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Version finale

34e législature, 2e session
(19 mars 1992 au 10 mars 1994)

Le mercredi 24 février 1993 - Vol. 32 N° 33

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur l'avant-projet de loi modifiant le Code des professions et d'autres loi professionnelles


Journal des débats

 

(Dix heures cinq minutes)

Le Président (M. Gautrin): Le quorum de la commission étant atteint, je vais déclarer la commission de l'éducation ouverte. Je vais commencer par vous rappeler le mandat de cette commission: procéder à des auditions publiques sur Favant-projet de loi, Loi modifiant le Code des professions et d'autres lois professionnelles. M. le secrétaire, est-ce que vous avez des remplacements, s'il vous plaît?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Boucher Bacon (Bourget) est remplacée par M. Philibert (Trois-Rivières); M. Gobé (LaFontaine), par M. Richard (Nicolet-Yamaska).

Le Président (M. Gautrin): Est-ce qu'il y a d'autres remplacements?

Le Secrétaire: Non.

Le Président (M. Gautrin): Merci. Alors, je vais vous lire l'ordre du jour et on va l'adopter formellement. Nous sommes ici pour faire des auditions publiques. À 10 heures, nous devons recevoir l'Ordre des ingénieurs, qui est déjà présent; à 11 heures, la Corporation professionnelle des comptables en management accrédités du Québec; à 12 heures, la Corporation professionnelle des conseillers en relations industrielles du Québec; à 15 heures, la Chambre des notaires du Québec; à 16 heures, la Corporation professionnelle des comptables généraux licenciés du Québec; à 17 heures, l'Ordre des pharmaciens du Québec; à 18 heures, la Corporation professionnelle des traducteurs et interprètes agréés du Québec; et nous devrions ajourner à 19 heures. Est-ce que cet ordre du jour est accepté?

M. Tremblay (Rimouski): Difficilement, mais accepté.

Le Président (M. Gautrin): Difficilement, mais accepté. Merci, M. le député de Rimouski.

Ordre des ingénieurs du Québec (OIQ)

Alors, pour suivre notre ordre du jour, il me fait plaisir d'accueillir ici l'Ordre des ingénieurs. Je pense que c'est M. Jean-Pierre Sauvé...

M. Sauvé (Pierre): Pierre Sauvé.

Le Président (M. Gautrin): Pardon? Pierre Sau- vé. J'avais barré le nom de votre président remplacé, simplement. Excusez-moi. M. Pierre Sauvé va être le porte-parole. Vous connaissez, bien sûr, les règles, parce que ce n'est pas la première fois que vous venez. Vous avez une heure qui vous est consacrée, fractionnée en trois portions de 20 minutes: 20 minutes pour faire votre exposé et présenter votre mémoire, 20 minutes réservées aux députés ministériels, pour les questions qu'ils voudront bien vous poser, et 20 minutes pour les députés de l'Opposition, pour les questions qu'ils pourront vous poser. Alors M. Sauvé, vous avez la parole.

M. Sauvé: M. le Président de la commission de l'éducation, M. le ministre responsable de l'application des lois professionnelles, mesdames et messieurs de la commission, au nom de l'Ordre des ingénieurs du Québec, nous vous remercions de l'occasion que vous nous offrez de faire valoir notre point de vue sur l'avant-projet de loi modifiant le Code des professions et d'autres lois professionnelles. En l'absence de notre président, l'ingénieur Jean-Pierre Brunet, présentement à l'extérieur du pays, j'aurai le privilège, en ma qualité de vice-président aux affaires professionnelles, de le remplacer ce matin. Je me présente: mon nom est Pierre Sauvé et je suis accompagné, à ma droite, de l'ingénieur Hubert Stéphenne, secrétaire et directeur général de l'Ordre; à ma gauche, de l'ingénieur Luc Laliberté, directeur des affaires professionnelles et syndic à l'Ordre des ingénieurs du Québec.

Constitué en 1920, l'Ordre des ingénieurs du Québec regroupe près de 37 000 membres actifs dans tous les secteurs de la société. La contribution des ingénieurs est de plus en plus essentielle, comme vous le savez, à la vie socio-économique du Québec. Elle se manifeste dans des domaines clés importants pour le présent et, surtout, pour l'avenir. Dans la pratique professionnelle, l'ingénieur doit se conformer à des normes élevées de compétence et d'éthique qui soient à la mesure de l'importance de son rôle et de ses responsabilités. Dans ce contexte et en s'inspirant de la longue tradition d'excellence de la profession, l'Ordre a déterminé les quatre valeurs fondamentales de l'ingénieur, à savoir: la compétence, le sens de l'éthique, la responsabilité et l'engagement social. (10 h 10)

De tout temps, l'Ordre des ingénieurs du Québec et ses membres se sont préoccupés de la protection du public, et ce, bien avant l'avènement du Code des professions. À titre d'exemple, voici quelques-unes des initiatives que l'Ordre a prises dernièrement en vue d'assurer cette protection. Un guide de pratique professionnelle: ce recueil des règles de l'art est axé sur les

besoins et la satisfaction du client. Il rappelle à tous les ingénieurs les éléments à considérer pour fournir un service d'excellence. Tous les membres ont reçu ce document qui sert d'exemple partout au Canada dans le domaine de l'ingénierie.

Au niveau de la déontologie, l'Ordre est sur le point de publier un volume portant sur la doctrine et un recueil sur la jurisprudence en matière de déontologie de l'ingénieur. L'Ordre vient aussi tout récemment de proposer au gouvernement de modifier son règlement sur l'admission pour imposer à tous les candidats un examen en cette matière.

Au niveau de la formation, le génie, on le disait tantôt, est une des professions qui évoluent le plus rapidement. L'Ordre a donc préparé un manuel de formation continue et mis sur pied une table de concertation regroupant les représentants des principaux intervenants. Dans un avis soumis à la ministre de l'Enseignement supérieur en novembre 1992, le Conseil des universités félicitait l'Ordre pour son initiative dans la formation de ses membres. Son plan descriptif en matière d'étude des besoins, de promotion de la formation et de concertation entre les principaux partenaires concernés est vu actuellement comme un modèle. L'ensemble de ces initiatives démontre que les ingénieurs prennent au sérieux l'importance de la qualité de leur pratique pour la protection du public. L'Ordre des ingénieurs du Québec est fier de la crédibilité de la profession qu'il encadre.

La diversité des professions: une réalité incontournable. Le Code des professions impose des obligations et des devoirs uniformes à toutes les corporations dans l'objectif de la protection du public. Il a été élaboré dans l'esprit des professions de la santé où l'acte professionnel est posé au bénéfice d'un seul individu. Il ne présente pas la flexibilité qui permettrait de refléter la disparité des diverses professions au Québec. Il faut bien comprendre qu'un acte professionnel de génie est souvent posé par ou pour une institution ou une personne morale, dont les représentants sont bien au fait de la nature et de la complexité de cet acte. Dans notre profession, comme dans celle des architectes par exemple, la relation personnalisée citoyen et professionnel est bien limitée et bien différente de celle du médecin avec son patient ou de l'avocat avec son client. À preuve, avec environ 16 % des membres des corporations professionnelles au Québec, l'Ordre traite moins de 2 % des enquêtes de toutes les corporations et, à ce jour, en 1992-1993, moins du quart de celles-ci proviennent de particuliers, proviennent de citoyens. l'examen de l'avant-projet de loi a porté sur quelque 70 des principaux articles qui concernent l'ordre. l'ordre des ingénieurs approuve plus de 50 % des dispositions de cet avant-projet, exprime de sérieuses réserves à propos de 20 % d'entre elles et se montre en désaccord avec environ 30 %. dans son mémoire, l'ordre a voulu démontrer qu'il n'y pas de raison suffisante pour que l'office se voie octroyer plus de pouvoirs ni de fondement sérieux pour soutenir les dénon- ciations publiques qu'ont subies les corporations professionnelles dans leur ensemble depuis quelque temps.

L'Ordre approuve entièrement la composition proposée de 7 membres, dont 2 proviendraient de l'extérieur des professions. Nous soumettons cependant que 4 membres devraient être choisis à partir de la liste fournie par le Conseil interprofessionnel du Québec. L'Ordre est d'avis qu'une représentation majoritairement professionnelle doit être préservée au sein de l'Office. En revanche, l'Ordre estime qu'aucune situation présente ne justifie que les rôles respectifs du gouvernement, de l'Office et des corporations soient changés.

En toute matière, il revient au gouvernement d'assurer la protection du public. De par le Code des professions, l'Office a pour fonction de veiller à ce que chaque corporation assure la protection du public, et en matière d'activité professionnelle, il nous revient, il revient à chaque corporation d'en contrôler l'exercice pour assurer la protection du public. En vertu du pouvoir de surveillance dont l'Office dispose actuellement, il peut faire rapport au gouvernement et ce dernier peut placer sous le contrôle de l'Office toute corporation qui ne remplit pas ses obligations.

L'Ordre trouve légitime que le Code contienne des dispositions précises à cet égard. Toutefois, l'Ordre ne peut concevoir que l'Office, par substitution, soit habilité en matière d'inspection professionnelle, de discipline et de répression de pratique illégale dans une profession, quelle qu'elle soit. L'Ordre conclut de l'examen du Code existant que l'Office dispose actuellement des pouvoirs nécessaires pour agir dans toutes les activités rendues obligatoires par le Code en vue de contrôler l'exercice de la profession.

Pour les raisons mentionnées précédemment, l'Ordre trouve normal que le législateur conserve à l'Office son pouvoir actuel d'imposer les règlements prescrits par le Code si les corporations négligent de les adopter dans un délai raisonnable. Cependant, l'Ordre a certaines réserves en ce qui concerne l'attribution à l'Office du pouvoir de déterminer par règlement des normes relatives à la confection, au contenu, à la mise à jour et à la publication du tableau des membres d'une corporation. Actuellement, chaque corporation gère son tableau selon ses propres besoins et y détermine des catégories de membres qui correspondent à la réalité de la pratique de ses membres. L'Ordre s'oppose fermement à ce que l'Office réglemente la façon dont notre corporation devra transiger avec les institutions d'enseignement auxquelles le gouvernement aura accordé, par décret, le pouvoir de décerner des diplômes donnant ouverture à un permis de pratique.

En matière d'admission, à l'instar de l'Office, l'Ordre veut aviser le gouvernement sur les diplômes donnant accès au permis de pratique. L'Ordre estime être le plus apte à donner un avis éclairé au gouvernement sur la valeur des diplômes émis par les écoles et facultés de génie du Québec. C'est d'ailleurs un rôle qu'il joue actuellement et qu'il veut garder, pour le bien

du public. L'Ordre des ingénieurs sait certainement mieux que quiconque quelles sont les normes qui devraient être respectées pour qu'un permis puisse être délivré à un diplômé universitaire. Grâce au système actuel, les ingénieurs québécois peuvent aisément obtenir le droit de pratiquer leur profession dans les autres provinces. D'ailleurs, l'Ordre est heureux de souligner qu'il vient de signer une entente avec la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration pour une collaboration au processus d'évaluation de la formation universitaire des ingénieurs étrangers candidats à l'immigration.

Pour ce qui est du droit d'exercice que l'avant-projet de loi propose d'accorder aux étudiants, aux stagiaires, aux professeurs, aux maîtres de stages, il ne doit pas atténuer la portée de l'acte professionnel, qui est en soi un acte de responsabilité envers autrui. L'Ordre accepte que des actes dits réservés puissent être portés par des non-membres aux fins d'apprentissage ou d'expérimentation, par exemple.

Dans un autre ordre d'idées, l'Ordre souscrit à la modification rendant possible la délivrance de permis à des personnes n'ayant pas la citoyenneté canadienne. De même, l'Ordre approuve totalement les dispositions de l'article 45 accordant aux corporations le pouvoir de refuser à tout individu trouvé coupable d'infraction disciplinaire ou pénale à l'extérieur du Québec la délivrance d'un permis ou l'inscription au tableau de l'Ordre. L'obligation de fournir une garantie annuelle de la responsabilité professionnelle, prévue au troisième paragraphe de l'article 46, pour l'inscription au tableau empêchera ceux de nos membres qui sont en chômage de conserver leur droit de pratique et, surtout, leur titre d'ingénieur. Cette obligation causera aussi des tracas à la majorité de nos membres salariés. L'Ordre accepterait que cette disposition s'applique à ceux qui exercent leur profession en contact direct avec le public.

En ce qui a trait à l'administration, toute corporation qui compte plus de 5000 membres — il y en a actuellement 7 — devrait pouvoir coopter un certain nombre d'administrateurs au Bureau, à l'instar de ce qui existe actuellement dans tous les conseils d'administration des établissements de santé et services sociaux. Une telle disposition permettrait de faire nommer au Bureau des personnes dont les compétences et les habiletés sont jugées utiles à l'administration de la corporation, et ce, pour une meilleure protection du public.

Par ailleurs, l'Ordre souscrit à la disposition de l'article 65 de l'avant-projet qui donnera aux corporations la possibilité d'établir au sein de leur Bureau une représentation par secteur d'activité. Il approuve aussi les mesures visant à accorder aux fondés de pouvoir des corporations une protection accrue contre la possibilité d'une destitution. De même, il approuve les modifications permettant au Bureau d'établir certaines dispositions par résolution plutôt que par règlement. (10 h 20)

Par contre, l'Ordre des ingénieurs du Québec a de sérieuses réserves au sujet du paragraphe 4° de l'article 87, qui obligerait dorénavant les Bureaux des corporations à adopter des dispositions pour contraindre le professionnel à remettre à son client copie des documents qui le concernent dans tout dossier. En effet, l'ingénieur ne remet généralement pas à son client les éléments qui font partie du dossier technique. Le droit d'accès à un dossier technique et sa propriété sont deux notions qui ne doivent pas être confondues. En revanche, l'Ordre souscrit à l'obligation de déterminer par règlement une procédure de conciliation de différends entre les professionnels et les personnes recourant à leurs services.

L'Ordre souscrit entièrement à toutes les propositions relatives à l'inspection professionnelle. Elles sont souhaitables et bien nécessaires. L'Ordre est cependant d'avis que son Bureau devrait, comme pour l'inspection professionnelle, avoir le pouvoir de nommer des enquêteurs pour assister les syndics et leurs adjoints dans l'exercice de cette partie de leurs fonctions qui consiste à surveiller les faits.

Au niveau de la discipline, le rôle que le Code des professions donne au système disciplinaire est interne dans la profession. C'est un mécanisme de sanctions imposables aux professionnels par les pairs, parfois un mécanisme de règlement de différends entre eux. Doit-on rappeler que la raison d'être du système disciplinaire actuel n'est pas de redresser les injustices que l'usager du service professionnel peut avoir subies. Il existe d'autres instances pour rendre justice à l'usager. L'instance disciplinaire est, dans son état actuel, additionnelle, distincte et différente. C'est une justice essentiellement punitive plutôt que correctrice ou réparatrice. Cela semble fort mal compris du public particulièrement.

Tout en réaffirmant sa confiance dans les règles qui encadrent actuellement la discipline, l'Ordre accepte que cette activité interne devienne plus transparente aux yeux de la population et approuve toutes les mesures destinées à faciliter l'accès aux audiences publiques.

Comme vous le savez, avant 1988, les audiences des comités de discipline se déroulaient à huis clos. Depuis, elles sont ouvertes au public. C'est une grande règle de transparence en soi. Pour favoriser la célérité, l'avant-projet de loi propose que la décision du comité de discipline soit prise à la majorité des membres. L'Ordre comprend que lorsque deux membres du comité seront d'accord sur une décision, ils pourront la rendre sans l'opinion du troisième, ce qui paraît très acceptable.

L'avant-projet de loi prévoit la constitution d'un comité d'examen des plaintes qui aurait notamment pour mandat de lui donner son avis dans tous les cas où le syndic décide de ne pas porter plainte. Mais, en pratique, comment un syndic pourra-t-il affirmer sous serment qu'il a la conviction qu'un membre a enfreint une disposition réglementaire lorsque après avoir conclu, faute de conviction, qu'il n'y avait pas lieu de porter plainte, il aura reçu l'ordre de porter plainte quand

même? À noter que, chez nous, 20 % des enquêtes sont ouvertes par les syndics eux-mêmes; 45 % découlent d'une demande du public institutionnel et 35 % sont entreprises à la suite de requêtes de membres qui pensent avoir été lésés par un autre ingénieur.

L'Ordre n'a d'autre choix que de rejeter cette proposition, telle que libellée, pour le comité des plaintes. Il préférerait nettement la constitution d'un comité qui aurait un rôle d'aviseur auprès du syndic, suivant les volontés et les besoins de chaque corporation.

Enfin, l'Ordre est d'avis que, dans beaucoup de cas, ce sont les règles du droit et de la jurisprudence disciplinaire qui empêchent les corporations professionnelles d'exercer les pouvoirs qui seraient requis pour assurer la protection du public. Il n'y a qu'à regarder l'échec des procédures disciplinaires entreprises contre un ex-ingénieur, dans l'affaire de l'entrepôt de BPC de Saint-Basile-le-Grand, pour mesurer nos limites actuelles. À cette fin, il nous faut pour l'Ordre — on le demande, on demande au gouvernement que l'article 107 de la Loi sur le Barreau soit étendu à l'ensemble des professions du Québec.

Rapport du syndic à l'Office. En vertu de l'article 123 de l'avant-projet de loi, le syndic qui n'a pas terminé son enquête dans les 60 jours suivant la réception d'une demande devra informer l'Office en lui transmettant un rapport écrit. À quelle fin? Allons-nous sacrifier ici la qualité à la vitesse? Les enquêtes des syndics de l'Ordre des ingénieurs exigent, en moyenne, la rencontre de six à huit personnes et l'examen d'un grand nombre de documents. L'Ordre trouve néanmoins légitime que la personne ayant demandé qu'une enquête soit tenue veuille être informée de son déroulement. Il accepte donc que, sur demande, le syndic doive rendre compte à cette personne des démarches entreprises après le début de l'enquête.

Les propositions de l'Office visent aussi à abroger plusieurs articles de la Loi sur les ingénieurs. Dans le droit actuel, la Loi sur les ingénieurs habilite le Bureau à délivrer un permis restreint d'ingénieur stagiaire à un candidat qui ne réunit pas toutes les conditions du permis régulier. L'Ordre juge fort avantageux pour la protection du public de pouvoir ainsi donner un statut clair à ces personnes et de contrôler en même temps leur pratique. En ce sens, l'Ordre demande que soit maintenu et même amélioré l'article 11 de la Loi sur les ingénieurs. D'ailleurs, une telle disposition est revendiquée par le Barreau, et l'Office nous a fait savoir, récemment, qu'il partageait notre point de vue sur ce sujet.

L'article 24 de la Loi sur les ingénieurs stipule que tous les plans et devis des travaux d'ingénierie doivent être signés et scellés par un ingénieur. Cependant, aucune disposition de cette loi n'oblige un maître d'oeuvre de construire avec de tels plans d'ingénieur. Il faut se rappeler, voilà quelques années, l'effondrement d'Habitat Sainte-Foy, au début des années quatre-vingt. Dans notre loi, il s'agit d'une belle échappatoire et on demanderait que cette lacune soit comblée en même temps qu'on adopterait les dispositions.

En conclusion, tout bon ingénieur s'assure de bien connaître le problème auquel il fait face avant de proposer des solutions, solutions dont il analyse, bien sûr, l'impact prévisible avant de les mettre en application. Dans cette optique, l'Ordre croit que l'analyse de la situation devrait être reprise avant que des changements majeurs ne soient proposés au système professionnel québécois. C'est devant ce constat que l'Ordre exhorte le gouvernement à maintenir intact le principe de l'autogestion des professions qui a su si bien servir notre société au cours des 20 dernières années; de sanctionner dès maintenant les propositions qui simplifient le processus réglementaire, bonifient l'inspection professionnelle et rendent plus transparent l'encadrement disciplinaire; de revoir en profondeur, avec la collaboration des parties intéressées, l'avant-projet de loi afin de le corriger et de le bonifier dans le respect de l'équilibre entre les composantes du système professionnel du Québec.

L'Ordre offre évidemment au gouvernement son entière collaboration pour moderniser le Code des professions et le rendre ainsi plus transparent, plus souple, plus accessible et moins coûteux. M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs, en mon nom personnel et au nom de l'Ordre des ingénieurs du Québec, je vous remercie de votre bienveillante attention. Mes collègues et moi, nous nous ferons un plaisir, si tel est votre bon vouloir, de répondre maintenant à vos questions.

Le Président (M. Gautrin): Merci, M. Sauvé. Alors, je passerai maintenant la parole au ministre responsable et député d'Abitibi-Est. (10 h 30)

M. Savoie: Merci beaucoup, M. le Président. Permettez-moi également de saluer les représentants de l'Ordre des ingénieurs qui nous ont fait une présentation et une analyse fort positives, finalement, du projet de loi, avec des commentaires, des critiques, des éléments qui semblent, évidemment, leur plaire moins. Toutefois, on m'indique qu'il y a un élément que vous présentez aujourd'hui dans votre présentation, qui clarifie un élément de votre mémoire et apporte, finalement, une piste intéressante qui risque de demander beaucoup de travail de notre côté, mais qui serait structurante, je pense, pour l'ensemble du monde professionnel, c'est-à-dire la notion que vous avez soulevée au niveau des enquêteurs et des inspecteurs vis-à-vis du syndic, et les articles 122 et 112. Ça va certainement être examiné. Je pense que c'est reçu favorablement. Je suis certain que l'Office va se pencher sur cet élément-là et en faire une analyse serrée.

Vous avez soulevé qu'effectivement une bonne partie du projet de loi propose une avenue structurante. Vous êtes d'accord avec certains principes. Plutôt que de s'étendre sur les fleurs, on va plutôt aller voir ce sur quoi nous ne sommes pas en accord et voir exactement

les motifs qui vous amènent à vous opposer, par exemple, à un pouvoir accru de surveillance et d'intervention de la part de l'Office, de même que sur la structure du comité des plaintes, parce qu'on sait que c'est un élément important.

Je suis certain que vous êtes bien au courant du débat actuel opposant une vision qui dit qu'on doit prendre nos distances vis-à-vis d'une concentration de l'administration de la discipline par les pairs, qu'on doit chercher à introduire des citoyens non professionnels dans le mécanisme, dans le but de lui donner une position de transparence et, également — je pense que c'est fondamental — que le citoyen, finalement, non seulement ait justice sur le fond, mais qu'il y ait également apparence de justice. Personne ne conteste, sauf, évidemment, certains groupes bien particuliers... Je pense que personne ne conteste que, d'une façon générale, le système, l'administration et la discipline fonctionnent bien au sein du monde professionnel. Là où il y a contestation, toutefois, c'est que, pour les fautes mineures, on ne sent pas cette apparence de justice. Ce qu'on sent, c'est que, finalement, le grand public a une impression de protectionnisme, une excuse facile de dire «ah oui, il protège son collègue de classe». C'est une argumentation qui est rapidement dépassée, mais il reste néanmoins qu'il faut s'adresser cette question-là et qu'il y a des éléments là-dedans qu'il faut renforcer: cette notion d'apparence, cette notion aussi d'ouverture du système professionnel à une plus grande intervention au niveau de l'administration de la discipline. le mécanisme qui a fait l'objet de beaucoup de discussions et sur lequel, finalement, l'office s'est arrêté, c'est l'introduction du comité des plaintes, composé donc de deux citoyens et trois professionnels. vous, vous arrivez et vous dites: c'est lourd; c'est lourd et on préfère, finalement, un comité consultatif à cause de la lourdeur — j'imagine également à cause des coûts — parce que, comme vous dites, vous, vous avez seulement 2 % des plaintes qui sont déposées sur une base annuelle, au niveau de l'ensemble du système professionnel. vous dites, finalement, qu'un comité pourrait servir la même fin, non pas un comité, mais une structure beaucoup plus légère pourrait servir la même fin. pourtant, vous savez fort bien qu'à l'extérieur du monde professionnel on demande beaucoup plus; on demande même... ma première question, c'est: est-ce que, si c'était sur une base de désignation, c'est-à-dire que, au lieu de forcer chaque corporation à introduire un comité des plaintes, si c'était, par exemple, «des corporations seraient désignées à établir un comité des plaintes», est-ce que ça pourrait alléger votre critique sévère au niveau du comité des plaintes?

M. Sauvé: Vous savez qu'au gouvernement on veut de plus en plus donner de l'imputabilité aux différents organismes, etc. Je pense qu'il doit en être ainsi pour les corporations professionnelles. Donc, imposer un mécanisme très bien balisé, établi. Je pense que les corporations peuvent avoir des approches différentes. Je pense que le but, ce qui est important dans tout ça, ce n'est peut-être pas le mécanisme. Nous autres, on parle d'un comité aviseur. Vous parlez d'un comité du traitement des plaintes. Mais ce n'est peut-être pas le... Il ne faudrait peut-être pas imposer un mécanisme bien rigide par votre loi ou par réglementation. Nous, ce qu'on propose ici, c'est un comité aviseur parce qu'on trouve que, si on a un comité des plaintes... Je pense que ça se ferait aussi au détriment du rôle du syndic, dans un certain sens. Comme je le disais tantôt — et le syndic vous donnera plus d'information là-dessus — moi, je serais mal à l'aise, être syndic et, si, par conviction, j'avais mis ce dossier-là et qu'il n'y a pas de matière à discipline, et qu'on me dise: Écoute, il faut que tu y ailles, défends-le devant le Tribunal des professions, tout ça... Disons que je pense qu'il y a des difficultés dans ce mécanisme-là. Il y a certaines incohérences, si vous permettez l'expression, dans le mécanisme.

Je vais demander, si vous le permettez, à M. Luc Laliberté de compléter ma réponse.

Le Président (M. Gautrin): M. Laliberté.

M. Laliberté (Luc): Oui, M. le Président. Le comité proposé est un comité contraignant en ce sens qu'il devient un comité, à notre point de vue, quasi judiciaire avec le pouvoir de convoquer des gens, d'entendre des témoignages et de se faire une idée. Donc, pour nous, c'est une activité supplémentaire et en parallèle avec ce qui a déjà été fait. C'est comme de la vérification. Alors, c'est en ce sens-là que nous estimons que le comité proposé est un comité qui alourdit le système, qui est entre une activité supplémentaire dans le système et... Comme c'est un comité de gens à temps partiel, eh bien, les réunions de ce comité-là vont se dérouler périodiquement, sur une base mensuelle peut-être, quelque chose du genre. Donc, qui augmente les délais.

Le comité aviseur que nous proposons est un comité pour nous sensibiliser et pour permettre une meilleure transparence au plan du public, mais je dois vous dire qu'en autant que le public, les gens, les particuliers sont bien informés par le syndic, chez nous, du moins dans notre corporation, nous sentons qu'ils sont satisfaits des informations, même s'ils sont déçus. Ils comprennent les situations.

Un exemple typique, c'est l'inspection des maisons usagées. Un acheteur se propose d'acheter. Il fait appel à un ingénieur pour faire une inspection visuelle. Il y a un rapport. Un mois après, il découvre que les robinets coulent, que l'électricité est défaillante, que la fumée entre dans la maison, etc. Il porte une plainte contre l'ingénieur. Mais là, lorsqu'on dit à la personne: Cette inspection-là peut être faite par n'importe qui, ce n'est pas un acte légalement réservé aux ingénieurs, nous sommes dans l'impuissance de traduire ce membre-

là devant le comité de discipline. D'ailleurs, nous avons déjà perdu des causes de cette nature devant le comité de discipline. Alors, la loi nous contraint, la jurisprudence nous contraint à fermer le dossier, mais on sympathise beaucoup avec vous. C'est vrai que vous avez fait appel à un ingénieur, en confiance. Il devait vous donner un bon service. Malheureusement, il n'a pas fait le travail comme il aurait dû le faire. Alors, là, le citoyen se sent bien rassuré, mais il est quand même déçu. Je me serais attendu à plus d'un ingénieur.

Alors, c'est dans ce sens-là qu'on pense que le comité qui est proposé ne pourra pas régler de problèmes semblables. Même s'il y aura apparence de participation du public, c'est plutôt de dispositions supplémentaires qu'on a besoin dans notre loi, et c'est une plus grande ouverture de notre part envers le public. Lorsqu'on donne des raisons au public, il faut être réellement complet et lui en donner jusqu'à ce qu'il soit satisfait.

Le Président (M. Gautrin): Merci. Sur la même question, si vous n'avez pas d'objection, Mme la députée de Terrebonne et M. le député de Sherbrooke vont intervenir. Est-ce que vous avez objection?

Des voix: Non.

M. Hamel: Merci, M. le Président. Pour continuer dans le même sens, est-ce que vous pourriez nous expliquer davantage votre mécanisme de traitement des plaintes, à l'Ordre des ingénieurs? (10 h 40)

M. Laliberté: Normalement, quelqu'un qui veut se plaindre nous appelle: un ingénieur, une municipalité ou un particulier nous appelle. Alors, nous prenons tout au téléphone. Ce sont les syndics eux-mêmes qui écoutent la personne. Si c'est trop compliqué, si c'est trop laborieux, s'il y a des documents, si l'échange téléphonique dure trop longtemps, on ne se voit pas, nous offrons à la personne d'aller la rencontrer chez elle, à l'heure qui lui convient, à l'endroit qui lui convient, et nous avons un préposé qui s'occupe d'aller rencontrer la personne, de passer le temps qu'il faut, plusieurs heures avec elle, afin de prendre sa plainte au complet en fonction des détails qui sont pertinents à notre déontologie et à nos pouvoirs. Un rapport nous est fait, un rapport est fait au syndic et c'est à partir de ce rapport-là que l'échange entre le syndic et le plaignant commence et que, là, d'autres personnes sont rencontrées pour... Alors, c'est un procédé très, très, très simple. Je pense que c'est le plus simple qu'on peut donner, le service à la clientèle. Tout...

Le Président (M. Gautrin): Merci. Alors, vous avez terminé? Je peux passer maintenant à Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, je vous remercie beaucoup, M. Sauvé, M. Stéphenne et M. Laliberté. Votre mémoire est particulièrement intéressant au niveau de la présentation puisque vous avez pris la peine de nous donner des statistiques et aussi de présenter les diverses problématiques. Donc, vous êtes bien conscients des commentaires qu'on entend généralement dans le public. Vous les avez analysés, commentaire par commentaire. Je pense qu'être conscient de cette réalité, c'est déjà un premier pas vers les solutions.

Au niveau des chiffres, c'est particulièrement révélateur que, finalement, à l'Office des professions, en 1989-1990, il y a eu seulement 59 plaintes contre le système professionnel en général. Pourtant, l'Office n'est pas perçu par le public comme à la défense des corporations professionnelles, donc à la défense des professionnels comme tels. Donc, cet élément-là ne joue pas pour empêcher le public de déposer des plaintes à l'Office. Non, 59 plaintes sur l'ensemble des interventions, ce n'est évidemment pas beaucoup. Du côté du Protecteur du citoyen qui reçoit régulièrement des plaintes de toutes sortes, même si elles ne sont pas de sa juridiction — et il reçoit effectivement beaucoup de plaintes qui ne sont pas de sa juridiction — en trois ans, six dossiers concernant l'Office des professions, c'est évidemment minime et ce n'est vraiment pas beaucoup de demandes. Je pense que, ça, c'est important. Vous nous rappelez également, en page 8, que finalement, parmi les cas qui ont été cités dans le public, on relève principalement trois cas — et ce sont trois professionnels d'une seule et même corporation qui fait souvent l'objet des critiques auprès de la population — et c'est finalement 17 000 membres sur les 230 000 — on nous disait hier que c'est plutôt 240 000 — professionnels. Donc, la question qu'on doit se poser: Est-ce qu'on doit uniquement transformer les structures pour donner cette apparence? Moi, j'avoue que, depuis le début de nos discussions, ce qui m'inquiète le plus, c'est que — et on le cite, à un moment donné — pour apaiser, pour calmer, finalement, on se donne des outils qui vont compliquer notre système, qui vont laisser croire qu'on va améliorer. Dans les faits, le public va être aussi déçu parce qu'on ne donnera pas, en ayant pris tout notre temps pour toucher aux structures, véritablement, et peu importe à qui on les donne, les vrais pouvoirs et les vraies dispositions supplémentaires nécessaires pour pouvoir agir dans tous les cas. L'exemple de M. Laliberté, je pense, il est excellent à cet égard-là. Effectivement, il faut qu'on donne des dispositions supplémentaires pour qu'il puisse y avoir non seulement apparence de justice, mais justice pour le public qui se plaint. Je pense qu'il va falloir qu'on garde cet élément-là en tête et que les décisions aillent dans ce sens-là. On ne peut pas juste installer un système au niveau de l'apparence. En tout cas, quant à moi, ça ne me suffit pas, uniquement l'apparence.

Vous nous avez parlé aussi, dans les dispositions nécessaires, de pratique illégale. Vous avez cité là aussi un cas célèbre et je pense que votre proposition au

niveau de l'article 107 de la Loi sur le Barreau vous donnerait davantage d'outils. Parmi ces outils-là qui seraient nécessaires, les outils supplémentaires, est-ce que vous pouvez nous donner d'autres exemples?

M. Sauvé: D'outils supplémentaires, toujours dans le domaine...

Mme Caron: Oui.

M. Sauvé: ...des mesures disciplinaires? Disons que, nous, en termes de... Donc, à part cela... Est-ce que, Luc, tu voudrais ajouter?

M. Laliberté: Je crois qu'un outil supplémentaire, en fait, que j'aimerais, moi, c'est d'avoir l'autorité de pouvoir réprimander des membres personnellement ou de les avertir et de placer ça dans leur dossier en cas d'une récidive supplémentaire, que ça puisse être porté au comité de discipline pour améliorer la gravité de l'infraction. Il y a souvent des infractions mineures. Par exemple, un ingénieur qui — et ça, ce sont des plaintes qu'on reçoit du public... La personne m'appelle, ça fait un an que je lui demande le rapport de l'expertise et elle ne me l'a pas encore fourni; je porte plainte. Donc, là, on entreprend des démarches avec l'ingénieur et l'ingénieur nous dit: Eh bien, je suis débordé d'ouvrage, j'ai ci, j'ai ça, il me manque un rapport d'expert. En fait, il a quelques raisons, mais on dit: La madame, elle veut l'avoir, son rapport, alors je te somme de lui donner d'ici à un mois ou je t'avertis que si tu ne lui donnes pas, je pourrai porter ton dossier au comité de discipline. Et là, l'avertissement que je lui aurais donné servirait de preuve de gravité supplémentaire à l'infraction. Je n'ai pas ce pouvoir-là. En fait, si je l'exerce, mon confrère peut dire: Tu n'as pas le droit de me dire ça.

Alors, j'aimerais qu'on puisse avoir une espèce... D'ailleurs, on veut donner ce pouvoir-là au comité des plaintes, de réprimander sans que ce soit un tribunal de justice. Alors, je me demande pourquoi le syndic n'aurait pas ce pouvoir-là. Moi, je considère que mes fonctions sont réellement des fonctions de maître de discipline de ma profession et je considère que parfois je devrais avoir un peu d'autorité pour imposer quelque conduite à des membres.

Mme Caron: Je pense que c'est intéressant, M. Laliberté, la piste que vous nous ouvrez. Finalement, ce que vous nous dites, c'est que si le public ne se sent pas protégé, c'est que, finalement, les syndics n'ont pas tous les pouvoirs nécessaires et ce n'est pas parce que les syndics sont payés par la corporation professionnelle, mais bien parce qu'ils n'ont pas les pouvoirs d'agir. Il s'agit de donner des pouvoirs d'agir. La personne qui porte plainte, qu'on lui donne satisfaction, que ce soit par le syndic ou par une autre instance, ce dont elle a besoin, c'est qu'on lui donne satisfaction. Si on ne donne pas plus de pouvoirs à d'autres instances, la personne ne sera pas plus satisfaite, finalement. chez vous, vous nous avez dit que les plaintes, finalement, 20 % des enquêtes sont ouvertes par les syndics eux-mêmes...

M. Laliberté: Oui.

Mme Caron: ...45 % découlent du public et 35 %, ce sont des membres qui demandent des enquêtes par rapport à des pairs. donc, même au niveau des pairs, il y a des demandes et c'est un nombre quand même important.

M. Laliberté: Oui. Oui, assez important.

Mme Caron: Et le fait que le syndic ouvre des enquêtes... Vos enquêtes, est-ce que vous les ouvrez suite à des personnes qui vous déposent des plaintes ou simplement suite à de l'inspection professionnelle?

M. Laliberté: Les enquêtes ouvertes de type proprio motu, c'est ouvert à l'intérieur de la corporation, soit par ce qu'on découvre dans les journaux: un ingénieur est accusé, par exemple, d'avoir exigé des pots-de-vin pour accepter tel contrat ou telle chose; un ingénieur a contrevenu à l'environnement; un ingénieur a fait des erreurs, par exemple, dans la construction d'un hôpital. On le voit par les journaux. Aussi, en relation avec le comité d'inspection professionnelle, on considère que ces enquêtes-là sont ouvertes proprio motu. Dans le cadre de la surveillance générale de la pratique, il y a plusieurs cas qui nous sont rapportés par les inspecteurs; donc c'est ouvert à l'interne. Alors, c'est le genre d'enquêtes, c'est le 20 % à peu près qu'on ouvre de l'intérieur.

Mme Caron: Donc, il y a moins de la moitié des plaintes qui sont portées par le public et les autres enquêtes, quand même, qui servent au niveau de la protection du public.

M. Laliberté: Oui, toujours, toujours. En fait, elle servent pour la réputation de la profession, la renommée de la profession ou l'intégrité de la profession.

Mme Caron: Au niveau de la formation, vous nous avez fait part... Est-ce que, au niveau de la formation, la situation actuelle est satisfaisante? Vous nous avez dit que vous avez déposé une demande à l'Office des professions concernant un examen. (10 h 50)

M. Sauvé : Nous avons déposé au ministre, la semaine dernière, si ma mémoire est bonne, un projet de règlement modifiant le règlement sur les autres conditions d'admission à l'exercice de la profession. Dans ce projet de règlement, le Bureau de l'Ordre a adopté une résolution à l'effet que les nouveaux membres de l'Ordre devraient subir un examen de pratique professionnelle avant l'admission.

Mme Caron: Au niveau des changements, des règlements, habituellement, lorsque vous déposez un règlement à l'Office, on doit compter combien de temps?

M. Sauvé: Disons que, déjà, quand l'Office n'est pas là... Même les règlements du gouvernement, c'était «selon adopté», mais quand on passe par l'Office, il y a toujours un va-et-vient de gauche à droite. Il y a des règlements qui prennent plusieurs années à passer: trois, quatre ans. On a des règlements qui ont pris autant de temps que ça. Nous jugeons absolument inacceptables des délais comme ça. Un avantage de l'avant-projet de loi, il y a certains règlements qui vont pouvoir être adoptés directement par le Bureau. Je crois que ça va rendre beaucoup moins lourd le système et donner plus d'autonomie aux corporations professionnelles dans la gestion de leurs affaires.

Mme Caron: Je vous remercie.

Le Président (M. Gautrin): Merci. M. le ministre responsable, député d'Abitibi-Est.

M. Savoie: Merci beaucoup, M. le Président. À la page 41, vous proposez un organisme de conciliation. J'imagine que le mécanisme que vous proposez va être administré par la corporation professionnelle?

M. Laliberté: Oui.

M. Savoie: J'imagine que ça... Non, c'est correct, M. Laliberté, parce que la prochaine est pour vous, de toute façon. M. Laliberté, ça fait longtemps que vous êtes syndic?

M. Laliberté: Ça fait quatre ans.

M. Savoie: Ça fait quatre ans.

M. Laliberté: Oui, c'est ma quatrième année.

M. Savoie: C'est votre quatrième année. Avant, est-ce que vous étiez avec la corporation professionnelle?

M. Laliberté: Non. Avant, j'étais commissaire à la Commission des transports du Québec.

M. Savoie: Ah, O.K. Vous étiez commissaire à la Commission des transports. Ça fait quatre ans, donc, que vous pataugez dans le monde des syndics et des corporations professionnelles. Est-ce que vous avez déjà entendu dire par d'autres syndics, par vos collègues ou par d'autres corporations professionnelles qu'il y a de l'ingérence dans l'exécution du mandat d'un syndic par rapport, par exemple, à une corporation professionnelle?

M. Laliberté: J'ai entendu dire cela, oui, de la part de mes confrères syndics dans quelques corporations.

M. Savoie: Oui.

M. Laliberté: Mais très peu, très peu.

M. Savoie: Oui, très peu.

M. Laliberté: Ce n'est pas le cas chez nous.

M. Savoie: Non, non. Je n'aurais jamais osé demander chez vous, M. Laliberté, je vous assure.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Savoie: C'est ça. Alors, on entend parler de ces choses-là. Effectivement, ça peut être fondé comme ça peut être non fondé. C'est des rumeurs qui existent à toutes sortes de niveaux dans toutes sortes de circonstances.

M. Laliberté: En fait, c'est une rumeur que j'ai entendue, oui.

M. Savoie: Est-ce que vous avez déjà entendu dire, par exemple, qu'un syndic aurait perdu son emploi ou aurait été transféré suite au non-respect d'une opinion émise par le président d'une corporation professionnelle ou par un membre d'une direction de corporation professionnelle?

M. Laliberté: Non, je ne l'ai pas entendu, mais certains syndics m'ont dit que parfois ils se sentaient peut-être un peu vulnérables. Mais aucun n'a été menacé ou transféré ou quelque chose du genre.

M. Savoie: À votre connaissance? M. Laliberté: À ma connaissance.

M. Savoie: C'est ça, oui. Vous ne sentez pas, comme syndic, qu'un comité des plaintes pourrait peut-être équilibrer cette pression-là?

M. Laliberté: Pas dans ma corporation. En fait, on a essayé de faire ressortir dans notre mémoire la disparité des corporations et des champs d'activité. Ça pourrait peut-être aider à certains endroits, dans certaines corporations, oui, si c'est une assurance supplémentaire. D'ailleurs, on l'a mis comme étant un élément supplémentaire de protection du public, ça.

M. Savoie: D'accord.

M. Laliberté: La procédure de destitution et l'instauration d'un comité qui pourrait ni plus ni moins

endosser le syndic, finalement, ou peut-être lui imposer des volontés, mais pas des volontés contre son gré, contre son éthique, ses convictions, comme on dit. Mais ça pourrait être une assurance supplémentaire pour la protection du public, oui, dans certaines corporations.

M. Savoie: Dans certaines corporations.

M. Laliberté: Peut-être dans certaines. Je ne peux pas nommer lesquelles, mais...

M. Savoie: Oui, d'accord. M. Sauvé, ça fait longtemps que vous circulez dans le monde professionnel également. On a 41 corporations professionnelles au Québec. Il y a une pression constante pour plus. On va être obligé, éventuellement, de déboucher sur une structure pour couvrir des titres réservés davantage, trouver des mécanismes plus souples. C'est en mutation constante. On est toujours en mouvement. Une corporation professionnelle, par exemple, qui refuse d'appliquer un article ou deux de son code de déontologie pour des motifs qu'elle veut étendre leur champ d'application, qu'elle a droit à ça, parce que leur... Vous avez déjà entendu ce discours-là.

L'Office dit au gouvernement: On a de la misère à intervenir, on n'a pas le pouvoir habilitant. Finalement, en termes très crus, ce qu'il veut, c'est cette capacité d'agir, ce qu'on appelle le «bat de baseball». Sentez-vous que, effectivement, ça... Je ne parle pas de l'Ordre des ingénieurs d'aucune façon. Autour de vous, vous ne pensez pas que ça réglerait peut-être puis que ça hausserait la performance de plusieurs corporations professionnelles, rien que la possibilité de l'utiliser?

M. Sauvé: Disons que, moi, je n'en vois pas la nécessité. À moins que le gouvernement n'en voie la nécessité par rapport à certains cas précis et par rapport à certains aspects précis du rôle de certaines corporations, mais, en ce qui nous concerne, disons que nous ne voyons pas le besoin du bâton au bout pour intervenir. Je pense, d'ailleurs, que la majorité, ou en tout cas, l'ensemble des corporations n'ont pas besoin d'avoir un revolver sur la tempe pour agir. Je pense que les administrateurs des corporations sont là pour la protection du public.

M. Savoie: Oui. Actuellement, vous savez tout ce que... Finalement, le seul recours que possède l'Office pour l'exécution de son mandat de surveillance, entre guillemets, c'est de voir, par exemple, à appliquer de la pression par le biais des règlements qui lui sont soumis. Deuxièmement, il y a un article de tutelle. Ça a déjà fait l'objet de discussions. On n'a pas eu l'occasion d'en parler avec M. Castonguay. Mais, finalement, tout ce qui a été retenu, en 1972-1973, lorsque les discussions ont eu lieu, c'était de dire: Si une corporation n'a plus l'argent pour exécuter son mandat, si les fonds ne rentrent plus, elle fait faillite — faillite technique, plutôt, à ce moment-là — le gouvernement pourrait le déclarer. C'est tout ce qui a été retenu. Mais, finalement, si une corporation, par exemple, dit: On n'applique pas tel ou tel article de notre code de déontologie, l'Office fait quoi? Est-ce que le Conseil interprofessionnel doit avoir un pouvoir de tutelle?

M. Sauvé: Non. Je crois, M. le ministre, que le gouvernement, comme vous venez de le dire, a déjà le pouvoir par rapport à la situation financière des corporations. Au niveau de l'Ordre des ingénieurs, je pense qu'on serait d'accord que ce pouvoir-là puisse être élargi pour couvrir la protection du public également. Mais au gouvernement, par exemple.

M. Savoie: Oui. C'est bien sûr que ce ne sera pas l'Office qui va mettre qui que ce soit en tutelle sans l'autorisation du gouvernement. Ça, c'est bien clair. C'est-à-dire que l'Office pourrait faire une recommandation et le gouvernement décidera.

M. Sauvé: Actuellement, on inverse les rôles. Actuellement, c'est le gouvernement qui a ce rôle et, là, on dit à l'Office: Prenez donc le bâton et puis allez-y donc.

M. Savoie: Non, non, non. M. Sauvé: Ha, ha, ha!

M. Savoie: Non, non, non! Je ne sais pas qui vous a laissé croire ça. Ce n'est pas ça du tout! Finalement, ce qui est proposé, c'est que l'Office pourra faire des recommandations au gouvernement, soit... Pardon?

Le Président (M. Gautrin): En conclusion, parce que votre temps est expiré.

M. Savoie: Ah oui! Juste comme c'est intéressant, M. le Président, vous intervenez comme d'habitude. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Savoie: En conclusion, M. le Président...

Le Président (M. Gautrin): À moins qu'il y ait consentement de la part...

Des voix: ...

Le Président (M. Gautrin): II n'y a pas consentement.

M. Savoie: On aura peut-être l'occasion de continuer nos discours après cette commission parlementaire. Mais je vais certainement intervenir dans ce sens-là avec d'autres corporations. Je voudrais que ce soit bien clair

que ce qu'on veut, c'est une opinion de l'Ordre des ingénieurs. On ne voudrait pas que ça reflète, d'aucune façon, sur les ingénieurs en tant que tels, puisqu'on sait que, comme corporation professionnelle, vous jouissez d'une grande réputation. On connaît vos efforts, les efforts que vous avez faits, comme vous l'avez mentionné, par exemple... Vous êtes certainement... Ce n'est pas ce qui est visé. Mais, parce que vous faites partie du monde professionnel, je pense que vous avez à coeur que le monde professionnel lui-même soit mieux vu par la population.

On vous remercie beaucoup pour votre présentation. Comme je vous ai dit, il y a plusieurs éléments qui vont être examinés de très près et certains vont certainement se traduire dans le projet de loi. Merci.

Le Président (M. Gautrin): Merci. Mme la députée de Terrebonne. (11 heures)

Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, j'espère que le ministre ne nous disait pas qu'il trouvait ça intéressant uniquement parce qu'il réfléchissait sur le sujet, là, nous entretenait de son sujet. Je pense qu'au niveau des corporations ce qui ressort, au niveau des tutelles, c'est, évidemment, le problème... Ce qu'on n'a pas dans Favant-projet, c'est que la corporation elle-même puisse réagir, puisse intervenir, et que ce soit uniquement l'Office qui dise: Telle corporation professionnelle est fautive et je recommande au gouvernement de me confier la tutelle, finalement. Et c'est, évidemment, juge et partie, et là je pense que c'est là que les corporations professionnelles avaient un problème.

Dans votre mémoire, page 31, au niveau des audiences, votre premier paragraphe me questionne beaucoup, c'est-à-dire qu'avant 1988 les audiences des comités de discipline se déroulaient à huis clos; elles n'étaient pas ouvertes au public. Et, pour plus de transparence, maintenant, c'est ouvert au public. Mais vous nous dites: À ce jour, ça ne semble malheureusement ni profitable ni populaire. Est-ce que vous pouvez nous donner un petit peu d'explications là-dessus?

Le Président (M. Gautrin): M. Stéphenne.

M. Stéphenne (Hubert): Écoutez, oui, je crois que ce que nous pouvons répondre à ça, c'est que, même si vous faites l'ouverture au public, il n'est pas clair, il n'est pas évident que le public se présente. Il n'est pas évident non plus que le public soit intéressé, si vous voulez, aux affaires des corporations. Je pense qu'on a monté beaucoup en épingle l'insatisfaction du public. Si, à toutes fins pratiques, on considère qu'il y a justice et qu'il y a un manque d'apparence de justice, encore faudrait-il trouver les outils pour corriger cette apparence d'injustice. Absolument aucune proposition ne nous a été faite en ce qui concerne un point névralgique, c'est l'information qu'il y a à donner au public. Nous essayons, à toutes fins pratiques, de corriger des choses qui, visiblement, semblent fonctionner pour donner satisfaction à une clientèle qui, à toutes fins pratiques, a tous les droits d'avoir satisfaction, mais par des moyens qui n'ont rien à voir avec la vraie problématique.

Est-ce que le public est bien informé? Si nous concluons que non, il y a donc, si vous voulez, à revoir l'information qu'on met à la disposition de ce public et non pas nécessairement à ajouter, à trouver toutes sortes d'outils pour tenter de dire au public qu'on l'a bien entendu. Et là je pense que nulle solution de ce type n'a été envisagée, pas plus, d'ailleurs, par la proposition de réforme que par le mémoire de l'Ordre. On vous soumet respectueusement qu'il y a là une avenue à exploiter plutôt que d'essayer, à toutes fins pratiques, de réformer des choses sans conviction profonde que ça va satisfaire le public en question.

Mme Caron: Cet exemple-là, cette phrase-là, c'est un peu dans le sens que vous nous dites: Oui, on s'est déjà donné un moyen pour être plus transparent — les audiences publiques — et ça n'a pas, absolument pas changé la perception du public sur cette transparence-là, parce que les gens n'y vont pas, tout simplement. Ils ne sont pas intéressés, sauf lorsque ça les concerne.

M. Stéphenne: Mme Caron, nous disons que nous sommes d'accord avec une plus grande transparence...

Le Président (M. Gautrin): Vous vous adressez à la présidence, s'il vous plaît.

M. Stéphenne: Excusez-moi. Excusez-moi, M. le Président. Nous sommes d'accord... On ne vous entend pas souvent mais, quand on vous entend... Ha, ha, ha!

Le Président (M. Gautrin): Bien, oui, c'est ça. Il faut croire que j'existe.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Stéphenne: Alors, M. le Président, nous croyons qu'il faut corriger cette situation. Nous sommes ouverts à une plus grande transparence au public, mais nous insistons sur le fait qu'il y a un manque d'information. Et ce manque d'information ne provient pas uniquement des corporations elles-mêmes. Il provient de l'ensemble de la structure. Le citoyen, ce n'est pas nécessairement le professionnel qu'il n'a pas compris; il n'a pas compris l'ensemble du système que nous avons ici, au Québec. Il est totalement ignorant que nous avons un système unique ici, au Québec, par rapport aux autres provinces et par rapport aux autres pays, évidemment; et il confond, à toutes fins pratiques, le rôle du syndic avec le rôle des cours. Alors, que devons-nous faire? Devons-nous modifier substantiellement ce qui a été démontré valable pendant 20 ans, essentiel-

lement parce que le public n'a rien compris? Je m'interroge sérieusement, si vous voulez, sur cette façon de faire. Si on nous dit qu'on veut améliorer le système et que, parallèlement, nous allons nous attaquer à ce problème d'information, nous allons appuyer cette façon de faire et nous allons faire tout notre possible pour aller dans ce sens-là.

Mme Caron: Dernière question. Vous semblez avoir beaucoup de restrictions concernant l'article 87 sur la remise du dossier au citoyen ou à la citoyenne qui demande son dossier. Est-ce que vous pouvez nous expliquer pourquoi vous êtes réticents?

M. Stéphenne: Bien, oui, écoutez, je pense que vous pouvez avoir un plan. Dans le domaine du génie, M. le Président, on donne des plans. Le client achète un plan; il n'achète pas nécessairement le know-how. Écoutez, nous, nous pouvons construire des objets. Nous donnons les plans des objets que nous avons construits; nous ne donnons pas toute la connaissance acquise pendant 10 ans, 15 ans, 20 ans de pratique. Nous pouvons avoir des objets qui sont protégés par brevet. Alors, je vous donne un exemple fort simple. Je peux vous dessiner une radio, avec toutes les composantes, si vous voulez, pour former cette radio: les résistances, les condensateurs, etc. Je vous donne un plan schématique où vous avez, à toutes fins pratiques, le cheminement du courant, etc. Je ne vous donne cependant pas l'endroit exact où je vais mettre les composantes électroniques. Et je vous dirai que la configuration physique de l'objet fait que votre radio marche ou ne marche pas. Alors, je vais vous donner, en même temps que le plan, si vous voulez, de cette radio, je vais vous donner mon cerveau? Nous avons des restrictions à ce chapitre-là.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Gautrin): Merci.

Mme Caron: C'est une des preuves qu'effectivement, dépendamment des corporations professionnelles, l'accès au dossier, ce n'est absolument pas la même chose.

Une voix: C'est ce que nous disons, M. le Président.

Mme Caron: Je vous remercie infiniment. Une voix: Je vous en prie.

Le Président (M. Gautrin): Merci, M. Sauvé, M. Laliberté, M. Stéphenne. La commission tient à vous remercier d'être venus l'éclairer dans ses travaux. Je vais demander maintenant à la Corporation professionnelle des comptables en management accrédités du Québec de bien vouloir s'avancer, et je suspends les travaux pour une minute et demie. (Suspension de la séance à 11 h 7)

(Reprise à 11 h 11)

Corporation professionnelle des comptables en management accrédités (CMA) du Québec

Le Président (M. Gautrin): La commission va reprendre ses travaux pour entendre la Corporation professionnelle des comptables en management accrédités du Québec. J'imagine que c'est M. Renauld qui va faire la présentation.

Une voix: M. Dubé.

Le Président (M. Gautrin): M. Dubé. Alors, écoutez, je vous souhaite la bienvenue. Vous avez compris à peu près quel est le mécanisme de fonctionnement des témoignages en commission. On a une période d'une heure devant nous, qui est fractionnée en trois périodes de 20 minutes: 20 minutes pour vous permettre de présenter votre mémoire, 20 minutes pour les questions des députés ministériels et 20 minutes pour les questions des députés de l'Opposition. Alors, je ne sais pas qui intervient. C'est vous?

M. Dubé (Sylvain): Oui.

Le Président (M. Gautrin): M. Dubé, c'est ça?

M. Dubé: Sylvain Dubé. Oui, c'est ça.

Le Président (M. Gautrin): Sylvain Dubé. Alors, est-ce que vous pourriez présenter les personnes qui vous accompagnent, à ce moment-là, M. Dubé?

M. Dubé: Ça va me faire plaisir, M. le Président. À ma gauche, vous avez M. François Renauld, qui est président-directeur général de la Corporation des CMA, et Me Line Janelle qui est aviseur légal de notre corporation.

Le Président (M. Gautrin): Alors, vous êtes les bienvenus et...

M. Dubé: Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Gautrin): ...vous avez 20 minutes devant vous.

M. Dubé: Donc, M. le Président de la commission, M. le ministre, Mmes et MM. les commissaires, en tant que président du Bureau de la Corporation professionnelle des comptables en management accrédités du Québec, j'aimerais tout d'abord vous dire quelques

mots sur la Corporation ou sur le groupe que je représente. La Corporation a été créée en 1941; donc, nous avons un peu plus de 52 années d'existence. Nous regroupons plus de 3000 membres accrédités et autant de candidats en formation. Nous sommes affiliés, de plus, à la Société des comptables en management du Canada qui, elle, de son côté, regroupe plus de 23 000 membres.

Certains d'entre vous connaissent certainement ce qu'est le CMA, d'autres peut-être un peu moins. Le titre professionnel CMA confère à son détenteur de solides connaissances en comptabilité, plus des pratiques de pointe en management. Le CMA d'aujourd'hui, c'est un gestionnaire encore plus complet grâce aux transformations introduites en 1990 par le nouveau processus de formation et d'accréditation.

Laissez-moi tout d'abord définir rapidement les deux grands champs d'activité de la comptabilité. Premièrement, vous avez la comptabilité publique à laquelle est rattachée plus spécifiquement la vérification. C'est un champ, jusqu'à présent, qui est exercé par les comptables agréés. De l'autre côté, vous avez la comptabilité de management ou de gestion pour laquelle nos membres sont spécifiquement formés. Ces membres, ce sont des décideurs qui agissent dans toutes les sphères de l'activité économique de la province; ils agissent aussi en cabinet ou comme conseillers en management.

Le groupe des CMA que je représente, c'est un groupe de professionnels résolument tournés vers l'avenir. Et, la preuve, vers la fin des années quatre-vingt, lors des fêtes de notre cinquantième anniversaire, la Corporation du Québec et la Société nationale se sont remises fondamentalement en question, ont fait le point sur la profession, sur l'avenir de cette profession. Ces réflexions ont amené d'importants ajustements auxquels nous nous sommes attaqués avec empressement. Donc, l'idée, pour nous, de participer à une bonification du système professionnel ne nous rebute pas. Bien au contraire, selon nous, c'est même sain et nécessaire.

J'attire de plus votre attention sur une autre distinction que celle concernant les champs d'activité de la comptabilité: notre corporation est une corporation à titre réservé. Pour nous, c'est d'une grande importance, cet élément, dans le dossier qui nous préoccupe aujourd'hui puisque, en quelque sorte, on est plus vulnérable qu'une corporation à champ exclusif et nos préoccupations sont naturellement centrées sur la compétence de nos membres. Donc, quand on parle de protéger le public, on sait réellement, je crois, de quoi on parle, et c'est même devenu un geste naturel pour nous.

Depuis sa création, en 1941, la Corporation s'est toujours comportée en bonne citoyenne. Elle a montré que le système professionnel, tel qu'il existe aujourd'hui, lui tient à coeur, et elle l'a démontré par plusieurs gestes concrets. En cela, elle a participé à de nombreuses consultations qui venaient parfois alourdir, bien entendu, des échéanciers déjà très serrés. De plus, elle a collaboré de bonne grâce et très souvent à la mise en place de nouvelles réglementations.

À cette étape-ci, posons-nous la question, le système professionnel mis en place en 1973 est-il bon? Est-il encore utile? À cela, nous disons oui, immédiatement. Pour renforcer ce oui, ce qu'il faut, c'est préserver les fondements d'un système parvenu à maturité; il ne faut pas menacer de rompre l'équilibre atteint. Mais nous disons oui également au fait que le système professionnel actuel a besoin d'ajustements. Il a besoin d'être modifié, bonifié, mis à jour, en quelque sorte, vu l'environnement global différent que nous connaissons aujourd'hui.

Toutefois, nous disons non à l'avant-projet de loi tel qu'il est présenté aujourd'hui à cause de son contenu, bien sûr, mais aussi parce qu'il a été préparé sans consultation et sans concertation réelle avec le milieu, avec ceux et celles qui travaillent sur le terrain depuis bien plus longtemps que les 20 années d'existence du système professionnel. Notons au passage que les relations entre l'Office des professions du Québec et les corporations n'étaient déjà pas des plus sereines depuis quelques années. Par l'avant-projet de loi, est-ce qu'il fallait absolument mettre de l'huile sur le feu et accentuer quelques antagonismes?

Donc, en résumé, je crois que ce que le ministre désire, par l'avant-projet de loi, c'est rendre le système professionnel plus transparent, plus accessible, plus souple, plus rapide et moins coûteux. Et je dois vous avouer franchement que c'est exactement le même but que poursuit notre corporation.

Par contre, nous sommes en désaccord avec les moyens qui sont proposés. Bien sûr, nous avons constaté quelques assouplissements intéressants au chapitre du processus d'adoption réglementaire et d'autres éléments d'intérêt en matière disciplinaire, mais c'est si peu en conformité avec le diagnostic posé que nous ne pouvons dire oui aux propositions mises de l'avant. Pour imager mon propos, je dirais que c'est presque sortir l'artillerie lourde pour tuer une mouche. Vous allez comprendre encore mieux pourquoi dans quelques instants. Pour cela, j'invite M. François Renauld, le président-directeur général de la Corporation. M. Renauld a accepté, l'année dernière, de présider un groupe de travail au sein du Conseil interprofessionnel du Québec, mis sur pied à la demande du ministre Savoie, pour réfléchir, justement, sur le fonctionnement de l'Office des professions du Québec et ses besoins financiers. Je lui laisse maintenant le soin de revenir plus en détail sur chacun des trois volets importants de l'avant-projet de loi. M. Renauld.

Le Président (M. Gautrin): M. Renauld.

M. Renauld (François): Merci, M. le Président. Alors, ce que je vais essayer de faire dans les prochaines minutes, c'est de brosser un tableau sommaire des principales réflexions et préoccupations que la Corporation a véhiculées dans son mémoire relativement aux

trois grands volets de l'avant-projet de loi, et je pense particulièrement ici à la question du transfert des responsabilités, à l'aménagement des pouvoirs réglementaires et au processus disciplinaire.

Au niveau des transferts de responsabilités, je parlerai de trois éléments principaux, à savoir le pouvoir d'enquête, le pouvoir de tutelle et le pouvoir de donner des avis. Au préalable, j'aimerais quand même apporter une précision et dire à nouveau que notre Corporation n'est certainement pas en désaccord avec toute forme de surveillance de la façon dont les corporations s'acquittent de leur mission. Cependant — et je le rappelle — nous croyons que les mesures proposées dans l'actuel avant-projet de loi sont disproportionnées et mal alignées par rapport aux problèmes mineurs qui ont été identifiés depuis 1973.

Au niveau du pouvoir d'enquête — je réfère ici à l'article 15.1 — le critère des seuls «motifs raisonnables de croire» ne nous semble pas un critère très bien défini dans l'avant-projet de loi et, évidemment, nous inquiète. L'extension du pouvoir d'enquête de l'Office à toutes les affaires des corporations est aussi un autre élément d'inquiétude. Nous, on se dit que, si c'est une police qu'on veut créer, on devrait tout simplement l'appeler comme telle. (11 h 20)

Cet élargissement des pouvoirs d'enquête de l'Office va conduire, selon nous — et c'est ça qui est le plus inquiétant — à une confusion dans le rôle et le statut de l'Office. Ainsi, lors de l'enquête, ce sont des pouvoirs policiers, comme je viens de le mentionner, que l'Office aurait. Lorsqu'il y a présentation du rapport au ministre, l'Office devient partie poursuivante et juge. Et, enfin, s'il y a tutelle, à ce moment-là, l'Office devient en quelque sorte un thérapeute. Alors, voyez-vous la confusion à laquelle risque de nous conduire l'avant-projet, tel qu'il est présenté?

Au niveau des pouvoirs de tutelle, je pense qu'il est important de réaliser, en vertu des dispositions de l'avant-projet de loi, que les corporations, à toutes fins pratiques, selon nous, seraient placées en tutelle de façon presque continuelle; il y aurait un encadrement, en vertu de ces pouvoirs élargis de tutelle, un encadrement paternaliste des affaires internes des corporations et, en quelque sorte, on assisterait à une ingérence presque continue de l'Office dans les affaires qui sont typiquement des affaires internes, je le rappelle. Donc, c'est toujours, au-dessus des têtes des corporations, cette espèce d'épée de Damoclès qui ferait en sorte que les corporations seraient toujours, en quelque sorte, placées sur la défensive. Les pouvoirs d'enquête et de tutelle qui sont prévus dans l'avant-projet de loi vont, selon nous, infantiliser, déresponsabiliser, en quelque sorte, les corporations. Alors, nous, on se demande tout simplement pourquoi rejeter ainsi l'expérience qui était acquise, comme on l'a dit tout à l'heure, depuis 20 ans?

Le mépris va même plus loin — et je me réfère ici au cas de l'article 184 qui concerne le pouvoir de donner des avis. Jusqu'à maintenant, on sait qu'en ces matières, en matière de réglementation sur les diplômes, le gouvernement devait consulter, entre autres, la corporation intéressée. Si on comprend bien les dispositions de l'article de l'avant-projet, dorénavant, ce serait POPQ qui deviendrait le seul interlocuteur. Alors, nous, on est d'avis que ça fait injure aux corporations en ne reconnaissant pas leur pouvoir d'expression à titre d'intervenant privilégié et, il faut le dire, à titre d'expert dans ces matières. Je pense que nos collègues ingénieurs viennent de le rappeler juste avant nous.

Alors, ça relègue, en quelque sorte, les corporations au rang des incapables. Donc, notre inquiétude, elle est grande vis-à-vis des pouvoirs démesurés qui seraient confiés à l'Office dans cet avant-projet de loi. On espère que M. le ministre voudra continuer de garder ses distances vis-à-vis de cet avant-projet de loi et qu'il n'endossera pas un tel transfert de responsabilités.

J'aborderai maintenant la question de l'aménagement des pouvoirs réglementaires. Ce qui frappe, à ce chapitre, c'est certainement ce que j'appellerais l'illusionnisme de l'avant-projet. D'une part, bien sûr — et nous le reconnaissons, nous saluons même ces initiatives — il y a un certain assouplissement qui est apporté au processus d'adoption réglementaire. Cependant, et il faut bien le signaler, on se rend compte qu'il y a l'apparition de sept nouveaux règlements obligatoires. Bien sûr, ce ne sont pas tous des nouveaux règlements, mais ce sont sept nouveaux règlements obligatoires. Donc, certains de ces règlements étaient facultatifs et deviennent obligatoires. C'est une véritable inflation réglementaire à laquelle on va assister.

Alors, nous nous interrogeons, d'une part, sur la pertinence de ces règlements, et nous rappelons aussi, nous tenons à rappeler qu'il y a une utilité, quand on fait des réaménagements de la sorte, à tenir compte, à essayer de tenir compte le plus possible de la nature d'une profession ou des caractéristiques de son «mem-bership», c'est-à-dire qu'est-ce que les gens font dans cette profession, quel genre d'actes et dans quel cadre posent-ils ces actes-là? Est-ce que ce sont des salariés, est-ce que ce sont des gens oeuvrant à leur propre compte? Ainsi, des règlements comme celui sur la tenue des dossiers ou d'un cabinet, des règlements comme les équivalences de formation sont certainement des règlements qui peuvent être questionnables. On peut questionner l'utilité de les rendre obligatoires pour certains types de corporation: par exemple, une corporation qui aurait uniquement un «membership» de salariés.

Passe encore pour la tentative plus ou moins ratée d'assouplissement, passe encore pour l'ajout de règlements obligatoires, mais là où ça ne va plus pour nous, c'est vraiment les pouvoirs importants de contrôle qui seraient conférés à l'Office sur l'ensemble des affaires réglementaires des corporations. Alors, ça, c'est quelque chose qui nous inquiète au plus haut point.

Déjà, on le sait, l'Office des professions dispose d'un pouvoir informel important pour tabletter les règlements, pour retarder des choses ou pour régler des

comptes, mais on se demande pourquoi vouloir formaliser ces pouvoirs. Alors, nous sommes, évidemment, contre le principe de donner des pouvoirs additionnels à l'Office, d'autant plus que notre expérience nous amène à nous poser de sérieux doutes sur l'efficacité administrative de l'Office en ces matières-là, en matière de réglementation.

On s'étonne même que l'avant-projet ne suggère aucune mesure d'encadrement de l'Office. On aurait souhaité, par exemple, voir un temps déterminé à l'Office, certaines balises temporelles pour dire à l'Office: Vous devez procéder à l'examen d'une réglementation donnée à l'intérieur d'un certain temps, à défaut de quoi le règlement pourrait être adopté par la Corporation. Il nous apparaît que ce sont des balises qui auraient pu être intéressantes.

Donc, en conclusion sur ce deuxième volet, sur l'aménagement des pouvoirs réglementaires, je rappelle que, pour nous, l'avant-projet est truffé d'une forme d'illusionnisme, un faux assouplissement. Il y a une grande inquiétude, je le rappelle, sur les pouvoirs de contrôle qui seraient conférés à l'Office, sur une plus grande ingérence de l'Office, donc, et cette préoccupation, aussi, qui est fondamentale par rapport au système qui, d'après nous, encore une fois, fonctionne relativement bien, cette façon qu'on aurait ainsi de déresponsabiliser et d'infantiliser les corporations.

J'aborde maintenant, si vous le permettez, M. le Président, le dernier volet de ma présentation concernant le processus disciplinaire. Bien sûr, nous reconnaissons et nous saluons certains éléments qui sont d'intérêt dans l'avant-projet, et j'en veux comme exemple la plus grande transparence de l'audience publique, les mesures qui sont prévues à l'article 118.1. Alors, il s'agit là, pour nous, d'une mesure d'autant plus intéressante qu'elle est peu coûteuse, et je pense qu'elle sera vraiment utile dans le sens qu'on pourra ainsi rendre disponible, donc, le rôle de l'audience et favoriser, justement, cette plus grande transparence qui est l'un de nos objectifs.

Également, une autre mesure d'intérêt, la limite du délai qui est donné au comité de discipline pour rendre sa décision, l'article 154.1. Possibilité également, pour le syndic, de déférer directement au comité d'inspection les dossiers qui sont reliés à ce qu'on pourrait qualifier d'une certaine incompétence professionnelle générale. Enfin, une autre mesure d'intérêt, je pense, le règlement sur l'arbitrage des différends. Alors, nous saluons ces mesures-là qui sont, selon nous, des mesures fort positives.

Encore ici, cependant, c'est une illusion qui nous guette, parce que, lorsqu'on regarde, bien sûr, à la pièce les différents éléments, lorsqu'on les examine en pièces détachées, bien sûr, ça peut sembler intéressant. Bien sûr, il y a des mesures qui semblent aller dans les bonnes directions, mais c'est quand on essaie d'articuler l'ensemble, le tout, de mettre les morceaux ensemble et de voir comment ça pourrait fonctionner dans la vraie vie, c'est là qu'il y a un petit peu d'illusion. C'est là, justement, que cette illusion va faire en sorte que, loin d'assouplir, de rendre plus transparent le processus, à l'occasion, on va le rendre plus lourd, plus bureaucratique.

À titre d'exemple, je voudrais parler brièvement du comité des plaintes. Selon nous, c'est un bel exemple de nouvelle bureaucratie. C'est certainement une façon — et, ça, je ne veux pas m'attarder puisqu'on l'a déjà souligné avant moi — une bonne façon d'alourdir le système disciplinaire. De plus, selon nous, c'est une façon qui comporte des possibilités de mécontentement additionnel, accru de la part du public, en raison des délais de réponse. On s'est amusé tout simplement à regarder un petit peu en vertu des délais; on s'est amusé à regarder un cas simple et à voir ce que ça pourrait donner en termes de délais. Si on regarde l'enquête du syndic, il y a un délai potentiel de 60 jours, la présentation du rapport du syndic au comité — encore un autre délai, peut-être, de 5 jours — le rapport du comité des plaintes, 60 jours. Quand on regarde ça simplement — et, ça, c'est un cas très simple qui est supposé tourner relativement rondement — on parle donc d'un délai total de 125 jours. Et, ça, c'est si on suppose que le syndic n'a pas dû demander une extension du délai à 60 jours en vertu de l'article 123.

Alors, si c'est ça qu'on appelle un assouplissement et une plus grande aisance dans le processus disciplinaire, bien, nous, on a des doutes là-dessus. Selon nous, donc, le comité des plaintes n'assure pas du tout une plus grande transparence du processus disciplinaire et ne comporte aucun avantage. Pire, je le dis bien, ce...

Le Président (M. Gautrin): Vous pourriez penser à conclure, parce qu'il vous reste deux minutes dans votre enveloppe de temps. (11 h 30)

M. Renauld: Oui. Alors, pire, ce comité-là déresponsabilise le syndic. Et on pense que, dans des dossiers le moindrement difficiles, le syndic pourrait être tenté de refiler sa décision ultime de poursuivre au comité des plaintes. Alors, je veux simplement rappeler que le syndic a un rôle fondamental, selon nous, dans le processus, dans le système disciplinaire présent. C'est, selon nous, quelqu'un qui travaille présentement pour le public, c'est quelqu'un qui est vraiment, dans notre corporation, à tout le moins, responsable de... C'est un peu notre responsable du service à la clientèle, en quelque sorte, parce que c'est quelqu'un qui, non seulement, comme le Code le prévoit, achemine les plaintes en discipline mais également joue un rôle important au niveau de l'information et de la médiation aussi. Alors, ça, je pense que ce sont des éléments importants.

Donc, avant de laisser la parole, pour la conclusion, à M. Dubé, je voudrais simplement dire que nous nous demandons vraiment pourquoi changer une formule qui est une formule gagnante? Pourquoi ne pas profiter de la maturité du système et essayer de bonifier? Et, ça,

je pense que, dans ce sens-là, notre propos n'est pas différent d'autres propos qu'on a entendus ici. Alors, on se demande, dans une période comme celle qu'on traverse présentement, pourquoi on essaierait de réinventer la roue.

Le Président (M. Gautrin): Merci. M. Dubé, en conclusion.

M. Dubé: Donc, rapidement, M. le Président, je crois que les propos de M. Renauld sont fort éloquents. La Corporation professionnelle des comptables en management accrédités demande donc le retrait de cet avant-projet de loi puisque l'exercice, selon nous, a été mal fait. On estime que celui pour qui, en bout de ligne, les changements ont été pensés, soit le public, est mal servi. Ce qu'il faut maintenant faire, c'est un travail sérieux de concertation réelle avec le milieu professionnel. Il faut bonifier le système actuel puisqu'il a fait ses preuves. Il ne s'agit pas de réinventer la roue quand ce n'est pas nécessaire et quand tout, relativement, baigne dans l'huile.

Nous tenons également à exprimer notre inquiétude sur la question du financement. Aucune évaluation n'a été faite de l'impact financier des pouvoirs additionnels de l'Office. L'avant-projet de loi complique, en quelque sorte, et alourdit les choses. Or, dans le projet de loi 67, nous ne voyons aucune balise quant aux exigences financières de l'Office, et, ça, c'est inquiétant. Pourquoi l'Office des professions serait-il soustrait à l'obligation de rendre compte, comme le sont les grandes entreprises, comme le sont les gouvernements? Ça aussi, ça nous inquiète. Donc, dans une perspective globale, Favant-projet de loi s'inscrit dans le sens contraire du discours actuel de rationalisation et de resserrement des pratiques de gestion. En un mot, nous disons non à l'avant-projet de loi, tel que déposé.

Mesdames et messieurs, il nous fera plaisir maintenant de répondre à vos questions.

Le Président (M. Gautrin): Merci. Alors, pour commencer la période de questions, M. le ministre responsable et député d'Abitibi-Est.

M. Savoie: Merci beaucoup, M. le Président. Permettez-moi de saluer les gens de la Corporation professionnelle des comptables en management accrédités du Québec, une corporation qui date depuis déjà fort longtemps au Québec; elle est présente depuis... Elle n'est pas aussi connue du public, par exemple, que le Collège des médecins ou le Barreau, mais dont l'histoire est... Ça a été surprenant; j'ai eu l'occasion d'examiner d'assez près leur structure, et c'est assez imposant.

Mon Dieu, le projet de loi! Ça, c'est moins drôle, ça, par exemple! Le projet de loi: projet qui «s'inscrit dans une pensée rétrograde», «ennemies», «régime de terreur» — page 19. Des gros mots, ça, provenant d'une corporation sérieuse; des gros mots! La Corporation nous dit: le système fonctionne bien, on n'a pas de difficultés. Vous avez quoi, vous avez 3000 membres?

M. Dubé: 3000 membres. Oui, c'est ça.

M. Savoie: 3000 membres. Vous avez un syndic également, qui fonctionne depuis 1973.

Le Président (M. Gautrin): Pour des fins d'enregistrement, il faudrait répondre «oui», parce que vous hochez la tête, et j'imagine que ça va être difficile pour les personnes qui devront...

M. Dubé: Oui, M. le Président. Des voix: Ha, ha, ha!

M. Savoie: Non, on ne veut pas se rendre jusque là, mais vous comprendrez que je suis surpris. Je m'attendais à d'autres choses, plus nuancées. La Corporation professionnelle des comptables en management accrédités, décisions disciplinaires, soit du comité de discipline, soit du Tribunal des professions: aucune dans 20 ans d'histoire; zéro, zéro! Ils sont dans la même position que les chimistes. Us sont dans la même position que les traducteurs et les traductrices qui ont été incorporés l'année passée, que les agronomes. Je trouve ça un peu curieux. Je trouve ça un peu curieux, et je me demandais si vous aviez des explications à ça, à ce tableau-là?

M. Dubé: De façon globale, M. le Président, notre réaction n'est pas négative, même si le ton utilisé peut sembler l'être.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Savoie: Bien, tu sais... Décidez-vous, là! Ha, ha, ha!

Le Président (M. Gautrin): Laissez nos invités répondre...

M. Dubé: M. le Président, je voudrais tout simplement souligner que c'est un ton musclé et non pas un ton négatif. La raison pour laquelle le ton est si musclé, c'est qu'on revient un peu sur la conclusion et on considère que le système professionnel actuel a fait ses preuves depuis 20 ans, et il n'y a pas de raison, actuellement, de modifier en profondeur le système. On est en train de recréer ou de repenser un nouveau fonctionnement, un nouveau mode de fonctionnement, et ce n'est pas l'objectif recherché. On cherche des mécanismes assouplis, des mécanismes plus transparents, et on pense que toute la matière est là, actuellement, pour faire ces choses-là. Et l'Office a suffisamment de pouvoirs, d'après nous, pour voir à la surveillance des corporations actuellement. Donc, ce qu'on dit, on utilise un ton musclé justement pour faire ressortir des éléments qui

nous apparaissent comme étant dangereux, si on veut. On modifie en profondeur ces éléments-là.

Le Président (M. Gautrin): Mais la question n'était pas celle-là. Elle était: Comment se fait-il qu'il n'y ait pas eu de plaintes depuis 20 ans?

M. Savoie: Comment ça se fait qu'il n'y a pas eu de décisions, aucune décision...

M. Dubé: Est-ce que je peux passer la parole à M. Renauld?

M. Savoie: ...au comité de discipline et au niveau du Tribunal des professions, concernant la CMA.

M. Renauld: M. le Président, je voudrais d'abord dire que j'espère que le ministre se réjouit de ça, qu'il n'y ait pas eu de difficultés rencontrées par notre Corporation. Maintenant, il faut comprendre aussi — et je pense qu'on ne veut pas essayer de jouer aux purs ou aux plus fins que d'autres, là — que nous avons une pratique, bien sûr, particulière. Nous sommes sujets également à avoir des problèmes, des plaintes, etc. Nous en recevons, mais, effectivement, on n'a pas eu de contentieux disciplinaires. Je voudrais vous dire simplement qu'il y a une cause dans notre discipline, inscrite depuis quelques mois, qui est en train de suivre son cours normal. Mais c'est une grande première, effectivement.

Maintenant, il faut comprendre que, justement — et ça rejoint les propos que j'avais tout à l'heure — la nature du «membership» de la Corporation est particulière. Notre «membership» est à 92 % un «membership» de salariés, donc des gens qui occupent des fonctions de commande dans des entreprises, des fonctions de cadres, etc. Il faut bien comprendre que ce public, qui s'appelle les entreprises, il peut effectivement être insatisfait, mécontent des services professionnels d'un CMA, mais, qu'est-ce qui arrive dans ce cas-là? C'est fort simple: on fout à la porte une personne comme ça.

Alors, le mécanisme est très rapide, très transparent, très limpide et peu coûteux pour les entreprises. On s'organise avec des primes de séparation, souvent, des trucs comme ça...

M. Savoie: Vous en avez...

M. Renauld: ...mais ça se règle comme ça. Et très sérieusement!

M. Savoie: D'accord.

M. Renauld: Mais, évidemment, il ne passe pas par l'esprit d'une entreprise de s'en venir voir notre syndic.

M. Savoie: D'accord. Alors, au lieu de les pour- suivre, vous les mettez... Vous en avez mis combien à la porte?

M. Renauld: De personnes? M. Savoie: De CMA?

M. Renauld: Qui ont été remerciés par leur entreprise?

M. Savoie: Non, non. Par vous.

M. Renauld: Ah non! Bien, nous, on n'a pas eu de...

M. Savoie: Non, non. Des rangs de la CMA.

M. Renauld: C'est ça. Parce qu'on n'a pas eu de causes disciplinaires, on n'a pas eu de CMA qui ont effectivement perdu leur permis.

M. Savoie: Vous comprendrez que c'est un peu surprenant, si on regarde les chiffres. C'est ça, l'affaire, c'est que la réforme... D'abord, je trouve que votre position sur la réforme est grandement exagérée. On ne met pas l'Office à la porte, ou on ne règle pas le cas du Conseil interprofessionnel. On ne restreint pas le pouvoir de développement des corporations, ni le pouvoir d'intervention des corporations. Ce qu'on cherche à faire, c'est trouver un mécanisme pour régler le problème des fautes légères, non pas les fautes lourdes. On ne joue pas dans le comité de discipline.

Oui, on allège le système pour le public, les frais, des choses comme ça. Il y a des interventions, on impose des délais, mais, d'une façon générale, la structure est là et elle demeure. Là, ce qu'on cherche à faire, c'est à l'améliorer. Et on donne un bon coup de barre, je pense, pour l'améliorer. Il n'y a pas d'abolition. Donc, au niveau de la discipline, on fait un effort. L'Office qui s'est penché sur la question pendant trois ans nous arrive: Bang, voici! Voici notre réflexion. Là, on vous consulte. Vous avez été consultés auparavant.

Sur la notion des décisions disciplinaires, le traitement des plaintes, chez vous, vous recevez combien de plaintes sur des CMA, par année, par exemple?

M. Renauld: C'est quelque chose qui se situe en bas, M. le Président, d'à peu près une dizaine de plaintes par année.

M. Savoie: Une dizaine de plaintes par année.

M. Renauld: C'est ça.

(11 h 40)

M. Savoie: Alors, vous avez reçu, au cours des 20 dernières années, 200 plaintes, disons...

M. Renauld: Mettons.

M. Savoie: ...si votre chiffre est exact. Et il n'y en a aucune qui s'est rendue au niveau du comité de discipline, qui a fait l'objet d'aucune décision au niveau du comité de discipline ni au niveau du Tribunal des professions?

M. Renauld: II y a une cause, comme je le mentionnais...

M. Savoie: Oui, qui est en cours, là.

Le Président (M. Gautrin): Je vais me prévaloir d'une prérogative du président, si vous le permettez, pour annoncer à l'assemblée que M. Mulroney vient de démissionner officiellement, depuis 12 minutes 30 secondes.

M. Savoie: Démissionner, M. le Président, ou il ne se représente pas?

Le Président (M. Gautrin): C'est l'information qui vient de m'être transmise.

M. Savoie: C'est quoi, il démissionne?

Une voix: C'est ce que M. le député de Rimouski vient de nous apprendre.

M. Savoie: Ah non, je pense qu'il y a une précision qui m'échappe, là.

Le Président (M. Gautrin): Alors, on va tâcher d'avoir plus d'information, mais...

Une voix: II démissionne comme chef de parti.

Le Président (M. Gautrin): II démissionne comme chef du parti? Ah bon! Pas comme premier ministre?

M. Savoie: Ah, comme chef de parti!

Le Président (M. Gautrin): Ecoutez, c'est simplement hors... Ce n'est pas compté sur le temps de personne. Merci.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Savoie: Alors, vous avez eu 200 plaintes, donc, contre des CMA, et aucune décision de la part du comité des plaintes ni au niveau du Tribunal des professions?

M. Renauld: Si je peux répondre, M. le Président, ce que j'aimerais préciser, quand on parle de 200, mettons que c'est une bonne moyenne...

M. Savoie: Sur 20 ans, là.

M. Renauld: On ne se chicanera pas sur les chiffres, mais ce que j'aimerais surtout préciser...

M. Savoie: Non, ce serait 400 sur 20 ans; 20 par année, oui, c'est ça.

M. Renauld: Bon, mettons... M. Savoie: 20 par année ou 10 par année? M. Renauld: Mettons une dizaine par année. M. Savoie: O.K.

M. Renauld: Donc, on parle d'à peu près 200. Mais, ce que j'aimerais préciser, c'est qu'il ne faut par confondre; il ne faut pas penser que, dans tous les cas, ce sont des plaintes.

M. Savoie: Fondées...

M. Renauld: C'est souvent des demandes, ce que j'appellerais plus des demandes d'intervention. On contacte le syndic et, souvent, si ces demandes d'intervention ne sont pas allées plus loin, c'est parce qu'on y a apporté des suites qui ont satisfait les personnes concernées, les plaignants. Souvent, on se rend compte que c'est plus une question de médiation, comme je l'ai mentionné tout à l'heure.

M. Savoie: Oui.

M. Renauld: C'est plus une question d'intervention, d'amener les gens qui ont commencé à prendre des positions un petit peu polarisées, d'amener ces gens-là à se reparler. Et, souvent, ça se règle comme ça, à l'amiable, et c'est un rôle important, me semble-t-il, du syndic.

M. Savoie: Oui, je conçois facilement ce que vous êtes en train de dire. Est-ce que vous êtes capable de concevoir ce que, moi, je suis en train de dire, que vous êtes dans la même classe que les agronomes, les chimistes, les traducteurs et traductrices, 160 inhalothé-rapeutes... Les inhalothérapeutes et les audiologistes sont combien? Ils sont 110, eux autres, les audiologistes? Les orthophonistes sont, quoi, une centaine? Ah! les audioprothésistes sont une centaine. Finalement, pour une grosse corporation professionnelle, les statistiques, en tout cas, révèlent mal une activité disciplinaire intense mais révèlent plutôt une approche de conciliation, de règlement.

M. Renauld: J'espère, M. le Président, qu'on ne souhaite pas nécessairement judiciariser ces choses-là.

M. Savoie: Non.

M. Renauld: Si ça peut se régler autrement, il me semble que c'est tant mieux. J'espère, en tout cas, que M. le ministre n'est pas en train de conclure qu'on ne fait pas notre job parce qu'on n'a pas de cas de discipline. Ce que j'aimerais préciser aussi — ça a déjà été mentionné hier, et je pense que ça m'apparaît assez fondamental — c'est que, quand on parle de la protection du public, il faut arrêter de rester branché sur un système disciplinaire. Il faut penser que les corporations, nous, notre façon de voir, notre philosophie — on y a fait référence tout à l'heure — c'est fort simple: on intervient d'abord et avant tout au niveau du processus de formation et d'accréditation. La qualité des professionnels qu'on met en marché, c'est d'abord là notre première approche, les premières initiatives qu'on a au plan de la protection du public. Si on met des professionnels de qualité sur la place publique, à ce moment-là, on pense que, déjà, c'est une bonne assurance que le public a.

Ensuite de ça, on a d'autres mécanismes, ceux qui sont prévus au Code, que vous connaissez sans doute mieux que moi, ceux reliés à l'inspection professionnelle, ceux reliés au perfectionnement. Alors, toutes ces choses-là... On est très actif et on a, dans les dernières années, déployé des énergies très considérables à ces volets-là. Donc, je pense que c'est un ensemble de facteurs, ajouté aux caractéristiques propres de notre profession, c'est un ensemble de facteurs qui fait qu'on aboutit à une situation où on a un dossier disciplinaire, un contentieux disciplinaire relativement mince, c'est sûr.

M. Savoie: II est non existant, là. M. Renauld: Oui, c'est ça. M. Savoie: Oui.

M. Renauld: Mais, est-ce qu'il y a un problème à ça, M. le Président?

M. Savoie: Bien, c'est ça qu'il faut... En tout cas, la question se pose, tout au moins. Et c'est pour ça que, lorsqu'on voit un renforcement au niveau de l'administration de la discipline professionnelle, en tout cas, qui vise à renforcer la fonction d'une corporation professionnelle, de voir au grain en ce qui concerne le code de déontologie, il me semble que ça ne mérite pas d'être traité, certainement, de rétrograde, lorsqu'on est à la recherche de solutions — surtout par les CMA. C'est surtout ça.

Une dernière question, finalement. Vous sentez vraiment que l'Office va, un matin, se lever et décider, en se grattant le dos, que ce matin, on va mettre les CMA en tutelle parce qu'ils n'ont pas respecté la virgule au bas de la page? Ce n'est pas ça qui est visé du tout, là. Ce qui est visé, c'est qu'il va pouvoir demander au gouvernement — au gouvernement, ca veut dire, finale- ment, le Conseil des ministres — l'intervention. Vous pensez que ça va se faire d'une façon régulière? Pensez-vous qu'il va y en avoir une par année, une par deux ans, une par trois ans? Une corporation par cinq ans?

M. Renauld: Est-ce que... M. Savoie: Oui. M. Renauld: M. le Président... Le Président (M. Gautrin): Oui.

M. Renauld: ...si je peux répondre, ce que j'aimerais dire là-dessus, c'est que, nous, on veut bien croire que c'est ça, l'approche, mais on n'est pas du tout convaincus. De ce qu'on voit dans l'avant-projet, on n'est pas du tout convaincus qu'il n'y aura pas un pouvoir, une espèce d'abus qui pourra être fait de ces pouvoirs-là qu'on veut conférer à l'Office. Ce que je veux dire, par exemple, dans les pouvoirs d'enquête, nulle part on n'a vu, nous, que la Corporation va pouvoir être entendue. Tout ce qu'on sait, c'est que l'Office va faire rapport au ministre, et on décide que les CMA n'ont pas fait leur job, mettons.

M. Savoie: Ah!

M. Renauld: On n'a vu nulle part...

M. Savoie: Vous pensez que quelqu'un pourrait être mis en tutelle, une corporation pourrait être mise en tutelle sans avoir un mécanisme de contrôle, sans avoir une audition, sans... Vous pensez ça, vous?

M. Renauld: Bien, c'est que, dans l'avant-projet, on ne voit rien qui prévoit que, nous, on va être entendus. Autant on prend grand soin de bien préciser les pouvoirs de l'Office, on se serait attendu... Parce que, nous, on n'a rien contre le fait que l'Office ait les outils qu'il lui faut pour bien assumer son rôle, son rôle de base, là...

M. Savoie: Ah oui!

M. Renauld: ...son rôle de surveillance. On n'a pas de problèmes avec ça, sauf qu'il faut juste s'assurer que l'Office ne viendra pas faire notre job à notre place.

M. Savoie: Ah non! Ça...

M. Renauld: Parce que, nous, on pense qu'on est les seuls compétents pour faire notre job.

M. Savoie: Ça, c'est vrai, et, ça, on va l'assurer aussi, que vous soyez les seuls. Ça, je voudrais que ce soit bien clair que, d'aucune façon, d'aucune façon je n'entretiendrais l'idée que l'Office pourrait faire votre job. Ni de près, ni de loin. Je voudrais que ce soit bien

clair. Mais je voudrais aussi que ce soit bien clair que, lorsqu'une corporation de professionnels me dit qu'elle n'appliquera pas tel article de la loi, et que je me revire de bord, et là je n'ai rien, à ce moment-là, je me dirai: Oui, c'est intéressant, ça, comme idée. Ils pourraient faire une recommandation au gouvernement et le gouvernement pourrait peut-être décider qu'effectivement ça va assez loin, cette histoire-là. Il est temps que tel groupe, par exemple... Je ne fais aucune référence à la CMA. Vous avez un dossier excellent, en dehors, peut-être, de l'absence de décisions.

M. Renauld: C'est musclé, M. le Président.

M. Savoie: Oui.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Renauld: C'est parce qu'on a peur.

M. Savoie: Mais je pense que c'est intéressant comme option, et je vois mal les références que vous faites à cette notion-là de l'ingérence de la part de l'Office, d'une façon continue, auprès des corporations. On ne le voit pas, nous autres. On ne le voit pas, parce que, ce qu'on nous dit, c'est que ça va être tellement exceptionnel. Par exemple, l'Office avait un droit de tutelle en cas de manque de fonds d'une corporation pour exécuter son mandat. À ma connaissance et sauf erreur, elle ne l'a jamais utilisé.

Une voix: On l'a peut-être utilisé... M. Savoie: Pas une fois en 20 ans! Une voix: En 20 ans, on a fait une enquête.

M. Savoie: On me dit qu'il y a eu une enquête tout dernièrement, et c'est à cause des déficits qu'a connus une corporation professionnelle, il y a quelques années. Il y a tout simplement eu enquête. Mais, pas une fois, ces pouvoirs de... Mais, par exemple, la possibilité d'y recourir n'existe même pas, sauf qu'il faudrait que ça vienne, ipso facto, du gouvernement. Les mécanismes ne sont pas clairs là-dessus. Je trouve ça difficile. Et le comité des plaintes... Je comprends que vous dites: On a à peine 10 plaintes par année. Je veux bien. Mais il y en a qui en ont 1000, il y en a qui en ont 2000 et il y en a qui se font dire tout simplement par le syndic: Non, vous n'êtes pas recevables. Allez voir... Il me semble que, si le citoyen pouvait s'adresser à d'autre chose qu'un professionnel pour se faire expliquer pourquoi, ça allégerait l'image qu'on a des corporations professionnelles. Je ne veux pas vendre ma soupe. Ce n'est pas ça que je veux faire. Je suis en train de le faire, mais ce n'est pas ça que je veux faire. (11 h 50)

Le Président (M. Gautrin): II vous reste deux minutes. Il vous reste deux minutes.

M. Savoie: Oui, je le sais, M. le Président. Merci. Tout simplement pour vous dire que j'ai été surpris, j'ai été supris, parce que je m'attendais à... Évidemment, il y a des éléments positifs, là, on le reconnaît. Il y a des éléments qui vont être traités là-dedans, on le reconnaît également, sauf qu'au niveau de la discipline on trouvait le ton très dur, très, très dur. Et lorsqu'on dit que l'Office va gérer... L'Office ne gérera pas de corporation professionnelle. Même avec son pouvoir de tutelle, il ne gérera pas cette corporation-là: il va y avoir un mécanisme, ça va toujours être les professionnels qui vont gérer, mais elle va être sous tutelle. Alors, c'est ça, l'affaire. On se demande... Je ne sais pas. Je trouve ça curieux.

Le Président (M. Gautrin): II vous reste une minute pour conclure, M. le ministre.

M. Savoie: Je vais attendre. Je vais laisser passer Mme la députée de Terrebonne.

Le Président (M. Gautrin): Vous pourrez la conserver, votre minute. Mme la députée de Terrebonne, vous en avez 20.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Habituellement, j'utilise mon temps de parole plutôt pour questionner, mais j'avoue que je vais commencer par quelques commentaires parce que, moi, là, suite aux commentaires du ministre, j'avoue que c'est le ministre que je ne comprends pas. Et je vais prendre un exemple de mon ancien travail — qui n'est pas une corporation professionnelle, bien que ce soit une profession — mon travail d'enseignante.

C'est un peu comme si le ministre nous disait... C'est comme si une direction d'école recevait des plaintes des parents disant qu'il y a des problèmes de discipline dans des classes. Cette école-là a 41 classes, et la direction de l'école les convoque et leur dit: Bon, on a des problèmes; il semble que des enseignants ne réussissent pas à donner satisfaction aux jeunes dans ces classes-là, et les parents déposent des plaintes. Et puis, là, je vais commencer à m'inquiéter surtout des 5 classes où il n'y en a pas, de plaintes, où il n'y a pas de problèmes. Et là, celles-là, je vais leur dire: Écoutez, vous avez un sérieux problème, tous les parents se plaignent que ça va mal dans l'école, mais, dans vos classes à vous autres, ça va bien. Il y a un problème. Essayez de nous expliquer ça et essayez de trouver des façons d'avoir des problèmes de discipline, parce que vous ne ressemblez pas aux autres. Alors, j'avoue que j'ai beaucoup, beaucoup de difficultés.

Je pense que vous nous avez clairement exprimé que, dans votre corporation professionnelle, les professionnels travaillent surtout auprès des entreprises et que la sanction, finalement, lorsqu'il y a faute, elle est

immédiate puisque l'entreprise congédie la personne. Donc, elle ne va pas déposer une plainte à votre corporation. La sanction, elle est immédiate; alors, ça, on le sent.

Est-ce que vous croyez, comme l'Ordre des ingénieurs, que, par contre, votre syndic manque de pouvoirs sur certaines réglementations? Par exemple, comme le disait l'Ordre des ingénieurs: Si une plaignante nous dit: «Je ne peux pas recevoir mon plan; j'ai commandé un plan de l'ingénieur et les délais sont trop longs; est-ce que vous pouvez intervenir?», et si le syndic nous dit: «Non, nous, on ne peut pas intervenir», donc, la personne est insatisfaite. Est-ce que, chez vous, il y a des types de plaintes, parmi les 10 par année, où vous êtes obligés de dire que ça ne touche pas votre champ de juridiction?

M. Renauld: Est-ce que je peux répondre, M. le Président?

Le Président (M. Gautrin): Bien sûr, bien sûr, bien sûr.

M. Renauld: Alors, écoutez, je pense qu'on ne vit pas... Encore une fois, je pense que ça se comprend, parce que la nature de la pratique de nos collègues ingénieurs et la nôtre, évidemment, sont bien différentes. Maintenant, on ne vit pas de difficultés de cet ordre-là. Je pense que les plaintes qu'on reçoit, le syndic, en général, peut assez bien intervenir un peu comme un médiateur, donner des informations, amener les parties à s'entendre, à se parler. Maintenant, je pense qu'on ne vit pas ces difficultés-là.

Moi, je voudrais juste profiter de cette occasion-là pour revenir sur le fait que — et j'ai dû escamoter un petit peu tout à l'heure, à cause des contraintes de temps — il est important de réaliser que, nous, effectivement, on n'a pas un gros dossier disciplinaire. Bon, on s'en réjouit, nous, et j'espère que c'est la même chose pour tout le monde. Maintenant, partant de là, on n'essaie pas de se fermer les yeux, comme professionnels, et de dire: Bon, eh bien, nous, on n'a pas de problèmes; il y en a dans la cour des voisins, et ça ne nous regarde pas. Non. Je pense qu'on a eu une approche un petit peu plus intelligente, ou du moins, on a essayé, dans notre mémoire, de dire: Écoutez, c'est les mécanismes que vous suggérez. Le comité des plaintes, ça va alourdir le système, c'est de la bureaucratie. Essayons, essayons, de grâce, d'aider le syndic plutôt que de lui mettre des bois dans les roues, plutôt que de banaliser son rôle et d'amener le syndic, dans le fond, à se déresponsabiliser. Parce que le réflexe va certainement... L'expérience le dira si jamais on s'en va plus loin avec ça: le syndic va être automatiquement conditionné à référer au comité des plaintes, et c'est une façon de se laver les mains parce qu'il aura peur éventuellement que, s'il décide, lui, dans son bon jugement, qu'il n'y a pas matière à plainte, bien, il se fera ra- brouer. Alors, dans des cas un peu litigieux, douteux, il va s'en laver les mains, et puis il va devenir un individu déresponsabilisé.

Alors, on dit, nous: L'idée du comité aviseur, ou, plutôt, en français, du comité consultatif, ce comité-là pourrait vraiment être un point de référence pour notre syndic, une espèce d'endroit où le syndic pourrait valider des choses, des approches. Parce que le syndic, un de ses problèmes, s'il y en a un que vit notre syndic, c'est d'être isolé. Chez nous, on est un petit groupe. N'ayant pas beaucoup de plaintes, on n'a pas de multiples syndics adjoints, etc. Donc, il y a un individu quelque part qui joue le rôle de syndic et, souvent, se sent, dans l'exercice de sa fonction, isolé, et il aimerait sans doute valider. Bien sûr, on met à sa disposition, à l'occasion, des experts, tout ça, mais, de façon plus régulière cet individu-là aimerait sans doute pouvoir avoir un comité, ce genre de comité consultatif.

Mme Caron: Vous avez parfaitement raison lorsque vous dites qu'il ne faut pas non plus, parce que vous n'avez pas de plaintes, que vous ne vous occupiez pas de l'ensemble du système. Et, si je reprends mon exemple de tantôt, au contraire, au niveau d'une direction d'école, ce serait beaucoup plus de consulter, justement, les groupes qui ont le moins de plaintes pour essayer d'aller chercher des outils semblables et essayer de les appliquer.

Dans votre mémoire, vous avez souligné un critère important pour la protection du public — vous y êtes revenu tantôt — concernant les permis, concernant la formation, concernant les diplômes. À cet égard-là, aux pages 6 et 7, vous dites même que le projet de loi, le nouvel article 184, bon, c'est du mépris puisque vous êtes, en fait, les premiers à être consultés concernant cette protection-là que vous voulez assurer concernant les diplômes.

M. Renauld: Vous permettez, M. le Président, que je réponde à Mme la députée?

Le Président (M. Gautrin): Bien sûr.

M. Renauld: Merci. Alors, ce pourquoi on a apporté ça, c'est qu'on vient de vivre une expérience toute récente. Au cours des trois dernières années et demie, on a été en processus continu de négociation de ce qu'on peut appeler l'ensemble de la réglementation qui supporte notre processus de formation et d'accréditation. Je fais référence ici au règlement du gouvernement sur les diplômes, qui a déjà été amendé; je fais référence au règlement sur les conditions supplémentaires, aux deux règlements sur les équivalences de formation et de diplômes; donc, c'est une batterie de quatre règlements. On vient de sortir d'un long périple de négociations avec nos amis de l'Office des professions. Alors, on sait très bien que, dans le cas du règlement sur les diplômes, même si c'est un règlement du gouvernement,

il faut bien comprendre que la façon opérationnelle d'y arriver, c'est que c'est nous qui avons d'abord fait une liste des diplômes, dans les universités du Québec, qui pourraient donner une formation acceptable pour nos futurs CMA, la formation de base.

Alors, cette connaissance-là, évidemment c'est nous qui l'avons. Et nous sommes inquiets par les dispositions de Favant-projet de loi parce qu'on voit là-dedans que c'est l'Office qui interviendrait; il pourrait peut-être nous consulter, il pourrait peut-être tenir compte de nos commentaires, mais on ne serait plus consultés. On voit une nuance fort importante, et c'est ça qui nous inquiète parce que, dans cette matière-là précisément, des diplômes donnant ouverture aux permis, je regrette, encore une fois, la compétence, elle est chez nous. Et, ça, je pense que c'est vrai pour toutes les corpos.

Mme Caron: Oui, je pense que c'est impossible de croire que l'Office peut, au niveau de la formation, connaître parfaitement les besoins au niveau des 41 corporations. Je pense que c'est évident que ce serait faire fausse route. Il faut d'abord et avant tout partir des corporations et, bien sûr, ajouter tous les éléments. C'est sûr qu'il faut aussi regarder du côté des universités. Il faut aussi regarder du côté des collèges et il faut voir l'ensemble au niveau des formations. (12 heures)

Vous avez parlé beaucoup de vos inquiétudes, et c'était, évidemment, relié, je pense, à l'expérience des dernières années. Et vous avez parlé aussi beaucoup du pouvoir informel actuel de l'Office des professions, pouvoir informel réel, qui est un pouvoir de retarder des règlements. Vous avez parlé de l'efficacité de l'Office et vous avez aussi, si je regarde en page 11, souligné que l'impartialité de l'Office n'est peut-être pas toujours là concernant certains différends. Vous dites: «II faut aussi considérer qu'en cas de désaccord l'Office des professions du Québec peut "tabletter" les règlements qu'une corporation ne désire pas modifier selon ses vues ou lorsqu'il a des comptes à régler avec une corporation.» Vous mettez, dans le premier paragraphe, aussi, l'efficacité de l'Office en doute sur ces processus-là. Lorsqu'on perçoit cette réalité-là, c'est évident que, si l'avant-projet de loi donne davantage de pouvoirs à l'Office, il y a peut-être lieu de s'inquiéter, si on considère déjà que l'Office n'est pas toujours impartial, si on considère que l'efficacité n'est pas toujours là, au niveau des règlements, puis au niveau des décisions à prendre. Si on ajoute un pouvoir additionnel, alors qu'il y a déjà des pouvoirs informels très forts, je pense que c'est normal que certaines corporations s'inquiètent.

Vous allez même parfois... Vous dites même, à un moment donné, que plus les corporations pourraient «maturer», il y aurait peut-être même lieu de faire disparaître l'Office.

M. Renauld: Est-ce que vous voulez que je réa- gisse, M. le Président? En fait, on invoquait cette possibilité un peu pour rappeler... C'est un petit peu un rappel à l'ordre qui fait partie du discours plus musclé dont on parlait. C'est un peu un rappel à l'ordre, et je pense qu'il faut se ramener au gros bon sens et rappeler qu'avant que le système professionnel ne soit mis en place au Québec — je ne dis pas nécessairement qu'on veut revenir à 1973, au contraire, on aime mieux regarder les années 2000 et plus, mais il faut se rappeler quand même que nous existions et que plusieurs professionnels existaient — il y avait un système professionnel différent de celui qu'on connaît depuis 1973, mais il y avait un système professionnel qui fonctionnait au Québec. M. Castonguay l'a rappelé hier de façon, je pense, assez éloquente aussi. Alors, je pense qu'il faut se rappeler ça, puis se dire que l'Office des professions ne nous a pas mis au monde.

Mme Caron: En page 15, concernant les plaintes, vous nous dites, au dernier paragraphe: «Pourquoi l'avant-projet de loi ne facilite-t-il pas l'introduction des plaintes privées en attribuant certains pouvoirs d'assistance au plaignant à travers une personne indépendante et extérieure à la Corporation?» Qui, croyez-vous, pourrait jouer ce rôle? Est-ce que vous le voyez du côté de certaines associations ou...

M. Renauld: En fait, on a lancé cette idée-là. J'avoue bien honnêtement qu'on a essayé, dans le court laps de temps que nous avons eu, de mettre de l'avant des éléments constructifs, des éléments qui relèvent un peu de notre expérience, etc. Alors, voilà une piste qui pourrait être exploitée et puis examinée de plus près. Mais, à brûle-pourpoint, comme ça, je dirais peut-être, pourquoi pas, par exemple, que ce serait... Ça pourrait être une responsabilité ou une tâche qui incomberait, par exemple, au Conseil interprofessionnel du Québec. Pourquoi pas avoir un certain moyen pour faciliter, justement, l'accès au système pour des individus qui auraient des problèmes avec telle ou telle corporation? C'est une piste — il faudra l'examiner — et je ne voudrais surtout pas engager le Conseil ou les autres corporations. Ça ne relève pas de mon ressort, mais c'est une piste, je pense, qui mériterait d'être examinée.

Mme Caron: Oui, je pense que c'est un élément qui peut être intéressant. Dans l'avant-projet, on parle plutôt de demander au secrétaire de la corporation d'aider à la formulation de la plainte. Il semble que ça posait problème pour certaines corporations. Est-ce que ça pose problème, ou vous souhaitez vraiment que ce soit quelqu'un de l'extérieur?

M. Renauld: Non, non, mais cette piste-là, aussi... Dans les faits, il faut comprendre qu'on fait déjà ce genre de choses-là à l'occasion. On aide les gens. Le cas plus précis de discipline auquel on faisait référence, je peux dire que, dans ce cas-là aussi, nous sommes

intervenus, et nous avons assisté... Dès lors que le syndic a trouvé qu'il y avait matière, nous avons aidé la partie plaignante à formuler cette plainte-là.

Alors, on le fait déjà. Maintenant, encore une fois, on n'a pas un grand dossier disciplinaire, mais ça nous semble quelque chose avec laquelle il n'y a pas de difficulté.

Mme Caron: Oui, c'est évident que 10 plaintes par année, c'est un petit peu différent des corporations qui ont beaucoup de plaintes. Puis, peut-être que ce service d'aide pourrait poser davantage de problèmes.

Vous sembliez déçu... En page 7, vous faites part de votre déception que l'avant-projet de loi ne modifie pas le rôle du Conseil interprofessionnel du Québec. Vous auriez souhaité que ce rôle soit enrichi. De quelle façon?

M. Renauld: M. le Président, je pense que... Hier, on a eu l'occasion d'entendre les gens du Conseil interprofessionnel qui ont évoqué quelques pistes. Notamment — et ça me semble, à la lumière des mémoires que nous avons entendus depuis hier, de plus en plus évident — on identifie un problème assez important — ça a été bien mis en lumière par nos amis ingénieurs tout à l'heure — du côté de l'information du public. Et, encore une fois, je pense qu'il faut renchérir là-dessus, et bien préciser que ce serait dommage de remettre en cause un système, alors que le problème est peut-être plus au niveau de la perception par le public.

Je pense que, là, c'est un mandat beaucoup plus du côté de l'information qu'il faudrait examiner avant de tout remettre en cause. Alors, je pense que voilà une piste qui pourrait certainement être quelque chose... Peut-être que les corporations, en commun, pourraient se concerter et intervenir de façon plus importante du côté de l'information. C'est une piste, et il y en a d'autres aussi, du côté de certaines recherches.

Mme Caron: Je vous remercie.

Le Président (M. Gautrin): Merci. M. le ministre, vous avez encore une minute.

M. Savoie: Merci, M. le Président. Alors, j'aimerais tout simplement remercier la Corporation d'avoir pris le temps de présenter un mémoire, de nous avoir souligné quelques observations, quelques recommandations aussi. J'espère également que les explications qui ont été fournies, lors de cette commission parlementaire sur l'avant-projet de loi, vous ont permis de vous rassurer que, jamais, je ne laisserai Tom Mulcair diriger la Corporation des comptables en management accrédités du Québec. Ça, il faudrait que ce soit bien clair que la tutelle implique d'autres processus et probablement extraordinaires. Je pense qu'il faudrait que ce soit clair. J'espère, effectivement, que, lorsque nous arriverons avec le projet de loi en tant que tel, on sera peut-être en mesure de faire un petit peu plus de chemin ensemble et constater qu'il y a effectivement des solutions qui doivent être apportées aux problèmes, et que ces problèmes sont reconnus par le public.

M. Dubé: M. le Président, je peux seulement terminer en assurant le ministre de notre plus entière collaboration, tel que la Corporation l'a toujours démontré depuis toujours.

Le Président (M. Gautrin): Merci. Alors, pour la conclusion, Mme la députée de Terrebonne, vous avez encore trois minutes.

Mme Caron: Merci, M. le Président. En conclusion, moi, je vais peut-être rappeler un élément important aussi, qu'on retrouve dans votre mémoire — c'est en page 8. Lorsque vous parlez, finalement, des changements substantiels aux pouvoirs réglementaires qui étaient réservés au gouvernement jusqu'à maintenant et qui semblent démontrer — ces modifications — que le gouvernement abdique face à ses responsabilités, je pense que c'est important de rappeler qu'il faut que le gouvernement conserve un rôle important au niveau de la protection du public. Ce rôle ne devra pas être mis complètement dans les mains d'une autre instance. Le projet de loi 67, qui va toucher au financement de l'Office des professions, va dans le même sens de ce désengagement de l'État par rapport à la protection du public. Je pense que, là-dessus, il va falloir aussi être extrêmement vigilant, mais le ministre nous a dit qu'il n'y aura pas d'autre tribune pour parler du projet de loi 67. Alors, peut-être, si vous aviez quelques mots à nous dire là-dessus.

Le Président (M. Gautrin): M. Dubé.

M. Dubé: Ce que je voudrais mentionner concernant l'avant-projet de loi 67, je l'ai mentionné tout à l'heure en exprimant le fait que, dans le projet de loi 67, on ne voit aucune balise. On commence par parler d'augmenter les pouvoirs de l'Office et, en parallèle, le projet de loi 67 fait son bout de chemin. Donc, si on se retrouve avec une procédure où l'Office a plus de pouvoirs et qu'on ne prend pas le temps, comme il faut, de juger de l'impact final de ces résulats, en bout de ligne, on va se retrouver avec un office qui va avoir des budgets beaucoup plus substantiels, tels qu'on les connaît aujourd'hui.

Je pense que c'est très important qu'on ne mette pas la charrue avant les boeufs. On va commencer par parler de l'avant-projet de loi et s'entendre. On a assuré le ministre de notre plus entière collaboration, mais, de grâce, je pense qu'il faut être honnête dans la démarche et ne pas mettre la charrue avant les boeufs.

Mme Caron: Me Janelle, M. Dubé, et M. Renauld, merci beaucoup.

Le Président (M. Gautrin): Alors, M. Dubé, M. Renauld, Me Janelle, la commission tient à vous remercier pour votre présentation. Je demanderais maintenant à la Corporation professionnelle des conseillers en relations industrielles de bien vouloir s'avancer, et je suspends les travaux pour une minute.

(Suspension de la séance à 12 h 10)

(Reprise de la séance à 12 h 12)

Le Président (M. Gautrin): La commission reprend ses travaux. Ça me fait plaisir d'accueillir la Corporation professionnelle des conseillers en relations industrielles du Québec. C'est M. Rodrigue Brillant qui remplace M. Tremblay, c'est bien ce que je comprends? C'est vous qui êtes le porte-parole?

Alors, écoutez, vous connaissez les règles de nos procédures. On a en principe une heure. À 13 heures, il faudra qu'on regarde ce qu'on a fait. En particulier, le temps est partagé en trois parties égales: un tiers pour votre présentation, un tiers pour le parti ministériel et un tiers pour le parti d'Opposition. Alors, M. Brillant, vous avez la parole pour présenter votre mémoire.

Corporation professionnelle des conseillers en relations industrielles du Québec

M. Brillant (Rodrigue): Tout d'abord, je voudrais présenter Mme Dominique Lapierre, qui est membre du bureau de direction; M. Florent Francoeur, qui est directeur général de la Corporation; et moi-même, qui suis vice-président de la Corporation.

Le Président (M. Gautrin): Parfait.

M. Brillant: M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, mesdames, messieurs, notre corporation vous remercie de nous fournir l'occasion de présenter un mémoire sur l'avant-projet de loi modifiant le Code des professions.

Je vous dirai, tout d'abord, que notre participation sera la plus généreuse et la plus franche possible, en tenant compte surtout de la protection du public et de l'efficacité des structures existantes. Prenant pour acquis que vous avez pris connaissance du mémoire, je ne ferai ressortir que ses principaux éléments. Tout d'abord, notre corporation est une corporation à titre réservé, ce qui signifie que nos membres sont des professionnels qui travaillent dans une même sphère d'activités — les relations du travail, la gestion des ressources humaines, la formation, la santé et la sécurité au travail — et qui ont choisi — je pense que le terme est important — de se regrouper pour se doter d'un code de déontologie, de mécanismes d'arbitrage, d'un comité de discipline, d'un comité d'inspection professionnelle et de mécanismes de formation.

Notre corporation s'est donc fixé comme mandat d'assurer au public l'excellence des services de ceux qui portent le titre réservé de «conseiller en relations industrielles», de favoriser les échanges entre les divers agents du milieu — patronaux, syndicaux et gouvernementaux — de promouvoir la formation de ses membres, de dispenser une gamme de services, et aussi, de communiquer au public l'information, afin de lui faire connaître les implications humaines, sociales, économiques et politiques des relations industrielles.

L'analyse de l'avant-projet de loi a été réalisée par des membres du bureau de direction, dont les spécialisations sont le droit, l'administration et la gestion des ressources humaines. Il est à noter qu'un des membres était un représentant du public, ce que nous faisons toujours lors de dossiers importants. Nous avons donc étudié ce projet en tenant compte des cinq aspects suivants: les raisons du changement, les lacunes du système actuel, la démarche, l'efficacité des changements et le financement.

Les raisons du changement sont justifiées par les objectifs suivants: la transparence, la souplesse, l'accessibilité et la réduction des coûts. Nous ne retrouvons pas, dans cet avant-projet de loi, ce qui pourrait modifier, de façon significative, ces facteurs. Tout au contraire, l'ajout de nouveaux mécanismes, l'imposition de délais ne feraient qu'augmenter les coûts et les échéances.

En ce qui a trait aux lacunes du système actuel, nous nous interrogeons aussi sur la justesse des faiblesses identifiées dans ce système. Nous croyons que ce système, après 20 ans, peut se rafraîchir un peu, mais, pour la Corporation, c'est un système qui est très satisfaisant. Nous réitérons notre ferme volonté à l'autogestion des corporations dans la protection du public, et dans le mandat de l'Office de s'assurer que chaque corporation assume son rôle.

Si nous avions à identifier une première lacune dans le système, ce serait un glissement de l'Office face à son rôle initial et celui de son éparpillement. Avant de modifier les mandats de l'Office, nous devrions voir comment il s'acquitte de son mandat et s'il a les structures pour le faire efficacement et économiquement. Nous irions donc jusqu'à dire que l'Office devrait se limiter à son mandat original et se départir de tout ce qu'il s'est approprié avec le temps.

En ce qui concerne la démarche, pour notre Corporation, il semble difficile de bien comprendre les motifs qui justifient l'empressement avec lequel le gouvernement veut adopter son avant-projet de loi. Comme nous le faisons généralement, nous suggérons qu'une évaluation soit faite, compte tenu des objectifs que nous voulons atteindre et des moyens que nous voulons mettre de l'avant pour les atteindre. Nous sommes d'accord, après 20 ans, nous devrions revoir le fonctionnement. Mais avant d'engendrer des changements importants, nous devrions procéder à une analyse détaillée de

la situation.

Quant à l'efficacité des changements, présentement, les 240 000 professionnels qui, bon an mal an, réalisent quelque 200 000 000 ou 300 000 000 d'actes professionnels, n'entraînent qu'environ 3000 plaintes, dont 200 sont de nature disciplinaire. Sans minimiser l'importance des plaintes, il faut conclure que la qualité des services offerts au public est bonne.

Le nouvel avant-projet de loi veut ajouter un comité d'examen des plaintes et quelques formulaires pour régler on ne sait quels problèmes exactement, et qui iraient à rencontre des objectifs du ministre. De plus, en imposant des délais dans la réalisation d'un rapport, nous pouvons nuire à l'efficacité du système et entraîner l'inefficacité du travail. D'autres avenues plus simples, telle que la demande d'échéance dans le règlement des dossiers, s'avéreraient probablement plus performantes. La conciliation des différends nous semble une avenue intéressante pour le règlement rapide de griefs et pourrait être confiée à des membres de notre corporation qui, pour beaucoup d'entre eux, travaillent avec un système équivalent et qui a fait ses preuves.

De plus, le projet de loi confère à l'Office d'autres mandats que celui de départ. Nous nous objectons donc à ces changements qui lui accorderaient des fonctions d'intervention directe: imposition, approbation, exécution, enquête. D'ores et déjà, pour un maximum d'efficacité, nous considérons que l'Office doit revenir à son mandat d'origine, qui est celui de s'assurer que les corporations voient à la protection du public. Tout autre mandat demandé par le gouvernement ou d'autres intervenants devrait être assumé par une autre organisation. Pour terminer cette section, nous considérons qu'il serait souhaitable d'augmenter le pouvoir des corporations à titre réservé, afin qu'elles puissent mieux protéger le public. (12 h 20)

Au niveau du financement, l'objectif qui semble clair pour le gouvernement est celui de financer l'Office par les contributions des corporations. Avant de se prononcer sur un tel financement, nous ne pourrions accepter que cela soit fait de façon aveugle, car si tel était le cas, les résultats représenteraient d'ailleurs une catastrophe, tant pour les corporations que pour le public. Vous comprendrez que ceci est en contradiction avec toute forme de saine gestion. Nous ne croyons pas à l'autonomie totale de l'Office, car ceci nous mènerait quasi instantanément à un système inflationniste et conflictuel qui, en cette période, n'est probablement pas souhaitable. Donc, avant de parler de financement, ceux qui financeront devront avoir un droit de regard sur la mission, l'organisation et les mandats. Ceci est une condition sine qua non et raisonnable pour avoir l'appui de notre corporation.

Pour compléter cet exposé, nous demandons donc d'abandonner cet avant-projet de loi pour nous permettre une évaluation de la situation, une implication dans les décisions, une analyse des répercussions associées aux changements, une comparaison du système actuel avec celui proposé, et la recherche d'alternatives nouvelles plutôt que des changements drastiques.

Une dernière mise en garde. Il serait extrêmement dangereux d'ajouter au projet de loi des modifications prises ici et là, qui nous empêcheraient d'avoir une interrogation logique et une loi qui serait cohérente. Donc, pour conclure, M. le ministre, croyez en notre volonté de vouloir participer positivement à l'amélioration du Code des professions. Merci.

Le Président (M. Gautrin): Merci. Je voudrais demander à la personne qui s'est jointe à votre délégation de s'identifier.

M. Brillant: M. Jean Perron, qui est trésorier de la Corporation.

Le Président (M. Gautrin): Merci. Vous êtes le bienvenu dans nos débats. Compte tenu qu'il nous reste, à l'heure actuelle, 35 minutes, je vais partager le temps en parties égales: ça veut dire 17 minutes de part et d'autre. Alors, M. le ministre et député d'Abitibi-Est, dans votre première intervention, c'est une enveloppe de 17 minutes.

M. Savoie: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, permettez-moi de saluer la Corporation professionnelle des conseillers en relations industrielles du Québec, et tout particulièrement, son président, M. Tremblay, de même que M. Florent Francoeur, le directeur général, Mme Lapierre, et également, bien sûr, M. Brillant, qui nous a fait l'exposé au nom de la Corporation professionnelle.

On a eu, finalement, des commentaires qui portent essentiellement sur la position du CIQ, en grande partie. En tout cas, je ne dis pas que ça vient d'eux, mais ça suit la même orientation que le CIQ. Je pense qu'en gros c'est ça. C'est que, finalement, vous vous inquiétez des pouvoirs accrus que pourrait obtenir l'Office suite à l'adoption du projet de loi. Vous vous inquiétez également de certains mécanismes, qui sont assez lourds quand même pour une corporation comme la vôtre, je le reconnais volontiers. Effectivement, ce n'est pas une corporation, vous êtes à peu près... Vous, vous êtes une corporation professionnelle depuis 1973, également, je crois, et vous êtes à peu près dans la même situation que les comptables en management accrédités, les CMA, c'est-à-dire aucune, aucune décision disciplinaire sur 20 ans. Évidemment, vos fonctions font en sorte qu'on peut s'y attendre. Vous êtes un peu, si on veut, dans la même situation que les agronomes, les chimistes, beaucoup plus, par exemple, dans la situation, je ne sais pas moi, des médecins, des infirmières, des choses comme ça, des professions de cette nature-là. La Corporation est quand même... C'est une corporation qui est quand même assez active. Vous avez combien de membres encore?

M. Brillant: Nous avons 1200 membres présentement.

M. Savoie: Oui. En 1973, vous en aviez combien, à peu près là? Je pense, 500 je crois; c'est ça, 480; oui, c'est ça.

M. Brillant: Ça devrait tourner, oui...

M. Savoie: C'était l'ordre de grandeur là, à peu près, je pense, de mémoire, parce que ça fait longtemps que j'ai lu ce rapport-là. Bon, enfin, il y a un développement, et on constate une volonté de participer. Des commentaires qui se situent au niveau de l'alourdissement encore, le comité d'examen des plaintes... Vous dites que c'est lourd de conséquences au point de vue financier. Je pense qu'on a déjà indiqué que c'était lourd de conséquences au niveau financier. On n'y donnera pas suite, pas besoin de ça. Si ça coûte les yeux de la tête, on ne le fera pas, parce que ce n'est pas ça qu'on cherche. On cherche un mécanisme léger, effectif, impliquant des citoyens, qui ne coûte pas cher. C'est sûr que, pour vous... Vous avez combien de plaintes par année, à peu près?

M. Brillant: C'est-à-dire que des plaintes formelles sur nos membres, nous n'en avons quasiment pas, mais nous avons beaucoup de plaintes sur des non-membres, qui oeuvrent dans notre champ de spécialité. L'ensemble des plaintes est plutôt en fonction de non-membres que de membres.

M. Savoie: D'accord. Finalement, c'est ce qu'on me dit aussi, c'est que vous n'aviez quasiment pas de plaintes. La dernière fois que vous avez déposé un rapport annuel, c'est quand, donc?

M. Francoeur (Florent): II y a deux ans.

M. Savoie: II y a deux ans. Ça fait qu'on va l'avoir... C'est parce que c'est ça, là... On va l'avoir sous peu, oui, deux années de suite?

M. Francoeur: C'est-à-dire que, normalement, il devrait être à chaque année. Cette année, on a demandé d'avoir une exemption, pour les raisons que vous connaissez probablement. Mais, cette année, vous pouvez être sûr que vous allez le recevoir à la fin de notre exercice financier.

M. Savoie: C'est beau, ça. Je vous remercie. Normalement, par exemple, un rapport annuel s'impose.

M. Francoeur: Ah! On en est convaincu, nous aussi, vous pouvez être sûr.

M. Savoie: Oui. Ça nous permet, au moins, d'avoir un survol de vos activités, et c'est déposé à l'Assemblée nationale. C'est important, et on aimerait ça avoir le rapport en question.

Finalement, comment vous voyez... Le coeur du dossier porte sur le processus disciplinaire. Je pense que, sur la balance, c'est des nuances, hein? Je pense que vous allez être d'accord, bon, qu'on fasse passer de cinq à sept le nombre de membres de l'Office, avec deux citoyens. Je pense que vous allez être d'accord avec la démocratisation et d'accord avec l'allégement. Vous êtes d'accord avec l'ensemble... Le litige porte sur l'administration de la discipline. On est d'accord?

M. Brillant: Et les coûts, probablement.

M. Savoie: Oui, oui. Mais... c'est ça là. Là, vous parlez de l'autofinancement. Ça, ce n'est pas sur la table. Ça ne fait pas l'objet de discussions, et ce n'est pas dans ce projet de loi ci, il faut bien s'entendre. Je pense que vous le savez. L'autre n'est pas déposé comme avant-projet ou comme projet.

Finalement, au niveau de la discipline, vous dites... Essentiellement, le changement est, par exemple, au niveau du comité de discipline, qu'on facilite l'exercice, le recours du citoyen au niveau du comité de discipline. Ça, je pense que là-dessus aussi vous êtes d'accord. Il n'y a pas de problème avec ça non plus.

Là, où il y a problème, là où il y a un os, c'est sur tels pouvoirs d'enquête et le comité des plaintes. En gros, c'est tout ça. En gros, là.

M. Brillant: Oui. Ce qu'on dit, c'est qu'on est d'accord, évidemment, avec l'allégement, avec l'accessibilité plus grande du public. Mais, au niveau des moyens, plus on ajoute des moyens, généralement, ça a l'influence inverse: plus ça devient compliqué, plus ça devient long, plus les gens n'ont pas confiance, et plus les gens se dissocient de ce processus-là.

M. Savoie: D'accord. C'est ça. Alors, finalement, vous dites: Bon, au niveau du système de tutelle, c'est un alourdissement des mécanismes importants. Au niveau des pouvoirs d'enquête, c'est un alourdissement important. Un comité des plaintes, ça aussi, ça peut coûter cher même. Vous soulevez ces questions-là.

M. Brillant: Et, l'autre élément qui est... M. Savoie: Oui.

M. Brillant: Et l'autre élément qui est important pour nous, c'est que le citoyen qui veut faire une plainte puisse le faire, mais le plus rapidement possible, et ne pas mettre d'entrave à ces plaintes-là. Je ne suis pas convaincu que l'avant-projet de loi est un système qui va dans ce sens-là.

M. Savoie: Puis, vous êtes d'accord, en passant,

aussi avec le formulaire, hein, je pense? Je ne me rappelle pas, dans mes...

M. Brillant: Non. C'est-à-dire que... Non, le formulaire... Il faudrait voir le formulaire.

M. Savoie: Oui.

M. Brillant: Mais, souvent, les...

M. Savoie: Est-ce que vous êtes d'accord avec le principe du formulaire?

M. Brillant: Je suis d'accord avec le principe du formulaire, dans la mesure où le public connaîtra bien ce qu'est le rôle d'une corporation professionnelle.

M. Savoie: Oui, oui.

M. Brillant: Ce qui n'est pas le cas, à mon avis, présentement.

M. Savoie: Donc, vous êtes d'accord avec le formulaire. C'est ça?

M. Brillant: Si c'est technique, on peut toujours être d'accord avec ça.

M. Savoie: Oui. Je pense que ça facilite la tâche des citoyens et des citoyennes qui... Ça va affecter moins les conseillers en relations industrielles que d'autres, mais vous êtes d'accord avec le principe?

Des voix: Oui.

M. Savoie: Ça fait que si le Conseil interprofessionnel me dit que tous ses membres sont contre, je vais dire: Ce n'est pas vrai, j'en connais un qui est pour.

M. Francoeur: C'est-à-dire que, là, vous... Le formulaire, c'est ce que j'appellerais, pour notre corporation, du moins, une technicalité, c'est-à-dire qu'on pourrait parler de formulaires, on pourrait parler d'un paquet de... Ce qui est beaucoup plus important que ça, c'est le mécanisme par lequel on introduit différentes structures, différents comités, et qui, là, pour nous, deviennent beaucoup plus difficiles. Ce n'est pas... Je pense que s'attarder uniquement à dire «est-ce que vous êtes d'accord avec un formulaire?», c'est peut-être ramener le débat à des choses un petit peu plus techniques que ce qu'on voudrait, dans le fond. Le débat devrait être beaucoup plus vaste.

M. Savoie: Est-ce que vous pensez qu'on va vous forcer à faire un comité des plaintes? (12 h 30)

M. Francoeur: Forcer? Non. Au moment où on se parle, aujourd'hui, c'est-à-dire — si vous me permet- tez l'expression — qu'un pied dans la porte peut amener, par la suite, d'autres mesures, et c'est un peu ce qu'on craint. Quand on parlait de dérapage, dans notre mémoire, «ouvrir la porte à des possibilités de», dans deux ans, on pourra peut-être parler carrément d'obligation.

M. Savoie: Vous pensez qu'on pourrait, donc, vous l'imposer un petit peu plus tard...

M. Francoeur: Bien sûr.

M. Savoie: ...puis ça serait des... Même si vous n'avez pas de plaintes, ou très peu, comme vous dites — en bas de 10 par année, en bas de 5 même, je suis certain — vous pensez que le gouvernement pourrait arriver et commettre cette ânerie-là?

M. Francoeur: Oh, bien...

M. Savoie: Vous avez une très haute estime de votre gouvernement.

M. Francoeur: Disons qu'il s'est déjà vu des exemples similaires.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Savoie: Oui, sous l'ancien gouvernement, sans doute.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Savoie: II y avait un autre point. Pensez-vous vraiment, par exemple, qu'au niveau du pouvoir de tutelle qui est demandé ici par l'Office, le pouvoir d'enquête, ça pourrait s'exercer contre votre corporation? Par exemple, pour le retard dans le dépôt d'un rapport annuel, pensez-vous que ça pourrait s'appliquer dans un cas comme ça?

M. Francoeur: Je dirais qu'appliquer un pouvoir de tutelle parce qu'il n'y a pas eu publication d'un rapport annuel, ça serait peut-être... Si ça se produisait. ..

M. Savoie: Oui.

M. Francoeur: ...ce serait un très bel exemple où on pourrait parler d'un pouvoir accru et qui n'est peut-être pas utile.

M. Savoie: Peut-être pas pour ça, non.

M. Francoeur: Je vous rappellerais que, dans le cas, par exemple...

M. Savoie: Pourquoi vous pensez qu'on demande-

rait un pouvoir de tutelle? On se servirait de ça dans quelles circonstances, vous pensez?

M. Francoeur: Par exemple, une situation déficitaire chronique.

M. Savoie: Ça, on a déjà ce pouvoir-là. Supposons une autre circonstance où on pourrait demander le pouvoir de tutelle en vertu de l'article... Un exemple, comme ça, dans les airs?

M. Francoeur: Je n'en ai pas.

M. Savoie: Transgression à la loi, par exemple.

M. Francoeur: Oui, mais, je dirais, d'application concrète dans notre corporation, ce serait relativement difficile, à moins de...

M. Savoie: On dit, par exemple, qu'on n'applique pas le code de déontologie. Ça pourrait être un cas comme ça?

M. Francoeur: Ça pourrait être un cas. C'est ça. Par contre, ce qu'on...

M. Savoie: Pensez-vous que ça va être l'Office qui va exercer la direction de la corporation, ou si ça va être d'autres membres qui vont être nommés par le gouvernement pour exercer la direction de la corporation?

M. Francoeur: Ça pourrait être d'autres membres, comme ça pourrait être l'Office.

M. Savoie: Oui, c'est ça. Ce ne sera pas les membres de l'Office, hein?

M. Francoeur: Ça pourrait l'être.

M. Savoie: Non, ça ne pourrait pas l'être.

M. Francoeur: Si vous nous le dites.

M. Savoie: C'est ça. C'est ça qui est visé, finalement. Justement, on se fait dire: «On n'applique pas le code de déontologie. Tu m'entends? On ne l'applique pas!». C'est ça qui est visé. Alors, est-ce que c'est un alourdissement, ça, pour les corporations professionnelles, au niveau de leur gestion? Est-ce que c'est un alourdissement pour vous autres?

M. Brillant: Peut-être qu'au niveau du principe. Nous, on voit l'Office comme un agent de concertation, un agent de rapprochement et un agent de correctif, mais toujours en fonction d'assistance et non d'imposition. Il faut dire que l'imposition nous inquiète beaucoup, parce que c'est un instrument qui peut être extrê- mement dangereux. On ne sait pas la façon dont ils vont l'utiliser s'ils avaient à l'utiliser. C'est une inquiétude.

M. Savoie: C'est une inquiétude?

M. Brillant: Ah oui! c'est une inquiétude.

M. Savoie: C'est sûr que c'est toujours inquiétant un peu, quand tu sais que, si tu dis au gouvernement «on s'en fout de tes lois, on va faire ça comme on veut», le gouvernement pourrait te «clairer».

M. Brillant: Mais probablement que les membres pourraient nous destituer aussi, je crois, dans une prochaine élection, s'ils voyaient que nous avons des attitudes...

M. Savoie: À moins que le président soit élu là-dessus. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Savoie: Oui, je pense qu'on se comprend bien. Je comprends vos inquiétudes, et vos inquiétudes, je peux vous le dire, sont partagées. Je les partage. Je ne veux pas, moi non plus, que l'Office commence à faire du caporalisme. On n'est pas du tout intéressé par ça. On n'est pas intéressé, non plus, à ce que... Ce qu'on veut, finalement, l'objectif qu'on cherche à avoir, c'est d'avoir des corporations en pleine santé, pétantes de critiques, pétantes de projets, et pétantes d'orientations à développer. Aussi, on veut également s'assurer que le public peut se sentir confortable dans des structures comme ça, qu'il puisse sentir que, s'il y en a un de la gang qui ne suit pas les règles du jeu, qu'il va se faire parler. C'est ça qu'on cherche à avoir aussi. C'est ça l'équilibre qu'on cherche à créer, et je suis certain que vous partagez également cette orientation. Il s'agit de déterminer tout simplement les mécanismes.

M. Brillant: II y a peut-être un risque dans cette procédure-là, à mon opinion, c'est d'aller par exception, de prendre la pire situation et d'essayer de la régler, quand on sait que... En tout cas, on considère que le système des corporations professionnelles est sain. Si on regarde 300 000 000 ou 400 000 000 d'actes professionnels, 3000 plaintes — dont 200 disciplinaires — rapidement, je pourrais dire qu'on est à un huitième d'un million de 1 %. Ce n'est pas beaucoup.

M. Savoie: Non, ce n'est pas beaucoup.

M. Brillant: Donc, c'est une inquiétude. Nous, on dit: On a un système qui semble être sain, qui fonctionne bien. Pourquoi on voudrait rajouter des mécanismes qui, pour nous, semblent un peu illusoires?

M. Savoie: Si je vous disais que... Au moins à

trois reprises, en l'espace de deux ou trois ans, je me suis fait dire: «On ne respectera pas cet article-là. Tu m'entends? On ne le respectera pas». Vous, vous penseriez quoi, à ce moment-là? — vous êtes ministre des corporations professionnelles et vous vous faites dire ça.

M. Brillant: Comme ministre, je serais surpris un peu, au moins!

M. Savoie: On l'est la première fois, je peux vous en assurer. Les mâchoires, elles tombent sur la table, ce n'est pas long.

M. Brillant: II faudrait... En tout cas... Évidemment, c'est un cas, j'imagine, hypothétique. Ha, ha, ha!

M. Savoie: Non, non, ce n'est pas hypothétique.

M. Brillant: II faudrait connaître les raisons pour lesquelles cela a été dit.

M. Savoie: Oui, oui, c'est ça.

M. Brillant: On ne peut vraiment pas répondre. Vous seriez mieux que moi pour répondre.

M. Savoie: Bien, vous voyez un peu que ce n'est pas si théorique que ça. C'est ça que j'essaie de transmettre comme ça. Bien...

Le Président (M. Gautrin): II vous reste deux minutes.

M. Savoie: Oui, je vous remercie, M. le Président, mais je vais attendre de voir les commentaires...

Le Président (M. Gautrin): C'est bien sûr!

M. Savoie: ...et l'interrogatoire...

Le Président (M. Gautrin): Alors, Mme la députée de Terrebonne.

M. Savoie: ...que va nous proposer Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, puisque, dans votre mémoire — pour répondre à la question du ministre sur le formulaire — vous dites, en page 4: «Nous tenons à réaffirmer notre appui intégral au mémoire présenté par le Conseil interprofessionnel du Québec», donc vous endossez, évidemment, leurs propositions sur l'ensemble des modifications. Le Conseil interprofessionnel a surtout insisté sur le fait que, les corporations professionnelles étant différentes, on se devait de les doter de moyens différents. Donc, oui, c'est bon, un formulaire, mais le formulaire pourrait très bien être préparé par chacune des corporations, selon ce qu'elles ont comme types de plaintes, puisqu'on s'est aperçu que les types de plaintes étaient vraiment très différents d'une corporation à l'autre.

Vous nous avez parlé, en pages 3 et 9, de l'importance de votre corpo qui est à titre réservé, donc sur une base volontaire, sur ce que ça implique, une corporation à titre réservé. On sait que l'on en a près de la moitié des corporations professionnelles qui sont à titre réservé, donc, sur une base volontaire. En page 9, vous nous dites qu'il faudrait une évaluation globale. Je pense que vous avez raison, parce que c'est un problème extrêmement important au niveau de la protection du public, le fait que nous en ayons près de la moitié — 20 sur 41 corporations professionnelles — qui sont à titre réservé, donc, qui n'ont pas toujours le pouvoir d'exercer cette protection du public, puisque ce ne sont pas tous les membres qui font partie de leur corporation professionnelle. Dans cette évaluation-là, est-ce que vous avez quelques pistes de réflexion qui pourraient nous guider? (12 h 40)

M. Francoeur: Ce qui peut, je dirais... Les propositions qu'on souhaiterait faire, dans le fond, doivent englober l'idée que, par exemple... On donne, dans notre mémoire, un cas précis, qui est l'exemple de la formation professionnelle dans son ensemble, où on dit: II y a des gens qui, aujourd'hui, s'affichent comme formateurs. C'est possible, aujourd'hui, d'ouvrir un bureau, de s'afficher formateur, de faire de la formation dans l'entreprise, et même, dans une certaine mesure, d'être éligible à certaines subventions. On se dit que ces gens-là ne se sont pas volontairement, comme les 1200 autres membres de la corporation, soumis à un code de déontologie, à un comité d'inspection professionnelle et à différentes normes, à différentes qualités de gestion. Finalement, ces qualités de gestion assurent la protection du public.

Alors, ce qu'on dit, c'est: Aujourd'hui, il y a un glissement qui risque de se faire si on complique, par exemple, le travail des corporations. Forcément, ça se traduit en coûts pour le membre individuel. Si ça se traduit en coûts pour le membre individuel, il peut être porté à dire: Je ne deviens plus membre, c'est trop restrictif pour moi. On va m'évaluer et ainsi de suite. D'abord, j'enlève mon titre, et je m'affiche simplement comme formateur, au lieu de m'afficher comme conseiller en relations industrielles. Ce qu'on dit, dans ce cas précis, c'est que ce n'est pas sain pour le public. Le public, dès qu'il a besoin de faire affaire, par exemple, avec un formateur dans l'entreprise, devrait, je dirais, instinctivement penser à un conseiller en relations industrielles, parce que c'est notre métier, et que ces gens-là adhèrent à une certaine philosophie de gestion. Alors, si on y va, dans l'ensemble... Pour répondre de manière plus précise à votre question, la philosophie, c'est ça, c'est de dire: Si les titres réservés... Si on doit augmenter les tracasseries administratives des corporations, et que le résultat net, c'est qu'on a une désaffiliation des

membres, qui vont à gauche et à droite, à ce moment-là, le résultat net fait que le public est mal servi. C'est ce qu'il faut éviter.

Mme Caron: Un professionnel — dans votre domaine, par exemple — qui n'est pas membre de votre corporation peut poser des actes qui sont contre votre code de déontologie, mais puisqu'il n'y adhère pas, puisqu'il n'en fait pas partie, vous n'avez pas à assurer cette protection du public, mais ça nuit quand même à votre réputation, puisque ce n'est pas évident que les personnes sont au courant si la personne faisait partie de la corporation professionnelle ou non. Est-ce que vous allez jusqu'à dire que, pour les corporations à titre réservé, il faudrait même qu'il y ait obligation d'être membre?

M. Brillant: M. le Président.

Le Président (M. Gautrin): Monsieur.

M. Brillant: Dans des secteurs précis d'activité, à mon avis, il devrait y avoir obligation, pour les raisons, je crois, que vous avez bien cernées, à savoir que nos membres peuvent être pénalisés par des gestes de non-membres dans un secteur bien précis. Puis, on le voit beaucoup à la Corporation, parce qu'on a beaucoup de plaintes en fonction de non-membres — non de membres. Puis, tous ces gens-là sont à deux niveaux: soit que nos membres travaillent dans des organisations, soit que ce sont des gens qui sont en consultation. Les gens en consultation sont extrêmement vulnérables aux gestes malhonnêtes, aux gestes incorrects de la part de non-membres, parce que ça touche l'ensemble du secteur et non juste la personne qui pose le geste.

Mme Caron: Ces insatisfaits-là font sûrement partie de l'ensemble de ceux qui trouvent qu'ils n'ont pas satisfaction par rapport au système des professionnels.

M. Brillant: Sauf qu'on ne pourrait pas les aider davantage avec le système qu'on a présentement.

Mme Caron: C'est ça. M. le Président, je vais laisser du temps pour ma collègue des Chutes-de-la-Chaudière, qui aurait quelques questions.

Le Président (M. Gautrin): Avec plaisir. Mme la députée des Chutes-de-la-Chaudière.

Mme Carrier-Perreault: Alors, je vous remercie, M. le Président. Il me fait plaisir de rencontrer les membres de la Corporation professionnelle des conseillers en relations industrielles. Ma collègue mentionnait qu'elle avait été enseignante, et moi je suis une fille qui a travaillé en relations industrielles. Alors... Il y a quelque chose qui m'étonne et j'aimerais qu'on reparle un peu du «membership» que vous avez. Ça m'a toujours un petit peu étonnée. Ça m'a toujours intriguée, à l'époque où j'étais en relations industrielles et où je travaillais dans le domaine.

Quand vous dites que vous avez 1200 membres, et quand on considère l'étendue possible de la clientèle — vous visez une clientèle qui est quand même importante — 1200 membres, c'est très peu. À quoi vous attribuez ça? D'une part, je sais que vous êtes une corporation à titre réservé. Donc, les gens ne sont pas obligatoirement obligés d'adhérer à votre corporation pour travailler dans le milieu. Par ailleurs, à quoi... Est-ce que c'est vraiment une méconnaissance? Comment est-ce que vous faites pour rencontrer les gens et les faire adhérer, chez vous, à votre corporation? Ça se diffuse comment l'information?

M. Brillant: J'aurais une première observation, qui est que... Nous avons 1200 membres présentement, mais la corporation a toujours été en progression. C'est un travail de terrain, qui prend du temps, et dont les résultats ne sont peut-être pas aussi rapides qu'on l'espérerait, mais c'est un travail où il y a toujours une progression de membres dans notre corporation. Un des éléments qui pourrait répondre à votre question, c'est le fait que nous sommes extrêmement sévères dans l'application des normes pour devenir membre de notre corporation, à savoir que les gens doivent avoir un profil bien particulier en relations industrielles, en formation et en gestion des ressources humaines. Il y a plusieurs personnes qui n'ont pas le profil que nous exigeons pour être membre de notre corporation; c'est une des raisons.

Mme Carrier-Perreault: Par ailleurs, je vais vous dire, le champ est tellement vaste. La formation des gens peut être très disparate, et l'expérience, elle, peut être dans plusieurs domaines. Est-ce que ça ne serait pas aussi un des critères qui fait que c'est plus difficile de sentir qu'on a besoin d'une corporation, quand on est dans un domaine comme ça?

M. Brillant: Je crois que les membres — du moins, les membres que nous avons, parce qu'il faut partir des membres que nous avons — recherchent dans notre corporation, dans un premier temps, un rafraîchissement de leurs connaissances, à savoir de mettre à jour leurs connaissances; dans un deuxième temps, je pense, la collégialité avec d'autres membres pour pouvoir avancer dans la profession, et pour pouvoir faire probablement développer la gestion des ressources humaines en général. Pour votre question spécifique, je n'ai pas vraiment de réponse, là.

Mme Carrier-Perreault: Je m'excuse de vous poser ces questions-là, mais ça fait longtemps que ça m'intrigue, ce bout-là. Je profitais de l'occasion pour vous le demander. Parmi les 1200 membres que vous avez...

M. Brillant: Peut-être que M. Perron aurait...

M. Perron (Jean): Si vous me permettez, il y a peut-être des critères additionnels qu'on pourrait ajouter sur, je dirais, le «membership» restreint de la corporation. D'abord, comme le mentionnait mon collègue, il y a effectivement les critères d'admission, qui sont évidemment beaucoup plus rigoureux que, par exemple, dans des associations professionnelles comme l'Association des professionnels en ressources humaines. On exige de répondre à des critères assez rigoureux, comme je vous le mentionnais. D'autre part, évidemment, il y a plusieurs de ces associations professionnelles qui jouent un rôle au niveau du développement professionnel. Mais, en ce qui a trait à la corporation comme telle, je dirai, les professionnels qui y adhèrent, c'est parce que, un, ils désirent être soumis à un code de déontologie qui est beaucoup plus complet, beaucoup plus exaustif que celui qu'on retrouve dans des associations professionnelles qui, souventefois, n'ont pas de ces codes de déontologie. Alors, ils veulent vraiment faire partie d'un groupe un peu plus hermétique, mais répondant davantage à des critères rigoureux au niveau de la pratique même des relations industrielles. Alors, ça explique, je pense bien, en partie, le fait que notre «membership» est un peu plus pauvre que celui des grandes associations professionnelles qu'on retrouve au niveau des ressources humaines, par exemple.

Mme Carrier-Perreault: Par rapport aussi à d'autres corporations professionnelles, je pense. Ce matin, on a vu les CMA, qui sont aussi à titre réservé. On s'entend là.

M. Perron (Jean): Oui.

Mme Carrier-Perreault: moi, je voudrais savoir, par ailleurs... par rapport aux 1200 membres que vous avez, vous en avez combien qui sont salariés, en entreprise? est-ce que vous avez une idée du pourcentage? c'est parce que... je vais vous dire pourquoi je vous pose cette question-là: c'est que, le ministre, ça l'inquiète beaucoup quand les gens n'ont pas de plaintes. remarquez bien que, dans votre cas, j'ai trouvé qu'il était assez compréhensif. il s'est dit qu'il n'y a pas de problème de ce côté-là, même s'il n'y a pas de plaintes. mais, pour le groupe avant — vous étiez sûrement présent dans la salle — le ministre n'a pas eu l'air de comprendre qu'il n'y ait pas de plaintes dans certaines corporations professionnelles. il y en avait une dizaines par année, et ils nous ont expliqué, eux autres — dans leur cas, c'était facile à comprendre, il me semble — que la majorité, en fait, un gros, gros pourcentage — 85 % qu'ils nous ont dit — de leurs membres étaient en entreprise. donc, les sanctions venaient de la part des entreprises qui les engageaient, et la corporation n'avait pas à recevoir de plaintes. elle ne les recevait pas nécessairement non plus. alors, j'aimerais savoir: quel est le pourcentage de gens, chez vous, qui sont salariés?

M. Brillant: sous réserve de 1 % ou 2 %...

Mme Carrier-Perreault: C'est vraiment, chez vous, une clientèle...

M. Brillant: à 75 %, c'est des gens qui occupent des postes de hauts salariés dans les entreprises.

Mme Carrier-Perreault: Je m'excuse?

M. Brillant: À 75 %, nos membres occupent des postes de hauts salariés dans les entreprises. Selon une enquête qu'on a faite, il y a 2 ans, la rémunération varie entre 50 000 $ et 70 000 $, pour 75 % de nos gens.

Mme Carrier-Perreault: Pour 75 % de vos membres, vous n'aurez jamais de plainte, parce qu'ils sont déjà à l'emploi des entreprises. Donc, c'est les entreprises, comme dans l'autre cas précédemment, qui règlent les problèmes, si plainte il y a.

M. Brillant: En partie, oui.

Mme Carrier-Perreault: C'est ça?

M. Brillant: Oui.

Mme Carrier-Perreault: Je vous remercie.

M. Francoeur: Si je peux préciser, madame. En plus de ces 75 % là, il faut aussi préciser qu'il y a... Un peu comme tantôt, dans l'exemple des CMA, il y a de nos membres qui ne font affaire qu'avec, par exemple, de grandes entreprises. Ce qui, dans le cas des relations de travail en est un bel exemple, c'est qu'on a de nos membres, je dirais, qui sont propriétaires d'un cabinet spécialisé en relations de travail. Alors, évidemment, ils ne font pas affaire avec M. Tout-le-Monde, ils font affaire avec des entreprises qui sont en train de négocier une convention collective.

Mme Carrier-Perreault: Non, mais ça explique quand même, je pense, de façon très claire, pourquoi certaines corporations n'ont pas — ou peu — de plaintes à régler.

M. Francoeur: Mais ça n'exclut pas que le public a peut-être des plaintes à faire sur certains gestes, dans les grandes sphères d'activités dans lesquelles nous avons à travailler.

Mme Carrier-Perreault: Oui, je comprends, mais j'imagine que, quand le public a des plaintes à formuler, on va se plaindre de telle entreprise, qui fait telle chose de pas correct, et on ne se plaindra pas nécessairement du membre que vous avez dans votre corporation.

M. Francoeur: Non, mais il faut quand même préciser. On en parle précisément, dans le cas de la formation dont on a parlé dans le mémoire, qu'il y a quand même une recrudescence là. L'exemple de la formation, qui est un sujet très, très à la mode de ce temps-ci, en est un bel exemple, parce que, de plus en plus, les gens... Il y a une tendance qui va faire que nos membres vont de plus en plus avoir affaire avec le public. (12 h 50)

Mme Carrier-Perreault: Bon, écoutez, je vais laisser le temps qui reste à ma collègue de Terrebonne, qui est la porte-parole du dossier. Je vous remercie.

Mme Caron: II nous reste deux minutes.

Le Président (M. Gautrin): Alors, attendez. Je pense que M. le... Oui, en règle d'alternance, c'est vous, M. le ministre, mais si vous laissez passer la députée de Terrebonne avec galanterie... Vous préférez intervenir?

Mme Caron: Non, allez-y. Je maintiens l'alternance, pas de problème.

Le Président (M. Gautrin): Vous voulez maintenir l'alternance. Alors, M. le ministre, c'est à vous de parler.

M. Savoie: J'insiste, M. le Président.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Caron: On suit nos règles.

Le Président (M. Gautrin): Alors, on pourrait dire que vous avez fait l'alternance. La question c'était: J'insiste et...

M. Savoie: M. le Président, c'est seulement...

M. Francoeur: On peut arbitrer le grief, peut-être!

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Caron: On va déposer une plainte.

Le Président (M. Gautrin): Alors... Mais sérieusement, la règle de l'alternance... C'est les ministériels qui devraient parler.

M. Savoie: C'est tout simplement pour remercier les membres de la Corporation, M. le Président. On a examiné de très près leur mémoire et il y a des éléments positifs. On les remercie. Il y a des questions sur l'évaluation globale qui ont suscité de l'intérêt, des discus- sions; leurs commentaires sur le statut juridique des corporations professionnelles, également.

Évidemment, le financement du système, le projet de loi 67 et tout ça, on aura l'occasion de s'en parler de nouveau. Mais, finalement, je pense qu'on a eu l'occasion, en échangeant comme ça, questions et réponses, de démontrer que, effectivement, peut-être que les craintes, les inquiétudes qu'ils avaient vis-à-vis du système professionnel étaient peut-être un petit peu larges pour la réalité. Mais, quand même, il fallait y venir. Il fallait le démontrer, il fallait en faire part, et on vous en remercie, parce que c'est toujours agréable de constater que c'est là, que vous avez à coeur le développement du monde professionnel au Québec et que voulez faire votre effort, votre participation à cette commission parlementaire. On aura l'occasion, j'en suis sûr, de se revoir sous peu, d'échanger sur différents dossiers et sur le projet de l'autofinancement. Je vous remercie.

Le Président (M. Gautrin): Je vous remercie. Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: M. le Président, je vais commencer par dire que je suis très heureuse des dernières phrases du ministre, parce qu'il nous a toujours dit que pour le projet de loi 67, il n'y aurait pas d'audiences, qu'on n'aurait pas de consultation là-dessus, que c'était un projet de loi, que ce n'était pas un avant-projet de loi, que les gens n'auraient pas à s'exprimer. Même, lorsqu'on a rencontré un groupe, hier, et qu'il disait: On va attendre pour vous parler de la loi 67, parce que ça va revenir plus tard, il faisait signe que non, qu'on était mieux de ne pas attendre. Alors, je suis très heureuse de savoir que nous allons pouvoir réentendre les corporations professionnelles sur le projet de loi 67.

Plusieurs groupes de consommateurs nous ont parlé de l'importance des représentants du public, et là-dessus, ils proposent qu'il y ait des listes de préparées par des organismes comme les associations de consommateurs. Puisque vous, vous avez pris la peine, dans votre mémoire, en page 2, de nous parler des représentants du public qui siègent à votre Bureau — parce que, sur les Bureaux des corporations professionnelles, il y a des représentants du public — donc, ma dernière question va être à savoir: Comment vous les nommez? Est-ce que c'est à partir de listes d'organismes de consommateurs? Comment ça se fait, ces nominations-là?

M. Francoeur: Dans les cas de... Évidemment, les trois personnes qui sont sur... Dans notre cas, il y a trois personnes qui sont nommées par l'Office des professions à titre de représentants du public. Et ce sont toujours ces personnes-là qui sont sollicitées chez nous pour faire partie des comités qui touchent, toujours, il faut bien le préciser, les aspects qui pourraient avoir un impact sur le public.

Mme Caron: Est-ce que c'est des gens qui font

partie de groupes reconnus?

M. Francoeur: Non. Par contre, le Code des professions, tel quel, les définit clairement. Ce n'est pas... Vous voulez dire, les trois personnes nommées par l'Office?

Mme Caron: Oui.

M. Franc?ur: Ah oui! C'est très clair, dans le Code des professions.

M. Brillant: Ce n'est pas des gens qui font partie, qui représentent une association. C'est des gens, à mon avis, qui font ça, à mon avis, pas à temps perdu, mais qui offrent de leur temps pour aider les corporations, pour représenter le public. Mais ce n'est pas des représentants d'associations.

Mme Caron: On souhaite, en tout cas, que si c'est à temps perdu, qu'ils ne perdent pas leur temps non plus. Alors, on vous remercie infiniment pour vos commentaires. Et comme le ministre nous l'a dit, on souhaite que vous puissiez pouvoir parler sur le projet de loi 67. Merci.

Le Président (M. Gautrin): Alors, M. Brillant, M. Francoeur, Mme Lapierre, M. Perron, la commission tient à vous remercier pour votre présentation. Elle ajourne ses travaux à 15 heures, pour entendre, à ce moment-là, la Chambre des notaires du Québec.

(Suspension de la séance à 12 h 55)

(Reprise à 15 h 7)

Le Président (M. Richard): Mesdames, messieurs, je déclare la séance de la commission de l'éducation ouverte. Je vous rappelle à nouveau le mandat de cette commission, qui est de procéder à des auditions publiques sur Pavant-projet de loi modifiant le Code des professions et d'autres lois professionnelles. Nous recevons les représentants de la Chambre des notaires du Québec. Alors, Me Jacques Taschereau, M. le président, vous présentez les gens qui vous accompagnent, et vous avez, évidemment, la parole pour les 20 prochaines minutes.

Chambre des notaires du Québec

M. Taschereau (Jacques): Merci, M. le Président. Je suis accompagné, à ma droite, de M. Jacques Richer, qui est notre directeur général, et, à ma gauche, de Me Daniel Ferron, qui est le directeur de la recherche et du développement à la Chambre des notaires. Me Ferron a dirigé l'équipe interne qui, d'urgence mais avec soin, a préparé le mémoire qui vous a été soumis.

Mon introduction sera très brève, parce que je crois que vous aimeriez poser des questions auxquelles...

Le Président (M. Richard): Excusez-moi un instant. Nous allons suspendre quelques instants, s'il vous plaît, pour une raison majeure. M. le ministre est absent pour quelques instants, et dès son retour, nous reprendrons les travaux, si vous permettez.

(Suspension de la séance à 15 h 9)

(Reprise à 15 h 10)

Le Président (M. Richard): La commission reprend ses travaux. On s'excuse, maître. Vous étiez dans vos premières phrases d'introduction.

M. Taschereau: Merci, M. le Président. Nous avons soumis un mémoire de 125 pages et je sais que vous en avez pris connaissance. J'attire votre attention sur le sommaire de 5 pages au tout début qui traite des principales questions qui nous ont préoccupés dans notre étude. Nous constatons que le ministre a choisi cette commission comme mode de consultation des professions qui sont concernées par la réforme dont nous avons l'avant-projet.

La Chambre des notaires est inquiète de la philosophie ou des principes qui ont orienté le projet de loi ou l'avant-projet. Nous avons, dans le sommaire, indiqué pour quelles raisons nous constatons qu'on élargit considérablement le rôle de l'Office des professions, que les structures proposées, particulièrement en matière de discipline, de conciliation des comptes, auraient pour effet, même sous le prétexte d'une meilleure transparence, d'alourdir le système de fonctionnement et les charges financières des organismes responsables. Je me permettrai simplement de mentionner que cet alourdissement d'ailleurs nous rappelle la difficulté ou la lenteur proverbiale de l'Office pour l'approbation des règlements. Nous croyons que, dans cet avant-projet et dans le projet qui suivra, l'Office devrait recevoir ou se voir confirmer la nécessité d'approuver, dans des délais stricts, les règlements et résolutions qui doivent lui être soumis. Nous savons que l'Office est débordé, mais alourdir davantage son rôle ne nous semble pas souhaitable. Nous savons d'ailleurs qu'il y a un projet de loi qui ne fera pas l'objet d'une étude et qui a pour objet de faire supporter par les corporations professionnelles les frais de fonctionnement de l'Office, ou une bonne partie, sans que les corporations aient un droit de regard sur le budget qui, suivant l'avant-projet de loi que nous étudions aujourd'hui, serait considérablement accru.

Dans les remarques, j'aimerais signaler que la Chambre des notaires ne souhaite pas que lui soit retiré, dans sa loi organique, ce qui est prévu pour le fonds d'études, à l'article 93, paragraphe 8°, qui constitue le fonds d'études et qui prévoit spécifiquement que ce

fonds peut être alimenté par les intérêts provenant des sommes détenues en fidéicommis par les notaires. D'autant plus que nous demandons également que, dans les modifications qui sont demandées, il soit permis à la Chambre d'utiliser une partie des sommes qui s'accumulent dans le fonds d'études notariales et que ces sommes puissent servir aux fins de l'indemnisation de victimes de détournement. Ce serait une fin additionnelle ou une permission que nous demanderions, et, pour l'utiliser, il suffirait, à compter de ce moment, que le Bureau de la Chambre passe une résolution le prévoyant.

Ce sont les quelques commentaires, M. le Président, et nous sommes disposés, particulièrement le directeur général et Me Ferron, à répondre aux questions qui nous seront posées.

Le Président (M. Richard): Merci, maître. M. le ministre.

M. Savoie: M. le Président, permettez-moi tout d'abord de saluer les représentants de la Chambre des notaires du Québec, particulièrement son président, Me Jacques Taschereau. Tout d'abord, évidemment, pour ceux et celles qui le savent, je suis notaire, donc je suis un peu en conflit d'intérêts. Je vais le déclarer. Je serais en conflit d'intérêts également, je présume, ou je pourrais être accusé de conflit d'intérêts si je vous disais que l'Office a souligné qu'il s'agit d'un des deux meilleurs mémoires qui ont été présentés ou qui seront présentés à la commission, certainement celui qui a nécessité le plus de travail, en termes d'analyse, de la part des officiers de l'Office. Alors, vu qu'il y a une possibilité de conflit d'intérêts, je n'en parlerai pas. C'est tout simplement pour dire que, effectivement, c'est un travail de fond, et on l'apprécie fort bien. Il y a, évidemment, des inquiétudes. On prendra note, effectivement, que leur présentation a été directe et présumait donc, de notre côté, que la lecture a été faite et que les analyses ont été posées.

J'ai quelques questions, évidemment. Vous prévoyez maintenir la composition de l'Office à cinq membres et de ne pas y introduire des représentants du public en disant qu'il vaut mieux maintenir les structures actuelles, qu'effectivement ça va assurer un meilleur fonctionnement de l'Office plutôt que d'introduire deux membres non professionnels. C'est assez difficile, là, de constater cette demande en tenant compte, par exemple, de la pression que nous avons du public. Justement, on utilise le terme, à cette commission, de démocratiser, en voulant dire qu'on veut introduire des éléments non professionnels au sein de la structure des corporations professionnelles au Québec.

M. Taschereau: M. le Président, en réponse à M. le ministre, je signale que chez nous, dans notre corporation, il y a déjà quatre personnes du public qui participent activement aux activités du Bureau de la Chambre. Elles sont d'ailleurs très bien accueillies. Elles sont désignées par l'Office des professions, et nous n'avons que des éloges à faire sur les personnes qui ont été déléguées, mais qui agissent de façon régulière dans tous les secteurs, y compris également les matières disciplinaires. Elles sont bien tenues au courant.

M. Ferron (Daniel): Je pourrais peut-être rajouter que la raison principale pour laquelle on n'est pas d'accord avec cette proposition-là, c'est tout simplement que ce n'est pas l'Office qui a pour mission directement de protéger le public, mais plutôt les corporations professionnelles, qui ont déjà, dans leur structure, des gens du public. Donc, on ne voit pas l'utilité de mettre, sur le conseil de l'Office comme tel, des gens du public, étant donné que ce n'est pas la mission de l'Office de voir directement à la protection du public. (15 h 20)

Deuxièmement, d'un côté, vous proposez de faire supporter par l'ensemble des corporations professionnelles les frais de fonctionnement de l'Office et, de l'autre côté, vous voulez grossir les rangs de l'Office en ajoutant des membres. Donc, on se dit: Bien, pourquoi ajouter des membres inutilement à ce moment-là?

M. Savoie: II faudrait être clair que le budget de fonctionnement de l'Office ne sera pas à la hausse, même avec l'introduction de ces deux personnes-là. Vous dites, finalement, que l'Office, le fait qu'il n'y ait pas deux citoyens, ça ne porte pas... En tout cas, je prends note de votre critique vis-à-vis de ce point-là. Comme vous le savez, votre mémoire va demander plus de rencontres que cet échange, ici, à la commission parlementaire, mais pour les fins du dossier et des travaux de la commission, un des éléments clés de cette commission est certainement le comité des plaintes. Vous, votre commentaire est à l'effet de dire: Bien, au niveau du comité des plaintes, ce serait peut-être plus sage — ce ne sont pas vos mots — de faire fonctionner le comité des plaintes sur une base, finalement, de nominations, c'est-à-dire que certaines corporations professionnelles auraient ce comité des plaintes et d'autres non. Est-ce que vous maintenez cette position-là, même après les explications et les travaux depuis deux jours?

M. Ferron: Oui, on maintient cette position-là.

M. Savoie: Alors, ça veut dire que ça vous semble acceptable, le comité des plaintes pour certaines corporations mais pas pour chaque corporation.

M. Ferron: Je pense qu'il y a des corporations... Bien, vous avez entendu, ce matin, les comptables en management. Je pense qu'il y a certaines corporations où ça ne s'impose vraiment pas. Ça fait une structure de plus qui ne fait qu'alourdir, finalement, le système. Alors, nous, on disait: Pourquoi ne pas laisser aux corporations professionnelles le soin de décider si vraiment c'est une structure nécessaire? Deuxièmement, il y

a la question des coûts aussi, parce que, là, on nous propose une structure qui, en tout cas, on le croit, n'a pas... On n'a pas évalué les coûts de cette structure-là et les implications que ça peut avoir pour les corporations professionnelles.

M. Savoie: Je pense que c'est intéressant comme option et ça va certainement être examiné de très près comme option.

Au niveau des pouvoirs de tutelle, et, évidemment, d'enquête, vous exprimez des réserves considérables là-dessus, également. Je n'ai pas constaté d'éléments qui n'avaient pas été repris par d'autres corporations à date, mais, généralement, vous vous opposez. Par exemple, au niveau du pouvoir de tutelle, pour des causes bien spécifiques, avec une tutelle dirigée par d'autres membres de la corporation, est-ce que vous avez exactement les mêmes réserves aussi? Est-ce que vous avez envisagé ça, lors de l'exécution du pouvoir de tutelle, que ce soit, par exemple, d'autres professionnels de la même corporation professionnelle qui exerceraient la tutelle au nom du gouvernement?

M. Ferron: Non. Là-dessus, on n'a pas envisagé ça. Nous, on a regardé strictement du point de vue de l'Office. On trouvait, en tout cas, qu'on proposait des moyens vraiment radicaux pour le nombre de plaintes qu'il y a en général. On pense que c'est nettement exagéré. Nous, on considère que les pouvoirs actuels sont suffisants et on ne voit pas l'utilité de grossir de cette façon-là les pouvoirs d'enquête et tout le rôle, comme tel, de l'Office.

M. Savoie: Les commentaires concernant la responsabilité professionnelle et le fonds d'assurance, est-ce que, pour les fins de la commission et pour les fins d'enregistrement, vous pourriez nous expliquer la position de la Chambre?

M. Ferron: Sur?

M. Savoie: La responsabilité professionnelle et le fonds d'assurance, les propositions qui sont présentées ici dans le projet de loi.

M. Richer (Jacques): Le seul lien auquel je pense, c'est celui qui concerne la proposition d'un comité d'examen des différends. Nous, on a perçu cette proposition-là comme un mini-tribunal de petites créances et on s'est dit qu'il ne faudrait pas que, par l'introduction de cette mesure-là, les corporations professionnelles aient à gérer un mécanisme qui aurait pour effet d'analyser des demandes de nature civile. On pense que les tribunaux sont compétents en la matière. Maintenant, c'est le lien que nous avions fait avec la responsabilité professionnelle concernant le comité d'analyse des différends. Je ne sais pas si vous pensez à un autre lien avec d'autres...

M. Savoie: Non, non, c'est ça.

M. Richer: ...articles de la loi. Maintenant, en lisant le mémoire du Conseil interprofessionnel, on s'aperçoit que l'interprétation du Conseil est plutôt d'introduire, par ce mécanisme-là, une forme de médiation. Il nous apparaît que si c'était le voeu exprimé par le gouvernement d'introduire, par ce mécanisme-là, une forme de médiation obligatoire, pour nous, ça prendrait une tournure tout à fait différente. Ce serait pour nous vraiment très différent de l'interprétation que nous avons eue de la proposition de l'avant-projet de loi. Pour nous, ce n'était pas clair, ça, cette question de mécanisme d'étude des différends, et c'est pourquoi on s'interrogeait. On ne souhaitait pas que ce mécanisme-là ait pour objet d'examiner des demandes reliées à la responsabilité professionnelle.

M. Savoie: Bon, d'accord. Juste avant de passer le plancher à la députée de Terrebonne, au niveau du comité des plaintes, tout simplement pour y revenir, est-ce que vous y voyez un élément positif pour l'administration de la discipline à la Chambre des notaires, ou est-ce que vous voyez ça comme quelque chose qui alourdit d'une façon particulière la structure et dont vous craignez les coûts?

M. Ferron: Évidemment, on ne connaît pas les coûts de ça. On ne voit pas ça nécessairement de façon négative, mais on croit que, en tout cas, il faudrait se pencher plus sur un mécanisme comme celui-là. Selon nous, ça devrait être le plaignant qui déciderait, finalement, d'amener ça devant ce comité-là. Avec l'avant-projet de loi on trouve qu'on n'a pas assez d'éléments sur la nature de ce mécanisme-là et sur les coûts pour juger si vraiment ça alourdirait, plus que d'autres choses, le mécanisme. Ca fait seulement un palier de plus, finalement.

M. Savoie: Finalement, vous en avez beaucoup de plaintes de déposées à la Chambre des notaires, et avec le formulaire, j'imagine que vous pensez que ça va augmenter aussi, étant donné que la procédure de plainte va être simplifiée. J'imagine que ça va créer une hausse chez vous. Donc, le comité des plaintes, vous dites que ça pourrait devenir quelque chose de particulièrement lourd. Actuellement, vous êtes la deuxième corporation professionnelle, je pense, au niveau des plaintes. C'est exact?

M. Richer: Nous recevons environ 1200 demandes d'enquête par année.

M. Savoie: Oui.

M. Richer: Elles sont examinées par un syndic et trois syndics adjoints, ce qui représente quand même une charge importante pour la Corporation. Je pense

que ce personnel très compétent fait tout son possible pour que les demandes d'enquête et les enquêtes soient effectuées avec diligence. Nous pensons que la mise en place d'un mécanisme comme celui qui est proposé, c'est-à-dire un comité d'examen des plaintes, pourrait avoir pour effet de ralentir le règlement, ou de ralentir le processus et ne pas donner vraiment satisfaction, comme c'est le souhait exprimé, à la population.

Le Président (M. Richard): Ça va, M. le ministre?

M. Savoie: Oui, ça va.

Le Président (M. Richard): Mme la députée de Terrebonne, vous avez la parole.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Me Tasche-reau, M. Richer, M. Ferron, je vous remercie de votre présentation. C'est évident que, même si vous n'avez pas eu beaucoup de temps, comme à chaque projet de loi où vous avez présenté des mémoires, je pense qu'on reconnaît toujours la qualité de vos mémoires, et vous vous donnez toujours comme mission de faire l'étude article par article. Et pour en avoir profité pour d'autres projets de loi — je pense, par exemple, à la réforme du Code civil — c'est toujours extrêmement intéressant d'avoir des commentaires article par article, lorsqu'on procède à l'étude d'un projet de loi. C'est toujours très intéressant. Vous nous avez apporté certaines précisions, certaines particularités qui sont de votre ordre, et je vais surtout vous poser des questions un petit peu sur ces particularités. Je pense que c'est important, au niveau de l'enregistrement de nos débats, que vous puissiez nous donner des précisions là-dessus.

Il y a deux éléments que vous avez abordés davantage, autant dans votre sommaire qu'en fin de mémoire, c'est-à-dire le critère de l'abolition de la citoyenneté canadienne, qui semble poser un problème chez vous, et vous nous avez mis aussi en annexe certains documents concernant la Communauté européenne et la libre circulation, au niveau des professionnels. Alors, peut-être, sur ces deux points qui vous touchent plus particulièrement, si vous voulez nous donner certaines précisions. (15 h 30)

M. Ferron: Sur la citoyenneté, je pense que le texte en annexe est assez clair. Notre position là-dessus, c'est qu'on croit que, à cause du caractère spécifique du notaire, qui, en vertu de la Loi sur le notariat, est un officier public habilité à recevoir des actes authentiques qui sont, à ce moment-là, du même caratère que des actes ou des choses publiques, le critère de citoyenneté est vraiment essentiel à notre profession parce que, là, on se trouve à exercer une parcelle de l'autorité publique, l'autorité étatique. Donc, on dit que le critère de citoyenneté pour nous, c'est capital. On reconnaît qu'il y a eu un jugement, bon, dans l'affaire Andrews et tout ça, mais on dit que l'avant-projet de loi ne tient pas compte du tout du caractère spécifique du notariat. Je pense que c'est la même chose aussi pour les arpenteurs, qui reçoivent, dans leurs minutes, les rapports d'arpentage et tout ça. Donc, pour nous, c'est quelque chose qui est capital pour notre profession. C'est qu'on ne voudrait pas que cette parcelle d'autorité publique soit exercée par des gens qui ne sont pas citoyens canadiens et qui ne résident pas au Québec.

Mme Caron: Avant que vous abordiez l'autre point, sur la libre circulation, est-ce que... Vous nous avez parlé des arpenteurs. Est-ce que, à votre connaissance, il y aurait d'autres professionnels?

M. Ferron: Non, je pense que ce sont les deux seules corporations professionnelles.

Mme Caron: Les deux exceptions.

M. Ferron: C'est vraiment une caractéristique très spécifique à ces deux corporations professionnelles là, qui datent de très loin d'ailleurs.

M. Taschereau: C'est que l'arpenteur, la justification, lors d'un bornage, il fait une démarche, il consacre, par le document, une déclaration d'un droit de propriété. Donc, c'est encore par délégation. Le bornage qu'il a effectué est déclaratif du droit de propriété, comme beaucoup de procédures que font les notaires, que ce soit le testament authentique, que ce soient d'autres actes dont la forme authentique est requise: déclaration de copropriété, etc. Il est important, comme il s'agit d'une délégation par l'État de certains pouvoirs que n'a pas le commun des citoyens, que la citoyenneté canadienne soit requise, comme pour la nomination des juges.

Mme Caron: Je vous remercie pour ces précisions. Vous nous avez parlé du fonds d'études notariales qui pourrait servir aux fins d'indemnisation. Est-ce que, justement, il n'y a pas cette crainte, comme l'exprimait M. Richer tantôt, que ce soit, finalement, utilisé un petit peu comme une cour des petites créances? Quelle distinction faites-vous entre ce fonds d'études notariales et, justement, un fonds qui pourrait ressembler à des recours civils?

M. Richer: La procédure de remboursement ou d'indemnisation du fonds d'indemnisation est une procédure très stricte. Elle prévoit que la Chambre indemnise des victimes de détournement de sommes détenues par les notaires au nom de leurs clients. La procédure est tout à fait différente de celle que j'invoquais tantôt dans un mécanisme de conciliation des différends. Depuis les années soixante, la Chambre a ce fonds d'indemnisation, et ce que nous proposons, c'est que le fonds d'études notariales puisse en partie servir à indemniser ou à

renflouer, dans une certaine mesure, le fonds d'indemnisation, mais qui, encore une fois, indemnise les victimes selon une procédure, une réglementation très particulière qui n'est pas celle dont je parlais tantôt.

Mme Caron: Je vous remercie. Vous nous avez également fait part, dans votre mémoire, de certaines craintes concernant le projet de loi 68. Dans votre sommaire, vous nous parlez de l'importance d'harmoniser les législations afin d'éviter des conflits avec le projet de loi 68. Et en page 9 de votre mémoire, vous nous dites, dans le dernier paragraphe: «Nous recommandons, par conséquent, que les corporations professionnelles et leurs membres soient exclus de l'application de cette législation», à cause du secret professionnel. Est-ce que vous pouvez nous parler davantage là-dessus?

M. Ferron: Justement, immédiatement après cette commission-là, on s'en va de l'autre côté pour présenter notre mémoire sur le projet de loi 68.

Mme Caron: Comme on ne pourra pas l'entendre... Ha, ha, ha!

M. Ferron: Essentiellement, ce qu'on dit là-dedans, c'est que le Code des professions et évidemment les différentes lois professionnelles et les codes de déontologie prévoient déjà des règles très strictes au niveau du secret professionnel, de la tenue de dossiers, de l'accès des clients à leur dossier. Et là, on nous arrive avec un autre projet de loi qui fixe des règles passablement différentes. C'est qu'on met tout le monde dans un même moule; alors ça ne tient pas compte du tout des besoins de chaque corporation professionnelle. On dit: Bien, on a déjà un système, et d'ailleurs, dans l'avant-projet de loi, on vient confirmer ce système-là en le renforçant dans le sens où on vise à préciser plus les règles de tenue des dossiers. À ce moment-là, on dit: Qui va gérer tout ça? Comment vont se concilier ces deux systèmes-là, et qui va avoir juridiction? C'est qu'on craint justement que les professionnels et les corporations professionnelles qui sont visés par ce projet de loi là vont être pris entre deux feux, à moins que ce soit harmonisé, qu'on s'entende sur la juridiction et tout ça. Donc, c'est essentiellement ça qu'on dit dans notre mémoire: Entendez-vous entre ministères pour concilier, pour harmoniser ces deux choses-là, sinon les dispositions du Code des professions et des différents codes de déontologie vont entrer directement en conflit avec le projet de loi 68. Alors, c'est ça qu'on veut éviter.

Mme Caron: Votre corporation professionnelle reçoit plusieurs plaintes dans un an. On parlait tantôt d'environ 1200. Ça peut être aussi un autre... Ce n'est pas nécessairement une plainte formelle qui est très grave, très lourde. Est-ce que vous pouvez nous dire un petit peu si, effectivement, ce sont des fautes lourdes surtout que vous recevez ou des fautes légères? Et au niveau de la satisfaction du public, qu'est-ce que vous avez essayé de mettre en oeuvre? Est-ce que vous considérez que les citoyens qui font appel aux services professionnels des notaires sont suffisamment informés sur cette procédure? Normalement, combien avez-vous de plaintes rejetées? Combien de plaintes sont traitées? Et quelle est la réaction des gens par rapport à la réponse du syndic?

M. Taschereau: Le public est bien informé de la procédure de conciliation des comptes, à savoir, s'il y a difficulté, si la médiation ne réussit pas la conciliation, il y a la procédure d'arbitrage également. Vous avez mentionné le chiffre de 1200 plaintes. Il ne s'agit pas de plaintes dans tous les cas. La plupart sont des demandes d'enquête qui n'aboutissent pas nécessairement à une plainte. Il y a une grande partie du courrier qu'on appelle presque le courrier du coeur. Certaines personnes, évidemment, ont mal compris ce qui s'était passé ou demandent des éclaircissements ou une communication du syndic avec le notaire. Beaucoup de ces demandes d'enquête sont satisfaites simplement par une communication qui est établie par l'intermédiaire du syndic. Si la personne qui a été la cliente n'est plus en termes parla-bles avec le notaire, le syndic fera le pont des communications. Mais il est important de faire la distinction entre le nombre de demandes d'enquête et le nombre de plaintes.

Mme Caron: Vous en avez combien, si on veut vraiment faire la distinction? Il y en a combien où ce n'est, finalement, que des conciliations de comptes, là?

M. Taschereau: II y en a beaucoup. Ça se développe beaucoup. Est-ce que M. Richer... (15 h 40)

M. Richer: En fait, on doit distinguer les demandes d'enquête de nature disciplinaire ou déontologique. Pour éclairer la commission, disons qu'environ 5 % de ces demandes d'enquête, soit environ 60, se traduisent par des plaintes du syndic devant le comité de discipline. À cela il faut ajouter, bien sûr, les demandes de conciliation de comptes d'honoraires qui augmentent régulièrement avec le temps. On en reçoit de plus en plus.

Mme Caron: Quel est le pourcentage qui touche vraiment vos honoraires, là?

M. Richer: Les honoraires? Mme Caron: Oui.

M. Richer: On peut parler actuellement d'une dizaine de demandes de conciliation par mois...

Mme Caron: Par mois?

M. Richer: ...présentement, mais c'est en progression. Je voudrais souligner à la commission que le public, la population en général, perçoit encore mal notre processus disciplinaire en termes de finalité. Beaucoup de gens pensent encore que le processus disciplinaire au sein des corporations professionnelles peut mener à une certaine forme d'indemnisation, ou une forme de remboursement, ou encore une forme de compensation. Évidemment, à la Chambre des notaires, avec le fonds d'indemnisation, lorsqu'il y a vraiment une demande d'indemnisation fondée, une demande de réclamation, la population est vraiment protégée, et il y a souvent des sommes importantes, de plusieurs milliers de dollars, voire même des centaines de milliers de dollars, dans certains cas, qui sont remises au client qui a été lésé par un détournement. Mais, ce n'est pas le fait de toutes les corporations, puisque leurs membres ne détiennent pas tous des sommes au nom de leurs clients. La perception générale dans la population, c'est que le processus disciplinaire, c'est un peu un processus de petites créances. Alors, on s'adresse au syndic et on peut s'attendre à avoir toutes sortes de compensations, et souvent les syndics doivent expliquer aux gens qu'ils interviennent en matière déontologique.

Mme Caron: L'Association des groupes d'intervention en défense de droits — Santé mentale du Québec, hier, nous disait que, lorsqu'un syndic répond, lorsqu'il a une plainte ou une demande d'enquête, souvent on n'explique pas les raisons pour lesquelles la plainte est rejetée. On fait tout simplement mentionner par écrit à la plaignante ou au plaignant que sa demande est rejetée. Et on voulait essayer de vérifier avec eux si c'était unique à certaines corporations. Mais, dans votre cas, lorsque le syndic rejette une plainte, est-ce qu'il précise les raisons?

M. Taschereau: II ne précise pas les raisons par écrit, à moins, évidemment, qu'il y ait eu des développements, mais il va expliquer verbalement, sur demande, les raisons pour lesquelles l'enquête ne conduit pas à une plainte.

Mme Caron: Pourquoi ça ne se fait pas par écrit?

M. Taschereau: Ça pourrait se faire. C'est assez onéreux. Je dois vous dire que nous avons même modifié... Il y a un terme juridique: Votre demande ou votre plainte est irrecevable. Alors, j'ai demandé au syndic de modifier la formulation, parce que les gens qui ne sont pas familiers avec la terminologie juridique avaient l'impression que ça voulait dire que leur plainte était enfantine ou complètement déplacée, ou peu importe. La formule a été améliorée. En formulant la raison pour laquelle il n'y aura pas de plainte, suite à une demande d'enquête, c'est que ça amène toujours un rebondissement, un «oui, mais», et puis les gens peuvent toujours, évidemment, revenir, et certains le font, mais ils ne sont jamais satisfaits tout à fait, du moins dans tous les cas, des raisons pour lesquelles il ne s'agit pas d'un cas de déontologie, par exemple, mais d'un cas où le client ou le public, le consommateur de services juridiques doit tout simplement exercer son recours devant une cour civile, parce que le syndic n'a pas les pouvoirs d'un juge, comme il le mentionne assez souvent. Alors, il y a plusieurs des réponses qui sont tout de même assez détaillées.

Mme Caron: Oui, parce que j'ai l'impression que si les raisons ne sont pas vraiment écrites... Je me mets à la place de la plaignante. C'est sûrement beaucoup plus frustrant de recevoir une lettre qui nous dit: Votre demande est rejetée — sans explication. C'est sûr que, à ce moment-là, c'est normal que le public trouve que lorsqu'il dépose une plainte, eh bien, on ne le traite pas avec sérieux. C'est ce qu'on nous disait du côté des ACEF. On pense qu'il y a un manque de sérieux. Tout ce qu'on nous dit, c'est qu'on rejette notre plainte, point. On ne donne pas de raison, et on précisait même que certains syndics avaient dit: On ne veut pas en écrire parce que ça pourrait peut-être être utilisé au niveau d'un recours civil. Mais si la plainte ne relève vraiment pas du syndic, je pense que ça serait important que le plaignant l'ait sur son document, à l'effet que ça relève plutôt d'un recours civil.

M. Taschereau: À l'occasion, je revois les dossiers du syndic — seulement le président de la Corporation a accès aux dossiers du syndic — et j'ai trouvé, dans plusieurs cas, la mention par le syndic que ça ne le regarde pas; que la plainte est portée devant la mauvaise juridiction; qu'on doit plutôt s'adresser à une cour; qu'on doit aller aux petites créances ou s'adresser au tribunal, consulter, exercer nos droits; qu'il n'a pas compétence, dans le sens de juridiction, dans le cas qui lui est soumis. C'est signalé quand c'est la raison. Dans d'autres cas, les dossiers révèlent qu'il y a vraiment, chez certaines personnes, un désir de vengeance ou un acte d'agressivité, qui, en somme, était un motif déplacé pour une plainte contre un ou une notaire.

Mme Caron: Puisqu'il ne me reste que deux minutes, je vais aborder un des éléments qu'il me restait. Vous nous avez fait part, dans votre mémoire, des retards inacceptables auxquels sont confrontées actuellement les corporations professionnelles sur les règlements du côté de l'Office. Dans votre présentation, c'était «la lenteur proverbiale de l'Office», qui est débordé. Je pense que c'est un élément intéressant dans le sens que, si l'Office... Et ça, toutes les corporations professionnelles en sont conscientes, puisqu'il y a des retards qui sont quand même assez longs. Comment l'Office pourrait-il assumer de nouvelles fonctions qui, automatiquement, demanderaient d'autres délais et provoqueraient de nouveaux retards? Je pense que c'est dans ce sens-là que vous le présentiez.

M. Taschereau: Exactement. Oui. Et nous ne blâmons pas l'Office, loin de là. C'est tout simplement phénoménal, la charge dont on l'a investi dans l'approbation des règlements des corporations. Il y en a 41, et il est évident que nous avons besoin constamment... Une corporation professionnelle est comme un être vivant et a besoin de modifications à certains moments, modifications qui lui sont suggérées de façon ponctuelle, et ça demande un amendement qui doit être soumis à l'Office pour son approbation. Nous pensons qu'il devrait y avoir des délais stricts d'approbation, faute de quoi, si l'approbation n'a pas été donnée, que ce soit considéré comme accepté. Parce qu'il y a beaucoup de retard dans la mise en oeuvre de certaines décisions, qui sont bien fondées, qui, en somme, porte préjudice. (15 h 50)

M. Ferron: D'ailleurs, je pourrais peut-être rajouter que c'est dans cet esprit-là que... Dans notre mémoire, vous avez vu, probablement, à plusieurs reprises, qu'on fait des propositions pour simplifier encore davantage le processus réglementaire et souvent éviter, justement, de trop alourdir, que le Bureau ait plus de possibilités d'adopter certaines choses sans nécessairement que ça ait à suivre un long processus d'approbation. Donc, c'est dans cet esprit-là. Ce n'est pas du tout dans l'esprit de dire que l'Office ne fait pas bien son travail, mais c'est pour simplifier encore davantage et accélérer le processus.

M. Richer: Nous soulignons de façon très positive les propositions, particulièrement à l'article 95, qui vont nous permettre d'alléger le processus. Pour nous, c'est un élément extrêmement positif de l'avant-projet de loi et nous allons encore un peu plus loin en suggérant des allégements additionnels.

Mme Caron: Messieurs, je vous remercie beaucoup. Soyez assurés que, même si nous n'avions pas le temps de faire le tour de votre mémoire, puisque vous touchez vraiment à l'ensemble des articles, nous allons les prendre en considération quand même. Et si on a à travailler sur ie projet de loi, qui sera peut-être un peu différent de l'avant-projet de loi, on pourra toujours se référer à vos commentaires. Merci.

Le Président (M. Richard): Merci, Mme la députée de Terrebonne. M. le ministre.

M. Savoie: Oui, merci, M. le Président. Alors, tout simplement passer quelques commentaires sur certaines de vos recommandations, très rapidement. À la page 124, avec l'article 40, vous faites référence à des modifications apportées au niveau de la Loi sur le notariat. On me dit que ça ne présente pas de difficulté, et, en conséquence, je pense que c'est bien quelque chose qui peut faire un peu de chemin suite à une présentation de votre part au niveau de l'Office.

Il y a plusieurs items, comme je vous ai men- tionné au tout début, qui vont faire l'objet d'un examen très sérieux. Effectivement, en parcourant les notes sur l'analyse de votre mémoire, je pense qu'il y en a plusieurs où on constate qu'on peut faire une réflexion additionnelle et on trouve que plusieurs des recommandations méritent d'être retenues, entre autres, vos commentaires sur l'inspecteur, l'enquêteur, même sur ses fonctions, le fait qu'il ne doit pas être membre de la Corporation pour être enquêteur; modifier le serment de discrétion, et autres. Si j'avais à vous demander quel serait, selon vous, le point le plus faible du système disciplinaire actuel, M. Taschereau, vous répondriez quoi?

M. Taschereau: Les délais assez souvent rapportés pour les sentences ou pour... J'ai un cas qui est récent où tout simplement nous avons demandé, le syndic a demandé une radiation provisoire. Et c'est un cas où nous considérons que le notaire est un danger en ce qui concerne la protection du public. Et le notaire s'est présenté. Il n'avait pas d'avocat. Il a dit que son avocat était en vacances. Et on lui a accordé, malheureusement, un mois de plus. Alors, nous croyons, nous, que dans le cas d'une demande de radiation provisoire qui est immédiate, ça empêche que d'autres dommages puissent être causés au public. À un certain moment, je ne parle pas du président actuel du comité de discipline, il y a eu des cas où, après un an, on n'avait pas encore la sentence. À ce moment-là, j'ai communiqué avec le président de l'Office qui a pris les mesures nécessaires, je dois dire. C'est qu'on trouve que déjà les délais sont trop longs et que, si on alourdit le système, non seulement il va être plus coûteux, mais que, finalement, ça veut dire un prolongement de délais qui sont déjà inacceptables, dans bien des cas. C'est ce qui nous inquiète.

M. Savoie: Un autre élément qui m'a surpris un peu, c'était l'opposition que vous aviez à l'utilisation d'un formulaire pour déposer une plainte. Vous dites que ça présente toutes sortes de problèmes. Ces problèmes-là, la vision de cela n'est pas du tout partagée. Est-ce que c'est parce que vous craignez qu'il y ait une augmentation?

M. Taschereau: Non, c'est le temps. C'est que déjà nous avons un personnel qui est occupé à plein temps et il y aura beaucoup de demandes d'entrevues, qui sont presque des consultations, en réalité, pour rédiger des plaintes qui peuvent être... Il semble qu'on peut indiquer de quelle façon le public peut porter plainte ou le syndic lui-même peut porter plainte après une demande d'enquête de son propre chef contre un notaire. C'est surtout le temps qu'on demandera à un personnel supérieurement qualifié pour aider la personne à rédiger sa plainte; c'est une question d'utilisation du temps. Nous croyons que pour la formulation de la plainte, c'est très simple: une plainte peut être une simple lettre avec un exposé des faits, ou un appel

téléphonique où on dit: Confirmez-moi ce que vous me dites par écrit simplement. Parce que beaucoup des plaintes sont rédigées de façon très sommaire, très brèves, et ça déclenche le mécanisme tout de suite.

M. Savoie: D'accord. Une dernière question. Ce matin, on a eu l'occasion d'entendre un syndic nous dire que, effectivement, il pouvait y avoir, ici et là, des interventions de la part d'une corporation professionnelle sur le travail d'un syndic. Selon vous, est-ce que sur cette situation, son analyse est valable? Est-ce que ça peut exister? Est-ce que c'est plus fréquent ou moins fréquent qu'il semblait nous le laisser croire?

M. Taschereau: Pour ce qui est de...

M. Savoie: De l'interférence dans le travail d'un syndic, par exemple.

M. Taschereau: II n'y en a pas, suivant notre structure à nous, comme je l'ai mentionné tout à l'heure.

M. Savoie: Oui, mais pour l'ensemble?

M. Taschereau: Pour l'ensemble des autres professions, je ne le crois pas. En ce qui nous concerne, nous, le président est le seul qui a accès au syndic sur le plan de son travail. Sur le plan strictement administratif, c'est le directeur général. Mais, à certains moments, j'ai reçu des lettres du public se plaignant justement de la réponse négative du syndic. Et, dans chacun de ces cas, j'ai fait venir le dossier et j'ai demandé des explications au syndic. En réalité, le président n'est pas un tribunal d'appel, mais, assez souvent, ça m'a permis de répondre de façon plus élaborée au public. Mais, il faut, à ce moment-là, examiner tout le dossier.

M. Savoie: Est-ce que le président peut, à l'occasion, intervenir directement auprès du citoyen...

M. Taschereau: Le syndic...

M. Savoie: ...suite à un traitement par le syndic, justement?

M. Taschereau: Pour le président ou le Bureau?

M. Savoie: Le président de la corporation, par exemple.

M. Taschereau: Le président, je crois qu'il ne peut pas intervenir ni contre ni pour. Il peut demander au syndic d'être plus diligent ou passer des remarques sur la trop grande sévérité ou l'absence de sanctions sévères demandées à telle ou telle occasion. Mais le syndic, son indépendance est consacrée dans nos textes, sauf que, suivant une résolution du Bureau demandant au requérant de porter plainte dans tel ou tel cas, il doit le faire.

M. Savoie: C'est ça. Alors...

M. Taschereau: C'est la seule interférence. Pour le congédier, ça prend une résolution du Bureau aux deux tiers.

M. Savoie: Oui, oui, ça, je comprends. Je me demandais tout simplement si, effectivement, il pouvait arriver que, lorsqu'un citoyen dépose une plainte, il soit contacté directement par le président de la corporation. Les structures sont assez sévères pour empêcher ce genre d'échange?

M. Taschereau: Oui, oui.

M. Savoie: Oui. Une dernière question. Le Conseil interprofessionnel nous a présenté une position très ferme en ce qui concerne le comité des plaintes, c'est-à-dire qu'on ne le retient pas comme option. Il nous propose une espèce de comité de suivi, finalement, sans vraiment de pouvoirs, tout simplement de surveillance, je pense. Le travail un peu du syndic. C'est bien ça, l'expression: comité de suivi?

Une voix: Comité aviseur.

M. Savoie: Ah, comité aviseur. Un comité aviseur en ce qui concerne les travaux du syndic, est-ce que vous pensez que ça a de la valeur, ça, vis-à-vis d'un comité à l'examen des plaintes, et qui intervient d'une façon constante auprès du syndic au niveau du public? (16 heures)

M. Richer: Si vous permettez, je pense que ça peut varier beaucoup d'une corporation professionnelle à l'autre. À la Chambre des notaires, comme je le disais tantôt, il y a un syndic, trois syndics adjoints. Leur fonctionnement interne fait en sorte que beaucoup de dossiers en phase finale sont examinés en groupe. Le jugement d'un syndic qui a mené l'enquête, qui est arrivé à une conclusion ou à une conclusion préliminaire est soumis aux autres, et c'est de façon collégiale, lors de réunions formelles, que le groupe analyse rapidement une situation et émet des commentaires. Donc, à la Chambre, le personnel le permettant, on peut penser qu'il y a une certaine collégialité qui peut s'établir. Dans une corporation où il y aurait un syndic, c'est plus difficile. Il se peut aussi que, dans cette corporation-là, le président ne se sente pas aussi à l'aise, ne se sente pas à l'aise de jouer un rôle-conseil auprès du syndic, et, dans ces cas-là, il est tout à fait possible et valable qu'un tel comité aviseur puisse jouer un rôle intéressant.

D'un autre côté, si vous permettez, j'ajouterais que, sur le plan administratif, les syndics, même si on leur concède beaucoup d'indépendance, et ça, c'est important, il n'en demeure pas moins qu'à mon avis ils

doivent souscrire à une philosophie de gestion qui est établie pour l'ensemble des employés de la corporation professionnelle. Si, par exemple, on s'entend en équipe de direction sur une façon de communiquer, une façon de traiter les dossiers, ça s'applique autant au cabinet du syndic qu'à d'autres services. Dans ce sens-là, je pense qu'il y a un élément très positif à ce que, à l'intérieur du travail même que le syndic est appelé à effectuer auprès de la population, en toute indépendance, on puisse, à l'intérieur de la corporation, établir des guides, des philosophies de gestion qui sont très positives. On pense, par exemple, à la qualité totale.

M. Savoie: Donc, ça varie de corporation en corporation.

M. Richer: Ça varie beaucoup d'une corporation à l'autre.

M. Savoie: C'est ça qu'on avait pensé, nous autres aussi. Alors, je vous remercie beaucoup pour votre présentation et on va certainement faire le suivi avec votre mémoire et notre projet de loi. Merci.

Le Président (M. Richard): Merci aux représentants de la Chambre des notaires du Québec. Je demanderais maintenant aux gens qui représentent la Corporation professionnelle des comptables généraux licenciés du Québec de prendre place immédiatement.

M. Savoie: Je dois demander la suspension parce que je dois me rendre au Conseil des ministres pour une demi-heure.

Le Président (M. Richard): Alors, je corrige le tir, mesdames et messieurs. Nous suspendons pour 30 minutes parce que M. le ministre doit se rendre au Conseil des ministres. Alors, nous suspendons pour 30 minutes, si vous permettez.

(Suspension de la séance à 16 h 4)

(Reprise à 16 h 43)

Le Président (M. Richard): Mesdames, messieurs, la commission reprend ses travaux. Nous en sommes à auditionner la Corporation professionnelle des comptables généraux licenciés du Québec. Vous avez la parole, et on s'excuse du retard technique, pour des raisons ministérielles. Vous avez la parole et vous identifiez, évidemment, les collègues qui vous accompagnent.

Corporation professionnelle des comptables généraux licenciés (CGA) du Québec

M. Vigneault (Rénald): Merci, M. le Président.

Alors, à ma gauche, M. Nelson D'Amours, vice-président de la Corporation et, à ma droite, M. Marcel God-bout Lavoie, directeur général de la Corporation.

Je tiens d'abord, en préambule, à remercier les membres de la commission de nous avoir invités à participer aux débats de la commission. Dans un premier temps, j'aimerais vous présenter un peu qui nous sommes, la Corporation des comptables généraux licenciés du Québec. Alors, nous existons depuis 1908. Au Québec, nous regroupons 5500 membres et nous avons 5000 étudiants ou candidats au titre, à la profession. Au niveau canadien, nous sommes affiliés à CGA Canada, et l'association canadienne regroupe 20 000 membres et 22 000 étudiants ou candidats au titre. Les gens qui font partie de notre corporation oeuvrent dans plusieurs champs d'activité, nommément la gestion, la fonction publique ainsi que la vérification.

Nous avons présenté un mémoire qui est assez exhaustif. Il me fera plaisir de répondre aux questions ou, le cas échéant, de référer aux gens qui m'accompagnent pour apporter les réponses aux questions un peu plus pointues. Je vais débuter par une brève présentation. Pour nous, l'approche qu'on a essayé de retenir là-dedans, en particulier au niveau du mémoire, c'est de bonifier l'avant-projet de loi qui a été présenté. Par ailleurs, je dirais — pour utiliser des termes des affaires sociales — que, dans le vécu de la Corporation des CGA, les problèmes qu'on a rencontrés avec l'Office relèvent plus du mode de fonctionnement de ce dernier que de la législation existante. Et je vais m'appliquer à essayer de faire une démonstration de ces propos.

Avant de procéder plus avant, il m'apparaît important de préciser certains éléments particuliers de la profession comptable. Là-dessus, un des premiers éléments qu'il est important de mettre en relief, c'est que les trois corporations de comptables au Québec exigent un diplôme en sciences comptables. Donc, la formation des comptables professionnels au Québec, nonobstant leur appartenance corporative, je dirais, est similaire. Et, à cet égard-là, je suis absolument convaincu que vous me croyez sur parole mais, s'il y avait des sceptiques, j'inviterais les membres de la commission à consulter le rapport du Conseil des universités, qui a été publié en mars 1990, qui fait état de cette situation.

Et j'ouvre une parenthèse. C'est important que les gens qui sont autour de la table — parce qu'on est peut-être appelés à se revoir dans un avenir rapproché, pour d'autres discussions au niveau du dossier comptable — conçoivent que les gens qui suivent des cours à l'université, lorsqu'ils s'inscrivent à un cours de vérification, quel que soit le numéro, il n'y a pas un cours de vérification pour un type de corporation et un cours de vérification pour un autre type de corporation; ce sont les mêmes cours de vérification. Alors, quand on parle de formation similaire, c'est vraiment quelque chose de même niveau, de même acabit. Alors, ça, c'est une première particularité, je dirais, de la profession comptable.

Maintenant, j'aimerais mettre en relief deux ou trois éléments qui nous particularisent un peu, la Corporation des CGA. Très brièvement, au niveau du mode d'examen, chez nous, les gens qui veulent accéder à la profession doivent réussir quatre examens finals uniformes. C'est-à-dire que, contrairement à au moins une autre corporation où c'est un examen unique, chez nous, il y a quatre examens uniformes qui portent sur des matières distinctes. Ces matières sont: comptabilité, vérification, finance et fiscalité. Pour chacune des matières examinées, l'étudiante ou l'étudiant doit obtenir la note de passage de 65 %. Alors, nous, ce qu'on voudrait faire valoir ici, c'est que ça a le privilège de nous assurer d'une compétence à tout le moins minimale dans chacune des matières ou des sujets que la personne qui devient comptable professionnel est susceptible d'utiliser tout au cours de sa carrière. Alors, ça évite des situations où quelqu'un, par exemple, pourrait échouer dans une des matières mais, compte tenu du fait que ça prend une note minimale de 240 sur 400, il pourrait quand même obtenir un titre professionnel et exercer dans un champ où cette personne-là n'a pas vraiment toute la compétence requise pour exercer. Alors, ça, c'est une chose qui nous caractérise plus particulièrement.

La deuxième que je voudrais mettre en relief, c'est au niveau des stages. Chez nous, à la Corporation, les stages pratiques sont d'une durée de deux ans, comme c'est le cas, je dirais, dans l'industrie des sciences comptables. Et le mode des stages, chez nous, est flexible, c'est-à-dire que les gens peuvent faire un stage soit en gestion, soit en comptabilité publique. Par ailleurs, j'ouvre tout de suite aussi une autre parenthèse — vous allez voir, à la fin, on va toutes les fermer — mais ce n'est pas chez nous... Quelqu'un qui ferait, chez nous, son stage en gestion et qui voudrait accéder au champ de la comptabilité publique, il n'y a pas là de porte par en arrière, si on veut. On a déjà présenté à l'Office un projet de règlement qui détermine les conditions de retour au champ de la pratique. Et, à travers ce tamis-là, nous, on empêche que les gens qui n'ont pas l'expérience requise envahissent — entre guillemets — le champ de la pratique. Alors, formation identique; les examens, on a un mode un petit peu particulier; et, au niveau des stages aussi, on a une flexibilité, je dirais, très certaine.

Maintenant, nonobstant le fait que nous soyons une corporation à titre réservé, comme il est convenu de nous désigner dans le langage des corporations professionnelles, nous avons toute une panoplie d'outils qui nous assurent de la protection du public, et je voudrais en faire, ici, une brève énumération, de sorte que, quand on aura les échanges tantôt, on soit au diapason sur le type d'instance dont on veut parler. (16 h 50)

Alors, chez nous, tout membre qui veut oeuvrer en comptabilité publique doit s'inscrire auprès de la Corporation. Alors, ça, c'est déjà un premier niveau de contrôle des gens qui exercent dans le champ de la comptabilité publique chez nous. Par ailleurs, tout membre qui exerce en comptabilité publique doit être détenteur d'une assurance-responsabilité obligatoire, et ce, sous peine de radiation. On s'assure, sur une base annuelle, que les gens sont détenteurs d'une police d'assurance-responsabilité.

On a aussi, depuis plusieurs années, un système d'inspection professionnelle très exhaustif, qui assure la vérification de nos cabinets qui offrent leurs services au public. On a aussi, comme c'est le cas d'au moins une autre corporation comptable, dans la panoplie des outils qu'on a à notre disposition, un fonds d'indemnisation qui, le cas échéant, pourrait rembourser des gens qui auraient été victimes, je dirais, de malversations ou de fautes professionnelles de la part de nos membres. Et aussi, toujours sous la rubrique «protection du public», ce que je mentionnais tantôt, on a été la première corporation comptable au Québec à présenter un projet de règlement de retour à la pratique. Alors, pour nous, ce qu'il est important de voir là-dedans, c'est que ce n'est pas vrai que quelqu'un qui, à 26, 27 ans, réussit à devenir CGA et qui, à 45 ans, en raison d'une réorientation de carrière, doit entrer dans le champ de la pratique publique comme ça, et une fois que... Cette personne-là était déjà qualifiée à 26 ans, elle est encore qualifiée à 42 ans ou à 45 ans. Alors, pour nous, c'est important de voir, de mettre en place des mécanismes qui nous permettent ces transitions-là; que ce ne soit pas une barrière infranchissable, mais que ça permette une transition. Alors, c'est dans cet esprit-là qu'on a soumis notre règlement de retour à la pratique. Et, bien sûr, ça fait l'objet de vos préoccupations. On a chez nous un comité de discipline qui est chargé de la révision des cas.

Je vous dirais, en conclusion sur cette rubrique-là, que je qualifie de «protection du public», qu'on a tout lieu de croire que le rendement de nos instances est efficace parce qu'on n'a jamais eu maille à partir, je dirais, au niveau de l'appareil de la protection du public avec l'Office des professions. Jusqu'à maintenant on montre patte blanche et, Dieu merci, là-dessus, on s'entend.

Une dernière particularité, je dirais, avant de passer à quelques commentaires sur certains des articles de Favant-projet de loi. Alors, ce dernier commentaire là porte sur la vision qu'il existe en comptabilité un champ exclusif et que ce champ exclusif appartient à une corporation en particulier, celle qui n'a que deux lettres. Alors, là-dessus, je voudrais faire la représentation suivante auprès des gens de la commission: ça n'existe pas. Le champ de la vérification, au Canada, est partagé par plusieurs corporations comptables. En Europe, il y a plusieurs corporations comptables qui le partagent. Et au Québec aussi. Si on regarde l'état de la législation, les CGA ont les pleins droits pour les commissions scolaires, les municipalités, les coopératives, les caisses d'épargne et de crédit. Alors, quand on nous dit qu'il y a un champ qui est exclusif, ça n'existe pas.

Le champ, il est partagé, et le contentieux comptable, en tout cas, pour notre part, porte sur le partage du restant du champ, qui présente, somme toute, une maigre partie du champ.

Alors, ces considérations étant acquises, je vais commenter quelques-uns des articles, plus spécifiquement, de l'avant-projet de loi. Au niveau des articles 4 et 6, la Corporation recommande que des règles précises soient ajoutées afin d'imposer à l'Office l'obligation de motiver ses interventions et ses décisions par écrit dans un délai raisonnable. Dans le fond, il y a une espèce de devoir de transparence qui doit nous habiter là-dessus. Et, si vous me donnez cinq secondes, je vérifie quelque chose...

Alors, il nous est arrivé, dans le cours du dossier comptable, à un moment donné, d'avoir une requête de la part de l'Office pour produire une définition du champ de la comptabilité publique versus le champ que je qualifierais d'évocateur. Et, nous, agissant, je dirais, dans un esprit de compromis, d'une part, et, d'autre part, dans un esprit de collaboration, on a fourni ces définitions-là. Ces définitions-là ont été fournies de façon formelle par une approbation de la résolution du Bureau. Alors, notre Bureau a accepté ces définitions, ces projets de définition qu'on a soumis à l'Office. Et c'est resté, en tout cas, à toutes fins pratiques, lettre morte jusqu'à maintenant. Il peut y avoir divergence, là. On a eu un accusé de réception mais, quant à l'utilisation de cela, enfin, on verra, d'ici peu de temps, si on se revoit sur le dossier comptable, où c'en est, mais il nous semble que, quelque part, quand il y a ce type de requête et quand une instance formelle d'une corporation se prononce, il devrait y avoir un devoir de retour à cet égard-là.

Aussi, toujours sur les articles 4 et 6, c'est une situation un peu délicate, mais on pense qu'on devrait obliger un membre de l'Office de s'abstenir de participer à toute délibération ou vote, le cas échéant, sur des questions qui pourraient impliquer sa corporation, parce que nous avons vécu une situation un peu particulière où l'Office a émis un avis quant à l'organisation de la profession comptable, en 1991, et force nous est de constater qu'un des membres de l'Office fait partie d'une des trois corporations comptables. Alors, nous, il nous apparaît qu'on devrait avoir des lignes, là, pour encadrer ce que j'ai entendu ce matin, quand j'ai eu le privilège d'assister aux présentations: autant l'apparence que le fond. Ça manque un peu. Alors, c'étaient nos commentaires pour les articles 4 et 6.

Quant à l'article 12, là aussi il nous apparaîtrait opportun de créer une obligation de rendre compte des décisions dans un délai raisonnable. Et l'exemple que je vais prendre pour illustrer, c'est, dans le fond, l'évolution, si on veut, du dossier comptable au Québec. Et je vais y aller très brièvement, là. Je ne recommencerai pas à 1946 mais, en 1977, il y a eu dépôt d'une premier avis qui recommandait, à toutes fins pratiques, que les CGA qui étaient en pratique deviennent des comptables agréés, et que les autres deviennent des RIA — dans le temps, on appelait ça des RIA — et c'était ça, l'organisation de la profession comptable. Et, ça, ça a été rejeté d'emblée, je dirais, par à peu près tous les intervenants. Alors, ça, c'était en 1977.

En 1981, il y a eu un nouvel avis. En 1981, on nous disait que les CGA semblaient, en tout cas, à l'époque, suffisamment qualifiés pour accéder au champ de la pratique. Mais, en 1981, on créait un office d'émission de permis, lequel office était paritaire — il y avait les membres des trois corporations là-dessus — et les gens qui avaient fait un stage dans le domaine de la pratique publique obtenaient le permis de vérificateur. Mais il y a quand même eu quatre ans entre les deux. Et, ça aussi je dirais, pour des considérations qui nous échappent, c'est allé en 1991 avant qu'on ait l'avis suivant. Je vais revenir sur l'avis de 1991, mais il s'est quand même passé 10 ans entre les deux. Vous avouerez que...

Derrière les chiffres, chez nous, quand on parle de 5500 membres, c'est 5500 personnes qui gagnent leur vie au Québec, qui sont en attente de résolution de ce dossier-là. Alors, ça a des connotations très réelles, je dirais. Et, pendant ce temps-là, il est intéressant de noter qu'on a obtenu confirmation, les CGA ont obtenu confirmation de leur plein droit de pratique, en 1986, au Nouveau-Brunswick; en 1987, en Alberta; en 1991, dans les Territoires-du-Nord-Ouest. Alors il s'est passé quelque chose, là, ailleurs dans le monde, pendant ces 10 ans-là, mais, chez nous, on était virtuellement au point mort. Et, en 1992, il y avait un contentieux qui existait à la Commission des valeurs mobilières de l'Alberta. La Commission des valeurs mobilières de PAlberta n'acceptait les états financiers que des vérificateurs à deux lettres. Il y a eu une commission qui a étudié l'état du dossier et qui a amené la Commission des valeurs mobilières à conclure que la Commission ne devrait pas discriminer en fonction de l'appartenance à l'une ou l'autre des corporations. Donc, les trois corporations sont habilitées à soumettre des états financiers; l'acceptation des états financiers va être basée sur la réputation de la firme, l'expérience, la crédibilité, etc., et non pas sur le titre professionnel en particulier. (17 heures)

Et il est intéressant de savoir, peut-être, pour les gens de la commission — en tout cas, c'est bien intéressant pour moi de vous en parler — que, dans le cadre des enquêtes de la Commission des valeurs mobilières de PAlberta, la Commission des valeurs mobilières de l'Alberta a sollicité l'avis de la Commission des valeurs mobilières du Québec. Et on pourra déposer un échange de correspondance où la Commission des valeurs mobilières du Québec confirme à la Commission des valeurs mobilières de PAlberta que la Commission du Québec accepterait des états financiers signés par un CGA qui a les pleins droits de pratique dans sa province. Alors, là, on se ramasse dans une situation où les gens qui ont les pleins droits, que ce soit au Nouveau-Brunswick ou en

Colombie-Britannique, peuvent présenter des états financiers à la Commission des valeurs mobilières du Québec, et ces états financiers là risquent d'être acceptés, alors que ceux du comptable de Val-d'Or ou de Terre-bonne ne seront pas acceptés parce que, au Québec, l'état de la législation est très différent. Alors, c'étaient des commentaires sur l'article 12. Oui?

Le Président (M. Richard): II vous reste seulement deux minutes pour fermer toutes vos parenthèses.

M. Vigneault: Tabarnouche! Ha, ha, ha! Des voix: Ha, ha, ha!

M. Vigneault: O.K. J'en ferme quatre d'avance. Ah! mon Dieu! Alors, pour le dernier bout, je vous dirais que, nous, on déplore le fait que... Dans le dossier comptable, à tout le moins, notre interprétation, c'est que l'Office n'a pas été suffisamment respectueux de l'article 26 où on dit que les décisions doivent être basées sur la formation des professionnels et leur compétence. Et, à cet égard-là, il est intéressant de noter que l'avis de 1991 contredit celui de 1981, et que, quand la démonstration est faite... Quand on analyse ces deux éléments-là, les observateurs externes concluent que les CGA ont la qualification. Alors, nous, on déplore un peu cet état de fait. Et vous me forcez à passer sous silence une pièce maîtresse, le jugement de l'île-du-Prince-Édouard, mais s'il y a des questions, ça me fera plaisir d'y répondre.

Le Président (M. Richard): M. le ministre, avez-vous une question sur le jugement de l'île-du-Prince-Édouard?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Richard): Vous avez la parole, M. le ministre.

M. Savoie: Merci, M. le Président. D'abord, je pense que je dois présenter mes excuses aux membres de la commission et aux collègues. Des circonstances incontrôlables. Permettez-moi également de saluer les membres d'une corporation à trois lettres...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Savoie: ...qui ont quand même le mérite de nous présenter une position à cette commission, et, en les regardant, on constatait que tout le monde en arrière avait le sourire en coin et que c'était particulièrement rafraîchissant, mais pas pertinent et certainement pas éclairant pour les membres de la commission. On comprend votre position et on ne vous en tiendra pas rigueur, mais il reste quand même que le but de la commission porte sur un sujet un peu plus vaste. Si vous me permettez, donc, je ne vous questionnerai pas sur le jugement de l'île-du-Prince-Édouard qui, avant qu'il ne soit rendu, a été considéré comme quelque chose de négligeable, mais qui, lorsqu'il a été rendu, a pris de la valeur comme une mine d'or. Ha, ha, ha!

Alors, à ce moment-là, quelques commentaires, d'abord au niveau de votre mémoire, avant de s'attaquer à certains éléments. Évidemment, on constate que plusieurs points, finalement, font l'objet de critiques, mais je pense, d'une façon générale, qu'elles sont assez cons-tructives. Et, d'une façon assez générale également, il y a de l'appui pour plusieurs des modifications qui sont proposées, appui nuancé ici et là, des fois, de quelques refus francs. Mais on abordera ça tout à l'heure.

Je serais intéressé de savoir, par exemple, à la première page de votre mémoire, finalement, après l'introduction, il y a une analyse et des commentaires concernant les articles 4 et 6. Vous dites: «La Corporation est en accord avec la modification proposée — c'est-à-dire de faire porter de 5 à 7 — puisqu'elle aura pour objet de diluer l'impact des votes du président et du vice-président lors de la prise de décision, tout en garantissant un quorum plus représentatif des membres qui ne sont pas des employés de l'Office.» C'est quoi, ça? Je ne comprends pas.

M. Vigneault: En fait, pour nous, ce que ça met en relief, c'est que, pour les cas où des votes sont nécessaires au sein de l'Office, il nous apparaît que les gens qui sont salariés n'ont pas le même niveau d'indépendance que les gens qui ne le sont pas. Alors, c'est à ce type de commentaires-là que ça réfère.

M. Savoie: Ah oui! Indépendance vis-à-vis du fonctionnement de l'Office, son développement.

M. Vigneault: Bien, c'est un peu ça parce que, dans le fond, ce qu'on met en relief là-dessus, on voit bien que, nonobstant les personnalités...

M. Savoie: Oui.

M. Vigneault: ...on a deux personnes qui sont là, une qui est présidente et une qui est vice-présidente.

M. Savoie: C'est ça.

M. Vigneault: II y en a une qui travaille pour l'autre, alors...

M. Savoie: D'accord.

M. Vigneault: ...nous, dans notre approche, on se dit: S'il y a des votes... Et n'ayant jamais eu le privilège de siéger là, il nous apparaissait important, là... Il nous apparaissait très positif qu'on augmente le nombre de personnes, de sorte que ça augmente le nombre de points de vue. Et ça a pour effet aussi de ramener un

peu le quantum.

M. Savoie: Oui. Et, ça, est-ce que c'est une question de principe ou est-ce que c'est une question de fait?

M. Vigneault: Je dirais: Nous, ce qu'on a vu dans l'avant-projet de loi, c'est qu'il y avait une intention de passer de cinq à sept.

M. Savoie: Oui.

M. Vigneault: Alors, ce qu'on dit, c'est que, oui, on est d'accord avec ça...

M. Savoie: D'accord avec ça.

M. Vigneault: ...parce que ça amène plus de points de vue.

M. Savoie: Alors, sur une base de théorie. M. Vigneault: Oui.

M. Savoie: D'accord. Vous avez également pris une position en ce qui concerne le pouvoir d'enquête. Vous êtes d'accord avec le pouvoir d'enquête?

M. Vigneault: Oui.

M. Savoie: Vous êtes, à date, en tout cas, le premier à vous présenter devant cette commission avec un accord sur le pouvoir d'enquête.

M. Vigneault: Mais...

M. Savoie: Est-ce que vous pourriez en parler un peu vis-à-vis... J'imagine que vous êtes au courant des craintes qu'ont les autres corporations, finalement.

M. Vigneault: Là-dessus, je vais faire un commentaire d'ouverture, et peut-être laisser la parole par la suite à M. Godbout. Mais, pour nous, on y met des bémols aussi. On dit: Ça ne doit pas être un pouvoir d'inquisition. Situons-nous. Un pouvoir d'enquête, on est pour; un pouvoir d'inquisition, on ne l'est pas. C'est pour ça que, quelque part, à un moment donné, dans notre mémoire, on met une sérieuse réserve sur le type de pouvoirs dont devraient être investis des membres de l'Office, parce qu'on semble vouloir s'investir, si ma mémoire est bonne, des pouvoirs d'un commissaire-enquêteur. Nous, là-dessus, on s'objecte très formellement et très vigoureusement. On dit que ce type de pouvoirs là, lorsque requis, ça devrait être des demandes ad hoc qui sont faites de l'Office au gouvernement et, le cas échéant, si le gouvernement juge bon de les accorder, oui, on serait d'accord, mais pas que ce soit un pouvoir qui soit là, nonobstant, je dirais, les événe- ments. Mais, sur une base ad hoc, je pense qu'il faut se donner ce type de mécanisme là.

M. Savoie: Alors, vous êtes d'accord, mais en autant, évidemment, qu'il y ait une permission d'accordée pour procéder à une enquête, qu'il y ait un contrôle d'exercice de ce pouvoir.

M. Vigneault: Je vous dirais oui, parce que, pour nous, c'est important que l'Office réponde de ce type d'enquête là et que ce ne soit pas quelque chose qui soit sous sa seule juridiction, je dirais, ou son seul type de décision, que ça relève exclusivement de l'Office parce que, nous, si on regarde nos relations avec l'Office, on ne trouve pas qu'ils rendent des comptes assez souvent.

M. Savoie: C'est ça.

M. Vigneault: Par ailleurs...

M. Savoie: C'est très clair qu'il faut que ce soit balisé, je pense. Est-ce que vous pensez que, par exemple, ça pourrait être le ministre, le gouvernement, ou est-ce qu'il doit y avoir un autre mécanisme pour baliser ce pouvoir?

M. Vigneault: Oui. M. Savoie: Qui?

M. Vigneault: Dans notre esprit, c'est le gouvernement.

M. Savoie: À cause?

M. Vigneault: On parle de quelque chose qui serait quand même d'un degré d'importance significatif. Il y a 41 corporations. Si on décide d'enquêter sur une de nos 41 corporations au Québec, il faut que ce soit un geste qui soit réfléchi, articulé, et dont la démonstration de la légitimité doit résister à une forme d'analyse parce que, tout ce que ça risque de générer comme inquiétude et comme paranoïa, ça doit être encadré. C'est pour ça que, pour nous, on opine que ça devrait relever du gouvernement, ce type d'autorisation là.

M. Savoie: Oui. Intéressant. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Richard): Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, M. Vigneault, M. D'Amours, M. Godbout Lavoie, bienvenue. Je suis un petit peu étonnée de la question du ministre concernant la composition de l'Office, parce que la plupart des corporations s'y opposent, veulent maintenir le nombre actuel. Alors, pour une fois qu'il y

avait une corporation qui était en accord, ça m'étonnait un petit peu qu'on questionne. Mais je pense qu'on questionnait plutôt vos raisons d'être en accord plutôt que le fait d'être en accord. (17 h 10)

Quant à la pertinence, moi, je pense que lorsque nous sommes en audiences publiques sur un avant-projet de loi qui prévoit une réforme du Code des professions, c'est le moment idéal d'aborder l'ensemble des sujets et que chaque intervenant est libre de nous parler des sujets qui le préoccupent particulièrement. Et même si vous évoquez une situation particulière de votre corporation, je pense que c'est éclairant pour les interrogations qu'on doit se poser au niveau d'une réforme du Code des professions. Vous nous démontrez qu'effectivement, lorsqu'il y a demande au niveau des champs d'exercice, lorsqu'il y a demande au niveau de la réglementation et que ça touche deux ou trois corporations — ça pourrait être plus aussi — il y a des problèmes, que ces problèmes perdurent des années et qu'on arrive rarement à trouver une solution. Et, ça, j'avoue qu'au niveau du gouvernement, au niveau du ministre responsable, au niveau de l'Office des professions il va falloir qu'on arrive à trouver des solutions là-dessus, parce que c'est vécu très difficilement par toutes les corporations qui sont concernées. Et, jusqu'à maintenant, je pense qu'il n'y en a pas eu, de solutions.

Et c'est évident que ce que l'on sent dans certains commentaires, lorsque vous dites que, parfois, c'est plutôt des idéologies, vous parlez indépendamment de toute idéologie politique ou... Est-ce que vous ressentez que, lorsque deux ou trois corporations sont en cause, presque automatiquement, finalement, l'Office des professions aurait plutôt un penchant que je qualifierais d'élitiste, un penchant plutôt pour les corporations les plus anciennes — je n'ose pas dire à deux lettres, mais les corporations qui... Parce que, dans le cas, par exemple — je vais prendre un autre exemple — des dentistes et des denturologistes, on a senti, au niveau de la loi 17, des décisions très claires. Est-ce que vous avez une crainte par rapport à ces décisions-là?

M. Vigneault: Oui. Et, à cet égard-là, ce que je mentionnais tantôt dans la présentation, quand on regarde l'évolution de ce qui s'est passé dans les autres provinces canadiennes où les gens ont vu leurs droits reconnus, quand on s'en est remis, entre guillemets, à l'appareil politique, on a trouvé le moyen de trouver des solutions. Alors, pour nous, c'est une espèce de boîte noire dans le dossier comptable, l'Office, et son attitude. Et, moi, je regarde aussi l'attitude du juge Campbell, de la Cour suprême de l'île-du-Prince-Édouard — en réponse, M. le Président, ha, ha, ha! — qui a eu à examiner...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Richard): Correct.

Mme Caron: Vous êtes libre de vos réponses.

Le Président (M. Richard): Vous avez le droit d'utiliser les références que vous voulez.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Vigneault: Mais, en toute équité pour le juge Campbell qui a tenu 31 jours d'audiences, qui a regardé la formation, la compétence des CGA, et qui, en vertu de la Charte des droits et libertés, a trouvé que la loi de l'île-du-Prince-Édouard était une loi injuste qui ne résiste pas à l'analyse de la Charte, il est intéressant de voir ça, d'une part, dans deux éléments de contexte. Le premier, c'est que la loi de l'île-du-Prince-Édouard, c'est une copie conforme, à peu près, de la loi des comptables agréés du Québec. La loi de 1946 a été importée en 1949 là-bas. Alors, là, quand on regarde une instance impartiale comme ça et qui arrive à une conclusion... Je m'excuse pour la langue, mais je vais vous citer deux phrases. C'est les deux phrases qui font mon affaire sur les 68 que comporte le jugement, mais quand même, je vais vous les citer en anglais. C'est: «In the end — ça, c'est le juge — I believe the public inte-rest will be better served by the admission of CGA's into the governance and the practice of public practice.» Alors, ce n'est pas nous qui le disons et ce n'est pas une instance qui est... En tout cas, c'est un juge de l'île-du-Prince-Édouard, mais, en réponse à votre question, oui, on est inquiet quand on voit l'attitude de l'Office dans le dossier comptable.

Mme Caron: Parce que, pour avoir rencontré la très grande majorité des corporations professionnelles, j'ai senti ce malaise au niveau des corporations, des nouvelles corporations, disons, par rapport aux corporations plus anciennes. Autant le public, lui, a l'impression qu'il n'est pas protégé par les professionnels, autant les nouvelles corporations ou les plus petites corporations ont l'impression que, lorsque deux corporations sont en cause, leur protection à elles est loin d'être assurée. Et je pense que je trouvais que votre exemple là-dessus était important à mentionner.

Ce dont vous nous avez fait part aussi, comme problème particulier, touche aussi à un élément important sur lequel il faut se pencher si on parle de réforme, et c'est l'exemple que vous avez donné au niveau des champs d'exercice. Lorsque ça se fait entre provinces, ça peut se faire aussi avec le libre-échange, ça va se faire aussi, sur une marge beaucoup plus large, avec les États-Unis; c'est un problème qui n'a pas été touché par l'avant-projet de loi.

M. Vigneault: Absolument. Je dirais oui. D'ailleurs, M. le Président, le jugement de la cour de l'île-du-Prince-Édouard porte sur un des ces éléments-là, à savoir la mobilité interprovinciale. C'est un des trois éléments pour lesquels le juge a décidé de rendre cadu-

que la législation à l'île-du-Prince-Édouard: parce qu'il n'y avait pas cette possibilité d'avoir la mobilité interprovinciale. Alors, tôt ou tard, il va falloir que le législateur, au Québec, trouve réponse à ces éléments-là. Et puis, force nous est de constater que l'environnement dans les autres provinces pointe dans une direction. Mais il ne m'appartient pas de trouver les réponses pour le législateur.

Mme Caron: Vous nous avez parlé de délais, et je pense que c'était important aussi. Autant, dans F avant-projet de loi, on sent qu'il y a des mesures pour encadrer davantage les corpos, c'est-à-dire, des délais, des obligations particulières, autant, si on veut assurer la protection du public, il va falloir aussi s'assurer qu'on met des délais du côté de l'Office des professions et qu'on encadre là aussi. Vous nous avez parlé d'un délai. Vous avez déposé dernièrement... Quand l'avez-vous déposé, votre document qui était commandé par l'Office, dont vous attendez une réponse, là? Vous avez eu un accusé de réception?

M. Vigneault: En décembre 1991. Mme Caron: Décembre 1991? M. Vigneault: Oui.

Mme Caron: Et vous avez eu un accusé de réception?

M. Vigneault: Probablement en janvier. Non, je m'excuse, là...

M. Godbout Lavoie (Marcel): Je ne me rappelle pas de l'accusé de réception. Si vous me permettez, M. le Président, ce qui a été demandé par écrit à deux reprises au cours du printemps par le président de la Corporation, c'est d'avoir... Ça nous a été confirmé par téléphone que les définitions n'étaient pas acceptables. Des définitions avaient été proposées dans l'optique de trouver une solution finale au dossier comptable au Québec. C'étaient des définitions de «comptabilité publique» et de «vérification publique». On nous a informés par téléphone que les définitions n'étaient pas acceptables. Alors, on a demandé pourquoi elles n'étaient pas acceptables et on n'a jamais obtenu de réponse, malgré deux demandes écrites et plusieurs demandes par conversation téléphonique.

Mme Caron: Pour un document de décembre 1991? Je pense que si on veut mettre des délais au niveau de la protection du public, il va falloir en mettre un peu partout. Oui, je pense que ça illustre bien.

Vous nous avez dit que comme corporation à titre réservé, vous vous êtes ajouté des obligations précises; vous avez pu resserrer davantage. Ça, je pense que ce seraient des éléments intéressants à retenir pour l'ensem- ble des corporations à titre réservé, qui ont souvent certaines difficultés. Vous nous avez parlé de l'inspection professionnelle. Lorsqu'on regarde le Code des professions, du côté de l'inspection professionnelle, il n'y a pas d'obligations précises, de règles précises. Chez vous, l'inspection professionnelle, est-ce que vous vous donnez un nombre de corporations? Est-ce que vous avez un nombre de membres à visiter dans votre corporation? Vous vous donnez une visite par x années? Comment vous faites ça?

M. Vigneault: En fait, oui, on y va sur un quantum. On a, je dirais, trois éléments qu'on considère dans cet environnement-là. Le premier: on réalise un minimum de 100 inspections par année. Le deuxième: tout membre qui s'inscrit, en pratique, est inspecté dans un délai maximal de 6 mois. Alors, c'est de 0 à 6 mois; on n'y va pas le lendemain, mais au plus tard 6 mois après le début de la pratique. Ça, ce sont les deux éléments principaux qu'on retient. Et le troisième élément, c'est que, dans un délai maximal de 4 ans, on retourne visiter le cabinet, de sorte que même si... Parce que, des fois, ça peut se détériorer ou s'améliorer. Mais, chez ceux-là qui ne sont pas dans un état satisfaisant on y va plus rapidement, on fait des inspections répétées. Alors, ce sont nos paramètres là-dessus.

Mme Caron: Est-ce que vous faites aussi des vérifications s'il y a des plaintes? (17 h 20)

M. Vigneault: Si le syndic, le cas échéant, requiert nos services. Si, par exemple, quelqu'un nous appelle puis dit: Je voudrais une inspection professionnelle de ce cabinet-là, ce n'est pas le type d'intervention qu'on va faire. On va plutôt référer les gens au syndic. Et, le cas échéant, si le syndic voit qu'il est à propos de procéder à une inspection, on va y aller avec le service d'inspection.

Mme Caron: Du côté de l'inspection professionnelle, vous, est-ce que ça a été voté par résolution? Vous avez vos critères précis, ou vous pouvez varier?

M. Vigneault: Les critères de sélection? Qui va passer dans la machine? Là-dessus, je vais laisser répondre l'ancien directeur des services profesionnels.

M. Godbout Lavoie: Oui, à chaque fois que quelqu'un s'inscrit, comme le disait le président auparavant, quelqu'un qui veut ouvrir un cabinet de pratique privée doit s'inscrire auprès de la Corporation et s'enregistrer comme tel. Et il a un formulaire à compléter où il doit décrire le programme de formation continue qu'il a suivi au cours des récentes années ainsi que son expérience pertinente dans le champ de la pratique privée ou de l'expertise comptable. Et, à partir de ça, on a des codes: le directeur des services professionnels, qui est en charge de l'inspection professionnelle, codifie selon

une lettre, a, b, c, d. Et certaines catégories de lettres sont «priorisées» par rapport à d'autres, effectivement.

Mme Caron: Est-ce que vous touchez aussi des salariés?

M. Godbout Lavoie: Non. Il serait difficile pour nous d'aller inspecter quelqu'un qui travaille, par exemple, à Revenu Canada, à l'impôt ou des choses comme ça, puis quelqu'un qui travaille dans l'industrie, soit à titre de contrôleur ou des choses comme ça. Il y a un vérificateur externe qui passe à la fin de l'année. Ils ont toutes les modalités de contrôle nécessaires pour s'assurer que le personnel qu'ils emploient s'occupe de son devoir avec diligence et professionnalisme.

Mme Caron: L'inspection professionnelle, je pense que c'est un élément important de la protection du public, parce que ça assure la prévention aussi. Et c'est pour ça que je vous ai questionné là-dessus. On n'avait pas eu l'occasion de le faire avec d'autres corporations, et je m'interroge pour savoir si on devrait demander aux corporations de faire des efforts supplémentaires au niveau de l'inspection professionnelle, parce que je pense que c'est des solutions au niveau de la prévention.

M. Vigneault: C'est définitivement une avenue qu'il faut regarder. Il faudrait voir les modalités. Mais, oui, il faut arriver à avoir des critères pour s'assurer que les gens sont inspectés sur une base régulière. Moi, je pense qu'il en va de la crédibilité du système. D'ailleurs, c'est pour ça que, chez nous, on s'est donné ces critères. Mais, oui, c'est quelque chose qu'il faudrait regarder.

Mme Caron: Je vous remercie.

Le Président (M. Richard): Ça va, M. le ministre? Alors, on vous remercie, messieurs, et on demanderait à l'Ordre des pharmaciens du Québec de prendre place, s'il vous plaît.

Vous avez la parole, évidemment. Et celui qui fait l'introduction, qui présente ses collègues...

Ordre des pharmaciens du Québec

M. Lafontaine (Claude): M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs, membres de la commission, mon nom est Claude Lafontaine, président de l'Ordre des pharmaciens du Québec. Il me fait plaisir de vous présenter, à ma droite, M. Alain Boisvert qui est directeur général de la corporation et qui est l'auteur principal de ce mémoire; à mon extrême gauche, le syndic de notre corporation, M. Renault Durand; et, entre le syndic et moi-même, pour bien démontrer qu'il n'y a pas d'ingérence du Bureau ni du président auprès du syndic, M. Pierre Ducharme, directeur des services professionnels, qui est ici comme directeur des services professionnels et non pas comme tampon.

L'Ordre des pharmaciens du Québec tient à exprimer sa gratitude à la commission de l'éducation pour l'opportunité qui lui est offerte de présenter ses commentaires et recommandations sur l'avant-projet de loi modifiant le Code des professions et sur le sujet plus général de la réforme du système professionnel québécois.

L'Ordre des pharmaciens est l'une des corporations professionnelles québécoises les plus expérimentées. Fondée en 1870, notre corporation a vécu toutes les étapes de cette lente maturation qui a produit le système d'autogestion professionnelle que nous connaissons. Cette longue expérience institutionnelle ainsi que les nombreuses initiatives sur lesquelles elle repose nous prédisposent à un échange fructueux avec les membres de votre commission. Notre intervention se veut un examen objectif et sans complaisance des forces et des faiblesses de ce système dont le but est de préserver les premières et de réformer les secondes. Nous espérons qu'elle saura s'avérer profitable.

Nous croyons d'abord utile de rappeler à la commission qu'à plusieurs égards le cadre dans lequel s'exercent les professions libérales au Québec est unique. C'est ce qui ressort d'une comparaison avec les principaux modèles existant ailleurs au Canada, aux États-Unis et en Europe occidentale. Par ailleurs, notre mode d'organisation professionnelle fait non seulement l'objet d'une perception très favorable à l'extérieur de la province, mais il sert parfois directement de modèle à certaines autres législatures, comme en Ontario ou en Alberta, notamment. Et, pour mieux étayer cette dernière affirmation, nous désirons vous rappeler quand même, au début de notre présentation, les qualités et les éléments de notre système qui retiennent le plus souvent l'attention à l'extérieur du Québec et que nous considérons comme des acquis. On en dénombre huit.

Notre système est essentiellement voué à la protection du public. Aussi, bien que nous convenions que des réformes seraient susceptibles d'en améliorer l'application, nous croyons que ce serait une grave erreur pour l'État québécois de le remettre en question ou d'en restreindre l'application.

L'existence du Code et de l'Office des professions constitue la cheville ouvrière de l'imputabilité des corporations à l'État. Cet acquis, selon nous, doit être maintenu à tout prix, mais cela n'exclut pas pour autant le besoin de se pencher en profondeur sur le rendement de l'Office à l'égard de ses activités, particulièrement à l'égard de son rôle de surveillance.

Le fait, pour nos corporations, de jouir d'une réglementation professionnelle étendue et touchant l'ensemble des domaines affectant la protection du public constitue un troisième acquis. Que Ton songe seulement au fait que, dans plusieurs provinces canadiennes et États américains, des règlements aussi fondamentaux que les codes de déontologie des pharmaciens demeurent d'application volontaire, nous comprenons déjà mieux le

handicap que doivent surmonter ces ordres professionnels en matière de recours disciplinaires.

Quatrième acquis: notre système professionnel se caractérise par un système disciplinaire autonome et indépendant de l'autorité des bureaux des corporations, éliminant ainsi le risque d'intervention à caractère politique dans un processus qui doit, par nature, en être exempt. L'existence des syndics ainsi que les rôles et les pouvoirs qui leur sont dévolus constituent un acquis fondamental de notre système professionnel, qu'on ne retrouve nulle part ailleurs à l'extérieur du Québec au sein du monde professionnel.

Sixièmement, notre système professionnel dispose de recours efficaces et dissuasifs contre les professionnels incompétents ou se conduisant mal. Que l'on songe seulement à la radiation provisoire prévue à l'article 130, sur simple prépondérance de preuve, qui permet aux corporations d'éviter que des délais de procédure ne compromettent gravement la sécurité du public.

Notre système jouit d'un mécanisme d'inspection professionnelle distinct des enquêtes disciplinaires, ce qui permet aux corporations qui utilisent pleinement ce mécanisme une connaissance intime des forces et faiblesses de leurs membres et de s'orienter vers la correction des lacunes les plus significatives rencontrées sur le terrain. Enfin, notre système professionnel se caractérise par sa transparence, ainsi qu'il apparaît clairement dans plusieurs dispositions du Code des professions, notamment au niveau disciplinaire. Voilà donc un bref résumé des forces de notre système professionnel. Mais nous ne devons pas nous faire d'illusions pour autant, car il nous faut aussi reconnaître que notre système recèle également une faiblesse importante.

En effet, il nous apparaît que la fonction de surveillance de l'Office des professions n'a pas donné tous les résultats attendus au cours de cette période de 20 ans et qu'elle gagnerait maintenant à être rehaussée. Qu'il suffise de rappeler qu'un règlement aussi essentiel que le code de déontologie a parfois été adopté tardivement par certaines corporations. De même, dans certains cas, on note que les activités reliées à l'inspection professionnelle des membres sont réduites à leur plus simple expression. Quelques corporations négligent même totalement l'inspection professionnelle. (17 h 30)

Nous déplorons aussi qu'après tant d'années l'Office n'évalue pas encore de manière systématique le rendement des syndics. Une telle évaluation annuelle du rendement des syndics permettrait d'identifier les écueils qui peuvent faire obstacle à leur action et d'apporter les correctifs nécessaires.

Ceci étant dit, nous reconnaissons cependant qu'au cours des années l'Office a été amené, pour des raisons à la fois juridiques et historiques, à jouer plusieurs rôles outre son rôle fondamental de surveillance qui, à nos yeux, doit constituer sa constante préoccupation. Nous croyons donc qu'un examen critique de l'ensemble du fonctionnement de l'Office mérite plus que jamais consi- dération de la part du gouvernement.

Et maintenant, j'invite les membres de la commission à examiner avec nous les principales lacunes que recèle l'avant-projet de loi. En premier lieu, cet avant-projet réduit le rôle des corporations d'une façon qui nous apparaît dangereuse. En contrepartie, l'Office devient doté de pouvoirs et prérogatives qui reviennent normalement aux corporations ou au gouvernement.

En plus de conserver ses prérogatives quant à l'adoption de règlements à la place d'une corporation qui ferait défaut de le faire, l'Office se voit attribuer des pouvoirs que nous avons énumérés en page 22 de notre mémoire et qui constituent des atteintes importantes aux principes de l'autogestion responsable. Non seulement l'Office s'attribue-t-il un véritable droit de veto avec pouvoirs supplétifs sur la majeure partie de la réglementation des corporations, mais encore pourrait-il s'immiscer dans des aspects strictement administratifs comme la conservation des dossiers et la tenue du tableau. Cela ne nous apparaît ni justifié ni réaliste. De telles dispositions perturberaient profondément l'équilibre recherché par le législateur en 1973, et nous doutons sérieusement que le public en tire quelque bénéfice que ce soit.

Quant à l'extension proposée du mécanisme de tutelle, nous ne la rejetons pas, mais elle mérite d'être étudiée avec attention, car, vu son caractère exceptionnel, ce mécanisme ne peut définitivement pas être administré avec la légèreté que prévoit l'article 14, qui confère au gouvernement le pouvoir de la décréter sur simple rapport de l'Office. Nous demandons donc au gouvernement de reconsidérer la forme et le fond de cet article.

D'autre part, l'avant-projet de loi est loin de solutionner les nombreux problèmes que nous éprouvons face au processus réglementaire. Au contraire, en diluant les pouvoirs des bureaux des corporations et en conférant à l'Office des pouvoirs supplétifs élargis, l'avant-projet de loi ajoutera à la lourdeur déjà existante. Tout cela doit donc être repensé.

Quant à l'assouplissement prévu aux articles 95.1 à 95.4, il nous apparaît marginal et, surtout, il ne permettra pas d'alléger suffisamment le processus pour permettre de recentrer l'Office sur sa mission de surveillance. À nos yeux, le processus réglementaire doit aussi être complètement repensé.

Maintenant, M. le Président, je dois vous avouer que c'est au chapitre du système disciplinaire que l'avant-projet de loi nous a le plus déçus. Loin d'améliorer le rendement des corporations, deux dispositions particulières auraient, à notre avis, des conséquences négatives sur notre capacité de protéger le public. La première est la création d'un comité d'examen des plaintes à caractère obligatoire; la seconde est l'imposition au syndic d'un délai de 60 jours pour terminer son enquête, à défaut de quoi il devra se justifier devant l'Office des professions. En pages 24 et 25 de notre mémoire, nous avons démontré les graves préjudices que causeraient ces dispositions au système disciplinaire et qui expli-

quent les raisons pour lesquelles nous exigeons le retrait pur et simple des articles 122.1, 122.2 et 122.3 de cet avant-projet de loi — et je suis convaincu que vous avez lu ces deux pages avec beaucoup d'attention.

Enfin, il ne faudrait pas penser que nous considérons ce chapitre consacré au système disciplinaire comme totalement dénué de gros bon sens. En effet, nous retenons quelques suggestions, entre autres celle confiant à l'Office le rôle de mettre à la disposition du public des formulaires de demande d'enquête ou de plainte au comité de discipline. À cette obligation faite à l'Office, nous suggérons même d'y joindre également celle de prêter assistance au plaignant pour la formulation d'une plainte.

Nous souscrivons également aux recommandations de hausser les amendes minimales prévues aux articles 156 et 188 à 600 $. Mais pourquoi l'avant-projet de loi se substitue-t-il au comité de discipline ou au Tribunal des professions en décrétant un maximum de 6000 $ sur de telles amendes? Nous appuyons également l'initiative de remettre au plaignant privé les amendés et les frais d'une affaire lorsque le syndic a refusé de prendre fait et cause et que le professionnel a néanmoins été condamné, ainsi que les mécanismes prévus lors de la destitution d'un syndic.

Enfin, nous sommes d'accord avec les dispositions de l'article 155 qui permettront au syndic de saisir le comité de discipline par voie de plainte relativement à des condamnations subies à l'extérieur du Québec. Nous suggérons, par contre, que cet article n'exonère pas le professionnel impliqué lorsque sa sentence a été purgée ou qu'il a obtenu le pardon. Le comité de discipline, à notre avis, saura bien en tenir compte de la façon la plus appropriée. Il y aurait également lieu de procéder au même amendement à l'article 45, afin de donner au Bureau une marge de manoeuvre similaire lors de l'émission d'un permis d'exercice.

Ceci étant dit, M. le Président, l'Ordre des pharmaciens croit à la philosophie qui sous-tend le système professionnel du Québec. Nous devons toutefois reconnaître que l'équilibre qui devait exister entre l'imputabi-lité des corporations à l'État et la fonction de surveillance de l'Office des professions en vue d'assurer une protection optimale du public s'est peu à peu amenuisé depuis l'instauration du système. L'avant-projet de loi modifiant le Code des professions, loin de rétablir cet équilibre nécessaire, nous paraît d'ores et déjà le compromettre encore davantage. C'est pourquoi nous demandons au gouvernement de le reprendre à zéro et, appuyés sur notre expérience acquise depuis 125 ans, nous nous permettons maintenant de lui suggérer 4 avenues susceptibles d'améliorer considérablement notre système professionnel. Ces 4 avenues sont l'accroissement de la responsabilité des corporations; une réforme en profondeur de l'Office; l'évaluation de la pertinence du nombre de corporations et des modèles d'incorporation; et l'apport d'améliorations ponctuelles au système disciplinaire.

La responsabilisation accrue des corporations, voilà ce qui, selon nous, doit être l'objectif véritable de la réforme, et tous ses autres éléments doivent concorder. Seules des corporations efficaces et autonomes quant à leurs moyens d'action pourront livrer la marchandise qu'attendait le public québécois. Il faut donc leur permettre cette efficacité et le recours aux moyens qui leur sont nécessaires. À cette fin, nous proposons au gouvernement les pistes suivantes: d'abord, un assouplissement majeur du processus réglementaire dans le but de confier au Bureau des ordres professionnels l'entière responsabilité de l'adoption de tous leurs règlements, sauf les suivants, qui continueraient d'être adoptés par le gouvernement, et nous citons: le code de déontologie, le règlement sur la conciliation et l'arbitrage des comptes, le règlement sur les diplômes donnant ouverture au permis et le règlement sur la délégation d'actes. Cette proposition peut sembler audacieuse, mais nous sommes néanmoins convaincus de son bien-fondé. Elle responsabiliserait davantage les corporations et, surtout, elle permettrait à l'Office de diriger les ressources ainsi épargnées vers sa fonction de surveillance.

Nous proposons, en second lieu, une utilisation accrue du mécanisme de l'inspection professionnelle. Une véritable réforme du système devrait viser à généraliser, par la voie juridique s'il le faut, l'usage fait par les corporations de ce mécanisme dans le cas des professionnels offrant des services directement au public. La qualité d'inspection offerte par une corporation devrait, en outre, devenir un élément de l'évaluation de son rendement.

Enfin, toujours dans le but de responsabiliser davantage les corporations, nous proposons d'accroître leur autorité sur l'admission à la pratique et la formation continue. En effet, le Québec nous apparaît souvent sous-performant dans ces deux domaines, en grande partie du fait des objectifs soulevés par l'Office des professions à leur usage plein et entier. En matière d'admission à la pratique, nous ne pouvons, au nom de la protection du public, souscrire à la philosophie de l'Office quant aux conditions supplémentaires d'admission à l'exercice professionnel. Cette attitude se traduit par des objections systématiques à toute mesure réglementaire visant à imposer des stages ou examens d'admission aux requérants d'un permis d'exercice. Ceci diminue dangereusement le contrôle des corporations sur ce levier. Cette lacune est même exacerbée par l'intention de l'Office de généraliser le recours à un mécanisme d'évaluation de l'équivalence de formation comme condition d'admission des requérants étrangers, qui pourra, selon toute vraisemblance, être substitué à l'exigence d'un diplôme équivalent à ceux décernés dans une institution d'enseignement reconnue. (17 h 40)

Ce mécanisme nous apparaît très dangereux puisque les corporations ne disposeront d'aucune manière objective de vérifier ou de valider la formation

acquise sur le terrain par les professionnels étrangers. Il nous apparaît primordial de repenser les conditions d'admission en visant essentiellement le principal objectif, soit la protection optimale du public. Comme les conditions d'admission nécessaires à assurer celle-ci varient grandement d'une profession à l'autre, nous croyons que c'est aux corporations qu'il revient de les déterminer. C'est pourquoi nous recommandons plutôt au gouvernement de permettre à nouveau aux corporations, par le truchement des lois particulières à chaque profession, d'établir des conditions d'admission à l'octroi de permis qui permettent un contrôle adéquat sur cette fonction.

La même rationalité doit aussi être appliquée à la formation continue, qui est obligatoire dans beaucoup de juridictions étrangères au Québec. Compte tenu de l'évolution rapide des technologies et des pratiques professionnelles contemporaines, il est essentiel que l'on laisse enfin les corporations légiférer de la façon qui leur semble la plus juste en cette matière. Ici aussi, l'Office des professions s'objecte systématiquement à toute réglementation visant à rendre la formation continue obligatoire, ce qui équivaut à éliminer l'un des six recours permis aux corporations pour protéger le public. Il importe de lever les obstacles à une telle action.

La deuxième avenue que nous suggérons au gouvernement, c'est une réforme en profondeur de l'Office des professions. La contrepartie que nous proposons aux pouvoirs et responsabilités accrus des corporations prendrait la forme d'une évaluation systématique de leur rendement par l'Office des professions. Ceci suppose une réorganisation de l'Office autour de sa fonction de surveillance. À cet effet, nous proposons une réforme de l'Office selon les lignes directrices suivantes.

Tout d'abord, l'instauration d'un programme obligatoire de vérification du rendement des corporations. Un nombre croissant d'organismes publics se prêtent à une vérification de leurs opérations dans le but d'établir, aux yeux de la population, leur crédibilité et la qualité de leur rendement. Nous croyons que le temps est venu pour les corporations professionnelles de se prêter à de telles évaluations publiques de leur rendement. Ce mandat revient, naturellement, à l'Office des professions dans le cadre de sa fonction de surveillance. Selon nous, il devrait être obligatoire, et ses assises légales devraient apparaître dans le Code des professions.

Ensuite, nous croyons qu'il faut ramener les pouvoirs supplétifs de l'Office à des proportions plus équilibrées. L'évaluation systématique du rendement des corporations que nous venons de proposer permettrait notamment à cet exercice d'être entrepris d'une façon mieux adaptée aux besoins réels dictés par la protection du public. Nous proposons aussi un accroissement des services de l'Office au public. À cet effet, nous préconisons notamment d'inclure aux fonctions d'information et d'assistance de l'Office un droit de recours à celui-ci lorsque des plaignants se déclarent insatisfaits de la réponse d'un syndic. Nous proposons aussi un retour de la fonction de conseil aux corporations et au CIQ plutôt qu'à l'Office. Nous proposons une réduction de la fonction de communication de l'Office. Nous proposons également une réduction de sa fonction juridique; cette réduction sera possible si nos recommandations relatives à l'assouplissement du processus réglementaire sont suivies. Un tel objectif devrait aussi être poursuivi dans l'attribution des pouvoirs supplétifs prévus à l'article 12 de l'avant-projet de loi. Nous proposons une réduction de sa fonction de recherche. Enfin, dans un souci optimal de transparence, nous proposons rien de moins que le rendement de l'Office lui-même soit évalué publiquement, de façon analogue à celui des corporations, par un groupe de vérificateurs comprenant, entre autres, des représentants du CIQ et du public.

Comme troisième avenue susceptible d'améliorer notre système professionnel, nous suggérons au gouvernement d'évaluer la pertinence du nombre de corporations et des modèles d'incorporation. Nous croyons important que le gouvernement se questionne sur la pertinence des modèles d'incorporation en existence au Québec. Actuellement, il n'en existe que deux, soit ceux des professions d'exercice exclusif et des professions à titre réservé. Ces deux modèles ne diffèrent entre eux que par l'exclusivité des actes accordée aux membres de certaines corporations. Il importe particulièrement de se questionner sur la pertinence de ces modèles dans le cas de corporations dont les activités disciplinaires ou liées à l'inspection professionnelle sont minimes ou inexistantes. De tels organismes ont-ils besoin de tous les attributs prévus au Code afin de protéger le public? À la limite, ont-ils besoin d'être dotés des pouvoirs et responsabilités attribués par le Code aux corporations professionnelles?

Pour notre part, nous recommandons que le gouvernement procède à une réévaluation de la pertinence du statut de corporation professionnelle d'exercice exclusif ou à titre réservé dans le cas des corporations qui, de façon continue, n'ont pas d'activités disciplinaires ou d'inspections professionnelles significatives. Nous recommandons aussi que le gouvernement évalue, lorsque la protection d'un titre s'avère nécessaire, la possibilité d'un modèle réglementaire moins lourd, possiblement celui de l'attribution de licences professionnelles, dans le cas de certaines corporations ou de certains groupes d'individus dont les activités se prêtent à un contrôle plus léger. Enfin, comme quatrième avenue, nous suggérons tout simplement des améliorations ponctuelles au système disciplinaire.

En conclusion, je dirais, M. le Président, que cet ensemble de recommandations, s'il apparaît audacieux, recèle, selon nous, les éléments nécessaires à la résolution de la crise de confiance que vit actuellement le public québécois à l'endroit de notre système et permettrait à celui-ci d'atteindre définitivement sa pleine maturité. L'Ordre des pharmaciens du Québec croit énormément à la valeur du système professionnel québécois,

tout en reconnaissant que des modifications doivent y être apportées. À cet égard, nous souhaitons très sincèrement qu'elles accroissent la responsabilisation des corporations et leur imputabilité à l'État et qu'elles réforment en profondeur l'Office des professions pour le recentrer vers son rôle de surveillance. Je vous remercie de votre bienveillante attention.

Le Président (M. Richard): Merci, M. Lafontai-ne. M. le ministre, vous avez un questionnement?

M. Savoie: Merci, M. le Président. Certainement des commentaires, en plus d'un questionnement, M. le Président. Je pense qu'il est agréable de saluer les gens de l'Ordre des pharmaciens, finalement, avec son président. Ce qu'on peut constater, M. le Président, c'est qu'ils ont touché à tout dans leur présentation. Je pense qu'ils ont abordé chacun des éléments de la réforme, ou presque, qui a été présentée.

Ce qu'on constate, c'est qu'à plusieurs reprises il disent que ça ne va pas assez loin. Par exemple, au niveau de la réglementation, il faudrait donner une place plus importante aux corporations professionnelles, réduire ce qui est déjà prévu en coupant ça en deux tranches qui vont au gouvernement, bon, et ce qui peut rester au sein des corporations. Au niveau du fonctionnement général de l'Office, ils disent: Bon, il doit y avoir une réorientation et une réduction substantielle de ses opérations. Ça doit consister en des vérifications de rendement, avec des rapports qui, je présume, vont être analysés au gouvernement, et même, éventuellement, on pourrait penser à une structure où, effectivement, l'Office pourrait faire l'objet d'une espèce de vérification de rendement, des rapports de certaines corporations. Je pense qu'ils ne présentent pas ça comme une vérité absolue. Ils présentent ça dans l'optique de dire: Bon, on ose prendre une orientation différente, un petit peu plus «eut and dried», mais enfin, une orientation rafraîchissante vis-à-vis de la réalité quotidienne de ce à quoi on doit faire face comme responsables de cette administration.

Ce qui nous préoccupe surtout, finalement, c'est de dire: Bon, oui, effectivement, vous avez une approche neuve, intéressante, mais on se demande jusqu'à quel point on pourrait appliquer un principe comme ça, par exemple, de dire que les corporations vont reprendre le haut du pavé, finalement, avec tout simplement l'Office qui doit être là pour nous préparer des papiers sur la vérification de rendement. En gros, c'est ça, votre proposition, c'est-à-dire...

M. Lafontaine: Nous avons quand même réservé quatre domaines, quatre règlements où l'Office a quand même juridiction. Le Code de déontologie...

M. Savoie: Oui, au niveau de la réglementation, oui, vous dites: II y a une tranche qui est réservée au gouvernement; pas à l'Office mais au gouvernement.

M. Lafontaine: M. le ministre, nous avons, dans toutes les corporations, un mécanisme d'inspection professionnelle. Nous allons visiter nos pharmaciens sur une base régulière et nous savons très bien que nous n'allons pas les inspecter pour tout simplement leur dire: Voici, vous faites ça tout croche, mais on y va pour les aider à améliorer leur pratique. On se dit: Les rendements qu'on voit chez nos pharmaciens, on les obtiendrait au niveau des corporations. S'il y a des gens qui étaient délégués par l'Office, s'il y avait des inspecteurs de l'Office pour inspecter les corporations, on arriverait aux mêmes résultats d'amélioration, de fonctionnement des corporations, il me semble.

Il y a juste 41 corporations. Pour certains, c'est un nombre... Mais, nous autres, on a 5000 membres.

M. Savoie: C'est sûr que...

M. Lafontaine: Alors, si on avait des inspecteurs, si on avait un mécanisme d'inspection des corporations par l'Office des professions, moi, je pense que ça aiderait énormément les corporations à s'ajuster, parce qu'un inspecteur qui voit ce qui se passe de bien dans une corporation pourrait suggérer à une autre corporation où ça ne se passe pas aussi bien les ajustements à faire. Nos inspecteurs qui vont voir les pharmaciens et qui trouvent que c'est un peu déficient par rapport à l'autre qu'ils ont visité la veille...

M. Savoie: C'est ça.

M. Lafontaine: ...et qui est meilleur...

M. Savoie: C'est un peu comme les inspecteurs des mines, autrefois, qui ont été remplacés par la CSST, et qui, finalement, transmettaient la bonne information dans le sens des mines. Et, effectivement, au niveau de la discipline, vous avez un bon dossier. Au niveau de l'application de la discipline chez vous, les interventions que vous faites, on constate que, effectivement, il y a du travail qui se fait. Il n'y a pas de doute là-dessus. Et au niveau de votre corporation professionnelle, je pense qu'effectivement elle exécute bien son mandat, de façon générale. Il n'y a personne qui met ça en doute, là. (17 h 50)

Ce qu'on cherche à faire, c'est que notre position a été de dire: Effectivement, les structures sont saines. En gros, ça va. Il y a des corrections importantes à apporter, toutefois, au niveau de la discipline, au niveau du comité de discipline, pour alléger ça pour le public. Ensuite, au niveau des fautes légères, il y a un problème de perception. Le citoyen ne sent pas qu'il y a apparence de droit; il n'a pas cette impression-là. Il a peut-être raison sur le fond, mais il n'y a pas cette apparence, et on dit que les deux éléments sont importants: le fonds et l'apparence, c'est deux éléments importants. Alors, vous autres, vous dites: Bien, peut-être qu'il faudrait aller plus loin encore dans l'orientation et don-

ner un rôle de vérification à l'Office plutôt qu'un rôle de surveillance. C'est ça que vous dites, finalement, hein?

M. Lafontaine: Oui, certainement.

M. Savoie: C'est ça que vous dites dans votre mémoire. Ce n'est pas négatif. Je ne dis pas que...

M. Lafontaine: Non, non, non.

M. Savoie: ...c'est fou braque; je dis que c'est intéressant. Vous avez fait cette réflexion-là, et ça démontre certainement un esprit original.

M. Lafontaine: Bien, c'est parce qu'on perçoit l'Office comme un mécanisme responsable, entre le gouvernement et les corporations. Parce que, les lois qu'on administre, ce n'est pas nos lois à nous; ça ne nous appartient pas, la Loi sur la pharmacie, ça appartient au gouvernement du Québec.

M. Savoie: C'est ça.

M. Lafontaine: Nous, on est là pour l'administrer. Mais qui est-ce qui est nommé par l'Office pour voir à ce qu'on l'administre bien, cette loi-là? Nous, on pense que c'est l'Office des professions. Et on croit que ce rôle de surveillance — ou de contrôle, si vous voulez, parce que vous avez utilisé ce terme de contrôle...

M. Savoie: C'est ça.

M. Lafontaine: ...n'a pas été exercé selon l'esprit de la création du Code en 1973.

M. Savoie: En 1973, oui.

M. Lafontaine: II y a eu une espèce de déviation, à un moment donné.

M. Savoie: Au niveau du pouvoir...

M. Lafontaine: Ce n'est pas un reproche qu'on fait, là. On est conscient de ça.

M. Savoie: Au niveau du pouvoir d'enquête de l'Office, vous avez pris une position au début. Est-ce que ça a évolué, cette notion? Même s'il y avait vérification de rendement, est-ce que l'Office, pour effectuer cette vérification-là, aurait un pouvoir d'enquête?

Le Président (M. Richard): M. Boisvert.

M. Boisvert (Alain): II va de soi que, si on accepte le principe que l'Office soit nanti du pouvoir de vérification auprès des corporations, il doit aussi être nanti du pouvoir d'enquête dans des circonstances qui serait à préciser d'une façon un peu plus claire qu'actuellement dans Favant-projet de loi. Mais je crois que notre Ordre reconnaît le principe que l'Office doit être nanti du pouvoir d'enquête dans des circonstances...

M. Savoie: Et, dans un mandat de surveillance, est-ce qu'il doit avoir un pouvoir d'enquête?

M. Boisvert: Je pense qu'à partir du moment où on accepte le principe fondamental que le rôle de l'Office est de surveiller les corporations professionnelles l'Office se doit d'avoir un pouvoir d'enquête.

M. Savoie: Alors, vous ne suivez pas le Conseil là-dessus?

M. Lafontaine: Ah! on n'est pas obligé de suivre. .. Le Conseil interprofessionnel du Québec?

M. Savoie: Oui.

M. Lafontaine: Écoutez, il y a 41 corporations. Si vous croyez avoir l'unanimité au sein des 41, c'est impossible, là. Alors, le Conseil a fait un rapport...

M. Savoie: Non, non, non, je ne pensais jamais, là... C'est parce que ça en fait plusieurs, là.

M. Lafontaine: Oui, le Conseil a fait un rapport général, là...

M. Savoie: Oui.

M. Lafontaine: ...qui, disons, reflète le consensus.

M. Savoie: Alors, vous êtes d'accord.... Est-ce que, au niveau de la tutelle par le gouvernement sur une corporation qui ne respecte pas la loi — par exemple, M. Lafontaine refuse d'appliquer tel article de son code de déontologie auprès des pharmaciens — on nommerait un autre pharmacien responsable en attendant les élections?

M. Boisvert: On l'a dit dans notre mémoire: le mécanisme de tutelle doit être...

M. Savoie: Balisé?

M. Boisvert: II est évident que c'est un mécanisme d'une gravité exceptionnelle, mais on ne peut le rejeter d'entrée de jeu, encore une fois, au nom du principe...

M. Savoie: Oui, c'est ça, oui.

M. Boisvert: ...voulant que l'Office ait un mandat de surveillance. Si ce mandat-là doit revêtir une quel-

conque signification, bien, on doit lui donner les moyens.

M. Savoie: C'est intéressant.

M. Boisvert: Mais, par contre, nous nous questionnons un petit peu sur la facture de l'article 14 de F avant-projet de loi...

M. Savoie: Oui.

M. Boisvert: ...qui nous semble un peu trop vague dans ses dispositions à propos du pouvoir de tutelle. Ce pouvoir-là devrait être assorti d'obligations strictes de la part du gouvernement et devrait répondre à des circonstances ou à des situations qui seraient de préférence identifiées dans la loi, de façon plus claire, en tout cas, que ça ne l'est présentement.

M. Savoie: Je constate que vous y avez réfléchi.

Le Président (M. Richard): Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, M. Lafontaine, M. Boisvert, M. Durand et M. Ducharme, moi, je vous avoue que, votre mémoire, je l'ai trouvé non seulement original, mais je l'ai trouvé emballant. Emballant et très réaliste, parce que vous avez pris tous les aspects. Vous avez vraiment couvert l'ensemble. Vous avez présenté les acquis du système, mais aussi les carences, et avec objectivité, je pense. Vous l'avez mis, qu'il y avait des carences, et vous les avez bien cernées. Vous avez fait aussi une analyse critique de Favant-projet de loi, article par article, et c'est bien fait. Et vous avez sorti des éléments particuliers. Et, en plus, vous proposez une réforme, et vous l'appelez une réforme efficace. Et je pense que, ce qu'on a perdu le plus au Québec, c'est l'efficacité; retourner aux choses simples, efficaces, qui ne sont pas trop compliquées et qui fonctionnent bien. Et je pense que la réforme que vous présentez, c'est ce que vous nous offrez: des moyens efficaces de régler des problèmes, d'assurer la protection du public et de redonner à chacun son véritable rôle. Et je pense que, lorsqu'on parle du rôle de l'Office, souvent, on se plaint des lenteurs administratives, mais le rôle de l'Office au cours des dernières années a changé. Lorsque l'Office doit utiliser 33 % de son temps pour faire des recherches, bien, c'est évident que, pendant ce temps-là, le processus réglementaire ou le rôle de surveillance n'est pas nécessairement exercé.

Alors, moi, je vous avoue que j'ai trouvé votre mémoire extrêmement intéressant, extrêmement concret. C'est des solutions intéressantes qui devraient être analysées, être étudiées. C'est pour ça que je n'ai pas vraiment beaucoup de questions, parce que c'est tellement clair et tellement bien expliqué que je pense que le ministre devrait vraiment l'examiner très, très, très attentivement avant de présenter un projet de loi.

Je vais peut-être juste poser deux ou trois questions. L'article 123, ça m'est apparu un élément important lorsque vous nous l'avez soulevé, concernant les plaintes. Et vous faites très bien remarquer qu'au niveau des plaintes, du côté de l'Ordre des pharmaciens, finalement, les plaintes les plus graves, les fraudes, ça n'est pas nécessairement des plaintes qui arrivent du public. Et l'article tel que formulé viendrait empêcher votre syndic de fonctionner.

Le Président (M. Richard): M. Durand.

M. Durand (Renault): De fait, les plaintes les plus importantes viennent des organismes comme le Bureau des drogues dangereuses, la Régie de Fassu-rance-maladie, les syndics des autres corporations, l'inspection professionnelle, les compagnies d'assurances. Ce sont des plaintes pour de la fraude, du trafic, le comportement des pharmaciens, la dépendance aux médicaments. C'est des choses qui prennent plus de temps d'enquête que les plaintes du public qui concernent des erreurs dans les ordonnances ou des comportements du pharmacien, des conflits de personnalité, des prix. Ces choses-là, on en a à peu près de 70 à 90 par année, des plaintes écrites comme ça. Ce n'est pas la plus grande partie du travail du syndic à l'Ordre des pharmaciens. La plus grande partie du travail du syndic vient des autres organismes qui nous informent de choses comme ça.

Mme Caron: Et vous nous donnez même l'exemple d'un pharmacien... Ça a fait les manchettes et, finalement, ça a pris plus d'un an.

M. Durand: Plus qu'un an, parce que ce sont des enquêtes qui durent longtemps. C'est pour ça qu'on n'aime pas être obligé de faire des rapports après 60 jours, parce que l'enquête peut durer un an.

Mme Caron: Et c'est des cas où, finalement, c'est la protection du public, mais pas seulement pour une personne. Là, on se parle de protection pour un ensemble.

M. Durand: C'est ça.

Mme Caron: Vous avez fait aussi une autre proposition qui est nouvelle, en page 27. Les autres n'en ont pas parlé beaucoup. C'est dans Favant-projet mais... L'initiative de remettre au plaignant les amendes et les frais lorsqu'on juge que, finalement, le plaignant a gain de cause.

M. Durand: Nous autres, on est d'accord avec ça. C'est pour vous dire que... Moi, j'occupe le poste de syndic depuis 10 ans, et on a eu 2 plaintes privées. Et quand elles sont arrivées devant le comité de discipli-

ne, ils les ont retirées toutes les deux. C'étaient des conflits de personnalité. On n'a pas de problèmes, nous autres, avec les plaintes privées.

Mme Caron: Vous n'avez pas de plaintes privées?

M. Durand: On en a eu 2 en l'espace de plus de 10 ans. (18 heures)

M. Boisvert: Sur cette question-là, on reconnaît le principe que, si une plainte privée devait être amenée devant le comité de discipline et que le comité de discipline devait l'accueillir et condamner le pharmacien, il serait injuste de condamner le plaignant, à qui on a confirmé que sa plainte était fondée, à payer les frais, alors que ces frais-là auraient normalement dû être imputés à la Corporation. Alors, c'est pour ça que ces articles-là ne nous apparaissaient pas menaçants, ne nous apparaissaient pas excessifs. Au contraire, ils nous apparaissaient logiques. Comme, dans le cas de notre corporation, il y a très peu de plaintes privées, ça n'apparaît pas comme un article de loi qui serait à la source de déboursés importants. Mais, à la source, évidemment, il faut avoir en place un département du syndic fonctionnel efficace.

Mme Caron: Je pense que ces articles que vous appuyez, finalement, tout comme l'article 155, ce sont des articles qui viennent régler des cas particuliers...

M. Boisvert: Oui.

Mme Caron: ...qui ont fait les manchettes et qui, finalement, vont avoir leur solution.

M. Boisvert: C'est des réformes qui procèdent d'une mise à jour naturelle, normale d'un code des professions qui est vieux de 20 ans et qui doit être remis à jour de temps à autre. C'est ce qu'on appelle des améliorations ponctuelles au système disciplinaire. Je pense que, dans l'ensemble, celles qui nous étaient proposées dans l'avant-projet de loi, à l'exception peut-être des délais et des comités d'examen des plaintes, correspondaient à des besoins. C'est peut-être les éléments de l'avant-projet de loi qui méritent le plus d'être retenus.

M. Lafontaine: Ce sont des réformes aussi qui vont améliorer l'image du système auprès du public, qui vont améliorer la perception du public vis-à-vis du système. Alors, je crois qu'on doit les appuyer.

Mme Caron: II y a un élément que peut-être j'ajouterais dans ce que vous nous proposez. Du côté de l'information, vous voyez cette responsabilité-là... Parce qu'on s'est quand même aperçu qu'au niveau de l'information il y a un sérieux problème. Vous voyez cette responsabilité d'information au niveau des corporations, au niveau de l'Office, au niveau du gouvernement, ou les trois?

M. Boisvert: Je pense que ça devrait être à tous les niveaux. C'est l'ensemble des acteurs du système professionnel qui devrait être chargé d'informer le public. L'Office est de plus en plus perçu, de la part du public, comme étant une source d'information ou même une source de services, et je pense qu'on ne peut pas aller dans le sens contraire à cette tendance, qui est saine. Les corporations, naturellement, puisque ce sont les acteurs principaux du système professionnel, doivent avoir le devoir d'informer adéquatement le public. Il y a aussi un rôle accru que nous percevons pour le Conseil interprofessionnel à cet égard-là.

Mme Caron: Oui. Du côté du Conseil interprofessionnel aussi, vous lui donnez la fonction de conseil, qu'on voyait plutôt du côté de l'Office, puisque le Conseil interprofessionnel regroupe les 41 corporations, et les règlements, que vous laissez en page 29, les quatre types de règlements, et ce rôle de service auprès du public. Quand vous soulevez que, de plus en plus, le public demande des informations à l'Office, je pense que c'est sur le même principe que... L'Office des professions, c'est un petit peu comme pour l'Office de la protection du consommateur, qu'il s'est habitué à connaître et il se réfère, à ce moment-là, à l'Office des professions dans le même sens. Donc, ce rôle-là devrait être de plus en plus important pour l'Office des professions, allié à son rôle de surveillance, avec les corrections que vous y apportez. Je vous remercie.

Le Président (M. Richard): Ça va, Mme la députée de Terrebonne?

Mme Caron: Oui, je reviendrai.

Le Président (M. Richard): Ça va. Alors, M. le ministre, vous aviez d'autres questions?

M. Savoie: Oui, M. le Président. J'aimerais entendre M. Lafontaine sur le comité des plaintes.

M. Lafontaine: Vous voulez m'entendre moi ou le syndic?

M. Savoie: Je voudrais vous entendre, vous, sur le comité des plaintes, si possible.

M. Lafontaine: Oui. M. Savoie: Oui.

M. Lafontaine: Je ne reçois pas de plaintes directement et...

M. Savoie: Non, non. Sur le comité des plaintes qui est proposé dans le projet de loi.

M. Lafontaine: D'examen des plaintes.

M. Savoie: Oui, le comité d'examen des plaintes; le comité des plaintes, oui. Ça ne donne rien de faire trois lettres pour faire deux lettres avec...

M. Lafontaine: Ha, ha, ha ! Bien, je ne saisis pas exactement votre...

M. Savoie: Bien, comment vous l'évaluez, cette notion-là introduite au comité des plaintes chez vous? Arriver et dire: Bon, vous allez former un comité, cinq personnes, deux citoyens, trois pharmaciens, et vous allez recevoir là... Par exemple, lorsque le syndic décide de ne pas poursuivre ou lorsqu'il y a une recommandation de ne pas intervenir, le comité des plaintes pourrait se pencher dessus. Comment vous évaluez ça?

M. Lafontaine: Je ne le sais pas. Je vais vous dire, personnellement, je ne m'immisce pas dans les affaires du syndic. Je crois que notre système fonctionne très bien. J'ai peut-être reçu une ou deux fois dans quatre ans des téléphones au sujet de... Bon, il se passe quelque chose, il y a un pharmacien... J'ai dit: Écoutez, on a un syndic, vous allez l'appeler. C'est M. Durand et rappelez-le. Il est ici... Je vérifie pour voir s'il est là. Oui, il est là ce matin et je vous dis qu'il va recevoir votre appel tout de suite... Ça se passe comme ça parce que tout est envoyé au syndic. Moi, je... Le président, je vous le dis, le Bureau ne s'est jamais immiscé, dans les quatre ans que j'ai été là, dans le travail du syndic. Alors, est-ce que ce comité-là pourrait être utile chez nous? M. Renault Durand va être plus en mesure de vous répondre. Les plaintes qui peuvent être portées, la plupart du temps, c'est des petites plaintes qui viennent du public. Pourquoi j'ai payé 1,50 $ plus cher à telle pharmacie plutôt que dans une autre pharmacie plus grosse? Si la différence entre 40,00 $ et 41,50 $, c'est important pour cette personne-là, est-ce qu'il y a matière à plainte? Je pense que le syndic règle ces problèmes-là assez souvent. Ça, c'est... Et il y en a peut-être passablement, de ça, dans une année. Il y en a peut-être, je ne sais pas, moi, 150. S'il les a réglés en disant: Écoutez, 1,50 $, vérifiez, peut-être que le service était meilleur là, je ne le sais pas... Encore là, est-ce qu'il y a vraiment matière à plainte, quand il y a 1,50 $ de différence? Moi, le comité comme tel, je ne sais pas si chez nous c'est nécessaire. Il aurait peut-être fallu l'évaluer dans l'ensemble du système professionnel. C'est une réponse comme ça.

M. Boisvert: Sur cette question-là, dans notre mémoire, on s'est objecté formellement au comité d'examen des plaintes, et c'était pour les raisons suivantes. D'une part, ce comité-là nous paraît remettre en cause ou remettre en question l'autonomie du syndic, dans une certaine mesure, puisque le syndic sentirait la présence de ce comité-là qui pourrait être nommé directement par le Bureau. Ça nous paraissait peu conforme avec l'esprit général du Code des professions qui visait à séparer la direction générale de la Corporation, c'est-à-dire les affaires du Bureau et la conduite des enquêtes disciplinaires. Alors, il y avait chez nous cette perception qu'il pouvait y avoir là, au niveau du comité d'examen des plaintes, une espèce de retour en arrière à un système où les élus étaient plus impliqués directement dans l'administration disciplinaire.

D'autre part, il y avait aussi une certaine méfiance, je dirais, vis-à-vis de l'idée qu'un comité va nécessairement être plus efficace qu'un individu. Les sources d'inefficacité d'un syndic, théoriquement, dans le système professionnel, peuvent être multiples. Ça peut être parce que c'est le mauvais individu à la mauvaise place. Ça peut être parce que son autonomie est insuffisante. Ça peut être parce que ses ressources sont insuffisantes. Le recours à un comité ne solutionnera pas les problèmes où le syndic n'opère pas à cause d'une autonomie déficiente ou à cause de ressources insuffisantes.

Enfin, dans la facture actuelle de l'avant-projet de loi, on craignait, dans une certaine mesure, que ce comité d'examen des plaintes dévie l'attention du syndic des causes les plus lourdes vers les causes les plus légères, parce que, en toute logique, ce sont ces causes qui devront faire l'objet de refus. Donc, le syndic devrait passer plus de temps à expliquer ces refus au comité d'examen des plaintes, à en discuter, à reprendre avec eux, dans une certaine mesure, l'enquête ou certains éléments de l'enquête. Donc, il y a là un alourdissement qui a été relevé à peu près partout à l'intérieur du système professionnel et que nous relevons, nous, et que nous craignons.

M. Savoie: Alors, vous maintenez votre position contre. Maintenant, est-ce que vous pensez quand même que, si c'est fait sur une base d'indication...

M. Boisvert: Volontaire?

M. Savoie: Non, pas volontaire. Si on disait: Vous, telle corporation, ça vous prend un comité des plaintes, est-ce que, à ce moment-là, ça changerait un peu votre position? Dans 30 secondes.

M. Boisvert: Possiblement, oui, mais c'est difficile de répondre à cette question-là parce que les... Toutes les questions relatives à l'attribution...

M. Savoie: Non, mais en gros, là. Alors, ce n'est pas un non catégorique.

M. Lafontaine: Non, non. Ce n'est pas un non. Si, dans une corporation... Je ne sais pas, les ingénieurs, les plaintes qu'ils reçoivent, ce n'est plus

des plaintes à 14,95 $. Peut-être qu'eux autres, ces ingénieurs, ces architectes, ils ont besoin d'un comité des plaintes comme ça. C'est possible, mais chez nous...

M. Savoie: D'accord. Merci. Oui.

M. Bois vert: Le comité obligatoire, tel que conçu dans Favant-projet de loi, reçoit chez nous un refus.

M. Savoie: D'accord. M. Durand, ça fait combien de temps que vous êtes syndic?

M. Durand: Un peu plus de dix ans.

M. Savoie: Dix ans? Toujours aussi actif, et on nous dit que votre réputation est à l'effet que si ça fonctionne si bien, l'Ordre des pharmaciens, c'est grâce à vous. Alors, je pense que c'est tout à votre honneur.

M. Durand: Je vous remercie.

M. Savoie: Oui. On sait effectivement que l'administration de la discipline est un des points forts de l'Ordre. Je me demandais... On en a parlé un petit peu ce matin. La question se pose en ce sens que... Pensez-vous qu'au niveau d'autres corporations professionnelles ou dans d'autres ordres, il puisse y avoir intervention, finalement, auprès du travail du syndic?

M. Durand: J'en suis sûr. M. Savoie: Vous en êtes sûr?

M. Durand: Oui. Je côtoie beaucoup de syndics et je m'aperçois qu'ils n'ont pas tous la même autonomie. Ils n'ont pas tous... L'atmosphère agréable dans laquelle je travaille... Mon bureau ne m'a jamais fait une intervention. Il me donne les ressources financières. Il me fournit les meilleurs avocats. Ils n'ont pas tous ces avantages-là.

M. Savoie: Et ces interventions, est-ce que c'est vraiment quelque chose qui... Est-ce que c'est un, deux ou trois cas isolés, ou est-ce que c'est dans un nombre suffisant pour être inquiet?

M. Durand: Je peux vous dire que, moi, je côtoie environ une douzaine de syndics, une douzaine de corporations. Dans ces corporations, il y en a à peu près trois qui n'ont pas toute l'autonomie qu'elles devraient avoir.

M. Savoie: Ça varie selon les corporations, finalement. Ça dépend beaucoup de la fermeté. Pensez-vous qu'effectivement on doit adresser cette question-là dans cette réforme? (18 h 10)

M. Durand: Je pense que vous devriez imposer à chaque corporation d'attribuer un budget à la discipline ou aux services légaux, si c'est absolument nécessaire, comme à l'inspection professionnelle. On devrait avoir un pourcentage d'attribué à ça, je pense. Je pense qu'il devrait aussi y avoir peut-être une formation pour les syndics qui sont engagés et aussi, peut-être, aider à la sélection de ces gens-là, parce que ce n'est pas n'importe qui qui peut être syndic.

M. Savoie: C'est ça. C'est important, ça aussi. La perception que j'en ai, c'est que, finalement, l'instrument de la guerre dans la protection du public, au niveau des corporations professionnelles, ça tourne autour du syndic. Vous partagez ce point de vue là, si je comprends bien.

M. Durand: Oui.

M. Savoie: Oui. C'est lui qui fait la différence entre quelque chose qui fonctionne et quelque chose qui ne fonctionne pas sur le champ.

M. Durand: Bien, pas pour toute la corporation, mais pour l'image qu'on projette, je pense que oui. Je pense que l'inspection professionnelle est très importante. Chez nous, c'est très important. On peut s'apercevoir aussi qu'il y a amélioration chez les pharmaciens. Depuis que je suis là, ce n'est pas à cause de moi seulement, mais à cause de l'inspection professionnelle, il y a eu une immense amélioration dans l'exercice de la profession des pharmaciens.

M. Lafontaine: L'instrument de la guerre, oui, mais l'instrument de la paix, c'est l'inspection professionnelle. Mais il y a un autre élément aussi, et il n'y a aucune question qui a été posée là-dessus. C'est la demande qu'on vous fait de nous permettre de légiférer en matière de formation continue, parce que si, comme pharmacien, personnellement, j'ai la responsabilité de donner de bons services à ma clientèle, je pense que, comme pharmacien membre de la corporation, avec les 4999 autres, on a la responsabilité collective de faire en sorte que tous les citoyens du Québec reçoivent des services de qualité. Et ça, on ne pourra pas le faire autrement que si vous nous permettez de légiférer en matière de formation continue. L'université, son rôle, il se termine après quatre ans. Elle nous met sur le marché des cégépiens à valeur ajoutée — ça va faire plaisir à M. Tremblay, ça — c'est les pharmaciens, ceux-là. Après ça, il n'y a personne qui a établi un mécanisme pour faire en sorte que les professionnels maintiennent, améliorent leur compétence pendant les 35, 40 années qu'ils vont pratiquer. C'est seulement à l'intérieur d'une législation interprofessionnelle qu'on pourrait établir ces mécanismes-là et, non seulement faire de la formation continue, mais contrôler que les gens maintiennent leur compétence. Et ça, ce serait un ajout considérable à la

qualité, à l'excellence de notre système professionnel.

Le Président (M. Richard): Mme la députée de Terrebonne, vous aviez d'autres questions?

Mme Caron: Oui, M. le Président. Oui, je pense que, sur la formation continue, vous avez parfaitement raison, d'autant plus que dans les domaines particulièrement des corporations de professionnels, les changements sont réguliers. Ça se fait à un rythme accéléré et il faut évidemment que les professionnels soient toujours à jour.

Vous nous avez parlé beaucoup d'inspection professionnelle, parce que c'est important, c'est la prévention, et d'accroître ses mécanismes... L'inspection professionnelle — tantôt, le groupe qui vous a précédés nous donnait un petit peu comment ça se passait — chez vous, ça se fait comment?

M. Ducharme (Pierre): Notre comité d'inspection professionnelle adopte, chaque année, un programme d'inspection professionnelle qui prévoit la quantité de milieux qu'on va visiter, la quantité de pharmaciens qu'on va rencontrer également. Contrairement à d'autres corporations, nous, une inspection professionnelle dans un milieu de pratique implique une inspection du milieu de pratique, des conditions d'exercice, de la qualité des services qui sont rendus, mais ça implique également une rencontre de chacun des pharmaciens qui pratiquent dans ce milieu-là, de sorte qu'on visite environ 250 milieux par année et on rencontre plus de 500 pharmaciens. Donc, on touche chacune des 1450 pharmacies au Québec et chacun des 600 établissements de santé et centres hospitaliers, notamment des centres hospitaliers universitaires, des centres hospitaliers plus petits également et des centres d'accueil.

La corporation et la profession accordent beaucoup d'importance à ça. L'assemblée générale nous a accordé, l'an dernier, un poste supplémentaire d'inspecteur conseiller. Chez nous, c'est des inspecteurs conseillers. On a développé beaucoup de volets «prévention», dont vous avez parlé. L'inspecteur conseiller doit être quelqu'un qui va, évidemment, remplir un rôle d'observation, remplir un rôle d'inspection, mais il doit également aider l'individu, quel que soit son niveau de pratique, à monter une couple de marches vers un niveau de pratique supérieur. Je pense que la profession accepte ça très bien. On a un programme de contrôle de la qualité de nos visites d'inspection professionnelle, et régulièrement, depuis quatre ou cinq ans qu'on fait ça, il y a 85 % à 90 % des gens qui sont satisfaits de l'inspection professionnelle qu'ils ont eue, de la rencontre qu'ils ont eue avec l'inspecteur conseiller.

On a également, je pense, une chose qui est absolument unique. On a un des administrateurs nommés par l'Office des professions qui siège comme observateur à notre comité d'inspection professionnelle. On fait ça depuis trois ans maintenant, je pense, et ça fonctionne très bien. Pour nous, ça a été un éclairage important, l'inspection professionnelle, avoir quelqu'un du public qui dit: Écoutez, c'est un petit peu trop laxiste votre affaire, ou, au contraire, c'est un petit peu trop sévère. Ça fonctionne de façon très satisfaisante, ce mécanisme-là.

Mme Caron: II y a combien de personnes sur votre comité?

M. Ducharme: Le comité comporte trois personnes comme membres à temps complet, permanents, également trois substituts. Donc, il doit toujours y avoir au moins trois personnes représentant chacun des secteurs principaux de la profession. Les seuls secteurs, en fait, qu'on ne visite pas ou que ne visitent pas, comme tels, nos praticiens, ce sont les secteurs de l'industrie pharmaceutique et le secteur universitaire ou les secteurs gouvernementaux, en fait, ce qui fait qu'à peu près 3700 de nos membres sont visités régulièrement et sont rencontrés régulièrement pour l'inspection professionnelle.

M. Boisvert: Je dois dire qu'il y a trois personnes sur le comité d'inspection professionnelle, mais les inspections sont le fait d'une équipe de permanents de l'Ordre, dirigée par M. Ducharme, directeur des services professionnels. Nous compterons, à partir du 1er avril, quatre inspecteurs et conseillers, en plus de M. Ducharme.

Mme Caron: Dernière question. Vous nous avez fait parvenir un document sur le projet de loi 67. Comme j'ignore si on pourra vous entendre à nouveau sur ce sujet-là, je pense que je m'en voudrais de ne pas souligner la qualité de ce mémoire-là aussi, sur le projet de loi 67, et les recommandations qui y sont clairement inscrites. Peut-être nous le résumer brièvement... Au niveau du projet de loi 67, compte tenu de l'importance de l'indépendance, je pense, de l'Office des professions, il vous apparaît qu'il serait important de maintenir la participation financière du gouvernement.

M. Boisvert:sur cette question-là, je pense que, si on pouvait résumer nos commentaires autour d'une idée, nous souhaiterions que le gouvernement fasse l'exercice d'examiner le financement de l'office des professions en même temps qu'il examinera l'ensemble des autres facettes du système professionnel qui font l'objet d'une réforme ici. nous avons suggéré des éléments de réforme qui étaient assez importants, je pense que tout le monde le conçoit. il nous apparaît très difficile de traiter séparément l'aspect financement de l'office et son fonctionnement. évidemment, pour des corporations professionnelles comme la nôtre, qui ne disposent pas de ressources illimitées et qui doivent investir ces ressources-là dans la protection du public — dans notre cas, c'est 80 % de notre budget qui vont soit à l'inspection professionnelle, soit au secteur

disciplinaire — une facture comme celle qui nous serait passée ferait mal, serait difficile à accepter. Mais, d'un autre côté, on doit vivre avec les contingences de notre époque. Si jamais le gouvernement allait de l'avant avec ce projet de loi, nous souhaitons que ce financement-là, de la part des corporations professionnelles, soit investi directement dans la fonction de surveillance de l'Office des professions et non pas dans d'autres fonctions qui peuvent être des fonctions de service au gouvernement, qui se prêteraient très bien à une tarification telle qu'elle est proposée dans le projet de loi 67.

Encore une fois, le message principal que nous voulions souligner dans ce mémoire est que nous souhaitons que l'exercice d'étudier le financement de l'Office soit fait avec une vision globale de son fonctionnement et de celui du système professionnel. Autrement dit, que les éléments de réforme qu'on voit dans le projet de loi 67 et dans l'avant-projet de loi soient traités simultanément et non pas séparément.

Mme Caron: Vos messages et vos propositions sont très clairs. Je vous en remercie beaucoup.

Le Président (M. Richard): Merci. Avant de terminer, M. Durand, suite au message de félicitations à votre endroit comme syndic, vous pourrez demander au secrétariat une copie de ce qui s'est dit pour votre prochaine négociation salariale auprès de la corporation.

Des voix: Ha, ha, ha!

(18 h 20)

Le Président (M. Richard): Merci, mesdames et messieurs. Vous pouvez maintenant vous retirer. Nous demandons à la Corporation professionnelle des traducteurs et interprètes agréés du Québec de prendre place, s'il vous plaît. Alors, madame, si vous voulez aussi identifier les gens qui vous accompagnent. On vous cède immédiatement la parole.

Corporation professionnelle des traducteurs et interprètes agréés du Québec (CPTIAQ)

Mme Blais-Ialenti (Diane): Merci, M. le Président. Je vous présente, à ma droite, M. André Desrochers, vice-président de la Corporation, et, à ma gauche, Mme Claire Stein, vice-présidente, secrétaire générale, et j'en suis la présidente, Diane Blais.

M. le Président, M. le ministre responsable des lois professionnelles, mesdames et messieurs de la commission, dans le concert auquel est conviée la commission de l'éducation, la voix de la benjamine des corporations professionnelles se fait petite. Petite, oui, mais muette, non. Notre timbre discret contribuera, nous le souhaitons, à l'harmonie de l'ensemble. Nous ne voudrions pas que les conséquences de l'avant-projet de loi rendent notre voix encore plus petite. En effet, notre corporation, à titre réservé, regroupe plus de 1200 traducteurs; interprètes et terminologues agréés ainsi que plus de 800 candidats à l'agrément, et nous entendons bien les conserver.

Nous ne faisons officiellement partie du système professionnel québécois que depuis avril 1992, mais notre connaissance du système remonte à plus de 20 ans, c'est-à-dire lorsque nous avons voulu y accéder pour la première fois. Évidemment, nos règlements sont en voie d'élaboration et c'est pourquoi les modifications apportées au Code des professions revêtent autant d'importance pour nous.

Le système professionnel du Québec, qui vise à assurer la protection du public, est efficace et fait l'envie de bien d'autres provinces du pays. Mais il a mûri et il est normal que des correctifs nécessaires soient apportés. Le gouvernement souhaite rendre le système plus simple, plus transparent, plus souple et, surtout, moins coûteux, et le Code des professions n'y échappe pas. Nous partageons son avis. Tout comme lui, nous visons à offrir au public des services professionnels de la plus grande qualité qui soit; aussi avons-nous trouvé des aspects positifs dans l'avant-projet de loi.

Nous tenons d'abord à saluer l'introduction, proposée aux articles 15 et 69 de l'avant-projet de loi, de dispositions visant à exclure des rangs des corporations les personnes trouvées coupables de certaines infractions criminelles et de certaines fautes professionnelles à l'extérieur du Québec. Manifestement orientées vers la protection du public, ces dispositions favoriseront, de surcroît, la confiance du public envers les corporations. En deuxième lieu, notre corporation compte un contingent considérable de membres qui exercent dans la région de la capitale du Canada — certains en Ontario, d'autres au Québec. Québécois et francophones pour la plupart, leurs activités visent principalement la population francophone du Québec. Aussi n'est-ce que justice, non seulement que notre corporation puisse les compter dans ses rangs, mais encore qu'ils puissent participer pleinement à la vie de la Corporation, notamment en siégeant au Bureau et en votant aux élections. Les articles 19, 23 et 25 de l'avant-projet de loi lèveront tout le doute que peut contenir le Code des professions à cet égard, et nous nous en réjouissons. Nous sommes aussi heureux du paragraphe 3° de l'article 22, dont l'effet sera de nous permettre d'assurer la présence permanente au Bureau d'administrateurs représentatifs de chacun des trois secteurs d'activité de nos membres: la traduction, l'interprétation et la terminologie.

Or, l'avant-projet de loi présente pour notre corporation à titre réservé des aspects négatifs qui risquent d'être lourds de conséquences. L'avant-projet de loi tente d'uniformiser les pratiques de 41 corporations professionnelles qui sont toutes différentes les unes des autres. Par exemple, l'assurance-responsabilité professionnelle pour les professionnels ayant un titre réservé ne devrait pas être une condition d'inscription au tableau, comme le veut le paragraphe 3e de l'article 16. Dans le cas des professions d'exercice exclusif, une telle assurance peut être obligatoire, soit! Pour ce qui est des

professionnels ayant un titre réservé, ils devraient, en toute conscience professionnelle, en avoir une, mais le coût élevé de cette assurance ne les invite pas toujours à se protéger adéquatement, surtout que d'autres personnes sans titre exercent la même profession qu'eux.

Les pouvoirs de réglementation, d'enquête et de tutelle conférés à l'Office des professions du Québec dans Pavant-projet de loi ne concordent pas avec le rôle de l'Office qui doit en être un de surveillance. L'Office, par son rôle, ne peut à la fois réglementer et surveiller. Le gouvernement se doit de conserver son rôle de législateur en matière professionnelle et ne pas aller si loin dans les pouvoirs qu'il entend confier à l'Office. L'Office doit demeurer un organisme de surveillance, c'est-à-dire veiller à ce que les corporations assurent la protection du public. Il doit agir au nom du gouvernement dans ce but. Il doit donc rester indépendant et objectif et ne pas se voir confier des fonctions qui le mettraient en situation de conflit et qui déséquilibreraient notre système professionnel, d'où la nécessité de financement de cet organisme par le gouvernement.

Nous ne commenterons pas les délais de l'Office puisque nous n'en avons subi aucun jusqu'à maintenant. Nous n'entendons pas reprendre une à une les questions soulevées dans le mémoire que le Conseil interprofessionnel du Québec a soumis à la commission, hier, puisque nous les faisons nôtres. Notre corporation tient pourtant à dénoncer l'inopportunité de l'article 51 de l'avant-projet de loi. En plus d'alourdir et d'obérer considérablement le processus disciplinaire des corporations, obliger le syndic à faire ratifier par un comité d'examen des plaintes toutes ses décisions de ne pas donner suite à une demande d'enquête revient à le dépouiller de son autorité et de sa discrétion. N'y a-t-il pas danger qu'une telle dévalorisation de son poste, de son autorité incite le syndic à déférer systématiquement au comité tous les cas un tant soit peu complexes ou nébuleux? Et que dire de l'ardeur qu'il mettrait à défendre une plainte qu'on l'obligerait à déposer contre son gré? Nous voyons, en revanche, des avantages certains à ce que le syndic s'entoure d'un comité consultatif — et je dis bien consultatif et non aviseur — chez qui prendre conseil pour la résolution de questions particulièrement graves, ardues ou délicates. Un tel comité existe déjà au sein de certaines corporations et son mandat ne s'écarte guère du libellé du second alinéa de l'article 122.1, proposé à l'article 51 de l'avant-projet de loi, sans verser dans les excès de l'article 122.2. (18 h 30)

Nous nous interrogeons aussi sur l'opportunité d'obliger le comité d'inspection, comme le veut l'article 45 de l'avant-projet de loi, à informer le syndic lorsqu'il a des motifs raisonnables de croire qu'un professionnel a commis une infraction visée par le Code des professions. À notre avis, l'inspection doit revêtir surtout un aspect préventif et éducatif dont l'efficacité ne saurait reposer que sur l'existence d'un climat de confiance entre l'inspecteur et l'inspecté. Or, un tel climat de confiance ne saurait s'établir si le Code loge expressément le comité d'inspection dans l'antichambre du bureau du syndic. À l'heure actuelle, rien dans le Code n'interdit au comité de signaler au syndic les situations qu'il juge devoir l'être. En outre, le comité doit assortir ses rapports au Bureau des recommandations qu'il juge appropriées. Pour sa part, le Bureau peut requérir auprès du syndic de déposer toute plainte qui paraît justifiée et rien ne lui interdit de demander au syndic de mener une enquête. L'objectif visé dans l'avant-projet de loi n'est-il pas déjà atteint? En ce qui a trait au règlement fixant les normes d'équivalence des diplômes et les normes d'équivalence de la formation, nous abondons dans le même sens que le Conseil interprofessionnel du Québec. Il en va de même pour le règlement déterminant les autres conditions et modalités de délivrance des permis. La Corporation professionnelle des traducteurs et interprètes agréés du Québec déplore le fait que l'avant-projet de loi ne traite aucunement de la question des corporations à titre réservé. En effet, cet avant-projet de loi ne fait pas de différence entre les corporations d'exercice exclusif et celles à titre réservé. Pourtant, les deux doivent assurer la protection du public. Si le système est trop lourd pour les corporations à titre réservé, il en éloignera les membres et le public s'en trouvera moins protégé. Le Québec a perdu un bon nombre d'entreprises à la fin des années soixante-dix et au début des années quatre-vingt. Il ne faudrait pas qu'il perde ses professionnels. Dans le cas de notre corporation, les membres de la section de l'Outaouais pourraient opter pour l'Association professionnelle des traducteurs et interprètes de l'Ontario.

À titre de linguistes, nous ne pouvons nous empêcher d'aborder l'aspect rédactionnel de l'avant-projet de loi. Il se lit bien, dans l'ensemble, et il est beaucoup moins lourd que certains textes de loi, comme la Loi sur les impôts du Québec, par exemple. Nous avons noté quelques faiblesses, mais nous n'en ferons pas une révision ici car cela risquerait de prendre beaucoup plus de temps que ce qui nous est accordé.

En conclusion, l'économie du Québec est en pleine restructuration. Par exemple, on parle de formation de la main-d'oeuvre qui n'est pas adéquate. Le gouvernement du Québec est reconnu comme y investissant beaucoup et devra le faire encore davantage dans les prochaines années. L'acte professionnel de qualité est un des rendements de cet investissement dont il faut maintenir la qualité. Il vaut donc la peine que le prochain Code des professions soit respectueux des priorités de tous les intervenants. D'abord, le gouvernement. Dans le cas de l'investissement que je viens d'aborder, le gouvernement ne doit pas considérer l'Office des professions du Québec comme une dépense, mais plutôt comme un investissement dans la protection du public. Le gouvernement vise un système moins coûteux. Nous sommes d'accord. Il peut rationaliser, comme l'entreprise privée le fait depuis quelques années déjà. Il existe de nombreux programmes d'amélioration de la

productivité et de réduction des coûts sur le marché.

En ce qui a trait à l'Office des professions du Québec, c'est un organisme de surveillance et il aurait avantage à demeurer ainsi pour éviter toute situation de conflit. Nous comprenons mal comment les relations avec l'Office des professions du Québec pourraient être assouplies si on lui confère la responsabilité de la réglementation et de la surveillance. Il doit veiller à ce que les corporations respectent leurs normes élevées et leurs règlements et non assumer ces tâches pour elles. Qu'adviendrait-il si on demandait à la Commission des valeurs mobilières du Québec de récrire la Loi sur les valeurs mobilières du Québec ainsi que ses règlements et de surveiller les sociétés inscrites en même temps, ou si l'Office de la langue française modifiait lui-même la loi 101 et en surveillait l'application? Il en est de même pour le financement de ces deux organismes et de celui de l'Office des professions du Québec, que nous ne pouvons malheureusement aborder devant la commission et qui y est pourtant lié de près. En effet, n'est-on pas rémunéré pour les responsabilités que nous assumons? Enfin...

Le Conseil interprofessionnel du Québec, par ailleurs, pourrait continuer de regrouper des intérêts communs dans son rôle de consultation et de représentation. Les corporations professionnelles, quant à elles, connaissent mieux que quiconque quelles compétences doivent avoir leurs membres pour assurer la protection du public. Ce sont elles qui évaluent ces compétences et qui les maintiennent afin que le public ait accès à des services de qualité. Il est donc impératif d'en conserver le principe d'autogestion afin qu'elles puissent déterminer quelle formation de base s'impose pour leurs membres afin qu'ils puissent exercer leur profession de façon à assurer la protection du public. En outre, la corporation doit établir elle-même les normes auxquelles les candidats doivent satisfaire pour obtenir leur titre: des modalités comme des cours de perfectionnement, des examens, des stages, etc.

Dans le cadre de la libéralisation des échanges, que ce soit à l'échelle des provinces, des pays ou du monde, les corporations doivent être en mesure de déterminer les équivalences de diplômes et de formation avec un esprit d'ouverture, tout en respectant leurs normes élevées, et ce, toujours dans le but d'assurer la protection du public.

Les corporations à titre réservé ont un rôle difficile à jouer, car elles sont soumises aux mêmes exigences que les corporations d'exercice exclusif sans toutefois détenir les mêmes privilèges. Si le système s'alourdissait et devenait trop rigide, il deviendrait difficile de conserver le sentiment d'appartenance des membres ayant un titre réservé.

Le Québec et Montréal sont reconnus pour avoir les meilleurs traducteurs, terminologues et interprètes au monde. D'ailleurs, le président de la Fédération internationale des traducteurs est un Montréalais et un de nos membres. La Corporation professionnelle des traducteurs et interprètes agréés du Québec ne veut pas perdre ses membres à titre réservé et veut continuer à protéger le public. Espérons que le gouvernement, l'Office des professions du Québec, le Conseil interprofessionnel du Québec et les 41 corporations professionnelles ont dépassé leurs rivalités de clocher stériles et travailleront ensemble à la réforme du Code des professions dans les mois à venir. Nous espérons avoir su bien orchestrer notre intervention et vous remercions de votre attention.

Le Président (M. Richard): Merci, Mme Ialenti. M. le ministre.

M. Savoie: Oui, merci. M. le Président, il me fait plaisir de saluer Mme Blais de même que M. Desrochers et Mme Stein, et de les féliciter pour leur présentation. C'est bien vrai qu'ils sont effectivement, M. le Président, le benjamin, mais, comme vous le constatez, ce n'est pas le dernier venu. Je pense que la nature de leur présentation démontre bien une volonté de s'impliquer, démontre bien aussi qu'ils ont commencé à saisir plusieurs éléments qui gèrent non seulement la philosophie, mais l'administration des corporations professionnelles au Québec.

Ceci étant dit, leur jeunesse est verte, au niveau de leurs recommandations. Il y a une volonté, je pense, de dire: Bon, on est d'accord avec les orientations qui sont soulevées dans le mémoire du CIQ, et ça, je pense que ça fait partie de la «game». On le comprend et on comprend également ce qu'ils veulent: c'est qu'ils veulent s'assurer qu'effectivement les corporations puissent se développer, que leur corporation, entre autres, se développe dans un avenir certain. Ils font la distinction qu'il faut entre les corporations à titre réservé de même que les corporations, finalement, à acte réservé, et ça, ça va. Je ne crois pas que vous ayez, à ce moment-ci, déposé encore votre... Est-ce que... Votre code de déontologie, il n'est pas encore présenté. C'est ça, ce n'est pas encore déposé, on va l'avoir bientôt.

Mme Blais-Ialenti: Oui, il est en préparation.

M. Savoie: J'espère que certains des commentaires qui circulent, à ce moment-ci, au niveau, justement, des codes de déontologie vont vous aider dans la rédaction, dans l'interprétation et dans l'application de ce code-là. Je pense que c'est... Ça va assurer un avenii parce que, finalement, on pense que l'orientation de vous reconnaître et d'assurer votre établissement au Québec doit être garantie également par un sérieux auquel on s'attend de la part de la Corporation.

Vous faites des recommandations. Vous dites: Bon, les titres réservés, il faut faire la distinction, on ne le constate pas... Est-ce qu'il y a des suggestions particulières que vous voulez nous faire là-dessus? La distinction entre titre réservé et acte réservé? (18 h 40)

Mme Blais-Ialenti: Bien, je pense que j'ai donné un exemple: l'assurance-responsabilité qui devient une condition d'inscription au tableau. Comme je le disais, en toute conscience professionnelle, une personne qui pratique de façon privée devrait en avoir une, sauf que je trouve que, pour un titre réservé, l'obliger, c'est encore ajouter des frais parfois élevés au membre. Souvent, le membre peut voir qu'une autre personne qui n'a pas le titre et qui pratique exactement la même profession n'a pas à se soumettre à des choses comme ça.

M. Savoie: Mais, au niveau de la discipline, par exemple?

Mme Blais-Ialenti: Au niveau de la discipline, pour l'instant, on n'a pas de comité, mais lorsque nous étions la Société des traducteurs, nous avions un très, très bon dossier de discipline. Alors, c'est très difficile pour nous de vous parler de cas de plaintes ou de problèmes parce que...

M. Savoie: Non, mais est-ce qu'il doit y avoir une distinction, par exemple, au niveau de la discipline entre une corporation à titre réservé et une corporation à acte réservé ou est-ce qu'on peut envisager...

Mme Blais-Ialenti: Non. Je pense qu'on peut envisager le même principe, sauf, évidemment, ce qu'on a mentionné dans notre rapport. En ce qui a trait aux responsabilités du syndic, je pense qu'il faut être prudent de ce côté-là et plutôt avoir un comité consultatif qu'un comité qui va recevoir les plaintes.

M. Savoie: Au niveau des comités des plaintes, vous vous ralliez finalement à la position du Conseil interprofessionnel.

Mme Blais-Ialenti: Oui.

M. Savoie: C'est toujours des erreurs de débutant. Ha, ha, ha! Non. Je blague. Il y a de la valeur, là-dedans. Vous comprenez qu'on est à la recherche de mécanismes d'ajustement au niveau... Ce qu'on constate, c'est qu'il y a une volonté de la part des corporations de desservir le public, et ça, c'est indéniable. Il y a une volonté également pour le gouvernement d'assurer que les corporations maintiennent une grande autonomie, autant d'autonomie que possible, et que les corporations soient très actives. Ça, il faut que ce soit très clair. Sans ça, finalement, on comprend mal ce qui se passe ici. On recherche ça. On travaille activement pour ces principes-là, mais il faut comprendre aussi qu'il y a une espèce de réalité quotidienne et que non seulement il faut la carotte, mais il faut également ce qu'on a convenu d'appeler pendant cette commission — à date, en tout cas, au cours des deux jours — notre fameux «bat de baseball». C'est cru, mais l'image est là. On a constaté, après deux ou trois ans d'échanges avec les corporations professionnelles, que, souvent, si l'élément n'est pas sur la table, ça glisse. On espère que cette réflexion va peut-être modifier la position que vous avez à date au niveau de ce que nous sommes en train de faire avec cette corporation professionnelle.

Juste avant de passer le micro à la députée de Terrebonne, l'autofinancement, c'est non négociable, vous savez, ça va se faire. Est-ce que ça aurait pu changer, l'an passé, l'orientation de vos membres de se joindre au monde professionnel, le fait que, maintenant, ça va être autofinancé ou...

Mme Blais-Ialenti: Peut-être.

M. Savoie: Peut-être. Vous pensez que ça va...

Mme Blais-Ialenti: Vous savez, c'est un ensemble de choses qui font que les gens décident, oui ou non, s'ils veulent bien adhérer à un système. Il y a eu plusieurs évaluations qui sont entrées en ligne de compte. Le financement n'était pas en question l'année dernière, mais je pense que c'est tout ce qui s'ajoute au fur et à mesure. Et, un titre réservé où on peut pratiquer sans le titre, c'est un autre fardeau qui s'ajoute. D'ailleurs, on vous a mentionné notre désaccord par écrit.

M. Savoie: Oui, c'est ça. J'en ai pris bonne note. Ha, ha, ha! Je sympathise avec cette opinion-là.

Mme Blais-Ialenti: Nous nous voyons mal devoir financer l'Office des professions alors qu'il existe beaucoup d'autres organismes de surveillance qui, eux, ne sont pas financés par les personnes qui sont surveillées.

M. Savoie: Oui, comme?

Mme Blais-Ialenti: L'Office de la langue française, par exemple.

M. Savoie: Oui. L'Office de la langue française, qui va... Les francophones au Québec?

Mme Blais-Ialenti: On verrait mal, par exemple, une entreprise qui a dû dépenser beaucoup d'argent pour avoir son certificat de francisation devoir en plus payer l'Office qui surveille ce qu'elle fait.

M. Savoie: Vous savez sans doute que la Commission des valeurs mobilières est obligée d'autofinancer ses opérations également. Est-ce que vous le saviez?

Mme Blais-Ialenti: Oui, oui. M. Savoie: Oui, vous le saviez. Mme Blais-Ialenti: Oui.

M. Savoie: On pourrait en nommer une bonne douzaine comme ça et il va y en avoir d'autres très rapidement.

Mme Blais-Ialenti: C'est peut-être une nouvelle tendance.

M. Savoie: Vous allez voir que ça va rentrer! Ça va rentrer assez vite. Les conditions gouvernementales changent. Évidemment, je ne crois pas, je vais vous dire bien franchement, que ça pourrait faire un changement dans l'optique de votre corporation. Du moins, j'espère que vous allez chercher plus que les 10 $ que ça va vous coûter par année. Si vous n'allez pas chercher plus que les 10 $ que ça vous coûter par année, là, effectivement, peut-être que vous avez raison, peut-être qu'on n'a pas fait la bonne démarche.

Mme Blais-Ialenti: C'est un cercle vicieux: plus on en a besoin, plus on leur en demande et plus on leur en demande, eh bien, souvent on en a moins. Tout le monde est pénalisé au bout du compte parce que, si on perd des membres, c'est moins de fonds qui reviennent dans la Corporation et au gouvernement.

M. Savoie: C'est ça. On peut passer à...

Le Président (M. Richard): Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Ma collègue des Chutes-de-la-Chaudière me faisait remarquer que c'est le même principe que les taxes sur les cigarettes...

M. Savoie: Elle connaît ça, elle. Ha, ha, ha!

Mme Caron: ...plus on augmente les taxes, moins le gouvernement a de revenus.

M. Savoie: Elle connaît ça, elle. Elle connaît le tabac.

Mme Caron: Alors, Mme Blais, M. Desrochers et Mme Stein, dans un premier temps, je trouve ça un petit peu déplorable que le ministre vous dise que vous avez fait une erreur de débutant en appuyant le mémoire du Conseil interprofessionnel du Québec, parce que je pense que le Conseil interprofessionnel du Québec aura bientôt 20 ans d'existence et que les 41 corporations appuient ce mémoire-là. Donc, je vois mal pourquoi on vous dirait que, dans votre cas, c'est une erreur de débutant.

Du côté du financement, je pense que vous avez raison de soulever qu'effectivement ça devrait être perçu comme un investissement, la protection du public, et que, pour maintenir une certaine autonomie, le gouvernement doit évidemment accepter cette charge-là, ne pas la remettre aux corporations professionnelles qui, elles, déjà paient une grande partie de la protection du public. Au moment où on se parle, les chiffres varient entre 70 000 000 $ et 72 000 000 $ pour l'ensemble des corporations, au niveau des cotisations qui sont investies pour la protection du public, alors que le coût de l'Office est de 3 500 000 $. Si vous souhaitez ajouter d'autres exemples au niveau d'organismes qui sont financés par le gouvernement puis qui assurent la protection du public, on peut parler de l'Office de la protection du consommateur. C'est aussi mon dossier. On fait l'étude des crédits et ce ne sont pas des crédits de 3 500 000 $ pour l'Office de la protection du consommateur, ce sont des crédits de 14 000 000 $. Donc, 14 000 000 $ pour assurer la protection du public sur des biens et non sur des services professionnels alors que, des services professionnels, c'est évidemment encore plus important au niveau de la protection du public et on investit 3 500 000 $. Alors, ça n'apparaît pas quelque chose d'énorme, mais si on suivait les suggestions de plusieurs corporations, dont l'Ordre des pharmaciens, je pense qu'on pourrait réduire, même, le budget en reprenant le vrai rôle que l'Office devrait toujours avoir depuis qu'on lui a confié son mandat.

Au niveau des règlements, évidemment, vous n'avez pas eu à avoir de délais, comme vous nous en avez fait part. Je pense que vous avez eu un premier délai. Vous avez démontré votre patience comme société, puisque votre demande a pris 20 ans avant d'obtenir l'approbation. Alors, je pense que c'était déjà pas mal suffisant comme délai d'attente de réglementation.

Votre mémoire m'apparaît intéressant, d'autant plus que vous ajoutez un chapitre qui n'a pas été abordé par les autres corporations professionnelles et qui n'est pas abordé non plus par les associations de consommateurs ou autres organismes qui sont venus nous voir, c'est-à-dire des observations d'ordre rédactionnel, et ça, je pense que c'est intéressant. La spécificité de votre ordre permet qu'on arrive à ce document-là et je pense que, ça, c'est intéressant. (18 h 50)

Vous avez fait part des difficultés d'une corporation à titre réservé et je pense que vous avez parfaitement raison. Au niveau de maintenir le nombre de membres, je vous avoue que l'avant-projet, joint à la loi 67 du financement, risque de poser un sérieux problème à toutes les corporations à titre réservé. Ce sera sûrement très difficile, encore plus pour une nouvelle corporation, de maintenir les membres au niveau de la Corporation. Vous avez soulevé un élément intéressant au niveau de la libéralisation des échanges. Vous en faites part en conclusion et vous en faites part aussi à l'intérieur de votre mémoire. Vous nous dites, en conclusion: «Dans le cadre de la libéralisation des échanges, que ce soit à l'échelle des provinces, des pays ou du monde, les corporations doivent être en mesure de déterminer les équivalences de diplômes ou de formation avec un esprit d'ouverture, tout en respectant leurs normes élevées, et

ce, toujours dans le but d'assurer la protection du public.» Dans votre critique à la page 7, à la lettre F, vous nous dites que ce règlement-là devrait être facultatif. Alors, compte tenu de l'importance, est-ce qu'il doit être facultatif, dépendamment des corporations professionnelles? J'aimerais que vous me précisiez si... Compte tenu que c'est très important: vous le précisez en conclusion et, en page 7, vous nous dites que le règlement devrait être facultatif.

Mme Blais-Ialenti: Oui, effectivement, ça dépend des corporations. Il y a un énoncé qui est plus général et l'autre qui est plus particulier à notre corporation. Dans notre cas, nous aimerions pouvoir le faire nous-mêmes, parce que notre profession est encore peu connue. Dans le cas des équivalences de diplômes et de formation avec d'autres pays, par exemple, il y a de grands risques et il faut être très prudent dans les comparaisons de formation de base et de diplômes. Alors, à la page de la conclusion, c'est vraiment en ce qui a trait à notre corporation en particulier, alors que l'autre énoncé est plus général.

Mme Caron: Je vous remercie pour cette précision. Je vais laisser la parole à ma collègue des Chutes-de-la-Chaudière qui avait quelques questions à vous poser.

Le Président (M. Richard): Mme la députée des Chutes-de-la-Chaudière, vous avez la parole.

Mme Carrier-Perreault: Je vous remercie, M. le Président. Oui, moi aussi, j'ai remarqué que vous aviez, de façon particulière et sûrement en votre qualité de linguistes, apporté une note, une touche personnelle à votre mémoire. Vous êtes effectivement une des rares corporations à avoir abordé cet aspect-là. Par ailleurs, je dois vous dire que nous avons reçu ici, les membres de la commission, un autre mémoire d'une association, l'Association des usagers de la langue française. Malheureusement, il semble, en tout cas à date, que le ministre ait refusé, à toutes fins pratiques, de rencontrer cette association parce qu'il trouve que ce n'est pas très pertinent, à son sens, avec la réforme. Moi, je peux vous dire que c'est un sujet que je trouve intéressant. On est ici à la commission de l'éducation et, la langue française, je pense que c'est quelque chose d'important qu'il faut préserver le plus possible. Pour un gouvernement qui se préoccupe de qualité totale, on devrait pousser la qualité jusque-là, à mon sens.

Vous avez quand même des suggestions intéressantes. Il y a des points précis qui rejoignent l'autre mémoire dont je vous parle. Il y a une chose que j'ai remarquée, par exemple, c'est que vous, dans votre mémoire, vous n'avez pas parlé de l'appellation. Le «Code des professions», l'«Office des professions», le «Tribunal des professions», «corporation professionnelle»: l'Association des usagers de la langue française nous proposait de changer ces appellations-là, se basant sur la Charte de la langue française, sur des avis de diférents linguistes. Est-ce que vous vous êtes déjà penchés sur ces appellations-là?

Mme Blais-Ialenti: En ce qui a trait à l'analyse que nous avons faite de l'avant-projet de loi, non. Nous avons analysé Pavant-projet de loi dans le but de présenter un mémoire. C'est par déformation professionnelle qu'on a pris quelques petites notes et on les a données à titre d'exemple, dans le but peut-être que le gouvernement donne le mandat de mieux rédiger ces textes de loi ou de mieux les traduire. Mais notre but n'était pas de réviser l'aspect linguistique de l'avant-projet de loi. Si d'autres associations l'ont fait, j'en suis bien heureuse, mais ce n'était pas notre but.

Mme Carrier-Perreault: Ah bon. Disons que les titres qu'elle propose, et je ne sais pas si vous vous y êtes penchés... Est-ce que vous avez un avis là-dessus? On nous parle de «code des ordres professionnels», d'«office des ordres professionnels» et il semble que ce serait l'appellation correcte, au même titre que différentes corporations qui ont décidé de porter le nom d'«ordre». On parle de l'Ordre des ingénieurs, de l'Ordre des pharmaciens, qui était avec nous tout à l'heure. Est-ce que vous avez déjà réfléchi à cette question-là particul ièrement?

Mme Blais-Ialenti: Certains de nos membres ont déjà réfléchi à la question et je pense que vous en avez déjà entendu parler. Il s'agit de M. Beaudry, qui s'était levé fièrement contre l'appellation «corporation professionnelle» en disant que c'était un pléonasme, qu'une corporation était déjà professionnelle, que ce n'était pas nécessaire d'ajouter le mot «professionnelle». Bon, évidemment, il y a plusieurs de nos membres qui se sont déjà penchés sur la question, mais, présentement, on n'a pas de dossier ou de projet sur les appellations.

Mme Carrier-Perreault: Bon. Moi, disons que ça me renseigne un peu. M. Beaudry, vous faites référence à M. Pierre Beaudry, je présume.

Mme Blais-Ialenti: Oui, c'est ça.

Mme Carrier-Perreault: D'accord. Ça veut dire que, dans un cas comme celui-là, vous auriez une tendance, si je comprends bien, à être d'accord avec le genre de proposition de l'Association des usagers de la langue française.

Mme Blais-Ialenti: Évidemment, il faudrait voir les suggestions et bien les analyser.

Mme Carrier-Perreault: J'espère qu'on aura la possibilité d'en discuter et que le ministre pourra chan-

ger d'idée d'ici à la fin de cette commission. Je vous remercie.

Le Président (M. Richard): II faut avoir la foi.

Une voix: On ne sait jamais.

Le Président (M. Richard): Oui, M. Desrochers.

M. Desrochers (André): Je ne sais pas si c'est conforme aux règles. Je pense que, de façon générale, c'est la commission qui interroge les répondants, mais, si vous le permettez, j'aimerais prendre une initiative. Je voudrais relever une affirmation que M. le ministre a faite tantôt, en disant qu'il constatait, dans la préparation de notre mémoire, un désir de nous impliquer, même si nous sommes les benjamins mais non les derniers venus. Je voudrais signaler à la commission un exemple concret de notre désir de nous impliquer. Si vous regardez un peu derrière ma tête, vous allez voir un échantillon de nos membres qui ont pris la peine de se déplacer pour venir témoigner, peut-être pas témoigner verbalement, mais témoigner de leur intérêt devant la commission. À cette heure du soir, je pense que c'est un acte de solidarité qui mérite d'être souligné, précisément, surtout que certains d'entre eux viennent de Montréal, si vous permettez.

Le Président (M. Richard): Merci. Nous constatons qu'il y a, à l'oeil, une quinzaine de membres de votre corporation qui assistent, de façon à ce que ça puisse être inscrit aux galées. M. le ministre, vous avez une question.

M. Savoie: Oui. Bien, c'est-à-dire que, oui, on apprécie grandement votre présence ici. Comme j'ai eu l'occasion de le souligner, je pense que l'identification de «benjamins mais pas les derniers venus» était à votre honneur. Effectivement, ça nous fait plaisir de vous rencontrer. Ce n'est pas toutes les corporations professionnelles qui vont se présenter ici. II y en a plusieurs qui vont tout simplement se rallier à la position du Conseil ou bien tout simplement nous envoyer une opinion de cinq ou six pages et c'est tout. Elles ne participeront pas davantage. Alors, oui, on l'apprécie. Je ne sais pas si c'est quelque chose qui est nouveau pour vous, mais, effectivement, le fait de passer comme ça, le deuxième jour, pour terminer les travaux de cette semaine, c'est déjà, je pense, une indication que le mémoire et l'effort sont reconnus et que nous vous avons, finalement, donné une place de choix et non pas relayés à la deuxième semaine, où vous seriez passés parmi les quelque 30 mémoires qu'on va recevoir la semaine prochaine. Alors, c'est apprécié. Finalement, il y a des commentaires dans votre mémoire que nous allons examiner de près, entre autres les recommandations en ce qui concerne les titres réservés, voir si effectivement on ne peut pas faire un petit peu plus de mil- lage de ce côté-là, à ce moment-ci.

Évidemment, le processus de l'avant-projet de loi est quelque chose de majeur pour nous. C'est une implication importante de consultation. C'est une option un peu nouvelle où on demande, effectivement, à l'Office de nous préparer une orientation autour d'un projet de loi visant une réforme assez importante; ensuite, le soumettre au public et voir les commentaires avant de procéder à la rédaction du projet, c'est une autre paire de manches. (19 heures)

Certains des commentaires concernant l'article 45... Là où il y a silence et même si le Conseil interprofessionnel a relevé certains doutes, on présume que, finalement, vous êtes d'accord. Je pense, par exemple, à l'article 155 également, où on parle justement des dérogations. Je présume tout bonnement qu'effectivement vous êtes d'accord avec ces orientations-là, mais qu'on aura l'occasion de se revoir d'une façon beaucoup moins formelle, seulement, peut-être, par correspondance ou par échanges, à un moment donné, au niveau du projet de loi en tant que tel et qu'à ce moment-là, bien, vous serez en mesure d'en évaluer... Je présume également que vous allez suivre d'aussi près que possible l'évolution du débat au niveau de la commission parce que c'est vraiment ici que les changements se font sentir. Finalement, cet exercice n'est pas un exercice stérile. Le résultat de ce qui se dit compte et est traduit souvent, lors de la rédaction. Souvent, il y a une bonne différence entre un avant-projet de loi et le projet qui en résulte suite aux commentaires qui sont présentés. C'est intéressant de vous entendre parler sur les difficultés de la langue française; il y en a quelques-unes qui s'en viennent et qui vont certainement vous faire sourire davantage. Malheureusement, c'est cette partie de la triste réalité...

S'il y avait des commentaires additionnels de ma part, c'est tout simplement pour souligner que, encore une fois, on attend avec impatience, avec hâte, votre projet de code de déontologie. Nous avons hâte de voir vos structures. Nous avons hâte également, finalement, de voir le rôle que vous allez jouer. Je pense que, comme vous l'avez souligné, ça vaut la peine de donner un rendement sur l'évaluation au niveau du français, des anomalies; en tout temps, c'est toujours bienvenu.

M. Desrochers insiste pour revenir à la charge, alors je vais lui céder la parole.

M. Desrochers: Ce n'est pas que je veuille monopoliser. Je voudrais répondre à une question implicite que vous avez posée, M. le ministre. Vous avez manifesté à deux reprises votre impatience de recevoir notre code de déontologie. J'aimerais préciser que nous avons déjà élaboré... Nous avons mis sur pied un comité qui se charge de la rédaction des règlements. Nous avons déjà élaboré un projet de code de déontologie et un projet de règlement sur l'arbitrage des comptes et nous l'avons soumis, de façon officieuse, aux services juridi-

ques de l'Office pour obtenir une première réaction. Cette première réaction obtenue, nous allons le mettre au point et le règlement suivra son cours normal. Donc, il y a déjà une bonne partie du travail qui est fait puisque nous avons un projet qui est entre les mains, de façon officieuse, de l'Office.

M. Savoie: Ah! c'est ça. J'ai hâte de le recevoir pour qu'on puisse échanger un peu là-dessus; ça me fera certainement plaisir.

Le Président (M. Richard): Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, nul doute que votre code de déontologie, vous allez le présenter beaucoup plus rapidement que l'autorisation que vous avez eue pour devenir corporation professionnelle. Puisque vous avez déjà remis une copie officieuse à l'Office, alors, là, c'est dans les mains de l'Office. Nul doute que, compte tenu du souhait du ministre, du côté de l'Office, vous allez recevoir ça assez rapidement.

Vous nous avez fait part brièvement tantôt — et ce serait ma dernière question — que, comme société, vous aviez un système de traitement des plaintes et que vous le gériez bien. Alors, j'aimerais peut-être vous entendre là-dessus, au niveau des plaintes. Est-ce que vous aviez beaucoup de plaintes et comment c'était traité?

Mme Blais-Ialenti: En fait, nous n'en avions pas beaucoup. De mémoire, les dernières années ont été très peu actives de ce côté-là. Peut-être que Claire pourrait préciser.

Mme Stein (Claire): Effectivement, en ma qualité de responsable du comité de discipline pendant les trois dernières années, il n'y a eu absolument aucune plainte. Le comité n'a pas eu à se réunir une seule fois. C'est bon signe, je pense.

Mme Caron: Excellent! Alors, je vous remercie beaucoup de votre participation. Merci, M. Desrochers. Ce n'était pas grave, là, de déroger aux règles. Je pense que c'était important de souligner la présence de vos membres. Merci beaucoup.

Le Président (M. Richard): Alors, mesdames et messieurs, merci de votre présence. Nous terminons nos travaux. C'était la Corporation professionnelle des traducteurs et interprètes agréés du Québec.

Les travaux de la commission reprendront dans la même salle, ici, à l'Assemblée nationale: le lundi 1er mars, à 15 heures, la commission poursuivra ses travaux. Nous ajournons sine die.

(Fin de la séance à 19 h 5)

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