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Version finale

34e législature, 2e session
(19 mars 1992 au 10 mars 1994)

Le mardi 17 novembre 1992 - Vol. 32 N° 16

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur l'enseignement collégial québécois


Journal des débats

 

(Neuf heures trente-quatre minutes)

La Présidente (Mme Hovington): Je déclare donc la séance de la commission de l'éducation ouverte. Je rappelle le mandat de la commission de l'éducation pour cette séance, qui est de procéder à des auditions publiques sur l'enseignement collégial québécois. M. le secrétaire, est-ce que nous avons des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. M. Gautrin (Verdun) est remplacé par M. Camden (Lotbinière) et M. Parent (Sauvé) par M. Maltais (Saguenay).

La Présidente (Mme Hovington): Merci. Aujourd'hui, donc, nous recevrons dans l'ordre l'Association des manufacturiers du Québec; à 10 h 30, la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec; à 11 h 30, les collèges de langue anglaise du Québec; pour ajourner à 12 h 30 jusqu'à demain matin.

J'inviterais donc le premier groupe que nous avons à entendre, l'Association des manufacturiers du Québec. Veuillez prendre place, s'il vous plaît.

Pendant que vous prenez place, je vais donner la parole à Mme la ministre de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur et de la Science, parce que je crois que vous avez un dépôt à faire à la commission.

Document déposé

Mme Robillard: Oui, Mme la Présidente. Comme on le sait, depuis le début de nos travaux à la commission, plusieurs intervenants nous ont cité une recherche qui a été faite au ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science, une recherche qui n'était pas encore publiée. Elle l'est maintenant, et j'aimerais la déposer officiellement aux parlementaires, à la commission de l'éducation. La recherche s'intitule, «La formation technique au collégial: les employeurs se prononcent».

La Présidente (Mme Hovington): Alors, nous acceptons le dépôt. On va veiller à ce que chaque membre de la commission ait en main ce document déposé par la ministre de l'Éducation. Le dépôt étant donc fait, nous allons retourner à l'Association des manufacturiers du Québec représentée par M. Richard Le Hir, vice-président et directeur général. Bonjour, M. Le Hir.

Auditions M. Le Hir (Richard): Bonjour.

La Présidente (Mme Hovington): Est-ce que c'est vous qui êtes le porte-parole?

M. Le Hir: Effectivement.

La Présidente (Mme Hovington): Alors, bienvenue à la commission de l'éducation. Si vous voulez nous présenter les personnes qui vous accompagnent.

Association des manufacturiers du Québec (AMQ)

M. Le Hir: Merci. À ma droite immédiatement, M. Gaston Chariand, qui est vice-président pour les questions reliées aux ressources humaines à l'Association des manufacturiers.

La Présidente (Mme Hovington): Bonjour. M. Chariand (Gaston): Bonjour.

M. Le Hir: Également, M. Michel Gagné, qui est le président de notre Comité de formation et d'apprentissage et qui est le directeur du développement des ressources humaines chez Pratt & Whitney.

La Présidente (Mme Hovington): Bonjour. Alors, vous avez 20 minutes pour nous présenter votre mémoire, M. Le Hir.

M. Le Hir: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, pour les manufacturiers, la réalité est simple et d'une cruauté implacable: améliorer continuellement et plus rapidement que leurs concurrents leur capacité de répondre mieux et aux meilleurs coûts aux besoins des marchés internationaux ou bien cesser d'exister. Tel est le défi que leur impose la globalisation des marchés.

À l'heure actuelle, force est de constater que notre position concurrentielle se dégrade à une vitesse alarmante et que, si nous n'agissons pas rapidement, nous ne pourrons plus rattraper le terrain perdu. À cet effet, la dernière étude du World Economie Forum et du International Institute for Management Development, intitulée «The World Competitiveness Report», 1992, est particulièrement révélatrice. Cette étude se base sur plus de 300 critères pour comparer la compétitivité de 22 pays industrialisés et 14 pays en voie d'industrialisation. Voici quelques-unes des conclusions que tire cette étude.

Le Canada, qui occupait le cinquième rang en termes de compétitivité mondiale en 1991, se retrouve au onzième rang sur les 22 pays industrialisés comparés en 1992.

Le Canada se situe au vingtième rang pour ce qui est de ses perspectives futures de compétitivité.

Nous nous situons au quinzième rang pour ce qui est de notre capacité à utiliser les ordinateurs.

Notre jeunesse se situe au vingtième rang pour ce qui est de son intérêt pour les professions techniques.

Nous nous classons au seizième rang en ce qui concerne l'efficacité de nos technologies de production.

Nous occupons le dix-neuvième rang en termes du rapport qualité-prix de nos produits.

Nous sommes au dernier rang au chapitre de l'investissement dans l'outillage et les équipements.

Alors que ie Canada se situe au cinquième rang pour ce qui est de ses dépenses en matière d'éducation, nous ne sommes qu'au douzième rang pour ce qui est de la capacité de cette éducation à rencontrer les exigences contemporaines de compétitivité. À ce chapitre, un autre ouvrage récent publié en septembre, dans le cadre des études économiques de l'OCDE, vient confirmer le déséquilibre entre nos dépenses en éducation et les résultats obtenus et identifie plusieurs lacunes du système d'éducation canadien.

Le Québec n'a aucune raison de penser que sa situation pourrait être, de quelque façon, substantiellement meilleure que celle du reste du pays. En fait, sur certains des points que nous venons de mentionner, cette performance est même probablement pire.

Ces quelques observations devraient être suffisantes pour nous sensibiliser à l'urgence d'agir énergiquement. L'AMQ est d'avis que, pour améliorer notre position concurrentielle, nous devons appuyer notre économie sur quatre piliers stratégiques: la technologie, la qualité, des ressources humaines compétentes, motivées et fières, et un véritable partenariat, pour ne pas dire une complicité active, avec les gouvernements.

Pour nous, il est évident que la solidité des trois premiers piliers dépend directivement de l'efficacité de notre système d'éducation et que l'efficacité de ce système se mesure en fonction de sa capacité à répondre rapidement, toujours mieux et aux meilleurs coûts, aux besoins en formation des manufacturiers. En ce sens, une collaboration efficace entre les entreprises et les institutions d'enseignement est essentielle.

Le succès que nous aurons à développer un tel système d'éducation aura des conséquences directes sur l'état de l'économie québécoise. Une des conséquences les plus fondamentales est le niveau de l'emploi.

À ce chapitre, pour les six premiers mois de l'année, Statistique Canada nous avise que, dans le secteur manufacturier au Québec, le nombre total d'emplois est de 536 000, soit le niveau le plus bas depuis que Statistique Canada compile ces données, c'est-à-dire depuis août 1975.

Pour contribuer au maintien et à i'améliora-tion des emplois, les manufacturiers québécois devront générer des gains de productivité importants et nous sommes d'avis que ces gains sont étroitement reliés à l'amélioration de la formation de nos ressources humaines. En somme, nous ne pourrons pas devenir plus compétitifs si nous n'améliorons pas la formation de nos employés. (9 h 40)

Ce constat de base nous permet d'identifier un besoin principal chez les manufacturiers: la capacité d'obtenir, autant à travers le programme régulier de l'enseignement collégial que le programme d'éducation aux adultes, du personnel compétent, préparé et même adapté à la réalité de l'industrie manufacturière. Dès aujourd'hui, et pour les années à venir, ce personnel constitue et constituera l'actif premier de l'entreprise.

Ce besoin ne s'exprime pas seulement en termes de compétences, mais aussi en termes de temps. En effet, la compétitivité des manufacturiers dépend aujourd'hui non seulement de la capacité du système d'éducation à répondre le mieux possible et aux meilleurs coûts à ses besoins, mais en plus à le faire dans les meilleurs délais.

L'AMQ, pour sa part, encourage fortement les manufacturiers à adopter une approche de qualité en vue de répondre aux besoins de leurs clients. En octobre 1991, notre organisme était associé directement au lancement de la «Charte québécoise de la qualité totale». En appliquant la Charte, les entreprises manufacturières qui décident d'y souscrire prennent l'engagement d'appliquer des normes internationales pour la gestion de la qualité, la norme ISO 9000. Cet engagement se traduit par l'application des recommandations pour les normes ISO 9001, ISO 9002, ISO 9003, et il a des effets directs sur la façon de traiter la formation du personnel: «Dans une organisation, la formation du personnel est un élément primordial pour atteindre les objectifs de qualité. Il peut s'agir d'une formation spécifique à l'exécution de tâches données ou d'une formation générale visant à renforcer le principe de la qualité chez les membres du personnel et à les inciter à les mettre en pratique... «Pour qu'un personnel puisse atteindre et maintenir un niveau approprié de compétence, l'entreprise peut prendre périodiquement un certain nombre de mesures: «évaluer les connaissances, l'expérience et la compétence du personnel affecté aux activités à effectuer; «identifier les besoins individuels de formation en fonction d'exigences de rendement satisfaisantes; «prévoir, organiser et mettre en application des programmes de formation appropriés, soit en entreprise soit à l'extérieur;

«enregistrer la teneur et les résultats des programmes de formation de manière à pouvoir mettre ces enregistrements à jour et identifier rapidement les lacunes au niveau de la formation.»

En implantant cette démarche, les entreprises assument leurs responsabilités au chapitre de la formation de leur personnel et cette responsabilisation doit mener à l'atteinte d'un objectif bien précis, soit: augmenter le niveau de compétence des candidats engagés pour l'accomplissement de certaines tâches en développant des outils de formation à travers l'application de programmes de formation adaptée.

L'approche de qualité qu'adoptent les entreprises et la responsabilisation qui s'ensuit expliquent l'accroissement des attentes vis-à-vis tout le réseau public d'enseignement et l'intérêt des manufacturiers à en évaluer l'efficacité en termes de résultats précis à atteindre.

Nous aimerions donc que l'approche de qualité totale ne soit pas seulement l'affaire des entreprises, mais également celle du réseau public d'enseignement. À cet effet, nous tenons à applaudir l'initiative du Centre de formation et de services aux entreprises du collège Édouard-Montpetit, qui étudie la possibilité d'offrir aux manufacturiers des cours de formation sur la qualité totale.

Si nous sommes très heureux d'une telle initiative, nous croyons que le concept de qualité totale et les principes de gestion qui en découlent devraient non seulement être enseignés, mais aussi et surtout être appliqués par les diverses instances de l'enseignement collégial. S'il est un domaine dans lequel il est important de pratiquer ce que l'on prêche, c'est bien celui de la qualité totale.

En ce qui concerne les besoins des manufacturiers en matière de formation, ils sont directement issus d'obligations de résultat que leur imposent les réalités du marché. Les entreprises considèrent que les institutions publiques d'enseignement doivent adapter leurs services à ces obligations. Par ailleurs, cette adaptation peut questionner la pertinence de certains aspects de la formation générale des étudiants et il serait souhaitable que ce questionnement mène à un rééquilibrage des différentes composantes de la formation.

Les services rendus par les institutions publiques seront évalués par les manufacturiers en fonction de critères précis établis en fonction des obligations de résultat que leur dicte le marché. Les institutions d'enseignement publiques, qu'elles soient du niveau secondaire ou collégial, dont les programmes de formation répondront le mieux à ces critères seront celles qui seront privilégiées par les manufacturiers.

À cet effet, les manufacturiers devraient avoir la liberté de choisir les institutions qui répondent le mieux à leurs critères sans avoir à subir la lourdeur administrative qui prévaut présentement.

Comme nous venons de le voir, les objectifs de formation des manufacturiers dépendent directement des réalités du marché et des obligations de résultat qui en découlent. Examinons maintenant quelles sont ces principales réalités.

En premier, les entreprise font face à la nécessité de s'adapter aux innovations technologiques. Le document intitulé «Le développement des compétences, le défi des années 1990», du ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle, situe cette problématique dans un contexte de la nécessité d'assimiler rapidement les modifications aux différents secteurs de l'économie: «La place et l'importance relative de l'innovation technologique varient selon les secteurs d'activité et les entreprises. S'il n'est pas le seul type d'innovation, le niveau global d'innovation technologique pour l'ensemble de l'économie est cependant un élément décisif dans la compétitivité des sociétés industrielles avancées.»

Les différents secteurs industriels procèdent présentement, à divers niveaux, à l'examen des technologies employées dans leurs usines. Cette période d'évaluation fait partie de leur stratégie pour maintenir et améliorer leur compétitivité. Le but premier de cet exercice est de faire des gains de productivité. Or, l'expérience nous démontre clairement que les gains de productivité associés aux nouvelles technologies reposent d'abord et avant tout sur les ressources humaines. L'expérience nous démontre également que nos employés sont prêts et capables de s'adapter aux nouvelles technologies dans la mesure où on leur fournit les outils nécessaires.

Il est donc normal que la formation permettant aux employés de s'adapter aux innovations technologiques constitue souvent un besoin prioritaire pour les manufacturiers. En effet, sans une formation adéquate de leurs ressources humaines, les entreprises ne peuvent pas espérer rentabiliser les nouvelles technologies. Ce besoin est d'autant plus pressant que, comme nous l'avons vu, nos industries accusent un retard important au chapitre des technologies de production. Il est donc important que le réseau collégial soit en mesure de suivre, et ce au même rythme que les manufacturiers, l'évolution dans les innovations technologiques.

Une deuxième réalité concerne les pénuries de main-d'oeuvre spécialisée. Les professions en pénurie dans l'ensemble du Québec en 1992 seraient de l'ordre de 78, dont les professions de technicien chimiste dans le secteur des produits pharmaceutiques, de technicien spécialiste en génie électronique, de technicien spécialiste en génie mécanique, de spécialiste en électronique industrielle et en instrumentation... Les pénuries de main-d'oeuvre ont été identifiées par les manufacturiers comme étant un obstacle à

l'amélioration de leur compétitivité.

Compte tenu du niveau actuel de chômage, nous sommes d'avis que le collégial se doit de prendre les mesures nécessaires pour suivre plus adéquatement l'évolution du marché du travail de manière à pouvoir mieux orienter les étudiants en formation technique.

La diminution de l'effectif des étudiants dans la formation technique constitue une troisième réalité. Le Conseil des collèges nous fournit une description inquiétante de la tendance des inscriptions à la formation technique: «De 1980 à 1989, le pourcentage d'élèves inscrits au technique a diminué constamment, passant de 51 % à 44 %. De plus, la proportion des élèves qui choisissent le secteur technique à l'entrée au collégial est bien inférieure; par exemple, seulement 35 % des élèves entrés au collégial en 1986 se sont inscrits dans le programme de formation technique».

Quoique nous aurions préféré être en mesure de fournir des indications plus récentes, ces données nous portent à croire en la nécessité de procéder à une campagne visant à valoriser les emplois visés par la formation technique au niveau collégial.

La restructuration industrielle et le redéploiement des ressources humaines qu'elle entraîne constituent une quatrième réalité. Cette réalité a été reconnue par le ministère de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu: «Notre analyse de l'évolution de l'emploi a permis de constater que le Québec est déjà engagé sur la voie d'une restructuration industrielle vers des secteurs d'activité pouvant tirer parti du nouvel environnement économique mondial». Cette restructuration imposera deux obligations de résultat à l'enseignement collégial: l'enseignement collégial devra être en mesure de répondre, à travers son service d'éducation aux adultes, aux besoins de recyclage et de perfectionnement de la main-d'oeuvre redéployée et il devra, en outre, être en mesure de s'adapter rapidement à la demande de certains secteurs devenus prioritaires.

Une dernière réalité qui fait l'objet de nos préoccupations est celle de la formation continue. La tendance actuelle démontre clairement que les travailleurs devront être en mesure d'acquérir des compétences additionnelles pour assurer leur capacité à maintenir leur poste de travail. Cette tendance n'est pas temporaire. En effet, les modifications que doivent apporter les manufacturiers tant aux technologies qu'au mode d'organisation du travail de leur entreprise ne sont pas ponctuelles.

Pour demeurer concurrentiels, les manufacturiers sont obligés de faire ces modifications sur une base continue. Les manufacturiers devront donc former continuellement leurs ressources humaines et celles-ci devront avoir «appris à apprendre» et avoir la base nécessaire pour intégrer et exploiter avantageusement leurs nouveaux savoirs.

Quant aux moyens à prendre pour répondre aux besoins des manufacturiers, nous en avons identifié un certain nombre: premièrement, les modifications aux programmes existants; deuxièmement, une politique de reconnaissance des acquis; troisièmement, des crédits d'impôt accrus; quatrièmement, une politique d'évaluation de la qualité de l'enseignement; cinquièmement, une campagne de valorisation des emplois de techniciens et de métiers; sixièmement, l'harmonisation des programmes de formation professionnelle et de formation technique.

Pour ce qui est des modifications aux programmes existants, nous avons identifié quatre améliorations de base à être apportées aux programmes. La première consiste à procéder dans un délai raccourci à la révision des programmes. Présentement, selon nos informations, les révisions sont de l'ordre de cinq ans. Deuxièmement, il s'agit d'établir des standards de qualité pour évaluer la formation donnée au collégial. L'AMQ n'a pas à déterminer à qui revient la responsabilité d'établir ces standards. Par contre, elle déplore la tendance à vouloir niveler vers le bas, ce qui favorise la quantité plutôt que la qualité. Troisièmement, il s'agit d'établir des contenus de programmes en fonction des principes de programmes élaborés par compétence. Quatrièmement, il s'agit d'effectuer des modifications, et on sait que certaines sont en voie de réalisation, par la mise sur pied de comités sectoriels pour les secteurs industriels qui en exprimeront le besoin. À partir de cette formule, ou de tout autre formule existante, les programmes doivent être conçus en fonction des besoins en développement de la main-d'oeuvre eu égard à la réalité du marché du travail et de l'emploi au Québec. (9 h 50)

Le deuxième point qu'on avait souligné, c'était celui de la reconnaissance des acquis. À ce chapitre, le principe privilégié par l'AMQ se définit comme étant le «processus par lequel un établissement d'enseignement reconnaît les connaissances et habiletés acquises par une personne quels qu'aient été les modalités, la durée ou le processus d'apprentissage». Cette définition présuppose l'institution de critères appropriés qui permettront de reconnaître rapidement et objectivement ces connaissances et habiletés.

Troisièmement, nous avons identifié les crédits d'impôt pour les dépenses de l'entreprise dans les activités suivantes: les dépenses reliées à la délégation des experts en provenance des entreprises pour toutes les activités liées à sa participation à la confection des programmes et à son application. Ceci constituera un incitatif à procéder, au départ, à un tel engagement. Ensuite, les dépenses reliées aux stages en entreprise par les étudiants; ensuite, les dépenses liées à la promotion de la formation technique ou

professionnelle.

Quatrièmement, les politiques d'évaluation de la qualité de l'enseignement. Dans une perspective de qualité, nous croyons qu'il est nécessaire d'implanter et d'administrer une politique d'évaluation de la qualité de l'enseignement prodigué aux étudiants. Une telle politique permettrait d'évaluer dans quelle mesure une institution collégiale atteindrait des objectifs précis qui correspondent aux besoins des manufacturiers. Nous sommes également d'avis que cette politique devrait être développée, implantée et administrée par un organisme indépendant et impartial.

Cinquièmement, une campagne de valorisation. Nous croyons que le réseau collégial devrait participer systématiquement aux campagnes de sensibilisation des étudiants ayant comme objectif de valoriser les personnes occupant des emplois visés par la formation technique au niveau collégial. À cet effet, l'Association des manufacturiers du Québec a lancé l'an passé, en collaboration avec d'autres intervenants, les Olympiades de la formation professionnelle et des métiers. Ce type de campagne a comme avantage de valoriser des personnes occupant des professions ou métiers visés par la formation technique ou professionnelle pour susciter un effet d'entraînement; deuxièmement, de permettre aux étudiants, dans un climat de saine compétition, de mesurer leur niveau d'habileté et même de se comparer à leurs semblables dans d'autres pays; troisièmement, de favoriser la prise en charge, par les divers intervenants du secteur privé, de la promotion et de la formation professionnelle ou technique.

En plus d'efforts accrus pour valoriser la formation professionnelle, les métiers et ceux qui les exercent, la direction du ministère devrait favoriser l'identification d'objectifs à atteindre dans la répartition des étudiants entre le secteur de formation générale et technique. De tels objectifs ne peuvent que favoriser une concertation plus étroite entre les organismes du milieu et susciter un intérêt accru pour la formation technique.

Ensuite, harmonisation des programmes de la formation technique et de la formation professionnelle. Cette harmonisation relève de l'expertise des milieux d'enseignement. L'harmonisation des programmes entre la formation professionnelle et la formation technique doit être exécutée dans les meilleurs délais. Elle doit également tenir compte des modifications suggérées par les autres partenaires agissant sur le développement de la main-d'oeuvre.

Il y a dans notre mémoire certaines considérations générales que je laisse au dossier, mais sur lesquelles je vais passer pour en venir immédiatement à la conclusion.

Le Québec, pour avoir un avenir, se doit d'être compétitif et de pouvoir créer la richesse dont sa population a besoin pour maintenir et améliorer les services que nous nous offrons. Dans le nouvel ordre économique mondial, la possession et l'exploitation des richesses naturelles ne suffisent plus à créer la richesse au niveau de nos besoins. Le Québec doit donc favoriser l'intégration de ses marchés et ajouter plus de valeur à ce qu'il produit. Ces deux défis exigent au premier chef une main-d'oeuvre bien formée, qualifiée et productive. Ce qui est vrai pour le Québec est aussi vrai pour les autres pays. Or, les autres pays industrialisés ont souvent une culture industrielle qui nous fait cruellement défaut dans la conjoncture actuelle. Cette culture industrielle est fortement ancrée dans une histoire et des traditions séculaires au nombre desquelles figurent en bonne place la formation technique et l'apprentissage. Or, nous pouvons difficilement rivaliser avec les pays européens sur le plan de l'histoire et des traditions.

Mais ce qui fait notre faiblesse peut aussi faire notre force, dans la mesure où nous nous engageons résolument sur la voie des réformes en mobilisant tout notre génie créateur, toute notre capacité d'assimiler les leçons des autres, toutes nos énergies, toutes nos ressources et l'énorme réservoir de bonne volonté qui ne demande qu'à se déployer pour peu qu'on se donne des objectifs stimulants. Parmi ceux-ci devrait figurer au tout premier rang la pleine utilisation de notre capital humain dans des tâches qui assurent notre épanouissement, notre prospérité et un Québec meilleur pour les générations à venir. Merci.

La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. Le Hir. Mme la ministre, vous avez la parole.

Mme Robillard: Oui, Mme la Présidente, merci bien. M. Le Hir, messieurs de l'Association des manufacturiers du Québec, je veux vous dire combien les membres de cette commission sont intéressés à comprendre votre point de vue sur l'enseignement collégial québécois, d'autant plus que c'est le point de vue des employeurs, surtout au niveau de la formation technique. Alors, je suis contente de voir que vous avez manifesté un intérêt à participer aux travaux de notre commission.

Mme la Présidente, pour des contraintes de temps de mon collègue de l'Opposition, je vais lui laisser la parole immédiatement et je reviendrai en deuxième.

La Présidente (Mme Hovington): D'accord. Alors, M. le député d'Abitibi-Ouest, vous avez la parole.

M. Gendron: Mme la Présidente, je veux remercier la ministre de sa gentillesse de m'ac-commoder pour quelques minutes.

Alors, M. Le Hir, ainsi que les gens qui vous accompagnent, je veux, moi aussi, rapide-

ment, vous dire merci d'être là. Je pense que c'est important de vous entendre, surtout que, dès le départ, vous avez situé certaines réalités qui ne sont pas toujours agréables à entendre en termes de chiffres; et je fais référence, bien sûr, à l'étude des 300 critères de compétitivité de 22 pays.

Une généralité, mais importante. Je pense que, des fois, pour mieux savoir où l'on s'en va, il est très important de savoir d'où l'on part ou qui nous sommes. Pour certaines questions, c'est important de savoir qui nous sommes. Pour ia question qu'on discute, c'est important de savoir d'où l'on part pour mieux cerner les correctifs qui s'imposent au régime. C'est un mémoire qui nous rappelle la réalité que je viens d'indiquer au niveau des chiffres. Ce n'est pas toujours jojo, mais c'est important parce que c'est une réalité réelle; c'est important de bien cerner des choses qui correspondent à ce que nous sommes.

Votre mémoire nous rappelle ce que vous désirez. Vous avez fait savoir d'une façon assez claire ce que j'appelle, moi, vos besoins ou vos attentes. Vous avez également parié des grandes questions d'une façon peut-être plus succincte que d'autres. Vous parlez de modifier les programmes, d'une politique d'évaluation, de valoriser ia formation professionnelle et tehnique également. Et, là-dessus, il va falloir peut-être donner des précisions parce que, dans le discours, il y a de grands dangers.

Juste un petit aparté sur l'étude qui a été déposée ce matin. Il n'y a pas beaucoup d'employeurs, au Québec, qui ne sont pas contents. Je le dis bien: II n'y a pas beaucoup d'employeurs, au Québec, qui ne sont pas heureux de la formation technique que nous donnons, mais il n'y a pas beaucoup d'employeurs qui sont très heureux de la formation professionnelle qu'on dispense. Donc, quand on met ça ensemble, ça ne correspond pas à la réalité, d'après moi. Il faut distinguer entre la formation technique collégiale qui, règle générale, est assez bien reçue et correspond aux attentes des manufacturiers et des employeurs, alors que, pour la formation professionnelle, ce n'est pas toujours le cas, et ce n'est pas la même chose. J'ai l'impression qu'il va falloir préciser ces choses-là.

Vous avez également un mémoire qui traite de l'harmonisation des ordres d'enseignement et des formations, et je pense que vous avez raison. Entre la formation technique et la formation professionnelle, il vaut mieux harmoniser.

Ma collègue de Terrebonne va faire l'essentiel du questionnement. Moi, je voudrais juste, M. Le Hir, vous poser deux questions. La première, dans votre mémoire, à la page 6, je pense qu'avec raison vous dites que «les entreprises considèrent que ies institutions publiques d'enseignement doivent adapter leurs services à ces obligations. Par ailleurs, cette adaptation peut questionner la pertinence de certains aspects de la formation générale des étudiants et il serait souhaitable que ce questionnement mène à un rééquilibrage». Et vous n'y avez pas touché davantage. Il n'y a pas de blâme. C'est normal, votre mémoire est axé davantage sur votre compétence, mais, moi, je dis: A contrario, ce serait peut-être intéressant d'avoir justement le point de vue de gens qui sont plus préoccupés par une bonne formation technique qui répond aux besoins de l'industrie, de leur demander, quant à la formation générale, si on doit la toucher, si on doit retoucher à la formation générale. C'est quoi la place de la formation générale dans une bonne formation technique? C'est beaucoup? C'est peu? C'est uniforme et après ça on rajoute une formation technique? J'aimerais ça vous entendre là-dessus, sur la place de la formation générale dans une bonne formation technique. Et, intimement lié à cette question-là, est-ce que vous croyez que les programmes devraient être subordonnés aux besoins de l'industrie? Et c'est volontairement que j'emploie l'expression comme ça, sans la distinguer: Est-ce que les programmes tout court, en formation collégiale, devraient être subordonnés aux besoins des manufacturiers ou de l'industrie, ou inversement?

M. Le Hir: Oui. À votre première question, quant au besoin d'une formation générale, ce n'est pas remis en question. Un des points que nous soulevons justement, à un moment donné, c'est la nécessite que les gens aient appris à apprendre. Or, pour apprendre à apprendre, ça prend nécessairement une bonne formation générale. Quant au type de formation générale à dispenser, if ne faut pas penser qu'on a nécessairement une formation générale qui est universelle, et il est fort possible, par exemple, d'orienter la formation générale sur la formation subséquente qui sera reçue par les étudiants. Par exemple, quand on enseigne l'histoire au collégial, selon qu'on enseigne l'histoire à des gens qui se destinent aux humanités ou bien à ceux qui se destinent plutôt à la science et à la technologie, on peut songer à enseigner l'histoire des sciences si on veut favoriser le développement culturel dans une perspective de développement de culture industrielle, technologique et scientifique plutôt qu'une histoire strictement événementielle. Alors, c'est des choses comme celle-là. (10 heures)

Quant à l'idée que les programmes doivent être subordonnés, il ne s'agit pas de placer un lien de subordination, mais de comprendre que, de toute façon, de quelque enseignement qu'on parle, il doit tout le temps y avoir un certain degré de pertinence entre l'enseignement et les réalités du marché. Il ne s'agit pas de demander qu'on fabrique des automates, loin de là. De toute façon, il faut comprendre que, dans l'environnement technologique dans lequel on va vivre dorénavant, les automates ont de moins en

moins leur place. Et, au contraire, la recherche de la qualité totale suppose que les étudiants sont formés de façon à être capables de manifester le plus d'initiative possible, et cette initiative ne peut se manifester que dans la mesure où il y a des compétences de base qui ont été acquises.

J'aimerais laisser mes collègues rajouter un commentaire quant à la nécessité d'avoir des programmes par compétence.

M. Charland: Oui. Peut-être aussi demander à Michel Gagné, qui est l'expert chez Pratt & Whitney, de nous décrire un petit peu quelle orientation on suggère au niveau des manufacturiers en ce qui concerne, entre autres, les programmes par compétence. Qu'est-ce que ça signifie au niveau des manufacturiers, l'orientation que nous souhaitons?

M. Gagné (Michel): Je pense que, primor-dialement, on s'attend à ce que les institutions d'enseignement nous donnent des gens qui peuvent se sentir confiants, lorsqu'ils arrivent dans le milieu du travail, de prendre les responsabilités auxquelles on les assigne. Primordiale-ment, on ne veut plus avoir à donner une supervision qui est très étroite; on s'attend à ce que les gens soient déjà assez responsables pour pouvoir voguer et aller dans les directions techniques et technologiques qui sont essentielles. On s'attend, par exemple, dans un climat de travail présentement qui exige une préoccupation avec la qualité totale, à ce que les étudiants voient déjà ce genre de milieu lorsqu'ils sont dans l'institution d'enseignement. Par exemple, ce n'est pas nécessaire d'apprendre seulement dans les salles de cours; il y a des choses qui peuvent être apprises hors des heures de cours. On peut apprendre le leadership, par exemple, à partir de campagnes politiques à l'intérieur d'un cégep. On peut également voir des campagnes de nettoyage qui permettraient aux gens de comprendre la santé et la sécurité. Il y a donc toutes sortes de façons pour pouvoir s'assurer que l'enseignement ou que l'apprentissage se fasse durant les très nombreuses heures que les gens passent dans les institutions d'enseignement, et les compétences peuvent venir à ce moment-là de façon plus confiante. Encore une fois, ce qui est important, c'est que les jeunes nous arrivent avec un sens de savoir où se diriger pour qu'on leur donne l'opportunité d'être, d'une façon assez discrétionnaire, en charge de leur propre emploi du temps.

M. Le Hir: J'aimerais ajouter un point là-dessus. J'ai mentionné le cas de l'histoire mais on pourrait également mentionner le cas de la philosophie, parce que je sais qu'il en a été beaucoup question. Même pour des gens qui se destinent aux sciences et à la technologie, il y a place à une formation en philosophie, à l'histoire des idées, de la pensée. Pour des gens qui se destinent à une formation scientifique et techni- que, de savoir qu'il y a eu des gens comme Francis Bacon, ou bien Leibniz, ou bien Claude Bernard, c'est des choses extrêmement importantes pour eux. Et quelqu'un d'autre a déjà dit que «science sans conscience est la ruine de l'homme». Alors, il y a place pour la réflexion même chez les étudiants qui se destinent à la science et aux technologies.

M. Gendron: Merci, M. Le Hir. Merci, madame. Ma collègue va finir.

La Présidente (Mme Hovington): Mme la ministre.

Mme Robillard: M. Le Hir, vous avez dit publiquement, dernièrement: J'espère que la commission va parler davantage de la formation technique. Nous allons en parler ce matin. Et je voudrais qu'on aille plus loin dans cette idée-là au niveau de la formation générale dans la formation technique.

Vous venez de nous donner des exemples au niveau du contenu de la formation générale, à ce que je comprends, que vous voulez plus adapté au secteur technique, en conséquence. Mais, par ailleurs, non seulement au début de votre mémoire, mais à la fin de votre mémoire aussi, en conclusion, vous nous reparlez d'un ajustement, d'un juste équilibre qui doit être maintenu. Alors, sans parler du contenu, que vous voulez plus adapté, vous savez, M. Le Hir, que, présentement, au niveau du D.E.C., technique, la proportion de formation générale versus la formation de spécialisation, au niveau du quantum, c'est à peu près un tiers-deux tiers. Est-ce que l'Association des manufacturiers est toujours d'accord avec cet équilibre au niveau de la quantité?

M. Le Hir: Sur la question de l'équilibre, je pense qu'on ne veut pas nécessairement remettre cet équilibre-là en question, sauf peut-être pour vous souligner que ça prend beaucoup plus de l'un et beaucoup plus de l'autre. Et, si on maintient les proportions, on n'a pas de problème. Autrement dit, il faut que le bagage académique, avec lequel les étudiants sortent de l'école, soit plus lourd, autant dans le domaine de la formation générale que dans le domaine de la formation technique, et nécessairement plus pertinent.

Mme Robillard: Donc, la composante générale comme telle est toujours essentielle pour vous. Et vous dites: Au niveau du quantum, ça va; maintenant, au niveau du contenu regardons ça de plus près.

Mais je voudrais aller plus loin avec vous. Présentement, vous savez très bien que nous avons aussi des programmes d'attestation d'études collégiales, communément appelés A.E.C; nous avons des certificats d'études collégiales, corn-

munément appelés C.E.C., programmes dans lesquels il n'y a pas de composante de formation générale, mais strictement de la formation spécialisée. Il y a des intervenants qui sont venus en commission parlementaire et qui nous suggèrent de décortiquer le diplôme d'études collégiales en modules cumulatifs, de sorte que, pour la personne qui vient suivre aussi un cours au collégial, ça serait toujours une formation qualifiante. Mais ce module-là, nous dit-on, devrait contenir une partie de formation générale, une partie de formation spécialisée. Vous me suivez?

M. Le Hir: Oui.

Mme Robillard: Qu'est-ce que, vous autres, vous pensez, d'abord, de nos certificats actuels, de nos diplômes actuels, A. E.G. et C.E.C., et comment réagissez-vous à la proposition des modules où on retrouverait les deux types de formation?

M. Le Hlr: Je vais laisser mes deux collègues répondre à cette question.

M. Charland: Mme la ministre, je pense que notre approche a été choisie d'une façon bien précise pour vous communiquer exactement quelles étaient les attentes du monde manufacturier. Lorsqu'on parle d'approche de qualité totale, ce n'est pas juste pour utiliser l'expression à la mode qu'on essaie de vous transmettre. Ce qu'on essaie de faire, c'est de vous dire simplement: Regardez un petit peu l'organisation à l'intérieur des entreprises et essayez de monter des programmes qui répondent aux exigences à l'intérieur des entreprises.

Qu'est-ce que ça veut dire, ça, en termes concrets? Lorsque vous me posez la question: Est-ce que je dois monter mon programme avec un tiers de cours qui est de formation générale, deux tiers de formation technique? moi, je dois vous répondre: Bien, écoutez, si on regarde la réalité du marché du travail présentement, dépendamment à quel type de travailleur ou à quel type d'étudiant vous vous adressez, la façon de procéder va peut-être être différente. Il faut peut-être adapter des programmes de sorte que ça réponde aux exigences du marché, aux besoins du marché du travail. Et, pour ce faire, ce que je dis là-dedans, notre approche est de dire: Bien, écoutez, on essaie d'orienter les demandes des manufacturiers en fonction de programmes par compétence, que ça corresponde pour que quelqu'un qui arrive sur le marché du travail soit en mesure d'exécuter les tâches qui vont lui être assignées.

Maintenant, en termes de formation générale, pour que la personne soit capable ensuite, sur une période de temps donnée, de poursuivre sa formation par le principe de la formation continue, qu'elle soit capable d'apprendre, dans les années qui s'en viennent, les éléments de sciences nécessaires ou de techniques nécessaires, ce que, nous autres, nous vous communiquons, c'est, à ce moment-là, aux experts des autorités du ministère de déterminer quelles vont être les techniques qui doivent être utilisées pour être capables de bien répartir les programmes. (10 h 10)

Mme Robillard: M. Le Hir, concrètement, demain matin, nous abolissons les A.E.C. et les C.E.C. Il n'y en a plus. Nous mettons à la place trois modules pour parvenir au D.E.C. Chacun des modules correspond à une fonction de travail sur le marché du travail, et je n'ai aucun problème avec l'approche par compétence. Est-ce qu'à l'intérieur de chacun de ces modules-là vous voyez une composante de formation générale? C'est ça ma question.

M. Le Hir: Écoutez, je pense que c'est essentiel, et la raison pour laquelle ça l'est, c'est que, si on ne le fait pas, on va placer les personnes qui auront effectivement reçu cette formation-là dans une position extrêmement précaire, dans la mesure où elles n'auront pas appris à apprendre, à supposer qu'elles ne le sachent pas encore, et, lorsque la technologie évoluera, elles se retrouveront de nouveau en proie aux aléas qui peuvent leur faire perdre leur emploi.

Mme Robillard: Est-ce à dire que vous n'êtes pas satisfait des A.E.C. actuelles, dans lesquelles il n'y a pas de formation générale?

M. Le Hir: Écoutez, vous me demandez une question bien spécifique.

Mme Robillard: Oui.

M. Le Hir: Et je sais que vous le faites...

Mme Robillard: Oui.

M. Le Hir: ...à dessein. Mais je dois vous dire que j'hésite à vous répondre parce que, pour nous, c'est une question de plomberie. La façon dont vous organisez ça pour accommoder nos besoins, ça, ça ne nous regarde pas. Ce dont on vous fait part...

Mme Robillard: Ce n'est pas une question de plomberie...

M. Le Hir: ...c'est de nos besoins.

Mme Robillard: M. Le Hir, ce n'est pas une question de plomberie, c'est une question de principe de base. Est-ce que, dans toute formation, qu'elle soit courte ou plus longue, il y a une composante de formation générale? Parce que le marché du travail me dit que le jeune ou l'adulte a besoin d'une certaine polyvalence, a

besoin de capacités et d'habiletés de base. Donc, l'A.E.C. actuelle qui n'en contient pas, nous aurions un problème avec. Je ne vous demande pas de me dessiner le contenu du programme, ce n'est pas ça que je vous demande.

M. Le Hir: Si...

Mme Robillard: Nous sommes les experts pour le faire. Je vous demande si la composante de formation générale doit apparaître, même dans des programmes aussi courts qu'une A.E.C.

M. Le Hir: Je crois que oui.

Mme Robillard: Merci. Deuxième sujet, M. Le Hir. Est-ce que je dois comprendre, à la lecture du mémoire, que, de façon générale et globale, l'Association est satisfaite de la formation technique du collégial moyennant certaines améliorations?

M. Le Hir: Écoutez, quand on vous dit qu'on a des problèmes d'adaptation, quand on vous dit qu'on a des problèmes avec le rythme auquel les nouveaux programmes sont adoptés, ça ne veut pas dire qu'on est satisfaits, ça veut dire qu'on ne l'est pas. On considère tout à fait inacceptable que, dans une société où la technologie évolue aussi rapidement, cela puisse prendre jusqu'à cinq ans pour obtenir des modifications de programmes.

Mme Robillard: Parfait. Alors, le rythme de révision et de nouveaux programmes aussi à être implantés. Mais j'aimerais ça que vous me parliez... M. Le Hir, à la page 13, vous avez été très peu volubile sur des problèmes d'harmonisation entre le secondaire et le collégial. Y a-t-il problème? Si oui, quelles sont vos solutions?

M. Le Hir: Écoutez, je vais d'abord vous faire un commentaire général et je laisserai mes collègues ajouter les leurs. Quand vous nous demandez de nous prononcer sur l'équilibre entre ces deux secteurs-là, il faut que vous compreniez que ces secteurs-là sont des secteurs entre lesquels, pour nous, il y a des distinctions qui sont tout à fait artificielles, qui correspondent non pas à nos besoins, mais à vos besoins d'organisation à vous, comme gouvernement, dans la mesure où c'est vous qui devez gérer l'enseignement public.

Donc, il y a des distinctions que, nous, on subit; on fait face à une réalité sur laquelle on a très peu de prise jusqu'ici et ça crée des situations, des aboutissements dans lesquels on se trouve aujourd'hui. On vous dit: Écoutez, on ne veut pas gérer la chose à votre place, c'est votre responsabilité; on veut vous dire ce dont, nous, on a besoin. La façon dont vous allez l'organiser, on va nécessairement vous laisser ça, c'est votre responsabilité, mais on vous dit:

Écoutez, quant à nous, ces distinctions-là, on ne les voit pas toujours de façon très claire, mais on a, nous, à vivre avec les conséquences. Et, quant aux conséquences, ça nous crée des problèmes.

Mme Robillard: M. Le Hir, par ailleurs, je comprends de votre mémoire que vous êtes pour le maintien du cégep dans sa double filière, formation technique, d'une part, formation préuniversitaire. Est-ce que vous êtes en train de me dire que, volontairement, vous n'avez pas réfléchi sur cette question-là plus globale en disant: C'est votre problème, au gouvernement? Non. On a fait cette commission pour que vous nous disiez ce que vous en pensez.

M. Le Hir: Écoutez, encore une fois, nous sommes les gens qui vont utiliser le produit de la formation que vous dispensez: les étudiants. Ils arrivent sur le marché du travail, ils viennent nous voir, ils veulent un emploi. Ces étudiants-là, on doit voir ce qu'on peut faire avec et, à l'heure actuelle, d'une part, on se rend compte qu'on n'a pas des gens qui ont des profils de formation correspondant à nos besoins; ça, c'est une chose. Deuxièmement, pour ceux qu'on a, on n'en a pas en nombre suffisant; ça, c'est une deuxième chose. Et, quand on regarde ce qu'ils sont capables de faire, on a de sérieux problèmes parce qu'ils requièrent un niveau d'apprentissage ou de formation additionnelle qui entraîne des coûts importants pour les entreprises à un moment donné, dans une conjoncture économique - et je ne parie pas d'une petite conjoncture à court terme là, d'un an ou de deux ans, mais d'une période assez longue de 15 à 20 ans où on va devoir faire la restructuration de notre base industrielle - qui sont tout simplement des coûts que les entreprises vont avoir de la difficulté à supporter, à justifier. Et, après ça, vous demandez que je me prononce sur l'organisation du système, alors que je n'ai pas de prise sur ce système-là. Je préfère me placer dans la perspective - tout en sachant très bien que, la question, on ne la traite pas - de vous dire, au fond: Ça, c'est votre responsabilité, assumez-la. Mais tant que vous allez l'assumer de la façon dont elle est assumée présentement, on n'ira pas très loin.

Mme Robillard: Vous aviez une ouverture pour nous faire des suggestions, M. Le Hir, et c'est de ma responsabilité, de fait, comme membre du gouvernement, d'assumer le type d'organisation que nous avons en enseignement. Maintenant, la commission était ouverte aussi à des influences du milieu socio-économique, même sur le type d'organisation. Mais ce que je comprends, c'est que vous avez choisi de ne pas vous prononcer sur ça.

M. Le Hir: Non, écoutez, pour nous, c'est

simple: Que vous le fassiez dans le cadre du régime des cégeps ou bien dans les instituts techniques comme autrefois, ce qui compte, ce n'est pas nécessairement le véhicule que vous utilisez, mais le produit que vous livrez.

Mme Robillard: Parfait.

La Présidente (Mme Hovington): Mme la députée de Terrebonne.

Mme Garon: Merci, Mme la Présidente. M. Le Hir, M. Gagné, M. Charland, bienvenue. Je vais tenter, moi aussi, de poursuivre les principaux sujets qui ont été abordés pour essayer de mieux saisir ce que vous souhaitez comme changements concrets qui apporteraient solution aux problèmes que vous avez très bien analysés et très bien développés dans votre mémoire. Je pense que la situation que vous décrivez, c'est la situation exacte, réelle, qui est vécue par le milieu actuellement.

Lorsque vous parlez de l'importance d'harmoniser vos besoins, donc les besoins des entreprises, avec la formation qui est donnée dans les cégeps, c'est évidemment le point le plus important, cette harmonisation-là. Concrètement, les entreprises, qu'est-ce qu'elles sont prêtes à faire pour permettre cette harmonisation, bien concrète, sur le terrain, avec les cégeps?

M. Charland: II y a un point précis qui a été mentionné dans notre mémoire, à la page 10. Il y a un nouvel instrument qui va être mis à la disposition des industries, entre autres, et nous pensons que les modifications qui sont en voie de réalisation, soit la mise sur pied de comités sectoriels pour les secteurs industriels, va nous permettre d'être un véhicule pour exprimer les besoins de l'industrie d'une façon appropriée. Nous pensons que c'est l'un des éléments qui va pouvoir être utilisé comme tel. Je ne sais pas si mon confrère...

M. Gagné: Sur la question d'harmonisation, ce que nous sommes prêts, nous, les employeurs, à ajouter à ceci, c'est surtout fournir la formation interne qui est pointue, qui est celle qui viendra parfaire ce que les gradués auront reçu en institution, ce qui pourra nous donner, à ce moment-là, l'élan, la vitesse de croisière qu'on cherche, pour nous assurer que ces personnes pourront être, à ce moment-là, les plus compétitives possible. (10 h 20)

Ce qui est certain, cependant, c'est qu'on a eu jusqu'à présent des gradués qui nous ont plu, qui nous ont donné quand même une bonne prestation de travail. Il y a naturellement des lacunes et on sait que ça a été «adressé» au cours des derniers temps, des lacunes qui partent, en fait, d'un manque d'appréciation de ce que la réalité en entreprise est constituée de relations interpersonnelles, est constituée d'un besoin de communication qui est, en fait, constant. Et on aimerait s'assurer, nous, les employeurs, de ne plus avoir à les corriger, parce que les investissements qu'il faut qu'on mette dans notre enveloppe qui est également une enveloppe restreinte, les investissements qu'on a à mettre dans de la formation sur les questions de langue, sur les questions de communication ne nous permettent pas d'investir dans les aspects pointus. C'est là-dessus qu'on aimerait pouvoir s'assurer une collaboration, qui est d'ailleurs déjà, je pense, assurée de la part des institutions, pour qu'elles prennent des démarches, pour qu'elles fassent les correctifs nécessaires à leurs programmes pour nous donner des individus qui auront une meilleure approche interpersonnelle avec les autres travailleurs et qui auront, justement, à nous donner le temps nécessaire pour apprendre les technologies que nous pensons pouvoir harmoniser avec ce que le système fournit. Alors, c'est là-dessus. L'enveloppe, elle est restreinte pour le gouvernement, nous le savons, autant que pour nous, les employeurs. On aimerait déplacer l'argent à l'intérieur de cette enveloppe à l'intérieur de nos entreprises également pour pouvoir le porter sur l'aspect technique qui nous rendra encore plus compétitifs.

M. Charland: O.K. Si vous me permettez d'ajouter rapidement deux choses très objectives, deux points qui sont apportés. Les guides de stages en milieu de travail; vous savez sans doute que l'Association des manufacturiers du Québec est l'association qui s'est associée avec le Forum pour l'emploi pour développer les stages en milieu de travail. C'est une initiative qui a été lancée la semaine dernière. J'aimerais aussi que peut-être M. Le Hir apporte quelques commentaires sur les campagnes de valorisation qui sont peut-être un des phénomènes les plus importants. Lorsqu'on parle du manque de clientèle dans le secteur technique, la responsabilité des employeurs, et là vraiment c'est notre responsabilité, c'est de valoriser ce secteur-là. On a déjà pris certains moyens, les campagnes de valorisation, le concours «Les Meilleurs».

M. Le Hir: Avec le concours «Les Meilleurs», qui a été mis sur pied l'an dernier à l'initiative de plusieurs partenaires dont le ministère de l'Éducation, on a fait un bout de chemin dans le sens de la valorisation de la formation professionnelle, des métiers et des personnes qui les exercent. Mais on n'a qu'à assister à une sortie d'usine au Québec et à assister à une sortie d'usine en Allemagne, disons, pour prendre cet exemple, pour constater la différence d'attitude et la différence de valorisation personnelle des travailleurs. À cet

égard-là, ça, c'est un phénomène qui est plus culturel. Je veux dire, comme association, on peut s'accrocher à régler des questions bien précises, mais, lorsqu'on parle des questions de valeurs de société, ce n'est pas nous qui allons faire tout seuls toute la différence, loin de là. Lorsqu'on parle de changer des valeurs de société, c'est l'État qui a une responsabilité considérable là-dedans, et on souhaite que l'État prenne une part beaucoup plus active dans les efforts pour amener dans la façon dont on perçoit le travail d'usine, qui n'est plus du tout la même chose que ce qu'il pouvait être il y a 20, 25 ans, même si, quand vous assistez à cette sortie-là, vous avez l'impression d'avoir des images d'il y a a 25 ans...

Mme Caron: Je vous remercie. Vous répondez à ma question et vous répondez peut-être à une autre question que nous avions tantôt, c'est-à-dire concernant la formation générale. Lorsque vous mentionnez que vous souhaitez pouvoir faire davantage une formation pointue et que vous êtes obligés de vous consacrer à de la formation au niveau de la langue, au niveau de la communication, donc, pour vous, dans une formation générale, c'est important qu'il y ait des acquis au niveau de la langue, c'est important qu'il y ait des acquis au niveau de la communication. Or, ça m'apparaît des éléments extrêmement importants, extrêmement précis. Lorsqu'on parle de changements de société, de culture, lorsqu'on parle d'harmonisation, il faut effectivement qu'il y ait partage des deux côtés. On ne peut pas le faire si un des deux groupes remet à l'autre groupe les décisions. Il faut effectivement qu'il y ait harmonisation et que cette harmonisation se fasse aussi sur le terrain bien concrètement.

Il y a eu des éléments intéressants. On se parle des stages, on se parle évidemment des Olympiades de la formation professionnelle. On sait que pour que des jeunes choisissent la formation technique et professionnelle, cette valorisation-là, il faut qu'elle commence quand on est tout jeune. Si on fait de la valorisation uniquement rendu au niveau collégial, il est trop tard. Est-ce que, concrètement, vos entreprises sont prêtes à s'associer directement sur le terrain avec les commissions scolaires, dans les écoles primaires, dans les écoles secondaires, pour organiser des activités de valorisation pour davantage permettre aux jeunes de connaître ces métiers-là pour pouvoir les exercer?

M. Le Hir: Je pense que la réponse à votre question, c'est oui. Et la réponse additionnelle à votre question, c'est: On le fait déjà. Il y a déjà plusieurs exemples d'entreprises qui sont impliquées directement dans la valorisation à tous les niveaux. La question, c'est simplement d'étendre, de généraliser, finalement, ce qui encore n'est pas tout à fait aussi complètement répandu qu'on le souhaiterait. Mais vous com- prenez qu'il y a une espèce d'interaction. Autrement dit, on fait un bout de chemin, quelqu'un d'autre fait un bout de chemin et puis ça nous incite à faire un autre bout de chemin.

Il faut maintenant, à partir de la masse des bonnes volontés qui s'est déjà exprimée, que d'autres assument un relais pour que, par la suite, on soit motivés encore davantage à aller dans le même sens.

Mme Caron: Lorsque vous recevez des employés dans vos manufactures, est-ce que vous faites une différence selon les diplômes qu'ils reçoivent? Si un employé se présente avec une attestation d'études collégiales ou avec un certificat ou avec un D.E.C., est-ce que, pour vous, il y a des différences? Puisque vous nous mentionnez, à la fin du mémoire, page 14, qu'il y aurait peut-être lieu de réexaminer une autre façon, que c'est peut-être possible de prendre des moyens différents, est-ce que, pour vous, les trois diplômes sont identiques? Est-ce que vous êtes prêts à les reconnaître de la même manière?

M. Le Hir: Je vais laisser M. Gagné répondre à cette question-là.

M. Gagné: En tant qu'employeur, on vise toujours le succès de tous ceux qui sont embauchés par l'entreprise. Je pense que c'est difficile de généraliser si tel ou tel ou tel diplôme est favorisé ou si on traite les gens d'une façon particulière ou différente.

On remarque, par contre, que les qualités personnelles font plus souvent qu'à leur tour le succès d'une personne au travail. De ce côté-là, les acquis techniques ou les acquis qui viennent avec la personne sont des choses qu'elle va pouvoir mettre en pratique. On peut prendre deux personnes de qualité égale, de ce côté-là, en termes de ce qu'elles auront reçu comme éducation, si les qualités personnelles ne permettent pas de la mettre en évidence et de l'exploiter, il y aura définitivement une différence de perception et de réaction qui va arriver.

Pour nous, c'est important de s'assurer qu'on donne aux gens le plus possible l'opportunité d'avoir un succès rapide, une perception par tout le monde qu'ils sont, justement, des gens compétents. Alors, on cherche la collaboration des institutions d'enseignement pour nous donner ce genre de produit.

La Présidente (Mme Hovington): Alors, c'est tout le temps que vous aviez, Mme la députée de Terrebonne. M. le député de Rimouski.

M. Tremblay (Rimouski): Oui, Mme la Présidente, M. le président de l'Association des manufacturiers et les personnes qui l'accompagnent. Vous faites un rapport, vous nous donnez des statistiques quant à la compétitivité du Québec ou du Canada parmi les pays industriali-

ses de ce monde. Sauf que cette compétitivité, elle n'est peut-être pas si alarmante que vous semblez vouloir le mettre sur la place publique lorsque l'on regarde les secteurs dans lesquels nous excellons, par Bombardier, par exemple, Pratt & Whitney d'où vous venez, vous, M. Gagné, je pense, et le jet régional pour Bombar dier, également Hydro-Québec, toutes les centrales hydroélectriques que nous bâtissons avec de la main-d'oeuvre québécoise, des compétences québécoises. Moi, ça m'interroge un peu.

Étant donné que vous êtes représentant ou, encore, que vous travaillez chez Pratt & Whitney, vous faites appel beaucoup à de la main-d'oeuvre qui est formée dans nos cégeps. Je voudrais savoir si, vous, vous vous inscrivez dans les 87 % des employeurs qui sont satisfaits de la main-d'oeuvre qui est formée dans nos cégeps.

(10 h 30)

M. Gagné: Au départ, les personnes qu'on reçoit des cégeps nous plaisent beaucoup. Ce sont des personnes qui ont eu l'occasion de développer le mieux, avec leurs habiletés, ce à quoi elles ont été exposées. C'est parfois, je pense, triste, cependant, d'entendre certains de ces individus nous dire qu'ils ont fini d'apprendre, que, lorsqu'ils ont gradué, c'était, finalement, la fin de leur apprentissage. On entend parfois ce genre de remarques. C'est ce qui m'attriste. Alors, moi, je pense que c'est cette notion qui est pour nous très importante, que chacune des institutions puisse s'assurer de développer une volonté de continuer de s'améliorer. De ce côté-là, je ne peux pas faire une distinction entre une ou l'autre des institutions pour dire qu'elles ont toutes eu un succès à nous donner des gens qui peuvent entrer dans une entreprise et être immédiatement productifs. On a certainement, avec l'encadrement qu'on fournit, rencontré des personnes qui nous ont donné des prestations de très haute qualité. Nous avons des gradués des cégeps qui sont maintenant dans des postes de direction et nous leur offrons, ce qui est encore plus intéressant, l'opportunité, lorsqu'ils auront passé quelques années chez nous, qu'ils auront développé une réputation, une crédibilité, de poursuivre des études universitaires et l'entreprise paie une portion significative des coûts associés à ça. On cherche même à ce que la personne aille chercher sa dernière année de scolarité universitaire en prenant une année sabbatique et nous payons une portion du salaire. Ça, les entreprises le font, en particulier, je pense, les grandes entreprises. Il faut trouver une façon pour encourager les petites et moyennes entreprises à pouvoir embarquer dans ce même genre de pattern.

M. Le Hir: Sur la question de la compétitivité que vous avez soulevée, je veux répondre à une des choses que vous avez dites au début. Vous dites exprimer un certain malaise par rapport à l'image peut-être un peu négative qu'on trace, et vous mentionnez des exemples qui, à juste titre, sont des exemples pertinents de réussite au Québec. Cependant, il faut regarder que la compétitivité constitue une mesure de notre capacité à créer de la richesse. Or, lorsqu'on regarde aujourd'hui la richesse qu'on crée par rapport à la richesse qui est créée ailleurs et qu'on regarde la position qu'on occupait il y a 20 ans ou 25 ans, force est de constater que notre situation ne s'est pas améliorée, elle s'est détériorée. Il faut absolument et il est même urgent de reconnaître cette situation.

La Présidente (Mme Hovington): Alors, en conclusion, Mme la ministre.

Mme Robillard: M. Le Hir, dans votre mémoire, vous n'abordez pas la question du financement du réseau collégial. Deux courtes questions. Certains intervenants nous ont suggéré une taxe sur la masse salariale des employeurs. Qu'en pensez-vous? Deuxièmement, est-ce que vous avez réfléchi à la question des droits de scolarité pour les jeunes, au niveau collégial?

M. Le Hir: Oui. Sur la question du financement, c'est une question qui, évidemment, était très délicate et elle est d'autant plus délicate qu'à l'heure actuelle nous traversons une crise économique importante où, déjà, on éprouve de sérieux problèmes avec le fardeau fiscal que doivent déjà assumer les entreprises. Alors, dire aux entreprises qu'elles vont devoir assumer une augmentation de ce fardeau de façon uniforme, c'est particulièrement odieux à ce stade-ci, d'autant plus qu'il faut se rappeler qu'il y a une espèce de contrat social qui a été conclu au Québec, au moment de la réforme du système d'enseignement, en vertu duquel, par les impôts qu'ils payaient, les citoyens, les entreprises assumaient une partie de ce fardeau-là.

Aujourd'hui, on nous dit: Acceptez-vous de contribuer davantage? Bien, on dit: On pensait qu'on avait déjà acheté ça avec les impôts qu'on payait déjà. Alors, ça, c'est difficile à accepter, comme je le dis, de façon uniforme. Il existe des entreprises qui sont dans des situations différentes, notamment les très grandes entreprises, et qui sont en mesure, et qui le font déjà, d'investir bien davantage que les 1 %, 1,5 % ou 2 % dont il a été question ailleurs. Je ne pense pas que ça serait nécessairement se donner un coup de main, comme société, que de placer celles qui ne sont pas en mesure de le faire dans une position où leur compétitivité serait encore plus faible et qu'on perde encore des emplois au moment où on en a justement besoin le plus.

Mme Robillard: Deuxième question, les droits de scolarité?

M. Le Hir: Voulez-vous me la reformuler

celle-là, s'il vous plaît?

Mme Robillard: Est-ce que l'Association s'est positionnée par rapport à des droits de scolarité chez les jeunes au niveau collégial?

M. Le Hir: À payer des frais de scolarité? Mme Robillard: Oui.

M. Le Hir: Non, nous n'avons pas pris position là-dessus mais, en principe, ce n'est pas une chose à laquelle nous nous objectons.

Mme Robillard: Malheureusement, le temps est écoulé. On aurait pu aller plus loin sur la question. M. Le Hir, je vous remercie d'être venu partager vos réflexions avec les membres de la commission et je retiens bien le message que, au niveau de l'Association des manufacturiers du Québec, vous insistez pour que toutes nos personnes qui reçoivent de l'enseignement collégial, que ce soit sous forme de formation courte ou plus longue, que cette formation contienne une partie de formation générale si nécessaire. Merci bien.

La Présidente (Mme Hovington): Au nom des membres de la commission de l'éducation, je vous remercie d'être venus nous présenter votre mémoire. Je vous souhaite une bonne journée.

J'inviterais à prendre place maintenant la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, immédiatement, s'il vous plaît.

S'il vous plaît, veuillez prendre place. La commission de l'éducation va reprendre ses travaux. C'est M. Fernand Daoust, président de la FTQ, je crois bien, qui sera le porte-parole.

M. Daoust (Fernand): Oui.

La Présidente (Mme Hovington): Bienvenue à la commission de l'éducation. Si vous voulez bien nous présenter les membres qui vous accompagnent.

Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)

M. Daoust: Avec plaisir, madame. À ma gauche, Guy Cousineau, vice-président de la FTQ et secrétaire général du Conseil des travailleurs et travailleuses du Montréal métropolitain.

La Présidente (Mme Hovington): Bonjour.

M. Daoust: À ma droite, Michel Blondin, qui, déjà, depuis cinq ans, est au Conseil des collèges, fait partie du Comité de la formation professionnelle de la FTQ et oeuvre au Fonds de solidarité des travailleurs du Québec.

La Présidente (Mme Hovington): Bonjour.

M. Daoust: Claude Ducharme, lui aussi vice-président de la FTQ et directeur québécois des Travailleurs canadiens de l'automobile.

La Présidente (Mme Hovington): Bonjour. Vous avez 20 minutes pour nous présenter votre mémoire.

M. Daoust: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Il y avait quelqu'un d'autre, et qui s'avance, Mme Murielle Belisle, permanente du Syndicat canadien de la fonction publique.

La Présidente (Mme Hovington): Je trouvais que les femmes manquaient dans votre groupe, M. Daoust. Bienvenue, Mme Belisle.

M. Daoust: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Commme vous avez pu en juger par la lecture de notre mémoire, notre organisation entretenait un certain nombre d'inquiétudes quant à la façon dont fut convoquée cette commission parlementaire et sur ce qui en sortirait. À présent que les audiences ont commencé depuis quelques semaines, je dois dire que nous sommes passablement rassurés. Nous assistons à un débat de qualité. La rigueur prend de plus en plus la place de la rumeur publique, les solutions extrêmes sont le fait d'un petit nombre, les principaux enjeux rassortent clairement.

Nous croyons également qu'un consensus se dessine autour du fait qu'il faudra, tôt ou tard, en venir à une réflexion globale, une réflexion qui s'attaque à l'ensemble de notre système d'enseignement ici, au Québec. Mais je ne veux pas dire par là qu'il ne faut rien faire entretemps, loin de là.

Deux tentations nous menacent, auxquelles il faut résister. Je décrirai la première comme ceci: Ne rien faire parce que tout, parce que tant est à faire. De nombreuses améliorations, de nombreux correctifs peuvent être apportés à court terme au fonctionnement des cégeps, et nous espérons que cette commission parlementaire sera un déclencheur. Mais il faut aussi inscrire cette démarche d'amélioration à l'ordre collégial dans le cadre d'une stratégie à plus long terme qui mènera notre société à une réflexion et une action plus globales. En ce sens, la deuxième tentation qui nous menace, c'est ce que j'appellerais l'activisme. Accumuler les petites réformes et les correctifs et oublier l'essentiel, à savoir qu'un système d'enseignement est une illustration, une cristallisation privilégiée d'un projet de société. En éducation, il ne suffit pas de connaître la prochaine étape. Il faut connaître la destination, le chemin emprunté, le moyen de transport, le nombre et l'identité des voyageurs et des voyageuses. (10 h 40)

Permettez-moi maintenant de résumer à grands traits notre mémoire. La FTQ, comme vous le savez, représente directement quelques

groupes d'employés de soutien du réseau collégial et ceci nous a inspiré quelques propos. Par ailleurs, je peux dire que ce mémoire est essentiellement le fruit de la réflexion qu'a menée notre organisation sur les enjeux relatifs à la démocratisation de l'enseignement et, par la force des choses, à la démocratisation de notre société, ces enjeux, donc, que le débat sur les cégeps met en cause.

L'époque est plutôt aux bilans comptables, quel que soit le sujet en cause. Certes, et nous l'affirmons avec force dans notre mémoire, les dépenses, en éducation, sont un investissement, mais cet investissement dépasse les enjeux comptables, dépasse les enjeux économiques. Il concerne l'organisation de notre société et tout particulièrement le traitement des inégalités sociales. Il concerne aussi notre apport à la culture, à la science et à l'histoire, tout domaine traversé, bien sûr, par l'enjeu des inégalités sociales.

Notre mémoire se structure autour des thèmes suivants: l'organisation de la présente consultation, le cégep comme outil de démocratisation, l'enseignement professionnel, la formation continue et les services aux collectivités.

L'organisation de la présente consultation. La FTQ compte beaucoup sur cette commission parlementaire pour assainir le climat entourant le débat sur l'avenir des cégeps. En effet, en l'absence d'expressions d'intentions claires de la part du gouvernement eu égard aux cégeps et compte tenu des carences relatives au mode d'évaluation des enseignements dispensés aux cégeps, le débat s'est engagé dans un certain désordre, s'appuyant, par exemple, sur des données anecdotiques, partielles et franchement discutables.

Cet abandon des cégeps à la rumeur publique est d'autant plus injuste que l'enseignement collégial n'est pas le seul ordre d'enseignement qui suscite des interrogations dans les milieux concernés et, en pratique, le cégep hérite des problèmes particulièrement aigus qui hypothèquent l'ordre d'enseignement secondaire. Cette commission parlementaire pourra, nous l'espérons, contribuer à réablir un climat de dialogue et d'ouverture. Le climat de dénigrement et de suspicion auquel il faut mettre un terme ne peut qu'entraîner la démotivation des personnels des cégeps et des élèves eux-mêmes.

De façon plus générale, nous croyons que notre réseau d'enseignement collégial devrait faire l'objet d'une réappropriation collective. Il s'agit là d'un débat de société qui concerne l'avenir de notre société québécoise. Le masochisme collectif n'a pas sa place. Identifions les problèmes, cernons les malaises et apportons les correctifs.

Le cégep comme outil de démocratisation. Les quatre aspects que nous passons en revue sont les suivants: le financement du réseau, l'accès au réseau et aux différentes filières, la réussite scolaire et, enfin, la qualité de la formation, autant de thèmes qui relèvent, selon la FTQ, d'une conception généreuse de la notion de démocratisation. C'est cet objectif qui a présidé, pour l'essentiel, à la réforme scolaire dont rétablissement du réseau collégial fut une pièce maîtresse. Nous croyons que c'est principalement selon ce critère que les collèges doivent être évalués. En outre, nous sommes convaincus que la recherche de la démocratisation rejoint nécessairement les objectifs d'efficience que nous avons peut-être tendance à mettre davantage de l'avant depuis une décennie.

Nous entamons notre réflexion sur la démocratisation par la question du financement du réseau collégial, financement déficient qui oblige les administrations collégiales à des acrobaties budgétaires et, plus gravement, met en cause la qualité de l'enseignement et des services dispensés dans le réseau. Le financement des cégeps relève de notre responsabilité collective et il y a une certaine mauvaise foi à accuser les cégeps de tous les maux, alors qu'ils doivent faire souvent toujours davantage avec toujours moins d'argent.

La FTQ, qui par l'intermédiaire du SCFP, regroupe quelques groupes d'employés de soutien dans les cégeps, est, bien sûr, particulièrement sensible à leurs conditions. En raison des normes d'allocations budgétaires, les personnels non enseignants des cégeps, au même titre que les postes budgétaires de nature logistique, le matériel, le chauffage, sont les cibles privilégiées des coupures, mais il faut se rendre compte que ces coupures ont aussi des conséquences sur la qualité de l'enseignement et nous en donnons plusieurs illustrations dans notre mémoire.

Nous pouvons, par ailleurs, être relativement satisfaits de la performance des cégeps en matière d'accès à l'enseignement supérieur. Le réseau collégial a permis à la société québécoise de hausser significativement son taux de scolarisation, de démocratiser l'accès à l'enseignement supérieur. Cette démocratisation est particulièrement évidente si on la considère sous l'angle des régions et des étudiants adultes. Par ailleurs, il ne sert à rien de se dissimuler certains problèmes récurrents comme la persistance de l'effet des inégalités socio-économiques ou encore la sous-diplomation dramatique qui caractérise certes le cégep, mais aussi l'ordre d'enseignement secondaire. Enfin, il convient de se préoccuper des attitudes des élèves du sexe masculin qui affichent des taux de décrochage et de non-diplomation absolument inquiétants.

La FTQ se préoccupe également des inégalités d'accès aux différents programmes et de l'opprobre qui frappe encore beaucoup de programmes professionnels, insuffisamment fréquentés, ainsi que les filières non scientifiques qu'on semble réserver aux élèves plus faibles. La lourdeur qui caractérise le processus de modification des programmes du réseau a ainsi permis la

disparition de la compétitivité entre les différentes filières et l'instauration d'une hiérarchie malsaine qui dévalorise les enseignements de nature spéculative et critique.

De plus en plus on parle maintenant de démocratiser l'accès à la réussite scolaire. Il ne suffit pas d'entrer à l'école, il faut aussi en sortir muni du diplôme et d'un bagage intellectuel et technique qualifiant et exigeant. Il nous apparaît qu'il faut faire des efforts sérieux pour créer les conditions qui feront que les jeunes investiront plus sérieusement dans leurs études. On a eu tendance à niveler par la base, à abaisser les exigences. Ici aussi on ne peut passer sous silence que ce problème s'installe avant le cégep et que les exigences trop faibles pour l'obtention du diplôme d'enseignement secondaire doivent contribuer lourdement à dévaloriser l'effort scolaire aux yeux mêmes des jeunes.

C'est dans le cadre de cette discussion que la FTQ aborde le sujet épineux du travail rémunéré des jeunes. Il nous apparaît que, contrairement à ce qui arrive trop souvent, l'allocation du temps exigé par les études devrait être le premier impératif structurant le budget tant d'un étudiant ou d'une étudiante à ses yeux mêmes et aux yeux des parents et des personnels scolaires. Le haut niveau d'acceptation sociale que reçoit la pratique du travail rémunéré étudiant est certainement en lien avec notre «nord-américanité» et la segmentation du marché du travail qu'on retrouve sur ce continent où s'est développé un secteur d'emploi instable, précaire et rencontrant tout juste, ou même pas, les normes minimales légiférées. Il s'agit d'un problème important qu'il faut aborder sous l'angle des conditions de la réussite scolaire ainsi que des contrôles qu'il convient d'imaginer pour contrer la surexploitation des jeunes.

Nous terminons cette section du mémoire par des propos sur la qualité de la formation dispensée, car la réussite scolaire ne devrait pas s'arrêter à la diplomation, ni même aux résultats académiques. Aucune société ne peut faire l'économie d'une réflexion permanente sur la nature et la quantité des savoirs autour desquels doivent se structurer les divers ordres d'enseignement. La FTQ partage certaines inquiétudes concernant la qualité de la formation générale et de la formation fondamentale, et nous illustrons cette préoccupation par un cri d'alarme. Le cégep ne prépare pas les jeunes à être des citoyens et des citoyennes responsables, informés, critiques. Nous nous en expliquons dans le mémoire. (10 h 50)

L'enseignement professionnel. Nous faisons, dans notre mémoire, une évaluation globalement positive de l'enseignement professionnel dont il faudrait, en réalité, assurer la promotion. Nous accompagnons ceux et celles qui s'interrogent sur l'opportunité de permettre le cumul des forma- tions courtes ou moyennes dans une démarche d'obtention d'un D.E.C. professionnel. Enfin, nous regrettons que les organisations syndicales ne soient pas davantage impliquées dans la nécessaire évaluation de l'adéquation des formations professionnelles aux besoins du marché du travail.

La formation continue. Le réseau d'enseignement collégial a largement participé à l'explosion de la demande en formation générée par des adultes désireux de parfaire leurs compétences professionnelles, de s'en bâtir une nouvelle, ou encore d'acquérir des connaissances générales. Les bouleversements qui ont balayé l'organisation économique et les systèmes productifs cette dernière décennie ont, en outre, amené beaucoup d'entreprises à se tourner vers les établissements collégiaux pour adapter leur main-d'oeuvre aux changements. Nous croyons, à la FTQ, que les cégeps ont globalement été à la hauteur des attentes et ont su réagir avec la promptitude et la flexibilité nécessaires.

Nous ne pouvons guère parler de formation continue sans revenir sur des problèmes non réglés comme les investissements encore trop faibles consentis en matière de formation professionnelle par les entreprises québécoises, l'absence de congés-éducation, ou l'insuffisance des programmes d'adaptation de la main-d'oeuvre de nature préventive. Nous espérons que la création de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre contribuera à apporter certains correctifs.

Nous insistons, dans notre mémoire, sur certains aspects relatifs à la formation continue. Ainsi, mettons-nous l'accent sur la nécessité d'améliorer les services de soutien offerts par les cégeps aux adultes, services insuffisants, souvent assurés par des salariés précaires qui travaillent dans des conditions peu favorables. De même faut-il rompre avec une mentalité encore beaucoup trop bureaucratique qui amène à mettre de façon indue l'accent sur des normes, par exemple les crédits, les diplômes, plutôt que sur les connaissances et acquis réels des adultes en quête de perfectionnement professionnel. Beaucoup trop d'adultes qui n'ont pas eu la chance de profiter de la démocratisation scolaire sont rejetés de l'institution scolaire malgré leur désir d'apprendre parce qu'ils ne satisfont pas formellement à des exigences administratives méconnaissant leurs compétences réelles.

Enfin, la FTQ profite de cette commission pour déplorer l'absence totale d'organisation collective de la clientèle adulte du réseau d'enseignement collégial. Cette situation nous apparaît néfaste à la promotion et à la défense des droits et revendications des adultes fréquentant le cégep. A cet égard, nous appuyons sans réserve les revendications formulées par les organismes regroupant des étudiants et étudiantes engagés à temps partiel dans des études universitaires.

Les services aux collectivités. La FTQ ne pouvait se présenter devant cette commission sans manifester sa préoccupation à l'égard des services aux collectivités. Ces derniers n'ont pas fait l'objet, à l'époque de la création du réseau, d'une mention spécifique dans la loi constitutive. Cependant, plusieurs collèges ont, dans les faits, consacré des efforts à cette mission implicite. Il nous apparaît cependant que, d'une part, les services aux collectivités, là où ils étaient formalisés, ont été victimes des compressions budgétaires et que, d'autre part, les services aux entreprises tendent souvent à remplacer les services aux collectivités.

La FTQ constatant que les cégeps se sont, dans l'ensemble, éloignés des populations, et notamment des organisations syndicales - ceci est encore plus vrai dans les grands centres urbains - souhaite donc que la présente commission parlementaire soit l'occasion de remettre cette question à l'ordre du jour.

Et je vais finir par la conclusion de notre mémoire. Même si nous avons exprimé un point de vue critique sur le climat dans lequel fut convoquée cette commission parlementaire, point de vue que nous avons quelque peu nuancé et rendu beaucoup plus positif, comme vous l'avez vu, il est clair que notre organisation, quoi qu'il advienne, aura contribué à assainir le débat en permettant de sortir de ce dernier des milieux immédiatement intéressés à l'éducation, et en faisant ressortir les faits plutôt que les caprices de la rumeur publique.

Nous croyons, Mme la ministre, Mme la Présidente aussi, que notre système d'enseignement a autant d'importance, pour l'avenir du Québec, que le débat constitutionnel. Il faudrait collectivement nous en convaincre, et vous, de même que l'ensemble de vos collègues au cabinet, avez un rôle capital à jouer. Il vous appartient de jeter les bases d'un nouveau chantier collectif, de le faire de façon positive. Cessons de dénigrer ce que nous avons bâti. Mais cessons aussi de répondre par le fatalisme et l'impuissance aux signaux indiquant que nos investissements dans notre système d'enseignement ne donnent pas les résultats nécessaires. Chacun, chacune doit mettre l'épaule à la roue et nous sommes de ceux-là.

Nous avons, quant à nous, confiance en la capacité du réseau collégial d'apporter des redressements. Nous réitérons que bien des problèmes relèvent des ordres d'enseignement antérieurs. Nous ne cessons de le dire tout au long de notre mémoire. Il faut envisager globalement la situation sans pour autant remettre l'action sine die. Le Québec n'est pas seul à être traversé par des interrogations sur son système d'enseignement; c'est le lot de toutes les sociétés industrialisées, et la conséquence directe de la transformation des systèmes économiques et productifs. Il y a tant à faire que nous avons intérêt à comprendre la mise en place des nécessaires réformes dans un climat de collaboration et de solidarité.

La Présidente (Mme Hovington): Merci beaucoup, M. Daoust. Mme la ministre, vous avez la parole.

Mme Robillard: Merci, Mme la Présidente. M. Daoust, je veux vous dire mon intérêt à vous entendre, comme Fédération des travailleurs et des travailleuses du Québec, sur ces questions si importantes pour l'avenir de nos jeunes et pour le développement social du Québec, parce que c'est ce dont il s'agit, quand on parle d'éducation. Et je suis très heureuse de voir que vous nuancez votre réaction par rapport à la pertinence de cette commission parlementaire, parce que vous savez, M. Daoust, si j'ai voulu cette commission parlementaire, c'est justement pour clarifier toute cette situation de sous-entendus, d'allusions, de dénigrements, comme vous dites, de rumeurs, que, très souvent, on fait dans les corridors ou au coin des rues.

C'est le moment de venir faire un débat public et de rechoisir publiquement le cégep. Et comptez sur moi que, suite à cette commission parlementaire et suite au consensus et aux convergences qui se dessinent dans cette commission parlementaire, je ne serai plus disposée à entendre des allusions et des rumeurs. C'était et c'est le moment ou jamais de le faire publiquement, ce débat. Et c'est pourquoi, depuis le début de cette commission et je suis d'accord avec vous, M. Daoust, je suis fort heureuse de voir qu'on ne fait pas un débat de structures, mais qu'on va au fond des choses, au contenu même de la formation. Et la qualité des débats de tous les intervenants ici se situe à ce niveau-là et vous m'en voyez fort heureuse.

Et, M. le président de la Fédération des travailleurs et des travailleuses du Québec, j'aimerais ça aborder avec vous la question de l'enseignement professionnel. Vous le dites en partant, dans votre mémoire, à la page 19, selon vous, «l'enseignement professionnel collégial est un succès». Et vous expliquez ce sur quoi repose cette affirmation. Et à l'intérieur de ce chapitre-là, M. Daoust, vous nous faites quand même des suggestions pour améliorer cette formation professionnelle et vous dites très clairement «le réalisme oblige à envisager des formations plus courtes ou modulées». Pourriez-vous m'éclairer davantage sur votre proposition? (11 heures)

M. Daoust: Oui, mais avant d'aborder cette question sur des formations plus courtes ou modulées, je voudrais vous dire notre admiration, notre satisfaction à l'égard de ce qui se fait dans les cégeps dans le domaine de l'enseignement professionnel. Dans notre mémoire, on rappelle que c'est un lieu de formation de main-d'oeuvre à fort niveau de technicité et de compétence et que, dans l'époque cruciale que

nous connaissons - et on parie de systèmes productifs, de stratégies industrielles - nous nous sommes collectivement dotés d'un très, très grand atout, dont il faut, par tous les moyens, valoriser l'importance, et valoriser l'importance de la formation professionnelle.

On a l'outil, on a les compétences, on a les disponibilités, les volontés, sans aucun doute, mais il y a quelque chose qui nous inquiète, c'est la valorisation de ce type d'enseignement. Là-dessus, nous sommes disposés, quant à nous - et nous ne sommes pas les seuls - à participer à tout effort - et nous le faisons depuis déjà un bon bout de temps - pour mettre en place des campagnes de sensibilisation à l'égard de la nécessité ou de l'obligation de convaincre les jeunes, hommes et femmes, de se diriger de plus en plus vers ce secteur.

Une inquiétude que nous avons soulevée aussi, c'est le taux de diplomation qui est moins élevé que dans l'enseignement général, alors qu'on sait fort bien que les débouchés sur le plan de l'emploi, pour ceux et celles qui se sont dotés d'un enseignement professionnel de qualité, sont présents et de qualité.

À l'égard de ces formations un peu plus courtes ou modulées, on sait, à ce moment-ci, que la durée est de trois ans et on s'interroge, nous. On n'a pas réponse à tout, on s'interroge et on voudrait que cette réflexion-là soit nourrie par ceux et celles qui sont plus impliqués dans le secteur comme tel, au niveau de l'enseignement. Mais on s'interroge - parce qu'on est de ce côté-ci de l'enseignement, si vous voulez - sur la durée de ces cours-là et sur le fait qu'ils ne puissent pas être ou difficilement modulés. On veut bien suivre et continuer à réfléchir dans ce domaine-là. Il y aurait peut-être une hypothèse à retenir: Que dans certains cas, certaines filières, comme on le dit dans notre document et comme vous le dites, dans le jargon traditionnel du milieu, l'hypothèse d'une formation inférieure à trois ans pourrait être retenue et pourrait peut-être éviter le phénomène du décrochage ou de la non-diplomation, puisqu'il y a une corrélation entre les deux, si la durée était un peu plus courte et si, toutefois - ça va de soi, c'est une évidence - au bout de cette durée, il y avait un diplôme qui soit reconnu.

Il y a aussi un aspect qu'on voudrait soulever, et peut-être que c'est implicite dans votre question: II me semble qu'il y aurait un très grand intérêt à impliquer les organisations syndicales dans la mise à jour de tous ces programmes de formation professionnelle. Je ne peux pas concevoir que ça ne se fasse pas, alors que les modèles les plus stimulants qui nous sont présentés de temps à autre, ceux que, de part et d'autre, on va visiter, que ce soit l'Allemagne ou d'autres pays, mais particulièrement l'Allemagne... on voit à quel point il y a une implication des organisations syndicales à l'égard du contenu des cours et de toute l'organisation de la formation professionnelle à l'intérieur des institutions. Ils ont une culture, dans ce domaine-là, qui provoque une très grande envie. Cette culture-là n'est pas née spontanément, elle a été alimentée par une très grande ouverture d'esprit et aucune espèce de mépris à l'égard des travailleurs et des travailleuses, de ceux qui font et façonnent les produits ou qui donnent les services. Il y a donc de ce côté-là, encore une fois, beaucoup d'aspects positifs.

Alors, il faudrait, il me semble, s'ouvrir de plus en plus et que de ce côté-là les structures officielles des cégeps manifestent un peu moins de timidité. Quant à nous, les bras sont là grands ouverts, la main est tendue. Peut-être que c'est moins sûr, mais on le souhaiterait tellement. Ça se fait, soit dit en passant - d'autres peuvent vous en parier - dans certains secteurs. On pense à la pétrochimie, à Montréal, où un syndicat de la FTQ, le Syndicat des travailleurs de l'énergie et de la chimie, collabore de très près avec l'entreprise. Évidemment, il y a une très grande collaboration. Et les cégeps, peut-être que Michel pourrait nous en dire un mot dans le domaine des échanges tellement indispensables pour façonner les programmes et faire état des besoins qui s'expriment.

Mme Robillard: Malheureusement, M. Daoust, le temps est court. Je connais bien l'expérience au niveau de la pétrochimie. Je veux vous dire aussi que je suis tout à fait prête - et je l'ai déjà fait - à regarder aussi les modèles qui se vivent dans d'autres pays, les modèles étrangers. Mais, comme vous le dites, il ne s'agit pas de prendre un modèle extérieur et de l'appliquer en tant que tel au Québec parce que ces modèles-là sont liés à des traditions, à des cultures. Donc, il faut regarder chez nous, nos valeurs, notre culture, où on en est rendus, et peut-être imaginer un modèle tout à fait nouveau qui nous convient, selon nos besoins. Ça, je n'ai pas de problèmes de ce côté-là.

Au niveau de la modulation, ce que je comprends, c'est que vous suscitez l'idée, M. Daoust, vous dites... C'est intéressant, mais ce que vous me dites, c'est que vous n'êtes pas allés plus loin, en tout cas, pour m'éclairer davantage au niveau de la modulation des cours. Je prends bonne note de ça.

Si nous revenions, M. Daoust, à la question du financement, vous l'avez abordée. C'était votre premier sujet, d'ailleurs, le financement du réseau collégial en tant que tel. Est-ce qu'au niveau de la FTQ il y a une réflexion en regard de la gratuité du système collégial ou d'une limite à la gratuité du système collégial?

M. Daoust: À l'égard de la gratuité, oui, il y a une position de la FTQ, que vous retrouvez a la page 9, dans laquelle on dit: Nous ne pouvons que réitérer que nous tenons au principe

de la gratuité scolaire et que le financement des cégeps relève de notre responsabilité collective, donc de l'État. Là-dessus, il n'y a pas de faiblesse ou d'autres sorties possibles. Quant à nous, c'est la gratuité. Gratuité, c'est démocratisation. Aller à rencontre de ce principe-là, ça serait, à notre sens, affaiblir les efforts de démocratisation tellement indispensables dans notre société. C'est une position traditionnelle à la FTQ. Elle n'est pas nouvelle. Nous la soutenons avec force.

J'écoutais un peu plus tôt, ce matin, le porte-parole de l'Asssociation des manufacturiers du Québec, et j'aurai des commentaires, plus loin, à faire quand il sera question peut-être de formation professionnelle ou de formation des adultes. Mais, quant à nous, nous ne pouvons pas concevoir que ce soit autrement que cette gratuité complète et totale. Écoutez, on en parle abondamment dans notre mémoire. Je ne veux pas reprendre tous les aspects. Il y a évidemment des questions que nous nous posons à l'égard du financement dont s'alimentent les collèges en ce qui a trait à la formation sur mesure. Ils sont tellement, les collèges, affectés par le manque de financement qu'ils doivent aller chercher ici et là des formes de financement à l'extérieur. Nous avons, à ce sujet-là, un questionnement, quelques inquiétudes. Mais c'est une réflexion qui s'amorce chez nous. On estime, encore une fois - on va le répéter à satiété - que c'est une responsabilité collective et qu'il ne faudrait surtout pas que l'État se retire de quelque façon que ce soit dans ce type de financement. (11 h 10)

Et, quand on dit que la gratuité vaut pour les élèves réguliers, on le souhaite aussi pour les adultes. On estime que le droit à l'éducation, c'est un droit fondamental qui est répété dans certaines lois, qui fait partie d'un grand projet de société et que de mettre ça en cause, par des formes de financement qui ne sont pas des financements publics, contredit ce principe qui est le nôtre fondamentalement.

La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. Daoust. Alors, je vais reconnaître le député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: Oui, merci, Mme la Présidente. Merci à la FTQ et ses collaborateurs - que je ne nommerai pas individuellement - d'être là. Je pense que ça aurait été inconvenant qu'à un débat comme celui-là qui s'est engagé la FTQ, qui a toujours été associée aux grandes réformes et aux courants d'évolution des dossiers québécois, ne soit pas partie prenante.

Deux commentaires. D'entrée de jeu, je pense que d'émettre des réserves sérieuses sur les conditions d'une consultation et de constater, à l'exercice, que les réserves que nous avions énoncées s'atténuent et s'estompent, ce n'est pas mauvais. Moi, ça ne me fait pas mal. J'en ai posé, je ne le regrette pas, je suis convaincu, j'aime mieux la trame dans laquelle s'engage la commission que je vis que celle qu'on avait annoncée.

Deuxième commentaire, c'est évident que ce n'est pas de la rumeur de la rue et du coin de la rue amicalement à la ministre quand elle-même, comme membre de ce gouvernement-là, choisit de dire: Tout est sur la table. Ce n'est pas de la rue. Si tout est sur la table, moi, je l'ai entendu, il y a des gens qui voulaient questionner la pertinence de, oui ou non, les frais de scolarité? Vous avez dit: Je n'ai pas d'objection, je veux que ce soit sur la table. Ce n'est pas de la rumeur publique. Est-ce que c'est de la rumeur publique de revoir la pertinence même et l'existence des collèges? Bien non. Dans votre demande d'avis au Conseil supérieur... Je me rappelle quand vous les avez interrogés ici, vous avez demandé à M. Bisaillon, président du Conseil supérieur: Comment se fait-il que vous n'avez pas développé davantage les deux autres alternatives qui étaient autres que de refaire le choix du cégep? Et ce n'est pas méchant, ce n'est pas agressif. Je dis juste que moi, les réserves que j'ai émises, je me devais de le faire et j'ai été très heureux d'avoir des partenaires qui se sont associés aux réserves que j'ai eu l'occasion d'émettre lors du lancement de cette consultation. Ça va bien, je trouve qu'effectivement nous touchons les bonnes questions. J'ose espérer qu'on prendra les bonnes décisions tous ensemble.

La conclusion que vous faites, M. Daoust, je l'aime davantage parce que, dans le fond, ce que vous nous dites, c'est que le moment est venu de refaire la priorité des priorités au Québec. Et, pour les prochaines années, je pense que la priorité des priorités au Québec se doit d'être notre système d'éducation, y incluant tous ses ordres: primaire, secondaire, collégial et universitaire. Et ce n'est pas parce que nous étudions la problématique collégiale qu'il ne faut pas se rappeler tout ce que les intervenants sont venus nous dire. Il n'y a à peu près personne qui ne nous a pas dit qu'il y a des problèmes graves d'harmonisation. Vous-mêmes, et là j'arrive à vos questionnements, vous-mêmes dans votre mémoire, avec raison - le «vous» n'est pas à vous, M. Daoust, mais à la FTQ - vous avez dit: Écoutez, il y a tous les élèves dont le collégial hérite. Et ma première question serait justement là-dessus, puisque vous aussi vous nous avez parlé du nombre d'unités et, là-dessus, s'il ne se passait pas quelque chose, on aurait raison de se faire pendre sur la place publique parce que tout le monde en a parlé. Je n'ai jamais vu un consensus aussi précis, non fragile.

Cependant, il reste quand même un peu de vérifications à faire. Ma première question, c'est la suivante, je vous cite: II faut relever et uniformiser les normes au secondaire, cesser d'envoyer au cégep des jeunes mal préparés et, surtout, d'avoir le culot - ce n'est pas ça que

vous dites, mais c'est ce que ça veut dire - de blâmer les cégeps pour la sous-diplomation et les formations déficientes.

Question. Vous parlez, éventuellement, d'émettre plutôt une formule de mise à niveau ou une propédeutique à l'entrée du cégep pour les étudiants et étudiantes titulaires d'un tout petit D.E.S., le D.E.S. étant le diplôme d'enseignement secondaire. Il y a deux façons: Ou bien c'est ça, ou bien c'est l'autre affaire. On dit: Dorénavant, celles et ceux qui aspireront à une formation plus grande que le D.E.S., vous avez des conditions d'entrée au cégep un peu plus relevées. Est-ce que votre choix ça ne pourrait pas être ça plutôt qu'opter pour un D.E.S. uniforme? Mais ceux qui iront au collégial, on va s'en occuper à l'arrivée pour les préparer comme il le faut aux études qu'ils veulent entreprendre. J'aimerais ça savoir pourquoi vous semblez privilégier davantage la formule de cours de mise à niveau et une propédeutique plutôt qu'un relèvement du nombre d'unités requis pour dire: Si tu vas au cégep, tu n'auras pas le même seuil d'entrée que si tu termines tes études avec un D.E.S.

M. Daoust: Si on fait état de cette mise à niveau ou propédeutique à l'entrée, c'est à la suite de constatations que tout le monde fait, je pense bien; il n'y a pas une longue démonstration à faire là-dessus. C'est une mesure temporaire, essentiellement palliative. Il ne faudrait pas que ça s'instaure, selon nous, comme un moyen qui deviendrait permanent. Le drame - et je pense bien que cette commission le fera éclater et sensibilisera l'opinion publique - c'est que le cégep est héritier de ce qui se passe au primaire et au secondaire, et ce n'est pas possible d'avoir un héritage aussi lourd de conséquences que ça dans l'immense majorité des cas, héritage qu'on ne peut pas refuser, sans aucun doute. C'est là et il faut permettre l'accès à ces jeunes, qui sortent du secondaire, à des études collégiales. C'est pour ça qu'on ne cesse, tout au long de ce mémoire, de pointer du doigt le secondaire et de demander à la ministre, au gouvernement d'intervenir par tous les moyens afin de faire en sorte que ceux et celles qui quittent le secondaire pour venir éventuellement au collégial aient tous les atouts, tous les acquis, toute la compétence, toute la formation, tout le goût à l'étude tellement indispensable au secondaire.

M. Gendron: Mais, M. Daoust, juste pour finir là-dessus...

M. Daoust: Écoutez, c'est... Enfin, c'est fantastique, mais il faut le dire et le répéter parce que c'est peut-être peu su au Québec qu'on peut obtenir un diplôme d'enseignement secondaire et qu'on les octroie à des gens qui ont échoué en mathématiques, en physique, et qui savent à peine lire. Quand on lit - je ne l'ai pas ici - le passage de Mme Corriveau, c'est encore plus dur que ça. Apparemment, il y a des gens qui peuvent obtenir des diplômes au secondaire qui ne savent même pas lire... bien, ou à peu près. Je vous vois hésiter quelque peu ou réagir.

M. Gendron: Bien, c'est parce que je viens de ce milieu-là et je n'aime pas bien ça. J'ai enseigné 10 ans et dire... Bien, écoutez... En tout cas, ce n'est pas grave.

M. Daoust: Oui. Donc, pour nous, la mise à niveau ou la propédeutique, c'est un palliatif, c'est une mesure essentiellement palliative qui ne devrait pas avoir de durée dans le temps. Ce n'est pas acceptable qu'un niveau d'enseignement, qu'un ordre d'enseignement comme le collégial reçoive des gens si peu, si mal formés, et ça nous pose... Il y a tout un questionnement là-dessus dont il faudrait peut-être, un de ces bons jours, se préoccuper, et commencer à apporter des correctifs et des réponses.

M. Gendron: Mais rapidement, M. Daoust, pour terminer là-dessus, c'était un rehaussement pour tous ou uniquement ceux qui vont aller au cégep? C'est plus sur ça que j'aimerais un oui ou un non.

M. Daoust: Excusez-moi?

M. Gendron: un rehaussement du diplôme d'enseignement secondaire pour tous ou surtout pour celles et ceux qui choisiront d'aller au cégep? c'est juste ça que je veux...

M. Daoust: Ah! bien moi, je dirais pour tous, pour ne pas qu'il y ait de discrimination, que le diplôme, que le D.E.S. soit de même qualité que vous alliez ou non au cégep.

M. Gendron: Ça va.

M. Daoust: Peut-être que mon...

M. Cousineau (Guy): Oui, effectivement, je pense qu'on ne doit pas viser à niveler par le bas, sauf ceux qui s'en vont... Il ne faudrait pas non plus que quand tu rentres au cégep, parce qu'il y en a certains qui n'ont pas un diplôme d'études secondaires aussi élevé, on rabaisse aussi les premières sessions pour ramener tout le monde au même niveau avant Noël. C'est ce qui arrive souvent. Et quand on passe à l'université, la première session, bien... Vous avez aussi la moitié de la première session à remettre tout le monde au niveau parce que tout le monde n'a pas eu les mêmes formations. Je pense que là-dessus on doit avoir plus d'uniformité, augmenter la qualité et rehausser pour tout le monde au niveau secondaire.

M. Gendron: Deuxième point...

La Présidente (Mme Hovington): Excusez. Vous êtes M. Cousineau?

M. Cousineau: Oui.

(11 h 20)

La Présidente (Mme Hovington): C'est pour les fins de la transcription des débats.

M. Gendron: Merci. Deuxième point que je voudrais toucher, M. Daoust... Dans votre mémoire, je pense que la FTQ, avec raison, insiste que... Puis je vous cite encore, là: «Le cégep: un espace-temps qui n'existe pas dans une vie. [...] Le cégep: un gros centre commercial». Donc, j'ai compris que vous n'êtes pas d'accord là-dessus et je vous comprends. Mais, moi, j'ai insisté beaucoup, et il y en a plusieurs qui ont insisté, sur la nécessité d'avoir un projet éducatif, d'avoir un milieu de vie, d'avoir ce que j'appelle des éléments de référence pour des jeunes qui sont autres qu'un horaire à un cours. Un cégep, ça lui prend un peu d'âme. Et plusieurs sont venus nous dire que les mesures d'encadrement sont déficientes à plusieurs égards.

Moi, je suis porté à partager ça, qu'il n'y a plus beaucoup de mesures d'encadrement. Il n'y a plus assez de mesures assistées. Et je donne des exemples vite, vite. Quand on nous dit les API, aides pédagogiques individuels - il y en a un par cégep; je ne veux pas savoir si c'est vrai ou pas vrai pour tout de suite - une chose est sûre, c'est que tout le monde est unanime à dire qu'il n'y en a pas assez. Même chose au niveau, par exemple, du personnel non enseignant. Il y a trop eu de... Il manque de monde au niveau du PNE, de ce qu'on appelle le personnel non enseignant. C'est des conseillers pédagogiques, c'est des gens qui assisteraient des élèves en difficulté.

Question. Vous semblez, vous, privilégier davantage, s'il y avait du dégagement d'argent à quelque part, d'en mettre plus sur la réduction du ratio maître-élèves. Moi, je ne dis pas - parce que je connais très bien ce que ça signifie - qu'il n'y a pas de quoi à regarder là, mais si j'avais le choix, moi, entre le ratio maître-élèves, en termes de réduction, et des mesures d'encadrement plus significatives, plus, selon ce qu'on a entendu, requises... Je veux savoir pourquoi vous choisissez davantage la réduction du ratio maître-élèves plutôt que des mesures d'encadrement plus importantes, plus significatives.

M. Daoust: Mon Dieu! c'est des questions compliquées que vous nous posez, mais je vais vous donner quelques réactions. Moi, j'ai été - vous allez dire que j'ai le scandale facile - bouleversé, encore une fois, il n'y a pas tellement longtemps, à parler à des cégépiens puis des cégépiennes qui m'ont révélé que, l'API de leur cégep, ils le voient une fois par année et ça dure 15 minutes. Sapristi! Mais où est-ce qu'on s'en va? Je comprends qu'il y a, en moyenne, un API par 1000 étudiants, dit-on, selon les statistiques qu'on trouve ici et là. C'est entendu que, quand vous me posez une question comme celle-là, je dirais: Écoutez, il faut faire en sorte que l'encadrement soit consolidé, renforcé du côté de tous ces appuis, ces aides pédagogiques, ces professionnels non enseignants, sans aucun doute. On pourrait dire la même chose à l'égard du personnel de soutien. On en fait la démonstration dans notre document. Quand le personnel de soutien est en nombre inadéquat et que - je le répète, parce qu'il n'est pas mauvais de le répéter - un groupe s'amène dans une classe, puis toutes les chaises ont été placées en rond, puis les tableaux ne sont pas nettoyés, bon, eh bien, le temps que les cégépiens puis les cégépiennes vont prendre pour laver le tableau puis replacer les chaises, les 5 ou 10 minutes, ce ne sera pas du temps d'enseignement.

Le ratio maître-élèves, ceux qui ne sont pas dans les filières scientifiques ou professionnelles et qui vivent des ratios maître-élèves de 1 à 150 ou 140 ou 160, il y a quelque chose qui ne tourne pas rond. C'est le sous-financement, sans aucun doute, qui nous convainc qu'il va falloir trouver les moyens, dans notre société. Puis je ne veux pas revenir à la question de Mme la ministre, mais il va falloir les trouver, ces moyens-là. Puis ce n'est pas par des frais de scolarité. C'est une responsabilité collective. Et je ne veux pas revenir avec ce qu'on a mentionné en d'autres milieux, mais il est indispensable qu'au Québec il y ait cette grande réflexion sur la fiscalité et qu'il y ait le grand débat que l'on souhaite et non pas des lieux où on va escamoter les vrais sujets. Et tout se tient dans une société.

Je réponds longuement à votre question et je m'en excuse. Où est notre choix? Il est un peu en tout ça. Nous, on n'est pas au niveau de faire des choix de cette nature-là. On critique, c'est-à-dire on est émus de voir que le ratio maître-élèves est au détriment de l'enseignement puis qu'il n'y ait pas assez d'API, puis qu'il n'y ait pas assez de PNE et qu'il n'y ait pas assez de personnels de soutien. On est bouleversé de tout ça, mais on sait que ça découle fondamentalement du sous-financement.

M. Cousineau: Je voudrais peut-être ajouter juste une petite chose. Effectivement, de un, je pense qu'il y a à ramener à un niveau... Quand on parle des sciences, on parle d'un ratio à peu près de moitié moins grand que... un meilleur ratio qu'en philosophie ou ailleurs. Donc, les étudiants qui s'en vont en sciences humaines sont défavorisés comme s'ils avaient moins besoin d'encadrement. Si on met des ratios de 1-70 ou 1-80, quand on parle des sciences, c'est parce qu'on a l'impression que la relation professeur-élèves est importante. Les services spécialisés,

donc, font en sorte qu'on identifie qu'il y a une catégorie d'étudiants qui vont avoir besoin de ces services-là. Est-ce qu'on pense que ça s'adresse principalement à ceux dont le ratio élèves est plus grand? Moi, je pense que, dans un premier temps, il faudrait peut-être ramener le ratio étudiants, élèves et professeur à un meilleur niveau que d'avoir, en plus, des spécialités quand on a des choix à faire.

Il y a aussi quand on nous dit que l'encadrement... On parle à des jeunes adultes. Moi, je pense que, pour les jeunes adultes que j'ai chez nous, qui viennent du cégep, l'encadrement, en même temps que tout le monde crie qu'il en manque, même les jeunes, chez nous, ils n'en veulent pas. Je veux dire, les parents... On a des affirmations, qu'il faut s'affirmer quand on veut encadrer des jeunes de 16, 17, 18 ans qui sont au cégep et on devrait dire à l'État: II faudrait leur donner un meilleur encadrement. Moi, je pense qu'on a une réflexion à faire avec les jeunes, qu'on exclut beaucoup de ces débats-là. Qu'est-ce qu'ils entendent par un meilleur encadrement? Est-ce qu'une relation d'adulte à adulte ou à jeune adulte est à développer plus que d'avoir des services spécialisés? Moi, à mon sens, c'est peut-être là qu'il faut regarder.

M. Gendron: Merci. J'aurais deux...

M. Blondin (Michel): II y a une autre dimension, je pense, qu'on devrait soulever. Mon nom est Michel Blondin.

La Présidente (Mme Hovington): Merci.

M. Blondin: II y a une autre dimension, Mme la Présidente, je pense, qu'on devrait soulever autour de ça, c'est toute la question des services offerts aux adultes.

M. Gendron: Oui.

M. Blondin: II y a, dans le réseau collégial, entre 100 000 et 120 000 adultes qui suivent des cours actuellement; dont à peu près 80 000 suivent des cours crédités. C'est énormément de personnes qui sont des payeurs de taxes. Ce sont tous des payeurs de taxes qui ne reçoivent pratiquement de soutien d'aucune sorte dans le cadre de leur démarche de formation. On oublie souvent que ces gens-là ont le droit d'avoir accès aux mêmes services que les jeunes. Vous parliez tout à l'heure, dans le contexte des services aux jeunes, que c'est un problème important, mais il faut aussi pouvoir offrir aux adultes un minimum de soutien dans leur démarche pour identifier leur voie d'études et pour pouvoir poursuivre leurs études. On ne parle même pas de compléter des études. Ce n'est pratiquement pas possible, pour des adultes qui ne sont pas à temps plein, de poursuivre leurs études et de les compléter.

La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. Blondin. Une dernière courte question.

M. Gendron: Une dernière, mais à deux volets.

La Présidente (Mme Hovington): Ça va dépasser les deux minutes.

M. Gendron: Non, non, mais ce n'est pas grave, là. Quand bien même on prendrait une minute ou deux de plus, je veux dire. Stage en milieu de travail. J'aurais aimé ça, M. Daoust, que vous me donniez un peu d'information. Bien, je veux dire, on va respecter l'horaire. Stage en milieu de travail. J'aurais aimé ça que vous me donniez un peu votre point de vue, parce qu'il y en a plusieurs qui sont venus nous dire qu'il fallait, effectivement, en faire plus, qu'il fallait maximiser cette relation études-travail directement en entreprise. Et, à moins que je ne me trompe, je ne me souviens pas que vous ayez développé ça. J'aimerais ça avoir votre point vue.

L'autre volet, c'est toute la question des services à la collectivité. C'est évident qu'un cégep, dans les régions et ailleurs aussi, il est constamment sollicité pour une multitude de services à la collectivité. Je voudrais que vous donniez quelques phrases de point de vue là-dessus, mais en relation avec ce que les universités et, entre autres, le réseau UQ font dans les régions. Dans chacune des régions, à partir du moment où on a ajouté, dans la loi constituante ou constitutive de l'Université du Québec, recherche, enseignement et services à la collectivité, je ne voudrais pas qu'il y ait dédoublement. Que des cégeps soient sollicités par des entreprises pour de la formation technique et qu'il y ait une collaboration, ça va, mais il ne faudrait pas élargir, d'après moi, la mission des cégeps aux services à la collectivité si on ne fait pas la relation avec la mission que l'Université du Québec en région a déjà, parce que, là, il risque d'y avoir double emploi. Moi, les chevauchements, vous savez ce que j'en disais il n'y a pas longtemps. Alors, je ne veux pas en créer davantage. J'aimerais ça vous entendre.

La Présidente (Mme Hovington): Rapidement, parce que le temps de l'Opposition est terminé. (11 h 30)

M. Daoust: Stage en milieu, oui, sans aucun doute, c'est une voie qu'il faut privilégier. Je vous invite à lire - vous l'avez peut-être déjà fait - les documents qui viennent tout juste d'être publiés par le Forum pour l'emploi à cet égard et qui donnent les positions de ce Forum pour l'emploi où on retrouve aussi bien les porte-parole du mouvement syndical que du milieu patronal. Une chose indispensable dans les stages en milieu de travail: Ne jamais oublier qu'il n'y a pas rien que le patron, il n'y a pas rien que les dirigeants de l'entreprise, il y a des

travailleurs et des travailleuses, qui, souhaitons-nous, devraient se syndiquer, et, quand ils le sont, il y a un syndicat. Il est indispensable que le cégep qui veut aller dans cette direction-là, qui doit aller dans cette direction-là, tienne compte de cette réalité du milieu de l'entreprise.

À l'égard des services à la collectivité, on parle... En gros, le fond de notre pensée, c'est que c'est notre propriété collective, ça, un cégep dans une région. Ça joue un immense rôle. Il faut que ce soit près des réalités, du bouillonnement. Il faut que ça voie un peu ce qui se passe, et ça le voit, remarquez bien. C'est la petite université dans bien des milieux. On n'est pas tous dans de grandes régions et, même dans de grandes régions, l'université est souvent sur la montagne, même quand elle n'y est pas physiquement, et je ne veux pas critiquer l'UQAM, pas une damnée miette, en disant ça.

Alors, les cégeps ont besoin de se rapprocher du milieu, en fait, pas rien que du milieu de l'entreprise. Je sais que ça les attire comme un aimant, puis ce n'est peut-être pas mauvais non plus, puis il y a un problème de financement. Mais il y a tout ce milieu de vie, puis l'appropriation ou la réappropriation des cégeps va faire en sorte que ces derniers vont jouir d'un immense prestige dans leur milieu et que ça ne deviendra pas des grands centres commerciaux, comme on l'a dit, ou des milieux qui n'ont pas de vie véritable, dans la mesure où les gens, le milieu leur insuffle cette vie indispensable.

La Présidente (Mme Hovington): Merci beaucoup, M. Daoust. Le temps est terminé, malheureusement, pour l'Opposition.

M. Ducharme (Claude): Mme la Présidente, juste vous dire un petit mot rapide. Moi, je suis dans le domaine de l'automobile, de l'aérospatiale, de l'aéronautique, et je veux vous dire que...

La Présidente (Mme Hovington): Vous êtes M. Ducharme?

M. Ducharme: Je suis Claude Ducharme. Je veux vous dire que le Québec a une main-d'oeuvre parmi les plus polyvalentes au monde. Vous allez en avoir des preuves vivantes quand vous verrez sortir la Firebird, la Camaro et la Trans Am de l'usine de GM Boisbriand. C'est une grande réalisation qui a été faite par deux cégeps au Québec où on est allés puiser parmi des enseignants qui nous ont donné des informations techniques qu'on a transformées dans nos usines: l'Institut d'ordinique du Québec du cégep Lionel-Groulx, le Centre spécialisé des matériaux composites du cégep de Saint-Jérôme.

Je ne vous parlerai pas du secteur de l'aéronautique, de l'aérospatiale avec le cégep Montpetit, mais je veux vous dire une chose, c'est qu'on a besoin, les syndicats, d'être impliqués davantage dans cette structure. Ce qu'on a fait à l'usine de GM Boisbriand, c'est une innovation technologique mondiale, et quand vous allez entrer dans cette usine, que vous verrez un robot, que vous verrez un instrument de contrôle de qualité, ne pensez pas qu'il a été développé au Japon, il aura été développé chez nous, par les talents de chez nous, par les ingénieurs de chez nous, par des travailleurs et des travailleuses d'usine qui ont travaillé dans un monde technologique. Il a fallu qu'ils se rendent à Détroit pendant des semaines, y mettre leur temps, y mettre leur énergie, y mettre leur courage. Je veux vous dire ça parce que c'est des preuves bien vivantes.

Longtemps, on nous a parlé de l'automobile, on nous a ridiculisés, on nous a dit que les Japonais en avaient le monopole, mais, nous autres, comme Québécois et Québécoises, et le syndicat en tête puis ses membres, on a voulu prouver qu'on était capables de mettre sur le marché un produit qu'aucun autre fabricant dans le monde ne serait en mesure d'égaler ou d'arriver à mettre au point; au point de vue technologique, ça va lui prendre des années. Ça, eh bien, c'est le résultat, le fruit du travail qu'on a fait au point de vue technologique avec des personnes et surtout ceux de l'Institut d'ordinique qui ont travaillé d'arrache-pied, bien souvent sans argent, qui sont allés quêter pour pouvoir être capables de développer la science et la technologie dont on avait besoin.

Je voulais vous le dire parce que c'est important et j'ai voulu profiter de l'occasion pendant que j'étais ici.

La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. Ducharme. C'est un très beau témoignage. Pendant que vous parliez, il y avait une délégation japonaise justement qui vous écoutait en haut.

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Hovington): Alors, du côté ministériel, il reste quatre minutes pour une dernière question de M. le député de Sherbrooke.

M. Hamel: Merci, Mme la Présidente. En effet, M. Ducharme, c'est un excellent témoignage très apprécié. Vous avez, dans votre mémoire, à la page 16, un chapitre qui traite des diplômes de valeur inégale. Vous dites: «Un autre problème qui affecte l'équité dans la réussite des études est le fait que les diplômes des différents cégeps, même en filière identique, ne sont pas d'égale valeur.» Évidemment, ça suscite chez nous un certain nombre de questions. Et vous ajoutez dans le dernier paragraphe: «C'est pourquoi la FTQ favorise la mise en place de mécanismes d'évaluation qui garantiront que la fourchette de différence dans la qualité et les exigences des enseignements ne soit pas trop

démesurée.» M. Daoust, quels seraient les mécanismes d'évaluation à mettre en place? Ou qui évaluerait quoi plus exactement?

M. Daoust: Nous l'avons dit dans nos remarques préliminaires, et quelque part nous y revenons dans le mémoire, puis il en est question à ce moment-ci, nous sommes en faveur de mécanismes d'évaluation des cégeps dans leur ensemble, sans aucun doute par un organisme extérieur, indépendant, muni de toutes les compétences, nanti de la crédibilité qui s'impose. Mais on ne peut pas avoir des cégeps sans qu'en quelque lieu ils subissent une forme d'évaluation.

Alors, la même chose pour les diplômes. Nous, les modalités, la mise en oeuvre de tout ça, c'est assez complexe à notre niveau. Mais on dit que ça n'a pas de sens, il faut absolument qu'en quelque lieu la qualité des diplômes... et leur évaluation soit faite. Parce que c'est tout à fait impensable que des gens qui ont des diplômes dans les mêmes filières, dans les mêmes disciplines, ou la même valeur extérieure, que ces diplômes-là n'aient pas la même qualité d'une institution à l'autre, d'un cégep à l'autre.

Quand on se met dans la peau des universités qui font des évaluations, elles se disent: Bon, bien, tel diplôme de tel cégep dans tel domaine, ce n'est pas dans le très, très bon, dans le très, très fort. Je pense qu'il faut aller au-delà de ces... ce n'est pas des impressions, mais de ces évaluations peut-être un peu subjectives, pour avoir des évaluations un petit peu plus objectives de la qualité des diplômes.

M. Hamel: Merci, M. Daoust.

La Présidente (Mme Hovington): Merci. En conclusion, Mme la ministre.

Mme Robillard: II me reste à remercier personnellement M. Daoust pour ce témoignage. Et je note la confiance de la FTQ dans notre réseau collégial québécois, confiance non seulement dans ce qu'il est maintenant, mais dans sa capacité aussi à effectuer des redressements et des virages importants pour l'avenir de nos jeunes. Merci beaucoup.

M. Daoust: Merci beaucoup, madame.

La Présidente (Mme Hovington): II me reste à vous remercier au nom des parlementaires de la commission de l'éducation d'être venus nous présenter votre mémoire très intéressant et qui éclairera sûrement les travaux futurs et l'avenir des cégeps. Merci, M. le président.

J'inviterais maintenant les collèges de langue anglaise du Québec à bien vouloir prendre place. Nous allons suspendre pour une minute, en fait. Merci.

(Suspension de la séance à 11 h 38)

(Reprise à 11 h 41)

La Présidente (Mme Hovington): La commission de l'éducation va reprendre ses travaux. Je demanderais le silence en arrière, s'il vous plaît. Nous recevons les collèges de langue anglaise du Québec. En fait, c'est un regroupement de sept collèges ou un groupe de sept collèges. Il y a eu le groupe des Sept en arts visuels. Vous êtes le groupe des Sept au niveau des collèges. Le G7 aussi au niveau économie. Il y a Mme Mcllwaine, je crois, directrice générale du collège Marianopolis. Vous êtes la porte-parole?

Collèges de langue anglaise du Québec

M. Brown (Gerald): C'est moi.

La Présidente (Mme Hovington): C'est vous. Veuillez vous identifier, s'il vous plaît.

M. Brown: Je suis Gerald Brown, directeur général du collège John Abbott.

La Présidente (Mme Hovington): Et voulez-vous nous présenter les personnes qui vous accompagnent?

M. Brown: Oui, Mme la Présidente. À ma gauche, Sister Eileen Mcllwaine, qui est directrice générale du collège Marianopolis; à mon extrême gauche, M. Patrick Woodsworth, qui est directeur général du collège Dawson; et, à ma droite, M. Alex Potter, qui est le DSP du collège Vanier.

La Présidente (Mme Hovington): Bonjour et bienvenue à la commission de l'éducation. Alors, vous avez 20 minutes pour nous exposer votre mémoire.

M. Brown: D'accord. Je profite de la même occasion pour indiquer que, dans la salle, le directeur général du collège Centennial est avec nous autres, ainsi que le directeur général de Heritage, M. Larry Kolesar.

Mme la Présidente, Mme la ministre, Mmes et MM. les membres de la commission parlementaire de l'éducation, english language colleges of Québec welcome this unique opportunity to address the Governement of Quebec's parliamentary commission on the future of Québec colleges. After 25 years of existence, we recognize the need for a frank and thoughtful public debate not only to reexamine the original goals and objectives of Quebec's general and vocational colleges, but also to forge a new consensus on the future mission of our institutions.

This brief is presented on behalf of four public and three private English language colleges in Québec, each of which is unique. It has undergone consultation within our institutions

and has received the approval of all seven Boards of Governors.

Nos établissements sont situés dans différentes régions du Québec et offrent des programmes et des services qui sont adaptés aux besoins spécifiques des communautés que nous desservons. Chaque institution possède également sa propre histoire et ses propres traditions. Ainsi, plusieurs de nos collèges privés existaient bien avant la création du système des collèges publics. Certains de ces établissements ont offert une vaste formation générale à plusieurs générations de jeunes Québécois et Québécoises dont l'ambition exige une solide formation préuniversitaire.

Encore aujourd'hui, nos collèges privés et publics occupent une place importante dans la communauté anglophone. Nos collèges ont été et sont toujours une partie intégrante du réseau collégial du Québec. Nous sommes fiers de ce que chacun d'entre eux a pu apporter à l'avancement de l'enseignement collégial au Québec. Les centres d'apprentissage, les enseignements par les pairs, «literacy, across the curriculum», et les services d'ombudsman pour étudiants sont autant d'exemples de concepts qui ont été introduits par les collèges, les cégeps de langue anglaise.

Nous sommes convaincus que, si on nous donne les outils nécessaires, nous pourrons continuer à répondre à des exigences et aux besoins des diverses communautés que dessert chacun de nos collèges.

Un lien commun et fondamental unit nos collèges, malgré les caractères uniques de chacun, c'est la langue anglaise. Nos valeurs, notre optique, notre héritage reflètent principalement l'histoire culturelle et linguistique de la communauté anglophone du Québec. Tout comme la collectivité francophone, notre communauté considère ses établissements d'enseignement comme un véhicule social de première importance servant à maintenir et à promouvoir ses traditions, ses valeurs et ses aspirations. Notre identification et notre mandat collectif sont liés à la communauté d'expression anglaise du Québec.

Cependant, nos collèges ne sont pas homogènes de nature et nos étudiants, nos enseignants et les relations communautaires ne trouvent pas exclusivement leurs origines et racines dans la communauté anglophone. Pourtant, notre avenir collectif et nos activités au débat actuel ici sont profondément marqués par les forces sociales, économiques et politiques qui influencent la communauté de langue anglaise du Québec.

Nous soutenons que l'appui et l'expérience que peuvent apporter nos institutions au développement futur du Québec dépendent en grande partie du genre de communauté anglophone qui se développera au cours des années à venir ici, au Québec. Une communauté anglophone prospère, active et progressive s'exprimera par l'entremise de ses collèges et pourra servir à créer des liens entre le Québec, le reste du Canada, l'Amérique du Nord et la communauté internationale.

Nous avons choisi de nous regrouper pour vous présenter nos points de vue, dont plusieurs sont spécifiques aux cégeps anglophones du Québec. Dans notre mémoire, nous avons rassemblé nos commentaires en quatre recommandations principales; chacune d'elles contient plusieurs sujets précis. Notre première recommandation préconise que le gouvernement du Québec, de concert avec ses partenaires du milieu des collèges, affirme sa volonté de renouveler le système collégial en nous garantissant des établissements ouverts et accessibles qui disposent des ressources et des outils nécessaires pour répondre aux forces sociales, économiques et technologiques de l'avenir.

Cette première recommandation met l'accent sur la nécessité de s'engager à renouveler l'enseignement collégial. Nous donnons ici un aperçu général d'un réseau qui sera bâti à partir des succès du passé et répondra aux défis de l'avenir. Nous croyons que nos établissements doivent continuer à servir de pont entre le secondaire et l'enseignement supérieur et qu'ils doivent conserver le mandat, d'offrir à la fois des programmes de formation générale et des programmes de formation professionnelle. Ce double mandat, qui met l'emphase sur la flexibilité des programmes et sur le développement personnel de nos étudiants, est crucial pour ces derniers qui traversent une période critique en matière de choix de carrière et qui ont besoin de structures scolaires flexibles pour faire des choix réalistes.

Nous sommes, d'abord et avant tout, des établissements d'enseignement. C'est pourquoi nous pressons le ministère de nous fournir les ressources dont nous avons besoin pour remplir notre mandat. Nous tenons à souligner à quel point il est important de garantir à nos employés, et en particulier à nos enseignants, toutes les occasions possibles de se perfectionner afin qu'ils demeurent à la fine pointe des changements intellectuels, pédagogiques et technologiques.

L'ensemble du système collégial a fait l'objet de plusieurs compressions budgétaires importantes. De plus, certains de nos établissements ont beaucoup souffert de la mise en oeuvre du FABES, la nouvelle formule d'allocation budgétaire du ministère. On comprendra facilement l'impact que peuvent avoir de telles réductions sur la qualité de l'enseignement et les services aux étudiants.

Notre engagement à renouveler le système collégial sous-entend également que les nouvelles structures permanentes sont nécessaires pour harmoniser les programmes ainsi que les objectifs éducatifs établis entre les trois niveaux du système d'enseignement au Québec. Tous ensemble, nous avons fait de grands efforts dans ce domaine et nous sommes prêts à continuer

d'assumer un rôle de leader afin de voir à ce que cet important défi soit relevé.

Dans le secteur de l'éducation permanente, notre communauté a toujours reconnu l'importance des principes de l'apprentissage continu. Notre engagement, à cet égard, tient, en grande partie, au fait que le milieu anglophone a toujours tenu à ce que les adultes aient accès à l'enseignement postsecondaire. Cependant, le monde a subi de profondes transformations au cours des 25 dernières années et, si on veut vraiment maintenir l'accès à l'apprentissage continu dans les collèges, il faudra apporter des changements à l'organisation ainsi qu'à la structure du système d'éducation permanente. (11 h 50)

Enfin, en tant que collèges de langue anglaise, nous ne pouvons trop insister sur le fait que notre avenir sera grandement influencé par le degré de confiance et de vitalité qui se dégagera des communautés anglophones du Québec. Nous sommes convaincus que, dans un système collégial ouvert et accessible, notre réseau de collèges anglophones peut jouer un rôle de premier plan et renforcer la vie économique, sociale et politique du Québec.

Notre deuxième recommandation est axée sur les besoins qu'ont les collèges de langue anglaise d'augmenter la qualité et la quantité d'enseignement du français langue seconde. Nous demandons au ministère de reconnaître et d'appuyer la responsabilité spéciale qui nous incombe de donner à nos étudiants des compétences en langue française qui leur permettront de participer pleinement à la vie économique, sociale et politique du Québec et qui les inciteront à le faire.

Nous avons le devoir d'offrir en matière de français langue seconde un niveau d'instruction qui soit conforme à la réalité linguistique qui prévaut au Québec dans les secteurs du travail, des communications et de la vie publique. Nous reconnaissons les énormes progrès qu'ont fait nos collèges et les écoles secondaires au cours des dernières années. Toutefois, durant la même période, les exigences quant à l'emploi et à la qualité du français au Québec ont augmenté en proportion. Les collèges de langue anglaise doivent s'assurer qu'ils ont les mesures pour satisfaire aux besoins linguistiques de leurs étudiants.

La troisième recommandation dans notre mémoire: reconnaître que des modifications devront être apportées aux programmes d'études si on veut que l'enseignement collégial puisse répondre aux besoins changeants de la société québécoise.

Nous sommes d'avis qu'un bloc de cours communs, révisés, devra demeurer la pierre angulaire du mandat collégial et nous demandons au ministère d'apporter des modifications aux programmes professionnels et, ainsi, d'accorder à nos établissements une plus grande autonomie pédagogique.

Cette étude de notre réseau collégial sous-entend une évaluation de la structure actuelle du programme d'études. Cette évaluation s'impose particulièrement dans le cas des principaux objectifs et des approches pédagogiques dans la composante obligatoire des programmes pour mener à un diplôme.

Les recommandations du Conseil des collèges, tout comme celles de la Fédération des cégeps en ce qui traite des cours obligatoires ou blocs complémentaires constituent, pour nous, un point de départ intéressant et utile parce que, en partie, elles permettent à nos diplômés d'augmenter leur compétence en français et pourront nous donner les moyens possibles pour répondre à nos propres besoins dans notre milieu. Nous insistons toutefois sur le fait que tout changement éventuel aux programmes d'études obligatoires devra être introduit graduellement avec la collaboration des collèges.

Dans notre vison d'un système collégial remanié, la question d'autonomie en matière de programmes d'études se révèle tout aussi importante. La clientèle des cégeps aujourd'hui est différente, tant par ses valeurs, sa langue et sa culture, de celle qui fréquentait les collèges à l'époque de la commission Parent. Nos institutions doivent être plus libres de concevoir et de faire adopter par le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science les cours et les programmes qui permettront de répondre aux nouveaux besoins.

Pour venir en aide aux élèves qui ont de la difficulté à faire des études collégiales, nous attirons votre attention sur notre troisième option. Quant aux élèves sous-doués, ils pourront se servir des cours et des structures conçus expressément pour eux dans les collèges qu'ils fréquentent. Un nouvel équilibre s'impose. Un équilibre qui, tout en reconnaissant la responsabilité du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science de fixer les objectifs globaux pour les programmes d'études, accorde néanmoins aux collèges la liberté d'élaborer et de sanctionner rapidement et efficacement les programmes destinés à une clientèle bien précise.

Notre dernière recommandation: reconnaître qu'il appartient aux collèges comme au ministère d'établir des mécanismes d'évaluation complets et efficaces qui permetttront à nos établissements de rendre compte à la communauté québécoise. Cette dernière 'recommandation porte sur le besoin d'assurer une plus grande responsabilité publique au système collégial, de même que sur les besoins d'apporter des changements aux mécanismes d'évaluation interne et externe.

Les notions de responsabilité et d'évaluation sont étroitement liées. A notre avis, il serait extrêmement difficile de rendre compte au public, sans d'abord renforcer les mécanismes d'évaluation servant à mesurer, à évaluer et à améliorer nos réalisations. Notre engagement à renouveler

le système collégial exige l'introduction des mécanismes d'évaluation nouveaux et complets. Nous acceptons la suggestion faite par d'autres groupes à l'effet qu'une structure indépendante soit mandatée dans le cadre des paramètres acceptés par les collèges pour faire une évaluation publique des divers aspects du système collégial.

In conclusion, the suggestions and recommendations presented in our brief are inspired by a sincere desire to consolidate the achievements of the first 25 years of our existence and to develop new and innovative approaches to fulfill our future mission.

As English language colleges, we are open to change. And we look forward to the views that would be advanced in the review of this college system. Above all, we are strongly committed to a renewed college system which will enable Québec to meet the economic and social challenges of the 21 st Century.

As final comments, we would like to leave you, Mme la Présidente et Mme la ministre, with these thoughts. We believe, as English language colleges, that the English community must continue to be viewed as an active partner in the future development of Québec. To do so, first, it must be a vibrant community whose value is recognized and supported by the State. It must have access to its educational institutions, in this particular case its colleges, and these colleges must be open, accessible and must have the necessary resources to respond to our mandates which at times are unique to us.

And secondly, as we review this system and prepare to meet the challenges of the future, Madam Minister, we must never lose sight of our responsibilities towards students. We may consider changes to our programs, to our structures and to our personnel but they must be done with a overriding concern for the welfare of our students. Merci.

La Présidente (Mme Hovington): Merci beaucoup, M. Brown. Mme la ministre, vous avez la parole.

Mme Robillard: Merci, Mme la Présidente. Je veux d'abord vous dire combien je suis heureuse de rencontrer les collèges publics et privés qui dispensent la formation collégiale à la communauté anglophone. Je pense que votre façon de venir nous présenter votre point de vue au niveau des services collégiaux à la communauté anglophone est très originale de par le fait d'être venus ensemble, les établissements publics et les établissements privés. Sachez combien j'apprécie votre démarche en tant que telle et combien aussi je note que vous statuez de façon très claire, comme représentants de la communauté anglophone aussi, que vous voulez conserver les collèges au Québec qui dispensent la formation collégiale et que vous êtes prêts, par ailleurs, à y apporter des changements. C'est ce que je note au niveau de votre mémoire. Comme d'habitude, vous avez une approche très pragmatique et vos recommandations sont précises. Alors, j'aimerais ça qu'on aille un petit peu plus avant et qu'on échange sur certaines de vos recommandations, M. Brown.

Le premier sujet que je voudrais aborder avec vous, c'est peut-être le sujet des cours communs ou du bloc de cours obligatoires en tant que tels. Vous dites, dans votre mémoire, que vous êtes ouverts aux propositions du Conseil des collèges. Vous dites: C'est un point de départ intéressant. C'est tout, un point de départ intéressant. Pourriez-vous me dire si vous êtes d'accord avec l'orientation préconisée par le Conseil des collèges à l'effet de retenir une approche plutôt thématique qu'une approche disciplinaire au niveau des cours obligatoires? Vous comprendrez bien qu'en partant de ce bloc de cours obligatoires, I would be also interested to know what you think of the preparation given by the humanities. You have heard that we received many critics about philosophy given to the French side. So, I want to hear you specifically on that also. What do you think of the humanities given in the English colleges? (12 heures)

M. Brown: Avant de demander à M. Potter de répondre spécifiquement aux éléments de votre question, j'en profite pour rappeler à Mme la ministre que le processus dans lequel nous nous sommes engagés dans les sept collèges, c'était vraiment d'aller chercher un consensus parmi les sept collèges qui sont inclus dans ce mémoire-ci. C'est sûr que, dans cette démarche-là, avec un temps limité, on n'a pas eu l'occasion d'aller au fond des changements que peut-être nous serions prêts, à un moment donné, à avancer. Mais ce qui est clair, et nous en sommes fort heureux, c'est que, dans ce processus que vous avez lancé au mois de mai, on a constaté que, parmi les sept collèges, il y avait cet esprit d'ouverture à ces changements. Déjà, je pense que c'est un pas en avant.

Pour ce qui touche la question des cours obligatoires et des cours d'humanités, je demanderais à M. Potter de prendre la relève.

M. Potter (Alex): Oui. Quand on a dit qu'on s'intéressait à l'approche du Conseil des collèges, ce qu'on trouvait le plus intéressant, c'est le regroupement du bloc dit complémentaire avec le bloc obligatoire. Cet «enlargement» de l'espace dans le curriculum donné à des cours communs de formation générale nous convient parfaitement dans nos traditions et dans nos cultures.

Vous savez qu'on demande plus d'autonomie pédagogique. La notion de réserver une partie du bloc pour le ministère qui pourrait assurer une certaine homogénéité, un certain niveau dans tous les collèges, mais complémenté par une partie du collège où on pourrait l'adapter aux

besoins de nos étudiants et à la tradition individuelle des collèges, aussi nous avons trouvé ça très, très intéressant. Je pense qu'il faut dire qu'on aime mieux la division faite par la Fédération, deux tiers, un tiers, que la division faite par le Conseil des collèges.

Une certaine critique de la proposition du Conseil des collèges, c'est que la partie ou le cours complémentaire de sciences humaines pour les programmes de sciences, on trouve que c'est un peu trop donner à cette partie-là vu les autres exigences. Avec une partie réservée aux collèges qui ont une certaine autonomie sujette à l'approbation ministérielle, qu'on traduit fidèlement les objectifs généraux du programme et du bloc commun, nous autres, ça va nous donner le moyen de répondre vraiment à des demandes très variées et à des besoins très variés de la part de nos élèves.

What do we think of humanities? We like it. We do not want to exchange the approach of humanities for the approach of the discipline philosophy. In fact, some of the things that have been presented seem to be describing what we are trying to do with our humanities program. I like the description of the Federation when they said that there will be a part of the curriculum that try to transmit an historical perspective on knowledge and on culture through the use of the great works of humanities.

Nevertheless, as you are well aware, we are requesting that the humanities' objectives be reviewed, not to throw them out, not to completely change them, but in order that they be better articulated and in order that the individual courses that are developed could be seen and verified to actually deliver the general objectives which presently are articulated in a rather cursory fashion, at least at the provincial level.

So, that is the main purpose of the revision. We feel that after 25 years there is a certain «éparpillement» - I promised I would say that word - in the courses that are offered and that we could use a more disciplined approach if not a disciplined area approach to the humanities.

Mme Robillard: I saw also that you spoke about the French as a second language, but I did not hear you about your mother tongue, the English language. Do you have exactly the same problem that we get with the French language for our students? I did not hear any specific recommendation on that.

M. Brown: I will ask Mr. Potter to respond on it.

M. Potter: That is perceived by ourselves, to a certain extent, as a lack in our memoir that we did not give it more place, but the reasons that it occurred were that we felt that our position was very well known, that we are facing very similar problems - if not identical but very similar problems - to the problems that French is facing in the French colleges. What we need and what we have requested is that we need equivalent, identical resources at least to those that are given in the French colleges for promotion of the French language, so that we do need that reinforcement however. We are quite proud of our long tradition of English teaching in our colleges and although it is not perfect we are also very happy that we, very quickly, accepted the objective of the «maîtrise de la langue», a command of the mechanics, we call it, of the language and integrated into our curriculum in a fashion that the Conseil des collèges comes close to approaching a little bit because we may go too far but, nonetheless, we have accepted that and we have tried to make literacy across the curriculum a major objective of all of our colleges. I think that we also call for a revision of that program but we do have the same problems and we have taken some steps already. We need some help for some of the other steps. All of us put more resources in the English. Without the language... And I do not have to tell you, we heard it from you, without the language, you cannot do the rest.

Mme Robillard: Merci bien, M. Potter. M. Brown, j'aurais besoin d'une clarification à l'intérieur de votre mémoire aussi, à la page 19, quand vous nous parlez d'une troisième voie. J'avoue que j'ai de la difficulté à saisir c'est quoi exactement votre recommandation sur le fait d'ouvrir une troisième option pour des étudiants plus faibles, dites-vous. Est-ce que c'est une session d'accueil et d'intégration particulière? Est-ce que c'est une session préparatoire, une espèce de propédeutique comme en parle le Conseil des collèges? Est-ce que c'est un programme plus court au niveau de la formation technique? Qu'est-ce que c'est que cette troisième option?

M. Brown: Alors, vous avez posé trois questions. Donc, parmi nous autres, les trois questions sont du domaine de M. Potter.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Brown: Cependant, avant de donner la parole à M. Potter, c'est important aussi de noter que l'élément problématique pour lequel nous annonçons la notion de la troisième option ou la nécessité d'avoir une troisième option, c'est le problème que nous avons présentement, qu'on vit présentement, avec la qualité du D.E.S. À ce moment-ci, nous recevons des élèves avec un écart important dans les D.E.S. - entre 130 et 175 crédits - et, pour nous, c'est un problème parce qu'on considère qu'ils entrent à plusieurs niveaux. Nous savons, par des recherches faites

par chacun de nos collèges et des recherches faites par d'autres endroits et d'autres pays, que les élèves qui entrent avec un D.E.S. faible ont des échecs déjà presque déclarés. C'est pour ça que nous avançons ici que, si la possibilité se présente qu'on n'a pas les moyens «d'adresser» les problèmes du D.E.S. comme tels, il faut quand même trouver d'autres solutions. Et, donc, la troisième option, c'est parmi ces options qu'on veut porter à votre attention. Alors, M. Porter. (12 h 10)

M. Potter: Oui. La notion, et ça reste au niveau, présentement, du concept, est venue d'une analyse qu'on a faite de nos expériences avec les élèves qu'on a essayé de mettre à niveau. On a constaté que, si 35 % réussissent la première année, c'est un succès, mais, quand les statistiques et les indicateurs arrivent, ce n'est nettement pas un succès. Et aussi il vient de l'analyse qu'on a faite avant le changement des sciences humaines. On a recueilli tout ce monde dans nos programmes de sciences humaines. Il n'y avait pas de préalables dans ce programme. Il y avait une grande, mais très grande, trop grande flexibilité dans ce programme. On a recueilli ce monde, puis on a dit: Bon, on leur donne un diplôme, ils ne vont pas à l'université, d'une part. D'une autre part, ils vont sur le marché du travail, mais ils y vont avec la sociologie, avec la psychologie, l'histoire, des disciplines de sciences humaines, et c'est eux autres qui chôment le plus, qui cherchent une position, une job plus haute qu'un finissant de secondaire, mais moins haute qu'un finissant de collégial. Et nous nous sommes dit qu'on serait mieux d'outiller les finissants, donc, l'idée de donner un programme qui n'est pas préuniversitaire, mais qui est centré sur les objectifs du marché du travail pour qu'un élève puisse espérer une position entre ces deux niveaux-là.

La Présidente (Mme Hovington): M. le député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: Oui, je voudrais remercier M. Brown et son équipe. Vous avez dit, d'entrée de jeu, que vous étiez heureux d'avoir l'occasion de vous adresser à la commission parlementaire du gouvernement sur l'avenir des cégeps ou des collèges. Compte tenu de ce que vous représentez, de ce que vous êtes - et je pense qu'il faut le dire tel que la réalité est - vos valeurs, vos perspectives et votre héritage reflètent l'histoire culturelle et linguistique de la communauté anglophone du Québec, et c'est important d'avoir le point de vue de la communauté anglophone sur une question qui fait partie d'un débat de la société québécoise. Alors, merci d'être là.

D'ailleurs, on le voit qu'il y a des petites différences importantes. Moi, j'étais heureux de constater, par exemple, à la page 8, que ce qui est un problème chez d'autres, chez vous, à vos dires, en tout cas, semble être une réussite. Vous avez développé une pratique particulière quant à la gestion des changements de programmes et d'orientation - et c'est vous qui dites ça - avec très peu d'inconvénients. Moi, si j'étais ministre, j'aimerais ça avoir plus de détails. Là, je n'ai pas le temps, mais je vous dis... Je n'ai pas le temps là-dessus, mais c'est intéressant. Vous dites «nous autres, on gère ça», puis tous les autres sont venus nous dire qu'il y avait un problème. Donc, j'irais fouiller ça un peu comment vous gérez ça, ces changements de programmes et d'orientation. On sait qu'ils sont nombreux et, vous, vous portez le jugement: Ça ne nous crée pas d'inconvénients pour l'étudiant concerné. Bravo, félicitations!

Vous êtes les premiers, à ma connaissance, à la page 9, à centrer d'une façon aussi forte - j'espère que vous le dites également à vos enseignants - que votre corps d'enseignants représente votre plus précieuse ressource, et que son professionnalisme et son dévouement au cours des 25 dernières années se sont révélés la pierre angulaire des réalisations du système collégial.

C'est des valeurs importantes à se faire rappeler. Moi, si j'étais enseignant chez vous, je serais très heureux de lire ça puis d'entendre ça, parce que, moi, j'ai enseigné moi-même. J'y crois, pour les agents éducatifs, les transmetteurs de la connaissance, ceux qui sont en lien direct avec les premiers agents du système que sont les élèves, c'est fondamental d'être dans un climat d'une aussi grande reconnaissance. Alors, je m'arrête là sur les vantardises, mais je pourrais continuer, parce qu'il y a des aspects intéressants.

Première question. Moi, je regrette, lorsque vous vous exprimez bien en anglais, je veux dire, je suis en mesure de vous comprendre, mais j'aurais de la difficulté, et c'est une faiblesse dont je m'accuse, de vous questionner en anglais. Ce n'est pas nécessaire de le faire, vous allez me comprendre.

Quand Mme la ministre est venue sur la question d'un meilleur apprentissage de la langue seconde pour vos jeunes, gars et filles, des cégeps anglophones, j'ai très bien compris ce que vous avez dit, mais je ne suis pas vraiment plus avancé là-dessus, parce que votre recommandation à la page 15... Je vous cite: «Que le gouvernement du Québec reconnaisse et appuie notre responsabilité». J'ai du trouble avec ça parce que «reconnaisse et appuie notre responsabilité», vous convenez que c'est à vous. Je leur dis: Qu'est-ce qu'il leur manque pour fournir un meilleur appui aux apprentissages d'une langue seconde mieux maîtrisée et, dans votre cas, compte tenu que vos étudiants sont anglophones, c'est pour la langue française. Vous dites: Nous devons munir nos diplômés d'outils nécessaires pour exercer mieux leurs professions en français. Bravo! Donc, ce que je dis, on sent qu'il y a une volonté ferme, chez vous, de faire plus, et ça se conclut

quand même: «Nous croyons que nos institutions ont besoin des moyens - je n'en disconviens pas, je veux savoir ce qui vous manque - et de l'autorité qui leur permettront d'assurer une compétence linguistique en français chez les diplômés du collégial.» Et là j'ai de la difficulté à saisir ce que vous voulez de l'État quand vous affirmez: On a besoin de l'autorité qui nous permettrait d'assumer la responsabilité que vous semblez bien décrire. Je vous comprends très bien dans la responsabilité que vous décrivez, et vous dites: Bien, on n'a pas l'autorité qu'il nous faut. Qu'est-ce qu'il vous manque?

M. Brown: Je vais demander à M. Patrick Woodsworth, le directeur général de Dawson, de répondre. Mais, avant que je lui donne la parole, vous avez bien saisi l'élément de notre recommandation. Pour nous autres, la deuxième recommandation est peut-être parmi l'une des plus importantes pour notre milieu. C'est fort important. Pour nous autres, le français n'est pas une langue seconde. Pour nous autres, c'est le français, la langue de travail, la langue d'usage, et c'est dans cette optique-là qu'on parle de l'importance du français langue seconde et du besoin d'avoir une autonomie ou une capacité de répondre qui, vraiment, soit unique pour notre milieu anglophone et nos collèges anglophones.

M. Gendron: O.K.

M. Woodsworth (Patrick): Si vous permettez que je complète la réponse, avant de vous donner une réponse précise. C'est une question primordiale pour les cégeps anglophones, peut-être la question primordiale, peut-être que c'est le noyau de notre mémoire, si je peux dire. Ça illustre, à bien des égards, la problématique du cégep anglophone. Nous croyons que la maîtrise de la langue française sera essentielle pour l'avenir professionnel des jeunes anglophones et, ainsi, pour la survie de la communauté anglophone québécoise.

En effet, une étude récente qui porte sur les attitudes des jeunes anglophones envers leur avenir au Québec a démontré que 79 % d'entre eux ont identifié une excellente connaissance du français comme élément essentiel à l'exercice de tout travail au Québec. Cette même exigence, on le sait très bien, est de plus en plus répandue parmi les employeurs québécois. Or, depuis 1986, le nombre d'inscriptions en français langue seconde dans les collèges anglophones a baissé d'environ 20 %, dont une baisse de presque 12 % en 1990-1991, c'est-à-dire avec l'introduction du nouveau programme en sciences humaines.

Actuellement, la seule voie ouverte à la plupart des étudiants qui veulent suivre un cours en français, c'est comme cours complémentaire. En 1991, seulement 14,5 % de nos étudiants ont suivi un cours en français langue seconde et la situation est encore pire en 1992. Or, on sait, de par notre expérience, que beaucoup de nos étudiants ont une connaissance insuffisante du français. Il est essentiel que nous remédiions à cela si nous voulons que nos jeunes restent au Québec. Il nous est impensable que le gouvernement du Québec continue à mettre des obstacles à l'apprentissage du français par les non-francophones. Cet apprentissage est de loin l'instrument le plus important de l'intégration des non-francophones dans la société québécoise et nous estimons qu'une communauté anglophone vibrante et engagée est importante pour le Québec. Nous interpelons le gouvernement de nous aider en facilitant l'apprentissage du français.

Maintenant, pour répondre concrètement à votre question, il faut dire que dans nos institutions on n'a pas encore eu une discussion approfondie des moyens. Alors, ce que je vais dire, c'est ma réaction propre à moi et à mes collègues ici, mais il me semble que le moindre qu'on aimerait avoir, c'est deux cours dans le bloc obligatoire de la ministre. Ça, c'est le moindre. Mais, ce à quoi on a pensé, dans notre groupe, c'est de fixer un standard qui serait essentiel, un standard de compétence qui serait essentiel pour recevoir le diplôme d'études collégiales pour tout finissant d'un cégep anglophone.

Alors, est-ce que ces deux cours-là, dans le bloc obligatoire, serviraient à remplir ce standard, à atteindre ce standard? Pour la vaste majorité, oui, probablement. Mais, pour d'autres, peut-être pas. Alors, ces deux cours-là devraient probablement être jumelés avec d'autres mesures telles que, par exemple, des activités socioculturelles, des cours de rattrapage, même peut-être des échanges entre cégeps francophones et anglophones. Il y a toute une gamme de possibilités, mais pour répondre, M. le député, à votre question, je pense que le minimum, ce serait deux cours.

M. Gendron: Je veux vous remercier. En tout cas, je suis très heureux de sentir, puis on le sent vraiment, que, pour vous, c'est une priorité, et, si ça demeure une priorité, je suis convaincu que vous allez trouver les forums requis puis l'occasion d'en débattre pour convenir d'un moyen très précis. Vous en avez suggéré un. L'orientation du Conseil des collèges, selon ce que je vois, ne vous déplaisait pas, mais vous dites que ce n'est pas suffisant. Alors, bravo pour cette initiative. (12 h 20)

Deuxième question: On dit toujours, à tort ou à raison, mais moi, j'ai l'impression que ce n'est pas à tort... Vous avez un plus grand souci... Je dis que vous avez, les anglophones - la mentalité des anglophones, à moins que je la connaisse très mal, ce qui est possible, mais pas sur ce que je vais dire, je pense - plus de souci pour une bonne forme physique, pour développer vraiment des activités physiques d'une

façon concrète, et on le voit, d'ailleurs. Il s'agit juste d'aller - ce n'est pas loin, là - entre les deux rives pour constater qu'il y a plus de gens qui se préoccupent de condition physique. En termes clairs, puisque c'est sur la table, pour vous, est-ce que les cours d'éducation physique... Et là je ne parle pas nécessairement des exemples qu'on nous a servis. Là, il n'y a pas de reproche comme tel à la ministre, pour de vrai là, mais je ne veux pas verser là-dedans.

Moi, aussi, il y a des cours qui me fatiguent dans la rétention des cours, mais envisager une formation de base, y incluant des cours d'éducation physique, ça ne me fatigue pas pantoute; je ne suis pas mal à l'aise avec ça pantoute. Dans une société de loisirs qu'on va développer, dans les choix qu'on devra faire où, dorénavant, il y aura de plus en plus de temps partagé, on va devoir le faire. Avec des taux de chômage de 13 % et 14 %, il va falloir faire des choix. Moi, des cours d'éducation physique obligatoires, en tout cas, on va en rediscuter, et c'est pour ça qu'on en parle, je n'ai pas de trouble avec ça dans la formation de base. Ce que j'aimerais savoir, c'est: Est-ce que vous croyez, vous autres, les collèges anglophones, que l'éducation physique devrait continuer à faire partie de la formation de base?

M. Brown: Bon, comme vous l'avez sans doute constaté, nous quatre, ici, nous ne sommes pas des exemples anglophones du corps physique, là!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Brown: Mais, cependant, comme disait mon collègue M. Woodsworth, on a fait un consensus dans le milieu anglophone à savoir qu'il faut quand même changer des choses et revoir ça comme il faut. C'est sûr qu'à ce moment-ci, pendant que nous sommes présents devant la commission parlementaire, nous ne nous sommes pas arrêtés exactement sur comment ça devrait être. On est prêts à nous engager dans ce processus-là. Mais il me semble, si je dégage les échanges qu'on a eus chacun d'entre nous, et les collèges, et les conseils d'administration avec lesquels nous avons fait des échanges sur ce sujet-là, que vous avez raison en disant que l'éducation physique a un rôle important à jouer dans notre milieu anglophone. Et j'espère qu'à la fin de tout ça il y aura une présence des cours d'éducation physique dans notre programme.

C'est pour ça que la recommandation de la Fédération nous intéresse beaucoup, parce que là nous respectons vraiment la collectivité francophone, je pense, et la collectivité anglophone, parce que, pour nous autres, les cours d'éducation physique ont probablement plus d'importance. Et là peut-être que je me branche un petit peu en disant ça, mais c'est mon propre point de vue. Mais la recommandation de la Fédération nous donne la possibilité, dans la plage des cours obligatoires, au domaine des collèges, de répondre aux besoins de notre propre milieu.

M. Gendron: Merci. Deux autres questions rapidement. Sur le perfectionnement, j'aimerais ça vous entendre un peu. La formule FABES, vous n'avez pas tellement été précis. La formule FABES, pour les non-initiés, c'est la nouvelle formule de financement des collèges. Il semble qu'elle aggrave certaines difficultés chez vous. J'aimerais ça que vous soyez plus explicite. Est-ce que c'est lié au passé? Mais si on regarde une nouvelle formule de financement, est-ce que... Parce qu'il y a des témoignages contradictoires. Il y a des gens qui sont venus nous dire très clairement que la nouvelle formule de financement des collèges était intéressante. Alors, chez vous, ça ne semble pas être le cas. Qu'est-ce qui arrive, très concrètement? Et je poserai l'autre après.

M. Brown: C'est dommage qu'on arrive à la fin de la commission parlementaire pour répondre à cette question, qu'il n'y ait pas de temps pour nous autres. Mais je vais dire brièvement que la formule FABES, le F, c'est fixe, le A, c'est pour des activités éducatives, et le B, c'est pour des activités de bâtisse. Alors, nous, les collèges anglophones semblent se ramasser avec un problème à cause du fait que les trois facteurs jouent dans notre cas. Le F, c'est fixe, que le collège soit grand ou petit. Et, pour la plupart des collèges anglophones, nous sommes des grands collèges, des gros collèges. Le A, c'est les activités pédagogiques, mais dans la plupart de nos collèges nous mettons l'accent sur la formation générale et non pas sur la formation professionnelle. Alors, il y a moins d'argent qui entre à cause du A. Le B, nous sommes des grands collèges, dans bien des cas dans une situation assez unique comme institution, et les normes qui sont avancées par le ministère dans le budget ne répondent pas toutes à nos besoins. Alors, quand on calcule que les trois éléments, le F, le A et le B, jouent ensemble, c'est pour ça que les collèges anglophones ont un problème avec le fameux FABES.

Et peut-être que, à un moment donné, il faut qu'on constate qu'il y a peut-être un moment, il y a un point où les normes ne marchent plus. Il faut quand même trouver des situations hors norme.

M. Gendron: Merci. L'autre question, rapidement. C'est que vous avez indiqué, à la page 11 de votre document - je trouve que c'est quelque chose d'important et que ce n'est pas développé: «Une plus grande coordination s'impose entre le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science et le ministère de

l'Éducation...» Cela ne fait aucun doute, là. Sur le plan général, c'est clair. Le même titulaire existe, en tout cas, présentement, pour les deux responsabilités. Mais là vous dites: «À l'heure actuelle, il y a [...] trop de duplication et de concurrence inutile entre ces deux niveaux, et l'ensemble actuel de règlements représente un obstacle sérieux à notre capacité de répondre aux besoins des étudiants adultes.»

Plus spécifiquement, parce que c'est un domaine important qu'il va falloir regarder plus attentivement, toute l'éducation des adultes, à quoi faisiez-vous référence précisément, qui se trouverait un handicap ou une enfarge à une meilleure offre de cours à l'éducation des adultes?

M. Brown: Je demanderais à M. Woodsworth.

M. Woodsworth: Je pense que ce à quoi on a pensé, c'était plutôt entre le MESS et le MMSR, en ce qui concerne le financement de l'éducation des adultes, là où il y a tellement de confusion, tellement de chevauchement. Ce qu'on demanderait là, c'est que les cégeps auraient un interlocuteur ministériel et non pas deux. Que ce soit le MESS ou le MMSR, personnellement on préférerait le MESS. Mais il y a trop de confusion maintenant dans les dispositions portant sur l'éducation aux adultes.

La Présidente (Mme Hovington): Merci. M. le député de Jacques-Cartier, vous avez deux minutes. Malheureusement, M. le député, vous avez deux minutes, assez rapidement.

M. Cameron: Merci, Mme la Présidente. I should begin by saying that, of course, I endorse the general position taken on English education and English educational institutions at the end of your presentation. I would be a little more confident about the future of English educational institutions if we did not get things like the government's recent rejection of the first and most important recommendation of the Chambers report which does not exactly indicate, despite a great amount of pious sentiments, that they are really moving very strongly to support English educational institutions. But I will let that pass.

In terms of your memoir, there are a couple of things, I think, that might be important to raise to the attention of the Committee. I would be interested in knowing whether any of you have any statistical analysis either of the general departure of students from our cégeps to universities outside Québec and particularly the case where they do not do the two-year D.E.C., but instead complete one year and then clear out. I would also be interested in knowing, in terms of the general orientation that you presented about the humanities, about the possibility of strenghtening instruction in French, if you could give, for instance, at least one scenario of exactly how that would be likely to change the course bloc, not necessarily the one that you wound up with, but let us say one you could conceive of, and whether you would see this is having significant consequences for hiring and firing or whether it just involves moving people around in the existing institutions.

And the last point I would like to ask about is: If you are going to have a system of evaluation, supposing you find, with people who have taught in the system for 20 years, they have terrible evaluations, absolutely appalling, then, what do you do?

M. Brown: As far as the statistical data regarding the departure of students going after the first year, I have to say that we do not have them here, although we do recognize that there is a disturbing percentage of our students that do leave after the first semester and move on to other provinces to continue their education. So, I cannot tell you, statistically, exactly what those numbers are, other than say that, for us, it is a disturbing number.

M. Cameron: Can you find that out? (12 h 30)

M. Brown: Yes, we can find out and we will certainly be glad to share it with the members of the Parliamentary commission.

As far as the impact of what a future scenario could look like, in our mind, we think that when the dust finally settles this probably will look like that certainly English mother tongue should have and should continue to be an important part of the core, that, as Alex had mentioned ealier, as Mr. Potter mentioned earlier, that humanities be somehow structured and tightened up, we hope that somewhere along that line, the themes being proposed by the Conseil des collèges along with the Federation of cégeps will enable us to maintain a lot of the people that we already have, so I do not see a major shift in personnel at that point. And, hopefully, in the part being so recommended by the Federation that we will have the access as colleges to develop what is considered to be our core, our compulsory, phys ed would have a role to play in there. So, we think that when all is said and done, there probably should not be that major impact from the point of view of personnel, as it touches our people.

La Présidente (Mme Hovington): Merci beaucoup. Ça va. C'est tout le temps que nous avons, malheureusement.

M. Brown: O.K.

La Présidente (Mme Hovington): En conclusion, Mme la ministre, rapidement.

Mme Robillard: II me reste à remercier les

gens des collèges publics et privés. Sachez que j'apprécie que les collèges puissent se rejoindre. Quel que soit leur statut, quand on parle du contenu de la formation, du régime pédagogique, donc qu'on ait un statut public ou privé, nous avons les mêmes enjeux et nous devons participer ensemble aux changements. Merci beaucoup d'être venus en commission parlementaire.

La Présidente (Mme Hovington): À mon tour de vous remercier au nom des commissaires de la commission de l'éducation d'être venus nous présenter votre mémoire.

Je rappelle aux parlementaires que la commission de l'éducation ne siégera ni cet après-midi ni ce soir. Demain matin, nous commencerons dès 9 h 30 et jusqu'à 22 heures demain soir. Les auditions qui étaient prévues pour le jeudi 19 novembre sont aussi remises. Ce sont des changements à notre horaire de travail.

Ceci étant dit, la commission de l'éducation ajourne donc ses travaux jusqu'à demain matin, 9 h 30. Bonne journée!

(Fin de la séance à 12 h 33)

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