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Version finale

34e législature, 2e session
(19 mars 1992 au 10 mars 1994)

Le mercredi 12 mai 1993 - Vol. 32 N° 47

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultations particulières sur le projet de loi n° 82, Loi modifiant la Loi sur les collèges d'enseignement général et professionnel et d'autres dispositions législatives


Journal des débats

 

(Dix heures quatre minutes)

Le Président (M. Bradet): Je vous souhaite la bienvenue. Je déclare la séance de la commission ouverte et vous rappelle le mandat de cette commission, qui est de procéder à des auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi 82, Loi modifiant la Loi sur les collèges d'enseignement général et professionnel et d'autres dispositions législatives.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Aucun remplacement, M. le Président.

Organisation des travaux

Le Président (M. Bradet): Merci beaucoup. Alors, je vous rappelle l'ordre du jour d'aujourd'hui, qui est: à 10 heures, la Fédération étudiante collégiale du Québec; à 11 heures, nous recevrons le Conseil du patronat du Québec; à midi, la Fédération autonome du collégial, et suspension à 13 heures. À 16 heures, la Fédération des commissions scolaires du Québec; à 17 heures, la Confédération des éducateurs et éducatrices physiques du Québec. Est-ce que l'ordre du jour est adopté? Adopté.

Alors, notre premier groupe, c'est la Fédération étudiante collégiale du Québec. Je vous souhaite la bienvenue, Mme la présidente, Mme Stéphanie Vennes. Je vous rappelle que vous avez 20 minutes pour faire votre présentation et que le reste du temps, c'est-à-dire les 40 minutes qui restent, c'est l'échange avec les groupes parlementaires. Je vous demanderais, avant de débuter, de nous présenter les gens qui vous accompagnent.

Auditions Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ)

M. Lapointe (Frédéric): Alors, merci, M. le Président. Mme la ministre, M. le critique de l'Opposition, vous avez, à votre droite, Stéphane Hamel, qui est coordonnateur général du bureau d'information et de communication, le BICCC; ici, Ugo Lippe, qui est coordonnateur à la pédagogie à la FECQ; moi-même, ancien président de la FECQ et porte-parole de celle-ci sur les questions afférentes à la réforme; Stéphanie Vennes, qui est la nouvelle présidente de la FECQ, Yan Thérrien, le nouveau vice-président de la FECQ, et Sébastien McQuade qui, comme vous le savez, est porte-parole du BICCC.

Alors, M. le Président, c'est avec plaisir qu'au bout d'un an de travaux la FECQ vous dépose un autre mémoire sur la question de la réforme ou du renouveau, comme on l'appelle maintenant, de l'enseignement collégial québécois. Il ne faut pas s'étonner que le mémoire ne soit pas un mémoire déposé au nom de la FECQ, mais au nom de la coalition collégiale. En effet, 44 associations étudiantes réunies en coalition collégiale ont demandé à la FECQ de défendre leur position, ce que nous avons fait. C'est donc dans un cadre très élargi que la réflexion, qui a certes été très productive, a eu lieu, puisque ce mémoire est plus étoffé que notre dernier et on a touché aussi des dizaines de milliers d'étudiants par les journées d'études dont vous avez entendu parler. Il s'agit donc d'un mémoire on ne peut plus représentatif des étudiants.

Évidemment, on ne pourra parler de l'ensemble du mémoire; nous parlerons de trois parties en particulier: de l'éducation physique, de l'évaluation collégiale et de la réforme vis-à-vis des étudiants en termes d'accessibilité, de cheminement et de réussite. Alors, concernant l'éducation physique, Yan Thérrien vous présentera le mémoire.

Le Président (M. Bradet): Merci, Frédéric.

M. Thérrien (Yan): Bonjour, M. le Président. Bonjour, Mme la ministre. Bonjour, M. le critique de l'Opposition. Tout d'abord, l'éducation physique est-elle d'une importance secondaire? Pour avoir une vision actuelle de l'éducation physique, nous avons dû faire une légère rétrospective. Premièrement, nous en avons conclu que l'éducation physique comportait des valeurs fondamentales très importantes comme celles de la famille, du succès, de la condition physique, de la liberté, du confort, de l'amour, de l'amitié, de l'intimité, de la popularité, de l'esprit sportif. Toutes ces valeurs sont très importantes à un individu pour pouvoir se développer de façon continuelle et de façon privilégiée dans une société. En plus de l'adaptation individuelle d'un ensemble d'activités physiques régulières modérées, l'éducation physique s'adapte dans son évaluation à chaque physiologie et à chaque comportement de chaque étudiant. dans la partie théorique des cours d'éducation physique qui, soit dit en passant, n'est pas reconnue par le ministère, nous pouvons voir que des connaissances fondamentales sur le corps humain sont apportées. cette partie théorique, comme je le disais juste avant, n'est pas reconnue à l'intérieur de ces cours, et c'est une chose que nous déplorons. les étudiants l'ont démontré et, à très forte majorité, 90 % sont très satisfaits de

leurs cours d'éducation physique.

Des rapports comme ceux que l'UNESCO a produits favorisaient l'éducation physique jusqu'à l'université afin de pouvoir permettre une éducation et un apprentissage efficaces tout au long des études pour les étudiants. Votre gouvernement est en pleine campagne pour l'augmentation des heures d'activité physique chez les jeunes. Donc, si vous vouliez aller de l'avant en régressant et en coupant dans les cours d'éducation physique, selon nous, ce serait inacceptable et ce serait enlever les chances de performance académique au niveau des étudiants.

La principale raison pourquoi les étudiants ne sont pas portés à pratiquer un certain nombre d'heures d'éducation physique, c'est le manque de temps. Et c'est alors pourquoi nous considérons que les cours d'éducation physique obligatoires sont très importants au collégial. Elle constitue un certain minimum qui devrait être pratiqué par tous les individus dans une société et, selon nous, elle ne doit pas être enlevée.

Le ministère prétend pouvoir mettre les installations sportives à la disposition des étudiants. Et, pourtant, dans le mémoire, on a pu voir très clairement que ces installations seraient mises à la disposition de la communauté environnante. Déjà, les étudiants éprouvent des difficultés à pouvoir obtenir du matériel sportif pour pouvoir pratiquer en dehors des heures scolaires. (10 h 10)

L'amélioration de la productivité et la qualité de vie sont des facteurs importants qui sont véhiculés dans l'éducation physique, de même que la santé et le bien-être. Je crois, Mme la ministre, qu'il serait important et même primordial de conserver ces cours d'éducation physique afin de permettre à une jeunesse, nous, les futurs travailleurs de demain, de pouvoir avoir accès à la meilleure éducation possible et de se trouver dans une condition physique favorable pour pouvoir terminer nos études. Merci.

Le Président (M. Bradet): Alors, merci.

M. Lapointe: Pour passer à la deuxième partie concernant l'évaluation, Ugo Lippe la présentera.

Le Président (M. Bradet): M. Lippe.

M. Lippe (Ugo): Bonjour, M. le Président, Mme la ministre, M. le critique de l'Opposition. Actuellement, dans le réseau collégial, les étudiants sont les seuls à se faire évaluer par l'entremise des politiques d'évaluation des apprentissages. Nous sommes un petit peu contents de ce qui est venu, de l'instauration de certaines évaluations à d'autres niveaux. Ce qui a motivé un petit peu ces changements, c'est le besoin, en fait, d'amélioration. Attester l'évaluation qu'un étudiant reçoit, ça demande aussi que les gens qui attestent cette évaluation, c'est-à-dire les professeurs, et que les programmes comme tels, comme entités, puissent être, eux aussi, évalués. Et nous jugeons que les meilleurs pour pouvoir évaluer ça, c'est ceux qui en bénéficient, donc les étudiants.

Les gens en ont assez, d'après nous, de payer pour des résultats qui sont intangibles à leurs yeux, qu'ils ne voient pas. On pense qu'avec une évaluation plus approfondie ça va permettre que la population puisse voir réellement pourquoi elle paie. Et, d'après nous, la population va être contente de payer pour une éducation si elle peut voir les résultats. Par contre, on pense qu'il serait vraiment important que, dans ces processus d'évaluation, les étudiants soient inclus. Pourquoi? Parce que les étudiants sont les premiers concernés par l'application des programmes. Nous sommes très contents, en passant, du fait qu'il y ait l'évaluation des programmes.

Un autre point où on a un petit peu de critiques malgré qu'il y ait un premier pas qui soit fait, c'est pour l'évaluation du personnel. On juge que c'est bon, c'est un premier pas de fait, mais que ça ne va pas assez loin. En 14 ans d'existence, le Conseil des collèges n'a pas réussi à faire appliquer de façon fonctionnelle des politiques d'évaluation des apprentissages dans l'ensemble des collèges. Alors, on se demande, ici — il n'y a aucune structure qui en favorise l'application — combien de temps ça va prendre avant d'avoir des structures fonctionnelles pour l'évaluation du personnel. On juge aussi que l'étudiant est le mieux placé pour savoir si l'enseignement est effectivement dispensé comme il le faut puisque, encore là, c'est lui qui en bénéficie.

Au sujet de la loi 83, la commission d'évaluation n'a que trois membres. Le danger que l'on voit par rapport à ça, c'est qu'on remet le pouvoir, si on veut, entre les mains de trop peu de personnes. On est conscients qu'il y a une volonté pour diminuer, si on veut, les coûts. Par contre, on pense qu'en remettant ça entre les mains de trois personnes on laisse un petit peu des jugements qui pourraient être assez arbitraires et pas assez objectifs.

Il y a une autre partie qui nous dérange, c'est l'article 19 de la même loi sur, on pourrait dire, l'accès que les commissaires peuvent avoir à toute information qu'ils peuvent aller chercher dans les institutions. On se demande quelle assurance ont les institutions, les étudiants ou les autres personnes qui pourraient être concernées par ça que la confidentialité des renseignements va être respectée. Si je me souviens bien, c'est cet automne qu'on écrivait dans certains journaux que le Québec était en lice pour le prix «Big Brother», de l'auteur George Orwell. Maintenant, si on voit que des lois d'un gouvernement vont à rencontre de certaines autres lois qui protègent l'accès à l'information, on se demande jusqu'à quel point on va réussir à respecter la confidentialité.

Un autre aspect — comme on l'avait demandé, on en est relativement satisfait — c'est l'autonomie pour les techniques à caractère industriel. Par contre, on aurait aimé avoir une approche réseau pour garantir l'accès à l'université de façon raisonnable. C'est-à-dire que, quelle que soit la région, quel que soit le collège, l'ac-

ces à l'université soit le même. Et, dans la même ligne de pensée, on pense que, dans l'évaluation des institutions, de la façon dont ça se fait actuellement, le problème est qu'on va se retrouver avec des cégeps en région qui vont être moins bien cotés, et l'accessibilité à l'université risque de le payer cher.

M. Lapointe: Alors, M. le Président, on passe maintenant au troisième aspect que nous traiterons aujourd'hui: le renouveau proposé aux étudiants: une stratégie de réussite ou d'économie? Alors, je rappellerai à la commission qu'en matière d'accessibilité, de cheminement et de réussite, le renouveau vise trois objectifs: ajuster les stratégies de poursuite de la qualité dans les collèges devenus des institutions à fréquentation de masse; diversifier et adapter les pratiques pédagogiques des collèges pour rejoindre des populations aux modes de fréquentation et aux profils personnels de plus en plus variés; et aussi intensifier la présence et l'appui auprès des étudiants en quête d'orientation personnelle et professionnelle. Il est évident que nous souscrivons à ces trois objectifs.

La ministre et le gouvernement proposent certaines mesures pour viser ces objectifs-là, entre autres, de préciser les seuils d'admissibilité — préciser dans le sens de hausser, bien sûr — donc, d'introduire de nouvelles obligations pour les étudiants qui veulent accéder à l'ordre collégial. Il y a aussi une reconnaissance des études professionnelles du secondaire par modules de l'enseignement technique. On introduit une première session sous le signe de l'accueil et de l'intégration. On veut promouvoir les pratiques institutionnelles axées sur la réussite, maintenir la gratuité scolaire, mais introduire une mesure financière visant la responsabilisation et l'incitation à la réussite. Je tiens à souligner que, concernant la première session sous le signe de l'accueil et de l'intégration, la promotion des pratiques institutionnelles, de même que le ticket modérateur ou les frais de scolarité pour fins de modération, il n'y a aucune mesure réglementaire qui est prévue à ce jour, même s'il était affirmé au début du processus que tout serait sur la table. Donc, la réaction des étudiants au renouveau proposé est globalement négative. Vous savez pertinemment pourquoi le ticket modérateur a occupé une très grande place dans les réflexions des étudiants, à raison, d'ailleurs.

Concernant les seuils d'admission, on s'interroge très vivement sur la pertinence de hausser des seuils préalablement à la tenue d'une révision globale du système d'enseignement ou, minimalement, de l'ordre concerné, c'est-à-dire l'ordre secondaire. Conséquem-ment, les associations étudiantes exigent un examen en profondeur de l'éducation, particulièrement du niveau secondaire, avant de procéder à une sérieuse hausse des exigences pour l'admission au collège. On s'interroge encore sur les motivations qui ont amené le gouvernement à effectuer une révision à la pièce de l'enseignement collégial.

Donc, la mesure — puisqu'elle n'est pas harmoni- sée avec le secondaire — qui introduit un double D.E.S., selon nous, est plutôt mauvaise, parce que le D.E.S., lorsque l'étudiant l'atteint, c'est bien pour pouvoir poursuivre ses études. Le D.E.S. en soi ne donne pas grand-chose, sinon de pouvoir être admis à de petits métiers, à moins que l'étudiant n'ait une formation jugée pertinente reconnue par le collège, ce qui est aléatoire. L'étudiant qui n'a pas réussi les cours fixés, mais qui a tout de même son D.E.S. se retrouve dans un cul-de-sac, ce qui est dommage.

Au niveau des études secondaires pleinement reconnues, on a la modulation des programmes techniques; cette initiative est saluée. Au niveau de la session d'intégration et des mesures promouvant la réussite, on s'interroge sur l'impact de ces mesures-là sur la réalité dans un contexte où les ressources affectées à l'encadrement des étudiants diminuent. Alors, on rappelle qu'il ne se fait rien sans ressources, même si dans les textes on énonce de bien bonnes volontés. Conséquemment, on propose un financement accru de l'encadrement des étudiants de la part du gouvernement et aussi une vigilance accrue face aux dépenses liées à l'encadrement du personnel qui augmente plus ou, selon le cas, diminue moins que l'encadrement des étudiants. On s'interroge à savoir si les collèges sont là pour les étudiants ou pour leur personnel. (10 h 20)

Concernant la mesure-choc, comme on pourrait l'appeler, du ticket modérateur, bien sûr, on la considère honteuse, inutile, provocatrice et perverse. Je n'aurai pas le temps de vous réciter la somme d'arguments qu'il y a contre cette mesure-là; je dirai simplement que c'est une mesure honteuse, la preuve étant que le gouvernement ne dit pas à la population ce qu'est réellement cette mesure. Dans la loi, c'est clairement une introduction de droits de scolarité, alors que, dans le public, on teinte ça de rose en affirmant que c'est un ticket accélérateur. Nous croyons que, si le gouvernement croyait lui-même que cette mesure est fondamentalement bonne, il n'utiliserait pas de telles techniques de vente pour pouvoir la faire passer face à la population.

Cette mesure-là est aussi passablement méprisante, parce que ce gouvernement-là met fin à la gratuité scolaire pour des étudiants qui étudieraient à temps plein. Et, aussi, il est odieux d'imposer une amende à l'échec. Un étudiant qui échoue a normalement suffisamment de problèmes — d'ordre économique, par exemple — et la dernière chose dont il a besoin, c'est bien d'un boulet à sa réinsertion dans le système. Il y a aussi un autre aspect, c'est que de faire payer un étudiant lorsqu'il échoue, ça enlève un peu tout le côté réprobation sociale qui peut entourer l'échec. Bon. L'étudiant paie pour son échec, ça va, on ne s'occupera pas trop de lui, il a payé pour sa peine, bon, alors que ce qui serait effectivement très efficace, c'est qu'il y ait une pression sociale sur l'étudiant pour qu'il réussisse. Et le ticket modérateur, malheureusement, diminue cette pression sociale là.

La mesure est aussi infiniment inefficace et discri-

minatoire parce que, foncièrement, une mesure financière touche différemment les étudiants selon leur portefeuille. Comment est-ce qu'on peut appliquer une mesure dans le système d'éducation en fonction du portefeuille des étudiants? On le sait, les étudiants du collégial ont un revenu moyen de moins de 6000 $, ce qui cache une réalité qui est autre, c'est-à-dire que plusieurs étudiants doivent subvenir à leurs besoins avec moins de 3000 $ alors que d'autres accumulent 12 000 $ sous l'aile protectrice d'un parent. Donc, pour une bonne partie de la population étudiante, le ticket modérateur est un obstacle incontournable à la poursuite de leurs études, alors que pour les autres le ticket modérateur est passablement insignifiant et ne constitue en rien une mesure de responsabilisation.

Alors, face à ça, on pourrait toujours augmenter ou réduire le ticket modérateur. Cependant, il n'y aura que deux tendances remarquées. Si on réduit le ticket modérateur, ça en augmente l'insignifiance et, si on l'augmente, ça augmente l'exclusion, ce qui est passablement intolérable socialement. Donc, comment on peut affirmer faire de l'éducation un outil de justice sociale lorsqu'on introduit une discrimination sur une base financière? C'est un ticket, aussi, que nous considérons foncièrement inutile parce que les étudiants, d'une part, réussissent de mieux en mieux et que l'effet responsabilisant d'une telle mesure est douteux, très douteux. Il est aussi douteux que l'État réalisera de grosses économies avec un tel ticket modérateur. Les étudiants, vous le savez, apprennent vite. Puisqu'ils ont à payer pour leurs échecs, ils se désinscriront des cours qu'ils considèrent les plus difficiles. Ils prendront des sessions allégées, ce qui provoquera une affectation de professeurs inutiles. Et rappelez-vous que 1 % de la masse salariale des enseignants, c'est 5 000 000 $. Ce que vous croyez économiser sera diminué, nous le croyons. Donc, les étudiants réussissent déjà de mieux en mieux. C'est une mesure qui est injuste. C'est une mesure qui est très perverse pour le système même. On se demande encore pourquoi le gouvernement l'a introduite, cette mesure-là.

Mais nous avons fait, parallèlement à cette critique-là, une réflexion sur des alternatives qui pourraient se comparer avantageusement. Et, sans prétention, nous croyons que ce que nous proposons ne peut pas être refusé, du moins en fonction des objectifs avoués du gouvernement. Donc, ces mesures-là, évidemment, ne visent pas à pénaliser les étudiants financièrement; elles visent à les responsabiliser par un encadrement. Elles sont de quatre ordres. Premièrement, plus qu'une invitation, une incitation très marquée des institutions à offrir une session d'orientation et à y convier les étudiants à risques. Mme la ministre, vous vous fiez aux institutions pour tenir de telles sessions. Ce qui risque d'arriver, comme dans le cas de l'article 33, c'est que ce sera très inégal dans le réseau. Les effets seront aussi très inégaux. Et, attendu la diminution des ressources allouées à l'enseignement collégial, on se pose la question à savoir s'il y aura effectivement un encadrement de ces étudiants-là. Il faudra aussi rendre visibles les coûts de la formation à l'étudiant, mais non pas par une mesure pénalisante, par exemple, afficher sur le bulletin de l'étudiant le coût de sa formation jusqu'à maintenant. C'est facile. On sait qu'est-ce que ça coûte, un cours. C'est rendre visibles les coûts de l'enseignement, et ça vise une conscientisation positive et, de fait, beaucoup plus efficace de l'étudiant aux coûts de sa formation pour la société.

Des relevés de mi-session pour fins de dépistage et le parrainage par les pairs. C'est simplement systématiser une mesure qui existe déjà dans certains collèges de qualité, c'est-à-dire qu'on procède à l'identification des étudiants en difficulté et qu'on tente de les orienter dès la mi-session vers les ressources qui sont mises à leur disposition. Et nous considérons que, puisque les étudiants qui décrochent sont des étudiants isolés, la première ressource sur laquelle ils peuvent compter, c'est sur leurs pairs, c'est sur les autres étudiants, et que nous devons inciter à cette collaboration-là entre les étudiants.

Quatrièmement, une véritable épée de Damoclès forçant l'utilisation maximale des ressources de l'institution et des capacités personnelles de l'étudiant, ce que ne fait pas le ticket modérateur, bien sûr. Donc, ça consiste, comme c'était le cas avec l'article 33, à forcer l'étudiant à s'entendre avec le collège lorsqu'il a atteint, cette fois-ci, un certain nombre d'échecs. Nous reprenons les mesures de la ministre sur cet aspect-là. Donc, l'étudiant qui a accumulé plus de cinq échecs devra s'entendre avec l'institution sur la poursuite de ses études. Alors, l'institution pourra beaucoup plus facilement encadrer l'étudiant, le soumettre, selon les problèmes qu'il vit, à de la consultation psychologique, à un centre d'apprentissage en français, à des cours de mise à niveau et ainsi de suite. Nous croyons que c'est beaucoup plus favorable à la réussite qu'une pénalité financière.

Le Président (M. Bradet): M. Lapointe, il vous reste quelques minutes pour conclure, s'il vous plaît.

M. Lapointe: En quelques minutes, ce sera rapide. Donc, ultimement, cette mesure peut prévoir, oui, la suspension de l'étudiant de l'institution. L'étudiant ira réfléchir pendant six mois sur les vertus de l'enseignement collégial en testant le marché du travail pendant six mois. Nous croyons qu'un étudiant qui reviendra au niveau collégial suite à cette espèce de renvoi qui sera une mesure d'expulsion et qui permettra vraiment d'exclure du réseau les véritables abuseurs, ce que le ticket modérateur ne permet pas... Avec le ticket modérateur, un étudiant qui veut profiter du système peut le faire éternellement, s'il le souhaite, à 50 $ le cours. Quand on sait ce que ça coûte, un cours du collégial pour l'État, c'est une mesure qui est inefficace et qui ne garantit pas aux contribuables que ses fonds sont utilisés à bon escient.

Considérant ces faits, nous croyons que nos pro-

positions sont sans précédent dans le mouvement étudiant, doivent être examinées très attentivement par la ministre et, je le crois en toute honnêteté, doivent être acceptées. Alors, rapidement, une conclusion par Stéphanie Vennes.

Mme Vennes (Stéphanie): Alors, voilà, aujourd'hui, on vous a présenté les principaux points, les principaux irritants que les étudiants ont dégagés du projet de réforme, du document ministériel. On tient à souligner, tout d'abord, que la Fédération a accueilli avec beaucoup, mais alors, là, beaucoup d'enthousiasme l'annonce que le Québec se lançait dans l'élaboration d'un projet de réforme pour le palier de l'enseignement collégial, et ce, parce que les étudiants du Québec la réclamaient, cette réforme-là — et on le constate tous les jours parce qu'on est étudiants nous-mêmes — parce qu'ils sont de plus en plus soucieux de la qualité de leur formation, autant personnelle qu'académique et que les lacunes de leur formation se font de plus en plus présentes, et ils en sont conscients.

On a reçu, effectivement, le projet de réforme, et on a constaté qu'il y a certains éléments au sein de ce projet-là qui sont inacceptables pour les étudiants, à l'instar d'autres instances, composantes et intervenants du milieu collégial. Donc, effectivement, certains aspects de la réforme sont avantageux pour les étudiants — qu'on pense à la nouvelle composition du conseil d'administration du collège — sur d'autres, on n'est pas tout à fait d'accord, mais on les accepte — qu'on pense à la commission d'évaluation dont Ugo vous a parlé tout à l'heure — et d'autres, par contre, sont purement et simplement inacceptables. Et, alors, là, on fait référence au ticket modérateur et à la réduction des cours d'éducation physique.

Vous êtes en mesure de savoir, M. le Président, que, heureusement, on ne réforme pas l'enseignement collégial de façon très, très fréquente, que les enjeux sont cruciaux et que les étudiants le savent; ils en sont très conscients, et ce, parce qu'on considère une telle réforme, un projet réformant une mesure sociale qui est l'éducation, comme étant un projet de société pour la société québécoise. Par contre, sous certains aspects, le projet de réforme nous offre, aux étudiants présents et futurs, des perspectives d'avenir plutôt sombres. Donc, dans cette optique et dans l'intérêt des étudiants du Québec, la Fédération étudiante collégiale du Québec et le Bureau d'information et de communication de la coalition collégiale ne peuvent pas souscrire à un tel avenir pour la classe étudiante et pour la société québécoise également. (10 h 30)

Je tiens à souligner en terminant que, nous, la Fédération, les étudiants et les associations étudiantes, on va être là l'automne prochain, on va être là l'automne suivant et l'autre d'après pour juger de l'efficacité de la réforme. Et, si elle ne va pas dans le sens des intérêts des étudiants du Québec, eh bien, on ne courbera pas l'échiné aussi facilement. On n'espère pas que ce sera comme ça; on espère, au contraire, accueillir l'éventuel projet de réforme, qui sera modifié par le gouvernement, avec enthousiasme et puis avec confiance.

Le Président (M. Bradet): Je vais être obligé de vous arrêter...

Mme Vennes: J'ai deux phrases à dire.

Le Président (M. Bradet): ...et de vous demander de conclure. Votre conclusion...

Mme Vennes: Très bien.

Le Président (M. Bradet): ...pour qu'on puisse passer aux échanges, s'il vous plaît.

Mme Vennes: Mais, pour cela, pour qu'on accueille favorablement le projet de réforme — je reprends le thème du présent mémoire — il faudra la réformer, Mme la ministre, votre réforme. Alors, je vous remercie.

Le Président (M. Bradet): Alors, merci beaucoup. Nous passons donc à la période d'échanges. Je demanderais immédiatement à Mme la ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science d'y aller.

Mme Robillard: Merci, M. le Président. Mme la présidente de la Fédération étudiante collégiale du Québec et messieurs, bienvenue aux travaux de la commission. Je suis très heureuse d'entendre le point de vue étudiant, parce que, si nous procédons à ce renouveau collégial, c'est d'abord et avant tout pour vous, pour les jeunes qui suivent leurs études collégiales et pour tous ceux et celles aussi qui, comme vous, comptent sur l'ordre d'enseignement collégial pour avoir un diplôme, une formation de qualité d'abord et un diplôme crédible aussi dans la vie.

Le message que j'entends de la Fédération... Vous avez conclu, Mme la présidente, en disant: Mme la ministre, réformez votre réforme. Moi, ce que j'entends, c'est qu'il y a des éléments avec lesquels vous êtes en accord et d'autres où vous voulez des changements. Vous avez des réserves sur certains éléments et des réajustements et des suggestions très précises. C'est dans ce sens-là. Je n'ai pas l'intention de réformer ma réforme; j'ai l'intention de la bonifier, si vous m'en convainquez, et c'est dans ce sens-là qu'on travaille ensemble aujourd'hui.

Abordons directement la réussite des études, parce que je pense que c'est l'élément essentiel et c'est le défi majeur que nous avons, à l'ordre d'enseignement collégial non seulement d'y accéder, mais d'y réussir. Alors, vous l'avez abordé dans votre mémoire. Vous l'avez très bien noté, il y a différents facteurs à la réussite scolaire. Alors, vous avez apporté des suggestions sur ces différents facteurs en réponse au renouveau collégial. Si vous voulez, on va les aborder ensemble.

Le premier, c'est, quand vous arrivez à l'ordre collégial, d'être bien préparé. C'est d'abord un facteur de réussite. Alors, j'aimerais bien que vous m'explicitiez si vous êtes, oui ou non, en accord avec la précision des seuils d'admission à l'ordre collégial. Ce que j'en retiens, de votre lecture, c'est que, oui, vous seriez d'accord, mais il faudrait être mieux préparé au secondaire ou donner des mesures de soutien au secondaire. Peut-être que je vous ai mal lus.

M. Lapointe: Vous avez très bien compris... Le Président (M. Bradet): M. Lapointe.

M. Lapointe: ...Mme la ministre. Effectivement, nous sommes tous des anciens élèves du secondaire — et, pour être passés à travers le système, on est très bien placés pour l'évaluer — et nous pouvons vous dire, Mme la ministre, que le dynamisme que vous avez insufflé au milieu collégial par votre réforme, il est indéniable, indépendamment du résultat, que ce dynamisme est beaucoup plus nécessaire au niveau secondaire et que c'est surtout là que nous devrions concentrer nos efforts. Et il aurait été, selon nous, très bénéfique non pas de concentrer nos efforts sur un niveau, mais bien sur l'ensemble du réseau de façon à ce que ce soit l'éducation dans son ensemble qui soit bonifiée et non pas des mesures de rattrapage au collégial.

Mme Robillard: Oui. Alors, M. Lapointe, je vais vous dire: Soyez patient. Soyez patient, M. Lapointe. Nous allons terminer le collégial bientôt. La pression est très forte sur les autres ordres d'enseignement, mais soyez certain que je vais y venir aussi, au secondaire. Mais parlez-moi des seuils d'admission à l'ordre d'enseignement collégial, là.

M. Lapointe: Mme la ministre, vous auriez pu faire le choix d'obliger les étudiants du secondaire à poursuivre ces cours-là ou à obtenir ces cours-là pour obtenir leur diplôme. Vous n'avez pas fait ce choix-là. Vous avez fait le choix du double D.E.S., c'est-à-dire qu'un étudiant peut avoir son diplôme d'études secondaires sans pouvoir accéder au niveau collégial. Et nous croyons que vous avez introduit ce double D.E.S. parce que vous ne voulez pas réformer maintenant l'enseignement secondaire. Alors, nous, ce qu'on vous dit: II faut réformer le secondaire; et le double D.E.S. est difficilement envisageable et n'est foncièrement pas souhaitable.

Mme Robillard: Est-ce...

M. Lapointe: conséquemment, il faut procéder à la réforme du secondaire de façon à ce que, oui, ces cours-là deviennent des préalables au d.e.s. et que le secondaire soit prêt à former les étudiants pour qu'il y en ait non pas 66 % qui obtiennent leur d.e.s., mais bien 70 % et 75 %, comme ça devrait être le cas dans une société décente, mme la ministre. et ce n'est pas en fixant des seuils d'admission au collégial qu'on va régler ces problèmes-là, mais bien en réformant le secondaire. Et c'est ce qu'on demande.

Mme Robillard: Alors, est-ce que je comprends bien que vous seriez en accord pour la réussite obligatoire, je dirais, pour obtenir le diplôme d'études secondaires, justement, des matières qui sont indiquées dans le diplôme?

M. Lapointe: Conformément au texte, nous sommes favorables à toute hausse de la qualité par la hausse des exigences, dans une seule mesure: dans la mesure où les étudiants y sont suffisamment bien préparés.

Mme Robillard: O.K.

M. Lapointe: C'est la seule position qui émane de notre Fédération et qui comprend à peu près toutes les questions que vous pouvez poser.

Mme Robillard: Parfait. Alors, je vous saisis très bien dans cette recommandation-là. Maintenant, expliquez-moi pourquoi, si jamais on retenait votre suggestion, à ce moment-là, vous me suggérez, en plus, une propédeutique au collégial pour des étudiants moins équipés au plan académique. Parce que c'est ce que vous faites à la page 47 de votre mémoire.

M. Lapointe: mais tout à fait: si on remarque qu'un étudiant, qui a passé son secondaire avec une moyenne entre 60 % et 70 %, sans propédeutique a seulement 10 % de chances, mme la ministre, d'obtenir son d.e.s., est-ce qu'on le laisse évoluer à sa guise dans le réseau, prendre 90 % des chances de perdre son temps et de décrocher? non. vous conviendrez avec moi que, s'il y a des étudiants à risques de par leur niveau de réussite au secondaire, il faut absolument leur offrir et les convier — vous appelez ça une propédeutique — à ces sessions d'orientation, de mise à niveau, de completion de leur formation, dans leur intérêt même et dans l'intérêt même de la société, vous comprendrez.

Mme Robillard: Alors, mais pourquoi une propédeutique? Parce que le sens est très différent. Vous savez que, dans le renouveau collégial, c'est une session d'accueil et d'intégration pour les jeunes qui ont des difficultés d'orientation — peut-être pas nécessairement des difficultés scolaires — mais pour les autres aussi qui ont des difficultés d'apprentissage. Donc, ça devra inclure des cours de mise à niveau.

M. Lapointe: Des cours de mise à niveau.

Mme Robillard: Mais ce n'est pas dans le contexte ou dans l'approche d'une propédeutique, par exemple, pour ne pas allonger d'une autre session le cours préuniversitaire; alors que la propédeutique veut dire, nécessairement, allonger.

M. Lapointe: Mais vous savez, Mme la ministre, allonger d'une session les études collégiales d'un étudiant qui a 90 % de chances de ne pas se rendre au bout, même pour l'État, c'est très payant, parce qu'un étudiant qui n'a pas les moyens de réussir son D.E.C., il ne prend pas cinq sessions, il risque de prendre cinq ans. Donc, c'est une mesure d'investissement très profitable pour l'institution qui aura un étudiant qui finira plus rapidement et qui finira, point; et pour l'État aussi, qui ne perd pas son investissement dans l'étudiant et qui retire les bénéfices beaucoup plus rapidement qu'il ne l'aurait fait normalement.

Mme Robillard: Donc, vous êtes en accord avec une propédeutique non créditée dans les études? C'est ça que ça veut dire aussi, une propédeutique.

M. Lapointe: Bien, lorsqu'on fait des mises à niveau qui sont extérieures aux programmes, c'est plutôt difficile de les créditer autrement que par les cours complémentaires. Mais vous souhaitez les abolir; donc, foncièrement, ils ne seraient pas crédités.

Mme Robillard: Parfait. Alors, venons-en aux autres mesures. Vous nous parlez du bulletin de mi-session. Vous savez que, dans plusieurs collèges, c'est déjà la pratique. Vous voudriez voir ça systématisé, si je comprends bien, afin de rendre visibles les coûts à l'étudiant. Bon, je retiens bien ça. Maintenant, venons-en à votre position sur l'article 33, où vous affirmez très clairement que, selon votre point de vue, selon la Fédération, l'expulsion d'un étudiant est préférable au décrochage.

M. Lapointe: Mme la ministre... Mme Robillard: Ça, je vous lis... M. Lapointe: Oui. Mme Robillard: ...à la page 48. M. Lapointe: Tout à fait, tout à fait. Mme Robillard: Alors, parlez-m'en.

M. Lapointe: Lorsque, par une mesure financière, vous amenez un étudiant dans un cul-de-sac où la volonté de l'étudiant n'est plus le critère à la poursuite de ses études, vous commettez un acte qui, évidemment, n'est pas apparent. C'est facile, pour une institution, de dire: Bon, on impose un ticket modérateur et, s'il y en a qui décrochent, bien, on ne les voit pas. Ce n'est pas dérangeant, ça. C'est toujours dérangeant de dire à un étudiant: Tu n'es pas ici pour poursuivre des études; va réfléchir pendant six mois et tu nous reviendras plus en forme. C'est beaucoup plus odieux, mais c'est beaucoup plus prendre ses responsabilités, par contre, et l'effet sur l'étudiant est différent.

Vous savez, lorsqu'on dit à un étudiant: Écoute, tu as des difficultés financières, tu as trébuché, c'est bien dommage, mais tu n'as pas les moyens de continuer ou bien lorsqu'on dit à un étudiant: Tu n'as pas fait tes devoirs, tu n'as pas travaillé, on considère que tu es de mauvaise foi, parce que tu ne t'es pas soumis aux activités auxquelles on t'a enjoint de te soumettre et, conséquemment, on croit que tu ne dois pas poursuivre tes études collégiales avant, bon, une session, on propose une suspension, là, de six mois, l'effet sur l'étudiant est très différent. Et ça a aussi un effet sur l'institution, c'est-à-dire qu'elle devient responsable de la conduite des études d'un étudiant alors que, par votre ticket modérateur, vous déresponsabilisez les institutions du cheminement des étudiants. Nous, ce qu'on souhaite, c'est les responsabiliser. (10 h 40)

Alors, évidemment, ça suppose un peu plus de travail de l'institution, un peu plus de travail des gens qui sont supposés effectuer ces tâches-là. Ça suppose aussi d'être plus centré sur l'étudiant, plus préoccupé de lui, alors que le ticket modérateur, c'est une façon de s'en laver les mains et de dire: Bon, bien, s'il en a les moyens, bien, qu'il reste dans le collégial pendant 10 ans; s'il n'en a pas les moyens, on est bien débarrassés de ce pauvre fainéant. Je considère que l'attitude qui sous-tend l'application du ticket modérateur est très dommageable, de même que l'effet sur l'étudiant, l'effet démobilisateur. Alors, nous, ce qu'on propose, c'est, au contraire, que l'étudiant soit pris en main par l'institution d'ici à ce qu'il se prenne en main lui-même.

Mme Robillard: J'espère! Alors, si je comprends bien votre position, à la Fédération, vous seriez d'accord pour l'expulsion des étudiants qui accumulent trop d'échecs?

M. Lapointe: Ce n'est pas tant l'expulsion de l'étudiant qui accumule trop d'échecs comme l'expulsion d'un étudiant qui ne se soumet pas au cheminement qui lui est soumis par l'institution. Donc, lorsque, par exemple, l'étudiant tombe sous l'article... Ce ne sera peut-être pas 33, mais, s'il accumule plus de 5 échecs ou plus de 10 échecs, selon le cas, lorsqu'il échoue, par exemple, 11 cours, l'institution peut lui dire: Écoute, c'est quoi, ton problème? Tu as un problème affectif? Donc, je t'enjoins d'aller te soumettre à un service de consultation psychologique. Tu as des problèmes de méthodologie? Je t'enjoins de suivre un cours de méthodologie. Tu as des problèmes en français? À la fin de chaque cours, de chaque travail, sers-toi du centre de ressources en français. Donc, on force l'étudiant à utiliser les ressources du milieu, ce qui est extrêmement important. On force aussi l'étudiant à utiliser toutes ses propres ressources. La réussite, il l'a au fond de lui-même. Et, parfois, oui, il faut le forcer à utiliser ses propres ressources, ce que le ticket modérateur ne fait pas.

Donc, si, au bout de ce cheminement-là, Fétu-

diant, soit ne se soumet pas aux exigences de l'institution, soit n'offre pas à l'institution une perspective d'amélioration de ses réussites — et c'est bien la première fois qu'un mouvement étudiant le propose, je le disais — eh bien, oui, Mme la ministre, cet étudiant-là, je crois, a besoin de réfléchir pendant six mois. Et il y va de la crédibilité, aussi, de l'institution. On ne doit pas laisser des étudiants suivre des cours à leur guise et en échouer à leur guise. L'institution doit avoir des dents par rapport à ces étudiants-là et par rapport à un autre genre d'étudiants qui sont les véritables abuseurs du système, que vous n'excluez pas. Qu'on pense aux gens qui sont là pour les avantages fiscaux d'avoir un statut d'étudiant ou de ceux qui sont là pour vendre soit certaines idées, soit certaines substances. Donc, cette mesure-là permet d'identifier les réels profiteurs du système et permet de récupérer tout ce qui est récupérable, alors que votre mesure, Mme la ministre, discrimine en fonction du portefeuille, ce qui est inacceptable.

Mme Robillard: Qu'est-ce qui arrive de ce jeune homme ou de cette jeune fille expulsés?

M. Lapointe: Eh bien, comme c'est présentement le cas avec l'article 33, comme on vit avec ces gens-là, bien, soit il passera six mois chez ses parents à se faire sermonner — ce qui n'est parfois pas mauvais — soit il testera le marché du travail pendant six mois sans avoir un D.E.C. et, à ce moment-là, il pourra se rendre compte qu'un D.E.C, c'est beaucoup plus utile. Et, lorsqu'il raccrochera le système — parce qu'il pourra le faire; il n'a pas à avoir les moyens de le faire, il le fera — bien, je peux vous garantir, pour l'avoir vécu moi-même avec certains de mes amis qui, personnellement, sont tombés sous le coup de l'article 33 et ont été expulsés, que ces étudiants-là deviennent de véritables bourreaux de travail, et ils ne veulent surtout pas, surtout pas échouer et sortir du réseau sans diplôme d'études collégiales. Donc, ça favorise la réussite, ça favorise l'effort et non pas le décrochage et la démobilisation.

Mme Robillard: Pourriez-vous aussi me clarifier la position de votre Fédération concernant la date d'abandon des études? Parce que, à la page 24 de votre mémoire, vous parlez d'un minimum de 15 jours, alors que, à l'heure actuelle, vous le savez, depuis l'an dernier, nous l'avons fixée au 20 septembre, ce qui veut dire à peu près 4 semaines. Là, vous me parlez de 15 jours. Est-ce qu'il y a une position ferme de la Fédération sur ce sujet-là?

M. Lapointe: Elle est ferme. Ce qu'on remarque, c'est que c'est le 20 dans certaines institutions; dans d'autres institutions, dans les faits, c'est plus rapproché. La date limite d'abandon, dans certaines institutions, ça a été le 12. Donc, nous, ce qu'on veut, c'est que, par règlement, puisque vous pouvez le faire, il y ait une certaine garantie pour les étudiants qu'ils auront le temps d'avoir au moins un contact avec l'enseignant, d'avoir le plan de cours et de pouvoir évaluer le contenu du cours de façon à pouvoir s'en retirer, donc annuler leur cours et non pas l'abandonner, de pouvoir annuler un cours qui ne correspond pas à leurs besoins. Donc, nous demandons strictement qu'il y ait une garantie que l'étudiant aura le temps nécessaire pour pouvoir évaluer la pertinence du cours en regard de ses besoins.

Mme Robillard: Et c'est à ce moment-là que vous dites: Minimalement, 15 jours.

M. Lapointe: Exactement. On croit qu'en 3 semaines ouvrables, donc en 15 jours de classe — c'est le sens de la proposition — généralement, c'est suffisant pour que l'étudiant... Mais, encore là, on parle bien d'un minimum. C'est qu'au-delà de ça, au-delà des 15 jours, on considère que c'est un préjudice grave à la conduite des études des étudiants.

Le Président (M. Bradet): Merci, M. Lapointe. Je reconnais maintenant M. le député de Lac-Saint-Jean, critique officiel de l'éducation.

M. Brassard: Alors, madame et messieurs, je vous remercie d'avoir témoigné devant nous ce matin et aussi pour votre mémoire. Je ne peux pas dire que vous m'avez convaincu que la taxe à l'échec est une mauvaise solution, je l'étais déjà, mais j'espère, par votre argumentation très articulée, très étoffée, très substantielle, que vous avez réussi à convaincre la ministre que ce n'est pas la voie à suivre et qu'il faut plutôt regarder du côté des alternatives que vous proposez, qui m'apparais-sent des pistes extrêmement intéressantes.

Tout à l'heure, la ministre vous posait la question: Qu'est-ce qui arrive de l'étudiant expulsé en vertu de l'article 33? Je pourrais aussi vous poser la question: Qu'est-ce qui arrive de l'étudiant éjecté parce qu'il n'est pas capable de payer la taxe à l'échec?

M. Lapointe: À ce moment-là, à moins qu'il ne réussisse à se dénicher un emploi très payant, puisque le ticket modérateur s'applique ad vitam aeternam, lorsque l'étudiant devra revenir à ses études, bien, cet étudiant-là ne pourra pas raccrocher à moins d'en avoir les moyens, ce qui risque d'être long. Et, à ce que je sache, le critère pour poursuivre des études collégiales, ce n'est pas d'en avoir les moyens financiers.

Il y a aussi un autre aspect, et je n'ai pas assez insisté là-dessus, c'est que, présentement, on nous affirme que ce sera 50 $ par cours; or, on n'a même pas de projet de règlement à cet effet-là. On nous affirme que le nombre des échecs sera diminué un peu à la manière du permis de conduire, c'est-à-dire qu'au-delà d'une bonne conduite on perd des points d'inaptitude. Encore là, c'est à voir, parce qu'il n'y a pas de projet de règlement de déposé. Présentement, c'est encore un chèque en blanc, et un chèque en blanc qu'on ne sera pas, surtout pas, en mesure de faire au gouvernement, et ce chèque en blanc la population ne devrait pas permet-

tre qu'il soit fait dans une réforme où le ticket modérateur est un aspect extrêmement important et dont l'application peut être problématique. Mais on ne parlera pas de l'application, on est contre la mesure en soi.

M. Brassard: En fait, ce que vous nous dites et ce que vous dites à la commission, c'est qu'il y a des étudiants qui ont des problèmes de nature pédagogique, des problèmes de cheminement, des problèmes d'orientation, des problèmes d'apprentissage et que, si on veut les aider à régler ces problèmes-là, c'est en imaginant des solutions de même nature, c'est-à-dire de nature pédagogique, et non pas en leur imposant un châtiment financier. C'est pourquoi vous dites: II faudrait regarder du côté d'une application souple et utile de l'article 33. Ce que je sais, c'est que dans certains cégeps on applique déjà, avec évidemment des intentions pédagogiques, l'article 33 de façon souple et un peu dans le sens que vous l'indiquez. Est-ce qu'il y a des expériences dans ce sens-là et est-ce qu'elles pourraient être utiles pour aller plus loin et même songer à généraliser cette application?

M. Lapointe: La première partie de votre question... Évidemment, il est un peu contradictoire de régler un problème de cheminement académique par une mesure à caractère financier. Ça, il n'y a pas à en faire une très grosse démonstration. On lance un message assez étrange aux étudiants, c'est-à-dire: Si vous avez des problèmes d'ordre pédagogique et que vous êtes riche, il n'y a pas de problème; si vous avez des problèmes pédagogiques et que vous êtes pauvre, bien, vous êtes exclu. Ce n'est pas vraiment un critère, la richesse ou la pauvreté, à savoir si on a besoin d'aide ou besoin d'être encadré. Ça ne devrait pas intervenir au cours des études d'un étudiant; l'étudiant a suffisamment de problèmes comme ça. (10 h 50)

Conséquemment, effectivement, il faut envisager des mesures pédagogiques pour les encadrer. Et notre mesure est différente de tout ce qui peut s'appliquer présentement dans le réseau, en ce sens qu'elle ne s'applique pas en fonction de la réussite d'un pourcentage de cours au cours d'une session, mais bien d'un nombre d'échecs absolu. Pourquoi est-ce qu'on introduit cela? C'est que les étudiants, par exemple, à temps partiel qui échoueraient deux cours, trois cours à chacune de leurs sessions doivent aussi être récupérés. Ils ont des problèmes de cheminement académique assez évidents. Donc, cette mesure-là touche tous les étudiants, indépendamment qu'ils soient réguliers ou à temps partiel.

Il y a aussi un autre avantage, c'est que l'étudiant qui a un cheminement normal au sens qu'il réussit toujours dans la majorité de ses cours, mais qui en échouerait, par exemple, trois sur sept à chaque session, bien, cet étudiant-là a manifestement un problème de cheminement et il serait récupéré par une telle mesure. Conséquemment, elle est déjà meilleure que ce que toutes les institutions peuvent avoir développé jusqu'à maintenant en termes de mesures d'encadrement conséquemment à l'article 33. Et, déjà, dans les institutions qui appliquent cet article-là, il y a des effets substantiels. Les étudiants sont soit récupérés et réussissent, soit suspendus et réussiront plus tard ou ils ne reviendront pas parce qu'ils n'ont rien à faire dans l'enseignement collégial.

Conséquemment, il y a lieu de croire que, à partir des objectifs mêmes de la ministre, qui sont d'offrir aux étudiants un meilleur encadrement, une meilleure orientation et de les inciter à la réussite, à moins qu'il n'y ait d'autres orientations qui sous-tendent l'imposition du ticket modérateur, notre mesure réalise beaucoup mieux les orientations ministérielles que la mesure qu'elle propose elle-même.

Donc, il y a peut-être lieu de lever le voile sur les réelles motivations du ticket modérateur. Selon moi, il n'y a pas de réelle motivation autre que ce qui est énoncé. C'est juste que les gens qui ont développé cette position-là, cette mesure-là ne sont pas dans le cégep, ne sont pas sur le terrain. Et on est juge de ce qu'on voit. Les étudiants, par ce qu'ils jugent, par ce qu'ils voient, savent que ces mesures-là ne seront pas bonnes, et c'est pour ça que c'est notre responsabilité de venir vous le dire et de vous proposer des alternatives qui, comme je l'ai dit, sont sans précédent pour un mouvement étudiant collégial. Admettre que les étudiants ont des problèmes de cheminement, c'est rare chez les étudiants; et surtout d'envisager des mesures assez coercitives comme celles-ci, d'avoir l'honnêteté, pour des étudiants, d'appuyer de telles mesures, c'est rare. Et, en supplément, je dirais que l'attitude actuelle des étudiants — qui est très positive, je considère — peut être mise en cause par une étude qui pourrait être négative de la part du gouvernement. Donc, ça devra être étudié très attentivement et je crois qu'en toute honnêteté ça ne pourra être refusé.

M. McQuade (Sébastien): M. Brassard, j'aimerais juste rajouter quelque chose au niveau des institutions qui appliquent l'article 33. Je pense qu'au cégep du Vieux-Montréal, entre autres, les statistiques récentes que j'ai vues sur l'application, depuis déjà plusieurs années, de l'article 33 nous portent à croire qu'il y a récupération d'un grand nombre d'étudiants. Je peux prendre un exemple. Je n'ai pas les statistiques exactes devant moi, mais environ 350 à 300 étudiants sont placés annuellement, ou par session, sur l'article 33 et, de ça, il y en a entre 100 et 150 qui sont, si on veut, expulsés du système. Donc, on récupère au-delà de 200 étudiants à chaque session par cet article-là.

M. Brassard: En apportant des mesures de soutien.

M. McQuade: Oui, oui, en apportant des mesures de soutien et d'encadrement.

M. Brassard: En les accompagnant mieux dans leur cheminement.

M. McQuade: Exactement.

M. Brassard: En matière d'évaluation, vous avez certaines réticences concernant la proposition ministérielle. En particulier, vous semblez plus que réticents, sinon opposés, à l'épreuve synthèse par programme. Pourquoi?

M. Lippe: Le problème qu'on voit, c'est que, bon, bien entendu, l'épreuve synthèse comme telle peut avoir certains effets qui vont être bons; qu'on pense à être sûr que l'étudiant a bien atteint tous les objectifs qui sont fixés par le programme ou à d'autres exemples comme ça. Le problème qu'on voit, par contre, c'est lorsqu'on arrive à des examens qui seraient trop théoriques. Si on pense, entre autres, au français, actuellement, de la manière qu'il est évalué, on rentre dans des choses qui... L'étudiant n'est pas assez formé pour l'examen qu'il a à passer. Si on pense aussi aux examens... Et là je prends un exemple du secondaire: c'est que, en géographie, en secondaire III, pendant, on pourrait dire, les trois quarts de l'année, on forme l'étudiant et on le prépare à l'examen, et uniquement à l'examen. Il ne passe pratiquement aucun temps pour apprendre, comme telle, la matière; ce qu'il apprend, c'est à faire l'examen. Et ce dont on a vraiment peur, c'est que l'étudiant, comme tel, avec le professeur, pendant tout son collégial, se prépare à passer l'examen de la ministre et qu'il ne passe pas à travers, en fait, les objectifs, on pourrait dire, qui sont d'ordre plus général.

M. Brassard: Que ça devienne une obsession.

M. Lippe: C'est ça. Un autre aspect, si je peux finir là-dessus, c'est que, moi, je me vois mal — en tout cas, je me demande comment je pourrais mettre un concept là-dessus — faire une évaluation d'un cours de philosophie. Je pense que la philosophie comme telle, c'est un petit peu apprendre à penser. Alors, je me demande comment on peut évaluer si un étudiant a appris à penser ou s'il n'a pas appris à penser.

M. Brassard: Sur la commission des études, vous avez un certain nombre de remarques. Vous participez, dans plusieurs cégeps, à la commission pédagogique. Vous êtes représentés à la commission pédagogique. Est-ce que vous avez une expérience positive de votre participation à la commission pédagogique? Est-ce que vous croyez qu'il y a lieu de maintenir cette instance plutôt que d'y substituer une autre instance qui s'appellerait la commission des études, dont la composition pourrait être fort différente?

M. Lippe: Le problème qu'on voyait ou plutôt qu'on voit actuellement à la commission pédagogique, c'est que ce n'est pas assez efficace, si on peut dire. Les dossiers traînent trop. Avec ce que la ministre propose, on se trouve, en fait, un petit peu à régler le problème. Par contre, il y a des choses qui ne sont pas assez définies, comme les responsables de programmes. Est-ce que les responsables de programmes sont des cadres ou si ce sont des professeurs ou quelqu'un qui serait élu au sein du comité de programmes, à l'intérieur des étudiants ou des professeurs? Est-ce que c'est, en fait, un cadre, ou un professeur, ou un étudiant? On ne voit pas du tout par qui ils sont représentés. Et l'effet pervers qu'on prévoit là-dedans, c'est si c'était un cadre parce que, là, on se retrouverait avec une commission pédagogique qui serait uniquement dirigée et dont les décisions seraient uniquement prises par le directeur des études, l'ancien directeur des services pédagogiques.

M. Brassard: Éducation physique. Bon, vous êtes pour le maintien des quatre cours, mais dans l'éventualité où il y aurait réduction des cours, vous ne croyez pas à la proposition de la ministre à l'effet que les installations sportives demeureront à la disposition des étudiants. Vous affirmez que ce qui va se produire plutôt, c'est que ce nouveau temps de disponibilité des installations va être loué, que les cégeps, pour avoir des revenus supplémentaires, vont les louer. J'aimerais que vous m'expliquiez un peu ce que vous voulez dire par là.

M. Thérrien (Yan): Bien, déjà, M. Brassard, on éprouve certaines difficultés, pour les étudiants, à obtenir les installations sportives en dehors des heures de cours. Quelques exemples...

M. Brassard: Les installations sont louées?

M. Thérrien (Yan): Elles sont louées à la communauté. Comme c'est très bien dit dans le mémoire, c'est la disponibilité à la communauté. Et on peut prendre des exemples, comme au Vieux-Montréal où les installations sportives du collège sont régies par la ville. Plusieurs institutions, comme ça, prêtent leurs institutions au municipal. Déjà, pour un étudiant, dans la perspective où les cours seraient diminués, des études montrent qu'un certain nombre de cours — soit quatre heures, environ, d'activité physique par semaine — devraient être maintenus. Ça, c'est des études prouvées sur les conditions physiques. Et, si les cours sont diminués, on diminue donc le nombre d'heures d'activité physique.

Et la principale raison pour laquelle un étudiant ne pratique pas beaucoup d'activités physiques, c'est le manque de temps. Et, à l'extérieur des heures de cours, déjà, le soir, par exemple, c'est extrêmement difficile d'obtenir un local pour pratiquer une activité physique, compte tenu que c'est sous location présentement. Dans la réforme, on voit clairement que la disponibilité... que ces structures sportives là vont être davantage mises à la disposition de la communauté. Alors, dans ça, nous, on voit encore la porte qui se referme sur l'accessibilité des structures. (11 heures)

M. Lapointe: Un dernier détail, si vous me permettez, M. le Président. Hier, la Fédération des cégeps a affirmé que les cégeps étaient favorables au ticket

modérateur. Cependant, il y a quelque chose que je dois absolument porter à votre attention. Les collèges sont des corporations dirigées par leur conseil d'administration et non pas leurs directeurs généraux; ces conseils d'administration là sont formés, entre autres, de professeurs, d'étudiants et de parents, 3 composantes qui sont fermement opposées au ticket modérateur et qui forment 11 sièges sur 20 sur l'actuel conseil d'administration. Conséquemment, je tiens à vous aviser que la décision qui a été prise par la Fédération des cégeps a été prise par quelques dizaines de directeurs généraux et qu'elle n'est nullement représentative du cégep lui-même qui ne se limite pas aux directeurs généraux. Merci.

Le Président (M. Bradet): Alors, merci. M. le député de Sherbrooke, je vous ferai remarquer qu'on a du temps pour, peut-être, une question rapide et une réponse rapide.

M. Hamel: Très bien, M. le Président. Merci. Une question à M. Lippe. Vous avez mentionné tantôt, dans votre exposé, certaines inquiétudes concernant la composition de la commission d'évaluation, à l'effet qu'elle soit à trois membres. Quelles sont vos suggestions alternatives?

M. Lippe: Suggestions alternatives. Sans trop exagérer, sans passer à 10 membres, je pense qu'à entre 5 et 10 membres on se trouve à avoir une certaine objectivité. Le problème qu'on voit avec trois membres, avec un quorum de deux personnes, c'est que c'est très facile de prendre des décisions qui ne sont pas représentatives alors qu'avec plusieurs... Quand on dit que 2 têtes valent mieux que 1, bien, 10 têtes valent mieux que 3!

M. Hamel: Vous iriez jusqu'à 10? Vous ne trouvez pas que c'est un peu...

M. Lippe: Bien, c'est ça. Je comprends quand même les préoccupations du gouvernement, actuellement, de couper dans les dépenses. D'accord? Moi, je pense qu'on devrait, au minimum, avoir cinq membres — d'accord? — et que, bien entendu, pour avoir une certaine objectivité, une bonne moyenne serait de sept.

Une voix: Dans les textes... M. Hamel: Merci. Ça va.

Le Président (M. Bradet): M. le député de Lac-Saint-Jean, il nous reste trois minutes.

M. Brassard: Toujours concernant l'évaluation, vous déplorez l'absence des étudiants dans le processus d'évaluation des enseignements. Comment vous voyez votre implication ou votre participation dans un processus d'évaluation des apprentissages et des enseignements?

M. Lippe: Si on veut prendre des exemples de ce qui se fait dans les universités, c'est qu'il y a des gens qui passent dans les classes pour faire une certaine évaluation. Autrefois, on appelait ça l'évaluation des enseignements — on a justement déposé un avis que la ministre a reçu, là-dessus — maintenant, ça s'appelle l'évaluation des programmes. En général, à quelques exceptions près, puisqu'on ne parle pas du personnel, ça revient pratiquement aux objectifs qu'on avait, donc l'évaluation des programmes. On pense que ça pourrait très bien se faire, bien entendu, par d'autres façons, mais, entre autres aussi, par des étudiants qui sont dans les classes. On mentionne aussi, dans notre mémoire, que les étudiants sont prêts à contribuer là-dedans. Donc, on est prêts, si on veut, à prêter nos membres pour procéder à cette évaluation, comme ça se fait dans les universités. On juge aussi que c'est la façon la plus objective d'évaluer. On est les personnes qui bénéficient des programmes; donc, on est les personnes qui sont les mieux placées pour les évaluer.

M. Brassard: Vous ne pensez pas que vous allez passer de l'évaluation des programmes à l'évaluation des profs, que le saut peut se faire?

M. Lippe: Bon. Il faut comprendre — et on a une certaine argumentation là-dessus aussi — qu'on est pour l'évaluation des profs. La ministre, et je pense que c'est très important, les distingue. Donc, il y a l'évaluation du personnel, d'un côté, et l'évaluation des programmes, d'un autre côté. D'accord? Je pense, moi, que l'évaluation des programmes, c'est surtout sur le contenu, sur ce qui se passe, bien entendu, dans la classe, mais sur l'individu comme tel, je ne pense pas... C'est sûr qu'il va toujours y avoir des exceptions, il va toujours y avoir des gens qui sont plus ou moins honnêtes et qui veulent un petit peu faire les fins finauds. Je pense qu'en majorité du temps les gens sont honnêtes et vont vraiment faire un bon jugement de ce qu'ils ont reçu comme enseignement. D'après moi, ça devrait aller plus loin que ça, si je peux en profiter...

M. Brassard: Pas juste le contenu, mais aussi...

M. Lippe: Oui, c'est ça.

M. Brassard: ...la méthodologie...

M. Lippe: Exactement.

M. Brassard: ...les méthodes utilisées.

M. Lippe: C'est ça.

Le Président (M. Bradet): Alors, M. Lippe, Mme la présidente, il me reste à vous remercier, la Fédération étudiante collégiale du Québec, de l'éclairage que vous avez su apporter à nos travaux.

Mme Robillard: Oui. Si vous permettez, M. le... Le Président (M. Bradet): Oui.

Mme Robillard: ...Président, je veux vous remercier particulièrement et vous assurer que je vais étudier vos propositions de façon très attentive, que j'ai noté aussi que vous étiez rassurés par la définition d'«étudiant à temps plein», dans le projet de loi, et vous dire de ne pas vous inquiéter: dans le processus législatif, je vais aussi déposer les projets de règlement. Alors, ce ne sera pas un chèque en blanc au gouvernement, M. Lapointe. En plus, je partage avec vous vos préoccupations pour le secondaire. Alors, sûrement que nous aurons l'occasion de travailler à nouveau ensemble.

Le Président (M. Bradet): Alors, merci. La commission va suspendre ses travaux quelques minutes pour permettre au Conseil du patronat de prendre place.

(Suspension de la séance à 11 h 6)

(Reprise à 11 h 10)

Le Président (M. Bradet): La commission reprend ses travaux. Nous en sommes au Conseil du patronat du Québec. Alors, bienvenue au Conseil du patronat. M. Dufour est le président. M. Dufour, je pense qu'on n'a pas à vous expliquer la procédure. Ha, ha, ha! Je voudrais juste vous signifier que vous avez 20 minutes pour faire votre présentation et peut-être nous présenter les gens qui vous accompagnent.

Conseil du patronat du Québec (CPQ)

M. Dufour (Ghislain): Merci, M. le Président. Je vous présente justement mes collègues. À mon extrême gauche, M. Robert Chamberland, qui est un homme d'affaires, courtier en immeubles et membre du conseil d'administration du cégep de Limoilou. On sait qu'il se fait beaucoup de formation professionnelle; alors, ça nous a intéressés d'avoir quelqu'un, dans notre délégation, de ce secteur-là. M. Gaston Lafleur est président du Conseil québécois du commerce de détail et M. Jacques Garon, à ma droite, est le directeur de la recherche socio-économique au Conseil du patronat.

Le Président (M. Bradet): Alors, bienvenue, messieurs.

M. Dufour (Ghislain): Alors, un premier mot, M. le Président, pour remercier les membres de la commission de nous avoir invités à venir présenter nos commentaires dans ce dossier.

Il faut vous rappeler que nous avions fait valoir, lors des audiences de la commission sur l'enseignement collégial tenues en octobre, que, malgré certaines failles évidentes, l'enseignement collégial, tant pour les jeunes que pour les adultes, est un acquis pour la société québécoise. Pour le CPQ, c'est donc d'évolution, de consolidation et d'évaluation, plutôt que de révolution, qu'il faut parler. À ce titre, nous avons favorablement accueilli, dans l'ensemble, les orientations et les mesures de renouveau proposées par le MESS. En effet, pour le CPQ, deux objectifs généraux devaient guider la réforme, à savoir donner plus de crédibilité aux institutions collégiales et donner plus de valeur aux diplômes, tant face aux universités qu'au marché du travail, d'où la nécessité de procéder à une véritable réforme.

Nos commentaires, aujourd'hui, porteront sur les orientations d'avenir et les mesures proposées plutôt que sur les projets de loi, laissant aux spécialistes de l'enseignement collégial le soin de formuler leurs critiques à ce sujet. Nous examinerons successivement quelques objectifs que nous nous étions fixés en termes de valorisation de l'enseignement collégial, la réforme proposée par rapport aux objectifs que nous avions établis et les interrogations que suscitent certains éléments de la réforme.

Alors, rapidement, M. le Président, c'était quoi, nos principaux objectifs lorsqu'on s'est présentés en commission parlementaire l'automne dernier? C'était, d'abord, de donner une solide formation de base à tous les élèves et il nous apparaît que, maintenant, ce n'est plus remis en question dans la société d'aujourd'hui. Il s'agit, par ailleurs, de faire en sorte que les cégépiens améliorent leurs communications écrites et orales, ainsi que leur capacité d'analyse et de synthèse, qu'ils sachent prendre des décisions, résoudre des problèmes et qu'ils développent certaines aptitudes nécessaires à leur em-ployabilité.

De façon plus précise, je rappelle certains des éléments que nous portions à votre attention à ce moment-là: que les candidats à l'enseignement technique aient préalablement acquis une formation générale adéquate et que les cours du tronc commun soient adaptés à l'enseignement technique; deuxièmement, que l'on développe davantage la reconnaissance des acquis partout où elle peut s'appliquer, en évitant cependant les duplications possibles entre les collèges; que l'on améliore le processus de révision des programmes de formation technique afin que ces derniers ne soient jamais déphasés par rapport aux nouvelles technologies; que l'on renforce les mécanismes d'évaluation des apprentissages; que l'on renforce les services d'aide de toutes sortes offerts aux étudiants afin de réduire les échecs et les abandons; que l'on améliore les liens entre les collèges et les entreprises, notamment en matière de stages; que l'on fasse en sorte que les frais des entreprises reliés à l'accueil de stagiaires soient admissibles au crédit d'impôt à la formation; et, finalement, que l'on crée un centre de liaison cégeps-industries.

Alors, qu'en est-il, M. le Président, du projet proposé par le MESS par rapport à ces principaux objectifs que nous venons de résumer? Je voudrais d'abord exprimer, de façon très, très synthèse, huit points d'accord, bien identifiés comme étant huit principaux points

d'accord. Je ne veux pas dire qu'il n'y en a pas d'autres. Le premier, bien sûr, c'est la réussite des études et augmenter le taux de diplomat ion. Pour nous, il est essentiel de l'accroître, ce taux de diplomation collégiale, et nous appuyons l'objectif de 60 %, en l'an 2000 qu'a déjà proposé le Conseil supérieur de l'éducation. Bien qu'il soit difficile de cerner de façon précise tous les facteurs qui contribuent aux échecs et aux abandons scolaires, nous pensons néanmoins que les mesures proposées en matière d'accueil et d'intégration des élèves lors des premières sessions, l'aide accrue en matière d'orientation, les règles plus précises d'admissibilité aux programmes techniques et la reconnaissance généralisée des acquis seront des outils très valables pour guider les étudiants dans une période de transition difficile pour certains d'entre eux. Par ailleurs, en précisant quels cours doivent réussir les élèves du secondaire pour être admissibles au collégial, on s'assure que les étudiants du secondaire sont mieux préparés à suivre les programmes des collèges. Mais, pour le CPQ, l'établissement de seuils d'admissibilité déterminés ne devrait pas être un frein à l'accessibilité, mais un outil d'accroissement du taux de réussite scolaire.

Deuxième point d'accord, évidemment, M. le Président, c'est cette question d'une meilleure formation générale. Nous accueillons très favorablement l'augmentation du temps consacré aux cours de langue et de littérature, de même que l'importance accrue accordée à la langue seconde. Une formation commune enrichie et plus cohérente dans tous les programmes d'études menant au D.E.C. permettra aux cégépiens d'acquérir une formation générale davantage adéquate, ce que réclament de plus en plus les entreprises. Et je voudrais simplement vous rappeler ce sondage qui a été fait par la firme TPF&C, il y a à peu près un an, qui dit que maintenant, dans les principaux critères d'embauché, c'est la qualité du français qui prime au Québec. C'est même un prérequis qui est plus fort que la compétence. On vous demandait régulièrement: Êtes-vous compétent? Maintenant, on demande: Savez-vous lire et écrire en français? Et ça, c'est un changement radical dans la société québécoise.

Troisième point d'accord, une meilleure harmonisation avec l'université et le secondaire. En ce qui a trait à l'harmonisation des programmes préuniversitaires de l'enseignement collégial avec ceux des universités, la formation d'un comité de liaison de l'enseignement supérieur et de l'enseignement collégial permet d'espérer une révision systématique de tous les programmes pour assurer la continuité et l'articulation efficace des deux niveaux d'enseignement. Nous sommes également favorables à la proposition selon laquelle une liste des formations acquises au secondaire sera constituée pour permettre de mieux définir les complémentarités entre les deux niveaux de formation. On évitera, de cette façon, les chevauchements actuels. De plus, la possibilité d'accéder par modules au D.E.C. technique est, selon nous, un nouvel outil pédagogique qui sera d'une très grande utilité pour améliorer l'arrimage entre la formation professionnelle au secondaire, puis technique au collégial.

Quatrièmement, une meilleure adéquation entre les besoins du marché du travail et le contenu des programmes. Selon le document, des ressources additionnelles seront affectées à la révision accélérée des programmes techniques en relation avec les exigences des industries, ce qui constitue un effort tout à fait louable. Nous aurions tout de même souhaité, M. le Président, un engagement plus précis à cet égard et des modalités plus simples que le cadre d'un comité national des programmes d'études techniques sur lequel, d'ailleurs, on reviendra tout à l'heure.

Point d'accord: meilleure promotion de la formation technique. Le document d'orientation du MESS souligne la nécessité de promouvoir la formation technique, ce que le CPQ juge très important. En effet, pour attirer les étudiants et les étudiantes en grand nombre, les campagnes de valorisation et de promotion auprès de la clientèle étudiante du secondaire et de la population en général doivent se poursuivre de façon continue. Le Québec aura, en effet, de plus en plus besoin, au cours des prochaines années, d'une jeune main-d'oeuvre compétente dans des domaines très variés. Il semble, à cet égard, que les efforts récents commencent à porter fruit et il faut, quant à nous, les intensifier. Je voudrais souligner notre accord avec les olympiades de la formation professionnelle qui, depuis quatre ans, sont devenues maintenant une façon de valoriser la formation professionnelle.

Sixièmement, une autonomie accrue pour les collèges. Jouissant d'une autonomie accrue, les établissements d'enseignement collégial auront l'entière responsabilité de la définition des activités d'apprentissage. Pour le CPQ, cette mesure est d'autant plus justifiée que ce sont les collèges qui sont les mieux placés pour évaluer, de concert avec l'industrie, les besoins locaux du marché du travail. Par ailleurs, l'enrichissement de la politique d'évaluation des apprentissages contribuera certainement à valoriser davantage le D.E.C. général et technique.

Septièmement, meilleure évaluation des collèges. Le MESS a répondu à l'un des objectifs que nous avions mentionnés lors des audiences de la commission de l'éducation en octobre dernier, à savoir la formation d'une commission d'évaluation de l'enseignement collégial. Nous étions toujours très déçus de voir que cette évaluation des cégeps se faisait, depuis deux ou trois ans, par la seule revue L'actualité. Cet organisme d'évaluation externe, composé de trois commissaires nommés par le gouvernement, aurait un pouvoir déclara-toire de caractère public et ferait des recommandations au ministère concerné, ainsi qu'aux collèges. Nous pensons que, de par son mandat, cette commission conférera un véritable sceau de qualité au D.E.C, tant auprès des universités que, bien sûr, des employeurs. (11 h 20)

Finalement, une amélioration dans les mécanismes de fonctionnement des collèges. Les mécanismes de

fonctionnement des collèges nous semblent nettement améliorés. C'est le cas de l'article 6 du projet de loi 82 — dans le fond, c'est l'article 2 qui réfère à l'article 6 — qui accorde des pouvoirs accrus aux collèges. C'est également le cas de la composition proposée des conseils d'administration qui seraient dorénavant majoritairement composés de personnes de l'extérieur et, notamment, de deux représentants des entreprises desservies par les programmes des cégeps, ce qui concrètement vient intensifier ce lien entre les cégeps et le marché du travail.

À noter, M. le Président, qu'au moment même où il rendait son document public le MESS répondait positivement à la démarche conjointe de la Fédération des cégeps et du CPQ, démarche entreprise il y a à peu près deux ans, visant à créer un centre de liaison cégeps-industries pour assurer des liens étroits et suivis entre les collèges et les entreprises, de même que pour développer la formation en alternance. Le CPQ s'en réjouit grandement et veut remercier la ministre.

Nonobstant ces nombreux accords, il reste qu'il y a certains éléments de la nouvelle stratégie qui suscitent chez nous des interrogations — non pas des oppositions, mais des interrogations — ce que semble rechercher le gouvernement à l'occasion de cette commission parlementaire.

Premièrement, le comité national des programmes d'études techniques. Au sein de ce comité, on retrouverait des représentants des employeurs et des syndicats, des intervenants du gouvernement et d'autres partenaires. Je dois dire, d'entrée de jeu, que nous n'avons aucune objection de principe à la mise sur pied d'un tel comité. Nos seules interrogations sont les suivantes: Est-ce qu'on va s'assurer que ça ne deviendra pas rapidement une autre superstructure coûteuse et inefficace? À tout ce qui s'appelle création de nouvelles agences d'État, de nouveaux conseils, de nouveaux organismes, vous savez notre réaction qui est presque viscérale; alors, on l'interroge.

Bien sûr, deuxièmement, on se demande quels seront les liens qui seront entretenus entre le comité national et la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre. On comprend que les missions sont tout à fait différentes. Dans un cas, on s'occupe des jeunes; dans l'autre cas, on s'occupe des adultes. Mais le jeune devient vite un adulte quand il entre sur le marché du travail. Ça va être quoi, les liens, connaissant surtout comment va être grosse la structure de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre?

Les stages en entreprise. Le document d'orientation suggère de généraliser les stages pour les étudiants et les étudiantes dans la plupart des programmes et, plus particulièrement, dans les programmes de formation technique, et ce, à l'initiative des collèges eux-mêmes. Nous sommes tout à fait d'accord avec cette mesure qui nécessite une collaboration et une planification constantes avec les entreprises. C'est une démarche déjà amorcée et que l'on doit poursuivre. Cependant, il nous semblerait tout aussi important de souligner l'importance des stages pour les formateurs. Une formation technique de qualité ne peut résulter que dans la compétence des formateurs et ces derniers doivent également s'adapter à l'évolution rapide des technologies dans pratiquement tous les domaines. Il faut donc accorder beaucoup d'importance au perfectionnement des enseignants. Le document du MESS est plutôt timide à ce sujet.

Par ailleurs, pour inciter plus d'entreprises à offrir des stages, particulièrement les PME, nous insistons, depuis deux ou trois ans, sur l'opportunité d'offrir aux entreprises un crédit d'impôt à la formation. Nous savons très bien qu'une demande comme celle-là s'adresse non pas à la ministre Robillard, mais au ministre des Finances, mais ça fait deux fois qu'on le demande, conjointement avec la CEQ, d'ailleurs, et avec la Fédération des cégeps. On ne sait pas ce qui se passera lors du prochain budget, mais on est vraiment en demande et on peut voir que, quand le CPQ et la CEQ s'associent pour demander ce genre de chose là, il y a sûrement unanimité dans la société québécoise. Ce crédit d'impôt, tout comme la création d'un centre de liaison cégeps-industries dont on parlait tout à l'heure, sera cependant insuffisant pour développer les stages à un niveau de développement proche de celui que l'on connaît dans la plupart des pays européens. Le gouvernement ne devrait-il pas alors accroître davantage sa contribution financière aux collèges en ce domaine précis de l'organisation des stages en milieu de travail?

L'éducation des adultes. M. le Président, le bilan des cégeps en ce qui a trait à l'éducation des adultes, en général, vu par nous, est positif. Les cégeps s'adaptent bien au défi de la formation continue qui va continuer d'attirer un nombre croissant d'adultes qui désirent s'adapter à un marché du travail en mutation constante. Il faut donc poursuivre la politique d'ouverture des établissements d'enseignement collégial envers les adultes pour leur permettre de se perfectionner, voire même de changer de carrière. En somme, il faut favoriser l'accès des adultes aux collèges. Or, le document d'orientation est muet sur ce point et nous nous inquiétons de ce silence. Il faudrait, selon nous, que la clientèle adulte puisse également avoir accès, par exemple, aux services d'orientation et aux services d'encadrement que l'on propose aux étudiants réguliers, bien sûr, sous une forme différente, mais, dans le contexte des taux de chômage actuels et des jeunes qui sont en chômage, on devrait pouvoir leur fournir, à ces jeunes adultes, un certain nombre de services. Bien plus, on nous dit régulièrement que les frais de scolarité sont élevés — je parle des frais de scolarité pour les adultes — et qu'ils sont un frein aux démarches individuelles de formation et de perfectionnement. Il s'agit donc, pour nous, d'un dossier à repenser presque complètement.

Finalement, le financement de la nouvelle stratégie. C'est bien sûr que mettre en oeuvre ce programme-là, ça va dépendre dans une large mesure des budgets qui vont être consacrés aux cégeps. Or, on sait bien que, dans les derniers crédits, il y a eu une compression de plus ou moins 20 000 000 $. Nous proposons donc

que le gouvernement prévoie un budget ponctuel, réparti sur quelques années, pour la mise en place de la réforme. Sans budget spécial, croyons-nous, l'échéancier de mise en oeuvre des nouvelles mesures risque de ne pas être respecté, malgré l'intention du gouvernement de faire adopter dès ce printemps par l'Assemblée nationale les dispositions législatives relatives au nouveau régime des études collégiales.

En conclusion, donc, nous accueillons favorablement le projet gouvernemental de renouveau de l'enseignement collégial et nous sommes plus particulièrement satisfaits de l'importance accordée par la réforme au secteur de l'enseignement technique. Le CPQ reçoit également positivement les recommandations qui visent l'augmentation du taux de diplomation, l'amélioration de la formation générale, l'accroissement du temps consacré aux langues maternelles et aux langues secondes, l'intégration plus harmonieuse des jeunes en milieu collégial, l'accroissement de l'autonomie accordée aux cégeps en matière de contenu de certains programmes et de stages, l'harmonisation des programmes avec l'université et le secondaire, de même que l'adéquation entre les besoins du marché du travail et le contenu des programmes techniques, ainsi que la promotion de la formation technique.

Le CPQ avait également recommandé, à l'instar d'autres groupes, la mise sur pied d'un organisme externe pour évaluer les politiques d'apprentissage, les programmes, ainsi que les objectifs et les normes établis par les collèges, de même que, on s'en rappellera, l'organisation pédagogique et la gestion des cégeps. Cette recommandation a également été retenue et nous nous en réjouissons. Nous souhaitons, par ailleurs, que le comité national des programmes d'études techniques ne devienne pas rapidement une autre superstructure coûteuse et inefficace, et nous souhaitons que ce comité entretiendra des liens étroits avec la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, tout comme nous souhaitons que le MESS se penche davantage sur tout le dossier de l'enseignement collégial aux adultes et sur le financement des stages en entreprise.

Finalement, rappelons que le succès de la réforme proposée repose sur le financement adéquat des cégeps. Au moment où le gouvernement cherche à contrôler l'augmentation de ses dépenses, cet élément revêt d'autant plus d'importance que les budgets alloués se sont déjà révélés très serrés. Il y a lieu de souhaiter, à tout le moins, qu'un budget ponctuel, je répète, réparti sur quelques années — la Fédération des cégeps parle de 10 000 000 $ sur une période de 4 ans; on ne peut pas l'évaluer, mais eux parlent de 2 500 000 $, à peu près, par année — soit accordé aux collèges pour la mise en place de la réforme. Autrement, il y a lieu de croire, M. le Président, Mme la ministre, que la réforme proposée ne se fera pas et que l'on en demeurera aux énoncés de belles intentions, ce qui serait, quant à nous, très malheureux, compte tenu, surtout, de l'importance pour la formation technique qui a retenu l'attention du Conseil du patronat.

Le Président (M. Gobé): Alors, merci, M. le président du Conseil du patronat. Permettez-moi, vu que je suis arrivé en cours de route, de vous saluer, ainsi que les gens qui vous accompagnent. Je vais donc maintenant passer la parole à Mme la ministre de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur. Vous avez, madame, une période de 20 minutes à votre disposition.

Mme Robillard: Merci, M. le Président. Je veux, à mon tour, saluer les membres du Conseil du patronat. Je note avec satisfaction votre appui favorable au renouveau collégial, de façon globale, bien que vous ayez certaines inquiétudes sur des points, mais peut-être que la rencontre d'aujourd'hui va nous permettre de clarifier certaines de ces inquiétudes. (11 h 30)

M. Dufour, quelle ne fut pas ma surprise de voir que le Conseil du patronat ne se positionne pas en regard de la mesure financière qu'on qualifie de responsabilisante et d'incitative à la réussite au niveau du chapitre de la réussite des études! Pourquoi ma surprise? Parce que je me souviens très bien de votre passage à la commission de l'éducation, l'automne dernier, où nous avions eu une discussion sur le sujet, où, vous-même, vous nous avez fait part d'une réflexion auprès de vos membres, d'abord sur des droits de scolarité, en tant que tels, à l'ordre d'enseignement collégial, si les membres du CPQ étaient en faveur ou pas, et vous aviez finalement conclu devant les membres de cette commission que l'heure n'était peut-être point venue à des droits de scolarité, si je me souviens bien. Mais, par ailleurs, vous nous aviez parlé aussi de limites à la gratuité, si mes souvenirs sont bons. Alors, vous voyez que, dans ce projet de renouveau, il y a une mesure financière qui est là, il y a un signal qui est donné aux étudiants. Qu'est-ce que le CPQ en pense?

M. Dufour (Ghislain): C'était délibéré de ne pas en parler parce que, dans un groupe comme le nôtre, ce n'est pas ce qui ressort de ce document-là. Ce qui ressort de ce document-là, c'est l'aspect valorisation de l'enseignement technique, et on s'est accrochés à nos préoccupations. Je peux comprendre que les étudiants aient beaucoup parlé de ce ticket lors de leur présentation antérieure; c'est normal, selon les groupes. Ce que nous avions dit en commission parlementaire, au mois d'octobre, c'est qu'on avait fait un sondage auprès de la population en général, un sondage CROP, et la population ne se déclarait pas favorable à des frais de scolarité «at large». Nous qui avions peut-être des velléités de le recommander, nous nous sommes abstenus. Mais nous avions parlé, tout comme la Chambre de commerce et d'autres groupes, des éternels étudiants. Vous vous rappelez? On avait dit, à ce moment-là, qu'il faudrait probablement voir dans quel contexte on situe ceux-là.

Ce que l'on dit, finalement, sur ce projet du gouvernement, c'est que c'est bien sûr qu'il y a des coûts pour la société dans le domaine de l'éducation et, ces coûts-là étant assumés par l'ensemble de la société,

il faut, à un moment donné, établir des normes, il faut établir des paramètres. Alors, vous établissez un paramètre après cinq ou sept échecs, et c'est évident que, nous, on ne peut pas être en désaccord avec ça. Évidemment, on peut trouver d'autres formules qui tenteraient de réaliser les mêmes objectifs. Les étudiants, tout à l'heure, ont proposé un certain nombre de formules. Est-ce que ça réalise vos objectifs? Je ne le sais pas. Je ne peux pas l'analyser. Mais c'est évident qu'il faut être en accord, à un moment donné. C'est un peu partout dans la société que, quand on dépasse certaines normes, il y a des choses qui se passent, et je pense que la société est en demande face à ça. Ce que l'on voudrait peut-être dire, donc: Accord général de principe avec ça, sous réserve que, si on peut trouver autre chose qui fatigue moins les étudiants et qui rejoint les mêmes objectifs, nous, on va être d'accord.

Il y a peut-être une chose qui n'a pas été dite souvent et dont, nous, on a pris connaissance il n'y a pas tellement longtemps: c'est quand même l'article 38 du projet de loi qui dit que cette mesure-là ne s'appliquerait qu'à compter du 1er janvier 1994. Est-ce que nous avons bien compris? Parce qu'on a entendu beaucoup de cégépiens autour nous dire: Ça n'a pas de bon sens, j'ai déjà quatre échecs. Si j'en rate un, j'ai un problème. Si on comprend bien la proposition, c'est que tout ce qui est le passé est le passé et on commence le 1er janvier 1994. Alors, ça, je pense qu'on devrait le dire un peu plus et ça rendrait peut-être moins déraisonnable la norme qui semble être contestée beaucoup par les jeunes.

Mme Robillard: Alors, à ce point de vue, vous avez raison, M. Dufour. Il y a deux choses qui sont peu dites publiquement: premièrement, qu'on commence à compter les échecs seulement à compter du 1er janvier 1994, donc que tout le monde part à zéro, et, deuxièmement, aussi, que cette mesure financière n'est pas éternelle pour toute la fin des études; elle est liée aussi à la réussite d'autres cours. Et ça, on en verra la mécanique plutôt au niveau du projet de règlement. Bon. Alors, je comprends bien votre prise de position sur cette mesure-là.

Avant d'aborder le secteur technique, parce que vous avez insisté beaucoup sur cette dimension en tant que CPQ, vous avez quand même une affirmation très claire au niveau des mécanismes d'évaluation. Nous donnons davantage de responsabilités académiques aux collèges, de façon particulière dans le secteur technique, justement, une décentralisation à 100 % des activités d'apprentissage au niveau des collèges, mais, en contrepartie, il y a un mécanisme d'évaluation d'abord qui doit se faire au sein de chacun des collèges, mais aussi par une commission externe d'évaluation, et ça fait l'objet d'un projet de loi très précis. Certains, depuis nos audiences d'hier, nous recommandent même d'élargir le mandat de cette commission d'évaluation. Est-ce qu'il y a eu une réflexion particulière, au CPQ, sur le mandat de la commission d'évaluation?

M. Dufour (Ghislain): Pas dans le cadre de ce projet de loi. On en avait beaucoup parlé, si vous vous rappelez, nous, lorsqu'on est venus vous voir à l'automne, on vous avait même donné des modèles américains d'évaluation. Alors, on n'a pas regardé ça de façon plus précise parce que, nous, on est d'accord avec le principe. Maintenant, qu'est-ce qui doit être évalué? Je sais que la Chambre de commerce, hier, a dit que même vos propres directives, vos propres réglementations devraient être évaluées. On est tout à fait d'accord, nous autres aussi, avec ça parce que, pour siéger sur d'autres boîtes, il y a tellement d'interventions, des fois, ministérielles par réglementation, directive, etc., qu'on peut envahir facilement le champ de compétence d'un organisme du genre de ce conseil d'évaluation. Alors, il faut l'étendre le plus possible et on verra, à l'usage, s'il y a des choses qui doivent être retranchées.

De façon générale, chez nous, c'est ferme, ça doit être une évaluation la plus large possible des activités globales, donc des programmes, incluant les profs. Vous vous rappellerez que, nous, on a toujours été d'accord avec les évaluations de profs, et l'évaluation aussi des politiques et réglementations gouvernementales, pourquoi pas? Parce que vous allez demander à ce conseil d'évaluation d'évaluer des choses qui peuvent être drôlement chambardées par des politiques et réglementations qui viennent du ministère. Alors, il faudrait qu'il y ait un arrimage entre tout ça. Est-ce que tu veux ajouter, Jacques?

Mme Robillard: Alors, M. Dufour, ça va. Abordons donc la formation technique en tant que telle et vos inquiétudes, parce que ça revient à un ou deux endroits dans votre mémoire, par rapport au comité national des programmes techniques. J'aimerais vous entendre davantage sur ça parce que, justement, ce que vous voulez, c'est que ce soit une structure souple, légère et efficace, qu'on ne s'embourbe pas dans une très grande structure lourde. C'est justement l'objectif qui est poursuivi par la mise en place de ce comité national des programmes techniques, comité sur lequel la ministre elle-même ou son représentant va siéger, comité où vous nous dites aussi: Assurez-vous des liens avec la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Des liens, oui, mais soyons très clairs: le mandat est très différent. Le mandat n'est pas différent par rapport à la clientèle jeune ou adulte, mais le mandat est différent par rapport au fait que le comité national des programmes techniques, c'est une table académique, si je peux me permettre l'expression, où on va se préoccuper du contenu des programmes d'études, ce qui n'a rien à voir avec le mandat de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre qui, elle, n'a pas de mandat sur des programmes d'études au plan académique. Alors, c'est un mandat complètement différent. Qu'il y ait un lien, j'en suis, mais le mandat, à mon point de vue, s'il n'est pas suffisamment clarifié, qu'on me le dise. Il n'y a pas de duplication de mandat là. Alors que la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre s'occupe

des programmes de main-d'oeuvre, ici il s'agit de programmes académiques donnés par les collèges dans le champ des études techniques. Alors, expliquez-moi un peu où sont vos inquiétudes.

M. Dufour (Ghislain): Bon, il y a deux volets à votre question. Il y a d'abord la création même de ce comité national. Nous sommes très heureux de vous entendre dire que vous voulez garder ça simple, souple, le moins coûteux possible. C'est ce qu'on exprime clairement dans notre mémoire. Vous vous rappelez, l'an passé, quand certains de vos collègues, par exemple, ont voulu mettre sur pied — je pense simplement à M. Paradis — l'Office de protection de l'environnement, on s'est dit: Pas de nouvelle boîte, pas de nouvelle structure. Alors, on est prudents face à ça, mais vous nous rassurez quand vous nous dites ce que vous venez de nous dire. (11 h 40)

Sur la question des liens avec la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, je dois avouer que, lors des réactions préliminaires au dépôt du document, nous avions drôlement interrogé le comité national, disant: Bien, là, on embarque carrément dans les plates-bandes de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre avec laquelle, vous le savez, on n'est pas particulièrement en amour. Alors, ce n'était pas pour lui donner plus de mandats. Sauf que, après analyse du document et après explications obtenues notamment du sous-ministre, on est très clairs, maintenant, à la page 7, lorsqu'on dit: «II faudra s'assurer [...] qu'il entretiendra des liens étroits avec la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, dont le mandat est de veiller au développement de la main-d'oeuvre en emploi.»

Donc, je pense que cette crainte que l'on avait vue dans nos documents, au tout début, parce que les chevauchements dans ces organisations-là... On en parle tellement des chevauchements entre l'Éducation, l'Enseignement supérieur, etc., qu'on ne voulait surtout pas répéter ça là, et c'était notre crainte. Je pense que maintenant, analyse faite, c'est deux mandats tout à fait différents, et on est d'accord. Mais il faudra des liens pareil parce que, comme je le disais tout à l'heure, le jeune qui est au comité national, un jour, il vient vite, lui, là, sous la responsabilité de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, dès qu'il tombe sur le marché de l'emploi et que mon ami Gaston, lui, va le former en entreprise, puis, pour le former en entreprise, souvent il va l'envoyer aussi au cégep. Alors...

Mme Robillard: M. Dufour, vous avez salué la mise sur pied du centre de liaison cégeps-industries.

M. Dufour (Ghislain): Oui.

Mme Robillard: Est-ce que ce centre de liaison va avoir un lien avec la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre?

M. Dufour (Ghislain): Définitivement, sauf que c'est le même problème que celui que vous venez de mentionner avec le comité national. Le centre de liaison va s'occuper des jeunes, au départ, en tout cas, parce qu'on ne veut pas élargir sa mission trop, trop, là. Ça sera surtout les jeunes au collégial, surtout pour les fins de stages — on s'entend tous que c'est pour les fins de stages — alors que la société québécoise de la main-d'oeuvre a des adultes, bien sûr, qui vont dans les cégeps, mais ça ne sera pas notre première priorité parce qu'ils n'ont pas besoin de faire de stages, ils sont déjà en situation de travail. Mais, comme vous me retournez finalement votre préoccupation comité national-Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, je vous fais la même réponse: II y aura des liens très étroits entre le centre de liaison cégeps-industries et la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Ça vous préoccupait?

Mme Robillard: Oui. M. Dufour, je note aussi, justement, votre ouverture pour des stages en entreprise. Par ailleurs, vous demandez à nouveau que les entreprises bénéficient d'un crédit d'impôt. Mais, au-delà de cette demande pour les entreprises d'avoir un crédit d'impôt, vous me dites quand même qu'il faudrait accroître la contribution financière aux collèges dans l'organisation des stages.

M. Dufour (Ghislain): Oui.

Mme Robillard: Comment se fait-il? Pourquoi? Comment? Combien?

M. Dufour (Ghislain): Pourquoi, comment, combien. Restons au niveau du principe d'abord. Ce n'est pas automatique que les entreprises sont réceptives à recevoir des stagiaires, on le sait tous. On a beaucoup de comités de travail à ce sujet-là chez nous et ce n'est pas toujours clair que, même quand on en accepte, on est prêts à cheminer avec eux dans ce qu'on doit appeler vraiment un stage et à ne pas les utiliser pour faire du travail autre. Alors, ce n'est pas facile. On a besoin, donc, d'un certain nombre de mesures, et les trois mesures les plus importantes pour nous sont donc le crédit d'impôt, ça aiderait car il y a des coûts. Demandez à Gaston, là, il y a des coûts lorsqu'il reçoit dans ses entreprises des stagiaires. Par définition, il y a de l'encadrement, c'est utile. Deuxièmement, le centre de liaison va être axé là-dessus, les stages, et je pense qu'on pourra faire des choses très, très concrètes, mais on vous dit: N'abdiquez pas toutes vos responsabilités, dans le fond. Comme vous avez donné la formation technique en totalité ou à peu près maintenant au cégep, c'est eux autres qui vont avoir la responsabilité de faire les stages et l'alternance études-travail, bien, on va avoir besoin de budgets pour faire ça parce que notre centre sera trop limité. Gaston, tu veux ajouter?

M. Lafleur (Gaston): Oui. Mme la ministre, je

pense qu'un aspect important aussi, c'est que, quand on parle de crédit d'impôt, pour nous dans l'entreprise, ça signifie aussi une certaine forme de leadership au niveau du gouvernement. Ce serait trop facile que vous disiez aux entreprises: Écoutez, arrangez-vous avec les cégeps et favorisez la création de stages. Déjà, on a beaucoup de difficultés à inclure une nouvelle culture de développement de la main-d'oeuvre qui est déjà en place. Si on veut ajouter là-dessus le principe d'un stage en entreprise pour les étudiants, je pense qu'il faut reconnaître aussi que le gouvernement doit donner un son de cloche sur la manière dont il veut «prioriser» cet aspect-là dans le cadre de la formation professionnelle. Le crédit d'impôt devient pour nous, évidemment, un signe très clair d'une volonté du gouvernement d'appuyer ces efforts-là, mais c'est évident que ça ne sera pas facile et ça va devoir se créer de jour en jour, de mois en mois et d'année en année.

Mme Robillard: M. Lafieur, pourriez-vous être plus précis sur les dépenses que ça occasionne pour l'entreprise? Vous le savez sûrement, certaines de nos entreprises ont déjà commencé à ouvrir leurs portes à des stagiaires et il n'y a pas de crédit d'impôt au moment où on se parle.

M. Lafieur: Oui, effectivement. Mme la ministre, pour répondre à votre question, il y a des entreprises qui voient un intérêt majeur, à cause d'une rareté de main-d'oeuvre ou de spécialistes, à encourager, si vous voulez, les stages de formation pour permettre une intégration éventuelle de candidats qui seraient qualifiés. Par contre, lorsqu'on parle en général de l'instauration dans le cadre des programmes pédagogiques de stages de formation, le problème est tout autre. D'autre part, Mme la ministre, je pense qu'il faut être conscients aussi que ce n'est pas... Si on regarde l'ensemble des entreprises au Québec, une très large proportion de ces entreprises-là se qualifient au niveau de la PME. À ce moment-là, si on veut vraiment avoir un programme qui soit généralisé, pas seulement régionalisé, mais généralisé, et qu'on touche à l'ensemble des secteurs de formation professionnelle disponibles, soit au niveau secondaire ou au niveau du cégep, on va devoir arriver avec une certaine assurance que le programme qui inclurait du stage puisse effectivement se mettre en application dans l'ensemble des secteurs visés.

Alors, c'est évident qu'il y a des cas de réussite, oui. Il y a des cas aussi qui sont extrêmement reliés aux intérêts des entreprises. Mais, si on pense à généraliser cet aspect-là, pour nous, ça apparaît important qu'il ne faudrait pas, comme on dit — bon, une expression utilisée dans d'autres situations — faire du pelletage, mais plutôt démontrer une proactivité au niveau de votre ministère, au niveau des politiques gouvernementales pour inciter vraiment à donner des sons de cloche positifs que c'est une forme de partenariat qui serait établie, de telle manière qu'on puisse vraiment la développer, cette fameuse culture-là qui nous manque tellement au niveau du développement de la formation professionnelle chez nos entreprises.

Le Président (M. Gobé): Merci, M...

M. Dufour (Ghislain): On pourrait peut-être demander, M. le Président...

Le Président (M. Gobé): Oui.

M. Dufour (Ghislain): ...à M. Chamberland, qui vit ça, qui reçoit des stagiaires peut-être, c'est quoi les coûts.

Le Président (M. Gobé): C'est sur le temps de Mme la ministre, M. Chamberland, avec l'invitation de Mme la ministre.

M. Chamberland (Robert): Je partage un peu l'idée de M. Lafieur. C'est que, dans certains domaines où on a besoin de former de nouveaux travailleurs, de nouveaux employés, ça peut être intéressant, mais, dans d'autres secteurs où on forme pour d'autres, je pense qu'à un moment donné, pour aider à la progression de ces programmes-là, on a besoin d'aide au niveau des crédits d'impôt. Ça, je suis d'accord là-dessus. Je pense que c'est très important aussi.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. Chamberland. À la limite, il vous restera quelques minutes encore, mais je pense que M. le député de Lac-Saint-Jean aimerait maintenant pouvoir, lui aussi, s'adresser aux représentants du Conseil du patronat. M. le député, vous avez la parole.

M. Brassard: Question très, très rapide sur le comité national des programmes d'études techniques. Hier, la Chambre de commerce a exprimé les mêmes réserves, les mêmes inquiétudes que ça devienne une structure lourde, un monstre bureaucratique. Est-ce que la ministre vous a convaincus que ce serait souple et efficace?

M. Dufour (Ghislain): La ministre a affirmé que ce serait souple et efficace.

M. Brassard: Voilà. Mais qu'est-ce qui fait que, dans le milieu des affaires — la Chambre de commerce hier, vous aujourd'hui — on soit si inquiets de voir naître quelque chose de lourd et même de monstrueux? (11 h 50)

M. Dufour (Ghislain): C'est l'expérience passée, M. le Président, M. Brassard. On regardait, l'autre jour, les crédits qui ont été accordés à la nouvelle Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre qu'on voulait toute petite, tant et aussi longtemps, au moins, qu'on n'aurait pas eu les transferts fédéraux. Là, ça valait la peine. Mais un budget de 55 000 000 $, c'est beaucoup. Puis-je vous parler de la CSST?

M. Brassard: Ha, ha, ha! De grâce, de grâce!

M. Dufour (Ghislain): Ça devient très facile, finalement, de grossir ces mécaniques, et c'est la lumière rouge qu'on allume, finalement, non pas qu'on ait une objection de principe. Actuellement, ça se fait au niveau régional, ça se fait sur une base sectorielle, mais les cégeps font presque toujours affaire avec les mêmes entreprises. Dans votre coin, ils font affaire avec les grandes entreprises de pâtes et papiers, ils font affaire avec Alcan; à Montréal, ils font affaire avec Bell. Ils font toujours affaire avec les mêmes entreprises parce qu'ils ont créé des contacts, puis ils savent ce que ces entreprises vont répondre. Mais c'est plus grand que ça, le territoire; alors, il faut faire monter au niveau national ces préoccupations. Moi, je ne sais pas comment elle va être bâtie, cette table, mais j'espère qu'on fera affaire avec des gens qui représentent des secteurs. Autrement dit, si on veut faire des curriculum pédagogiques dans le textile, bien, on fera affaire avec l'institut des textiles, les mines avec l'association des mines, de façon à apporter la meilleure expertise possible. Donc, sur le principe, ça va, mais vous savez très bien nos préoccupations face à ces organismes qui grossissent très vite. Le meilleur exemple, c'est la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, 55 000 000 $.

M. Brassard: Je reviens sur la question du crédit d'impôt, parce qu'à chaque fois qu'il s'agit d'impliquer les entreprises dans une activité donnée, recherche-développement, formation professionnelle, là c'est organisation de stages pour des étudiants, on a toujours immédiatement recours au crédit d'impôt. Malheureusement, je ne pense pas que l'expérience soit très concluante. En matière de recherche et développement, on ne peut pas dire que ça marche très bien. En matière de formation professionnelle, on a connu, récemment, des chiffres... On ne peut pas dire que ça marche très bien, non plus. Il y a des fonds très gros, très substantiels qui sont prévus dans les livres des crédits, mais on s'est rendu compte, au bout d'un certain nombre d'années, que ça se périme, ça devient des crédits périmés, pour une très, très large part. Donc, pourquoi, dans le cas des stages en entreprise, pensez-vous que la formule du crédit d'impôt, ça va marcher, cette fois, alors qu'en matière de formation professionnelle, puis de recherche-développement on ne peut pas dire que ce soit très, très concluant, puis que ça marche très bien?

M. Dufour (Ghislain): Non. Je dois vous donner parfaitement raison. En recherche et développement, on n'utilise pas les 350 000 000 $ qui ont été mis là. On a des propositions très concrètes, nous. Il faudrait, par exemple, que ça s'applique davantage aux PME que ça ne l'est actuellement. Donc, ça permettrait une ouverture. Quand vous parlez de l'argent périmé — c'est le débat qui a été fait à l'Assemblée nationale il n'y a pas longtemps — c'est le programme de formation des travailleurs en entreprise où beaucoup d'argent est resté là. Le ministre dit que c'est parce que le programme n'a pas atteint sa maturité, donc, n'est pas connu. Je dis ce que le ministre a dit.

Nous, ce que l'on suggère, dans le fond, c'est que, si c'est vrai qu'il y a 275 000 000 $ de crédits qui sont là, puis qu'on en prend 25 000 000 $, 50 000 000 $, bien, voilà qu'il y a de la marge pour un autre programme qui serait les crédits d'impôt aux stages. On pense que celui-là fonctionnerait plus parce que, là, vous allez avoir les cégeps qui sont directement impliqués, qui vont venir nous en vendre. Le centre de liaison va vouloir aussi en vendre. Si vous ne le faites pas, si vous n'avez pas cet incitatif, c'est plat à dire, mais les entreprises, elles n'embarqueront pas facilement. Il y a des coûts, des coûts d'encadrement, des coûts réels à recevoir un stagiaire. Alors, il faut ce genre d'incitation. Mais, comprenons-nous bien, il s'agit de crédit d'impôt et non pas de subvention. Ce n'est pas une subvention parce que tu reçois un stagiaire.

M. Brassard: Je vous comprends bien. Vous dites que ça ne marche pas très bien du côté de la formation de la main-d'oeuvre. Il y a beaucoup de crédits périmés. Le ministre...

M. Dufour (Ghislain): C'est ce que vous avez fait comme débat. Je ne suis pas allé vérifier, moi.

M. Brassard: Non, mais le ministre lui-même l'a reconnu. Alors, il doit le savoir. Ce que vous proposez, finalement, c'est: Pourquoi ne pas prendre une partie de ces crédits-là et initier un nouveau programme qui ne serait pas spécifiquement du développement de la main-d'oeuvre, de la formation de la main-d'oeuvre, et qui serait affecté aux stages en entreprise, en concertation avec les cégeps?

M. Dufour (Ghislain): Au départ, vous avez raison, tant et aussi longtemps que le rythme de croisière du programme de formation des travailleurs en entreprise... Je veux dire tant et aussi longtemps qu'on n'atteindra pas les 250 000 000 $, au lieu de périmer les 250 000 000 $, bien, on pourrait faire un autre programme pour les stages. Le jour où on dépensera les 250 000 000 $ en formation...

M. Brassard: On ajoutera des crédits, à ce moment-là.

M. Dufour (Ghislain): ...bien, on ajoutera des crédits.

M. Brassard: Maintenant, ça suppose aussi, comme vous le dites, que le gouvernement devra accroître sa contribution financière aux collèges pour mettre en branle l'organisation des stages en milieu de travail. Parce que, ce que vous dites à propos des entreprises, c'est vrai. Elles ne sont pas portées spontanément à prévoir et à accueillir des stagiaires. Il y a beaucoup de

résistance au niveau des entreprises. Vous êtes le premier à le reconnaître. Ça veut dire, à ce moment-là, que les établissements doivent dégager quelques ressources humaines, des espèces de missionnaires qui vont concevoir des stratégies en fonction des programmes techniques qu'ils offrent et carrément aller voir les entreprises, les inciter, les convaincre de faire des places aux stagiaires. Donc, le crédit d'impôt doit être accompagné de ressources permettant aux collèges de mettre en branle une véritable stratégie de stages en entreprise.

M. Dufour (Ghislain): Oui, parce que, quand on parle du crédit d'impôt, c'est le volet entreprise.

M. Brassard: C'est ça.

M. Dufour (Ghislain): Mais, après ça, il y a tout le volet cégep, comme vous le dites, où il va falloir les planifier, ces stages-là, les bâtir, en collaboration avec le ministère.

M. Brassard: Et assurer le suivi de tout ça. M. Dufour (Ghislain): C'est ça. Jacques, oui.

M. Garon (Jacques): Oui, juste, M. le Président, ajouter un mot là-dessus. C'est qu'on ne part tout de même pas de zéro sur ce plan-là. Il y a beaucoup de collèges qui ont déjà initié des programmes non pas de stages, mais de véritable alternance travail, programmes dans lesquels les étudiants sont payés par l'entreprise. Et ça, ça commence à se développer de plus en plus. C'est vrai que c'est sous l'égide d'un programme fédéral, mais rien ne nous permet de croire...

M. Brassard: C'est un autre modèle, ça. Ça, c'est un autre modèle, l'alternance.

M. Garon (Jacques): Oui, mais... C'est ça, l'alternance. Et c'est de ça un peu qu'on parle parce que ce sont les entreprises, pour l'essentiel, qui ne veulent pas des stages de deux semaines, qui ne servent ni l'étudiant — les professeurs ne sont pas du tout d'accord avec ça — ni même les entreprises. Donc, on parle de véritable alternance travail. C'est ça qui, au cheminement d'un certain nombre de collèges, semble indiquer beaucoup de succès. Alors, je pense, enfin, nous pensons qu'il faudrait plutôt bâtir là-dessus. Le crédit d'impôt à la formation peut être un incitatif supplémentaire pour ouvrir non pas uniquement les grandes entreprises et les moyennes, mais peut-être, demain et après-demain, les petites entreprises à un changement de culture générale pour accueillir pas seulement les stagiaires étudiants, mais aussi les formateurs.

M. Brassard: Et les formateurs, j'allais le dire aussi. Ce que vous signalez à juste titre, c'est que les professeurs en formation technique doivent aussi faire des stages, vont devoir faire des stages. Il va falloir également organiser ce perfectionnement, si l'on veut, des professeurs.

M. Dufour (Ghislain): M. Lafleur.

M. Lafleur: Oui. M. le Président, M. Brassard, j'aimerais juste vous rappeler que, quand on parle de généraliser les stages en entreprise, ce qu'on demande, en contrepartie, c'est d'intégrer les entreprises dans le processus d'éducation et de formation. Les cégeps bénéficient actuellement, déjà, de subventions du gouvernement. On demande aux entreprises d'y participer sans leur donner une forme d'incitatif qui ne pourrait probablement pas compenser les coûts directs en ressources humaines, en adaptation d'espaces pour la formation, etc. Je pense que c'est quasiment une nécessité. Si on demande autrement aux entreprises d'agir comme des missionnaires ou d'avoir la vocation de l'enseignement et de l'éducation, je pense que c'est rêver en couleur. (12 heures)

Par contre, comme le disait tantôt M. Dufour, cet incitatif-là n'est bien qu'un incitatif. En fait, il y a beaucoup plus de travail que ça à faire au niveau des entreprises, au niveau d'une culture. Mais si on n'a aucun élément qui nous permette, au niveau gouvernemental, de nous orienter, je pense que ça va être difficile d'établir ce genre de partenariat qu'on essaie de créer.

M. Brassard: Merci. En matière d'éducation des adultes, vous signalez, avec raison d'ailleurs, rejoignant ainsi plusieurs autres intervenants dont l'Institut canadien d'éducation des adultes qui était parmi nous hier soir, que le document ministériel est passablement muet sur cet aspect des choses considéré pourtant par plusieurs comme un des enjeux majeurs en matière d'éducation pour les années qui viennent. Vous dites qu'il faudra, notamment, que les adultes aient accès à des services d'orientation et d'encadrement, ce qui n'est pas vraiment le cas actuellement. Mais on mettait en lumière, hier soir, une réalité que vous connaissez sans doute, c'est qu'à cause des formes de financement accessibles en matière d'éducation des adultes et, particulièrement, de formation de la main-d'oeuvre il arrive que ce qui domine en cette matière dans le réseau des cégeps, c'est des cours de formation de la main-d'oeuvre et de formation dite sur mesure, donc, très adaptée à telle entreprise et financée généralement dans le cadre de l'entente Québec-Canada sur le développement de la main-d'oeuvre ou encore par le ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle, et très peu de formation qualifiante donnant accès à un diplôme, très peu, parce qu'il y a des problèmes de financement. Est-ce que vous estimez qu'en matière d'éducation des adultes il faut, comme le disait hier l'Institut canadien, un meilleur équilibre dans l'offre des formations et il faut que les adultes aient non seulement accès à de la formation sur mesure, mais aient également accès à une formation qualifiante pouvant conduire

à un diplôme d'enseignement collégial?

M. Dufour (Ghislain): Oui, oui. Tout à fait d'accord. D'autant que le jeune qui termine le cégep, qui s'en va sur le marché du travail, qui perd son emploi un an ou deux plus tard, il devient un adulte. Et c'est ce jeune adulte-là qui est sur le marché du travail actuellement qui a peut-être eu un diplôme de cégep, mais qui ne sait pas tellement bien lire, bien écrire. Alors, lui, même s'il a un diplôme, il a déjà une formation de base, mais il faut la compléter. D'autres veulent continuer, justement, à aller chercher... Parce qu'on sait très bien que les exigences du marché du travail deviennent de plus en plus importantes. Ça prend un diplôme du collégial. On parle de 50 % de la main-d'oeuvre, je pense, qui, en l'an 2000, devra avoir un baccalauréat. Alors, c'est évident que, oui, on est ouverts à ça. Comment faire l'équilibre entre les deux? Je ne le sais pas, là, mais ça ferait l'objet de cette réflexion dont on parle quand on dit que le ministère ne s'est pas penché beaucoup là-dessus.

M. Brassard: Mais c'est certainement, en tout cas, par le biais du financement. Parce que, actuellement, les effets pervers qu'on constate, c'est à cause des formes et des modes de financement. Alors, c'est de ce côté-là qu'il faut certainement regarder, si on veut parvenir à un meilleur équilibre dans l'offre de formation pour les adultes.

M. Dufour (Ghislain): Mais, par ailleurs, je ne veux pas paraître négatif quant à la formation sur mesure, parce que vous savez qu'à Montréal les cégeps...

M. Brassard: Ah! Non, non! Je ne suis pas du tout contre ça, remarquez bien, là. Comprenons-nous bien. Je suis, au contraire, très favorable à ce genre de formation, puis je ne voudrais pas que ça disparaisse, bien au contraire, bien au contraire.

M. Dufour (Ghislain): Montréal, d'ailleurs, est un bel exemple de regroupement des cégeps pour le dossier de la formation sur mesure. Ils ont mis ensemble des ressources et tu peux savoir qui le donne, quelles sont les conditions où on le donne, et c'est excellent comme structure.

M. Brassard: Absolument. Merci.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député de Lac-Saint-Jean. M. le député de Jacques-Cartier.

M. Cameron: Merci, M. le Président. M. Dufour, I would like to return to your first point of agreement with the general orientation, that is to increase the number of diplomas, along the lines also supported by the Superior Council of Education, to 60 % by the year 2000. Before I ask what I want to ask, I should explain something. The following paragraph says that it is diffi- cult to decide exactly why students fail or leave. I would say, as someone who has taught in the college system for 20 years, that that is the wrong approach to the whole problem, that the more interesting method would be to try to study why the bottom third of the students who stay in stay in. That is, what people can forget about the entire cegep system, not just as a Québec phenomenon, but in terms of modern education, is that it is trying to keep people in school as a proportion of the population that is higher than ever before in history, higher than any other kind of society that has ever existed and where people of that age group, in past societies, have entered into apprenticeship systems or, not as the case may be, have worked as labours or whatever, but, in any case, have not been in formal educational institutions.

When you carry out surveys, for instance, and you ask dropout students why they have dropped out, very few students are going to tell you the reason. They may say for a job or something of that sort, but the point is that very few of them are going to say: Because school was a disaster for me, right from the first year or two. I always hated it, I hated teachers. I cannot read, I cannot write. I detest cegep and I want to leave as fast as I can, and the only reason I am still here is to try to keep my family happy. So, they will list five other reasons, but that is the central reason for a very large proportion of students going.

If you want 60 %, you can mean two very different things. You can mean either you would like to see the standards in the system steadily rise, which, in fact, can produce a higher and higher proportion of success, because with higher standards throughout, higher entrance standards, higher standards to stay in, you will have more students who, in fact, will probably be successful students. But, on the other hand, you mean that the students who have had difficulty traditionally or unfortunate circumstances and so on will almost certainly be excluded. Or, else, you can say that what you are really trying to do is get 60 % of Québec society of that age level through the college system, which is a very different intention. In that case, you can say: The more courses in introductory orientation, the more courses in remedial French or remedial English, the more courses in remedial study approaches, or what have you, no matter how necessary this is, this will be done because that is the intent, but you cannot do both.

In terms of a given amount of ressources, for example, to teach French or English, you can do so mainly with the idea that you have entirely competent students who are mainly learning advanced courses in literature and so forth, or you can assume they do not know even their maternal language and that what you have to give them is just that, but you have only so many teachers. You cannot have them simultaneously doing Molière or Yves Beauchemin and, you know, like elementary language instruction. What do you see as the priority of the cegep system in terms of this?

M. Dufour (Ghislain): I will ask Jacques Garon to answer this very specific question.

M. Garon (Jacques): M. le Président, ce n'est pas une réponse facile parce que, dans notre esprit, c'est très précis. Ce n'est pas 60 % de la population québécoise que l'on veut atteindre ici; c'est 60 % de la population étudiante collégiale que nous visons, tout comme le Conseil supérieur de l'éducation, pour accéder à un diplôme collégial en l'an 2000. pour ce faire, ce n'est pas une mesure qui va probablement le faire, mais un ensemble de mesures qui sont à l'origine de la réforme proposée par le gouvernement. vous dites que ce serait plus facile de considérer pourquoi un tiers des étudiants réussissent très bien plutôt que de considérer pourquoi peut-être 30 % ou 35 % d'étudiants subissent un échec. mais je pense qu'il a été démontré par de nombreuses études que les particularités de ces étudiants ne se résument pas à un seul paramètre. il y a énormément de circonstances, et, dépendant de quels étudiants on interroge, ils vont vous répondre différemment sur la question. (12 h 10)

Je pense qu'il est plus facile d'avoir des mesures de nivellement par le haut. Et, vous l'avez signalé, plus on augmente la qualité de l'enseignement, le niveau de l'enseignement, pas seulement au collégial, mais probablement au secondaire, plus on a des chances d'intéresser peut-être une plus grande partie des étudiants. Et ce n'est pas uniquement un problème qui s'adresse aux étudiants; c'est presque un problème societal, à la limite. Mais on aura plus de chance, à notre avis, d'augmenter le taux de réussite de la diplomation des étudiants au collégial si un certain nombre de mesures qui sont proposées ici le sont. par exemple, le document du gouvernement signale qu'il y a un certain nombre de cours obligatoires qui doivent être véritablement sanctionnés au niveau des études secondaires par les étudiants du secondaire. or, il semble que ce n'est pas le cas partout. ça, c'est un minimum qu'on devrait exiger, et je pense que là le document ministériel a raison. par ailleurs, on se propose aussi d'accroître les mesures d'encadrement en première année de collégial. alors, je pense qu'on ne peut pas, peut-être, souhaiter des miracles, mais, en tout cas, c'est toujours positif comme démarche pour pouvoir accéder, si possible, à ce 60 % de diplomation, en l'an 2000, des étudiants collégiaux.

Le Président (M. Gobé): Alors, merci beaucoup...

M. Cameron: Could I answer that very briefly, quickly? Just one point, fast, and that is, I know there is a long list of reasons, but I still maintain that the main one is this overall academic difficulty. If a student quits school because his parents are breaking up, he is much more likely to do it if he is barely surviving anyway. And, if he is an honour student, he stays in even if his parents break up. The explanation is still that the student left because of a breakup in the family.

M. Dufour (Ghislain): That is a comment and not a question.

M. Cameron: That is all.

Le Président (M. Gobé): Merci beaucoup. Cette intervention met donc fin à votre présention, M. le président du Conseil du patronat. Je tiens à vous remercier au nom de tous les membres de cette commission. Vous pouvez donc maintenant vous retirer et j'inviterai les représentants du groupe suivant, soit ceux de la Fédération autonome du collégial, à bien vouloir se présenter en avant. Je vais suspendre deux minutes pour ce faire.

(Suspension de la séance à 12 h 12)

(Reprise à 12 h 14)

Le Président (M. Gobé): Mesdames et messieurs, si vous voulez bien reprendre vos places, la commission de l'éducation va maintenant reprendre ses travaux. J'inviterais les gens qui ont des conciliabules à tenir à bien vouloir les tenir à l'extérieur de la salle. S'il vous plaît! S'il vous plaît! Alors, merci.

Il nous fait plaisir d'accueillir les représentants de la Fédération autonome du collégial. Je vous informe que vous avez 20 minutes pour faire votre présentation. Par la suite, une discussion s'engagera entre Mme la ministre, M. le député de Lac-Saint-Jean, pour l'Opposition, et d'autres membres de la commission, s'ils le désirent, pour une période de 40 minutes. Alors, vous pouvez maintenant présenter les gens qui vous accompagnent et commencer, sans plus attendre, votre présentation.

Fédération autonome du collégial (FAC)

M. Duffy (Michel): M. le Président, à ma droite, Mme Selma Tischer, enseignante en techniques d'éducation en services de garde, cégep Vanier; M. Jean Murdock, enseignant en sciences politiques au cégep de Jonquière et vice-président de la Fédération; je m'appelle Michel Duffy, je suis enseignant en langues et littérature au cégep de Valleyfield et je suis président de la Fédération; à ma gauche, M. Jean-Guy Desmarais, enseignant en mathématiques au cégep André-Laurendeau et secrétaire-trésorier de la Fédération; enfin, M. Jacques Beaulieu, enseignant en philosophie au collège de Jonquière.

Le Président (M. Bradet): Bienvenue, madame, messieurs. Allez-y, M. le président.

M. Duffy: Merci. M. le Président, Mme la ministre, Mme la députée, MM. les députés, membres de

cette commission, la Fédération autonome du collégial est une organisation syndicale regroupant 3500 enseignantes et enseignants de cégep. Elle est présente dans la plupart des grandes régions du Québec et est à l'image de sa dualité linguistique.

Encore un mot, M. le Président, en conclusion de ce préambule, pour remercier les membres de la commission de l'éducation d'avoir bien voulu nous entendre sur les projets de loi 82, 83, et sur le projet de règlement sur le régime des études collégiales.

À la commission de l'éducation, tenue en novembre dernier, sur l'avenir des cégeps, la FAC a fait connaître les positions des enseignantes et des enseignants, fondées sur les principes de démocratisation et d'accessibilité aux études collégiales. Il était ressorti de cet exercice de consultation de nos membres, outre des recommandations précises, nombre de témoignages sur ce qu'il fallait à tout prix préserver de l'enseignement collégial public d'ici, à savoir que, si le réseau québécois avait connu une expansion si considérable, c'est qu'il s'était construit autour de l'idéal de l'égalité des chances.

Mais voilà que le temps a passé et que les consensus de ces audiences se sont transformés en projets de loi. Nous entendons participer à ces consultations particulières dans un esprit d'ouverture. Les récents événements ont suscité de nouveaux débats et, si notre conception de l'enseignement collégial s'en est trouvée quelque peu changée, nous estimons que les projets de loi 82 et 83 doivent être modifiés, voire améliorés, si l'on veut que le renouveau de cet enseignement entraîne l'adhésion du milieu enseignant.

Aussi, dans notre mémoire, nous abordons, dans l'ordre, les perspectives suivantes. D'abord, un préalable à la réussite de la réforme: la participation des enseignantes et des enseignants; puis, l'accessibilité et la réussite scolaire; ensuite, la formation offerte; enfin, la question de l'évaluation et les recommandations de modifications au projet de loi 83.

La participation des enseignants ou l'autonomie professionnelle. La principale caractéristique de cette autonomie est une très forte interaction reliant les enseignants à l'usager de leur travail, l'élève, la très forte motivation que procure ce rapport à l'élève, lequel est au fondement de la pratique enseignante et des projets professionnels qu'elle nourrit. Elle naît d'une conscience et d'une connaissance aiguës de la condition étudiante. Cet intérêt et cette motivation pour le travail s'alimentent de la grande latitude laissée aux professeurs dans la conception et la réalisation de leur travail. De même, l'effervescence de l'organisation, qui naît et s'entretient de rapports multiples, d'interrelations coordonnées, d'objectifs partagés, d'efforts canalisés dans des choix qui apparaissent à tous, doit se perpétuer dans des structures qui favorisent l'engagement.

La FAC considère que les enseignants doivent être au centre des structures et de l'activité pédagogique, et ce, en concertation avec les autres groupes concernés. Et, tout en trouvant souhaitable l'implantation de l'ap- proche programme, nous estimons qu'elle doit prendre appui sur les orientations développées par les départements. Cela nous amène à demander qu'on prévoie un mécanisme de délégation de pouvoir pour le ou la responsable de programme dont le statut demeure celui de professeur.

Dans le même ordre de préoccupations, revendiquons-nous une représentation majoritaire des enseignants à la nouvelle commission des études, ainsi qu'une représentation significative des élèves. Au conseil d'administration, dont la responsabilité est de proposer des projets qui correspondent à la conciliation des points de vue, nous comprenons mal cette méfiance à l'égard du corps professoral et des autres personnels dans la portion congrue de représentativité qui leur est faite, comme nous déplorons le caractère excessif de la mesure sur les conflits d'intérêts qui évince de la séance tout membre du personnel dès qu'il est question de discuter de ses conditions objectives de travail. (12 h 20)

À l'extérieur de l'institution, nous demandons à la ministre de maintenir et de financer adéquatement les comités pédagogiques, de confirmer aussi dans la loi l'existence du comité national des programmes d'études techniques et d'y assurer la représentation des syndicats, notamment ceux de l'enseignement.

L'accessibilité et la réussite scolaire. D'abord, la gratuité. Ce dernier sujet, largement traité aux premières audiences de la commission de l'éducation, a permis que se dégage le consentement de presque tous, à savoir que l'enseignement collégial doit rester la responsabilité financière première de l'État avec ce corollaire important de l'inopportunité d'instaurer des droits de scolarité dans un contexte où l'on cherche à attirer des secteurs importants de la population aux études supérieures et à encourager la persévérance des élèves qui s'y trouvent déjà.

En outre, on ne peut pas encore parler au Québec d'une véritable égalité des chances pour tous les segments de la population. En effet, le conseil supérieur a déjà fait ressortir avec justesse que la poursuite des études et la persévérance jusqu'à la réussite demeurent significativement moins prononcées dans les milieux défavorisés. Aussi, la FAC se montre favorable aux précisions inscrites dans la loi 82, à l'article 24, empêchant les collèges d'exiger des droits de scolarité aux élèves à temps plein.

Quant à la mesure visant à imposer des droits de scolarité aux élèves ayant cumulé trop d'échecs, elle risque d'avoir des effets négatifs pour ceux et celles qui éprouvent des difficultés de cheminement et qui souvent sont les mêmes qui disposent de peu de ressources financières ou ont besoin de concilier études, travail et responsabilités familiales. Le coût social et économique de tels frais modérateurs ne serait sans doute pas compensé s'il conduisait ces élèves à l'abandon des études, à devenir d'éternels perdants, décrochage aux conséquences, bien sûr, surchargeantes pour les finances publi-

ques, avec le cortège de maux sociaux qui l'accompagnent: chômage, augmentation de l'assistance sociale, pessimisme moral des jeunes, absence de perspectives, exclusion, etc.

Quant à l'admissibilité, la FAC constate avec satisfaction que la ministre a tenu compte des critiques soulevées cet automne relativement aux exigences du D.E.S. pour entrer au cégep. Nous nous inquiétons, toutefois, du silence sur les moyens qu'on entend prendre pour faciliter aux élèves du secondaire l'atteinte des nouveaux seuils. Quel message envoie-t-on alors à tous ces élèves dont le diplôme n'est ni professionnel, ni suffisant pour le collège? Il y en aurait plus du quart dans cette situation. Avant d'instituer de nouveaux préalables à l'admission aux études collégiales, nous demandons qu'on mette en place des mesures de soutien à l'apprentissage nécessaires à l'atteinte de ces nouvelles exigences.

Ensuite, tout en nous disant d'accord avec la première session d'accueil et d'intégration, nous proposons que les modalités en soient définies par la commission des études. Nous aimerions entendre des engagements clairs de la ministre au sujet des ressources qu'elle est prête à consentir à sa réalisation.

De même, nous demandons de continuer d'offrir, selon les besoins identifiés, des cours de mise à niveau, des cours d'appoint, des cours de méthodologie du travail scolaire pour les élèves qui en ont besoin et d'assurer aux services qui soutiennent les départements dans leur travail les ressources suffisantes: services professionnels, services aux étudiants, services de soutien à l'apprentissage, services de bibliothèque, alors qu'on les sait particulièrement touchés depuis 10 ans par de nombreuses restrictions budgétaires.

Sur la formation offerte: la formation générale. Il est dit, dans le projet de loi, que la ministre a la responsabilité de déterminer les objectifs et les standards de tous les cours des blocs 1, 2 et 3, ainsi que les activités d'apprentissage du bloc 1. La FAC recommande que les comités pédagogiques soient responsables de déterminer, avec le MESS, les activités d'apprentissage de la formation générale. Une fois ces modes d'organisation de l'apprentissage déterminés, que les départements puissent aménager ces activités en fonction de leurs besoins propres.

Sur la formation générale commune — on prierait les membres de la commission de se référer au tableau de la page 33 pour suivre, peut-être, plus facilement — nous croyons certes au fait de préserver, de renforcer et d'élargir ce type de formation à l'heure de la mondialisation des marchés où les compétences de formation fondamentales doivent être transférables et où il nous faut éviter les spécialisations hâtives. Il nous semble paradoxal que, pour accroître la polyvalence, on introduise un bloc de formation générale particulière. Nous recommandons de l'abandonner.

Quant à la langue d'enseignement, nous partageons entièrement la position de la ministre qui considère qu'un renforcement de la formation générale passe par une augmentation du temps alloué à la langue d'enseignement. Cependant, il ne suffit pas d'ajouter un cours ou d'augmenter le nombre d'heures à l'apprentissage; il faut s'assurer de mettre en place les conditions nécessaires, soit l'introduction, dans la pondération, de travaux pratiques. Cela réduit le ratio élèves-maître de 150 à 90 et rend possible un encadrement du travail hebdomadaire. Nous proposons qu'il y ait trois cours communs à tous les programmes dont la pondération serait de 3-2-3.

Au sujet de la langue seconde, la FAC reconnaît que, dans le contexte mondial et surtout québécois des années 2000, il est concevable d'introduire la langue seconde dans la formation générale. Nous nous interrogeons sur le bien-fondé d'une trop grande spécialisation en rattachant le deuxième cours à un programme. Ne devrait-on pas viser l'acquisition d'habiletés intellectuelles et langagières qui serviront l'élève tout au long de sa vie?

À propos de la philosophie, des «humanities», la FAC considère que l'on devrait maintenir la place de la philosophie dans la formation générale en respectant la séquence de développement des habiletés intellectuelles en philosophie telle qu'elle a été élaborée en quatre cours par le comité pédagogique de cette discipline. S'il s'avère impossible de maintenir les huit unités, nous proposons que les six unités prévues soient réparties en trois cours de pondération 2-2-2. En faisant ce choix, nous maintenons les 12 heures actuellement consacrées à cet enseignement, ce qui permet de respecter les objectifs d'apprentissage définis par le comité pédagogique, nous préservons la contribution essentielle que la philosophie et les «humanities» apportent à la formation des élèves. Puis nous pensons que la présence structurelle de travaux pratiques consacre le fait que les enseignants de philosophie sont les mieux placés pour collaborer avec ceux qui enseignent la langue au renforcement de la formation fondamentale. Outre que cette pondération abaisse le ratio maître-élèves de 150 à 120, elle permet d'améliorer la qualité de l'encadrement.

L'éducation physique. L'importance de l'activité physique dans le développement intégral de la personne et pour la santé physique et mentale des élèves milite en faveur du maintien du caractère obligatoire de quatre cours d'éducation physique. Les études, l'absence de contraintes et les pressions exercées par le travail rémunéré font que bon nombre d'élèves délaisseront l'éducation physique devenue facultative.

La décision de réduire la place de l'éducation physique va à l'encontre de la tendance actuelle qui veut que les entreprises préoccupées par le concept de la qualité totale considèrent l'activité physique comme un investissement rentable. Des employés en forme sont plus productifs, moins absents et utilisent beaucoup moins les services de santé. Pourquoi en serait-il autrement des élèves des cégeps? Huit heures d'éducation physique, c'est un investissement collectif dans la santé, une mesure de prévention visant à réduire les coûts que nous devons assumer dans les services de santé.

Au sujet de la formation préuniversitaire, d'accord avec les mesures de revalorisation et de resserrement annoncées par la ministre, la FAC forme le voeu que les programmes préuniversitaires tendent à avoir le même nombre d'unités que les sciences de la nature, et que l'épreuve synthèse où l'activité d'intégration prenne la forme d'un cours crédité dont le financement débute cet automne.

Sur la formation technique, nous avons vu, dans les intentions ministérielles, une volonté de relever les défis qui confrontent ce secteur de l'ordre collégial. Nous nous disons d'accord avec le choix des activités d'apprentissage laissé aux collèges, sauf sur un minimum à déterminer qui permet aux élèves de changer, en cours d'études, de programme ou de collège et qui reconnaît aux professeurs compétence et autonomie dans l'élaboration des programmes menant au D.E.C. ou à l'A.E.C.

De même, sommes-nous d'accord avec cette formule modulaire du D.E.C. et l'excellente analyse qu'en fait le Conseil des collèges, mais nous recommandons qu'elle soit réservée à des personnes qui ont quitté momentanément les études ou qui présentent un cheminement scolaire particulier. Et, aussi, nous sommes d'accord avec les programmes d'alternance travail-études, dans la mesure où l'entreprise se dit intéressée à recevoir les stagiaires et dans la mesure où le gouvernement du Québec prendra le relais du financement dégressif de ces programmes.

De l'évaluation, maintenant. Dans les orientations d'avenir présentées par la ministre le 6 avril dernier, on définit ainsi le mandat des trois commissaires responsables de la future commission: «porter un jugement formel de qualité sur la manière dont les collèges remplissent leurs responsabilités académiques». Et plus loin nous lisons: «Une telle évaluation des politiques institutionnelles et, surtout, des programmes d'études tels qu'ils sont offerts couvre, en fait, un vaste ensembïede réalités institutionnelles, y compris l'enseignement et sa gestion, l'organisation pédagogique, la maîtrise des apprentissages par les étudiants, voire la performance des diplômés sur le marché du travail ou leurs résultats à l'université. L'évaluation des programmes effectivement offerts est toujours aussi, à sa manière, une évaluation de l'établissement et de ses pratiques.» (12 h 30)

Cette orientation, bien qu'elle eût pu répondre en partie aux insuffisances d'évaluation relevées par le Conseil des collèges dans «Priorités pour un renouveau de la formation», néglige l'évaluation de l'administration centrale du réseau collégial, c'est-à-dire lois, règlements, politiques, programmes et pratiques de gestion. Mais, pis encore, elle n'est même pas traduite dans le projet de loi 83 qui crée une commission d'évaluation — et non de l'évaluation — dont la seule finalité consiste à rendre des comptes, aux articles 13 à 21, dans l'oubli d'autres finalités majeures avec lesquelles elle devra avoir des liens de complémentarité, de régulation et de synergie, à savoir améliorer et gérer. En son article 22, la Commission ne soumet qu'un bilan de ses activités pour l'année scolaire précédente. Il n'est nullement question d'un rapport sur l'état et les besoins de l'ordre collégial.

De là à penser que cette évaluation engendrera du formalisme et des effets pervers, il n'y a qu'un pas, pensons-nous, en relisant l'avis du Conseil des collèges, et je cite: «...un regard externe qui paralyserait plutôt que de stimuler, qui détournerait toutes les énergies vers la reddition de comptes au détriment de l'amélioration de la qualité et d'une gestion saine et efficace». D'où notre déception. Cette reddition de comptes, propre à la délégation et à l'imputabilité, sera toujours incomplète qui néglige le caractère formatif d'une évaluation éclairante. Nous souhaitons que les recommandations que la Commission peut faire «à l'établissement d'enseignements propres à rehausser la qualité de ses politiques d'évaluation» puissent d'abord porter sur des mesures de formation des maîtres susceptibles d'améliorer la qualité de l'enseignement et l'atteinte des objectifs pédagogiques précis.

En conclusion, M. le Président, ces remarques constituent les priorités mises de l'avant par la FAC dans le cadre des audiences particulières de la commission de l'éducation. Au terme de celles-ci, le gouvernement du Québec, en adoptant les lois 82 et 83, privilégiera des points de vue et des mesures qui détermineront l'avenir de l'enseignement collégial québécois. Ces politiques, bien qu'elles seront votées sur une toile de fond économique difficile, ne doivent pas revêtir que des aspects d'épargne des fonds publics; elles doivent être des gages d'avenir.

Est-il nécessaire de souligner encore le caractère stratégique de l'éducation pour un pays, stratégique au point de vue de la constitution de la main-d'oeuvre productive et créatrice, de l'effet d'entraînement que l'éducation suscite dans toute la société, du développement intellectuel des citoyennes et citoyens conscients et capables de participer aux grands débats? Il semble bien que oui, surtout à une époque où la récession économique amène la société à concevoir le débat pédagogique en termes d'efficacité, de rentabilité et de performance ou à le remodeler à partir des seules exigences de l'emploi; à une époque où on écoute plus volontiers le discours quantitatif qui fait «s'incliner les gouvernements», nous dit Julien Gracq, que ceux qui défendent la relation éminemment privilégiée entre maîtres et élèves, et le fait qu'il faudrait la privilégier encore bien davantage; à une époque où on invite l'Etat à se décharger de ses responsabilités sur les échelons locaux.

Le mémoire de la FAC a été rédigé dans un esprit prospectif. Nous prions les membres de cette commission de le recevoir comme la contribution de celles et ceux qui oeuvrent au coeur de l'enseignement collégial et qui croient que le développement social, économique et culturel du Québec passe d'abord par son système d'éducation, d'où notre insistance pour qu'on en augmente plus que jamais les moyens et la puissance de rayonnement.

Le Président (M. Bradet): Merci, M. le président. Mme la ministre.

Mme Robillard: Merci, M. le Président. Je veux saluer les membres de la Fédération autonome du collégial et leur dire combien j'apprécie leur esprit d'ouverture pour participer à cette consultation particulière. Et je me dois, M. Duffy, de vous dire, en toute honnêteté, que j'ai fortement apprécié la qualité de votre mémoire. On s'aperçoit qu'il y a eu des analyses réfléchies auprès de vos membres et que vous arrivez avec des suggestions en mesurant, justement, les impacts sur l'ensemble du renouveau collégial qui est là sur la table. Malheureusement, on a seulement 20 minutes pour échanger. J'ai l'impression que j'aurais besoin d'un peu plus de temps avec vous pour aller plus loin dans des recommandations même très pointues que vous nous faites, mais essayons d'aborder quelques éléments ensemble.

D'abord, vous nous parlez, dans votre premier chapitre, de la participation des enseignantes et des enseignants à ce renouveau collégial, et j'en suis. Vous abordez, à ce moment-là, différents éléments. Le premier, c'est les lieux de représentation pour les enseignants et les enseignantes. Et, M. Duffy, dans une de vos recommandations, vous dites que vous êtes favorables à l'implantation de l'approche programme et que vous souhaitez un lieu de concertation interdisciplinaire. Est-ce que vous êtes allés plus loin dans cette réflexion-là?

Le Président (M. Bradet): M. Duffy.

M. Duffy: Bien, on pense que, si la commission des études, effectivement, prend effet, elle pourrait être ce lieu d'échanges interdisciplinaires, mais, ce faisant, on pense aussi qu'elle nécessite absolument la participation de ceux-là et celles-là mêmes qui donnent l'enseignement, si vous voulez, aux jeunes. Et, dans ce qu'on a pu lire à propos de la composition de cette commission, la part qui est réservée aux professeurs, sans qu'elle soit définie ou délimitée en termes numériques, ne nous apparaît pas, d'emblée, primordiale ou, comment dire, devant, éventuellement, peser plus lourd sur la décision pédagogique qui s'ensuivra. Bon.

Ce lieu d'échanges interdisciplinaires, d'ailleurs, c'est un petit peu en lien avec ce qu'on dit plus loin du curriculum. On ne voyait pas nécessairement la nécessité du deuxième bloc. On pense que les départements bien représentés par leurs porte-parole peuvent faire ce travail de concertation interdisciplinaire dans ce lieu qui s'appellerait la commission des études, mais on pense qu'on doit être à la fois prépondérants et qu'on doit, pour garder ce qui fait notre autonomie professionnelle, garder cette espèce d'atout qui fait qu'on a la décision, je dirais, ultime sur ce qui est le meilleur pour nos élèves.

Et c'est très central, je pense, dans tous nos appels, si je peux dire, à cette adhésion ou à cette participation de faire en sorte qu'on y soit correctement repré- sentés et, je dirais aussi, solidement écoutés. Je pense que, si on va chercher... Parce qu'on cherche, aussi, à remettre au plan local des responsabilités accrues. Je pense que, si on veut que ça marche, la première condition, c'est d'aller chercher l'adhésion des gens qui sont là. Et on pense que, nous, notre adhésion, compte tenu de la pratique qu'on a vécue depuis 25 ans maintenant, nécessite justement cette espèce d'investissement très riche et très proche dans la relation maître-élèves. Et c'est là qu'on trouve notre intérêt et notre motivation. C'est ce premier cercle-là qui détermine tout le reste. Si ce qui se fait là n'est pas, d'une certaine manière, de concert avec d'autres, déterminé par les enseignantes et les enseignants, on a l'impression qu'on est exclus, au fond, de l'essentiel. Et c'est le sens qu'on peut donner aux mots «concertation interdisciplinaire» et à la participation majoritaire qu'on y revendique.

Mme Robillard: Parfait. Donc, vous pensez à la commission des études, mais avec, comme vous avez dit, une présence majoritaire des enseignants et des enseignantes au niveau de la commission. C'est ce que je voulais spécifier.

Quant à la recommandation, toujours dans les lieux de représentation — et vous devez faire référence à la commission des études aussi — du responsable de programme, où, là, vous spécifiez de façon très claire que l'enseignant ou l'enseignante soit membre de l'unité d'accréditation, M. Duffy, est-ce que vous avez examiné aussi la modalité de fonctionnement, que vous connaissez sûrement, dans les universités par rapport à la nomination d'un doyen et ce qui se passe dans son statut le temps qu'il est doyen et, quand il a terminé son terme, qu'il retourne professeur? Vous, vous ne faites pas ce choix-là. Pourquoi?

M. Duffy: Bien, on pense que, tout en étant professeur, on est d'abord responsable, et qu'être responsable de son enseignement ou d'un programme qui circonscrit son enseignement, ça ne pose pas de difficultés. On ne voudrait pas qu'il se crée d'autres réalités décisionnelles ou bureaucratiques; je ne sais pas trop comment les qualifier, mais, en tout cas, un lieu de décision intermédiaire entre, à nouveau, les professeurs et les décisions qui se font au sujet de l'enseignement. On se demande dans quelle mesure ça serait productif.

Actuellement, nous avons déjà de nos représentants, que nous élisons en assemblée départementale, qu'on nomme les coordonnateurs, les coordonnatrices de département, qui font très bien cet ouvrage de représentation auprès d'autres instances, des collèges. Ça varie, évidemment, d'un lieu à l'autre, mais ces gens-là demeurent des professeurs et, que je sache, on n'a pas eu vraiment à se plaindre ni de la qualité de leur représentativité jusqu'à présent, ni, non plus, du travail qu'ils faisaient. Alors, on se dit: Pourquoi ça ne serait pas, encore là... Et ce serait, je pense, une façon de reconnaître leur travail. Il y aurait là une forme de reconnaissance qui serait, je pense, hautement appréciée, si on

disait, effectivement: Vous êtes vraiment les responsables. Si c'était confirmé dans le texte qui va définir ce qu'on appelle la commission des études, je pense qu'on sentirait là qu'il y a de la considération pour le travail accompli et celui qu'il restera à accomplir. (12 h 40)

Mme Robillard: Alors, je n'examine pas avec vous la commission des études, je pense que nous en avons suffisamment parlé. Au niveau du conseil d'administration, je prends bonne note de vos demandes. Pour-riez-vous me clarifier la dernière de ces demandes-là, surtout quand vous me parlez d'un centre d'études collégiales? J'ai de la difficulté à saisir la dernière de vos recommandations, quand vous spécifiez, de façon particulière, au C.A. d'un cégep qui a un centre d'études collégiales.

M. Duffy: Au fond, c'est que nous avons quelques collèges qui ont des centres d'études, comme on les appelle, et ces gens-là aimeraient non pas qu'on ajoute des sièges nécessairement, mais aimeraient être représentés. Évidemment, nous, on demande trois sièges afin qu'on nous redonne le poids que nous avions avant, et ils aimeraient être représentés à un de ces trois postes-là. C'est parce que, actuellement, dans les assemblées où ça se dessine, ces décisions-là, les gens doivent faire en sorte de ne pas voter pour un de leurs membres pour laisser une place à quelqu'un d'autre à l'extérieur. Alors, s'il y avait là quelque chose qui leur était précisé, je pense qu'ils apprécieraient, eux aussi.

Mme Robillard: Parfait, ça va, M. Duffy. Maintenant, abordons l'admissibilité au cégep et la question des seuils d'admission pour que je saisisse bien votre recommandation qui est en haut de la page 10.

M. Duffy: Oui.

Mme Robillard: Vous dites: On est d'accord avec la hausse des conditions d'admission, mais vous voulez qu'il y ait un travail, au ministère de l'Enseignement supérieur et au ministère de l'Éducation, c'est ce que je comprends, pour que, avant de mettre en application ces mesures, il y ait des mesures de soutien à l'apprentissage au niveau du secondaire. Est-ce à dire, de façon très précise, que vous êtes en accord avec les seuils d'admission qui sont précisés, ce qui veut dire la réussite des cours obligatoires de IV et de V, mais, vous dites, à une condition: qu'il y ait des mesures de soutien au niveau de l'Éducation? Est-ce que c'est dans ce sens-là que je dois comprendre? Pouvez-vous m'expliciter?

M. Duffy: Vous avez partiellement bien compris notre point de vue, mais, évidemment, la question est complexe et elle arrive à un moment donné d'un parcours ou d'un cursus qui est celui du secondaire, dont on sait, par ailleurs, que bien des gens aimeraient discuter plus en profondeur, parce qu'on a peut-être détecté, là aussi, des difficultés.

Tout le monde est d'accord pour avoir des élèves qui arrivent à son ordre d'enseignement mieux préparés. Quand les gens de l'université viennent ici, ils nous jettent facilement la pierre en disant: On commence à s'impatienter de ceci, de cela, de la qualité de la langue. Je ne dis pas que nous émettons les mêmes réserves à propos de nos collègues du secondaire. Au contraire, nous comprenons tout à fait bien leur situation. On aimerait, au fond, que ça ne s'applique pas de façon absolue et qu'il y ait peut-être un rehaussement graduel des seuils, qui ne freinerait pas l'accès. Je pense que, actuellement, il se fait peut-être des études où on essaie de déterminer quel est le bagage suffisant ou nécessaire pour qu'un élève puisse réussir des études collégiales ou puisse, à tout le moins, y entrer. Je ne sache pas que ces études-là soient tout à fait terminées. Je pense que ça demanderait aussi un débat public assez large sur cette question-là.

On sait que les techniques humaines, par exemple, dans les collèges ne demandent pas aux jeunes d'avoir réussi les mathématiques V, par exemple. Ils font très bien dans ces techniques de loisir ou techniques humaines à d'autres niveaux sans avoir nécessairement cette compétence en mathématiques V. Alors, de refuser ces gens-là parce que... Je pense que ce sont des choses qui sont très discutables.

Alors, il y a un double problème, là. Il y a un problème, d'abord, de réussite au secondaire, qu'on connaît, qui est assez public aussi comme débat, mais il y a aussi le problème de hausser la qualité des exigences, tout en essayant de maintenir les seuils de réussite et de les augmenter. On aimerait bien que tout ça ait lieu, mais on n'aimerait surtout pas que ça empêche des gens d'entrer au collège à cause d'une règle un peu arbitraire, un peu brutalement appliquée et imposée. Et cette période de transition pourrait prendre facilement cinq ans pour donner la chance à toute une cohorte de s'ajuster à de nouveaux seuils qu'on veut leur faire franchir éventuellement..

Mme Robillard: Parfait. Alors, vous permettez, M. le Président?

Le Président (M. Bradet): Oui.

Mme Robillard: La formation générale. Alors, là, vous nous arrivez avec une nouvelle proposition de formation générale et, de fait, vous nous avez référés à votre tableau de la page 33, et avec raison, bien que vous l'explicitiez dans votre document. Par ailleurs, je pense bien que, au niveau de la proposition de la FAC, à la page 33, dans les cours complémentaires, je devrais lire non pas «langage mathématique», mais «mathématiques et informatique»?

M. Duffy: C'est cela.

Mme Robillard: C'est bien ça, n'est-ce pas? Alors, écoutez, la nouvelle proposition que vous mettez

sur la table, tant au niveau du nombre d'heures de cours qu'au niveau de la pondération, suppose, si j'ai bien saisi, qu'il n'y a pas, dans la formation générale, de cours adaptés à des programmes. C'est d'abord un choix que vous faites quand vous redéfinissez l'ensemble. Vous l'affirmez à plusieurs égards, d'ailleurs. Au point de départ, au niveau de la langue d'enseignement, au niveau de la langue seconde, vous n'êtes pas en accord avec le fait d'avoir, dans la formation générale, une partie adaptée à un programme ou, peut-être plus justement, à une famille de programmes. Et ça, c'est fondamental. Je veux comprendre pourquoi vous vous êtes positionnés comme ça.

M. Duffy: Bien, c'est peut-être d'abord l'étiquette qui nous a accrochés. Vous savez, parfois on est fragiles sur les appellations, les mots. Cette formation générale particulière nous semblait un petit peu antinomique dans les termes. Comment être à la fois général et particulier? Mais, cela dit, on pense que la formation générale doit rester absolument source de polyvalence et source aussi d'apprentissages fondamentaux. Ça rejoint nos préoccupations sur la formation fondamentale qui consiste à donner aux élèves les habiletés supérieures et génériques: l'analyse, le raisonnement, l'expression correcte de leur pensée, etc. On se dit que* de toute façon, comme nous sommes favorables à l'approche programme, il a lieu, à partir de ces lieux de concertation, que les professeurs, effectivement, ajustent leur enseignement. Je pense que c'est la qualité d'un bon enseignant que d'ajuster son enseignement aux gens qu'il a devant lui. Mais de l'instaurer d'emblée ou d'entrée de jeu...

J'essaie de voir, par exemple, littérature et langue en électrotechnique, s'il y a des ouvrages qui nous viennent spontanément à l'esprit qui conviendraient davantage. Même si on élargit ça à la famille, ce n'est pas si évident. Mais je pense que, tout naturellement, les gens qui donnent ces disciplines-là, sachant à qui ils s'adressent, vont, bien sûr, essayer d'intéresser d'abord, de faire aimer ce qu'ils font et, par conséquent, d'impliquer les élèves dans leur approche et dans leur définition. Alors, pourquoi la bloquer, là, précisément, comme un bloc à part?

Il y avait aussi la possibilité que, si elle est trop spécialisée, cette formation générale, quand quelqu'un change de programme ou de collège, il doive peut-être la refaire aussi. Elle ne conviendrait peut-être plus tout à fait, à ce moment-là. Et vous comprenez aussi, avec la façon dont on articule les trois cours, et autant de philo que de français, que ça supposerait qu'il y aurait peut-être une session où il y aurait une discipline de moins qui s'enseignerait. S'il y en a trois sur quatre, par exemple, ça pourrait se terminer par la philosophie et commencer par le français, les 3-2-3, donner une bonne base et faire en sorte que tous les élèves, à ce moment-là, bénéficient presque d'une session d'accueil et d'intégration, ayant une discipline de moins sur laquelle se concentrer et y attachant davantage d'importance parce que d'une pondération accrue. Je pense que ça pourrait être un stimulant assez puissant, et c'est une façon d'y arriver que d'enlever un peu, peut-être, ces unités qui étaient dans le bloc 2.

Le Président (M. Bradet): Alors, merci, M. le président. M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: Je voudrais revenir sur quelques sujets, d'abord sur la place et la participation des enseignants au sein des diverses instances qui existent déjà, mais qui seraient largement modifiées par le projet de loi s'il était adopté, entre autres, la commission des études et le conseil d'administration. Vous vous objectez à ce que les enseignants qui siégeraient sur ces instances soient nommés par le conseil d'administration. (12 h 50)

Je vous signale — je pense que c'est important de le signaler et de le faire remarquer à la ministre — qu'il y a une sorte d'incohérence et de contradiction dans les articles 7 et les articles 4 du projet de loi 82 en ce qui a trait à la composition de la commission des études et du conseil d'administration. Pour les étudiants, on stipule très clairement que les étudiants qui vont siéger sur ces 2 instances seront désignés en vertu de l'article 32 de la Loi sur l'accréditation et le financement des associations d'élèves et d'étudiants, c'est-à-dire: «L'association ou le regroupement d'associations d'élèves ou d'étudiants accrédité peut, seul, nommer les élèves ou étudiants qui, en vertu d'une loi, d'un règlement [...] sont appelés à siéger», etc. C'est l'association étudiante accréditée qui, en assemblée générale, nomme ses membres qui vont participer à la commission des études et au conseil d'administration. Mais les organisations syndicales, là, c'est danger, ça. Ça, là, ce n'est pas bon. C'est inquiétant, ça. Il y a une méfiance, là, évidente à l'égard des organisations syndicales, puisqu'on ne leur accorde pas le même droit qu'aux associations étudiantes.

Un peu paradoxal, vous l'admettrez, et je comprends — j'aimerais vous entendre là-dessus — pourquoi vous décelez une méfiance pour le moins évidente, là, à l'égard des organisations syndicales, dans les établissements collégiaux, qui, actuellement, désignent, en assemblée générale, ceux ou celles qui vont participer à la commission pédagogique ou au conseil d'administration du cégep.

M. Duffy: Bien, c'est pour ça qu'on fait la recommandation, effectivement, d'y être de plein droit et de plein gré aussi. On n'a pas très bien compris, à partir du texte de loi, comment la nomination, éventuellement, pourrait se faire. On parle d'une assemblée large qui réunit peut-être même en même temps tous les personnels, là. Ce n'est pas, habituellement, comme ça que les choses se passent. Chacun est assez scrupuleux de sa juridiction et de ses prérogatives.

Alors, si, évidemment, on retrouve des sièges qu'on a déjà, à savoir trois actuellement, si jamais on ramenait le nombre à ce qu'il était auparavant, on aime-

rait bien, effectivement, pouvoir nommer nous-mêmes, dans nos assemblées générales, ceux qui vont nous représenter. Parce que le conseil d'administration, bien sûr, c'est un lieu de gestion, mais c'est aussi un lieu de conciliation des points de vue. On n'est quand même pas dans une fabrique, là. On est dans une maison d'éducation, d'enseignement. Alors, on pense que ça fait partie de la délégation représentative tout à fait normale que de revendiquer cette forme de nomination pour nos collègues. Encore là, jusqu'à présent, même si parfois ceux ou celles qui nous représentent font des critiques pointues, avisées, de certaines pratiques ou de certaines gestions, je pense que c'est toujours dans la perspective, finalement, d'améliorer les choses. Ils sont souvent bien renseignés sur ce qui se vit dans les collèges. Qu'on les restreigne à la portion congrue, bien, c'est un peu ce qu'on appelait cette méfiance.

M. Brassard: D'autre part, pour ce qui est de la commission des études, vous revendiquez une majorité, comme c'est le cas présentement au sein des commissions pédagogiques. On parle aussi, dans le projet de loi actuel, des responsables de programmes d'études. Bon, c'est une fonction qui, pour le moment, en tout cas, en vertu de nos lois, n'existe pas. C'est tout à fait nouveau. Évidemment, c'est dans la perspective de la mise en place de ce qu'on appelle l'approche programme, où l'on peut présumer ou déduire qu'il y a aura un lieu de concertation par programme et un responsable de programme d'études, ce qui n'élimine pas les départements et les responsables de départements. Ce que vous nous suggérez ou ce que vous souhaitez, c'est que ce responsable de programme d'études soit désigné de la même façon que les chefs de départements actuellement. Est-ce que je vous comprends bien?

M. Duffy: En fait, il n'est pas exclu que ça soit aussi le responsable de département qui soit le responsable de programme. Il y a des collèges où, dans un département, il y a déjà presque un programme. Je pense...

M. Brassard: Souvent en formation technique, par exemple.

M. Duffy: Oui. Et, en sciences humaines, bien, c'est tout le programme des sciences humaines qui regroupe aussi plusieurs disciplines. Il y a là une responsable de département, une coordonnatrice qui fait cette fonction.

M. Brassard: Est-ce que vous êtes d'accord pour que les membres nommés ou les membres constituant la commission des études soient choisis parmi les responsables des programmes d'études et parmi les enseignants? Pour ce qui est des enseignants, là, je connais votre position. Ça doit être l'assemblée générale syndicale qui les désigne. Mais, là, il y a aussi la présence de responsables de programmes d'études. Actuellement, dans la commission pédagogique, ce sont des enseignants seulement. Ce n'est pas automatique, mais il peut arriver qu'il y ait des chefs de département parmi ces enseignants-là. C'est par inadvertance, si vous me permettez l'expression. Là, ce n'est pas ce qu'on suggère. C'est qu'il faudra qu'il y ait des responsables de programmes d'études et des enseignants.

M. Duffy: M. Desmarais va apporter un complément, si vous permettez, M. le Président.

Le Président (M. Bradet): M. Desmarais.

M. Desmarais (Jean-Guy): Alors, dans la mesure où les responsables de programmes sont des enseignants, comme on le souhaite, quand on parle de la majorité, évidemment, on compte ces gens-là. L'ensemble des personnes, enseignants à titre d'enseignants et enseignants à titre de responsables de programmes, constituerait, selon nous, la majorité. Évidemment, on...

M. Brassard: Désignés par l'assemblée générale du syndicat.

M. Desmarais: Tout à fait.

M. Brassard: O.K. Pour ce qui est du D.E.S., tout à l'heure vous avez eu un échange; je suis parfaitement d'accord et, sur ça, vous rejoignez plusieurs intervenants qui disent que, si on rehausse les exigences du D.E.S., il faut que ce soit obligatoirement accompagné de mesures de soutien pour éviter l'hécatombe ou la plus large exclusion. Mais est-ce que vous êtes aussi d'accord pour que ces exigences-là apparaissent au D.E.S., au diplôme d'études secondaires, et qu'on n'ait pas un diplôme d'études secondaires accompagné de seuils d'admission en plus pour accéder au collège, que ça apparaisse, que ce soit inclus, intégré au diplôme d'études secondaires?

M. Duffy: Dans le cas où ça n'apparaîtrait pas, j'imagine, si je pousse votre raisonnement, que ces gens-là ne pourraient pas accéder au collège. C'est ça? Ça ferait un D.E.S. à deux voies?

M. Brassard: Bien oui.

M. Duffy: Évidemment, on est contre le principe de cela. Ça nous semble tout logique que, après avoir été promu, après un ordre d'enseignement, on puisse, ma foi, accéder au suivant. Il y a déjà des passerelles, je pense, plus facilitantes au secteur professionnel, et le D.E.C. modulaire peut aussi faciliter ce courant-là. Ce serait très étonnant que ceux qui ne sont pas au professionnel et qui n'auraient pas, non plus, accumulé ces obligations de réussite dans certains cours ne se retrouvent nulle part. Je pense que c'est ça la pierre d'achoppement dans tout ça. Qu'on hausse, par la base, des exigences et qu'on donne à ces gens-là les moyens de

les... C'est un peu comme si on disait à un athlète olympique que, tout à coup, il faut qu'il saute 10 cm de plus pour être admis aux Jeux, alors qu'il s'est entraîné toujours en fonction de cela. Je pense qu'il faut lui donner les moyens de, éventuellement, faire le saut.

Alors, c'est ça qui nous inquiète, qu'il y ait un vide, que vous appelez hécatombe, enfin, qu'il y ait un manque à gagner pour un grand nombre d'entre eux.

M. Brassard: En matière d'évaluation, vous faites des propositions substantielles pour modifier les choses. J'aimerais ça qu'on puisse en parler quelque peu. D'abord, sur la nomination des commissaires, vous souhaitez que ce soit précédé d'une consultation des principaux acteurs et que le nombre, aussi, soit plus élevé que trois. (13 heures)

M. Duffy: Que ce soit précédé d'une consultation large, je pense que ça ne ferait que rehausser ou augmenter la crédibilité des personnes qui pourraient être retenues ensuite si elles font déjà consensus dans tous ces milieux-là. Je pense que leur prestige serait d'autant plus grand et qu'on aurait davantage la conviction que, cette commission-là, elle est là aussi au service de tous ces intervenants. C'est une question de crédibilité, finalement. Même chose, peut-être, pour le nombre. On ne voudrait pas, non plus, que ça devienne ce que d'aucuns ont qualifié déjà d'appareil qui prend des proportions... Ce n'est pas cela, non plus, sauf que, trois, ça nous apparaît peu pour cet ensemble de fonctions que, nous, on souhaiterait voir accomplir par une vraie commission d'évaluation qui prendrait en compte aussi les besoins éventuellement et l'amélioration du réseau.

M. Brassard: C'est ça que vous proposez également. C'est que vous élargissez sa mission, en particulier, évidemment, en stipulant que seraient désormais objet d'évaluation les orientations et la gestion du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science. Ça a été demandé également par plusieurs intervenants. C'est un peu anormal que les grands encadrements, les politiques, les règlements, les directives soient soustraits à l'évaluation. Donc, que ce soit également objet d'évaluation, mais — ça, c'est un peu nouveau, je pense que vous êtes le premier organisme à recommander cela — que les besoins soient également évalués: financement, perfectionnement, conditions d'exercice de la profession enseignante, service à la société. Pourquoi?

M. Duffy: La question d'évaluation dans notre Fédération chemine, je dirais, depuis deux ans. On a fait, je pense, des progrès considérables. Au départ, c'est un mot qui en effraie plusieurs, quand il n'a qu'une acception, c'est-à-dire celle de la sanction. On a développé autour de ce concept-là toutes sortes d'autres nuances, en particulier, qui gravitent autour de la conception de la formation, c'est-à-dire de l'évaluation formative, celle qui permet qu'on s'améliore après une évaluation raisonnable et rationnelle des besoins. On essaie de ne pas isoler, par exemple, un objectif d'apprentissage du reste de son contexte. Ça doit prendre en compte les réalités d'encadrement, les clientèles. Ça doit prendre en compte aussi les politiques du collège. Il ne faut pas que les gens se sentent tout à coup piégés, comme étant cités à procès, parce qu'ils enseignent dans une institution d'État.

Il y avait des choses, je pense, dans cette loi... On n'a pas insisté, mais, enfin, cette possibilité d'entrer, par exemple, moyennant un préavis raisonnable. Il y a des gens qui pensent même qu'ils vont venir voir dans nos cours comment on enseigne Sartre ou, enfin, je ne sais pas, moi. On se dit: Oui, bon, d'accord, ils sont invités, c'est public, mais est-ce que c'est ça qu'on désire?

Alors, on souhaiterait que toute la question du financement, du perfectionnement aussi, qui est une problématique sérieuse, je pense, dans l'enseignement collégial et pas que pour les gens du secteur professionnel, soit prise en compte par cette Commission-là. Si on veut atteindre les objectifs supérieurs, si on veut faire en sorte que les jeunes aient davantage de diplômes et réussissent dans des délais encore plus courts, je pense que ça suppose que les méthodes s'améliorent, et que les gens puissent se maintenir en perfectionnement un peu continu dans l'exercice de leur métier.

Alors, c'est un petit peu tout ça, les besoins dont on parle. Évaluer quelqu'un et ne pas lui donner les moyens, au fond, de se refaire ou de se remettre, c'est très délicat comme situation. On trouve que c'est même un peu antidémocratique. Le sens profond de l'évaluation, c'est de donner à tout le monde la chance, au fond, de se reprendre; sinon, ce n'est plus de l'évaluation, c'est un peu de la sanction ou de l'exclusion.

M. Brassard: De corriger ses lacunes.

M. Duffy: Alors, c'est vrai pour les politiques d'apprentissage, pour les programmes. On se dit: Pourquoi ce ne serait pas vrai pour tout le réseau, les composantes?

M. Brassard: D'autre part, cependant, vous êtes en désaccord avec le pouvoir qu'on pourrait accorder à cette Commission de permettre à un établissement de décerner les diplômes. Vous êtes en désaccord avec cela. Est-ce que vous pourriez vous en expliquer?

M. Duffy: Bien, c'est que nous avons la position tout à fait opposée de M. Lauzière, après avoir consulté nos membres.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Duffy: Nous trouvons que, tout à coup, si des collèges se mettent à décerner leurs diplômes parce qu'ils auront montré patte blanche à cette Commission-là, bon, ça va créer quoi, à moyen terme, à court terme, sinon accentuer ce qu'on déplore déjà, ce jeu des

concurrences, des citations aux bilans positifs, pour ne pas aller plus loin?

M. Brassard: Deux classes de cégeps, les cégeps qui décernent les diplômes, puis les autres.

M. Duffy: II pourrait y avoir les affranchis et ceux qui ne le sont pas encore, ceux qui ne seront pas assez forts en évaluation. Enfin, on trouve que ce n'est peut-être pas la façon, non plus, de faire adhérer tout le monde à ces mécaniques et à ces processus-là. On pense que les collèges sont là pour répondre de façon démocratique aux besoins de la population, et il y a déjà des collèges de premier, deuxième, troisième tour. Il y a des collèges qui sélectionnent très vivement leur clientèle, et ça, ça nous agace aussi, un peu profondément. Alors, on trouve que le diplôme serait comme un ajout à ce qui se fait déjà, un petit peu, dans ce sens-là.

M. Brassard: J'examinais votre proposition en matière de formation générale. Vous supprimez le bloc 2 qui doit être constitué de cours adaptés au programme. Je trouve que vous avez une bonne réponse — permettez-moi de le dire — à ce sujet-là quand vous dites: Pas besoin d'inscrire dans le programme pédagogique que l'enseignant doit adapter son enseignement au groupe qu'il a devant lui. Je pense que c'est inhérent à un bon pédagogue. Un bon pédagogue se doit de le faire. S'il ne le fait pas, il ne le fera probablement pas plus, même si on l'écrit dans le régime pédagogique. C'est parce qu'il n'est pas bon. Ce que je trouve intéressant, remarquez, dans votre proposition, c'est les changements de pondération, de sorte que le nombre d'heures est augmenté, mais en permettant aux étudiants de faire davantage de travaux. Cependant, je comprends bien que votre préférence en matière de philosophie, par exemple, c'est le maintien des quatre cours actuels.

M. Duffy: Oui, en accord avec ce que la coordination disciplinaire de philosophie défend, et je pense que vous pourrez l'entendre sous peu sur ces questions-là. En admettant qu'on refuse de ramener ce quatrième cours, qui fait l'objet de bien des débats, on se disait qu'on pourrait toujours, à tout le moins, récupérer les 12 heures de cours, ce qu'ils donnent actuellement. Ça fait 3 cours, mais 12 heures. Vous voyez? Ça fait un encadrement supérieur, aussi, pour ces élèves-là. Au fond, ce n'est pas juste un jeu mathématique; je pense qu'il y a des préoccupations pédagogiques derrière cette formule-là. Je pense que tout le monde est conscient que, si on enseigne à moins d'élèves, on peut mieux les encadrer, particulièrement dans des disciplines qui ne sont pas faciles à donner.

C'est quelque chose qui commence à cheminer beaucoup dans les cours de formation générale, la pondération. On a envié longuement nos collègues des mathématiques qui avaient pu, eux, bénéficier de cette pondération 3-2 et qui se sont gardé un nombre d'élèves relativement décent, si je puis dire, alors que d'autres montaient dans les 180, 200. Alors, évidemment, ce jeu-là permet de récupérer bien des choses et surtout de préserver les 12 heures qui pourraient s'articuler, sans doute, compte tenu du cursus qu'en philosophie on défend, un peu autrement, mais quand même globalement et totalement.

Quant aux heures qui suivent habituellement les pondérations, le travail fait à la maison, c'est bien relatif, il faut en convenir. Ça ne mesure pas, non plus, nécessairement le travail qui se fait à l'extérieur du cours. Ça dépend beaucoup des circonstances, des semaines, des moments de la session. Alors, le nombre d'unités, tel qu'on le formule, nous apparaît pertinent, enfin, intéressant pédagogiquement, à bien des égards. (13 h 10)

Dans les faits, je pense que, dans les cours généraux, il s'est créé depuis quelques années une pratique, c'est-à-dire une manière d'atelier à même les cours. On conçoit mal, à moins d'être superperformant, d'intéresser un jeune, je ne sais pas, de 18, 19 ans, pendant 3 heures avec un cours magistral, et 15 fois pendant une session.

M. Brassard: II faut être très, très bon.

M. Duffy: Ça demande une certaine présence, si vous me permettez l'expression. Alors, les gens se sont fait des pratiques qui font qu'il y a des ateliers qui sont créés dans les cours. Au fond, ça ne ferait que confirmer la pratique, je pense, qui se vit par la plupart des enseignants du général.

Le Président (M. Bradet): Alors, M. le président...

M. Brassard: Oui, juste une petite question...

Le Président (M. Bradet): Oui, rapidement, parce que...

M. Brassard: ... sur la langue seconde. Vous êtes d'accord avec la proposition gouvernementale. Hier, la CSN ou la FNEEQ, je ne dirais pas votre adversaire, l'autre centrale syndicale...

M. Duffy: Ce sont nos collègues.

M. Brassard: Vos collègues, bon. Eux autres se montraient réticents et suggéraient même juste un cours. Qu'est-ce qui fait que vous êtes, vous, d'accord? Est-ce que vous ne pensez pas qu'il faudrait, avant, regarder ce qui se fait au secondaire où même, semble-t-il, le nombre d'heures prévu au régime pédagogique n'est pas atteint? Est-ce qu'il n'y a pas un travail préalable à faire de ce côté-là avant d'accepter qu'il y ait ces deux cours obligatoires de langue seconde au collégial?

M. Duffy: Bien, ce qui se fait... Auparavant, c'est sûr que c'est à revoir, à reconsidérer. Il y a même

l'école élémentaire où, parfois, le cours d'anglais ne se donne pas, faute d'enseignant ou d'enseignante. Alors, il y a bien des choses à regarder. D'un autre côté, ne donner qu'un cours, est-ce que c'est pertinent? On peut en discuter aussi d'un point de vue pédagogique ou d'apprentissage. Quant aux deux, ma foi, tant qu'à en donner, donnons-en un peu et donnons-le bien, si possible. Ça, je n'en doute pas.

Mais on pense que cette proposition de formation générale, telle qu'on la formule, comporte une bonne part d'enseignement de la langue, que ce soit de la langue maternelle ou de la langue seconde aussi. Ça constitue plus de la moitié de ce qu'on appelle la formation générale fondamentale. On pense que la plupart des apprentissages passent par là aussi, apprentissages et pratiques éventuellement. Alors, si c'est à prendre globalement, bon, on serait d'accord. C'est sûr que, s'il faut introduire autrement un cours de philo, à ce moment-là, il pourrait y avoir peut-être une discussion. C'est parce que, ça, c'est des choses qui se mettent à la place d'autres affaires, hein? Il faut bien se le dire.

M. Brassard: Oui. Moi, c'était surtout sur le caractère obligatoire que je vous interrogeais.

M. Duffy: Oui.

Le Président (M. Bradet): Alors, M. le président, notre temps est écoulé. Là-dessus, j'aimerais vous remercier de l'éclairage que vous avez apporté à nos travaux. La commission suspend donc ses travaux jusqu'au prochain avis de la Chambre. Bon dîner à tous.

(Suspension de la séance à 13 h 14)

(Reprise à 16 h 12)

Le Président (M. Gobé): Alors, mesdames et messieurs, la commission de l'éducation va maintenant entreprendre ses travaux pour cette séance — S'il vous plaît! Merci — pour la séance de l'après-midi. Nous allons commencer par entendre, maintenant, les représentants de la Fédération des commissions scolaires du Québec. Par la suite, nous entendrons les représentants de la Confédération des éducateurs et éducatrices physiques du Québec.

Document déposé

Avant d'entamer notre travail, j'aimerais mentionner et informer les membres — M. le député de... — de la commission que j'ai reçu une demande de l'Association des étudiantes et étudiants des 2e et 3e cycles de l'Université McGill, à l'effet de déposer un petit mémoire qu'ils nous adressent. Je vous en fais lecture: «Pourriez-vous, s'il vous plaît, distribuer aux membres de la commission permanente sur l'éducation une copie de la lettre que notre association a fait parvenir à Mme

Robillard, ministre de l'Enseignement supérieur, concernant la réforme des cégeps. Nous souhaiterions déposer formellement ce document afin de contribuer à l'étude du projet de loi en question. Veuillez recevoir, monsieur, l'expression de mes sentiments les plus sincères.»

Mme Robillard: Avec plaisir, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): Alors, y aurait-il consentement? Donc, je vais déposer ce document et il va être numéroté... Madame, quel numéro?

La Secrétaire: 4D.

Le Président (M. Gobé): 4D, et que distribution en soit faite à tous les membres de la commission.

M. Brassard: M. le Président...

Le Président (M. Gobé): M. le député...

M. Brassard: ...là-dessus, là, je ne veux pas prendre beaucoup de temps, mais c'est la troisième demande, là. Il va falloir, à un moment donné, que la commission en dispose.

Mme Robillard: Une demande de dépôt de document?

Le Président (M. Gobé): De dépôt de document.

M. Brassard: Non, non, mais c'est une demande... Ah, je pensais que...

Le Président (M. Gobé): De dépôt de document.

M. Brassard: ...c'était la demande de McGill, de...

Le Président (M. Gobé): Non, non, je peux vous en... C'est l'Association des étudiants...

M. Brassard: Ah, dépôt de document! O.K., très bien.

Le Président (M. Gobé): ...des 2e et 3e cycles qui désire envoyer...

M. Brassard: Mais, pour les deux autres, là, qui avaient demandé, eux, à comparaître, là, il va falloir qu'on en dispose.

Le Président (M. Gobé): Que nous fassions une séance de travail de cette commission pour en discuter, une séance à huis clos, comme ça se passe naturellement, là, pour en discuter.

M. Brassard: Très bien.

Le Président (M. Gobé): Alors, s'il y avait une demande formelle...

M. Brassard: Au comité directeur?

Le Président (M. Gobé): Au comité directeur.

M. Brassard: C'est les deux leaders, aussi, je pense, qui sont...

Le Président (M. Gobé): Et des leaders... M. Brassard: ...bien concernés. Le Président (M. Gobé): ...c'est ça. M. Brassard: O.K. En tout cas, on...

Le Président (M. Gobé): C'est ça. Donc, le comité directeur, la présidente en titre...

M. Brassard: La commission en dispose d'abord. Le Président (M. Gobé): Voilà, c'est ça. M. Brassard: Bien.

Le Président (M. Gobé): Alors, sans plus attendre, nous allons maintenant entendre le premier groupe de cet après-midi, les représentants de la Fédération des commissions scolaires du Québec. Je demanderais à la représentante de bien vouloir se présenter et de présenter aussi les membres qui l'accompagnent.

Fédération des commissions scolaires du Québec (FCSQ)

Mme Drouin (Diane): Merci, M. le Président. Alors, je suis Diane Drouin, présidente de la Fédération des commissions scolaires. Aujourd'hui, m'accompagnent la première vice-présidente, Mme Lise Lemieux; le deuxième vice-président, M. Marc Sabourin; M. Fernand Paradis, qui est le directeur général; et M. Berthier Dolbec, qui est le conseiller au dossier, chez nous.

Le Président (M. Gobé): Excusez, madame, j'étais en conciliabule avec ma secrétaire pour régler un petit détail. Vous avez donc la parole, vous pouvez commencer.

Mme Drouin: Alors, je vous remercie de nous avoir invités à venir vous rencontrer aujourd'hui. De prime abord, je dois vous dire que, comme Fédération des commissions scolaires, nous accueillons le projet avec satisfaction, parce qu'on constate qu'il y a quand même plus d'une vingtaine des recommandations que nous vous avions présentées à l'automne, sur 28, qui ont été retenues. Alors, ça dénote de l'écoute et on en est bien contents.

Je veux dire aussi que, pour nous, c'est important qu'il y ait une réforme de l'enseignement collégial. On appuie également la recherche d'une meilleure réussite des élèves au niveau des études collégiales. On souhaite aussi une amélioration à l'arrivée au cégep. Il y a différentes formules qui sont présentement sur la table et nous, aujourd'hui, on voudrait faire ressortir particulièrement les aspects du projet gouvernemental qui sont en lien avec notre réseau. Toutefois, nous tenons à vous rappeler que l'essentiel ou ce qui est plus complet se retrouve quand même dans notre mémoire que nous vous avions présenté à l'automne et vous pourriez le consulter si besoin est.

Alors, nous allons traiter aujourd'hui, je disais, de points qui sont directement reliés à notre réseau. J'aimerais attirer votre attention sur trois points particuliers, c'est-à-dire l'admission, l'harmonisation secondaire-collégial et l'implication dans le milieu.

Au niveau de l'admission des étudiants, c'est peut-être le point qui nous préoccupe particulièrement. Alors, nous rappelons au gouvernement du Québec que le cours collégial est un ordre de transition entre la scolarité obligatoire et la scolarité universitaire. Nous soutenons que le cours collégial doit prendre appui sur le cours secondaire. Tout projet de formation nouvelle doit prendre appui sur la formation antérieure. C'est un principe reconnu par toutes les écoles de pédagogie. On construit de nouvelles compétences à partir des compétences acquises auparavant. On intègre de nouvelles expériences à son répertoire personnel, dans la mesure où l'on prend conscience de ses expériences antérieures.

C'est pourquoi la Fédération des commissions scolaires s'oppose à l'ajout d'exigences supplémentaires reliées à l'obtention du diplôme d'études secondaires pour l'admission au collège. Nous soutenons qu'une telle mesure aurait pour effet d'instituer deux classes de diplômes, ce qui n'est pas souhaitable. De plus, les règles de sanction des études secondaires ne doivent pas être définies en fonction de l'accès au collégial, mais plutôt en fonction d'un profil de fin d'études secondaires, qui est à redéfinir, bien sûr. Nous soutenons que plusieurs mesures envisagées dans cette réforme de l'enseignement collégial vont contribuer à rehausser le taux de succès des études. Donc, cette mesure supplémentaire d'exigences nous apparaît inappropriée.

Particulièrement, je voudrais attirer votre attention au fait que, quand il est question d'arrimage ou d'harmonisation, particulièrement entre le collège et l'université, dans l'énoncé même de politique, à la page 22, il nous semble que les règles du jeu sont un peu différentes. On y lit, et je cite: «Bien plus que la réussite de cours préalables nommément pointés, c'est l'atteinte d'objectifs de formation clairs et définis en concertation qui est garante des continuités et des articulations.» Alors, on se questionne: Comment pourrions-nous éviter ce même principe lorsqu'il s'agit d'arrimage et d'harmonisation entre le secondaire et le collégial?

Toutefois, la Fédération des commissions scolaires

est d'accord pour que soit rehaussé, de façon large et générale, le diplôme d'études secondaires et pour que le diplôme d'études secondaires acquière une meilleure crédibilité et remplace le plus possible les préalables actuellement exigés. Notre proposition concernant l'accroissement de ces exigences est la suivante:

Que la comptabilisation des unités pour fins de sanction des études ne débute qu'en quatrième secondaire;

Que l'élève doive obtenir 75 % de toutes les unités pour les matières obligatoires et optionnelles suivies en quatrième et en cinquième secondaire. Les unités de langue maternelle ou langue d'adoption et de langue seconde de cinquième secondaire, les unités de mathématiques ou de sciences physiques en quatrième secondaire devant être réussies.

Nous avons également d'autres propositions qui s'adressent plus particulièrement à la ministre de l'Éducation, puisqu'on traite de sanction des études. Vous les avez dans notre mémoire et je pense qu'on aura peut-être d'autres occasions pour en reparler. (16 h 20)

II serait important, donc, que le diplôme d'études secondaires continue d'être l'exigence de base pour accéder à la formation technique au collégial. De plus, il faudra aménager des passerelles qui permettraient à des détenteurs d'un diplôme d'études professionnelles d'accéder à une spécialisation au collégial sans avoir à refaire les mêmes apprentissages. De même, la formation professionnelle de la main-d'oeuvre devra faire l'objet d'une étroite coordination de la part des ministres de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur, de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle, ainsi que des autres titulaires de ministères à vocation industrielle ou économique. Cette coordination est nécessaire pour permettre aux commissions scolaires et aux cégeps de s'acquitter efficacement de leurs missions. Cette recherche de cohérence et d'efficacité au sommet devra permettre d'éviter la duplication et la concurrence.

Enfin, un important effort de promotion et de revalorisation de la formation professionnelle s'impose au Québec. Nous avons eu, d'ailleurs, des olympiades, la semaine dernière. Je pense qu'on est sur la bonne voie et qu'on devrait continuer à encourager cette formule-là et bien d'autres. Nous souhaitons donc vivement que de nouveaux efforts de concertation soient initiés à tous les paliers pour éliminer le plus possible les duplications entre les ordres secondaire et collégial en formation professionnelle, ainsi que les effets néfastes d'une compétition entre ces ordres.

Plusieurs dispositions du projet de loi 82 favoriseront le renouvellement de la formation technique au collégial. Il y a lieu de s'en réjouir et d'encourager le gouvernement à procéder à ces nouveaux aménagements. Toutefois, les commissions scolaires aussi desservent une communauté locale et régionale. Que le gouvernement s'assure de la participation des collèges et des commissions scolaires à la planification de la forma- tion professionnelle de la main-d'oeuvre aux niveaux provincial, régional et local.

La Fédération recommande également que les aménagements nouveaux, qui vont faciliter l'exercice de la mission des collèges dans la formation professionnelle de la main-d'oeuvre, soient rendus possibles également aux commissions scolaires. Je voudrais vous citer, entre autres, l'article 9 du projet de loi, qui, je dirais, au niveau du collégial, lui donne plus de pouvoirs. Je pense que ce serait important que les commissions scolaires aient la même chose. Ainsi, une commission scolaire devrait disposer des aménagements législatifs et réglementaires lui permettant d'établir un centre d'incubateur industriel dans un domaine répondant aux besoins identifiés par les organismes responsables du développement industriel et du développement de la main-d'oeuvre de la région. On agit à des niveaux différents, mais on est tous les deux partenaires dans un même milieu.

Pour compléter ce qu'on verrait au niveau de l'harmonisation secondaire-collégial, nous voulons vous rappeler que le cours collégial prend appui sur le cours secondaire. La place qu'occupe le collégial provient en partie de la suppression d'une année à la durée du cours primaire-secondaire. Il importe de considérer le bagage de connaissances des étudiants arrivant au collégial comme le seuil exigible. Une autre recommandation. Pour éviter aux élèves une orientation prématurée en troisième secondaire, afin de rencontrer les exigences éventuelles pour l'admission au collégial, nous recommandons une révision complète de la liste des préalables pour ne conserver que ceux pédagogiquement justifiables.

Quant à la formation professionnelle, nous soutenons qu'une duplication des contenus de formation entre le secondaire et le collégial existe dans plusieurs secteurs. Une analyse des contenus de programmes et des tâches à exercer sur le marché du travail s'impose pour éviter qu'une formation de même niveau soit dispensée dans les deux ordres. Il y a des expériences régionales qui ont été faites à partir de la Classification canadienne descriptive des professions; on pourrait s'en inspirer.

Sans vouloir répéter les arguments du Conseil supérieur de l'éducation et ceux du Conseil des collèges, qu'on nous permette de souligner la nécessité d'un leadership gouvernemental pour résoudre les problèmes d'harmonisation auxquels les deux ordres sont confrontés, en formation générale comme en formation professionnelle.

En termes de conclusion, j'aimerais vous questionner, à savoir si nous avons suffisamment insisté sur les problèmes d'arrimage entre les ordres secondaire et collégial. Je ne l'ai pas fait verbalement, mais je pense que vous avez reçu notre mémoire et je ne voulais pas le reprendre au complet. Je voudrais vous assurer, Mme la ministre, que le réseau des commissions scolaires souhaite participer à la mise en oeuvre de la réforme de l'enseignement collégial. La clé du succès consiste à y associer les commissions scolaires et les collèges, car

c'est dans le milieu que s'accomplit la mission de formation de nos concitoyens. Voilà.

Le Président (M. Gobé): Alors, merci, Mme Drouin. Nous allons maintenant passer à l'étape suivante, soit celle de la discussion et du questionnement. Alors, Mme la ministre, vous avez, pour ce faire, vous ou d'autres membres de notre groupe parlementaire, 20 minutes. Madame, vous avez la parole.

Mme Robillard: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord saluer les membres de la Fédération des commissions scolaires — Mme Drouin, la présidente — et vous dire combien je suis heureuse que vous ayez accepté de participer aux travaux de notre commission, encore une fois, cette fois-ci. Vous le savez, j'étais tout à fait consciente, en rénovant l'enseignement collégial, nécessairement, qu'il y aurait un élément de pression en amont et en aval qui se ferait sur les autres ordres d'enseignement, dont le secondaire. Vous l'illustrez bien par certaines parties de votre mémoire. Je vois que, d'entrée de jeu, vous mettez sur la table toute la question, fort délicate, de l'harmonisation secondaire-collégial, surtout en formation professionnelle et technique, mais aussi au niveau de l'enseignement général, pour qu'il y ait une meilleure continuité.

Alors, Mme Drouin, si vous voulez, on va reprendre ensemble les sujets que vous nous apportez aujourd'hui, qui vous touchent directement. Je note avec plaisir votre appui global au renouveau collégial. Vous dites qu'on a suivi beaucoup de vos recommandations de l'automne dernier, et c'est vrai, mais vous avez des interrogations sur des points très précis. Alors, on va profiter de notre période d'échanges pour aller un peu plus loin. Vous ne serez pas surprise qu'on aborde ensemble les seuils d'admission au collégial. C'est une question, je pense, qui touche tout le secondaire et je sais qu'à la Fédération vous avez réfléchi sur ce sujet. C'est pourquoi vous m'arrivez avec une suggestion très précise, à la page 8 du document, et je voudrais très bien la saisir, cette recommandation que vous me faites. D'abord, la recommandation que vous me faites, ce n'est pas nécessairement de choisir la voie de préciser les seuils d'admission au collégial, mais plutôt de m'at-taquer directement au régime de sanction des études du secondaire. Est-ce que c'est ça, en partant?

Mme Drouin: C'est exact, parce que notre crainte là-dessus, c'est qu'on voie s'instaurer deux diplômes d'études secondaires: un qui serait un diplôme terminal et l'autre qui serait un diplôme qui permettrait l'accès au collégial. C'est là notre plus grande crainte parce que, pour nous, il est important que, comme je le détaille un petit peu plus en page 7, le collégial s'appuie sur ce qui s'est fait auparavant. Pour nous, le diplôme d'études secondaires, on le souhaite rehaussé comparativement à ce qu'il est actuellement, mais que ce soit le seuil admissible pour permettre l'entrée au collégial. Qu'on ne se retrouve pas avec deux formules de diplômes.

Mme Robillard: Donc, votre choix porte sur la sanction des études au niveau du secondaire. Vous dites que vous êtes d'accord pour rehausser les exigences au niveau de la sanction du diplôme d'études secondaires; en somme, le problème qu'on traîne depuis au-delà de 10 ans, depuis qu'on a un nouveau régime pédagogique au secondaire, depuis 1981, mais qui n'a jamais été mis en application, n'est-ce pas? Nous sommes toujours en régime transitoire. Alors, là, vous avez, je pense bien, à cause du renouveau collégial, accéléré la réflexion strictement sur la sanction des études, bien qu'il y ait beaucoup d'autres choses qu'on pourrait regarder dans l'ensemble du curriculum. Mais, au niveau de la sanction des études, donc, vous me faites une recommandation à l'effet qu'on considère strictement les unités, d'abord, de quatrième et de cinquième?

Mme Drouin: Oui.

Mme Robillard: quand vous dites qu'on considère 75 % des unités obligatoires, j'aimerais ça, pour le bénéfice des membres de la commission, que vous explicitiez davantage. qu'est-ce que ça veut dire, ça? combien d'unités obligatoires?

Mme Drouin: Écoutez, à ce moment-là, je vais demander à M. Dolbec de vous donner ces détails-là, qui sont plus techniques.

Le Président (M. Gobé): Allez-y, monsieur.

M. Dolbec (Berthier): alors, comme on le sait, si on se base sur le régime pédagogique actuel, dans une année scolaire, un étudiant peut accumuler jusqu'à 36 unités pour fins de sanction. alors, dans la proposition qui est sur la table, on dit au moins 75 %. un étudiant qui est en secondaire iv devrait avoir acquis au moins 75 % des unités pour l'ensemble des cours qu'il suit en secondaire iv, les avoir réussies. la même chose en secondaire v. (16 h 30)

Alors, quand on s'est rencontrés ici, au mois de novembre, on disait que la simple idée que quelqu'un pourrait avoir échoué la majorité des cours de secondaire V, sauf le français ou la langue maternelle, et quand même obtenir le diplôme d'études secondaires, c'était un petit peu effrayant. Alors, on convient que les unités qui s'accumulent en secondaire I, II et III, ça a peu de signification lorsque vient le moment de décider de décerner le diplôme d'études secondaires. On convient de ça. Deuxièmement, si on décerne un diplôme d'études secondaires à quelqu'un qui a réussi au moins 75 % des unités dans tous les cours qu'il a suivis en secondaire IV et en secondaire V, on a affaire à un diplôme énormément plus significatif. Puis, on peut, par la suite, ajouter les mentions incluant la langue maternelle ou langue d'adoption, la langue seconde de secondaire V, les sciences physiques de secondaire IV ou les mathématiques de secondaire IV.

Mme Robillard: alors, ce que vous dites, c'est 75 % des matières obligatoires et optionnelles, n'est-ce pas?

M. Dolbec: Optionnelles.

Mme Drouin: Incluant celles qui sont dûment mentionnées comme étant réussies.

Mme Robillard: Mais, de façon obligatoire, celles que vous mentionnez, dans le fond, si je lis bien: la langue comme telle, la langue maternelle, la langue seconde de cinquième, les unités de mathématiques ou de sciences physiques.

Mme Drouin: Oui.

Mme Robillard: Le «ou» étant important, ce que je veux savoir: dans vos scénarios, en calculant le nombre d'unités, est-ce que quelqu'un, à ce moment-là, pourrait obtenir son diplôme d'études secondaires sans avoir réussi le cours de mathématiques de IV et de V?

M. Dolbec: Oui, cette hypothèse-là, c'est ce qu'elle signifie.

Mme Robillard: Ça veut dire que quelqu'un entre à l'ordre d'enseignement collégial avec son dernier cours de mathématiques réussi de secondaire III. C'est possible dans le scénario?

Mme Drouin: C'est possible dans le scénario, parce qu'il nous est apparu que les sciences physiques ou les mathématiques développent une même logique de pensée. Le cours secondaire étant un cours, je dirais, de formation de base, ce qui est important, c'est de développer aussi des habiletés. Alors, ces habiletés-là nous paraissaient se rejoindre autant dans les sciences physiques que dans les mathématiques pour avoir un diplôme qui donne accès au collégial. Remarquez bien que, quand on arrivera au niveau collégial, bien sûr que les profils pourront être différents. C'est une base qu'on demande de respecter et, ensuite, dépendamment des différents sujets qui seront traités au niveau collégial, bien là, bien sûr, qu'il pourra y avoir des profils différents.

Mme Robillard: Alors, je vous avoue, comme ça, très simplement et directement que, comme ministre de l'Éducation, j'ai un peu de difficulté à percevoir qu'un diplôme d'études secondaires pourrait être obtenu sans aucunes mathématiques, ni en quatrième ni en cinquième. Je ne sais pas là, il faudrait qu'on... L'argumentaire n'est pas très, très développé. Je ne sais pas si vous avez une réflexion et que vous pourriez m'envoyer des documents. Tout le monde, je pense, et avec raison... Vous savez très bien les choix qui ont été faits dans les dernières années: l'apprentissage des langages de base, qui sont tellement essentiels dans toutes les sphères de la vie, que ce soit la langue maternelle, la langue seconde ou le langage mathématique... Je ne parle pas du niveau, mais ce que vous me dites, très clairement, c'est que quelqu'un pourrait entrer au collégial et n'avoir qu'un cours de maths de secondaire III. Là, je vois de graves problèmes parce que, en même temps, il y a une demande très forte aussi pour qu'on fasse un élagage des préalables, qu'on arrête que ce soit un autre ordre d'enseignement qui donne des commandes, je dirais, concernant des préalables très précis. Alors, là, quant au plan pédagogique, on va voir la nécessité d'avoir des langages de base, dont celui des mathématiques. Je vous avoue que j'ai certaines inquiétudes. En tout cas, c'est ma réponse spontanée, mais, si vous avez une réflexion plus articulée, plus détaillée, moi, j'apprécierais lire quelque chose de votre part sur ça.

Mme Drouin: Bien, écoutez, je pense que la situation actuelle est encore beaucoup plus faible que ce que vous décrivez. Actuellement, on vit des choses qui sont difficiles. Comme réflexion sur ce que vous nous demandez, ce qu'il est important de définir, c'est quelles habiletés de mathématiques sont nécessaires pour entreprendre des études collégiales. Je pense que c'est la question de fond. À partir de ça, on regarde à travers les programmes, parce qu'on peut avoir des gens qui sont très doués pour les arts, des gens qui sont très doués en traduction, qui auront, je dirais, certaines habiletés, certaine logique de pensée qu'ils auront développées à travers la physique ou les mathématiques, qui pourront entreprendre des études jusqu'à l'université aussi, sans avoir nécessairement les mathématiques de secondaire V, telles qu'on les connaît actuellement. Alors, c'est un petit peu ça qui nous a amenés à vous présenter cette formule-là.

Quand vous parlez de préalables, je vous disais tout à l'heure que les profils pourront être différents selon les choix des étudiants au collégial. On vous a bien dit dans notre mémoire que, pour nous, on était d'accord avec certains préalables, mais qui étaient péda-gogiquement justifiables. On ne veut pas de préalables mis sur la table, comme on en a connu et comme on en a encore, qui sont là — permettez-moi l'expression — pour contingenter tout simplement. Mais, si on nous dit que, dans telle matière au collégial, on a besoin de tels préalables parce que l'étudiant aura à poursuivre, à ce moment-là, on accepte les préalables, mais pas des préalables pour tasser des gens parce que, tout simplement, on veut respecter certaines balises au collégial. Je pense que, là-dessus, c'est peut-être les éléments de réflexion que je peux vous laisser.

Mme Robillard: Alors, parfait. Si jamais vous avez des textes supplémentaires à la Fédération, moi, j'apprécierais les recevoir, l'argumentation sous-jacente qui vous a amenés, dans le fond, à choisir ce scénario-là.

Vous abordez aussi toute la question de l'harmonisation secondaire-collégial, et vous nous donnez un

exemple, Mme Drouin, qui s'est vécu dans votre région, je pense bien, Mauricie—Bois-Francs— Drummond, en concluant que certains programmes du collégial sont injustifiables et qu'ils devraient être au secondaire. J'imagine que vos amis du collégial pourraient nous faire la démonstration inverse, que certains programmes du secondaire devraient être au collégial. Comment la Fédération voit cette opération? Parce que, la dernière fois, vous m'en avez parlé aussi. Vous l'avez vu dans le renouveau collégial. Oui, il faut absolument agir sur tout ce domaine-là. Mais, moi, j'aimerais ça voir si la Fédération a réfléchi au processus et comment elle peut s'impliquer dans ce processus d'harmonisation de la formation secondaire-collégial, avec, naturellement, vos vis-à-vis de la Fédération des cégeps.

Mme Drouin: Je pense qu'on n'y arrivera pas autrement que par la concertation. Bon, on accorde le leadership au gouvernement. Bien sûr, c'est à lui d'établir les grandes orientations, mais il faudra que les commissions scolaires et les collèges soient associés dans cette démarche-là. Bien sûr qu'il y a des documents qui existent. On a l'habitude de dire qu'au secondaire on forme des ouvriers certifiés ou des ouvriers spécialisés; c'est une formulation qui est utilisée. Il y a quand même l'étude à laquelle on fait référence. C'est qu'il y a des critères d'établis sur un pointage, par exemple, de 1 à 10, en disant: Quels sont les éléments dont on a besoin? Telle profession demande quoi comme habiletés, demande quoi comme exigences? À partir de ça, on peut dire que telle formation relève du secondaire et que telle autre pourrait relever du collégial. Bon, comme je disais, au secondaire, ça peut être ce qu'on appelle des ouvriers certifiés, alors qu'au collégial on utilise plutôt le terme «technicien».

Des exemples quand on parle de duplication. Au niveau de la bureautique, c'est peut-être là qu'on en retrouve le plus. Est-ce que, le traitement de texte, ça s'enseigne au collégial, au secondaire ou à l'université? Certaines universités accordent des crédits pour des cours de traitement de textes. Alors, je pense que c'est là-dessus qu'on voudrait qu'il y ait un ménage qui soit fait. Je ne sais pas, moi, est-ce qu'une formation d'agent de sécurité, ça relève du collégial ou si ça ne relèverait pas du secondaire, si on compare à d'autres professions ou à d'autres métiers qui sont exercés? (16 h 40)

Alors, c'est tout ça qui, vraiment, actuellement, nous cause problème, parce que, au lieu d'agir en complémentarité, souvent, on agit en concurrence et on est dans les mêmes milieux. C'est difficile à vivre, c'est difficile à comprendre pour la population et c'est difficile à comprendre pour les employeurs. De ce côté-là, il nous apparaît qu'il y a peut-être un grand ménage à faire et on souhaite y participer. Bien sûr que je pense que c'est important que vous vous associiez les collèges et les commissions scolaires pour essayer de déterminer ces jonctions-là.

Mme Robillard: Alors, comptez sur nous pour le faire, Mme Drouin.

Mme Drouin: En nous y associant?

Mme Robillard: Les deux ministères sont déjà à l'oeuvre pour établir un plan d'action, en y associant nécessairement les commissions scolaires et les cégeps. Nous allons y procéder dans l'année qui vient.

Mme Drouin: D'accord.

Mme Robillard: Concernant justement cette préoccupation au niveau de la formation technique, Mme Drouin, vous nous suggérez, à la page 10, d'aménager des passerelles entre le diplôme d'études professionnelles et la formation technique du collégial. Est-ce que, dans le renouveau collégial, tel que c'est décrit au niveau des modules, vous avez étudié ça de près? Est-ce que c'est une formule qui vous agrée, qui permet justement cette passerelle?

Mme Drouin: M. Dolbec l'a étudié plus profondément.

M. Dolbec: Effectivement, je pense que cette approche d'une sanction par modules favoriserait grandement l'arrimage entre la formation professionnelle au secondaire et la formation technique au collégial.

Le Président (M. Gobé): C'est tout, Mme la députée?

Mme Robillard: Pour le moment.

Le Président (M. Gobé): Alors, il vous reste quatre minutes et quelques secondes. Mais, étant donné que le groupe d'en face n'a pas pris tout son temps, il peut être, selon les traditions et les règlements, réparti entre les membres de la commission pour dialoguer. Donc, on pourra revenir un peu plus tard.

M. le député de Lac-Saint-Jean, c'est maintenant votre tour, pour une période...

M. Brassard: Oui.

Le Président (M. Gobé): ...d'un peu plus de 20 minutes.

M. Brassard: Oui, bien, je ne prendrai...

Le Président (M. Gobé): Mais vous n'êtes pas obligé de la prendre d'un seul coup, non plus.

M. Brassard: ...pas tout mon temps, mais mes collègues vont prendre la relève, parce qu'il faut que j'aille de l'autre côté faire une intervention sur un sujet bien actuel.

Concernant la formation générale, je suis parfaite-

ment d'accord avec votre approche, d'abord, pour faire en sorte que ce soit le diplôme d'études secondaires qui soit le billet d'entrée, si vous voulez, à l'ordre d'enseignement collégial. Il s'agit de savoir quelle est la nature et l'ampleur de la hausse des exigences qu'on y intègre. Je pense que c'est là toute la question. Entre autres, évidemment, vous allez sûrement comprendre que l'ancien professeur d'histoire est un peu perplexe à l'effet que, dans votre hypothèse, l'histoire n'apparaisse pas.

Mme Drouin: C'est vrai. M. Brassard: Pourquoi?

Mme Drouin: Écoutez, je pense qu'on a voulu couvrir certaines matières, mais, quand on exige 75 % des matières réussies, il serait difficile de ne pas réussir l'histoire et d'arriver à maintenir 75 % des matières réussies.

M. Brassard: C'est toujours possible parce que, dans toutes les hypothèses examinées par le fameux comité sur le régime des sanctions, l'histoire est toujours là. Elle est dans le régime transitoire aussi, puis elle est dans toutes les autres hypothèses. Ce que vous demandez, ça ressemble beaucoup à l'hypothèse 2, sauf que l'histoire est disparue. Ça me surprend, ça m'étonne et j'ai de la misère à comprendre ça.

D'autre part, ce que vous dites aussi, c'est soit mathématiques, soit sciences physiques. Il y a un choix, c'est un ou l'autre. C'était toute la question, tout le sujet de la discussion que vous aviez tout à l'heure avec Mme la ministre. Mais, tout ça — tous ces échanges, puis ce qu'on a eu également avec d'autres intervenants — indique bien que votre dernier considérant est tout à fait essentiel, en page 9, quand vous dites: «Que soit signifié au ministère de l'Éducation que des modifications aux règles de sanction des études secondaires ou à la répartition des matières constituent des changements majeurs nécessitant de larges consultations et des analyses approfondies.» Les considérants précédents aussi portent là-dessus. On ne peut pas traiter des règles de sanction sans débattre de la finalité du cours secondaire. «Il est très difficile de traiter des règles de sanction [...] sans circonscrire l'évolution de la répartition des matières.»

Ça signifie que ce que beaucoup réclament, c'est un débat, puis une réflexion sur l'ordre d'enseignement secondaire et forcément aussi sur les règles de sanction, puis sur la valeur du diplôme d'études secondaires. Mais comment vous voyez ça, ces larges consultations et ces larges analyses approfondies? Vous voyez ça de quelle façon? Est-ce que vous y avez réfléchi? Est-ce que ça pourrait impliquer, par exemple, le Conseil supérieur de l'éducation, une commission parlementaire? De quelle façon vous voyez ça?

Mme Drouin: Au départ, je vais vous dire tout de suite qu'on ne souhaite pas reprendre tous les débats de structure qu'on a connus dans les dernières années, au niveau des commissions scolaires. Je pense que, ça, c'est très clair.

M. Brassard: Vraiment un débat là-dessus, là, sur le...

Mme Drouin: C'est exact. On ne veut pas, non plus, une réforme, je dirais, de table rase, genre commission royale d'enquête, mais je pense qu'il est important... On est ouverts à l'idée de réexaminer les contenus, je pense, les orientations fondamentales, les grands encadrements. Bon, on parle de curriculum, on parle de répartition de matières, on parle de sanction des études, bien sûr, et aussi de «priorisation» de grands objectifs. Actuellement, dans nos programmes, on a énormément d'objectifs. Alors, lesquels demeurent importants? Formation fondamentale, ça veut dire quoi? Ça comporte quoi? Qui devrait être consulté? Je pense qu'il y a des organismes de consultation, mais, quand on parle de consultation élargie, dans notre esprit, on se dit que, l'éducation, je pense que tout le monde a un peu quelque chose à dire là-dedans. Il faudrait qu'un peu tout le monde soit consulté. On vous laisse le moyen d'y arriver, mais, pour nous, ça nous apparaît important qu'il y ait une consultation élargie qui soit faite sur ces grandes orientations-là. On est ouverts à ça.

M. Brassard: Par exemple, est-ce que vous seriez favorables à ce que le gouvernement demande un avis au Conseil supérieur de l'éducation sur ces sujets-là?

Mme Drouin: Ça peut être cette forme-là, comme ça peut être plus élargi. Le Conseil supérieur de l'éducation...

M. Brassard: Mais, à la suite de l'avis, il pourrait y avoir, après ça, après coup, une consultation.

Mme Drouin: Oui.

M. Brassard: Une combinaison des deux.

Mme Drouin: Oui, oui.

M. Brassard: C'est clair qu'on n'est pas obligés d'aller jusqu'à la mise en place d'une commission royale d'enquête, comme dans les années soixante, avec la commission Parent. Je ne pense pas que... Non, non. Il n'y a personne qui réclamait ça, mais tout le monde réclamait, cependant, une réflexion et un débat là-dessus. La preuve est faite: ça fait juste deux jours qu'on examine les propositions gouvernementales et à peu près tout le monde souhaite aller dans cette direction-là. En tout cas, moi, je pense que je suis d'accord avec la Fédération sur cette question-là. Pour les autres questions, mes collègues prendront le relais. Merci.

Le Président (M. Gobé): Mme la députée de

Terrebonne. Peut-être, en tenant compte de la règle de l'alternance, voir si, de l'autre côté, il n'y aurait pas de... Peut-être que vous vouliez parler, Mme la députée? Non. Je m'excuse. Alors, vous avez la parole, Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, moi aussi, Mme Drouin, je m'inquiétais beaucoup de l'absence d'obligation pour le cours d'histoire, d'autant plus que la plupart des mémoires que nous avons entendus cet automne rappelaient l'importance d'une formation générale. Parmi les lacunes qu'on déplorait au niveau de la formation, au niveau des cégeps, on revenait beaucoup avec le français, mais aussi avec des problèmes au niveau de la culture. Je pense que, dans une formation générale, l'histoire est essentielle. Comme le cours d'histoire se donne au secondaire, ça réapparaissait extrêmement important qu'on le retrouve.

Dans votre mémoire, en page 11, vous avez, dans le dernier paragraphe, souligné l'importance de la participation des collèges et des commissions scolaires. À la lecture de ce paragraphe, je voudrais vous questionner sur la façon de faire dans certaines régions du Québec qui n'ont pas nécessairement la chance d'avoir un collège qui existe dans un environnement géographique spécifique. C'est vrai que, normalement, la plupart des collèges existent dans un environnement géographique spécifique et qu'ils desservent une communauté locale et régionale essentiellement, et les commissions scolaires aussi, sauf que, si on regarde autour de Montréal, dans la couronne de Montréal, plus spécifiquement où je me retrouve, sur la rive nord, il n'y a pas de collèges qui desservent une communauté locale, régionale essentiellement. Nos jeunes se retrouvent dans divers cégeps, dans une dizaine de cégeps. Ils sont donc éparpillés sur le territoire, autant dans Lanaudière, dans les Laurentides, dans Laval et dans Montréal. Au niveau des commissions scolaires, comment on pourrait arriver à permettre une participation avec cette dizaine de cégeps là, parce que, là aussi, on a plusieurs commissions scolaires qui sont touchées? Est-ce que vous avez regardé un petit peu cet angle-là?

Mme Drouin: Bon, écoutez, c'est certain qu'au niveau du Québec il y a certaines régions qui se définissent plus facilement que d'autres. Quand on tombe dans la région de Montréal, c'est peut-être plus difficile de circonscrire des régions. Il y a les régions administratives qui existent, autant du côté de la rive nord que de la rive sud. C'est peut-être par là qu'il faut passer. (16 h 50)

Nous, ce qu'on souhaite, c'est que, quand on parle de développement, de formation de la main-d'oeuvre, c'est important que les cégeps et les commissions scolaires soient impliqués. De plus en plus, on assiste, je dirais, à des contacts entre les industries, autant pour la formation des jeunes que pour la formation des adultes, pour le perfectionnement des travailleurs. Il nous apparaît important que, dans toute cette révision-là, les commissions scolaires et les cégeps soient associés. Là aussi, on dit que le projet de loi fait une ouverture aux cégeps pour les centres de transfert technologique. On trouve ça bien, mais on se dit qu'il y a aussi des centres d'incubateurs industriels qui peuvent être mis en place par des commissions scolaires. Cette ouverture législative que l'on fait aux cégeps, on aimerait la retrouver aussi au niveau des commissions scolaires, parce qu'il y a beaucoup de commissions scolaires, via leurs services de formation professionnelle ou d'éducation des adultes, qui établissent des contacts avec des entreprises et qui souhaiteraient avoir un peu plus de latitude. Alors, c'est dans ce sens-là qu'on se dit que c'est un tout indissociable dans un milieu. Je pense qu'il est important que les cégeps, les commissions scolaires, les industries travaillent en concertation.

Mme Caron: Je suis d'accord avec vous, sauf que, nous, dans notre réalité quotidienne, c'est sûrement dû au fait qu'il n'y a pas de cégep bien spécifique pour toucher notre commission scolaire, finalement. Vous parlez des régions administratives, mais nos jeunes se retrouvent dans des cégeps situés dans quatre régions administratives différentes et, à ce moment-là, la commission scolaire n'a presque plus de rôle. Ces jeunes-là, elle ne les retrouve pas. C'est même difficile d'obtenir des données pour savoir où ils sont, ces jeunes-là. Est-ce qu'il y aurait un moyen d'établir un lien, vous croyez?

Mme Drouin: Mme Lemieux.

Mme Côté-Lemieux (Lise): En fait, ce ne sera peut-être pas une réponse directe à la question. C'est parce que, pendant que Mme Drouin élaborait la réponse, j'essayais de voir... C'est parce qu'il y a une autre réalité aussi dont il faut tenir compte: à la fois les commissions scolaires et les collèges d'enseignement professionnel sont quand même confinés soit dans la carte des options ou soit dans des champs qui leur sont spécifiques. Alors, de toute manière, sauf dans des régions vraiment très, très, très géographiquement distinctes où il n'y a qu'un collège, je pense que, dans des régions, que ce soit celle de Montréal ou même dans la région ici, de Québec, c'est bien sûr qu'une commission scolaire doit probablement se concerter avec un ensemble d'institutions collégiales et même avec d'autres commissions scolaires. Parce que les options ne sont pas les mêmes aussi, c'est-à-dire que tu peux avoir une affinité avec un cégep dans un domaine et avec un autre cégep, dans un autre domaine. Mais, je vois bien que je ne réponds pas exactement à la question.

Mme Caron: Je vous remercie.

Le Président (M. Gobé): Oui, Mme la députée des Chutes-de-la-Chaudière.

Mme Carrier-Perreault: Oui, merci, M. le Prési-

dent. Dans le même ordre d'idée, vous parlez d'aménager des centres d'incubateurs industriels et tout ça. Ici, en commission parlementaire, les collèges sont venus nous exprimer, justement, qu'ils étaient des moteurs du développement régional. Ils étaient accompagnés généralement de plusieurs intervenants du milieu économique de leur région, quand ils sont venus nous rencontrer là-dessus. Je sais que, les commissions scolaires, vous en faites des choses au niveau de la formation professionnelle. Il y a des cours qui sont commandés aux commissions scolaires par le biais des CFP, par exemple. Ma collègue vous parlait de quand il n'y en a pas, de cégep, et tout ça. Quand il y a un cégep — là, je me pose la question — comment vous faites pour arrimer tout ça? Dans la page précédente, vous disiez qu'il fallait éliminer le plus possible les effets néfastes de compétition entre les ordres. Alors, comment ça se vit, ça? Je me pose des questions par rapport aux commentaires que vous avez faits précédemment.

Mme Drouin: Je pense que, ce qu'on souhaite, c'est que le créneau de chacun soit bien défini. Ça n'empêche pas de travailler ensemble. Vous avez justement, dans votre milieu, je pense, un bel exemple de concertation avec un centre intégré qui est en train de se préparer. Je pense qu'on peut très bien agir de concert, et le niveau collégial, et le niveau secondaire, mais chacun avec son créneau bien défini. M. Dolbec, vous voulez ajouter?

M. Dolbec: Si vous me le permettez, je peux vous amener un autre exemple pour répondre à votre question. Dans la région de Portneuf, on a, parmi nos expériences récentes, la compagnie Lauralco qui a implanté une aluminerie et qui a bénéficié du support de la commission scolaire régionale Tardivel pendant deux ans avant l'ouverture de l'usine pour identifier les travailleurs potentiels et s'assurer d'une formation adéquate pour qu'ils soient capables de remplir les exigences des emplois de cette nouvelle industrie-là. Dans la même région, on peut citer la mise en place de services aux entreprises conjointement par la commission scolaire et le cégep Garneau. Alors, je pense que c'est des exemples qui peuvent répondre. Il en existe dans plusieurs autres régions, des exemples comme celui-là.

M. Paradis (Fernand): On pourrait citer, également — vous permettez, Mme la Présidente — le cas de la Côte-Nord où on s'est donné un mécanisme de coordination entre les commissions scolaires et le collège pour faire en sorte que chacun ait une plage bien définie de travail et qu'on ne se pile pas sur les pieds, comme on le dit en langage populaire.

Mme Carrier-Perreault: II y a des choses qui existent déjà, mais, quand vous parlez d'aménager des centres d'incubateurs, de la possibilité, pour vous autres, d'aménager ce genre de centres là, ça aurait l'air de quoi concrètement, puisque déjà il existe des choses précises au niveau de la formation professionnelle? Mme Drouin: M. Dolbec.

M. Dolbec: C'est que, si on introduit dans une loi des «provisions» pour que, les établissements collégiaux, il leur soit reconnu des rayons d'action plus formels et que ça va au-delà des initiatives des collèges présentement, nous autres, ce qu'on dit, c'est qu'il faudrait qu'il y ait des aménagements législatifs équivalents pour que, les commissions scolaires, on leur reconnaisse d'une façon plus formelle un rayon d'action similaire.

Mme Drouin: II reste que, dans certaines régions du Québec ou dans certains milieux, il n'existe pas de collège. Par contre, la commission scolaire, elle est là, elle est bien implantée et pourrait suppléer. Parce qu'il y a beaucoup plus de commissions scolaires que de collèges et, dans certains milieux plus éloignés, la commission scolaire prend souvent l'initiative de formules comme ça parce que le collège n'existe pas, non plus. Alors, ça pourrait être un créneau qui pourrait être versé aux commissions scolaires.

Mme Carrier-Perreault: Je vous remercie.

Le Président (M. Gobé): Est-ce là tout? Bien oui, Mme la députée de Terrebonne, vous avez la parole. Il vous reste deux, trois minutes.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Nous avons eu des représentations de plusieurs groupes qui ont souligné le silence du renouveau pédagogique sur l'éducation des adultes. On sait à quel point c'est un élément important de plus en plus au niveau des collèges. Est-ce que vous croyez qu'il y aurait lieu d'ajouter certaines mesures concernant l'éducation des adultes?

M. Dolbec: Je pense que, dans les deux prochaines années, on va connaître des réflexions énormément renouvelées sur toute la mission des établissements concernant les adultes. La Fédération a commencé, il y a quelques semaines, une réflexion qui va s'intensifier aux niveaux local et régional sur la formation continue des citoyens comme une valeur ajoutée dans nos environnements locaux, dans nos communautés locales. Je pense que ça va avoir énormément de répercussions sur la mission des collèges également. Maintenant, à ce moment-ci, il serait un petit peu difficile de vous définir un nouveau programme pour les adultes comme tels.

Mme Caron: Je vous remercie.

Le Président (M. Gobé): Bon. Alors, est-ce là toute votre intervention, Mme la députée de Terrebonne?

Mme Caron: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): Mme la députée des Chutes-de-la-Chaudière, pour vous, c'est terminé aussi? Mme la ministre, quelques mots en terminant?

Mme Robillard: Oui. Il me reste à remercier les gens de la Fédération des commissions scolaires et Mme Drouin. Je souhaiterais que les travaux intensifs continuent concernant la sanction des études, en collaboration avec le ministère de l'Éducation. Je pense qu'on se doit d'aller un peu plus loin au niveau de la recommandation que vous nous avez faite dans votre mémoire. Sachez que j'y porterai personnellement attention. Merci bien.

Le Président (M. Gobé): Alors, Mme Drouin, ainsi que les personnes qui vous accompagnent, au nom de tous les membres de cette commission, je tiens à vous remercier. Cela met fin à votre intervention et à votre présentation. Vous allez donc pouvoir vous retirer et, pour ce faire, je vais suspendre les travaux quelques minutes. J'inviterai en même temps les représentants de la Confédération des éducateurs et éducatrices physiques du Québec à bien vouloir se présenter en avant. Je suspends les travaux pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 16 h 59)

(Reprise à 17 h 19)

Le Président (M. Gobé): Je demanderais à tous les parlementaires de bien vouloir regagner leur place. Je vois que nous avons une foule assez nombreuse. Donc, il me fait plaisir d'accueillir... Pour le bénéfice et l'information des membres de la commission, je mentionne que les personnes qui sont en haut sont des professeurs d'éducation physique venant d'à peu près toutes les régions du Québec. Us sont dans ces tribunes avec l'accord de la présidence de la commission, suite à une discussion et à un accord entre le parti gouvernemental et le parti de l'Opposition, car nous jugions intéressant que vous puissiez participer, du moins assister à cette séance de la commission qui vous concerne. (17 h 20)

Je rappellerai quand même qu'il est d'usage et de tradition que, dans les commissions parlementaires, le public qui assiste ne parle pas, maintienne le silence autant que possible et évite d'intervenir d'une façon ou d'une autre. Je souhaiterais, suite à l'entente qu'il a pu y avoir entre les partis pour que vous puissiez assister... Je n'ai pas vu cette tribune-là ouverte en haut, je pense, depuis les audiences de Bélanger-Campeau. Alors, voyez-vous, ça fait quelque temps. Alors, je souhaiterais que nous puissions respecter cette tradition, ce qui permettra à d'autres groupes qui en feront la demande plus tard de pouvoir bénéficier des mêmes accords et des mêmes largesses et latitudes. Alors, bienvenue parmi nous. Il nous fait plaisir de vous accueillir.

Maintenant, sans plus tarder, je demanderais au porte-parole de la Confédération des éducateurs et édu- catrices physiques du Québec de bien vouloir présenter les gens qui l'accompagnent et, par la suite, bien, nous commencerons nos travaux.

Confédération des éducateurs et éducatrices physiques du Québec (CEEPQ)

M. Delaney (Robert): C'est bien. Merci beaucoup, M. le Président. Mme la ministre, M. le critique de l'éducation pour l'Opposition, Mmes et MM. les députés, j'ai avec moi aujourd'hui M. René Larouche, qui est le président de la Confédération des éducateurs et éducatrices physiques du Québec; à ma gauche, Serge Laferrière, qui, lui, est professeur d'éducation physique au cégep de Bois-de-Boulogne; à sa gauche, Hélène O'Bomsawin, qui est professeur d'éducation physique au cégep d'Alma; et, à mon extrême gauche, M. Pierre Brodeur, qui, lui, est professeur d'éducation physique au cégep Saint-Jean-sur-Richelieu.

Le Président (M. Gobé): Alors, mesdames, messieurs, bienvenue parmi nous. M. Delaney, vous pouvez commencer votre présentation.

M. Delaney: Merci beaucoup. Avant de commencer, nous avons reçu aujourd'hui des pétitions des étudiants et étudiantes du niveau secondaire, secondaire V, qui se sont prononcés en faveur de l'éducation physique au niveau collégial et du maintien des quatre cours. On voudrait savoir si c'est possible de déposer les pétitions.

Le Président (M. Gobé): M. Delaney, le règlement ne permet pas, dans une commission comme celle-ci, d'en déposer. Par contre, ce que je peux faire et ce que je vais faire, avec le consentement de mes collègues, je vais suspendre une minute ou deux, le temps que Mme la ministre puisse recevoir cette pétition. Comme on le sait, nous, les politiciens, ce n'est pas facile, faire des pétitions, c'est beaucoup de travail. Pour respecter ceux qui ont pris la peine de le faire, disons que je suspends les travaux quelques minutes.

M. Delaney: Merci beaucoup. Je voudrais souligner qu'il y a 6500 étudiants et étudiantes qui ont choisi de signer la pétition.

Le Président (M. Gobé): C'est suspendu, M. Delaney.

(Suspension de la séance à 17 h 23)

(Reprise à 17 h 24)

Le Président (M. Gobé): La commission reprend maintenant ses travaux. Je vous remercie. Mme la ministre a pris possession de ce que vous aviez à lui remettre, dans son cadre de ministre et non pas la commission. Cette commission n'avait pas à recevoir cette pétition.

Maintenant, je vous passe la parole. Je vous rappelle que vous avez une période de 20 minutes pour faire votre présentation. Par la suite, 20 minutes seront allouées à chaque côté, au côté gouvernemental et au côté du critique officiel de l'Opposition, pour dialoguer et discuter. Si vous ne prenez pas vos 20 minutes, elles seront réparties équitablement entre les 2 formations pour discussion. Alors, vous avez maintenant la parole.

M. Delaney: Merci beaucoup. Vous n'êtes sûrement pas sans savoir que c'est avec un peu d'appréhension que nous attendions le projet de réforme au niveau collégial, mais c'est avec beaucoup d'intérêt que nous avons lu le document d'orientation. En le lisant, nous avons constaté l'existence de propos intéressants pour les élèves, ainsi que pour le niveau collégial. On parle ici des sessions d'orientation, de l'accent mis sur la langue maternelle et la langue seconde. C'est avec une attention particulière que nous avons lu les objectifs quantitatifs en matière de scolarisation. On voyait ici la possibilité d'intervenir auprès d'un pourcentage plus élevé de la population québécoise, mais, avec les coupures proposées, ça demeure une question qu'on pose ici aujourd'hui: Comment atteindre nos objectifs?

La présentation que nous allons faire aujourd'hui sera en deux parties. La première partie, concernant les principaux arguments supportant notre position, sera faite par M. Laferrière. La deuxième partie, je vais la faire, porte sur les recommandations et les scénarios, et la conclusion. Durant la période de questions, étant donné que tout le monde sur le comité, ici, a des responsabilités en termes de réponses à des dossiers particuliers, je vais soit répondre ou identifier la personne qui aura la responsabilité d'y répondre.

Alors, sans plus tarder, je passerais la parole à M. Laferrière.

Le Président (M. Gobé): Alors, vous avez la parole, je vous en prie.

M. Laferrière (Serge): Nous ne reprendrons pas l'argumentation que nous avons présentée en novembre 1992. Nous considérons que peu de dossiers ont été aussi documentés et que les données que nous avons avancées n'ont pas été réfutées. Aujourd'hui, contre toute logique, contre toutes les données scientifiques disponibles, contre le désir des étudiants, on veut faire croire que l'éducation physique est moins nécessaire et qu'on pourrait remplacer deux des quatre cours par des activités physiques pratiquées librement. Au sujet du consensus que nous annonce la ministre, nous pouvons affirmer sans hésiter qu'en ce qui concerne l'éducation physique le consensus qui se dégage actuellement est plutôt favorable au maintien des quatre cours obligatoires. Des 219 mémoires présentés, seulement 10 étaient contre.

Nous considérons que cette réduction du temps accordé à l'enseignement de l'éducation physique est une solution de facilité et un compromis qui repose sur des motifs non fondés. Aussi, avant qu'une décision soit arrêtée, nous voulons attirer l'attention des membres de cette commission sur la valeur des motifs avancés pour justifier cette réduction et en dégager les conséquences pour les étudiants. Nous désirons également vous proposer des solutions possibles qui permettraient l'atteinte des objectifs de la réforme sans nuire aux objectifs de formation poursuivis en éducation physique.

Le projet de réforme considère que la pratique libre d'activités physiques peut remplacer certains cours obligatoires d'éducation physique. Cette considération témoigne, pour le moins, d'un manque d'information sur l'enseignement de l'éducation physique. Vous n'ignorez pas que les collèges ont une mission et des objectifs précis en éducation physique. Ces objectifs ne peuvent être atteints à travers la pratique libre d'activités physiques, même lorsque celles-ci sont supervisées par un éducateur physique, puisque le contexte d'intervention ne respecte pas certains critères d'ordre pédagogique. À titre d'exemple, lorsqu'on veut créer de la motivation et développer l'autonomie chez l'élève, l'apprentissage adéquat d'une activité physique nécessite que le professeur enseigne dans un contexte où il lui est possible d'intervenir en considérant les activités d'apprentissage, la reconnaissance et la gratification, le travail en équipe, l'évaluation formative et l'évaluation sommative.

Les cours obligatoires d'éducation physique représentent une possibilité privilégiée d'obtenir une meilleure performance intellectuelle. Pour agir efficacement sur les attitudes et modifier des comportements, il faut offrir l'occasion d'exercer ces comportements dans différents contextes. Les 120 heures d'intervention constituent un minimum pour permettre Fauto-évaluation qui joue un rôle prépondérant dans l'apprentissage d'ordre affectif; agir sur la motivation qui incite à pratiquer l'activité physique de façon régulière et continue; permettre à l'élève de connaître différentes expériences de succès; prendre conscience des progrès réalisés et éprouver de la satisfaction. en ce qui concerne les motifs invoqués, la proposition de réduire de 50 % l'éducation physique repose, entre autres, sur l'affirmation que «l'importance de l'activité physique pour la santé physique et mentale, les pratiques implantées dans les collèges et l'âge des étudiants qui arrivent du secondaire militent en faveur d'un maintien de certaines activités physiques obligatoires». l'éducation physique ne se limite pas strictement à la pratique d'activités physiques. lorsqu'on parle d'éducation physique, il s'agit d'enseignement, d'apprentissage d'habiletés, d'acquisition d'habitudes de vie, d'attitudes positives face à la pratique d'activités physiques et de valeurs relatives à la santé, à l'éducation et à la qualité de vie. la pratique des activités récréatives offertes actuellement dans les collèges ne vise pas l'atteinte des objectifs poursuivis dans les cours d'éducation physique en matière de santé globale ou de formation multidimen-sionnelle. de plus, elles ne touchent qu'une faible proportion d'étudiants. (17 h 30)

Un autre motif invoqué: «dans les systèmes d'enseignement supérieur canadiens et étrangers, il n'y a généralement pas d'activités physiques obligatoires et créditées». Certains éléments de cet énoncé sont inexacts et plusieurs documents démontrent le contraire. Selon PUNESCO, plusieurs pays obligent les étudiants inscrits aux paliers postsecondaire et universitaire à suivre des cours d'éducation physique. Il en est de même pour plusieurs pays de l'OCDE qui exigent que cet enseignement soit dispensé jusqu'à l'âge de 18 ans, c'est-à-dire l'équivalent de la deuxième année de cégep. Il importe de tenir compte que l'enseignement de l'éducation physique est obligatoire aux États-Unis jusqu'à la douzième année, c'est-à-dire niveau collège I, et qu'on tend de plus en plus à le rendre obligatoire et crédité durant les années de formation ultérieures. une étude effectuée en 1988 auprès de 1130 collèges publics et universités atteste que l'enseignement de l'éducation physique est obligatoire pour tous les élèves du premier cycle dans 65 % des institutions et qu'on exige la réussite de cette discipline pour l'obtention du diplôme. l'examen des données comptabilisées à l'échelle des états-unis démontre que cette obligation connaît une hausse constante depuis la fin des années soixante-dix. de 1978 à 1988, ce taux s'est accru de 57 % à 65 %.

L'UNESCO recommande que l'enseignement de l'éducation physique soit obligatoire du primaire jusqu'à l'université. Amputer de 50 % l'enseignement de l'éducation physique au collégial, c'est aller à rencontre du modèle nord-américain, ainsi que des tendances mondiales que privilégient les pays qui se situent dans le peloton de tête et qui ont reconnu à sa juste valeur le rôle majeur que l'éducation physique joue sur l'amélioration de la santé et la formation fondamentale de l'être humain. Nous risquons de manquer le train de la mondialisation si nous accordons aussi peu d'importance à l'état de santé de notre population, avec ses conséquences sur le fardeau fiscal des contribuables, sur son taux de scolarisation, son taux de productivité et, surtout, sur sa qualité de vie.

Autre motif: «le cours obligatoire crédité étant un moyen parmi d'autres, il est impossible d'identifier le rapport entre exercice physique et santé à un rapport nécessaire entre cours obligatoire d'éducation physique et santé». Le rapport entre la pratique de l'activité physique et l'amélioration de la santé a maintes fois été démontré par de nombreuses études conduites à l'échelle mondiale. L'activité physique qu'on pratique résulte d'apprentissages acquis lors des cours d'éducation physique dispensés en milieu scolaire ou civil.

En milieu scolaire, les cours d'éducation physique crédités constituent le meilleur moyen de favoriser la pratique régulière de l'activité physique. L'effet d'entraînement de la pratique de l'activité physique sur les autres habitudes de vie pour prévenir les problèmes de santé a déjà été démontré. Créditer ces cours dans la formation générale commune, c'est s'assurer qu'un certain nombre d'activités d'apprentissage sont réalisées et évaluées. Combien d'étudiants s'inscriraient aux cours de français ou de mathématiques s'ils étaient optionnels? Certains apprentissages ne peuvent être laissés au hasard des activités libres.

Motif 4: «la diminution du nombre de cours crédités n'entraînerait pas la diminution de l'accès aux équipements sportifs qui continueraient d'être accessibles et où pourraient oeuvrer des spécialistes de l'éducation physique». Ici, il ne faudrait pas confondre accessibilité des locaux avec augmentation de fréquentation. Les deux cours d'éducation physique seraient remplacés par des cours théoriques, ce qui aurait comme conséquence d'augmenter la charge de travail intellectuel de l'étudiant sans toutefois augmenter ses temps libres pour fréquenter les plateaux d'éducation physique. Le nombre d'heures de cours moyen d'un cégépien, qui est d'environ 28 heures par semaine, le nombre d'heures d'études, ainsi que les nombreuses heures de travail en dehors du collège ne lui laissent pas beaucoup de temps libre pour pratiquer des activités physiques.

Lorsqu'on parle d'où pourraient oeuvrer des spécialistes de l'éducation physique, parce que les professeurs d'éducation physique ne limitent pas leur action à un rôle de transmetteur de connaissances théoriques, mais agissent aussi sur les attitudes, les habitudes et les valeurs, ils pourraient être relégués à un rôle de surveillant. Est-il nécessaire de vous rappeler que les éducatri-ces et éducateurs physiques sont les seuls professeurs de collège à posséder autant de formation en psychopédagogie? Penser affecter ces professeurs à une tâche de surveillance, c'est sous-estimer leur potentiel. Les éducateurs et éducatrices physiques ne sont pas des surveillants, mais des pédagogues.

Autre motif invoqué: «le nombre de dispenses actuellement accordées en éducation physique par les collèges publics et privés témoigne d'une prise en compte souple de ce type d'enseignement obligatoire». Les quelques dispenses accordées ne constituent que des cas d'exception. Bien que nous ne disposions pas de données précises au sujet du nombre d'élèves impliqués, il nous semble abusif de faire du nombre de dispenses un motif de réforme. Il n'apparaît pas très sérieux de justifier la réduction des cours d'éducation physique sur des cas ne représentant qu'une faible minorité. Un tel critère ne peut, en aucune façon, fonder une politique générale. Lors d'un sondage effectué auprès des départements d'éducation physique, nous avons pu constater que seulement 1 % à 1,5 % des étudiants reçoivent des dispenses ou des équivalences.

Autre motif: «les universités ne tiennent pas compte des résultats obtenus en éducation physique, la cote Z les excluant même de ces calculs». Cet argument est partiellement faux. Les universités tiennent compte des résultats obtenus en éducation physique puisqu'elles exigent que les élèves de cégep aient obtenu leur D.E.C. pour être acceptés dans un programme. Or, pour obtenir un D.E.C, il faut avoir réussi les cours d'éducation physique. Le fait qu'on ne tienne pas compte des résultats obtenus en éducation physique dans le calcul de la

moyenne de l'élève, ou de la cote Z, n'explique en rien l'importance qu'on accorde à cette discipline. Ce sont plutôt des considérations statistiques qui justifient un tel choix.

On peut s'étonner que le ministère invoque un tel motif pour justifier la réduction des cours obligatoires d'éducation physique puisque l'utilisation de la cote Z dans le système d'admission des universités québécoises est plutôt marginale. Des exemples, comme la cote Z pondérée par l'Université de Montréal et les examens d'admission en français, démontrent qu'on fait très peu confiance à cette technique de sélection. Quand les universités font la sélection des candidats possibles pour leurs différentes facultés, elles ne tiennent peut-être pas compte de la note d'éducation physique dans la cote Z. Il ne faudrait pas s'en étonner puisque le cours d'éducation physique ne fait pas partie de ces cours dont la note sert à des fins de sélection. Sa raison d'être, au cégep, répond plutôt à des besoins de formation. La formation offerte dans le développement multidimensionnel et intégré, dans l'amélioration de la santé globale et dans l'apprentissage d'activités physiques ne peut naturellement pas servir à des fins de sélection pour les universités.

Autre motif invoqué: «la suppléance convenue il y a 25 ans est moins nécessaire aujourd'hui, maintenant que les équipements sont largement répandus dans les écoles et dans les centres sportifs de toute nature». Premièrement, il ne s'agit pas de suppléance, mais bel et bien de la mission et des objectifs des collèges qui sont des institutions de formation. Il suffit de lire les documents ministériels pour s'en rendre compte. Deuxièmement, il y a confusion grave entre, d'une part, l'enseignement dont l'objet est de faire acquérir des connaissances, des habiletés, des attitudes, des habitudes et des comportements et, d'autre part, la pratique qui est une forme d'application des apprentissages. Retrouver une telle confusion dans un document du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science est étonnant et décevant. Nous pourrions appliquer le même raisonnement à l'enseignement du français ou de n'importe quelle autre discipline sous prétexte que le réseau de biblothèques et de librairies s'est largement développé depuis une vingtaine d'années. Personne ne songerait à réduire l'enseignement du français sous prétexte que l'accès à la lecture est maintenant plus facile. Quels résultats aurions-nous, sur le plan de la maîtrise de la langue française si on coupait de moitié l'enseignement de cette matière en invoquant le prétexte que les bibliothèques continueraient d'être accessibles où pourraient oeuvrer des spécialistes du français? (17 h 40)

Autre motif: «la formation en langue est suffisamment prioritaire pour qu'on consente à lui faire de la place». Cet argument qui invoque qu'on devrait diminuer l'enseignement de l'éducation physique pour faire de la place à la formation en langue ne devrait pas être utilisé dans une institution qui se préoccupe de la formation de l'être humain. La langue et la santé sont des valeurs primordiales que tout système d'éducation se doit de préserver et de promouvoir. Les étudiants qui arrivent au cégep ne possèdent pas le niveau recommandé et souhaitable de condition physique. Leur condition physique est aussi mal en point que leur connaissance de la langue.

Quant à l'apprentissage d'une langue seconde, a-t-on vraiment évalué l'efficacité des méthodes d'enseignement utilisées aux niveaux primaire et secondaire avant de proposer une solution de rattrapage au collégial? De nombreuses études démontrent une amélioration de la réussite scolaire, et ce, pour toutes les disciplines académiques, dans les institutions scolaires où l'on accorde davantage d'importance à l'éducation physique.

Les conséquences d'une telle réforme. Vous allez possiblement prétendre que nous exagérons les conséquences de la réduction du nombre de cours d'éducation physique afin de faire valoir notre point de vue. Personne n'est en mesure d'affirmer avec certitude les conséquences néfastes de cette réduction, mais il est possible, cependant, de prévoir des conséquences probables. Vous ne pouvez vous attendre à ce que l'état de santé des étudiants soit amélioré en diminuant l'action d'un des moyens considérés comme ayant des effets positifs significatifs. Ce n'est certainement pas en réduisant les cours d'éducation physique, que plus de 90 % des étudiants veulent conserver, que vous allez améliorer la vie collégiale et favoriser l'intégration sociale des jeunes. Quand une réforme ignore une valeur aussi fondamentale que la motivation des étudiants, il ne faudra pas s'étonner si le décrochage et les taux d'échec risquent d'augmenter. Toute mesure préventive vaut mieux qu'une mesure coercitive.

Après 30 ans d'enseignement, dont la qualité et la valeur sont reconnus, on dit aux professeurs d'éducation physique que leur rôle au sein du système scolaire n'est plus aussi nécessaire et qu'on pourrait s'en passer. L'intérêt que nous accordons à la santé et au mieux-être des élèves nous incite à nous opposer avec fermeté à toute réduction du nombre de cours d'enseignement de l'éducation physique. Nous ne pouvons pas limiter notre action aux dimensions intellectuelles et physiques. Il nous faut aussi agir sur les dimensions affectives et sociales.

Nos stratégies d'intervention requièrent la planification de situations d'apprentissage qui offrent un contexte propice à l'atteinte de tels objectifs de formation. Tout ce processus d'apprentissage exige un temps considérable. Les quelque deux unités et deux tiers dont nous disposons actuellement constituent un minimum pour nous assurer d'atteindre tous nos objectifs et, en particulier, ceux qui concernent la prévention des problèmes de santé. Afin que les apprentissages réalisés puissent être transférés à la vie en société, il importe qu'ils soient réalisés dans une variété de contextes. Les quatre cours actuels offrent quatre contextes différents et permettent ainsi d'atteindre l'ensemble des objectifs de l'éducation physique au collégial récemment approuvés par la ministre, le 12 avril 1992. Notre évaluation

confirme, en effet, que l'aménagement actuel des 4 cours d'éducation physique permet aux étudiants d'être mis en contact avec 95,5 % de ces objectifs ministériels. des cours d'éducation physique offerts sur quatre sessions ne permettent pas seulement d'agir de façon plus efficace sur des attitudes positives à l'endroit de l'activité physique, mais augmentent aussi chez l'étudiant, pendant quatre sessions, ses chances de réussite en favorisant un travail intellectuel plus efficace. aucune évaluation n'a encore démontré que ces objectifs jugés essentiels pourraient être atteints en diminuant de quatre cours à deux cours d'éducation physique.

Le Président (M. Gobé): Oui, M. Delaney. M. Delaney: La partie des recommandations.

Le Président (M. Gobé): Je dois vous mentionner, M. Delaney, que les 20 minutes qui vous étaient allouées sont maintenant écoulées, mais je viens de consulter rapidement les 2 côtés de la commission et on m'a fait signe qu'il y avait consentement pour que vous puissiez dépasser et continuer.

Une chose que j'aimerais mentionner: vous avez entendu une petite cloche, il y a quelques minutes, c'était pour un quorum en Chambre, et probablement que la prochaine cloche qui va sonner, ça va être pour appeler les députés à un vote. À ce moment-là, je vais devoir suspendre la commission, car le règlement fait en sorte qu'aucune commission ne peut siéger pendant un vote et, en plus de ça, les parlementaires qui sont là ont le goût d'aller voter sur le projet de loi. Donc, je suspendrai, à ce moment-là, jusqu'à la fin du vote. Nous reviendrons pour continuer et nous dépasserons le temps imparti de quelques minutes, mais il y a consentement des deux côtés de cette Chambre pour ce faire, étant donné l'importance de votre prestation, de "votre témoignage et aussi tous les gens qui vous accompagnent. Alors, vous avez la parole à nouveau.

M. Delaney: Merci beaucoup. Nous rappelons, premièrement, la nécessité de maintenir dans leur intégrité les objectifs ministériels actuels approuvés par la ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science le 14 avril 1992; de maintenir le minimum de 2 unités et 2/3, c'est-à-dire 4 cours et 120 heures, qui constituent le programme obligatoire d'éducation physique et qui représentent actuellement 3 % à 5 % des quelque 50 à 90 unités de formation de l'élève; de conserver le caractère obligatoire et crédité des cours d'éducation physique. Nous voulons aussi vous faire part de notre intention de travailler à l'établissement d'un programme-cadre et, si nécessaire, de faire les ajustements appropriés; d'adapter le contenu de certains cours aux objectifs de l'approche programme.

Les propositions de scénarios. La CEEPQ, comme plusieurs organismes qui participent à cette commission, veut vous faire part de trois scénarios qui permettent à la fois de respecter l'esprit de la réforme, ainsi que les besoins maintes fois exprimés par les élèves et les experts au sujet du maintien de quatre cours obligatoires d'éducation physique.

Dans le premier scénario, nous vous proposons d'augmenter le nombre d'unités dans le bloc de formation générale. Le projet de réforme dit qu'il faut réduire le nombre d'unités de certaines disciplines afin d'élargir et d'enrichir la formation générale de l'élève. Nous considérons que le meilleur moyen d'élargir et d'enrichir cette formation, c'est d'augmenter le nombre d'unités, c'est-à-dire d'ajouter une unité et un tiers dans le bloc 1 pour compléter le nombre d'unités nécessaires en éducation physique.

Dans le deuxième scénario, nous vous proposons de modifier la pondération accordée à certains cours. Compte tenu que les exigences en langue d'enseignement et en langue seconde seront augmentées pour accéder au collège, nous proposons un scénario visant à récupérer une unité et un tiers dans les nouveaux cours attribués à ces disciplines pour la redistribuer à l'éducation physique. Le fait de réduire de deux tiers le nombre d'unités allouées à ces cours ne risque pas de compromettre les objectifs de la réforme concernant ces deux disciplines. Le consensus qui s'était établi sur la nécessité d'améliorer la langue d'enseignement et la littérature, ainsi que de favoriser la connaissance d'une langue seconde est toujours maintenu.

Dans le troisième scénario, nous vous proposons de réaménager les cours à l'intérieur des blocs. On doit également se questionner sur la pertinence de placer les deux cours de langue seconde dans les blocs 1 et 2, compte tenu du fait que l'importance de ce besoin varie d'une région à l'autre, d'un cégep à l'autre, d'un individu à l'autre. Il serait préférable de placer le deuxième cours de langue seconde dans le bloc 3, ce qui permettrait de consacrer une unité et un tiers à l'éducation physique dans le bloc 1. Notons que cette proposition laisserait deux tiers d'unité à distribuer dans la formation générale. Ça pourrait être ajouté à la langue seconde qui apparaît dans le bloc 1, portant de deux unités à deux unités et deux tiers le nombre d'unités pour la langue seconde.

En conclusion, compte tenu de la faiblesse des arguments qui ressemblent plutôt à des prétextes pour justifier une réduction des cours d'éducation physique; compte tenu du consensus clair qui s'est dégagé en faveur du maintien des quatre cours d'éducation physique; compte tenu du fait que les premiers intéressés, c'est-à-dire les élèves pour qui les collèges existent, veulent, dans une proportion de plus de 90 %, conserver ces cours; compte tenu du fait que la réduction proposée ne découle d'aucune étude ou évaluation, nous demandons aux membres de la commission de l'éducation et à la ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science de renoncer à cet aspect de la réforme qui ne comporte que des effets négatifs qui affecteront non seulement l'enseignement de l'éducation physique dans les collèges, mais auront aussi un impact sur l'ensemble de l'éducation physique dans notre système scolaire et

sur notre société. Merci. (17 h 50)

Le Président (M. Gobé): Merci, M. Delaney. Merci, M. Laferrière. Ceci met donc fin à la présentation de votre mémoire ou de votre position. Nous allons maintenant aborder la phase de discussion avec les parlementaires et avec Mme la ministre. Donc, sans plus attendre, nous allons commencer, pour une période de 20 minutes. Si la cloche sonne, je devrai, comme je vous l'ai mentionné auparavant, suspendre et vous nous excuserez, le temps d'aller accomplir notre devoir de parlementaires.

Alors, Mme la ministre, vous avez maintenant la parole pour une période d'environ 20 minutes.

Mme Robillard: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord saluer les membres de la Confédération des éducateurs et éducatrices physiques du Québec et leur dire que j'ai lu avec attention leur nouveau mémoire présenté devant les membres de cette commission. J'ai vu aussi que, à la fin du mémoire, vous aviez étudié l'ensemble de la formation générale. Quand on fait des choix de cours à l'intérieur de la formation générale, il faut les situer dans une perspective de l'ensemble du contenu, ce que vous avez fait dans la présentation de vos scénarios, si j'ai bien compris. Parce que c'est très clair, et vous le mentionnez, le message de base que nous avions reçu à la commission parlementaire de l'automne dernier en regard de la formation générale, c'était un élargissement de cette formation et un renforcement de la formation générale. Alors, dans ce contexte-là, le gouvernement a fait de nouveaux choix que vous avez dans le renouveau collégial.

Alors, si vous voulez, M. Delaney, dans un premier temps, j'aimerais ça regarder avec vous vos scénarios pour bien les comprendre et voir ce qui motive les nouveaux choix que vous me présentez, aussi, de contenu de formation générale. Au-delà du fait que vous me recommandez toujours deux unités et deux tiers d'éducation physique, donc quatre cours, c'est toute la configuration de la formation générale, quand on commence à modifier des unités. C'est dans ce contexte-là que j'aimerais bien comprendre les choix sous-jacents à vos scénarios.

D'abord, le premier scénario, je ne le discuterai pas longtemps. Ce que je comprends, c'est un ajout. Alors, là, on passe la formation générale à 28 unités, étant donné qu'on ajoute 1 unité et 1/3, n'est-ce pas?

M. Delaney: Oui.

Mme Robillard: Donc, le premier scénario, c'est un ajout. Est-ce à dire que les professeurs d'éducation physique ou les membres de votre confédération, vous êtes en accord avec les autres contenus de la formation générale qui sont là?

M. Delaney: Si je comprends bien — et c'est dans le mémoire ou je l'ai mentionné au début — nous sup- portons l'idée de mettre un accent davantage sur la langue maternelle et d'introduire un accent, une emphase sur la langue seconde. Nous sommes complètement d'accord avec ça. La seule chose, c'est qu'on s'est posé des questions, à savoir si on devait tasser complètement ou, maintenant, la moitié des cours d'éducation physique. Alors, nous avons essayé, en consultant des gens qui connaissaient mieux les pondérations, les contenus de cours de langue maternelle et de langue seconde que nous autres, de voir si ce serait possible d'arriver à des objectifs semblables sans nécessairement tasser l'éducation physique. Alors, c'est ça qui nous a amenés à proposer...

Premièrement, étant donné qu'il est censé y avoir des changements au niveau secondaire, des augmentations en termes de niveau, pour avoir accès au niveau collégial, de langue maternelle, de langue seconde et, je crois aussi, des maths, mais que, pour ce qui concerne ces deux matières-là, on risque d'avoir des étudiants mieux préparés, alors, on se posait la question: Est-ce que c'est vraiment nécessaire d'en mettre autant, au niveau collégial, sur la langue maternelle et la langue seconde? Est-ce qu'on pourrait aller en chercher là? C'est pour ces raisons-là qu'on a proposé le deuxième scénario, alors qu'on allait chercher deux tiers à la fois.

Mme Robillard: Mais, M. Delaney, restons au premier scénario pour quelques minutes.

M. Delaney: Oui.

Mme Robillard: Ça veut dire aussi, si vous l'avez regardé dans une optique de formation générale, dans le fond, avec quel bagage de connaissances tout jeune ou tout adulte qui fréquente le cégep doit-il sortir du cégep, qu'il soit en préuniversitaire ou en technique? Vous aviez là une configuration nouvelle de la formation générale dont une partie était adaptée au programme, et nettement un resserrement au niveau des cours complémentaires aussi. Dans le fond, ma question, c'était de dire: Outre les langues, parce qu'on va y revenir aux scénarios 2 et 3, en regard des autres choix qui sont faits dans les autres blocs, la confédération des éducateurs est en accord avec ces choix-là qui sont faits. Est-ce que je dois conclure ça du premier scénario?

M. Delaney: Oui.

Mme Robillard: Oui. Parfait. Alors, allons au deuxième scénario. Donc, là, ce que vous faites comme choix de deuxième scénario, vous maintenez le même nombre d'unités, mais je pense que vous voulez diminuer le nombre d'unités au niveau des langues. Ce que je voudrais bien comprendre, parce que vous m'avez marqué «à déterminer» dans la colonne de droite, est-ce que c'était le sens que vous voulez diminuer les unités qu'on accorde dans le renouveau au niveau des langues?

M. Delaney: Oui. Pour les raisons mentionnées

tout à l'heure, que je viens juste de mentionner, concernant la préparation de l'élève; on risque d'avoir un élève ou une élève qui est mieux préparé. Alors, on pensait qu'on pourrait aller chercher deux tiers d'unité dans chacune de ces matières-là. Par contre, où nous ne voulions pas nous prononcer, c'est en termes de la pondération des unités: où les mettre par après, parce que nos expertises ne sont pas en termes de langue maternelle et de langue seconde. C'est pour ça qu'on laissait «à déterminer». On laisse les gens qui ont les compétences dans ces matières-là déterminer combien d'unités ils garderaient pour la langue d'enseignement et littérature et combien pour la langue seconde.

Mme Robillard: Mais vous auriez pu très bien faire le choix, par exemple, de diminuer le nombre d'unités au niveau des cours complémentaires et de laisser les unités en langue. Donc, vous avez fait un choix entre langue, n'est-ce pas...

M. Delaney: Oui.

Mme Robillard: ...et éducation physique. Est-ce que c'est bien là que votre choix s'est situé?

M. Delaney: Oui, en tenant compte que les changements, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, allaient se faire au niveau secondaire.

Mme Robillard: Ah! Pour vous, le seul fait qu'on va exiger maintenant la réussite obligatoire, par exemple, du cours de langue maternelle au niveau du secondaire et de langue seconde pour l'admission au collège, ça vous apparaît suffisant, et c'est pour ça que vous faites ce choix-là au niveau de la langue.

M. Delaney: Oui.

Mme Robillard: Oui?

M. Delaney: Oui.

Mme Robillard: C'est bien dans ce sens-là.

M. Delaney: C'est bien dans ce sens-là.

Mme Robillard: Alors, au troisième scénario, vous me surprenez parce que, là, vous diminuez le nombre d'unités de formation générale. Alors, selon votre scénario 3, on se retrouve non seulement... Présentement, on a 26 unités et 2/3, et certains groupes veulent nous les faire augmenter, mais là, avec votre scénario 3, on les diminue. Est-ce bien ça, et pourquoi?

M. Delaney: Lorsque ça a été publié, ça... C'est pour ça que j'ai mentionné tout à l'heure que cette proposition laisserait deux tiers d'unité à distribuer. Alors, on ne les enlève pas. Ils restent à distribuer, ces deux tiers-là. Ce que j'ai suggéré... Étant donné que le troisième scénario enlève ou place un cours de langue seconde dans le bloc 3, on proposait que les deux tiers soient rajoutés à la langue seconde qui est incluse à l'intérieur du bloc 1, ce qui ferait que... Ça, c'est les cloches?

Le Président (M. Gobé): Terminez votre réponse. Alors, voilà, la cloche redoutée ou attendue, dépendant par qui, sonne maintenant. Je vais donc devoir suspendre nos travaux et je vais le faire jusqu'à la fin du vote. Alors, ça peut être 10 minutes, 7, 8 minutes, 15 minutes, jusqu'à la fin du vote. La commission est suspendue. Vous pouvez rester ici.

(Suspension de la séance à 18 heures)

(Reprise à 18 h 14)

Le Président (M. Gobé): Alors, mesdames et messieurs, s'il vous plaît! J'apprécierais que tout le monde puisse regagner sa place. S'il vous plaît! Alors, merci beaucoup. La cloche a sonné, la récréation est maintenant finie. On va pouvoir reprendre nos travaux. Et, Mme la ministre, je vous redonne la parole que vous aviez lorsque nous avons suspendu nos travaux.

Mme Robillard: Merci, M. le Président. M. Delaney, nous étions sur le scénario 3, n'est-ce pas? Alors, je pense que vous étiez en train de m'expliquer le fait que, selon votre scénario 3, il y a une diminution au niveau du nombre d'unités, mais vous me disiez que les deux tiers manquants s'ajoutaient. Et là, je pense que je vous ai perdu. Pourriez-vous reprendre cette explication-là?

M. Delaney: Les deux tiers pourraient s'ajouter et, encore, je voudrais souligner le fait que nous ne sommes pas des experts en termes de scénarios possibles. Lorsqu'on a discuté avec plusieurs personnes et qu'on a fait des enquêtes, on a su qu'il y a au moins une centaine de scénarios qui ont été étudiés par plusieurs personnes. Nous autres, on en est venus à trois et c'est fort probable qu'il en existe d'autres. Ce qui nous a motivés à faire ça, c'est qu'à plusieurs reprises vous nous avez mentionné d'apporter des solutions. Ce qui nous inquiète, c'est que l'éducation physique soit amputée et on croit qu'il existe des possibilités. On pourrait étudier les trois qu'on vous propose là ou peut-être qu'il y en a d'autres. On sait qu'il y a des syndicats qui en ont proposé d'autres. Il s'agirait de déterminer le meilleur pour qu'on puisse, à la fois, atteindre les objectifs de la réforme et aussi atteindre les objectifs en éducation physique.

Mme Robillard: Oui, je comprends bien ça, M. Delaney, mais, quand même, dans votre mémoire... Et je l'avais dit très clairement, je ne voudrais pas strictement apporter des ajustements à la pièce, en augmenter

un certain nombre et de ne pas regarder l'impact sur l'ensemble. Et c'est ce que vous avez fait dans vos scénarios. Si nous augmentons le nombre d'unités en éducation physique, quel autre choix faisons-nous dans la configuration de la formation générale? Parce que c'est ce dont il s'agit, de faire le choix de tous les cours qui sont dans la formation générale. C'était là l'enjeu, avec le message de base, de l'élargir, cette formation-là, et de la renforcer. Alors, c'est dans ce contexte-là que s'est faite la réflexion.

C'est pour ça que je vous pose des questions sur vos scénarios. Je pense que vous avez quand même fait un effort. Même si vous me dites que vous n'êtes pas un spécialiste dans les unités, ça va, je n'ai pas de problème avec ça, mais vous avez quand même fait des choix au niveau du contenu des cours ou des thématiques. C'est pour ça qu'au point de départ je vous posais la question sur le contenu général. Donc, je sentais que vous étiez en accord même avec les choix qu'on a faits au niveau de la philosophie ou des thématiques dans les cours complémentaires.

Étant donné que, dans vos scénarios 2 et 2, ce que vous faites, c'est que vous rétablissez les cours d'éducation physique, mais toujours en rapport avec la langue, soit la langue maternelle ou soit la langue seconde, vos choix se sont faits dans ce contexte-là. C'est pour ça que je voulais très bien les saisir.

M. Delaney: Alors, pour le troisième, juste pour compléter, on croyait que les 2/3 qui manquent justement sur le document que vous avez pourraient être rajoutés à la langue seconde, ce qui porterait la langue seconde dans le premier bloc à 2 et 2/3, ce qui ferait qu'il y aurait 60 heures de langue seconde de moins, comparé avec le projet de réforme. Je crois que la Fédération nationale des enseignants et enseignantes du Québec a présenté, hier, une alternative qui allait dans ce sens-là, qui diminuait, peut-être, de 90 heures, si je ne me trompe pas.

Mme Robillard: Oui. Et la Fédération autonome du collégial en a présenté une autre...

M. Delaney: C'est ça. Alors...

Mme Robillard: ...qui incluait tous les cours de langue seconde. Alors, vous voyez comment c'est difficile quand on regarde l'ensemble du contenu...

M. Delaney: Oui.

Mme Robillard: ...de la formation générale, et c'est dans ce contexte. Ça va. Je saisis bien, M. Delaney.

M. Delaney: O.K. Alors, étant donné que personne n'a la réponse pour dire exactement le nombre de cours, surtout en termes de langue seconde, dont on a besoin pour atteindre les objectifs, là, on pensait que, si on pouvait atteindre les standards, avec un cours de deux unités et deux tiers, ça pourrait suffire. Si jamais on n'atteint pas les standards avec la proposition qu'on a, on pourrait exiger ou demander à l'élève de prendre un deuxième cours de langue seconde, mais dans le bloc 3. C'est dans ce sens-là qu'on a fait la proposition.

Mme Robillard: Parfait. Alors, ça va pour les scénarios. Je saisis bien le raisonnement qui vous a animés pour faire ces choix, M. Delaney. Revenons à certaines de vos recommandations, de façon spécifique, à la page 31 de votre mémoire. À la recommandation 5, je voudrais bien saisir le contenu de la recommandation quand vous dites: «Que le gouvernement prenne les dispositions pour qu'un programme quotidien d'éducation physique soit appliqué à tous les niveaux du système d'enseignement dans les meilleurs délais.» Expliquez-moi ça, là. Et est-ce que ça va de la prématernelle jusqu'au doctorat?

M. Delaney: Pas nécessairement. Dans tout les systèmes scolaires, que ça soit au Canada, aux États-Unis, il y a des choix à faire. Vous êtes ici et vous devez faire des choix, et vous avez des choix dans la réforme que vous nous avez présentée. Dans plusieurs provinces, on s'aperçoit qu'il y a des gouvernements qui prennent des décisions qui vont dans ce sens-là, qui introduisent des programmes d'éducation physique quotidienne de qualité — c'est le titre du programme — au niveau primaire et au niveau secondaire, et ils croient augmenter davantage l'accès à l'éducation physique en continuant d'offrir des programmes semblables. Maintenant, nous autres, sachant très bien que ce n'est pas nécessairement le moment opportun pour proposer qu'on passe de quatre cours à l'éducation physique quotidienne, on a proposé tout simplement que ça pourrait être intéressant et que ça pourrait être utile, étant donné les études qui existent déjà, qui démontrent que la performance à l'école peut être améliorée si on fournit à l'élève la possibilité de faire de l'éducation physique sur une base quotidienne; et là, on a l'étude de Pierre-de-Coubertin, Trois-Rivières, etc.

Le Président (M. Gobé): Alors, merci, M. Delaney. Mme la ministre me fait signe que, pour cette période-ci, elle a terminé, mais elle reviendra par la suite; il lui reste un peu de temps. Et nous allons donc maintenant demander à M. le porte-parole de l'Opposition officielle de bien vouloir commencer sa période de 20 minutes. M. le député, vous avez la parole.

M. Brassard: Oui. Je voudrais souhaiter la bienvenue, moi aussi, aux représentants de la Confédération des éducateurs et éducatrices physiques du Québec, et également les remercier pour le dossier très étoffé qu'ils ont constitué sur l'éducation physique dans le réseau collégial. (18 h 20)

Moi, je veux quitter les scénarios, là, parce que je pense qu'on s'embourbe. Je n'ai pas l'impression que

c'est votre responsabilité de vous substituer à la ministre et de concevoir comment les unités et les cours vont s'agencer. Je pense que votre responsabilité, en tant qu'éducateurs et éducatrices physiques, c'est de venir nous faire la preuve, la démonstration qu'il faut maintenir les quatre cours d'éducation physique dans le réseau collégial comme des cours crédités obligatoires. C'est ça, je pense, que vous êtes venus faire, et c'est là-dessus, moi, que je veux insister. Parce que, s'il y a eu peut-être auparavant, il y a quelques années, un certain laxisme en matière d'éducation physique, comme il y en a eu peut-être également aussi dans d'autres disciplines — dans un réseau qui naît, qui se forme, qui se met en place, c'est un peu normal qu'il y ait des dérapages — il reste que, depuis quelques années, il y a eu un travail de resserrement quant au contenu et quant aux objectifs, de sorte qu'en 1992, je pense, le ministère a sanctionné, en matière d'éducation physique, des objectifs ministériels. Vous les reproduisez dans votre mémoire. Je ne les cite pas. Il y en a 22, là, mais ça porte sur le savoir, le savoir-faire et le savoir-être. Il y a 22 objectifs ministériels. Ça veut donc dire que le ministère assume ces objectifs-là, les a assumés, les accepte, les a approuvés et a demandé aux établissements collégiaux de les implanter et de faire en sorte que les départements d'éducation physique s'organisent pour les atteindre. C'est, je pense, d'ailleurs, ce travail-là qui est en cours, travail d'implantation des objectifs ministériels.

Alors, la question, moi, que je vous pose, c'est: Est-ce que ces objectifs ministériels sont toujours souhaitables, est-ce qu'il faut les maintenir et est-ce que vous avez absolument besoin de 120 heures, donc de 4 cours crédités obligatoires, pour faire en sorte que les étudiants et les étudiantes du réseau collégial puissent les atteindre?

M. Delaney: Pour répondre à la première question, lorsqu'on parle d'implantation des objectifs, je céderais la parole à M. Laferrière.

Le Président (M. Gobé): Alors, M. Laferrière, vous avez la parole.

M. Laferrière: Ça me fait plaisir. Pour atteindre ces objectifs-là qui concernent particulièrement des attitudes par rapport à la pratique de l'activité physique, qui concernent également le développement d'habitudes de vie pour prévenir les problèmes de santé et qui touchent aussi d'autres facteurs dans le domaine affectif, tels que l'estime de soi, la confiance en soi, la capacité à communiquer, à travailler en équipe, la capacité à s'adapter à d'autres personnes, à s'adapter à des environnements variés, ça suppose que chacun des cours soit structuré en conséquence. Il faut prévoir des situations d'apprentissage qui requièrent l'utilisation d'outils tels que des fiches d'évaluation formative, où l'étudiant peut observer et apporter des corrections à ses comportements.

Il faut que l'étudiant ait d'abord l'occasion, en laboratoire, dans le cours d'éducation physique, d'exercer ses comportements pour pouvoir identifier ceux qui méritent d'être corrigés et ceux qui méritent d'être améliorés. Et ça, en deux cours, c'est-à-dire en deux contextes différents, c'est loin d'être suffisant, alors que, dans quatre contextes différents, lorsqu'il est exposé à un cours à dominante de conditionnement physique, à un autre de sport correctif, à un autre de sport plutôt individuel ou à une autre forme d'activité telle que techniques de relaxation, l'étudiant peut davantage atteindre l'ensemble de ces 22 objectifs. Si on nous coupe la moitié de nos moyens, ça veut dire beaucoup moins d'activités d'apprentissage structurées qui permettent d'atteindre ces objectifs-là et, à ce moment-là, nous ne pouvons définitivement pas rejoindre l'ensemble des 22 objectifs.

Et, pour répondre à la deuxième question, à savoir si c'est de quatre cours dont on a besoin, je céderais la parole à M. Pierre Brodeur, du cégep Saint-Jean-sur-Richelieu.

Le Président (M. Gobé): Alors, M. Brodeur, vous avez la parole.

M. Brodeur (Pierre): II faut peut-être remettre ça aussi dans le contexte historique du Québec. Le bloc des quatre cours de philo, quatre cours de français, quatre cours d'éducation physique, ça visait, à l'origine, la formation générale qui était partagée par tous les élèves d'un même cégep, qu'ils soient du professionnel ou du général, sur deux ans, quatre sessions. Ça devenait des lieux où il y avait de ces échanges qu'on voulait même dans l'esprit des collèges d'enseignement général et professionnel. On voulait qu'il y ait une rencontre entre ces deux champs d'études.

Au plan pédagogique, compte tenu des objectifs ministériels et des objectifs de la formation fondamentale, compte tenu des expériences et des situations éducatives qui sont proposées sous forme de programmes organisés dans les collèges — parce que les collèges n'offrent pas simplement un éventail libre de cours qu'on choisit un peu n'importe comment — la tendance a été de travailler avec des blocs ou avec des scénarios de cours que les élèves pouvaient choisir. compte tenu aussi de l'expérience accumulée et des études, donc, par ceux qui observent les pratiques d'éducation physique et aussi par les élèves qui témoignent, dans le contexte qu'on connaît, sur la valeur et la portée de cette gestion d'une éducation physique sur 2 ans, on sait, par exemple, que plus de 90 % des élèves se disent actuellement satisfaits des cours d'éducation physique. je peux vous dire qu'il y a 25 ans, ce n'était pas nécessairement le cas. quand on a commencé à enseigner l'éducation physique dans les collèges, il fallait faire la preuve de l'éducation physique. il fallait même travailler à développer des attitudes positives envers l'éducation physique. on a obtenu ce que j'appelle un résultat pédagogique dans le domaine de l'éducation, c'est cette attitude envers... et c'est pour ça que

les élèves, d'une part, sont satisfaits et demandent de maintenir les cours d'éducation physique.

Une autre enquête — même un peu plus étonnante, celle-là — nous dit que 70 % des anciens élèves des cégeps, quand on les questionne, nous disent que l'éducation physique et les mathématiques comptent parmi les activités les plus formatrices qu'ils ont eues au collège; mathématiques et éducation physique. Nous, on était un peu satisfaits d'un résultat comme celui-là, même qu'on ne s'y attendait pas. (18 h 30)

Actuellement aussi, dans les collèges, il faut voir les percées de la formation fondamentale à laquelle l'éducation physique est adaptée. Nous n'avons pas — il faut bien le reconnaître — les contraintes de programmes qui mènent à l'université. Nous n'avons pas les contraintes des antécédents ou des prérequis. Nous prenons la population étudiante telle qu'elle est et nous travaillons avec elle au plan éducatif. Et, ce travail, ce n'est pas un travail qui peut se faire spontanément dans une session. C'est un travail qui se fait pendant le passage de l'élève au cégep. Et un des avantages, c'est que, sur quatre périodes, il y a cet éventail d'activités. Il y a aussi la multiplication des occasions où des élèves du général, du professionnel, garçons ou filles de tous les groupes d'études, peuvent se rencontrer et participer à des expériences éducatives.

Mais je ne pourrais pas vous faire une démonstration scientifique, coulée dans le béton, pourquoi quatre cours. Il vient un moment donné où il faut continuer à exercer un choix à partir de valeurs et d'une orientation qu'on a en éducation.

M. Brassard: Oui mais, moi, ce que je vous demandais, c'est qu'à partir du moment où les objectifs ministériels sont maintenus — à moins qu'on nous dise: On les fait sauter, les objectifs — c'est de quatre cours dont vous avez besoin pour les atteindre raisonnablement. Mais vous faisiez allusion, tout à l'heure, aux filles, aux étudiantes. On nous dit que c'est peut-être encore davantage important pour les étudiantes, pour les femmes, l'éducation physique au collégial. Je ne sais pas si c'est parce qu'elles ont peut-être moins tendance ou qu'elles sont peut-être moins portées à ce genre d'activité. Qu'en est-il exactement?

Mme O'Bomsavvin (Hélène): Par le fait que le projet de réforme aura un impact sur la représentation des femmes dans le corps professoral, il en va de même sur les étudiantes du réseau collégial. En effet, les étudiantes en formation auront peine à s'identifier à des modèles féminins dans un secteur traditionnellement masculin. Aussi, nous verrons disparaître du curriculum en éducation physique plusieurs cours répondant spécifiquement aux attentes et aux besoins des filles et des femmes qui, elles, vont rester, par exemple, la danse contemporaine, la relaxation, le mouvement expressif, l'autodéfense, etc., ce qui aura pour conséquence de diminuer la diversité des expériences et des variétés de contextes permettant d'assurer une poursuite dans l'avenir et de garder les filles plus actives. Il en est de même concernant la typologie des cours qui facilitent des conditions mettant en présence le décloisonnement des stéréotypes masculins et féminins, par exemple, par les sports de plein air ou les activités collectives où on sait que les femmes peuvent assurer un certain leadership qui développe la confiance en soi et l'autonomie.

En plus la méconnaissance du rôle de l'éducation physique dans la formation fondamentale vient obnubiler l'apport de notre discipline au développement des étudiants et plus particulièrement des étudiantes au collégial. De nombreux adultes de retour aux études nous font part de leur grande satisfaction face à l'accès à cette dimension privilégiée qu'est le rapport au corps. On sait que le rapport au corps est quelque chose de très intime et on se pose la question: Comment ça va se passer s'il y a beaucoup moins de femmes dans les départements d'éducation physique, entre autres?

Mais toute cette formation exige du temps pour observer, expérimenter et intégrer de nouvelles compétences en matière de comportement visant le concept de soi qui est au coeur même de la définition qu'une personne a d'elle-même. La perception de soi par le mouvement amène la personne à être en mesure de consolider l'identité. Nous, en éducation physique, nous faisons cela présentement. Développer sa conscience corporelle permet ainsi de raffiner et d'améliorer l'usage que l'on fait de soi-même dans la vie courante et dans la vie professionnelle et, enfin, d'arriver à des accomplissements plus élevés, ce qui fait place à la véritable contribution de l'éducation physique au curriculum des collèges, nous permettant ainsi de viser l'excellence, comme le souhaite Mme la ministre.

M. Brassard: je voudrais revenir un peu aux raisons invoquées par la ministre dans le document, l'énoncé de politique, pour ramener de quatre à deux les cours d'éducation physique. bon, je vous avoue que je n'ai pas été très impressionné, moi, non plus, par les raisons invoquées. mais, en particulier, j'aimerais vous entendre sur quelques-unes de ces raisons-là. on dit que, «dans les systèmes d'enseignement supérieur canadiens étrangers, il n'y a généralement pas d'activités physiques obligatoires et créditées». vous l'avez invoquée, cette raison-là, tout à l'heure, mais j'aimerais avoir peut-être davantage de précisions, de même que sur cette espèce d'énoncé lorsqu'on dit que «le cours obligatoire crédité étant un moyen parmi d'autres, il est impossible d'identifier le rapport entre exercice physique et santé à un rapport nécessaire entre cours obligatoires d'éducation physique et santé». qu'est-ce que vous pensez de ces motifs invoqués par le gouvernement pour réduire de 50 % les cours d'éducation physique?

M. Delaney: Pour ce qui est du premier que vous avez mentionné, ce qui se passe au Canada, puis à l'étranger, on considère, premièrement, que c'est imprudent de comparer un niveau comme le collégial ou le

postsecondaire sans tenir compte de ce qui se passe dans l'ensemble du système scolaire. Le résultat qu'on peut avoir chez un élève, ce n'est pas simplement le résultat de deux années ou de quatre cours, mais c'est l'ensemble du système scolaire, c'est-à-dire ce qui se passe en éducation physique au niveau primaire, au niveau secondaire, au niveau collégial, universitaire.

Maintenant, lorsqu'on regarde les choix qui ont été faits ailleurs au Canada, c'est certain qu'il n'existe pas d'éducation physique au niveau postsecondaire. Mais, si, au lieu de dire postsecondaire, on parle de préuniversitaire, puis qu'on se compare aux autres provinces, on trouve là qu'on est déficients. Lorsqu'on regarde en matière d'éducation physique, éducation à la santé, c'est clair qu'on a beaucoup moins d'heures en éducation physique pour nos élèves comparé aux élèves à l'extérieur. lorsqu'on regarde dans d'autres pays, aux états-unis, là, on trouve de l'éducation physique aux niveaux primaire, secondaire, collégial et universitaire. au niveau universitaire, c'est crédité dans 65 % des universités et des collèges qui comptent 4 ans d'études, mais c'est certain qu'ici au canada il y a très peu d'éducation physique rendu au niveau postsecondaire. mais, comme je vous dis, c'est les choix qui ont été faits.

Nous autres aussi, on a fait des choix. On a choisi d'avoir deux heures au niveau primaire, deux heures au niveau secondaire, deux heures au niveau collégial. Maintenant, si on coupe les heures au niveau collégial sans tenir compte de ce qui se passe aux autres niveaux, nos élèves vont être encore plus déficients qu'ils ne le sont actuellement en matière d'éducation physique.

Pour ce qui est de la deuxième question, je céderais la parole à Pierre Brodeur, s'il vous plaît. La deuxième question, c'est concernant le...

M. Brassard: Le rapport, là... M. Delaney: Oui.

M. Brassard: ...entre exercice physique et santé qu'on dit impossible d'identifier au rapport nécessaire entre cours obligatoires d'éducation physique et santé.

M. Brodeur: Oui. Ce n'est pas simple de se sortir de ça parce que c'est une sorte d'exigence indémontrable, d'une certaine façon, qui est, à la limite, démagogique. On pourrait se poser d'autres questions. Quel rapport y a-t-il entre l'enseignement de la philosophie et la pensée rationnelle du peuple? On pourrait se demander: Quel rapport entre l'enseignement de la chimie et de la physique et l'esprit scientifique dans la population? On ne peut que démontrer la contribution — mais ça, on peut le faire — plus ou moins grande à un champ d'action social ou à un état quelconque dans la population, mais certainement pas un lien de cause à effet. Dans le domaine social, il est très difficile de faire ce genre de relation de cause à effet, entre autres, sur l'effet de deux heures ou trois heures sur la vie d'une personne.

Mais pourquoi exiger une telle démonstration de la part de l'éducation physique seulement — on pourrait s'interroger là-dessus — et pas des autres contenus d'enseignement relativement à leur champ d'action social? Il y a comme une façon de procéder avec l'éducation physique... Je ne sais pas si ça relève de préjugés ou de méconnaissance, mais on a des exigences envers l'éducation physique qu'on n'a pas nécessairement envers les autres matières et les autres contenus de l'enseignement collégial.

Maintenant, si on cherche un rapport nécessaire, c'est un rapport nécessaire de l'ordre de l'histoire d'une société et d'une culture qui fait que les citoyens vivent plus longtemps en meilleure santé, avec une meilleure qualité de vie, que les conditions dans lesquelles ils vivent sont là pour contribuer à la fois à leur santé, à leur éducation, à leur culture et même à leur travail. Et parfois on fait des choix pour répondre à leurs besoins au-delà de l'utilité immédiate ou de la démonstration scientifique qui, je l'avoue, est très difficile à faire. (18 h 40)

Le Président (M. Gobé): Alors, c'est...

M. Brassard: Ça va?

Le Président (M. Gobé): Oui, si vous avez une petite question rapide, mais je vais devoir passer la parole à M. le député de Jacques-Cartier. Je vais vous laisser quand même conclure, M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: Ça concernait l'accès aux équipements sportifs. Une fois qu'on aura coupé de 50 % les cours, est-ce que vous êtes bien convaincus que les étudiants et étudiantes vont continuer de fréquenter les équipements sportifs et de se livrer à des activités physiques?

M. Larouche (René): En fait, le processus de participation ne se limite pas à un seul facteur. Quand on analyse le taux de participation des individus, il faut regarder un ensemble d'éléments. Il faut surtout regarder le processus. Ce n'est pas tout de laisser les magasins ouverts le soir ou les fins de semaine pour dire que les gens vont aller magasiner, ou de laisser les bibliothèques ouvertes pour dire que les gens vont aller lire ou consulter des volumes davantage.

Donc, c'est un des facteurs et c'est un des facteurs relativement peu importants quand on regarde certaines recherches. Entre autres, en Ontario, ça correspond, chez les gens qui ne participent pas, uniquement à 20 % des motifs invoqués. Le principal motif, autant chez les hommes que chez les femmes et chez les étudiants, c'est le manque de temps et le manque d'argent. Et on est confrontés là à un problème majeur qui est beaucoup plus important que de dire: Bien, «open house», laissons les gymnases et les piscines ouverts et les gens vont participer de toute façon.

Imaginons un scénario probable: 12 étudiants se

présentent un matin à 9 heures pour jouer au badminton, 14 au basketball, 18 au volleyball. Comment on va pouvoir gérer la pratique libre des activités physiques dans un tel désordre pédagogique et simplement administratif? Donc, si on regarde le processus de participation, vous avez, en annexe A, une étude qui a été faite dans les cégeps du Québec, à savoir: est-ce que les gens participent ou ne participent pas? Quels sont les motifs? Et, simplement l'ouverture des locaux, c'est un facteur relativement mineur.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député de Lac-Saint-Jean. M. le député de Jacques-Cartier, vous avez une question?

M. Cameron: Merci. On voit aujourd'hui beaucoup de profs d'éducation physique et, je suppose, beaucoup aussi avec la permanence, n'est-ce pas? Si la réforme a lieu telle quelle ou à peu près, est-ce qu'on voit ici les professeurs d'anglais et de français de demain?

M. Delaney: Je n'ai pas tout à fait saisi la question, je m'excuse. Oh! Vous parlez de nos professeurs d'éducation... Ce qui semble être la proposition dans la réforme, c'est que les professeurs d'éducation physique vont servir à faire de l'encadrement, de l'orientation, etc., sauf que c'est loin d'être précis. Puis, lorsque j'ai posé des questions pour savoir exactement quelle sorte d'encadrement et quelles étaient nos expertises qui nous permettraient de faire un tel travail, je n'avais pas de réponse.

Ce n'est pas prévu actuellement qu'on enseigne la langue maternelle ou la langue seconde. Peut-être qu'il pourrait y avoir du perfectionnement qui permettrait à certains éducateurs physiques d'enseigner une autre matière.

Le Président (M. Gobé): Merci. Mme la ministre, il vous restait à peu près trois minutes.

Mme Robillard: M. le Président, merci. Vous l'avez dit, choisir, dans le fond, c'est dire ce qu'on juge le plus prioritaire, le plus important, dépendamment des valeurs et des orientations. Dans ce cas-ci, le gouvernement a choisi d'accorder la priorité à la maîtrise des langues, une priorité no 1 pour les jeunes du Québec. Alors, vous comprendrez bien que, vos propositions, je vais les examiner, mais sûrement pas en diminuant l'enseignement des langues; c'est la priorité no 1. Alors, je pense qu'il faut les regarder dans un autre cadre et ça nous amène à examiner l'ensemble du contenu de la formation générale, à ce moment-là. Sachez que votre mémoire d'aujourd'hui a été analysé en détail. Mais vous nous avez soumis d'autres documents aujourd'hui. On a reçu une chemise complète. Nous ferons aussi une analyse très sérieuse de toutes les argumentations que vous nous apportez en commission parlementaire. Merci bien d'être venus.

Le Président (M. Gobé): Alors, M. Delaney, ainsi que tous les gens qui vous accompagnent et tous les gens qui sont dans les tribunes, je tiens à vous remercier au nom de tous les membres de cette commission. Je veux dire que je fus fortement impressionné par l'atmosphère de cette commission et je souhaite que ça puisse porter fruit. Ceci met fin à nos travaux, et je vous remercie d'être venus. La commission est maintenant ajournée à demain, 10 heures.

(Fin de la séance à 18 h 46)

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