L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission de la culture et de l’éducation

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission de la culture et de l’éducation

Version finale

41e législature, 1re session
(20 mai 2014 au 23 août 2018)

Le jeudi 7 septembre 2017 - Vol. 44 N° 74

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 144, Loi modifiant la Loi sur l’instruction publique et d’autres dispositions législatives concernant principalement la gratuité des services éducatifs et l’obligation de fréquentation scolaire


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Auditions (suite)

Association québécoise des cadres scolaires (AQCS)

M. Julien Prud'homme

Association chrétienne des parents-éducateurs du Québec (ACPEQ)

Association québécoise du personnel de direction des écoles (AQPDE)

Fédération des comités de parents du Québec (FCPQ)

Mme Sivane Hirsch

Mémoires déposés

Autres intervenants

Mme Filomena Rotiroti, présidente

M. Pierre Michel Auger, président suppléant

M. Sébastien Proulx

M. Alexandre Cloutier 

M. Jean-François Roberge

*          M. Rémi Asselin, AQCS

*          M. Roch-André Malo, idem

*          M. Jean-François Parent, idem

*          M. Patrice Boileau, ACPEQ

*          M. André Riendeau, idem

*          Mme Manon Fortin, idem

*          Mme Danielle Boucher, AQPDE

*          M. Carl Barrette, idem

*          Mme Corinne Payne, FCPQ

*          Mme Lyne Deschamps, idem

*          M. Louis Émond, accompagne Mme Sivane Hirsch

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Neuf heures trente-trois minutes)

La Présidente (Mme Rotiroti) : Alors, bon matin à tous. À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte, et je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 144, Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique et d'autres dispositions législatives concernant principalement la gratuité des services éducatifs et l'obligation de fréquentation scolaire.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Aucun, Mme la Présidente.

Auditions (suite)

La Présidente (Mme Rotiroti) : Merci. Alors, on accueille ce matin l'Association québécoise des cadres scolaires. Merci d'être parmi nous. Alors, je vous demanderai de vous identifier ainsi que les gens qui vous accompagnent, et vous disposez de 10 minutes pour votre présentation, et par la suite on passera à une période d'échange entre les élus. Alors, M. Asselin, la parole est à vous.

Association québécoise des cadres scolaires (AQCS)

M. Asselin (Rémi) : Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes et MM. les membres de la commission, je me présente, Rémi Asselin, président de l'Association québécoise des cadres scolaires. Je suis également directeur des ressources informatiques à la commission scolaire Marguerite-Bourgeoys. Pour l'occasion, je suis accompagné de M. Roch-André Malo, directeur de l'organisation scolaire à la commission scolaire de la Seigneurie-des-Mille-Îles, et présent ici à titre de président de notre commission professionnelle de l'organisation scolaire, et de M. Jean-François Parent, directeur général de l'Association québécoise des cadres scolaires.

L'AQCS représente plus de 2 200 membres dans l'ensemble des commissions scolaires du Québec. Elle rassemble, soutient, informe et représente aussi bien des cadres dirigeants des établissements scolaires que ceux travaillant dans les différents services administratifs des commissions scolaires.

D'entrée de jeu, l'AQCS salue les intentions contenues dans le projet de loi n° 144, qui s'inscrivent dans le prolongement de la première politique de réussite éducative déposée en juin 2017. Pour que tous puissent réussir, encore faut-il que tous aient une chance égale de réussir. Notre intervention sera divisée en trois volets : la scolarisation à la maison, l'obligation de fréquentation scolaire et la gratuité scolaire.

Débutons par la scolarisation à la maison. Pour des raisons aussi personnelles que variées, les parents choisissent de s'engager dans une démarche de scolarisation à la maison pour leurs enfants. Néanmoins, elle devrait s'accomplir dans le respect des apprentissages demandés à tous les enfants du territoire québécois.

Pour les membres de l'AQCS, scolariser son enfant à domicile, c'est un droit assorti de grandes responsabilités qu'on obtient après avoir rempli un ensemble de conditions. Nos propositions d'amendement à l'article 2 visent à garantir la qualité du projet d'apprentissage et le développement de l'enfant concerné.

D'abord, le projet de loi tel que libellé fait référence à un enseignement approprié, alors que la loi actuelle mentionne un enseignement équivalent à celui qui est dispensé à l'école. Par conséquent, le nouveau vocabulaire utilisé diminue les exigences en évacuant la notion d'évaluation. Pour l'association, l'enfant doit impérativement recevoir à la maison un enseignement répondant aux exigences des programmes d'études établis par l'État.

Aussi, la nouvelle mouture de la loi prévoit que le projet d'apprentissage soit soumis à la commission scolaire et mis en oeuvre par ses parents. Nous demandons aux parlementaires à ce que l'article 2 prévoie que les parents soumettent plutôt pour approbation à la commission scolaire le projet d'apprentissage. De notre point de vue, un simple dépôt est insuffisant pour garantir la qualité et la réussite.

Par ailleurs, l'association juge fondamental que des mécanismes d'évaluation soient définis dans le futur règlement pour les enfants scolarisés à la maison, puisque l'évaluation des apprentissages constitue un indicateur incontournable pour mesurer la réussite d'un élève et la progression de ses apprentissages.

À ce titre, il est essentiel que la commission scolaire dispose du pouvoir, autant à mi-parcours qu'à la fin de l'année scolaire, de retirer la dispense de l'obligation de fréquentation scolaire si elle constate que les compétences ne sont pas acquises et que les objectifs ne sont pas atteints. Cette procédure vise à éviter que du retard s'accumule à l'issue d'une année ou d'un cycle scolaire et que l'enfant puisse à tout moment dans son parcours réintégrer l'école et obtenir un diplôme ou une qualification.

Sur la question de la sanction des études, l'association prend position pour que le guide de sanction des études trouve application tant pour les élèves fréquentant un établissement scolaire que pour les enfants scolarisés à la maison. Notre mémoire indique la procédure qui devrait être suivie selon les différents cycles du primaire et du secondaire en termes de portfolio, d'évaluation ou d'épreuves ministérielles. À nos yeux, il s'agit de mécanismes d'évaluation et de suivi minimaux afin de garantir un accès égal à la diplomation tout en préservant la souplesse qui sous-tend la scolarisation à la maison.

Dans un autre ordre d'idées, l'article 7 sème une confusion supplémentaire dans la terminologie en remplaçant «scolarisé à la maison» par «qui reçoit un enseignement à la maison». Selon nous, il serait préférable de conserver la notion de scolarisation à la maison dans le cadre d'un projet d'apprentissage et de parler d'enseignement à domicile lorsqu'on fait référence au service dispensé par la commission scolaire, par l'entremise de ses enseignants appelés à se déplacer à la maison.

Enfin, l'article 12 prévoit la création d'une table de concertation nationale en matière d'enseignement à la maison sur laquelle l'AQCS veut siéger.

Parlons maintenant de l'obligation de fréquentation scolaire. Dans le projet de loi, le ministère pourra dorénavant conclure des ententes avec des organisations publiques qui, grâce au croisement en information, permettront de s'assurer que tous les enfants visés par l'obligation de fréquentation scolaire sont inscrits dans un établissement. Plus encore, le projet de loi se donne les moyens pour contrer les établissements d'enseignement non reconnus ou ne répondant pas aux exigences. Nous sommes totalement en accord avec cette approche.

Par ailleurs, nous croyons que la commission scolaire devrait non seulement procéder à des signalements à la DPJ, tel que cela est déjà prévu, mais également au ministère de l'Éducation, qui pourra alors rapidement intervenir, notamment dans le cas des écoles illégales.

Dans la même lignée, l'AQCS revient à la charge avec sa demande d'abaisser l'âge visé par l'obligation de fréquentation scolaire et que les enfants y soient assujettis dès l'âge de cinq ans. De nos jours, avec l'enseignement préscolaire qui fait intégralement partie du cycle d'apprentissage de l'enfant et avec les nouvelles maternelles quatre ans, il est particulier que cette obligation ne débute, encore aujourd'hui, qu'à l'âge de six ans. Ce faisant, les commissions scolaires pourraient débuter un an plus tôt les démarches destinées à faire respecter l'obligation de fréquentation scolaire chez certains enfants.

Sur la relation avec la DPJ, l'AQCS se réjouit que cette organisation sera appelée à jouer un rôle beaucoup plus actif dans le traitement des enfants ne répondant pas à leur obligation de fréquentation scolaire. Toutefois, l'expérience passée démontre que les ressources dont dispose la DPJ ne permettent pas de prioriser ces demandes, considérant que la santé de ces enfants ne semble généralement pas compromise et leurs besoins vitaux, comblés. Il nous apparaît incontournable qu'elle dispose des ressources suffisantes afin de donner suite aux signalements effectués par les commissions scolaires.

• (9 h 40) •

Maintenant, passons au volet sur la gratuité scolaire. Dès l'article 1, le gouvernement énonce que le principe de gratuité est rattaché au titulaire de l'autorité parentale au sens du Code civil du Québec, et non au parent au sens de la LIP, qui inclut toute personne qui assume de fait la garde de l'enfant. Ces deux concepts ne font pas référence aux mêmes catégories de personnes. Dans le même énoncé, le projet de loi précise que le titulaire de l'autorité parentale ou l'élève majeur doit demeurer de façon habituelle au Québec. L'AQCS invite les parlementaires à clarifier ces deux concepts afin de s'assurer d'une interprétation uniforme à travers l'ensemble du territoire québécois et d'éviter certaines dérives. L'AQCS recommande également que l'élève doive demeurer en sol québécois pour avoir accès gratuitement à la formation professionnelle ou à la formation générale et aux adultes. Dans certains programmes de formation professionnelle, les cours sont offerts à distance, et un élève de 16 ou 17 ans demeurant à l'étranger, mais dont le titulaire de l'autorité parentale demeure habituellement au Québec, pourrait y avoir accès gratuitement.

En vue de réaffirmer les principes de gratuité qui sont élargis, l'association propose une réécriture de l'article 3 de la présente LIP, qui simplifierait et accélérerait le processus d'admission scolaire. En outre, prévoir les exceptions par règlement au lieu de les enchâsser dans la loi offrirait une plus grande souplesse.

Enfin, à l'article 6, il est prévu que la commission scolaire puisse exempter un élève ou ses parents du paiement de la contribution financière exigible pour des motifs humanitaires ou pour lui éviter un préjudice grave. L'AQCS questionne la nécessité de déléguer ce pouvoir aux commissions scolaires, qui seront alors prises dans une situation particulière, puisque leur décision pourra avoir des conséquences importantes pour le gouvernement, qui devra financer également ces élèves.

En conclusion, nous accueillons positivement le dépôt de ce projet de loi. Quoique perfectible et méritant d'y apporter certains ajustements, cette pièce législative a le mérite d'ajouter les balises nécessaires. Au-delà des dispositions du projet de loi, beaucoup d'orientations trouveront écho à l'intérieur du règlement. Si leur contenu demeure pour le moment inconnu, nous en appelons à l'ouverture habituelle du ministre pour que ses précisions à venir reflètent le consensus qui se dégagera de cette commission parlementaire.

Encore une fois, l'AQCS saisit l'occasion qui se présente pour renouveler l'esprit de collaboration qui l'anime au quotidien et le rôle de facilitateur qu'elle entend jouer dans le déploiement et la mise en oeuvre de ce projet de loi.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Merci beaucoup, M. Asselin. On va passer à la période d'échange entre les élus. Alors, je cède la parole à M. le ministre pour environ 22 minutes.

M. Proulx : Merci, Mme la Présidente. Bon matin à tous et à toutes. Merci, messieurs, d'être ici aujourd'hui, très heureux de vous recevoir à cette commission parlementaire. D'abord, merci pour votre mémoire. Vous dites, bien entendu... C'est très clair, vous faites les recommandations et les propositions qui sont les vôtres, et surtout en lien avec votre expérience et expertise dans le milieu et dans le réseau.

Et j'ai, bien entendu, quelques questions aussi, quelques commentaires. Déjà pour répondre à certaines de vos interrogations, peut-être vous parler, dans les recommandations, dans les choses qui sont simples et méritent peut-être moins de temps... Vous aviez la recommandation 6, au niveau de l'appellation, où, je pense, vous faites référence à la possibilité d'une certaine ambiguïté avec l'enseignant, l'enseignement, ce qui se fait à l'école, ce qui ne se fait pas à l'école. Je pense que, si vous avez suivi un peu hier, ou en tout cas, vous avez vu qu'il va vraisemblablement se dégager un consensus pour qu'on ait les bons mots, et là-dessus vous pouvez compter sur nous et sur les parlementaires pour s'assurer de ne pas créer cette confusion-là où elle ne doit pas être.

Vous parlez de la direction de la protection de la jeunesse. Bien entendu, je vais me limiter à faire la gestion des travaux qui sont les miens et des ministères qui sont les miens, j'en ai déjà pas mal, mais il y a une réalité, par contre, c'est que vous avez vu que nous avons également, comme gouvernement, déposé des amendements à la Loi sur la protection de la jeunesse, que ma collègue étudie actuellement. Il y a, en tout cas, une conformité dans l'esprit et dans l'action, mais il y a une cohérence dans l'action gouvernementale, de dire que, si on souhaite un meilleur encadrement, une meilleure accessibilité, surtout un respect plus grand et plus important des possibilités de s'assurer de la fréquentation scolaire, bien, en même temps, on établit, je pense, ou on ajoute, ou on soulève... prenez-le comme vous voulez, il y aura moins d'ambiguïté sur ce que veut dire la compromission du développement global de l'enfant avec les amendements qui sont proposés au projet de loi n° 99, actuellement, de ma collègue. Donc, là-dessus, je pense qu'il faut voir ces actions comme étant liées, dans la mesure où c'est tous ensemble qu'on va réussir, avec les différentes modifications qu'on doit apporter. Je vous apporte d'ailleurs, dans le cadre du projet de loi n° 144, des modifications à une loi, qui n'est pas la LIP, qui est celle sur l'assurance maladie. Encore une fois, pourquoi? Bien, pour être capables d'agir en cohérence et pour pouvoir faire ce qu'on dit et ce qu'on veut faire.

J'avais quelques questions concernant vos premières recommandations. Bien sûr, sur le règlement, j'entends ce que vous me dites. Bon, il semble y avoir beaucoup de... je vais utiliser le terme moins français, ou ce n'est peut-être pas le meilleur, mais beaucoup de «suspense» autour du règlement. Je comprends et j'entends, ça a été bien indiqué par les collègues, également, assis en face de moi. Bien entendu, il y a des éléments qui ne seront pas dans la loi, qui seront dans un règlement. On n'a jamais fait une loi qui n'a pas de règlement et on ne peut pas tout mettre dans la loi. Je comprends, par exemple, qu'on devra avoir des discussions, puis je pense qu'il y aura des orientations à donner et des explications aussi à donner sur vers quoi on veut aller.

Là-dessus, je veux rassurer tout le monde en disant que, cette ouverture-là, je l'ai, je vais la conserver. En même temps, il y a aussi des éléments qui se retrouveront dans un règlement. Pourquoi? Bien, parce qu'on va mettre en place un processus de concertation aussi avec les différents partenaires, auquel vous souhaitez être conviés. Alors, ce n'est pas vrai qu'on va tout déterminer ici non plus, alors qu'on va convenir ensemble que ça prend de la flexibilité. Alors, tu sais, à un moment donné, là, il y a un juste équilibre dans tout ça. On peut faire peut-être davantage dans la loi, on verra, mais on ne peut pas écrire tout de suite l'ensemble du règlement à être déposé aujourd'hui, c'est entendu qu'il faut travailler en deux temps, même si, dans le cadre de l'étude article par article, je pense qu'on aura la chance d'en discuter.

Alors, je reviens aux deux premières recommandations qui ont soulevé chez moi des questions. Vous dites : D'abord, on devrait, si on est un parent qui souhaite être un parent-éducateur, déposer une demande écrite plutôt qu'un avis, et, dans un deuxième temps, le projet d'apprentissage, que nous souhaitons voir obligatoire pour tous, devrait être soumis pour approbation à la commission scolaire, et non pour y être déposé. Alors là, je vais peut-être vous demander de me l'expliquer davantage, mais ça me donne l'impression que ce que vous souhaitez, c'est de vous donner ou de donner à un organisme ou à une entité la possibilité de refuser le projet. Et là, bien, on va avoir la chance d'en discuter, puis on n'est pas tous des experts de cette question-là, mais je ne suis pas certain qu'on peut refuser. Je pense qu'on peut convenir que le projet est bon ou pas bon, ou est valable ou ne l'est pas. Je pense qu'il y a des mécanismes, dans la loi, pour pouvoir s'assurer qu'un enfant n'est pas compromis dans son développement global, mais je ne pense pas qu'on a la capacité, dans une commission scolaire, de refuser un projet de loi puis dire : Vous, c'est non, il faut venir à l'école, dans la mesure où il y a des décisions qui ont déjà édicté très clairement que ce droit-là de l'éducation à la maison, des apprentissages à domicile existe et que c'est d'ailleurs prévu par la loi. Ce n'est pas la règle, c'est une exception, mais une exception qui est prévue. Alors, ce n'est pas une discussion facile, qui ne se règle pas en quelques minutes, je le sais. Mais je voulais juste savoir où vous étiez quand vous l'avez inscrit ainsi, parce que ça me semble plus limitant ou, en tout cas, plus limitatif que la réalité. Voilà.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Merci, M. le ministre. M. Asselin.

M. Asselin (Rémi) : Mme la Présidente, je vais laisser M. Malo répondre.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Oui? Alors, M. Malo.

M. Malo (Roch-André) : Alors, effectivement, c'est une question qui est sensible, on s'en doute bien. Cela dit, nous, on fait un peu le parallèle. Dans la Loi sur l'instruction publique, le directeur d'école, il doit s'assurer de la qualité des services éducatifs qui sont dispensés dans son établissement tout en respectant l'autonomie des enseignants. Nous, on pense, effectivement, que la commission scolaire devrait s'assurer de la qualité des services éducatifs qui sont dispensés à la maison tout en respectant et en reconnaissant l'autonomie du parent dans son choix de scolariser son enfant à la maison.

• (9 h 50) •

La Loi sur l'instruction publique, ici, qui va être renforcée, vient vraiment insister sur l'obligation de fréquentation scolaire. Quelle valeur on veut y donner? On pense, nous, qu'un enfant au Québec doit cheminer à travers soit l'école soit à travers le projet d'apprentissage qui a été conclu entre l'école... pas l'école, mais entre la commission scolaire et les parents. Il est certain qu'un projet d'apprentissage doit être soumis à la commission scolaire. Pour nous, c'est pour approbation. Dans le fond, c'est d'être capables de se dire : Oui, ce projet d'apprentissage là va permettre à cet enfant-là de cheminer, de progresser. Et on pense que, par règlement, comme on le spécifie dans notre troisième recommandation, les contenus du projet d'apprentissage, les modalités d'évaluation, certains éléments devraient être prévus justement pour bien encadrer tout ça et qu'on soit dans un modèle d'ouverture et de collaboration avec les parents.

M. Proulx : Ah! si je comprends bien ce que vous dites, puis encore une fois ça va faire partie des discussions, puis on est là pour avoir ces échanges-là, on est ici pour ça, dans le fond, ce que vous dites, c'est... Vous utilisez «approbation» pour être capables de statuer de la valeur du projet éducatif ou du plan d'apprentissage, mais vous ne pensez pas ou vous ne dites pas : Nous avons l'autorité pour convenir ou non si le parent peut exercer ce choix. J'essaie de la placer de la bonne façon, là, puis d'utiliser les bons mots pour... Dans le fond, est-ce que vous exprimez une limite au droit ou vous dites : Nous, on veut travailler dans l'appréciation du plan d'apprentissage? Peut-être que, si j'explique comme ça, c'est différent.

M. Malo (Roch-André) : En fait, là, on ne veut pas limiter le droit. Le droit, il est bien clair. C'est un droit que le parent a de faire de la scolarisation à la maison avec son enfant. Par contre, la dispense de scolarisation, c'est de ça dont on parle, nous, dans nos recommandations. Le projet d'apprentissage devrait être mesure de nous donner de bonnes indications. Est-ce que cet enfant-là va progresser? Est-ce que c'est enfant-là, à travers ce projet d'apprentissage là, va cheminer à un rythme qui va être équivalent? Puis je parle de rythme, je devrais aussi parler de contenu équivalent, parce qu'une de nos recommandations aussi, c'est de maintenir le terme «équivalent» pour que cet enfant-là éventuellement ait accès à une diplomation ou à une qualification, pour que cet enfant-là puisse éventuellement, dans certains cas, réintégrer le système scolaire. C'est cette appréciation-là qu'on veut être en mesure d'avoir et qu'on veut être en mesure de mettre de l'avant pour travailler avec le parent. L'objectif n'est pas seulement de dire : Bien, à partir de maintenant, vous ne pouvez plus, mais quels correctifs on devra apporter, qu'est-ce qu'on peut améliorer au projet d'apprentissage. Si on fait seulement nous déposer et que tout ce qu'on a à faire, c'est le prendre et donner la distance, bien, nous, on pense qu'on manque à nos obligations puis à notre rôle.

M. Proulx : C'est intéressant puis enrichissant d'avoir cette discussion-là parce que vous aurez compris que, bien, il y a des choses sur lesquelles, je pense, on peut à peu près dire la même chose dans la mesure où le règlement, en tout cas dans notre proposition et dans notre réflexion, va donner des caractéristiques du plan des apprentissages ou, en tout cas, des éléments qui devraient s'y retrouver, là, au niveau des orientations. Je pense, là-dessus, vous dites un peu la même chose. Là où je pense que... s'il faut faire une réflexion à l'égard de votre recommandation, c'est dans le choix des mots, en s'assurant qu'évidemment ce ne soit pas une expression d'une restriction du droit ou d'une limite à un droit qui, lui, ne peut pas en avoir dans ce contexte-là.

Alors, bien, vous aurez compris que c'est ça qu'il faut... Elle est là, cette ligne mince ou, en tout cas, l'objectif de ne pas se tromper. Parce que l'idée, ce n'est pas de refaire la classification de ces droits-là, c'est de travailler à l'intérieur de ceux-là pour, nous, avoir, un, pas le sentiment, mais l'assurance que l'ensemble des enfants du Québec ont le droit à une éducation qui est aussi un droit, mais qu'à l'intérieur de ça puisse s'exprimer aussi ce droit-là des parents. Et là je ne joue pas à la hiérarchisation des droits quand je dis ça. Ce que je dis, c'est qu'il faut être capables de convenir de ces assises, parce qu'il y en a plusieurs, pour déposer notre projet.

J'aurais peut-être aimé vous entendre sur deux autres aspects. D'abord, vous avez une expérience à la commission scolaire. Certaines commissions scolaires ont conservé la responsabilité de la collaboration avec les parents-éducateurs, d'autres, dans d'autres cas, c'est dévolu ou délégué aux écoles. Votre expérience du comment ça se passe m'intéresse. Et, dans un deuxième temps, j'aurais voulu qu'on parle des sans-papiers à la lumière de ce que nous proposons comme simplification de la bureaucratie notamment ou de l'administration pour pouvoir leur permettre de s'inscrire à l'école dans le cadre de la gratuité. J'aurais voulu savoir si ce que nous proposons est en lien avec ce que vous faites ou, en tout cas, ce que vous suggérez de faire.

Une voix : M. Malo, toujours.

M. Malo (Roch-André) : Je peux commencer par les sans-papiers, là, vous nous amenez là. Les enfants qu'on appelle des sans-papiers... vous nous demandez, sur le plan administratif, ce qu'on s'apprête à faire, est-ce que ça correspond à notre réalité. En fait, de côté-là, de notre côté, nous, on demande la réécriture. On recommande la réécriture, là, de l'article 3 parce que, dans le projet de loi actuel et dans la Loi sur l'instruction publique actuelle, on vient statuer sur la gratuité, l'accès gratuit aux services, sur le statut du parent. Donc, il faut d'abord établir le statut du parent, et ça, ça peut devenir complexe. Ça peut prendre un certain délai, qui ne relève pas de la commission scolaire, qui va relever de la difficulté du parent à fournir toutes les preuves nécessaires pour établir le statut.

On comprend bien que le projet de loi ici, pour nous, amène une ouverture additionnelle et insiste sur cet aspect-là de la gratuité. Ce qu'on pense, c'est qu'un enfant, au Québec, on devrait venir camper... le partir, partir vraiment de l'enfant en nommant que toute personne visée à l'article 1 a droit à la gratuité scolaire, et, à partir de là, bien, tout enfant, on prend pour acquis qu'il réside au Québec, on peut l'accueillir, il va rentrer dans nos instances, on va pouvoir le scolariser rapidement, lui offrir des services, répondre à l'ensemble des défis que ces enfants-là vivent en arrivant ici le plus rapidement possible, et que, par règlement, on pourrait venir statuer sur des exceptions. Exemple : ce qu'on peut appeler le tourisme scolaire. Il y a des jeunes qui viennent passer un an ici, de familles bien nanties ailleurs dans le monde, d'Allemagne, par exemple. Bien, ces jeunes-là défraient le coût nécessaire à leur scolarisation, et ça, ce n'est jamais un problème.

Donc, en inversant un peu, là, la prémisse de base de dire : Ce n'est pas sur le statut du parent — un enfant au Québec, il vit ici, bien, il a accès aux services et il y a accès de façon gratuite — automatiquement, là, il y aurait beaucoup de choses au niveau administratif qui pourraient être simplifiées et qui permettraient une gestion du dossier administratif, puis l'enfant, en fait, et ses parents ne sont pas préoccupés par ce volet-là. Ils devraient être préoccupés par l'intégration rapide de l'enfant à l'école, et ça nous permettrait d'agir en conséquence.

M. Proulx : Bien reçu, à ce sujet-là. Alors, dites-moi donc comment les choses se passent?

M. Malo (Roch-André) : Par rapport à la scolarisation à domicile, comment les choses se passent? C'est sûr que ça a déjà été mentionné à la commission, il y a 72 commissions scolaires et des pratiques bien variées d'un endroit à l'autre et un nombre de demandes variées d'une commission scolaire à l'autre aussi. Il y a été mentionné aussi que ces... on a presque qualifié certaines pratiques... nous, on ne qualifiera pas. Je pense que, de notre côté, à l'association, ce qu'on voit, c'est plusieurs commissions scolaires qui travaillent pour offrir le meilleur service possible en fonction de leur réalité, de leur niveau de centralisation ou décentralisation de ces jeunes-là. Effectivement, pour avoir parlé avec certains collègues, à certains endroits, c'est vraiment dans l'école, la direction d'école qui accueille, puis, quand on dit la direction, ça peut être des membres du personnel des services complémentaires qui vont accueillir et qui vont faire le nécessaire pour faire cheminer le projet de scolarisation. Pour notre part, on a un modèle qui est centralisé, donc c'est une conseillère pédagogique qui accueille ces élèves-là... pas ces élèves-là mais ces parents-là, et ensuite le projet d'apprentissage est soumis à la commission scolaire, et on chemine ainsi. De notre côté, on organise aussi une session d'épreuves pour ces élèves-là, pour s'assurer du cheminement, du développement, de l'acquisition des connaissances et des développements des compétences.

Cela dit, ça reste un défi parce que, dans plusieurs cas, les motifs qui vont mener un parent à demander une scolarisation à la maison sont très variés et il y a parfois des éléments de fuite face à un réseau scolaire qui ne correspond pas, selon les parents, aux besoins de leur enfant. Ça peut être aussi dans un contexte où un parent n'a pas eu une belle expérience scolaire et veut faire vivre autre chose à son enfant. Mais, dans la plupart des cas, on reste centré sur l'objectif de réintégrer éventuellement cet enfant-là, d'avoir des objectifs de diplomation, de qualification de ces enfants-là. Et ça devient très difficile de faire le suivi du cheminement quand, à un moment donné, les élèves ne progressent pas bien. Et on perd souvent la trace de ces jeunes-là, de ces familles-là, et on agit en conséquence, on travaille en collaboration avec le DPJ, mais malheureusement il y a des situations qui ne se concluent pas toujours positivement.

Il ne faut pas oublier qu'il y en a qui cheminent très bien quand même, là. On laisse sous silence tous ces dossiers-là et ces jeunes-là pour parler des exceptions aussi.

• (10 heures) •

M. Proulx : On a entendu plusieurs opinions déjà et, bien entendu, on va en entendre encore aujourd'hui. Ça donne l'impression parfois que, pour certaines commissions scolaires, ce n'est comme pas naturel, là, de travailler avec des gens qui font ces apprentissages à la maison dans la mesure où, je veux dire, tout est tourné vers des services à l'école et des services qui sont donnés à l'école à des enfants qui sont dans des locaux sous la responsabilité de la commission scolaire et du personnel de la commission scolaire. Alors, à la limite, des fois, ça peut même avoir l'air étrange, tu sais, comme affaire.

J'utilise ça juste pour pouvoir l'imager, en disant : Est-ce que vous êtes d'avis que nous devrions conserver cette responsabilité-là aux différentes commissions scolaires, en outillant différemment, en encadrant, ou on devrait aussi penser à agir différemment en ayant d'autres entités ou autorités qui pourraient, à d'autres niveaux, comme il peut se faire ailleurs... Ce n'est pas partout qu'on a le même modèle scolaire, ce n'est pas partout qu'on délègue aux commissions scolaires cette responsabilité. J'aurais voulu vous entendre là-dessus parce que, pour les endroits où c'est contre nature, bien, je vais me poser la question, c'est... Une roche, ça ne pleure pas. Quand même que je mets bien du poids dessus, je peux monter dessus, elle ne pleurera pas. Je veux dire, à un moment donné, il y a une limite, là, à ce qu'on peut faire faire aux gens. Alors, dans ce contexte-là, je me questionne, là, à savoir, tant qu'à être en discussion sur ce sujet-là, est-ce qu'on devrait réfléchir au-delà.

La Présidente (Mme Rotiroti) : M. Parent.

M. Parent (Jean-François) : Alors, bonjour. Là-dessus, M. le ministre, je ne pense pas qu'il s'agisse ici vraiment d'une question de l'organisation à laquelle on délègue cette responsabilité-là, que ce soient aux services éducatifs d'une commission scolaire par l'entremise d'un conseiller pédagogique ou que ce soit le directeur d'établissement lui-même qui s'occupe de cette responsabilité-là. Là, pour nous, dans notre connaissance et notre expérience du milieu, n'est pas la question. La question est beaucoup plus... Le malaise existe davantage au niveau des encadrements ou des obligations qui ne sont pas actuellement très claires. Alors, les commissions scolaires vont déterminer elles-mêmes certaines obligations, mais il y a des situations, puis des situations d'exception, où les parents fuient ces obligations-là.

Et là c'est ce qui nous a amenés beaucoup à réfléchir en disant : On vient, au Québec, d'adopter une politique de la réussite éducative, on tend beaucoup sur l'agir tôt, les interventions précoces, la collaboration avec les parents, ça fait partie des consensus qu'on a dégagés, alors nos interventions, nos recommandations s'orientent beaucoup dans ça. On a fait le lien en disant : Si on a une politique sur la réussite éducative au Québec, si on veut accroître nos taux de diplomation puis de qualification en 2030, bien, il faut que cette collaboration-là avec les parents, l'agir tôt, la transition entre la maison et l'école — parce qu'éventuellement ils réintègrent l'école — ça se passe bien. Donc, il faut être près de ces parents, et je pense que, nonobstant l'instance, c'est la proximité du parent et les obligations de l'un et de l'autre bien définies qui sont importantes. Et on attend du règlement que ces éléments-là soient... que le panier de services soit bien déterminé et les obligations de l'un et de l'autre soient bien déterminées également.

M. Proulx : Je vous remercie. Puis je comprends que notre temps est écoulé, alors on aura peut-être l'occasion d'en reparler à un autre moment, mais vous dire une seule chose en terminant, c'est dans ce contexte-là qu'il faut faire cette réflexion-là parce que, que ce soit à l'intérieur du réseau, à la tête du réseau, il faut trouver les bonnes personnes qui ont envie de travailler avec les parents pour réunir les conditions propices à cette collaboration. Merci.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Merci beaucoup, M. le ministre. On va passer du côté de l'opposition officielle, et je cède la parole à M. le député de Lac-Saint-Jean pour environ 14 minutes.

M. Cloutier : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, messieurs. Vous dites que les obligations de l'un et l'autre doivent être bien définies pour qu'on comprenne bien, j'imagine, le fonctionnement. Par contre, on ne sait rien au moment où on se parle. J'entendais M. le ministre vous dire : On aura la chance d'en rediscuter. Dois-je comprendre qu'il y aura des consultations sur le projet de règlement? J'essaie de comprendre. Vous, vous êtes d'avis qu'il devrait y avoir l'approbation du projet. Ce n'est pas nécessairement ce que... Je ne pense pas que ça fasse consensus. Je pense que, visiblement, il y a différentes écoles de pensée, mais ça devrait être tranché par le gouvernement, et, à ce stade-ci, on n'en a aucune espèce d'idée. Est-ce que vous auriez souhaité que le projet de loi nous donne déjà les indications pour qu'on discute de ces indications ou de s'en remettre, comme ça, à un projet de règlement où tout le monde devra se conformer, finalement?

La Présidente (Mme Rotiroti) : M. Parent, oui?

M. Parent (Jean-François) : On a déjà de bonnes indications dans le projet de loi. Quand on regarde, par exemple, l'article 2, on mentionne que les modalités seront déterminées par règlement et on dit : «[Les] principes directeurs de ce type d'enseignement, [les] caractéristiques du projet d'apprentissage, [...]l'évaluation de la progression [des apprentissages] de l'enfant et [le] processus applicable en cas de difficulté...» Pour nous, s'il y a un lien qui est fait avec le Programme de formation de l'école québécoise et les autres programmes de formation pour l'enfance en difficulté et si le lien est fait avec la Politique de la réussite éducative, déjà là, pour nous, on a de bons morceaux. Et, s'il y a possibilité pour nous d'intervenir par la suite et si on cherche notre expertise pour certains éléments plus pointus, bien, ça nous fera plaisir de collaborer, là, et on ouvre d'ailleurs la porte grande ouverte là-dessus.

M. Cloutier : Mais je ne vois pas le lien à l'article que vous parlez. Je vois les éléments de référence, c'est-à-dire le processus d'évaluation, mais je ne vois pas la phrase, la virgule en lien avec la Politique sur la réussite, ou en lien avec le régime pédagogique québécois, ou en lien avec la Loi sur l'instruction publique. Moi, je pense sincèrement que le libellé est suffisamment large et général pour que tout le monde soit relativement content du libellé puis que, vous, votre interprétation, c'est probablement qu'il y aura un encadrement, peut-être une évaluation sur une base régulière, mais je ne suis pas sûr que c'est l'interprétation de tout le monde.

M. Parent (Jean-François) : On voit difficilement — et vous le constaterez sans doute dans notre mémoire, notre position est claire — que l'on s'écarte d'une politique sur la réussite éducative, on voit difficilement que l'on s'écarte du Programme de formation de l'école québécoise et on voit difficilement qu'on s'écarte du guide de sanction des études.

On comprend, pour les enfants qui sont scolarisés à la maison, qui ont certaines difficultés d'apprentissage ou qui sont handicapés, ça demande de la souplesse, comme M. le ministre l'a mentionné, des critères adaptatifs, là. Ça, on voit ça aussi. Mais on ne voit pas qu'au Québec on puisse tous cheminer vers un accroissement du taux de diplomation et de qualification, parler d'agir tôt, parler de collaboration avec les parents et qu'on ait un règlement qui ne tienne pas compte d'une politique. On ne voit pas ça, ça ne serait pas cohérent. On n'envisage pas ça et on n'envisage pas non plus que, sur le plan de la sanction des études, il n'y ait pas des adaptations mais qu'il y ait de l'équivalence.

En fait, je vous dirais que ce qui nous préoccupe beaucoup, nous, dans le projet de loi — et on n'a pas eu l'occasion de l'évoquer, mais je vais en profiter maintenant — c'est que, dans le projet de loi comme tel, on parle, à l'article 2 : «Reçoit à la maison un enseignement approprié», alors qu'auparavant on avait «un enseignement équivalent». Alors, nous, on pense qu'il fait revenir à l'équivalence pour s'approcher des encadrements qu'on a présentement au niveau de notre système d'éducation au Québec. Alors, c'est pour ça qu'on revient sur le fait qu'on a une politique, c'est pour ça qu'on revient Programme de formation de l'école québécoise, c'est pour ça qu'on revient sur le guide de sanction des études, pour qu'on ait une cohérence puis qu'on chemine tous vers un meilleur taux de diplomation au Québec. Je ne crois pas qu'au Québec on ait la possibilité d'échapper des élèves et de ne pas bouger sur nos taux de diplomation et de qualification.

M. Cloutier : Quelles sont les personnes les mieux placées, à votre avis, pour faire les évaluations en cours de route? On a rencontré hier l'Association des orthopédagogues, qui nous suggérait que, selon eux, c'étaient eux les plus aptes à faire les bonnes évaluations et procéder aux suivis.

• (10 h 10) •

M. Malo (Roch-André) : C'est certain, puis c'est un petit peu en lien avec la dernière intervention qu'on a eue par rapport à quel devrait être le modèle, il faut tenir compte des réalités du Québec et de la proximité du service à certains endroits. Donc, on a des régions où c'est vraiment rural, c'est éloigné, et d'autres endroits, il y a une bonne densité au niveau des services. Qui peut offrir? C'est sûr qu'en ce moment on a des pratiques où l'école... des pratiques où c'est la commission scolaire. Est-ce que c'est nécessaire que ce soit un orthopédagogue? On ne pense pas. Ce qu'on pense, c'est que tout ça devrait être dans un projet d'apprentissage, avec des balises très, très claires, où on va être en mesure d'évaluer le cheminement de l'élève. C'est sûr qu'à la base, dans une école, dans une commission scolaire, ce sont les enseignants qui font l'évaluation des élèves puis qui vont soumettre leurs résultats et déterminer si l'enfant est en progression ou pas. Est-ce que c'est nécessaire? On est dans un contexte où là on est en scolarisation à la maison, et il faut s'assurer qu'on offre un service de proximité à ces parents-là qui est de qualité, en lien avec le projet d'apprentissage. On ne s'est pas penchés sur la personne qui devrait l'offrir.

M. Cloutier : Est-ce que je comprends de votre réponse, ce que vous dites, qu'il n'y a pas suffisamment d'orthopédagogues pour assurer un suivi partout sur le territoire québécois?

M. Malo (Roch-André) : Ce que je dis, à votre question en lien avec qui devrait assurer le suivi d'évaluation des apprentissages, c'est que ça devrait être des personnes qui ont une proximité avec les parents qui font le suivi, avec les parents, du projet et de l'application du projet d'apprentissage. C'est ce que je nomme, c'est ce qu'on considère important.

M. Cloutier : Très bien. Merci.

M. Parent (Jean-François) : Peut-être pour compléter, c'est une personne qui, sur le plan pédagogique, a les qualifications pour suivre ces enfants-là à la maison. Je pense qu'il y a un parallèle qui est important à établir. Quand l'enseignant détermine qu'il donne une note à un enfant dans une matière, en bout de piste c'est le directeur d'école qui signe sur le bulletin de l'enfant. Donc, en bout de piste, il y a quelqu'un qui va suivre cet enfant-là, mais il devrait y avoir quelqu'un, que ce soit soit la direction, si le pouvoir est délégué au niveau de l'école, ou encore le directeur des services éducatifs de la commission scolaire, qui appose, finalement, ou qui donne son approbation finale au cheminement, puis des apprentissages de cet enfant-là, et l'évaluation de cet enfant-là.

M. Cloutier : Vous nous suggérez aussi un suivi plus strict des enfants, de la liste des enfants qui résident sur le territoire qui pourraient ne pas remplir leur obligation de fréquentation scolaire. Est-ce que c'est réaliste? On est-u réellement capables de poser un diagnostic sur le nombre d'enfants sur un territoire qui ne fréquentent pas l'école? Parce que ce que j'ai compris hier aussi de nos conversations, c'est qu'il y a des enfants qui ne sont juste pas inscrits, qui n'apparaissent pas. Est-ce que, vraiment, on est capables de les identifier?

M. Parent (Jean-François) : Je pense que ça vaut la peine. Je pense que ça vaut la peine de l'essayer. Il y aura toujours un an 1 à un projet, et l'éducation, comme j'ai déjà déclaré ici, ce sera toujours une oeuvre inachevée. Alors, je pense que, dans un processus où on veut avoir un an 1 d'un projet, il faut débuter avec quelque chose. Et, nous autres, ce qu'on dit, c'est que, s'il y a un croisement de données avec la Régie de l'assurance maladie et qu'on est capables de sortir la liste des enfants, bien, on trouverait ça intéressant de l'obtenir, et ce, dès l'âge de cinq ans, ce qui nous amène à une fréquentation obligatoire à l'âge de cinq ans. Donc, si, la maternelle, on a de la difficulté, bien, parce que ça prend un certain temps à les retracer, au moins en première année ils devraient être là. Alors, si l'enfant ne fréquente pas l'école privée, si l'enfant ne fréquente pas le réseau anglophone puis si on ne l'a pas chez nous, dans nos écoles, bien, c'est là où il faut intervenir tout de suite.

Et, dans la proposition gouvernementale de faire des croisements de données avec la RAMQ, bien, on pense que, systématiquement, le ministère devrait nous fournir à chaque année cette liste-là assez tôt, puis là nous autres, on pourrait suivre ça de plus près. Moi, je pense qu'il y a quelque chose d'intéressant là, puis de le commencer dès la maternelle pour ne pas en échapper, parce que le processus de suivi peut quand même prendre un certain temps.

M. Cloutier : Mais, de mémoire, c'est 97 % des enfants qui s'inscrivent à la maternelle. Vous, vous souhaiteriez que tous les enfants s'inscrivent à la maternelle?

M. Parent (Jean-François) : C'est tout à fait juste. Dans une optique d'agir tôt, on s'est même questionné, au Québec, au niveau des maternelles quatre ans. Donc, nous, lors de la consultation publique sur la Politique de la réussite éducative, on a dit : Bien, si on en est à la maternelle quatre ans, puis qu'on se pose des questions, puis on se dit que l'école obligatoire est à six ans, bien là, il faudrait peut-être commencer par les cinq ans puis les rendre obligatoires. C'est la très vaste majorité des jeunes du Québec qui fréquentent le réseau préscolaire, bien, rendons-le obligatoire si on a des optiques d'intervention précoce puis d'agir tôt. On est des fervents tenants de ça depuis de nombreuses années. Et en même temps, sur un plan administratif, ça nous permettrait de rejoindre cette obligation de fréquentation là plus tôt, de sorte qu'en première année, dès qu'ils ont six ans, ils sont sur les bancs d'école.

M. Cloutier : Est-ce que c'est prévu ailleurs que c'est cinq ans, l'obligation de fréquentation scolaire?

M. Parent (Jean-François) : C'est six ans.

M. Cloutier : C'est six ans partout ailleurs?

M. Parent (Jean-François) : C'est six ans. Dans la Loi sur l'instruction publique, c'est six ans.

M. Cloutier : Mais la loi québécoise, mais est-ce que c'est le cas en Ontario, au Manitoba? Est-ce que vous avez fait le tour un peu?

M. Parent (Jean-François) : Je ne pourrais pas vous dire, on n'a pas fait le tour là-dessus. Mais là-dessus, dans le contexte du Québec, je pense que c'est quelque chose qu'on peut se permettre si on vise des taux de réussite et de qualification plus élevés.

M. Cloutier : Peut-être une dernière question, là. Vous êtes les premiers à soulever l'enjeu du nouveau pouvoir donné aux commissions scolaires, là, en ce qui a trait aux décisions concernant le paiement ou non pour les enfants... pas sans papiers, mais sans statut. Vous dites que c'est un pouvoir que vous pensez avoir de la difficulté à exercer.

M. Parent (Jean-François) : En fait, on veut mettre le gouvernement en garde contre le fait qu'on nous délègue un pouvoir. C'est correct. On se questionne là-dessus. Mais, si on nous le délègue, on va le prendre puis on va s'en occuper au meilleur de nos connaissances et de nos compétences. Mais déterminer si un parent a un profil financier favorable ou défavorable, s'il est solvable ou non solvable, s'il y a une cause humanitaire ou pas, il y a là une notion de subjectivité qui peut varier d'une commission scolaire à une autre et qui a un impact pour le gouvernement, si on décidait qu'effectivement il y a une cause humanitaire, parce qu'il y a un financement de 6 000 $, 7 000 $ par enfant. Donc, on dit : Oui, c'est probablement des cas d'exception, on va le faire, mais la compétence ou l'expertise dont on dispose pour déterminer de la solvabilité d'un parent, elle est limitée.

M. Cloutier : Je comprends très bien. Vous vous inquiétez aussi quant aux pouvoirs donnés à la DPJ, pas tant les pouvoirs que les ressources attitrées. Est-ce que vous constatez, dans le cadre de vos fonctions, qu'il y a un problème de ressources au DPJ?

M. Malo (Roch-André) : En fait, les écoles, les commissions scolaires répondent à leurs obligations qui sont prévues par la loi lorsqu'un enfant n'est plus en fréquentation scolaire, ne répond pas à son obligation, signalent, informent le DPJ tel que prévu par la loi. Actuellement, s'il n'y a pas d'autre motif de compromission, il n'y a pas ou très peu, en tout cas à notre connaissance, d'actions pour ramener ces enfants-là vers les bancs d'école. Donc, la problématique, elle n'est pas de la bonne foi du DPJ — on a de bonnes relations, généralement, avec les directions de protection de jeunesse — mais dans leur priorisation des dossiers. Un enfant qui est à la maison, il faut se dire la vérité, un enfant qui est à la maison, qui mange bien, qui n'est pas maltraité n'est pas reconnu comme étant en compromission, là, pour qu'il y ait une intervention.

M. Cloutier : Bien, oui, c'est intéressant. Il serait intéressant d'entendre aussi le DPJ. Mais, dans le fond, ce que vous dites, c'est : Il y a une obligation de fréquentation scolaire, il y a une dénonciation au DPJ. Selon vous, on ne respecte pas les critères d'apprentissage, mais il n'y a pas d'intervention — c'est ça que vous dites? — ou très peu.

M. Malo (Roch-André) : On doit constater qu'effectivement, souvent, ça arrive qu'il n'y a pas d'intervention, et cette intervention-là qui ramènerait l'enfant vers l'école ne trouve pas de suite.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Merci. Merci, M. le député. Merci. On va passer du côté de l'opposition officielle... le deuxième groupe de l'opposition officielle, et je cède la parole à M. le député de Chambly pour environ neuf minutes.

• (10 h 20) •

M. Roberge : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci pour vos interventions, vos réponses. J'ai seulement neuf minutes. J'en aurais pour beaucoup plus longtemps, vous avez abordé beaucoup de choses qui m'intéressent énormément.

Mon interlocuteur précédent, il parlait de la DPJ. C'est qu'avant le projet de loi n° 99, puis on a hâte de voir ce qui va arriver, la scolarisation, la non-scolarisation n'est pas considérée comme un facteur de négligence. En tout cas, ce n'est pas précisé qu'est-ce que c'est, une scolarisation adéquate, donc en ce moment la DPJ ne peut pas agir. Il y a aussi le problème de manque de ressources. C'est pour ça qu'en juin ma formation politique a déposé un projet de loi, justement, pour lier DPJ et ministère de... la Loi sur l'instruction publique en précisant qu'il y allait des ajouts de ressources.

Mais je veux revenir sur la fréquentation scolaire obligatoire à cinq ans, que vous proposez dans le mémoire. C'est un peu un pavé dans la mare. Vous êtes les premiers à porter ça. Mais en même temps c'est tout à fait dans le thème. Je ne dis pas nécessairement que je suis en faveur de ça, mais c'est dans le thème parce qu'en ce moment l'obligation de fréquentation scolaire, c'est six ans, donc le moment où les parents doivent présenter un projet d'apprentissage, c'est six ans. Ça ne veut pas dire qu'il ne se fait rien avant dans les maisons pour les gens qui font l'école à la maison ou la scolarisation en famille, mais là vous avez pris une position très, très claire pour que ce soit pour tout le monde, ceux qui vont à l'école ou ceux qui se scolarisent à la maison, ça doit être cinq ans. Donc, c'est une prise de position claire en faveur de la maternelle, en reconnaissant, là, les bienfaits du préscolaire. Quelle est votre position sur la prématernelle quatre ans, pour l'instauration d'un vrai cycle du préscolaire, comme il y a trois cycles au primaire, mais d'avoir un vrai cycle du préscolaire de deux ans? Quelle est votre position là-dessus?

M. Parent (Jean-François) : Pour les maternelles quatre ans, on n'a pas pris position là-dessus pour la simple et bonne raison que ce n'est pas dans le projet de loi comme tel, d'accord? Alors, comme association, je pense que, pour avoir une position qui est vraiment associative et représentative, nous, on travaillerait avec nos gens pour vérifier cet aspect-là. Je pense qu'il faut d'abord y aller par étapes. On rend obligatoire cinq ans. À l'heure actuelle, il y a du quatre ans pour les milieux qui sont davantage défavorisés. Je pense qu'il va falloir voir les résultats de ça. Puis, une fois qu'on aura certains résultats de ça, on verra et on pourra en rediscuter, hein? Il y a un an 1 à chaque projet. Ça fait quelques années qu'on a les maternelles quatre ans, alors ça va être évalué éventuellement, et on pourra se positionner sur la question un peu plus tard. Je pense que ça va prendre quelques données là-dessus.

M. Roberge : D'accord, merci. Enfin, ça va être difficile de se positionner parce qu'en ce moment c'est très micro, là. Il y a moins de 300 classes, puis, pour l'offrir à tous, c'en prendrait à peu près 5 000. Puis, au rythme où on les implante en ce moment, c'est à peu près dans 50 ans qu'on va offrir à tous la chance de fréquenter une prématernelle quatre ans. Dans 50 ans, là, ça veut dire que les enfants qui ont quatre ans aujourd'hui vont être des grands-parents, à peu près, avant...

Bon, je vais continuer sur vos recommandations 12, 13, 14. Vous parlez de la gratuité scolaire, puis c'est un sujet d'actualité en ce moment, les frais chargés aux parents à l'école gratuite — une belle phrase de non-sens en ce moment, là — les frais chargés aux parents alors que l'école est censée être gratuite. Et, à la recommandation 13, vous dites : «Étant donné que le concept de gratuité scolaire est élargi, nous recommandons, pour simplifier l'application, que les exceptions à la gratuité scolaire soient précisées par règlement...» Là, j'avoue, vous me perdez. Vous me parlez de concept de gratuité scolaire élargi puis vous me parlez d'exceptions à la gratuité scolaire. Je n'ai pas trop le goût de faire des exceptions à la gratuité scolaire, sincèrement, donc j'aimerais ça vous entendre là-dessus.

M. Malo (Roch-André) : En fait, ça faisait exactement référence à ce que je nommais tantôt, quand on propose la réécriture de l'article 3 pour partir du fait qu'un enfant, au Québec, qui est en obligation de fréquentation scolaire a accès aux services et à la gratuité scolaire. Quand on parle d'exceptions ici, ce qu'on veut dire, c'est l'exemple, encore une fois, que j'ai donné tantôt, c'est le tourisme scolaire. L'enfant qui vient d'Allemagne, de famille bien nantie, qui vient passer une année ici, en quatrième ou cinquième secondaire et qui va retourner par la suite à la maison, ses parents ne sont pas ici, actuellement il y a des frais de scolarité qui doivent être facturés pour ces enfants-là. Et ce qu'on pense, c'est qu'il va probablement y avoir encore des exceptions et que ces exceptions-là devraient être prévues par règlement pour ne pas venir les mettre, là, dans une loi qui rend l'application peut-être plus difficile et plus difficile aussi à changer puis à amener à la réalité du jour, qui peut évoluer aussi.

M. Roberge : Bon, bien, ça, ça clarifie votre position exprimée dans le mémoire. Mais, plus tôt cette semaine, la Fédération des commissions scolaires sont venus nous suggérer l'idée de facturer à la carte les services professionnels aux élèves qui seraient fournis aux parents qui font l'école en famille ou à la maison. Je dois vous dire en partant, là, je n'ai pas du tout apprécié cette suggestion. Mais, vous, comment vous voyez cette idée que les commissions scolaires offrent des services complémentaires professionnels qu'ils offrent à ceux qui sont dans les écoles, mais les offrent aux parents et les facturent à eux?

M. Parent (Jean-François) : Alors, d'abord, pour nous, dans un premier temps, ce n'est pas un aspect sur lequel on s'est penchés très longuement, étant donné qu'encore une fois ce n'est pas un objet du projet de loi comme tel.

Maintenant, en ce qui a trait à ces frais-là qui sont pour des services complémentaires, on a bien entendu l'intervention. On pense que ça méritera une réflexion qui va aller au-delà d'une commission parlementaire parce qu'il va falloir se poser des questions sur, en matière de services complémentaires pour la scolarisation à domicile, qu'est-ce qu'on veut. Est-ce que le parent, en présentant un projet d'apprentissage, a une idée très claire du panier de services que la commission scolaire sera en mesure de lui offrir? Et est-ce que ce panier de services là inclut les services complémentaires? Il va falloir faire cette réflexion-là. Si on dispense les services complémentaires, est-ce que ça veut dire que vous, comme professionnel, vous vous déplacez pour aller chez votre collègue en face? Est-ce qu'on tient compte du temps de déplacement? Parce qu'il y a un coût relié à ça. Est-ce qu'on demande aux parents de se déplacer à l'école pour avoir les services complémentaires? Il y a un autre aspect : Est-ce que des chercheurs se sont penchés sur la question des services complémentaires à la maison pour voir quels résultats ça donne?

Alors, je pense que c'est une problématique, il y a quand même plusieurs facettes, et je pense qu'il va falloir réfléchir à la question pour voir si on doit donner des services complémentaires. Mais une chose est sûre, je connais peu de commissions scolaires qui, à 1 000 $ par année, peuvent donner des services complémentaires. Bien honnêtement, je ne pense pas que ce soit possible.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Il vous reste une minute, M. le député.

M. Roberge : Je vous remercie. J'apprécie beaucoup votre intervention. Vous avez ouvert le débat en disant : Il va falloir se positionner, il va falloir que ça soit clair. En ce moment, ça ne l'est pas. Donc là, on un défi de clarifier vraiment qu'est-ce qui est offert aux parents qui choisissent de faire l'éducation à la maison et en famille, c'est quoi, le panier de services. J'aime bien l'idée. Vous n'avez pas parlé de tarification, mais de qu'est-ce qui est offert, qu'est-ce qui ne l'est pas. Ça, ça doit être clarifié parce qu'en ce moment on a un peu n'importe quoi d'une commission scolaire à l'autre, sans porter un jugement sur les commissions scolaires, mais c'est très, très différencié.

Je note qu'à la page 4 vous parlez, par contre, selon vous, que c'est nécessaire de faire les épreuves ministérielles, quatrième année, sixième année du primaire et quatrième secondaire, cinquième secondaire. Le reste, vous êtes assez flexibles, sur les modalités, les ententes, les projets d'apprentissage, mais, les épreuves ministérielles, par contre, là-dessus, ça, vous y tenez, d'après ce que je comprends. Donc, je soumets que ça, ça pourrait être dans la loi, mais que, pour le reste, ça pourrait être dans un projet de règlement et plus à la pièce.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Merci. Malheureusement, il ne reste plus de temps.

M. Roberge : Je suis désolé.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Alors, messieurs, merci beaucoup pour votre présence ce matin.

Alors, je suspends les travaux quelques minutes pour permettre aux prochains intervenants de prendre place.

(Suspension de la séance à 10 h 28)

(Reprise à 10 h 30)

La Présidente (Mme Rotiroti) : Alors, la commission reprend ses travaux, et je souhaite la bienvenue à M. Prud'homme, professeur adjoint à l'Université du Québec à Trois-Rivières. Merci d'être parmi nous.

Alors, je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour faire votre présentation, et on passera à une période d'échange entre les élus par la suite. Alors, sans plus tarder, la parole est à vous.

M. Julien Prud'homme

M. Prud'homme (Julien) : Je vous remercie beaucoup. Bien, oui, je suis professeur, chercheur universitaire spécialisé dans l'histoire récente de l'éducation de la santé, si bien que c'est à titre d'observateur extérieur que je m'adresse à vous et que vous avez eu l'amabilité de m'inviter à commenter le projet de loi n° 144. Vous avez vu dans mon mémoire que mon message est très simple. Les orientations générales du projet de loi me semblent très bonnes. Ses modalités d'application me semblent devoir être précisées et améliorées. C'est ce à quoi servent les commissions parlementaires, et je vais brièvement insister sur trois messages aujourd'hui, en fait, en me concentrant sur la question de l'éducation à domicile.

Mon premier message est simplement de saluer le choix qui a été fait d'améliorer la situation de l'éducation à domicile en l'intégrant au périmètre commun de l'obligation scolaire plutôt qu'en l'en éloignant, ce qui aurait pu être une autre avenue. Je pense que c'est la chose à faire et je pense que, tout en cherchant des modalités souples, souvent plus souples que ce que plusieurs intervenants ont proposé, il faudra préserver cette orientation qui, au-delà du concept, a des implications très concrètes sur le reste du système.

Mon deuxième message, c'est que, bon, malgré ces qualités théoriques que je viens d'évoquer, la portée réelle du projet de loi semble compromise par des dispositions ou des imprécisions qu'il faudrait retirer du projet de loi.

Et mon troisième message, ce sera qu'il manque quelque chose à ce projet de loi, il manque un morceau important, soit la responsabilité formelle pour l'État de soutenir activement les familles qui sont concernées par le projet. L'obligation scolaire n'a de sens que si elle s'accompagne d'un réel soutien public aux familles, et le projet de loi devrait nommer cette responsabilité de l'État. Et plutôt que de présenter l'obligation scolaire comme un simple levier de coercition sur les familles, ça doit être aussi un levier pour stimuler la responsabilité de l'État à l'endroit des familles.

Je prendrais donc les prochaines minutes pour développer un peu ces trois messages. Mon premier message, c'est, je l'ai dit, que l'obligation scolaire a un sens et des implications très concrètes et que le projet de loi doit respecter ces implications, et je trouve qu'il le fait bien. L'obligation scolaire est au coeur du régime de normes qui soutient notre système d'éducation depuis les années 40. C'est le coeur de l'architecture normative, au coeur de ce que j'appelle le contrat scolaire entre l'État et la population, si bien qu'agir sur l'obligation scolaire, ce n'est jamais une opération ad hoc. Même si on a l'impression de n'agir que sur des populations particulières, c'est toujours une opération qui concerne l'ensemble du réseau et du droit de l'enfant à l'éducation, si bien qu'une telle action peut toujours avoir un impact systémique. Et on voit, en Amérique du Nord, des États qui en font concrètement l'expérience. C'est pourquoi il faut en tenir compte, de cette dimension-là.

Dans ses orientations, le projet de loi me semble bien tenir compte de cette exigence-là en insistant sur une assise dans le droit de l'enfant à une formation minimale commune. Les articles 2, 4 et 9, entre autres, me semblent importants en ce sens-là. Leurs dispositions sont justifiées, sont conformes à l'état des lieux dans plusieurs autres États, correspondent aussi aux recommandations récentes du Protecteur du citoyen. Ce sont des dispositions qui ont l'avantage de poser des principes généraux, des principes stables, qui vont aider à aborder le futur de l'éducation à domicile. Parce que l'éducation à domicile, ça a plusieurs visages. On dirait que des fois chaque acteur présente un seul visage de l'éducation à domicile, celui qui sert son propos, mais la réalité, c'est que l'éducation à domicile a plusieurs visages très différents, aura dans l'avenir d'autres visages qu'on ne connaît pas encore. Et c'est pourquoi il faut affronter ces défis-là avec des principes généraux stables qui sont bien inclus dans le projet de loi.

Cependant, dans mon mémoire, je fais un recours à l'histoire pour illustrer deux éléments qui sont nécessaires à la mise en oeuvre de ces principes, la mise en oeuvre réelle de ces principes-là. Historiquement, l'obligation scolaire n'atteint son but que si l'État exerce un contrôle au moins minimal sur les contenus d'enseignement, ce qui n'est pas mentionné dans le projet de loi de façon très claire aujourd'hui. Et historiquement l'obligation scolaire n'atteint son but que si elle s'accompagne d'un soutien direct aux familles. Et historiquement, quand ces éléments-là ont été négligés par la législation, bien, l'obligation scolaire a raté ses objectifs dans la vraie vie.

Or, et c'est là que je passe à mes autres messages, comme je disais, malgré ses qualités théoriques conceptuelles, le projet de loi comporte des limites qui compromettent sa mise en oeuvre concrète sur ces deux plans que je viens d'évoquer, sur le plan d'un contrôle minimal au moins sur les contenus d'enseignement et sur le soutien aux familles. La principale limite du projet de loi tient à ce que plusieurs de ses dispositions les plus concrètes et importantes restent à définir ou même pourront être retardées, d'une part parce que les principes qui devront guider les projets éducatifs, l'arrimage aux programmes, le suivi restent tous à définir par règlement, ça a été dit abondamment, et on renvoie plusieurs décisions cruciales et directrices vers des étapes en aval qui sont peu réglées, peu transparentes.

On comprend tous... Là, j'entendais bien le ministre tantôt dire qu'un projet de loi n'est pas censé prévoir le détail des modalités. Il y a d'excellentes raisons à ça, mais il reste que, quand on remet à plus tard des décisions de principes d'orientation, ça réserve souvent des mauvaises surprises et ça peut pourrir le fruit dans les étapes ultérieures. Je donne dans mon mémoire l'exemple du conflit sur la mise en oeuvre de la loi n° 21 qui avait semé la confusion dans le dossier des troubles d'apprentissage. Ce serait dommage de vivre les mêmes problèmes sur un enjeu aussi crucial que l'obligation scolaire, et on peut éviter ça en introduisant dans le projet de loi deux précisions qui manquent à l'heure actuelle. D'une part, on pourrait ajouter une définition de ce qu'on entend par «enseignement approprié» et une définition qui réfère au programme de l'école québécoise et qui précise la relation qui devrait être entretenue entre ce programme et l'éducation à domicile. Le but, c'est de donner un vrai contenu au droit de l'enfant à un seuil minimal de formation commune, mais le but, c'est aussi d'asseoir des vraies zones de souplesse de ce qui appartiendrait aux parents. En ce moment, il est là, le bobo. Le conflit entre les commissions scolaires et les parents, quand il y a conflit, porte là-dessus. C'est la seule chose qu'on n'aborde pas dans le projet de loi. Et on pourrait aussi ajouter un article qui baliserait peut-être l'arrimage avec la protection de la jeunesse, y compris le projet de loi n° 99, pour peut-être ordonner un peu les discussions à ce sujet-là.

De même, il semble aussi inapproprié de reporter l'application de l'article 4 à une date indéterminée, là. C'est l'article sur les 20 heures, qui limite la place d'activités concurrentes. C'est peut-être l'article le plus concret du projet de loi puis c'est le seul dont l'application est reportée de façon un peu indéterminée. En tout cas, il y a sans doute des raisons à ça, mais ça m'apparaissait un peu inopportun.

Et finalement mon dernier message, c'est que l'autre limite du projet de loi, je l'ai dit, c'est l'absence de référence à des mesures de soutien aux familles. Historiquement, l'obligation scolaire va de pair avec l'idée que l'État doive aider les familles à assumer leur responsabilité de scolarisation. Ce principe-là devrait inclure nommément les populations visées par le projet de loi n° 144, et deux gestes pourraient être posés en ce sens-là. D'une part, on pourrait ajouter au projet de loi une référence explicite à la responsabilité de l'État d'assurer un soutien, et, d'autre part, le ministre pourrait annoncer clairement que la mise en oeuvre de la loi va prévoir un soutien actif aux familles.

Plusieurs modalités ont été évoquées par différents acteurs en assurant l'accès aux infrastructures des commissions scolaires, mais aussi, plutôt que de disséminer la responsabilité du suivi entre plusieurs commissions scolaires, on pourrait mutualiser les ressources en un guichet unique de soutien à l'éducation à domicile qui serait mieux à même de réunir les compétences pour assurer une information scolaire de qualité, assurer le respect de la diversité pédagogique des familles, assurer un soutien pédagogique et assurer une approche a priori déjudiciarisée des difficultés auxquelles les familles ont droit quand elles choisissent l'éducation à domicile. Ça fait qu'un amendement qui ouvrirait la porte en ce sens-là, par exemple en ouvrant la porte à ce qu'un acteur autre que la commission scolaire puisse avoir charge de cet encadrement-là, pourrait être utile, ne serait-ce que pour les discussions dans l'avenir.

Voilà, j'ai formulé mes trois messages. Je vais simplement conclure en réitérant les recommandations qui sont indiquées dans mon rapport. Compte tenu à la fois des apports essentiels, mais aussi des limites du projet de loi, il devrait faire l'objet d'amendements destinés d'une part à préserver... à s'assurer qu'on consolide des principes qui y sont déjà, comme l'exigence d'une relation entre la famille et une commission scolaire, l'exigence d'un enseignement approprié de contenus d'enseignement — qui n'est pas mentionné explicitement dans la loi, il n'y a pas le mot «programme» dans le projet de loi — et le caractère, bon, conditionnel du droit de l'éducation à domicile en raison de la primauté du droit de l'enfant; des amendements destinés aussi à ajouter une définition générale de ce qu'on entend par «enseignement approprié», pas pour fixer des modalités, mais pour préciser le droit de l'enfant à des contenus d'enseignement minimaux qui sont prévus par la loi; préciser l'arrimage avec la Loi sur la protection de la jeunesse dans une optique de déjudiciarisation des problèmes; assurer la mise en application de l'article 4 en même temps que les autres dispositions du projet de loi; et ajouter une référence explicite à la responsabilité de l'État d'offrir un soutien public direct aux familles des enfants, bien, non résidents ou éduqués à domicile, incluant une ouverture, dans le projet de loi, à un guichet unique plutôt qu'à l'attribution des responsabilités systématiquement aux commissions scolaires. Voilà.

• (10 h 40) •

La Présidente (Mme Rotiroti) : Merci beaucoup, M. Prud'homme. Alors, on va passer à une période d'échange entre les élus. Alors, M. le ministre, vous avez 22 minutes.

M. Proulx : Oui. Merci, Mme la Présidente. Merci beaucoup, M. Prud'homme, de votre présentation. Merci également de votre mémoire. On avait eu l'occasion de se rencontrer, il me semble, au projet de loi n° 86 où, il me semble, vous étiez venu faire une présentation également. Merci aussi de... un petit rappel historique qui est intéressant, là, effectivement, parce que ça permet aux gens de se rappeler d'où cela vient et d'où on émane dans ces réflexions. Merci aussi d'avoir très clairement dit : Voici comment on peut améliorer les choses, et je pense qu'il y a, dans vos propositions en tout cas, matière à réflexion sérieuse, là, sur différents aspects.

J'avais envie, dans le fond, de... Je ne veux pas me risquer ici à la définition formelle, alors ce n'est pas celle qu'il faudra inscrire dans les codes, mais il y a une chose qui est certaine, c'est que je vous écoutais, et je lisais, et je me disais qu'au fond ce qu'on souhaite tous, c'est être en mesure de soutenir, préserver, assurer à un enfant un droit à l'éducation. À la base, là, nous avons aussi cela en tête lorsqu'on discute d'un projet de loi comme celui-là. C'est bien certain qu'on a en tête le droit des parents aussi de faire ce choix, c'est certain, mais il ne nous sortira pas de la tête, à personne, qu'il faut assurer aux enfants un droit à l'éducation, et vous l'avez... Je ne sais pas si je peux le dire ainsi, mais j'avais l'impression que, dans le fond, vous avez un peu résumé ce droit-là en disant : C'est les apprentissages par un enfant d'un seuil minimal d'une formation commune. C'est un peu ça que vous avez dit, et là-dessus je trouve intéressant de l'exprimer ainsi. C'est, je pense, une piste pour nous amener à réfléchir à ce que c'est, cet enseignement approprié, ce que ça veut dire, ce tronc commun auquel, je pense, tous les enfants devraient avoir le droit. Ça pourra aussi nous guider ou, en tout cas, nous amener à réfléchir sur la poursuite des apprentissages, sur l'appréciation des apprentissages par un enfant. Il me semble y avoir là une piste très intéressante.

Alors, là-dessus, je ne sais pas si vous aviez autres propos à tenir sur ce sujet-là, mais je trouvais ça intéressant. Et, sur le projet de loi versus le règlement, j'entends bien qu'il y a possibilité d'énoncer dans le projet de loi ce que doit contenir ce règlement ou des orientations qui devront s'y retrouver, dans le règlement, peu importent les modalités, camper dès le départ certaines choses... je ne vais pas dire qui m'apparaît essentiel, mais, je pense, m'apparaît nécessaire, là. Ça, c'est certain. Alors, peut-être que, dans ce contexte-là, il y a matière à réflexion. Vous l'avez dit tout à l'heure, c'est à ça que servent les commissions parlementaires.

Là où je trouve... où je pense qu'on pourrait aussi réfléchir ensemble, c'est sur l'aspect de qui sont ces personnes qui doivent soutenir les parents éducateurs. Parce que vous avez dit : Un des éléments à ajouter, c'est la référence explicite à la nécessité d'un soutien public direct aux familles. Bien, des enfants non résidents, je pense que le travail est fait, mais peut-être qu'on peut faire davantage, mais pour les apprentissages en famille ou l'éducation à domicile, vous dites, il faut l'inscrire explicitement.

Mais, au-delà des ressources, au-delà des intentions, je le disais tout à l'heure, tu sais, ou je l'ai dit hier, on ne peut pas... je n'ai pas encore vu de modèle législatif qui forçait les gens à travailler ensemble ou à collaborer. Ça n'existe pas. Et, dans ce contexte-là, j'aurais aimé vous entendre là-dessus, sur les acteurs, sur la pluralité des acteurs disponibles pour travailler. Est-ce qu'on devrait agir par désignation avec des gens qui veulent le faire vraiment? Est-ce qu'on devrait travailler avec nos entités existantes? Est-ce que vous avez eu cette réflexion-là sur qui est le mieux placé, dans le fond, pour soutenir un parent-éducateur qui choisit un autre modèle que l'école et qui a besoin de cette collaboration, parce qu'il va le faire pour les bonnes raisons, sans compromettre son enfant?

M. Prud'homme (Julien) : Oui. Bien, d'une part, je vais commencer avec une chose que vous avez dite, puis je vais revenir, je vais attacher à cette conclusion. Quand je parle d'arrimer l'obligation scolaire à un seuil minimal de formation... vous avez parlé d'un tronc commun, c'est très juste, un tronc commun qui est fait d'objectifs et qu'il nous faudrait identifier pour fixer le seuil d'exigences qu'on fait au parent-éducateur, mais aussi pour ouvrir tout l'espace de souplesse et de liberté qui reste après ça à ces parents-éducateurs là pour atteindre les objectifs qui sont identifiés.

En ce moment, le conflit est là. En fait, c'est un conflit... on dit qu'il porte sur l'évaluation, mais il porte en fait sur la définition des objectifs de l'éducation. Souvent, ce qui est de mise dans le réseau, très souvent, c'est une définition de l'objectif voulant que l'enfant est bien éduqué à la maison s'il peut à tout moment réintégrer le système scolaire sans que ça paraisse. Ça ne marche pas. Ça ne correspond pas à la souplesse désirée par les parents-éducateurs, règle générale. Mais c'est difficile d'identifier des balises claires pour résoudre ce problème-là parce qu'on n'a pas nommé le problème. Si on fixait des objectifs plus clairs et si le projet de loi, dans le texte, avant le règlement, identifiait ce défi-là puis qu'on mettait les mots «programme» et «objectif» dans le projet de loi, bien, on pourrait après ça ouvrir l'espace de souplesse que les parents-éducateurs veulent, plus facilement à tout le moins.

D'autre part, bien, qui devraient être les acteurs? Bien, ça devrait être des gens qui comprennent cette exigence de souplesse là et pour qui ce n'est pas un problème. À l'heure actuelle, pour une commission scolaire, un enfant éduqué à domicile, c'est un problème, puis c'est tout à fait normal, elles ont d'autres choses à faire, les commissions scolaires. Les commissions scolaires en ont déjà beaucoup sur les épaules, les directions d'école en ont déjà énormément sur les épaules puis de devoir s'occuper d'enfants éduqués à domicile, moi, si j'étais à leur place, ça me causerait un problème structurellement. Ce n'est pas juste parce que les personnes ne sont pas de bonne foi, là, c'est que structurellement c'est un problème pour les commissions scolaires.

Ça fait que c'est peut-être pour ça que la suggestion de certains acteurs d'identifier un autre interlocuteur dédié à l'éducation à domicile, que ce soit à l'échelle régionale, suprarégionale, nationale, peut être intéressante. Il y a des dérives à éviter, il faut éviter le magasinage. Il faut éviter des dérives que je trouve inacceptables, comme en Alberta ou dans certains États américains où on a sous-traité à des organismes religieux l'éducation à domicile, qui est devenue un cheval de Troie pour donner une nouvelle ampleur à l'éducation confessionnelle. Il faut éviter les dérives, mais il reste que l'idée d'un interlocuteur dédié avec les compétences et avec la marge de manoeuvre que les commissions scolaires n'ont pas, ce n'est pas juste que les commissions scolaires sont de mauvaise foi ou qu'elles ne sont pas compétentes, c'est en sus... L'obligation de servir d'interlocuteur à des parents-éducateurs vient en sus de toutes leurs autres responsabilités. Ça ne marche pas, structurellement.

Donc, il y a un mérite à cette idée d'un interlocuteur dédié puis, en plus, ça permet de mutualiser des ressources. Tu sais, on parle maintenant de près de 2 000, je pense, élèves éduqués à la maison, inscrits. Mettons qu'on monte à 3 000, pour être conservateurs, si on réussit à inscrire les non-inscrits, mais 3 000 fois 1 000, ça fait 3 millions. Tu peux faire quelque chose avec ça, puis ça permettrait donc de mutualiser les ressources, et les compétences, et la disponibilité d'un interlocuteur. C'est ce que je crois.

M. Proulx : Moi, j'entends très bien ça, puis ça doit faire partie des réflexions, que ce soit pour mutualiser, comme vous le dites, vous l'exprimez clairement. Moi, j'ai souvent cette réflexion-là à l'interne : Est-ce qu'on n'est pas capables parfois de se regrouper ou de regrouper les intervenants pour offrir différemment les services plutôt que le lien et le chemin déjà établi qui a l'air d'un escalier.

M. Prud'homme (Julien) : C'est que ça impliquerait un léger amendement au projet de loi pour laisser la porte ouverte.

• (10 h 50) •

M. Proulx : Tout à fait, mais la bonne nouvelle dans tout ça, c'est qu'on est ici, dans le fond, pour y réfléchir, et puis je pense que les collègues le savent, là, on a eu l'occasion déjà de travailler ensemble, mais on est capables d'avoir ces réflexions-là. Il faut, je pense, les avoir.

À votre, je dirais, deuxième suggestion ou recommandation, vous aviez qu'assurer la mise en application de l'article 4 en même temps que les autres dispositions... vous avez dit : Elle est très précise, mais elle n'est pas précise dans la mise en application. Là, je me suis laissé une petite note pour aller voir pour quelle raison il en était ainsi. Alors, bien, je n'ai pas encore trouvé réponse parce que je n'ai pas eu le temps d'aller voir mes notes, je préfère avoir cette discussion-là avec vous. Mais j'aimerais peut-être juste... nous l'expliquer davantage, s'il y a des explications supplémentaires à donner, juste pour que je saisisse bien là où est notre difficulté actuelle, selon vous.

M. Prud'homme (Julien) : Bien, la difficulté, c'est que, justement, légiférer, réglementer sur l'obligation scolaire, c'est toucher à l'ensemble du système, de l'architecture normative, à tout le moins, du régime scolaire. Et c'est pour ça qu'il faut éviter les politiques ad hoc. Oui, on a une marge de pragmatisme ponctuel, et tout, mais ça me semblait une porte ouverte dans le projet de loi. C'est cette hésitation à mettre en oeuvre la disposition de l'article 4, déjà que c'est un article un peu... qui mériterait explication. On ne sait pas trop d'où vient le 20 heures. Je n'ai rien contre le 20 heures. Vous auriez pu mettre 10, puis je n'aurais pas bronché non plus. On se demande d'où vient le délai supplémentaire qui serait requis, puis ça jette un soupçon, dans le fond, que la mise en oeuvre du projet de loi va être... On ouvre déjà la porte à des hésitations politiques, ponctuelles, ad hoc, puis, à moins qu'on ait une excellente raison, je ne vois pas pourquoi on irait là.

Ça fait que c'est difficile d'être plus précis parce qu'on manque beaucoup de précisions sur cette question-là, mais, tu sais, je ne vois pas pourquoi un projet de loi prévoirait des dispositions qui ne sont pas faites pour être mises en application.

M. Proulx : Je comprends bien, mais je veux m'assurer d'être en mesure, si je le soutiens et qu'on continue de le soutenir, d'avoir ces explications. Bien, écoutez, ce n'est parce que ce n'est pas intéressant, mais, sincèrement, merci. Ça fait le tour des questions que j'avais. Merci encore de votre participation.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Merci beaucoup, M. le ministre. On va passer du côté de l'opposition officielle. Alors, M. le député de Lac-Saint-Jean, vous avez 14 minutes.

M. Cloutier : Merci, Mme la Présidente. En fait, c'est très intéressant. Je vous remercie pour votre mémoire. Plus on avance dans une commission parlementaire, on se demande toujours quels seront les éléments nouveaux des intervenants, mais je dois dire qu'il y a plusieurs enjeux que vous avez soulevés qui n'avaient pas été soulevés.

Ce n'est pas dans votre mémoire, mais vous y avez fait référence avec le ministre, vous avez parlé de la dérive en Alberta. Pouvez-vous peut-être nous expliquer un peu ce à quoi vous faisiez référence?

M. Prud'homme (Julien) : On a peu de minutes, ça fait que je ne voulais pas entrer dans le détail puis je voulais garder mon mémoire très succinct, mais je voulais simplement illustrer... En fait, j'ai évoqué, en début de présentation et en début de mémoire, l'importance de faire reposer toute mesure concernant l'obligation scolaire sur des principes généraux qui sont bien arrimés au reste de l'architecture du réseau. Même si on a l'impression de s'attarder juste à des populations particulières, c'est important de préserver l'armature normative du réseau, parce qu'il y a d'autres juridictions où on voit que des mesures qu'on jugeait être spécifiques à la petite population éduquée à domicile, finalement, ont mis en cause des principes de base du réseau scolaire, parfois avec l'accord du politique. Ça pouvait être très légitime comme décision, mais on voit que ça a eu des effets sur le reste de l'architecture.

J'invoquais le cas de l'Alberta parce qu'il a fait les manchettes dans la dernière année, où on a justement, pour donner... Pour produire un interlocuteur dédié aux parents-éducateurs, on a sous-traité, entre guillemets, l'encadrement à des organisations confessionnelles, qui ont fait les manchettes dans la dernière année, d'une part, à cause de problèmes de mauvaise gouvernance et, d'autre part... bien, d'allégations de mauvaise gouvernance et, d'autre part, à cause d'allégations de problèmes sur le contenu enseignant qui faisaient que, parce qu'on était allé trop loin dans le ad hoc, puis dans le ponctuel, puis parce qu'on n'avait pas pris soin de bien... Parce qu'on avait pris soin de ne pas arrimer la politique d'éducation à domicile au reste de l'architecture du réseau, bien, on avait transformé l'éducation à domicile en un moyen pour créer un sous-secteur scolaire où on coordonnait... je pense qu'ils sont rendus à 3 500 enfants, un sous-secteur scolaire qui offre un enseignement confessionnel coordonné à une population, faisant indirectement ce qu'un réseau n'est pas supposé faire directement.

M. Cloutier : Mais est-ce que vous avez l'impression qu'avec le projet de loi actuel on est à l'abri de cette dérive-là?

M. Prud'homme (Julien) : Bien, j'ai nommé des précisions supplémentaires que j'aimerais bien voir, mais je pense que, dans l'état actuel, les principes affirmés sont robustes. Ma demande et ma remarque sur l'article... sur les 20 heures, là, s'inscrivaient un peu dans cette préoccupation-là. Ma recommandation, c'est que tous les amendements, et modifications à venir, et mises en oeuvre à venir devraient s'attarder à consolider ce socle de principes qui devrait rester solide dans l'avenir.

M. Cloutier : Vous parlez de la...

M. Prud'homme (Julien) : ...ad hoc dans des dossiers, oui.

M. Cloutier : Oui. Non, j'en suis très, très, très conscient, et inévitablement, parce que ce sont d'autres enjeux, d'autres cas, mais effectivement la problématique confessionnelle est bien réelle.

Sur la définition d'enseignement approprié, moi, je trouve ça très intéressant. Par contre, j'imagine que, dans la définition d'un enseignement approprié... Est-ce que vous avez réfléchi à la définition qu'on pourrait y donner pour aider la commission à cheminer?

M. Prud'homme (Julien) : C'est une bonne question. J'avais deux considérations là-dessus. La première portait sur... je pense, ce serait opportun d'ajouter au projet de loi une incise qui précise que l'enseignement approprié, c'est un concept qui renvoie à une formation commune, un tronc commun, un seuil minimal de formation commune, appelons ça comme on veut, mais que ça suppose un certain contrôle public sur la définition des contenus d'enseignement prescrits, parce qu'en ce moment ce n'est pas le cas, ce n'est pas nommé dans le projet de loi.

Cela dit, je pense aussi que ça, ça doit servir de tremplin. Paradoxalement, ça peut servir... contraignant comme demande, mais en fait je pense que ça, ça... Une telle disposition devrait servir de tremplin pour augmenter la souplesse et étendre l'espace de liberté des parents-éducateurs une fois qu'on aura précisé la question des objectifs liés au contenu d'enseignement. Je pense qu'on peut avoir... Je pense que l'État peut exiger qu'un enseignement approprié, ça renvoie à des contenus d'enseignement x, tout en augmentant la latitude des parents-éducateurs, parce que ça n'a pas à s'accompagner de prescriptions très étroites.

Je ne partage pas la vision, par exemple, voulant qu'un enfant éduqué à la maison est jugé bien éduqué uniquement quand il pourrait être intégré immédiatement au réseau scolaire. Ce n'est pas ça, l'idée. Je ne pense pas que l'éducation à domicile doive se plier nécessairement à la progression des apprentissages et au rythme attendu de l'éducation en classe. Je pense que plutôt d'opposer, en fait, l'identification de seuils communs et la souplesse revendiquée par les parents-éducateurs... Je pense qu'en précisant l'un on pourra améliorer la... on pourra donner plus de latitude aux autres. Il faut le faire. Il faut commencer à le faire dès le projet de loi parce qu'il est là, le bobo, elle est là, la chicane, il est là, le conflit, puis les décisions qui vont être effectivement déterminantes pour l'avenir de l'éducation à domicile, bien, c'est les décisions qui vont concerner ce point-là. Ça fait qu'il faudrait qu'il y ait une orientation qui soit donnée dès le projet de loi, à cet égard.

M. Cloutier : Effectivement. Moi, je serais curieux de vous lire quant à la définition qu'on pourrait donner parce qu'éventuellement on aura à déposer des amendements.

M. Prud'homme (Julien) : Oui. Il faut identifier des objectifs terminaux, identifier des objectifs terminaux en disant... bien, qui ne sont pas réitérés à chaque année, qui ne correspondent pas nécessairement à la progression des apprentissages en classe, mais qu'on dit : pour obtenir son diplôme, ou à tel âge, ou à mi-parcours, à tel moment, l'enfant doit avoir atteint tel, tel, tel objectif et doit avoir été exposé à tel, tel, tel contenu, par exemple, en français, maths, sciences, éducation à la citoyenneté, éducation sexuelle, et ainsi de suite.

M. Cloutier : J'imagine que vous vous expliquez mal pourquoi on a trouvé... pourquoi, l'article 4, on n'a pas prévu la même entrée en vigueur que les autres articles. On n'a pas eu d'éclairage à ce sujet-là.

M. Prud'homme (Julien) : Bien, j'imagine qu'il y a une recherche de marge de manoeuvre dans des dossiers précis, là, qu'on peut identifier. Cela dit, non, ça mérite clarification.

M. Cloutier : Très bien. Je vous remercie beaucoup. C'est très éclairant puis, si jamais vous voulez soumettre à la commission une définition d'éducation appropriée, en tout cas, du côté de...

M. Prud'homme (Julien) : Ma recommandation, en fait, c'est qu'il faudrait nommer dans le projet de loi la nécessité d'inclure à l'enseignement approprié la définition d'un contenu d'enseignement approprié. Après ça, cette définition-là, elle, elle pourrait être établie dans les tables et par règlement. Je n'ai pas de problème avec ça, mais il faut que ce soit nommé, à mon avis, dans le projet de loi, parce qu'en ce moment il n'y a aucune référence à des contenus d'enseignement ou aux programmes dans le projet de loi.

• (11 heures) •

La Présidente (Mme Rotiroti) : Merci. Ça va?

M. Cloutier : Très bien. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Merci beaucoup, M. le député. Alors, on va passer du côté du deuxième groupe d'opposition. M. le député de Chambly, vous avez neuf minutes.

M. Roberge : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci pour votre présentation. J'ai beaucoup aimé, comme le ministre, votre introduction et votre retour à l'histoire. Vous posez deux limites, qu'on a vécues précédemment, ou deux erreurs, si j'ose dire, l'erreur de 1943, quand l'État a confié énormément de pouvoirs à un groupe externe — à ce moment-là, c'étaient les groupes religieux — le contenu des enseignements, puis ensuite l'erreur, je dirais, de 1949, quand on a institué le manque de soutien aux familles. Là, est-ce qu'on va refaire les mêmes choses encore en abandonnant, comme État, le pouvoir sur le contenu puis en ne soutenant pas les familles? Je trouve que vous êtes en plein sur la cible.

Je suis interpelé sur le contenu, sur le soutien aux familles aussi, puis j'en ai parlé, je pense, à chacune des interventions depuis maintenant trois jours. Mais, sur le contenu, je m'interroge énormément sur l'espace de marge de manoeuvre qu'on doit laisser aux familles qui font l'éducation en famille ou à domicile. À votre recommandation 4, vous dites : Écoutez, là, il faut faire une définition générale d'enseignement approprié, il faut définir un seuil minimal de formation continue. Je vous pose la question : Est-ce qu'un seuil minimal de formation continue, ce ne serait pas un seuil qui mène à un diplôme reconnu? C'est une question, là, de base de marché du travail, mais en même temps c'est une question philosophique. Quelle valeur on accorde à un diplôme? Puis est-ce que ce n'est pas là qu'on trace la barre? Si l'enseignement donné mène à un diplôme reconnu, bien, on a le seuil minimal. Est-ce que ce serait peut-être, pour vous, une mesure, un seuil acceptable?

M. Prud'homme (Julien) : Je pense que c'est une question qui doit être réglée en concertation avec les parents-éducateurs, qui ont souvent des idées très intéressantes, là, sur la question, très variées aussi. Mais, a priori, je pense que ce qui est important quand on aborde la question de l'éducation à domicile, c'est d'éviter un deux poids, deux mesures entre eux puis les enfants en classe. On accepte une grande variété de parcours pour les enfants scolarisés à l'école, puis, malheureusement, je ne dis pas qu'on accepte, mais on vit avec la réalité qu'il y a beaucoup d'enfants scolarisés à l'école qui ne réussissent pas, qui ne réussissent pas comme on voudrait, qui doivent être... qui ne diplôment pas, malheureusement, puis on ne réagit pas. On y voit un problème, mais on n'y réagit pas en judiciarisant la situation, on n'y réagit pas en culpabilisant les familles puis on ne réagit pas en disant que c'est la faute des éducateurs.

Ça fait que je pense qu'il faut être capable d'appliquer cette logique-là à l'éducation à domicile également. Il faut l'aborder comme on aborderait les problèmes de réussite à l'école. Qu'est-ce que ça veut dire concrètement? Bien, tu sais, ça veut dire qu'il faut identifier... Minimalement, ce qu'il faut identifier, c'est des contenus de formation auxquels les élèves vont être exposés, dont on peut vérifier qu'ils y ont été exposés. Puis, quand ils y sont exposés mais qu'ils ne réussissent pas, on doit pouvoir offrir un support adéquat, peut-être par le biais d'un interlocuteur dédié, pour qui ce n'est pas une roche dans son soulier.

Moi, je pense, la première étape, c'est d'identifier des objectifs. Qu'est-ce qu'on juge essentiel qu'un élève voie? Est-ce que, parce qu'il est allé au musée de l'aviation, ça veut dire qu'il a eu un cours de sciences? Peut-être pas. On ne demande pas aux familles qui ont des convictions religieuses fortes de ne pas les transmettre à leurs enfants, mais il faut que les enfants aient été exposés de façon convenable à ce qui est dans le programme, idem en matière d'éducation sexuelle, idem en matière de toute une panoplie de contenus d'enseignement qu'on juge assez importants pour les avoir intégrés au programme. Est-ce que ça veut dire que les parents doivent le faire à la manière, dans l'ordre, au rythme qui est attendu en classe? Non. C'est ça, le principe de l'éducation à domicile. C'est pourquoi on devrait, par la loi, nommer la nécessité d'identifier des objectifs de formation et, par règlement, nommer ces objectifs de formation en termes de quels sont les contenus auxquels l'enfant doit avoir été exposé et à quel moment on vérifie ça.

Voilà. Je sais que ce n'est pas précis, mais je pense que ce n'est pas quelque chose qui gagne à être précisé en amont dans le détail. Je pense que, si on s'engageait dans la voie que je viens de nommer, bien, déjà on serait beaucoup plus avancés qu'il y a deux mois en matière de valorisation de l'éducation à domicile puis d'intégration de l'éducation à domicile dans le périmètre de l'obligation scolaire commune.

M. Roberge : Non, mais ce n'est pas parce que vous ne nous donnez pas un libellé d'article ou d'amendement que c'est moins pertinent. Je trouve ça très intéressant, moi, d'avoir cette discussion-là avec vous. Ça nous amène à se poser les bonnes questions. On les trouvera, les réponses. Puis on a des équipes, on a des bons recherchistes, puis on va...

M. Prud'homme (Julien) : ...c'est vraiment d'ajouter une incise dans le projet de loi puis de dire...

M. Roberge : Oui. Mais une question qui est fondamentale, là, c'est ça, c'est quoi, le seuil minimal? Puis vous le nommez très, très bien. Que ce soit le cours d'éducation à la sexualité, là, qu'on essaie de réintégrer tant bien que mal parce que tout le monde, je pense, veut le réintégrer, puis on regarde c'est quoi, la bonne façon...

Puis vous avez nommé le cours d'éthique et de culture religieuse. Il y a des parents dont les enfants vont à l'école qui ont traîné le gouvernement en cour en disant : Moi, je veux une exemption pour ce cours-là. Puis le gouvernement a dit : Non, tu ne peux pas demander une exemption pour ce cours-là, ça fait partie du cursus. En toute logique, même, l'État de droit étant l'État de droit, on ne pourrait pas permettre à des parents, parce qu'ils font l'école à la maison, d'avoir ce privilège de dire : Bien, moi, parce que je fais l'école en famille, à la maison, bien, je n'ai pas à faire une demande, moi, maintenant, je deviens maître de ma classe, je choisis ce que j'enseigne puis je choisis que moi, je ne l'enseigne pas, ce cours-là.

Puis, en sciences, la question se pose vraiment. Dans les cas, des fois, on sait, là, de certaines communautés religieuses, j'ai des grands doutes que ce qui s'est passé à l'époque du crétacé, des dinosaures et de la formation de l'univers soit enseigné. Pourtant, il faudrait que ce le soit.

Donc, je pense, la marge de manoeuvre, ce serait peut-être d'inverser des thèmes, la progression des apprentissages. Mais, le Programme de formation de l'école québécoise, les objectifs doivent être enseignés, mais ça va être difficile de le mesurer autrement que par des tests ou regarder... Bon, regarder un portfolio, ça peut donner une bonne idée, mais c'est là que c'est difficile, c'est de mesurer ou de valider.

M. Prud'homme (Julien) : L'important, ce n'est pas de régler les consciences. L'important, c'est d'exposer les enfants pour qu'ils comprennent le contenu. Qu'ils y adhèrent ou pas, à la rigueur, ce n'est pas notre problème, entre guillemets, tu sais, comme législateurs, mettons. Puis, de toute façon, on le voit bien, les études le montrent. Dans le cas de l'histoire, par exemple... Et puis ça, quant à moi, c'est une donnée qui vient légitimer l'obligation faite d'enseigner ces matières-là, l'école n'a pas le pouvoir de changer les convictions profondes des enfants. On le voit en histoire, on le voit en éducation religieuse. Les données de recherche le montrent. Ce n'est pas ça, la question. On n'est pas en train de régler la liberté de conscience des gens quand on exige qu'ils enseignent des contenus. On veut simplement que les enfants soient exposés à un seuil minimal de formation qui est nécessaire pour fonctionner puis savoir qu'il y a une société qui existe en dehors de leurs convictions, ce qui est une condition du pluralisme aussi. Puis je pense que ça a été non seulement... pas juste le gouvernement qui s'est prononcé, il y a des cours qui se sont prononcées là-dessus aussi. Non, non, ça, c'est une question qui est réglée.

Comment est-ce qu'on valide ça? Bien, justement, on ne devrait pas réguler ça sur la base d'un sentiment antireligieux où on veut réguler la conscience des enfants, mais on doit s'assurer que les enfants sont exposés à des contenus qui ne vont pas nécessairement changer leurs convictions, mais qui vont au moins les mettre en contact. Comment on fait ça? Bien, il faut s'assurer que les enfants ont été exposés à ça, les portfolios. Je ne sais pas quelles modalités il faut adopter, mais ça, c'est un principe auquel il faut se tenir. Justement, c'est le genre de principe qu'il ne faut pas abandonner de façon ad hoc parce qu'on pense qu'on est en train d'affronter une situation particulière.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Merci, M. Prud'homme. Alors, merci beaucoup pour votre contribution à la commission.

Je suspends quelques instants pour permettre à l'Association chrétienne des parents-éducateurs du Québec de prendre place.

(Suspension de la séance à 11 h 10)

(Reprise à 11 h 13)

La Présidente (Mme Rotiroti) : Alors, rebonjour. Je souhaite la bienvenue à l'Association chrétienne des parents-éducateurs du Québec. Merci d'être parmi nous. Alors, je vous demanderais de vous identifier, ainsi que les gens qui accompagnent. Et vous disposez de 10 minutes pour faire votre présentation, et par la suite on passera à une période d'échange entre les élus. Alors, je vous cède la parole.

Association chrétienne des parents-éducateurs du Québec (ACPEQ)

M. Boileau (Patrice) : D'accord. Merci, Mme la Présidente. M. le ministre, MM. les députés Cloutier et Roberge, porte-parole respectifs en matière d'éducation pour le Parti québécois, Coalition avenir Québec, mesdames, messieurs, députés membres de la commission, c'est avec autant d'enthousiasme que de respect que nous nous présentons devant vous aujourd'hui. Mon nom est Patrice Boileau. Je suis porte-parole pour l'ACPEQ, l'Association chrétienne des parents-éducateurs du Québec. Je suis accompagné par la directrice, services pour le Québec et le Canada français, de l'Association juridique canadienne de l'école-maison, HSLDA, Home School Legal Defense Association, Mme Fortin; et par M. André Riendeau, président sortant pour l'ACPEQ, infirmier spécialisé en pédopsychiatrie, travaillant auprès d'enfants en difficulté d'apprentissage.

Nous remercions la commission de nous offrir cette opportunité exceptionnelle de faire valoir l'enseignement à la maison. Le choix fait par les parents de diriger l'enseignement de leurs enfants à la maison est un choix pertinent et pleinement réfléchi, un choix de vie basé sur des valeurs personnelles axées sur la famille et pour l'intérêt supérieur de nos enfants. Mais force est de constater que tous les intervenants à la commission durant ces derniers jours ont cette même préoccupation, l'intérêt supérieur des enfants.

Notre propos n'est pas de promouvoir l'école maison, mais de s'assurer que le choix que nous faisons comme familles soit respecté et reconnu officiellement par le ministère de l'Éducation. L'école maison est un choix que nous avons fait en nous engageant par conviction pour l'éducation de nos enfants. Notre rôle de parent-éducateur est aussi exigeant que satisfaisant, et les résultats que nous obtenons dans le développement, l'apprentissage et l'éducation de nos enfants n'ont pas de prix. Cela nous demande beaucoup de préparation, de recherche, de temps et d'engagement. En même temps, il nous permet de la flexibilité dans le choix de nos programmes éducatifs et leurs évaluations afférentes, dans le parcours unique et adapté pour chaque enfant et dans nos horaires en fonction des besoins de nos familles.

L'école maison offre une expérience unique, riche et valorisante pour chacun de nos enfants. Nos familles participent régulièrement à des activités de groupe avec des enfants d'âges et de milieux variés. Ils y vivent des expériences sociales, sportives et éducatives qui leur permettent de créer et de maintenir des amitiés durables. Ce modèle de socialisation est un juste reflet de notre société. Nos enfants interagissent ainsi régulièrement avec des personnes plus jeunes et plus vieilles qu'eux et issues de divers milieux socioéconomiques et culturels. En plus de contribuer à leur développement global, cela les prépare à affronter le monde adulte, alors qu'ils l'intégreront en ayant vraisemblablement à interagir avec des patrons beaucoup plus vieux et des collègues de générations variées.

Leurs expériences varient selon les groupes de soutien, que ce soient des présentations orales, des concerts de musique, des expos-sciences, des pièces de théâtre, de la danse, des sorties récréatives, éducatives ou voyages humanitaires. Nos enfants sont stimulés et impliqués. En plus de ces groupes de soutien, ils participent à des activités civiles, du scoutisme au hockey en passant par le ballet, la musique, les arts, le chant, le soccer, le tennis, la natation et le karaté, et combien d'autres. En fait, ils sont entièrement intégrés dans la vie sociale, récréative et sportive de la communauté.

Sur le plan académique, les études américaines et canadiennes montrent à quel point ces enfants obtiennent des résultats supérieurs à la moyenne du modèle traditionnel de scolarisation des écoles. Ces mêmes études établissent qu'une fois adultes ils réussissent financièrement et socialement encore une fois au-delà de la moyenne. En fait, c'est l'objectif de tout parent que nos enfants réussissent leur vie. C'est définitivement un motif important qui supporte le choix de faire l'école maison avec nos enfants.

De plus, leur engagement social et communautaire est remarquablement élevé. En fait, ils deviennent des adultes crédibles, fiables et dévoués. Ils ne sont aucunement des candidats à la charge du gouvernement et de la société. D'ailleurs, contrairement à quelques propos tenus par des représentants du milieu scolaire, nous avons plusieurs exemples probants de réussite professionnelle : infirmiers, ingénieurs, avocats, professeurs d'université, techniciens, pâtissiers et entrepreneurs. C'est des vrais noms. Ils ont réussi malgré les contraintes du système scolaire québécois.

À nous trois, nous représentons bon nombre de nos familles membres. Ensemble, nous avons 11 enfants. Deux sont sur le marché du travail suite à l'obtention d'un D.E.P., deux sont à l'université, quatre sont au secondaire et trois sont à l'élémentaire. L'un d'entre nous, M. Riendeau, comme c'est le cas de quelques dizaines de nos familles membres, est un parent-éducateur de deuxième génération, ayant lui-même été éduqué à la maison.

Dans le passé, et jusqu'à ce jour, certaines de nos familles membres sont inquiètes des approches préconisées par certaines des commissions scolaires. Le spectre de la DPJ peut être brandi à tout moment. Cette perspective nuit inévitablement au développement d'un climat de confiance. C'est pourquoi certaines familles ne sont pas connues des commissions scolaires. Nous sommes des parents responsables. La menace d'une intervention de la DPJ pour des raisons bureaucratiques et administratives est grave.

• (11 h 20) •

Certes, les fonctionnaires du ministère ont un sens éthique du devoir et se sentent responsables de la scolarisation des enfants se trouvant sur leur territoire. Nous saluons cet engagement de protection pour les enfants. Par contre, leur responsabilité doit viser les parents ayant délégué leurs responsabilités d'éduquer leurs enfants à l'État. Les parents-éducateurs à domicile ont choisi de conserver cette grande responsabilité. Il est malheureux que les tracas générés par certains fonctionnaires nous forcent à défendre nos droits par l'entremise de l'Association juridique canadienne pour l'école-maison. Cette association a développé une expertise avec des familles vivant des problèmes juridiques au Québec, qui s'avèrent la plupart du temps sans fondement véritable. Mme Fortin doit intervenir à de trop nombreuses reprises, tant auprès des commissions scolaires que de la DPJ, à la suite d'appels de parents-éducateurs membres. La démarche de signalement à la DPJ des commissions scolaires est malheureuse, inutilement menaçante et cause un gaspillage de ressources pour tous. Les dirigeants des commissions scolaires ne doivent pas recourir à la direction de la protection de la jeunesse comme une action punitive auprès des parents-éducateurs.

Nous représentons 600 familles, avec 2 000 enfants, qui sont activement engagées dans leur éducation. Tout professionnel de l'enseignement rêve de voir les parents s'investir au quotidien dans l'éducation des enfants. C'est ce que nous faisons. En adoptant les amendements souhaités par l'ACPEQ et la HSLDA, le gouvernement du Québec pourrait montrer la voie et donner l'exemple, aux autres provinces canadiennes et à plusieurs États occidentaux, au soutien d'une éducation qui fait ses preuves tous les jours depuis longtemps. Nous souhaitons que le gouvernement reconnaisse le droit des parents-éducateurs à diriger l'éducation de leurs enfants, à choisir le projet d'apprentissage de leurs enfants, à veiller à l'éducation de leurs enfants conformément à leurs convictions, à choisir des procédures alternatives, comme le portfolio ou l'évaluation par des tiers, pour tout le parcours jusqu'aux études supérieures. Cette reconnaissance du droit des parents dans la loi limiterait ainsi la mise en vigueur d'un règlement trop restrictif. L'ACPEQ et la HSLDA offrent au ministre notre entière collaboration à la rédaction finale de la loi et sa mise en oeuvre auprès de nos membres.

Merci de nous avoir entendus et écoutés.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Merci beaucoup, M. Boileau. Alors, on va passer à la période d'échange, et je cède la parole à M. le ministre pour environ 22 minutes.

M. Proulx : Oui. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci, messieurs, madame, d'être ici aujourd'hui. Merci pour votre mémoire et la présentation que vous venez d'en faire.

D'abord, vous avez plusieurs recommandations, certaines pour lesquelles je voulais vous poser des questions, d'autres pour lesquelles peut-être vous faire part de certains éclaircissements.

Je voyais, à votre recommandation 4 notamment, que vous proposez, dans le fond, aux articles 4 et 16, de clarifier que ces dispositions ne s'appliquent pas aux parents-éducateurs, là. Vous parlez des amendes ou autres mesures plus coercitives à l'égard des gens. Je pense, sans me tromper, que nous nous référons davantage aux établissements illégaux, et, dans ce contexte-là, j'entends, là, que vous souhaitez que le tout soit clarifié. Alors, on trouvera bien le moyen de rassurer tout le monde en temps et lieu.

J'avais également quelques questions concernant certaines de vos recommandations. Vous parlez, à la recommandation... Je les ai dans le désordre, parce que je me suis pris des notes, je m'en excuse. Je suis à votre mémoire, aux pages 4 et 5, en haut du titre Articles 4 et 16, dont je viens de parler. Alors, il y a un encadré qui dit : «Nous recommandons au gouvernement de codifier la mise en place de procédures alternatives telles qu'un système de médiation de conflits afin d'aider les familles qui font l'école maison ainsi que les commissions scolaires à résoudre tout différend ou conflit concernant l'éducation d'une enfant enseigné à la maison.» Alors, vous dites : «Nous proposons que ces procédures soient administrées par le ministère de l'Éducation.»

Bon, dans ce contexte-là, est-ce que je comprends que vous souhaitez que nous passions à l'extérieur du système qui existe déjà, du protecteur de l'élève, pour lequel il y a maintenant un recours possible depuis le 1er juillet 2017? C'est une suite du projet de loi n° 105, devenu loi, adopté l'automne dernier, article 220 point quelque chose de la Loi sur l'instruction publique, si ma mémoire est bonne. Dans le fond, est-ce que vous souhaitez qu'on réfléchisse à un autre mode de résolution ou d'appel pour les parents, que ce soit dans le cadre du protecteur actuel, tel qu'on le connaît aujourd'hui, ou dans un autre mode de protecteur de l'élève? Parce qu'on l'a dit, puis je l'ai répété, que je pense qu'il y avait une réflexion sérieuse à faire à cet égard-là. J'aurais voulu vous entendre sur ce que veut dire «procédures alternatives» pour vous.

M. Boileau (Patrice) : En fait, ce qu'on pense, c'est... Premièrement, l'expérience du protecteur de l'élève, c'est assez récent, et ce qu'on pense vraiment, c'est qu'actuellement la commission scolaire est juge et partie, et, dans ce sens-là, ça ne peut pas continuer comme ça, et ça ne règle pas les conflits. Mme Fortin pourrait élaborer longuement. Elle agit souvent comme médiatrice dans plusieurs situations. Il faut s'assurer que le protecteur de l'élève ait une bonne connaissance de ce qu'est l'école maison. Sinon, si c'est juste un autre travailleur social de la DPJ qui joue le même rôle, on ne réglera pas les conflits.

M. Proulx : Je voulais revenir, dans le fond, à l'article 2, et là je fais référence aux pages 3 et 4 de votre mémoire. Je ne suis pas dans le DPJ mais dans vos paragraphes qui font référence au... Je vais juste redire où je suis. Alors, vous parlez du «projet d'apprentissage n'est pas identique à celui d'une école publique, il offre quand même une éducation rigoureuse, appropriée et bénéfique aux enfants». Je voyais dans vos recommandations que vous souhaitiez être les seuls maîtres d'oeuvre du plan d'apprentissage ou du projet éducatif. Vous dites que c'est le parent qui devrait pouvoir choisir. La question est aussi en lien avec l'intervenant précédent, M. Prud'homme, mais avec ce qu'on a entendu au fil des journées. Il m'apparaît essentiel, je vais vous le dire ainsi, il m'apparaît essentiel que nous ayons une réflexion sur les apprentissages ou des contenus minimaux. Il y a une réflexion à faire sur comment nous, on réconcilie le droit de l'enfant à l'éducation et le droit du parent de choisir un mode alternatif que l'école pour éduquer son enfant.

Alors, j'essaie de trouver les bons mots, mais ça, ça fait plusieurs fois qu'on le dit, puis je n'essaie pas... je ne veux pas le dire de 12 manières différentes, je ne peux pas tout utiliser les mêmes non plus pour qu'on se comprenne. Alors, dans ce contexte-là, on a une balance, nous, à maintenir. Il y a un équilibre à maintenir dans ce contexte-là. Est-ce que vous rejetez toute tentative de notre part de vouloir convenir de contenus minimums ou bien vous nous dites : Bien, nous, on est prêts à concevoir que, dans la société... on pense que, pour respecter le droit des enfants, il faut que certains apprentissages soient vus et reçus — et là je reprends les mots de M. Prud'homme — parce que nos enfants doivent être exposés à certains contenus dans la société? C'est les choix que nous avons faits à l'égard de la fréquentation scolaire et au respect du droit des enfants à une éducation. Ce n'est pas simple.

• (11 h 30) •

M. Riendeau(André) : C'est une excellente question. Elle n'est pas simple, effectivement. Je pense que, si on regarde l'ensemble des familles qui font l'école à la maison, il y a certains scénarios types, hein? Il y a des parents qui vont utiliser certains manuels qui ressemblent peut-être un peu plus à ce qu'on retrouverait dans le système public ou privé, et, peut-être à l'autre bout, on a les parents qui font un peu plus ce qu'on appellerait l'«unschooling», où que c'est beaucoup moins formel, et on a quelques autres modèles entre les deux.

Je pense que, si on regarde à la fin du secondaire ou au moment où ces enfants-là seraient prêts à réintégrer le système public, donc au niveau postsecondaire, que ce soit cégep ou université, le résultat se ressemble. Donc, c'est-à-dire, on parle d'élèves que, peu importe leur cheminement ou la méthode que les parents auront choisie, on a un résultat qui est sensiblement similaire au niveau des matières qu'ils vont avoir vues, et, ultimement, leur préparation pour réintégrer le cégep, l'université, et, ultimement, d'être fonctionnels dans la société au niveau d'une profession, d'une carrière, etc.

Les matières minimales à être vues, je pense que tout le monde s'entend sur ce qu'elles doivent être, à savoir quel manuel on choisit ou quelle méthode on choisit. On est rendus dans des détails, tu sais, au niveau de ce qui est en haut, là, comment on enseigne les maths, quels manuels on prend. Je ne connais pas de famille qui fait l'école à la maison qui n'enseigne pas les mathématiques d'une façon quelconque. Bon, de toute évidence, la manière quelconque et l'évaluation qui va en suivre, on a aussi une question d'arrimage à ce niveau-là, et aussi la question de la progression, c'est-à-dire que, bien qu'on couvre sensiblement toutes les mêmes matières, on ne le fait pas nécessairement tous avec la même progression. Et, cet aspect-là, on le voit d'ailleurs dans le système aussi où on a des écoles privées alternatives qui ne suivent pas non plus à 100 % la même progression qu'on verrait dans une école publique. Et, même à l'intérieur de l'école publique, bon, par la force des choses, on se rend compte que ce n'est pas tous les enfants qui arrivent à suivre la progression proposée, on se trouve des manières d'adapter.

Donc, je pense que le principe de questionner la progression à laquelle on apprend certaines choses, ce n'est pas une question qui est propre aux élèves d'école maison, là. On se la pose un peu tout partout, là.

M. Proulx : Parce que c'est important, je pense, d'avoir cette discussion-là ou, en tout cas, de faire cette réflexion-là parce que je pense que ce serait une erreur de confondre les contenus et la méthode. Tu sais, bien, pour certains, ça veut dire la même affaire, tu sais. Ce n'est pas ça, l'affaire, ce n'est pas comme ça que ça fonctionne. Ça, je l'entends, parce qu'on se fait aussi dire et répéter que la fréquence, le moment où ces différents contenus interviennent, là, dans la vie d'un enfant, sa capacité à être prêt, si le parent souhaitait avoir ou à subir, là — des fois, c'est subir — une évaluation, n'est pas la même pour tout le monde parce qu'il y a des choix qui ont été faits.

Alors, moi, j'essaie juste de tasser les branches, de déplacer les branches pour qu'on soit capables de retrouver le tronc avec lequel on va travailler, là, cette espèce de squelette avec lequel on se doit de travailler. Et là-dessus j'entends de vous qu'il va de soi qu'il y a des choses... si on veut un projet éducatif à l'école, on se doit d'exposer nos enfants à ces contenus. Si on veut un projet éducatif à la maison, bien, ça va de soi que, si on le fait pour les bonnes raisons ou de la bonne façon et surtout sans compromettre nos enfants et compromettre leur droit à une éducation, on se doit de les exposer à ces apprentissages.

Là où est ma question... pas tant dans la méthode, parce que ça, j'ai bien, bien, bien compris, puis ça faisait partie de la flexibilité que nous souhaitions et que je souhaitais voir apparaître dans cette première ébauche, dans le projet de loi, pour mettre la balle au jeu. Mais comment on fait, nous, pour protéger ceux et celles... les enfants qui, malheureusement, n'ont pas des parents qui ont le réflexe que vous m'avez donné d'entrée de jeu en disant : Moi, je ne connais pas de parents qui font l'école maison puis qui n'enseignent pas les mathématiques? Tout à l'heure, il y a des contenus qu'il faudra aussi mettre de l'avant, auxquels nos enfants devront être exposés. Il en va de leur sécurité, il en va de leur capacité à intervenir, à interagir dans notre société. M. Prud'homme a raison, on ne le fait pas pour qu'ils adoptent les mêmes comportements que nous, les exposer à des contenus. On ne le fait pas pour qu'ils vivent de la même façon ou réfléchissent de la même façon que moi, on le fait pour qu'ils puissent eux-mêmes être capables d'interagir, de décider de contester, de faire évoluer la pensée, la pensée collective, les projets de loi, la loi. Alors, tu sais, c'est...

Alors, pour moi, là, il y a cette préoccupation-là qui demeure, de dire : Il demeure des enfants compromis dans le contexte où vous êtes. Il y en a, et, dans ce contexte-là, nous, on se doit de faire ce qu'il faut pour les protéger. Alors, on ne souhaite pas être coercitifs pour empêcher les gens de faire ce qu'ils font bien, on souhaite protéger les enfants dans les situations où leurs parents ont fait un choix mais ne l'ont pas fait dans l'intérêt de l'enfant.

Le Président (M. Auger) : M. Boileau.

M. Boileau (Patrice) : Je vais me permettre d'ajouter, M. le ministre, si vous permettez, je pense, il faut aussi qu'on parle des objectifs peut-être avant du contenu, quels sont les objectifs du programme ou des matières à enseigner. Et on parle de contenu minimal, idéalement on devrait peut-être parler d'un contenu maximal aussi, de dire qu'on veut aller au-delà du minimum.

Honnêtement, comme parent qui fait l'école maison, en tout cas avec tous ceux avec qui j'ai interagi au niveau de l'ACPEQ, on souhaite qu'ils en fassent plus, qu'ils en sachent plus, qu'ils soient davantage exposés, qu'ils soient mieux préparés pour être des citoyens qui vont être capables d'interagir, d'influencer et de faire un changement dans notre société. Le minimum, c'est plus qu'un minimum pour nous.

M. Proulx : Moi, je l'entends bien, puis loin de moi l'idée de dire qu'«il faut niveler, puis surtout n'en faites pas plus, tu sais; on a des succès et des échecs à l'école, s'il vous plaît, essayez d'être pareils». Ce n'est pas ça, l'objectif, là, tu sais. Mais ce qu'on souhaite par contre, c'est de protéger ceux et celles qui n'ont pas la chance que vos enfants semblent avoir, c'est-à-dire de se retrouver à la maison avec des parents motivés, intéressés, qui se regroupent, qui partagent, qui mettent en commun des pratiques, des contenus, des méthodes, qui poussent les enfants à apprendre à un rythme différent des choses qui peuvent parfois être différentes, parfois les mêmes affaires, là. École à la maison ou dans n'importe quelle langue, à ce que je sache, deux plus deux, ça fait encore quatre, sauf quand tu pratiques le droit, parfois, mais sinon c'est comme ça, et, dans ce contexte-là, tu sais, il y a des affaires qui ne bougent pas trop.

Alors, il me semble qu'on est capables de trouver ces balises-là, et c'est la raison pour laquelle on fait ça. Je parlais de feuilles de temps dans ce cas-là précisément. Non, non, je ne parlais pas de facturation — parce qu'on est enregistrés — je parlais de feuilles de temps. Mais, dans ce contexte-là, je pense qu'il faut, tu sais, établir ces choses-là, et, bien, vous êtes là pour nous aider à cet égard-là, parce que je suis convaincu que, pour toutes les belles expériences que vous êtes en mesure de nous donner et que vous nous donnez depuis plusieurs semaines, parce qu'on travaille sur un projet comme celui-là où, depuis deux jours... bien, vous savez aussi où sont les fossés, où sont les vulnérables... pas les noms, je parle, mais où sont les occasions de vulnérabilité, et peut-être ce qu'il faut faire pour s'assurer que, là, cette collaboration État-système scolaire-intervenants et vous soit maximale, optimale pour permettre à ces enfants-là de poursuivre un parcours différent mais, à la fin, semblable dans la mesure où ce qu'on veut, c'est qu'ils aient accès à une éducation qui va leur permettre de faire ce qu'ils souhaitent, d'avoir les mêmes chances que les autres puis d'être ces citoyens aussi engagés et stimulants que vous l'êtes et que nous le sommes, je pense.

Le Président (M. Auger) : M. Boileau.

M. Boileau (Patrice) : On ne peut qu'être d'accord. Pour nous, à l'école maison, présentement il y a des difficultés d'accéder aux études supérieures, et ça, déjà, ça serait un facteur clé de succès, de reconnaître les évaluations qu'on veut utiliser comme parents. Et il faut sortir des sentiers battus et échanger. Vous savez, il n'y a peut-être pas 1 million d'enfants qui sont à l'école présentement, mais, avec un taux de diplomation de 80 %, supposons qu'il y en a 800 000 environ, ça fait quand même 20 % qui n'auront pas de diplomation à la fin de tout leur parcours scolaire. Moi, je souhaiterais qu'ils l'aient tous à 100 %, probablement comme vous, puis on souhaite avoir cette facilité-là, cette possibilité-là, cette option-là de présenter un système différent d'évaluation où nos enfants auraient une reconnaissance du ministère de l'Éducation et ne pas avoir à faire le tour, passer par la porte d'en arrière pour accéder aux études supérieures.

M. Proulx : Il me reste-tu du temps, M. le Président?

Le Président (M. Auger) : Six minutes.

M. Proulx : Bon, bien, d'accord. Bien, on a encore du temps, c'est merveilleux.

Dans le cas de vos enfants, par exemple, sur une base plus personnelle, est-ce que vous avez envisagé qu'ils fassent une partie de leur vie dans l'école maison et ensuite retourner à l'école avant, par exemple, de se diriger vers des études supérieures ou qualifiantes, là, où il y aura besoin de diplôme, ou pas?

M. Boileau (Patrice) : Je vais répondre puis je vais laisser Manon répondre parce que...

M. Proulx : ...parent différent.

M. Boileau (Patrice) : Exact. Honnêtement, j'ai souvent parlé... mon épouse et moi, on va parler avec les enfants, on dit : Tu veux-tu aller à l'école? Parce qu'on se pose la question à chaque année. C'est exigeant, ce qu'on fait. C'est très demandant, mais c'est passionnant aussi. Mais on demande aux enfants. Des fois, c'est : Bien, peut-être, j'aimerais ça. Pourquoi? J'aimerais ça voir comment ça se passe. Pas parce qu'ils veulent y aller, ils voudraient juste voir ce que c'est. Puis là on parle puis on dit : Bien, il faudrait que tu me donnes des raisons qui motiveraient que j'accepterais que tu ailles à l'école. Mais on va faire cette discussion-là chez nous avec nos enfants, par exemple.

• (11 h 40) •

Mme Fortin(Manon) : Pour ma part, mes quatre enfants ont fait l'école maison du tout début jusqu'à la fin, et, quand j'ai arrivé avec mon quatrième, moi, j'étais essoufflée, et là, en secondaire IV, je lui ai dit : Bon, ça ne te tenterait pas secondaires IV et V d'aller à l'école? Et là il m'a dit : Maman, tu ne vas pas lâcher à moi.

Ça fait que, tu sais, les enfants sont heureux. Et puis, quand j'ai arrivé à la fin secondaire... Souvent, on se pose la question : Comment est-ce qu'on va les faire rentrer dans le système? Comment on va être sécurisé? Mais je pense que c'est évident, quand on prend le temps de s'asseoir avec des familles qui font l'école maison, c'est évident de voir que ces familles ont un objectif, ces enfants même ont un objectif de rentrer à quelque part. Tu sais, on parle de sortie, sortir du secondaire, sortir du système, mais il y a une entrée à quelque part où est-ce que nos enfants veulent aller.

Quand ma fille, ma plus vieille, a terminé le secondaire V, je n'avais pas beaucoup d'expérience en entrée dans les établissements postsecondaires, mais on avait un beau gros portfolio qui montrait que cette enfant-là avait les compétences pour entrer au cégep dans un programme de langues. Évidemment, le cégep n'a pas voulu accepter ma fille avec un portfolio, parce qu'ils m'ont dit : Madame, qu'est-ce qui nous prouve que vous n'avez pas triché? Mais évidemment les professeurs l'avaient évaluée, et là ma fille est allée passer les examens du ministère, parce que, bon, je ne voulais pas la pénaliser, mais est-ce qu'on aurait pu avoir cette ouverture d'esprit là pour regarder les acquis qu'elle avait? Parce que les parents ont à coeur leurs enfants. Est-ce qu'on aurait pu avoir cette ouverture d'esprit là, regarder les acquis qu'elle avait et dire : Oui, on croit que cet enfant-là est capable d'entrer dans le système?

Dans d'autres provinces, il y a des examens d'entrée plutôt que des examens de sortie. Donc, les enfants d'école maison, on s'inquiète comment est-ce qu'on peut être rassuré qu'ils ont les acquis, mais, si on prend le temps de s'asseoir pour regarder la progression des apprentissages... Puis ça, c'est quelque chose aussi qui se fait dans les autres provinces, les parents remettent un rapport de progression des apprentissages. C'est simple de voir que ces enfants-là sont dans un processus d'éducation, dans un processus d'apprentissage et d'être sécurisé, là.

On a une crainte beaucoup trop large à l'effet d'est-ce que cet enfant-là apprend.

M. Proulx : Ce qui est intéressant dans ce que vous dites... Je ne dis pas que c'est la finalité que nous emprunterons, mais ce qui est intéressant dans ce que vous dites, c'est que nous, on dit d'entrée de jeu : Il faudrait un plan d'apprentissage pour chacun. C'est un peu cette mise au jeu du parent-éducateur de dire : Écoutez, moi, je vais le faire, puis voici comment je veux le faire, et accompagnez-moi.

Bon, le projet de loi adopté, on présume qu'on va réussir ensemble à avoir cette nouvelle façon d'accompagner, ou ce nouvel accompagnement, ou cet accompagnement bonifié. Ce que vous dites, c'est que, si vous, bien, me permettez d'exercer mon droit qui est de faire l'école maison, que je respecte le droit de mon enfant à une éducation, que vous ne m'obligez pas à réintégrer le système scolaire ou à passer des examens... Parce qu'on convient qu'il y a des façons autres d'évaluer que du normatif dans de l'alternatif, puis j'ai tout entendu ça hier, notamment. Ce que vous nous dites, c'est : Bien, qu'à ce moment-là, lorsque mon enfant sera prêt à aller dans un niveau supérieur, bien, au moins, donnez-nous ou donnez à l'enfant l'occasion de prouver ou de faire la démonstration que ce qu'il a eu comme école maison lui permet d'accéder à la formation qu'il veut faire. Parce que, là, il n'y en a pas d'autre, possibilité. Pour faire son droit, il faut aller faire des cours, obtenir des crédits, faire son examen, faire l'école du Barreau. Je n'aurais pas pu le faire, le droit, à la maison. Ça n'a pas fonctionné.

Mme Fortin (Manon) : Mais les enfants sont motivés à aller quelque part, hein? C'est des enfants qui aiment apprendre, parce que c'est ce qu'on... On met chez nos enfants cette soif d'apprendre. On leur donne aussi une latitude dans leur... on leur donne un peu le contrôle dans leur éducation, dans leur apprentissage. Donc, ces enfants-là ont des buts, veulent apprendre, veulent avancer. Quand on arrive à la fin secondaire, évidemment, on travaille et on veut aller quelque part.

M. Proulx : Je termine en vous disant que je pense qu'il ne faut pas voir notre préoccupation à l'effet de bien protéger les enfants vulnérables et ceux qui n'auraient pas la chance que les vôtres semblent avoir comme étant un désaveu et/ou un manque de confiance ou un rejet de confiance à l'égard de gens qui le font pour les bonnes raisons et le font correctement. Je pense qu'il faut voir cette motivation et cette préoccupation comme un grand, grand, grand intérêt pour l'ensemble des enfants et surtout un grand, grand, grand respect pour le droit à l'éducation pour eux.

Le Président (M. Auger) : Un dernier commentaire? Il reste 30 secondes. Ça va? Oui, M. Riendeau.

M. Riendeau (André) : Oui. Moi, je vais répondre à votre question précédente, peut-être moins comme parent que comme enfant qui a vécu l'éducation à la maison. J'ai terminé mon secondaire à 15 ans. J'ai commencé à suivre des cours par correspondance à l'université. J'ai fini par aller enseigner l'anglais en Russie pendant un an et, lorsque je suis revenu pour réintégrer, j'ai décidé : on va aller au cégep faire quelque chose. Là, j'ai fait face au problème, j'ai dû refaire certains cours. Et ce qu'on m'a dit qui me prendrait deux ans à faire, je l'ai fait en quatre mois.

Donc, de toute évidence, la préparation que j'avais n'était pas reflétée dans les résultats d'examen. Et ce que je souhaite, c'est que mes enfants n'aient pas à vivre ça, O.K.? Et je partage, comme parent, comme professionnel et comme ancien président de l'ACPEQ, exactement la même préoccupation de vous. Ce n'est pas le 80 % qui va bien qui m'inquiète, c'est le 20 % vulnérable. Et on est absolument sur la même longueur, là, de dire : Comment on encadre, ou qu'on trouve, ou qu'on supporte ce 20 % là pour s'assurer que les enfants vulnérables, qu'ils soient issus de l'école à la maison ou du système public... Je me positionne d'une part et d'autre parce que j'ai une job de jour puis une job de soir, là, j'ai la même préoccupation, puis on veut tous dormir la nuit, hein?

Le Président (M. Auger) : Merci, M. Riendeau. Nous allons maintenant poursuivre avec le porte-parole de l'opposition officielle, le député de Lac-Saint-Jean, pour 14 minutes.

M. Cloutier : Merci. Est-ce que vous pensez que, dans les solutions, on devrait reprendre la définition d'enseignement approprié, comme nous a suggéré tout à l'heure le professeur, pour qu'on comprenne mieux les objectifs qui sont visés de part et d'autre et qu'on évite justement les confrontations ou les visions entre les administrateurs et les parents directement concernés?

Le Président (M. Auger) : M. Riendeau.

M. Riendeau (André) : Effectivement, je pense que le mot-clé, c'est comment on définit cette éducation appropriée là, et là on tombe tant au niveau des méthodes, du contenu et de l'évaluation. C'est les trois points... et jusqu'où on veut aller définir ça dans la loi versus le règlement, hein?

Donc, je pense qu'ultimement on a besoin d'avoir, d'une part, une notion suffisamment large d'éducation appropriée qui permet aux parents d'avoir la liberté qui est inhérente à faire l'école à la maison, c'est-à-dire choisir le programme, la méthode et l'évaluation, et en même temps satisfaire à un arrimage éventuel avec le système.

M. Cloutier : Est-ce que je me trompe ou c'est plus facile avec la méthode, plus facile avec l'évaluation, mais plus complexe avec l'enjeu du contenu? Ou l'inverse? Est-ce que l'enjeu du contenu lié à ce qui est déjà prévu au régime pédagogique peut trouver un consensus? Dans le fond, la souplesse que vous cherchez, est-ce qu'elle est davantage liée à l'évaluation et à la méthode qu'au contenu, ou c'est vraiment les trois sur un pied d'égalité?

M. Riendeau (André) : C'est une excellente question parce qu'ils sont indissociables dans le sens que, si on regarde... Allez parler à n'importe quel enseignant, qu'il soit au primaire, au secondaire, au cégep, à l'université, ils vont tous vous dire que l'évaluation doit correspondre au contenu et forcément à la progression des apprentissages.

Donc, si vous regardez un enfant de primaire, avant de se présenter aux examens des ministères, il y a eu des heures et des heures de pratique en classe sur un examen qui est pratiquement identique à celui qu'il va faire officiellement, donc ils sont indissociables. Le problème, c'est justement lorsqu'on essaie de les dissocier, c'est-à-dire si je force un enfant d'école à la maison de passer l'examen ministériel de la sixième année, alors qu'il n'a pas fait la même progression d'apprentissage, c'est sûr qu'on le positionne en état d'échec.

Est-ce que ça veut dire que, rendu à 15, 16 ans, l'arrimage va être impossible? Comme je disais tout à l'heure, absolument pas. Le problème, justement, c'est qu'est-ce qu'on fait entre les deux, entre le six à 17? Est-ce qu'on n'évalue pas? Est-ce qu'on évalue une fois, deux fois, trois fois? Comment on le fait? Là est la discussion, mais je pense que c'est indissociable. On ne peut pas dissocier le programme de la progression, c'est-à-dire le contenu, la méthode et l'évaluation subséquente. Il faut que les trois soient attachés ensemble, mais, s'il y a de la flexibilité d'une part, la même flexibilité doit suivre de l'autre part, là. On doit avoir un système d'évaluation qui est conséquent du contenu et de la méthode.

• (11 h 50) •

M. Cloutier : Mais comment vous le voyez, justement, ce processus d'évaluation? Est-ce que vous avez des suggestions à nous faire?

M. Riendeau (André) : Je pense que c'est... Puis là je vais peut-être plus vous répondre de par mon expérience professionnelle, là. J'ai beaucoup de mes collègues enseignants qui vont parfois dire : Écoute, je sais qu'il est capable de faire x, mais l'examen va refléter y. Donc, l'enseignant est en mesure d'évaluer la capacité d'un enfant par différentes façons mais sait très bien que, sur l'épreuve, le résultat ne reflétera pas nécessairement la méthode.

Donc, c'est un problème qui se pose, qui est là, mais qui, pour moi, nous donne une opportunité, c'est-à-dire l'examen est peut-être davantage une mesure de comparer un élève à un autre, de l'arrimer dans le système, de dire : Bien lui, il a 60 %; l'autre, il a 80 %. Il n'est pas nécessairement une mesure d'évaluation proprement dite de la progression ou de l'apprentissage de l'enfant. Je peux avoir un jeune qui est capable de m'écrire sur un examen le théorème de Pythagore, mais qui ne sera pas nécessairement capable de l'utiliser pour calculer un limon d'escalier. Bon, c'est toujours la question qu'on se pose : Comment on fait l'arrimage entre l'apprentissage académique, la capacité de l'utiliser et la capacité de l'évaluer?

Je regarde des enseignants... Moi, j'ai des enfants qui rentrent à l'hôpital, et l'enseignant va s'asseoir avec eux pendant une heure, deux heures sans faire d'évaluation formelle et est capable de revenir à l'équipe traitante et de nous dire : Il fonctionne à peu près en niveau troisième année ou il a une faiblesse en mathématiques, il est à peu près deuxième année, etc.

Donc, je pense que le système public, les professionnels disposent déjà de capacités et de mesures d'intervention d'évaluation qu'ils utilisent à même le système public, qu'on pourrait facilement transposer. Donc, on parle de portfolio. Nous, on utilise le terme «portfolio», mais moi, je vois des enseignants qui, par exemple, vont appeler à l'école, dire : Envoie-moi ce que l'élève a fait dans le dernier mois. Bon, pour moi, là, ça se compare à un portfolio, l'enseignant à l'hôpital, là, il reçoit le matériel, il le regarde, il dit : O.K. Ça ressemble à ça, il fonctionne à peu près à ce niveau-là. Il y a des entrevues qui peuvent être faites, il y a des tests qui peuvent aller... certains tests un peu plus formels ou uniformes.

Je pense que ce qu'il ne faut pas faire, c'est de choisir une méthode unique et de limiter la flexibilité. On peut en proposer plusieurs. C'est d'ailleurs ce qu'on suggère dans notre méthode, dire : Bon, bien, il peut y avoir le portfolio, il pourrait avoir une évaluation par un orthopédagogue, il pourrait avoir l'examen à la commission scolaire. Et ce choix-là ultimement devrait appartenir aux parents, dans le sens que c'est lui qui a choisi le programme, qui connaît la cadence puis dit : Bon, moi, je fais du «unschooling», ce que je veux, c'est présenter un portfolio. Et il y a d'autres familles qui utilisent du matériel, il y a une progression d'apprentissage qui est quasiment calquée sur ce qui se fait à l'école publique, puis qui vont vouloir dire : Regarde, moi, je ne me casse pas la tête, à la fin de l'année, il va aller faire les examens du ministère.

Je ne critique pas une méthode par rapport à une autre. Ce que je dis, c'est que je pense que ce choix-là est valide et il devrait être maintenu pour le parent, là.

M. Cloutier : Parlez-nous du processus d'appel que vous souhaiteriez qui soit mis en place en cas de conflit ou de problème avec les administrateurs, vous avez parlé de médiation.

M. Boileau (Patrice) : Je pense que Mme Fortin pourrait bien répondre à ça, avec toute l'expertise qu'elle a développée sur le terrain à interagir avec plusieurs familles qui sont aux prises avec la commission scolaire ou la DPJ, parce que souvent c'est des intervenants qui n'ont pas connaissance de ce qu'est l'école maison, avec des préjugés négatifs, avec le rôle professionnel, avec toutes les bonnes intentions.

Certainement, il faut enlever le fait que la commission scolaire est juge et partie puis qu'elle appelle la DPJ, qui se sent obligée d'intervenir. Peut-être Manon... comment tu verrais, ça, toi, le système de médiation entre nous et les intervenants.

Mme Fortin (Manon) : Bien, une chose est certaine, c'est que, si on demande aux commissions scolaires de jeter un regard et d'évaluer... On l'a vu, hein, ces derniers jours, les commissions scolaires sont très compétentes, mais ne connaissent pas c'est quoi, l'école maison, mais on en parle, on commence à comprendre que c'est très différent du système. Donc, il y a des commissions scolaires avec qui... du personnel avec qui j'ai parlé, j'ai pu avoir l'opportunité de leur expliquer, de leur donner une image de c'est quoi, l'école maison, et avec qui ça va très bien fonctionner, tandis qu'avec d'autres commissions scolaires c'est très fermé.

Puis même, avec plusieurs commissions scolaires, il y a un roulement qui se fait dans le personnel. Donc, si on limiterait ce nombre de personnes là avec qui les parents ont affaire, évidemment il faut que ces personnes-là connaissent c'est quoi, l'école maison, par des personnes qui l'ont probablement vécu, en tout cas, de très près, de l'information qui serait donnée à ces gens-là... et qu'ils puissent vraiment comprendre que l'école maison, ce n'est pas l'école à la maison, hein? Parce que les commissions scolaires, ils ont vraiment cette idée-là. Quand on leur parle d'école maison, ils s'imaginent que c'est un parent qui est chez lui puis qui reproduit ce qui se passe dans le système, ce qui n'est vraiment pas le cas.

Donc, il y a trop de personnes pour évaluer ces enfants-là, premièrement. Même si je travaille plusieurs heures par semaine à donner de l'information, premièrement, je ne suis pas toujours bien reçue, et, deuxièmement, il y a beaucoup trop de personnes à informer, et il y a un roulement de personnel. Donc, il faut vraiment limiter les gens qui recevraient ces familles-là seulement que pour...

La Présidente (Mme Rotiroti) : M. Boileau.

M. Boileau (Patrice) : J'ajouterais que la proposition que Mme Fortin a faite a aussi le bénéfice d'avoir une meilleure gestion et contrôle des coûts que ça pourrait entraîner, que d'avoir 72 personnes, groupes ou intervenants dans les commissions scolaires pour interagir sur tout le territoire du Québec avec des familles qui font l'école maison. S'il y avait quelques unités, une centrale ou quelques unités, bien, ce serait certainement beaucoup plus efficace pour chacun d'agir dans ce sens-là, d'avoir un regroupement de l'expertise.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Il vous reste encore quatre minutes, M. le député.

M. Cloutier : Quand vous nous dites : L'enseignement à la maison, ce n'est pas les parents qui sont à la maison nécessairement qui suivent les apprentissages, comment ça fonctionne concrètement, justement, l'enseignement? Donnez-nous des exemples de semaines typiques.

Mme Fortin (Manon) : Je pourrais en donner des dizaines, là, mais, par exemple, si une commission scolaire veut me rencontrer et si, avec moi, mon enfant, j'ai fait un projet sur ma région, mais qu'au programme, avec l'enfant de cinquième année, c'était, selon le programme, l'histoire de la région, et, avec lui qui est en sixième année, l'histoire du Québec, je vais arriver devant une commission scolaire, et là ils vont me dire : Bien, désolé, mais vous n'avez pas suivi le programme, donc cet enfant-là n'a pas reçu un enseignement approprié, ou équivalent, ou peu importe.

Donc, tu sais, quand on fait l'école maison, c'est une dynamique d'apprentissage familial. Quand ma fille est arrivée à l'âge de la biologie, si on veut, on a fait de la biologie en famille, et la plus intéressée à faire de la biologie, c'était celle qui avait 10 ans, puis aujourd'hui cette enfant-là est infirmière. Donc, je n'ai pas dit à ma fille de 10 ans : Désolée, mais toi, tu vas faire de la biologie quand tu vas être en secondaire III, il faut que tu t'attardes plus à ça. Donc, c'est une dynamique d'apprentissage familial.

Il faut comprendre que c'est ça, l'image que... Ceux qui vont évaluer, c'est nécessaire qu'ils aient cette image-là quand ils voient une famille arriver. Ils ne peuvent pas dire : Bien, toi, tu es en retard; toi, tu es en avance. C'est complètement différent. C'est une dynamique d'apprentissage familial, en famille.

M. Cloutier : Très bien. Vous nous suggérez aussi de modifier, là, l'article 4 du projet de loi pour y exclure les parents qui choisissent l'école à la maison... en fait de distinguer, là, les écoles illégales. Vous pouvez peut-être nous donner quelques détails supplémentaires.

M. Boileau (Patrice) : ...la question, M. Cloutier.

M. Cloutier : Page 6 de votre mémoire, vous dites que, l'article 4 du projet de loi, on devrait exclure les parents-éducateurs.

M. Boileau (Patrice) : Bien, on pense que ça s'applique davantage, comme on l'explique, au contexte d'écoles illégales, là, on imagine. Une fois que le parent s'est inscrit à la commission scolaire, a déposé son projet d'apprentissage qu'il a choisi, avec son système d'évaluation... Sinon, ce n'est pas quelqu'un qui fait l'école maison, ça fait que ça s'appliquera à quelqu'un qui ne fait pas l'école maison, qu'on ne connaît pas nécessairement, là.

Nous, on pense que nos membres, les membres de notre association vont faire ce que la loi nous demande de faire. Ça ne devrait pas s'appliquer à nous. Ça devrait être exclu. Ça se pourrait qu'une famille, pour une raison x, à un moment donné ou à un autre, soit en retard dans sa soumission d'une idée, d'un projet, d'une rencontre, d'une réponse. Ça pourrait arriver. On ne pense pas que ça devrait s'appliquer à des gens qui, de bonne foi, font l'école maison comme on vous le présente aujourd'hui.

M. Riendeau (André) : Si je peux ajouter, plusieurs des suggestions qu'on fait vont dans la notion où on veut, tel que le ministre, d'ailleurs, là, créer un climat de confiance et de collaboration. Donc, il y a certaines clarifications, certaines choses qu'on sait que nos membres, que certaines familles qui font l'école à la maison vont lire ça et vont avoir peur.

Les gens qui ont peur, ils se cachent, et ce n'est pas ce qu'on veut, ce n'est pas ce que nous voulons, ce n'est pas ce que le ministre veut. Donc, on veut certaines clarifications pour éviter de créer ou, d'ailleurs, de maintenir ce climat de crainte et de peur là, de dire : Oups! Il faut qu'on se cache dans la cave pour faire l'école maison parce qu'on ne veut pas être mis à l'amende, on ne veut pas la DPJ, on ne veut pas ça.

Donc, il y a certaines clarifications qui vont davantage dans cette optique-là de dire : On veut enlever l'élément de crainte, de peur, là, chez nos membres.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Merci beaucoup. Il ne reste plus de temps, M. le député. Alors, on va passer du côté du deuxième groupe de l'opposition. Alors, M. le député de Chambly, vous avez neuf minutes.

M. Roberge : Merci bien, Mme la Présidente. Merci pour votre présentation. Je commencerais en m'intéressant à... oui, en m'intéressant à l'élément de la page 4 de votre mémoire. En haut, vous dites, troisième paragraphe, là : «Nous cherchons à obtenir une affirmation du gouvernement quant au droit des parents de choisir le curriculum de leur enfant.» Qu'est-ce que vous entendez par ça, «le droit des parents de choisir le curriculum»?

• (12 heures) •

M. Riendeau (André) : Donc, c'est un petit peu, comme je disais tout à l'heure, à partir du moment où on choisit... Bon, les trois sont indissociables, comme j'ai dit, le contenu, la méthode, la progression, donc le curriculum qui, avec l'évaluation, qui forcément y est rattachée... À partir du moment où on enlève ce droit de choix là aux parents, on vient finalement de dire aux parents : Tu ne fais plus l'école maison, tu dois faire l'école à la maison, c'est-à-dire, si la commission scolaire, ou le ministère, ou une instance externe choisit le curriculum, bien, forcément, ils choisissent aussi l'évaluation, forcément, ils choisissent aussi la progression, et on vient sérieusement d'entraver la liberté et l'avantage ou un des avantages de faire l'école à la maison.

Donc, pour nous, c'est un peu inhérent de garder le droit de choisir le curriculum associé avec le droit de faire l'école à la maison.

M. Roberge : Soit je comprends mal ou enfin... sinon, je suis obligé de m'inscrire en faux avec ce que vous dites, parce que, si je regarde les enseignants, les professionnels de l'éducation qui ont fait un baccalauréat de quatre ans spécifique dans leur matière pour un niveau précis, ont étudié le programme, la pédagogie, etc., on ne leur offre pas ce niveau d'autonomie là aux enseignants qui dédient leur vie à ça et qui ont étudié ça, et ils peuvent choisir les méthodes pédagogiques, puis c'est très important qu'ils aient cette autonomie professionnelle là, l'approche pédagogique, peuvent jouer dans un espace, répartir dans le temps, dans l'année scolaire, les contenus, mais ils ne peuvent pas choisir le curriculum, c'est-à-dire les contenus enseignés. Mais ce que je comprends, c'est que vous voulez une autonomie beaucoup plus grande que ce que les enseignants, donc les professionnels de l'éducation ont. C'est bien ça?

M. Riendeau (André) : Bien, jusqu'à un certain point, oui, dans le sens qu'effectivement, là, l'enseignant qui travaille dans l'école, il y a le manuel qui est fourni. Si on regarde les écoles privées, ils ont une certaine latitude. Ils n'ont pas nécessairement exactement le même manuel de mathématiques que l'école publique, etc. Donc, c'est une liberté similaire dont on bénéficie présentement en faisant l'école à la maison. On veut maintenir cette liberté-là, là.

M. Roberge : Dans les écoles accréditées et reconnues légales, un enseignant peut choisir l'approche pédagogique. Il pourrait choisir d'enseigner sans manuel, mais, s'il prend un manuel, il faut qu'il prenne un manuel approuvé par le ministère. Là, vous réclamez ce droit de prendre un autre manuel qui ne serait pas approuvé par le ministère. Au privé puis au public, si elles sont reconnues, les écoles, si je ne me trompe pas, M. le ministre, on doit prendre le manuel approuvé par le ministère. Donc, enfin, c'est une marge de manoeuvre qui est assez grande.

Et je vais à la fin, à la page 8, vous avez des choses, là... «...nous demandons sur une base préliminaire que la recommandation inclue ce qui suit», puis à la fin vous dites : «À la fin de l'année scolaire — donc vous réclamez ça — les parents choisissent une des options suivantes — donc on choisit une des options suivantes — afin de démontrer qu'ils ont fourni un enseignement approprié», là préparer un portfolio, préparer un autre type de portfolio, compléter des tests formels ou d'autres méthodes.

Donc, vous ne voyez pas ça comme un processus de médiation entre commission scolaire ou autres instances, là. On a entendu toutes sortes de suggestions. Ce n'est pas nécessairement la direction de l'école, ce n'est pas nécessairement la commission scolaire, ça pourrait être un autre organisme, là, qui serait un peu l'intervenant entre le gouvernement puis les parents. Ça, je veux bien, mais ce que vous dites, c'est que ce n'est pas à entendre, à définir, à négocier. Ce sont les parents qui doivent choisir ça. C'est bien votre position.

M. Boileau (Patrice) : Oui, exactement, et ça, on n'a rien inventé ici. C'est utilisé dans d'autres provinces canadiennes où, avec les collègues de Manon, dans d'autres provinces, ils travaillent avec ces éléments-là pour permettre, justement, la progression, la réussite et la diplomation des enfants.

M. Roberge : Et, le dernier de cette même page là, à la page 8, bon, vous réclamez qu'«à la fin des études secondaires, la reconnaissance de l'enseignement approprié — parce que c'est le terme qu'il y a dans la loi actuellement, "l'enseignement approprié" — permet l'accès au D.E.P. — donc le diplôme d'études professionnelles — et aux études postsecondaires». Vous ne mentionnez pas le diplôme d'études secondaires, le D.E.S. C'est un oubli ou c'est volontaire?

M. Riendeau (André) : Au fond, nous, on ne s'attend pas à ce que le ministère nous délivre un... nous livre un diplôme d'études du secondaire du ministère, O.K.? Ce qu'on veut, c'est qu'on ait un arrimage, c'est-à-dire qu'on a travaillé pendant une dizaine d'années en collaboration avec la commission scolaire, avec un programme, une méthode, un contenu que, ultimement, on arrive à des résultats similaires à la fin du secondaire et que, rendu là, peu importe le cheminement, là, qu'une famille aura fait, le ministère reconnaisse cette démarche-là pour donner accès au D.E.P., donc un enfant qui choisirait, là, en secondaire IV, V, d'aller vers le D.E.P. ou d'aller vers le cégep, là.

M. Roberge : Donc, je comprends que vous ne réclamez pas la diplomation, le D.E.P., mais l'accès aux cours qui vont mener au DEP.

M. Riendeau (André) : L'accès au D.E.P., oui, c'est ça. C'était peut-être à clarifier, oui.

M. Roberge : O.K. Bon, là, je comprends, mais je vous remercie de cette clarification. Mais donc, par contre, vous réclamez un accès aux études postsecondaires, puis madame, tout à l'heure, a expliqué la démarche qui a été faite.

Concrètement, là, sur le plancher des vaches, là, dans la vraie vie de tous les jours, là, supposons que... À 14, à 15 ans, on sait c'est quoi, un adolescent, on ne sait pas nécessairement ce qu'on veut faire à 14, à 15 ans. Mais, à un moment donné, woups! il dit : Moi, j'aimerais ça aller, je ne sais pas, moi, pour devenir vétérinaire. Bon, bien, ça, ça veut dire entrer au cégep dans un domaine contingenté. Et le jeune, il n'a pas décidé ça à huit ans, là, il a décidé ça à 14, 15, 16 ans, là, c'est là que je veux aller. Et là comment faire avec un portfolio, sans diplôme d'études secondaires, sans examen, parce que les parents ont choisi que l'enfant ne ferait pas d'examen, mais l'enfant, lui, il décide finalement qu'il voudrait aller en sciences pures, un programme très, très contingenté? Comment vous allez faire? Tu sais, des fois, il peut y avoir 600 demandes, 300 places dans le programme au cégep. Comment faire pour se faufiler devant les autres avec son portfolio? Il me semble que, là, le test de la réalité frappe et que je vois difficilement comment on peut résoudre ce problème-là avec vos prises de position dans ce mémoire-là.

Mme Fortin (Manon) : Comme je le disais tout à l'heure, il y a des endroits où est-ce qu'il y a des examens d'entrée. Donc, tu sais, ce ne serait pas difficile pour un cégep, par exemple, de proposer une épreuve. Ça se fait même dans des écoles privées, parce que, quand les parents veulent envoyer leur enfant dans une école privée, il y a des examens d'entrée, de sélection. C'est quelque chose qui, pour moi... C'est facile de trouver des solutions pour voir si un enfant d'école maison est prêt à entrer dans un programme de sciences ou autre chose. Dans un portfolio, c'est très facile d'inclure des travaux et des évaluations qu'un parent aura fait faire au privé, par des professeurs ou par différents moyens, pour prouver qu'il est compétent pour entrer dans ce programme-là. Si c'est contingenté, bien là, il y a un système de sélection qui peut se faire, là. Je suis certaine que c'est facile à imaginer...

M. Riendeau (André) : Pour faire du pouce un peu, Manon, sur ce que tu dis, l'école à la maison, ce n'est pas nouveau de cette année, là. Ça se fait depuis 30, 40 ans aux États-Unis, et cette cohorte-là, donc ma cohorte, c'est-à-dire qu'on a fait l'école à la maison dans les années 80 et 90, ont intégré le système collégial, universitaire, tant au Canada qu'aux États-Unis, de diverses façons, certains directement par portfolio, d'autres avec des examens d'entrée, et d'autres, comme moi par exemple, qui ont dû retourner et se plier à la rigidité du système québécois.

Ce qu'on demande là-dedans, c'est d'avoir quelque chose d'un peu plus souple, pas un laissez-passer gratuit, là, pour dire : Ah! bien, tu as fait l'école à la maison, tu passes en avant de tout le monde. Ce n'est pas du tout ça qu'on demande, mais en même temps non plus, à l'autre extrême, de dire : Bien, parce que tu as fait l'école à la maison, automatiquement on te ferme la porte au postsecondaire au Québec. Parce que ce que ça fait, c'est que ça pousse les élèves à aller ailleurs, à se trouver des méthodes alternatives, à aller étudier en Ontario, aux États-Unis, etc. Je ne pense pas que c'est la solution ultime que le ministère veut non plus, là.

La Présidente (Mme Rotiroti) : M. Boileau, rapidement, parce que le temps est déjà écoulé, mais je vous laisse... Allez-y.

M. Boileau (Patrice) : Merci. J'ajouterais que, même dans un programme contingenté, les 600 qui vont rentrer, ils ne termineront pas tous. Il y avait un examen, il y avait les examens, il y avait le diplôme, et pourtant leur apprentissage, malgré le diplôme, a fait en sorte qu'ils n'ont pas été capables de se rendre jusqu'au bout. Un portfolio identifiant clairement... c'est plus de travail pour les personnes de l'analyser, mais le portfolio identifie clairement tous les apprentissages que leur enfant aura faits. S'il veut être vétérinaire, il va s'être certainement intéressé à des choses du domaine animal pour intégrer l'école vétérinaire.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Alors, merci beaucoup, M. Boileau, M. Riendeau et Mme Fortin, pour votre présence ce matin.

Alors, je suspends les travaux jusqu'à 14 heures. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 10)

(Reprise à 14 h 10)

La Présidente (Mme Rotiroti) : Alors, bon après-midi. À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission de la culture et de l'éducation reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

Et nous poursuivons les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 144, Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique et d'autres dispositions législatives concernant principalement la gratuité des services éducatifs et l'obligation de fréquentation scolaire.

Alors, je souhaite la bienvenue à l'Association québécoise du personnel de direction des écoles. Merci d'être là. Alors, je vous demanderais de vous identifier ainsi que les gens qui vous accompagnent. Et vous avez 10 minutes pour faire votre présentation, par la suite on passera à une période d'échange entre les élus. Alors, sans plus tarder, la parole est à vous.

Association québécoise du personnel de direction des écoles (AQPDE)

Mme Boucher (Danielle) : Merci, Mme la Présidente. Alors, mon nom est Danielle Boucher, je suis présidente de l'Association québécoise du personnel de direction des écoles et je suis très bien accompagnée, à ma gauche, par Mme Annie Element, qui est directrice d'un centre d'éducation des adultes à la commission scolaire des Premières-Seigneuries, et, à ma droite, M. Carl Barrette, qui est directeur à la polyvalente de Charlesbourg, aussi à la commission scolaire des Premières-Seigneuries.

Alors, ça nous fait très plaisir d'être ici, d'autant plus qu'on trouve toujours que c'est un privilège de pouvoir venir s'exprimer en commission, alors surtout que c'est le dernier après-midi dont on va avoir la chance de parler du projet de loi n° 144, qui... D'emblée, pour nous, c'est un bon mémoire... C'est un bon mémoire! Oui, c'est vrai, ça, on a un bon mémoire, mais c'est un bon projet de loi. On a l'habitude d'être un peu naturels, nous, quand on vient ici, puis on aime bien faire un peu de blagues.

Puis j'ai oublié de saluer M. le ministre. Je suis désolée, M. le ministre. On l'a fait tout à l'heure, mais on va le refaire plus officiellement, et saluer, effectivement, les deux députés des oppositions officielles. Alors, M. Cloutier, et M. Roberge, et toutes les autres personnes, considérez-vous salués.

Alors, d'entrée de jeu, comme je vous disais, nous appuyons les orientations du projet de loi n° 144 et les modifications qu'il propose à la Loi sur l'instruction publique. Nous avons beaucoup écouté les autres personnes qui sont passées en commission parlementaire, et nous avons trouvé effectivement qu'il y avait des choses très intéressantes qu'on a entendues, puis on va les relever.

Alors, vous savez que, pour nous, le droit des enfants à l'éducation est un droit des plus précieux, et on pense que, comme société, on doit protéger ce droit-là et le garantir. Dans la foulée des orientations proposées par le rapport Parent, qui ont été à la base de la construction du système d'éducation moderne du Québec, les directions d'établissement ont toujours défendu le droit de chaque enfant à une éducation qui lui permettra de devenir un citoyen actif, capable d'assumer ses responsabilités sociales.

Alors, je me répète, nous sommes d'avis que tous les enfants ont droit à une éducation gratuite, accessible sur tout le territoire sans égards à la situation de leurs parents ou des personnes assumant l'autorité parentale.

Nous avons également la conviction que le droit des parents d'éduquer leurs enfants dans le respect de leurs convictions doit être respecté et que cela doit se faire dans le respect des lois de notre société. Les directions d'établissement saluent particulièrement l'intention du gouvernement de clarifier la situation des élèves sans papiers, de mieux encadrer la scolarisation à domicile et de doter les écoles et aussi de doter le ministre de nouveaux pouvoirs pour faire respecter les dispositions de la Loi sur l'instruction publique relatives à l'obligation de fréquentation scolaire.

Alors, au sujet des élèves identifiés comme des sans-papiers, le projet de loi devrait permettre aux commissions scolaires d'accueillir tous les enfants à l'école malgré la situation de leurs parents. Il devrait également enlever un peu de pression sur les directions d'établissement aux prises parfois avec des situations humanitaires difficiles, lorsqu'elles doivent refuser à des parents l'autorisation d'inscrire gratuitement leurs enfants à l'école du quartier ou dans un centre de formation professionnelle ou de formation générale aux adultes où ils habitent.

Le projet de loi n° 144 rend les enfants mineurs admissibles à l'école à la condition que l'autorité parentale demeure de façon habituelle au Québec. Mais d'autres situations peuvent se présenter, comme celles d'enfants qui entrent au Québec avec une personne ne détenant pas officiellement l'autorité parentale. Alors, la loi ne peut prévoir ni anticiper toutes les situations d'immigration pouvant survenir dans l'avenir. C'est pourquoi la loi donne le pouvoir au gouvernement d'adopter un règlement pour encadrer ces situations inédites.

Cette possibilité de le faire, qui est normale et appropriée... Nous craignons par contre que la lourdeur du processus menant à l'adoption du règlement par le Conseil des ministres soit quand même un frein, ou, en tout cas, ça ne facilite pas tellement le traitement de tout cela, parce qu'il y a le temps qui est requis pour y arriver, et on ne voudrait pas que ça laisse perdurer des situations humainement difficiles à tenir pour des enfants de tout âge ainsi que pour le personnel des établissements et des commissions scolaires qui est interpelé.

Donc, nous sommes d'avis que la loi devrait accorder au ministre le pouvoir d'établir dans ses règles budgétaires des situations permettant à une personne d'avoir droit à la gratuité scolaire, et ce, au lieu de le préciser par règlement. Selon nous, compte tenu des nouveaux flux migratoires provoqués par les situations difficiles de certaines parties du monde, cette manière de faire serait la plus souple et est plus rapide pour s'adapter aux diverses situations qui vont se présenter dans les années à venir.

Par ailleurs, si plusieurs enfants immigrés nous arrivent avec des antécédents scolaires solides, pour d'autres, la situation est à la limite dramatique. Pour ces enfants présentant des cas particuliers, la durée des études primaires peut être plus longue que la durée normale de six ans. En effet, dans le régime pédagogique, à l'article 13.1, la direction d'école peut admettre un élève à l'enseignement primaire pour une année additionnelle. Alors, ça, ça porte, la disposition, à sept ans la durée maximale des études au primaire.

Nous croyons que cette période pourrait être ajoutée d'une année supplémentaire pour certains enfants qui proviennent de l'immigration. Puis on vous donnera des exemples concrets. En tenant compte de la situation difficile dans laquelle un enfant a débuté la scolarisation, contexte social instable dans son pays d'origine et apprentissage d'une nouvelle langue en arrivant au Québec, la direction d'école primaire devrait avoir la possibilité, pour ces enfants issus de l'immigration, de prolonger au-delà de sept ans.

Donc, concernant la scolarisation à la maison maintenant. En vertu de la loi, il est de la responsabilité de la commission scolaire de dispenser un enfant de l'obligation de fréquentation scolaire lorsqu'il reçoit à la maison un enseignement équivalent à ce qui est offert à l'école. Le projet de loi propose des modifications à la Loi sur l'instruction publique pour encadrer la gestion de ce type de scolarisation et s'assurer d'une approche plus uniforme entre les commissions scolaires. Nous appuyons les modifications proposées par le projet de loi.

Les commissions scolaires ont adopté des politiques qui précisent leurs modalités et leurs exigences en vue d'autoriser un parent à assumer la scolarisation de ses enfants à la maison. Les directions d'établissement sont davantage concernées par la scolarisation à la maison lorsque les parents décident, après quelques années, d'inscrire leurs enfants à l'école primaire ou secondaire. Il arrive aussi que nous soyons interpelés par des parents qui souhaitent que leurs enfants participent ou s'intègrent à certaines activités parascolaires offertes par l'école de leurs quartiers.

Concernant le retour des enfants à l'école après une ou quelques années de scolarisation à la maison, il est important que le projet d'apprentissage proposé par les parents et approuvé par la commission scolaire trouve son prolongement à l'école. L'école organise ses activités éducatives en prenant appui sur sa mission qui est d'instruire, socialiser, qualifier ainsi que sur le Programme de formation de l'école québécoise. Ces deux éléments sont des pivots essentiels de l'école québécoise, et il nous semble normal que le projet d'apprentissage proposé par les parents à la commission scolaire en tienne compte. Pour nous, il est essentiel que le projet d'apprentissage soumis par les parents qui assument la scolarisation de leurs enfants à la maison s'appuie sur le programme de formation et intègre des activités d'apprentissage favorisant la socialisation de l'enfant, une composante essentielle, pour nous, en lien avec la mission de l'école québécoise.

Par ailleurs, les parents qui s'adressent parfois aux directions d'école pour que leurs enfants soient scolarisés à la maison veulent des fois participer à des activités parascolaires offertes par l'école ou, par exemple, à des sorties éducatives, comme, exemple, la visite d'un musée. Nous ne sommes pas fermés à cela, au contraire, nous sommes ouverts à accueillir ces enfants, mais il y a certaines conditions qui devraient s'appliquer, puis, ça je le dis à chaque fois, le mur-à-mur, ce n'est pas une option. Donc, c'est sûr que le jugement a toujours sa place dans toutes les situations, là, mais il y a aussi le contexte et toute l'organisation, aussi, qui découle aussi autour de cela, dont il faut tenir compte. Dans le fond, ce que je veux dire, c'est qu'on ne peut pas improviser ça, cette participation-là. Enfin, l'enfant concerné ayant peu de liens avec le personnel de l'école ainsi que les élèves, si on avait à l'offrir, on pouvait le faire, bien, ça serait comme pertinent qu'il ne vienne pas seul à l'activité mais qu'il vienne accompagné de son parent.

Par rapport... bien, on pourra en parler un petit peu plus longuement, mais, par rapport au sujet de la fréquentation scolaire obligatoire, la loi donne à la direction d'établissement la responsabilité de prendre les moyens nécessaires pour que les élèves de son territoire fréquentent assidûment l'école. Lorsque cette obligation n'est pas respectée, il peut intervenir auprès des parents pour remédier à la situation. En ultime recours, on fait un signalement, on signale les absences répétées de l'enfant au directeur de la protection de la jeunesse.

• (14 h 20) •

Nous sommes favorables aux dispositions du projet de loi qui vont permettre au ministre de mieux identifier les enfants qui ne respectent pas l'obligation de fréquentation scolaire ainsi que de rendre passibles d'une amende les personnes qui contreviennent à cette obligation. Mais nous espérons que ces dispositions auront un effet dissuasif, bien sûr, sur les personnes contrevenantes, et ce, au plus grand bénéfice des enfants qui ont droit d'accéder gratuitement à l'école. Cependant, avant d'utiliser une approche punitive comme celle d'imposer une amende, comme on le propose à l'article 3 du projet de loi n° 144, nous sommes aussi d'avis que des interventions de la direction de la protection de la jeunesse devraient obligatoirement avoir été réalisées à la demande de la commission scolaire.

La DPJ doit assurer la protection des enfants et des adolescents si leur sécurité ou leur développement est compromis. Lorsque nous évoquons cette mission confiée au directeur de la protection de la jeunesse, nous pensons plus souvent aux cas de maltraitance physique, abus sexuels, négligence grave à soigner son enfant. Ainsi, actuellement, lorsqu'une direction d'école signale à la DPJ un cas de non-respect de la fréquentation, ce motif n'est pas inscrit d'emblée dans la liste des interventions prioritaires. Des situations de compromission telles que la sécurité physique ou l'abus sexuel exigent des interventions d'urgence, et on en convient, là. Mais pourtant, quand on parle d'absence répétée d'un enfant à l'école et le non-respect de l'obligation de fréquentation scolaire, bien, c'est souvent des conséquences de causes multiples qui sont plus difficiles à cerner.

En conséquence, nous croyons qu'au-delà des communications actuelles entre les commissions scolaires et les directions de la protection de la jeunesse la loi devrait préciser que le ministre, avant d'enclencher le processus menant à l'imposition d'une amende, devra obtenir un avis du directeur de la protection de la jeunesse sur la situation de l'enfant.

En guise de conclusion, l'AQPDE trouve important que tout soit mis en oeuvre pour que les droits de l'enfant d'accéder gratuitement à l'éducation soient respectés, sans considération à leurs situations ou à celles de leurs parents. Nous sommes favorables au projet de loi et, considérant la situation actuelle d'une arrivée massive d'immigrants, nous souhaitons son adoption et son application dans un meilleur délai.

Et je terminerai en vous disant ceci. Nous avons entendu une proposition de mettre en place une table de travail sur la scolarisation à domicile, et on trouve que c'est vraiment une superidée, mais qu'on aimerait vraiment y collaborer parce qu'on pense qu'effectivement il peut y avoir quelque chose à regarder de ce côté-là pour uniformiser un peu les encadrements, mais, comme on dit souvent, être fermes dans les orientations mais souples dans les moyens, hein?

Alors, voilà. En terminant, bien écoutez, j'ai comme le goût de vous dire : C'est une responsabilité morale de tous les décideurs du système d'éducation d'agir en conséquence, donc agir, en fait, qu'aucun enfant ne devrait être laissé de côté. Voilà.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Merci.

Mme Boucher (Danielle) : Est-ce que j'ai dépassé mon temps?

La Présidente (Mme Rotiroti) : Il n'y a pas de problème. On a pris le temps, du côté du gouvernement. Alors, merci beaucoup, Mme Boucher. Alors, on va passer à la période d'échange, et je cède la parole à M. le ministre pour environ 20 minutes.

M. Proulx : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Mme Boucher, monsieur. Merci d'être là. C'est toujours un plaisir de vous revoir et d'avoir l'occasion de discuter avec vous.

Des choses intéressantes dans votre mémoire, avec lesquelles j'aurai peut-être des questions, bien entendu. Un premier point, qui est en lien avec votre recommandation 1. Je pense que nous allons simplifier, à la lecture de ce que moi, j'en ai, parce que, bien entendu, lorsqu'on fait la rédaction, on veut s'assurer d'avoir tous les outils en main pour rendre ça plus simple. La LIP donne déjà au ministre la capacité d'établir les règles budgétaires, l'objectif étant de ne pas répéter et répéter des exceptions dans ces règles. Donc, ce qu'on souhaite, c'est de simplifier de façon à ce qu'une fois le principe de gratuité élargi il n'y a pas besoin, dans les règles, d'établir des sous-catégories et catégories.

Je peux me tromper, mais je vais tenter... mais je prends l'exemple des demandeurs d'asile qui sont actuellement ici. Dans ce cas-là et dans ces cas, parce qu'il y en a toujours, même si cette année vous aurez tous compris et constaté qu'il y en a davantage, bien, ils sont déjà prévus aux règles budgétaires, mais ils sont dans cette catégorie, dans une catégorie demandeurs d'asile, donc, que ce n'est pas... Ce n'est pas tant le principe de la loi, qui, lui, nous permet d'établir ces catégories, qui a à définir une exception pour eux, c'est que nos règles budgétaires, déjà, avaient ce pouvoir-là. Donc, dans le cas précis des sans-papiers, je comprends votre recommandation, je pense qu'on peut faire aussi simple que vous le souhaitez. Alors, je vais du moins nous en assurer.

J'avais également une question à l'égard... Dans le début, vous disiez, et vous le dites, dans l'accueil des élèves sans papiers, ça a été dit hier également, on a comme deux assises, nous, dans la reconnaissance de ces personnes qui actuellement ne bénéficient pas de facto de la gratuité via cette assise de l'autorité parentale et de la résidence. J'entends ce que vous dites à l'égard de ceux dont l'autorité parentale n'est pas déclarée, ou n'est pas reconnue, ou... ils se retrouvent ici dans une autre situation. C'est un peu, hier, je pense, semblable à ce qu'on nous disait en nous représentant le cas ou les cas de certains mineurs qui sont ici sans leurs parents. Là, là-dessus, je peux vous dire qu'il y a déjà une réflexion en cours à la lumière de ce qui a été dit.

Les règles budgétaires, j'en ai parlé. Sur la recommandation 2, vous parlez de l'obligation... bien, l'obligation, la possibilité de terminer son grand cycle du primaire sur sept ans, donc avec une année supplémentaire. Vous dites que, dans certaines circonstances, on devrait aller au-delà. Est-ce que cela aurait comme incidence également de nous obliger à modifier également l'âge maximum? Dans les faits, s'il nous arrive un enfant de 14 ans aujourd'hui, il ne va pas à l'école primaire, à moins que je ne me trompe, et, dans ce contexte-là, donc, ça veut dire qu'il faudrait... Si on va jusqu'au bout de votre raisonnement, on aurait à faire une corrélation, il faudrait faire une autre adaptation. Je me trompe-tu ou pas?

Mme Boucher (Danielle) : Non, vous ne vous trompez pas. Puis c'est des cas d'exception, il faut le dire, hein, parce que...

M. Proulx : Je veux juste aller jusqu'au bout, parce que, faire le bout... Il en manque un petit bout.

Mme Boucher (Danielle) : Je pourrai vous donner un exemple, oui.

M. Proulx : J'entends bien ce que vous dites à cet égard-là. Il y a toute la question du plan d'apprentissage, de l'approbation par des commissions scolaires. On a eu l'occasion d'en discuter ce matin, l'objectif... Et, à chaque fois que je vois le mot «approuver» dans un mémoire, je me permets de poser la même question : Est-ce que, dans votre intention, c'est... l'objectif étant de limiter ce droit-là ou vraiment de vouloir en faire une... de qualifier, dans le fond, la valeur du plan, quand vous le dites ainsi?

Parce qu'on le disait ce matin — je pense que c'est ce matin, oui — on avait cette discussion-là à l'effet que, dans le fond, la Loi sur l'instruction publique permet au parent de choisir ce mode. C'est une exception à la règle, mais c'en est une. Les tribunaux ont clairement dit qu'on ne pouvait pas, dans notre droit à nous, interdire ce mode de scolarisation. Alors, dans ce contexte-là, quand je vois «les commissions scolaires peuvent approuver le plan», j'ai comme en sous-entendu que, si elles refusent, bien, ça oblige un parent à amener son enfant à l'école, alors que ce n'est pas sur la base du plan d'apprentissage qu'on peut établir s'il y a, à terme, compromission.

Vous comprenez? Ce n'est comme pas la bonne place pour juger de l'affaire jusqu'au bout, là. Alors, vous me faites des signes me disant que, dans le fond, on dit la même affaire. C'est bien tant mieux. Alors, j'ai fini de grincer des dents.

Une voix : ...

M. Proulx : Ça va être court, hein? Dans le fond, on va peut-être avoir le temps de prendre un café, vraisemblablement.

Recommandation 5. Là, ça va être intéressant, puis, promis, je vous laisse parler. Recommandation 5, vous parlez de l'expertise professionnelle pour pouvoir participer. Là, je veux reprendre vos mots : «C'est dans le plan d'apprentissage approuvé par la commission scolaire — "approuvé", on en a parlé — que devraient être précisées la périodicité et les modalités d'évaluation — ça aussi, on pourra en parler — de l'enfant scolarisé à la maison. Cela exige une expertise professionnelle spécifique et l'établissement d'une relation particulière avec le parent et l'enfant concerné. Nous croyons que cet acte professionnel devrait être posé par le personnel professionnel du siège social de la commission scolaire...» Page 9. Recommandation 5, page 10. Peut-être nous expliquer pourquoi vous êtes arrivés à cette conclusion.

Mme Boucher (Danielle) : Bien, en tout cas, ce que j'ai entendu, là, c'est qu'il y a comme des géométries variables par rapport aux projets d'apprentissage, qu'est-ce qu'on accepte, qu'est-ce qu'on n'accepte pas. Je voudrais quand même revenir là-dessus parce que, pour moi, un projet d'apprentissage, ce n'est pas nécessairement de dire : S'il n'est pas accepté, tu ne peux pas scolariser à la maison, là. Ce n'est pas ça, l'objectif. C'est de soutenir le parent aussi, là. Parce que moi, je n'ai pas à juger, comme direction d'établissement ou comme... qui que ce soit n'a pas à juger du choix du parent. Moi, je ne suis pas là du tout. Moi, je suis plutôt de dire : Comment on peut l'accompagner pour justement qu'il ait un projet d'apprentissage qui réponde aux exigences du Programme de formation de l'école québécoise?

Un coup qu'on a dit ça, là, bien, hier, j'entendais Mme Harel Bourdon qui disait qu'elle en a 50 dans sa commission scolaire, bien, on va-tu avoir 50 petits projets? Tu sais, c'est ça, là. Alors, moi, je réfléchis, là, depuis deux, trois jours, à ce que j'entends puis je me dis : Je pense qu'il faudrait concentrer pour permettre d'avoir une certaine uniformité dans qu'est-ce qu'on attend par rapport à les projets d'apprentissage. Et, le suivi, bien, effectivement, je trouve ça intéressant qu'on puisse associer une ressource professionnelle à la commission scolaire, qui pourrait justement — parce qu'on parlait de la formation de ces gens-là pour accompagner les parents — qui pourrait justement bénéficier d'une formation adéquate pour pouvoir faire en sorte qu'on n'est pas dans le jugement du parent qui enseigne à son enfant, là, mais on est dans l'accompagnement du parent pour qu'il réussisse, dans le fond.

Parce qu'il n'y pas juste une façon de se rendre à Paris, là, tu sais? Dans le fond, si le parent, lui, il a des pratiques différentes puis il a d'autres approches pédagogiques, bien, moi, dans le fond, tout ce que j'ai à m'assurer, c'est qu'au niveau du développement des compétences de ce jeune-là il va avoir les compétences qu'il faut pour justement, à la fin de son secondaire, qu'il puisse être qualifié. Bien, je pense que c'est ça, la visée, là. On veut que tous nos enfants, au Québec, aient au moins un diplôme d'études secondaires, là. Donc, il y a comme une ligne, là, de temps. Je suis-tu claire?

• (14 h 30) •

M. Proulx : Oui, mais j'ai encore des questions.

Mme Boucher (Danielle) : Oui? O.K.

M. Proulx : Sur la question de l'expertise professionnelle, hier, on émettait aussi l'hypothèse, je vais le dire ainsi, que, dans certains milieux, il y en a que ça leur tente, il y en a que ça ne leur tente pas de travailler avec les parents-éducateurs. Et, dans ce contexte, précisément, alors la question que l'on va se poser ou qu'on doit se poser, c'est : C'est bien beau, une désignation d'une expertise professionnelle à l'intérieur d'une commission scolaire, mais, un, est-ce que ça empêche d'avoir 72 façons de faire les plus éclatées les unes que les autres et aux antipodes autant dans les orientations que dans les axiomes, modalités? Deux, est-ce qu'on ne peut pas se retrouver souvent, et parfois, dans des situations où... Puisque, pour certains, c'est un peu contre nature, travailler avec des gens qui sont à l'extérieur de l'école, bien, eh bien, on se retrouve dans une situation où on ne peut pas gagner, là, on ne peut pas réussir la collaboration parce que, dans le fond, les raisons qui nous amènent ici, il y en a plusieurs, mais une de celles-là, c'est d'avoir ce lien de confiance, c'est d'avoir cette collaboration, c'est, dans le fond, de mettre toutes les conditions réunies pour qu'il y ait vraiment des partenaires entre les parents et les autorités scolaires.

Donc, j'essaie juste de voir si... Est-ce qu'on doit faire ce qu'on fait actuellement, puis ce vers quoi le projet de loi tend actuellement, c'est-à-dire, bien, l'autorité, c'est la commission scolaire, puis on veut qu'elle supporte le parent-éducateur? Alors, on sous-entend qu'elle va désigner les personnes nécessaires en fonction du nombre, en fonction de l'expertise, on espère, en fonction de l'intérêt aussi, ou bien on ouvre la possibilité à soit des désignations autres soit à des entités différentes, ou bien à permettre une certaine reconnaissance. Parce que tantôt ce ne sera pas une évaluation, peut-être, normative comme on fait avec les autres enfants quand il y a une préparation d'examen pour avoir un examen le lendemain. Alors, tout ça rentre en ligne de compte.

Donc, moi, je n'essaie pas aujourd'hui de décider c'est qui qui va le faire puis qui ne le fera plus. J'essaie juste de voir : Tant qu'à faire le travail qui est le nôtre, est-ce qu'on peut se donner les moyens de réussir?

Mme Boucher (Danielle) : C'est une bonne question, puis je vais laisser M. Barrette répondre à cette question.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Alors, M. Barrette.

M. Barrette (Carl) : Oui. Mon nom est Carl Barrette. Je suis directeur à la polyvalente de Charlesbourg, où on a accueilli, justement, à l'entrée scolaire qui... Ça fait juste quatre jours, on est dans notre cinquième journée, on a 40 élèves cote 32, c'est 40 élèves qui ne répondent pas aux normes, ce qui veut dire qu'ils ont besoin d'un service adapté, modifié à leur réalité, avec des réalités qui sont tellement différentes l'une des autres. À la commission scolaire, on a décidé d'orienter les services centralisés dans une école pour justement aller chercher l'expertise, nos professionnels, nos enseignants, l'équipe, pour pouvoir donner un service adapté à la réalité et accompagner aussi les parents, parce que c'est ça aussi, la réalité.

Et ce qu'on veut tendre puis ce qu'on voudrait souhaiter, c'est qu'on aille chercher les pratiques gagnantes dans chacun des milieux, parce que souvent on regarde dans ce qu'on fait, on essaie toujours de recommencer à zéro, mais pourquoi ne pas aller voir dans des milieux où il y a une expertise appropriée? C'est certain qu'à Premières-Seigneuries on n'a pas l'expertise qu'on peut avoir, par exemple, à Montréal ou on peut avoir à la Capitale, où il y a beaucoup plus d'élèves. Pour nous, c'est une nouvelle réalité, mais il faut réagir à cette situation-là, et c'est pour ça qu'on trouvait important d'avoir un support d'un professionnel au niveau pédagogique pour pouvoir orienter et accompagner ces enseignantes-là, les équipes qui accueillent ces enfants-là, qui ont des besoins tellement diversifiés. On parle d'enfants qui, à certains cas, n'ont aucune scolarité, ne connaissent même pas c'est quoi, l'école. Ça fait que c'est tout ça qu'il faut regarder à 14, 15 ans. Ça fait que c'est ça, la préoccupation.

M. Proulx : Là, vous suscitez, je pense, beaucoup de questions. Ces 40 élèves, c'est maintenant de nouveaux élèves de l'école, sont tous issus de l'école à la maison, non?

M. Barrette (Carl) : Non, sauf que, dans la réalité, on veut avoir le souci de donner sensiblement le même service.

M. Proulx : C'est une analogie, mais ce que vous dites, c'est : Voilà des enfants, les 40 que vous connaissez, des enfants, des jeunes, des adolescents qui ont des besoins particuliers d'une autre nature que des élèves en difficulté à l'école, comme on les voit dans un parcours scolaire, parce qu'eux, dans presque la totalité des cas, ils débutent un parcours scolaire à un âge avancé, là. Alors, ce que vous dites... Vous faites cette analogie-là avec le parcours, avec les besoins particuliers, présumant que, dans le cas d'élèves qui feraient un retour à l'école ou une première arrivée à l'école, une vraie première entrée à un autre âge que six ans, auraient besoin...

Mais, dans le cas de la ressource d'accompagnement, là où, plus largement, on se pose la question, puis je pense que les collègues aussi, dans le sens de leurs questions, c'est que, nous, éventuellement, il faudra établir c'est quoi, ces balises-là, tu sais. Est-ce qu'il y a ce tronc commun, là, de contenus minimums? Ce n'est peut-être pas le bon... Il faut l'utiliser à bon escient, là. Ce n'est pas péjoratif de le dire ainsi. Ce n'est pas de dire : Eux autres, ils n'auront pas tout. C'est de dire qu'est-ce qui, pour nous, constitue un droit à l'éducation au Québec et, ensuite de ça, de quelle façon on va être en mesure d'apprécier les apprentissages. Puis ça, cette appréciation-là, ça ne peut peut-être pas passer par une évaluation formelle, normative, habituelle comme nous, on la connaît, qui avons des enfants dans le système scolaire actuel.

Alors, dans ce contexte-là, j'entends la préoccupation de dire : Il faut que ce soit une expertise autre. Mais est-ce que nous, on se doit de laisser à la commission scolaire... ou d'identifier que la commission scolaire doit définir que c'est un conseiller pédagogique, un par commission scolaire, une personne par commission scolaire, pour le faire, là? Tu sais, il y a plein de questions à se poser, là, sur le qui fait quoi, tout en gardant en tête qu'on veut que ça fonctionne. Donc, ça nous prend des gens qui vont être en relation avec les parents.

Mme Boucher (Danielle) : Ce que j'ai entendu hier, c'est plus une problématique au niveau du lien de confiance ou de la collaboration qui est là, ou pas là, ou à géométrie variable. Je pense que, quand on fait une règle, ça ne nous protège pas de ce bout-là. Alors, je pense que, de ce côté-là, peut-être que la table de concertation qu'on pourra mettre en place pourrait venir, en tout cas, lancer la discussion puis le débat, parce que, là, ce que j'entendais, en tout cas, dans les propos, c'était plus de l'ordre du préjugé, puis là ça, ça empêche, des fois, d'avoir une attitude collaborative. Puis en même temps, quand je dis ça, je ne veux pas généraliser. Ça ne veut pas dire que c'est ça partout. Mais votre préoccupation, c'est de dire : Comment faire en sorte que justement le lien se fasse et que la collaboration aussi se mette en place? Alors, c'est une bonne question. J'ai de la difficulté à vous répondre aujourd'hui. J'ai la même préoccupation. Moi, ce que je dis par rapport au projet d'apprentissage : Je ne pense pas que c'est à chaque école de faire le suivi puis l'encadrement de tout ça. Je pense qu'il faut penser à une autre formule qui ferait en sorte qu'on pourrait comme regrouper — parce qu'on le sait, c'est à la marge, hein — ces demandes-là de scolarisation à la maison.

Donc, on veut continuer d'accompagner, mais on veut surtout avoir les bonnes personnes avec les bonnes compétences pour pouvoir le faire, en ayant comme souci d'avoir des gens qui collaborent, mais aussi on a entendu qu'il y avait un besoin de formation pour guider ces gens-là ou comment accompagner ces parents-là. Ça n'enlève pas qu'il y a toute une certaine clientèle où il y a une problématique où il manque de transparence par rapport justement au projet d'apprentissage. Qu'est-ce qui se passe vraiment à la maison? On n'a pas besoin d'un examen en quatrième année puis en sixième année. Je vais vous rassurer tout de suite, on n'est pas là du tout, du tout, du tout.

Dans le fond, j'ai le goût de vous dire, on a des savoirs essentiels à l'école. Je vais parler, mettons, du primaire, là. On est capables de voir si un enfant, il a développé des compétences puis quelles compétences qu'il a développées. On est capables de s'asseoir avec le parent puis dire : Regarde, là, à la fin de son premier cycle, là, voici qu'est-ce que ton enfant devrait être capable de faire, le moyen que tu vas utiliser t'appartient, mais ça, là, je te le dis, c'est ça, les grandes lignes. C'est ça, le projet d'apprentissage, dans le fond. Est-ce que j'ai besoin de passer un examen pour vérifier s'il l'a ou pas? Moi, je pense qu'il y a un autre moyen de le vérifier, parce que, pour nous, les examens du ministère, c'est là pour réguler le système. Là, ce qu'on parle, c'est de s'assurer que l'élève a vraiment développé l'ensemble de ses compétences. C'est ça, là, dont on parle. Donc là, on est rendus dans un autre dossier qui s'appelle l'évaluation, puis ça, un jour, on aura une table puis on pourra en discuter.

• (14 h 40) •

M. Proulx : Avec plaisir, puis il y a sept jours dans une semaine. Mais, bon, on a déjà dit qu'on en parlerait ensemble et avec d'autres, en plus.

Deux choses. La première, c'est qu'il y a, bien entendu, des arguments qui militent en faveur de cette concentration d'expertise autour de quelques personnes, parce que l'expérience sur le métier habituellement nous rend plus habiles, ou, en tout cas, plus compétents, ou bien nous permet d'avoir des stratégies différentes, et d'en avoir fait, d'en avoir vu nous permet de réagir parfois différemment, et ça, je l'entends bien.

Dans le fond, ma dernière question portait sur la recommandation 6 parce que vous dites : «Le p.l. n° 44 devrait prévoir que le ministre doit obtenir un avis de la direction de la protection de la jeunesse avant d'enclencher le processus menant à l'imposition d'une amende lorsqu'un parent ou toute personne compromet la possibilité pour un enfant de remplir son obligation de fréquentation scolaire.»

Bien, j'essaie juste de comprendre la recommandation parce que, dans le fond, convenir qu'il y a une compromission, ça va se faire lorsqu'on sera en contravention avec la Loi sur l'instruction publique, mais surtout avec la Loi sur la protection de la jeunesse parce que c'est là qu'on établit les motifs d'une compromission. Alors, ne pas présumer de l'adoption, mais, si le projet de loi n° 99, tel qu'il est proposé, est adopté en cette matière, la compromission sera encore plus claire par rapport à la non-fréquentation scolaire. Moi, je salue ça. Je suis partisan de ça. Je vais militer pour que ce soit comme ça. Ça va se retrouver là, je le souhaite.

Alors, dans ce contexte-là, c'est inévitablement une démarche qui sous-entend la protection de la jeunesse. Donc, c'est la direction... Alors, j'essayais juste de voir... Est-ce que vous nous dites : N'oubliez pas de faire affaire avec eux parce que c'est essentiel? Mais vous aurez compris que, pour moi, là, je veux dire, de la finalité, là, on ne peut pas soustraire ce passage obligé qui est une évaluation, à la lumière de cette loi-là, qui est essentielle parce que c'est elle qui nous dicte comment agir et comment reconnaître qu'il y a compromission ou pas, à moins que je me trompe.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Mme Boucher, vous avez une minute pour répondre si vous voulez.

Mme Boucher (Danielle) : Tout à fait. Nous, on ne veut juste pas qu'on l'échappe, parce que, dans le fond, ce qu'on veut, c'est qu'on travaille ensemble parce qu'on ne veut pas travailler les deux en silo. Donc, c'est important qu'il y ait un dialogue d'établi. Puis, des fois, il y a des particularités qui font en sorte que le dialogue est nécessaire avant même de mettre en place des mesures coercitives. Donc, c'est juste dans cet esprit-là, et on est à la même place là-dessus.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Merci. Merci beaucoup. On va passer du côté de l'opposition officielle, et, M. le député de Lac-Saint-Jean, vous avez 14 minutes.

M. Cloutier : Merci, Mme la Présidente. Alors, merci de votre présence avec nous aujourd'hui.

Votre recommandation 3, vous faites référence à la nécessité qu'il y ait une harmonie avec le Programme de formation de l'école québécoise. Maintenant, le projet de loi nous propose un projet d'apprentissage pour assurer un enseignement qui est approprié. Alors, pour vous, la définition... un autre critère de l'enseignement approprié serait d'y ajouter une certaine harmonie avec le Programme de formation de l'école. C'est ça?

Mme Boucher (Danielle) : Bien, dans l'élément qu'on voulait souligner, c'est que, oui, il y a instruire, mais il y a socialiser aussi dans le Programme de formation de l'école québécoise, puis on trouve important de ne pas échapper ce morceau-là qui est important.

M. Cloutier : Pour y arriver, à cette socialisation, vous avez quoi à l'esprit concrètement?

Mme Boucher (Danielle) : Moi, je pense que les familles qui décident de garder leurs enfants à la maison sont très créatives, là. J'entendais d'ailleurs qu'ils se regroupaient ensemble et organisaient des activités dans des musées, dans plusieurs lieux, bon, en tout cas, bref, des activités qui ressemblent à ce qu'on peut offrir dans une école, mais tu n'y vas pas tout seul avec ton enfant. Donc, tu t'organises pour qu'il y ait un groupe d'enfants, qu'on puisse justement développer tout l'aspect socialisation, qui est comme nécessaire, hein, dans notre société, là, dans le développement d'un enfant.

M. Cloutier : Est-ce que le Programme de formation de l'école québécoise, c'est uniquement au sens justement de la socialisation ou si c'est aussi au sens du régime pédagogique puis des apprentissages peut-être plus définis?

Mme Boucher (Danielle) : Ah non! Ça, c'est évident, là, que le programme de formation... D'abord, on s'entend qu'il y a des notions, il y a des savoirs essentiels à passer, à livrer, de là l'importance de faire valider le programme d'apprentissage par une autorité compétente. Donc, ça, nous autres, on adhère à ça, là, il n'y a pas de souci. Je vous dirais que justement la qualité du programme d'apprentissage, bien, va faire foi aussi de la richesse aussi des activités qui vont être proposées à l'enfant, là.

M. Cloutier : Vous pensez que le projet d'apprentissage devrait être validé par les directions d'établissement? Non?

Mme Boucher (Danielle) : Non. Ce qu'on dit, c'est que c'est les commissions scolaires qui ont la responsabilité et l'autorité d'approuver le projet d'apprentissage.

M. Cloutier : Est-ce que c'est un pouvoir d'autorisation et de validation ou c'est plutôt... Moi, ce n'est pas ce que je lis. La loi dit : «Un projet d'apprentissage est soumis à la commission scolaire». Je n'y vois pas un pouvoir de valider ou d'autoriser, mais davantage un dialogue dans...

Mme Boucher (Danielle) : Écoutez, on est dans un esprit de collaboration. Je vais vous faire un cas d'espèce, là. J'ai un parent qui se présente à la commission scolaire avec un projet d'apprentissage x, puis c'est conforme, et ça répond aux exigences du programme, moi, je vais lui dire : Bravo, on va se rencontrer si tu as le goût, puis on va en discuter, puis on va voir où est rendu ton enfant, etc. S'il manque des morceaux, bien, c'est mon devoir de lui dire : Bien là, il manque des morceaux, il faudrait voir comment on peut en ajouter. Puis, si, malgré tout ça, ça ne fonctionne pas, bien là, je pense qu'il y a un devoir de la commission scolaire de réagir à cette situation-là.

M. Cloutier : C'est intéressant. Et comment devrait réagir, justement, la commission scolaire?

Mme Boucher (Danielle) : Moi, ce que j'ai entendu hier, c'était qu'ils ne donnaient pas l'autorisation du programme d'apprentissage, du projet d'apprentissage, mais j'imagine, parce que je n'ai pas de données statistiques là-dessus, que ça doit être assez en marge qu'on refuse. Bien, j'espère, mais, sinon, ça veut dire qu'il y a comme quelque chose là à développer.

M. Cloutier : Je ne me souviens pas précisément des chiffres qui ont été cités hier, mais, de mémoire, c'était le tiers qui... je pense, c'était 200 demandes pour...

Une voix : ...

M. Cloutier : J'ai eu des échos de la salle qui me rappellent les chiffres. Bon, mais, au moins, j'avais retenu la bonne proportion, le tiers. C'est à peu près ça qui, en bout de course, là, va aboutir, on peut dire ça, vers un programme d'apprentissage à la maison. Donc, il y en a certainement qui se sont soit découragés dans le processus... ou juste réalisé que peut-être que ce n'était pas fait pour eux, finalement. Mais les parents nous ont demandé qu'il y ait un processus d'appel ou de révision si jamais, justement, il arrivait des situations... pas nécessairement conflictuelles, mais on peut avoir des visions qui s'affrontent aussi, sans que ça soit nécessairement conflictuel, sur le programme d'apprentissage. Est-ce que vous avez réfléchi à ça?

Mme Boucher (Danielle) : Bien, moi, je pense que le fait de mettre en place une table de travail sur le sujet peut grandement nous aider, parce que ce que j'entends aussi, c'est : Il faut établir un dialogue avec ces parents-là qui font ce choix-là. Ce n'est pas de juger le choix qu'ils font, là, moi, je ne suis pas là, là, mais c'est vraiment d'établir un dialogue puis, de part et d'autre, de comprendre il est où, le problème, tu sais. Alors là, moi, je pense que, quand on sait il est où, le problème puis on est capables de l'identifier, ça va mieux pour trouver des solutions. Ça fait que mon approche est plus de dire comment on peut faire pour... Bon, bien, le deux tiers qui n'a pas eu de projet d'apprentissage, bien, on ne les sait pas, les raisons, là. Il y a peut-être parce que le parent, il a changé d'idée, ou quoi que ce soit, là, parce que, quand même, c'est exigeant, la scolarisation à la maison, là, ce n'est pas n'importe quoi, là.

Donc, ceci étant dit, je pense que cette table-là, là, peut être très intéressante. Mais je ne règle pas votre problème, là, quand vous me dites : Qu'est-ce qu'on fait ou comment on peut répondre aux besoins de ces parents-là?

M. Cloutier : Visiblement, je pense qu'avec justesse certains ont noté de la nécessité de pouvoir avoir un autre organisme soit par médiation... La grande majorité a remis en question le rôle du Protecteur du citoyen comme étant la personne la plus apte pour procéder à une révision. Puis je pense qu'il faut être sensible justement à ça, d'avoir une personne tierce pour pouvoir soit revoir ou assurer l'harmonie, dans le fond, entre ceux et celles qui sont impliqués.

Par contre, je retiens la précision que vous souhaitez qu'on apporte avec l'harmonisation au Programme de formation de l'école québécoise. Ça a été un peu soumis, je pense, par votre prédécesseur, le professeur d'université qu'on avait tout à l'heure, qui nous disait : C'est important d'assurer l'intégrité du réseau et qu'il n'y ait pas de gens, dans le fond, qui soient en marge. Maintenant, dans l'harmonisation, bien là, on peut trouver probablement des terrains d'entente dans qu'est-ce que ça veut dire concrètement, mais, au moins, j'entends votre volonté de vouloir créer un lien direct avec le reste de la profession.

Maintenant, vous voulez qu'on inscrive plus formellement les activités parascolaires ou l'offre d'activités parascolaires, justement, probablement dans le même esprit que votre recommandation 3, qui est probablement la socialisation aussi puis l'intégration de ces élèves à des activités qui sont offertes dans le milieu scolaire. Ça ne se fait pas présentement?

Mme Boucher (Danielle) : Bien, est-ce que ça se fait tout le temps? Je ne suis pas certaine parce qu'on met beaucoup d'emphase sur les savoirs essentiels puis les apprentissages de base. Maintenant, de toute façon, on le sait que les parents, ils en font, de ça, là, ça fait que pourquoi ne pas l'inclure dans le projet d'apprentissage? Pourquoi ne pas le souligner? Alors, je trouve que c'est important de le faire, tout simplement.

Je voulais répondre à l'autre commentaire, mais, en tout cas, j'ai oublié. Ça va revenir.

• (14 h 50) •

M. Cloutier : Mais, dans le fond, ce que vous aviez en tête, c'est-u, par exemple, un enfant qui est inscrit à la maison, qui voudrait suivre un programme de football à cinq heures, après les heures scolaires, qu'il pourrait le faire en s'inscrivant à cette activité parascolaire? C'est-u ce genre de...

Mme Boucher (Danielle) : Ça, je pense que ça, là, ça peut être tout des éléments qui peuvent être discutés à la table, parce que, dans le fond, le projet de loi, je ne pense pas qu'il est là pour définir toutes les modalités. Mais on en parle, là, puis plus on en parle, plus on découvre une multitude de choses qu'on a besoin de parler puis discuter. Ça fait que moi, je pense que c'est nécessaire d'établir ce dialogue-là dans le sens de faire en sorte... Mon seul objectif, c'est de m'assurer que cet enfant-là, il a reçu les apprentissages qui sont importants qu'il ait pour son développement. C'est ça, ma préoccupation. Alors, que le parent fait ce choix-là, c'est son choix. C'est son choix, comme adulte, de le faire. Mais, à partir du moment où on le fait, moi, je veux juste m'assurer que l'enfant a tout ce qu'il faut pour devenir un citoyen par la suite, là.

M. Cloutier : Incluant la participation à des activités parascolaires.

Mme Boucher (Danielle) : Oui, oui. Nous, on trouve que cette partie-là est importante.

M. Cloutier : Donc, probablement aussi les bibliothèques, ce qui est offert, dans le fond, aux étudiants inscrits à l'école. Très bien, je vous remercie beaucoup.

M. Boucher (Danielle) : Merci.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Ça va, oui? Merci beaucoup. On va passer du côté du deuxième groupe d'opposition. M. le député de Chambly, vous avez neuf minutes.

M. Roberge : Merci beaucoup. Merci pour votre présentation. Je vais commencer avec votre recommandation 2, où vous parlez des sans-papiers ou des immigrants. Je vais en faire la lecture, pour ensuite vous questionner. Vous dites, bon, recommandez que «le régime pédagogique d'éducation préscolaire, de l'enseignement primaire et de l'enseignement secondaire devrait être modifié afin de permettre à une directrice ou à un directeur d'école d'admettre un enfant issu de l'immigration au-delà de l'année additionnelle déjà prévue par le régime lorsque sa situation antérieure est cause du retard et que cette année supplémentaire est susceptible de faciliter son cheminement scolaire ultérieur».

Bon, si on clarifie ça un peu, là, en bon français, là, en ce moment, on a le droit de redoubler une fois au primaire. Là, on se comprend? Ce que vous dites, c'est : Pour un enfant issu de l'immigration, s'il y a une situation antérieure et si cette année supplémentaire serait susceptible de faciliter son cheminement, il aurait droit à une année de plus. Est-ce que c'est bien ce que vous voulez dire?

Mme Boucher (Danielle) : Oui, puis je vais vous expliquer pourquoi, parce que j'ai une direction d'école qui m'expliquait que, souvent quand ces enfants-là arrivent, on ne sait pas trop c'est quoi, la date de naissance. Des fois, c'est tous des 1er janvier. Ça fait qu'on se dit : Bon, il a-tu 10 ans, il a-tu neuf ans? On ne le sait pas. On ne le sait pas trop. Des fois, on le regarde physiquement puis on dit : C'est peut-être plus huit que neuf, tu sais. Mais là il faut le placer à quelque part dans une classe, dans un groupe. Puis ce qu'on me dit, c'est que, des fois, tu sais, d'apprendre la langue, c'est déjà, en soi, quelque chose, de faire les apprentissages dans un contexte des fois où... Il y a des enfants qui vont très bien s'ajuster parce qu'ils ont un vécu antérieur qui est tout à fait correct au niveau de la scolarisation, mais il y en a d'autres qui partent de plus loin, puis, des fois, il manque juste un petit bout, avant de les envoyer au secondaire, qui ferait en sorte qu'ils réussiraient. Moi, là, ça me crève le coeur de dire : Je le sais d'avance, qu'au secondaire ça ne sera pas possible, là, il a trop de lacunes. Donc, je trouve ça triste parce que c'est dû au fait que, justement, ils n'ont pas le bagage antérieur, mais ce n'est pas parce qu'ils ne veulent pas.

Alors, c'est ce qu'on m'expliquait, puis je trouvais que ça avait bien de l'allure. Je me disais, dans le fond : Pourquoi ne pas lui donner sa chance, d'autant plus que ce n'est même pas sûr qu'il a 14 ans? Comprenez-vous? Ça fait que, là, on se disait : Bien, physiquement, là... Tu sais, c'est tout un ensemble de facteurs qui fait qu'on garde un enfant une année de plus au primaire, puis vous le savez, vous avez été enseignant. Donc, quand on prend cette décision-là, elle est mûrement réfléchie. On en parle aux parents. On regarde l'équipe. Même, des fois, on parle à l'enfant pour voir comment lui, il va le vivre. Puis, des fois, tu sais, ils veulent rester parce qu'ils sentent qu'ils ne sont pas prêts à s'en aller au secondaire. C'est pour nous donner cette souplesse-là de pouvoir s'ajuster par rapport à ces enfants-là qui ont quand même un vécu particulier, on va se le dire, là.

M. Roberge : Bien, justement, ayant enseigné au troisième cycle du primaire assez longtemps, donc j'ai été impliqué dans ce genre de décision là. Moi, j'accroche beaucoup à la dernière section, vous dites : «Cette année supplémentaire est susceptible de faciliter son cheminement scolaire ultérieur.» Pour moi, c'est tout ce qui compte. Le reste, là, c'est de la paperasse, là. Est-ce que l'année supplémentaire serait susceptible de faciliter son cheminement scolaire ultérieur considérant, là, la famille, l'enfant, le désir, tout ça? Et, dans les considérations moins importantes, moi, je mets : Est-ce que cet enfant est issu de l'immigration ou pas? Pourquoi ça serait juste un enfant issu de l'immigration qui aurait cette chance, dans un cas exceptionnel, après étude de cas, d'avoir une mesure qui est susceptible de faciliter son cheminement scolaire ultérieur? Moi, j'imagine qu'il y a deux petits gars ou deux petites filles qui sont à peu près en sixième année. Il y en a un qui a immigré quand il avait quatre ans, l'autre est né ici, les deux auraient besoin d'une année supplémentaire, les deux... On considère, avec la famille, avec le cheminement, avec l'enfant, que ça faciliterait son cheminement scolaire ultérieur, mais, non, parce qu'il est né ici, là, il n'a pas le droit à ça. La règle est bête. Mais, l'autre, parce qu'il est issu de l'immigration, il y a une petite craque, on peut le faire. Moi, j'ai le goût de vous dire : Est-ce que vous ne pensez pas qu'on pourrait... Vous avez dit tantôt, là : Assouplir un peu puis laisser passer le gros bon sens, en disant que la norme générale, c'est un an, là, mais que, quand on rencontre... quand on est vraiment à l'écoute de l'enfant ou du préadolescent, à cette époque-là, à ce moment-là, l'assouplir pas seulement pour les nouveaux arrivants.

Mme Boucher (Danielle) : Bien, j'ai le goût de vous dire : C'est l'ensemble de l'oeuvre qu'il faut regarder. Souvent, ces enfants-là qui nous arrivent là, bien, ce n'est pas nécessairement l'âge qui est écrit sur le certificat de naissance qu'ils ont. C'est ça, l'affaire. Parce que, des fois, ça ne correspond pas à ce qu'on voit, puis c'est ça. Ça fait que, des fois, de le garder une année de plus, ça n'a pas vraiment un impact par rapport à cette situation-là. Mais, quand ils sont rendus à 14 ans et puis qu'ils ont le physique aussi d'un jeune de 14 ans, bien, des fois, il y a des situations où tu es mieux de l'envoyer au secondaire parce que... par rapport, par exemple, à son estime de lui puis tout un tas de facteurs, O.K.? Parce que de garder un enfant de plus, là, au primaire, là, il y a tout le volet psychologique et estime de soi aussi qu'il faut analyser, les amis qui s'en vont au secondaire, et aussi il y a aussi des services qu'on peut donner au secondaire pour accueillir ces élèves-là qui ont des besoins particuliers ou qui ont besoin d'un soutien lorsqu'ils arrivent au secondaire. Moi, je ne parle pas de ça, là. Je parle d'un enfant vraiment qui a besoin d'une année supplémentaire, vraiment.

Mais j'entends ce que vous dites, mais en même temps, tu sais, j'ai comme le goût de dire : Il faut mettre une ligne à un moment donné, là. Puis est-ce qu'il y en a tant que ça, des élèves qui ne sont pas issus de l'immigration qui auraient besoin d'une deuxième année supplémentaire? Pas tant. En tout cas, moi, dans ma carrière de direction d'établissement, je n'en ai pas tant vu que cela. Je ne sais pas, Carl, de ton côté? Pas vraiment. Tu sais, c'est vraiment, là, à la pièce, tandis que, pour les enfants qui arrivent de l'immigration, ça, par contre, on en a beaucoup. On le voit souvent, tu sais, parce que, je viens de le dire, là, je viens de l'expliquer, des fois, bien, l'âge qu'ils ont, ce n'est pas tout à fait réel, donc, puis ils ont tous aussi le bagage antérieur qu'ils ont, que ce n'est pas nécessairement positif, mais qu'ils n'ont pas aussi au niveau de la scolarisation.

Bien, j'entends ça puis j'entends le fond de la préoccupation d'un enseignant qui dit : Ah! ce jeune-là, j'aimerais donc qu'il reste encore une année de plus. Je l'entends, là, mais c'est vraiment de façon très particulière puis très à la marge, là.

M. Roberge : O.K. Mais je comprends que ce serait exceptionnel. Ce qui est intéressant, c'est que vous amenez un sujet, une préoccupation que personne d'autre n'a amené avant vous. Donc, ça amène à se questionner puis ça amène à... Encore, à la troisième journée, en après-midi, on ouvre des nouvelles portes.

Je vais aller à votre recommandation 3. Vous avez été questionnés là-dessus précédemment, mais je trouve ça très important parce que c'est au coeur... Contrairement à ce qu'on vient de dire, tout le monde a parlé de ça. Est-ce que le programme... Le projet d'apprentissage doit, là, vous dites, s'harmoniser avec le programme de formation. Dans le projet de loi, on dit qu'il doit être approprié. Précédemment dans la loi, en ce moment, on disait que le projet d'apprentissage doit donner un enseignement équivalent à celui qui est dispensé à l'école. Bon, «équivalent», «approprié», «s'harmoniser avec le programme de formation», on a des variantes sur le même thème. Mais ce que vous avez répété souvent, mais qui n'est pas dans le texte, là, c'est qu'il doit inclure ce qu'on appelle les savoirs essentiels. Est-ce qu'on pourrait le mettre dans le projet de loi, que le projet d'apprentissage doit inclure, ou préciser, ou détailler l'acquisition des savoirs essentiels?

Mme Boucher (Danielle) : Bien, ça fait partie du Programme de formation de l'école québécoise. Et moi, j'ai juste nommé plus spécifiquement ce qu'on... Tu sais, on ne prêche pas ça n'importe comment, là, tu sais, on se dit... Bien, on a un superbeau programme de formation, ça, on va se le dire tout de suite en partant. Donc, c'est correct de pouvoir s'appuyer sur un outil qui est déjà très bien fait, soit dit en passant. Là où le parent a plus de marge de manoeuvre, c'est la façon dont... qu'est-ce qu'il va utiliser puis qu'est-ce qu'il va faire, tu sais, pour répondre aux exigences du programme.

Mais les savoirs essentiels sont déjà là. Ça fait que, tu sais, je me dis... En tout cas, moi, je pense que, dans le projet d'apprentissage, si ça peut aider de les préciser, bien, allons-y, mais nous, on le fait d'office, là. Moi, quand je rencontre un parent puis je lui dis : Bien, regarde, les échelles de compétence, c'est ça qu'il faut que ton enfant sache à la fin du premier cycle... Puis c'est génial parce que c'est très visuel, hein, comment on peut situer l'enfant dans son développement de compétences. Parce qu'au Québec on est en développement de compétences. Je veux juste qu'on se le rappelle.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Merci beaucoup, Mme Boucher, Mme Element et M. Barrette, pour votre présence.

Alors, je suspends quelques instants pour permettre au prochain groupe de prendre place.

(Suspension de la séance à 15 heures)

(Reprise à 15 h 4)

La Présidente (Mme Rotiroti) : Alors, je souhaite la bienvenue à la Fédération des comités de parents du Québec. Alors, Mme Payne et Mme Deschamps, merci d'être là. Alors, comme vous savez, vous disposez de 10 minutes pour faire votre présentation, et par la suite on passera à une période d'échange entre les élus. Alors, c'est Mme Payne qui commence? Alors, la parole est à vous.

Fédération des comités de parents du Québec (FCPQ)

Mme Payne (Corinne) : Merci. Bonjour à tous. Merci, M. le ministre, Mme la Présidente, les membres de la commission, de nous entendre aujourd'hui. Je suis très contente d'être ici afin de représenter la FCPQ sur un sujet aussi important que l'accès à l'éducation, mais surtout comment s'assurer de cet accès pour chaque enfant en toutes circonstances.

La loi publique doit garantir qu'on prend soin de nos enfants et de leur éducation, peu importe le choix qu'ils peuvent prendre ou doivent prendre les parents. L'UNESCO considère que l'éducation, c'est un droit humain pour tous, tout au long de la vie, et que l'accès à l'éducation va de pair avec la qualité. Donc, ce n'est pas 80 % des enfants, ce n'est pas 99 % des enfants, mais bien sûr 100 % des enfants qui doivent avoir ce droit, car aujourd'hui nous avons un parti pris clair : les enfants en premier.

Vous commencez à nous connaître, nous avons consulté nos parents avant de présenter devant vous. On constate que les parents sont en grande partie favorables aux ajouts et modifications apportés par ce projet de loi. Ils ont quelques inquiétudes aussi, et je vais vous partager également.

Au total, plus que 1 200 parents répartis dans 57 commissions scolaires ont répondu entre le 20 et le 30 juin. Lors du sondage, il est arrivé un premier... Oui, on continue à apprendre. En effet, l'invitation à participer à la consultation n'était pas restrictive ni fermée, donc plusieurs parents qui ne sont pas impliqués dans les structures dans le réseau scolaire public ont répondu au questionnaire.

Aussi, parmi ce temps, on a aussi parlé avec nos collègues chez APCA, l'association des parents anglophones, puis on a aussi fait une rencontre très fructueuse avec madame qui est en arrière, l'association éducation à domicile. Il faut donc comprendre que les parents qui font l'école à la maison ont répondu, et, pour plusieurs, ils sont identifiés clairement dans notre sondage.

En résumé, 50 % des répondants sont identifiés comme impliqués dans le réseau scolaire public, les 45 % autres restants, c'est identifié comme «autres». Les résultats que vous avez dans le mémoire tiennent compte de cette particularité. Ceci étant dit, nous avons regroupé en quatre grands thèmes le résultat de cette consultation.

Le premier thème, la gratuité scolaire pour les enfants dits sans papiers. La majorité de tous les répondants se sont prononcés en faveur d'étendre la gratuité scolaire à tous les enfants, quels qu'ils soient, sans exception. La fédération est donc favorable à étendre la gratuité scolaire aux enfants dont les parents ne sont pas résidents du Québec. Cependant, la fédération recommande de garantir cette gratuité sans affecter le financement des services aux élèves — il ne faut pas déshabiller Pierre pour habiller Paul, assurez-nous plutôt que les deux vont avoir tout qu'est-ce qu'il faut — et de fournir une évaluation juste des coûts d'inclusion et de gratuité scolaire des enfants.

Le deuxième thème, les mesures visant l'enseignement à la maison. L'objectif de ce projet de loi est d'assurer l'accès à l'éducation sans mettre en péril les choix différents que peuvent faire les parents. L'enseignement à la maison est l'un de ces choix. C'est à la société de se prendre en main et de faire en sorte que chaque enfant ait accès au programme de l'école québécoise et ses acquis éducationnels. C'est une protection nécessaire et essentielle pour chaque enfant du Québec.

Une grande majorité des répondants pensent que tout enfant d'âge scolaire doit recevoir une éducation qui réponde aux orientations et objectifs établis par le programme d'école québécoise. Mais, lorsque nous parlons des mesures visant à encadrer l'enseignement à la maison, on note d'importantes divergences d'opinions. 79 % des parents impliqués qui ont répondu au sondage sont en faveur d'un encadrement plus accru dans l'enseignement à la maison, alors que 70 % des autres répondants opposent à cette idée.

Et, de la manière plus précise, quant au rôle de la commission scolaire dans le suivi et le respect de l'obligation de fréquentation scolaire, les parents impliqués sont largement d'accord avec ce rôle, à 86 %. Pour eux, un tel encadrement par la commission scolaire assurerait le respect des obligations faites pour les enfants scolarisés à la maison.

La fédération est donc favorable à des mesures d'encadrement. Cependant, elle recommande de garantir et d'assurer la liberté des choix des familles en reconnaissant que les parents sont les premiers responsables de l'éducation de leurs enfants; que le futur guide élaboré sur l'éducation à la maison tienne compte des pratiques probantes et des pratiques alternatives documentées — je sais, dans les dernières journées, vous avez entendu plein de belles choses; qu'il y ait une uniformité dans le support des commissions scolaires auprès des familles scolarisant leurs enfants à la maison; et que le mandat de la table de consultation nationale permette de documenter des pratiques d'enseignement à la maison, cela dans le but d'améliorer l'encadrement et le soutien, puis je répète, le soutien offert aux familles qui scolarisent les enfants à la maison.

• (15 h 10) •

Le troisième thème, la collecte des renseignements nécessaires à l'application de la loi. Là encore, on observe une différence entre les parents impliqués et les autres. 86 % des parents impliqués sont favorables à ce qu'une personne désignée par le ministre accède à un lieu pour vérifier si la loi est respectée, alors que, pour tous les répondants, ce taux diminue à 58 %. Les chiffres sont sensiblement les mêmes pour la transmission des renseignements personnels par d'autres ministères ou organismes.

Ainsi, la FCPQ est favorable à la transmission des renseignements confidentiels. Cependant, elle recommande qu'une telle transmission soit extrêmement bien définie et encadrée dans la loi pour ne pas d'emblée tomber dans une chasse aux sorcières inutile. Le seul objectif doit être d'assurer le respect des lois en matière d'obligations scolaires. Et on doit mettre en place un encadrement strict des ententes de transmission entre le ministère, le ministre et des autres ministères et organismes. La confidentialité, et le droit de la vie privée, doit être protégée et primer.

Finalement, le quatrième thème, les mesures visant à assurer le respect de la loi. Je l'ai dit au tout début, la chose la plus importante, c'est d'assurer que tous les enfants aient accès à la scolarité et qu'ils remplissent les exigences du programme d'études québécois. Logique, donc, que 92 % des répondants estiment que le ministre doit pouvoir prendre les moyens requis pour assurer que tout enfant d'âge scolaire remplisse son obligation de fréquentation scolaire et qu'il reçoive une éducation qui réponde aux dispositions de la Loi de l'instruction publique.

C'est au niveau de la sévérité des sanctions que les opinions sont les plus partagées. Les répondants impliqués dans le réseau scolaire croient essentiel d'assurer que tous les enfants d'âge scolaire reçoivent une éducation répondant aux dispositions de la loi. De leur côté, plusieurs des autres parents... émis des craintes sur la portée de l'impact de ces mesures.

La fédération est favorable à une loi stricte à l'égard des obligations de fréquentation scolaire ou du respect des enseignements prévus à la loi. Cependant, elle recommande que des mesures de soutien et d'accompagnement soient utilisées avant imposition d'amendes, que le guide qui sera diffusé aux parents soit clair et précis dans ses informations ainsi que dans les rôles et responsabilités de chacun des intervenants.

Alors, en conclusion, la fédération est favorable au projet de loi n° 144. Certaines préoccupations sont toutefois senties. Entre autres, ne pas oublier que la gratuité scolaire vient avec les manuels gratuits et tous les services essentiels, l'accueil, la francisation, les services spécialisés, etc. Ne pas oublier non plus que, nonobstant le choix des parents, les enfants doivent avoir accès à des services nécessaires à la persévérance scolaire, exemple les services spécialisés.

Il faut aussi se préoccuper de la présence des parents dans les instances de démocratie participative, puis aussi penser à la présence des enfants lors de la présentation du plan d'apprentissage, comme pour le plan d'intervention. Quelle que soit la teneur des changements apportés à la loi, la mise en oeuvre devrait nécessairement accompagner un plan de communication, une compréhension commune et une information de qualité, cela afin d'assurer une compréhension claire par tous des objectifs poursuivis et des moyens mis en place pour atteindre ces objectifs.

Merci. Et je suis prête à répondre à vos questions.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Merci beaucoup, Mme Payne. Alors, on va passer du côté gouvernemental, et je passe la parole à M. le ministre pour environ une vingtaine de minutes.

M. Proulx : Merci, Mme la Présidente. Merci, Mme Payne, Mme Deschamps, de votre présence. Merci de votre mémoire, encore une fois, toujours bien étoffé. Merci de votre présentation.

Quelques questions, bien entendu, ou c'est peut-être un point d'information ou de clarification. Vous avez parlé tout à l'heure de la confidentialité ou d'un encadrement serré à l'égard de la transmission des informations entre les différents ministères. Il faut dire que le projet de loi n° 144 propose de modifier la Loi sur l'assurance maladie. Bien entendu, une fois que la Loi sur l'assurance maladie est modifiée, les deux ministères, Éducation et Santé, ont à convenir d'une entente de transmission des informations. Une fois cette entente complétée, elle est déposée et soumise à l'approbation de la Commission d'accès à l'information dans le but évident de respecter nos lois et nos règles en matière de partage d'information et bien entendu pour protéger les informations personnelles, nominatives et autres, qui doivent être protégées.

Alors, oui, c'est une ouverture sur ce qui est actuellement une non-transmission d'information entre les deux, mais cette ouverture-là nous serait permise dans la mesure où elle respecte un cadre très strict et est dans l'intérêt de s'assurer de la fréquentation scolaire des enfants. Alors, le chemin, si je ne me suis pas trompé, est celui-là, c'est celui que moi, je conçois, à moins que j'aie oublié une étape... mais m'apparaît essentiel de toute façon et pour s'assurer de la bonne marche de notre entente mais également de s'assurer de la protection des renseignements.

Alors, c'est la raison pour laquelle je dis depuis trois jours, lorsque je parle de la confidentialité notamment : Oui, c'est une préoccupation, oui, il y a bien sûr des réponses à donner, oui, il faut être en mesure d'assurer, exemple, aux gens qui ont un statut d'immigration précaire, de la confidentialité de leur information, mais aussi les rassurer qu'ils peuvent poser le geste d'aller à l'école avec leur enfant et l'inscrire en toute sécurité. Alors, tout ça se retrouve aussi dans cette démarche-là. Donc, je voulais m'assurer que ce soit clair pour tout le monde.

Vous, bien entendu, avez des recommandations avec lesquelles on peut discuter longtemps. Je voulais vous demander d'abord, dans l'expérience... Parce que, bien, nous, on vous connaît, bien entendu, comme organisation qui représente des parents et des comités de parents, hein, c'est en lien avec ce que vous faites. Mais j'aurais aimé ça vous entendre sur votre expérience avec des parents qui font les apprentissages à la maison. Est-ce que vous les soutenez? Est-ce que vous en avez dans l'association? Comment les choses évoluent? Est-ce que ça sonne chez vous aussi?

Mme Payne (Corinne) : Le téléphone, il sonne souvent chez nous pour plusieurs raisons. Puis c'est sûr qu'une des choses qui sonnent c'est du monde qui va demander pour un certain soutien au niveau de la scolarisation à la maison. Alors, je pense que Mme Deschamps peut vous partager plus, exemple... plus détaillé parce que c'est elle qui chapeaute l'équipe qui répond au téléphone puis c'est elle qui est à l'affût de tous les détails, pas être nominatif, mais de qu'est-ce qui se passe quand le téléphone sonne concernant la scolarisation à domicile.

Mme Deschamps (Lyne) : En fait, le téléphone sonne chez nous dans deux circonstances. La première circonstance, un parent nous appelle et nous dit ceci : Je viens de sortir du bureau de l'école ou de la commission scolaire, et on vient de me dire qu'on ne peut plus rien faire pour mon enfant, je dois le garder à la maison, qu'est-ce que je fais?, comment je fais pour lui donner ce qu'il faut pour qu'il apprenne puis qu'il puisse réussir dans la vie? Je vous dirais que ça arrive régulièrement. Puis je vais répéter ce que j'ai dit tantôt à quelqu'un dans la salle : «Régulier» ne veut pas dire «à toutes les semaines», mais ça veut dire que ça revient année après année, ce genre d'appel là. Puis on ne se cachera pas qu'on est dans une situation extrêmement difficile quand ça arrive chez nous.

La deuxième chose, c'est le parent qui nous appelle et qui nous dit : Écoutez, moi, j'ai tout essayé, là, ça fait un an, ça fait deux ans, ça fait trois ans que j'essaie de m'entendre avec l'école, avec la commission scolaire, en tout cas avec le lieu d'une école publique, ça ne marche pas, comment je fais pour que je puisse avoir l'éducation à la maison? Puis, à ce moment-là, là, c'est nous qui sommes un peu démunis parce que la seule réponse qu'on peut lui donner, c'est : D'abord, vous allez avoir besoin de beaucoup de patience parce que — puis, M. le ministre, je vais vous paraphraser ici — il y a 72 commissions scolaires, il y a 72 façons de faire, puis c'est effectivement le cas.

Mme Payne a dit qu'on avait rencontré Mme Berlus, et puis on se disait, toutes les deux : Bien, des enfants qui sont chez nous vont chez elle, par la force des choses, de temps à autre, puis des fois les siens reviennent chez nous, parce qu'un enfant réintègre le parcours régulier. Donc, oui, on en entend parler, on en entend parler à chaque année, et c'est toujours dans une situation extrême, tout le temps, c'est-à-dire ou bien le parent s'est fait dire : Moi, je ne peux plus rien faire pour votre enfant, gardez-le à la maison, ou, dans un autre cas, c'est vraiment le parent qui dit : Moi, j'ai tout essayé, je ne suis plus capable, qu'est-ce que je fais?, c'est quoi, la suite des choses?, comment je fais pour scolariser à la maison? Donc, on le réfère à des ressources qui sont spécialisées, puis c'est notre rôle à ce niveau-là.

Mais on entend... en tout cas, j'ai envie de dire un appel de première ligne, qui est souvent extrêmement difficile, puis, l'équipe, au bureau, qui prend ce genre d'appel, on ne se cachera pas que c'est très...

• (15 h 20) •

Une voix : Touchant.

Mme Deschamps (Lyne) : ...touchant. Voilà.

M. Proulx : Je peux sincèrement imaginer que ce n'est pas des moments joyeux, là, pas du tout. Vous avez identifié une autre voie d'entrée aux apprentissages à la maison, qui n'avait pas vraiment été identifiée jusqu'à maintenant. Vous dites, comme vous l'avez exprimé : Il arrive parfois qu'on dise à des parents : Ça ne fonctionne plus. Et c'est le genre d'affaires qui nous surprend, ça, tu sais? Je suis capable d'envisager que tout peut arriver, ça me surprend quand même.

Bon, une fois que je l'ai dit, je n'ai pas réponse à tout, là, je n'ai jamais prétendu ça non plus, mais j'ose espérer qu'on est vraiment dans la marge, dans des situations comme celles-là, et que... Dans ce cas-là, ce n'est même pas un choix volontaire, de ce que je comprends, de vouloir embarquer dans un projet éducatif personnel d'apprentissage, en tout cas, une conséquence de quelque chose.

Tout à l'heure, je disais, puis je l'ai dit à plusieurs reprises : Il y a des gens qu'on dirait ça ne leur tente pas de travailler avec ces parents-éducateurs-là. Mais, tu sais, quand c'est forcé, des fois jaillit de ça de belles expériences, mais parfois c'est la continuité de mauvaises expériences. C'est juste que le résultat change, mais, dans les faits, ça ne veut pas dire que ça se passe beaucoup mieux. Alors, je ne veux pas en ajouter sur le pire, mais je comprends qu'il y a là des situations qui sont, à la limite, très désarmantes, là, pour des parents.

J'imagine que, si vous êtes... non pas une ressource, je vais dire spécialisée en la matière — on appelle chez vous parce qu'on ne sait pas trop où appeler puis on sait que vous représentez des parents — j'imagine qu'il doit arriver aussi, de temps en temps, qu'on vous appelle... ou, à tout le moins, quand vous faites ce genre de suivi ensuite, qu'il y a des expériences qui fonctionnent avec le milieu scolaire. Est-ce que vous êtes aussi témoins de cet... je ne veux pas dire équilibre, mais... On nous dit quand même qu'il y a plus de belles nouvelles qu'il y a de mauvaises puis que, oui, on travaille beaucoup pour protéger les enfants les plus vulnérables. Mais ceux dont on parle rarement, c'est souvent ceux que les choses vont bien, que ce soit lorsqu'ils réintégreront l'école, que ce soit dans des expériences avec la commission scolaire. Je le sais, que ça vous arrive d'être témoins de belles affaires aussi, là, quand on est à l'école. Alors, ça arrive-tu de temps en temps que vous êtes témoins de belles affaires quand on est à l'extérieur de l'école?

Mme Payne (Corinne) : Bien, pour être une femme qui travaille en service à la clientèle depuis proche de 30 ans, je vais vous dire que c'est rare que tu vas avoir quelqu'un qui va t'appeler pour dire que ça va bien. Habituellement, ils vont appeler pour avoir un conseil quand ça ne va pas bien ou quand il y a un problème ou un besoin d'aide. Alors, on sait que, oui, il y a une marge que ça ne va pas bien, mais, pour moi, la maman qui est assise devant vous autres, un enfant perdu, c'est un de trop.

Alors, oui, il y a de belles histoires. Je sais que j'ai une amie qui a scolarisé ses trois enfants à la maison, ils sont trois enfants qui contribuent aujourd'hui à la société et ils sont au même niveau que mes enfants qui étaient à l'école pendant toute leur scolarisation. Alors, oui, il y a de belles histoires, oui, on a entendu les belles histoires que l'association la scolarisation à domicile a à vous partager. Il y en a, de belles histoires, mais c'est rare qu'on va recevoir ces appels-là. Notre ligne 1 800, c'est pour du monde qui cherche l'aide, au secours, bien souvent. Ils vont appeler pas juste pour dire : Aïe, ça va super bien.

Alors, le monde, moi, que je côtoie chaque jour, comme présidente de la Fédération des comités de parents, c'est du monde qui sont impliqués dans le réseau traditionnel, on peut dire. Mais je sais qu'il y a des belles histoires qui arrivent à la maison aussi, puis il ne faut pas passer à côté de ça. Puis je l'ai dit dans mon discours, les choix que les parents doivent ou peuvent faire... Parce qu'il y a des parents qui vont faire le choix pour x raisons, pour un projet, pour ci, pour ça, puis il y a d'autres parents, comme on vient juste de partager, qui sont obligés de faire ce choix.

J'ai Mme Aubin, de la coalition des enfants à besoins particuliers, que je côtoie régulièrement aussi, qui m'a envoyé un message : «J'ai bien hâte de vous entendre aujourd'hui.» La scolarisation à la maison, c'est très important pour nous parce que, des fois, on n'a pas d'autre choix, avec nos enfants à besoins particuliers, bien, de laisser nos carrières puis de rester à la maison avec nos enfants, puis ça, c'est la réalité.

M. Proulx : Vous avez, je vais dire, une expertise particulière dans les relations parents-commissions scolaires, c'est le cas de le dire. Et on a souvent l'occasion d'en parler dans différentes circonstances, les rapports avec l'État ou avec des entités de l'État sont souvent dans un spectre très large. Il y a du beau, il y a du moins beau, des affaires faciles, des affaires plus difficiles, des affaires simples à régler, des affaires bien complexes, là. Il y a de l'humain, alors il y a autant de possibilités de surprise — je serais poli ainsi. Dans le contexte actuel, vous avez peut-être remarqué que, dans le projet de loi, d'abord on veut maintenir un certain équilibre de flexibilité, mais d'encadrement, on veut favoriser cette relation de confiance et de collaboration entre l'entité, le système scolaire et les parents.

Vous avez suivi, vous me disiez, les réflexions puis les consultations. Il a été question de contenu, il a été question de forme d'évaluation ou de réflexion sur les apprentissages. Il a été question précédemment d'expertise professionnelle pour apprécier tout cela. Vous avez souvent parlé du protecteur de l'élève. Je peux prendre cet exemple-là. Selon vous, est-ce qu'on se doit d'identifier, à la limite, jusqu'à la personne qui est responsable du soutien des parents-éducateurs? Est-ce qu'on doit laisser à une entité, que sont les commissions scolaires, cette responsabilité en leur disant : Vous avez des ressources, vous avez des responsabilités, il faut les assumer? Est-ce qu'on doit sortir du cadre traditionnel qui dit qu'un service éducatif débute par une commission scolaire qui délègue à des institutions puis des établissements?

J'essaie de voir parce que ça fait aussi partie de la réflexion que nous avons de m'assurer que, lorsqu'on va confier cette autorité, cette responsabilité à des gens, ce soient des gens qui aient envie de le faire puis qui croient qu'il existe d'autres façons de faire l'école, toujours une exception au principe général, mais un droit.

Mme Payne (Corinne) : Alors, premièrement, je pense, comme Mme Deschamps a dit tantôt, c'est une jungle présentement, on ne sait pas où référer du monde. Oui, il y a l'association qui fait la scolarisation à domicile. Bien, c'est quoi, la voie, vraiment, quand tu veux rester puis faire la scolarisation à la maison? Ce n'est pas clair. Alors, ça existe, c'est possible, mais qu'est-ce qu'on doit faire? Je pense, une chose est claire, il faut, oui, avoir une personne qui est désignée dans chaque, je ne sais pas, commission scolaire, région, municipalité de la province, mais il doit y avoir quelqu'un qu'on peut appeler pour être référence puis pour être responsable de ce dossier-là.

Puis quelqu'un a partagé plus tôt cette semaine : on ne peut pas former 10 000 personnes pour faire cette job non plus. Ça va être infernal de faire ça, avec le roulement de staff, les congés, les ci puis ça. Il faut avoir du monde qui sont spécialisés dans cette voie-là, dans cette responsabilité-là. Alors, est-ce que ça va être la commission scolaire? Je ne sais pas. Je vais laisser ça, le travail à compléter, la réflexion à compléter. Puis, je pense, comme Mme Boucher a dit tantôt, pendant cette commission parlementaire, on a posé plein de questions qui nous font encore d'autres réflexions, puis, je pense, ça, c'est une : Est-ce que c'est la table qui va décider? Est-ce que c'est... quand on va faire le retour sur les consultations, article par article, le projet de loi, que vous pouvez décider entre vous autres, parlementaires. Mais il faut que ce soit clair, net et précis, qu'est-ce qu'il faut faire quand on veut prendre ce choix-là. Parce que, comme parents, ça arrive qu'on peut ou on devrait prendre ce choix-là.

• (15 h 30) •

M. Proulx : Vous parlez de la table et de la nécessité de poursuivre un dialogue et des réflexions. Ça me semble, moi, très clair qu'il faut baliser, placer un autre encadrement, protéger le droit des parents, mais aussi celui des enfants à une éducation, permettre au milieu scolaire de réaliser aussi l'engagement qu'on leur demande de prendre. Alors, il y a tout ça. Mais, tu sais, je faisais des farces tout à l'heure, tu sais, la table, je ne peux pas louer le Palais des congrès à chaque fois non plus, là, tu sais? À un moment donné, on va manquer de places puis de chaises, tu sais, il va falloir faire des choix, je suis bien désolé. Habituellement, un groupe à 4 000, ça réfléchit plus lentement que d'autres. Alors, tu sais, il va falloir faire des choix, bien évidemment. Mais moi, j'entends très bien, là, la nécessité de poursuivre et surtout d'établir ensemble des modalités. C'est une des raisons pour laquelle aussi... Tu sais, dans l'ordre des choses, il y a la loi, il y a un ou des règlements qui viendront, mais un règlement dont on fait état ici. J'ai déjà dit qu'il fallait avoir la capacité d'être capables de discuter de certaines choses, là, parce que c'est des orientations, il faut en convenir ensemble. Alors, tu sais, je suis prêt à beaucoup d'aménagements, là, dans tout ça.

Ceci étant dit, c'est certain qu'on ne peut pas avoir toutes les réponses aujourd'hui, puis notre défi... puis je ne veux pas le paraphraser de la mauvaise façon, puis je pense que M. Prud'homme le disait ce matin, il y a un danger à agir ad hoc, là, c'est-à-dire en marge et à la pièce, mais en même temps on est dans des situations qui sont presque toutes des cas uniques, là, parce qu'elles nécessitent une relation particulière parce que dans une situation de besoins particuliers. Alors, tu sais, c'est là notre défi. Il y a différents modèles, tu sais. Vous disiez tout à l'heure, Mme Deschamps : Il y a 72 façons de faire, vous avez répété un peu ce que tout le monde dit puis ce que j'ai dit aussi.

Une voix : ...

M. Proulx : Non, mais je ne suis pas tout seul à le dire, faites-vous-en pas, je l'ai entendu aussi. Mais une chose qui est certaine, c'est qu'on ne pourra pas en faire un, modèle. Puis il n'y a personne qui veut ça, là, Mme Boucher l'a dit tout à l'heure, par contre il devra y avoir une certaine uniformité dans les orientations. C'est dans les modalités que les choses peuvent changer. Et là, là-dessus, certains milieux, actuellement, là, décentralisent vers les écoles en disant : Bien, c'est à l'école qu'on est le plus proches, d'autres le font à la commission scolaire. Tu sais, à la limite, des fois, tu y penses, tu dis : Câline! Comment ça se fait que ce n'est pas nous autres qui s'occupe de ça? Puis, dans le fond, au nombre qu'ils sont, on va être capables de travailler avec eux parce qu'on développe une expertise.

Tu sais, ce que je veux dire par rapport à ça, c'est que moi, je conçois aisément, là, qu'il faut que ce soient des gens qui connaissent ça puis qui y travaillent au quotidien qui soutiennent nos parents-éducateurs parce que c'est la meilleure façon, d'abord, de s'assurer qu'ils seront bien accompagnés. Deuxièmement, on met pas mal plus les chances sur notre côté qu'ils se retrouvent avec un plan d'apprentissage qui respecte les conditions qu'on croit nécessaires pour en être un pour respecter le droit à l'éducation, qui va éventuellement peut-être les amener à choisir aussi la diplomation, ce ne serait pas une mauvaise nouvelle, puis, troisièmement ou quatrièmement aussi, qui va nous permettre d'avoir cette assurance, un, qu'on n'oublie personne, qu'on s'occupe et qu'on protège les gens les plus vulnérables pour qui il y a vraiment de la compromission, mais éventuellement, quand il y aura un retour à l'école pour une qualification, une diplomation pour un métier, une profession, pour un choix de carrière établi, bien, je veux dire, on ne sera pas dans les difficultés, les retards, et autres sujets. En même temps, c'est un choix, de faire l'école à la maison, alors il vient avec ça des défis que tu n'as pas quand tu vas à l'école. Mais, quand tu es à l'école, il vient avec ça des défis que tu n'as pas quand tu es dans un autre mode de scolarisation. Alors, c'est pour ça que je trouve intéressant d'avoir ces réflexions-là, puis j'apprécie beaucoup la façon dont les choses se passent.

Ma dernière question qui touche cette relation avec le DPJ, et les parents, et l'école, je pense que, dans vos recommandations... — j'ai perdu ma page au moment où je vous ai parlé, donnez-moi un instant — vous avez une recommandation qui porte spécifiquement là-dessus, je l'ai notée. Savez-vous...

Une voix : Page 15, en bas.

M. Proulx : Page 15, en bas. Moi, page 15, c'est marqué «annexe», mais je dis ça de même, là, mais il n'y a pas de page 15, moi. Moi, c'est marqué «annexe». Ma page 15, c'est juste marqué «annexe», moi. Je n'ai pas de question sur l'annexe, mais...

Une voix : ...

M. Proulx : Non, c'est correct. C'est laquelle?

Une voix : La DPJ, ça doit être la dernière. C'est-u ça que vous aviez lu?

M. Proulx : Oui. Alors, on a parlé tout à l'heure de l'intervention pour les droits garantis par les chartes. Les renseignements, on en a parlé. Alors, c'est le premier, votre recommandation, le premier point : «Que le rôle d'intervention du directeur de la protection de la jeunesse, dans les cas de défaut avérés de se conformer à l'obligation de fréquentation scolaire dénoncés par la commission, soit confirmé, voire renforcé.»

Est-ce que vous avez l'impression que les modifications qu'on fait au projet de loi n° 99, qui est des modifications à la Loi sur la protection de la jeunesse, répondent à votre préoccupation, c'est-à-dire d'établir, je dirais, beaucoup plus clairement, hein, que la non-fréquentation scolaire ne peut pas être un motif de compromission du développement global, serait un motif de compromission du développement global?

Mme Payne (Corinne) : ...chose, c'est important, c'est d'assurer la sécurité de chacun des enfants. Puis même je vais vous dire que, dans votre ouverture de discours de cette commission parlementaire, quelque chose que vous avez dit, ou c'était une intervention avec quelqu'un, vous avez dit, M. le ministre : Je ne veux pas que quelqu'un va m'approcher un jour pour dire que «je n'ai pas eu l'opportunité d'avoir une éducation». Alors, je pense, c'est vraiment dans cette «guise» là qu'il faut assurer que nos jeunes sont protégés. Mme Deschamps, avez-vous quelque chose à rajouter sur ça?

Mme Deschamps (Lyne) : Moi, je ferais un lien avec la confidentialité. Il faut que le directeur de la protection de la jeunesse ait aussi les moyens. Une loi, c'est une chose, on la lit, on la lit tous. Dans sa mise en oeuvre, ce sont des êtres humains qui font la mise en oeuvre de tous les textes de loi, et ça nous amène quelquefois dans le meilleur de ce qu'il peut arriver puis quelquefois dans l'autre spectre. Et évidemment ce qu'on voudrait, c'est éviter d'arriver dans l'autre spectre. Et on a besoin de textes clairs, oui, mais on a aussi besoin que les gens qui mettent en oeuvre ces textes-là soient disponibles et soient avisés de ce qu'on attend d'eux en termes d'orientations, et ça, c'est très important.

On l'a dit, il faut éviter la chasse aux sorcières puis il faut éviter aussi d'utiliser aussi des informations à d'autres fins que celles... Actuellement, ce dont on parle, c'est l'éducation des enfants, on est d'accord, parce qu'il faut préserver, il faut trouver tout ce qu'il faut pour qu'un enfant puisse avoir tout ce qu'il a besoin, mais il y a une espèce de juste équilibre à avoir entre ça puis la chasse aux sorcières. Et là il y a un défi, ce n'est pas un défi de loi. Oui, ça clarifie, on ne peut pas le nier, mais le défi, ça sera l'application de cette loi-là, et ça, on ne peut pas s'empêcher de se dire, comme citoyens, qu'on est à la merci.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Merci, Mme Deschamps. Merci beaucoup. On va passer du côté de l'opposition officielle, et, M. le député de Lac-Saint-Jean, vous avez 14 minutes.

M. Cloutier : Merci. Alors, bonjour, mesdames. Vous nous avez parlé tantôt de situations d'enfants qui se retrouvaient à poursuivre leur scolarisation à la maison non pas par choix, mais parce que, dans le fond, ils avaient été mis dehors de l'école et qu'il n'y a pas d'autre solution pour eux. Mais je me questionnais sur l'obligation de fréquentation scolaire quand une école décide, dans le fond, qu'elle ne peut juste plus soutenir cet enfant-là. Il me semble qu'il y a comme une dichotomie, là, il y a un trou. Qu'est-ce qu'on fait avec ces élèves-là? Il y en a combien qui sont répertoriés à chaque année? Est-ce qu'on le sait?

Mme Payne (Corinne) : Comme on dit, c'est des cas très touchants parce que du monde qui répond à nos téléphones, nous, tout le monde autour de la table, on veut qu'un enfant trouve sa voie, puis, s'il a été mis à l'extérieur de l'école, ce n'est pas parce qu'il ne voulait pas, c'est parce que ça ne fonctionne pas, puis c'est triste. Comme société, c'est triste. Mme Deschamps.

Mme Deschamps (Lyne) : Souvent, puis je disais un peu... puis ce n'est pas à la blague du tout, quand ils trouvent notre numéro de téléphone, dans ces cas-là c'est parce qu'ils sont rendus loin, là, O.K., puis ils ont probablement essayé tout ce qu'il y avait à essayer à l'école, là, la ligne standard... Puis je ne m'étendrai pas sur le protecteur de l'élève, je pense qu'on en a parlé suffisamment, mais on a passé tout ça, puis le parent, il se fait quand même dire : On n'a plus de services pour toi, on n'est plus capables. Bon, ça peut être de toutes sortes de circonstances, là, O.K.? Mais c'est sûr que, là, on a un problème humain avant d'avoir un problème de loi. On a vraiment un problème humain.

On ne les compte pas. Je n'ai pas dit qu'on avait ces appels-là deux fois par semaine, j'ai dit que c'était régulier. À chaque année, on en a quelques-uns, mais c'est toujours quelques-uns de trop, ça ne fait pas de sens. Tout ce qu'on espère, c'est que chaque parent qui fait un choix par rapport à son enfant, c'est un choix qui lui appartient, qui ne lui est pas imposé, d'une part, puis, d'autre part, que l'éducation, c'est un droit pour chaque enfant, puis on doit trouver une manière d'y arriver puis de s'assurer que c'est ça qui arrive, effectivement.

• (15 h 40) •

M. Cloutier : Pour la scolarisation à la maison, vous écrivez dans votre mémoire que vous voulez qu'on respecte la Loi sur l'instruction publique. Mais, dans le respect de la Loi sur l'instruction publique, j'imagine qu'il y a un spectre dans l'interprétation puis dans la façon d'y arriver. Alors, j'imagine qu'on essaie de trouver l'équilibre dans cette commission parlementaire sur, justement, la latitude à donner, tout en assurant les suivis appropriés. Est-ce que vous avez réfléchi, justement, à qu'est-ce qu'un enseignement approprié? Est-ce qu'on devrait faire une référence directe à la Loi sur l'instruction publique? Est-ce qu'il devrait y avoir un pouvoir d'autorisation ou de refuser de la part de, je ne sais pas, une commission scolaire ou du ministère de l'Éducation?

Mme Payne (Corinne) : Il y a deux choses. Premièrement, on dit : 72 façons différentes, mais moi, je dis qu'il y a 2 100 écoles à la grandeur du Québec, il y a peut-être 2 100 façons différentes de faire la scolarisation d'enfants, de faire le suivi des enfants. Il faut mettre un plancher minimum, dans cette loi-là, par où on veut aller, qu'est-ce que ça prend. Puis on sait qu'il va y avoir des choses qui vont couler dans les règlements après. Il faut être très clairs, nets et précis qu'il y a une voie facile, une voie claire, nette et précise qu'est-ce qu'il faut faire si on prend ou on devrait prendre ce choix-là. Je ne suis pas pédagogue. Je pense qu'il y en a assez, d'autres experts qui ont déjà parlé, ou vont parler, ou vous pouvez faire référence qui vont vous aider à savoir exactement c'est quoi, le chemin net, clair et précis qu'on devrait faire quand on a besoin de faire ce choix-là.

Mme Deschamps (Lyne) : Peut-être qu'on peut se dire aussi... Parce qu'on a entendu puis on a jasé avec les parents, vous les avez entendus aussi, on a entendu les experts, et il faut trouver le juste équilibre entre faire les choses autrement. Puis, comme le parent est le premier responsable de l'éducation de ses enfants, il a le droit de faire ce choix-là. Mais en même temps on a aussi la responsabilité, puis ça, c'est clair, que chaque enfant a accès à une éducation, qui est le socle de notre société. Ça fait qu'il faut trouver le juste milieu entre les deux : respecter le droit des parents, s'assurer que les enfants ont tous les droits nécessaires en éducation, mais surtout clarifier. Puis on ne le répétera jamais assez, là, la loi, c'est une chose, on la lit, sa mise en oeuvre, c'est une autre. Soyons le plus clairs possible.

M. Cloutier : Le plus clair dans sa mise en oeuvre.

Mme Deschamps (Lyne) : Et dans son écriture, je suis désolée.

Mme Payne (Corinne) : Alors, vous avez, après qu'on quitte aujourd'hui, comme parlementaires, d'assurer que cette loi-là est claire, nette et précise, puis par la suite que... quand les règlements qui coulent de cette loi-là sont clairs, nets et précis pour avoir ce plancher de base là. Puis nous avons tous un rôle à jouer, puis on sait que ça, ça va venir du ministère puis du ministre, mais, si on n'est pas contents, bien, on peut manifester nos mécontentements aussi par après. Alors, j'invite le monde à se fixer clair, net et précis.

M. Cloutier : Ça nous arrive. Ça nous arrive aussi de manifester. Mais soyez... Nous aussi, ça nous arrive de manifester notre mécontentement. On comprend ça.

Mme Payne (Corinne) : Vous ferez ça officiellement, puis moi, je vais faire ça en temps libre.

M. Cloutier : Mais clair, net et précis, c'est quand même... ce n'est pas le cas à l'heure actuelle. Vous invitez à ce qu'on y arrive par un règlement, par la politique, par peut-être les intentions que le ministre va nous donner, parce que, tout à l'heure, j'ai quand même entendu que le ministre souhaitait, probablement avec des amendements... Ce n'est pas comme ça que ça a été formulé directement, puis je ne veux pas mettre des mots dans la bouche au ministre, mais j'ai compris qu'on aurait des indications plus précises, nettes.

Mme Payne (Corinne) : Bien, on a aussi un autre exemple à part de la scolarisation à la maison. Présentement, c'est assez clair que tout enfant doit avoir le droit d'une éducation s'il réside au Québec, entre guillemets. Mais, dans la loi, ça a de l'air que ce n'est pas vraiment clair parce que, sinon, on ne va pas être en train de discuter des enfants sans papiers. Alors, je pense, sur cet exemple-là, on peut être encore plus clairs, nets et précis dans la loi que, si vous êtes un enfant en bas de 16 ans qui habite sur le territoire du Québec, tu te dois d'aller à l'école. Est-ce qu'on a besoin d'aller dans 18 000 définitions différentes? On peut être très clairs, nets et précis parce que chaque enfant... Puis ce n'est pas 90 % des enfants, c'est 100 % des enfants qui ont le droit d'une éducation, point.

M. Cloutier : Est-ce que vous avez eu à accompagner des parents qui avaient choisi la scolarisation à la maison, ou votre association, vous n'avez pas à...

Mme Payne (Corinne) : Nous, c'est sûr que nous, on représente... Moi, comme la présidente de la Fédération des comités de parents du Québec, je représente les parents qui sont impliqués dans les structures scolaires puis dans la voie traditionnelle, on peut dire. C'est sûr que, dans tout qu'est-ce qu'on fait, on va parler avec tous les autres parents aussi, alors c'est pour ça qu'on parle autant avec les parents anglophones qu'autant avec les parents, quand on prépare notre mémoire, qui font la scolarisation à la maison aussi. C'est sûr qu'on n'est pas juste dans une boule où qu'on sait qu'est-ce qui se passe partout pour tous les parents.

M. Cloutier : Très bien. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Merci beaucoup, M. le député. Alors, M. le député du deuxième groupe de l'opposition, M. le député de Chambly, vous avez neuf minutes.

M. Roberge : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci pour votre présentation. Tantôt, vous avez rappelé une situation inacceptable dont j'avais déjà entendu parler, mais vous l'avez rappelée à ma mémoire, c'est, des fois, quand l'école décroche des élèves. On veut faire la lutte au décrochage, mais on a des moments où c'est l'école qui décroche de l'élève et qui dit aux parents : Je ne peux rien faire pour votre enfant, gardez-le à la maison. Il faut que quelqu'un... C'est inacceptable, il faut le dire.

Je peux comprendre qu'une école en particulier dise : Moi, là, dans mon école primaire, là, on a seulement 200 élèves, notre école, on n'a pas les ressources. Mais, à la commission scolaire, il faut qu'il y ait les ressources, il faut qu'il y ait la classe spécialisée ou l'école spécialisée. Je sais qu'il y a même des endroits où on appelle ça carrément des écoles-hôpitaux quand c'est des enfants lourdement handicapés. On trouve le moyen de faire une place à des enfants qui ne peuvent pas se nourrir seuls, on trouve des places à des enfants qui doivent être alités toute la journée. Je ne peux pas croire que la commission scolaire abdique. Puis il va falloir le boucher, le trou, à un moment donné, là. On ne peut pas garder ça.

Et ça me rappelle, hier, un autre moment où la commission scolaire a abdiqué, où l'école a décroché de l'élève, quand il y a quelqu'un qui est venu témoigner du fait qu'en secondaire II il y a des adolescents et des parents qui se font dire : Là, là, toi, je t'annonce que j'abandonne ton diplôme d'études secondaires, tu t'en vas en formation préparatoire au travail. Que tu veuilles continuer, ça ne m'intéresse pas. On ne veut pas te donner... On ne veut pas te faire faire ton secondaire en huit ans, neuf ans, 10 ans. Tu es obligé d'aller à la formation préparatoire au travail. Ce n'est pas un choix dans les deux cas, et il faut que ça s'arrête. Ce n'est pas dans le projet de loi là, mais c'est dit maintenant, puis ça doit être dénoncé, puis ça doit s'arrêter.

Mme Payne (Corinne) : Je partage vos sentiments. Il faut que ça arrête. Mais je vais aller plus large, c'est une question, je pense... Puis j'espère qu'on va avoir le temps, vraiment, d'aller dans ce questionnement-là à travers de tous les travaux qu'on va faire, pour la politique de réussite scolaire aussi, parce que chaque enfant, il a ses particularités. Vous avez tous des enfants, autour de la table? J'en ai deux, ils ne sont pas pareils. Il faut qu'on trouve un moyen qu'on puisse soutenir chacun de nos enfants au Québec. Soit ils sont à domicile, soit que le parent a fait un choix qu'il va aller à l'école privée, soit qu'il va à l'école publique, mais est-ce qu'on peut juste trouver un moyen — c'est simple, hein? — que chaque enfant a qu'est-ce qu'il a besoin pour lui-même?

Puis on deale avec les humains qui dealent avec les humains, ce n'est pas facile. C'est sûr qu'on a tous nos émotions, on a toutes les réalités de tous les jours, puis tout ça, mais en bout de ligne on est en train de prendre notre futur. Puis, à un moment donné, quelqu'un qui va dire : On s'en fout, on abandonne, il faut que ça, ça arrête, à tout bout de champ. N'importe quel niveau... Soit c'est un enfant qui va être à la maison, ou n'importe où, il faut qu'il y ait quelqu'un dans le système et quelqu'un qui va prendre soin... Puis, je vais vous dire, il y a une personne qui est toujours là qui va faire ça, c'est le parent, puis c'est la personne qui est responsable, premièrement, pour son enfant. Mais il faut assurer qu'aussi tous les intervenants autour, ils travaillent avec les parents pour ces jeunes-là, parce que c'est les jeunes qui vont payer le prix.

• (15 h 50) •

M. Roberge : Merci. À la page 12, dans votre conclusion, donc, ce n'est pas des recommandations, vous avez mis «autres considérations», et je trouve ça très, très riche parce que vous posez des questions, vous soulevez des points qui ne sont peut-être pas directement dans le projet de loi, mais ça amène la réflexion plus loin.

Et un peu plus loin, vous dites : «En ce qui concerne l'inclusion des enfants scolarisés à la maison, comment assurer l'application du principe de la gratuité scolaire prévue par la loi pour ces enfants — manuels, matériel didactique, etc.?» Puis un peu plus loin, c'est un peu la même question, vous dites : «En ce qui concerne les enfants ayant des besoins particuliers, dans quelle mesure et à quelles conditions pourront-ils avoir accès aux services complémentaires?» Vous ne posez pas la question comme étant la gratuité, mais c'est un peu ça, quand même. Donc, est-ce qu'ils ont accès aux services d'accueil, de francisation, de services spécialisés? Donc, vous soulevez les questions, j'imagine, vous avez le début d'une réponse. Qu'est-ce que vous pensez de ces deux questions-là? Qu'est-ce que vous proposez?

Mme Payne (Corinne) : Des fois, on pose des questions pour vous donner quelque chose à jaser aussi. Mais, non, je pense qu'autant que je dis : Ce n'est pas 90 % des enfants qui doivent avoir le droit d'être scolarisés, la façon que le parent va choisir aussi, si on dit, comme société, que 100 % des enfants doivent avoir le droit d'aller à l'école dans n'importe quelle forme qu'on va choisir ou d'être scolarisés dans n'importe quelle forme, il faut aussi avoir la gratuité qui va avec. Alors, ce n'est pas parce que j'ai un enfant qui est à la maison qu'il ne doit pas avoir accès aux mêmes services que s'il était à l'école. Si on est prêts, comme société, de dire qu'on veut scolariser tous nos enfants en bas de 16 ans, il faut être prêts avec les moyens pour le faire puis assurer que chacun a le droit aux mêmes choses, puis les mêmes services, puis les mêmes... tout. Présentement, les enfants qui sont scolarisés à la maison, avec les 2 100 façons différentes de faire, il y a des enfants qui paient pour les manuels, des enfants qui n'ont pas de manuel, des enfants qui vont recevoir des manuels gratuits. Est-ce qu'on peut faire la même chose? Puis ça, c'est une base. Oui, il est... décentralisation, mais il y a une certaine base qu'il faut que c'est la même pour tous les enfants.

M. Roberge : Voulez-vous ajouter quelque chose?

Mme Deschamps (Lyne) : Non. C'est clair.

M. Roberge : Non? O.K. Parce qu'il y a quelque chose qui m'interpelle, c'est qu'en ce moment, supposons qu'un enfant est scolarisé dans le réseau public, c'est un peu plus de 5 000 $ que le gouvernement attribue à la scolarisation de cet enfant-là à la commission scolaire pour payer tout ça. Si le parent décide de scolariser à la maison, le gouvernement vient de faire une économie, puis là c'est 1 000 $. Puis on a compris cette semaine que le 1 000 $ ne se rend pas, définitivement pas. Ils n'en ont même pas pour 1 000 $, les parents qui choisissent de faire l'école à la maison, là. Des fois, on a entendu quelque chose d'aussi absurde que, bien, pour 1 000 $, on ne peut pas faire grand-chose, ça fait qu'on ne fera rien, on va faire de l'administration, puis ça ne se rend pas. Mais peut-être qu'il ne faudrait peut-être pas se rendre jusqu'à 5 500 $, mais il y a quelque chose, il y a une injustice, il y a inéquité à ce que le gouvernement économise de l'argent avec les parents qui font l'école à la maison.

Donc, cette table de concertation, ces centres d'aide, moi, je pense que j'ai une petite idée de comment elle est financée, là, c'est avec l'argent économisé avec les gens qui font l'école à la maison et sur le dos desquels, en ce moment, on fait de l'économie, puis c'est un petit peu gênant. Je ne parle pas de 50, 60 millions, là, mais il y a définitivement de l'argent qui est là, qui est disponible pour aider ces parents-là, pour les accompagner. Puis, oui, il y a le bâton puis il y a la carotte, il va falloir que vous acceptiez d'être accompagnés d'une certaine manière, mais avec des ressources puis avec des gens qui voudront vous aider. C'est un peu le message, je pense, qu'on a à lancer. Est-ce que vous êtes favorables non pas à enlever de l'argent dans le réseau public pour le donner aux gens qui font l'école à la maison, mais à ce que ces gens-là aient des ressources payées par un ajout de ressources, un ajout d'argent?

La Présidente (Mme Rotiroti) : Mme Deschamps.

Mme Deschamps (Lyne) : Je pense que, la question, on doit la prendre d'un autre angle. Je suis désolée. Je vais vous faire une proposition. Un enfant a droit à la gratuité scolaire. La gratuité devrait être simple : c'est pareil pour tout le monde, tout enfant, c'est la même chose, donc qu'on ne fasse pas d'exceptions, qu'on ne fasse pas de clarifications parce qu'à chaque fois qu'on écrit un texte puis qu'on ouvre une petite porte, bien, on ouvre une petite porte à une interprétation. Ça fait qu'à partir du moment où l'éducation est gratuite au Québec, puis on aura la chance d'en parler, c'est la même chose pour tous les enfants. Que cet enfant-là soit au public, que cet enfant-là ait un choix différent, que le parent ait fait un choix différent, qu'il soit issu d'immigration, sans papiers, on n'en veut plus, de distinctions. Un enfant a droit à l'éducation gratuite au Québec, point barre. Parce qu'actuellement, puis je pense qu'on n'est pas les premiers à le dire, un enfant, par exemple... Bon, l'immigration, vous le savez, ils peuvent charger, il y a des commissions scolaires... puis on le sait, mais à la maison c'est aussi n'importe quoi, actuellement. Il y a des endroits où l'enfant a droit aux manuels parce que les manuels sont gratuits, puis, dans d'autres endroits, on paie pour tout. Puis, à partir du moment où on commence à faire des nuances... puis, moi, c'est ma prudence à moi, moins tu fais de nuances dans les principes, plus tu vas être certain que ça va être clair. Je suis désolée, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Non, il n'y a pas de problème, je ne vous ai pas coupée. Alors, merci beaucoup, Mme Deschamps et Mme Payne, pour votre présentation.

Alors, je suspends quelques instants pour permettre au prochain intervenant de prendre place.

(Suspension de la séance à 15 h 55)

(Reprise à 15 h 58)

La Présidente (Mme Rotiroti) : Alors, la commission reprend ses travaux. À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, j'ai le plaisir d'accueillir Mme Hirsch et M. Émond. Merci d'être là. Alors, vous avez 10 minutes pour faire votre présentation, et par la suite on passera à une période d'échange entre les élus. Alors, Mme Hirsch, la parole est à vous.

Mme Sivane Hirsch

Mme Hirsch (Sivane) : Merci. Merci à tous. Bonjour à tous, Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes et MM. les députés. Merci de nous inviter à témoigner devant cette commission et contribuer à la réflexion sur le projet de loi n° 144. J'ai été présente depuis trois jours et je trouve les discussions extrêmement intéressantes, donc je suis bien contente d'y participer.

• (16 heures) •

Donc, je me présente. Je m'appelle Sivane Hirsch. Je suis professeure à l'Université du Québec à Trois-Rivières, au Département des sciences de l'éducation, et je travaille notamment sur la prise en compte de la diversité religieuse en éducation dans les écoles, dans les curriculums, etc.

L'année dernière, à la demande du comité... dans le comité, en fait, mis sur pied par le ministre, un comité interministériel qui a examiné la question du non-respect de la fréquentation scolaire, on a préparé un rapport, que j'ai, en fait, préparé avec une équipe dont Louis Émond a fait partie, donc, qui a examiné les mesures adoptées par différentes juridictions quant au non-respect de l'obligation de la fréquentation scolaire. Et donc c'est ce rapport qui — en fait, le mémoire que nous avons déposé à la commission a fait synthèse de ce rapport, en fait des conclusions de ce rapport et des recommandations du rapport — nous a amenés à comparer six juridictions différentes autour de la question de la non-fréquentation scolaire, les mesures qu'ils adoptent et l'état de la recherche sur la question.

On a vu déjà, au cours de ces auditions, c'est un phénomène qui est très difficile à quantifier. On a eu à plusieurs reprises à revenir sur la question. C'est clair que les médias se sont intéressés notamment à la situation des écoles illégales, comme ils appelaient, puis je mettrais beaucoup des guillemets autour des écoles illégales puisqu'en fait il s'agit des écoles non agréées, finalement, ou des établissements non conformes, donc qui ne sont pas des écoles, du coup. Le terme «écoles illégales» n'est pas adéquat. Mais on s'intéressait beaucoup à cette question, alors que, quand on a commencé à faire le rapport, on s'est vite rendu compte qu'une autre facette importante de ce phénomène, de ce qu'on appelle le non-respect de la fréquentation scolaire, réside, en fait, à ces enfants qui sont scolarisés à la maison, mais ils ne sont pas enregistrés nulle part.

Donc, nous, la question qui nous préoccupait en travaillant sur ces rapports, c'était de comprendre qu'il s'agit d'un choix, car ces parents font un choix clair de ne pas se conformer à la Loi sur l'instruction publique. Ce n'est pas par hasard, ce n'est pas par erreur qu'ils ne se conforment pas. Et donc nous, on était très intéressés par ce choix et par la façon dont, finalement, l'État ou le système peut réagir à ces choix. Donc, ce qu'il faut dire aussi, et ça, toutes les recherches le démontrent bien, que, si l'éducation des futures générations est dans l'intérêt de la société et, dans une certaine mesure, sous sa responsabilité, elle n'est pas réellement efficace lorsqu'elle s'impose contre les parents qui ne s'y reconnaissent pas. Donc, ça explique aussi notre intérêt à la question.

Donc, je vais revenir brièvement aux recommandations, finalement, aux grands faits saillants qu'on a vus dans le rapport et aux recommandations pour venir à notre point principal par rapport au projet de loi.

D'abord, en fait, la plupart des juridictions examinées dans notre rapport reconnaissent une pluralité des formes scolaires. Cette pluralité peut inclure différents types d'écoles, des écoles privées, publiques, alternatives et la scolarisation à la maison, qui peut proposer un projet éducatif équivalent. C'est un terme qu'on a entendu ici. C'était le terme qui était utilisé dans la loi jusqu'à maintenant, ici. Il peut être approprié, dans certaines juridictions, ou satisfaisant, donc, dépendamment des exigences demandées. J'ai failli dire : Exigences exigées. Ça ne marche pas.

Donc, dans les pays dont le droit public est d'origine britannique, comme le Québec, le Québec fait exception puisqu'il impose à toutes les écoles, et c'est important de le dire, on l'entend tout le temps depuis trois jours, il impose à toutes les écoles, publiques comme privées, exactement le même curriculum. Les écoles qui le souhaitent peuvent ajouter à ces curriculums un projet éducatif supplémentaire, qui peut être linguistique, artistique, sportif, international et religieux, mais elles ne peuvent rien soustraire à ces curriculums.

De la même manière, la scolarisation à la maison devait, dans la formule précédente, être équivalente. Donc, elle doit avoir les mêmes objectifs, développer les mêmes compétences. Et là on a entendu même : enseigner les mêmes savoirs essentiels, peut-être, qui est proposé par le Programme de formation de l'école québécoise. Ainsi, la diversité au sein du système d'éducation reste limitée, et les parents, comme leurs enfants, ne jouissent pas d'une grande liberté à cet égard, malgré le grand nombre d'écoles privées qui pourraient donner l'impression du contraire.

Je dirais d'ailleurs un point par rapport à ça, les écoles privées, en fait des subventions accordées aux écoles privées. Au Québec, c'est aussi une exception en la matière, on accorde des subventions aux écoles privées, assez substantielles, qu'on accorde uniquement à des écoles qui respectent intégralement les exigences du curriculum, mais pas toutes les écoles qui respectent ce curriculum vont avoir droit à la subvention, puisque c'est, en fait, le ministre de l'Éducation qui a un pouvoir discrétionnaire à cet égard. Ainsi, le Québec se prive, en fait, d'un argument important pour convaincre des écoles à faire des efforts et adopter le curriculum puisque, même s'ils respectent tout, peut-être qu'ils ne vont pas être subventionnés.

Donc, tout cela nous a amenés à faire quatre recommandations au comité d'avant le projet de loi.

Tout d'abord de reconnaître une plus grande pluralité et diversité des formes scolaires, que ce soient des écoles ou des projets éducatifs, dans le cas de la scolarisation à la maison, en offrant éventuellement différentes formes de qualifications, autrement dit de diplômes, et donc accès à tous aux examens ministériels, s'ils le désirent. Autrement dit, s'ils ne le désiraient pas, ils ne seraient pas obligés de le faire.

Ensuite, on a proposé de rendre plus flexible le système de financement d'écoles en offrant différents niveaux de subvention, selon les niveaux de conformité au curriculum, mais aussi aux parents qui scolarisent les enfants à la maison pour qu'ils inscrivent leurs enfants et permettre ainsi leur suivi, donc, en gros, donner de l'argent aux parents qui gardent leurs enfants à la maison pour les soutenir dans cet effort.

De responsabiliser ensuite tous les acteurs, et ça, on en a parlé aussi, les parents, les écoles publiques ou privées, les commissions scolaires, en établissant un lien direct avec eux et en les reconnaissant tous comme des partenaires légitimes dans la mission éducative.

Et enfin nous avons aussi recommandé d'imposer des amendes, qui nous semblaient mieux adaptées à cette réalité, dans les cas où on contrevient à la loi... que la direction de la protection de la jeunesse, comme on a déjà vu aussi ici depuis trois jours.

Le projet de loi, donc, n° 144, vous comprendrez bien, répond à plusieurs de nos attentes.

Donc, tout d'abord, la loi reconnaît la responsabilité des différents acteurs, le gouvernement, les commissions scolaires, les parents, ainsi que les relations entre eux, bien qu'on peut discuter si c'est des bonnes... si c'est comme ça qu'on veut le faire, mais il y a une reconnaissance. Elle permet ainsi d'encadrer la scolarisation à la maison. Elle permet aussi, grâce à l'article 11, de faire un suivi des enfants non enregistrés, qui pourront être repérés plus facilement, et amène à responsabiliser les parents à cet égard. Et donc c'est dans cette optique aussi qu'on apprécie bien les sanctions qui sont proposées par le projet de loi.

Mais — il y a toujours un «mais» — ce projet de loi laisse plusieurs vides non comblés, selon nous. L'aspect qui nous préoccupe le plus est celui des normes qui permettront à déterminer si un projet d'apprentissage est bel et bien approprié, le sujet du jour, qui est le terme utilisé dans le projet de loi actuel, plutôt qu'«équivalent», dans la loi, en fait, actuelle, mais, à peu près, dans le prochain... Vous avez compris. Donc, le terme «approprié» laisse croire à une plus grande ouverture à l'égard du projet proposé par les parents, mais, dans les faits, on se pose des questions puisqu'on ne sait pas trop quelle serait leur liberté d'action. Est-ce que le projet d'apprentissage doit être uniquement présenté par les parents ou aussi il doit être approuvé, le cas échéant? Rien dans la loi ne définit les normes et les critères selon lesquels celui-ci sera jugé par la commission scolaire ou une autre entité adaptée. On pourra parler aussi de ça, de la possibilité de faire d'autres entités. Est-ce que les enfants doivent montrer leur réussite selon les mêmes critères de progression des apprentissages — le terme dont on a parlé aujourd'hui — et imposés à tous les élèves? Si oui, encore une fois, rien ne change, dans les faits, par rapport à la situation actuelle. Si, au contraire, la commission scolaire doit déterminer le curriculum indépendant de cette progression des apprentissages, selon quels critères peut-elle le faire?

La solution proposée par le projet de loi, donc des règlements qui seront adoptés à cet égard, nous aussi, on n'est pas rassurés par cette proposition. En effet, ces questions sont fondamentales pour nous. Les normes selon lesquelles ces projets seront évalués doivent refléter les normes de la société québécoise en matière d'éducation. L'évaluation de ces projets ne peut se résumer aux seuls jugement et pouvoir discrétionnaire d'un conseiller pédagogique, qui est souvent le responsable au sein d'une commission scolaire, puisqu'il y aura alors un grand risque que les obligations légales des parents changent d'une commission scolaire à l'autre, comme on a vu, et il serait très difficile pour le justiciable de connaître avec un minimum de précision les exigences qu'il doit accomplir.

• (16 h 10) •

Cette question des normes qui déterminent si un enseignement est approprié concerne, en fait, la question plus large du curriculum obligatoire. Encore une fois, on en a parlé aujourd'hui. Or, notre analyse comparative des mesures adoptées par différentes juridictions, ainsi que les différentes recherches qu'on a consultées, et les jurisprudences qu'on a pu étudier nous amènent à proposer qu'il est temps peut-être d'adopter un curriculum minimal. Ce curriculum devrait faire l'objet d'une réflexion et d'un consensus assez large au sein de la société, mais il doit partir de l'idée que, si tout est important dans le programme, certains éléments sont, malgré tout, plus essentiels que d'autres.

Donc, nous, on est allés jusqu'à proposer un exemple d'un tel curriculum minimal. Pour vous donner une idée, nous, la façon dont on a construit, c'est qu'on est allés avec les trois fonctions officielles de l'école, donc l'instruction, la socialisation, la qualification, puis on s'est dit : Bien, plutôt que de parler d'objectifs d'apprentissage, qui ne sont pas du tout présents dans le Programme de formation de l'école québécoise pour l'instant, on va parler plutôt des compétences. Et donc on propose, par exemple, et c'est juste un exemple, d'inclure dans un tel curriculum d'abord l'enseignement de la langue commune, donc le français, ce qui répond à la fois à la fonction qualifier et instruire, mais éventuellement aussi socialiser, des matières qui permettent de développer la capacité... Et là je vous cite rapidement des termes du programme. On parle des compétences de résoudre des situations-problèmes, de raisonner des concepts étudiés, et dans un langage adapté, donc ça peut être des mathématiques, des sciences, et l'éducation à la citoyenneté, qui, pour nous, est extrêmement importante, qui inclurait différents aspects de la vie commune en société et permettrait aux enfants de connaître la société dans laquelle ils vivent au-delà de leur communauté immédiate, et donc socialiser et qualifier.

Donc, dans ces cas, juste pour finir, suivre le curriculum minimal sera, comme son nom l'indique, un minimum qu'on ne pourra négocier par rapport à ça, mais on pourra aller vers le curriculum général, donc le curriculum de toutes les écoles, pour avoir accès aux diplômes différents.

Je vais peut-être m'arrêter là. Merci.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Mme Hirsch, oui, vous avez déjà dépassé un petit peu le temps, qu'on a pris sur le côté du gouvernement. Alors, on est rendus à la période d'échange, et, M. le ministre, vous avez environ 18 minutes.

M. Proulx : Merci beaucoup. Merci, Mme Hirsch, monsieur. Merci d'être ici. Très heureux de vous revoir, d'avoir la chance de retravailler avec vous et de discuter encore de ces questions.

Merci pour votre mémoire également. Vous avez des tableaux qui sont très instructifs et qui, je pense, peuvent éclairer les collègues et ceux qui nous écoutent en ayant accès sur la situation ailleurs, autant sur l'obligation de fréquentation scolaire que du respect du programme. Et, dans ce contexte-là, c'est intéressant de voir les différences.

Sur la question du socle minimum du curriculum, je pense qu'on en a parlé aujourd'hui. C'est intéressant que vous arriviez au moment où vous êtes devant nous parce que vous faites une proposition, ce que nous n'avions pas, et c'est intéressant. Bien content que l'ordre ait été fait ainsi ou, en tout cas, que le hasard ait permis de vous retrouver ici maintenant, mais c'est intéressant d'avoir la chance d'en parler avec vous.

Vous parlez aussi de la pluralité des modèles parce que... Bon, vous avez expliqué un peu le socle. C'est pour ça que je ne reviens pas là-dessus maintenant. Mais vous avez parlé de la pluralité des modèles. Vous avez noté qu'au Québec on n'est pas très permissif, hein, là-dessus. On a un programme de l'école québécoise et on oblige nos écoles à y adhérer et à le transmettre. La question que je me pose, sur comment ça se passe ailleurs... Bien entendu, au primaire, au secondaire, pour aller vers les études supérieures, ici, au Québec, on doit passer par ce programme-là, et c'est non pas le minimum, mais c'est le bagage qu'on doit avoir acquis pour accéder à ces formations professionnelles, ou qualifiantes, ou des diplômes d'études supérieures. Comment ça se passe ailleurs? Dans la mesure où il y a des modèles différents et qu'un jour ou l'autre... Prenons l'exemple d'aller à l'université dans une formation x ou y. Comment on fait cette réconciliation-là des modèles? Comment on s'assure de ce socle commun nécessaire pour réussir ou avoir la capacité de réussir la formation universitaire, collégiale ou professionnelle qui est devant nous, pour laquelle on veut être diplômé?

Mme Hirsch (Sivane) : Bien, en fait, la réponse, effectivement, elle se trouve dans les tableaux, dans les beaux tableaux qu'on vous a présentés. Ça, ce sont des exemples. Je pense que je vais peut-être vous donner un des éléments puis je vais laisser Louis compléter.

En fait, ce qu'on voit, c'est qu'il y a des choses qui sont exactement pareilles partout. Donc, par exemple, la scolarisation obligatoire dont on a parlé ce matin, bien, c'est un peu pareil partout, donc de six à 16 ans à peu près, 17, 18, jamais quatre ans, une fois cinq ans en Angleterre. Par contre, il y a beaucoup plus d'ouverture à proposer différents types de scolarité, donc de pouvoir enseigner dans des écoles qui donnent différents diplômes, finalement, donc des diplômes et après on peut avoir des examens qui vont permettre d'aller aux études supérieures. Donc, c'est une autre approche, mais on peut avoir différents types de diplômes, selon le cas.

On peut aussi avoir une situation où on est... Pour l'école à la maison, on doit se conformer au programme, mais le programme, il est peu contraignant. Donc, on est quand même... On doit soi-disant répondre aux mêmes exigences, mais, puisque le programme est peu contraignant, c'est moins compliqué. Le problème, surtout ici, et avant que je passe la parole à Louis Émond, le problème, je pense, au Québec, et c'est un peu ce que vous avez dit, M. le ministre, c'est qu'il n'y a pas un socle minimal et il y a juste une seule façon de faire. Donc, c'est extrêmement contraignant parce qu'en fait tous ceux qui veulent faire une école alternative, donner des projets différents, peu importe le projet, bien, ils doivent d'abord répondre à des exigences extrêmement lourdes, parce que c'est quand même 25 heures d'un curriculum très complet. On ne peut pas du tout jouer avec ce curriculum-là. Puis à cela il faut ajouter le plus souvent d'autres éléments. Donc, ça devient un modèle unique, finalement.

M. Émond (Louis) : Je peux plus y aller avec des exemples concrets. Je vais vous parler des deux extrêmes. Tout le restant se trouve un peu entre les deux.

Il y a la Suisse, d'un côté, où même quand les gens choisissent l'école obligatoire, les enfants doivent aller passer les examens, les mêmes examens que les élèves qui sont dans l'école régulière. Ils doivent recevoir un enseignement qui est conforme au programme. Donc, à ce moment-là, la sanction se fait avec les mêmes examens que pour les élèves réguliers.

À l'autre extrême, on a le cas de l'Angleterre où là les examens... la qualification se fait, généralement à la fin des études secondaires, par le «A level». L'examen du «A level» est... À ce moment-là, lui, c'est complètement privé, c'est-à-dire, c'est des organismes... Par exemple, le plus célèbre, c'est l'examen qui est préparé par Oxford puis Cambridge, puis on peut s'y inscrire un peu partout dans le monde. Il y a des gens en Inde qui font le «A level» d'Oxford... voyons, Cambridge.

Donc, c'est ça, là, on a nos deux extrêmes. Il y en a un où le gouvernement n'est même pas impliqué. C'est un organisme privé qui va... bien, privé entre guillemets, là, mais, c'est ça, donc qui va donner une certification, et cette certification-là va être reconnue par des universités, tandis que, c'est ça, en Suisse, là, ça va être les examens conformes, tout ça. En Ontario, ça va se passer un peu comme dans le restant du Canada. Il y a beaucoup... Les universités anglophones semblent plus ouvertes à l'idée d'avoir des acceptations sur portfolio. Comme à McGill, ça se fait assez régulièrement, là.

M. Proulx : Ça répond en partie à la question. Je voyais également... Dans le tableau 1 à la page 6, là, à la dernière colonne, là, ou rangée, pardon, «Scolarisation à la maison», je constate que, dans tous les cas, à moins que je me trompe, bien, il y a le principe de la déclaration obligatoire, que nous avons également, mais il y a le principe d'une communication ou d'un dépôt, bon, d'un projet, d'un plan, ou disons-le différemment, là, certains, c'est marqué «plan d'enseignement», mais jamais on ne voit ce que pouvaient laisser sous-entendre certains textes entendus aujourd'hui ou lus, c'est-à-dire qu'il y avait une notion d'approbation ou de conformité à l'égard... ou de reconnaissance ou non de la part de l'autorité qui reçoit cette déclaration ou ce plan. C'est-à-dire qu'à chaque fois, on le voit, c'est une déclaration, dans la commission scolaire au Québec, dans d'autres, c'est accompagné du dépôt du plan, déclaration annuelle, inscription avec le plan. Alors, je comprends que, dans les faits, l'appréciation du plan, sa conformité soit à un socle, dans certains cas, ou sa qualité, là, avec laquelle on va déterminer si, oui ou non, il y a compromission du droit à l'éducation ou à l'obligation de fréquentation scolaire selon la loi, bien, elle ne se fait pas à cette étape-ci. C'est qu'on apprécie les choses. Ce n'est pas comme : vous le déposez, vous êtes admis dans l'école à la maison à partir de maintenant, vous rentrez comme dans une nouvelle rangée ou dans une nouvelle salle. Ce n'est pas comme ça que ça fonctionne. Je pense, c'était important de le noter.

L'autre chose, je pense, qu'il pourrait être intéressant de savoir de vous, c'est... Bien, on voit que le processus d'entrée dans ce mode éducatif là est similaire malgré le fait qu'il y a des réalités différentes. Mais, au niveau de l'accompagnement, je ne pense pas l'avoir vu, mais est-ce que, dans les autres législations que vous avez observées, on détermine un nombre de visites, on détermine la façon dont on va apprécier les apprentissages? En France, on fait une déclaration annuelle au maire. Bon, on ne fonctionne pas de la même façon, hein, là-bas, bien entendu, mais comment ça se passe dans ces différentes juridictions là?

Mme Hirsch (Sivane) : Je vais juste dire un mot — puis on va chacun répondre à cette question — c'est pour dire que, non, effectivement, des règlements spécifiques ne sont pas dans les textes de loi. Puis, à chaque fois, en fait, quand on a cherché, quand on a fait ce travail comparatif, on était devant cette même évidence. Mais il y a un «mais», évidemment. Ce «mais-là», c'est qu'en fait on précise quand même c'est quoi, les attentes des suivis, par exemple. Donc, on dit : Ils doivent se présenter et ils doivent venir une fois par année ou deux fois par année, ou ils doivent se laisser... ils doivent permettre à la personne qui va surveiller de venir lorsqu'elle le juge nécessaire, etc. Donc, il y a quand même des modalités de suivi qui sont assurées par la loi, mais effectivement pas tous les règlements...

M. Proulx : Si je comprends bien ce que vous dites, c'est que, dans les faits, les orientations et balises se retrouvent dans la loi, mais les modalités se retrouvent dans le règlement qui s'ensuit. Bon, à date, ce n'est pas si mal. Ça ressemble un peu à ce qu'on voulait faire.

• (16 h 20) •

M. Émond (Louis) : Peut-être juste, aussi... C'est parce qu'entre autres en France puis en Suisse, en tout cas, au moins pour le canton de Genève, il y a quelque chose qui n'existe pas ici, c'est-à-dire encore des inspecteurs de l'enseignement, et ils vont inspecter dans les écoles, mais aussi auprès des familles.

M. Proulx : J'avais une autre question qui touchait... D'ailleurs, je trouvais intéressant... À la page 10, quand vous faites l'analyse de la jurisprudence, là, vous dites : «Il serait plus juste de parler des droits à l'éducation que du droit à l'éducation.» Je vais aussi raffiner encore une fois mon vocabulaire.

J'avais une question à l'égard de l'allocation, parce que vous avez dit avoir fait cette proposition. J'ai vu dans les tableaux... Là, les gens du ministère doivent me regarder avec des gros yeux, mais c'est juste une question que je pose, hein? Mais, dans les faits, ce que je veux savoir, c'est comment ça fonctionne. Je comprends que, lorsqu'on est dans un mode d'éducation à la maison ou d'apprentissage en famille, selon le terme, là, que nous voulons, lorsqu'on est déclaré comme tel auprès d'une... ici, ce serait une commission scolaire, ce que vous dites, c'est qu'il devrait y avoir une allocation. Et là vous ne parlez pas des ressources financières à être versées aux institutions pour soutenir la relation. Vous parlez d'allocation vers le parent-éducateur.

Mme Hirsch (Sivane) : Oui. C'est l'exemple de la Nouvelle-Zélande, en fait, qui nous a inspirés à cet égard. En fait, en Nouvelle-Zélande, ce qu'ils font, c'est qu'ils encouragent l'école à la maison pour des raisons pratiques, souvent parce que les gens habitent souvent à une certaine distance des centres qui permettent d'avoir des écoles efficaces. Et donc ils encouragent, à ce moment-là, l'école à la maison. Puis, pour favoriser les relations avec les parents, ils vont faire signer un contrat aussi — c'est un contrat, qu'ils appellent ça, ou un projet d'apprentissage — au début de l'année. Puis les parents doivent revenir au milieu de l'année puis à la fin de l'année. Puis il y a un suivi à chaque fois de tous les enfants. Puis, à chaque période, pour chaque période comme ça, ils reçoivent après la rencontre leur allocation familiale, qui est ajustée au nombre d'enfants qu'ils scolarisent à la maison. Et donc, en fait, on aide vraiment la famille à gérer les enfants à la maison puis en même temps on assure un suivi régulier des enfants, de leur apprentissage, etc.

Je ne sais pas si tu as quelque chose à ajouter.

M. Émond (Louis) : Oui. Bien, l'idée derrière, c'était de donner les ressources aux parents pour faire des sorties culturelles, inscrire les enfants à des activités sportives, des abonnements à des publications qui peuvent, à ce moment-là, évidemment, enrichir l'éducation qui est faite à la maison. L'avantage aussi, c'est le contraire de la clause pénale, c'est vraiment d'y aller avec la carotte et de dire : Bien, si vous faites bien les choses, vous respectez la loi, bien, voilà, on vous donne les ressources pour aller plus loin, comme les autres enfants.

Mme Hirsch (Sivane) : Ils donnent une somme assez considérable et, malgré tout, ils considèrent que c'est une économie au niveau de leur système d'éducation puis c'est... À un moment, quand on a regardé... Donc, pour nous, c'était une somme considérable, mais je pense que... 700 $ par enfant, un truc comme ça, mais les parents considéraient que ce n'était pas assez puis étaient en train de revendiquer plus, évidemment. Mais c'est intéressant de voir cette autre façon de fonctionner, qui fonctionne très bien, apparemment.

M. Proulx : Et ma dernière question portait sur le socle minimum également, parce que je pense avoir lu... là, je suis désolé, je ne le retrouve pas, mais je pense avoir lu que vous proposez un socle minimum à la fois pour l'école à la maison que pour ce que nous appelons des établissements illégaux. Vous avez dit : Des écoles illégales, pour vous, étant des établissements ou des écoles qui n'ont pas d'agrément. Alors, je veux juste m'assurer des bons mots. Peut-être juste m'expliquer où vous en êtes par rapport à cette suggestion ou recommandation, parce que j'ai, rapidement, à première vue, de la difficulté à penser que je peux forcer des gens à se conformer, alors qu'ils ne se conforment pas à rien, ou pas du tout, ou presque pas. Il y a des situations où on est en accompagnement pour de la conformité, il y a des situations... Et là moi, je fais référence à des établissements illégaux, ici, où on n'est pas du tout... On ne devrait même pas utiliser le vocable «école» parce qu'il n'y a pas d'enseignement là, pas du tout. Alors, j'essayais de voir comment... Pourquoi faire cette précision, alors que, dans les faits, les établissements illégaux que nous visons ne sont pas des écoles qui offrent un programme? On n'est pas presque à l'école québécoise, on n'est pas à l'école.

Mme Hirsch (Sivane) : Considérant le fait que le problème qui pose... En fait, leur non-conformité, de ces établissements-là, est souvent liée à leur non-respect du Programme de formation de l'école québécoise. Ce n'est pas des établissements qui gèrent mal les enfants, par ailleurs, mais leur problème est la question de conformité au programme. Nous pensons que proposer un socle minimal, un curriculum minimal permettrait à ces établissements d'être justement légaux, être suivis, être reconnus pour ce qu'ils sont, non pas pour des écoles qui donnent, par exemple, le diplôme d'études secondaires, puisqu'ils ne respectent pas le curriculum au complet, mais des établissements légaux.

Éventuellement, puisque... Toujours dans l'idée aussi d'une certaine égalité, si on reconnaît un socle minimal pour les parents qui font l'école à la maison, il n'y a pas de raison de ne pas le permettre aussi dans un établissement reconnu. À ce moment-là, ils ne vont pas avoir droit aux subventions. Ils ne vont pas, peut-être, avoir droit à donner des diplômes. Mais par contre ça peut être une option, alors que l'école va proposer un socle minimal, un programme général de socle minimal. Les enfants qui vont vouloir, éventuellement, par exemple, aller au cégep, bien, ils vont pouvoir peut-être adapter deux cursus, par exemple. Mais ça permet justement... Ça ouvre la porte, en fait, à une modalité des... à une pluralité, pardon, des modèles, alors que maintenant c'est tout ou rien, et, dès qu'on ne respecte pas tout, on est dans l'illégalité, puis on appelle la DPJ. Donc, c'est pour répondre à ce...

M. Proulx : Je termine là-dessus. Mais je comprends ce que vous dites. Ce que vous dites, c'est que, d'abord, c'est une ouverture à cette situation de rigidité dont vous faisiez part tout à l'heure en disant : Il n'y a pas d'autre modèle. Deuxièmement, vous dites : Si on est en mesure de permettre, pour un individu, d'avoir ce socle minimum, pourquoi des gens qui se réunissent à plusieurs individus ne pourraient pas avoir cette même ouverture là? J'entends ce que vous dites par rapport à ça. C'était ma question. Merci de votre participation. Merci pour vos travaux avec nous également et merci pour votre mémoire.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Merci, M. le ministre. Alors, on va passer du côté de l'opposition officielle. M. le député de Lac-Saint-Jean, vous avez 14 minutes.

M. Cloutier : Oui, moi aussi, je veux poursuivre sur cette idée de socle minimum. Vous faites référence à l'éducation à la citoyenneté. Je trouve ça intéressant, mais il me semble que l'éducation à la citoyenneté comme telle ne fait pas partie du curriculum actuel ou, du moins, il n'y a pas de cours comme tel à la citoyenneté.

Mme Hirsch (Sivane) : ...en éducation à la citoyenneté. Mais c'est vrai qu'elle n'a pas sa place, peut-être, qu'elle devrait avoir, mais on ne l'a pas oubliée complètement.

• (16 h 30) •

M. Cloutier : Bien, je ne pense pas, certainement pas de la manière dont vous le définissez. Des «aspects de la vie commune en société», ça, à la limite, ça pourrait aller, mais vous expliquez... Ah oui! «Connaître les dispositifs civiques de la société québécoise». Je suis loin d'être convaincu qu'au moment où on se parle il y ait une connaissance, de nos jeunes... qu'il y ait une formation offerte sur l'organisation de la société, les institutions démocratiques, les droits à la participation citoyenne, l'organisation communautaire, et je pourrais poursuivre. Et je trouve ça drôle parce que moi personnellement, je considère que ça fait partie, je ne sais pas, d'une espèce de trou noir du secteur de l'éducation ou du moins quelque chose à améliorer, alors que vous, dans le socle commun, vous mettez peu de choses, mais ça, vous le mettez.

À partir de quoi vous vous êtes inspirés pour en arriver à formuler ça? Est-ce que c'est... vous vous êtes fait plaisir, vous avez imaginé le socle commun idéal, ou vous êtes partie d'une inspiration qui existe ailleurs?

Mme Hirsch (Sivane) : Premièrement, chercheuse comme je suis, j'avais des idées, mais je suis allée vérifier, n'est-ce pas? L'idée d'éducation à la citoyenneté était très présente dans les recherches, dans les écrits de l'UNESCO, dans d'autres pays où on a cette idée de socle commun, sachant que le socle minimal veut dire des connaissances, sachant que, quand on accepte cette idée qu'il y a un curriculum minimal, c'est qu'on accepte qu'il y ait des personnes qui se soustraient de notre système, donc des écoles à la maison, des écoles... aux États-Unis, on va le voir avec les «charter schools», l'école à charte. On va voir ça avec des écoles, nous, qui nous intéressent, les établissements illégaux qui ne vont pas vouloir faire partie de notre... qui ne vont pas vouloir intégrer le curriculum obligatoire.

Une des inquiétudes principales, n'est-ce pas, c'est que ces gens-là ne vont pas s'intégrer à la société quand ils vont être des adultes, ils vont rester toujours vivre dans leurs petites communautés, d'où l'importance fondamentale pour moi de l'éducation à la citoyenneté. Je vais plus loin que ça et je dis : Je pense que, pour enseigner l'éducation à la citoyenneté, dans ces cas-là, ça ne peut pas être quelqu'un de cette même communauté fermée qui va enseigner cette éducation à la citoyenneté. Ça doit être quelque chose qui vient de l'extérieur. Ça doit être le moment où les jeunes enfants, jeunes élèves rencontrent la société dans laquelle ils vivent, dans la manière la plus immédiate finalement, sans intervention supplémentaire.

Donc, je partage vos inquiétudes par rapport au manque de cette éducation à la citoyenneté aujourd'hui dans le curriculum. Ce n'est pas du tout la question qui me préoccupe, mais il y a beaucoup de gens qui partagent cette inquiétude, n'est-ce pas? Mais je pense que, justement, si on va définir que c'est quelque chose qui est extrêmement important pour la société, c'est donc un curriculum minimal. On fait place aussi, dans un curriculum plus large, à l'éducation à la citoyenneté en disant : Bien, si on pense que c'est quelque chose d'essentiel, tellement essentiel qu'en fait on ne va pas permettre aux élèves de faire l'économie de cette... aux enfants qui ne sont pas allés... à faire l'économie de cette compétence, bien, évidemment qu'on ne va pas faire l'économie de cette question à l'école.

M. Cloutier : Mais l'enjeu des écoles illégales, ce n'est pas un problème qui est québécois, c'est un problème qu'on retrouve ailleurs dans le monde. Puis est-ce que vous avez analysé, justement, les cas de communautés qui décident d'offrir un autre type d'enseignement en parallèle, à l'extérieur de ce qui est imposé par la loi? Comment les autorités réagissent par rapport à ça? Comment ils en arrivent à encadrer la formation?

M. Émond (Louis) : Moi, si je peux me permettre, c'est ça, puis ça va peut-être aussi compléter votre question précédente... Une des choses qui a fait en sorte qu'on a choisi, à travers tous les États-Unis, la Pennsylvanie, c'est que justement il y a un accord entre l'État et la communauté amish. La communauté amish a ses propres écoles, qui fonctionnent bien, mais il y a une matière qui est donnée par quelqu'un d'en dehors de la communauté, et c'est justement l'éducation civique. Donc, c'est, entre autres, ça qui nous a nourris... qui nous a mis la puce à l'oreille puis...

Mme Hirsch (Sivane) : Oui, mais les écoles... Ce qu'on appelle ici les écoles illégales, ça n'existe, en gros, nulle part. Ce n'est pas une... En fait, qu'on soit d'accord, là, si c'est une école, c'est qu'elle est reconnue comme telle, donc elle ne peut pas être illégale. Au pire, elle peut être clandestine, mais, là encore, c'est qui qui dit que c'est une école? Alors, c'est les gens de la communauté qui l'appellent peut-être comme ça.

Dans les autres juridictions que nous avons étudiées puis dans d'autres recherches qu'on a pu voir sur d'autres pays, au-delà de ces six juridictions, il n'y a pas d'école illégale comme telle. On va avoir des écoles avec contrat, sous contrat, hors contrat, des écoles publiques et des écoles qui reçoivent des subventions, plus ou moins agréées. Il y a plein de termes, il n'y a pas d'école illégale. Donc, ils ne gèrent pas ça comme ça.

Par contre, ce que je peux ajouter juste par rapport à cette gestion, c'est qu'en fait on va le plus souvent essayer de favoriser une sorte de négociation avec ces communautés pour les amener le plus possible vers le modèle proposé par l'État. Dans plusieurs pays, il y a cette idée de curriculum minimal, ce n'est pas rare, qui est utilisé notamment pour ces écoles-là, où on définit c'est quoi, le socle minimal des connaissances que tous les élèves vont acquérir pour reconnaître qu'ils ont eu leur droit à l'éducation.

M. Cloutier : Mais vous avez cité des endroits dans le monde où on refuse carrément l'enseignement à la maison. Donc, j'imagine aussi qu'il doit y avoir des réactions à ça. Il doit certainement y avoir des parents qui se rassemblent ou des communautés qui décident d'offrir un autre type de formation malgré ce que la loi dit, j'imagine. Et ça doit devenir, à ce moment-là, illégal au sens où la loi oblige de suivre la...

Mme Hirsch (Sivane) : Il y a différents types d'exemples. En Suède, par exemple, ils ne reconnaissent pas l'école à la maison ou l'éducation à la maison, puisqu'ils considèrent qu'ils donnent suffisamment d'alternatives publiques pour que les gens n'auront pas besoin de scolariser les enfants à la maison.

Il y a l'exemple allemand qui a été aussi évoqué, je pense, hier, où c'est interdit, tout simplement, l'école à la maison, mais les parents sont dans l'illégalité, font quand même de l'école à la maison. Puis il y a même une histoire... je ne me souviens plus de quelle année, que Louis pourra vous en parler, des parents qui ont demandé le droit d'exil, le statut d'exil aux États-Unis parce qu'ils n'avaient pas droit à faire l'école à la maison en Allemagne et se sont sentis...

Une voix : Réfugiés.

Mme Hirsch (Sivane) : Réfugiés, c'est ça, puis ils se sont sentis persécutés par leur choix. Et au départ leur demande a été acceptée. Bon, après, non, mais au départ, oui.

M. Cloutier : Très bien. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Alors, merci beaucoup, M. le député. On va passer du côté du deuxième groupe d'opposition, et je cède la parole à M. le député de Chambly pour neuf minutes.

M. Roberge : Merci beaucoup. Merci pour votre présentation. Tout à l'heure, vous avez dit qu'au Québec on a un cadre extrêmement rigide, le Programme de formation l'école québécoise prévoit énormément de choses. Et vous me le présentez de manière un peu négative, là, il n'y a pas de marge de manoeuvre. Pourtant, il y a, au Québec, plusieurs écoles alternatives, et qui sont publiques, à l'intérieur des commissions scolaires, qui enseignent le Programme de formation de l'école québécoise. Ils enseignent tous les savoirs essentiels. Par contre, ils peuvent inverser dans l'ordre, dans le temps. Ils ont une petite flexibilité sur l'ordre dans lequel ils enseignent les choses, mais ils font quand même le Programme de formation de l'école québécoise. Donc, il y a quand même une flexibilité à l'intérieur du cadre, non?

Mme Hirsch (Sivane) : Premièrement, en fait, il ne faut pas parler en termes de savoirs essentiels. Je pense qu'il faut parler plus en termes de compétences, puisque le programme nous invite à développer des compétences. Effectivement, ils vont développer, du coup, des compétences, mais en utilisant d'autres approches pédagogiques, en utilisant d'autres stratégies, modèles, etc., mais ils vont devoir enseigner exactement les mêmes choses. Donc, l'école est alternative dans son approche pédagogique mais non pas dans le curriculum, qui, lui, reste toujours le même. Il n'y a pas d'autre modèle.

M. Roberge : ...là-dessus, on est d'accord, ils peuvent changer les moyens, les pratiques, la pédagogie, mais pas ce qui est à enseigner. Je vais vous dire, je trouve que c'est une bonne chose.

Mme Hirsch (Sivane) : Non, mais effectivement il y a... Ça, ça existe, et il y a des écoles privées, il y a des écoles publiques, il y a des écoles privées... il y a des écoles qui proposent différents projets. Je l'avais noté déjà d'ailleurs, mais ils le font toujours en plus du programme.

M. Roberge : Oui, et je dois vous dire... Et puis c'est intéressant, ce que vous amenez, la perspective internationale, le tableau, parce que, des fois, on se compare puis on peut se désoler comme se consoler. Mais moi, je n'aime pas l'idée de niveler vers le bas, et ce que je comprends, c'est qu'au Québec on nivelle moins vers le bas qu'ailleurs, d'après ce que vous me dites, parce que, comme on refuse d'aller en bas d'un certain niveau... D'autres vont voir ça comme de la rigidité puis de l'entêtement. Moi, je verrai ça comme une forme d'ambition et comme un désir de donner une formation qui va amener tout le monde à un niveau minimal, à condition qu'on amène tout le monde à ce niveau-là. Puis là on a un problème parce qu'on en échappe en cours de chemin, par contre.

• (16 h 40) •

Mme Hirsch (Sivane) : Non, mais je pense par contre qu'il faut faire une distinction importante entre... Je suis d'accord avec vous qu'il ne faut pas du tout, du tout niveler vers le bas. Je pense que définir un... permettre une pluralité des modèles, ce n'est pas niveler vers le bas, c'est de reconnaître qu'il y a plus qu'une façon d'arriver vers notre objectif, qui peut être très élevé.

Je pense qu'il ne faut pas parler des termes des quantités d'apprentissage, qu'est-ce qu'ils ont pris en termes de quantité, de notion, etc., mais est-ce qu'ils ont développé... Et c'est ça, le langage de notre Programme de formation de l'école québécoise. Quelles sont les compétences qu'on a permis à ces enfants de développer? Puis, si on leur a appris à développer les mêmes compétences, mais en faisant d'autres activités ou en leur proposant d'autres savoirs lorsque... Des fois, hein, on a des... Par exemple, dans le programme de sciences, ils ont tellement de savoir à enseigner qu'en fait, d'emblée, ils savent qu'ils ne vont pas tout enseigner. Et ils disent aux enseignants : Choisissez, finalement, un... C'est vrai pour plusieurs thèmes. C'est vrai pour Éthique et culture religieuse. On va le dire aux enseignants : Il y en a trop, choisissez le thème que vous voulez développer avec vos élèves.

Donc, en fait, en gros, ce qu'on dit, c'est qu'on peut développer les compétences des élèves ou des jeunes enfants de différentes manières puis pourquoi ne pas s'ouvrir à ces différentes manières tant qu'elles amènent vers cet objectif d'apprentissage, effectivement.

M. Roberge : D'accord. Et je vais aller à la page 17, là, où là vous y allez d'une proposition. Puis c'est intéressant qu'il y ait une proposition sur la table, parce que, là, on peut débattre, puis c'est concret. Vous dites : «Nous nous aventurons donc à proposer aussi un exemple concret, en considérant aussi bien les trois fonctions de l'école québécoise — instruire, socialiser, qualifier — et l'approche par compétences selon laquelle le programme de formation de l'école québécoise est construit.» Et vous dites : Un tel curriculum pourrait inclure l'enseignement de la langue, donc vous précisez évidemment le français, donc les matières qui permettent de développer la capacité à résoudre des situations-problèmes, à raisonner, ça, c'est maths et sciences. Et après ça vous dites : «Et l'éducation à la citoyenneté», et là vous ne nommez pas les matières qui pourraient être touchées par l'éducation à la citoyenneté. Or, il me semble... corrigé mon collègue tout à l'heure, ça fait partie du curriculum, parce qu'au primaire ça s'appelle géographie, histoire et éducation à la citoyenneté. Le Programme de formation de l'école québécoise inclut des notions spécifiquement, là... On n'a pas besoin de beaucoup d'imagination, c'est écrit «éducation à la citoyenneté». C'est spécifique, il y a des compétences, c'est là, c'est dit, c'est clair, puis il y a même d'autres éléments qui visent à préparer à l'exercice de la citoyenneté, Éthique et culture religieuse... Tous les domaines qui parlent du dialogue et de culture, de pratiquer le dialogue, d'échanger, c'est de se préparer à la citoyenneté.

Je m'interroge, dans votre liste ici, pourquoi vous n'avez pas nommé ces matières-là. Quand vous parlez d'éducation à la citoyenneté, pourquoi ne pas nommer ces matières qui font partie du curriculum?

Mme Hirsch (Sivane) : En fait, on a fait un choix délibéré de ne pas proposer un curriculum minimal des matières, mais des compétences, puisqu'on ne veut pas parler... puisque, si on parle d'école à la maison et des écoles qui ne sont pas conformes aux exigences, si on renomme toutes les matières, bien, on n'a rien fait, on n'a rien acquis. On essaie de parler dans le langage des compétences, dire : Voilà, nous, on veut qu'ils développent des compétences nécessaires pour la vie en société. Pour cela, ça peut être différentes matières, différentes disciplines qui peuvent être mises à contribution pour les développer. Donc, en fait, ça ne sert à rien de redire toutes ces matières, même si je suis d'accord avec vous que toutes ces matières peuvent contribuer à cette éducation à la citoyenneté.

M. Roberge : Par contre, je vais... Ah! allez-y, allez-y.

M. Émond (Louis) : Si je peux me permettre aussi de... Ici, c'est plus un exemple que... Puis, en fait, ce qui est important, ce serait plus la démarche, l'idée d'aller prendre les compétences, aller prendre les grandes missions de l'école puis bâtir un programme à partir de ça, donc un programme minimum à partir de ça. Ici, bon, on donne un exemple, mais, avec plusieurs discussions, avec plusieurs didacticiens spécialisés, on pourrait arriver à quelque chose d'autre, donc... mais l'idée d'aller cibler l'essentiel autour justement de la grande mission de l'école : instruire, qualifier, socialiser.

M. Roberge : Tout à l'heure, faisant du pouce à une intervention de Mme Boucher, de la fédération des directions d'établissement, qui utilisait le mot «savoirs essentiels», je dis : O.K., pouvez-vous me les nommer? Ils ont dit : Bien, savoir essentiel, c'est le Programme de formation de l'école québécoise.

Vous, vous dites : On pourrait un peu choisir là-dedans, mais déjà le Programme de formation de l'école québécoise invite, notamment dans le cours d'éthique et culture religieuse, mais dans le cours d'art aussi, à choisir.

Les écoles, au Québec, choisissent parmi quatre disciplines : arts plastiques, musique, danse, art dramatique. Elles disent : Bien, les jeunes, dans cette école-là... vous, comme école, vous avez une certaine autonomie, vous allez choisir deux disciplines que vous allez enseigner parmi ces quatre-là, mais vous êtes obligés d'en choisir deux parmi ces quatre-là. Vous ne pouvez pas dire : Bien, moi, l'art, ça m'intéresse moins, je vais aller ailleurs.

Donc, il faudrait s'assurer que, dans ce que vous appelez le curriculum minimal... Puis j'exprime cette crainte-là, là, peut-être que c'est à tort, mais, quand on dit «curriculum minimal» par rapport à ce qu'il y a actuellement, puis vous me dites qu'il n'y a pas de nivellement par le bas, bien, je vais vous dire sincèrement, j'ai de la misère à acheter ça.

Mme Hirsch (Sivane) : Je ferais deux remarques. Encore une fois, un curriculum minimal, ce n'est pas parce qu'on enseigne moins, on se donne un cadre plus limité, qu'on l'enseigne moins en profondeur, qu'on cherche moins les connaissances, le développement des enfants. Ce n'est pas : plus de matières qu'on a, meilleurs qu'on est.

Parce qu'on va voir plein de modèles, dans plein de pays, où on va avoir différents libellés des matières, puis, des fois, histoire et géo, ce n'est pas ensemble, et nous, on les met ensemble. Est-ce que ça veut dire qu'on est moins bons? Non, ça veut dire qu'on les a mis ensemble pour des raisons historiques ou didactiques, que je n'étais pas là quand c'est arrivé, donc je n'en sais rien. Mais il y a différents libellés possibles pour différentes disciplines. Donc, ce n'est pas une question de nivellement vers le bas, c'est une question de donner accès aux gens à un certain curriculum tout en gardant une ouverture à la diversité.

Et juste une dernière remarque par rapport à cette question de curriculum minimal, où on a finalement proposé un exemple spécifique. Notre objectif n'était pas du tout de proposer ce curriculum minimal, mais de dire : Il faut en débattre ouvertement, clairement, puisque c'est... je pense qu'on est rendus là, et le débat doit se faire. C'est un débat de société qui doit se faire ouvertement. Il va y avoir énormément de propositions, tout le monde va dire ce qu'il pense, mais il faut qu'on en parle pour se dire : Bien, peut-être qu'on peut permettre d'autres options, d'autres modèles d'enseignement sans les exclure et de les rendre illégaux pour autant.

Mémoires déposés

La Présidente (Mme Rotiroti) : Merci. Alors, avant de conclure les auditions, je dépose les mémoires des organismes et des personnes qui n'ont pas été entendus lors des auditions publiques. Alors, merci beaucoup, Mme Hirsch et M. Émond, pour votre présence.

Alors, la commission ayant accompli son mandat, j'ajourne les travaux sine die. Merci. Bonne journée.

(Fin de la séance à 16 h 48)

Document(s) associé(s) à la séance