite-fille de quatre ans en disant : Je veux la voir déambuler dans un lieu. Est-ce que je la mets dans un corridor de grande école pour se rendre à une activité ou je la mets dans son CPE? Si je la vois à l'extérieur, est-ce que je la vois dans son terrain de jeu de CPE avec des modules à sa grandeur ou je la vois dans une immense cour d'école où elle va être un peu restreinte, où là il va falloir dire : Attention au jeu de ballon-chasseur des grands de sixième année? Non, ces modules-là, c'est réservé aux grands parce qu'à chaque année on a des enfants qui se cassent un bras dans les modules parce que les modules ne sont pas faits pour les enfants de maternelle.

Donc, si on veut juste... Pourquoi vouloir hâter l'arrivée? Nous, si on dit : Avec l'entrée progressive, avec le programme Passe-Partout, qui accueille... Les enfants qui ont Passe-Partout à quatre ans, ils arrivent à l'école, là, il n'y en a pas un qui pleure. Avec l'entrée progressive, il n'y en a pas un qui pleure. Avec l'entrée progressive, ça nous permet à nous, qui recevons 20 enfants, d'en recevoir 10 à la fois pendant quelques jours, les enfants viennent en alternance. La différence qu'on peut avoir, vivre quand on est en présence de 10 enfants, le contact individuel qu'on a par rapport à un groupe de 18, c'est le jour et la nuit au niveau de... Donc, on met en place des transitions. Le Conseil supérieur de l'éducation parle des transitions importantes pour accueillir l'enfant, pour l'aider à changer de milieu. Donc, mettons l'énergie sur ces transitions-là plutôt que de reculer puis dire : Bien, on va le prendre à quatre ans puis, après ça, peut-être on le prendra à trois ans. Je sais que les syndicats veulent beaucoup ça, mais on pourra se préoccuper de leurs motivations profondes.

Mme Charbonneau : On accueillera leurs propositions quand ils seront là. Profitez du temps que vous avez pour parler de vous, et pas pour parler des autres. C'est toujours mieux comme ça.

Si vous aviez à suggérer un ratio — un peu plus tôt, on a entendu 1-15, peut-être même descendre jusqu'à 1-6 si le milieu, là, c'est difficile puis... — vous auriez un ratio…

Mme Jasmin (Danielle) : Bien, où ils vont prendre l'argent pour 1-6?

Mme Charbonneau : Non, mais là...

Mme Jasmin (Danielle) : C'est ça. Mais le ratio...

Mme Charbonneau : …il ne me reste pas assez de temps pour qu'on s'étende sur le financement.

Mme Jasmin (Danielle) : O.K. C'est beau.

Mme Charbonneau : Je veux revenir sur le principe même. Professionnellement, vous avez eu des classes d'accueil. Vous aviez un ratio qui n'était pas du tout 1-18 parce qu'en 1976 les ratios étaient encore très élevés, là, c'est avec...

Mme Jasmin (Danielle) : En accueil, c'était 18.

Mme Charbonneau : Ah! c'était 18. O.K. Donc…

Mme Jasmin (Danielle) : Oui, à quatre ans. 18 à quatre ans. Mais moi, je dois vous dire que, si ce sont tous des enfants vulnérables, tous des enfants avec des problématiques de langage, de motricité, de développement cognitif, je ne sais pas comment je vais faire avec un groupe homogène dans les difficultés. À 18, je n'y arriverai pas et... Moi, je préférerais 18 hétérogènes plutôt que 18 en milieu défavorisé avec beaucoup de défis à relever. À ce moment-là, mettez-moi-z-en 10 pour que j'aie le temps de parler avec les enfants, développer leur langage, voir que celui-là a plus de difficultés au niveau moteur, que celui-là c'est plus au niveau de l'attachement, au niveau cognitif.

Mme Boily (Francine) : Oui, mais je voudrais rajouter quelque chose aussi, c'est que, même à 10, s'ils sont vulnérables, on a peur de la ghettoïsation aussi. On vous l'a dit dans notre mémoire, on a peur, justement... Nous, on aime mieux l'hétérogénéité. Alors, on a peur que ces gens-là se sentent justement... disent : Ça y est, c'est ça, ces maternelles quatre ans, nous, on est considérés comme des défavorisés, là, tu sais.

Mme Charbonneau : Mais, en même temps… Puis je suis d'accord aussi avec l'opinion qui dit : C'est peut-être un service que je vais utiliser parce que ça répond plus à ce que j'ai besoin ou ce que mon enfant a besoin. Donc, je comprends votre inquiétude, je la partage, je l'ai dit dans mon discours d'ouverture, mais il y a des endroits où être en milieu défavorisé, c'est presque la norme, puisqu'on habite dans un endroit qui est reconnu, hein, comme défavorisé. Malheureusement, je prends cet exemple-là, il est toujours boiteux un peu, mais, si je vous dis Hochelaga-Maisonneuve, bien, vous allez avoir une image. C'est fini?

Le Président (M. Caire) : Il reste cinq secondes.

Mme Charbonneau : Cinq secondes. Donc, merci pour votre intervention.

Le Président (M. Caire) : Merci beaucoup. Donc, je vais immédiatement passer la parole à la députée de Montarville pour un temps de 5 min 30 s.

Mme Roy (Montarville) : Merci beaucoup, M. le Président. Mesdames, merci. Merci pour votre mémoire. D'entrée de jeu, je vais vous dire que c'est vraiment intéressant de vous entendre et rafraîchissant. On voit toute la différence entre le discours d'une association de professionnels versus un syndicat, qui a d'autres intérêts. Vous avez les deux mains dans la pâte, vous êtes sur le terrain. Vous représentez 1 200 enseignantes en éducation préscolaire, des professeurs d'université, des conseillères pédagogiques et des étudiants-chercheurs. Donc, le milieu, le terrain, vous le connaissez.

Et, quand vous nous écrivez à la page 2, entre autres, que vous considérez, votre association, que les centres de la petite enfance, les CPE, sont actuellement mieux équipés, mieux organisés et mieux formés pour accueillir les petits enfants de quatre ans et leurs parents que les maternelles, ça, moi, ça me touche vraiment. Vous nous sonnez des cloches ici, vous levez le drapeau rouge. Vous avez élaboré, entre autres, sur la formation qui était bien, bien précise et bien spécifique aux tout-petits qui est manquante dans votre scolarisation.

Maintenant, un peu plus bas dans la même page… J'aimerais vous entendre parler d'un point précis que vous n'avez pas élaboré, mais, je trouve, c'est intéressant, ce que vous soulevez sur l'impact négatif sur les tout petits enfants de ce ratio, auprès d'eux, le nombre d'adultes qui vont les côtoyer, et dans quelle mesure, lorsqu'ils sont tout petits — là, on parle des quatre ans — moins il y en a, mieux c'est. Pourriez-vous nous en parler un petit peu, je vous prie?

Mme Boily (Francine) : Mais, bien sûr, oui. Alors, écoutez, c'est certain que c'était la relation d'attachement. C'est que, d'abord, l'enfant s'attache à sa mère ou son père en début, et ensuite, bon, en passant au CPE ou bien à la gardienne à la maison, bon, là, il y a comme une espèce d'adaptation aussi, de relation d'attachement qui va s'installer. Plus la relation d'attachement est bien ancrée dans la famille, plus l'enfant va avoir de la facilité à s'adapter à son nouveau milieu. Alors, ce qui se passe dans les CPE, la relation d'attachement s'installe parce que, les intervenants en CPE, il y en a deux, il y en a... Il y a la personne qui s'occupe des dîners aussi, bon, ça va être la troisième, et puis c'est comme une petite famille, ça remplace la famille.

Nous, à l'école, quand l'enfant arrive à l'école, d'abord ses parents viennent mener l'enfant à 7 heures, le matin, O.K., parce qu'ils s'en vont travailler, là. Bon, là, c'est une personne qui va le prendre, puis ça ne sera pas la monitrice du service de garde, la responsable du service de garde. Ça y va par hiérarchisation, par ancienneté. Donc, si moi, je suis plus vieille, je vais avoir plus d'heures de travail. Donc, ça va être une première personne qui va arriver qu'elle ne connaîtra pas, là, en attendant que l'école commence.

L'école commence. Là, l'enseignante va... L'avant-midi, ça va aller. Ensuite, à l'heure du midi, bien là c'est différents surveillants de dîner qui n'ont pas nécessairement la formation, là, de prendre soin des enfants, et tout, là. Alors, les surveillants de dîner… Ensuite, ils vont être dehors, il va y avoir d'autres surveillants aussi qui vont s'occuper d'eux. Ensuite, après ça, l'enfant revient en après-midi dans la classe, et après, quand la classe se termine, à 15 h 30, bien là ils s'en vont au service de garde. Puis là, au service de garde, plus les parents viennent chercher leurs enfants, plus le ratio baisse d'enfants. Là, les enfants sont mélangés avec maternelle, première, deuxième, troisième. Bon, là, celle qui a le moins d'heures, il faut qu'elle s'en aille. C'est celle qui a le plus d'heures, tu sais, qui va être prioritaire puis qui va rester là. Alors, ça veut dire qu'on a calculé, des fois, dans certaines écoles, qu'il y en avait neuf, des fois, neuf personnes à rencontrer. Alors, on parle de la relation d'attachement, de pouvoir parler, de pouvoir se sentir en sécurité. C'est très, très important pour l'apprentissage aussi de l'enfant. Alors, c'est ça.

• (16 h 20) •

Mme Roy (Montarville) : Donc, il y aura un impact négatif sur la multiplication du nombre d'intervenants à s'occuper d'un tout-petit de quatre ans.

Mme Boily (Francine) : Comment est-ce qu'on appelle la séparation, là, les... Les ruptures, on appelle ça les ruptures. D'ailleurs... Ah oui! on vous a apporté une revue préscolaire qu'on a faite et que vous pourrez en... Il y en a pour tout le monde. C'est des ruptures. On en parle aussi dans nos passages, dans nos transitions. Le conseil supérieur en parle aussi, c'est des ruptures. Ils parlent de ruptures, justement.

Mme Roy (Montarville) : ...différence d'adaptation pour les... Y a-t-il une différence entre les petits de quatre ans et les petits de cinq ans face à cette multiplicité des intervenants ou à ces ruptures?

Mme Jasmin (Danielle) : Vous savez, entre un enfant de deux ans puis un enfant de trois ans, c'est immense, la différence au niveau du développement. C'est la même chose entre trois ans, quatre ans. Rendu entre 20 ans, 21 ans, il n'y a plus de différence. Mais, entre quatre ans et cinq ans, oui, il y a une grande différence. L'enfant, il a un an de maturité de plus, donc il est capable de passer à ça. Mais, à quatre ans, c'est lui faire faire des bonds qui pourraient être négatifs dans certains cas.

Mme Boily (Francine) : Mais ça veut dire qu'on prendrait des enfants de trois ans parce qu'au mois de septembre, 30 septembre, là, un enfant, il aurait trois ans quand il rentrerait à l'école. On aurait aussi des enfants qui auraient quatre ans le 1er octobre. Alors, ça, c'est un an de différence. Alors...

Mme Roy (Montarville) : Alors, il y a une problématique à cet égard-là, une seconde au niveau de l'âge s'il y a des petits de trois ans, là, qui rentrent...

Mme Boily (Francine) : …à trois ans, les enfants dorment aussi, hein, dans l'après-midi.

Mme Jasmin (Danielle) : Même à quatre ans, les enfants dorment.

Mme Boily (Francine) : À quatre ans, les enfants dorment une heure, 1 h 30 min dans les CPE, une heure, 1 h 30 min, au moins. Ça fait que...

Mme Jasmin (Danielle) : Puis on sait que, dans les milieux défavorisés, les enfants ont des routines pas toujours régulières, donc ils ont besoin de ça.

Le Président (M. Caire) : Merci, mesdames. Malheureusement, c'est tout le temps qu'on avait. Donc, Mme Boily, Mme Jasmin, je vous remercie de votre participation.

Nous allons accueillir le prochain groupe, l'Association des directeurs généraux des commissions scolaires du Québec, que j'invite à prendre place.

Nous allons suspendre quelques instants, histoire de saluer nos invités et faire la transition.

(Suspension de la séance à 16 h 23)

(Reprise à 16 h 27)

Le Président (M. Caire) : Donc, nous allons reprendre avec l'audition de l'Association des directeurs généraux des commissions scolaires du Québec. Je vais donc saluer M. Raynald Thibeault. Peut-être vous demander de nous présenter les gens qui vous accompagnent, et, ensuite, vous disposez d'un temps de 10 minutes pour votre présentation. À vous la parole.

Association des directeurs généraux des
commissions scolaires (ADIGECS)

M. Thibeault (Raynald) : Excellent, merci. Bonjour, tout le monde. D'abord, à ma droite, Mme Sylvie Anctil, qui est directrice générale de la commission scolaire des Samares et aussi membre du comité de mise en oeuvre des maternelles quatre ans; M. Michel Bernard, directeur général, commission scolaire régionale de Sherbrooke, aussi vice-président de l'ADIGECS, l'association des directeurs généraux du Québec; et moi-même, Raynald Thibeault, président de l'association et directeur général de la commission scolaire Marie-Victorin depuis deux ans, à Jonquière préalablement. C'est bon?

Le Président (M. Caire) : Allez-y, je vous en prie.

M. Thibeault (Raynald) : D'abord, merci de nous accueillir. C'est agréable pour l'ADIGECS de pouvoir exprimer son point de vue dans le cadre de cette commission parlementaire là. Peut-être vous préciser au départ que, puisque nous sommes une petite association, nous n'avons pas été en mesure de vous fournir le mémoire précédemment. J'en ai remis une copie tout à l'heure. Un petit groupe de 157 directeurs généraux, directions générales adjointes au Québec, et, dans ce cadre-là, nous vous présentons un mémoire qui, au départ — je pense que c'est important de le souligner — se positionne favorablement par rapport à la mise en place des maternelles quatre ans.

Pour les commissions scolaires, la mise en place de ce type de service — type de service, il faut le préciser, complémentaire à ce qui est déjà en place — nous apparaît comme étant une belle initiative, d'autant plus qu'elle se fait dans un cadre expérimental ou dans un cadre progressif. Sur le fait, sur l'idée, sur l'initiative, sur la notion de complémentarité, nous sommes, effectivement, favorables. Cependant, vous comprenez bien qu'on va vous exprimer dans les prochaines minutes, et très possiblement en répondant à vos questions, des préoccupations, de par notre fonction de directeurs généraux, qui sont, pour l'essentiel, pédagogiques et administratives.

Donc, pour nous, c'est... Pourquoi on est favorables à la mise en place de maternelles quatre ans? D'abord, ne serait-ce qu'au regard des nombreuses études qui démontrent que l'intervention précoce, le dépistage précoce est un élément déterminant, qui peut faciliter grandement les apprentissages et le développement global des jeunes enfants, notamment en milieu défavorisé, d'où un positionnement ou un préjugé favorable au départ pour la mise en place des maternelles quatre ans. Je le disais aussi tout à l'heure, nos préoccupations en cet égard-là, si on veut que le développement global de l'enfant se fasse de façon harmonieuse et de façon optimale, nos préoccupations sont aussi beaucoup reliées à l'égard des conditions d'implantation de ces maternelles quatre ans là, notamment dans le contexte des compressions budgétaires et notamment dans un contexte où les enjeux sont énormes actuellement en éducation.

On rappelle au début la mission des commissions scolaires, mais, au-delà de ça, ce qu'on trouve important de vous mentionner, c'est l'importance de préserver l'autonomie des commissions scolaires dans la mise en place des maternelles quatre ans. Pourquoi? Parce que, bien, c'est peut-être… puisque c'est une entrée, une mise en place progressive, qu'on fonctionne de cette façon-là, bien, je pense que ce serait pertinent, dans un avenir rapproché, à court terme, que la mise en place des maternelles quatre ans passe davantage par les régimes pédagogiques que par une loi. Pour l'instant, ça nous convient de cette façon-là avec les réserves que nous avons.

• (16 h 30) •

Donc, passer par des outils qui sont déjà en place, pour nous, je parle du régime pédagogique, mais je parle aussi de l'instruction annuelle. Et vous allez comprendre que, là, à ce moment-ci de l'année, demain ou presque, c'est le mois de mai, et on n'a pas encore de nouvelles de ce que va être le programme au niveau des maternelles quatre ans, on ne sait pas comment ça va atterrir encore concrètement dans les milieux. Il y a des interrogations assez importantes à cet égard-là, et on aimerait… on souhaite sincèrement que ces interrogations-là soient répondues dans les meilleurs délais.

Une autre préoccupation — et elle peut sembler très mécanique, mais elle n'est pas banale — c'est tout le principe d'identification des élèves qui vont fréquenter les maternelles quatre ans. Habituellement, on fonctionne par des bassins d'alimentation qui sont reliés à une école qui peut être défavorisée. Dans le cas présent, c'est des écoles qui vont être catégorie 9 ou catégorie 10. Mais, dans le cadre présent, on nous demande d'y aller, dans notre jargon, par les codes postaux. On pense qu'il y a différents écueils qui sont reliés à cette façon de faire là, notamment au regard de l'étiquetage des enfants. Ce qui veut dire que, pour une même rue, par exemple, il est possible qu'un enfant soit admissible au programme des maternelles quatre ans, alors que le voisin ne l'est pas.

Ça devient difficile aussi dans les commissions scolaires plus petites, dans les commissions scolaires rurales, où, là, ça devient des coûts de transport assez importants. On pense que cette façon de faire là va à l'encontre de ce qui se fait habituellement dans les commissions scolaires, nuit à la mise en place des maternelles quatre ans, mais surtout met en place des conditions d'étiquetage des enfants qui sont en milieu défavorisé. Et, sur ce plan-là, je pense qu'il y aurait lieu de revisiter la façon de faire, notamment quand arrive le temps de donner plus de souplesse aux commissions scolaires pour que les groupes puissent être constitués. S'il n'y a pas d'école 9, 10, si les élèves sont trop dispersés, peut-être que ce serait une avenue à considérer d'y aller avec des élèves de quatre et cinq ans dans la même classe. Donc, de garder les indices de défavorisation, c'est une modalité qui est connue, c'est une modalité qu'on connaît dans les commissions scolaires, et ça respecte la confidentialité des élèves.

Autre élément — et ça a été abordé un peu tout à l'heure dans la commission avec le groupe précédent — c'est les ratios, les ratios maître-élèves. Quand c'est les maternelles cinq ans, ce sont des ratios de 18 élèves. On arrive avec des quatre ans en milieu défavorisé et on met aussi 18 élèves. Vous allez comprendre que, compte tenu de la clientèle, compte tenu des ratios, on trouve ça élevé, surtout si on les compare aux ratios des CPE. L'idée n'est pas de glisser dans un mode comparatif, mais plutôt de considérer ce qui se ferait ou ce qui est souhaitable pour des maternelles quatre ans qui sont tous issus de milieux défavorisés. À ce moment-là, le ratio 18 nous apparaît très, très élevé pour un groupe de cette nature-là, sans oublier le financement qui peut être associé aux maternelles quatre ans.

Actuellement, dans les règles budgétaires, tout ce que nous avons, c'est un financement à la hauteur d'environ 5 000 $ par élève et un 56 $ pour les parents. C'est largement insuffisant parce que, quand va venir le temps de constituer ces groupes-là, on ne parle à aucun endroit de services complémentaires, on ne parle pas de services de soutien et on ne parle pas non plus, quand arrive le temps de mettre des élèves qui sont, dans notre jargon, codés, qui... Mettons, exemple, un élève… un TED ou un autre type de déficience ou de difficulté, ça diminuerait les ratios, et ce n'est pas pris en compte dans les paramètres financiers actuellement, ce qui nous apparaît comme étant un écueil important qu'il faudrait revisiter dans la constitution des groupes. Donc, revoir le financement, revoir la façon de constituer les classes, donner plus de souplesse dans la constitution des classes, ça nous apparaît très, très, très important, en considérant, bien entendu, les services complémentaires.

Le transport — j'y faisais allusion tout à l'heure — si on y va par les codes postaux, bien, on peut se retrouver avec des problématiques de transport très importantes pour aller chercher les élèves, qui peuvent être dispersés sur un grand territoire, alors qu'en y allant habituellement avec les bassins d'alimentation des commissions scolaires ça se ferait beaucoup mieux, et à coût moindre, et c'est aussi des gymnastiques avec lesquelles on est habitués.

La surveillance du midi aussi, ce n'est pas prévu dans les règles budgétaires actuellement alors que la plage horaire est beaucoup plus longue au préscolaire. Il y aurait lieu de revisiter ça également.

La reconnaissance des élèves codés, je vous en ai parlé. Et, en lien avec le programme pédagogique à mettre en place, il y a des éléments de préoccupation qui ne sont pas banals non plus, notamment, oui, au regard du programme, mais de la formation du personnel enseignant, de la formation du personnel enseignant qui va avoir à composer avec une nouvelle dynamique.

Les locaux. D'accord, il n'y a pas d'aménagement de locaux, il n'était pas question de construction de locaux, ça va. Mais il est possible que, dans des locaux, ce ne soit pas aménagé pour accueillir ce type de clientèle là, donc des ajustements de mobilier, d'éviers, et ainsi de suite.

Le matériel aussi pour les parents. Comment va se faire l'approche auprès des parents? On veut bien dégager une certaine somme d'argent, mais il y a du matériel à bâtir là, il y a du matériel à mettre à la disposition des intervenants qui vont rencontrer les enseignants. Donc, ça aussi, ce sont des préoccupations qui nous habitent.

Et la formation du personnel enseignant, dans ce cadre-là, nous apparaît primordiale. Mais, tant qu'on n'a pas le programme, tant qu'on n'a pas l'instruction, on ne peut pas avancer. On est, là — et je le répète parce que c'est important — on est au mois de mai demain puis on ne sait pas encore comment ça va fonctionner au-delà des règles budgétaires, qui sont, pour ce qu'on en connaît actuellement, assez minces au regard du financement.

Et, vous le voyez, nos préoccupations gravitent beaucoup, beaucoup autour de la pédagogie, la composition de la classe, préserver l'autonomie des commissions scolaires en matière d'activités pédagogiques à mettre en place et respecter les encadrements qui sont déjà en place, glisser à court terme vers les régimes pédagogiques qui déterminent les grandes orientations. C'est important que ça se retrouve davantage dans les régimes pédagogiques.

Et je terminerais la présentation en disant qu'on a bien compris que la mise en place des maternelles quatre ans, ça n'a pas comme objectif de mettre en compétition différents réseaux, mais davantage d'être en complémentarité, davantage de travailler pour des clientèles auprès de qui on est capables de donner des bons services. En faisant ça, il faut rapidement prévoir des bons mécanismes de communication interministérielle et aussi s'assurer — c'est une préoccupation pour nous — que la mise en place des maternelles quatre ans ne vienne pas à la place, contre ou diminuer ce qui se fait déjà au niveau de Passe-Partout et des maternelles quatre ans à mi-temps. Ces services-là sont en place, donnent de bon résultats et puis...

Le Président (M. Caire) : M. Thibeault, je vais devoir vous interrompre, votre temps est largement dépassé.

M. Thibeault (Raynald) : Largement?

Le Président (M. Caire) : Oui.

M. Thibeault (Raynald) : J'ai de la misère, d'habitude, à faire 10 minutes.

Le Président (M. Caire) : Bien là, vous l'avez bien rempli. Mais vous aurez l'occasion, ça, d'échanger avec les parlementaires. Donc, je vais céder la parole tout de suite à Mme la ministre pour un temps de 22 minutes.

Mme Malavoy : Bonjour. Bonjour, M. Thibeault, M. Bernard, Mme Anctil. Je suis bien heureuse de vous voir ici aujourd'hui. Et, rassurez-vous, M. Thibeault, vous parlez quand même assez rapidement. Alors, en 10 minutes, hein, on en a pour 15 minutes de contenu sans problème.

M. Thibeault (Raynald) : ...à parler moins vite.

Mme Malavoy : Mais j'apprécie bien votre présence et vos interventions. J'aurais une question un peu large pour commencer puis je reviendrai à des choses un peu plus précises dans certaines questions que vous posez. Quel est le degré d'accueil de cette implantation progressive — on s'entend, là, très progressive — une classe par commission scolaire? Quel est le degré d'accueil auprès des directeurs généraux, que vous représentez?

M. Thibeault (Raynald) : Bien, ça dépend de l'angle sous lequel on veut le voir. Sur la pertinence, c'est bien accueilli. Moi, je vous dirai que, dans une large proportion, c'est bien accueilli pour les directeurs généraux du Québec, mais notre fonction nous amène rapidement à considérer les éléments de mise en place. Et, à ce moment-là, on veut bien accueillir les maternelles quatre ans, je pense qu'on a tout ce qu'il faut pour ça — physiquement, en tout cas — dans ce cadre-là, à une classe par commission scolaire. Cependant, les conditions de mise en place sont très importantes, d'autant plus que nous subissons à nouveau cette année — ce sera la parenthèse — des compressions budgétaires, ce qui fait que, pour nous, ce serait difficilement acceptable ou recevable de devoir compenser pour des coûts qui ne sont pas assumés par la mise en place des maternelles quatre ans. Donc, pour faire une réponse plus courte, qui est déjà trop longue, règle générale, c'est bien accueilli sur le principe, sur le fondement, sur l'idée, mais il y a de grandes, grandes interrogations sur comment ça va atterrir dans les commissions scolaires.

Mme Malavoy : C'est tout à fait correct que vous profitiez de l'occasion pour passer quelques messages autres. Je ne...

M. Thibeault (Raynald) : On peut même recommencer.

• (16 h 40) •

Mme Malavoy : Non, non, mais c'est très bien. C'est très bien, on a très, très bien compris. Mais ça me permet quand même de préciser, pour fins de nos échanges, que le ministère ajoute de l'argent spécifiquement pour les maternelles quatre ans. Donc, ça n'enlève pas les questionnements que vous avez par ailleurs, mais, sur cet élément-là, je dirais qu'on a fait les provisions qu'il faut pour pouvoir les financer.

Vous avez entendu tout à l'heure, je crois, un certain nombre de questionnements du groupe qui vous a précédés et qui était sceptique quant à la place d'enfants de quatre ans dans le milieu d'une école. Là, j'aimerais que vous me disiez, de votre point de vue à vous… Puis je comprends, par ailleurs, là, les besoins que vous exprimez en termes d'équipement, etc., mais, sur le principe qu'un enfant de quatre ans soit dans ce milieu-là, j'aimerais ça, vous entendre, parce que vous connaissez le milieu, évidemment, parfaitement bien. Est-ce que vous partagez certaines préoccupations? Est-ce que vous pensez que ca devrait se faire sans difficulté? C'est quoi, votre avis là-dessus?

M. Thibeault (Raynald) : Je vais y aller très rapidement puis j'invite, par la suite, Sylvie ou Michel àcompléter. Pas dans le débit, mais dans le nombre de mots. Sans porter de jugement sur ce qui a été dit précédemment, des quatre ans, on en a déjà. On a des élèves Passe-Partout, on a des jeunes aussi qui vivent des difficultés. Ça fait que, sur cette base-là, et si tous les éléments sont réunis, je pense qu'on a le personnel qu'il faut, et nous sommes convaincus que les maternelles quatre ans, avec du personnel enseignant bien formé, ça peut aider beaucoup, beaucoup à la persévérance scolaire, rencontrer un des buts de la ministre qui est au niveau de la diplomation, du taux de persévérance scolaire. Pour nous, ça nous apparaît important, ne serait-ce qu'au regard du dépistage précoce et des interventions précoces, notamment quand on parle d'élèves qui sont en milieu défavorisé. Peut-être... Je ne sais pas si Sylvie ou... Sylvie.

Mme Anctil (Sylvie) : Permettez-moi, Mme la ministre. Effectivement, je pense que c'est très louable de penser à un projet de maternelle quatre ans scolaire quand on regarde la possibilité pour les élèves en milieu défavorisé, où on pense qu'il y a un manque de stimulation très important… Et que cet accès-là puisse être réalisé pour les élèves qu'on souhaite aller chercher à la maison, qui n'iront pas dans un CPE, mais à qui on peut offrir un soutien et un enseignement, je pense, tout en pensant que ça peut se faire par le jeu, mais en atteignant, effectivement, ce qu'on souhaite, une meilleure stimulation pour ces élèves-là, effectivement, c'est très louable, et je pense que le milieu scolaire est capable de le faire et devrait le faire dans un projet tout à fait bien organisé, bien implanté et dans un suivi, en fait, qui pourrait être fait avec les maternelles cinq ans.

De toute façon, des projets de maternelle quatre ans existent depuis bien longtemps. Quand on pense aux maternelles quatre ans handicapés demi-temps, quand on pense aux maternelles quatre ans en milieu défavorisé demi-temps, il y a déjà une expérience très nette, très favorable qui est faite. Alors, tout ce qu'on fait, c'est qu'on allonge, effectivement, la plage offerte aux élèves, mais on est capables, je pense, de s'ajuster en fonction du développement de l'élève de quatre ans au milieu scolaire.

Mme Malavoy : J'aimerais...

Une voix :

Mme Malavoy : Pardon? Oui, allez-y.

M. Bernard (Michel) : Bien, j'ajouterais qu'au-delà de l'âge actuellement on dessert des enfants qui ont cinq ans, mais qui, dans la vraie vie, ont quatre ans de maturité, hein, et qui sont aussi issus de familles défavorisées. Alors, je pense que l'expérience actuelle nous démontre que, lorsqu'on se soucie des besoins de ces enfants-là, qu'ils aient cinq ans ou cinq ans avec un degré de maturité de quatre ans, comme on le vit actuellement, bien, à nous de mettre en place — puis on a le personnel pour le faire — les conditions pour bien accueillir ces enfants-là, bien accueillir les parents, créer une relation de confiance avec ces familles. Parce qu'il s'agit d'une histoire de famille quand on vise des enfants de quatre ans issus de milieux défavorisés. Et nous, on croit fermement que le réseau des commissions scolaires et, au premier chef, les établissements scolaires sont capables de poursuivre dans cette voie-là avec des enfants qui ont quatre ans et pour lesquels on aura mis en place à la fois les critères pertinents, un niveau de sélection qui fera en sorte qu'on est capables de réunir les conditions favorables pour donner les meilleures chances à ces enfants-là.

Mme Malavoy : Vous vous préoccupez à juste titre, là, de l'organisation des choses et vous dites : On n'a pas des délais énormes, et on en est parfaitement conscients. En même temps, je voudrais préciser peut-être une ou deux choses sur les ratios. Préciser, d'abord, qu'actuellement la moyenne pour quatre ans, c'est 15, et non pas 18. 18, c'est pour les cinq ans. Donc, la moyenne pour quatre ans, c'est 15. Et on est en train d'évaluer — puis je l'ai indiqué tout à l'heure, mais j'aimerais quand même vous entendre là-dessus — on est en train d'évaluer, d'une part, la possibilité de financer des groupes à partir de six parce qu'on est conscients que dire : Une classe de maternelle par commission scolaire, bon, c'est vite dit, mais, dans la réalité, il peut y avoir toutes sortes de situations qui font qu'on ne va pas avoir, de façon évidente, 15 enfants de quatre ans multiplié par 70 commissions ou 69 commissions scolaires. Donc, il faut introduire un peu de souplesse, on est en train de regarder ça. Je veux quand même que vous l'ayez à l'esprit, de sorte qu'on puisse avoir des groupes plus petits. Et on regarde également, en deçà d'un certain seuil, là, qu'on est en train de fixer, la possibilité d'un multi-âge en deçà d'un certain seuil. S'il y a quelques unités, est-ce qu'on peut aménager les choses? Parce que, je le redis, notre préoccupation, c'est d'offrir à des enfants de quatre ans de milieux défavorisés une première porte d'entrée pour qu'ils soient à niveau rendus en à cinq ans, en maternelle.

Vous l'avez indiqué, M. Bernard, il y a des enfants de cinq ans qui ont un développement de quatre ans et, donc — c'est à eux qu'on pense particulièrement — qui arrivent en maternelle avec déjà certains retards. Par exemple, ne serait-ce qu'au plan du vocabulaire ils ne maîtrisent pas le nombre de mots que, normalement, un enfant de cinq ans, maternelle, devrait maîtriser. Donc, comment faire pour que ces enfants-là aient quelque chose, puisque les parents ne font pas le choix des centres de la petite enfance? Et, donc, est-ce qu'on peut leur offrir autre chose? Donc, si on arrive à aménager les choses de cette manière, avec un peu de souplesse, en termes de ratios, en termes de nombre d'enfants pour démarrer un groupe, même en ouvrant la porte éventuellement — mais on le verra au fur et à mesure — à du multi-âge, est-ce que vous pensez que ça peut faciliter, pour vous, l'organisation des choses pour septembre prochain? Est-ce que ça va dans le sens d'une facilitation de l'implantation progressive de ces maternelles?

M. Thibeault (Raynald) : Bien, la réponse courte, très courte, serait oui, mais je vais élaborer un peu. Oui, bien entendu, parce que ce que vous soulignez là, ça rejoint des éléments que nous avons mentionnés tout à l'heure. Puis, nécessairement, je dois inclure là-dedans des considérations bassement financières. Si on me dit que la moyenne est à 15, le financement est par élève. Je pense qu'il faut rejoindre le financement minimum pour une école et prévoir du financement qui va aussi concerner les services complémentaires. On n'a pas de réponse... Je le répète parce que c'est important, si on a un élève qui a un diagnostic de TED, c'est un trois... il compte comment dans cette équation-là? On ne le sait pas. Il y a toutes sortes de préoccupations de cette nature-là qui font... Je le répète, les directeurs généraux sont, dans une large mesure, favorables à la mise en place des maternelles quatre ans, mais, nécessairement, nos préoccupations font en sorte qu'on veut que ça atterrisse bien si on veut vivre un succès. Et je pense que, dans ce cas-là, on est condamnés à vivre un succès, puis c'est une bonne affaire, mais il faut avoir les conditions pour le réussir.

Et, au-delà du financement, c'est avoir le programme, c'est avoir les outils qu'il faut, c'est avoir le contenu et avoir le soutien, parce que… probablement que c'est la dernière fois que je le dis ici à ce moment-ci, là, mais je ne pense pas qu'on puisse demander aux commissions scolaires d'assumer une partie de ce que ça va coûter pour la mise en place des maternelles quatre ans. Pour nous autres, ça devient très important.

Je ferais aussi un clin d'oeil à ce qui a été mentionné tout à l'heure et compléter les réponses de Sylvie et Michel au regard de l'accueil des maternelles quatre ans, dans le sens où, quand le jeune est rendu là… Parce qu'on a parlé de transition, bien, c'est une transition de moins. Le jeune qui est déjà, à quatre ans, rendu dans le milieu scolaire, ça lui fait vivre aussi une transition de moins. Ce n'est pas banal en soi. Quand on regarde... Puis, quand on parle de transition, ce n'est pas juste du primaire au secondaire ou de l'éducation des adultes vers la formation professionnelle, il y a toutes sortes de transitions d'un cycle à l'autre. Donc, de favoriser les impacts qui peuvent être négatifs d'une transition à l'autre, c'est une bonne idée. C'est une bonne idée. Donc, si un certain nombre de jeunes peuvent profiter de ce service-là, en soi c'est correct.

D'avoir une préoccupation... On en avait parlé également, sur plus de souplesse au niveau de l'aménagement des groupes, peut-être avec des cinq ans, de davantage respecter les réalités géographiques ou démographiques, oui, mais notre préoccupation est encore de voir... Parce qu'actuellement on n'a rien entre les mains pour voir comment ça peut atterrir. Je peux comprendre que les règles budgétaires ont été déposées seulement la semaine dernière, puis il y a du travail qui se fait en attendant de voir concrètement à quoi ça va ressembler, mais, si ça va dans ce sens-là — je me permets d'insister pour compléter ma réponse — notamment au regard des codes postaux, qui… pour nous, mériterait d'être revisitée, cette façon-là de sélectionner les élèves, vraiment, là. Je ne sais pas si...

• (16 h 50) •

Mme Malavoy : Je vais précisément revenir là-dessus tout en vous disant qu'on... Je comprends bien votre réflexion. En même temps, de notre côté, on a des obligations, de par la loi, qui nous demandent d'offrir des services à des personnes, à des enfants, et non pas à des écoles. Et, donc, on essaie de trouver comment, à la fois, respecter ça, cette approche de la loi qui offre, par exemple, des services à des enfants qui ont un indice… qui sont des enfants de milieu défavorisé, mais eux-mêmes, par rapport à un territoire d'une école… On est en train de regarder ça. Ce n'est pas si simple que ça d'à la fois être conforme à la loi puis, à la fois, avoir une approche qui soit réaliste et qui tienne compte de l'organisation scolaire.

Mais, au-delà de ça, là — parce qu'on aura des précisions d'ordre légal d'ici peu de temps — au-delà de ça, dans votre esprit, comment on les identifie, les enfants? Parce que certains craignent la ghettoïsation, ils l'ont dit. En même temps, si on veut que cela s'offre à des enfants de milieux défavorisés, bien, il faut bien être capable de les repérer. Donc, de votre point de vue, ce serait quoi, l'idéal pour arriver à rejoindre ces enfants-là, à offrir cela à leurs parents? Parce que, je le répète, c'est volontaire, ce n'est pas une obligation, c'est simplement un service qu'on leur offre. Comment faire? Quel serait l'idéal, selon vous, pour que vos groupes soient bien constitués puis répondent aux besoins qui sont les nôtres, d'assurer, donc, des services pour des enfants de quatre ans?

M. Thibeault (Raynald) : O.K. Sûrement, j'aurai besoin d'aide là-dessus, comme ça m'arrive souvent. Mais vous comprenez que, personnellement, je n'ai pas eu à réfléchir beaucoup sur comment… Quand c'est arrivé en nous disant que c'étaient les codes postaux, puis on nous a dit que ce n'était pas une bonne idée, à partir de ce moment-là, quand on demande de laisser aux commissions scolaires, aux écoles le soin d'avoir plus de souplesse, le soin d'identifier ces élèves-là, on parle bien du 26 % qui ne sont ni dans un CPE... mais qui sont à la maison. À ce moment-là, avec une banque d'informations qui nous permet d'identifier les élèves dans un bassin donné, je pense qu'il y a déjà là une marge de manoeuvre et une façon de fonctionner qui va être moins ghettoïsante pour les enfants. Je pense que cette façon de faire là, en donnant la souplesse à la commission scolaire, les outils qu'il faut à la commission scolaire, le niveau d'information qu'il faut pour que l'école puisse identifier les jeunes à l'intérieur d'un bassin, et non pas par codes postaux… Je ne sais pas...

Le Président (M. Caire) : Mme Anctil.

Mme Anctil (Sylvie) : Si vous me permettez, depuis plusieurs années, on a la stratégie Agir autrement, qui identifie, en fait, les écoles, et c'est quelque chose qui, à toutes fins pratiques, identifie des écoles, mais pas des individus. Présentement, pour être à la commission scolaire des Samares et avoir un grand territoire en milieu défavorisé, alors des écoles sont ciblées 9 et 10, et c'est vraiment avec une règle des unités de peuplement, où, bon, on fait généralement lecalcul, et l'école, par exemple, Sainte-Marie se retrouve 9 ou 10, et là on offre des services et on a offert des programmes dans la stratégie Agir autrement.

Si on s'inspirait de cette même stratégie là, ça ferait en sorte que, pour l'école Sainte-Marie, chez nous, qui est dans un secteur ville, j'aurais des rues qui seraient identifiées 9 et 10 et des rues qui seraient identifiées 8. Alors, ça veut dire que, si je reste au 1235, Sainte-Marie, et que j'ai le bon code postal, j'ai droit au service. Alors, imaginons le danger de discrimination ou, à la limite, comment les parents pourraient se sentir identifiés. Tandis que, si je fais partie du quartier Sainte-Marie tout confondu, il y a des élèves, effectivement, qui ont accès. Il est évident que, dans cette règle-là, il est possible qu'on touche à des élèves qui ont un code postal de 8, mais, bon an, mal an, ça ne distingue pas le type de rue ou le type de code postal. Alors, ça, ce serait, je pense, à risque pour ce magnifique projet là de se retrouver dans une situation comme celle-là et d'ajouter des critères : Tu n'as pas le bon code postal et tu fais partie d'un CPE, tu n'as pas droit aux services. Alors, disons que partir avec des critères comme ceux-là pourrait mettre à risque, je pense, ce projet-là, qui se veut absolument positif pour aider et supporter nos jeunes qui sont en milieu défavorisé, où on a toujours tenu compte des indices 8, 9 et 10 au niveau d'Agir autrement.

Alors, je ne sais pas si je suis claire, mais c'est un peu, là, le parallèle entre le tableau des indices que nous avons, qui est officiel, qui est déposé sur le site du ministère et qu'on utilise pour les critères de répartition dans les commissions scolaires quand on veut faire en sorte que le poids des indices puisse être pris en considération…

Mme Malavoy : Ce que vous dites est très clair. Je vous répète qu'on va réfléchir à cette question. Notre projet de loi parle de services éducatifs destinés à des élèves ou des catégories d'élèves de moins de cinq ans, et non pas à des écoles. C'est ça qui nous oblige à, bon, préciser bien notre pensée, mais on va le faire. D'ailleurs, c'est l'avantage des consultations, c'est de soulever, justement, un certain nombre de questions.

Si vous permettez, mon collègue aurait envie de poser...

Le Président (M. Caire) : M. le député de Saint-Hyacinthe, à vous la parole.

M. Pelletier (Saint-Hyacinthe) : Merci. Merci, M. le Président. Alors, je salue à mon tour les gens descommissions scolaires. Je veux juste mentionner, c'est l'accès... Je veux revenir sur l'accès parce que vous avez mentionné, madame, vous avez mentionné tantôt que ce sont les écoles qui sont identifiées, et non pas les individus. Mais les écoles sont identifiées en fonction des individus qui vivent sur un territoire, je pense. Donc, automatiquement, le territoire desservi est identifié indirectement.

Et, ma question est assez simple, je veux juste essayer de comprendre votre raisonnement. Et puis, nous, dans le projet de loi, c'est… Ne croyez-vous pas que c'est justement aux enfants de ces milieux défavorisés que doit s'adresser la maternelle quatre ans et que ce besoin prime sur la complexité organisationnelle pour les commissions scolaires?

Le Président (M. Caire) : Oui.

M. Thibeault (Raynald) : La façon que Sylvie évoquait dans Agir autrement… Les façons de fonctionner ne font pas en sorte qu'on ne gère pas la clientèle visée. C'est que d'y aller par bassins, ça permet d'éviter, justement, d'identifier nommément des individus. Mais, dans un même quartier, dans un même bassin d'alimentation, il y a différentes cotes qui sont là, il y a des cotes 8, 9, 10, sans doute, mais on n'identifie pas des individus précisément. C'est là le danger ou l'écueil de fonctionner par les codes postaux parce que, sur une même rue, sur un voisin ou le voisin en face, à ce moment-là il y a comme une ghettoïsation, il y a une façon de faire qui n'est peut-être pas des plus confidentielles. Nous, on pense qu'en laissant de la souplesse à la commission scolaire au sein d'un bassin d'alimentation... Sauf que je comprends la remarque de Mme Malavoy, Mme la ministre, tout à l'heure à l'égard du sens de la loi qui... parce que c'est une école qui est ciblée… c'est des individus qui sont ciblés par une école, il y a un niveau de préoccupation là à récupérer, puis c'est dans l'application pour éviter que le jeune se sente identifié précisément.

Le Président (M. Caire) : Oui. Mme Anctil.

Mme Anctil (Sylvie) : Oui. En fait, en complément, dans le fond, pour faire image, c'est que, oui, j'ai une école qui est mentionnée 9 et 10, mais, dans ce secteur-là, à cause des unités de peuplement, qui sont reliées aux codes postaux, il peut y avoir des secteurs 6, 7, 8, 9, alors, qui composent, finalement, un indice de défavorisation pour l'école. Les individus qui composent ce bassin-là, effectivement, se reconnaissent étant dans un secteur défavorisé. Ça fait qu'automatiquement, quand je vais à cette école-là, je sais que j'ai accès à la maternelle quatre ans. Et c'est sûr que chez nous, si je prends les parents qui sont habitués… On a travaillé avec ces indices-là, qui, à toutes fins pratiques, pouvaient être, à la limite, discriminatoires parce que, quand on parle de défavorisation, ce n'est pas toujours facile pour le parent d'accepter ça. Et, quand on commence à dire que c'est le taux de diplomation de la mère et l'inactivité des parents, on joue un petit peu dans la corde de sensibilité.

Mais, chez nous, c'est accepté, et imaginons qu'à l'intérieur d'une école les parents me disent : Bien, à l'école Sainte-Marie, on va y avoir droit, oui, mais seulement certaines rues. Alors, ça, ça devient un peu plus complexe en termes d'organisation parce qu'il y a des parents à qui on devra dire : Non, tu n'as pas droit aux services, tu n'es pas sur la bonne rue. Je trouvais que ce critère discriminatoire là pouvait faire en sorte de faire glisser ce projet-là, qui, à toutes fins pratiques, je le répète, est vraiment une ouverture intéressante. Et, dans le fond, les parents sont habitués à cette pratique-là d'indice de défavorisation versus l'école. Pourtant, on cible des individus parce que l'élève qui va à l'école Sainte-Marie, il va à l'école Sainte-Marie, il ne va pas à l'autre école. Donc, il y a des individus très précis qui sont ciblés.

Le Président (M. Caire) : Je dois donc... Le temps est expiré pour la partie ministérielle. Je vais aller à l'opposition officielle pour un temps de 18 min 30 s.

Mme Charbonneau : Merci, M. le Président. Bonjour. Merci de la présentation. Et, vous allez voir, on est très complémentaires dans les questions parce qu'on veut en savoir le plus possible pour avoir le meilleur programme. Parce que j'ai bien compris que vous étiez pour puis que vous trouvez ça très intéressant de pouvoir avoir du préscolaire quatre ans.

Ma première question est assez large, mais, en même temps, fort ciblée. Quand on prend une décision comme celle-là de dire : On va faire du préscolaire quatre ans dans les commissions scolaires, est-ce que c'est une bonne idée — puis je vous ouvre une porte, là — de dire toutes les commissions scolaires ou de ne pas faire du mur-à-mur, ça serait une meilleure idée? Parce que vous êtes confrontés… à chaque fois qu'on prend une décision pour le scolaire, c'est toujours une décision qu'on applique, hein, d'un bout du Québec à l'autre bout. Est-ce que — puisque le micro va être ouvert dans quelques minutes puis que vous faites ça en moins de 10 minutes, s'il vous plaît — c'est une bonne idée de faire du mur-à-mur ou s'il y aurait une proposition plus intéressante qui pourrait être faite, mais qui ferait en sorte qu'avec le temps le ministère arrive à ses fins, c'est-à-dire qu'avec le temps j'arrive à donner du préscolaire quatre ans à l'ensemble des élèves du Québec?

• (17 heures) •

Une voix : Vas-y.

M. Bernard (Michel) : Et ce n'est pas pour rentrer dans le 10 minutes que je prends la parole. En fait, ce qu'on entend de nos collègues, de manière générale, les gens souscrivent au fait qu'il y ait une implantation progressive pour s'assurer qu'on en fasse un succès. Donc, ça doit répondre à des conditions qu'on va construire ensemble, ensemble avec la clientèle aussi, et s'adapter en conséquence.

Maintenant, on entend aussi beaucoup qu'il y a une commission scolaire qui a très peu d'enfants qui répondent à ces critères, issus de familles défavorisées 9-10, alors que d'autres, c'est plus de la moitié de la clientèle de la commission scolaire. Alors, c'est là qu'il pourrait être envisagé un déploiement modulé. Mais, évidemment, on comprend aussi que c'est tributaire d'une implantation qui se veut... bien, au moins une classe partout. Alors, ça, on est d'accord avec ça pour le moment. Mais, si on veut répondre aux besoins de ces enfants puis leur donner... parce que l'intention ultime, c'est de leur donner les meilleures chances de réussite dans la vie, bien, il faudrait, à terme, en avoir davantage.

M. Thibeault (Raynald) : Puis peut-être, si vous permettez...

Mme Charbonneau : Je ne suis pas sûre. Non, je vous taquine.

M. Thibeault (Raynald) : Je peux vraiment?

Mme Charbonneau : Oui.

M. Thibeault (Raynald) : Ah! c'est gentil.

Mme Charbonneau : Allez-y.

M. Thibeault (Raynald) : Mais, très rapidement, écoutez, par essence même, le mur-à-mur — c'est pour ça qu'on demande plus de souplesse aux commissions scolaires — pourrait être évité si on donne, justement, cette latitude-là pour tenir compte des réalités démographiques, des réalités géographiques, du nombre de jeunes, potentiellement, qui peuvent fréquenter les écoles. Et, comme c'est une classe par commission scolaire, en ayant ce niveau de souplesse là, on éviterait, justement, le mur-à-mur. Il y aurait différents modèles qui pourraient être expérimentés, puis ce serait intéressant de l'avoir, cette souplesse-là.

Mme Charbonneau : Oui, c'est intéressant comme analogie, puisque, quand on fait une annonce, on peut la voir de différentes façons. Donc, j'apprécie la réponse que vous nous faites.

Vous parliez tantôt d'identification, et j'en suis, hein, de dire que c'est peut-être un ghetto d'enfants qu'on va avoir, peut-être un regard qu'on va avoir sur cette clientèle-là. Par contre, on sait qu'une classe de cinq ans, préscolaire cinq ans, on fait aussi de l'identification pour être sûr que, quand qu'il arrive en première année, je peux lui donner les meilleurs services. Est-ce que de rentrer à quatre ans va faire en sorte qu'à cinq ans je peux lui donner des services professionnels parce que j'ai déjà dépisté des choses? On l'a mentionné tantôt, un élève TED, des fois, le parent ne sait pas trop, puis il n'y a pas trop de signes. Mais, quand l'enseignant le voit et l'analyse dans ses comportements, il dit : Non, non, ça, c'est un élève TED, c'est évident, il faut lui donner les services. Est-ce que ça veut dire que, si je le dépiste à quatre ans, je peux lui donner ces services tout de suite au préscolaire ou je devrai attendre en première année?

M. Thibeault (Raynald) : On espère pouvoir le donner tout de suite au préscolaire. Parce que, normalement, quand les diagnostics sont posés, on a les ressources qui vont avec. C'est ce qu'on souhaite aussi. Tout à l'heure, je posais la question. Dans les règles budgétaires actuelles, on ne voit pas autre chose que le financement par élève et les parents. Il va y avoir besoin de services complémentaires, nécessairement, et de soutien. À cet égard-là, il y a fort à parier — puis on en est persuadés — que, si un élève est identifié ou dépisté dès qu'il est en maternelle quatre ans, bien, les services vont suivre, d'autant plus qu'on évite une transition en plus parce qu'il est déjà dans le réseau scolaire. Je pense qu'en termes de suivi et de brisure émotionnelle on vient de se donner des chances pas mal. Quand je dis : On vient de se donner des chances, je pense à l'enfant, là, puis comme réseau, comme taux de réussite et de diplomation.

Le Président (M. Caire) : Mme la députée de Trois-Rivières.

Mme St-Amand : Merci, M. le Président. Alors, comme c'est la première fois que je prends la parole, je me permets de vous saluer, saluer la ministre, les gens qui l'accompagnent et les collègues.

J'aurais une seule question, ma collègue de Mille-Îles reprendra par la suite. Mais, en fait, depuis qu'on prépare cette commission-là, il y a une question qui me turlupine. Et, ayant oeuvré plusieurs années en milieu scolaire, je sais que vous êtes à même de connaître très bien les règles budgétaires. En fait, un groupe de 10, 12, 15 enfants, maternelle quatre ans, temps complet, quand on pense... Vous venez de parler des services complémentaires, on le sait comment ils sont importants, locaux, entretien, enseignants. Ça coûte combien? Vous estimez à combien le coût d'ouverture d'un groupe, d'un groupe pour une année scolaire, à peu près? Je le sais que vous n'aurez pas les coûts justes, mais à peu près.

M. Thibeault (Raynald) : C'est difficile à évaluer parce que la nature du groupe va influencer. Si j'ai un groupe de maternelle quatre ans, mais dans lequel il n'y a pas de diagnostic ou il n'y a pas de problématique particulière, ce ne sera pas la même chose que si j'ai d'autres types de problématiques qui sont déjà identifiés. Mais, si on calcule en moyenne le salaire d'un enseignant, minimalement, avec les bénéfices marginaux et du soutien au niveau de la surveillance d'élèves, on parle du transport, on parle après ça de services complémentaires, soutien et professionnels, je n'ai pas fait le calcul parce que c'est dans différents paramètres financiers, mais c'est plus que 80... Actuellement, on est à 90 000 $ pour un groupe de 18. À 5 000 $, ça fait 90 000 $, mais c'est largement plus que ça.

Mme St-Amand : Juste comprendre que, pour un groupe cinq ans, ça coûte 90 000 $. C'est-u ça que vous me dites?

M. Thibeault (Raynald) : Non. Non, c'est largement plus que ça par le...

Mme St-Amand : Combien ça coûte pour un groupe cinq ans?

M. Thibeault (Raynald) : Actuellement, le financement pour une maternelle quatre ans, je vais vous dire, ce qui est prévu dans les règles budgétaires, c'est 5 000 $ par enfant, soit le double de ce qui est prévu pour les quatre ans à mi-temps actuellement. O.K.? Mais, pour les maternelles cinq ans, on ne fait pas le calcul par groupe, je dirais, à moins que Sylvie ne l'ait. Mais moi, je… Vous avez les services complémentaires, l'ensemble des services qui seront là, y compris l'enseignante, mais aussi le service de soutien, le service de surveillance du midi et le service professionnel.

Mme St-Amand : Et je comprends bien que vous nous avez dit que ce n'était pas suffisant, le 5 000 $ par enfant?

M. Thibeault (Raynald) : C'est ça, oui.

Mme Anctil (Sylvie) : Je pense que la meilleure inspiration qu'on pourrait avoir, c'est regarder ce qu'on prévoit pour des maternelles cinq ans. Parce que, techniquement, avoir un quatre ans ou un cinq ans — et là je ne parle pas de son développement — la source de financement va demeurer la même. C'est-à-dire, au niveau du transport, il y a des places qui sont prévues dans le budget de transport. Au niveau des services complémentaires, dû au fait qu'on va reconnaître qu'il est handicapé léger ou handicapé lourd. Et, un élève régulier, les paramètres financiers sont établis en fonction de ça pour déterminer les services. Et on a aussi une organisation scolaire qui fait en sorte qu'on calcule ces élèves-là. Alors, on ne peut pas dire... Puis il y a une place au niveau de la péréquation de la taxe aussi qui est calculée. Donc, on ne peut pas dire combien ça coûte exactement, mais il faudrait s'inspirer du même financement que les cinq ans, et je pense qu'on ne ferait pas fausse route à ce moment-là.

Mme St-Amand : Puis le chiffre serait de?

M. Thibeault (Raynald) : Bien, c'est parce que… c'est embêtant d'avoir le chiffre parce que l'organisation scolaire se fait macroscopique. On a tant de maternelles, donc il y a tant de places dans le transport, il y a tant de places de services complémentaires. Par exemple, il y a une enveloppe qui est dédiée pour des services de psychologie, mettons. Bien, c'est distribué ensuite dans l'école, puis là l'école organise ses services.

Mme St-Amand : Oui, merci.

Le Président (M. Caire) : Mme la députée de Mille-Îles.

Mme Charbonneau : Merci, M. le Président. Dans votre mémoire, dans les recommandations que vous faites, vous êtes le premier à soulever une problématique qui va probablement se parler un petit peu plus jusqu'à jeudi. C'est-à-dire vous dites : Que les critères d'accès à la maternelle quatre ans soient clairs pour les parents et ne mettent pas en compétition les commissions scolaires et les CPE. Vous êtes un des premiers à nous soulever le principe de compétition et de regard porté.

J'ai compris le principe de défavorisation. Je vous dirais que, malheureusement, des fois, il y a des parents qui sont très bien nantis où l'enfant peut avoir des faiblesses, et, d'autres fois, il y a des parents ou des familles en milieu défavorisé où l'enfant est très bien organisé, d'une autonomie étonnante et qu'il va profiter des services d'une autre façon. Donc, moi, je comprends quand vous me dites : Le principe des codes postaux, et tout, et tout, là, il y a des milieux qui se reconnaissent, puis il y a des milieux qui sont très bien organisés de par soit les CLSC ou les services complémentaires qu'ils reçoivent de la communauté, tandis qu'il y a d'autres milieux qui sont mieux nantis, qui sont peut-être moins favorisés par le principe et plus fermés sur eux-mêmes. Et, pour avoir vu un enfant souffrir de mutisme complet — qui venait d'une famille fort aisée — quand il est rentré au préscolaire cinq ans, là, on en a eu pour notre argent si on peut dire ça comme ça. Mais, quand vous parlez de la compétition possible ou plausible, vous visez quoi au juste?

• (17 h 10) •

Mme Anctil (Sylvie) : Alors, si vous me permettez, en fait, ce qu'on voulait émettre comme commentaire, c'est que ça ne devienne pas non plus un critère d'exclusion pour le parent. En fait, que, si le parent se présente et souhaite avoir une maternelle quatre ans, qu'on ne lui dise pas : Tu n'as pas accès à la maternelle quatre ans parce que tu es au CPE. Que le choix soit fait par le parent, et non étant un critère d'exclusion. De plus, qu'on s'entende aussi avec les CPE — parce que, on ne se le cachera pas, on a commencé, en fait, avec ces organismes-là — de se tendre la main mutuellement et qu'on agisse en complémentarité. Ça fait que, s'il y a des enfants qui vont au CPE, on travaille avec les CPE. Puis, s'il y a des enfants qui viennent à la maternelle quatre ans, on travaille avec les élèves en maternelle quatre ans. Mais que ça ne devienne pas un critère de sélection.

Mme Charbonneau : C'est bien dit et c'est très clair comme réponse, entre les uns et les autres, même si, à quelques égards, dans certains mémoires, on a vu un principe, peut-être, s'élever, des voix s'élever sur le principe que, si j'ouvre une voie supplémentaire pour mon enfant de quatre ans, c'est un petit peu plus difficile pour les places en CPE. Par contre, en CPE, je le dis un peu maladroitement, mais je suis logé, nourri, tandis que, si j'arrive à l'école, je suis logé, je ne suis pas nourri puis je dois m'organiser pour le principe du dîner.

On a parlé un petit peu plus tôt du battement au niveau du préscolaire cinq ans. Il y a eu, au moment de l'instauration du préscolaire cinq ans dans les commissions scolaires, une négo qui s'est faite dans les conventions collectives locales — puis je me demande si ça ne s'est pas rendu au national — sur le battement au niveau du préscolaire, puisque le préscolaire n'a pas le même — j'oublie le terme — délai dans sa journée ou le même...

Une voix : ...

Mme Charbonneau : … — oui, c'est ça — pour mettre en place… Donc, est-ce que vous voyez, dans les propositions que vous faites, est-ce que vous voyez une implantation du même battement que le préscolaire cinq ans ou vous y voyez là une différence marquée, puisqu'à quatre ans... Si je vais dans un CPE à quatre ans, là — pour en avoir visité un vendredi passé dans mon comté — je dors. Je suis arrivée à l'heure de la sieste, j'ai été accueillie par les gens, et l'ensemble des intervenants me jasaient. Est-ce qu'au niveau du quatre ans vous voyez une problématique ou on les met sur le même principe que le cinq ans, puis j'harmonise, là, au niveau de...

M. Thibeault (Raynald) : Bien... Puis surtout qu'avec... on aurait une seule classe par commission scolaire. Moi, je pense que le même rythme que les maternelles cinq ans…

Mme Charbonneau : Mais je vous arrête parce que vous savez que l'objectif — et j'en suis, là — c'est que, d'ici à à peu près cinq ans, ce soit un réflexe naturel qu'à quatre ans je vais à l'école. On vise une première clientèle, puis avec raison, parce qu'il faut faire le travail en amont, mais le message qu'on a reçu, c'est qu'éventuellement on veut que ce soit un réflexe, un peu comme ce l'est pour le cinq ans maintenant. Les gens choisissent d'aller à l'école, tandis qu'en première année tu n'as pas le choix, tu vas à l'école. Il y a vraiment une différence dans le discours. Donc, si je suis pour poser des gestes en amont d'une implantation quatre ans temps plein pour l'ensemble de ma clientèle quatre ans, je suis aussi bien de poser les gestes correctement maintenant. Si vous me dites : Ça ne m'inquiète pas, il va y avoir juste une classe par commission scolaire, ça m'inquiète parce que ça veut dire que vous créez des précédents, puis, dans le scolaire, on sait qu'un précédent, des fois, ça coûte cher.

Une voix :

M. Thibeault (Raynald) : Non. Vas-y, je compléterai peut-être.

M. Bernard (Michel) : Bien, d'entrée de jeu, oui, il faut se préoccuper de ce genre de question. Maintenant, en tout cas, dans notre culture organisationnelle, avec nos partenaires, que ce soient les syndicats ou les transactions, les relations qu'on a avec le ministère, un projet comme celui-là, qui s'implante progressivement, on va le vivre et on devra monitorer ensemble, comme réseau, quelles sont les conditions qui vont faire en sorte qu'on va assurer le meilleur succès pour ces enfants-là et les familles qui les entourent. Donc, c'est pour ça, d'ailleurs, qu'on souscrit au fait qu'il y a une classe actuellement. Ce n'est pas mur à mur, on va pouvoir faire les observations nécessaires. Et, quand l'implantation progressive va se faire, on se sera — il faut espérer que ça va fonctionner comme ça, par ailleurs — donné le moyen d'être en relation pour pouvoir s'échanger la nature de ces informations-là pour que le reste puisse suivre. Et il ne faut pas non plus le faire trop tôt, hein? Si on se disait : Attention, ça, il faut se préoccuper de ça, puis on change notre modalité, bien, on pourrait connaître le phénomène inverse, c'est-à-dire qu'on a mis en place quelque chose qui ne correspondra pas aux réels besoins quand l'implantation soit plus répandue.

M. Thibeault (Raynald) : C'est la beauté de l'expérimentation, de nous permettre de voir ce qui est souhaitable ou pas.

Mme Charbonneau : Oui, mais, quand on parle d'enfants de quatre ans, le mot «expérimentation» m'inquiète toujours un peu.

M. Thibeault (Raynald) : C'est pour ça qu'il faut avoir les bonnes conditions pour les mettre en place.

Mme Charbonneau : Oui, c'est ça, c'est ça. Non, je comprends. Je vais vous emmener, puisqu'il me reste peu de temps, sur le principe du transport. On sait que le préscolaire quatre ans, maintenant, reconnu avec un handicap a du préscolaire partiel ou mi-temps.On sait aussi que, plus souvent qu'autrement, c'est une berline qui les transporte, puisqu'ils ne sont pas dans le bus de 72 places. Dans une commission scolaire, on appelle ça «l'enfer jaune». Je veux vous interpeller sur cet enfer, puisque, là, les enfants de quatre ans seront dans les 72 places. Donc, vous voyez ça comment?

M. Thibeault (Raynald) : Bien, ça dépend, tu sais, si… L'organisation qu'on a demandée, nous, c'est de respecter les bassins d'alimentation. Donc, si on respecte les bassins d'alimentation, et non pas les codes postaux, en principe les distances de parcours vont être moins longues, vont être moins grandes, puis ça va être favorable pour l'enfant, et, pour revenir à des considérations financières, moins dispendieux aussi parce que moins de parcours, moins de nouveaux parcours à aménager. Et il y a de l'accompagnement qui se fait également. Moi, je pense que c'est... Je ne le sais pas si je récupère le mot «péril jaune», mais c'est une façon de fonctionner qui fonctionne bien, règle générale.

Mme Charbonneau : …d'autres politiques en transport scolaire. Parce que, là, chaque commission scolaire a sa politique. Les ajustements ont été recommandés pour la rentrée scolaire de cette année, pour le quatre ans, puisque ça n'existe pas en ce moment dans les politiques de transport?

M. Thibeault (Raynald) : Pour le quatre ans, non, ce n'est pas ajusté.

Mme Charbonneau : Ce n'est pas ajusté. Donc, on y voit, à un ajustement, j'imagine, probable parce qu'il faut ouvrir la politique, passer par le conseil d'établissement, passer par le conseil des commissaires. Je ne vous ferai pas la roue parce que vous la connaissez mieux que moi, mais...

M. Thibeault (Raynald) : Pour ajuster, il y a d'autres modalités qu'on doit connaître préalablement. C'est pour ça que... En tout cas, moi, ce n'est pas ajusté, Michel non plus. Je ne sais pas, je ne peux pas parler au nom de toutes les commissions scolaires, mais celles que je connais, non, ce n'est pas adopté encore… adapté.

Le Président (M. Caire) : Une minute.

Mme Charbonneau : Une minute.

Le Président (M. Caire) : Un petit peu plus qu'une minute.

Mme Charbonneau : Vous n'avez pas mentionné — du moins, dans le discours, parce que je n'ai pas passé au travers le mémoire, je vous écoutais — les conseils d'établissement et la décision de chacun d'eux. Donc, vous voyez votre partenariat avec chacun des conseils d'établissement d'une façon positive, il y a... Est-ce qu'il y a déjà des écoles qui ont levé la main pour dire : Nous, nous, nous ou si, pour l'instant, c'est la commission scolaire, dans la tour du conseil des commissaires, qui parle de l'implantation?

M. Thibeault (Raynald) : Bien, je ne sais pas si je récupérerais le mot «tour», mais il y a aussi une organisation administrative, il y a un travail politique qui est fait, et c'est à géométrie variable en fonction de ce qu'une commission scolaire a ou pas comme écoles étant dans un milieu défavorisé 9-10. Des fois, il y en a qui n'en ont pas. Moi, je suis à Marie-Victorin, j'en ai plusieurs, et on a regardé… Une des considérations qu'on devait prendre en compte aussi, c'est : Est-ce qu'il y a des locaux disponibles? Et, pour reprendre l'exemple de Marie-Victorin, j'avais plusieurs écoles, effectivement, 9-10, mais j'en avais deux dans lesquelles j'avais des locaux disponibles, puis le choix a été facile à faire, et cette réalité-là s'applique partout.

Mme Charbonneau : ...

M. Thibeault (Raynald) : Oui.

Le Président (M. Caire) : Merci beaucoup. Je vais donc passer au deuxième groupe d'opposition pour un temps de cinq minutes. Mme la députée de Montarville.

Mme Roy (Montarville) : Merci, M. le Président. Bonjour, madame, messieurs. Merci. Merci pour votre mémoire. Je vous ai écouté bien attentivement et j'ai lu votre mémoire. Et, de votre propre aveu, lors de la discussion, vous nous disiez que les commissions scolaires n'ont, malheureusement, pas toutes les sommes nécessaires pour arriver à donner tous les services, tous ces services complémentaires aux enfants, surtout les petits à cinq ans. Alors, comment croyez-vous, ou espérez-vous, ou pensez-vous que ce sera possible de le faire pour les petits à quatre ans? Parce que le but, c'est de dépister, hein, ces tout-petits-là et puis de les aider le plus rapidement possible.

M. Thibeault (Raynald) : Bien, c'est ce qu'on demande. C'est qu'au-delà du financement par élève, on demande, effectivement... Il y a des sommes de prévues pour avoir des ressources complémentaires, des ressources de soutien pour être capables de leur donner tout l'accompagnement, le soutien et les apprentissages auxquels ils ont droit.

Mme Roy (Montarville) : Ce que je comprends, c'est qu'actuellement on a déjà la problématique auprès des enfants de cinq ans, ils n'ont pas tous les spécialistes et les ressources professionnelles auxquelles ils devraient avoir droit.

M. Thibeault (Raynald) : Une réponse qui ferait bien pour les maternelles, qui ferait pour le primaire et qui ferait pour le secondaire, actuellement il est clair, au niveau des commissions scolaires, quand arrive le temps de parler des services complémentaires et des services aux élèves EHDAA, il n'y a jamais suffisamment de ressources. Ce n'est jamais suffisant, les ressources qui sont mises à notre disposition. Les besoins, ils sont exponentiels, et c'est... Vraiment, on ne sait pas à quoi l'attribuer, mais la clientèle demande de plus en plus de ce type de soins là, de ce type de... pas de soins, excusez-moi, mais d'intervention, d'accompagnement. Et puis ce qui est vrai pour le secondaire est maintenant vrai... et c'est vrai dans tous les niveaux. Ça fait que c'est vrai aussi pour les quatre ans, mais c'est vrai pour les maternelles. Ça fait que, si on m'annonçait demain qu'on avait une bonne nouvelle et qu'on augmentait de façon substantielle les budgets dédiés à l'accompagnement des élèves EHDAA, je vous assure que les services se rendraient et seraient très appréciés.

• (17 h 20) •

Mme Roy (Montarville) : Maintenant, autre question plus factuelle et peut-être plus terre à terre : Actuellement, dans vos commissions scolaires, avez-vous un nombre suffisant de locaux pour répondre à cette nouvelle demande, qui arrivera à l'automne prochain, de locaux et de locaux bien équipés pour recevoir les tout-petits de quatre ans?

M. Thibeault (Raynald) : Là aussi, ça va être à géométrie variable. Dans certaines commissions scolaires…Puis je ne sais pas, l'an prochain, ça va être combien, mais, pour une classe, cette année, ça va, mais… Je vais être obligé de reprendre l'exemple de Marie-Victorin. Si je devais, à Marie-Victorin, mettre des maternelles quatre ans dans toutes mes écoles 9 et 10, j'aurais un problème. Mais j'aurais un problème parce que j'ai des écoles où il n'y a pas de place, elles sont à pleine capacité.

Mme Roy (Montarville) : Par ailleurs, vous disiez… Et il n'est pas repris textuellement dans votre mémoire, mais j'ai pris une note en bonne vieille journaliste que je suis, et vous dites : La formation du personnel enseignant nous semble primordiale. Pourriez-vous élaborer? Est-ce dire qu'actuellement il n'y a pas suffisamment de personnel disponible ou qualifié pour enseigner à ces petits de quatre ans? Et, par ailleurs, combien de temps, selon vous, est-ce que ça prendrait pour avoir ce personnel qualifié, pour arriver à cette mise à niveau nécessaire?

M. Thibeault (Raynald) : Bien, je vais y aller très rapidement. Le programme maternelles quatre ans n'existe pas officiellement pour l'ensemble du Québec. Ça fait qu'à cet égard-là il est nécessairement prévisible d'avoir de la formation, de la formation pour enseigner aux élèves, mais aussi pour les outils qu'on va devoir élaborer pour rencontrer les parents. Parce qu'il est prévu aussi qu'on tienne des activités pour les parents. Donc, il y a nécessairement de l'accompagnement, de la formation, de la supervision pédagogique à faire auprès de ce personnel qui, actuellement, n'est pas là, n'est pas présent, n'est pas sur place pour la maternelle quatre ans temps plein. Je ne sais pas si Michel ou...

Mme Roy (Montarville) : ...sujet. Il est minuit moins cinq, là, c'est le mois de mai qui commence, on parle de septembre. Pensez-vous que c'est réaliste, penser l'implanter à temps ou il y aura vraiment des problématiques logistiques, ne serait-ce que d'avoir les bonnes personnes aux bons endroits, dans les bons locaux?

M. Thibeault (Raynald) : Je comprends qu'on n'a pas le choix, on va le faire, mais...

M. Bernard (Michel) : Bien, moi, si je prends l'expérience à la commission scolaire de la région de Sherbrooke, on a fait cet échange-là auprès des ressources humaines, des services éducatifs, et, quant à nous, une fois que l'objectif est clair… Puis on a notre classe, on attend les confirmations, là, c'est la ministre qui doit l'autoriser.Nous, on est en train d'envisager ce qu'on met en place dès le début de l'année, et tout ça, comme d'autres types d'implantations. Puis, on est tout à fait soucieux du fait qu'une expérimentation de cette nature ne doit pas être sur le dos des enfants, alors on va tenter de réunir au maximum dans le contexte actuel… de réunir les conditions pour former les gens. Maintenant, les gens, ils ne partent pas… Ce sont des professionnels de l'enseignement. Alors, même si on évoquait le fait qu'il y a tant d'heures de cours dans l'ensemble du baccalauréat en pédagogie, il n'en demeure pas moins que ces gens-là, ils sont compétents à la base parce qu'ils ont eu de la psychopédagogie, développement de l'enfant à tout âge, etc. Alors, à nous maintenant, à la commission scolaire, qui avons aussi un mandat de coordonner les formations pour ces gens-là... Là, on n'est pas dans un déploiement de 25 classes, hein? Donc...

Le Président (M. Caire) : Merci beaucoup.

M. Bernard (Michel) : ...on serait en mesure de livrer la marchandise, comme on dit.

Le Président (M. Caire) : Merci beaucoup. Alors, M. Thibeault, M. Bernard, Mme Anctil, merci de votre participation.

Nous allons donc recevoir maintenant l'Association québécoise des centres de la petite enfance, que j'invite à prendre place.

Et nous suspendons pour une minute. J'invite les collègues à être très disciplinés pour respecter le temps. Merci.

(Suspension de la séance à 17 h 24)

(Reprise à 17 h 25)

Le Président (M. Caire) : Nous allons donc reprendre. Nous accueillons les gens de l'Association québécoise des centres de la petite enfance. Alors, Mme Gosselin, je vais vous demander de me présenter la personne qui est avec vous, et, après ça, vous disposez d'un temps de... (panne de son) …pour faire votre présentation avant qu'on ne procède aux échanges avec les parlementaires. Donc, Mme Gosselin, la parole est à vous.

Association québécoise des centres
de la petite enfance (AQCPE)

Mme Gosselin (Hélène) : Merci beaucoup. Alors, je vais présenter la personne à ma droite. C'est Mme Claudette Pitre-Robin, qui est vice-présidente de l'Association québécoise des CPE. Et merci.Merci de nous recevoir aujourd'hui à vous tous, M. le Président, MM., Mmes les députés.

Alors, l'AQCPE est un réseau d'entreprises d'économie sociale représentant les intérêts de la très grande majorité des CPE et des bureaux coordonnateurs de la garde en milieu familial réunis dans 12 regroupements régionaux de CPE qui sont présents partout au Québec. L'AQCPE est ainsi la seule association nationale pleinement représentative des parents administrateurs de CPE, CPE-BC et BC de toutes les régions du Québec. L'AQCPE et les regroupements régionaux déploient également plusieurs projets importants de soutien à la qualité de l'intervention éducative et de la gestion. Ses multiples initiatives s'inscrivent dans une stratégie d'amélioration continue de la qualité de nos services.

Rappelons que le réseau des CPE est le résultat d'une volonté, tant politique que populaire, de concilier la vie professionnelle et la vie familiale. Après toutes ces années, les CPE sont devenus des milieux de vie qui influencent favorablement le développement des enfants et qui favorisent l'égalité des chances.

Alors, les enfants de quatre ans fréquentent les milieux de garde dans une proportion de 65 % selon l'Institut de la statistique du Québec. Et les enfants de quatre ans issus de milieux défavorisés fréquentent les services de garde à contribution réduite dans une plus grande proportion, à raison de 73 %. Donc, c'est ce qu'on a entendu aussi précédemment, là, il y a 27 % des enfants issus de milieux défavorisés qui ne fréquentent pas nos services.

Dans le présent contexte, où l'ensemble des acteurs est mobilisé pour offrir de meilleures perspectives aux jeunes enfants issus de milieux défavorisés, l'AQCPE est d'avis que les services de garde éducatifs offrent la réponse la mieux adaptée aux besoins de ces enfants et de leurs familles et que des mesures doivent être mises en place pour en favoriser l'accès.

Étant le premier maillon de la chaîne de l'éducation, les CPE contribuent au plein épanouissement des enfants, et ce, dès leur plus jeune âge. Ils constituent des milieux de vie adaptés aux besoins des enfants en respectant leurs particularités de par leur approche éducative misant sur le développement global. Les éducatrices respectent le rythme de chaque enfant et fournissent aux enfants un environnement éducatif où il pourra se développer sur tous les plans. Ils misent également sur une approche basée sur le jeu de l'enfant. Le jeu constitue l'instrument par excellence pour explorer, comprendre et expérimenter.

En milieu scolaire, malgré un programme pédagogique qui place le jeu au centre de l'enseignement, plus de six enseignantes sur 10 estiment avoir des pratiques scolarisantes, de même que celles qui travaillent en milieu défavorisé, qui qualifient plus souvent leur pratique ainsi. Soumettre un enfant trop tôt à des objectifs pédagogiques précis risque de le placer en situation d'échec et éteindre peu à peu son désir d'apprendre.

Les CPE reconnaissent les parents comme les premiers éducateurs de leurs enfants. Ceux-ci, les CPE, sont dirigés par des CA, des conseils d'administration composés de parents qui ont à coeur d'offrir des services adaptés aux besoins de leurs enfants. De même, la structure d'accueil souple des CPE et le lien privilégié que tissent au quotidien les parents avec le personnel éducateur en font des milieux de vie aptes à demeurer en phase avec les besoins de la clientèle qu'ils desservent.

La préparation à l'école commence dès l'arrivée de l'enfant au CPE. La fréquentation d'un service de garde de qualité joue un rôle déterminant dans la réussite scolaire des enfants issus de milieux défavorisés. Comme le souligne le Conseil supérieur de l'éducation dans son avis sur l'accueil des enfants d'âge préscolaire — et là je cite — «il existe un large consensus parmi les spécialistes à ce sujet; le fait que les éducatrices possèdent un diplôme d'études postsecondaires en services éducatifs à l'enfance est fortement associé à la qualité d'un milieu de garde ainsi qu'au développement cognitif et social des enfants».

Alors, notons qu'en CPE plus de deux éducatrices sur trois — et on l'a entendu aussi précédemment — sont titulaires d'au moins un diplôme d'études collégiales en éducation de la petite enfance. L'AQCPE est aussi très préoccupée du fait que la ministre de l'Éducation envisage un ratio d'une enseignante pour 18 enfants dans les classes de maternelle pour les quatre ans, alors qu'elle vise une clientèle qui est davantage à risque de présenter des besoins particuliers. Plusieurs études sur les services de garde identifient un faible ratio adulte-enfants comme un prédicteur important de la qualité de l'expérience éducative du tout-petit. Le ratio appliqué en CPE, qui est un adulte pour 10 enfants de quatre ans, permet aux éducatrices d'adapter leurs interventions aux besoins de chaque enfant. De plus, en moyenne, les CPE accueillent 58 enfants dans leur installation, et un maximum de 80 enfants peut être accueilli dans une même installation. En milieu scolaire, la taille des écoles est beaucoup plus importante. En moyenne, au Québec, on compte 307 élèves par école.

• (17 h 30) •

Aussi, à l'instar du Conseil supérieur de l'éducation, l'AQCPE est d'avis que les CPE constituent ce qui correspond le mieux à un idéal de qualité. Le Conseil supérieur de l'éducation croit que, pour assurer rapidement l'accès de 90 % des enfants de quatre ans à des services éducatifs de qualité réglementés par l'État, il faut créer en CPE les places qui manquent. Alors, des places réservées pour desservir la clientèle des enfants issus de milieux défavorisés doivent être développées et des mesures favorisant leur accès en CPE doivent être mises en place, car, si rien n'est entrepris avant l'âge de quatre ans, l'enfant en difficulté éprouvera un retard difficile à rattraper dans une ou diverses sphères de son développement.

Alors, du travail en amont de son arrivée en maternelle doit être entrepris, sans quoi le défi sera encore plus difficile à relever. Les enfants qui ont besoin d'un soutien ciblé et des services spécialisés doivent y avoir accès rapidement. Le gouvernement doit soutenir les services de garde afin de faciliter l'accès à des services spécialisés, qu'on pense à l'orthophonie, l'ergothérapie ou autres. Donc, on pense que l'État doit donc collaborer avec le réseau des CPE et les organisations partenaires concernées à la mise en place de mesures facilitant l'accès des familles vulnérables ou à faibles revenus à des services de garde. De plus, l'entrée à l'école étant une étape charnière dans le parcours éducatif de l'enfant, l'ensemble des intervenants doit aussi impérativement travailler à la concrétisation des moyens pour faciliter la transition des enfants vers l'école.

Alors, ce que nous recommandons, nous recommandons au ministère de l'Éducation de procéder à une évaluation en profondeur des impacts à long terme de la fréquentation précoce de l'école avant qu'il aille plus avant dans l'instauration des classes de maternelle à temps plein pour les enfants de quatre ans de milieux défavorisés. Cette évaluation devrait mesurer les effets tant sur la réussite et la persévérance scolaire des enfants de milieux défavorisés que sur l'ensemble des sphères de leur développement, soit autant au niveau moteur, langagier, cognitif, affectif et social, et ce, sur une période d'au moins cinq ans, soit jusqu'à la fin de la troisième année du primaire. Il est également recommandé que le ministère de l'Éducation, en partenariat avec le ministère de la Famille, évalue les effets de la fréquentation de services de garde de qualité jusqu'à la troisième année du primaire.

Nous recommandons également que le ministère de la Famille prévoie que les CPE qui développeront des places dans les prochaines années allouent des places spécifiques pour combler les besoins des familles provenant des milieux défavorisés. Nous recommandons que le ministère de la Famille revoie les critères d'accès au programme d'exonération financière pour la fréquentation des services de garde éducatifs afin qu'il finance la fréquentation à temps plein et qu'il ne soit plus limité uniquement aux ménages bénéficiant de l'aide sociale, mais qu'il s'adresse à l'ensemble des familles à faibles revenus. Il est également recommandé de réviser les ententes de partenariat qui s'établissent entre les CLSC et les CPE, les places sous le protocole.

Nous recommandons également que le ministère de la Famille investisse dans un système de transport permettant l'accès aux services de garde pour les familles issues de milieux défavorisés parce qu'on sait que, souvent, c'est une contrainte de transport qui va empêcher les enfants de familles défavorisées d'utiliser nos services.

Nous recommandons au ministère de l'Éducation de concerter l'ensemble des organisations concernées pour mettre en place des mesures visant le soutien à la transition des milieux de garde et de la famille vers l'école.

Et, finalement, nous recommandons à la ministre de l'Éducation de s'assurer que le programme proposera une approche centrée sur le développement global et qui proposera une approche éducative basée sur le jeu et qu'elle le soumette à l'examen concerté des acteurs en petite enfance pour en assurer la cohérence avec le programme éducatif qui est en CPE et qui s'appelle Accueillir la petite enfance.

Alors, finalement, considérant ce qui précède et considérant que l'article 3 du projet de loi propose de modifier la Loi sur l'instruction publique en permettant aux commissions scolaires d'offrir des services éducatifs aux enfants de moins de cinq ans, que la ministre de l'Éducation a annoncé la mise en place des maternelles quatre ans pour les enfants issus de milieux défavorisés et que le projet de loi n° 23 ne précise pas la clientèle qui sera visée par l'instauration des classes de maternelle pour les enfants de quatre ans, l'AQCPE recommande à la ministre le retrait de ce projet de loi. Alors, nous vous remercions de votre attention. Merci

Le Président (M. Caire) : Merci, Mme Gosselin. Nous allons donc procéder à une période d'échange en commençant par le parti ministériel. Mme la ministre, pour une période de 22 minutes.

Mme Malavoy : Oui, merci. Bonjour, mesdames. Merci d'être parmi nous aujourd'hui. Bon, je dirais que le premier mérite de votre approche, c'est d'être clair. Et, on peut dire que votre dernière phrase est limpide, vous recommandez le retrait du projet de loi, donc vous n'êtes pas du tout, du tout, du tout d'accord. Donc, à l'évidence, entre vous et moi, il y a manifestement des différences. Et je n'ai pas la prétention qu'on puisse faire, de part et d'autre, tout le chemin pour se réconcilier, mais je voudrais, très honnêtement, je voudrais mieux comprendre votre position.

Que les CPE soient en soi un choix tout à fait judicieux qu'on doit valoriser, que l'on doive compléter le réseau des places en service de garde, je pense que vous le savez, le Parti québécois est d'accord avec ça. Et, s'il y a bien une chose qui est évidente, c'est que, même depuis le peu de temps où on est là, on s'est avancés très précisément avec un nombre de 28 000 places additionnelles en service de garde. Donc, on y croit et on ne remet pas ça en cause, on n'est pas en train de dire : C'est un service qui a des faiblesses, et puis on essaie de substituer autre chose. On y croit, on veut le renforcer, on veut le valoriser. On pense qu'il y a des progrès aussi depuis l'implantation des CPE quant à la qualification des éducateurs et des éducatrices en CPE. Donc, on est tout à fait à l'aise avec cette formule. Mais il y a des parents qui ne veulent pas envoyer leurs enfants en CPE. Alors, ma première question va être très simple. Est-ce que vous le reconnaissez? Puis comment l'expliquez-vous? On va commencer par ça.

Mme Pitre-Robin (Claudette) : Bien, je pense qu'il y a plusieurs raisons à cela. D'une part, on parle, d'abord, actuellement des enfants des familles de milieux défavorisés. N'oublions pas que, pendant des années et jusqu'à très récemment, on avait régulièrement beaucoup de critiques à l'effet que des parents non travailleurs utilisaient les services de garde. Et ça, ça a été un discours qui a été longtemps entendu et qui a fait, finalement, une image dans l'esprit parce qu'il y avait tellement peu de places, les attentes étaient longues, la pression, qu'on disait : Il faut favoriser les familles qui travaillent au détriment, oui, des enfants des milieux défavorisés. Et ça, c'est resté dans la mentalité, et, chez les familles défavorisées, elles le sentent. On leur a dit suffisamment longtemps pour créer cet écart-là.

Ce qui nous inquiète aussi, c'est que, quand on fait le calcul, justement, des places nouvelles qui seront développées, les 28 000 places, si on prend le nombre d'enfants inscrits actuellement au Québec, nombre d'enfants actuellement de quatre ans, le nombre de places supplémentaires qui vont être ajoutées par le développement de ces 28 000 places là, ça va faire la proportion des places quatre ans qu'il y aura. Et, si on ajoute à ça même actuellement le nombre de places en maternelle quatre ans et le nombre de places en maternelle Passe-Partout, il va manquer, en 2016, 1 195 places à travers le Québec pour des enfants de quatre ans. Donc, tous les enfants de quatre ans, sauf 1 195, n'auront pas accès à une place dans un service.

Alors, il faut se questionner à l'aube où, justement, on développe des services de garde, de nouvelles places qui sont déjà en concrétisation, alors que, dans l'appel des places qui devront être... les projets qui devront être déposés, on a, justement, très clairement identifié des endroits et des maximums pour les places en milieu défavorisé et on… donc, un accès plus grand aux milieux défavorisés, comment on va arriver en 2016 avec, finalement, un si petit écart de manque de places, sinon de faire du dédoublement ou, finalement, avoir des difficultés à combler. Déjà, ça ne nous paraît pas clair comme situation, puisque les places, elles seront là. On comprend que ce n'est pas demain matin, mais ce ne sera pas tout en 2016 non plus, ça va être progressif jusqu'en 2016. Alors donc, le manque de places, il est minime selon les projections. Alors, on ne comprend pas, si on ne veut pas mettre ça en compétition, les deux réseaux, pourquoi, finalement, faut-il offrir tant de nouvelles places en milieu scolaire.

Le Président (M. Caire) : ...ministre, juste avant que vous poursuiviez, j'ai besoin du consentement des membres de la commission parce qu'on va vraisemblablement dépasser les 18 h 15. Donc, consentement pour qu'on dépasse de quelques minutes? Oui. Je vous laisse poursuivre, Mme la ministre.

• (17 h 40) •

Mme Malavoy : Volontiers. Je vais le reprendre autrement. Le problème, me semble-t-il, n'est pas uniquement une question de places. Je reconnais qu'au Québec, depuis des années, on dit : Il manque de places. Puis j'ai eu dans ma circonscription des parents qui ont fait des choix extrêmement douloureux parce qu'il n'y avait aucune place, puis ils ont dû, même, à un certain moment donné, renoncer à leur emploi. Ça, je trouve ça extrêmement désolant.

Mais il me semble que, quand on aborde la question des enfants de quatre ans provenant de milieux défavorisés, le problème n'est pas uniquement qu'il y ait des places, le problème est aussi que des parents ne font pas le choix du CPE. Et, donc, on peut toujours dire : Bien, tant pis pour vous, vous ne faites pas le choix, donc, voilà, on ne vous offre rien d'autre. Mais on peut dire : Écoutez, dans ces milieux-là, il y a des enfants de quatre ans… Je n'en fais pas une généralisation, mais c'est quand même documenté qu'il y a, en provenance de milieux défavorisés, des enfants de quatre ans qui ont, au plan cognitif, au plan langagier, au plan du vocabulaire, au plan du comportement, besoin d'avoir une transition pour les mettre à niveau, pour être bien quand ils arriveront à cinq ans, pour sentir qu'ils sont comme les autres, pour ne pas craindre d'avoir déjà, à quatre ans, cinq ans, des problèmes d'estime de soi, autrement dit, pour suivre le mouvement.

C'est sûr que ceux qui ont été en CPE et qui, donc, ont fait toute la trajectoire que l'on connaît, ils arrivent superbement préparés à cinq ans en maternelle. Mais ceux qui n'ont pas accès, vous ne croyez pas qu'une société comme la nôtre doit trouver un moyen complémentaire qui ne remet pas en question ce que vous faites, qui continue de le trouver non seulement valable et un modèle, mais, en même temps, qui dit : S'il y a tant d'enfants... Là, c'est 27 % d'enfants de quatre ans qui n'ont pas accès à des services. Alors, là-dedans, il y en a peut-être qui n'en ont vraiment pas besoin ou qui ne veulent vraiment pas, là, on ne couvrira pas... Mais 27 %, c'est préoccupant, et est-ce qu'on ne doit pas — il me semble que c'est ce que ce projet de loi fait — dire : Bien, ils sont tellement importants pour nous, ces enfants-là, qu'on va créer quelque chose de plus, qui n'est pas en concurrence, qui n'est pas en compétition, qui ne questionne pas l'existence et la qualité des services des centres de la petite enfance, mais qui s'ajoute pour les parents qui choisiraient cette porte-là?

Mme Pitre-Robin (Claudette) : Selon la statistique, les recherches, évidemment, il y aurait 10 % des familles qui ne souhaitaient pas que leur enfant de quatre ans soit dans un service ou autre, selon le taux de préférence des parents. Donc, si on exclut le 10 %, ce 10 % là, il en reste 17 %. Mais ce que je vous nommais tantôt, c'est justement… c'est comment on va allier le nombre... Il y a déjà des places, il y en a déjà 15 000 places d'enfants de quatre ans qui sont en milieu scolaire, ça existe déjà. Mais, à partir du moment où on va développer... Les parents qui sont de milieux défavorisés, qui n'ont pas accès, il y en a qui auraient souhaité... mais il n'y a pas de place.

Actuellement, on a encore des parents... Si on développe encore 30 000 places, c'est parce qu'il y a des parents de milieux aussi non défavorisés qui n'ont pas de place non plus, là, pour... Ils nous appellent tous les jours pour savoir quand est-ce qu'ils vont avoir une place. Donc, c'est vrai, ça, pour l'ensemble de la population. À preuve, il y a 65 % des enfants de quatre ans, tous milieux confondus, qui ont une place, alors qu'il y en a 73,3 % des milieux défavorisés. Le milieu défavorisé est donc surreprésenté par rapport aux enfants de quatre ans. Ça fait qu'on ne veut pas prendre d'emblée que les parents des milieux défavorisés qui ne sont pas actuellement en service de garde, c'est parce qu'ils ne veulent pas y aller, il manque de places.

À côté de ça, il y a d'autres problématiques, bien sûr. Il y avait, finalement, que, les places, elles sont actuellement uniquement temps partiel. Il y a tout le problème de transport parce que, dans nos collectivités, il y a des endroits, dès que tu es en dehors des grands centres, là, des services publics de transport, ça n'existe pas, là, le transport en commun. Donc, quand, finalement, je suis d'un milieu défavorisé, peut-être bien que je n'ai pas de voiture, hein, et peut-être bien que, là… C'est le même problème pour aller au CLSC, pour aller dans les groupes communautaires, tout le monde dit : Il y a de la clientèle qu'on ne rejoint pas parce qu'ils ne peuvent pas se mouvoir. Donc, il faut aller les chercher chez eux, ce que va... On a entendu tantôt par les gens de l'éducation, ce que les gens vont faire aussi, ils vont aller les chercher porte à porte à la maison, là, parce qu'ils ne peuvent pas venir tout seuls. Et on est dans la même problématique. Donc, c'est pour ça qu'on se dit : Il y a actuellement, là, un questionnement même au niveau très factuel. Il y a des places manquantes, il y a des places en développement. Combien il va en manquer pour vrai dans trois ans? Alors, quand on dit : On n'est pas en compétition, si on développe plus de places dans deux réseaux différents, forcément il va y avoir un niveau de compétition, là. On va avoir développé deux fois des places supplémentaires que ce qu'on aurait de besoin. Et ça, c'est parmi nos questionnements importants à cet égard-ci.

Pour le reste, il y a certainement des parents qui, selon leur culture, préfèrent, finalement… Et c'est le cas, souvent, des allophones qui préfèrent l'école parce que c'est plus symbolique, oui. C'est une question aussi d'information, c'est une question de vision, mais il y a beaucoup aussi de parents de milieux défavorisés pour qui l'école ne représente pas du tout une vision positive, tout le temps qu'ils étaient à l'école eux-mêmes, et c'est quelque chose, pour eux, de très menaçant, l'école. Donc, ce n'est pas vrai ni d'un bord ou ni de l'autre, là, on devra travailler avec ces gens-là. La portion qu'il reste d'enfants de quatre ans qui n'ont pas accès à des services, il faudra avoir une analyse beaucoup plus fine, beaucoup plus pointue pour voir comment répondre à leurs besoins et comment les rassurer dans les besoins qu'ils ont.

Mme Malavoy : Moi, ceux qui me préoccupent, c'est les parents qui ne vous appellent pas, qui ne vous appelleront pas pour dire qu'il manque de place, qui disent… Puis, ce n'est pas moi qui l'invente, vous le savez, Mme Pitre, vous le savez, les parents qui ne veulent pas faire garder leurs enfants, c'est un choix de parents qu'on peut trouver légitime, soit parce qu'il y a un des parents, très souvent la mère, qui est à la maison ou parce qu'il y a des grands-parents qui font ce travail-là. Des parents qui ne veulent pas faire garder leurs enfants, ils ne disent pas : Je n'ai pas de place. Ils disent : Moi, je ne me reconnais pas dans ce modèle-là. Moi, je m'y reconnais personnellement, mais j'observe que des parents ne s'y reconnaissent pas, et que, donc, je peux bien dire : Je vais vous faire des campagnes de sensibilisation parce que moi, je crois qu'il y a un modèle, un seul, puis qu'il faut que vous entriez dedans, mais je peux aussi me dire : Peut-être que, pour ces parents-là, il faut autre chose.

Je ne dis pas si j'étais en train de vous vendre l'idée d'avoir une maternelle quatre ans absolument pour tout le monde, et à 98 % comme pour les cinq ans. Je vous parle d'ajouter, pour le moment de façon progressive, une classe par commission scolaire, et de doubler l'année qui suit, et, donc, de faire ça de façon très progressive et en complémentarité à ce que vous offrez. Je ne suis pas en train de bâtir un réseau parallèle, vous êtes le réseau principal. J'essaie d'ajouter quelque chose pour des gens qui n'iront pas chez vous.

Mme Pitre-Robin (Claudette) : Mais votre projet de loi n'indique pas ça. Dans le projet de loi, nulle part n'est indiqué que les services qui vont être ajoutés seront des services pour les enfants de quatre ans de milieux défavorisés. On parle, finalement, de tous les enfants de moins de cinq ans. Alors que vous avez une intention, le prochain ministre de l'Éducation pourrait en avoir une autre, et, finalement, c'est ouvert pour tous les enfants. Ça pourrait être des enfants de trois ans, huit ans, puisque les syndicats le réclament depuis longtemps, puis on sait que ça fait partie des négociations. Il n'y a rien qui est limité dans le projet de loi, on ne parle que de tous les enfants de moins de cinq ans, et vous comprenez, à ce moment-ci, qu'on puisse être, finalement, inquiets.

Le Président (M. Caire) : Mme la ministre.

Mme Malavoy : Bon. Alors là, c'est parfait parce qu'on touche à quelque chose de précis, là, qui me permet de comprendre ce que vous dites un peu mieux. C'est sûr qu'un projet de loi comme celui-ci, il est, par définition, un document parfaitement légal et qui n'a pour objet que de me permettre de faire ce dont nous parlons. O.K.? Donc, il est écrit en langage, si vous voulez, très, très formel en relation avec la Loi sur l'instruction publique.

Alors, je vous indique simplement un passage de l'article 2 du projet de loi qui renvoie à l'article... à l'alinéa 224.1 — je ne sais pas si vous l'avez en main — parce que je veux que vous compreniez que ce dont je parle, c'est défini là-dedans. On dit ceci : «Une commission scolaire visée à l'article 461.1 organise des services éducatifs de l'éducation préscolaire, y admet des élèves et les inscrit dans une école, conformément aux conditions et modalités établies par le ministre en application de cet article.» Elle organise des activités pour les parents, etc.

«Conformément aux conditions et modalités établies par le ministre», c'est précisément ce dont nous parlons, on parle… La loi ne l'écrira pas tel quel, mais on parle de modalités pour des enfants de quatre ans dans des milieux défavorisés. La loi, elle est comme plus englobante, mais il faut qu'elle soit écrite comme ça pour me permettre de faire ça. Sinon, je ne peux pas dire : Je voudrais des maternelles quatre ans pour des enfants de milieux défavorisés d'indices, de catégories 9 et 10. La loi, elle doit toujours être plus large qu'ensuite les conditions que l'on prévoit. Mais ça, c'est la loi. Les conditions ensuite dans mon projet, vous le savez, c'est vraiment un projet pour des maternelles quatre ans, sur une base volontaire, pour des milieux défavorisés. Et ça, ça va être dit, mais ça ne peut pas être inscrit dans la loi.

• (17 h 50) •

Mme Pitre-Robin (Claudette) : Par contre, la loi, une fois qu'elle a été adoptée, elle est ouverte à la grandeur. Un autre ministre pourrait décider de modifier un autre article ou de modifier l'article… Les conditions du ministre pourraient être, finalement, d'accueillir les enfants de trois ans. La loi, elle, elle est large, justement. Donc, elle permet à un ministre, et vous, et quelqu'un d'autre qui vous succédera — parce que votre intention à vous est claire — finalement, d'amener des modifications, peu importe, après ça à l'intérieur des autres modalités.

Mme Malavoy : Bon, alors, comme je disais, la loi, elle doit être assez large. Ensuite, ce dont on parle, c'est ce qui est acceptable socialement, ce qui correspond au bien commun, ce qui correspond aux intérêts des enfants, c'est... Mais les ministres, quels qu'ils soient, ne peuvent pas arriver, comme dans un régime parfaitement autocratique, à dire : Dorénavant, les enfants de deux ans et demi vont aller à l'école. Je veux dire, c'est une loi, effectivement, qui ouvre quelque chose qui, jusqu'ici, n'était pas ouvert, mais qui est essentielle si on veut permettre pour ces enfants-là d'aller en maternelle quatre ans. On suppose que pour le reste, que ce soit moi ou quelqu'un d'autre, je dirais, les modalités de notre démocratie qui font qu'on discute sont comme des garde-fous pour que ça ne permette pas de faire n'importe quoi. Mais je voulais surtout vous indiquer que l'encadrement qui va suivre cette loi, c'est là qu'il est situé. Parce que je comprends que, pour vous, ça n'était pas clair quelle était la porte qui était ouverte.

Puis, je vous redis, dans mon esprit, il ne s'agit pas d'ouvrir un champ de concurrence avec les CPE, mais vraiment d'avoir quelque chose qui est très, très ciblé pour des enfants qui nous échappent, qui arrivent — puis je termine là-dessus, M. le Président — qui arrivent... Sur l'île de Montréal, il y a 35 % des enfants qui arrivent en maternelle avec des carences telles qu'on peut prédire qu'ils auront des difficultés. Je pense que, ces enfants-là, on doit s'en préoccuper. Et on ne peut pas, de force, croire qu'ils iront aux CPE. S'ils n'y vont pas, il faut trouver autre chose, puis c'est cette autre chose dont je parle aujourd'hui.

Une voix : ...

Mme Malavoy : ...permettre de réagir si vous êtes en…

Le Président (M. Caire) : Allez-y.

Mme Pitre-Robin (Claudette) : Bien, je vous dirais juste... ma collègue. Je comprends votre réponse. Je vais juste terminer en vous disant qu'on a quand même lieu de s'inquiéter, puisqu'on pouvait lire dans, par exemple, le journal de la Fédération autonome de l'enseignement du Québec... En février dernier, dans le journal, on dit : «Depuis 1997, le préscolaire quatre ans à mi-temps est accessible aux élèves handicapés ou provenant de milieux défavorisés.» Ensuite, on dit : «Parce que cette mesure est susceptible de faciliter l'intégration des élèves et d'encourager la réussite scolaire, la FAE en revendique l'élargissement depuis 2008. Lors de la dernière négociation, la fédération obtenait la mise en place de six projets pilotes de préscolaire quatre ans à temps plein.»

Alors, vous voyez que ça se négocie aussi, et c'est là qu'il est très dangereux. Alors, là-dessus, je pense qu'on pourra en débattre plus loin, mais je pense qu'Hélène voulait d'abord vous parler aussi de nos objections quant aux besoins des enfants.

Mme Gosselin (Hélène) : C'est ça, parce que vous avez dit tout à l'heure, Mme la ministre, que vous étiez soucieuse d'offrir quelque chose qui correspondrait aux besoins des enfants. On est aussi extrêmement inquiets parce qu'on accueille déjà les enfants de quatre ans dans nos milieux, on accueille les enfants en plus bas âge aussi et on croit que l'école n'est pas un milieu qui va répondre favorablement aux besoins de développement des enfants de quatre ans.

À titre d'exemple, pour plusieurs enfants… Et on accueille des enfants en milieu favorisé sous protocole avec les CLSC puis qui sont référés, et, très souvent, chez les enfants de quatre ans qu'on accueille dans ces situations-là, l'entraînement à la propreté n'est même pas complété. Et je ne sais pas comment, à l'école, avec l'organisation du milieu qu'est l'école, l'organisation du milieu scolaire, autant au niveau des ressources humaines que de l'organisation des lieux physiques, comment on va pouvoir respecter le développement des enfants de quatre ans à ce niveau-là très précis. Est-ce qu'on faire vivre à ces enfants-là des situations humiliantes, du rejet des autres? Parce qu'ils vont quand même côtoyer des enfants plus vieux aussi.

Tantôt, j'écoutais, on parlait même de mixité des groupes, des enfants de quatre ans avec des enfants de cinq ans. On sait que les enfants en bas âge sont très... On l'a dit tout à l'heure aussi, un enfant de quatre ans puis un enfant de cinq ans, au niveau du développement puis de la maturité, c'est très différent, il y a un monde entre ça, et on est très inquiets à cet effet-là aussi. On ne croit pas que l'école va bien répondre aux besoins des enfants de quatre ans, et d'autant plus à ceux qui sont issus de milieux défavorisés, qui ont des besoins qui sont encore plus grands que les autres et d'une nature très importante, et on ne comprend pas comment on va pouvoir bien y répondre. C'est une de nos inquiétudes.

Mme Malavoy : Je me permets, toutefois, de rappeler qu'il y a actuellement des maternelles quatre ans à mi-temps qui existent. Je pense qu'il y a peut-être des cas d'enfants comme ceux que vous évoquez, mais je pense que, dans le cas de ces maternelles mi-temps, ils s'en accommodent. Et ce qui nous fait passer du mi-temps au plein temps pour une implantation progressive, c'est l'évaluation que l'on fait que, pour ces enfants-là, le plein temps donne des résultats meilleurs que d'avoir un demi-temps suivi de services de garde ou de rien d'autre. Mais il s'agit des mêmes enfants.

Les maternelles mi-temps, personne, à ce moment-ci, ne nous a dit de les retirer. Personne. Personne ne nous a dit : Enlevez Passe-Partout, enlevez le mi-temps. Donc, il y a des enfants de quatre ans dans des écoles. Ce que nous, on propose, c'est que, de façon progressive, on ait une classe à plein temps et qu'on suive bien ces enfants-là pour mesurer leurs progrès. C'est une différence, vous me direz, importante, mais on est quand même dans un univers qui a des points communs. Et les enfants qui sont à mi-temps à quatre ans, ils ne sont pas chez vous, ils sont ailleurs parce que la trajectoire de leur famille fait que c'est le choix qu'ils ont fait.

Le Président (M. Caire) : Merci, Mme la ministre. Ça complète le temps pour la partie ministérielle. Je vais donc céder la parole à Mme la députée de Trois-Rivières pour un temps de 18 min 30 s.

Mme St-Amand : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, Mme Gosselin, Mme Pitre-Robin, je suis bien contente de vous revoir, en fait, parce que j'avais eu le privilège de vous rencontrer dans mon premier mandat comme adjointe parlementaire au ministre de la Famille. Vous savez, ma première formation, c'est éducatrice spécialisée. Alors, je suis énormément touchée par le projet de loi. Et, je sais que vous nous avez démontré aussi toute votre préoccupation au cours des dernières semaines que vous aviez pour les enfants de quatre ans et tous les efforts que vous avez consentis, moi, j'ai une inquiétude, là, puis, évidemment, la première inquiétude que j'ai, c'est... On le sait, notre réseau, il n'est pas complété. On a fait 45 %, au 31 mars, de ce qu'on devait faire. Et puis ça ne s'ouvre pas en deux semaines, là, des places en services de garde, donc il reste du travail à faire. On a tous à coeur la... Notre priorité, c'est le bien-être de nos petits enfants, hein, et particulièrement ceux qui sont vulnérables, évidemment.

Vous avez parlé tantôt, Mme Gosselin, de la mixité, mixité autant pour les enfants allophones, mixité autant pour les enfants qui... On le sait, comment c'est important, un enfant de quatre ans, dans son milieu, dans son service de garde, d'être avec des plus jeunes que lui, puis là je vais vous dire… Puis c'est un peu cru, ce que je vais vous dire, mais, en fait, l'image qui me vient, c'est : Là, je vais avoir quatre ans, je vais être là, à l'école, je vais être un petit pauvre puis un petit. C'est la première image qui me vient. Puis, en même temps, je suis bien consciente qu'il y a des besoins, il y a ce 25 % d'enfants là qui... bon, un pourcentage qui n'y va pas. On le sait qu'il y a déjà des enfants de quatre ans qui sont là, mais c'est des enfants handicapés. Les enfants handicapés, ils ont déjà des services complémentaires, ils ont accès à ça. Moi, j'ai eu le privilège de faire Passe-Partout avec mes enfants, on sait l'implication des parents. Bon, je vous le dis, ça me questionne beaucoup.

Ça fait que vous voyez ça comment, vous, cette partie-là de... En tout cas, moi, mon premier problème, là, qui me questionne, c'est ce petit enfant là d'un milieu défavorisé qui va arriver à l'école, qui va être dans une classe avec tous des enfants vulnérables comme lui — puis là je ne vous parle même pas des services, là — avec des grands, l'impact que ça a sur son développement, sur son estime de lui-même.

• (18 heures) •

Mme Gosselin (Hélène) : Alors, nous autres, ce qu'on dit, évidemment qu'on n'est pas en désaccord avec le fait que des enfants de quatre ans qui sont, en plus, issus de milieux défavorisés puis qui ont des grands besoins puissent avoir accès à des services. On se dit que, si on est prêt à investir des moyens pour offrir des services à ces enfants-là, bien, regardons quelle est la meilleure façon de le faire.

En fait, quand on demande le retrait du projet de loi, c'est qu'on se dit : Il faut avoir le temps d'étudier et d'évaluer là où les besoins des enfants vont être le mieux répondus. Puis, quand on aura fait ces analyses-là, on pourra prendre les décisions à savoir là où ils vont avoir une meilleure réponse à leurs besoins. C'est sûr que, quand on dit ça, c'est excessivement malheureux qu'il y ait des enfants qui n'aient pas accès à des services, qu'il y ait des familles qui n'aient pas accès à des services. On le déplore, effectivement, aussi. Par contre, est-ce qu'on peut vraiment expérimenter? Est-ce qu'on peut faire de l'expérimentation de services? Puis, Mme la ministre le dit, dans le moment, tout ce qu'on veut, c'est une classe par commission scolaire, et tout ça. Puis j'imagine qu'il va se faire de l'évaluation, puis on a entendu les groupes précédents qui disaient : Il va falloir évaluer puis observer quel genre de services on offre, est-ce que c'est adéquat. Mais nous autres, on ne comprend pas la précipitation, on se dit : Est-ce qu'on peut vraiment faire de l'expérimentation sur le dos d'enfants de quatre ans, d'autant plus les enfants les plus vulnérables dans notre société, ceux qui sont issus de milieux défavorisés?

En plus, on est aussi extrêmement inquiets de la ghettoïsation — il y a d'autres groupes qui en ont parlé — de ces enfants-là, l'étiquette. Alors, déjà, quand ils rentrent à cinq ans à l'école, les enfants qui ont des besoins particuliers, ils sont déjà étiquetés, identifiés. Et, là on va commencer ce travail-là plus tôt, de quelle façon on va le faire? On ne dit pas que les services qu'ils vont avoir à l'école ne seront pas nécessairement bons. Ce qu'on se dit, c'est : Est-ce qu'on peut évaluer puis voir c'est où, la meilleure réponse aux besoins des enfants et si, effectivement, avec le développement, ces familles-là vont avoir plus facilement accès à nos services? Et, si on est prêts à investir des sommes, bien, investissons-les pour qu'ils aient accès dans nos services. Qu'on leur réserve des places, qu'on leur offre du transport, et qu'ils aient aussi l'accès à temps plein dans nos services — parce qu'actuellement ils ont accès uniquement à temps partiel — puis, à ce moment-là, on ne parlera peut-être plus du même problème non plus. Ce qu'on se dit, c'est qu'on ne comprend pas la précipitation, on ne la comprend pas.

Mme Pitre-Robin (Claudette) : D'autant plus que deux recherches québécoises, autant celle de Lapointe, Richard et Tremblay, autant celle de Terrisse, nous indiquent — et ça a été fait au Québec en l'an 2000 et 2005, des cohortes d'enfants qu'ils ont suivies — que, finalement, d'augmenter le taux de fréquentation scolaire de la mi-temps à du temps plein n'a aucun effet déterminant sur la performance scolaire des enfants. Alors, ils ont étudié des cohortes ici, au Québec — dans la région de Montréal particulièrement aussi, dans le cas de Terrisse — et ils ne voient pas de différences déterminantes à long terme pour les enfants qu'on passe à mi-temps, donc, à temps plein. Donc, c'est pour ça qu'on trouve que tout ça est rapide, qu'on se dépêche à mettre des lieux.

Il nous apparaît important qu'on prenne le temps d'évaluer. Et on est d'accord à faire évaluer aussi le secteur des services de garde pour s'assurer que, quelque lieu où seront les enfants, ils auront... Et, s'il y a des manquements dans le milieu des centres de la petite enfance, il faudrait les corriger, mais s'assurer que, compte tenu de l'investissement, peu importe où seront les enfants, ils auront les meilleures conditions possible pour leur développement. Bien sûr qu'en service de garde on souhaite que ces enfants-là arrivent même plus tôt que quatre ans parce que quatre ans, c'est déjà tard et c'est déjà difficile pour eux comme pour les gens autour d'eux, finalement, de vraiment permettre une pleine acquisition de leurs capacités. Alors, autant faire se peut, il faudrait que les enfants arrivent plus tôt.

Je vous rappelle qu'il y a plusieurs années le comité Bouchard-Fortin, qui... Ceux qui s'en rappellent, là, avant les années 95, chacun avait travaillé — Pierre Fortin et Camil Bouchard — sur, finalement, la place, justement, des enfants de milieux défavorisés. Et ils n'avaient pas été capables de faire un rapport conjoint — on sait pourquoi quand on connaît les deux personnages — mais, en même temps, ils avaient des recommandations qui étaient communes. Et eux étaient beaucoup plus sévères, ils allaient même à dire qu'il faudrait obliger les enfants des familles des milieux très défavorisés... à ce que les enfants fréquentent au moins une journée par semaine dès la naissance, finalement, un milieu stimulant hors de leur famille. Et c'est en 1995 que ça s'est passé, là. Donc, on parle de, vraiment, des interventions beaucoup plus précoces auprès des enfants qu'on considère vulnérables. Parce que, rendu là, même quatre ans, c'est trop tard. Même, quatre ans, on a stigmatisé chez l'enfant le profil, même quand il sera à l'école, où il est l'enfant qui a des manques, et on ne travaille pas sur ses forces, mais on travaille sur ses faiblesses. Et ça, pour un enfant, c'est marquant pour la vie.

Le Président (M. Caire) : Mme la députée de Trois-Rivières.

Mme St-Amand : Merci, M. le Président. Alors, écoutez, j'adhère à votre propos entièrement. J'ai eu la même surprise que vous, puis j'ai recherché, puis j'ai même... J'avais interpellé ma collègue de Mille-Îles parce qu'effectivement, dans le projet de loi, je cherchais où c'était inscrit «défavorisés».

Maintenant, vous avez une expertise avec les petits enfants de quatre ans qui est indéniable. Nos enseignants en préscolaire ont une expertise aussi. Dans la mesure où vous auriez l'assurance… puis je ne le sais pas, ça demeure aux juristes, plus, du ministère, là, mais vous auriez l'assurance que ce programme-là s'adresserait aux enfants quatre ans en milieu défavorisé, est-ce que, pour vous, c'est envisageable de... Parce que je ne veux pas que vous me reparliez du mémoire, parce que je l'ai lu, puis vous avez des annexes, en plus, qui sont vraiment exceptionnelles, je pense que… j'imagine que tous mes collègues l'ont lu ici. Ça fait que vous avez vraiment des pistes de solution fort intéressantes. Ce que je veux savoir, c'est : Est-ce que vous seriez à l'aise de collaborer avec le ministère? Parce qu'effectivement il y a un besoin, il y a une réalité qui est là. Vous avez une expertise, nos enseignants préscolaires en ont une aussi. On a une préoccupation de ces enfants-là de milieux défavorisés. Seriez-vous prêts à contribuer pour faire une certaine mise en place… ou, je dirais même, une cohabitation, en fait, une cohabitation des CPE qui offrent des services aux quatre ans et des enfants qui pourraient aller en maternelle quatre ans?

Mme Pitre-Robin (Claudette) : Bien, je pense qu'on est prêtes à étudier toutes les modalités possibles, mais je pense que les gens avant nous ont parlé beaucoup de la rupture. Et ce qui est important chez les jeunes enfants, puis encore plus quand ils ont des besoins particuliers, c'est qu'on ne hachure pas leur journée… les interventions. Déjà, là, imaginez-vous si vous êtes maman ou mamie... Moi, je suis une mamie d'une petite fille de quatre ans, là, O.K.? Puis, quand il y a trop de bruit autour d'elle, là, bien, elle vient subjuguée, elle ne bouge plus, elle n'est pas capable. Ou chez d'autres enfants, ils se désorganisent. Juste la notion du bruit, d'assumer ça, des grands groupes… Dans les services de garde, on a réduit les groupes. Même les gens de l'Europe viennent régulièrement ici actuellement — en France — pour nous regarder parce qu'ils trouvent ça extraordinaire qu'on a des petits groupes dans des locaux, comme ça permet beaucoup plus de calme, comme ça permet beaucoup plus d'intervenir, alors qu'eux ont des grands locaux de 24 enfants et plus. Donc, toute cette notion-là, je pense que, oui, il faut s'asseoir, puis on l'analyse, mais on l'analyse vraiment à partir des besoins des enfants puis qu'est-ce qui va être des gages de succès, y compris d'avoir les ressources professionnelles ajustées rapidement pour répondre à leurs besoins.

Le Président (M. Caire) : Mme la députée de Trois-Rivières.

Mme St-Amand : Bien, écoutez, ce que je comprends… Parce qu'en fait l'idée, c'est qu'on réponde aux besoins des enfants. Pour moi, c'est ça, la priorité. Alors, ma question initiale, c'était : Est-ce que vous êtes à l'aise de dire : Bien, écoutez, nous, dans la mesure où on a l'assurance que ça s'adresse vraiment aux enfants défavorisés dans une perspective très ciblée… Ce que je comprends, c'est que vous seriez prêts à partager, j'allais dire, une certaine cohabitation, là. Vous êtes à l'aise avec ça?

Mme Pitre-Robin (Claudette) : Bien, on est prêtes à regarder, puis s'asseoir, puis travailler avec les gens, comme on l'a toujours fait, en partenariat. Je pense que le bien-être des enfants, c'est ce qui est notre mission première et c'est notre seule préoccupation.

Le Président (M. Caire) : Oui, Mme la députée de Trois-Rivières.

Mme St-Amand : Les enfants allophones, vous en accueillez présentement. Comment ça se passe, l'intégration?

Mme Pitre-Robin (Claudette) : Bien, je pense qu'en général ça se fait, dans le fond, de façon… très doucement. Les endroits où ils reçoivent des enfants allophones, il y a souvent des quartiers... Je pense que c'est une cachette pour personne, la région de Montréal en est une. Souvent, ils sont organisés pour... Ils n'ont souvent pas une seule, hein, communauté, donc ça fait des services de garde ouverts sur un ensemble de communautés où l'enfant d'une ethnie côtoieune autre puis une autre ethnie. Ce n'est pas un enfant tout seul dans un ensemble qui se retrouve... Donc, c'est très, très large, particulièrement dans les milieux où il y a beaucoup d'enfants de communautés diverses.

Mais, dans les autres milieux, comme c'est le cas dans le reste du Québec, les enfants sont accueillis, finalement,avec, finalement, la même façon. C'est d'abord la famille qu'on accueille. On accueille les parents, l'enfant, les liens avec la famille, l'importance de… finalement, des attentes des familles, et l'intégration se fait tout doucement en respectant, finalement, les besoins de chacun.

Mme Gosselin (Hélène) : Ce que je pourrais dire en complément de... Est-ce que je peux?

Le Président (M. Caire) : Allez-y.

• (18 h 10) •

Mme Gosselin (Hélène) : Il y a un aspect important que Mme Pitre-Robin vient de mentionner. Dans les CPE, on est des milieux de vie qui accueillent la famille, hein, qui accueillent les parents. Donc, les parents sont administrateurs de nos corporations. Donc, il y a un souci très, très grand qui est fait d'accueillir pas seulement l'enfant, mais toute sa famille. Puis, quand on parle de la famille, ce n'est pas uniquement les parents, c'est les frères et soeurs de ces enfants-là aussi qui sont accueillis dans nos milieux de vie, dans les activités, dans... Puis, à tous les jours, on côtoie les parents et la fratrie aussi des enfants qui sont accueillis dans nos milieux.

Mme St-Amand : Il me reste combien de temps?

Le Président (M. Caire) : Cinq minutes, Mme la députée de Trois-Rivières.

Mme St-Amand : Merci, M. le Président. Vous avez un rôle fort important dans le fait de détecter les problématiques chez les enfants, certaines difficultés. Vous l'avez dit, en plus vous accueillez des enfants qui sont référés. C'est une autre inquiétude que moi, j'ai par rapport au fait que… On le sait, nos services complémentaires y arrivent difficilement présentement. Je rencontrais, la semaine dernière, des orthophonistes. On en demandait énormément il y a trois, quatre ans, puis là, présentement, les orthophonistes ont de la difficulté à se trouver des emplois, là, donc, dû au fait que, bon, il y a moins d'emplois qu'il y en avait, et ce n'est pas parce qu'il y a moins de besoins. Est-ce que vous avez l'impression — parce que j'ai peut-être une fausse perception — qu'on sera moins en mesure, en milieu scolaire, de détecter les problématiques chez les petits enfants?

Mme Pitre-Robin (Claudette) : Bien, je ne pense pas que je dirais qu'ils seront moins en mesure, mais c'est sûr qu'arriver à un groupe plus grand d'enfants déjà à quatre ans, c'est quand même... Il y a des éléments qui sont souvent très gros qu'on peut voir tout de suite, mais, souvent, c'est même dangereux parce qu'on est portés à fixer tout de suite un... on ne parlera pas de diagnostic, puisqu'on n'est pas médical, mais, en tout cas, une observation précise tout de suite sans aller prendre le temps... une observation fine qui va me permettre de dire : Bien, oui, c'est ça, mais c'est aussi nuancé, j'ai besoin de l'avis de d'autres, etc. Ça prend, finalement, des ressources à proximité. Ça prend du temps, faire ça, et ça prend vraiment une observation vraiment fine de la part de l'intervenant — je parle, bon, que ce soient, à ce moment-là, des enseignantes — pour, finalement, bien connaître le besoin de l'enfant.

Parce que c'est trop facile... Au Québec, on sait qu'on est rendus qu'on a un nombre effarant d'enfants TED, là, O.K., puis on ne démêlait pas toujours l'enfant actif, là, de l'enfant... Tu sais, c'est trop facile de mettre des étiquettes, surtout quand c'est la façon... Et pas mettre la bonne tout à fait… Trois ans plus tard, on se rend compte qu'on avait dit que c'était telle affaire, ce n'est pas tout à fait ça. Donc, ça prend, finalement, du temps, et il faudrait que les gens, même en milieu scolaire, aient ce temps-là d'observation objectif pour être capables de bien cibler puis d'avoir les ressources nécessaires pour les aider à définir les besoins particuliers à cet enfant-là.

Et, malheureusement, je pense que, on le sait, les budgets, les ressources sont manquantes. Dans le milieu scolaire, même les enfants qui sont déjà que ce soit en deuxième, troisième année, souvent ils attendent très longtemps — quand ce n'est pas une année — avant d'avoir accès à des ressources. Même un orthopédagogue ou orthophoniste, il n'y en pas de budget pour ces services spécialisés là. Alors, si on veut les détecter… Ce n'est pas tout de détecter, là, il faut être capables de donner les ressources qu'il faut auprès des enfants.

Mme St-Amand : Quand ils sont en CPE puis que vous les détectez ou... vous avez un lien avec les CLSC, est-ce que vous êtes en mesure de... que les enfants puissent recevoir des services?

Mme Gosselin (Hélène) : Alors, dans ce que Mme Pitre-Robin disait, ce que je pense qui est un facteur favorable en CPE, c'est les ratios, premièrement, hein? Le fait que le ratio soit plus petit, les éducatrices ont davantage de temps pour observer chacun des enfants. Ils ont la moitié moins d'enfants, je vous dirais, en comparaison avec ce qui est prévu en maternelle quatre ans. Et, quand il y a des enfants...

Une voix : ...

Mme Gosselin (Hélène) : Oui, puis ils sont là toute la journée, ce qui donne beaucoup plus de temps aussi, hein? Ils passent 10 à 11 heures par jour dans nos services, donc beaucoup plus de temps. On peut les observer pas juste quand ils sont en apprentissage dans les activités, mais dans tous les moments de routine et de transition, et c'est souvent là que les problèmes de comportement sont plus évidents aussi. Et, quand on peut observer des difficultés chez les enfants, bien, à ce moment-là, on est en lien, en partenariat avec les CLSC de nos secteurs, de nos territoires, donc on peut faire appel à des intervenantes qui peuvent venir aussi observer dans les milieux qu'est-ce qu'on a pu voir, on peut confronter nos...

Une voix : ...

Mme Gosselin (Hélène) : Oui, pour que les enfants aient accès à des services. Mais la difficulté d'accès aux services, elle peut être aussi grande dans nos milieux qu'elle peut l'être pour l'école. Vous l'avez dit tout à l'heure, les orthophonistes, ce n'est pas parce qu'il y a un manque de besoins, mais il y a très, très peu d'orthophonistes qui offrent leurs services au niveau du public, là, dans le secteur public. Donc, ça, c'est une difficulté, effectivement.

Le Président (M. Caire) : 30 secondes.

Mme St-Amand : Bien, écoutez, en terminant, je veux juste vous remercier chaleureusement parce qu'effectivement, moi, je pense que vous êtes des acteurs incontournables et je pense que tout le monde a bien compris ici qu'on devrait vous intégrer dans le processus à venir pour nos petits enfants de quatre ans. Merci.

Le Président (M. Caire) : Merci beaucoup. Donc, je vais passer la parole à la députée de Montarville pour cinq minutes.

Mme Roy (Montarville) : Merci, M. le Président. Écoutez, je dirais que ma collègue la députée de Trois-Rivières m'a scoopée, et j'aimerais poursuivre dans la même veine. Parce qu'on parle de ces jeunes, de ces tout-petits de quatre ans, on veut les envoyer en maternelle très tôt pour qu'ils aient des chances. Et, comme les enfants, il faut les prendre très, très jeunes, je veux que vous me parliez de votre rôle, entre autres, pour dépister les problématiques, mais également les services qui peuvent être offerts et qui sont offerts. Dans quelle mesure — de un, vous en dépistez plusieurs — on peut les aider déjà à la garderie, ces petits, à pouvoir maximiser leur plein potentiel une fois arrivés à l'école? Parce qu'on a entendu les directeurs d'école, et il manque de services, il en manque actuellement en maternelle de cinq ans. Alors, comment faites-vous pour y arriver?

Mme Gosselin (Hélène) : Alors, dans les CPE, on travaille en étroite collaboration avec les parents, qu'on côtoie au quotidien. On les voit, les parents, le matin, on les voit en fin de journée, on les côtoie au quotidien. Donc, c'est évident… Aussi, on reconnaît que les parents sont les premiers responsables de l'éducation de leur enfant. Donc, dès que des observations peuvent être faites qui nous laissent à penser que l'enfant va avoir des besoins un peu plus grands à combler, des besoins particuliers, il y a des rencontres, d'abord, qui s'amorcent avec les parents — c'est la base, hein, ce sont les parents de l'enfant — et, par après, on peut faire appel à des intervenants par le biais des CLSC ou des CSSS. Et, très souvent, quand la nature des besoins est assez importante, il y a des plans d'intervention individualisés qui sont élaborés pour les enfants pour qu'on puisse intervenir de façon très appropriée selon les besoins qu'ils ont. Et tout ça est fait en collaboration avec les parents. Les parents sont aussi prenants du plan d'intervention, et on opère à ce moment-là. Et on peut le faire... Quand les enfants entrent plus tôt qu'à quatre ans, on peut commencer… Dès que les enfants arrivent, à deux ans, trois ans, on peut commencer ce type d'intervention plus ciblé pour bien répondre aux besoins plus particuliers de certains des enfants.

Mme Roy (Montarville) : Et savez-vous si ce plan d'intervention est suivi et poursuivi lorsque l'enfant entre à la maternelle cinq ans?

Mme Gosselin (Hélène) : Normalement, quand les enfants sont déjà dans un plan d'intervention avec le CLSC ou le CSSS, les intervenants continuent par la suite, et on s'assure avec le CPE de l'arrimage pour l'école. Très souvent, il y a une passerelle qui est faite, d'ailleurs, avant que les enfants entrent à l'école. Il y a une première rencontre qui est faite avec les enseignants ou l'enseignant de l'enfant, la direction de l'école, et il y a un transfert, effectivement, du plan d'intervention, puis les intervenants du CSSS vont continuer à suivre l'enfant lors de son entrée à l'école, oui, effectivement.

Mme Roy (Montarville) : Donc, vous êtes des agents de dépistage très précoce, c'est ce que je comprends.

Mme Gosselin (Hélène) : Tout à fait.

Mme Roy (Montarville) : Par ailleurs, il y a une question qui... Vous qui connaissez bien le milieu, les parents, les quartiers, vous êtes au sein même des quartiers, les CPE, si les fameux CPE étaient totalement gratuits — mais là je dis bien totalement gratuits — pour des parents issus de milieux défavorisés, croyez-vous que ces parents préféreraient envoyer leur enfant dans un CPE ou une maternelle quatre ans?

Mme Pitre-Robin (Claudette) : Je pense qu'il n'y a pas eu vraiment d'étude sérieuse faite à cet égard-là. Par contre, si les places sont là, puis, finalement c'est gratuit, on pourrait faire le même démarchage que font les commissions scolaires par codes postaux. Je sais qu'actuellement beaucoup de gens des CPE nous disent que les commissions scolaires appellent directement au domicile des familles pour leur offrir de venir inscrire leur enfant là, il y a un contact direct dans la famille. C'est des choses qu'on pourrait très bien faire également, là. Il s'agit de créer le lien de confiance par toutes sortes de façons de faire, par des activités, par des rencontres, etc. Je pense que, ça, on a... ce n'est pas des choses qu'on a explorées à ce moment-ci parce qu'il manquait de places. Alors, c'était inutile de faire valoir aux gens tout ce qu'ils auraient s'ils avaient une place, alors que, finalement, il n'y en avait pas, de place. Mais je pense qu'il y a du démarchage beaucoup plus... de façon beaucoup plus intensive, avec également les CLSC, qui, souvent, rencontrent de ces familles-là, mais ils savent qu'il n'y a pas de place, de toute façon. Alors, notre problématique est un problème de places qui devrait se régler d'ici, là, les trois prochaines années. En tout cas, on le souhaite.On mettra toute l'énergie qu'il faut pour que ça se règle d'ici les trois prochaines années.

Mme Roy (Montarville) : Et, rapidement, ma question était : Si ces parents savaient… ou avaient accès et que c'est totalement gratuit, le CPE et la maternelle quatre ans, selon vous, que choisiraient-ils?

• (18 h 20) •

Mme Pitre-Robin (Claudette) : Bien, moi, je pense que, s'ils ont accès plus tôt que quatre ans déjà et qu'ils savent, finalement, que ce n'est pas contraignant... En service de garde, on ne dit pas : Il faut que vous rentrez à 8 h 45 puis vous partez à 5 h 10, là, O.K., ou... Tu sais, ce n'est pas contraignant, il y a de la place, il y a de la rencontre. Je pense que, là-dessus, bien soutenus, les parents seraient fort intéressés à être dans les CPE. Mais il faudrait le voir, puis on n'a pas fait de recherche systématique là-dessus, hein?

Le Président (M. Caire) : Merci beaucoup. Malheureusement, ça complète le temps qui était imparti au deuxième groupe d'opposition. Donc, Mme Gosselin, Mme Pitre-Robin, je vous remercie de votre participation.

Et, les groupes prévus à l'horaire ayant tous été entendus, la commission ajourne ses travaux au mardi 30 avril, à 10 heures. 

(Fin de la séance à 18 h 21)

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