Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
(Onze heures trente-cinq minutes)
La Présidente (Mme Hovington): Je constate que nous avons
quorum. La commission de l'éducation va débuter ses travaux.
Alors, je rappelle le mandat de la commission pour cette séance
qui est de procéder à des auditions publiques sur l'enseignement
collégial québécois. Est-ce que nous avons des
remplacements, M. le secrétaire?
Le Secrétaire: Aucun remplacement, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Hovington): Merci. Ce matin, nous
recevons le Comité pédagogique provincial du programme de soins
infirmiers. Avant de vous reconnaître, de vous présenter,
j'aimerais entendre Mme la ministre qui a un message à nous passer, ce
matin.
Mme Robillard: Merci, Mme la Présidente. Je voudrais
saluer de façon toute particulière le Comité
pédagogique du programme de soins infirmiers, leur dire que j'ai lu avec
attention leur mémoire, que j'ai quelques questions de clarification sur
des énoncés que vous faites et des recommandations, mais que,
malheureusement, je vais devoir m'absenter ce matin, parce que j'ai une
réunion importante au niveau du Conseil des ministres, mais que j'ai
transmis ça à mon adjoint parlementaire et que c'est lui qui va
me remplacer avec vous. Mais je voulais vous remercier personnellement
d'être venues en commission.
La Présidente (Mme Hovington): Nous comprenons vos
obligations ministérielles, Mme la ministre.
Comité pédagogique provincial du
programme de soins infirmiers
Alors, nous avons Mme Nicole Tremblay, responsable du Comité
pédagogique provincial en soins infirmiers.
Mme Tremblay (Nicole): Bonjour, madame.
La Présidente (Mme Hovington): Bonjour, Mme Tremblay.
Est-ce que c'est vous qui êtes la porte-parole?
Mme Tremblay: Oui, madame.
La Présidente (Mme Hovington): Alors, voulez-vous nous
présenter vos collègues, s'il vous plaît?
Mme Tremblay: Alors, il y a Mme Nicole Bizier, professeure au
cégep de Sherbrooke.
Mme Bizier (Nicole): Bonjour.
La Présidente (Mme Hovington): Bonjour.
Mme Tremblay: Mme Marthe L'Espérance, responsable de la
coordination départementale en soins infirmiers du cégep de
Chicoutimi.
La Présidente (Mme Hovington): Bonjour.
Mme Tremblay: Et Mme Ariette Savard, responsable aussi de la
coordination départementale en soins infirmiers du cégep
d'Alma.
Mme Savard (Ariette): Bonjour.
La Présidente (Mme Hovington): Bonjour, mesdames. Alors,
bienvenue à la commission de l'éducation. Nous vous
écoutons.
Mme Tremblay: Mme la Présidente de la commission
parlementaire de l'éducation, Mme la ministre de l'Éducation et
de l'Enseignement supérieur, bonjour, Mmes et MM. les
députés membres de la commission parlementaire de
l'éducation, dans le cadre de la réflexion sur l'enseignement
collégial québécois, le Comité pédagogique
provincial du programme de soins infirmiers a reçu le mandat de venir
témoigner de révolution, de l'adaptation et du
développement de ce programme.
La vitalité et l'énergie avec lesquelles ces mouvements se
sont produits témoignent de la fierté des professeurs en soins
infirmiers d'être incorporés à l'évolution du milieu
éducatif québécois et, par le fait même, à la
société québécoise.
Le programme soins infirmiers, établi dans 43 collèges,
est né de la foulée du rapport Parent. Il est issu du passage
d'une vision axée sur la main-d'oeuvre à celle d'une vision
axée sur l'éducation. Ce passage d'une formation praticienne
à une formation théoricienne ne s'est pas déroulé
sans heurts. Les enquêtes et rapports nous ont montré ces
difficultés et l'évaluation du processus de révision du
programme a servi de tremplin aux nouvelles orientations de ce programme. Nous
pouvons dire, maintenant, que celui-ci a acquis ses lettres de noblesse. Le
comité de rédaction du mémoire, dans une perspective de
continuité et dans un but progressif, a travaillé autour de trois
questions et c'est ce que nous désirons aborder avec vous.
La première question à laquelle nous avons voulu
répondre est celle-ci: En quoi le program-
me soins infirmiers peut-il répondre aux exigences de la
société québécoise? La société
québécoise de l'an 2000 se doit d'être une
société moderne, pluraliste et ouverte au monde. Le programme
soins infirmiers a été élaboré en tenant compte des
différents niveaux de notre structure éducationnelle, des aspects
socioculturels propres à la société
québécoise et des champs d'activité rattachés
à l'exercice de la profession. Pour répondre à cette
vision, le programme de soins infirmiers tient compte des trois dimensions
essentielles au projet éducatif, soit l'accessibilité, la
formation fondamentale et l'éducation permanente. Le programme est
offert dans 43 collèges, dont 4 collèges anglophones et 2
collèges privés. Ces collèges sont répartis dans
toutes les régions du Québec et dans des milieux avec une
densité de population variable. Enfin, la formation collégiale en
soins infirmiers permet aux infirmiers et infirmières
généralistes de travailler également dans les
établissements du réseau des affaires sociales. (11 h 40)
Pour répondre aux défis qui se posent au système
éducatif quant aux besoins de formation reliés à la
compétence, à fa capacité d'adaptation et à la
capacité de faire des choix basés sur un système de
valeurs et l'esprit critique, le programme en soins infirmiers a misé
sur la promotion d'une formation fondamentale inscrite dans une approche
programme. C'est pourquoi les étudiants et étudiantes apprennent
à développer diverses compétences à travers
différents thèmes. Outre les perspectives de sa discipline,
l'étudiante en soins infirmiers bénéficie de cours de
français, de philosophie, de sociologie, de biologie, d'éducation
physique et de psychologie. Ceux-ci, comme vous le savez, visent le
développement de la personne, l'épanouissement de la culture et
la capacité de fonctionner dans une société polyvalente et
en mutation. Une formation large et solide ne peut que développer une
grande capacité d'adaptation et, pour tous les acquis faits dans le
programme en soins infirmiers, nous tenons à réitérer
notre conviction que la formation initiale en soins infirmiers doit continuer
d'être assurée par le niveau collégial.
La deuxième question fait référence aux
caractéristiques des étudiants que nous devons former. Nous
arrêterons nos propos sur les antécédents et la
diversification de la clientèle ainsi que la réussite scolaire.
En ce qui a trait aux antécédents et à la diversification
des clientèles, on sait qu'une grande majorité des
étudiants ont obtenu un diplôme d'études secondaires, une
proportion aussi de nos étudiants provient d'un changement d'orientation
après une année d'études collégiales, et un certain
nombre ont déjà obtenu un D.E.C. général. Ces trois
profils ont servi de canevas lors de l'élaboration du programme de
formation. De plus, à cette formation antérieure nous devons
ajouter d'autres variables, comme l'âge, entre 17 et 40 ans. Nous pouvons
constater, chiffres en main de mai 1992, que la clientèle des adultes
représente 44,7 % des finissants, et ce, en mai 1992. L'autre variable,
c'est i'origine ethnique qui a amené les départements de soins
infirmiers à tenir compte du profil type des étudiants inscrits.
Un constat qu'il nous semble important de souligner se regroupe sous le
thème des aspirations professionnelles: 83 % des infirmières
généralistes désirent travailler dans les centres
hospitaliers de courte durée et 64,7 % dans les services de soins
généraux ou spécialisés, 9,9 % envisagent de
travailler dans un CLSC et les centres d'accueil, les centres hospitaliers de
soins prolongés sont choisis à 1 %.
Il est important de souligner qu'au niveau de la fonction de travail 73
% des diplômées travaillent comme infirmières de chevet.
Les dernières statistiques de l'Ordre des infirmières et
infirmiers du Québec, et ce, en date de mars 1992, démontrent que
32 841 personnes travaillent à titre d'infirmière, soit 59 % des
membres de la Corporation. Des infirmières diplômées du
collégial, nous notons que 27 % d'entre elles poursuivent des
études universitaires.
En ce qui touche la réussite scolaire, le taux de diplomation
pour l'ensemble du réseau se situe à 31 % et il augmente à
50 % pour la période d'observation maximale, soit quatre ans. La
majorité des échecs semble associée à une mauvaise
orientation ou à des faiblesses académiques. Il est important de
noter que de nombreux élèves ne semblent pas non plus au fait de
la charge de travail demandée dans ce programme. Malgré les
efforts louables faits par les différents collèges afin
d'élaborer des services d'aide à l'apprentissage et des
programmes d'encadrement spécifiques, nous croyons qu'un support plus
concret devrait être mis sur pied afin de consolider les acquis
académiques et le choix de carrière des étudiants en
difficulté. C'est pourquoi nous proposons d'examiner l'implantation
d'une propédeutique qui pourrait s'ajuster à la situation des
clientèles et répondrait aux exigences des programmes
d'études de niveau collégial.
Notre troisième question a été celle-ci: Quels sont
les concepts de base qui ont servi au développement des connaissances,
des habiletés et des attitudes nécessaires à
l'organisation du programme soins infirmiers? La structure orga-nisationnelie
du programme soins infirmiers a été élaborée en
tenant compte des concepts de base, telle l'approche programme, la formation
fondamentale et la formation continue. La réussite de notre programme ne
doit pas masquer certaines lacunes auxquelles nous nous sommes
confrontées. Après cinq ans d'application de l'approche
programme, la concertation nécessaire pour développer une vision
plus unifiée et cohérente offerte par les diverses disciplines
des programmes d'études, quant au partage et au questionnement sur des
activités d'apprentissage
ou encore à l'atteinte des objectifs de formation, est encore
à son ascendant dans la courbe. Cette concertation, donc, fait face
à de nombreuses résistances dans le milieu collégial,
à une méfiance entre les disciplines quant au respect de leur
spécificité. C'est pourquoi nous recommandons la mise en place de
mécanismes et de ressources afin que l'application et la gestion de
l'approche programme soient efficaces et soient réellement le pivot de
la formation au collégial.
Quant à la formation continue, nous sommes d'avis que le concept
de formation continue trouve toute sa justification à l'intérieur
même des collèges puisqu'on y retrouve les ressources disponibles
et les compétences nécessaires. Nous croyons aussi que, dans un
concept de formation continue, le niveau universitaire ne doit pas être
la seule voie d'entrée à la poursuite de perfectionnement ou de
formation sur mesure. Nous recommandons ainsi que les départements de
soins infirmiers élargissent leurs champs d'activité en
développant des programmes de spécialisation qui conduiraient a
une certification et qui répondraient aux besoins d'une
société en mutation. De plus, pour les infirmières
généralistes désireuses d'accéder au niveau
universitaire, nous demandons à la présente commission de
favoriser le développement d'un programme de reconnaissance des acquis
et la mise en place de mesures d'harmonisation afin d'éviter que ces
personnes soient pénalisées dans la poursuite de leur
formation.
Pour conclure, nous croyons à une formation initiale large et de
qualité. Nous croyons aussi que le concept de formation fondamentale est
essentiel et unique au niveau collégial. Il permet d'assurer
l'intégration des différents apprentissages dans le programme
d'études, dans l'ensemble de la vie et dans les engagements sociaux de
l'étudiant. Dans cette perspective, le concept de formation fondamentale
nous rassure sur la qualité des soins infirmiers donnés par nos
diplômés, car ils sont donnés par des gens qui ont le
goût des soins infirmiers et la sollicitude au coeur de leur action.
Voilà l'essentiel du mémoire présenté par le
Comité pédagogique provincial en soins infirmiers. Nous vous
remercions de nous avoir permis de présenter ce mémoire.
La Présidente (Mme Hovington): Merci, Mme Tremblay, de
votre bonne présentation. Je reconnaîtrai maintenant le
député de Sherbrooke et adjoint parlementaire à la
ministre de l'Éducation, de l'Enseignement supérieur et de la
Science. M. le député.
M. Hamel: Merci, Mme la Présidente. Il me fait plaisir de
vous saluer, mesdames, et je vous remercie d'avoir accepté de
répondre à notre invitation et d'avoir préparé un
mémoire qui apporte une contribution spécifique aux travaux de
notre commission.
Vous savez que le programme d'études en soins infirmiers occupe
une place importante dans le réseau, et votre souci de le voir en
constante évolution ne peut que rassurer la clientèle
étudiante intéressée et les employeurs soucieux d'avoir un
personnel bien formé et de qualité.
Ceci étant dit, votre Comité nous a brossé un
tableau assez complet du secteur des soins infirmiers et votre nouveau
programme rejoint les préoccupations du Conseil des collèges de
l'an 2000, comme vous le signalez. Vous soulignez aussi, évidemment,
certaines caractéristiques de la clientèle étudiante
actuelle, et ceci m'amène au chapitre de la réussite scolaire
dans votre mémoire. Vous soulignez à la page 23, entre autres, un
taux de diplomation de 31 % qui se réajuste à 50 %. Vous dites
que les conséquences de ce taux de diplomation assez bas seraient que
l'organisation séquentielle des apprentissages en soins infirmiers rend
ces échecs particulièrement lourds car les élèves
doivent alors attendre une année avant de réintégrer le
programme. Est-ce que vous avez envisagé déjà un
système de rattrapage pendant la formation pour résoudre ce
problème, d'une part? (11 h 50)
Mme Bizier: Je vais répondre à la question. Nous
avons pensé concrètement pour éviter ce
problème-là, premièrement, peut-être au niveau de la
prévention, au niveau de l'information scolaire au secondaire, de
bonifier cette information scolaire. On en a beaucoup parlé. Nous
pensons qu'il est essentiel de bien informer le jeune ou la jeune qui se
présente pour le programme de soins infirmiers. Quand l'étudiant
arrive chez nous, il y a différents problèmes:
premièrement, l'adaptation, et ça peut aller jusqu'aux
difficultés scolaires. Il est certain qu'un programme avec des sessions
prérequis absolus d'une session à l'autre peut faire qu'un
étudiant qui, temporairement, a des difficultés ne peut passer
à l'autre session. Il doit attendre un an. Peut-être qu'il y
aurait lieu de penser à des admissions à l'hiver, mais de
façon régionale, de façon à ne pas changer le
cheminement actuel de notre programme. Nous croyons fermement que ce
programme-là, dans la séquence qu'il a été
pensé, favorise vraiment la progression, la continuité et
l'intégration. Alors, la principale difficulté étant que
l'étudiant qui est peut-être un an en dehors du circuit puisse
peut-être... au niveau de la rétention, on puisse avoir des
problèmes avec cela. La solution que nous imaginions était un peu
de cet ordre-là au niveau régional. Maintenant, il y a beaucoup
d'initiatives locales qui se sont faites par rapport à l'encadrement de
ces étudiants-là, de façon à éviter,
justement, qu'on en ait trop, de ces étudiants-là, avec ce type
de difficulté là. On a reçu, dans les collèges, de
l'allocation qui permettait de faire de l'encadrement qui est très
apprécié des étudiants et qui nous a aidées
beaucoup à éviter, justement, le relâchement, la perte de
ces
étudiants-là, même à l'intérieur de la
première année. C'est à ce niveau-là que je pense
que nous devons axer vers un encadrement plus serré avec des ressources
adéquates pour ces étudiants.
Maintenant, il y a plusieurs façons de procéder. On a mis
sur la table le fait de la propédeutique qui, à notre avis,
serait très intéressante aussi. Mais elle va apporter aussi le
fait qu'un étudiant n'entrerait pas dans un programme dès
septembre et pourrait être retardé d'une session. Mais je pense
qu'il y a des avantages à ça pour ces étudiants. Pour
d'autres qui veulent vraiment filer dans le programme et continuer, il y aurait
lieu de penser à des admissions régionales.
M. Hamel: Maintenant, vous parlez ce la propédeutique.
Pourquoi choisir la propédeutique? Est-ce qu'il n'y aurait pas d'autres
moyens à favoriser pour aider à l'intégration des
élèves?
Mme Bizier: À l'heure actuelle, ce qu'il nous est possible
de faire avec les ressources qu'on a, c'est de l'encadrement très
spécifique. C'est sûr que la perte qu'on a d'étudiants du
début du programme à la fin fait qu'on doit axer davantage
là-dessus. Là, ça peut prendre toutes sortes de
façons de procéder, toutes sortes de modèles. La
propédeutique, pourquoi on la trouve intéressante, c'est qu'elle
permettait aussi... Vous savez, une des difficultés de nos
étudiants, on l'a énoncé tout à l'heure,
était l'orientation et peut-être que ça permettra à
ce moment-là de bien orienter les étudiants, de faire de la mise
à niveau, comme on a dit, et aussi de parfaire des habiletés qui
ne sont pas acquises. Dans ce sens-là, comme on a certains
étudiants qui vivent ce problème-là, la
propédeutique permettrait cet élément-là. C'est
pour ça qu'on l'avait citée, mais il y a beaucoup de travail qui
se fait dans les collèges par rapport à ça; ce sont de
très belles initiatives, qui sont profitables et on devrait continuer
énormément de ce côté-là. Je pense qu'il
devrait y avoir des ressources pour peut-être travailler à
l'élaboration de modèles peut-être plus précis,
peut-être pas s'en aller uniquement vers la propédeutique, mais
d'autres types de modèles qui pourraient soutenir les étudiants
dans ce cheminement-là.
M. Hamel: Merci. Maintenant, vous dites aussi, à la page
37, qu'en plus de recevoir un diplôme d'études collégiales
les diplômés doivent obligatoirement réussir l'examen
national. Quel est le taux de réussite des diplômés du
collégial à cet examen national?
Mme Savard: Je vais répondre. M. Hamel: Oui.
Mme Savard: Pour l'année qui vient de se terminer, les
examens... nous avons reçu les statistiques dernièrement, au
début novembre. alors, il y a 6 % de taux d'échec aux examens
nationaux. les examens qui ont été passés par nos
étudiants au mois d'août, l'examen que nos étudiants du
collégial doivent passer obligatoirement, de même... c'est le
même examen, que je vous cite en passant, que les étudiants de
niveau universitaire doivent passer aussi. le niveau d'échec, c'est 6 %
provincialement.
M. Hamel: Merci. Dans vos recommandations, à la
recommandation 2 de la page 48, vous dites: «Nous croyons que des
mécanismes devraient être mis en place et des ressources
allouées afin que l'application et la gestion locale de l'approche
programme soient efficaces et soient réellement le pivot de la formation
collégiale.» Quels seraient ces mécanismes que vous
suggérez?
Mme Bizier: Je vais répondre à cette question.
Notre recommandation irait dans le sens de la formation d'un comité
local de gestion de l'approche programme. Ce qu'on pense, en tout cas, ce
devrait être un comité sous la responsabilité du directeur
des services pédagogiques. Ce comité-là, ce qu'on croit,
c'est qu'il devrait se faire par familles de programmes avec des
représentants des différents programmes, des représentants
des services professionnels, l'API, des étudiants, un
représentant au niveau de la direction des services pédagogiques.
L'objectif poursuivi à ce niveau-là serait un partage et un
consensus quant aux compétences communes relatives à la formation
fondamentale. L'approche programme dans ça, ça visait la plus
ultime... Tout en respectant les disciplines de chacun des intervenants dans le
programme, les objectifs communs se retrouvent au niveau de la formation
fondamentale et, en soins infirmiers, on y croit énormément.
On a vécu à la petite échelle, lors de la
révision du programme, le fait de partager avec les disciplines connexes
l'apport qu'elles pouvaient apporter au programme. On pense que cette
façon de procéder permettrait de revaloriser
énormément l'apport des disciplines connexes au programme, de
façon qu'on puisse vraiment, auprès de l'étudiant,
valoriser ces dimensions-là et mettre en commun des
éléments de base pour la formation, toujours en tenant compte des
apprentissages de l'étudiant, tant au niveau de la langue, du
raisonnement ou autres, les méthodes de travail aussi. Identifier des
difficultés rencontrées par les étudiants, échanger
sur des stratégies communes. En fait, il faudrait aussi penser à
de la formation au niveau des enseignants. On ne peut pas s'inscrire dans
l'approche programme comme ça, tout d'un coup. Il y a beaucoup de
réflexion qui doit se faire avant. Vous savez, le programme de soins
infirmiers est fait par objectifs de compétence. Quand on parle de
rédaction d'objectifs de
compétence, il faut vraiment être au fait un peu de ce que
ça demande.
Je pense que ce qui serait sous-jacent à ça, ce serait la
production de guides pédagogiques qui, vraiment, refléteraient le
développement de programmes, qui donnent le sens à
l'intégration des apprentissages, qui favorisent la progression, la
continuité, l'intégration, comme on le vit actuellement au niveau
des soins infirmiers. C'est dans ce sens-là qu'on croit fermement que
c'est possible de faire ce genre de comité, de façon que
ça devienne vraiment réel au niveau local, que l'on puisse
appliquer l'approche programme. Et, pour l'avoir vécu, je sais que c'est
possible. On le sait, nous l'avons vécu à la grandeur des 42
collèges, 43 c'est-à-dire, et il y a moyen d'aller plus loin que
ce qu'on a fait dans ce domaine-là.
Je pense qu'il faut aussi penser qu'on ne peut pas le faire sans
allocation nécessairement, mais, localement, on devrait vraiment
favoriser une formation comme celle-là. On pourrait prendre aussi
d'autres petits moyens, favoriser la formation d'équipes de professeurs
qui soient stables au niveau des étudiants, dans un minimum de temps,
qui ne varient pas d'une session à l'autre, de façon vraiment
à favoriser cette approche programme là. Des initiatives
très simples comme, par exemple, des contraintes à l'horaire pour
ces enseignants-là. Il y a toutes sortes de petits moyens qui peuvent
graviter autour de ce comité-là.
M. Hamel: Comment voyez-vous le département dans ces
mécanismes ou dans ce nouveau rôle?
Mme Bizier: II est certain qu'il y a eu beaucoup de
méfiance par rapport à l'aspect programme et l'aspect
disciplinaire autour, mais je pense qu'on peut travailler à des
objectifs communs de formation avec des disciplines sans que les autres
disciplines sentent qu'il y a de l'ingérence de la part du programme. Je
pense qu'au départ il va y avoir encore des réticences, mais
c'est possible. La place du département... il a sa place disciplinaire
mais, dans la révision provinciale du programme, on a largement
écrit sur l'apport des disciplines connexes. Lorsque, localement, on
s'est réapproprié ce programme-là, on est capable d'aller
voir l'apport et de garder la spécificité. Il y a moyen de
travailler ces éléments-là.
M. Hamel: Qui serait responsable à ce
moment-là?
Mme Bizier: C'est une grosse question que vous me posez
là. On avait parlé de la responsabilité qui reviendrait au
niveau de ce comité-là, au niveau de la DSP. Je pense que le
programme a une base très importante. Il faudrait peut-être le
regarder tout le temps au niveau de l'objectif qu'on poursuit. C'est
l'étudiant qui est au coeur de la formation. Je pense que, si on le
regarde à ce niveau-là, il y aurait lieu d'avoir un partage assez
bien établi au niveau des responsabilités face au programme et
face à la discipline, sans nécessairement qu'il y ait disparition
des départements tel qu'on le voit présentement. Il y aura un
effort très grand à faire de ce côté-là, on
en est bien conscientes, mais je pense qu'il y a moyen de faire un
équilibre entre ces deux-là quand on place tout le temps
l'étudiant au coeur de ce travail-là.
M. Hamel: Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Hovington): Merci. Alors, je
reconnaîtrai maintenant le porte-parole de l'Opposition officielle, M. le
député d'Abitibi-Ouest. (12 heures)
M. Gendron: Oui, Mme la Présidente. Bonjour. Je voudrais
vous saluer d'une façon spéciale, particulière, parce que
je sais que vous avez insisté particulièrement pour être
entendues. Vous avez fait des représentations et, nous aussi, nous
tenions à allonger la liste du gouvernement pour nous assurer que vous
soyez de ceux-là. Cet aspect-là sera davantage
apprécié par ma collègue, députée de
Terrebonne.
Je suis conscient que vous avez une présentation qui est
intéressante, à plusieurs égards. On va profiter de votre
présence tout de suite pour apprécier un certain nombre
d'éléments. Je voudrais continuer là où on vient de
se laisser avec le député de Sherbrooke. Je pense que ça
ne fait pas de doute que, compte tenu probablement de l'expérience que
vous avez vécue, vous vous connaissez bien au niveau des soins
infirmiers ou du programme de soins infirmiers.
Vous êtes d'ardentes défenseures de l'approche programme.
Avec raison, vous soulignez que ça peut soulever un certain nombre de
difficultés. Mais, selon vous, si nos préoccupations
étaient centrées sur les bons éléments,
c'est-à-dire les jeunes, les clientèles les plus
particulièrement visées, il n'y a pas beaucoup de ces
difficultés-là qui ne sont pas insurmontables. Je vous cite:
«Cette concertation fait face à de nombreuses résistances
dans le milieu, à une méfiance entre les disciplines quant au
respect de leur spécificité.» Il n'y a rien de mieux que
d'avoir des gens qui ont de l'expérience, qui ont vécu une
situation pour effectivement essayer d'apprécier un peu plus avant, un
peu plus profondément.
Comment pensez-vous qu'il y aurait lieu de procéder afin de
surmonter les difficultés énoncées pour maximiser le plus
les chances de réussite quant à l'atteinte de l'objectif? Vous
avez donné quelques pistes, mais j'aimerais poursuivre davantage.
Mme Bizier: En fait, si on continuait
toujours en partant de la formation fondamentale, au départ,
parce que c'est le point qui est commun à toutes les disciplines... Vous
avez sans doute parlé à beaucoup de professeurs, peu importe la
discipline, qui relèvent les mêmes difficultés que nous
relevons chez les étudiants dans la discipline. Je pense que c'est un
point de départ qui est commun. En partant de ce point de départ
commun, je pense que ce serait difficile de" ne pas commencer à voir -
lui, en tout cas - paraître un lieu commun par rapport à l'aide
qu'on peut apporter aux étudiants à l'intégration des
apprentissages. Je pense qu'il faut partir de là. Il faut partir aussi
de par la valorisation qu'on donne aux cours qui gravitent autour du programme.
Ils sont essentiels à la formation fondamentale. Ils sont essentiels
à la discipline aussi. À ce moment-là, je pense que c'est
le respect de la discipline connexe aussi qui gravite autour du programme.
À ce moment-là, je pense qu'avec ces bases solides il est
possible de tranquillement peut-être passer par-dessus la méfiance
qui, au premier abord, est si grande à ce niveau-là.
Quand on parle de formation fondamentale, de problèmes de langue,
de problèmes à réfléchir, à raisonner, au
niveau des méthodes de travail, c'est sûr qu'on n'aborde pas
là spécifiquement et uniquement la discipline, mais on va finir
par y aboutir, de toute façon, et c'est très concret.
M. Gendron: Je pense que vous apportez des suggestions
intéressantes. Je suis convaincu que, si on pratiquait davantage ce type
d'échanges et de convictions à l'intérieur des
collèges, on arriverait sûrement à surmonter les
difficultés. Mais, au-delà de ce que j'appellerais aspects de
discours, éléments de discours qui sont valables - il n'y a pas
de jugement négatif dans ce que je dis là - c'est requis, c'est
nécessaire de s'assurer que cette méfiance s'estompe. La
meilleure façon, c'est un peu de convenir de l'ultime
nécessité d'une formation fondamentale adéquate, du
respect, de l'intégralité et de l'unité des disciplines
spécifiques. Mais est-ce que vous croyez que - ce n'est pas parce que je
veux en mettre, là, ce n'est pas parce que je veux mettre des structures
et des mécanismes en place, parce que ma question ça va
être là-dessus, mais vous avez une expérience
là-dessus - au-delà de ce nécessaire discours
d'ajustement, il y aurait éventuellement quelques mécanismes
à mettre en place, quelques structures à mettre en place d'une
façon plus spécifique et qui auraient comme objectif de vaincre
les résistances et de s'assurer que, si jamais on retenait d'une
façon définitive cette approche, on la retient dans des
conditions de réussite? Est-ce que vous croyez qu'il y a lieu de
l'instaurer? Ou, vous, est-ce que vous avez pensé à des
mécanismes quelconques qui iraient au-delà de ce qu'on vient de
convenir?
Mme Bizier: C'est sûr que tout à l'heure j'ai
parlé de la formation. Je pense que, nous, on en a fait au fur et
à mesure de l'implantation du programme par rapport à la
formation fondamentale à l'intérieur même de notre
discipline. L'approche programme, on la vit à deux niveaux; on la vit
dans la discipline comme telle, où on a un programme avec progression,
continuité et intégration, où on est obligé de se
parler de choses très concrètes et d'objectifs. On est
obligé d'aller chercher de la formation dans ce domaine-là. Je
pense qu'en partant il va falloir y aller aussi à ce niveau-là.
On ne peut pas improviser quelque part. Tantôt, je vous disais que si on
avait des guides pédagogiques qui permettent vraiment de pouvoir mettre
ça en place, à l'aide d'un comité qui gère cette
façon de procéder là, je pense qu'on aurait des chances
que, localement, ce soit vécu de façon réaliste.
M. Gendron: Sur une autre question importante qui a
été touchée par bien des intervenants, pas
nécessairement toujours de la même façon, et c'est ce qui
fait que c'est intéressant, cette variation d'appréciation quant
à la formation fondamentale. Vous êtes de ceux qui, selon moi,
affirmez assez fort que la formation fondamentale, au moment où elle a
été retenue, les divers cours qui composent le programme
d'étude ont fait l'objet d'une recherche précise quant à
leur nécessite dans la formation infirmière, dites-vous. Mais on
sent que ce jugement - en tout cas, vous me corrigerez, c'est pour ça
que je fais des affirmations - semblerait être partagé pour
l'ensemble des options, comme formation de base. Là, je fais
référence spécifiquement aux cours de philo,
français, éducation physique, qui font partie intégrante
de la formation fondamentale.
Deux questions. Est-ce que vous croyez que celles et ceux qui
prétendent que le moment est venu de réviser les contenus
mêmes des cours de la formation fondamentale sont appuyés sur une
réflexion aussi forte que celle qu'on avait, je pense, quand on a
décidé de maintenir ces cours-là? J'aimerais avoir votre
point de vue là-dessus. Est-ce que ça signifie également
que, dans le discours de la nécessité d'adapter d'une
façon un peu plus moderne la formation de base, vous seriez des tenantes
de la thèse qui veut que c'est davantage par le biais des cours
complémentaires qu'on doit le faire que. par les cours obligatoires?
Mme Bizier: Ce que je pourrais dire, par exemple, c'est
qu'à l'heure actuelle les cours qui font partie du programme nous ont
satisfaits, en tout cas, de façon générale. On est capable
de regarder l'apport spécifique qu'ils apportent au programme. Je pense
qu'il faut revenir un peu en arrière en se disant: Lors de
l'élaboration du rapport Parent, en ce qui concerne l'éducation
physique, par exemple, que je viens de prendre
comme exemple, il est certain que l'utilité d'avoir dans la
formation générale des cours d'éducation physique venait
du fait qu'au niveau de la société québécoise on
avait besoin de revaloriser cet aspect-là pour la promotion de la
santé et la prévention de maladie chez la population.
Je pense que, dans ce débat-là, il faut tout le temps
revenir à l'étudiant au coeur même de l'apprentissage. En
ce sens-là, je vous dirais que ce que l'on vit, c'est... Les
étudiants nous disent: Si mon cours d'éducation physique me
permet de me, excusez l'expression, défouler...
M. Gendron: Oui, oui...
Mme Bizier: ...de me dépenser...
M. Gendron: ...c'est ça qu'ils disent.
Mme Bizier: ...permet de ventiler - parce qu'il ne faut pas se le
cacher, on est dans un programme lourd - ils sont satisfaits de ce
cours-là. En plus, je voudrais vous dire que ça permet aussi de
développer l'esprit d'équipe qui est un élément
très important au niveau des soins infirmiers. Même, on pourrait
aller au-delà de ça parce que les notions de santé qui
sont acquises en soins infirmiers pourraient très bien aussi être
appliquées dans un contexte d'éducation physique.
Au niveau de la philosophie, c'est primordial pour nous parce
qu'articuler sa pensée, raisonner, c'est plus qu'important en soins
infirmiers. En plus, il y a un cours très spécifique en
philosophie qui est l'éthique, qui a très bien sa place en soins
infirmiers, parce qu'on aborde ces éléments très
importants en soins infirmiers.
Ce qui est peut-être dommage par rapport à certains
éléments dans cette formation fondamentale là - le
français, je passe par-dessus parce qu'il est très important -
l'autre élément, c'est: Dans nos programmes lourds, où
l'horaire des étudiants est très chargé, très
souvent il n'a pas le choix de son cours d'éducation physique. C'est
peut-être la difficulté que l'on rencontre. C'est la même
chose pour les cours complémentaires. Je pense qu'il faudrait
peut-être avoir une politique de cours complémentaires qui fasse
appel à peut-être d'autres éléments que des cours
que l'on offre suite aux disponibilités ou aux ressources qu'il y a dans
le collège. Il faudrait peut-être regarder ces avenues-là.
Parce qu'il faut tout le temps se replacer avec l'étudiant: De quoi lui
a besoin? En quoi on répond à ses besoins par rapport au
programme? Est-ce que c'est par rapport aux besoins des ressources ou aux
besoins de l'étudiant? Je pense que, ultime-ment, on pourrait changer
ça en autant qu'on revient tout le temps à l'essence même
que c'est un besoin de l'étudiant par rapport aux apprentissages. (12 h
10)
M. Gendron: Merci. Ma collègue va poursuivre pour le temps
qui reste.
La Présidente (Mme Hovington): Mme la
députée de Terrebonne.
Mme Caron: Merci, Mme la Présidente. Votre recommandation
11 est à l'effet que le niveau collégial soit le seul niveau de
formation à dispenser la formation de base en nursing et, dans votre
mémoire, toujours en page 42, dans la formation continue, vous nous
dites: «Pour notre part, nous croyons que, dans un concept de formation
continue, le niveau universitaire ne doit pas être la seule voie
d'entrée à la poursuite de perfectionnement ou de formation sur
mesure.» Sur ces points, votre mémoire est différent de la
position de l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec.
C'est probablement une des raisons pour lesquelles vous souhaitiez être
entendues. Alors, j'aimerais que vous preniez le temps de nous expliquer
vraiment cette différence de point de vue.
Mme Savard: C'est moi qui vais aborder la question concernant
notre première recommandation qui réitérait notre position
face à la formation collégiale. Il y a quatre raisons; en tout
cas, au Comité provincial en soins infirmiers, nous proposons vraiment
que la formation de base soit de niveau collégial. Notre position est
différente de celle de l'Ordre qui, elle, prône que la formation
de base doit être de niveau universitaire.
La première raison de toutes, c'est l'accessibilité pour
tous et la gratuité scolaire parce que ça permet à un plus
grand nombre d'étudiants de s'inscrire à une formation
professionnelle et le D.E.C., par le fait même, évite l'exclusion
d'une partie de la population au marché du travail. Selon les
dernières statistiques du rapport annuel de l'Ordre des
infirmières, on dit que dans le réseau collégial en
formation professionnelle en soins infirmiers, pour les trois années, il
y a 7686 étudiants tandis que, pour les universités, le bac de
base, trois ans, il y a 753 étudiants. Alors, je ne crois pas que les
7686 étudiants du réseau collégial soient capables,
monétairement, géographiquement, de poursuivre des études
en soins infirmiers au niveau universitaire.
De plus, le niveau collégial permet à un certain nombre
d'adultes de retourner aux études et d'obtenir un diplôme qui leur
permettra de devenir un citoyen autonome à moindre coût et dans un
délai raisonnable. Nous sommes quatre ici et nous pourrions vous citer
des exemples de familles monoparentales où, la plupart du temps, c'est
des femmes qui réussissent à se sortir d'un statut social
très difficile par le biais d'études collégiales qui vont
leur donner un diplôme qui va leur permettre d'accéder à un
marché du travail où elles pourront bénéficier
d'une vie
décente. De plus, pour les adultes et même pour les jeunes
qui sont au niveau collégial, notre programme en soins infirmiers offre
un support et un encadrement très précis, très
structurés qui aident les gens dans leur cheminement scolaire. Ça
permet d'accéder à une profession par un cheminement plus
près de réalités socio-économiques. C'est pour la
première raison.
La deuxième raison, c'est que le programme révisé
permet de répondre aux besoins de l'ensemble de la communauté,
autant dans le réseau des établissements de santé que dans
les milieux naturels de vie, parce que c'est un programme qui forme une
infirmière généraliste qui est capable de procurer des
soins à une personne malade, tandis que tout ce qui a trait à la
collectivité et à la communauté, c'est plus du niveau
universitaire. Les infirmières qui travaillent dans les CLSC,
habituellement, doivent se prévaloir d'un bac en nursing. Nos
infirmières à nous peuvent travailler au chevet des malades. De
toute façon, 73 % de la population infirmière travaillent au
chevet du malade, dans des soins de courte et de longue durée.
Aussi, le programme révisé permet une formation sur la
base de compétences parce que, dans notre programme, nous avons cinq
fils conducteurs qui sont acheminés tout au long des trois années
et, comme ma compagne vous disait tantôt, où il y a
intégration, continuité et progression. Alors, nous sommes
capables de procurer à nos étudiants des compétences, de
leur faire développer des compétences intellectuelles par la
démarche de soins, des compétences interpersonnelles et
langagières par la communication - ça, c'est le deuxième
fil conducteur - des compétences interpersonnelles, morales et
politiques par le troisième fil, qui est l'engagement professionnel, des
compétences intrapersonnelles par l'actualisation de soi et des
compétences psychomotrices et des notions qui ont trait à la
promotion et au recouvrement de la santé par la connaissance de la
personne.
Nous croyons que nos étudiants sont capables de soigner les
malades car notre programme leur permet une approche holiste,
c'est-à-dire qui donne une vision biopsychoso-ciale de la personne et
même une vision environnementale, à l'ère que l'on vit
actuellement. Ce qui renforce la deuxième raison, c'est que le programme
en soins infirmiers est très encadré et l'évaluation y est
presque continuelle. En effet, la théorie, les laboratoires et les
stages font toujours partie du même numéro de cours et le
professeur qui a une charge d'enseignement, habituellement, donne toujours de
la théorie, des laboratoires et va en stage avec les étudiants.
Alors, il peut toujours suivre l'étudiant. De plus, les stages, ce qu'on
prône beaucoup dans notre programme et qui est une grande force, c'est
que c'est une supervision directe, parce que nous avons la norme 1-6 qui nous
permet de le faire. Alors, avec nos étudiants, nous sommes capables de
les suivre.
De plus, l'étudiant qui échoue en théorie ou en
pratique, c'est-à-dire lab ou stage, ne peut poursuivre sa session parce
que c'est un échec. Alors, c'est pour dire que nous tenons beaucoup
à ce que la théorie, les laboratoires et les stages soient une
partie qui ne se dissocie pas. Un étudiant qui échoue à
une session, ce qu'on dit, c'est qu'il ne peut accéder à la
session suivante parce qu'il y a progression et il ne peut pas monter plus haut
parce que c'est comme s'il était stationné à une marche.
Il ne peut accéder à une progression dans son niveau parce qu'il
n'a pas réussi à atteindre les objectifs. Cet
élément fait que c'est une garantie additionnelle de
l'intégration des compétences.
La Présidente (Mme Hovington): En conclusion, parce que
vous n'avez plus le temps.
Mme Savard: II m'en reste deux. Ce ne sera pas long. Est-ce que
je peux?
La Présidente (Mme Hovington): Allez-y!
Mme Savard: Oui. Le D.E.C. permet d'accéder au niveau
universitaire. Pour une infirmière qui veut se perfectionner, elle peut
adhérer au niveau universitaire. Aussi, le programme en soins infirmiers
permet de répondre au milieu hospitalier parce que, vu que nous allons
en stage dans les hôpitaux, dans le milieu hospitalier, nous sommes
beaucoup plus près de l'employeur pour répondre à ses
demandes.
La Présidente (Mme Hovington): Merci beaucoup. Je m'excuse
si vous vous sentez bousculée, c'est qu'on est limité dans le
temps de chacun des mémoires. Alors, en conclusion, M. l'adjoint
à la ministre.
M. Hamel: Bien, écoutez, je vous remercie de votre
participation, encore une fois, et de votre contribution. Je pense que les
échanges que nous avons eus vont nous permettre encore une fois de
préciser certaines choses, et on en tiendra sûrement compte dans
l'élaboration de ce projet qui nous tient tous à coeur. Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Hovington): Alors, au nom de la
commission de l'éducation, merci d'être venues nous
présenter votre mémoire qui vient enrichir ce qu'on a
déjà entendu en commission. Merci, au revoir et bonne
journée.
Comité de philosophie des universités de
langue française
J'inviterais maintenant le Comité de philosophie des
universités de langue française à bien vouloir prendre
place immédiatement, s'il vous plaît.
Alors, nous allons poursuivre nos travaux avec le Comité de
philosophie des universités de langue française. Le porte-parole,
je crois bien, serait M. Robert Nadeau, professeur titulaire au
Département de philosophie de l'Université du Québec
à Montréal et porte-parole du Comité interuniversitaire de
philosophie. Est-ce que je me trompe? (12 h 20)
M. Nadeau (Robert): Pas du tout.
La Présidente (Mme Hovington): Alors, bonjour et
bienvenue, M. Nadeau. Vous êtes en compagnie de M. Raymond Brouillet, je
vois. Bienvenue, M. Brouillet.
M. Brouillet (Raymond): Bonjour, madame.
La Présidente (Mme Hovington): II me fait plaisir de vous
revoir. Je vois que vous avez un ex-collègue, M. le député
d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Je l'ai salué, je le reconnais. Ha, ha,
ha!
La Présidente (Mme Hovington): Qui est vice-doyen,
maintenant, de la Faculté de philosophie de l'Université
Laval.
M. Gendron: Nous sommes des parlementaires. Il a
été parlementaire pendant plusieurs années.
La Présidente (Mme Hovington): Voulez-vous, s'il vous
plaît, M. Nadeau, nous présenter les deux autres personnes qui
sont avec vous?
M. Nadeau: Merci, Mme la Présidente. Donc, la
délégation de ce matin est formée de Josiane Ayoub, qui
est ma collègue professeure au Département de philosophie de
l'UQAM et directrice du Département de philosophie de l'UQAM. Donc,
Raymond Brouillet, comme vous l'avez présenté, qui est vice-doyen
et qui parie pour la Faculté de philosophie de l'Université
Laval. À l'extrême droite, François Lepage, qui est
professeur de philosophie à l'Université de Montréal et
qui est le directeur des programmes des deuxième et troisième
cycles à cette même université. S'excuse, ce matin, le
représentant du Département de philosophie de l'UQTR qui,
malheureusement, n'a pas pu se joindre à cette
délégation.
La Présidente (Mme Hovington): Alors, nous vous
écoutons.
M. Nadeau: Donc, c'est un comité ad hoc qui se
présente devant vous. C'est une structure qui a été mise
sur pied ponctuellement pour les besoins de la cause, en quelque sorte. C'est
une première et ça mérite d'être signalé.
C'est une collaboration qui n'était pas facile à faire,
l'écriture collective étant toujours un peu plus difficile que
l'écriture individuelle. C'est la première fois qu'un
regroupement des professeurs de philosophie des universités francophones
du Québec se forme pour réfléchir d'une manière
commune et en venir éventuellement à des positions communes qui
ont été présentées dans chacune des institutions,
débattues, comprises, amendées, retour au comité et,
finalement, rédaction d'une position de compromis, une position
consensuelle qui a fait l'objet de la présentation du rapport que vous
avez maintenant entre les mains. J'aimerais ajouter immédiatement que
nous avons également reçu... Alors, nous avons travaillé,
pour cette fois-ci, les quatre: les trois départements et la
Faculté de philosophie des universités francophones.
Néanmoins, j'aimerais déposer ce matin, si vous me le permettez,
deux lettres d'appui: une qui est déjà parvenue directement, je
crois, à la commission de l'éducation, qui vient de nos
collègues de l'Université McGill, et une autre lettre que nous
avons reçue, je pense, il y a quelques jours seulement, qui est une
résolution du Département de philosophie de l'Université
Concordia qui dit, je pense avec assez d'éloquence, que les positions
que nous avons défendues et présentées dans notre rapport
sont également appuyées par ces deux universités, qui ont
aussi des enseignements de philosophie à Montréal, bien que ces
départements n'aient pas contribué à la formulation du
mémoire.
La Présidente (Mme Hovington): Ces lettres seront
distribuées à chacun des parlementaires.
M. Nadeau: D'accord. Donc, on les prendra ici, tout simplement.
J'aimerais également, en guise de troisième élément
de ces remarques préliminaires, dire que les philosophes universitaires
ont, depuis plusieurs années, développé des antennes avec
le milieu collégial. Nous avons appris à collaborer avec nos
collègues du niveau collégial de différentes
façons: par des publications, par des colloques, par des
activités de perfectionnement. Ce n'est pas, comment dire, dans les
derniers mois que nous avons commencé à travailler avec eux,
à réfléchir sur le travail que nous faisons et nous avons
toujours eu l'impression que nous faisions cause commune, en quelque sorte, et
que l'articulation, puisqu'on en parie beaucoup, de tout le niveau
postsecondaire et, donc, des institutions collégiales et universitaires,
dans notre cas, était non seulement commencée, mais était
passablement avancée. Je pense que ça mérite d'être
dit parce que ça n'est certainement pas le cas dans toutes les
disciplines qui sont représentées à l'université.
Cela vous dit aussi d'emblée dans quelle mesure nous sommes dans une
situation un peu particulière pour intervenir devant cette commission
puisque la discipline que nous représentons est une discipline qui a une
place non pas à part, mais
certainement une place privilégiée au niveau
collégial puisqu'elle fait partie des trois disciplines qui sont
obligatoires. Nous tenons donc à vous faire savoir d'emblée que
la perspective que nous adoptons est la perspective des professeurs et
chercheurs d'université sur le débat qui est en cours,
débat qui implique, comme nous le savons tous, la dimension de la place
de l'enseignement de la philosophie au niveau collégial.
C'est à titre de professeurs, chercheurs universitaires que nous
voulons intervenir. Autant vous dire d'emblée que, si nous avions
à compter le nombre de chercheurs universitaires en philosophie au
Québec, on en dénombrerait probablement aux alentours de 75, 80
et en tout et partout. Au Canada, il y en a peut-être, je dirais, 300, ce
qui devrait nous situer.
Dernier point de ce propos liminaire, le document de
référence auquel nous nous sommes constamment
référés dans notre mémoire est le rapport du
Conseil des collèges que nous avons lu collectivement,
décrypté et discuté et nous devo s dire d'emblée
que ce rapport nous est apparu un excellent rapport, non seulement bien
rédigé, bien articulé, mais également bien
orienté. J'entre dans le vif du propos en disant que nous avons
particulièrement apprécié l'orientation de ce rapport dans
la mesure où il fait fond sur le problème fondamental que tout le
monde reconnaît, qui est le problème de la formation fondamentale
dans les études postsecondaires qui est un problème,
probablement, qui dépend de facteurs causaux qui viennent du
système scolaire antérieur, mais qui, comment dire, devient une
préoccupation particulièrement importante au niveau
collégial et qui continue d'être une préoccupation, aussi
bien quand les élèves sortent du réseau collégial
pour aboutir à l'université ou qu'ils sortent du réseau
collégial pour aboutir sur le marché du travail, comme l'ont fait
valoir les différents intervenants de ces milieux.
Nous avons donc apprécié l'orientation du rapport dans la
mesure où il défend une thèse à laquelle nous
croyons beaucoup. Nous aimerions rappeler simplement l'idée que, dans la
mesure où il est question de formation fondamentale définie en
termes de capacité intellectuelle de base, ce que nous croyons, nous
croyons être une bonne orientation, une façon lucide de voir les
choses, mais nous ne pouvons pas défendre l'idée qu'il appartient
exclusivement à une discipline d'envoyer, en quelque sorte, ses troupes
pour la formation fondamentale des élèves de niveau
collégial. Nous sommes d'accord avec le rapport du Conseil des
collèges à l'effet qu'il n'y a pas de privilège exclusif
d'une discipline et certainement pas de privilège exclusif de la
philosophie pour transmettre la formation fondamentale aux étudiants du
niveau collégial.
De ça, on peut conclure, nous a-t-il semblé, que toutes
les disciplines devaient, d'une manière ou d'une autre, être
revisitées pour voir dans quelle mesure leur contribution à la
formation fondamentale, définie donc en termes de capacité
intellectuelle de base, était solide, était suffisante. Les
analyses qui sont dans le rapport du Conseil des collèges nous
paraissent correctes, peut-être un peu courtes, mais quand même
bien orientées. Néanmoins, nous avons identifié ce que,
faute de mieux, je vais appeler ce matin une erreur de raisonnement dans le
rapport en question.
On peut conclure effectivement, avec les gens qui ont
rédigé ce rapport, que toutes les disciplines doivent, d'une
manière ou d'une autre, contribuer à la formation fondamentale.
Si on définit la formation fondamentale en termes d'éducation du
jugement, on apprend à juger au sens général du terme
aussi bien quand on fait des mathématiques, quand on apprend l'histoire,
quand on fait de la géographie, quand on étudie des romans que
quand on fait de la philosophie. Il n'y a pas de privilège exclusif
disciplinaire à ce titre-là. Mais on ne peut pas conclure de
cette situation qu'il n'existe pas dans le champ des disciplines qui sont quand
même divisées par hypothèses de spécialisation...
qu'il n'existe pas de discipline dont la fonction principale, et nous disons
dans notice rapport dont la raison d'être soit la transmission d'une
formation fondamentale. Même s'il est vrai qu'il revient à toutes
les disciplines de contribuer à cette formation fondamentale, on ne peut
pas conclure de cela qu'il n'y a pas une discipline dont c'est la fonction ou
la raison d'être principale.
Malheureusement, le rapport du Conseil des collèges ne tire pas
cette conclusion. Il tire plutôt une conclusion qui est la
première que je vous ai rappelée et laisse entendre qu'on ne peut
pas, donc, considérer que la philosophie est la discipline à
laquelle il reviendrait de transmettre la formation fondamentale. Encore une
fois, nous sommes d'accord avec ça, mais, me semble-t-il, il faut
insister sur le fait que, comme discipline, la philosophie n'a que cette
fonction de contribuer à l'établissement, à la
sédimentation de la formation fondamentale au niveau
collégial.
À ce titre-là, une des craintes que nous avons fait valoir
dans notre mémoire a trait au fait qu'il nous a semblé que, dans
le rapport du Conseil des collèges, un rétrécissement de
ce qu'on pourrait appeler l'importance ou la portée de l'enseignement de
la philosophie au collégial pourrait éventuellement
résulter de la situation d'une révision des programmes au niveau
collégial. Nous nous exprimons d'une manière assez radicale dans
notre mémoire, nous avons peur que la philosophie enseignée au
niveau collégial devienne une sorte de chien de garde idéologique
et qu'elle ait principalement, sinon exclusivement, pour fonction de contribuer
à la formation de la, pour prendre une expression à la mode
d'aujourd'hui, «political correctness» des étudiants,
à l'orthodoxie éthico-politico-idéologique. (12 h 30)
Nous aimerions faire valoir que la philosophie comme discipline, depuis
20 ans, depuis 25 ans - parlons de 25 ans puisque c'est la période de
temps qu'on considère quand on évalue la situation au
cégep - a beaucoup évolué. Elle a beaucoup
évolué dans le monde mais elle a beaucoup évolué au
Québec. Il y a de nouvelles problématiques qui sont apparues, de
nouveaux types de philosophes sont maintenant en place dans les
universités, les étudiants ne sont plus formés maintenant
de la même façon qu'ils l'étaient à l'époque
où, moi-même, j'étais en faculté, dans les
années soixante-cinq et suivantes, si bien que la contribution de la
philosophie ne peut pas et ne doit pas être réduite à sa
seule dimension éthico-politique. La philosophie a une place qu'elle
revendique maintenant, notamment dans la réflexion sur la science et la
technologie et, pour autant qu'il serait question d'augmenter la formation
générale des étudiants dans le secteur de la culture
scientifique et technologique, nous croyons que la philosophie doit aussi
servir comme discipline à l'«implemen-tation» de cette
formation générale chez les étudiants du niveau
collégial.
Dans cette mesure même, pour autant que nos objectifs se
définissent en termes de formation fondamentale et
d'élargissement de la formation générale, nous ne croyons
pas que le modèle de rechange qui est envisagé dans le rapport du
Conseil des collèges, modèle qui se définit, disons, en
termes d'humanités ou en termes d'études humaines, puisse
effectivement servir de solution de rechange. Non pas que nous soyons contre
l'adjonction dans le curriculum de nouveaux cours. Je pense qu'il y a des trous
béants, tout le monde les a identifiés; notamment dans la
connaissance de l'histoire, il y a des trous béants qu'il faudrait
combler. La thèse que nous soutenons maintenant, c'est simplement que
nous ne pouvons pas croire être en mesure de remplacer la fonction
essentielle de l'enseignement de la philosophie au niveau collégial, en
termes de contribution à la formation fondamentale et à
l'élargissement de la culture générale des
étudiants, par une approche en termes d'études humaines ou de
sciences humaines. La fonction des sciences humaines n'est pas la même
que celle de la philosophie. Elles ont pour contribution, bien sûr,
d'élargir le champ de vision des élèves. Elles contribuent
à augmenter leur niveau d'information, mais elles n'ont pas, ces
disciplines, pour fonction fondamentale de cibler la réflexion des
élèves sur les différents apprentissages qui sont les
leurs de manière à ce que les habiletés fondamentales ou
les capacités fondamentales soient mieux assises et mieux
assurées. Le modèle de rechange en question, donc, nous
paraît un modèle qui doit être rejeté.
Par ailleurs, l'autre volet de notre mémoire qui est le volet
sans doute crucial - et, si nous avons fart une contribution importante, je
pense que c'est là que nous l'avons faite - c'est au sujet de la fameuse
question, l'illustre question de l'évaluation. Nous prenons une position
ferme en faveur de l'évaluation, et notre plus grand objet
d'étonnement, puisqu'il faut le dire d'emblée, c'est qu'on puisse
même songer à modifier quoi que ce soit au cégep, et
notamment à modifier l'enseignement de la philosophie, sans avoir
procédé au préalable à une évaluation en
bonne et due forme des pratiques effectives de cet enseignement. Nous aimerions
qu'une évaluation systématique soit faite au point de
départ et que la procédure d'évaluation soit vue non pas
comme une procédure d'exception, comme ça me semble être le
cas à l'heure actuelle, mais comme un mécanisme normal
d'autorégulation, un mécanisme récurrent, en quelque
sorte, qui serve à apporter des mesures correctives là où
de telles mesures correctives paraîtraient s'imposer.
Cela veut dire que cette évaluation n'a de sens que pour autant
qu'elle est faite systématiquement avant les changements et pour autant
que les intervenants, les administrateurs, l'État éventuellement,
le gouvernement, soient prêts à donner aux institutions les moyens
d'implanter les mesures correctives. Une simple mes re d'efficience du
système ne saurait rien donner si nous n'avons pas la volonté, au
point de départ, de corriger les difficultés, les
déficiences, les trous béants qui seraient identifiés au
terme d'une telle procédure d'évaluation.
Nous réclamons une meilleure évaluation des
élèves. Nous sommes prêts même à envisager,
nous le disons dans notre mémoire, à la faveur d'une
standardisation des apprentissages, assez radicalement l'implantation d'examens
nationaux dans une discipline comme la philosophie. Nous aimerions que les
pratiques pédagogiques, que les enseignements, donc, soient
systématiquement et régulièrement évalués.
Nous aimerions que les programmes, que les manuels, que les
bibliothèques soient évalués. Nous aimerions que les
unités, les départements, donc les enseignants, soient
évalués un peu sur le modèle de ce qui se pratique
maintenant depuis fort longtemps dans les universités. Loin de nous de
dire que les pratiques évaluatives dans les universités sont des
idéaux mais, au moins, elles existent; le principe est acquis, dans les
universités, qu'on doit évaluer. Là où ça se
fait correctement, on fait appel à des comités d'expertise,
ultimement à des comités externes, pour que l'on puisse calibrer
en quelque sorte le niveau de performance et le niveau de compétence des
unités d'enseignement. Nous aimerions que de telles pratiques
évaluatives soient également implantées au niveau
collégial.
En fin de compte, je vous rappelle simplement trois mesures
concrètes - parce que les philosophes sont capables d'être
concrets - que nous faisons valoir dans notre mémoire et je les mets sur
la table pour qu'on en discute. Je les mets d'autant plus en avant que
ça nous paraît
aller de soi, mais jamais personne n'en a parlé. Nous
réclamons, parce que nous pensons que c'est légitime, que le
niveau de diplomation minimal d'un professeur de philosophie, en tout cas au
niveau collégial, soit la maîtrise. Ce n'est pas le cas à
l'heure actuelle; ça n'a pas été le cas dans le
passé, ce n'est écrit nulle part, et nous avons vu à
plusieurs reprises des cégeps demander des professeurs ayant un bac.
Nous ne croyons pas qu'un étudiant qui n'a qu'un bac en philosophie soit
habilité à faire de l'enseignement philosophique au
cégep.
Deuxièmement, nous aimerions que le PERFORMA, le Programme de
perfectionnement des maîtres en place dans les cégeps, n'ait plus
l'orientation qu'il a actuellement, qui est une orientation exclusivement
pédagogico-didactique. Nous aimerions que le PERFORMA serve avant tout
au ressourcement disciplinaire - au moins pour la philosophie, en tout cas - de
professionnels de l'enseignement de la philosophie au niveau collégial.
troisièmement, si nous sommes sérieux dans l'effort de
ressourcement régulier, nous croyons que les professeurs de
cégeps devraient, comme leurs collègues des universités,
avoir le droit à un perfectionnement régulier,
l'équivalent d'un «sabbatique». il est impossible que
l'enseignement de la philosophie soit maintenu de qualité au niveau
collégial si nous ne permettons pas aux enseignants de philosophie de
revenir régulière-r t se ressourcer et voir ce qui a
changé dans discipline. À l'heure actuelle, ça n'est pas
peTi-.is, ça n'est pas dans l'esprit du système, et ces
mesures-là, me semble-t-il, seraient à même de changer
énormément de choses dans la qualité de l'enseignement de
la philosophie au niveau collégial. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Hovington): Merci beaucoup, M. Nadeau.
Alors, M. le député de Sherbrooke et adjoint parlementaire
à la ministre.
M. Hamel: Merci, Mme la Présidente. Il me fait plaisir de
vous saluer, messieurs, madame, et de vous remercier d'avoir accepté de
répondre à notre invitation et de nous faire connaître de
vive voix la contribution spécifique du Comité de philosophie des
universités de langue française du Québec.
D'abord, je veux excuser Mme la ministre qui, comme vous le savez
peut-être, est retenue actuellement au Conseil des ministres pour un
dossier extrêmement important, qui va nous rejoindre dans les plus brefs
délais, dans la mesure du possible.
Vous disiez tantôt: C'est la première fois qu'un tel
regroupement se fait, et peut-être que notre démarche aura permis
de faire oeuvre utile et même novatrice dans ce cas-là. Alors,
voyez-vous, toute chose a du bon, finalement. J'ai lu votre mémoire,
évidemment, avec beaucoup d'in- térêt, moi aussi. Lorsque
j'en ai eu terminé la lecture, ma première réflexion,
ça a été de me dire: Bien, si c'est ça, si
c'était ça la philosophie qui est enseignée dans nos
collèges, la pertinence ne serait sûrement pas remise en
question.
Vous, vous signalez un certain nombre d'éléments dans
votre mémoire, évidemment, et, entre autres, vos collègues
qui sont venus nous rencontrer, la Fédération
québécoise des professeurs d'universités, ont
présenté à notre commission leur travail et ils affirment
que les finissants des cégeps ont des lacunes au niveau des aptitudes
intellectuelles et de la culture seconde, ce que vous mentionnez aussi. Mais,
pourtant, ils ont tous réussi leurs quatre cours obligatoires de
philosophie. Comment expliquez-vous ça?
M. Nadeau: Une question très directe. M. Hamel:
Peut-être!
M. Nadeau: Est-ce que tu veux parler de ça, Josiane?
Vas-y, Raymond.
M. Brouillet: Alors, je relance une question, mais je reviendrai
à la vôtre après. Ils ont quatre cours de français
et de littérature, et c'est désastreux à
l'université, le succès qu'ils ont! Vous savez que 40 % des
étudiants qui sont admis à l'université ont
échoué au test de français que le ministère de
l'Enseignement supérieur et les universités ont mis sur pied, et
on les a acceptés quand même. Et il y a quatre cours de
français! (12 h 40)
Dans le débat, je pense qu'il faut faire une distinction entre la
pertinence d'une discipline en vue de certains objectifs de formation à
obtenir et la façon dont, concrètement, cette discipline est
enseignée dans le milieu. On confond trop souvent ces deux
dimensions-là dans les discussions et on n'arrive pas vraiment à
dégager des voies de consensus. La pertinence de la discipline en vue de
la formation fondamentale, on est prêts à la défendre
jusqu'au bout de nos énergies. Ha, ha, ha! Je crois, jusqu'au bout de
nos énergies.
M. Hamel: On a senti ça dans votre mémoire.
M. Brouillet: Écoutez, on pourrait revenir
énormément sur ça. À l'université, il y a
deux grandes lacunes qu'on constate partout: les habiletés
langagières de base sont défectueuses de façon
épouvantable et les habiletés intellectuelles de base. Le
mémoire des recteurs de la CREPUQ en a fait état. Je suis membre
de la commission d'étude à l'université et membre du
conseil de l'École des gradués depuis quatre, cinq ans. On
analyse toutes ces questions-là, et ce sont les deux grandes lacunes, et
pas simplement des étudiants en philosophie. Il y a des
étudiants en lettres qui ont ces lacunes-là.
Habiletés langagières, en lettres, à l'université!
Dans les sciences de la nature, les professeurs constatent que
l'étudiant est capable de résoudre un problème de physique
ou de mathématiques, mais il n'est pas capable de donner un compte rendu
sur les résultats dans un langage ordinaire. C'est ça, les
habiletés de base.
Et, à l'université, de plus en plus les gens reconnaissent
la nécessité de donner des cours de logique aux étudiants
qui entrent à l'université. Le cours de logique que nous donnons
à la Faculté réunit 1000 étudiants par
année, et les professeurs de l'université, à une demande
de la commission des études, ont signalé que le cours le plus
important que les étudiants devraient suivre à l'extérieur
des cours de leur programme, c'est le cours de logique. Écoutez,
ça, c'est des données concrètes, là. Alors, pour ce
qui est de la discipline, je pense qu'on n'a pas à vous convaincre plus
que cela, et aussi au niveau de l'intégration. On dit, si vous voulez,
qu'il faut aller à rencontre de cette formation éclatée
des étudiants: à gauche, à droite, en haut, en bas, un peu
partout, là; on va chercher ceci là, cela là.
La formation fondamentale présuppose l'intégration des
éléments de connaissance. Et la philosophie, par son approche
globalisante des problèmes, par le fait qu'elle essaie de remonter aux
principes fondamentaux, nous permet d'arriver à cette vision
globalisante. On prend ensemble une foule de données, des
éléments épars de la connaissance et on essaie de voir
comment ils peuvent tenir ensemble. On établit des liens entre cela. Le
recours aux sources, aux principes, nous amène à cela.
Écoutez, ça, c'est un élément de base de la
formation fondamentale. Je crois que sur ces deux plans-là la
philosophie est essentielle pour assurer une formation fondamentale. Les autres
doivent y contribuer.
Je reprends ce que M. Nadeau a dit: contribuer comme tous les autres,
contribuer à la maîtrise. On ne laissera pas passer des fautes de
français de base, comme on ne laissera pas passer dans les autres cours
des fautes de raisonnement. On ne devrait pas en laisser passer. Mais que le
cours lui-même ait comme objet d'enseignement l'apprentissage de ces
habiletés de base, il n'y a que la philosophie actuellement qui ait cet
objet-là comme enseignement de base. Maintenant, donc, distinction. La
discipline - je pense que le consensus se fait - elle est habilitée
à répondre aux objectifs de la formation fondamentale. Et on peut
revenir tantôt sur des points plus particuliers, si vous le
désirez.
Maintenant, il reste ce qui s'est fait concrètement. Par mes
expériences personnelles de différents cégeps où
j'ai enseigné dans le passé quelques années et mon
expérience à l'université où je reçois des
élèves de cégeps, je peux vous dire qu'il y a des choses
excellentes qui se font dans les cégeps de la part des professeurs de
philosophie. Il y a des équipes qui ont réussi à mettre
sur pied des outils pédagogiques très adaptés, et c'est
faux de dire que tous les étudiants des cégeps
n'apprécient pas les cours de philosophie. Je ne ferai pas comme un
membre de la commission qui faisait appel au témoignage de son fils;
moi, je ferai appel au témoignage de mes deux filles! Il y en a une qui
a terminé ses études au cégep et qui est à
l'université présentement. Sur quatre cours de philosophie, elle
en a trouvé trois extraordinaires, avec d'excellents professeurs. Il y
en a un où elle a trouvé vraiment que le professeur
n'était pas à la hauteur. Mon autre, qui termine cette
année, elle a terminé son troisième cours. Il y en a deux
qu'elle a trouvés vraiment très bien. Elles ont appris,
c'était intéressant et elles ont l'impression d'avoir
progressé. Il y en a un, vraiment, qu'elle n'a pas trouvé
à la hauteur. Donc, vous savez, il y a un effort considérable
à faire pour améliorer la pratique de l'enseignement de la
philosophie dans les cégeps; c'est évident, mais il ne faut pas
trop noircir non plus tout ce qui se fait là.
Aussi, j'attire l'attention sur un point: Si on était plus
sévère dans les apprentissages au secondaire et si on ne donnait
pas des diplômes d'études secondaires à des
étudiants qui n'ont pas atteint les objectifs minima de ce
niveau-là, les professeurs de philosophie auraient moins de
misère à enseigner des cours de philosophie aux étudiants
de cégep. Alors, il va falloir qu'on commence un peu plus bas et non pas
diplômer des gens qui n'ont pas ce qu'il faut. Et, nous, on est pris
à l'université... Vous savez, c'est un mal récurrent,
ça. C'est un mal qui se transmet d'ordre d'enseignement à ordre
d'enseignement. Si le cégep donnait un diplôme qui garantissait
vraiment que les étudiants ont atteint les objectifs de ce niveau de
formation, on aurait moins de problèmes à l'université
aussi avec les étudiants qui arrivent là. Alors, il faut
commencer en bas et monter.
Donc, les professeurs de philosophie ont un grand défi à
relever au niveau cégep, parce que les étudiants qui entrent
n'ont pas tous la formation requise que semblerait vouloir indiquer le
diplôme d'études secondaires. Si on travaille sur tout ça,
à ce moment-là, la pratique de la philosophie va correspondre
à la noblesse de la discipline, et on pourra atteindre les objectifs
pour lesquels on la retient au niveau du cégep.
M. Nadeau: Si je peux ajouter mon point là-dessus...
M. Hamel: Oui, certainement.
M. Nadeau: ...juste cinq secondes. Il ne faut pas éviter
la question. Je pense que la question que vous posez est une question tout
à fait pertinente, mais il faut aussi raisonner exactement comme
raisonne le Conseil des collèges,
puisqu'il n'appartient pas seulement et avant tout à la
philosophie de contribuer à cette formation fondamentale et qu'elle fait
effectivement problème, tout le monde est d'accord. C'est un jugement
général qu'il faut porter, et je pense qu'il va dans le sens de
ce que Raymond Brouil-let dit, à ceci près qu'on attend beaucoup
de l'enseignement de la philosophie, on en attend énormément. Si
on attend autant de la philosophie, donnons à l'enseignement de la
philosophie les moyens de s'autocorriger. Ces moyens-là,
essentiellement, c'est l'évaluation. Il n'y a jamais eu
d'évaluation de l'enseignement de la philosophie au collégial en
25 ans. Si on cherche l'aberration ou le facteur clé de l'aberration,
à mon avis, c'est là qu'il est. Je pense que Josiane Ayoub
aimerait aussi ajouter quelque chose là-dessus.
Mme Boulad-Ayoub (Josiane): Très rapidement. La question
de monsieur l'adjoint nous met au pied du mur. Tout ce que vous dites, c'est
bien beau, on admire, c'est une bonne démonstration théorique,
mais qu'est-ce que, au bout du compte, on a comme résultat puisque
vous-mêmes, les professeurs d'université, vous constatez les
lacunes? C'est vrai, j'en suis aussi. J'ai enseigné au cégep et
j'enseigne maintenant à l'université, et il y a des lacunes. Mais
pourquoi? Mettons-nous dans les conditions concrètes. Les professeurs de
philosophie au cégep ont à faire passer l'enseignement de la
philosophie et des caractéristiques de la philosophie,
c'est-à-dire l'habitude de la réflexion critique, la
systématisation, etc., à des étudiants, en face d'eux, qui
sont obligés de faire de la philosophie. Donc, il faut d'abord briser
cette barrière, premièrement.
Deuxièmement, il y a le passage du secondaire au cégep qui
est aussi un seuil psychologique à changer. En d'autres termes, les
professeurs de philosophie du cégep non seulement ont à combler
des carences mais aussi à changer des habitudes de pensée, des
habitudes, des stratégies d'études, ce qui fait qu'ils n'ont pas
le temps. Ils le font en grande majorité mais n'atteignent pas les trois
quarts de ce qu'ils visent. Ils arrivent à l'université, il faut
encore du temps. Enfin, je ne vous l'apprendrai pas, c'est une question de
temps de changer des habitudes de pensée, de changer des habitudes de
culture, de changer des éléments pour changer, finalement,
l'ensemble du système. Ça, c'est au niveau de
l'université, mais c'est la même chose au niveau du marché
du travail, parce qu'il n'y a pas que les étudiants qui s'en vont aux
universités dont on déplore les lacunes. On déplore aussi
les lacunes quand ils vont sur ie marché du travail.
Mais permettez-moi de penser ou de juger, d'après une petite
enquête rapide basée sur nos expériences, que la grande
majorité arrive plus ou moins préparée, mais qu'il faut
continuer. C'est une habitude qu'on doit fortifier durant toute sa vie. Vous
croyez que je n'ai pas arrêté, moi-même, en étant
professeur, de me fortifier dans mon approche critique, dans mon habitude
d'atteindre les objectifs? c'est le but de toute notre vie.
M. Hamel: Bon, si vous permettez...
La Présidente (Mme Hovington): Un courte dernière.
Courte.
M. Hamel: Écoutez, j'en ai plusieurs. Maintenant, comme
vous le savez, M. Brouillet, dans notre système, le temps nous presse.
Une question. En fait, je suis très heureux de vous entendre dire que
l'évaluation est une chose extrêmement importante, mais qu'est-ce
que vous faites de la liberté académique, dans ce
contexte-là?
Une voix: François Lepage.
M. Lepage (François): Je pense que la liberté
académique existe dans les universités, et nous sommes
évalués. À l'Université de Montréal, il y a
un processus extrêmement sévère d'évaluation,
à la fois des cours par les étudiants et d'évaluation des
unités par des comités externes. Nous avons été
évalués, au Département de philosophie. Nous sommes en
cours d'évaluation. Nous en sommes à la dernière phase
d'une évaluation qui a lieu aux cinq ans. Et le comité externe
est composé non seulement de gens de l'extérieur de
l'université mais de l'extérieur du Québec. Et on demande
aux gens de regarder ce qui se fait comme enseignement, comme recherche dans un
département. Je pense que c'est une chose qui devrait être faite.
Et je pense qu'on ne peut pas... Tout le monde déplore l'absence
d'habiletés intellectuelles chez certains étudiants. On a
tendance à monter en flèche des cas. Nous avons tous, surtout
dans les départements de philosophie, des exemples qui circulent dans
les couloirs et qui font des gorges chaudes de ce qui se passe dans certains
cours de philosophie. Ce qu'on dit moins souvent, c'est que nous avons aussi
d'excellents étudiants qui sortent des cégeps. Et, moi, quand je
vois arriver des gens qui ont 18 ans et 19 ans et qui ont terminé leur
cégep, et qui sont déjà cultivés, qui ont un sens
de l'histoire et qui vont faire des intellectuels - pas nécessairement
en philosophie; quelquefois, les gens s'en vont en littérature ou dans
les sciences exactes - qui viennent dans nos cours... (12 h 50)
II y a des choses très bien qui se font dans les cégeps,
mais l'absence d'évaluation fait qu'on a l'impression que les
cégeps, de toute façon, ils laissent passer à peu
près n'importe qui. Ceux qui sont bons, ceux qui sont aptes à
recevoir, ceux qui ont fait un bon secondaire acquièrent beaucoup au
cégep et sortent du cégep avec de bonnes habitudes de travail et
de bonnes con-
naissances. Ceux qui sont entrés au cégep et qui ne
savaient pas, comme je le lisais hier ou avant-hier dans Le Devoir,
qu'une phrase minimale comporte un sujet, un verbe et un complément,
c'est normal qu'ils sortent du cégep sans le savoir. Ce n'est
peut-être pas le rôle du cégep d'apprendre aux gens qu'une
phrase, ça a un sujet, un verbe et un complément.
Je pense que l'apport fondamental que la philosophie peut apporter dans
la formation au collège, c'est d'initier les jeunes à manipuler
des situations abstraites et à faire des distinctions conceptuelles
entre un jugement de valeur, un jugement de fait, un énoncé qui
relève de la politique, un énoncé qui relève de la
science ou de tout ce qu'on veut et d'être capable de mettre en contexte,
d'être capable de replacer dans son histoire, dans la culture les choses
qu'on lui apprend. Si l'étudiant n'a pas une instrumentation
linguistique minimale au départ, il ne pourra pas acquérir cette
chose.
Le problème se transmet, à travers les cégeps, aux
universités. Les universités, qu'est-ce qu'elles font? Elles
éliminent ces gens de leurs programmes. Voilà ce qui se passe.
Merci.
La Présidente (Mme Hovington): Merci beaucoup.
Alors...
M. Nadeau: Mme la Présidente, si vous permettez,
j'aimerais ajouter quelque chose, cinq secondes. L'évaluation, ce n'est
pas ce que le Conseil permanent de la jeunesse a fait, par ailleurs. Ça,
je tiens à le dire. Évaluer, pour nous, ça ne veut pas
dire mesurer le taux de satisfaction des étudiants. Je ne dis pas que ce
n'est pas important, mais il ne faut pas assimiler l'un a l'autre. La seule
chose qu'on sache actuellement, c'est qu'il y a, quoi, la moitié des
étudiants qui ne sont pas satisfaits. Mais pourquoi ils ne sont pas
satisfaits? C'est parce que c'est trop difficile ou quoi? On n'en sait rien.
Évaluer, c'est autre chose. C'est beaucoup plus compliqué que
ça d'évaluer.
La Présidente (Mme Hovington): D'accord. Merci de ce
supplément de réponse. Je reconnaîtrai maintenant M. le
député d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Merci, Mme la Présidente. Merci d'être
là. Je pense que c'est important d'avoir votre éclairage à
nouveau, votre contribution puisque, dans les recommandations de départ,
en tout cas, qui ont été rendues publiques par le Conseil des
collèges, il y avait là, à tout le moins, une
préoccupation quant à votre avenir comme profs ou comme
départements. Et, dans ce sens-là, je pense que c'est utile de
vous avoir pour apprécier davantage si on peut se permettre un geste de
substitution ou de remplacement, parce qu'à un moment donné il
faut se parler concrètement. On peut bien en faire, de la philosophie,
mais... Puis je ne suis pas contre vous. Je parle de ceux qui auront à
prendre des décisions. À un moment donné, on aura beau
apprécier puis tourner autour, il me semble qu'il y a des gens qui
veulent régler ça vite. Il me semble qu'il y a des gens qui
veulent régler ça vite. Ça serait le «fun»
d'avoir du changement. Ça fait 25 ans, donc on va tourner la page au
niveau de certains cours de base. Ce n'est pas mon point de vue,
personnellement. Ce n'est pas parce que j'ai questionné la façon
dont on a dispensé, dans certains collèges, l'enseignement de la
philosophie que, moi, j'ai des troubles avec la philosophie.
Moi, personnellement, je pense que vous avez raison d'affirmer que ce
n'est pas bien, bien imaginable de penser qu'on dispenserait une formation de
base - puis, au-delà des termes, là; que ce soit de base,
générale, de formation fondamentale - sans aucun cours de
philosophie. J'ai de la misère, j'ai de la misère à le
concevoir. C'est ce que vous avez expliqué dans votre mémoire,
c'est très clair. Comme défenseurs acharnés de la
«nécessité de», je pense qu'on n'a pas beaucoup de
questions. Mais j'en aurais deux qui vont tourner, bien sûr, autour de
ça pareil. Et je vous cite, là. «Ce serait donc un leurre
de croire que d'autres disciplines sont en meilleure - meilleure que la
nôtre, c'est ça que ça veut dire - ou même en aussi
bonne position que la philosohie pour contribuer efficacement à la
formation fondamentale.»
Je suis un peu de cet avis, mais j'ai des réserves, puis des
réserves sérieuses. Alors, là, de deux choses l'une: ou
bien on est en mesure de faire taire mes réserves... Puis, moi, ce n'est
pas tellement grave, les miennes, mais je voudrais qu'elles soient
partagées par la ministre. Alors, supposons qu'elle ait les mêmes
réserves, et que vous ne réussissiez pas à faire taire ses
réserves, bien, là, je la comprendrais un peu qu'elle puisse
éventuellement pencher vers la solution facile de dire: II y a eu du
monde qui a voulu du changement, on fait sauter deux cours de philo, on en fait
sauter deux en éducation physique, ça nous permet de
dégager de la place pour mettre autre chose, puis l'autre chose, c'est
juste parce qu'on a entendu parler vaguement qu'il fallait moderniser.
Je ne serais pas très heureux si c'était ce genre de
décision qui était retenu. Ce n'est pas parce qu'on a
évoqué la modernité puis la nécessité de
s'adapter à des virages qu'il faut prendre n'importe quel virage.
Surtout quand j'apprends - moi, ça m'a renversé un peu, là
-qu'en 25 ans - vous me jurez ça, là; ce n'est pas que vous avez
dit que vous le juriez, mais le ton était presque dans ce sens-là
- il n'y a jamais eu d'évaluation systématique de l'enseignement
de la philosophie au collégial qui ait été
effectuée à ce jour. Puis, donc, ça commanderait au
minimum une évaluation avant de virer capot. Pour moi, ça, ce
n'est pas de la philo, c'est de la logique. Et je vous comprends. Mais c'est
apparenté, la
philosophie et la logique, j'espère.
Première question: Est-ce que> vous convenez au moins, au
niveau des objectifs, peu importe l'intervenant qui nous donnera les
réponses... Vous avez dit, à un moment donné - M.
Brouillet, je pense que c'est vous qui avez dit Ça: Je pense qu'il y a
lieu de revoir les pratiques de l'enseignement. Ça, c'est la
façon de faire pour ceux qui sont moins habitués que nous,
peut-être, à-dedans. Ça, personne ne disconvient qu'il y a
des façons de faire qui sont à reprocher, à corriger, mais
ça sera toujours comme ça, de toute façon. Alors, on peut
bien convenir aujourd'hui qu'il y a lieu de serrer la vis un peu plus à
ce niveau-là parce que, justement, la philosophie, par
définition, ça permet de lever les mains et d'élargir les
horizons, puis on fait de la philo.
Alors, moi, je ne veux plus que ça marche de même, pour ce
que je peux contrôler. Je ne contrôle pas grand-chose, là,
mais, dans les changements que je veux, je ne veux plus qu'on fasse de la
philo... Je veux qu'on fasse de la philo, mais la philo que je connais, la
philo que je souhaite que les jeunes de demain puis après-demain, pour
être adaptés et avoir une formation fondamentale qui a de
l'allure, qui a du bon sens, qui corresponde aux mêmes objectifs que vous
avez véhiculés... Je veux qu'on resserre les objectifs. Et
là je pose la question: Êtes-vous d'accord là-dessus, de
resserrer les objectifs pour que la philo à Rouyn-Noranda, puis la philo
à Ahuntsic, puis la philo à Amqui, puis la philo dans
l'Outaouais, ça se ressemble un peu? Êtes-vous d'accord
là-dessus? Puis, êtes-vous prêts...
Une voix:...
M. Gendron: Juste une seconde. Êtes-vous prêts a
prendre des moyens très, très, très, très concrets
pour parler un peu moins de l'«irrem-plaçabilité» de
l'enseignement de la philo au cégep, de quels moyens on met
concrètement en place pour s'assurer qu'on a des objectifs communs puis
on va prendre les moyens de les atteindre? Et là vous auriez un
allié naturel.
La Présidente (Mme Hovington): Avant votre réponse,
j'aimerais avoir le consentement des deux côtés de la Chambre pour
qu'on puisse aller au-delà de 13 heures. Selon l'ordre de la Chambre,
nous pourrions aller jusqu'à 13 h 10 si on veut respecter le temps
dévolu aux deux côtés.
M. Gendron: Oui, oui, 13 h 10, 13 h 15, pas de problème.
Vous avez le consentement.
La Présidente (Mme Hovington): Alors, je vous
reconnais.
M. Nadeau: Alors, donc, je commence la réponse et je
permettrai à mes collègues de m'épaulei dans
l'argumentation. Est-ce qu'on est prêt à revoir les pratiques,
à contribuer même à ce qu'une évaluation
systématique des pratiques de l'enseignement soit faite? Bien sûr.
C'est très clair que c'est notre prise de position. On veut y
contribuer, et on réclame que les objectifs soient resserrés.
C'est évident que ce qu'on réclame va dans le sens de ce que vous
dites maintenant, à savoir... On essaie de le dire le plus clairement
possible. On parle d'une standardisation des objectifs d'enseignement, ce qui
ne va pas contre l'idée importante de l'approche programme. Mais qu'il
puisse y avoir, qu'il doive nécessairement y avoir une communauté
d'objectifs dans toutes les régions, de toutes les institutions, pour
nous, cela va de soi. Et c'est pour ça qu'on va même
jusqu'à proposer l'institution d'examens nationaux pour s'assurer -
parce que c'est un mécanisme de feed-back, de rétroaction -
qu'une telle standardisation, une telle homogénéisation soit
effectivement maintenue en place.
Sommes-nous prêts à prendre les moyens? Nous sommes
prêts à prendre les moyens. Notre problème n'est pas
là. Je vais vous retourner la question par une autre question.
L'État est-il prêt à prendre les moyens d'implanter les
mesures correctives? Quand on dit qu'il n'y a pas eu d'évaluation, on
n'invente rien. Il n'y en a pas eu, d'évaluation. Comment ça se
fait qu'il n'y en a pas eu? D'une part, parce que ça coûte cher de
la faire puis, l'évaluation, ça permet de mettre à jour,
à vif les déficiences. Si vous n'avez pas l'intention de les
corriger, les déficiences, vous êtes bien mieux de les cacher. (13
heures)
Nous, on est prêts, on est parfaitement prêts. On vit comme
ça. Ça ne nous fait absolument pas peur, les mécanismes
d'autorégulation. On sait que c'est comme ça que ça se
renforce et on sait que c'est comme ça que les départements de
philosophie universitaires au Québec sont devenus ce qu'ils sont. Ils
sont beaucoup plus importants qu'ils ne l'étaient il y a 25 ans.
Les mécanismes d'autorégulation sont extrêmement
puissants. On est convaincus qu'à la faveur d'une implantation de telles
mesures il y aurait un changement important, je pense, au niveau
collégial, non pas pour... Je ne dis pas ça pour critiquer ce qui
se fait. On pointe beaucoup du doigt les déficiences de cet
enseignement-là et on ne va pas suffisamment montrer les choses
excellentes qui s'y font. Et il y a d'excellentes choses qui se font. Regardez
les publications qu'il y a dans le réseau depuis des années, le
nombre de colloques, les nouvelles revues qui sont apparues. Les gens
travaillent. On préfère mettre en évidence les
difficultés que les bons coups. Josiane, tu veux ajouter quelque
chose?
Mme Boulad-Ayoub: Oui, très, très rapidement. Il y
a, vous le savez autant que moi, je suppose, le travail de toutes les
coordinations, qui n'est pas propre à la philosophie, qui tra-
vaille à justement harmoniser, à coordonner avec les
délégués de tous les départements les objectifs. Le
regroupement de philosophie au collège vous a fait état dans son
mémoire justement du travail de coordination de la philosophie qui s'est
dotée d'un organe, d'une revue qui s'appelle Philosopher, pour
unir. Il est tiré à 600 exemplaires, il est distribué dans
tous les collèges, et on essaie de faire l'harmonisation.
Comme je répondais tout à l'heure, il faut du temps. Il y
a 25 ans que ces professeurs... Il y a l'histoire des coordinations, les
efforts constants de cohésion et d'harmonisation, et c'est bien
sûr qu'il faut que ce soit universel, les objectifs, et partagé
par les départements. Cependant, je tombe sur la question de
l'évaluation. Il faut qu'il y ait un contrôle, sinon les gens
continueront, c'est la propension de chaque individu, à faire ce qu'ils
veulent.
M. Nadeau: Raymond Brouillet.
M. Brouillet: Alors, rapidement, sur ça, je crois que le
fruit est mûr actuellement, les esprits sont prêts. Vous avez vu,
dans le rapport de l'association des professeurs de cégep, ils se sont
entendus sur une séquence des habiletés intellectuelles, ce qui
n'existait pas du tout antérieurement. Il faut tabler sur ça
actuellement pour enrichir le cadre, le programme-cadre, la direction,
là. Il faut aller chercher ça, enrichir et resserrer ce cadre un
peu plus pour que, partout dans l'ensemble des collèges, on puisse
être certains que certains objectifs d'habiletés vont être
le fait de chacun des plans de cours de chacun des cours. Et, en même
temps, ils se sont entendus sur des contenus communs à l'ensemble des
cours. Donc, ça va éviter cette dispersion et ça pourra
permettre une évaluation plus uniforme et comparative entre les
différents collèges et aussi, peut-être,
éventuellement, un examen national parce que, si on n'a pas quelque
chose de commun à la base au niveau des objectifs et des contenus, c'est
quasiment impensable de penser au reste.
Pour terminer mon intervention, on parle de modernité, mais je
vais vous dire que la philosophie, c'est peut-être une des disciplines
qui devient le plus à la mode actuellement. Si on parle de
modernité, ce n'est pas de mettre la philosophie au rancart, c'est de la
faire ressurgir des cendres et de la revitaliser. Dans le domaine des sciences
actuellement, dans n'importe quelle science, pour les hommes de science,
l'ensemble du système des valeurs est remis en question. Tout le monde
sent le besoin aujourd'hui de repenser philosophiquement le sens de nos
pratiques scientifiques, technologiques, et ainsi de suite. Alors, ce n'est pas
faire modernité que de mettre la philosophie à côté,
c'est faire anachronisme.
La philosophie, on le sent à l'université... Il y a des
programmes entiers en génie, 900 étudiants par année, en
génie. L'Ordre des ingénieurs veut implanter un cours
d'éthique professionnelle obligatoire pour tous les étudiants.
Dans le domaine de la bioéthique, partout, on vient nous voir. Il y a
des gens qui sont même dans le domaine du droit; les gens en ont assez,
si vous voulez, d'une formation ou d'un droit positif refermé sur
lui-même. Ils s'aperçoivent que le droit a une histoire, le droit
évolue, le droit repose sur une idéologie, le droit repose sur
des valeurs. Les valeurs changent, le droit doit changer. On a
révisé les programmes justement pour donner cette dimension un
peu plus large de la question du droit. Un cours de philosophie du droit est
obligatoire dans la formation des étudiants en droit actuellement.
Et on peut ainsi multiplier et multiplier, si vous voulez, les exemples.
La philosophie est à la mode et elle est plus à la mode qu'elle
ne l'était dans le passé à cause de ce bouleversement de
tout notre système de valeurs par l'accroissement de la recherche
scientifique, le pouvoir technologique que l'homme acquiert par ses recherches
scientifiques et les dangers que ça pose et les problèmes que
ça pose dans la pratique humaine, à quelque niveau que ce soit.
Alors, c'est moderne de maintenir la philosophie et de la revitaliser.
M. Gendron: Là, vous êtes convaincant pas mal. Ce
n'est pas ça, c'est que, moi, mon point, sincèrement... Est-ce
que les profs de philosophie au niveau collégial, selon vous, se
regroupent? Je sais qu'il y a certains regroupements au niveau du
français et des sciences. J'aimerais ça avoir juste une
réponse rapide là-dessus.
Mme Boulad-Ayoub: C'est la Société de
philosophie.
M. Gendron: Ça va. Moi, à ma connaissance,
c'était oui. Alors, la question - mais je voulais vous faire dire la
réalité que vous connaissez mieux que moi - est la suivante:
Est-ce que vous avez abordé entre vous, est-ce que vous savez si
ça a été abordé entre elles et eux, cette
question-là d'essayer d'avoir un petit peu plus d'uniformité dans
les objectifs pédagogiques à être atteints par, justement,
cette science que, moi, je ne veux pas remettre en question? Mais je trouve
qu'il y a trop, pour le moment, de disparités invraisemblables. C'est ce
qui fait, d'après moi, que certains gestionnaires de collèges ont
probablement indiqué que, compte tenu que c'était très
difficile d'avoir des objectifs très serrés, très
précis en termes d'atteinte de ces objectifs, il y aurait d'autres
disciplines qui pourraient suppléer aux objectifs de formation de base
qu'on veut donner à ces jeunes-là. Alors, pourquoi c'est
arrivé si, effectivement, vous avez eu l'occasion d'en convenir? Est-ce
que ça arrive que ces gens-là, de philosophie, parlent
également, dans certains cas, à leurs
représentants syndicaux ou à l'association? Parce que ce
n'est pas toujours le même discours qu'on a entendu.
M. Nadeau: À la question que vous posez, s'il y a eu des
efforts, je pense que c'est devenu l'effort principal, notamment, de la
coordination provinciale des enseignants de philosophie que de se poser la
question de l'uniformisation, ce que j'ai appelé la standardisation. Il
y a des efforts importants qui ont été faits dans les rencontres
scientifiques. Il y a eu des colloques qui ont été
consacrés à ça. Il y a des publications qui sont faites
là-dessus. Il y a des manuels qu'on publie maintenant. Justement,
pourquoi on publie des manuels? Ça a tardé avant que le
réseau collégial ne permette à des chercheurs,
professeurs, enseignants de mettre au point des manuels. Ça se fait
maintenant et, dans la mesure où les moyens sont tranquillement mis en
place, on peut penser que l'effort d'uniformisation et le combat contre les
disparités délétères, je dirais, va pouvoir se
continuer.
Je pense que Josiane Ayoub aurait peut-être des choses aussi
précises à ajouter là-dessus.
Mme Boulad-Ayoub: Je ne pourrai que répéter et
donner le nom des colloques. Il y en a huit, à ma connaissance, et
j'oublie les minicolloques. Il y a eu je ne sais combien de manuels. Je crois,
à ma connaissance, six. En tous les cas, deux au moins par cours et,
dans les colloques scientifiques, il y a des ateliers spéciaux qui,
depuis le début... Vous savez, moi, je suis venue au Québec il y
a peut-être 23 ans, et j'ai été mêlée aussi
à la coordination provinciale de philosophie. C'est depuis cet instant
que nous avons essayé de resserrer les objectifs et de faire partager le
souci de rallier, de donner un enseignement cohérent, etc. C'est un
problème, je ne dirai pas de banalités, mais c'est un
problème auquel vous vous heurtez aussi dans la vie politique,
c'est-à-dire comment articuler. Bien, on a en tête un plan, un
modèle. Comment faire obéir, finalement, les gens - ça
revient à ça - et que ce soit la loi intérieure qu'ils se
sont eux-mêmes donnée?
La Présidente (Mme Hovington): Un complément de
réponse?
M. Lepage: Je pense que je vais reprendre une expression de mon
collègue Brouillet: Je pense que le fruit est mûr. Il y a,
à l'intérieur des enseignants de philosophie des collèges,
des tendances conservatrices et des tendances plutôt à aller vers
un resserrement de l'évaluation et des objectifs. Je pense que ce serait
utopique de penser que l'évaluation va venir de l'intérieur,
qu'ils vont la réclamer. Je pense, à un moment donné,
qu'il y a des forces qui sont en opposition et qu'il faut une intervention
politique. Je pense que vouloir diminuer, dans un tel contexte, le rôle,
surtout' la portée... Ce n'est pas tellement la défense des
quatre cours de philosophie que de défendre la portée de la
réflexion philosophique sur l'ensemble de l'enseignement. Je pense que
la bonne solution, c'est de dire: La discipline en vaut la peine. Prenons les
mesures pour qu'elle s'exerce dans de bonnes conditions, pour qu'elle
s'enseigne dans de bonnes conditions et qu'elle joue le rôle qu'elle doit
jouer, c'est-à-dire un rôle de formation fondamentale. (13 h
10)
M. Gendron: Je sais bien qu'il y a le temps, mais je voudrais
poser une autre question, et ça va être tout. Vous semblez
très ouvert à l'évaluation, et là je vous cite
rapidement: les manuels, les programmes, les unités. On doit
évaluer. Le moment est venu. Par contre, là, vous venez presque
de le dire, il va falloir qu'il y ait une évaluation externe
également. C'est ce que je viens d'entendre. La question que je pose:
Au-delà de la responsabilité - puis je le dis comme je le pense -
négligente du système - et incluez par là autant les
institutions que l'État québécois - il n'y a rien qui
l'empêchait d'être plus exigeante et plus mordante quant à
la nécessité d'évaluation. D'ailleurs, il faut le
rappeler, c'est la même ministre qui disait, à un moment
donné: Écoute, je ne sais même pas les diplômes que
je sanctionne. En tout cas, moi, je ne l'aurais pas dit ou j'aurais fait
quelque chose. Bon. Mais, là...
Une voix:...
M. Gendron: En tout cas, ça a été repris.
Elle a dit: Je ne peux pas sanctionner les diplômes qui sont émis
parce qu'il n'y a pas assez d'évaluation. Mais vite, vite, je vais vous
avoir votre commentaire, c'est: si vous êtes d'accord pour en faire sur
tout, comment ça se fait qu'à l'intérieur de certaines
instances des collèges ou universités on n'ait pas réussi
à développer quelques pratiques et mécanismes qui
utiliseraient un peu mieux cette grande ouverture des concernés pour
s'assurer qu'effectivement on fasse plus d'évaluation? Parce que je suis
aussi renverse que vous de vouloir constamment faire des changements, mais un
peu gratuitement, un peu à la mode, parce qu'on n'a pas vraiment les
données scientifiques sur lesquelles on pourrait s'appuyer puis dire:
Voilà ce que ça a donné pendant 25 ans, tels objectifs
pédagogiques; on les a ratés puis on les a ratés pour
telle et telle raison puis, en conséquence, on ne peut plus faire
ça. Voilà pourquoi on change d'orientation. C'est ça que
ça donne, l'évaluation. Mais avez-vous un peu
d'éléments à nous suggérer? Pourquoi il ne s'en
fait pas plus puis il n'y a pas eu plus d'ouverture pour en faire?
M. Nadeau: Je vais vous donner une réponse qui vaut ce
qu'elle vaut: parce que ça coûte cher. Ça coûte cher
de faire de l'évaluation.
Demandez-vous pourquoi l'État n'a pas pris, jusqu'à
présent, plus de précautions pour faire en sorte que le niveau de
diplomation des professeurs de cégeps soit plus élevé. Il
y a une des réponses qui va vous venir à l'esprit tout de suite:
Est-ce que, d'après vous, ça coûte plus cher de payer un
prof qui a un bac ou un prof qui a une maîtrise?
M. Gendron: Ah, je le sais. Je le sais qu'il coûte plus
cher.
M. Nadeau: Hein? Bon. Alors, on peut continuer comme ça.
Est-ce qu'on ne devrait pas favoriser aussi, dans les mécanismes
d'embauché, la possibilité pour un cégep d'embaucher, en
supposant que toutes choses soient égales par ailleurs... Qu'on ait un
bachelier, un maître et un docteur, qu'il embauche le docteur s'il est
prêt à faire de l'enseignement au collège. On ne le prend
pas. Je peux vous raconter des situations où, de manière
systématique, on tasse de côté les plus
diplômés.
M. Gendron: Mais, rapidement, dans la résistance interne,
il n'y a pas de coût à ça. Dans toute résistance
interne que vous connaissez, pour ne pas en faire, d'évaluation,
ça n'a rien à voir avec le coût.
M. Nadeau: Non. Le message du système... C'est une
question systémique dont on parle; on parle d'évaluation
systémique. Le message n'est pas venu du système. Pas plus pour
la philosophie que pour autre chose, d'ailleurs. On n'avait pas la
mentalité à l'évaluation. Ce n'est pas que les gens
étaient farouchement contre ou s'opposaient à la faire, mais je
ne pense pas que ça vienne spontanément des gens, ça.
Mme Boulad-Ayoub: Une autre petite question.
M. Nadeau: II faut que le message vienne de quelque part, je
pense. Josiane, tu veux dire quelque chose?
Mme Boulad-Ayoub: Non, mais c'est simplement une explication,
comme chez les historiens, des mentalités. Quand les cégeps
ont-ils été créés et pourquoi? Ça venait
remplacer, en tous les cas au niveau de la philosophie, la philosophie
thomiste, la philosophie unitaire, l'esprit de contrôle, le monolithisme
et tout ce que vous voulez. Alors, ils ont misé sur le pluralisme, ils
ont misé sur la liberté. Bon ou mauvais, c'est ça, la
constatation que l'historien peut faire, ou le sociologue, des
mentalités qui étaient rétives à toute
espèce de contrôle ou à toute espèce
d'évaluation. Maintenant, les mentalités ont changé.
À force de tomber dans la gabegie, dans le désordre, on ressent
le besoin d'ordre et de despotisme éclairé. Alors, pourquoi
pas?
La Présidente (Mme Hovington): Merci beaucoup. Alors, je
comprends qu'il serait... On vous entendrait jusqu'à 22 heures, mais
vous comprendrez que nous devons suspendre jusqu'à 13 heures. Mais, en
conclusion, j'aimerais peut-être entendre l'adjoint de la ministre.
M. Hamel: Merci, Mme la Présidente. Alors, les nombreux
commentaires et témoignages que nous avons entendus en commission,
remettant en question la pertinence de la philosophie, vous ont permis de
défendre avec une très profonde conviction
l'«irremplaçabilité» de la philosophie. Alors, je
vous remercie, et sûrement que ces échanges nous seront fort
utiles.
Mme Boulad-Ayoub: Si vous permettez, Mme la Présidente,
j'aimerais vous laisser sur une anecdote; ça va peut-être
égayer votre dîner.
La Présidente (Mme Hovington): Sûrement.
Mme Boulad-Ayoub: Ha, ha, ha! Au niveau de
l'«irremplaçabilité» mais surtout sur l'impact d'un
enseignement philosophique et l'idée même du cégep sur la
formation des citoyens, de tout le monde: Quand nous sommes arrivés, au
bout de quelque deux ans, je voulais remplacer mes chaussures. Je suis
allée dans un magasin de chaussures et, là, j'hésitais
devant le choix et j'ai demandé à la jeune vendeuse: Mais que
pensez-vous? Je prends cette paire ou cette paire? Alors, la jeune vendeuse m'a
dit: Madame, exercez votre libre arbitre. Alors, je lui ai dit: Mais, enfin,
comment connaissez-vous cette notion?
La Présidente (Mme Hovington): Ha, ha, ha!
Non!
Mme Boulad-Ayoub: Elle a dit: Madame, j'applique dans mon
métier de tous les jours ce que j'ai appris en philosophie au
cégep. Malheureusement, ce n'était pas le cégep où
j'enseignais.
Des voix: Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme Hovington): Je voudrais bien savoir si
vous avez pris les deux paires.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Boulad-Ayoub: J'ai exercé mon libre arbitre,
c'est-à-dire ma fantaisie, et j'ai acheté les deux.
Des voix: Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme Hovington): Merci beaucoup. Alors, la
commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures cet
après-midi.
(Suspension de la séance à 13 h 16)
(Reprise à 15 h 9)
Le Président (M. Bradet): À l'ordre! La commission
de l'éducation reprend donc ses travaux. Nous allons accueillir
maintenant l'Association pour l'avancement des sciences et des techniques de la
documentation et la Corporation des bibliothécaires professionnels du
Québec. Alors, j'imagine qu'il y a un représentant pour le
groupe. S'il vous plaît, pourriez-vous nous présenter les gens qui
vous accompagnent et vous présenter? Vous avez 20 minutes et, ensuite,
il y aura des échanges avec les deux groupes parlementaires, de 20
minutes.
Association pour l'avancement des sciences
et des techniques de la documentation
et Corporation des bibliothécaires
professionnels du Québec
M. Simard (Denis): Merci, M. le Président. Alors, mon nom
est Denis Simard. Je suis le président de l'Association pour
l'avancement des techniques de la documentation et je suis aussi,
évidemment, responsable de la bibliothèque et de l'audiovisuel au
cégep de Trois-Rivières.
Le Président (M. Bradet): Bienvenue, M. Simard. (15 h
10)
M. Simard: Mme la ministre, bonjour. MM. les
députés, Mmes les députées. Alors, il me fait
plaisir de vous présenter, cet après-midi, les gens qui, avec
moi, présenteront le rapport, le mémoire à la commission.
Il y a d'abord Raymon-de Beaudry, qui est bibliothécaire et responsable
des services publics à la bibliothèque du collège de
Rosemont. Il y a Marthe Francoeur, responsable de la bibliothèque du
collège de l'Outaouais et Mme Francoeur est présidente en
même temps, aussi, du réseau RENARD dont on parle dans le
mémoire. Mme Régine Horinstein est bibliothécaire elle
aussi et directrice générale de la Corporation des
bibliothécaires. Et M. Robert Chiasson, ici à ma gauche, est
professeur au département des techniques de documentation au
collège François-Xavier Garneau.
Le Président (M. Bradet): Merci. Alors, vous pouvez
commencer tout de suite la présentation de votre mémoire.
M. Simard: Nous sommes, d'abord, les quatre personnes qui avons
rédigé ce mémoire et le mémoire que nous vous
présentons vous donne le reflet, en fait, des 46 bibliothèques du
réseau et, en particulier, les 32 qui font partie du réseau
RENARD, c'est-à-dire le réseau normalisé et
automatisé des ressources documentaires. Alors, ce mémoire vous
résume le développement, la formation, l'échange et toute
l'émulation que nous pouvons avoir dans le réseau. Sans plus
tarder, je laisse la parole à Mme Francoeur et, dépendant de nos
connaissances ou de nos facilités, nous alternerons pour
présenter le mémoire.
Le Président (M. Bradet): Parfait, M. Simard. Mme
Francoeur.
Mme Francoeur (Marthe): M. le Président, Mme la ministre,
membres de la commission permanente de l'éducation. En discutant
publiquement de culture générale, de formation fondamentale,
d'ouverture au monde, d'amélioration de la langue pariée et
écrite et même d'évaluation, il semble à nos
associations que les principales instances éducatives ont ignoré
le lieu principal de diffusion du savoir, la bibliothèque.
Mme Beaudry (Raymonde): L'évaluation semble se situer au
coeur même du débat de la commission parlementaire sur
l'enseignement collégial. Alors que plusieurs questionnent la pertinence
et les mécanismes possibles d'évaluation de l'enseignement, les
bibliothécaires professionnels réclament fermement une
évaluation en profondeur des bibliothèques
collégiales.
Mme Francoeur: Parmi tous les rapports et études
publiés depuis 25 ans sur le milieu collégial, il faut retourner
au rapport Parent pour entendre parler des bibliothèques. Le rapport
Parent situe la bibliothèque au coeur même de l'ensemble
collégial. Il recommande des moyens et établit des normes pour
assurer cette mission fondamentale.
Mme Beaudry: Qu'en est-il des bibliothèques
collégiales en 1992? Force est de constater que la majorité des
bibliothèques stagnent autour des normes minimales prévues
à l'époque et, parfois, ne les rencontrent même pas.
Déjà, en 1964, on recommande l'opportunité d'utiliser
l'équipement électronique dans l'organisation des
bibliothèques. Ironie. À l'aube de l'an 2000, plusieurs
bibliothèques, malgré leur adhésion au catalogue collectif
du réseau RENARD, offrent encore des fichiers manuels bien
éloignés de l'ère électronique.
Mme Francoeur: Offre-t-on seulement aux clientèles
diversifiées des ressources documentaires actuelles, variées,
divergentes, attrayantes pour assurer la formation fondamentale
réclamée de tous? Difficile. Les maigres subventions
allouées par le ministère au développement des collections
ne permettent pas un réel enrichissement des collections, encore moins
l'accès aux nouveaux produits multimédias. Plus encore, le fonds
de bibliothèques, subventions versées aux collèges par le
ministère, réservé exclusivement à son origine au
développement des collections, pourrait être
détourné de sa fonction première au profit d'autres
besoins. Le collège détient maintenant le pouvoir d'affecter
à sa convenance
cette aide financière.
Depuis 1983, les bibliothèques souffrent de sous-investissement.
Imaginez! En 1991, la Direction générale de l'enseignement
collégial estime toujours, dans sa politique budgétaire, à
25 ans la durée d'un volume et à 31 $ le coût d'un manuel
classé. De plus, des lois freinent le développement des
collections des bibliothèques: La Loi sur le développement des
entreprises québécoises dans le domaine du livre et les lois
fédérale et provinciale sur les taxes de vente. Le pouvoir
d'achat des bibliothèques est forcément réduit. Par
ailleurs, les administrateurs, davantage préoccupés par la
rentabilisation des ressources financières de l'entreprise et les
multiples dossiers qu'ils gèrent, se font les défenseurs peu
convaincants des centres documentaires.
Mme Beaudry: Dans ce débat, Mme la ministre, ces
administrateurs réclament une plus grande autonomie financière
pour gérer leur établissement selon des objectifs et des
priorités qui leur sont propres. Les bibliothèques
demeureront-elles les oubliées du système? Une autonomie
financière, soit, mais qui se fonde sur des critères fixés
par le ministère, lesquels tiendront compte du développement de
la bibliothèque de chaque collège.
La détermination et la créativité des personnels
des bibliothèques collégiales, leur bonne volonté et leur
dynamisme ne suffisent plus. Pas plus d'ailleurs que la promesse miroitante
d'un avenir meilleur. Seule une volonté politique telle
qu'énoncée dans le rapport Parent redonnerait à la
bibliothèque le statut qu'en principe on lui concède. La
formation fondamentale passe par la fréquentation des grands
maîtres, clame-t-on dans le discours actuel, la maîtrise du
français, nécessairement par la lecture et l'acquisition de
bonnes méthodes de travail, inévitablement par les recherches en
bibliothèque, croyons-nous.
Mme Francoeur: Bien sûr, nul ne conteste le rôle
essentiel de la lecture. La lecture, comme le souligne M. Roland Arpin dans son
rapport intitulé «Une politique de la culture et des arts»,
est plus qu'une simple capacité technique permettant de comprendre des
textes. Elle s'adresse à l'intelligence, au goût, au désir
et au plaisir. Elle est un préalable à la vie intellectuelle et
à la vie culturelle active. C'est par la lecture, d'abord, que le tout
jeune entre dans le monde du merveilleux, qu'il développe son
imaginaire. C'est, outre le patrimoine, par la lecture que, plus tard, il
intégrera la dimension historique des faits et des êtres. C'est
toujours par la lecture que, en grande partie, le jeune connaît et
évalue les autres civilisations, les doctrines et les idéologies
et qu'il accroît sa curiosité intellectuelle.
Ainsi, malgré l'envahissement du marché par les multiples
supports médiatiques, on peut affirmer que le livre demeure et demeurera
la source première où s'abreuvent enseignants et
élèves.
Mme Beaudry: Cependant, les pédagogues ne voient pas, dans
la bibliothèque, la solution manifeste au problème
pédagogique, tel celui de la maîtrise du français. Une
concertation des instances intéressées, dont la
bibliothèque, pour développer des programmes d'encouragement a la
lecture aurait des effets bénéfiques pour l'ensemble de la
clientèle étudiante. L'implication pédagogique de la
bibliothèque reste toujours à démontrer, malgré
l'importance qu'on semble théoriquement y apporter. Preuve en est faite.
Il faut lire entre les lignes pour trouver la place réservée
à la bibliothèque dans les principaux mémoires soumis
à la commission parlementaire.
Au chapitre de l'acquisition des méthodes de travail efficaces,
les bibliothécaires s'étonnent toujours de constater que, dans la
structure actuelle des programmes, aucune formation documentaire obligatoire
n'est dispensée aux nouveaux cégépiens. Loin d'être
innée, cette formation nécessite un apprentissage rarement
dispensé au secondaire.
Mme Francoeur: Ainsi, il est déplorable de constater
qu'après 25 années d'existence les bibliothèques
collégiales ne jouent pas pleinement le rôle qui leur est
dévolu. Comment est-il possible d'ignorer dans cet important
débat que la bibliothèque est, au sein de l'institution
collégiale, un formidable lieu culturel, l'assise même de toute
formation fondamentale?
Pour toutes ces raisons, nous jugeons essentiel, Mme la ministre, de
procéder à une sérieuse évaluation des
bibliothèques collégiales. Le discours théorique que tous
tiennent à l'égard de la culture devra se refléter par des
actions concrètes dans les bibliothèques de collège. Les
bibliothèques collégiales réclament, elles aussi, une
attention particulière. On dit souvent que la qualité d'une bonne
université passe par l'évaluation de la qualité de sa
bibliothèque. Est-il utopique de croire un jour à cette
évaluation pour les collèges? (15 h 20)
M. Simard: Nous passons maintenant aux propositions comme telles
du rapport. Alors, quelles actions faut-il entreprendre pour que le centre
documentaire soit au coeur de l'enseignement collégial et contribue
à son amélioration?
Première recommandation, et nous faisons lecture des
recommandations qui sont dans le mémoire: Nous recommandons qu'une
déclaration politique mette en évidence le rôle
pédagogique du centre documentaire collégial et la revalorisation
de sa position dans l'organigramme des collèges. C'est que, depuis la
disparition de la commission des directeurs de bibliothèque en 1983,
nous nous retrouvons, dans les collèges,
avec des bibliothécaires qui sont placés de
différentes façons dans l'organigramme. C'est-à-dire que
vous avez des coordonnateurs qui sont cadres et qui sont responsables de
bibliothèque et d'audiovisuel et de production de matériel
didactique écrit ou audiovisuel ou même informatique; vous avez
des coordonnateurs qui sont responsables de bibliothèque et
d'audiovisuel et d'autres qui sont aussi responsables des services de recherche
et développement. Vous avez des coordonnateurs de bibliothèque
tout simplement et vous avez aussi des professionnels qui agissent à
titre de responsable de bibliothèque, mais qui sont placés en
situation difficile de gestion puisqu'ils dépendent administrativement
d'un adjoint au directeur des services pédagogiques qui, eux, sont
généralement plus près de dossiers tout à fait
pédagogiques, plus proches de l'enseignement et qui sont,
évidemment, éloignés des bibliothèques.
Ce qu'on aimerait et ce qu'on recommande aussi, c'est qu'il puisse y
avoir un lieu, à la Fédération, où les
bibliothécaires pourraient se rencontrer, parler de
bibliothéconomie entre eux, et se faire reconnaître aussi sur le
plan administratif. Et ce pourrait être un sous-comité de la
Commission des affaires pédagogiques à ce moment-là
où on pourrait non seulement discuter entre nous, mais se faire entendre
et faire des recommandations tout à fait précises par lesquelles
nous sommes intéressés.
M. Chiasson (Robert): La deuxième recommandation est
relative à la formation documentaire. Parmi les éléments
constitutifs d'une formation fondamentale, on a relevé souvent «la
possession et la maîtrise de méthodes de travail
intellectuel» et «l'autonomie dans la poursuite de la
formation». Pour que ces éléments soient
intégrés à la formation des élèves, il faut
assurer une formule de formation documentaire qui pourrait aller jusqu'à
la création d'un cours obligatoire sur les méthodes de
travail.
Ce que nous recommandons, c'est d'établir des objectifs qui
permettraient de développer l'autonomie au niveau de la recherche
d'information et, deuxièmement, que les étudiants
maîtrisent des méthodes de travail intellectuel efficaces.
Présentement, trop souvent les seuls éléments de formation
documentaire qui existent, c'est des initiations par le personnel des centres
documentaires, soit au niveau des individus, soit au niveau des groupes, mais
c'est sur une base volontaire, souvent. Également, certains profs de
philo, de français, etc., décident aussi de se donner un peu une
mission d'initier les étudiants à la bibliothèque. Et nous
pensons qu'un cours comme tel de formation documentaire préparant,
dès le départ, soit aux études au programme technique,
soit à l'université serait un élément
important.
La troisième recommandation est relative aux normes. Nous
demandons l'introduction de normes pour l'encadrement cohérent du
développement et l'élimination des disparités entre les
collèges. On s'aperçoit que l'absence de normes développe,
en fait, ces disparités-là. Parmi ces normes - sur les budgets,
les locaux, le personnel et les équipements, notamment - l'embauche de
spécialistes en documentation - bibliothécaires professionnels,
techniciens et techniciennes en documentation - devient une priorité
pour assurer la gestion d'un centre documentaire collégial.
Les dernières normes datent de 1974. Si même on compare
dans le rapport Parent en 1964 ce qu'on proposait sur les collections,
uniquement sur le secteur des collections, on proposait, en fait, que les
collections se composent de 60 000 livres. Les normes de 1974, publiées
par le comité des directeurs de bibliothèque de la
Fédération des cégeps, proposaient 40 000. Dans une
étude de 1986 de Marcel Lajeunesse parue dans Argus, on avait
à peu près cette moyenne-là et on s'aperçoit qu'en
1990 il y a un autre sondage qui est en cours, ça se situe entre 40 000
à 60 000. Donc, il y a une baisse non seulement au prorata de la
clientèle qui augmente dans les cégeps; il n'y a pas une
augmentation rationnelle à ce niveau-là.
Du côté du personnel, c'est également la même
chose. Les normes de 1974 demandaient l'engagement de 3 bibliothécaires
professionnels par 1000 étudiants. Alors, en 1986, on s'aperçoit
qu'on est rendu à 1 bibliothécaire professionnel par 1558
étudiants. Et, dans un sondage maison 1990, mais qui sera
confirmé, l'étude est en cours, toujours par M. Lajeunesse 0,5
bibliothécaire professionnel par 1000 étudiants. On a la
tendance, dans les bibliothèques collégiales, à remplacer
les bibliothécaires par des administrateurs qui n'ont pas
nécessairement une visée sur les nouvelles technologies, etc.
Alors, ce que, nous autres, on proposerait, c'est que les normes, en
fait, déterminent comme... Si on appliquait seulement les normes de
1974, ce serait déjà le «jackpot» pour toutes les
bibliothèques de collège parce que, déjà, au niveau
des collections - je ne parle pas des budgets parce que ce n'est pas
indexé, à ce niveau-là - au niveau du personne au niveau
de la quantification des ressources, etc., ce serait extraordinaire pour toutes
les bibliothèques collégiales si les normes de 1974
étaient appliquées. Les normes devraient donc établir, en
fait, le nombre de pieds carrés, les espaces pour les locaux, le nombre
de places assises, les collections en termes de... ce que les normes de 1974
faisaient, mais de reprendre ça, en fait, c'est quoi des normes, le
nombre de livres qu'on devrait avoir dans une institution pour chaque
élève, le nombre de documents audiovisuels, le nombre de
périodiques. Sur les nouvelles technologies, c'est un point à
part sur lequel je reviendrai. Alors, sur le personnel de direction,
professionnel, technicien, des normes devraient être établies.
Et la quatrième recommandation va dans ce sens-là. C'est
que nous recommandons également que soit créé un
comité ad hoc ou une structure similaire regroupant des
bibliothécaires professionnels de collège. Ce groupe jouerait un
rôle de «conseiller» auprès des instances
gouvernementales relativement à cette question des normes de centres
documentaires. Alors, ce comité-là serait capable, en fait, de
préparer des normes intéressantes pour le développement
intéressant des bibliothèques.
M. Simard: La cinquième recommandation: Nous recommandons
que le ministère encourage le développement de RENARD, le
Réseau normalisé et automatisé des ressources
documentaires, et qu'il en fasse la promotion comme instrument de soutien
pédagogique auprès de tous les collèges.
Nous recommandons, en outre, que RENARD puisse se rattacher à
d'autres réseaux tels que ceux des bibliothèques
gouvernementales, publiques et universitaires, pour être en mesure de
répondre adéquatement aux besoins de recherche et de localisation
des documents.
J'arrive d'un sommet qui s'est tenu à Ottawa sur une politique
d'information et je vous dirai que le gouvernement fédéral entend
créer une autoroute de réseaux qui permettra à tous ceux
qui travaillent actuellement en coopération de communiquer entre eux.
Quand on regarde la situation qui existe au Québec, où les
bibliothèques municipales sont déjà passablement en
réseau, les bibliothèques de collège, les
bibliothèques universitaires, il serait très intéressant
qu'un débouché se fasse là-dessus pour que, entre
institutions, on puisse plus facilement communiquer entre nous.
Nous recommandons aussi, à la sixième recommandation, que
les centres documentaires soient dotés d'équipements
technologiques de pointe en information documentaire - on parle ici de disques
compacts, par exemple, sur lesquels on retrouve actuellement beaucoup
d'informations - pour accéder aisément à de grandes masses
d'informations.
Pour terminer, nous recommandons que des efforts soient accomplis pour
que les centres documentaires puissent offrir à leurs différentes
clientèles, c'est-à-dire les étudiants en
difficulté, les décrocheurs potentiels, les nouveaux arrivants au
Québec, les personnes handicapées, des services adaptés
à leurs besoins.
Le centre documentaire, une valeur ajoutée. Que ce soit pour le
développement d'une véritable formation fondamentale ou pour
répondre aux exigences de la vie sociale et économique -
apparition constante de nouvelles informations mais dépérissement
rapide des anciennes, introduction constante de nouvelles technologies de
traitement de l'information, nécessité pour les personnes
d'acquérir sans cesse de nouvelles connaissances - les centres
documentaires cons- tituent un instrument susceptible de jouer un rôle
déterminant, une valeur ajoutée à la pédagogie. Je
vous remercie.
Le Président (M. Bradet): Alors, Mmes et MM., je vous
remercie de votre présentation. Nous en sommes à la
période d'échange avec les parlementaires et je reconnais Mme la
ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science.
Mme Robillard: Merci, M. le Président. Bienvenue aux
membres de l'Association et aussi de la Corporation des bibliothécaires.
Je pense que vous vous deviez de présenter un mémoire au niveau
de cette commission de l'éducation. Vous nous situez très bien
que la bibliothèque ou, plutôt, vous l'appelez le centre
documentaire est au coeur de la vie collégiale et, je dirais, de la vie
universitaire, parce qu'il me semble que c'est essentiel et fondamental. Je
pense que je peux très bien accueillir cette orientation-là de
base.
D'ailleurs, je me fais toujours un devoir, quand je visite les
cégeps ou les universités, d'aller voir leur bibliothèque.
Il me semble que c'est le lieu privilégié qu'on doit regarder de
très près, étant donné... (15 h 30)
M. Simard: Trois-Rivières, madame. Avec plaisir.
Mme Robillard: ...étant donné qu'il est très
utile, aussi, pour les étudiants. J'aimerais savoir si, en tant
qu'Association ou Corporation, vous avez une idée du taux de
fréquentation de nos bibliothèques au niveau collégial. Et
est-ce qu'il y a là un problème ou pas, selon vous?
M. Simard: Je peux répondre là-dessus, madame. Je
ne pourrais pas dire qu'il y a un problème de fréquentation parce
que... Bon, je vous donne l'exemple de Trois-Rivières, si vous voulez,
si mes confrères le permettent, ils pourront ajouter. Nous, on sait,
parce qu'on a un système informatisé, qu'il y a au moins 70 %
à 75 % des étudiants qui empruntent au moins un document, au
moins un. Et il y en a sûrement autant, donc, qui viennent consulter
à la bibliothèque. Cependant, cette année, on doit quand
même ajouter qu'il y a, je pense, une recrudescence d'utilisation de la
bibliothèque. Vous savez, utiliser les bibliothèques, ça
dépend un peu des cycles. Quand on a un cycle difficile à
l'intérieur de la vie d'un collège, par exemple, si on est en
période de négociations, on s'en ressent. C'est comme ça.
Moi, j'ai déjà écrit au collège, chez nous, que la
bibliothèque était un peu comme un thermomètre ou un genre
de «no man's land». Alors, il se passe des choses comme ça.
Alors, comme on a connu, depuis deux ou trois ans, une nouvelle étude du
programme en sciences sociales, depuis cette année, on a vraiment un
renouveau d'utilisation de la biblio-
thèque. Les professeurs donnent plus de travaux ou les
professeurs s'intéressent plus à envoyer les étudiants ou
les étudiants sont plus intéressés, mais il y a un
renouveau de ce côté-là. Ça avait commencé un
peu l'an passé, ça se continue cette année, et,
évidemment, ça se continuera avec les prochaines années
parce que nous, les bibliothécaires, on a été
mêlés, évidemment, à ce renouveau, à cette
nouvelle étude de ce département. Je ne sais pas si mes
confrères et consoeurs auraient quelque chose à ajouter
là-dessus.
Mme Francoeur: Moi, je pense que les bibliothèques sont
fréquentées par les étudiants et je pense qu'il n'y a pas
de problème à ce niveau-là. Mais ce que je pense, c'est
qu'il y a une mauvaise utilisation des ressources et puis on peut offrir peu de
ressources documentaires aux étudiants. Alors, je pense que c'est
là que se situe le problème. Parce qu'on sait que les
professeurs, je pense qu'ils sont convaincus de l'importance de la
bibliothèque. Mais c'est vraiment au niveau du support qu'on pourrait
apporter aux étudiants, on n'a pas les ressources documentaires
nécessaires.
Mme Robillard: Justement, vous m'amenez sur les - je pense que
vous les qualifiez - misères rencontrées par les
bibliothécaires ou les spécialistes de la documentation, à
la page 7 de votre document. Et j'aimerais ça vous entendre, d'abord,
sur la pauvreté des collections. Y a-t-il un problème de
pauvreté de collection et de quel ordre est-il? Et si vous me
répondez oui à tout ça et que vous connaissez l'ordre de
pauvreté, je vais vous dire ma surprise parce que, depuis deux ans que
j'occupe le poste, je n'ai pas été saisie de demandes
particulières devant un état assez lamentable des collections au
niveau des cégeps. Alors, si tel est le cas, j'aimerais bien ça
que vous me cerniez la réalité.
M. Simard: Je vous dirai, madame, que depuis 10 ans les budgets
de la bibliothèque sont à peu près les mêmes. Et si
on calcule que chaque année il y a une baisse du pouvoir d'achat, eh
bien, depuis 10 ans, on a dû perdre à peu près 50 % de
pouvoir d'achat. Ce qui fait que chaque année il y a moins de documents
qui rentrent dans les bibliothèques. Il y a moins de périodiques
auxquels on peut s'abonner parce qu'il y a des coûts très
importants au niveau de l'augmentation des abonnements. On est même
obligé de payer des droits de douane, en plus de payer de la TVQ et de
la TPS. C'est vrai qu'il y a une partie qui nous revient, mais, quand
même, c'est ça.
Et au niveau des documents audiovisuels, c'est la même chose. Les
locations coûtent cher, les achats coûtent cher et on a toujours le
même budget ou à peu près le même montant, ce qui
fait qu'on est en perte continuelle. C'est une perte, c'est une descente
continue chaque année. On descend l'escalier tranquillement.
Mme Beaudry: Et je vous dirais qu'il serait normal, après
25 ans, de faire de l'élagage dans nos bibliothèques. On ne peut
presque pas se permettre cette opération-là parce qu'on n'aurait
pas assez de volumes pour regarnir nos tablettes. On hésite à
faire de l'élagage parce qu'on se dit: On va vider la
bibliothèque. Les collèges ont constitué leur fonds de
bibliothèque. La norme a été vite atteinte parce qu'on
héritait des anciennes collections des collèges classiques. Si
vous fouillez dans les bibliothèques, et je vous invite fortement
à le faire, vous allez voir qu'une bonne partie des collections sont des
livres qui datent de la création des cégeps. On ne réussit
pas à acheter assez de livres pour avoir une collection, une
documentation qui soit récente, à jour. C'est dynamique, une
bibliothèque, et, pour bien s'en servir, il faut avoir de la
documentation récente. On est noyé par les anciens documents dans
nos bibliothèques et ça, je pense qu'on pourrait fournir des
statistiques, éventuellement, sur les dates de nos documents. Avec
l'informatisation, on doit faire du rétrospectif et ça devient
une opération très délicate parce qu'il coûte assez
cher de retraiter un document. Alors, avant d'aller recataloguer un document
qui date de 20 ans, on se dit: Est-ce que ça vaut les 50 $ ou 60 $ de
traitement qu'on met sur un livre pour le recataloguer? Alors, on est vraiment
dans cette situation-là dans les bibliothèques
collégiales.
Mme Robillard: Et une autre des misères que vous semblez
rencontrer, dites-vous, c'est l'absence de coordination entre les enseignants
et les bibliothécaires. Pourriez-vous me parler de ce
problème-là?
Mme Beaudry: Alors, en fait, je regarde, si je prends l'exemple
du programme dont mon collègue parlait tout à l'heure, je peux
donner comme exemple ce nouveau programme en sciences humaines qui était
effectif cette année. Il n'y a comme rien, dans ce programme-là,
qui donnait la place à la bibliothèque. Premièrement, on
n'a pas prévu un fonds d'achat de livres pour ce nouveau
programme-là. Si on en a acheté des livres, c'est qu'on l'a pris
à même notre budget normal. Et on parle d'un cours de
méthodologie qui est offert à tous les étudiants en
sciences humaines, c'est un nouveau programme et, à ce niveau-là,
ça n'allait pas de soi qu'il y avait une collaboration enseignants et
bibliothécaires, alors qu'il y avait nécessairement une recherche
documentaire qui menait les étudiants à la
bibliothèque.
C'est difficile. Comme on n'est pas dans les structures, on n'est pas
là quand les programmes se décident, on n'est pas
représentés. On a dû s'ajuster au mois de septembre, les
professeurs
sont arrivés à la bibliothèque. Ça s'est
produit même, je crois, dans quelques collèges et c'est un peu
à ce niveau-là qu'on dit qu'on manque de coordination, c'est
qu'on n'a pas la parole quand ces choses-là sont décidées.
On n'est pas là pour dire ce que ça implique pour nous, nos
bibliothèques, quand un nouveau programme comme ça est
implanté. Moi, je l'ai vécu comme ça à mon
collège et je pense que ça peut être représentatif
d'autres collèges. C'est un exemple.
M. Simard: Robert, M. Chiasson avait quelque chose à
ajouter ici.
M. Chiasson: Bon, moi, je pense que c'est surtout l'absence de
normes qui fait en sorte que, d'une bibliothèque à l'autre, il ne
s'agit pas de parler de misérabilisme dans toutes les
bibliothèques, mais il y a des inégalités. S'il y avait
l'application des normes, les administrateurs des collèges, avec une
obligation de les mettre en application - celles de 1974 n'ont jamais
été appliquées - on pourrait s'assurer en fait d'une
qualité d'infrastructure dans le côté bibliothèque.
Dans certaines bibliothèques, comme nous autres, à Garneau, on ne
partait pas d'un vieux collège classique, etc. On est parti à
neuf, l'administration a été obligée de monter une
excellente collection à jour, fraîche, etc.
Par contre, sur votre taux de fréquentation, on ne peut pas trop
faire de publicité, on n'a pas de place. On a eu 600 étudiants de
plus cette année. On n'est quasiment qu'un comptoir de prêt. On
est en train d'essayer de travailler pour voir si on va faire un
troisième étage, etc. Alors, ce n'est pas dire que c'est
très misérable, mais je pense qu'on est en deçà de
la qualité de service qu'on pourrait offrir.
Le Président (M. Bradet): Alors, M. Chiasson, comme il y a
un vote à l'Assemblée nationale, nous allons suspendre quelques
minutes nos travaux et nous reprendrons... La ministre répondra tout de
suite après.
(Suspension de la séance à 15 h 39)
(Reprise à 15 h 56)
Le Président (M. Bradet): Alors, la commission reprend
donc ses travaux. Je pense que la dernière intervention avait
été faite par M. Chiasson. Est-ce que vous aviez autre chose, un
complément?
M. Chiasson: Non, il s'agissait de la grandeur et misère
des bibliothèques collégiales.
Le Président (M. Bradet): D'accord.
M. Chiasson: Je voulais juste résumer mon intervention. Ce
que je voudrais dire, c'est que, même si certaines sont meilleures que
d'autres, sur le plan équipement, sur le plan personnel, etc., je suis
persuadé que les bibliothèques collégiales sont en
deçà des services qu'elles pourraient offrir.
Le Président (M. Bradet): D'accord. Alors, je reconnais
maintenant le député d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Assez rapidement, M. le Président, compte tenu
- et ça, ce n'est pas votre faute - du temps qui nous est imparti. Moi,
je suis heureux d'avoir eu l'occasion de prendre connaissance de votre
mémoire, de I avoir apprécié. Je suis heureux que vous
ayez accepté de venir nous livrer quelques commentaires très
instructifs parce que, deux remarques d'ordre général, j'ai
toujours pensé, moi, que les outils pédagogiques, les outils
supports qu'on appelle, ont leur place dans une meilleure acquisition
d'apprentissage ou de connaissances, et vous en êtes. Que ce soit un
centre de documentation, que ce soient des regroupements ou organismes qui ont
toujours soutenu que des équipements aussi importants qu'une bonne
bibliothèque, des documents à point, de qualité, en
fassent partie intégrante. Et vous avez rappelé tantôt, et
ça ne nous fait jamais de tort de se le faire rappeler, que tous ces
outils ou un centre de documentation doivent rester au coeur de la
pédagogie. Je pense que vous avez raison.
Alors, à ce niveau-là, je n'ai pas de difficulté.
La difficulté que j'ai, c'est que, quand on passe en deuxième...
Ma première question, c'était le niveau de fréquentation
et elle a été posée; la deuxième, c'était
l'absence de coordination entre les enseignants et les bibliothécaires,
elle a été posée. Alors, les deux questions que je
voudrais apprécier davantage avec vous, c'est votre recommandation
concernant... Entre autres, à la page 9, la recommandation 2. J'aimerais
ça que vous m'expliquiez un peu plus, au-delà de l'aspect
légitime. Et je le dis comme je le pense parce que, juste pour mettre un
peu d'humour, je lisais votre première phrase, d'entrée,
Danièle Sallenave: Ce qui sépare les hommes le plus gravement, le
plus radicalement, ce n'est pas l'argent, les places, ainsi de suite, c'est la
lecture.
J'ai déjà eu le même message de gens qui croyaient
beaucoup aux qualités extraordinaires de la musique. Ce matin, la phrase
n'était pas là mais, dans le mémoire des profs de philo,
ils ont presque dit la même chose, à savoir que, si on envisageait
une formation de base sans cours de philosophie, on faisait une erreur
magistrale parce que c'est inimaginable de penser qu'on peut doter des hommes
et des femmes de demain de postes clés, sans y inclure la philosophie
comme formation de base.
Moi, tout ce que je vous dis, c'est que, quand on suggère
concrètement qu'on inclue dans la formation de base,
éventuellement, un cours
sur la méthodologie du travail ou sur des méthodes de
travail, au niveau collégial, ce n'est pas que vous ne traduisez pas
fidèlement une réalité. Je ne disconviens pas que vous ne
traduisez pas une réalité, mais, là, j'ai des
problèmes. J'ai des problèmes de conscience en disant: Comment
va-t-on faire ça? Si jamais on regardait ça sérieusement,
d'inclure, dans des objectifs pédagogiques... Donc, je voulais vous
faire préciser. Est-ce que c'est plus l'objectif pédagogique que
vous avez, ou si, carrément, vous voudriez avoir ce qu'on appelle, dans
les cours obligatoires, la rétention d'un certain nombre d'unités
ou de crédits qui seraient spécifiquement attribués sur un
cours dit de meilleure méthode de travail, pour développer cette
capacité d'utiliser les instruments supports dont vous disposez, que ce
soit la bibliothèque ou un centre de documentation? (16 heures)
M. Chiasson: C'est, en fait, ce que nous espérons, qu'il y
ait un cours obligatoire avec des unités comptabilisées dans le
dossier de l'étudiant. Présentement, il y a déjà un
cours complémentaire qui se donne dans quelques collèges
où s'offre le cours 393-919. C'est des méthodes de travail en
bibliothèque. Je sais que la tendance au secondaire, ça a
été d'enlever le cours de méthodologie du travail
intellectuel, mais ça manque à des étudiants qui arrivent
au cégep. Ils ont besoin, en fait, de faire autre chose qu'une simple
initiation. C'est très facile, dans le cadre de l'activité du
bibliothécaire ou du technicien qui est chargé de l'aide à
la clientèle, de faire de la référence, d'organiser une
visite, montrer les outils. Mais de développer des outils
pédagogiques pour qu'il devienne habile, par exemple, à
maîtriser des outils de travail qu'il aura à utiliser, le rendre
apte à être autonome dans une recherche d'information, je pense
que ça nécessiterait une formation soutenue. Ça pourrait
être optionnel, mais je pense que tout le monde, en fait, devrait
bénéficier d'un tel cours obligatoire.
M. Gendron: Là, c'est parce que vous atténuez un
peu. Je pense que ça pourrait être optionnel. Je comprends.
Sincèrement, je souhaiterais qu'on ait cette alternative, parce que, si
on relit plusieurs mémoires qui nous ont été produits,
effectivement, il y a beaucoup de jeunes qui ont soutenu, avec raison, qu'il
leur manquait énormément de méthode de travail, de
capacité d'utiliser convenablement un bon document, une bonne
référence, un bon outil de travail, qui, souvent, permet
d'approfondir un peu plus rapidement les connaissances qu'ils veulent. Mais
d'envisager d'en faire un cours obligatoire au niveau collégial dans le
tronc commun en formation de base, moi, je trouverais que c'est pousser un peu
loin. Vous atténuez... Dans ce sens-là, il n'y a pas de
problème.
M. Chiasson: Non, je n'atténue pas, parce qu'il existe
déjà... Dans les trois cégeps où se donne le cours
technique de la documentation, ils offrent ce cours complémentaire
à deux, trois ou quatre groupes, dépendant des cégeps.
Chez nous, il y a eu un gel des cours complémentaires. On n'a jamais pu
offrir ce cours-là. Mais c'est une formation, à notre avis, que
tout le monde devrait avoir au niveau collégial.
M. Gendron: O.K.
M. Simard: J'ajouterais, en complément, que nous avons
noté que... Vous avez raison, monsieur, quand vous dites que d'autres
avant nous en ont parlé. La CREPUQ l'a mentionné très
très bien et le rapport de l'Université McGill aussi au niveau de
la formation documentaire. Et nous, nous le constatons dans tous les
cégeps aussi, que les étudiants manquent de méthode
intellectuelle de travail. Et nous devons y suppléer, mais on ne peut
pas y suppléer très longtemps, parce qu'au nombre
d'étudiants qui sont avec nous dans les bibliothèques... Aussi,
en plus de leur montrer comment chercher dans la documentation, il faut aussi
leur montrer comment utiliser tous les équipements que nous avons.
Alors, évidemment, il y a un temps qui ne peut pas être
alloué présentement.
M. Gendron: J'aimerais, rapidement, également approfondir
un autre élément. Je pense que c'est vous, madame, qui avez
mentionné que vous ne procédez pas à un certain
élagage de vos collections, parce que vous auriez de la
difficulté à les substituer, à les remplacer...
Mme Beaudry: La matière professionnelle, oui, on
procède, mais de façon très...
M. Gendron: Limitative. Mme Beaudry: Oui.
M. Gendron: Je n'ai pas de trouble avec ça. Je comprends
la difficulté. Vous dites que, depuis plusieurs années, il y a eu
des coupures. J'essaie uniquement - parce qu'on a des spécialistes -
d'apprécier... Justement, dû à l'évolution, selon
vous, en ce qui concerne la capacité pour les jeunes étudiants de
se référer à des revues scientifiques, des revues
spécialisées, à des documents plus pertinents pour
soutenir leur étude, ne croyez-vous pas que c'est beaucoup plus facile,
qu'il existe plus d'alternatives et de possibilités qu'auparavant? Et je
ne parle pas de votre centre de documentation. Écoutez, dans
l'évolution, entre autres, d'outils pédagogiques supports
à des apprentissages, il y a la vidéocassette, il y a la
télévision, il y a des revues spécialisées. En tout
cas, je trouve qu'ils se renouvellent à des rythmes sans
précédent. La journée n'est pas passée qu'il y en
deux de plus.
C'est une expression, là.
Dans ce sens-là - et je le fais volontairement - je dis: Les
alternatives pour les jeunes étudiants sont beaucoup plus grandes. Il y
a beaucoup plus de possibilités. Partagez-vous ce point de vue
là, compte tenu que, de plus en plus, pour toutes sortes de raisons, les
jeunes fréquentent des endroits, des lieux qui leur permettent
d'accéder à ce type d'information d'une façon plus facile?
J'essayais juste d'évaluer... Est-ce que vous auriez des suggestions
à faire? Oui, ça prend un centre de documentation des plus
modernes, des plus adaptés, mais est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de
faire une très grande réflexion quant au type d'instruments
pédagogiques supports pour eux, qui, d'après moi, est davantage
le petit document de référence, la petite revue
spécialisée, et de sortir passablement de certaines oeuvres de
collection qui m'apparaissent désuètes - je veux avoir votre
point de vue - dépassées, qui sont sur les rayons pour remplir
les rayons, mais qui n'ont plus rien à voir avec l'actualité?
Je conclus. La question: Est-ce que vous ne croyez pas que, si vous
resserriez le nombre d'outils consultés dans vos centres de
documentation, ça serait quand même assez limitatif par rapport au
nombre que vous avez sur les rayons? Est-ce que mon raisonnement est exact ou
s'il est erroné?
Mme Beaudry: Disons que j'ai un petit peu de misère
à suivre, mais je ne crois pas que les étudiants disposent,
à la maison, des outils qui leur permettent de faire des travaux de
recherche. Donc, la bibliothèque est là pour leur offrir ces
outils-là. Et, dans l'état actuel de nos bibliothèques, on
n'a pas les outils de pointe. Vous savez maintenant qu'on peut avoir une
encyclopédie sur disque, CD-ROM disque optique. On n'a pas ça,
à l'heure actuelle, dans nos bibliothèques collégiales. On
aimerait bien... Les étudiants seraient très
intéressés à utiliser cette forme de support documentaire
là. Ils seraient d'autant plus intéressés. On ne les a
pas, mais on possède... Je veux dire, on évalue qu'on
possède le minimum pour répondre à notre clientèle
étudiante et on suit de très près l'enseignement qui se
donne. Les professeurs, dans leur plan de cours, remettent encore et toujours
des bibliographies. Des fois, c'est des bibliographies de deux, trois pages, ce
sont des références à des livres, à des documents
audiovisuels à l'occasion. C'est des choses, des documents qu'on essaie
d'avoir à la bibliothèque. Ce n'est pas nous qui donnons
l'enseignement, on suit l'enseignement qui se donne. Enfin, c'est comme
ça qu'on oriente aussi le développement de nos collections.
M. Gendron: Mais en termes très clairs, puis, si vous avez
de la misère, vous allez en avoir moins, d'après moi, avec la
phrase suivante que je vais faire, en termes de matériel que vous jugez
désuet, vétusté, inapproprié, dans vos rayons,
c'est quoi, la proportion de ce matériel-là versus ce qui est
maintenant le plus demandé et le plus consulté par les
étudiants de collège?
Mme Beaudry: Bon. Je peux vous sortir un chiffre qu'un de mes
collègues m'a donné, m'a transmis tout à l'heure, d'une
étude qu'il a faite dans sa bibliothèque, où il relevait
que 74 % de sa collection de livres dans une discipline en sciences sociales
datait d'avant 1980. Donc, c'est un aperçu. Donc, il y aurait 25 % d'une
documentation relativement récente. Ça, c'est pour un
collège. Je vous donne un exemple pour vous situer. Parce qu'on n'a pas
de statistiques de tous les collèges à ce niveau-là. Il y
a très peu d'études récentes qui ont été
faites.
M. Gendron: La dernière question. Sur le programme qui
existe actuellement, le programme RENARD, le Réseau normalisé et
automatisé des ressources documentaires, estimez-vous que - s'il
était plus connu et, effectivement, s'il y avait une meilleure promotion
et un meilleur soutien - c'est quand même un programme qui répond
assez bien à la nécessaire adaptabilité du matériel
pédagogique requis dans les centres de documentation?
Mme Beaudry: C'est un réseau qui a fait ses preuves depuis
sa création, en 1984-1985. Le problème, c'est qu'on a de la
misère à le développer dans nos bibliothèques
à cause des coûts qu'implique ce réseau. Nous,
professionnellement parlant, on trouve que c'est un réseau de
très haute qualité qui s'est donné de très bonnes
normes. C'est un catalogue collectif. La seule difficulté, c'est qu'on
ne réussit pas à mettre des terminaux au public à cause
des coûts de ce réseau. C'est un réseau autofinancé.
Mais d'une bibliothèque à l'autre, dépendant des fonds
qu'on a, on ne réussit pas toujours à payer les coûts de ce
réseau. Et c'est dans ce sens-là qu'on aimerait avoir au moins
une reconnaissance du réseau.
M. Gendron: Merci. Merci beaucoup.
Le Président (M. Bradet): Alors, il me reste à vous
remercier, mesdames et messieurs, de la présentation que vous avez faite
et de l'éclairage que vous avez fait à nos travaux. Et, sans
préambule, j'aimerais inviter le prochain groupe à prendre place.
(16 h 10)
Alors, MM. Louis Balthazar et Jules Bélanger, bienvenue à
cette commission. Je veux juste vous faire remarquer que vous avez 20 minutes
pour nous faire votre présentation et, ensuite, on aura la
période d'échange avec les parlementaires. On vous
écoute.
MM. Louis Balthazar et Jules Bélanger
M. Balthazar (Louis): Merci, M. le Président, Mme la
ministre. C'est toujours impressionnant que de venir parler dans une enceinte
illustre comme celle-ci. Moi, j'ai l'habitude de parler dans toutes sortes de
milieux, mais, ici, H y a quelque chose de spécial. Je disais ça
à mon copain, tout à l'heure, j'ai le trac. J'espère que
nous allons bien utiliser le temps qui nous a été donné
pour résumer les quelques recommandations que nous avons à faire
au sujet des cégeps.
Nous vous remercions, d'abord, de nous avoir invités à
nous exprimer. Si vous remarquez le titre de notre mémoire, c'est le
suivant: «Quelques corrections urgentes pour sauver l'institution du
cégep». Nous n'irons pas jusqu'à recommander ce que peu de
personnes ont recommandé ici, parce que, sans doute, ce ne serait pas
très réaliste. Nous n'irons pas jusqu'à dire qu'il
faudrait démanteler les cégeps, mais remarquez bien que nous
proposons de les sauver, donc ça suppose qu'ils sont en danger.
Ça suppose, entre autres choses, que, selon nous, dans notre petite
expérience, mon collègue, Jules Bélanger, comme professeur
dans un cégep pendant plusieurs années, et moi-même, comme
professeur à l'université et enseignant très souvent,
presque d'année en année, depuis 25 ans, à des
étudiants de première année à l'université,
donc qui sortent du cégep, nous sommes obligés de constater
souvent que l'institution du cégep n'a pas tenu ses promesses, dans
l'ensemble. Nous faisons face à des diplômés de grande
qualité, à l'occasion, mais il y a encore trop d'étudiants
et d'étudiantes diplômés de cégeps qui, à
notre humble avis, ne devraient pas l'être.
Qu'est-ce que nous attendons d'un diplômé de cégep,
de collège? Nous attendrions des personnes qui seraient, d'abord et
avant tout, capables de jugement, de discernement, d'esprit critique, d'esprit
de synthèse, d'esprit d'analyse, des personnes susceptibles de faire
face à des situations nouvelles, inédites. Trop souvent, nos
diplômés sont des gens qui peuvent appliquer des recettes. Ils
savent un certain nombre de choses, ils connaissent un innombrable nombre de
choses. Ils ont vu des choses à la télévision. Souvent,
mes étudiants me disent ça - ils connaissent à peu
près tout - lorsqu'on leur demande: Oui, oui, j'ai vu ça, je
connais ça. Mais leur capacité de comprendre le fond des choses,
de saisir la face cachée des phénomènes demeure faible.
Voilà pourquoi il faut tant insister, d'abord et avant tout et plus que
jamais à notre époque, sur cette formation fondamentale
générale susceptible de produire ces qualités qui sont
tellement nécessaires à une société comme la
nôtre en pleine évolution et qui nous pose constamment des
questions nouvelles, déroutantes et déconcertantes.
La connaissance de sa langue est le prére- quis essentiel
à toute cette formation fondamentale. Nous le répétons,
nous avons eu l'occasion de le dire souvent, en particulier dans un petit livre
que nous avons commis il y a quelques années, l'apprentissage de la
langue française ne devrait pas être une matière parmi les
autres, elle devrait être au coeur de l'éducation. Moi, j'enseigne
la science politique, et, si on me demande quelle est la meilleure façon
de se préparer à venir à l'université faire de la
science politique, je vais dire: D'abord, sachez votre langue, maîtrisez
votre langue. Nos collèges doivent donc perfectionner... Et, bien
sûr, connaître sa langue, c'est plus que savoir communiquer dans sa
langue. Connaître sa langue, c'est avoir appris à penser, avoir
appris à structurer sa pensée, avoir appris à nuancer sa
pensée, avoir appris à porter des jugements. Or, malheureusement,
moi, je constate, d'année en année, en dépit - et je suis
peut-être un des rares à dire ça - d'un certain
progrès, d'un léger progrès depuis quelques années,
depuis une dizaine d'années, quand même qu'environ un tiers des
étudiants qui ont des D.E.C. et qui suivent nos cours à
l'université sont des gens qui ne maîtrisent pas leur langue.
Bien sûr, apprendre sa langue, ce n'est pas apprendre sa langue en
lisant les journaux. Moi, je dévore des journaux tous les jours et je
recommande à mes étudiants de lire les journaux. Nous avons
parfois des journaux qui sont bien faits et d'excellents journalistes, mais,
comme le disait Nathalie Petrowski elle-même dans un beau texte samedi
dernier, si je ne m'abuse, elle disait qu'elle-même serait outrée
si elle apprenait que ses textes, si fière qu'elle en soit, soient
l'objet d'analyses dans des cours de français. Sa langue, on l'apprend
dans ce trésor dont nous avons hérité de la
littérature française d'abord et québécoise aussi.
Française d'abord parce que nous devons préparer des
étudiants et des étudiantes capables de faire face au défi
de l'interdépendance, de l'internationalisation du
phénomène, et nous devons produire des étudiants,
nonobstant les «Petit Robert» qu'on publie, capables de parler la
langue française universelle, celle qui nous relie à d'autres
dans le monde.
Nos collèges se doivent donc de perfectionner cette connaissance
de la langue. Il faut donc insister davantage, exiger que l'on sache ce qui
s'enseigne en français, vérifier l'habileté à
écrire par des tests à l'échelle du Québec,
établir des standards, des systèmes d'évaluation, parce
que, finalement, à quoi sert prendre des résolutions, insister
sur la langue française, si nous n'avons pas le moyen de contrôler
ce qui s'apprend.
La même chose pour l'enseignement de la philosophie, qui est aussi
à la base de cette formation fondamentale, de l'apprentissage du
raisonnement, de l'argumentation, de la saisie de ce qu'est un être
humain, de ses finalités, de l'éthique. Voilà des choses
fondamentales et qui,
à notre époque, je le répète, sont plus
nécessaires encore qu'elles pouvaient l'être il y a 20 ans, il y a
30 ans. Pourquoi sont-elles plus nécessaires? Parce que nous vivons dans
une société qui est en changement très rapide et que,
contrairement à ce qu'on entend souvent - on dit souvent qu'il faut
préparer nos étudiants pour faire face aux défis de la
société d'aujourd'hui, pour répondre aux demandes de notre
société - nous disons: II faut surtout préparer nos
étudiants à faire face à la société non pas
d'aujourd'hui, mais de demain. La société de demain, quoi qu'en
disent nos futurologues, il y a beaucoup de choses que nous n'en savons pas.
Faire face à la société de demain, ça veut dire
préparer des gens qui sont capables de faire face à des
situations nouvelles, inédites, inconnues, et quoi de mieux que d'avoir
des facultés d'analyse, de synthèse, de jugement, de
discrimination et de discernement pour faire face à ces nouveaux
défis?
Je m'arrête ici parce que je pense que j'ai dépassé
les 10 minutes qui m'étaient allouées. Je cède la parole
à mon collègue, Jules Bélanger.
Le Président (M. Bradet): M. Bélanger.
M. Bélanger (Jules): M. le Président, Mme la
ministre, mesdames, messieurs, mon collègue Louis vous a tracé le
portrait idéal du cégépien et de la
cégépienne que nous souhaitons, et, comme notre mémoire
l'annonce, nous nous sommes arrêtés à certains moyens qui
pourraient nous permettre d'arriver à cela. Nous les avons
appelés des corrections, corrections à ce qui existe.
La première correction sur laquelle je veux attirer votre
attention, c'est celle qui implique les sciences humaines. Je ne vous
apprendrai rien en vous disant que les sciences humaines, dans nos
collèges, eh bien, elles ont une pauvre place. On y dirige
systématiquement les élèves moins forts, ou moins
doués ou qui sont moins disposés à travailler. Bien
sûr, il s'y trouve aussi d'excellents élèves, mais,
malheureusement pour eux, ils sont baignés dans un milieu de
médiocrité, en sciences humaines. Le terme est peut-être
fort. C'est reconnu à travers le Québec, tellement et si bien que
nous entendons des élèves de sciences humaines dire qu'ils sont
gênés d'avouer qu'ils sont en sciences humaines. (16 h 20)
Ils ont été amenés à cela non seulement par
les collèges, mais déjà au niveau secondaire on leur a
dit: Tu es un bon élève, tu réussis bien, va-t-en en
sciences pures. Selon nous, c'est une aberration. Le Québec, selon nous,
a besoin de ces bons élèves en sciences pures, de ceux qui vont
devenir des spécialistes après être passés dans les
sciences pures, et il a besoin aussi des élèves qui ont du
talent, du goût pour les sciences humaines. Le Québec a besoin de
ces deux volets. La correction que nous proposons, c'est que nos
collèges aient deux grands volets d'élèves disposés
à travailler ou, si vous voulez, deux volets où il y a des
exigences sérieuses: un pour les sciences pures ou sciences de la
nature, un autre pour les sciences humaines. Bien sûr, il faudra un
troisième volet, parce qu'il faut de la place pour les
élèves qui ou bien ont moins de talent ou bien qui sont moins
désireux de travailler. Il faut un peu de place pour ceux-là. Il
y aurait un troisième volet. C'est notre troisième
recommandation.
La correction suivante que nous proposons, elle porte sur
l'évaluation. Bien, l'évaluation des apprentissages, de nombreux
mémoires qui vous ont été présentés l'ont
affirmé, il y a là un gros problème. Il faut
évaluer les apprentissages de façon plus sérieuse. Nous
étions heureux de lire, par exemple, dans le mémoire du Conseil
des collèges, que l'on acceptait, l'on suggérait même, l'on
recommandait une évaluation externe, sinon il nous apparaît que...
Bien, ça ressemble un peu à du nombrilisme, malheureusement, si
on ne fait pas d'évaluation venant de l'extérieur. Voilà
pour les apprentissages.
Nous avons aussi une recommandation au sujet de l'évaluation des
professeurs. J'ai été professeur de cégep longtemps, dans
un cégep qui ressemble à tous les autres, je crois, et
l'évaluation, avouons-le candidement, sincèrement, il n'y en a
à peu près pas pour les professeurs. Les professeurs
s'évaluent entre eux puis, comme il s'est créé une sorte
d'opposition entre les méchants patrons et les enseignants, bien, tous
les professeurs sont bons. De toute façon, si vous cherchiez à
trouver le nombre de professeurs qui, au Québec, ont été
congédiés pour incompétence depuis 1968, vous devriez
conclure que le nombre est si petit que nous avons affaire à une classe
extraordinaire de professionnels. Il y a là quelque chose qui ne va pas.
Il n'y a aucune classe de serviteurs de l'État, que ça s'appelle
des fonctionnaires, des professionnels, des gens de métiers quels qu'ils
soient dans l'État, aucune classe de citoyens qui soit aussi peu
évaluée que les professeurs de cégep. Nous recommandons
donc qu'il y ait une évaluation externe et que, au terme de cette
évaluation, eh bien, on ne se gêne pas pour faire soit la
promotion de professeurs particulièrement méritants ou, le
contraire, la démotion ou le congédiement. Il faut avoir ce
courage, nous le pensons.
Autre correction sur laquelle nous attirons votre attention, c'est celle
du calendrier scolaire. Tout le beau travail que nous voulons faire dans les
collèges, il faut qu'il se fasse dans le temps. Or, voici que nous avons
un calendrier qui a été écourté à travers
les années, au point d'en être arrivé à être
le plus court calendrier scolaire en Amérique du Nord, je pense, sous
toutes réserves. Ce serait déjà acceptable si on
s'arrêtait là, mais, comme vous le savez, nos étudiants
utilisent ce calendrier à demi-temps pour un grand
nombre, parce qu'ils ont décidé qu'ils travaillaient, eux,
qu'ils se trouvaient un travail rémunérateur, soit parce qu'ils
en ont grand besoin ou soit parce qu'ils veulent entrer plus vite dans la
société de consommation. Eh bien, les professeurs, les
collèges ont été obligés - je m'inclus - nous avons
été obligés, petit à petit, d'accepter la situation
et de réduire nos exigences. Ne nous demandons pas pourquoi nos
élèves sont insuffisamment préparés lorsqu'ils
arrivent à l'université. Ils sont passés par un calendrier
trop court et, pour un grand nombre, ils l'ont utilisé à temps
partiel. Nous pensons que là il y a une urgence vraiment.
Ensuite, nous voulons vous dire un mot de l'éducation physique.
Pourquoi? Nous y croyons; cependant, puisque nous cherchons tous des moyens de
sauver du temps, il faudrait mettre un peu d'ordre là-dedans. Nous
n'acceptons pas que tous les élèves soient soumis aux mêmes
exigences en éducation physique. Certains élèves arrivent
au cégep et sont déjà des petits athlètes, rompus
au sport, qui aiment le sport et qui font du sport. Bravo pour eux! D'autres
ont besoin d'être poussés. Ils ont besoin de cours
d'éducation physique. Qu'on ait un peu de discernement
là-dedans.
Deuxièmement, on accorde des notes aux cours d'éducation
physique qui influencent le résultat total de nos élèves
en philosophie, en mathématiques, en français. Nous recommandons,
comme vous l'avez vu, qu'en éducation physique on ait la note de
«échec» ou «passage» et que ça
n'influence pas le résultat académique.
Aussi, il y aurait de l'argent à sauver en éducation
physique. D'abord, le nombre de cours devrait être diminué au
moins de moitié, selon nous. Et, deuxièmement, il y a un tas de
choses qui se font en éducation physique, par exemple vérifier
les attelages des skis, vérifier les cannes pour la pêche à
la mouche I ou II, etc., toutes des choses qui pourraient être faites par
des techniciens et non pas nécessairement par des diplômés
d'université qui sont payés plus cher. Il y aurait une belle
économie à faire là. J'ai suivi, la semaine
dernière, le petit débat qui a suivi les remarques de Mme la
ministre au sujet de la pêche à la mouche, remarque que j'ai
trouvé fort judicieuse, et je pense qu'elle a très bien vu qu'il
y a du ménage à faire là.
Enfin, une dernière correction que j'aimerais suggérer,
parce que, moi, je suis d'un collège de région, j'aimerais bien
que, dans la façon de faire les allocations financières dans les
collèges, le gouvernement puisse tenir compte davantage du rôle
éminemment éclaté que jouent les collèges dans les
régions éloignées. Un collège dans une
région éloignée, c'est comme la petite université
où il se passe bien des choses sur le plan culturel, social,
économique, sportif, et ça crée des obligations qui
rendent des grands services au développement dune société.
Si le Québec croit aux régions, il est important qu'il tienne
compte de cette réalité lorsqu'il fait ses allocations
financières.
En conclusion, on entend souvent dire qu'il faut, pour améliorer
l'école, plus d'argent, du nouvel argent. Bien sûr, l'argent est
important, cependant, ici, mon collègue Louis Balthazar et moi, ce n'est
pas surtout de nouvel argent que nous vous parlons, mais plutôt de
nouvelles rigueurs, de nouvelles exigences, d'objectifs plus clairs.
Notre société, comme bien d'autres, s'est laissée
glisser vers la facilité et notre école, incluant les
cégeps, a suivi le courant. Or, nous le répétons,
l'école doit résister à cette hérésie de la
facilité. Des études sérieuses supposent beaucoup de
temps, d'efforts et de peines. Nos cégeps n'en exigent pas assez. Et
c'est là le problème majeur, selon nous. Pour y remédier,
il faut aller à contre-courant de toute une société. Ce
n'est pas facile. Il y faut du courage venant d'en haut, et en haut, c'est ici.
Il faut que le ministère que vous dirigez, madame, reconnaisse que le
Québec a absolument besoin d'une exploitation sérieuse de sa
matière grise, et qu'il passe aux actes en mettant notre jeunesse
étudiante au travail sérieux, à temps plein.
D'autres pays ont réussi à maintenir, dans leurs
écoles, un niveau d'exigences qui résiste à l'air ambiant.
Pensons par exemple au Japon, à l'Allemagne, à l'Angleterre. La
performance mondiale du Japon, c'est bien connu, ne découle pas de
l'exploitation de la matière première de ce petit pays, mais bien
plutôt de celle de la matière grise de ce grand peuple. Nous
croyons important de rappeler ces faits au moment où le Québec
doit faire face à la tentation d'alléger encore ses normes
scolaires pour réduire le nombre inquiétant de ses jeunes
décrocheurs. La tentation doit être grande. (16 h 30)
C'est dans le sens contraire qu'il faut aller, car nos jeunes, en
général, ont besoin de défis. Et beaucoup d'entre eux
décrochent ou bien se cherchent des emplois
rémunérés tout simplement parce qu'ils trouvent là
plus qu'à l'école de quoi assouvir leur soif d'une
expérience difficile, leur besoin de se mesurer, de se colleter avec
quelque chose. Ils ont peut-être envie, sans trop le dire, de toucher
à d'autres dimensions de l'existence que celle où la culture de
masse, télévision et compagnie, les enferme.
Si le Québec n'affirme pas maintenant la nécessité
d'une école exigeante, il devra le faire demain de toute façon,
et le courant adverse aura gagné des forces et ce sera plus difficile.
Il y a, à l'agenda du Québec, une urgence en la demeure. Je vous
remercie.
Le Président (M. Bradet): Messieurs, je vous remercie.
Tout de suite, nous passons à la période d'échange. Je
reconnais la ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science. Mme
la ministre.
Mme Robillard: Merci, M. le Président. MM. Balthazar et
Bélanger, bienvenue à la commission de l'éducation. Je
dois vous dire que j'ai lu votre mémoire avec beaucoup de plaisir.
J'avais l'impression que vous repreniez aussi certaines de vos idées que
vous aviez exposées dans votre volume «L'école
détournée», où, si je me souviens bien, au niveau
des cégeps, vous disiez - le message global - que le cégep,
c'était un nuage de poudre aux yeux, et, à certains
égards, dans votre mémoire, vous reprenez ces
idées-là mais en allant plus loin, puisque vous arrivez à
des recommandations. C'est peut-être là que j'aimerais
échanger davantage avec vous pour comprendre le sens de vos
recommandations.
Ma première question porterait, de façon
particulière, sur votre recommandation no 3. M. Bélanger, vous
venez de nous exposer qu'on doit hausser, je pense, le seuil des exigences et
vous nous en avez fait la démonstration, surtout au niveau du programme
de sciences humaines. Je suis tout à fait d'accord avec vous que le
Québec a besoin de diplômés compétents, autant en
sciences de la nature qu'en sciences humaines. Étant donné les
défis aussi de l'an 2000 de notre société, il nous faut
aussi des gens très forts dans le domaine des sciences humaines.
Mais quelle ne fut pas ma surprise de lire dans votre mémoire -
et là j'ai de la difficulté à vous suivre et j'ai besoin
d'explications - quand vous dites que c'est évident - et là je
suis à la page 7, que l'on devrait concevoir, pour une large portion de
la clientèle, des programmes moins exigeants et que dans votre
recommandation vous dites: Ouvrez «un troisième volet pour les
élèves qui ne peuvent ou ne veulent pas s'astreindre aux
exigences des deux premiers volets». Je ne comprends pas.
M. Bélanger (Jules): Ça me fait plaisir d'essayer
de vous l'expliquer, madame. Peut-être que nous n'avons pas
été assez clairs aussi. Nous pensons qu'aussi bien les
étudiants en sciences pures que les étudiants en sciences
humaines doivent être soumis à des programmes sérieux,
exigeants, ce qui ferait qu'on n'entendrait plus, dans les corridors de nos
cégeps, les étudiants se dire: Ah! oui, toi, tu es en sciences
humaines, tu as du temps en masse, toi. On comprends, tu es en sciences
humaines, toi.
Mme Robillard: Mais je ne voudrais pas l'entendre sur un autre
programme non plus.
M. Bélanger (Jules): Voici, madame, ce que je veux dire.
C'est que, lorsque nous aurons inscrit en sciences pures et en sciences
humaines tous les étudiants qui veulent et qui peuvent faire ces
études, il va rester des étudiants que les cégeps veulent
inscrire parce qu'ils ont besoin, vous le savez, d'une longue liste
d'inscriptions. Or, il y a des jeunes gens et des jeunes filles qui ne sont pas
capables de suivre le programme de sciences pures et qui, dans cette nouvelle
hypothèse, ne seraient pas capables de suivre non plus le cours
sérieux de sciences humaines, mais qui sont capables de faire quelque
chose. Nous leur offririons un programme moins exigeant. Et ces
élèves-là, j'ai bien dit, ce sont des élèves
qui ne sont pas capables, parce qu'il leur manque une préparation ou
bien parce qu'ils ne veulent pas. À ce moment-là, il y a une
liberté humaine quelque part. Il y a des élèves qui ne
sont pas disposés à travailler fort. Ils seraient dans le
troisième groupe et les collèges auraient de la qualité
dans les deux grands volets.
Mme Robillard: Mais, M. Bélanger, pourquoi vous n'allez
pas jusqu'à remettre en question la pertinence d'admettre ces jeunes,
dont vous dites qu'ils ne veulent pas s'astreindre à des exigences
d'effort intellectuel, pourquoi vous n'allez pas jusqu'à remettre en
question la pertinence d'admettre ces jeunes à l'ordre collégial
au lieu de me dire: Faites un programme moins exigeant?
M. Bélanger (Jules): Mme la ministre, je le ferais avec
plaisir, mais les collèges ne veulent pas se priver d'une
clientèle qui détermine leur budget. Ils ont besoin de beaucoup
d'éièves et puis... Coudon, on en est devant ça. Vous le
savez, les budgets sont accordés selon le nombre d'élèves
inscrits.
Mme Robillard: M. Bélanger, c'est très
sérieux, ce que vous dites.
M. Bélanger (Jules): Oui. J'affirme, Mme la
ministre...
Mme Robillard: Alors, vous soutenez que des cégeps
admettent de la clientèle strictement pour voir augmenter leur budget,
mais que cette clientèle-là, selon vous, ces jeunes-là ne
sont pas prêts ou ne veulent pas, je dirais, étudier dans un
programme exigeant, pour avoir un diplôme de qualité.
M. Bélanger (Jules): J'affirme, Mme la ministre, qu'un
certain nombre d'élèves ne peuvent pas suivre, en entrant au
cégep, un cours, un programme de niveau collégial. Certains ne
veulent pas, parce que, bon, le travail ne leur plaît pas. Cependant, ils
ont le droit d'être admis au collège, ils ont un diplôme
d'études secondaires.
Mme Robillard: C'est ça. Vous avez choisi la voie... Au
lieu de nous suggérer d'être, je dirais, peut-être plus
sévères dans les règles d'admission à l'ordre
collégial, vous nous suggérez de laisser un programme ouvert,
moins exigeant. C'est une voie, là. Mais je vous le dis tout de suite,
M. Bélanger, que je reçois très mal cette
recommandation-là. Parce que je ne
voudrais pas, moi, qu'on dise d'un autre programme ce qu'on dit du
programme sciences humaines. Tout programme de niveau collégial,
d'après moi, devrait être assez solide et crédible pour
exiger, chez les étudiants, un effort intellectuel important et, quand
ils sortent avec un diplôme du collégial, que ce soit un
diplôme de qualité.
M. Bélanger (Jules): Si vous me permettez, madame, je vais
essayer de préciser ma pensée. Ensuite, Louis a peut-être
quelque chose à ajouter. Moi aussi, je voudrais que 100 % de nos
étudiants soient capables de suivre le niveau collégial, le
programme collégial, lorsqu'ils arrivent au collège, et qu'ils
soient désireux de fournir l'effort minimum. Je le souhaiterais, mais
nous sommes en face d'une réalité qui n'est pas celle-là.
C'est pourquoi j'essaie de trouver une formule qui répondrait à
l'ensemble.
Mme Robillard: Parfait. Mais je veux aborder une autre question
avec vous. Le temps file. Je pensais vous poser des questions
supplémentaires sur les cours d'éducation physique, mais vous
avez été suffisamment explicite dans votre présentation,
donc je n'ai pas de question, je comprends bien le message qui est dans votre
mémoire.
Je voudrais vous parler de l'évaluation des enseignants, par
ailleurs, parce que je pense que, de mémoire, vous êtes les seuls
à nous recommander que l'évaluation des enseignants... Et je ne
fais pas allusion du tout à l'évaluation des apprentissages ou
des programmes mais à l'évaluation des enseignants, où
vous nous recommandez que ce soit un organisme externe qui procède
à l'évaluation des enseignants et que la
rémunération soit en conséquence. Là, quelle ne fut
pas ma surprise aussi de lire cette recommandation-là. Alors, c'est pour
ça que je voudrais vous entendre. À votre connaissance, un tel
système, le fait d'avoir une instance externe, indépendante pour
évaluer les enseignants, est-ce qu'une telle instance existe quelque
part, en enseignement supérieur, en Amérique du Nord?
M. Bélanger (Jules): Oui, madame. Je l'ai
copiée.
Mme Robillard: Parlez-m'en.
M. Bélanger (Jules): J'ai copié ma recommandation -
parce que je l'ai trouvé intéressante - dans un programme
américain qui a été mis en place suite à cette
étude, que vous connaissez probablement, qui s'appelait «A Nation
at Risk». Lorsque les Américains ont découvert qu'ils
étaient en train de se faire damer le pion par d'autres pays dans le
monde, ils ont demandé une étude à la largeur du pays sur
les causes de l'affaiblissement des États-Unis, et on en est
arrivé à la conclusion que c'était surtout dans
l'école que ça se passait, que ça devait être
corrigé. Et, dans les recommandations, pour améliorer
l'école, on a dit qu'il faut revaloriser la tâche de l'enseignant,
il faut l'évaluer davantage et, suite à cette évaluation,
le gratifier lorsqu'il est excellent, l'encourager lorsqu'il est moyen, et le
congédier lorsqu'il est mauvais. C'est là que j'ai pris
ça. Je pourrais vous donner la référence plus exacte. (16
h 40)
Mme Robillard: Mais c'était sous forme d'une instance
externe et c'était à l'ordre d'enseignement supérieur?
Parce que moi, de mémoire, je me demande si vous ne faites pas
référence à des recommandations pour l'ordre primaire et
secondaire.
M. Bélanger (Jules): Je ne pourrais pas vous affirmer que
c'est au niveau supérieur. Je le crois, mais je pourrais vérifier
ma source, qui n'est pas ici, maintenant que vous me posez la question plus
précise.
M. Balthazar: Je voudrais ajouter quelque chose brièvement
là-dessus. Il y a un lien très étroit entre
l'évaluation des apprentissages et l'évaluation des enseignants.
Dans la mesure où on instituerait de véritables
évaluations d'apprentissage au niveau national... On me dit que peu de
personnes ont recommandé ça, assez étrangement. Parce que
c'est un des problèmes auquel on fait face à l'université
en particulier. Nous ne savons pas ce qui se fait dans les cégeps. Vous
avez reçu un mémoire d'enseignants, de professeurs de
littérature de cégep qui vous disait ceci: Les 863 professeurs de
français du Québec au collégial décident donc
chacun, non seulement de la manière dont ils enseignent, mais de tout ce
qu'ils enseignent. C'est complètement aberrant. On ne sait pas ce qui
s'est enseigné. Donc, s'il y avait des évaluations à un
niveau national, voilà un mécanisme qui deviendrait
inévitablement une évaluation des enseignants. L'enseignant qui
verrait ses étudiants, à son cours, échouer à
l'examen au niveau national pendant un certain nombre d'années se
sentirait drôlement évalué.
Je suis d'accord avec cette évaluation externe, bien sûr,
puisque nous avons signé le mémoire tous les deux, mais
peut-être que nous n'avons pas assez insisté pour dire à
quel point une évaluation de ce type-là doit être faite
avec soin. Je crois qu'elle doit être faite, mais on n'évalue pas
un enseignant comme on évalue une personne qui performe dans un autre
domaine. Les qualités d'un enseignant s'évaluent, je crois, sur
plusieurs années et non pas au bout d'une année où des
étudiants ou des collègues, ou je ne sais trop, ont pu donner un
mauvais rapport au sujet d'un enseignant.
Le Président (M. Bradet): Merci, M. Balthazar. Je
reconnais maintenant le député
d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Oui, très heureux, M. le Président,
d'accueillir M. Balthazar et M. Bélanger. Je connais M. Bélanger
depuis un certain nombre d'années. Je pense que vous êtes deux
vétérans en éducation. C'est quand même toujours
intéressant et rafraîchissant de voir la vision de gens
d'expérience comme vous. Votre mémoire témoigne que vous
avez, à certains égards, touché d'une façon fort
précise... On peut en apprécier davantage la faisabilité
dans certains cas. Mais, à tout le moins, vous avez là des
suggestions qui méritent d'être regardées sur des
éléments sur lesquels il me semble qu'il y a des consensus.
Rapidement, que deux vétérans, entre guillemets - puis ce n'est
pas blessant, d'après moi - viennent nous dire que, au niveau de la
situation du français, c'est dramatique et qu'il y a là urgence,
moi, je pense que c'est un rappel qu'il faut constamment faire. De dire
également que votre objectif, c'était de venir nous indiquer
qu'une formation de jeunes au niveau collégial doit viser à un
meilleur jugement, un meilleur discernement, un meilleur esprit de
synthèse, d'analyse, en somme, doit permettre que nos jeunes puissent
être capables de s'exprimer et d'écrire mieux, c'est une
réalité qui semble des fois répétée. Mais de
la manière dont vous l'avez fait, je pense qu'elle était
requise.
Dernier commentaire avant de poser les questions. Moi, je voudrais que
la ministre soit très attentive. Vous, vous ne l'avez pas dit comme
ça, mais, moi, je l'affirme comme ça, parce que je pense que
c'est une réalité. J'estime, effectivement, que
présentement, dans nos collèges, il y a un très grand
danger que nous fassions, avec les sciences humaines, ce qu'on a fait avec la
formation professionnelle au secondaire. Et le «on» est vraiment
collectif. On l'a dévalorisée, on l'a
dépréciée, on l'a tellement rejetée par toutes
sortes de comportements et d'attitudes qu'aujourd'hui on vit un drame
d'être obligé de dire: II faut revaloriser la formation technique,
quel que soit son niveau. Mais, socialement parlant, on est tous un peu
responsables d'avoir fait ce qui s'est fait.
M. Bélanger, quand vous affirmiez, tantôt... Moi, je l'ai
entendu, puis il y a des gens qui sont pas mal plus dans l'action
collégiale que je peux l'être, compte tenu de ma
responsabilité. Mais j'ai quand même des contacts avec ce
monde-là et on l'entend beaucoup trop, la situation que vous
décriiez tantôt: Ah! On sait bien, toi, tu ne peux pas faire autre
chose que les sciences humaines. C'est presque marqué au coin du
non-effort, l'incapacité intellectuelle réduite, et ce n'est
sûrement pas de même qu'on... On paiera pour un peu plus tard si on
n'apporte pas un correctif rapide. Lorsqu'on est admis au collégial, il
faut que la formation qui est dispensée, que ce soit en sciences
humaines ou en sciences pures, soit de qualité, avec les mêmes
exigences.
C'est les commentaires que je voulais faire. Sur les questions, je n'ai
pas vraiment de questions. Je voudrais juste toucher deux aspects particuliers.
Lorsque vous lancez à nouveau le cri d'alarme sur l'incapacité
d'écrire convenablement et de s'exprimer convenablement et que tout
ça doit être corrigé dans les meilleurs délais, vous
indiquez, à un moment donné, qu'il faudrait écrire plus
souvent, faire plus d'exercices de rédaction, de dissertation, et ainsi
de suite. Cependant, dans vos recommandations - objectivement, compte tenu de
l'expérience que vous avez - je ne trouve pas qu'on y voit là ce
qu'on appelle les ajustements nécessaires. Bon, exemple: Que soit
augmenté au cégep, au moins pendant quelques années, le
nombre de cours de français obligatoires. Si on ne réforme pas la
façon de faire, la façon de les donner, que ce soit un cours de
littérature ou un cours de français, moi, j'ai l'impression que
votre recommandation plus précise devrait être marquée au
coin de plus d'écriture, de dissertation.
Et là j'arrive à ma question - oui, j'ai vu l'autre aussi:
Que les exercices d'écriture soient multipliés au cégep.
Comment on fait ça? Vous qui êtes un professeur
d'expérience, comment on fait, pour un législateur, pour
s'assurer qu'il y ait une mécanique quelconque à quelque part, au
niveau collégial, pour être certain qu'effectivement il y ait plus
d'exercices d'écriture et qu'on apporte également l'autre
correctif? Parce que, un peu plus loin, vous avez dit, avec raison: Au
collégial, corriger des dissertations puis des exercices, pour les profs
de français, c'est beaucoup d'heures, c'est beaucoup d'attention puis
ça exige trop de temps. Donc, connaissant la loi naturelle des
êtres humains, que c'est un peu normal, il y en a moins qu'il devrait y
en avoir parce que ça exige trop de corrections. Comment on corrige
ça, concrètement?
M. Balthazar: Si vous permettez, M. le député,
notre recommandation 4-A répond à ça. C'est
l'évaluation externe qui va nous assurer de ça. Effectivement,
dans la mesure où on dit aux gens: Vous enseignez et vous faites ce que
vous voulez, bien sûr, il va y avoir une tendance toute naturelle
à la facilité. Mais dans la mesure où on saura qu'on sera
évalué par un examen qui sera en dehors de l'institution
éventuellement, que des contenus de cours auront été
précisés - inévitablement, forcément, s'il doit y
avoir un examen - par le ministère de l'Enseignement supérieur et
de la Science, jusqu'à une certaine mesure, bien sûr... Il ne
s'agit pas d'étouffer complètement l'enseignement.
Ce qui s'est produit, je pense, en particulier dans les sciences
humaines et dans la philosophie, c'est que nous avons cédé
à la tentation de l'ici et du maintenant. Vous savez, dans les
années soixante, nous critiquions, à
juste titre, notre système d'enseignement parce que, disait-on,
il était trop décroché, trop loin du réel, pas
assez adapté à la société, autrement dit, trop loin
du «here and now», de l'ici et du maintenant. Et ça se fait,
ça, plus facilement dans les sciences humaines et en philosophie qu'on
le ferait dans l'enseignement des mathématiques. On a cédé
à la tentation de faire de la philosophie avec la saisie de
l'événement contemporain, du vécu, de l'immédiat.
Ceci, en soi, n'est pas mauvais. Je pense qu'il faut toujours partir du
vécu, de l'immédiat des étudiants. Mais l'éducation
consiste à les amener ailleurs. Et c'est là, je crois, que nous
avons péché. Nous avons eu peur de Tailleurs. Nous avons eu peur
de parler d'au-delà de notre réalité vécue,
d'au-delà du contemporain, que ce soit dans le passé ou dans
l'avenir et surtout dans le passé. On a eu peur de faire de l'histoire.
Dès qu'un événement a 20 ans d'existence, on a
l'impression que ça n'a plus rien à nous dire. (16 h 50)
Alors, voilà pourquoi il faut, je pense, sortir de cette fausse
conception qu'il n'y a que l'ici et le maintenant qui marchent en
éducation. Il faut partir de ça et aller au-delà. Et
voilà pourquoi il faut une évaluation pour voir si ceci s'est
bien fait, si ce qu'on a enseigné correspond à ce qui devrait
être fait. L'enseignement de la philosophie, on l'a critiqué
beaucoup, à bon droit. Pourquoi? Parce que - c'est un truisme, vous
l'avez entendu, je suis sûr, des centaines de fois - il y a des
professeurs de philosophie qui s'assoient sur le coin de la table en fumant
leur cigarette et qui parlent du journal du matin. Ce ne sont pas tous les
professeurs de philosophie qui font ça. Bien au contraire, il y a
d'excellents cours de philosophie qui se donnent dans les cégeps, mais
nous n'avons, à l'heure actuelle, aucun moyen de savoir quels sont les
bons et quels sont les mauvais. Un étudiant m'arrive à
l'université puis il me dit qu'il a suivi un cours d'introduction aux
relations internationales. Je n'ai aucun moyen de savoir ce qu'il a fait. Si je
le savais, je pourrais dire: Bien, je vous exempte du type de cours que nous
donnons dans ce domaine-là ici, chez nous.
M. Gendron: Juste un instant, M. Bélanger. Non, mais c'est
parce que je veux remercier...
M. Bélanger (Jules): Je veux répondre à
votre question, si vous voulez. Vous avez posé une question très
concrète.
M. Gendron: Non, non, je vais y revenir. Mais sur le point de...
Je pense que vous avez raison, M. Balthazar, de resouligner avec,
d'après moi, pertinence... Et je crois que la ministre a sûrement
été attentive à ce message-là. C'est clair qu'il y
a trop d'apprentissages, dans les collèges, qui ne sont
contrôlés par personne, puis ils ne sont sûrement pas
évalués non plus, et qu'en conséquence il est très
difficile d'en tenir compte dans les cours préuniversitaires ou à
l'université. Ça, c'est une réalité. Je pense que
le drame, à nouveau, de rappeler constamment... Tant qu'on ne saura pas
plus ce qui se passe véritablement dans les cégeps, c'est
évident que ça pose des relations interordres autant à
l'entrée qu'à la sortie. Et plus que ça, puis on y
reviendra... Mais j'étais heureux de vous rappeler ça à
nouveau. Par contre, la question, moi aussi, je trouvais qu'elle était
plus précise sous l'angle des moyens concrets au niveau du
français et j'aimerais ça que M. Bélanger y revienne.
M. Bélanger (Jules): Oui, M. le député, je
suis content que vous ayez posé cette question. Elle est importante.
Vous me demandez: Comment en arriver à faire écrire les
élèves plus souvent? Eh bien, c'est très simple. Les
élèves n'écrivent pas assez souvent pour la raison
suivante. Un professeur, normalement, un professeur de français au
cégep, il a 125 élèves. S'il leur dit: Je ne veux pas plus
d'une page, ça lui fait 125 pages à corriger. Alors, il ne le
fait pas trop souvent, pas très souvent. C'est fini, les professeurs qui
corrigent toute la soirée, comme anciennement. Maintenant, pourquoi
est-ce qu'il a 125 élèves? C'est parce que, lorsque la
répartition des tâches a été faite, le syndicat
était là, puis le syndicat disait, avec tous les avantages qu'il
a apportés: Écoutez, nous, les professeurs, nous sommes
égaux. Alors, 15 périodes pour le prof de français puis 15
périodes pour le prof de natation, ou à peu près. La
natation, ça se corrige vite, ça; ça se corrige à
l'oeil. Les 125 copies de français, c'est long à corriger. Alors,
le prof de français, il les demande moins souvent, ses 125 copies.
Est-ce que c'est assez concret, M. le député?
M. Gendron: Ah, c'est très concret, et je pense
qu'effectivement vous traduisez encore une réalité qui est
là. Dernière question sur l'évaluation. Moi, je vous
félicite d'avoir touché d'une façon aussi
élaborée, dans votre mémoire, tout le problème de
l'évaluation des apprentissages, des enseignants, des institutions, et
ainsi de suite. Ce qui m'a frappé, cependant, et j'aimerais que vous
soyez un peu plus clair là-dessus... Moi, je ne change pas d'avis, pour
en avoir fréquenté, des institutions d'enseignement, pour y avoir
oeuvré moi-même pendant 11, 12 ans. Vous dites: Dans les
cégeps, reconnaissons-le courageusement, le pouvoir n'est vraiment pas
aux mains de la direction. Moi, je suis en mesure de vous dire, selon mon
expérience, que c'est vrai dans certains collèges parce que les
directions ont voulu qu'il en soit ainsi. Je répète, je pense que
c'est vrai dans plusieurs institutions parce que les directions ont voulu qu'il
en soit ainsi.
Moi, je suis tanné, constamment, de viser et de sentir - et je ne
dis pas que c'est vous qui avez fait ça, là - constamment qu'on
semble
cibler l'évaluation autour de l'équipe professorale. Je ne
dis pas qu'il n'y a pas des choses à regarder là. Je l'ai
été pendant 11 ans, professeur, dans une institution secondaire,
et j'ai vu des fois des comportements de collègues qui
m'inquiétaient. Mais ce que j'ai surtout vu, c'est l'absence
complète, totale de certaines directions de regarder ce qui se fait au
niveau, des fois, des plans de cours. Vous l'avez dit vous-mêmes: On
exige des plans de cours, mais on les estampille le même soir, même
heure, même poste, peu importent les cours qu'on donne. Il y a toujours
un bout. Là, évidemment, je caricature. Mais un directeur
pédagogique, dans un collège, qui n'a pas assez de
professionnalisme pour prendre le temps de les regarder, et ça lui prend
deux adjoints pour s'occuper de toutes sortes de choses, moi, je suis
renversé de voir qu'il n'y ait pas plus de souci pour les actes
pédagogiques, les méthodes, l'uniformisation d'un certain nombre
d'apprentissages.
Je reviens, entre autres - je fais juste un petit laïus sur
l'éducation physique... Je trouve que vous donnez un éclairage
intéressant. Vos recommandations, je les aime, elles sont
spécifiques. Vous dites: On ne veut pas chambouler tout ça. Mais
comment ça se fait que ça existe, un appariteur dans un
laboratoire de chimie et de physique? Pourquoi que ça n'existerait pas,
un appariteur qui, à un moment donné, part avec son groupe de 30
élèves? Puis le prof prend 45 minutes à expliquer les
attelages, comment on met ça, au niveau du ski de fond, entre autres?
Ça n'a pas de bon sens! Ça n'a rien à voir à ce que
ce soit le prof qui donne ça. Un technicien payé aux mêmes
rémunérations que les autres...
Une voix:...
M. Gendron: Oui, je le sais. Alors, je termine. Sur
l'évaluation, j'aimerais ça que vous me précisiez: Selon
votre expérience, comment ça se fait que les directions ont
semblé laisser presque complètement glisser l'évaluation
pédagogique, prise au sens large du terme? Je suis convaincu que vous me
comprenez, vous avez oeuvré dans les collèges.
M. Bélanger (Jules): Je pense que le défaut dans la
cuirasse, M. le député, il est dans le fait que le coordonnateur
de département - jadis c'était le chef, mais ça, c'est
banni, ce terme - est à la fois syndiqué et semi-cadre.
Voilà le défaut dans la cuirasse. Alors, il est normal qu'il se
solidarise avec ses collègues de l'enseignement. Et puis
l'évaluation se fait entre nous. Je pense que le point faible, il est
là.
Maintenant, quand nous avons affirmé que le pouvoir n'est pas aux
mains de la direction, je sais que c'est une affirmation pénible, je le
sais, mais nous étions sincères. Peut-être que, dans
certains collèges, ils ont réussi à contourner cette
situation, qui est inacceptable, mais vous connaissez... On n'en nommera pas,
de collège, mais un DSP, un directeur des services pédagogiques
qui décide d'appliquer, d'insister et d'exiger de la qualité du
contrôle, il est sur le bord de la porte. Ce n'est pas long que les profs
peuvent le faire sauter. Ils ne souhaitent pas tous qu'il saute, mais c'est
facile d'en trouver assez pour le faire sauter, celui-là, parce qu'il
dérange trop. Conclusion: S'il veut garder sa job, il ferme sa... Il
reste tranquille. C'est un peu ça à peine caricaturé. La
situation, elle est pénible.
M. Gendron: Merci.
Le Président (M. Bradet): Alors, messieurs, au nom de la
commission, je veux vous remercier pour votre excellente
présentation.
Je vais suspendre les travaux quelques minutes, le temps que le prochain
groupe, la commission scolaire des Chutes-de-la-Chaudière, la MRC des
Chutes-de-la-Chaudière et leurs partenaires, puissent prendre place.
(Suspension de la séance à 16 h 59)
(Reprise à 17 h 1)
Commission scolaire et MRC des
Chutes-de-la-Chaudière et leurs partenaires
Le Président (M. Bradet): La commission reprend donc ses
travaux. Nous recevons la commission scolaire des
Chutes-de-la-Chaudière, ainsi que la MRC des
Chutes-de-la-Chaudière et leurs partenaires. Mesdames et messieurs,
bienvenue à la commission. Est-ce que c'est M. Normand le
porte-parole?
M. Normand (Évariste): Oui.
Le Président (M. Bradet): Alors, M. Normand, vous pourriez
peut-être nous présenter les gens qui vous accompagnent. Vous avez
20 minutes pour faire votre présentation.
M. Normand: merci, m. le président. mme la ministre, mmes
et mm. les députés membres de la commission, d'abord, je voudrais
vous remercier d'avoir invité notre groupe à vous
présenter notre mémoire. je vous présente les gens qui
m'accompagnent. d'abord, à mon extrême gauche, m. richard ramsay,
qui représente la chambre de commerce de la rive-sud; m. marc
lavallée, maire de charny, qui représente également les
intérêts de la mrc des chutes-de-la-chaudière et celle de
desjardins; mme raymonde touzin, directrice générale de la
commission scolaire des chutes-de-la-chaudière, qui vous livrera le
mémoire; à ma droite, m. gaétan poirier, directeur
général du cégep de lévis-lauzon; et moi-même
qui représente à la fois le monde scolaire de lotbinière
et des chutes-de-la-chaudière.
Le sommet socio-économique vécu dans la région
Chaudière-Appalaches a été le déclencheur des
travaux de ce groupe varié qui représentait les forces de la
région. Son intervention devant vous se veut l'expression d'une
population désireuse de voir la région se développer,
garder ses jeunes le plus longtemps possible dans le contexte familial,
s'intéresser à la formation d'une main-d'oeuvre qualifiée.
Pour toutes ces raisons, nous réclamons un sous-centre du cégep
de Lévis-Lauzon à Charny.
Je demande maintenant à Mme Touzin de vous livrer le
mémoire. Mme Touzin.
Mme Touzin (Raymonde): Mme la ministre, vous avez fait preuve de
clairvoyance mais aussi d'une grande qualité d'écoute en conviant
tous les acteurs socio-économiques à collaborer à une
réflexion sur les collèges d'enseignement général
et professionnel, consciente, nous en sommes bien sûrs, que
l'éducation a toujours été et demeurera toujours une
richesse collective d'un peuple.
Certes, notre mémoire ne peut être qualifié de
volumineux, mais nous pensons qu'il peut enrichir un débat en ce sens
qu'il questionne de nouveau le contexte qui a vu naître cet ordre
d'enseignement. Deux éléments vont ressortir, c'est-à-dire
des enjeux nouveaux sont présents et la création des
régions a permis aux cégeps de remplir, de façon encore
plus adéquate, un de leur mandat, soit de contribuer au
développement régional. Deuxièmement, nous croyons qu'une
nouvelle vision de l'accessibilité s'impose et, enfin, nous
présentons quelques éléments du projet.
Tout d'abord, des enjeux nouveaux. Le contexte a changé. Le
contexte des années quatre-vingt-dix est différent de celui de
1967. De la centralisation nécessaire à ce moment, on doit
maintenant tendre, croyons-nous, à une organisation qui épouse
davantage, chaque fois que possible, les priorités d'une région.
Dans les années soixante, et c'était très pertinent, il
fallait donner un accès à l'enseignement supérieur. Cela a
été fait. Aujourd'hui, notre population, tout en demeurant
soucieuse des coûts du système, réclame une plus grande
prise en charge de son devenir en éducation.
Le développement régional. Notre région s'est vu
accorder le titre de région autonome par un décret gouvernemental
le 22 décembre 1987. Dans un milieu jeune comme nous, Mme la ministre,
dynamique, où tout se construit, vous ne devez pas vous étonner
que, lors du sommet socio-économique, il y ait eu une concertation
autour de ce projet d'antenne collégiale à Charny. La
configuration de notre région change rapidement et nous nous retrouvons
en tête des ponts avec une concentration de jeunes qui explose
littéralement.
Les différents intervenants du milieu socio-économique ont
compris qu'une région se déve- loppe à certaines
conditions: une bonne conscien-tisation du milieu, le développement du
sentiment d'appartenance, le respect des besoins de la population, la
volonté d'agir. Ce projet a reçu de nombreux appuis. On vous
avait déposé une première pétition de 3143 noms.
Nous vous en déposons une autre aujourd'hui. Nous l'avons remise au
secrétaire afin que vous ne soyez pas surchargée avec nos
pétitions. Et, aujourd'hui, c'est 4423 nouvelles signatures que nous
vous déposons. Nous avons eu 98 organismes environ, d'une douzaine de
municipalités, des deux MRC des Chutes-de-la-Chaudière et de
Lotbinière qui ont appuyé le projet. Et, enfin, un sondage
réalisé par la maison Léger & Léger a
confirmé que la population appuie le projet dans une proportion de 72 %.
C'est un signe évident que la population de notre territoire a confiance
au cégep de Lévis-Lauzon.
Deuxièmement, une nouvelle vision de l'accessibilité
s'impose. Jusqu'à ce jour - et c'était normal -
l'accessibilité a été considérée en fonction
du taux de passage, de scolarisation, du temps de transport. Loin de nous
l'idée de nier leur pertinence dans une étude de
rentabilité du système, mais nous croyons que ce concept doit
être revu et traité en lien avec le discours sur la famille et la
lutte au décrochage scolaire. Nous avons une population jeune - l'une
des plus jeunes du Québec - et bien scolarisée. Les membres de
ces familles viennent remplir des écoles qui débordent et ce,
tant au primaire, au secondaire qu'à l'éducation des adultes.
Notre région n'est toutefois pas à l'abri des problèmes
qui frappent notre société mais elle veut réagir. Et pour
les parents, «Chacun ses devoirs», ça veut dire quelque
chose aussi pour les services de niveau collégial.
Le Conseil de la famille parle souvent, mais il dit tout haut ce que
beaucoup pensent tout bas. Je ne reprendrai que deux éléments de
notre mémoire. Par exemple, il a dit que la famille joue un rôle
vital dans le succès scolaire et que la volonté de soutenir et de
compléter la famille doit marquer la stratégie des politiques
gouvernementales et des programmes qui en découlent.
De plus, nous voulons vous souligner le retour en force des adultes,
pour des raisons économiques évidentes, et que ce retour doit
définitivement être considéré dans l'analyse que
nous faisons des places-élève. La réponse à l'offre
de service du cégep de Lévis-Lauzon, le soir, dans les locaux de
la commission scolaire, à Charny, démontre clairement le besoin
à ce niveau, besoin que vous avez d'ailleurs reconnu dans une lettre que
vous nous faisiez parvenir.
Au secteur «jeunes», la dernière rentrée au
collégial prouve que des problèmes de places existent et vont
continuer à s'amplifier dans les régions de Québec et
Chaudière-Appalaches. En plus, les prévisions ne tiennent pas
compte de la clientèle adulte croissante et des efforts
marqués
pour accrocher nos jeunes et revaloriser l'instruction et le
diplôme.
Avec tout le respect que nous avons pour les intervenants de la
Rive-Nord, si on continue à solutionner le problème
d'accès en augmentant la capacité d'accueil sur la Rive-Nord et
en trouvant des solutions de fortune sur la Rive-Sud, jamais notre
région, même reconnue par décret, ne pourra penser se
développer. Vous savez, la population est inquiète de cette
situation parce qu'elle croit en une éducation de qualité dans
des centres où la mobilisation des ressources humaines est encore
possible. Elle s'inquiète des regroupements monstres où il est
difficile d'offrir aux jeunes, même de niveau collégial, un
réel accompagnement. (17 h 10)
Nous pensons vraiment que l'analyse de notre dossier devrait être
revue afin que vous ayez un tableau plus fidèle et plus juste de la
réalité démographique du territoire. La population et les
intervenants ont du mal à croire que les solutions doivent toujours
passer par le nord, surtout quand c'est le sud qui explose. Mme la ministre,
nous souhaitons une décision éclairée pour le
bénéfice des deux régions, Québec et
Chaudière-Appalaches.
Enfin, quelques mots du projet. Une caractéristique, le
partenariat qui se traduit dans les éléments suivants. Tout
d'abord, vous avez constaté la composition diversifiée de notre
groupe. Deuxièmement, un engagement à mettre en commun certaines
ressources, tels l'utilisation par l'antenne des facilités de la
bibliothèque de l'école secondaire Les Etchemins; l'optimisation
des équipements sportifs et culturels, piscine et aréna au niveau
de la municipalité de Charny; l'auditorium de la commission scolaire;
enfin, l'octroi du terrain par la municipalité de Charny et la
commission scolaire et, ce qui n'est pas a dédaigner dans le contexte de
notre territoire, une solution, une vraie solution à l'épineux
problème du transport des jeunes de niveau collégial. Les deux
commissions scolaires des Chutes-de-la-Chaudière et de Lotbinière
sont prêtes à organiser le transport de la clientèle. Cela
implique l'harmonisation des horaires interordres, une concertation
secondaire-collégial déjà bien amorcée sur le
territoire.
En conclusion, Mme la ministre et membres de la commission, nous
espérons vous avoir démontré avec conviction nos couleurs
dans ce dossier que nous considérons prioritaire. Nous croyons surtout
que vous comprendrez mieux les enjeux d'une région d'abord soucieuse
pour ses jeunes de services éducatifs de qualité dans un contexte
où la dimension humaine demeure toujours un gage de succès. De
plus, cette région désire fermement se donner des outils de
développement, et la présence mieux répartie sur le
territoire de services éducatifs de niveau collégial
représente un aspect non négligeable pour une population qui
croit toujours à la richesse de l'éducation. Je vous
remercie.
Le Président (M. Bradet): Merci madame, messieurs. Merci
de votre présentation. Je dois d'abord vous dire que je prends acte, que
je reçois les documents et qu'on se chargera de les faire parvenir
à qui de droit. Pour la période d'échanges, je reconnais
tout de suite la ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science.
Mme la ministre.
Mme Robillard: Merci, M. le Président. Ça me fait
plaisir de revoir les gens de Chutes-de-la-Chaudière, de la commission
scolaire, de la MRC et les autres partenaires. Si j'ai bien compris le message
de votre mémoire, dans le fond, c'est une demande de
réactualiser, je dirais, que vous m'aviez faite l'an dernier, qui
remonte à plus longtemps que ça, mais pour laquelle vous aviez eu
une réponse négative l'an dernier. Comme nous faisons une
réflexion très particulière au niveau de cette commission
parlementaire, je pense que vous avez saisi l'occasion pour venir me faire part
de besoins encore plus pressants, peut-être, un an plus tard. Je
reconnais qu'il y a une augmentation de clientèle significative dans le
réseau collégial et ça ne peut que faire plaisir à
la ministre de l'Enseignement supérieur de constater que peut-être
le message commence à porter au niveau de l'importance des études
à l'ordre collégial.
Dans ce sens-là, présentement, nous sommes aussi à
réactualiser, au niveau du ministère, nos prévisions pour
les années qui viennent. Alors, sachez que, dans ce contexte-là,
nous allons réétudier la demande que vous nous aviez faite, c'est
très clair. Je suis certaine que vous ne vous attendiez pas à ce
que je vous annonce quoi que ce soit en commission aujourd'hui, mais ce que je
veux vous dire, c'est que l'étude est réactualisée,
présentement, au sein du ministère concernant les
capacités d'accueil physiques non seulement de Québec, mais de
Chaudière-Appalaches aussi. Alors, nous sommes en train de regarder
ça en termes de besoins.
M. Normand ou Mme Touzin, je suis curieuse de savoir pourquoi - l'an
dernier c'était comme ça aussi et, cette année, c'est la
même chose - dans votre projet, vous me suggérez que ce soit une
antenne de Lévis-Lauzon?
Mme Touzin: Vous savez, Mme la ministre, nous n'en sommes pas
à nos premières armes avec le cégep de
Lévis-Lauzon. Nous avons déjà plusieurs ententes de
signées avec ce collège au niveau de la formation des adultes,
parce que nous desservons nous aussi les adultes. Nous nous sommes entendus
pour ne pas faire de chevauchement avec lui dans les services que nous
dispensons à la population. Nous avons une entente déjà,
et ils sont dans nos murs, le soir, à l'école secondaire. Nous
avons tout fait ça dans une concertation qui a très bien
fonctionné.
Donc, il était normal, je pense, que ce soit avec lui d'abord. En
plus, il faut vous dire - parce qu'on vous a dit que c'est lors du sommet
socio-économique - que lors du sommet socio-économique les deux
groupes sont arrivés avec la même demande et on a dû
négocier ensemble pour savoir qui allait la présenter au sommet
socio-économique. Donc, concertation dès ce moment-là. Et
il y a un sentiment d'appartenance qui se développe fortement dans la
région 12, une fierté d'avoir une région administrative,
une fierté aussi d'avoir ces institutions et qu'on puisse organiser un
développement ordonné autour de ces institutions-là.
Ce qu'on est venus vous dire aujourd'hui, c'est que le cégep de
Lévis-Lauzon y avait pensé. Il est à l'est du territoire.
En ayant une antenne à l'ouest, où la population éclate,
bien, ça permettrait de mieux répartir la clientèle sur le
territoire.
Mme Robillard: Une antenne pour combien d'étudiants
jeunes, Mme Touzin?
Mme Touzin: Bien, si je veux être logique avec le texte que
nous vous avons déposé... Nous étions très
sérieux, parce que vous savez qu'au secondaire on a vécu de
très gros regroupements. Quand on est rendu, au niveau d'un
collège, avec des jeunes adultes qui ont besoin non pas de l'encadrement
du secondaire mais d'un accompagnement significatif, je pense qu'il ne faut pas
dépasser les 4000. C'est déjà assez gros.
Nous, on envisage... Bien sûr, on n'est pas des
spécialistes au niveau collégial, mais je pense à une
antenne qui pourrait tourner autour de 700 à 1000. Une dimension, en
tout cas en bas de 2000, je crois, pourrait être intéressante
parce qu'on peut faire quelque chose avec la ressource humaine, on peut mieux
structurer la communication à l'intérieur d'une unité
collégiale et on y voit beaucoup d'avantages. Maintenant, nous ne sommes
pas des spécialistes. Je pense que Lévis-Lauzon est beaucoup plus
structuré que nous à ce niveau-là.
Mme Robillard: Mme Touzin, vous me dites: un horizon entre 700 et
2000. C'est ce que je comprends en termes de nombre d'étudiants, de
jeunes. Est-ce que, dans vos hypothèses d'organisation, vous avez
étudié la possibilité, dans l'éventualité
que le gouvernement accéderait à cette demande, que ce soit un
cégep autonome? (17 h 20)
Mme Touzin: C'est sûr que Noël existe encore et on se
disait... Vous savez, la région 12, c'est une région
réaliste, Mme la ministre - c'est le Laval de Montréal, c'est le
Hull peut-être d'Ottawa - on devra foncer pour qu'il se passe quelque
chose dans la région 12. On y a pensé, mais on s'est dit:
Qu'est-ce qui est arrivé à Limoilou? Limoilou était trop
gros. On a pensé déconcentrer; ça semble bien aller. On se
dit: Le temps arrange beaucoup de choses. La sagesse vient aussi. Alors, il y
aura peut-être un jour, mais on a pris le parti d'être
réalistes dans un premier temps et d'utiliser l'expertise d'un
cégep qui est reconnu et acheté par la population.
Mme Robillard: Alors, vous me dites que vous avez
été sages dans votre demande.
Mme Touzin: C'est ça.
Mme Robillard: J'ai bien compris ce message-là. Mme
Touzin, vous êtes présidente de la commission scolaire, non?
Mme Touzin: Je suis directrice générale.
Mme Robillard: Vous êtes directrice générale.
Dans le rapport que vous me soumettez aujourd'hui, vous parlez d'une meilleure
harmonisation interordres. Vous savez que je suis très sensible à
cette question. Est-ce que dans votre projet vous avez imaginé comment
cette harmonisation pourrait se faire entre le secondaire et le
collégial au niveau des programmes? Je ne parle pas de l'utilisation des
lieux, des ressources, des bibliothèques, etc. Je ne parle pas du
transport non plus, je parle au niveau des programmes dispensés par les
deux ordres d'enseignement. Est-ce que vous avez fait une réflexion?
Mme Touzin: Pour être honnête, nous n'avons pas
touché à ça, sauf au niveau de la formation
professionnelle et au niveau de l'enseignement aux adultes. Il y a eu
harmonisation, entente, concertation entre le service de l'éducation des
adultes de la commission scolaire et le cégep de Lévis-Lauzon
pour éviter, par exemple, qu'au niveau du cours de secrétariat on
offre les mêmes choses à la même population.
Déjà, je pense que ça, ça a été
très significatif. Vous savez qu'à l'échelle du
Québec il y a des chevauchements. C'est pour ça que je vous
disais qu'il y a déjà des possibilités de concertation
chez nous, il y a des réalités de concertation. Mais je dois vous
dire, pour connaître très bien le primaire et le secondaire, pour
avoir été sur le conseil d'administration d'un cégep,
qu'il y a beaucoup de chevauchements. On a l'impression, dans une commission
scolaire, lorsque nos élèves arrivent au cégep, ça
ne fait pas toujours l'affaire des professeurs et ils aimeraient mieux qu'on
n'enseigne pas grand-chose au niveau secondaire, afin qu'ils puissent les
prendre à zéro. On se l'est fait dire très clairement. Il
y a du grand ménage à faire là, du très grand
ménage à faire.
Mme Robillard: Je comprends que dans l'éventualité
où il y aurait une antenne, chez vous, ce problème n'existerait
pas.
Mme Touzin: Nous y verrions.
Le Président (M. Bradet): Je reconnais le
député d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Oui, M. le Président, je veux, moi
également, saluer la présence des représentants de la
commission scolaire des Chutes-de-la-Chaudière ainsi que les
éléments dynamiques de votre milieu qui vous accompagnent. Je ne
peux pas faire autrement que de dire que vous avez un bon mémoire
puisque vous voulez prendre appui sur la région de
l'Abitibi-Témiscamingue à certains égards. Donc... Je me
rappelle avoir vu ça aux pages 12 et 13; alors, je vous en sais
gré.
Trêve de plaisanterie, je pense que c'est assez évident que
vous êtes en demande de quelque chose. C'est sûrement fondé
et légitime. Ma collègue aura l'occasion d'approfondir davantage
cette demande légitime, puisque c'est elle qui vous représente
à l'Assemblée nationale.
J'aurais une question à vous poser. Je sais bien qu'étant
de la Rive-Sud vous n'êtes peut-être pas une région au sens
de ce qu'on appelle les régions éloignées puis tout
ça mais, quand même, vous avez été reconnus, la
Rive-Sud forme une région dynamique de la capitale ou de la grande
région de Québec. À tout le moins, vous êtes dans la
grande région de Québec. Vous avez des relations
privilégiées avec un certain nombre d'intervenants. Vous
êtes à proximité de services collégiaux et
universitaires. J'aimerais ça, Mme la directrice générale
ou M. le président ou quelqu'un d'autre, que vous m'indiquiez comment
ça se passe, concrètement, les types de collaboration entre les
différents cégeps et vos milieux d'affaires concernant plus
spécifiquement la formation professionnelle. Je sais qu'il y a
énormément de demandes et de besoins.
J'en profite pour vous dire que je trouve intéressant que vous
rappeliez deux choses fondamentales en tout cas, en ce qui concerne, cette
espèce de retour en force des adultes. Dans votre mémoire, vous
avez indiqué clairement qu'il y avait massivement, un certain retour des
adultes à des niveaux de formation collégiale, et au niveau de
votre commission scolaire. Nous en sommes, on est au courant de cette
réalité, ce qui requiert, dans une période où les
ressources semblent, en tout cas, assez limitées... quoique ce n'est pas
toujours vrai suivant certaines annonces, ça dépend sur quelle
rive elles se situent. Il y a eu une espèce de temps d'arrêt qui a
été marqué par la ministre, du moins quant à
l'engagement de l'ex-ministre de l'Éducation d'implanter un cégep
à Donnacona. Peut-être que le président de la commission
pourrait parler de celui qu'il veut dans la région de Charlevoix. On a
des gens de la Rive-Sud qui ont des demandes particulières. J'ai ma
collègue ici qui se sent passablement négligée dans la
grande couronne de Montréal, et elle a raison.
Mais, au-delà de ça, il en existe, des cégeps, puis
il y a un milieu universitaire qui vous entoure. En formation professionnelle,
vous avez des besoins particuliers. C'est quoi le type de collaboration que
vous avez réussi à établir avec vos diverses instances qui
doivent composer avec vous?
M. Normand: Je demanderais à M. Poirier, directeur du
cégep, de répondre.
M. Poirier (Gaétan): Je pourrais répondre à
cette question-là comme directeur du cégep, mais aussi,
antérieurement, j'ai occupé des postes au niveau de
l'éducation des adultes, où j'ai été
vice-président provincial du Regroupement des collèges en
éducation des adultes, et j'ai également travaillé au
niveau des centres spécialisés où j'ai été
aussi sur un regroupement des centres spécialisés, ce qui m'a
permis d'avoir une vision, je pense, d'ensemble de ce qui se fait actuellement
au Québec en termes de relations entre les cégeps et les milieux
industriels, les milieux d'affaires.
Je n'ai aucune hésitation à dire que le cégep de
Lévis-Lauzon est un des cégeps actuellement au Québec
où il y a eu le plus d'efforts mis pour établir ces
ponts-là entre les milieux d'affaires, les milieux industriels de sa
région et le cégep. L'existence du centre
spécialisé en est un exemple, mais le choix des options
professionnelles développées dans ce collège en
témoigne. Même la définition des orientations du
collège depuis plusieurs années insiste sur le lien
nécessaire entre le cégep et son milieu. On a mis sur pied une
foule de choses.
Quelques mots sur le centre spécialisé. Le centre
spécialisé réalise des projets de recherche actuellement
avec, je dirais, peut-être une vingtaine d'entreprises de la
région. Il fait de la formation aussi dans peut-être 30, 40
entreprises par année. Le service de l'éducation des adultes, en
termes de chiffres d'affaires, je dirais que c'est entre 3 000 000 $ et 4 000
000 $ de revenus de formation, dont la majeure partie est de la formation sur
mesure, formation en entreprise et une bonne partie de cette
formation-là est autofinancée. Donc, les liens sont constants, je
pense, entre ces deux univers-là et, au niveau de la direction du
collège, on a toujours eu la préoccupation aussi que ces
liens-là, qu'on maintient avec les entreprises, aient des
retombées dans le collège, autant au niveau du
développement des programmes, de la formation de nos enseignants, des
stages pour les étudiants. On fait un effort vraiment pour que ces deux
univers soient le plus intégrés possible.
M. Gendron: Mme la directrice générale, il me
semble que ce n'est pas spécifiquement exprimé comme ça
dans votre mémoire, mais on sent un certain sentiment, entre guillemets,
je vais l'exprimer comme ça, d'un peu laissé pour compte, un peu
une forme de pénalisation. La
commission scolaire des Chutes-de-la-Chaudière serait un peu
pénalisée par rapport à sa situation géographique
de rive sud, compte tenu qu'il y a de l'effervescence autour et, en
conséquence, on vous laisserait voir: Bon, bien, arrangez-vous avec les
services qui sont disponibles autour. Allez les prendre ailleurs. Est-ce que
c'est ça un peu le sentiment qui vous habite?
Mme Touzin: Je pense que quand on oeuvre tous les jours dans la
région 12, en tête des ponts, avec une population qui a
continuellement besoin qu'on augmente l'infrastructure - on a une école
secondaire qui est demandée et qui est urgente - bien, c'est sûr
que l'impression que nous avons, c'est que le nombre de places qui sont
créées, et on sait qu'il y en a un besoin d'en créer, on a
l'impression que c'est toujours du même côté qu'elles se
créent. Les gens de la région 12, pour toutes sortes de raisons,
vous savez, ils doivent développer la patience, la patience de se mettre
en ligne le matin pour traverser deux ponts. Et là nos jeunes doivent se
mettre en ligne, eux aussi, pour traverser les ponts parce que le plus court
chemin pour avoir accès au cégep, c'est la rive nord, ce n'est
pas le cégep de Lévis-Lauzon qui est à
l'extrémité est. Alors, ce qu'on vous dit, puisqu'il semble que
c'est reconnu qu'il y aura un besoin de créer des places, on dit: Soyons
cohérents, il y a une région administrative qui a
été créée et puis, au lieu d'ajouter toujours des
roulottes à Sainte-Foy ou au cégep Garneau, etc., pour les faire
remplir par les étudiants de la rive sud, on dit: S'il vous plaît,
un petit peu de condescendance pour une région qui ne demande
qu'à vivre. (17 h 30)
Le Président (M. Bradet): M. Lavallée.
M. Lavallée (Marc): J'ajouterais un petit mot
là-dessus parce que la problématique dont nous parle M. Gendron,
jusqu'à date, tant au niveau de la collaboration entre les intervenants
économiques et le cégep et même la polyvalente, c'est une
problématique qui, pour les élus en tout cas, semble au centre un
petit peu des aspects politiques du développement régional et pas
juste de la MRC; c'est un des volets bien importants. La difficulté, je
dirais la plus grande qu'on vit dans le moment, ça a
démarré avec le sommet économique, bien sûr, qui
était au début de notre nouvelle région, et c'est une
dynamique qui se continue dans notre milieu, de tenter de créer, comme
le disait Mme Touzin, au début, dans sa présentation, un esprit
d'appartenance, un goût d'appartenance à cette région,
à nos MRC et à la région, dans le but d'activer nos
intervenants socio-économiques, de les intéresser, de les motiver
à développer notre région. Comment voulez-vous qu'on y
arrive, à les intéresser à ça et à les
activer, si, de plus en plus, ils se sentent tributaires de la région
voisine?
On demande à des conseils économiques, on demande à
la Chambre de commerce, on demande à toute sorte de monde de nous donner
un coup de main et on va se bâtir une région, on va se bâtir
une MRC. Lotbinière est aussi visée que Nouvelle-Beauce et
Chutes-de-la-Chaudière dans ça. Ça représente quand
même 100 000 habitants sur les 360 000 de la région
Chaudière-Appala-ches. Et quand vient le temps de passer à
l'action, ces gens, où doivent-ils s'adresser? À la région
voisine. Alors, finalement, ils ne se sentent pas tellement, tellement
attachés à travailler fort avec nous ou à mettre du
temps.
Le jour où ils pourront agir avec les intervenants de leur
milieu, là, il va se bâtir une solidarité et une dynamique
qui va nous permettre d'aller de l'avant et de réellement anticiper des
retombées de ça. Mais c'est difficile dans le moment. Les
parents, ils choisissent la Rive-Nord pour y envoyer leurs enfants. Je ne suis
pas jaloux de la Rive-Nord, tant mieux pour eux autres, mais ça nous
fait une belle jambe pareil.
Le Conseil économique met dans sa programmation des
activités pour les prochaines années de développer des
relations plus étroites avec la commission scolaire et avec le
cégep surtout pour mieux adapter la main-d'oeuvre. Alors, s'ils vont
à Lévis-Lauzon, ils sont dans l'autre MRC, et la tendance est
d'aller au plus proche, puis ils n'y vont pas généralement. Donc,
on est un petit peu déficients du côté de notre MRC, de ce
côté-là.
Alors, c'est tout ça qui fait qu'on a de la difficulté
à mettre sur pied la dynamique qui devrait être excellente chez
nous. La population est jeune, on a beaucoup d'énergie à mettre
dedans, mais c'est comme un frein, cette question de dépendance, sur
plusieurs des volets importants de notre milieu socio-économique. On se
fie à la ministre pour considérer, dans les critères qui
sont sans doute très rationnels et qui lui permettent d'ajouter des
places dans les cégeps, d'ajouter dans ces critères le facteur de
développement régional qui. pour le gouvernement, nous
apparaît bien important puisqu'il a créé une nouvelle
région. Avec tout ce qui a été véhiculé
autour des régions administratives comme dynamique autonome, je pense
que c'est important de le considérer et ça s'ajoute strictement
au nombre d'étudiants du territoire de la région Chaud
ière-Appalaches qui est en excédent des places, c'est
évident.
M. Gendron: Merci. Ma collègue va poursuivre.
Le Président (M. Bradet): Alors, Mme la
députée de Chutes-de-la-Chaudière.
Mme Carrier-Perreault: Je vous remercie, M. le Président.
Vous savez, quand je suis arrivée en politique, on m'avait dit, comme
premier conseil: En politique, il faut que tu apprennes à être
redondante; il faut répeter et redemander
souvent les mêmes choses si on veut être entendu.
M. Tremblay (Rimouski): Vous avez compris ça, vous!
Mme Carrier-Perreault: Je comprends de plus en plus ça, M.
le député de Rimouski. Alors, je suis très contente
aujourd'hui de voir que les gens de chez nous, les gens de la MRC des
Chutes-de-la-Chaudière, de la commission scolaire soient venus
réitérer la demande et profiter de la commission pour, encore une
fois, exposer les besoins qu'on a sur notre territoire en termes d'enseignement
collégial. À toutes fins pratiques, je pense que ça veut
dire qu'avant même que les décisions ne soient prises, chez nous,
on faisait partie, j'imagine, du consensus à l'effet que les
cégeps sont là pour rester puisqu'on a tenu à revenir ici
le redemander.
J'avais des questions à poser. J'en ai encore, mais disons que
Mme la ministre m'a coupé un peu beaucoup l'herbe sous le pied. Il reste
que, dans votre mémoire, vous avez fait état de certains
commentaires, des énoncés du Conseil de la famille. Je trouve
ça intéressant parce que, moi, c'est le dossier que je
débats ici, à l'Assemblée nationale. Vous avez fait aussi,
dans votre allocution de départ, certains énoncés
concernant les dimensions, la dimension humaine et tout ça, l'approche
au niveau d'un cégep. Les jeunes étaient venus aussi. Le
Secrétariat à la jeunesse est venu et il nous a dit à peu
près le même genre de commentaires. Il nous a expliqué,
suite à un sondage qu'il a fait dans son milieu, que c'était une
des préoccupations: on a de la difficulté à se
reconnaître dans ces boîtes-là, c'est un peu beaucoup des
boîtes à cours, là où on passe, où il n'y a
pas vraiment d'âme ou de sentiment d'appartenance.
Le cégep de Lévis-Lauzon nous a parlé longuement de
la façon de faire de Lévis-Lauzon concernant l'aspect qui est
très marqué au niveau des ressources humaines, au niveau de
l'esprit d'équipe, de l'âme du cégep, si je me rappelle
bien les propos qui ont été émis à ce
moment-là.
Disons que j'aimerais quand même revenir un petit peu sur les
énoncés du Conseil de la famille. Vous savez, il y a des gens qui
peuvent s'interroger. On en avait un petit peu discuté lors du passage
d'autres groupes. On dit: Écoutez, au collégial, il ne faut quand
même pas exagérer. En quoi c'est si important pour un jeune de 17
ans d'avoir autant de support de sa famille? C'est un jeune adulte, à
toutes fins pratiques, pourquoi ça devient aussi important pour lui d'en
arriver à ce support?
M. Normand: Je vais demander à Mme Touzin,
pédagogue, de vous répondre.
Mme Touzin: Oui, moi, je pense que, au niveau collégial,
le jeune s'est pris en main. Il a commencé à faire ses choix et
il est rendu dans la dernière phase, à mon sens, avant de faire
ses choix vers l'université, et, dans certains cas, ils ont fait leur
choix pour le secteur professionnel. La famille s'estompe un peu, doit
s'estomper pour laisser de la place aux jeunes. Un des côtés de
notre mémoire, c'est qu'on dit: On va régler l'aspect
économique du transport. On va régler le problème de la
distance pour avoir accès au niveau collégial. Le jeune va
pouvoir demeurer dans sa famille. On va lui régler le problème
économique du transport. Les parents s'estompent un peu. Ils sentent
qu'ils doivent s'estomper un peu, mais le jeune, ce n'est pas vrai qu'il est
à l'université. Le jeune a besoin... C'est un jeune adulte qui
est rendu à l'âge où c'est très intéressant
d'argumenter, d'argumenter avec des adultes qui sont prêts à
argumenter avec lui. Mais, pour faire ça, ça ne se fait pas
à 6000 dans une boîte. C'est ce qu'on pense.
Chez nous, à la commission scolaire, on a enlevé la grosse
polyvalente de 4000 élèves, ça ne tenait pas debout, et on
a bâti des écoles. Dans toutes nos écoles de premier cycle,
les 12 ans, 13 ans et 14 ans sont ensemble et les plus vieux ensemble. Et c'est
à cette seule condition qu'on peut recréer une vie et un
accompagnement et un encadrement qui est signifiant pour les jeunes. Quand on
arrive au niveau collégial, il faut faire les transpositions qui
s'imposent et il faut à ce moment-là se dire: Est-ce que nous
autres mêmes, quand on est confrontés avec 4000 personnes, est-ce
qu'on se sent bien là-dedans? Est-ce qu'on repère rapidement les
gens qui peuvent nous aider ou bien si c'est une usine à cours? Et nous,
on ne privilégie pas ça. On a travaillé ça au
secondaire et on souhaite qu'au niveau collégial, pour des services qui
s'implanteraient chez nous, on souhaite avoir une unité plus petite
où la communication avec les gens, les ressources humaines vont pouvoir
avoir le temps et leur espace vital pour s'occuper de ça, et où
on permettrait à des jeunes adultes de se prendre en main. Se prendre en
main contre 6000 élèves, ce n'est pas facile.
Moi, je pense qu'on vit au niveau collégial ce qu'on a
vécu au début des polyvalentes. On faisait des polyvalentes de
3000 et de 4000 et on s'imaginait, en faisant vivre des jeunes dans des villes,
que ça allait merveilleusement bien. Ce n'est pas vrai. Il a fallu
passer 15 ans après ça pour corriger la situation. C'est ce que
j'avais à vous dire là-dessus.
Mme Carrier-Perreault: Si je comprends bien, par rapport à
la question que la ministre vous posait tout à l'heure, la façon
de faire Lévis-Lauzon vous conviendrait parfaitement? (17 h 40)
Mme Touzin: Bien, c'est-à-dire que la façon de
faire, la connaissance qu'apporte Lévis-Lauzon et sa façon... Et
ça se voit. Vous allez au cégep
de Lévis-Lauzon et vous voyez, vous sentez une attitude.
Ça, ça nous plaît. Si on est capable de reproduire, de
partir de leur expérience et de le faire dans un milieu plus petit,
ça va être extraordinaire, ce qu'on va pouvoir faire. On va former
des hommes et des femmes qui auront vécu les phases importantes de leur
vie dans un contexte où ils vont pouvoir vraiment s'épanouir et
non pas juste aller suivre des cours.
Mme Carrier-Perreault: Vous avez, tout à l'heure, fait
état des ententes que vous aviez déjà. Il y a une
collaboration présentement qui existe entre le cégep de
Lévis-Lauzon et la commission scolaire Chutes-de-la-Chaudière. Je
pense qu'on parle du pavillon Gabriel-Rousseau et des cours qui se donnent
là. Vous avez dit que cette collaboration évitait, en fait, par
rapport à la carte professionnelle, certains chevauchements. Est-ce que
vous avez des exemples concrets ou des choses concrètes à nous
apporter là-dessus?
Mme Touzin: Bon. Concrètes. Oui, il y en a eu de
concrètes, par exemple, quand ils se sont assis ensemble pour dire: On
fait une même offre de service. Ça ne se voit pas souvent,
ça, une commission scolaire qui décide de faire la même
offre de service à une population. Les gens se sont assis, se sont
parlé, et là ils se sont mis à se dire: Tu vas offrir, par
exemple, le traitement de textes; le traitement de textes, c'est au secondaire
qu'on peut faire ça, c'est à l'éducation des adultes,
secondaire. Offre - bon, je m'y connais moins - bureautique, offre... Bon, etc.
Là, il y a eu une entente comme ça parce que, sans ça, on
offre en commun un service à une population. Si les mêmes cours
peuvent se donner au collège ou au service de l'éducation des
adultes, qu'est-ce que vous pensez que l'adulte va choisir? Surtout s'il n'a
pas un cours secondaire fini, il va dire: C'est gratifiant d'aller prendre
ça du côté du collégial.
On a réussi ça et ça voudrait dire qu'il faudrait,
je pense, aller beaucoup plus loin. Par exemple, il faudrait qu'on s'entende
sur les horaires des cours; parce que, si on voyage les élèves,
il faut qu'on s'entende. Ça voudrait dire qu'on pourrait même
aller jusqu'à s'entendre sur la formation générale pour
aller beaucoup plus loin, dire: Qu'est-ce que vous faites, vous autres, au
secondaire? Ils nous arrivent comment, les élèves? Ce serait
drôlement intéressant pour les élèves aussi
d'arrêter de les ennuyer, de recommencer continuellement les mêmes
choses et se faire dire par le prof du cégep, très souvent, comme
nos jeunes reviennent et nous disent: Ah bien! Ça serait bien mieux que
ça soit donné au cégep, ça, parce qu'on est
obligé de recommencer. Le message qu'on envoie, c'est que vos profs, au
secondaire, ne sont pas bons. Et, nous autres, on ne pense pas toujours
ça, qu'ils ne sont pas bons. On a nos petites idées aussi sur
l'autre ordre.
Le Président (M. Bradet): Alors, madame et messieurs, je
vous remercie. Le temps qui nous était alloué est maintenant
dépassé. Je vous souhaite un bon voyage de retour et je suspends
les travaux pour quelques minutes, de façon à permettre à
l'Ordre des chimistes du Québec de prendre place.
(Suspension de la séance à 17 h 44)
(Reprise à 17 h 46)
Ordre des chimistes du Québec
Le Président (M. Gobé): Mesdames et messieurs, nous
allons maintenant recommencer les audiences de la commission et, sans plus
attendre, je demanderais aux représentants de l'Ordre des chimistes du
Québec de bien vouloir prendre place.
Mme la ministre, vous avez une petite demande à faire.
Mme Robillard: Oui. Merci, M. le Président. Si vous
permettez, je vais prendre quelques minutes pour saluer les membres de l'Ordre
des chimistes du Québec, leur dire que j'ai lu leur mémoire avec
attention, bien que ça fait très longtemps que je l'ai lu. Si je
me souviens bien, vous étiez un des premiers mémoires qui sont
entrés au niveau de la commission parlementaire. Donc, vous avez
été très tôt dans le dépôt de votre
mémoire. Je l'ai lu à l'époque, je dirais, ça fait
presque deux mois, et j'ai apprécié le contenu de votre
mémoire. J'ai quelques questions de clarification sur le contenu, et
surtout les recommandations. J'aurais aimé apprécier avec vous ce
que vous nous suggériez, qu'il y ait une formation vraiment en morale
sociale et éthique professionnelle - je pense que vous avez
abordé ça dans votre mémoire.
Malheureusement, je dois quitter immédiatement mais mon adjoint
parlementaire sera là pour vous questionner en mon nom. Je voulais vous
remercier personnellement d'être venus à la commission. Merci.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre.
Nous comprenons très bien qu'il y a Conseil des ministres et que vous
devez vous absenter.
Nous allons donc maintenant reprendre le cours normal de cette audition
et je vous demanderais de bien vouloir faire votre présentation. Vous
avez pour ce faire approximativement 20 minutes.
Veuillez vous présenter, monsieur, ainsi que les gens qui vous
accompagnent pour les besoins de l'enregistrement, afin que les noms soient
enregistrés sur les débats.
M. Fournier (Antoine): Je vous remercie,
Mme la ministre. Mesdames, messieurs de la commission, je vais vous
présenter, à ma droite, Mme Evelyne de Médicis. Mme de
Médicis est vice-présidente de l'Ordre des chimistes. Elle est
spécialiste en biochimie clinique, professeure de biochimie à
l'Université de Sherbrooke qui est affiliée au département
de médecine; à ma gauche, M. Paul Dupuis, directeur
général, et également de formation en chimie; et moi,
à titre de président de l'Ordre, Antoine Foumier, qui vais vous
présenter le mémoire.
Dans ma présentation, je ne lirai pas le mémoire comme
tel. À partir des recommandations, je vais apporter davantage
d'éléments justifiant les différentes recommandations du
mémoire. J'aimerais vous préciser, dans un premier temps, que le
chimiste est la seule formation des sciences pures à posséder un
exercice exclusif au niveau des professionnels membres du système
professionnel québécois. Et, si c'est la seule profession
à posséder un droit d'exercice, c'est que ce n'est pas juste une
science pour des connaissances complémentaires dans la formation, mais
c'est aussi un champ d'activité, un champ de travail. Pour assurer la
protection du public, le législateur a cru bon de lui accorder un droit
d'exercice exclusif.
De plus, la chimie est enseignée aux trois niveaux
d'éducation au Québec, c'est-à-dire au niveau secondaire,
au niveau collégial et également à l'université.
Donc, il y a une interdépendance dans le cheminement des connaissances
entre les trois niveaux. (17 h 50)
Au niveau des recommandations que vous avez, la première,
«de maintenir le système des cégeps en conservant le
regroupement de la formation générale et professionnelle»,
l'Ordre des chimistes recommande de maintenir les cégeps. Toutefois, des
ajustements sont nécessaires. Et pourquoi le système des
cégeps doit-il être maintenu? D'une part, c'est peut-être le
niveau où on peut vraiment permettre à l'étudiant de
compléter un raffinement de connaissances et de formation.
C'est également à ce niveau où les étudiants
développent une autonomie d'apprentissage, surtout au niveau de la
formation générale, avant de se diriger à
l'université. C'est aussi à ce niveau-là où le
contact avec des professionnels variés permet à l'étudiant
de bien orienter son choix de carrière. C'est également au
collégial où l'étudiant peut développer un
enrichissement au niveau de la culture et au niveau de la langue. De plus,
plusieurs programmes professionnels donnent accès directement au
marché du travail. Entre autres, dans le domaine de la chimie, il y a
trois programmes qui donnent accès au marché du travail. Donc,
ces gens-là auront des contacts avec la population, d'où
l'importance d'associer à la formation technique une formation
générale correcte.
La deuxième recommandation portait sur la concertation entre les
divers niveaux de formation lorsque des réaménagements
s'imposent. Je l'ai précisé tout à l'heure, la chimie est
enseignée au secondaire, au collégial et à.
l'université; donc, il y a interdépendance. On soulève
souvent un problème d'arrimage entre le secondaire et le
collégial, et il semble que ce problème d'arrimage se soit
accentué au cours des dernières années.
D'ailleurs, l'Ordre des chimistes avait fait une enquête
auprès des étudiants de chimie, de biochimie dans les
différentes universités québécoises pour
s'enquérir justement de leur perception face à l'enseignement de
la chimie au niveau secondaire et au niveau collégial. Et cette
enquête-là s'adressait à des étudiants de
première année universitaire. Le problème de l'arrimage a
été soulevé. Un des éléments qui peut
justifier ce problème d'arrimage, c'est qu'il y a 20 ans le nombre
d'heures consacrées a la formation en chimie au secondaire était
de 300 heures: 150 heures en secondaire IV et 150 heures en secondaire V. Il y
a eu des modifications de programme et, dans ces modifications de programme, la
chimie a écopé. Désormais, il y a 190 heures de formation.
Les potentiels intellectuels n'ont pas changé en 20 ans, de telle sorte
que la quantité de connaissances et la formation en ont souffert.
Naturellement, l'arrimage devient difficile. Cette conséquence se fait
sentir au collégial et il y a davantage de décrocheurs. Souvent,
on va interpréter en disant: II y a des décrocheurs, donc, la
formation au collégial est défaillante, le système n'est
pas bien. Plus on aura de ces diminutions de formation dans un niveau qui
précède, le phénomène va se faire sentir au niveau
suivant, au niveau des décrocheurs.
Nous ne sommes pas les seuls à le revendiquer. Le gouvernement du
Québec... C'est avec les fonds de l'État, ça, le Sommet
québécois de la technologie. Il semble que les rapports qui ont
été préparés par la suite sont restés lettre
morte. On précise, au point de vue des recommandations, entre autres,
que l'on révise les programmes de chimie et de physique
présentement offerts en secondaire IV et V afin d'en hausser les
contenus au moins jusqu'à la moyenne internationale. Donc, au Sommet
québécois, on avait avoué qu'on n'était pas
compétitifs avec les autres provinces et avec les autres pays
industrialisés.
Une autre recommandation qui en ressortait: que l'on redonne à
l'enseignement des sciences en quatrième et en cinquième
secondaire le temps qu'on lui a amputé il y a quelques années. Et
110 heures sur - si on prend le total - 300 heures, c'est un pourcentage qui
est relativement élevé, ça dépasse les 33 %.
Au cours de ces 20 dernières années, les contenus de
cours, au niveau des cégeps, n'ont pas changé, à toutes
fins pratiques, de telle sorte que les étudiants, de par la formation
qu'ils reçoivent maintenant, sont désavantagés.
Au niveau de la troisième recommandation: «resserrer les
exigences dans la réussite d'un programme tant général que
professionnel». Vous savez tous que bon nombre d'étudiants
prennent quatre, cinq années, séjournent de quatre à cinq
années au niveau cégep. C'est un peu inadmissible et ça a
aussi des conséquences importantes. D'une part, ce sont des coûts
sociaux non justifiés et, deuxièmement, la présence de ces
étudiants amène à la longue une baisse un peu du niveau.
Finalement, le phénomène des décro-cheurs, on veut le
diminuer le plus possible. Donc, cette baisse de niveau conduit à
s'éloigner davantage d'autres pays, à ne pas être
compétitifs au niveau des sciences.
En plus, vous savez comme moi qu'au secondaire il n'est pas requis, pour
être admis au cégep, la réussite de l'ensemble des
unités. Donc, c'est très souple, très large pour avoir
accès au niveau collégial. Or, à plus forte raison, eh
bien! le phénomène de difficultés rencontrées au
cégep s'accentue.
L'autre inconvénient aussi, c'est qu'on est passés d'une
promotion par année à une promotion par matière, par
discipline. C'est une souplesse qui est peut-être un petit peu trop
grande et, en plus, on continue de maintenir des étudiants au
cégep, on se satisfait d'une réussite de 50 % des unités
de cours. Ceci a pour conséquence qu'on change la conception de
programme. L'étudiant n'a plus l'impression d'être dans un contenu
de programme, sa préoccupation, c'est bien plus de réussir ses
unités de cours pour être capable d'avoir son diplôme et,
ensuite, se diriger ailleurs.
Donc, cette notion de programme, qui faisait partie des orientations
ministérielles lorsqu'on a fait l'étude du programme des sciences
de la nature, eh bien! avec une souplesse trop grande, on perd cette notion de
programme. Donc, l'étudiant réussit morceau par morceau sa
formation collégiale. Je pense que c'est néfaste à ce
moment-là au niveau d'un tout de formation.
La quatrième recommandation, elle consistait à mettre en
place des structures favorisant la formation technique par des stages plus
élaborés en milieu de travail afin que la formation soit à
la fine pointe des développements technologiques. D'une part, les stages
devraient couvrir deux niveaux: celui des enseignants et celui des
étudiants. La technologie évolue rapidement et, pour les
enseignants qui sont dans le milieu depuis 20 ans, le creux entre la
réalité technologique d'aujourd'hui et ce qu'ils avaient
assimilé comme connaissances il y a 20 ans s'élargit. Donc, il
faudrait implanter un système beaucoup plus flexible pour permettre la
réalisation de stages pour que les enseignants puissent s'adapter aux
nouvelles technologies pour avoir un enseignement plus contemporain.
La même chose s'applique au niveau des étudiants. À
l'heure actuelle, les programmes en chimie, par exemple, les trois techniques
de chimie (technique de chimie analytique, technique de génie chimique
et technique de chimie-biologie) ont des stages, mais la durée des
stages est de deux semaines. Quand on contacte les industriels pour ces
stages-là, ils nous disent. Deux semaines? Vous appelez ça un
stage? Là, pour être capables de jouer le jeu, on dit: C'est une
«stagette». C'est n'est pas un bain dans l'industrie, c'est
plutôt une douche, mais ça leur permet quand même de prendre
contact. Je pense que la technologie, telle qu'elle évolue actuellement,
impose des stages d'une plus longue durée dans la formation. Donc, c'est
un correctif qu'il faudrait apporter au système collégial.
L'autre point d'importance est au niveau du programme des sciences de la
nature. Il y a eu un branle-bas de combat il y a pratiquement sept ou huit ans,
où les idées à l'intérieur de cette révision
de programme collégial étaient tout à fart louables pour
arriver à un programme des sciences de la nature qui convienne à
notre réalité, à nos besoins. La ministre de
l'Enseignement supérieur a adopté, en juin dernier, un programme
qui, à toutes fins pratiques, est identique à celui qu'on vivait
antérieurement. La seule différence, c'est que le nom a
changé.
Nous, en tant qu'Ordre des chimistes, on s'attendait à ce qu'il y
ait la présence d'un cours de chimie organique à
l'intérieur de ce programme-là. Je vais vous dire pourquoi La
chimie organique, c'est une formation en soi. Quand on considère toute
l'importance de l'interdisciplinarité, le besoin de la chimie organique
pour la biologie, quand on considère aussi les développements
dans lesquels le Québec prévoit s'orienter dans l'avenir... La
ministre de l'Éducation avait demandé au Conseil de la science et
de la technologie un rapport sur les biotechnologies. Le Québec a pris
le virage de façon assez douce au niveau des biotechnologies. Au niveau
des biotechnologies, je pense que l'importance de la chimie organique est
indispensable. (18 heures)
Autre chose aussi, c'est que la chimie, comme je l'ai dit tout à
l'heure, a souvent été amputée. C'est vrai que la chimie
coûte peut-être plus cher à donner que d'autres cours de
formation. Mais la chimie, c'est aussi un apport économique important
dans la société. Qu'on regarde une publication du gouvernement
canadien où on faisait ressortir, entre autres: exportations
pharmaceutiques en hausse de 90 %, pour un total de 133 000 000 $ dans
l'économie; produits chimiques, 232 000 000 $; matières
plastiques, 1 800 000 000 $; fibres de filaments artificiels et
synthétiques, 200 000 000 $; vêtements non tricotés, 179
000 000 $. Et cet apport-là de la chimie se retrouve au niveau
économique, et la chimie organique se retrouve dans ces
différents secteurs industriels.
Autre chose aussi qui est à considérer: au niveau des
besoins pour les programmes universitaires, pour les étudiants qui vont
en médecine, pharmacie, ça découle de la chimie organique.
Vous seriez peut-être surpris d'apprendre que les ingénieurs
peuvent faire leur formation et se retrouver au niveau du marché du
travail avec aucune formation en chimie organique. Pourtant, ils auront
à porter des jugements au niveau de l'environnement, au niveau des
micropolluants organiques. Ils ne savent même pas ce que c'est. Donc, ce
cours-là aurait dû être décrété par Mme
la ministre comme cours ministériel faisant partie du nouveu programme
des sciences de la nature. Et il aurait été davantage
balancé parce qu'il aurait permis d'offrir la formation comparable
autant pour le secteur du génie que le secteur des sciences de la
santé. Pourtant, dans le document, ces éléments-là
étaient mentionnés.
J'écoutais récemment M. Henri Favre, exdoyen de la
Faculté des sciences de l'Université de Montréal, qui
disait: C'est un tout en soi, la chimie organique, c'est la meilleure
école de formation, la rigueur du langage par la nomenclature,
l'étude spatiale des molécules. Il faut tenir compte de beaucoup
de paramètres et de beaucoup d'éléments quand on pose des
gestes au point de vue de la chimie: le laboratoire, l'apprentissage
psychomoteur, apprendre à l'étudiant la prise de décision,
donc, tout ça est fondamental. Pourtant, ce cours-là ne fait pas
partie de la formation dans le programme des sciences de la nature.
Antérieurement, cette chimie organique là était
donnée à l'université. Quand est arrivée la
structure des cégeps, on peut considérer que la première
année universitaire s'est retrouvée au cégep. Or, si cette
première année s'est retrouvée au cégep, il va de
soi que la chimie organique doit être un cours obligatoire, soit un cours
ministériel.
C'est également un cours qui est une motivation pour les
étudiants vers la carrière en chimie. La province de
Québec est loin derrière l'Ontario au niveau de tout
l'intérêt que les étudiants manifestent pour la chimie. La
chimie n'est pas très bien prisée par les étudiants
québécois. Je peux prendre un autre document venant du Sommet
québécois, en 1988, et on cite, par exemple: Ce qui frappe, en
étudiant la distribution des universités par rapport à la
moyenne et à la médiane, c'est le succès que rapportent en
général les universités canadiennes et américaines
de grande taille auxquelles correspondent des départements de grande
taille qui, par le fait même, comptent de nombreux professeurs et de
nombreux étudiants. Le plus grand département de chimie au Canada
compte 47 professeurs et il se trouve en Ontario. Le plus grand au
Québec en compte 27 et il se retrouve dans la région de
Montréal, vous l'avez tous compris.
Donc, on voit que l'intérêt est moins grand au
Québec et on constate de plus en plus qu'il y a des industries, dans le
domaine de la chimie, qui ont quitté le Québec encore
récemment. J'ai communiqué à Montréal,
récemment, pour une entreprise de chimie, et on m'a dit: Elle est
déménagée en Ontario, à Sarnia. Il y avait une
usine de production, c'est fermé, et bon nombre des produits,
maintenant, viennent des États-Unis.
Mme la ministre, tout à l'heure, a parlé qu'on avait
mentionné dans notre mémoire l'importance d'un cours
d'éthique professionnelle. J'ai regardé au niveau des programmes
de cégep, entre autres; il y a plus de 30 programmes qui conduisent au
marché du travail. Ces gens-là auront un contact avec la
population, auront à vivre avec une considération au niveau de
l'éthique professionnelle. Donc, je pense que, dans la formation, cet
élément-là doit apparaître. Il pourrait faire partie
des modifications au niveau du programme collégial. De plus, pour ceux
qui sont au général, ils se dirigent, par la suite, à
l'université où ils entameront des carrières
professionnelles également, ce qui les amènera à avoir
besoin d'éthique professionnelle.
Un autre point du mémoire consistait à parler du
financement au niveau de l'appareillage. J'ai précisé que,
peut-être que si la chimie était amputée lorsqu'il y a une
modification de programmes, c'est au niveau des coûts que c'est
important. Et la technologie évolue tellement rapidement que, dans
certains cas, l'appareillage devient désuet après cinq ans. Donc,
je pense qu'il faut repenser le mode de financement au niveau des
équipements de laboratoire.
Un autre point d'importance que nous avons soulevé: une
évaluation bien structurée des unités d'enseignement, tant
par l'évaluation des programmes que des ressources humaines, et
également les programmes... On devrait implanter un système qui
permette d'adopter des changements beaucoup plus rapidement que maintenant.
Quand j'ai parlé du programme des sciences de la nature, ça fait
pratiquement 10 ans que l'étude se fait, et c'est la ministre qui a
dû décréter le programme actuel. Donc, c'est trop long, 10
ans. La technologie évolue plus vite que ça.
L'autre élément, le dernier, dont on faisait état
dans notre rapport, c'est au niveau du renouvellement du personnel
professionnel, des enseignants, entre autres. Et, vers la fin du siècle,
il y aura un départ massif des enseignants et un renouvellement. Donc,
je pense qu'il faut prévoir une période transitoire pour que la
qualité de la formation puisse se maintenir.
Voilà pour les différentes recommandations dans le
mémoire de l'Ordre des chimistes.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Fournier. Je
passerai donc maintenant la parole à M. l'adjoint parlementaire à
Mme la ministre de l'Enseignement supérieur. M. le député
de Sherbrooke.
M. Hamel: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de
vous saluer, M. Fournier, Mme de Médicis, M. Dupuis. Voyez-vous, vos
voeux ont été exaucés; vous êtes entendus à
la commission parlementaire. Je pense bien qu'après vous avoir entendus
vous avez exprimé avec force conviction certains éléments
de votre mémoire auxquels vous teniez beaucoup.
J'aimerais dans une première question rappeler celle que Mme la
ministre vous soulignait tantôt: Est-ce que vous pourriez apporter
certaines clarifications concernant votre recommandation 6 où vous
parlez d'un cours de formation en morale sociale et éthique
professionnelle?
M. Fournier: D'accord. Au niveau des professionnels chimistes,
par exemple, qui se retrouvent sur le marché du travail, ils ont des
services à offrir à la population. Dans la formation
collégiale et universitaire, l'approche au niveau de l'éthique
professionnelle, au niveau de tous les éléments à
considérer lorsqu'il y a un contact clients, lorsqu'il y a des services
professionnels à accorder, ne fait pas partie de la formation. Et le
jeune chimiste se voit dans une situation où il a peu
d'éléments sur cet apport d'éthique professionnelle.
Entre autres, quand on parle de santé et de
sécurité, le chimiste, au point de vue éthique
professionnelle, a le devoir d'informer les gens qui travaillent autour de lui,
qui travaillent avec lui, de toute l'implication des dangers relatifs pour la
santé et la sécurité de certains produits qu'ils
manipulent. Ces éléments ne sont pas couverts. Donc, il y a toute
cette importance au point de vue du travail. Je pense qu'au cégep ce
serait le niveau idéal pour pouvoir aborder cet élément de
morale sociale et d'éthique professionnelle. Si on considère
aussi au niveau de l'environnement, la protection de l'environnement,
donc...
Une voix: ...très bien.
M. Fournier: Oui, c'est vrai, je ne vous avais pas vu venir.
C'est vraiment un élément fondamental à tout
professionnel, particulièrement au chimiste, au niveau de la protection
de l'environnement, de faire un travail qui tienne compte de ces
éléments-là, au niveau de la gestion des déchets.
Donc, c'est tout cet aspect-là qui doit être abordé.
Finalement, les gens dans toute leur science oublient ces
activités-là. Ils sont des scientifiques, des fois, avec
certaines balises. Je pense qu'à ce moment-là, au cégep,
l'ouverture qui est donnée par une variété de cours, entre
autres, éthique professionnelle, pourrait permettre d'ouvrir davantage
à ces éléments.
M. Hamel: Merci. Dans votre mémoire, vous mentionnez,
à la page 3, que certaines règles de gestion tant
pédagogiques qu'administratives doivent être rajeunies et les
programmes modifiés en fonction de la réalité
contemporaine. Quelles sont ces règles de gestion pédagogiques
à rajeunir?
M. Fournier: D'une part, il y en a déjà eu une qui
a été modifiée récemment, et c'est heureux.
Finalement, c'est la période d'abandon, par exemple, des
étudiants qui, antérieurement, était à la
mi-session et, désormais, c'est beaucoup plus tôt dans la session,
pour éviter de traîner des étudiants, finalement, qui ne
font pas le poids. L'autre point, c'est dans le cas d'un étudiant qui
prend plusieurs sessions pour réussir un même cours, qui reprend
un cours plusieurs fois. On devrait avoir, à ce moment-là, des
normes qui amènent qu'un étudiant, s'il ne parvient pas à
réussir... à le réorienter ailleurs pour éviter,
finalement, que ce soit un étemel étudiant dans le réseau
collégial et aussi éviter, comme je l'ai précisé
tout à l'heure, que le niveau de formation soit abaissé par ces
étudiants qui sont présents à répétition
dans les cours. Je peux vous le préciser, tout à l'heure je ne
l'ai pas indiqué, moi, qui suis professeur au niveau collégial,
je peux vous confirmer que cette situation-là est déplorable,
d'avoir des éternels étudiants de cégep. (18 h 10)
M. Hamel: Vous pariez aussi de règles de gestion
administratives à rajeunir. Qu'est-ce que vous suggérez? Quelles
sont ces règles?
M. Fournier: Je pense qu'on devrait, à ce
moment-là, exiger, pour pouvoir se maintenir dans un programme, plus que
50 % de la réussite des unités. On devrait au moins augmenter aux
deux tiers. Antérieurement, il fallait réussir une année
complète pour être capable de changer de niveau; désormais,
on est passé à l'autre extrême du pendule; et, finalement,
bien, la réussite est par cours. Mais on devrait quand même avoir
un critère plus élevé, au moins la réussite des
deux tiers des unités pour pouvoir demeurer dans un programme. Sinon,
c'est l'État qui paie, puis, également, c'est le niveau qui
baisse.
M. Hamel: Qu'est-ce que vous voulez dire quand vous mentionnez
que vous demandez de modifier les programmes en fonction de la
réalité contemporaine?
M. Fournier: Bon, comme je vous l'ai précisé tout
à l'heure, ça prend parfois 10 ans avant qu'un programme puisse
être modifié, toute l'étude, et ainsi de suite, avec aussi,
souvent, la guérilla qui s'installe selon les priorités de
chacun. Lorsqu'il y a une modification de programme, déjà il est
dépassé parce que la technologie, entre-temps, elle a
évolué. Donc, il faudrait mettre au point un processus beaucoup
plus rapide pour la modification des programmes,
et qu'ils soient en conformité avec les nouveaux
développements technologiques. Je vais vous donner des exemples sans que
je puisse aller trop, trop dans les détails. Au niveau de la chimie
instrumentale, vous avez désormais des appareils qui sont couplés
sur des systèmes informatiques. À ce moment-là, il faut
modifier les programmes en conséquence pour pouvoir répondre aux
besoins technologiques.
M. Hamel: Dans votre troisième recommandation, vous parlez
de resserrer les exigences dans la réussite d'un programme tant
général que professionnel. Quelles sont les mesures que vous
suggérez pour resserrer ces exigences?
M. Fournier: II y a celle que j'ai précisée tout
à l'heure, au niveau de la réussite des deux tiers des
unités pour se maintenir dans un programme. Il pourrait y avoir aussi,
sans aborder trop, trop le sujet financier... un étudiant qui reprend un
cours, il le reprend à ses frais et, à ce moment-là, bien,
ça diminuerait le fardeau fiscal et ça permettrait
peut-être de récupérer ces sommes-là pour
améliorer, entre autres, le financement en appareillage et en
équipements.
M. Hamel: Quand vous recommandez une évaluation positive
et bien structurée des unités d'enseignement comportant
programmes et ressources humaines, pouvez-vous nous dire comment cette
évaluation sera faite et par qui?
M. Fournier: Pour nous, il était difficile de pouvoir
présenter un mode d'évaluation, mais je pense qu'il est
préférable, en concertation avec les différentes
instances, qu'il puisse y avoir un mode d'évaluation au lieu de subir
des modes d'évaluation de l'extérieur qui sont souvent
inappropriés et qui nuisent à la réputation du
Québec en termes de formation. Mais je ne pourrais pas vous donner
là toute la structure de ce mode d'évaluation. Je pense qu'il
faut le faire avec les différentes instances et qu'il puisse être
vraiment objectif. Tout système se doit d'être
évalué.
M. Hamel: Donc, à ce moment-là, ceux qui nous ont
suggéré la création d'un organisme externe, pour vous
autres, c'est plus ou moins opportun.
M. Fournier: Ça pourrait être fait par un organisme
externe avec les instances qui sont concernées.
M. Hamel: Dans votre neuvième recommandation, vous dites
que l'État mette en place dès maintenant des mécanismes
pour que le renouvellement important du personnel enseignant prévu d'ici
la fin du siècle s'effectue de façon à maintenir un corps
professoral de haut niveau.
Quelle sorte de mécanismes?
M. Fournier: Enseigner, ce n'est pas juste transmettre des
connaissances. C'est aussi passer un message pour permettre d'atteindre une
formation, pour que la formation puisse être un tout. À ce
moment-là, je pense qu'il faudrait peut-être être
davantage... adopter une souplesse plus grande pour les professeurs qui vont
être sur le point de quitter, les professeurs de carrière, pour
peut-être leur permettre d'avoir une tâche, une demi-tâche,
et consacrer une autre demi-tâche à l'entraînement des
nouveaux professeurs qui vont rentrer massivement vers la fin du siècle.
Cette transition de gens qui seront probablement très riches de
connaissances, mais ils n'auront pas tout le vécu qui est présent
actuellement au cégep, le vécu pédagogique pour bien
cheminer et transmettre une formation adéquate. La rupture risque
d'être brutale si on ne met pas au point un processus comme ça. Un
processus, un peu un genre de tutorat pour les nouveaux professeurs. Si je
m'exprimais comme Jean Perron, je dirais un «coaching».
M. Hamel: Merci. Ça va, M. le Président.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député. Mme la députée de Terrebonne.
Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, je vous remercie
pour votre participation à nos travaux au nom de ma formation politique.
Le porte-parole, le député d'Abitibi-Ouest, a dû nous
quitter. Donc, je poserai les questions à sa place.
Vous nous avez très bien présenté deux points qui
m'apparaissent extrêmement importants sur des erreurs du passé,
finalement, qu'il faudrait effectivement corriger et très rapidement.
Par exemple, lorsque vous nous avez fait part de la réduction des heures
au niveau du secondaire, ça m'apparaît, évidemment,
très important. De réduire de 300 à 190 heures, c'est
évident qu'il y a eu des conséquences majeures. L'autre
élément, c'est lorsque vous avez parlé longuement dans
votre mémoire... c'est court dans la recommandation, mais dans le
mémoire vous avez élaboré très longtemps sur le
cours de formation en chimie organique et, là aussi, je pense qu'il y
aurait lieu de corriger et de revoir rapidement. Vous nous avez aussi
mentionné que, lorsqu'il y a révision de programmes, le processus
est évidemment beaucoup trop long; on parlait de 10 ans au niveau du
programme des sciences de la nature. Compte tenu de cette
expérience-là, est-ce que vous auriez des moyens à
proposer pour, justement, améliorer le processus de révision de
programmes lorsqu'il y a révision à faire?
M. Fournier: Au niveau du programme des sciences de la nature,
l'étude a été très longue, parce qu'une
modification au sein du programme
a nécessairement une conséquence par la suite sur les
tâches professorales dans d'autres disciplines, de telle sorte que, comme
je l'ai précisé, la guérilla persiste longtemps, et il n'y
a jamais eu entente, et c'est pourquoi la ministre a pris la décision.
La décision qu'elle a prise, à notre point de vue, n'est pas la
meilleure, en ce sens que le programme actuel est peut-être même
pire que le précédent. Il y a eu une petite modification, et il
est peut-être pire que le précédent. Il ne rend pas justice
aux besoins du domaine des sciences de la santé. On voulait en faire un
programme des sciences de la nature et on en a fait davantage un programme
uniquement pour accéder au génie. Donc, le programme ne
répond pas même aux forces économiques du Québec
dans le domaine de la chimie, c'est-à-dire, par exemple, l'industrie
pharmaceutique qui, essentiellement, a un apport très
élevé dans le domaine de la chimie organique. Autre chose aussi,
le lien avec les autres disciplines. La biologie, pour comprendre le
fonctionnement des systèmes, a besoin de la chimie organique. Donc, ce
cours-là est un cours qui doit être présent dans la
formation, qui doit être ministériel. Vous allez désormais
écouter les ingénieurs, par exemple, qui vont se prononcer sur
les problèmes de chimie organique, sachant que bon nombre d'entre eux
n'ont pas eu de formation dans le domaine. Donc, je pense que c'est un
élément essentiel dans la formation.
Mme Caron: Vous l'avez souligné vous-même, le
problème de base, évidemment, c'est qu'il y a des
conséquences au niveau des tâches pour les enseignants lorsqu'il y
a une révision de programmes. C'est évident que, peu importe le
programme qui est révisé, les enseignants vont faire valoir
l'importance de leur matière.
M. Foumier: Oui.
Mme Caron: Si le processus de consultation est très
long... Vous semblez nous dire que, finalement, au bout de 10 ans, on
n'arrivait toujours pas à un consensus, donc la ministre a dû
trancher et la décision, selon vous... le programme est pire qu'avant.
Donc, la décision n'était pas nécessairement la bonne.
Qu'est-ce que vous voyez pour contrer tous ces problèmes-la? Est-ce
qu'il faut que la période de consultation soit réduite? Est-ce
qu'il faut que, lorsque la ministre ou le ministre décide de prendre une
décision, il refasse une consultation limitée au niveau de tous
les enseignants touchés? Qu'est-ce que vous voyez comme mécanisme
concret?
M. Fournier: Pour pouvoir accélérer, je pense qu'il
faudrait bien définir, compte tenu de l'évolution technologique,
accorder une année de consultation, pas plus, et, par la suite, retenir
des professionnels dans divers domaines pour qu'on puisse arriver à des
recommandations. Je pense que, là, la ministre aurait été
plus en mesure de prendre une décision plus valable au niveau de ce
programme. Le programme s'appelle désormais sciences de la nature.
Antérieurement, il s'appellait sciences. Désormais, il s'appelle
sciences de la nature et il est moins proche de la nature
qu'antérieurement. Il est beaucoup plus mathématisé. (18 h
20)
Mme Caron: Je pense que c'est vraiment des propositions
très concrètes: un an de consultation et, ensuite, on consulte
les professionnels.
M. Fournier: Du domaine et, finalement, bien, les
résolutions qui sont transmises permettent peut-être d'arriver
à une meilleure décision.
Mme Caron: Ça répond parfaitement à mes
questions.
Vous nous avez fait part aussi de la triste réalité des
stages actuellement, c'est-à-dire, on parle de deux semaines. C'est
évident que c'est insuffisant. Qu'est-ce qui vous apparaîtrait une
formation correcte ou la base minimale au niveau des stages?
M. Fournier: La base minimale pour les programmes professionnels,
si je regarde le secteur qui m'est plus familier, celui des techniques de
chimie, au moins un mois pour pouvoir vraiment permettre à
l'étudiant un meilleur contact avec le futur travail qui l'attend. C'est
évident que de tels stages impliquent des coûts. Les
étudiants ne peuvent pas nécessairement faire leurs stages tous
à côté de chez eux. Je pense qu'il faudrait à ce
moment-là prévoir, à l'intérieur du financement des
prêts-bourses, un certain montant aux étudiants pour le logement,
le transport, pour réaliser ces stages-là, et aussi
aménager les programmes pour qu'ils puissent se faire. C'est assez
difficile désormais, dans des stages de deux semaines, de
réaliser de tels stages parce que ceci amène une perturbation au
niveau de l'ensemble des cours. Vous savez comme moi que la transmission des
cours se fait sur une période de 15 semaines. Finalement, les cours se
répètent à chaque semaine. Donc, ce stage-là doit
être continu, de telle sorte que c'est difficile à vivre
maintenant. Les stages qu'on a obtenus de deux semaines, ça a
été obtenu à la suite de revendications, de revendications
et de revendications. La chimie, c'est une science expérimentale. Les
techniques de chimie également font appel à cette science
expérimentale. Donc, le stage est indispensable.
Mme Caron: Est-ce que vous pouvez nous dire un petit peu la
réaction des milieux lorsque vous demandez ces stages? Est-ce que c'est
très positif? Est-ce qu'il y a beaucoup de réticences?
M. Fournier: Les réticences viennent du fait que c'est un
stage de courte durée. C'est surtout
ça, la principale réticence. Mais les milieux sont de plus
en plus ouverts à collaborer à un élément
complémentaire de la formation des futurs professionnels. Ils sont
également gagnants dans le jeu, en ce sens que les stagiaires qui se
retrouvent chez eux, ça leur permet une évaluation et c'est de
loin supérieur, un stage d'un mois, à une entrevue de deux heures
pour sélectionner un professionnel. Donc, à ce moment-là,
cet apport-là est intéressant. Autre chose aussi, les stagiaires
offrent également des services professionnels à l'entreprise. Un
élément supplémentaire, toute entreprise qui engage un
nouveau professionnel doit donner une période d'entraînement. Si
le stage est un peu plus long, la période d'entraînement est
réduite. Donc, finalement, l'entreprise, pour elle, les coûts ne
sont pas tellement différents à ce niveau-là. Si on
regarde en Europe, l'apport des entreprises au niveau de la formation est
beaucoup plus important qu'ici.
Mme Caron: Est-ce que vous avez pu évaluer dans votre
domaine particulier si, effectivement, suite à ces stages-là, le
taux de placement est très élevé?
M. Fournier: Oui, effectivement, le taux de placement est assez
élevé. Dans le domaine de la chimie, à l'heure actuelle,
le placement est relativement bon. Pour ma part, je pourrais vous donner les
réponses pour les trois techniques. Je peux vous dire que je suis au
cégep de Lévis-Lauzon, qui a passé avant moi ici, comme
professeur, et le taux de placement pour les techniques de génie
chimique est à 100 %. Il n'y a que deux collèges dans la province
qui l'offrent. En techniques de chimie analytique, il est aux alentours de 90 %
et, en techniques de chimie-biologie, il rôde autour de 80 %.
Souven-tefois, le stagiaire qui fait un stage dans une entreprise trouve emploi
dans cette entreprise. En même temps, ça permet de faire
connaître aussi les divers programmes qui sont offerts au cégep,
parce qu'il y a bien des entreprises qui ne connaissent pas tel ou tel
programme qui est offert. Entre autres, celui de techniques de génie
chimique, compte tenu qu'il n'y a que deux cégeps qui le donnent, eh
bien, bon nombre d'entreprises de la région de Montréal ne
connaissent pas ce programme-là. Il est donné à
Québec, à Lévis-Lauzon, et à Jonquière.
Mme Caron: Sur la recommandation 9, j'ai trouvé
extrêmement intéressantes les explications que vous avez
données au député de Sherbrooke sur le perfectionnement
des enseignants, c'est-à-dire votre proposition de transition, de
tutorat. Ça m'apparaissait intéressant. Est-ce que vous pensez
qu'on devrait également pour le futur, puisque ça ne s'est pas
fait dans le passé, commencer à exiger des cours de
pédagogie, une formation pédagogique au niveau des enseignants
qui enseignent au collégial?
M. Fournier: Pour ma part, je vous répondrais oui, et je
pense que c'est un élément qui est indispensable. Si on regarde
au niveau professionnel, nombre de professions ont une période de
probation, une période d'entraînement avant d'obtenir leur statut
de professionnel de plein droit. Par contre, pour un enseignant, du jour au
lendemain, il se retrouve devant une classe et il doit performer. Alors, je
pense que cet élément de formation pédagogique devrait
être exigé pour les enseignants au niveau collégial.
Si on regarde aussi d'autres corps d'emploi, regardez dans la plupart
des métiers, quelqu'un est apprenti avant d'être
considéré comme autonome dans son métier. S'il y a un
métier, une profession qui est vraiment, je dirais, importante pour
l'évolution de nos jeunes, c'est bien l'enseignement, et on n'accorde
pas ce souci-là aux enseignants qui arrivent sur le marché du
travail. C'est une belle profession et je pense que, pour une meilleure
efficacité au niveau de l'éducation et au niveau de la formation,
on devrait également accorder une importance, sinon égale au
secteur des différents métiers, plus grande encore, parce que
c'est l'avenir de notre société.
Mme Caron: Oui, ce que vous dites me rappelle que c'est une des
rares professions qu'on ne retrouve pas du côté des professions
reconnues, c'est-à-dire qu'elle ne relève pas du Code des
professions. Les enseignants n'ont plus de corporation professionnelle, c'est,
finalement, seulement un syndicat, et je pense que ça a amené,
ça, une certaine lacune. Même au niveau de la perception des gens,
l'image professionnelle a tranquillement disparu et c'est peut-être un
des éléments. Est-ce que vous croyez qu'une reconnaissance des
enseignants et des enseignantes comme corporation professionnelle pourrait
être utile?
M. Fournier: C'est difficile parce que le champ d'activité
d'une discipline à l'autre est quand même variable. Il n'est pas
nécessaire que ce soit par le biais d'une corporation professionnelle
des enseignants qu'on puisse obtenir une amélioration de la
qualité de la formation ou encore qu'on puisse surveiller l'encadrement
du travail de l'enseignant. Je pense qu'on peut avoir des mécanismes
autres que le système des professions pour les enseignants et atteindre
un niveau de qualité.
Mme Caron: Vous nous avez parlé, dans votre recommandation
6, du cours de formation en morale sociale et éthique professionnelle.
Vous avez donné des informations tantôt. Mais est-ce que ça
devrait être un cours obligatoire?
M. Fournier: À mon point de vue, oui, parce que nombre de
gradués de cégep, que ce soit via les programmes professionnels
ou, par la suite, qui se dirigent à l'université et qui vont
également se retrouver dans une profession, auront à utiliser les
connaissances d'une telle formation. Oui, je pense que ça devrait
être un cours obligatoire. Il pourrait se regrouper via, par exemple, les
cours de formation générale tels que les sciences de l'homme,
philosophie, entre autres.
Mme Garon: Ça m'amène à poser ma
dernière question concernant la formation générale,
justement, puisque la plupart des intervenants qui sont venus nous ont
parlé beaucoup de cette formation générale, de son
importance. Vous, vous nous ajoutez l'importance de ce cours-là.
Qu'est-ce que vous voyez comme cours obligatoires pour une bonne formation
fondamentale?
M. Fournier: Je n'irais pas vous énumérer quels
doivent être les cours pour vraiment atteindre une bonne formation
générale, mais nécessairement qu'il doit y avoir une bonne
formation au niveau de la langue, de la littérature. Il est
prouvé qu'un scientifique qui possède bien sa langue est un
meilleur scientifique. Donc, je pense que ce n'est pas à nous de
déterminer les cours qui doivent être présents, mais des
cours de formation générale doivent faire partie de la formation.
Un professionnel, ce n'est pas juste une compétence scientifique, c'est
un tout. Donc, pour atteindre cette formation globale, la formation
générale doit être présente. C'est pourquoi,
d'ailleurs, nous avons fait la recommandation de maintenir le système
des cégeps actuel, avec le regroupement, le mariage de la formation
générale et professionnelle. Les scientifiques ont des rapports
à transmettre, ont des conférences à présenter, des
séminaires à tenir, et la formation, la culture est
indispensable. Souvent, le défaut des scientifiques, c'est l'absence,
une trop grande absence de culture. Je ne dis pas que c'est le cas de tous les
scientifiques, mais on rencontre trop souvent des scientifiques avec une
formation balisée. Donc, je pense qu'il faut avoir une ouverture
d'esprit au niveau de la formation.
Mme Caron: Je vous remercie beaucoup.
La Présidente (Mme Hovington): Merci beaucoup. Alors, en
conclusion, M. l'adjoint parlementaire.
M. Hamel: Merci, Mme la Présidente. M. Fournier, M.
Dupuis, Mme de Médicis, je pense que nous avons eu des échanges
fort intéressants et nous vous remercions d'avoir accepté de
venir nous rencontrer aujourd'hui. Merci.
M. Fournier: Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Hovington): Merci. Alors, la commission
de l'éducation ajourne ses travaux au 17 décembre, après
la période des questions.
(Fin de la séance à 18 h 30)