L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission de l'éducation

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission de l'éducation

Version finale

34e législature, 2e session
(19 mars 1992 au 10 mars 1994)

Le mardi 23 novembre 1993 - Vol. 32 N° 57

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Examen des orientations, des activités et de la gestion du Conseil supérieur de l'éducation


Journal des débats

 

(Dix heures quarante minutes)

La Présidente (Mme Harel): Bonjour. J'inviterais les membres de la commission à prendre place. Alors, je constate que nous avons quorum et je déclare la séance ouverte.

Je vous rappelle le mandat de la commission ce matin, soit: dans le cadre de son pouvoir de surveillance des organismes publics, entendre le Conseil supérieur de l'éducation. Je les salue immédiatement et j'inviterais M. Bisaillon à présenter les personnes qui l'accompagnent.

Juste avant de ce faire, j'aimerais rappeler aux membres de la commission qu'en nous inspirant des expériences passées nous pourrions allouer un maximum de 30 minutes au Conseil pour qu'il puisse nous présenter un exposé succinct des nombreux avis sur lesquels nous aimerions échanger ce matin, après quoi nous pourrions répartir également le solde du temps entre les deux formations politiques en tenant compte, si tant est qu'ils y viennent, de la participation des députés indépendants.

Alors, je vais m'acquitter immédiatement de la question des remplacements. Est-ce qu'il y a des remplacements, M. le secrétaire?

Le Secrétaire: Oui. Mme Boucher Bacon (Bourget) est remplacée par M. LeSage (Hull) et Mme Hovington (Matane) par M. Gauvin (Montmagny-L'Islet). Merci, madame.

La Présidente (Mme Harel): Alors, ceci étant fait, je vais donc inviter le président du Conseil à nous présenter les personnes qui l'accompagnent et à faire son exposé.

Exposé du président du Conseil supérieur de l'éducation

M. Robert Bisaillon

M. Bisaillon (Robert): Merci, Mme la Présidente. Je suis accompagné, à ma droite immédiate, de la vice-présidente du Conseil, Mme Judith Newman; à ma gauche immédiate, du secrétaire du Conseil, M. Alain Durand, secrétaire à l'administration. Je vous prie d'excuser l'absence de M. Jean Proulx, secrétaire du Conseil, qui est occupé à des travaux de préparation d'un avis qui nous a été demandé pour très bientôt par la ministre de l'Éducation. À mon extrême droite, M. Jean Deronzier, le directeur des communications du Conseil. Est aussi présente Mme Susanne Fontaine, qui coordonne notre service des études et des recherches, au besoin.

Mme la Présidente, Mmes et MM. les députés membres de la commission parlementaire de l'éducation, je vous remercie de nous avoir invités aujourd'hui pour examiner les orientations, les activités et la gestion du Conseil supérieur de l'éducation; cela montre bien l'intérêt que vous avez pour cet organisme et l'attention que vous accordez à son évolution. C'est peut-être d'ailleurs sur ce dernier point que la session d'aujourd'hui est la plus pertinente. En effet, le Conseil vit une année charnière qui s'inscrit à la fois sous le signe de la continuité et sous le signe du changement.

Je pense qu'il est pertinent de parler d'abord de la Loi sur le Conseil supérieur de l'éducation qui a subi des modifications récentes. La question est d'actualité, en effet, puisque l'Assemblée nationale a procédé, en vertu de la loi 83 qui créait la Commission d'évaluation de l'enseignement collégial, à l'abrogation des lois constitutives du Conseil des universités et du Conseil des collèges, attribuant ainsi au Conseil supérieur de l'éducation certaines fonctions de ces deux conseils.

Pour l'essentiel, je crois qu'il faut dire qu'il ne s'agit pas là de grands bouleversements dans le mandat du Conseil supérieur de l'éducation qui, je vous le rappelle, a toujours été le seul organisme mandaté pour considérer les questions éducatives sous un angle systé-mique, en relation avec l'ensemble du système.

En fait, deux ajouts sont prévus en matière réglementaire. Premièrement, le Conseil sera tenu de donner au ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science son avis sur les règlements ou projets de règlement que celui-ci est tenu de lui soumettre; ce qui signifie, en clair, le Règlement sur le régime des études collégiales. De la même façon que le ministre de l'Éducation est tenu de demander avis au Conseil supérieur sur les projets de modifications aux règlements sur les régimes pédagogiques du primaire et du secondaire. Donc, c'est un ajout réglementaire, je dirais, de concordance.

Deuxièmement, la même obligation liera le Conseil et le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science en ce qui concerne la création de tout nouvel établissement d'enseignement universitaire ou de la création de tout nouveau collège d'enseignement général et professionnel. Voilà donc pour les modifications du mandat de notre organisme.

En ce qui concerne cependant le fonctionnement du Conseil, la nouvelle donne, assez majeure pour nous, a trait au remplacement de la Commission de l'enseignement supérieur du Conseil, où étaient réunis ensemble des représentants du milieu universitaire et du milieu collégial, par deux commissions distinctes: l'une, la Commission de l'enseignement collégial et, l'autre, la Commission de l'enseignement et de la recherche universitaire. La loi prévoit aussi que le sous-ministre de

l'Enseignement supérieur et de la Science siégera d'office au Conseil comme membre adjoint sans droit de vote.

Ces modifications à la Loi sur le Conseil supérieur de l'éducation se sont accompagnées, bien sûr, d'ajustements au budget du Conseil et du transfert d'un certain nombre de ressources du Conseil des universités et du Conseil des collèges. Globalement, je crois que ce réaménagement de la fonction consultative de l'État en éducation, puisque c'est de cela qu'il s'agit, aura deux effets principaux: d'une part, le Conseil devra accorder une attention particulière à la réalité respective de l'enseignement collégial et de l'enseignement et de la recherche universitaires en prenant soin que les enjeux de l'évolution de ces deux ordres d'enseignement soient inventoriés, communiqués à l'autorité ministérielle responsable, intégrés dans le rapport annuel du Conseil sur l'état et les besoins de l'éducation et objet du débat public; d'autre part, il faut s'attendre, et c'est déjà commencé, à ce que le Conseil soit davantage objet de l'attention du milieu universitaire et du milieu collégial sur les mêmes questions, puisqu'il exerce dorénavant, de façon plus évidente et de façon exclusive, la fonction consultative en éducation.

De plus, il est à prévoir, selon une interprétation plus large que je fais du mandat du Conseil, mais que la loi me permet de faire, je crois, que des évolutions plus spectaculaires ou plus importantes sur des aspects particuliers de la vie collégiale et universitaire devront être examinées par le Conseil sur un plan autre que purement réglementaire. Je pense, par exemple, à l'éventualité d'une augmentation substantielle des frais de scolarité ou à des développements de besoins en matière de formation qui devraient, à ce moment-là, être mis en évidence.

Par ailleurs, nous consultons présentement des organismes, à la fois du milieu universitaire et du milieu collégial, pour connaître leur propre sensibilité à certains thèmes ou enjeux qu'ils estiment devoir être pris en considération par le Conseil. Les résultats de cette consultation feront l'objet de la toute première attention des nouvelles commissions du Conseil que nous sommes présentement à former.

Enfin, sur cette question des changements dans l'évolution de la fonction consultative en éducation, je ne peux m'empêcher de souligner qu'elle se produit en phase avec celle de l'organisation de l'enseignement supérieur et de l'éducation en un seul ministère. Dorénavant, un seul ministère, un seul Conseil, de telle sorte qu'à moins d'un redéploiement de l'État en éducation, imprévisible dans un avenir immédiat, il faut considérer les effets de ce changement sur une longue période ou pour une longue durée.

Les changements dont je viens de vous faire part ne brisent aucunement la ligne de vie du Conseil; au contraire, ils la confirment et, d'une certaine manière, replacent le Conseil à sa position originelle dans le système d'éducation, comme l'avait d'ailleurs souhaité le rapport Parent, c'est-à-dire... et je cite pour montrer, des fois, que l'histoire nous remet des conjonctures devant les yeux. Le rapport Parent disait: «Loin d'être rendu inutile par l'existence d'un ministère — et aujourd'hui, nous pourrions ajouter "d'un seul ministère" — le Conseil sera plus nécessaire que jamais, mais il sera appelé à exercer des fonctions nouvelles, dans un domaine plus vaste, pour lui redonner — je cite toujours — le prestige qu'on lui avait conféré lors de sa création. Et à cause de l'ampleur de ses responsabilités, nous avons recommandé d'en changer le nom en celui, plus approprié, de Conseil supérieur de l'éducation.» C'était à une certaine époque. Tel est le sens qui se cachait derrière le nom, dans l'esprit des commissaires.

Quant à la fonction, il était déjà prévu que c'était au Conseil supérieur de l'éducation que reviendraient surtout la responsabilité de maintenir le système d'enseignement en contact avec l'évolution de la société et celle d'indiquer les changements à opérer, et d'inspirer des plans à long terme. C'est pourquoi la Loi sur le Conseil, qui a suivi et qui a servi, d'une certaine façon, à fonder le système d'éducation, garantit l'indépendance du Conseil. Cette même loi détermine la façon d'établir la liaison entre le public et le gouvernement, de faire jouer dans les deux sens ce contact du Conseil avec le public, de faire circuler les idées, d'être représentatif de la population par sa composition et de contribuer à la coordination des pièces dont se compose le système d'éducation afin que ce ne soient pas là des pièces détachées.

En même temps, le Conseil joue un rôle consultatif auprès du ministère, obligatoire, en ce qui concerne certaines matières réglementaires, mais néanmoins pres-criptif en ce qui a trait à ses demandes d'éclairage. J'en parlerai tantôt.

Par ailleurs, le Conseil peut, de sa propre initiative, soumettre au ministre des recommandations sur toute question de sa compétence — je parle de celle du ministre — concernant l'éducation. Il peut, à cette fin, faire effectuer des recherches et études qu'il juge utiles ou nécessaires, solliciter des opinions, recevoir et entendre les requêtes et suggestions du public en matière d'éducation.

Enfin, le Conseil décide, en vertu de son règlement de régie interne, si ces documents sont diffusés. Il doit se réunir au moins une fois par mois. Voilà les caractéristiques propres au Conseil supérieur de l'éducation. (10 h 50)

Cet ensemble interrelié de devoirs et de pouvoirs est aménagé, de plus, selon une représentation confessionnelle des membres du Conseil et accompagné de deux comités confessionnels et de cinq commissions — cinq commissions depuis les derniers amendements à la loi — chargés de faire à ce Conseil des suggestions relativement à divers secteurs de l'enseignement. De cette façon ou plutôt de ces multiples façons toutes décrites dans le préambule et dans le cadre de la Loi sur le Conseil supérieur, le Conseil traduit encore aujourd'hui le pacte historique à l'origine du système

d'éducation qui voulait tout autant préserver les traditions religieuses que garantir à la population un droit de regard et d'influence sur la mission éducative et assurer un lieu critique de réflexion et d'inspiration à l'intérieur des institutions démocratiques. C'est vraisemblablement pour préserver cet espace de la manière la plus intégrale possible qu'on n'a jamais confié au Conseil des mandats de type administratif.

L'actualité récente du Conseil. Pour donner un cas d'exemple de la façon, maintenant, d'exercer ce mandat-là, de donner un peu de chair à cette description des pouvoirs et devoirs du Conseil en lien avec son mandat, permettez-moi, pendant quelques minutes, d'expliquer sur quels thèmes le Conseil a concentré ses activités durant les trois dernières années. D'abord, en ce qui concerne les rapports annuels, ensuite, en ce qui concerne les demandes d'avis des ministres, ensuite en ce qui concerne les initiatives mêmes du Conseil.

En ce qui concerne les rapports annuels d'abord, vous le savez, au-delà du rapport d'activité déposé chaque année à l'Assemblée nationale, il y a, chaque année aussi, un rapport sur l'état et les besoins de l'éducation. Cette dernière obligation singularise d'ailleurs le Conseil supérieur de l'éducation parmi tous les autres conseils.

Le Conseil a cru utile, à cause de l'importance grandissante accordée au savoir et à l'éducation en général, tant pour le développement futur des individus que pour l'avenir des sociétés, de faire d'abord le tour de deux questions qui sont au coeur de tout système d'éducation: la profession enseignante, dans un premier temps — c'était il y a trois ans — puis la gestion de l'éducation, cette face cachée du système, l'année dernière. Ce sont là les deux clés les plus essentielles d'une adaptation d'un système d'éducation à l'évolution de la société.

Enfin, cette année, à cause d'appels répétés de certains secteurs de l'opinion publique à réviser, sinon à réformer le système d'éducation dans son ensemble, le Conseil a construit son rapport annuel, déposé le mois dernier à l'Assemblée nationale, sur la nécessité de relever le défi d'une réussite de qualité pour les étudiantes et étudiants jeunes et adultes en examinant cette fois un certain nombre de dimensions plus déterminantes du système d'éducation.

C'est pourquoi le rapport annuel 1992-1993 traite successivement: de la mission éducative, dans le but de rétablir l'axe central de la formation dans une école qu'on dit trop encombrée; des curriculum ou plans de formation, afin d'y instaurer une meilleure cohérence, une plus grande diversification et une hausse des exigences; de la pédagogie, en proposant de sortir de l'uniformité des pratiques; de l'organisation du travail éducatif, en vue d'en changer carrément le modèle; de l'évaluation des établissements et du système; et enfin, d'un certain nombre d'éléments à aménager dans les structures pour consolider un véritable système public d'enseignement. Nous croyons que ces trois thématiques: profession enseignante, gestion et dispositifs du système en vue d'une réussite de qualité, sont les plus pertinentes pour affronter les défis d'une société postindustrielle.

En ce qui concerne les demandes d'avis ministériels, les ministres de l'Éducation, de l'Enseignement supérieur et de la Science ont demandé au Conseil respectivement, chacun, un avis à portée réglementaire et des avis d'éclairage général depuis trois ans. Ainsi, le ministre de l'Éducation a voulu modifier certains articles du régime pédagogique du secondaire régissant la formation professionnelle et ayant trait essentiellement à l'abolition du certificat d'études professionnelles, le CE.P., et à une reformulation des préalables exigés à l'entrée en formation professionnelle. Le Conseil a produit, en réponse à cette demande, un avis sous le titre «La formation professionnelle au secondaire: faciliter les parcours sans sacrifier la qualité». C'était il y a deux ans.

De plus, le ministre de l'Éducation nous a demandé deux avis d'éclairage sur des questions faisant l'objet de préoccupations gouvernementales. Nous les appelons «avis d'éclairage» parce qu'ils ne conduisent pas à des modifications réglementaires, du moins pas dans l'immédiat. La première demande, qui concernait également d'autres ministères, avait trait au travail rémunéré chez les jeunes du secondaire. Nous avons publié «Le travail rémunéré des jeunes: vigilance et accompagnement éducatif».

L'autre demande, prévue celle-là dans le plan d'action gouvernemental en matière d'immigration et d'intégration, s'est traduite en requête d'examen par le Conseil de la problématique de l'intégration des enfants issus des communautés culturelles dans l'école, et particulièrement dans les milieux où leur présence est nombreuse. Un avis du Conseil en réponse à cette demande sera transmis sous peu à la ministre de l'Éducation et rendu public en décembre sous le titre: «Pour un accueil et une intégration réussis des élèves des communautés culturelles».

De son côté, la ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science avait demandé au Conseil, dans la période préparatoire à la publication des mesures de renouveau de l'enseignement collégial, de produire un avis sur une réactualisation des objectifs de scolarisation à l'enseignement supérieur et sur la structure même de l'enseignement supérieur. Cet avis a été produit et rendu public à l'occasion de la commission parlementaire qui s'est tenue sur la question et avait pour titre: «L'Enseignement supérieur: pour une entrée réussie dans le XXIe siècle».

Évidemment, dans la mesure où le document gouvernemental «Faire avancer l'école» contient des propositions qui mènent à des amendements au Règlement sur le régime pédagogique du primaire et au Règlement sur le régime pédagogique du secondaire, la ministre de l'Éducation a demandé un avis au Conseil sur ces propositions d'amendement, mais aussi sur les questions ou hypothèses formulées dans le document et qui pourraient éventuellement se traduire par d'autres propositions d'amendements. L'avis du Conseil est demandé pour d'ici le 20 décembre prochain.

Hier, enfin, nous avons reçu une demande d'avis de la ministre de l'Éducation sur le projet de règlement sur le régime pédagogique applicable au service éducatif pour les adultes en formation générale, et sur le projet de règlement sur le régime pédagogique applicable, et je cite: «au service éducatif pour les adultes en formation professionnelle». Cet avis nous est demandé pour la fin du mois de janvier 1994.

Dans son mandat de faire au ministre de l'Éducation et au, ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science des recommandations de sa propre initiative, qui concernent les questions d'éducation, le Conseil trace par ailleurs annuellement un plan d'activité qui confie en première main, je dirais, des mandats de travail à ses commissions, lesquelles explorent une question particulière à un ordre d'enseignement et formulent des projets d'avis adoptés par le Conseil.

C'est ainsi que durant les trois dernières années, très rapidement, la Commission de l'enseignement primaire s'est intéressée à l'initiation des élèves; aux sciences de; la nature, aux caractéristiques d'une pédagogie d'avenir pour l'école primaire, à l'évaluation des apprentissages des élèves qui se sont tous traduits par des avis adoptés par le Conseil et dans un avis, adopté mais non publié, sur la parentalité, sur ce que signifiait être parent d'un enfant à l'école primaire aujourd'hui, avis qui sera publié à l'occasion de l'Année internationale de la famille, fin de l'hiver, au début du printemps.

Pour sa part, la Commission de l'enseignement secondaire s'est préoccupée de l'intégration des savoirs chez les élèves, du développement de l'autonomie et de la responsabilité des adolescents et adolescentes et, dans un avis non encore publié mais adopté par le Conseil, de la culture propre des adolescents et. adolescentes.

La Commission de l'éducation des adultes du Conseil a fait le bilan de l'évolution de ce secteur depuis 10 ans sous l'angle de l'accessibilité et de l'adaptation des services et s'est penchée sur le financement de l'éducation des adultes, dans un avis non encore publié, mais qui a été adopté récemment par le Conseil.

Enfin, la Commission de l'enseignement supérieur termine maintenant ses travaux et sa vie en soumettant au Conseil un projet d'avis sur les rapports qui existent entre le monde de l'économie et le milieu de l'enseignement supérieur, après avoir été maître d'oeuvre de la préparation de l'avis à la ministre sur les objectifs de scolarisation pour le XXIe siècle, et après avoir examiné l'univers des nouvelles populations étudiantes au collège et à l'université.

Cette énumération, peut-être fastidieuse pour les membres de cette commission, a le mérite d'illustrer la part des activités du Conseil qui a trait à ses obligations réglementaires et statutaires, et la part de ses activités liées à son mandat d'examen général des questions d'éducation. Puis-je vous souligner qu'une interprétation de la Loi sur le Conseil supérieur de l'éducation, qui réduirait le mandat du Conseil à ses seules obligations réglementaires, constituerait de fait un rétrécissement du champ d'observation de chacun des ordres d'enseigne- ment et du système dans son ensemble, lequel ne se traduit pas seulement en projets de règlement.

En ce qui concerne les travaux des comités confessionnels, je vous dirai que ceux-ci poursuivent depuis quelques années des opérations en lien avec la reconnaissance des établissements d'enseignement comme catholiques ou protestants, et pour ce qui est du Comité catholique, un examen des rapports d'évaluation du vécu confessionnel des écoles reconnues comme catholiques. Procédant à la manière des commissions du Conseil, et dans le cadre du règlement qui régit leurs activités, ils accomplissent leur mandat de réglementation, d'approbation et d'autorisation. Ils transmettent également, de leur propre initiative, des avis au ministre de FÉducation en matière de confessionnalité. (11 heures)

Quant à la représentativité du Conseil, bien sûr, elle n'est pas politique au sens où les membres du Conseil et de ses organes seraient élus, elle n'est pas absolue non plus au sens où. tous les citoyens ou groupes de citoyens y auraient des représentants. C'est par le cumul d'un ensemble de critères qui président à la nomination de ses membres et des membres de ses instances que le Conseil peut prétendre à une représentativité légitime de l'a population. Parmi ces critères, la proportion d'hommes et de femmes, l'origine régionale, la fonction exercée à un ordre d'enseignement, l'équilibre entre les ordres d'enseignement, l'expertise ou la compétence reconnue, la présence de membres qui oeuvrent dans des milieux autres que l'éducation. Au total, c'est une centaine de personnes qui, bénévolement, à part le président du Conseil qui exerce ses fonctions à temps plein et la vice-présidente à temps partiel, à part le président du Comité catholique et la présidente du Comité protestant, qui exercent leurs fonctions dans les mêmes proportions que le président et la vice-présidente du Conseil, c'est donc une centaine de personnes qui, bénévolement, se réunissent régulièrement pour des activités de réflexion, de consultation, d'audition, de prise de décision avec l'éclairage de leur milieu respectif et en mettant en commun leurs compétences. Vous permettrez que je profite de l'occasion pour saluer leur engagement qui contribue au pouvoir exclusivement moral du Conseil.

Nos liens avec les milieux d'éducation. Je dirai d'emblée que tous les avis ne sont pas connus de tous les milieux, si on excepte les milieux spécialisés. D'une part, les avis sont transmis au ministre et sont adressés à lui, ou à elle. D'autre part, ils rejoignent, selon le thème traité, un public cible qui est davantage en mesure de témoigner de leur utilité. À cet égard, je vous informe que nous pouvons maintenant suivre le rythme de pénétration des documents du Conseil, avis par avis, région par région, ordre d'enseignement par ordre d'enseignement et catégorie de citoyens par catégorie de citoyens. Nous pouvons désormais, en parlant de tel avis, dire, au-delà de sa diffusion statutaire, normale, première: Voici le nombre de documents demandés dans telle région par telle catégorie d'individus. Ça, c'est l'histoire courante des productions du Conseil.

Depuis quelques années, cependant — et il y a un virage, je crois, dans cette évolution — le Conseil est constamment sollicité pour présenter ses rapports ou avis à des publics, je dirais, professionnellement intéressés. C'est ainsi qu'une trentaine d'occasions de communication, conférences d'ouverture à des colloques, lancements de journées pédagogiques et autres, sont structurées annuellement autour des demandes des milieux et permettent un aller et retour entre le Conseil et des fractions de la population. Sans exercer un mandat d'animation, le Conseil essaie, de cette manière, d'inspirer tous les acteurs du système, au-delà de l'action ministérielle, mais exclusivement à partir du contenu de ses productions. Il s'agit d'une autre démarche par laquelle nous espérons demeurer branchés sur les préoccupations du monde de l'éducation et de la population en général.

En terminant, comment évaluer le rôle du Conseil? Le Conseil est un organisme consultatif d'État. Il n'est pas un pouvoir parallèle, bien sûr. À vrai dire, il n'a d'autre influence que celle de la pertinence de ses propos. Il agit un peu comme une commission d'enquête permanente, je dirais, à des coûts moindres, cependant, je crois. Il ne procède jamais par des photographies d'un problème ou d'un phénomène, par des instantanés. Il croit plutôt à la vertu de la maturation des idées, de la mise en présence de citoyennes et de citoyens et au partage de leurs expériences. C'est beaucoup en cela qu'il croit avoir son utilité de Conseil, qui est équilibre et pondération, mais aussi, à l'occasion, audace quant aux actions à entreprendre.

En espérant que ce tableau tracé à grands traits soit enrichi des approfondissements que vous souhaiterez, je vous redis la satisfaction du Conseil d'être convoqué à l'exercice d'imputabilité qui est entrepris aujourd'hui.

La Présidente (Mme Harel): Je remercie, M. Bisaillon, au nom des membres de cette commission, notamment pour cette enumeration captivante des avis et des productions de qualité qui expliquent certainement en grande partie l'excellente réputation dont jouit le Conseil, le pouvoir moral dont vous parliez tantôt. Je vais inviter immédiatement mes collègues à débuter l'échange avec vous. Une première demande, le député de Lac-Saint-Jean.

Discussion générale

Conséquences de l'abolition du Conseil des collèges et du Conseil des universités

M. Brassard: Mme la Présidente, moi aussi, je voudrais me joindre à vous pour remercier le Conseil et les membres du Conseil d'avoir répondu à notre invitation. Je voudrais noter que ça n'a pas été difficile, parce que vous savez que, pour choisir un organisme qu'on a à examiner comme commission, il faut ce qu'on appelle la double majorité, donc il faut un consensus, finalement, des partis. Je dois vous dire que ça n'a pas été difficile de faire consensus sur le Conseil supérieur de l'éducation. C'est donc dire que, pour cette commission, je pense que — en tout cas, pour moi sûrement, et mes collègues de ma formation politique — le Conseil supérieur de l'éducation est une institution majeure, essentielle à notre système d'éducation. C'est toujours avec beaucoup d'intérêt que je prends connaissance de vos avis ou de vos rapports sur l'état de l'éducation. Je les lis avec intérêt, je les relis aussi, et on y trouve là-dedans une vision articulée de ce que doit être la mission éducative dans notre système, dans les divers ordres d'enseignement, des éclairages que je pourrais qualifier de lumineux et qui nous permettent de voir, d'identifier les problèmes, mais aussi d'envisager des solutions, des voies de solution à ces problèmes. Les deux derniers rapports, entre autres, celui sur le mode de gestion comme celui sur le défi d'une réussite de qualité, sont des contributions indispensables pour tous ceux et toutes celles qui, au Québec, réfléchissent sur l'avenir de notre système d'éducation et se préoccupent des problèmes qu'on y vit.

C'est évident, Mme la Présidente, quant à moi en tout cas, quant à nous, qu'on va, pendant les quelques heures qui nous sont allouées... Je voudrais, en tout cas, aborder un certain nombre d'éléments ou de dimensions qu'on retrouve dans les deux derniers rapports annuels; celui sur la gestion m'apparaît capital, comme le dernier sur la réussite de qualité. Mais, avant, je me permettrais quelques questions sur les nouvelles fonctions du Conseil. Vous en avez touché un mot tout à l'heure.

À la suite de l'abolition du Conseil des collèges comme du Conseil des universités, vous avez hérité d'un certain nombre de responsabilités que ces deux Conseils assumaient auparavant. Toutefois, je l'ai signalé, il y a certains sujets qui n'ont pas été transférés. Je l'ai signalé quand on a étudié et débattu des projets de loi concernant l'ordre d'enseignement collégial. Je pense en particulier... vous n'aurez pas à... La loi ne vous obligera pas à donner votre avis concernant, par exemple, les projets de création de nouveaux collèges et universités, de nouveaux programmes d'études établis par le ministre. La loi ne vous obligera pas, non plus, à donner votre avis sur le plan de répartition par collège des programmes, sur les politiques d'allocation entre les collèges de même qu'entre les universités du montant global des crédits annuels accordés pour l'enseignement collégial et l'enseignement universitaire. Les deux Conseils qui sont disparus devaient donner leur avis sur ces sujets-là qui m'apparaissent importants. C'est le cas également des budgets d'investissement. Vous n'aurez pas à donner votre avis. Donc, en d'autres termes, en supprimant les deux Conseils, celui des collèges et celui des universités, le gouvernement a choisi de réduire les sujets sur lesquels ces Conseils devaient obligatoirement donner des avis.

Évidemment, j'aimerais connaître votre opinion sur cette question. Est-ce que vous partagez un peu nos craintes, nos préoccupations? Est-ce que vous considérez que ces éléments, ces divers éléments — il était quand

même important qu'un organisme comme le vôtre puisse les examiner et puisse donner un avis, comme c'était le cas pour les deux Conseils disparus — est-ce que ça pose chez vous un problème que cette restriction des mandats qui vous sont transférés? (11 h 10)

M. Bisaillon (Robert): Je dirais, en premier lieu, que, dans l'énumération que vous avez faite des responsabilités qui ne nous sont pas transférées, la première que vous avez mentionnée nous est effectivement transférée. Je pense même que c'est un amendement qui est intervenu en Chambre en ce qui concerne la création de...

M. Brassard: Oui, sur la création... la création des nouveaux collèges, oui.

M. Bisaillon (Robert): Oui, ou d'établissements universitaires. Quant au reste, vous avez raison. Je dirais: Qu'est-ce que ça pose comme problème? Ça pose non pas le problème, mais ça crée une division très claire entre des mandats de type administratif et de type consultatif larges. On peut, je pense, identifier à des questions d'ordre administratif l'approbation des programmes, en tout cas, quant au processus, la répartition des crédits quant au processus. Bon. Ce que ça crée actuellement comme conjoncture, c'est qu'il y a des gens qui se demandent où c'est rendu. Mais c'est clair que ce n'est pas rendu chez nous. Et je pense avoir déjà dit: premièrement, que le Conseil n'était pas en demande par rapport à l'accueil des fonctions qui étaient dans les deux autres Conseils; deuxièmement, que le Conseil va devoir, de toute façon... en tout cas, c'est mon interprétation; je la fais de façon un peu libre; je vous le dis tout de suite, ce n'est pas suite à une discussion au Conseil, mais il me semble que les pressions vont être tellement fortes de la part du milieu collégial et du milieu universitaire par rapport aux dimensions politiques, entre guillemets, d'un certain nombre de problèmes qu'on ne pourra pas les évacuer. je vais prendre un exemple. les règles de financement des universités sont actuellement... sont discutées depuis un certain nombre d'années de façon très serrée, à ce que j'ai compris, entre la crepuq qui représente les principaux... qui représente les universités du québec, et le ministère. et ça va rester comme ça. ça n'a pas été transféré chez nous, cette part qu'avait le conseil des universités dans la discussion. cependant, et c'est le sens de ce que je disais dans mon intervention d'entrée, dans la mesure où surviendraient des événements importants dans le financement des universités ou des conjonctures particulières comme, par exemple, l'éventualité d'une hausse substantielle des frais de scolarité.... quand on regarde le courant d'ouest en est au canada, on peut présumer que ça va arriver au québec aussi. il est question d'augmentation de 100 % en ontario, donc c'est dans...

M. Brassard: ...le discours du budget...

M. Bisaillon (Robert): C'est dans le débat public. Je vois mal comment le Conseil pourrait refuser, à la demande des milieux collégial ou universitaire, de regarder cette question-là, mais non pas sous l'angle réglementaire, sous l'angle d'un éclairage général. De la même façon, je dirais que le Conseil ne se prononcera pas sur chacun des nouveaux programmes, ce n'est pas notre responsabilité, puis je vous dirai qu'on ne la voulait pas non plus, en particulier quant à sa dimension administrative. Mais, si le Conseil juge, parce que ces points de vue là auraient été exprimés fortement dans les milieux universitaires, que l'évolution des besoins en milieu universitaire justifiait une intervention quant à l'orientation des programmes, nous allons intervenir. Mais ce ne sera jamais dans le même cadre qui était celui des deux autres Conseils.

M. Brassard: Donc, si je vous comprends bien, M. Bisaillon, ce qui apparaît important dans les sujets qui n'ont pas été transférés, qui ne vous ont pas été transférés, c'est ceux qui concernent surtout le financement, donc tout ce qui concerne l'allocation des ressources dans les deux ordres d'enseignement supérieur, collégial et universitaire. Et, si je vous décode bien, vous avez l'intention, même si la loi ne vous oblige pas à donner votre avis, vous avez quand même l'intention de regarder ça, d'examiner ça. Vous avez dit une chose qui m'a frappé, de répondre aux invitations des milieux concernés. Donc, les demandes en provenance du ministre, évidemment, c'est votre devoir légal d'y répondre, mais je comprends bien que vous êtes aussi attentifs aux demandes originant des milieux concernés, le milieu collégial et le milieu universitaire.

M. Bisaillon (Robert): Oui, il faut mettre ensemble deux aspects de la loi. L'aspect continuité, je dirais, qui a toujours existé, où le Conseil peut intervenir de sa propre initiative sur des questions d'éducation, quel que soit l'ordre d'enseignement. On l'avait déjà et on le faisait même pour l'université. C'est sûr que ça avait moins de visibilité dans la mesure où il y avait deux autres Conseils. Alors, ça, ça va demeurer notre angle d'interprétation des événements pour intervenir. Deuxièmement, la nouvelle réalité du Conseil, c'est de créer deux commissions, une de l'enseignement collégial et une de l'enseignement universitaire, précisément — enfin, c'est mon interprétation — pour qu'il y ait là des relais entre le milieu et le gouvernement. Donc, on va être extrêmement sensibles aux demandes d'examen qui vont nous être faites par les milieux. C'est d'ailleurs pour ça que je le disais dans mon introduction tantôt, on consulte présentement les deux milieux, collégial et universitaire respectivement, pour qu'ils nous disent: Nous, on pense que vous devriez, en priorité, vous pencher sur tel ou tel aspect. Bon. Et il y a aussi, je dirais, des dimensions de l'activité universitaire qu'on peut examiner en elles-mêmes. On peut découper des pans de... la recherche, par exemple. Je donne un exemple. Depuis un certain nombre d'années, nous avons des

pressions, au Conseil supérieur de l'éducation, pour examiner la recherche en sciences de l'éducation, en elles-mêmes et par rapport à d'autres, à la recherche dans d'autres secteurs. Alors, moi, ce que je dis ce matin, c'est que notre loi nous permet tout à fait de nous occuper de ces questions-là.

M. Brassard: Est-ce que ces deux commissions que vous comptez mettre sur pied sont en voie de formation? Et est-ce que vous avez déjà une bonne idée de la façon dont vous allez les constituer?

M. Bisaillon (Robert): Oui.

M. Brassard: Quelle sera leur composition?

M. Bisaillon (Robert): Les membres de ces commissions-là vont être nommés en décembre, à la session de décembre du Conseil. Nous avons opté pour une formule qui préserve ce qu'il y avait à la Commission de l'enseignement supérieur, c'est-à-dire l'avantage de mettre ensemble deux ordres d'enseignement qui ne sont pas portés à se parler en temps normal. Bon. Il n'y a pas de surprise là-dedans, là. Donc, nous allons conserver le noyau d'universitaires qu'il y avait à la Commission de l'enseignement supérieur pour former la commission de l'enseignement et de la recherche universitaires, et le noyau de gens du collégial à la Commission de l'enseignement supérieur pour former la commission de l'enseignement collégial. Il s'agit de quatre personnes dans les deux cas.

Nous allons greffer à ces personnes-là un certain nombre de personnes qui viennent des deux milieux, universitaire et collégial, en respectant les mêmes critères que pour les autres commissions: la proportion hommes-femmes, les régions; dans le cas du collège, le technique, d'une part, et l'enseignement préuniversitaire, d'autre part, c'est très important; quelqu'un d'un autre ordre d'enseignement, deux, même, de l'université dans le cas du collège et du collège dans le cas de l'université; des gens du milieu socio-économique, donc autre que les milieux de l'éducation, ce qui va donner au total, comme généralement, là, en regardant les concentrations de populations... ça donne généralement autour de six, sept personnes de la grande région de Montréal, quatre de la grande région de Québec, le reste de la composition de la commission avec les autres régions, mais à l'intérieur des critères, des paramètres dont je vous ai parlé. Alors, c'est à peu près attaché, ces affaires-là, présentement.

Et, évidemment, pour expliquer la rotation qu'on veut établir, on va nommer des gens avec un mandat d'un an, d'autres, de deux ans, et d'autres, de trois ans, puisque, à chaque année, nous remplaçons trois membres de commission. Alors, comme c'est des commissions qui commencent, nous allons procéder de cette façon-là.

M. Brassard: Est-ce que je comprends bien également que, comme la loi vous oblige, vous fait obligation de rendre public, chaque année, un rapport sur l'état et les besoins de l'éducation... un rapport d'activité, c'est une chose, mais un rapport également sur l'état et les besoins de l'éducation... Est-ce que cette obligation-là, maintenant qu'on vous a transféré des responsabilités qui appartenaient au Conseil des collèges et au Conseil des universités, est-ce que cette obligation-là va désormais s'étendre également aux deux ordres d'enseignement que vous aurez maintenant, que vous aurez désormais à examiner, à suivre?

M. Bisaillon (Robert): Je vous dirai que la constitution, l'élaboration de nos rapports annuels concernait tous les ordres d'enseignement.

M. Brassard: J'en conviens. J'en conviens, mais, évidemment, il y avait quand même un accent très fort...

M. Bisaillon (Robert): Oui.

M. Brassard: ...sur le primaire-secondaire.

M. Bisaillon (Robert): Oui. Bien, enfin. Disons que ce qui va s'exprimer à travers nos commissions et la nouvelle donne, qui est le réaménagement de la fonction consultative, vont nous obliger, évidemment, à avoir une sensibilité beaucoup plus grande, y compris dans le rapport annuel, qui est l'exercice, je dirais, le plus fondamental du mandat du Conseil à l'égard du milieu collégial et universitaire. Oui. (11 h 20)

M. Brassard: Moi, j'aurais une dernière question sur cette dimension-là, des transferts, une dernière question concernant les ressources qui vous sont allouées. Est-ce que, compte tenu de vos nouvelles responsabilités, vous estimez que les ressources dont vous disposez sont suffisantes? Et il y a eu un transfert de ressources de quel ordre et de quel niveau?

M. Bisaillon (Robert): Pour ce qui est du factuel, je vais demander au secrétaire à l'administration de vous dire exactement ce qui s'est passé en termes de ressources, et de budget si ça vous intéresse aussi, tant qu'à y être, et, après ça, je vous dirai, je répondrai à votre question, où vous demandez de faire une appréciation.

M. Durand (Alain): au plan de l'effectif, le conseil a reçu un effectif supplémentaire de huit emplois, dont sept permanents et un occasionnel. ça représente une augmentation par rapport à son effectif d'origine de 25 %. au plan des ressources financières, le conseil a reçu les traitements qui accompagnaient, évidemment, les ressources qui lui étaient versées et, au plan des autres dépenses de fonctionnement et de capital, il a reçu, cette année, un montant de 90 000 $. ceci prenait compte du fait que l'année financière était engagée, puisque le transfert s'est fait à compter du 14 juillet 1993. il a été

convenu qu'une somme de 125 000 $ sera transférée au Conseil pour l'année 1994-1995. Cette somme de 125 000 $ représente un peu plus de 15 % du budget de fonctionnement et de capital. Je ne sais pas si ça répond...

M. Bisaillon (Robert): Bon. S'il n'y a pas d'attente indue à l'égard du nouveau mandat du Conseil, je pense qu'on peut s'en tirer avec ce niveau de ressources là, nonobstant les développements qui peuvent survenir par rapport à des mesures législatives de portée plus récente, comme la loi 198 qui fait très mal à un organisme comme le nôtre. Mais, en soi, on pense que l'ajout d'une commission, ça représente à peu près 20 % des activités du Conseil et que les ressources ont suivi, bon, correctement, je dirais, sans abondance, même...

Effets de l'application de la loi 198

M. Brassard: Et ça va se traduire comment, l'application de la loi 198, chez vous en termes de réduction d'effectifs, cadres et autre personnel?

M. Bisaillon (Robert): de deux façons. il y a le niveau de personnel, c'est quatre postes chez nous. je dis souvent, si vous permettez l'expression violente, mais je vais employer une métaphore pour me faire comprendre: quand on échappe une grenade dans un garde-robe, puis quand on l'échappe dans un centre d'achats, la différence, c'est qu'il ne reste plus de garde-robe à la fin, puis il reste un peu du centre d'achats. alors, chez nous, c'est un peu le garde-robe. on n'est pas nombreux. alors, un effet de 4 % ou 5 %, ça fait très mal chez nous. je ne dis pas que ça ne fait pas mal dans un ministère. ce n'est pas ça que je dis. mais ça fait très mal chez nous. alors, c'est sûr que ça fait mal, de ce point de vue là.

La conséquence du réalignement, de la politique de réalignement, maintenant, sur les activités du Conseil, elle, risque d'être plus difficile à... elle risque d'être plus compromettante pour le mandat du Conseil dans la mesure où ce qui est demandé là, c'est que nous-mêmes, nous fassions un arbitrage de nos productions, c'est que nous-mêmes, nous puissions dire ce qu'on devrait laisser tomber dans nos productions.

Or, à l'oeil, quand on regarde la loi, si on fait une hiérarchie des mandats du Conseil, on serait porté à dire: Le rapport annuel, c'est intouchable; les avis qui nous sont demandés par les ministres, c'est intouchable, parce qu'ils ont une portée statutaire ou réglementaire, donc rognons dans les avis qui viennent de notre propre initiative. Or, ces avis-là qui nous viennent de notre propre initiative constituent, je dirais, 70 % de l'activité du Conseil et correspondent précisément au mandat de donner des avis au gouvernement, même s'ils ne sont pas demandés, donc de servir de lien entre la population et le gouvernement, et c'est pour ça que la loi prévoit des commissions. Elle n'en a pas aboli; elle en a nommé une de plus. Elle nous en donne une de plus avec le réaménagement. Donc, ça devient très difficile pour nous, à ce moment-là, de se mettre à arbitrer les productions qui seraient superflues, si vous voulez.

Alors, je le dis très honnêtement, c'est ces deux effets-là qui... Bon. Il y a déjà un réalignement, d'ailleurs, qui est intervenu avec la fusion des Conseils, je pense, et des ministères. En ce qui nous concerne, donc, c'est, un peu, trois opérations. Je vous ai dit tantôt: On ne se plaindra pas. On ne s'est pas plaint. Même si on trouve ça frugal comme niveau, on est capable de faire le travail avec le niveau de ressources qui nous ont été données dans le cadre de la fusion des Conseils. Première opération de réalignement. Deuxième opération, le nombre de postes. C'est d'ici un certain nombre d'années. Ce n'est pas facile, mais on va faire le travail. Troisième niveau, plus délicat, c'est de nous demander à nous d'interpréter nous-mêmes ce qui est dans la loi, sans modification à la loi par ailleurs, d'interpréter nous-mêmes ce qui, dans la loi, serait de trop finalement, alors qu'on ne change pas les dispositions ni les mandats. Alors, ça, c'est plus odieux.

M. Brassard: Vous n'avez pas songé à faire comme la Fédération des commissions scolaires et la Fédération des cégeps, demander pour vous, compte tenu justement de vos nouvelles responsabilités, une exemption en vertu de l'article 7 de la loi 198?

M. Bisaillon (Robert): Non. Je dois vous dire cependant qu'on a eu des discussions avec le ministère de l'Éducation, très correctes, quant à notre capacité d'assumer le même niveau de coupures que dans un ministère. Ce n'est pas facile pour eux non plus, mais la collaboration, elle est totale de ce point de vue. On a déjà eu dans le passé, à l'occasion des opérations de compressions budgétaires, on a déjà eu, je ne dirais pas des exemptions, mais... oui, je peux dire des exemptions dans certains cas, ou des choses qui ont été assumées par le ministère. Ce n'est pas à ce niveau-là qu'est la difficulté, même si on trouve que la part à faire n'est pas modulée par rapport à un gros ministère. C'est dans l'opération qui s'en vient, qui, elle, est moins confortable quand on a une loi à appliquer. Parce que, moi, ce qu'on me demande, ce n'est pas de dire: Dans la loi, ça, c'est moins important, ça, c'est plus important. Mais dans les faits, si on me dit: Arbitre tes productions de façon à dégager... Bon, là, ça devient odieux. Je ne peux pas... On me demande de faire ce que le législateur n'a pas voulu faire, dans le fond. Alors, je vous le dis très franchement. C'est comme ça que les questions se posent chez nous présentement.

La Présidente (Mme Harel): M. le député de Rimouski.

Diffusion des rapports et des avis du Conseil

M. Tremblay (Rimouski): Oui, Mme la Présidente. Comme le soulignait au début le député de Lac-Saint-Jean, critique de l'Opposition officielle, le mandat

de la commission, nécessairement, le mandat de surveillance des organismes qu'on s'est donné, on a fait unanimité rapidement sur le Conseil supérieur de l'éducation. Il faut dire que notre choix était un peu plus limité, le fait qu'il y a deux Conseils qui ont été littéralement abolis. Alors, on a ciblé notre action sur le Conseil supérieur de l'éducation.

Dans votre présentation tout à l'heure, vous nous avez dit que vous étiez très heureux de constater que la diffusion de vos rapports et de vos mémoires se faisait d'une façon plutôt adéquate et très systématique, ça se rendait dans le milieu. Moi, je suis bien content de ça parce que, finalement, la qualité de vos rapports... ils sont vraiment exceptionnels. Je les lis quand j'ai le temps, mais je dois vous dire que je les consulte assez souvent. Je trouve que c'est très, très bien fait et vous avez des bonnes suggestions là-dedans, en fait, des orientations dont on peut, en tout cas, s'inspirer, dont le milieu de l'éducation peut s'inspirer facilement.

Mais, au-delà de la diffusion, est-ce que vous ne pensez pas qu'il serait bon d'aller un petit peu plus dans l'animation? Parce que c'est beau de les écrire, c'est beau de les diffuser, mais est-ce que, vraiment, les gens en font un usage utile? J'ai assisté à beaucoup de colloques, et c'est vrai qu'on s'en inspire un peu, mais on ne pourrait pas aller un petit peu plus loin au niveau de la diffusion, au niveau des enseignants... au niveau du personnel de direction, peut-être ça peut aller, mais au niveau des enseignants, peut-être descendre un petit peu plus bas, et même des étudiants aussi. Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu d'avoir un peu plus d'animation au niveau de ces rapports que vous produisez? Nécessairement, c'est fait par un groupe de réflexion qui, nécessairement, a une longue expérience, d'une part, en même temps qui a le temps de réfléchir, de penser, d'imaginer et de développer des thèses. Mais, après, dans le milieu concerné, si on pouvait aller plus loin dans l'animation. Vous n'avez pas pensé à aller plus loin?

M. Bisaillon (Robert): Ce n'est pas qu'on n'y a pas pensé, c'est qu'on n'a pas le mandat d'animer et on n'a pas le mandat de promotion. Il y a des Conseils, par exemple, qui ont des mandats clairement de promotion: Conseil du statut de la femme, Conseil permanent de la jeunesse, pas le Conseil supérieur...

M. Tremblay (Rimouski): O.K.

M. Bisaillon (Robert): ...quand on lit bien la loi. Cependant, on a voulu aller un petit peu plus loin. Dans le contexte, c'est-à-dire dans le cadre d'une interprétation de la loi du Conseil disant qu'il faut entendre les points de vue de la population, il faut que ça circule dans les deux sens entre le gouvernement et la population, ce qu'on fait présentement, avec chaque avis, on envoie dans les commissions scolaires, parce qu'on ne peut pas non plus aller directement dans les écoles, on passe par les commissions scolaires... (11 h 30)

M. Tremblay (Rimouski): Oui.

M. Bisaillon (Robert): ...on envoie un dépliant d'animation qu'eux peuvent utiliser pour discuter des parties d'avis. C'est modulé, dans le sens que c'est sûr qu'il faut tenir compte de la destination aussi des différentes productions. Un rapport annuel, c'est destiné à l'Assemblée nationale, un avis très réglementaire, ça n'intéresse pas tout le monde nécessairement, bon. Et c'est nouveau, ça fait deux ans, mais on peut voir aujourd'hui que le nombre de gens qui commandent ces dépliants-là, qui ne sont pas envoyés automatiquement à tout le monde, c'est un retour qui nous permet de voir si ça pénètre un peu plus.

L'autre chose que je vous ai dite, c'est un virage un peu pour le Conseil. Depuis deux ans en particulier, moi, je dirais qu'on a fait à peu près un mois, l'équivalent d'un mois en jours ouvrables — sur 10 mois d'école, d'une année scolaire — en conférences et colloques de toutes sortes. Je vous donne un exemple. Le rapport sur la gestion, présentement, crée des occasions dans tous les milieux, particulièrement au primaire et secondaire, de brassage de la cage incroyables. C'est arrivé dans un momentum, je dirais, où les gens se rendent bien compte que les modèles de gestion sont inadaptés. Je pourrais vous dire qu'on en refuse, des occasions de présentation, parce qu'il faut faire le travail aussi du Conseil. Mais on en fait constamment, c'est l'équivalent de 60 depuis deux ans. Mais, aller plus loin que ça, c'est commencer à faire un travail qui n'est pas le nôtre, je dirais.

M. Tremblay (Rimouski): O.K.

M. Bisaillon (Robert): Alors, vous avez raison qu'on essaie de se préoccuper du fait que — en tout cas, moi je viens du milieu de l'enseignement. Moi aussi je trouvais que ce n'était pas beaucoup lu. J'avais dû quelquefois fouiller moi-même dans mon école pour trouver un avis du Conseil quand j'étais membre — je n'étais pas président — je trouvais ça un peu odieux de le retrouver avec un centimètre de poussière. Alors, bon, il y a la sensibilité des milieux aussi à le mettre à la disposition des gens. On ne peut pas forcer le monde, comme on ne peut pas forcer un ministre à adopter des recommandations. C'est du même ordre, hein? Pouvoir d'influence, pouvoir moral, et c'est correct comme ça. Mais on essaie de soigner un peu les façons de rejoindre différemment les milieux.

M. Tremblay (Rimouski): J'ai été sept ans au ministère de l'Éducation dans un bureau régional, et les directives que nous recevions du ministère de l'Éducation, de la minute qu'elles étaient écrites, on pensait que tout le monde les connaissait et qu'il n'y avait plus de problème. Et, moi, j'ai constaté que c'est là que commençait tout le problème, parce que personne, ou la majorité, ne comprenait la directive. Et, ça, je trouve ça épouvantable parce qu'on l'avait écrite, la

directive, mais, après la diffusion, eh bien mon Dieu là...

M. Bisaitton (Robert): Maintenant, je vous... M. Tremblay (Rimouski): Excusez.

M, Bisaillon (Robert): ...si vous permettez, je vous dirai qu'il y a un niveau de difficulté aussi dans les avis du Conseil. Je ne le cacherai pas. Je ne veux pas être méchant, maïs je dirai qu'aujourd'hui, dans notre société, tout document qui dépasse cinq pages présente une difficulté. Bon. C'est un phénomène de société. Je ne blâme pas personne, mais on ne peut pas toujours résumer tout en cinq pages. Ce n'est pas ce qu'on nous demande non plus, mais quelquefois, ça crée une barrière entre l'utilisation et l'utilisateur. Je suis très conscient de ça. On cherche présentement des façons d'améliorer cette présentation-là aussi.

Confessionnalité au niveau des structures et des établissements

M. Tremblay (Rimouski): Juste une autre dernière question. Qu'est-ce qui arrive avec vos comités catholiques et vos comités protestants, maintenant qu'on aura des commissions scolaires linguistiques? Est-ce que vous allez les maintenir ou...

M. Bisaillon (Robert): C'est-à-dire que ce n'est pas nous qui allons choisir de les maintenir ou pas. Ce sont les législateurs.

M. Tremblay (Rimouski): Oui.

M. Bisaillon (Robert): Ce que l'opération qui s'en vient annonce ou permet de faire, c'est tout simplement d'abolir la confessionnalité au niveau des structures, mais ça ne touche en rien la confessionnalité au niveau des établissements. Alors, les comités qui sont au Conseil, je dirais, l'équivalent de garanties constitutionnelles en matière de confessionnalité, c'est des garanties qui vont concerner les écoles seulement à l'avenir, alors que, là, ça concerne aussi les commissions scolaires. Alors, c'est ça. L'effet de la loi ne modifie en rien toutes ces questions-là.

M. Tremblay (Rimouski): L'existence des deux comités. O.K.

M. Bisaillon (Robert): II y aura peut-être des prolongements à faire quant à la représentation confessionnelle au Conseil; il y a peut-être des discussions qui vont se faire, parce que tous les membres du Conseil sont nommés sur une base confessionnelle, mais par rapport aux deux comités, je ne pense pas que ça ait d'effet.

M. Tremblay (Rimouski): Très bien.

La Présidente (Mme Harel): Vous désirez poursuivre, M. le député de Rimouski?

M. Tremblay (Rimouski): Non, bien, j'aurais d'autres questions, mais je vais laisser...

La Présidente (Mme Harel): Mais vous pourrez revenir, à ce moment-là, par alternance... M. le député de Sauvé?

M. Tremblay (Rimouski): ...mes collègues.

La Présidente (Mme Harel): Alors, M. le député de Lac-Saint-Jean, avez-vous demandé la parole?

M. Brassard: Oui, oui.

La Présidente (Mme Harel): Très bien, et par la suite M. le député de Sauvé.

Priorités dans le secteur de l'éducation

M. Brassard: Oui. Moi, je voudrais évidemment aborder l'essentiel de vos deux derniers rapports annuels sur l'état et les besoins de l'éducation. Particulièrement dans celui de cette année, je pense que vous posez un diagnostic d'abord qui m'apparaît fort juste et sur lequel, je pense, à peu près, maintenant, tout le monde s'entend. C'est évident que, actuellement, particulièrement dans les ordres d'enseignement primaire et secondaire, le problème majeur qui confronte tout le monde, c'est le problème du nombre extraordinairement élevé des jeunes, des élèves, qui connaissent l'insuccès et qui se trouvent exclus, à tomber dans l'exclusion. C'est le problème majeur, je pense. Quand on constate qu'un jeune sur trois ne réussit pas à compléter son cours secondaire et à obtenir un Diplôme d'études secondaires, je pense qu'il y a là une dimension qu'on pourrait qualifier de tragique dans notre système d'éducation. C'est ce que vous identifiez correctement, c'est ce qui fait que votre rapport annuel de cette année porte le titre «Le défi d'une réussite de qualité». Il faut donc absolument augmenter le taux de réussite, faire, comme vous dites, que le plus grand nombre réussisse, réduire donc le nombre des exclus, mais, en même temps, et c'est là un défi de taille, en même temps, maintenir une formation de qualité. Faire réussir le plus grand nombre en leur dispensant une formation de qualité: c'est un défi qui n'est pas banal. Et ce qui est intéressant dans votre rapport, c'est que, vous — je pense, en tout cas, moi — vous abordez toutes les dimensions du problème, de la problématique. Vous ne vous limitez pas à une ou deux, vous les abordez toutes. On pourrait reprendre chacun des chapitres: la dimension d'abord de la mission, recentrer l'école sur l'acte éducatif, donc sur l'essentiel; la dimension des curriculum, des cheminements, des approches pédagogiques diversifiées; la dimension pédagogique, qui est capitale; toute la question de l'organisation du travail, où vous reprenez l'essentiel de ce

que vous nous avez transmis et communiqué l'an dernier quant à la gestion de l'éducation; toute la dimension de l'évaluation, qui est également capitale; et enfin la question du financement aussi qui n'est pas négligeable. Évidemment, on pourrait vous interroger sur l'un ou l'autre de ces chapitres. Je ne veux pas vous mettre dans l'embarras non plus, là. Vous savez que Mme la ministre a rendu public un document où elle compte «Faire avancer l'école» — c'est le titre de son document — en proposant un certain nombre d'actions. C'est mon appréciation... Il me semble que c'est pas mal plus mince, pas mal moins substantiel et moins complet que votre rapport de cette année. Il me semble qu'il y a dans votre rapport une vision plus large, plus cohérente, plus articulée, plus complète de ce que doit être le système d'éducation. Vous n'êtes pas obligé de me remercier pour le compliment, mais, c'est mon jugement, je pense que... alors que le document ministériel m'apparaît insuffisant, incomplet et comporte bien des lacunes et bien des carences. (11 h 40) mais je vais vous poser une question générale pour commencer la discussion là-dessus. si vous aviez à établir une sorte d'ordre de priorité des tâches à accomplir — toujours, évidemment, dans la perspective de l'objectif que tout le monde poursuit et recherche, c'est-à-dire faire réussir le plus grand nombre, avec comme niveau quantitatif les 80 % qu'on retrouve déjà dans le plan pagé, faire réussir 80 % de nos jeunes au secondaire — qu'est-ce que, selon vous, il faudrait faire? ou quelles sont les tâches prioritaires qu'on devrait accomplir? est-ce que ça se situe au chapitre du curriculum, de la grille matière? est-ce que c'est d'ordre, d'abord, pédagogique? donc, toute la question de la diversification des approches pédagogiques et des cheminements. est-ce que c'est ail niveau de la gestion qu'il faudrait d'abord et avant tout agir, changer le modèle de gestion? qu'est-ce qui serait, selon vous, le plus urgent de faire, si on veut espérer atteindre concrètement l'objectif de faire réussir le plus grand nombre? question générale, j'en conviens, mais...

M. Bisaillon (Robert): Oui, mais, parce qu'elle est générale, elle est embarrassante aussi. Dans la mesure où ce rapport-là, qui est un rapport de conjoncture, donc qui fait l'examen de l'état et des besoins, n'a pas essayé de dire: Ceci est plus important que cela. Mais il a essayé de dire: Si notre diagnostic est bon, à savoir après avoir, pendant 30 ans, bâti un système d'éducation — parce que c'est ça qu'on fait, et, 30 ans, ce n'est pas long dans l'histoire — après avoir réglé, de façon correcte, je pense, de façon socialement correcte beaucoup de problèmes d'accessibilité — je ne dis pas qu'il n'en reste pas, mais c'était ça, l'objectif — on se rend compte aujourd'hui que le danger, c'est de penser qu'un système d'éducation peut fonctionner encore longtemps juste parce que tout le monde va à l'école, ou à peu près, tout le monde qui veut y aller. Et on dit: Le danger, c'est même que notre objectif de démocratisation soit un peu un écran de fumée ou de la rhétorique si on ne se préoccupe pas, maintenant qu'ils sont à l'école, de les amener à la réussite, et pas à n'importe quelle réussite, pas une réussite à rabais. Donc, qu'est-ce qu'on peut faire pour franchir ce bond-là, qui n'est pas une petite affaire, qui est un bond qualitatif important pour une société? Et, nous, il nous semble, il nous a semblé qu'il faut agir sur tous les aspects à la fois. Pas nécessairement au même rythme, pas nécessairement avec la même intensité, et je peux donner des exemples.

Mais on ne changera pas un modèle d'organisation scolaire en se revirant sur un dix cents. C'est impossible. Il n'y a aucun système qui peut réussir ça. Ça va prendre du temps. On ne transformera pas les pratiques pédagogiques du jour au lendemain pour tout le monde en même temps. Il y a de l'évolution nécessaire là-dedans. Mais on ne pourra pas non plus réformer tous les curriculum demain matin, parce qu'il faut d'abord s'entendre sur c'est quoi, la mission de l'école, et c'est quoi, par exemple — et c'est une des questions que la ministre pose dans son document — c'est quoi, les profils de sortie qui sont souhaitables? Bon. De sorte que, nous, ce qu'on a voulu dire, c'est: Si on veut aller très loin sur le chemin d'une réforme ou ceux qui prétendent que ça prend une réforme, ce qu'on leur dit, c'est: II faut que vous regardiez tout ça. La ministre ne dit pas: Je fais une réforme de l'éducation. Ce que j'ai compris, elle a dit: Je vais faire avancer l'école. Mais je pense qu'elle a fait un choix, de son corridor, de son angle. Je ne pense pas qu'elle fasse croire que c'est une réforme. Donc, nous, on va évaluer, comme Conseil, parce qu'elle nous le demande, les propositions qu'elle fait, à la lumière de ce que ça prendrait cependant pour que l'école aille très loin dans le sens d'une révision en profondeur.

Je vous dirai que, sur certaines questions même, on est en panne au Conseil... pas en panne, mais en lent cheminement. Ça fait des années qu'on a des programmes — 15 ans — on les appelle toujours les nouveaux programmes, mais ça fait 15 ans. Et, nous-mêmes, le Conseil, on dit depuis six ou sept ans: II faudrait tracer des profils de sortie. Il faudrait arriver, à travers tout ce magma d'objectifs, à essayer de se faire une idée claire des compétences qu'un jeune devrait avoir en secondaire II, en secondaire V, en troisième année du primaire, de sorte qu'au-delà des programmes les profs, les parents, la communauté en général sachent un peu à quoi ça sert l'école, en relation avec ça. Mais, nous-mêmes, c'est une tâche qu'on trouve très difficile à fabriquer, et on travaille là-dessus très fort, mais on n'est pas capables de produire plus vite que ce que la maturation exige. Donc, je vous dis que c'est à rythme variable, je pense.

Il y a des choses qu'on peut faire cependant plus rapidement, je pense. Je ne suis pas sûr qu'on doive toutes les faire au national. Il y en a qu'on peut faire au local. Ça, on l'a dit dans la gestion, en particulier, mais il y a des éléments structurels qu'on ne changera pas demain matin, je le répète encore, même si on le voulait, là. Donc, c'est ça. Je dirais qu'il y a une perspective

dans le rapport du Conseil; c'est une perspective, et il y a des plans d'action. Bon. La ministre, d'ailleurs, dans son propre document «Faire avancer l'école», je pense qu'elle délimite l'ordre des choses qu'elle veut faire tout de suite pour faire avancer l'école et l'ordre des choses qui serait nécessaire pour la faire avancer davantage, mais sur lequel elle n'est pas prête à prendre position. C'est comme ça que j'ai lu, moi, ce document-là, et elle nous demande un avis sur les deux niveaux. Bon. Moi, tout ce que je peux vous dire pour le moment, c'est que l'avis va tenir compte de notre rapport annuel, bien sûr, mais les positions sur les recommandations précises ne sont pas prises encore.

M. Brassard: Est-ce que je vous comprends bien, finalement, si je dis que, à partir de la vision qu'on retrouve dans votre rapport sur le défi d'une réussite de qualité, à partir de cette vision-là, il est difficile et il pourrait même être risqué, dangereux même quant à l'atteinte de l'objectif, de mettre de côté ou de décider de ne pas toucher à l'une ou l'autre des dimensions qu'on retrouve dans votre rapport et que, si l'on peut cependant affirmer qu'on doit poser certains gestes avant d'autres, il reste qu'on doit envisager d'en poser dans tous les volets de votre vision des choses, de votre rapport? Donc, poser des gestes les uns avant les autres. Je pense, par exemple... Vous faisiez allusion à la mission de l'école. Je pense que c'est un... Il y a pas mal de confusion sur la mission éducative. C'est quoi, la mission de l'école dans une société comme la nôtre? Je pense que ça demande peut-être un débat d'un peu plus de six semaines, là. Ce n'est pas en six semaines qu'on va réussir à permettre aux différents acteurs de débattre de cette question de fond et d'essayer de dégager un consensus, mais je pense que, dans le temps, il faut s'entendre là-dessus avant de passer aux profils de sortie des différents cycles et il faut peut-être, je pense, dans le temps, s'entendre sur les profils de sortie avant de s'entendre sur la grille matière, et il faut probablement s'entendre sur la grille matière avant, ensuite, finalement, en bout de processus, de s'entendre sur la sanction des études. En d'autres termes, si on veut poser des gestes, il y a des choses qui doivent se poser, dans une certaine logique, avant d'autres. Remarquez que ce n'est pas l'impression que me donne le document de la ministre, parce que Mme la ministre, elle, décide, par exemple, d'un régime de sanctions alors qu'on n'a pas décidé d'aucune façon des profils de sortie, alors qu'on a à peine discuté de ce que devrait être la mission éducative. Il me semble que, là, c'est ce que j'ai appelé mettre la charrue devant les boeufs. (11 h 50)

Mais, l'autre élément, c'est que... Ce que vous nous dites aussi, c'est qu'on ne peut pas toucher uniquement au curriculum si on ne touche pas à la gestion, si on ne touche pas aux pratiques pédagogiques — c'est un peu ça, au fond, que vous nous dites — et qu'une vision ou une volonté gouvernementale ou politique de poser un certain nombre de gestes qui seraient trop parcellaires et qui ne porteraient que sur une ou deux dimensions et qui en laisseraient d'autres intouchées, ça pourrait éventuellement compromettre les objectifs de réussite que tout le monde souhaite atteindre. Vous ai-je bien interprété?

M. Bisaillon (Robert): Vous êtes allé plus loin que ce que j'ai dit, ça c'est sûr.

M. Brassard: Oui, mais, ça, c'est évident que, moi, je peux me permettre certains jugements plus politiques.

M. Bisaillon (Robert): Si vous permettez, ce que j'ai dit: Si on prétend ou on a comme objectif de rénover le système de fond en comble, bien, nous, on dit qu'il faut regarder tous ces éléments-là. Si on n'a pas cette prétention-là ou si ce n'est pas l'objectif... Un objectif, c'est de poser des gestes qui nous apparaissent plus immédiatement importants, urgents. Nous, ce qu'on dit au Conseil, et on va intervenir dans ce sens-là, on va mesurer, on va apprécier ces gestes-là en fonction de la perspective générale. Et c'est dans ce sens-là qu'on va dire, par exemple, que si on ne change pas les pratiques pédagogiques du tout, si on reste avec l'uniformité des pratiques, si on enseigne encore comme si c'étaient des élèves moyens qu'il y avait dans nos classes, même si on changeait la grille matière, le curriculum, ça ne changerait strictement rien. Par ailleurs, on va dire qu'il y a des choses qui sont mûres, et ce n'est pas une révolution. Exemple: modifier les deux cycles au primaire. Pour le Conseil, c'est une vieille histoire, ça fait 10 ans qu'on demande ça. Alors, vous comprenez bien qu'il n'y a pas gros de révolution là.

M. Brassard: Au secondaire.

M. Bisaillon (Robert): Excusez-moi, au secondaire. Alors, il n'y a pas de révolution là. Bon, bien, ce n'est pas substantiel, mais on pense que, oui, ça fait avancer l'école même si on ne réforme pas l'école dans son ensemble, surtout si, en même temps, on veut se servir du deuxième cycle, non pas pour caser les élèves prématurément dans des filières d'orientation, mais pour leur permettre d'avoir accès à des vraies options plus vastes. Il y a des choses qu'on peut déjà évaluer, mais, moi, ce que je comprends — et je ne veux pas faire d'interprétation politique, vous comprendrez, ce n'est pas mon rôle, de la proposition de la ministre — c'est qu'elle-même a choisi de ne pas rénover l'ensemble du système. Elle a choisi de poser des gestes. Et, nous, on va évaluer ces gestes-là à la lumière de quoi? Bien, de la perspective qui inspire le dernier rapport annuel, c'est sûr. Mais je ne voudrais pas, vous comprendrez bien, qu'on me fasse dire ici qu'il n'y a rien là-dedans parce que ce n'est pas une rénovation totale du système, là, je vous dis juste que ce n'est pas du même ordre.

M. Brassard: Oui, je comprends bien, sauf que

ça doit être évalué en fonction de l'objectif que tout le monde se fixe...

M. Bisaillon (Robert): Oui, ça, c'est vrai. On va l'évaluer comme ça.

M. Brassard: ...faire réussir le plus grand nombre.

M. Bisaillon (Robert): Oui.

M. Brassard: Atteindre un niveau très élevé, quand même de 80 %, ce qui est très élevé par rapport à la réalité actuelle.

M. Bisaillon (Robert): Oui.

M. Brassard: Donc, il faut que vous portiez un jugement sur ce qu'elle compte faire, tout en notant qu'il ne s'agit pas d'une rénovation globale et totale. Il faut que vous portiez un jugement dans cette perspective-là, en vous posant la question: Est-ce que, en ne faisant que cela, on a des chances sérieuses d'atteindre l'objectif de la réussite du plus grand nombre tout en maintenant la qualité de la formation? Au fond, ce que vous me dites, c'est que, dans les avis que vous allez lui remettre et qu'elle vous a demandés en vertu de la loi, vous allez évidemment évaluer de façon très précise et spécifique les éléments de changement au cadre pédagogique, c'est-à-dire. ..

M. Bisaillon (Robert): Au régime.

M. Brassard: ...au régime pédagogique, mais, en même temps, vous allez également ajouter une évaluation en fonction de l'objectif de réussite du plus grand nombre.

M. Bisaillon (Robert): C'est sûr. Le Conseil intervient toujours, dans ces avis à portée réglementaire, à partir de ses positions plus générales. Alors, c'est sûr, ça. On ne va s'inspirer que de ce qu'on a déjà écrit et on va essayer d'aller plus loin sur des choses sur lesquelles nous-mêmes on est un peu en défaut, je dirais, dans le sens où on les demande depuis des années, mais on n'est pas assez avancé pour dire: Voici, vous devriez faire ça.

La Présidente (Mme Harel): Merci, M. Bisaillon. La parole est maintenant au député de Sauvé.

Enseignement de la langue seconde

M. Parent: Merci, Mme la Présidente. M. Bisaillon, bonjour. M. Bisaillon, je n'étais malheureusement pas présent ici, parce que mon collègue, le député de Lac-Saint-Jean, s'est questionné sur l'efficacité du Conseil face à la fusion que vous venez d'accepter, soit le Conseil des collèges, le Conseil supérieur de l'édu- cation et le Conseil des universités. Je pourrai me référer au Journal des débats pour connaître votre réponse, mais j'ose exprimer un voeu, c'est que cette fusion de ces trois éléments très importants qui ont fait leurs preuves ne vienne pas diminuer l'importance de l'enseignement collégial, de l'enseignement universitaire comme l'enseignement... les autres dossiers.

Moi, je voudrais connaître votre opinion sur l'enseignement de la langue seconde. Depuis plusieurs années, le Conseil s'est prononcé sur l'importance, je pense, d'enseigner une langue seconde au Québec. Les comités de parents se sont dits favorables; l'ensemble de la population aussi semblait favoriser l'enseignement de la langue seconde. Je pense que, dans le contexte nord-américain à l'intérieur duquel nous vivons, là, c'était tout à fait normal. Par contre, il y a quelques semaines, dans un document de politique — un document ministériel, j'entends, pas un document émanant du Conseil des ministres — la ministre de l'Éducation parlait de la réforme de l'enseignement secondaire et de l'enseignement élémentaire, et, dans ce document, elle laissait supposer que l'enseignement de la langue seconde pourrait être renforcé, et elle parlait de classes d'immersion. Alors, j'aimerais connaître l'opinion du Conseil face à ces classes d'immersion versus, je ne dirai pas le danger, en tout cas, les inconvénients et les avantages que le Conseil voit dans ces classes d'immersion. Et, dans un deuxième volet, je constate qu'en Europe il se fait actuellement des expériences de plus en plus fréquentes sur l'enseignement d'une troisième langue. Par exemple, dans le sud-ouest de la France, aux limites de Biarritz, Saint-Jean-de-Luz, ce coin-là, on enseigne l'espagnol comme troisième langue, étant donné la proximité de la frontière de l'Espagne. En Alsace, on enseigne l'allemand comme troisième langue. Alors, j'aimerais connaître l'opinion du Conseil face aux classes d'immersion et face à la possibilité de l'enseignement d'une troisième langue.

M. Bisaillon (Robert): Mme la Présidente, est-ce que j'ai le droit de dire au député de Sauvé que, là, il me met vraiment dans l'embarras...

M. Parent: On ne l'a jamais voulu, M. Bisaillon, mais vous connaissant, M. Bisaillon...

M. Bisaillon (Robert): ...dans la mesure où les positions du Conseil sur la question de l'immersion de la langue seconde datent de 1986, 1984 et 1986 respectivement, et que la proposition très concrète que la ministre fait dans «Faire avancer l'école» est d'un autre ordre que ce qu'on avait discuté à ce moment-là. Donc, je ne peux pas vous dire ce que le Conseil va adopter comme position au mois de décembre. Ça, c'est très clair, là. Même si je voulais, ça serait présumer de décisions qui ne sont pas prises par le Conseil. Bon.

Ce que je peux vous dire...

La Présidente (Mme Harel): M. le président, si

le député de Sauvé me permet, je ne veux pas ajouter à votre embarras, maïs est-ce que vous faites une distinction entre l'immersion langue seconde pour des enfants dont la langue maternelle est le français, donc, une distinction avec ceux pour qui le français est déjà une langue seconde et pour qui les classes d'immersion en langue anglaise seraient une troisième langue? (12 heures)

M. Bisaillon (Robert): Ce que je peux vous dire, c'est comment on examine le problème, c'est quoi, les données. Il y a trois choses dans la proposition ministérielle, eu égard à l'enseignement de la langue seconde, de l'anglais langue seconde. La première chose, c'est de garantir le respect des heures prévues au régime pédagogique, quand on constate que dans deux commissions scolaires sur trois, le temps prévu n'est pas respecté. Première chose. Ce n'est pas rien, là.

Première question qu'il faut se poser: Si on passe du temps non respecté, du temps observé, je dirais, au temps respecté, qu'est-ce que ça suppose sur le plan organisationnel, pédagogique? Bon, il y a déjà ça. C'est un étage, je dirais, de la demande de la ministre.

Le deuxième étage, c'est l'anglais intensif. L'anglais intensif qui consiste en toutes les activités en anglais ou presque à partir du moment où les objectifs des matières, des autres matières sont, par ailleurs, respectés. Et il y a des modèles qui existent dans 25 commissions scolaires au Québec. Certains — et là, il y a une question qu'il faut se poser — modèles ne s'adressent qu'aux élèves brillants sur le plan scolaire. Comprenons-nous bien, là, je ne veux pas faire de discrimination, mais certains modèles supposent que, comme il faut avoir réussi tous les objectifs des autres matières avant d'avoir droit à l'intensif, donc, c'est juste les plus forts qui vont pouvoir faire ça.

D'autres commissions scolaires ont choisi d'avoir des groupes hétérogènes, de prendre dés élèves qui ne sont pas juste forts dans toutes les autres matières, à la condition que les parents soient conscients, par ailleurs, et aussi les enfants, qu'il va falloir reprendre des objectifs, revoir des objectifs qui ne sont pas atteints. Bon.

La troisième formule, qui est l'immersion, celle-là suppose qu'on fait toutes les matières en anglais pendant un certain temps.

Or, on examine les trois avec leurs avantages et leurs désavantages à trois niveaux: sur le plan de la disponibilité présente des enseignants et des enseignantes, sur le plan organisationnel, parce que le projet ne dit pas: c'est un ou l'autre. Il dit: un plus l'autre, possiblement. Donc, sur le plan organisationnel. Et, effectivement, on examine ça aussi, les deux méthodes, intensif, puis immersion, sur le plan de l'effet en milieu pluriculturel comme à Montréal. Est-ce que l'effet est le même qu'en Gaspésie ou, pour prendre un exemple, qu'au Saguenay—Lac-Saint-Jean? C'est tous ces éléments-là qu'on examine.

La position du Conseil, la position antérieure du Conseil, la position encore vraie du Conseil, c'est plutôt l'intensif que l'immersion. Je ne vous le cache pas.

Ce qu'on examine aussi, c'est à partir de combien d'heures on peut appeler ça de l'immersion. Est-ce que le projet de la ministre, c'est vraiment de l'immersion, au nombre d'heures qui est proposé là?

C'est ça, je dirais, les paramètres qu'on regarde présentement avec les études qui ont été faites là-dessus. Je vous dirai qu'à l'oeil, et le comité qui discute de ça va devoir regarder ça de plus près, la difficulté ne vient pas du fait que la ministre propose un minimum garanti en anglais. Ça vient du fait que, dorénavant, dans le régime pédagogique du primaire, il n'y aurait un temps garanti qu'en anglais, langue seconde et qu'en religion, cette fois-là en vertu du règlement. Et on se dit, dans un régime pédagogique, c'est une question qu'il faut se poser: Est-ce que garantir un temps minimum juste pour deux matières... Et ces matières-là, en particulier, ça donne un exemple de ce qu'on pense être la formation qu'un jeune devrait avoir. Bon! Voyez-vous l'ensemble de considérations qu'on examine?

Quant à votre autre question sur les langues vivantes, parce qu'on en traite souvent comme ça, vous avez raison que, dans certaines parties de la France et dans le contexte de l'Europe, je dirais, on a toujours dit «l'Europe 92», mais l'Europe du XXIe siècle, il y a des mises à niveau entre les systèmes d'éducation qui rendent impérative, je dirais, l'obligation d'apprendre une troisième langue. C'est malheureux qu'on ne sente pas autant cette obligation-là ici. C'est très malheureux qu'on ne la sente pas autant ici.

M. Brassard: Est-ce que...

M. Bisaillon (Robert): Pour ça, il va falloir faire un ménage dans le curriculum. Il va falloir faire un ménage dans le curriculum, parce qu'une des difficultés, la difficulté première, je dirais, qu'on n'aurait peut-être pas autrement, vous savez, c'est que le régime pédagogique du primaire, vous savez ça, vous qui étiez en éducation, le régime pédagogique du primaire dure moins longtemps que le nombre de matières prévues. Et nos régimes pédagogiques ont été bâtis un peu, je dirais, par sédimentation. On a ajouté des matières: nouveau besoin, nouvelle matière, nouveau besoin, nouvelle matière. Et, là, quand on arrive à dire: II faudrait ajouter une troisième langue, une langue vivante, la première question, ce n'est pas: Est-ce que c'est utile ou pas? C'est: Qu'est-ce qu'on coupe? Il y a comme un petit débat à faire là, hein?

M. Parent: Avec votre permission, Mme la Présidente, juste une sous-question. Dans votre réponse au premier volet de ma question, vous m'avez parlé aussi des enseignants, des enseignants qui auront, qui auraient ou qui ont actuellement la responsabilité ou l'obligation d'enseigner une langue seconde. Vous avez mentionné que j'ai vécu près du monde de l'enseignement. Moi, je l'ai délaissé, mais mes proches ne l'ont pas délaissé et je vis dans ce milieu-là continuellement. Et une des difficultés que l'on rencontre au niveau primaire, au niveau secondaire, c'est la connaissance de

l'anglais, qui est notre langue seconde pour nous les francophones, de la part des enseignants. Il est arrivé... La majorité des enseignants et des enseignantes qui ont été élevés, qui ont grandi ou qui ont cheminé dans la région métropolitaine de Montréal se débrouillent assez bien et sont capables de faire les efforts nécessaires, en général, pour l'enseignement de l'anglais. Il est arrivé à un certain moment qu'à cause d'un manque d'enseignants à Montréal, dans les années cinquante à peu près, 1950 ou 1955, on a importé, pas d'une façon péjorative, des gens de l'extérieur qui n'avaient pas eu, jamais, l'occasion de se servir de l'anglais dans leur vécu quotidien et qui sont arrivés dans un milieu plus cosmopolite que celui dans lequel ils étaient habitués de vivre. Et je remarque aujourd'hui parmi des amis, des enseignantes et des enseignants, qu'ils ont une peur bleue d'enseigner l'anglais, parce qu'ils ne connaissent pas l'anglais!

Alors, est-ce que le Conseil de l'éducation se reconnaît une responsabilité pour conseiller la ministre et le ministère pour tâcher de remédier à cette lacune-là, laquelle, je crois, existe? Je ne dis pas que les enseignants ne veulent pas l'enseigner, mais quand on ne connaît pas une matière, quand on ne la maîtrise pas pleinement, bien, c'est assez pénible et difficile pour eux. Et c'est peut-être pour ça que l'horaire n'est pas toujours respecté. Ça peut être une cause indirecte.

M. Bisaillon (Robert): Je pense que vous avez parfaitement raison; c'est un facteur, en tout cas, c'est sûrement un facteur d'explication que le temps minimum n'ait jamais été respecté, écoutez, comme il ne l'est pas dans d'autres disciplines aussi, pour des raisons analogues, pas identiques mais analogues. Par exemple, quand on regarde l'application du régime pédagogique, on se rend compte de ce qui n'est pas respecté. C'est les matières à spécialité, bien sûr, mais d'autres aussi. Alors, les matières à spécialité, c'est l'anglais, langue seconde, ce sont les arts, c'est la musique, c'est l'éducation physique, et dans beaucoup de cas, c'est les sciences humaines et sciences de la nature. Autrement dit, des disciplines avec lesquelles on n'est pas spontanément à l'aise si on n'a pas été formé pour enseigner ça. Alors, ça s'aggrave dans le cas d'une langue, je dirais. C'est ça que vous voulez dire? Oui, il faut examiner ça. Déjà pour garantir les 216 minutes, il y a un problème, à mon avis, de nombre de profs, de masse critique formée déjà. Oui, on est sensibles à ça et on va en parler.

M. Parent: Mme la Présidente, je n'ai pas mis M. Bisaillon trop trop dans l'embarras. Je pense qu'il s'en est bien... Je ne vous ai pas mis dans l'embarras tant que ça.

La Présidente (Mme Harel): En tout cas, s'il l'était, il s'en est bien sorti.

La parole est au député de Verdun.

M. Gautrin: En termes d'alternance, vous n'avez pas de questions?

La Présidente (Mme Harel): Je crois que oui, il y a une alternance.

M. Gautrin: Attendez un instant! Moi, je suis prêt à intervenir, mais je rentre sur un autre sujet.

M. Brassard: Sur ce sujet-là...

M. Gautrin: Je rentre sur un autre sujet, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Harel): Ah! Sur le même sujet. Bon. Sur le même sujet, je vais donner la parole à Mme la députée de Chicoutimi. Je veux juste vous dire cependant qu'il y a un solde du temps et que, à cet égard, je considérerai, en tout cas pour nos travaux cet après-midi, que l'équipe ministérielle a un solde au crédit. Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, Mme la Présidente. Juste dans le prolongement de la question qui a été mise sur la table par le député de Sauvé, j'aimerais que vous nous rappeliez la teneur des avis que vous avez émis sur l'enseignement de l'anglais, langue seconde. Et je me rappelle qu'il y avait aussi une question: À quel moment, à quelle intensité, à quelle période? Pourriez-vous brièvement nous rappeler quelle était votre position alors?

M. Bisaillon (Robert): L'avis de 1984 faisait un choix, je dirais, peut-être pas aussi clair que je vais le traduire, mais quand on décode — pour employer l'expression du député de Lac-Saint-Jean — je pense qu'on peut dire que le Conseil faisait un choix en faveur de la méthode de l'anglais intensif par rapport à l'immersion. Ça, c'était très clair.

La deuxième position que le Conseil a prise, en 1986 cette fois-là, à l'occasion d'une demande d'avis sur un certain nombre d'amendements au régime pédagogique, mais plus large que la seule question de l'anglais, le Conseil s'était montré favorable à l'idée d'ouvrir même au premier cycle du primaire l'enseignement de l'anglais, langue seconde. Cette question-là n'est pas présentement en débat dans le projet de la ministre. (12 h 10)

Mme Blackburn: Pourriez-vous nous dire pourquoi vous aviez alors privilégié l'intensif plutôt que l'immersion? Et, si je me rappelle votre avis, vous étiez également contre l'idée de commencer à enseigner dès la première année du primaire.

M. Bisaillon (Robert): L'avis de 1986. Mme Blackburn: L'avis de 1986 ou de 1984.

M. Bisaillon (Robert): L'avis de 1984 porte sur l'anglais, langue seconde, très clairement...

Mme Blackburn: Oui.

M. Bisaillon (Robert): ...et uniquement sur cette question. Alors, la raison pour laquelle on choisissait l'intensif plutôt que l'immersion, c'était relativement... Ça s'appuyait sur quelques études qui existaient à cette époque-là, et c'était surtout dans le contexte très clairement sociopolitique de la protection du français, ou du message qu'on devait envoyer aux immigrants, aux gens des communautés culturelles. Le Conseil pensait, à ce moment-là, que l'immersion envoyait un message plus troublé, plus brouillé quant à la nécessaire francisation, nécessaire scolarisation en français.

Mme Blackburn: Est-ce que cette impression demeure quant à l'immersion?

M. BisaiHon (Robert): Vous allez voir ça au mois de décembre, si vous permettez.

Mme Blackburn: Mais vous aviez également, si je me rappelle, donné un avis sur le moment de commencer l'enseignement.

M. Bisaillon (Robert): Oui.

Mme Blackburn: II me semble que vous vous étiez exprimé contre l'idée qui circulait à l'époque de commercer dès la première année du primaire.

M. Bisaillon (Robert): À moins que je ne me trompe moi-même beaucoup, ayant relu cet avis-là la semaine dernière...

Mme Blackburn: Ah bon, alors, vous ne devriez pas vous tromper.

M. Bisaillon (Robert): Mais, me gardant quand même la possibilité d'errer, il me semble que le Conseil ne voyait pas d'inconvénient à ouvrir au premier cycle du primaire la possibilité de l'enseignement de l'anglais, langue seconde. Je ne dis pas en première année, je dis au premier cycle du primaire.

La Présidente (Mme Harel): Avec consentement...

Mme Blackburn: J'aurais une courte question, mais comme c'est sur d'autres sujets...

M. Brassard: Une courte question...

La Présidente (Mme Harel): Sur le même sujet?

M. Brassard: ...là-dessus, très courte. Vous venez tout juste de dire que votre avis de 1984 reposait sur quelques études. Je me souviens, j'en avais pris connaissance, il n'y a pas tellement longtemps. Pour ce qui est de votre avis qui s'en vient là, donc, depuis 1984, est-ce que depuis 1984 il s'est fait d'autres études sur cette question-là? Est-ce que vous allez pouvoir vous appuyer sur d'autres études? Parce que j'imagine que, comme Conseil, votre avis va surtout s'appuyer sur des motifs d'ordre pédagogique.

M. Bisaillon (Robert): II ne s'est pas fait beaucoup d'études supplémentaires. Ce qu'il faut comprendre, c'est que la question de l'immersion, elle est très documentée dans le contexte nord-américain, dans le cas du français, langue seconde. C'est ça qui est documenté. Alors, il y a beaucoup d'études, d'excellentes études, du Canada anglais, en particulier, mais on ne peut pas considérer que l'immersion se pratique pour les mêmes raisons, selon les mêmes paramètres et avec les mêmes conséquences dans ce contexte-là qu'au Québec, ça c'est clair.

Donc, on va aussi regarder, je dirais, le chemin qui s'est produit depuis — parce que c'est ça, les études les plus fiables — que des commissions scolaires ont procédé à des modèles, à la mise sur pied de modèles d'enseignement d'anglais intensif pour voir les effets que c'a donnés. Il existe une étude là-dessus.

M. Brassard: Mais pas sur l'immersion. Au Québec, il n'y en a pas.

M. Bisaillon (Robert): Bien non, puisqu'il n'y avait pas d'immersion possible.

M. Brassard: C'est ça.

M. Bisaillon (Robert): Mais il y en a du côté anglophone. On est questionné aussi sur le français, langue seconde.

M. Brassard: Oui.

La Présidente (Mme Harel): Alors, merci. M. le député de Verdun, nous allons donc entamer une nouvelle question avec vous.

Imputabilité dans le système d'éducation

M. Gautrin: Est-ce qu'on peut... Moi, je veux entrer sur le sujet du financement et de l'imputabilité. Donc, je vais poser les questions sur à la fois vos deux rapports, 1991-1992, 1992-1993. Je ne reviendrai pas sur les questions qui avaient été soulevées par le député de Lac-Saint-Jean sur les effets des réductions de personnel pour le Conseil même. Je suis parfaitement conscient des difficultés que ça peut avoir, quoiqu'il y a des difficultés dans d'autres éléments.

Je reviens sur l'imputabilité. En 1991-1992, vous parliez de l'obligation d'imputabilité dans le système. C'est aux pages 37 et 38 de votre document. En 1992-1993, c'est-à-dire l'année suivante, vous reconstatez le manque d'imputabilité et le frein que ça fait par rapport à l'évaluation des établissements. Je reviendrai aussi sur le 6.3.2 sur l'insécurité du personnel tout à l'heure. Donc, laissons-les de côté.

Comment vous voyez l'imputabilité dans le système d'éducation? Alors, vous allez me demander: Ça prend que chacun... Vous dites implicitement que chacun des secteurs soit plus responsable. Alors, je comprends qu'il y a des degrés divers de responsabilité entre le primaire et secondaire, c'est-à-dire le niveau des commissions scolaires et le niveau des collèges et le niveau des universités. Autrement dit, j'aimerais vous entendre sur comment vous voyez Fimputabilité à l'heure actuelle dans le secteur? Qu'est-ce que vous souhaitiez voir en 1991-1992? Qu'est-ce que vous n'avez pas vu en 1992-1993? Que faudrait-il faire pour atteindre ce que vous disiez en 1991-1992 et que vous n'avez pas vu en 1992-1993?

M. Bisaillon (Robert): Entre les deux années, si vous permettez, je ne peux pas dire qu'on a examiné la différence, là. Je pense que ce qu'on a dit...

M. Gautrin: Donc, en reste sur 1991...

M. Bisaillon (Robert): Je pense que c'est le même discours, en 1991-1992.

M. Gautrin: C'est ça. Bien, ça veut dire qu'il n'y a pas grand-chose... Ça veut dire qu'en 1992-1993... Il n'y a pas grand-chose qui s'est fait depuis 1991-1992.

M. Bisaillon (Robert): Ça veut dire qu'il n'y a pas grand-chose qui s'est fait à l'échelle du système, mais de façon tellement claire, publique et répandue qu'on pourrait dire: On ne se préoccupe plus de cette question-là.

M. Gautrin: Mais nous nous en préoccupons. Autrement dit, peut-être que vous...

M. Bisaillon (Robert): Oui, c'est pour ça que je dis: II faut encore s'en préoccuper. C'est pour ça qu'on en a fait un chapitre cette fois-là...

M. Gautrin: Absolument.

M. Bisaillon (Robert): ...du rapport annuel. Donc, on dit: C'est encore une question extrêmement importante, parce que c'est la seule façon, l'évaluation générale — je parlerai de l'imputabilité, là, parce qu'il faut situer ça par rapport à l'évaluation — qu'on puisse revenir de façon un peu essentielle et pas juste accessoire sur nos pratiques, sur ce qu'on fait, de pouvoir corriger des trajectoires et de pouvoir rendre des comptes publiquement. C'est la seule façon, si on évalue, de faire ça. Il n'y en a pas d'autres. Et on serait porté à dire que moins il y a ce type d'évaluation là de l'intérieur du système, plus on se livre pieds et poings liés à des évaluations externes qui parfois ont, à leur face même, des faiblesses scientifiques, mais qui passent la rampe parce qu'elles sont les seules qui existent.

Alors, là, l'imputabilité, comment situer cette exigence-là dans un système d'éducation à plusieurs étages dont vous avez parlé? Bon, bien, c'est nettement en regard du niveau de responsabilité qu'on a. Ce que le Conseil dit, à toutes fins pratiques, c'est que si tu es juste un exécutant, bien, ton imputabilité, elle va être très faible. Et c'est celle de celui qui te donne des ordres qui va être plus forte. Il faut donc qu'on procède dans le système d'éducation à la question, au débat sur la centralisation et la décentralisation, pour savoir quel type de responsabilités on confie aux enseignants, parce qu'ils parlent beaucoup d'autonomie eux aussi, et donc, en vertu de ça, à quoi on doit s'attendre.

Ce que le Conseil dit, c'est qu'il faut des intervenants plus responsables à plus de niveaux du système. D'une certaine façon, depuis un certain nombre d'années, les enseignants ont été déresponsabilisés.

M. Gautrin: Tout à fait d'accord.

M. Bisaillon (Robert): II faut cependant être francs avec eux autres. Si on les responsabilise davantage, ils vont devoir être davantage imputables. C'est un peu ça le cycle, si vous voulez, ou la logique. On peut donc penser qu'une commission scolaire qui, ayant revendiqué pendant un certain nombre d'années — je prends un exemple tout à fait théorique — une plus grande part de taxation locale, devrait être plus imputable par rapport aux résultats éducatifs dans sa commission scolaire. C'est ça qu'on veut dire. Et l'imputabilité ne porte pas juste sur le processus, mais aussi sur les résultats.

M. Gautrin: Oui.

M. Bisaillon (Robert): II y a beaucoup de confusion à l'heure actuelle là-dessus, quand on parle d'évaluation. C'est la même chose pour un système d'éducation, d'ailleurs. Le système dans son ensemble doit être imputable. Pour l'être, il doit être capable de faire une évaluation équitable d'un certain nombre de résultats. Par exemple, ce ne sera pas des résultats d'apprentissage nécessairement, ça, c'est des indicateurs. Autrement dit, un système n'est pas imputable correctement s'il dit à la population: 45 % des élèves seulement ont réussi l'examen de français; ça, c'est un indicateur parmi d'autres. Mais il va être imputable s'il dit: À tel ou tel ordre d'enseignement, depuis un certain nombre d'années, le niveau de diplômés progresse. On est capables d'évaluer les changements de programmes chez les élèves. On est capable de mesurer l'abandon qui est en diminution. Là, il est imputable, il est transparent, il est capable de parler autant des résultats que des actions qu'il a posées. Et c'est ça qui permet des corrections de trajectoire. C'est le même principe qui vaut pour un établissement, pour une commission scolaire, pour un collège, pour une université. Et je serais porté à dire: Plus tu es financé par le public, plus tu es imputable devant ce public-là. Et je présume que, pour les universités,

plus la partie de leur financement va venir des frais de scolarité, plus elles vont être imputables devant les étudiants du type de formation qu'elles leur donnent. C'est un petit peu ça, le genre de raisonnement. (12 h 20)

M. Gautrin: Je reviendrai sur les frais de scolarité tout à l'heure. Vous parlez donc d'une grille d'analyse de l'imputabilité. Moi, ça m'intéresse un peu ce que vous dites sur comment vous voyez qu'on soit en mesure d'évaluer chacune des institutions. Vous savez que cette commission va devoir entendre chacune des universités, qui est probablement dans le secteur des trois niveaux d'enseignement, celui qui est, disons, le degré maximum d'autonomie. Qu'est-ce que vous nous suggérez d'évaluer particulièrement, en termes de l'imputabilité ou de dépense des fonds publics? Vous avez commencé à aller dans cette direction-là, à titre d'exemple. Si vous voulez...

M. Bisaillon (Robert): Si on parle d'un établissement en particulier?

M. Gautrin: C'est-à-dire, nous avons la responsabilité de regarder l'imputabilité de chaque établissement universitaire... C'est-à-dire, chaque établissement universitaire va, dans le cadre de sa gestion du personnel, de la manière dont elle dépense les fonds publics, venir témoigner devant cette commission. Qu'est-ce que vous nous suggérez de... Quels sont les grands points sur lesquels on devrait intervenir? Autrement dit, je vous demande quelles sont les questions qu'on doit poser. Ha, ha, ha!

M. Bisaillon (Robert): Ce n'est pas un livre de recettes; cependant, je veux bien répondre...

M. Gautrin: Non, non, je suis bien conscient. Écoutez, je ne niaise pas avec vous.

M. Bisaillon (Robert): La première évaluation qu'un établissement doit garantir, c'est l'évaluation institutionnelle. Je vais prendre une image, si vous permettez. Elle doit être capable de dire: Si les élèves réussissent chez nous, ou les adultes réussissent, ça doit être un petit peu à cause de ce qu'on fait, sinon, s'ils échouent, ce n'est pas notre responsabilité. Ça marche dans les deux sens. Donc, qu'est-ce qui fait que, dans un établissement, on peut faire un lien entre la réussite ou l'échec des élèves — on va parler de réussite, plutôt — et les actions qu'on pose? D'abord, est-ce qu'on a des politiques relatives à l'évaluation des apprentissages des élèves sur lesquelles on s'entend? Est-ce qu'on a des politiques relatives à l'évaluation des programmes dans le cas d'une université? Est-ce qu'on a des politiques relatives à l'évaluation des enseignements? Parce que, il y a au moins ça qui se passe dans une université ou dans une école: il y a des élèves, il y a de l'enseignement, il y a des programmes, il y a des savoirs. Mais plus que ça. Il faut regarder aussi: Est-ce qu'on est capables de comprendre les cheminements de nos étudiants dans nos écoles? Qu'est-ce qui fait qu'il y a des déplacements de masse critique? Je vais prendre l'exemple d'un collège. Qu'est-ce qui fait que, après une session, il y a 40 % des jeunes qui changent de programme? Ça se passe chez nous. On va dire: Ça se passe dans l'ensemble du réseau. C'est vrai. Mais chez nous, comment se fait-il que ça se passe comme ça? Qu'est-ce que je fais pour comprendre mieux ces choses-là? Est-ce que je dispose d'indicateurs? Les indicateurs, ce n'est pas la même chose que le jugement. Est-ce que j'ai les moyens de comprendre ce qui se passe d'abord chez nous? Qu'est-ce que j'ai mis en place pour ça? Et, finalement, est-ce qu'il y a des moments, des occasions structurées où, ayant réuni un certain nombre d'indicateurs, ayant examiné mes politiques, je porte un jugement sur l'action que je fais? Bon. C'est ce qu'on appelle «l'évaluation institutionnelle». J'essaie de couvrir...

Et l'évaluation institutionnelle, elle prend en compte aussi les ressources qu'on a, et elle prend en considération les politiques qui sont déterminées ailleurs, si les politiques sont déterminées ailleurs. Ça, c'est aussi important. C'est ce qu'on appelle généralement «l'efficience». Il faut qu'on ait une évaluation différenciée du système. Moi, je suis un de ceux qui prétendent qu'un collège qui n'accepte que des étudiants de troisième tour, ne peut pas être jugé de la même façon qu'un collège qui n'accepte que des étudiants de premier tour. Or, malheureusement, dans l'opinion publique, on les met sur le même pied. Et peut-être que, si on différenciait de cette façon-là, et peut-être que si on différenciait dans une institution même les élèves qui ont un handicap, pas physique, intellectuel, mais qui ont des caractéristiques socioculturelles qui les amènent à accuser des retards, on investirait davantage ou différemment par rapport à ces élèves-là que par rapport à un élève moyen qui n'existe pas, de toute façon. Et ça, c'est vrai dès le préscolaire et le primaire. Alors, c'est ce genre d'évaluation seul qui peut permettre de dire: Je suis réellement responsable de ce qui se passe chez nous. Et qui pourrait même permettre à une institution de dire: Cependant, de cela, je ne suis pas responsable, parce que ça dépend juste de l'extérieur. Mais, actuellement, on ne le sait pas. C'est une espèce de jugement indifférencié, très laxiste aussi, sur nos capacités.

Dernier objectif qu'on poursuit — ce n'est pas un objectif d'imputabilité, je ne vous le cacherai pas — comme Conseil supérieur de l'éducation, c'est plus un objectif d'appropriation professionnelle par les gens des gestes qu'ils posent. Et ce n'est pas rien, ce n'est pas rien. En particulier, on découvre que quand tu es capable de comprendre ce qui s'est passé, tu es bien plus responsable de ton métier, tu as bien plus de pouvoir sur ce que tu fais et donc, tu as plus de pouvoir de le changer aussi quand il ne fait pas ton affaire ou de changer ce qui ne fait pas ton affaire. Sinon, bien, c'est ce qu'on disait dans le modèle de gestion, c'est des consignes, c'est des normes, c'est des règlements, et tu as l'immunité si tu appliques ça. Donc, on s'en va vers

une professionnalisation, je dirais, et de l'enseignement et de la gestion, avec ce genre d'exercice là. Donc, évaluer pour s'améliorer et évaluer pour rendre compte.

Insécurité des personnels face à l'évaluation du travail

M. Gautrin: Si vous permettez que je continue, il reste cinq minutes. Je veux rentrer sur un point que vous dites, parce qu'il y a un lien direct avec ce que vous venez dire. Page 57, rapport 1992-1993, l'insécurité des personnels. Autrement dit, vous nous dites... Est-ce que c'est une position qui est théorique que vous nous dites? C'est-à-dire que, si on fait de l'évaluation, le monde est toujours un peu insecure parce qu'on fait de l'évaluation. Ou est-ce que vous avez perçu réellement, actuellement, une insécurité dans le réseau, que ce soit au niveau primaire, secondaire, collégial ou universitaire, face à une évaluation? Et surtout, compte tenu du fait que, malgré tout, dans la majeure partie des établissements, il y a une forme de sécurité d'emploi et de protection, protection de l'emploi.

Je m'excuse, Mme la Présidente, est-ce que... Là, on est repartis dans un débat qui est important, mais on suspend à quelle heure?

La Présidente (Mme Harel): À 12 h 30.

M. Gautrin: Alors, j'imagine que vous allez peut-être... Parce que vous allez commencer une réponse et, après, vous allez être coupé à 12 h 30. Peut-être qu'on pourrait reporter à...

La Présidente (Mme Harel): Oui, M. Bisaillon, vous vouliez dire quelque chose?

M. Gautrin: À moins que ce soit court votre réponse, mais j'imagine qu'elle ne le sera pas.

La Présidente (Mme Harel): Ce n'est pas un reproche là qui vous est fait.

M. Bisaillon (Robert): II y a une pression pour la faire courte là.

M. Gautrin: Mais non, pas du tout! Au contraire.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gautrin: Au contraire! Au contraire! Au contraire!

M. Bisaillon (Robert): ii y a tout à fait une insécurité qui n'a rien à voir avec la sécurité d'emploi. si j'étais président de syndicat, je vous dirais: dans le cas où 30 % des gens sont à statut précaire, oui, il y a un rapport. mais, comme président du conseil, je vous dirai plutôt que l'insécurité est due à l'utilisation qu'on fait de l'évaluation, non pas pour congédier quelqu'un, mais par rapport à sa perception, à lui, professionnelle de ce qu'il fait. Oui, il y a une insécurité. D'abord parce qu'on ne maîtrise pas les outils d'évaluation; c'est la première chose. On n'est pas instrumentés pour faire de l'évaluation institutionnelle. Alors, n'importe quel apprenti sorcier peut se servir de ça. C'est ça que le monde a dans la tête, là. Je ne vous dis pas qu'ils ont raison.

M. Gautrin: Donc, ils sont insécures face au type d'évaluation qu'on peut faire, c'est ça, mais pas au principe de l'évaluation.

M. Bisaillon (Robert): Moi, je pense qu'il y a de l'insécurité par rapport à tout ce qui est nouveau.

M. Gautrin: Oui.

M. Bisaillon (Robert): Bon. Mais, en soi, ce n'est pas pire, l'évaluation, que d'autres choses. Mais oui, il y a une insécurité quant à l'utilisation de l'évaluation, quant à la capacité de la mener correctement et quant au jugement qui va être porté sur ce que je suis comme professionnel. C'est ça qui, à mon avis, explique beaucoup, beaucoup la résistance au changement.

Le jour où quelqu'un a découvert que, dans un processus d'évaluation où il était partie prenante, ça l'a aidé à mieux comprendre le cheminement de ses étudiants et à corriger des trajectoires, ça change beaucoup de choses. Comprenez-vous? Mais ce genre d'évaluation là...

M. Gautrin: Évaluation formative.

M. Bisaillon (Robert): Elle n'est pas courante dans le système. Elle n'est pas courante. On évalue via les résultats d'examens. C'est un indicateur, mais ce n'est pas suffisant.

La Présidente (Mme Harel): Alors, je vous remercie. Nous allons suspendre et nous reprendrons à 15 h 30.

(Suspension de la séance à 12 h 29)

(Reprise à 15 h 38)

Le Président (M. Gobé): La commission de l'éducation reprend maintenant ses travaux. Je vous rappelle rapidement le mandat, qui est de tenir une audition du Conseil supérieur de l'éducation. Alors, la parole était à M. le député de Verdun. Alors, M. le député de Verdun, vous avez donc la parole.

Responsabilisation des intervenants

M. Gautrin: Merci, M. le Président. J'ai deux sujets que je voudrais toucher. Là, j'ai un petit point,

donc je vais intervenir, toujours sur le contenu de votre rapport, aux pages 58 et 59. À 6.3.4, vous déplorez ce que vous appelez, disons, un certain corporatisme à l'intérieur des tenants de... dans le monde de l'éducation, vous appelez ça «la culture de la démission et de la tolérance». Par cela, vous voulez décrire le fait où on tâche toujours d'abrier dans le système les individus qui sont parfois moins performants que d'autres ou, sinon, déviants. En même temps, à 6.4.2, vous demandez que les intervenants et intervenantes à tous les paliers soient plus responsables. Alors, je me demande s'il n'y a pas une contradiction entre les deux. Vous constatez un fait et, ensuite, vous demandez qu'on ait plus de responsabilités transmises, disons, aux paliers inférieurs et aux établissements, dans ces cas-là. Est-ce que vous n'avez pas peur que tout ce que vous appelez — et je vais prendre vos propres termes — «la mentalité ou la culture de la démission et de la tolérance» soit telle qu'on ne puisse pas réellement «dévaloir» des responsabilités aux intervenants aux différents paliers du système?

M. Bisaillon (Robert): Bon. Il faut faire un certain nombre de nuances, mais on a été assez brutaux, comme vous pouvez le constater.

M. Gautrin: Oui, j'ai remarqué.

M. Bisaillon (Robert): Bon. Je pense qu'il faut dire les choses comme elles sont. On a vécu dans un système qui, malgré ses grands avantages et ses acquis, a entraîné une certaine, je dirais, individualisation, pour ne pas dire privatisation des gestes qu'on pose et, pourvu qu'on se conforme aux normes, à l'apparence extérieure des choses, on a une certaine immunité. Ça, on a dénoncé ça dans le rapport annuel sur la gestion. Ça produit des gens qui sont un peu déresponsabilisés et, donc, qui ne se sentent pas de responsabilités par rapport à ce que vous appelez «des cas déviants», dont on dit cependant qu'ils sont exception. (15 h 40)

M. Gautrin: Oui.

M. Bisaillon (Robert): Ils existent, mais ils sont exception. Alors, est-ce que, passer à un système où on donne plus de responsabilités aux individus, aux établissements, ça va rendre les gens plus responsables, finalement? Oui, parce que, si c'est fait de façon claire et si c'est évident pour tout le monde dans le système, par exemple, qu'une école a maintenant des décisions à prendre, et non pas juste des décisions à exécuter, qu'elle doit rendre compte des résultats, les gens vont devoir trouver les moyens entre eux pour, je ne dirais pas «performer» davantage, mais comprendre davantage les gestes qu'ils posent et leurs résultats. Et c'est dans ce sens-là qu'on pense qu'une imputabilité est toujours plus grande...

M. Gautrin: Donc, c'est bien un concept d'im-putabilité.

M. Bisaillon (Robert): Oui.

M. Gautrin: Donc, ça touche les questions qu'on avait abordées dans la matinée.

M. Bisaillon (Robert): Oui, oui, et à la responsabilité. Il est à peu près normal, dans un système où les individus comptent très peu mais ce qu'ils font compte davantage, que ces individus-là se sentent responsables et libres et, donc, qu'ils rendent des comptes. Ils disent: Je fais ce que tu me demandes de faire, ce que le système me demande de faire, je ne suis donc pas responsable.

Dans un système où l'école a plus d'importance, les gestes qu'une communauté éducative pose deviennent plus signifiants dans la communauté même, et les gens sont plus, je dirais, sont plus obligés moralement d'en rendre compte. C'est dans ce sens-là qu'on... Et, entre eux aussi, entre eux. Tandis qu'actuellement il y a une espèce de corporatisme qui existe, qui est normal. On a dit aux gens: Spécialisez-vous, devenez des experts dans un domaine. Alors, moi, je suis l'expert dans mon domaine; toi, tu es l'expert dans ton domaine; on n'a pas à se critiquer ou à se confronter.

M. Gautrin: Je vous remercie. M. le Président, peut-être que le député de Lac-Saint-Jean veut intervenir. Moi, je reviendrai après. Je me mets quand même sur la liste pour intervenir après sur les questions qui toucheront spécifiquement la partie de votre rapport qui touche le financement du réseau.

Le Président (M. Gobé): Pas de problème. M. le député de Lac-Saint-Jean, vous avez la parole.

Financement de l'éducation

M. Brassard: Je voudrais, un peu dans la même foulée, aborder toute la question du financement de l'éducation. Dans vos deux derniers rapports, vous abordez cette question. Dans le dernier en particulier, vous énoncez un certain nombre de principes qui, je pense, devraient faire consensus. D'abord, le rôle stratégique de l'État en matière de financement, donc un leadership de l'État qui ne doit pas être remis en cause, et deux autres principes qui réapparaissent capitaux. C'est la notion de service public, l'éducation comme service public, et qui, donc, de ce fait, doit demeurer ou redevenir, si ce n'est pas le cas, une priorité de société. Et l'autre principe qui m'apparaît tout aussi important, c'est l'éducation vue comme un investissement beaucoup plus que comme une dépense. Vous dites que l'éducation est mieux qu'une dépense, c'est un investissement à moyen et long termes. Bon. Je pense que c'est important qu'on s'entende sur des principes en matière de financement de l'éducation.

M. Gautrin: II y en a deux autres de plus, aussi, que vous n'avez pas cités.

M. Brassard: Oui, il y en a deux autres: la mise en évidence de la vérité des coûts et un financement qui permet des réponses éducatives différenciées.

On sait que, depuis quelques années, pour toutes sortes de raisons, on a vu se multiplier les restrictions budgétaires, les compressions budgétaires, une réduction des ressources dans le système de l'éducation, ce qui fait, d'ailleurs, que les principaux acteurs, que ce soit du côté des enseignants ou des fédérations des commissions scolaires, depuis surtout deux ou trois ans, proclament que c'est trop, qu'ils ne sont plus en mesure d'encaisser de nouvelles restrictions, que ça risque même de compromettre la qualité de l'éducation et d'empêcher d'atteindre les objectifs qu'on se fixe en matière de réussite éducative. Il y a enfin la loi 198, dont on a parlé cet avant-midi, qui arrive dans le décor également en termes de réduction de personnel.

Alors, à partir des principes en matière de financement, qu'on retrouve dans votre dernier rapport, est-ce que vous êtes en mesure de dire actuellement que le système d'éducation, que le niveau des ressources financières dans le système d'éducation ne peut plus diminuer? Est-ce que, actuellement, comme Conseil supérieur de l'éducation, vous évaluez que le système d'éducation ne peut plus encaisser de nouvelles compressions et qu'en vertu des principes dont je viens de parler il faut à tout le moins stopper le processus de compression et de réduction des ressources, sinon ça compromettrait les objectifs mêmes du système et la mission même de l'école?

M. Bisaillon (Robert): C'est une question difficile dans la mesure où on rencontre deux mouvements contradictoires dans les systèmes publics d'éducation en Occident à l'heure actuelle. Le Québec n'échappe pas à ça. D'une part, on a fait le plein des clientèles. Depuis 10 ans, on a fait constamment le plein des clientèles, en particulier, les adultes. Une personne sur deux qui fréquente le système d'éducation aujourd'hui, c'est un adulte, un ou une adulte. Et au moment où on fait le plein des clientèles, au moment où il y a des nouvelles demandes qui viennent, sur le plan de la scolarisation, de toutes les couches de la société, au même moment on assiste à une crise de financement. Alors, il faut noter que c'est ça le contexte dans lequel on se trouve. Puis au même moment on dit: C'est le savoir qui est le facteur clé pour l'avenir des individus et des sociétés, c'est l'accès au savoir. Je veux bien croire que ça peut se faire en dehors de l'école, l'accès au savoir, mais il reste que les choix historiques au Québec, ça a été que l'accès au savoir passe par un système public d'enseignement, même en formation professionnelle. Et je rappelle que tous les principes auxquels vous avez fait référence depuis tantôt, ils sont sous un chapeau, si vous voulez, ou un chapitre, une partie de chapitre qui s'appelle «La sauvegarde des acquis de financement». Ça laisse entendre que, aller plus loin, on est en danger.

Maintenant, on est tout à fait conscients, au Conseil — c'est une remarque qu'on n'a pas faite dans ce rapport-là, mais je pense qu'on l'a faite ailleurs — on est tout à fait conscients que le problème, à l'heure actuelle, il est doublé du fait qu'à l'intérieur d'une assiette fiscale qui est réduite les besoins en sécurité du revenu et en santé augmentent et que le nombre de jeunes qui vont à l'école diminue. Il y aurait donc — c'est comme des plaques tectoniques, ça, là — il y aurait donc des possibilités qu'un arbitrage qui se ferait sans débat déplace de l'argent purement et simplement de l'Éducation à la Santé ou à la Sécurité pour des raisons tout à fait légitimes, mais qu'on ne voie pas les conséquences à moyen ou à long terme de gestes comme ça. Bon. C'est ça qu'on a voulu dire essentiellement là-dessus.

Il y a des acquis de financement qu'il ne faut pas mettre de côté. Pour savoir ce qui est en danger et ce qui ne l'est pas, on a quand même coloré un petit peu nos principes par des propositions qu'on a déjà faites, c'est-à-dire: Nous, tant qu'on maintient la gratuité à l'enseignement obligatoire, tant qu'on maintient la gratuité pour les personnes inscrites à temps plein au collégial et tant que l'État reste le principal bailleur de fonds de l'université, autrement dit, tant que les gens ne se font pas refuser l'accès à des formations, surtout s'ils visent un diplôme, on pense que, compte tenu du pourcentage du PIB qui est accordé à l'éducation au Québec par rapport à d'autres sociétés, on peut s'en tirer. C'est là où on commence à jouer là-dedans que ça devient dangereux. Vous avez là des clés pour voir si...

Une voix: Si c'est un quorum, une fois; si c'est un vote, deux fois...

M. Bisaillon (Robert): C'est correct. J'avais terminé.

Une voix:... c'est arrêté.

M. Bisaillon (Robert): C'était fait. J'avais terminé là-dessus.

M. Brassard: Ce que vous dites, finalement, c'est qu'il ne faut plus aller plus loin. Si on poursuivait sur cette lancée, là, il y a danger; à ce moment-là, il y a danger de compromettre la mission même de l'école et les objectifs qu'on poursuit.

M. Bisaillon (Robert): Oui.

M. Brassard: Mais est-ce que vous voyez d'autres façons d'assurer un meilleur financement de l'éducation au Québec? Est-ce que vous avez examiné ces possibilités-là? (15 h 50)

M. Bisaillon (Robert): On l'a examinée en éducation des adultes. Je suis un peu déstabilisé pour répondre à la question dans la mesure où la ministre n'a pas reçu l'avis. Mais je peux vous dire l'exercice qu'on a fait, cependant.

Vous savez, quand on parle d'éducation des adultes, on est tout près de la formation professionnelle aussi, hein. Alors, on a examiné notre modèle de financement au Québec et on a découvert qu'il y avait énormément d'argent — c'est en milliards ce qui circule autour de la formation des adultes — et on n'est pas convaincus que le modèle de financement, tel qu'il existe, optimise, fait profiter le vrai monde de l'argent qui circule. Alors, on va proposer assez clairement un autre modèle de financement en éducation des adultes et formation professionnelle. Et c'est facile de comprendre pourquoi. Quand on examine d'autres systèmes d'éducation, et on a examiné ceux de la France, de l'Allemagne, de la Suède et des États-Unis et le système canadien-anglais qui est différent du système québécois, on n'a pas le sentiment que c'est un problème de niveau de financement. On a le sentiment que c'est un problème de perte d'énergies, de fonds, d'allocations à l'administration du système par rapport au service direct. Il y a déjà là... Bon. On pense aussi qu'il y a chevauchement, enfarge entre différents paliers de gouvernement, entre différents ministères, entre le haut et le bas, entre des commissions scolaires entre elles, entre des endroits, une université puis un collège. Bon, il y a du ménage à faire dans le modèle de financement, de sorte que... Vous me demandez si on est préoccupés par ça, je vous dis: Oui, même si...

M. Brassard: Vous faites des propositions dans un avis à venir, pour bientôt?

M. Bisaillon (Robert): Dans un avis qui va être publié ce printemps, là. Il a été adopté par le Conseil. On propose carrément un autre modèle de financement qui va...

M. Gautrin: Pour les adultes, pour l'éducation des adultes?

M. Bisaillon (Robert): Oui, mais on touche à la formation professionnelle, ce faisant, n'est-ce pas? Parce que, actuellement, quand les adultes reviennent aux études, faut-il se le dire, c'est principalement en regard de l'emploi, soit celui qu'on veut conserver, soit celui qu'on veut retrouver, soit celui qu'on veut acquérir. Bon, donc, pour l'essentiel.

M. Brassard: C'est évident qu'en plus... Vous avez parlé des chevauchements, des dédoublements; il y a du gaspillage en plus. Le ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle évalue annuellement, en termes de gaspillage, à cause de la présence de deux gouvernements qui se chevauchent et qui sont dans les mêmes plates-bandes, à 250 000 000$. M. Bourbeau, là, est très clair, c'est 250 000 000 $ d'argent gaspillé, imaginez-vous, à chaque année, c'est considérable!

M. Bisaillon (Robert): Mais on a été entendus ici, d'ailleurs, sur cette question-là de la formation professionnelle, en particulier, des chevauchements. Mais, quand on regarde les adultes, ce n'est pas un moindre problème. On voit encore le même type de problème. Alors, on pense qu'il y a dans le modèle même de financement, je ne dirais pas un défaut génétique, mais il y a des effets pervers qui se sont accumulés, puis il faut regarder ça.

M. Brassard: Toujours en matière de financement, dans l'ordre d'enseignement universitaire, une des sources de financement, ce sont les frais de scolarité, qui ont connu une progression étonnante et inquiétante depuis quelques années. Si on se fie au dernier discours sur le budget, l'objectif du gouvernement, qu'il s'est fixé, c'est d'atteindre le même niveau que dans les autres provinces du Canada, ce qui nécessiterait une augmentation considérable, encore une fois. Parce que c'est à 1500 $ en moyenne, à peu près; il faudrait monter à 2200 $, 2300 $. Une hausse considérable. Évidemment, les organisations étudiantes affirment que ça va avoir des effets très nuisibles, dommageables sur l'accessibilité et sur les conditions financières de l'étudiant. Alors, pour ce qui est de l'ordre d'enseignement universitaire, quel est votre point de vue quant aux frais de scolarité?

M. Bisaillon (Robert): II n'y a pas de point de vue du Conseil, donc je marche un peu sur des oeufs pour répondre à votre question, mais je vais quand même tenter de dire par où on devrait regarder ça. Mais ça n'engage que moi, ce qui ne veut pas dire que je ne suis pas disposé à en parler au Conseil. C'est ça que je veux dire.

D'abord, l'objectif du gouvernement de rejoindre la moyenne nationale, c'est dans un contexte où la moyenne nationale était ce que vous dites. Mais si la moyenne nationale augmente dans les autres provinces... Moi, j'ai vu passer un projet, une intention annoncée en Ontario d'augmenter de 100 % les frais de scolarité. Bien, là, c'est évident que l'écart entre le Québec vient de grandir au lieu de s'être rétréci comme ça a été le cas avec les... Bon. Donc, il va y avoir un débat nouveau à faire.

La remarque que je ferais, c'est la suivante. Dans la mesure où les frais de scolarité comme facteur de financement des universités, ça joue à la marge dans le financement des universités, ça bonifie une situation ou ça l'empêche de se dégrader...

M- Brassard: Ça équivaut à quoi comme pourcentage, à peu près?

M. Bisaillon (Robert): Ce n'est pas considérable. M. Brassard: Ce n'est pas énorme.

M. Bisaillon (Robert): Actuellement, ce n'est pas substantiel.

M. Brassard: même pas 10 %1

M. Bisaillon (Robert): Non, non. Ah non!

M. Brassard: Même pas.

M. Bisaillon (Robert): Pour chacun des étudiants, ça peut être substantiel. Quand on a des enfants à l'université, on est porté à dire ça, mais, globalement, ce n'est pas substantiel. Si ça allait le devenir, autrement dit, si les frais de scolarité passaient d'un facteur corollaire à un facteur structurel du financement des universités, moi, je pense que c'est le financement des universités qu'il faut regarder autrement, au complet. Mais ça, c'est mon idée personnelle. Et là on se trouve à, je pense — je le dis avec toutes les nuances qu'il faut, je ne suis pas porte-parole d'une position du Conseil là-dessus — je pense qu'à ce moment-là on encourage la mentalité ou l'attitude de client chez les étudiants, et il ne faudrait pas se surprendre qu'ils exigent davantage tel type de formation, tel type d'encadrement.

M. Brassard: À partir du moment où ils osent...

M. Bisaillon (Robert): Ça a du bon et du moins bon. Ça a du bon dans le sens que oui, nous, au Conseil, on pense que les étudiants ont besoin d'être plus encadrés, mieux suivis à l'université. Ça peut être dangereux si les étudiants, ils veulent un rendement rapide, une formation uniquement utilitaire qui les amène le plus rapidement sur le marché du travail en faisant l'impasse ou en faisant l'économie d'une formation générale qui reste toujours nécessaire, même à l'université. Alors, vous voyez le débat que ça ouvre, ça, là, et qu'on n'avait peut-être pas prévu le jour où on a dit: On va tenter de se rapprocher d'une moyenne, d'une moyenne nationale. Ça n'aurait pas les mêmes conséquences, je crois. Donc, je pense qu'il faudrait regarder ça de très, très, très près.

M. Brassard: Est-ce qu'il ne faudrait pas également examiner — c'est ce que les organisations étudiantes demandent — examiner d'autres formes de financement des études? Il est question, par exemple, d'impôt postuniversitaire. Est-ce que vous ne pensez pas que ces avenues-là devraient être mieux explorées?

M. Bisaillon (Robert): C'est sûr qu'on ne peut pas... Il faut arrêter de rêver au caractère magique d'une formule unique. Il faut regarder plusieurs types de modèles. On ne s'en sortira pas. Sinon, la description bien humble que je faisais tantôt, bien amateur, en amateur, des problèmes de financement de l'État versus les besoins sociaux, nous montre bien qu'on est comme en train d'arriver au bout d'un rouleau, là. Il faut regarder différemment le financement. Ça me paraît évident. Il faut regarder les autres modèles, oui. Maintenant, lesquels? Je ne suis pas capable de vous dire, aujourd'hui, qu'il faut regarder dans telle direction plutôt que telle autre. Mais il y a des...

M. Brassard: Ça vous intéresserait que la ministre vous demande un avis là-dessus?

Des voix: Ha, ha, ha! M. Bisaillon (Robert): Je vous dirai... M. Gautrin: ...ministre de l'Éducation... M. Brassard: Ha, ha, ha!

M. Bisaillon (Robert): Je vous dirai qu'on ne refuse jamais les demandes d'avis. Mais il faut bien comprendre ce qu'il y a en dessous de cette demande-là, ce qu'il y aurait en dessous d'une demande comme ça. Ça ne questionne pas juste le financement de ce qui serait nouveau, mais le financement de ce qui est déjà là.

M. Brassard: Mais, compte tenu de l'intérêt de la question, et de l'importance aussi de la question, comme le Conseil peut, de sa propre initiative, initier des analyses et des études...

M. Bisaillon (Robert): Comme je vous l'ai souligné...

M. Brassard: ...ça pourrait être le cas.

M. Bisaillon (Robert): Comme je vous l'ai souligné, M. le député, je vous ai dit que c'était présentement une lecture personnelle que je faisais, mais j'étais tout à fait disposé à sensibiliser le Conseil.

M. Brassard: Ha, ha, ha!

M. Bisaillon (Robert): D'ailleurs, j'ai hâte de voir, dans le retour de la consultation du milieu universitaire que nous faisons présentement, si, dans les priorités examinées, il y a des questions afférentes à ce domaine d'activité là.

M. Brassard: Moi, sur le financement, ça va. Le Président (M. Gobé): Bon.

M. Brassard: Peut-être une dernière. C'est sur l'impôt local, là.

M. Bisaillon (Robert): La taxation locale?

M. Brassard: La taxation locale. Est-ce que vous croyez que cette forme de financement devrait prendre plus d'importance? (16 heures)

M. Bisaillon (Robert): Si on se comprend bien sur le nouveau partage des pouvoirs qui devrait accompagner

une opération comme celle-là... ce que je comprends, c'est que, si on augmente la part locale de taxation, ce n'est pas dans le but d'augmenter en, même temps la part nationale de taxation. autrement dit, c'est une répartition différente des responsabilités, auquel cas il faudrait être clair sur le genre de responsabilités qu'on partage. quand le conseil dit «l'état n'a pas à s'effacer», l'état a un rôle stratégique à jouer d'orientation du système de fixation des standards nationaux. autrement dit, te parant d'une logique d'équité dans la société, c'est l'etat, ii y a donc un financement qui doit rester relatif à cette logique. maintenant, on dit: passé un certain niveau de responsabilité que j'exprime, comme celui-là, on doit entrer dans une autre logique qui est celle de la différenciation. il; n'y a rien, il n'y a pas d'instance meilleure qu'un milieu pour régler des problèmes qui se posent différemment que dans les autres milieux. mais on ne peut pas prendre ça par le bout du financement, il faut prendre ça par le bout des responsabilités, avant de savoir: c'est 10 %, 15 % ou 20% de la taxation? c'est ça le raisonnement qu'on a fait. on pense que sur la gestion du personnel, sur les programmes d'enseignement, sur le curriculum, sur les conditions de travail, sur le mode de financement, ces questions-là constituent des objets de partage intéressants, mais je ne suis pas sûr que le débat se fasse comme ça présentement.

Il faudra s'assurer — si vous, permettez, je te dis très franchement — qu'on ne recrée pas dans les milieux des ministères qui reproduiraient, au niveau local, ce qu'on reproche au ministère de faire par rapport aux commissions scolaires. II ne faudrait pas qu'on recrée ça par rapport aux écoles. Alors, il y a un débat à faire là aussi, mais je pense qu'on est mûrs pour faire ce genre de débat.

M. Brassard: En fait, c'est vers l'école qu'il faut que les responsabilités se retrouvent, ce qui...

M. Bisaillon (Robert): Sur le plan pédagogique, en tout cas.

M. Brassard: Eh bien, certainement. Sinon, on va se retrouver avec des mini-ministères dans chaque commission scolaire, ce qui, finalement, ne sera pas tellement différent comme vécu, comme quotidien dans les écoles elles-mêmes. Je me rappelle le document du Dr Laurin, à l'époque, «L'école communautaire». Peut-être qu'il était d'une certaine façon visionnaire. Ça n'avait pas fonctionné, mais peut-être qu'il était visionnaire dans le sens où c'était vers l'école, c'était au coeur de l'école qu'on fixait les responsabilités. C'est là vraiment que... C'est l'école qui était revalorisée, d'une certaine façon.

M. Bisaillon (Robert): Un des enjeux là-dedans, c'est un enjeu de démocratie. C'est de dire; Les moyens qui accompagnent une nouvelle responsabilité sont surveillés comment démocratiquement? Le pouvoir local va-t-il rester au niveau de la commission scolaire, le pouvoir politique? Si on dit que les responsabilités doivent aller à l'école, il y a quelque chose à regarder là qui est un petit peu unique dans notre système par rapport à beaucoup d'autres systèmes.

Ce niveau-là de commission scolaire, qu'on appelle «l'académie» en France, ici, n'est pas, je dirais, accompagné de pouvoirs à ce point définis qu'on pourrait dire: Ils sont prêts à assumer ou à prendre la relève de ce que le ministère délesterait. II faut, avant, savoir ce qui va aller dans l'école et ce qui n'ira pas. Et ça c'est un débat qui n'a jamais été fait, à ma connaissance. Et là il y a du tiraillage. Nous, on le sait parce qu'on a les remontées de notre rapport sur la gestion. Et juste par les gens qui nous invitent, par le type de forum qu'ils nous offrent, on voit très bien dans les milieux où les commissaires d'école, cadres scolaires, directeurs d'école travaillent ensemble et où ils s'arrangent pour ne pas discuter de ça ensemble. Alors, c'est un enjeu majeur.

M. Brassard: C'est au coeur de votre nouveau modèle de gestion que vous proposez.

M. Bisaillon (Robert): C'est ça.

M. Brassard: Et on ne peut pas imaginer ce que vous appelez- un projet d'établissement ou un projet éducatif dans une école si on n'a pas transféré, délégué des responsabilités à l'école, à l'équipe école pour qu'elle puisse, justement, concevoir et mettre en oeuvre ce projet d'établissement.

M. Bisaillon (Robert): Maintenant, est-ce qu'il est possible qu'on se dise...

M. Brassard: Le débat n'est pas fait, il n'a pas eu lieu.

M. Bisaillon (Robert): Non. Et est-ce qu'il est possible qu'on se dise ici, en toute franchise: Ce n'est pas par manichéisme, c'est l'ordre politique des choses qu'une structure centralisée ne prend jamais l'initiative de se décentraliser, sinon en situation où elle ne peut plus assumer les frais de la centralisation. C'est l'ordre des institutions qui ont tendance à se reproduire dans toutes les sociétés. Donc, il faut que ça découle d'une intention, il faut qu'il y ait une volonté politique, d'une certaine façon, et c'est pour ça que je disais: Pas juste du ministère vers les régions, mais d'une commission scolaire vers les écoles, et pourquoi pas, dans certains cas, sans atomiser, d'une école vers la classe? Bon. Alors, c'est ça que je veux dire. Ça ne se passera pas spontanément parce qu'on va découvrir un jour les vertus de la décentralisation.

M. Brassard: On y reviendra, sur le modèle de gestion. Je sais que mon collègue voudrait vous parler de financement, là.

M. Gautrin: Merci.

Le Président (M. Gobé): M. le député de Verdun, vous avez la parole.

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Je vais commencer, comme le député de Lac-Saint-Jean l'a fait, par rappeler les principes que vous avez énoncés. Je pense qu'il y a un consensus autour des principes. Je remarque, d'abord, que vous parlez, par contre, dans les responsabilités de l'État, de financer l'éducation et non pas les établissements. C'est un premier point, je vais revenir là-dessus.

Deuxièmement, vous parlez... et deux derniers principes sur lesquels mon collègue n'avait pas insisté assez étaient la mise en évidence de la vérité des coûts et le financement qui permet des réponses éducatives différenciées. Vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a une réflexion qui se fait, particulièrement chez nos voisins du Sud, sur ce qu'on appelle le «voucher system», dans lequel, au lieu de financer les institutions, on financerait les individus, permettant aux individus de choisir leurs institutions et, à ce moment-là, aux institutions de fixer le véritable coût, mais ayant, si vous voulez, un financement individuel, et laisser les jeux du marché pouvoir à ce moment-là obliger l'imputabilité. Qu'est-ce qu'il y a de meilleure imputabilité encore que le phénomène de devoir rendre compte à une forme de clientèle, c'est-à-dire de voir son financement réellement lié à une clientèle?

Je comprends bien qu'on ne peut pas aller tout de suite dans une position comme ça, parce que ça serait une césure beaucoup trop grande à l'intérieur de notre système. Mais comment vous vous positionnez sur cette tendance-là, autrement dit, de prendre cet objectif et de tâcher d'adapter notre système vers cet objectif, ce qui pourrait remettre en cause toute là question de financement de l'éducation — et j'insiste, vous avez bien dit «de l'éducation», et non pas «des établissements» — et, éventuellement, d'avoir une meilleure imputabilité ou responsabilité des institutions?

M. Bisaillon (Robert): Je vais être très franc avec vous: on n'a pas fait ce débat-là. Je vous le dis.

M. Gautrin: Alors, je vais reprendre la même question que le député de Lac-Saint-Jean: Je comprends que la ministre ne vous l'a pas demandé, mais vous pouvez, de votre propre initiative, prendre des fois certaines études... Et, personnellement, je souhaiterais que vous étudiiez, justement, cette dimension du financement.

M. Bisaillon (Robert): Je dirais cependant là-dessus que l'État va toujours devoir décider, je pense, indépendamment de la réaction des individus, du niveau d'éducation qui est nécessaire.

M. Gautrin: Absolument.

M. Bisaillon (Robert): Ça, c'est fondamental. M. Gautrin: Absolument.

M. Bisaillon (Robert): On ne peut pas laisser ça à la liberté...

M. Gautrin: Absolument.

M. Bisaillon (Robert): ...individuelle, hein?

M. Gautrin: Absolument.

M. Bisaillon (Robert): Parce que si on finance les gens seulement sur leur adhésion à l'idée que l'éducation est importante...

M. Gautrin: Non, non. On peut débattre longtemps dans cette direction-là, on peut même admettre que la responsabilisation de la certification ou de la diplomation peut être restée à l'État, les organismes formateurs, c'est-à-dire les différentes... peuvent être en libre concurrence dans ce cadre-là. On peut penser à des modèles de ce type-là. Je comprends que vous n'ayez pas réfléchi sur la question; je vous incite à y penser et à réfléchir sur la question.

Je voudrais revenir sur les frais de scolarité. L'information que j'ai, c'est que, malgré les augmentations de frais de scolarité qu'il y a eu dans les universités, l'accessibilité n'a pas été remise en question, et, au contraire, bien que nous ayons eu une augmentation des frais de scolarité ces temps derniers, ça a eu un effet nul sur l'accessibilité. Est-ce que vous avez les mêmes informations que j'ai?

M. Bisaillon (Robert): Oui.

M. Gautrin: Merci. Dans ces conditions-là, je vous poserai une question: Est-ce que vous avez réfléchi — excusez-moi d'utiliser un terme économique — sur l'élasticité de la demande, si je puis dire, ou de la réaction des étudiants par rapport aux frais de scolarité?

Autrement dit, pour l'instant, j'ai l'impression que les frais de scolarité n'ont quasiment...

M. Brassard: Jusqu'où peut-on étirer l'élastique?

M. Gautrin: C'est à peu près ça. C'est le langage simple que répond mon collègue du Lac-Saint-Jean. Autrement dit, y a-t-il marge encore, d'après vous, en fonction des études que vous avez dû faire, pour augmenter les frais de scolarité sans remettre en question le principe de l'accessibilité, puisqu'on vient de vérifier qu'une augmentation de frais de scolarité n'a eu aucun effet sur l'accessibilité à l'éducation?

M. Bisaillon (Robert): Ça n'a eu aucun effet sur l'accessibilité aux établissements, aux programmes.

M. Gautrin: Oui. (16 h 10)

M. Bisaillon (Robert): Je ne suis pas capable de dire aujourd'hui, ni en positif ni en négatif, que ça n'a pas eu d'effet sur la réussite. Ce que je veux dire par là: il est possible que des étudiants... Je connais des cas, mais je ne veux pas généraliser.

M. Gautrin: Je comprends. Moi aussi, je connais...

M, Bisaillon (Robert); Bon. Il est possible...

M. Gautrin: Je comprends ce que vous voulez dire: qui doivent travailler sur le côté. Donc, ils sont obligés de retarder leur processus éducatif.

M. Bisaillon (Robert): Prendre moins de cours, étirer, rendre plus élastique la période prévue de fréquentation scolaire. Ça, à ma connaissance, ça n'a pas été investigué. Ce serait utile que ce le soit, d'ailleurs.

M. Gautrin: Est-ce que je peux vous suggérer encore une deuxième suggestion?

M. Bisaillon (Robert): Ah!

M. Gautrin; D'étudier le lien... Je pense qu'au centre du débat qu'on a actuellement sur les frais de scolarité il reste cette question. Tout le monde ici est pour l'accessibilité et, vous l'avez dit, on partage essentiellement que l'éducation est un investissement et, dans le développement du Québec de demain, la qualité de nos ressources humaines, c'est quelque chose d'important. Mais on est en situation de difficultés financières, comme vous le savez; donc, jusqu'à quel point il y a possibilité d'augmenter les frais de scolarité sans remettre en question le principe d'accessibilité? Je vous suggère de l'étudier. Ce serait, à mon sens, un élément qui m'intéresserait, moi, personnellement, et, je pense, qui intéresserait la société.

Alors, je n'ai pas d'autres questions.

Le Président (M. Gobé): Oui, M. le député. M. Gautrin: Si vous voulez préciser, oui.

M. Brassard: Juste une remarque là-dessus. Les organisations étudiantes, justement, ce qu'elles réclament actuellement, c'est ce qu'elles appellent «un moratoire» là-dessus, d'arrêter, de stopper la hausse et d'étudier la question, et de l'étudier, entre autres, sous les dimensions évoquées par le député de Verdun, avant d'aller plus loin. Parce que si on décide d'augmenter encore assez substantiellement les frais de scolarité sans qu'on ait fait ces analyses et ces études, là, on risque de se retrouver avec une situation difficile et on risque, justement, de voir que l'accessibilité a été affectée. Puis, on ne l'aura pas prévu parce qu'on n'aura pas examiné attentivement toute la question avec les dimensions évoquées, indiquées par le collègue de Verdun. C'est ce que les organisations étudiantes réclament actuellement...

M. Bisaillon (Robert): Nous-mêmes, on l'avait...

M. Brassard: ...un moratoire pour un temps, justement pour regarder attentivement la question.

M. Gautrin: Mais l'étude ne doit pas prendre nécessairement six mois. Ça peut se faire...

M. Bisaillon (Robert); Non, non, à mon avis, c'est... Oui.

Le Président (M. Gobé): Avant les élections.

M. Gautrin: Ça peut se faire assez rapidement, une telle étude.

M. Bisaillon (Robert): Le Conseil, l'an dernier, avait proposé d'ailleurs à la ministre d'évaluer l'impact réel de la hausse des droits de scolarité sur l'accès, la fréquentation et la persévérance des clientèles étudiantes à l'université — on peut dire au collège aussi — compte tenu des objectifs de scolarisation retenus; parce que ça, c'est une autre question.

Si on dit qu'on veut augmenter de cinq points, par exemple, la diplomation à l'université ou la fréquentation à tel âge pour être à niveau avec les sociétés qui sont nos voisines, par exemple, l'Ontario, il faut moduler aussi les opérations qu'on fait en matière de droits de scolarité en fonction de cet objectif-là. Alors, nous-mêmes, on l'avait proposé, et on pense qu'un ministère dispose de ces informations-là.

M. Gautrin; Excusez-moi. Vous l'avez proposé et vous l'avez commencé?

M. Bisaillon (Robert): On l'a proposé au ministère, à la ministre. Parce que l'impact réel...

M. Gautrin: Vous avez proposé au ministère de faire l'étude?

M. Bisaillon (Robert): Oui. M. Gautrin: Je comprends.

M. Bisaillon (Robert): Parce qu'il y a un département de services aux étudiants. Pas de services aux étudiants, mais pour les frais de scolarité. Les universités aussi ont des outils institutionnels pour suivre des cohortes d'étudiants.

M. Brassard: Des données statistiques.

M. Bisaillon (Robert): Oui. On pense qu'il y a

moyen. Sur le qualitatif, c'est plus, je dirais, délicat, dans le sens qu'il faut aller questionner du monde pour savoir, au-delà du fait qu'ils n'ont pas quitté l'université même si on a augmenté les frais de scolarité: Est-ce que ça a changé leur façon de suivre les études?

M. Gautrin: Absolument. M. Bisaillon (Robert): Voilà!

M. Gautrin: Je pense que le député de Rimouski voudrait ajouter quelque chose, M. le Président.

M. Tremblay (Rimouski): Oui, sur le même...

Le Président (M. Gobé): Mme la députée de Terrebonne avait fait savoir qu'elle désirait intervenir. C'est le même sujet probablement?

M. Tremblay (Rimouski): C'est sur le même sujet, moi.

Le Président (M. Gobé): Est-ce qu'on est sur le même sujet, tout le monde?

Mme Caron: Non.

Le Président (M. Gobé): Non? Bon!

M. Tremblay (Rimouski): On est toujours sur les frais de scolarité, oui?

Le Président (M. Gobé): Alors, si tout le monde est d'accord, on peut vous laisser finir sur ce sujet-là.

M. Tremblay (Rimouski): C'est juste quelques...

Le Président (M. Gobé): Puis, on reviendra après à Mme la députée de Terrebonne.

M. Tremblay (Rimouski): Si jamais vous entreprenez, je ne sais pas, une étude au niveau de la hausse des frais de scolarité, il faudrait parallèlement tenir compte du régime de prêts et bourses que nous avons, forcément.

M. Bisaillon (Robert): Forcément.

M. Tremblay (Rimouski): Et c'est là où, vraiment, on peut avoir une compensation sur la hausse des frais de scolarité au niveau de l'impact de l'accessibilité. Moi, j'avais pris des notes lorsqu'on a tenu une commission parlementaire. En 1990, ça donnait 82 000 000 $ de plus aux universités au niveau du financement. En 1990. Et il y a eu indexation de cette somme. Alors, ça donne un peu de marge de manoeuvre aux universités.

Et lorsque vous faites un parallèle avec l'Ontario, les frais de scolarité en Ontario ont donné à l'État 300 000 000 $. C'est-à-dire qu'ils n'ont pas donné à l'État, mais ils ramassent 300 000 000 $, et nous, ici, au Québec, c'est seulement 75 000 000 $. Si vous me dites que l'Ontario a l'intention de doubler...

M. Bisaillon (Robert): J'ai vu passer ça...

M. Tremblay (Rimouski): ...imaginez-vous l'écart qu'il va y avoir encore, là!

M. Bisaillon (Robert): J'ai vu passer ça comme projet pendant l'été, mais je ne sais pas où c'est rendu. Mais c'est sûr qu'il faut regarder ça.

M. Tremblay (Rimouski): II faut le regarder dans toute sa dimension.

Le Président (M. Gobé): Oui.

M. Gautrin: J'ai encore une question à poser sur le financement, si vous me le permettez.

Le Président (M. Gobé): Oui, oui, allez-y. Vidons le sujet.

M. Gautrin: Je voudrais rentrer sur une dernière idée que vous soulevez, qui, d'ailleurs, est assez populaire dans le milieu étudiant, qui est... Je passe à la page 64, le financement des universités, dernier paragraphe: Les entreprises pourraient également être encouragées à contribuer, étant donné les avantages qu'elles retirent d'avoir des personnes formées, etc.

Autrement dit, vous pensez à un impôt, j'imagine, ce qui se passe en France ou dans d'autres pays d'Europe, un impôt sur la masse salariale qui soit directement dédié au financement des universités. C'est à ça que vous pensez? C'est quoi, exactement, que vous envisagez là-dedans? Parce que les entreprises contribuent déjà, parce qu'elles contribuent au financement général de l'État par le biais de leurs taxes et de leurs impôts, au financement des universités.

M. Bisaillon (Robert): Oui. On pourrait dire aussi les individus.

M. Gautrin: Les individus, absolument.

M. Bisaillon (Robert): Tous les individus contribuent aussi. Bon.

M. Gautrin: Tous les individus y contribuent, etc. Oui.

M. Bisaillon (Robert): Ce qu'on a constaté...

M. Gautrin: Donc, je voudrais savoir à quoi vous pensez exactement, là-dedans?

M. Bisaillon (Robot): Nous, ce qu'on pense — dans le rapport sur la formation professionnelle, on était plus clairs — pour ce qui est de la formation professionnelle, il nous semble que les mesures incitatives ne produisent pas une conversion qualitative de la part des entreprises pour faire de la formation. Le choix historique qu'on a fait au QuéTîec de confier au système d'éducation la formation professionnelle, ça s'est traduit malheureusement, dans les faits, par: On a fait ce choix-là, on ne veut pas payer une cent de plus. On paie déjà par nos impôts. Faites-le. Faites-le, vous! Alors qu'on sait très bien qu'il y a des petites et moyennes entreprises qui ne sont pas capables, qui sont dans le trou, qui ne sont pas en mesure de le faire.

M. Gautrin: O.K.

M. Bisaillon (Robert): II faut donc arriver — c'est une forme de redistribution sociale, je veux bien croire — d'une certaine façon à les inciter à faire de la formation. Quand on a étudié le système de financement en France, on a constaté qu'une industrie — petite, moyenne ou grande — qui déciderait, une année, de ne pas se prévaloir de sa part de la masse salariale prévue pour faire de la formation, se voit quand même enlever ce montant-là qui est déposé dans un pot commun pour de la formation ailleurs.

Est-ce que je peux vous dire que c'est plus qu'un incitatif, ça? Il n'y a pas grand monde qui n'en fait pas, de formation, dans ce temps-là. Bon. Il y a des choses à regarder du côté du financement, je pense. Si on veut sortir de la rhétorique voulant qu'on forme mal notre monde, mais qu'il faut continuer à les former dans les écoles, si on veut sortir de ce genre de discours qu'on entend trop souvent, qui est un discours, à mon avis, totalement creux, il faut arriver à ce que tout le monde soit responsable, d'une certaine façon, de la formation, y compris dans le financement. Je pense que c'est vers ça qu'on doit aller.

M. Gautrin: Si vous me permettez, M. le Président. Ce que vous touchez, c'est essentiellement la formation professionnelle, dans votre esprit. Les incitatifs fiscaux qui ont été inclus dans les derniers budgets pour favoriser la formation professionnelle, non pas en termes de surtaxe, mais, disons, en termes de dégrèvement de taxes, est-ce que, d'après vous, ça a eu les effets escomptés?

M. Bisaillon (Robert): Ça n'a pas eu les effets... Bien, ça a eu des effets, mais ça n'a pas eu les effets de changer la mentalité de l'entreprise par rapport à la formation, de façon générale. Il n'y a pas de problème avec la grande entreprise: elle n'aurait pas d'incitatif qu'elle en ferait quand même. Elle peut se permettre d'en faire. Mais c'est la petite et moyenne entreprise qui, au-delà des incitatifs, qui, au-delà des incitatifs financiers, a peur de se faire voler son monde une fois formé. Elle dit qu'elle ne peut pas se permettre d'interrompre la chaîne de production pour aller former du monde. Il y a un paquet de facteurs, là, très structurants, de l'organisation du travail.

On pense, nous, que le rapprochement, juste le rapprochement entre les institutions d'enseignement et les industries, qui permettrait de faire des stages, réciproquement — pendant qu'un technicien est en formation dans une école, un enseignant pourrait être en formation dans une industrie — ce genre de démarche-là, conjointe, ça serait une façon d'atténuer les coûts de la formation. Mais, si on laisse aller ça, il ne s'en fera pas dans 10 ans, encore une fois, et on constatera les dégâts. Mais ça, je m'excuse, je suis un peu brutal quand j'en parle, mais, pour nous, au Conseil, ça fait 10 ans qu'on dit ces choses-là et on n'a pas vu une grosse évolution. (16 h 20)

M. Gautrin: C'est intéressant ce que vous dites. Merci.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député. C'est tout sur les frais de scolarité?

M. Gautrin: Pour moi, ça termine. Et, d'ailleurs, j'ai commencé à dévier, parce qu'on aurait pu rentrer sur la formation professionnelle qu'on pourra aborder après.

Le Président (M. Gobé): Bon.

M. Gautrin: Mais, pour moi, sur le financement, ça termine.

Le Président (M. Gobé): Mme la députée de Terrebonne, c'est à vous maintenant.

Durée du processus de consultation

Mme Garon: Merci, M. le Président. Je n'avais pas l'intention d'intervenir sur le financement, mais je vais quand même enchaîner un petit peu au début parce que...

M. Gautrin: Ah!

Le Président (M. Gobé): Bien oui.

Mme Caron: ...les derniers commentaires me permettent de le faire.

Le Président (M. Gobé): Très bien.

Mme Caron: Lorsque nous avons eu des audiences au niveau du renouveau collégial et lorsque des entreprises sont venues nous rencontrer et nous parlaient de la hausse des frais de scolarité, c'était, pour les entreprises, la seule façon de rendre les étudiants responsables. C'était en payant qu'ils pouvaient devenir responsables. Lorsqu'on essayait de transposer par rapport à leur implication et à leur responsabilisation, eh bien, là,

ça ne pouvait pas se faire par l'argent, il fallait trouver d'autres façons de le faire. Alors, je pense que je trouve ça intéressant, ce que vous nous avez donné comme commentaires sur ce sujet-là.

Au moment du renouveau collégial, il y a eu de longues audiences en commission parlementaire où, finalement, tous ceux et celles qui s'intéressaient à l'enseignement collégial ont pu s'exprimer, ont pu participer, apporter des éléments de propositions pour ce renouveau collégial. Nous avions, à ce moment-là, du côté de l'Opposition officielle, clairement exprimé que nous souhaitions, évidemment, qu'il y ait des mesures de renouveau au niveau de l'enseignement primaire et secondaire. Ça nous apparaissait capital de commencer, d'ailleurs, par ces paliers. «Faire avancer l'école» a été déposé. Quand je regarde votre rapport sur le défi d'une réussite de qualité, je pense que vous exprimez clairement qu'il doit y avoir participation de tous les intervenants. Quand je regarde la logique de la communauté éducative, la participation des élèves aussi, la participation au niveau des parents, des enseignants, des cadres de la commission scolaire, et au moment où «Faire avancer l'école» est déposé, on s'aperçoit que les consultations sont quand même extrêmement courtes. Il y a peu de délais.

Déjà, les commissions scolaires ont commencé à demander une certaine prolongation qu'elles n'ont pas obtenue parce que, pour respecter la Loi sur l'instruction publique qui les oblige à consulter les comités de parents, ils n'ont même pas le temps de la respecter, ils se voient dans l'obligation de ne pas respecter cette partie-là. Et pourtant on touche à des éléments qui m'apparais-sent capitaux. Peut-être parce que j'ai été enseignante au niveau primaire et que, pour moi, à partir de là, même au niveau du décrochage scolaire, pour moi, ça commence déjà au primaire. Donc, les mesures qui vont être choisies, c'est important. Je me dis: Si on ne fait pas participer tous les intervenants, si on ne peut pas leur donner le temps d'être consultés, le temps de réagir, eh bien, j'ai l'impression qu'on passe à côté, parce qu'il n'y a pas une réforme qui peut s'appliquer si les gens qui ont à la mettre en place n'y participent pas vraiment. Je pense que, pour moi, c'est un principe important.

Alors, moi, j'aimerais vous entendre concernant cette consultation-là, le temps qui aurait été nécessaire, de quelle façon on peut effectivement faire une véritable consultation pour qu'au moins tous les intervenants puissent effectivement «faire avancer l'école».

M. Bisaillon (Robert): Est-ce que je dois répondre?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bisaillon (Robert): Vous me mettez mal à l'aise, Mme la députée, dans la mesure où il est, d'une façon, acquis qu'on ne donne surtout pas d'avis à la ministre sur la façon de consulter. Le corset auquel vous faites référence—j'emploie un terme que vous n'avez pas employé, mais je pense que ça résume ce que vous avez voulu dire — c'est un corset qui est aussi appliqué au Conseil. Nous, on est moins en difficulté, probablement, que beaucoup d'autres milieux par rapport à cette période de consultation puisque c'est des choses sur lesquelles on réfléchit, je dirais, à temps plein depuis un certain nombre d'années.

Mais, je vous en prie, ne me demandez pas de me prononcer sur l'échéancier de la ministre. C'est comme si vous me demandiez de commenter l'actualité.

Mme Caron: Mais comment on peut, effectivement, faire une véritable réforme si on ne peut pas associer tous les partenaires?

M. Bisaillon (Robert): Eh bien, ça, j'ai répondu un petit peu là-dessus ce matin. D'abord, la ministre ne prétend pas faire une réforme. Je n'ai jamais entendu ce mot-là dans sa bouche.

Mme Caron: Bien, au moins des changements, quelques changements importants, disons.

M. Bisaillon (Robert): Bon. Je ne contrôle pas et je ne suis pas en mesure de réagir sur des agendas, sur des calendriers, vous comprendrez bien. Je constate que la période, c'est d'ici les fêtes, et nous, on va s'y conformer. Quant au reste...

Professionnalisation de l'enseignement

Mme Caron: Quand vous parlez du professionnalisme des enseignants, vous axez beaucoup là-dessus, sur la professionnalisation des tâches; dans le document, on le voit en pages 49-50. C'est effectivement, je pense, une des rares professions qui ne se retrouve pas parmi les ordres professionnels, parmi les corporations professionnelles. C'est un choix qui s'est fait dans les années soixante-dix, où les enseignants ont décidé d'être uniquement un syndicat. Est-ce que vous avez un peu réfléchi à cette question — avec, évidemment, bien sûr, au niveau des ordres professionnels, les avantages et les inconvénients que ça implique, parce qu'il y a quand même certaines obligations — est-ce qu'il y a eu des réflexions qui ont été faites là-dessus?

M. Bisaillon (Robert): Dans le rapport sur la profession enseignante, on a un passage qui explique pourquoi on pense que ce n'est pas nécessaire de se transformer en ordre professionnel pour mieux faire ce travail d'enseignant. On décrit en quoi consiste le métier, on explique quelle sorte d'éthique il est nécessaire de véhiculer dans un métier comme celui-là. On dit que l'État est responsable de ce service public qu'est l'éducation et, bon, il est donc responsable de la qualité des services, je dirais, d'une certaine façon, conjointement avec les professionnels que sont les enseignants. On a osé dire, je pense, aussi que ce n'est pas parce qu'il y a un ordre professionnel que la garantie des services est

acquise aux yeux de la population. Bon. C'est pour ça, cependant, que dans les deux derniers rapports, si vous remarquez, on insiste beaucoup sur l'évaluation; on pense qu'il y a une contrepartie, là, à l'autonomie qui pourrait assurer, sur le plan éducatif, une certaine transparence, mais, en même temps, qu'on rende un certain nombre de comptes sur ce qu'on fait. Bon.

Le métier d'enseignant, ce n'est pas un métier d'actes professionnels décomposables comme le seraient les gestes médicaux, par exemple, pour une raison très simple. Je vais prendre des métaphores, si vous permettez, des exemples pour me faire comprendre. Je présume qu'entre le moment où un patient ou une patiente entre dans un cabinet de médecin et le moment où il en sort la séquence de ce qui se produit est plutôt linéaire, c'est-à-dire qu'il y a un diagnostic, examens... Quand j'entre dans une classe où il y a 25 jeunes, je peux avoir préparé le plus beau scénario, la plus belle stratégie, il est tout à fait possible qu'au bout de cinq minutes tout ça soit déstructuré. On travaille dans l'indéterminé, l'imprévu, c'est pour ça que ça prend une formation à ça aussi, qui a beaucoup manqué dans le passé, de sorte que la qualité de l'acte que je pose ne peut pas se juger, ne peut pas se décomposer en plusieurs petits actes. Je ne sais pas si vous comprenez ce que je veux dire.

Alors, c'est quoi, la qualité du service rendu? Ça se mesure comment? Ça se mesure par un certain nombre d'indicateurs ou de paramètres qu'il faut élaborer. C'est pour ça qu'on parle de culture institutionnelle. Entre autres, les résultats scolaires, la progression des élèves, leur cheminement. Mais d'autres choses aussi: leur capacité de travailler en équipe, puisque, dans la société de demain, ça va devenir essentiel; leur capacité de raisonner seuls, de se débrouiller dans des situations d'apprentissage, toutes choses qui ne peuvent jamais être évaluées, être saisies comme dans une photographie, en un instant. Et c'est pour ça qu'on ne pense pas que le modèle de corporation professionnelle soit une garantie additionnelle de qualité de service, pour ce qui est de la profession enseignante.

Mme Caron: Un peu, par contre, comme certaines corporations professionnelles ne peuvent pas, non plus, saisir en une photo... Je pense, par exemple, aux travailleurs sociaux; je pense aux psychologues, où c'est quand même un cheminement, là, qui peut être long, qui peut se faire...

M. Bisaillon (Robert): Oui.

Mme Caron: ...aussi en groupe. Ce n'est quand même pas, là, toujours, essentiellement, une photo prise...

M. Bisaillon (Robert): C'est vrai.

Mme Caron: J'ai l'impression — peut-être moins aujourd'hui, parce que, au niveau des professionnels, la reconnaissance est quand même mitigée, disons, comme beaucoup de nos services — que durant une certaine période, au moment où les professionnels étaient effectivement très reconnus au Québec, ça a pu nuire au monde de l'enseignement de ne pas, effectivement, être reconnu, à ce moment-là, comme des professionnels. C'est sûr qu'aujourd'hui, avec le recul, bon, il y a des améliorations à apporter du côté des professionnels, mais je pense qu'ils ont été un petit peu pénalisés durant un certain moment, là-dessus. (16 h 30)

M. Bisaillon (Robert): Moi, je prétends que la meilleure façon d'avoir une reconnaissance comme professionnel dans l'enseignement, c'est d'en faire un acte de création, et non pas un acte d'exécution. C'est là que la transformation, la première, doit intervenir. Or, je prétends, le Conseil prétend que, petit à petit, au fil des années, les enseignants, enseignantes, surtout au primaire-secondaire, se sont aliénés de leur métier au profit de normes, de consignes — ils se sont repliés dans leur classe — et que, finalement, ils ne font pas un acte professionnel, ils font un travail en miettes. Et c'est là d'abord que ça doit s'exprimer.

Ça doit aussi s'exprimer dans le perfectionnement par les pairs, entre eux. Il n'y a pas eu de développement professionnel chez les enseignants. C'est de valeur à dire, il n'y en a pas eu. Il y a eu de l'entraînement à implanter des réformes ou des nouveaux programmes, mais ce n'est pas du développement professionnel, de sorte que le sentiment d'être un professionnel, là, ce n'est pas parce que tu paies une cotisation à un ordre ou à... Bon. C'est parce que le travail que tu fais est reconnu comme t'appartenant dans toutes ses dimensions. Je m'excuse, je suis aussi un enseignement, là, je parle aussi personnellement. Ha, ha, ha! On est collègues, puisque je suis un enseignant du primaire. Mais il semble que la principale reconnaissance va venir de la transformation de l'organisation du travail et de la pédagogie. Bon.

Si on évalue que ce n'est pas suffisant pour protéger le public, puisque les ordres professionnels, c'est surtout pour ça, bien, là, on peut bien reposer la question, mais ça ne changerait pas grand-chose, autrement dit, à la substance du travail s'il y avait un ordre par rapport au fait qu'il n'y en a pas présentement. Il faut dire aussi, malheureusement, que la reconnaissance accordée aux professions dans une société est souvent proportionnelle à l'incapacité ou à la difficulté de recruter ses membres. Ce n'est pas toujours par la noblesse d'une profession qu'elle est reconnue, c'est parce que, quand elle est en manque, on la trouve précieuse. Alors, il y a beaucoup de facteurs qui rentrent dans la reconnaissance professionnelle.

Mme Caron: Un dernière question. Est-ce que vous pensez qu'avec les propositions — là je ne veux pas vous mettre dans l'embarras une autre fois — avec les propositions qui sont...

M. Brassard: Ça va être ça pareil. Ha, ha, ha!

Mme Caron: ...de faire avancer l'école, effectivement les enseignants vont pouvoir exercer cette capacité de création plutôt que d'exécution?

M. Bisaillon (Robert): C'est très clair. Là-dessus, je peux vous répondre. Ha, ha, ha! C'est très clair que, dans la proposition de la ministre, les questions d'organisation du travail sont au chapitre des hypothèses ou des questions et non pas au chapitre des propositions d'amendement. Donc, c'est sûrement moins à court terme. C'est plus à moyen terme ou à long terme. Là-dessus, je suis capable de vous répondre. Si vous me demandez: Sans ça, est-ce qu'il y a une évolution possible? Je dis: L'évolution, elle va être moins consentie si on ne travaille pas aussi sur cet aspect des choses.

Maintenant, il y a beaucoup de résistance à travailler sur cet aspect des choses, tant du côté des employeurs que des enseignants, enseignantes ou professionnels de l'enseignement, parce qu'il y a un certain confort dans le système actuel. Je ne dis pas qu'il y a un certain bonheur. Je dis qu'il y a un certain confort dans le système actuel. Il faut donc tranquillement modifier le modèle. On en a beaucoup parlé au Conseil. Ça ne pourra pas se faire universellement. On ne peut pas le décréter, ce modèle-là. Il va falloir créer des précédents dans les écoles, dans les commissions scolaires, où des gens vont pouvoir expérimenter avec soutien, avec soutien, plus que ceux qui n'expérimentent pas, je dirais, des nouvelles façons de faire qui vont faire imploser le système, qui vont le faire craquer par en dedans à la longue, parce qu'ils vont faire la démonstration que le service qu'ils rendent est de meilleure qualité et qu'eux-mêmes sont plus à l'aise là-dedans. Bon.

Il ne faut pas que l'innovation ou l'expérimentation soient considérées par les organisations comme un embarras qu'on va tolérer, mais comme une exigence de développement, et ça, là-dessus, c'est deux mots qui sont un peu disparus de notre système depuis une dizaine d'années, le développement, l'expérimentation. Et le Conseil, dans son dernier rapport, fait beaucoup de place à ça; on pense qu'il y a une voie d'avenir là-dedans. Mais on ne pourra pas, demain matin — ça serait même contraire au modèle qu'on propose — décréter que tout le monde change de modèle. Ça serait catastrophique. Bon.

Oui, donc, les changements dans l'organisation du travail, dans le rapport au travail, sont essentiels pour toute réforme. Non, ils ne peuvent pas se faire de façon universelle et immédiate, mais il faut y voir en même temps.

Le Président (M. Gobé): Oui, M. le député de Lac-Saint-Jean, vous avez la parole.

Mise en place d'un nouveau modèle de gestion

M. Brassard: Oui. M. le président, je voudrais d'abord partir de votre rapport sur le nouveau modèle de gestion à mettre en place. Vous décrivez le modèle actuel comme un modèle bureaucratique, hiérarchisé, centralisé, qui fait en sorte que les acteurs sont d'abord et avant tout des exécutants encadrés par des directives, des règlements de toutes sortes et de toute nature, et vous dites qu'il faut le remplacer par un modèle plus convivial reposant sur le partenariat et sur la responsabilisation des intervenants, sur la revalorisation de l'acte éducatif et de l'école, sur la mise en place d'une équipe-école, avec un directeur d'école qui exerce un véritable leadership pédagogique. Bon. Et j'en passe, là. C'est tout le rapport qu'il faudrait lire. Enfin, bref, moi, je considère ça comme une véritable révolution en matière de gestion. C'est une révolution que vous souhaitez et que vous proposez. Et ça, ça a, à mon avis, une incidence, un lien direct avec la pédagogie, parce qu'il me semble, si je vous comprends bien, qu'on ne peut pas vraiment diversifier les approches pédagogiques si ça ne se situe pas au coeur d'un nouveau modèle de gestion. Les deux sont arrimés l'un à l'autre, je pense.

Vous indiquez, par exemple, qu'il y a tout près de 800 communications annuelles entre le ministère et les commissions scolaires, 800 communications, peut-être plus. Ça dépend des années, là, peut-être plus dans certaines années. Mais 800 communications, ça veut dire que ça se répercute immédiatement dans les écoles, ça, de sorte que les directeurs d'école voient leur tâche administrative grossir sans cesse. Il y a tellement de paperasse à remplir, de questionnaires, de rapports, de suivis que leur rôle d'animateur pédagogique, il est à peu près impossible de l'assumer pleinement, sauf que, quand on regarde ça, dans le passé, les velléités de réduire la paperasse, les velléités de décentraliser davantage les responsabilités, les projets de réduire l'appareil central, ce n'est pas nouveau, ça, là, vous en conviendrez. Ça fait des années puis des années qu'on en parle. Quand ces messieurs, dames ont pris le pouvoir, en 1985, je me souviens d'un fameux rapport, le rapport Scowen, ou le rapport Gobeil, qui voulait réduire la paperasse. Puis ça ne se fait pas, parce que, vous l'avez mentionné un peu tout à l'heure, il faudrait que ce soit l'appareil centralisé lui-même qui se fasse en quelque sorte hara-kiri.

Moi, je suis d'accord avec ce que vous me dites, là, dans votre rapport sur le modèle de gestion. Je trouve ça intéressant. C'est une vraie révolution, puis c'est probablement la seule voie à suivre si on veut vraiment rénover notre système d'éducation puis faire en sorte que nos jeunes puissent s'y retrouver puis recevoir une formation de qualité puis réussir, puis réussir, surtout, sauf que je me demande, ça fait tellement longtemps, depuis tellement d'années qu'on en parle, puis ça ne s'est jamais fait. On se retrouve toujours devant un modèle hiérarchisé, bureaucratique, centralisé, qui produit massivement des règlements, des directives, de la paperasse, qui exige des rapports, des suivis, qui inonde les exécutants à la base de questionnaires, bon... Enfin, vous connaissez le système. (16 h 40)

Comment peut-on vraiment enclencher cette

révolution en matière de gestion? C'est ça, la question que je me pose. Comment on va y arriver? Comment on va faire pour qu'un nouveau modèle se substitue à l'autre? Concrètement, là — c'est sur le plan très pragmatique — j'ai peine à imaginer que ça puisse se produire. Est-ce que vous pensez que ça peut se faire? Puis qu'est-ce que ce serait, l'élément déclencheur, là, qui ferait en softe que la dynamique s'enclencherait et qu'on arriverait en bout de course, en bout de piste, à une nouvelle façon de gérer l'éducation qui serait pas mal plus centrée sur Facte éducatif et sur la mission éducative elle-même?

M. Bisaillon (Robert): idéalement, puis on l'a dit dans ce rapport-là, et c'est vrai à l'échelle d'un ministère, d'un gouvernement comme d'une commission scolaire, partout où il y a un pouvoir politique, on dit: idéalement, l'adhésion des gestionnaires au sommet à une idée comme celle-là, ça peut dégager des énergies insoupçonnées. bon. et je vous dirai qu'à l'heure actuelle—en tout cas, moi, c'est ça qui me rend, je ne dirais pas optimiste, je n'aime pas qualifier l'atmosphère comme ça — mais je pense que le rapport est arrivé dans un momentum qui commençait à exister et a servi à l'enrichir. c'est plein d'administrateurs, au primaire-secondaire, un petit peu au collégial, qui nous font venir puis qui disent: vous avez raison, ça ne peut plus durer, il faut changer des choses. par où on commence? bon. on leur dit: vous ne pouvez pas, seuls dans votre cour, changer le système, mais vous pouvez changer le système qu'il y a dans votre cour. alors, une partie du système qu'il y a dans votre cour, c'est que vous tombez dans la potion qui consiste à faire de l'administration des choses, et, des fois, même, vous vous cachez derrière ça pour ne pas avoir à gouverner les personnes avec qui vous travaillez. donc, pour commencer, faites donc un bilan, un diagnostic de vos pratiques de gestion. ça, là, c'est possible, quoi que le ministère fasse. tu peux faire ça chez vous. ça, c'est une opération qui est à votre portée; même chose dans les commissions scolaires.

Deuxièmement, ayez donc un petit peu de vision derrière tout ce que vous êtes obligés de faire et que des fois vous vous contentez de faire parce que c'est tout ce qu'on vous demande: s'assurer que l'école soit propre, faire fonctionner des comités, envoyer des rapports. C'est quoi, l'idée que vous vous faites, vous, de la mission éducative? C'est quoi, les besoins dans votre école? Avez-vous fait une réflexion avec vos gens là-dessus, une réflexion qui vous appartienne? Et, en fonction de ça, avez-vous fait des priorités dans l'allocation des ressources?

Ça a l'air des questions insignifiantes, là, innocentes, mais ça ne va pas de soi; ça ne va pas de soi. Et là c'est encore bien plus dramatique quand on demande aux gens: Innovez-vous dans votre école? Bon.

Je serais porté à dire, et là-dessus je rejoins une partie de votre diagnostic, qu'à moins de se faire hara-kiri, donc d'avoir la pleine conscience qu'il faut se transformer, ça ne se passera pas. On constate que les secteurs d'activités humaines où ça s'est produit, ces changements-là de gestion, c'est les secteurs qui n'ont pas eu le choix, n'est-ce pas? L'industrie en particulier. Elle ne l'a pas fait parce qu'elle trouvait que c'était meilleur!

M. Brassard: Elle était obligée de le faire.

M. Bisaillon (Robert): Elle l'a fait parce qu'elle n'avait pas le choix. Or, aujourd'hui, dans l'industrie, ceux qui ont de l'avenir, c'est ceux qui innovent sans arrêt. Ça fait des dégâts, par exemple. On laisse des morts sur le -carreau. Il y a des cadavres là-dedans. Mais il faut admettre que c'est l'innovation qui permet la survie.

Dans renseignement, c'est le contraire, on dirait: c'est la permanence, c'est la routine qui permet la survie. Alors, vous voyez les transformations de mentalité que ça suppose. Bon. Ça peut se faire par des nouveaux contrats, je dirais, convenus entre le central et le local. Ils ont commencé à faire ça, parce que c'est vrai qu'on parle du volume accessible de transactions, mais on parle aussi, dans ce rapport-là, de l'opération qui a été faite entre le ministère et les commissions scolaires pour diminuer le volume de transactions. Bon. Mais il ne faut pas que ce soit juste cosmétique, cette opération-là, il faut que ça change aussi les mentalités.

Donc, il y a plusieurs façons d'aborder le problème. Ça dépend où les convictions sont les plus fortes. Mais, moi, je pense qu'il faut qu'il y ait un message en quelque part, il faut que les écoles assument plus de responsabilités. Moi, je crois à l'implosion. Je ne crois pas au changement de système par une espèce de pouvoir subit qui arriverait, et c'est pour ça que ça va être difficile.

Et je dirais, pas méchamment, mais je serais porté à dire que, quand on part du préscolaire, plus on remonte dans le système — même si le mot «remonter» n'est qu'une allégorie, il n'y a pas de hiérarchie là-dedans — plus on monte dans le système, moins la conscience est vive qu'il faut changer de modèle. Peut-être parce qu'on est plus proche des besoins des jeunes dans le système que plus haut, je ne le sais pas. Mais on constate ça.

Il y a une affaire qui est sûre. Ce à quoi on veut former les jeunes pour vivre dans la société où ils vont être, ce n'est pas à la conformité, ce n'est pas vrai. Ce n'est pas à la répétition, ce n'est pas à l'individualisme. Les jeunes, dans la société de demain, vont devoir apprendre à travailler par eux autres mêmes, à se débrouiller dans des nouvelles situations d'apprentissage qu'ils n'ont jamais connues avant. Ils devront travailler en équipe et en coopération avec des gens d'autres cultures, d'autres échelles de valeurs, d'autres origines, et ce n'est pas tout à fait ça qu'on leur apprend à l'école. Alors, il faut transformer le modèle qui mène à ça, mais il faut être conscient de ça. Bon. Il faut donc jouer en formation initiale, comme il faut jouer dans les milieux scolaires aussi.

Je sais que ce n'est pas facile. On a voulu, nous,

provoquer un débat. Mais vous savez qu'un rapport annuel, c'est utile pour ça. En tout cas, il n'y a même pas de recommandations dans un rapport annuel, mais je serais porté à dire que, passé ça, ça va dépendre de la réaction des milieux.

Ce qui m'a le plus impressionné, c'est les endroits où ils ont réuni des commissaires d'école, le directeur général, l'équipe de cadres de la commission puis l'équipe de cadres de l'école, puis ils ont répondu à la question: C'est quoi, nos objectifs chez nous? Ça enclenche quelque chose. Mais le reste, on sème, hein? J'ai répondu longuement, mais je serais porté à vous dire: On sème.

Le Président (M. Gobé): Oui, très bien. M. Bisaillon (Robert): S-è-m-e.

Le Président (M. Gobé): M. le député de Lac-Saint-Jean, oui. Après ça, M. le député de Verdun.

M. Brassard: Mais il y a une chose qui m'apparaît évidente, cependant. C'est que c'est au niveau de l'école, de l'établissement que les changements les plus substantiels doivent se faire. Encore faut-il qu'il y ait une impulsion venant d'en haut qui le permette et qui le favorise et qui crée des conditions rendant possibles les changements à l'école.

Vous avez à maintes reprises réclamé la mise en place d'une véritable équipe-école, avec un directeur qui est beaucoup plus un animateur pédagogique qu'un administrateur ou que quelqu'un qui remplit des rapports, qui répond à des questionnaires. Parce que c'est toute la question, aussi, de l'organisation du travail à l'école. Et je lisais dans votre rapport, là, que vous évoquez un certain nombre d'approches dites prometteuses en matière pédagogique: pédagogie différenciée, enseignement stratégique, enseignement individualisé, apprentissage en coopération, toute la question du contrat éducatif qui m'apparaît une piste drôlement intéressante.

Mais, pour que ces approches dites prometteuses se propagent, s'implantent partout dans le système et dans nos écoles, je pense qu'il faut revoir toute l'organisation du travail à l'école. Et, là-dessus, pas uniquement essayer de mettre en place le titulariat, qui est une voie possible, parce que je disais à la ministre, l'autre jour, que le titulariat, l'école québécoise l'avait inscrit dans ses objectifs en 1979, puis ça ne s'est pas tellement propagé. Dans le plan Pagé, c'était là-dedans aussi, puis ça ne s'est pas tellement propagé. Pourquoi? Parce qu'il y a sûrement des rigidités dans le système qui empêchent qu'on mette en place une organisation du travail qui repose davantage sur le partenariat, sur Féquipe-école, et qui permette, évidemment, le recours à ces approches pédagogiques diversifiées et prometteuses. (16 h 50)

Et la question que je pose, je pense qu'il ne faut pas l'escamoter. C'est que ça m'apparaît évident qu'il doit y avoir, dans le système scolaire, une négociation véritable avec les organisations d'enseignants pour faire des changements assez substantiels aux conventions collectives. Parce que ces rigidités dont on parle, il y en a qui viennent des grands encadrements, il y en a qui viennent des régimes pédagogiques, mais il y a aussi des rigidités et des contraintes majeures qui se retrouvent dans les conventions collectives. La preuve, c'est que le titulariat, par exemple, on le souhaitait en 1979, il y a 13 ans, 14 ans, on le souhaitait il y a deux ans dans le plan Pagé, on le souhaite encore de nouveau, puis ça ne s'est pas répandu. Alors, il y a des raisons à ça.

Donc, est-ce que vous ne pensez pas que, je dirais, un des volets majeurs de la mise en place d'une nouvelle façon de gérer dans l'éducation, c'est carrément de souhaiter—et je pense, d'ailleurs, que les organisations syndicales le réclament maintenant, elles ont cheminé aussi, puis elles le réclament — c'est de souhaiter une véritable négociation en profondeur sur toute la question de l'organisation du travail pour qu'on fasse sauter, en quelque sorte, ces bouchons, là, ces rigidités qui empêchent de s'engager sur la voie que vous souhaitez?

M. Bisaillon (Robert): C'est une excellente question. Je pense que vous faites un bon diagnostic. D'ailleurs, ce n'est pas par hasard si le rapport sur la profession enseignante précède immédiatement celui sur la gestion, ou le contraire, là. C'est que les deux fonctions, dans le fond, se sont développées en référence aux mêmes modèles, même dans les situations les plus conflictuelles — je peux vous en parler en connaissance de cause — de sorte que, quand on se demande où on doit agir, moi, je dirais: On doit agir dans deux, trois directions dont les principales sont probablement les suivantes. Moi, je pense que, comme la résistance au changement va toujours être grande individuellement, il faut au moins permettre la négociation d'«opting out» dans une école, dans deux écoles, dans trois écoles. Ça se fait d'ailleurs déjà, soit dit en passant. On a l'impression que c'est très rigide, le système, mais à l'intérieur de la rigidité actuelle il y a des écoles qui sont déviantes...

M. Brassard: Délinquantes.

M. Bisaillon (Robert): ...délinquantes, oui, par le consentement du syndicat puis de la commission. Mais, parce qu'elles sont délinquantes, ce n'est pas valorisé comme expérience. Alors, moi, je pense que, oui, il faut qu'il y ait ce genre d'«opting out» permis dans des conventions collectives si on n'est pas capable de tout décrisper l'organisation du travail.

Une autre façon de donner plus de pouvoirs aux milieux locaux en relation avec l'imputabilité, c'est peut-être l'évaluation a posteriori plutôt qu'a priori. Peut-être regarder ces choses-là. Je lance des idées, là, comme ça, mais ça peut être des modes pluriannuels de financement plutôt qu'annuels. Donc, donnez un peu d'espace mais, a posteriori, demandez des comptes au lieu de dire:

Voici le mode d'emploi, et, au cas où vous ne seriez pas capable de le lire, voici l'interprétation du mode d'emploi, la formule que vous avez à remplir en cinq copies. Je caricature, là, mais c'est un petit peu comme ça que le système s'est pris en otage lui-même.

Donc, il faut agir de plusieurs façons. La façon dont vous pensez, je pense que oui. C'est un modèle qui a étë bâti conjointement, ça, par des syndicats puis l'État, conjointement, en toute complicité, même dans les temps de grève; quand on regarde ça au total, là. Et ça correspondait à une époque du Québec où il était nécessaire d'avoir une centralisation des efforts pour assurer l'équité.

Aujourd'hui, il faut admettre que, si on ne sort pas de ce modèle-là, on s'étouffe. Mais ça serait mieux si on en sortait conjointement, de façon convenue. Et ça ne pourra pas être applicable partout, parce qu'un des défauts de l'ancien système, c'est qu'on appliquait la même chose partout. Ça va se faire selon des modèles qui vont être différents selon les endroits. À des places, ça va être des titulaires, à d'autres places, ça va être d'autres choses.

En soutien au rapport annuel qu'on a publié, on a d'ailleurs, sur cette question-là, fait une étude de cas d'autres modèles d'organisation, et au secondaire et au collégial, qui existent dans des commissions scolaires qui sont délinquantes par rapport aux modèles traditionnels et qui fonctionnent très bien. Et on dit: C'est ce genre de voie là qu'il faut suivre. Bon.

M. Brassard: Est-ce que les membres de la commission pourraient en avoir une copie, M. le Président?

M. Bisaillon (Robert): Oui, je vais le laisser.

Le Président (M. Gobé): Peut-être que le Secrétariat. ..

M. Gautrin: Sur la même question...

Le Président (M. Gobé): M. le député de Verdun, vous vouliez aller dans le même sens, je pense.

M. Gautrin: M. le Président, je voulais rentrer un peu sur les mêmes questions qui ont été abordées par le député de Lac-Saint-Jean. Vous plaidez avec beaucoup de brio pour l'importance de la décentralisation, de l'unicité. Alors, deux questions me viennent immédiatement à l'esprit. Est-ce que vous voulez mettre les écoles ou les institutions en compétitivité les unes avec les autres? Est-ce que vous souhaitez ça, c'est-à-dire faire jouer un peu les lois du marché? Parce que quelle incitation y a-t-il, si ce n'est l'incitation que les gens peuvent en général avoir à explorer des choses nouvelles, quelle incitation y aurait-il, pour une école ou une institution, si on est dans le réseau collégial, à innover? Quelle incitation s'il n'y a pas une incitation au niveau du financement, au niveau de la manière de rétribution?

M. Bisaillon (Robert): L'incitation à innover, à mon avis, elle réside dans la marge qu'on te donne pour répondre à ta façon à un certain nombre de besoins chez toi. Elle est là. Et tant...

M. Gautrin: Est-ce que je pourrais poser la question immédiatement?

M. Bisaillon (Robert): Oui.

M. Gautrin: Pour répondre à la façon, j'accepte ça. Mais comment on va mesurer ou rétribuer ceux qui répondent le mieux aux besoins? Parce que le problème tel que je le vois à l'heure actuelle, c'est qu'on n'incite pas à bien répondre ou à mieux répondre aux besoins s'il peut y avoir une gradation quant au mieux, et, à ce moment-là, donc, compte tenu de la propension, dont vous avez parlé au début, de rester dans le statu quo, on a une propension à rester dans le statu quo.

M. Bisaillon (Robert): Oui. Vous dites: Comment récompense-t-on ou rétribue-t-on? Bon, il y a peut-être une échelle...

M. Gautrin: Oui.

M. Bisaillon (Robert): II y a peut-être une échelle de la responsabilité qu'on peut graduer quant aux initiatives qu'on peut accorder à un établissement par rapport à d'autres. Je veux dire, ça ne veut pas dire que tous les établissements sont prêts à assumer la même marge de manoeuvre. II y a peut-être une échelle, là, à respecter.

Mais je veux qu'on soit bien clair. La position du Conseil, c'est: l'équité étant par ailleurs assurée par l'État, on ne peut pas...

M. Gautrin: Ça veut dire quoi, ça?

M. Bisaillon (Robert): Je vais le dire très clairement. On ne peut cas lâcher «lousses» les établissements puis dire: A partir de maintenant, vous êtes en compétition, puis que les meilleurs gagnent, parce qu'on sait très bien le nombre de cadavres que ça va laisser chez les populations étudiantes. On le sait très bien.

Ce n'est pas payant pour le cégep de Limoilou, à ce point de vue là, ce n'est pas payant pour le cégep de Limoilou de dire: Chez nous, on accueille des étudiants qui ont des difficultés. Ce n'est pas payant pour l'image de ce collège-là. Pas du tout! Mais pourtant ils le font, et ils font des efforts incroyables et ils sauvent beaucoup d'étudiants qui non seulement n'auraient pas été acceptés dans d'autres collèges, mais qui, s'ils avaient été acceptés dans d'autres collèges, ne se seraient jamais rendus plus loin qu'une session. Alors, on ne peut pas lâcher «lousses» les établissements, si vous permettez l'expression, puis dire: Que les meilleurs gagnent. Limoilou n'existerait déjà plus.

M. Gautrin: À moins qu'ils se soient choisi justement une filière ou un créneau particulier qui serait le créneau des étudiants en difficulté.

M. Bisaillon (Robert): Ou qu'on assure que tous les établissements vont avoir la même lourdeur de clientèle et que là on peut se dire: Bien, là, faites vos preuves.

Ce que je veux dire...

M. Gautrin: Mais ça, ce n'est pas faisable.

M. Bisaillon (Robert): Bon, alors, voilà! Est-ce qu'ils peuvent se...

M. Gautrin: Mais attention! Mais c'est parfaitement faisable de différencier les établissements.

M. Bisaillon (Robert): Alors, ce que vous dites est déjà un peu vrai. Il y a des collèges qui ont des clientèles beaucoup plus hypothéquées, entre guillemets...

M. Gautrin: Absolument.

M. Bisaillon (Robert): ...O.K.? plus lourdes, comme il y a des cégeps en région qui partent de beaucoup plus loin dans la diplomation que des cégeps de ville. Si vous êtes d'accord pour dire: On va financer davantage ces établissements-là plutôt que des établissements où il n'y a que des premiers tours, votre raisonnement s'applique.

M. Gautrin: On peut les financer d'une manière différenciée.

M. Bisaillon (Robert): Oui. Mais c'est ça que ça veut dire, par exemple.

M. Gautrin: Ça peut vouloir dire ça.

M. Bisaillon (Robert): Alors, là, vous rétablissez un équilibre différent. Vous ne traitez pas de façon égale les établissements, mais vous les traitez de façon équitable.

M. Gautrin: Parce que le problème que j'ai, moi, avec votre approche où vous voulez forcer l'innovation, vous voulez forcer de créer des précédents, vous demandez — utilisons le terme — presque une révolution à l'intérieur du système — je pense que c'est le député du Lac-Saint-Jean qui l'a utilisé — et il n'y a pas d'incitatif à aller dans cette direction-là, à moins que vous m'en suggériez quelques-uns. (17 heures)

M. Bisaillon (Robert): Bien, c'est-à-dire, il n'y a pas d'incitatif objectif extérieur, vous avez raison. Mais, en tout cas, moi, ce que je veux vous dire là-dessus, c'est que ça fait un an, à peu près, même pas un an que ce rapport-là est sorti, là. Je rencontre — je donne des exemples, là — demain soir, à Jonquière, 120 directeurs d'école; vendredi matin, Richelieu-Yamaska, 120 directions d'école. Ils disent: Nous autres, ça nous intéresse. Je comprends que ça les intéresse! Pourquoi ça les intéresse? Parce qu'eux ont l'impression, de la même façon que les enseignants, qu'on leur demande juste d'être des exécutants. Ils vont proposer des choses dans leurs commissions scolaires puis ils vont forcer, d'une certaine façon, la structure à s'ajuster. Ça, c'est de l'intérieur.

Comment l'imposer de l'extérieur? Quel incitatif voulez-vous qu'il y ait, de l'extérieur? Ça, j'avoue que je n'ai pas réfléchi à cette question-là.

M. Gautrin: Un mode de financement, la compétitivité entre les établissements...

M. Bisaillon (Robert): Pourquoi...

M. Gautrin: ...la différenciation dans les rémunérations, un mode... Enfin, je pourrais continuer.

M. Bisaillon (Robert): Oui. Moi, je veux juste qu'on s'assure que lorsqu'on va installer un certain nombre de dispositifs on puisse en prévoir d'avance un certain nombre d'effets pervers...

M. Gautrin: Absolument.

M. Bisaillon (Robert): ...qui ne rendent pas la situation pire après que ce qu'elle était au début.

M. Gautrin: Vous avez parfaitement raison. C'est pour ça qu'on en débat ici.

M. Bisaillon (Robert): Mais j'imagine qu'une commission scolaire qui, depuis cinq ans, a une situation financière stable, on pourrait, par hypothèse, lui dire: Pendant trois ans, on va te faire confiance pour administrer ça selon les règles habituelles. Je ne le sais pas, là. Et on évaluera a posteriori. Je prends des exemples de respiration qu'on peut donner à des organisations. Bon. C'est un débat, d'ailleurs, très important actuellement en France, ce débat-là, que...

M. Gautrin: Est-ce que vous iriez jusqu'à, si une école ou une institution a «performé» particulièrement, envisager qu'il en soit question dans les conventions collectives pour que la rémunération des enseignants à l'intérieur de l'école puisse être liée à la performance de l'institution?

M. Bisaillon (Robert): Bien, moi, écoutez, là, vous me posez des questions qui sont rendues très personnelles, dans le sens, bon, le jugement personnel... C'est le moins qu'on...

M. Gautrin: Je m'excuse. C'est parce que...

M. Bisaillon (Robert): Oui, oui. Je peux... Non, non,

M. Gautrin: remarquez que c'est dans la logique... je ne voulais pas vous mettre à mal, excusez-moi...

M, Bisaillon (Robert): Non, non.

M. Gautrin:... mais c'est dans la logique même de la discussion que nous avons actuellement.

M. Bisallon (Robert): Oui. Je ne me défilerai pas là-dessus, mais je vais vous dire: C'est Robert Bisaillon, citoyen et enseignant, qui parle, et je suis contre ce genre de dispositions qui font que tu rognes toujours un peu pour la rétribution. C'est ça, la nature des choses. Et je trouve ça surprenant qu'on n'examine pas l'expérience faite du système «merit pay», aux États-Unis,, qu'on abandonne présentement à cause des effets pervers de délation, d'hypocrisie dans l'organisation de son, travail uniquement pour avoir droit à ces émoluments et non pas pour faire une meilleure job. On abandonne ça dans beaucoup d'États américains. Je veux dire, on ne peut pas, quand même, adopter ça demain matin en se fermant les yeux. Je pense qu'il y a un examen à faire d'un certain nombre de mesures.

M. Gautrin: Je pense qu'il n'est pas question de se fermer les yeux, bien sûr, mais est-ce que c'est quelque chose que vous regardez ou...

M. Bisaillon (Robert): Non. On n'a pas regardé ça. Honnêtement, on ne les a pas regardées. On les avait regardées à l'occasion de la profession enseignante. On en a d'ailleurs fait un examen dans la profession enseignante, et ça nous est apparu dangereux, ce genre de formule là,

L'autre formule qui peut être intéressante, c'est l'enrichissement de la tâche. Je vous donne un exemple. Vous allez me dire: Ce n'est pas suffisant comme...

M. Gautrin: Non, non, mais allez-y.

M. Bisaillon (Robert):... émulation, mais je vous le dis quand même. Il y a, au Québec, et là... J'affirme qu'il y a au Québec un bassin de compétences inouï, au primaire et secondaire, par exemple — je ne prendrai pas les autres sortes d'enseignement, mais ça serait vrai aussi...

M. Gautrin: Oui, d'accord.

M. Bisaillon (Robert):... — qui ne servent strictement à aucun autre enseignant, dans aucune autre région, parce que c'est des gens qu'on laisse dans leur école, qui font très bien leur job depuis 10, 20, 25 ans. Ils font du matériel, ils inventent des choses. Ce n'est connu de personne, et on paie des fortunes pour faire venir des experts devant les profs, dans les commissions scolaires, alors qu'on pourrait utiliser ces gens-là à bien moindre coût, et on constituerait une identité professionnelle beaucoup plus forte. Alors, pourquoi on ne proposerait pas à des enseignants qui se distinguent dans leur travail par une compétence, par une production, que leur tâche, en partie, serve à perfectionner les pairs ici et là au Québec? Et, moi, je vous dis, on sauverait de l'argent et on créerait vraiment une émulation, dans ce sens-là, entre les individus et entre les organisations. Et je pense qu'il faut aller vers ce genre d'enrichissement collectif qui existe beaucoup, beaucoup, dans l'entreprise privée, de plus en plus, mais qui est embryonnaire, sauf au collégial, un petit peu, dans PERFORMA là, le perfectionnement par les pairs. Et, moi, je crois à ce genre de choses-là: diversification, enrichissement de la tâche elle-même. Ce n'est pas de l'argent que le monde veut. Ils veulent leur salaire, là — j'aurais le goût de vous dire: le plus intact possible — ils veulent leur salaire mais, pour le reste, ils veulent être reconnus, d'abord dans ce qu'ils font et pour ce qu'ils font. Et, ça, là-dessus, on n'a pas tellement insisté. On dit: Tous les profs sont égaux entre eux, ils enseignent tant d'heures par semaine. Ce n'est pas de même que ça fonctionne, la reconnaissance professionnelle. Alors, je pense qu'il faut donner des occasions de diversification, de travailler autrement avec des élèves. Ça peut être en équipe. C'est ce genre de choses là qu'il faut négocier, je pense.

M. Gautrin: Mais, quand vous dites que vous contestez le fait que tous les profs ne sont pas égaux entre eux, par contre, vous dites...

M. Bisaillon (Robert): Je dis que c'est une fausse égalité.

M.. Gautrin: D'accord, et j'accepte. Mais vous dites qu'ils devraient avoir la même rémunération, bien qu'ils ne soient pas égaux entre eux.

M. Bisaillon (Robert): Je dis qu'on doit ouvrir à certains la possibilité de valoriser davantage ce qu'ils font. Et c'est ça, l'émulation intéressante.

M. Gautrin: Sans différentiel de rémunération?

M. Bisaillon (Robert): Bien, je ne vois pas pourquoi... quoiqu'elle est déjà différenciée, la rémunération, savez-vous.

M. Gautrin: Merci.

Le Président (M. Hamel): Merci, M. le député de Verdun. Je reconnaîtrai maintenant Mme la députée de Terrebonne.

Profils de sortie et de curriculum

Mme Caron: Merci, M. le Président. Je vous

écoutais parler, et ça me rappelle les souvenirs de la période où j'ai enseigné. J'ai enseigné de 1973 à 1982, commission scolaire en croissance démographique importante, petite école, 12 profs, et on vivait effectivement à peu près tous les principes que vous énoncez. De l'innovation, il y en avait, et il y en avait beaucoup. On a utilisé à peu près tout ce qui pouvait se faire. Ce qui ne se faisait pas, on l'a inventé. On a créé notre matériel, on a rencontré les principes de M. Paquet. On a essayé à peu près toutes les méthodes de lecture possibles et impossibles, les cercles magiques. C'était vraiment une équipe-école, et on planifiait des objectifs, et on créait, et on était vraiment très, très libres au niveau de cette innovation-là. Moi, j'avais à faire les premières communions et je les faisais d'une manière qui secouait un petit peu dans le milieu mais, bon... Et pour se retrouver...

M. Bisaillon (Robert): Secrétaire du comité catholique.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Caron:... vers la fin des dernières années où j'ai enseigné, où, là, bien, il y avait, malgré tous ces efforts, les ateliers, tout ce que vous voulez, on se retrouvait devant, quand même, une réalité qui était un certain échec au niveau des connaissances.

Moi, ce que j'ai le goût de vous demander... Parce que je crois encore et toujours qu'effectivement il faut partir de l'équipe-école, il faut innover, mais qu'est-ce que vous voyez comme balises ou comme barrières de protection pour que, effectivement, les acquisitions qui sont essentielles puissent quand même être là? Et ce n'est pas de remettre en question les principes de l'importance d'innover. Non, j'y crois, j'y crois toujours, mais pour ne pas, justement, qu'il y ait, un petit peu, selon votre expression, trop, trop de cadavres.

M. Bisaillon (Robert): Vous avez parfaitement raison. Moi, quand j'ai insisté beaucoup, beaucoup, quand le Conseil insiste énormément sur cette logique-là qu'on appelle la logique de différenciation, c'est parce qu'il a dit avant, et je ne voudrais pas qu'on l'oublie: Ce qu'un jeune doit apprendre au Québec, c'est la responsabilité de l'État. On ne laisse pas ça aux classes. Et les connaissances nécessaires, c'est de niveau national, parce qu'on sait trop que, si on laisse ça au seul milieu, à des endroits, ils vont décider que, à part écrire, compter et lire, il ne se fera rien. C'est ça, la tentation. Des fois, même, à la demande des parents. Alors, c'est l'État qui est responsable du niveau de formation en fonction de la lecture qu'il fait des besoins de société.

Deuxièmement, l'État est responsable, je pense, de fixer des standards. Ça ne veut pas dire des objectifs un par un, mais de fixer des standards et de les traduire en français. C'est-à-dire qu'on ne laisse pas chacun des individus aux prises avec 2000 objectifs où, finalement, on ne voit que les arbres et jamais la forêt. Ce qu'on appelle, nous, des profils de sortie, on travaille à ça. Une lecture claire, concentrée des objectifs qu'on doit poursuivre, graduée aussi pour qu'on puisse savoir, si on enseigne en quatrième année au primaire, ce qui nous précède et ce qui nous suit. Là-dessus, je veux être très clair, le Conseil est d'une limpidité là-dessus, c'est le rôle de l'État, c'est le rôle d'un gouvernement. (17 h 10)

Cependant, ça évolue très vite. Il faut rénover nos grilles matières, nos curriculums à l'heure actuelle. Certains disent parce qu'ils sont encombrés, d'autres disent parce que, même encombrés, ils ne répondent pas à tous les besoins du monde moderne, dont, en particulier, l'éducation technologique. Et, ça, à mon avis, on ne peut pas laisser ça au milieu. Alors, oui, je pense que vous avez raison de dire: Attention, mais je ne voudrais pas que vous pensiez que, parce que j'ai insisté, à travers le modèle de gestion, sur l'importance de l'équipe-école, je voulais qu'on néglige pour autant l'action de l'État ou du gouvernement. Ça, c'est très clair.

Mme Caron: Merci.

Le Président (M. Gobé): M. le député de Lac-Saint-Jean, vous avez la parole, bien sûr.

M. Brassard: Oui. Justement, je voudrais revenir sur ces fameux profils de sortie. Je pense que vous y attachez, avec raison, beaucoup d'importance. Qu'est-ce que doit connaître, quelles sont les habiletés qu'un élève doit acquérir à la fin de chacun des cycles, vous dites que ça doit être une responsabilité de l'État de les fixer, de les déterminer. Comment ça doit se faire, selon vous, la... Parce que, enfin, la ministre a l'air d'avoir trouvé une recette, là: un comité de sages. Je ne sais pas trop ce que ça signifie, là, comment les sages vont être recrutés; je ne sais pas s'il va y avoir des appels d'offres dans les journaux: Sages demandés. Mais comment pensez-vous que, concrètement, ces fameux profils de sortie devraient être déterminés? Et comment voyez-vous, dans ce processus-là, la présence et la participation des principaux acteurs de l'éducation?

M. Bisaillon (Robert): Sur le comment, je pense qu'on ne peut pas séparer la définition de profil de sortie du curriculum, du programme de formation, parce qu'avant de faire des profils de sortie il faut que je sache ce que je vais enseigner. Bon. D'ailleurs, la ministre pose une question très pertinente là-dessus, je pense, quant aux matières, à certaines matières, quant à certaines matières qui pourraient, pour employer le langage populaire, sauter, carrément sauter, disparaître.

M. Brassard: Vous voulez dire: la grille matières doit être fixée avant de déterminer les profils de sortie?

M. Bisaillon (Robert): Bien, si on s'entend... Bien oui.

M. Brassard: Ce n'est pas plutôt l'inverse, non?

M. Bisaillon (Robert): Bien non! Bien, ça doit se faire en même temps. Je dis: ce n'est pas avant, après, ça doit se faire en même temps. C'est deux opérations concomitantes qui n'ont pas la même nature. L'une regarde les résultats: qu'est-ce qu'un élève doit savoir à la fin de tél, tel niveau? L'autre regarde les façons de s'y rendre. Bon.

On peut très bien aussi ne pas se poser de questions sur les profils de sortie et dire: On prend les matières pour acquises, mais se demander: Dans ces matières-là, qu'est-ce qu'un élève doit apprendre'? Voyez-vous? C'est le plus petit dans le plus grand, ou le contraire. Je ne sais pas si je me fais comprendre. C'est deux opérations différences. Bon. Nous, on dit: 11 faut qu'elles se fassent en même temps. Il faut qu'on ait une idée claire des champs du savoir — pour employer une expression qui est maintenant un petit peu reconnue — auxquels on veut que le jeune se réfère dans son curriculum. Bon.

Maintenant, «c'est-un» un petit peu plus de ceci, un petit moins de cela? Ça, c'est une autre question; ça, il y a un arbitrage à faire là. L'arbitrage, il va être plus facile si on va voir les besoins de la société, qui sont demandés à un jeune. Bon. Et, là, on peut commencer à faire beaucoup de distinctions. Je vais vous en donner un exemple. Si je dis: Je suis d'accord avec les mathématiques de secondaire V; au bout du processus, ça se transforme en matière, ça, là. Quelles sortes de mathématiques? Est-ce que c'est des mathématiques vulgarisées qui ouvrent à des thématiques générales ou si c'est des mathématiques spécialisées qui ouvrent à certains profils de cégep? Là, j'ai un autre choix à faire. Voyez-vous le genre d'opérations compliquées et complexes qu'il faut faire?

Je ne commenterai pas ce que la ministre veut faire, veut mettre sur pied. Je vous dirai cependant que nous allons dire à la ministre — ça, je peux vous le dire tout de suite; ça, c'est la partie qui est réglée — nous allons dire à la ministre ce que nous faisons depuis le mois de septembre... le mois d'août, en fait. On travaille sur ces questions-là, de profil de sortie et de curriculum. On n'est pas prêts, au mois de décembre, à dire à la ministre: Voici les profils de sortie. Mais on est prêts à lui dire: Voici ce qu'il faut faire quand on fait des profils de sortie. Là, si d'autres peuvent prendre la relève par la suite... Oh commence à se faire une idée claire, chez nous, de ça. Il faut que la société, je ne sais pas comment, s'exprime sur le niveau de formation. Il ne faut pas que la société, par un référendum ou une élection, décide quelles matières vont être enseignées. Je ne sais pas si je me fais comprendre, là. On ne fait pas Voter une grille matières par la population.

M. Brassard: J'en conviens, mais...

M. Bisaillon (Robert): Parce que, à des places, il n'y aura pas d'anglais langue seconde puis, à d'autres places, il n'y aura pas de musique. Puis ça peut aller plus loin que ça. À un moment donné* il faut s'entendre minimalement sur ce qu'une société pense devoir être le niveau.

M. Brassard: C'est là mon interrogation, moi. C'est clair qu'on ne fera pas un référendum, un scrutin référendaire dont l'enjeu serait: Êtes-vous d'accord ou pas avec les profils de sortie suivants? C'est évident mais, eh même temps, ça, c'est un extrême.

M. Bisaillon (Robert): Oui.

M. Brassard: Et l'autre extrême, ça se fait en vase clos, en catimini, puis c'est terminé, et on impose ça puis on introduit ça dans le système.

M. Bisaillon (Robert): L'autre extrême, c'est...

M. Brassard: Comment faire en sorte que ce soit aussi, sans aller jusqu'au référendum, que ce soit un débat de société? Comment faire en sorte que ce soit un débat de société? Parce qu'il m'apparaît que c'est une question Centrale, ça, que les parents se posent aussi, que les parents d'enfants, d'élèves se posent. Qu'est-ce que mon jeune, mon enfant doit apprendre, qu'est-ce qu'il doit savoir, quelles valeurs doit-il acquérir, quelles habiletés doit-il maîtriser? C'est une question centrale que les parents se posent. Mais comment, sans en faire un débat interminable puis qui ne finirait plus, comment, quand même, faire en sorte que les intervenants, les acteurs, que ce soit un débat... qu'au bout du compte, finalement, les profils de sortie, qu'on soit à peu près certains que ça s'appuie sur des consensus sociaux reconnus?

M. Bisaillon (Robert): Vous avez raison, j'ai pris un exemple extrême. L'autre exemple extrême, c'est des spécialistes seulement. Parce qu'eux autres ils vont toujours vous dire: Moi, si je suis en éducation physique, c'est la santé des Québécois qui est en danger. Si je suis en histoire, c'est la culture des Québécois. Si je suis en art, c'est... bon, etc. Et il y a d'autres systèmes qui n'ont pas évité ce problème-là, qui ont confié à des spécialistes le soin de se réformer ou de choisir la part relative de leur discipline qui était encore nécessaire. Évidemment, ils ont tout choisi. Bon, on le sait. Donc, ça prend, je ne dirais pas un mécanisme, je ne le sais pas, mais ça prend une occasion où il y a la rencontre d'experts et de citoyens. Je pense que c'est ça que vous voulez dire. Bon. Ça prend une expertise, ça ne prend pas juste des impressions. Mais ça prend aussi une perception de ce qui est nécessaire dans la société, qu'on va demander à des experts d'analyser. Ça prend les deux niveaux.

M. Brassard: Puis un lieu pour en débattre... M. Bisaillon (Robert): Oui, oui.

M. Brassard: ...une sorte de forum pour pouvoir en débattre.

M. Bisaillon (Robert): Oui. Mais, moi, sur le mécanisme, je ne me prononcerais, pas parce que j'ai toujours pensé que le Conseil avait ce travail-là en particulier à faire. C'est pour ça, d'ailleurs, qu'on l'a commencé. Là, je suis obligé de dire à la ministre: On n'est pas prêts. Non pas à notre courte honte, mais parce qu'on pense que ça prend un peu de maturation pour faire ça. Mais, quant au reste...

M. Brassard: Justement, vous pourriez être mandatés pour faire ça.

M. Bisaillon (Robert): Ah, oui. Mais...

M. Brassard: Parce que vous avez aussi une habitude, quand même, une tradition de consultation.

M. Bisaillon (Robert): Oui, oui.

M. Brassard: C'est vrai que je dois appeler ça une consultation discrète. On voit ça à la fin de chacun de vos avis puis de vos rapports. Vous avez quand même consulté assez largement, mais c'est une consultation discrète.

M. Bisaillon (Robert): Ah, oui.

M. Brassard: Ce n'est pas une consultation flamboyante ou éclatante.

M. Bisaillon (Robert): Non, non.

M. Brassard: II y a quand même eu une implication des acteurs, des intervenants dans chacun de vos avis. Donc, effectivement, moi, je me pose la question: Pourquoi ne pas avoir tout simplement mandaté le Conseil supérieur de l'éducation pour préparer ces profils de sortie qui sont essentiels?

M. Bisaillon (Robert): Mais, là, ce n'est pas à moi que la question doit s'adresser.

M. Brassard: Oui. Non, je sais que vous...

M. Bisaillon (Robert): Je ne suis pas capable de répondre.

M. Brassard: Je sais. Je sais.

M. Bisaillon (Robert): Peut-être aussi que, si c'était juste le Conseil, il nous manquerait l'éclairage de ceux qui font les programmes. Je ne le sais pas. Mais il y a un bout qu'on va faire de toute façon. Ça, je peux vous le dire. Et l'objectif c'est d'aboutir avec un avis au printemps. Ça ne sera pas la fin du fin.

M. Brassard: Puis ce serait...

M. Bisaillon (Robert): Ça ne sera pas la fin du fin.

M. Brassard: ...assez détaillé. C'est un travail assez approfondi que vous êtes en train de faire.

M. Bisaillon (Robert): Assez approfondi pour qu'on ne puisse pas dire n'importe quoi en parlant des profils de sortie.

Le Président (M. Gobé): M. le député de Rimouski, vous avez la parole. (17 h 20)

M. Tremblay (Rimouski): Moi, je voudrais... Dans le même ordre d'idées, parce que ça m'inquiète. Tout à l'heure, vous avez dit que c'était la décision de l'État, finalement, d'établir les profils, et je verrais très mal, moi, que le Conseil supérieur de l'éducation s'arroge ou, en tout cas, décide ou annonce les politiques. Je pense que ça revient à l'État, ça revient aux élus. Il ne faut pas, tout de même, mêler les choses. Parce que, dans le champ de juridiction, vous êtes un conseil consultatif, vous devez jouer votre rôle et bien le jouer. Mais, après ça, le gouvernement devra décider. Et c'est là qu'on relie, à mon sens, le public aux décisions gouvernementales.

Au sujet des profils de sortie, les profils de sortie, ils sont déjà... On les a expérimentés, en tout cas depuis 1964, depuis le rapport Parent, en 1965, et on a vécu avec ça, avec des carences. Parce que, les carences, on les a vues au niveau de la passation du secondaire au cégep, du cégep à l'université. On voit qu'il y a des carences. Là, on a fait une réforme de l'enseignement collégial, on essaie de corriger un peu le profil de sortie pour l'université. On essaie en tout cas d'améliorer; je ne sais pas si on atteindra les buts visés, mais je pense que c'est un ajustement de parcours. La même chose se pose pour la réforme — si je peux appeler ça la réforme, en tout cas, l'énoncé de politique de Mme la ministre au sujet du secondaire. Je pense que c'est des ajustements. Parce que la grande réforme, moi, je ne pense pas que ce soit un débat de société au moment où on se parle. Le débat de société, on l'a tenu avec le rapport Parent, on a fait la grande réforme. Maintenant, ce qu'il nous faut faire, je pense que c'est des ajustements de parcours, compte tenu de l'expérience, parce que tout le réseau de l'enseignement, c'est lent à s'ajuster et c'est bien normal parce que c'est immense, c'est gros. Moi, je pense que nous devons avoir des ajustements de parcours et, la réforme telle qu'elle est là, c'est un ajustement de parcours.

La grille horaire, c'est évident qu'à l'heure actuelle — comme vous le disiez tout à l'heure — c'est quasiment... Vous ajoutez toujours des choses. On n'enlève pratiquement rien, mais on ajoute toujours de la formation supplémentaire qu'il faut dans le curriculum des élèves, mais avec une certaine limite aussi parce

qu'il y a des coûts à cela. Moi, je voudrais savoir, dans ce qui est proposé par Mme la ministre, quelle est votre opinion au sujet du fait de ne plus rendre obligatoires les cours d'économie familiale et d'initiation aux technologies, par exemple? Est-ce que vous avez une idée là-dessus ou si vous ne voulez pas vous prononcer?

M. Bisaillon (Robert): J'ai l'idée de ce qu'on va dire, une idée personnelle. Est-ce que je peux vous dire quelque chose, M. Tremblay, M. le député? En 1982, j'étais en négociations, et un sous-ministre m'avait suggéré, m'avait proposé un échange de bons procédés, comme il disait: si la CEQ donnait son accord à la disparition des petites matières insignifiantes — c'était ce qu'il me disait — on pourrait en retirer beaucoup. J'ai dit: Si vous pensez qu'elles sont insignifiantes au point de les faire disparaître, décidez tout seul. Mais vous comprenez la difficulté, là. Et je comprends, pour un gouvernement, comme pour un dirigeant syndical, de dire: Demain matin, on sacrifie tant de profs — pour ce qui est d'un dirigeant syndical. Et, pour une ministre, de dire: Je viens de décider que cette matière-là est moins importante que les autres. Bon. C'est pour ça que la ministre n'a pas choisi de faire disparaître des matières, elle nous a posé la question. Je présume que la réponse va ressembler à peu près à ceci — enfin, je présume: On ne peut pas, comme Conseil, conseiller de faire disparaître telle ou telle matière avant d'avoir regardé l'ensemble des matières, en relation, précisément, avec les profils de sortie. Je présume. Je n'ai pas entendu actuellement au Conseil des gens assez branchés, à ce point, pour dire: Oui, dorénavant, c'est l'éducation familiale qui est de trop. Ce qui ne veut pas dire que les gens ne le pensent pas pour l'une ou l'autre matière. Alors, ça va aller dans ce sens-là un peu.

M. Tremblay (Rimouski): Je suis bien d'accord avec vous. Et, moi, je suis un peu du même avis que vous, parce qu'on ne peut pas aller trop vite là-dedans, parce que les matières ne sont pas, à mon sens, secondaires... bien, secondaires, tout étant relatif. Mais, ce qui est important, c'est la formation de base et, après, à cela, au niveau de la formation générale de la personne, il faut bien y ajouter quelque chose. Un être humain, à mon sens, doit comprendre ses matières de base très bien mais, après, il faut qu'il vive en société, il faut bien qu'il soit capable de s'intégrer à cette société-là. Et, là, je pense que ces cours-là, jusqu'à un certain point, ont une valeur.

M. Bisaillon (Robert): On doit cependant reconnaître qu'il existe parmi plusieurs disciplines à l'école des objectifs qui sont les mêmes. Et il suffit de questionner nos enfants pour apprendre qu'ils ont l'impression de faire la même chose dans plusieurs matières. Bon. Je ne vous dis pas que c'est nécessairement dans les matières qui sont identifiées comme étant susceptibles de disparaître; ça peut être même dans d'autres. Donc, il faut regarder ça globalement.

M. Brassard: M. le Président...

Le Président (M. Gobé): Oui? M. le député de Lac-Saint-Jean, vous avez demandé la parole?

M. Brassard: Oui, c'est ça... Le Président (M. Gobé): Merci, monsieur.

Confessionnalité du système scolaire

M. Brassard: ...j'aimerais aborder brièvement, parce qu'il nous reste peu de temps, d'autres problèmes, entre autres la question de la confessionnalité du système scolaire. À la suite du jugement de la Cour suprême, vous le savez, on risque de se retrouver, particulièrement à Montréal, avec six réseaux d'écoles: un réseau anglo-protestant, un réseau franco-protestant, un réseau anglo-catholique, un autre franco-catholique, un réseau anglais non confessionnel et un réseau français non confessionnel, ce qui, évidemment, a été jugé comme étant un véritable fouillis, une tour de Babel scolaire. Vous avez déjà émis un avis sur cette question en 1986 ou 1987, et votre conclusion était très claire: c'est qu'il fallait absolument, je dirais, se débarrasser de l'article 93, qui était une contrainte paralysante et qui empêchait de moderniser notre système scolaire. Êtes-vous toujours du même avis?

M. Bisaillon (Robert): Oui.

M. Brassard: Et comme, à l'occasion de négociations constitutionnelles, votre recommandation n'a pas été suivie, on ne l'a pas mise sur la table constitutionnelle, comment vous pensez qu'on peut s'en sortir actuellement? Étant donné qu'il n'y a pas de négociations constitutionnelles à l'horizon, qu'il n'y a pas de possibilité, par conséquent, d'appliquer la recommandation que vous faisiez en 1986, c'est-à-dire faire disparaître l'article 93, comment peut-on faire maintenant pour empêcher que naisse le fouillis avec six réseaux, ce qui serait aberrant, là, cette aberration de six réseaux d'écoles sur l'île de Montréal? Comment on peut empêcher ça?

M. Bisaillon (Robert): En tout cas, je pense qu'on ne peut pas empêcher ça, sinon en faisant appel à la bonne volonté des commissions scolaires concernées pour se transformer en commissions scolaires linguistiques. Là-dessus, il y a deux points de vue qui s'expriment. Il y en a qui disent: Ça «serait-u» beau si ça arrivait comme ça, ça réglerait le problème. Il y en a d'autres, dont je suis, qui prétendent: Ne rêvez pas en couleurs. Parce que la commission scolaire, pour prendre un exemple, la CECM se transformerait demain matin, unanimement, en commission scolaire linguistique, il y aurait des individus qui pourraient invoquer le droit à la dissidence pour faire appliquer le jugement.

Donc, je pense que, oui, il y a une situation compliquée à appréhender sur le territoire. De sorte

qu'on savait très bien, le Conseil, en reconduisant, si vous voulez, la recommandation de 1986 à l'effet d'en faire une partie du contentieux constitutionnel, on était tout à fait conscients que c'était passé dû, comme on dirait, cette année; on a regardé ce qui était possible à part ça. C'est pour ça qu'on a dit: II faut ouvrir deux autres voies; il faut, à tout le moins, compte tenu de l'évolution de la société, et particulièrement en milieu montréalais, que si le jugement permet l'existence d'écoles avec statut confessionnel on permette l'existence d'écoles sans statut confessionnel. Au moins. Parce que, là, vraiment, ça me paraît que ça devient... Là où le besoin s'en fait sentir, évidemment. Et on pense aussi qu'à l'intérieur des écoles il faut commencer à explorer la piste d'un enseignement de type culturel, à la fois moral et religieux, qu'on pourrait offrir à un certain nombre d'élèves qui le désirent, toujours dans les milieux où on pense que ça répond à des plus grands besoins. (17 h 30)

Quand au reste, qu'est-ce que vous voulez qu'on vous dise? Nous, on pense que c'est vrai que reconduire cette proposition-là en 1993, ça ne change pas grand-chose par rapport au jugement de la Cour suprême, mais que, si ça avait été pris au sérieux tout de suite, peut-être qu'on aurait fait du chemin avec ça. Je ne sais pas. Peut-être que non, parce qu'il y a des juristes — j'ai lu ça en fin de semaine ou il a deux semaines, dans un journal — il y a des juristes qui prétendent que ce n'est pas vrai qu'ouvrir l'article 93, ça aurait donné des choses. Mais ça, ça n'a pas été essayé. Alors, on peut bien ergoter là-dessus.

M. Brassard: Non, pas du tout. Ça n'a pas été mis sur la table.

M. Bisaillon (Robert): Alors, voilà, oui, c'est ça un petit peu qu'on suggère.

M. Brassard: En fait, bref, je pense aussi que, quand on regarde la composition des conseils des commissaires, actuellement, à Montréal, ceux qui espèrent que ces commissions scolaires vont se transformer en commissions scolaires linguistiques, vous avez en grande partie raison, ils rêvent en couleurs. Parce que c'est précisément ces commissions scolaires qui ont porté la cause devant les tribunaux pour obtenir le jugement qu'on sait. Alors, comment peuvent-ils, maintenant qu'ils ont eu gain de cause, comment penser concevoir qu'ils vont maintenant se retourner et décider que ce... balayer ça du revers de la main et, bon, dire: Maintenant, on se transforme en commission scolaire linguistique? Ça m'apparaît illusoire.

M. Bisaillon (Robert): Et même s'il y avait retournement et que ça se produisait...

M. Brassard: II y aurait toujours des dissidents possibles.

M. Bisaillon (Robert): Ce qui rendrait peut-être moins large le territoire de la dissidence, sur lequel s'exprimait le territoire de la dissidence. Mais il y aurait quand même une commission scolaire à la mesure, je dirais, de cette dissidence-là.

Bon! Alors, moi, je pense qu'il y a quelque chose de compliqué là-dedans, là. Ça prendrait non seulement un consensus entre les parties, mais l'unanimité des citoyens. Alors, c'est demander beaucoup, je pense. C'est plus que la ceinture et les bretelles. C'est pas mal plus. Ça m'apparaît une impossibilité théorique.

M. Brassard: Moi, je voudrais aborder, M. le Président, aussi la question de la formation professionnelle.

M. Gautrin: Un instant, moi, je...

Le Président (M. Gobé): Oui, M. le député. Juste peut-être écouter la fin de ce que M. le député veut dire.

M. Brassard: Là-dessus?

M. Gautrin: Non, non, mais, moi, j'ai une autre question... Sur — pas ça — sur un autre point.

M. Brassard: Ah, bon! Oui.

M. Gautrin: C'est comme tu veux.

M. Brassard: Comment ça va dans le temps?

Le Président (M. Gobé): Ah! Il nous reste une...

M. Brassard: Oui, mais en partage.

M. Gautrin: En partage.

M. Brassard: Pas mal à égalité.

Le Président (M. Gobé): Disons que c'est pas mal équitable.

M. Gautrin: Non, non, ça n'a pas l'air équitable du tout. J'ai l'impression que vous en avez pris plus que nous.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Brassard: Ça me surprendrait. Vous avez parlé longtemps, M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Oui, vous aussi, M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: Ha, ha, ha!.

Le Président (M. Gobé): Bon, alors, M. le député de Verdun, je vous concède donc...

M. Brassard: Allez!

M. Gautrin: Non, mais M. le Président...

Le Président (M. Gobé): ...un avantage sur le terrain...

M. Gautrin: M. le Président...

Le Président (M. Gobé): ...pour la dernière période.

M. Gautrin: Non, non, je voudrais, moi, dans... J'ai une dernière question qui est vraiment tout à fait de nature, non pas de système d'éducation, mais bien sur le fonctionnement du Conseil supérieur. Alors, je serais prêt à revenir plus tard, si M. le député de Lac-Saint-Jean veut rester encore sur des questions d'ordre général, sur le fonctionnement du système d'éducation, quitte à revenir sur...

Une voix: II reste 35 minutes, là. M. Gautrin: II reste 35 minutes. M. Brassard: .. .sur la formation professionnelle.

M. Gautrin: Alors, peut-être que vous pourriez rentrer ça, parce que, moi, c'est réellement tout à fait spécifique sur le fonctionnement du Conseil.

M. Brassard: O.K., d'accord.

M. Gautrin: Alors, entrez sur la formation professionnelle, quitte à ce que vous me laissiez assez de temps, quand même, avant la fin, pour que je puisse...

Le Président (M. Gobé): Oui, mais j'y veillerai. M. Gautrin: ...poser mes questions sur ça.

Formation professionnelle et décrochage scolaire

M. Brassard: Bien, sur la formation professionnelle, bon, vous savez qu'il y a eu ce qu'on pourrait appeler, là, une chute assez dramatique des inscriptions, chez les jeunes surtout, qui faisait suite à la réforme de la formation professionnelle. Et ça explique peut-être aussi, enfin, certains prétendent que ça explique peut-être le décrochage d'un certain nombre de jeunes. Vous le disiez, je ne sais pas, dans un de vos avis, que, peut-être que des jeunes décrochent après le secondaire III parce qu'ils voient ça trop loin dans le temps, le moment où ils vont pouvoir recevoir une formation professionnelle de leur choix. Il y a peut-être un bon nombre de jeunes, là, qui ont décroché à cause de ça. D'ailleurs, je pense que la ministre pose une question dans ce sens-là.

Et, est-ce que vous croyez qu'un des moyens de réduire le décrochage, c'est, d'une certaine façon, de revenir à ce qui se faisait, un peu auparavant, c'est-à-dire de faire en sorte que les jeunes puissent accéder à la formation professionnelle plus tôt, tout en poursuivant une formation générale. Comment faire en sorte que le jeune ne décroche pas, parce que, justement, il voit ça trop éloigné dans le temps, le moment... Il faut, évidemment, prendre pour acquis qu'il a choisi d'aller en formation professionnelle; il a choisi d'aller dans cette voie-là. C'est vers ça qu'il veut s'orienter, mais, finalement, il voit ça tellement loin après le secondaire V, qu'il abandonne. Comment est-ce que vous verriez que les choses devraient se dérouler? Quels changements on devrait introduire, en matière de formation professionnelle pour, à la fois réduire le nombre de décrocheurs et augmenter aussi le nombre des inscriptions, qui est dramatiquement bas?

M. Bisaillon (Robert): Chez les jeunes? M. Brassard: Chez les jeunes.

M. Bisaillon (Robert): Bon. Le diagnostic auquel vous faites référence, là, qu'on a fait, évidemment, ou qu'on a posé au Conseil, que la ministre reprend, je crois, qu'elle assume dans le document «Faire avancer l'école», elle n'est pas prête à donner la réponse, là, et je vous dirai qu'on est dans la même situation au Conseil, parce que, quand vous dites: Êtes-vous prêts à revenir à la situation antérieure?, ça pose la question suivante: Est-ce qu'on souhaite revenir à la situation antérieure qui a été tellement décriée? Il y a deux directions qu'on devra examiner là-dedans, et la ministre nous pose des questions en relation avec les deux directions.

La première, c'est s'il est vrai — et nous pensons que c'est vrai — que des jeunes seraient allés en formation professionnelle s'ils n'avaient pas eu à faire leur secondaire V avant. Parce que, entre nous, si je suis un jeune qui veut aller en formation professionnelle et que je réussis mon secondaire V, pourquoi ne pas aller, plutôt, en formation technique au collège? Bon. La question devient donc pertinente de se poser. La question à se poser devient donc pertinente, à savoir: Est-ce qu'une fréquentation concomitante de la formation professionnelle et de la formation générale augmenterait la persévérance scolaire...

M. Brassard: Oui. C'est ça, la question.

M. Bisaillon (Robert): ...et, partant, le nombre de diplômés? Moi, je suis porté à penser que oui, mais le débat, je ne suis pas sûr qu'il va se régler comme ça, au Conseil. Je vous le dis très franchement. Je vous le dis très franchement. Bon. Il y a de la résistance dans beaucoup de milieux, aussi, à ce que des jeunes arrivent en formation professionnelle à un âge de 15 ou 16 ans, donc, avec des problèmes de discipline, alors que c'est si facile avec des adultes avec qui on n'a pas ces problèmes-là à régler. D'autre part, certains disent: On a

réussi, à grands frais, à revaloriser la formation professionnelle en augmentant les standards et les conditions d'accès. Ça commence à peine à porter ses fruits; ne revenez pas en arrière. Et on est sensibles à tous ces arguments-là. Donc, il y a cette question-là qui est lancinante, là. Bon.

L'autre question, c'est: Est-ce que, un jour, on va admettre, entre nous, qu'il y a une fraction de la population qui jamais ne va arriver à un diplôme, qu'il soit professionnel ou autre, et qui, d'ailleurs, est reconnue dans l'objectif même du gouvernement, de fixer à 80 % l'accès au diplôme d'études secondaires? Donc, il y a un 20 %, en quelque part, dont on ne s'occupe pas, entre guillemets, suffisamment, sous prétexte qu'il ne fait pas partie de l'objectif qu'on poursuit pour la majorité des gens. Bon. La ministre appelle ça, dans son programme: Est-ce qu'on peut former des gens à des fonctions de travail moins complexes ou de complexité inférieure à celle requise pour un diplôme? Et moi je pense qu'une société qui ne s'occupe pas de ces jeunes-là, c'est une société injuste. Il va falloir regarder ça. Ça peut être des occupations préprofessionnelles; ça peut être des occupations modulées sur des besoins dans le marché du travail, des besoins du marché du travail qu'on est capable d'identifier, qui ne seront pas nécessairement les mêmes dans 10 ans. Je ne le sais pas, mais il faut regarder cette question-là. (17 h 40)

Si on fait ça, cependant, il faut bien nous comprendre entre nous, on vient de créer trois — je ne dirais pas des filières — mais trois cheminements de formation professionnelle qui iraient du plus grand au plus petit, en passant par une voix intermédiaire. Et ça pourrait faire dire à certains qu'on revient, là, à l'ancienne situation du professionnel court et du professionnel long. Hein, bon! Il ne faudrait pas que ça soit dans cet esprit-là; il ne faudrait surtout pas que ça soit dans cet esprit-là. C'est ça qu'on regarde actuellement, et c'est un débat qui n'est pas facile. Parce que, «c'est-u» vrai que, si on attend encore 10 ans et on continue à faire des efforts, on va augmenter le nombre de jeunes en formation professionnelle au secondaire? «C'est-u» vrai, ça? Moi, j'ai des doutes là-dessus. Et je me dis: Est-ce que c'est juste d'attendre encore 10 ans? Ça peut être bon pour un système, ce n'est pas long une expérience de système, 25 ans, mais, pour les jeunes en question, «c'est-u» bon?

Par ailleurs, il ne faut pas faire accroire aux jeunes, aujourd'hui, alors que tout le monde dit que ça prend au moins un diplôme d'études secondaires, il ne faut pas inciter des jeunes, qui sont déjà fragiles à l'âge de 14, 15 ans, et qui ont des difficultés, il ne faut pas les inciter à quitter le système régulier sans leur garantir que ce n'est pas irréversible, qu'ils ne pourront pas y revenir. Donc, il ne faut pas que ça soit des voies de garage. C'est pour ça qu'il faut peut-être parler de «préprofessionnalisation» plutôt que d'initiation à la vie active. Il ne faut pas, non plus, faire des promesses qu'on ne tiendra pas. Si on engage des jeunes là-dedans, il ne faut pas que les programmes qu'on va bâtir ressemblent à ce qu'il y avait de pire autrefois, parce que c'est des jeunes qui ne sont pas valorisants pour un système. donc, voyez-vous le nombre de précautions que j'annonce? moi, je pense qu'il faut faire une certaine ouverture, parce que le discours qu'on tient sur la démocratisation et l'accès aux études, ça va rester un écran de fumée si on accepte que ce discours-là laisse tomber en chemin 20 %, 25 %, 30 % des jeunes. je préfère qu'on en sauve 15 % de ces 30 % de façon moins noble que le maximum des objectifs, et qu'ils puissent s'insérer socialement, que de les voir partir à 15 ans et ne jamais revenir. et même, quand ils reviennent, des fois, avec très peu de...

Alors, il y a bien sûr aussi les formules comme l'alternance études-travail, qui... Et il y a des approches pédagogiques différentes qui sont d'ailleurs à l'essai dans le système scolaire. Il va falloir faire preuve de plus d'imagination que le canal unique, parce qu'on le sait, le canal unique, c'est quoi, l'effet? Moi, je pense que ça a créé du décrochage.

M. Brassard: Diversifier les cheminements, comme vous le proposiez.

M. Bisaillon (Robert): Oui, oui.

M. Brassard: Les parcours, diversifier les parcours.

M. Bisaillon (Robert): Faciliter, diversifier les parcours. Il n'y a pas d'autre façon si on veut amener des jeunes.

Et pourquoi — c'est une autre question qu'on se pose — pourquoi, au lieu d'exiger l'atteinte des objectifs de formation générale avant de passer à la formation professionnelle, on n'exigerait pas l'atteinte des mêmes objectifs, mais en même temps? C'est-à-dire qu'au lieu d'en mettre une condition d'accès, qu'on en fasse une condition de réussite. C'est ce genre de questions qu'on se pose actuellement, mais, je vous dis, ça va être un gros, gros débat, pas facile à trancher.

M. Brassard: Est-ce que vous avez l'intention de répondre à ces questions? Aurez-vous le temps, d'abord, premièrement, de répondre à ces questions dans l'avis...

M. Bisaillon (Robert): Oui, oui.

M. Brassard: ...que vous comptez remettre à la ministre? Oui?

M. Bisaillon (Robert): Oui. Pas de façon, peut-être, définitive, selon des modèles.

M. Brassard: Parce que les questions qu'elle pose à la fin de son document, vous n'êtes pas tenus d'y répondre?

M. Bisaillon (Robert): Non, non, mais on préfère le faire quand on a des positions qui sont assez proches.

M. Brassard: Mais vous allez le faire?

M. Bisaillon (Robert): Oui, surtout que, là, on s'était un peu peinturé, si vous permettez, dans le dernier rapport annuel quant à la formation professionnelle.

M. Brassard: Oui.

M. Bisaillon (Robert): II faut un jour admettre que, même si une réforme est belle sur papier, quand elle ne produit pas tous les effets dans le milieu, il y a des individus là-dedans, et ça coûte cher à une société que de... hein? Bon. Alors, un jour, il faut avoir le courage de dire: Bien...

M. Brassard: Ouvrir les yeux.

M. Bisaillon (Robert): ...que faisons-nous pour ces jeunes?

M. Brassard: M. le Président, j'aurais une dernière question...

Le Président (M. Gobé): Oui, M. le...

M. Brassard: ...avant de céder au député de Verdun. C'est très rapide...

Le Président (M. Gobé): Mais je dois, juste avant, vous mentionner que, normalement, selon nos règlements, nos usages, 10 minutes avant la fin, je vais devoir vous poser quelques questions quant aux travaux de cette commission, mais ça peut prendre seulement deux, trois minutes. Donc, on n'arrêtera pas à 18 heures pile, mais à 17 h 55, 17 h 50.

Éducation populaire autonome

M. Brassard: Ce ne sera pas très long. Ça concerne l'éducation des adultes. Je pense que vous avez à vous prononcer sur un régime pédagogique concernant l'éducation des adultes. Je ne vous demanderai pas de nous révéler le contenu de l'avis...

M. Bisaillon (Robert): II y a eu demande hier! Des voix: Ha, ha, ha!

M. Brassard: C'est vrai, c'est récent, ça vient d'arriver.

Ma question, cependant, est pertinente: Est-ce que vous comptez, dans cet avis, tenir compte de ce qu'on appelle l'éducation populaire autonome? Vous l'avez souventefois exprimé dans plusieurs de vos rapports et de vos avis: L'école n'est pas le lieu unique de formation.

Dans un système d'éducation, il faut prévoir une diversité de lieux de formation et, dans cette perspective, vous avez, je pense, clairement affiché vos couleurs en disant que l'éducation populaire autonome, ce qu'on appelle l'éducation populaire autonome, faite par des groupes dans divers milieux, et surtout, généralement, ce sont des milieux dits défavorisés, plus démunis...

Est-ce que vous comptez, dans votre avis, encore une fois exprimer de nouveau votre position, votre appui quant à la présence, dans le système d'éducation, d'une éducation populaire autonome vigoureuse, reconnue et financée adéquatement?

M. Bisaillon (Robert): Au risque de paraître impoli, pendant que j'écoutais votre question, je consultais rapidement la demande, parce que je n'ai pas eu le temps de la regarder...

M. Brassard: Ah bon! Ha, ha, ha!

M. Bisaillon (Robert): ...et je me rends compte que, dans un des projets de régime, là, services éducatifs pour les adultes en formation générale, il y a la question des services d'éducation populaire. Je ne sais pas si c'est assimilable à la question que vous me posez mais, si ça l'est, c'est évident qu'on va se prononcer là-dessus, puisqu'on est tenus, même, de le faire. Mais je ne connais pas la teneur de la demande.

Le Président (M. Gobé): Alors, merci beaucoup. Maintenant, je suis désolé, M. le député de Lac-Saint-Jean...

M. Brassard: Oui.

Le Président (M. Gobé): ...mais, le temps coulant, je dois passer la parole à notre collègue le député de Verdun. M. le...

M. Gautrin: Merci, monsieur...

Le Président (M. Gobé): Ça terminera les interventions...

M. Gautrin: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): ...de cette commission.

Recherche universitaire

M. Gautrin: Je voudrais revenir brièvement sur le fonctionnement du Conseil supérieur de l'éducation, c'est-à-dire avec le nouveau mandat que vous avez eu suite à, disons, la réorganisation qui s'est faite et la disparition du Conseil des universités et du Conseil des collèges. Il y avait, dans le Conseil des universités, une dimension qui était la recherche universitaire et il y avait une commission de la recherche universitaire qui était incluse à l'intérieur du Conseil des universités.

Est-ce que cette dimension-là, que je n'ai pas vue présente dans votre rapport 1992-1993 — mais j'imagine qu'elle est présente ou pas... Enfin, comment est-elle assumée à l'intérieur des responsabilités du nouveau Conseil supérieur de l'éducation?

M. Bisaillon (Robert): Je dirais, de...

M. Gautrin: Ou est-ce que c'est une responsabilité qui a été transférée au Conseil de la science et de la technologie?

M. Bisaillon (Robert): Non.

M. Gautrin: Je ne pense pas, mais...

M. Bisaillon (Robert): La façon de répondre à cette question-là, c'est de vous dire que — c'est prévu dans la loi, d'ailleurs...

M. Gautrin: Oui.

M. Bisaillon (Robert): ...qui transfère ces responsabilités au Conseil — la commission va s'appeler Commission de l'enseignement et de la recherche universitaires. Alors, c'est très clair, il y a une volonté du législateur, à mon avis, à ce qu'on s'occupe autant de l'un et de l'autre champ de l'activité universitaire, et on a l'intention de le faire.

M. Gautrin: Donc, même le titre, alors, vous allez le changer, parce que vous avez ici la Commission... Ici, c'est la Commission de l'enseignement supérieur que vous avez à l'intérieur de votre...

M. Bisaillon (Robert): Parce que ce rapport-là couvre la période se terminant le 31 mars.

M. Gautrin: Très bien. Très bien. Donc, dans la nouvelle structure, vous allez...

M. Bisaillon (Robert): Oui.

M. Gautrin: ...avoir une commission différente qui va être Commission de l'enseignement...

M. Bisaillon (Robert): ...et de la recherche universitaires.

M. Gautrin: ...et de la recherche. Je vous remercie, ça répond à ma préoccupation. J'avais peur qu'elle disparaisse à l'intérieur de...

M. Bisaillon (Robert): Vous n'êtes pas le seul à avoir eu peur, semble-t-il.

Le Président (M. Gobé): Alors, merci, M. le député de Verdun.

Alors, je demanderai maintenant... Je m'adresserai aux membres de cette commission et je vous demanderai si vous jugez que la consultation est suffisante en ce qui concerne les auditions du Conseil supérieur de l'éducation ou si vous désirez que nous le reconvoquions à une séance ultérieure, et ce devrait être donc précisé en séance de travail par la suite. Mais j'aimerais avoir votre volonté quant à savoir si vous désirez continuer ces auditions.

M. Brassard: Bien, moi, il me semble qu'on pourrait peut-être...

Le Président (M. Gobé): M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: ...laisser les choses en suspens: Peut-être qu'après les fêtes, en janvier, on jugera utile de reprendre nos échanges. Il y aura eu des progrès et une évolution des choses.

Une voix: Ça évolue.

M. Brassard: Ça évolue tellement rapidement, n'est-ce pas?

Le Président (M. Gobé): Bon. Alors, M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: Que ce soit sine die, comme on dit.

Le Président (M. Gobé): Alors, M. le député de Verdun, M. le député de Rimouski, avez-vous des commentaires à faire sur cette question?

M. Gautrin: Sur cette question particulière?

Le Président (M. Gobé): Oui. Ça prend un consensus de la...

M. Gautrin: ...je serais prêt à me rallier à la position du député de Lac-Saint-Jean, personnellement.

Le Président (M. Gobé): Bon. Alors, ceci tient lieu, là aussi, donc, de remarques finales en même temps, et je tiens à remercier les membres du Conseil qui se sont déplacés aujourd'hui, en vous souhaitant une rencontre prochaine à la demande des membres de cette commission.

M. le député de Rimouski, avant d'ajourner...

M. Tremblay (Rimouski): Vous ne m'avez pas demandé mon opinion, mais, moi, je pense qu'on devrait avoir comme...

Le Président (M. Gobé): Bien, elle est très importante. Nous allons l'écouter. (17 h 50)

M. Tremblay (Rimouski): On devrait avoir comme habitude au moins de voir ou d'entendre le Conseil supérieur de l'éducation une couple de fois par année. Ça ne serait vraiment pas mauvais pour la commission de l'éducation, parce que, finalement, nous, on est membres de cette commission, on oeuvre à l'intérieur, mais, vous, vous avez un autre travail de consultation, puis c'est drôlement intéressant pour nous d'être mis en profit là-dedans.

M. Gautrin: Dans le cadre de la loi 198 sur l'imputabilité, nous pouvons...

Une voix: Ha, ha, ha! Ayoye!

M. Gautrin: Absolument. Pouvoir, par l'article...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Gobé): Donc, je vous remercie.

Ceci met fin à nos travaux d'aujourd'hui. Je vais donc ajourner les travaux sine die, car je n'ajourne pas les travaux, et nous nous reverrons donc probablement après les fêtes de fin d'année.

Alors, merci beaucoup. La commission est ajournée sine die, et bon retour à tout le monde.

(Fin de la séance à 17 h 51)

Document(s) associé(s) à la séance