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Version finale

34e législature, 2e session
(19 mars 1992 au 10 mars 1994)

Le mercredi 11 novembre 1992 - Vol. 32 N° 14

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur l'enseignement collégial québécois


Journal des débats

 

(Neuf heures trente-deux minutes)

La Présidente (Mme Hovington): À l'ordre, s'il vous plaît!

Je déclare la séance ouverte. La commission de l'éducation va reprendre ses travaux. Je rappelle le mandat de la commission qui est de procéder à des auditions publiques sur l'enseignement collégial québécois. M. le secrétaire, est-ce que nous avons des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. M. Gobé (LaFontaine) est remplacé par M. Maltais (Saguenay) et M. Parent (Sauvé) par M. Doyon (Louis-Hébert).

La Présidente (Mme Hovington): Merci. Alors, nous commençons, ce matin, par l'Université du Québec, à 9 h 30; à 10 h 30, nous aurons la Philosophie au collège; à 11 h 30, le Collège de la région de l'Amiante; à 12 h 30, suspension jusqu'à 14 heures.

À 14 heures, nous reprendrons avec la Centrale de l'enseignement du Québec et la Fédération des professionnelles et professionnels des collèges et des universités; à 15 h 30, l'Institut canadien d'éducation des adultes; a 16 h 30, le cégep de la gaspésie et des îles; à 17 h 30, l'association des professeurs de sciences du québec; à 18 h 30, suspension jusqu'à 20 heures pour reprendre avec l'association des cadres scolaires du québec; à 21 heures, la corporation professionnelle des conseillers en relations industrielles du québec et, à 22 heures, ajournement.

Université du Québec

Alors, nous avons comme invités ce matin donc, l'Université du Québec, avec son président, M. Claude Hamel. Bonjour, M. Hamel. Vous êtes le porte-parole, j'imagine, de l'Université du Québec ce matin?

M. Hamel (Claude): Oui.

La Présidente (Mme Hovington): Alors, bonjour et bienvenue à la commission de l'éducation. Voulez-vous nous présenter vos compagnons? Parce que je vois que les compagnes sont rares. Alors, c'est des compagnons ce matin.

M. Hamel (Claude): Oui. Merci, Mme la Présidente. À mon extrême gauche, M. Jacques L'Écuyer, vice-président à l'enseignement et la recherche à l'Université du Québec; à ma gauche, M. Guy Massicotte, vice-président à la planification; à ma droite immédiate, M. Jacques Parent, recteur de l'Université du Québec à Trois-Rivières, et, à mon extrême droite, M. Robert Papineau, qui est le directeur général de l'École de technologie supérieure, établissement membre du réseau de l'Université du Québec.

La Présidente (Mme Hovington): Bonjour et bienvenue à la commission de l'éducation. Alors, vous avez, M. le président, 20 minutes pour faire part aux membres de la commission de votre mémoire. Allez-y maintenant.

M. Hamel (Claude): Merci, madame. L'Université du Québec ne pouvait évidemment pas rester à l'écart des travaux de votre commission parlementaire sur l'enseignement collégial. Issue, comme les cégeps, de la Révolution tranquille, elle partage avec eux le même souci de la démocratisation de l'accès au savoir et le défi d'une formation pertinente et de qualité bien intégrée aux besoins de la société québécoise.

Implantée comme les cégeps dans toutes les régions du Québec, notre université est sensible aux mêmes courants de pensée qui animent la société québécoise puisqu'elle puise aux mêmes racines qu'eux une bonne partie de ses motivations et de ses raisons d'être. Cette complicité objective a donné lieu à des collaborations effectives, mais peut-être pas aussi étroites et nombreuses que l'on aurait pu souhaiter. C'est là, pour elle, une raison supplémentaire de venir exprimer sa vision de l'enseignement collégial en établissant ce qui lui paraît être les conditions nécessaires à l'exercice d'une meilleure synergie entre le collège et l'université, synergie tout à fait indispensable à l'atteinte des objectifs de démocratisation, de pertinence et de qualité de la formation postsecondaire.

L'Université du Québec avait soumis un mémoire lors de la consultation effectuée par le Conseil des collèges. Elle avait alors insisté sur certains thèmes, dont celui de la formation fondamentale et de l'arrimage collège-université par le mode de l'approche par programme. Notre mémoire à votre commission reprend ces thèmes en étendant celui de la formation fondamentale à la problématique de la qualité de la formation collégiale et en réitérant la nécessité de promouvoir une meilleure synergie entre les collèges et les universités par des collaborations institutionnelles, mais surtout par des collaborations pédagogiques entre les premiers responsables de l'enseignement de l'un et l'autre palier.

Plusieurs établissements de notre réseau ont également soumis des mémoires à votre commission, y exprimant des points de vue plus spécifiques qui découlent de leur vocation propre ou de leur localisation. Il s'agit, notamment, de l'Uni-

versité du Québec à Montréal, qui a soumis un mémoire; de l'Université du Québec à Trois-Rivières dont le recteur, M. Parent, est présent; de l'Université du Québec à Chicoutimi; de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue et de l'École de technologie supérieure, et M. Papineau est là également.

D'entrée de jeu, l'Université du Québec veut réaffirmer sa foi dans les collèges en soulignant leur apport à la démocratisation de l'enseignement et au développement régional. Les cégeps constituent, en effet, un puissant instrument de développement collectif. Ils ont tout d'abord fait leur preuve en stimulant la scolarisation de la population québécoise, notamment dans les régions, et ce, tout autant dans le secteur professionnel qu'au secteur général. Ainsi, le marché du travail a été capable de trouver, au moins en partie, la main-d'oeuvre nécessaire à la croissance économique qu'a connue le Québec au cours de ces années, et les universités ont accueilli une bonne partie des diplômés du secteur général des collèges, ce qui leur a permis de pousser encore plus loin la scolarisation de la population québécoise.

Les cégeps ont eu deux autres effets bénéfiques pour le Québec. D'une part, leur implantation régionale a permis non seulement d'aider à stabiliser la population dans les régions menacées de dépopulation, mais a permis aussi, dans bien des cas, de fournir un point d'appui à des activités de relance économique. D'autre part, les écoles et les centres spécialisés ont contribué à soutenir des secteurs d'activité importants pour l'économie québécoise. Grâce aux cégeps, les milieux locaux et régionaux ont pu accroître la scolarisation de leur population, conserver plus longtemps les jeunes sur place et améliorer ainsi les chances de les voir s'implanter définitivement dans leurs régions d'origine. Grâce à l'éducation permanente, les régions se sont également donné la possibilité de perfectionner sur place leur main-d'oeuvre et d'offrir aux citoyens des possibilités de promotion sociale et culturelle individuelle et collective. Les régions ont enfin profité de la présence de personnels qualifiés qui se sont impliqués dans la vie du milieu, sans parler des infrastructures physiques et autres services qui ont contribué à l'amélioration de la qualité de vie.

L'Université du Québec considère d'autre part que le problème de l'enseignement collégial n'en est pas un de structure mais bien de contenu. Il concerne ce substrat commun de formation que la société, les employeurs et les universités attendent d'un diplôme de collège. Nous estimons donc que les cégeps doivent être confirmés dans leur mission de préparation des jeunes de leur milieu régional au marché du travail pour les cheminements professionnels et à l'université pour la formation générale. Tout en donnant accès au plus large éventail possible d'options disciplinaires et techniques, dans le but précisément d'encourager l'accessibilité et l'enracinement de l'expertise sur le territoire, chacun des collèges devrait chercher à se définir des axes de développement correspondant aux priorités économiques et sociales de sa région. (9 h 40)

Cet appui aux collèges ne signifie pas pour autant que l'Université du Québec ne souhaite pas d'amélioration dans la manière dont ils exercent leur mission. Au strict plan de la fréquentation, par exemple, on a pu déplorer la fréquentation insuffisante du secteur professionnel par rapport au secteur général, ainsi qu'une dégradation progressive de la fréquentation des techniques et des sciences physiques et naturelles au profit des techniques et des sciences humaines. Tout en admettant que les besoins sociaux du Québec mettent en cause un vaste éventail de besoins disciplinaires et professionnels, l'Université du Québec elle-même a voulu réagir à la faiblesse de la scolarisation en sciences et technologies, en se dotant, il y a deux ans, d'un plan sectoriel de développement en sciences appliquées. Considérant les enjeux du développement dans ce domaine pour le Québec de demain, nous invitons les collèges et le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science à préparer pour ce niveau un plan de relance en sciences appliquées et en technologies.

Dans notre mémoire au Conseil des collèges, nous avions discuté longuement le concept de formation fondamentale. Cette fois-ci, nous voulons plutôt insister sur le thème plus général de la qualité. À cet égard, l'Université du Québec estime que la meilleure façon de garantir la qualité de la formation, et d'en être imputable, est de responsabiliser les établissements et les personnes qui assument cette formation, responsabilisation qui doit être assortie toutefois de mécanismes formels et crédibles d'évaluation.

Dans ce sens, plus on saura établir des règles précises quant aux attentes de la société vis-à-vis la formation collégiale et mettre en place des mécanismes d'évaluation des résultats obtenus, plus il sera possible de responsabiliser les collèges, responsabilisation qui pourrait aller jusqu'à ce que chaque collège soit responsable, et imputable, des diplômes qu'il décerne et, donc, des programmes qu'il dispense. L'Université du Québec considère, à cet égard, qu'autant l'État doit être responsable des orientations générales, de la détermination des objectifs, des standards, des compétences attendues des diplômés, autant les collèges devraient être responsables des moyens, de la manière dont les objectifs sont pris en charge et sont opérationalisés. À l'intérieur des collèges, il apparaît également indispensable que les équipes pédagogiques disposent d'une large autonomie pour adapter aux particularités de leurs clientèles et des ressources dont ils disposent ce qui pourrait être des standards nationaux au lieu de programmes formels et détaillés.

La contrepartie à cette autonomie devrait être un programme national d'évaluation des enseignements dispensés dans les collèges. Les employeurs et les universitaires, comme aussi sans doute certains représentants du public, devraient être associés à ce processus d'évaluation en faisant obligation, par exemple, aux évaluateurs externes de consulter ces groupes. Un tel mécanisme enrichirait l'évaluation tout en augmentant sa crédibilité.

Dans son mémoire au Conseil des collèges, l'Université du Québec avait fortement insisté sur la pertinence de l'approche par programme. Elle ne peut faire moins que de réitérer sa conviction qu'il s'agit là d'un enjeu majeur pour l'avenir de l'enseignement collégial. Il apparaît, en effet, indispensable de regrouper toutes les personnes concernées, enseignants, enseignantes, étudiants, étudiantes, personnel de soutien, autour de cheminements identifiés et structurés en fonction des objectifs à poursuivre, des moyens à mettre en oeuvre et des critères d'évaluation à satisfaire. On l'a dit et répété, l'essentiel est d'acquérir des savoirs de base qui mettent en cause les fondements des disciplines et des champs d'études, en fait, les méthodes intellectuelles elles-mêmes et les manières dont elles se prolongent sur le terrain de la pratique. L'essentiel est aussi de préparer des personnes, les unes à des secteurs de pratique professionnelle, les autres à des champs d'études universitaires.

Il y a là les balises nécessaires à l'élaboration de programmes d'enseignement collégial qui devront à la fois tenir compte de cette exigence de maîtrise des connaissances de base dans la perspective propre d'un champ de pratique ou d'études supérieures, complétée par des savoirs et savoir-faire plus immédiatement reliés au domaine en question. Au-delà des structures formelles, il importe de s'assurer que les groupes concernés et les institutions auxquelles ils appartiennent s'approprient véritablement ces programmes de façon à ce qu'ils répondent le mieux possible aux besoins de leur clientèle spécifique et aux possibilités réelles des personnes qui les dispensent. C'est pourquoi il apparaît si important que les collèges soient individuellement responsables de leur élaboration comme de leur prestation et qu'ils soient ultimement imputables de leur qualité.

Par ailleurs, l'Université du Québec reconnaît d'emblée qu'elle-même et ses établissements entretiennent d'excellentes relations avec les cégeps. Des ententes de collaboration donnent souvent lieu à des projets précis qui vont bien au-delà de la simple concertation, au demeurant indispensable. Dans la mesure où le développement du Québec et des régions reposera de plus en plus sur le développement scientifique et technologique dans une perspective de spécialisation territoriale en fonction des opportunités de chaque milieu, il faudra resserrer davantage cette coopération et accentuer cette implication.

À cette fin, l'Université du Québec considère que les cégeps, tout comme ses propres établissements, devront expliciter plus clairement dans leur plan de développement les différentes formes d'engagement et de soutien qu'ils apportent au développement du milieu; comment leurs actions, autrement dit, s'inscrivent dans les priorités régionales. Ils devront également faire état des formes de coopération mutuelle qu'ils mettent en pratique, des objectifs qu'elles impliquent, des moyens qu'elles mettent en cause et des résultats qui doivent en découler.

La coopération la plus essentielle, toutefois, entre les cégeps et les universités, doit porter sur le plan proprement pédagogique. Nous considérons à cet égard que la concertation déjà bien vivante entre les directions supérieures des collèges et des universités doit s'étendre aux responsables pédagogiques et aux équipes d'enseignants. Nous considérons, en outre, que l'approche par programme constitue un prérequis institutionnel indispensable à ce rapprochement. Responsables de programmes précis débouchant sur un ensemble de programmes bien identifiés du côté universitaire, les professeurs de collège devraient pouvoir plus facilement rechercher la complicité des professeurs d'université. Ces derniers, assurés de trouver des interlocuteurs davantage maîtres de l'organisation du cheminement des étudiants, seront plus enclins au travail en commun.

Tout en préconisant un resserrement de la coopération entre les collèges et les universités, l'Université du Québec croit qu'il existe plusieurs modèles possibles et valables de collaboration. C'est pourquoi tout en souhaitant des rapprochements concrets et affectifs entre les collèges et les universités, et tout en réclamant des appuis fermes des autorités gouvernementales dans ce sens, nous estimons que l'on doit permettre, voire encourager une très grande variété de modalités de collaboration bien adaptées à la diversité des régions et des établissements concernés.

En guise de conclusion, notre mémoire souligne que les structures, aussi bien pensées soient-elles, ne pourront rien sans l'engagement concret des personnes concernées. C'est pourquoi l'Université du Québec ne peut que souscrire à une politique de mobilisation des ressources humaines qui revalorise l'engagement des professeurs de collège en faveur d'une approche de plus en plus responsable et axée sur la formation globale.

La formation, en effet, n'a de sens aujourd'hui que si elle conduit à l'autonomie et a la créativité des personnes qui devront vivre dans un monde en perpétuel changement et axé sur l'innovation. Comment former de telles personnes sans chercher sans cesse à se dépasser soi-même dans cette voie?

Au-delà de ces questions d'attitude, il y a

le défi d'une compétence toujours renouvelée en fonction de l'évolution des connaissances et de la société en général. C'est pourquoi nous plaidons en faveur du perfectionnement continu des professeurs et du personnel des collèges. À cet égard, un encadrement rigoureux et des ressources importantes devraient être mises en place pour favoriser le développement de la compétence pédagogique et disciplinaire des professeurs ainsi que le développement pour le personnel de support et d'encadrement des connaissances et des habiletés de gestion et des capacités d'intervention. Voilà, Mme la Présidente, l'essentiel de notre mémoire à votre commission.

La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. Hamel. Je reconnais maintenant Mme la ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science. (9 h 50)

Mme Robillard: Merci, Mme la Présidente. Je veux d'abord dire combien je suis contente de voir les autorités de l'Université du Québec venir présenter ce mémoire sur l'enseignement collégial. Je pense que vous êtes une université, au Québec, qui est née des mêmes choix stratégiques que nous avons faits quand nous avons aussi choisi les cégeps. Alors, je comprends que vous parliez facilement d'une complicité objective, comme vous dites dans votre mémoire, avec les cégeps, et ce, dans toutes les régions de la province. Je reçois très bien votre affirmation et votre foi dans les collèges du Québec. Je vois comment vous avez donné aussi la priorité dans votre mémoire au contenu de la formation. Je peux vous dire aussi que j'ai pris acte de votre recommandation sur un plan de relance des sciences appliquées et technologiques. Ça me semble une voie plutôt originale quand on parle de la valorisation de la formation technique aussi du collégial. Je pense que vous ouvrez davantage, sans isoler la formation technique, en disant un plan de valorisation des sciences appliquées et technologiques. Je trouve ça fort intéressant.

Alors, je vois, M. Hamel, que vous vous êtes vraiment concentré sur le contenu de la formation. Mais, au point de départ quand même, vous affirmez très clairement que vous êtes pour le maintien de la structure du cégep. Vous l'affirmez et j'aimerais ça que vous m'explicitiez un peu l'idée qui se dégage de la page 8 de votre mémoire; vous nous dites que, selon vous, même si nous avions une décentralisation très poussée de campus universitaires, sur tout le territoire, telle que les États-Unis la vivent, le modèle américain, vous dites que, à cause de notre réalité au Québec, de notre faible densité de population et de la dispersion de la population, ce serait, d'après vous, impossible d'atteindre le même degré de décentralisation que les cégeps ont réussi, eux, à faire sur le territoire. Pourriez-vous me faire part de votre réflexion sur ce sujet-là?

M. Hamel (Claude): Je vais demander à M. Massicotte de répondre à cette question, si vous le permettez, Mme la ministre.

Mme Robillard: Oui, allez-y, M. Massicotte.

M. Massicotte (Guy): Merci, madame. Nous avons, en fait, à l'Université du Québec vécu ce processus de la décentralisation et de l'implantation d'un certain nombre de campus ou d'établissements universitaires en région. Et notre conviction, c'est que, déjà, implanter ce que nous avons fait, par exemple, à Rimouski ou à Chicou-timi ou en Abrtibi-Témiscamingue, c'était, d'une certaine façon, étirer au maximum la possibilité, disons, de l'université en termes d'expansion territoriale.

S'il avait fallu faire un pas de plus et aller, par exemple, à Gaspé ou à Roberval, ou à des endroits comme ça, c'est toute la structure universitaire qui aurait été vraiment étendue pratiquement au-delà de sa capacité maximum d'extension, et il n'y aurait certainement pas eu dans ces points extrêmes, je dirais, la même vivacité, le même engagement, la même détermination qu'on a pu trouver dans des établissements relativement autonomes, qui avaient leur propre conseil d'administration, qui avaient leurs propres partenaires dans leur milieu et qui ont pu faire preuve d'un engagement beaucoup plus réel à la cause de l'enseignement postsecondaire, leur mission étant, bien sûr, plus limitée, en fait, aux deux premières années du cycle postsecondaire et avec une mission, je dirais, de recherche beaucoup moins étendue que ce que l'on pouvait trouver dans une université.

Donc, on a concentré d'une certaine façon la mission et on a donné des structures appropriées pour que soient mieux pris en charge l'accessibilité, la démocratisation, le développement de la formation postsecondaire dans des endroits où l'université aurait été une structure beaucoup moins appropriée pour relever ce défi.

Mme Robillard: Alors, M. Hamel, revenons donc au contenu de la formation. Si j'ai bien compris la tendance de fond de votre mémoire, vous dites, pour l'enseignement collégial: La meilleure garantie de la qualité de la formation à l'enseignement collégial, c'est de donner plus de responsabilités académiques aux collèges avec, naturellement, en contrepartie, des mécanismes d'évaluation. C'est, je pense, l'énoncé de base, selon vous, pour atteindre une meilleure qualité de la formation.

J'aimerais ça vous entendre sur les responsabilités académiques que vous verriez accorder aux collèges, de plus grandes responsabilités académiques. Ça devrait aller jusqu'où, d'après vous, cette responsabilité académique? Est-ce que ça va, par exemple, jusqu'à la signature du diplôme? Pourriez-vous élaborer davantage sur ce sujet?

M. Hamel (Claude): En fait, l'orientation générale, pour nous, part de la situation de fait qui veut qu'au Québec le niveau collégial soit unique. On ne peut pas se comparer facilement à l'extérieur. Ce niveau unique, qui se situe entre le secondaire et l'universitaire, devrait avoir un mode d'organisation qui, peut-être, se rapproche davantage du mode universitaire que du mode secondaire en laissant plus d'autonomie, plus de responsabilités au niveau collégial dans tous les aspects académiques de ce qu'il fait, donc l'approche par programme, la définition de programmes. Laissons au ministère la responsabilité de définir les grands objectifs, les grandes orientations, mais la responsabilité des programmes devrait être au niveau collégial. Les mécanismes d'évaluation, on pourra y revenir, mais ça présuppose des mécanismes d'évaluation tout à fait crédibles.

Jusqu'où ça pourrait aller? Écoutez, dans notre mémoire, on dit: Ça pourrait aller jusqu'au diplôme, que les cégeps soient responsables de l'attribution des diplômes, mais on n'en fait pas, de notre côté, une position ferme. C'est à évaluer, ça. Est-ce qu'on pourrait considérer un système par lequel les collèges sont responsables des programmes, mais que le ministère demeure responsable de l'émission des diplômes, de la sanction finale des diplômes? Pour nous, il n'y a pas là matière à une question de fond. Je pense qu'on pourrait satisfaire ce que, nous, nous souhaitons en termes de responsabilisation des collèges, sans peut-être aller jusque-là.

Mme Robillard: M. Hamel, si je comprends bien, vous faites le choix que les collèges, vraiment, font partie de l'enseignement supérieur. Donc, vous dites: Ils doivent se rapprocher davantage de ce qui se passe dans le milieu universitaire que de ce qui se passe dans le milieu secondaire. C'est vraiment ça que vous venez de me dire. Pourquoi, à ce moment-là, vous hésitez à aller jusqu'à la recommandation de l'émission des diplômes par les collèges?

M. Hamel (Claude): Justement parce que, en termes d'équilibre, je veux dire, ils sont entre les deux, entre le secondaire et l'universitaire. Bien sûr, ils font partie du même groupe d'enseignement postsecondaire. J'hésite en ce sens que, pour nous, ça n'a pas été l'objet d'une longue discussion à l'intérieur du réseau de l'Université du Québec. Nous n'aurions pas d'objection à ce que ça aille jusque-là, mais nous ne faisons pas de ce point-là, dans notre mémoire, une recommandation ferme. Ça ne nous poserait pas de problème aucunement que les collèges émettent eux-mêmes leurs diplômes comme le font les universités. Si j'hésite, c'est parce qu'on n'en a pas discuté longuement entre nous.

Mme Robillard: M. Hamel, parlez-moi donc un peu des mécanismes d'évaluation que vous souhaiteriez en contrepartie de cette plus grande responsabilité académique.

M. Hamel (Claude): Cette fois-ci, si vous me le permettez, je vais demander à M. L'Écuyer, notre vice-président à l'enseignement et à la recherche, de répondre à votre question. (10 heures)

M. L'Écuyer (Jacques): Madame, la question de l'évaluation devient assez importante, enfin, je ne devrais pas dire assez, elle devient primordiale dans un contexte de décentralisation. Je pense qu'il faut comprendre que les collèges ont tout de même une mission de préparation à l'intention des universités, pour ce qui est du préuniversitaire, et du marché du travail pour ce qui est des diplômes professionnels. En conséquence, il nous semble qu'il faille assurer la qualité et la fiabilité des diplômes en question dans un contexte de décentralisation. Alors, tout ça doit se tenir. Nous sommes tout à fait en faveur d'une décentralisation, d'une prise en charge effective des programmes par les collèges, mais, évidemment, tout ça doit être assorti de mécanismes d'évaluation de façon à garantir la crédibilité des diplômes et aussi la comparabilité des diplômes. Dans ce contexte-là, évidemment, il y a plusieurs systèmes qui peuvent être envisagés pour assurer la qualité. Nous en avons discarté un dans notre mémoire, qui est celui des examens communs. Nous ne souhaitons pas les examens communs dans le contexte présent, en tout cas, qui, évidemment, permettent une certaine comparabilité, si on peut dire, des connaissances, mais qui présentent aussi des inconvénients importants dans la mesure où, par exemple, ils ne vérifient pas directement ce qui est appris par les élèves, la façon dont les collèges s'acquittent de leur mission. Ils vérifient des connaissances. C'est beaucoup plus difficile par des examens communs de vérifier des savoir-être, des manières de faire. Il y a des limites à ce qu'on peut faire dans des examens généraux.

Nous préférons, et de beaucoup, l'évaluation de programmes par des équipes crédibles. Il existe un peu partout de par le monde des pays où on fait ce genre d'évaluation en faisant appel à des experts externes. Dans les universités, vous le savez peut-être, nous avons adopté cette politique générale d'avoir recours à des experts externes pour faire l'évaluation de nos programmes et de publier le résultat et de prendre les moyens d'améliorer nos programmes quand besoin est. Il existe aussi toutes sortes d'autres techniques. La méthode des évaluateurs externes, des examinateurs externes, par exemple, dans les pays anglophones, est une méthode aussi qui consiste à vérifier les examens qu'on donne avant et après, et la correction. Enfin, tout ça peut être des techniques qui peuvent être utilisées pour garantir une certaine comparabilité et une certaine valeur au diplôme. Je pense que

cette question-là est absolument fondamentale, et particulièrement dans le cas où on veut responsabiliser. Et plus on veut responsabiliser un établissement, plus c'est important que l'établissement soit en mesure d'assurer la crédibilité de ses diplômes et la valeur de ses enseignements.

Mme Robillard: m. hams!, vous ne serez pas surpris que je vous pose ia question du lien entre les cégeps eî les universités. j'aimerais bien profiter de votre présence pour qu'on aborde plus concrètement cette problématique, parfois, à certains égards, mais, en tout cas, cette demande qui est faite de plus en plus et ce besoin aussi chez les jeunes qui s'engagent surtout dans les programmes préuniversitaires. qu'ils comprennent bien qu'ils s'engagent dans un programme de cinq ans, de deux plus trois. vous-même, dans votre mémoire, vous mentionnez que la coopération la plus essentielle doit porter au plan pédagogique. ce que vous nous soulignez dans le fond, c'est que vous faites aussi le lien avec l'autonomie, si j'ai bien compris, comme quoi des établissements collégiaux plus autonomes, plus responsables pourraient assurer de meilleures jonctions. est-ce que j'ai bien saisi? pourriez-vous élaborer sur ce sujet-là?

M. Hamel (Claude): Oui, vous avez bien saisi, Mme la ministre, mais j'ajouterais un élément additionnel. Ce que nous souhaitons, qui est un corollaire de la responsabilisation, c'est qu'on permette plus de souplesse, au niveau collégial, dans la gestion des programmes, ce qui permettrait des collaborations adaptées aux situations. Vous savez que déjà, dans le réseau de l'Université du Québec, on a plusieurs expériences différentes de collaboration avec le niveau collégial et ce que l'on fait, par exemple à Val-d'Or, en Abitibi, c'est une chose. Ce que l'on fait dans la Beauce, c'est autre chose. Ce que fait l'École de technologie supérieure du côté professionnel, parce qu'elle a un volet intéressant aussi, c'est différent. On prépare des expériences au Saguenay-Lac-Saint-Jean de collaboration collège-université dans cette même perspective de cinq ans, mais là, encore une fois, un peu comme à l'École de technologie supérieure, du côté professionnel. Et, pour nous, l'élément souplesse, c'est-à-dire une réduction du cadre formel réglementaire qui permettrait, c'est déjà possible, mais qui permettrait encore davantage de collaboration adaptée aux circonstances, aux conjonctures, aux caractéristiques du milieu, du collège, de l'université ou du milieu régional, nous permettrait d'aller dans le bon sens.

Et, si vous le souhaitiez, Mme la ministre, je profiterais de l'occasion pour demander à M. Papineau de parler de l'expérience de l'École de technologie supérieure et de relations avec le secteur professionnel des collèges, et des éléments de contenu aussi que peuvent poser les programmes de formation de niveau professionnel.

La Présidente (Mme Hovington): On va plutôt y revenir à la fin, M. Hamel. Merci. Alors, je passerai la parole à M. le député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: Merci, Mme la Présidente. Je voudrais saluer M. Hamel et tous ses collaborateurs. Je suis heureux, moi, que la commission parlementaire ait l'occasion de bénéficier de votre éclairage. L'Université du Québec est quand même une université bien implantée au Québec et dans toutes les régions du Québec. C'est toujours une institution pour laquelle j'ai beaucoup de respect et d'estime, l'ayant fréquentée, mais ce n'est pas juste pour ça. C'est que je trouve que dans les régions, compte tenu des discussions qu'on a à faire sur l'avenir des collèges et qu'à une certaine époque on a contesté le rayonnement et le déploiement des forces vives de l'Université du Québec, alors, il y a des choses qui sont similaires, c'est intéressant de regarder ça.

On va y aller tout de suite avec l'échange. Rappeler ce que vous avez dit, les gens prendront connaissance de votre mémoire; c'est plus significatif, je pense, de profiter des échanges qu'on peut avoir, avec votre expérience.

Moi, j'ai une première question que je voudrais vous poser sur le rappel que vous faites, avec raison, de l'approche programme. Il y a plusieurs intervenants qui sont venus nous parler de l'approche programme, même en évoquant que c'est un enjeu majeur, de l'éventuelle réforme. Il y a une similarité ou une similitude entre ce qui se passe au niveau universitaire, premier cycle, parce que, au premier cycle universitaire, vous vivez un peu cette approche programme, ou cette façon intégrée, interdisciplinaire. Et il y a une question que je voudrais poser, puisqu'il y a des intervenants au niveau des équipes professorales qui ont des doutes quant à cette capacité que le collégial puisse aller allègrement vers l'approche programme en termes de collaboration du département. Alors, compte tenu de votre expérience au niveau de l'université, j'aimerais effectivement vous poser ia question suivante. Est-ce que vous avez des inquiétudes, vous, est-ce que vous êtes confiant qu'il n'y aurait pas de problème, parce que, souvent, c'est un peu une chasse gardée, le département au niveau du collège? Est-ce que vous croyez que l'approche programme va permettre cette collaboration requise de l'ensemble des professeurs?

M. Hamel (Claude): Vous savez qu'à l'Université du Québec on a complété cette approche programme, si on peut l'appeler ainsi, au premier cycie, par une structure particulière qu'on appelle le module et qui est un lieu de coordination, de gestion des programmes où se retrouvent

les professeurs qui participent à l'enseignement dans un programme. Actuellement, au niveau collégial, la difficulté que l'on perçoit, c'est que les professeurs sont, comme vous le dites, cloisonnés par département et ont peu d'échanges avec les collègues d'autres disciplines. L'approche programme présente comme l'un des principaux avantages de mettre ensemble les professeurs qui sont appelés à participer à l'enseignement dans le cadre d'un programme, de discuter des objectifs, de la contribution que chaque discipline, que chaque enseignant peut apporter dans le programme à l'atteinte des objectifs. (10 h 10)

C'est sûr que ça conduit à un décloisonnement. Ce n'est pas facile. Ça ne se réalisera pas du jour au lendemain, mais on pense que si, au plan pédagogique déjà, on définit des programmes avec des objectifs clairs, en termes d'organisation ensuite on devrait pouvoir arriver à convaincre les professeurs de participer dans cette nouvelle perspective à l'atteinte des objectifs qui sont définis dans le programme.

M. Gendron: Mais, M. Hamel, c'est plus... Est-ce que vous partagez l'affirmation suivante? Puisque c'est au niveau du département disciplinaire qu'il se gère beaucoup de dimensions liées à leurs conditions de travail - en termes clairs, c'est un peu là que se gère la convention collective et tout ça - exiger que, dans une approche programme, les professeurs sortent un peu de leur cloisonnement, est-ce que vous croyez qu'on peut, avec confiance, envisager qu'ils vont comprendre ce réalisme et qu'il n'y a pas autant de dangers d'échecs qu'on puisse le voir?

Parce que c'est bien beau. Tout le monde nous privilégie une approche programme, mais si des gens d'expérience nous disent: Écoutez, ça ne marchera pas... Pas parce que je souhaite que ça ne marchera pas, ce n'est pas ce que je veux, moi je voudrais que ça marche. Mais je veux vérifier, auprès de gens qui vivent une expérience presque similaire, si effectivement les dangers que nous voyons sont réels, pragmatiques ou si je suis dans les patates. C'est plus ça que j'essaie de mesurer.

En termes clairs, est-ce qu'il se passe vraiment autant de choses que ça liées au vécu quotidien des profs dans le département et ça s'appelle «touche pas à ça», ou si c'est touchable?

M. Hamel (Claude): Je vous disais que, de notre expérience à l'Université du Québec, c'est vivable. Nous sommes justement dans un processus d'évaluation à l'Université du Québec de notre double structure module-département. Le bilan provisoire que l'on en a actuellement, c'est qu'il faut maintenir cette approche-là. Ça pose certaines difficultés, bien sûr, mais ça présente de grands avantages parce qu'il y a un lieu à côté du département où on discute de programmes, en termes d'objectifs, de contenu où on encadre les étudiants dans un programme plutôt que dans un département. Si vous souhaitez pousser plus loin, M. L'Écuyer, notre vice-président qui dirige cette évaluation à l'Université du Québec, pourrait vous en dire quelques mots.

M. L'Écuyer: Je pense qu'il faut partir du principe qu'un programme de formation, c'est un plan de formation qui est destiné à un étudiant. Quand vous raisonnez comme ça avec les professeurs, quand vous leur proposez ça comme défi, moi, je crois - et nous avons rencontré dans le cadre de cette évaluation-là des professeurs dans toutes nos constituantes. Nous avons fait le tour de toutes nos constituantes pour connaître comment ils vivaient cette approche programme. Il y a des problèmes, c'est clair. Celui que vous avez mentionné en est un. C'est clair que chacun est intéressé à protéger si vous voulez, ses enseignements.

Mais, ça, ça ne doit pas nous empêcher de rechercher ça. On ne peut pas, d'une part, offrir, si vous permettez, un plan de formation à l'étudiant et, de l'autre, mettre en priorité les façons de faire, les enseignements, les privilèges, les prérogatives, si on peut se permettre, de chacun de nos professeurs. Tout ça doit s'intégrer dans un plan de formation dans une approche qui est centrée sur l'étudiant.

Nous avons entrepris une réforme majeure de tout notre enseignement de premier cycle, de même qu'une évaluation de ces structures module-département, avec ça en tête en disant: On va essayer de trouver les moyens de corriger ce qui doit être corrigé. Mais je dois dire au point de départ que cette approche-là est tout à fait viable, est tout à fait faisable et, plus loin que ça, je vous dirai qu'elle est absolument essentielle. Nous ne pourrions pas, sans une approche programme, actuellement, faire accréditer des programmes par les organismes professionnels. Ça, c'est vrai en médecine, c'est vrai en ingénierie, c'est vrai dans tous les secteurs professionnels où vous avez des comités d'agrément qui sont pancanadiens, même, dans certains cas, panaméricains. On ne pourrait pas faire ça sans cette approche programme.

M. Gendron: M. L'Écuyer, vous dites que donner de l'enseignement interdisciplinaire thématique, même si on n'a pas développé cette pratique, vous êtes confiant que ça se fait et on est capable d'envisager avec ouverture ce nouveau fonctionnement-là. C'est ça que vous affirmez?

M. L'Écuyer: Tout à fait.

M. Gendron: Deuxième question. Vous préconisez l'instauration d'un programme national

d'évaluation des enseignants qui pourrait être sous l'autorité d'un organisme indépendant. Vous dites ça dans votre mémoire. J'aimerais ça que vous soyez un petit peu plus précis, que vous donniez des précisions quant au fonctionnement de cet organisme. Est-ce qu'il pourrait, à la limite, accréditer les programmes dispensés par les établissements? Mme la ministre se questionnait également là-dessus. Parce que votre approche est presque essentiellement celle du Conseil des collèges, comme mémoire, là: plus de responsabilités. Vous hésitez un peu, parce que vous dites: Ce n'est pas nécessairement du niveau universitaire, mais il faudrait vraiment se démarquer du niveau secondaire. Et, moi, ça ne me déplaît pas, cette îormuie-là, mais il faut clairement voir quels sont les enjeux. Et si l'objectif est toujours de garantir une meilleure formation de plus de qualité, sur ça, vous dites: Ça passe par le biais d'une responsabilisation accrue des établissements. Je pense qu'on en est, tout le monde.

D'un autre côté, il faut s'assurer qu'il y a des instruments qui vont mesurer effectivement s'il y a une progression concernant l'amélioration de la qualité des apprentissages ou des contenus. Je me rappelle qu'à un des points de départ vous avez dit: Laissez tranquilles les structures, là, c'est un problème de contenu. Là-dessus, je suis complètement d'accord avec vous, c'est un problème de contenu de formation. Alors, sur les mécanismes d'évaluation, comment voyez-vous ça? Est-ce que c'est externe? J'aimerais ça que vous soyez vraiment plus concret et plus précis là-dessus.

M. Hamel (Claude): En fait, sur cette question, nous affirmons certains principes qui devraient guider le mode d'organisation. C'est d'abord externes, bien sûr. Un mécanisme d'évaluation des enseignements, des programmes, doit être externe à l'établissement. C'est la seule condition qui lui permet d'être crédible. Donc, externe, qui comprend des gens, des pairs comme on les appelle à l'université, des gens du secteur disciplinaire mais des gens du milieu socio-économique aussi. Que ce soit une évaluation qui soit tout à fait transparente, donc qu'on rende publics les résultats de l'évaluation. C'est le genre de choses que l'on affirme et l'on n'a pas poussé la réflexion jusqu'à proposer concrètement un mécanisme. On laisse ça aux gens plus directement concernés, les gens du ministère et des collèges. Mais, pour nous, il y a un certain nombre de principes de base qui, dans l'évaluation, doivent être respectés. Et celui que c'est une évaluation externe à l'établissement est un principe tout à fait essentiel; il y a la participation des gens du milieu et un rapport public porté à la connaissance de tous les intéressés.

M. Gendron: Vous avez également toute une section sur une meilleure harmonisation entre le collegia! et l'université, et vous dites: Ça devrait se faire mieux, par une meilleure concertation. Et là je le dis comme je le pense, vous restez très, très vague au niveau des principes. On les achète, c'est évident. Si c'est de la tarte aux pommes, c'est gentil, c'est beau, mais c'était quoi, le problème? Qu'est-ce qui vous a empêchés? Qu'est-ce qui a empêché jusqu'à date l'émergence de cette nécessaire et souhaitable concertation plus grande? Vous êtes une université. Vous êtes bien implanté partout dans les régions. Vous souhaitez, et là-dessus très clairement, c'est bien clair, une meilleure harmonisation entre le collégial et l'université. Vous souhaitez que la concertation soit étendue aux responsables pédagogiques et aux équipes d'enseignants, et là vous êtes assez précis quand vous dites ça. Vous réclamez des appuis fermes des autorités gouvernementales. Et, moi, je me dis: Qu'est-ce qui les a empêchés? Qu'est-ce qui est arrivé pour que ça ne se réalise pas comme vous le souhaitiez? Vous êtes dans chacune des régions, les collèges sont là. C'est quoi, le problème?

M. Hamel (Claude): Je vais demander à M. Parent, le recteur de Trois-Rivières, qui est dans un milieu où la collaboration avec les collèges est déjà assez forte et même formalisée, de répondre à votre question.

M. Gendron: Donc, ce n'est pas là qu'il faut harmoniser davantage, d'après vous.

M. Hamel (Claude): Peut-être.

M. Parent (Jacques-R.): Vous permettez, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Hovington): Allez-y. (10 h 20)

M. Parent (Jacques-R.): Oui, de dire d'abord qu'il y a déjà des choses qui sont faites dans la plupart des régions. Bien sûr que je vais plutôt m'exprimer à travers l'expérience que nous avons vécue dans notre région. Ça remonte quand même aux années 1983-1984, où, conscients de l'importance de ces rapprochements nécessaires entre le niveau collégial et le niveau universitaire... Et je suis très à l'aise pour en parler, parce que ce n'est pas le recteur de l'Université du Québec à Trois-Rivières, dont j'étais, et je suis encore, qui a eu cette idée de ce rapprochement nécessaire, c'est le directeur du collège de Trois-Rivières. Et je veux lui rendre hommage, en passant, parce que c'était, à l'époque, quand même, un des premiers dossiers où les choses étaient rendues à ce point systématiques et formelles. Nous l'avons fait par le biais d'une charte de collaboration entre les quatre collèges de la région et l'Université du Québec à Trois-Rivières.

Ça, ça veut dire, de façon concrète, que les conseils d'administration voyaient toute l'impor-

tance de la chose - et je dis bien des quatre collèges et de l'université - donc, d'établir des principes et des orientations. Mais on a dépassé ça, monsieur, de façon très claire et ça a été extrêmement utile à plusieurs égards. Ne serait-ce que lors des différents sommets économiques que nous vivons dans nos régions, ça nous a permis de présenter ensemble, conjointement, des dossiers majeurs de développement économique, culturel, social ou autres dans nos diverses régions. Ça a permis aussi la mise sur pied d'instruments de développement collectif majeurs, importants. Je pense au Centre d'entreprenariat du Centre-du-Québec qui a, bien sûr, une portée québécoise et nous le savons tous.

Maintenant, ça s'est surtout vécu, M. Gendron - et c'est à ça qu'on fait allusion dans le mémoire de l'Université du Québec - entre les directions, c'est-à-dire de manière très institutionnelle. Depuis quelques années, nous sommes en train de rendre cet exercice beaucoup plus fonctionnel à travers les DSP, les directeurs de services pédagogiques, les vice-recteurs enseignement-recherche, les doyens dans les constituantes. Et, ce qui est très important, c'est que nous voulons, bien sûr, rejoindre les intervenants, c'est-à-dire les forces vives: les professeurs, les enseignants et les enseignantes. Et ça me permet de dire et de revenir sur ce point: nous avons beaucoup discuté de l'approche programme tout à l'heure. Et, si l'on veut véritablement que ces efforts de concertation se rendent jusqu'aux forces vives, vous avez là, certes, un instrument, un outil extraordinaire. C'est que les gens vont, là, voir un face-à-face utile, concret, réel qui va leur permettre, donc, ne serait-ce que de parler le même langage, ne serait-ce que de se trouver à l'intérieur d'une culture organisationnelle qui veut dire quelque chose.

M. Gendron: Mais juste pour finir là-dessus, une phrase ou deux. Est-ce qu'il y a des inconvénients que vous avez vécus qui font que vous n'avez pas obtenu la concertation souhaitée? Parce que votre témoignage, c'était une meilleure harmonisation entre les ordres d'enseignement et que cette collaboration s'étende. Si vous souhaitez ça, c'est parce que ça ne s'est pas passé de même. Qu'est-ce qui a fait que ça ne s'est pas passé de même? C'est quoi, les raisons principales qui font qu'on n'en arrive pas à une concertation telle que souhaitée? C'est juste sur ça que j'aimerais vous entendre.

M. Parent (Jacques-R.): Je pense, M. Gendron, que vous avez certes pu observer, dans les exemples que je vous ai donnés, que j'ai cités, que c'est des démarches qui présentaient un caractère institutionnel très grand. Là où nous voulons nous rendre dans cet exercice de concertation, c'est chez les forces vives - c'est ça que je vous disais tout à l'heure - les enseignants, les enseignantes. À cet égard, nous avons encore beaucoup à faire. Vous le savez comme moi, ce sont les principaux artisans et c'est celles-là et ceux-là que nous voulons voir très actives et actifs au plan de ces collaborations et concertations.

M. Gendron: Merci. J'ai une autre question. Il y a plusieurs mémoires qui ont souhaité que, dans la mission des collèges, on extensionne leurs responsabilités à de la recherche tout court, pour certains, et d'autres ont parlé de recherche appliquée. Il y a des gens qui ont souhaité ça, vu qu'on réforme des collèges. Je sais que la mission recherche des universités est importante, la mission enseignement, service aux collectivités et à la recherche. Donc, j'aimerais ça avoir votre avis. Qu'est-ce que vous en pensez, les gens du milieu universitaire, que l'État québécois envisage ou donne suite, éventuellement, à cette recommandation qui nous est faite par plusieurs intervenants d'étendre la mission des collèges à la recherche? Est-ce que vous êtes favorables, ou vous n'êtes pas favorables? Si oui, ou si non, pourquoi?

M. Hamel (Claude): Je débuterais ma réponse à votre question un peu de la même façon que je l'ai fait tout à l'heure pour les questions d'évaluation. Il faut se rappeler que les collèges sont situés entre le niveau universitaire et le niveau secondaire. On ne doit pas les transformer complètement en université, ni les considérer exclusivement aussi comme des établissements de niveau secondaire. Et ça vaut aussi pour la recherche. Je pense que de donner une mission générale de recherche aux collèges, ce serait transformer complètement la signification de ce qu'on a voulu faire avec ce niveau particulier. La recherche, comme on la conçoit à l'université, c'est une entreprise de longue haleine, en ce sens que les professeurs qui font de la recherche doivent le faire non pas de façon sporadique mais de façon continue. C'est dans leurs tâches régulières comme professeur, et ce n'est pas comme cela que le niveau collégial a été conçu.

Par ailleurs, il y a là des ressources considérables qui peuvent être mises à la disposition du développement collectif par ce que l'on a fait jusqu'à maintenant, par exemple, en ouvrant des possibilités de recherches appliquées dans le domaine pédagogique, dans le domaine des technologies, en ouvrant les possibilités de collaboration des professeurs de collège avec des professeurs d'université dans des équipes conjointes. Nous pensons que ça, c'est une bonne approche que l'on doit favoriser, des expériences dans ce sens-là et des réalisations progressivement, mais nous ne serions pas favorables à l'élargissement de la mission des collèges à de la recherche comme on le fait au niveau universitaire.

La Présidente (Mme Hovington): Merci. C'est tout le temps que vous aviez.

M. Gendron: Une phrase sur les frais de scolarité. Je n'ai pas le temps?

La Présidente (Mme Hovington): Non. Il n'y a plus de minutes. Le temps est écoulé, M. le député d'Abitibi-Ouest. Alors, ii reste trois minutes au côté ministériel.

Juste avant de passer la parole à mon collègue de Rimouski, vous me permettrez de dire que j'avais la même question, le même questionnement, en fait, que !e député d'Abitibi-Ouest sur le fait que quand vous pariez de collaboration entre le collégial et les universités - je voulais demander à M. Massicotte tout à l'heure mais vous répondrez en même temps peut-être qu'à mon collègue: Pourquoi, par exemple, l'Université de Rimouski ne va pas vers Matane, vers Gaspé, vers les cégeps pour établir cette collaboration-là et cette osmose entre les deux paliers d'enseignement? Mais je vais reconnaître tout de suite le député de Rimouski.

M. Tremblay (Rimouski): Malheureusement, ma question n'était pas pour M. Massicotte. Elle est pour M. Papineau, directeur de l'École de technologie supérieure.

Dans l'une des recommandations du Conseil des collèges, ils veulent qu'on implante des certificats pour des blocs d'acquisition de connaissances, ce qui, à mon sens, ne serait pas bête au niveau du collégial. Ça existe déjà au niveau universitaire, toute une série de certificats. Puis quand vous nous parlez de plans sectoriels de développement des sciences appliquées, est-ce que vous ne voyez pas là, je ne sais pas, une espèce de trait d'union très intéressant pour l'École de technologie supérieure pour pouvoir avoir un genre de formation qui pourrait être entre le diplôme universitaire et le diplôme collégial, avoir un genre de technicien supérieur? Est-ce que c'est ça que vous visez ou pas? C'est quoi? J'aimerais bien vous entendre là-dessus.

La Présidente (Mme Hovington): M. Papineau.

M. Papineau (Robert L.): Vous m'ouvrez une porte, là, qui est très vaste, je dirais. Je m'excuse. Il me semble que le climat est plus froid à Québec qu'à Montréal. La porte est très vaste dans ce sens que votre question mène peut-être à la nécessité d'un niveau d'éducation ou de diplomation intermédiaire entre la diplomation du cégep technique et celle qui est maintenant décernée par l'École de technologie supérieure. L'École offre elle-même des certificats de 30 crédits, et, assurément, je pense que nos collègues qui interviennent dans les programmes de cégeps techniques nous font remarquer souvent que la formation qui est offerte au cégep technique correspond essentiellement à une formation de technicien supérieur dans d'autres pays, comme la France. Nous avons un problème d'appellation, je pense, au Québec avec les mots «technologue», «technicien supérieur», «technicien», etc. Donc, je vois difficilement l'insertion d'un niveau additionel.

Maintenant, si on parle de certificat de perfectionnement ou de certificat qui s'adresse à des gens qui sont en situation de travail, je pense que la problématique est tout autre. Il existe déjà, à ma connaissance, dans les cégeps, des efforts remarquables qui sont faits pour offrir des attestations d'études collégiales, donc, des programmes bloqués qui s'adressent à une problématique de perfectionnement.

En ce qui a trait à l'autre problématique de l'insertion d'un niveau additionnel, bien, on parle d'insérer entre 14 ans de formation et 17 ans et demi, qui est maintenant la formation offerte à l'École de technologie supérieure, un niveau intermédiaire. Ça reposerait encore une fois, à notre avis, toute la problématique qu'a vécue l'École de technologie supérieure dans le passé, de faire reconnaître, au plan professionnel, des diplômés qui interviennent dans le grand secteur de l'ingénierie. Dans ce secteur-là, bien, il y a des lois qui régissent l'exercice des professions, comme vous le savez. (10 h 30)

La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. Papineau. Alors, Mme la ministre, en conclusion.

Mme Robillard: Merci, messieurs de l'Université du Québec, d'avoir partagé votre expérience avec nous. Vous le voyez, ça suscite beaucoup d'intérêt chez les parlementaires, toute cette jonction cégep-université dans toutes les régions du Québec. J'ai d'autres collègues qui auraient aimé poser des questions, dont le député de Baie-Comeau, je suis certaine...

La Présidente (Mme Hovington): Mais il n'y a plus de temps disponible.

M. Maltais: Mme la ministre, c'est dommage que ce soit un monologue, parce qu'on aurait eu des questions intéressantes à poser. Mais, puisqu'on ne peut pas les poser ici, on les posera dans un autre ordre.

La Présidente (Mme Hovington): M. le député de Saguenay, c'était la conclusion avec Mme ia ministre.

M. Maltais: Oui, Mme la Présidente, on est ici pour conclure.

Mme Robillard: Alors, sûrement qu'on va pouvoir continuer avec d'autres partenaires universitaires. Merci beaucoup, messieurs, de votre témoignage.

La Présidente (Mme Hovington): Alors, au nom des parlementaires, permettez-moi de vous remercier, à mon tour, d'être venus présenter votre mémoire à la commission de l'éducation. Je vous souhaite une bonne journée!

J'inviterais maintenant le groupe Philosophie au collège à bien vouloir prendre place, s'il vous plaît. Je demanderais au groupe Philosophie au collège de bien vouloir prendre place.

Alors, je demanderais aux personnes, derrière, de bien vouloir garder le silence, s'il vous plaît, la commission de l'éducation va poursuivre ses travaux. Si nous prenons du retard maintenant, tous les groupes auront à en souffrir durant la journée. Le groupe Philosophie au collège est représenté par M. le président Jean-Marie Therrien. Bonjour monsieur, veuillez prendre place. M. Therrien, vous êtes le porte-parole du groupe Philosophie au collège.

M. Therrien (Jean-Marie): C'est ça.

La Présidente (Mme Hovington): Bienvenue à la commission de l'éducation. Si vous voulez bien nous présenter vos collègues, s'il vous plaît.

Philosophie au collège

M. Therrien: Ça va. Mme la Présidente de la commission de l'éducation, Mme la ministre, M. le porte-parole de l'Opposition officielle en matière d'éducation, mesdames et messieurs, nous vous remercions d'avoir bien voulu nous entendre aujourd'hui afin de vous présenter, dans ses grandes lignes, le mémoire que Philosophie au collège a déposé.

Ce mémoire est intitulé «Le rôle de la philosophie...»

La Présidente (Mme Hovington): Excusez-moi! Voulez-vous nous présenter vos collègues, juste avant la présentation?

M. Therrien: Oui, je le fais tout de suite.

La Présidente (Mme Hovington): D'accord. Excusez-moi! Je pensais que vous vouliez aller tout de suite...

M. Therrien: C'est compris dans ma présentation.

La Présidente (Mme Hovington): D'accord. Allez-y!

M. Therrien: Donc, notre mémoire s'intitule «Le rôle de la philosophie dans le renouveau du D.E.C.». Afin de répondre à vos questions et d'échanger avec vous sur ce sujet important, l'avenir des cégeps, assis devant vous se trouvent: à ma gauche, M. Serge Saint-Laurent, membre du conseil d'administration de Philoso- phie au collège, coordonnateur du Département de philosophie du collège Jean-de-Brébeuf...

La Présidente (Mme Hovington): Bonjour.

M. Therrien: ...M. Michel Paquette, secrétaire de notre association et professeur de philosophie au cégep de Maisonneuve.

La Présidente (Mme Hovington): Bonjour.

M. Therrien: À ma droite, M. Pierre Cohen-Bacrie, vice-président de notre association, coordonnateur provincial de philosophie et professeur au cégep de Montmorency.

La Présidente (Mme Hovington): Bonjour.

M. Therrien: Je me nomme Jean-Marie Therrien, j'ai l'honneur de présider Philosophie au collège et je suis coordonnateur du Département de philosophie au cégep de Rosemont.

On voudrait d'abord s'assurer que vous avez bien reçu l'erratum corrigeant quelques coquilles dans notre mémoire, surtout, par exemple, aux pages 16 et 18 où il manquait des lignes là.

La Présidente (Mme Hovington): Tout est rentré, monsieur.

M. Therrien: Ça va?

La Présidente (Mme Hovington): Oui.

M. Therrien: Si vous le voulez bien, nous déposons également maintenant en 26 copies une nouvelle liste non exhaustive, il est vrai, du nombreux matériel didactique produit en philiso-phie ces dernières années, en corrigeant quelques oublis qui ont été portés à notre attention.

La Présidente (Mme Hovington): Merci beaucoup. Alors, nous prenons note du dépôt des documents.

M. Therrien: D'ailleurs, j'aimerais signifier à la ministre que certains de ces volumes ont déjà obtenu des mentions et des prix.

La Présidente (Mme Hovington): D'accord. Allez-y avec votre mémoire. Vous avez 20 minutes.

M. Therrien: Ça va, merci. Enfin, comme le no 13 de Philosopher vient de paraître et qu'il comporte un dossier sur l'avenir de la philosophie au collégial, nous en remettons également 26 exemplaires aux membres de la commission. Donc, ça va.

La Présidente (Mme Hovington): Si vous voulez procéder.

M. Therrien: Je dirais donc quelques mots d'introduction avant de céder la parole à M. Pierre Cohen-Bacrie. Lors de la période des questions, nous interviendrons tous les quatre à tour de rôle. Voici le plan de notre présentation orale: premièrement, ia représentativité; deuxièmement, pourquoi les cégeps et pourquoi la formation générale au cégep; troisièmement, les priorités des priorités; quatrièmement, ies grands axes de la formation générale; cinquièmement, pourquoi la philosophie; sixièmement, les réponses à quelques objections; septièmement, autres avenues de réforme et, huitièmement, les recommandations précisées.

Un, la représentativité. Philosophie au collège, association des professeurs de philosophie des collèges du Québec, a été fondée il y a 10 ans déjà, compte 270 membres en règle et est bien implantée dans tous les collèges publics et privés de toutes les régions du Québec. Philosophie au collège publie une revue bien connue, spécialement destinée au réseau collégial: Philosopher, dont vous venez de recevoir un exemplaire. De plus, Philosophie au collège organise, en collaboration avec plusieurs collèges, le Concours Philosopher. Les résultats du concours de l'an dernier seront annoncés demain, mais on peut signaler que nous avons reçu déjà l'an passé 300 dissertations. Il y a donc 15 lauréats, dont le premier provient d'un cégep public d'une région. On ne l'annonce pas, c'est demain le résultat. Le thème de cette année est «Quelles sont les exigences et les limites de la tolérance en démocratie?», concours qui vient d'être lancé déjà.

Mais la raison pour laquelle Philosophie au collège est particulièrement représentative tient dans les faits que notre association s'est engagée à représenter les positions des départements de philosophie des collèges du Québec, telles qu'exprimées par leurs délégués au Comité pédagogique de la Coordination provinciale de philosophie. Ces positions se sont exprimées sur les contenus communs, d'ailleurs à l'unanimité, la séquence d'habiletés intellectuelles, l'approche programme et l'évaluation, lors de deux réunions des délégués en mai 1992 et en septembre 1992.

La position collective des professeurs de philosophie du collégial que nous représentons est une position de renouvellement - Mme la ministre, j'aimerais insister là-dessus - renouvellement qui est déjà commencé dans nos institutions. Nous croyons que, lorsque la mission de formation de la formation générale obligatoire, tant pour le secteur préuniversitaire que pour le secteur technique, aura été précisée, la discipline philosophie, forte de l'expérience de ses professeurs, pourra remplir une part importante de cette mission renouvelée avec compétence et responsabilité.

Sans plus tarder, je passe la parole à M. Pierre Cohen-Bacrie pour expliquer les autres points de notre exposé.

M. Cohen-Bacrie (Pierre): Pourquoi les cégeps et pourquoi la formation générale au cégep? Nous reconnaissons le bien-fondé de la présente commission parlementaire après 25 ans d'existence du collégial. Il est bien naturel et il est sain de réexaminer le choix de confier à la discipline philosophie une mission très importante de formation générale pour tous. Après tout, ce qui nous intéresse, vous et nous, ce qui doit être notre souci constant, c'est la qualité de la formation des étudiants. (10 h 40)

Comme le D.E.C. préuniversitaire permet de mieux s'orienter plus tard à l'université, le D.E.C. technique est apprécié sur le marché du travail et près de 20 % des finissants du secteur technique décident de poursuivre à l'université, de jour ou de soir, avec un métier en poche, ce qui est facile compte tenu de l'existence de cours obligatoires communs. Plusieurs qualifieront de réussite cette structure originale au Québec, ce qui ne signifie pas que les cégeps n'ont pas à se réformer et à s'améliorer pour tenir compte de l'évolution de la société.

En effet, depuis 1967, des changements majeurs sont survenus au niveau économique et une véritable mobilisation des ressources éducatives vers une formation de très haute qualité de la main-d'oeuvre est de plus en plus une priorité gouvernementale. Nous croyons, avec d'autres, que cette mobilisation devra être prise en compte dans le réseau des cégeps et, notamment, en philosophie.

Les cours de formation obligatoire et générale peuvent avoir un rôle de culture générale et, dans ce sens, on parlera de la formation intégrale de la personne et du citoyen. Mais, de plus, aujourd'hui, faut-il encore tenir compte du fait qu'on se dirige vers une formation professionnelle et générale mieux intégrée où les compétences à développer correspondent aux tendances profondes de l'évolution des besoins économiques. Il faut donc en particulier redéfinir et préciser le rôle des cours de formation générale obligatoires en fonction des compétences générales, utiles tant au secteur préuniversitaire qu'au secteur technique.

Ce qui m'amène à ce que nous appelons les priorités des priorités. Les entreprises privées et publiques, dans lesquelles travailleront, demain, les diplômés des cégeps du secteur technique et dans lesquelles travailleront, après-demain, les diplômés des cégeps du secteur préuniversitaire, doivent faire l'objet de nos préoccupations comme agents de l'éducation dans une société moderne. On ne se fermera pas hypocritement les yeux devant une analyse des tendances de l'économie. Tout le monde reconnaît que la formation initiale et la formation continue, c'est un facteur clé dans le développement d'une économie concurrentielle génératrice d'emplois. Les cégeps sont d'ailleurs au coeur du processus québécois de formation d'une main-d'oeuvre de

qualité.

En conséquence, notre première priorité que nous vous suggérons, c'est la suivante. Tout le monde reconnaît que la qualité de la communication constitue une compétence générale commune tant au secteur préuniversitaire qu'au secteur technique. Voilà donc l'un des axes de la formation générale obligatoire au cégep. C'est l'une des deux priorités des priorités que nous voulons vous suggérer. Notre société a besoin d'une valeur ajoutée importante au cégep en ce qui a trait à la qualité de la langue, avec toutes ses retombées. C'est ainsi que Marie-Éva de Villers, directrice de la qualité de la communication aux HEC de l'Université de Montréal, déclarait, à propos des entreprises: «Celles-ci estiment que les diplômés qu'elles recruteront devront posséder le savoir propre à leur discipline, bien sûr, mais en plus les candidats recherchés seront habiles à communiquer par écrit ou oralement, en français et en anglais s'il y a lieu, et ils feront preuve d'un bon jugement et d'un excellent esprit de synthèse.»

Ce qui nous amène à notre deuxième priorité. Nous désirons ajouter un deuxième élément prioritaire, une deuxième compétence générale qui est également un besoin évident pour le secteur préuniversitaire ainsi que pour le secteur technique. Il s'agit du développement de la capacité de raisonner, d'analyser, de synthétiser. Puisque le raisonnement est une habileté essentielle pour entreprendre des études universitaires et puisque le travail des technologues d'aujourd'hui et de demain fait et fera appel à de telles compétences intellectuelles, il faut que ce soit l'autre axe principal de la formation générale obligatoire, et c'est la deuxième des deux priorités des priorités que nous vous suggérons.

À ce titre, il faut déplorer que le Conseil des collèges, dans son rapport, adopte une attitude différente quant à ces deux priorités. Pour la qualité de la langue, en effet, il confie l'essentiel de cette mission de formation à la discipline littérature. Mais, pour les compétences intellectuelles, il se contente d'affirmer que tous les cours de toutes les disciplines y contribueront. Or, dans une institution, lorsque tout le monde fait tout, personne ne fait rien. Nous vous soumettons que le même raisonnement qui trouve la qualité de la langue trop importante pour que cela reste une mission diffuse, sans support dans les cours obligatoires de formation générale, devrait s'appliquer au développement des capacités de raisonner. C'est trop important, il faut y ménager un support dans les cours obligatoires de formation générale.

Les autres grands axes de la formation générale. À côté de ces deux priorités des priorités, à savoir l'acquisition des compétences en français écrit et en raisonnement, il existe d'autres thématiques d'importance, d'autres priorités. Ainsi en va-t-il des compétences éthiques, de l'ouverture d'esprit, de l'attention portée au dialogue, de la compréhension des autres points de vue, etc. Notons qu'en se restreignant aux compétences éthiques le Conseil des collèges y a vu une mission pour deux cours obligatoires de philosophie.

Enfin, pourrait-on parler de compétence culturelle, c'est-à-dire non seulement de cette culture générale, qui est le modèle par excellence de la maîtrise de la langue et du raisonnement, mais de repaires historiques sur les grandes époques et de problèmes contemporains.

Pourquoi la philosophie? Le Conseil des collèges répond: Parce que l'éthique. Voilà pourquoi il propose deux cours, quatre unités de philosophie, au lieu de quatre cours actuellement, huit unités. Nous vous suggérons qu'au niveau des priorités des priorités de formation générale obligatoire pour tous au cégep la discipline philosophique devrait se voir attribuer quatre cours obligatoires afin de répondre en particulier aux besoins en ce qui a trait au développement de la capacité de raisonner, et ceci, à ce moment précis où on constate une lacune dans l'acquisition de la pensée formelle.

Là encore, l'analogie avec la mission attribuée à la discipline littérature nous semble éclairante. À littérature, le maintien de quatre cours pour la maîtrise de la langue et aussi la culture générale, à philosophie le maintien de quatre cours pour: premièrement, le développement de la capacité de raisonner; deuxièmement, l'acquisition de compétences éthiques; troisièmement, et enfin, se situer historiquement dans la culture.

Pour éclaircir ces points, on voudra bien se référer aux pages 41, 42, 43 du mémoire dans lesquelles est expliquée la séquence des habiletés intellectuelles. Je dois vous dire que la séquence des habiletés intellectuelles a été adoptée dernièrement, en mai, par la Coordination provinciale de philosophie, après trois ans de travail, qu'elle n'est pas encore appliquée; c'est une voie d'avenir, c'est une voie de renouvellement. Si on regarde rapidement, on dit que la philosophie permet d'aborder pour la première fois, de manière systématique, la réflexion sur les problèmes les plus généraux et les plus fondamentaux de l'humanité, en s'appuyant sur des oeuvres essentielles qui jalonnent l'itinéraire de la pensée humaine depuis 25 siècles.

Cependant, dans le cadre de son enseignement, la philosophie contribue en outre à développer les habiletés intellectuelles nécessaires à la production d'un discours rationnel argumen-tatif, tel que la dissertation philosophique, principalement conceptualiser, analyser, comparer, critiquer, «problématiser» et synthétiser. De plus, l'enseignement de la philosophie a pour effet de développer l'emploi de la langue comme outil d'organisation, de clarification, d'expression, de communication de la pensée rationnelle et principalement le développement de la capacité

de lecture de textes rationnels complexes et la capacité d'écriture d'une argumentation rationnelle développée.

La prise en compte des habiletés intellectuelles impliquées dans l'enseignement de ia philosophie et l'intérêt pédagogique d'organiser la difficulté de façon croissante, l'utilité d'assurer un cumul des acquisitions militent en faveur d'insister sur certaines habiletés dans chaque cours, d'où la possibilité d'une mise en séquence. Il s'agit donc de cette séquence qui est nouvelle, qui manifeste une grande maturité des enseignants de philosophie, qui ont en moyenne une vingtaine d'années d'expérience, qui met l'élève au premier rang des préoccupations pédagogiques et qui définit les objectifs pédagogiques spécifiques.

D'autre part, on voudra bien se reporter aux pages 23 et 24 du mémoire pour tenir compte des nouveaux contenus communs qui ont été aussi décidés en mai 1992 suite à des années de travail et, comme M. Therrien le disait, à l'unanimité par les départements de philosophie. Je dois insister sur le fait que c'est la première fois depuis la création des cégeps que les professeurs de philosophie se donnent, acceptent des contenus obligatoires communs.

Deuxièmement, ces contenus ont été décidés en fonction de l'étudiant. L'étudiant savait que les cours de philosophie avaient des objectifs communs, mais parfois, surtout l'étudiant qui va d'un cégep à l'autre ou éventuellement qui reprend son cours, il se demande pourquoi les contenus sont tellement différents. Eh bien, nous avons tenu compte de lui et maintenant il y aura des contenus communs en philosophie. D'autre part, ces contenus communs favorisent le travail d'équipe dans les départements. Enfin, on peut s'assurer par ces contenus communs que des thèmes extrêmement importants soient vus. Je donne comme exemple la réflexion sur la science et la technique. Si on regarde donc rapidement au niveau des contenus communs, on insiste sur la dimension historique des problèmes et des pratiques. Si on regarde parmi les contenus, il y a la rationalité; il y a la logique; il y a les sciences et la technique; il y a l'être humain et la liberté; il y a l'éthique et la politique.

Enfin, prenons quelques exemples de thèmes de réflexion et de repaires culturels majeurs dans lesquels la philosophie apporte une contribution spécifique. Parlons, par exemple, de la notion de personne humaine qui dépasse les sciences biologiques. Roger Pol-Droit, dans Science et Philosophie: Pourquoi faire?, résume ainsi l'interrogation philosophique devant les modifications génétiques: «Où devons-nous nous arrêter? et au nom de quoi? [...] Plus qu'un embarras, une forme de désarroi naît de l'extrême décalage entre la puissance et la rapidité des capacités techniques, et la fragilité des justifications, ou encore la lenteur à se clarifier des notions centrales, comme celles des droits de l'homme ou de dignité de la personne humaine.»

Prenons aussi la notion de patrimoine commun de l'humanité, qui pose la question de responsabilité devant les générations futures. Prenons les différentes conceptions de la justice. Prenons le devoir d'ingérence, qui pose la question des limites de la souveraineté nationale. Prenons, enfin, la lutte contre les préjugés qui débouche vers l'esprit de tolérance et qui ressort de l'étude de philosophes comme Montaigne, Diderot, Montesquieu et Locke. Sur toutes ces questions, la philosophie a un apport spécifique à faire quant à l'élucidation des concepts et à la recherche du sens. (10 h 50)

Réponses à quelques objections. Premièrement, plusieurs critiques affirment que la philosophie n'a pas le monopole de la formation intellectuelle. S'ils veulent dire que l'enseignement de la philosophie ne leur semble pas davantage approprié que celui de n'importe quel autre discipline pour développer le raisonnement, alors nous nous inscrivons en faux. En effet, en toute discipline, à l'exception de philosophie, justement, le raisonnement est au mieux second en termes d'objectifs poursuivis et de moyens employés. Où, dans les collèges, sinon dans les cours de philosophie, traitera-t-on des opérations intellectuelles qui mènent à un raisonnement justifié, la définition, la justification, la distinction entre prémisses et conclusion, l'implication, la distinction opératoire et non seulement verbale entre jugement de fait et jugement de valeur, etc?

En ce qui a trait aux autres disciplines, dans la réalité de la salle de classe, le professeur enseigne sa discipline où le contenu prime, ce qui signifie bien souvent qu'on n'a pas le temps de développer les capacités de raisonnement pour elles-mêmes. Tous seraient bien aise que de telles capacités soient mieux développées, mais le professeur ne saurait le faire sans prendre un retard peut-être catastrophique dans l'acquisition des connaissances. Au contraire, en philosophie, le professeur ne peut manquer d'insister sur la pratique et le développement du raisonnement, ce qui signifie qu'on ne peut concrètement corriger et évaluer un travail de philosophie uniquement à partir des connaissances acquises mais toujours à partir de la cohérence du raisonnement, de la justification argumentée des points de vue, des capacités d'analyse et de synthèse, de la clarté et de l'ordonnancement des idées. L'organisation des idées ainsi conçue va au-delà de l'habileté à structurer un texte.

Notons qu'outre l'enseignement de la logique ou de l'argumentation, qui est maintenant devenu un cours obligatoire au 101, l'enseignement de la philosophie ne peut manquer, par l'étude des textes des grands auteurs - Platon, Aristote, Descartes, Kant, Russell - le caractère méthodique et rigoureux du raisonnement. C'est donc, l'enseignement de la philosophie, à la fois

un objet d'étude, une activité d'apprentissage et un objectif de formation. Mais la volonté des professeurs de philosophie, volonté de mieux préciser leur pédagogie en insistant nommément sur telle ou telle capacité au cours d'activités d'apprentissage déjà orientées en ce sens d'une manière incontournable, est manifeste dans l'adoption de la séquence d'habiletés intellectuelles jumelée aux quatre cours.

Deuxième objection, le Conseil des collèges n'a pas tenu compte du travail en cours en philosophie. C'est ainsi que dans son rapport il croit pouvoir déplorer le manque de consensus. Bien sûr, en philosophie comme dans d'autres disciplines, il se trouvera toujours quelques professeurs pour aller à contre-courant. Mais l'adoption unanime des nouveaux contenus communs, l'adoption de la séquence de développement des habiletés intellectuelles ne sont pas des éléments qui semblent témoigner d'un manque de consensus.

Troisièmement, certains proposent le modèle des «humanities». Or, l'éclatement du nombre de disciplines et de cours, qui, selon nous, n'est pas une conséquence nécessaire du choix des thématiques, ne saurait se comparer en efficacité avec l'intégration que peut opérer une discipline comme la philosophie. Le Conseil des collèges propose cinq thématiques, mais il reconnaît lui-même que plusieurs de ces thématiques sont déjà abordées en philosohie. Pourquoi alors changer pour changer? Il convient d'éviter les excès d'une opération qui consisterait à refaire le monde sans tenir compte des acquis.

Autres avenues de réforme. Au niveau de l'approche programme, les objectifs visés par les cours obligatoires de philosophie sont les mêmes... Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Hovington): Excusez. Votre temps est écoulé.

M. Cohen-Bacrie: J'accélère.

La Présidente (Mme Hovington): Vos 20 minutes sont écoulées. Est-ce qu'il y a consentement, de chaque côté de la Chambre, pour qu'il continue, en limitant votre temps d'intervention? Alors, on vous donne deux minutes encore.

M. Cohen-Bacrie: Très bien.

La Présidente (Mme Hovington): Allez-y.

M. Cohen-Bacrie: Alors, au niveau de l'approche programme, il y a des propositions - sur lesquelles on pourra revenir en réponse à des questions - qui ont été prises et qui manifestent que la discipline philosophie est ouverte à une approche programme. Au niveau de l'évaluation, il y a des recommandations précises et concrètes qui manifestent que la discipline philosophie accepte le principe d'une évaluation qui permet de vérifier l'atteinte des objectifs d'apprentissage.

Une voix:...

M. Cohen-Bacrie: Une seconde, je n'ai pas fini. Lorsque, donc, en philosophie, on parle de contenus communs, d'objectifs de formation ou de développement des habiletés intellectuelles, il ne s'agit pas seulement d'un discours. Les actes suivent et suivront, et nous les garantissons par une résolution ferme et concrète d'évaluation. Nous avons voulu préciser nos recommandations - en une minute: premièrement, que, dans la formation générale obligatoire, reconnaissant les lacunes et les besoins des élèves de la formation préuniversitaire et technique, une priorité soit accordée au développement de la capacité de raisonner; deuxièmement, que, dans le contexte d'une société en transformation, une priorité soit accordée au développement de la réflexion sur les valeurs morales et l'éthique; troisièmement, que ces responsabilités soient confiées à la discipline philosophie, compte tenu de plus de son rapport irremplaçable à la réflexion sur les problèmes les plus généraux et les plus fondamentaux de l'humanité, en s'appuyant sur des oeuvres essentielles qui jalonnent l'itinéraire de la pensée, et enfin, quatrièmement, si Mme la ministre reconnaît l'importance de réaliser ces priorités et d'assumer ces responsabilités de formation générale, le maintien de huit unités, quatre cours en philosophie, parallèlement au maintien des huit unités en langue et littérature, est une exigence incompressible. C'est pourquoi le mémoire de Philosophie au collège recommande le maintien de huit unités, quatre cours obligatoires de philosophie dans les programmes de D.E.C. et souhaite que le ministère encourage les transformations en cours dans l'enseignement de la philosophie au cégep. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Hovington): Merci. Alors, Mme la ministre, vous avez la parole.

Mme Robillard: Merci, Mme la Présidente. Messieurs, je suis contente de vous accueillir à cette commission parlementaire. Vous le savez, l'objet de la philosophie est un des sujets qui est sur la table présentement, et je suis contente que vous soyez venus participer vous-mêmes au débat. De façon particulière, M. Cohen-Bacrie, j'étais heureuse de vous entendre dire, au début de votre exposé, qu'après 25 ans vous reconnaissez le bien-fondé de cette commission parlementaire et qu'on regarde à nouveau les objectifs de formation. Possiblement que je vous avais mal lu dans La Presse du 24 mai quand vous m'aviez dit que peut-être que, par cette commission parlementaire, j'inventais une nouvelle notion antidémocratique, disiez-vous, l'irresponsabilité ministérielle.

Alors, je suis très contente de voir que

vous venez participer à des débats démocratiques, parce qu'il s'agit de ça, une commission parlementaire, de débats démocratiques. Je suis contente que vous soyez là pour qu'on puisse échanger avec vous sur l'importance que vous voyez à l'enseignement de la philosophie chez nos jeunes du cégep. Et je vois qu'au point de départ, dans votre mémoire, dès les premières pages, vous statuez très clairement, M. le président, M. Therrien, qu'on ne peut sûrement pas remettre en question la pertinence de l'enseignement de la philosophie. Vous statuez ça à la page 11, qu'on ne peut pas remettre ça en question. C'est exactement dit de cette façon-là, sauf que là j'ai des problèmes avec cette affirmation: On ne peut certainement pas remettre sa pertinence en question. Vous le savez, beaucoup le font présentement. Depuis le début des travaux de cette commission parlementaire, nous avons entendu différents intervenants: le Conseil des collèges la remet en question, l'association des aides pédagogiques individuelles, les chambres de commerce, le Conseil permanent de la jeunesse qui a été, je dois dire, assez sévère dans son jugement quand il nous a fait part d'une enquête auprès des jeunes qui sont vraiment insatisfaits des cours en tant que tels et qui demandent une remise en question complète de l'enseignement dans cette matière.

Donc, est-ce que le jugement de toutes ces personnes qui sont venues nous voir repose sur un malentendu, tel que vous le dites du rapport du Conseil des collèges? Moi, comme ministre, je ne peux pas me fermer les yeux et les oreilles à ce questionnement de plusieurs intervenants.

M. Cohen-Bacrie: Mme la ministre, très rapidement. Le 24 mai, l'existence même des cégeps semblait en question. À ce stade-ci de la commission parlementaire, elle semble beaucoup moins en question, premièrement. Deuxièmement, dans un sens, la parution du rapport du Conseil des collèges a été rassurante, puisqu'on a vu un Conseil quand même représentatif dire que ie maintien des unités de formation générale communes est une chose essentielle. Dans ce cadre-là, qui est maintenant une sorte de cadre, eh bien, nous nous inscrivons avec grand plaisir dans ce débat-là. (11 heures)

À la page 11, nous ne disons pas que l'enseignement de la philosophie ne doit pas être mis en question. À la page 11, nous disons: D'après les paramètres existants jusqu'à maintenant, c'est-à-dire jusqu'à la parution du rapport du Conseil des collèges, et d'après les directives qui nous étaient données par la Direction générale de l'enseignement collégial, nous avons rempli le mandat qui nous était confié et nous sommes même allés plus loin. La question que nous posons, c'est: Existe-t-il maintenant, dans la société, de nouveaux paramètres? Et nous répondons: Oui, il en existe. Nous devons avoir maintenant des priorités de formation en ce qui a trait à la langue et en ce qui a trait au raisonnement. Et là nous sommes prêts à changer. La proposition de changement est là. Elle est sur la table.

En ce qui a trait aux jeunes, dans l'enquête Léger & Léger que la Fédération des cégeps a commandée, on remarque que le taux de satisfaction des jeunes à l'égard des cours de langue et littérature est de l'ordre de 48 %, alors que le taux de satisfaction des jeunes à l'égard des cours de philosophie est de l'ordre de 52 %. Cependant, ce n'est pas parce qu'il y a un taux d'insatisfaction qu'on coupe le nombre d'unités en langue et littérature. Par contre, on peut s'interroger sur les causes de cette insatisfaction, reconnaître que les résultats au test de français de niveau secondaire V des finissants de cégeps sont lamentables, comme vous l'avez dit vous-même, en ce qui a trait à la syntaxe, à l'orthographe etc., et se demander si une réforme de l'enseignement du français dans les cégeps qui donnerait une place importante à la maîtrise de la langue ne serait pas de nature à mieux satisfaire les étudiants pour qui cela resterait un cours obligatoire, peut-être par plébiscite, mais un cours dont ils verraient l'utilité.

Nous avons fait par nous-mêmes et avant même la parution du rapport des collèges ce genre de réflexion parce que nous sommes des gens qui avons l'expérience de l'enseignement. Nous savons bien que beaucoup d'étudiants sont insatisfaits, une part des étudiants sont insatisfaits de leur cours de philosophie. Nous avons pensé que c'est parce qu'ils n'en voient pas l'utilité et nous avons pensé qu'ils avaient raison, que l'utilité, ils ne la voyaient pas parce que nous considérions, un peu à l'égal des professeurs de français, si vous voulez, qui pensaient que, simplement en étudiant la littérature, la qualité de la langue allait se développer... Mais on s'aperçoit que ce n'est pas le cas, qu'il faut avoir des objectifs pédagogiques bien précis pour la développer.

Bien, nous avons fait le même raisonnement en ce qui nous concerne. Nous nous sommes dit: La philosophie, au fond, si nous l'enseignons, ce n'est pas pour produire des philosophes, ce n'est pas pour produire des universitaires philosophes ou des spécialistes en philosophie. Si nous enseignons la philosophie dans les cours de formation générale, c'est au fond pour donner une formation intellectuelle. C'est pour donner des outils à ces jeunes pour qu'ils se développent intellectuellement. Nous nous sommes dit: Bien, il ne suffit pas de penser que ça va être le cas parce que nous enseignons la philosophie. Il faut que nous nous donnions des objectifs spécifiques, pédagogiques de formation intellectuelle, et c'est ce que nous avons fait.

Ce n'est pas encore réalisé. C'est une décision qui a été prise, comme je vous dis, après de très longues consultations, trois ans,

qui vient d'être prise en mai. En réalité, ça pourrait commencer cette année et l'an prochain, et on aurait besoin d'un soutien ministériel pour le faire. Mais, ça, c'est possible. C'est un réel changement, un énorme changement. Il y a même des gens qui écrivent dans les journaux pour dire qu'ils n'en veulent pas du tout. Mais, ça, c'est la minorité. Voilà, où nous en sommes. Donc, nous sommes pour les changements dans l'enseignement de la philosophie, absolument.

Mme Robillard: De fait, je note, dans votre mémoire, que vous recommandez un renouvellement de la formation générale en tant que telle. Vous nous dites d'ailleurs que, parmi les compétences générales, dont le besoin est apparu, on note la capacité de communiquer, la capacité d'argumenter rationnellement, la capacité d'innover, la capacité de se situer dans les repères culturels et historiques. Moi, je n'ai pas de problème avec de tels besoins qui sont affirmés, qui sont là et qui sont clairs. Je suis d'accord avec ça. Mais j'ai plus de problème avec le moyen que vous suggérez. Voici les objectifs que vous dites d'un renouvellement de formation générale. Je vous rappellerai votre citation de point de départ de votre mémoire. Vous dites une citation d'Alain: «Quand je veux juger un professeur [...] je cherche comment il enseigne. S'il considère sa discipline ou sa technique comme une fin en soi, il n'est qu'un pédant, s'il les considère comme moyen de formation, alors il remplit sa mission.»

Alors, ma question est la suivante: Est-ce que vous ne mêlez pas les objectifs et les moyens? Est-ce que vous ne confondez pas les objectifs et les moyens? Si les objectifs de la formation générale renouvelée sont à l'effet d'augmenter la capacité de communiquer, d'argumenter, d'innover, etc., est-ce qu'il n'y a pas d'autres disciplines aussi qui peuvent absolument aider à rejoindre ces objectifs-là?

M. Therrien: Mme la ministre, je vais commencer la réponse. Ça va? En développant, par exemple, l'argumentation, je pense que vous êtes au courant que la philosophie est la seule discipline qui prend comme objet l'analyse, la synthèse, qu'est-ce que c'est qu'une comparaison. Moi, je me rappelle avoir lu souvent des textes d'étudiants. On commence le texte: «Donc». Donc, la conclusion est tout de suite au début. Et on argumente avec les étudiants. On leur montre, finalement, que la philosophie, c'est l'apprentissage d'un discours rationnel, c'est-à-dire que l'étudiant doit justifier ses affirmations. Et on peut prendre différents moyens pour le montrer. Certains prennent des textes de Platon, d'autres prennent un enseignement un petit peu plus formel, comme certains volumes qui ont été produits. L'important, c'est que l'étudiant comprenne.

Et je pense que, nous, nous commençons à faire la preuve que l'apprentissage de l'argumentation ou du raisonnement, c'est vraiment une spécificité de la philosophie. Si je fais comprendre à l'étudiant qu'émettre une opinion ce n'est pas, finalement, nécessairement réfléchir... Parce qu'on dit à l'étudiant: Bien, pourquoi? Bon, des fois, il va se référer à la religion, à des pseudo-sciences ou à des arguments qu'il a écoutés autour de lui, et, finalement, c'est l'outillage. Et c'est pour ça que, moi, je dirais: La philosophie, pour nous, ce n'est pas une fin en soi, c'est un moyen. Et on est prêts, je vous l'ai dit au début, on vous lance une ouverture dans le sens que les thèmes mêmes qu'on a votés en assemblée à l'unanimité, qui sont des thèmes qu'on considère importants - rationalité - on considère, finalement, que l'étudiant, avec ça, il va comprendre beaucoup plus son insertion dans la société et...

Mme Robillard: m. therrien, est-ce que vous êtes d'accord que d'autres disciplines peuvent aussi aider à atteindre les mêmes objectifs?

M. Therrien: Oui. Je vais laisser la parole. Je reviendrai.

M. Cohen-Bacrie: Oui. Mme la ministre, vous avez nommé l'objectif de développer la capacité de communication et vous avez nommé aussi l'objectif de développer la capacité de raisonner. Eh bien! oui, il y a d'autres disciplines qui peuvent faire ça. Je vais même vous poser une question. Si on demande à quiconque: Contestez-vous que la discipline français, qui enseigne littérature, est particulièrement à même de développer la capacité de communication et la maîtrise de la langue dans les cégeps? je pense qu'il n'y a pas grand monde qui va répondre non. Et nous sommes avec eux. Et, quand nous disons que la communication est une priorité, nous avons en tête la discipline français et non pas philosophie.

Maintenant, nous allons poser la même question, et dire: Dans la mesure où nous reconnaissons que le développement des capacités de raisonnement doit être une priorité et doit être supporté dans les cours de formation générale, comme la qualité de la langue doit l'être - on ne peut pas se contenter que tout le monde le fasse - est-ce que la discipline philosophie vous paraît particulièrement appropriée pour développer la capacité de raisonnement, compte tenu, de plus, que cette discipline vient de voter une séquence d'habiletés intellectuelles? C'est ça, la question que nous posons. Et nous vous suggérons qu'on pourrait répondre oui.

La Présidente (Mme Hovington): M. le député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: Oui. Je veux vous saluer. Je ne

pense pas qu'il faille qu'on soit heureux ou pas que vous soyez là. Une chose qui est sûre, c'était important que vous veniez exprimer votre point de vue puisque le maintien ou pas, dans la révision de la formation de base, des cours de philosophie fait partie du débat; aussi bien l'aborder ouvertement, clairement, correctement. C'est pour ça que vous êtes là. Alors, dans ce sens-là, moi, je suis heureux que vous ayez profité de l'occasion de cette commission parlementaire pour venir exposer votre point de vue.

J'ai un problème d'introduction. C'est sur, pas la valeur de votre mémoire, mais ce qu'on en a dit, et je fais référence à l'article de M. Desjardins que je voudrais cîairer avant de vous poser quelques questions. M. Desjardins a été passablement sévère, et c'est un de vos collègues, professeur de philosophie au collège Montmorency, lorsqu'il dit que l'exécutif de la Coordination a réussi à faire entériner le document par les délégués de chaque collège, mais qu'il va jusqu'à laisser voir qu'il y aurait eu des entorses assez graves à certains principes démocratiques, j'aimerais juste avoir un jugement, d'entrée de jeu. Vous êtes représentatifs de l'ensemble des profs de philosophie au collège ou vous ne l'êtes pas? J'aimerais ça avoir quelques phrases là-dessus, comment ça s'est fait, avant de poser des jugements, parce que, si on a affaire à une association qui représente l'ensemble des professeurs de philosophie, ça a plus d'incidence. Moi, je veux respecter ça. (11 h 10)

M. Cohen-Bacrie: Je vous remercie de votre question, M. le député. Il y aura un rectificatif qui paraîtra dans les journaux. C'est une question de fait. M. Lanoue est ià; tout le monde est là. Les directions des services pédagogiques ont reçu pendant trois ans des copies des procès-verbaux et des convocations des assemblées de la coordination provinciale de philosophie où, à chaque fois, il était question de la séquence d'habiletés intellectuelles. Plusieurs versions de cette séquence ont circulé. Les délégués des départements ont été mandatés. L'information que donne M. Desjardins, au début de son article, quand il dit: «La séquence d'habiletés intellectuelles, on dit dans le mémoire qu'elle fait suite à trois ans de travail, mais ce n'est pas vrai», eh bien, je regrette, cette information est totalement fausse. Et il y a toutes les pièces possibles et imaginables pour le prouver et tous les témoins possibles et imaginables pour le prouver. Alors, il faut voir là, je pense, une erreur de la part de... Par ailleurs, de quel crime nous accuse-t-il? Si vous permettez, juste une petite seconde. Il nous accuse de nous préoccuper d'économie et des besoins de l'économie, et il nous accuse également de vouloir développer la capacité de raisonnement. Eh bien, permettez-moi de plaider coupable, avec l'ensemble des professeurs de philosophie.

M. Gendron: Sur le fond, on va échanger. Je voulais juste clarifier ça. Donc, il y aura une mise au point, je n'y reviens pas.

Il y a un certain nombre de questions qu'on se doit, je pense, de vous poser. Dans votre mémoire, effectivement, vous affirmez qu'il y a une espèce de crime de lèse-majesté d'envisager de questionner la pertinence de cours de philosophie. Moi, j'estime que, si certains le font, ce n'est sûrement pas à cause du mérite intrinsèque de la discipline. Moi, je n'ai pas de trouble, j'en ai fait de la philosophie, et j'estime que, dans l'optique d'une formation de base fondamentale, surtout quand on regarde l'apprentissage de la philosophie comme une fonction critique: est-ce que c'est légitime de dire que ça devient un peu essentiel dans une formation de base? la réponse, c'est oui.

Ce que je lis, cependant, c'est que, s'il y a tant d'intervenants qui prétendent, en 1992, qu'on peut effectivement développer la fonction critique, la fonction d'analyse, qui est requise comme formation de base par d'autres disciplines, de deux choses l'une: ou bien c'est parce qu'il y a des choses qui ont évolué, ce qui me permet d'arriver aux mêmes fins par d'autres moyens - juste une minute - ou bien ce qui s'enseigne actuellement comme philo n'est pas ce que j'ai reçu comme formation, et c'est plus ça, moi, mon drame. Je vous le dis correctement et là je donne l'exemple. Moi, mon fils, effectivement, est au collège - j'en ai deux - et il m'a dit: Papa, voici le travail que j'ai à faire en philosophie, c'est: Tu vas me faire 25 pages sur un crayon au plomb; ça, c'était son cours de philosophie. J'ai un problème. Là, je dis: Justement, on fait de la philosophie, mais là je ne comprends plus rien.

Alors, très clairement, première question: Est-ce que vous ne pensez pas que c'est plus dans la façon dont on a enseigné la philosophie au collégial que, là, il y a du monde qui a commencé à se poser de sérieuses questions et à dire: Là, c'est drôle, on a de la misère à percevoir le développement de la fonction critique en faisant des choses comme ça? Est-ce que ce n'est pas plus ça, le problème, ou si, vous avez toujours beaucoup d'échanges, ça ne se peut pas et le cours de philosophie est vraiment enseigné pour développer davantage la capacité d'analyse, la fonction critique, comme j'ai toujours pensé, chez les philosophes anciens pour ne pas aller plus loin dans l'ancienne formation classique?

M. Therrien: Est-ce que je peux vous répondre?

M. Gendron: Bien sûr.

M. Therrien: Je vais prendre votre question sous deux aspects. Dans n'importe quelle profession, discipline, il y a des erreurs, il y a des gens, finalement, qui ne font pas leur travail,

partout ça. Si un juge arrive, à un moment donné, pour siéger et qu'il fait des choses qui ne sont pas correctes, on ne fera pas disparaître la magistrature ou n'importe quelle discipline. Les professeurs - enfin, il y en a quelques-uns -pourquoi ça vous est rapporté? Parce que, d'une certaine façon, il n'y a pas eu suffisamment d'encadrement à l'intérieur des collèges. Je pense que les directions pédagogiques n'ont pas pris leurs responsabilités et, moi-même, je vais vous dire, le professeur qui fait faire le travail sur un crayon, moi, je dis: Non, il ne fait pas de la philosophie. Je pourrai revenir là-dessus.

Deuxièmement, sur l'aspect critique de la philosophie, au Conseil des collèges on oublie une chose: c'est toute la dimension philosophie politique. Donc, je peux bien en parier puisque j'ai écrit un volume là-dessus. Un professeur de sciences politiques m'a dit: C'est bon ce que vous faites, parce que nous, en sciences politiques, ce qu'on fait, c'est les institutions; les étudiants ont assez de difficultés à comprendre c'est quoi le processus parlementaire, au Canada, aux États-Unis, la différence avec la France, il y a tellement de détails. Il a dit: Vous autres, il y a une chose que vous faites, c'est la question du sens en politique. Et je vous donne un exemple. Démocratie et libéralisme, pour les étudiants, c'est la même chose. C'est la même chose, démocratie et libéralisme. Mais un philosophe que j'ai lu dernièrement, qui s'appelle Claude Lefort, dit: Écoutez, le libéralisme, lui, développe surtout les libertés individuelles; la démocratie, c'est plus le fait que l'homme est un être qui vit en société. Des fois, il y a des conflits, les droits individuels vis-à-vis des droits collectifs. Qu'est-ce qui fait ça? C'est la philosophie. Et là, on en fait de la vraie philosophie, avec des bons crayons, M. Gendron.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gendron: Merci pour cette réponse. Moi, de toute façon, je veux vous permettre de vous exprimer. Je n'ai pas a priori d'opinion arrêtée.

M. Therrien: Je vous remercie de la question. Elle est pertinente.

M. Gendron: Deuxième question, j'espère qu'elle aussi le sera. Vous affirmez dans votre mémoire, à la page 32, que, «parmi les compétences générales auxquelles contribue la discipline philosophie, on retrouve - et là je vous cite -l'ouverture d'esprit, la connaissance d'un fonds culturel commun, la compréhension d'autres points de vue et la tolérance, la capacité de lire et d'écrire à un niveau de structuration élevée, l'argumentation», et ainsi de suite. Je n'ai pas de troubles avec ça, moi. Je trouve ça noble, bien, et je dis que c'est important, effectivement, puisqu'on fait beaucoup de reproches sur les contenus de notre formation à nos jeunes qui ont de la difficulté à arriver au descriptif que je viens de faire. Ma question: Est-ce que vous ne croyez pas qu'il y a, en 1992, ou dans le monde moderne d'aujourd'hui, d'autres disciplines qui peuvent nous permettre, comme exigences, d'arriver exactement aux mêmes objectifs? Sinon, pourquoi et en quoi, précisément, je raterais un certain nombre d'objectifs auxquels vous et moi tenons si je n'avais plus, dans la formation de base, un cours de philo?

M. Cohen-Bacrie: Bien, écoutez, nous n'avons jamais dit qu'aucune autre discipline ne devrait ou ne pourrait participer au développement d'un certain nombre de ces compétences, jamais. Il y a d'ailleurs, si je comprends bien le rapport du Conseil des collèges, une proposition sur la table, c'est-à-dire qu'il y a des cours complémentaires, que leur utilisation est douteuse pour l'instant. Voici déjà une possibilité pour l'introduction des matières qui nous sembleraient ou qui vous sembleraient tout à fait essentielles dans la formation générale. Donc, notre position au départ n'est pas du tout de dire non à d'autres matières qui contribueraient à la formation générale. Notre position de départ, nous faisons l'analyse complètement inverse et nous disons: Avant de couper une matière qui existe, prenons simplement le temps de regarder: est-ce que, par hasard, elle convient ou si elle ne convient pas aux grands objectifs de formation que nous avons définis? C'est probablement le raisonnement qu'a pris le Conseil des collèges quand il s'est dit: J'ai un grand objectif de formation, ce sont les compétences éthiques, et j'estime que la discipline philosophie a un apport à faire là-dedans, à juste titre.

Nous, nous disons: II y a un oubli monumental, vraiment, très important, et, à la limite, peu importe la discipline que vous allez mettre là-dedans, qui est le développement des capacités de raisonnement. Encore une fois, penser que les cours de toutes les disciplines dans toutes les matières vont développer la capacité de raisonnement, c'est errer autant que de penser que les cours de toutes les disciplines dans toutes les matières vont développer la maîtrise de la langue. Elles peuvent la valoriser, mais on a besoin d'un support dans les cours obligatoires. C'est la raison pour laquelle nous disons: Nous souhaitons le maintien de quatre cours de philosophie pour répondre à ces objectifs, mais sans bloquer le moins du monde les modifications essentielles qui seraient jugées utiles. (11 h 20)

M. Gendron: Une autre question sur le département. À moins que je ne me trompe, à date, l'information que j'ai - et c'est possible qu'on n'ait pas toujours toute l'information qu'on devrait avoir; c'est pour ça qu'on fait une commission, pour que l'éclairage soit vraiment plus grand, plus précis, public, au vu et au su de tout le monde - on me dit que, dans les dépar-

tements, au collège - et îà i! n'y a pas de jugement contre eux, pour le vrai - les professeurs de philosophie sont souvent perçus comme isolés, autonomes dans leur milieu et que, si on privilégiait l'approche programme, comme plusieurs le prétendent, bonne chance tout le monde pour la collaboration des profs de philo. C'est quoi, votre opinion ià-dessus?

M. Therrien: M. Paquette va vous répondre.

M. Paquette (Michel); Évidemment, le thème de l'approche programme, c'est quelque chose d'assez récent et d'assez nouveau, et ça bouleverse un peu les habitudes parce que ça change le rôle des départements et que ça donne un pôle, à mon avis, très légitime, une importance et un poids à la gestion pédagogique par les unités que sont ies programmes. Pour vous donner des exemples concrets, au Collège de Maisonneuve, d'où je viens, on a fait ia demande d'un diplôme d'études collégiales dans un secteur très spécialisé qui s'appelle ia pétrochimie, et nous avons réussi, je veux dire le département de philosophie et le département de pétrochimie et de chimie et les responsables de ce programme-là, à convenir de modalités, d'objectifs dans lesquels la discipline de la philosophie réussit à s'insérer avec des objectifs qui sont souhaités par le comité qui conçoit Ses compétences globales du technicien qu'on veut former.

Un autre exemple du même type, c'est la réforme du programme en sciences de la nature pour lequel, dans les prochaines années, il y aura des expérimentations. On a réussi, encore une fois, dans la demande qui a été soumise à la DGEC, à s'entendre avec les professeurs de sciences pour que les professeurs de philosophie, à des clientèles homogènes, donnent des cours de philosophie axés plus sur les sciences, en se basant sur la philosophie des sciences, l'épisté-mologie, qui est une partie importante de la réflexion philosophique contemporaine.

Donc, on a des exemples, et je dois dire que je pense que les gens qui sont ici, à cette table, pour témoigner devant vous acceptent le principe de l'approche programme comme étant un des moteurs pouvant animer le renouveau des cégeps. Cependant, il y a beaucoup de travail à faire dans le milieu, et il n'est pas du tout évident que... À ce moment-ci, on doit dire que les hypothèses alternatives à l'enseignement de la philosophie... On parle quelquefois de cours d'histoire: il n'est pas évident comment les professeurs d'histoire vont réussir à s'arrimer dans les compétences générales du technicien en pétrochimie non plus.

M. Gendron: Juste une.

La Présidente (Mme Hovington): On va procéder par alternance, si vous voulez bien. M. le député de Vimont, vous avez la parole.

M. Fradet: merci, mme la présidente. ça me fait plaisir de vous rencontrer et de discuter du renouveau de votre programme au cégep. ça ne fait pas tellement longtemps que j'ai terminé mes cours, en 1985 au cégep ahuntsic, et je me souviens très bien de mes cours de philosophie au cégep. j'étais inscrit dans un programme professionnel, génie civil, où on a davantage d'ouvrage dans notre concentration, et nous avions à subir ces cours. j'entendais le critique tout à l'heure parler de ses fils et je peux vous dire qu'il n'y a pas tellement longtemps j'ai passé des cours de philosophie où on devait animer un cours dans toute la session; on l'a fait en jouant de la musique pendant une heure et demie et on s'est débarrassé de notre cours. je ne me souviens plus du nom du professeur. et, dans un deuxième cours, on a animé aussi un cours comme ça pendant toute la session.

Je ne mets pas en doute les objectifs que vous mentionnez dans votre mémoire, mais sûrement les moyens. Et je ne voudrais pas voir devant moi des gens qui viennent défendre leur profession au détriment de ce qui s'enseigne et au détriment des objectifs qui doivent être atteints par les étudiants de ces collèges-là. Je pense que, ça, c'est important et, en tant que jeune député, c'est là-dessus que je vais me baser lorsque nous aurons à prendre une décision à l'intérieur du gouvernement et de la commission parlementaire. Mais, la question que je voudrais vous poser... On reconnaît que les objectifs sont louables, la philosophie comme telle. Je reconnais aussi que l'enseignement philosophique que j'ai eu, moi, il n'y a pas si longtemps, n'était pas nécessairement adéquat face aux objectifs que vous recherchez en tant que profession. On reconnaît aussi, selon vos dires, que vous avez eu une vaste consultation au printemps dernier et que vous allez dans le renouveau des collèges ou, en tout cas, que vous proposez une réforme de votre enseignement de la philosophie.

La question que je voudrais vous poser: Pourquoi avez-vous attendu 25 ans pour faire ça? Lorsque les collèges ont été formés et lorsque le cours de philosophie, il y a 25 ans, devait respecter ces objectifs-là, pourquoi avez-vous attendu 25 ans? Et, pendant 25 ans, des professeurs de philosophie - et là je ne vise personne - m'ont enseigné, ont enseigné à mes frères, ont enseigné à d'autres jeunes et ils enseignent aujourd'hui aux jeunes du critique de l'Opposition la philosophie comme moi je l'ai connue, et c'est ce qui me fait penser aujourd'hui qu'on doit abolir ces cours-là. Et c'est ce qui fait penser aux jeunes - je vous dis, si je pense en fonction des cours que j'ai reçus - qui ont été consultés par le Conseil permanent de la jeunesse qu'on doit diminuer ou abolir ces cours-là, parce que ça fait 25 ans qu'on enseigne comme on m'a enseigné à moi et que juste au printemps dernier vous avez décidé de changer votre structure.

Pourquoi avez-vous attendu 25 ans?

M. Therrien: M. Paquette va répondre.

M. Paquette: Je voudrais d'abord reprendre le moment fort de votre question lorsque vous nous adressez à nous la responsabilité de ces enseignements que, nous vous le répétons...

M. Fradet: Vous avez dit que vous l'avez fait.

M. Paquette: ...nous n'approuvons, bien sûr, pas. J'aimerais vous signaler que la commission d'évaluation du Conseil des collèges signale que, maintenant, c'est une opération réalisée; tous les enseignants dans la province remettent des plans de cours. Et ces plans de cours là, on peut supposer qu'ils décrivent ce qui se fait dans les cours. Bien sûr, après 25 ans, on n'a pas de mécanisme d'évaluation. Alors, le professeur qui aurait, dans ses objectifs, confondu la philosophie et la musique, il a bien remis un plan de cours, ce professeur-là. A-t-il été lu, ce plan de cours? Qu'est-ce qu'il faisait, l'adjoint à la direction des services pédagogiques, pendant ce temps-là? Est-ce qu'il regardait les moulins tourner? Alors, ça, c'est une question qui est fondamentale, c'est la question de l'évaluation, et nous avons, j'espère que vous l'avez remarqué, des propositions très concrètes à faire là-dessus.

Alors, ces cas-là, à mon avis, dans un premier temps, j'aimerais bien qu'on les écarte et qu'on se dise que tout le travail est à faire en matière d'évaluation des enseignements, d'évaluation des apprentissages, d'évaluation des enseignants et d'évaluation des programmes. Si on va dans cette direction-là, si on donne le coup de barre... Et, je vous répète, comment se fait-il qu'on ait attendu 25 ans dans le milieu pour se poser ces questions cruciales de l'évaluation? Eh bien, c'est un fait d'institution. Et ça me permet d'enchaîner sur l'autre aspect de votre question.

Vous devez savoir, peut-être qu'il y a des gens dans cette salle qui s'en souviennent, qu'avant la création des cégeps, dans le milieu des années soixante, on ne se posait pas de questions sur ce qui se faisait dans les cours de philosophie. 95 % des professeurs de philosophie enseignaient une philosophie bien identifiée, le thomisme, et on a décidé de mettre fin à cet enseignement monolithique et de prendre le risque de la pluralité. Et il y a toute une correspondance à cette époque, lorsqu'on étudie l'histoire de nos institutions, qui nous dit: Mais c'est très grave de laisser comme ça les professeurs de philosophie enseigner la philosophie qu'ils veulent. Peut-être que ce sera l'existentialisme, qui sait? Peut-être que certains enseigneront le marxisme. Et on a dit: C'est le risque à prendre parce qu'on ne veut pas une philosophie d'État, on ne veut pas une philosophie monolithique; on veut la pluralité pour dévelop- per le pluralisme. Peut-être que ça a été un mauvais choix, peut-être que ça été un mauvais choix.

La Présidente (Mme Hovington): Merci.

M. Fradet: Je veux juste faire un petit commentaire.

La Présidente (Mme Hovington): En conclusion.

M. Fradet: Je ne voulais pas, messieurs, vous poignarder, vous critiquer sévèrement. Ce que je vous dis, c'est que le passé est garant de l'avenir et, moi, ce que j'ai vécu, c'est ça. Je prendrai des décisions. J'accepte volontiers votre programme, ou votre renouveau, ou votre mémoire qui dit qu'on doit faire quelque chose pour l'avenir. Et je pense qu'il faut se questionner et prendre en note ce qui s'est fait dans le passé pour améliorer l'avenir. Mais, moi, je suis ici comme député, comme parlementaire qui représente une clientèle et qui veut que celle-ci s'améliore constamment. C'est dans ce sens-là, moi, que je me pose des questions surtout même si mon passé n'est pas aussi rempli que le vôtre, mais il l'est en matière de cours, en tout cas, au cégep, chose certaine. Et c'est dans ce sens-là que j'intervenais auprès de vous. Je vais laisser la parole à...

La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. le député de Vimont. Alors, je reconnais Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, Mme la Présidente. Le député d'Abitibi-Ouest nous a donné un exemple de 1991, le député de Vimont, de 1983. J'ai fait mes études collégiales et j'ai diplômé du collégial en 1970 et de l'Université du Québec en 1973. J'ai eu un enseignement extraordinaire dans toutes les matières, sauf en philosophie. Alors, même en 1970, là aussi, et j'étais pourtant dans une école privée où on nous disait que l'enseignement devait être de très bonne qualité.

Vous nous avez dit dans votre mémoire qu'effectivement on devait développer la communication, le raisonnement. Dans plusieurs mémoires, on nous a dit aussi que ce qui manquait beaucoup chez nos étudiants et nos étudiantes, c'était la capacité de synthèse. Ça aussi, c'est un élément important qu'il faut essayer d'obtenir par certaines disciplines. Vous nous avez dit aussi que vous reconnaissiez l'importance de l'évaluation. Lorsqu'on regarde les statistiques des étudiants - parce que les matières, les objectifs qu'on a, il faut la passer, cette matière-là, aux étudiants - même si vous avez fait part tantôt que la satisfaction au niveau du français et de la philosophie, c'était assez près l'un de l'autre, bon, en français on parle de 54,7 % et, en philosophie, de 50,6 %. Lorsqu'on

parte de la mauvaise qualité de l'enseignement du professeur, en français on parle de 14,5 %, en philosophie de 20,2 %, l'écart se maintient. (11 h 30)

Par contre, lorsqu'on demande aux étudiants si on devrait augmenter, diminuer ou enlever les cours, eh bien, là, il y a un écart extraordinaire. Si on dit d'enlever les cours de français, là les étudiants disent seulement à 2,5 % qu'on doit les enlever, alors qu'au niveau de la philosophie on dit à 25,9 % qu'on doit les enlever, et, lorsqu'on parie d'augmenter, eh bien, là, on inverse. Les cours obligatoires de français devraient être augmentés à 19,8 % même s'ils sont plus ou moins satisfaits et, au niveau de la philosophie, à 2,3 %. Comment vous expliquez ça?

M. Cohen-Bacrie: Nous croyons aux vertus de l'évaluation. Lorsque le ministère a imposé le test de français du niveau secondaire V aux finissants du cégep suite à la sonnette d'alarme tirée par les universités, nous avons des résultats concrets. Nous voyons que les finissants de la concentration lettres du secteur préuniversitaire ont des résultats nettement inférieurs en qualité de la langue aux résultats de la moyenne qui sont déjà faibles. Eh bien, allons-nous tenir le raisonnement que tenait le député ici, en disant: Ça fait 25 ans que le français s'enseigne, les résultats sont mauvais, on le voit en ce qui a trait à la qualité de la langue, donc, supprimons ce cours? Bien non. Ce qu'on dit, c'est: Transformons-le. Quand le mécanisme d'évaluation est là, les problèmes sont identifiés et les remèdes viennent.

Mme Caron: C'est les jeunes.

M. Cohen-Bacrie: En philosophie, actuellement, comme dans beaucoup d'autres disciplines du réseau collégial, il n'y a pas de mécanisme d'évaluation, il n'y a pas de suivi. Tout ce que la commission d'évaluation dit, c'est: Le collège a une politique institutionnelle d'évaluation, qui consiste en ce que le professeur remet son plan de cours. Mais y a-t-il ensuite une évaluation des apprentissages faits par le professeur? Eh bien, la réponse dans l'immense majorité des collèges, c'est non. Je pense que c'est une priorité à laquelle la commission doit accorder son attention et les professeurs de philosophie sont parfaitement en faveur de ça.

La Présidente (Mme Hovington): Merci. Vous avez deux minutes, M. le député de Jacques-Cartier, pour votre question, incluant la réponse. Alors, soyez assez rapide. Merci.

M. Cameron: Merci, Mme la Présidente. I would agree with the earlier comment that the choice to adopt pluralism at the end of the 1960's was not a good choice, but I would go further than that. I would suggest that it was a disastrous choice, that, in fact, to have the most general discipline in the colleges, the one that in fact was all over the House, with the suggestion that everything from being an existentialist to a Christian conservative, to a Marxist, was almost a matter of what you wanted for desert. In a way it has infected the entire cégep entreprise, no matter how talented or capable individual professors of philosophy or in our schools what they call humanities could be.

We have some of our strongest teachers in humanities department, but nonetheless the image of the department as a whole, and this has been our experience throughout, is a largely negative one. It would seem to me that this pluralism should now be scrapped, or at least very substantially modified. Would you comment on that?

M. Paquette: I would intend to agree. J'ai tendance à être d'accord avec ce que vous dites. La solution, cependant, qu'est-ce que c'est? Dans !e mémoire, je pense qu'on en a fait état très rapidement. Je veux dire: On concède bien et on conçoit bien que la philosophie brasse des grandes idées. La solution des gens qui sont devant vous, c'est de dire: Nous devons maintenant nous attaquer à des problèmes spécifiques de pédagogie, d'apprentissage. Nous avons fixé comme objectif terminal des cours de philosophie l'apprentissage de la capacité de produire un discours rationnel, argumentatif, qui est du type de la dissertation.

En analysant les habiletés qui conduisent à la capacité, pour quelqu'un, par exemple, de discuter du problème de la tolérance en démocratie, nous avons assigné des objectifs spécifiques à des cours. Nous croyons que c'est dans cette voie que nous devons aller. Non pas la philosophie pour la philosophie, mais la philosophie asservie à la construction d'une compétence générale chez l'étudiant, qui soit valorisée par ceux qui conçoivent les programmes.

La Présidente (Mme Hovington): Merci beaucoup. Alors, en conclusion, Mme la ministre, s'il vous plaît.

Mme Robillard: Merci. Il ne me reste qu'à remercier les gens du regroupement d'être venus partager leurs réflexions avec nous.

La Présidente (Mme Hovington): Merci. Alors, au nom des membres de la commission, je vous souhaite une bonne journée. Je vous remercie d'être venus nous présenter votre mémoire.

Alors, j'inviterais maintenant le Collège de la région de l'Amiante à bien vouloir prendre place. J'inviterais M. le président du Collège de la région de l'Amiante à bien vouloir prendre place avec ses collègues.

Je demanderais un petit peu d'ordre en arrière, s'il vous plaît, un peu de silence.

M. Renaud Morin, président du conseil d'administration du Collège de la région de l'Amiante, bonjour et bienvenue à la commission de l'éducation. Je vous demanderais de nous présenter ceux et celles qui vous accompagnent, s'il vous plaît.

Collège de la région de l'Amiante

M. Morin (Renaud): Mme la Présidente, Mme la ministre, à titre de président du conseil d'administration, je désire vous remercier de votre invitation et c'est avec plaisir que nous venons participer aux travaux de cette commission. Je vous présente les membres de notre délégation: Mme Martine Leblanc, vice-présidente du syndicat du personnel de soutien; M. Fernand Daigle, représentant des groupes socio-économiques de notre région; M. Paul-Jean Bussières, président du syndicat des enseignants; M. Claude Gagnon, représentant des professionnels non-enseignants; M. Yvon Patoine, président de l'Association des cadres; M. Marcel Lafleur, qui est notre directeur général et qui a agi comme coordonnateur du comité, et j'y assiste comme président.

La Présidente (Mme Hovington): Ah! il y en manque un.

M. Morin (Renaud): Non, ils sont tous là.

La présidente (Mme Hovington): non? c'est ça. je pense que mme la ministre n'a pas compris le nom du dernier, à votre extrême gauche.

M. Morin (Renaud): M. Fernand Daigle, qui est le représentant des groupes socio-économiques.

La Présidente (Mme Hovington): Bonjour. Bienvenue à la commission de l'éducation, et vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire.

M. Morin (Renaud): Seulement quelques mots pour vous présenter notre collège, le Collège de la région de l'Amiante, qui est situé à Thetford Mines, comme vous le savez sans doute, et nous accueillons, bon an mal an, quelque 1300 étudiants au secteur régulier et 1500 à l'éducation des adultes. Nous offrons quatre programmes au secteur général et neuf programmes au secteur professionnel. Nous nous définissons comme un collège de région, étroitement lié à sa communauté.

Notre mémoire est le résultat d'un consensus général. Il a été élaboré par un comité de travail formé d'une vingtaine de personnes représentant toutes les instances du Collège. Il a ensuite été entériné par l'Association des étudiants, par un groupe important d'organismes socio-économiques et, enfin, par le conseil d'administration.

D'entrée de jeu, nous reconnaissons les limites de notre contribution aux travaux de cette commission. Ne disposant pas des ressources pour procéder à des études très élaborées, nous avons plutôt choisi de vous présenter un témoignage axé sur nos réalisations, nos difficultés et nos projets. Nos recommandations s'inspirent cependant d'un projet éducatif - et vous en avez une copie - qui est le fruit d'une longue réflexion collective qui guide notre développement depuis plusieurs années déjà.

Notre mémoire traite de six questions: l'accessibilité aux études supérieures, la réussite scolaire, la consolidation du secteur général, le développement du secteur professionnel, les nouvelles missions des cégeps et la gestion du réseau collégial. Je laisse maintenant la parole au directeur général qui vous présentera chacun de ces thèmes.

M. Lafleur (Marcel): Bonjour. D'entrée de jeu, je vous annonce que notre mémoire n'a absolument rien de percutant. Nous croyons, compte tenu de l'expérience que nous avons chez nous, que la structure actuelle permet de faire beaucoup de choses - je pense qu'on est capables de le démontrer - et nous pensons que, moyennant de sérieuses améliorations quand même, parce qu'il y a beaucoup de choses à modifier, on pourrait faire beaucoup mieux qu'on fait actuellement dans le réseau collégial. (11 h 40)

Alors, le premier chapitre que nous aborderons, c'est l'accessibilité aux études postsecondaires. Nous nous limiterons, évidemment, parce que la commission possède tous les chiffres, à traiter de ce qui s'est fait dans notre petite région.

Alors, au secteur de l'enseignement régulier, au moment où on se parle, il y a déjà cinq fois plus d'étudiants au secteur régulier qu'il n'y en avait en 1965, en 20 ans. Cet accroissement assez spectaculaire s'est surtout manifesté au secteur professionnel. Malgré les progrès réalisés, nous pensons qu'il faut faire plus, parce que tout le monde sait maintenant que les emplois de l'an 2000 nécessiteront, pour la plupart, des études postsecondaires. Dans ce sens-là, il y a deux améliorations qu'on devrait apporter au réseau en regard de l'accessibilité.

La première, il faudra permettre aux étudiants qui proviennent du secteur professionnel secondaire d'accéder au cégep. Ce n'est vraiment pas le cas aujourd'hui. Deuxièmement, il va falloir faciliter l'admission à un grand nombre de jeunes qui abandonnent beaucoup trop tôt leurs études parce que, notamment, ils sont mal préparés. Or, nous croyons réellement que le système scolaire actuel exploite très mal le potentiel des jeunes Québécois et qu'un très grand nombre d'entre eux, beaucoup plus pour-

raient poursuivre des études et les réussir. Chez nous, on a adopté une orientation dans ce sens-là. On dit ceci: Le Collège favorisera l'accessibilité aux études collégiales au plus grand nombre d'élèves possible - et c'est ce qu'on fait - tout en s'assurant qu'ils répondent aux exigences d'une formation de qualité. Je vous dirais que ça, c'est important. Il ne s'agit pas de donner des diplômes; il s'agit d'amener les étudiants à progresser et à se dépasser.

Dans cette optique, nous recommandons à la ministre, pour l'enseignement régulier, de favoriser l'harmonisation des formations professionnelles au secondaire et au collégial et de développer des modalités de passage d'un ordre d'enseignement à l'autre; deuxièmement, d'accorder aux collèges des moyens accrus. Nos suggestions ne sont pas très pointues: on parle d'améliorer la réglementation, d'améliorer les finances peut-être, pour ce faire, d'améliorer les programmes pour accueillir tous les étudiants qui auraient besoin d'un supplément de formation pour accéder au collège.

Maintenant, passons au secteur de l'éducation des adultes. Au moment de la création des cégeps, peu d'adultes poursuivaient, en tout cas dans notre région, des études collégiales. Aujourd'hui, près de 1500 élèves fréquentent le Collège à chaque année. Ils s'inscrivent à quelque 200 000 heures de cours, surtout à l'enseignement professionnel. Malgré ces progrès, là aussi il y a deux problèmes qu'on aimerait voir corrigés.

D'abord, nous déplorons que très peu d'adultes s'inscrivent à l'enseignement général. Certaines règles de financement font que les citoyens des régions éloignées n'ont pas, à notre avis, les mêmes chances que ceux des grands centres d'accéder à la formation générale. Je trouve ça d'autant plus déplorable qu'aujourd'hui il y a des centres universitaires qui s'en viennent dans nos régions et que les gens peuvent difficilement y accéder à cause de ça. Deuxièmement, peu d'adultes sont inscrits à des programmes terminaux, alors ils refusent très souvent d'entreprendre de longs programmes, surtout lorsque c'est pour reprendre ou apprendre des notions qu'ils ont déjà acquises dans leur vie professionnelle ou ailleurs.

Afin d'améliorer ce secteur-là, nous suggérons, premièrement, d'accroître les ressources financières à l'éducation des adultes en vue de favoriser, d'abord, la formation à l'enseignement général; deuxièmement, d'assouplir, pour les collèges de région, les règles de financement pour leur permettre d'offrir des cours à des groupes plus restreints d'élèves; troisièmement, de consolider, évidemment, les programmes de reconnaissance des acquis et, quatrièmement, de faciliter l'accès aux programmes pour ies adultes à temps partiel, ne serait-ce qu'en améliorant un petit peu les programmes d'aide financière qui existent actuellement. Pour ce secteur-là, c'est tout.

Nous allons parler de la réussite scolaire. Je pense que nous devons admettre certains torts. On a longtemps considéré l'insuccès scolaire comme le pendant tout à fait naturel de l'accessibilité. Je pense qu'on a eu tort. Depuis une dizaine d'années, en tout cas, au Collège, on a décidé de relever le défi que posent nécessairement la démocratisation et la qualité des apprentissages des étudiants. À cet effet, nous avons mis en place une vingtaine de mesures pour supporter les élèves en difficulté. En voici quelques-unes au hasard presque: d'abord, dépistage précoce des élèves à risque, suivi étroit par les enseignants, test obligatoire de français, cours d'appoint, ateliers de dépannage, évaluation globale de tous les étudiants de première année à la mi-session, politique des admissions conditionnelles, respect intégral, depuis 10 ans au moins, du calendrier scolaire. Qu'il pleuve ou qu'il tombe n'importe quoi, chez nous, on donne les cours.

Ce train de mesures, jusqu'ici, a donné des résultats assez intéressants. Malgré que nous ne fassions pas de sélection d'étudiants, 86,2 % de nos étudiants réussissent les cours qu'ils entreprennent au Collège. Alors, ça ne veut rien dire s'ils échouent à l'université ensuite. Les résultats qui, à l'université, on été publiés dernièrement nous indiquent que nous sommes un des bons collèges du réseau. Nos étudiants se comparent avantageusement, sur le plan de la réussite, aux étudiants d'à peu près n'importe quel collège.

Sur le plan du secteur professionnel, on a une politique d'évaluation qui nous amène à évaluer ce qu'on fait et on peut vous dire qu'actuellement 75 % des entrepreneurs qui reçoivent nos étudiants sont satisfaits de leur préparation et que 80 % des étudiants qu'on interroge nous disent être satisfaits de la formation qu'ils ont reçue. Alors, il y a moyen de faire des choses, nous pensons. Mais, malheureusement, la population est loin d'être consciente des efforts qui peuvent se faire dans les collèges. On entend plutôt parler de ce qui ne va pas que de ce qui va. Alors, c'est pourquoi nous avons jugé utile de faire état de ces résultats devant la commission.

Alors, il y a quand même des choses à améliorer et, dans ce sens-là, d'abord, nous recommandons: d'augmenter les ressources allouées à l'encadrement; d'encourager la recherche et l'expérimentation - il ne se fait presque rien en matière d'encadrement; et là c'est une résolution qui va faire plaisir à Mme la ministre, de poursuivre ses travaux en matière d'évaluation des établissements et d'inciter les universités à produire les résultats de leurs élèves selon leur provenance - c'est drôlement stimulant; de préciser ses attentes et ses objectifs, parce que ce n'est pas clair en matière de réussite scolaire. Voilà pour la réussite scolaire.

La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. Lafleur.

M. Lafleur: Alors, la consolidation du secteur général. Un certain nombre d'intervenants ont recommandé tout simplement la disparition du secteur général. Nous sommes en profond désaccord avec tout ça pour quatre raisons. D'abord, à cause de la préparation tout à fait insuffisante des étudiants qui accèdent au collège, et vous connaissez la panoplie des doléances, on n'y reviendra pas. D'autre part, plusieurs étudiants font face à des problèmes très sérieux d'orientation. Alors, le passage au collégial permet de vérifier leurs intérêts, de mesurer leurs aptitudes et, souvent, c'est une occasion de réorientation qui peut être salutaire. Enfin, le secteur général favorise l'accessibilité aux études supérieures pour les gens des régions éloignées surtout. Alors, on pense que tous ceux qui ont des problèmes de finance, tous ceux qui ont des problèmes d'orientation, tous ceux qui ne sont pas tellement forts sur le plan de la scolarité ont plus de facilité à s'inscrire chez nous qu'à aller à l'université. Finalement, on croit réellement que, dans l'état actuel des choses, un passage direct du secondaire à l'université serait tout simplement catastrophique sur le plan des échecs, des abandons et des réorientations, parce qu'ils ont déjà de la difficulté, nos étudiants, à absorber le choc du cégep en passant du secondaire.

Pour toutes ces raisons, nous recommandons à la ministre de conserver la structure actuelle du secteur général, de préciser les objectifs et les exigences du ministère en regard de la formation fondamentale, de s'assurer que tous les programmes permettent aux élèves l'acquisition d'une solide culture générale - ça fait drôlement défaut - et d'améliorer les liens entre les niveaux secondaire, collégial et universitaire afin d'assurer un meilleur arrimage des programmes - ça, c'est la désolation.

Le développement du secteur professionnel, maintenant. Alors, deux choses. On va parler de l'état du secteur professionnel et ensuite de la cohabitation du général et du professionnel.

L'état du secteur professionnel au collège. On a près de 65 % de nos étudiants inscrits au secteur professionnel et ils s'insèrent extrêmement bien actuellement sur le marché du travail, en dépit de la conjoncture économique défavorable. Et il y aurait peut-être lieu d'être satisfait de cette situation n'eût été l'essor considérable qu'a pris le marché du travail ces dernières années. On parle de concurrence internationale, d'influence exercée par l'informatique dans le développement des équipements, de besoin de rationalisation de la production, etc. (11 h 50)

Tout ça, même si on a fait des progrès, nécessite, je pense, une reprise en main immédiate et urgente pour que nos étudiants soient capables à court terme de répondre au défi que pose la formation professionnelle aujourd'hui. Et il y a une panoplie de recommandations tout aussi importantes, à notre avis, les unes que les autres. D'abord, il faut assurer un perfectionnement des enseignants, notamment en leur facilitant l'accès à des stages en industrie; deuxièmement, introduire dans tous les programmes professionnels des stages obligatoires et crédités pour les élèves; troisièmement, promouvoir les études techniques auprès des étudiants et des étudiantes; quatrièmement, s'assurer que les collèges disposent des équipements suffisants pour offrir un enseignement adapté aux exigences d'aujourd'hui, que ce soit en les achetant ou en permettant d'aller les utiliser dans des industries - on connaît quand même les limites budgétaires du gouvernement - et, finalement, accélérer la révision des programmes qui est d'une lenteur excessive. Voilà.

Pour la cohabitation du secteur professionnel et du secteur général maintenant, il y a un certain nombre d'intervenants qui mettent en doute la nécessité de fusionner ces deux secteurs-là. Nous, on pense que cette cohabitation permet de favoriser une solide formation fondamentale et d'acquérir une bonne culture générale pour tous les étudiants. Si les étudiants du secteur professionnel n'avaient pas accès à tout ça, là, on risquerait de se retrouver devant des déficiences peut-être plus grandes que celles qu'on connaît aujourd'hui.

Et, finalement, il y a une harmonisation qui est à parfaire entre les deux secteurs. Tout n'est pas fait, loin de là. Nous pensons, au Collège, être assez avancés et nous avons adopté une orientation qui dit: Le Collège développera un enseignement basé sur la concertation entre les intervenants d'un même programme. On doit y travailler et nous avons l'intention d'y travailler.

Alors, nous recommandons à la ministre de maintenir la cohabitation, de s'assurer que les programmes du secteur professionnel permettent l'acquisition d'une solide formation fondamentale et d'une bonne culture générale, c'est essentiel, et d'améliorer, évidemment, les structures de coordination des programmes, tant à l'intérieur des collèges qu'à l'extérieur, dans le réseau, dans l'ensemble.

L'autre chapitre dont nous traitons, c'est la nouvelle mission pour les cégeps. Compte tenu des ressources humaines et matérielles très importantes dont disposent les cégeps, ils ont peu à peu été appelés à répondre aux besoins très grands qu'il y a, surtout dans les régions éloignées. Alors, chez nous, les besoins exprimés sont si grands que le Collège s'est donné une orientation dans ce sens-là qui se lit comme suit: Le Collège contribuera au développement régional, notamment en mettant au service du milieu les ressources humaines et matérielles dont il dispose. Ce concept de service à la collectivité est assez bien intégré au Collège. Il se manifeste

de plusieurs façons dans différents secteurs, que ce soient la culture, l'économie, le domaine social, etc.

Il y a une trentaine de programmes, on en fait état dans notre mémoire, qui ont été mis de l'avant pour réaliser cet objectif. Nous jouons le rôle de bibliothèque municipale dans notre milieu, les plateaux d'éducation physique sont ouverts à tous les gens du Collège, mais également à tous les citoyens de la région. Nous avons des prêts d'équipement, par exemple, aux industries; nous avons implanté un centre spécialisé avec la collaboration du ministère; nous avons travaillé à des projets de création d'entreprises, et j'en passe.

Plusieurs autres collèges, je pense, de plus en plus, ont des réalisations tout aussi importantes. Ces pratiques nous apparaissent suffisamment répandues maintenant pour que nous demandions à la ministre de modifier la loi des collèges afin de reconnaître le rôle des établissements en matière de recherche, d'aide technique et de support au milieu.

La gestion du réseau collégial. Quelques mots seulement pour vous dire, dans un premier temps - bon, je ne sais pas s'il y en a plusieurs qui ont répété ça - que nous sommes relativement satisfaits de la gestion de la Direction générale de l'enseignement collégial. Elle a adopté des politiques qui nous laissent, à notre avis, une bonne marge de manoeuvre et nous apprécions l'esprit de collaboration qui prévaut chez les fonctionnaires. Puis, quand on n'est pas d'accord, on le dit.

Dans un deuxième temps, nous déplorons les compressions budgétaires qu'il y a eu, c'est-à-dire que nous ne pourrons indéfiniment faire plus avec moins, et je pense que l'ère de la rationalisation achève. On est rendus un petit peu au bout du rouleau.

Et, finalement, nous aimerions, nous souhaiterions plus de rigueur dans la gestion des budgets au ministère, dans le sens que la planification, entre autres, devrait être améliorée. Nous recevons souvent, au mois de juin, des budgets qui devraient être envoyés dans les collèges... Écoutez, quand il y a des compressions qui s'additionnent avec ça, quand on veut travailler ensemble comme chez nous, ça crée des petites problématiques.

On suggère à la ministre de maintenir, tout au moins à son niveau actuel, parce qu'on connaît les restrictions du gouvernement et les difficultés, l'enveloppe des budgets de fonctionnement, de respecter scrupuleusement les délais prévus aux politiques budgétaires pour faire connaître aux collèges les ressources dont ils disposent annuellement, de mettre en place un mécanisme permettant d'effectuer une planification budgétaire pour trois ans au moins, à moyen terme - ça nous manque beaucoup; il n'y a pas une industrie qui se tient qui n'a pas un petit peu de vision, alors que nous, pour l'instant en tout cas, c'est impossible - et, finalement, de transférer en totalité dans les collèges l'enveloppe allouée pour les immobilisations et les transformations.

En terminant, on attire l'attention sur l'insuffisance, dans le contexte qu'on a décrit et les suggestions qu'on a faites surtout, des budgets de perfectionnement. Et, avec la venue d'un grand nombre de professeurs sur le marché du travail, tout à l'heure, ça va devenir catastrophique. Alors on suggère à la ministre d'augmenter considérablement l'enveloppe budgétaire allouée au fonctionnement et deuxièmement - et ça, ça concerne les collèges des régions - d'augmenter substantiellement les sommes déjà accordées aux collèges des régions pour pallier leur éloignement. Tous les coûts afférents - hébergement, transport, etc. - sont en constante progression et on n'arrive plus. On est défavorisés, à notre avis, par rapport aux gros collèges.

Conclusion. Tout au long de cette présentation trop rapide, nous avons fait état des progrès réalisés dans le cadre de la structure actuelle. Et on a essayé de démontrer qu'il y a moyen de faire des choses, même si tout n'est pas parfait. On pense que la vision qu'on vous a apportée témoigne d'une nette progression dans les collèges et d'une certaine maturité également.

Au moment de leur évolution, il nous apparaîtrait inopportun de procéder à un bouleversement des structures en place. Il y a, bien sûr, beaucoup d'amélioration, on le souligne, à apporter à la situation actuelle, et c'est dans cette perspective-là que nous avons fait nos recommandations. Nous espérons que le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science s'en inspirera largement pour consolider une structure qui, somme toute, à notre avis, est porteuse d'avenir. Alors, voilà.

La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. Lafleur. Vous avez la parole, Mme la ministre.

Mme Robillard: Merci, Mme la Présidente. Je voudrais saluer les gens du cégep de la région de l'amiante, et, d'entrée de jeu, M. Lafleur, vous dire que vous avez commencé en disant: Notre mémoire n'est pas percutant. Mais oui, il est percutant, votre mémoire.

M. Lafleur: Ah bien, tant mieux!

Mme Robillard: II est percutant parce qu'il démontre bien la réalité que vous vivez dans la région de l'amiante. D'ailleurs, on voit qu'il est le fruit d'une concertation que vous avez faite de toutes les instances au niveau du collège pour nous soumettre ce mémoire-là et, en plus, on découvre très rapidement, à la lecture de votre mémoire, que le Collège de la région de l'Amiante s'est donné un projet éducatif très précis, avec des orientations très précises, ce qui n'est pas le cas de l'ensemble des cégeps de la

province. Alors, je pense que vous avez toutes les raisons d'être fier de venir nous présenter vos réalisations dans la région de l'amiante.

Ma première question, si vous me le permettez, M. le président du collège, M. Morin, j'aimerais ça l'adresser au représentant des groupes socio-économiques de la région de l'amiante. M. Daigle, j'aimerais ça vous entendre parler. D'abord, vous êtes représentant de quel groupe socio-économique de la région de l'amiante? Et est-ce que le monde socio-économique a un message à nous livrer concernant le collège de votre région?

M. Daigle (Fernand): Mme la ministre, je représente non officiellement mais officieusement une table de concertation qui a été mise en place il y a quelques années, avant la tenue des sommets. C'est une préoccupation régionale et c'est là que, peut-être, ma présence... Parce que cette réussite de concertation qu'on a vécue chez nous, c'est parce qu'on avait un collège avec ses ressources humaines et, également, avec ses ressources physiques. Dans les régions, il faut continuellement compter sur nous-mêmes, en grande partie, pour assurer notre développement. Comme table de concertation, c'est social et économique. On avait fait travailler ensemble - c'est une expérience qui a été absolument fantastique - des comptables agréés avec des travailleurs sociaux. On a rarement l'occasion de travailler ensemble mais, là, tout le monde avait essayé de travailler ensemble pour établir des pistes de développement, si bien que, lorsque sont arrivés les sommets, notre région de l'amiante, on était prêts, on avait établi des pistes de développement. Et c'est, pour nous... Remarquez bien, moi, je peux peut-être vous donner un témoignage, parce que j'ai été témoin. (12 heures)

Au début, c'étaient des instituts. J'étais secrétaire du comité en vue d'avoir chez nous une institution au niveau collégial parce que, pour nous, le niveau collégial, c'est important. C'est une ressource, c'est des gens qui nous aident. Un comptable agréé, à Québec, c'est perdu dans la masse, mais, à Thetford, c'est important. Un professeur de cégep à Québec, ce n'est peut-être pas important, mais à Thetford, c'est drôlement important, surtout avec des gens qui s'impliquent comme on a vécu. Je peux vous en témoigner longtemps de ces choses-là parce que ça fait quand même 25 ans qu'on est des employeurs. Également, on peut avoir ces gens-là près de nous et leur dire un peu notre façon de penser des étudiants qui sortent de là parce que c'est des gens qu'on côtoie, qui sont chez nous. Je ne sais pas si ça répond à votre question, Mme la ministre.

Mme Robillard: Oui. Merci, M. Daigle. Maintenant, M. Lafleur, j'aimerais ça qu'on se parle du problème que vous avez soulevé d'har- monisation de la formation professionnelle. De façon particulière, vous le soulevez avec l'ordre d'enseignement secondaire. J'imagine que vous auriez pu faire de même aussi avec l'ordre d'enseignement universitaire, mais vous avez «focussé» de façon très précise sur l'harmonisation avec le secondaire, à savoir qu'il faut faire quelque chose là. Avant de parier de solutions avec vous, M. Lafleur, de par votre expérience dans la région, pourquoi, 25 ans plus tard, on a toujours ce problème d'harmonisation avec l'ordre d'enseignement secondaire, selon vous?

M. Lafleur: Bien, il y a deux choses. À mon sens, il y a d'abord une question de programme. L'étudiant qui réussit à faire le saut, qu'on accepte chez nous a des difficultés énormes parce que, dans toutes les matières fondamentales, je dirais, soit le français, les mathématiques, dont il a besoin pour réussir au collège, il est mal préparé, encore plus que les étudiants qui nous arrivent du secteur général. Deuxièmement, j'ai l'impression qu'il y a très peu de compatibilité entre les programmes qui s'enseignent, même que, dans les régions, les programmes qui s'enseignent au secondaire et au collégial sont souvent tout à fait différents, ne sont pas complémentaires nécessairement. Les résultats, c'est que, chez nous, il ne s'inscrit pas plus de trois, quatre et, les bonnes années, cinq étudiants en provenance du secteur professionnel. Je ne sais pas si c'est l'intérêt qu'on peut susciter pour les apprentissages ou les études chez ces jeunes-là, mais il y a un malaise que je ne saurais trop définir, sauf que ce qu'on peut constater, chez nous, c'est que le nombre d'étudiants qui passent du secteur secondaire au secteur professionnel a été infiniment petit et que les quelques étudiants qui ont, je dirais, cette chance-là, le mot est très mal choisi, parce que je veux vous dire qu'ils rencontrent une infinie kyrielle de difficultés. C'est tout ça, je pense, qu'il faudrait examiner. Nous ne sommes pas allés de façon pointue dans nos recommandations. On signale surtout des grands problèmes et on donne des pistes, croyant que le ministère a toutes les ressources pour être capable de préciser ses orientations parce que, dans le champ, pour nous, c'est très clair, ça ne marche pas.

Mme Robillard: Alors, vous cernez très bien le problème puis vous dites: Moyennant quelques modifications du système, peut-être qu'on pourrait essayer de régler ce problème. Vous le dites, vous n'êtes pas allés plus loin, mais essayons d'aller plus loin ensemble aujourd'hui, M. Lafleur...

M. Lafleur: D'accord.

Mme Robillard: ...parce que, de cette commission, il faudra dégager des pistes d'actions

et de solution très concrètes sur le terrain, et vous la vivez cette réalité-là sur le terrain. Est-ce qu'une des façons d'essayer d'harmoniser davantage avec ce qui se fait au secondaire, avec la formation professionnelle du secondaire - je pense que vous avez, de façon particulière, axé sur cette formation du secondaire - ce serait de moduler le D.E.C., le diplôme d'études collégiales, comme certains nous l'ont proposé, une certaine modulation du D.E.C., donc de le décortiquer en modules? Et, si on faisait ça, est-ce que le diplôme d'études professionnelles du secondaire ne pourrait pas être considéré comme un premier module ou une première étape? Est-ce que vous avez eu des échanges sur ça? Comment vous voyez ça?

M. Lafleur: Non, nous n'avons pas eu beaucoup d'échanges à ce sujet-îà, sauf que la Fédération des cégeps a proposé des recommandations qui vont dans ce sens-là. En tout cas, personnellement, je ne peux pas me prononcer au nom des gens qui sont ici parce qu'on n'en a pas discuté. Ça pourrait être une solution valable, mais ce que j'aurais tendance à vous dire comme ça, c'est qu'il faudrait d'abord que, pour les étudiants qui proviennent du secteur professionnel du secondaire, on améliore nettement toutes les matières de base pour leur permettre de s'intégrer au collège, ou encore il faudrait qu'au collège on mette sur pied des mécanismes d'entrée, comme on le suggère dans notre document, des cours d'appoint pour leur permettre, dans un temps relativement court, de s'intégrer avec les étudiants réguliers. Certains parlent de propédeutique. Je ne sais pas s'il faut aller aussi loin que ça, mais il va falloir tout à l'heure, je dirais, hausser le niveau des connaissances de ces jeunes-là pour qu'ils puissent accéder à un niveau supérieur.

Mme Robillard: Mais vous en faites déjà plein, de choses. Dans votre plan de réussite, c'est incroyable toutes les actions que vous posez, et vous avez des résultats, mais, en plus de ça, vous dites: II faut des mécanismes supplémentaires...

M. Lafleur: Oui.

Mme Robillard: ...en tant que tels, des moyens concrets. Est-ce que les professeurs qui vous accompagnent, par exemple, ou d'autres personnes pourraient avoir certaines idées sur ce sujet-là? Comment on pourrait faire ça? L'objectif est louable en soi. Moi, je voudrais bien qu'on l'atteigne, mais comment?

M. Lafleur: Peut-être M. Gagnon...

M. Gagnon (Claude): Quelques idées seulement, rapidement. Un premier aspect, c'est la connaissance de ces clientèles-là. C'est générale- ment les clientèles qui sont au secteur professionnel long, les clientèles dont la motivation pour les programmes scolaires à caractère académique est très faible. Les entrer au collège dans une approche à caractère strictement académique serait une erreur. C'est pourquoi, personnellement, je le dis au plan personnel, l'aspect d'une approche de type propédeutique pour les gens du secteur professionnel m'apparaît à analyser de façon importante. Nous devrions plutôt nous centrer vers l'ouverture de nos programmes professionnels en centrant, dans les premiers temps de la formation, les élèves sur la formation professionnelle qui les attire. Ce qui les attire, ces gens-là, c'est l'action concrète, c'est les laboratoires, c'est le travail sur des machines, c'est le travail en usine, c'est les visites industrielles. Et, jusqu'à maintenant, nos structures ne nous permettent pas d'aller très loin. Un premier commentaire.

Un deuxième commentaire, c'est celui de favoriser de façon très importante une revalorisation de l'enseignement professionnel très tôt chez ces gens, chez les gens du secteur professionnel long. Les moyens dont on dispose - j'entends pour les collèges des régions, à tout le moins - pour soutenir de façon adéquate l'information et la promotion de nos programmes auprès des clientèles spécifiques comme les clientèles du secteur professionnel, nous n'en avons pas, de moyens. Et il me semble qu'il faut faire germer chez cette clientèle l'idée de parvenir à des études postsupérieures beaucoup plus tôt. C'est inquiétant de voir comment nos Québécois n'aspirent pas aux études supérieures, comparativement à des jeunes de pays étrangers. Il y a des écarts incommensurables, très, très importants. C'est en termes de 25 % et 30 % de population. Il faut faire des efforts très nets là-dessus, et nous n'avons pas, dans les collèges, jusqu'à maintenant, les moyens de soutenir cet aspect-là. Il faudra penser en termes de préalables assouplis également et nous donner les structures pour le faire. Non seulement on est prêts à faire des choses là-dessus, mais les structures sont assez rigides pour les gens du secteur professionnel - j'entends les gens du secteur professionnel long. Ça m'apparaît être trois pistes, rapidement, qui nous donnent des directions concrètes dans lesquelles on pourra agir.

M. Lafleur: Mme la ministre, quand vous nous dites: Vous faites beaucoup de choses, pourquoi vous ne faites pas ça en plus? sous forme de boutade, je vous dirais qu'on a assez de misère à faire ce qu'on fait là que, quand vous nous demandez, sans ressources, d'en faire encore plus, je vous dirais qu'on commence à être essoufflés, et passablement.

Mme Robillard: Non, mon message n'était pas à cet effet-là, M. Lafleur. Peut-être qu'on

s'est mal compris.

M. Lafleur: Non, j'avais très bien compris. Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Robillard: Mon message était à l'effet...

M. Lafleur: Et je tenais à vous dire ça aussi. Ha, ha, ha!

Mme Robillard: ...que, de fait, vous en faites beaucoup, vous appliquez beaucoup de mesures au niveau de l'accueil et de l'intégration, mais que, malgré ces mesures-là, vous dites: II faut autre chose pour l'harmonisation. Et c'était...

M. Lafleur: L'écart est trop grand. (12 h 10)

Mme Robillard: ...dans cette optique-là que j'essayais d'avoir des éclairages supplémentaires de votre part.

Si nous abordions ensemble ce que vous développez dans votre mémoire concernant l'approche programme. Dans cette partie-là du mémoire, vous spécifiez qu'il y a un certain nombre d'intervenants qui nous disent que la structure départementale actuelle favorise le morcellement de l'enseignement. Certains intervenants disent ça. Par ailleurs, chez vous, au Collège de la région de l'Amiante, vous avez une orientation très claire qui porte sur la concertation interdisciplinaire, donc des professeurs d'un même programme. Vous avez une orientation spécifique qui vous engage, je pense, à poser des questions dans ce cadre-là. Alors, j'aimerais ça savoir comment ça se vit à la région de l'Amiante, et peut-être que j'aimerais ça entendre M. le représentant des professeurs, si vous pouviez nous en parler un peu, comment ça se vit cette concertation.

M. Bussières (Paul-Jean): Alors, il faut dire que l'esprit dans lequel on entrevoit l'approche programme, c'est un esprit qui est le compromis acceptable fait entre, d'une part, le total détachement de certains cours par rapport à des préoccupations de programme et, d'autre part, à l'autre limite, l'assujettissement. Alors, il y a des efforts de faits et il y en a encore à faire. C'est évident, c'est un travail... La concertation, on ne fait pas ça une fois et puis, après ça, on arrête. Il y a des efforts à faire, mais, au niveau des contenus, il y a une préoccupation, je pense, qui est présente chez les professeurs, d'adapter des parties de contenu qui conviendront mieux à certains types d'étudiants, entre autres choses.

Je pourrais peut-être citer un exemple qui me vient à la mémoire. Dans un cours de français donné - à l'époque on avait des groupes assez homogènes - en technologie minérale, à un groupe de technologie minérale, alors le prof avait pensé mettre «Germinal» de Zola. Alors, c'est une approche, c'est une façon. Vous allez me dire que c'est peut-être une bien maigre approche dans ce sens-là. Là-dessus je vous répète qu'il y a des choses à parfaire, mais disons qu'il y a une attitude assez positive de la part des profs, bien entendu, en autant qu'on ne va pas leur demander d'assujettir tout le contenu de leur cours. Il ne faut pas demander ça à un prof, il faut respecter sa liberté au niveau du contenu, mais il y a là-dessus des avenues envisageables.

Il faut dire aussi que, s'il y a un modèle qu'on souhaiterait exportable de ce collège-là, un modèle de fonctionnement, c'est peut-être le fait aussi que c'est une petite boîte, mais tout le monde a l'intérieur de ça participe aux projets de l'établissement. Tout le monde à ces projets-là à coeur. Et puis c'est dans ce sens-là qu'on peut arriver à une meilleure concertation dans bien des domaines, entre autres choses dans l'approche programme.

Mme Robillard: Alors, je comprends que votre effort de concertation, ça va jusqu'à essayer d'impliquer les profs qui donnent la formation générale - quand vous me citez l'exemple du français - à l'intérieur, donc une approche programme globale, y compris la formation générale en tant que telle. Et vous dites: Bon, il y a encore à faire, mais on a réussi à faire un bout de chemin quand même. C'est ce que vous me dites.

M. Bussières: Oui.

M. Gagnon: Mme la ministre...

Mme Robillard: Oui.

M. Gagnon: Je peux peut-être donner des exemples très pointus sur cette question de la façon suivante. Je pourrais affirmer que l'approche programme est pour nous une réalité au Collège depuis une dizaine d'années, pas parfaite, mais en implantation, selon une couple de principes. D'abord, respecter vraiment ce que sont les professeurs de chacune des disciplines qu'ils ont à porter à l'intérieur du programme. Une erreur importante dans l'approche programme me semblerait être de trancher au point de dire, finalement: La valeur de la discipline et l'importance du ressourcement des enseignants dans leur propre discipline, ça, ce n'est plus nécessaire étant donné l'approche programme. Ce serait une erreur grave, premièrement.

Deuxièmement, ce que nous avons fait dans les dernières années, c'est que nous avons centré le travail sur la définition du profil du technicien ou du diplômé que nous avons à former et la participation, l'identification par les enseignants, en concertation, pour définir ce que

c'est ce profil du diplômé, d'abord pour les professeurs, les départements porteurs de la spécialité, ensuite en collaboration avec les départements porteurs des cours de service et, éventuellement, avec une participation explicite des professeurs du curriculum, des cours obligatoires, français, philo et éducation physique, de bien déterminer leur apport de façon générale à l'ensemble des programmes. En faisant cela et en respectant l'apport de chacun, les rôles, nous avons réussi a progresser de façon très importante. Je ne veux pas avancer très longuement ici, mais je pourrais vous donner des exemples au moins en termes de dizaines, y compris le beau programme des sciences humaines.

Mme Robillard: Je trouve ça intéressant, si vous dites que vous l'expérimentez, l'approche programme, depuis 10 ans, et vous dites, ce que je retiens, c'est que le département disciplinaire a toujours aussi sa place. Vous axez sur le besoin de ce regroupement-là en matière de perfectionnement, par exemple, des profs, si j'ai bien saisi. Mais vous dites: C'est toujours aussi important dans l'organisation.

M. Gagnon: C'est important, oui... Excusez.

Mme Robillard: M. le professeur, vous êtes d'accord avec ça?

M. Bussières: Oui. Que la notion de département soit tout à fait importante, oui. C'est le lieu, de fait, c'est l'exercice même de la collégialité, et, de cette façon-là, on est en mesure de mieux déterminer des objectifs de département. Et, chez nous, c'est comme ça que ça se vit.

Mme Robillard: O.K.

La Présidente (Mme Hovington): M. le député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: Je suis très heureux de vous saluer. Je tiens à vous dire que je suis loin d'être certain qu'on serait ici à réévaluer l'avenir des collèges si chacun des collèges du Québec était imprégné ou vibrait aux mêmes réalités que le vôtre. Ce n'est même plus une flatterie, suivant ce que vous nous avez dit. D'ailleurs, c'est une présentation très rafraîchissante, un contenu rafraîchissant, concret, positif. Moi, quand je vois les documents d'accompagnement, et ce n'est pas parce que je les vois là, c'est beau, sincèrement, de voir qu'un collège a décidé de poser des gestes concrets pour corriger des lacunes, des choses qu'il a observées.

Alors, moi, je pense qu'un mémoire qui loge à l'enseigne de mettre l'emphase sur des mesures d'encadrement, parce que c'est une mesure sur laquelle vous avez insisté, et je vais y revenir, qui nous fait des recommandations sobres, mais tellement claires, tellement précises, tellement justes par rapport à la réalité d'un tas de choses que nous avons entendues, on ne peut que se réjouir, sincèrement. C'est pour ça que je ne veux pas que vous atténuiez la présentation de votre mémoire, tantôt. Vous avez un bon mémoire. Il est précis, concret. En tout cas, moi, si j'étais ministre, je m'en inspirerais largement, pas dans toutes ses dimensions, et on y reviendra.

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix:...

M. Gendron: Non, j'ai dit: Si j'étais.

Une voix:...

M. Gendron: M. le sénateur, dérangez-nous pas, M. le sénateur.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gendron: Alors, très sérieusement, première question. Quand vous avez affirmé qu'il y a lieu de mettre l'emphase davantage sur des mesures d'encadrement et des activités de support aux élèves - et vous le prouvez, entre autres, par certains de vos documents d'accompagnement - afin de favoriser l'accessibilité, mais également de maximiser la réussite scolaire, je trouve que c'est fondamental. Il n'est pas tout de les avoir, il faut les garder, puis il faut qu'ils réussissent. Il faut avoir des objectifs de réussite. Et là vous avez énoncé, à la page 4 de votre mémoire, quelque chose qui nous a appelés, nous autres, à écrire de notre côté: Très bien, très correct. Vous avez eu toutes les étoiles qu'on avait à notre disposition. C'est une image, évidemment.

Je dis: C'est tellement correct ce qu'ils font que j'aimerais être éclairé davantage rapidement sur chacune. Quand vous dites, par exemple... Vous parlez de mesures de transition entre le secondaire et le collège. J'aimerais ça, juste une seconde: C'est quoi?

Évaluation globale de mi-session pour les élèves de première année. Ah! je dis que c'est intelligent, parce qu'ils se rendent compte que c'est surtout en première session puis en première année qu'il y a des drames. J'aimerais ça que vous me disiez, en deux ou trois phrases, comment vous faites ça, comment ça s'articule ça, puis comment c'est appliqué. Est-ce que c'est appliqué à tous les élèves ou juste dans des programmes?

Politique pour contrer les abandons scolaires. C'est quoi votre politique pour les contrer? J'aimerais ça être capable de l'apprécier un peu plus. Vous avez évoqué que vous faites ça, puis je comprends que vous ne pouvez pas le détailler, mais j'aimerais ça quelques phrases.

M. Lafleur: Écoutez, les mesures de transition, par exemple, dont on parle, c'est qu'on vient, peut-être un peu trop tard malheureusement, de mettre en place trois cours de français pour mettre à jour les gens. C'est des cours de mise à niveau dans lesquels - je ne sais même pas si on a le droit de le faire - des étudiants qui ont leur diplôme, soi-disant, qui ont les succès voulus, sont obligés...

M. Gendron: Juste une seconde.

M. Lafleur: Oui.

(12 h 20)

M. Gendron: Si ça donne des bons résultats chez vous, probablement que vous n'avez pas le droit de le faire, mais continuez!

M. Lafleur: En français, disons qu'on est en train de travailler, parce qu'on a une petite lacune de ce côté-là. Mais les mesures de transition sont au niveau des mathématiques, de la chimie, du français. On songe à avoir d'autres cours d'appoint l'an prochain.

Au niveau de l'évaluation de mi-session, c'est assez simple. Chaque professeur est amené à identifier les trois, quatre, cinq ou six étudiants qui risquent d'avoir un échec et il remet à l'aide pédagogique, à un des deux aides pédagogiques - ça dépend du secteur - les noms de ces étudiants. Les aides pédagogiques font une compilation et tous les étudiants de première année - on ne fait pas ça pour tout le monde -de première session qui sont en voie de courir vers un échec sont rencontrés individuellement. Il n'y a rien de plus simple que ça.

Quant aux politiques pour contrer les abandons, écoutez, ce n'était pas tellement majeur. On a fait baisser les abandons à 2 % l'an passé, 2 % l'année d'avant aussi avec ça. C'est que l'étudiant ne peut plus, chez nous, abandonner un cours comme ça. Il doit remplir une fiche, expliquer pourquoi, rencontrer son professeur. Son professeur essaie de le convaincre de... Écoutez, il n'y a rien de spectaculaire. Je pense que ce qui fait...

M. Gendron: Mais c'est pour ça qu'on veut vous entendre. C'est que, souvent, ce n'est pas dans le grand spectaculaire.

M. Lafleur: Ce sont toutes des petites mesures. Certaines nécessitent plus d'investissements que d'autres, je parle tant d'investissements humains que d'investissements financiers, mais il n'y a rien de très spectaculaire. Je pense que l'ensemble de ces mesures font que tout le monde joue un petit rôle par rapport à ci ou à ça. Par exemple, on parlait tantôt d'analyse de dossiers ou d'encadrement. Écoutez, l'étudiant, avant même d'arriver chez nous, il y a quelqu'un qui a examiné son dossier et tous les étudiants qu'on qualifie à risque, le nom est acheminé au professeur qui dirige la classe dans laquelle ils seront intégrés. Et, déjà, avant même que les étudiants n'arrivent, le professeur, je dirais, les a à l'oeil et peut les supporter, les aider. En fait, il n'y a rien de magique là. C'est aussi simple que ça.

M. Gendron: Merci. C'est clair. Dans votre dernière section que vous avez appelée le chapitre VIII de votre mémoire, vous abordez la question de la gestion du réseau collégial. Vous avez même dit, lors de votre présentation... Je ne sais pas s'il y en a d'autres qui ont abordé ça, sûrement pas dans les termes que vous l'avez abordé, parce que vous étiez probablement un des rares groupes à vanter les mérites des politiques du ministère, politiques, vous, que vous jugez passablement décentralisées, vous laissant une bonne marge de manoeuvre. Alors, moi, un petit peu à la blague, mais pas nécessairement, j'ai dit: De deux choses l'une: ou bien ils ne sont pas membres de la Fédération des cégeps ou ils n'ont pas de contact avec la Fédération des cégeps - et ce n'est pas péjoratif contre la Fédération des cégeps nécessairement, je m'expliquerai dans une seconde - ou, une chose est sûre, ils n'ont aucun contact avec le président du MEP, M. Yvon Robert, le Mouvement pour l'enseignement privé. Selon son mémoire, lui là, écoutez, ce n'était pas drôle les politiques du ministère. Mais c'est un peu à la blague. Mais plus sérieusement, vous croyez, vous, effectivement que les collèges disposent de cette marge de manoeuvre au niveau des programmes, au niveau de la capacité d'être en mesure d'apporter les correctifs qui sont requis selon votre vision des choses.

Dans le fond, je sens que vos récriminations sont davantage au niveau du financement. Vous dites: On est serrés. Il y a eu assez de coupures. On n'a plus de marge de manoeuvre. C'est davantage dramatique pour ces collèges dits des régions éloignées parce qu'il y a plus de coûts à assumer, d'après moi. Sur le financement, c'est quoi qui vous fait le plus mal actuellement dans les mesures de financement?

M. Lafleur: Ce sont les coupures qu'on doit subir d'une année à l'autre. C'est-à-dire qu'on est de plus en plus conscients des besoins, on met de plus en plus de mesures pour essayer de corriger les lacunes, mais, en même temps, on a de moins en moins de financement, alors que la DGEC et la ministre, avec raison, nous demandent de performer davantage, mais, à un moment donné, il y a un équilibre qui ne se fait plus tout simplement.

Quant à la marge de manoeuvre dont on parle dans notre document, écoutez, peut-être qu'on manque d'imagination chez nous. Je vous dirais que jusqu'ici il n'y a pas grand-chose qu'on aurait voulu faire et qu'on n'a pas pu réussir à faire depuis plusieurs années. Bien sûr

qu'on n'a pas toute la marge de manoeuvre dans les programmes. D'ailleurs, on suggère de changer les mécanismes de révision, d'adapter les programmes, mais c'est peut-être trop lourd, ce genre d'opérations, pour un petit collège comme nous. Nous, on ajuste nos programmes, mais on s'est efforcés jusqu'ici de les évaluer. Je peux vous dire que, l'an dernier, il y a deux programmes à l'enseignement professionnel qui ont été évalués. Tous les programmes en enseignement général l'ont été. Cette année, ils le seront encore. L'enseignement général, tous nos programmes vont être réévalués et on va avoir trois programmes à l'enseignement professionnel. Et rien que ça, là, ce qui nous permet de faire des petits ajustements par la suite, corriger nos lacunes, donner du perfectionnement pour régler tel problème, ça nous occupe suffisamment. Et je vous dirais que, dans le choix des moyens pour parvenir à un certain succès, il n'y a personne, au ministère, qui nous empêche de travailler. Ça, je peux vous assurer de ça.

M. Gendron: Dans le volet plus lent du financement, vous n'avez pas touché l'aspect de la gratuité ou les frais de scolarité au collégial. Rapidement, j'aimerais avoir un avis. Qu'est-ce que vous en pensez? Est-ce que vous croyez qu'on devrait imposer des frais de scolarité au collégial ou une espèce de limite à quelque part? Parce qu'il a été question... Plusieurs ont évoqué un ticket modérateur pour ceux qui ont plus de difficultés à obtenir leur diplôme dans les délais impartis. C'est quoi votre opinion, vous, là-dessus?

M. Lafleur: Bon. Alors, je pense pouvoir refléter l'opinion du groupe. On ne s'est pas étendus sur le sujet, sauf qu'on l'a abordé et on a identifié comme un facteur d'accessibilité au secondaire la gratuité scolaire. Et, lorsqu'on a parlé de frais modérateurs, par exemple, pour les étudiants qui traînent en longueur au collège, la plupart des gens, je dirais, n'ont pas fait état de problèmes métaphysiques extraordinaires, sauf qu'on n'a pas pris de résolution dans ce sens-là. Mais, en général, comme tous les gens qui sont intéressés à l'accessibilité, on pense que la gratuité scolaire, c'est quelque chose d'intéressant. Je vous dirais même qu'à l'égard de l'éducation des adultes, si vous allez voir nos recommandations, on dit: D'améliorer les mesures de financement pour les adultes. On y a pensé, de mettre la gratuité scolaire, mais on s'est dit: Est-ce qu'on a les moyens? On s'est posé la question et, comme on ne le savait pas, on a préféré s'abstenir. Mais je vous dirais qu'idéalement, nous autres, la gratuité, on est pour ça, dans tout et pour tout.

M. Gendron: Je sais bien que, quand même, vous avez des connotations financières importantes. Je vous lis: «D'augmenter considérablement l'enveloppe budgétaire - ça finit par du fric ça - allouée au perfectionnement et de la décentraliser». ce n'est pas un reproche, mais il y a du coût là-dedans.

M. Lafleur: Regardez comme il faut tous les secteurs où on a dit d'augmenter considérablement, vous allez voir qu'à la fin, ça ne fera pas si épais que ça, parce que les budgets de perfectionnement, les augmenter considérablement, ce n'est pas ça qui va ruiner la province.

M. Gendron: Ça ne devrait pas...

M. Lafleur: Non.

M. Gendron: ...parce qu'on part de loin.

M. Lafleur: Parce qu'on part de loin, voilà.

M. Gendron: Non, non. Je suis conscient..

M. Lafleur: Et là où on a parlé d'augmenter considérablement, c'est dans des secteurs où on part de loin.

M. Gendron: Je me rappelle de ça, j'ai déjà eu une collègue qui a été élue avec deux voix de majorité. On lui demandait de doubler sa majorité et elle ne tombait pas à terre. J'étais d'accord.

M. Lafleur: Ha, ha, ha!

M. Gendron: J'aurais une autre question. Il y en a plusieurs qui sont venus nous dire ici que, pour augmenter le niveau de réussite, il y aurait lieu d'avoir un nombre d'unités-cours réussis au diplôme d'enseignement secondaire plus important. La fourchette est trop... Il y a trop de différence et la base est trop faible. J'aimerais tout simplement avoir un avis de votre part, puisque vous êtes très concret, très pratique. Et je parle toujours du Collège, même si c'est vous qui en êtes le porte-parole, parce qu'on sent que ce Collège-là a vraiment pris des dispositions à plusieurs égards pour améliorer un paquet d'affaires. Alors, j'aimerais savoir si vous avez réfléchi là-dessus. Est-ce que vous croyez qu'un rehaussement du nombre d'unités du D.E.S. contribuerait effectivement à maximiser la réussite scolaire? (12 h 30)

M. Lafleur: Bon, écoutez, je sais, un peu comme tout le monde, que les étudiants qui nous proviennent du secondaire n'ont pas tous le même nombre d'unités d'acquis. On n'a pas chez nous d'étude, en tout cas à ma connaissance, qui a fait une relation entre le nombre d'unités et le succès, sauf qu'on se rend compte que... En tout cas, un grand nombre d'étudiants - est-ce parce qu'ils n'ont pas suffisamment acquis d'unités ou pas? - nous arrivent avec des problèmes absolu-

ment considérables quant à la capacité de s'exprimer en français, surtout sur le plan écrit. Les méthodes de travail, souvent, sont déficientes à en faire dresser les cheveux sur la tête, ce qu'il me reste, personnellement. Il n'y a aucune rigueur intellectuelle qu'on a réussi à amener. On n'amène pas les étudiants à être capables de faire preuve de rigueur et il y a - c'est peut-être un jugement de valeur très fort, mais on l'a dit là-dedans - une paresse intellectuelle incommensurable qui fait qu'il va falloir tantôt amener les étudiants à travailler. Chez nous, en tout cas, ça, c'est réglé. Et peut-être que ça baissera - oui, on le dit là-dedans, d'ailleurs - nos taux de réussite au Collège. Mais je pense qu'il ne faudrait surtout pas qu'on reprenne certaines expériences vécues ailleurs au niveau collégial. Ce n'est pas tout de décider que 88 % ou 90 % des étudiants réussiront. Ça, c'est facile, l'ordinateur peut se charger de ça, mais leur donner ce qu'il faut, ça, c'est important et, chez nous, c'est ce qu'on veut faire.

M. Gendron: En tout cas, je vous félicite à mort pour ça, les orientations du Collège...

M. Lafleur: Oui.

M. Gendron: ...vous avez une politique d'évaluation.

M. Lafleur: Oui, mais je vous dirais que les orientations du Collège, ce n'est pas un travail de génération spontanée. C'est la deuxième version. La première version a été élaborée en 1981, et je vous dirais que, même pour reprendre la deuxième, ça a été un travail extrêmement considérable. On a travaillé sur ça pendant un an, en consultation, reconsultation, et tout le monde est d'accord avec ça chez nous, de même qu'avec la politique d'évaluation, mais la politique d'évaluation se fait strictement dans une perspective positive. Je vous dirais même que les enseignants des départements qu'on évalue sont invités - et ils le font, d'ailleurs, ils acceptent l'invitation - à venir préparer les formulaires d'évaluation qu'on envoie aux étudiants et aux industriels. Ils reçoivent les résultats lorsque les résultats nous sont retournés et c'est avec eux, en collégialité, je dirais, qu'on adopte des moyens pour essayer de pallier aux difficultés qu'on rencontre, et elles sont nombreuses encore. On n'a pas réglé tous les problèmes à cause de ça.

M. Gendron: Merci. Moi, je suis très heureux de votre présentation, de la façon dont vous l'avez faite, et il y a là, dans vos suggestions, énormément d'éléments sur lesquels... Moi, j'aimerais que les décisions, quand elles seront prises, si elles sont prises, prennent en compte les choses que vous avez évoquées. Parce qu'il y a du concret, il y a du pragmatique, il y a du réalisme et, comme vous dites - vous l'avez dit à trois ou quatre reprises - vous n'avez pas eu besoin de réinventer les boutons à quatre trous. Souvent, il s'agit juste d'un peu d'effort, mais il faut être conscient que ça prend de l'organisation, de l'encadrement et des balises; vous en avez. On ne peut pas nager toute sa vie dans le flou. Merci.

La Présidente (Mme Hovington): Mme la ministre, en conclusion.

Mme Robillard: Oui. M. Comtois, je veux vous remercier personnellement, comme président du conseil d'administration, d'être venu avec toute votre équipe. Malheureusement, on n'a pas eu le temps d'aborder la coopération, je pense, d'autres personnels aussi qui sont très importants à l'intérieur des murs d'un cégep, les cadres, avec M. Patoine et Mme Leblanc. Mais sachez que votre mémoire a été lu par tous les membres de la commission et que nous avons fortement apprécié votre témoignage.

La Présidente (Mme Hovington): Je peux vous dire, M. Lafleur, qu'on a la preuve vivante ici, avec nous, que vous avez une qualité dans la formation dans votre collège en la personne de Mme Bolduc, qui travaille avec nous, ici...

M. Lalfeur: Bien oui!

La Présidente (Mme Hovington): ...et qui a été formée à votre collège, et qui est la preuve que vous performez bien.

M. Lafleur: Alors, félicitations pour le choix de vos employés.

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (mme hovington): alors, la commission suspend ses travaux jusqu'à cet après-midi, 14 heures, en vous remerciant d'être venus.

(Suspension de la séance à 12 h 34)

(Reprise à 14 h 5)

La Présidente (Mme Harel): Veuillez prendre place, s'il vous plaît. Je déclare la séance de la commission de l'éducation ouverte, et je rappelle le mandat de la commission, qui est de procéder à des auditions publiques sur l'enseignement collégial québécois. J'inviterais immédiatement la Centrale de l'enseignement du Québec et la Fédération des professionnelles et professionnels des collèges et des universités à présenter leur mémoire. Peut-être, Mme Pagé, pourriez-vous nous présenter les personnes qui vous accompagnent?

Centrale de l'enseignement du Québec (CEQ) et

Fédération des professionelles et professionnels

des collèges et des universités (FPPCU)

Mme Pagé (Lorraine): Sûrement, Mme la Présidente. Alors, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, les personnes qui m'accompagnent sont, à partir de mon extrême gauche, M. Jacques Pétrin, vice-président de la Fédération du personnel de soutien; M. Réal Trottier, président de la Fédération des enseignantes et enseignants des cégeps; immédiatement à ma droite, M. François Beauregard, conseiller à la CEQ; Mme Carole Demers, présidente de la Fédération des professionnelles et professionnels des collèges et des universités; et M. Philippe Arien, vice-président de la même fédération.

Étant donné que vous avez lu notre mémoire, je me limiterai à vous indiquer l'esprit général du mémoire de la CEQ et à attirer votre attention sur certains points que nous jugeons particulièrement importants. Par la suite, M. Trottier présentera le bloc concernant la tâche d'enseignement. Sa présentation sera suivie de celle de M. Pétrin traitant du personnel de soutien, et Mme Carole Demers présentera, par la suite, le mémoire préparé par ia Fédération des professionnels. Je conclurai avec quelques considérations qui débordent de l'enseignement collégial pour toucher l'ensemble de notre système d'éducation, puisque j'ai la chance de faire affaire avec une ministre qui chapeaute l'ensemble du réseau. Nous nous considérons d'autant plus autorisés à le faire, comme vous le savez, que la CEQ est la seule organisation syndicale qui représente toutes les catégories de personnels de l'éducation, du préscolaire à l'université.

D'entrée de jeu, je tiens à vous affirmer que nous prenons clairement partie pour la préservation des cégeps et des principes qui sont à la base même de l'éducation publique québécoise: la gratuité, l'accessibilité et la réussite éducative du plus grand nombre. Mais, quand je dis préserver les cégeps, cela ne signifie pas se cramponner au statu quo, bien au contraire. Nous reconnaissons que la réalité a changé depuis 25 ans et que des correctifs s'imposent. Tout en misant sur des acquis, notre attitude en est donc une d'ouverture aux changements, changements nécessaires pour mieux répondre aux besoins d'aujourd'hui et de demain. Quand on fait le choix des cégeps, il faut faire en même temps le choix de leur évolution.

Par la formation fondamentale qu'ils dispensent, les cégeps représentent un lieu de transition important entre la formation de base du secondaire et la formation plus spécialisée dans les universités. Les cégeps sont aussi, pour les jeunes, des lieux d'évolution dans leur développement personnel et de maturation dans leur choix professionnel. Ils sont aussi, on est parfois portés à l'oublier, des lieux de culture, de même que des partenaires importants dans le développement socio-économique des régions. Autant de raisons qui, selon nous, militent en faveur du maintien et de la consolidation du réseau des cégeps.

Néanmoins, le nouveau contexte créé par d'importantes mutations sociales, économiques, technologiques et autres exige que le monde de l'éducation adapte son organisation, ses pratiques et ses stratégies. Dans un monde de changements rapides et fréquents, la polyvalence paraît de plus en plus nécessaire. Tout nous porte à croire que cette capacité d'adaptation aux changements sera de plus en plus exigée par le marché du travail, ce qui, à notre avis, donne une nouvelle légitimité à la polyvalence qui est recherchée depuis l'origine des cégeps par la coexistence du secteur général et du secteur professionnel. Selon nous, il ne faut pas, non seulement maintenir la polyvalence, elle doit être renforcée. Un des moyens de favoriser cette polyvalence, c'est de maintenir l'existence d'un tronc commun de cours obligatoires pour l'obtention d'un diplôme, tant au secteur professionnel qu'au secteur général. Faut-il réaménager le tronc commun? Si oui, comment faudrait-il procéder? Cela fait partie du débat sur le curriculum, j'y reviendrai en conclusion.

Dans un contexte où le diplôme d'études collégiales devient une exigence de qualification pour un nombre croissant d'emplois, il faut inciter les jeunes à poursuivre leurs études le plus longtemps possible. La gratuité à l'enseignement collégial, toute relative qu'elle soit, visait à l'origine à assurer cette égalité des chances, cette égalité d'accès aux études postsecondaires. Abandonner cette approche, cette mesure stratégique, comme d'aucuns l'ont suggéré, ne pourrait que freiner le mouvement de scolarisation que l'on souhaite au contraire voir relancer. (14 h 10)

Comment par ailleurs convaincre les jeunes de trouver un meilleur équilibre entre travail rémunéré et études si on leur refile une facture supplémentaire? La contribution la plus remarquable des cégeps à la société québécoise est sans aucun doute d'avoir élargi l'accès à l'enseignement supérieur. Même si des inégalités persistent toujours, dans l'ensemble, la démocratisation de l'accès au savoir est incontestable. Mais le taux d'accès au cégep, qui a atteint 60 % d'une génération en 1988, a chuté légèrement depuis; il est de l'ordre de 57,9 %. Il faut déplorer que les institutions ne semblent plus poursuivre avec la même vigueur l'objectif de démocratisation. La publication des indicateurs de performance des cégeps, alors qu'on leur impose de nouvelles compressions qui se traduisent par une réduction des fonds alloués à l'aide à l'apprentissage, n'y est sûrement pas étrangère. On ne juge plus les cégeps sur les efforts qu'ils déploient pour combler les lacunes des étudiantes et des étudiants, mais plutôt sur la qualité des

dossiers scolaires à l'entrée.

Il faut se rappeler trois choses. Au Québec, la scolarisation secondaire des jeunes se termine un an plus tôt qu'ailleurs au Canada. Deuxièmement, le dénominateur commun des jeunes en chômage, c'est l'insuffisance de la scolarisation. Et, troisièmement, nous n'avons pas encore, comme collectivité, rattrapé tous nos retards en matière d'éducation.

Le Conseil supérieur de l'éducation a souligné l'écart de 11 % qui persiste entre le taux d'accès des francophones, 61 %, et celui des anglophones, à 72 %. La CEQ considère qu'il n'est pas démesurément ambitieux pour l'ensemble du peuple québécois de viser le taux d'accès déjà atteint par sa communauté anglophone. Nous proposons donc à la commission de retenir l'objectif de 72 % d'accès à l'enseignement collégial d'ici une dizaine d'années et d'inviter la population québécoise à se mobiliser autour de cet objectif.

Mais ce n'est pas tout d'entrer au cégep, encore faut-il en ressortir avec un diplôme. En ce moment, sur 100 jeunes qui accèdent au cégep, à peine 60 persévèrent et obtiennent un diplôme. Il faut accroître de manière significative le taux de réussite. Ce que nous proposons, c'est de viser à la fois la démocratisation, la qualité de la formation et la réussite; rien de moins. On n'a pas les moyens de faire moins, d'ailleurs. Il s'agit de maintenir ouvertes les portes de l'enseignement supérieur et d'investir les sommes nécessaires au soutien pédagogique des élèves qui en ont besoin. Les cégeps doivent offrir un support pédagogique plus personnalisé, qui tienne compte des acquis et des besoins différents des clientèles jeunes, mais également des clientèles adultes qui sont de plus en plus hétérogènes. Pour favoriser la réussite éducative, nous croyons qu'il est impératif d'introduire plus de cohérence dans les programmes de formation. S'il demeure toujours pertinent de confier l'enseignement de chacune des disciplines à des spécialistes, il faudrait faire en sorte que les spécialistes, tant en formation générale que dans l'enseignement professionnel, ainsi que les autres catégories de personnels concernées - je pense ici particulièrement au professionnel, mais aussi au soutien - doivent définir ensemble les objectifs de formation, harmoniser leurs interventions et assurer le suivi des étudiantes et des étudiants dans leur cheminement à l'intérieur des programmes. À cette fin, tout en maintenant les structures départementales, nous favorisons l'implantation de l'approche programme. Cette approche est très exigeante. Elle peut s'implanter de façon durable dans le réseau collégial à la condition qu'on fasse reposer son développement sur l'autonomie, l'initiative et la créativité des équipes de travail. L'approche programme devra également reposer sur la constitution d'équipes stables, soucieuses de s'engager professionnellement, ce qui n'est pas compatible avec la précarité d'emploi qui est le lot d'une proportion croissante du personnel. Dans un monde où la technologie est omniprésente, où la croissance économique est largement dépendante du progrès technologique, jamais le Québec n'a réussi à qualifier plus de 22 % d'une génération en formation professionnelle. C'est moins, beaucoup moins que ce que l'on peut observer dans d'autres pays qui affichent de meilleures performances économiques. Il faut donc que le gouvernement adopte un plan structuré de revalorisation de la formation professionnelle, qui vise, d'une part, à hausser le recrutement et, ensuite, à accroître le taux de réussite scolaire dans ce secteur. Il faut qu'un plus grand nombre de jeunes acquièrent une formation professionnelle qualifiante, polyvalente, reconnue, favorisant la mobilité d'un programme à l'autre et permettant le passage à l'université.

Quant au resserrement entre le milieu de l'éducation et le monde du travail, il peut contribuer à la revalorisation de la formation professionnelle dans la mesure où certaines conditions seront respectées, particulièrement la préservation de l'autonomie des institutions d'enseignement. Les entreprises pourraient jouer un rôle complémentaire à celui des institutions publiques dans la formation professionnelle, par exemple, en s'ouvrant davantage aux différentes formes d'alternance études-travail ou aux stages en entreprise.

Au moment où les nouveaux besoins devraient nous inciter à un élargissement de la mission de l'éducation des adultes, celle-ci paradoxalement se rétrécit sous l'effet des politiques de main-d'oeuvre et des programmes de financement. Ces derniers restructurent l'offre de formation en fonction des besoins à court terme des entreprises, au détriment des besoins et des attentes des personnes. Nous ne sommes pas les seuls à déplorer le fouillis administratif. Le Conseil des collèges, au début, au terme d'une étude de deux ans, a conclu qu'il est impossible de dresser un portrait précis de la situation et la Fédération des cégeps estime, pour sa part, que plus de la moitié des budgets de formation professionnelle des adultes est absorbée par la gestion administrative, au détriment des services à la clientèle. Il y a donc une urgente nécessité de procéder à une réorientation en profondeur des services d'éducation des adultes.

Depuis plusieurs années, la fédération patronale des cégeps réclame, au nom des établissements du réseau public, une plus grande marge d'autonomie dans la gestion des cégeps. En fait, depuis une dizaine d'années, les cégeps ont bénéficié d'une certaine décentralisation. Mais il faut réussir à concilier les principes d'accessibilité, de démocratie et d'équité entre les établissements avec les exigences d'efficacité du système. C'est, selon nous, la question principale. Il faut éviter toute forme de décentralisation qui se traduirait, par exemple, par l'instauration de

politiques plus sélectives dans les cégeps.

C'est ainsi que, tout en préconisant la contribution des entreprises au financement de la formation professionnelle, nous nous opposons à des contributions privées aux établissements. Nous favorisons plutôt la levée d'une taxe spéciale auprès des entreprises - qui existe en Europe et qui apparaîtra bientôt aux États-Unis - taxe dont les revenus seront partagés en fonction de critères liés aux coûts de la formation professionnelle dans les différentes institutions scolaires. Nous sommes, par ailleurs, favorables à l'accroissement de l'autonomie des cégeps dans la détermination des contenus de programmes au secteur professionnel et à la gestion de l'éducation des adultes. Et nous pensons aussi qu'il devrait y avoir une décentralisation de tous les fonds de perfectionnement vers les cégeps.

Un autre sujet dont il a été question, c'est l'évaluation. Nous reconnaissons la nécessité d'une évaluation de la formation dispensée par les cégeps. La mise en place de mécanismes d'évaluation internes est relativement récente, et il n'existe pas de mécanismes d'évaluation externes. La CEQ a déjà donné son accord à l'évaluation institutionnelle portant sur les programmes. Dans la mesure où elle est pratiquée adéquatement, cette évaluation permet une analyse en profondeur des facteurs positifs ou négatifs qui expliquent le bon ou le mauvais fonctionnement d'un programme et elle permet d'apporter des correctifs. Malheureusement, faute de ressources, cette politique d'évaluation, qui est pourtant prometteuse, connaît de sérieuses difficultés.

Par ailleurs, au-delà de l'évaluation interne, la CEQ partage la conviction que les collèges publics, qui relèvent de la responsabilité de l'État et du financement des contribuables, doivent avoir une gestion transparente et rendre compte de la qualité de la formation qu'ils offrent. Nous sommes donc favorables à une évaluation externe. Nous croyons que la solution n'est pas l'imposition d'examens nationaux. Nous optons plutôt pour la création d'un organisme externe et neutre d'accréditation.

Je reviendrai à la fin sur la question du curriculum. Je cède maintenant la parole à M. Réal Trottier qui vous présentera le point de vue des enseignantes et des enseignants. (14 h 20)

M. Trottier (Réal): Mme la Présidente, je dois d'abord dire que les enseignantes et les enseignants de cégep que je représente ont pris très au sérieux l'exercice auquel ils ont été conviés, et que les propositions contenues dans ce mémoire, dans la mesure où elles les concernent, ont été discutées et ont fait l'objet d'une importante consultation. Je dois dire, ensuite, que toute cette réflexion s'est faite dans un esprit d'ouverture aux changements et avec l'objectif de proposer des solutions aux problè- mes identifiés. Ainsi, j'aimerais soumettre à votre attention deux questions qui, relatives à la condition enseignante, nous semblent des plus importantes. En premier, je vous présenterai nos propositions concernant la tâche d'enseignement et, ensuite, celles concernant l'importante question de la relève des effectifs enseignants.

À propos de la tâche d'enseignement, il convient tout d'abord de faire quelques constats. Les cégeps ont 25 ans. Au fil de toutes ces années, sont intervenus des changements majeurs en ce qui a trait à la population étudiante, aux besoins de la société, à l'état des connaissances, de la culture et des technologies. Or, ces nouvelles réalités, comme on le conçoit aisément, n'ont pu être prises en considération lors de l'implantation du réseau collégial, mais leurs impacts, nombreux et souvent imprévisibles, ont eu comme conséquence d'exiger, de la part des enseignants, qu'ils s'adaptent à ces nouvelles réalités, qu'ils revoient le contenu des cours, qu'ils participent à la refonte des programmes, qu'ils étudient, expérimentent, implantent l'approche programme ou l'évaluation des enseignements, sans parler de tout le travail qu'ils ont investi dans des mesures d'encadrement, de mise à niveau et de service d'aide qu'a nécessitées la diversification croissante de la population étudiante et de ses besoins. Tout cela, bien sûr, en sus des tâches d'enseignement proprement dites Or, Mme la Présidente, la définition de la tâche d'enseignement à des fins d'allocation, pour l'essentiel, n'a pas changé depuis 1976. C'est pourquoi nous pensons qu'il est primordial de revoir la définition de la tâche d'enseignement pour la rendre conforme à la réalité, mais certainement aussi pour rendre justice au travail réellement fait par les enseignants, travail qui ne peut se limiter à la préparation et la prestation des cours et à la correction des travaux et des examens.

À propos de la relève, encore ici quelques constats s'imposent. D'ici 10 ans, près de la moitié des effectifs enseignants devront être renouvelés. La majorité des enseignants de moins de 40 ans, c'est-à-dire ceux qui constituent la relève, ne sont pas permanents. Les conditions de précarité dans lesquelles ces enseignants travaillent, en plus de les placer dans un climat d'insécurité perpétuel, les empêchent, dans bien des cas, de participer aux activités de perfectionnement et de ressourcement. Il leur est aussi difficile de s'engager dans des activités pédagogiques concernant l'approche programme ou la refonte des programmes. Enfin, bien que forts d'une bonne formation disciplinaire, ces enseignants, qui représentent près du tiers des effectifs, ne sont pas toujours prêts, sur le plan pédagogique, à faire face aux défis et aux tâches spécifiques que propose l'enseignement collégial.

En conséquence, il nous apparaît essentiel que les nouveaux enseignants puissent acquérir une formation pédagogique conforme à la réalité

collégiale, et ce, dès les premières années d'enseignement. De plus, nous pensons qu'il est de la responsabilité des collèges d'accueillir et de soutenir les nouveaux enseignants et de leur offrir cette formation pédagogique.

Ensuite, nous coyons qu'il est de toute première importance de réduire la précarité en emploi et d'assurer la planification de la relève en redéfinissant la tâche de l'enseignement et même, s'il le faut, le système de sécurité d'emploi, notamment au chapitre des règles d'accès à la permanence, dans l'optique de les rendre plus équitables et de permettre une meilleure utilisation des ressources locales.

Enfin, il est essentiel de revaloriser la profession enseignante, de la rendre plus attrayante et plus stable de façon à attirer plus de candidats en leur offrant des défis intéressants et des conditions de travail aptes à les relever.

Comme vous pouvez le constater, des changements importants seront nécessaires, mais ces derniers ne seront possibles que si les enseignants y sont étroitement associés. Je vous remercie de votre attention et je cède maintenant la parole à Jacques Pétrin.

M. Pétrin (Jacques): Bonjour. Mme la Présidente, quand on parle de personnel de soutien, de qui s'agit-il? Ce sont des agents de bureau, des magasiniers, des opérateurs en imprimerie, des techniciens en laboratoire, en loisirs, des ouvriers spécialisés et des personnels d'entretien. Le personnel de soutien est localisé partout dans les cégeps. La plupart sont en contact direct avec les élèves. Dans tous les services, nous sommes les premiers interlocuteurs pour la clientèle à l'enseignement régulier, à l'éducation des adultes, aux services à la collectivité. Nous travaillons en collaboration avec le personnel enseignant, les professionnels et les cadres. Notre préoccupation dans le débat sur l'avenir des cégeps touche trois aspects: les services à rendre à la clientèle handicapée, notre participation aux orientations du collège, le développement des ressources humaines.

L'accessibilité et l'intégration des élèves handicapés aux études collégiales doivent être une priorité pour le ministère. Il faut tout mettre en oeuvre afin de fournir à cette clientèle des services de soutien, par exemple, des interprètes en langage visuel. Pour développer un service de qualité et assurer une stabilité auprès des élèves handicapés, le ministère doit accorder des subventions aux collèges afin de créer des postes réguliers et également octroyer des budgets spéciaux pour monter des banques de signes techniques.

Quant à la participation aux orientations du collège, trop souvent les administrations locales nous considèrent comme de simples exécutants. Nous sommes peu ou pas consultés sur des décisions qui nous affectent. On nous impose des décisions qui ont un impact sur notre travail. Pourtant, nous vivons dans la réalité collégiale, nous pouvons et voulons contribuer à l'amélioration de l'enseignement et des services à rendre à toutes les clientèles que j'ai nommées tantôt.

Dans un contexte où la main-d'oeuvre doit s'adapter aux exigences du marché du travail, les collèges, dans le cadre de la formation sur mesure, ont développé un discours auprès des compagnies, les incitant à miser sur les ressources humaines, en organisant du perfectionnement pour les employés de ces compagnies. Comme maison d'enseignement, nous croyons que les collèges doivent investir dans le perfectionnement et la formation de leurs ressources humaines.

Afin de favoriser une meilleure utilisation du personnel de soutien, nous vous proposons d'intégrer tout le personnel de soutien au processus de consultation et de décision touchant autant la vie pédagogique qu'organisationnelle. Par exemple, inviter le personnel de soutien à participer aux journées pédagogiques organisées par les collèges; inviter le personnel de laboratoire à participer aux réunions départementales: organiser des réunions du service pour définir les services que l'on veut assurer à la clientèle. Répondre aux besoins de perfectionnement exprimés par le personnel de soutien en deux volets: en augmentant les budgets et en facilitant le perfectionnement sur le temps de travail. Lors de changements de programme, nous réclamons le droit, pour le personnel de laboratoire, d'avoir accès à des stages en milieu de travail.

En conclusion, nous croyons que l'on ne peut continuer encore longtemps d'écarter et d'ignorer le personnel de soutien des différents paliers de consultation et de décision. Le réseau collégial a tout à gagner en intégrant le personnel de soutien à la dynamique des collèges. Je vous remercie. Je cède la parole à Carole Demers.

Mme Demers (Carole): Mme la Présidente, je vais essayer de vous présenter rapidement le mémoire de la Fédération. Tout d'abord, la Fédération regroupe 30 syndicats dans le secteur collégial et 6 dans le secteur universitaire. Le mémoire que nous présentons est le fruit de la réflexion des professionnels venant tant du milieu collégial que du milieu universitaire. La Fédération a décidé de produire un mémoire, car elle estime que le rôle du personnel professionnel est méconnu. À preuve, le rapport récent du Conseil des collèges qui passe presque totalement sous silence l'importance des services professionnels dans la communauté collégiale.

Avant d'aller plus loin, il faut situer le personnel professionnel. On peut dire que les professionnels agissent à tous les niveaux de l'institution, tant auprès des étudiants que des personnels enseignant, de soutien ou cadre. Quelle que soit sa zone d'intervention, le profes-

sionnel agit à titre de conseiller ou d'animateur de son milieu. Son expertise lui confère une identité spécifique dans le cadre de la vie collégiale. Il faut se souvenir qu'au moment de la création des cégeps les professionnels ont été des intervenants majeurs dans l'implantation du réseau et dans la définition de ses grandes orientations. Nous croyons qu'au moment de revoir l'ensemble de l'ordre collégial il est important de réinvestir dans les services professionnels en plaçant, au centre de notre réflexion, l'étudiant et son cheminement vers la réussite scolaire. Tout en étant en accord avec l'ensemble du mémoire présenté par la Centrale, nous tenons à vous souligner certains aspects qui retiennent plus particulièrement l'attention des professionnels, soit l'aide à l'apprentissage, l'approche programme, l'éducation des adultes et les besoins en services professionnels. (14 h 30)

Tout d'abord, l'aide à l'apprentissage. Nous voulons suggérer quelques moyens visant à favoriser la réussite du projet éducatif. Ces éléments sont, pour nous, les principales balises à mettre en place dans le but d'aider l'étudiant à réussir ses études, sa formation globale et ses choix de carrière. Les cégeps ne sont pas qu'un lieu où l'on vient étudier; ils sont aussi un milieu de vie. Il est donc important de favoriser l'intégration des étudiants à ce nouvel environnement, intégration basée sur l'adaptation au milieu et sur l'implication personnelle de chacun. Il faut permettre aux étudiants de développer les sentiments de confiance et d'appartenance nécessaires à la réussite du projet éducatif. Pour concourir à cette réussite, le cégep doit fournir aux étudiants le support nécessaire au plan pédagogique. Cependant, en plus de veiller à renforcer les motivations et les habiletés à travers les contenus de programmes, le cégep, par les services professionnels, doit aussi permettre le développement complet de la personne. Il doit donc rendre disponibles les services de psychologues, de conseillers d'orientation, de travailleurs sociaux, de conseillers à la vie étudiante, etc., et ce, afin de pouvoir suivre l'étudiant dans l'ensemble de son cheminement.

L'étudiant doit aussi être encadré dès son arrivée au cégep. Il faut donc intensifier les programmes visant l'accueil des étudiants. De plus, compte tenu de la grande diversification de la clientèle et afin d'aider l'étudiant à choisir son projet éducatif, il faut promouvoir le développement de programmes visant à déceler les problèmes ou les lacunes, et ce, dès le départ. Ainsi, pour les étudiants chez qui on aura trouvé des lacunes suffisamment importantes pour mettre en péril la réussite, un plus grand encadrement et certaines mesures concrètes pourront être mis de l'avant.

Une première mesure serait la mise sur pied d'une propédeutique. Cette mesure, tout en percevant l'étudiant dans sa globalité, devrait lui permettre de mûrir son projet de carrière, de consolider les préalables scolaires, de raffermir sa motivation et de faire reconnaître, s'il y a lieu, les acquis liés à l'expérience. Elle serait limitée dans le temps et conçue pour répondre aux besoins individuels de l'étudiant. Les étudiants visés seraient encadrés et assistés par les professionnels.

Une autre mesure serait le plan d'aide individualisé. Elle permettrait de respecter le rythme de cheminement de l'étudiant dans l'atteinte de ses objectifs de vie et d'études. Elle permettrait aussi à l'étudiant de réussir, selon un profil qui lui est propre, tout en évitant l'application uniforme des politiques institutionnelles. Cette mesure permettrait de tenir compte de la diversité des clientèles et des besoins tout en garantissant un support professionnel constant.

L'approche programme. Puisque, dans tout notre mémoire, nous mettons l'accent sur la primauté de l'étudiant, nous ne pouvons qu'être en accord avec l'approche programme. Nous croyons que la mise en place de cette approche doit s'accompagner de nouveaux moyens. Ces moyens ont pour but d'associer tous les acteurs ayant un rôle à jouer dans la réussite du projet éducatif, de leur permettre de voir l'ensemble de la réalité, d'en étudier les différentes facettes et de trouver, par l'établissement de consensus solides, les meilleures façons de promouvoir la réussite scolaire.

Un premier moyen serait de mettre sur pied des comités de programmes regroupant tous ceux qui ont un rôle à jouer dans ce projet éducatif. Le but de ces comités serait d'assurer collégiale-ment la gestion du ou des programmes concernés et de permettre l'échange d'expertises et le développement de consensus, non pas sur la base d'intérêts catégoriels ou disciplinaires, mais en vue de favoriser le plus adéquatement possible la réussite de tous les étudiants.

Notre deuxième proposition viserait à renouveler la commission pédagogique, tant au niveau de ses membres que de ses mandats. Ainsi, cette commission serait composée des représentants de tous les groupes concernés: étudiants, enseignants, professionnels, personnels de soutien, gestionnaires. Elle jouirait de réels pouvoirs décisionnels applicables dans le cadre des orientations retenues par le conseil d'administration du collège. La vocation première de cette commission serait, évidemment, la vie pédagogique, mais elle aurait aussi à se pencher sur l'ensemble de la vie collégiale: évaluation, calendrier scolaire, application locale du régime pédagogique et régie des programmes. L'existence de cette structure présuppose, évidemment, que les conditions de la réussite sont aussi bien sociales, culturelles qu'économiques. La commission devrait donc s'assurer que le support donné aux étudiants ne se limite pas qu'au caractère scolaire du projet éducatif.

Ces différents rôles de la commission

militent donc pour qu'elle ait de réels pouvoirs et responsabilités au niveau de la planification, de la coordination et de l'évaluation liées aux questions pédagogiques. Nous voulons, par ces deux propositions, nous assurer que l'approche programme ne sera pas seulement un concept. Nous voulons qu'elle devienne un réel mode d'apprentissage de vie et de pensée, faisant partie intégrante de l'ordre d'enseignement collégial ainsi que de la vie professionnelle de chacun des acteurs concernés.

L'éducation des adultes. Dans le prolongement des recommandations soumises par la Centrale, les professionnels estiment, cependant, que le gouvernement, tout en laissant aux cégeps la souplesse pour répondre aux besoins des adultes et de la communauté, doit toutefois indiquer au réseau collégial les objectifs à atteindre et lui en fournir les moyens.

En plus d'être attentifs aux demandes ponctuelles des entreprises, les services d'éducation des adultes devraient tenir compte de l'ensemble des besoins de la communauté et de ceux plus spécifiques des adultes, tant au niveau de la formation technique que de la formation générale. Pour ce faire, nous pensons que les principes de l'approche programme pourraient être mis de l'avant au niveau des adultes. De même, l'étudiant adulte devrait avoir accès à un plan d'aide individualisé qui tienne compte de son cheminement, de la reconnaissance de ses acquis et de ses besoins spécifiques. Dans un tel contexte, il est nécessaire que des services professionnels de qualité et adaptés à la réalité des adultes soient accessibles.

Pour terminer, nous croyons que les services professionnels, s'ils veulent répondre aux besoins nouveaux et multiples de l'ensemble de la population qui fréquente les cégeps, doivent être offerts par un personnel en nombre suffisant, stable et qui peut s'adapter aux changements. Au niveau du nombre, seule l'injection de nouvelles ressources pourra permettre de remédier à la situation actuelle, particulièrement au niveau des services directs aux étudiants, jeunes et adultes. La stabilité ne sera obtenue que par une diminution significative de la précarité dans l'emploi qui touche actuellement près de 30 % du personnel professionnel. Enfin, l'adaptation aux changements n'est possible que dans la mesure où le cégep donne accès au personnel professionnel à un perfectionnement de qualité. De plus, les professionnels doivent, au niveau du réseau des cégeps, pouvoir partager leur expertise entre eux, afin que l'expérience d'un milieu puisse, à moindre coût, servir au développement de l'ensemble du réseau collégial. Je vous remercie.

Mme Pagé: En conclusion, Mme la Présidente, cette commission parlementaire peut apporter des solutions à certains problèmes que vivent les cégeps, des problèmes qui, à notre avis, sont de l'ordre de l'adaptation à la réalité d'aujourd'hui. C'est pourquoi, tout en réaffirmant notre attachement au réseau des cégeps publics et aux principes d'accessibilité, de gratuité et de réussite, nous avons indiqué des changements qui seraient souhaitables: l'implantation de l'approche programme, la revalorisation de l'enseignement professionnel, la réorientation de l'éducation des adultes, une marge d'autonomie plus grande pour les institutions et la création d'un système d'accréditation.

Mais qu'est-ce qu'un étudiant ou une étudiante de cégep doit impérativement savoir lorsqu'on lui décerne un diplôme? Quelles connaissances et quelles habiletés l'étudiante ou l'étudiant doit-il maîtriser au terme de ses études collégiales? C'est ça, la question du curriculum. Nous nous retrouvons aujourd'hui dans la situation de vouloir redéfinir le curriculum collégial, en complémentarité de la formation offerte au secondaire, au moment même où le ministère de l'Éducation annonce l'ouverture d'un vaste chantier de réflexion sur le curriculum secondaire qui devrait aboutir en juin 1993.

L'adaptation de notre système d'éducation aux besoins du XXIe siècle ne peut pas se réaliser de façon convenable si la réflexion continue de se faire de façon fragmentée, à la pièce, sans vue d'ensemble. Nous avons la conviction que le curriculum du collégial ne peut être traité sans tenir compte de celui du secondaire, sans quoi nous allons perpétuer des difficultés d'arrimage. Nous croyons nécessaire de revoir les finalités de l'ensemble de notre système d'éducation et d'engager une réflexion globale sur cette question plutôt que de tenter de l'aborder à la pièce. Si nous voulons susciter une vaste mobilisation sociale en faveur de la scolarisation et de la réussite, il faut créer un forum démocratique qui va permettre à l'ensemble des citoyennes et des citoyens de s'exprimer sur la mission de l'école et sur les finalités de l'éducation.

À la suite de la création d'un comité sur le curriculum, nous avons fait parvenir à votre prédécesseur, M. Michel Pagé, une lettre dans laquelle nous soulignions que le comité n'était pas approprié pour une réflexion en profondeur sur la mission de l'école et que nous avions besoin d'un autre moyen pour parvenir à un consensus. Nous n'avons pas changé d'idée. Nous avions suggéré au ministre Pagé de demander un avis au Conseil supérieur de l'éducation sur cette question. Selon nous, le Conseil devrait également être invité à étudier la démarche qui conviendrait dans les circonstances. Vous lui avez demandé un avis pour l'enseignement supérieur; je pense que le travail pourrait être complété par un autre avis qui nous permettrait de faire cette démarche, cette réflexion de façon globale et cohérente. (14 h 40)

Et, pourquoi ne pas mettre ensemble le

Conseil des collèges, le Conseil des universités, le Conseil supérieur de l'éducation avec des penseurs du réseau de l'éducation pour justement dégager ces pistes d'avenir? Si on veut introduire de la cohérence dans le cheminement éducatif, si on veut planifier correctement la période de changement que notre système d'éducation doit connaître et va connaître de toute façon, on ne peut faire l'économie d'une telle réflexion en profondeur et d'un tel débat démocratique. L'éducation ne supporte pas l'improvisation et le manque de cohérence. Nous vous remercions de votre attention et sommes disponibles pour vos questions.

La Présidente (Mme Harel): Alors, merci, Mme Pagé et les personnes qui vous accompagnent. La parole est maintenant à Mme la ministre.

Mme Robillard: Merci, Mme la Présidente. Je veux saluer tous les partenaires de la Centrale de l'enseignement du Québec et vous dire combien je suis heureuse de voir la préparation que vous avez faite concernant le débat que nous avons, ici, concernant l'enseignement collégial québécois. Et vous dire aussi comment je reconnais bien la CEQ dans sa démarche quand je vois que vous avez mis au coeur de votre mémoire toute la question de la réussite scolaire. Et le message que j'entends quand vous me dites ça, c'est que vous placez - vous l'avez toujours fait et vous le faites encore - l'étudiant et l'étudiante au centre du système, d'où toute cette réflexion que vous avez sur la réussite scolaire.

Maintenant, Mme Pagé, j'étais aussi fort heureuse d'entendre au point de départ que vous n'étiez pas des tenants du statu quo, que vous étiez ouverts aux changements, que, oui, on doit refaire le choix du cégep, mais refaire le choix de révolution du cégep avez-vous dit. Alors, je suis très heureuse d'entendre ces paroles de la part de la CEQ, et c'est justement de ces changements nécessaires que j'aimerais m'entre-tenir avec vous.

La première question que j'aimerais aborder, Mme Pagé, porte sur la responsabilité académique des collèges. Ce matin, nous avons eu les représentants de l'Université du Québec, l'Université du Québec dans son ensemble avec toutes ses constituantes. Il y avait, de la part de l'Université du Québec, une croyance très ferme que si nous voulons garantir la qualité de la formation, la meilleure garantie de la qualité de la formation passe, d'après eux, par une plus grande responsabilisation académique des collèges, et, par le fait même aussi, un mécanisme d'évaluation externe. J'aimerais ça vous entendre, entendre votre opinion Êtes-vous d'accord avec le fait que les collèges doivent assumer plus de responsabilités académiques et, si oui, lesquelles et jusqu'où doivent-ils les assumer? Est-ce que, par exemple, ils doivent aller jusqu'à la signature de leurs propres diplômes, comme certains nous l'ont suggéré? Et toute la question de la responsabilité académique du collège lui-même, est-ce que la CEQ a une réflexion sur le sujet?

Mme Pagé: Alors, vous avez vu que dans notre mémoire la proposition 14 tourne justement autour du fait d'accorder plus d'autonomie aux cégeps. Nous précisons, aux pages 74 et 75, qu'il faudrait favoriser un accroissement du pouvoir des cégeps dans la détermination des contenus des programmes au secteur professionnel. Cela nous semble une évidence. Bien souvent la détermination des contenus des programmes est liée aux besoins d'une région donnée. Il faut là accroître la marge de manoeuvre, l'autonomie des cégeps pour que cela soit possible. C'est un peu la même approche pour l'éducation des adultes où il faut accroître cette autonomie des cégeps.

Au niveau de la formation générale, vous voyez, par ailleurs, que nous n'avons pas tranché la question sur le tronc commun parce que nous croyons que cette réflexion ne peut pas être faite sans la réflexion concomitante ou préalable sur ce qu'un jeune a appris à l'école secondaire. Il y a là une réflexion qui n'est pas faite, qui commence à peine à s'amorcer, et si on ne veut pas introduire de l'incohérence ou fixer des attentes pour lesquelles on n'aura pas mis en place les conditions d'atteinte des objectifs fixés - on ne peut pas aller dans l'improvisation - là il faudra faire une réflexion de façon beaucoup plus globale sur cet aspect-là.

Mme Robillard: Je vais revenir avec vous sur cette question-là, si vous permettez, Mme Pagé. En matière de responsabilité académique des collèges, pourriez-vous être plus précise? Vous me spécifiez la formation professionnelle, le secteur des adultes. Qu'en est-il de la formation préuniversitaire et quelles nouvelles responsabilités, selon vous, les collèges doivent-ils assumer au plan académique?

Mme Pagé: C'est pour ça que, sur le volet enseignement général ou préuniversitaire, j'ai pris le soin de préciser que sur cet élément-là nous n'avions pas introduit, pour le moment, de la souplesse, parce que nous croyons qu'il y a un débat plus global qu'il faut faire à cet effet.

Deuxièmement, sur la responsabilité académique - et là vous avez posé votre question autour de la diplomation ou de l'évaluation - nous pensons que les cégeps ne sont pas des petites PME privées qui ont le droit de vie et de mort ou la seule responsabilité au niveau de la diplomation, de l'accréditation, de l'évaluation. Ils participent à un réseau public d'enseignement, largement financé par les fonds publics et, à cet égard, nous croyons que le mécanisme d'évaluation externe qui vient accréditer le diplôme décerné est le meilleur mécanisme.

Ce n'est pas des examens nationaux qui

doivent être recherchés comme mécanisme, mais plus une commission d'évaluation externe qui vienne accréditer les diplômes décernés ou la qualité de la formation dispensée. Nous croyons que c'est dans cette voie qu'il faut s'engager résolument. Et M. Beauregard pourra compléter ma réponse, si vous avez encore des éléments additionnels que vous voudriez voir aborder.

M. Beauregard (François): Vous aurez constaté que nous ne prônons pas une décentralisation à tous crins. C'est une décentralisation plutôt prudente, sur trois objets bien spécifiques, que nous soumettons à la commission parlementaire. Et nous sommes contre le fait que les collèges décernent eux-mêmes les diplômes. Nous pensons que le gouvernement a une responsabilité à l'égard, par exemple, de la formation obligatoire de tous les étudiants des cégeps. Et nous pensons aussi qu'il y a un certain danger à engendrer une spécialisation trop forte au niveau des programmes de formation professionnelle, si cette responsabilité-là ne relève que des établissements.

Par exemple, la Fédération des cégeps nous dit qu'elle est ouverte à accepter des contributions directes des entreprises, qu'elle souhaiterait avoir davantage d'entreprises présentes aux conseils d'administration. On n'est pas contre les relations avec les entreprises, mais on pense que c'est très important de garder un tronc commun de formation. On pense que c'est très important de garder un diplôme qui sera reconnu d'un cégep à l'autre à travers le réseau. Il ne faudrait pas se retrouver dans un système où les cégeps seraient appelés à juger du diplôme qui a été donné dans un autre cégep, comme on a, par exemple, au niveau universitaire.

Nous tenons beaucoup au caractère de cohérence au niveau des programmes, et c'est pour ça que nous avons quand même annoncé quelques propositions au niveau de l'autonomie, mais dans des champs bien spécifiques.

Mme Robillard: Je repose ma question de façon plus spécifique, peut-être. Vous me parlez d'une plus grande responsabilité, vous axez dans le champ de la formation professionnelle. Prenons cette filière-là, de la formation professionnelle. Une autonomie plus grande du collège, une responsabilisation académique plus grande. Laquelle? En quoi? Tout en gardant le diplôme. Ce que je comprends bien, vous voulez que le diplôme demeure un diplôme d'État. Ça va.

M. Beauregard: Oui.

Mme Robillard: Mais quelles seraient les plus grandes responsabilités du collège au plan académique en matière de formation professionnelle? (14 h 50)

M. Beauregard: Bien, ce qu'on a visé de façon générale - on n'a peut-être pas été dans tous les détails techniques à ce sujet-là - c'était de permettre aux collèges d'ajuster un peu les programmes aux nouveaux besoins qui émergent sur le marché du travail, mais tout en garantissant un tronc commun de formation qui, lui, n'a pas à changer de façon régulière. Ce qu'on souhaitait un peu, c'est l'adaptation des programmes au contexte de l'entreprise, au niveau régional, mais de façon limitée et circonscrite à ce niveau-là.

Mme Pagé: II faut voir que, présentement, les collèges ont plus de marge de manoeuvre dans les contenus du secteur préuniversitaire où ils peuvent, finalement, bénéficier de 30 % à 50 % de marge de manoeuvre, si on essaie de quantifier, alors que dans le secteur professionnel, leur marge est plus réduite. On peut parler de 10 % à 25 %. Or, c'est dans le secteur professionnel que le besoin d'adaptation des programmes ou des formations évolue le plus rapidement. C'est là que les changements peuvent être les plus substantiels avec l'évolution du marché de l'emploi ou l'évolution des besoins, pour satisfaire une formation qui est en constante évolution.

Alors, nous pensons qu'il faut accroître cette marge d'autonomie dans le secteur professionnel, pour concevoir quelque chose d'équivalent à ce qui existe déjà dans la formation préuniversitaire. Et, pour la formation préuniversitaire, je pense qu'on a atteint un seuil d'autonomie relativement satisfaisant, et il y a des débats qu'il faut compléter sur le tronc commun ou la continuité du curriculum par rapport au secondaire.

Mme Robillard: Alors, venons-en aux mécanismes d'évaluation que vous suggérez. Vous dites: En contrepartie, il nous faut la création d'un organisme externe - externe et neutre, dites-vous - et vous le qualifiez d'accréditation. Et, un peu plus loin dans le mémoire, vous définissez ce que c'est pour vous que l'accréditation: c'est la reconnaissance officielle des objectifs d'un établissement. Alors, j'aimerais savoir qu'est-ce que vous pensez que ferait exactement cet organisme externe d'accréditation? Qu'est-ce que, au juste, l'organisme va évaluer? Les apprentissages, les programmes, l'établissement en tant que tel? Tantôt, vous avez même utilisé l'accréditation des diplômes. Est-ce que vous êtes allés plus loin dans cette réflexion?

Mme Pagé: Oui. D'abord, il faut dire que l'idée d'un système d'accréditation ou d'une commission externe et neutre, ce n'est pas une idée nouvelle. C'est une idée qui remonte à la commission Parent, qui n'a pas été retenue, qui a été remise à l'ordre du jour, je dirais, par la commission Nadeau, qui n'a pas été retenue non

plus. Et nous crayons que c'est presque le corollaire d'une autonomie accrue pour certains éléments dans la gestion des programmes ou la dispensation de certains services, ou dans la responsabilisation du personnel qu'on veut davantage voir associé à des choix découlant des approches à retenir ou de la stratégie éducative à mettre en oeuvre, ou ainsi de suite.

Quand on réclame de l'autonomie, il faut être capable de témoigner de ce qu'on a fait avec cette autonomie. Et le mécanisme de la commission externe permet justement de porter le regard sur ce qui se fait dans cette institution, sur la qualité de la formation qui est dispensée et, donc, sur la valeur du diplôme qui est octroyé par cette institution d'enseignement qui, je le rappelle, est une partie d'un réseau public qui s'appelle le réseau des cégeps. Et, pour aller plus loin dans le fonctionnement de cette commission externe, M. Beauregard va compléter.

M. Beauregard: D'abord, je voudrais souligner que, dans le délai très court qui nous a été donné pour consulter nos membres, on n'a pas été dans le détail technique de l'ensemble des propositions qui sont ici. Ce qu'on a jugé fondamental, c'est de questionner nos membres sur les grandes orientations que nous déposerions à la commission parlementaire. Et vous êtes consciente, Mme la ministre, que notre délai n'était pas très long. Compte tenu que toute la période du mois d'août, c'est la période de préparation des enseignants, c'est une période où on ne peut pas vraiment les consulter, on a eu un mois. On les a rencontrés une fois en juin et deux fois au mois de septembre, pour arriver quand même avec des propositions de changements qui sont, à notre point de vue, assez substantiels.

Nous, ce qu'on se disait aussi à propos d'un organisme externe, c'est que s'il fallait que le Québec se paie un organisme d'évaluation externe, pour éviter qu'à tous les cinq ans on remette en cause l'existence des cégeps, ce serait déjà ça de pris, parce que vous vous souviendrez, Mme la ministre, qu'au colloque des 20 ans des cégeps on l'avait eue, cette discussion sur l'existence des cégeps. Votre prédécesseur avait dit: C'est fini le questionnement, les cégeps sont là pour rester, on va faire le choix de leur développement. Là, on s'est retrouvés, cinq ans plus tard, avec le même questionnement. On s'est dit: Bon, il semble qu'il y a un doute là, au niveau de la population, quant à la qualité de ce qui se fait dans ces établissements-là; optons donc pour une démarche ouverte. Le Conseil des collèges propose un organisme externe d'évaluation, le Conseil supérieur aussi. On n'a rien à cacher, regardons ça, ces programmes-là, regardons la gestion, regardons l'ensemble des activités qui se font, mais faisons une évaluation non pas nécessairement normée, c'est-à-dire où on com- pare les cégeps les uns avec les autres en fonction de critères standard, mais regardons cette évaluation-là en fonction de la spécificité de chacune des institutions parce que, comme vous le savez sans doute, les collèges sont très différents, les collèges des régions, les collèges des centres urbains, d'une région à l'autre, en termes de la proportion des programmes professionnels, la proportion des programmes généraux, et on s'est dit: Bon, faisons une évaluation modulée qui est propre à la personnalité de chacune des institutions qu'on a. Ça résume, je pense, l'idée d'ensemble qu'on avait au sujet de l'accréditation.

Mme Pagé: Et quand vous pourrez arriver avec une proposition concrète sur le mandat de cette commission, sur la formation de cette commission, sur le financement de cette commission, la CEQ examinera avec beaucoup d'attention votre politique et nous pourrons compléter notre réflexion à cet égard et vous faire nos commentaires sur le modèle que vous aurez retenu.

Mme Robillard: M. Beauregard, je ne peux qu'être d'accord avec vous quand vous parlez de la remise en question qui a eu lieu après 20 ans. Moi, je vous dirais qu'il y a eu une remise en question après 10 ans, après 15 ans, après 20 ans, et nous voici après 25 ans. Alors, moi, j'aurais le goût de vous demander: Quels ont été, par ailleurs, les changements faits, concrètement, sur le terrain, après ces belles réflexions de remise en question? À mon point de vue, très peu, et c'est pour ça qu'on est ensemble aujourd'hui. Vous me le dites vous-même comme Centrale: Nous, nous sommes ouverts aux changements. Donc, il y a eu une évolution. Il faut apporter des changements à ce cégep et je pense que c'est le discours de la majorité des intervenants qui sont venus nous voir. Oui au cégep, mais oui au cégep avec des changements. Alors, c'est dans ce contexte-là que l'on travaille au sein de la commission pour que, finalement, non seulement on réfléchisse ensemble, mais qu'on passe à l'action ensemble. Et ça, je pense que c'est là le noeud de l'après-commission, qu'on passe à l'action ensemble.

Mais ça va m'amener peut-être, Mme Pagé, sur la question de la formation générale. Je veux qu'on se comprenne bien, Mme Pagé, parce que tantôt vous m'avez dit: On vous a fait des suggestions au niveau de la formation professionnelle des adultes, mais on n'a pas touché à la formation préuniversitaire. Je voudrais qu'on parle de la formation générale sans parler des deux filières parce que, quand on parle de la formation générale de base, c'est la formation qui s'adresse aux deux filières, autant à préuniversitaire qu'à la formation technique du collégial, n'est-ce pas. Donc, la formation générale commune, de base, à tous les étudiants qui fréquentent le collégial, et vous me dites:

Écoutez, il y a aussi une réflexion qui se fait à l'ordre secondaire et donc il faudrait regarder ça dans l'ensemble, et oui, j'en suis avec vous. J'ose espérer qu'on va le regarder dans l'ensemble.

D'ailleurs, quand j'ai adressé ma demande au Conseil supérieur de l'éducation, ce n'est pas pour rien que je l'ai adressée au Conseil supérieur de l'éducation, parce que c'est le seul conseil consultatif qui a le mandat de regarder l'ensemble des enjeux du système d'éducation, peu importent les ordres d'enseignement, le regarder dans sa globalité. C'est pour ça que je leur ai adressé une demande d'avis, à eux. Maintenant, au-delà de ça, je sais aussi que le Conseil supérieur de l'éducation a fait beaucoup de réflexions antérieures sur le curriculum du secondaire. Il y a déjà beaucoup d'avis de déposés. Je ne suis pas encore en mesure de voir si on y a donné suite. J'imagine que non, vu qu'on est encore en train de réfléchir à ça, mais je sais qu'il y a déjà des avis de déposés et on aura sûrement l'occasion, Mme Pagé, en d'autres lieux qu'ici, de discuter très en détail de ce dossier-là. (15 heures)

Mais, si on revient au collégial en tant que tel, vous n'êtes pas sans savoir que, depuis les débuts de cette commission, tous les intervenants nous parlent de la formation générale de base au niveau du collégial, comme quoi c'est une formation qu'on doit renforcer et élargir, et je suis d'accord avec cette orientation-là. Alors, ce que j'aimerais vous demander, c'est la nouvelle approche qui a été définie par le Conseil des collèges, qui est une approche thématique au lieu d'une approche disciplinaire, au niveau de la formation générale de base pour tous les étudiants du collégial, comment la CEQ se positionne par rapport à cette approche thématique?

Mme Pagé: M. Beauregard répondra précisément à votre question sur l'approche thématique. Mais vous me permettrez d'insister encore sur la continuité du cheminement d'apprentissage d'un jeune. Ça commence quand il entre à la maternelle et ça se termine quand il sort à la fin de son secondaire, à la fin de son cégep ou à la fin de l'université. Ça ne supporte pas l'éclatement et le manque de cohérence. On ne commence pas à construire une maison en posant le toit et, après ça, en faisant les murs et en finissant par le solage; moi, je n'ai jamais vu cela.

On ne peut pas aborder la question du curriculum au collégial en soi sans se poser la question de ce qui précède et sans se poser la question de la mission de l'école et des finalités de l'éducation. On ne peut pas. Un curriculum, une formation de base, une formation générale, ça n'existe pas en soi; ça existe parce qu'on a une vision de ce que doivent être les habiletés ou les apprentissages nécessaires à un jeune, quand il a complété sa formation, et nous n'insisterons jamais assez sur cet élément.

Donc, nous n'avons pas voulu improviser, commencer à jouer avec des blocs et dire: Un peu plus de cela, un petit peu moins de cela, comme si on faisait une recette, mais vraiment faire preuve de prudence à cet égard-là parce qu'il y a des étapes préalables qui n'ont pas été abordées correctement, à notre avis. Mais M. Beauregard va déployer un peu plus sur la question précise que vous avez soulevée, sur l'approche thématique qui est mise de l'avant par le Conseil des collèges.

Mme Robillard: Mme la Présidente, si vous permettez, avant de passer la parole à M. Beauregard, Mme Pagé, je veux qu'on se comprenne bien. La maison, telle que vous la décrivez, on ne l'a pas démolie et on ne la reconstruit pas à neuf. N'est-ce pas? On s'entend bien que la maison, elle est là, on ne la démolit pas, on ne refait pas tout un autre système. Et donc, quand vous me parlez de cohérence, moi, je vous suis très bien. Il en faut, une cohérence. Le système secondaire, il est là, il existe. Depuis deux ans, il y a eu une mobilisation incroyable, dans ce milieu du secondaire, autour d'un plan d'action de la réussite scolaire. Moi, je pense qu'on peut très bien travailler à ce système de cohérence, à cette jonction entre les deux ordres d'enseignement, et, dans ce sens-là, je vais vous rejoindre au niveau des objectifs. Au niveau des moyens, je vous le rappelle, sûrement qu'on aura l'occasion de s'en reparler. Mais je vous écoute. M. Beauregard.

La Présidente (Mme Harel): Si vous me permettez... Au total, il reste quatre minutes. Donc, nous allons procéder, et je ne sais pas s'il pourra y avoir d'autres questions par la suite. Alors, M. Beauregard.

M. Beauregard: Rapidement. Il n'y a eu aucune consultation de nos membres sur les aspects de l'approche thématique qui est proposée par le Conseil des collèges. Je vous le dis très ouvertement, les propositions qui ont suscité le plus d'émoi, ce sont celles entourant les cours de philosophie et d'éducation physique, comme vous le savez sans doute. Ça a contribué, à mon avis, à obscurcir un peu ce débat-là et à ne pas poser les véritables questions.

Mme Robillard: Parfait!

La Présidente (Mme Harel): II vous restera du temps, évidemment, si vous voulez le reprendre.

Mme Robillard: Sûrement.

M. Beauregard: J'ai été bref.

La Présidente (Mme Harel): La parole est

maintenant aux députés de l'Opposition.

M. Gendron: Je veux saluer cordialement l'ensemble de l'équipe qui accompagne Mme Pagé. C'est évident que, dans un débat comme ça, nous sommes très heureux, comme membres de cette commission, d'avoir l'occasion d'échanger avec des gens qui, au fil des ans, ont fait la preuve que les questions qui sont sur la table, surtout quand tout est sur la table, les intéressent. Ce n'est pas la première fois que la CEQ démontre son intérêt majeur et important au niveau de l'ensemble des questions éducatives.

D'entrée de jeu, parce que je veux avoir le temps d'échanger, j'ai été très heureux de votre mémoire, globalement, et, en particulier, vers la fin. Mme Pagé, j'ai été très heureux de votre finale, parce que vous avez fini comme j'ai commencé dans mes remarques introductives. Là, c'est important de les rappeler, parce que je pense que vous aurez probablement plus de chance d'être citée, vous, que je ne le serai, mais je tiens à commencer comme ça.

Je tiens à vous rappeler que, dans mes remarques introductives, j'avais dit: «Nous questionnons le choix du gouvernement de ne faire porter la réflexion que sur l'enseignement collégial. Le collégial étant une charnière du système d'éducation, il s'avère important d'examiner ce qui s'est fait en amont et en aval, pour ne pas en arriver à faire évoluer les différents ordres d'enseignement sur des voies parallèles.» Je me souviens d'avoir mentionné ça au moment même où on avait annoncé cette commission. Comme porte-parole de l'Opposition officielle en matière d'éducation, je trouve important de le rappeler.

J'avais également mentionné, comme vous l'avez fait - c'est pour ça que j'étais très heureux de votre conclusion finale - que je ne trouvais pas que ce que j'appelle «les conditions objectives» de maximiser la réussite de cette commission étaient réunies. Vous dites la même chose. Donc, on n'a pas de trouble là-dessus. Et je ne change pas d'avis, surtout que, de plus en plus, j'entends des choses. Ce n'est pas tout à fait le moment, selon moi, d'en parler. Je donne juste une indication. S'il était vrai que nous faisions pas mal de cet exercice pour rien - je ne suis pas dans ces dispositions-là mais, de plus en plus, j'ai des inquiétudes - j'ai toujours prétendu qu'il y avait un danger grave comme gouvernement et que ce n'était pas très courageux de ne rien mettre sur la table. Je n'ai pas changé d'avis. Ce n'est pas parce que ça va bien à cette commission, ce n'est pas parce qu'on a de bons échanges que je vais changer d'avis que ce n'était pas trop, trop courageux. Je n'ai pas vu ça souvent, un gouvernement qui dit: Nous, on veut faire des affaires, on veut changer, comme je viens de l'entendre, les autres années aux cinq ans. On n'a pas modifié rien, alors que c'est complètement faux. Mais je ne suis pas ici pour faire un historique. Moi, j'ai passé cet âge-là, après 16 ans.

Tout ce que je veux dire, c'est que le même danger de départ reste: en ne mettant rien sur la table, ça leur permettra de faire pas mal ce qu'ils veulent, surtout qu'hier ou avant-hier la ministre a dit très clairement: II n'est pas question qu'on reconsulte sur les choix que nous allons faire. Alors, est-ce que tout est dans le sac, qu'on fait l'exercice et on s'en reparlera après? J'ose espérer que non.

Alors, moi, je voulais vous dire, Mme Pagé, que c'est évident que, quand vous avez commencé votre mémoire, avec les remarques que vous avez faites... Je vous cite encore une phrase ou deux: «N'est-il pas curieux - et je vous cite - de constater que, dans un système d'éducation comme le nôtre, le principal décideur n'ait ni bilan à présenter ni proposition à soumettre?» C'est évident que c'est une situation particulière, et je la partage. Là-dessus, vous aviez conclu que vous souhaitez que l'improvisation qui a caractérisé l'annonce de cette commission ne se répercute pas sur les décisions qui pourraient être prises. Je suis dans le même contexte.

Sur les autres éléments de votre mémoire, quand vous dites qu'il faut maintenir les cégeps, c'est la formule qu'on a choisie; donc, il n'y a pas de trouble. Quand vous indiquez que, globalement, on doit s'entendre qu'il s'agit surtout de problèmes liés à l'ordre de l'adaptation. Aucun problème.

Quand vous dites qu'il est urgent - et c'est une espèce de cri d'alarme - qu'il faut mettre fin à l'érosion de la gratuité, j'estime que vous parlez correctement, parce que c'est de ça qu'il s'agit. C'est vraiment de ça qu'il s'agit. On est dans un système de gratuité qui coûte de plus en plus cher. Alors, ça, c'est compliqué, mais c'est ça la réalité. Et, en plus, même dans ce système de gratuité qui coûte de plus en plus cher, il y a encore des gens qui veulent nous «ticketer» quelque part. Tu sais, un ticket modérateur sur ci, un ticket modérateur sur ça, y compris sur ceux qui, supposément, mettent plus de temps, alors qu'on identifie toutes les raisons pourquoi ils mettent plus de temps et, d'aucune façon, dans les raisons qu'on identifie, les jeunes sont responsables. C'est nous, collectivement, c'est l'institution, c'est le gouvernement, c'est le choix de carrière qui est mal enseigné au secondaire, mais ce n'est pas grave, on met un ticket modérateur. Alors, vous faites bien de ne pas prendre cette voie-là.

Comme le temps file, et qu'il va falloir échanger un peu, vous... En tout cas, je le souhaite.

Des voix: Ha, ha, ha!

(15 h 10)

M. Gendron: Bien, non, pas «il va falloir», je le souhaite et je suis très heureux. Sur l'un des points, Mme Pagé, vous avez insisté sur la

nécessité de faire vraiment le choix de l'approche programme, parce que beaucoup de jeunes nous ont parlé de ça et il faut convenir qu'il s'agit là d'une révolution importante, d'un changement majeur, à savoir que, dorénavant, au niveau collégial, nous choisirons l'approche programme pour, encore là, maximiser les conditions de réussite, j'espère. Mais regardez ce que vous dites, Mme Pagé, et, là-dessus, je trouve que ça mérite sûrement qu'on se comprenne mieux. Vous dites: Cette approche-là a des chances de réussite, mais à la condition que nous mettions en place - et, là, je vous cite - une série de conditions nécessaires à sa réalisation. Je suis de votre point de vue. J'aimerais vous entendre sur les principales conditions nécessaires à la réussite d'une approche programme.

Mme Pagé: Parfait. Sur les conditions, M. Trottier va en faire un bout pour les enseignantes et les enseignants.

M. Gendron: Oui, oui.

Mme Pagé: Mme Demers va en faire un bout pour les professionnels, étant entendu que ça ne s'oppose pas parce qu'ils travaillent ensemble, mais je voudrais quand même leur donner l'occasion. Je voudrais revenir sur deux choses.

M. Gendron: Oui, oui.

Mme Pagé: Tout d'abord, quant à cette commission parlementaire, nous avons émis des réserves, mais nous l'avons prise au sérieux....

M. Gendron: Nous aussi.

Mme Pagé: ...ce qui fait que nous avons travaillé sérieusement. Nous avons présenté un mémoire, je pense, qui est le fruit de réflexions importantes, qui débouchent sur des changements substantiels. Il y a deux choses que nous prendrions fort mal: d'abord, que la commission parlementaire ne débouche sur rien alors qu'il y a des voies où on peut procéder dans des changements importants, qui sont de l'ordre de l'adaptation, mais qui ne sont pas moins importants parce que c'est de l'adaptation et, deuxièmement, qu'on fasse à peu près n'importe quoi. Ça, pour nous, c'est clair.

Deuxième élément, sur le ticket modérateur, rapidement. Je pense que les attentes qu'on a à l'égard des jeunes de 17 ans, parce que c'est l'âge qu'ils ont quand ils entrent dans les cégeps, on a ces attentes-là parce que nos 17 ans sont loin en arrière, parce que, s'ils étaient plus près de nous, on se rendrait compte qu'on leur demande l'impossible. Savoir, à 17 ans, de façon précise et définitive ce qu'on veut faire dans la vie, c'est une vue de l'esprit et leur demander de réussir à concilier études et travail, réussir et ne pas prendre plus de temps, c'est aussi une vue de l'esprit. Il faudra que les adultes soient un peu plus cohérents dans ce qu'ils demandent aux jeunes si on veut leur donner les moyens de répondre aux exigences qu'on leur impose. Sur l'approche programme, M. Trottier et Mme Demers.

M. Trottier: L'approche programme, pour bien comprendre comment cette réflexion est introduite maintenant au niveau collégial, il faut peut-être situer un petit peu cette problematic que-là dans une espèce de prolongement historique. Il faudrait peut-être se demander aussi, avant qu'on parle de l'approche programme, ce qu'il y avait dans les collèges et ce qu'il y a encore présentement. Vous le savez, l'enseignement au niveau collégial a été structuré autour des disciplines, principalement, et autour de ces disciplines s'est instituée aussi, entre autres, la question de département. Le département a été quelque chose d'essentiel pour le développement de la réflexion disciplinaire et de l'enseignement disciplinaire. Ça l'a été et ça l'est toujours. On peut considérer que c'est comme un premier niveau, finalement, de concertation entre les enseignants, entre autres ceux qui travaillent dans une même discipline.

Ce dont il est question avec l'approche programme, ce serait d'instaurer, on pourrait dire, un second niveau de concertation, un niveau qui, lui, s'intéresse non pas aux questions strictement disciplinaires, mais va s'intéresser beaucoup plus à la question pédagogique, au niveau de la démarche, au niveau du cheminement de l'étudiant à l'intérieur de son programme, au niveau de l'intégration des différents savoirs qu'il doit posséder et au niveau, évidemment, de permettre une concertation entre les personnes qui interviennent dans la formation de l'étudiant.

Tout ça, c'est quelque chose de très complexe à faire. Il y a déjà une structure en place, qui remplit des fonctions qui sont incontournables, et il y a de nouveaux besoins qui apparaissent, une nouvelle conception qu'on doit être capable d'organiser. Les conditions sont peut-être nombreuses, mais on pourrait les ramasser assez rapidement.

M. Gendron: C'est ça que j'aimerais. Ramassez ça assez serré, là.

M. Trottier: J'en arrive à ça. D'abord, compte tenu du fait que c'est un travail qui demande une mise en oeuvre extrêmement complexe, c'est nécessaire que tous les gens qui interviennent au niveau d'un programme puissent se concerter ensemble et que ce soit sur la base de cette concertation-là que le travail, à l'intérieur d'un programme, se fasse. Il est nécessaire que cette concertation repose sur l'initiative, sur la volonté réelle des enseignants et de l'ensemble des autres intervenants de concourir à

fabriquer les éléments de ce programme. Il est important de comprendre aussi que ce n'est pas par le chapeautage d'une superstructure très élaborée, verticale, autoritaire qu'une telle approche, avec les conditions d'initiative que ça demande, pourra prendre réellement naissance, son envol et travailler correctement. Ça demande aussi des ressources. Peut-être pas des quantités astronomiques, mais ça en demande un minimum, ne serait-ce que pour assurer une certaine stabilité à la démarche. On a des exemples dans des collèges où cette démarche d'approche programme a été initiée et, pour des raisons qui tenaient peut-être à l'absence de ressources en grande partie, ces approches ont malheureusement avorté puisqu'on n'a pas été capable de poursuivre l'exercice jusqu'au bout.

J'ai résumé en gros, je pense, les principales conditions que nous voyons à l'implantation de l'approche programme.

M. Gendron: Merci.

Mme Deniers: Alors, comme on l'écrit dans notre mémoire, nous, on considère effectivement que la participation de l'ensemble des intervenants est primordiale, parce que l'étudiant, pour réussir son cheminement, doit avoir un grand encadrement et on pense que le travail d'encadrement n'est pas qu'un travail d'enseignant, mais c'est le travail des professionnels et des techniciens qui sont liés à ces programmes. On croit aussi, et on le dit dans le mémoire, que de cerner les problèmes de l'étudiant dès le départ, de cerner ses lacunes et de lui donner les moyens de les corriger avant d'être rendu à rémission du diplôme, parce que généralement il ne se rend pas, ça c'est un des moyens de faire en sorte que la formation puisse se faire et que la diplomation puisse se faire.

Je pense qu'on a compris depuis des années que le cheminement d'étudiants et que la réussite, compte tenu de la clientèle actuelle, pour qu'il y ait réussite, il faut tenir compte de l'environnement de l'étudiant, c'est-à-dire qu'il a des problèmes financiers, il a des problèmes familiaux, il a des problèmes personnels. Il faut donc que le cheminement dans un programme permette de tenir compte de l'ensemble de ces réalités-là et qu'on lui donne dans le cheminement l'ensemble des moyens pour réussir son programme et mener à la diplomation. Je pense que, vu sous cet angle, en plus d'une plus grande participation de tous, en plus d'un meilleur encadrement, ça prend aussi une plus grande flexibilité dans l'application des normes.

M. Gendron: Merci. Deuxième question. C'est encore nécessaire, je pense, d'y revenir. Il y a des gens qui disent: Vous touchez les mêmes questions. Je comprends, c'est parce que les problèmes sont du même ordre; exemple, M. Richard Le Hir qui disait, hier ou avant-hier, ça n'a pas d'importance: Bon, on est en train de rater ça parce qu'on parle de formation de base, puis de formation fondamentale, mais on ne parle pas de formation technique. Je pars de là juste pour aller rapidement. Mais oui qu'on en parle un peu, sauf qu'avec les intervenants qui sont venus jusqu'à date, il y avait dans leurs mémoires des fois une approche plus pressante et plus étoffée sur la formation de base, la nécessité de revoir. Ça ne voulait pas dire et ça ne veut toujours pas dire que c'est alarmant qu'il n'y ait pas plus de jeunes et d'adultes qui choisissent une formation technique qualifiante. Là, j'allais dire je suis un peu renversé, puis ce n'est pas contre vous autres, mais on est obligés de répéter presque toujours la même chose.

La formation technique, il va falloir la revaloriser. Si ça ne fait pas 50 fois que je dis ça dans des forums auxquels j'ai l'occasion de participer depuis cinq, six ans, aux crédits de l'éducation, il n'y a pas des journées entières où je n'insiste pas là-dessus. Puis, là, dans votre mémoire, je le répète, Mme Pagé, vous faites bien de le rappeler puis de le dire. Mais votre recommandation là-dessus, c'est d'inviter la commission parlementaire à transmettre un message clair aux jeunes et à la population quant au caractère stratégique et impérieux du développement de la formation professionnelle, en se prononçant pour la mise en oeuvre immédiate d'un vigoureux plan de valorisation de ce secteur.

Alors, moi, je vous dis: Supposons que ce soit la dernière fois qu'on parle de le mettre en place, qu'est-ce qu'il y aurait dedans? Qu'est-ce qu'il faut faire rapidement, puisque, comme centrale, vous avez quand même 75 000, 80 000 personnels de redistribués dans tout le Québec? Même, on me dit 100 000 au total. Rapidement, qu'est-ce qu'il faudrait faire pour s'assurer que, comme société, on ne parle plus du plan et qu'on pose les bons gestes pour que dorénavant il y ait plus de jeunes et d'adultes qui choisissent ce qu'il serait plus normal de choisir, une bonne formation technique pour faire face au défi de l'avenir? Qu'est-ce qu'on fait? (15 h 20)

Mme Pagé: Premièrement, on ne fait pas la valorisation de la formation professionnelle seulement en en parlant. C'est une étape, mais ce n'est pas juste en disant vous savez, c'est bon, que ça va faire que tout le monde va se diriger en formation professionnelle. Il y a des gestes concrets à faire. Dans le mémoire, quand on demande, par exemple, une autonomie accrue pour les collèges dans la formation professionnelle, c'est un geste concret parce que ça permet d'adapter la formation professionnelle un peu plus aux besoins qui peuvent s'exprimer dans un milieu donné, dans une région donnée.

Deuxièmement, il faut consentir un financement adéquat à la formation professionnelle. C'est une formation qui nécessite des déboursés

importants. Il faut la financer correctement. Et là, on entend souvent dire que l'école ne fait pas bien ce qu'elle a à faire, mais, moi, je pense qu'il est temps de dire que les entreprises ne font pas bien ce qu'elles ont à faire. Elles sont en queue, là, sur les sommes qu'elles mettent dans la recherche, le développement et le soutien à la formation professionnelle. Et si nos entreprises finançaient à même une taxe ou une obligation de financement, comme ça existe en France, comme ça existe en Allemagne, comme ça existe dans les pays Scandinaves et comme M. Clinton annonce que ça devra exister aux États-Unis, il y aurait des moyens pour soutenir la formation professionnelle.

Troisième élément, la fonction d'orientation professionnelle. Et là, je ne parle pas du cours de choix de carrière, ou je ne parle pas de la tâche des conseillers en orientation, je parle de la fonction d'orientation scolaire et professionnelle qui est déficiente dans notre système d'éducation. Que ce soit au secondaire, que ce soit au collégial, il y a une fonction d'orientation qui est déficiente et qui amène bien souvent des jeunes, sous l'égide de leurs parents dans certains cas, à choisir la voie plus traditionnelle qui est celle de la formation générale. Nous avons seulement 22 % d'une génération qui se dirige vers la formation professionnelle, et nous maintenons toujours nos déficits dans la formation qualifiante pour arriver sur le marché du travail. Mais il y a aussi, nécessairement, l'autre prémisse, c'est qu'il y a une nécessité de scolarisation qui accompagne la formation professionnelle. Et nous avons aussi des retards au niveau de la scolarisation moyenne au Québec et c'est là que la stratégie de la réussite éducative prend tout son sens. La réussite éducative, ça ne se vit pas que dans la voie académique, ça se vit dans la voie professionnelle aussi.

Donc, là, il y a des choix pédagogiques, organisationnels, budgétaires qu'il faut faire pour inscrire l'ensemble de notre réseau d'enseignement public, que ce soit de l'ordre du primaire-secondaire ou du collégial, sur la voie de la réussite du plus grand nombre. Il n'y a rien de plus facile que de faire échouer un élève. On a juste à lui poser les questions auxquelles il ne connaît pas les réponses. C'est très facile, ça. Le vrai défi d'un réseau d'enseignement, c'est de faire le choix de la réussite des élèves, de s'inscrire dans une stratégie de la réussite, et, entre autres, la formation professionnelle, la valorisation de cette formation-là, c'est une voie de la stratégie de la réussite éducative.

M. Gendron: Merci beaucoup. C'est justement parce que je savais que ce n'est pas qu'on en fait juste en en parlant que j'ai posé la question. Autrement dit, je suis conscient, Mme Pagé, qu'on ne pourra pas revaloriser la formation professionnelle uniquement parce qu'on en parte. Et ça m'a permis, en posant la question, de vous faire exprimer ce que vous venez d'exprimer et d'introduire mon second sujet comme questionnement.

Et, on en a une preuve, là, concrètement, et je suis obligé d'être comme je vais être pour le sujet suivant: l'éducation des adultes. Bon. L'éducation des adultes, je vous ai trouvée tout à fait correcte de dire haut et fort, comme vous êtes capable de le faire: II faut réorienter au complet l'éducation des adultes. Mais là, là, on est à une commission parlementaire commandée par le gouvernement que vous connaissez, et le même gouvernement qui souhaite, effectivement, qu'à cette commission parlementaire on évalue toute la meilleure place qui doit être faite à l'éducation permanente, ce n'est pas ce qu'il fait dans à peu près les trois quarts des décisions qu'il prend.

Alors, ce n'est pas pour rien que ça amène des décisions aussi dures que celles que vous recommandez à la page 57. Vous dites: «rétablir un équilibre dans l'offre de formation entre la formation qualifiante et la formation sur mesure; mettre un terme aux conflits de juridiction et au fouillis administratif dans lequel on est - c'est dur, mais c'est la réalité; assurer un financement adéquat et stable; développer les services d'encadrement et de soutien - parce que c'est le drame, il n'y en a plus pantoute; favoriser la recherche en andragogie; améliorer les conditions de travail du personnel».

Ce qui vous faisait conclure - je vais arriver avec ma question: «En proposant cette réorientation de l'éducation des adultes autour de ces grands objectifs, la CEQ est parfaitement consciente d'aller à contre-courant des tendances dominantes actuellement au niveau gouvernemental». Question: Qu'est-ce qu'on fait pour renverser la tendance? Et avez-vous des alliés dans la cause que... Le moment est venu, lors d'une commission parlementaire où on évalue l'avenir des études collégiales... Comme l'avenir des études collégiales va être très pris dans le futur par un très grand nombre d'adultes, qu'est-ce qu'on fait, d'une façon urgente, pour arrêter l'hémorragie?

Mme Pagé: D'abord, moi, d'aller à contre-courant, vous savez, ça ne m'énerve pas vraiment...

M. Gendron: Moi non plus.

Mme Pagé: ...que ça arrive. Ça arrive régulièrement qu'on soit à contre-courant pour un temps. Et, après ça, subitement...

M. Gendron: Le courant vous rattrape.

Mme Pagé: ...le courant nous rattrape. je me rappelle, quand on a commencé à parler de réussite éducative, la première démarche a été de dire que nos chiffres n'étaient pas bons. un an

et demi plus tard, le ministère de l'Éducation était engagé à nos côtés dans la lutte contre l'échec et l'abandon scolaire. Donc, on est peut-être à contre-courant, mais je vais vous dire qu'on a les meilleurs alliés au monde, les adultes eux-mêmes, qui pensent que ce qui se passe en éducation des adultes n'a pas de bon sens.

On parle de formation continue, mais si tu n'es pas sur un plan de sécurité du revenu, soit parce que tu es sur l'assurance-chômage, soit parce que tu es sur l'aide sociale, tu n'as pas accès à l'éducation des adultes.

M. Gendron: C'est exact.

Mme Pagé: Pourtant, on nous dit que la voie, c'est d'avoir de plus en plus... Pour assurer le progrès économique de nos sociétés, pour assurer le développement social et culturel de nos sociétés, et je dirais même pour garantir le développement démocratique de nos sociétés, l'augmentation de la scolarisation de base est fondamentale et préalable. Or, on s'est mis dans une vision utilitariste de l'éducation des adultes. Il faut bien sûr permettre l'éducation des adultes pour répondre à des besoins de formation qui découlent de besoins liés à la formation professionnelle ou au retour à l'emploi ou au maintien en emploi, mais il faut avoir une vision plus globale de l'éducation des adultes en comprenant qu'une personne qui finit l'école à un âge donné et qui n'a jamais besoin de revenir à l'école au cours de sa vie, ça, c'est un modèle des années quarante ou des années cinquante. Ce n'est plus ça, la fin du XXe siècle et ça ne sera pas ça, le XXIe siècle.

Il faut redonner à l'éducation des adultes, dans son sens global, les lettres de noblesse qu'elle a perdues. Et l'on peut sembler à contre-courant, mais je pense que nous ne serons pas longtemps à contre-courant parce que les besoins sont là, les adultes le réclament. Et vous allez entendre, plus tard dans la journée, l'ICEA et vous allez voir qu'à cet égard-là nos points de vue sont tout à fait convergents.

La Présidente (Mme Harel): II reste quatre minutes à l'Opposition officielle. Alors, j'aimerais que le porte-parole en tienne compte dans sa réponse et dans sa question. Dans la question, plutôt, avant la réponse.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gendron: Oui, sauf que...

Mme Pagé: Je peux lui poser la question et qu'il réponde, pour faire changement.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gendron: Je ne contrôle que mes questions et non les réponses. Alors, je voudrais poser à Mme Demers, présidente de la fédération des professionnels, la fédération des cégeps, une question qui m'apparaît importante. Il n'y a pas beaucoup de gens qui, dans leur mémoire, ne nous ont pas abondamment parlé de la nécessité de mesures d'encadrement, d'assistance, d'appoint, appelez ça comme vous voudrez. Et, ça, règle générale, tous ces services-là, on les prend au niveau des personnels que vous représentez. Je sais - et ce n'est pas parce que... on pourrait en parler, et il n'est pas question de jouer à l'autruche - que dans le réseau des professionnels, dans les 10 dernières années, et peut-être même avant, il y a eu énormément de réduction des personnels. J'aimerais ça que vous nous indiquiez... Compte tenu que tous ceux qui nous parlent de l'avenir, de meilleures conditions de réussite, nous disent: Écoutez, il faut régler les problèmes liés à l'orientation. Il faut régler des problèmes au niveau du manque d'encadrement, parce que nos jeunes, c'est cette réalité-là qu'ils vivent dans les collèges. Passer une mesure d'encadrement... Ce midi - très court - je me faisais dire par deux, trois jeunes... Il y en a un qui me dit: M. Gendron, j'ai demandé un rendez-vous - ça va être court - chez un conseiller en orientation. Je vais l'avoir dans trois semaines et demie. Je comprends. Ça n'a pas de bon sens. Trois semaines et demie pour avoir son rendez-vous chez le conseiller en orientation d'un collège! Question, madame. Si vous aviez à placer rapidement... On a un coup de barre à donner au niveau des personnels pour améliorer. On commence par quoi, et qu'est-ce qui est le plus dramatique et qui est le plus criant? Et comment on le corrige rapidement au niveau des professionnels? (15 h 30)

Mme Demers: Moi, je pense que si on avait un seul coup de barre à donner - espérons qu'on va pouvoir en donner plus qu'un - c'est vraiment le service direct à l'étudiant qui est de plus en plus déficient. Effectivement, depuis plusieurs années, on réalise que les professionnels qui ont comme fonction le service direct à l'étudiant, que ce soient les conseillers d'orientation, les psychologues, les aides pédagogiques individuels, on voit leur nombre se réduire, parce qu'il y a d'autres fonctions qui se développent dans le collège. Effectivement, toute la question du lien entre l'entreprise et le collège au niveau de l'éducation des adultes, ça prend beaucoup de personnel, sauf que le lien direct à l'étudiant, l'aide à l'apprentissage, ça, vraiment, à notre avis, c'est le lieu où il y a le plus de diminution de personnel. Ça se voit.

Les aides pédagogiques individuels. Je peux vous donner un exemple. Dans un collège, un aide pédagogique individuel doit voir 1400 étudiants. Alors, quand vient le temps des changements de cours, évidemment, l'étudiant passe à peu près deux minutes ou cinq minutes dans le bureau. Je pense qu'il y a là un problème

important. Qu'on pense aux bibliothèques. Les professionnels dans les bibliothèques, il y a quelques années, ils avaient le temps de faire de la référence, d'apprendre à l'étudiant à se servir de l'instrument qu'est la bibliothèque. Maintenant, ils n'en ont presque plus le temps. Il n'y a presque plus de professionnels qui ont comme fonction d'être conseillers aux étudiants. Je pense que c'est là qu'il est important de donner un coup de barre parce que, si on veut que les étudiants réussissent, ce n'est pas que par la pédagogie. La pédagogie est fondamentale, mais ce n'est pas que par la pédagogie. Les étudiants ont trop de problèmes à vivre pour être capables de... Plusieurs étudiants - pas tous - ont tellement de problèmes qu'ils ne réussissent pas, pas seulement parce que la pédagogie n'est pas bonne, mais principalement parce qu'ils n'ont pas l'aide et l'encadrement nécessaires pour se rendre à la fin de leur cours ou pour faire les bons choix.

La Présidente (Mme Harel): Merci beaucoup, Mme Demers. Merci également, Mme Pagé. La parole, pour conclure cet échange, est maintenant à Mme la ministre.

Mme Robillard: Une dernière petite question rapide, Mme Pagé. Dans votre partie sur la proposition 14, accorder plus d'autonomie aux cégeps, vous concluez, à la page 76, en invitant la commission à apporter des amendements à la Loi sur les collèges afin d'assurer une démocratisation réelle des conseils d'administration. Qu'est-ce à dire?

Mme Pagé: Nous savons toutes et tous que, bien souvent, les conseils d'administration découlent plus de la cooptation, à certains moments donnés, qu'à une réelle démocratisation, et nous pensons que la décentralisation ou le renforcement de l'autonomie des collèges sur certains éléments doit militer en faveur d'une plus grande responsabilisation des conseils d'administration. Pour cela, la composition du conseil d'administration, le mandat du conseil d'administration doit être revu pour permettre, justement, cet élément de rendre compte de la gestion qui leur sera confiée par une dévolution de pouvoirs.

Je voudrais terminer, avant que vous ne me disiez merci d'être venue, en vous disant que tous les changements sont exigeants. Quand on fait le changement de mettre à terre et de reconstruire, c'est exigeant. Mais les changements d'adaptation sont tout aussi exigeants. Parfois même, ils le sont davantage parce qu'ils doivent concilier la continuité et le changement. La commission parlementaire doit déboucher sur des mesures qui permettront de marier continuité, préservation des acquis et adaptation à révolution de notre société et aux besoins des jeunes.

La Présidente (Mme Harel): Mme la ministre.

Mme Robillard: Mme Pagé, non seulement je veux vous remercier d'être venue, mais je vais vous dire qu'il va se passer quelque chose, que ce ne sera pas n'importe quoi et que ce sera cohérent.

Mme Pagé: Merci.

La Présidente (Mme Harel): Alors, je remercie la Centrale de l'enseignement et la Fédération des professionnels. Je vais inviter immédiatement l'Institut canadien d'éducation des adultes à prendre place.

Alors, je demanderais aux membres de la commission de reprendre place, s'il vous plaît. J'inviterais les membres de la commission à reprendre place et nous allons débuter avec l'Institut canadien d'éducation des adultes. Mme Laberge, est-ce que c'est vous qui nous présenterez les personnes qui vous accompagnent?

Institut canadien d'éducation des adultes Mme Laberge (Diane): Oui, tout à fait.

La Présidente (Mme Harel): Mme Diane Laberge, directrice générale. Alors, si vous voulez nous présenter les personnes qui vous accompagnent et procéder à la présentation de votre mémoire.

Mme Laberge: Tout à fait, merci. Bonjour, Mme la ministre, Mme la Présidente de la commission, Mmes et MM. les députés. Je voulais vous remercier de nous recevoir en commission parlementaire. On sait qu'il y a eu énormément de mémoires qui ont été transmis et on souhaitait vivement, comme on est un organisme, je dirais un carrefour en éducation des adultes et que c'est, je dirais, un des rares organismes dont la vocation est totalement centrée sur l'éducation des adultes, qu'on puisse être reçu. On voulait vous en remercier. (15 h 40)

Je vous présente les gens de la délégation: Pierre Paquet, à ma droite, qui est à la Faculté de l'éducation permanente de l'Université de Montréal et qui est membre de notre conseil d'administration; à l'extrême gauche, ici, Mme Louise Carrier, qui est présidente de l'Association québécoise des conseillers et conseillères pédagogiques de l'éducation des adultes dans les collèges du Québec et qui est aussi membre du conseil d'administration de l'Institut; Mme Marie Leclerc, qui est chargée de projet, chez nous, et moi-même. Alors, comme vous avez lu le mémoire, je vais essayer d'en tracer les grandes lignes dès le départ.

Nous vivons une période de transition où nous ne savons plus beaucoup en fonction de

quelles valeurs et de quel projet de société il faut faire des choix. Cela vaut pour tous les secteurs mais aussi pour celui de l'éducation. Face aux défis qui confrontent nos sociétés en mutation, face aussi à l'incertitude et au désarroi dans lesquels vivent les individus, le système d'éducation apparaît comme une planche de salut personnel tout autant que comme un enjeu économique stratégique pour la société. Le système d'enseignement devient alors l'objet de remises en question et d'attentes souvent démesurées et aussi contradictoires. Pour les uns, l'école doit fournir une formation fondamentale et répondre à l'ensemble des besoins des personnes. Pour les autres, l'école doit s'adapter aux réalités changeantes du marché du travail et former une main-d'oeuvre mieux préparée à faire face aux défis de l'an 2000. Comme si les deux objectifs devaient nécessairement s'opposer.

Former des individus capables de penser, de s'informer, de se prendre en charge, de s'adapter aux divers changements, de s'impliquer socialement et de prendre part aux décisions collectives et aux choix de société, ce sont là, à notre avis, autant d'éléments devant aussi faire partie de la mission du système scolaire. C'est finalement toute la mission globale des réseaux éducatifs qui est à repenser et non seulement celle des collèges. Nous ne sommes pas convaincus qu'il fallait ici s'attaquer seulement au secteur collégial.

D'entrée de jeu, nous voulons souligner que l'Institut ne remet nullement en cause l'existence et la mission des cégeps. Nous considérons que les cégeps ont constitué un apport indéniable à la démocratisation de l'éducation en contribuant à élargir l'accès aux études supérieures pour toutes les personnes, et ce, quelle que soit leur région et leur milieu d'appartenance. Plus que jamais, les adultes ont, d'après nous, besoin des cégeps comme tremplin pour l'avenir.

L'ICEA aborde cette consultation générale en étant très conscient des limites de notre intervention. Nous entendons situer la mission des cégeps en éducation des adultes en nous appuyant sur les acquis et les pas accomplis et en identifiant les voies de développement privilégiées.

Les objectifs d'accessibilité et de démocratisation fixés par le rapport Parent ont permis d'introduire dans le système collégial une hétérogénéité certaine de la population étudiante, qui est maintenant très diversifiée et reflète de plus en plus les caractéristiques de la société québécoise d'aujourd'hui. Le portrait de cette évolution est d'ailleurs révélateur des progrès réalisés à l'égard de plusieurs catégories sociales, qu'il s'agisse des adultes, des femmes, des personnes issues des milieux populaires ou encore des néo-Québécois. On note, en effet, une présence accrue des adultes dans les cégeps. Environ un élève sur deux a maintenant plus de 20 ans et le groupe des 25 ans et plus est passé à 31 % depuis 1975. On constate aussi une plus grande diversité des origines socio-économiques au sein de la population étudiante de même que la présence d'une majorité de femmes. À l'éducation des adultes, elles représentent plus de 60 % de la population étudiante et domine dans les programmes techniques et professionnels tout autant que dans le secteur préuniversitaire. Enfin, on compte de plus en plus de néo-Québécois. Cependant, les chances d'accéder aux études supérieures sont encore aujourd'hui fortement tributaires de l'origine socio-économique des parents et la discrimination géographique persiste pour les étudiantes et les étudiants des régions périphériques.

Les percées réalisées ne doivent cependant pas nous faire sous-estimer les populations adultes encore marginalisées par le réseau collégial tout comme par les autres ordres d'enseignement. On pense ici aux travailleurs et travailleuses peu qualifiés, souvent dans des emplois précaires ou à l'intérieur des PME, aux populations immigrantes, allophones, aux femmes immigrantes, aux demandeurs de statut de réfugié, aux personnes handicapées, aux mères de famille, aux femmes chefs de famille monoparentale qui demeurent, malgré tout, peu rejointes malgré certains progrès.

Nous devons souligner particulièrement l'exclusion des adultes qui ne répondent pas aux critères d'admission des programmes faute de correspondre à la clientèle cible. Ces personnes, qui veulent se donner un projet de formation sur une base individuelle, sont en voie de devenir non prioritaires du fait de n'être ni référées par l'employeur, ni prestataires d'un régime de l'État. Ces faits nous convainquent que l'accessibilité doit demeurer un objectif à poursuivre prioritairement par les cégeps, qui auront de plus en plus à s'adapter à de nouvelles réalités.

En 1984, en réponse à la publication du rapport de la commission Jean et dans un contexte de récession économique et de compressions budgétaires, le gouvernement déposait un énoncé d'orientation en éducation des adultes. Cet énoncé a profondément influencé l'évolution des services d'éducation pour les adultes et constitue encore aujourd'hui le cadre politique de l'organisation de l'éducation des adultes au Québec.

L'énoncé s'inscrivait pourtant dans une perspective d'éducation permanente devant permettre à tout individu, à n'importe quel moment de sa vie, d'entamer de nouvelles démarches de formation. Plusieurs principes devaient inspirer les interventions, qu'il s'agisse de la reconnaissance de la pluralité des lieux de formation, de l'accès plus large et plus facile aux ressources éducatives, de l'objectif de développement global de la personne, intégrant les dimensions économiques, bien sûr, mais aussi culturelles et sociales de l'éducation, de la

formation sur mesure comme approche à privilégier ou de la priorité aux formations qualifiantes, c'est-à-dire à celles qui conduisent à une forme de reconnaissance sociale. Force nous est de constater que plusieurs de ces principes devraient guider notre action encore aujourd'hui, car il ne nous semble pas que tout est acquis.

Cependant, le changement le plus marquant apporté par l'énoncé aura sans cloute été le nouveau partage des responsabilités entre les ministères. Le gouvernement choisissait de transférer une bonne partie des responsabilités et budgets alloués en éducation des adultes au ministère de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu. Ce nouveau partage des responsabilités viendra consacrer la perte de leadership des ministères à vocation éducative au profit des ministères responsables de la main-d'oeuvre, et ce, tant au provincial qu'au fédéral. Dans leur champ spécifique de juridiction, les ministères éducatifs ont eux-mêmes dilué leurs responsabilités en éducation des adultes, contribuant ainsi à limiter leur capacité d'intervention dans ce domaine, notamment par la disparition des structures ministérielles propres à l'éducation des adultes.

Plusieurs mesures innovatrices avaient été prévues dans l'énoncé pour accroître l'accessibilité à l'éducation des adultes. On pense ici à la reconnaissance des acquis, aux services régionaux d'accueil-référence qui, après une mise en marche prometteuse, ont connu un développement, somme toute, limité. Il n'existe pas aujourd'hui de système harmonisé de reconnaissance des acquis entre les établissements et les ordres d'enseignement, et les services régionaux d'accueil-référence ont été convertis en instrument du réseau de la main-d'oeuvre.

L'énoncé d'orientation confirmait aussi une mission d'éducation populaire au réseau de l'éducation et invitait les établissements d'enseignement à développer les services aux collectivités. Ceux-ci sont, à l'heure actuelle, pratiquement inexistants ou réduits à des initiatives sectorielles et individuelles de certains collèges.

Enfin, soulignons que, si on affirmait que les organismes et les établissements d'enseignement devaient considérer l'éducation des adultes comme partie intégrante de leur mission au même titre que celle des jeunes, la Loi sur les collèges n'indique toujours pas explicitement que l'enseignement doit s'adresser aussi bien aux adultes qu'aux jeunes, contrairement à la nouvelle Loi sur l'instruction publique qui reconnaît le droit des adultes à l'éducation. Depuis 1985, une ouverture de l'enveloppe budgétaire en éducation des adultes dans les commissions scolaires aura permis d'accroître considérablement l'accès des adultes à la formation, du moins jusqu'à l'an dernier, puisque cette enveloppe-là a maintenant été fermée. Les cégeps n'ont malheureusement, pour leur part, jamais bénéficié d'une mesure comparable. Si l'éducation des adultes semblait devoir s'inscrire dans une perspective d'éducation permanente afin d'être en mesure de répondre aux besoins multiples des adultes, les changements majeurs survenus au cours de années quatre-vingt ont cependant compromis grandement un tel objectif.

Le nouveau partage des responsabilités entre les ministères de l'Éducation et de la Main-d'oeuvre ainsi que la création du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science ont modifié substantiellement le rôle des acteurs gouvernementaux en présence. Les mécanismes de concertation entre les trois ministères sont demeurés relativement faibles, laissant voir une absence de cohésion de la part du gouvernement du Québec dans le champ de l'éducation des adultes. Le gouvernement fédéral a donc pu profiter de cette situation pour continuer à occuper très largement ce champ de la formation.

Du côté fédéral, c'est par le canal des accords Canada-Québec que transitent, depuis 1967, les fonds alloués à la formation standardisée pour les adultes. Suite à l'adoption par le gouvernement fédéral, en 1985, de sa politique de planification de l'emploi, on prévoyait une décroissance de 40 % des budgets consacrés aux achats directs de formation standardisée au profit de la formation sur mesure. Si cette stratégie a eu le mérite de favoriser des liens plus étroits entre l'école et le travail, elle a par contre eu des conséquences difficiles et négatives par rapport à l'accessibilité à la formation standardisée générale et professionnelle pour les adultes. (15 h 50)

Le gouvernement fédéral a donc fortement contribué à redessiner l'offre de formation en éducation des adultes et «priorisé» le développement de la formation sur mesure en établissement. Nous aurions pu penser que le gouvernement du Québec assurerait, pour sa part, le maintien d'une offre de service adéquate a temps complet, à temps partiel pour les adultes, mais tel n'a pas été le cas, du moins au niveau collégial. Au contraire, on a vu les subventions se réduire au fil des ans. En effet, le principal programme du ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle, qui s'adresse aux collèges, le programme Recyclage et perfectionnement de la main-d'oeuvre, vise essentiellement la formation professionnelle à temps partiel et son budget global, non indexé, a diminué, entraînant une baisse de 20 000 places dans les collèges entre 1985 et 1989. Il faut aussi signaler que la formation financée dans ce cadre entraîne une tarification pour les adultes, des frais qui ont d'ailleurs été haussés au cours de l'été 1992, ce qui nous apparaît à contresens des objectifs de développement des compétences dont on parie tant.

Il ne semble pas que le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science ait

davantage pris à sa charge les vides laissés par le gouvernement fédéral ou par le ministère de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu. Le financement provenant du MESS, principalement contenu dans l'enveloppe normalisée de la DGEC et consacrée aux cours de formation à temps partiel pour les adultes, est déterminé sur ia base d'un facteur de pondération qui a décru d'année en année, ce qui n'a pas été sans conséquence pour l'offre de service et l'accessibilité aux adultes non plus. Conséquemment, les cégeps imposent de plus en plus de frais administratifs, développent une tarification pour les services complémentaires nécessaires telle que la reconnaissance des acquis. En somme, on est loin de favoriser l'accessibilité à l'éducation pour les adultes.

Si, globalement, le budget global de l'éducation des adultes dans les cégeps s'est accru de 30 %, en chiffres absolus, entre 1985 et 1990, ce n'est pas sur la base du financement qui vient du gouvernement du Québec. Le financement du MESS a représenté une hausse inférieure au taux annuel d'inflation et celui du MMSRFP a diminué légèrement en chiffres absolus. Seules les sommes issues de l'accord Canada-Québec, donc du gouvernement fédéral, ont augmenté de 47,7 % dans les collèges, et c'est simplement sur la base d'une répartition différente des fonds entre les commissions scolaires et les collèges. Donc, c'est davantage des réajustements et des déplacements de budgets qu'une réelle augmentation des fonds.

De leur côté, les réformes des politiques de sécurité du revenu - on pense ici à l'aide sociale, à l'assurance-chômage - sont venues marquer le développement de l'éducation des adultes. Les gouvernements cherchent de plus en plus à lier sécurité du revenu et programmes de formation pour les prestataires. Dans le cadre des achats directs du fédéral et du programme FME-employabilité, le gouvernement vise prioritairement les prestataires de la sécurité du revenu et les personnes en chômage. La réforme de l'assurance-chômage a permis de transférer des sommes dans le développement de ce qu'on a appelé des utilisations productives des fonds de l'assurance-chômage dont la formation professionnelle. Depuis sa mise en oeuvre, on a pu observer une augmentation du budget du programme FME-employabilité ainsi que l'arrivée d'un nombre important de prestataires de l'assurance-chômage dans les programmes de formation en établissement. De même, depuis la mise en place de la loi 37, les prestataires de l'aide sociale sont invités, par des mesures incitatives et parfois coercitives, à s'inscrire dans un des programmes de développement de l'employabilité autorisés par l'aide sociale et organisés, tels que le rattrapage scolaire, les stages en milieu de travail, les travaux communautaires.

Il nous apparaît nécessaire de rappeler que, pour une partie sans cesse croissante de la main-d'oeuvre, les frontières entre le travail, le chômage et l'aide sociale sont de plus en plus poreuses. Le développement de la formation ne saurait, en aucun cas, tenir lieu de politique de plein emploi et constituer la seule réponse au problème du chômage et de la précarisation. Les mesures d'adaptation à court terme présentent, à notre avis, un réel danger, celui de leurrer les gens en leur laissant entrevoir que la formation est une solution miracle pour garantir un emploi décent et régulier qu'ils chercheront encore longtemps.

Certes, la qualification et le développement des compétences professionnelles demeurent des atouts nécessaires pour intégrer le marché du travail et pour contrer l'exclusion sociale et économique. Mais justement pour cette raison, le développement des formations courtes ou peu qualifiantes, qui s'adressent spécifiquement aux prestataires de l'État, nous interpellent grandement car, à notre avis, ces programmes de formation et ces circuits d'insertion peuvent s'avérer sans issue pour les personnes visées, ne servant ni les intérêts des individus à court terme ni ceux du Québec à moyen ou à long terme.

Bref, les interventions des cégeps auprès des adultes ont emprunté, au cours des dernières années, un couloir de plus en plus étroit, imposé par les modes de financement. On doit aujourd'hui reconnaître que les programmes s'adressent beaucoup moins a l'ensemble de la population adulte qu'à certaines clientèles cibles. Dans un tel contexte, nous nous demandons si les cégeps sont encore en mesure d'assumer pleinement leur mission éducative en ce qui a trait aux adultes. La demande des adultes est essentiellement médiatisée par l'entreprise ou par les gouvernements qui constituent, en fait, les vrais clients des cégeps. La notion de service public, associée pourtant à l'éducation, semble de moins en moins structurer l'offre de formation.

La coordination de la mission éducative de l'État devrait pourtant s'imposer, non seulement comme une priorité, mais comme indispensable, compte tenu de cette multiplication d'intervenants, de programmes, de la pluralité des lieux de formation et des modalités. Mais il faut constater que peu de progrès ont été faits en ce sens. Nous déplorons la perte de vision d'ensemble et de leadership en éducation des adultes de la part des ministères à vocation éducative et du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science, en particulier. Ces ministères se sont eux-mêmes handicapés; en abolissant leur structure interne spécifique à l'éducation des adultes, au lieu de démarginaliser ces secteurs et de responsabiliser leurs réseaux respectifs, on a surtout assisté à une dilution des responsabilités et à une perte de visibilité pour l'éducation des adultes.

À notre avis, le nouveau partage des responsabilités n'a pas atteint les objectifs visés; les mécanismes de concertation mis en place au

niveau national et régional n'ont pas non plus donné les résultats attendus pour réduire les incohérences, les conflits de juridictions, le fouillis administratif, les dédoublements et les chevauchements. À ce portrait s'ajoute l'enchevêtrement que constituent aujourd'hui les relations fédérales-provinciales dans ce domaine. Le manque de cohérence et de continuité se traduit dans la pratique par des problèmes de lourdeur administrative, de mises en concurrence des réseaux et de stratégies parallèles d'intervention. Les adultes font les frais de ce qui est devenu un véritable casse-tête.

Compte tenu du caractère insatisfaisant, sinon inopérant des mesures de coordination et de concertation, le projet de partenariat proposé par le ministre de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu, dans son énoncé de politique l'année dernière, avait été examiné avec attention par les réseaux éducatifs pour qui les attentes étaient tellement grandes de voir enfin une concertation et des cohérences de politiques. À notre avis, cet énoncé fut décevant par sa vision étroite à court terme de la formation autant qu'au niveau de la concertation.

Dans ce portrait du cadre d'action en éducation des adultes, c'est l'absence de vision d'ensemble des défis à relever qui semble caractériser le plus les politiques actuelles. Sans projet social débattu et partagé, on ne pourra assigner à l'éducation des adultes une orientation à la mesure des défis à relever pour l'avenir de la société québécoise.

La Présidente (Mme Harel): Je vais vous demander de conclure.

Mme Laberge: Alors, je vais aller un petit peu plus vite. À l'ICEA, nous croyons que les besoins des adultes doivent être réaffirmés, réactualisés à la lumière des grandes mutations de la société. Ces bouleversements du marché du travail nécessiteront une solide formation initiale, générale et polyvalente, et nous croyons donc que le temps est venu de mettre en place un véritable système de formation continue. La participation de tous et de toutes au développement de la société québécoise suppose par ailleurs la concertation des partenaires sociaux vers une nouvelle cohésion sociale. La société québécoise est à un tournant décisif qui appelle une mobilisation collective autour d'un véritable projet de société qui, lui seul, permettra d'affronter les défis de l'an 2000, tout autant au plan économique qu'au plan social.

On ne saurait se contenter des seuls objectifs économiques dans ce débat face au risque réel de voir le système d'éducation consolider une société à deux vitesses. D'une société où les perdants s'avèrent de plus en plus nombreux, il nous faut en tant que collectivité faire le choix réel de combattre l'exclusion et la marginalisation sociale et économique. Un projet éducatif global est à définir en solidarité et à partir d'un véritable forum public sur la mission de l'éducation des adultes au Québec.

En cet esprit, nous avons la conviction que l'action des réseaux d'enseignement doit s'ouvrir davantage aux dimensions culturelles et démocratiques de la vie en société. Les cégeps de l'an 2000 auront certes à contribuer au développement des compétences des individus dans leur capacité de s'adapter au changement face à leur métier ou à leur profession. Mais ils devront aussi investir davantage dans la formation des citoyens, car un solide bagage culturel, une ouverture au monde et un sens critique formé feront partie des compétences de demain et du curriculum attendu des citoyens et des citoyennes, tout autant que de la main-d'oeuvre compétente. Devant le cégep de demain se dessine un objectif capital, celui de reconnaître aux adultes leur place au coeur de leur propre projet de formation, au coeur de la participation dans le système d'enseignement et dans les collèges, et, en même temps, à notre avis, nous croyons que cette participation à la définition de leur projet de formation, à toutes les étapes, est absolument essentielle tout autant à la persévérance qu'à la réussite du cheminement scolaire pour les adultes. (16 heures)

II s'agit pour nous d'un projet global d'éducation permanente, et c'est ce concept d'éducation permanente qui fait de plus en plus consensus dans la société mais qu'on voit mal porté actuellement par nos gouvernements. Si les milieux scolaires, associatifs, culturels et économiques portent en grande partie la responsabilité de développer une culture de la formation, l'État doit, pour sa part, adopter une politique d'éducation permanente qui situe la place de l'éducation des adultes dans l'ensemble du système d'éducation et qui inscrit concrètement dans la mission du réseau collégial cette place pour l'éducation des adultes.

La Présidente (Mme Harel): Merci, Mme Laberge. La parole est maintenant à la ministre.

Mme Robillard: Merci, Mme la Présidente. Je tiens à saluer les représentants de l'Institut canadien d'éducation des adultes de façon particulière et à souligner aussi comment vous avez toujours joué un rôle de pionnier, je pense, au Québec, dans le domaine de l'éducation des adultes depuis fort longtemps. Il y a au-delà de 40 ans, je pense, que vous êtes impliqués dans ce domaine-là, et, encore aujourd'hui, vous jouez ce rôle, ce rôle, je dirais, presque de conscience, à nous rappeler les besoins et les enjeux de l'éducation des adultes. Bien que, quand on utilise ce terme-là au niveau de l'ordre collégial, on peut toujours demander à qui on s'adresse. Particulièrement nos jeunes, ayant 17 ans quand ils entrent, très rapidement, ils sont adultes.

Je vois bien la perspective que vous avez

au niveau de votre institut en tant que tel et, de fait, dans votre mémoire, vous pointez, encore une fois, avec vigueur, je pense, les enjeux majeurs que nous connaissons bien quand vous nous parlez du financement du temps partiel, de la diversification des cheminements, de la disponibilité des services en dehors des heures normales, de la reconnaissance des acquis, de la concertation interministérielle. Alors, je pense que vous pointez vraiment les enjeux au niveau de l'éducation des adultes en tant que telle.

Et j'aurais le goût, Mme Laberge, d'aborder d'emblée avec vous une question qu'on n'a pas abordée à date de façon détaillée au niveau de la commission parlementaire, c'est toute la question de la reconnaissance des acquis. Et je pense que, pour l'éducation des adultes, c'est vraiment une question fort importante aux plans pédagogique et académique en tant que tels. Et, donc, vous insistez avec raison sur la reconnaissance des acquis, mais j'aimerais ça échanger un peu avec vous sur ce sujet.

Quand on parle de reconnaissance des acquis pour les adultes au niveau de la formation technique et que nos programmes sont de plus en plus faits par compétence, on peut voir comment la reconnaissance des acquis peut être un apport significatif et que c'est peut-être plus facile d'essayer de penser tout un système de reconnaissance des acquis. Mais, vous le savez, on parle de plus en plus de la nécessité d'une formation générale pour qui que ce soit, jeune ou adulte, qui vient au cégep, qui a un bon bagage de formation générale. Ça, on en a entendu parler depuis le début de la commission. Et là j'ai un peu plus de difficultés à voir comment on peut appliquer le système de recon-naisance des acquis à la faveur des adultes, que ça joue favorablement pour eux, parce qu'on sait tous que l'expérience de vie qui est acquise par des adultes, l'expérience de travail en tant que telle, ça ne rend pas nécessairement plus apte, par exemple, à maîtriser la langue maternelle, ou à maîtriser la langue seconde en tant que telle, ou à penser avec rigueur, ou à avoir une méthode de travail. C'est un peu ça, les objectifs de la formation générale.

Donc, je me dis: Comment les adultes pourraient-ils bénéficier d'un système de reconnaissance des acquis dans le domaine des cours de formation générale? Est-ce que vous avez une réflexion à cet égard?

Mme Laberge: Disons que, globablement, on a une réflexion par rapport à tout le dossier de la reconnaissance des acquis et des compétences, donc de façon assez globale, parce que, pour nous, c'est peut-être la voie de solution pour trouver des passerelles entre le monde du travail, le monde de la vie privée et associative, et la vie civique, je dirais, la participation à la vie civique et la vie scolaire. C'est sûr qu'on n'a pas de prétention que le système de reconnaissance des acquis ou des compétences devrait permettre à tout le monde de sauter par-dessus des formations de base qu'ils n'auraient pas.

Par contre, il y a des gens qui travaillent et qui ont acquis des choses en dehors du système d'enseignement comme tel et qui sont en mesure de le faire valoir ou de passer des étapes. Il y a divers cours, je pense, si on entre au cégep en formation générale. La rigueur de la pensée, à 40 ans, si on ne l'a pas acquise d'une certaine façon, ce n'est pas nécessairement par un nouveau cours qu'on va l'acquérir. Comme ça, je pense qu'il y a des choses qui s'apprennent. La méthode de travail, par exemple. Moi, je pense qu'une mère au foyer a acquis des méthodes de travail et qu'elle peut adapter des systèmes d'organisation qui peuvent servir et être transférés. On regarde le même système par rapport au marché du travail. Donc, dire ce que j'ai acquis, moi, comme compétence générique, comme compétence spécifique et comme connaissances.

Donc, la question pour vous est au niveau des connaissances et, dans le champ des connaissances, je pense qu'il y a des moyens de vérifier. Par exemple, il existe, pour quelqu'un qui voudrait aller chercher l'équivalent d'un secondaire V, un test d'équivalence et on lui reconnaît son diplôme sans qu'il aille refaire tous les cours. Ce n'est pas un système de reconnaissance des acquis, mais c'est quand même un moyen pour un adulte de faire le point sur ce qu'il a acquis, et de faire reconnaître ce qu'il a acquis sans aller refaire chacun des cours, et d'aller chercher le niveau de diplôme dont il a besoin pour avoir accès à un travail ou à un autre niveau de formation sans reprendre des études préalables qu'il aurait acquises soit parce qu'il est autodidacte, soit parce qu'il a fait des cours de français ou d'alphabétisation dans un milieu populaire ou parce qu'il s'est impliqué dans une organisation où il a appris à écrire, à faire des procès-verbaux et qu'il a travaillé son français par lui-même, pas nécessairement dans une école.

Donc, je me dis qu'il y a certainement moyen de trouver des compétences, par exemple au niveau de la langue, des choses qui ont été acquises et qui ne sont pas nécessairement acquises dans une institution scolaire qui a décerné une attestation ou un diplôme pour ça. Et ce n'est pas pour nous une voie d'évitement, c'est surtout une façon de prendre en compte au départ, quand un adulte arrive, son bagage personnel de connaissances et de compétences pour développer ce qui manque à la formation dont il a besoin, plutôt que de lui dire: Bien, le programme, il est comme ça; tu refais ce que tu sais déjà, et d'arriver à des résultats où on peut voir, par exemple, qu'il y a des adultes, s'il faut qu'ils refassent trois ans pour une formation, ils vont éclipser de retourner aux études plutôt que d'aller rechercher... Ou ils vont aller prendre quelques petites formations pointues. Ils ne vont

pas reprendre une formation, je dirais un programme de formation, mais des morceaux.

Donc, c'est dans la perspective d'aider à prendre en compte la réalité des adultes et de trouver des passerelles entre les divers milieux où ils apprennent. C'est vraiment dans ce sens-là.

Mme Robillard: Ça m'amène, Mme Laberge, à vous poser une question sur la diversification des cheminements, parce que vous en faites une recommandation en tant que telle. Et, si je vous ai bien saisie, vous plaidez toujours pour des formations de courte durée pour les adultes, ou bien si je ne vous ai pas bien saisie, vous me clarifierez ça. J'aimerais ça, vous entendre. À l'heure actuelle, au moment où on se parle, on a les A.E.C., les attestations d'études collégiales, les C.E.C., les certificats d'études, les D.P.E.C. On sait que ces diplômes-là ont un problème de reconnaissance sur le marché du travail. On sait aussi qu'il n'y a pas de partie de formation générale à l'intérieur de ces diplômes-là, n'est-ce pas? Alors, par ailleurs, ailleurs dans le mémoire, vous en parlez, de cette nécessité de la formation générale.

Mme Laberge: Oui.

Mme Robillard: Pourriez-vous élaborer sur ce sujet-là?

Mme Laberge: Je vais juste dire une petite chose, puis je te la repasse après. Je veux simplement dire qu'on ne plaide pas uniquement pour les formations de courte durée. On plaide pour la diversité des cheminements de façon à pouvoir répondre à la diversité des besoins et des situations des adultes. Et, à mon avis, une attestation d'études collégiales, ou un C.E.C., un certificat d'études collégiales, peut être une excellente réponse pour quelqu'un dans une situation, qui sait très bien où il s'en va et qui prend ça comme un palier vers autre chose, ou qui avait déjà autre chose avant et qui choisit.

Mais on soulève la question, entre autres, particulièrement quand on parle des prestataires de la sécurité du revenu qui sont automatiquement orientés vers des formations de courte durée, qui n'ont pas la même valeur et pas de formation générale. Là, on plaiderait plutôt contre que pour. Alors, je vais laisser quelqu'un d'autre prendre la relève. (16 h 10)

La Présidente (Mme Harel): C'est bien. Marie Leclerc, chargée de projet.

Mme Leclerc (Marie): Nous avons exploré, mais sans en tirer nécessairement de conclusion, une des pistes qui était émise par le Conseil des collèges, à savoir, par exemple, que les attestations, les certificats incluent nécessairement une part de formation générale, si je ne m'abuse. Ça nous semble une perspective intéressante. On avait mis en annexe, d'ailleurs, du mémoire un rappel des positions antérieures de l'ICEA où déjà on évoquait, en 1983 et 1984, la possibilité que les formations de courte durée incluent les éléments de formation générale et soient cumulatives pour en arriver à un programme.

Ça nous semble toujours une perspective intéressante. Maintenant, on n'a pas étudié toutes les dimensions de cette possibilité-là, mais ça nous semble à explorer parce que, effectivement, si, pour certaines clientèles, c'est actuellement carrément des voies de garage, disons-le, pour d'autres clientèles - ça peut être clientèles entre guillemets, qui est un mot qu'on n'utilise pas tellement à l'ICEA, on préfère parler des adultes et des populations - pour d'autres gens, effectivement, ça nous semble des voies possibles. Ce qu'on dit, c'est qu'il faut les améliorer et qu'il faudrait peut-être aussi que cesse cette espèce d'exigence à la hausse de qualifications de la part du marché du travail, de la part des employeurs, dans un contexte où le chômage est tel qu'on peut se permettre de demander aux gens un diplôme infiniment supérieur à ce qui est exigé par les tâches. Ça, c'est une autre partie du problème. Peut-être que Mme Carrier pourrait parler plus pratiquement de ce que ça peut vouloir dire, les formations de courte durée.

Mme Carrier (Louise): Pratiquement, ce qu'on rencontre souvent dans les cégeps avec les adultes, ce sont des gens qui vont venir en premier lieu chercher une formation dont ils ont besoin, soit parce qu'ils sont déjà dans un emploi ou qu'ils veulent aller se qualifier ou chercher une meilleure formation de pointe, ou souvent ça va être des clientèles spécifiques, comme on disait tantôt, référées par la Sécurité du revenu ou autres.

Ce qu'on remarque souvent, c'est qu'il y a des gens dans ça qui voudraient s'impliquer dans une formation un peu plus longue, un peu plus qualifiante. En tout cas, moi, j'ai eu des étudiants référés par la Sécurité du revenu qui auraient voulu faire des formations de C.E.C. ou de diplômes d'études collégiales, donc plus qualifiantes, et ce n'était pas nécessairement dans ces formations-là qu'on les dirigeait à partir du ministère de la Sécurité du revenu. On leur offrait plus des programmes d'attestation d'études collégiales.

J'ai eu un exemple concret que je peux vous donner. Un étudiant de 28 ans, qui fait une formation en bureautique, une attestation, et qui, à la fin de sa formation en bureautique, me dit: Je constate que j'aurais des habilités à l'informatique, je m'en suis rendu compte en faisant mon attestation, et qui fait des demandes pour avoir la possibilité de suivre, par un même biais de subventionné, disons, une formation d'un certificat en informatique qui pourrait l'amener éventuellement à un diplôme. Alors, on lui dit:

Ce n'est pas possible. On peut t'offrir d'autres formations qui t'amèneraient à une autre attestation. Alors, il a fait le virage aussi surprenant que de dire: Bon, il me resterait à prendre une attestation en gérontologie.

Alors que cette personne-là voulait, avait découvert, au cours de son attestation, que c'était un certificat, finalement, et peut-être un D.E.C. en informatique qui lui conviendraient davantage. Je trouve que ce sont des exemples qui sont très forts pour illustrer un peu plus le fouillis ou la difficulté de faire vraiment le bon choix pour les étudiants ou de les amener vraiment à prendre la décision qui convient quand il s'agit de s'investir dans une A.E.C. ou dans un C.E.C.

Ça demande sûrement un regard avec une politique peut-être mieux établie et plus consistante. En tout cas, ça demande sûrement une étude là, parce que je trouve que c'est un exemple concret qui peut peut-être illustrer le propos qu'on essaie de démontrer.

La Présidente (Mme Harel): Merci, Mme Carrier. Je crois comprendre que la parole est maintenant au porte-parole de l'Opposition, et nous reviendrons pour la fin. Vous vouliez compléter, je crois? Vous vouliez compléter, Mme Laberge.

Mme Laberge: Je voudrais simplement signaler à Mme la ministre que c'est dans ces cas-là qu'on trouve que les formations de courte durée, de façon pointue, où sont, je dirais, envoyés les prestataires de l'aide sociale, nous posent des questions de fond. Si on souhaite investir pour que les gens se relancent, ce n'est pas en les empêchant de prendre les formations de D.E.C. qu'on va avoir des succès. C'est peut-être dans ce sens-là qu'on pense que la concertation avec les ministères aurait lieu d'être plus poussée parce que, s'il y a des contraintes au niveau de la Loi sur l'aide sociale qui donnent des résultats comme ça dans nos cégeps, c'est aussi votre ministère qui va se faire dire qu'on offre des formations à rabais pour les assistés sociaux et ce sera triste qu'on investisse sans égard aux résultats pour les personnes à qui on offre les services.

La Présidente (Mme Harel): Merci, Mme Laberge. La parole est maintenant au député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: Rapidement, on vous souhaite la bienvenue. Moi, je suis très heureux que l'Institut canadien d'éducation des adultes soit là, Mme Laberge et les gens qui l'accompagnent, M. Paquet et Mme Leclerc. Je connais, depuis plusieurs années, le rôle que joue l'Institut canadien d'éducation des adultes dans le domaine de l'éducation, en particulier de l'éducation permanente, par les nombreux, entre guillemets, «Telbec» que nous recevons ou avis sur toutes sortes de choses, mais toujours pertinents, toujours liés à un objectif, je vais appeler ça un mieux-être général éducatif. Mais, règle générale, sincèrement, l'Institut canadien d'éducation des adultes prend des positions avisées, étoffées, averties et c'est éclairant pour des parlementaires. En tout cas, je me rappelle que vous m'avez inspiré à plusieurs reprises, je vous en remercie.

Sur le sujet d'aujourd'hui, deux rappels avant de questionner. Le premier rappel - je suis heureux que vous le fassiez - vous dites: Pour nous, c'est clair, les cégeps ont constitué un apport indéniable à la démocratisation de l'éducation, en contribuant à élargir l'accessibilité aux études supérieures pour toutes les personnes, et ce, quelles que soient leur région et leur milieu d'appartenance. Et c'est important de faire quelques rappels, compte tenu du mandat qu'on a à faire. Il y a des gens, des fois, qui nous laissent voir que, oui, on essaie de laisser la structure en place. D'ailleurs, on va en avoir un, ce soir. C'est un exemple, puis je n'ai pas d'objection, on va jaser correctement, mais, lui, ça serait tabula rasa, c'est inutile, ça n'a pas d'affaire là, on efface et on recommence. C'est facile, des fois, mais je pense qu'il ne faut pas sauter à des conclusions aussi rapides et hâtives. Vous, vous avez la précaution de dire non au chapitre de deux valeurs fondamentales auxquelles, comme société, nous croyions, qui étaient l'accessibilité, la démocratisation et un peu plus de rayonnement du Québec de base. Le Québec de base, c'est les régions. Parce que, des fois, j'entends: Revenons à l'école spécialisée. Bien oui, mais l'école spécialisée, ce n'était pas tout à fait aussi accessible que ça l'est actuellement. Donc, il y a d'autres contraintes par rapport aux objectifs de maximiser le nombre de jeunes qui sont détenteurs d'une diplomation. Bien sûr qu'elle a ses faiblesses. Bon, je ne me perds pas, la. Le premier point.

Deuxième point, deuxième rappel, vous dites que vous vous engagez dans cette réflexion en croyant qu'il faut resituer les cégeps en tant que projet en évolution. Je trouve que c'est ça, la base de réalisme. Et vous ajoutez que vous, autant que possible, vos réflexions sont davantage dans votre domaine où vous avez acquis une plus grande expertise, une plus grande expérience, qui est le domaine de l'éducation des adultes. Bravo!

Trois, quatre questions, si on a le temps. La première: La Fédération des cégeps et autres organismes ont proposé, entre autres, que l'on module le diplôme d'enseignement collégial technique en parties cumulables, chacune donnant lieu à une sanction d'études. J'aimerais ça avoir une réaction de votre part là-dessus, si ça vous dit quelque chose. Je reprends. Elle avait suggéré, la Fédération des cégeps, et d'autres organismes ont proposé ça, que l'on module le

diplôme d'études collégiales mais techniques en parties cumulables. Est-ce que vous avez un avis là-dessus?

Mme Laberge: Je vais demander à Pierre Paquet de s'aventurer sur un terrain sur lequel on n'a pas pris de position collectivement.

La Présidente (Mme Harel): M. Paquet.

M. Paquet (Pierre): Vous parlez de la formation initiale?

M. Gendron: Oui

M. Paquet: Comme telle, notre mémoire n'a pas traité de la formation initiale. On n'a pas envisagé cet aspect-là, on n'a traité que la question de l'éducation des adultes. Mais, par rapport à une question comme celle-là, c'est peut-être l'occasion de rappeler un des points que l'on a fait valoir, que les formations courtes, notamment, il faudrait que ce soit des formations qui soient cumulables et qui puissent éventuellement faire partie de diplômes. Les adultes, je pense, peuvent très bien d'eux-mêmes ou parce qu'on les insère dans des programmes plus courts prendre ou entrer dans un cégep par une formation courte mais y prendre goût et vouloir poursuivre. Dans ce sens-là, par rapport à la diversification des cheminements, on pense que les formations courtes devraient être des formations cumulables, justement, et qui pourraient éventuellement déboucher sur des diplômes. (16 h 20)

M. Gendron: Merci. Dans les créneaux où vous êtes plus spécialisés... Mme la ministre a commencé comme ça, en disant que toute la question de la reconnaissance des acquis, c'est une problématique très spécifique aux adultes. La question que j'aimerais vous poser, encore là sans aucun jugement contre ce que vous êtes comme institution avertie, c'est: D'après vous, qu'est-ce qui fait que, encore aujourd'hui, on soit constamment obligés de parler de la nécessité d'une mise en oeuvre d'une véritable politique de reconnaissance des acquis, qu'on parle depuis plusieurs commissions? Donc, quels ont été les obstacles, d'après vous, à la mise en place d'une politique véritable de reconnaissance des acquis qui nous permettrait... Non, selon votre expertise. Moi, j'en sais quelques-uns, mais on a la chance d'avoir des gens qui sont avertis dans ce secteur-là. Alors, c'est quoi les principales causes qui font qu'on est encore obligés de parler comment ça serait important et requis d'avoir une véritable politique de reconnaissance des acquis et qu'on marche un peu plus d'une façon ad hoc?

Encore là, ce n'est pas du tout contre la ministre. Elle disait tantôt: Oui, mais c'est un peu normal parce qu'il y a une approche discipline, programme, matière. Oui, mais il y a tout l'autre volet d'avoir tellement d'intervenants et d'interventions qu'on est obligés de faire. Moi, j'ai juste un bureau de député et constamment des gens viennent me voir. Ils trouvent qu'ils n'ont pas un traitement correct dans la reconnaissance de leurs acquis «expérientiels», et je me bute à autant de points de vue de traiter de ça qu'il y a de gens qui s'occupent ou non de leurs dossiers. Alors, comment vous expliquez ça?

Mme Laberge: Bien, comprenons... Je ne veux pas vous donner toutes les explications des problèmes, j'imagine, politiques et techniques qu'il peut y avoir, mais je pense qu'il y a... Nous, on en parle comme d'un chantier de réflexions à mettre en place comme voie de solution. On n'a pas le choix, si on veut parler de faire des passerelles entre l'éducation, la main-d'oeuvre, le travail, les choses qu'on apprend dans la vie privée et dans l'implication dans notre milieu, parce que, veux veux pas, on va être obligés d'en tenir compte. On ne peut pas avoir perpétuellement des taux de 9 % de chômage et penser que les gens, quand ils sont sur leur chômage, ne font rien. Ils font des choses, ils apprennent des choses et ils recyclent ces apprentissages-là à l'extérieur. Donc, c'est vraiment en ce sens-là. C'est un dossier complexe. Ce n'est pas facile. C'est autant le savoir, donc au niveau des connaissances, qu'il y a quand même des moyens de mesurer, il y a le savoir-faire, il y a les changements qui sont, je dirais, de plus en plus rapides dans le marché du travail et qui obligent à repenser très rapidement, il y a aussi l'organisation par corridor, je dirais, des ordres d'enseignement, des mondes d'apprentissage. C'est un dossier qui est difficile en soi à solutionner comme ça. Mais, quand j'entends tous les discours dans toutes les politiques dire: On remet l'adulte au centre des politiques, et qu'on ne tient jamais compte de se poser la question, à savoir qui est l'adulte qui arrive, et comment, et dans quelle situation, et qu'est-ce qu'il a, j'ai de la misère à penser qu'il n'y a pas un peu de mots creux derrière cette grande annonce qui ne se concrétise jamais, et les adultes ne sont pas nécessairement gagnants.

M. Gendron: Et vous avez la conviction... Pour éviter que nous continuions à utiliser des mots creux, vous avez la conviction que...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gendron: Oui, et ce n'est pas grave, s'accuser de nos faiblesses publiquement. Vous avez la conviction que l'Institut canadien d'éducation des adultes a souvent produit des avis, en tout cas, que vous croyiez utiles d'être produits pour en arriver à ce que des décisions se prennent dans ce sens-là.

Mme Laberge: Je ne veux pas nous faire de

l'auto...

M. Gendron: Gratification.

Mme Laberge: ...gratification, mais je peux vous dire que, nous, c'est un terrain sur lequel, en tout cas, on essaie de réfléchir pour faire des outils concrets en termes d'évaluation des compétences pour les personnes analphabètes, pour les femmes peu scolarisées, aussi pour les travailleurs victimes de licenciement. C'est des dossiers qu'on a en chantier pour trouver des solutions concrètes, pas simplement au niveau d'une réflexion. Je pense que Pierre aurait un complément.

M. Paquet: Ce que je veux ajouter, c'est que nos partenaires, les partenaires de l'ICEA, que ce soit du milieu syndical, différents partenaires, de toute façon, des institutions d'enseignement nous disent: II est important que ce dossier-là débloque et vite, c'est-à-dire que l'espèce de venue massive... Dans le fond, on a sollicité beaucoup les adultes pour qu'ils s'investissent dans des projets de formation et je pense qu'on se rend compte que la demande est là. Les adultes arrivent et de plus en plus nombreux, au point qu'il semble qu'à certains niveaux on ait peur de la réponse enthousiaste des adultes et qu'on se demande comment on va financer tout ça et s'il ne faut pas prendre des mesures pour restreindre un peu les ardeurs de la population. Dans ce sens-là, bien, nos partenaires nous disent: La reconnaissance des acquis, c'est quelque chose qui doit rapidement débloquer pour être capable de ne pas faire reprendre à des gens inutilement des formations et être capable, non plus, de ne pas dilapider des fonds dans des acquisitions de compétences qui ne seraient pas requises. Dans ce sens-là, ce qu'on sait en tout cas, c'est que, si, dans le passé, on a peut-être remis certains discours, il y a des pressions considérables à l'heure actuelle pour faire débloquer ce dossier-là.

M. Gendron: Dans votre mémoire, excellent à plusieurs égards, vous indiquez que, selon vous, les collèges sont mésadaptés pour la formation et l'éducation des adultes. Vous parlez de ça très clairement et vous dites: II y aurait lieu d'adapter les cégeps aux adultes - je l'ai, là, et je vous cite intégralement. Quand on porte un jugement d'adapter mieux le cégep aux adultes, on doit être en mesure de faire référence aux deux, trois ou quatre - ce n'est pas le chiffre qui m'importe... Mais, demain matin, on a, effectivement, à adapter mieux le cégep aux adultes. C'est quoi, les deux, trois problèmes majeurs de mésadaptation?

Mme Laberge: C'est bien, vous me donnez l'occasion de revenir sur les choses que je n'ai pas eu le temps de dire en présentation. C'est que, nous, on pense que les adultes ont des besoins particuliers. Tout à l'heure, on entendait les gens de la CEQ dire: Au niveau des services complémentaires pour les adultes, c'est important. On a parlé beaucoup de la reconnaissance des acquis. On avait aussi, dans notre mémoire, des choses par rapport à tous les mécanismes d'encadrement des adultes, d'accueil, de référence, d'information, d'évaluation de leur projet de formation. C'est des choses qui existent de moins en moins parce que, à notre avis, il y a un sous-financement chronique de l'infrastructure, comme on dirait.

Mais il y a des financements par programme. Donc, quand le programme arrive avec sa clientèle, la clientèle est définie soit par l'entreprise en formation sur mesure, soit par le programme de l'assurance-chômage, de l'aide sociale. Il n'y a pas les services. Moi, j'arrive, comme adulte, je veux définir un programme de formation, je me demande où je m'en vais, je me demande quel métier a de l'avenir, je me demande quelle formation je peux prendre. Est-ce que je suis mieux d'aller dans ce cégep-là, dans l'autre? On met les cégeps en concurrence avec les commissions scolaires, avec les universités. La personne, elle, ne s'y retrouve pas. Elle essaie quelque chose. Ne soyez pas surpris de les voir arrêter et partir faire autre chose, parce que c'est évident que, si tu ne sais pas dans quoi tu t'embarques, ça se peut que tu t'arrêtes si tu ne trouves pas ça de ton goût ou si tu trouves que ça ne correspond pas. Et tu essaies de faire autre chose après. Donc, de façon pratique, toute la gamme des services complémentaires aux adultes est, à notre avis, quelque chose qui manque.

Et l'autre aspect, c'est les services aux collectivités. C'est devenu presque synonyme de services à l'entreprise. Dans les collectivités, il y a autre chose que des entreprises dans les milieux. La vie sociale, le tissu social ne se résume pas à ce qu'il y ait des entreprises et de l'emploi; il y a autre chose, et ces services aux collectivités là sont un peu étroits. Donc, dans la dimension de développement régional aussi on voit la dimension de support à la restructuration économique, oui, mais en contribuant à soutenir la restructuration sociale.

M. Gendron: Merci. Très, très précis. Dernier commentaire, ou une question, toujours pour des raisons de temps. Vous avez, dans une de vos recommandations, indiqué qu'il y aurait lieu que le réseau collégial et le réseau de la main-d'oeuvre clarifient leurs champs d'intervention et de compétence respectifs et que les efforts de concertation et de complémentarité soient appuyés. J'en suis. Mais uniquement sur les champs de compétence respectifs, vous auriez aujourd'hui à nous donner un avis sur ce que devraient être les champs de compétence respectifs du ministère de l'Enseignement supérieur

versus le ministère de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu... Autrement dit, en quoi voulez-vous que l'un s'enlève les pieds de ce qu'il n'a pas d'affaire, ou inversement?

Des voix:...

M. Gendron: Ce n'est pas la question qui vous a fait étouffer?

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Laberge: Ne vous en faites pas, ce n'est pas la question.

La Présidente (Mme Harel): M. Paquet, je crois.

M. Paquet: Oui. C'est peut-être moins d'où un ministère devrait s'enlever les pieds que: Est-ce que les deux pieds des deux ministères sont bien plantés? On a l'impression qu'à un certain niveau, depuis 1985, avec les virages qui ont été pris, notamment via le fédéral par la planification de l'emploi et à travers ce que le ministère de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu a fait, il y a un type d'approche et d'adaptation aux besoins de la main-d'oeuvre qui a été fort bien développé et qui a chambarde considérablement le portrait, et de façon très positive. On a l'impression que, parallèlement, il y a un des pieds qui est resté boiteux, c'est celui de la mission éducative. Et, dans ce sens-là, c'est la mission des ministères à vocation éducative.

Ce qu'on souhaite, c'est moins, en un sens, qu'ils ne se pilent pas sur les pieds, c'est que chacun puisse danser sur les pieds qui sont les siens. On a l'impression que, depuis quatre ou cinq ans, il y a un boiteux entre les deux vocations. La vocation économique, tout ce qui est de l'adaptation, des formations courtes, des formations sur mesure, semble bien avoir pris son envol, et, Dieu merci! ça va bien. Il y a des choses à améliorer mais il y a un très net progrès qui a été fait. (16 h 30)

De l'autre côté, on a l'impression qu'il y a eu une perte de terrain, un recul, une perte de leadership du côté des ministères à vocation éducative et qu'au niveau de la mission proprement éducative il semble y avoir des trous ou des lacunes. Il nous semble qu'il y a un déséquilibre au niveau du gouvernement comme gouvernement. Je ne veux pas parler seulement des ministères à vocation éducative, mais on semble avoir transféré des sommes vers la mission économique au détriment de la mission éducative. On ne critique pas ce qui a été fait d'un côté, mais on trouve que, de l'autre, il y a un équilibre à rétablir et que, à ce niveau-là, il faudrait qu'il y ait un leadership d'assumé, qu'il y ait de l'argent rendu disponible pour que cette mission éducative là, pour que des programmes complets de formation soient accessibles aux adultes, pour que la formation à temps partiel, qui est celle prise par les adultes à 75 %, soit de plus en plus possible, et non pas le contraire. On a l'impression qu'autant le ministère de la Main-d'oeuvre que les ministères de l'éducation du Québec, les deux ministères à vocation éducative, coupent l'accès aux projets individuels de formation, l'accès au temps partiel, de sorte que, comme on l'a dit, si on n'est pas avec des clientèles cibles, des clientèles à chèque, on a de moins en moins accès à l'éducation des adultes. Donc, l'ensemble de la population, l'ensemble des adultes a, à ce niveau-là, moins accès qu'auparavant au réseau éducatif.

La Présidente (Mme Harel): merci, m. paquet. c'est tout le temps qui est imparti pour l'opposition. la parole est à mme la ministre pour la conclusion.

Mme Robillard: Seulement quelques mots pour vous remercier de votre témoignage. Je pense que vous cernez les vrais problèmes. Les solutions ne sont pas nécessairement évidentes. Chaque fois qu'on parle de concertation, on sait la difficulté que ça suscite. Ce n'est pas facile, la concertation, à tous les niveaux dans la société, sauf que, quand on la réussit, on sait quels sont les éléments, les impacts positifs que ça peut produire. Alors, vous pouvez compter sur ma collaboration pour y arriver. Merci.

La Présidente (Mme Harel): Alors, je remercie l'Institut canadien d'éducation des adultes. J'appelle maintenant le cégep de la Gaspésie et des îles. J'inviterais les porte-parole du cégep de la Gaspésie et des îles à prendre place ainsi que les membres de cette commission parlementaire. Est-ce que je comprends que c'est vous, M. Arsenault, qui allez nous présenter les personnes qui vous accompagnent? C'est bien le cas? Alors, je vous invite à le faire, M. Arsenault, et à procéder à la présentation de votre mémoire.

Cégep de la Gaspésie et des îles

M. Arsenault (Dominique): Mme la Présidente, Mme la ministre, M. le représentant de l'Opposition officielle, Mmes et MM. les députés, membres de la commission parlementaire, à titre de président du conseil d'administration du cégep de la Gaspésie et des îles et de représentant du milieu socio-économique de notre région administrative, je veux tout d'abord remercier la commission de l'éducation de nous recevoir aujourd'hui, nous permettant ainsi de vous exprimer de vive voix notre point de vue sur l'avenir de l'enseignement collégial et nos préoccupations comme principale institution d'enseignement supérieur de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine.

Je vous présente les membres de notre délégation qui m'accompagnent: à ma droite, le secrétaire général, M. Arthur Bélanger; à mon extrême gauche, un professeur du centre des Îles-de-la-Madeleine, membre du conseil d'administration, M. Albert Thériault; à sa droite, le directeur des services pédagogiques, M. Jean Trudel; et, à ma gauche immédiate, le directeur général du cégep, M. Jules Bourque.

Le cégep de la Gaspésie et des îles souhaite surtout, en adressant un mémoire à la commission parlementaire sur l'enseignement collégial, éveiller l'attention du gouvernement du Québec sur les réalités d'un cégep situé en région éloignée des grands centres, particulièrement voué à desservir un territoire très étendu et astreint à composer avec d'importantes contraintes au niveau des communications. L'avis émis ici est largement appuyé par notre communauté collégiale et nos principaux partenaires du milieu socio-économique. Il porte sur la façon dont l'enseignement collégial québécois s'est implanté et développé en Gaspésie et aux Îles-de-la-Madeleine, sur ce qu'il représente aujourd'hui pour ce territoire et sur les attentes que l'on nourrit quant à son évolution future. On y insiste de façon particulière sur la mission élargie dont a hérité le cégep de la Gaspésie et des îles dans sa région et qui dépasse le champ de la formation à offrir aux jeunes et aux adultes. (16 h 40)

Les constatations et les recommandations principales de notre mémoire peuvent être regroupées autour de deux thèmes: premièrement, les réalisations, les acquis et les besoins de l'enseignement collégial québécois; deuxièmement, l'implantation, le développement et les besoins du cégep de la Gaspésie et des îles. J'ai demandé à notre directeur général, M. Bourque, d'être le porte-parole de notre délégation aujourd'hui. Il vous présentera une synthèse de notre mémoire et mettra en valeur certaines questions qui nous concernent, plus particulièrement notre institution régionale. Mme la Présidente, je vous remercie et je cède la parole à mon directeur général.

M. Bourque (Jules): Mme la Présidente, Mme la ministre, M. le représentant de l'Opposition officielle, mesdames et messieurs, le cégep de la Gaspésie et des îles s'inscrit avec grand intérêt dans la démarche mise de l'avant par la ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science, en livrant ici le fruit de ses réflexions sur le renouveau à apporter à l'enseignement collégial québécois. Conscient que plusieurs autres intervenants reprendront souvent les mêmes recommandations, nous insistons davantage sur la très grande importance des cégeps de régions. En ce sens, nous voulons vous montrer que les cégeps érigés dans les régions éloignées des grands centres ont dû dépasser largement la mission de formation qui était à la base de leur création pour devenir d'importants supports de la vie régionale, que ce soit au niveau du développement économique, de la vie culturelle ou sociale. Nous voulons bien faire ressortir les caractéristiques propres aux cégeps des régions excentriques, plus particulièrement au cégep de la Gaspésie et des îles, et qu'on pourrait qualifier de nécessaires interrelations avec leurs régions. Il nous apparaît que le renouveau de l'enseignement collégial québécois passe par là aussi.

Il importe, Mme la Présidente, que je vous fasse une brève description de notre institution, puisqu'elle est devenue assez particulière, complexe et un peu unique en son genre dans le réseau. C'est pour mieux répondre aux très nombreux besoins de la population de sa grande région qu'elle s'est ainsi développée et qu'elle y joue aujourd'hui ce rôle moteur sur les plans socio-culturel et socio-économique.

Le cégep de la Gaspésie et des îles, c'est: le cégep, centre administratif et maison mère à Gaspé; le centre d'études collégiales à Laver-nière, aux Îles-de-la-Madeleine; le centre d'études collégiales à Carleton; l'école nationale et centre spécialisé des pêches à Grande-Rivière; une section anglophone à Gaspé; et c'est aussi l'enseignement aux adultes dans chacun de ces centres. Notre grande région, vous la connaissez avec ses principales composantes socio-économiques. La Gaspésie, c'est beau; les Îles-de-la-Madeleine, c'est un peu romantique, mais ces coins de pays sont loin et ce n'est pas riche économiquement. Pour la Gaspésie et les îles, le cégep, c'est presque une multinationale, publique évidemment, maintenant bien implantée sur son territoire et qui y joue un rôle de tout premier plan, vous le comprendrez.

Dans un premier temps, je vous présente donc brièvement nos principales recommandations quant aux besoins de renouveau de l'enseignement collégial québécois. Pour nous, le système collégial québécois a atteint dans une bonne mesure les objectifs qui lui avaient été assignés en ce qui a trait à la démocratisation de l'enseignement, à une meilleure orientation des élèves, au passage plus harmonieux vers les études supérieures, à la diminution des abandons prématurés et au rehaussement du niveau des études préuniversitaires et de l'enseignement professionnel. Les techniciens formés au cégep jouissent d'une assez bonne reconnaissance au Québec et l'enseignement préuniversitaire a aidé grandement et pour le mieux à uniformiser la préparation aux études universitaires.

Il nous apparaît cependant nécessaire de travailler à une plus grande harmonisation des secteurs général et professionnel, de favoriser une meilleure coordination des interventions en éducation des adultes, d'en consolider l'infrastructure de gestion et d'harmoniser davantage cet enseignement avec l'enseignement régulier, de promouvoir et de développer la formation généra-

le, tant à l'enseignement professionnel qu'à l'enseignement général, d'assouplir les mécanismes de changement de programmes et de laisser un degré d'autonomie aux établissements, d'améliorer les communications interordres, d'adapter les institutions pour mieux répondre à une nouvelle diversité des cheminements étudiants.

Mme la Présidente, nous voulons insister ici sur la nécessité d'instaurer des mécanismes de perfectionnement des professeurs qui soient plus accessibles, particulièrement dans les régions éloignées des grands centres. En région, les possibilités de perfectionnement sont moins grandes. Nous n'avons pas d'université et, dans beaucoup de cas, l'expertise technique et professionnelle se retrouve dans les grands centres. Le problème, c'est surtout que ça coûte très cher à cause de l'éloignement. Nous pourrions vous entretenir longuement sur ce sujet et vous fournir des chiffres qui parlent par eux-mêmes. Aujourd'hui, ça nous coûte 4000 $ pour venir vous voir. Nous croyons qu'il est très important de faire des efforts particuliers pour rendre disponibles aux ressources humaines des cégeps des activités de perfectionnement et de recyclage qui tiennent compte des exigences de qualité totale, d'ouverture sur le monde, des besoins de formation générale.

Nous recommandons au gouvernement de rejeter l'idée d'imposer des frais de scolarité au collégial pour éviter de mettre en péril des acquis en matière d'accessibilité aux études collégiales, particulièrement dans une région pauvre où 85 % et plus des élèves font appel au système des prêts et bourses. Nous pressons aussi nos gouvernants de rétablir un niveau de financement susceptible de garantir une qualité d'enseignement nécessaire à cette époque de concurrence internationale. Bien que le nouveau mode de financement FABES rende plus justice à un cégep de région comme le nôtre, nous voulons vous souligner le besoin d'un meilleur financement pour les centres d'études éloignés puisqu'ils réclament eux aussi, à juste titre, des services et la meilleure qualité. L'éloignement, la décentralisation, la dispersion et les communications nous causent toujours de sérieuses difficultés financières.

Sur un plan plus administratif, nous recommandons de mettre en place les mécanismes d'évaluation requis pour tous les intervenants et les outils appropriés pour que le réseau collégial rende compte de ses activités à la société québécoise; d'établir clairement les responsabilités des établissements et du gouvernement en favorisant des mécanismes d'adaptation régionaux - régional, pour nous, c'est local; de favoriser la gestion de type collégial en éliminant les possibilités de surreprésentation de certains groupes aux conseils d'administration; de développer des mécanismes de contact entre les conseils d'administration et le monde de l'emploi et le milieu socio-économique en général; de clarifier le statut juridique des centres spécialisés pour leur permettre de remplir leur mission de recherche, d'aide technique, d'animation et d'information à l'abri des tracasseries juridiques et administratives.

Depuis sa création, le cégep de la Gaspésie et des îles s'est implanté de façon progressive sur tout le territoire de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine, que ce soit par ses centres d'enseignement en région éloignée ou par la dispersion sur tout le territoire de la région de son enseignement aux adultes. Sa clientèle régulière est passée de 502 élèves en 1968 à 1865 en 1992, alors que 5742 diplômes d'études collégiales ont été émis à ce jour. Ce sont là des signes évidents de démocratisation de l'enseignement collégial dans la région de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine.

Chez nous, le cégep joue un rôle déterminant dans la formation collégiale et un rôle de moteur dans la région tout entière. L'action du cégep dans la création de la nouvelle région administrative 11 et la réalisation de la conférence socio-économique de 1988, son implication dans la création de la radio communautaire, de l'hebdomadaire régional, de la Société historique de la Gaspésie - et je souligne la présence ici de M. Jules Bélanger, ex-professeur du cégep et cofondateur, président de la société historique, du musée, etc. - du Musée régional de la Gaspésie, de la régie régionale de la santé et des services sociaux, etc., sont des exemples concrets d'un leadership fort dans le développement régional.

Le cégep est vite devenu un instrument nécessaire pour maintenir en vie une région dont les difficultés économiques et sociales ne sont plus à démontrer. Son rôle primordial pour contrer l'exode des jeunes, hausser le niveau de scolarité de la population et répondre aux besoins de perfectionnement et de recyclage le démontre aussi. Le maintien d'un éventail important de programmes pour retenir notre jeunesse constitue la planche de salut de la région, vous vous en doutez bien. (16 h 50)

Nous recommandons que les actions gouvernementales privilégient pour l'avenir les orientations suivantes en ce qui concerne les cégeps régionaux comme celui de la Gaspésie et des îles: soutenir les cégeps des régions dans leur rôle de référence et de ressource auprès des entreprises, des organismes et des individus qui recherchent expertise, conseil, service d'animation, d'étude et de recherche; éviter d'appliquer à ces cégeps des règles de per capita qui con-vienent en général à l'ensemble mais qui ne peuvent répondre adéquatement aux besoins dans une région qui vit la dispersion et l'éloignement au quotidien et pour qui la décentralisation des services n'est pas un luxe mais une condition de survie essentielle; adapter les modes de financement de l'éducation des adultes pour mieux

répondre aux réalités régionales; reconnaître officiellement le rôle du cégep régional comme centre de services et le soutenir financièrement dans cette fonction de support à la région; donner priorité à la formation des jeunes de la région de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine pour briser le cercle du chômage et du sous-développement chronique, avec les très onéreux problèmes sociaux que tout cela implique; soutenir le centre spécialisé des pêches qui représente un secteur de l'économie régionale et québécoise où le Québec doit continuer d'être présent; doter ce centre d'une réelle reconnaissance d'école nationale en matière de formation en pêche en lui confiant l'exclusivité d'information à tous les niveaux et en assurant une meilleure coordination dans ce domaine; supporter l'organisation de la vie étudiante dans un cégep régional où plus de 80 % des élèves vivent en-dehors du milieu familial et où les villes concernées ne possèdent pas les infrastructures de loisirs nécessaires à une vie étudiante satisfaisante; maintenir dans les cégeps de régions éloignées un éventail étendu de programmes professionnels, malgré la nécessité d'y consacrer des ressources spéciales, de façon à conserver la capacité attractive de ces cégeps sur les jeunes de leurs régions.

Sur ce sujet, Mme la Présidente, permettez-moi de vous en dire un petit peu plus. Lorsqu'on aborde avec un regard réseau le coût relatif de certaines options offertes chez nous, comme c'est le cas dans certains autres cégeps de régions, notre institution a du mal à se comparer, pour des raisons bien évidentes. Encore là, il faut sortir des standards d'une certaine homogénéité et considérer tous les impacts positifs de tel ou tel enseignement dans cette région avant de les mettre au banc des accusés comme interventions non rentables.

De la même façon que nous plaidons qu'un cégep est essentiel à la vie de cette région, nous sommes d'avis qu'il lui faut, malgré des coûts qui supportent mal la comparaison, un éventail d'options qui lui permettent de répondre le mieux possible aux aspirations des jeunes de la région, tout en s'adaptant, autant que faire se peut, à la vie économique et sociale environnante.

Autrement dit, la viabilité d'un programme doit pouvoir compter chez nous sur une marge préférentielle lui permettant de survivre aux creux des cycles qui ne peuvent qu'être plus évidents dans notre région à cause de la faible taille de la population. Malgré les efforts que demande à la société québécoise le maintien d'une institution qui s'est érigée avec le concours de plusieurs contributions importantes, nous sommes convaincus que le choix le plus positif à faire est de continuer à investir sur ce qui a été érigé pour aborder le prochain siècle avec des régions mieux équipées plutôt que désorganisées. En bout de ligne, il en coûtera sûrement moins cher.

En conclusion, que ce soit au niveau du réseau d'enseignement collégial ou plus particulièrement à l'échelle du cégep de la Gaspésie et des îles, nous exprimons l'avis que le chemin parcouru depuis 1967 en matière de formation professionnelle ou préuniversitaire mérite qu'on s'y attarde, comme l'a souhaité Mme la ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science, pour en dégager les enseignements qui s'imposent. Nous avons la conviction qu'un examen approfondi permettra de faire ressortir des réalisations impressionnantes qui ont été et sont aujourd'hui le fruit de l'activité permanente de ces institutions si vivantes que sont les cégeps.

Nous croyons, et c'est primordial, qu'une réflexion profonde de la société québécoise sur cet important outil qu'elle s'est donné en érigeant le système d'enseignement collégial lui permettra de réorienter l'action de celui-ci dans la visée d'objectifs prometteurs pour l'an 2000. Nous exprimons le voeu que soit définitivement dépassée la volonté de simplement diminuer les coûts, qu'on réalise pleinement quelle richesse représente cette infrastructure qu'est le réseau collégial, et qu'il y a possibilité, à partir de celui-ci, de faire un pas de plus dans le sens très positif de l'avancement du Québec, et plus particulièrement de ses régions périphériques.

À notre point de vue, ce serait une grave erreur de diminuer les services mis en place dans les régions. Nous demandons au gouvernement du Québec de reconnaître officiellement la mission élargie des cégeps régionaux comme le cégep de la Gaspésie et des Iles, telle que nous l'avons définie, et de leur accorder les ressources nécessaires pour assumer pleinement cette responsabilité régionale. Nous rappelons aux autorités gouvernementales que les ressources consacrées à l'enseignement collégial ne constituent pas des dépenses, comme c'est le cas dans beaucoup de programmes, mais plutôt un investissement pour l'avenir de notre société.

Comme le dit si bien un proverbe chinois: Si tu veux qu'un peuple grandisse, instruis-le. Et on pourrait ajouter chez nous: il n'est pas d'exemple de peuples qui peuvent s'épanouir et prospérer sans leurs régions. Mme la Présidente, je vous remercie.

La Présidente (mme harel): merci, m. bourque, de même que m. arsenault. j'inviterais maintenant mme la ministre à procéder, débuter les échanges avec vous.

Mme Robillard: Merci, Mme la Présidente. Ça me fait plaisir d'accueillir le cégep de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine. M. Arsenault, nous avons un intérêt tout particulier ici, au niveau de la commission, à entendre différents cégeps et à constater comment les cégeps sont différents les uns des autres, ont chacun leur personnalité. Je pense que ça démontre bien que vous êtes intégrés dans votre milieu.

À plusieurs égards, M. Bourque, vous avez mentionné comment c'est important qu'on prenne en compte le fait que vous êtes justement dans une région éloignée et que, donc - message que je retiens, en tout cas - au niveau du ministère il faut que nous ayons de plus en plus de souplesse par rapport à des demandes spécifiques que vous pouvez avoir ou, en tout cas, être plus collés à vos réalités régionales. Vous avez parlé de façon particulière du perfectionnement, de toute cette problématique-là, mais avant de l'aborder directement avec vous, M. Bourque, j'aimerais ça, si vous me le permettez, comme nous avons la chance d'avoir avec nous un professeur des Îles-de-la-Madeleine, M. Thériault, que vous nous fassiez part de votre réalité comme prof aux Îles-de-la-Madeleine.

M. Thériault (Albert): Merci, Mme la ministre. Comme prof aux Îles-de-la-Madeleine, ça a commencé ça fait 10 ans...

La Présidente (Mme Harel): Excusez-moi. Pour les fins de l'enregistrement de nos débats, je vous demanderais simplement de vous présenter, et les propos que vous tenez pourront être enregistrés à votre nom.

M. Thériault: Merci. Albert Thériault, professeur au centre d'études collégiales, aux Iles-de-la-Madeleine. Comme je le disais, depuis 10 ans, c'est commencé aux Îles-de-la-Madeleine. Il y a eu beaucoup d'efforts de mis au début par la direction du collège de la Gaspésie et par le gouvernement pour implanter le centre. Au début, on a commencé dans des conditions qui étaient quand même assez pénibles, même s'il y a eu beaucoup d'efforts de mis là-dessus. On était 11 professeurs, et il y avait seulement un bureau, pas de bibliothèque, sauf qu'on a toujours donné notre possible pour améliorer la qualité de l'enseignement. Le gouvernement y a apporté sa part aussi puisque, aujourd'hui, on est rendu avec une bibliothèque informatisée. On a un local informatique très moderne. De ce côté-là, ça va quand même assez bien. Ce qu'on a aux Îles-de-la-Madeleine, on peut dire, comparativement à l'extérieur, c'est le rapprochement entre les profs et les étudiants. Il y a seulement deux étudiants, ça fait qu'on est très près d'eux autres.

La Présidente (Mme Harel): Combien? Une voix: 200.

M. Thériault: 200 étudiants. En tout cas, aux environs de 200. Ça peut aller de 180 à 225, dépendamment des sessions. Ils ne sont pas gênés de nous poser des questions. C'est un enseignement pas mal personnalisé. Comme je l'ai dit tantôt, les professeurs mettent beaucoup d'ardeur là-dedans. Il y a certains problèmes qu'on rencontre, comme M. Bourque le disait. Pour le perfectionnement, entre autres, ça coûte très cher, mais ça coûte encore plus cher aux Îles-de-la-Madeleine parce qu'il faut toujours venir en avion.

Mme Robillard: Oui, justement. Peut-être pour enchaîner avec vous, M. Thériault, M. Bourque, vous avez mentionné que vous pourriez nous entretenir longtemps de cette problématique du perfectionnement pour un cégep tel que le vôtre. Pourriez-vous, en quelques minutes, essayer de nous cerner les principaux enjeux que vous notez dans cette question-là?

M. Bourque: Je dirais, globalement, qu'il y a deux problèmes. Il y a un problème d'éloignement qui cause des frais exorbitants, et il y a un problème de manque de ressources - il faut aller chercher notre perfectionnement à l'extérieur. Je vais inviter, si vous le permettez, M. Trudel, le directeur des services pédagogiques, à vous dresser un peu la problématique. (17 heures)

M. Trudel (Jean): Les sources de perfectionnement sont de trois ordres, chez nous, à peu près comme partout ailleurs dans le réseau, c'est-à-dire PERFORMA pour ce qui est du perfectionnement pédagogique des enseignants - or, depuis deux ans, les frais de scolarité à PERFORMA ont triplé ou presque - les programmes de la DGEC que nous apprécions et qui permettent de donner du dégrèvement à certains enseignants pour se perfectionner, et les budgets de perfectionnement qui sont prévus dans les conventions collectives...

À ce niveau-là, on ne se trouve pas nécessairement très choyés. Ce qui a été accordé dans les conventions collectives, dans la première convention collective, en 1969, c'était 1, 2 % de la masse salariale, ce qui, pour le nombre de profs que nous avons actuellement, nous aurait donné, à l'époque, 12 500 $. Si on avait le même pourcentage accordé maintenant, on aurait un budget de perfectionnement de 70 000 $. Or, la réalité est qu'il est de 19 000 $ seulement. Depuis 1979, nous avons eu un montant additionnel pour région éloignée qui a été accordé également au cégep de l'Abitibi et de Sept-îles, qui est de l'ordre de 20 000 $. Ce montant-là, il est le même depuis 1978 et même, cette année, on ne sait pas pourquoi, il a diminué un peu. On est rendu à environ 18 900 $, tout ça pour environ 180 professeurs répartis aux Iles-de-la-Madeleine, à Carleton, à Grande-Rivière et à Gaspé alors que les coûts des déplacements, les coûts de transport et les frais de scolarité n'ont cessé d'augmenter depuis les 10 ou 12 dernières années.

On a remis une partie de la gestion des budgets de perfectionnement aux départements de façon à ce que les choix soient peut-être plus judicieux, parce qu'à une époque c'était très

facile. Un département recommandait au comité de perfectionnement toute demande d'un enseignant et c'est le comité lui-même qui était pris avec la décision de dire: Oui, on l'accorde, ou on ne l'accorde pas. On l'a remis aux départements et, même là, on arrive très souvent le 30 octobre, on siège en comité de perfectionnement et il n'y a plus de fonds à distribuer pour les enseignants.

Une journée de perfectionnement pour un enseignant du cégep de la Gaspésie et des îles, si on inclut le transport, et ainsi de suite, ça tourne autour de 800 $ ou 900 $. Quant au perfectionnement plus technique pour les profs du technique - le virage technologique, il faut qu'ils le prennent eux aussi; évidemment, on s'attend à ce que ce soit eux qui fournissent un enseignement de qualité - il n'est pas disponible en région. Il est disponible dans les grands centres. Il est disponible, généralement, au niveau des compagnies privées. Il n'y a pas d'enseignement universitaire, ou il y en a très peu, qui s'adresse aux enseignants du technique et, encore là, les frais de scolarité sont de l'ordre de 300 $ à 500 $ par jour. Pour nous, c'est un problème d'accessibilité et un problème de financement.

La Présidente (Mme Harel): Alors, la parole est maintenant au porte-parole de l'Opposition, M. le député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: Merci, Mme la Présidente. J'aimerais saluer les gens du cégep des Îles-de-la-Madeleine et de la Gaspésie, probablement le plus grand cégep au Québec compte tenu que c'est un cégep particulier, avec beaucoup de représentations positionnées géographiquement à des endroits différents. Alors, deux choses. C'est intéressant que vous veniez, d'abord parce que vous êtes une institution de niveau collégial et qu'on regarde l'avenir des collèges - moi, en tout cas, en ce qui me concerne, je dis qu'on va entendre toutes les institutions collégiales - et ça l'est davantage compte tenu de la particularité que vous représentez. On le sent dans vos recommandations. On le sent dans votre mémoire, à plusieurs endroits. C'est vraiment spécifique. Moi, je me considère toujours d'une région, venant de l'Abitibi-Témiscamingue. Je connais le Saguenay, je connais l'Outaouais, je connais bien les régions du Québec et, à quelques égards, oui, il y a des choses qui se ressemblent, mais à plusieurs autres égards on sent vraiment que c'est insulaire, même si le cégep n'est pas insulaire. C'est particulier à une réalité. Merci d'être là.

Rapidement, en termes d'échanges, je voudrais regarder une couple de choses. À la page 6 de votre mémoire... Là, c'est un commentaire. C'est un commentaire, à la page 6. Je trouvais que c'était correct quand même. Même si vous êtes particulier et que vous représentez quelque chose d'un peu plus spécifique, vous avez eu quand même ce que j'appelle la sagesse de, rapidement, donner votre point de vue sur des considérations d'ordre national. Les considérations qu'il y a là sur ce que j'appellerais, moi, les grands paramètres nationaux, je suis capable de fonctionner avec, je n'ai pas de trouble. Je pense que c'est très légitime, ce que vous nous dites et ce que vous nous rappelez. Vous avez dit ce que vous aviez, les réalisations, les acquis et les besoins de l'enseignement collégial et, là, vous nous avez dit: Voici ce qu'il faut améliorer. Alors, moi, je n'ai pas de questions là-dessus. Je constate ce qu'il y a là. C'est bien. C'est beau. Je le prends.

À la page 8, sur le plan plus administratif, vous faites les recommandations suivantes. Là, vous souhaitez, à un moment donné, établir clairement les responsabilités des établissements et du gouvernement en favorisant des mécanismes d'adaptation régionaux. Là, je vous avoue que j'ai besoin de précisions parce que je ne savais pas ce que signifiait cette recommandation-là, surtout que vous avez ajouté que, chez vous, ça voulait dire local. Mais, même en le lisant comme ça, j'ai un problème parce que vous faites une recommandation d'établir clairement les responsabilités des établissements et du gouvernement en favorisant des mécanismes d'adaptation locale. À quels mécanismes d'adaptation locale faites-vous allusion, pour en faire une recommandation?

M. Bourque: Que le système nous permette, par exemple, en enseignement professionnel, dans les programmes, d'avoir plus de responsabilités au niveau de la définition des programmes, au niveau de la convenance avec les entreprises, organismes ou industries locales ou régionales des besoins de formation, et d'élaborer des programmes en conséquence. Par exemple, aussi, au niveau des conditions de travail, des conventions collectives de nos groupes d'employés, d'avoir une plus grande marge de manoeuvre locale pour pouvoir respecter davantage les particularités qui sont les nôtres, et vous êtes conscients, vous l'avez reconnu, qu'il y en a peut-être plus chez nous qu'ailleurs. Même si on a neuf syndicats, neuf accréditations syndicales distinctes, il faudrait quand même en sortir et les particularités se multiplient peut-être d'autant.

M. Gendron: Je comprends. Deuxièmement...

M. Bourque: Comme on dit souvent chez nous, vous excuserez l'expression anglaise, c'est difficile de gérer «by the book» chez nous, par exemple, avec les conventions collectives.

La Présidente (Mme Harel): Je crois qu'il y a M. Bélanger ou M. Trudel qui veut prendre la parole également.

M. Trudel (Jean): Oui, je donnerais un autre exemple.

La Présidente (Mme Harel): Vous êtes monsieur? Excusez-moi, pour les...

M. Trudel (Jean): Jean Trudel, directeur des services pédagogiques.

La Présidente (Mme Harel): M. Trudel, excusez-moi.

M. Trudel (Jean): Un exemple pour illustrer ça aussi, c'est qu'au niveau de la sécurité d'emploi, actuellement, nos établissements sont considérés comme quatre collèges différents syndicalement alors qu'administrativement c'est un seul collège. Alors, si vous avez un poste qui s'ouvre au CEC de Carleton dans une discipline donnée et qu'on a une mise en disponibilité à Gaspé, il n'y a pas de priorité, c'est-à-dire quelqu'un du cégep X, Y ou Z, jusqu'au cégep de l'Abitibi, pourrait venir prendre ce poste-là alors que nous, on resterait avec une mise en disponibilité à Gaspé. On est comme mal pris avec ça. On a essayé d'avoir une entente à la dernière convention collective et on n'y est pas arrivé. Voilà.

M. Gendron: Je vous souhaite bonne chance pour la prochaine.

M. Trudel (Jean): Merci. Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gendron: Mais pour le vrai, pour régler le problème; ce n'est pas d'un bord plus que l'autre. L'autre recommandation, vous dites: Favoriser la gestion de type collégial en éliminant les possibilités de surreprésentation de certains groupes au conseil d'administration. À moins, encore là, que ma lanterne soit mal éclairée, à quoi faites-vous précisément allusion?

M. Bourque: Un type collégial, on veux dire que nous, chez nous, on a réussi à vivre avec la composition d'un conseil d'administration composé de gens de l'interne et de l'externe...

M. Gendron: Oui.

M. Bourque: ...au cours des 25 dernières années. Alors, on peut vivre avec ça, on peut continuer à vivre avec ça. Par contre, au niveau, par exemple, des parents, il y a de nos employés qui, parce qu'ils sont parents, se font élire comme parents et, rendus au conseil d'administration, ils sont plus naturellement portés à défendre des intérêts corporatifs. Par exemple, un professeur est élu comme parent, mais au conseil d'administration il est beaucoup plus professeur que parent.

Alors, on a vécu ces expériences-là à quelques reprises au cours des dernières années, surtout peut-être parce qu'on est décentralisés et on ne peut pas, la loi ne nous permet pas d'avoir des représentants de chacun de nos centres au conseil d'administration. Nos trois postes de professeur, c'est pour l'ensemble de nos quatre syndicats. Alors, les gens de Grande-Rivière, par exemple, comme ils sont en minorité, c'est difficile pour eux autres d'être élus, comme professeur, au conseil d'administration. Une façon d'y venir, c'est de se présenter comme parent. Mais, évidemment, une fois rendus au conseil d'administration ils se comportent en professeur et ça fait plus que trois professeurs, ça en fait quatre ou cinq. Je prends l'exemple d'un professeur; ça peut être un professionnel ou même un employé de soutien. Alors, il me semble que là il y a une coquille qu'on pourrait facilement corriger et, chez nous, ça nous aiderait.

M. Gendron: Oui. En tout cas, je suis content que vous me donniez la précision parce que, moi, sur le plan, en tout cas, de l'ensemble, je ne croyais pas et je ne crois toujours pas - mais, par contre, vous faites bien de traduire cette réalité-là dans votre milieu - qu'il y avait surreprésentation de certains groupes au conseil d'administration dans la plupart des cégeps. Vous, vous dites: Bien, comme la loi le permet, apportez les corrections.

M. Bourque: C'est ça. (17 h 10)

M. Gendron: Merci. Dernière question. Vous avez indiqué combien un cégep de région est appelé à soutenir, aider, solliciter de toute nature à peu près tout groupe, organisme qui veut parfois attester de l'originalité du travail qu'il a fait ou d'un projet du milieu. Autrement dit, les activités liées au support à la collectivité et aux efforts du milieu sont beaucoup plus grandes. Il y a beaucoup plus de sollicitation de toute part. Il y a des coûts à ça, et vous dites à un moment donné: Nous demandons au gouvernement du Québec de reconnaître la mission élargie des cégeps régionaux comme le cégep de la Gaspésie, mais, moi, je dis également pour ceux des autres régions parce que, ça, ce n'est vraiment pas différent. On le sollicite de toutes parts, c'est quasiment le sceau de crédibilité de quelque chose qui a de l'allure. Alors, les gens viennent nous voir et disent au cégep: Étampe-moi, pour montrer la... Il y a un coût à ça. Est-ce que vous l'avez évalué? J'aimerais ça, si vous aviez fait une réflexion - mais pas pour les autres, chez vous. Ce serait quoi, pour le gouvernement, d'essayer de trouver une formule financière pour vous soutenir correctement par rapport à cette mission que vous acceptez d'avoir, sans nécessairement l'avoir modifiée dans la loi des collèges mais, dans les faits, vous exercez cette responsabilité, vous vous acquittez

de cette mission? Elle est de combien, chez vous, en gros?

M. Bourque: On ne l'a pas évaluée, évidemment. Maintenant, il y a un danger à affecter des ressources qui nous sont allouées pour la formation, pour l'enseignement, à des services collectifs, à de l'activité communautaire, à du soutien aux entreprises, aux organismes communautaires, etc. C'est dans ce sens-là qu'on veut souligner le fait qu'on est en demande, d'abord. Alors, on n'a pas le choix, on est interpellés, parce qu'il n'y a pas de ressources chez nous, il y a moins de ressources organisa-tionnelles chez nous. L'université, c'est le cégep; l'entreprise, c'est le cégep; l'institution qui a des équipements, c'est le cégep; l'institution qui a des experts, c'est le cégep. Alors, on se réfère chez nous pour tout. Et on ne veut pas fermer les portes, parce qu'on pense qu'on a aussi cette mission-là pour aider à développer notre milieu. Ça coûte plus cher en électricité parce que nos locaux sont toujours ouverts; ça coûte plus cher en entretien parce qu'il y a plus de monde qui circule à l'intérieur; ça coûte plus cher en personnels parce qu'ils sont plus impliqués au niveau social, au niveau économique ou culturel. Le moindre dossier de développement, il y a quelqu'un chez nous qui est impliqué. Il n'est pas chez nous quand il est là. Alors, à la longue et de projet en projet, on vient qu'on manque de monde à l'intérieur, il faut en rajouter et ça coûte plus cher.

Je ne voudrais pas laisser l'impression qu'on n'est pas compris et qu'on ne nous a pas aidés. S'il y a un cégep, je pense, qui a été bien écouté par le ministère, par les deux gouvernements avec qui on a fait affaire dans notre développement, je pense que c'est le cas.

M. Gendron: Je n'en doutais pas, j'étais sûr.

M. Bourque: C'est tellement particulier et c'est tellement plus dispendieux per capita que ça ne suffit quand même pas.

M. Gendron: Je comprends. J'étais certain, j'ai dit: Depuis 1985, ça se peut qu'il y ait des problèmes, mais jusqu'en 1985 ils n'ont eu aucun problème.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gendron: Alors, c'était bien sûr... Je ne le pense pas.

M. Bourque: Je peux vous dire, M. Gendron, si vous le permettez, que c'est avec votre gouvernement qu'on a ouvert les îles et c'est avec l'autre gouvernement qu'on a ouvert Carleton.

M. Gendron: Bravo!

M. Bourque: Et on pourrait continuer...

M. Gendron: Je venais de vous dire que je ne le pensais pas. Bravo! Dans ce cas-là, je n'ai pas de... Dernière question: Vous avez touché au perfectionnement qui est une réalité très dispendieuse. Je me demandais si, dans des cas comme ça, il n'y a pas lieu de regarder d'autres formules pour arriver au même résultat. À une couple de reprises, j'ai eu à voyager, soit à Gaspé ou aux îles, et il m'est arrivé de trouver qu'à bord il y avait d'excellents techniciens ou spécialistes de toute nature. Pour les mêmes raisons, il y a des gens qui vont aux îles et en Gaspésie qui viennent des grands centres. Vous, vous dites: Quand on pense perfectionnement, on est loin, ça coûte cher, et là j'ai cru comprendre que vous êtes quasiment toujours obligés d'envisager deux choses. Les gens qui ont besoin de perfectionnement, il faut qu'ils viennent au perfectionnement, soit pour le prendre sur le plan technique ou sur le plan institutionnel, parce que les ressources sont limitées. Je me disais: Est-ce que vous avez essayé de vérifier? Il doit y avoir moyen de trouver une formule avec le Conseil du patronat ou des gens qui sont toujours dans les avions - et, moi, je suis obligé d'y être dans ma fonction depuis 16 ans, assez souvent, trop souvent à mon goût - une façon pour que dans leurs déplacements aux îles ou à Gaspé - pas tous les jours, pas chaque fois, mais sur la base de semestres - ces gens-là puissent, de temps en temps, avoir une espèce de temps pour offrir du perfectionnement sur le plan technique; des fois, ça peut être un spécialiste en informatique qui pourrait donner une heure et demie dans la visite qu'il fait de toute façon pour une entreprise, je ne sais trop quoi. Avez-vous regardé ça? C'est juste ça, ma question.

M. Bourque: Non.

M. Gendron: Pourquoi vous ne regardez pas ça?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gendron: Parce qu'il me semble que ça coûterait moins cher.

M. Bourque: M. Trudel va vous...

La Présidente (Mme Harel): II y a M. Trudel et M. Thériault, je crois, qui ont tous deux l'intention de commenter.

M. Gendron: II me semble que ça a de l'allure.

M. Thériault (Albert): Albert Thériault, professeur aux Îles-de-la-Madeleine. Nous autres, on a regardé et on s'est même informés. Comme

vous nous dites, avec les entreprises, ça marche bien. Moi, je suis prof d'administration. On a donné notre nom à la Banque fédérale de développement. Quand ils viennent aux îles, ils nous le disent. Service d'aide aux jeunes entrepreneurs, quand il y a quelqu'un qui vient, ils nous le disent. Mais les profs de philo, il y en a un aux îles puis c'est le prof du cégep. En physique, c'est comme ça. Il donne des cours d'astrologie, d'astronomie...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Thériault: Où est-ce qu'il va chercher ça? il y a juste lui! C'est la même chose en histoire, en socio, il y a juste eux autres. C'est nous autres qui avons l'expertise, ça fait que...

M. Gendron: Non, non, je comprends. Ça va. Vous dites que vous avez réfléchi là-dessus.

La Présidente (Mme Harel): Peut-être un mot de M. Trudel, je crois. Un commentaire.

M. Trudel (Jean): Merci, Mme la Présidente. On essaie de plus en plus d'avoir des contacts avec l'entreprise à ce niveau-là. Je pense au niveau de certaines techniques, nous avec Mines de Gaspé, on cherche à faire des échanges. Bon. La première proposition de Mines de Gaspé, c'était qu'ils nous vendaient un de leurs techniciens, c'est-à-dire qu'il fallait payer son salaire pendant qu'il venait chez nous. On a dit: Non, non, nous on veut faire un échange. Vous nous envoyez un technicien, on vous envoie un prof ou on vous envoie des stagiaires. Et, à ce niveau-là, il y a un déblaiement qui se fait, mais, encore là, c'est limité comme perfectionnement.

Je voudrais juste terminer là-dessus, parce que je voulais ajouter quelque chose tout à l'heure et je n'ai pas eu le temps. Si on a tellement insisté sur le perfectionnement, c'est qu'on le lie chez nous très intimement avec l'évaluation. Dans ma tête à moi et dans la tête de beaucoup d'autres, l'évaluation, elle est nécessaire. On parle d'évaluation des enseignements, c'est-à-dire les services, mais aussi les enseignants. Mais ça risque d'être un cul-de-sac si cette évaluation-là ne débouche pas sur des possibilités de perfectionnement. Et c'est là-dessus que je termine.

La Présidente (Mme Harel): Alors, merci, M. Trudel. L'intervention sera faite par le député de Rimouski.

M. Tremblay (Rimouski): Alors, Mme la Présidente, comme tous les autres, moi, je suis très heureux que le cégep de la Gaspésie vienne se faire entendre à cette commission parlementaire. Je pense que votre axe de développement majeur qui est le centre d'études collégiales, c'est-à-dire l'école nationale et centre spécialisé des pêches de Grande-Rivière, justifie déjà la présence d'un cégep dans la région de la Gaspésie, en plus de vos deux satellites, celui des Îles-de-la-Madeleine et nécessairement de Carie-ton.

Moi, il y a une préoccupation, c'est-à-dire... On a déjà discuté de ça antérieurement. Je pense que je vous avais déjà appelé, M. Bourque, au sujet de la formation des pêcheries au niveau des adultes, puis il y avait un problème avec Mi-guasha chez vous. Est-ce que c'est réglé ou ça vous pose des problèmes à ce niveau-là?

M. Bourque: Le fond du problème est le suivant. Les commissions scolaires ont développé un intérêt à intervenir dans la formation des adultes en pêche. L'école des pêches qui a été mise sur pied dans les années cinquante a toujours eu le leadership exclusif dans la formation en pêche jusqu'au début des années quatre-vingt. Alors, au cours des années quatre-vingt, les commissions scolaires ont commencé à venir en chercher des morceaux parce que l'enseignement qu'on donne aux adultes en pêche est de niveau secondaire. Nous, on avait l'exclusivité. On l'a perdue un peu progressivement au cours des années quatre-vingt. C'est contre ça qu'on a réagi parce qu'on pense que le gouvernement du Québec a assez investi dans la reconstruction d'une école et d'un centre spécialisé en pêche - c'est 10 000 000 $ et plus. On a là décentralisé tous les équipements et toutes les expertises en ressources humaines. Il nous apparaît que commencer à dédoubler et à multiplier, ce n'est pas rentable à moyen et à long terme. Alors, on réclame l'exclusivité d'intervention au niveau de la formation en pêche à tous les niveaux, autant secondaire que collégial.

La Présidente (Mme Harel): Alors, merci, M. Bourque. Je reconnais à nouveau le député de Rimouski pour deux minutes et demie.

M. Tremblay (Rimouski): Deux minutes et demie. Je vous remercie, madame, de me donner ces deux minutes et demie. Moi, je suis très content de vous entendre, parce que si on veut avoir un véritable centre spécialisé en pêcheries, on ne peut pas saupoudrer un peu partout. Il faut absolument faire les efforts vers Grande-Rivière, qu'il devienne un centre spécialisé en pêcheries. Moi, je suis un tenant de ça et je pense qu'on devrait se bagarrer tout le temps pour le maintenir là.

Une autre chose. Vous m'avez parlé des difficultés au niveau du perfectionnement des maîtres, sauf que l'Université du Québec est assez présente sur le territoire. Est-ce que ça ne répond pas partiellement à vos besoins de perfectionnement des maîtres?

M. Bourque: Dans le domaine psychopédagogique, j'imagine, et dans des disciplines comme

l'administration, peut-être, mais pas dans les techniques physiques particulièrement, parce que là, l'expertise est vraiment plus dans les grands centres, on travaille en grande collaboration avec l'Université du Québec à Rimouski, qui loge et habite avec nous à Gaspé et à Carleton, et on utilise de façon conjointe des équipements, des locaux, etc. Maintenant, il y a de l'expertise qu'ils n'ont pas. (17 h 20)

M. Tremblay (Rimouski): Je n'ai pas de problème avec votre appellation d'un cégep régional, parce que le cégep de Rimouski a déjà prétendu être un cégep régional. Moi, personnellement, ma philosophie ou encore mon opinion à cet égard, c'est que ce devrait être un cégep en région qui dessert une région donnée. Et j'attends avec beaucoup d'anxiété mon cégep, et je leur dirai publiquement que, moi, ma perception, ça doit être un cégep en région avec des disciplines et des concentrations. Alors, je n'ai pas de difficulté avec ça, d'aucune manière. Ça ne m'empêche pas de dormir, votre cégep régional.

M. Bourque: Est-ce que je peux faire un commentaire là-dessus, madame? Pour nous, un cégep régional, c'est entendu au sens d'une responsabilité dans un territoire administratif qui est la Gaspésie et les Îles-de-la-Madeleine, c'est-à-dire une région administrative sur laquelle on s'est implanté pour l'occuper et répondre aux besoins des gens qui y habitent. Alors, chez nous, le vent du Bas-Saint-Laurent ne souffle pas dans ce sens-là. Je pense que c'est deux choses différentes, deux régions différentes et notre cégep a pris les couleurs de sa région, qui est la Gaspésie et les Îles-de-la-Madeleine.

M. Tremblay (Rimouski): Très bien.

La Présidente (Mme Harel): La parole est à...

M. Bourque: Ça ne me fait pas peur, M. Tremblay, non plus.

La Présidente (Mme Harel): La parole est à la députée de Matane.

Mme Hovington: Oui, ça me fait plaisir de vous recevoir ici, à la commission de l'éducation, en tant que voisin très proche, parce que j'ai la moitié de mon comté qui est quand même dans la région de la Gaspésie et j'ai des gens de Sainte-Anne-des-Monts, Cap-Chat, en fart, de la moitié du comté qui ont accès au cégep de Gaspé. En fait, mon collègue de Rimouski m'a vue venir, j'ai l'impression, parce que j'allais vous demander justement quelle a été la réaction du cégep de Gaspé lors de la conférence de presse du cégep de Rimouski qui avait annoncé en grande pompe qu'il voulait devenir...

Une voix: C'est toujours en grande pompe, chez nous.

Mme Hovington: ...un cégep - comme l'autoroute - à vocation régionale, et si ça s'est fait en concertation avec le cégep de Matane, de Rivière-du-Loup, de Gaspé, si ça s'est fait en collégialité, cette décision-là, ou si ça vous est tombé dessus comme ça?

M. Bourque: Ça nous a été - si vous me permettez l'expression - garroché comme ça, madame. Ce n'est absolument pas en concertation, et encore moins en collégialité. On a été - je ne veux pas parler au nom des autres collèges - un peu choqués qu'on ait une telle notion de la présence des cégeps en région. Ce n'est pas la conception qu'on a chez nous de ça, et je parle beaucoup au nom de la population là-dedans.

Nous, on n'a pas peur parce qu'on est installés, et le cégep a son appartenance dans la région. Mais pour la population, avec sa nouvelle région administrative, sa nouvelle régie de la santé et des services sociaux, je vous le disais tantôt, le vent, il ne souffle plus dans le sens d'une grande région de l'Est du Québec, ça fait un bout de temps. Alors, c'est un peu illusoire, à mon point de vue. Mais ça nous a quand même choqués.

Mme Hovington: Je suis bien contente de vous l'entendre dire de cette façon. Est-ce qu'il me reste encore un petit peu de temps?

La Présidente (Mme Harel): Oui, Mme la députée de Matane.

Mme Hovington: Quand vous dites, à la page 11 de votre mémoire, que des règles de financement per capita applicables à l'ensemble du Québec ne sauront jamais répondre adéquatement à ce qui est nécessaire à une région qui, plus que toute autre, vit la dispersion, l'éloignement au quotidien et pour qui la décentralisation des services n'est pas un luxe mais une condition de survie essentielle, ça, j'en suis et je connais les difficultés qu'on peut vivre dans une région éloignée telle que la Gaspésie. Avec la nouvelle formule d'aide aux cégeps, FABES, qu'on l'appelle, on sait que le «S», en dernier, est pour les spécificités des régions. Par exemple, s'il y a plus de transport à payer pour se rendre en Gaspésie, alors ça entre dans ce «S». Le «B», c'est pour les bâtiments. Enfin, vous connaissez un petit peu les technicalités de la formule. Est-ce que, selon vous, c'est le «S» qu'il faudra augmenter en dernier dans l'enveloppe budgétaire? Il faudrait peut-être mettre une ligne dessus pour que ça fasse un plus gros montant. C'est quoi, votre demande et votre idée là-dessus pour vous aider plus explicitement?

M. Bourque: Le système de financement FABES a amélioré notre condition, de beaucoup, particulièrement au niveau de l'éloignement. Ça a doublé à peu près l'allocation qui nous était allouée au niveau de l'éloignement. M. Lanoue conviendra avec vous que dans le «S» il y a le moins de choses possible. Il n'y en a presque pas. Ce qui coûte plus cher, à part l'éloignement, c'est la décentralisation. Gérer la décentralisation, c'est dispendieux. Nous, s'occuper des îles, ça nous coûte quelque chose. Pour s'occuper de Carleton, pour s'occuper d'un centre spécialisé, un directeur général voyage beaucoup plus. Un directeur des services pédagogiques a plus de départements sous son autorité. Je vous le disais tantôt, on a neuf accréditations syndicales. Imaginez les impacts sur le service des ressources humaines, etc. Ça, c'est moins considéré dans FABES. Dans FABES, ce sont les bâtiments, les activités, les enseignants et, pour nous, dans le «S», l'éloignement. Mais la gestion de la décentralisation et de l'éparpillement, ça, je pense que c'est beaucoup moins considéré.

Mme Hovtngton: II faudrait ajouter un «D» quelque part.

M. Bourque: Par contre, cela a amélioré la situation.

Mme Hovington: II faudrait ajouter un «D» quelque part dans FABES. Ça ferait peut-être un drôle de mot français, mais ça vous aiderait au niveau de la décentralisation, au moins...

M. Bourque: Absolument.

Mme Hovington: ...à cause des distances que l'on connaît, en Gaspésie, quand on sait que, faire le tour de la Gaspésie, c'est comme faire le tour de la Norvège ou presque, ou de la Suisse. Alors, merci beaucoup. Je vous félicite, moi, en tout cas, de la qualité de votre mémoire. Je pense que la commission tiendra compte sûrement de l'éloignement et des différentes facettes que vous nous avez démontrées sur tous les cégeps en région, qui sont un outil de développement régional tellement important.

M. Bourque: Merci.

La Présidente (Mme Harel): Alors, merci, M. Bourque. Est-ce que, Mme la ministre, vous voulez conclure?

Mme Robillard: oui. m. le président du conseil d'administration, m. arsenault, est-ce que vous êtes un représentant des groupes socio-économiques du milieu?

M. Arsenault (Dominique):. Oui, c'est exact, je suis un représentant des groupes socio-économiques et mon travail est à la Fédération des caisses populaires Desjardins de la Gaspésie et des îles, ce qui recouvre la même région que celle du cégep.

Mme Robillard: Est-ce que les groupes socio-économiques du milieu ont un message particulier à nous livrer sur leur cégep?

M. Arsenault (Dominique): Comme il est exprimé dans le mémoire, nous pensons que le cégep joue un rôle drôlement important, autant que la formation de nos travailleurs. Les PME et les PPE n'ont pas l'expertise et n'ont pas les ressources pour former leurs travailleurs, et, à ce niveau, on a une étroite collaboration avec le cégep et on espère que ça va continuer. Comme il est mentionné, je pense qu'il doit y avoir des mécanismes pour avantager cette approche.

Mme Robillard: merci d'être venu témoigner, avec les représentants du cégep, de votre situation si particulière en gaspésie et aux îles-de-la-madeleine. merci.

La Présidente (Mme Harel): Alors, M. Bourque et les personnes qui vous accompagnent, je vous remercie. J'inviterais maintenant l'Association des professeurs de sciences du Québec à prendre place. (17 h 30)

Alors, j'inviterais M. Arsenault, qui est président de l'Association des professeurs de sciences du Québec. Je ne sais s'il avait pris contact avec M. Dominique Arsenault qui le précédait sur ce banc et qui est le président du conseil du cégep de la Gaspésie et des îles. Il n'y a peut-être pas de lien de parenté, M. Ghislain Arsenault, j'imagine. Ha, ha, ha!

Association des professeurs de sciences du Québec (APSQ)

M. Arsenault (Ghislain): Probablement de la fesse gauche, quelque part comme ça, là, à quatre ou cinq générations derrière. On est tous des Gaspésiens, de toute façon.

La Présidente (Mme Harel): Alors, je vous demanderais, M. Arsenault, de nous présenter les personnes qui vous accompagnent. Dois-je comprendre que c'est vous qui procéderez à la présentation de votre mémoire?

M. Arsenault (Ghislain): Exactement. Mme ia Présidente, je vous présente M. Claude Janvier, qui est professeur-chercheur au Département de mathématiques et informatique de l'Université du Québec à Montréal; M. Robert Ducharme, enseignant en psychologie - on a même choisi un psychologue pour nous aider - au Collège de Saint-Jérôme; M. Guy Lapointe est conseiller pédagogique à la commission scolaire d'Iberville et Mme Denise Provençal est professeure de

physique au cégep de Sorel-Tracy.

Tout d'abord, je vais essayer de vous présenter-La Présidente (Mme Harel): M. le président...

M. Arsenault (Ghislain): Oui.

La Présidente (Mme Harel): ...dois-je comprendre que vous-même êtes enseignant dans un cégep également?

M. Arsenault (Ghislain): Oui, au cégep de Trois-Rivières, le meilleur cégep de la province.

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Harel): C'est la remarque la plus corporatiste qu'on ait entendue depuis le début, malgré qu'il y en ait eu quelques autres.

M. Arsenault (Ghislain): C'est que, voyez-vous, à 17 h 30, il faut mettre en oeuvre tous les efforts pour se tenir alerte et je vais essayer de le faire sans lire mon mémoire. Je pense que, comme de bons élèves de sciences, vous avez dû en prendre connaissance. Je vais simplement en faire un survol en notant les points les plus importants ou les plus intéressants.

D'abord, je pense que situer l'enseignement des sciences aujourd'hui demande absolument qu'on situe aussi cet enseignement des sciences à l'intérieur d'une société de haute technologie, la société qui nous occupe. Je pense aussi que cette société, tout le monde le dit, en tout cas, elle est garante de notre compétitivité au niveau international. Elle est garante aussi de notre niveau de vie de demain.

Maintenant, si vous regardez les indicateurs économiques avec lesquels nous sommes impliqués, avec lesquels les étudiants que nous avons aujourd'hui auront à vivre demain, je pense que, le moins qu'on puisse dire, c'est que ces indicateurs économiques, ces besoins de notre société de demain commencent à tourner au rouge et même au rouge vif. Parlons simplement du déficit national que nous avons. Aujourd'hui, dans les journaux, on parlait de 73 000 $, 75 000 $ par famille. Donc, nos étudiants de demain, notre compétitivité de demain... Notre niveau de vie de demain, il est garanti un peu par les sociétés de haute technologie avec lesquelles nous aurons à développer notre société.

Donc, dans la première partie, on parle du développement de la culture scientifique, de l'enseignement des sciences au collégial, à 1.1. À peu près 35 % des étudiants qui quittent le secondaire, qui arrivent au collégial vont faire des sciences. À peu près 20 % vont le faire en sciences de la nature et 15 % dans des domaines de techniques. Maintenant, à peu près 50 % de ces étudiants-là vont se voir confirmer un D.E.C. en sciences. On peut dire que ces gens-là vont arriver à l'université par après et qu'à peu près 30 % des étudiants entrés au collégial en sciences se verront confirmés dans une discipline scientifique, ce qui veut dire que, sur 100 élèves arrivés au collégial, à peu près 6 arriveront dans une carrière scientifique à un moment donné. Nous trouvons que c'est très peu.

Donc, le programme de sciences de la nature, il est, bien sûr, traité par plusieurs comme étant la voie royale de formation. Lorsque, au secondaire, on ne sait pas trop quelle est notre orientation, on dit aux étudiants: Prends la voie scientifique, elle va t'ouvrir toutes les portes. Donc, à un moment donné, un étudiant, même s'il a commencé en sciences, choisit, par exemple, de devenir avocat, philosophe ou comptable, mais il s'est d'abord inscrit en sciences de la nature.

Donc, on a essayé de faire une comparaison avec le niveau international pour savoir quel était notre niveau, le niveau de l'enseignement collégial en sciences. On s'est rendu compte qu'on chevauchait entre la fin du secondaire d'à peu près tous les pays du monde et la première année universitaire. Donc, ce document qui était sur la formation scientifique hors Québec, on en a tenu compte lors d'un colloque au collège Ahuntsic en mai 1991.

Donc, la recommandation qu'on fait, étant donné qu'à travers le monde on ne se situe pas trop mal dans les normes, quoiqu'on donne un petit peu moins d'heures de sciences, on demande simplement que ce soit conservé au moins, qu'on ajoute ou qu'on conserve ce nombre d'heures comme étant un minimum.

En 1.3, nous regardons les autres programmes universitaires et on se rend compte qu'à peu près personne, à part ceux qui sont en sciences de la nature, ne fait des sciences. Donc, la recommandation qu'on fait, c'est que, si on veut avoir une culture scientifique un peu plus large, il faudrait peut-être demander à ces gens-là de suivre un cours de sciences, par exemple dans le domaine de la biologie, qui leur permettrait de mieux comprendre la société de haute technologie dans laquelle ils vont être impliqués. Donc, sur l'enseignement des sciences, la recommandation 3 nous parle de cet accès aux cours de sciences de la nature.

En 1.4, l'enseignement des sciences dans les techniques. Nous savons tous que les techniques qui demandent une forte connaissance en sciences sont en déclin. Je pense que, tout dernièrement, on a fermé chimie, biologie, par exemple, dans la région de Shawinigan. Un peu partout on a de la difficulté à avoir le contingentement de base pour avoir une option valable. En papeterie, cette année, je pense qu'il est entré sept étudiants en première année. Donc, ça devient un problème très important, compte tenu du fait que même dans les journaux de ce matin on relatait

le besoin, dans les deux ou trois prochaines années, d'environ entre 5000 et 7000 personnes en environnement, de personnel spécialisé en environnement. Donc, ça devient important que la personne qui ne continue pas à l'université en sciences puisse s'en aller au moins dans un domaine qui va peut-être lui sembler un peu plus facile mais qui va être une carrière scientifique. Notre recommandation 4, elle est un peu en accord avec celle de la Fédération des collèges qui disait qu'on pourrait penser à un profil de sciences et technologies en parallèle à sciences pures et appliquées et à sciences de la santé.

En 1.5, on parle un peu de loisirs scientifiques. On dit que, pour avoir des carrières scientifiques on aurait un besoin important de susciter l'intérêt, et il est bien évident que le loisir scientifique est un champ d'action dans lequel beaucoup de professeurs - pas simplement des professeurs mais beaucoup de professeurs - sont impliqués, ce qui permet d'amener un intérêt, un très fort intérêt pour les carrières scientifiques. On a souligné également, au niveau collégial, l'émergence du programme «Science, on tourne» qui va arriver pour fêter le 25e anniversaire des cégeps cette année, et on demande que dans l'enseignement collégial l'on puisse reconnaître d'une façon quelconque, et pour l'étudiant et pour le professeur, ceux qui s'impliquent dans ces programmes de loisirs scientifiques.

En page 10, on parie des sciences de la nature et de formation fondamentale. Je ne pense pas avoir à insister ici beaucoup au niveau d'une définition de la formation fondamentale. Un des penseurs québécois dans ce domaine, qui est reconnu, est M. Lussier que vous avez ici, qui nous a proposé, à un moment donné, des définitions de la formation fondamentale quand même importantes. Du moins, on lit ça quelque part dans des écrits. Il parle d'une formation fondamentale dans la mesure où les objets d'étude sont bien autre chose que les matières scolaires, etc.

Donc, cette position nous amène à développer neuf critères qui parlent de formation fondamentale, par exemple: la consolidation d'une méthodologie du travail intellectuel, le développement de la pensée et du raisonnement, l'expression de la créativité, l'acquisition de saines habitudes de vie, la maîtrise de la communication, l'ouverture aux autres, l'émergence de perspectives historiques, la croissance et la responsabilité sociale, l'intégration et la transférabilité des savoirs. Or, à chacun de ces points-là, on se rend compte que l'enseignement des sciences peut apporter quelque chose d'extrêmement positif du fait, premièrement, qu'elles représentent des matières très exigeantes, donc qui impliquent assez souvent une méthodologie du travail intellectuel beaucoup mieux assise. Par exemple, tout ce qui s'appelle rédaction de travaux, recherche en bibliothèque, gestion du temps, ça devient quelque chose de très impor- tant. Donc, en 8, que les objectifs en question soient reconnus, je pense que, d'office, ça l'est pratiquement. (17 h 40)

En page 14, on parle de l'enseignement des sciences de la nature et de l'approche programme. C'est probablement, au niveau de l'enseignement des sciences au collégial, le point d'achoppement si on se rend compte que depuis 10, 12 ans on parle de l'émergence d'un nouveau programme de sciences de la nature et que vous savez dans quelle sorte de piétinement on est arrivé au niveau de la dernière année. Il y a des expérimentations actuellement en cours qui devraient nous apporter des recommandations substantielles au niveau des prochains mois.

Nous n'avons pas voulu dire - je pense que c'était un panier de crabes assez évident: II y aura trois cours de maths, trois cours de physique, trois cours de chimie, etc. Vous comprendrez pourquoi. À toutes les fois que je pense au programme de sciences de la nature, ça me fait penser un peu à Socrate à qui on demandait s'il était pour ou contre le mariage. Et Socrate répondait: De toute façon, vous allez le regretter. Donc, peu importe la décision qu'on va prendre, il y aura des gens qui vont dire: Ce n'est pas ça qu'on veut, que ce soit mathématiques, physique, chimie ou biologie.

Dans la recommandation 9, on dit qu'on devrait examiner cependant l'approche programme très en profondeur et la comparer à l'approche réellement disciplinaire. J'ai l'impression actuellement qu'on est dans les cégeps en chimie, en physique, en biologie, un peu par comparaison, des joueurs d'instruments de musique. On joue, on pourrait dire, presque à la perfection chacun de nos instruments, sauf que ce qu'on nous demande, c'est de nous regrouper pour faire une symphonie. Il va falloir qu'il y ait un entraînement, il va falloir qu'il y ait quelque chose de spécial qui se passe.

L'harmonisation des programmes de sciences avec le secondaire est aussi quelque chose de très important. Compte tenu du fait que ces dernières années nous avons repensé ces programmes, nous avons été aussi impliqués dans la pensée de ces programmes. Dans les pages 15 et 16, nous avons mis un peu l'histoire de l'enseignement des sciences au niveau secondaire et on dit que, si on endosse la philosophie du nouveau programme de sciences au niveau secondaire, on devrait aussi arrimer plus convenablement, tenir compte de ces programmes-là pour faire les programmes au niveau collégial. Maintenant, il reste que tout le niveau secondaire, je pense, nous questionne énormément, ne serait-ce que les 130 des 176 unités que l'on accepte pour diplô-mer quelqu'un du secondaire. Donc, on pense que ce n'est évidemment pas assez exigeant. La recommandation 11 nous parle des préalables en sciences de la nature, c'est-à-dire que, pour toutes les disciplines de niveau collégial qui

demandent des préalables, bien les préalables demandés soient pertinents avec la discipline enseignée.

Maintenant, en 5, nous avons parlé de la formation des enseignants. Nous en avons parlé en nous rendant compte qu'à l'intérieur de cette formation il y a des problèmes. Nous pensons que l'enseignant du collégial actuellement est engagé en fonction strictement de sa formation disciplinaire et qu'il gagnerait énormément à avoir une formation en didactique. Donc, ce qu'on amène en 5, c'est qu'étant donné que dans les 10 prochaines années on va changer un nombre très important de professeurs du collégial, il faudrait peut-être immédiatement lancer le débat et dire: Dans deux ou trois ans, à partir de 1995, disons, pour lancer un chiffre, tous ceux qui viendront enseigner au collégial devraient avoir une formation en didactique des sciences beaucoup plus structurée que ce qui existe actuellement. On sait que ça va poser des problèmes au niveau des universités, parce que ces programmes-là n'existent pas encore, sauf qu'on se dit que, si l'Université du Québec est là réellement dans un esprit de formation des maîtres, il faudrait que quelque chose se structure à ce niveau-là. Donc, la recommandation 12 et la recommandation 13 sont dans ce sens-là.

On parle aussi de formation continue pour le professeur dans une discipline quelconque. Et, ici, je pense qu'il est évident que, dans plusieurs cégeps, nous avons, par exemple, des centres spécialisés qui pourraient être utilisés beaucoup plus qu'ils ne le sont actuellement dans un programme de formation continue. On pense que les centres spécialisés pourraient redonner ou permettre beaucoup plus qu'ils ne le font actuellement une intégration avec l'enseignement et non pas simplement avec l'industrie. Donc, la recommandation 14 nous parle de cette formation continue, tant disciplinaire que didactique, qui serait articulée autour, bien sûr, de l'approche programme, de l'interdisciplinarité et du développement communautaire et régional.

À la page 21, nous avons apporté un item qui s'appelle la recherche au niveau collégial. Nous pensons que, dans beaucoup de cégeps, plusieurs professeurs ont une formation suffisante pour s'intégrer dans des programmes de recherche. Nous pensons également que nous avons, dans plusieurs de ces cégeps, une instrumentation très importante qui pourrait être utilisée dans ces programmes de recherche. Et on constate que, actuellement, ces programmes de recherche, on tend beaucoup plus à en diminuer l'accessibilité que l'inverse. Donc, les recommandations 15, 16 et 17 vont dans ce sens, de favoriser la recherche au niveau collégial.

Donc, c'est notre mémoire.

La Présidente (Mme Harel): Très bien. Je vous remorclo. La parole est maintenant à Mme la ministre.

Mme Robillard: Merci, Mme la Présidente. Peut-être une clarification en partant, M. Arsenault. Votre association s'appelle l'Association des professeurs de sciences du Québec.

M. Arsenault (Ghislain): Oui.

Mme Robillard: est-ce que je comprends que votre association n'inclut que les profs de sciences de la nature ou si vous avez aussi des profs de sciences humaines et sociales avec vous?

M. Arsenault (Ghislain): C'est la présence de notre ami Ducharme...

Mme Robillard: M. le psychologue vous aide.

M. Arsenault (Ghislain): Nous avons un intérêt premier dans les sciences de la nature, sauf que ça ne nous empêche pas d'aller chercher l'expertise où elle se trouve. Par exemple, M. Ducharme avait une expertise en recherche, avait une bonne connaissance de tout ce qui s'appelait recherche au collégial, en faisant partie, par exemple, de l'ARCQ, et nous avons pensé qu'il pourrait être valable pour vous de l'entendre.

Mme Robillard: Mais, si je comprends bien, par ailleurs, M. Arsenault, là, dans votre mémoire, vous vous référez de façon précise et spécifique aux sciences de la nature.

M. Arsenault (Ghislain): Oui.

Mme Robillard: Oui, bon. Alors, parlons-en. Parlons-en des sciences de la nature parce que vous avez, comme professeurs dans les collèges, la chance, l'énorme chance d'être choisis comme profil de programme par plusieurs étudiants. Vous l'avez dit vous-même, plusieurs étudiants entrant au collégial choisissent ce qu'on dit être «la voie royale», les sciences de la nature. Donc, vous avez beaucoup d'étudiants, mais la déperdition est très forte, vous le dites vous-même, quand on regarde au niveau de la diplomat ion. Il y en a beaucoup qui y vont mais beaucoup qui en sortent. Et j'ai essayé de voir, dans votre mémoire, où sont les causes. Quelles sont les causes de ça? Qu'est-ce qui se passe? Comment se fait-il que vous ne réussissez pas à les garder avec vous, ces jeunes-là? Et, si j'aborde la question dans ce sens-là, M. Arsenault, c'est que j'aimerais ça qu'on se parle des vraies affaires, j'aimerais ça qu'on se parle de l'enseignement des sciences. J'aimerais ça savoir votre réflexion sur ce sujet-là. (17 h 50)

Vous n'êtes pas sans savoir présentement que toutes les études nord-américaines posent ce problème-là de l'enseignement des sciences en tant que tel. Vous-même, vous faites référence à

des avis du Conseil supérieur de l'éducation. J'en ai ressorti un, là, de 1989 sur les sciences de la nature, justement, qui dit, et là je cite le Conseil supérieur: «Des études et des enquêtes menées aussi bien à l'étranger qu'ici même au Canada et au Québec s'accordent à brosser un tableau plutôt sombre de l'enseignement des sciences de la nature à l'école. L'enseignement des sciences serait demeuré fondamentalement dogmatique, serait organisé autour du contenu des manuels, ferait très souvent fi des réalités sociales et technologiques contemporaines, serait encore principalement déterminé par les exigences de l'examen à passer», etc.

Je regarde aussi les propos de nos amis des États-Unis, et sûrement de ceux que vous connaissez, l'American Association for the Advancement of Science qui nous ont sorti un projet important au niveau des sciences, qu'ils qualifient de projet 2061. Bon. Une des principales recommandations qu'ils qualifient de fondamentale, je lis au texte: «A fundamental premice of that project is that the schools do not need to be asked to teach more and more content but rather to focus on what is essential to scientific litteracy and to teach it more effectively.»

N'avons-nous pas un défi proprement pédagogique dans l'enseignement des sciences au Québec?

M. Arsenault (Ghislain): Évidemment. Disons qu'avant de passer la parole...

La Présidente (Mme Harel): Vous êtes deux à vouloir y répondre?

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Harel): D'abord, M. Arsenault... Je vais vous passer la parole, M. Arsenault. C'est simplement qu'aux fins de notre transcription des débats il faut se présenter; sinon, on prend pour acquis que toutes les paroles enregistrées vous seront attribuées.

M. Arsenault (Ghislain): Donc, il faudrait que je demande aux autres de bien s'identifier, surtout. Il est évident... Moi, je suis professeur de sciences, et nous avons depuis plusieurs années... Je me rappelle, il y a... Je pense que ma première assemblée pédagogique en enseignement s'est faite dans le bout de l'année 1965, où on parlait de laisser les étudiants apprendre à apprendre. Je me rappelle le rapport McPherson dans le temps. C'étaient des rapports qui nous parlaient de pédagogie également, énormément de pédagogie. Sauf que nous avons aussi, lorsque nous enseignons, à tenir compte de contraintes.

Par exemple, lorsque l'on parle de l'enseignement des sciences au niveau collégial, pour les étudiants à qui on s'adresse, nous avons les meilleurs étudiants du cégep, admettons-le. Nous avons des étudiants qui sont extrêmement exigeants. Nous avons aussi des étudiants qui s'en vont aussi par après dans des disciplines extrêmement contingentées, souvent, et nous avons des étudiants qui ont à répondre à des contraintes, par exemple, universitaires plus loin.

Donc, je comprends que l'on dise... Je pense que c'est peut-être exagéré de dire qu'on étudie pour passer l'examen seulement, mais je pense qu'en sciences nous avons à assurer un contenu disciplinaire important. Nous avons à le faire avec une méthode qui est rigoureuse. Je ne dis pas, cependant, qu'actuellement nous avons toutes les techniques et toutes les approches pédagogiques nécessaires et suffisantes pour le faire.

La majorité des professeurs de sciences au collégial, comme à l'universitaire, sont engagés strictement en vertu de leurs compétences disciplinaires et non pas pédagogiques. O.K.? Et, à ce que je sache, ça n'a pas changé, ça, depuis des années. Donc, on essaie, qu'on le veuille ou non, de reproduire le modèle que nous avons reçu. Et si nous avons reçu un modèle, il y a 15 ou 20 ans, qui était rigoureux, qui était très, très astreint à une méthode de travail rigide, etc., eh bien, on essaie de continuer.

Mais peut-être que mon ami Janvier aurait d'autres raisons, lui qui est un spécialiste de la didactique.

La Présidente (Mme Harel): M. Janvier.

M. Janvier (Claude): Mme la ministre, je ne pense pas qu'on puisse régler la question que vous soulevez, y répondre en 5, 10 minutes. Je pense que vous avez assez bien indiqué... Votre analyse brève décrivait assez bien la situation. Il y a une part très importante qui repose sur notre évaluation et sur notre incapacité de renouveler notre évaluation dans l'enseignement et dans le monde de l'éducation en général. Et, inévitablement, cette incapacité de renouveler l'évaluation ou les procédures d'évaluation fait que nous enseignons pour une évaluation qui ne teste pas véritablement les compétences véritables qu'on veut développer. C'est peut-être un aspect qui n'apparaît pas à l'intérieur du rapport actuel.

L'autre aspect qu'il m'apparaît important de souligner, c'est que la majorité des professeurs, que ce soit du secondaire ou du collégial, n'ont pas pu acquérir dans leur formation des connaissances plus approfondies que nous connaissons maintenant, depuis peut-être une quinzaine d'années, depuis après la guerre - après la guerre! - 1965,1970.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Janvier: On vieillit, ça nous fait vieillir beaucoup, hein? Depuis une vingtaine d'années, les gens ont tenté d'analyser le raisonnement

scientifique, comment on développe le raisonnement scientifique, comment on aide aux jeunes à se donner des méthodes d'inférence, etc. Alors, évidemment, il y a eu une espèce de concertation de gens en sciences cognitives, à savoir des psychologues, des scientifiques, des philosophes des sciences, des historiens des sciences, qui ont créé toute une science qu'on appelle maintenant la didactique des sciences, qui a travaillé beaucoup jusqu'au secondaire et qui commence à travailler au collégial. En France et dans certaines régions d'Angleterre, on applique déjà à la formation des enseignants cette didactique des sciences. On essaie d'expliciter aux enseignants comment organiser la classe pour susciter le développement du raisonnement scientifique, par exemple. Et ça dépasse passablement, uniquement, vous savez, l'exposition dogmatique de ce qu'est la science, d'une certaine manière. Vous savez sans doute que la science ne constitue qu'un ensemble de modèles qu'il faut s'approprier, se donner, pour expliquer la réalité. Souvent, les professeurs ont tendance à exposer le modèle officiel d'une science toujours en transformation. Donc, cet enseignement fondé sur le développement par les élèves des modèles, c'est encore tout un monde que notre monde de l'éducation ignore.

Je ne veux pas prendre la parole trop longtemps là-dessus, mais je pense qu'une des propositions essentielles de l'APSQ, et c'est là-dessus qu'on m'a demandé de m'associer à ses travaux, c'est tout ce qui concerne la formation des enseignants. Je pense que la proposition la plus intéressante, vous allez probablement en parler avec mon collègue de Saint-Jérôme, je pense qu'un des aspects les plus importants des recommandations qui sont faites, c'est de se dire la chose suivante: que l'éducation des cégeps ne sera pas transformée par des modifications de programmes, par des modifications de structures, mais uniquement lorsque les professeurs seront mieux formés, lorsque les professeurs seront perfectionnés, lorsqu'on va s'assurer que les enseignants, qui sont à tous les niveaux de mathématiques, de psychologie, de philosophie, seront mieux à même de reconnaître le statut professionnel du rôle d'un enseignant des sciences au collégial.

Évidemment, au fil des années - on peut en parler, d'ailleurs, mon collègue peut vous en parler - il y a eu une sclérose, il y a eu un «ankylosement» à l'intérieur de l'enseignement et, quand on parle d'«ankylosement», c'est la vie intellectuelle des cégeps, la vie intellectuelle disciplinaire dans les cégeps. Et on n'accuse personne. C'est parce que les enseignants du niveau collégial ne sont pas sollicités intellectuellement et ne sont pas sollicités à se renouveler. Il est impossible, à l'intérieur d'une structure d'enseignement, si on ne se renouvelle pas, de faire en sorte que ces structures se renouvellent. On peut tout modifier et, dans 10 ans, tout recommencer, si on ne s'occupe des enseignants pour dans 10 ans. Ce sont les enseignants qui vont nous donner un bon système d'enseignement collégial au Québec.

Mme Robillard: Je suis heureuse de constater qu'il y a une réflexion au sein de l'Association. J'aurais aimé ça, M. Arsenault, avoir des recommandations sur l'enseignement des sciences en tant que tel. Vous comprendrez bien que j'ai de la difficulté avec votre mémoire, en partant de la première recommandation même, quand vous me recommandez d'augmenter le temps alloué à l'enseignement des sciences dans le programme actuel des sciences de la nature. (18 heures)

Comme ministre de l'Enseignement supérieur, moi, j'ai bien de la difficulté à penser qu'on va encore augmenter la quantité des sciences, même dans le programme des sciences de la nature, surtout quand je vois l'opinion qui est donnée. Vous-même, vous dites que nos contenus sont semblables à ce qui se passe chez nos collègues nord-américains. Très bientôt, ici, au sein de cette commission, nous allons entendre l'université McGill qui va venir nous faire part de son témoignage. Peut-être que vous n'avez pas lu ce mémoire-là, mais je vais vous citer une phrase de McGill qui va nous dire: «Nous tenons à préciser dès le début qu'au sein des départements de sciences pures et appliquées à McGill on est généralement satisfaits de la formation scientifique que les étudiants reçoivent au cégep. Si l'on prend les études collégiales cours par cours, on peut affirmer que les étudiants des cégeps suivent un plus grand nombre de cours de sciences fondamentales que n'en suivent leurs homologues de l'extérieur du Québec au cours de leur première année à l'université. On est, en revanche, beaucoup moins satisfaits du niveau d'instruction des étudiants du cégep en sciences humaines et sociales.» Alors, vous comprenez bien qu'avec une telle affirmation, moi, je ne suis pas capable de vivre avec votre première recommandation. Je me l'explique mal.

M. Arsenault (Ghislaln): Disons que la première recommandation dit qu'on augmente. On serait assez malvenus de demander une diminution, mais qu'au moins on considère comme étant un minimum ce qui existe, parce que, d'après nos contacts à travers les États-Unis et à travers plusieurs autres pays, on se rend compte qu'on a à peu près 20 % de moins d'heures allouées en sciences avant le niveau que l'on occupe. C'est ce qui a été rapporté par le colloque d'Ahuntsic l'année dernière.

Mme Robillard: Alors, comment ça se fait, M. Arsenault, que vous me dites, à la page 4 de votre mémoire, que nos finissants «sont admissibles dans la quasi-totalité des facultés de

sciences des universités nord-américaines»?

M. Arsenault (Ghislain): Pourquoi je vous le dis? Parce que c'est vrai.

Mme Robillard: Alors, où est le problème?

M. Arsenault (Ghislain): Nous avons une excellente formation. Donc, si on demeure comme ça en termes d'heures de cours allouées, je pense que c'est un minimum qui est acceptable. C'est ce qu'on dit.

Mme Robillard: Non, vous allez plus loin, vous voulez augmenter la quantité. Moi, ce que je vous dis, c'est que je suis très réfractaire à ça étant donné que je vois ce témoignage-là des universitaires et que c'est à l'échelle nord-américaine. En plus, j'aimerais peut-être qu'on améliore l'enseignement des sciences pour garder les jeunes dans ces cours-là.

M. Arsenault (Ghislain): Denise, si tu veux.

Mme Provençal (Denise): Oui. Denise Provençal, du cégep de Sorel-Tracy. Mme la ministre, je suis d'accord avec vous que, effectivement, nos élèves sont, en termes de niveau - ceux qui sont acceptés, n'est-ce pas - considérés comme étant de niveau équivalent ou, en tout cas, compétitif. Mais, vous le disiez vous-même tantôt, on a une très grande déperdition des étudiants. Et je pense que la première recommandation vient un peu dans le sens qu'on sait qu'en Ontario les jeunes, tout au moins pour la première année du cégep, c'est-à-dire leur 13e année, ont plus d'heures de cours que les nôtres. On demande du temps, non pas pour ajouter de la matière, mais pour permettre aux jeunes d'avoir le temps d'acquérir ce qu'on veut leur donner, ce qui est différent. Il ne faut pas l'interpréter dans le sens où on veut plus d'heures de cours dans la grille de concentration. Ce n'est pas ça, là. On veut plus de temps alloué à l'étude et, en particulier, évidemment, à l'étude des sciences. On ne dit pas, ici, qu'on voudrait avoir plus d'espace ou plus de cours de sciences dans la grille. On demande plus de temps alloué à l'apprentissage. Je pense que c'est une distinction.

Par exemple, je sais qu'il est question qu'on allonge l'année scolaire. Bien, qu'on l'allonge, je veux dire, ça donnera plus de temps. Nous autres, notre idée, ici, ce n'était pas de vous dire quoi faire. On se disait simplement: Une recommandation, c'est: Faites en sorte qu'il y ait plus de temps alloué à l'apprentissage. S'il faut pour ça allonger la session... En termes de nombre de jours d'école, si vous prenez ceux qui sont en Ontario, en 13e année, ils font 180 jours d'école alors qu'ici, au cégep, ils font entre 150 et 164 jours d'école. Il manque du temps. En termes d'objectifs, c'est sûr que ceux qui passent obtiennent le même niveau, mais ce n'est pas tout le monde, vous le disiez vous-même tantôt. Il y a une grande déperdition parce qu'ils n'ont pas tous le temps. Ça prend énormément de temps; en tout cas, pas énormément, pardon, ça prend beaucoup de temps pour acquérir la méthode scientifique et la rigueur auxquelles les étudiants ne sont pas habitués dans les différents cours. Quand on leur demande d'être rigoureux dans le raisonnement scientifique, ça leur demande du temps. Alors, à ce niveau-là, ça, c'était un élément sur l'explication de la première recommandation.

Vous parliez tantôt de l'enseignement des sciences, l'enseignement fait défaut. Bien, je pense que vous avez la preuve que c'est pour nous une préoccupation avec les recommandations 10, 12 et 13 sur les besoins de formation en didactique des sciences. Je pense qu'on le reconnaît à ce niveau-là et on dit: Assurons une formation en didactique des sciences aux enseignants. Ça devrait être une bonne façon d'améliorer l'enseignement des sciences.

Il ne faut pas oublier également, dans les facteurs de déperdition de la clientèle, que, avant, les étudiants qui arrivaient avec une formation scientifique étaient quand même minoritaires. Il faut bien reconnaître que de plus en plus on enseigne à un grand nombre d'étudiants. On veut qu'une plus grande masse d'étudiants aient une formation scientifique et ce n'est pas tous qui ont, du premier coup, les facilités ou l'habileté à acquérir une formation scientifique. Ça prend donc, encore une fois, plus de temps.

Egalement, pour les enseignants, il faut remarquer que, comme disait M. Janvier tantôt, en termes d'évolution, les volumes qu'on utilise sont à peu près les mêmes qu'il y a 15 ans. Pour prendre un exemple, étant donné que j'enseigne la physique, on parle de particules élémentaires, on parle encore nous, dans nos cours, dans les volumes qu'on utilise, du proton, de l'électron et du neutron. Il n'est jamais mention, à quelque part là-dedans, des quarks ou des particules subélémentaires qui existent actuellement. Alors, je pense que, aussi, au niveau des volumes et du matériel disponible, de plus en plus, on a tendance... Peut-être depuis deux, trois ans, il commence à y avoir des volumes qui sont faits par les gens des cégeps, et je pense qu'à ce niveau-là c'est un élément positif. Il y a les prix de la ministre qui soulignent chaque année des oeuvres pédagogiques qui sont sorties des cégeps et, au niveau des sciences, il y en a de plus en plus qui commencent à sortir. Je pense que c'est un domaine qu'on devrait de plus en plus encourager à ce niveau-là.

La Présidente (Mme Harel): Mme Provençal, je vous remercie. La parole est maintenant à Mme la députée de Terrebonne, qui agira comme porte-parole de l'Opposition, et nous reviendrons

pour la conclusion à Mme la ministre. Alors, Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, Mme la Présidente. Mon collègue, le député d'Abitibi-Ouest, porte-parole de l'Opposition officielle en matière d'éducation, a dû quitter avec beaucoup de regret, mais soyez assurés qu'il a pris connaissance de votre mémoire et que je lui ferai part de nos échanges ce soir.

La principale qualité de votre mémoire, je pense, c'est d'avoir une vision extrêmement réaliste, et je pense que ce n'était pas facile de le faire. Qu'une association de professeurs de sciences reconnus pour la rigueur de l'enseignement, dans son propre mémoire, donc n'attendant pas des jugements extérieurs, nous dise clairement: L'Association des professeurs de sciences du Québec «déplore la situation des anciens et des futurs enseignants de sciences et suggère des dispositifs assurant la formation des maîtres en sciences de la nature pour le collégial»; que dans le mémoire plus complet vous nous disiez: L'Association est consciente d'un réexamen complet de la question de la formation des maîtres en sciences de la nature au collégial; que vous considériez également que les nouveaux enseignants de sciences devront disposer d'une formation initiale comprenant les deux volets, formation disciplinaire et initiation à la didactique, et vous nous confirmez qu'il n'y en a pas actuellement, qu'aucune université québécoise ne l'offre, je pense que c'est de la bonne évaluation. Que des professionnels soient capables de porter cette évaluation-là, je vous avoue que c'est très rare qu'on puisse rencontrer des groupes qui vont avouer clairement les lacunes du système actuel et, pour moi, c'est le premier gage de vouloir des changements. Et ça, je pense que c'est important.

Vous parliez de formation continue et dans cette formation continue vous nous disiez, bon, que ce serait important, mais je pense que ce serait même essentiel, puisque, comme vous en faisiez part tantôt, Mme Provençal, au niveau du matériel, au niveau des changements, finalement, qui se font d'une manière quand même très rapide au niveau des sciences, il faut que la formation, elle aussi, suive. Est-ce que vous pouvez nous expliquer, avec le réalisme que vous avez, comment il se fait que des changements majeurs n'aient pas été apportés au cours des dernières années dans votre domaine, puisque vous êtes bien conscients de ces réalités-là?

M. Arsenault (Ghislain): Vous parlez au niveau des programmes?

Mme Caron: Au niveau de la formation des maîtres et au niveau des changements qu'il y avait à apporter, tant au niveau pédagogique qu'au niveau du matériel. (18 h 10)

M. Arsenautt (Ghislain): D'abord, une façon scientifique que j'aurais de vous répondre serait par la bonne vieille loi de l'inertie qui veut que tout corps en mouvement ou à l'état de repos tend à conserver son état de mouvement ou de repos à moins qu'une force lui fasse changer son état de repos ou de mouvement.

Mme Caron: Ha, ha, ha!

M. Arsenault (Ghislain): Et il n'y a pas eu cette force-là très fortement structurée au niveau des cégeps; il y a eu cependant certains programmes comme PERFORMA qui ne parlent pas tellement, par exemple, de didactique en sciences. Il y a eu aussi des gens qui ont eu cette envie-là d'aller plus loin, de participer, par exemple, à des colloques, à des échanges. Mais de structurer, de forcer, un peu comme on le fait au secondaire, ça n'a pas eu lieu. Or, les gens ont laissé faire.

À un moment donné, il y a eu aussi cette bonne vieille tendance à penser que l'enseignement, c'est un art et une science, et, quand tu as l'art d'enseigner, de présenter et de captiver un auditoire, le travail est fart. Maintenant, il faut peut-être se comprendre aussi en disant qu'il y a pas mal de gens en art qui pourraient vous dire que l'art, ça s'enseigne aussi. On en est rendus à ça.

Donc, 25 ans après, il faut comprendre que la préoccupation qu'on devrait avoir parce qu'on en arrive avec des gens qui vont... La relève s'en vient au niveau collégial. Si, dans le système actuel, on n'oblige pas d'une façon quelconque, lors de l'engagement, un professeur à se doter de cette ressource-là de pédagogie ou de didactique, le système actuel fait qu'il n'ira pas parce qu'on est pris, à un moment donné, avec tout un paquet de normes et ça prend, à un moment donné, des années avant que tout ça débloque. Donc, on se dit favorables au fait de dire au prochain professeur de sciences: Tu vas avoir à te présenter au cégep avec une formation initiale en didactique.

Mme Caron: Je pense que c'est extrêmement important, d'autant plus que la plupart des personnes qui sont venues nous présenter des mémoires nous ont dit à quel point c'était important, le domaine des sciences et des technologies. Alors, si au niveau de la formation on ne remédie pas aux lacunes que vous avez soulevées, on risque d'avoir de sérieux problèmes.

Concernant votre recommandation 1, vous avez bien déterminé - je pense que c'était assez clair dans votre mémoire, pages 3 et 4 - que, finalement, vous manquiez d'heures pour votre contenu, parce que vous avez le même contenu d'enseignement et vous devez le faire dans un nombre d'heures inférieur. Pour vous, compte tenu de cette matière que vous avez à enseigner,

ce serait quoi, le temps alloué qui devrait être ajouté?

M. Arsenault (Ghislain): Moi, je pense qu'on devrait considérer actuellement les 900 heures de formation comme étant un minimum. Maintenant, à l'intérieur de ces 900 heures de formation, on pourrait - et là c'est peut-être une hypothèse de travail qu'il faudrait aussi envisager - si on utilisait ces 900 heures de formation convenablement, assurer tout individu qui sortirait des sciences de la nature d'une solide culture scientifique.

Mme Caron: Qu'est-ce que vous voulez dire par convenablement?

M. Arsenault (Ghislain): Je veux dire par là que, dans les programmes... Et là je m'embarque dans un panier de crabes, compte tenu des expérimentations actuelles. Prenez, par exemple, quels sont les besoins de la société de demain en sciences? Quels sont les défis? Avec quelles sortes de contraintes aurons-nous à vivre? Vous voyez, par exemple, que tout le domaine de la biologie, de la génétique, de l'environnement, ce sont des points extrêmement importants. Or, on se rend bien compte que dans beaucoup de cas la formation en biologie est le plus strict minimum, un cours. On voit aussi, dans les domaines de la chimie organique - j'en parie parce que j'enseigne la chimie - tout le débat de la chimie organique actuellement. Je pense que vous avez reçu, Mme la ministre, suffisamment de lettres d'à peu près toute une série d'intervenants qui vous disent qu'il y a 5 000 000 de composés organiques et qu'on y baigne, on en mange, on s'en habille, on s'en nourrit, et que faire en sorte qu'un ingénieur se retrouve sur le marché du travail, avec toutes les contraintes d'un ingénieur actuel, sans avoir aucune notion de chimie organique, ça laisse un trou de formation important.

Donc, à l'intérieur de la grille de sciences de la nature actuelle, plus on va préciser: Voici, par exemple, tu vas prendre un cours de chimie organique, dans les 12 cours en question, bien, on diminue la possibilité qu'a un individu d'aller chercher une formation peut-être plus pointue à ses besoins, par exemple, à l'université. Donc, c'est tout ça qu'il faut envisager à l'intérieur d'un cours de sciences. Vous avez aussi tous les domaines de l'éthique, de la morale, de l'histoire des sciences actuellement qui nous arrivent par le travers - excusez-moi si j'emploie toujours des termes de navigation - et qui font en sorte d'interroger toute la société dans laquelle on vit.

C'est pour ça que non simplement on voudrait que l'étudiant des sciences de la nature ait accès à cette formation-là, à cette interrogation-là, à cette réflexion-là, mais on voudrait aussi que tout individu qui passe par le collégial ait au moins cette possibilité-là de venir parti- ciper à cette réflexion-là. On pense que c'est très important. Prenez simplement la saga des BPC il y a deux ans.

Une voix: Trois ans.

M. Arsenault (Ghislain): Selon le point de vue qu'on avait, vous avez vu toute la panique, à un moment donné. Alors, le gros problème des BPC, c'est plutôt un problème de stabilité, c'est beaucoup trop stable. Donc, à un moment donné, on était un peu comme assis sur une bombe, puis on s'est même promené en bateau avec. Ce n'est pas...

Mme Caron: On va revenir ici, il faut que j'accélère un petit peu parce que je veux aussi laisser ma collègue poser quelques questions. Votre recommandation 11 touche les prérequis, et vous faites mention qu'il faudrait qu'on exige que les préalables dont on a effectivement besoin... Comparé à la situation actuelle, qu'est-ce que vous voulez vraiment nous dire?

M. Arsenault (Ghislain): Je vais laisser mon ami Guy répondre à cette question.

M. La pointe (Guy): Guy Lapointe. Face aux préalables, ce qui se présente en ce moment, c'est qu'on a modifié les programmes, comme vous le savez, au secondaire. Au niveau collégial, on a fait l'exercice de restituer un peu les préalables en mathématiques et, en sciences, l'exercice a été fait, mais, en tout cas, je me demande un peu de quelle façon, et je vous cite deux exemples. Je prends techniques diététiques où, avant les nouveaux programmes, on demandait un cours de chimie 444 ou 464, c'est-à-dire un cours de chimie de secondaire IV. Dans les nouveaux préalables, alors que les modifications de programmes sont arrivées, on demande maintenant un cours de chimie 534. Évidemment, au niveau secondaire, ceci pose un problème parce que, dans la structure, évidemment, du secondaire, bien souvent un élève qui doit prendre un cours de chimie 534, ça implique aussi des mathématiques, évidemment enrichies, 536, etc. Donc, c'est un exemple. Il y a aussi en techniques de thanatologie où on demandait la chimie 4 et, maintenant, on demande la chimie 5. À ce niveau-là, je ne sais pas comment a été fait l'exercice, mais je pense que ce serait important, compte tenu de l'esprit des nouveaux programmes du secondaire qui ont été faits quand même pour inciter les jeunes à aller vers les techniques. En tout cas, on voulait intéresser les jeunes d'abord aux sciences et leur donner le goût de continuer vers les techniques. Alors, là, en tout cas, on vit une situation qui nous semble un peu ambiguë ou pas claire.

Mme Caron: Donc, l'exercice devrait être refait.

M. Lapointe: Bien, disons que ce serait à souhaiter. (18 h 20)

Mme Caron: Vous avez aussi les recommandations 5 et 6 qui touchent au développement du loisir scientifique, les activités scientifiques parascolaires dans les collèges, aussi du temps prévu dans la tâche des enseignants, des budgets alloués pour l'organisation de clubs de sciences, et tout ça. Au niveau collégial, est-ce que ce n'est pas un peu tard pour motiver les étudiants du collégial? Est-ce que toutes ces actions ne devraient pas se retrouver surtout au niveau secondaire pour intéresser les étudiants à se retrouver dans votre secteur au collégial?

M. Arsenault (Ghislain): Nous avons mis cette recommandation de loisir scientifique pour surtout un point. Le loisir scientifique, tel que nous l'entendons, et nous avons vécu cette année... Par exemple, nous avons lancé le concours «Science, on tourne», cette année, avec la Fédération des cégeps, je ne sais pas si vous êtes au courant. Le projet avait pour effet de faire un véhicule qui était mû à l'aide d'une trappe à rats, une grosse trappe à souris, et qui devait fonctionner 15 mètres en ligne droite à l'intérieur d'un corridor d'un mètre et arrêter le plus près possible d'une ligne située à 15 mètres. Et on s'est rendu compte, à un moment donné, de tout l'effort d'ingéniosité, de créativité qu'il y avait à l'intérieur d'un tel projet, de calculs scientifiques aussi. Donc, le loisir scientifique, ça devient, à un moment donné, une façon d'intégrer tout un ensemble de matières. Ça peut devenir, comme les expo-sciences le font au niveau secondaire, un ensemble de problèmes à régler. Prenez simplement la présentation, l'explication scientifique des phénomènes, etc., vous avez là-dedans un ensemble, tout un processus de formation scientifique qui est très important.

Maintenant, au niveau collégial, il n'y a que très peu de clubs de sciences. Je pense que nous devrions améliorer ça de façon substantielle. Et le concours «Science, on tourne» est un peu dans ce but-là, d'améliorer ou de développer des clubs de sciences au niveau collégial. Mais je pense que, dans une perspective d'intégration des différentes matières, ça devient très important.

Mme Caron: En fait, ça diminuerait peut-être aussi le nombre de décrocheurs du côté des sciences. Je laisse dès maintenant le temps qu'il nous reste à ma collègue.

La Présidente (Mme Harel): Voilà. Alors, j'invite donc Mme la députée des Chutes-de-la-Chaudière à échanger avec vous.

Mme Carrier-Perreault: Merci, Mme la Présidente. Vous savez, depuis le début de la commission, on entend beaucoup parler de l'approche programme. Vous en faites état dans votre mémoire et, même si c'est un panier de crabes à certains niveaux, vous allez me permettre d'y revenir. Vous êtes très franc dans votre mémoire. Vous nous dites, à la page 14, que ça fait déjà «plus de 10 ans que le programme de sciences de la nature est en révision et les principaux intervenants n'arrivent toujours pas à s'entendre sur les modalités de mise en application d'une telle approche programme». Vous nous dites que vous continuez quand même à préconiser cette approche-là et que, pour ce faire, on devra nécessairement respecter les spécialisations disciplinaires. J'aimerais ça savoir comment ça va être possible de s'organiser dans ce domaine, en tout cas, dans cette approche-là. Vous nous faites état aussi d'expériences-pilotes qui sont actuellement en cours. Alors, j'aimerais ça vous entendre dans ce domaine-là en particulier.

M. Arsenault (Ghislain): À votre première question, je pense que, si je savais comment, je serais pas mal plus populaire que je le suis et peut-être même internationalement parlant, parce que le problème de l'approche programme est un problème qui n'existe pas simplement ici au Québec. C'est un problème qui est majeur un peu partout dans l'enseignement des sciences.

Pourquoi est-ce qu'on en est arrivé là? Il peut y avoir plusieurs raisons. À un moment donné, vous avez des départements qui sont très forts, en physique, en chimie, en mathématiques et, pour chacun de ces départements et pour chacune de ces coordinations et toujours en alléguant le bien de l'élève, on ne voit pas pourquoi on donnerait, par exemple, moins de cinq cours en mathématiques, ou moins de quatre cours en chimie, ou moins de cinq cours en physique. C'est toujours pour le bien de l'élève.

Or, on a laissé, avec les années, la situation aller, en espérant peut-être qu'on en arriverait à une décision par je ne sais pas trop quel moyen. Sauf qu'on en est arrivé, à un moment donné, à des coordinations qui se sont braquées les unes contre les autres. Le cours de plus que l'on donnait en mathématiques était, par le fait même, un cours de moins qu'on donnait en biologie - donc, biologie, ça reculait - et le cours qu'on donnait de plus en chimie, c'était peut-être un cours de moins qu'on donnait en physique.

Donc, on en arrive à une situation où, moi, je pense que la seule façon d'en sortir va être - je ne le sais pas, moi - d'ouvrir le régime collégial et de dire: Voici, on va prendre un cours complémentaire, on va régler le problème, on va ajouter un cours de sciences. Il n'y a pas beaucoup de personnes qui savent comment on va sortir réellement de cette approche-là. Mais je pense que l'approche programme, aussi, a été présentée à un certain niveau, à une certaine période de temps, un peu comme si une discipline

devenait une discipline de service par rapport à une autre. Et, si les intervenants - je dis bien «si» - n'étaient pas trop forts en didactique des sciences ou n'avaient pas une approche globale de toutes les sciences, physique, chimie, biologie, ils n'ont peut-être pas vu le point de vue positif de cette approche-là comme ils auraient dû le voir.

La Présidente (Mme Harel): alors, je vous remercie, m. arsenault. le temps est écoulé. j'inviterais maintenant mme la ministre à conclure.

Mme Robillard: M. Arsenault, je tiens à vous remercier pour l'apport que vous avez fait au sein de cette commission-là, et j'ai été heureuse de découvrir qu'au sein de l'Association il y a une réflexion plus approfondie qui se fait sur l'enseignement des sciences en tant que tel. Je voudrais souligner aussi comment j'apprécie le fait que vous vous impliquiez beaucoup au niveau du développement de la culture scientifique et technique chez nos jeunes, et ça, je sais que c'est en dehors de la formation officielle que vous faites dans les salles de cours, que ce soit dans les expos-sciences ou, vous savez, tous les mouvements qu'on a au Québec. Je sais que les profs de sciences sont toujours impliqués et sont près de nos jeunes, et je pense qu'on a besoin que vous soyez là. Alors, merci d'être venus à la commission.

M. Arsenault (Ghislain): Merci bien.

La Présidente (Mme Harel): Alors, je vous remercie. La commission suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 28)

(Reprise à 20 h 4)

La Présidente (Mme Hovington): la commission va continuer ses travaux en recevant l'association des cadres scolaires du québec, représentée par m. paul labrecque, président.

Association des cadres scolaires du Québec (ACSQ)

M. Labrecque (Paul): Oui, madame.

La Présidente (Mme Hovington): Bonsoir, M. Labrecque. Voulez-vous nous présenter les gens qui vous accompagnent?

M. Labrecque: Je vous présente, madame, à ma droite, M. Vincent Tanguay. M. Tanguay est directeur des services éducatifs à la commission scolaire des Découvreurs, membre de notre association.

La Présidente (Mme Hovington): Bonsoir.

M. Labrecque: à l'extrême droite, m. yvan ouellet, qui est coordonnateur des services d'éducation des adultes et de la formation professionnelle à la commission scolaire de saint-eustache.

M. Ouellet (Yvan): Bonsoir, Mme la Présidente.

M. Labrecque: À ma gauche, M. Jean-Jacques Drolet, qui est coordonnateur au service de la formation professionnelle des jeunes et des adultes à la commission scolaire Chomedey de Laval.

La Présidente (Mme Hovington): Bonsoir. Alors, bienvenue à la commission de l'éducation. M. Labrecque, vous avez 20 minutes pour nous présenter votre mémoire. Allez-y.

M. Labrecque: Merci, madame. Mme la Présidente, avant de vous présenter notre point de vue, permettez-moi de féliciter Mme Robillard pour sa nomination à titre de ministre de l'Éducation. Je veux l'assurer de toute notre collaboration. Madame.

L'Association des cadres scolaires du Québec regroupe l'ensemble des administrateurs scolaires spécialisés dans 16 domaines différents de la gestion, oeuvrant dans les commissions scolaires du Québec à titre de cadres des services et de gérance. Depuis 20 ans, notre regroupement s'emploie activement à collaborer avec les ministères concernés en vue du développement ordonné du système d'éducation. Notre propos ne portera donc pas sur des aspects qui concernent la vie interne du réseau collégial. Nous nous sommes sentis interpellés par les travaux de la commission à titre de responsables, dans le système éducatif québécois, de la formation de base et professionnelle des jeunes et des adultes. Nous partageons cette responsabilité avec l'ordre collégial, niveau d'enseignement charnière entre l'ordre secondaire et universitaire.

Notre intervention se situe, en conséquence, sous le thème de l'harmonisation et de la continuité. Nous espérons que notre contribution vous permettra de mieux saisir les difficultés que posent l'harmonisation interordres et la nécessité d'assurer une meilleure continuité dans l'ensemble de notre système d'éducation.

Notre document a été préparé par une équipe multidisciplinaire formée de cadres scolaires en provenance de toutes les régions du Québec et a reçu l'approbation unanime de notre conseil général qui regroupe une centaine d'officiers. Nous nous sommes imposés trois critères d'analyse que nous désirons partager avec la commission.

Le premier critère, les clientèles. Les

clientèles de notre système d'éducation sont multiples. Ce sont les jeunes en formation initiale qui veulent se garantir la meilleure insertion possible dans la société québécoise. Ce sont également les adultes confrontés aux nouvelles exigences culturelles et technologiques de notre société en mutation. Ce sont les organisations et, en particulier, les entreprises qui doivent compter sur des moyens efficaces d'adaptation et de développement de la main-d'oeuvre pour s'ajuster aux défis que leur pose la restructuration de l'économie québécoise et mondiale. Ce sont les régions du Québec qui interpellent également le système d'éducation comme partenaire essentiel de leur développement et de leur dynamisme.

Notre système d'éducation répond-il aux besoins actuels et futurs de toutes ces clientèles? Est-ce que l'existence de trois ordres d'enseignement facilite la continuité des programmes en évitant les dédoublements des missions et la redondance des contenus? Est-ce que la division de la formation professionnelle entre le niveau secondaire et le niveau collégial assure l'efficacité pour toutes ces clientèles? Le jeune n'est-il pas amené à procéder à des choix d'orientation professionnelle précoces qui lui font perdre temps, motivation et qui l'insécurise, lui et ses parents? L'adulte n'éprouve-t-il pas des difficultés à identifier le meilleur lieu pour réaliser ses projets de formation et de perfectionnement professionnel? L'entreprise, individuellement ou sectoriellement, fait face à une réalité de production de biens et services et à une organisation du travail qui ne se divise pas par ordre d'enseignement. N'est-elle pas obligée de vivre inutilement deux fois l'essentielle concertation avec les milieux d'éducation pour assurer une adéquation en matière de formation professionnelle initiale ou continue? Les régions profitent-elles de la situation actuelle de la formation professionnelle plus souvent caractérisée par la concurrence entre les ordres d'enseignement que par la concertation ou l'harmonisation?

Le deuxième critère de notre analyse: les coûts de système. Contrairement aux 25 dernières années, nous entrons dans une période de croissance modérée. L'État québécois est confronté à de fortes pressions budgétaires; compte tenu de ses moyens, il est tenté de résister à celles-ci. Pourtant, les besoins de notre société en matière d'éducation n'iront pas en décroissant. Les défis des 20 prochaines années commandent de continuer à investir dans nos ressources humaines. L'articulation actuelle de notre système d'éducation offre-telle le maximum de rendement? Y a-t-il des coûts de système inutiles ou improductifs? La quantité phénoménale de jeunes qui modifient leur orientation professionnelle et qui changent de programme, prolongeant d'autant leur période de formation, ne coûte-t-elle pas trop cher à l'État? Les énergies, le temps et les ressources consacrées à se demander si tel programme est de l'ordre secondaire ou collégial ne sont-ils pas improductifs? La duplication de l'offre de services par les deux ordres d'enseignement, quand ce n'est pas trois, est-elle rentable en région?

Troisième critère de notre analyse: la compétitivité du Québec. Le Québec a commencé à subir d'importantes mutations de l'organisation du travail. Le Conseil du patronat affirmait en 1991, en parlant de la formation professionnelle, et je cite: «Les travailleurs de demain devront s'adapter et se préparer à évoluer au sein de cultures d'entreprises qui seront passées du paternalisme et de la bureaucratie à l'innovation et à l'adaptabilité, et où des valeurs comme la qualité totale, l'excellence, l'innovation, la polyvalence, la valeur ajoutée, la communication et la mobilité seront largement partagées.» Dans un tel contexte qui concerne tous les travailleurs de l'entreprise, autant les procédés de fabrication que les processus de gestion sont touchés par l'implantation de nouvelles technologies. Ceci entraîne des changements profonds dans l'organisation interne de l'entreprise. (20 h 10)

La structure de notre système d'éducation, en particulier en formation professionnelle, fa-vorise-t-elle ces mutations? La mobilité, l'adaptation, l'enrichissement professionnels des individus dans l'entreprise sont-ils facilités par une division de la formation professionnelle par ordre d'enseignement? Les travailleurs spécialisés d'aujourd'hui ne sont-ils pas les techniciens et les technologues de demain? Ces trois critères ont encadré notre démarche et vous les découvrirez en toile de fond dans divers éléments que nous aborderons devant vous. Parfois, c'est la préoccupation de la clientèle qui a soutenu notre réflexion; parfois celle du coût de système; parfois la compétitivité de la main-d'oeuvre du Québec et, ailleurs, vous sentirez la préoccupation simultanée de plus d'un critère.

Après 25 ans, la réalité des différentes clientèles de notre système d'éducation a changé, comme la capacité financière de l'État québécois. Après 25 ans, les défis que doit relever le Québec pour son développement économique s'inscrivent dans un contexte mondial transformé. Certains disent: Après 25 ans, le moment est venu de renouveler l'enseignement collégial. L'ordre collégial étant situé à la charnière des ordres secondaire et universitaire, nous invitons la commission à se poser plutôt la question: Après 25 ans, le moment n'est-il pas venu de renouveler la structure de notre système d'éducation?

Première partie: des constats et des ambiguïtés à lever. Lorsque nous consultons les documents qui décrivent la mission des collèges, nous découvrons plusieurs ambiguïtés. Il en est ainsi de la mission telle qu'elle a été présentée par le Conseil des collèges dans son rapport 1992

sur l'état des besoins de l'enseignement collégial intitulé «L'enseignement collégial: des priorités pour un renouveau de la formation».

La mission de formation fondamentale est, pour nous, source d'ambiguïté. Cette notion a connu, au Québec, une diffusion importante dans certains milieux de l'éducation au cours de la dernière décennie. Dans le même rapport, le Conseil des collèges définit une formation collégiale de qualité comme essentiellement une formation pertinente, large et ouverte, fondamentale, exigeante et reconnue. Si tout le monde s'entend pour y voir les caractéristiques d'une formation de qualité, quel que soit le niveau, le Conseil place la formation fondamentale dans un cadre particulier, en affirmant que la formation fondamentale doit constituer une ligne maltresse de l'enseignement collégial et que, dans l'ensemble du système de l'éducation, le collège est bien placé pour assumer une telle mission.

Or, il nous semble que la définition de la formation fondamentale exprimée par le Conseil des collèges place celle-ci au coeur de la mission de tous les ordres d'enseignement. En effet, tous les ordres d'enseignement en sont porteurs afin de permettre aux personnes d'atteindre le plus haut niveau de performance possible dans les domaines qu'elle couvre.

La mission de formation préuniversitaire nous apparaît également source d'ambiguïté. Il s'agit de fournir aux individus la formation qui leur permettra de répondre adéquatement aux préalables généraux et spécifiques requis par l'université. A la manière des collèges d'antan, ne remplissent-ils pas une mission correspondant au premier élément de la formation universitaire? Ne le font-ils pas à une distance organisation-nelle qui ne fait que compliquer la continuité des programmes et alimenter la redondance?

Enfin, la mission de formation technique nous semble aussi porteuse de certaines ambiguïtés. Comme l'ordre secondaire, le collège fournit aux individus la formation technique permettant de répondre aux besoins en main-d'oeuvre de la société et aux besoins d'insertion professionnelle de la main-d'oeuvre. Ce qui les distingue l'un de l'autre est le niveau de complexité des tâches et fonctions auxquels ils préparent. La frontière n'est pas toujours facile à établir. Nous reviendrons sur cet aspect dans la deuxième partie. Nous souhaitons que les travaux de la commission soient l'occasion de lever certaines ambiguïtés.

Des chevauchements à éliminer. Il existe dans les activités de formation et les services offerts par l'ordre secondaire et collégial de nombreux chevauchements. Ceux-ci sont connus depuis longtemps, ont fait l'objet de travaux d'harmonisation et persistent encore aujourd'hui. Ces chevauchements sont tantôt coûteux et confondants pour les clients et tantôt coûteux pour le gouvernement québécois. Ils sont coûteux en perte de temps, en duplication et en lenteur administrative à s'ajuster à un marché du travail en mutation.

La formation professionnelle. Les programmes de formation professionnelle du secondaire et du collégial font l'objet de nombreux chevauchements plusieurs fois dénoncés. En 1986, un groupe de travail déposait au Comité d'harmonisation secondaire-collégial un rapport dont l'annexe 3 présentait des tableaux de chevauchement des programmes. Ces tableaux qui reflètent le degré d'affinité au plan des tâches, des connaissances et des seuils d'emploi sont présentés à l'annexe II de notre mémoire. Quinze champs professionnels présentent des affinités fortes et moyennes entre les programmes du secondaire et du collégial.

Fin 1989, le Conseil supérieur de l'éducation mettait en parallèle, à partir des 23 secteurs d'enseignement professionnel du secondaire, les programmes des deux ordres d'enseignement. Il identifiait des programmes présentant des affinités assez prononcées dans 12 secteurs de formation professionnelle. J'en cite quelques-uns: administration, commerce et secrétariat, hôtellerie et restauration, imprimerie, production textile et habillement, et j'en passe. Le Conseil précisait qu'il utilisait le terme «affinité» à la manière d'une analogie forcément insatisfaisante pour désigner l'appartenance ou la référence à un même ensemble de compétences ou à un type d'habileté. Six secteurs professionnels contiennent des programmes à affinité moyenne ou faible. Et seulement cinq ne comportent pas de programmes dotés d'affinités.

Les rencontres de travail et les comités d'harmonisation et d'arrimage n'ont pas manqué à travers les années. Il y a eu quelques moments encourageants, mais, au total, des résultats assez décevants.

Citons un extrait éloquent du procès-verbal de la 19e réunion du Comité d'arrimage secondaire-collégial, et je cite: «On ne peut que constater que, depuis sa création, le Comité n'est pas encore parvenu à des résultats significatifs.» Février 1990. Les coûts de système qu'imposent ces chevauchements nous inquiètent. Or, la continuité des programmes professionnels est et sera de plus en plus à l'ordre du jour parce que la continuité des fonctions de l'ouvrier spécialisé et du technicien est inscrite au coeur même des changements technologiques que vit notre système de production. La formation professionnelle du secondaire conçue depuis 1986 comme postérieure au diplôme d'enseignement secondaire et la formation professionnelle du collégial ne peuvent plus vivre en parallèle ou en discontinuité.

La grille traditionnelle de division des tâches entre le secondaire et le collégial ne tient plus. Elle a donné lieu à de nombreux chevauchements dans le passé et les problèmes seront plus importants dans l'avenir. Le Conseil des collèges le souligne ainsi: «La subdivision des

fonctions de travail entre tâches d'ouvrier spécialisé (et) de technicien [...] comme guide de la répartition des rôles respectifs du secondaire et du collège [...] ne suffit pas... Elle s'appliquait mieux avant le présent virage technologique qu'à la suite de l'évolution actuelle de la grande industrie où les gestes répétitifs sont de plus en plus automatisés et robotisés. La détermination d'un seuil de complexité des fonctions de travail au-delà duquel on confierait normalement la formation au collégial plutôt qu'au secondaire [...] est valable, mais difficile d'application...»

Dans de nombreux secteurs de formation professionnelle cruciaux pour l'avenir économique du Québec, il faut assurer une continuité des programmes qui facilite le passage de la formation «métier» à la formation «technicien». La continuité D.E.P.-D.E.C, D.E.P.-C.E.C. ou A.S.P.-D.E.C. doit être la plus fonctionnelle et efficace possible pour que nous puissions compter sur le meilleur bassin de main-d'oeuvre possible afin de faire face aux défis des prochaines années. Il nous semble urgent de sortir la formation professionnelle des débats stériles d'harmonisation entre deux ordres d'enseignement qui servent plus souvent les intérêts institutionnels des protagonistes plutôt que les intérêts sociaux et économiques de notre société. Il en va, à notre avis, de la compétitivité de la main-d'oeuvre québécoise.

Une stratégie efficace de valorisation de la formation professionnelle auprès de la jeunesse québécoise exige une meilleure intégration. Dans un autre ordre d'idées, notre société a établi la nécessaire collaboration entre le monde du travail et le monde de l'éducation. L'évaluation des besoins en main-d'oeuvre et l'adéquation des programmes de formation professionnelle avec la réalité des métiers et des professions nécessitent une concertation sectorielle. Les entreprises et regroupements d'entreprises ne souffrent-ils pas de la duplication qui découle de la division des tâches entre le secondaire et le collégial? Enfin, pour les individus, jeunes et adultes, les actuels chevauchements sont source, trop souvent, de confusion, de perte de temps et de démotivation. Pensons donc aux usagers avant de défendre nos territoires institutionnels.

Nous souhaitons que les travaux de la commission soient l'occasion de revoir la localisation de la formation professionnelle et de la main-d'oeuvre dans notre système d'éducation de manière à assurer la continuité des programmes et l'annulation des chevauchements inutiles.

La formation au service du développement régional. L'ordre secondaire et l'ordre collégial ont un rôle important à jouer au service de leur milieu au-delà des programmes standardisés de formation. Ce rôle se traduit par la fourniture de services à la collectivité qui prennent la forme d'activités de formation professionnelle sur mesure, d'ateliers de formation professionnelle dans des secteurs particuliers, d'activités de services aux entreprises et de participation aux projets de développement régional.

L'existence de chevauchements dans ces secteurs d'activité est moins documentée que dans le cas des programmes professionnels traité précédemment. Nous n'avions pas les moyens de procéder à une analyse exhaustive de la situation, mais avons cependant colligé ce que plusieurs identifiaient localement à partir de leur expérience. Les chevauchements entre les deux ordres sont importants dans plusieurs secteurs d'activité. (20 h 20)

Que ce soit pour offrir des activités ponctuelles de perfectionnement en informatique ou en bureautique, pour développer des activités ou des programmes de formation sur mesure de toutes sortes ou pour fournir des services d'aide à l'entreprise aux fins de diagnostic de situation ou de développement des ressources humaines, les deux ordres sont sur le terrain généralement face à face, exceptionnellement côte à côte.

Comme nous l'exprimions précédemment, cette situation découle du fait que, dans le contexte des mutations technologiques de notre économie, la différenciation traditionnelle des tâches du secondaire et du collégial tient de moins en moins. La sophistication des procédés de production et des processus de gestion provoque un enrichissement des tâches de l'ouvrier spécialisé et de l'employé clérical qui le rapproche du technicien. Les anciennes frontières s'estompent. La double offre de service réduit, dans les faits, la capacité d'intervention de notre système d'éducation parce qu'elle se planifie, s'organise et se réalise en parallèle.

Notre système n'atteint pas le niveau d'optimisation souhaitable dans l'utilisation de ses infrastructures, de ses équipements, de ses ressources humaines et financières. Nous croyons que nous ne pourrons pas nous payer ce luxe bien longtemps. De plus, les clients n'y trouvent pas toujours leur compte puisque cette division des ressources n'est pas la meilleure manière de garantir la qualité optimum. Nous sommes d'avis que les tenants d'une saine concurrence interordres font fausse route et que la division des forces tend à réduire plutôt qu'à multiplier les services réels disponibles aux régions, et ce, tant en quantité qu'en qualité. Nous souhaitons que les travaux de la commission permettent l'identification des actions à mettre en oeuvre pour assurer l'optimal isation des ressources consacrées aux services reliés à la formation professionnelle offerts aux individus et aux entreprises dans les régions du Québec.

La formation générale et la formation préuniversitaire. Nous avons abordé partiellement la question de la formation générale au moment de traiter de la notion de la formation fondamentale au début de cette partie. Nous complétons ici par quelques réflexions sous l'angle des chevauchements.

La formation générale et préuniversitaire dans les collèges permet à l'individu d'approfondir des domaines de connaissance auxquels il s'est initié au secondaire, d'approcher des nouveaux domaines de connaissance dans des disciplines inexplorées et de répondre aux préalables requis par l'université. Cependant, comme l'ordre collégial est situé entre les deux autres pour un bref instant pédagogique de deux ans, il en découle une certaine redondance au niveau des contenus.

Nous ne sommes pas en mesure d'en décrire l'importance, mais il nous semble qu'entre les deux ordres, secondaire et collégial, des domaines disciplinaires comme l'histoire et ia géographie, par exemple, se recoupent. À l'autre extrémité, il nous semble que plusieurs individus vivent deux fois l'initiation à la sociologie, à l'économie, à la psychologie, etc.: une fois au collège, une fois au baccalauréat. Nous souhaitons que les travaux de la commission soient l'occasion de questionner ia pertinence d'une juridiction distincte entre l'ordre secondaire et l'ordre universitaire offrant des services de formation générale et préuniversitaire.

Des faiblesses à corriger. Notre système d'éducation, tel qu'il s'articule actuellement, nous apparaît porteur de deux faiblesses qui nuisent aux jeunes pour qui il a été conçu: l'orientation professionnelle précoce et la durée de l'ordre collégial. Je vous parle de l'orientation professionnelle précoce.

La Présidente (Mme Hovington): ii reste une minute à votre intervention, monsieur. à moins que vous acceptiez, chaque côté de la chambre, de donner plus de temps.

M. Gendron: Je préférerais avoir plus l'occasion d'échanger, parce que c'est un mémoire qui est très original. Alors, il faut avoir le temps de vous questionner.

La Présidente (Mme Hovington): Alors, si vous pouviez conclure, en tout cas, dans une minute et demie, peut-être.

M. Labrecque: Je vais tenter d'aller plus rapidement. Les faiblesses à corriger. Nous soulignons l'orientation professionnelle précoce et nous souhaitons que les travaux de la commission soient l'occasion d'identifier des solutions qui permettront de retarder le moment du choix professionnel pour le jeune et d'améliorer l'encadrement offert aux jeunes dans leur démarche de formation. Et, dans les pistes de solution, nous demandons d'assurer une meilleure harmonisation.

Nous avons, au cours de cet exercice, tenté de répéter les voeux plusieurs fois exprimés par les uns et par les autres, de mettre en place différents comités d'harmonisation, et, regardant l'historique, regardant le passé, nous ne pouvons vous faire une telle recommandation parce que ces moyens déjà mis en place n'ont jamais bien fonctionné.

Nous puisons dans nos expériences. Nous avons vécu, par le passé, deux expériences majeures au niveau des commissions scolaires: l'intégration du primaire et du secondaire et la maîtrise d'oeuvre unifiée en formation professionnelle par l'harmonisation des clientèles jeunes et adultes. Dans chacun des deux cas, nous avions auparavant certaines difficultés d'harmonisation, certaines difficultés de passage d'un ordre à un autre et nous les avons réglées, nous les avons solutionnées en déterminant une maîtrise d'oeuvre unique: d'un côté, par l'intégration des commissions scolaires, de l'autre, par une maîtrise d'oeuvre unique en formation professionnelle, regroupant sous un même toit les jeunes et les adultes. Dans chaque cas, même si nous avons eu affaire à un bouleversement radical et même catégorique, le jeune, le client, l'adulte et l'entreprise ont été gagnants.

J'en arrive aux conclusions: Remettre en question l'ordre collégial. C'est donc en fonction de l'ensemble de ces considérations que l'Association des cadres scolaires du Québec recommande à la commission de l'éducation de considérer sérieusement l'hypothèse d'une adaptation majeure de notre système d'éducation permettant d'intégrer sous une même juridiction la mission de la formation professionnelle de l'ordre secondaire et de l'ordre collégial; le transfert de la mission de la formation générale actuellement assumée par l'ordre collégial vers l'ordre secondaire en prolongeant le cours secondaire d'un an; le transfert de la mission préuniversitaire actuellement assumée par l'ordre collégial vers l'ordre universitaire en prolongeant le premier cycle d'un an.

Mme la Présidente, à l'heure où le réseau scolaire est à réaliser son plan d'action sur la réussite éducative qui vise à hausser à 80 % le taux de diplomation; à l'heure où à l'ordre secondaire on interroge le curriculum, on élabore un régime pédagogique en formation professionnelle pour les jeunes et pour les adultes et un régime pédagogique en formation générale des adultes; à l'heure où le réseau scolaire travaille à revaloriser la fonction enseignante; à l'heure où on interroge la capacité de notre main-d'oeuvre a relever les défis fantastiques qui la confondent; à l'heure où nous avons un urgent besoin d'un système de formation performant qui puisse collaborer étroitement avec tous les partenaires économiques; à l'heure où les taux de décrochage, tant au niveau secondaire que collégial, sont alarmants; à l'heure où 40 % des étudiants de niveau collégial changent de programme au moins une fois; à l'heure où à peine le tiers des étudiants de niveau collégial obtiennent leur diplôme dans le temps prescrit au secteur préuniversitaire et que la situation est encore pire au secteur technique; à l'heure où la

popularité de la formation technique est en décroissance chez les jeunes de moins de 19 ans...

La Présidente (Mme Hovington): Si vous voulez conclure.

M. Labrecque: Je termine. À cette heure, donc, ce n'est pas une seule composante de notre système qui doit être étudiée, mais bien tout le système. Nous souhaitons vivement que le gouvernement accepte de mettre en place une commission d'étude plus élargie dont le mandat soit justement d'analyser tout le système d'éducation actuel.

La Présidente (Mme Hovington): Merci beaucoup, M. Labrecque. Mme la ministre, vous avez la parole.

Mme Robillard: Oui, merci, Mme la Présidente. Je voudrais saluer les membres de l'Association des cadres scolaires du Québec. De fait, M. Labrecque, vous n'êtes pas sans savoir que vous avez un mémoire assez unique, dans la présentation des 211 mémoires à cette commission, et c'est pour ça que nous voulons utiliser au maximum le temps d'échange avec vous pour connaître davantage votre position. Si j'ai bien saisi, outre les problèmes de chevauchement, vous dites: II y a deux faiblesses majeures à corriger comme telles: l'orientation précoce des jeunes et la durée de l'ordre collégial. C'est les deux faiblesses que vous identifiez en plus des chevauchements. Vous dites: Pour corriger ces problèmes-là... Et c'est pour ça que je voudrais voir avec vous le lien avec les problèmes identifiés et la solution proposée. Vous nous proposez donc l'intégration de la formation professionnelle qui est donnée au secondaire avec la formation technique du collégial. Mais j'ai l'impression que, dans votre mémoire, la solution est très brièvement exposée, alors que c'est un chambardement complet du système actuel. Alors, j'aurais besoin que vous me précisiez davantage d'éléments au niveau de votre solution en tant que telle. (20 h 30)

Vous parlez, de fait, de l'intégration de la formation professionnelle sous une même juridiction. Est-ce que je comprends, M. Labrecque, d'après les propos qui ont été rapportés ce week-end dans les journaux, que la juridiction, ce serait les commissions scolaires?

M. Labrecque: Pas du tout, madame. Ce qui est important, c'est l'orientation à retenir. Nous ne voulons pas, ici, dire ou s'instituer comme étant les meilleurs au niveau secondaire pour donner suite à la formation professionnelle. Nous ne voulons pas que le débat tombe là-dessus. Ce qui est important pour nous, c'est de décréter une seule maîtrise d'oeuvre en formation professionnelle et technique de manière à assurer une continuité dans le cheminement scolaire. Pour nous, ce qui est important à retenir, c'est l'harmonisation des différentes filières et d'assurer un ordre de services continus, d'assurer aussi un système, une organisation qui soit près des entreprises, qui soit souple, qui soit flexible, qui soit capable de réagir rapidement à l'évolution technologique et au monde du travail.

Mme Robillard: Mais vous allez au-delà de l'harmonisation. Vous allez jusqu'à l'intégration en tant que telle, là, si j'ai bien saisi votre solution. Je pense que tout le monde nous a parlé d'harmonisation entre les ordres d'enseignement. Vous, vous allez jusqu'à une intégration de la formation professionnelle, et c'est dans ce sens-là que je dis: Vous faites un pas de plus.

Maintenant, M. Labrecque, vous avez sûrement étudié ou regardé l'avis du Conseil supérieur de l'éducation qui a déposé en cette Chambre son opinion sur les objectifs en matière de scolarisation supérieure, mais qui a aussi examiné la structure au niveau de l'ordre d'enseignement collégial. Et le Conseil supérieur de l'éducation a étudié quelques alternatives, quelques scénarios différents dont celui que vous préconisez, à savoir l'intégration. Et, après analyse, le Conseil supérieur l'a rejeté. Vous avez sûrement regardé les propos du Conseil. Alors, expliquez-moi ce que vous pensez des propos avancés par le Conseil et pourquoi vous n'êtes pas d'accord avec lui.

M. Labrecque: Madame, nous sommes d'accord avec l'analyse que le Conseil fait. Le Conseil, d'après nous, a fait une excellente analyse. Nous comprenons difficilement pourquoi il n'arrive pas aux mêmes conclusions que nous. J'ai ici, justement devant moi, les textes du Conseil supérieur; aux pages 126 et 127 de son mémoire, c'est rempli d'avantages. Les inconvénients sont mineurs, à mon avis.

Mme Robillard: C'est-à-dire... M. Labrecque, il faut bien qu'on se comprenne. On lit le même texte. Le Conseil spécifie des avantages au plan administratif - il le dit très clairement - mais il spécifie aussi de très grands inconvénients au plan pédagogique. C'est pourquoi il rejette la solution. Alors, quand on affirme très clairement ici que, selon lui, pour le secondaire, la réunification de la filière professionnelle et de la filière technique aurait des implications majeures sur la place de la formation générale dans les programmes de formation professionnelle, sur la mission fondamentale de l'enseignement secondaire ainsi que sur sa durée et sur l'âge de la fréquentation obligatoire, les réserves sont, encore une fois, sur des questions d'ordre pédagogique et non pas sur des questions... Au plan administratif, il y voit des avantages, mais il s'est positionné sur des questions d'ordre pédagogique. Vous, qu'en pensez-vous?

M. Labrecque: À l'heure actuelle, madame, la formation professionnelle au niveau secondaire, suite à toute la campagne de revalorisation et au plan d'action qui a été mis sur pied par le ministère de l'Éducation depuis 1986, a été élevée au rang d'éducation postsecondaire. Donc, il ne faut pas oublier cela. Actuellement, les préalables pour avoir accès à la formation professionnelle au secondaire exigent presque dans tous les cas, sauf dans le cas de préalables fonctionnels, d'être diplômé d'études secondaires. Donc, nous, ce que nous suggérons, au contraire, au lieu de nuire au cheminement éducatif de l'élève, l'élève qui aurait à choisir une formation professionnelle pourrait commencer par une formation professionnelle de métier spécialisé et, s'il désire poursuivre ses études à un cran plus avancé, il pourrait, dans une filière continue, poursuivre sa formation technique, sans être obligé de reprendre à zéro, sans être obligé de revenir à la case départ. Donc, au contraire, au lieu de mettre des embûches dans le cheminement de l'élève, je crois qu'on éviterait ainsi des pertes de temps, de la redondance et de la démotivation.

Mme Robillard: Est-ce que votre suggestion d'intégration impliquerait, signifierait la disparition de la formation générale à l'intérieur des cours de formation professionnelle ou de formation technique, comme ça se passe présentement au niveau du secondaire, je pense?

M. Labrecque: Au niveau du secondaire, les objectifs qui sont traités à l'intérieur des programmes sont les objectifs qui doivent être maîtrisés pour accomplir une fonction de travail donnée. J'imagine que, dans une fonction, lorsque nous préparons un étudiant à devenir technicien, nous devons définir les objectifs qui doivent l'aider à jouer son rôle de technicien sur le marché du travail. Parmi ces objectifs, s'il y a nécessité de formation générale, nous voyons à ce que ces objectifs soient inclus dans les programmes. Donc, nous ne voyons pas d'emblée d'écarter tous les objectifs de formation générale à travers les formations professionnelles, sauf que, dans certains cas, certains cours de formation générale pourraient, au lieu d'être prescrits, d'être obligatoires à tous, être laissés sur une base optionnelle.

Mme Robillard: Si je comprends bien, M. Labrecque, dans votre proposition aussi, c'est que les lieux physiques actuels des cégeps deviendraient des centres intégrés de formation professionnelle, tels que vous les appelez dans votre mémoire, et que les élèves qui devraient faire une année de plus à l'université fréquenteraient aussi le même lieu. Est-ce que c'est exact?

M. Labrecque: Ça pourrait être cela, madame. Il y a des équipements, il y a des installations qui sont en région. Je crois que ces équipements doivent être rentabilisés, ils doivent servir, bien entendu, sous une même maîtrise d'oeuvre. Des équipements, des ateliers qui sont en double pourraient, dans certains cas, servir davantage de clientèles ou, dans certains cas, être rationalisés, mais nous voyons l'utilisation de ces équipements-là. La détermination d'un centre institutionnel intégré de formation professionnelle et technique n'oblige pas nécessairement que la formation soit donnée à l'intérieur des mêmes murs physiques. Et, bien entendu, il y a aussi des espaces, des installations qui sont actuellement utilisés pour la formation préuniversitaire et ils devraient continuer à être utilisés pour ces fins-là. Sous la responsabilité de l'université, par ailleurs, ceci, nous croyons, pourrait contribuer à augmenter l'accès des étudiants à l'université parce que le préuniversitaire se ferait en région.

Mme Robillard: Maintenant, expliquez-moi, M. Labrecque, comment les deux problèmes que vous identifiez vont être solutionnés par cette solution-là. Comment l'orientation scolaire précoce du jeune va être réglée par la solution que vous mettez sur la table? À ma compréhension, moi, ce n'est pas l'existence du collège en tant que tel qui oblige les choix précoces, c'est plus le curriculum du secondaire. Mais vous, vous avez identifié deux problèmes, deux faiblesses majeures, dont l'orientation scolaire précoce. Comment votre solution règle-t-elle ce problème-là?

M. Labrecque: Je vais demander à mon collègue de répondre à votre question, si vous le permettez.

M. Tanguay (Vincent): Pour la formation générale. J'aimerais vous reporter, Mme la ministre, à la proposition 19 du Conseil supérieur de l'éducation - vous devez être à peu près dans ces pages-là: Le Conseil propose de rendre explicite et opérationnel l'exercice de la fonction d'orientation de l'école obligatoire, notamment par une structuration adéquate d'un deuxième cycle du secondaire IV et V qui offrirait de véritables options d'exploration et d'expérimentation dans les divers champs du savoir. Le no 20, où on propose à nouveau, pour les jeunes en continuité de cheminement scolaire, l'aménagement d'une diversification des parcours de formation de base et, pour les adultes en retour de formation, l'aménagement de formules orga-nisationnelles souples leur permettant de se donner efficacement leur formation de base manquante. Ce sont les deux propositions du Conseil. (20 h 40)

Nous, on se dit: Pour arriver à rencontrer des objectifs du secondaire qui, à notre avis, n'ont pas encore été rencontrés complètement...

Vous savez sans doute que les règles de sanction des études secondaires, les règles officielles, depuis 1976 qu'on les traîne et elles ne sont pas encore rendues officielles, elles sont toujours provisoires. Nous n'avons pas, au secondaire, d'exigences spécifiques, en termes de mathématiques. Nous n'avons pas d'exigences spécifiques dans plusieurs domaines. Dans les humanités, c'est seulement l'histoire du Canada et du Québec qui est obligatoire. Nous, on prétend que, s'il y avait une année supplémentaire au secondaire pour terminer le travail de base qui a été commencé auprès d'élèves que nous connaissons maintenant depuis 11 ans, au primaire et au secondaire, avec une année de plus, nous pensons que nous pourrions accroître les exigences pour le niveau secondaire, permettre davantage aux élèves d'explorer les humanités, les langues, les sciences de la nature et qu'à la fin de leur secondaire, comme il n'y aurait pas d'option qui les oblige en mathématiques comme c'est le cas actuellement... Nous avons, à la fin de la troisième secondaire, pour l'élève moyen le choix entre échouer les mathématiques 436 et ne pas courir la chance de réussir et de se voir ouvrir la plupart des options au niveau collégial. Les élèves forcent, se forcent la main et pour les options scientifiques et pour les options mathématiques, alors que, pour nous, je crois qu'ils ne sont pas encore prêts. Si on retardait d'un an, je pense qu'on pourrait terminer une bonne formation de base. Et, lorsqu'ils sont pris en main - ça peut être dans des collèges, comme Paul le disait - pour la propédeutique, là l'élève se prépare spécifiquement, dans cette propédeutique, à l'option professionnelle qu'il veut prendre au niveau universitaire, de sorte qu'il aurait une année de plus en formation générale. Et l'élève ne fait pas juste entrer dans un collège pour deux sessions et se préparer à la sortie les deux sessions suivantes.

Mme Robillard: Vous venez de me faire un plaidoyer pour l'assouplissement du curriculum au niveau du secondaire de façon...

M. Tanguay: Pas l'assouplissement, des exigences supplémentaires.

Mme Robillard: Oui, mais en même temps des diversifications, que vous avez dit.

M. Tanguay: Des diversifications de voies... Mme Robillard: Voilà!

M. Tanguay: ...qui ne sont pas des exigences.

Mme Robillard: Assouplissement ne veut pas dire diminution des exigences.

M. Tanguay: O.K., ça va.

Mme Robillard: N'est-ce pas? M. Tanguay: Je suis d'accord.

Mme Robillard: Alors, c'est le plaidoyer que vous venez de me faire, mais sans me convaincre que la solution que vous apportez corrigerait le problème. Peut-être que le problème, c'est de regarder le curriculum du secondaire. Mais ceci étant dit, parce que je vois que le temps passe, moi, j'ai le goût de vous entendre sur ce chambardement drastique, je dirais, de notre système actuel, du choix qu'on a fait il y a 25 ans. Il y a des impacts énormes. Alors, j'aimerais ça vous entendre sur les impacts au niveau de la fréquentation et de l'accessibilité en tant que telles; les impacts sur l'organisation de l'enseignement; les impacts sur les ressources humaines, que ce soit les enseignants ou le personnel administratif; les impacts sur les programmes d'études; les coûts associés, les coûts de transition, mais aussi les coûts du nouveau système; les coûts de fonctionnement, mais les coûts d'investissement aussi. Je ne pense pas que les commissions scolaires aient la capacité d'accueil que vous souhaitez pour qu'on allonge d'une année; la même chose au niveau universitaire. Donc, on ne peut pas avancer une telle proposition sans parler des impacts; ce serait, à mon point de vue, oublier toute une partie nécessaire à la décision. Alors, j'aimerais ça vous entendre sur les impacts.

La Présidente (Mme Hovington): Vous avez quatre minutes et demie. Ha, ha, ha!

M. Gendron: Mme la Présidente, excusez, j'allais vous faire une suggestion. Juste pour savoir si la ministre serait d'accord. Je préférerais sincèrement qu'on passe tout de suite à l'alternance. Dans ce que Mme la ministre vient de poser, il y a beaucoup de choses qui m'intéressent et, si on se donnait juste le temps de répondre à ça - ...

Mme Robillard: Ah!

M. Gendron: ...juste une minute - c'est évident que je n'aurais plus de temps. Concrètement, comment vous voulez... La question qu'elle vient de poser, si vous prenez la peine de répondre à ces questions-là, il va être 23 heures, minimum.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gendron: Je suis sérieux. Alors, comme il y a beaucoup de réponses que je voudrais qu'ils donnent à ces questions-là et que je veux y toucher moi aussi, si vous l'acceptez, je ne prendrais que 10 ou 11 minutes et, les 5, 6 dernières minutes, je les laisserais effectivement à l'Association des cadres pour qu'elle puisse

nous éclairer sur l'ensemble.

Mme Robillard: Si vous me promettez de reprendre les mêmes questions, allez-y, M. le député.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gendron: Je ne les reprends pas, je vous dis que je m'y associe.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gendron: Non, non. Là, je veux que ce soit clair, je ne reprends pas les mêmes questions.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gendron: J'ai dit que j'aimerais entendre les réponses aux questions posées. Est-ce que ça marche?

Mme Robillard: O.K. Oui.

La Présidente (Mme Hovington): D'accord. Alors, allez-y, pourvu qu'on ait cinq minutes après.

M. Gendron: Oui, oui, promis. Alors, je veux vous saluer comme Association, messieurs. Sérieusement, deux, trois phrases d'entrée. Je pense que vous avez un mémoire effectivement qui a une connotation tout à fait particulière, du moins dans la conclusion. Mais il ne faut pas partir en peur. J'ai lu votre mémoire attentivement, je l'ai même relu. J'estime qu'à bien des égards vous posez les bonnes questions, sincèrement. J'estime qu'à bien des égards vous posez de très bonnes questions. C'est évident que, dans ce mémoire-là, si on se donne la peine de faire l'exercice, au tout début, quand vous posez comme préalables les trois critères d'analyse: clientèle, coût du système, compétitivité du Québec, et que rapidement vous allez au niveau des constats, il y a pas mal de constats que je partage. Sincèrement, sans aucune flagornerie ou autre chose. Mais, mon problème - parce que c'est important que vous sachiez dans quel état d'esprit je suis - le problème que j'ai avec vous autres, c'est que je dis: Ils ont l'air sérieux par les questions qu'ils posent, je les connais - je ne parle pas individuellement, même si j'en connais quelques-uns, je parle comme Association des cadres scolaires du Québec - je connais cette Association-là depuis plusieurs années, association crédible, impliquée dans le milieu de l'éducation qui, règle générale, a toujours souhaité donner des indications, a toujours souhaité donner des indications de changement, d'originalité à ceux qui oeuvrent dans la mission éducative. Bon.

Et là j'ai même répondu pour mes fins propres à plusieurs questions. Puis je dis: Comment ils font pour arriver à l'analyse de chambarder tout un système pour, dans le fond, beaucoup de bonnes questions, mais deux problèmes? Deux problèmes. Il y a juste deux problèmes: L'harmonisation, qui est un problème réel, et la durée des études, selon vous, de l'ordre collégial qui est aussi un problème réel. Puis j'arrête là. Puis là on va poser des questions. Mais je dis: C'est quoi, c'est quoi l'affaire de chambouler tout un système pour deux problèmes, je répète, réels, un est d'harmonisation, l'autre de durée des études qui, selon moi, peut être réglé de bien d'autres façons? Est-ce qu'on l'a fait? Ah ça! c'est une autre paire de manches. Je pense que non, parce qu'il n'y aurait pas de commission, ou en tout cas pas de ce genre-là. Il y a sûrement encore des problèmes. Si on décide de faire une commission, c'est surtout que le gouvernement dit qu'il met tout sur la table.

Et, juste a titre d'exemple - parce que je ne veux pas être trop long - je vous lis, là: «La finalité de l'ordre collégial n'est pas claire». Ce n'est pas ce que je sens, moi. Là-dessus, il y a autre chose qui n'est pas clair, mais la finalité de l'ordre collégial est claire. Il y a deux points: Un, tu vas en formation technique et on essaie pendant trois ans de te donner la meilleure formation technique possible, la plus adaptée - un instant - à la réalité professionnelle des besoins de l'industrie; ou on te donne une bonne formation préuniversitaire parce que tu as décidé de faire le choix de poursuivre à l'université, en premier cycle, deuxième cycle ou troisième cycle. C'est ça, l'ordre collégial. Donc, la finalité de l'ordre collégial, si elle n'est pas claire, il y a un problème. Elle est très claire. Et vous dites: «La mission de formation préuniversitaire n'est qu'un prolongement en amont de la formation universitaire». Mais vous venez de prouver par cette phrase-là que c'est clair.

Mais je ne veux pas que, là-dessus... Parce qu'on pourrait effectivement s'entendre ou pas. Rapidement, dans l'analyse plus détaillée des questions que vous posez aux pages 2 et 3, je pense qu'il y en a une soixantaine, de bonnes questions. Mais je donne un autre exemple. Vous dites: «Quand on pense à la quantité phénoménale de jeunes qui modifient leur orientation professionnelle et qui changent de programme...», donc, en bout de ligne, ça vous permet de conclure. Un instant! Tous les autres nous ont dit que ce n'est pas ça, et ils ont raison. Ils ont dit: Oui, il y a des problèmes d'orientation, mais il n'y a pas une quantité phénoménale de jeunes qui changent d'orientation. Il y a trop de jeunes qui ne savent pas quel bord prendre, ça, c'est exact. Mais «quantité phénoménale de jeunes qui changent d'orientation», ce n'est pas les chiffres, ce n'est pas la réalité. Bon. J'arrête là sur les réalités. Mais je trouvais que vous posiez les bonnes questions.

Sur le mémoire, cependant, là, on va

regarder les choses concrètes. Exemple, à la page 3 de votre mémoire, vous dites: Bon, bien, on a regardé ça nous aussi, autrement dit on a suivi la voie de tous les autres. On a regardé ça sérieusement et, à un moment donné, on aurait voulu, effectivement, ne pas troubler l'ordre établi. Et vous dites que vous avez essayé sérieusement, je vous cite, là, «de ne pas troubler l'ordre établi, de remédier aux diverses lacunes identifiées». Et on a eu, au cours de cet exercice de ne pas troubler l'ordre établi, «l'impression de réécrire l'histoire, de répéter», et là vous êtes parti, donc vous avez dit: On a abandonné cette affaire-là. On «peut-y» savoir ce que vous avez fait comme autres moyens avant d'arriver à conclure de chambarder le système? C'est quoi, les deux, trois autres solutions que vous avez mises sur la table, sans troubler l'ordre établi, et qui auraient permis de corriger les deux problèmes majeurs que vous avez identifiés, chevauchement et durée des études? (20 h 50)

M. Labrecque: Voici, c'est que, dans un premier temps, en ce qui concerne une des grandes problématiques que nous relevions, ce sont des problèmes qui sont des problèmes de chevauchement et de redondance, et aussi des problèmes de difficulté d'adaptabilité du système d'éducation aux besoins des entreprises. Donc, en ce qui concerne tout le secteur de la formation professionnelle et technique, nous avons tenté sérieusement de penser à un mécanisme ou à des mécanismes de concertation pour faire en sorte que les deux ordres d'enseignement puissent se parler, puissent définir ensemble une offre de service cohérente, puissent enlever les chevauchements, enlever les dédoublements et arrêter de se faire une concurrence sur le dos des citoyens dans les régions.

Nous avons regardé l'histoire. Depuis 20 ans, on essaie de mettre en place de ces types de comités. Nous avons vu le comité d'harmonisation collégiale et secondaire fonctionner II arrive à un constat qui n'a pas de résultats satisfaisants. Nous avons vu un autre comité de liaison d'enseignement collégial et d'enseignement secondaire tenter de définir un meilleur arrimage en formation générale. Il a fonctionné pendant plusieurs années et il arrive de par lui-même - il en fait le bilan - à des résultats très insatisfaisants.

Nous ne pouvions donc pas, en tout réalisme, vous proposer pareille solution. Donc, c'est de cette manière que nous nous sommes retournés sur nos propres expériences et nous avons vu que, par le passé, nous avons vécu de ce type de problème là à l'interne même de notre réseau des commissions scolaires et que nous avons tenté également, avec les années, de solutionner ces problèmes par des comités, par des discussions. Ça n'a rien donné. La seule façon qu'on a réussi à offrir une offre de service cohérente, ça a été lorsque nous avons décrété des maîtrises d'oeu- vre uniques. Je parle, par exemple, au niveau de la formation professionnelle des jeunes et des adultes, mais aussi je me sers de cet exemple-là lorsque nous avons intégré le primaire et le secondaire par l'abolition des régionales. Nous avons enlevé bon nombre de problèmes de transition entre le primaire et le secondaire. On n'entend plus parler de ces problèmes-là actuellement. Et, pourtant, c'étaient des problèmes cruciaux voilà ne serait-ce que cinq ans.

M. Gendron: Merci. On va essayer d'aller plus rapidement. Sur les formations professionnelles, les programmes professionnels, d'après vous, combien, en 1992, existe-t-il de programmes de formation professionnelle différents? Combien il y en a de programmes de formation professionnelle au collégial actuellement, en formation technique?

M. Drolet (Jean-Jacques): Ça doit être autour d'une centaine. Au niveau secondaire...

M. Gendron: C'est ça. Ça va. Rapidement. Je voulais vous le faire dire. Alors, on a le même chiffre.

M. Drolet: Au niveau secondaire, c'est 150 environ.

M. Gendron: Ça va. Êtes-vous au courant que, pour 150 pour un ordre d'enseignement et 100 pour l'autre, il y en a une dizaine qui chevauchent?

M. Drolet: II y en a plus qu'une dizaine, M. Gendron.

M. Gendron: Mais c'est vous qui dites ça dans votre mémoire: Selon une étude...

M. Drolet: II y a une dizaine de secteurs, M. Gendron, qu'on identifie. Mais, à l'intérieur des secteurs, il y a plusieurs programmes.

M. Gendron: je comprends. oui, mais, en tout cas, ce n'est pas grave. on s'accorde pareil un peu, là, je pense, là-dessus. oui, il y a du chevauchement...

M. Drolet: Oui.

M. Gendron: ...mais je voulais juste, ce que j'appelle mettre les niveaux de chevauchement, d'après moi, à leur place. C'est moins dramatique que ce que vous me dites. Moi, je prétends... Bien sûr qu'il y en a, je le sais. Il y en a, puis il y a de la finasserie pour rien. Un cours de tenue de bureau, ou je ne sais pas quoi, au secondaire professionnel, versus une invention au cégep pour essayer que c'est différent - je vais vite là - non, moi, je ne marcherais pas longtemps. Je dirais: Non, non, un cours de sécréta-

riat ou de tenue de bureau, il va être au professionnel long, secondaire. Mais ce n'est pas vrai qu'on va recommencer au cégep et se faire accroire qu'on a inventé un vrai D.E.C. en tenue de bureau. Je vais rapidement, parce qu'on n'a pas le temps. C'est pour confirmer que oui, je pense qu'il y a des chevauchements. O.K.? Mais, moi, je veux minimiser, puis, compte tenu que le temps file, je vais avoir des problèmes.

L'année supplémentaire que vous suggérez, parce que c'est ça que ça veut dire quand vous dites: Bon, bien, on va rallonger le secondaire, est-ce qu'elle serait obligatoire pour tous les jeunes ou uniquement pour ceux qui veulent aller à l'université?

M. Labrecque: Pour ceux qui se dirigent... Pour ceux qui ont besoin d'abord de compléter leur formation de base, leur formation fondamentale, d'une part, pour mieux se préparer parfois même à prendre des cours de formation professionnelle et technique, ça pourrait être une avenue intéressante. Pour ceux aussi qui se dirigent vers de l'enseignement, vers des cours supérieurs, vers l'université, cette année préparatoire serait définitivement une année préparatoire à l'enseignement supérieur et pourrait offrir aux élèves différents types d'option, dépendamment du choix de carrière qui peut se dessiner à l'époque. Et même, cette année pourrait aider davantage l'élève à s'orienter dans une carrière plus définitive au niveau universitaire.

M. Gendron: Sur les impacts, vous pourriez prendre complètement... Mais je fais juste dire tout de suite que je pense qu'agréer vos recommandations sans évaluer d'une façon assez serrée l'impact que cela aurait sur, moi, je pense, le décrochage, de rallonger, peu importe les bonnes explications que vous me donnez, de même que sur l'accessibilité et la fréquentation, moi, en tout cas, je trouverais ça très dangereux. Alors, je veux juste vous dire, dans la réponse globale que vous donnerez tantôt où on parlait de ces inçidences-là, que j'aimerais ça, moi également, vous entendre.

Dernière question, pour moi, pour laisser le temps de répondre sur l'ensemble des impacts. Je vais la faire à deux volets. Le premier volet qui m'a étonné un peu, c'est que, dans votre évaluation, à un moment donné, vous dites: À part les clientèles... Vous parlez des coûts de système. O.K.? Vous parlez des coûts de système et, dans votre mémoire, même si vous dites: II faudrait regarder les coûts de système, la perte d'argent que l'État met là-dedans, dans les chevauchements, vous n'avez aucune évaluation chiffrée du changement majeur que ça occasionnerait, et ça m'étonne de ne pas avoir apprécié ça un tant soit peu. J'aimerais que vous le fassiez.

Également, à moins que je ne me trompe, j'ai cru lire, au tout début, dans votre évaluation... Quand vous parlez de la compétitivité du

Québec, vous dites: II faut dorénavant organiser notre structure d'éducation en fonction des besoins de l'entreprise et de l'industrie. Et, là, c'est toujours pour des raisons de temps; je veux aller vite et je ne suis pas capable de me référer exactement où vous avez dit ça. Ça m'étonne que des cadres scolaires disent: On veux avoir un système d'éducation qui va être en fonction strictement des besoins de l'industrie. Parce que je ne voyais pas la nuance entre formation de base et formation professionnelle, pour cet aspect-là. Alors, dans l'ensemble des questions qui ont été soulevées par la ministre, y incluant ces deux-là, j'aimerais ça vous entendre sur l'ensemble des impacts, pour être capable de mieux évaluer la position que vous nous suggérez.

M. Labrecque: D'abord, en ce qui concerne l'adaptabilité et la souplesse que nous requérons du système d'éducation au regard des besoins des entreprises, nous visons davantage la formation professionnelle et technique que la formation de base, il va sans dire.

Mme Robillard: Sur les impacts, M. Labrecque, c'est une question essentielle. Ça m'appa-raît...

M. Labrecque: Voici. Il est bien entendu qu'avec le temps dont nous disposions nous n'avons pas nécessairement analysé tous les impacts comme une firme spécialisée en comptabilité ou en finances aurait pu le faire. Je vais quand même vous en nommer quelques-uns. D'abord, en ce qui concerne les immeubles et les installations, nous voulons les utiliser tels qu'ils sont. Nous ne croyons pas avoir besoin de chambardements en profondeur ou de déménagements physiques de ces ateliers, des installations qui sont là.

Dans un premier temps, aussi, je voudrais faire une mise au point. Nous ne recommandons pas nécessairement un chambardement à toute épreuve. Nous recommandons une réorganisation de l'enseignement collégial, une réorganisation qui viserait définitivement, nous l'avons dit dans un premier temps, à déterminer une maîtrise d'oeuvre unique en formation professionnelle, mais cette maîtrise d'oeuvre là pourrait utiliser les installations qui sont déjà sur place.

Mme Robillard: Est-ce que, selon vous, les commissions scolaires ont la capacité physique d'accueillir des élèves pour une année supplémentaire?

M. Labrecque: Actuellement, nous savons qu'il y a d'énormes problèmes pour accueillir les élèves de niveaux collégial et universitaire. Nous l'avons vu sur les journaux, au mois de septembre et au mois d'octobre derniers, définitivement, la province devra mettre certaines priori-

tés en éducation et...

Mme Robillard: Je ne parle pas du niveau collégial, M. Labrecque.

M. Labrecque: C'est que, les élèves, il faut les mettre quelque part, il faut les placer quelque part.

Mme Robillard: Non, mais, dans votre proposition, ils font une année de plus au niveau du secondaire. Ma question, c'était sur la capacité physique des commissions scolaires.

M. Labrecque: II est évident que certaines commissions scolaires auront des espaces pour le faire, d'autres non. Nous n'avons pas quantifié le coût ou nous n'avons pas quantifié le nombre de commissions scolaires qui auraient des espaces et celles qui en manqueraient.

Une voix: Qu'est-ce qui empêcherait...

Mme Robillard: Je veux vous entendre sur les impacts - pour moi, c'est fondamental - avant qu'on parle des coûts. Vous ne semblez pas l'avoir évalué, au niveau des coûts du système, mais l'impact sur la fréquentation et sur l'accessibilité, c'est quelque chose de fondamental.

M. Labrecque: Bon, voici. En ce qui concerne la fréquentation, nous avons un plan sur la réussite éducative au niveau du secondaire. Nous voulons augmenter le taux de fréquentation des élèves au secondaire. On s'en occupe, de ces types de problèmes là. On veut augmenter le taux de diplomation, d'ici cinq ans, jusqu'à 80 %. Alors, définitivement, ces types de problèmes là, on les prend en charge et on est en train de s'en occuper. Une année de plus au secondaire n'obligerait pas nécessairement à faire une année de plus pour l'obtention d'un diplôme d'études secondaires. Donc, nous croyons que cette année de plus n'aura pas d'impact négatif sur le taux de diplomation actuel. Ça ne veut pas dire nécessairement qu'on l'exige pour la détermination du diplôme d'études secondaires. C'est une année de plus qui est préparatoire à des études supérieures. Donc, ce n'est pas nécessairement une année qui serait prescrite pour l'obtention d'un diplôme d'études secondaires. (21 heures)

De plus, nous croyons que l'élève, au lieu de vivre une transition qui est parfois douloureuse entre le secondaire et le collège, serait mieux encadré au secondaire et nous croyons que nous avons de meilleures chances de réussir avec lui en le préparant à aller vers des études supérieures avec cette année de plus. Donc, au contraire, je pense que ceci aurait un impact favorable sur la persévérance scolaire et sur le nombre d'élèves qui pourraient profiter de l'occasion pour faire des études supérieures.

M. Gendron: Si on se comprend bien, ce serait une espèce de préuniversitaire, mais au secondaire. Sincèrement, pour comprendre, là, parce que vous dites: Cette année-là, on l'imposerait uniquement à celles et ceux qui feraient le choix d'aller à l'université plus tard et non pas pour l'obtention du D.E.S. C'est ça que vous avez mentionné.

M. Labrecque: Actuellement, il y a des cours qui visent à parfaire la formation fondamentale des élèves au niveau du collège. Nous prendrions cette responsabilité, et c'est cette responsabilité, que nous appelons cours préparatoires aux études supérieures, que nous voudrions, que nous supposons être capables d'assumer au niveau des écoles secondaires.

La Présidente (Mme Hovington): M. le député de Verdun, vous aviez une question rapide?

M. Gautrin: Rapide, non.

La Présidente (Mme Hovington): Très rapide.

M. Gautrin: Non, j'ai une question longue.

La Présidente (Mme Hovington): Si c'est trop long, on va être oblige d'annuler.

M. Gautrin: Combien de temps il nous reste?

La Présidente (Mme Hovington): Une minute.

M. Gautrin: Pour poser la question et la réponse? Voici. Vous avez beaucoup insisté sur deux points que je trouvais importants, moi, qui étaient l'orientation scolaire précoce et l'importance de la formation professionnelle et de l'adaptation aux entreprises. Moi, c'est ça que j'ai retenu de votre mémoire. Comment vous réagissez à une idée... Parce que vous avez remis beaucoup de choses en question, et je vais aller jusqu'au bout pour remettre encore une autre chose en question. Si on amenait tout le monde à passer par la formation professionnelle? De toute façon, réfléchissez à la question. Ça semble bizarre au début, mais réfléchissez-y un peu.

M. Labrecque: Si tout le monde passait par la formation professionnelle?

M. Gautrin: Absolument.

M. Labrecque: Quel métier apprendrait-il? La formation professionnelle conduit à une fonction de travail.

M. Gautrin: Elle conduit à un métier, de manière que tous les gens qui vont, après, dans une formation générale vers l'université, une formation plus tard, aient déjà, derrière eux, un métier. Réfléchissez-y! Vous avez été original, révolutionnaire dans votre approche. Comment vous réagissez à celle-là?

M. Labrecque: Nous croyons avoir été pratiques aussi dans notre approche.

La Présidente (Mme Hovington): Merci. Alors, en conclusion, Mme la ministre.

Mme Robillard: Messieurs de l'Association des cadres, nous vous remercions d'être venus témoigner en commission parlementaire. Je pense qu'il manque une partie essentielle à votre mémoire. C'est vraiment une étude ou une analyse approfondie des impacts. On ne peut pas chambarder tout un système d'éducation sans regarder ça de près avant de prendre une décision semblable. Alors, je pense que c'est la partie qui manque à votre mémoire en tant que tel, mais merci d'être venus nous rencontrer.

La Présidente (Mme Hovington): Oui, M. Labrecque, allez-y rapidement.

M. Labrecque: Alors, ça a été un plaisir pour nous, et c'est la raison pour laquelle nous demandons une commission d'étude.

Une voix: Une autre.

La Présidente (Mme Hovington): Alors, il me reste à vous remercier et on s'excuse si vous vous êtes sentis bousculés un petit peu. C'est qu'on a un autre groupe après vous et on voulait quand même respecter le temps. Alors, merci, au nom des membres de la commission de l'éducation, d'être venus nous présenter votre mémoire. Bonsoir. J'inviterais la Corporation professionnelle des conseillers en relations industrielles du Québec à bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.

Alors, la commission de l'éducation va reprendre ses travaux. Je demanderais du silence en arrière, s'il vous plaît. M. le député de Verdun! Un peu de silence, M. le député de Verdun, en arrière.

Corporation professionnelle

des conseillers en relations

industrielles du Québec

Nous avons M. Jacquelin Tremblay, qui est président. Vous êtes le porte-parole...

M. Tremblay (Jacquelin): Oui.

La Présidente (Mme Hovington): ...de la Corporation professionnelle des conseillers en relations industrielles du Québec. Voulez-vous nous présenter, s'il vous plaît, vos collègues.

M. Tremblay (Jacquelin): Oui. J'ai, à ma droite, M. Florent Francoeur, qui est directeur...

La Présidente (Mme Hovington): Excusez-nous, je pense qu'on n'a pas compris. Voulez-vous garder le silence en arrière, s'il vous plaît! Merci. M. le président, allez-y.

M. Tremblay (Jacquelin): Oui. J'ai, à ma droite, M. Florent Francoeur, directeur général de la corporation; à ma gauche, M. Jean Perron et M. Jean Leclerc, membres du conseil d'administration de la Corporation et membres du comité de travail qui a présenté le mémoire à la commission.

La Présidente (Mme Hovington): Alors, bienvenue à la commission de l'éducation, et vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire.

M. Tremblay (Jacquelin): Mme la Présidente, Mme la ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science, Mmes et MM. les députés, mesdames et messieurs, c'est avec grand plaisir que nous vous présentons le mémoire de la Corporation professionnelle des conseillers en relations industrielles du Québec. Comme vous le savez, nous représentons plus de 1000 professionnels oeuvrant autant en relations de travail qu'en gestion des ressources humaines et en santé et sécurité au travail. Nos membres se retrouvent aussi bien dans les milieux patronaux, syndicaux, universitaires que gouvernementaux. Nous sommes donc des acteurs privilégiés dans le processus de réorganisation du travail dans les entreprises qui cherchent constamment à s'ajuster aux nouveaux marchés. En ce sens, plusieurs aspects de la formation au niveau collégial nous touchent de près. (21 h 10)

Riche de l'expertise et des préoccupations de ses membres, notre corporation s'intéresse au plus haut point à la contribution des cégeps à la formation de la main-d'oeuvre de demain. Nous estimons de notre devoir de transmettre, par le présent avis, nos vues sur quelques aspects susceptibles d'améliorer la structure de l'enseignement collégial.

Je laisse donc la parole à mon collègue, M. Jean Perron, du comité de travail, qui vous fera part de nos réflexions, puis il nous fera plaisir ensuite de répondre à vos questions.

La Présidente (Mme Hovington): D'accord. Allez-y, M. Perron.

M. Perron (Jean): Alors, Mme la Présidente, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, bonsoir. D'entrée de jeu, je vous dirai que l'élaboration de notre mémoire a été réalisée

autour de quatre grands axes, soit l'expérience des cégeps, l'actualisation des besoins, l'autonomie de gestion et l'évaluation.

Évidemment, l'expérience se traduit par les résultats obtenus par les cégeps depuis 25 ans. On se rappellera la mission de départ des collèges. Évidemment, ce sont des choses que vous avez entendues depuis le début des travaux, mais il est bon quand même de rappeler que le rapport Parent, notamment, disait qu'il fallait favoriser l'accessibilité, accroître la scolarisation des Québécois et des Québécoises et former une main-d'oeuvre technique et compétente.

En ce qui a trait à l'accessibilité, la Corporation professionnelle des conseillers en relations industrielles du Québec s'est penchée plus sur les données que le Conseil supérieur de l'éducation a soumises dans ses rapports. Par exemple, en 1966 et 1967, on disait que le taux d'accès aux études collégiales était de 17 %, pour progresser successivement à 39 % en 1972, 46 % en 1981, pour atteindre finalement 62 % en 1990.

Par ailleurs, l'effectif universitaire est passé de 38 164 étudiants en 1966-1967 à plus de 242 000 en 1989. De plus, on estime à 84 % les finissants du secteur général qui se rendent à l'université. Les plus récentes études que nous avons consultées, entre autres, les études de relance du MESS sur les diplômés, révèlent que le taux d'intégration en emploi pour les finissants en formation technique oscille entre 88 % et 93 % selon les différents secteurs de formation technique. Et, enfin, on estime que 14 % des finissants du secteur professionnel poursuivent des études universitaires.

Je vous dirai qu'à ce titre j'ai moi-même un fils qui a fait d'abord une formation technique et qui est maintenant à l'université. Tout récemment, il discutait avec des amis français à qui il faisait part qu'il avait déjà fait des études techniques au niveau du collège et que, maintenant, il était passé au niveau universitaire. Et ses amis français, évidemment, enviaient cette facilité avec laquelle il avait pu passer du technique à l'universitaire. Alors, c'est donc un avantage certain que la formation technique permet d'accéder à l'université.

Évidemment, on pourrait se référer à d'autres études canadiennes qui se réfèrent à la situation que, par rapport à l'Ontario, la scolarisation des Québécois cumule un léger retard. Mais il faut comprendre qu'à l'époque, en 1966, déjà le retard était très important.

Donc, en conclusion sur ce premier volet, en ce qui a trait à la Corporation, nous pouvons, sans risque de se tromper, affirmer que les cégeps ont relevé le défi de l'accessibilité dans un contexte, il faut bien le reconnaître, de transformation sociale qui n'a pas toujours été facile. Vous comprendrez donc que nous estimons non seulement que les cégeps ont rempli adéquatement leur rôle, mais qu'ils peuvent maintenant faire plus si on leur fournit les moyens de se réaliser pleinement. Évidemment, notre position, comme vous pouvez le voir, est diamétralement opposée à celle du groupe qui nous a précédés. Toutefois, même si on peut affirmer que les cégeps ont rempli leur rôle, il n'en demeure pas moins que nous avons quand même pu identifier des problèmes et des difficultés importantes auxquelles il faut remédier rapidement, ce qui m'amène au deuxième axe, c'est-à-dire l'actualisation aux nouveaux besoins de formation.

Déjà, à la création des cégeps, un important virage technologique était amorcé, on s'en souviendra. À cette époque, cependant, les technologies de pointe étaient mieux connues qu'actuellement. Aujourd'hui, la technologie de pointe et les besoins des entreprises évoluent au même rythme que la mondialisation des marchés. Et il ne faut pas se surprendre aujourd'hui quand on voit que les nouvelles frontières sont plutôt d'ordre écologique que d'ordre économique. Alors, il faut donc, de toute évidence, et d'une façon, à notre avis, imperative que les cégeps se rapprochent des milieux de travail. Les besoins technologiques ont considérablement évolué, de nouvelles techniques sont apparues et, je le disais, il faudra arriver à faire encore mieux afin de garder notre société compétitive face aux marchés mondiaux.

Lors de notre dernier colloque, le ministre, M Tremblay, de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie lançait son cri d'alarme. Et, en ce qui nous concerne, un des moyens que nous avons considérés pour faire en sorte qu'il y ait un rapprochement des collèges, des cégeps et des milieux de travail, c'est l'alternance travail-études. En fait, c'est des stages en milieu de travail.

On retrouve à cette formule plusieurs avantages. Par exemple, pour l'étudiant, ça revêt un caractère concret, en ce sens qu'elle permet à l'élève d'approfondir les connaissances acquises en classe ou en laboratoire en les appliquant à des situations de travail réelles. Ça met l'élève en contact direct avec le milieu de travail, ses exigences, son environnement, etc. Ça lui permet de valider son choix d'orientation, et c'est possible qu'un jeune puisse changer d'idée. C'est possible qu'un jeune puisse s'apercevoir, à un moment donné, dans un milieu de travail donné, qu'il s'est peut-être trompé. Et ça permet à l'étudiant, à ce jeune-là, d'enrichir son curriculum vitae d'expériences autres que celles qu'il peut acquérir dans des entreprises de «fast food» ou d'autres entreprises analogues.

Pour le professeur, ça lui permet de se familiariser avec différents milieux de travail reliés à sa spécialité. Ça permet à ce même enseignant de suivre l'évolution du secteur, et ça lui donne accès à des équipements peut-être complémentaires à ceux qui existent dans le collège. Et, finalement, pour les employeurs, ça leur permet d'avoir une main-d'oeuvre mieux

adaptée aux exigences. Et, enfin, ça facilite un recrutement de qualité.

En résumé, tout le monde y trouve son compte, mais il faut encourager ces stages de formation et il faut prendre des mesures afin de permettre aux employeurs de bénéficier d'une aide fiscale afin de les inciter à accepter des élèves en stage. Aujourd'hui, c'est une formule qui a été développée au niveau de certains collèges mais, évidemment, qui n'est pas très populaire encore auprès des employeurs puisque aucune mesure ne les encourage à prendre des élèves en situation pratique. Et comme il faut les encadrer, comme il faut les surveiller, ça nécessite, souventefois, pour l'employeur, des coûts additionnels d'encadrement, etc., Et c'est pour cette raison qu'on ne recommande que des mesures incitatives à l'image, peut-être, du crédit à la formation, etc., qui puissent faciliter ou inciter, à tout le moins, les employeurs à utiliser cette formule. (21 h 20)

En ce qui a trait maintenant aux études complémentaires permanentes, effectivement, les nouveaux besoins exigent un ressourcement continuel. Il faut donc encourager l'éducation permanente dans une perspective de ressourcement de la main-d'oeuvre. On nous dit souvent que le jeune adulte d'aujourd'hui devra, à tout le moins, changer trois fois de métier tout au long de son espérance de vie professionnelle. C'est sûr que les besoins changent rapidement et, évidemment, évoluent à un rythme extraordinaire. Il faut donc permettre que nos infrastructures pédagogiques facilitent cette formation permanente. Et, pour cette raison, nous recommandons évidemment que cette mission d'éducation permanente soit intégrée dans un texte législatif sans distinction d'âge ou de statut pour faciliter cette mission de l'éducation.

J'arrive maintenant au troisième axe, c'est-à-dire l'autonomie de gestion. Pour des experts en ressources humaines et en relations de travail comme les CRI, c'est-à-dire les conseillers en relations industrielles, l'autonomie de gestion, au niveau des ressources humaines, financières et pédagogiques, est nécessaire pour une gestion efficace et je dirai efficiente du milieu. Plus de souplesse au niveau du régime pédagogique est nécessaire afin de permettre aux cégeps de s'adapter aux différents milieux et aux exigences de la société.

Les collèges doivent également pouvoir négocier des éléments importants des conventions collectives afin qu'elles n'interfèrent pas dans l'administration du régime pédagogique. À notre avis, nous ne croyons pas que la commission pédagogique constitue une condition d'emploi ou une condition de travail que nous devons retrouver dans une convention collective. L'encadrement départemental est aussi une responsabilité de gestion qui dort être assumée par des gestionnaires. Ce sont là quelques éléments, évidemment, qui viennent renforcer cette vision qu'ont les conseillers en relations industrielles d'une gestion pédagogique intégrée.

J'arrive maintenant au quatrième axe, c'est-à-dire l'évaluation. Donc, en contrepartie, l'évaluation comme un outil de gestion nous apparaît fondamentale. Les collèges doivent évaluer leurs ressources humaines, mais incluant les enseignants et leurs programmes d'études. Plus de pouvoirs aux cégeps exige cependant une reddition des comptes, c'est-à-dire que les collèges doivent, dans un tel contexte, devenir imputables des décisions et des actions qu'ils posent. Nous recommandons, à cet égard, que le gouvernement mette sur pied un organisme indépendant, impartial, qui pourrait juger de la qualité de la gestion pédagogique des collèges. Voilà l'essentiel de notre propos, et nous sommes disponibles pour répondre à vos questions.

La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. Perron. Mme la ministre, vous avez la parole.

Mme Robillard: Merci, Mme la Présidente. Je veux saluer la Corporation professionnelle des conseillers en relations industrielles du Québec. Je vois, M. Perron, qu'on vous retrouve. Je ne sais pas si vous avez d'autres chapeaux comme ça dans la vie, mais je suis heureuse de voir que là vous l'abordez sous l'angle vraiment des conseillers en relations industrielles. Vous arrivez à des conclusions semblables à d'autres groupes que, de fait, il faut certains changements au niveau de l'enseignement collégial québécois.

J'aborderais peut-être immédiatement avec vous la question justement de l'autonomie des établissements. Je pense que c'est un de vos thèmes dans votre mémoire. Vous nous indiquez très clairement que l'autonomie devrait même se retrouver au niveau des structures de participation. Là, j'imagine que vous faites référence peut-être à la commission pédagogique et aussi à la structure départementale, la gestion de programmes en tant que telle, mais j'aimerais ça que vous soyez... Est-ce que vous avez fait une réflexion encore plus spécifique au niveau de cette responsabilité accrue des cégeps en matière... Vous dites en matière de programmes, en matière de ressources humaines, puis vous dites même en matière de gestion des finances.

M. Perron (Jean): Écoutez. D'abord, dans un premier temps, je vous dirai que le fait que je me retrouve ici, évidemment, n'est pas nécessairement un accident. Comme je faisais partie du groupe de travail, on m'a demandé - je pense que c'est bon pour l'éclairage de la commission - c'est-à-dire qu'on m'a fait le privilège, plutôt, de venir présenter les positions de la Corporation. Et, comme vous le savez, les gens des collèges sont très actifs, alors, il est possible qu'on les retrouve généralement dans différents organismes.

Alors, ceci étant dit, je reviens à votre question pour signifier qu'effectivement autonomie de gestion, évidemment, signifie pouvoir de gérer. Donc, si on veut gérer on doit avoir les pouvoirs ou les moyens de gérer. Actuellement, les collèges sont quand même dans un régime où l'encadrement est assez serré. Donc, ce qu'on demande à cet égard-là... Et je suis obligé de dire que la Corporation des conseillers en relations industrielles n'a quand même pas fait une étude approfondie de toute la gestion administrative des collèges. On a des membres, évidemment, qui se retrouvent dans les collèges, comme on en a au niveau des commissions scolaires et ailleurs, mais ce n'est pas la spécialité profonde de la Corporation. Donc, il faut des moyens pour pouvoir gérer. Ce qui veut dire, notamment, qu'il faut pouvoir gérer, entre autres pour nous les experts en relations de travail et en gestion des ressources humaines, l'administration et la négociation des conventions collectives. Ça, c'est fondamental.

Actuellement, on retrouve, dans les conventions collectives, des aspects importants de la gestion pédagogique qui interfèrent dans la saine gestion de l'administration pédagogique. Alors, pour nous, ce ne sont pas des conditions de travail, ce ne sont pas des conditions d'emploi et ça doit carrément disparaître des conventions collectives. Évidemment, les collèges doivent avoir les pouvoirs de convenir sous différents aspects, c'est-à-dire avoir les pouvoirs de gérer leurs ressources financières, leurs ressources matérielles, mais leurs ressources humaines aussi. Cependant, à cet égard-là, on dit: Si on leur donne les pouvoirs il faut, évidemment, qu'ils puissent rendre des comptes et qu'on puisse juger de la qualité de leur gestion. Alors, c'est, en gros, si vous voulez, la réflexion qu'on a faite.

Mme Robillard: Et, naturellement, pour aller avec ce volet-là de votre proposition, vous parlez aussi d'un mécanisme d'imputabilité étant donné la plus grande responsabilisation qui serait donnée aux collèges. Et vous allez jusqu'à dire que les cégeps doivent donc rendre des comptes, non seulement à l'État mais aussi à la population en général. Est-ce que, sur cette notion d'imputabilité, vous êtes allés un peu plus loin? Comment les établissements pourraient rendre des comptes à l'État et à la population en tant que telle? Quelle forme ça pourrait prendre, cette reddition de compte?

M. Perron (Jean): Nous n'avons pas poussé la réflexion jusqu'à la forme de cette manière de rendre des comptes. Nous avons plutôt opté pour l'avancement d'un principe, c'est-à-dire que, si on a les pouvoirs, il faut rendre des comptes. Ça, c'est évident. Maintenant, la manière, ça pourrait faire l'objet de réflexions plus approfondies de notre part, mais, pour l'instant, on n'a pas poussé cette réflexion.

La Présidente (Mme Hovington): Alors, merci, M. Perron. M. le député d'Abitibi-Ouest, vous avez la parole.

M. Gendron: Oui, je voudrais remercier la Corporation professionnelle des conseillers en relations industrielles du Québec. J'ai eu l'occasion de dire, à quelques mémoires de ce genre-là, que c'était intéressant d'avoir le point de vue de gens qui sont plus en relations constantes avec le monde des affaires, le monde industriel, puisqu'il y en a plusieurs qui prétendent, avec raison, qu'il y aurait lieu que la formation technique soit davantage prise par un très grand nombre de gens.

Je n'ai pas vraiment de questions majeures à poser. J'en ai une, et mes collègues en auront également. Je voulais juste vous dire, de votre mémoire, je n'ai pas d'éléments sur lesquels je suis en désaccord. Vous avez, pour l'essentiel, indiqué combien le défi avait été relevé au chapitre de l'accessibilité, pour ce qui est des collèges que nous connaissons. Oui, il y a des failles. Oui, il y a certains éléments qu'on devra corriger. D'ailleurs, c'est dans ce sens-là que vous avez eu l'amabilité de nous faire des recommandations. Et vous avez également touché un aspect majeur, qui est l'évaluation. (21 h 30)

Moi, ma question, c'est sur l'enseignement de la langue maternelle, ou une meilleure maîtrise de la langue maternelle, quelle qu'elle soit, en anglais ou en français, dépendamment des cultures. Vous dites, vous recommandez que l'enseignement collégial intègre la maîtrise de la langue maternelle aux objectifs de formation générale communs à tous les programmes, et là je comprends, vous dites: Que des aménagements soient prévus pour celles et ceux dont la langue maternelle est différente de la langue d'enseignement. Mais, si je reste sur les trois premières lignes: recommander que l'enseignement collégial intègre la maîtrise de la langue maternelle aux objectifs de formation générale communs à tous les programmes, est-ce que, dans votre recommandation, vous comprenez par là qu'il y aurait lieu de faire exactement la même chose dans les cégeps anglophones également, parce qu'il y a des gens qui sont venus nous dire qu'il y avait lieu d'offrir un meilleur apprentissage en termes de langue seconde? Moi, j'estime qu'ils ont raison qu'en langue seconde il faut effectivement permettre un meilleur apprentissage ou une meilleure maîtrise de la langue seconde. Est-ce que dans votre recommandation que vous faites - parce que c'est vous qui la faites à la page 10 de votre mémoire - ça inclut ce que je viens d'évoquer pour les cégeps anglophones?

M. Perron (Jean): Oui, la maîtrise de la langue, effectivement, c'est le français et

l'anglais pour...

M. Gendron: Oui, mais qu'on se comprenne bien. Moi, ce n'est pas tellement ça. C'est que vous voulez qu'on ajoute, qu'on intègre la maîtrise de la langue maternelle aux objectifs de formation générale communs, mais à tous les programmes.

M. Perron (Jean): La maîtrise de la langue maternelle, c'est... Pour ceux qui fréquentent les collèges anglophones, c'est l'anglais. Mais, si, pour des allophones, c'est ni l'anglais, ni le français, il faudra prendre, évidemment, la langue maternelle, c'est-à-dire la langue maternelle du collège en question, par assimilation...

M. Gendron: On se comprend bien. Ma question, c'est plus parce que, au-delà du programme en formation de base, c'est-à-dire de développer un bon apprentissage de la langue française dans un cégep francophone, la langue anglaise dans un cégep anglophone, vous dites: II faut faire plus parce que ça ne donne pas les résultats qu'on souhaite. Dans le futur - c'est de même que je comprenais votre recommandation et c'est pour ça que je vous pose la question - il faudrait intégrer cet objectif a tous les programmes du tronc commun. Est-ce que c'est ça que vous voulez dire? C'est juste ça que je pose comme question.

M. Perron (Jean): Ce qu'on veut dire, c'est qu'il faut aider les étudiants qui arrivent, qui sont en difficulté de maîtriser des langues, soit l'anglais ou le français, dans le collège, qu'on puisse accessoirement leur donner des cours d'appoint ou de maîtrise de la langue pour qu'ils suivent les cours, selon la langue du collège. C'est ça qu'on voulait dire. Peut-être qu'on l'a mal exprimé.

M. Gendron: Non, non. Merci. Ça me permet de comprendre votre clarification. Merci. Mes collègues vont continuer. Mme la députée des Chutes-de-la-Chaudière.

La Présidente (Mme Hovington): Si on respecte l'alternance...

M. Gendron: Oui, oui. Excusez. Je n'ai pas de trouble avec ça.

La Présidente (Mme Hovington): ...M. le député de Sherbrooke.

M. Hamel: Merci, Mme la Présidente. J'avais justement à peu près la même question que M. le député d'Abitibi-Ouest, mais j'en ai une autre concernant l'évaluation. Dans votre chapitre sur l'évaluation, vous faites une recommandation, à la page 15 de votre mémoire: «Nous recommandons que les collèges mettent en place leur propre système d'évaluations multiples, portant sur l'efficacité des programmes d'études.» Pourriez-vous nous préciser ce que vous entendez par ce système d'évaluations multiples?

M. Perron (Jean): Écoutez, c'est un système d'évaluations. Actuellement, il n'y a pas de mécanismes qui permettent, c'est-à-dire qui sont en application dans l'ensemble des collèges pour évaluer à la fois leurs programmes d'études, a la fois aussi les enseignants ou les programmes d'enseignement. Ce qu'on veut dire, c'est qu'au-delà de cet organisme impartial qui pourrait juger de façon finale il faudrait qu'à tout le moins les collèges ou les cégeps puissent se doter, eux aussi, d'un. mécanisme à l'interne qui vient juger ou qui vient, si vous voulez, leur permettre d'apprécier la qualité de l'enseignement et, évidemment, des ressources qui sont à l'intérieur. C'est ce qu'on veut dire par ça.

M. Hamel: O.K. Merci.

La Présidente (Mme Hovington): Mme la députée de Terrebonne ou de Chaudière-Appa-laches?

Mme Carrier-Perreault: Chutes-de-la-Chaudière.

La Présidente (Mme Hovington): Chutes-de-la-Chaudière. Chaudière-Appalaches, c'est la région, ça, hein?

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Hovington): Excusez-moi. Vous avez la parole.

Mme Carrier-Perreault: Je vous remercie, Mme la Présidente. Je remarque que vous avez des recommandations, entre autres, pour la participation aux programmes études-travail. Vous demandez, vous recommandez très clairement que l'État incite les entreprises par des mesures fiscales ou autres. Vous avez une recommandation très claire dans ce sens-là. Quand j'arrive à la page 14 de votre mémoire, par rapport au financement, en fait, au niveau du financement, on voit que vous avez une préoccupation, mais, là, disons qu'il n'y a pas vraiment de recommandation. Vous dites: Si l'on exclut l'hypothèse des frais de scolarité, il faudra se tourner vers d'autres sources de financement extérieur, notamment auprès des entreprises. Ce serait quoi, exactement, votre souhait? Est-ce que vous ne croyez pas, comme beaucoup l'ont mentionné et comme, de notre côté, on pense aussi, que ça réduirait l'accessibilité s'il y avait des frais de scolarité? Qu'est-ce que ce serait, votre choix, vraiment, là?

M. Perron (Jean): II faut poursuivre la

gratuité. Évidemment qu'on n'a pas poussé la réflexion en allant à un ticket modérateur, à un moment donné, pour ceux qui pourraient abuser du système, mais ce que l'on veut faire ressortir par là, c'est que, si l'État favorise les employeurs dans cette formation de stages d'études ou alternance travail-études, à l'instar de ce qu'on peut retrouver dans certains pays, bien, que les entreprises puissent aussi contribuer, mais surtout au niveau technique pour ceux de la formation technique, au financement du réseau, c'est-à-dire à la formation. Maintenant, je ne suis pas en mesure de vous dire quels paramètres ça pourrait prendre, mais l'idée de base, c'est que d'une part on reçoit, mais d'autre part il faut donner aussi. C'est-à-dire que tout le monde doit contribuer.

Mme Carrier-Perreault: Je vous remercie.

La Présidente (Mme Hovington): M. le député de Sherbrooke.

M. Hamel: Alors, merci, Mme la Présidente. Ma question suit ma précédente. Toujours dans l'évaluation, vous continuez en recommandant qu'un organisme indépendant possédant l'habileté nécessaire pour remplir un tel mandat soit créé afin d'évaluer l'efficience de ces programmes. Est-ce à dire que cet organisme viendrait s'ajouter ou remplacer le Conseil des collèges?

M. Perron (Jean): Écoutez, ce que l'on veut dire par là, c'est vraiment un organisme indépendant qui pourrait... Dans le fond, c'est pour éviter ce qu'on vit actuellement et que tout le monde déplore, c'est que les évaluations soient faites par l'intermédiaire de certaines revues ou encore par d'autres moyens qui n'ont pas les critères, à notre avis, adéquats pour répondre à ces questionnements-là. Il faudrait de toute évidence que cet organisme-là soit complètement indépendant. Maintenant, comment il pourrait être composé, ça, c'est à voir. Mais, à notre avis, ça n'a rien à voir avec le Conseil des collèges, évidemment. Il faudrait définir ce mandat-là, mais ce qu'on veut dire, c'est qu'on voudrait éviter que des situations un peu farfelues se présentent, comme celles qu'on a vécues au cours des dernières années.

M. Hamel: Merci.

La Présidente (Mme Hovington): Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, Mme la Présidente. Toujours dans l'évaluation, est-ce que vous considérez que le système d'évaluation qui pourrait se retrouver dans les différents collèges doit tenir compte d'une évaluation, parce que vous l'apportez sur l'efficacité des programmes d'études, mais est-ce que ça doit tenir compte également d'une évaluation au niveau des enseignants, et est-ce que vous voyez un rôle actif de la part des étudiants et des étudiantes dans cette évaluation?

M. Perron (Jean): Ce qu'on dit, c'est qu'il faut que les enseignants puissent être évalués, ça, c'est clair, net et précis.

Mme Caron: Pas seulement les programmes, les enseignants aussi?

M. Perron (Jean): Pas seulement les programmes. Enfin, il faut que tout soit évalué, mais incluant les enseignants. En ce qui a trait à la participation des étudiants, je pense qu'il faut faire confiance au milieu pour savoir quels seraient les mécanismes les plus adéquats pour procéder à cette évaluation, quels groupes pourraient participer à cette évaluation et quelle forme ça pourrait prendre. Mais, sur le principe même, il est fondamental que les enseignants puissent être évalués.

Mme Caron: Dans vos recommandations, à la page 11 du mémoire concernant les stages en milieu de travail, l'alternance travail-études... Vous connaissez très bien les entreprises. Jusqu'à maintenant, on a plutôt senti que la volonté était davantage au niveau du principe, c'est-à-dire qu'en principe toutes les entreprises, les chambres de commerce conçoivent que c'est important, les stages, que c'est une alternative intéressante, sauf qu'on ne se rend pas jusqu'à accepter d'avoir des stages dans sa propre entreprise. Lorsque vous parlez de mesures fiscales, il semble que nous avons déjà en place certains crédits. Les entreprises ne participent pas vraiment, il reste des fonds, parce qu'elles trouvent ça trop compliqué de remplir les documents ou de superviser. Est-ce que, concrètement, vous qui êtes dans le milieu, qui les côtoyez, vous avez des propositions là-dessus, pour essayer de trouver des mesures vraiment incitatives? (21 h 40)

M. Perron (Jean): On n'a pas de proposition concrète en termes de quantum, mais ça nous ferait plaisir de vous en soumettre, évidemment. Notre propos était davantage de soumettre un principe, mais on pourrait, effectivement, avec l'expertise qu'on possède, développer davantage quelles seraient, par exemple, ces mesures qui pourraient favoriser, auprès des employeurs, l'implantation de l'alternance travail-études. Il faudrait, évidemment, analyser également la durée de ces stages en entreprise. Est-ce que ce sera une durée d'une session, d'un trimestre, deux trimestres, etc.? Évidemment, il y a des expériences vécues sur lesquelles on pourra s'appuyer, mais tout ça, je pense bien, ça doit d'abord être discuté avec le milieu, c'est-à-dire les collèges, dépendamment des différentes techniques qui

existent dans les collèges, parce que ça peut prendre une forme ou l'autre, selon le cas. Quant aux mesures incitatives, on pourrait, effectivement, pousser davantage notre réflexion si le gouvernement souscrit à ce principe-là, et ça nous fera plaisir à ce moment-là.

Mme Caron: Parce qu'au niveau du principe on ne semble pas avoir de problème, ni du côté des collèges ni du côté des entreprises, mais le passage de la théorie à la pratique semble extrêmement difficile. Vous avez également touché, à la page 8 de votre mémoire, l'éducation permanente. Votre recommandation est à l'effet qu'il faudrait entériner par un texte de loi le droit à l'éducation permanente pour l'ensemble de la population, sans distinction d'âge ou de statut. Ce texte de loi que vous souhaitez, et vous dites bien, entre autres, de reconnaître le droit, qu'est-ce qu'on devrait retrouver dans ce texte de loi concernant l'éducation permanente? Qu'est-ce que vous souhaitez comme changement majeur pour apporter des corrections à ce problème de l'éducation permanente?

M. Perron (Jean): Un énoncé dans la législation, clair, net et précis, qui reconnaît à tous les citoyens et les citoyennes ce droit de pouvoir bénéficier des enseignements qui sont dispensés, notamment dans les collèges. Actuellement, ce n'est pas précis. Alors, si on reconnaît, comme société qu'effectivement, sans distinction d'âge, autant pour les jeunes adultes que pour les plus vieux, dans une perspective, évidemment, de ressourcement continuel - comme je le mentionnais, l'évolution est tellement rapide qu'on doit régulièrement se ressourcer - donc, il faut, de toute évidence, que cette notion d'éducation permanente plutôt que d'éducation des adultes apparaisse.

Mme Caron: Est-ce que ce droit à l'éducation permanente se traduirait pour vous également par le financement qui pourrait accompagner ce droit à l'éducation permanente? C'est-à-dire, est-ce que la gratuité, au niveau de l'éducation des adultes, ça vous apparaît nécessaire?

M. Perron (Jean): Dans notre esprit, on parle toujours de gratuité, mais, effectivement, dans le cadre où la contribution des entreprises au niveau de la formation technique... Enfin, c'est des aménagements qui peuvent être vus, mais, si on veut qu'une société progresse, puisse s'ajuster régulièrement à l'évolution de la société industrielle, il faut lui permettre d'avoir les outils pour le faire. Pour la favoriser, bien, il faut que ce soit le moins cher possible pour trouver, à tout le moins, d'autres avenues. Ça, encore là, on n'a pas vérifié ce que ça peut représenter en termes de coûts additionnels, mais je pense bien qu'on pourrait aussi mesurer cet impact-là.

Mme Caron: Une dernière question. Est-ce que ce droit à l'éducation permanente devrait également se traduire par l'élimination, finalement, des listes d'attente qu'on retrouve, actuellement, dans notre système d'éducation permanente? Est-ce que ce serait la levée... Il y a certains contingentements, finalement. Est-ce que ce serait la levée de ces interdits? Est-ce que ce serait une ouverture totale? À partir du moment où un adulte demande une formation, est-ce que l'État doit donner une formation?

M. Perron (Jean): Évidemment, il faut que ce soient des formations en relation avec les grands axes, les grandes orientations ou, si vous voulez, le contrat social dans notre société. On ne peut pas, sous prétexte... On parle bien de formation, on ne parle pas de cours, si vous voulez, de développement personnel, c'est-à-dire...

Mme Caron: Non, de formation.

M. Perron (Jean): C'est ça. Mais quelqu'un qui est au travail actuellement et qui a besoin d'un ressourcement, je pense bien qu'il faut lui permettre de le faire, et cela, d'une façon la plus avantageuse possible. Il faut que les infrastructures pédagogiques permettent ça. Évidemment, c'est un coût; ça, c'est évident. Mais une société qui se veut progressive doit, au départ, favoriser, entre autres, l'éducation pour pouvoir évoluer. Quelles seraient les mesures accessoires qui permettraient ça? Vous avez raison, on n'a pas développé cet axe-là, mais ça, c'est quelque chose qu'on pourrait faire, encore une fois.

Mme Caron: Oui, je vous remercie beaucoup. Je trouvais l'élément intéressant dans le sens que, effectivement, quand un gouvernement ou une société décide de «prioriser» l'éducation, le premier principe, je pense, c'est le droit à l'éducation permanente pour l'ensemble de la population et ça m'apparaissait extrêmement intéressant. Alors, je vous remercie, messieurs, pour votre contribution à nos travaux. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Hovington): Merci. M. le député de Rimouski.

M. Tremblay (Rimouski): Pas de questions.

La Présidente (Mme Hovington): Ah non! Excusez-moi. Je pensais que vous aviez demandé la parole. Mme la ministre.

Mme Robillard: Merci aux conseillers en relations industrielles du Québec d'avoir pris le temps de réfléchir à cette importante question et d'être venus nous faire partager vos idées sur les changements à apporter parce que je pense que

c'est ça, le message que vous nous livrez. Il y a vraiment des changements à apporter surtout, ce que vous nous dites, au niveau de l'autonomie des établissements et d'un principe d'imputabilité à vraiment appliquer aussi dans le système. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Hovington): Alors, merci beaucoup, au nom des membres de la commission de l'éducation, d'être venus nous présenter votre mémoire très intéressant. Alors, je vous souhaite une bonne nuit, un bon retour chez vous.

M. Perron (Jean): C'est nous qui vous remercions de l'accueil. Bonne fin de soirée. Merci.

La Présidente (Mme Hovington): La commission de l'éducation ajourne ses travaux jusqu'à demain matin, 9 h 30.

(Fin de la séance à 21 h 48)

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