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Version finale

35e législature, 1re session
(29 novembre 1994 au 13 mars 1996)

Le mercredi 31 janvier 1996 - Vol. 34 N° 20

Audition du coprésident de la Commission des états généraux sur l'éducation sur son rapport d'étape


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Table des matières

Organisation des travaux

Exposé du coprésident de la Commission des états généraux sur l'éducation

Remarques finales


Autres intervenants
M. Joseph Facal, président
M. Yvon Charbonneau, président suppléant
M. Henri-François Gautrin
M. François Ouimet
M. Robert Kieffer
M. Yves Beaumier
Mme Hélène Robert
M. Rémy Désilets
Mme Jocelyne Caron
Mme Solange Charest
*Mme Michèle Berthelot, Commission des états généraux sur l'éducation
*Mme Lucie Demers, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Dix heures sept minutes)

Le Président (M. Facal): Bonjour à tous et à toutes. Comme nous avons le quorum, je vous propose de déclarer ouverte cette séance de la commission de l'éducation. Je vous rappelle la raison de celle-ci. Dans le cadre de notre pouvoir d'initiative, la commission s'est donné le mandat d'entendre la Commission des états généraux sur l'éducation à propos de son document rendu public hier et qui s'intitule «Exposé de la situation».

Est-ce qu'il y a des remplacements, M. le secrétaire?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Parent (Sauvé) est remplacé par M. Gautrin (Verdun).


Organisation des travaux

Le Président (M. Facal): Très bien. Merci beaucoup. Alors, donc, nous souhaitons la bienvenue à l'un des deux coprésidents des états généraux, M. Robert Bisaillon, ainsi qu'à la dame qui l'accompagne et qu'il va nous faire le plaisir de nous présenter. Ce que je vous propose comme mode de fonctionnement, c'est que vous nous fassiez une présentation d'une vingtaine de minutes et, après, nous échangerions librement. Des membres de la commission m'ont demandé si, à l'intérieur de votre présentation de 20 minutes, vous pourriez prendre quelques instants pour, avant de camper le contenu même de votre rapport, expliquer la démarche: les étapes, le calendrier, l'organisation des états généraux pour les semaines et les mois qui viennent, pour que tout le monde sache un petit peu comment les prochains mois s'enlignent et, après, vous entrerez dans le fond du document. Et la suite de nos échanges se fera assez librement. Est-ce que ce mode de fonctionnement convient à tout le monde? Alors, la parole est à vous.


Exposé du coprésident de la Commission des états généraux sur l'éducation


M. Robert Bisaillon

M. Bisaillon (Robert): Merci. J'accepte avec plaisir l'invitation que vous nous avez faite de venir vous présenter cet exposé de la situation. Ce forum-ci m'apparaît parfaitement approprié, compte tenu de l'envergure de la démarche, pour tenir une première discussion, un premier débat. Peut-être, on verra.

Je voudrais, d'abord, excuser l'absence de Mme Lucie Demers, la coprésidente, qui devrait se joindre à nous en cours de matinée ou de journée. Je suis accompagné de Mme Michèle Berthelot, qui était responsable des études et des recherches à la Commission des états généraux et qui a assumé la rédaction de ce document, duquel on dit qu'on n'a pas besoin de dictionnaire pour le lire. Je ne sais pas comment il faut prendre ça.

Une voix: Bien.

M. Bisaillon (Robert): Bien. Alors, voilà. Il y a aussi un certain nombre de commissaires qui sont dans la salle, ici. C'est peut-être impoli de me retourner, mais je sais que le secrétaire de la commission, M. Majella St-Pierre, est présent et qu'il y a aussi M. Gary Caldwell. Voilà.

Quant à la démarche, j'apprécie que vous nous demandiez de commencer, peut-être, justement par un rappel de cette démarche, du mandat que nous avions, finalement. La parution, la publication de l'«Exposé de la situation» complète la première de trois étapes qui font partie du mandat, la première étape étant de produire précisément un portrait de la situation de l'éducation au Québec, diagnostique ou enfin, à partir – et c'était ça, la particularité de la première étape – des besoins et attentes exprimés par la population.

(10 h 10)

C'était ça, le mandat que nous avions. Et c'est pour cette raison que nous avons tenu des audiences publiques en région, au printemps dernier; à la fin de l'été, pour les organismes nationaux, de façon particulière pour les communautés culturelles et, au début de l'automne, pour les étudiantes et étudiants. Nous avons donc recueilli 2 000 mémoires et interventions verbales. C'est à la suite de ce matériel-là – c'est important de le dire, je pense – que les commissaires, en se servant de deux éléments, les résultats des études et des recherches sur les sujets qui ont été mis en débat, qui ont été amenés par la population et aussi notre propre jugement, que nous avons reformulé les questions à mettre en débat et que, compte tenu des étapes qui s'en viennent, nous avons carrément posé des questions à la fin de chaque chapitre, chaque thème qui fait l'objet d'un chapitre. Donc, la première étape est terminée.

La deuxième étape nous demandait de tenir des assises régionales sous le mode, je dirais, des sommets socioéconomiques, entre guillemets, parce que, ça, c'est une formule qui peut être élastique, je pense, enfin, dans le but que, en région, les décideurs arrivent à faire un certain nombre de consensus pour l'action. C'était ça, le modèle. Et on avait l'hiver, on a toujours l'hiver, pour procéder à cette opération, et les états généraux doivent se terminer en juin par des assises nationales où, là, avec les représentants des groupes nationaux – donc, c'est vraiment sur invitation – on devrait procéder au même exercice, c'est-à-dire arriver à des consensus, dégager des priorités pour l'action.

Le problème que nous avons eu et que nous avons toujours, c'est un problème de riches. Mais il a fallu y faire face avec des solutions de pauvres. Ça, ce n'est pas grave. On trouvait ça indécent de passer de 2 000 mémoires, ce qui représente beaucoup plus que 2 000 personnes, à 40 décideurs par région, puis de dire aux gens: Merci beaucoup d'être venus nous présenter vos propos, mais maintenant vous viendrez assister à un beau débat entre 40, 50 personnes qui vont dire ce qu'il faut faire. Ça nous apparaissait une insulte pour le monde.

Par ailleurs, on avait entendu deux messages à la première étape, qui déjà nous indiquaient qu'il fallait modifier non pas le mandat, mais la façon de l'exercer à la deuxième étape. La première chose qu'on a entendue en région, c'est: Après 30 ans du système d'éducation, là, est-ce que ça serait possible que vous nous considériez assez compétents pour nous organiser en respectant la culture de notre milieu plutôt que de nous imposer un modèle d'en haut pour tenir les assises? Ça, c'est le premier message qu'on a entendu.

Le deuxième message qu'on a entendu, très clair: L'éducation, ce n'est pas juste une question du monde de l'éducation, mais de l'ensemble des milieux sociaux. Comme près de 30 % des mémoires qui ont été déposés venaient de milieux extérieurs à l'éducation, bien, on s'est dit: Si on veut que le débat soit le plus social possible, pourquoi on ne créerait pas une structure légère – on a appelé ça des comités d'organisation des assises – où seraient représentés des gens de tous les milieux? Et, effectivement, c'est ce qu'on a fait. Il y a 16 comités qui existent présentement, un par région, sur lesquels il y a du monde de l'éducation en majorité, bien sûr, mais il y a aussi du monde du milieu municipal, du milieu économique, du milieu communautaire, de la santé et des services sociaux, de la culture, et ça nous apparaît être une structure plus apte à mobiliser l'ensemble du milieu dans chacune des régions.

Ce que ces gens-là doivent faire pour les assises régionales, ils doivent organiser des activités – c'est commencé d'ailleurs – d'information et de sensibilisation sur le document, bien sûr, mais aussi des forums. Pourquoi des forums? Parce qu'on veut que le débat ne se fasse pas juste entre représentants, mais entre citoyens de différents milieux. Donc, des forums, mais à partir des questions qu'il y a dans le document. C'est seulement l'«Exposé de la situation» qui est au jeu; donc, des forums où des citoyens de différents milieux seraient invités à débattre des questions qu'il y a là-dedans.

Et, à la fin du processus des assises, on maintient le mandat original, c'est-à-dire que ce sera, sur invitation, des représentants de groupes qui viendront à la fois débattre des mêmes questions, mais en prenant connaissance des comptes rendus des forums qui se seront tenus. Bon. Et on espère pouvoir acheminer aussi aux assises nationales les résultats de ces forums régionaux, parce qu'on pense que le matériel qui va... les tendances qui vont s'être dégagées en région devraient être utiles et devraient être prises en considération par les représentants des organismes nationaux aux assises nationales. Mais c'est toujours l'«Exposé de la situation» qui est au jeu. Et nous avons décidé qu'un certain nombre de commissaires parraineraient un certain nombre de régions. Donc, on est affectés chacun à trois ou quatre régions.

Le malentendu qui subsiste depuis le début de la Commission des états généraux, je veux le clarifier ici comme je le fais partout: nous n'avons pas de mandat de recommandations. C'est toute la différence entre les commissions d'enquête comme on les connaît généralement qui se terminent par un rapport avec des recommandations et qui laissent l'espace complètement libre au politique pour dire: Je prends, je ne prends pas, je discrimine, je reporte. Vous voyez le genre, comme la commission d'enquête en Ontario, comme les commissions d'enquête en général. Nous ne sommes pas ce genre de commission. Nous sommes une commission qui était chargée, un, de produire un exposé; deux, de présider des assises en vue de dégager des consensus. Mais il n'était pas prévu de rapport à terme; d'où beaucoup de questions qui nous sont posées évidemment et auxquelles on ne peut pas répondre. Nous, on essaie d'appliquer rigoureusement le mandat.

Sur la démarche, est-ce que c'est assez clair? Je pourrais répondre à des questions tantôt. C'est essentiellement ceci. Mais je suis prêt à répondre à des questions tout de suite, si vous voulez.

Mandat de la Commission


Discussion générale

M. Gautrin: Si on posait les questions sur la démarche maintenant, ça serait peut-être plus rapide.

Le Président (M. Facal): Si c'est une question d'information, oui, mais peut-être ne pas enclencher un débat sur la mécanique alors que le contenu nous importe plus. Mais, si c'est une question de précision brève, oui.

M. Gautrin: Bien...

Le Président (M. Facal): À moins que vous vouliez...

M. Gautrin: Bien, moi, je pense qu'il est important, M. le Président, qu'on puisse vider rapidement les questionnements qu'on peut avoir sur la mécanique, quitte à ce qu'on ait plus de temps après pour ne pas à avoir à entrer dans la mécanique après, pour ne pas mélanger les deux. Je ne prendrai pas trop de temps.

Le Président (M. Facal): O.K.


Montréal et l'approche régionale

M. Gautrin: Dans l'analyse que vous faites, et je comprends, chaque fois qu'on fait une approche régionale, il y a toujours ce problème de Montréal. Montréal, quand vous le faites en approche régionale, vous êtes obligés, bien sûr, de la considérer comme une région. Mais ce n'est pas une région comme les autres; c'est quatre universités, 17 ou 18 cégeps. C'est le seul endroit où vous avez à la fois une commission scolaire catholique, qui est assez volumineuse, et aussi une commission protestante qui est assez importante. Donc, le questionnement que j'ai sur la démarche que vous mettez de l'avant et à laquelle je souscris totalement dans ce qui n'est pas Montréal me pose des questions par rapport à Montréal, parce que, là, vous allez être dans une masse énorme d'informations à traiter sur ce qu'on appelle un plan régional.

M. Bisaillon (Robert): C'est une bonne question. On a eu à la vivre. D'ailleurs, je peux vous en donner les résultats. D'abord, il faut dire que les comités régionaux ont été formés à partir des gens et des organismes qui étaient venus déposer des mémoires. Or, lors des réunions de formation des comités régionaux, on a eu la présence, en moyenne, de 60 % des gens ou organismes qui avaient déposé des mémoires. Je n'avais jamais vu ça. Il y a un intérêt certain. Il y avait 200 personnes à Montréal.

C'est plus compliqué de former un comité aussi à Montréal parce qu'il faut qu'il reflète à peu près ce que vous avez dit: tous les ordres d'enseignement des milieux, catholique et protestant ou, pour parler plus clairement, francophone et anglophone; les communautés culturelles; le privé et le public; les étudiants; l'ensemble des secteurs de la société, ce qui fait qu'au lieu d'un comité de 15 personnes, c'est un comité de 23 personnes qui a été formé.

Deuxième question, qu'est-ce que c'est une région dans Montréal? Parce que c'est vrai que ce n'est pas une région comme les autres. Mais toutes les régions nous disent aussi ne pas être des régions comme les autres. N'allez pas dire au Saguenay–Lac-Saint-Jean qu'il y a des sous-régions là, vous allez vous faire dire qu'il y a deux régions: il y en a une qui est le Saguenay, puis il y en a une qui est le Lac-Saint-Jean. Puis, c'est partout pareil. Je suis parrain de l'Estrie et de la Montérégie, il n'y a pas de sous-régions là; il y a sept MRC à une place, c'est sept régions.

À Montréal, «c'est-u» le nord, le sud, l'est, l'ouest? On a laissé au comité le soin de nous faire des propositions quant à la façon de découper non pas les thématiques, mais les régions. C'est sûr qu'il y a moins de contraintes en tenant un forum multimilieux et multiagents dans le centre-ville. Il y a moins de contraintes pour les gens de l'est et de l'ouest d'y venir que si je tiens un forum à Carleton pour les gens des Îles-de-la-Madeleine, puis de la Gaspésie, là. Alors, donc, la question géographique semble moins importante dans la mesure où les gens de tous les milieux sont représentés sur le comité. Mais, là-dessus, on laisse beaucoup de latitude au comité d'organisation.

(10 h 20)

M. Gautrin: Je peux poursuivre. Néanmoins, il y a quand même une question de volume, hein?

M. Bisaillon (Robert): Pardon?

M. Gautrin: Il y a une question de volume et de population. Vous êtes conscient que, même si je comprends qu'il y a des sous-régions au Saguenay, quand même, en termes de quantité de population et de personnes couvertes, la région de Montréal a un volume qui est totalement non comparable avec les autres régions.

M. Bisaillon (Robert): Oui. Ce qui veut dire qu'il faudra peut-être qu'il y ait plus qu'un forum, qu'il y ait plusieurs forums. Et, là-dessus, le comité de Montréal se réunit jeudi soir. J'assiste à cette réunion-là, et ils vont commencer à bâtir leur plan d'action, qui doit être adopté d'ailleurs par la Commission puisque ça n'existe pas, des comités régionaux, dans notre mandat. C'est une extension de notre mandat. On ne peut pas leur faire faire notre job. C'est pour ça que c'est des comités d'organisation seulement; ils ne jouent pas dans le contenu. Alors, ils vont trouver une solution originale, j'imagine, adaptée. Enfin, je l'espère.

M. Gautrin: En tout cas, j'attire votre attention sur cette problématique qui, à mon sens, est différente des autres régions.

M. Bisaillon (Robert): Oui. C'est bon.

Le Président (M. Facal): M. le député de Marquette.


Rôle des assises régionales

M. Ouimet: Merci. J'aimerais savoir, après les assises régionales, qu'est-ce qui sera dirigé vers les assises nationales? Est-ce que c'est l'«Exposé de la situation» ou est-ce qu'il va y avoir un document, qui va refléter les consensus obtenus en région, qui, lui, par la suite, ferait l'objet de discussions au niveau des assises nationales?

M. Bisaillon (Robert): Le document de base, c'est dans le mandat, c'est l'«Exposé de la situation». Notre réflexion, aux commissaires, c'est que, néanmoins, on ne peut pas faire fi de ce qui va s'être dégagé en région sur l'«Exposé de la situation». Il serait tout à fait normal que les groupes nationaux en prennent connaissance et ils jugeront dans quelle mesure ils prennent en considération les tendances au moins qui se sont dégagées dans les régions. Mais ça n'aura pas un pouvoir contraignant pour les organismes nationaux. Je dirais que ça va être un peu une modélisation ou des nuances qui vont peut-être dépendre des régions sur des positions qu'auraient les organismes nationaux. C'est comme ça qu'on voit ça. Mais on se dit: On ne peut pas faire travailler les régions pour rien non plus.

Ce qui pourrait changer cependant – et, moi, j'ai déjà vu un peu ce changement-là – c'est que, quand on met ensemble huit milieux autour de l'éducation en région, on se rend compte que, dans certains cas, c'est la première fois que ces gens-là se parlent. J'irai plus loin: dans certains cas, c'est la première fois que les gens de différents ordres d'enseignement se parlent en région. Bon. Je ne commente pas, je ne qualifie pas; je constate. Un des effets désirés, je dirais, de cette mise en réseau des gens, c'est qu'ils continuent à travailler ensemble ensuite et, peut-être, sur des questions, qu'ils se donnent des mécanismes régionaux et qu'ils aient des solutions par eux-mêmes en région de façon différente d'une région à l'autre. Alors, ça, ça nous apparaît souhaitable, mais c'est un long processus. Déjà, si on mettait la première pierre de ce processus-là, ça correspondrait à ce qu'ils appellent, eux, le désir de prise en main et de décentralisation. Il y aurait des choses, nous semble-t-il, qu'ils pourraient faire.

On a tracé le portrait de chacune des régions au début des audiences et on le leur a reflété. Il y a des régions qui ont découvert, par exemple, qu'elles avaient le plus haut taux de suicide chez les jeunes au Québec, la région de Chaudière-Appalaches–Beauce. I ls n'ont pas besoin d'une politique nationale contre le suicide; ils pourraient commencer à faire des choses, tous les milieux ensemble, dans cette région-là. Dans chacune des régions, il y a des particularités comme ça où ils pourraient déjà commencer à travailler ensemble, indépendamment des conclusions sur la réforme du système. Alors, c'est ce genre de choses là, aussi. Bon, il y a beaucoup de critiques sur la carte des enseignements en Gaspésie. Ils pourraient faire des choses en région là-dessus sans attendre la grande réforme nationale. Et on veut créer aussi cette dynamique-là qui nous apparaît importante.

Le Président (M. Facal): M. le député de Groulx.

M. Kieffer: M. Bisaillon, j'aimerais que vous précisiez, là, parce que vous avez dit que les comités organisateurs en région, c'est comme ça que vous les appelez...

M. Bisaillon (Robert): Oui.

M. Kieffer: ...ne se mêleront pas du contenu.

M. Bisaillon (Robert): Non, du tout.

M. Kieffer: Alors, ils ne font que créer l'environnement propice à la discussion.

M. Bisaillon (Robert): Oui.

M. Kieffer: Vous me dites par la suite qu'il y aura – bon, est-ce que ça va prendre la forme d'un rapport? – la transmission des réflexions. C'est là-dessus que j'aimerais que vous précisiez. Si le comité organisateur ne se mêle pas de contenu, ne serait-ce que pour rédiger les réflexions, les recommandations ou autres qui auront lieu en région, qui va le faire?

M. Bisaillon (Robert): La Commission.

M. Kieffer: C'est qui, la Commission? Ça, c'est celui de la Commission qui siège en région? C'est ça?

M. Bisaillon (Robert): Oui.

M. Kieffer: Donc, il y aurait seulement une personne qui va écouter ces gens-là?

M. Bisaillon (Robert): Notre mandat nous impose de présider la conférence de clôture des assises régionales. Et nous allons avoir un instrument commun de cueillette des réponses sur les questions que vous avez dans le document, d'une région à l'autre.

M. Kieffer: O.K. Donc, ce sera la personne de la Commission à qui on a attitré telle région...

M. Bisaillon (Robert): Voilà.

M. Kieffer: ...qui aura la responsabilité de rédiger, etc., et de remettre à la Commission les réflexions, recommandations et autres.

M. Bisaillon (Robert): Tout à fait. Et, en principe, toutes les assises régionales devraient être présidées par un ou l'autre des coprésidents.

M. Kieffer: C'est beau.

Le Président (M. Facal): M. le député de Marquette.


Assainissement des finances publiques

M. Ouimet: Merci. Au niveau des assises nationales, pourriez-vous préciser quels seront les organismes nationaux qui seront autour de la table? Est-ce que la ministre de l'Éducation y sera? Dans un deuxième temps, comment réagissez-vous par rapport à la nouvelle étape qui vient d'être ajoutée par le premier ministre, M. Bouchard, dans sa déclaration de lundi, où il disait: Les conclusions des états généraux feront l'objet, par la suite, de débats plus larges au niveau du sommet économique, à l'automne? Avez-vous des craintes par rapport à ça? Parce que les conclusions seront débattues dans le contexte de l'assainissement des finances publiques. J'aimerais beaucoup vous entendre là-dessus.

M. Bisaillon (Robert): Jusqu'à aujourd'hui – aujourd'hui pouvant être la fin de semaine – le ministre devait être présent aux assises nationales comme un des participants, selon le modèle, plus ou moins, qu'on a vu au sommet sur les nouvelles technologies, avec des invitations à peu près de même nature. Mais, très honnêtement, on n'a pas eu cinq minutes pour s'asseoir et regarder ça. Mais le scénario, c'était les groupes nationaux, évidemment. Est-ce que ça aurait été découpé selon les thèmes abordés? Je n'en ai aucune idée. Mais c'était sûrement une affaire de 500 à 800 personnes, à l'oeil, quand on fait le tour des organismes nationaux qui ont intérêt à l'éducation soit parce qu'ils sont venus s'exprimer, soit parce qu'ils sont concernés par les débats. C'est gros, en éducation.

Ce que, moi, j'ai compris, mais sous réserve de rencontrer la nouvelle ministre et sous réserve que le mandat soit modifié ou laissé en l'état, c'est qu'il y a comme un rendez-vous, en septembre ou octobre, en automne – c'est ça – où on conclurait – enfin, c'est ce que je comprends – un exercice qui aurait commencé ce printemps, au mois de mars, et on le conclurait en identifiant les décisions à prendre dans différents secteurs de la société dans le cadre des finances publiques. C'est ça que j'ai compris, mais je n'ai parlé à personne.

Alors, là, il y a la conjoncture suivante qui s'ouvre. Et, moi, je vous dis très honnêtement, très franchement que ça n'a pas fait l'objet de débats, même à la Commission. Alors, je patine sur une glace très mince. Mais, comme ça ne sera pas retenu contre moi, parce qu'on m'a demandé de jaser tout haut – c'est ça, là – il y a deux façons d'aborder la question des finances publiques versus la réforme de l'éducation. La première, c'est de dire: On détermine le niveau de financement et, ceci étant connu, les gens s'organisent en fonction de l'assiette nouvelle. La deuxième, c'est: On fait un débat sur les priorités importantes en éducation, dans le cadre des états généraux, et on en tient compte dans les décisions budgétaires qu'on prend. Je ne vous cacherai pas que je serais plutôt mal placé pour ne pas privilégier la deuxième façon. Et je pense que, si c'était la première façon, on servirait plutôt de garde-boue, la Commission, que d'autre chose. Les gens ne seraient pas contents.

On a posé la question des finances publiques dans l'avant-propos de façon très claire. Je pense qu'on ne s'est pas caché qu'il y a des difficultés, qu'il y aura des choses à décider. On a mis au jeu, je pense, dans le document, un certain nombre de grandes questions qui ont des incidences budgétaires importantes. Mais, moi, je préférerais qu'on puisse faire le débat avant. Donc, c'est sûr que ça pourrait converger au même moment, l'exercice qu'on doit faire, les assises nationales, et ça, si on modifiait le mandat ou si on l'influençait dans le sens soit qu'on fasse des recommandations, parce qu'on n'a pas ce pouvoir-là présentement, qu'on mette au jeu des choses, soit que le gouvernement lui-même en mettrait au jeu, en éducation, pour les assises. Voyez-vous, ce bout-là, on ne le contrôle pas. On ne le contrôle pas du tout.

Alors, dans le fond, ce qu'il reste à décider pour le gouvernement, compte tenu de ce qu'il annonce pour l'automne, c'est ce qu'il fait avec les assises nationales. Est-ce qu'il laisse notre mandat dans l'état où il est présentement en sachant que notre mandat a une durée limitée, c'est le 30 juin? C'est tout ça. Mais ce n'est pas nous qui pouvons décider.


Rôle des assises nationales

M. Ouimet: Vous me permettez, M. le Président. Ce n'est pas clair pour moi, ce qui va sortir des assises nationales. Lorsque vous dites: On n'a pas un pouvoir de faire des recommandations et puis, par la suite, le palier politique serait libre de choisir parmi les recommandations qu'on lui ferait, comme c'est le cas dans des commissions d'enquête, pourriez-vous expliciter davantage, là?

M. Bisaillon (Robert): Je vais prendre un seul exemple très simple. Je vais prendre, par contraste, la commission royale d'enquête sur l'éducation en Ontario et ce qu'on fait. O.K. En Ontario, ils ont fait des recommandations très précises sur les services à la petite enfance, un long passage et des recommandations. Le gouvernement ayant reçu le rapport en a disposé d'une façon x. Les gouvernements, je dirais, en ont disposé. Le gouvernement qui était au pouvoir a dit, dès la réception du rapport, que cette question-là était gelée et le gouvernement qui a suivi, si j'ai bien compris, a dit que c'était même congelé. Donc, l'espace politique en a disposé.

(10 h 30)

Nous, on soumet là-dedans, suite à la consultation, qu'il y a un problème très important, au Québec, de services à la petite enfance. Les gens vont en débattre, ils vont conclure, même au niveau national dans des assises, non seulement qu'il y a un problème de la petite enfance, mais que la façon de le régler, c'est x ou y: soit en augmentant le temps préscolaire, soit en augmentant le temps de garderie, soit en harmonisant mieux les services en garderie, les services en CLSC, les services scolaires. Vous voyez le genre de choses, là. Le ministre, s'il est là, va participer à ce consensus ou non. Mais, moi, ce que je comprends, c'est que ma job, c'est de présider cet exercice-là à la fin, c'est tout.

M. Ouimet: Mais qui fait le consensus alors, à ce moment-là?

M. Bisaillon (Robert): Les gens entre eux et la ministre. C'est ça qui est prévu dans le plan, comme ça s'est fait sur les nouvelles technologies. C'est l'exemple type, de façon infiniment plus réduite, parce qu'il s'agissait d'un sujet, alors que, là, il s'agit de l'ensemble du système.

M. Gautrin: Et où les consensus étaient plus faciles.

M. Bisaillon (Robert): Pardon?

M. Gautrin: Et où les consensus étaient peut-être plus faciles à établir.

M. Bisaillon (Robert): Là-dessus, je n'ai pas de commentaires.

Le Président (M. Facal): Je vous propose de tourner la page et de commencer à nous entretenir du contenu même du document.


Contenu de l'«Exposé de la situation»

M. Bisaillon (Robert): Bon, si on veut tenir ça en 20 minutes, et je comprends très bien, vous poserez les questions et on pourra le prendre chapitre par chapitre, si vous voulez, après. D'abord, l'«Exposé» dégage les lignes de force de cet ensemble de mémoires que nous avons reçus, et on a essayé de faire deux choses: d'abord, on avait une espèce de devoir de fidélité non pas pour que chaque personne reconnaisse ce qu'elle avait dit, mais pour que tout le monde se reconnaisse dans ce qu'on dirait qu'il avait dit. Donc, on avait une espèce de devoir de fidélité, mais pas à la manière d'un magnétophone; on a refusé de faire la boîte vocale, le courrier.

Une voix: Du verbatim.

M. Bisaillon (Robert): Ce n'est surtout pas du verbatim. On a pensé qu'on avait une obligation de clarifier les enjeux, de mettre en ordre le matériel et de clarifier les enjeux, de sorte que ce qu'on livre dans l'«Exposé», c'est l'analyse propre que la Commission fait des différents éléments portés à son attention. On a reconstitué cette analyse-là, je l'ai dit tantôt, à la fois à partir des études et recherches sur le sujet et de nos propres délibérations. C'est pour ça que vous verrez que les questions mises en débat sont de nature variable selon les chapitres. Bon. On est allés plus loin sur des choses et moins loin sur d'autres. Voilà. Et, à la fin, à cause de la deuxième partie du mandat dont je viens de parler, il y a des questions qui sont formulées sur chacun des 10 thèmes, parce que ça devient un document d'animation, si on veut. Bon.

Essentiellement, ce que les membres de la Commission font là-dedans, c'est un appel à une espèce de ressaisissement de l'ensemble de la société et du secteur de l'éducation pour améliorer l'éducation sur un certain nombre de questions. Et, quand on parle de ressaisissement, l'avant-propos dit très bien pourquoi: il y a du mou qui s'est pris dans le système, il y a de l'approximation – c'est un peu normal – des lézardes qui se sont créées après un certain nombre d'années. On dit même qu'il y a des passions qui se sont émoussées, il y a des comportements qui se sont fossilisés, tout ce que vous voudrez. Après 30 ans de système, on pense qu'il faut se ressaisir sur un certain nombre de questions.

Et la première des questions sur lesquelles on pense que nous devons nous ressaisir comme société, c'est qu'il faut remettre l'école sur ses rails en matière d'égalité des chances, parce qu'on attend de l'école non seulement qu'elle ne contribue pas à aggraver la fracture sociale qui existe déjà, mais qu'elle fasse sa part au moins pour faire reculer l'exclusion sociale. Or, il y a beaucoup de jeunes qui sont exclus sur le plan scolaire. Vous avez – comment dire – beaucoup d'éléments de réalité qui sont décrits, mais, pour nous, remettre l'école sur ses rails en matière d'égalité des chances, ça veut dire développer des services à la petite enfance. Il nous apparaît que, par rapport à d'autres sociétés et par rapport à la situation réelle de certains enfants au Québec, il y a là déjà des déterminants qui sont presque des déterminismes pour certains jeunes.

J'ai déjà eu l'occasion, il n'y a pas un an, ici, d'en parler à ce même forum. Il y a des jeunes qui arrivent en première année avec des écarts de deux ans sur le plan de la motricité fine: attacher ses lacets, par exemple, dessiner, et du langage. Quand on connaît l'importance du langage à cet âge-là pour l'apprentissage de la lecture, de l'écriture, on voit bien que ces deux ans de retard, d'écart entre des enfants, deviennent vite des trois, quatre ans dès la deuxième ou troisième année.

Or, au Québec, le redoublement au primaire coûte 450 000 000 $. Bon. Je veux bien croire que, là-dedans, il y a à peu près 200 000 000 $, 250 000 000 $ de redoublement pour des enfants qui sont en difficulté d'apprentissage quelquefois grave, mais mettons qu'on exclurait ce montant d'argent, il reste un 200 000 000 $ qui est de la pure perte, entre guillemets, dans la mesure où, s'il était investi en services à la petite enfance, on éviterait peut-être ces dédoublements plus tard, mais enfin! C'est un débat qu'on lance, mais c'est une constatation qu'on fait.

Deuxièmement, on sait très bien que, depuis 10, 15 ans, la gratuité scolaire est plus un objectif qu'une réalité, même pour des parents du primaire et du secondaire. Je ne sais pas s'il y en a qui ont des enfants de cet âge-là ici. Si vous en avez trois, la gratuité scolaire a un prix, dès le primaire. Il y a même des jeunes qui sont venus nous dire que, dans leurs écoles, ils doivent payer pour faire des activités parascolaires. Bon, vous voyez le genre, là. Il y a donc des enfants qui sont exclus d'un certain nombre d'apprentissages éducatifs proposés à l'école sur la base de leur situation financière.

On sait très bien aussi que le décrochage est une réalité épouvantable au Québec. On a essayé, cependant, de ne pas en faire un discours incantatoire, mais d'en prendre la mesure exacte pour à la fois arrêter de se faire peur inutilement, mais bien circonscrire la situation du décrochage de façon à ce que les cibles soient plus identifiées et qu'on ait des interventions plus adaptées plutôt que des discours généraux. Bon. Il y a un certain nombre de réalités qu'on a découvertes, qui nous montrent qu'il y a des types de décrocheurs pour lesquels on ne fait pas des choses qu'on pourrait faire. Dans la mesure où on va très bien particulariser ces groupes-là, on va pouvoir intervenir correctement. Bon. Mais il y a des choses qui se font au Québec, dans beaucoup de commissions scolaires d'ailleurs, à cet égard-là.

Et remettre l'école sur ses rails en matière d'égalité des chances, c'est aussi tenir compte des besoins de catégories particulières d'élèves: on pense aux élèves des communautés culturelles. Je pense particulièrement à ceux qui arrivent sous-scolarisés de leur pays d'origine et qui ont 12, 14 ans; c'est une situation particulière. Les communautés culturelles ne sont pas un bloc monolithique. Il y a, là-dedans, des élèves qui performent au-delà de la moyenne québécoise et il y en a d'autres, d'immigration plus récente dans certains cas, qui ont des problèmes d'analphabétisme. Bon.

Les élèves des milieux défavorisés ne sont pas dans la même situation que les élèves des milieux favorisés eu égard à l'égalité des chances et des élèves qui éprouvent des difficultés d'adaptation et d'apprentissage. Et, enfin, nous semble-t-il, si on veut parler d'égalité des chances, il faut parler de l'école publique de Montréal qui, d'après nous, est une école de plus en plus dévastée et que nous croyons devoir assimiler à une zone d'éducation particulière, si on veut choisir l'acronyme ZEP. Ça ne nous apparaît pas de même nature, la concentration de problèmes dans certains quartiers et certaines écoles de Montréal, que nulle part ailleurs sur le territoire. Et ça, à l'occasion de presque chaque chapitre, on y a fait référence.

(10 h 40)

J'ai dit hier que l'école du Québec, quant à son avenir, est déjà, de façon exemplaire, représentée par l'école montréalaise et que ce n'est pas, à ce point de vue, une école comme les autres, l'école montréalaise. C'est une école plus en difficulté que les autres, pour plusieurs raisons qu'on n'a pas le temps de discuter ici, mais qui sont faciles à comprendre. L'exode vers les banlieues constitue une mobilité sociale accessible à ceux qui sont plus favorisés. Le tissu social de Montréal, le tissu des familles de Montréal est composé, dans ces milieux-là, de beaucoup plus de familles monoparentales, en moyenne, que dans les autres familles, avec des femmes chefs de famille dans des quartiers beaucoup plus pauvres. La violence est généralement présente plus dans ces quartiers-là, le taxage à la sortie des écoles, bon, des choses que vous connaissez autant que moi, mais auxquelles on n'accorde jamais un traitement particulier, ce qui fait un cocktail explosif, je pense qu'il faut le dire comme ça.

Et, quand 25 % de la clientèle de l'école publique, par insatisfaction de l'offre de service, s'en va à l'école privée, on retrouve une école publique montréalaise que, moi, je qualifierais presque d'exsangue, au bout de son sang: il n'y a plus de masse critique pour pouvoir encore dire qu'on réalise la mission d'instruction et de socialisation des enfants. Alors, c'est un problème particulier; on espère que ça va être pris en compte.

En ce qui a trait au curriculum d'études – je passe très rapidement, vous comprendrez – il nous apparaît que, particulièrement au secondaire, il y a un ménage à faire dans la grille-matières qui s'est construite par étages, par sédimentation – un problème, un cours, un problème, un cours – et où, finalement, on a perdu de vue l'essentiel par rapport à l'accessoire. Il y a encore des gens qui sont venus me demander, aux audiences, d'apprendre aux jeunes du primaire, d'apprendre à l'école le fonctionnement d'un four micro-ondes parce que les enfants, étant seuls à 16 heures, doivent se faire à manger de façon autonome. Mais il y a toujours un maudit bout si les parents ne sont pas capables de prendre sur eux cet apprentissage-là!

Vous voyez ce genre de dérive, d'empilade – et c'est des gens qui nous demandent ça très sérieusement, là – sur la mission de l'école, ce qui fait qu'elle finit par oublier ce qu'elle doit faire en propre, puis que personne d'autre ne va faire: l'instruction. Bien, elle le fait en plus, au travers de... Bon. Alors, il y a un ménage à faire et, nous, on pense que le ménage doit se faire en identifiant ce qu'on appelle les disciplines, les matières susceptibles de servir de fondement à un rehaussement du niveau culturel des apprentissages, parce qu'il y a un problème de niveau culturel des apprentissages, particulièrement au secondaire, qui est un noyau faible du système, en gros, là, par rapport aux autres.

Et, au-delà de ce ménage à faire en formation générale, on pense – et on en a fait l'objet d'un chapitre précis – qu'il faut réhabiliter la formation professionnelle et technique comme une voie normale de scolarisation et non plus comme une voie accidentelle, exceptionnelle ou marginale. Or, ce n'est pas dans la tradition québécoise ou ça ne l'est plus. Mais, enfin, pour les jeunes, il n'y a comme pas d'avenir en formation professionnelle, parce que ce n'est pas considéré comme une voie normale de scolarisation, un, et ce n'est pas considéré comme une voie qui débouche. On n'a pas compris, au Québec, qu'on pourrait, à partir de la formation professionnelle au secondaire, faire de la formation technique.

C'est déjà mieux compris entre le collégial et l'universitaire, puisqu'il y a 20 % des finissants avec un D.E.C. technique qui vont à l'université. Mais là où le bât blesse, c'est au secondaire. Il s'établit une culture de méfiance par rapport à la formation professionnelle, les parents mêmes pensant que leur enfant, qui choisirait d'aller là, serait défavorisé par rapport à d'autres enfants. Alors, vous voyez comment on est dans le trouble par rapport à ça. Ce qui fait qu'au lieu de tenir des discours sur la valorisation, des campagnes qui coûtent très cher, qui sont peut-être très nobles, on pense que, le jour où le jeune va comprendre que c'est une filière qui peut l'amener à une compétence, à une qualification, mais qu'il ne sera jamais plafonné, qu'il pourra continuer dans le système jusqu'à l'université, il va considérer ça comme aussi valable, intelligent, noble que la formation générale. Bon.

Troisième gros bloc dans cet «Exposé de la situation»: le renouvellement de la pédagogie. On a entendu beaucoup de jeunes. Ça a été très rafraîchissant. Les jeunes n'expriment pas les choses comme les adultes, mais comme ils les vivent, et c'est bien correct comme ça. Mais, je dirais, de haut en bas du système, de bas en haut, à tous les ordres d'enseignement, c'est une demande extrêmement pressante. Et on dit de façon un peu ironique dans le document que, si beaucoup de profs sont des partisans d'approches pédagogiques modernes et diversifiées, il y en a qui ne sont pas au courant...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bisaillon (Robert): ...d'après ce que les étudiants nous disent. Et, donc, il faut être clair. Il y a un renouvellement attendu de la pédagogie. Je pense que je ne parle pas dans le désert ici en rappelant que, quand les élèves veulent des cours plus captivants, qui piquent leur curiosité et surtout qui sollicitent leur participation, c'est qu'ils ne sont pas nécessairement d'accord avec la culture de consommation dans l'école, des consommateurs de savoir. Ils aimeraient être plus producteurs, être plus en projet d'apprentissage. Évidemment, ils nous disent aussi: On veut une formation qui déborde les quatre murs de la classe, un milieu de vie stimulant. On aimerait ça apprendre à vivre des choses dans l'école comme étant notre société à nous aussi, et il y a des valeurs qui s'apprennent mieux en les vivant qu'en écoutant un prof en parler. Et c'est particulièrement vrai de l'éducation civique.

On a constaté – c'est même une expérience porteuse, parce que vous avez vu qu'on a émaillé chacun des chapitres d'expériences qui se font au Québec, qui montrent un petit peu non pas comme des idéaux, mais comme des réalités – qu'il y a une école, dans la région de Magog ou de Sherbrooke, en tout cas, qui a mis en exercice la démocratie scolaire. Les jeunes participent aux décisions et ils apprennent là un tas de choses qui feraient qu'ils pourraient même se dispenser de cours relativement à ça, parce qu'ils peuvent le vivre. Bon.

Quatrième chose dont je suis particulièrement fier: on a un chapitre entier sur la formation continue, parce que la culture de la formation continue n'est pas vraiment inscrite dans les moeurs au Québec. On sait très bien qu'on limite ça souvent, l'éducation, à la formation initiale et on pense qu'après ça, si tu manques ton coup la première fois, c'est la deuxième chance. Ce n'est pas ça, la formation continue. La formation continue, c'est l'obligation, à partir d'aujourd'hui, pour tout adulte de se former. Que ça soit du perfectionnement, du recyclage, de l'enrichissement personnel, ça fait maintenant partie, je dirais, des modes d'insertion sociale et de participation à la société.

Donc, au lieu de saupoudrer dans chaque chapitre quelques petits commentaires sur l'éducation des adultes ou de dire: Tout ce qu'on dit pour les jeunes, bis pour l'éducation des adultes, on a pensé qu'il fallait faire un chapitre sur la formation continue en ciblant des catégories de besoins. On a parlé d'alphabétisation chez les moins de 30 ans en particulier; on a parlé des certificats universitaires qui posent problème; on a parlé de la formation en lien avec l'emploi; puis l'autre groupe, je l'ai oublié.

Mme Berthelot (Michèle): Il y a aussi la question des services d'accueil et de référence...

M. Bisaillon (Robert): Oui.

Mme Berthelot (Michèle): ...la reconnaissance d'acquis...

M. Bisaillon (Robert): Voilà.

Mme Berthelot (Michèle): ...et la formation à distance.

M. Bisaillon (Robert): Oui. S'il y avait un vrai système de formation continue qui était branché sur les besoins des adultes plutôt que mal copié sur ceux des jeunes... Et on se pose la question très sérieusement sur l'effet pervers qu'a eu, dans l'histoire récente du Québec, le fait de dire à des jeunes: L'année de tes 16 ans, presque en même temps que ton permis de conduire, tu as le droit de devenir un adulte sur le plan scolaire. Et ça, ça a produit comme effet que beaucoup de jeunes ont pensé que ça serait plus facile aux adultes. Ils y vont, ils sont désillusionnés, ils décrochent, ils ne diplôment pas plus ou peu, mais pas assez, en tout cas, pour justifier ce type de législation. Et on pense que ça pervertit, ça dénature les services aux adultes. Il faut tirer une ligne. Il nous semble que, les 16-18, ça peut être une situation particulière, mais c'est de l'éducation de base; ce n'est pas de l'éducation des adultes. Là-dessus, on va plutôt loin, mais, enfin, on soumet ça en débat.

Et la cinquième... Il y en a sept, je vais m'arrêter à sept. La cinquième grande ligne, je pense: l'urgence, qu'on n'a pas inventée, mais que les gens nous ont rappelée, de redonner à tous les acteurs sociaux et scolaires – j'insiste sociaux et scolaires – la responsabilité qui leur incombe en matière d'éducation. C'est, bien sûr, l'école et tous ses acteurs, mais c'est aussi les milieux qui gravitent autour de l'école, que ce soit la famille, les églises, le milieu économique, la santé et les services sociaux, etc.

(10 h 50)

Bon. Tout le monde se cherche une place à la mesure de ses compétences et de son désir d'engagement. Ce qui nous paraît clair, au-delà de tous les propos spécifiques entendus, c'est la demande de ce qu'on appelle, nous, un virage migratoire, donc, pas juste un petit tournant, mais un virage migratoire de la pyramide, du sommet de la pyramide vers la base, du MEQ vers les établissements scolaires. Bien sûr, cela ne pourra se faire sans un réajustement des structures scolaires actuelles; d'où les scénarios de changement qu'on met au jeu, qui remettent en question ou en débat, c'est selon, toute la question des commissions scolaires, au sujet de laquelle nous avons moins compris qu'elles devaient disparaître que se transformer. Mais il ne devrait pas s'agir d'une transformation cosmétique, si elles avaient à se transformer, mais vraiment d'une transformation qui accrédite que les écoles sont maintenant des lieux de décision plus importants, parce que ce sont les lieux d'action les plus importants en matière pédagogique. Or, les résultats de la recherche dans le monde démontrent bien que les variables les plus déterminantes de la réussite scolaire, c'est celles qui sont au niveau des établissements. C'est là que ça se passe.

Et, à notre grande surprise – et, moi, je dirais, à ma grande satisfaction personnelle, si je peux me permettre de faire un commentaire – on a partout, de façon unanime presque, rappelé la mission de l'État en matière d'éducation. On ne veut pas d'une école à la carte, d'une éducation à la carte; on veut que les programmes soient nationaux, que les finalités de l'éducation soient sous la responsabilité de l'État, que l'équité des ressources soit encore garantie par l'État. Là où il y a, je dirais, de la discussion, c'est sur la structure entre l'État et les écoles; c'est là que le débat doit se faire. Bon.

Regardez, il y a un certain nombre de scénarios. On en connaît, au Québec. Il n'y a pas grand monde qui nous a dit: Confiez ça aux municipalités. Très peu, très honnêtement. Mais il y a des gens qui regardent ça et disent: Est-ce qu'on doit laisser les écoles seules devant le ministère tout-puissant, même s'il était moins puissant? Qu'est-ce que ça prend entre les deux? Et là, quand tu regardes les scénarios, tu peux dire: Il y a des instances décentralisées qui exercent vraiment des pouvoirs à la place du ministère, donc, des pouvoirs que n'exercerait plus le ministère, genre MRC, genre...

Il y a des structures déconcentrées, des régies, qui exercent les pouvoirs du ministère, mais en région. Il y a toute la gamme des possibilités. Mais une chose est claire, c'est que, si les commissions scolaires disparaissaient au profit des écoles, il faudrait, sur le plan démocratique, transférer au niveau des écoles le suffrage universel. Parce qu'il nous apparaît que l'école ne peut pas être que l'extension des parents, mais une affaire de citoyens. Vous voyez le genre de débat? Bon.

Je dirais que la Commission, ce sur quoi elle a fait son lit, c'est: oui, plus de pouvoir dans l'école. Ça, c'est très clair. Jusqu'où ça va aller? Est-ce que les écoles devraient se donner des coopératives de services en lieu et place des commissions scolaires? Est-ce que ça pourrait aller jusqu'à des mandats de représentation? Ça, là, on lance le débat. On pense qu'il doit se faire, et il n'y a pas de gêne à le faire, on est rendus là.

Sixième chose. Les façons de faire – je vais parler surtout d'enseignement supérieur – pour coordonner l'offre de programmes entre les établissements et entre les ordres d'enseignement doivent évoluer et dans deux directions. Le collégial, nous apparaît-il, se trompe et compromet son avenir en cherchant une autonomie qui n'a aucun rapport avec la réalité. Le collégial est un ordre, certains disent coincé, d'autres disent en relation avec deux ordres: le secondaire et l'universitaire. Il nous semble que la seule façon pour le collégial de justifier son existence, c'est de situer son niveau culturel propre et de concevoir les formations qu'il donne dans un continuum avec l'université de cinq ans. Ça va loin, ça.

Et on espère que ce n'est pas juste un discours. Si c'est de l'enseignement supérieur, il faut que ça s'inscrive dans un continuum de cinq ans avec les universités, quitte à ce que, dans certaines régions, on déconstipe – excusez l'expression – l'offre de service. Il y a plusieurs scénarios; ce n'est pas ça que je mets au jeu, mais je veux visualiser ce que je dis. On pourrait, par hypothèse, même donner aux collèges la première année du bac, d'un bac universitaire, là où il y a des équipements, des infrastructures. Vous voyez le genre de choses? Mais, l'idée, c'est que, si tu n'inscris pas le collégial, en termes d'enseignement supérieur, dans un continuum de cinq ans, donc, des programmes faits conjointement – vous voyez la révolution, là – entre universités et collèges, si on ne fait pas ça, il n'y a plus beaucoup de justification à ce qu'il existe un ordre collégial. Bon.

Et là, bien sûr, on a entendu toutes les hypothèses: faire sauter le cégep; un an de plus au secondaire; un an de plus à l'université. Ça ne repose sur rien, d'après nous. En tout cas, les arguments qu'on a entendus n'allaient pas dans le sens de justifier une affaire comme ça, parce qu'il n'y avait pas de contenu en dessous de ça. Autrement dit, ce n'est pas parce que tu as peur que ta clientèle diminue que ça justifie que tu ajoutes une année. Je ne veux pas être méchant, là. Et ce n'est pas parce que ton mode de financement, c'est par tête de pipe, ce qui est le cas de l'université, que tu peux être justifié d'aller chercher l'autre année. Bon. Il y a des élèves là-dedans, là. Or, on a déconcentré sur le territoire l'offre de formation supérieure en créant les cégeps; c'est dans cette ligne-là qu'il nous apparaît y avoir de l'avenir, mais il y a des choses qui doivent changer.

Quant aux universités, nous pensons qu'elles auraient avantage à fonctionner davantage en véritable réseau, ce qui n'est pas le cas, en vertu de leur autonomie qui a ses limites, on le voit maintenant. Elles auraient avantage, donc, à fonctionner davantage en réseau pour déterminer les programmes qu'elles devraient offrir et les créneaux de recherche à développer. Ça pose toute la question de la diversification des universités, bien sûr, et de leur spécialisation. Mais, par hypothèse – je dis bien par hypothèse – on peut se poser la question de la rationalisation de l'offre de formation universitaire dans la mesure où c'est chaque université qui décide ou à peu près. Et, si elles se comportaient en réseau...Dans une société comme la nôtre qui doit faire face à une concurrence étrangère, qui est très questionnée quant à la qualité de l'enseignement universitaire, de l'attention qu'on porte à l'enseignement de premier cycle, on pense que, s'il y a une rationalisation à faire, ça doit passer par là. Est-ce que la culture universitaire est rendue là? Ça, c'est une autre question, mais on soulève le débat.

Enfin, vous verrez que nous avons tenu compte du fait que l'enseignement privé et la confessionnalité ont fait l'objet de positions, à première vue, inconciliables. Nous avons tenté – tous les mots sont importants dans ma phrase – de recadrer minimalement le débat pour éviter des polarisations traditionnelles et essayer d'ouvrir un dialogue, mais vous verrez bien, dans ces chapitres-là, que nous ne sommes pas très différents de la société et que, sans considérer ça par le nombre de pages, au-delà de l'analyse, on se rend compte qu'il y a des questions qui sont plus difficile à mettre au jeu de la part de la Commission que sur d'autres chapitres. Alors, je le dis comme, je pense, les commissaires le penseraient, là.

Alors, voilà, notre mandat n'était pas, à cette étape-ci, je le rappelle, de tirer des conclusions ou de clore le débat, mais de l'alimenter. On avait comme objectif de tout mettre sur la table. De notre point de vue, la table est mise. Évidemment, le menu n'est pas à la carte. On pense que c'est tout le menu qui doit être regardé par tout le monde. Il y a des exigences pour tout le monde. On a très bien exprimé, compte tenu de la situation économique dans laquelle on vit, qu'il y avait deux dangers qui nous guettaient: le premier, c'est celui du découragement. Et je reviens sur le contenu, en partant de la question qu'on m'a posée tout à l'heure sur la démarche. Le découragement viendrait du fait qu'il n'y a rien à faire parce qu'on est dans une situation économique difficile; nous pensons que c'est là qu'il faut, plus que jamais, se poser des questions sur les vraies priorités.

Bon. Le deuxième danger: l'enlisement. Et j'ai compris qu'il y avait ça aussi en dessous de certaines questions. Si on recompose spontanément, sur le pilote automatique, des lobbys sur les plus petites questions, que ce soit des matières, que ce soit même des disciplines, bon, si on fait des alliances tactiques pour paralyser le débat qu'on veut ouvrir ou les débats qu'on va ouvrir, on pense qu'on laisse libre cours, à ce moment-là, à une détermination des priorités par des décisions budgétaires et que ça ne serait pas nécessairement souhaitable. Voilà. Mme Demers.

(11 heures)

Le Président (M. Facal): Merci beaucoup, M. Bisaillon. Bienvenue parmi nous, Mme Demers. Alors, merci beaucoup, M. Bisaillon, pour cette présentation si intéressante, si pleine d'idées fortes. Alors, qui veut... M. le député de Champlain, suivi du député de Marquette et du député de Bourassa.


Discussion générale

M. Kieffer: Je voudrais vous poser une question quant à la procédure, à la façon de fonctionner – est-ce que vous me le permettez? – avant de...

Le Président (M. Facal): Bien sûr! Bien sûr!

M. Kieffer: Je sens que tout le monde a envie de poser des questions. Pour faciliter le tour de table, est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de se dire: On va poser seulement une question pour permettre à tout le monde d'intervenir, puis, après ça, on posera une deuxième question? Parce que, sans ça, on risque de... Moi, j'en ai au moins trois, quatre. Je peux me décider à les poser toutes en même temps, sauf que je peux occuper une demi-heure, là, tu sais.

Le Président (M. Facal): Vous voulez dire de regrouper les questions par thème?

M. Kieffer: Non, non, non! Qu'on soit limités à une seule question.

M. Gautrin: Ce que suggère mon collègue, c'est que, au lieu que... En termes de procédure, normalement, lorsqu'on a la parole, on peut avoir 20 minutes de questionnement, ce qui fait qu'on bloquerait évidemment le fonctionnement de la commission. Ce que suggère par consensus le collègue de Groulx, si je comprends bien, c'est de dire...

M. Kieffer: Se limiter à une seule question.

M. Gautrin: ...qu'on ne sera autorisé qu'à une seule question...

M. Kieffer: Ah oui!

M. Gautrin: ...peut-être avec une légère supplémentaire, le cas échéant, sur un thème, quitte à ce que vous passiez ensuite la parole à un autre intervenant de manière à faciliter le nombre d'intervenants dans la commission. Je crois que c'était l'intervention du collègue de Groulx à cet effet-là.

M. Charbonneau (Bourassa): J'aurais une autre suggestion.

Le Président (M. Facal): M. le député de Bourassa.

M. Charbonneau (Bourassa): D'y aller par chapitre.

Le Président (M. Facal): D'y aller par chapitre.

M. Charbonneau (Bourassa): Une question par chapitre.

Le Président (M. Facal): Moi, je pense que les...

M. Charbonneau (Bourassa): Il faut suivre une certaine cohérence là-dedans. Si on saute du 4 au 8, au 7, au 2, on s'en va, on s'en vient... C'est bâti de manière organisée, ça.

M. Gautrin: Bien, sauf qu'avec le respect il y a quand même des questions d'ordre général qu'on aurait peut-être à poser au départ.

M. Charbonneau (Bourassa): Oui. Le chapitre premier, c'est le chapitre le plus général.

Le Président (M. Facal): J'espère que nous ne ferons pas un débat sur la manière de questionner nos invités! Ce serait tout à fait dans nos traditions, je dois vous le dire. Je pense que la proposition du député de Bourassa et la proposition du député de Groulx ne s'excluent pas. Nous pourrions fonctionner chapitre par chapitre et, à l'intérieur de chaque chapitre, chaque intervenant se limite à une question, avec, pour respecter nos traditions, une courte additionnelle. M. le député de Marquette.

M. Ouimet: J'ajouterais ceci, parce qu'on doit terminer nos travaux vers les 13 heures. Je ne sais pas si on va se rendre loin dans les chapitres. Est-ce qu'on pourrait avoir des questions brèves et des réponses brèves également?

Le Président (M. Facal): Oui. J'insiste sur les deux éléments de l'équation: questions brèves, réponses brèves. J'insiste plus particulièrement sur les questions brèves, connaissant mes collègues.

Alors, sur le chapitre 1, M. le député de Champlain.

M. Beaumier: J'avais demandé la parole? Oui?

Le Président (M. Facal): Oui, en effet. Vous êtes le premier.

M. Beaumier: Bon.

Le Président (M. Facal): À propos de la mission éducative.

M. Beaumier: Avec ce que vient de dire M. le président, je suis tout à fait d'accord, ça fait partie de mes habitudes et puis de mes disciplines. Alors, je crois que c'est reconnu.


Enseignement privé

Le sens de l'exercice, aujourd'hui, c'était d'avoir un premier contact et un contact privilégié avec la coprésidente et le coprésident, donc de prendre connaissance de ce qui est l'essentiel du rapport, quitte, après ça, à y revenir plus longuement. Ma question est la suivante. Vous avez fait, M. Bisaillon, le tour, à peu près, de toutes les questions qui sont recoupées par les différents chapitres, sauf une dimension où je soulève juste la question, mais sans débat: Comment vous résumeriez vos propos quant à l'enseignement privé?

M. Bisaillon (Robert): Je ne résumerai pas les propos – dans ce qu'on a entendu, vous voyez les deux positions assez tranchées – quoique ce soit peut-être bon. Je vais faire ça vite.

Une voix: Ça va.

Le Président (M. Facal): Je crois comprendre que l'enseignement privé fait l'objet du chapitre 8.

M. Bisaillon (Robert): Oui, oui. Mais, moi, je...

Le Président (M. Facal): O.K. Et, comme nous y allons par chapitre...

M. Beaumier: Non, mais je voudrais avoir une vue d'ensemble. Tantôt, on a fait référence à tous les chapitres, à peu de chose près...

Mme Robert: Sauf à l'enseignement privé qui n'a pas été abordé.

M. Beaumier: ...sauf à l'enseignement privé. On n'en a pas fait un résumé, hein? C'est dans ce sens-là...

Le Président (M. Facal): Bon.

M. Beaumier: Après ça, on pourra y aller chapitre par chapitre. C'est beau?

Le Président (M. Facal): Mais brièvement, pour autant que la chose puisse se faire.

M. Bisaillon (Robert): Bon. Mais, écoutez, j'ai juste dit qu'à l'égard de la confessionnalité c'est une question difficile. Je dirai que ce n'est pas le droit d'envoyer ses enfants à l'école privée qui cause problème; c'est réglé, ça. Ça porte sur le financement de l'enseignement privé, qui, pour nous, n'est pas une question de droit, mais une question politique. Il n'y a pas de justification juridique, nous semble-t-il.

La seule chose qu'on a voulu dire là-dessus, c'est que les raisons pour lesquelles on a maintenu un système privé d'éducation au Québec, en 1960, à l'occasion du rapport Parent, c'est-à-dire le maintien de traditions éducatives entretenues par des ordres religieux essentiellement, ces raisons-là ont changé après 30 ans. On parle aujourd'hui du droit individuel des parents de choisir et des règles du marché. On parle maintenant de la concurrence de deux systèmes parallèles. Et évidemment les proportions d'enfants qui fréquentent un système et l'autre ont changé, ce qui justifie pour nous de refaire le débat qui a été fait il y a 30 ans.

C'est juste ça qu'on dit sur l'enseignement privé, en posant la question évidemment: Si on choisit la libre concurrence, est-ce qu'on est d'accord pour mettre les deux systèmes dans des conditions identiques, puisqu'il nous apparaît difficilement envisageable de parler de concurrence si dans un système il y a 0,3 % d'enfants qui ont des difficultés d'apprentissage et que l'autre en a 12 %? C'est ce genre de questions qu'on met en débat. Voilà!

M. Beaumier: Merci beaucoup.

Le Président (M. Facal): Merci. Je vous signale que 10 chapitres en deux heures, ça fait approximativement 12 à 15 minutes par chapitre. Je sais que c'est bref et je comprends d'avance vos frustrations. Je vous rappelle simplement que cette rencontre est la première d'une série peut-être ultérieure. Alors, comme il n'y a pas panique en la demeure, nous aviserons ultérieurement de la suite à donner à nos travaux.


Mission éducative

Sur le chapitre 1, M. le député de Bourassa.

M. Charbonneau (Bourassa): Merci, M. le Président.

M. Ouimet: Je m'étais inscrit, hein? Je m'étais inscrit. J'ai passé mon tour.

M. Charbonneau (Bourassa): M. le Président, je pense qu'il y en a plusieurs qui peuvent poser des questions sur le premier chapitre. Je voudrais, tout d'abord, comme vice-président de la commission, profiter de l'occasion, ne serait-ce que pendant une minute – on n'a pas droit à de longs préambules et ça ne sera pas long – pour, d'une manière dense et sincère, vous féliciter du travail fait. Notre formation politique a suivi avec grande attention toutes les étapes suivies jusqu'à maintenant et a proposé à cette commission de s'approprier autant que possible le contenu de la démarche en cours de route. Nous avions d'ailleurs obtenu une ouverture en ce sens du précédent ministre de l'Éducation pour permettre à la commission parlementaire, à certaines étapes, d'entrer en scène. J'ai une certaine idée et une expérience des processus de commission d'enquête et des débats dans ce domaine-là. Pour avoir réussi cette synthèse à partir du nombre de sources consultées et compte tenu du temps dont vous avez disposé, je pense que vous avez réussi quelque chose qui s'apparente à un tour de force bien placé.

Pour ce qui est du premier chapitre, la mission – j'ai suggéré qu'on y aille par chapitre, parce qu'il m'apparaît que c'est important de parler de la mission pendant quelques minutes avant de s'aventurer dans les dédales de questions particulières, d'ordres d'enseignement ou de secteurs, etc. – vous avez eu certainement une myriade de propositions. Enfin, je n'ai pas lu des dizaines de mémoires, mais je présume qu'il y a eu toutes sortes de formulations. Vous avez opté pour formuler ou reformuler la mission en trois finalités: instruire, socialiser et préparer à l'exercice des rôles sociaux. Je vous avoue que c'est une approche qui m'apparaît assez séduisante et assez complète.

J'ai une question, cependant: Que répondrez-vous à ceux qui ont proposé de dire explicitement non seulement instruire et intégrer, mais qualifier? Et je ne parle pas de la qualification professionnelle, là. Qualifier, instruire de manière à qualifier les gens. Est-ce qu'on doit comprendre que ça fait partie, pour vous, de ce que vous appelez la finalité n° 1, instruire, incluant de mener son pèlerin jusqu'à l'obtention d'une qualification, ou s'il y a d'autres raisons qui font que vous ne l'avez pas explicitement dit? Parce que ça m'apparaît quand même assez demandé et assez exigé par toutes sortes d'intervenants que la formation soit qualifiante, mène à l'obtention de quelque chose qui sanctionne cette formation en des termes, je dirais, reconnus, des termes valables.

M. Bisaillon (Robert): Effectivement, le fait de qualifier, de garantir même une qualification, on l'a placé dans la préparation à l'exercice des rôles sociaux et on parle là de qualification permettant de s'intégrer au marché du travail. Bon, je comprends que l'autre aspect, c'est qualifier, même si c'est en formation générale.

(11 h 10)

M. Charbonneau (Bourassa): Oui.

M. Bisaillon (Robert): Bon. Bien sûr! Dans «instruire», on pense que la définition qu'on fait d'«instruire», nous: faire acquérir par les jeunes, «par leur cheminement dans différentes disciplines et le contact avec les grands domaines culturels, les connaissances et les habiletés indispensables pour comprendre et transformer le monde», c'est la qualification propre à l'instruction. Ça se sanctionne par un diplôme. C'est ça, qualifier. Mais la notion de «qualification», généralement, dans nos sociétés occidentales, est beaucoup plus reliée à la formation professionnelle, et c'est pour ça qu'à cet égard-là on a dit ailleurs qu'aucun jeune ne devrait sortir de l'école sans une qualification lui permettant de s'insérer sur le marché du travail.

Évidemment, vous avez compris que, même si on n'emploie pas le mot «qualification» à l'égard de l'instruction, l'instruction, c'est ce qui nous apparaît distinguer l'école, dans son rôle, de toutes les autres institutions. Mais elle peut qualifier, par exemple, pour le marché du travail ou socialiser avec d'autres institutions. C'est celle-là, la propre: sa façon de qualifier les jeunes, c'est de les instruire.

Le Président (M. Facal): M. le député de Marquette, suivi du député de Groulx.

M. Ouimet: Je situe ma question dans la perspective de l'assainissement des finances publiques. Je pense que la question de la mission de l'école est assez fondamentale. Vous exposez assez bien les deux écoles de pensée qui s'affrontent, surtout dans un contexte où l'école a évolué avec une pression de demandes sociales au cours des 20 dernières années. Vous indiquez: La famille s'est transformée, il y a un écart entre riches et pauvres, etc., de telle sorte qu'on a senti une pression pour que l'école prenne le relais dans plusieurs domaines.

Dans le cadre de l'assainissement des finances publiques et de la première question que vous soumettez au débat, j'ai senti, moi, en lisant le libellé de la première question, que la Commission semblait indiquer une préférence pour une mission élargie. Je peux me tromper...

M. Bisaillon (Robert): Non. Ce qu'on essaie de faire, c'est de distinguer plutôt. On dit: Qu'est-ce que l'école doit faire et qui, si elle ne le faisait pas, ne serait fait par personne? C'est instruire. Qu'est-ce qu'elle fait avec d'autres institutions, maintenant, qu'elle doit faire avec d'autres institutions et qu'elle ne doit pas faire seule à la place d'autres institutions? C'est ce qu'on appelle la socialisation, la préparation à l'exercice de rôles sociaux. Et ça a beaucoup de conséquences. Ça peut vouloir dire, par exemple, que, si elle tient des rôles de suppléance – et des fois elle doit en tenir et, si elle n'en tient pas à l'occasion, elle ne peut même pas remplir sa mission – il faut que ce soit clair que c'est provisoire et il faut qu'elle sensibilise les autres institutions à prendre leurs responsabilités. C'est ça qu'on a voulu dire.

Mais instruire, le choix qu'on fait de ce que certains peuvent appeler une hiérarchie des missions, c'est par rapport, vous savez, à toutes ces thèses sur le développement intégral, l'école du bonheur. Il y a eu beaucoup de courants de pensée. On pense qu'à un moment donné il faut dire les choses clairement. Sans dire que le bonheur et l'instruction sont incompatibles, au contraire, il y a des règles inhérentes à la mission d'instruction. Et un établissement scolaire, si ça ne fait pas ça, ça peut faire n'importe quoi d'autre, mais ça ne fait pas sa mission propre. C'est ça qu'on a voulu dire surtout comme message.

Et vous verrez plus loin pourquoi on parle de relever les exigences et non pas de les abaisser; pourquoi on dit aussi, dans l'avant-propos, qu'un des drames de notre système scolaire, c'est qu'on n'a pas assumé institutionnellement, on n'a pas pris en charge l'étude de l'élève. On lui a à peu près envoyé le discours suivant: Nous autres, on est ici pour te donner des cours, arrange-toi pour étudier; puis c'est une affaire privée, ça ne nous regarde pas. Il n'y a pas de salle d'étude, il n'y a pas de période d'étude de prévue. Puis, bien souvent, dans les familles, on pense que... Bon, voyez-vous, ce genre... Alors, voyez-vous, il y a toute une... Ça porte à conséquence, ce qu'on dit là-dessus. Bien sûr, on dit, par ailleurs, que tout ça, ce n'est pas possible sans un milieu de vie stimulant, des conditions stimulantes. On pense que c'est par là qu'on rejoint le développement de toute la personne. Mais c'est préférable de dire les choses clairement.

Le Président (M. Facal): M. le député de Groulx.

M. Kieffer: Mme Demers, M. Bisaillon, à titre d'introduction, je suis fort heureux, moi aussi, du rapport. J'en ai lu une partie, je n'ai pas eu le temps, depuis hier, de passer à travers, mais, en tout cas, j'ai accéléré ma lecture, je vais sûrement y revenir. Je suis aussi fort heureux de la remarque du député de Bourassa quant à la qualité de votre rapport. Lorsque notre gouvernement a mis sur pied cette Commission-là, ça ne faisait pas l'unanimité. Là, je suis content de voir qu'effectivement, un, vous avez produit quelque chose qui est très sérieux, qui va mobiliser, il me semble, les intervenants à la fois locaux, régionaux et nationaux autour du projet éducatif et qui va réenligner l'école telle que nous l'avons connue ces 30 dernières années.

Ceci étant dit, vous avez eu à recevoir les témoignages de gens qui étaient concernés à tous les niveaux d'enseignement, que ce soit élémentaire, secondaire, collégial ou universitaire. Est-ce qu'il ressort de votre écoute qu'il y a un maillon plus faible identifié par la plupart des intervenants entre les quatre niveaux? Si oui, je serais intéressé à savoir lequel, puis je serais intéressé à savoir les raisons qui font qu'on identifie un niveau plus qu'un autre comme étant un maillon faible, et quels sont ceux qui les identifient. Est-ce que c'est vraiment généralisé?

M. Bisaillon (Robert): Les étudiants, à un endroit, nous ont donné le bulletin scolaire du système, et, moi, j'étais relativement d'accord avec cette sanction-là. La Commission n'a pas fait ce genre d'exercice, mais, sur le plan personnel, je vous dirai – si Mme Demers a d'autres points de vue... – que le maillon faible du système, c'est le secondaire et, je dirais, particulièrement le premier cycle du secondaire. Et je vais vous expliquer pourquoi. N'importe qui qui a eu des enfants ici, dans le système scolaire, va comprendre la même chose, je crois. Je crois. À part du préscolaire, qui n'est pas un ordre d'enseignement à proprement parler, qui est aussi le maillon faible. Vous savez qu'il y a des enfants, s'ils ne sont pas malades, s'ils ne vont pas à l'hôpital entre l'âge de deux et cinq ans, dont il n'y a jamais personne qui va faire le bilan du fonctionnement moteur, intellectuel, etc., et il y a des parents qui sont tout à fait surpris d'apprendre que leur enfant surdoué a des difficultés qui n'ont pas été dépistées.

Ceci étant dit, pourquoi je crois que c'est le premier cycle du secondaire? En général, les parents sont assez satisfaits de la rigueur de l'attention et de l'encadrement apportés aux enfants au primaire. Il y a d'ailleurs une sanction des études, maintenant, il y a même un abus de sanction, je dirais, troisième année, sixième année. Les jeunes arrivent au secondaire, ils sont désencadrés, ou décadrés, ils font affaire à sept, huit profs au lieu de un et, nous disent-ils a posteriori et les voit-on faire, s'ils ont le moindrement de débrouillardise, ils font leur I, II, III les mains dans les poches, en sifflant. C'est ça qu'ils nous disent, les jeunes. Comment ça se fait que tu n'as pas de devoirs? Comment ça se fait que tu ne travailles pas plus que ça? Ils passent pareil.

Et là, tout à coup, en secondaire IV, le ciel leur tombe sur la tête, parce que, en secondaire IV, c'est les grosses mathématiques; c'est pour rentrer au cégep. Il faut qu'ils s'orientent, il faut qu'ils choisissent. Et là ils ont comme perdu l'habitude de travailler. Je le dis brutalement comme ça. Ils ont pris l'habitude de travailler à l'extérieur de l'école, par exemple – ha, ha, ha! – puis ils réussissent pareil. Alors, ils disent: C'est cool, le secondaire. Et là, tout à coup, le ciel leur tombe sur la tête en secondaire IV et c'est là que le décrochage... Regardez à quel âge se fait le décrochage.

Et là ils ont comme perdu l'habitude des exigences du travail personnel, de la rigueur, et c'est comme s'ils revenaient au même niveau d'exigence qu'à la fin du primaire, qui est très exigeant pour les jeunes. Il y en a qui ne sont plus capables de supporter ce volume en si peu de temps. Et, à partir de maintenant, c'est ça qui va compter pour la sanction, secondaire IV et V; ce n'est plus tout le secondaire. C'est pour ça qu'on propose d'ailleurs, à un endroit, de sanctionner un niveau de formation générale commune qui terminerait après le secondaire III, pour que les jeunes aient l'impression que c'est important.

Mais ça va beaucoup plus loin que ça. Ça veut dire qu'il faut regarder les programmes, les exigences scolaires à l'égard de ces jeunes-là pour ne pas leur donner l'impression que, finalement, le secondaire, ça commence à être vrai en IV. Il est trop tard. Je dirais ça comme ça. Mais je ne me fais pas d'amis nécessairement en le disant.

Le Président (M. Facal): M. le député de Verdun, avec ce qui sera la dernière question concernant le chapitre 1.

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Brièvement, sur le domaine universitaire, j'ai eu l'impression que vous abordez la question d'une manière très générale, c'est-à-dire sur les problèmes qui sont globaux à l'ensemble du réseau universitaire sans aborder les questions qui sont propres aux champs disciplinaires. Vous reconnaissez comme moi que le secteur, par exemple – et je vais en prendre deux à titre d'exemples pour justifier mon propos – de l'enseignement de la médecine n'a pas la même dynamique et la même problématique que vous avez, par exemple, dans l'enseignement de la musique ou l'enseignement d'une discipline comme des études françaises ou la physique.

(11 h 20)

Cette commission va, je crois, à la fin du mois de février, faire 30 heures d'auditions auprès du monde universitaire, et, simplement, sans vouloir pallier à ce que je perçois peut-être comme une légère lacune dans votre document, moi, je propose de vous transmettre les résultats des auditions que nous ferons auprès des universités, parce qu'on a reçu énormément d'information tant sur l'encadrement que sur les taux de diplomation sur l'ensemble du réseau universitaire, et je pense qu'on pourrait collaborer, de cette manière-là, comme un apport de la part de la commission. Enfin, après nos auditions, M. le Président, le secrétaire pourrait transmettre aux états généraux le résultat de notre questionnement sur les universités.

M. Bisaillon (Robert): On reçoit ça avec plaisir.

Le Président (M. Facal): Merci. Nous passons au chapitre 2. M. le député de Bourassa.


Accessibilité et réussite

M. Charbonneau (Bourassa): Oui, M. le Président. Le chapitre 2, intitulé «À propos de l'accessibilité et de la réussite». Je voudrais vous donner l'occasion, comme introduction à ma question, d'expliquer ou de justifier pourquoi vous avez tenu à juxtaposer ces deux éléments dans un seul chapitre. Il a dû y avoir un choix de fait, parce qu'on connaît des organisations qui pensent qu'il y a encore des progrès à faire du côté de l'accessibilité, mais qui disent que nous en sommes rendus surtout à des défis de réussite, et vous avez préféré, vous, lier les deux encore malgré ces avis. C'est en introduction.

Ma question plus particulière, c'est relativement à tout ce qu'on appelle le décrochage scolaire. Page 25 et suivantes, à titre de table d'écoute, vous reflétez les analyses qu'on entend en général dans le milieu, vous référez aux causes du phénomène et à l'ampleur du phénomène; enfin, tout cela est assez connu, mais vous le synthétisez de très belle façon. Un peu plus loin, à compter de la page 35, dans «ce que nous croyons utile de soumettre au débat», au bas de la page 35, vous dites: Nous sommes d'avis qu'il faut «préciser les mesures qui en sont données», de l'abandon scolaire. Page 36, vous dites: «Notre intention n'est pas de banaliser le phénomène mais de le ramener à sa juste proportion déjà suffisamment alarmante.» Et puis, ensuite, vous faites état de certains aspects touchant soit les garçons, soit les écoles montréalaises, soit les réalités des communautés culturelles.

On ouvre la page 40, «Questions». Pas de questions sur le phénomène du décrochage scolaire; pas de questions, en tout cas, explicites. On les retrouve, les questions, à travers les garçons, les communautés culturelles, Montréal, mais vous n'avez pas senti le besoin de mettre sur la table – on dit: La table est mise – une question qui m'apparaît tout de même cruciale et transversale à peu près à tous les débats de salon ou de gens spécialisés du milieu de l'éducation: le décrochage, une saignée à blanc de notre ressource humaine, actuellement.

Est-ce qu'il n'y a pas là un enjeu suffisamment important pour qu'on se doive de le ramener à la surface et d'en faire un objet de discussion, de prise de conscience, malgré qu'on doive mieux le mesurer et le ramener à ses proportions? On sait tout de même que c'est au moins à des proportions lamentables, actuellement; ce n'est pas en bas de ça. Je voudrais vous entendre là-dessus. Pourquoi vous ne l'avez pas ramené d'une manière explicite à la surface pour qu'on le voie vraiment?

M. Bisaillon (Robert): Parce qu'on a choisi de mettre au jeu des solutions qui tiennent à trois autres chapitres. C'est aussi clair que ça. Diversification du curriculum. Il y a des jeunes qui ne restent pas à l'école parce que c'est plate, puis il y a des affaires qu'ils aimeraient faire et qu'ils ne peuvent pas faire, puis il y en a qu'ils aimeraient faire et qu'ils ne feront pas parce qu'ils ne veulent pas attendre trop longtemps pour les faire, puis on les fait attendre. Diversification du curriculum.

Encadrement. Il y a un problème d'encadrement. Il y a des jeunes – ce n'est pas normal – qui quittent l'école sans qu'ils aient jamais jasé avec un seul adulte de la décision de quitter l'école, puis il y a des parents qui apprennent que, leur enfant, il n'est plus à l'école depuis un mois, par hasard des fois. L'encadrement.

La formation professionnelle. Il y a des jeunes qui aimeraient ça, se colletailler à des apprentissages professionnels tout en faisant de la formation générale. Ils ont 15 ans, 16 ans. On leur dit: Attends encore deux ans. Ils disent: Moi, je vais faire juste de la formation générale encore deux ans? «No way!» Je m'en vais. Donc, ça touche le curriculum, ça touche l'orientation. Il y a des cours qui interviennent tout le temps, mais il n'y a pas d'aide personnalisée au moment où il faut prendre des décisions. Il y a des jeunes qui se promènent dans le système scolaire en essayant des choses. Parce qu'un jour on leur dit: Là, il te reste 24 heures pour remplir ta formule de demande d'admission pour le cégep, voilà le moment venu, mais, là, ils n'ont plus accès à des services personnalisés même s'ils ont eu des cours pendant trois ans.

Ce genre de choses là, nous, ce qu'on a voulu dire là-dedans, c'est que, oui, les gens nous en ont beaucoup parlé, un. Deuxièmement, on croit utile de prendre la mesure du phénomène, parce que comment voulez-vous régler le problème si on ne distingue pas les types de clientèles, puis comment elles sont affectées? Et rappelons-nous que, il n'y a pas si longtemps, au Québec, on considérait comme des gens diplômés ceux qui terminaient le professionnel court et qui s'en allaient comme pompistes; aujourd'hui, ces jeunes sont considérés comme des décrocheurs même s'ils sont encore dans l'école. C'est pour ça qu'on dit: Il faut faire attention quand on parle des chiffres, les manipuler avec soin. Non pas que ça ne soit pas important, le décrochage, mais, si on veut en traiter correctement, il faut parler de prévention, il faut parler d'encadrement, il faut parler d'orientation, il faut parler de diversification des voies, il faut parler de formation professionnelle.

Le Président (M. Facal): Merci. Mme la députée de Deux-Montagnes.

Mme Robert: Oui, merci. Félicitations, je pense que vous avez très bien ramassé tout ce qu'on a pu vivre à l'intérieur de l'éducation, mais, j'irais plus loin, à l'intérieur de la société, les 10, 15 dernières années, des problèmes, etc., qui n'avaient jamais de solutions ou des solutions partielles qui avaient des impacts ailleurs et, bon, ça grossissait tout le temps.

Dans ce chapitre-là, comme le député de Bourassa l'a mentionné, bon, il y a la grosse question du décrochage, etc. Effectivement, le jeune décroche, il n'est plus à l'école, mais très souvent aussi il n'est plus à la maison, il n'est plus nulle part. Là-dedans, je pense que, la question de l'éducation, on la pose à travers le système, mais à travers la société qui a évolué. Vous avez parlé de monoparentalité; on a peu parlé de toute l'évolution, du phénomène du jeune qui tient à aller travailler. C'est une culture dans d'autres pays et, même dans nos sociétés, c'était un déshonneur que de voir notre jeune qui allait travailler ailleurs: Tu n'es pas capable de le faire vivre, ta, ta, ta, ta. À l'heure actuelle, c'est un honneur pour beaucoup de parents que leur jeune ait été assez débrouillard pour se trouver une job qui rapporte. Alors, on est tranquillement arrivé...

En tout cas, dans ce chapitre-là, je n'ai pas trouvé cette notion-là, c'est-à-dire la question de société, la vision de notre société vis-à-vis de ça. Dans le fond, il y a toute la question des parents qui est remise en question. Il y a des parents aux prises avec les enfants qui désirent quitter pour faire comme les autres, pour aller travailler et les parents se battent comme des diables pour venir à bout de les garder, et tu as les autres qui les mettent carrément à la porte, puis disent: Débrouille-toi.

M. Bisaillon (Robert): Oui, vous avez raison. Il y a un passage à la page 39 – il n'est peut-être pas assez complet, mais il décrit de façon un peu lapidaire le phénomène, en parlant du travail salarié des jeunes – qui dit à peu près ceci: «Ce qui est clair toutefois, c'est que si tous ces jeunes travaillent pendant l'année scolaire, c'est que l'entreprise le souhaite, que les parents le permettent et que l'école s'y adapte.» Et, quand l'école ne veut pas s'y adapter, ce qu'elle doit faire, comme elle l'a fait à Saint-Jérôme – d'ailleurs, on en parle à quelque part – c'est qu'elle doit demander aux employeurs de s'engager à ne pas obliger les jeunes à travailler jusqu'à 2 heures du matin la veille d'un examen, elle doit aviser les professionnels de faire attention à ne pas donner des rendez-vous aux enfants pendant les heures scolaires, elle doit demander aux parents de s'engager à négocier avec leurs enfants – peut-être que le terme est fort, mais, des fois, c'est ça – un nombre minimal d'heures d'étude avant de permettre un nombre minimal d'heures de travail rémunérées.

(11 h 30)

Tout le monde a comme lâché prise là-dedans. Et c'est un fait – on connaît tous ça dans nos familles, etc., autour de nous; aujourd'hui, il y a la culture de subsistance, puis il y a la culture de consommation – que, très souvent, entre un jeans à 25 $, puis un jeans à 40 $, les parents vont dire: Bien, si tu veux celui de 40 $, va te le payer, travaille pour te le payer. Là, les jeunes ont l'impression que c'est ça, la vraie vie, et ils trouvent de la satisfaction aussi là-dedans que, quelquefois, ils ne trouvent pas à l'école: salaire immédiat, gratification immédiate. Alors, la culture de l'instantané s'installe. On le dit dans le même paragraphe, pour plusieurs adolescents, des vêtements à la mode et un permis de conduire ont plus de valeur qu'un diplôme. On peut penser que c'est de leur âge, mais, lorsqu'une folie de jeunesse devient la norme sociale, il y a de quoi s'inquiéter. Ça, c'est très clair.

Nous croyons que, du côté de l'école et des parents et de la société en général, tant qu'on ne valorisera pas le travail scolaire et le métier d'étudiant, le statut d'élève, et qu'on ne balisera pas le travail salarié des jeunes, on va leur envoyer le message que tout est égal, tout est égal. C'est un phénomène particulièrement nord-américain. Mais je vous rappellerai, sans vouloir verser dans la sociologie à rabais, que le travail salarié des jeunes correspond exactement à la déstructuration du monde de l'économie de 1982-1983; beaucoup d'employeurs, dans les services, ont trouvé là une main-d'oeuvre à bon marché, docile, qu'on pourrait facilement congédier, à qui on donnerait des heures impossibles, au lieu d'engager des gens qui, par ailleurs, sont sur l'assistance sociale et qui ont des enfants. C'est ça, la réalité! Et on ne responsabilise pas les gens par rapport à ça.

Alors, moi, je pense qu'un jour il faut être clair, puis dire: Ça ne peut pas être une solution scolaire à un problème social; les parents sont concernés, les employeurs sont concernés, l'école est concernée. Si l'école prend pour acquis qu'à partir du jeudi midi il ne faut plus être exigeant parce que les jeunes commencent à travailler le jeudi soir, bien, le message, c'est que, à partir de maintenant, l'école, c'est du lundi midi, parce qu'ils sont fatigués d'avoir travaillé, jusqu'au jeudi midi, parce qu'il faut qu'ils se reposent avant d'aller travailler. Vous voyez le genre? Et il y a des horaires institutionnels qui se sont beaucoup adaptés à ça.

Alors, moi, je pense qu'il ne faut pas se gêner pour mettre les barres sur les t, les points sur les i, les yeux vis-à-vis des trous, mais ça concerne tout le monde. Et vous regarderez l'expérience de Saint-Jérôme – je ne sais pas si elle est là-dedans, puis je ne sais pas à quelle page – lisez-la, elle est très révélatrice. C'est une polyvalente qui a décidé de prendre ça en main et de sensibiliser le monde de la région. Et ça a beaucoup d'influence, vous savez, parce que c'est à partir de ce moment-là qu'un employeur va même se préoccuper des études de son employé, alors qu'avant ça il se préoccupait seulement de ses heures de travail. Pages 26, 27, on décrit l'expérience pour montrer qu'il s'est fait des choses au Québec.

Le Président (M. Facal): J'ai encore les députés de Marquette, Groulx, Maskinongé et Terrebonne. Une simple remarque: Lorsque le Parlement siège, les parlementaires réussissent, lors de la période des questions, à faire des préambules brefs avant d'en venir à la question. Je pense qu'on pourrait essayer de réussir la même chose, ici, de nouveau. M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Je serai bref au niveau du préambule. La concentration des élèves allophones dans les écoles montréalaises pose une problématique bien particulière. Le Conseil scolaire de l'île avait rédigé un rapport, il y a deux ans, je pense, pour bien identifier la problématique. Au niveau des questions que vous soumettez au débat, on a, à la page 41, 6b: «Le réseau d'écoles ethniques et religieuses subventionnées doit-il être maintenu dans son état actuel?» J'essaie de comprendre le lien entre la problématique et la question que vous soumettez au débat.

M. Bisaillon (Robert): Bon. Sur toute la question de l'intégration au Québec – je ne veux pas faire une histoire longue, là – il y a un énoncé gouvernemental en matière d'immigration et d'intégration qui, à moins que je me sois trompé, a été très bien reçu dans la population. Il existe depuis six ou sept ans. Je pense que c'est sous votre gouvernement. Ça ne s'est jamais traduit par un énoncé éducation en termes d'intégration. Or, il se trouve que, pour un arrivant au Québec, un immigrant au Québec – et je fais le lien avec la question – on dit: Pourquoi il faut s'intégrer à l'école française, pourquoi il faut s'intégrer à l'école publique française, apprendre le français, etc., si, à côté, on s'aperçoit qu'il y a des écoles où il n'y a pas d'intégration nécessaire parce que, sur une base ethnique, elles sont considérées comme des écoles privées sur lesquelles on n'a pas le droit de regard, donc comme des ghettos? Ils sont venus, ces gens-là, nous rencontrer.

Je ne veux pas partir des guerres de religion, mais les écoles juives, les écoles grecques et les écoles arméniennes jouissent d'un statut historique au Québec. Et, quand je parle d'histoire, je ne suis pas capable de dire jusqu'où ça remonte. Comment voulez-vous convaincre, à partir de là, que des musulmans ne revendiquent pas une école sur une base ethnique ou religieuse? Et la seule façon d'en avoir une, c'est via le secteur privé parce que, en plus, elles sont subventionnées. On pose la question: Quel est le double message qu'on envoie au monde quand on dit: Intégrez-vous, mais, en même temps, qu'on maintient des poches ou des... soit pour des traditions historiques, des droits acquis? C'est ça, la portée de la question; ce n'est pas d'autre chose que ça.

M. Ouimet: Ça remettrait en question l'Association des écoles juives et d'autres écoles ethniques, là.

M. Bisaillon (Robert): On dit: Le réseau doit-il être maintenu dans son état actuel? Ça, ça veut dire: Est-ce qu'on doit l'élargir ou si on doit le restreindre? Parce qu'il y a des demandes d'élargissement. Et tout le débat sur la confessionnalité va le démontrer. Et quand est-ce que ça arrête, ça? On sait quand ça a commencé, mais quand est-ce que ça arrête? Évidemment, quand c'est subventionné en plus sur une base religieuse, ça pose des questions dans une société, ça pose de sérieuses questions. Mais on est conscients qu'il y a eu une espèce de concordat historique avec des communautés. Mais il y en a d'autres qui disent: Pourquoi pas avec nous autres? Comme l'immigration se diversifie de plus en plus, vous imaginez la poussée qu'il va y avoir vers ces questions-là.

Le Président (M. Facal): M. le député de Groulx.

M. Kieffer: Je vais poser la question, je vais essayer de la situer par la suite. Ce qui me préoccupe: Qu'en est-il de la question de la responsabilisation des étudiants et des étudiantes vis-à-vis les coûts de la réussite ou de l'échec, selon qu'on est positiviste ou négativiste? Vous en faites très peu mention dans votre chapitre 2, sauf à la page 21 lorsque vous parlez de l'endettement des étudiants qui est une préoccupation majeure et que vous soulignez que la réussite pourrait permettre d'effacer une partie de la dette. Ce serait un incitatif. O.K. Mais c'est à peu près la seule place où je l'ai vu.

Le droit à l'éducation, oui, la responsabilisation aussi, il me semble. Est-ce que ça a été soulevé, d'une part? Et ça fait l'objet de quel type de préoccupation, cette question-là de la responsabilisation des étudiants vis-à-vis l'échec? On ne parlera pas du primaire évidemment, là, mais je pense que ça commence au secondaire, fin du secondaire, surtout cégep, surtout université.

M. Bisaillon (Robert): Je peux vous dire ce qu'en pensent les étudiants de façon assez claire. Ils ne veulent pas qu'on règle par des questions financières des problèmes éducatifs, d'encadrement, etc. Vous savez qu'on a toujours oscillé, au Québec, entre la discussion sur les frais de scolarité, d'une part, et les freins aux coûts selon les résultats scolaires. On n'a pas vraiment tranché là-dessus, sinon sur les principes de la contribution étudiante, de sa responsabilité dans l'étude. On pense même que ça devrait faire l'objet d'un certain contrat éducatif entre l'étudiant, l'institution, ses parents.

Mais je vous rappellerai que les étudiants ne sont pas fous; ils ont compris un message très clair de la part du gouvernement qui a enlevé ce qu'eux autres mêmes appelaient la taxe à l'échec. Ce qu'ils ont compris là-dedans, et c'est comme ça qu'ils ont justifié qu'on ne la remette pas, c'est que, quand tu dis à un jeune: Passé tant de sessions, si tu échoues, tu vas payer – c'était 50 $, je pense – ils ont très bien compris que le gouvernement était d'accord pour ne pas employer ces modalités administratives pour des problèmes de réussite éducative. Alors, on est dans le trouble, là.

(11 h 40)

Or – mais, ça, ce n'est pas la Commission qui le dit; je vous le dis de façon très personnelle, puis je vous l'ai dit ici même, l'an passé – moi, j'ai toujours pensé que, quand tu attrapes le rendement zéro, là, et que tu sais que tu n'auras pas ton diplôme par exposition, c'est-à-dire juste en t'attardant au cégep, ce que j'appelle les diplômes «suntan», là... Sur le rendement zéro, on pourrait peut-être regarder des choses. Et ça, le ministère a tout ça. On le sait qu'après deux ans au préuniversitaire le taux de diplomation, il est de x et qu'après quatre ans il double. Donc, on peut penser que, pour des raisons éducatives, la réorientation du jeune a été une bonne affaire, parce que, sans ça, il n'aurait pas eu de diplôme, il aurait décroché. Mais, après neuf ans, peut-être que ce n'est plus... et là peut-être qu'on pourrait regarder ça. Alors, c'est comme ça que ça a été abordé, la question.

M. Kieffer: Et quels groupes... Je voulais juste savoir, parce que vous dites qu'il y a seulement les étudiants, vous avez seulement mentionné les étudiants: Est-ce qu'il y a d'autres intervenants qui ont abordé le sujet?

M. Bisaillon (Robert): Ah oui! On a eu toutes sortes de choses. C'est sûr qu'il y a des administrations qui pensent, par exemple, qu'on devrait augmenter les droits de scolarité, qu'on devrait mettre des frais afférents, mais c'est généralement plus pour régler des problèmes de financement de système que pour des raisons...

M. Kieffer: Des raisons de responsabilisation.

M. Bisaillon (Robert): Voilà.

Le Président (M. Facal): M. le député de Maskinongé.

M. Désilets: Bonjour. Je pense que ma question va s'adresser plus aux curriculums, le chapitre suivant, ou à celui-là qui concerne l'accessibilité et la réussite scolaire, mais elle touche l'élémentaire, contrairement à mon collègue de Groulx. D'abord, je suis bien satisfait, là, de l'orientation de la petite enfance. Mais l'accessibilité et la réussite scolaire, y «a-tu» un lien avec la personnalisation des cours et les bulletins ou le fait qu'en maternelle on détecte les enfants à problèmes et qu'on arrive en sixième et c'est encore les mêmes enfants, mais avec des problèmes empirés? Le prof de sixième, bien, demande aux élèves: Sors ton livre de sixième année de français; il est en deuxième année de français qu'il échoue d'une... Y «a-tu» un lien ou y «a-tu» des mesures concrètes qui sont abordées dans le document?

M. Bisaillon (Robert): Oui, mais au chapitre sur la dynamique pédagogique.

M. Désilets: Dynamique pédagogique.

M. Bisaillon (Robert): Parce que vous avez raison...

M. Désilets: O.K.

M. Bisaillon (Robert): ...il y a des liens à faire entre l'accessibilité et la réussite. Autrement dit, ce n'est pas parce qu'un élève rentre à l'école aujourd'hui...

Une voix: Qu'il va réussir.

M. Bisaillon (Robert): ...qu'il va réussir. C'est pour ça qu'on parle de l'accès aux diplômes, maintenant, et non pas seulement aux établissements. On pense que, depuis 30 ans, on a plutôt regardé l'accès aux établissements. On a ouvert des réseaux partout, des collèges, des universités, on a ouvert des programmes, multiplié le nombre de certificats. Mais on s'est rendu compte, au bout de 30 ans, qu'on n'avait peut-être pas ouvert également l'accès aux diplômes, à la réussite. Si c'est ça, les résultats, c'est peut-être qu'on a oublié que, entre l'accès et la réussite, il y avait le cheminement et qu'on avait laissé l'élève seul face à lui-même, un peu. Alors, vous avez parfaitement raison; c'est pour ça qu'on en parle lors de la dynamique pédagogique, de l'orientation, aussi.

Le Président (M. Facal): Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, M. le Président, Mme Demers, M. Bisaillon. Vous avez fait un lien, tantôt, au niveau de la réussite en disant que des jeunes de 16 ans avaient compris aussi que ce serait peut-être plus facile de passer par le secteur adulte pour réussir et, finalement, il y avait décrochage quand même. Est-ce que le lien est fait – je n'ai pas eu le temps de lire votre document – aussi avec le fait que beaucoup de jeunes voient aussi l'aide sociale comme une façon d'obtenir un revenu et, donc, choisissent aussi, dans certains cas, cette voie-là plutôt que de continuer l'étude?

Plus particulièrement, on a parlé du problème du côté des garçons, mais, du côté des filles – je ne l'ai pas vu, il est peut-être là – on assiste aussi, de plus en plus, à des choix de la part de nos jeunes filles du secondaire de décider d'avoir des enfants, pour toutes sortes de raisons, là, que je comprends très bien: les besoins d'affection, etc., là, tous les problèmes de société, parce qu'elles deviennent effectivement éligibles à l'aide sociale, parce qu'elles décident que ça va être une façon de s'en sortir. Et ça, je ne l'ai pas vu, là, mais je n'ai pas lu tout le document. Est-ce qu'on s'y est attardé? Est-ce qu'il y a eu des témoignages là-dessus? Parce que j'ai vu un document de la Sécurité du revenu là-dessus comme étant un phénomène grandissant et je me demandais si vous vous étiez attardés là-dessus.

M. Bisaillon (Robert): À ma connaissance, il n'y a eu aucun mémoire qui a traité de ça, aucun, aucun.

Mme Caron: Parce que le ministère de la Sécurité du revenu nous a déposé un document au comité du Grand Montréal sur ce phénomène-là qui était en croissance. D'ailleurs, il y a eu des expériences en région là-dessus qui ont fait vivre des adolescents avec des poupées pour qu'ils connaissent la réalité du problème.

M. Bisaillon (Robert): Non, il n'en a pas été question.

Mme Caron: Mais ça n'a pas été touché?

M. Bisaillon (Robert): Pas du tout.

Mme Caron: D'accord.

M. Bisaillon (Robert): Très honnêtement, là.

Mme Caron: Merci.


Curriculums d'études

Le Président (M. Facal): Nous passons maintenant au chapitre 3, qui porte sur les curriculums d'études. Qui souhaite intervenir en premier? Alors, à ce moment-là, nous allons passer directement à M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Oui. Je n'ai pas lu encore ce chapitre-là, j'étais en train de le feuilleter. Mais, sur la question, là, du temps passé à l'école soit par un élargissement du calendrier scolaire ou le temps passé dans une journée... ou augmenter le temps d'enseignement, je crois lire également que vous dites que ce n'est pas nécessairement là qu'il y a problème, faire en sorte que les jeunes passent plus de temps à l'école pour qu'ils puissent faire leurs devoirs et leurs leçons. J'aimerais vous entendre davantage là-dessus, mais je vous avoue que j'étais en train de lire la page 48 pour voir s'il y avait une question à débattre qui portait là-dessus et je n'ai pas terminé ma lecture, là.

M. Bisaillon (Robert): Oui, il y a la question 6.

M. Ouimet: Question 6.

M. Bisaillon (Robert): Mais la réflexion qu'on a faite est la suivante. On a dit: Il est impossible d'améliorer les résultats scolaires si on n'augmente pas le temps consacré aux matières essentielles – ça va avec le ménage dont on parlait tantôt – et, si la charge de travail personnel de l'élève n'est pas augmentée, qu'on ne rêve pas d'augmenter les résultats scolaires. Le choix d'augmenter le temps d'enseignement, c'est un choix de millions. Vous devez vous poser la question ou on doit se la poser en relation avec la tâche, la charge des enseignants qui nous est apparue, contrairement à ce qu'on pensait, très peu perçue – il y a eu un changement, je pense, dans l'opinion publique – comme étant une tâche légère. Les citoyens ont pris conscience de ce que c'était, je pense, enseigner, de plus en plus. En supposant que vous vouliez augmenter la charge d'enseignement, on sait bien qu'il y a la question des millions et il n'est pas évident que c'est par une augmentation du temps d'enseignement qu'on doit améliorer les...

Ce que les jeunes nous ont demandé, c'est du temps pour étudier à l'école. Puis pourquoi l'école? Parce que chez eux ils sont tout seuls. Qu'est-ce que vous faites, chez vous, tout seul? On regarde la maudite télévision! Pourquoi vous faites ça? Parce qu'il n'y a personne et parce que tout le monde nous laisse faire. On n'a pas d'aide. On aimerait ça rester à l'école plus longtemps. Il y a même des jeunes qui nous ont dit: On aimerait ça venir à l'école en fin de semaine, on s'ennuie chez nous. Alors, voyez-vous, on a besoin d'une école qui reste ouverte plus longtemps, ça, c'est évident. On a besoin de prendre en charge à l'école, je pense, l'étude et les devoirs de façon plus générale. Obligatoire? Je ne le sais pas. Il y a encore des parents qui prétendent que ce n'est pas l'école qui va décider où leur enfant va étudier. Mais, ça, ce n'est pas un problème quand on est rendu là.

Ceux dont on est sûr qu'ils n'auront pas d'aide, il faudrait peut-être les obliger à rester à l'école plus longtemps. Il y a peut-être une plus grande flexibilité dans l'horaire, aussi, qu'on pourrait aménager plutôt que de dire: Entre telle heure et telle heure, je fais telle chose, puis, entre telle heure et telle heure, je fais quelque chose. Peut-être que les cloches pourraient arrêter de définir le début, puis la fin des apprentissages, mais, ça, ça suppose une réorganisation du travail. Mais ce qui est clair, c'est la prolongation du temps scolaire du jeune. D'où la question... Sa formulation, c'est à quelle page?

Une voix: Page 48.

M. Bisaillon (Robert): Page 48: «L'augmentation du temps de présence des élèves à l'école est-elle indispensable si on veut parvenir à enrichir le curriculum?» Nous autres, on pense que c'est une question répondeuse, là, c'est oui. «Si oui, devrait-il s'agir plutôt de temps d'enseignement ou de temps d'encadrement? Quel personnel devrait en avoir la responsabilité?» En fait, l'idée de ça, c'est: quand le débat va se faire, qu'on s'entende sur le principe. Avant de se demander, là, si ça a du bon sens ou si ça n'a pas de bon sens selon qui va le faire, ça «a-tu» du bon sens, «c'est-u» une exigence sociale aujourd'hui? Après ça, on jasera du reste.

Le Président (M. Facal): Merci.

M. Ouimet: Une petite additionnelle là-dessus. Avez-vous écarté – puis, là, je ne veux pas heurter les enseignants autour de la table – l'idée d'augmenter le temps d'enseignement à cause des coûts financiers, en premier et avant tout, ou parce que, sur le fond, votre réflexion vous menait à conclure que la solution ne se trouve pas là?

M. Bisaillon (Robert): En tout cas, si on faisait le ménage...

(11 h 50)

M. Ouimet: Parce que...

M. Bisaillon (Robert): Oui.

M. Ouimet: ...le seul ajout que je ferais, c'est que, dans le cadre des conventions collectives actuelles, effectivement, si on augmente le temps d'enseignement, on augmente le fardeau sur l'État. Mais ça ne veut pas nécessairement dire que le temps d'enseignement ne pourrait pas augmenter si de nouvelles conventions collectives étaient signées.

M. Bisaillon (Robert): Ah! C'est sûr. Mais regardez, si on faisait du ménage dans les grilles, dans les curriculums d'abord, si on regardait le temps de présence et d'encadrement réel des élèves, et l'utilisation de ce temps-là, peut-être qu'on ne serait pas si en retard que ça par rapport aux autres sociétés. Ça dépend de ce qu'on fait dans le temps qu'on a. Mais c'est clair que, pour l'élève au primaire, il y a un manque de temps de présence à l'école. Vous savez très bien que, lorsqu'on parle des conventions collectives, ça devient des coûts énormes – j'ai déjà été dans cette circulation-là – et le dommage, c'est que, si ça se règle juste par les conventions collectives, il peut arriver, à cause des coûts, qu'on décide de ne pas appliquer le principe, et là il faut éviter ça.

Le Président (M. Facal): M. le député de Groulx, suivi député de Champlain.

M. Kieffer: Il y a certaines affirmations que vous formulez dans votre texte qui peuvent apparaître, à première vue, paradoxales et c'est normal parce que évidemment vous avez eu des tas de représentations. J'en choisis une comme ça qui m'apparaît intéressante. À la page 50, vous dites, bon: «En matière d'élaboration des programmes, quelques administrateurs et plusieurs enseignants – et ça, je vois tout de suite mes anciens confrères et consoeurs – se sont clairement opposés au choix de l'approche par compétences. On lui reproche de privilégier le savoir-faire au détriment du savoir et du savoir-être, d'aboutir à un morcellement des contenus qui compromet l'acquisition de l'esprit de synthèse pour les étudiants et de conduire à l'échec.» Bon. Et vous insistez d'ailleurs, à d'autres moments, sur la nécessité de développer l'esprit de synthèse, d'apprendre à analyser pour pouvoir, par la suite, en tout cas, s'adapter. O.K. Vous allez à la page 53 et là, à la toute dernière phrase, vous dites: «Il faut viser une intégration plus harmonieuse de la formation générale aux programmes techniques, c'est-à-dire plus respectueuse de la culture pédagogique de ce secteur et des modes d'apprentissage des élèves qui le fréquentent.»

Compte tenu de ce que vous avez dit tantôt, de la nécessité d'assurer un continuum qui permettrait à un étudiant ou à une étudiante de commencer quelque part et surtout au niveau professionnel, hein – vous faisiez ressortir la nécessité de redonner à l'approche professionnelle ses lettres de noblesse – qui pourrait éventuellement l'amener jusqu'à l'université, s'il passait par le professionnel, le technique, etc., moi, je vois déjà d'ici... Parce qu'il s'est fait, le débat. Les profs de philo au collège disaient: Bon, bien, c'est quoi, donc? On «va-tu» donner des cours de philosophie sur la façon de séduire le client parce qu'on est en marketing ou des cours de philosophie sur la façon de gérer des circuits électroniques parce qu'on est en électronique? Alors, j'aimerais avoir votre point de vue là-dessus. En tout cas, là, ça a été quoi, les approches et les représentations qu'on vous a faites?

M. Bisaillon (Robert): Les propos que vous rapportez sont de la caricature...

M. Kieffer: Oui, tout à fait.

M. Bisaillon (Robert): ...je vous le dis très personnellement.

M. Kieffer: Tout à fait.

M. Bisaillon (Robert): Il y a une réalité qui est très évidente au secteur collégial technique, c'est qu'il y a des jeunes qui s'en vont sur le marché du travail avec tout le contenu de leur D.E.C., sauf le diplôme. Pourquoi ils n'ont pas le diplôme? Parce qu'ils n'ont pas fait leur formation générale qu'ils ont reportée à la fin. Et ils sont engagés par des gens qui disent: Aïe! Il te reste rien que la philo et le français, franchement, là! Eux ont l'impression que c'est correct comme ça. Mais pourquoi ne font-ils pas leur formation générale et pourquoi la reportent-ils à la fin? Parce que c'est une formation générale qui est enseignée en tant que telle, qui ne tient pas compte – c'est ça qui est marqué – de la culture pédagogique du secteur. Il y a une culture pédagogique, au secteur technique, qui n'est pas une culture pédagogique cheap ou à rabais, mais qui est une culture pédagogique pratique...

Une voix: Différente.

M. Bisaillon (Robert): ...différente, et il y a des modes d'apprentissage des élèves, au technique, qui, loin d'être de seconde zone, auraient même avantage à être copiés, des fois, en formation préuniversitaire.

Alors, on dit: Quand tu enseignes la philo et le français à quelqu'un qui est dans les pêcheries ou qui est en électrotechnique ou etc., est-ce que ce serait possible que tu tiennes compte que cet enfant-là, ce jeune-là, il n'apprend pas de la même façon que s'il voulait aller à l'université? C'est ça que ça veut dire. Évidemment, ça vient briser un moule qui est une religion dans les collèges, on en est très conscients, à savoir que c'est moins le programme de l'élève qui compte que le département dans lequel j'enseigne. Je suis tout à fait conscient de ça, là. C'est de l'hérésie qu'on fait là, mais il faut poser la question comme ça, parce que, à la limite, il pourrait bien arriver, dans l'évolution des collèges... Et, moi, j'ai toujours dit aux profs: Faites bien attention qu'un jour on ne dise pas: On va reconstituer une filière technique où on va se débarrasser de la formation générale et là vous resterez dans vos départements. Mais on se retrouvera avec des jeunes qui auront des diplômes et qui n'auront jamais eu de formation générale, c'est ça.

M. Kieffer: Est-ce qu'on a fixé des balises? C'était ma préoccupation, parce que j'ai choisi volontairement des exemples caricaturaux, là. Est-ce qu'il y a des balises qui sont ressorties sur ce que ça signifierait d'avoir un enseignement, par exemple, de la philosophie ou du français plus proche des préoccupations et du cheminement, là?

M. Bisaillon (Robert): C'est le défi pédagogique de ces profs-là. Je ne suis pas un spécialiste, mais je suis capable de comprendre pourquoi un jeune qui est en électromécanique hait la philo de la façon dont elle lui est enseignée. Je n'ai pas honte de le dire.

Une voix: Ça dépend du prof.

M. Bisaillon (Robert): Aussi.

Le Président (M. Charbonneau, Bourassa): M. le député de Champlain, s'il vous plaît.

M. Beaumier: Ah! mon Dieu! La voix avait changé.

Le Président (M. Charbonneau, Bourassa): Bonjour.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Charbonneau, Bourassa): Vous êtes le dernier sur la liste que le président avait retenu pour ce qui est de ce chapitre. Ensuite, nous passons au chapitre 4.

M. Beaumier: Merci, rapidement.

Le Président (M. Charbonneau, Bourassa): J'inviterais les uns et les autres, ceux qui posent des questions, ceux qui répondent, à considérer que nous aimerions bien avoir l'occasion de parler sur tous les chapitres d'ici 13 heures.

M. Beaumier: Merci. Et rapidement, M. le Président, est-ce que j'ai compris que l'idée... que le temps d'école – je ne précise pas en termes d'enseignement, d'encadrement ou tout ça – est une conclusion ou un souhait auquel vous arrivez ou bien si ce sont les gens qui l'ont clairement exprimé? Est-ce que vous l'avez lu, vu, entendu ou écrit?

M. Bisaillon (Robert): Si on lit bien, je pense qu'on peut dire qu'on est d'accord.

M. Beaumier: Bon, tout le monde est d'accord.

M. Bisaillon (Robert): C'est parce que le temps, c'est un déterminant.

M. Beaumier: Oui. Et, à ce moment-là, est-ce que les autres volets qu'on voyait comme formation complète de l'étudiant et qui font qu'on a beaucoup multiplié les programmes et qu'on a fait éclater le curriculum de formation... Est-ce que, dans cette période, qui serait peut-être une période d'un deuxième temps, qui serait après l'école pour simplifier les choses, toute la question de la culture, la question du rattrapage pour ceux qui sont en difficulté, la question de jeunes qui veulent, aussi, aller plus loin dans certains domaines... Est-ce que ce deuxième temps a été soulevé comme quoi il a été rempli par la notion, par exemple, de culture? Quand le premier ministre disait, hier: Il faudrait que la culture s'intègre dans l'éducation, bien, si ça ne s'intègre pas à ce niveau-là, ça ne s'intégrera pas plus haut. Je voudrais savoir un peu ce qu'il en est, Mme la coprésidente.

Mme Demers (Lucie): Oui, en ce qui concerne la culture, si ma mémoire est bonne, il y a eu des mises en garde de la part des représentants du milieu culturel à ce niveau-là, parce que eux craignent que les jeunes, dans certains milieux, n'aient pas accès à un bagage culturel suffisant si on se contente de reléguer aux activités parascolaires, là, tout le domaine culturel. On rejoint un peu cette opinion-là, je pense, dans la façon dont, nous aussi, on aborde les choses. On pense que le bagage culturel, il doit y en avoir une partie de base qui est offerte à l'intérieur des cours, mais l'espace d'encadrement dont on parle, on n'est pas allés jusqu'à le définir. M. Bisaillon en parlait tout à l'heure, ça pourrait, le cas échéant, être du travail d'appoint sur certaines matières, peut-être. Mais, comme on ne sait pas encore qui prendrait en charge cette période-là, ça pourrait être la communauté, aussi, qui assume une partie de ce temps-là. Ça reste à définir, mais, moi, personnellement, je pense qu'il faut y aller avec prudence, notamment au niveau culturel.

M. Beaumier: Merci beaucoup.


Dynamique pédagogique

Le Président (M. Charbonneau, Bourassa): Merci. Nous allons passer au chapitre 4. Je vais poser une double question, M. Bisaillon, sur le chapitre 4. Tout d'abord, à la question 2, qu'on trouve à la page 71, on dit que «les approches associées au renouveau pédagogique semblent susciter une grande adhésion». Par contre, on s'interroge, tout de suite après, si elles sont mises en pratique. Il y a là un petit hiatus dans la question. Est-ce que c'est une adhésion purement de l'ordre de la curiosité et de l'intérêt ou si vous voulez dire qu'il y a une adhésion dans le sens qu'on les utilise de plus en plus et largement? Le mot «adhésion», c'est plus que curiosité et intérêt.

(12 heures)

Par contre, j'ai bien lu vos notes, aux pages 56, 57, 58, où l'on fait état de ces nouvelles approches pédagogiques. Je n'ai pas vu de note, là, qui laissait entendre que ça soulevait beaucoup d'adhésion, mais certainement beaucoup d'intérêt ou de curiosité. J'ai vu que ce qui faisait consensus chez les élèves, c'était associer l'humour et la rigueur. Alors, c'est un peu ce que je fais dans ma question, je veux associer l'humour et la rigueur sur cette question. Parce que votre question 2 me semble faire état d'une certaine oscillation quant à la compréhension de ce qui passe en matière de nouvelles approches pédagogiques. Première question.

M. Bisaillon (Robert): Alors, O.K. Dans ma réponse, la rigueur, ça serait de dire que l'adhésion au renouveau pédagogique, elle est portée par ceux qui sont venus nous en parler.

Le Président (M. Charbonneau, Bourassa): Oui.

M. Bisaillon (Robert): Et on voit très bien que le personnel qui pratique ces approches-là y adhère quotidiennement. Pour ce qui est de l'humour, ça serait la deuxième question: Est-ce qu'effectivement ça rejoint bien plus que le monde qui nous en a parlé? C'est pour ça qu'on disait, tantôt, d'une autre façon: Ça ne doit par rejoindre grand monde parce que, d'après ce que les élèves nous disent, il y en a qui ont l'air de n'avoir jamais entendu parler de ça.

Le Président (M. Charbonneau, Bourassa): Bien. Alors, je suis tout à fait, de toute façon, satisfait que vous apportiez cette question-là, que vous la mettiez en discussion, parce qu'il y a matière à approfondissement. Par contre, je m'interroge sur le fait que vous n'ayez pas mis en discussion la question de l'évaluation alors que vous en parlez, à la page 58, dans «Ce que nous avons entendu». Vous dites que l'évaluation est une fonction détournée: il y a de l'obsession, il y a des critiques, il y en a trop ou il n'y en pas assez, on est contre ceci, on est contre cela, on est contre certains bulletins, on voudrait l'évaluation continue. Il y a tout un brassage, semble-t-il, qui est synthétisé à la page 58. Quand on arrive à la section «Ce que nous croyons utile de soumettre au débat», je ne trouve rien.

M. Bisaillon (Robert): C'est possible.

Le Président (M. Charbonneau, Bourassa): Parce qu'on sait que c'est une question qui revient sur toutes les bouches: des praticiens de l'enseignement, des parents et du public qui observe et qui paie pour les écoles. Dans les questions, je vois toutes sortes de choses: activités parascolaires, encadrement, etc., bibliothèques scolaires, nouvelles technologies, formation des maîtres, toutes de bonnes questions, mais l'évaluation: absente.

M. Bisaillon (Robert): C'est possible. En tout cas, dans ce chapitre-là, ça m'apparaît évident. Avez-vous lu tous les chapitres?

Le Président (M. Charbonneau, Bourassa): Bien, passablement. Enfin, j'essaie de faire le rapport entre les problèmes soulevés...

M. Bisaillon (Robert): Non, non. Il n'y a pas de questions, ça, c'est clair.

Le Président (M. Charbonneau, Bourassa): ...puis les questions.

M. Bisaillon (Robert): Il n'y a pas de questions.

Le Président (M. Charbonneau, Bourassa): S'il n'y a pas de questions qui correspondent à un grave problème, bien, là, je vous interroge à savoir où est la question?

M. Bisaillon (Robert): La question, finalement, c'est qu'il faudrait peut-être laisser ça plus à la décision des profs...

Le Président (M. Charbonneau, Bourassa): Des...

M. Bisaillon (Robert): ...des profs, des enseignants, la nécessité de multiplier ou de diminuer le nombre d'évaluations. Mais ce n'est pas une question qu'on a posée comme telle, vous avez raison.

Le Président (M. Charbonneau, Bourassa): À ce moment-là, il y aurait peut-être lieu de voir s'il y a une question à quelque part. Si vous pensez, vous, que c'est entre les mains des profs qu'il faut remettre ça, mettez au moins cette hypothèse-là...

M. Bisaillon (Robert): Non, non.

Le Président (M. Charbonneau, Bourassa): ...en discussion, parce qu'on pourrait prétendre que c'est un peu plus que les profs aussi qui ont quelque chose à dire là-dessus. Enfin, il y a une matière à débat. Est-ce qu'il y en a trop? Est-ce que c'est vrai que l'enseignement est pris dans un corset d'évaluations? On a beaucoup l'impression, à certains niveaux, pour certains ordres d'enseignement, que l'évaluation manque plutôt qu'être faite de manière exagérée. Ou bien elle est mal faite, ou elle n'est pas assez faite, ou quoi que ce soit, mais il y a quelque chose à se dire sur l'évaluation.

M. Bisaillon (Robert): Vous avez raison. Il faut distinguer aussi l'évaluation des apprentissages des élèves, l'évaluation des enseignements, l'évaluation de l'école elle-même comme institution. On parle d'évaluation institutionnelle plus tard. Non, vous avez raison, il n'y a pas de questions là-dessus. Mais il y a un message très clair qui nous a été rendu, par exemple, c'est qu'on évalue plus qu'on enseigne dans certains cas.

Le Président (M. Charbonneau, Bourassa): En tout cas, moi, si j'ai une suggestion à faire au passage, c'est qu'il s'agit là d'une question qui est sur toutes les bouches, dont nous avons parlé ici, en commission parlementaire, à l'occasion de certains échanges entre nous, qui est dans toutes les discussions touchant l'éducation, actuellement, à tous les niveaux. On parle de reddition de comptes, on parle de rigueur. Si on ne s'entend pas sur le dispositif d'évaluation, on ne pourra jamais arriver à prendre des mesures. Merci. Le député le Verdun, s'il vous plaît.

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Ce chapitre-là, c'est celui où vous abordez les questions reliées aux technologies de l'information en éducation. Je trouve que vous l'abordez d'une manière relativement succincte, compte tenu de l'importance que, moi, je vois au domaine, et vous l'abordez uniquement dans le lien pédagogique. Vous n'abordez pas non plus les effets qu'il pourrait y avoir avec les autres chapitres, c'est-à-dire à quel point, d'après moi, les modifications technologiques peuvent même modifier les structures dans le monde de l'éducation et même modifier grandement pas seulement l'enseignement comme tel à l'intérieur d'un cours, mais l'organisation complète du réseau. Et ça, c'est une question que, moi, j'aurais voulu peut-être vous voir aborder pas seulement strictement en maintenant le réseau tel qu'il est, mais, après, dans le rapport maître-élèves et, aussi, dans la modification globale qu'on pourrait voir au réseau suite aux nouvelles technologies.

M. Bisaillon (Robert): Je vous dirai trois choses là-dessus. La première, c'est qu'il en a beaucoup moins été question que je ne l'aurais cru. La deuxième, c'est qu'il y avait déjà un sommet d'annoncé depuis un an.

M. Gautrin: Absolument, oui, oui, la semaine dernière.

M. Bisaillon (Robert): Et on peut penser même que les gens ne sont pas venus en parler parce que c'est là qu'ils allaient en parler. Troisièmement, moi, je dirais qu'on est peut-être victimes aussi de l'abondance...

M. Gautrin: D'information.

M. Bisaillon (Robert): Il y avait eu un rapport annuel du Conseil de la science et de la technologie qui traitait de ces questions-là. Nous, ce qu'on a voulu souligner, c'est que les technologies, par exemple, pourraient être naturellement utilisées en formation à distance pour les adultes. Il y a un lieu naturel, là. Mais, par ailleurs, quand on regarde ce qui a été écrit là-dessus, on dit juste: Il faut arrêter le stade des consensus, parce qu'il est acquis depuis longtemps, et passer à l'engagement des partenaires. Puis, là, il faut aller lire le résultat de la conférence de la fin de semaine passée. C'est ça qui explique qu'on n'a pas appuyé.

M. Gautrin: Si vous permettez, M. le Président, brièvement, j'ai l'impression que, compte tenu des conférences qui ont lieu sur ce domaine-là, il y aurait lieu que vous intégriez dans votre rapport final ce qui s'est discuté la semaine passée, par exemple, ou des choses comme ça.

M. Bisaillon (Robert): S'il y a rapport final.

M. Gautrin: S'il y a rapport final? Il est possible que vous ne fassiez pas un rapport final?

M. Bisaillon (Robert): Non, il est possible qu'on en fasse un, parce que le mandat, c'est de ne pas en faire un. C'est ça que j'ai expliqué au début, tantôt: notre mandat, ce n'est pas de faire un rapport. Je n'exclus pas qu'on nous en demanderait un, un jour.

M. Gautrin: Très bien, je comprends. D'accord, ça va, c'est la remarque que vous avez faite.

Le Président (M. Facal): M. le député de Groulx.

M. Kieffer: Je reviens à votre idée de continuum, qui m'apparaît essentielle au niveau de la formation professionnelle. Ce que je remarque: en région, chez nous, et je suppose que ça doit être un peu la même chose partout, il semble y avoir une compétition féroce entre le réseau collégial et le réseau des commissions scolaires quant à la formation dite professionnelle. On a décidé que, d'un bord, ça s'appelait professionnel, puis, de l'autre bord, ça s'appelait technique. Pour moi, qu'il y ait déjà, au départ, deux appellations, puis qu'on se chicane avec GM, par exemple, pour savoir: Ça «va-tu» s'appeler la formation technique ou la formation professionnelle, «c'est-u» le secondaire qui va donner la formation ou «c'est-u» le cégep... C'est quoi, l'état de la situation à ce niveau-là? Quel type de témoignages vous avez eus? Est-ce qu'il y a une volonté d'en arriver à une synergie, d'amorcer un rapprochement?

M. Bisaillon (Robert): La volonté, ça vient de deux choses: notre conviction profonde ou de petits coups de l'extérieur. Je comprends que, depuis quatre, cinq ans, il y a eu plus de petits coups de l'extérieur que d'adhésions spontanées. Mais ce qui est intéressant, c'est qu'il y a un déblocage. Il y aurait actuellement 40 programmes qui seraient construits, nommément, pour permettre la transition. Ce n'est pas assez, mais ceux-là sont gagnants; ils ont de l'avenir. Mais ça va aussi loin que de dire que, s'il pouvait même y avoir une carte intégrée, dans une région, des programmes secondaires et techniques, ça constituerait une attraction extraordinaire pour un jeune qui pourrait avoir le goût de s'en aller là-dedans en sachant que ça débouche sur les programmes au collégial, s'il le veut.

M. Kieffer: Mais ce que vous me dites, c'est qu'il n'y a pas de volonté à l'interne, il va falloir qu'on donne des coups de pied, là.

M. Bisaillon (Robert): C'est-à-dire que ça a pris plusieurs années de discours avant qu'on arrive à ça. Mais la spontanéité, c'est plus de t'arracher les clientèles que de te les partager sur une période plus longue. Ça, c'est un mauvais calcul que les gens font. Et vous regarderez le rapport Pagé sur la formation professionnelle, c'est une des voies d'ailleurs qui ont été avalisées par le ministre et qu'on reprend, nous, là-dedans. Il y a de l'avenir là-dedans plus que dans toute autre chose. Il va falloir donner un petit coup. Ça fait partie, dans le fond, des réformes à faire.

Le Président (M. Facal): M. le député de Marquette.

M. Ouimet: La commission royale d'enquête en Ontario recommandait la mise sur pied d'un ordre professionnel pour les enseignants. Je pense que, dans le mémoire déposé par la Faculté de l'éducation de l'Université de Montréal, ils allaient dans le même sens. Quelle est votre réflexion à ce sujet-là, d'une part?

(12 h 10)

D'autre part, de façon plus large, comment concilier, à un moment donné... Les nouvelles demandes qui émergeront des états généraux: le service à la petite enfance, le virage technologique, les bibliothèques scolaires, tout ça, il y a un coût d'associé à tout ça. Comment allons-nous concilier les besoins pour améliorer la qualité de notre système éducatif, d'une part, par rapport aux finances publiques? Est-ce qu'on ne devra pas, à ce moment-là, remettre en cause plusieurs outils ou plusieurs éléments qui existent dans le système scolaire actuel, les commissions scolaires, les cégeps? Où est-ce qu'on peut faire des économies si on ne veut pas augmenter les investissements en éducation parce qu'on ne peut pas se le permettre dans le contexte actuel? C'est la deuxième question, plus large.

M. Bisaillon (Robert): La première, sur l'ordre professionnel, ça a été beaucoup moins traité que ça en a l'air. Ce qui est plus traité, finalement, c'est moins l'ordre professionnel, qui est un mécanisme, que l'obligation d'évaluer les profs, de respecter une certaine déontologie. Et, nous, on est d'accord – vous le verrez dans un autre chapitre sur la reddition de comptes – que, tout au long de sa carrière, un prof doit rendre des comptes, comme un directeur d'école, soit dit en passant. On doit inscrire ça dans les moeurs et on pense que la sécurité d'emploi doit s'accompagner de cette évaluation-là. On aurait pu choisir d'abolir la permanence, vous savez, ça a aussi été demandé, ou d'abolir les syndicats. En tout cas, on n'a pas choisi ça.

La deuxième question, c'est une fameuse de question, c'est une question très pertinente. Moi, je suis porté à penser qu'on va entrer, au terme des débats – mais il faudrait que les gens aient ça en tête dès les débats – dans ce que j'appellerais, moi, le déplacement des plaques tectoniques. Il ne s'agit pas juste de transplanter un petit arbre; ça se fait assez facilement, ça, tu transportes la motte de terre qui va avec. Mais, si tu déplaces des continents, ça a plus d'effets. Et il y a comme de grandes questions qu'il faut se poser, qui seraient de l'ordre suivant: Dans une société, le rendement social des études est-il plus fort en éducation de base ou en enseignement supérieur? Qu'est-ce qu'il faut sauver? Est-ce qu'il est préférable d'investir dans la petite enfance ou de payer une facture considérable en redoublements scolaires ou, plus tard, en reprises coûteuses à l'éducation des adultes pour une diplomation à peu près nulle?

Il va falloir qu'on fasse des choix de cet ordre-là et on n'a pas actuellement, nous, le mandat de faire ces choix-là. Mais, dans le fond, ce que vous me demandez, c'est un peu la perspective, là; il faudra que les questions soient posées de cette façon-là: Est-ce qu'on réalloue? Est-ce qu'on réduit le budget ou si on l'augmente? Moi, j'ai compris que votre question partait du principe qu'on n'augmentait pas les budgets en éducation; donc, je m'adapte à votre question. Si on n'augmente pas les budgets à l'éducation, il reste deux façons de faire: changer les allocations d'argent disponibles de place ou réduire, mais après un établissement de priorités. Vous comprenez qu'on n'avait pas le mandat de faire ça. Mais c'est ça les vraies questions.


Formation professionnelle et technique

Le Président (M. Facal): Je vous propose, considérant l'heure, de passer au chapitre 5 qui porte sur la formation professionnelle et technique. Qui souhaite intervenir? M. le député de Bourassa.

M. Charbonneau (Bourassa): M. le président Bisaillon et Mme la coprésidente, je voudrais, par ma question, vous donner l'occasion d'expliquer davantage ce qu'il y a derrière la question 3. Dans certains cas, sur certaines questions, nous pouvons avoir eu le temps de lire le texte à l'amont; dans d'autres cas, un peu moins. Vous avez ici un concept de continuum de programmes de formation du secondaire à l'université. Pouvez-vous essayer de nous dégager l'innovation qu'il y a derrière cette piste par rapport à ce qui existe? Parce qu'il me semble que le système, quant à lui, s'emboîte bien, chaque ordre menant au suivant. Actuellement, il n'y a pas de rupture, comme il y en avait autrefois avant la réforme scolaire où le cours public ne menait pas à l'université. Aujourd'hui, tous les ordres d'enseignement s'emboîtent harmonieusement l'un dans l'autre. Mais vous revenez ici surtout sous l'angle des programmes, si je comprends bien, plutôt que des structures et vous semblez mettre une piste sur la table pour améliorer. Je voudrais vous donner l'occasion d'expliquer ça davantage.

M. Bisaillon (Robert): Oui. Contrairement à ce que vous dites, à ce que votre question laisse entendre, l'emboîtement harmonieux ne se fait pas entre le secondaire et le collégial; il se fait entre le collégial et l'université, maintenant. Je disais tantôt: Il y a 19 point quelques jeunes qui passent du D.E.C. technique à l'université. Et je dirais que l'École de technologie supérieure, la formation de technologue, c'est une bouffée d'air frais. C'est ça qu'on doit viser comme développement. Ça ne se fait pas entre le secondaire et le collégial pour une raison très simple, c'est qu'il y a une asymétrie – le «a» étant privatif – entre le secondaire et le collégial dans la mesure où la réforme de l'enseignement professionnel au secondaire disait: Dorénavant, tu fais toute ta formation générale; après, tu t'en vas en formation professionnelle. Donc, c'était consécutif, tandis qu'au collégial les programmes sont bâtis où tu fais en même temps ta formation générale et ta formation technique.

Alors, qu'est-ce qui se passait? Il se passait deux phénomènes. Il y a des jeunes qui faisaient toute leur formation générale et, rendus là, ils disaient: Tant qu'à avoir mon D.E.S., je suis aussi bien d'aller carrément en formation technique. Et il y a des jeunes qui disaient, en secondaire III: Il me reste deux ans de formation générale à faire, je n'irai pas au professionnel, je vais sacrer mon camp de l'école. C'est ça qui s'est passé. D'où notre suggestion de réétablir la concomitance, au secondaire, de la formation générale et de la formation professionnelle, c'est-à-dire qu'à partir du secondaire IV un jeune pourrait faire en même temps sa formation générale et professionnelle. Le programme de formation professionnelle construit comme ça, au secondaire, serait harmonisé avec un programme du collégial, dans le même secteur, où il y a déjà concomitance de formation générale et de formation technique. Bon. Il y a des exemples qui existent; les 40 programmes, je ne suis pas capable de vous les donner aujourd'hui. Mais c'est ça qu'on veut dire. Le continuum permettrait, à ce moment-là, d'aller du secondaire à l'université.

M. Charbonneau (Bourassa): Est-ce que vous voulez dire que, actuellement, un diplômé de l'enseignement secondaire, mais professionnel n'a pas accès au collégial?

M. Bisaillon (Robert): Très difficilement. Exceptionnellement. Il faut qu'il refasse ses préalables de sciences. Ce n'est pas fait pour être articulé.

M. Charbonneau (Bourassa): Parce que sa formation générale aurait été trop faible?

M. Bisaillon (Robert): Parce qu'elle a été faite avant sa formation professionnelle et, des fois, elle a été trop faible et elle n'a pas été pensée en continu non plus. Alors, bon.

M. Charbonneau (Bourassa): Et l'autre bout, c'est-à-dire collège-université? Parce que vous dites: Du secondaire à l'université.

M. Bisaillon (Robert): Du collège à l'université, c'est déjà plus simple. Il y a l'École de technologie supérieure qui a montré c'était quoi, faire des structures d'accueil pour des programmes de techniques permettant d'aller à l'université. Ça, là, il y a un exemple. Je ne dis pas qu'il est répandu, mais ça doit marcher puisque un finissant sur cinq du technique va à l'université. Ce n'est pas rien. Ce n'était pas prévu comme ça, puis c'est bon.

M. Charbonneau (Bourassa): Une personne qui fait son collège, qui se spécialise, par exemple, pour devenir infirmière, en techniques infirmières, est-ce qu'elle peut avoir accès à l'université au bac en nursing et continuer?

M. Bisaillon (Robert): Oui.

M. Charbonneau (Bourassa): Sans aucun problème?

M. Bisaillon (Robert): Ah non! Il y a sûrement des préalables, des cours qu'il faut qu'elle ajoute qui, quelquefois, sont les mêmes d'ailleurs.

M. Charbonneau (Bourassa): C'est ce genre de problèmes là que vous voudriez essayer de résoudre.

M. Bisaillon (Robert): Oui, mais il m'apparaît plus crucial entre le secondaire et le collégial. Il y a encore des chicanes sur la différence entre agente de bureau et technicienne en secrétariat, ou le contraire. Ce n'est pas normal, ça.

M. Charbonneau (Bourassa): Il y avait un travail important d'entrepris au ministère de l'Éducation pour réviser tout ça, ainsi que...

M. Bisaillon (Robert): C'est de ça que je parlais tantôt, les 40 programmes.

M. Charbonneau (Bourassa): Oui.

M. Bisaillon (Robert): Ça accélère, mais pas assez.

M. Charbonneau (Bourassa): J'espère que ce travail ne sera pas interrompu ou mis au ralenti.


Formation continue

Le Président (M. Facal): Merci. Est-ce que nous pouvons passer au chapitre 6, portant sur la formation continue? M. le député de Marquette.

M. Ouimet: J'ai lu, dans le document, au tout début, je ne me souviens plus à quelle page, que vous avez indiqué qu'au niveau de la formation continue – et je pense que c'est malheureux – il n'y a pas beaucoup d'intervenants qui en ont parlé. Je pense que j'ai lu ça au début du rapport, à un moment donné, et ça, c'est dans le premier chapitre sur la mission de l'école. Ici, il y a tout un chapitre qui porte sur la formation continue. Je me demande si c'est du même ordre. Ma question n'est pas claire?

M. Bisaillon (Robert): Non, je comprends ce que vous voulez dire.

M. Ouimet: On parlait de la culture, d'apprendre à apprendre. Il est important que...

M. Bisaillon (Robert): Je comprends. C'est parce que, dans le chapitre sur la mission, on a dit que, même quand tu es en formation initiale à l'école primaire-secondaire, il faut que tu saches déjà que la formation qu'on te donne sera dans une perspective où ça ne sera jamais fini.

(12 h 20)

M. Ouimet: C'est ça.

M. Bisaillon (Robert): Ça, c'est un peu nouveau dans notre société. Tandis que, là, on parle vraiment de la formation continue des adultes.

M. Ouimet: O.K.


Partage des pouvoirs et des responsabilités

Le Président (M. Facal): S'il n'y a pas de questions pointues sur le chapitre 6, je propose de passer au chapitre 7 qui porte sur le partage des pouvoirs et des responsabilités. Peut-être qu'en allant directement aux pages 104 et 105 où se trouvent les questions à débattre nous pourrons aller au plus pointu. M. le député de Groulx, suivi du député de Verdun.

M. Kieffer: Vous me direz, parce que je n'ai pas lu cette partie-là, si la question des écoles de quartier et des écoles de village s'inscrit dans ce chapitre-là. Alors, Mme Demers, vous pourriez...

M. Bisaillon (Robert): C'est dans l'accessibilité, hein! Moi, je ne suis pas un spécialiste d'écoles de village; elle peut vous répondre.

M. Kieffer: C'est pour ça que je m'adressais à elle. Est-ce que c'est à ce chapitre-là ou à un chapitre suivant?

Mme Demers (Lucie): Non, c'est dans le chapitre sur l'accessibilité.

M. Kieffer: J'attendrai, j'attendrai.

Une voix: C'est passé.

M. Kieffer: Ah bon! Je le cherchais.

M. Désilets: Tu as manqué le train.

M. Kieffer: J'ai manqué le train. Alors, à ce moment-là, la question de la démocratie dans l'élection des commissaires, est-ce que ça a été soulevé? Ça a été quoi, les réflexions autour de ça?

Mme Demers (Lucie): Je peux tenter un début de réponse. On met dans ce chapitre-là différentes hypothèses au jeu par rapport à la démocratie comme telle. Il y a eu beaucoup de questionnements. Il y a des gens qui croient que, l'école, ça appartient aux parents, que ce sont les parents qui doivent voter, donc élire des gens pour les représenter et tout. Nous, on va plutôt du côté où on dit que, l'école, ça appartient aux citoyens. Toutefois, ce qu'on met au jeu, c'est un rapprochement des pouvoirs vers l'école. Donc, une des hypothèses, c'est que le lieu du suffrage universel se déplace de la commission scolaire vers l'école. C'est comme ça qu'on l'aborde. Je ne sais pas si ça répond à votre question.

M. Kieffer: Quelle forme ça prendrait?

Mme Demers (Lucie): Un peu le même principe, et Mme Berthelot peut compléter si ce n'est pas clair: on élit des gens pour représenter, un genre de conseil. En fait, si vous lisez les questions, les autres hypothèses qu'on fait, ça pourrait être aussi un genre de groupe, un peu sur le modèle des régies régionales de la santé, donc des représentants de tous les milieux au niveau régional. Ce serait un organisme qui s'occuperait, entre autres, de répartir les services. Ça pourrait être carrément un organisme de services au niveau de la région. Il y a beaucoup d'hypothèses de lancées.

Le Président (M. Facal): M. le député de Verdun, suivi de Mme la députée de Rimouski.

M. Gautrin: Mme la présidente, vous abordez, je pense, une question extrêmement importante de votre rapport. Si j'ai compris la logique que vous avez à l'intérieur, vous voulez décentraliser les pouvoirs en première ligne et mettre des principes d'imputabilité vers des élus. Si je prends ça comme principe général, c'est à peu près ça qui sous-tend un peu ce que vous avez entendu. Est-ce que je comprends bien?

Mme Demers (Lucie): Oui.

M. Gautrin: Alors, si on modifie pour ce qui est des commissions scolaires, c'est-à-dire des secteurs primaire et secondaire, déjà, comme l'a rappelé mon collègue de Groulx, ça peut soulever un certain nombre de problématiques. Quand j'arrive au niveau du cégep, le même principe, vous l'appliquez comment? L'imputabilité, à ce moment-là... Donc, vous voulez responsabiliser plus les institutions qui sont déjà autonomes et vous voulez les rendre imputables devant un corps d'élus. C'est un peu l'idée qui serait sous-jacente à ce que vous avez entendu comme information?

Mme Demers (Lucie): On ne l'a pas abordé vraiment pour l'ordre collégial; c'est vraiment des modifications aux niveaux primaire et secondaire.

M. Gautrin: Et ça n'a pas été abordé du tout. Parce que, voyez-vous, on pourrait se mettre ici dans un effort d'imputabilité par rapport aux universités – parce que je pense que les élus de l'Assemblée nationale sont peut-être les mieux placés pour le secteur universitaire – mais on aurait une idée plus locale, peut-être, pour les cégeps. Mais vous ne l'avez pas abordé.

Mme Demers (Lucie): Non, ça n'a pas été touché du tout, ni par les intervenants.

M. Gautrin: Mais c'est une question que je pourrais soumettre à votre réflexion, si vous avez le temps d'y penser. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Facal): J'espère qu'il y a consentement pour permettre à la députée de Rimouski d'intervenir. Elle est très intéressée par ces questions.

M. Gautrin: Certainement.

Le Président (M. Facal): Très bien.

M. Gautrin: Elle est presque membre d'ailleurs.

Mme Charest: Alors, merci, M. le Président. Mme Demers, je reviens sur la question de rapprocher les lieux de décision des lieux d'action. Et, sur la réponse à la question que vous avez donnée au député de Groulx, j'aimerais avoir plus de précisions. Si je comprends bien, ce que vous avez comme hypothèse, c'est que chaque école aurait un genre de conseil d'administration, en quelque part. Mais il n'y a pas là quelque danger que ces conseils d'administration là aient beaucoup plus une préoccupation de gérer des budgets, des immeubles et des infrastructures par rapport à toute la question d'ordre plus pédagogique, à la vocation même de l'école? Et quel serait le poids de l'un par rapport à l'autre? Comment ça pourrait se concrétiser, cette hypothèse-là?

Parce que, moi, ça me soulève certaines inquiétudes. Je ne dis pas qu'il ne faut pas le faire, qu'il ne faut pas le regarder, mais il y a des effets pervers à toute infrastructure et, celle-là, elle a déjà fait ses preuves, je vous dirais, ailleurs, dans d'autres réseaux. Quand vous parlez des régies régionales de la santé et des services sociaux, oui, la démocratisation et la régionalisation ont été faites, mais on peut déjà voir certains effets pervers par rapport aux missions.

Mme Demers (Lucie): Oui, je sais que je n'ai pas été claire tout à l'heure; mettez ça sur le compte de la nervosité. Alors, ce sur quoi les participants aux audiences s'entendent, je dirais, en tout cas, la grande majorité: on ne remet pas en cause les responsabilités actuelles du ministère à cause de l'équité que ça assure dans toutes les régions.

Mme Charest: O.K.

Mme Demers (Lucie): Ce sur quoi on s'interroge, c'est sur le palier intermédiaire, donc entre l'école et le ministère. Mais, quand on parle de rapprocher les pouvoirs de l'école, on pense d'abord à la pédagogie, à l'organisation du travail, à l'organisation de l'horaire. Cet organisme de services pourrait être, en fait, responsable davantage de tout ce qui concerne, comme vous le disiez, les immeubles, l'allocation des ressources, en fait.

Mme Charest: Ce que font les commissions scolaires présentement.

Mme Demers (Lucie): Oui.

Mme Charest: En gros.

Mme Demers (Lucie): Oui, enfin, certains pouvoirs, pas en entier, là. C'est toutes les hypothèses qui sont lancées.

Mme Charest: O.K.

Mme Demers (Lucie): Certaines fonctions qu'elles ont actuellement. Mais ce n'est pas de changer pour du pareil. Ce sur quoi les intervenants insistaient beaucoup, c'était vraiment sur la pédagogie, reprendre en main le quotidien de l'école.

Mme Charest: Merci, madame.

Le Président (M. Facal): M. le député de Bourassa.

M. Charbonneau (Bourassa): Oui. À la page 103, vous avez une affirmation intéressante. Vous échafaudez, en quelque sorte, un raisonnement dans le virage qui s'impose, etc., en disant que ce n'est pas les changements de structures qui comptent, mais plutôt la maîtrise du quotidien, le devenir éducatif, et, tout à coup, vous dites: «Cela s'appuie sur la conviction que l'école appartient d'abord aux citoyens et que c'est à eux de choisir...» Quand vous dites «aux citoyens», vous ne dites pas – ce que d'autres auraient pu dire, par exemple – aux parents, au personnel de l'enseignement et aux étudiants, aux élèves, mettons; ça aurait pu être dit comme ça. Non, vous choisissez de dire: Ça appartient aux citoyens.

(12 h 30)

Il y a une conception bien caractérisée qu'il faut mettre en lumière, à ce moment-ci. D'ailleurs, ça se reflète dans votre deuxième question, la question 2 a: «Déplacer le lieu de suffrage de la commission scolaire vers l'école et le rendre universel à ce palier.» Tout à l'heure, M. Bisaillon a mentionné que, s'il y avait des élections scolaires qui devaient se poursuivre au niveau de l'école, ce ne serait pas une question à régler entre parents; ce serait pour y associer les citoyens. Je mets cette première observation sur la table pour le moment.

Deuxièmement, je réfère à celle-ci. Vous avez quand même maintenu, parmi les scénarios, l'idée d'une commission scolaire et vous ne démordez pas sur la question de la taxation. Même la suggestion que vous faites, ce serait peut-être d'accroître le pouvoir de taxation. Vous ne mettez pas en discussion l'idée de diminuer ou d'abolir le pouvoir de taxation; quand il en est question, c'est plutôt pour l'accroître, et ça se reflète dans vos questions sur le financement, à la page 125. Je m'excuse de faire ce rapport, ça nous évitera d'y revenir au chapitre 10, mais c'est le même sujet. Vous continuez de parler de la taxe scolaire, vous discutez s'il faut l'accroître, vous discutez s'il faut qu'elle soit uniforme, etc. Donc, on voit ici que vous faites une corrélation entre taxation et existence d'une quelconque structure à un niveau autre que le ministère, là. Est-ce que vous y tenez vraiment à faire cette corrélation de taxation et participation du public, puisque ça n'existe pas dans l'enseignement collégial?

Et, quand vous parlez du domaine de la santé, il n'y a pas de taxation reliée aux organismes de santé dans le milieu, que ce soit des régies ou des conseils d'administration. Donc, on voit des sphères importantes où on ne la fait pas, cette corrélation-là; elle est disparue à travers les années ou elle n'a jamais existé, que ce soit dans d'autres ordres d'enseignement ou dans le social. Mais, ici, vous la maintenez et même vous suggérez de la renforcer. Quelle est la logique derrière ça?

Mme Demers (Lucie): Moi, je suis désolée, je ne peux pas répondre à votre question. Ça dépasse mes connaissances à ce sujet-là. On y reviendra peut-être avec M. Bisaillon qui a une meilleure vue d'ensemble, j'avoue, que moi de toute la question du financement et de la gestion.

M. Charbonneau (Bourassa): Et, sur la première question, l'école aux citoyens par rapport à l'école aux parents, aux enseignants et au personnel de l'enseignement?

Mme Demers (Lucie): Pour nous, c'est clair que, l'école, c'est un service public. C'est pour ça qu'on parle quand même de maintenir un suffrage universel.

M. Charbonneau (Bourassa): Au niveau de l'école?

Mme Demers (Lucie): Pardon?

M. Charbonneau (Bourassa): Au niveau de l'école, on s'entend bien.

Mme Demers (Lucie): C'est-à-dire que c'est une des hypothèses qui sont mises au jeu.

Le Président (M. Facal): Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, M. le Président. En page 102, dans le dernier paragraphe, vous faites état que «plusieurs s'inquiètent de l'état de la profession». Je pense qu'il y a une bonne analyse qui est là: peu d'embauche de nouveaux enseignants, une population enseignante vieillissante. Et vous soulevez plusieurs problèmes, mais je ne le retrouve pas ensuite dans les questions.

Moi, depuis quelques années, je m'inquiète beaucoup. Je pense qu'on est actuellement dans la période de transition. On est dans une période où, effectivement, on n'embauche plus, mais on risque de se trouver dans quelques années où tous les enseignants et les enseignantes vont quitter en même temps. Et, moi, j'ai peur de ce vide-là: la génération des baby-boomers qui va quitter toute en même temps. Et j'ai l'impression... En tout cas, j'aurais eu besoin d'une question qui nous demande comment on va pouvoir gérer cette transition-là, pour ne pas passer d'un état où on n'embauche pas du tout à un vide complet parce que, là, tout le monde va être parti. Au niveau des débats, est-ce qu'on est allés un petit peu plus loin là-dessus?

Mme Demers (Lucie): Pas directement sur la transition comme telle, de la façon dont vous l'abordez, avec les enseignants de métier de longue date et les gens à statut précaire ou les nouveaux enseignants. Par contre, votre question, ce souci-là de la tâche enseignante, des conditions, on la retrouve quand même dans la dynamique pédagogique quand on parle aussi des relations maître-élèves. C'est à travers ça qu'on la retrouve davantage. Mais j'avoue que, là-dessus, on n'a pas abordé le point directement de la relève.

Mme Caron: Merci.


Enseignement privé

Le Président (M. Facal): Merci. Je vous proposerais de passer, si vous le voulez bien, au chapitre 8, qui porte sur l'enseignement privé. Je vous signale aussi, Mme Berthelot, que le fait de ne pas être un des deux coprésidents ne vous prive pas du plaisir d'intervenir et, pour nous, de celui de vous entendre. Si vous avez tenu la plume, sentez-vous bien à l'aise également d'intervenir si vous le souhaitez.

Mme Berthelot (Michèle): Merci.

Le Président (M. Facal): Sur l'enseignement privé, M. le député de Verdun, suivi du député de Bourassa.

M. Gautrin: Mme la présidente – enfin, M. le Président, à Mme la présidente – est-ce que vous avez analysé la question: si vous décentralisez le pouvoir vers les écoles et, donc, que vous avez des écoles de plus en plus autonomes, quelle différence il va y avoir entre une école privée et une école totalement publique, mais ayant une structure autonome complètement vouée aux parents? Quelle différence vous voyez, à ce moment-là, entre le privé et le public complètement décentralisé? Ça peut valoir aussi...

Mme Demers (Lucie): Pardon?

M. Gautrin: Ça peut valoir aussi au niveau du cégep après, mais enfin...

Mme Demers (Lucie): En fait, M. Bisaillon vous a parlé un petit peu de quelle façon on avait abordé la question du privé, et j'avoue que là-dessus on n'a pas comparé. Ce à quoi on s'est attardés, c'est: qu'est-ce qui distingue l'enseignement privé de l'enseignement public? En quoi il est complémentaire à l'enseignement public et en quoi il serait justifié de poursuivre les subventions?

M. Gautrin: Ce qui est distinct, c'est qu'ils ont des missions, ils choisissent des projets éducatifs ou des missions éducatives qui leur sont propres. Mais, à partir du moment où vous leur donnez beaucoup plus d'autonomie – j'ai cru comprendre que, dans le chapitre précédent, vous donniez énormément d'autonomie aux écoles – une école va donc avoir, chacune, son propre projet éducatif, va être quasiment tout à fait autonome. Et je ne vois pas tellement la distinction qu'il y aurait entre l'école publique totalement autonome et l'école privée.

Le Président (M. Facal): Dans le chapitre précédent, la Commission ne fait pas son lit; elle évoque six scénarios différents, là.

M. Gautrin: Non, je sais. Non, je comprends. J'ai bien compris, mais, compte tenu... Non, j'ai bien compris. Écoutez, je sais bien que la Commission est ici au niveau des consultations et ne fait pas son lit, mais, si vous choisissez ce scénario, c'est-à-dire envisager des écoles extrêmement autonomes, je ne vois pas tellement de distinction entre l'école totalement autonome et l'école privée.

Mme Demers (Lucie): Mme Berthelot, je pense, va tenter une réponse.

Mme Berthelot (Michèle): Je pense que la quatrième question, à la page 110, sur l'enseignement privé, rejoint un peu...

M. Gautrin: Cette préoccupation.

Mme Berthelot (Michèle): ...cette préoccupation-là aussi. Et l'ensemble du questionnement autour de l'enseignement privé, on le repositionne au lieu de le limiter exclusivement à: est-ce qu'on finance ou on ne finance pas et à combien de pour-cent? La Commission a fait le choix de refaire l'historique du développement de l'enseignement privé au Québec et de dire: Bon, il y a eu un certain glissement ou, du moins, un changement d'orientation. C'est pour ça que les questions sont recentrées autour justement de: qu'est-ce qui différencie dans leur mission les écoles privées et les écoles publiques et qu'est-ce qui justifie l'existence d'un système parallèle subventionné? Donc, ça peut rejoindre votre question.

Effectivement, si les établissements publics ont plus d'autonomie de gestion, un projet pédagogique défini, plus d'encadrement, qui sont au nombre des facteurs qui ont fait fuir l'école publique par bon nombre d'élèves, donc par le choix des parents, effectivement, on peut se poser la question: Qu'est-ce qui les différencie? Ce sont les questions qui sont soumises au débat par la Commission.

M. Gautrin: Merci.

Le Président (M. Facal): M. le député de Bourassa.

M. Charbonneau (Bourassa): Sur ce chapitre de l'enseignement privé – on sait que c'est une question délicate et qui est discutée depuis longtemps – je crois que vous faites très bien la part des choses et puis vos premières questions, la première et la deuxième, posent très bien la question. J'ai hâte de voir le débat: complémentarité, concurrence, on est dans quelle logique? Si on est dans une logique de complémentarité, ça peut ouvrir la voie à toutes sortes de choses et un financement à l'appui. Là où l'institution publique ne se rend pas, qu'on complète la route par des établissements privés, voilà toute une perspective. Ou bien une logique de concurrence et là c'est une autre histoire et c'est un autre débat: qui paie cette concurrence-là? C'est très bien posé et la question 2 est bien aussi.

Je comprends moins, cependant, ce que fait dans le portrait la question 4, qui n'est plus de l'ordre de l'école privée, qui est une question qui porte sur l'école publique. Je vais la poser à ma manière, de manière à ce qu'elle ressorte bien.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Charbonneau (Bourassa): Opter pour l'école publique de leur choix. Donc, ce n'est pas une question d'école privée ici. On peut apparenter ça au fait qu'une école autonome dans le secteur public devienne quasiment une école privée, etc. Mais le débat qui a cours actuellement: à Montréal, par exemple, il y a des écoles publiques qui se rendent intéressantes plus que la moyenne, qui essaient de sortir de l'ombre ou de la moyenne en mettant de l'avant un projet éducatif bien typé, bien caractérisé, très intéressant: éducation physique, musique ou quoi que ce soit. Et ça fait accourir les effectifs, ça provoque des chicanes de quartier, etc. C'est cette question-là que vous posez, en 4. Ça n'a rien à voir avec l'enseignement privé, ça; c'est à l'intérieur de l'enseignement public.

M. Bisaillon (Robert): Mais c'est perçu comme une question alternative.

M. Charbonneau (Bourassa): Il n'y a rien dans la problématique qui amène ça, là.

M. Bisaillon (Robert): C'est vrai, mais c'est perçu quand même comme une question alternative à la discussion sur l'école privée ou pas. Autrement dit, est-ce qu'à Montréal, par exemple, on devrait considérer la ville au complet comme un quartier et que les gens ne soient pas empêchés d'envoyer leurs enfants dans les projets éducatifs qui les intéressent par le fait qu'ils font partie d'un quartier en particulier? C'est ça, la question.

M. Charbonneau (Bourassa): Mais, si vous permettez, vous aviez une belle occasion, à la page 45, d'ouvrir un espace là-dessus en parlant des marges de manoeuvre locales et en situant ça à travers la problématique de l'enseignement public et non pas à la marge de la problématique de l'enseignement privé, parce qu'elle se pose à l'intérieur. Il y en a qui prétendent – et, ma foi, il y a de bonnes raisons d'écouter leurs arguments – que c'est une manière d'assurer la qualité de l'enseignement public que de permettre ces écoles assez différenciées, avec toutes sortes de projets alléchants, etc. On a l'école internationale, c'est bien connu, qui s'est développée à l'intérieur du système public. Et, ma foi, il y a des arguments raisonnables derrière ça. Il faut écouter ça.

(12 h 40)

Mais c'est une question relative à l'enseignement public. Est-ce une voie d'avenir, est-ce une voie envisagée à l'intérieur de l'enseignement public, et non pas seulement une réponse aux promoteurs de l'enseignement privé, qui iraient par voie de concurrence? Parce que, dans la logique de la complémentarité, ça ne se pose pas, là; dans la logique de la concurrence, ça peut être une réponse, en disant: Bien, diversifiez votre enseignement public, vous n'aurez pas besoin de...

C'est une question très actuelle. Et moi qui ai un enfant de trois ans et demi, je ne sais pas si, dans un an et demi, je vais l'inscrire au privé ou au public, encore, malgré tout ce que j'ai vécu et considéré. Parce que je vais chercher pour ma fille...

Une voix: Seigneur!

M. Bisaillon (Robert): On vous surveillera.

M. Charbonneau (Bourassa): ...d'abord dans l'enseignement public, s'il y a une école qui est capable de signifier quelque chose ou si on est dans la moyenne obscure et je vais regarder sur l'autre marché qu'est-ce qu'on peut offrir, puis je vais regarder tout. Mais je voudrais que la question soit posée dans l'enseignement public, parce que je veux d'abord vérifier si l'enseignement public m'offre des possibilités intéressantes. Vous voyez quand même mon credo initial. Mais, si je ne suis pas capable d'avoir cette réponse-là à l'intérieur du secteur public, je tirerai d'autres conclusions.

Une voix: Fascinant!

M. Désilets: On a changé pas mal, hein!

M. Charbonneau (Bourassa): Non, monsieur. J'ai toujours cherché la meilleure qualité pour les enfants et pour mes enfants en particulier.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Charbonneau (Bourassa): Et j'ai représenté les deux secteurs d'enseignement. Alors, humour et rigueur!

Une voix: Ha, ha, ha!

Une voix: Les allégeances, les allégeances.

Le Président (M. Facal): Alors, nous allons écouter la réponse.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bisaillon (Robert): Je n'avais pas pensé que ça appelait une réponse.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Charbonneau (Bourassa): Je vous suggère...

Le Président (M. Facal): Alors, on va passer à une autre question. Ha, ha, ha!

M. Charbonneau (Bourassa): Est-ce que vous appréciez le fait qu'on vous suggère de considérer ça comme un élément de problématique de l'enseignement public et non pas de mettre ça à la marge d'un débat sur le privé? Est-ce que vous appréciez...

M. Bisaillon (Robert): Sauf...

M. Charbonneau (Bourassa): ...une démarche, une réflexion comme celle-là?

M. Bisaillon (Robert): Oui, oui, oui. Je n'ai pas de problème avec la question que vous posez; en fait, c'est un commentaire sur un document qui est déjà écrit. Mais, moi, ce que je voulais faire remarquer, c'est que, si ça a été abordé à l'occasion du privé, cette question-là, c'est qu'un des arguments invoqués par les tenants de l'école privée, c'est qu'ils ne peuvent pas choisir l'école publique de leur choix. C'est là que le débat est sorti; il n'est pas sorti ailleurs. Bon. Alors, que la question soit valable, néanmoins, pour l'école publique, je suis parfaitement d'accord, mais c'est dans ce chapitre-là qu'elle est posée. Alors, il suffira de s'arranger pour que le débat se fasse à tous les points de vue.

Le Président (M. Facal): M. le député de Groulx, suivi de la députée de Terrebonne.

M. Kieffer: Ça risque d'être très court comme réponse.

Le Président (M. Facal): Ah! O.K.

M. Kieffer: Qu'en est-il...

Une voix: Ha, ha, ha!

Une voix: Mais, comme question...

M. Kieffer: C'est parce que...

Une voix: ...elle va être longue. Ha, ha, ha!

M. Kieffer: Bien, trois lignes. O.K. Qu'en est-il de l'argument qui veut que l'existence du réseau des écoles privées permette au gouvernement de réaliser des économies d'échelle?

Mme Caron: Excellent, ça.

M. Bisaillon (Robert): Il y a beaucoup de scénarios qui ont été faits, là; ça dépend des prémisses d'où on part. Mais, nous, l'examen attentif qu'on a fait de la question nous indique que ce n'est pas une question d'argent. Il y a, je pense, un écart de 50 000 000 $. Peut-être que Mme Berthelot pourrait vous le préciser.

Mme Berthelot (Michèle): Sur la base de l'hypothèse que 70 % des élèves partiraient du privé vers le public – ce qui est un très fort pourcentage – advenant la fin des subventions, le coût total de réintégration de ces élèves-là serait de 50 000 000 $.

M. Kieffer: Ça coûterait 50 000 000 $...

Mme Berthelot (Michèle): Tous les ordres d'enseignement.

M. Kieffer: ...plus cher au gouvernement...

M. Bisaillon (Robert): Pour les accueillir.

M. Kieffer: ...pour accueillir, là, les trois quarts de la clientèle des écoles privées...

Mme Berthelot (Michèle): C'est ça.

M. Kieffer: ...advenant la fin des subventions. C'est ça?

Mme Berthelot (Michèle): Par contre, si on choisissait de diminuer de 10 % les subventions...

M. Kieffer: Oui.

Mme Berthelot (Michèle): ...on peut présumer qu'il n'y aurait pas ce mouvement de clientèles important et là il y aurait une économie de 1 000 000 $. Alors, selon les scénarios qu'on fait, il y a des petites économies ou des moyennes dépenses. Et le choix de la Commission, ça a été de ne pas le faire porter sur le financement, sur les coûts exclusivement, compte tenu que, rapporté sur le budget de l'éducation, ce n'est pas un coût énorme. Et le choix a été fait de la même façon pour la confessionnalité de dire: On ne fait pas porter la question sur les coûts qui sont à peu près de même ampleur, là.

M. Kieffer: Ceci étant dit, il n'y a pas de petites dépenses ou de petites économies...

M. Bisaillon (Robert): Non, non.

M. Kieffer: ...dans une époque de restrictions budgétaires.

M. Bisaillon (Robert): Non, mais on ne peut pas, nous autres, dire...

M. Kieffer: Non, je suis d'accord avec vous.

M. Bisaillon (Robert): On ne pourrait pas dire: Fin des subventions égale un transfert de tant de pourcentage. Ça fait qu'on a essayé de calculer de 70 % à 10 %. Ça permet au monde de se faire une idée, là, et c'est de 50 000 000 $ à 1 000 000 $ de différence; ce n'est pas 300 000 000 $ et 500 000 000 $, là. Alors, on a dit: Donc, ce n'est pas ça, le vrai argument qu'il faut débattre.

M. Kieffer: Mais, par ailleurs, pour les parents, est-ce que c'est un argument? Vous parlez des économies d'échelle au niveau du gouvernement, mais quels seraient les frais de scolarité pour les parents individuellement? Est-ce que, à ce moment-là, ce serait un argument important ou si ça n'en serait pas aussi?

M. Bisaillon (Robert): Pour continuer à envoyer leur enfant à l'école privée?

M. Kieffer: Oui.

M. Bisaillon (Robert): Ah, bien, j'imagine que ça coûterait plus cher.

M. Kieffer: Bien oui, mais est-ce que ça devient un argument pour les parents pour les retirer? Sûrement, puisque vous parlez d'un retrait de 70 %.

M. Bisaillon (Robert): Forcément.

M. Kieffer: O.K.

Le Président (M. Facal): Mais je pense qu'il faut aller au bout de la logique. J'imagine que la Commission a dû entendre l'argument selon lequel, si l'on réduit ou qu'on élimine les subventions à l'école privée, celle-ci chargera, en guise de frais de scolarité, quelque chose qui s'apparentera au coût réel de l'éducation. À ce moment-là, vous venez de créer une école superélitiste qui contredit votre objectif social d'égalité des chances.

M. Bisaillon (Robert): C'est-à-dire que, nous – comprenez bien, là – on a mis en cause les arguments des tenants et des opposants, première des choses. Deuxième des choses, on a dit: On va évacuer du débat les fausses questions. Les fausses questions, les questions pas vraies, là. Même si on en parle pendant 25 heures, elles ne sont pas plus vraies après. Le financement, c'est une question politique; ce n'est pas une question de droit. La fréquentation, c'est une question de droit. Il reste quoi? Il reste: en vertu de quelle logique, dans une société où il y a un système public, on peut subventionner un système privé? «C'est-u» sur la base de la complémentarité ou de la concurrence? Bon.

C'est évident, et ça serait vrai, que, si on avait des universités, au Québec, qui pouvaient, certaines, charger 15 000 $ par année de frais de scolarité et les autres 2 000 $, on dirait très vite que ce n'est pas tout le monde qui peut aller à la première université. Mais est-ce qu'on la financerait, pour autant, sur une base d'un principe d'égalité? Là, je pense qu'on vient de pervertir la notion d'égalité. Voyez-vous, c'est ce genre de débat.

En fait, la vraie question, c'est: est-ce qu'on s'inscrit dans un système de libre marché ou si on pense qu'il y a un système public d'éducation qui doit être maintenu avec une masse critique suffisante? Je vous ferai remarquer que c'est une question particulièrement importante dans la région de Montréal, et on n'a pas caché que l'augmentation du secteur privé était beaucoup due à la turpitude du système public, mais pas seulement. Mais pas seulement. Parce qu'on est, là aussi, la province la plus généreuse en termes de financement de son système privé.

Le Président (M. Facal): Oui.

M. Bisaillon (Robert): Bon. Alors, c'est tout ça, le débat, mais ça va être un débat, de toute façon, très idéolo.

Le Président (M. Facal): Mme la députée de Terrebonne, et ce sera la dernière question avant de passer à la confessionnalité.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Quand vous nous parlez d'un coût possible de 50 000 000 $ s'il y avait un transfert d'à peu près 70 % d'élèves du privé au public, est-ce que vous parlez uniquement de coûts de fonctionnement ou si vous calculez aussi qu'il y aurait, bien, des constructions d'écoles publiques additionnelles pour recevoir ces étudiants et ces étudiantes-là?

Mme Berthelot (Michèle): Je peux répondre. Les scénarios n'ont pas été faits sur l'hypothèse de constructions, etc.; ils ont été fait sur la base...

Mme Caron: Juste le financement.

Mme Berthelot (Michèle): ...de combien ça coûte, en moyenne, un élève au public, multiplié par le nombre d'élèves qui changeraient de secteur.

Mme Caron: O.K. Merci.


Confessionnalité

Le Président (M. Facal): Merci. Alors, nous allons passer au chapitre 9, la confessionnalité. Alors, le député de Marquette, suivi du député de Bourassa.

M. Ouimet: Merci. Question de 32 000 000 $, parce que le ministère a évalué les coûts de la confessionnalité à environ 32 000 000 $. On se rappelle que le ministre Garon, lorsqu'il avait lancé les états généraux sur l'éducation, avait bel et bien indiqué qu'il souhaitait dégager des consensus sur un certain nombre d'objectifs, et il m'apparaît clair qu'au Québec il y a un consensus sur les commissions scolaires linguistiques, les structures linguistiques. C'est dans le programme politique du Parti québécois, c'est dans le programme politique du Parti libéral du Québec. Ça fait consensus partout, même à la CECM; ils l'ont reconnu encore une fois il y a quelques mois.

(12 h 50)

M. Bisaillon (Robert): À la CECM, vous dites?

M. Ouimet: Oui.

M. Bisaillon (Robert): Ce n'est pas ça que j'avais compris, moi.

M. Ouimet: Ils sont favorables à la mise sur pied d'un réseau linguistique parallèle. Ils souhaitent, cependant, le maintien du réseau confessionnel. Mais, ça, c'est un autre débat. Et je m'interrogeais à savoir: Comment se fait-il que ce consensus-là n'est pas reflété dans votre chapitre sur la confessionnalité, d'une part? Et, d'autre part, est-ce que le fait que ce consensus-là ne s'y retrouve pas est dû à la remise en question des commissions scolaires?

M. Bisaillon (Robert): Non. C'est dans le chapitre sur le partage des pouvoirs qu'on a dit qu'il y avait un consensus – on n'a pas dit l'unanimité, et c'est bien juste – sur les commissions scolaires linguistiques. Pour nous autres, c'est réglé. Mais c'est dans le chapitre du partage des pouvoirs et des responsabilités. C'est clair, ça. Mais le débat sur la confessionnalité dans les audiences n'a pas du tout porté là-dessus. Mais vraiment pas. Il a porté sur l'enseignement religieux, d'une part. Deuxièmement, est-ce que ça prend des structures confessionnelles pour dispenser l'enseignement qu'on veut? Point à la ligne.

Je ne veux pas être méchant, mais c'est comme si c'était juste au niveau du politique qu'on n'avait pas atteint ce niveau de décision encore. C'est réglé dans la population que ça prend des commissions scolaires linguistiques.

Le Président (M. Facal): Ce n'est pas de la méchanceté de dire ça, M. Bisaillon; c'est de la lucidité. M. le député de Bourassa.

M. Charbonneau (Bourassa): Oui, sur la question de la confessionnalité. Vous nous avez dit tout à l'heure qu'il ne fallait pas n'en juger que par la longueur des chapitres pour apprécier le sérieux de la mise en jeu, mais, celui-là, il est d'une remarquable brièveté, tout à fait inversement proportionnelle à l'ampleur du problème.

Je vais vous dire, nous qui sommes députés dans la région de Montréal, à Montréal, nous rencontrons à chaque semaine, par exemple, des Italiens, des gens d'origine italienne qui ont 55 ans, 60 ans, dont les enfants sont maintenant plus portés à parler l'anglais que le français parce que, par des politiques obscurantistes et des structures réactionnaires dans notre système scolaire, ils ont été conduits à l'enseignement dans la commission scolaire protestante et en même temps de langue anglaise, dans le temps. Et, ensuite, on dit: Regardez aller ça, la population à Montréal, le pourcentage est de plus en plus anglophone, etc. Nous avons produit cette situation par notre aberration dans le système.

Vous nous arrivez avec une page et demie là-dessus. Je veux bien croire que vous êtes une table d'écoute et que vous avez reflété fidèlement ce qui a été dit, mais quand est-ce qu'on va en sortir? Avez-vous quelque espoir, quelque lumière à jeter, quelque intention d'approfondir de manière spéciale cette question? Vous avouez d'ailleurs avec beaucoup de franchise – et c'est apprécié – que même votre Commission est divisée sur la question.

Il n'en reste pas moins que ceci ne fait que nous redire que nous en sommes au même point qu'en 1960. Quand Jean Lesage, en 1958, a écrit le livre «Lesage s'engage», première priorité dans la modernisation du système de l'enseignement: maintien de la confessionnalité. Est-ce qu'on est encore en 1958, dans la problématique? Est-ce qu'il n'y a pas moyen... Bon, vous faites des efforts. Vous parlez ici d'éducation, de connaissance culturelle des religions – je pense que c'est des idées qui ont émergé à travers les 30 dernières années – plutôt que d'apprentissage de la foi. Mais c'est l'impasse totale, je veux dire. Au net-net, ici, c'est obscurité, pour ne pas dire obscurantisme. C'est obscurité. On s'en va vers le même problème, le maintien du problème, tout cru, tout nu.

M. Bisaillon (Robert): Et je vous mets au défi de dépasser ce niveau dans votre propre parti, vous aussi. Vous allez vous apercevoir que c'est un débat passionné. Des fois, je me demande s'il n'est pas passionnel.

M. Charbonneau (Bourassa): Non, mais...

M. Bisaillon (Robert): Nous, ce qu'on a entendu, ça va à ce point loin qu'on a reçu des caisses de pétitions au bureau – des caisses de pétitions, ça dépasse les mémoires – sur cette question-là. Et, nous, tout ce qu'on a pu faire, c'est de dire: Quand on regarde les positions des deux camps qui sont assez polarisées, merci, la seule chose sur laquelle on pourrait s'entendre, c'est sur un enseignement des valeurs. Dans une société métissée, ça veut dire quoi? Dans une société de tradition chrétienne serrée, ça veut dire quoi? Puis, passé ça, est-ce que ça prend toutes les structures confessionnelles qu'on a? Parce que les gens mêlent tout ça, dans les débats, en région, dans les audiences.

M. Gautrin: D'accord, mais je voudrais...

M. Bisaillon (Robert): Bon. La Commission n'a pas pu aller plus loin, je vous l'ai dit très franchement. Elle n'ira pas plus loin ce matin parce que vous faites votre remarque, puis je ne sais pas ce que ça va donner dans le débat non plus. Mais il m'apparaît qu'on ne pouvait pas mettre plus que ça au débat dans l'état des discussions à la Commission.

M. Charbonneau (Bourassa): En tout cas, on est ici aussi pour essayer de voir quelle sorte de débat nous, nous aurons entre nous par la suite.

M. Bisaillon (Robert): Oui, vous avez raison.

M. Charbonneau (Bourassa): Ce n'est pas un exercice seulement avec vous. Nous, on regarde, on apprécie le travail fait et on veut dégager de ça des pistes pour nous-mêmes; nous-mêmes dans nos partis ou nous-mêmes entre nous. C'est ça, la tâche de la commission; il y a une certaine autonomie qu'on peut se donner de pensée et d'initiative dans ces questions-là. Moi, je voulais au moins tirer au clair que c'est obscur...

M. Bisaillon (Robert): Ah oui!

M. Charbonneau (Bourassa): ...tirer au clair que c'est une impasse. Là-dessus, ça ne bouge pas; c'est moitié-moitié, puis c'est figé.

M. Bisaillon (Robert): Mais laissez-moi vous dire que, si vous étiez allés plus loin sur la base du consensus qui est déjà établi des commissions scolaires linguistiques, la question se poserait déjà peut-être autrement aujourd'hui. C'est aussi ça qu'on ramasse comme effet, là; c'est l'absence de décision politique alors qu'il y avait un consensus social.

M. Charbonneau (Bourassa): Il y a une décision politique et il y a une question de mise en oeuvre, que vous posez d'ailleurs comme question. Alors, c'est un petit peu différent de l'absence de décision; il y a une question de mise en oeuvre d'une décision prise.

Nous aurons à approfondir ce débat ici ou ailleurs; de toute façon, c'est devant nous. Sinon, on va retomber dans des ornières qui ont nui au Québec, qui, je pense, ont nui à l'évolution démographique du Québec aussi. Et vous avez raison de dire que, s'il y avait eu des questions de clarifiées ou d'autres structures de mises en oeuvre, peut-être, mais il y a peut-être des choses à dire aussi au niveau du projet éducatif.

Tout à l'heure, on abordait, par le biais d'une question que j'ai soulevée, la différenciation du projet éducatif. En tout cas, il me semble qu'il doit y avoir un effort ultime de fait pour essayer, malgré l'impasse qui nous accable, de voir si, soit par la mise en oeuvre de décisions déjà prises – question linguistique, on en parlait – ou par le biais de la différenciation du projet éducatif, il n'y a pas moyen d'en sortir, au moins, sur une base d'école, si on n'est pas capables d'en sortir sur une base de commission scolaire. En tout cas, vous voyez un peu, là? Il faut faire un effort ultime. On ne peut pas rester à une page et demie là-dessus, même si elle dit tout, cette page-là, en un sens.

Le Président (M. Facal): Je pense que c'était un cri du coeur plus qu'une question, hein! M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Brièvement...

M. Beaumier: Est-ce que je peux intervenir 30 secondes sur ça?

Le Président (M. Facal): Oui, oui, bien sûr.

M. Beaumier: Oui. Moi, je pense que ce qui fait la qualité de la démocratie, ce n'est pas les décisions seulement; c'est les débats qui précèdent les décisions. Et je voulais juste passer le message qui est aussi un cri du coeur, mais qui est plus du coeur qu'un cri là, c'est que je souhaite, moi, que ce débat-là – et je partage la même chose – qui a des origines historiques assez bien expliquées, assez claires, se fasse sur la base moins d'un cri du coeur que sur la base de la compréhension des choses et des gens. Et la ligne directrice, en ce qui me concerne, M. le Président, sera toujours celle-ci: je veux qu'on fasse le débat, oui – vous êtes d'accord et tout le monde est d'accord – mais un débat de qualité et pas trop vouloir en arriver à un résultat concret ou pratique, ou urgent. Tant mieux... Mais c'est la qualité du débat qui va faire que la décision va pouvoir être prise. Et, si on prend une décision sans que ceci soit entendu, on s'en va encore dans un cul-de-sac comme depuis 30 ans. C'est mon cri du coeur, si vous voulez.

Le Président (M. Facal): M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Brièvement. Dans les auditions – je vais rester strictement au niveau des questions – dans le débat de la confessionnalité, est-ce que les autres confessions, qui ne sont pas ce que je pourrais appeler des confessions traditionnelles au Québec – par ça je couvre le catholicisme et le protestantisme – se sont prononcées sur la question de la confessionnalité des écoles? Alors, on commence à avoir de plus en plus une communauté islamique importante à Montréal et d'autres communautés.

(13 heures)

M. Bisaillon (Robert): Il y a seulement le Conseil des communautés culturelles qui est venu nous dire qu'il faudrait déconfessionnaliser le système, et j'ai cru comprendre que ce Conseil-là partait en consultations. Je ne sais pas si c'est sur cette question-là. Les groupes, un par un, sont venus – de façon très caractérisée, je dirais les protestants – nous redire que c'était urgent qu'il y ait des commissions scolaires linguistiques, mais les autres groupes ne se sont pas caractérisés sur la base de la confessionnalité.

M. Gautrin: Et vous n'avez pas eu de témoignages de la part de représentants des communautés islamiques ou judaïques, etc., à cet effet-là?

M. Bisaillon (Robert): Oui, mais, comprenons-nous bien, c'est deux débats, je dirais, interreliés, enseignement privé et confessionnalité, parce que, eux, ils sont privés sur une base religieuse. Voyez-vous comment c'est compliqué?

M. Gautrin: Je sais ça.

M. Bisaillon (Robert): Ha, ha, ha!

M. Gautrin: Merci, M. Bisaillon.


Financement

Le Président (M. Facal): Merci. Nous allons passer au chapitre 10, sur le financement. M. le député de Bourassa.

M. Charbonneau (Bourassa): Oui, M. le Président. J'ai posé une question tout à l'heure, en l'absence brève de M. Bisaillon, et on m'a suggéré, peut-être, de reprendre la question devant M. Bisaillon. Nous étions à un chapitre qui suggère des pistes de débat pour le réarrangement des commissions scolaires, là, entre autres, et des divers ordres d'enseignement. Je me suis attardé à l'aspect financement; il revient à la page 125. On voit que vous maintenez l'idée d'une taxation. Voici, c'est à la page 104 et à 125, M. Bisaillon; il y a un rapport entre les deux pages.

Pourtant, au niveau de l'ordre collégial, ça n'a jamais existé, le rapport entre participation du public et taxation. Dans le domaine des affaires sociales – parce qu'on nous a renvoyés voir du côté des régies, etc. – ça n'existe pas, le prélèvement d'une taxe scolaire. Vous en maintenez quand même l'idée et même avec insistance, parce que les seules pistes qui sont sur la table, c'est qu'on devrait accroître le pouvoir. Il n'y a aucune piste qui dit qu'on devrait l'abolir, par exemple. C'est autant à la page 104 qu'à la page 125. Donc, je vous donne l'occasion de faire ressortir, là, à quelle logique vous vous abreuvez pour revenir avec insistance sur l'idée que, peut-être, il y aurait du bon sens du côté d'une augmentation de la taxe scolaire, mais sans jamais évoquer l'autre possibilité où ça pourrait disparaître.

M. Bisaillon (Robert): Bien, si ça disparaît, c'est dur qu'il y ait une taxe scolaire, là.

M. Charbonneau (Bourassa): Pardon?

M. Bisaillon (Robert): Si ça disparaît, je ne vois pas pourquoi il y aurait une taxation scolaire, s'il n'y a plus de commissions scolaires.

M. Charbonneau (Bourassa): Non, mais, dans les scénarios, il y a un scénario quand même...

M. Bisaillon (Robert): Oui.

M. Charbonneau (Bourassa): ...important qui consiste au maintien d'un pouvoir local...

M. Bisaillon (Robert): Oui. Alors, c'est ça.

M. Charbonneau (Bourassa): ...assorti d'une taxe qui pourrait augmenter.

M. Bisaillon (Robert): Oui.

M. Charbonneau (Bourassa): Dans les cégeps, il n'y a pas de taxe, mais il y a un conseil d'administration où le public est représenté.

M. Bisaillon (Robert): Bien, là, je pense...

M. Charbonneau (Bourassa): Dans le domaine de la santé et des services sociaux, même chose. Alors, quelle est l'idée, là, d'assortir, si vous voulez, de faire une corrélation, de maintenir une corrélation taxation et gestion publique, si vous voulez...

M. Bisaillon (Robert): Oui, oui.

M. Charbonneau (Bourassa): ...au niveau du primaire et du secondaire et pas ailleurs, ou inversement?

M. Bisaillon (Robert): Bon. Mais c'est sûr, d'abord, que, entre l'éducation de base et l'enseignement supérieur, pour ce qui est de la participation des usagers, il y a une différence: il y a l'école obligatoire et il y a l'autre, là. Bon. Il y a la tradition aussi: on prend les structures pour ce qu'elles existent présentement et la répartition des pouvoirs telle qu'elle existe présentement. Les scénarios, ils peuvent être cumulatifs, ils peuvent être alternatifs, lorsqu'on parle du partage des pouvoirs et des responsabilités. La question est la suivante: On a, oui, mis en scénario possible l'abolition des commissions scolaires. Ça règle le problème de la taxation, c'est pour ça qu'on n'en reparle plus à cet égard-là.

Mais il y a des gens qui prétendent que maintenir des commissions scolaires et maintenir la démocratie dans les commissions scolaires, ce n'est pas sérieux, et que décentraliser les pouvoirs – c'est ça aussi, il faut tout dire – ce n'est pas sérieux, avec le pouvoir de taxation marginal qu'ont actuellement les commissions scolaires. C'est ça, la question. Alors, on dit: Est-ce qu'il faut accroître le pouvoir de taxation des commissions scolaires, si on les maintient, c'est évident?

Parce que c'est tout le débat qui correspond ou qui tend à dire – et ça a été beaucoup, beaucoup... quoique je sois d'accord avec le fait que c'est surtout un propos de commissions scolaires: Arrêtez de juste déconcentrer, décentralisez vraiment, mais donnez-nous l'argent qui va avec. C'est l'éternel débat que vous connaissez, finalement. Bon. Alors, si on maintient les commissions scolaires, avec le type de participation aux élections qu'il y a actuellement et les responsabilités qu'elles veulent par ailleurs – par exemple, la négociation de plus de matières – est-ce qu'il faut accroître leur pouvoir de taxation? Ça nous apparaissait une question normale, mais qui est alternative à l'autre qui dit: Il n'y en aura plus, de taxation: il n'y aura plus de commissions scolaires. On ne pouvait pas mettre la question du financement des commissions scolaires, la question d'une taxation aux commissions scolaires, dans le cas où elles disparaîtraient, dans le chapitre sur le financement.

M. Charbonneau (Bourassa): Par contre, dans le cas où est maintenue une commission scolaire, vous voyez davantage qu'on augmente son pouvoir de taxation qu'on l'abolisse?

M. Bisaillon (Robert): Je ne comprends pas.

M. Charbonneau (Bourassa): Dans le cas de figure où on maintient une commission scolaire, par les questions que vous posez, vous semblez trouver préférable de songer à augmenter son pouvoir de taxation plutôt que de le réduire ou de l'abolir.

M. Bisaillon (Robert): Ah! C'est parce que vous pensez que c'est une question répondeuse qu'il y a là?

M. Charbonneau (Bourassa): Non.

M. Bisaillon (Robert): Moi, je... Non, elle est plus neutre que ça.

M. Charbonneau (Bourassa): Non, mais c'est parce que la piste consiste à nous faire réfléchir sur le bon sens d'augmenter. Mais on ne remet pas en cause l'idée de base de taxer ou de ne pas taxer pour une commission scolaire.

M. Bisaillon (Robert): Ah! Non, c'est vrai.

M. Charbonneau (Bourassa): Bon. Alors, c'est ça que je vous dis.

M. Bisaillon (Robert): C'est vrai.

Le Président (M. Facal): M. le député de Verdun...

M. Charbonneau (Bourassa): Est-ce que c'est parce que ça n'a été mentionné nulle part dans le débat, dans les échanges que vous avez eus?

M. Bisaillon (Robert): Ce n'est pas vraiment un gros débat qu'il y a eu, sauf qu'à la Commission il y a des commissaires, je me souviens très bien, qui ont déjà dit: Aujourd'hui, il n'y a plus aucune instance politique qui est prise au sérieux; ça prend un pouvoir de taxation. Je ne parle pas d'une régie, là, une instance politique.

Le Président (M. Facal): M. le député de Verdun, suivi de Mme la députée de Terrebonne.

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Brièvement, au niveau collégial et au niveau universitaire, le réseau d'enseignement est financé presque exclusivement par des paiements de transfert qui viennent du gouvernement provincial.

M. Bisaillon (Robert): Fédéral.

M. Gautrin: Provincial.

M. Bisaillon (Robert): Ah! Des subventions directes.

M. Gautrin: Oui. Le financement du collégial et le financement de l'universitaire, c'est ce qu'on appelle les paiements de transfert lorsqu'on fait les crédits et qui sont les paiements qui viennent des crédits que nous votons ici. Sur les règles d'attribution au collégial – et, alors, je fais référence au modèle FABES; je sais qu'il y a une question que vous posez là-dessus, sur la rigidité du modèle FABES – et, deuxièmement, sur – alors, j'ai une double question, si vous me permettez – les règles d'attribution dans le réseau universitaire, basées sur les variations de clientèle étudiante, modulées en fonction des disciplines, est-ce que vous avez, dans les auditions que vous avez eues, eu des critiques importantes sur ce mode de financement des paiements de transfert et, si oui, lesquelles?

Maintenant, évidemment, ma sous-question viendrait après: Est-ce qu'il y a eu des éléments de solution qui ont été mis de l'avant de la part des gens que vous avez entendus? Parce que vous comprenez toujours le problème; tout le monde dit: On est sous-financé. Est-ce que le modèle devant nous est acceptable ou non acceptable? Quelles sont les critiques qu'il y là-dedans? Y a-t-il des modèles alternatifs qui ont été proposés?

M. Bisaillon (Robert): Les collèges nous disent: On n'a pas de marge de manoeuvre, contrairement au primaire-secondaire où il y a la taxe scolaire, une partie de la taxe scolaire et à l'université où il y a les frais de scolarité.

M. Gautrin: C'est exact.

M. Bisaillon (Robert): Donnez-nous au moins la possibilité de charger des frais afférents ou d'autres types de frais. C'est comme ça que le problème était posé. À l'université – comment dire – on admet que le mode de financement prépondérant, c'est par les intrants, la clientèle, quoiqu'on a ajouté aussi un mode de financement par les extrants, par le nombre de diplômés, mais c'est marginal.

M. Gautrin: Absolument, oui.

M. Bisaillon (Robert): Tout le monde dit qu'aucun de ces modes-là n'est utilisé à l'état pur à l'heure actuelle, mais au total on s'aperçoit bien que les gens ne veulent pas vraiment le changer, malgré toutes les critiques qu'ils font. Donc, ne voulant pas le changer, il reste la question, si on veut être très francs, là: Quelle part on va chercher dans des fonds privés, soit en droits de scolarité, soit en recherches commanditées ou autrement? Bon. L'équilibre s'est déplacé entre ces trois sources de financement depuis un certain nombre d'années, c'est-à-dire entre ce que vous appelez la subvention publique, qui est rendue à 60 % et quelques pour l'université?

M. Gautrin: Plus que ça.

M. Bisaillon (Robert): À 72 %.

M. Gautrin: Ça dépasse...

M. Bisaillon (Robert): Avec la recherche...

(13 h 10)

M. Gautrin: Ça dépasse les 70 %.

M. Bisaillon (Robert): ...72 %.

M. Gautrin: Ça dépend si vous incluez la recherche.

M. Bisaillon (Robert): À 72 %.

M. Gautrin: C'est ça.

M. Bisaillon (Robert): Et il y a les droits de scolarité qui sont rendus à 17 %. Bon. Là, la question, c'est la suivante: En même temps que tout le monde fait des critiques sur le mode de financement, qui semble être un incitatif aux courses à la clientèle, plus tu as de têtes...

M. Gautrin: Avec les effets pervers que le Vérificateur général a soulevés dans son rapport.

M. Bisaillon (Robert): Voilà! Dans le milieu universitaire, il ne semble pas y avoir un si gros appétit que ça à changer la formule. Donc, si on ne veut pas vraiment changer la formule, il reste quoi? Il reste à dire: Les frais de scolarité, il faudrait les augmenter davantage; plus d'étudiants étrangers avec des frais plus élevés, comme certains disent. Et là, bien, nous, on dit: Sur les frais de scolarité, le dernier recours. Est-ce qu'on est rendus au dernier recours? Et on dit: Avant le dernier recours, il y a peut-être, aussi, la rationalisation des dépenses universitaires, de l'offre de service universitaire.

Le Président (M. Facal): Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Ma question est beaucoup plus en lien avec celle du député de Bourassa. Lors des commissions régionales sur la décentralisation, beaucoup de personnes sont venues nous parler de la nécessité, vu que ce sont les mêmes contribuables, d'utiliser davantage nos écoles en lien avec les activités municipales, avec les activités de loisir, avec les activités culturelles. Donc, puisque ce sont les mêmes payeurs de taxes, qu'ils puissent utiliser au maximum nos équipements, donc nos écoles. Donc, à ce moment-là, on ne voyait pas nécessairement, même s'il y avait une possibilité d'abolition de la commission scolaire, une disparition de la taxe; on voyait davantage que la municipalité pouvait, à ce moment-là, avoir un seul et unique compte de taxes et administrer, gérer les bâtisses que sont les écoles, et avoir une meilleure utilisation, là, plus rationnelle de nos services.

Il y avait aussi une possibilité qui était venue de dire: On maintient à la commission scolaire – on ne l'abolit pas complètement – l'aspect pédagogique, qui devrait être son véritable rôle, et on confie toute la gestion des bâtisses aux municipalités ou aux autres instances; MRC ou municipalités, mais c'était davantage aux municipalités qu'on nous disait. Et ça, je ne le vois pas et je me dis: C'est deux consultations qui se sont faites, en même temps, sur la même période, et je pense qu'il va falloir qu'on arrive à faire un lien, à un moment donné.

M. Bisaillon (Robert): Très honnêtement, ça ne s'est pas traduit comme ça dans le débat aux états généraux. Même la relation entre les municipalités et le scolaire a été perçue comme étant une alliance contre nature de la part de beaucoup de gens du scolaire qui nous ont dit: Si ça devient un dossier parmi d'autres des municipalités, l'éducation, il ne faut surtout pas qu'elles touchent à ça. Il a été question de partage des équipements, de gestion même, à la rigueur d'une taxe, d'une collecte de taxe. Oui, ces choses-là ont été mentionnées, mais...

Mme Caron: Est-ce qu'on les retrouve?

M. Bisaillon (Robert): Pardon?

Mme Caron: Est-ce qu'on les retrouve?

M. Bisaillon (Robert): Oui, oui, dans ce que nous avons entendu, probablement. Mais ce qui me surprend plus dans votre question, c'est que, moi, j'ai cru comprendre que, dans la décentralisation, la pédagogie, on ne veut surtout pas laisser ça à la commission scolaire; on veut amener ça dans l'école. Mais ça dépend comment les débats se font. Si les débats, en région, sur la décentralisation se sont faits entre le gouvernement et la commission scolaire, mais qu'on n'est pas allés plus loin, bien, c'est sûr que c'est resté là. Alors, c'est peut-être là que l'harmonisation devient possible.

Mme Caron: Merci.

Le Président (M. Facal): Nous sommes, considérant l'heure, dans l'obligation de mettre fin à cette rencontre. Je vous remercie d'avoir accepté notre invitation. Je suis bien conscient que nous avons traité votre rapport, d'une si grande richesse, davantage au couteau qu'au scalpel. Je n'exclus pas, et vous non plus, je l'espère, que dans un proche avenir nous puissions peut-être reprendre contact, dans une perspective qui sera toujours non pas celle de la surveillance ou de la tutelle, mais celle de l'échange libre et mutuellement enrichissant.

Est-ce que des parlementaires veulent faire des remarques de conclusion? Et je les inviterais, ensuite, à rester ici quelques minutes et à ne pas se sauver; nous devons régler des petites choses concernant l'organisation future de nos travaux. M. le député de Bourassa.


Remarques finales

M. Charbonneau (Bourassa): Oui, bien entendu, pour conclure au nom de notre formation, j'aimerais dire et redire notre appréciation pour le travail fait, et également la qualité du pilotage de ce travail assuré par vous-même, M. et Mme les coprésidents, et votre équipe de recherche et de rédaction, ainsi que l'équipe constituant votre commission. Nous savons que c'est une tâche extrêmement difficile, et ce n'est pas parce que, sur certaines questions, on constate le niveau d'impasse où nous en sommes collectivement que cela constitue une critique envers votre travail; c'est tout simplement un constat que nous en sommes là, finalement, après avoir brassé tout ça de nouveau.

Par ailleurs, votre document est certainement une excellente synthèse et un excellent déclencheur, comme le disent certains articles de journaux, des débats qui auront lieu dans les prochains mois. Et, quant à nous, nous comptons non seulement les suivre, mais nous y associer, d'une certaine manière. Nous allons proposer à cette commission parlementaire de trouver des moyens de s'associer, soit à certaines questions, soit au processus, en tout cas, de pouvoir y adhérer et y contribuer, s'il y a moyen. Et certainement que votre document est un excellent stimulant. D'ailleurs, les journaux reflètent cette appréciation et nous voulons contribuer à rehausser cette appréciation, qui est déjà faite, publiquement, de votre travail et du processus en cours.

Le Président (M. Facal): Nous, les élus, sommes très jaloux du concert d'éloges qui a accueilli votre rapport dans les médias. Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Alors, je tiens à vous remercier, au nom de ma formation politique, pour l'excellent travail, jusqu'à maintenant, sur ce dossier qui est majeur au niveau du Québec et qui est une des priorités du gouvernement du Québec, et vous souhaiter, bien sûr, bonne chance pour la poursuite des étapes importantes qu'il vous reste à franchir. Merci.

M. Bisaillon (Robert): N'hésitez pas, si vous voulez nous reconvoquer, par exemple, à la fin des assises régionales, pour mesurer une nouvelle fois le poids des opinions sur telle ou telle question; évidemment, c'est avec le plus grand respect, mais intérêt aussi pour ce forum parlementaire que nous serons présents.

Le Président (M. Facal): Alors, merci beaucoup à tous nos invités. Nous levons la séance.

(Fin de la séance à 13 h 17)


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