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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mercredi 28 mai 1997 - Vol. 35 N° 31

Consultations particulières sur le projet de loi n° 109 - Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique, la Loi sur les élections scolaires et d'autres dispositions législatives


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Table des matières

Auditions


Intervenants
M. William Cusano, président
M. Jean-Guy Paré, président suppléant
M. André Gaulin, président suppléant
Mme Pauline Marois
M. François Ouimet
M. Yves Beaumier
M. Russell Williams
Mme Hélène Robert
* Mme Lorraine Pagé, CEQ
* M. Jean-Marcel Lapierre, idem
* M. Henri Laberge, idem
* M. Michael J. Hamelin, AQ
* Mme Constance Middleton-Hope, idem
* M. Guy Bouthillier, SSJBM
* Mme Jacqueline Hekpazo, MNQ
* Mme Gretta Chambers, Commission de l'éducation en langue anglaise
* M. Jacques Mongeau, Conseil scolaire de l'île de Montréal
* Mme Nicole Ranger, idem
* M. Michel Pallascio, CECM
* M. Michael D. George, CEPGM
* M. Allan H. Butler, idem
* M. Charley Levy, idem
* Mme Céline Saint-Pierre, Conseil supérieur de l'éducation
* Mme Judith Newman, idem
* M. Glenn Smith, Table de concertation protestante sur l'éducation
* M. Guy Côté, Comité catholique (Conseil supérieur de l'éducation)
* M. Graham P. Jackson, Comité protestant (Conseil supérieur de l'éducation)
* M. Bruno Désorcy, idem
* Mme Aline Visser, idem
* M. Frank Pettinicchio, Coalition pour l'éducation anglaise
* M. David Maloney, idem
* M. Patrick Carroll, idem
* M. John Keyes, VEQ
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Onze heures onze minutes)

Le Président (M. Cusano): Je constate qu'il y a quorum. En conséquence, je déclare la séance de la commission de l'éducation ouverte. Je rappelle que le mandat de la commission est de procéder à des consultations particulières sur le projet de loi n° 109, Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique, la Loi sur les élections scolaires et d'autres dispositions législatives.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Houda-Pepin (La Pinière) remplace M. Bergman (D'Arcy-McGee).

Le Président (M. Cusano): Merci. J'aimerais vous faire part de l'ordre du jour. Nous entendrons aujourd'hui: la Centrale de l'enseignement du Québec; Alliance Québec; le Mouvement national des Québécoises et des Québécois et la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal; la Commission de l'éducation en langue anglaise; le Conseil scolaire de l'île de Montréal; la Commission des écoles catholiques de Montréal; la Commission des écoles protestantes du Grand Montréal; le Conseil supérieur de l'éducation; la Table de concertation protestante sur l'éducation; le Comité catholique du Conseil supérieur de l'éducation; le Comité protestant du Conseil supérieur de l'éducation; la Coalition pour l'éducation anglaise; Voice of English Québec; et Forum Québec.


Auditions

Je demanderais aux premiers intervenants, la Centrale de l'enseignement du Québec, de prendre place et je demande à son porte-parole de s'identifier et d'identifier les personnes qui l'accompagnent.


Centrale de l'enseignement du Québec (CEQ)

Mme Pagé (Lorraine): M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, je suis Lorraine Pagé, la présidente de la CEQ, et je suis accompagnée des personnes suivantes: tout d'abord, à ma gauche, M. Jean-Marcel Lapierre; à ma droite, immédiatement, M. Henri Laberge; et, à l'extrême droite, M. Pierre Lefebvre. Ces trois personnes sont des employés-conseils à la CEQ.

Le Président (M. Cusano): Mme Pagé, je pense que vous connaissez le fonctionnement de ces commissions.

Mme Pagé (Lorraine): Oui.

Le Président (M. Cusano): Je voudrais seulement vous rappeler que nous disposons d'une heure.

Mme Pagé (Lorraine): Et que j'ai donc 20 minutes de présentation.

Le Président (M. Cusano): C'est très bien. C'est exactement ça. Alors, vous pouvez procéder, Mme Pagé.

Mme Pagé (Lorraine): Alors, je vous prie, tout d'abord, de nous excuser pour le retard à vous faire parvenir le mémoire. Je tenterai de vous le résumer en insistant sur nos orientations et recommandations. Il ne me semble pas nécessaire de vous faire une longue présentation de la CEQ. Je me contenterai tout simplement de vous rappeler que notre organisation représente la très vaste majorité du personnel du réseau scolaire qui y travaille à titre d'enseignantes, d'enseignants, de professionnels ou d'employés de soutien.

Nos commentaires sur le projet de loi n° 109, ça s'appuie sur deux positions de base qui ont été réaffirmées lors du congrès extraordinaire que nous avons tenu en février 1996. Lors de ce congrès, nous nous sommes prononcés en faveur d'une école publique laïque, ouverte aux élèves, indépendamment de l'origine ou des croyances de chacun, et exempte de toute forme de discrimination et non sélective.

Et enfin, nous avons adhéré au principe d'une distribution des pouvoirs et des responsabilités qui réserve à l'État québécois toutes les compétences constitutionnelles en éducation, qui confie à des structures scolaires intermédiaires, organisées sur une base linguistique et dont la direction est élue au suffrage universel, la mise en oeuvre des politiques nationales, la gestion des équipements scolaires, la coordination des services ainsi que l'engagement et l'affectation du personnel.

Nous sommes favorables à une restructuration scolaire qui répond aux besoins du Québec d'aujourd'hui, et cette restructuration devrait, selon nous, respecter les quatre principes suivants: tout d'abord, notre système scolaire doit refléter la réalité linguistique du Québec et respecter les règles établies quant au statut des langues; deuxièmement, il doit favoriser l'intégration des groupes culturels; troisièmement, notre système d'éducation doit exprimer notre attachement aux libertés de conscience et de religion ainsi qu'au principe de l'égalité des personnes par-delà la diversité légitime de leurs options religieuses; et enfin, le système scolaire et son fonctionnement doivent favoriser l'exercice de la démocratie.

Je tiens à affirmer que la CEQ appuie les objectifs fondamentaux du projet de loi n° 109, soit le remplacement des commissions scolaires confessionnelles par des commissions scolaires structurées sur la base des langues d'enseignement et une réduction substantielle du nombre de commissions scolaires. Nous comprenons la hâte de la ministre de faire adopter sa réforme, et tout particulièrement de procéder à une réduction substantielle du nombre de commissions scolaires, ce qui permettra de réaliser des économies. Nous reconnaissons que la transformation des réseaux à base confessionnelle en réseaux selon les langues d'enseignement se fait attendre depuis longtemps, trop longtemps. Par ailleurs, nous nous opposons toujours à la superposition de commissions scolaires confessionnelles et de commissions scolaires linguistiques sur un même territoire; nous sommes donc d'accord avec l'orientation voulant que les commissions scolaires linguistiques n'auront compétence sur le territoire des commissions scolaires confessionnelles que lorsque la compétence de ces dernières aura été abolie.

Cependant, la décision du gouvernement de mettre en branle le processus de restructuration sans attendre la modification constitutionnelle à l'article 93 présente des inconvénients sérieux pour la population, les élèves et le personnel de Montréal et de Québec. Le régime provisoire prévu pour éviter les graves inconvénients de la superposition des commissions scolaires comporte lui-même ses inconvénients, et nous désirerions attirer votre attention sur ce point. D'abord, nous avons l'impression que les dispositions prévues à ce chapitre du régime provisoire sont excessives. Qu'il suffise de mentionner que, sur les 39 pages du projet de loi, au moins 24 sont consacrées à la description d'un régime provisoire, une description qui est d'ailleurs loin d'être limpide, tout cela pour un régime qui est supposé durer au plus un an.

Le régime provisoire proposé présente des inconvénients importants pour le personnel et pour les relations du travail. Je m'y attarde un peu plus longuement, puisque ça concerne plusieurs milliers de nos membres. Pour la région de Montréal, pendant le régime provisoire, une partie du personnel de la commission scolaire de Le Royer serait transférée à la CECM pour le territoire situé à l'est de la ville de Montréal-Est, c'est-à-dire Pointe-aux-Trembles, qui serait joint à la CECM. Par ailleurs, une partie du personnel de la CECM passerait aux commissions scolaires linguistiques nouvelles, puisque le territoire des municipalités de Montréal-Nord, de Westmount, d'Hampstead, de Côte-Saint-Luc, de Montréal-Ouest se détacherait de son territoire. Un an plus tard, le personnel de la commission scolaire de Le Royer transféré à la CECM serait à nouveau transféré à la commission scolaire linguistique. Il est difficilement acceptable de faire subir à une partie du personnel deux transferts de cette nature dans une période aussi courte.

À Québec, une partie du personnel des commissions scolaires des Belles-Rivières – Duberger et Les Saules – de Jeune-Lorette – Neufchâtel – et de Charlesbourg – Charlesbourg-Ouest – passerait à la commission scolaire confessionnelle pour la durée du régime provisoire, et la ville de Vanier passerait tout de suite à la commission scolaire linguistique.

Par ailleurs, sur le plan de la représentation, comment est-il envisageable de décider du syndicat qui représentera une catégorie de personnel pour une commission scolaire qui ne dispose que d'une partie du territoire et du personnel qui lui sont destinés après le régime provisoire? C'est une question majeure. L'entrée en vigueur du régime provisoire pourrait faire en sorte qu'un syndicat obtienne temporairement une accréditation et qu'il la perde un an plus tard avec l'arrivée du contingent le plus important. Nous ne croyons pas sage de créer une situation qui favorise de tels va-et-vient quant à la représentation syndicale pendant une si courte période.

(11 h 20)

À vrai dire, nous ne comprenons pas pourquoi, cinq ans après le jugement de la Cour suprême indiquant que le droit à une commission scolaire confessionnelle s'applique à toute l'étendue des villes de Montréal et de Québec, il devient si urgent d'étendre la compétence territoriale de la CECM et de la CECQ à des territoires qu'elles n'ont jamais englobés, et ce, pour une durée qui normalement ne doit pas dépasser un an, en sachant que ce changement n'apporte aucun bénéfice, ni à la population concernée, ni au personnel déplacé, ni aux élèves.

La mise en place de la restructuration à Montréal et à Québec sans attendre la modification constitutionnelle aurait des inconvénients très sérieux, suffisamment sérieux pour que nous vous demandions d'envisager de retarder la restructuration scolaire à Montréal et à Québec jusqu'à ce que la modification constitutionnelle soit acquise, de façon à faire l'économie du régime provisoire. Ce délai aurait l'avantage de laisser plus de temps à ces deux régions pour déterminer les découpages territoriaux les plus appropriés. Cela leur permettrait aussi de profiter de l'expérience de mise en oeuvre en province, là où les problèmes d'intégration sont moins complexes. Cela permettrait enfin aux ressources du ministère comme à celles des organisations syndicales et des fédérations de commissions scolaires un certain répit pour trouver les meilleurs solutions aux problèmes d'ajustement qui seront très nombreux à Québec et, surtout, surtout, à Montréal.

Toujours au chapitre du régime provisoire, nous contestons également l'idée de créer des conseils linguistiques dans le but de protéger les droits de la minorité linguistique au sein des commissions scolaires confessionnelles qui seraient maintenues à Montréal et à Québec, en attendant la modification constitutionnelle. Nous ne comprenons pas pourquoi les commissions scolaires confessionnelles qui ont dispensé l'enseignement en anglais – comme à la CECM – depuis 150 ans sans conseil linguistique auraient soudainement besoin de cette instance dotée d'importants pouvoirs pendant la seule année que durerait le régime provisoire. Nous nous inquiétons en particulier de leur droit de veto à l'égard de décisions du Conseil des commissaires, personnes qui, elles, sont élues au suffrage universel. Nous nous interrogeons également sur la pertinence de leur pouvoir de censure à l'égard de certaines décisions des conseils d'orientation et des directions d'écoles. Nous demandons tout simplement d'éliminer du projet de loi cette idée de créer des conseils linguistiques provisoires.

Pour ce qui est du découpage territoriale des commissions scolaires, nous appuyons, en principe, l'orientation qui consiste à définir ces territoires de façon à ce que chaque commission scolaire englobe une ou plusieurs MRC et se retrouve à l'intérieur d'une même région administrative. Nous ne croyons pas, cependant, qu'il faille en faire un absolu. Il y a sans doute des cas particuliers où des regroupements à partir de commissions scolaires existantes seraient plus appropriés, étant entendu que l'on doit choisir un découpage qui répond le mieux aux besoins de la population, aux besoins des élèves, qui correspond à un sentiment d'appartenance, à une certaine identité collective et qui privilégie les considérations éducatives et pédagogiques.

Incidemment, il faut souligner que, dans le cadre de la consultation sur le découpage territorial, les dirigeants des commissions scolaires sont systématiquement rencontrés, ce qui n'est pas le cas pour les organisations syndicales représentatives des salariés, qui sont traitées de façon assez cavalière dans le cadre de la consultation menée par les directions générales du ministère de l'Éducation. Et je tiens à dénoncer cette situation.

Par ailleurs, pour faciliter l'exercice de la démocratie scolaire locale, nous sommes en accord avec les mesures qui visent à simplifier la confection des listes électorales et la procédure de vote. Utiliser la liste électorale permanente, placer le déroulement des élections scolaires sous la responsabilité de la Direction générale des élections du Québec permettraient certainement une plus grande transparence dans le processus électoral. Nous recommandons, de plus, que l'on fasse coïncider la date des élections municipales et celle des élections scolaires, ce qui attirerait davantage l'attention de la population sur ces événements et favoriserait une meilleure participation.

Quelques mots maintenant au sujet du transfert et de l'intégration du personnel lors de la transformation des commissions scolaires confessionnelles par des commissions scolaires linguistiques et du redécoupage des territoires. Nous insistons pour que les changements se déroulent dans le respect du personnel, de ses conditions de travail ainsi que de la démocratie syndicale et des droits syndicaux. La procédure proposée pour le transfert et l'intégration du personnel nous semble adéquate dans ses grandes lignes. Nous jugeons cependant qu'elle mériterait d'être améliorée avec quelques modifications. Par exemple, nous demandons que l'article 39 du projet de loi soit amendé de façon à assurer au personnel à statut précaire les droits de rappel dont il jouit présentement. La ministre a d'ailleurs pris un engagement à cet égard quant à la protection du personnel à statut précaire, lors d'un échange avec un autre groupe.

Nous sommes également d'avis que les échéances proposées ne sont pas réalistes et ne permettrons pas aux mesures en place d'atteindre les fins qu'elles visent. Par exemple, à l'automne, le secteur public connaîtra une période de changement d'allégeance, ce qui n'est pas un moment très favorable pour négocier des normes et modalités de transfert. De même, l'avis relatif à leur nouvel employeur devrait être transmis au 1er juillet, ce qui n'est pas non plus le moment idéal.

Nous recommandons donc de retarder de deux mois chacune de ces échéances: la date à compter de laquelle une absence d'entente déclenche le processus arbitral, la date limite pour la désignation des membres du tribunal, la date limite de la décision du tribunal. Ces trois éléments-là seraient retardés de deux mois, mais nous devancerions de deux mois, soit au 1er mai, la date limite pour aviser chaque membre du personnel du nom de son employeur au 1er juillet suivant.

Pour ce qui est de la représentation syndicale, nous demandons que la majorité requise lors du vote sur l'accréditation syndicale, prévu à l'article 530.7, soit conforme aux règles du Code du travail. Nous demandons que le projet de loi soit amendé pour introduire des dispositions express prévoyant le maintien de la représentation syndicale et de la convention collective jusqu'à l'octroi d'une accréditation en vertu de l'article 530.6.

Et nous demandons enfin que soit précisée, à l'article 530.2, la notion de groupe pour les fins d'une requête en accréditation, et que l'échéance du 31 août pour le dépôt des requêtes en accréditation soit reportée au 30 septembre.

Un commentaire plus général, en terminant, selon la CEQ la restructuration des commissions scolaires sur la base des langues d'enseignement constitue un premier pas essentiel dans le sens de la déconfessionnalisation du système scolaire. Nous sommes d'avis, cependant, que la seule voie praticable à long terme est celle d'une laïcité ouverte, qui attribue à l'école la mission de transmettre aux élèves une éducation civique et morale fondée sur des valeurs communes de notre société, en même temps que celle de favoriser la compréhension et le respect mutuels par une initiation culturelle au phénomène religieux, offerte à tous les élèves.

Nous espérons donc que la ministre de l'éducation nous donnera bientôt l'occasion, comme elle l'a promis, d'exprimer notre point de vue dans un débat large et ouvert sur la déconfessionnalisation de l'école et les conditions de l'école commune. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Cusano): Merci, Mme Pagé. Mme la ministre.

Mme Marois: Alors, Merci, M. le Président. Bienvenue à la commission. Je vous écoutais en même temps que je consultais l'ensemble du mémoire, qui était, évidemment, un peu plus élaboré.

Je vais reprendre juste un de vos commentaires où vous mentionniez que le régime provisoire prend plus d'articles dans le projet de loi que tout ce qui concerne l'implantation de ce que nous voulons faire, qui est l'implantation de commissions scolaires linguistiques. Et, en ce sens-là, vous avez tout à fait raison, et ça illustre particulièrement bien comment toute autre proposition, que ce soit Proulx-Woehrling – parce que c'est de ça qu'il s'agit – ou un intermédiaire entre cela et un amendement constitutionnel n'est évidemment pas recevable, dans un sens, parce que ça nous oblige à tout ce que vous voyez au régime provisoire.

Et je vais répéter ici ce que j'ai dit à d'autres groupes. C'est évident que nous ne souhaitons pas implanter le régime provisoire. Nous souhaiterions plutôt obtenir rapidement l'amendement constitutionnel. L'unanimité à l'Assemblée nationale sur la motion que nous avons votée en ce sens, l'appui très large que nous recevons sur le fond de la question, autant chez ceux, je vous dirais, qui seraient les tenants d'un projet qui devrait aller plus loin, je pense à vous, entre autres, sur la question de la déconfessionnalisation complète des institutions, cependant, je pense à la Coalition, hier, à d'autres groupes qui sont venus devant nous... Je pense qu'il y a vraiment un très large consensus et un très large appui sur le fond de ce que nous défendons.

Alors, devant ce large appui, évidemment, ce qui serait souhaitable, c'est qu'on puisse obtenir rapidement les amendements constitutionnels souhaités et pouvoir procéder. C'est pour ce faire, d'ailleurs, que j'ai identifié que la date la plus tardive pourrait être la fin décembre 1997 ou le 1er janvier 1998, pour nous permettre d'engager le processus si Ottawa consentait à l'amendement.

(11 h 30)

Maintenant, ce que je voulais comprendre de vous, d'abord, c'est, vous dites: Procédez pour le reste, mais n'appliquez pas, sur Montréal et Québec, le régime provisoire, si jamais l'amendement n'était pas obtenu. C'est bien ce que je comprends de votre point de vue?

Mme Pagé (Lorraine): Tout à fait, et d'autant plus qu'il pourrait bien arriver qu'on puisse interpréter que les choses sont bien engagées au fédéral mais que l'impossibilité d'arriver dans les délais que vous avez fixés soit réelle. Ça pourrait essentiellement dépendre d'une obstruction du Sénat. Mais, même si le Sénat faisait une obstruction, ça reviendrait à la Chambre des communes et ça pourrait être adopté, mais ça étend le délai. Mais partir le branle-bas de combat, avec tous les inconvénients que nous avons illustrés – nous appelons ça, nous, le phénomène yo-yo – pour quelque chose qui serait bien engagé, il nous semble que ça n'a absolument aucun bon sens.

Dans ce cadre-là, il y aurait moyen de procéder, pour l'ensemble du territoire, de faire que le régime provisoire ne se mette pas en place à Montréal et Québec et que la restructuration puisse arriver un peu plus tard pour Montréal et Québec. Les raisons étaient invoquées en termes d'avantages, mais je pense en même temps qu'on est capables à peu près tout le monde d'aller faire la preuve à Ottawa que de nous placer dans la situation de faire un régime provisoire, de le mettre en place, ce serait contraire aux intérêts de la population, des parents, des élèves, du personnel. Et le bon sens doit bien exister de l'autre côté de la rivière des Outaouais aussi, là.

Mme Marois: Si, par contre... Et je vous suis bien et on s'entend très bien sur cela aussi, puis je suis bien consciente des difficultés que ça pose. Cependant, nous sommes actuellement assez positifs quant à l'obtention de l'amendement, et, comme je dis, j'ai toujours gardé cette attitude-là puis je ne voudrais pas en changer, mais, en même temps, je suis responsable et je dois évaluer ce que ça signifierait si Ottawa ne le donnait pas. Est-ce que ça voudrait dire qu'on renoncerait, pour trois, quatre, cinq, six ans encore, à modifier quoi que ce soit sur le territoire de l'île de Montréal, de la ville de Montréal et de même que celui de la ville de Québec, qui sont quand même, dans un cas, la capitale et, dans l'autre, la métropole, avec tout ce que cela a comme conséquences quant à l'intégration, quant au projet éducatif?

Mme Pagé (Lorraine): Oui, je vais y aller d'un élément de réponse et M. Lapierre complétera. Mais, quand nous examinons les inconvénients qui découlent d'une superposition de structures à Montréal ou encore d'un régime provisoire qui durerait un certain temps, les inconvénients nous apparaissent tels que, si vraiment il y avait une impasse à caractère politique à Ottawa, à notre avis il serait encore préférable de vivre avec le statu quo à Montréal et à Québec plutôt que de faire de la superposition de structures scolaires qui ne réglerait absolument rien, ou de s'inscrire dans un processus transitoire dont on ne verrait pas le bout parce qu'on serait dans une situation d'impasse politique. Jean-Marcel.

Le Président (M. Cusano): M. Lapierre.

M. Lapierre (Jean-Marcel): Enfin, je voulais simplement préciser vraiment ce qu'on demande d'envisager. Ce qu'on demande d'envisager, c'est, par exemple, pour l'île de Montréal, le maintien du statu quo au lieu d'avoir l'implantation de commissions scolaires linguistiques en même temps que des commissions scolaires confessionnelles sur le territoire de la ville de Montréal. Alors, c'est cette implantation-là qui pose des problèmes. Par exemple, sur le plan de la représentation syndicale, ça pose des problèmes presque insolubles, hein.

Mme Marois: Juste un petit commentaire, et après ça je reviendrai plus tard. Je sais que mes collègues veulent soulever aussi des questions. Un premier commentaire sur la consultation, pour qu'on mette ça un peu derrière nous. D'abord, les directions régionales, mon sous-ministre adjoint, mon chef de cabinet adjoint ont eu la responsabilité de consulter les commissions scolaires, mais cependant ce sont les secrétaires régionaux qui consultent les syndicats, les organismes autres liés ou intéressés par ce qui concerne la vie de l'école et la vie de la commission scolaire. Alors, c'est pour ça qu'évidemment on ne pouvait pas s'attendre à ce qu'il y ait une consultation de là. C'est comme ça qu'on l'a orientée.

Deuxièmement, petit commentaire sur les conseils linguistiques. Ce n'est pas nécessairement parce qu'on croit que les droits des uns et des autres ont été bafoués, loin de là – et je partage votre jugement à cet égard – mais c'est pour éviter qu'on ait des contestations judiciaires là où ne s'implanteraient pas les commissions scolaires linguistiques que l'on prévoit cela au régime provisoire. C'est essentiellement ce qui explique ce pourquoi on les retrouve au sein de commissions scolaires qui restent confessionnelles.

Le Président (M. Cusano): Mme Pagé.

Mme Pagé (Lorraine): Tout d'abord, sur la première remarque, Mme la ministre, je crois qu'il y a peut-être eu une confusion entre les directions régionales des bureaux régionaux du ministère de l'Éducation et les secrétaires régionaux, parce que les directions générales ont compris qu'elles s'occupaient des commissions scolaires, que les secrétaires régionaux s'occupaient des groupes socio-économiques, mais les secrétaires régionaux n'ont pas compris que les groupes socioéconomiques, ça comprenait les syndicats. Alors, on s'est retrouvé en situation de faire parvenir des avis par écrit, avec le refus d'être rencontré autant par les directions générales que par les secrétaires régionaux. On a trouvé que c'était un peu particulier.

Mme Marois: Dans les faits, on a eu quand même des commentaires qui sont venus des syndicats, parce que j'en ai vu entrer sur mon bureau. Ha, ha, ha!

Mme Pagé (Lorraine): Oui, oui, je suis certaine qu'ils vous ont écrit. Mais il nous semble qu'on aurait mérité d'être rencontrés. Ha, ha, ha!

Mme Marois: De toute façon, vous savez très bien que votre point de vue va être entendu. Ha, ha, ha! Alors, ça va, moi, pour l'instant, M. le Président. Merci.

Le Président (M. Cusano): Merci, Mme la ministre. M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Merci, M. le Président. Bienvenue à Mme Pagé et aux personnes qui l'accompagnent. Moi, je suis heureux ce matin de vous entendre et d'entendre vos recommandations par rapport au régime transitoire. Ce sont des propos que je tenais moi-même au lendemain du dépôt du projet de loi n° 109. Je disais que ça prenait en otage les élèves, les parents et le personnel, de leur faire vivre – ce que vous reprenez comme expression – ce branle-bas de combat. Pourquoi, dans le fond? Il faut se poser la question: Pourquoi y a-t-il un régime provisoire dans le projet de loi n° 109, alors qu'on démontre un grand optimisme par rapport à l'arrivée de la modification constitutionnelle et qu'on dit: Dans le fond, on est à peu près convaincu? On ne sait pas à quel moment ça va être livré. Vous évoquez le droit suspensif du Sénat de faire retarder ça pour une période d'au plus six mois. Mais ça va revenir à la Chambre des communes, et, si on se fie aux engagements pris par le gouvernement fédéral, il y aura modification constitutionnelle de la part du gouvernement fédéral.

Donc, la question se pose à ce moment-ci: Pourquoi attendre à quelque part à l'automne 1997 pour retirer le régime provisoire, alors que les opérations vont débuter au mois d'août 1997? Il y a plusieurs opérations et ce sont des opérations qui ont une certaine ampleur. Pourquoi attendre à ce moment-là pour retirer le régime provisoire? Pourquoi ne pas le faire à ce moment-ci et donner un son de cloche et un signal très clair pour l'île de Montréal et pour la région métropolitaine de Québec? Plusieurs partenaires nous ont déjà fait la même recommandation que vous faites ce matin. Il y en aura d'autres. Je suis convaincu que ce sera la recommandation de l'île de Montréal.

Alors, moi, je vous dis: Pourquoi suggérez-vous, dans votre mémoire, d'attendre à l'automne pour inciter la ministre à réfléchir sérieusement à la possibilité de le retirer? Moi, je vous dis: Pourquoi ne pas le dire clairement dès maintenant?

Mme Pagé (Lorraine): Nous pourrions le dire aussi clairement que ça, si c'est une façon de contribuer au débat. Peut-être fallait-il avoir dans le projet de loi la description d'un régime provisoire pour montrer aux personnes qui détiennent la clé de la solution du problème, à Ottawa, l'absurdité dans laquelle ils nous entraîneraient par un obstacle à saveur politique et constitutionnel. Parce que nous serions dans une double impasse: ou bien nous vivrons un régime comme celui-là, ce qui n'a aucun bon sens; ou bien nous serons en situation de superposer des structures scolaires, ce qui n'a pas plus de bon sens; ou bien nous serons en situation de renoncer à faire une restructuration scolaire, alors que c'est à Montréal qu'elle est encore le plus urgente.

Alors, pour fins de dépôt ou de discussion à ce moment-ci – il y avait sûrement des vertus pédagogiques à l'exercice – je crois effectivement qu'il serait bien plus sage d'adopter une loi avant la fin de la session, qui met en branle le processus de restructuration scolaire mais qui ne met pas une épée de Damoclès sur le gouvernement fédéral en nous mettant un couteau sous la gorge par rapport à des perspectives qui seraient déplorables à l'égard du personnel, des étudiants, de la population.

(11 h 40)

M. Ouimet: Mais je veux bien, Mme Pagé, qu'il y ait de la stratégie, si je vous comprends bien. Il y a de la stratégie dans le projet de loi n° 109 pour forcer la main au gouvernement fédéral. On s'entend là-dessus. Sauf que ça, c'est une chose. Mais, lorsqu'on constate que ça seraient les élèves, les parents et le personnel que vous représentez et le personnel des directions d'écoles et tout le personnel-cadre des commissions scolaires qui seraient pris en otage dans cette stratégie-là, ne doit-on pas à ce moment-ci indiquer clairement qu'on devrait retirer ça du projet de loi n° 109 avant son adoption, qui est prévue à la fin des travaux de cette session législative?

Je pense que la démonstration a été faite à ce moment-ci parce que ce qui se passe à Québec et à l'Assemblée nationale, c'est une chose, mais le message sur le terrain, cependant, c'est une tout autre chose. Il y a déjà des démarches qui sont engagées par les commissions scolaires. Les parents se posent déjà les questions. Il fallait entendre la semaine passée le président de la CECQ nous parler des inconvénients pour les parents et pour les élèves par rapport à la ville de Vanier et la ville de Québec, et ça sera la même chose au niveau de Montréal. Vous décriviez un peu plus tôt Pointe-aux-Trembles, Montréal-Nord, l'ensemble des autres villes desservies actuellement par la CECM. Il y a des gens qui sont mobilisés actuellement, qui travaillent dans la perspective du régime transitoire. Ce sont des énergies gaspillées.

Est-ce qu'on ne devrait pas dire à ce moment-ci au gouvernement: La démonstration a été faite sur comment ça serait compliqué, maintenant ne pénalisons pas ni les élèves, ni les parents, ni le personnel, et indiquons clairement que, sur le territoire de l'île de Montréal et le territoire de la région métropolitaine de Québec, il n'y aura pas de régime provisoire?

Mme Pagé (Lorraine): Alors, M. Laberge, pour une partie de réponse, puisqu'on a considéré que j'avais mal répondu, mais M. Laberge va compléter ma réponse.

M. Laberge (Henri): Je vais redire substantiellement un peu la même chose. C'est que l'exercice pédagogique a atteint son but. La démonstration est faite que ça va être absurde. Alors, à ce point de vue là, on peut remercier la ministre d'avoir fait cette démonstration-là. Mais maintenant qu'elle est faite, je pense que ça suffit. Je pense qu'il faut dire maintenant que, si jamais la modification constitutionnelle n'est pas obtenue avant la fin de 1997, faisons en sorte que le territoire de l'île de Montréal et de la Communauté urbaine de Québec vont être retardés d'un an. Normalement, c'est ça qui devrait arriver, parce qu'on a fait le calcul, et ça devrait nous mener normalement en mai. Si jamais le Sénat faisait de l'obstruction, la Chambre des communes peut voter une deuxième fois, ça nous amène à peu près autour du mois de mai. Ce qui est tout à fait suffisant pour mettre en vigueur en 1999. Ça ne serait pas un drame.

À ce moment-là, ça serait beaucoup moins dramatique que de retarder en deux opérations. On a d'ailleurs indiqué qu'il y avait des avantages à le faire en deux opérations. Si jamais la modification constitutionnelle est obtenue avant 1997, bien on va se grouiller et on va tout faire pour que ça se fasse bien. Sinon, ça va donner l'avantage qu'on aura l'expérience de l'implantation en province, où c'est moins compliqué, et ensuite on pourra le faire plus calmement à Montréal et à Québec.

Mme Pagé (Lorraine): Alors, tout va bien et ça s'installe le 1er juillet 1998. Ça va plus mal que ce qu'on pensait à cause du Sénat et à ce moment-là tout s'implante à travers le Québec en 1998 et à Montréal et Communauté urbaine en 1999.

M. Ouimet: Vous savez là-dessus qu'il y a déjà un retard d'au moins six mois par rapport à ce qui était prévu comme calendrier législatif dans le projet de loi 107. À l'article 111, on prévoyait que le décret pour le découpage territorial devrait être adopté entre le 1er janvier et le 1er mars, et le décret territorial ne sera adopté qu'au mois d'août. Donc, il y a déjà du retard de la partie gouvernementale.

Par ailleurs, l'ensemble du message qu'on décode de tous les intervenants, c'est que ça va beaucoup trop vite. Ça va beaucoup trop vite, par ailleurs, avec l'implantation des maternelles temps plein cinq ans, les compressions budgétaires qui doivent être gérées, les impacts dramatiques au niveau du transport scolaire. Il y a beaucoup d'opérations qui se déroulent en même temps. Il y a déjà un retard, alors ça ne serait pas si dramatique que ça. Je pense que la perspective la plus réaliste serait le 1er juillet 1999. Mais, si on peut faire plus vite en région – 1er juillet 1998 – tant mieux.

Ceci étant dit, il faudrait régler aussi la question du territoire de Vaudreuil-Soulanges, qui ne fait pas partie du territoire de l'île de Montréal mais qui relève actuellement de la commission scolaire du Lakeshore. S'il y a un statu quo sur le territoire de l'île de Montréal, est-ce qu'il y a un statu quo également pour le territoire de Vaudreuil-Soulanges? Je ne sais pas si vous voulez vous prononcer là-dessus, mais il y a un débat à cet égard-là et on a entendu plusieurs groupes qui nous ont formulé des recommandations.

Ça m'amène également sur les territoires, la carte des commissions scolaires. Dans votre mémoire, vous dites très bien qu'on doit choisir le découpage qui répond le mieux aux besoins de la population et qui correspond à un sentiment d'appartenance. La Fédération des commissions scolaires disait, la semaine passée, qu'il y a des problèmes dans 90 % des commissions scolaires. Le gouvernement prétend qu'il y a de l'exagération là.

Cependant, d'appliquer de façon mécanique les frontières des territoires des MRC et de dire que sans aucune exception les territoires des commissions scolaires doivent correspondre aux territoires des MRC, est-ce que le message que vous nous donnez ce matin, c'est: On devrait y prévoir des exceptions lorsqu'on sent que les intérêts des élèves et des parents seraient mieux servis avec un découpage autre que celui des territoires des MRC?

Mme Pagé (Lorraine): La règle générale des MRC est globalement satisfaisante. Et, à l'examen fait par nos syndicats, c'est le bilan que l'on peut faire. Mais il y a certains cas où il y a des difficultés, et, quand on les identifie, c'est vraiment plus parfois lié à des réalités géographiques ou encore des considérations à caractère pédagogique ou éducatif, là, des déménagements d'élèves d'une école à l'autre. Alors, je crois que la consultation devrait permettre de régler ces cas litigieux. Mais la règle générale semble assez bien reçue, même si, effectivement, dans certains cas... Et on ne fait pas une consultation, je suppose, pour ne pas changer d'idée jamais. Donc, il faudra bien tenir compte de certaines observations qui sont faites dans les milieux. Mais, en même temps, il y a une certaine résistance qui vient des administrateurs scolaires qui ne doit pas nous faire perdre de vue qu'à 157 commissions scolaires il était plus que temps qu'on se mette à l'heure du XXIe siècle et qu'il y avait vraiment place pour de la régionalisation ou une diminution substantielle du nombre de commissions scolaires.

M. Ouimet: Est-ce que je vous comprends bien, si vous dites: La règle générale est satisfaisante, on devrait quand même prévoir des exceptions?

Mme Pagé (Lorraine): On pourrait souffrir des exceptions pour tenir compte d'éléments liés à la géographie ou à des particularités, des fois, sociologiques ou encore à des considérations à caractère éducatif et pédagogique. Mais le sentiment d'appartenance, je trouve que parfois il faut le prendre avec des bémols. Parce que, vous savez, quand il y a 8 % du monde qui va voter aux commissions scolaires, ils ne doivent pas se sentir appartenus tant que ça, là. Alors, je trouve que parfois il faut prendre avec des bémols la notion de sentiment d'appartenance.

M. Ouimet: J'ai l'impression que les parents appartiennent beaucoup à l'école, et c'est à ce niveau-là que ça joue...

Mme Pagé (Lorraine): Ils parlent pas mal plus aux profs de leurs enfants qu'aux commissaires d'école, là, avec tout le respect que je dois aux commissaires d'école.

M. Ouimet: O.K. Autre pomme de discorde – vous l'abordez brièvement dans vos recommandations et peut-être même dans le texte du mémoire – la question de la restriction par rapport au droit de vote de la communauté anglophone. Une pomme de discorde importante pour l'ensemble de la communauté anglophone. Leur point de vue a été unanime jusqu'à date à cet égard.

Moi, je vous pose la question. J'ai lu votre recommandation et vous faites la recommandation... Et la raison d'être, c'est de façon à assurer le contrôle desdites commissions scolaires anglophones aux personnes directement intéressées. Sauf que le message de la communauté anglophone, c'est: Nous n'avons pas besoin de l'assurance que souhaite nous donner la ministre. Nous n'en avons pas besoin, nous sommes prêts à courir ce risque-là, si risque il y a. Et, si jamais il y avait problème, nous pourrions revenir et corriger le projet de loi à ce moment-là.

Je ne répéterai pas les termes assez durs qui ont été utilisés pour qualifier le geste du gouvernement à l'endroit de la communauté anglophone, mais j'aimerais entendre votre point de vue. En quoi est-ce que laisser le libre choix qui existe actuellement pour catholiques et protestants, de transposer ça pour les francophones et les anglophones, ça serait pénalisant, si la communauté anglophone nous dit: On est prêt à vivre le risque? Y a-t-il d'autres inconvénients?

(11 h 50)

Mme Pagé (Lorraine): Sur cette question, je vais vous donner une première partie de réponse et M. Laberge complétera. Tout d'abord, pour qu'on se comprenne bien, nous avons une priorité. La priorité que nous avons, c'est d'obtenir l'amendement à l'article 93 de la Constitution canadienne. C'est notre priorité et nous ne la perdrons pas de vue.

Deuxièmement, nous avons une préoccupation qui est de nous assurer et de garantir à la communauté anglophone le contrôle de ses institutions scolaires. Et je crois que c'est dans la lignée de ce qui se fait à travers le Canada. Les communautés linguistiques minoritaires à travers le Canada veulent s'assurer du contrôle par leur communauté de leurs institutions scolaires. Et, même si la communauté anglophone disait: On est prêt à courir le risque, il me semble que, comme société, comme législateur, on doit être préoccupé par la question du contrôle du système scolaire anglophone par la communauté anglophone, pour éviter des détournements qui ne seraient pas souhaitables.

Troisièmement, nous avons un absolu: n'importe quel critère qui servira à établir le droit de vote dans les commissions scolaires anglophones ne pourra jamais servir d'argumentation pour remettre en question les critères d'admissibilité à l'école anglaise. Et je trouve important de le dire avant qu'Alliance Québec vienne s'asseoir ici, à la même chaise.

Quatrième élément...

M. Ouimet: Oui mais...

Mme Pagé (Lorraine): Vous voulez une réponse?

M. Ouimet: Allez-y. Allez-y, on vous écoute.

Mme Pagé (Lorraine): Le critère qui est à la loi, c'est une modalité. C'est une modalité qui nous convenait. S'il y a une autre modalité tout aussi raisonnable qui ne met pas en péril l'atteinte de notre priorité, qui tient compte de notre préoccupation, qui réaffirme notre absolu, qui fait l'affaire de la communauté anglophone, écoutez, là, on ne fera pas une tempête là-dessus. Mais il faut que ça ce concilie avec la priorité, la préoccupation et l'absolu que j'ai indiqués. S'il y a d'autres modalités, ma foi, il y en aura d'autres. Ce que nous ne voudrions pas, par exemple, c'est qu'on commence à déterminer ce qu'est un anglophone, ce que n'est pas un anglophone, sur la base de critères définis par des fonctionnaires. Et là on fondrait l'octroi d'un droit démocratique et le droit de vote sur des considérations ethniques. Et ça, ça serait excessivement dangereux. M. Laberge, pour compléter.

M. Laberge (Henri): Je voudrais juste nuancer l'idée que, actuellement, c'est le libre choix dans les commissions scolaires confessionnelles. Ce n'est pas le libre choix. Relisez l'article 18 de la Loi sur les élections scolaires. L'article 18 est très éloquent. C'est qu'un catholique, même s'il a des enfants inscrits à la commission scolaire protestante, n'a pas le droit de voter à la commission scolaire protestante. Et un protestant qui a des enfants à la commission scolaire catholiques ne peut pas voter à la commission scolaire catholique. Alors, ce n'est pas le libre choix tant que ça. Il n'y en a pas, de libre choix. C'est bien sûr qu'on ne fait pas une enquête systématique de police pour savoir si quelqu'un est catholique ou protestant. On se fie à sa déclaration, en général. Mais il y a quand même un principe qui est établi dans la loi, que la commission scolaire protestante, elle appartient aux protestants, puis la commission scolaire catholique appartient aux catholiques. Il y a un principe.

Dans le projet de loi n° 109, on ne propose pas non plus de faire des enquêtes de police pour vérifier la déclaration de l'individu. On établit un principe, ce qui est très bon. Maintenant, comme a dit la présidente, on n'est pas attaché nécessairement à cette modalité-là comme à quelque chose d'absolu, mais c'est une modalité qui nous convient parce que c'est selon le même principe qu'actuellement. Actuellement, on dit que les catholiques ne doivent pas voter à la commission scolaire protestante, puis les protestants ne doivent pas voter à la commission scolaire catholique. C'est dit clairement. Alors, si on transpose ça dans une commission scolaire linguistique, bien, je pense qu'il n'y a rien de mal à dire que ceux pour qui la commission scolaire est faite devraient être ceux qui votent à cette commission scolaire là. Bon. Maintenant, on est ouvert à d'autres suggestions, s'il y a d'autres suggestions raisonnables.

M. Ouimet: Oui, mais, M. le Président, par rapport à la dernière question sur la liberté de choix, il est vrai qu'un enfant inscrit dans une école relevant de la commission scolaire catholique, les parents doivent voter là, et vice versa. Mais là où le bât blesse, pour la communauté anglophone, c'est davantage pour les personnes qui n'ont pas d'enfants dans le système. Et, à cet égard-là, j'étais convaincu que l'article 15 de la loi actuelle était claire. Je vais le relire: «L'électeur qui n'a pas d'enfant admis aux services éducatifs de l'une ou l'autre des commissions scolaires peut voter à l'élection des commissaires de l'une ou l'autre commission scolaire, à son choix.» «À son choix». Alors ça, c'est le premier élément. Mais je veux, également, parce que le temps file rapidement...

Le Président (M. Cusano): M. le député, il vous reste une minute.

M. Ouimet: Trois autres éléments.

Mme Pagé (Lorraine): Là-dessus, M. Laberge pourrait y aller d'une réaction.

M. Ouimet: O.K. Mais donnez-moi deux petites secondes.

Mme Pagé (Lorraine): Ah! parfait.

M. Ouimet: Les francophones hors Québec ont besoin d'être protégés par rapport à la majorité anglophone. Ils l'ont réclamé de leur législature, et la législature, en conformité, leur a donné cette protection-là. Ce n'est pas la même situation au Québec. Je pense qu'il faut nuancer la situation à l'extérieur du Québec par rapport à la minorité francophone, ce n'est pas comparable au Québec, d'une part.

D'autre part, je n'ai pas compris... Aucun groupe qui s'est présenté devant nous jusqu'à date – il y a eu plusieurs groupes anglophones – personne n'a réclamé, par rapport au droit de vote, d'apporter des assouplissements à la loi 101. Je ne connais pas la position d'Alliance Québec qui s'en vient, là. Peut-être. Mais ce serait le premier groupe. Les gens ont clairement fait la distinction, acceptent la loi 101, acceptent...

Le Président (M. Cusano): En terminant, s'il vous plaît.

M. Ouimet: Voilà! Et, par rapport à la modalité que je posais, seriez-vous prêts à vivre avec la modalité qui existe actuellement à l'intérieur de l'article 15 de la Loi sur l'instruction publique? Quand vous parlez...

Le Président (M. Cusano): Je vais permettre une réponse très brièvement, s'il vous plaît.

Mme Pagé (Lorraine): Oui.

M. Laberge (Henri): D'abord, vous nous avez cité l'article 15, mais je vous invite à relire de nouveau l'article 18, parce que l'article 18 dit: Malgré l'article 15. Alors, même quelqu'un qui n'a pas d'enfant dans un commission scolaire, s'il est catholique, il n'a pas le droit de voter à la commission scolaire protestante. En principe. C'est bien sûr qu'il n'y a pas d'enquête de police pour vérifier qui est catholique. Mais l'article 15 établit un principe qui est atténué ensuite par l'article 18. Alors, le libre choix n'existe pas, même pour ceux qui n'ont pas d'enfant. Mais ce qui est odieux, dans l'article 18, c'est que même ceux qui ont des enfants inscrits dans l'autre commission scolaire, ils n'ont pas le droit d'y voter s'ils ne sont pas de la bonne religion. Alors, dans le projet de loi n° 109, cet aspect odieux là n'existe pas. Il est dit au contraire que, si quelqu'un a des enfants dans les deux commissions scolaires, il va avoir le droit d'y voter. Alors, c'est une grosse amélioration.

Mme Pagé (Lorraine): Mais là... M. Ouimet...

M. Laberge (Henri): Oui, oui, mais je tenais quand même à situer le contexte, là.

Le Président (M. Cusano): Merci. En conclusion.

M. Laberge (Henri): Oui. Mais nous sommes ouverts à des recommandations qui assoupliraient un peu dans le sens de l'article 15 mais en gardant bien à l'esprit les principes que la présidente a établis tout à l'heure. Pour nous, c'est bien fondamental. Mais il ne faut surtout pas établir une définition d'un anglophone qui serait une nouvelle définition, de dire «quelqu'un qui est de langue maternelle anglaise», ça, on n'en veut absolument pas. Il y a déjà des critères dans la loi. Si on peut s'en servir, tant mieux. Si on peut utiliser d'autres choses, ça va. Mais il reste que...

Le Président (M. Cusano): Merci.

Mme Pagé (Lorraine): Mais, pour les parents, pour être clair...

Le Président (M. Cusano): Un instant. Un instant. Consentement? Il y a consentement. Allez-y, Mme Pagé.

Mme Marois: On parle de questions fondamentales, là.

Mme Pagé (Lorraine): Très succinctement, les parents dont les enfants fréquentent l'école française doivent voter à la commission scolaire francophone. Les parents dont les enfants fréquentent l'école anglaise doivent voter à la commission scolaire anglophone.

À l'égard des autres personnes, est-ce qu'il y a des modalités par exemple de liste électorale unique et la personne pourrait demander d'exercer son droit de vote à l'autre commission scolaire plutôt qu'à la commission scolaire commune, qui est la commission scolaire francophone, avec la réserve que j'ai dite pour les parents? Il y a peut-être là une modalité qu'il faut explorer, même si, au départ, celle qui était contenue dans le projet de loi n° 109, à cause des dispositions que M. Laberge a citées dans la loi actuelle, ça nous semblait tout à fait praticable. Mais il reste que l'objectif, c'est les amendements à l'article 93.

Le Président (M. Cusano): Merci, Mme Pagé. M. le député de Champlain.

M. Beaumier: Oui, merci, M. le Président. Juste une remarque avant ma question. Avant que l'idée s'accrédite, on voudrait faire croire que la démarche gouvernementale a du retard, or, moi, de la façon dont je comprends le retard, c'est quand ça expliquerait qu'il nous manque du temps. Or, actuellement, il y a amplement de temps qui est laissé aux instances fédérales, soit au niveau de la Chambre des communes ou du Sénat, qui, s'ils respectent la volonté qui fait consensus dans la population, dans les organismes et qui fait unanimité d'ailleurs à l'Assemblée nationale, il reste amplement de temps, si la bonne foi, la bonne volonté y est, pour éviter ce que, tout le monde, on veut éviter. Alors, quand il y a du temps, il n'y a pas de retard.

(12 heures)

Ma question, ça concerne: dans vos quatre principes, que j'ai lus dans votre mémoire, vous parlez, très justement d'ailleurs, sur la liberté de conscience et de religion, y joignant aussi l'égalité entre les personnes par-delà la diversité légitime de leurs options religieuses, et vous concluez ce chapitre-là en disant qu'il faut donc éliminer le caractère confessionnel des structures scolaires pour y restaurer les valeurs démocratiques. Sur la question des structures scolaires, l'article 93 donnait le droit à la religion, mais ça ne concernait pas des structures telles quelles. Donc, le fait que nos commissions scolaires soient confessionnelles n'est pas impliqué, n'est pas la conséquence de l'article 93 de la Constitution.

Au niveau des écoles, par exemple, c'est autre chose, et, moi, ma question, ce n'est pas tout à fait... On ne la réglera pas ce matin, parce que ça ne fait pas l'objet typiquement, directement de la loi n° 109, mais on voit bien ce qui va se poindre aussi, ce qui s'en vient. Et, pour notre meilleure réflexion – actuellement, je connais moins le milieu montréalais que le milieu autre, quoique j'y aie déjà vécu – le fait qu'actuellement les écoles – on sait bien que les enfants ne vont pas à la commission scolaire, ils vont à l'école – par chez nous, elles ont, probablement par le biais de la commission scolaire, un statut catholique... Mais c'est des écoles, aussi, où il y a de très larges consensus avec la population. Il y a de l'enseignement religieux, il y a de l'enseignement moral, et c'est des écoles, je ne sais même pas si... Elles sont théoriquement catholiques, mais, moi, ayant envoyé mes enfants là, je n'ai jamais vu qu'il y avait quelque chose d'inacceptable dans ça.

Est-ce que c'est nécessaire qu'on en arrive à une école vraiment commune – ça, on s'entend bien – mais laïque ou neutre, alors qu'il pourrait y avoir, dans le respect des parents, dans le respect de la volonté des parents, des écoles qui continuent actuellement et qui ne semblent pas poser problème. J'aimerais avoir votre point de vue sur ça.

Mme Pagé (Lorraine): Je crois que toute la complexité de ce débat-là est le résultat de dispositions de la loi 107, telle qu'adoptée du temps de M. Ryan, où on faisait disparaître le statut juridique confessionnel de la commission scolaire, mais on l'appliquait à l'école. On a toujours été d'avis qu'une structure n'avait pas à avoir de statut confessionnel: ni la commission scolaire, ni l'hôpital, ni l'école.

Mais, pour beaucoup de parents, on a introduit une confusion, dans le sens qu'on a laissé croire que, pour poser le débat correctement ou pour envisager la place de l'enseignement de la religion à l'école, ça devait se faire par l'octroi d'un statut confessionnel. En Italie, la religion, elle s'enseigne dans toutes les écoles; il n'y a pas une école qui a le statut d'école catholique. C'est une autre nature de débat, et je crois qu'il y a vraiment moyen de faire un débat social entre nous, au Québec, sur le statut confessionnel des commissions scolaires – c'est ce qu'on est en train de faire – deuxièmement, un débat sur le statut confessionnel des écoles – c'est une deuxième chose – et, troisièmement, la place de la religion à l'école, et là aussi il y a place pour plusieurs modèles: il y a des pays où il n'y a pas de religion du tout à l'école; il y a des pays où il y a de la religion dans le sens de l'éducation culturelle au phénomène religieux; il y a d'autres pays où, même si le système est laïc, il y a de l'enseignement religieux à l'école.

Mais il faut réussir à faire le débat de façon ordonnée en évitant la confusion des genres, et la première étape qu'il fallait franchir, c'est celle sur le statut confessionnel des commissions scolaires. Il y aura, après, place pour faire le débat sur le statut confessionnel des écoles et pour faire également le débat sur la place de la religion à l'école. Mais là on a vraiment introduit toutes sortes d'ambiguïtés qui viennent fausser le débat et qui nous empêchent de le faire sur des bases correctes.

Le Président (M. Cusano): Merci, M. le député de Champlain.

M. Beaumier: Oui, merci, mais une autre remarque.

Le Président (M. Cusano): Oui, allez-y.

M. Beaumier: Je suis bien content d'avoir posé la question parce que je suis bien satisfait de la réponse, qui rejoint pas mal ma réflexion.

Mme Pagé (Lorraine): Merci.

M. Beaumier: Merci.

Le Président (M. Cusano): Est-ce qu'il y a d'autres questions? Mme la ministre?

Mme Marois: Bien sûr, M. le Président. D'abord, peut-être un ou deux autres commentaires. Il y a plusieurs des éléments qui sont proposés ici qui concernent, évidemment, le personnel et leur intégration, soit des dates que l'on propose de modifier ou des personnels dont on propose de tenir mieux compte. D'ailleurs, je pense que, Mme la présidente, vous l'avez mentionné, j'ai déjà répondu à cette question, plus précisément sur le personnel à statut précaire: nous respecterons effectivement les listes telles qu'elles existent. Il y aura des mécanismes prévus pour en tenir compte lors des intégrations.

Je ne voudrais pas, à ce moment-ci, rentrer, je vous dirais, dans les détails plus fins de ces questions-là. Parce que ce que je souhaiterais faire... Beaucoup d'autres groupes nous ont présenté des projets d'améliorations, de corrections, de réajustements, alors ce que je demande à mon ministère, c'est de prendre, à leur face même, là, chacune de vos propositions, de voir si on peut en tenir compte, comment, de les faire préciser, même, s'il y a lieu, auprès de vous. Alors, on vous recontactera à cet égard pour voir si cela pourrait nous aider à bonifier le projet de loi. Alors, je n'avais pas l'intention, à ce moment-ci, de revenir sur cette question de fond, c'est-à-dire pas de fond mais plus organisationnelle.

Moi, je voudrais revenir cependant sur la question du régime provisoire et du fait que c'est plus qu'une démonstration pédagogique. Je voudrais qu'on soit bien clair. C'est la réalité avec laquelle on doit composer, si on veut déconfessionnaliser notre structure scolaire sans avoir à passer par l'amendement constitutionnel. Et, dans le fond, là où voulait nous amener le député de Marquette, c'est un peu là où nous amène la proposition de conseil provisoire. C'est sûr qu'il y avait une autre stratégie. L'autre stratégie, je pense qu'elle est rejetée d'emblée par plusieurs organismes, c'était la superposition, n'est-ce pas, pour pouvoir implanter des commissions scolaires linguistiques et en préservant et en conservant le système confessionnel.

En fait, là, on fait un régime particulier pour Montréal et Québec, et on dit, en même temps qu'on implante partout ailleurs des commissions scolaires linguistiques: Là, on ne le fait pas, justement pour être capable de vivre avec la Constitution. Mais par le comité linguistique – je n'y tiens pas, moi, d'une façon particulière, au comité linguistique – au moins, on s'assure que la question linguistique est bien tenue en compte. Bon.

Alors, je ne trouve pas qu'on a l'air de dire: Bon, bien, c'est très secondaire. Mais finalement il n'y a plus de moyen, à un moment donné, de s'en sortir: ou c'est la superposition ou c'est des comités linguistiques, en fait confessionnels, comme ce que j'avais proposé il y a un an. Parce que c'est ça, là, hein, on essaie d'identifier la gamme des possibles. On dit: Qu'est-ce qu'il reste comme possibilités?

Moi, je vais vous poser une autre question. Vous savez que sur le territoire de l'île il y a une proposition de division territoriale en trois commissions scolaires. Elle est aussi soumise à une consultation, cette proposition. J'attends donc les commentaires, les remarques, etc. Une des hypothèses qui sont envisagées, c'est de dire: On pourrait, même pour la francophone, diviser l'île de Montréal en deux, c'est-à-dire que, au lieu d'avoir trois commissions scolaires, comme c'est l'hypothèse que j'ai déposée – trois commissions scolaires – on pourrait en avoir deux.

Le Président (M. Cusano): Mme la ministre, il vous reste une minute pour poser votre question.

Mme Marois: Alors, on pourrait, évidemment, diviser, à ce moment-là, respecter le territoire de l'est et de l'ouest en utilisant la frontière de la ville de Montréal et dire: On procède pour l'ouest – compte tenu qu'on retient une hypothèse où il y a deux commissions scolaires francophones – de l'île, on implante la commission scolaire linguistique de la même façon qu'on le fait sur l'ensemble du territoire québécois, et on ne bouge pas sur la partie est, incluant les limites de la ville. De telle sorte que ça éviterait – remarquez que c'est une hypothèse, là, que je présente ici sans l'avoir creusée davantage – évidemment, le morcellement, le double découpage, les changements à deux niveaux, là, qu'on devrait faire, et en deux temps. Et en même temps on agrandirait encore l'implantation de commissions scolaires linguistiques sur le territoire.

Le Président (M. Cusano): Merci, Mme la ministre. Je dois donner la chance de répondre.

Mme Pagé (Lorraine): Vous êtes gentil, merci beaucoup. Ce n'est pas une hypothèse qui, de première réaction, semble farfelue. Elle évite le phénomène de yo-yo, elle évite la superposition, elle met en branle, quand même, un certain changement. Mais je vous le dis, c'est vraiment une première réaction à chaud. Nos syndicats qui font les représentations directement dans la région pourront réagir là-dessus. Je crois que votre ténacité à chercher une solution si 93 n'est pas modifié vous honore, mais, nous, le problème, il est à Ottawa.

Mme Marois: Je suis d'accord.

(12 h 10)

Mme Pagé (Lorraine): Et on peut bien essayer de prendre de l'aspirine pour soigner la gangrène dans la jambe, mais ça ne marche pas. Alors, ce qu'il faut faire, c'est convaincre Ottawa de procéder de façon diligente, et nous restons à votre disposition, par ailleurs, pour creuser toutes les questions techniques que nous avons abordées. Il pourrait y avoir une rencontre de travail entre les spécialistes du ministère et de la CEQ pour creuser ces questions.

Le Président (M. Cusano): Merci, Mme Pagé. Mme la ministre, 30 secondes pour les remerciements.

Mme Marois: J'ai 30 secondes pour vous remercier. Je vous remercie pour l'éclairage que vous avez apporté à la commission. J'ai écouté avec beaucoup d'attention tout ce que vous nous avez apporté comme commentaires. Merci beaucoup.

Le Président (M. Cusano): M. le député de Marquette.

M. Ouimet: À mon tour, je remercie la CEQ pour sa contribution très positive à l'avancement du débat. Je signale aussi que, si la modification constitutionnelle avait été présentée à l'Assemblée nationale au mois d'octobre 1996...

Le Président (M. Cusano): M. le député, des remarques de remerciement, s'il vous plaît.

M. Ouimet: ...on n'en serait pas là, et la ministre le sait et il est important de le dire.

Le Président (M. Cusano): Merci, M. le député. À mon tour, j'aimerais remercier les membres représentants de la Centrale de l'enseignement du Québec.

J'invite maintenant les membres d'Alliance Québec à prendre place. Je demanderais au porte-parole d'Alliance Québec de se présenter et de nous présenter les membres qui l'accompagnent.


Alliance Québec (AQ)

M. Hamelin (Michael J.): Merci, M. le Président. Mme la ministre, bonjour. Avant de commencer, je vais faire les introductions: à ma gauche, la présidente du conseil d'administration d'Alliance Québec, Dr. Constance Middleton-Hope, et, à ma droite, M. Don Myles, qui est le directeur de l'éducation à Alliance Québec.

Le Président (M. Cusano): Merci. M. Hamelin, nous disposons d'une heure. Vous disposez de 20 minutes pour votre présentation, et ça sera suivi d'échanges, de la part ministérielle et de la part de l'opposition, également d'une période de 20 minutes pour chaque groupe. Allez-y.

M. Hamelin (Michael J.): Merci, M. le Président. Alliance Québec est heureuse d'avoir l'occasion de formuler ses commentaires au sujet du projet de loi n° 109, Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique, la Loi sur les élections scolaires et d'autres dispositions législatives. Après une consultation en profondeur auprès des Québécois d'expression anglaise de l'ensemble de la province, Alliance Québec a trouvé que les priorités suivantes seraient les plus importantes: Assurer le maintien des soins de santé et de services sociaux, dans une proportion de 95 %, et assurer la mise en oeuvre de commissions scolaires linguistiques qui respectent les droits et les besoins des communautés d'expression anglaise, dans une proportion de 93 %.

Il existe trois moyens grâce auxquels le Canada évalue la langue et la population d'expression anglaise du Québec: la langue maternelle, la langue parlée à la maison et la langue officielle parlée. Alliance Québec utilise l'expression «communautés d'expression anglaise» parce que les anglophones de la province vivent dans diverses collectivités et regroupent un bon nombre de personnes dont la langue maternelle n'est pas l'anglais. Les réflexions qui suivent sont fondées sur la réalité d'importance que constituent les Québécois d'expression anglaise. Madame.

Mme Middleton-Hope (Constance): Alors, le soutien actif d'Alliance Québec envers les commissions scolaires linguistiques ne s'est jamais démenti. Cela dit, l'efficacité d'un tel cadre institutionnel pour promouvoir l'instruction des Québécois d'expression anglaise et ainsi pour contribuer au développement des communautés linguistiques minoritaires du Québec exige que plusieurs critères soient satisfaits. Le contrôle et la gestion d'un système scolaire par les communautés d'expression anglaise du Québec sont essentiels pour nous permettre d'adopter des programmes d'éducation convenant aux besoins de nos enfants. La consolidation de tous les élèves étudiant en anglais est essentielle pour faciliter l'utilisation efficace des ressources éducationnelles disponibles à nos communautés. L'accès aux écoles anglaises est crucial pour l'intégrité et la viabilité d'un système scolaire destiné aux communautés d'expression anglaise au Québec. Le principe de l'accès doit confirmer le droit de toutes les personnes d'expression anglaise d'envoyer leurs enfants dans des écoles anglaises au Québec.

Pour les communautés d'expression anglaise, l'engagement envers les commissions scolaires linguistiques doit aussi affirmer notre droit à l'accès à un tel système. Alliance Québec perçoit le besoin de garanties constitutionnelles de structures linguistiques non seulement pour valider un système d'éducation destiné aux communautés d'expression anglaise, mais aussi pour le protéger.

En 1992, le groupe de travail sur l'éducation en anglais, mis sur pied par le ministre de l'Éducation, avait recommandé que le ministre de l'Éducation cherche à obtenir une protection constitutionnelle garantie pour des commissions scolaires anglaises, comparable à celle qui est actuellement donnée aux minorités confessionnelles.

En mai 1996, la ministre de l'Éducation a consulté 20 groupes représentant les parents, les professionnels de l'éducation, les commissions scolaires et les groupes communautaires. Alliance Québec faisait partie du vaste consensus qui a dit oui aux commissions scolaires linguistiques, oui à la loi 107, oui au maintien des dispositions confessionnelles contenues dans la loi 107 et non à un amendement constitutionnel.

Dans une lettre adressée à la ministre à la suite de cette consultation, Alliance Québec déclarait appuyer la restructuration scolaire en fonction de critères linguistiques. Dans la même lettre, nous disions que nous ne pouvions pas être en désaccord avec le premier ministre Bouchard, à savoir que le moment était venu de mettre en place des commissions scolaires linguistiques.

Toute recommandation visant à modifier la Constitution suppose une reprise du débat et entraîne de nouveaux délais pour la restructuration. Le débat dure depuis des années. La loi 107 a été adoptée et la Cour suprême du Canada l'a déclarée constitutionnelle.

En réponse à notre lettre, la ministre a écrit, le 10 juillet 1996, et je cite: «La voie retenue par le gouvernement et présentée le 12 juin dernier respecte son engagement d'assurer à la communauté anglophone la pleine gestion de ses écoles et répond à des préoccupations majeures de votre organisme. Elle ne nécessite pas d'amendement constitutionnel et respecte les droits confessionnels garantis par la Loi constitutionnelle de 1867 et ceux qui sont accordés par l'actuelle Loi sur l'instruction publique», et je termine la citation.

En annonçant, le 12 juin 1996, qu'elle mettait en place des commissions scolaires linguistiques en vertu des dispositions de la loi 107, Mme la ministre Marois déclarait, et je cite: «À la lumière des consultations menées, un large consensus se dégage, et c'est dans le respect de ce consensus que notre choix s'est arrêté sur la proposition Kenniff, aménagée de façon à permettre l'atteinte de nos objectifs», je termine la citation.

(12 h 20)

Maintenant, le projet de loi n° 109 enclencherait le processus de démantèlement du consensus atteint au sujet de la loi 107. De plus, il retarderait la mise en place de commissions scolaires linguistiques à Montréal et à Québec. La loi 107 n'est pas sans défaut et elle ne va pas jusqu'à garantir des commissions scolaires linguistiques protégées par la Constitution, mais les articles de la loi 107 portant sur la réorganisation des commissions scolaires en fonction de critères linguistiques ont été déclarés constitutionnels, et la consultation avec la ministre sur la loi 107, reflétant un éventail de groupes linguistiques ainsi que religieux, a apporté un large appui au recours à la loi 107 comme base de commissions scolaires linguistiques.

Alliance Québec presse le gouvernement de respecter le consensus au sujet des dispositions de la loi 107. Alliance Québec recommande que le gouvernement du Québec entame immédiatement les étapes nécessaires pour créer des commissions scolaires linguistiques dans l'ensemble de la province, avec des garanties confessionnelles adéquates et efficaces permettant aux communautés d'expression anglaise de contrôler et de gérer un système scolaire consolidé; deuxièmement, que le gouvernement du Québec élargisse l'accès aux écoles anglaises de façon à inclure toutes les personnes d'expression anglaise. Et je rends la parole à Me Hamelin, le président.

M. Hamelin (Michael J.): School elections. The preparation of the electoral list is the basis of participation in a democratic process. Bill 109 amends the Act respecting school elections, Law 106. This law basically permitted the electors to cast their vote in elections of the local school board of their choice. Alliance Québec finds reasonable that an elector with a school-aged child registered with the school board covering the territory where he or she lives be obliged to vote at the election of the commissioners of that school board. This limitation was set out in Bill 106 as well. However, there are new limitations in Bill 109 that Alliance Québec finds to be unreasonable and discriminatory. We refer specifically to the second paragraph of sections 51 and 52 of Bill 109. It states that an elector is on the French list unless there is a request to be placed on the English list. Paragraph 52 then reduces the English-speaking communities to those who meet the stated criteria for eligibility to English schools.

This disenfranchises a segment of the English-speaking community from the control and the management of its schools. English-speaking Canadian citizens from countries other than Canada may not be eligible to vote in an English-speaking board election. They will be considered part of the French-speaking community. These limitations run contrary to the preamble of the resolution adopted unanimously in the National Assembly, reaffirming the fundamental right of the English-speaking communities of Québec to control and manage their educational institutions.

The Minister of Education defends restricting recognition of the English-speaking communities of Québec on the basis of the expressed need to integrate immigrants into the francophone culture of the Québec majority as early as possible, and therefore the Government will not consider extending the scope of article 23 of the Canadian Charter of Rights and Freedoms to fully apply in Québec. First, it should be very clear that article 23(1)(a) refers to Canadian citizens. Of course, many of them are new Canadians but they are citizens the same.

Second, Mme Marois offers a rather bizarre explanation for further voting restrictions in a recent Gazette article: «We have been obliged – and I quote – to define the categories of people to whom management and control of Québec's English-language school boards rightfully belong. The Québec Government's intention in specifying the categories of people who may vote in English-language board elections, instead of leaving the vote open to whoever wants to make use of it, is to give Québec's anglophone community the means to insure that only those who have the right to vote in and control English-language school boards actually do so.»

With all due respect, English-speaking Quebeckers are prepared to deal with any risks resulting from the freedom to choose which local school board to vote for. Furthermore, the amendments to the current School Election Act establishes two classes of citizens. Those identifying with English-speaking communities who do not have children in the school must request that they be removed from the French electoral list and placed on the English list, and this only if they meet English-school eligibility criteria. Furthermore, this will initiate a whole process of verification since any person who makes a false declaration will be removed from the English list.

By adopting such an approach, the Government is saying that electors are deemed by law to be French-speaking unless they declare themselves to be English-speaking by exception. Notwithstanding equalization payments, the same can be said for taxpayers, who will be classified according to the electoral list where their names are entered. Under the present drafting of Bill 109, individuals have lost the unfettered right to choose the community to which they identify. This is unacceptable. Existing legislation poses no such problems.

In conclusion, Alliance Québec recommends that: the Government of Québec authorize a proclamation bringing into force paragraph 23(1)(a) of the Constitution Act, 1982, in respect of Quebec; with respect to the school elections, the Government remove the newly proposed restrictions to voting eligibility in school board elections and instead retain the current provisions of chapter IV, division I – Electors, of the Act respecting school elections, R.S.Q, chapter E-2.3; that the lists of electors accordingly be drawn up respecting the provisions of chapter IV, division I of the Act respecting school elections.

Before presenting our concluding remarks, I wish to take the opportunity to state that we also find deplorable the manner in which important regional association groups representing English-speaking communities were scheduled for these hearings. To have them grouped together and give them one half-hour was totally inappropriate, in our view.

En tant que conclusion, Alliance Québec désire établir clairement que: premièrement, nous appuyons la restructuration des commissions scolaires en fonction des critères linguistiques dans l'ensemble du Québec; deuxièmement, nous appuyons les dispositions actuelles de la loi 107, Loi sur l'instruction publique, en tant que base de la mise en vigueur de commissions scolaires linguistiques; troisièmement, nous cherchons des garanties constitutionnelles adéquates et efficaces concernant les commissions scolaires linguistiques; quatrièmement, nous exigeons que le droit fondamental des individus de choisir la communauté à laquelle ils s'identifient soit respecté; cinquièmement, nous voulons la mise en vigueur de l'article 23(1)(a) de la Loi constitutionnelle du Canada de 1982 en ce qui concerne le Québec; sixièmement, nous demandons au gouvernement de renoncer à son projet sur les élections scolaires et de conserver les dispositions actuelles de la loi 106, Loi sur les élections scolaires, en ce qui concerne le droit de vote des électeurs; septièmement, nous nous attendons à ce que les mécanismes utilisés pour créer les listes électorales incluent le droit des personnes de choisir la liste électorale sur laquelle elles veulent que leur nom figure; et, finalement, nous considérons que les parents sont les agents principaux dans le processus d'éducation et nous trouvons légitime le fait de donner priorité à leurs options en ce qui concerne tous les aspects de l'éducation de leurs enfants, y compris les divisions territoriales des commissions scolaires. Ceci termine notre présentation, M. le Président.

Le Président (M. Paré): Merci, M. Hamelin. Mme la ministre.

Mme Marois: Alors, merci, M. le président, bienvenue à votre groupe ce matin. Bon. Je pense qu'il y a des choses, évidemment, à mettre au clair en commençant, puis après, on pourra se poser des questions sur les recommandations que vous faites.

D'abord, il y a une première chose qu'il est important de se rappeler, c'est que l'article 93 que nous souhaitons amender pour pouvoir implanter le projet de loi n° 109 de façon plus harmonieuse... Parce que nous pouvons implanter le projet de loi n° 109 sans l'amendement. C'est pour ça d'ailleurs qu'il prévoit un régime provisoire. J'ai déjà répété à un bon nombre de groupes qui sont venus ici que nous ne nous sentons pas non plus très confortables avec le régime provisoire, mais, cependant, c'est celui qui nous permettrait d'implanter concrètement des commissions scolaires linguistiques sur tout le territoire québécois.

(12 h 30)

La première chose, donc, c'est que l'article 93 que nous souhaitons amender ne concerne pas les droits linguistiques mais concerne les droits confessionnels. Et donc, en ce sens, si nous voulons nous attaquer à la question de la confessionnalité des structures, nous croyons que, effectivement, le chemin le plus adéquat, le plus sûr d'y arriver, c'est d'abord de procéder à un amendement significatif de l'article 93. Et ça, je pense que jusqu'à maintenant il y a eu à cet égard consensus sur le fait que 93 amendé ne changeait que la question confessionnelle de la structure de l'institution scolaire et non pas la question linguistique. Alors, quand on essaie de débattre de cet aspect sous l'angle linguistique, je pense qu'on n'a pas le bon forum, jusqu'à un certain point. Ça, c'est pour moi la première chose qu'il était important de se rappeler.

La deuxième... Et je pense qu'il s'agit d'être clairs au départ parce que, sinon, quand on s'engage dans une discussion sur une mauvaise base, le reste s'ensuit. Il est évident que ni notre gouvernement ni le gouvernement qui nous a précédés d'ailleurs n'a jugé pertinent d'adopter ici et de mettre en vigueur l'article 23(1)(a) de la Loi constitutionnelle de 1982. Ce n'est pas propre au gouvernement du Parti québécois, c'est propre à tous les partis qui ont assumé la charge au gouvernement du Québec. En ce sens-là, le gouvernement qui nous a précédés n'a pas modifié cet article pour l'appliquer ici, au Québec, n'a pas proclamé cet article.

Alors, ce que je comprends de votre intervention – évidemment, on l'a déjà entendu à d'autres tribunes, mais j'aimerais vous réentendre sur cette question – c'est que vous remettez en question la légitimité de la Charte de la langue française et de son application quant au droit d'accès à l'école anglaise au Québec pour les gens pour lesquels nous avons défini cette accessibilité. Alors, évidemment, à partir de là, je vous dirais que tout le reste, sous cet angle, risque d'être un dialogue de sourds. Je veux être très honnête. Je pourrais vous dire, évidemment: On reçoit très positivement votre proposition et on va la travailler, on va la regarder. Je pense que ce sont des choix fondamentaux que nous avons faits comme gouvernement, et cela, au-dessus des partis qui ont dirigé ce gouvernement, parce que nous croyons qu'il est légitime, à cet égard, que nous balisions l'accès à l'école anglaise, et c'est ce que nous avons fait jusqu'à maintenant et que nous avons bien l'intention de continuer de faire pour la suite des choses. Bon.

Alors, pour moi, cela doit être dit à ce moment-ci, doit être clarifié. Je comprends donc que, dans le fond, ce que vous dites, c'est: Nous voulons des commissions scolaires linguistiques; nous ne souhaitons pas d'amendement constitutionnel; nous croyons que la loi 107 actuelle convient, est suffisante, mais, par ailleurs, ce que nous voulons vraiment, c'est la possibilité d'un libre choix pour l'accès à l'école anglaise, et donc nous contestons la Charte de la langue française et nous voulons que, pour ce faire, le gouvernement du Québec proclame ici et mette en vigueur l'article 23(1)(a) de la Loi constitutionnelle de 1982 qui définit, évidemment, la possibilité du libre choix, qui nous amènerait à permettre le libre choix pour l'école anglaise.

Alors, ça, c'est mes premières remarques et commentaires, et j'attends votre point de vue sur cette question pour confirmer ou infirmer mes propos.

Le Président (M. Cusano): Merci, Mme la ministre. M. Hamelin.

M. Hamelin (Michael J.): Merci, Mme la ministre. Premièrement, sur les modalités, je crois qu'on a été bien en solidarité avec tous les gens dans la salle et tous les groupes, qu'on a besoin de commissions scolaires linguistiques. Il n'y avait pas vraiment un débat. Il y avait, on peut utiliser le mot, consensus; c'est un vrai consensus qui existe sur ce point-là. En soulevant qu'on a la situation des modalités, nous souhaitons que les meilleures modalités – on n'était pas les seuls dans notre communauté, il y avait d'autres groupes aussi... Les modalités de la loi 107, c'étaient les meilleures et c'est quelque chose sur lequel on s'est déjà, je crois, entendu avec vous l'an passé.

Alors, ce n'est pas une question de faire un débat sur d'autres aspects de la confessionnalité ou l'application de l'article 93. La seule chose qu'on veut dire de notre côté, c'est que vraiment on ne peut pas parler de consensus de la consultation. Et ça, c'est la façon dont nous voyons ce débat-là. Pour nous, les commissions scolaires, oui, les commissions scolaires le plus vite possible pour la communauté anglophone, oui, la meilleure voie, tel que votre propre consultation l'a indiqué il y a un an, c'était par voie de la loi 107.

Je ne veux pas embarquer dans un débat, donc, utile, parce qu'on est ici aujourd'hui pour défendre notre point de vue, mais il ne faut pas confondre avec les aspects du débat sur des questions d'accès. L'article 23, en gros, qui est l'article qui donne le droit à la scolarité pour des minorités, soit anglophone ici, au Québec, ou des communautés francophones à l'extérieur du Québec, est quelque chose que, vu les débats publics qui s'amorcent... du mois de février sur la question de l'amendement de l'article 93, c'est toujours de faire référence à l'article 23. Le problème qui existe au Québec, qui est bien connu, c'est que l'article 23 en totalité ne s'applique pas.

L'article 23(1)(a) de la Charte pourrait, selon moi et selon nos propositions, bien facilement s'appliquer sans toucher un aspect de la loi 101. C'est effectivement de faire reconnaître que les citoyens canadiens qui reçoivent leur instruction en anglais doivent avoir accès à l'école anglaise. C'est quelque chose qui, nous le croyons, peut vivre avec la Charte de la langue française en même temps et qui est un compromis en ce sens. Je crois que, réellement, de notre côté, c'est quelque chose d'important.

Il ne faut pas aussi confondre en même temps avec un aspect très important de notre présentation aujourd'hui concernant le droit de vote. L'aspect du droit de vote n'est pas quelque chose qui est essentiellement relié au droit d'accès à une école. On parle ici vraiment d'un droit démocratique. La façon dont la loi est rédigée, on met en doute le droit de vote des gens, par exemple des gens qui n'ont jamais eu d'enfants, qui sont des anglophones qui peuvent être d'ici, ces gens-là n'ont pas le droit de vote avec la proposition du projet de loi n° 109. Ils n'ont pas le droit de vote ou ils sont classifiés comme francophones même après avoir été ici pendant toute leur vie membres de la communauté anglophone, mais ils n'ont pas d'enfants. Pour ces personnes-là, ce n'est pas une question d'accès, c'est une question de droit fondamental au droit de vote. Je ne veux pas qu'on confonde ça avec les questions d'accès. C'est un autre débat.

Le Président (M. Cusano): Mme la ministre.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Je vais quand même revenir sur le fond de la question parce qu'il y a quand même une logique et il y a un lien. Une chose par rapport à l'autre. Je pose à nouveau ma question: Est-ce que vous contestez la légitimité de la Charte de la langue française et le fait que nous ayons balisé par cette voie l'accès à l'école anglaise? Ça, c'est ma première question. Lorsque vous demandez le libre choix pour le droit de vote, est-ce que pour vous cela a comme conséquence, effectivement, en suite logique, de faire en sorte que cela amène la possibilité pour les familles et les enfants de choisir l'accès à l'école anglaise selon leur bonne volonté, peu importent les règles et les balises que nous pourrions souhaiter implanter?

M. Hamelin (Michael J.): Premièrement, ce dont on parlait, avec l'application complète de la Charte canadienne, ça n'a rien à faire avec la loi 101, on ne parle pas de la loi 101, ce n'est pas de ça du tout qu'on parle aujourd'hui, de ces questions-là. Dans un deuxième temps, je sais qu'à un certain moment ça a été une loi d'éducation qui a été sur la table, sur le principe de l'existence d'un système scolaire anglophone. Mais la façon dont le droit de vote ou qui est un anglophone a été défini, dans un sens très, très strict dans votre loi, est complètement, complètement inacceptable pour les gens des communautés anglophones. En même temps, ce n'est pas vu dans la communauté essentiellement comme quelque chose qui est relié avec l'éducation. C'est relié avec un aspect complètement différent.

Mme Marois: Même si ce droit de vote s'exprime essentiellement dans un système qui concerne une institution qui gère tout ce qui a trait à l'éducation?

M. Hamelin (Michael J.): C'est du droit de vote qu'on parle. On ne parle pas de la question d'où s'en va un enfant. Je peux définir beaucoup d'instances, des gens comme je le citais tantôt, des gens qui ou bien n'ont pas d'enfants... Ce n'est pas un débat à savoir où s'en vont ces enfants et ce n'est pas la question de donner accès à ces enfants, parce qu'ils n'ont pas d'enfants. Pour ces gens-là qui sont certainement membres de la communauté anglophone, le problème avec le projet de loi qui est sur la table, c'est qu'eux autres sont considérés comme des francophones, des anglophones par exception qui doivent prouver qu'ils sont anglophones. Ce n'est pas du tout relié avec des questions d'accès.

Le Président (M. Cusano): Mme la ministre.

(12 h 40)

Mme Marois: Merci, M. le Président. La preuve n'est pas très longue à faire, par exemple, parce que, quand vous dites à la page 7, là, on dit: «Cela amorcera tout un processus de vérification», vous savez très bien, je l'ai dit à plusieurs reprises, que le droit de vote tel que balisé n'exigerait de la personne qui veut s'inscrire sur la liste que le fait qu'elle signifie qu'elle souhaite s'inscrire parce qu'elle répond et croit répondre aux critères qui lui permettent d'exercer ce droit de vote. C'est actuellement ce qui est prévu dans la loi. Donc, c'est une déclaration, et non pas une fouille et une preuve à faire à chaque fois pour que l'on puisse exercer ce droit de vote. Mais vous ne voulez pas répondre à mes autres questions, je comprends bien.

M. Hamelin (Michael J.): Non, mais, Mme Marois...

Le Président (M. Cusano): M. Hamelin.

M. Hamelin (Michael J.): ...je respecte ces réponses...

Mme Marois: Non, mais vous avez le droit, hein...

M. Hamelin (Michael J.): ...très, très, très, très claires.

Mme Marois: ...je ne peux pas vous contraindre à cela.

M. Hamelin (Michael J.): Mais je veux ajouter une autre affaire sur les questions, c'est le fardeau que vous mettez sur les gens des communautés anglophones que nous voyons complètement inacceptable et la façon dont on parle du processus de faire enlever des gens de sur la liste, encore inacceptable. Et, au lieu de continuer de mettre de la confusion entre deux concepts, il faut qu'on divise les concepts, parce que ce n'est pas réuni du tout. On parle du droit démocratique des gens de se définir comme ils veulent pour faire le droit de voter.

Mme Marois: Et vous ne faites aucun...

Le Président (M. Cusano): Mme la ministre, en vous rappelant qu'il vous reste une minute.

Mme Marois: Et vous ne faites aucun lien entre l'exercice de ce droit de vote et son libre choix et le libre accès à l'école anglaise?

M. Hamelin (Michael J.): Mme Marois, ce n'est pas les mêmes choses, on parlait du droit de vote. On parlait d'un droit de vote avec... Comme je l'ai dit, il y avait... Dans une thèse, on peut voir des situations ou des cas types de gens pour lesquels la question d'accès pour des enfants qui n'existent pas, ce n'est pas la question. Mais, pour ces gens-là, qui sont bien membres de la communauté anglophone, eux autres ont un fardeau énorme pour se faire mettre sur une liste d'une commission scolaire d'une communauté dont ils font partie.

Le Président (M. Cusano): Merci. Je cède maintenant la parole au député de Marquette.

M. Ouimet: Merci, M. le Président. Bienvenue, M. Hamelin et les gens qui vous accompagnent. Moi, je vous avoue que j'éprouve un certain malaise à ce moment-ci. La question, elle a été posée quatre ou cinq fois et vous y avez répondu quatre ou cinq fois. Je pense qu'on ne doit pas mettre des mots dans la bouche des intervenants. Ce sont deux dossiers distincts, ça m'apparaît être assez clair. On ne peut pas tenter de vouloir les lier pour tenter par la suite de légitimer l'imposition d'une restriction par rapport au droit de vote. Je sens ça se profiler, là. Tous les groupes ont été unanimes là-dessus, il y a une distinction. Alliance Québec réitère une position traditionnelle par rapport à l'article 23(1)(a); de mémoire, ils ont toujours été contre le fait que le Québec décide de ne pas appliquer l'article 23(1)(a) pour le Québec, c'est une position traditionnelle. Ça, c'est une bataille, c'est une autre bataille.

Sur la question du droit de vote – et ce sont deux questions distinctes à mon point de vue – là où il semble y avoir un lien, c'est dans votre projet de loi, où vous voulez extensionner l'application de la loi 101 au droit de vote, ça n'a rien à voir avec l'article 23(1)(a). Et, moi, j'ai bien compris la réponse d'Alliance Québec. Alors, je pense qu'il faut être prudent par rapport à mettre des mots dans la bouche des intervenants. Ils l'ont répété à plusieurs reprises, il y a une distinction importante.

Sur la question de la déclaration pour l'exercice du droit de vote, dans le régime actuel, il est facile pour une personne de connaître sa religion. Lorsque le recenseur frappe à la porte ou sonne à la porte, je sais si je suis catholique, je sais si je suis protestant et je peux faire la déclaration en fonction de cela. Cependant, lorsque le recenseur frappe à la porte et me demande si je suis admissible à l'école anglaise pour pouvoir déterminer mon droit de vote, alors là la question est beaucoup plus embêtante, et c'est la distinction qu'il faut faire. Il est facile de répondre à la question religieuse, il est beaucoup moins facile de répondre à la question de l'admissibilité, et c'est à ce moment-là, si l'électeur veut faire une déclaration honnête, qu'il doit pouvoir vérifier s'il est admissible à l'école anglaise. Et, s'il ne le sait pas, comment peut-il se prononcer?

Alors, c'est là où le bât blesse, et je pense qu'on ne doit pas minimiser ça en disant simplement: Écoutez, dans le système actuel, c'est par simple déclaration. Oui, c'est par simple déclaration, mais il y a une distinction: je sais si je suis catholique ou protestant, mais je ne peux pas nécessairement savoir si je suis admissible à la loi 101. Ça, ça m'apparaît être important de faire la nuance. Et je pense que les propos d'Alliance Québec sont tout à fait pertinents.

Moi, je reviens sur la question de la modification constitutionnelle. Vous n'appuyez pas l'Assemblée nationale qui a voté à l'unanimité sur un processus demandant une modification de l'article 93 de la Constitution canadienne. Et vous dites: Il y a consensus sur la loi 107, telle qu'elle a été rédigée. Il y avait peut-être perception de consensus au mois de juin par la ministre, en fonction de la consultation qu'elle avait menée, mais la consultation qu'elle avait menée n'était pas cependant suffisamment large pour pouvoir démontrer un consensus. À la lumière de l'ensemble des protestations par rapport au projet de loi Kenniff, je ne pense pas que nous puissions dire qu'il y avait consensus.

Je vous amène maintenant sur l'impact de la loi 107 pour la communauté d'expression anglaise. Que ça soit à Montréal ou que ça soit à Québec, si l'Assemblée nationale suivait votre recommandation d'aller de l'avant avec le projet de loi 107, sans modifications constitutionnelles, comment est-ce que ça pourrait mieux servir les intérêts des élèves anglophones? Parce que, sur le territoire de la ville de Montréal et sur le territoire de la ville de Québec, il y aurait trois réseaux d'écoles anglaises. Il y aurait le réseau d'écoles anglaises de la commission scolaire linguistique; il y aurait le réseau d'écoles anglaises de la commission scolaire confessionnelle catholique; il y aurait également le réseau d'écoles anglaises de la commission scolaire protestante, indépendamment de l'intention exprimée par la CEPGM, actuellement. Il y aurait trois réseaux d'écoles anglaises, alors que, avec la modification constitutionnelle, il va y en avoir un seul, réseau.

Moi, je me demande comment est-ce que votre position dessert mieux les intérêts des élèves anglophones? Je ne parle même pas du fouillis que ça causerait pour les élèves francophones. Juste au niveau des intérêts des élèves anglophones.

Le Président (M. Cusano): M. Hamelin.

M. Hamelin (Michael J.): Merci, M. le Président. Je crois que, pour nous, la loi 107 et la façon dont on voit ça dans notre communauté, et de la façon que ça va procéder, il y avait un vrai consensus qui existait dans la communauté anglophone pour la loi 107. C'est un consensus qui, à travers la communauté, qui est une communauté linguistique... Mais il y avait des aspects confessionnels d'un côté à l'autre. Alors, je crois que le problème que, moi, j'ai vu avec beaucoup d'intervenants, c'est que, dès qu'on fait partie... et laisse tomber la situation de la loi 107, on commence effectivement à perdre le consensus de la façon de procéder pour les commissions scolaires linguistiques. La loi 107 – et j'entends beaucoup de problèmes avant que la loi 107 soit mise en place – il y avait déjà une commission qui avait siégé pendant un an; qui trouvait bien beau... la commission Kenniff, qui trouvait des solutions, qui pouvait amorcer s'il y avait des questions ou des problèmes qui étaient soulevés.

Le fait, je crois, pour répondre plus précisément à votre question, encore, c'est de dire que la commission scolaire linguistique, c'est très important pour la communauté anglophone globalement, qui comprend beaucoup d'intervenants dans cette communauté-là. Et la loi 107, c'était la meilleure façon parce qu'elle reconnaissait et plaisait beaucoup à différents intervenants, soit protestants ou catholiques, anglophones dans la communauté; au lieu d'un amendement constitutionnel où, vraiment, il y avait des gens d'un parti à l'autre sur la question de l'abrogation de 93.

(12 h 50)

Mais, si on reste avec 93... Procéder avec la loi 107 et mettre en place les commissions scolaires linguistiques pour la communauté, avec un peu de confiance envers les gens qui sont impliqués dans le domaine. Parce que j'ai entendu des propos avant moi de la super, super structure super, super, je crois qu'à un certain moment donné il faut qu'on ait une espèce de confiance envers les parents et des intervenants dans le domaine scolaire pour résoudre des problèmes, parce que vraiment, certainement, dans la communauté, il y avait un consensus à 100 % pour procéder à faire les commissions scolaires linguistiques.

Alors, au lieu de créer et de gonfler des problèmes peut-être non existants, essayer avec la loi 107 qui existe. Parce que, oui, il y avait un consensus sur ça, mettre en place les commissions scolaires linguistiques, c'est tout ce qu'on peut dire concernant la résolution dont on se parle. Comme j'ai dit au début, il est difficile de voir un consensus s'il n'y a pas eu de consultation.

Le Président (M. Cusano): Merci. M. le député de Marquette.

M. Ouimet: M. le Président, juste un éclaircissement, là. Au niveau du rapport Kenniff, moi, j'ai plaidé pendant plus d'un an à l'Assemblée nationale pour une modification constitutionnelle. Dans le rapport Kenniff, les premières pages, l'ensemble de la commission avait unanimement dit que la modification constitutionnelle était souhaitable, mais ce n'était pas le mandat de la commission. Le mandat, c'était de fonctionner à l'intérieur des contraintes de la Constitution. Je pense qu'il y a une nuance importante. Mais plus important que ça, je reviens à la question de fond: l'intérêt des élèves. Comment sont-ils mieux servis par trois réseaux d'écoles, ce que suppose la loi 107, au lieu d'un seul réseau d'écoles? J'ai été comme commissaire et comme président d'une commission scolaire sur le terrain. Il n'y en a pas tant que ça, d'écoles anglaises sur le territoire de la ville de Montréal.

Lorsqu'on regarde l'intérêt des parents qui fréquentent une école x – je prends une école, John Caboto, secteur nord-ouest de la ville de Montréal, je prends l'école St. Dorothy's, secteur nord-est du territoire de la ville de Montréal – les parents auraient un choix déchirant à faire entre l'école anglaise qui relève de la linguistique ou l'école anglaise qui relève de la commission scolaire confessionnelle catholique. Il y a de nombreux Italo-Canadiens sur le territoire de la ville de Montréal. Je pense que leur sentiment d'appartenance à la religion catholique se manifesterait davantage.

Alors, moi, je vous dis: En divisant la communauté anglophone, en l'éparpillant au niveau des différents réseaux d'écoles, ça va à l'encontre des objectifs que vous semblez poursuivre de pouvoir consolider le réseau et d'avoir un seul réseau d'écoles anglaises avec les économies d'échelle qui pourraient s'ensuivre. Alors, j'ai de la misère à vous suivre sur votre position par rapport à la loi 107 et votre refus de la modification constitutionnelle, alors que j'ai l'impression que la modification constitutionnelle répond davantage aux intérêts des élèves anglophones que la loi 107. Ça, là-dessus, j'aimerais vous entendre spécifiquement.

M. Hamelin (Michael J.): Je crois, effectivement, M. Ouimet, que vous avez répondu à ma réponse dans votre question quand vous parlez des parents qui étaient déchirés entre les deux écoles. Qu'est-ce que c'est, leur choix? Ça, c'est la réponse, c'était leur choix. À un certain moment donné, il faut qu'on ait... et je réfère à une confiance dans les parents et dans les gens qui sont dans le milieu de faire leur propre choix pour s'assurer que le système scolaire linguistique qui était, effectivement, dans un sens majoritairement dans notre communauté, comme vous le savez... soit implanté. Mais la loi 107 comme telle reconnaît qu'il y avait effectivement des autres droits confessionnels qui étaient là, des membres de notre communauté qui avaient certaines choses à dire de ça, mais ça donne le choix aux gens beaucoup de fois. Et je pense que c'est peut-être un phénomène qui se déroule dans les sociétés, avec tout le respect des élus ici, à l'Assemblée nationale. Mais, à un certain moment donné, les choix des gens de s'impliquer dans le domaine, le choix des individus, le choix des parents sont très, très importants pour nous.

Le Président (M. Cusano): O.K. Est-ce que vous avez encore des questions? Oui.

M. Ouimet: Oui, un dernier élément. Le droit de vote puis l'obligation de payer des taxes, on connaît le système actuel, c'est plafonné à 0,35 $ du 100 $ d'évaluation. La ministre se veut rassurante par rapport au système de péréquation, par rapport au taux uniforme sur le territoire de l'île de Montréal. Plaçons-nous devant la perspective de quelques années. On sait qu'il y a un certain lobby qui s'exerce auprès de la ministre de l'Éducation pour déplafonner le 35 $ du 100 $ d'évaluation pour que ça puisse être 0,50 $ du 100 $ d'évaluation. On regarde la tendance au cours des deux dernières années, on a transféré les frais administratifs des sièges sociaux, on a décidé de financer ça par la taxe scolaire, on a transféré également les salaires des directeurs d'école et du personnel de soutien pour que ça soit financé à partir de la taxation scolaire. Il y a des réformes au niveau du transport scolaire. Il y a le programme, le plan gouvernemental d'en arriver éventuellement à des gouvernements régionaux et leur donner un pouvoir de taxation.

Moi, je me dis: Lorsqu'on limite le nombre de personnes qui paient les taxes à la commission scolaire linguistique anglaise, si on est dans une perspective où il y a un plafond de 0,35 $ et avec un système de péréquation, ça peut aller, mais, si on se place dans une perspective où c'est déplafonné, ça prendrait plus de personnes pour payer un montant de taxe scolaire plus élevé pour la communauté anglophone que pour la communauté francophone, parce qu'il va y avoir... Le bassin de payeurs de taxes potentiels est considérablement réduit, donc le taux de taxe pour obtenir le quantum, le montant d'argent recherché par la commission scolaire, eh bien, les électeurs anglophones devraient payer un montant supérieur parce que le bassin ne serait pas là.

C'est l'analyse que j'en déduis, et c'est ce que je perçois être le risque que court la communauté anglophone à long terme. Je me demande si vous partagez ce point de vue là.

Mme Middleton-Hope (Constance): Vous me permettez, M. le Président?

Le Président (M. Cusano): Allez-y!

Mme Middleton-Hope (Constance): Définitivement, M. Ouimet, en effet, dans certains milieux, parce qu'il faut penser aussi que la communauté anglophone n'existe pas seulement à Montréal et non pas seulement, non plus, dans les banlieues, mais elle existe hors banlieue et hors Montréal. Alors, je pense qu'il faut aussi s'adresser à cette communauté anglophone que, moi, de toute façon, je représente, dans un sens, et dont je perçois qu'elle aurait des difficultés majeures lorsque cette assiette fiscale, si elle est déplafonnée, deviendrait à ce moment-là presque onéreuse si on pouvait même envisager quelque chose qui monterait jusqu'à 0,70 $ plutôt qu'à 0,35 $. C'est toujours une possibilité, et on le sait, étant donné les dépenses énormes dont l'éducation doit se servir pour maintenir les services, bien sûr.

Alors, quel effet ça aurait? Eh bien, je pense qu'on peut les deviner d'avance, c'est que ces commissions scolaires là seraient touchées de très près et on pourrait même voir des services qui seraient... Donc, il y aurait deux classes de citoyenneté: il y aurait une classe d'éducation, écoles scolaires qui seraient, on pourrait dire, dans les «boondocks», expression qu'on emploie en anglais qui veut dire, tout simplement, dans les parages, dans les pays d'en haut, si vous voulez, à comparer à l'éducation qu'on pourrait donner au niveau de l'île de Montréal.

Cette question nous préoccupe davantage, bien sûr, et elle nous préoccupe aussi au niveau du vote parce que, en effet, c'est là où le jeu sera fait. Je pourrais vous donner un exemple, on parlait tantôt de ça, si vous me permettez, M. le Président. Moi, j'ai oeuvré toute ma vie professionnelle dans le système anglophone. Et j'ai été chanceuse, dans un sens, parce que j'ai fait mon école primaire en français. Donc, moi, je n'ai pas accès au vote... de voter justement dans une école pour une commission scolaire anglophone, si on fait la cohérence dans ce processus, malgré que mes enfants et mes petits-enfants ont le choix aussi, bien sûr, étant donné qu'ils ont fait l'école anglaise.

Donc, c'est un système qui... Comment est-ce que je me définis à ce moment-là et quel choix je ferai? Je pourrais faire plusieurs choix, évidemment, mais ce choix-là aura un effet catégorique et très concret sur le genre de services qu'on pourra offrir dans la commission scolaire.

M. Ouimet: La discussion avec la CEQ, vous étiez présents dans l'assistance...

Mme Middleton-Hope (Constance): Oui, on était présent.

M. Ouimet: ...on a évoqué l'article 15 de la Loi sur l'instruction publique qui permet un certain choix. C'est balisé effectivement par l'article 18 de la Loi sur les élections scolaires où l'électeur doit déclarer s'il est anglophone ou francophone pour avoir le droit d'y voter. Est-ce que cet accommodement, qui semblait satisfaire la CEQ, pourrait également vous satisfaire, si la ministre de l'Éducation décidait d'apporter une modification par rapport à la question de la restriction du droit de vote?

(13 heures)

Mme Middleton-Hope (Constance): Si la personne peut se déclarer comme étant anglophone ou francophone, je pense bien qu'Alliance Québec accepterait cette définition. C'est quand on restreint cette définition en disant: Est-ce que vous avez fait votre école primaire il y a 55 ans – je donne mon âge un peu, là – en français? Donc, vous n'avez pas accès au vote à l'école anglaise malgré que vous avez oeuvré dans ce système pendant 35 ans, etc., bon, pour toutes les raisons qu'on peut apporter, et c'est à ce moment-là que ça devient dans un sens d'un certain ridicule, à mon avis. Il y a d'autres définitions qui porteraient aussi un peu au ridicule. Bon. J'ai fait trois ans à l'école primaire en français, deux ans à l'école en anglais, je vivais dans un petit patelin comme Acton Vale, par exemple, les documents de mon école n'existent plus, bon, etc. On a vécu ça dans les années où on allait chercher la pension de vieillesse. On ne trouvait pas les baptistères. Bien, on va en revenir à ça.

M. Ouimet: Un dernier commentaire, et je vais céder la parole à mon collègue de Nelligan. Mais, en somme...

Le Président (M. Cusano): C'est-à-dire qu'il ne vous reste qu'une minute, M. le député.

M. Ouimet: Non, non. Je vais céder la parole.

M. Williams: Merci beaucoup, M. le député de Marquette.

Le Président (M. Cusano): M. le député de Nelligan.

M. Williams: Merci, M. le Président. Merci pour votre présentation et avant de questionner, féliciter M. Hamelin pour votre élection comme président. Dans votre mémoire, vous avez parlé du droit de vote, certainement, et vous avez dit que c'est déraisonnable et discriminatoire, «unreasonable and discriminatory». Je voudrais savoir, selon vous, selon vos chiffres, quel pourcentage de la communauté d'expression anglaise perdra son droit de vote si la loi n° 109 est adoptée telle quelle.

M. Hamelin (Michael J.): I couldn't give you numbers but I'll give you a classic example. We had a meeting of one of the instances of Alliance Québec. Alliance Québec, I don't think there's any debate around this room, is an organization that is made up of English-speaking Quebeckers. We had a meeting, recently, of 20 people, and in that room only two people out of 20, right now, as the way the bill is drafted, would be automatically able to have their names or would have their names on the list if...

M. Williams: So, 90 % of the community will loose their right to vote.

M. Hamelin (Michael J.): Yes. And I mean, I think you could find... Constance, I think, gave a classic example herself...

M. Williams: Right. So, that's the same figure.

M. Hamelin (Michael J.): ...in her own case that they would have to go through a very laborious process of establishing who they are as if they exist in society by exception. It's completely ludicrous.

M. Williams: So, a massive loss of the right to vote.

M. Hamelin (Michael J.): Yes. Exactly. You would have that, and you would have, more importantly, I think, a burden to be placed on these individuals in order to get on the right to vote, and all to reiterate, I think, absolutely clearly that we are talking about the right to vote and that's all we are talking about in this instance, and who has the right to vote.

Le Président (M. Cusano): Merci beaucoup. Est-ce qu'il y a d'autres questions?

Mme Marois: Non. Juste un petit commentaire parce que je sais qu'il me reste une minute ou deux. Par rapport à ce que disait madame, vous auriez droit de vote, effectivement, si vos enfants ont étudié en anglais au Québec.

Mme Middleton-Hope (Constance): C'est merveilleux comme gymnastique, Mme la ministre. Je vais regarder ma fille de 35 ans en disant: Bien, écoute. Maintenant, j'ai le droit de vote parce que je t'ai envoyée à l'école anglaise. Ça fait de la gymnastique.

Mme Marois: Bien, à partir du moment où on souhaite baliser et se donner un certain nombre d'outils pour permettre l'exercice de ce droit, je pense qu'il est normal que l'on utilise ce qui nous apparaît le plus souhaitable ou le plus respectable ou, je dirais, le plus souple en même temps, et, moi, je vois ça comme moins compliqué, peut-être, que vous, bien sûr, et j'imagine que ça pourrait l'être aussi si on décidait de retenir ce qui est là. Je suis persuadée de cela. Je vous remercie.

Le Président (M. Cusano): Est-ce qu'il y a une réaction?

Mme Marois: Non. Je n'ai pas de réaction. Non.

Le Président (M. Cusano): Oui, madame.

Mme Middleton-Hope (Constance): A small reaction to that, Mme la ministre. I think it's still a reality. For small communities in Québec, this could become a very serious problem because if they have to begin to discover through their children or their grand-children what their access is to voting in a school board election... And that's what we're talking about; we aren't talking about access to the school. I commend, and I think we all do in Alliance Québec, that in some instances Bill 101 has been very interesting because many of our young people are fluently bilingual, and so «chapeau» in that sense. But, on a second item, I think it's important, when you're talking about voting you're talking about control and management of a school system and paying taxes to that school system to enable the services to be clearly distributed to the children of that school system... Then, I think you have another kind of problem.

Le Président (M. Cusano): Merci.

M. Hamelin (Michael J.): Then, you get to a definition of who gets to control and manage it. If you mean the English-speaking community, then it's got to be the English-speaking community.

Le Président (M. Cusano): Thank you. Merci.

Mme Marois: Merci.

Le Président (M. Cusano): Pour les remarques de remerciement habituels, Mme la ministre.

Mme Marois: Alors, merci pour votre présentation et cet échange franc.

Le Président (M. Cusano): M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Thank you very much for your presentation. We hope to have some compromises on the right to vote.

Le Président (M. Cusano): Merci. Compte tenu de l'heure, les travaux de la commission de l'éducation sont ajournés à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 6)

(Reprise à 15 h 10)

Le Président (M. Gaulin): Je déclare la séance de la commission de l'éducation ouverte. Je rappelle que le mandat de la commission est de procéder à des consultations particulières sur le projet de loi n° 109, Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique, la Loi sur les élections scolaires et d'autres dispositions législatives.

Nous avons une heure pour entendre le Mouvement national des Québécoises et des Québécois ainsi que la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal.

Alors, bienvenue. Je demanderais peut-être à la porte-parole ou au porte-parole de s'identifier et de nous présenter celles et ceux qui vous accompagnent. M. Bouthillier.


Mouvement national des Québécoises et des Québécois (MNQ) et Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal (SSJBM)

M. Bouthillier (Guy): Merci, M. le Président. Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, je me présente, Guy Bouthillier, président de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal. Je vous présente les amis qui m'accompagnent: Jacqueline Hekpazo, secrétaire générale du Mouvement national des Québécois; à la gauche de Jacqueline, Gilles Grondin, directeur général du Mouvement national des Québécois; et, à ma droite, Gilbert Gardner, directeur général de la Société Saint-Jean-Baptiste.

Je ne vous présenterai pas ni le MNQ ni la Société Saint-Jean-Baptiste, vous les connaissez. La Société existe depuis 1834 et le MNQ, qui nous fédère, le fait depuis 1947. Je vous lirai rapidement le mémoire, ensuite Jacqueline prendra la relève.

À partir de l'idée suivante – c'est ce qui nous anime dans toute cette démarche – qu'une société n'est pas une simple juxtaposition d'éléments disparates, c'est, pour reprendre une expression du temps de la commission Parent, «une façon de regarder ensemble – c'est le maître mot – dans une même direction». Et cette idée suppose une commune façon de penser, d'agir, de s'exprimer, de juger, de réfléchir, de vivre. Et, bien entendu, l'école a mission de contribuer à raffermir ce commun esprit public.

L'éducation apparaît même – et je reprends la formule de la commission Parent – «une exigence fondamentale de l'unité des sociétés» non seulement pour y faire régner la paix sociale, mais aussi l'harmonie et la fraternité. Cette exigence concerne tous et chacun d'entre nous. «L'unité – dit encore la commission Parent – d'une société est compromise si une partie assez importante de ses membres est ainsi exclue de la culture commune. C'est en ce sens que l'on attribue maintenant à l'enseignement une fonction dans le maintien de la communauté nationale; il ne s'agit pas – dit toujours la commission Parent – d'une unité idéologique [...], mais d'une unité culturelle.»

L'idée, au fond, c'est que l'école, avec un E majuscule, est le grand ciment, un des grands ciments de l'unité de la collectivité et que tout ce qui tend à unir les divers éléments du système scolaire doit être favorisé, alors que tout ce qui contribue à fractionner ce même système doit être combattu. Et c'est sous cet éclairage que nous allons regarder le projet de loi en en faisant ressortir les trois points suivants: le premier, on constate, et on le salue, que ce système tente d'installer au Québec une seule école publique de langue française. Notre système, on le sait, est très, trop morcelé, la superposition des clivages religieux et linguistiques aboutissant à la mise en concurrence d'un nombre important – quatre à Montréal, notamment – d'écoles publiques, ce qui donne à l'ensemble l'allure d'un damier, d'un manteau d'Arlequin.

Ce qui paraît, surtout à l'heure actuelle, fin du XXe siècle, anormal, c'est qu'il y ait non pas des écoles anglaises à côté d'écoles françaises – tout le monde l'accepte, bien entendu – mais qu'il y ait deux écoles publiques françaises se faisant concurrence pour, notamment, la formation, bien sûr, de la jeunesse et l'intégration, comme on dit, des immigrants. Le projet de loi n° 109 contribuera précisément à simplifier ce damier scolaire, et ça nous paraît un pas dans la bonne direction, dans cette direction au bout de laquelle il ne devrait plus y avoir qu'un seul grand ensemble d'écoles françaises là où il y en a actuellement deux.

Ainsi mettrons-nous fin à ce très étrange et inquiétant paradoxe d'un peuple de langue française confiant à des structures scolaires marquées au coin de la tradition anglo-saxonne le soin d'accueillir, d'intégrer et de franciser les enfants d'immigrants. Bien, bien entendu, pour que ce pas soit réellement franchi, il faudra d'abord régler le problème que pose l'article 93 du «BNA Act».

Les auteurs du projet ont eu la sagesse de différer l'introduction de la réforme sur le territoire de la ville de Montréal, évitant ainsi de s'engager même provisoirement dans la voie de la superposition – un mot que nous n'aimons pas du tout – des structures confessionnelles et linguistiques. Il font le pari qu'Ottawa apportera son concours à la solution du problème et qu'il le fera rapidement. Nous faisons le même pari, puisque nous appartenons à la coalition qui soutient la démarche de l'État du Québec dans cette affaire. Mais nous avons, nous, le MNQ et la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal – et nous ne sommes pas les seuls – appris à nous méfier d'Ottawa en matière constitutionnelle. Nous rappelons donc que nous devrons tous, autorités québécoises et membres de la coalition, renouveler nos efforts dans ce sens et redire le plus tôt possible l'importance que nous attachons à ce qu'une solution rapide soit apportée à ce terrible problème.

En tout état de cause, le Mouvement national des Québécois et la Société Saint-Jean-Baptiste savent que leur réconfort ultime repose dans l'idée que le dernier mot appartient, dans cette affaire comme dans toutes les autres, au peuple du Québec et qu'un référendum apportera, avec la souveraineté, la clé qui nous permettra rapidement de lever cette trop lourde hypothèque.

Deuxième point que nous saluons: il n'y a, d'après le projet, qu'une seule commission scolaire de droit commun, l'autre étant d'exception; les autres étant réservées à une catégorie, alors que les premières appartiennent à l'ensemble de la population, à tous les Québécois et les Québécoises. C'est la force du système. Il n'y a pas, d'un côté, une structure pour la minorité et, de l'autre, une structure pour la majorité. Il y a un système pour tous ou un ensemble de systèmes, et un autre réservé à la seule minorité. Ainsi, tous les enfants, tous les parents, tous les électeurs, tous les contribuables ont droit à la commission scolaire francophone. Aucun obstacle de religion, de lieu de naissance, ni même de langue ne peut s'opposer à ce droit. La commission anglophone existe en vertu d'un legs de l'histoire. Les commissions scolaires francophones témoignent de notre grand projet d'avenir de faire du Québec une terre de langue française.

Troisième élément sur lequel nous voulons appeler votre attention, c'est le projet de loi. Le projet de loi, à la condition de s'accompagner – et rapidement, nous l'espérons – de la suspension de l'article 93, fera enfin de l'autorité québécoise, de l'État du Québec le garant et le protecteur des écoles anglaises sises sur son territoire. Cela ne changera rien sur le terrain sans doute, mais l'effet sur les mentalités et sur les attitudes sera considérable. Regardez en effet le système constitutionnel actuel, celui de 1867, qui fait de l'État fédéral le garant, le protecteur de l'école anglaise du Québec, un système ainsi fondé sur l'idée que, s'il faut un protecteur à l'école anglaise, c'est que celle-ci est menacée. Et par qui d'autre le serait-elle sinon par le Québec lui-même? On le voit, c'est l'esprit de 1867.

Ce système présente l'inconvénient majeur de placer l'État québécois dans la position de celui dont il faut protéger les anglophones. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'un système pareil n'est pas favorable à la formation de liens de confiance entre les anglophones et l'État du Québec. En neutralisant – avant de le supprimer – l'article 93, on déplace d'Ottawa vers Québec ce rôle de protecteur de l'école anglaise, quelque chose d'assez nouveau. Enfin, la chose est là, mais il faut qu'elle pénètre les esprits, ce rôle de protecteur de l'école anglaise. Du coup, c'est le Québec qui devient le garant de l'école anglaise au Québec, et la substitution au rapport triangulaire historique actuel de ce lien direct entre les anglophones du Québec et le gouvernement du Québec aura un effet bénéfique sur les attitudes des uns et des autres.

(15 h 20)

En effet, en exerçant ce rôle de protecteur et en le faisant pleinement, l'État du Québec deviendra enfin, aux yeux de tous, l'État de tous, et non pas seulement l'État des francophones face à un État fédéral qui serait, lui, l'État des anglophones du Québec.

En apprenant ainsi à voir dans l'État du Québec non plus une menace dont il faut se protéger, mais, au contraire, le garant dont on recherche la protection, les anglophones du Québec renforceront leur sentiment d'appartenance civique au Québec. Le vieux rapport de méfiance entretenu historiquement et inscrit en filigrane de la Constitution sera dès lors remplacé par un nouveau rapport de confiance. Cela augure bien des relations futures entre cette partie de la population et l'État souverain du Québec.

Rapidement pour dire que ce projet de loi va dans la bonne direction. Assurons-nous, toutefois, que l'action sera poursuivie après l'adoption de ce projet de loi, d'abord, en faisant de l'école française l'école de tous et en ne déplaçant pas l'obstacle du clivage confessionnel des commissions scolaires vers les écoles elles-mêmes, les écoles individuelles, et aussi en commençant à regarder les écoles anglaises que nous avons sur notre territoire, en commençant à les voir non plus comme des écoles anglaises sur notre territoire, mais des écoles qui sont aussi des écoles québécoises et non plus simplement des copies plus ou moins conformes des écoles du Canada anglais ou même des États-Unis.

Cela va supposer une action sur le plan du contenu de l'enseignement ainsi que sur celui du recrutement des enseignants et des administrateurs de ces écoles. Le Québec accepte volontiers d'entretenir une différence linguistique sur son territoire. Il ne peut cependant laisser se créer, sous couvert de diversité linguistique, deux jeunesses indifférentes, voire même hostiles l'une à l'autre. L'enfant qui fréquente l'école anglaise n'est pas moins que celui qui fréquente l'école française un enfant, un futur citoyen du Québec, et il a le droit de recevoir de son école tout ce dont il aura besoin pour vivre, travailler, mener sa vie de citoyen au Québec.

Voilà, en gros, ce que je voulais vous dire avant de passer la parole à Jacqueline Hekpazo.

Le Président (M. Gaulin): Alors, Mme Hekpazo, à vous la parole.

Mme Hekpazo (Jacqueline): Le Mouvement national des Québécoises et des Québécois et la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal ont déjà fait part de leurs préoccupations quant aux limites imposées au Québec dans le domaine de l'éducation, notamment lors des états généraux sur l'éducation en août 1995.

Le MNQ et la SSJBM soulignaient qu'il était alors impossible de réaliser une réforme satisfaisante du système scolaire à cause des contraintes que nous impose la Constitution canadienne. En effet, depuis plus de 30 ans et à maintes reprises, les gouvernements québécois successifs ont essayé de moderniser le système scolaire et se sont constamment heurtés aux dispositions de l'article 93 du British North America Act de 1867, visant à protéger des privilèges d'un autre temps, privilèges accordés aux catholiques et aux protestants sous le régime d'Union, ainsi qu'à l'article 29 de la Loi constitutionnelle de 1982 qui reconfirme ces privilèges. Le MNQ et la SSJBM souhaitent donc que la modification constitutionnelle se fasse le plus rapidement possible.

Le système scolaire actuel a été élaboré au milieu du siècle dernier dans un contexte sociologique qui n'est plus celui du Québec d'aujourd'hui. Il nous est encore nécessaire de réformer le système scolaire québécois pour le simplifier, le rendre plus démocratique et aussi plus apte à favoriser l'intégration à la société québécoise de tous les groupes culturels et confessionnels qui en feront partie, permettant ainsi une plus grande cohésion sociale. La Constitution canadienne nous empêche d'adapter notre système scolaire aux réalités d'aujourd'hui, nous ne le répéterons jamais assez.

Le MNQ et la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal revendiquent donc une pleine compétence législative en éducation, pour le Québec, libérée de toute contrainte imposée de l'extérieur. Le MNQ et la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal sont en faveur d'une école publique démocratique, c'est-à-dire une école fréquentée indistinctement par les enfants de toutes origines et de toutes croyances religieuses; une école de village ou de quartier qui soit ouverte à tous les jeunes du territoire, sans distinction d'appartenance ethnoculturelle ou confessionnelle. Ils sont également en faveur de la déconfessionnalisation des structures politiques et administratives du système scolaire québécois.

Ils privilégient, en outre, une décentralisation des structures scolaires sur une base strictement territoriale. Ces structures scolaires unifiées ou neutres administreraient toutes les écoles primaires et secondaires, françaises et anglaises de leurs territoires respectifs. Cette position en faveur de commissions scolaires unifiées était celle que recommandait, il y a déjà plus de 30 ans, la commission Parent, mise sur pied par le gouvernement de Jean Lesage pour proposer une réforme de l'éducation au Québec.

Il est à noter que le principe des commissions scolaires unifiées ne remet pas en cause le droit à leurs écoles, pour les Québécois d'expression anglaise, pas plus qu'à leurs droits de gestion de ces écoles. Cette approche ne peut cependant pas être envisagée actuellement à cause de l'article 23 de la Constitution de 1982, qui accorde à la minorité de langue officielle de chaque province le droit à des commissions scolaires distinctes. Plus fondamentalement, l'article 23 empêche d'imaginer toute structuration scolaire qui ne serait pas fondée sur une base linguistique.

Dans l'état actuel des choses, et afin de créer le plus vaste consensus sur l'objectif de libérer le Québec des contraintes que lui impose l'article 93 de la Constitution canadienne, nous soutenons donc l'objectif principal de la loi n° 109, soit la création de commissions scolaires linguistiques. Nous retrouvons dans ce projet de loi, en effet, un de nos objectifs fondamentaux, soit la déconfessionnalisation des structures des commissions scolaires. Il s'agit à notre avis d'un premier pas sur la route de la déconfessionnalisation du système d'éducation.

Nous approuvons également l'objectif de réduction substantielle du nombre de commissions scolaires. Nous appuyons aussi la non-superposition des commissions scolaires linguistiques et confessionnelles à Québec et à Montréal.

Toutefois, nous notons que le projet de loi n° 109 reste muet sur la déconfessionnalisation de l'école et de l'enseignement, de même que celle des structures du ministère de l'Éducation et du Conseil supérieur de l'éducation.

En outre, nous nous interrogeons quant au régime provisoire envisagé par le projet de loi n° 109 pour les territoires de Montréal et de Québec. Cette période transitoire risque d'être une source d'incertitudes et d'insécurités en attendant la modification constitutionnelle. Il y aurait lieu d'évaluer sérieusement les inconvénients pour les élèves, les parents, et le personnel d'un régime transitoire tel que proposé.

Nous nous interrogeons également sur la pertinence des conseils linguistiques à l'intérieur des commissions scolaires confessionnelles. À ce propos, nous faisons nôtres les positions de la Coalition pour la déconfessionnalisation. La nouvelle structure des conseils linguistiques viendra, pour bien peu de profits, alourdir considérablement le fonctionnement de l'administration. Les conseils linguistiques disposeront de droits de veto sur des décisions du Conseil des commissaires et d'un pouvoir de censure sur les décisions des conseils d'orientations ou des directions d'écoles de même que d'un pouvoir d'initiative propre. Ce sont des pouvoirs considérables, tels qu'on ne devrait les instituer qu'après avoir analysé sérieusement les effets potentiels, après consultation des commissions scolaires concernées et des minorités concernées. Cela nous fait penser d'ailleurs à la proposition tant décriée de comités confessionnels à l'intérieur des commissions scolaires linguistiques du rapport Kenniff.

Dans le souci du Mouvement national des Québécoises et des Québécois et de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal d'avoir une école démocratique, accessible à tous, nous approuvons le fait que la commission scolaire francophone soit vue, par-delà les différences, comme une institution commune à l'ensemble des personnes qui composent la société québécoise.

Pour terminer, éduquer, former, socialiser les élèves, les intégrer à une société civile et civique, leur apprendre à vivre ensemble en français, à mieux se connaître entre eux et à se respecter, quelles que soient les convictions religieuses de chacun, telles sont quelques-unes des missions essentielles de l'école. Nous déplorons que le projet de loi n° 109 n'aborde pas certaines questions qui nous paraissent fondamentales. D'autres débats devront en effet se tenir concernant certains enjeux majeurs, tels que le statut des écoles, la place de l'enseignement religieux, l'importance de la formation civique et morale dans une perspective interculturelle, la démocratie scolaire, notamment la révision de la loi électorale, les structures souhaitées. Nous sommes convaincus de la nécessité d'une réelle réforme du système scolaire et croyons même qu'il s'agit d'une urgence.

Le Président (M. Gaulin): Merci beaucoup aux deux qui nous ont présenté pour le Mouvement national et pour la Société Saint-Jean-Baptiste. La parole est à Mme la ministre de l'éducation.

Mme Marois: Alors, merci beaucoup, M. le Président. Merci de la présentation de votre mémoire, bienvenue à notre commission. En effet, vous revenez, dans le fond, à la proposition originale et originelle de la commission Parent, dans le fond, qui disait – parce qu'on l'oublie: Des commissions scolaires unifiées, et, donc, qu'on ait des écoles anglaises et françaises, selon un certain nombre de règles, mais que la structure scolaire soit une structure qui gère les deux types d'école.

(15 h 30)

Alors, dans le fond, ce que je comprends, c'est que vous vous éloignez un petit peu du projet de loi, évidemment, qui est devant nous aujourd'hui, mais vous dites: Nous sommes prêts à vivre avec celui-ci, compte tenu que nous avons aussi d'autres contraintes de type constitutionnel et la fin est tellement urgente, l'objectif est tellement important et il est tellement urgent que l'on intervienne, que vous assumez, vous acceptez de vivre avec la réalité qu'est le projet de loi n° 109. Est-ce que je dois bien interpréter ce que je lis ici et vos propos?

Une voix: Oui.

Mme Marois: C'est bien cela, n'est-ce pas? Merci. Vous abordez évidemment la question de la place de la religion à l'école. Sur ce, je n'ai pas l'intention d'en débattre très longuement parce que vous savez que j'ai annoncé, au moment où j'ai fait une déclaration ministérielle, à l'Assemblée nationale, évidemment que nous maintenions actuellement ce que nous avions dans la loi 107, qui est la Loi sur l'instruction publique, quant au statut et à la place de la religion et de son enseignement à l'école, mais cependant qu'il était sûrement pertinent que nous engagions une discussion sur cette question. Donc, dans l'année qui vient, je constituerai un groupe de travail qui aura l'occasion de s'engager dans cette réflexion, de préparer la réflexion, pour ensuite en faire un débat parce qu'il va de soi que notre société est à cet égard pluraliste et que l'école doit être accueillante à toutes les personnes peu importent leurs convictions.

En ce sens, vous parlez d'ailleurs de l'école commune, et je suis tout à fait d'accord avec vous, mais il faut savoir que, dans notre système, même si l'école a un statut religieux, elle reste une école commune qui n'a pas le droit de refuser qui que ce soit et qui a donc l'obligation d'offrir, à cet égard, la possibilité pour les enfants de la fréquenter, peu importent leurs convictions religieuses.

Une question à ce moment-ci. Je sais que mes collègues en ont aussi à vous poser. Vous n'abordez pas cette question du droit de vote qui a été soulevée à quelques reprises. Est-ce que vous en avez débattu? Est-ce que vous avez fait le point sur cela? Est-ce que vous avez un point de vue quant à ce que l'on retrouve dans le projet de loi?

Le Président (M. Gaulin): M. Bouthillier.

M. Bouthillier (Guy): Merci, M. le Président. Mme la ministre, un mot si vous voulez de la commission Parent. Oui, bien sûr, on a rappelé la commission Parent, moins parce que la commission Parent donnait sa préférence aux commissions unifiées territorialement que pour l'ensemble de l'esprit dont témoignait la commission Parent, cette volonté d'unir le système plutôt que de le maintenir morcelé.

Et à l'époque de la commission Parent, dans son rapport, ce qui était proposé, c'était de traduire justement cette unité du système par l'unité territoriale des commissions scolaires. Vous avez eu raison de dire que, pour notre part, nous acceptons fort bien ce qui va devenir les commissions scolaires linguistiques, encore que parfois, lorsque nous voyons cette discussion prendre forme, s'animer, s'agiter, grandir autour de la question du droit de vote, on se demande si on ne redeviendrait pas nostalgique de l'idée des commissions territoriales.

S'il y avait des commissions territoriales, peut-être que tout ce problème – qui est introduit de façon malveillante ou pas, je ne sais pas – du droit de vote qui a l'air de capter l'attention de beaucoup de monde, d'attirer l'attention, d'agiter, je vous le dis, d'agiter beaucoup de monde, ce problème serait peut-être résolu naturellement s'il n'y avait plus qu'une commission scolaire territorialement où anglophones et francophones voteraient non pas parce qu'ils sont anglophones ou francophones, mais parce qu'ils sont citoyens et qu'on commencerait à mêler nos voix dans ces urnes-là, comme on le fait ailleurs, sans le faire en distinguant.

C'est une distinction assez particulière et probablement assez... dans ce monde, entendu que c'est un monde de globalisation, on constate qu'on est extrêmement local et localisé. On a un problème, là, extrêmement particulier, hérité évidemment du XIXe siècle dont on n'arrive pas, semble-t-il, à se dépêtrer, qu'il faille encore aujourd'hui, à quelques années du XXIe siècle, s'identifier soit par la religion soit la langue, pour exercer son droit de vote. On sait bien que c'est une des contraintes. Moi, je ne veux pas commencer à demander à Adam et Ève de faire le pays québécois parfait, mais je constate que, moi, en tous les cas, c'est une des tristesses que j'exprime quand je réfléchis sur notre société, de constater qu'on est encore en train de se poser cette question-là.

Maintenant, puisqu'il faut bien le faire, nous, on trouvait tout à fait correct, à partir du moment où on accepte la loi 101... La façon dont la loi 101 s'y est prise, notamment pour distinguer l'exception de la règle, nous paraissait tout à fait convenir. Rappelez-vous la triste expérience du bill 22, où on avait imaginé un système extrêmement complexe où on entrait dans la vie de chaque enfant pour lui demander: Dans quelle langue rêves-tu, etc.? Rêves-tu? C'était... Bon, ça nous est apparu à la limite de l'acceptable, peut-être même un peu déshonorant, par moment. Et puis on a imaginé un critère objectif qui n'est pas parfait, aucun critère ne peut être parfait, mais enfin, ça nous paraissait tout à fait correct et satisfaisant.

Et il y avait des témoignages, à l'époque, dans les toutes premières années de la loi 101 qui disaient: Bien oui, tout à fait. Le peuple du Québec vient de démontrer, l'Assemblée nationale du Québec... Moi, je me rappellerai toujours cette belle page du rapport de la commission Pepin-Robarts de février 1979. Et ni M. Pepin ni M. Robarts n'étaient de la même religion politique que nous, ici, qui disaient: Nous avons la preuve, en voyant la loi 101 – Et c'était la loi 101 de la clause Québec, pas la loi 101 de la clause Canada – que le peuple du Québec est fort bien capable de défendre ses intérêts linguistiques tout en respectant ceux de la minorité. Bon.

Mais qu'est-ce que l'on constate, c'est que, au lieu, si vous voulez, d'arriver à un consensus, on aurait pu imaginer un consensus entre tous les Québécois, certains de langue française, d'autres de langue anglaise, autour de cette loi 101. Non. Au contraire, pour toutes sortes de raisons, inspirées sans doute par des mobiles politiques, constitutionnels, derrière nous, on a vu une machine de propagande, une machine de guerre se mettre en marche contre la loi 101 et la gruger morceau par morceau. Et, notamment – tenons-nous-en à la question scolaire, puisque c'est elle qui nous amène ici – on a vu, si vous voulez, ce système commencer à s'attaquer à l'idée de l'école française, langue commune la plus large possible, pour essayer de réduire la portée de l'école française au profit de la portée de l'école anglaise.

Puis les intérêts qui se sont battus dans ce sens-là pour des motifs politiques – il ne faut pas se faire d'illusions; pas pour des motifs de défense d'une langue, c'est pour des motifs politiques – ceux qui l'ont fait se sont dit: Bon, bien, comment on va s'y prendre? Et, puisque la Constitution, le BNA Act ne nous permet pas de s'attaquer à la loi 101 comme on l'aurait souhaité, eh bien, on va s'inventer une nouvelle constitution. On n'y va pas par quatre chemins. Les gens qui n'acceptent pas la loi 101 n'y sont pas allés par quatre chemins. Ils ont imposé une constitution dont vous savez dans quelles conditions elle a été imposée au Québec. Bon, très bien. Et puis ils ont obtenu un élargissement, un premier élargissement qu'on semble avoir accepté, de part et d'autre. Je ne sais pas si l'acceptation est définitive, mais disons que, pour l'instant, on n'évoquera pas cette question.

Puis là on essaie de pousser plus avant et puis, bien sûr, on ne peut pas faire des coups de force constitutionnels tous les jours. Alors, qu'est-ce qu'on essaie de faire? On essaie de, me semble-t-il... C'est comme ça, en tout cas, que nous l'interprétons. On se dit: Bon, bien, voilà, comme on ne peut pas obtenir ce que l'on veut directement, essayons d'y arriver par la voie oblique. Et la voie oblique, c'est celle du droit de vote. Le droit de vote, bon, c'est quelque chose d'extrêmement sensible. Tous les républicains que nous sommes ou que nous deviendrons, j'espère, un jour, bientôt, sont sensibles, évidemment, à ce droit fondamental de tous les citoyens. On se dit: Bien, abordons le problème par le biais du droit de vote. Qui voudrait refuser à quelqu'un d'exercer son vote, etc.? Et nous disons: Bien voilà, si on étend, disons, la définition d'anglophone sur le plan du droit de suffrage, forcément, logiquement, compte tenu de nos habitudes – je ne sais pas si elles sont bonnes ou mauvaises – enfin, de nos penchants, on finira bien par ouvrir aussi un peu plus grand l'accès à l'école anglaise.

(15 h 40)

C'est ça, moi, c'est ça que nous remarquons du droit de vote, qu'on est en train d'user, de faire usage de cet instrument pour obtenir autre chose. Je sais bien que les gens disent: Mais non, ce n'est pas vrai, ce n'est pas ça, c'est deux plans différents, etc. Je constate que c'est dans les mêmes cerveaux, sous les mêmes crânes et dans les mêmes rapports – je l'ai entendu en tous les cas ce matin – que l'on entend exactement la même idée: Nous voulons avoir la clause universelle, article 23(1)(a), et nous voulons avoir un droit de vote qui soit le plus extensible – excusez-moi du mot – possible pour les anglophones. Donc, en tous les cas, il y a une association d'idées, comme dirait Freud, intéressante et peut-être inquiétante. Alors, je pense qu'on se leurrerait soi-même si on s'imaginait qu'il n'y a pas de rapport entre les deux. Et d'ailleurs il y a une certaine logique. Essayez d'imaginer quelqu'un qui dit: Mais, moi, je vote dans ce système-là, mais je n'ai même pas le droit d'y envoyer mes enfants? Allons donc! On va être les premiers à trouver ça absurde.

Mme Hekpazo (Jacqueline): Je voudrais compléter, si vous me permettez...

M. Bouthillier (Guy): Je vous en prie, Jacqueline.

Mme Hekpazo (Jacqueline): ...en disant...

Le Président (M. Gaulin): Allez-y, madame.

Mme Hekpazo (Jacqueline): ... – ah, pardon – que le droit de vote n'existe jamais de façon abstraite, il y a toujours des balises et il y a toujours des critères. Même pour voter aux élections provinciales ou fédérales, il faut être citoyen d'un territoire donné, avoir tel âge, etc. Donc, les balises qui ont été posées dans la loi 101 nous paraissent très correctes, très acceptables, et c'est pour ça qu'on n'en a pas fait mention dans notre mémoire, parce que ça nous semblait assez évident.

Ceci étant dit, pour nous, si on avait opté aussi pour les commissions scolaires unifiées, il y avait une certaine logique dedans aussi, c'était que les parents d'enfants français votaient à la commission scolaire francophone, les parents d'enfants anglais votaient à la commission scolaire anglaise, et tous les autres, c'est-à-dire les allophones ou les immigrants, allaient à la commission scolaire commune francophone. Alors, c'était pour ça que c'était notre premier choix, et le problème du droit de vote ne se serait pas posé en ces termes-là, et c'est tout ce que je voulais dire.

Le Président (M. Gaulin): Merci.

Mme Marois: Merci. Est-ce qu'il y a des collègues...

Le Président (M. Gaulin): Mme la députée, oui, Mme la députée de Deux-Montagnes.

Mme Robert: Oui. En tout cas, c'est fort intéressant de refaire un peu le retour que vous avez fait sur le suivi avec cet avant-midi. Moi, je vais aborder un autre sujet, un peu en rapport avec – ce matin, on a rencontré la CEQ – la fameuse question du régime provisoire, où, en fait, la CEQ est allée jusqu'à nous dire: Écoutez, regardez-le comme une excellente démonstration pédagogique du fait que c'est quelque chose qui est à peu près inapplicable, qui n'a pas d'allure, etc., et vous l'avez fait, mais retirez ça, là. Ça n'a pas d'allure, on est mieux d'attendre, si l'amendement à 93 tardait un peu, que de passer à un régime provisoire qui pose tous les problèmes que vous avez démontrés. On parlait de 24 pages sur 37 ou quelque chose à l'intérieur du projet de loi, etc. Ici, vous nous parlez quand même d'interrogations vis-à-vis de l'application du provisoire, mais vous n'allez pas jusqu'à dire: Non, attendez, etc. Est-ce que vous avez une autre...

M. Bouthillier (Guy): Nous, on n'a pas voulu... Vous avez remarqué, il y a peu de choses sur le provisoire, parce qu'à force de réfléchir sur le provisoire on se prépare à l'accepter. Ça a été notre raisonnement et notre inquiétude. On en a peu parlé. Je sais bien que nous ne sommes pas celui qui est au gouvernement, qui doit prévoir quand même le provisoire. Nous nous méfions d'un provisoire qui s'éterniserait.

C'est pour ça que nous disons très bien, dans cette affaire-là, qu'au plus sacrant – comme on ne devrait pas le dire – on devrait renouveler d'efforts pour obtenir – exiger, devrions-nous dire – exiger de l'autorité fédérale qu'elle joue le jeu de la démocratie québécoise sur ce plan-là et que nous allons – nous faisons partie aussi d'une coalition que vous connaissez – dès que le pouvoir sera – qu'est-ce qu'il faut dire? – rétabli dans ses chancelleries à Ottawa, faire connaître et redire notre exigence sur ce plan-là, en nous consolant toutefois de ce que... Nous le disions, et je pense qu'il ne faut jamais... Souvent, on a l'air d'aborder ces problèmes-là en rondelles de saucisson, séparément, sans y penser. On est quand même dans un système politique dont on ne peut pas... Bien, il y a une chose, en tous les cas, qui ne peut échapper à personne, c'est que le débat sur l'unité nationale, comme on dit à Ottawa, même quand on ne veut pas y penser, c'est plus fort que nous. Regardez l'actuelle campagne électorale fédérale; il est là. La question de l'avenir du Québec est là aussi. Et, dans l'avenir du Québec, dans le Oui pour lequel, nous, en tous les cas, nous nous battons, nous avons la clé qui va nous permettre d'éviter le provisoire d'ici à la vallée de Josaphat.

Il y a aussi l'attitude du Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras . Nous, ce que nous aimons bien du projet, c'est l'idée de la simplification du système scolaire et du fait qu'il va y avoir dorénavant une école française ou francophone pour tous les enfants d'un territoire. On peut l'obtenir le plus rapidement possible, obtenons-le, mais, effectivement, il y a, je crois que c'est ce que la CEQ, qui a sans doute des préoccupations plus immédiates sur ce plan-là et on les comprend, pour des raisons d'activités professionnelles... La CEQ, ils ne sont pas les seuls, je suis sûr que les commissions scolaires viendraient dire la même chose. Le risque du provisoire, c'est l'espèce de barattage, je ne sais pas si c'est des enfants, peut-être pas, mais des écoles puis des directions d'une commission à l'autre. Ça, effectivement, c'est assez ennuyeux. Il faut faire le pari et avoir la confiance que nous allons remporter le pari, et rapidement. Je suis sûr que le gouvernement actuel est confiant de remporter le pari. En tous les cas, nous, nous allons lui apporter notre soutien pour que ce pari soit gagné, et rapidement.

Le Président (M. Gaulin): Mme Hekpazo, rapidement.

Mme Hekpazo (Jacqueline): C'est ça, c'est qu'on ne serait pas en désaccord, non plus, avec ce que la CEQ a dit ce matin, de retarder d'un an, même pour l'application de certains articles, parce qu'il y a aussi: Qu'est-ce qui arrive si Ottawa, ça ne bouge pas de ce côté-là? Comment on se retrouverait? C'est-à-dire, les gens qui seraient dans le régime provisoire, qu'est-ce qu'on fait à ce moment-là? C'est là que toute la question du provisoire qui dure longtemps, aussi, amènerait certaines incertitudes et insécurités.

Le Président (M. Gaulin): Merci, Mme Hekpazo. M. le porte-parole de l'opposition officielle et député de Marquette, vous avez la parole.

M. Ouimet: Merci, M. le Président. Bienvenue au Mouvement national des Québécoises et des Québécois et à la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal à cette commission parlementaire.

Vous appuyez le projet de loi n° 109, mais je sais que c'est un appui temporaire. Dans le temps, vous visez autre chose que des commissions scolaires linguistiques, vous visez des commissions scolaires unifiées, si j'ai bien compris ce que vous nous dites dans le mémoire. L'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés de la personne semble être une entrave importante par rapport au projet de société que vous préconisez. Est-ce que je me trompe?

M. Bouthillier (Guy): Je ne sais pas si je le dirais de façon aussi affirmée, que nous nous campons, aujourd'hui, sur la position des commissions linguistiques pour, demain, immédiatement après-demain, préférer l'option des commissions unifiées territorialement. Mais nous ne les perdons pas de vue, nous les rappelons, nous savons qu'elles sont dans le paysage politique québécois depuis au moins la période de la commission Parent, donc depuis 35 ans. Ça lui donne sûrement des lettres de noblesse, à cette idée, que d'avoir été portée par la commission Parent et que peut-être est-ce un avenir, immédiat, peut-être pas, mais souhaitable, à moyen terme, qu'un jour on retrouve une unité des citoyens à l'intérieur d'une même commission scolaire plutôt que de les voir divisés sur deux commissions et, pourquoi pas, trois ou quatre.

Pour ce qui est de l'article 23, ce que nous n'aimons pas de l'article 23, en fait, nous, notre projet, c'est une école commune pour tous les Québécois. Ce n'est pas propre au Québec, ce n'est pas propre aux souverainistes québécois, c'est une idée qui est largement répandue dans à peu près tous les pays. Si vous regardez l'histoire des pays démocratiques, ça a été un des creusets absolument indispensables de l'unité nationale de pays européens, d'un pays comme les États-Unis. Le Canada anglais l'a essayé. Je suis sûr qu'à la prochaine occasion référendaire qu'on va lui donner il va se lancer dans cette voie.

(15 h 50)

L'idée que l'école commune forme une jeunesse commune qui partage les mêmes valeurs et qui contribue au ciment de la collectivité nationale est une idée extrêmement répandue dont on a des exemples, je vous dis, partout dans le monde et parmi les pays les plus proches de nous. Je pense encore aux États-Unis, où le débat se pose actuellement. Je pense encore... Tiens, un exemple qui n'est peut-être pas très connu mais qui mériterait peut-être de l'être, qui a été ponctué d'une décision de la Cour suprême. Mais, curieusement, ce jugement n'a pas été très remarqué au Québec parce qu'il ne s'agissait pas de la Cour suprême du Canada mais de celle de l'État d'Israël, qu'on ne lit pas tous les jours, je le comprends.

Le problème qui se posait à l'époque, dans les années soixante-dix – c'est un jugement de la Cour suprême, 1979, Kramer versus la cité de Jérusalem – était le suivant. Il y avait une carte territoriale qui disait: Bon, les enfants de tel quartier vont à tel école, puis les enfants de tel autre quartier vont à telle autre école, etc. Puis il y a des parents – puis il ne s'agissait pas du rapport entre Israéliens et Arabes, Juifs et Arabes, c'était entre Israéliens d'une même foi, d'une même tradition historique – qui disaient: Mais non, non, moi, je ne veux pas aller à l'école du territoire, «I want freedom of choice – ça se dit dans toutes les langues, semble-t-il – freedom of choice, freedom of choice». Moi, je suis de tradition polonaise, je voudrais aller à l'autre école un petit peu plus loin où il y a des petits enfants qui viennent de Pologne. Puis l'autre qui dit: Non, moi, c'est plutôt les Russes, je suis plutôt Russe, je voudrais aller à l'école de... Tout ça, c'étaient des écoles juives mais marquées par les Polonais ici, marquées par la tradition, bon, etc. Vous pouvez multiplier, vous pouvez prendre... Bon.

Eh, qu'est-ce que l'État a dit? Non, c'est très bien, il faut aller en Cour suprême. «Freedom of choice, c'est wonderful», mais ce qui est encore plus important, c'est le principe de l'intégration de la société et puis vos enfants, vous les enverrez là, pas de «freedom of choice». Tout ça entre personnes d'une même tradition historique.

On pourrait multiplier les exemples. On m'a rapporté, la semaine dernière... Un Catalan qui était de passage à Montréal m'expliquait qu'on a révolutionné complètement la pratique, les structures scolaires de la Catalogne, donc un pays qui nous ressemble à plusieurs égards, 5 000 000 ou 6 000 000 d'habitants sur une ville importante comme Barcelone, etc., et qui, vous savez, pendant très, très longtemps, c'est une culture, une langue, etc., qui, à toutes fins pratiques, n'avait pas ses écoles. Les seules écoles qu'il y avait sur le territoire de la Catalogne, c'étaient des écoles, disons, espagnoles – appelons-les comme ça.

Eh bien là voici que, il y a trois ou quatre ans, on a changé; il n'y a plus d'écoles espagnoles, il n'y a plus que des écoles catalanes. Tous les enfants qui habitent la Catalogne vont aux mêmes écoles où ils apprennent, bien sûr, le catalan. Le petit Espagnol qui vient de Madrid, le fils du fonctionnaire madrilène qui vient s'installer à Barcelone va à l'école catalane et puis il apprend le catalan. Le catalan devient la langue de sa vie, de ses loisirs, de ses voisinages, de ses premières amours et probablement, à ce moment-là, de ses enfants. Et puis, quand j'ai posé la question au garçon, je lui ai dit: Mais, enfin! on a dû vous traiter de tous les noms d'avoir cette idée saugrenue de mettre tous les enfants dans une même école. Il a dit: Ah! bien sûr, il y a eu quelques excessifs du nationalisme madrilène qui nous ont traités de tous les noms, mais la chose s'est faite finalement rapidement. Elle est entrée dans les esprits au nom, précisément, de la cohésion, appelons-la nationale, de la cohésion de la Catalogne.

Alors, nous, si vous voulez, c'est un peu l'idéal que nous portons dans notre coeur. Nous savons, bien sûr, qu'il y a une histoire, que dans cette histoire il y a une cohabitation, enfin, une histoire marquée par la cohabitation avec les Anglo-Québécois. Et on a reconnu depuis longtemps... En tout cas, la loi 101 le fait, a reconnu un régime d'exception pour les Anglo-Québécois, pour toutes sortes de raisons qui se comprennent, à la condition implicite – je ne veux pas insister là-dessus, mais on l'a quand même inscrit dans notre mémoire – que cette école anglo-québécoise, si elle est anglaise, elle est aussi québécoise. C'est une école qui prépare les enfants à devenir Québécois; ce n'est pas une école qui les maintient dans la nostalgie de ne pas être à Toronto ou à Winnipeg. Et ça, ça passe par la connaissance de la langue, mais aussi, en fait, par toutes sortes de choses, tous les éléments de l'enseignement. Ça, ça m'apparaît très important de le dire, de le rappeler, de le souligner. Ces écoles-là ne sont pas des copies conformes de ce qui se passe à Toronto, ne doivent pas être des copies conformes de ce qui se passe à Toronto, Winnipeg ou Philadelphie; elles doivent être des écoles qui préparent les enfants à être Québécois. Or, on nous dit, plusieurs groupes nous disent...

M. Ouimet: Sur le plan...

M. Bouthillier (Guy): Pardon, monsieur!

M. Ouimet: ...des commissions scolaires, cependant, parce que nous sommes au niveau du projet de loi n° 109, commissions scolaires linguistiques, et vous évoquez... Votre souhait, ce sont des commissions scolaires unifiées. Lorsqu'on parle de commissions scolaires unifiées, ça implique nécessairement la disparition d'une commission scolaire linguistique.

M. Bouthillier (Guy): Des commissions scolaires linguistiques.

M. Ouimet: Des commissions scolaires linguistiques.

M. Bouthillier (Guy): Oui.

M. Ouimet: La majorité au Québec étant francophone...

Mme Hekpazo (Jacqueline): Je peux me permettre de...

M. Ouimet: ...ça implique – je veux juste compléter – la disparition du moyen structurel accordé à une minorité linguistique pour gérer et contrôler ses écoles.

J'essaie de comprendre l'état de votre réflexion et de votre pensée. Sur le fond, êtes-vous d'accord qu'une minorité linguistigue, pour pouvoir gérer et contrôler ses écoles, puisse avoir une commission scolaire linguistique? Parce qu'à la page 8 de votre mémoire l'article 23 semble être... où vous évoquez le souhait de libérer le Québec de toutes contraintes imposées de l'extérieur, vous faites référence à l'article 23 comme étant un empêchement.

On se place présentement dans le contexte du Québec, mais pensez également au contexte de la minorité linguistique francophone à l'extérieur du Québec, qui a toujours souhaité et qui demande d'avoir un instrument, une structure importante pour gérer les écoles françaises hors Québec, donc des commissions scolaires linguistiques. Sur le fond, êtes-vous d'accord avec le principe ou est-ce que c'est un appui temporaire? Mais le projet de société que vous évoquez à la page 8, c'est la disparition des commissions scolaires linguistiques.

Le Président (M. Gaulin): Madame Hekpazo.

Mme Hekpazo (Jacqueline): C'est ça. C'est pourquoi, justement, on s'était dit: Pourquoi choisir des commissions scolaires unifiées? C'est parce qu'on se disait: On veut ôter le clivage qu'il y a sur une base confessionnelle et on va rajouter une autre sorte de clivage sur une base linguistique. Alors, c'était encore introduire de la division et toujours faire référence seulement aux anglophones, aux francophones, comme s'il n'y avait que des anglophones et des francophones. Alors, on s'était dit aussi: Pourquoi on appuie la démarche? C'est l'objectif prioritaire qu'il ne faut pas oublier. C'est l'abolition de l'article 93. Alors, c'est dans cette démarche-là qu'on soutient le projet de loi n° 109. Parce qu'on dit: Le mieux peut être l'ennemi du bien aussi quelquefois.

M. Ouimet: Mais je me permets une nuance. L'objectif fondamental, c'était l'implantation des commissions scolaires linguistiques. L'abolition de l'article 93, c'était un moyen pour atteindre notre objectif. On doit être clair là-dessus. L'objectif, ce n'est pas d'abolir l'article 93; l'objectif, c'est d'implanter des commissions scolaires linguistiques. Mais que faites-vous de tout le combat des francophones hors Québec, tous les francophones hors Québec qui mènent une bataille pour avoir des écoles françaises, mais non seulement des écoles françaises, des commissions scolaires pour gérer ces écoles-là et qui s'appuient sur l'article 23 de la Constitution canadienne pour avoir cette garantie constitutionnelle?

Le Président (M. Gaulin): Qui répond? Le président Bouthillier.

M. Bouthillier (Guy): Bon, très bien, merci. Chaque communauté, si vous voulez, ce qu'elle souhaite et ce qu'elle attend et ce qu'elle peut exiger et recevoir de l'État... Il ne faut peut-être pas solliciter le texte. On a bien sûr rappelé l'existence de cette idée des commissions unifiées, pas avec l'intention de proposer l'abolition des structures linguistiques demain matin.

M. Ouimet: Non, non.

M. Bouthillier (Guy): Ça, je crois qu'il faut que ce soit clair de part et d'autre.

M. Ouimet: Oui, oui, à court terme. J'ai bien dit à court terme. Mais à moyen terme et à long terme vous évoquez les commissions scolaires unifiées lorsque le Québec sera débarrassé des contraintes extérieures. Vous faites référence à la Constitution canadienne.

M. Bouthillier (Guy): Oui, absolument. Absolument.

M. Ouimet: Soyons clairs.

M. Bouthillier (Guy): Et ce ne sera plus l'article 23. D'ailleurs, ça ne devrait même pas l'être. On n'a jamais accepté, l'Assemblée nationale, ici, n'a jamais accepté notre Constitution. Ne l'oublions pas. Non, les droits, je crois qu'une des parties – je me permets de le souligner – disons, peut-être sans doute intéressante, peut-être, de ce mémoire qui... La communauté anglophone, les Anglo-Québécois doivent commencer et, espérons, le plus rapidement possible, à voir dans l'État du Québec enfin la source d'où elle tient ses droits et ses avantages. L'école anglaise au Québec, c'est l'État du Québec qui va l'assurer aux anglophones. Ce ne sera plus l'article 23. Ça va être je ne sais pas quel article de notre Constitution ou de nos lois en matière d'enseignement ou de nos mentalités, de nos habitudes, de notre histoire.

(16 heures)

Personne ne veut partir en guerre contre l'école anglaise alors que vous nous proposez, si vous voulez, la comparaison, la réciprocité. La comparaison, la symétrie qui est faite avec ce qui se passe ailleurs est une comparaison, si vous voulez, qui a sa valeur mais aussi ses limites. N'oubliez pas que ce sont des éclopées de l'histoire, ces minorités-là. Ce sont des éclopées de l'histoire. Elles ont besoin de tous les systèmes pour essayer de les protéger, de prolonger ces milieux-là, oui, ces communautés-là. La communauté anglophone de Montréal n'est pas du tout une éclopée de l'histoire, au contraire. C'est une gagnante de l'histoire. On part de comparaisons... L'article 23 a été introduit par le Canada anglais. Et puis c'est à partir de 1967, à partir des recommandations de la commission Laurendeau-Dunton, que le Canada anglais a commencé à dire: Oui, effectivement, regardez ce que nous avons fait à nos francophones. Nous avons un retard historique absolument formidable à rattraper. Nous, on n'est pas dans cette situation-là. Pas du tout. Et je pense que, quand on fait cette comparaison-là, il faut avoir ça présent à l'esprit.

Le Président (M. Gaulin): M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Mais, avec respect, M. Bouthillier, c'est que, quelques pages plus loin, dans votre mémoire, vous évoquez, là, votre souhait à moyen et à long terme de commissions scolaires unifiées, mais, à la page 5 de votre mémoire, vous indiquez qu'en neutralisant l'article 93 on déplace d'Ottawa vers Québec ce rôle de protecteur de l'école anglaise. Vous confiez au Québec le rôle de protéger, et de le faire pleinement, l'école anglaise, sauf que vous faites disparaître, dans votre projet de commissions scolaires unifiées, l'outil revendiqué par la minorité linguistique anglaise au Québec et la minorité linguistique française à l'extérieur de Québec, l'outil souhaité pour pouvoir protéger les écoles anglaises. C'est là que j'y vois, avec respect, une incohérence, là. Et c'est ce que je tente de faire ressortir.

Comment est-ce que la communauté anglophone peut faire confiance, si c'était la direction du gouvernement du Québec, pour se voir protéger, lorsqu'on dit: On ferait disparaître la structure de la commission scolaire. Et, par la suite, lorsqu'on creuse un peu plus loin, votre définition de l'école anglaise du Québec, ça ne serait qu'au niveau de la langue qui serait parlée au niveau de l'école. Mais tout le vécu, toute l'histoire, toute la culture, toute la richesse qui entourent une langue, vous faites disparaître ça aussi.

M. Bouthillier (Guy): Écoutez, il y a plusieurs façons de protéger un système scolaire afin de maintenir en vie, d'assurer l'armature d'un système scolaire. Il y a la formule des commissions scolaires. C'est de pratique courante sur notre territoire depuis longtemps. Et puis, si on estime que c'est la meilleure, bien, on peut continuer dans cette voie-là. Mais il y en a d'autres. Dans plein de pays au monde, il n'y a pas de commissions scolaires, puis les écoles ne sont pas à la veille de s'effondrer. Bon.

Premièrement, je me permets de dire, même à quelqu'un qui a été président d'une commission scolaire... Je sais l'importance des commissions scolaires. Enfin, je crois que c'est la première chose qu'il faut dire. Mais je pense que, si on a manifesté notre intérêt et si on a trouvé qu'il était important de rappeler l'existence de cette idée de commissions scolaires unifiées, c'est dans le but d'assurer la plus grande intégration sociale. Et tout ce qui unit contribue à la cohésion sociale. Tout ce qui morcelle, tout ce qui divise, tout ce qui crée des clivages nous éloigne de ce but-là. Bon.

C'est évident que, si vous décidiez de passer... J'essaie de faire comme vous et de me projeter dans le moyen terme et de me dire: Bon, bien voilà, on ne fera plus de commissions scolaires linguistiques, mais des commissions scolaires territoriales – appelons-les comme ça, unifiées territorialement. Le but étant de raffermir la cohésion sociale, il faut qu'il y ait un consensus autour de cette idée-là. Si vous imaginez une espèce de scénario où il y aurait un groupe furieusement opposé à un autre qui déciderait de jouer aux ogres et de dire: Bon, bien voilà, on va vous opprimer, vous brimer, etc., bien, vous ne l'aurez pas, votre consensus, votre cohésion sociale. Vous n'aurez pas atteint votre objectif. L'objectif, c'est la cohésion sociale. L'objectif, c'est de rapprocher tous les petits enfants puis de les mettre dans les mêmes écoles, idéalement sous une même commission scolaire. Mais, si, pour toutes sortes de raisons, historiques ou autres, ce n'est pas possible dans l'instant, bien, il faudra trouver d'autres moyens d'y arriver.

Le Président (M. Gaulin): Oui, Mme Hekpazo.

Mme Hekpazo (Jacqueline): C'est juste que, justement, on posait la question, dans la conclusion de notre mémoire, sur les débats nécessaires encore à faire sur les structures souhaitées, si c'est des commissions scolaires unifiées territorialement, etc. Donc, c'est des choses qui doivent être débattues, encore.

Le Président (M. Gaulin): Merci. En conclusion, M. le porte-parole de l'opposition officielle.

M. Ouimet: Oui, alors, je prends acte, bien sûr, de votre recommandation, aussi, par rapport au régime provisoire, lorsque vous parlez des inconvénients sérieux pour les parents et le personnel. Partagez-vous la recommandation de la CEQ, ce matin, de dire au gouvernement: Abandonnez ce régime provisoire dès maintenant et n'en faites pas payer le prix aux élèves, aux parents et aux intervenants scolaires?

M. Bouthillier (Guy): En tous les cas, j'ai entendu quelqu'un, je crois que c'était Mme la ministre, aujourd'hui, évoquer l'hypothèse où il n'y aurait plus une carte des commissions linguistiques à Montréal, composée de trois commissions francophones, mais de deux, et j'en ai pris connaissance ce matin. On me dit qu'un système comme celui-là atténuerait les inconvénients et le problème du barattage, on me dit que certains ont parlé du yo-yo qui n'était pas YoYo-Ma. Bon, bien, si c'est vrai que ça atténue cet effet-là, et bien, allons dans cette voie-là.

M. Ouimet: Mais, entre atténuer et éliminer...

Le Président (M. Gaulin): C'est malheureusement tout le temps que nous avons, M. le porte-parole de l'opposition officielle, vous avez des remerciements à faire?

M. Ouimet: Oui, alors, merci au MNQ pour l'éclairage qu'ils apportent aux travaux de la commission.

Le Président (M. Gaulin): Merci. Mme la ministre.

Mme Marois: Je veux vous remercier, à mon tour, au nom de ma formation politique pour la qualité de votre présentation. Merci.

Le Président (M. Gaulin): Alors, le président vous remercie et vous signale que nous étions sous le regard du conseil souverain. Je vous remercie.

Alors, j'invite le prochain groupe à se présenter, s'il vous plaît, présidé par Mme Gretta Chambers, Commission de l'éducation en langue anglaise. Alors, Mme la présidente, Mme Chambers, bienvenue. Si vous vouliez nous présenter les gens qui vous accompagnent, et vous avez 10 minutes.


Commission de l'éducation en langue anglaise

Mme Chambers (Gretta): Oui. M. le Président, Mme la ministre, mesdames et messieurs les commissaires, je voudrais, certainement, en premier lieu, vous présenter les membres de la Commission de l'éducation en langue anglaise qui m'accompagnent, cet après-midi: à ma droite, M. Garfield Mullins, directeur de l'école secondaire Howard S. Billings de la commission scolaire Châteauguay Valley, et, à ma gauche, M. James Cullen, qui est secrétaire de notre Commission.

Le Président (M. Gaulin): Un instant, Mme la présidente, je pense qu'on ne dispose pas de vos mémoires. Ils sont là?

Mme Chambers (Gretta): Le mémoire est très court parce que j'espérais que nous pourrions avoir une discussion plus approfondie.

Le Président (M. Gaulin): D'accord, très bien.

Mme Chambers (Gretta): Mais nous avons des copies.

Le Président (M. Gaulin): Très bien, nous sommes tout oreilles, Mme la présidente.

(16 h 10)

Mme Chambers (Gretta): M. le Président, en 1995, dans le cadre de la loi 107, nous avons consulté en long et en large la communauté anglophone et les milieux scolaires de langue anglaise sur la pertinence, pour l'école anglaise, d'une gestion de l'éducation fondée sur la langue au lieu de la religion. Les résultats de cette consultation, couplés de l'avis unanime des membres de notre groupe – tous, sauf moi, liés étroitement au système scolaire anglophone – nous ont permis de rédiger notre rapport annuel au ministère, plaidant presque sans réserve l'implantation de commissions scolaires linguistiques. Les temps changent, les circonstances aussi, mais pas notre conviction collective que le réseau anglais bénéficierait grandement d'un regroupement par la langue, permettant ainsi à la masse critique de rassembler les ressources nécessaires à sa gestion.

Pour bien fonctionner, ce système devrait pouvoir compter sur les ressources de ses commettants. Alors, l'étendue de ses commettants y est pour quelque chose. Et la question se pose: Qui sont ses commettants? Qui est anglophone pour les besoins de la gestion des institutions de la communauté québécoise de langue anglaise? Ou, posé d'une autre façon: Comment la communauté anglophone se définit-elle? Pour que la communauté de langue anglaise puisse gérer son système scolaire unifié comme elle l'entend, comme sa partie protestante a pu le faire par le passé dans les commissions scolaires dites protestantes, il lui faut pouvoir aller chercher toutes les ressources à sa disposition. La question de représentation devient, par conséquent, primordiale.

Nous ne commençons pas à neuf. Il y a au Québec une longue tradition de libre choix au niveau des élections scolaires qui, nous croyons, devrait être maintenue. Nous suggérons donc que les critères rédigeant la liste de ceux et celles avec droit de vote dans le cadre des commissions scolaires anglophones sur le territoire où ils résident soient élargis pour inclure tous citoyens canadiens qui en font la demande, sauf pour le cas de personnes ayant un enfant qui fréquente une école appartenant à la commission scolaire de langue anglaise ou de langue française, et ces derniers devront voter là où leurs enfants sont inscrits.

Par le biais de ce libre choix, on élimine les catégories d'électeurs exclus de la commission scolaire anglophone et on garantit le droit de gestion aux représentants de la minorité anglophone, que les commissaires, les membres des comités d'établissement des écoles et les représentants de la communauté, les représentants des affaires qui doivent siéger à ces comités d'établissement fassent partie de la communauté anglophone et ne soient pas complètement dirigés par des règles trop étroites ou très étroites.

La minorité linguistique québécoise se distingue de ses contreparties hors Québec à plusieurs égards. Les communautés francophones dans les autres provinces sont en train de se tisser une tradition de commissions scolaires bien à elles. Elles veulent que les portes d'entrée à la gestion et au contrôle de leurs commissions scolaires soient bien gardées par elles et pour elles. Ce n'est pas le cas au Québec où la minorité de langue anglaise est au contraire farouchement attachée aux postes de gestion, qu'elle a toujours contrôlée. La première craint l'ingérence; la deuxième, une perte de ses effectifs.

Il y a aussi toute l'histoire moderne de l'article 93, mythes et réalités. Quoique plusieurs milieux anglophones s'y accrochent encore, la résistance à son abrogation s'estompe petit à petit avec la reconnaissance de plus en plus étendue de son manque de pertinence pour ce qui est de la langue scolaire, qui est mieux protégée par l'article 23 de la Charte canadienne, en attendant les souhaits de M. Bouthillier. Le problème pour les Anglo-Québécois, à ce chapitre, surgit du fait que la première clause de cet article 23, qui réfère à la langue maternelle, ne s'applique pas, au Québec, en accord avec la loi 101 et la politique québécoise d'admissibilité à l'école anglaise. De s'en servir pour restreindre la portée gestionnaire de la communauté anglophone sur son système scolaire est, à notre avis, une décision à déconseiller. Nous proposons plutôt une liste permanente à laquelle les électeurs peuvent s'inscrire par choix au moment de la mise en place des commissions scolaires linguistiques, quitte à ce qu'elle soit mise à jour au besoin, selon les mêmes procédures que la liste électorale permanente.

Un dernier mot sur la carte des nouvelles commissions scolaires. Il y a à ce chapitre des différences d'appartenance régionale entre les populations francophone et anglophone, dont il faudrait tenir compte en se basant sur des critères de découpage sociogéographique au lieu de géotopographique. Les regroupements régionaux en fonction de services sociaux, culturels, scolaires, de santé, et j'en passe, devraient, nous croyons, faire partie, dans le moyen du possible, des mêmes commissions scolaires. Je vous donne un exemple: définir le West Island n'est pas évident en consultant la carte géographique de ce bout de l'île de Montréal, où la rivière constitue une frontière tout à fait rationnelle du point de vue terrain. Mais, en vécu, cette rivière représente un quartier commun qui est partagé, de part et d'autre, par les riverains des deux bords.

Mme la Présidente, je termine en vous remerciant... M. le Président, je suis tellement habituée à Mme Blackburn.

Le Président (M. Gaulin): Ha, ha, ha!

Mme Chambers (Gretta): Je termine en vous remerciant de nous avoir reçus et en anticipation des questions que vous, Mme la ministre, et les membres de la commission voudrez bien nous poser. Nous sommes à votre service et, je vous assure, à celui des commissions scolaires linguistiques. Merci de votre attention.

Le Président (M. Gaulin): Alors, merci beaucoup, Mme Chambers. Mme la ministre de l'Éducation.

Mme Marois: Alors, je vous remercie à mon tour pour votre présentation et vous souhaite la bienvenue à notre commission. Nous avons l'occasion, vous savez, M. le Président, de recevoir régulièrement des avis de la Commission de l'éducation en langue anglaise. Je sais leur préoccupation pour toute la question pédagogique, la qualité du matériel pédagogique, des outils disponibles pour les enfants qui fréquentent les écoles anglaises, et j'en profite pour dire aux membres de la commission que c'est aussi une grande préoccupation de la part du ministère et que nous essayons évidemment progressivement de corriger la situation lorsque nous pouvons le faire. Je sais que ça n'a rien à voir avec le débat d'aujourd'hui, mais en même temps ça a à voir avec la qualité de ce que l'on fait, et comme c'est d'abord et avant tout notre préoccupation, ce n'était pas inutile de le mentionner.

Il y a une chose sur laquelle je voudrais pouvoir revenir et c'est la question du droit de vote actuel. En fait, il est balisé, le droit de vote actuel. Il prévoit des critères dans son exercice parce que, quand on regarde la Loi sur l'instruction publique, ce qu'on constate, c'est que, dans les faits, il faut soit se décrire comme étant de foi religieuse ou de foi catholique. Donc, dans l'ensemble, et on dit par exemple: Seuls peuvent voter à l'élection des commissaires d'une commission scolaire dissidente les électeurs qui se déclarent de la confession religieuse de la commission scolaire dissidente. Il y a donc une obligation de déclarer, compte tenu d'un certain nombre de critères évidemment que la loi décrit soit à l'article 18... Et les articles de base, c'est évidemment l'article 15 et l'article 16. Alors, on ne peut pas dire qu'il y a un parfait libre choix actuellement dans la Loi sur l'instruction publique que nous connaissons, telle que nous la connaissons maintenant.

Mme Chambers (Gretta): Bien, Mme la ministre, je ne suis pas tout à fait d'accord parce qu'on peut...

Mme Marois: Excusez-moi, j'ai dit la Loi sur l'instruction publique, je m'excuse, c'est effectivement la Loi sur les élections scolaires.

Mme Chambers (Gretta): Non, je comprends. Mais, si on se présente pour une commission scolaire catholique et on n'est pas catholique, mais disons qu'on est anglophone et on voudrait faire instruire ses enfants dans une école bien francophone et on se présente, personne ne nous questionne. On ne nous demande pas notre religion. Ce n'était pas du tout le cas par le passé. Nous le savons très bien, parce qu'on avait les catholiques et il fallait avoir les autres. On ne pouvait pas demander aux protestants, pour ceux qui voulaient s'inscrire à la commission scolaire protestante, s'ils étaient protestants, parce que qui allait vraiment éduquer les autres? Mais ça fait des années qu'on se présente et puis, pour l'école anglaise, c'est le certificat d'avoir reçu son éducation en anglais soi-même pour qu'on puisse inscrire son enfant, ce n'est pas sa religion. Alors, c'est un choix. Il y a des critères. Si on envoie son enfant à une école française, dans un système de commissions scolaires linguistiques, ce n'est pas juste d'aller voter ou de s'inscrire sur une liste anglophone, je trouve que ça, ce ne serait pas juste.

Mme Marois: Oui, je vous comprends bien. C'est tout à fait juste quand vous dites: Pour s'inscrire à l'école de son choix, il y a des règles.

Mme Chambers (Gretta): Voter.

(16 h 20)

Mme Marois: Si on veut aller à l'école anglaise, on a des règles liées à l'admissibilité, mais pour l'élection à la commission scolaire, là, il y a des balises dans le sens où il faut définir, dans le fond, sur quelle liste on veut s'inscrire, soit la liste catholique ou la liste protestante et...

Mme Chambers (Gretta): On nous ne le demande pas.

Mme Marois: Pardon?

Mme Chambers (Gretta): Il n'y a pas de questionnement. Quand on achète une maison et que le propriétaire, l'ancien propriétaire était sur une liste, on reçoit notre avis, et puis, si on n'aime pas la catégorie, on la change, on demande qu'elle soit changée. Personne ne nous demande une preuve, même une déclaration. On n'a pas besoin de mentir, c'est ce que je veux dire.

Mme Marois: Oui, mais, en fait, ce qu'on mentionne c'est que normalement ça doit se faire lors du recensement. C'est vrai que, lorsqu'on contracte ou lorsqu'on inscrit son enfant à la commission scolaire, ce n'est pas le cas, mais lors du recensement on doit pouvoir le faire.

Et vous vous souvenez, d'ailleurs, qu'il y avait une très grande controverse à la dernière élection à Montréal. On avait même procédé à une forme, enfin, pas une enquête, mais comment je pourrais dire ça... C'était un mandat d'enquête qui avait été donné, à l'époque, et puis, bon, finalement, qui n'avait pas eu de suite. Mais on se souvient que ça avait été contesté justement parce qu'on n'avait pas respecté, disait-on, la Loi électorale et les élections scolaires de telle sorte qu'on n'avait pas permis à des gens de s'inscrire sur une liste ou sur l'autre.

Là, il y a quand même certaines balises à cet égard-là. Une des questions qui sont soulevées depuis que nous abordons cette question du droit de vote à la commission scolaire anglophone ou à la commission scolaire francophone, c'est le lien que l'on fait avec l'admissibilité, justement, à l'école anglaise. J'ai posé la question à plusieurs reprises sous l'angle suivant: Le libre choix, pour vous, ou le droit de vote à la commission scolaire de votre choix, anglophone ou francophone, est-ce qu'il pourrait nous amener à ce que l'on évalue la possibilité de le lier avec, éventuellement, aussi l'ouverture ou l'accès à l'école anglaise pour un plus grand nombre de jeunes? Et ça, c'est une des questions qui ont été soulevées à quelques reprises depuis le début de nos débats. Certains nous ont dit: Non, il n'y a pas de lien. Et d'autres n'ont pas répondu, je pense, ce matin, à la question que j'ai posée auprès... Je pense que c'est Alliance Québec qui était là, où on a dit: C'est des choses différentes, on ne répond pas à cela. Alors, je vous pose la question.

Mme Chambers (Gretta): Moi, je vais certainement répondre à cette question parce que je trouve qu'elle est primordiale. Il y a un lien puis il n'y a pas de lien.

Premièrement, les anglophones vont toujours vouloir élargir les portes, pas à tout le monde, mais aux personnes qui viennent au Québec qui sont anglophones et qui vont demeurer anglophones. Ça prend trois générations pour changer vraiment une appartenance. Alors, même s'ils envoient leurs enfants à l'école française, ils sont vraiment des membres très utiles à la communauté anglophone parce que leurs enfants deviennent parfaitement bilingues, ils peuvent se trouver du travail, mais ils demeurent anglophones. Alors, les anglophones vont toujours vouloir que ces gens-là puissent être intégrés à l'échelle de l'école. Mais la loi est la loi, et puis c'est une volonté politique du Québec, de la majorité du peuple québécois, des lois, que l'école doit être restreinte à une certaine catégorie de personnes. Ça va peut-être venir un jour, ça va s'élargir, mais ce n'est pas parce qu'on gère une commission scolaire ou on gère l'institution primaire d'une communauté qu'on peut dire qu'on a le droit, parce que la loi est très bien établie. Alors, que les anglophones veulent que l'accès soit élargi, ça ne changera rien, sauf qu'au moins ils peuvent mettre la main sur une institution qui est très importante pour cette communauté.

Puis, vous savez, on regarde un peu, on fait la liste des préposés à l'éducation en anglais au Québec, puis on voit qu'il y a des... Je ne sais pas si c'est la majorité, mais il y en a beaucoup parmi ces personnes-là qui ne peuvent pas envoyer leurs enfants à l'école anglaise, dont les enfants vont à l'école française. Moi-même je ne pourrais pas voter dans le cas d'une commission scolaire anglophone. Je ne suis pas allée à la bonne école pour ça, mais je ne le savais pas dans le temps. Ha, ha, ha! Alors, voyez-vous, mes enfants non plus. Mais, d'un autre côté, je travaille, mais je m'intéresse beaucoup à... Alors, c'est ce lien, c'est impossible de tirer une ligne. Il va toujours y avoir une pression, mais c'est la loi. Alors, ça n'ouvre pas la porte, ça n'oblige en rien. Parce que, aujourd'hui, comme je vous dis, les gens qui travaillent de très, très près à la gestion du système anglais ne pourront pas voter, avec les règles actuelles.

Mme Marois: D'accord, merci.

Le Président (M. Gaulin): C'est tout le temps que nous avons, Mme la ministre.

Mme Marois: Malheureusement. Merci, Mme Chambers.

Le Président (M. Gaulin): Merci. M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Merci, M. le Président. Bienvenue, Mme Chambers et les personnes qui vous accompagnent. Je fais un commentaire sur la question du droit de vote. C'est un commentaire que j'ai fait ce matin alors qu'Alliance Québec était présente, et je pense que vous n'étiez pas présents à ce moment-là, mais il faut l'avoir à l'esprit. Il faut être prudent, je pense, par rapport à la distinction entre la question du droit de vote et sa restriction pour la communauté anglophone et la question de l'accès à l'école anglaise. Moi, je ne voudrais pas me retrouver devant des discours éventuellement où le gouvernement pourrait indiquer que la raison pour laquelle la communauté anglophone s'oppose à la restriction du droit de vote, c'est parce qu'ils veulent élargir l'accès à l'école anglaise. Et, dans les questions qui sont posées, des fois là – je pense qu'il faut être prudent à ça – ça donne de l'eau au moulin si on veut restreindre l'exercice du droit de vote de la communauté anglophone en prétendant par la suite que la raison pour laquelle la communauté anglophone s'y oppose, c'est qu'ils veulent élargir l'accès à l'école anglaise. Moi, j'aimerais vous entendre clairement là-dessus.

Est-ce que, dans votre esprit, les deux questions sont distinctes et séparées? En d'autres termes, ce que vous avez dit, ça sera une bataille constante pour les anglophones de pouvoir élargir l'accès à l'école anglaise, parce que la vitalité et la viabilité du réseau des écoles anglaises dépendent beaucoup du nombre de personnes qui vont fréquenter l'école. Ça, c'est un débat, c'est une bataille.

L'autre bataille, celle dans le projet de loi n° 109, concerne la restriction du droit de vote de la communauté anglophone qui, à mon point de vue, est une tout autre bataille. Pour les raisons que vous évoquez, ça empêche, à certains égards, des gens qui s'identifient à la communauté anglophone, qui oeuvrent au niveau des institutions scolaires anglophones, ça les empêche de participer à l'élection des commissaires de cette commission scolaire là, et puis, par la suite, l'obligation d'y payer les taxes, je voudrais vous entendre clairement là-dessus.

Le Président (M. Gaulin): Mme la présidente.

Mme Chambers (Gretta): C'est vraiment deux questions. Naturellement, ces questions sont liées. Il y a la question de pouvoir envoyer son enfant à l'école anglaise, puis ce serait complètement dénaturer la vérité de vous dire que les anglophones, la communauté anglophone trouve la porte assez grande ouverte. Mais le système scolaire d'une communauté, c'est beaucoup plus large et beaucoup plus important et beaucoup plus compréhensif que le lien entre un parent et son enfant. C'est où est formée la jeunesse et où est formée la main-d'oeuvre de cette communauté pour avoir des gens qui peuvent même créer de l'emploi et certainement fournir des services, etc. C'est primordial que ça soit un bon système et que ça réponde aux besoins de la communauté. Puis les besoins éducatifs de la communauté anglophone ne sont pas du tout ceux des francophones.

(16 h 30)

Naturellement, il faut que tout le monde comprenne les maths, mais pour les anglophones, c'est très important, les deux langues. Les jeunes sortant des écoles anglaises doivent être pas seulement bilingues, mais vraiment pouvoir fonctionner dans deux langues au niveau du marché du travail. Alors, c'est très différent, les besoins, et puis c'est important que ça soit des anglophones qui gèrent ce système-là pour que ces priorités primes.

Alors, pour dire qu'on a peur que ça soit une argumentation qui alimente l'autre, on dit que seulement certains anglophones peuvent envoyer leurs enfants à l'école anglaise. De dire que, parce que ça, c'est la raison puis on a peur d'avoir une pression de la part de l'école anglaise: Vous n'avez pas le droit de gérer votre système scolaire, il me semble que c'est vraiment... Si on parlait d'injustice, ça serait une double injustice. Mais, si on parle d'une façon de gérer qui, il me semble, n'est pas efficace, c'est beaucoup mieux de mettre l'épaule des anglophones au moulin et qu'ils se sentent responsables de leur système d'éducation, que les écoles soient meilleures, etc., pour ceux qui peuvent y aller. Je ne vois pas que ça soit... C'est lié naturellement, c'est lié, mais un ne dépend pas de l'autre. Est-ce que c'est assez clair? Non?

Le Président (M. Gaulin): M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Je retiens: un ne dépend pas de l'autre, mais vous dites que c'est lié, alors...

Mme Chambers (Gretta): C'est toujours lié parce que un gère l'autre, n'est-ce pas? C'est les anglophones qui ont droit de gestion, de contrôle, et ceux qui ont le droit de se servir du produit.

M. Ouimet: O.K.

Le Président (M. Gaulin): M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Autre question assez importante pour l'ensemble des membres de l'Assemblée nationale, le parti gouvernemental et le parti de l'opposition. Vous indiquez à votre mémoire, quand vous faites référence à l'article 93... Je vais citer un passage de votre mémoire qui est assez important. C'est toute la problématique, là, de savoir l'adhésion de la communauté anglophone par rapport à la modification constitutionnelle souhaitée par l'Assemblée nationale. Vous dites: «Il y a aussi toute l'histoire moderne de l'article 93, mythes et réalités. Quoique plusieurs milieux anglophones s'y accrochent encore, la résistance à son abrogation s'estompe petit à petit avec la reconnaissance de plus en plus étendue de son manque de pertinence – donc, l'article 93 – pour ce qui est de la langue scolaire qui est mieux protégée par l'article 23 de la Charte canadienne.» Vous jouez quand même un rôle important au sein de la communauté anglophone. Vous avez une influence que je considère être non négligeable. Est-ce que vous appuyez la position adoptée par l'Assemblée nationale pour demander une modification constitutionnelle au gouvernement fédéral?

Mme Chambers (Gretta): Oui.

M. Ouimet: Oui? O.K.

Le Président (M. Gaulin): Merci. C'est tout? Mme la ministre, en conclusion.

Mme Marois: Juste en conclusion pour vous rassurer, quand même, Mme Chambers. Vous savez, vous auriez droit de vote, selon l'article 16.

Mme Chambers (Gretta): Vous avez trouvé? Ah bon!

Mme Marois: Oui et vous auriez droit de vote, parce que, si vous-même ou un de vos enfants avait pu être déclaré admissible, même s'il n'a pas été à l'école anglaise, vous pourriez voter.

Mme Chambers (Gretta): Alors, feu mon mari aurait eu... Parce que, par lui, mes enfants auraient pu aller à l'école anglaise. Ça fait beaucoup de morceaux de papiers qu'il faudra retrouver et puis brandir. Ha, ha, ha! N'importe. Merci.

Mme Marois: Ha, ha, ha! Mais on n'oblige pas les morceaux de papiers. Merci beaucoup de votre présentation.

Le Président (M. Gaulin): Monsieur le porte-parole de l'opposition officielle.

M. Ouimet: Également, merci beaucoup, Mme Chambers, pour la qualité de votre présentation. Merci.

Mme Chambers (Gretta): Merci de nous avoir reçus.

Le Président (M. Gaulin): Merci. Merci à la Commission de l'éducation en langue anglaise. J'invite le Conseil scolaire de l'île de Montréal à venir à la table.

(Consultation)

Le Président (M. Gaulin): Alors, je vous invite à prendre place. Nous venons d'entendre, contrairement à ce que j'avais dit, la Commission de l'éducation en langue anglaise. Nous allons maintenant entendre le Conseil scolaire de l'île de Montréal, et j'inviterais le président Mongeau, que je salue, à nous présenter celle et celui qui l'accompagnent. Un peu d'ordre, s'il vous plaît! M. le président.


Conseil scolaire de l'île de Montréal

M. Mongeau (Jacques): Merci, M. le Président. J'aimerais d'abord vous présenter les gens qui sont avec moi. À ma droite, Mme Nicole Ranger, directrice générale du Conseil scolaire de l'île de Montréal, et, à ma gauche, Me Yves Carrières, avocat-chef et secrétaire général du Conseil scolaire de l'île de Montréal.

M. le Président, le Conseil scolaire de l'île de Montréal désire rappeler qu'il s'est toujours impliqué dans les grands débats qui ont entouré les différentes réformes scolaires. Plus récemment, il a présenté un mémoire à la Commission des états généraux sur l'éducation. Depuis, il a présenté à la ministre de l'Éducation des hypothèses de restructuration scolaire sur l'île de Montréal, dont certaines ont été retenues par la ministre.

En tant qu'organisme de planification, de concertation et de coordination sur l'île de Montréal, le Conseil scolaire entend continuer cette implication. C'est pourquoi, suite au dépôt du projet de loi n° 109, le Conseil scolaire désire souligner que la restructuration scolaire entreprise dans ce projet de loi est un pas important en vue de solutionner les problèmes sous-jacents aux structures scolaires et qui font l'objet de tant de débats depuis de nombreuses années. Cependant, comme tout projet d'envergure, il est perfectible, et le Conseil scolaire souhaite faire part de ses commentaires sur certaines situations qu'il engendre.

Il est cependant regrettable que la consultation entreprise par la ministre de l'Éducation se fasse dans un délai si court, ce qui permet difficilement de faire une analyse complète et élaborée du projet de loi et oblige le Conseil scolaire à mettre de côté certaines recommandations qu'il aurait aimé faire. Aussi, le présent mémoire traitera de trois points qui lui apparaissent primordiaux relativement au projet de loi, à savoir: la situation particulière du territoire scolaire de l'île de Montréal, la constitution et la composition des conseils provisoires et la confection de la liste électorale scolaire.

Personne n'ignore que l'article 93 de la Loi constitutionnelle canadienne crée sur l'île de Montréal une situation toute particulière. Le jugement de la Cour suprême de 1993 est venu préciser les droits des classes de personnes visées par cet article. De ce jugement, il découle que ces classes de personnes sont celles qui sont situées dans la ville de Montréal. La ministre de l'Éducation, en suivant cette logique du jugement, a décidé que les commissions scolaires confessionnelles de Montréal et de Québec devaient être restreintes aux territoires de la ville de Montréal et de la ville de Québec. Ce faisant, elle a inclus dans le territoire de la Commission des écoles catholiques de Montréal des quartiers de Montréal qui ne font pas, jusqu'à ce jour, partie de cette commission scolaire. Nous ne citerons, à titre d'exemple, que les territoires de Pointe-aux-Trembles et de Saraguay, le premier faisant actuellement partie de la commission scolaire Jérôme-Le Royer et le second, de la commission scolaire Sainte-Croix.

Or, toute la logique de la loi nous apparaît basée sur le fait que l'article 93 de la Loi constitutionnelle canadienne sera amendé avant le 1er janvier 1998. Bien que cela puisse apparaître souhaitable pour un grand nombre de personnes, et pour la ministre de l'Éducation en particulier, il n'est pas nécessairement acquis que cette modification se fera dans le délai susdit. Il est possible que cet amendement vienne dans un, deux ou trois ans ou même plus. Dans un tel cas, le système scolaire montréalais subira plusieurs bouleversements, ce qui occasionnera des difficultés au plan des services à la population scolaire, au plan administratif et au plan des élections scolaires. Nous reprendrons ici l'analyse de chacun de ces points, en tenant compte, entre autres, de l'hypothèse où l'amendement constitutionnel ne serait pas adopté avant le 1er janvier 1998.

Au plan des services à la population scolaire. Ces bouleversements relativement à la population scolaire ne surviendront que dans la mesure où l'article 93 de la Loi constitutionnelle ne serait pas amendé avant le 1er janvier 1998. Cependant, si cet amendement n'avait pas lieu, les élèves passeront de la juridiction d'une commission scolaire à l'autre, et ce, aller et retour, dans un délai plus ou moins long. Ainsi, un élève de Pointe-aux-Trembles passera de la commission scolaire Jérôme-Le Royer à la CECM et, après l'amendement constitutionnel, reviendra à la commission scolaire de l'est. Bref, changement de professeurs, de juridiction et, possiblement, changement des orientations et de la gestion.

(16 h 40)

Au plan administratif. Sur ce point, le personnel, la gestion financière et celle des immeubles pourront être affectés. Pour le personnel, leurs pratiques, directions, orientations et leur allégeance syndicale pourront même être affectées par ce va-et-vient d'une commission scolaire à l'autre. Les immeubles eux-mêmes et la gestion financière seront également affectés par tous ces mouvements. À titre d'exemple, la commission scolaire du centre devra vivre avec un territoire morcelé et des ressources restreintes. Des élèves fréquentant actuellement des écoles de ce territoire futur n'habitent pas sur ce territoire et devraient plutôt relever durant la période provisoire du territoire de la CECM, sauf dans le cas d'ententes entre les commissions scolaires.

Les commissions scolaires anglophones et confessionnelles vivront également des bouleversements à répétition et subiront une période d'incertitude comme les autres commissions scolaires. Chez elles également, les élèves changeront de juridiction, et des programmes particuliers de certaines écoles risqueront d'être sérieusement compromis sinon complètement abandonnés.

L'appartenance au milieu se fera difficilement à ces commissions scolaires pendant la période provisoire. La CEPGM elle-même, en devenant la CEPM, subira un changement profond, puisqu'elle deviendra majoritairement francophone. Ce changement, malgré la constitution d'un conseil linguistique, risquera d'avoir des effets sur la continuité des programmes.

Au plan des élections scolaires. Ici encore, le projet de loi apporte de l'instabilité. En effet, une première élection générale scolaire aurait lieu au printemps 1998. Dès la fin de la période provisoire, il y aurait encore une nouvelle élection générale, tout au moins sur l'île de Montréal. Quel effet ces élections à répétition auront-elles, entre autres sur la durée du mandat des commissaires? Le mandat serait-il raccourci et ajusté au reste de la province? Le projet de loi ne semble pas très clair à cet égard.

Devant les nombreuses difficultés soulevées sur l'île de Montréal par le projet de loi, le Conseil scolaire est d'avis qu'il serait préférable que l'application de la loi n° 109 soit suspendue sur le territoire actuel des commissions scolaires de l'île de Montréal. Toutefois, dans l'éventualité où la loi serait malgré tout appliquée à ce territoire, il faudrait envisager comme un moindre mal la superposition des commissions scolaires linguistiques et confessionnelles sur le territoire de la ville de Montréal.

Cette superposition pourrait permettre l'implantation définitive des commissions scolaires linguistiques avec un risque diminué de bouleversements à tous les niveaux: élèves, personnel et gestion. Il restera toujours possible de diminuer l'impact de cette superposition en prévoyant un mécanisme d'inscription automatique des élèves à l'une ou l'autre des commissions scolaires linguistiques ou confessionnelles et en laissant la possibilité aux parents de choisir l'autre commission scolaire dans un délai donné.

Le projet de loi prévoit la constitution de conseils provisoires en vue d'implanter les commissions scolaires linguistiques. Cependant, durant la période provisoire, il n'y aurait aucun conseil provisoire sur le territoire des commissions scolaires confessionnelles. Le Conseil scolaire croit qu'il soulève un grave problème d'équité au chapitre de la constitution de ces conseils et de représentativité au chapitre de leur composition.

D'une part, la population de certains territoires risque de voir les changements qui l'affectent traités de façon différente par rapport à la population d'autres territoires. D'autre part, certaines parties de l'île de Montréal risquent de ne pas être représentées sur les conseils provisoires alors que des changements importants les affecteront.

En effet, d'une part, la réforme proposée nous semble être une réforme à deux vitesses, puisque la population du territoire des futures commissions scolaires linguistiques sera impliquée, par le biais des conseils provisoires, dès le mois de septembre 1997, dans l'implantation de ces dernières. Or, la population des commissions scolaires confessionnelles ne sera pas impliquée dans ce processus tant que l'amendement constitutionnel n'aura pas été adopté. Dès lors, cette dernière population, même si l'adoption de l'amendement avait lieu avant le 1er janvier 1998, aura un retard par rapport à l'autre groupe. Il risque donc de survenir des iniquités entre les deux groupes de population.

En second lieu, les commissions scolaires confessionnelles n'ayant aucun conseil provisoire sur leur territoire, nous nous demandons comment sera traitée la population qui passera de la commission scolaire Jérôme-Le Royer ou de la commission scolaire Sainte-Croix à la CECM. En effet, aucun des commissaires élus résidant sur ces territoires ne pourra siéger à un conseil provisoire, même s'il y a changement de juridiction d'une commission scolaire à l'autre.

De plus, la représentativité des commissaires-parents sur ces conseils provisoires semble déficiente, puisque, même si plusieurs commissions existantes se regroupent dans une commission scolaire linguistique, les commissaires-parents actuellement en poste n'auront probablement pas voix au chapitre. En effet, seulement deux commissaires-parents pour chaque nouvelle commission scolaire pourront siéger au conseil provisoire.

Par ailleurs, l'article 513 qu'ajoute le projet de loi à la Loi sur l'instruction publique réfère, pour établir le nombre de commissaires qui participeront aux conseils provisoires, à une proportion des élèves jeunes des commissions scolaires. La part de plus en plus importante de la clientèle des commissions scolaires et en enseignement professionnel et à l'enseignement des adultes incite le Conseil scolaire à recommander que l'article 513 tienne également compte de cette clientèle.

La confection des listes électorales scolaires. À ce chapitre, le projet de loi prévoit que c'est la liste électorale préparée par le Directeur général des élections du Québec qui sert à confectionner la liste électorale pour fins scolaires. Le Conseil scolaire est très favorable à cette façon de faire, dans la mesure où personne ne subit de préjudice à ses droits.

Dans cet esprit, il serait souhaitable que la loi indique que le président des élections scolaires puisse compléter la liste qui lui est transmise par le Directeur général des élections par tout moyen qu'il trouve approprié. Il importe en effet que cet officier puisse jouir d'un certain choix des moyens pour compléter la liste électorale scolaire, comme c'est d'ailleurs le cas dans la loi actuelle.

Le Président (M. Gaulin): En conclusion. Il vous reste peu de temps. Allez-y.

M. Mongeau (Jacques): En conclusion, comme nous l'indiquions au début, le Conseil scolaire aurait nettement préféré que l'amendement constitutionnel précède l'implantation des commissions scolaires linguistiques, à tout le moins sur l'île de Montréal. C'est dans cet esprit qu'il recommande que soit suspendue l'application du projet de loi n° 109 sur le territoire actuel des commissions scolaires de l'île de Montréal, incluant le territoire de Harwood, dans l'attente de la proclamation de la modification de l'article 93 abrogeant les paragraphes 1 à 4 de cet article de la Loi constitutionnelle.

Le Président (M. Gaulin): Je vous remercie, M. le président. Pour le dialogue avec nos invités, Mme la ministre.

Mme Marois: Merci, M. le Président. J'allais au bout – Ha, ha, ha! – du mémoire que vous n'avez pas eu le temps de lire complètement. Bon. Alors, je pense que, comme plusieurs autres sont venus le faire, dans le fond, vous dites: Nous sommes d'accord sur le fond. Je comprends bien, n'est-ce pas? Je pense que jusqu'à maintenant il y a vraiment à cet égard... C'est bon parfois de se le dire, parce que c'est sûr qu'il y a des difficultés sur certains aspects, mais, sur le fond de la loi, il se dégage une plus que grande majorité en accord avec le projet de loi. C'est sûr qu'il y a des gens qui ont encore des objections pour toutes sortes de raisons, mais très largement le projet reçoit un appui, et c'est plutôt, justement, sur le type de questions que vous soulevez que certaines oppositions sont présentées.

Alors, dans le fond, vous, vous dites: Si vous désirez procéder quand même sans que l'amendement constitutionnel ne soit complété, entre le régime provisoire que je propose et la superposition, vous dites: Superposition.

M. Mongeau (Jacques): On dit: Ce serait moins pire.

Mme Marois: Ce serait moins pire. D'accord.

M. Mongeau (Jacques): On ne dit pas que ce serait beaucoup mieux, mais on dit: Au moins, ce serait moins pire parce qu'il y aurait des commissions scolaires linguistiques qui recouvriraient tout le territoire de la ville de Montréal, et, sur la partie du territoire de la ville qui, elle, a droit à une CECM et à une CEPGM, les parents choisiront entre les deux. C'est ça qu'on dit. On dit: Ça serait moins pire, mais on dit: L'idéal, ce serait que vous attendiez que l'amendement constitutionnel soit vraiment adopté, parce que, voyez-vous, on dit: Même s'il était adopté... Admettons qu'il soit adopté avant le 1er janvier 1998, ce ne sera quand même pas en septembre 1997 qu'il va être adopté. Je pense qu'il faut être réaliste. À moins que vous n'ayez eu, vous, des échos du prochain gouvernement.

Mme Marois: Bien, on dit: On va au moins attendre pour savoir qui va être élu lundi. Ha, ha, ha!

M. Mongeau (Jacques): Bon. Alors, à supposer que dans le meilleur des mondes l'amendement constitutionnel soit adopté en novembre, mettons, ou au début de décembre, je veux dire, là, il va y avoir des gens qui n'auront pas siégé sur les conseils provisoires qui vont arriver sur le conseil provisoire où d'autres gens vont déjà commencer à siéger depuis septembre. Ils vont dire: Bien, écoutez, tout ce que vous avez décidé, minute! Nous autres, on n'était pas là. C'est important, ça. Si vous voulez, on va recommencer ça, s'il y a eu des nominations de personnel dans les directeurs généraux. C'est ce genre d'imbroglios là que ça fait, même s'il était adopté avant le 1er janvier 1998, mais bien pire s'il était adopté après le 1er janvier 1998, parce que là ce qu'on vous dit...

Il y a des parties du territoire de l'île de Montréal où ça n'a vraiment pas de sens. On cite beaucoup le cas de Pointe-aux-Trembles; je vois que d'autres l'ont cité aussi, parce que c'est très clair. Je veux dire, ces gens-là, ils vont aller à la CECM pour un an, ils vont revenir à la commission scolaire de l'est. Ils n'auront siégé à aucun onseil provisoire. Ils vont regarder passer le train des deux bords et ils n'auront rien eu à voir dans les décisions. Et, d'autre part, il y a le partage du personnel, il y a le partage des immeubles, il y a toutes ces choses-là. C'est pour ça qu'on dit: L'idéal, c'est d'attendre que l'amendement constitutionnel soit vraiment adopté. Après ça, le moins pire, c'est la superposition.

(16 h 50)

Mme Marois: C'est parce qu'il y a peut-être une chose, dans le fond, qui mérite... Excusez-moi, nous sommes un peu, je pense, tout le monde, fatigués, on cherche ses mots à l'occasion. Mais il y a peut-être une chose sur laquelle il est bon de revenir. La façon dont nous voyons – et la loi, je crois, est assez explicite sur cette question – les comités provisoires, c'est vraiment que les comités provisoires voient à préparer les règles qui vont permettre de procéder éventuellement. Mais le «procéder éventuellement» devrait se faire normalement plutôt dans la deuxième partie de l'année scolaire ou dans la première partie de l'année calendrier, soit en 1998, au moment où on va avoir connu justement l'inscription des enfants, leur nombre, etc., et qu'à ce moment-là on pourra... Remarquez qu'on peut faire des études et projeter, on connaît déjà les enfants et leur nombre par commission scolaire, mais l'opérationnalisation, comme telle, ne se fera qu'après janvier 1998.

En 1997, c'est plutôt, la façon dont, enfin, moi, j'ai prévu la loi... de la façon dont on l'a rédigée, c'est plutôt qu'il y ait une préparation, et là, à ce moment-là, rien ne nous empêcherait de nommer évidemment des personnes qui viennent des territoires concernés et qui sont dans les commissions scolaires confessionnelles, si le régime provisoire doit s'appliquer, mais prenant pour acquis que nous espérons ne pas l'appliquer, parce que je suis d'accord avec vous que ce serait mieux de ne pas l'appliquer.

À ce moment-là, on pourrait quand même constituer les comités provisoires en s'inspirant du fait que la loi s'appliquerait, et, si ce n'était pas le cas, bien, il est toujours temps de se reposer la question en janvier. Le travail fait ne sera pas inutile de toute façon.

M. Mongeau (Jacques): C'est une façon et vous dites: C'est comme ça que j'envisage ça dans la loi. Je veux bien, quoique ce ne soit pas si explicite que ça, peut-être, dans la loi, mais, en pratique, un conseil provisoire, il faut quand même qu'il prenne des décisions pour la commission scolaire qui va s'établir. Et ces décisions-là, s'il attend juste les derniers quatre mois ou cinq mois pour les prendre, ils vont comme avoir des problèmes parce que dès le départ il faut quand même se choisir un directeur général ou une directrice générale.

Il faut regarder le plan de répartition des personnels. Il faut regarder le plan de répartition des immeubles. Il faut regarder la gestion financière. Il faut tout regarder. Si vous dites que tout ça va se faire à l'intérieur des quatre ou cinq derniers mois du conseil provisoire, bien, les quatre, cinq premiers mois, je ne sais pas ce qu'ils vont faire, les gens.

Vous savez, moi, j'ai siégé déjà sur un conseil provisoire. Je suis assez vieux pour ça, madame. En 1973, lorsqu'il y a eu une restructuration sur l'île de Montréal – beaucoup plus petite, j'en conviens, mais quand même – à ma commission scolaire, Baldwin-Cartier, où nous nous fusionnions avec l'Île-Bizard, avec Dorval, avec Sainte-Anne-de-Bellevue, avec une partie de la commission scolaire Sainte-Croix sur le territoire de Pierrefonds-Est, on a formé un conseil provisoire. J'ai siégé sur un conseil provisoire. Et, même si petite fût-elle, cette restructuration scolaire là, du moins pour l'ouest, je vous assure qu'on a siégé pendant un an et qu'on a eu de l'ouvrage pendant un an, hein. Il ne fallait pas attendre les quatre, cinq derniers mois pour décider des choses.

Alors, c'est pour ça que je dis: À un moment donné, quand les gens vont arriver sur le conseil provisoire et qu'ils n'y étaient pas, ils vont dire: Écoutez, nous, on a un mot à dire dans tout ça. Vous avez d'ailleurs toute la partie personnel, immeuble et tout ça, des morceaux qui vont s'en venir de la commission scolaire linguistique, qui vont rester avec la commission scolaire confessionnelle, mettons pour un minimum d'un an. Il y a tout ça, aussi. C'est pour ça qu'on trouve que ça va faire très, très compliqué, hein! Et celle du centre est complètement immobilisée. Il faut savoir ça.

Mme Marois: Une autre hypothèse.

Le Président (M. Gaulin): Encore une minute.

Mme Marois: Oui, une dernière question sur cet aspect, vraiment une hypothèse qui n'a pas été fouillée plus que cela, que j'ai proposée ce matin pour fins de commentaires à un groupe qui s'est présenté.

On sait que la contrainte constitutionnelle se pose sur le territoire de la ville de Montréal. Imaginons, à partir de l'hypothèse du trois territoires qui est devant nous, que plutôt que d'en faire trois on fait deux francophones – parlons des deux commissions scolaires francophones – alors on dit: Parfait, c'est le territoire de la ville de Montréal qui sera le découpage par rapport à la séparation entre l'est et l'ouest, alors la ville de Montréal. Et donc à ce moment-là on procède sur le territoire de l'ouest, qui devient la nouvelle commission scolaire francophone, et, pour la partie est, on fait statu quo tant que l'amendement constitutionnel n'est pas accordé. Remarquez que c'est une hypothèse, je ne veux pas qu'on parte en disant: C'est ce qui va se passer. C'est ce matin, à la discussion avec d'autres groupes, que j'ai soulevé cette question.

M. Mongeau (Jacques): C'est-à-dire que là, si je comprends bien, vous n'offrez rien dans le fond qu'une seule commission scolaire linguistique pour l'instant sur l'île de Montréal, ça serait la commission scolaire francophone.

Mme Marois: Oui, de l'ouest.

M. Mongeau (Jacques): De l'ouest.

Mme Marois: Ou anglophone. Ça pourrait être anglophone aussi.

M. Mongeau (Jacques): Mais anglophone, vous allez avoir des problèmes aussi, là, je pense. Parce que là vous frappez la CEPGM dans l'ouest, là, et, comme je disais tantôt, ça crée le même type de problème que pour la commission scolaire de l'est à ce moment-là. Ça fait que, là, ça fait...

Mme Marois: C'est-à-dire que la CEPGM n'a pas en soi le droit constitutionnel, c'est la CEPGM couvrant le territoire de la ville de Montréal.

M. Mongeau (Jacques): Oui, oui, je comprends, mais les élèves, ils sont...

Mme Marois: Non, mais, si, évidemment, on retenait définitivement une carte puis on disait: C'est celle-là qui, au lendemain d'un amendement, continuera de s'appliquer. Donc, la partie qui peut déjà maintenant fonctionner, procédons.

Le Président (M. Gaulin): Vous avez des réactions, oui, Mme Ranger.

Mme Marois: Je pense que ça suscite des réactions.

Le Président (M. Gaulin): Allez-y, Mme Ranger, je vous en prie.

Mme Ranger (Nicole): M. le Président, c'est que, si on découpe, mettons, de l'est à l'ouest – puis normalement, quand on parle de Montréal de l'est à l'ouest, on parle de la rue Saint-Laurent: à l'ouest de Saint-Laurent puis à l'est – quand on fait ça, d'une part, on touche déjà le territoire de la ville de Montréal, donc on ne peut pas bouger tout de suite pour faire une des deux commissions scolaires. Si maintenant on fait une hypothèse puis on prend seulement les quatre commissions scolaires de l'ouest, on enlève tout ce qui a été découpé de Cartierville, tout ce coin-là, là, qui se trouve être ville de Montréal puis qu'on embarque seulement ce qui est Côte-Saint-Luc et qui se trouve à être ensuite Hampstead et le reste, les autres municipalités qui ne sont pas retenues, mais on ne peut pas... Quand vous faites cette partie-là, c'est que vous laissez tout l'est complètement jusqu'à Jérôme-Le Royer, là. Eux, ils ne bougent pas. Parce que, s'ils bougent...

Mme Marois: Non, c'est ça, c'est exactement ça, ils ne bougeraient pas.

Mme Ranger (Nicole): ...donc, vous faites un statu quo de moitié ou un statu quo du tiers ou du quart, dépendamment de quelle est la grosseur que vous voulez faire de celle de l'ouest. C'est ça que vous voulez dire à ce moment-là?

Mme Marois: C'est ça.

Le Président (M. Gaulin): Alors, j'invite peut-être le porte-parole officiel à faciliter la poursuite de l'échange dans le sens où il le veut.

M. Ouimet: Merci, M. le Président. Bienvenue à Me Mongeau et aux personnes qui l'accompagnent. Il faut se poser la question – je suis content de l'éclairage que vous apportez là: Quels intérêts sert-on par ce régime provisoire là? Complet ou à moitié, avec toutes sortes de nouvelles simulations qu'on tente de trouver, on sert les intérêts de qui? Il faut se poser cette question-là. Tous les partenaires qui se sont présentés et qui se sont prononcé sur les régimes provisoires, les partenaires politiques du gouvernement et les partenaires scolaires, ont dit: Ça n'a pas de bon sens de tenir en otage les élèves, les parents, les intervenants scolaires de cette façon-là. On sert quels intérêts? Et je répète les remarques préliminaires de la ministre de l'Éducation, 20 mai 1997, textuellement: «Étant donné les conséquences importantes que peuvent avoir de tels changements, il apparaît évident à toutes et à tous qu'il n'était pas question d'envisager de faire vivre aux parents et aux élèves deux réformes de structure coup sur coup à un ou deux ans d'intervalle.» Pourtant le régime provisoire, c'est carrément ça.

Le président du Conseil scolaire de l'île nous parle des problèmes vus du conseil provisoire, les personnels, les effectifs. Il faut avoir été sur le terrain pour savoir c'est quoi, l'organisation d'une année scolaire. Ça ne se fait pas en trois mois ou en quatre mois, surtout lorsqu'on change et on bouleverse l'ensemble des structures. Et on n'a pas parlé des élèves. Les élèves qui doivent s'inscrire dans des écoles qui relèveront dorénavant d'une autre commission scolaire. Depuis deux jours, on entend des groupes qui parlent du déracinement des élèves de leur milieu, des projets éducatifs d'écoles qui seront brisés. Il faut tenir compte de ça.

(17 heures)

Moi, je repose la question: Quels intérêts sert-on par un régime provisoire? On a bien compris, là, les partenaires nous l'ont dit ce matin, c'était de la stratégie pour forcer la main au gouvernement fédéral. Moi, je veux bien. La preuve a été faite. Maintenant que la preuve a été faite, on ne peut pas tenir en otage les élèves, les parents et les intervenants scolaires. Il va falloir arrêter de tenter de trouver des nouvelles simulations pour voir si on peut amoindrir les effets désastreux du régime provisoire.

La question qu'on devrait se poser, c'est: À quel moment est-ce qu'on annonce qu'il n'y aura pas de régime provisoire? Et à quel moment est-ce qu'on annonce qu'on retient la recommandation fortement majoritaire – pour ne pas dire unanime – de tous les groupes qui se sont prononcés sur la problématique du régime transitoire de donner le signal le plus rapidement possible: Arrêtez de vous casser la tête, il n'y en aura pas? On va attendre la modification constitutionnelle, nous allons tous faire pression sur Ottawa, nous allons l'obtenir le plus rapidement possible. Dès que nous l'obtiendrons, à ce moment-là, nous les implanterons, les commissions scolaires linguistiques, sur le territoire de l'île de Montréal et sur le territoire de la région métropolitaine de Québec.

Ceci étant dit, la question du droit de vote. Excusez! C'était un commentaire, là, mais, vous savez, ça fait...

M. Mongeau (Jacques): Je pense, en fait, que vous ne faites que répéter notre recommandation première. Mais j'aimerais peut-être dire... Et, moi, je ne vois pas pourquoi... Parce que, tantôt, Mme la ministre a posé une question et je n'ai pas pu y répondre, jusqu'à un certain point, mais...

Le Président (M. Gaulin): Allez-y.

M. Mongeau (Jacques): Pourquoi ne pas faire juste une commission scolaire francophone et anglophone dans l'ouest puis attendre pour les autres? Écoutez, l'île de Montréal, c'est quand même une région, là. C'est un tout, cette affaire-là, et, à un moment donné, on a une carte qui s'en va à telle place, qui peut aller à telle autre place, qui peut... Bon, je pense qu'on ne doit pas figer dans le béton une partie puis attendre pour, l'autre partie, voir ce qu'on va faire. Je pense que ça, les commissaires de l'île de Montréal, ils ne seraient pas très heureux de ça parce que ça pourrait avoir d'autres types de répercussions que je ne peux peut-être pas citer, là, parce que je l'entends pour la première fois, celle-là. Mais, quand même, je trouve ça curieux qu'on irait par morceaux.

Oui, monsieur... Je m'excuse, M. le Président, M. Ouimet voulait me poser une question.

Le Président (M. Gaulin): Ça va. M. le député de Marquette.

M. Ouimet: La question du droit de vote, vous l'évoquez à la page 6 de votre mémoire, et c'était le paragraphe que vous n'avez malheureusement pas eu la chance de lire. Mais je reprends ce qui est écrit. Il souhaite donc qu'avant d'arrêter un choix définitif sur un mécanisme qui permette d'identifier les électeurs rattachés aux commissions scolaires anglophones le gouvernement s'assure auprès des groupes visés qu'aucun des droits des électeurs ne sera brimé et que le mécanisme demeurera souple, facilement compréhensible et qu'il comportera une définition la plus large et la plus généreuse possible de la communauté anglophone. Pourriez-vous me dire...

M. Mongeau (Jacques): Écoutez, c'est...

M. Ouimet: Il y a un gros débat avec la communauté anglophone par rapport à la question de la restriction du droit de vote. La position du Conseil scolaire, c'est ce que j'essaie de déterminer.

M. Mongeau (Jacques): C'est le paragraphe que vous venez de lire parce que c'est dans le sens suivant. D'abord, quand je disais, au départ, que, évidemment, le délai était très court pour la commission parlementaire face au projet de loi, ça, c'est un des dossiers qu'on n'a pas pu creuser parce qu'on voit d'ailleurs que ce n'est pas si facile que ça, là. Alors, on n'a pas eu le temps. Sauf que, nous, ce qu'on dit... Bien, on dit ceci: On voit qu'il semblerait y avoir un problème quand on entend ce que la communauté anglophone, en général, dit. Alors, on dit tout simplement à l'État: Écoutez, discutez avec eux et essayez de voir exactement. Puis, nous, ce qu'on souhaiterait le plus, c'est que finalement, au bout de la ligne, la définition qu'on donnera de la communauté anglophone soit la plus large et la plus généreuse possible. C'est ça, dans le fond, pour que personne, finalement, ne soit réellement brimé dans son droit de vote à un moment donné. On ne pouvait pas aller plus loin que ça, pour l'instant, là-dessus.

M. Ouimet: Non, parfait, je pense que ça va. C'est assez clair et ça va suffisamment loin. Moi, pour l'instant, M. le Président, ça répond aux deux objections de fond par rapport au projet de loi n° 109. Et je l'ai dit dès le lendemain du dépôt du projet de loi n° 109 qu'il y avait des problèmes importants. Et il ne faudrait pas faire en sorte non plus que, dans les mécanismes du projet de loi n° 109, ça puisse ouvrir la porte à briser le consensus qui existe au Québec par rapport à la nécessité d'implanter des commissions scolaires linguistiques, qu'on raterait l'objectif fondamental pour lequel plusieurs intervenants se battent depuis plusieurs décennies, dont le président du Conseil scolaire de l'île. Il ne faut pas trébucher sur ces détails-là, et, on le voit, ça ne sert pas les intérêts des parents, des élèves, des intervenants ou de la communauté anglophone. Abandonnons ces deux éléments, ces deux pommes de discorde importantes là.

Le Président (M. Gaulin): Alors, c'était votre conclusion?

M. Ouimet: Voilà. Et je remercie le président du Conseil scolaire de l'île et les membres qui l'accompagnent de l'éclairage qu'ils fournissent à la commission.

Le Président (M. Gaulin): Merci, M. le député de Marquette. Mme la ministre.

Mme Marois: Alors, M. le Président, en conclusion, il y a juste une chose qu'il ne faut surtout pas faire, c'est se mettre la tête dans le sable en se disant que c'est tellement complexe, ce régime provisoire, qu'on ne peut même pas penser à l'implanter. Le problème, là, c'est que, si nous n'avons pas d'amendement constitutionnel et que nous voulons avoir des commissions scolaires linguistiques, c'est ce que nous ferons. Et c'est ça, la réalité à laquelle on est réellement confronté. On peut se raconter des histoires. On peut se dire qu'on aimerait que ça soit autre chose, mais l'amendement constitutionnel ne venant pas, c'est cela que l'on appliquerait, si nous voulons des commissions scolaires linguistiques en respectant la Constitution, n'est-ce pas? C'est juste ça qu'il faut aussi savoir. Et ça nous amène, évidemment, à bien le délimiter puis à bien signifier ce qu'il a comme impact et comme effet. Merci beaucoup pour votre présentation.

Le Président (M. Gaulin): Alors, merci, M. le président Mongeau et merci au Conseil scolaire de l'île de Montréal. J'invite les membres de la Commission des écoles catholiques de Montréal et son président, M. Pallascio, à s'approcher de la table. Je crois qu'ils sont nombreux. Alors, M. le président Pallascio, vous avez une nombreuse délégation. Je vous invite, peut-être, à nous présenter ceux qui vous accompagnent.


Commission des écoles catholiques de Montréal (CECM)

M. Pallascio (Michel): Alors, je vous remercie. J'espère que ça ne comptera pas dans le 10 minutes qui nous est alloué. Comme vous le mentionniez, nous avons une délégation assez importante, parce que je pense que le sujet est très important, en ce qui concerne la CECM. Alors, vous avez une représentation tant patronale que syndicale. Le gouvernement a réussi à nous réunir de nouveau, ce qui est déjà un deuxième élément important.

Alors, je voudrais présenter, d'abord, à ma gauche immédiate, M. Roger Dominguez, qui est un commissaire indépendant au Conseil des commissaires de la CECM; à sa gauche immédiate, M. Yvon Caty, qui est le président de l'Association des cadres de la CECM; M. Emery, à sa gauche, qui est le président de l'Association des directions d'école de Montréal; à ma droite immédiate, j'ai M. Ducharme, qui est président du syndicat des concierges. Je n'ai pas le nom, malheureusement, monsieur est représentant du syndicat de l'entretien physique de la CECM.

Je voudrais vous mentionner aussi, M. le Président, que nous avons l'autorisation de vous informer que la présidente, Mme Fortier, de l'Alliance des professeurs, que Mme Longtin, de l'Association du personnel de soutien administratif, qui représente pas loin de 10 000 employés, leur conseil d'administration a voté une résolution à l'unanimité endossant le mémoire de la CECM. Il y a aussi M. Thibault, qui n'est pas présent, qui est le président de l'Association des cadres scolaires du Québec, section Montréal, qui endosse aussi à l'unanimité le mémoire de la CECM. Et je voudrais signaler aussi la présence dans la salle de M. Gilles Hébert, directeur général adjoint aux sections administratives pour la CECM.

Je ne vous ferai pas la lecture du mémoire qui vous est présenté et qui a plus de 25 pages et que, j'imagine, tout le monde va prendre la peine de lire, malgré tout, mais je voudrais le résumer. D'abord, je vais reprendre certainement des éléments qui ont été présentés par d'autres groupes. Je voudrais parler de la situation provisoire ou temporaire qui est mise en place dans la loi entre l'adoption de la loi et la modification de l'article 93, éventuellement, par le gouvernement fédéral.

(17 h 10)

Nous sommes complètement en désaccord avec cette situation qui va, naturellement, apporter des modifications au territoire, même de façon temporaire, et le temporaire peut être un peu plus long, des modifications – comme plusieurs groupes l'ont mentionné, et celui qui nous précédait, M. Mongeau – des changements de territoires, entre autres, pour Montréal-Nord et Pointe-aux-Trembles. On parle de plus de 10 000 élèves avec leurs parents et le personnel qui vont se retrouver en moins d'un an, possiblement, dans trois et non pas deux transformations, parce qu'actuellement on parle de la CECM, situation temporaire où on parle de la ville de Montréal, et revenir éventuellement à une commission scolaire linguistique, et ça peut être dans une période minimum d'un an.

On a mentionné aussi toute la question des comités provisoires qui ne seraient pas mis en place en ce qui concerne les territoires de la ville de Montréal. Nous aussi, nous endossons ce qui a été présenté par le Conseil scolaire de l'île, à savoir que nous ne serons pas sur ces comités provisoires là. Et les remarques qui ont été faites, je pense, sont tout à fait pertinentes, à savoir que, dès le commencement de l'implantation, des décisions vont se prendre et, je le répète, la nomination du directeur général, l'implantation des ressources, la préparation de l'année scolaire. Alors, inévitablement, il va y avoir des décisions sur lesquelles les représentants, entre autres, du territoire de Montréal n'auront pas été partie.

Vous avez aussi, naturellement, la nomination même de ces membres des comités provisoires qui, contrairement à toutes les autres commissions scolaires, où ce sont les commissions scolaires actuelles qui nomment les représentants, dans le cas présent ce serait le gouvernement qui nommerait les représentants. Alors, je ne sais pas si on peut appeler ça un statut particulier; c'est un statut particulier dont on pourrait se passer. En tout cas, nous aimerions avoir exactement les mêmes droits et, naturellement aussi, par la même occasion, les mêmes obligations que les autres commissions scolaires.

Pour nous, c'est sûr que cette situation va entraîner une... Elle entraîne actuellement... Même l'annonce du projet de loi, la présentation amène une insécurité énorme parmi le personnel, même parmi les parents, sur la situation qui va se vivre à Montréal dans les prochains mois. Alors, nous tenons à vous sensibiliser à cet élément très important.

Mais l'élément le plus important aussi, en ce qui nous concerne, c'est le chambardement des territoires, et surtout la division du territoire de la CECM en trois, ou le territoire de la ville de Montréal, au niveau scolaire, en trois. Ça va être la seule ville du Québec dont le territoire de la commission scolaire francophone ne respectera pas les délimitations, et on va plus loin, ne respectera pas les délimitations des arrondissements de quartiers, dans bien des cas. Il y en a au moins cinq, cas, où les arrondissements ne seront pas respectés: Villeray–Parc-Extension, Saint-Henri–Côte-Saint-Paul, Rosemont-Hochelaga, Saint-Michel, Ahuntsic-Cartierville. Ça a une importance primordiale, parce qu'on sait que les conseils d'établissements s'en viennent. Ces modifications à la loi ont pour principe d'amener une synergie de toutes les ressources communautaires dans le milieu scolaire. Alors, si on commence par une carte qui divise les arrondissements, qui sont déjà la source, le noyau communautaire, alors, déjà en partant, on part avec un problème majeur.

Je voudrais en souligner deux: à Ahuntsic-Cartierville, entre autres, les impacts que ça peut avoir; c'est un quartier que je représente. Mon collègue, ici, à ma gauche, M. Dominguez, représente le quartier Parc-Extension–Villeray. Je pense que c'est des exemples typiques de distorsions que l'on va vivre. Ce sont deux quartiers, entre autres, très allophones, et actuellement, quand on parle de l'arrondissement Ahuntsic-Cartierville, cet arrondissement-là permet au milieu scolaire d'avoir une synergie entre un secteur francophone et un secteur allophone, avec toute l'importance au niveau de l'intégration.

De même, pour Villeray–Parc-Extension. Écoutez, vous donner un exemple de Parc-Extension: c'est un quartier à 100 %, ou presque à 100 %, allophone que l'on retire de la CECM pour le diriger vers le secteur francophone du West Island. L'ouest de Parc-Extension, c'est la clôture de ville Mont-Royal. Je ne pense pas que ce soient des spécialistes de l'intégration, dans ce milieu-là, au niveau francophone. Et c'est tout l'impact que ça a, alors qu'actuellement il y a un arrondissement, il y a une synergie entre les différentes écoles. Les classes d'accueil de ces quartiers-là sont dirigées vers le secteur francophone de Villeray; au niveau secondaire, ils vont dans le secteur francophone Lucien-Pagé du quartier Villeray. C'est pour vous montrer toute l'importance du respect de la réalité montréalaise que l'on est en train de triturer et de changer.

Je vous ramène à notre mémoire, aux pages 25 et 26. Je pense que c'est important de vous le signaler pour la distorsion, aussi, au niveau de la commission scolaire du centre. Vous avez la liste des écoles reconnues par le ministère, des écoles de milieux défavorisés. Vous voyez la distorsion énorme qui est apportée, et ce ne sont pas simplement les écoles de la CECM, ce sont toutes les écoles des commissions scolaires de l'île de Montréal défavorisées: CECM, CEPGM francophone, Sainte-Croix et Verdun. Alors, à l'ouest, 15, à l'est, 16, et pour le centre, on va jusqu'à 49, soit trois fois plus que dans les deux autres commissions scolaires. Nous allons nous retrouver avec une commission scolaire au centre pour milieux défavorisés uniquement ou à peu près. C'est une distorsion importante.

Dans la commission scolaire de l'est, ce sera une commission scolaire presque... et à très, très forte majorité francophone qui va se retrouver à l'est. Nous aussi, on se pose la question sur l'objectif d'apporter une telle transformation. La seule raison qu'on voit, c'est des chiffres mathématiques. On se retrouve avec trois commissions scolaires avec un nombre égal. Mais, à part de ça, ça ne tient absolument aucun compte de la réalité de la ville de Montréal, du territoire de la CECM. La CECM, effectivement, elle est grosse, mais elle a augmenté son volume au rythme de Montréal. Elle fait partie de Montréal. La très, très grande majorité de son territoire est reliée à Montréal, à l'exception de Pointe-aux-Trembles, et nous avons quelques secteurs supplémentaires, soit Montréal-Nord et Westmount tout particulièrement et quelques villes de l'ouest.

Notre proposition, je pense, permettrait au gouvernement d'atteindre son objectif. Et je vous réfère à la deuxième carte qui est à la droite. C'est-à-dire, ce que nous proposons, c'est deux commissions scolaires francophones et deux commissions scolaires anglophones. Au niveau anglophone, il n'y a pas de problème, ça respecte le territoire de la ville de Montréal, ça respecte le territoire de la CECM. Ce que nous demandons, effectivement, c'est qu'on accorde aux francophones la même chose qu'aux anglophones, de respecter le territoire de la ville de Montréal, de respecter cette réalité montréalaise et le territoire de la CECM.

Je pense que nous sommes en train, aussi... On respecte l'ouest, on permet la fusion de quatre commissions scolaires dans l'ouest. On vous demande de nous permettre, dans l'est, la fusion de deux commissions scolaires, ce qui simplifierait de beaucoup tout le processus de transformation des commissions scolaires linguistiques éventuelles, permettrait de respecter les territoires actuels de la ville de Montréal, permettrait même – et je le souligne très fortement – l'implantation immédiate de ce territoire, qui respecterait tant, dans un premier temps, le problème confessionnel dit temporaire et le problème de la linguistique lors de son implantation. Ça permettrait aussi immédiatement aux commissions scolaires de l'ouest de procéder à leur implantation en commissions scolaires linguistiques, et, quand viendrait le temps, le territoire étant respecté permettrait à l'est de l'île de procéder à cette implantation en toute sécurité.

Le Président (M. Gaulin): En conclusion, M. Pallascio.

M. Pallascio (Michel): Oui, très rapidement. Je voudrais vous résumer que cette proposition ne respecte pas ce qui se fait à l'intérieur de la commission scolaire, ne respecte pas l'expertise de notre personnel, qui a fait, quand même... Au niveau de l'intégration, vous avez un rapport de démographes que la très grande majorité de nos élèves allophones se dirigent vers le cégep francophone. J'étais à une réunion de la Société Saint-Jean-Baptiste, cette semaine, où on remettait des prix aux élèves qui ont eu 100 % en histoire, l'examen d'histoire du ministère, de La Dauversière. C'étaient des Grecs qui étaient là, des élèves grecs dont un a témoigné qu'il venait d'une classe d'accueil. Il a passé par une classe d'accueil, il parlait très bien français, 100 % en histoire du Québec.

Ce que je veux vous souligner, c'est toute cette expertise que l'on va disperser. Et il est absolument important que notre personnel puisse continuer à travailler en symbiose, puisse continuer à travailler ensemble pour donner cette efficacité qui a permis, au niveau de Montréal, de répondre aux besoins montréalais, tant dans le milieu de la défavorisation que dans le milieu de l'intégration. Excusez-moi de la rapidité de la présentation.

Le Président (M. Gaulin): M. le président Pallascio, je vous remercie beaucoup. Mme la ministre.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Je vais souhaiter la bienvenue à nos hôtes. Alors, je suis heureuse de constater qu'il y a, réunis devant nous, autant des gens de la commission scolaire que de son personnel. Est-ce que cela signifie aussi, de la part et du personnel et de la commission scolaire, un appui au fond du projet de loi qui est devant nous, soit l'implantation de commissions scolaires sur une base linguistique? Parce que, évidemment, avant de parler des territoires, le projet de loi, c'est, d'abord et avant tout, l'implantation de commissions scolaires linguistiques.

M. Pallascio (Michel): Écoutez, d'abord et avant tout, je suis ici comme président de la CECM. Je pense que notre groupe politique a eu l'occasion de faire des représentations et je pense qu'ils terminaient leur représentation très bien en vous disant que nous allons respecter la loi. Et ce qui est présentement demandé... À titre de président de la CECM, président représentant autant notre clientèle que les employés, je pense que, ce soir, ce qui est important, c'est de s'assurer que la CECM, comme institution, soit respectée et non pas la caractéristique qu'elle aura.

(17 h 20)

De ce côté-là, effectivement, Mme la ministre, ce que nous proposons devrait rencontrer les objectifs de tout le monde, puisqu'il y a une démarche qui se fait présentement par le gouvernement du Québec auprès du gouvernement fédéral, je pense, qui va entraîner des conséquences sur le territoire montréalais. Et ce que nous proposons, je crois, quoi qu'il arrive, permet à chacun de retrouver ses objectifs, à savoir permettre de maintenir un territoire, vous permettre aussi, même, d'implanter immédiatement les commissions scolaires linguistiques sur à peu près tout le territoire. Et, lorsque la modification à 93 sera entérinée, à ce moment-là, ce sera très facile, dans le respect de la clientèle et de notre personnel, de l'implanter même sur le territoire de la ville de Montréal.

Mme Marois: Vous ne répondez pas complètement à la question, mais je comprends ce que...

M. Pallascio (Michel): Nous allons respecter. Ha, ha, ha!

Mme Marois: ...vous dites, cependant. Écoutez, je vais vous dire. J'ai posé la question, d'ailleurs, tout à l'heure, au président du Conseil scolaire de l'île, dans le sens, justement, où je mentionnais que, si nous modifiions le découpage territorial pour retenir, par exemple, deux commissions scolaires sur l'île de Montréal, en respectant aussi le territoire de la ville, nous pourrions procéder plus rapidement à l'implantation de commissions scolaires linguistiques dans l'ouest de l'île, pour toute la partie, là, que vous avez identifiée en rouge sur la carte, et une des hypothèses aurait pu être, dans cette perspective-là, de suspendre pour la partie en bleu. Alors, évidemment, on aurait un régime à deux vitesses sur l'île de Montréal, mais étant entendu que le régime provisoire reste complexe. Et, espérant que l'amendement constitutionnel s'applique, évidemment, on ne se retrouverait pas avec le régime provisoire. Bon, on l'a toujours dit, qu'on ne le souhaitait pas.

Je ne suis pas insensible à ce que vous défendez, parce que, évidemment, je suis consciente aussi que, en faisant trois commissions scolaires sur l'île de Montréal, c'est intéressant en termes d'équilibre. Malgré ce qu'on peut en dire, là, le fait de découper la ville de Montréal et certains de ses quartiers, je pense que, dans ce cas-ci, ça respecte quand même, je dirais, le milieu d'appartenance immédiat.

Mais, cela étant, je suis aussi sensible au fait qu'on puisse recouvrir une certaine entité qu'est la ville de Montréal et respecter ses limites. Ça a aussi ses avantages, quitte à ce qu'il y ait, bon, je dirais, certaines préoccupations ou, je dirais, un certain regard plus fin qui soit porté sur les quartiers qui se sentent peut-être un petit peu moins associés à l'une ou l'autre des parties de la ville. Mais enfin, peu importe, à ce moment-là ce sera à la nouvelle commission scolaire de voir à s'assurer que les gens développent l'appartenance à la commission scolaire, et surtout à l'école de leur quartier, parce que, avec la nouvelle responsabilité que nous voulons confier aux écoles de quartier, évidemment, ça modifie assez sérieusement les rôles des commissions scolaires. C'est là qu'on constate, en même temps...

Alors donc, vous savez qu'on est en consultation, de toute façon, sur cette question des territoires. Le secrétaire régional de Montréal, actuellement, consulte. Le Conseil scolaire avait consulté. Vous nous redonnez un point de vue par rapport à l'hypothèse que j'ai déposée, mais qui n'est, évidemment, bien sûr, qu'une hypothèse. C'est une hypothèse que je trouve intéressante, mais ça reste une hypothèse tant qu'on n'en décide pas autrement.

Un des problèmes qu'on vit sur l'île, là – je pense que ce n'est pas à vous que je vais apprendre ça – c'est ce morcellement entre la ville du centre et la ville de l'est, avec une enclave à Westmount, puis, évidemment, Pointe-aux-Trembles séparée complètement, physiquement, là, géographiquement de Montréal. Alors, évidemment, quand vous proposez ça, ça vient résoudre un petit peu ce problème-là pour ce qui est, en tout cas, des fins scolaires. Alors, moi, je pense que c'est une hypothèse qui est aussi valable qu'une autre et qui mérite sûrement d'être analysée et regardé. Et je suis prête à le faire dans ce sens-là, comme j'attendrai la fin des consultations, de toute façon, pour évaluer ce que ça pourrait signifier, d'autre part.

Il y a une chose avec laquelle vous allez me permettre de ne pas être en accord, cependant, à la page 5 de votre document, quand vous dites qu'en dirigeant les francophones vers l'ouest de l'île on prend le risque de voir s'angliciser autant d'élèves. Mais n'oublions pas que la nouvelle loi nous amènerait à implanter quand même des commissions scolaires linguistiques dans l'ouest comme dans l'est, et le problème de l'anglicisation dans le cas des allophones, c'est lorsqu'ils s'inscrivent dans une commission scolaire dont la culture est anglophone et dont les modes de fonctionnement sont imprégnés de la culture anglophone. Je ne dis pas que c'est bon ou mauvais, mais, comme l'objectif que nous avons à l'égard de l'intégration des nouveaux Québécois, c'est de faire en sorte qu'ils s'intègrent bien sûr à la majorité de parlants français, bien on passe à côté un peu de cet objectif-là. C'est d'ailleurs une des perspectives que l'on a pour ne pas dire la première perspective en implantant des commissions scolaires linguistiques.

Une seule question parce que je pense que vous avez fait la démonstration.

Le Président (M. Gaulin): ...Mme la ministre.

Mme Marois: Oui, je le sais qu'on dépasse un peu le temps. Une seule question: Vous n'avez pas parlé de la question du droit de vote. Est-ce que vous en avez débattu? Est-ce qu'il en a été question au sein de votre conseil?

M. Pallascio (Michel): C'est que le délai a été trop court. Dans le moment, je ne pourrais pas vous répondre. Je ne suis pas mandaté pour répondre parce que la question est beaucoup trop complexe. Vous savez que nous avons un secteur anglophone et francophone avec toutes les divergences que ça peut, un tel sujet... Ça ne veut pas dire qu'ultérieurement on ne pourra pas se prononcer, mais aujourd'hui je ne pourrais pas vous répondre au nom de la Commission.

Mme Marois: Une commission scolaire sur l'île?

M. Pallascio (Michel): Écoutez, c'est parce qu'on dépasse dans le nombre. Moi, je veux me prononcer pour la CECM et la ville de Montréal, enfin territoire montréalais. Je ne veux pas aller au-delà de ça. C'est la présentation que l'on a devant vous. Ce que je voulais vous mentionner, c'est que, quand vous voyez tous les intervenants scolaires autour de cette table, vous devez comprendre que notre proposition vous apporterait, je pense, un certain appui, une certaine facilité dans l'implantation des commissions scolaires linguistiques parce qu'elle enlèverait un problème qui est le problème du provisoire et permettrait justement de répondre à une...

Mme Marois: Pourquoi enlèverait-elle le problème du provisoire?

M. Pallascio (Michel): Bien, écoutez, le provisoire, il va y en avoir un, provisoire.

Mme Marois: On ne ferait pas une commission des écoles catholiques de Montréal sur tout l'est de l'île.

M. Pallascio (Michel): Ça vous permettrait d'implanter l'ouest immédiatement, de suspendre, c'est sûr, pour l'est présentement, mais ça éviterait tous les déchirements au niveau de tout le reste. Moi, je voudrais parler de la culture d'une institution. Vous savez, quand on parlait de Parc-Extension tantôt, ce n'est pas juste le personnel de ce quartier-là qui s'occupe de l'intégration, c'est un ensemble, une symbiose, une synergie de nos ressources pour développer des programmes, des comportements pour en arriver quand même à de très bons résultats dans la réception des allophones. Je regarde ce que la CECM a réussi à faire, et notre indice le meilleur, c'est la proportion d'allophones qui va au cégep francophone qui est en constante augmentation. Alors, c'est cette expertise-là qu'on est en train de remettre en question. Je pense que, quand on parle d'une institution, c'est une institution vivante, la CECM, qui a grandi avec Montréal, qui a développé une expertise, et on tient à vous signaler toute son importance.

Le Président (M. Gaulin): M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Merci, M. le Président. Je souhaite la bienvenue à M. Pallascio et aux gens qui l'accompagnent, que j'ai eu le plaisir de côtoyer alors que j'étais président. Je n'ai malheureusement pas eu le même succès que le président actuel pour réunir aussi souvent tous les intervenants pour faire un front commun. Il faut dire aussi que je n'avais pas le même gouvernement face à moi. J'avais un gouvernement plus conciliant.

Mme Marois: C'est parce que vous n'aviez pas une bonne ministre pour faire ça.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ouimet: Je voudrais revenir sur la problématique du régime provisoire parce que vous avez parlé de l'insécurité que vivent les parents. Il faut avoir visité des écoles et avoir rencontré des comités d'école et des conseils d'orientation pour savoir à quel point l'inquiétude est assez grande. Les parents écoutent ce qui se passe, sentent ce qui se passe, surtout ceux qui militent au niveau des comités d'école. J'aimerais vous entendre là-dessus parce que c'est un signal qu'on doit donner, à mon point de vue, le plus rapidement possible non seulement au niveau des intervenants scolaires, mais des parents qui ont ces préoccupations-là.

J'aimerais vous entendre aussi sur les bouleversements que ça va apporter par rapport aux écoles. Ce matin, je pense que c'était devant la CEQ, j'évoquais la situation de la ville de Vanier par rapport à la ville de Québec, des parents qui résident sur le territoire de la ville de Vanier mais dont les enfants fréquentent les écoles situées sur le territoire de la ville de Québec. À Montréal, bien sûr, la même chose au niveau de Montréal-Nord, par exemple, qui est un territoire desservi par la CECM, même problématique au niveau des anglophones et au niveau des francophones. J'aimerais vous entendre là-dessus parce que je pense qu'il est important de saisir l'occasion de bien sensibiliser le gouvernement par rapport à l'impact.

(17 h 30)

M. Pallascio (Michel): Alors, M. le Président, la présence même des représentants syndicaux et patronaux, enfin des cadres et des directions d'école, j'ai mentionné tout à l'heure autant l'Alliance que les autres corps professionnels qui ne sont pas présents mais quand même appuient ça, vous démontre toute l'inquiétude de la situation. Au niveau des parents, il faut dire qu'ils ne sont pas très informés encore, mais là où ils le sont et dans plusieurs... l'information circule et tous ont la même préoccupation.

Mais, au-delà de ça, vous savez... Je vais juste vous donner un exemple de celui que je connais: Bordeaux, Cartierville, Ahuntsic. Vous savez, quand on dit qu'on ne respecte pas le milieu, il faut comprendre que le travail dans ces écoles se fait déjà en synergie. Les écoles ne travaillent pas individuellement. Ils se réunissent. Les directions d'écoles se rencontrent. Il y a un travail qui se fait. Exemple: tout à l'heure, on a mentionné les classes d'accueil, on essaie de les diriger vers le secteur francophone et non pas là où il y a beaucoup d'allophones.

Alors, il y a un travail d'équipe qui se fait, et tout ce travail-là, dans à peu près au moins six centres de la ville, est remis en question. Il y a toute cette culture de la boîte où le monde a l'habitude de travailler ensemble, de développer des programmes. Il y a toute cette incertitude qui règne, et, je dois vous dire, les représentants sont venus me rencontrer dans mon bureau encore cette semaine. Ils sont très, très, très inquiets de ce qui s'en vient sur le territoire montréalais, de ce charcutage de ce territoire de la CECM.

Alors, c'est pour ça que nous croyons que notre proposition permet d'éviter... et de rencontrer quand même les objectifs que le gouvernement a, entre autres l'implantation des commissions scolaires linguistigues, et aussi, dans le cadre du conseil d'établissement, de permettre à la synergie communautaire d'être respectée. Parce qu'il y a une réalité montréalaise et la CECM fait partie de cette réalité montréalaise.

M. Ouimet: Il y a également aussi toute la question de la CECM comme deuxième ministère de l'Éducation, qui n'a jamais plu au ministère de l'Éducation actuel, à savoir qu'il y a sur le territoire de la ville de Montréal une grande expertise par rapport aux questions scolaires. On sait que, avant la création du ministère de l'Éducation, avant les années soixante, le ministère de l'Éducation, dans les faits, c'était la Commission des écoles catholiques de Montréal.

Je ne veux pas me prononcer sur la carte, mais la question de la carte, on le voit bien, il y a un certain démembrement de la commission scolaire actuelle et la perte de l'expertise professionnelle que vous évoquez dans votre mémoire. Parce que ça aussi, ça fait partie de la réflexion, à savoir qu'il est bon d'avoir un contrepoids par rapport au ministère de l'Éducation et d'avoir une commission scolaire qui a une taille assez grande pour pouvoir, elle aussi, développer une certaine expertise et répondre davantage à la concentration, par exemple, des milieux défavorisés, qui sont situés majoritairement et massivement sur les territoires de la ville de Montréal.

M. Pallascio (Michel): Je ne reviendrai pas sur votre préambule. Je veux vous dire, le problème que l'on vit à Montréal, il est pareil, j'imagine, en Gaspésie... Il y a d'autres préoccupations en Gaspésie, et le problème de l'institution dans ce secteur-là va se poser aussi pour les problèmes qu'ils rencontrent, et il faut en tenir compte, j'imagine, des régions que je connais moins.

La CECM, elle est grosse. Montréal est une grosse ville aussi. Et ce que je veux dire, c'est qu'on ne doit pas regarder ça au niveau de la grosseur ou du nombre, mais de ce que ça représente. La CECM a grandi au rythme de Montréal. Alors, je veux dire, on est lié à ce milieu-là et à cette problématique-là. La problématique montréalaise, naturellement, c'est la défavorisation, les allophones. Et je pense que notre personnel, au fil des années, a développé une expertise, des programmes, des façons de répondre à ces préoccupations-là, qui ont été bénéfiques pour l'ensemble d'abord de Montréal mais aussi pour le reste des commissions scolaires.

Alors, on ne demande pas un statut particulier. En fait, on demande la même chose que les autres, à savoir d'être respectés dans notre milieu, dans notre territoire, tant au niveau francophone qu'anglophone, de bien reconnaître que cette institution-là, elle a aussi une culture, pour reprendre l'expression, et qu'elle tente de répondre aux besoins de cette clientèle-là. Et, si on commence à la triturer ou à la détruire, on ne pourra pas faire autrement que de diviser ses forces et ses ressources et de ne pas pouvoir justement répondre à ces besoins montréalais. Et je pense que Montréal a beaucoup de besoins et on tente d'y répondre du mieux possible.

M. Ouimet: Je fais un dernier commentaire. Vous pouvez l'interpréter comme étant une question, mais, dans le mémoire du regroupement scolaire confessionnel d'hier et dans votre présentation d'aujourd'hui, vous nous indiquez que par rapport à la modification constitutionnelle, vous allez vous soumettre à la loi.

M. Pallascio (Michel): Comme on a toujours fait.

M. Ouimet: Oui, comme vous avez toujours fait, oui, oui, vous n'aviez d'autres choix. Sauf qu'il y a eu des moments où vous avez contesté les projets de loi: projet de loi 3, projet de loi 40. Et j'y étais à ce moment-là.

M. Pallascio (Michel): Ça ne veut pas dire qu'on ne la respectait pas parce qu'on la contestait.

M. Ouimet: Ah! non, non.

M. Pallascio (Michel): Mais on a bien dit... Dans le moment, je voudrais juste rappeler que c'est une demande faite par un gouvernement légitime à un autre gouvernement légitime, présentement. Alors, je pense que ça – je le répète et on l'a déjà dit publiquement – c'est quelque chose, c'est une démarche que l'on doit respecter.

M. Ouimet: Oui, mais, ceci étant dit, cependant, le Mouvement scolaire confessionnel a également fait une présentation hier, et le Mouvement scolaire confessionnel, appuyé de l'APCQ – et ça, c'est une inquiétude à la fois pour l'opposition et pour le gouvernement – a indiqué son intention de contester devant les tribunaux le projet de loi n° 109 et la modification constitutionnelle par rapport au phénomène de la... est-ce qu'on peut faire ça de façon bilatérale? Et là c'est une préoccupation partagée par le gouvernement et l'opposition. Pensez-vous être en mesure de convaincre...

M. Pallascio (Michel): Je ne peux pas répondre pour le Mouvement scolaire confessionnel. Ça, c'est sûr et certain. Ce que je vous mentionne, et je pense que le regroupement dont je suis membre – et j'ai participé à l'élaboration du mémoire – est très clair là-dessus... J'ai des déclarations qui ont été faites sur ce point-là. D'ailleurs, je me demande quel intérêt, même légal, on pourrait avoir à le contester. Déjà, en partant, je me pose cette question-là. Mais là n'est pas le point, présentement, pour nous. Ce qui est important, c'est que ce qui va se faire respecte cette institution-là, quel que soit son caractère, parce qu'elle répond à des besoins montréalais. Alors, quelque forme qu'on lui donne, quelque caractère qu'on lui donne, on demande qu'elle respecte ce territoire.

M. Ouimet: Parfait. Merci.

Le Président (M. Gaulin): Je vous remercie. C'étaient vos remarques finales?

M. Ouimet: Alors, je veux remercier la CECM de sa grande expertise, de son éclairage par rapport à la problématique du régime provisoire, des conseils provisoires, de la non-représentativité. Par rapport à la carte, ça, je laisse ça à la ministre de l'Éducation, de trancher ça.

Le Président (M. Gaulin): Alors, en conclusion, Mme la ministre.

Mme Marois: Alors, ça me fera plaisir d'assumer mes responsabilités. Je vous remercie pour votre présentation.

Le Président (M. Gaulin): Alors, merci à la CECM, aux groupes qui ont fait coalition avec elle. Et, M. le président, merci. On vous a bousculé un peu. Vous avez un bon rythme cardiaque.

Alors, j'invite la Commission des écoles protestantes du Grand Montréal à se présenter à la table.

(Consultation)

Le Président (M. Paré): Bonjour. Bienvenue à la commission de l'éducation. Si vous voulez vous présenter, s'il vous plaît.


Commission des écoles protestantes du Grand Montréal (CEPGM)

M. George (Michael D.): Oui. Mon nom est Michael George. Je suis le directeur général de la Commission des écoles protestantes du Grand Montréal. Premièrement, j'aimerais vous remercier pour l'invitation.

Le Président (M. Paré): Est-ce que vous pouvez nous présenter vos...

M. George (Michael D.): Oui. J'aimerais vous présenter, à ma droite, M. Allan Butler, qui est le président de notre commission scolaire, et, à la droite de M. Butler, M. Charley Levy, qui est le directeur de notre service de renseignements. M. Butler commence notre présentation.

Le Président (M. Paré): Bienvenue M. Butler.

M. Butler (Allan H.): The Protestant Board of School Commissioners of the city of Montréal was incorporated in 1846 by an Act of Legislature of Upper and Lower Canada. In 1972, its name was changed to The Protestant School Board of Greater Montréal, the PSBGM. The PSBGM is the largest Protestant school board in Québec with approximately 32 800 students: 18 700 in the English sector and 14 100 in the French sector. The PSBGM is the second largest school board in the Province of Québec. Our community includes students of many ethnic, cultural and linguistic backgrounds and we have long demonstrated our commitment to meeting their educational needs and aspirations. Thirty-one of our 72 schools lie within the city of Montréal: 23 of 53 elementary schools and 8 of 19 secondary schools. These 31 schools therefore are protected as Protestant schools under the Constitution Act of 1867.

Following the decision of the Supreme Court of Canada, on the constitutionality of Bill 107 rendered June 17, 1993, the Board conducted an in-depth consultation on implementing linguistic school boards in accordance with the Supreme Court's ruling. The majority of our parents and schools responded positively in support of belonging to a linguistic school board.

Mr. Levy will now continue on our presentation.

(17 h 40)

M. Levy (Charley): Merci. Pour rester dans le cadre-horaire, je vais abréger un petit peu le texte que vous avez en main.

Alors, tout d'abord, se basant sur les résultats de sa consultation sur la mise en place des commissions scolaires linguistiques, la commission scolaire est fermement convaincue que le gouvernement devrait procéder à la mise en place des commissions scolaires linguistiques, conformément à la décision de la Cour suprême, au lieu de maintenir provisoirement des commissions scolaires confessionnelles sur l'île de Montréal. Par conséquent, sa première recommandation prie donc les membres de la commission de l'éducation de tenir compte, eux aussi, des résultats de la consultation de la commission et des points de vue de la communauté des parents.

Parmi les préoccupations, nous allons traiter en particulier de cinq, mais, moi, je mettrai mon commentaire à quatre d'entre elles. La première, c'est le transfert en deux étapes de l'effectif scolaire desservi par la CEPGM. Étant donné que la carte scolaire actuelle de la CEPGM n'est pas tracée selon des lignes communautaires, la proposition de transfert en deux étapes crée une situation chaotique pour l'effectif scolaire desservi par la Commission.

Par exemple, l'école Nesbitt, une école du secteur anglais de la CEPGM, située à Montréal, dessert aussi des élèves qui résident à Montréal-Nord, à ville d'Anjou et à Saint-Léonard. Selon le projet de loi, il semblerait que 267 élèves ne pourraient plus être desservis par l'école Nesbitt au cours de la période transitoire. Où seront-ils placés? L'école Nesbitt ne présente pas une situation unique. Deux autres écoles du secteur anglais, situées à l'est de la ville, ont été identifiées comme ayant un grand nombre d'élèves qui pourraient être dispersés au cours de la période transitoire. Ensemble, ces trois écoles pourraient avoir un total de 683 élèves déplacés, et chaque école a adopté récemment des résolutions demandant à être desservie immédiatement par une commission scolaire linguistique.

La Commission est aussi préoccupée par le chaos qui sera créé si les cartes proposées par la ministre de l'Éducation sont adoptées. Par exemple, selon ces cartes, l'école secondaire Mont-Royal et l'école Algonquin de la ville de Mont-Royal et l'école secondaire Outremont ainsi que l'école Guy Drummond d'Outremont devraient se joindre à la commission francophone de l'ouest, le 1er juillet 1998. Cependant, ces écoles desservent des élèves qui, pour la plupart, résident dans la ville de Montréal. La carte, pour ce scénario en particulier, crée une situation de chevauchement de 1 906 élèves au sein de la commission protestante et un surplus d'immeubles pour la nouvelle commission francophone de l'ouest.

En outre, la période provisoire proposée par la ministre de l'Éducation force la Commission à diriger son attention et ses énergies vers de multiples directions. Selon l'échéancier proposé pour l'automne de 1997, la Commission ne devra pas planifier seulement le fonctionnement de 31 écoles de la ville de Montréal, mais elle devra aussi siéger à cinq conseils provisoires pour s'assurer que des services d'éducation de qualité soient disponibles pour les élèves de ses autres 41 écoles.

Si l'amendement constitutionnel devait être adopté avant le 1er janvier 1998, les écoles de la Commission devront passer à travers une deuxième division, conformément à la proposition de la ministre, pour qu'elles puissent alors se joindre au processus de planification des commissions scolaires linguistiques déjà établi. Au cas où il n'y aurait aucun amendement avant le 1er janvier 1998, les 31 écoles de la Commission ne seront jamais représentées aux conseil provisoires, et, avec ce scénario, la représentation aux cinq conseils provisoires de l'île de Montréal sera complètement disproportionnée. Par exemple, l'école Westminster, une école du secteur français, située à Côte-Saint-Luc, se retrouvera toute seule à la commission centrale francophone et elle sera rejointe plus tard par des écoles de la CEPGM. L'école de la Fraternité, une école du secteur français de la CEPGM, située à Montréal-Nord, sera la seule à appartenir à la commission francophone de l'est et elle sera rejointe plus tard par cinq autres écoles de la CEPGM.

La structure confessionnelle provisoire proposée est donc inacceptable pour la Commission. Par conséquent, elle recommande que la restructuration en deux étapes proposée pour la ville de Montréal soit éliminée et que les élèves et les parents de la ville de Montréal et ceux qui résident en dehors de la ville de Montréal soient traités également et équitablement lors de la restructuration des commissions scolaires; et que, si l'approche en deux étapes ne peut pas être évitée, un mécanisme soit prévu par la loi pour permettre aux écoles situées dans la ville de Montréal de se faire transférer d'une commission scolaire confessionnelle à une commission scolaire linguistique.

En ce qui concerne la représentation aux conseils provisoires, la Commission présume qu'il était dans l'intention du projet de loi d'adopter les recommandations du rapport Kenniff relatives à la représentation aux conseils provisoires. Nous acceptons les recommandations du rapport Kenniff et, ayant découvert ce qui semble être une divergence de rédaction entre la version française et anglaise de la loi, nous prions instamment l'Assemblée nationale d'apporter certains éclaircissements au texte de la loi. Ainsi, la Commission recommande que les articles 510 et 513 reflètent les recommandations du comité Kenniff de permettre aux seules commissions scolaires qui scolarisent elles-mêmes des élèves dans la langue de la nouvelle commission scolaire de désigner des personnes pour les représenter aux conseils provisoires.

Elle recommande également qu'au premier paragraphe de l'article 513 la notion d'élève soit précisée pour inclure les élèves de l'éducation des adultes et de la formation professionnelle et que la notion d'école soit précisée pour inclure les centres d'éducation des adultes et de la formation professionnelle.

En ce qui concerne la confection des listes électorales et droit de vote, la commission scolaire trouve que les articles 51 et 52 du projet de loi n° 109 limitent l'adhésion à la communauté anglophone aux personnes qui sont admissibles. Le projet de loi néglige de reconnaître le droit d'une personne d'appartenir à la communauté francophone ou anglophone. Par opposition, la Commission trouve les articles 15 et 16 de la Loi sur les élections scolaires très acceptables et appropriés aux besoins de la communauté anglophone de contrôler et gérer ses écoles. La Commission ne voit donc pas le besoin de faire les modifications proposées en ce qui concerne le droit de vote anglophone.

En outre, la Commission estime que le président d'élection devrait se voir confier la responsabilité de dresser et de maintenir les listes électorales des commissions scolaires francophones et anglophones et que des dispositions appropriées devraient être prises en matière de processus d'énumération pour assurer à toute personne l'occasion de s'identifier à une commission scolaire linguistique particulière. La Commission recommande donc vivement que les articles 51 et 52 du projet de loi n° 109 soient retirés.

En ce qui concerne l'échéancier, en vertu de la loi n° 109, les conseils provisoires devraient prendre des décisions sur les structures d'organisation, élaborer des plans, désigner les biens immobiliers et déterminer les mécanismes d'affectation et de transfert du personnel en l'espace de quelques mois. L'échéancier relativement court qui est proposé pourrait débuter au plus tard le 15 octobre 1997, soit la date limite d'établissement des conseils provisoires. Si des employés doivent avoir accès au processus d'arbitrage qui s'étend du 15 novembre 1997 au 31 décembre 1997, tel que spécifié aux articles 523.5 et 523.9 du projet de loi n° 109, un grand nombre de décisions devraient être comprimées en une période d'un mois.

Le Président (M. Paré): M. Levy, il vous reste une minute et demie.

M. Levy (Charley): J'y arrive. En outre, la loi amendée n'accorde pas le temps nécessaire à la planification et à la consultation, ni ne tient compte du fait que la période d'inscription aux écoles se déroule en janvier et que les affectations du personnel sont terminées par la suite afin de respecter les dates limites de la convention collective des enseignants qui sont fixées aussi tôt que le 1er mars. De plus, la loi n° 109 doit faire référence au temps requis pour redistribuer et redévelopper ce qui suit: c'est-à-dire les réseaux de transport scolaire, les secteurs de l'éducation des adultes et de la formation professionnelle, et le réseau des écoles du MEQ-MSS – Affaires sociales – sur l'île de Montréal.

Étant donné les problèmes soulevés, la Commission recommande vivement que l'échéancier de la mise en place des commissions scolaires linguistiques soit révisé en vue de donner le temps pour la consultation dans l'esprit de partenariat et de participation des parents qui ont toujours caractérisé la dispense de l'enseignement au Québec et de donner plus de temps aux conseils provisoires pour prendre des décisions. La Commission recommande, en outre, que la mise en place des commissions scolaires linguistiques ne prenne pas effet avant le 1er juillet 1999.

Enfin, autre recommandation, l'article 19 du projet de loi n° 109 devrait être précisé pour assurer que les services de formation professionnelle dispensés à la clientèle qui ne fait pas partie du secteur jeunesse ne soient pas limités à la langue de la commission scolaire. Ces types de services de formation professionnelle devraient être offerts en français ou en anglais, selon le cas, quel que soit le statut linguistique de la commission scolaire.

En terminant, M. le Président, je vous remercie encore une fois de nous avoir invités à vous présenter notre mémoire. Et nous anticipons vos questions.

Le Président (M. Paré): Merci, M. Levy. Mme la ministre.

Mme Marois: Alors, merci, M. le Président. Je vais demander à mon conseiller juridique, mais, sur cette dernière intervention quant à la possibilité de scolariser des adultes, soit à la formation professionnelle ou à l'éducation des adultes, en français ou en anglais, je ne crois pas que ce soit limité à la langue de la commission scolaire. D'accord? Parce que vous soulevez la question et vous demandez que soit précisé le fait que la commission scolaire puisse offrir un service de formation aux adultes, en formation professionnelle ou à l'éducation des adultes, en français ou en anglais. Cela est possible. Donc, ça ne limite pas votre clientèle à la clientèle anglophone seulement. D'accord? Ou des services en anglais seulement pour ce qui est des adultes. Mais, pour les jeunes, bien sûr, la loi s'applique, ça, ça va de soi, pour les 0-16 ans, l'obligation de scolarisation, tandis que pour les personnes qui viennent y chercher des services autrement, c'est effectivement possible.

(17 h 50)

Sur les délais, vous dites: C'est court, ça ne nous donne pas beaucoup de temps. Ce qu'il faut savoir, c'est que, lorsque le rapport Kenniff avait été présenté et avant cela la Loi sur l'instruction publique avait été adoptée, on avait justement suggéré que certains gestes à poser soient précisés. Et, étant précisés quant à leur teneur et quant à leur impact, évidemment que cela pouvait permettre de réduire le temps pour l'implantation de commissions scolaires linguistiques. C'est dans cette perspective qu'on a jugé bon de raccourcir un peu ce temps.

Sur ça, vous savez, j'ai un point de vue assez arrêté. Il y a certains changements qui sont suffisamment bien encadrés. On sait le territoire, on sait les enfants à couvrir ou à servir, on sait les écoles concernées, on connaît les règles du Code du travail, on connaît les règles d'intégration et de fusion du personnel. Plus on étire cela, plus on prend du temps pour le faire, plus on risque de voir apparaître des oppositions, des conflits et des objections, etc.

Je ne veux pas dire par là qu'on ne doit pas permettre l'expression d'objections. Mais je suis persuadée que, dans certaines circonstances, le fait que l'on soit efficace et rapide dans le temps non seulement ne cause pas de problèmes, mais permet d'en éliminer. Quand les règles sont floues, quand il y a beaucoup de choses à définir, quand les temps ne sont pas clairs, c'est une autre réalité. Le projet de loi est évidemment influencé par cette philosophie que j'ai et qui, dans les circonstances, s'applique bien à ce que nous voulons faire, compte tenu, justement, de la définition assez stricte des règles à suivre pour implanter les nouvelles commissions scolaires.

Donc, je reprends. Vous êtes d'accord sur le fond avec l'implantation de commissions scolaires linguistiques. Ce que je comprends, c'est que vous avez un peu de difficultés avec le régime provisoire. N'est-ce pas? Vous souhaiteriez, par contre, projeter un peu plus tard l'implantation, soit jusqu'en juillet 1999, et vous dites que le territoire cause un certain problème dans le sens où vous continuez à maintenir la proposition que vous avez déposée au Conseil scolaire de l'île. C'est bien ça?

M. George (Michael D.): C'est dans le même sens que ce que M. Mongeau a mentionné concernant l'échéancier. À notre avis, c'est possible d'avoir au plus tard un conseil provisoire... la date limite, c'est le 15 octobre. Nous avons mentionné dans notre mémoire que c'est possible d'avoir un arbitrage qui commence le 15 novembre. C'est seulement un mois, mais c'est possible au début de décembre, par exemple, d'avoir un amendement constitutionnel. Et c'est nécessaire de recommencer tout le travail. C'est dans ce sens que nous avons une vraie crainte concernant l'échéancier.

Mme Marois: Maintenant, sur le droit de vote. J'aimerais ça réitérer le fait que notre objectif n'est pas de restreindre le droit de vote, mais de le baliser. Je le dis bien. Et c'est important pour moi et pour nous. Dans la loi, quand vous regardez les articles 51 et 52, là, vous suggérez de les amender ou de les abroger, finalement. Dans le fond, c'est sûr qu'on balise, mais on ne balise pas dans le sens de vouloir éliminer des gens qui souhaiteraient voter, au contraire. On est plus large que la loi 101 ou que la Charte de la langue française. Parce qu'on dit que même des personnes dont les enfants n'auraient pas bénéficié de l'école anglaise ou n'auraient pas été à l'école anglaise, parce que c'était le choix des parents, mais qui étaient admissibles, ils retrouvent et conservent leur droit de vote, soit comme parents, soit comme enfants, soit comme petits-enfants.

La perspective qu'on a essayée de développer dans notre projet de loi a donc été vraiment d'élargir le plus possible l'accès au vote pour les Québécois de la communauté anglophone et non pas d'essayer de le restreindre. Mais oui, cependant, de le baliser d'une façon qui nous apparaît raisonnable. Ce qui fait que, pour l'essentiel, je crois, les membres de la communauté québécoise d'expression anglaise pourront avoir le droit de vote. Et ce n'était pas dans une perspective de brimer ou de réduire les droits, mais d'en encadrer l'exercice.

Le Président (M. Paré): M. George.

M. George (Michael D.): C'est notre désir d'avoir la même situation que nous avons maintenant. Nous n'avons pas mis dans notre mémoire la provision... Concernant la Loi sur les élections, vous avez les clauses 15 et 16 en ce moment.

Mme Marois: C'est ça.

M. George (Michael D.): Dans ce sens, nous aimerions continuer le droit de voter. Ce n'est pas une question d'accès aux écoles pour les élèves, à notre avis. C'est une question concernant la gestion et le contrôle de ses écoles par la communauté anglophone. C'est dans ce sens, pas l'accessibilité pour les élèves. O.K.?

Mme Marois: D'accord. Je vous remercie, M. George.

Le Président (M. Paré): Merci, Mme la ministre. M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Merci. Welcome Mr. Butler, Mr. George, Mr. Levy. It's a little bit twisted logic in my opinion when one says that we don't want to restrict the right to vote, we just want to «le baliser». On part du principe quand même, là, que, avec le processus, dans le projet de loi n° 109, si les enfants ne sont pas dans les écoles anglaises, tous les citoyens sont réputés appartenir à la linguistique française. Les citoyens d'expression anglaise qui veulent voter à la linguistique anglaise doivent faire la démarche de s'inscrire sur la liste électorale. Déjà là, la restriction, l'épuration, là, c'est fait de façon importante. D'autres groupes nous ont parlé d'environ 90 % des membres de la communauté anglophone qui ne seraient pas sur la liste électorale de la linguistique anglaise.

Dans un deuxième temps, il y a des gens qui ne se qualifient pas en vertu de la Charte de la langue française qui, eux, n'auront aucunement le droit de voter à la linguistique anglaise. Si, ça, ce n'est pas restreindre le droit de vote d'une communauté, je me demande comment on pourrait restreindre davantage le droit de vote d'une communauté. Et le point de vue que vous nous présentez a été un point de vue défendu par tous les groupes, tous les organismes qui représentent les communautés anglophones, y compris le Conseil scolaire de l'île de Montréal.

Il y a comme une vision, là, des choses qui m'apparaît être un petit peu fausse lorsqu'on dit: On ne veut pas restreindre le droit de vote, on veut le baliser. Il faut bien comprendre la mécanique et la perception de la mécanique de la communauté anglophone. Ça, c'est un irritant majeur, majeur, majeur. Je reviens aussi sur la question de la taxation.

If we project ourselves in time, we know now that it's $0.35 per $100 evaluation. That's the tax rate. But if we are in a scenario in two or three or five years from now, when it's no longer $0.35 but it's $0.50 and we have restricted the number of people who pay taxes to the English-language board, that would mean that fewer people would pay taxes and they would have to pay a higher rate of taxation in order to obtain the same amount of money. I don't know if you share that perspective on the right to vote because, really, there's two monologues here. The Government says: We are not restricting your right to vote, we are sort of... On est en train de le baliser.

(18 heures)

Et l'impact que ça va avoir dans le temps, parce qu'on sait que le gouvernement a tendance à procéder par étape, moi, je vous partage ma préoccupation: celle du Mouvement national des Québécois et des Québécoises et de la Société Saint-Jean-Baptiste, qui veulent s'éloigner d'une définition d'une commission scolaire linguistique pour se diriger vers des commissions scolaires unifiées. Et on sait que le gouvernement actuellement est en train de préparer le terrain pour des commissions scolaires territoriales ou des gouvernements régionaux. C'est dans les cartons. C'est dans les cartons. Alors, ils ont des partenaires qui poussent le gouvernement à s'en aller dans la direction où ces partenaires-là souhaitent.

Alors, moi, j'ai de graves inquiétudes et je comprends les inquiétudes de la communauté anglaise. J'aimerais vous entendre sur la question du droit de vote, sur la question de la taxation et, par la suite, j'aimerais revenir sur le bouleversement par rapport aux élèves. Ce matin, à la période de questions, je questionnais la ministre sur l'impact au niveau des élèves. La ministre laissait entendre qu'il n'y a aucun impact. Pourtant, aujourd'hui, je regarde votre mémoire, je regarde le mémoire du Conseil scolaire de l'île, je regarde le mémoire de la CECM, pour ne pas parler des mémoires de la semaine passée, tout le monde parle des impacts de la nouvelle carte ou du régime provisoire sur les élèves.

Alors, ça, on peut bien donner des réponses à la période de questions, mais les faits sont là, ils sont incontournables. Groupe après groupe viennent nous parler des impacts au niveau des élèves soit du régime transitoire ou de la nouvelle carte des commissions scolaires. Alors, je vous cède le plancher là-dessus.

Le Président (M. Paré): M. Butler. M. George?

M. George (Michael D.): Si vous me permettez, j'aimerais répondre à votre question en anglais.

M. Ouimet: Oui, oui. «Go ahead.»

M. George (Michael D.): I responded to the Minister's intervention very clearly. I began by making the statement that, from the point of view of expanding... not expanding, maintaining what the English community has, it's a question of controlling and planning and being able to manage the school system. That's one aspect.

The second aspect that you raise, if, in the future, the well-being, shall we say, of the linguistic boards, both on the English side and the French side, is related to those people who are going to be on the tax roll, then, obviously, there would be a limited tax space if the English community was restricted in terms of who would be placed on the tax roll. And I think that's the point you just made and that, I think, is logical in terms of making an assumption. If you have a lesser number of people on the tax roll and your operation is going to be restricted because of the amount of money that's coming in through the taxation, then there's going to be a problem in the future.

M. Ouimet: And we will not be in an equalization payment scenario. Because let's say you haven't attained the $0.50 or the $0.70 tax ceiling. If you want to obtain a certain amount of money to pay for the services you are required to pay for, more people would have to pay... there would be fewer people who would have to pay a higher tax rate to obtain the same quantum. That has to be well understood. I mean, we have to... And, when we look at the tendency over the past two years, as you well know, the administrative costs of the head offices were transferred last year to the taxes. This year, it's the salaries of the school principals. I mean, we see a pattern, with this Government, and we know that, insofar as school transportation is concerned, that may very well happen also that it will now be financed by the local school tax.

M. Butler (Allan H.): It depends a great deal on what any future government might decide to do. They're off Island now. They're already concerned because they rely on a particular tax space. On the Island, it's not quite that way now, but who knows what the future brings.

M. Ouimet: Then, on the question of the displacement of your students with the provisional regime, you referred to Nesbitt, you also said that there are at least two other schools.

M. Butler (Allan H.): Those are two particular instances that we've identified. There are many more within our system. Because we not only transport or have children from the city of Montréal like we have in Mont-Royal or in Outremont, but we have other situations. Like we have a high school in Montréal-Ouest, for Montréal-Ouest can supply an English high school. They come from all over to go over there. As an instance, we don't have an elementary English school in Côte-Saint-Luc but we have a fairly large high school in Côte-Saint-Luc, coming from all over the territory. And those will create problems. As we point out, insofar as Outremont High and Mont-Royal High are concerned, the elementary school children will go to school in the city and then they go to high school in the outlying areas.

In the way the Minister's map is drawn... And even if we were faced into an issue of having to face a Protestant school within the city and... the schools will be outside the city to serve the Protestant children. So, we have a major problem the way those maps are developed insofar, and that is assuming, of course, that, even if article 93 of the Constitution Act was drawn, the current position of the Government seems to desire to maintain Catholic and neutral schools or Catholic and Protestant schools. So you are separating the children from their residential... children's residential... from their schools. So, it just doesn't make sense.

Le Président (M. Paré): Thank you, Mr. Butler. Si vous voulez conclure, Mme la ministre.

Mme Marois: Alors, malheureusement, il ne nous reste plus de temps. Merci pour votre présentation. Je pense qu'on a eu l'occasion de débattre d'un certain nombre de choses. Des choses avec lesquelles je ne suis pas toujours en accord quant à l'interprétation, mais enfin, on aura l'occasion d'y revenir plus tard. Merci quand même de votre présentation.

Le Président (M. Paré): M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Merci. Thank you very much for your presentation and... Thank you.

Le Président (M. Paré): Je suspends les travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 7)

(Reprise à 20 h 10)

Le Président (M. Gaulin): À l'ordre, s'il vous plaît! Je déclare la séance ouverte sur la commission de la culture... la commission de l'éducation, pardon. Je change d'une commission à l'autre.

Je rappelle le mandat de la commission. C'est l'étude du projet de loi n° 109, qui modifie la Loi sur l'instruction publique, la Loi sur les élections scolaires et d'autres dispositions législatives. J'invite les gens du Conseil supérieur de l'éducation, et en particulier Mme la présidente, Céline Saint-Pierre, à venir nous présenter les gens... Oui, vous pouvez vous présenter. Vous êtes seule? Non, ça va. Alors, si vous voulez nous présenter celle qui vous accompagne. Nous avons une heure pour ce mémoire. Donc, vous avez 20 minutes en principe pour le dépôt. Alors, bienvenue.


Conseil supérieur de l'éducation

Mme Saint-Pierre (Céline): Oui. M. le Président et Mme la ministre, Mmes, MM. les députés, je suis accompagnée de la vice-présidente du Conseil supérieur de l'éducation, Mme Judith Newman.

Je voudrais d'abord remercier la commission de l'éducation d'avoir invité le Conseil supérieur de l'éducation à réitérer ses positions sur certains des aspects qui fondent le projet de loi n° 109. Je rappelle que le Conseil a abordé la question de la confessionnalité scolaire dans un avis publié en 1981 intitulé La confessionnalité scolaire . Cet avis portait principalement sur la vie des écoles en matière de confessionnalité plutôt que sur les structures. Cette question avait été reportée à une étude ultérieure, ce que le Conseil fit dès 1983 dans un avis sur la restructuration scolaire et à propos de la Loi sur l'enseignement primaire et secondaire public qui était intitulée projet de loi 40.

Dans cet avis, le Conseil considère, et je cite, «que l'école est d'abord publique et commune». Il croit que les droits de tous doivent être respectés, particulièrement ceux des minorités religieuses ou non religieuses. Le Conseil dit aussi que «des structures linguistiques constituent un compromis historique acceptable et que des commissions scolaires et des écoles d'une même langue peuvent réaliser ensemble la meilleure cohésion possible en s'appuyant sur des conditions culturelles facilitantes».

Le Conseil a donc recommandé dans cet avis de 1983, et d'une façon très claire, que les nouvelles commissions scolaires aient un statut linguistique. Cet avis allait même jusqu'à recommander que la Loi sur le Conseil supérieur de l'éducation soit amendée afin que la composition de cet organisme soit ajustée au réaménagement du système d'éducation sur une base linguistique et non plus confessionnelle, comme c'est encore le cas aujourd'hui.

Mais tel n'est pas l'objet direct du projet de loi n° 109, et je poursuis donc avec un autre avis déposé cette fois en janvier 1986 et intitulé Pour une évolution équitable des structures scolaires du Québec . Dans cet avis, le Conseil réitère sa position de 1983 sur la formation de commissions scolaires linguistiques afin de répondre à des besoins de plus en plus diversifiés et respectueux des droits et libertés de tous les citoyens et citoyennes.

Nous y constations que, au Québec, là où la diversité ethnique, culturelle et religieuse est le plus en émergence, les structures scolaires confessionnelles semblaient bien figées. Nous nous demandions jusqu'à quel point le droit pouvait demeurer longtemps en deçà de l'évolution sociale, et cela, notamment dans une région comme Montréal, où le pluralisme culturel et religieux ne cesse de croître. Dans cet avis, le Conseil rappelle, et je cite, que «la volonté de lever ce verrouillage confessionnel du système scolaire n'implique pas qu'on remette en question des droits et des garanties confessionnels dont notre histoire et nos lois ont constamment protégé et favorisé l'exercice».

Ce qui est en cause, et je crois que c'est un élément important de l'argumentation, c'est seulement que l'exercice des droits et des privilèges établis se traduise en fait par une mainmise sur le système scolaire public et empêche l'avènement d'une pluralité aussi souhaitée qu'inéluctable. Le Conseil avait recommandé à la ministre de promouvoir l'école publique commune comme structure la mieux ajustée aux visées sociales d'ouverture et d'intégration.

Le Conseil insiste aussi sur le fait que, pour lui, la déconfessionnalisation du système scolaire n'implique aucune remise en question des droits linguistiques de la communauté anglophone, comme l'auraient laissé entendre certains porte-parole anglophones. Il s'agit donc pour le Québec d'avoir la pleine compétence de se donner un système scolaire conforme à des besoins de plus en plus diversifiés et respectueux des droits et libertés de tous ses citoyens et citoyennes, tout en tenant compte des droits confessionnels et linguistiques reconnus.

Pour le Conseil, la réalisation de cet objectif passe par une modification constitutionnelle, soit l'assouplissement, voire le retrait de l'article 93 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, puisque c'est là la clé du dossier québécois de la confessionnalité scolaire, du moins à Montréal et à Québec. Cette position fut réitérée dans le rapport annuel 1992-1993 sur l'état et les besoins en éducation. Et ce rapport portait sur le défi d'une réussite de qualité.

Deux recommandations de l'avis portant sur un accueil et une intégration réussie des élèves des communautés culturelles méritent aussi d'être relevées. Et nous disons: Afin d'assurer la cohérence éducative dans le système d'éducation, le Conseil souligne la nécessité de l'ajustement de la structure éducative – commissions scolaires linguistiques, possibilité d'écoles publiques communes sans statut confessionnel et exploration d'un enseignement moral et religieux de type culturel – aux visées sociétales d'ouverture et d'intrégration. Le Conseil recommande à la ministre de l'Éducation de promouvoir cette école publique commune comme étant la structure la mieux ajustée aux visées sociétales d'ouverture et d'intégration.

Dans son rapport tout récent, soumis à l'automne 1996 et qui portait le titre de Pour un nouveau partage des pouvoirs et responsabilités en éducation , le Conseil recommande que les commissions scolaires soient recréées ou redistribuées en moins grand nombre et selon le critère des deux réseaux linguistiques. Dans ce rapport, le Conseil souhaite la réduction du nombre de commissions scolaires francophones et leur rajustement à une carte territoriale rénovée du Québec. Et nous parlions, à titre d'exemple, de renvoi à la structure des municipalités régionales de comté ou une autre réorganisation administrative, mais c'étaient seulement des exemples. Nous ne sommes pas allés plus loin dans les recommandations ou les propositions.

Le Conseil pense que le rapprochement du pouvoir de décision du lieu d'action se faisant surtout au niveau de l'école, il importe peu que les nouvelles instances intermédiaires soient peu nombreuses et relativement éloignées de chacun des établissements scolaires d'une région donnée. Ce pourrait être avantageux, même. Car, selon une étude de l'OCDE de 1995, cette étude portait sur les processus de décisions dans 14 systèmes éducatifs... Cette étude de l'OCDE disait que «plus les niveaux de décisions sont éloignés l'un de l'autre dans une structure donnée, plus chacun a tendance à exercer ses prérogatives dans des domaines distincts; plus les niveaux intermédiaires interviennent près des établissements, plus ils auraient tendance à prendre des décisions à leur place».

Ces observations, croyons-nous, souscrivent aux orientations de responsabilisation qui sous-tendent la décentralisation du système scolaire et le renforcement du pouvoir au sein de l'établissement scolaire. Par ailleurs, le Conseil comprend que la situation des communautés anglophones ne commande pas nécessairement les mêmes solutions et qu'il faudra veiller à tenir compte des besoins de ces populations qui sont parfois éparses, parfois concentrées sur un territoire. Donc, il faudra veiller à tenir compte des besoins de ces populations au moyen de mécanismes appropriés et qui sauront éviter toute lourdeur bureaucratique.

Pour conclure, M. le Président, je dirai que, sur la base des positions émises depuis 1983, et réitérées, voire renforcées par la suite, le Conseil ne peut que souscrire à l'implantation des commissions scolaires linguistiques proposée par le projet de loi n° 109. Il réitère l'importance, cependant, de s'associer tous les acteurs concernés dans la conduite et la réalisation d'un tel objectif; c'est un gage de réussite. Cependant, il constate que le temps est aussi venu d'aller de l'avant et il ne peut que souhaiter que l'échéancier proposé puisse être respecté.

Et je dirai, en terminant, que les autres dispositions du projet de loi n° 109 n'ayant pas fait l'objet d'un positionnement du Conseil, il n'en est donc pas fait mention dans notre représentation. Et nous ne sommes pas intervenus sur plusieurs des aspects qui sont couverts par la loi n° 109. Alors, j'ai voulu, dans cette présentation, vous faire un petit retour en arrière, mais cela était fait dans le but d'attirer l'attention des membres de la commission sur le fait que le Conseil supérieur de l'éducation, depuis 1983, a fait une réflexion qui allait dans le sens de ce qui est proposé dans le projet de loi n° 109, à l'effet de créer des commissions scolaires linguistiques. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Gaulin): Merci, Mme la présidente. Mme la ministre.

(20 h 20)

Mme Marois: Alors, merci de votre présentation. Bienvenue à notre commission. Je dois vous dire que c'est quand même du baume à mes oreilles. Il faut quand même que je vous le dise, parce que ce que nous dit le Conseil ce soir sur le fond de ce que nous débattons déjà depuis 30 ans au Québec, et même un peu plus, c'est que nous sommes sans doute prêts maintenant à procéder, à l'accomplir et à le réaliser. C'est intéressant que vous ayez fait ce rappel historique parce que je vous entendais reprendre un à un les avis du Conseil... Parce que finalement ce sont tous des documents très officiels, très formels et qui ont impliqué tous les membres de la table du Conseil, parce que les avis du Conseil sont généralement entérinés par la table du Conseil.

Quand on prend tous ces avis les uns après les autres, on voit qu'il y a une continuité et une cohérence dans tout cela qui nous mènent à la situation qu'on connaît aujourd'hui, bien sûr. Ça fait sûrement partie de notre évolution comme société et qui fait qu'on accepte maintenant beaucoup mieux et beaucoup plus facilement cette orientation que nous privilégions, qui est celle de l'implantation de commissions scolaires sur une base linguistique. En ce sens, d'ailleurs, c'était intéressant d'entendre cet après-midi le président de la CECM qui ne dit évidemment pas: Je suis d'accord avec cela, mais: Je respecterai cela si vous le décidez. Ça, je dois dire que c'est quand même un changement assez significatif. Cela ne voulait pas dire que le président de la CECM allait dire qu'il ne le respecterait pas dans le sens qu'il ne respecterait pas la loi, mais il aurait pu dire: Je vais la contester, et ce n'est pas ce que nous avons entendu.

L'autre aspect qui est intéressant... Et je pense que cela vaudrait éventuellement la peine que le Conseil fasse parvenir aux membres de la commission ses références quant au document de l'OCDE sur la notion des pouvoirs et du rapprochement du pouvoir de décision du lieu d'action, particulièrement sur les questions scolaires. Parce qu'il va de soi que, dans le projet que nous défendons... D'abord, l'avant-projet de loi qui, lui, sera étudié un peu plus tard prévoit cela et vient expliquer aussi que nous soyons justifiés de réduire le nombre de commissions scolaires. Je pense que c'est important de se rappeler sur quoi ça se fonde, justement, que cette volonté que nous avons d'en réduire le nombre: d'abord, je dirais, pour être plus efficace et pour réduire un certain nombre de coûts administratifs, mais ce qu'on constate c'est que le résultat de cela non seulement n'est pas nuisible, mais il facilite l'exercice des fonctions éducatives et des responsabilités de l'école et du milieu éducatif. Ça, ça pourrait peut-être aussi dans une perspective éducative rassurer les communautés qui sont inquiètes actuellement.

Je suis aussi très sensible à ces inquiétudes que les citoyens viennent nous présenter les uns après les autres lorsqu'ils pensent que c'est nécessaire de le faire. Une de ces inquiétudes, c'est justement le fait que le territoire, par exemple, sur lequel va s'exercer la responsabilité de la commission scolaire va devenir tellement grand qu'on va être dans une situation où il va y avoir dépersonnalisation, perte de prise sur l'institution, alors que, dans les faits, comme la prise sur l'institution, on la souhaite vers l'école, ça vient confirmer cela.

Alors, je vous remercie pour l'ensemble de ce témoignage et je redis à nouveau que, si des documents étaient disponibles au Conseil, j'en profite, pour les membres de la commission... Évidemment, moi-même, comme ministre, je pourrais facilement vous le demander demain matin, mais j'en profite peut-être pour aider à documenter les avis et les opinions qu'on pourrait avoir ici, autour de la table.

Maintenant, vous faites une dernière remarque en disant: L'importance de s'associer tous les acteurs concernés dans la conduite et la réalisation d'un tel objectif, c'est un gage de réussite. Cependant, on constate que le temps est aussi venu d'aller de l'avant et le Conseil ne peut que souhaiter que l'échéancier proposé puisse être respecté. J'aimerais peut-être vous entendre sur cette question parce qu'elle soulève, effectivement, des oppositions. J'ai écouté attentivement ce qui s'est dit. Jusqu'à maintenant, je ne suis pas convaincue qu'il faille, justement, modifier l'échéancier, parce que nous avons débattu pendant tellement longtemps de cette question, que, si nous pouvons agir maintenant, nous devons le faire. Vous semblez aller dans ce sens-là. J'aimerais vous entendre quant à ce qu'en ont dit les membres du Conseil, ou à ce que, vous-même, vous en pensez.

Mme Saint-Pierre (Céline): Bien, je pense que c'est une conclusion que nous tirons de tout le chemin que nous avons fait depuis 1983. Et c'est un peu ce que nous avons pris comme démarche, de vous démontrer que, quand on sait le nombre de personnes qui siègent au Conseil supérieur, qu'il y a des commissions qui sont autour du Conseil et que, depuis 1983, non seulement dans des avis qui portaient sur la question proprement dite... Et c'est pour ça que vous aurez le document. Vous allez voir dans notre bibliographie tous les avis que nous avons préparés et qui font état ou référence à cette question du partage ou de l'organisation des commissions scolaires sur une base linguistique.

C'est qu'il y a un momentum de réflexions et de propositions sur la décentralisation et le partage des pouvoirs, la nécessité de définir un projet éducatif autour de la culture ou de l'école publique commune qui vont dans ce sens-là, alors se réunissent dans une argumentation qui nous apparaît assez cohérente en ce moment, une base qui permet de penser que sociologiquement – ma profession me traverse tout le temps – il y a un temps qui fait que aller de l'avant, ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas d'embûches, mais ça veut dire qu'en le faisant avec les acteurs concernés, il faut respecter ce qu'on appelle peut-être un... Je parle d'échéancier ici, c'est un échéancier qui est n'est pas daté mais qui fait que, si le retour en arrière n'est plus possible, je pense que c'est ce que ça veut dire.

Mme Marois: D'accord, ça va.

Mme Saint-Pierre (Céline): Il faut le faire de la manière la plus appropriée possible, compte tenu des intervenants qui sont concernés.

Mme Marois: Ça va aller pour l'instant, M. le Président. Je pourrai revenir. Je sais qu'il y a un de mes collègues aussi qui veut intervenir. Alors, peut-être en vertu du principe de l'alternance, ça simplifierait peut-être les choses.

Le Président (M. Gaulin): D'accord. Oui, ça va. On a une heure. Alors, M. le...

Mme Marois: Si vous préférez que mon collègue pose immédiatement la question... Yves?

Le Président (M. Gaulin): Alors, qui veut intervenir? M. le député de Champlain?

M. Beaumier: Oui, oui.

Le Président (M. Gaulin): M. le député de Champlain.

M. Beaumier: Merci, M. le Président. Dans votre avis, votre mémoire, à la page 2, vous référez à une position qui avait été prise par votre organisme en 1986. Et, dans cet avis de 1986, le Conseil supérieur de l'éducation rappelle, et je cite, que «la volonté de lever ce verrouillage confessionnel du système scolaire n'implique pas qu'on remette en question des droits et des garanties confessionnelles dont notre histoire et nos lois ont constamment protégé et favorisé l'exercice». Alors, on voit bien qu'on veuille lever le verrouillage mais tout en conservant aussi cette préoccupation, fondée à juste droit, je pense, du respect des parents ou de la population en ce qui concerne les croyances qui sont les leurs et qui sont inscrites dans notre société également.

Alors, vous dites que ce qui est en cause, c'est seulement que l'exercice de droits et de privilèges établis se traduise, en fait, par une mainmise sur le système scolaire public et empêche l'avènement d'une pluralité aussi souhaitée qu'inéluctable. Au moment où on se parle, comment est-ce que... Ça, ça veut dire que la confessionnalité des commissions scolaires, la structure confessionnelle, je pense que c'est déjà réglé, ça fait partie de consensus, d'unanimités, ici, d'ailleurs, à l'Assemblée nationale. Mais, puisque ça se reporte au niveau de l'école, comment faites-vous le lien entre, d'une part, lever le verrouillage confessionnel puis, en même temps, pouvoir permettre, au niveau des écoles... Alors, comment voyez-vous cette problématique-là des valeurs religieuses pouvant être intégrées, ayant une place – je ne sais pas trop, trop laquelle, là – à l'intérieur de l'école?

Mme Saint-Pierre (Céline): Je pense que le Conseil, ce qu'il a voulu dire à ce moment-là, il parlait en termes de système. Alors, le verrouillage du système qui empêche, au niveau de l'école, le vécu d'une pluralité ou d'un pluralisme qui pourrait se... Et le Conseil n'est pas allé très, très loin dans des recommandations sur le projet de l'école mais voyait très bien la possibilité d'avoir des écoles confessionnelles catholiques, confessionnelles protestantes, et des écoles non confessionnelles. Et ce qui a été pensé par le Conseil, c'est la possibilité d'avoir au niveau de l'école différents projets confessionnels et non confessionnels. Alors, ça se fait au niveau de l'école, ce pluralisme. Mais, comme ça se passe au niveau de l'ensemble du système d'éducation, qui est défini sur une base confessionnelle, ça empêche le pluralisme de se vivre dans l'école.

(20 h 30)

M. Beaumier: De là... On est en 1986, mais, à partir du moment où on ira vers des commissions scolaires linguistiques, au moment où on se parle, là, et dans les mois qui viendront, comment vous considérez le statut de l'école? De quelle façon vous considérez que cette préoccupation des croyances, des valeurs religieuses puisse être intégrée au niveau de l'école? Est-ce que c'est au niveau du statut de l'école comme tel? Est-ce que c'est au niveau de l'enseignement religieux ou de l'enseignement des religions ou d'une sensibilisation aux valeurs religieuses? Est-ce que vous avez fait une réflexion dernièrement sur ceci?

Mme Saint-Pierre (Céline): Dernièrement, non, non, non.

M. Beaumier: Ce n'est pas proprement l'objet de la loi n° 109, mais on y revient toujours par le biais de la confessionnalité. Oui.

Mme Saint-Pierre (Céline): Il n'y a pas de réflexion. Moi, je vous ai présenté l'ensemble des réflexions du Conseil jusqu'à très récemment, et ce que je pourrais dire et traduire, là, de la part des textes qui font l'objet de la position du Conseil, c'est que ça se vit au niveau des cours et de l'enseignement dans l'école. Sur le statut confessionnel de l'école, je pense que ma collègue peut m'aider, là, parce que je n'étais pas là les dernières années, sur les dernières réflexions, si, dans les réflexions qui ont été faites, ça allait jusqu'à... Je ne crois pas que ça a été jusqu'à ce point précis.

Le Président (M. Gaulin): Mme Newman.

M. Beaumier: Écoutez, si le Conseil n'a pas pris d'avis sur ça, je ne maintiens pas ma question nécessairement.

Mme Saint-Pierre (Céline): Non, je ne peux pas m'avancer, là. Je ne peux pas m'avancer parce que ça n'a pas été plus loin.

Mme Newman (Judith): Sauf dans le sens de la citation qui est dans le document que vous avez sur la question de laisser l'espace aux écoles sans statut confessionnel, aussi.

M. Beaumier: Oui, alors, mais vous présumez par ce fait-là aussi qu'il y aura des écoles avec des statuts confessionnels, puisque vous dites qu'il y en a qui n'auront pas de statut confessionnel. Moi, j'aurais peut-être un voeu à émettre si jamais... Je sais que vous avez beaucoup de travail, mais nous aurons éventuellement, et plus prochainement notamment, peut-être à nous prononcer, à prendre une décision quant au fait de la place que la croyance ou la religion doit jouer à l'intérieur de l'école. Si jamais vous aviez une réflexion qui se développait dans ce sens-là, ça serait peut-être intéressant pour nous, sans être obligatoire. Merci bien.

Le Président (M. Gaulin): Merci, M. le député. M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Merci, M. le Président. Bienvenue, Mme Saint-Pierre, Mme Newman. Est-ce que le Conseil supérieur de l'éducation... Lorsque le Conseil fait sa recommandation à la toute fin du mémoire que vous déposez, dernière phrase: Le temps est aussi venu d'aller de l'avant, il ne peut souhaiter que l'échéancier proposé puisse être respecté, avez-vous regardé la situation du régime transitoire dans le projet de loi n° 109? Non? Donc, cette recommandation...

Mme Saint-Pierre (Céline): On ne l'a pas examiné. Quand le Conseil a été convoqué par la commission, là, nous avons repris les positions du Conseil jusqu'à ce jour. Et je vous livre la réflexion du Conseil, qui est aussi un reflet, comme on dit, de la société. Les gens interviennent et conduisent aux positions du Conseil. Alors, je vous ai donné le reflet des positions du Conseil.

M. Ouimet: O.K.

Mme Saint-Pierre (Céline): Donc, nous n'avons pas eu de conseils ou de réunions qui ont regardé le projet de loi n° 109 parce qu'on n'avait pas le temps, là, étant donné l'échéancier qui était proposé pour venir en commission parlementaire. C'était impossible. Donc, on n'a pas examiné le projet de loi n° 109 de manière formelle en réunion du Conseil. Ce que j'ai fait ici, ce que nous avons fait, c'est que nous avons replacé, nous avons contextualisé nos positions pour que vous voyiez comment le Conseil a posé le problème.

M. Ouimet: O.K. En d'autres termes, si j'interprète bien la position du Conseil à l'égard de cette recommandation-là, c'est que le dossier des commissions scolaires linguistiques tarde à s'implanter de façon générale au Québec. Donc, il faut aller de l'avant. Mais, par rapport à l'échéancier gouvernemental... Et le régime provisoire, là, ça pourrait porter à confusion, et je vous signale qu'il y a eu des gros débats autour de la table, ici, soulevés notamment par les différents organismes qui se sont présentés devant nous avec des recommandations sans équivoque par rapport à cette question-là, sur la région métropolitaine de Québec et l'île de Montréal, de ne pas procéder avant l'obtention de la modification constitutionnelle. Votre position, vous, vous ne vous prononcez pas là-dessus. O.K.

Mme Saint-Pierre (Céline): Non, mais ce que ça dit, c'est que la création des commissions scolaires linguistiques doit se faire, et le Conseil est très clair là-dessus. C'est ce que ça dit.

M. Ouimet: Mais, par rapport à la problématique que je soulève, là, je ne veux pas que vos propos portent à confusion.

Mme Saint-Pierre (Céline): Non, ce qu'il y a dans la loi n° 109, on n'a rien dit.

M. Ouimet: C'est ça?

Mme Saint-Pierre (Céline): Oui.

M. Ouimet: O.K. Vous parlez également de mécanisme approprié qui pourrait éviter la lourdeur bureaucratique lorsque vous regardez la situation des communautés anglophones. Avez-vous songé à des solutions? Parce que, également, ça fait partie des préoccupations exprimées par les commissions scolaires, par les organismes qui se placent dans la perspective de cinq commissions scolaires linguistiques anglophones couvrant l'ensemble du territoire de la province de Québec à l'exception de l'île de Montréal. Avez-vous pensé à des solutions pour faire avancer cette question-là?

Mme Saint-Pierre (Céline): Je vais demander à Mme Newman...

Le Président (M. Gaulin): Mme Newman.

Mme Newman (Judith): Vous comprenez, comme a dit Mme Saint-Pierre, qu'on n'a pas regardé le projet de loi article par article. Alors, ce n'est pas une question des détails, et ce n'est pas une question non plus des territoires précis des commissions scolaires linguistiques. Au moment où on discutait ce rapport annuel, auquel on faisait référence, c'était plutôt que la communauté anglophone est beaucoup plus dispersée à l'extérieur, beaucoup plus concentrée à l'île de Montréal et qu'on ne pouvait pas dire: Regardons les MRC, par exemple, comme territoires. Il faut peut-être voir quelque chose d'un peu différent comme territoires. Mais il faut dire que, et pour les commissions scolaires francophones et pour les commissions scolaires anglophones, le Conseil n'a jamais arrêté une position sur les territoires précise.

M. Ouimet: Sur la question des territoires, vous faites état, à la page 3, des MRC. Dans le dernier paragraphe, vous indiquez qu'il importe que les nouvelles instances intermédiaires soient peu nombreuses et relativement éloignées de chacun des établissements scolaires d'une région donnée. Hier ou avant-hier, la Fédération des comités de parents de la province de Québec, je ne sais pas si vous avez été sensibilisés à leur prise de position, c'était un objet de grande préoccupation par rapport à la participation des parents à la chose scolaire, l'éloignement, la réduction du nombre de commissions scolaires, donc des territoires beaucoup plus vastes. Et, par rapport à la participation des parents, ils étaient assez clairs dans le mémoire qu'ils ont déposé. Je pourrais vous en lire des extraits, mais j'ai l'impression que vous avez été sensibilisés à ça. Est-ce que vous maintenez toujours cette position-là déjà affirmée par le Conseil supérieur de l'éducation?

Mme Saint-Pierre (Céline): Sur la carte, comme telle, nous, on ne s'est pas prononcés. Il faut faire très attention, là. Ici, c'est le principe de la répartition des pouvoirs et de rappeler qu'ici le nombre n'est pas l'enjeu. Ce qui est l'enjeu, c'est que le conseil d'établissement ou, enfin, l'école ait les pouvoirs, et c'est là que les parents peuvent intervenir le plus directement possible. Je vous le dis parce que récemment j'ai participé à une, on appelle, ligne ouverte, où beaucoup de parents ont téléphoné pour dire la grandeur, les kilomètres qu'ils avaient à parcourir. Et je pense qu'il ne faut pas penser aux kilomètres à parcourir, mais à définir où sont les lieux de pouvoir et où ils peuvent exercer et jouer ce rôle très important. Et, dans la position du Conseil sur le partage des pouvoirs, le conseil d'établissement ou enfin le conseil de l'école, on va l'appeler comme ça, et l'école devient le lieux principal d'exercice des pouvoirs. Alors, je pense qu'on pourrait aller plus loin. Le Conseil pourrait aller plus loin dans sa réflexion et il en était là. Je vous ai livré la réflexion là où elle en est au moment où on se parle.

M. Ouimet: Alors, je comprends le point de vue que vous avancez, mais il faudrait voir, dans l'avant-projet de loi, de façon détaillée: Est-ce que les pouvoirs qui sont prévus pour les écoles vont répondre à cet objectif de faire en sorte que l'école soit le principal lieu de participation et de décision? Est-ce que les pouvoirs qui seront... Bien ça, c'est un autre débat, ce sera à l'automne, j'imagine. Mais vous faites quand même, dans le même paragraphe, référence aux territoires des MRC. Vous dites que le Conseil souhaite la réduction du nombre de commissions scolaires francophones et le rajustement à une carte territoriale rénovée du Québec. Là, vous parlez soit de MRC ou d'entités administratives comme les communautés urbaines. Pourriez-vous m'éclairer?

Mme Saint-Pierre (Céline): À titre d'exemple. Je vais vous dire, si vous regardez le texte, c'est «à titre d'exemple». Ce sont des virgules: comme les MRC, comme les régions administratives, il faut explorer différentes formes d'organisations. Et je voudrais juste redire quelque chose à partir de ce que vous venez de dire sur l'implication des parents. Quand nous disons à la fin: Il faut impliquer tous les acteurs concernés, pour nous, les parents sont des acteurs très importants pour le Conseil.

M. Ouimet: À ce moment-ci, je n'ai pas d'autres questions.

Le Président (M. Gaulin): Alors, est-ce qu'il y a d'autres questions? Mme la députée de Deux-Montagnes.

(20 h 40)

Mme Robert: Merci, M. le Président. Bonsoir.

Une voix: Bonsoir.

Mme Robert: Moi, je vais revenir à la page 4, c'est au moment où vous parlez, à la page 3, de la question du nombre de commissions scolaires, la réduction du nombre de commissions scolaires francophones. Et, quand vous arrivez aux communautés anglophones, vous ne parlez plus de commissions scolaires, vous dites «ne commande pas nécessairement les mêmes solutions et qu'il faudra tenir compte des besoins de ces populations». Et, si je regarde au paragraphe avant, où vous revenez sur des questions des exemples de l'OCDE, c'est-à-dire que le pouvoir rapproché ou pas, etc., alors je ne sais pas c'est quoi, la réflexion que ça sous-entend, «ne commande pas nécessairement les mêmes solutions et qu'il faudra veiller à tenir compte des besoins de ces populations parfois éparses, parfois concentrées sur le territoire». Est-ce que, à ce moment-là, il y avait d'autres formes de gestion de leurs écoles qui avaient été explorées ou quelque chose du genre?

Mme Newman (Judith): Je vois pourquoi vous posez cette question, avec le libellé. Quand même, on n'a pas regardé la possibilité d'une autre forme d'organisation, ce n'était pas tellement ça. C'était plutôt une question de territoire divisé différemment, peut-être à cause de la différence dans la dispersion de la population. Alors, ce n'était pas vraiment une question d'avoir des structures différentes, structures composées de façon différente, mais certainement la question des MRC, par exemple, ça ne suffit pas pour une commission scolaire anglophone.

Le Président (M. Gaulin): Mme la ministre.

Mme Marois: Moi, je n'ai plus d'autres questions proprement dites. Simplement mentionner au Conseil comment j'apprécie leur contribution. J'ai eu l'occasion de le dire privément et publiquement, au moment où on a défendu ici les crédits, avec mon collègue de Marquette et les collègues de la commission de l'éducation, j'apprécie beaucoup votre approche très nuancée mais qui va au fond des choses. Et je peux très bien comprendre que vous n'ayez pu analyser le projet de loi dans tous ses éléments un peu plus pointus et un peu plus fins, et je respecte cela. Mais je pense que l'éclairage dont on a besoin ici, c'est justement ce qui fonde nos gestes, ce qui les justifie et les perspectives que l'on poursuit lorsqu'on pose de tels gestes. Et ça doit se rattacher à toute la question de la mission éducative, et, en ce sens-là, votre éclairage nous aide beaucoup.

Alors, je veux vous remercier pour cela et éventuellement, je l'ai dit déjà au Conseil et je le répète ce soir, évidemment on va compter sur vous tout au long de la réforme aussi pour aller chercher votre point de vue critique, à l'occasion votre appui, si vous êtes convaincus évidemment, et je suis très respectueuse de votre liberté d'expression et de votre liberté intellectuelle à cet égard et je veux pouvoir aussi en profiter. Alors, je vous remercie beaucoup pour votre présentation.

Le Président (M. Gaulin): En conclusion, M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Oui, peut-être une dernière question. Je ne sais pas si c'est dans les habitudes du Conseil supérieur de l'éducation de déposer des avis sur des projets de loi, mais, par rapport à l'avant-projet de loi qui s'en vient à l'automne, est-ce que le Conseil a l'intention de fournir un avis? Juste pour permettre... Dans la même perspective, je pense que ça pourrait éclairer l'ensemble des partenaires.

Le Président (M. Gaulin): Mme la vice-présidente.

M. Ouimet: Ça avait été fait sur 107.

Le Président (M. Gaulin): Mme la présidente.

Mme Saint-Pierre (Céline): Écoutez, je réfléchis...

M. Ouimet: Ce serait intéressant, en tout cas.

Mme Saint-Pierre (Céline): Je réfléchis en recevant la demande.

Le Président (M. Gaulin): D'accord, ça va.

Mme Saint-Pierre (Céline): Je ne connais pas le principe.

Le Président (M. Gaulin): On vous laisse réfléchir.

M. Ouimet: Je pense que ça contribuerait à l'avancement de nos travaux.

Mme Saint-Pierre (Céline): D'accord.

Mme Marois: Ce qu'un conseiller m'indique, c'est qu'effectivement le Conseil supérieur, parce qu'il faut bien savoir, M. le Président...

Mme Saint-Pierre (Céline): Que nous sommes consultés.

Mme Marois: ...que Mme la présidente est nouvellement nommée à la tête du Conseil, Mme Saint-Pierre. Ce qu'on me dit, c'est que, sur 107, qui était un projet majeur pour le gouvernement qui était le gouvernement qui nous a précédés, on avait effectivement requis l'avis du Conseil supérieur, alors, évidemment, sur l'avant-projet de loi qui est un projet majeur pour l'éducation et l'avenir de l'enseignement au niveau du primaire et du secondaire en particulier, bien sûr, l'avis du Conseil sera bienvenu.

Mme Saint-Pierre (Céline): Non, je réfléchissais parce que, sur le projet de loi 40 aussi, le Conseil a présenté un avis, mais je ne sais pas si c'était sur demande ou s'il l'avait fait de sa propre initiative. Alors, est-ce qu'on le fait sur demande tout le temps ou est-ce qu'on peut le faire sur initiative? Je pense qu'on reçoit bien la demande et on va essayer de le faire. Merci.

Mme Marois: D'accord, Merci.

Le Président (M. Gaulin): Alors, Merci, Mme la vice-présidente. Merci, Mme la présidente. Merci au Conseil supérieur de l'éducation.

J'invite la Table de concertation protestante sur l'éducation – représentée par M. Glenn Smith, président – à s'approcher de la table.

Alors, nous allons, si vous voulez, suspendre deux minutes. Mais deux minutes, ne vous éloignez pas! Je peux vous dire d'ailleurs que le groupe de 23 h 30 ne pourra pas se présenter. Alors, nous terminerons un peu plus tôt.

(Suspension de la séance à 20 h 46)

(Reprise à 20 h 49)

Le Président (M. Gaulin): Nous allons reprendre la séance, et je vous souhaite la bienvenue, M. Smith. Vous avez 10 minutes pour votre intervention, ensuite nous avons chacun 10 minutes, des deux parts de l'Assemblée, pour parler avec vous.


Table de concertation protestante sur l'éducation

M. Smith (Glenn): Merci beaucoup, M. le Président, Mme la ministre, membres de la commission. De la part de la Table de concertation protestante sur l'éducation, nous voulons vous remercier pour l'invitation de présenter un mémoire sur le projet de loi modifiant la Loi sur l'instruction publique. La réaction de la Table est très favorable à l'ensemble des changements proposés dans ce projet de loi. La déclaration ministérielle du 26 mars nous amène à affermir les modifications de cette loi.

(20 h 50)

Depuis quelques années, la communauté protestante est consciente que les commissions scolaires protestantes donnent l'impression qu'à l'école on enseigne une éducation basée sur les valeurs dites protestantes. Selon nous, c'est loin d'en être le cas.

Depuis 10 ans, par exemple, les parents francophones de foi protestante ont essayé de créer des écoles avec un projet éducatif qui intègre les valeurs protestantes dans le vécu scolaire dans quatre des cinq commissions scolaires du Grand Montréal. Chaque projet consistait en une école primaire, chacune ayant de 300 à 500 élèves préinscrits. Dans chaque cas, leur demande a été rejetée par les commissions scolaires pour des raisons quelque peu nébuleuses.

Depuis que la loi 107 a été décrétée, le milieu ecclésial protestant a jugé qu'il était nécessaire de plaider en faveur de la déconfessionnalité des commissions scolaires afin d'accroître, d'abord, la responsabilité des parents dans l'exercice de leurs droits et, deuxièmement, de choisir des programmes et des projets éducatifs selon leurs valeurs.

La Table de concertation sur l'éducation regroupe 23 confessions protestantes au Québec. Même si, depuis 350 ans, au Québec, l'image publique du protestantisme reflète une entité divisée sur les diverses questions théologiques, toutes les confessions sont représentées à la Table. Elles y trouvent, sur le plan de l'éducation, un terrain d'entente.

On compte plus de 900 communautés locales au Québec: 388 francophones, 440 anglophones, et une centaine de communautés ecclésiales pour les communautés culturelles. Selon le recensement de 1996, les protestants au Québec sont au nombre de 398 000 personnes. Dans les 331 écoles du réseau protestant, on compte à peu près 91 000 élèves, mais ils ne représentent que 9 % de l'effectif scolaire. Cependant, dans ces écoles, seulement 36 % se déclarent être de foi protestante. Dans le réseau catholique, on estime qu'il y a à peu près 7 000 protestants. Je cite ces données afin de souligner que les protestants qui professent l'être sont minoritaires.

Certains propos recueillis dans les médias, concernant les protestants, révéleraient qu'en matière d'éducation ils choisiraient selon la langue et non selon leur vision du monde. La Table n'est pas de cet avis, ce serait plutôt le contraire. Très souvent leur vision du monde supplante leur choix de langue. J'aimerais toutefois vous citer deux exemples d'écoles où la vision du monde des parents a donné naissance à des écoles aux projets éducatifs particuliers.

D'abord, il existe dans la commission scolaire régionale du Eastern Québec neuf ou 10 écoles francophones dont les projets éducatifs s'inspirent des valeurs protestantes. Ces écoles sont reconnues pour l'excellence de leur pédagogie, leurs résultats scolaires et la participation des parents. Une fois que les commissions scolaires seront déconfessionnalisées, ces parents craignent de perdre leurs écoles, parce qu'elles feront partie d'une commission scolaire linguistique gérée par des personnes qui ne reconnaissent pas leur droit en tant que minorité. Dans plusieurs milieux, ces élèves qui s'inscrivent dans ces écoles habitent le territoire de deux, trois, même quatre commissions différentes. Les parents ont deux soucis: d'abord, le système d'ententes prévu dans la loi, comment fonctionnera-t-il? et, deuxièmement, l'embauche des professeurs pour leurs écoles. Nous encourageons le gouvernement à établir un comité aussi vite que possible qui assurera l'intégration des écoles avec un projet éducatif protestant dans les nouvelles commissions scolaires linguistiques.

Ensuite, comme deuxième exemple, j'aimerais citer une école du centre-ville de Montréal. Depuis 25 ans, l'école FACE fait la promotion d'une éducation dont les beaux-arts sont une partie intégrante. Mille deux cents élèves fréquentent cette école, qui gère un secteur primaire et un secteur secondaire. Les francophones y sont présents à 75 % et les anglophones à 25 %. Cette école n'est pas menacée par les modifications de la loi n° 109, parce qu'elle gardera son statut dans la nouvelle Commission des écoles protestantes de Montréal. Mais son statut est très précaire une fois la Constitution modifiée.

Les parents posent cette question: Est-ce que le gouvernement fermera notre école, qui existe depuis 25 ans, à cause des solutions mur à mur qui ne tiennent pas compte de nos acquis? Il se peut qu'il soit difficile de concevoir une école dont le statut linguistique est français et anglais, qui possède un secteur primaire et secondaire, et où les beaux-arts sont complètement intégrés au projet éducatif dans les conditions actuelles. Mais, depuis 10 ans, dans chaque sondage effectué auprès des parents, ils désirent garder leur école avec son statut linguistique, ses deux secteurs et son projet éducatif. Si leurs enfants se trouvent dans une telle école, quel aménagement le gouvernement leur proposera-t-il afin que ces parents puissent participer, disons, aux élections scolaires? Il nous semble que c'est important que la personne puisse s'autodéfinir pour les élections. Comme vous le savez, la communauté anglo-protestante a de grands soucis en ce qui concerne les modifications de la loi portant sur les élections scolaires.

Ces deux exemples, parmi d'autres, font ressortir qu'une école protestante a une culture où la langue d'enseignement et la langue d'administration ne représentent que deux des aspects que considèrent les parents dans leur choix d'école. Les parents qui envoient leurs enfants dans ces écoles désirent être rassurés qu'avec tout aménagement de la loi, et surtout les commissions scolaires, la culture de leur école sera respectée.

Néanmoins, même si la Table est très favorable à l'aménagement des commissions scolaires linguistiques, elle désire souligner à la commission trois principes qu'elle considère importants et qui ressortent des conséquences des modifications de la loi n° 109. D'abord, nous nous réjouissons que la ministre ait reconnu le droit des parents de s'exprimer sur le statut confessionnel de l'école.

Deuxièmement, nous nous réjouissons que la ministre ait reconnu le droit des parents de choisir entre l'enseignement moral et l'enseignement moral et religieux catholique ou protestant. Le gouvernement a intégré le droit au choix, particulièrement pour l'éducation religieuse de l'enfant, à l'article 41 de la Charte des droits et libertés de la personne. Dans les commissions scolaires linguistiques, il faut que le ministère de l'Éducation insiste afin que ce choix soit clairement offert et que les trois programmes soient disponibles dans toutes les écoles du Québec. Le droit des parents de choisir entre le programme d'enseignement moral et d'enseignement moral et religieux pour leurs enfants, selon l'article 5 de la loi 107, permet aussi aux minorités religieuses d'élaborer des programmes locaux comme ceux envisagés dans l'article 228 de la loi.

À la lumière de ces deux principes fondamentaux de la Table de concertation protestante sur l'éducation, nous voulons aussi en offrir un troisième. Il faut démasquer le mythe de la neutralité. Il n'y a aucune école qui soit vraiment neutre dans ses valeurs; aucun prof qui soit entièrement objectif dans son enseignement; il n'y a aucun plan de restructuration scolaire qui soit sans aucun préjugé sur le plan éthique. C'est pourquoi il est impossible de dissocier les valeurs de l'idéologie et de la spiritualité et de les retirer de la sphère publique.

Même le dictionnaire Le Petit Robert définit la religion comme un principe supérieur de qui dépend la destinée de l'être humain et à qui l'obéissance et le respect sont dus. Ainsi, l'avenir de la société, parce qu'il traite des questions supérieures et d'importance, revêt une nature religieuse et spirituelle et se focalise sur les valeurs. Lorsque le gouvernement dit qu'il veut instaurer des commissions scolaires sans référence confessionnelle, nous n'osons pas être naïfs ni aveugles. La vision du monde des administrateurs et des commissaires ne changera pas le 1er juillet. Les commissions scolaires linguistiques ne sont pas une solution magique aux défis en éducation.

En conclusion, il est crucial que le gouvernement passe à d'autres questions en matière d'éducation. Depuis 30 ans, les débats sur le verrouillage confessionnel augmentent. Il est concevable – même, il est tout à fait réaliste – d'admettre que, lorsque notre société vit selon le paradigme des structures, toute nouvelle réflexion soit oubliée, même écartée des débats publics. Pour cette raison, la Table de concertation protestante sur l'éducation réitère ce qu'elle a dit publiquement lors des assises nationales des états généraux sur l'éducation, lors du débat sur la confessionnalité.

À notre avis, il n'est pas nécessaire de continuer ce débat avec ladite abrogation de l'article 93 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique par une entente bilatérale. Il est clair que l'application des dispositions de la loi 107, conformément à l'arrêt de la Cour suprême, et les modifications qui sont proposées dans la loi n° 109 peuvent être réalisées rapidement sans avoir recours au changement constitutionnel. Nous pouvons créer des commissions scolaires linguistiques tout en respectant le désir de certaines communautés d'exercer leur droit confessionnel et à la dissidence. Ensuite, nous pouvons passer aux autres questions.

Mais, si l'Assemblée nationale poursuit l'abrogation de la Constitution, il nous semble important de réitérer les trois points suivants. D'abord, pour la communauté franco-protestante, comment s'assurer que l'existence et l'épanouissement des écoles dans les nouvelles commissions scolaires linguistiques se réaliseront? Deuxièmement, pour la communauté protestante allophone, nous prenons la parole de la ministre quant au choix des parents du programme d'enseignement moral et religieux et d'animation religieuse. Et, troisièmement, pour la communauté anglo-protestante, il est très important que le droit de vote soit garanti selon le choix de la personne et non selon une prérogative gouvernementale.

(21 heures)

Les gouvernements existent pour une raison très distincte, soit pour assurer la justice publique dans la société. Nous encourageons le gouvernement à poursuivre ces modifications, mais nous l'invitons aussi à se poser sérieusement la question suivante: Est-ce que cette loi assurera cette justice à tous les citoyens et citoyennes du Québec à l'aube du XXIe siècle? La façon dont le gouvernement traite ses minorités en dit long au sujet de sa vision du monde et de la réalité. Merci beaucoup.

Le Président (M. Gaulin): Bien. Alors, je vous remercie, M. le président. Et je donne la parole à la ministre.

Mme Marois: Alors, merci, M. le Président, merci et bienvenue à cette commission, merci pour votre présentation. Bon, là, j'essaie de bien saisir, dans le fond, votre point de vue quant à la loi qui est devant nous. Vous préféreriez 107 intégralement, dans le sens de l'implantation de commissions scolaires linguistiques sans nécessairement amender 93, c'est ce que je comprends?

M. Smith (Glenn): Oui, oui, nous pensons que c'est possible.

Mme Marois: De procéder. Là-dessus, je pense qu'on s'entend aussi, c'est possible, ça comporte un certain nombre de contraintes et de difficultés cependant et c'est celles-là qu'on veut essayer d'éviter. On a essayé de le faire en s'adaptant, en adaptant 107, il y a un an maintenant, et on le faisait en se disant: On ne peut pas aller vers Ottawa parce que ça prendra des années avant d'obtenir un amendement constitutionnel, compte tenu qu'il fallait l'appui de cinq autres provinces ou six autres, selon. Donc, ce qu'on constate, c'est que, chaque fois qu'on veut le faire dans le contexte contraignant dans lequel on se trouve, on se heurte à des difficultés telles qu'on ne va jamais au bout du processus. Dans ce sens-là, c'est pourquoi on a renoncé finalement à cette approche-là, jusqu'à un certain point, bien sûr, parce que ce qu'on fait maintenant, si nous n'avons pas l'amendement constitutionnel, comporte des contraintes. On essaie de les aménager pour qu'elles soient le moins lourdes possible et le plus facile à vivre.

Mais, pour aller plus loin dans mon analyse de votre point de vue, c'est que vous nous dites cependant: Si vous désirez y aller sur une base linguistique, voici ce à quoi nous tenons. C'est bien ce que je comprends de votre point de vue?

M. Smith (Glenn): Vous m'avez très bien compris, Mme la ministre.

Mme Marois: Bon, bravo! Vous soulevez des questions très concrètes et très précises. Il y a peut-être une approche plus globale sur laquelle je pourrais revenir avec vous, c'est la question de la place de la religion à l'école. Nous ne modifions pas 107, effectivement, nous conservons donc la possibilité pour les parents de choisir le statut de l'école, celui-ci pouvant être un statut religieux de foi protestante, inspiré de foi protestante, de foi catholique ou un statut neutre. Cependant, l'école reste commune et doit pouvoir accueillir tous les enfants, peu importent leurs convictions. Je pense que ça, pour nous, c'est fondamental, ça reste, cette réalité-là, 107 continue de s'appliquer.

En même temps, vous savez que, lorsque j'ai fait la déclaration ministérielle, il y a quelques semaines maintenant, j'ai annoncé la constitution d'un groupe de travail pour réfléchir sur la place de la religion à l'école. Une des préoccupations que j'ai, entre autres, c'est que, justement, on ait aussi une connaissance de l'histoire des religions. Et, dans un monde pluraliste, ce n'est pas inutile, si on veut que se développe encore plus de tolérance et de respect les uns des autres et de respect aussi des droits des minorités. Pour moi, ça va aussi dans ce sens-là, mais je pense qu'on se comprend bien sur le fond de la question.

J'aimerais ça vous entendre parce que vous dites à la page – Oh! ce n'est pas paginé – je vais vous citer et ce sera simple. Vous dites: «Dans plusieurs milieux, les élèves qui s'inscrivent dans ces écoles – en faisant référence aux écoles protestantes – habitent le territoire de deux, trois ou même quatre commissions différentes. Le système des ententes, comment fonctionnera-t-il?» Et vous nous dites: «Nous encourageons le gouvernement à établir un comité qui assurera l'intégration des écoles avec un projet éducatif protestant dans les nouvelles commissions scolaires linguistiques.»

Comment voyez-vous cette intégration, et, si on constituait un comité, comment devrait-il être constitué? Avez-vous réfléchi à cette question?

M. Smith (Glenn): La Table a brièvement réfléchi à la question. Nous avons trouvé important de le dire dès le commencement à cette commission. Le souci de ces parents est très simple. À l'heure actuelle, elles se trouvent dans une commission scolaire régionale, qui sera abolie. Comment ces écoles vont-elles s'intégrer dans ces nouvelles commissions scolaires où ils ne connaissent pas les commissaires, les commissaires ne connaissent pas les élèves? les ententes vont être signées par ces commissaires. Est-ce que ces commissaires vont reconnaître nos acquis, nos projets éducatifs, l'étoffe de nos écoles? Il me semble qu'un comité, qui sera un comité nommé par le ministère de l'Éducation, qui représente l'ensemble du milieu protestant de la province de Québec, peut aider le gouvernement à comprendre ces écoles et aider ces écoles à comprendre la nouvelle situation.

Dans la situation que je cite ici, à la page 2, il y a un énorme souci parce que la vaste majorité de ces écoles avec un projet éducatif protestant se situe dans cette partie de la province de Québec. Il y a une certaine histoire à cet égard-là. Ce problème n'est pas vécu, disons, dans le Grand Montréal. Il y a d'autres problèmes où le comité peut aider, mais ça sera en vis-à-vis de ces écoles, de ces parents, de ces regroupements d'école et du ministère de l'Éducation. Les parents craignent une culture dominante qui n'a pas compris le cheminement spirituel qu'ils veulent vivre dans l'école tout en respectant que ces écoles sont communes.

Donc, moi, je trouve qu'un tel comité peut être un excellent lieu d'échanges et aussi de compréhension des deux côtés. Il n'est pas nécessaire que ça soit un comité à long terme ni coûteux, mais ça peut être un lieu d'échanges et un lieu d'intégration qui pourra facilement travailler avec le ministère.

Mme Marois: Oui, d'accord. D'ailleurs, ça pourrait peut-être nous permettre de répondre à un certain nombre de questions que vous soulevez, évidemment.

Le droit de vote, vous ne l'abordez pas formellement, sauf sous l'angle du fait qu'actuellement vous dites: Où vont-ils voter, finalement? Parce que le vote, il est sur une base territoriale, sur une base de fréquentation, puis après ça un certain nombre de critères et de balises qu'on a établis. Mais il reste que d'abord et avant tout c'est sur une base territoriale. J'habite tel territoire, et mon enfant, normalement, fréquente une école de ce territoire. Donc, je paie les taxes à cette commission scolaire et j'y vote. Mon enfant fréquente l'école anglaise, peu importe. Alors, pour l'effet de la loi, c'est comme ça que c'est prévu. Mais là, vous, vous faites référence à des écoles de type régional qui disparaissent, pas nécessairement ici, mais dans l'avant-projet de loi qu'on verra à l'automne prochain. C'est vrai que ça soulève cette difficulté.

Maintenant, je suis certaine que l'objectif que nous poursuivons n'est pas évidemment d'empêcher que des expériences particulières puissent se vivre dans le réseau, telles celles auxquelles vous faites référence ici. Évidemment, il s'agira de voir comment on peut les rendre possibles et les aménager dans un système qui sera profondément modifié dans l'ensemble de ses institutions. Le fait qu'on couvre de plus grands territoires peut peut-être faciliter la chose, cependant, dans certains cas; peut-être ne résoudre aucun problème dans d'autres. Mais ça mériterait sûrement, je suis d'accord avec vous, qu'on se penche d'une façon un peu plus fine sur ces questions-là.

Le Président (M. Gaulin): Rapidement, le temps est écoulé de ce côté-ci, alors répondre rapidement.

M. Smith (Glenn): La Table de concertation n'a pas énormément réfléchi sur la question des élections, mais elle m'a mandaté de le mettre ici, lorsque j'ai rencontré le comité de parents en question, donc la question qui est ici en italique, ce comité d'école et l'école FACE, à la page 2. Et la table est consciente que dans l'avant-projet de loi qui est déjà déposé... Nous savons que ça, c'est un sujet.

Mais je suis très content d'entendre votre souci à cet égard et que vous vous rendez compte que les écoles qui sont beaucoup plus régionales... Il y a des nuances qui ne sont pas toujours faciles dans un avant-projet de loi. Donc, nous attendons les dispositions du gouvernement à cet égard, et nous sommes tout à fait prêts à dialoguer sur ces questions. Mais c'est un sujet d'une pertinence inouïe dans ces situations-là, et nous voulons attirer votre attention sur cette question.

Mme Marois: D'accord, merci.

Le Président (M. Gaulin): Mme la ministre, merci. M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Merci. Bienvenue, M. Smith, aux travaux de notre commission. Je veux clarifier dès le départ la question du droit de vote parce que vous faites deux déclarations de recommandation à cet égard-là. Les pages ne sont pas numérotées, mais vous dites – l'avant-dernière page de votre mémoire: «Pour la communauté anglo-protestante, il est très important que le droit de vote soit garanti selon le choix de la personne et non selon une prérogative gouvernementale.»

(21 h 10)

Par rapport à ce qui est prévu aux articles 52 et suivants du projet de loi n° 109, vous appuyez ça ou vous n'êtes pas en accord avec cela? Il faut être clair, là.

M. Smith (Glenn): La Table de concertation, pour être tout à fait honnête, n'a pas beaucoup réfléchi à la question. Ça a été discuté, nous avons décidé d'attendre pour voir, parce qu'on a entendu que peut-être ce serait changé. Il est très évident que la Table est consciente de l'importance que la personne puisse s'autodéfinir, et, nous, nous voulons voir comment le gouvernement va orienter le débat. Je ne veux pas m'exprimer au nom de la Table parce que la Table n'a pas...

M. Ouimet: N'a pas de position nette.

M. Smith (Glenn): ...tranché sur la question. Donc, il vaut mieux que je me taise.

M. Ouimet: J'ai compris.

M. Smith (Glenn): La discrétion est importante.

M. Ouimet: La loi 107, la modification constitutionnelle, vous êtes clairement en désaccord avec la position adoptée par l'Assemblée nationale à l'unanimité, j'essaie de savoir pourquoi. Est-ce que, pour vous, c'est parce que le projet de loi 107, qui implante des commissions scolaires linguistiques partout à travers la province mais qui conserve également des commissions scolaires confessionnelles à Montréal et à Québec et des commissions scolaires confessionnelles dissidentes, c'est à ça que vous vous accrochez? Est-ce que votre intérêt, il est là?

J'essaie de voir, là, j'ai l'impression que la dimension spirituelle, pour la Table, est beaucoup plus importante que la dimension linguistique. Je pense que vous y faites référence dans votre mémoire. S'il y a modification constitutionnelle, il n'y aurait pas de garantie pour préserver, là, les écoles que vous avez. Sauf que le projet de loi 107, lui, vous accorderait cette protection-là en vous permettant d'exercer le droit à la dissidence. Est-ce que c'est ça que je décode comme message?

M. Smith (Glenn): Si vous lisez, à la fin de la page 4 et au début de la page 5, la position de la Table est très claire là-dessus. On l'a dit, comme je le mentionne ici, aux assises nationales des états généraux. Selon nous, il n'est pas nécessaire de prendre l'étape constitutionnelle; 107, avec l'arrêt de la Cour suprême, avec ces modifications pour mettre en vigueur pleinement 107, suffira. Nous pouvons passer maintenant à d'autres questions.

M. Ouimet: Ça, j'ai compris, ça, j'essaie de décoder, là, votre intérêt. Pourquoi vous faites cette affirmation-là?

M. Smith (Glenn): Parce que, dans notre communauté, le désir d'avoir la possibilité pour des écoles confessionnelles, le droit confessionnel et la dissidence est important.

M. Ouimet: O.K. c'est ce que je pensais.

M. Smith (Glenn): Et, selon nous, il n'est pas nécessaire d'abréger ces choses ou sauter ces choses.

M. Ouimet: C'est ce que je pensais, là. Maintenant, j'aimerais vous entendre sur comment l'école que vous décrivez dans votre projet peut être à la fois confessionnelle et commune. Vous avez souligné tantôt l'importance, pour les parents, de l'embauche des profs, j'imagine aussi l'embauche du directeur de l'école, qui partagent les valeurs et les croyances de votre communauté religieuse. Alors, si c'est ça, le modèle de l'école, comment peut-elle être ouverte à tous et commune? Parce que les élèves qui ne partageraient pas la foi seraient scolarisés par des enseignants et une direction d'école qui, sur le plan religieux, a des valeurs, des principes bien déterminés, bien définis, bien accueillis par, j'imagine, les comités de parents, mais...

M. Smith (Glenn): Oui, je comprends bien la question.

M. Ouimet: ...vous saisissez la difficulté. Et je pense qu'on a eu beaucoup d'avis au cours des 10, 15 dernières années là-dessus, et c'est tout le principe, là: Comment est-ce qu'une école peut être à la fois confessionnelle et commune, surtout lorsque vous souhaitez avoir la possibilité de choisir les professeurs en fonction de leur orientation religieuse?

M. Smith (Glenn): Juste pour nuancer ce que j'ai dit, les parents, dans la région que j'ai citée comme exemple, ce n'est pas toutes les écoles qui veulent avoir ces droits. Mais, pour répondre directement à la question, l'école est commune dans le sens qu'elle est ouverte à tous et à toutes. L'école choisit un projet éducatif, selon le conseil d'orientation, avec la participation des profs, le directeur. Ce projet éducatif est élaboré en incorporant les valeurs que les parents et le conseil d'orientation ont choisies.

Le comité protestant du Conseil supérieur de l'éducation a bien rédigé, pas un avis, mais un rapport sur ces questions. Maintenant, l'école offre les trois choix: l'enseignement moral, l'enseignement moral et religieux catholique et protestant. L'école a ses portes ouvertes à tout le monde. L'école n'est pas... Elle ne fait pas de prosélytisme, excusez-moi. Elle n'est pas là pour faire des bons protestants de ses élèves qui sont là. Mais elle est là pour inculquer une perspective, une vision du monde, pour donner une orientation aux élèves, mais elle reste commune pour faire avancer une société civile et une société pluraliste. Le respect mutuel doit être une valeur cruciale dans l'avancement de cette école et pour l'avancement de la société québécoise à l'heure actuelle.

M. Ouimet: Vous dites vous-même dans votre mémoire: Il faut démasquer le mythe de la neutralité. Il n'y a aucun professeur qui soit entièrement objectif, entre guillemets, dans son enseignement. La vision du monde des administrateurs, des commissaires ne changera pas le 1er juillet, etc. Et vous évoquez aussi – ce n'est pas dans votre mémoire, mais vous l'avez dit tantôt textuellement – l'importance de choisir d'embaucher des professeurs qui adhèrent aux croyances religieuses. Je comprends sur le plan de l'obligation faite par la loi d'offrir l'enseignement religieux catholique, l'enseignement religieux protestant et l'enseignement moral. Ça, c'est au niveau du cours. Mais, par rapport à tout le vécu à l'intérieur de l'école par rapport à la célébration des temps forts religieux, par rapport aux croyances des directeurs d'école, directrices d'école que vous souhaitez, du corps professoral que vous souhaitez, c'est là que je pose la question: Comment pouvez-vous dire que cette école-là... Elle est ouverte à tous physiquement, mais est-ce qu'il n'y a pas quelque part, pour un élève qui fréquente cette école-là mais qui ne partage pas ces croyances-là... Est-ce qu'au niveau de sa liberté de conscience, sa liberté de religion, il n'est pas brimé, cet élève-là?

M. Smith (Glenn): Il me semble que cette école, si elle reflète une perspective spirituelle sur la réalité, reflète un respect mutuel pour les élèves qui sont dans cette école, moi, je ne vois pas de problème si un parent décide d'envoyer ses enfants dans cette école et que ces parents ne partagent pas les mêmes croyances religieuses que cette école. De la même façon, disons... Bien, je donne l'exemple de cette école FACE à Montréal, qui a un projet éducatif dans les beaux-arts. Le directeur, les profs, les parents qui envoient leurs enfants dans cette école doivent respecter le projet éducatif qui intègre les beaux-arts. Donc, si un parent ne veut pas que les beaux-arts fassent partie du régime pédagogique de son enfant, le parent va quitter. C'est le respect, mais en même temps un respect dans...

M. Ouimet: Mais vous admettrez avec moi, monsieur, qu'il y a une distinction entre la croyance, la religion, d'une part, et un projet éducatif style beaux-arts. N'y a-t-il pas une distinction sur le plan des croyances et de la religion et...

M. Smith (Glenn): Mais c'est le respect du projet éducatif qui est très important. Si les parents choisissent ce projet éducatif et si les parents veulent que leurs enfants soient dans une telle culture, donc il me semble que tout le monde va participer pour l'avancement de la pédagogie, la mission de l'école, pleinement participer dans le curriculum. Moi, je pense que l'école peut être commune même avec un projet éducatif qui reflète ces valeurs.

M. Ouimet: On s'entend, et, en conclusion, vous n'avez pas la même définition du mot école commune que la Société Saint-Jean-Baptiste ou le Mouvement national des Québécois et des Québécoises lorsqu'ils parlent d'écoles communes. Je ne pense pas que... C'est le même terme que vous employez, mais ça n'a pas du tout la même signification. Merci.

Le Président (M. Gaulin): Alors, ça va, M. le député de Marquette. Mme la ministre.

Mme Marois: Alors, merci beaucoup pour votre contribution à la réflexion sur nos orientations. Merci.

(21 h 20)

Le Président (M. Gaulin): Alors, merci, M. le président, pour votre présentation de la Table de concertation protestante sur l'éducation.

J'invite le Comité catholique du Conseil supérieur de l'éducation à se présenter à la table, et le président du Comité catholique, M. Guy Côté. Dès que vous aurez pu prendre place, si vous voulez nous présenter les gens qui vous accompagnent.

Alors, bienvenue, M. le président. Nous avons une demi-heure. Vous avez 10 minutes pour faire votre présentation, après lequel temps nous échangerons avec vous.


Comité catholique (Conseil supérieur de l'éducation)

M. Côté (Guy): Merci, M. le Président. Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, je voudrais d'abord vous présenter les deux personnes qui m'accompagnent: à ma gauche, M. Serge Côté, qui est conseiller en éducation chrétienne à la commission scolaire Jacques-Cartier, et à ma droite, M. Pierre Loiselle, qui est secrétaire au Comité catholique.

Je veux vous remercier, au nom du Comité, de m'avoir invité à vous adresser la parole. Au cours de cette brève intervention, je ferai d'abord quelques remarques d'ordre général, pour ensuite attirer votre attention sur trois articles du projet de loi n° 109.

D'abord, je rappelle que le Comité a indiqué clairement son accord avec la mise en place des commissions scolaires linguistiques; donc, là-dessus, nous avons un accord de fond avec le gouvernement. Mes premières remarques visent à souligner le bien-fondé de la décision de la ministre quant au maintien des aménagements confessionnels dans ce projet de loi. Ceux-ci correspondent en effet aux besoins éducatifs des jeunes, à la volonté de la population et à l'intérêt supérieur de la société québécoise.

Les jeunes. La jeunesse est l'âge de la découverte, de l'enthousiasme, des projets d'avenir. Mais notre époque sécrète la détresse et le désenchantement chez un trop grand nombre de jeunes. À l'âge où se forment leurs options fondamentales et où se structure leur personnalité, beaucoup se sentent laissés à eux-mêmes ou soumis à toutes sortes de sollicitations, de pressions et de messages incohérents. Que ce soit pour explorer des chemins d'espoir et de liberté ou pour apprendre à faire face à la souffrance et aux difficultés de la vie, comment l'école peut-elle les aider? L'éducation religieuse est valorisée dans l'école québécoise comme un lieu privilégié pour une telle recherche. C'est aussi le lieu où les jeunes peuvent découvrir un accès à la dimension spirituelle de leur être et s'exercer à apprécier de façon lucide la place de la religion dans leur vie et dans la société. Les aménagements confessionnels ont tous pour but, en définitive, de rendre possible et de soutenir un tel espace d'approfondissement humain à l'école.

La volonté populaire. Malgré la présence d'un courant fort visible en faveur de la laïcisation, l'appui à la confessionnalité scolaire demeure une tendance lourde encore aujourd'hui dans les milieux urbains aussi bien que ruraux, auprès de la population en général aussi bien que des parents. Certains groupes tentent toutefois d'interpréter ce fait de manière à le banaliser. Or, il existe une telle chose que la sagesse populaire, qui trouve peut-être moins facilement les mots pour le dire mais qui pressent les enjeux avec une clairvoyance parfois déroutante pour des intellectuels, des administrateurs ou des groupes militants. Si le gouvernement n'avait pas prêté attention à cette voix venue des gens ordinaires, il aurait manqué à son devoir et prêté flanc au cynisme de ceux et celles qui prétendent que, de toute façon, les politiciens ne nous écoutent pas.

L'intérêt public. La question qui se pose ici est celle de l'intérêt que peut avoir une société à puiser dans les composantes majeures de son héritage religieux de quoi favoriser son devenir collectif. Il serait difficile de nier que la tradition judéo-chrétienne ait contribué de manière significative et positive à former ce qu'on peut appeler le caractère québécois, cette manière d'être humain qui nous singularise parmi d'autres peuples. Il serait tout aussi difficile de contester le rôle que l'éducation publique a pu jouer à cet égard. Ce rôle a évolué dans le sens d'un respect plus intégral des compétences et des juridictions entre l'école, la famille et les églises. On ne confie plus à l'école le soin de catéchiser, de transmettre la foi ou de susciter l'appartenance à une Église. Mais la qualité humaine de la société québécoise peut-elle encore s'alimenter aux trésors de sagesse humaine et spirituelle véhiculés par la tradition judéo-chrétienne? Si l'on estime que oui, il est inévitable que l'école ait son rôle à jouer en ce sens, soigneusement délimité mais indispensable.

Compris de cette manière, le maintien des aménagements confessionnels n'a rien à voir avec une quelconque tyrannie de la majorité ou avec un anachronisme antimoderne. Il n'y a rien là, en effet, qui soit incompatible avec le respect des libertés de conscience, avec l'intégration culturelle des immigrants ou avec les impératifs d'une société séculière et pluraliste; rien non plus qui soit divisif, comme en fait foi la capacité des écoles confessionnelles actuelles d'accueillir des jeunes de toutes provenances et de bien les préparer à s'intégrer à la société.

En cette matière comme en toute autre, il faut se méfier des slogans à la mode qui dispensent d'une analyse rigoureuse des faits. Il est tout à fait possible de gérer la confessionnalité scolaire de manière à respecter et à promouvoir les intérêts supérieurs de la société québécoise contemporaine. Le Comité catholique s'est expliqué là-dessus à quelques reprises, notamment dans son avis récent à la ministre de l'Éducation sur l'évolution de la confessionnalité scolaire.

Venons-en maintenant aux articles qui appellent quelques commentaires de notre part. D'abord, l'article 21 modifiant l'article 218 de la Loi sur l'instruction publique. C'est l'addition de l'alinéa portant sur la demande de retrait du statut confessionnel qui soulève quelques difficultés. Ce qu'on remarque, c'est que la commission scolaire doit requérir le retrait du statut confessionnel si tel est le souhait des partenaires de l'école, alors qu'elle peut demander une reconnaissance de ce même statut.

Mais, si le conseil d'établissement est responsable de définir les orientations de l'école et son projet éducatif, pourquoi une demande de reconnaissance ne devrait-elle pas avoir le même poids qu'une demande de retrait et bénéficier d'un traitement égal par la commission scolaire? On peut supposer qu'en laissant plus de latitude à la commission scolaire dans le cas d'une demande de reconnaissance, on voudrait ménager, dans le système d'éducation, une marge de manoeuvre pour écarter les demandes jugées problématiques. Si de telles situations se présentaient, la commission scolaire aurait cependant toujours le loisir d'adresser ses commentaires au Comité catholique. Cette possibilité d'intervention milite d'ailleurs en faveur du processus qui oblige l'école à soumettre sa demande au comité confessionnel par l'entremise de la commission scolaire.

La deuxième difficulté, à propos de l'article 21, tient au fait qu'il ne précise pas suffisamment la nature de la consultation requise pour adresser une demande de retrait du statut confessionnel. Si l'on maintient l'addition de l'alinéa portant sur cette question, il faudrait préciser que la consultation requise est la même que dans le cas d'une demande de reconnaissance. On pourrait toutefois faire l'économie de cet alinéa en utilisant les mêmes termes «peut» ou «doit» – préférablement «doit» – dans les deux passages de l'article 218 où il est question de demande de reconnaissance et de retrait du statut confessionnel.

L'article 23. L'article 262 de la loi 107, qui prévoit la nomination d'un responsable du soutien à l'administration des écoles catholiques et au service d'éducation religieuse dispensé aux élèves catholiques, n'est pas modifié, quant au fond, par l'article 23 du projet de loi n° 109. Les objectifs poursuivis par cet article sont de la plus haute importance aux yeux de la communauté catholique, dans le nouveau contexte créé par l'implantation de commissions scolaires linguistiques. Un large consensus se dégage cependant sur la nécessité de reconsidérer l'identification du poste désigné comme faisant partie du personnel-cadre. Il semble, en effet, peu réaliste d'exiger la création d'un tel poste et de s'attendre à ce qu'il ait l'efficacité voulue dans la conjoncture économique actuelle.

Le Comité catholique serait donc prêt à envisager d'autres moyens pour atteindre les mêmes fins. Il doit toutefois être clair qu'il ne s'agit pas ici d'atténuer la portée de cet article, mais de le renforcer en le rendant plus opérationnel. Le Comité catholique propose donc que le responsable soit plutôt désigné comme membre professionnel non enseignant. Il ne s'agirait pas d'un nouveau poste, puisqu'il en existe déjà un qui correspondrait aux objectifs poursuivis, celui de conseiller ou conseillère en éducation chrétienne.

Le consensus auquel je viens de faire allusion insiste sur l'importance primordiale d'un tel poste dans les commissions scolaires linguistiques. Les anglo-catholiques y tiennent tout particulièrement du fait qu'ils se retrouveront, sauf sur les territoires des villes de Montréal et de Québec, dans des commissions scolaires anglophones dont les commissaires et le personnel de direction seront – du moins, pendant un certain temps – majoritairement issus des actuelles commissions scolaires pour protestants.

Le Président (M. Gaulin): En conclusion, s'il vous plaît, M. le président.

M. Côté (Guy): Oh là là! Ça passe vite, hein? Alors, en conclusion, donc, je crois que je vais insister encore sur cet article 262...

Le Président (M. Gaulin): Écoutez, sans vouloir vous bousculer, hein?

M. Côté (Guy): Oui, oui, je comprends. Alors, pour que cet article ne soit pas affaibli par le remplacement d'un poste-cadre par un poste de professionnel, le Comité catholique a jugé bon d'inclure, dans son dernier avis, la recommandation de créer dans chaque commission scolaire un comité aviseur comportant deux commissaires élus dont le statut serait fort différent des comités confessionnels d'abord proposés par la ministre Marois au printemps 1996.

(21 h 30)

Très rapidement, l'article 36 vise à faire en sorte que la révision annoncée par la ministre soit articulée de quelque façon avec le processus d'évaluation du vécu professionnel prévu dans les écoles catholiques.

Voilà donc l'essentiel de notre contribution aux travaux de votre commission pour le moment, compte tenu des objectifs qui sont les vôtres à cette étape-ci. Merci de votre attention.

Le Président (M. Gaulin): Merci, M. le président. Mme la ministre.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Je finissais de lire le texte au complet. En fait, évidemment, vous abordez ici toute la question de la façon dont on va continuer à tenir compte dans notre système scolaire, à partir du moment où on déconfessionnalise la structure des commissions scolaires, de la préoccupation à l'égard de l'enseignement religieux, et particulièrement, évidemment, sous votre angle de l'enseignement au niveau du catholicisme, et je comprends bien.

Maintenant, est-ce que vous ne croyez pas... Et là je n'ai pas fait l'analyse, évidemment, au détail de ce que vous suggérez ici en faisant la comparaison avec mon texte de loi, parce qu'il nous arrive ce soir. On va le faire dans les jours qui viennent. Est-ce que vous ne croyez pas que les propositions que vous nous présentez n'auraient pas intérêt à être débattues dans l'éventuelle discussion que nous aurons sur la question de la place de la religion à l'école, de l'encadrement des moyens qu'on rendra disponibles, de l'encadrement éducatif, etc., sur cette question-là?

Parce que, évidemment, lorsque j'ai annoncé que nous maintenions la possibilité d'un choix pour les parents quant au statut de l'école et quant à l'enseignement de la religion à l'école tout en maintenant le fait que l'école doit être commune et accessible à l'ensemble des enfants, j'ai aussi fait état d'un projet de comité de travail qui pourrait siéger pendant l'année qui vient, préparer une réflexion, consulter et éventuellement ouvrir un débat. Pas maintenant, là, je pense que ce n'est pas le temps maintenant, parce qu'on va justement arriver à confondre à peu près tout, alors que là on s'occupe de la question de l'implantation des commissions scolaires linguistiques.

Donc, ces questions-là pourraient être débattues à l'intérieur de ce groupe de travail, et, pour l'instant, on reste au statu quo – ce que je propose de toute façon dans ma déclaration ministérielle et aussi dans la loi – si ce n'est simplement pour tenir compte d'événements qui n'étaient pas prévus dans la loi 107, dont, entre autres, la question du retrait du statut confessionnel, où il n'y avait pas d'encadrement prévu à cet égard-là.

M. Côté (Guy): Alors, on est bien conscient, au Comité, que le débat va se poursuivre. Le contraire serait fort étonnant, mais on a simplement voulu examiner les articles tels qu'ils étaient présentés dans le projet de loi qui est devant nous pour les bonifier, le cas échéant. Ce sont des modifications quand même assez pointues que nous recommandons.

Peut-être que la plus importante porte sur l'article 262. C'est un article, vous le savez, qui a eu beaucoup d'importance au moment où l'accord a été donné par la communauté catholique au projet d'implanter les commissions scolaires linguistiques. Donc, il y a un lien, là, entre cet accord aux commissions scolaires linguistiques et la place faite à des mesures de soutien à l'intérieur des commissions scolaires pour assurer la poursuite des services d'éducation religieuse dans les écoles.

Tel qu'il est libellé – alors, c'est pourquoi nous y revenons dans notre présentation ce soir – il nous semble qu'il est peu facilement opérationnel. Donc, s'il est pour avoir quelque sens et quelque pertinence, il faut probablement prévoir sa modification dans le sens que nous suggérons, à la suite de consultations assez larges, comme je l'indique, qui permettent de vous assurer d'un consensus assez large sur la proposition que nous faisons.

Mme Marois: Je sais aussi, dans l'avis qui m'avait été remis, là, que vous en discutiez. Évidemment, je n'ai pas d'objection en soi à ce qu'on regarde de façon un petit peu plus précise, à ce moment-ci, cette question-là, mais, comme je vous le mentionnais tout à l'heure, ça pourrait s'inscrire aussi dans la poursuite de la discussion, et donc être vraiment pris dans un ensemble un petit peu plus global.

M. Côté (Guy): Je vous comprends bien, Mme la ministre. Je pense que le but de notre intervention ce soir est de souligner l'extrême importance de cet article-là pour la communauté catholique et la nécessité de le transformer de manière à le rendre plus opérationnel.

Mme Marois: D'accord. Je comprends bien. Quant à d'autres aspects du projet de loi n° 109 qui est devant nous, qu'il s'agisse de la question du droit de vote ou, je dirais, des modalités pour l'implantation d'un régime provisoire advenant le fait que nous n'ayons pas d'amendement constitutionnel, est-ce que le Comité a fait une réflexion sur certains des aspects de ces questions autrement que celles qui nous sont présentées ici, au mémoire, ce soir?

M. Côté (Guy): Nous avons bien lu le projet de loi, mais nous avons considéré que ces aspects-là relevaient moins de notre juridiction, ne posant pas de problème du point de vue qui relève de notre mandat.

Mme Marois: D'accord. Un peu comme lorsque je vous fais parvenir les contenus de cours et de programmes et qu'on me dit qu'il n'y a pas de commentaire.

M. Côté (Guy): C'est ça.

Mme Marois: Ça va. D'accord. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Gaulin): Merci, Mme la ministre. M. le porte-parole de l'opposition officielle.

M. Ouimet: Merci, M. le Président. Bienvenue, M. Côté et les gens qui vous accompagnent. On est en train de parcourir à nouveau l'avis que vous avez soumis, Vers un nouvel équilibre , et j'ai envie de vous poser la question: Comment définissez-vous l'école catholique?

M. Côté (Guy): L'école catholique, pour nous, n'est pas une école à projet religieux. J'ai écouté attentivement la réponse à la question que vous avez posée tantôt à l'intervenant précédent. Ce qui la caractérise, c'est son projet éducatif. Parce qu'une école sans statut confessionnel peut aussi offrir les services qu'une école catholique s'engage à offrir.

Le projet éducatif d'une école catholique n'est pas un projet religieux. C'est commode de rassembler les deux termes. C'est le projet éducatif d'une école qui est confessionnel, dans le sens suivant: dans le sens où elle choisit de s'inspirer de la tradition judéo-chrétienne, ici, dans sa forme catholique, pour orienter, soutenir sa mission éducative. Mais c'est un projet qui doit avoir une connotation purement éducative. Donc, il ne s'agit pas, là, de véhiculer des croyances. Il ne s'agit pas d'imprégner toute l'école d'une mentalité catholique, au sens très confessant du mot. On retient le mot «confessionnel», parce qu'on n'en a pas de meilleur, mais il est piégé parce qu'il fait allusion à une sorte de confession de foi.

L'école catholique n'engage pas tout son personnel, de la direction aux enseignants et à tous les niveaux, à confesser la foi catholique, pas plus qu'elle ne se donne le projet de confesser dans ses murs la religion catholique de toutes les manières possibles. Mais elle se réfère à une vision de la personne, une vision du monde et de la vie qui tirent quelque inspiration de la richesse de la tradition judéo-chrétienne pour nourrir son projet éducatif, sa mission éducative.

Donc, c'est ce recours délibéré, explicite, à une tradition religieuse qui a marqué notre culture, notre histoire, qui a marqué aussi l'histoire de l'éducation chez nous, notre tradition éducative, pour continuer de nourrir, d'alimenter, mais en respectant l'identité de l'école publique, le projet éducatif de cette école.

M. Ouimet: Lorsque j'étais président d'une commission scolaire qu'on disait très catholique, le reproche qui m'était fait, qui nous était fait, c'était souvent que l'école n'avait de catholique que le nom, parce que les professeurs ne partageaient pas, ne transmettaient pas la foi catholique. Il y avait une déception de la part des curés de paroisses, entre autres, et je dirais même de certains représentants de l'Église de Montréal. On sait aussi que l'Église de Montréal contribue à financer et à supporter l'Institut catholique, je pense que c'est l'Institut catholique de Montréal pour la formation des maîtres, en vue de pouvoir former des maîtres qui adhèrent beaucoup plus à la religion catholique.

M. Côté (Guy): Oui, je comprends très bien que ça peut être difficile.

M. Ouimet: J'essaie de... Vous vous connaissez, hein? Vous êtes en terrain connu par rapport au débat.

M. Côté (Guy): Oui, oui, oui. C'est ça. Ce ne sont pas des réflexions toujours faciles, bon. Alors, il y a différentes conceptions de l'école catholique, hein? Il y a une conception qui est encore présente chez nous, nostalgique, un peu, du passé encore plutôt récent, où l'école était presque une extension de la communauté de foi, presque une cellule ecclésiale. Cette conception, à notre avis, n'est plus possible, n'est plus souhaitable et n'a pas sa raison d'être dans le système public d'éducation, tel qu'on le comprend maintenant. Alors donc, il faut, à notre avis, exclure cette vision-là. Ça, c'est le point de vue du Comité.

M. Ouimet: O.K.

(21 h 40)

M. Côté (Guy): Bon, est-ce que ça veut dire que le statut de l'école devient une sorte de coquille vide? Malheureusement, dans les faits, je dois vous donner raison dans un certain nombre de cas. Il y a des cas où le statut de l'école correspond très peu à ce qui se vit effectivement dans l'école. Et le but de l'opération d'évaluation du vécu confessionnel est, entre autres, d'assurer plus de cohérence entre le statut et le vécu.

Progressivement, il y a un chemin qui se fait, et, au cours des cinq dernières années, on a vu une évolution positive dans ce sens-là. La révision annoncée par la ministre – je l'indiquais dans les notes que je n'ai pas eu le temps de lire – pourrait permettre un peu d'atteindre le même bénéfice, si vous voulez. On est d'accord, nous, qu'une révision sérieuse se fasse, au besoin, pour que ce soit pertinent et que les écoles qui aient un tel statut aient quelque chose qui correspond au statut dans leur vécu et que celles pour qui ça ne veut rien dire demandent le retrait. Et je pense que ça, ça va nous permettre d'arriver à un équilibre meilleur entre différents types d'écoles, à l'intérieur du système public.

Mais ça nous paraît tout à fait possible d'avoir à la fois un projet éducatif qui se ressent effectivement, d'une façon caractéristique, de l'esprit judéo-chrétien, si vous voulez, dans une partie de son projet éducatif. C'est une partie de son inspiration. Donc, c'est à la fois possible d'avoir un projet éducatif marqué de façon effective par cet esprit-là, et tout à fait compatible avec la mission d'une école publique et commune. Et on en donne des exemples dans un autre document – je n'ai pas voulu vous inonder de documents – que le Comité a publié, où il étudie la question d'un projet éducatif d'une école confessionnelle publique en essayant de préciser comment ça peut se faire, quelles sont les grandes finalités qui pourraient être reconnues par l'ensemble de la communauté éducative – personnels, parents, enseignants – qui se ressentirait de cette influence dont je parle, mais qui respecterait la mission éducative d'une école publique. On a fait un effort assez poussé de réflexion là-dessus, parce que c'est effectivement critique. Si le statut confessionnel des écoles doit conserver un sens, il faut arriver à faire cela.

M. Ouimet: Et vous répondez également à la question que je posais à l'intervenant qui vous a précédé, dans l'avis que vous avez soumis concernant la question de la liberté de conscience et de religion, à l'effet qu'une école avec un projet éducatif d'inspiration chrétienne ou catholique ne vient pas brimer la liberté de conscience, la liberté de religion. Pourriez-vous reprendre sommairement l'explication que vous fournissez?

M. Côté (Guy): Oui.

M. Ouimet: Et je sais que ça ne convainc pas d'autres partenaires du monde de l'éducation, les groupes qui sont venus devant nous ce matin, et c'est là qu'il n'y a pas de consensus sur la question au Québec, et je ne pense pas que nous soyons à l'aube d'en obtenir un. Mais j'aimerais vous entendre aussi présenter cette vision-là.

M. Côté (Guy): Oui, c'est effectivement difficile d'atteindre le consensus, parce que souvent on rejette l'idée même d'école confessionnelle sur la base d'une conception anachronique de l'école confessionnelle, d'une conception qui n'a plus cours ou qui ne correspond pas au modèle que nous proposons. Alors, pour vous donner une idée un petit peu plus concrète de comment ça peut se faire, je vais rapidement évoquer quelques éléments du document, de l'autre document dont je vous ai parlé, si vous voulez bien, où on précise que le projet éducatif d'une école catholique est un projet à visée strictement éducative, qu'il n'a pas d'autre fonction qu'éducative, et donc qui se donne des finalités conformes avec cette orientation.

Des exemples de telles finalités. Par exemple, à propos de la conception de la réussite scolaire – c'est ça, un projet éducatif, c'est comment assurer la réussite scolaire du jeune – il y a des éléments qu'on va retrouver qui ne seront pas exclusifs à une école catholique. Il ne faut pas chercher des valeurs ou des éléments qu'on ne retrouverait nulle part ailleurs, mais des éléments quand même caractéristiques dans leur configuration d'un certain esprit. Et, par rapport à la réussite éducative, on dit ceci: «Dans une perspective d'inspiration chrétienne, la recherche d'humanisation et d'accomplissement personnel ne peut se restreindre à la poursuite de la réussite scolaire, professionnelle ou sociale. Elle se conjugue normalement avec le développement d'un esprit de service et de don de soi.» Je pense que c'est assez caractéristique, la tradition judéo-chrétienne – pas exclusif, mais caractéristique – elle inclut non seulement l'éducation à certaines grandes valeurs morales, mais la quête de sens et le développement d'une compétence religieuse – dont il sera question plus bas – elle ouvre à une forme ou l'autre de quête de l'absolu.

L'école catholique ouvre un espace à un discours sur la transcendance et l'absolu dans ses murs pas pour inculquer une vision religieuse particulière, mais elle ne fait pas l'impasse là-dessus. Un autre court paragraphe, si vous permettez, à propos d'une orientation caractéristique de la tradition judéo-chrétienne, à savoir le souci de la transformation sociale du milieu, du monde, même: «Une inspiration chrétienne authentique influence le projet éducatif dans le sens d'un tel engagement. Il y va d'une attitude qui se situe au coeur de la foi chrétienne. Le parti pris évangélique en faveur des exclus, des petits et des étrangers rejoint et particularise ici l'objectif éducatif d'un civisme intégral. Une école qui prend au sérieux la référence aux convictions et aux valeurs chrétiennes sera porteuse d'une critique de certaines valeurs courantes telles qu'un économisme utilitariste ou un culte individualiste de l'épanouissement personnel. La réussite scolaire et sociale, dans une école catholique, est ordonnée à des finalités plus larges qui tiennent à la volonté de travailler à l'humanisation des jeunes et de la société.»

Je pense que ces deux exemples-là vous montrent un peu comment on peut à la fois puiser dans cette tradition-là et proposer un projet éducatif acceptable, recevable par des jeunes et des familles de toutes provenances et de toutes convictions.

Le Président (M. Gaulin): Le temps était...

M. Ouimet: Un dernier commentaire. J'ai aussi l'impression que, avec la possibilité d'avoir des écoles confessionnelles et non confessionnelles aussi, peut-être va s'estomper la résistance à l'école confessionnelle.

M. Côté (Guy): Je le crois profondément. Je crois que l'abcès de l'impossibilité d'avoir des écoles non confessionnelles dans le milieu où elles sont le plus requises, à savoir Montréal, et possiblement aussi Québec en partie, est, en grande partie, la cause de l'amertume qui entoure tout ce débat-là et de la résistance à ce que nous proposons.

Le Président (M. Gaulin): M. le député de Champlain.

M. Beaumier: Bien, déjà, quand j'ai demandé la parole, ça...

Le Président (M. Gaulin): Non, mais, de ce côté-là, il reste quelques minutes.

M. Beaumier: O.K. Non, je veux dire, le débat a évolué beaucoup. Juste pour être bien sûr que j'ai compris. Autrement dit, une fois que la loi n° 109 sera appliquée tel qu'il est prévu puis tout ça, quelle différence il y aura, en termes de problématique – qui est la vôtre et la nôtre – entre l'école actuelle et la nouvelle école?

Moi, regardez, je représente un comté qui est partiellement rural. Donc, c'est des écoles de village, pour un bon nombre. Alors, j'essaie de voir, moi, quelle différence il y aurait, puis est-ce qu'il y aurait une différence entre ce qui est prévu par la loi n° 109 et ce qui arriverait par après? Autrement dit, la loi n° 109, elle est – ça ne prend pas un autre terme – neutre vis-à-vis de ça. La problématique est la même. J'essaie de voir dans des municipalités, je me les imagine moi-même. Je ne veux pas les nommer, c'est inutile. Mais je ne vois pas en quoi ça changerait leur situation de se donner un projet éducatif en y intégrant des valeurs religieuses tout en respectant la liberté de conscience aussi. Il n'y a rien de différent.

M. Côté (Guy): Non. En tout cas, avec les déclarations qu'on a reçues de la ministre récemment, on voit que la même liberté est donnée aux milieux de se donner un projet éducatif qui correspond à leurs valeurs et à leurs convictions. On voit que la même possibilité de choix est laissée aux parents quant au type d'enseignement que leurs enfants vont recevoir.

Il faut peut-être être conscient, toutefois, que la transformation des commissions scolaires en commissions scolaires linguistiques n'est pas tout à fait sans effet à plus ou moins long terme sur l'évolution de la situation, parce que la culture institutionnelle qui peut se développer dans ces commissions scolaires là pourrait très bien anticiper plus ou moins que l'effet de la laïcisation, si vous voulez, va se poursuivre aux autres niveaux de la structure et du système. Et, donc, des décisions dans ce sens-là peuvent commencer à être prises et elles commencent déjà à être prises, malheureusement, dans certains milieux, en dépit de la loi, avec cet esprit-là d'anticipation, si vous voulez. D'où l'importance de ménager, dans les commissions scolaires linguistiques, un certain mécanisme de soutien, de vigilance, de mise en oeuvre pour faciliter la mise en oeuvre des services qui sont garantis par la loi.

M. Beaumier: Est-ce que vous voulez dire qu'une commission scolaire linguistique, par exemple – celles qui vont s'installer – pourrait, de son propre chef, empêcher ou non faciliter le fait qu'une école où les parents d'une école voudraient se donner un projet éducatif de cette nature-là? Et la commission scolaire, est-ce qu'elle pourrait intervenir dans ce sens-là?

M. Côté (Guy): Peut-être pas tellement au niveau du projet éducatif parce que la loi est très claire là-dessus, et il y a des mécanismes de consultation et tout ça qui sont prévus. Mais, pour la dispensation des services, je dois vous dire que déjà maintenant on assiste à une telle réduction des services avec un maintien nominal, dans certains cas, qu'il faut se poser la question: Jusqu'où va aller cet effet d'érosion, n'est-ce pas, qui est dû, en grande partie, au fait que, pour certains, l'établissement de commissions scolaires linguistiques, c'est le début de la laïcisation totale du système? C'est pourquoi je vous dis...

(21 h 50)

M. Beaumier: Mais je ne vois pas le lien. Je vais y réfléchir, mais je ne vois pas le lien de cause à effet ou, je ne sais pas, moi, d'effet d'entraînement qui fait que, étant donné que les commissions scolaires sont linguistiques et que les projets au niveau des écoles sont faits par le conseil d'établissement, le conseil de parents... Je ne vois pas nécessairement comment il y aurait des effets d'entraînement, un effet domino de la laïcisation, qu'on pourrait dire, des commissions scolaires et puis que ça aurait un effet à ce moment-là au niveau des écoles.

M. Côté (Guy): Ce n'est pas un effet automatique, ça n'arrivera pas forcément. Tout ce que je vous dis, c'est que, dans les faits, dès maintenant...

M. Beaumier: Mais le danger est déjà actuel puis les commissions scolaires sont confessionnelles. Donc, c'est neutre.

M. Côté (Guy): Oui, mais on annonce depuis longtemps les commissions scolaires linguistiques, et il y a un certain discours public, tenu par d'autres instances, qui interprète cette modification-là très nettement comme le cheval de Troie qui va entrer dans le système et transformer l'ensemble du système. Donc, il y a une sorte d'anticipation, si vous voulez, dans certains cas, je ne dis pas que c'est généralisé, mais qui explique probablement en partie pourquoi. Bon, il y a évidemment aussi la conjoncture économique qui rend difficile le maintien intégral des services à tous les niveaux, on comprend très bien ça.

Mais je pense qu'il ne faut pas être tout à fait naïfs non plus, il y a une culture institutionnelle qui s'établit à partir d'une certaine transformation, d'une certaine évolution des mentalités. On est prêts à courir ce risque-là, nous. Tout ce qu'on dit, c'est que la communauté catholique n'a consenti à cette transformation-là que moyennant l'assurance que les services auxquels les élèves ont droit en vertu de la loi vont continuer de leur être assurés.

Le Président (M. Gaulin): Le temps est malheureusement épuisé. En conclusion brève, M. le porte-parole.

M. Ouimet: Merci pour votre éclairage et c'est avec plaisir qu'on va suivre les propositions que vous allez faire dans le cas du débat souhaité par la ministre de l'Éducation sur la place de la religion à l'école. Merci.

Le Président (M. Gaulin): Mme la ministre.

Mme Marois: Alors, merci aussi pour votre présence à notre commission et, effectivement, dans les mois qui viennent, il y aura sûrement lieu de rediscuter de tout cela dans un autre forum. Merci beaucoup.

Le Président (M. Gaulin): Alors, merci, M. le président.

Et, j'invite maintenant le Comité protestant du Conseil supérieur de l'éducation, le pendant de ce qu'on vient d'entendre, à s'approcher de la table.

Alors, M. le président Jackson, je vous invite à présenter celles et ceux qui vous accompagnent, et vous avez 10 minutes pour intervenir.


Comité protestant (Conseil supérieur de l'éducation)

M. Jackson (Graham P.): Merci, M. le Président. Comme vous avez dit, je m'appelle Graham Jackson et je suis le président du Comité protestant du Conseil supérieur de l'éducation. Et je veux aussi présenter mes collègues: à ma droite, c'est Mme Aline Visser, membre de notre Comité et représentante des parents, elle est enseignante retraitée et aussi vice-présidente de la commission scolaire Greater Québec; à ma gauche, c'est Mme Elizabeth Jennaway, secrétaire de notre Comité protestant; et, aussi à ma gauche, c'est M. Bruno Désorcy, membre de notre Comité, représentant des éducateurs et des franco-protestants.

Je remercie la commission de l'éducation d'avoir invité le Comité protestant à présenter ses positions sur certains aspects de la loi n° 109. Depuis plus d'un siècle, les protestants du Québec, de langue française et de langue anglaise, ont été bien servis par la structure confessionnelle de notre système d'éducation, cela principalement à cause de la flexibilité de cette structure et de ses possibilités d'adaptation, autant en milieu rural qu'en milieu urbain, aux divers besoins des communautés locales.

L'objet de notre intervention aujourd'hui a donc pour but d'insister sur l'esprit d'ouverture que ce système possède et de s'assurer qu'il continuera d'exister à l'avenir dans un système scolaire linguistique.

Il est bien entendu que les étudiants poursuivront leurs apprentissages, et ce, peu importe l'organisation de la structure. Nos élus politiques ont cru bon de demander au Parlement canadien la non-application, pour le Québec, des paragraphe 1 à 4 de l'article 93 de l'Acte constitutionnel de 1867. Et c'est dans ce nouveau paysage linguistique que les membres du Comité protestant souhaitent voir survivre et développer, avec le même dynamisme que dans le passé, les services confessionnels dans les nouvelles architectures scolaires.

La ministre nous a grandement rassurés à propos du maintien de l'enseignement moral et religieux protestant ainsi que l'animation religieuse à l'école. Nous soulignons d'ailleurs son courage face aux grandes forces de laïcisation qui sont exercées actuellement dans le système. Cela démontre bien qu'elle est sensible aux besoins et désir de la majorité des parents en tant que premiers éducateurs de leurs enfants. Et maintenant je laisse la parole à mon collègue M. Bruno Désorcy.

M. Désorcy (Bruno): La mission du Comité protestant du Conseil supérieur de l'éducation, conformément à son mandat, est d'orienter la prestation de services éducatifs protestants aux parents et aux élèves qui choisissent de s'en prévaloir. Ces services sont offerts à l'intérieur de programmes fondés sur une démarche éducative globale, dont l'aspect spirituel est partie intégrante.

Ces programmes entretiennent la recherche de la vérité et de la justice. Ils proposent une orientation positive de la vie et du travail. En outre, ils stimulent le sens des responsabilités et le respect visant à développer l'altruisme et l'indépendance des citoyennes et des citoyens.

Toutefois, pour le Comité protestant, c'est la famille qui demeure la principale éducatrice de l'enfant et qui est responsable de son orientation religieuse. Vous êtes certainement conscients que la création des commissions scolaires linguistiques peut mettre en péril l'existence d'écoles franco-protestantes dont plusieurs ont un caractère régional dans la composition des effectifs scolaires. Nous devons trouver des modes d'organisation particuliers pour faciliter le transport de ces jeunes afin de leur permettre de fréquenter une école qui répond aux valeurs de cette communauté.

Nous devons aussi nous assurer que les projets éducatifs de ces écoles puissent survivre à la structure scolaire linguistique, puisqu'ils reflètent bien leurs valeurs éducatives. De plus, certaines de ces écoles existent maintenant depuis 1979 et elles ont démontré que leur enseignement en est un de qualité, puisqu'il est reconnu à l'échelle de la province.

Plusieurs communautés franco-protestantes du Québec craignent que ces écoles disparaissent dans un système scolaire linguistique, puisque les étudiants seront dispersés dans un large périmètre. Par exemple, deux écoles dans le district scolaire de Greater Québec, L'Eau-Vive et Nouvelle-Vie, Renaissance, ont des étudiants qui proviendront, dans la nouvelle architecture linguistique, de sept commissions scolaires différentes, soit cinq de la rive nord et deux de la rive sud.

Nous croyons donc que cette réorganisation doit être assez flexible pour permettre la survie de telles communautés scolaires. Les membres de cette communauté demandent donc que les droits et privilèges de la minorité franco-protestante, concernant l'éducation de leurs enfants dans des écoles franco-protestantes et le droit de développer de nouveaux projets éducatifs qui reflètent les valeurs éducatives protestantes dans des établissements d'enseignement public, soient réaffirmés et garantis par la loi.

(22 heures)

L'article 21 du projet de loi n° 109 stipule, au deuxième point, l'addition, à l'article 218 de la Loi sur l'instruction publique, de l'alinéa suivant: En outre, la commission scolaire doit requérir un tel retrait si le conseil d'orientation et le comité d'école lui en font la demande après avoir pris l'avis des parents des élèves de l'école.

Dans la Loi sur l'instruction publique, l'article 218 stipule, au deuxième alinéa: «La commission scolaire peut demander au Comité catholique ou au Comité protestant une reconnaissance comme école catholique ou protestante; elle peut pareillement demander le retrait de cette reconnaissance.» L'addition du nouvel alinéa à la suite de ce dernier, tel que stipulé par le deuxième point de l'article 21 du projet de loi n° 109, laisse entendre que la commission scolaire est dans l'obligation de requérir le retrait de la reconnaissance auprès des comités confessionnels. Par conséquent, nous croyons qu'il serait à propos de modifier aussi l'accès à la reconnaissance d'un statut confessionnel pour une école afin de rendre la demande aux comités confessionnels obligatoire. Nous recommandons que le mot «peut» de la troisième ligne du deuxième alinéa de l'article 218 de la Loi sur l'instruction publique soit remplacé par le mot «doit». Ainsi, les comités confessionnels seraient impliqués au même titre dans la demande de reconnaissance que dans le retrait de celle-ci.

Je cède maintenant la parole à ma collègue Aline Visser.

Mme Visser (Aline): Nous insistons aussi sur l'importance de sauvegarder les petites écoles dans cette réforme de la structure des commissions scolaires. Dans les régions éloignées des grands centres, ce sont les petites écoles qui servent le mieux les intérêts des communautés dans lesquelles elles s'enracinent.

Nous devons aussi trouver des solutions pour les élèves qui sont présentement dans les écoles des deux commissions scolaires protestantes de Montréal et de Québec. La Commission des écoles protestantes du Grand Montréal et la commission scolaire Greater Québec vous ont déjà indiqué que, dans la nouvelle architecture scolaire, la majorité de leurs élèves habitera sur le territoire d'une commission scolaire linguistique. Lors de cette période de transition, des mesures devront être prises afin de s'assurer que ces élèves puissent continuer à fréquenter les mêmes écoles. D'ailleurs, Mme la ministre a confirmé que des ententes entre les commissions scolaires linguistiques et confessionnelles devront être ratifiées afin d'éviter la construction de nouvelles écoles sur le territoire des commissions scolaires linguistiques, et, comme Mme la ministre le dit, on ne peut pas mettre des roues sous des écoles et les déménager.

Alors, l'article 1 du projet de loi n° 109 modifie l'article 95 de la Loi sur l'instruction publique. La suppression suggérée au deuxième point de l'article 1 aurait pour conséquence, à l'avenir, de restreindre le droit de visite du Comité protestant ou d'un ministre protestant aux écoles reconnues comme protestantes seulement. Cependant, l'article 5 de la Loi sur l'instruction publique stipule que l'élève autre que celui inscrit aux services éducatifs pour les adultes a le droit de choisir à chaque année entre l'enseignement moral et religieux catholique ou protestant et l'enseignement moral. Et l'article 6, quant à lui, mentionne que l'élève protestant autre que celui inscrit aux services éducatifs pour les adultes a droit à des services complémentaires en animation religieuse, et ce, peu importe qu'il soit dans une commission scolaire linguistique ou confessionnelle ou dans une école avec un statut confessionnel ou non.

Étant donné que l'enseignement moral et religieux protestant et l'animation religieuse sont réglementés par le Comité protestant et que la qualité de ceux-ci est sous sa responsabilité, il serait souhaitable que le Comité puisse avoir accès à toutes les écoles qui offrent ces services afin de s'assurer de leur qualité. Étant donné que plusieurs ministres protestants seront sollicités à titre d'animateurs religieux, l'article 1 du projet de loi n° 109 ne leur permettra pas l'accès à des écoles non confessionnelles dans des commissions scolaires linguistiques, et c'est l'article 6 de la Loi sur l'instruction publique qui s'en trouvera invalidé.

En conséquence, nous recommandons que l'article 1 du projet de loi n° 109 soit amendé de façon à permettre au Comité protestant de visiter les écoles où sont dispensés les cours d'enseignement moral et religieux protestant et les services d'animation religieuse et le droit pour les ministres protestants d'offrir leurs services en tant qu'animateurs religieux dans les écoles non confessionnelles des commissions scolaires linguistiques.

En conclusion, l'émergence d'un nouveau système scolaire linguistique ne doit pas être synonyme de la mise en application d'une solution unique et rigide pour l'ensemble du Québec. Un système scolaire linguistique ne doit pas correspondre à un système aseptisé par le besoin des communautés locales et les désirs des parents. L'adjectif «linguistique» ne doit pas non plus représenter un choix exclusif qui disqualifie la présence du phénomène religieux dans le système d'éducation.

Selon les membres du Comité protestant, il faut résister aux pressions d'une minorité d'acteurs sociaux qui désire standardiser au maximum le système d'éducation et en retirer toute signification spirituelle. Il faut faire ici la différence entre la sécularisation des structures et l'esprit séculariste que certains veulent imposer au contenu. Les parents doivent avoir le dernier mot en matière d'éducation.

Alors, le Comité protestant valorise donc les principes suivants: la prise en considération de la diversité de la réalité éducative à l'échelle du Québec; le respect des droits des parents; et la tolérance de la différence. Nous sommes confiants que vous trouviez, comme par le passé, des moyens de répondre adéquatement aux divers besoins éducatifs du Québec dans la nouvelle structure scolaire.

Le Président (M. Gaulin): Bien, merci. Alors, vous avez dépassé de quelques minutes. Il reste huit minutes de chaque côté. J'invite Mme la ministre à intervenir.

Mme Marois: D'accord. Merci, M. le Président. Bien, ça me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue. Je vérifiais une de vos demandes, ici. Je m'excuse d'avoir eu ce moment d'inattention.

Je vous remercie de la qualité du mémoire que vous nous présentez. Et je peux vous dire que je n'ai pas beaucoup de difficultés à vivre avec les principes que vous défendez et que vous présentez à la fin de votre mémoire, en conclusion. Évidemment, c'est toujours dans l'aménagement de ces principes et dans leur application que, parfois, peuvent surgir certaines divergences ou qu'on peut en débattre. Et je pense qu'on est là pour ça.

Une première chose, d'abord. Je suis tout à fait d'accord avec vous, je l'ai répété à moult reprises, j'essaie de le prouver par les politiques que je propose et que nous adoptons: je crois que c'est la famille qui reste la première éducatrice de l'enfant et qui est responsable aussi de son orientation religieuse. Et, pour moi, c'est fondamental. C'est vrai aussi à d'autres points de vue en matière, je dirais, de philosophie, de principes de vie et de responsabilités, tout court, à l'égard de l'enfant. J'essaie de le traduire par une politique familiale, par des services éducatifs. Enfin, partout où on peut le reclarifier, je pense que c'est important de le faire.

Et c'est un fait que, dans ce sens-là, les choix qu'on a privilégiés, à ce moment-ci, au niveau de l'enseignement religieux ou du statut confessionnel de l'école, c'est dans la perspective où nous constatons et nous sentons qu'il y a, de la part des parents, un souhait et une volonté en ce sens. Alors, je suis d'accord avec vous que c'est d'abord le parent qui, au premier titre, est le responsable de ses enfants.

Il y a des questions, comme je l'ai mentionné au Comité catholique, tout à l'heure, qui évidemment pourront être débattues dans l'éventuelle discussion que nous aurons sur la place de la religion à l'école et sur son aménagement, parce que je pense que cela mérite d'être bien discuté. Et donc on pourra éventuellement y revenir.

(22 h 10)

Vous soulignez, ici, et vous insistez sur l'importance de sauvegarder les petites écoles dans cette réforme. Je me souviens, d'ailleurs, d'en avoir discuter avec quelques-uns d'entre vous; je pense que c'est avec madame, déjà, dans un autre échange. Vous savez que, dans l'avant-projet de loi portant sur les nouveaux pouvoirs à l'école, nous prévoyons demander aux commissions scolaires de définir une politique de maintien de l'école de village, où des critères pourraient apparaître quant à la possibilité de garder vivantes ces écoles. Mais ce seraient donc les collectivités locales et régionales qui définiraient les règles à l'égard des petites écoles. Et, pour moi, ça apparaissait aussi important que, selon les réalités propres à chaque collectivité, ce soient les décideurs locaux impliqués dans le monde de l'éducation de leur milieu qui puissent se pencher sur cette question-là.

Mais nous aurons l'occasion d'y revenir, évidemment, puisque c'est en avant-projet de loi et que, à l'automne, il y aura une consultation, comme on procède maintenant, mais là sur ces nouveaux pouvoirs à l'école et cette redivision entre l'école et les commissions scolaires quant aux responsabilités.

Bon, sur le fond, maintenant. Quand vous dites: Nous comprenons les choix politiques qui ont été faits par nos élus sur la modification à 93, est-ce que je dois interpréter, par là, que vous avez certaines réticences à ces modifications ou que vous êtes d'accord avec ce que nous proposons comme démarche quant à l'amendement à 93 pour déconfessionnaliser la structure, tout en maintenant le choix du statut confessionnel de l'école et de l'enseignement religieux à l'école?

M. Jackson (Graham P.): Je laisse la parole à mon collègue Bruno.

Mme Marois: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Gaulin): M. Désorcy.

M. Désorcy (Bruno): Oui.

M. Jackson (Graham P.): Il parle mieux français un peu que moi, mais...

Mme Marois: Ah! mais on a déjà discuté ensemble...

M. Désorcy (Bruno): Et vous parlez très bien, M. Jackson.

Mme Marois: ...à quelques reprises, et ça va très bien de votre côté aussi.

M. Désorcy (Bruno): Ce propos-là, dans notre mémoire, n'indique absolument pas de tendance par rapport aux membres du Comité protestant quant au retrait ou aux demandes d'abrogation des quatre premiers articles de 93. On ne veut pas se prononcer là-dessus. Pour nous, c'est un fait. C'est une réalité.

Mme Marois: D'accord.

M. Désorcy (Bruno): Nous l'avons inscrit dans ce sens-là. On n'est pas contre; on n'est pas pour. On le constate simplement comme un fait et on fonctionne avec ça très bien.

Mme Marois: Ça va. Merci. C'est quand même important pour nous, là, comme membres de la commission, comme c'est l'objet fondamental, évidemment, du projet de loi, dans le sens où il faut faire cette démarche pour que nous puissions, d'une façon harmonieuse, implanter les commissions scolaires sur une base linguistique, c'était quand même important pour moi de vous entendre sur cette question. Bon.

Évidemment, vous faites référence à des programmes particuliers qui se sont développés dans des écoles et dans des institutions, et vous soulignez, quelque part, qu'il faudrait songer à des mesures transitoires, dans certains cas, pour être capable d'adapter la réalité des institutions à la nouvelle organisation sur la base linguistique. Est-ce que vous avez prévu la façon dont ça pourrait se faire, ou vous avez quelques réflexions sur ces questions, un peu comme d'autres qui vous ont précédés ont suggéré un comité, ont suggéré différentes avenues à cet égard?

M. Désorcy (Bruno): Le Comité protestant n'a pas statué de façon précise quant à des mesures à prendre ou à des solutions transitoires dans ce domaine. Par contre, ce qu'on voulait souligner par notre présentation, ce soir, c'est l'importance d'être bien attentif à cette réalité et surtout au caractère régional, comme d'autres l'ont mentionné avant nous, de ces écoles et que le caractère régional de ces écoles va donc appeler certaines mesures, comme on le mentionnait pour deux écoles dans Greater Québec, où des élèves vont provenir de sept commissions scolaires différentes. Ça demande beaucoup d'ententes. Ça demande beaucoup de travail.

Mme Marois: Oui.

M. Désorcy (Bruno): Il est important, pour nous, de souligner qu'il va falloir faciliter ce travail-là, d'une façon ou d'une autre. Mais on ne s'est pas penché sur des solutions concrètes quant à ça.

Mme Marois: Oui. Je ne veux pas, évidemment, comment je dirais ça, porter de jugement, mais ce que j'ai senti de la part... Ou la façon dont je le perçois, à ce moment-ci du moins, d'un certain nombre de représentants de la communauté, entre autres, protestante, que ce soit chez les franco-protestants ou d'autres groupes, c'est un peu une ambivalence entre le fait qu'on est d'accord avec des commissions scolaires linguistiques, mais, en même temps, on aimerait donc mieux garder le système confessionnel tel qu'il existe maintenant! Et, dans le fond, il y a un des groupes qui est venu, je ne me souviens plus quelle association, où c'était très évident. La présidence – je ne me souviens plus si c'était un homme ou une femme – disait: Bien, nous, on est d'accord, mais, en même temps, on veut vous faire entendre le point de vue d'un de nos membres qui, lui, n'est pas vraiment d'accord. Alors, j'ai l'impression qu'il y a quand même cette ambivalence dans la communauté. Est-ce que je me trompe?

M. Désorcy (Bruno): Je pense que, comme nous l'avons dit au début de notre mémoire, nous avons été bien servis par les commissions scolaires confessionnelles, et ça, on ne peut pas le nier, c'est un fait. Mais nous avons été bien servis pour une raison particulière. C'est à cause de leur flexibilité. Et, dans cette perspective-là, le but de notre présentation, le but ultime de notre présentation, c'est de vous communiquer cet esprit-là de flexibilité dans la nouvelle structure linguistique, dans la nouvelle architecture linguistique, d'aller, de pouvoir reconduire l'esprit de flexibilité qu'il y avait dans les commissions scolaires confessionnelles.

Mme Marois: D'accord. Oui, monsieur.

M. Jackson (Graham P.): Est-ce que Mme Visser peut dire un mot, s'il vous plaît?

Le Président (M. Gaulin): Madame.

Mme Visser (Aline): Oui. Nous faisons confiance que le ministère va surtout trouver des mécanismes pour essayer de donner, continuer les droits de ces groupes minoritaires. Alors, on vous fait confiance, Mme la ministre, en disant: Voilà nos besoins. Ce sont les besoins auxquels on nous a répondu dans le passé, et on a grandement confiance qu'on va pouvoir trouver des moyens, des façons de répondre à ces besoins, à ces groupes minoritaires.

Le projet que nous regardons, le projet de loi n° 109, ce n'est pas du mur-à-mur pour répondre seulement à une grande majorité et c'est tout. Je crois qu'on a toujours eu, comme Canadiens, au début, une grande flexibilité dans notre système et on aimerait continuer avec ces mécanismes-là.

Mme Marois: D'accord. Merci.

Le Président (M. Gaulin): Merci, Mme la ministre. M. le porte-parole de l'opposition officielle.

M. Ouimet: Merci et bienvenue aux travaux de cette commission. Si vous faites confiance à la ministre à cet égard-là, nous agirons comme policiers pour nous assurer que vos préoccupations soient bien tenues en compte. C'est le rôle de l'opposition, d'ailleurs.

Le Président (M. Gaulin): Allez-y, M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Mais, lorsque vous parlez de sauvegarder les petites écoles, est-ce que ça vous rassure que les commissions scolaires, qui ferment les écoles, les commissions scolaires prennent la décision de fermer certaines écoles, pour des raisons budgétaires principalement, ce sont ces mêmes commissions scolaires là à qui on va confier la responsabilité d'élaborer une politique de maintien de dernières écoles de village? Même si c'est en collaboration avec la communauté, il n'en demeure pas moins que, quand on comprend le fonctionnement d'une commission scolaire, la décision se prend à la table de la commission scolaire. Est-ce que ça vous rassure?

Mme Visser (Aline): Je peux répondre en utilisant la commission scolaire de Greater Québec et de Eastern Québec en vous disant que nous avons des écoles éloignées, jusqu'à Métis-sur-mer, où nous avons maternelle et secondaire V, nous avons à peine 35 élèves et nous gardons nos écoles ouvertes. Nous en avons à Valcartier, Portneuf, Saint-Georges, Thetford Mines. Alors, ce sont toutes des petites écoles, et nous avons maintenu ces écoles ouvertes depuis longue date. Alors, on a toujours l'espoir que, avec une bonne gestion et avec des subventions qui sont correctes, qui sont justes et égales, nous allons continuer de cette façon-là. Mais, sûrement, nous avons besoin de l'appui et de la compréhension du ministère de l'Éducation tel que nous l'avons déjà eu et tel que nous l'avons toujours eu.

(22 h 20)

M. Ouimet: On se comprend. Quand les écoles sont ouvertes, il n'y a pas de problème. C'est lorsque les écoles sont menacées de fermeture, c'est là que la préoccupation survient. Tant que l'école est ouverte, il n'y a aucune préoccupation.

Lorsque vous évoquez, aussi, à la page 2 de votre mémoire, que vous souhaitez trouver des modes d'organisation particuliers pour préserver le caractère régional de certaines écoles, vous parlez de faciliter le transport. Mais, au niveau de modes d'organisation particuliers, avez-vous une réflexion là-dessus, avez-vous des suggestions à faire? Parce qu'on a vu les commissions scolaires protestantes cet après-midi, c'était la CEPGM; la semaine passée, c'était la commission des écoles protestantes de Greater Québec qui manifestait beaucoup d'inquiétude par rapport à la survie de certaines écoles régionales. Lorsque vous parlez de modes d'organisation, vous avez quoi en tête?

Le Président (M. Gaulin): M. Désorcy.

M. Désorcy (Bruno): Merci, M. le Président. Je pense que le souci que nous avons à cette heure-ci, c'est simplement le fait que ces écoles à caractère régional, comme nous l'avons écrit, amènent des élèves d'un périmètre dispersé et qu'il faut pouvoir les transporter à l'école, ces élèves-là, mais aussi il faut pouvoir avoir les ententes nécessaires pour les amener dans ces écoles-là. Et, dans cette perspective-là, je pense que c'est simplement une question pratique, de trouver les moyens effectifs afin de faciliter les choses.

M. Ouimet: Oui, je comprends, mais comment, comment est-ce qu'on facilite les choses?

Une voix: ...

M. Désorcy (Bruno): Pardon?

Une voix: Comme maintenant.

M. Désorcy (Bruno): Bien, c'est ça. Je pense que ce qu'on voulait dire aussi, c'est que la flexibilité qu'il y a dans le système présent confessionnel, c'est de pouvoir reconduire cette flexibilité-là dans le système linguistique.

M. Ouimet: Mais c'est quoi, la flexibilité?

M. Désorcy (Bruno): Bien, écoutez, de pouvoir permettre et de faciliter les ententes entre commissions scolaires, de faciliter les questions au niveau du transport, de vraiment faciliter les choses pour que des élèves d'un périmètre dispersé puissent participer à une école précise, dans un lieu précis.

M. Ouimet: Mais ça, ça va faire appel à chacune des commissions scolaires dans lesquelles se retrouvent les élèves?

M. Désorcy (Bruno): Définitivement, il va falloir qu'il y ait des ententes entre ces commissions scolaires là, on en est très conscient, et c'est pour ça qu'on vous sensibilise à la chose. Comme on disait tantôt, dans deux écoles de Greater Québec il va y avoir des élèves qui viennent de sept commissions scolaires différentes, cinq au nord, deux de la rive sud. Il va falloir faciliter les choses entre ces commissions scolaires là pour pouvoir amener les élèves dans ces deux écoles-là.

M. Ouimet: Et les ententes de service...

Le Président (M. Gaulin): Mme Visser, oui, vous vouliez dire quelque chose?

Mme Visser (Aline): Oui. C'est qu'il ne faut pas oublier ce qu'on est en train de faire: c'est de donner l'éducation à nos enfants, et c'est primordial, c'est l'avenir de notre société. Alors, quand on pose des questions comme ça, c'est pour dire: Nous, sur le terrain, nous voyons les besoins, et, vous, les ministres et le gouvernement, on vous adresse en vous disant: Voici nos besoins, les besoins de nos enfants.

Alors, c'est quoi? C'est à vous à nous répondre sur ce que vous allez faire pour nous faciliter la possibilité d'envoyer nos enfants à une école qui est – je ne sais pas – à quelques milles de la maison de l'enfant, et le transport est sûrement la clé importante dans tout ça. Nous avons des enfants à date qui voyagent une heure et demie. Mais c'est que l'école vaut la peine, on a confiance dans l'éducation de cette école. Alors, l'enfant prend l'autobus le matin, et c'est du transport que le ministère nous donne et des budgets qu'ils vont avoir. Si, par hasard, on commence à dire: Il n'y a plus d'argent pour des budgets de transport, là il va falloir reposer la question et vous dire: Vous, notre gouvernement, qu'est-ce que vous allez faire pour amener l'enfant à l'école pour se faire instruire?

M. Ouimet: Je vous donne la réponse du projet de loi à la question que vous nous posez. La réponse du projet de loi et la réponse du gouvernement, à moins que ça ne change: Il y aura des ententes de service, et vous vous débrouillerez avec les sept commissions scolaires pour avoir des ententes de service. Sept commissions scolaires qui devront s'entendre avec une école de la commission scolaire linguistique, soit française ou anglaise, celle qui aura le projet de l'école à laquelle vous tenez actuellement. Vous allez avoir besoin des ententes de service avec chacune de ces sept commissions scolaires là, et avec toute la complexité, avec toutes les composantes, avec toutes les questions de financement et de transport qui en découlent. Pensez-y bien.

Le Président (M. Gaulin): M. Désorcy.

M. Ouimet: Pensez-y bien.

M. Désorcy (Bruno): Il faut reprendre ce que Mme Visser disait: Nous vous amenons le problème et nous vous demandons de trouver la solution. Et nous avons confiance. Et, comme nous l'avons dit, nous avons confiance que, comme dans le passé, vous allez considérer les choses et trouver des solutions effectives à ces problèmes-là.

Le Président (M. Gaulin): Rapidement, M. le député de Marquette.

M. Ouimet: O.K. Droit de vote. Rien dans le mémoire. Est-ce que le Comité s'est prononcé là-dessus?

M. Désorcy (Bruno): Pas du tout. Le Comité ne s'est pas prononcé sur la question du droit de vote, et je reprends un peu les propos de mon collègue du Comité catholique, nous ne croyons pas que, dans la mission du Comité protestant, c'était pertinent de se prononcer sur ces questions-là.

M. Ouimet: Dernière question. Partagez-vous la même conception de l'école confessionnelle que le Comité catholique, celle qui a été énoncée par M. Côté? Partagez-vous la même conception, dans toutes ses composantes ou dans quelqu'unes de ses composantes? Est-ce qu'on parle d'école confessionnelle?

M. Désorcy (Bruno): O.K. Pour nous, une école protestante, bien, historiquement, une école protestante, ça voulait dire toutes les religions sauf catholique. Ça, c'est dans le passé. Mais, pour nous, une école protestante – et on l'a définie dans une publication du Comité protestant de 1992 qui réfère aux valeurs éducatives protestantes – c'est une école qui met de l'avant six valeurs, six intérêts précis. Premièrement, la famille...

M. Ouimet: Mais ce n'est pas ma question. Ma question, ce n'est pas: Est-ce que l'école catholique, c'est la même chose que l'école protestante par rapport à la conception d'une école confessionnelle? Je ne parle pas de la confession précise. Une école confessionnelle, au niveau de la conception de ce qu'elle devrait être, partagez-vous le même point de vue que le Comité catholique?

M. Désorcy (Bruno): O.K. Dans le dernier avis que le Comité protestant a produit, qui s'appelle – je l'ai à côté de moi – Perspectives sur une culture publique commune pour l'école québécoise , nous avons écrit qu'il était important pour nous que l'école confessionnelle soit d'abord et avant tout une école publique et commune. Mais, à part ces standards-là qui doivent être définis, ces standards-là de publique et commune, ce que ça veut dire, et que chaque école publique doit répondre à ces standards-là, une fois ça défini, je pense qu'il y a autour de ce noyau, non négociable selon nous, possibilité de pouvoir aménager un projet éducatif confessionnel.

M. Ouimet: C'est mon dernier commentaire. À la page 2 de votre mémoire, vous dites, en parlant des services confessionnels: Ces services sont offerts à l'intérieur de programmes fondés sur une démarche éducative globale dont l'aspect spirituel fait partie intégrante. J'avais l'impression, puis je peux me tromper, je l'avoue, que vous alliez beaucoup plus loin que le Comité catholique, dans votre conception de l'école confessionnelle.

M. Désorcy (Bruno): Non, je ne crois pas. Je ne crois pas, définitivement.

Le Président (M. Gaulin): Bien, Mme la ministre, en conclusion.

Mme Marois: Oui. Je vais me permettre juste une petite phrase. C'est quand même assez paradoxal parce que, depuis le début de nos travaux et dans les dernières discussions qu'on a eues aussi à l'Assemblée nationale, on voit des gens qui sont très inquiets d'être obligés de faire quelques kilomètres de plus pour aller dans une école qui va appartenir, par exemple, à une autre commission scolaire, si on redessine les commissions scolaires comme on souhaite le faire, alors que, vous, vous nous dites: Des gens choisissent de faire beaucoup plus de kilomètres parce qu'ils croient au projet éducatif qui est dans cette école en particulier. Alors, c'est paradoxal de voir comment, selon le point de vue où on se place, les stratégies peuvent être complètement différentes. Je vous remercie de votre présentation et de votre éclairage

Le Président (M. Gaulin): Merci beaucoup. Merci, M. le président Jackson, merci pour le Comité protestant du Conseil supérieur de l'éducation.

M. Désorcy (Bruno): Merci.

(22 h 30)

Le Président (M. Gaulin): J'invite la Coalition pour l'école anglaise à s'approcher de la table et les coprésidents et M. le secrétaire.

Alors, je crois que vous êtes deux coprésidents: M. Carroll, d'après l'avis qu'on a eu, et M. Pettinicchio.

M. Pettinicchio (Frank): Pettinicchio.

Le Président (M. Gaulin): D'accord. Alors, je laisse la parole à l'un des deux, et vous nous présentez les autres.


Coalition pour l'éducation anglaise

M. Pettinicchio (Frank): Oui. Merci, M. le Président. J'aimerais avant tout remercier la commission pour avoir invité la Coalition à présenter un mémoire sur la loi n° 109. Mon nom est Frank Pettinicchio. Je suis le coprésident... for Coalition for English Language Education. Mon coprésident n'est pas ici aujourd'hui. Il a été retenu par raison d'affaires, obligation d'affaires. Mais j'ai avec moi aujourd'hui M. David Maloney, membre fondateur de la Coalition, il est aussi le secrétaire de la Coalition et aussi le directeur des services pédagogiques de la commission scolaire Sault-Saint-Louis; j'ai aussi avec moi Patrick Carroll, aussi un membre fondateur et président de la commission scolaire Sault-Saint-Louis.

Le Président (M. Gaulin): D'accord. Pourriez-vous nous dire, M. le président, si M. Carroll est à gauche ou à droite? Je m'excuse de ne pas...

M. Pettinicchio (Frank): M. Carroll est à ma droite.

Le Président (M. Gaulin): D'accord, merci.

M. Pettinicchio (Frank): Et M. Maloney est à ma gauche.

Le Président (M. Gaulin): M. Maloney est de l'autre côté. Merci. C'est pour les galées.

M. Pettinicchio (Frank): Oui, O.K.

Le Président (M. Gaulin): La transcription.

M. Pettinicchio (Frank): Alors, la Coalition a débuté ses études dans le dossier en juin 1993 et ses membres commissions scolaires ont fait des soirées d'information et de consultation auprès des parents de divers milieux. D'autres membres de la Coalition, groupes professionnels, ont fait des études et consultations auprès de leurs membres. Alors, je vais commencer avec le mémoire.

Alors, vous n'êtes pas sans savoir que notre Coalition for English Language Education représente plus des deux tiers de la population anglophone de l'île de Montréal et de la zone Harwood. Notre organisme se compose de parents et d'éducateurs de presque chaque commission scolaire et groupe relié à l'aspect de l'éducation dans notre région. Les membres de la Coalition qui ont endossé cette démarche paraissent dans la marge de gauche. Nos correspondances antérieures préconisaient que le gouvernement du Québec devrait procéder dès que possible à l'implantation des commissions scolaires linguistiques avec assurance de confessionnalité, tel que stipulé dans la loi 107. La loi n° 109 répond à nos préoccupations dans ce domaine.

Il est important que ces commissions scolaires soient des entités complètement renouvelées afin d'assurer que les nouveaux partenaires soient sur un pied d'égalité dans le partenariat. La loi n° 109 est adéquate à ce chapitre. Les lignes de démarcation devraient correspondre aux territoires municipaux; les limites proposées tiennent compte de cette préoccupation adéquatement. Les deux commissions scolaires devraient bénéficier d'une répartition relativement équitable de leur clientèle scolaire; les limites proposées en tiennent compte. Finalement, M. le Président, les préoccupations que la Coalition vous a formulées ces dernières années ont presque toutes été éliminées par les lignes de démarcation proposées, et, en conséquence, nous sommes très satisfaits.

Il demeure encore toutefois une note discordante: la zone Harwood a-t-elle été oubliée? Pourtant, il suffirait simplement d'effectuer une modification mineure à votre proposition. Aussi recommandons-nous fortement que vous prêtiez une oreille bienveillante aux citoyens de cette zone. Ils désirent qu'on leur permette de conserver leur affiliation à l'ouest de l'île en continuant de faire partie de la commission scolaire de l'ouest. La modification, bien qu'étant passablement légère, aurait un impact significatif sur la population anglophone de cette zone. Nous vous remercions de la considération que vous voudrez bien leur manifester. Merci.

Le Président (M. Gaulin): Alors, merci, M. Pettinicchio, et je donne la parole à la ministre.

Mme Marois: Alors, merci, M. le Président. Merci pour votre présentation. Elle est brève. Elle a l'avantage d'être claire, cependant. Je constate que vous êtes plutôt satisfaits de ce que nous proposons dans l'ensemble, à l'exception de, évidemment, ce qui concerne le secteur de Harwood. Je pourrai y revenir plus tard. Évidemment, quand les gens nous viennent avec un mémoire où on dit: On est d'accord, on est d'accord, on essaie toujours de trouver ce en quoi on ne serait pas d'accord ou si on a une opinion sur d'autres questions qui ne sont pas abordées dans le mémoire.

Bon. D'abord, sur cette question des divisions territoriales. Évidemment, vous savez que vous n'êtes pas les premiers à avoir signifié les difficultés rencontrées pour la zone Harwood. Je vous dis à vous, comme j'ai dit à d'autres personnes qui sont venues faire des représentations sur la question territoriale, que nous voulions finir les consultations – normalement, nous terminons le 2 juin, c'est-à-dire lundi prochain – et, par la suite, je reverrai l'ensemble des territoires, s'il y a lieu, quitte à recontacter certains membres de votre groupe pour avoir des précisions. Et je prendrai mes décisions sur la base des éclairages qui auront été apportés. Donc, je ne veux pas ce soir vous dire oui ou non. Je vous dis: Nous allons terminer la consultation correctement, et, par la suite, on s'assurera de prendre les décisions dans un temps relativement court pour qu'on ne laisse pas d'incertitude et d'insécurité sur ça.

Vous dites cependant, pour ce qui est des lignes de démarcation qui devraient correspondre aux territoires municipaux: Les limites proposées tiennent compte de cette préoccupation adéquatement. À ce moment-là, vous faites référence, évidemment, aux deux commissions scolaires anglophones sur l'île de Montréal. C'est bien à cela que vous faites référence? You say: «The lines of demarcation should follow municipal boundaries. The proposed boundaries satisfactorily address this concern.»

M. Maloney (David): Quand on avait commencé, Mme la ministre, notre consultation avec tous les groupes que vous voyez à côté... Vous mentionnez que notre «brief» n'était pas long; il y a une raison pour ça. Quand vous avez tellement de groupes, comme on avait dans la Coalition, pour trouver un accord sur beaucoup de choses, c'est bien difficile. Ces points-là qu'on avait mentionnés, ça, c'est les seuls pour lesquels on avait complètement l'accord de tous les membres de la Coalition; particulièrement, je mentionne chaque groupe de parents de toutes les commissions scolaires sur l'île et aussi la commission scolaire des Trois-Lacs, qui est la commission scolaire catholique dans Harwood, sauf le PSBGM. Ça, c'est le seul groupe de parents dans tous les groupes qui n'est pas mentionné. À votre question sur les lignes de démarcage, on a dit... Il n'y a pas beaucoup de raisonnement, si vous voulez, pour avoir une ligne qui passe dans les cuisinettes ou... Parce que maintenant c'est ça qui se passe avec les lignes de démarcage, comme, par exemple, dans le domaine de Pierrefonds. Il y a des places où on dit: Au moins suivre les lignes. Et vous avez suivi ça, et, pour nous autres, c'est bien correct.

Mme Marois: C'est satisfaisant et c'est correct.

M. Maloney (David): Très satisfaisant.

Mme Marois: Une dernière question, à ce moment-ci. Vous ne parlez pas de la question du droit de vote. Est-ce que vous avez eu des discussions sur cet aspect?

M. Pettinicchio (Frank): C'est très utile de revenir à un certain point que la Coalition a décidé, bien tôt dans son existence, de ne pas se pencher sur les sujets pour lesquels il n'y avait pas un fort consensus. Les sujets que nous avons abordés ici, il y avait presque un consensus absolu. Nous avons touché un peu le sujet du vote, mais nous n'avons pas le mandat de se pencher sur ça. Mais, si un de mes collègues veut se prononcer personnellement ou donner quelque opinion ou un avis qui arrive de son groupe, ils sont...

Mme Marois: Mais, sinon, vous dites, dans le fond, comme Coalition, c'est une question que nous n'avons pas abordée ou pour laquelle il n'y avait pas suffisamment de consensus pour qu'on dise: On prend position et on la défend devant la commission.

(22 h 40)

M. Pettinicchio (Frank): Exactement. Si la question était posée différemment: M. Pettinicchio, que pensez-vous? Alors, c'est une autre chose, on peut discuter autrement.

Mme Marois: D'accord. Mais, comme vous êtes là, dans le fond, pour représenter la Coalition, vous dites: Sur ces points-là, voilà quel est notre point de vue; sur le reste...

M. Pettinicchio (Frank): On ne peut pas se pencher sur ça, en tant que Coalition.

Mme Marois: Ça va. Je vous remercie.

Le Président (M. Gaulin): Merci, M. le coprésident. M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Bonjour! Bienvenue aux travaux de notre commission parlementaire. Je suis un petit peu étonné d'entendre le fait qu'une coalition for English language education had no point of view on the right to vote or there was no consensus on that issue. It goes squarely against everything we've heard from every other English group that came to this commission. But, coalitions being what they are, I'm a little surprised, I must admit.

M. Pettinicchio (Frank): As you well can note, the number of participants is quite large, and the ability for us to rein in all points of view as diverse as they are is quite difficult. Our meetings are called on an ad hoc basis. We look at issues evenings at a time. We decided early on... And I came on quite late. These two gentlemen have been involved since the beginning and they can tell you that it's very arduous to come to an agreement. Now that we have – and I think it's significant to say it – an agreement to this extent on these issues, I think, beyond significant, it's miraculous. We never got around to having a proper meeting on the issue of voting or taxation. It has been brief, and I will – now that I speak English I can express myself... – say that I'm not... It has been suggested that we could have had these kinds of discussions. But I would say that the time lines are very focussing, and they tend to concentrate... and perhaps that's what we need to get this finally done. So, in answer to your question, had the time lines been different, we would probably have got around to it and may have had a position to present, and it is not to say that it would have come about, because of the diversity of the groups involved.

M. Carroll (Patrick): Si je peux rester sur ce point-là.

Le Président (M. Gaulin): M. Carroll.

M. Carroll (Patrick): Quand nous nous sommes rencontrés pour les premières fois, il y a quatre ans, au mois de juin de cette année, la plus grande préoccupation de la Coalition était forcément les territoires. Et puis, pour arriver à ce qu'on a déposé et que chaque commission scolaire a déposé individuellement, ça a pris pratiquement quatre ans à y arriver, pas que l'opposition des droits de vote... pas qu'on pense que ce n'est pas important. Je suis sûr qu'une fois que la situation des territoires deviendra établie et concrète, la chose qui va urger demain matin, c'est comment on peut se prononcer sur le droit de vote effectivement.

M. Ouimet: O.K. Je ne sais pas si ce serait la même réponse par rapport à mes deux autres questions, une qui porte sur la démarche constitutionnelle adoptée par l'Assemblée nationale. Vous dites, dans votre mémoire, que la loi n° 109 répond à vos préoccupations dans ce domaine. Vos préoccupations étaient – vous y faites référence – que le gouvernement du Québec procède dès que possible à l'implantation des commissions scolaires linguistiques, avec assurance de confessionnalité, tel que stipulé dans la loi 107.

La loi 107, ce n'était pas une démarche constitutionnelle, c'était la préservation des commissions scolaires confessionnelles et des commissions scolaires dissidentes. J'essaie juste de décoder ce que vous nous donnez comme message. Est-ce que, dans le fond, vous êtes en accord avec l'implantation des commissions scolaires linguistiques et vous ne vous prononcez pas sur la démarche constitutionnelle ou est-ce que vous vous prononcez également favorablement à la démarche constitutionnelle?

Le Président (M. Gaulin): M. Pettinicchio.

M. Pettinicchio (Frank): Je n'ai pas le mandat de me prononcer pour la Coalition sur la démarche constitutionnelle. Je veux dire que nous avons toujours soutenu que la loi 107 était suffisante pour compléter l'interprétation des commissions linguistiques. C'était presque toujours ça, la position de la Coalition, que 107 était suffisante.

M. Ouimet: O.K. Et la question du régime provisoire qui, à nouveau, a été dénoncé par le Conseil scolaire de l'île aujourd'hui, la Commission des écoles catholiques de Montréal, la CEPGM, à part des autres intervenants aussi, là. Mais les intervenants de Montréal, l'ensemble des commissions scolaires, ont dénoncé le régime provisoire, y compris la CEQ et même le Mouvement national des Québécois et des Québécoises de la Société Saint-Jean-Baptiste. Est-ce que vous vous prononcez là-dessus, ou vous n'avez pas eu la chance de vous faire une tête?

M. Gaulin: M. Maloney.

M. Maloney (David): Oui. Encore, M. Ouimet, on a discuté ça plusieurs fois, mais ta position dépend du groupe auquel tu appartiens, c'est quelque chose pour lequel on n'avait pas trouvé un accord ou un consensus. D'abord, c'est quelque chose sur lequel on n'est pas capable de se prononcer, mais ça a été discuté longuement. On avait une vingtaine de groupes et une vingtaine d'idées – pas nécessairement une vingtaine d'idées différentes, mais pas mal d'idées différentes – mais pas de consensus sur ce point.

M. Ouimet: Donc, le gros du consensus de la Coalition, c'est par rapport au territoire, si j'ai bien compris.

M. Maloney (David): C'est ça.

M. Ouimet: O.K.

M. Maloney (David): En réalité, ça, c'est notre...

M. Ouimet: La raison d'être.

M. Maloney (David): Malheureusement, on avait une liste assez grande; mais, quand vient le temps, est-ce qu'on peut inclure ce point? Non, pas de consensus. Alors, ce qui est resté, c'est ça. Mais on vient ici pour vous dire qu'on était...

Le Président (M. Gaulin): Oui, M. Pettinicchio.

M. Pettinicchio (Frank): Par contre, comme disait M. Maloney, chaque fois que nous avons fait une réunion, ceux qui étaient présents avaient leur opinion. Mais il est important de comprendre que le consensus que nous avons ici, dans notre mémoire présenté ici ce soir, est un consensus presque absolu. C'est une chose qui doit être bien comprise, parce que c'est important; c'est les deux tiers des représentants. Les parents, les professionnels, les commissions scolaires de l'île de Montréal sont d'accord avec... sauf le PSBGM, Protestant School Board of Greater Montréal, sauf ce tiers de la population anglophone de Montréal, nous sommes complètement, absolument d'accord avec ces principes.

M. Ouimet: Pas d'autres questions. Merci de votre présentation.

Mme Marois: Merci aussi de votre présentation. Ça a l'avantage, comme je l'ai dit, d'être clair, et on sait exactement ce que vous nous présentez. Et, sur ça, vous nous dites deux tiers, puis dans certains cas presque unanimité, si je comprends bien? Merci beaucoup.

M. Pettinicchio (Frank): Merci beaucoup.

Le Président (M. Gaulin): Merci d'avoir été là tard, et bonne fin de soirée, have a good time.

Alors, j'inviterais Voice of English Québec à se présenter à la table, M. le président Keyes et M. le directeur général Jackson. Vous pouvez venir, oui, bien sûr.

Une voix: ...

(22 h 50)

Le Président (M. Gaulin): Oui, c'est ça, mon accent n'est pas très bon. Alors, je vous remercie aussi de venir tard. J'annonce tout de suite que le groupe qui suit, Forum Québec, ne pourra pas être avec nous. Donc, vous êtes le dernier groupe que nous entendrons ce soir, nous sommes heureux de vous voir. Alors, on vous entend. On vous écoute.


Voice of English Québec (VEQ)

M. Keyes (John): Bon, merci, Mme la ministre et les membres de la commission sur l'éducation. Nous vous remercions d'avoir trouvé le temps de nous écouter, ce soir, et je voudrais commencer, d'abord, par me présenter correctement. Je m'appelle John Keyes. Je suis le président de Voice of English Québec. Et, pour la présentation de notre mémoire, ce soir, je suis accompagné par M. Léon Jackson, notre directeur général.

Je vais demander aussi votre indulgence. Dans le but d'arriver dans les 10 minutes que vous nous avez allouées, je vais sauter quelques paragraphes dans le mémoire que vous avez devant vous. Tout ce que je vais dire se retrouve dans le mémoire, mais, de temps à autre, je vais sauter un paragraphe.

Voice of English Québec is an autonomous, non-profit organization dedicated to the preservation of a dynamic English-speaking community in the Québec and Chaudière-Appalaches regions and to the promotion of its interests. Our community is currently served by four school boards, two Protestant and two Catholic. All of our schools are regional schools and draw their students from a large geographic territory.

Globalement, les écoles anglophones des commissions scolaires protestantes se sont montrées favorables à l'implantation des commissions scolaires linguistiques. Les représentants des écoles catholiques jugent que l'éducation ne devrait pas être organisée selon des critères linguistiques et se considèrent bien servis par le système actuel. Malgré ces vues divergentes concernant l'organisation des commissions scolaires, les deux communautés partagent certaines préoccupations face à l'implantation imminente des commissions scolaires linguistiques.

Sur les questions du territoire, la commission scolaire 50-01 proposée, qui s'étend de Trois-Rivières aux Îles-de-la-Madeleine, de la baie James jusqu'à l'État du Maine est trop vaste pour être viable. Le territoire couvrirait environ 80 % de la province, au moins 50 MRC, une communauté urbaine, huit régions administratives et 27 commissions scolaires francophones.

Il serait impossible, pour une commission scolaire si vaste, qualifiée de «megaboard», en anglais, d'opérer efficacement et économiquement. Les communications avec toutes les écoles dans les régions éloignées constitueraient un défi insurmontable, et le personnel de la commission scolaire consacrerait presque autant de temps à voyager qu'à travailler. Il faudrait 50 jours pour tenir des rencontres d'une demi-journée dans chacune des 35 écoles. Les coûts associés au transport et aux communications sur de si longues distances dépasseraient largement tout bénéfice potentiel relié à la centralisation de plusieurs administrations.

De plus, l'imposition d'un si vaste territoire se ferait au détriment du sentiment d'appartenance de la communauté à la commission scolaire. Le bureau de la commission scolaire, où qu'il soit, serait désormais très éloigné. Bien peu de gens pourraient participer aux séances du Conseil des commissaires, qui sont pourtant ouvertes au public pour une importante raison. Les administrateurs, parents, commissaires et contribuables se trouveraient dans l'impossibilité d'assumer leurs responsabilités respectives. Ce projet est voué à l'échec et désavantage la communauté anglophone face aux autres commissions scolaires de la province.

Si les commissions scolaires vont conserver leur raison d'être, il faut leur donner l'occasion d'exercer leurs responsabilités relatives à l'allocation des ressources aux écoles ainsi qu'au contrôle et à l'évaluation des écoles.

Il semble évident que, dans le cas présent, le critère de 5 000 élèves devrait être mis de côté afin de pouvoir offrir une éducation de qualité à tous les élèves de cette grande région, par le biais de plusieurs commissions scolaires plus petites et plus adaptées aux besoins de la population locale. Si le gouvernement va de l'avant avec cette restructuration, il devrait soutenir un territoire ne dépassant pas, plus ou moins, celui de la commission régionale Eastern Québec, déjà très considérable.

Sur la question du droit de vote, dans le préambule de l'amendement à la Constitution du Canada, Loi constitutionnelle de 1867, l'Assemblée nationale du Québec réaffirme les droits établis de la communauté anglophone du Québec concernant non seulement le droit à l'éducation en anglais, pour les personnes éligibles aux termes de la Charte de la langue française, mais aussi à la gestion et au contrôle de ces écoles par la communauté.

Pour les Québécois qui n'ont pas d'enfant inscrit dans notre système scolaire, la loi n° 109 impose des restrictions d'ordre bureaucratique sur les personnes éligibles à voter et, donc, à payer des taxes dans les commissions scolaires anglophones. Seules les personnes qui rencontrent les critères établis par la Charte de la langue française auraient ce droit. Cette mesure exclut effectivement une partie de ceux qui font partie de la communauté anglophone et qui ont donc un intérêt marqué pour l'avenir des écoles anglophones et des commissions scolaires qui les administrent.

L'école est beaucoup plus qu'un simple lieu d'apprentissage pour les jeunes. C'est aussi une importante institution culturelle pour toute la communauté, un instrument crucial pour le maintien et la promotion de l'identité culturelle de la population d'expression anglaise du Québec. Les jeunes de la communauté représentent l'avenir de la communauté, une population vibrante et dynamique. Comme le déclarait M. Bouchard dans son allocution au théâtre Centaur: Il est dans le meilleur intérêt du Québec d'avoir une communauté anglophone dynamique. Nous sommes entièrement d'accord.

La Charte de la langue française détermine les critères qui déterminent l'accès aux écoles anglophones et aux services éducatifs offerts par ces établissements. Ces critères ne définissent pas l'appartenance à la communauté anglophone et, par conséquent, ne devraient pas être inclus dans la loi n° 109. Le droit démocratique à la liberté d'association et de choix ne devrait pas être restreint par une loi qui tente de définir très étroitement les droits des citoyens et le droit de vote dans la commission scolaire de son choix. Pourquoi une interprétation si stricte? Nous n'exigeons pas de protection contre la possibilité que les non-anglophones soient assez déterminés à participer aux élections dans les commissions scolaires anglophones pour payer leurs taxes scolaires à ces commissions.

Les citoyens associés aux écoles francophones sont automatiquement inscrits sur la liste électorale des commissions scolaires francophones. Cette liste est scrupuleusement mise à jour par le Directeur général des élections et la Régie régionale de la santé et des services sociaux. La communauté anglophone ne bénéficie malheureusement pas de cet appui administratif. Il incombe exclusivement aux individus et à la communauté de demeurer alertes et d'agir. C'est par le biais des cas d'exception que les membres de la communauté anglophone doivent faire valoir leurs droits démocratiques. Les articles pertinents à la loi n° 109 doivent être amendés afin de permettre à ceux qui le souhaitent d'être affiliés à une commission scolaire anglophone. De plus, il faudra assurer que les listes électorales des commissions scolaires anglophones reflètent la réalité et cessent d'être considérées comme des exceptions sans importance à la règle.

Étant donné que le paiement des taxes scolaires est fonction de la liste électorale, les restrictions sur l'éligibilité ont un impact sur la base d'imposition. Une base d'imposition restreinte rend les commissions scolaires plus dépendantes des subventions de péréquation gouvernementales, alors que la tendance actuelle est au transfert des coûts vers les niveaux de gouvernement locaux. Ceci pourrait mener éventuellement à une réduction de l'autonomie et de la qualité des services éducatifs. Une base de taxation équitable est essentielle.

Sur la question de la période transitoire pour la ville de Québec, tout indique que l'amendement constitutionnel demandé par l'Assemblée nationale se fera à temps pour la restructuration de notre commission scolaire. Si, toutefois, l'article 93 de la Constitution de 1867 n'est pas amendé avant le 1er janvier 1998, nous demandons que l'application de la loi n° 109 soit remise à une date ultérieure jusqu'à ce que les commissions scolaires linguistiques puissent être implantées dans tout le territoire. Maintenir les commissions scolaires confessionnelles dans la ville de Québec tout en établissant des commissions scolaires linguistiques ailleurs dans la province ne peut que désorganiser complètement nos écoles, puisque les étudiants proviennent de toute la grande région. Nous avons attendu longtemps pour ces changements recommandés dans le rapport Parent, nous pouvons attendre davantage pour bien faire.

Sur la question de l'amendement comme tel, nous reconnaissons que l'article 93 de la Constitution de 1867 n'offre plus une protection significative aux minorités. Conséquemment, nous ne nous opposons pas aux amendements proposés à l'article 93 à condition de recevoir des garanties qui assurent le maintien de notre droit d'offrir à notre communauté une éducation en langue anglaise de qualité et qui nous permettent de continuer à gérer et contrôler nos institutions.

(23 heures)

Pour clore, nos écoles sont chères aux yeux de la communauté anglophone. Une commission scolaire anglophone devrait représenter une institution importante à laquelle s'identifie la communauté. Elle doit être proche de la communauté et ne peut donc être trop étendue ni trop éloignée. L'ensemble de la communauté doit être en mesure de participer au processus démocratique sans difficulté majeure sur les mêmes bases que tous les Québécois. Les écoles de la commission scolaire requièrent des ressources financières adéquates afin de continuer à fournir des programmes et services de qualité à toutes les populations étudiantes, jeunes et adultes.

Les garanties et déclarations constitutionnelles doivent être respectées pour préserver notre droit à une éducation de qualité afin d'assurer que le niveau de contrôle et de gestion de nos écoles et commissions scolaires soit maintenu.

The continued vitality of our community and thus our hability to contribute to Québec society depend on the school board structure that meets our needs and facilitates the provision of quality education to our community. Merci beaucoup, mesdames, messieurs.

Le Président (M. Gaulin): Merci, M. le Président. Mme la ministre.

Mme Marois: Alors, merci à M. le président. Merci aussi pour votre patience. Étant le dernier groupe en fin de soirée, ce n'est pas nécessairement toujours facile. Alors, on va rester vigilant, de part et d'autre, et attentif.

Donc, je comprends bien que, pour vous, il est clair que 93 protégeant les droits confessionnels, il ne s'agit pas de les lier aux droits linguistiques. Donc, vous êtes d'accord avec le fond du projet de loi. Cependant, en contrepartie, vous dites: Nous voulons avoir l'assurance de pouvoir préserver nos droits à la gestion de nos institutions. C'est ça que je comprends bien de votre mémoire. Et, parce que je pense qu'il y a un certain nombre de questions qui apparaissent, vous soulevez la question, évidemment, du droit de vote à la commission scolaire. Et vous parlez de la question de la taxation. Je vais peut-être prendre d'abord la question de la taxation, puis je reviendrai sur le droit de vote pour soulever quelques questions auprès de vous.

D'abord, sur la taxation, on a eu l'occasion de le faire à quelques reprises à la commission, ici, mais je vais le reprendre avec vous rapidement. Bon, vous savez que, l'éducation étant considérée comme un bien essentiel, nous versons à chaque élève, dans l'ensemble du système, un montant essentiellement semblable ou égal, que l'enfant soit dans une commission scolaire avec un grand champs fiscal, c'est-à-dire avec une grande valeur foncière... Et, par ailleurs, si ce n'est pas le cas ou dans une commission scolaire où il y a moins de richesse, l'enfant ne sera pas traité différemment, ou l'étudiant ne sera pas traité différemment. Et ça, pour nous, c'est fondamental, je vous dirais, à cause du fait que nous considérons l'éducation comme un bien essentiel, comme l'est la santé, comme l'est aussi la justice. Et, même, il y a une certaine forme, je dirais d'inadéquation du moyen de l'utilisation du champ foncier aux fins de l'éducation. C'est pour ça qu'on a, d'ailleurs, la péréquation.

Je peux comprendre vos inquiétudes, cependant, parce que ce n'est pas mauvais qu'on se le redise et qu'on le dise chaque fois. Donc, si vous étiez inquiets quant à la question de la taxation et du fait que, en retouchant le droit de vote, on retouche en même temps, évidemment, la contribution qui sera apportée par la taxation, ça ne voudra pas dire, cependant, au bout de cela, qu'il y aura moins de ressources pour la communauté, soit-elle francophone ou anglophone. Je pense que c'est important, parce que sinon on part sur de mauvaises pistes.

L'autre aspect, c'est la question, bien sûr, du droit de vote lui-même. En fait, nous n'avons pas cherché à, je vous dirais, empêcher l'exercice du droit de vote. Nous avons tenté, cependant, de le baliser; et de le baliser le plus largement possible, étant entendu qu'on ne voudrais pas non plus tomber – et je le dis très simplement et très sincèrement – dans la définition de qui est un anglophone, qui n'est pas un anglophone. Et je le dis très simplement, dans le sens où on ne veux pas faire passer de tests à personne sur cette réalité.

Mais, cependant, pour nous assurer que les Québécois de la communauté anglophone puissent gérer leurs institutions, puissent gérer leurs commissions scolaires et à travers cela leurs écoles, nous avons souhaité identifier un certain nombre de règles qu'on a voulues le plus objectives possible. Essayer de se sortir, dans le fond, d'une forme de subjectivité qui permettrait d'être très arbitraire. Et c'est ça qu'on a voulu faire, à partir du moment où on a mis de côté le libre choix. Et là, dans le fond, on ne veut pas être tracassier. Même si on peut alléger encore la notion de déclaration, de signification. Je posais la question tout à l'heure à mon conseiller juridique, ici. Bon, je dis: Oui, c'est vrai qu'il y a une déclaration écrite, est-ce qu'on pourrait la simplifier? Comment faire pour la simplifier, cette déclaration? Et, encore là, on ne demandera pas de preuve de: Ai-je fréquenté l'école anglaise? Est-ce que mes parents y ont eu droit? Bon, etc.

Alors, donc, notre perspective, c'est vraiment d'élargir le plus possible, pour rejoindre le plus possible les Québécois de la communauté anglophone. Et donc, dans ce sens-là, moi, je suis prête à accueillir des propositions pour améliorer cela, pour l'élargir encore davantage. Parce qu'il y a entre autres un élément qu'on retrouve dans le projet de loi, c'est de dire que, par exemple, même si une famille avait la possibilité d'envoyer son enfant à l'école anglaise et qu'elle ne l'a pas fait et que son enfant n'est plus dans le système scolaire, elle pourra aller voter à la commission scolaire anglophone parce que l'éligibilité était là, et on dit: On respecte cette éligibilité-là.

Et donc, dans ce sens-là, si vous aviez des commentaires ou des suggestions à nous faire pour peut-être encore l'élargir davantage, je pense qu'on est prêt à entendre tout à fait vos propositions. Et je reviens sur cela, étant entendu que nous préférons avoir quelques balises. Ce sont celles qu'on a choisies, ici, bien sûr. Et je sais que je suis un peu longue, M. le Président, mais je pense que ça vaut la peine. Non, je ne prends pas votre commentaire non verbal pour cela, mais je trouve que c'est important, quand même, comme vous êtes le dernier groupe, là, qu'on resserre un peu sur ça.

Alors donc, ça, c'est, je vous dirais, un aspect de ce que je veux soulever ici, comme la question de la déclaration, s'il y a des commentaires ou suggestions à nous faire. Puis l'autre volet – j'étais en train d'oublier mon idée – c'est: Pour vous, le fait de pouvoir voter en n'ayant aucune balise, donc exercer votre libre choix à cet égard, est-ce qu'il y a une corrélation entre cette possibilité-là et celle que l'on procède à un élargissement de l'accès à l'école anglaise ou du droit d'accès à l'école anglaise?

Le Président (M. Gaulin): M. le président.

M. Keyes (John): Sur l'élargissement de la loi 101 et l'accès à l'éducation, on peut y revenir un autre jour. On est ici pour parler de la loi n° 109. Effectivement, nous aimerions voir plus d'ouverture à l'accès à l'école de langue anglaise dans la loi 101. On n'est pas ici aujourd'hui pour en parler. On est ici pour parler des commissions scolaires et du vote et du choix du gouvernement, qui est d'arrimer le droit de vote aux critères, dans la loi 101, sur l'accès aux services. Nous voudrions que, aujourd'hui, en regardant la loi n° 109, nous exercions une plus grande ouverture aux droits démocratiques de vote et de taxation dans le cas des commissions scolaires et qu'on ne se limite pas à l'éligibilité, telle que décrite dans la loi 101.

Je me permets de clarifier un point important. Nous considérons ça tout à fait juste et démocratique que les parents qui ont leurs enfants dans une commission scolaire donnée suivent avec le vote et la taxation. Ce n'est pas de ça que nous parlons, comme on l'avait bien dit dans le mémoire, ce sont de ceux qui ne sont pas dans cette situation-là.

Je dois vous apporter un point démographique, qui est très particulier à nous autres, ici, dans la région de Québec. On a beaucoup de jeunes couples, de jeunes anglophones, dans la communauté, qui n'ont pas d'enfant. Ils viennent de partout, il y a en plusieurs qui viennent des États-Unis. Si on applique l'éligibilité, dans leur cas, ils ne seront peut-être pas considérés comme membres de la communauté anglophone de la région de Québec–Chaudière-Appalaches quand il s'agit des grandes questions d'éducation face à leur communauté et des écoles de cette communauté-là.

Nous vous demandons d'aborder le droit de vote différemment de l'accès aux services dans la loi 101. Nous vous demandons d'élargir l'éligibilité en-dehors de ceux qui ont des enfants dans nos écoles; l'élargir sur les bases de la loi 106, je crois, actuellement, où c'est plus ou moins laissé au libre choix. On ne demande pas un pedigree pour le vote aujourd'hui, on laisse ça aux citoyens de décider dans quelle commission scolaire il ou elle voudrait voter. Ça, c'est le sens de notre demande, à ce niveau-là.

(23 h 10)

C'est particulier à notre communauté, comme j'ai dit tantôt, à cause d'un profil démographique bien particulier. On a beaucoup de jeunes adultes qui viennent de partout, pas juste au Canada, qui sont ici, dans la région de Québec. Ils participent pleinement dans notre communauté et ils voudraient continuer à participer pleinement dans les institutions éducatives de notre communauté.

Au niveau de la taxation, pour la question du propriétaire foncier qui paie des taxes dans une commission ou dans une autre, je suis entièrement d'accord avec vous. Actuellement, le gros de notre financement, de loin, vient de la péréquation, sauf que je crois qu'il y a une lueur à l'horizon. Les temps changent déjà, et déjà on demande de plus en plus au niveau de la taxation. Ce n'est pas l'essentiel, à ce moment-ci, mais ça peut venir. Nous voudrions souligner ça comme une possibilité, pour l'avenir, qui nous inquiète. Si on se trouve face à un équilibre autre entre la péréquation et la taxation, ça, c'est un élément qui met en péril nos commissions scolaires.

Le Président (M. Gaulin): Merci. Mme la ministre.

Mme Marois: D'accord, merci. Ça va.

Le Président (M. Gaulin): M. le porte-parole de l'opposition officielle.

M. Ouimet: Merci. Bienvenue, M. Keyes et votre directeur général, aux travaux de notre commission. Comme l'indiquait la ministre de l'Éducation, c'est vrai que nous avons abordé ces questions-là à plusieurs reprises avec d'autres groupes – puis ce n'est pas de votre faute – sauf que je vais reprendre les exemples que je donnais, et je crois comprendre que vous avez bien saisi la problématique.

Par rapport à la question de la taxation, comme vous l'avez bien indiqué, l'année passée on demandait à la taxation locale de financer les frais administratifs de la commission scolaire. Cette année, on en ajoute et on demande maintenant à ce que les salaires des directeurs, directrices d'écoles et du personnel de soutien soient financés par la taxation scolaire. Qu'est-ce que ça sera l'année prochaine? Possiblement le transport scolaire et autre. Il y a des lobbys qui s'exercent sur le gouvernement pour déplafonner le 0,35 $ du 100 $ d'évaluation.

Ce qu'on comprend, pour la communauté d'expression anglaise, c'est qu'en limitant le nombre de personnes qui paient des taxes à la linguistique anglaise ça vient limiter les sources de financement. On sait que le gouvernement transfère de plus en plus de responsabilités au financement local par le biais de la taxe. Ça va venir pénaliser la communauté linguistique, et ça, je pense qu'il faut être clair là-dessus, il faut être bien clair là-dessus. Il faut comprendre que c'est ça qui est l'enjeu, pas aujourd'hui... On peut bien parler du système de péréquation dans le système d'aujourd'hui, c'est une réponse; dans le système de demain et d'après-demain, par exemple, c'est très inquiétant.

Ça pénaliserait aussi le taux de taxation parce que, pour obtenir le montant d'argent nécessaire pour financer les services qui doivent être financés par le biais de la taxe, pour obtenir le montant d'argent nécessaire en centaines de milliers ou en million de dollars, compte tenu que le nombre de payeurs de taxe est diminué, il va falloir charger un taux de taxe beaucoup plus élevé. Ça, ce n'est pas équitable, à mon point de vue.

Sur la question du droit de vote, maintenant, on prétend vouloir élargir le droit de vote. Comment penser qu'on élargit le droit de vote alors qu'il est clair, à mon point de vue, que nous sommes en train de le restreindre dans le projet de loi n° 109? On n'a qu'à penser à des gens, comme vous décrivez, qui font partie de la communauté de Québec–Chaudière-Appalaches, qui s'identifient à la communauté anglophone, qui pourraient même siéger sur les conseils d'établissement des écoles anglaises en vertu de l'avant-projet de loi – il va y avoir des représentants de la collectivité – et ces gens-là ne pourraient pas voter à la commission scolaire là où ils oeuvrent, au niveau de l'école, au niveau du conseil d'établissement.

Ça apparaît être assez aberrant, et je vous signale que la CEQ a ouvert une porte ce matin. La CEQ, partenaire du gouvernement, se sent mal à l'aise par rapport à la question du droit de vote, recherche des accommodements, suggère des accommodements, des accommodements du style: Pourrait-on demander aux électeurs de déclarer qu'ils sont d'expression anglaise et donc de voter à la commission scolaire linguistique anglaise? On s'éloigne des principes de la Charte de la langue française pour définir qui a le droit de voter à la commission scolaire linguistique anglaise.

Alors, je pensais que les messages étaient clairs, mais je vois que la ministre semble persister dans son interprétation à l'effet qu'elle élargit le droit de vote à la communauté anglophone, alors que c'est carrément une restriction.

Je reviens à votre autre préoccupation, qui n'est pas négligeable: une commission scolaire qui dessert 80 %, qui couvre 80 % du territoire de la province de Québec, qui couvre 50 MRC, une communauté urbaine, huit régions administratives et 27 commissions scolaires francophones.

M. Keyes (John): C'est du monde.

M. Ouimet: Ça n'a pas de bon sens, ça n'a pas de sacré bon sens.

M. Keyes (John): Effectivement, c'est, au niveau de la loi, le territoire comme tel, et il y a un lien entre tous ces facteurs-là. La taxation et les coûts qui peuvent être demandés de nos commissions scolaires par le biais de la taxation, dans une telle commission scolaire, sont augmentés de façon énorme. Et toute la question de l'appartenance, toute la question des services rendus équitables pour tous les Québécois, que ça soit anglophones ou francophones, dépendamment où on reste, non, ça, c'est une préoccupation très importante de notre communauté.

Eastern Québec est déjà très grande et tous s'entendent pour dire que c'est à peu près à la limite de ce qui est acceptable et faisable. Et c'est à nous de trouver des accommodations territoriales et de ne pas nous restreindre, nous limiter au chiffre de 5 000 pour dire que: Bon, pour arriver à 5 000, il faut qu'on regroupe ces 27 commissions scolaires francophones pour en faire une commission scolaire anglophone. Alors, ça nous inquiète beaucoup, au point où on fait des farces sur des hélicoptères jaunes pour transporter nos jeunes d'une place à l'autre. C'est des farces, Mme la ministre. Mais c'est ça, c'est des distances énormes.

Dans la loi n° 109, vous avez laissé une place importante pour les commissions scolaires. Ce n'est pas un lieu dénué d'influence sur notre système d'éducation. Nous croyons qu'il faut donner les conditions pour que ceux qui s'intéressent à ça dans la communauté anglophone aient tous la possibilité que tous les autres Québécois ont de travailler dans leur commission scolaire, voter dans la commission scolaire et l'appuyer avec la taxation. Le territoire, c'est une considération très importante, une inquiétude très importante; le droit de vote, comme je l'ai dit tantôt, la taxation aussi, comme je l'ai dit tantôt.

M. Ouimet: Et comment, au niveau soit de la participation des parents, qui est également... On souhaite encourager la participation des parents aux décisions prises par la commission scolaire et à la chose scolaire. Je pense aux parents qui résident sur le territoire des Îles-de-la-Madeleine. Supposons que le siège social de cette commission scolaire là se retrouve à Trois-Rivières. On demande aux parents, pour pouvoir participer aux délibérations du conseil des commissaires, de partir des Îles-de-la-Madeleine pour s'en aller à Trois-Rivières. Ça me paraît être assez spécial, et ce qu'on peut aussi... Parce que le principe de la réduction du nombre de commissions scolaires, c'est de réaliser des économies qu'on chiffre, sur à peu près deux pages, à 100 000 000 $; on indique sur à peu près deux pages, dans un document qui m'a été remis: Voici comment nous allons arriver à peu près à 100 000 000 $.

(23 h 20)

Moi, je me demande: Dans le cas présent, est-ce qu'il ne serait pas plus coûteux d'avoir une commission scolaire qui couvre ce vaste territoire là avec les frais de déplacement et tous les autres coûts inhérents, au lieu de maintenir deux commissions scolaires? Ça, je parle de l'argument économique, mis à part l'argument pédagogique puis l'argument de la participation des citoyens à la chose scolaire.

M. Keyes (John): Nous posons la question. Je pense que c'est une question raisonnable, nous la posons dans le mémoire. Question des parents aussi, vous allez trouver que c'est un des bouts que j'ai dû sauter pour la présentation de 10 minutes, mais c'est un des éléments que nous portons à votre attention, le cas des parents qui veulent participer. Nous pensons que la question est raisonnable et que ça met les jeunes, dans cette commission scolaire, les citoyens qui appartiennent à cette commission scolaire là, à un désavantage face aux autres québécois, dans le sens où ça serait plus coûteux et plus difficile de se donner les mêmes services éducatifs. Alors, aussi simple que ça.

M. Ouimet: Et, dans la dernière page de votre mémoire, lorsque vous parlez de garantie, vous donnez un appui à la démarche constitutionnelle, à la modification de l'article 93, mais vous dites: À condition de recevoir des garanties qui assurent le maintien de notre droit d'offrir à notre communauté une éducation en langue anglaise de qualité et qui nous permette de continuer de gérer et de contrôler nos institutions. Vous faites référence à la communauté dans son sens large et non pas à la communauté telle que définie par la Charte de la langue française. J'essaie de voir votre appui conditionnel. Parlez-moi un petit peu de la condition.

M. Keyes (John): Bon, nous lisons, entre autres, dans le préambule à la loi qui demande l'amendement constitutionnel, «communauté» dans le sens que je vous l'ai décrit tantôt. C'est plus large que ce qui est décidé par l'éligibilité au service éducatif pour la loi 101. C'est la communauté dont je vous ai parlé tantôt. Ce n'est pas la même chose que l'éligibilité. Donc, c'est dans ce sens-là que nous acceptons les garanties qui sont présentes dans le préambule. Évidemment, nous voudrions les voir refléter dans toute la législation qui touche à notre système d'éducation, et c'est le prisme par lequel nous regardons la loi n° 109 et les autres lois qui vont continuer à édifier notre système d'éducation à l'avenir. Les principes réaffirmés dans le préambule parlent de notre communauté, nous assurent nos écoles, les services et le contrôle de ces écoles par la communauté. Nous demandons au législateur de respecter ces garanties-là dans la législation devant nous ce soir et dans toutes les autres lois qui vont suivre sur le système éducatif au Québec.

Le Président (M. Gaulin): En conclusion, nous avons dépassé le temps, M. le député.

M. Ouimet: Nous avons dépassé le temps, alors, je voudrais remercier M. Keyes et Voice of English Québec de nous avoir sensibilisés à la réalité anglophone de la région de Québec, extrêmement important. Et merci pour votre contribution pour l'avancement de nos travaux.

Mme Marois: Alors, merci aussi de notre côté pour votre présentation et vos commentaires. Merci beaucoup.

Le Président (M. Gaulin): Nous ajournons sine die.

(Fin de la séance à 23 h 24)


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