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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mercredi 26 novembre 1997 - Vol. 35 N° 46

Consultations particulières sur le projet de loi n° 166 - Loi modifiant la Loi sur les collèges d'enseignement général et professionnel et d'autres dispositions législatives


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Table des matières

Remarques préliminaires

Auditions


Autres intervenants
Mme Jeanne L. Blackburn, présidente
M. Jean-Guy Paré, président suppléant
M. Lawrence S. Bergman
*M. Denys Larose, Fédération des cégeps
*M. Gaëtan Boucher, idem
*Mme Sylvie Desjardins, idem
*Mme Diane Poirier, FAP
*M. Pierre Patry, FNEEQ
*Mme Marie-Claire Chouinard, idem
*Mme Marjolaine Côté, FEESP
*M. Daniel Lachance, FEEC
*M. Normand Picard, idem
*M. Réginald Sorel, idem
*M. Philippe Leclerc, FECQ
*M. Mathieu Dumont, idem
*M. Richard Landry, FAC
*M. Daniel Lussier, idem
*M. Jean-Claude Drapeau, idem
*M. Roger Matte, CCNS
*M. Michel Julien, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Quinze heures trois minutes)

La Présidente (Mme Blackburn): Mesdames, messieurs, je vous inviterais à prendre place de manière à commencer sensiblement à l'heure et pouvoir terminer à l'heure prévue.

Alors, M. le secrétaire, est-ce que nous avons quorum?

Le Secrétaire: Oui, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Blackburn): Donc, je déclare la séance de la commission de l'éducation ouverte et je me permets de rappeler le mandat de la commission. La commission a comme mandat de procéder à des consultations particulières sur le projet de loi n° 166, Loi modifiant la Loi sur les collèges d'enseignement général et professionnel et d'autres dispositions législatives.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. M. St-André (L'Assomption) remplace M. Kieffer (Groulx) et M. Gautrin (Verdun) remplace M. Ouimet (Marquette).

La Présidente (Mme Blackburn): Bien. Bonjour, mesdames, messieurs, et bienvenue à la commission. Oui, est-ce que Mme la députée de Terrebonne remplaçait un membre de la commission? Est-ce que c'était prévu?

M. Gautrin: Alors, Mme la Présidente, je ferais motion pour que, par consensus, compte tenu de l'intérêt particulier pour ce modèle, la députée de Terrebonne puisse participer à cette commission.

La Présidente (Mme Blackburn): Alors, c'est adopté à l'unanimité. Alors, M. le député de Verdun, merci pour votre courtoisie et votre gentillesse, j'allais dire «galanterie», le mot n'est pas indiqué. Mais nous apprécions la présence de Mme la députée de Terrebonne à titre de membre de cette commission.

Alors, la lecture de l'ordre du jour. À 15 heures – nous avons donc cinq minutes de retard, comme vous pouvez le constater – les remarques préliminaires; à 15 h 30, Fédération des cégeps; à 16 h 15, Fédération des associations de parents des cégeps du Québec inc.; à 17 heures, Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec; suspension à 17 h 45; reprise à 20 heures avec la Fédération des enseignantes et enseignants de cégep; à 20 h 45, Fédération étudiante collégiale du Québec; à 21 h 30, Fédération autonome du collégial; et, à 22 h 15, Conseil des collèges non subventionnés.

Alors, nous en sommes maintenant aux remarques préliminaires. J'inviterais Mme la ministre, pour une durée de 15 minutes, à nous présenter ses remarques préliminaires. Mme la ministre.


Remarques préliminaires


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, Mme la Présidente. Alors, ça me fait plaisir de me retrouver à cette commission aujourd'hui. Le 20 novembre dernier, j'ai en effet soumis à l'Assemblée nationale le projet de loi modifiant la Loi sur les collèges d'enseignement général et professionnel. Je désire rappeler, pour le bénéfice de tous, les principaux éléments qui sont visés par ce projet de loi.

D'abord, ce sont les responsabilités liées aux activités éducatives des cégeps qui seront élargies. En effet, ces derniers seront désormais autorisés à offrir des programmes menant à une Attestation d'études collégiales dans tous les domaines de formation technique. Ensuite, les pouvoirs administratifs des cégeps seront accrus. Dans une perspective d'assouplissement, nous proposons que des modifications en matière de gestion administrative soient apportées, particulièrement en ce qui concerne la réglementation des projets d'immobilisation.

La plupart des modifications proposées se dégagent de consultations menées dans le milieu de l'enseignement collégial. En premier lieu, il y a eu, bien sûr, les consultations lors des états généraux sur l'éducation, où les partenaires de l'enseignement collégial ont eu de nombreux échanges entre eux. Ils ont d'abord réaffirmé l'importance de poursuivre le renouveau de l'enseignement collégial amorcé en 1993. Nous avons souscrit à cette demande. Par ailleurs, ils nous ont fait part de certaines préoccupations, notamment la nécessité d'améliorer l'accessibilité géographique à la formation, d'assurer une meilleure réponse aux besoins des adultes et de tendre vers une meilleure efficacité de la gestion. En d'autres mots, ils ont souhaité aller plus loin dans le renouveau amorcé et accroître la marge de manoeuvre des établissements. Non seulement nous l'avons confirmé, Mme la Présidente, je le répète, mais, en plus, nous avons confirmé l'existence de ce niveau d'enseignement supérieur que constituent les cégeps. Et j'ai cru comprendre que la formation politique représentée par mon collège de Verdun à la commission se serait ralliée aussi à cette orientation.

En second lieu, il y a eu les consultations menées par M. Gaudreau pour étendre l'accessibilité géographique de la formation collégiale dans la région de Lanaudière et définir le modèle de fonctionnement du nouveau collège. Ce comité s'est acquitté de son mandat avec transparence. En effet, les gens du milieu ont été associés de très près à cette réflexion. Après avoir expliqué sa démarche aux partenaires de la région dans un document d'orientation qui fut rendu public le 30 juin, le comité a réalisé une analyse systématique des divers encadrements et des activités caractéristiques d'un établissement d'enseignement collégial public. Il en a résulté un document de consultation rendu public le 12 mars. En réaction à ce document, le comité a reçu une douzaine d'avis écrits et rencontré des personnes ou groupes de personnes. C'est à la suite de ces avis qu'a été adopté un modèle de fonctionnement pour le collège régional de Lanaudière. Donc, des consultations et des débats ont eu lieu. Nous disposons de suffisamment de balises pour passer à l'action.

Cette consultation se poursuit aujourd'hui, Mme la Présidente. En effet, la réforme de l'éducation a été réalisée et continuera de l'être dans la transparence. Elle est devenue l'affaire de toutes et de tous, c'est un projet national, et j'entends poursuivre ainsi.

Au cours des dernières années, nous avons parlé abondamment de la nécessité de donner plus d'autonomie aux établissements, de décentraliser les décisions et d'assouplir les règles administratives, en résumé, de laisser davantage de place à l'initiative locale. Par exemple, les établissements n'ont pas toute la marge de manoeuvre nécessaire lorsque vient le temps de répondre aux besoins ponctuels de formation, de recyclage et de perfectionnement des personnes qui occupent un emploi ou qui sont sans emploi. En effet, répondre adéquatement à ces besoins exige une grande complicité entre les partenaires du privé et du public.

(15 h 10)

Dorénavant, tous les cégeps pourront élaborer et mettre en oeuvre un programme conduisant à une Attestation d'études collégiales dans tout domaine où il existe dans le réseau un programme menant au Diplôme d'études collégiales. L'autorisation du ministère ne sera plus requise. En conséquence, les cégeps seront en mesure d'offrir un plus grand choix de programmes pour répondre aux besoins des entreprises ainsi qu'aux personnes qui sont en emploi ou sans emploi. C'est une façon d'apporter une meilleure réponse aux besoins de formation des individus, notamment dans les régions plus éloignées des grands centres, où l'offre de services est moins variée. C'est également une façon de reconnaître que les cégeps ont un rôle déterminant à jouer auprès du milieu des affaires pour contribuer au développement et au succès des entreprises.

Plusieurs autres assouplissements de l'encadrement administratif sont proposés dans ce projet de loi. Ainsi, l'approbation du gouvernement ne sera plus requise pour les cas particuliers d'acquisition, de construction, d'agrandissement et de transformation d'un immeuble. Il nous semble que toute la démarche entourant l'acceptation et le suivi des plans d'équipement comporte suffisamment de contrôles. Le gouvernement continuera toutefois d'encadrer le pouvoir d'un cégep lorsque ce dernier souhaitera se départir de biens capitalisables financés par le service de la dette à long terme.

Une autre disposition prévue au projet de loi fera en sorte qu'un cégep pourra réaliser un bénéfice en participant à l'une ou l'autre des activités prévues dans la loi, telles des activités de formation de la main-d'oeuvre, de recherche appliquée, d'aide technique à l'entreprise ou de coopération internationale.

Par ailleurs, le financement des programmes menant à un Diplôme d'études collégiales pourra au besoin s'adapter à la situation particulière d'un cégep. Ainsi, actuellement, les subventions de fonctionnement de ces programmes doivent être uniformes. Le projet de loi lève cette obligation, et nous pourrons tenir compte de cette situation variée.

À la demande des représentants et des représentantes des parents, une précision sera introduite dans la loi afin que les parents aient la responsabilité de définir la procédure de nomination de leurs membres au conseil d'administration du cégep. Actuellement, l'élection des représentants des parents est régie par les règles du cégep.

Comme je l'ai dit précédemment, le projet de loi donne une réponse à une demande légitime de la population de Lanaudière, à savoir l'amélioration de l'accessibilité à l'enseignement collégial public dans leur région. La solution la plus simple aurait été de construire un nouveau cégep qui serait venu s'additionner aux établissements du réseau collégial. Cette solution aurait été certainement la moins exigeante, mais ce n'est pas celle que j'ai retenue. La situation dans Lanaudière nous offrait une chance d'adopter une nouvelle façon de faire. La création d'un cégep régional dans Lanaudière nous a semblé tout à fait appropriée puisqu'elle se permettait d'assurer une offre de formation diversifiée et concertée en réponse aux besoins de la région, ceci sans toutefois avoir à consentir des investissements trop importants et sans alourdir inutilement la structure administrative.

En mai dernier, le comité présidé par M. Gaudreau m'a soumis une proposition que j'ai acceptée. Il proposait que le nouvel établissement soit formé d'une entité régionale, aux sens juridique et administratif du terme, et de trois constituantes. En termes simples, les services administratifs seraient centralisés et la mission de formation largement décentralisée. Et il était établi que les constituantes seraient autonomes pour la mise en oeuvre de la formation, le choix des stratégies pédagogiques, l'organisation des services périphériques à la formation et la vie étudiante. Quant au centre administratif, c'est-à-dire la direction générale, il assumerait les responsabilités suivantes: voir au développement du nouvel établissement, assurer un accès à la formation sur l'ensemble du territoire, répartir les programmes d'enseignement et les ressources, promouvoir les activités et le rayonnement du collège et planifier les interventions en matière de formation continue. En d'autres mots, le centre administratif aurait le mandat premier de planifier la réponse aux besoins de la population et de soutenir l'action éducative des constituantes.

Le nouveau modèle de collège régional proposé par la population de Lanaudière exigeait évidemment des aménagements législatifs. Le projet de loi prévoit ces aménagements et donne suite à la volonté exprimée dans Lanaudière. Trois groupes d'éléments méritent cependant d'être signalés.

Le projet de loi comporte un ensemble de dispositions qui permettent au gouvernement, sur recommandation de la ministre de l'Éducation, de créer le cégep régional formé d'une ou de plusieurs constituantes. Le projet de loi permet aussi d'instituer le cégep régional à partir d'établissements existants. Ainsi, sur recommandation de la ministre de l'Éducation, le gouvernement pourra transformer un cégep existant en cégep régional ou en constituante d'un tel collège. À cet effet, le projet de loi permet à la ministre de l'Éducation de proposer au gouvernement la fusion de deux ou de plusieurs cégeps ou encore l'annulation des lettres patentes d'un cégep. Le projet de loi établit aussi que toute intervention en ce sens sur le statut d'un cégep existant devra au préalable être l'objet d'une consultation du Conseil supérieur de l'éducation. Le projet de loi comporte en outre un ensemble de dispositions établissant entre le cégep régional et ses constituantes le partage des rôles habituellement confiés à un cégep traditionnel. Cette répartition vise essentiellement à confier des responsabilités administratives au collège régional, tout en décentralisant l'offre de service de formation dans ses constituantes.

Alors, Mme la Présidente, voilà l'essentiel des changements que j'ai soumis à l'Assemblée nationale et que je désirais rappeler aux membres de cette commission. Je vous remercie.

Comme il me reste du temps, je crois qu'un autre membre de ma formation politique pourrait prendre les quelques minutes qui restent à ma présentation.

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, Mme la ministre. La parole est maintenant au porte-parole officiel de l'opposition.

M. Gautrin: ...

La Présidente (Mme Blackburn): Habituellement, c'est par alternance, alors c'est vous, et on y reviendra.

M. Gautrin: Il reste?

La Présidente (Mme Blackburn): Il reste cinq minutes. Alors, M. le député de Verdun.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Merci, Mme la Présidente. D'emblée, je dois dire que l'étude de ce projet de loi se fait sur une situation dramatique, une situation dramatique parce qu'on ne peut pas regarder ce projet de loi sans connaître et analyser la situation financière de l'ensemble du réseau collégial et les compressions appréhendées pour l'année qui va venir. C'est bien beau de vouloir commencer à jouer dans les structures – on pourra débattre de cela – on le fait sous un panorama de compressions que le réseau collégial ne peut plus supporter sans remettre en question la qualité de l'enseignement qui y est donné.

Mme la Présidente, l'opposition, dans ce projet de loi, va insister sur un certain nombre de points. Le premier, et vous l'avez rappelé, touche la question des Attestations d'études collégiales. S'il est intéressant d'avoir plus de souplesse et de rechercher dans les Attestations d'études collégiales une meilleure adaptation au marché du travail, vous comprendrez sans peine que peut-être la petite brèche qui est faite à un principe qui touche la gratuité des études au collégial n'est pas sans inquiéter de ce côté-ci de la Chambre, et nous aurons des questions à poser aux intervenants quant à ce point de vue là.

Un deuxième élément de votre projet de loi m'a l'air éminemment inquiétant. Vous êtes intervenus en plaidant pour la nécessité d'un modèle original, que vous appelez le modèle d'un cégep régional, qui peut être, et il y aura lieu d'en débattre, adapté à la situation propre de la région de Lanaudière. Mais vous vous donnez dans ce projet de loi un pouvoir réglementaire énorme. Vous vous donnez dans ce projet de loi le pouvoir de fusionner, par règlement, les cégeps que vous désirez fusionner. Vous vous donnez dans ce projet de loi, par règlement, la possibilité de fermer des collèges, parce que, comme on dit, annuler des lettres patentes, ça veut dire fermer des collèges, et ça, Mme la Présidente, c'est quelque chose que nous avons beaucoup de difficultés à voir faire par voie réglementaire, sans débat public. Et soyez assurés qu'à moins qu'il y ait un consensus de la part des gens qui vont témoigner devant nous, c'est quelque chose que nous avons beaucoup de difficultés à admettre.

En ce qui touche le cégep régional, dans le cadre d'une enveloppe fermée, je reste préoccupé par les effets de débordement des clientèles sur les cégeps du voisinage, en particulier sur les cégeps de la couronne nord, à savoir Lionel-Groulx et Saint-Jérôme, de même que ceux qui sont immédiatement au sud, à savoir les cégeps Montmorency et Marie-Victorin. D'autre part, le modèle proposé, s'il a lieu d'être original, n'est pas sans créer une structure qui peut paraître lourde, car on dédouble, on va dédoubler les conseils d'administration, et il y a lieu de s'inquiéter aussi de ce dédoublement.

(15 h 20)

Enfin, Mme la Présidente, vous vous donnez encore, par règlement... Mme la Présidente, la ministre se donne dans ce projet de loi, par règlement, la possibilité de modifier les règles budgétaires. Les règles qui vont permettre de partager l'enveloppe qui est attribuée à chacun des collèges – ce qu'on appelle, dans le langage des initiés, des modèles FABES – ont été établies avec beaucoup de difficultés mais ont créé un certain consensus à l'intérieur du milieu collégial. Vouloir les remettre en question, c'est-à-dire, dans un article, pouvoir donner à la ministre le pouvoir discrétionnaire de changer les attributions des crédits n'est pas sans nous inquiéter énormément.

Enfin, Mme la Présidente, sur ce qui touche les frais de scolarité aux étudiants étrangers non résidents du Québec, et particulièrement aux francophones, parce que c'est d'eux qu'on parle, des francophones des provinces voisines, à savoir de l'Ontario et du Québec, qui jusqu'à maintenant pouvaient fréquenter nos institutions collégiales sans devoir payer de frais de scolarité, votre projet de loi leur impose dorénavant des frais de scolarité. Je ne pense pas que ce soit par ces méthodes-là que vous réglerez les problèmes financiers graves qu'il y a dans le monde collégial et je crois que c'est un geste qui manque à la solidarité traditionnelle que le Québec a su avoir avec les populations francophones hors Québec, et je dois dire que ce point-là, nous ne le partageons pas du tout avec vous, car j'y vois là une sorte de mesquinerie inutile à l'intérieur du projet de loi.

En résumé, Mme la Présidente, nous allons écouter avec intérêt à la fois les fédérations des collèges, à la fois les représentants des enseignants, parce qu'ils sont directement concernés. Et il n'est pas inutile de rappeler que, dans une institution d'enseignement, ce qui en fait la qualité, c'est d'abord et avant tout son corps professoral, la qualité de son corps professoral et la volonté de son corps professoral d'y travailler. Nous allons aussi écouter les étudiants parce que, dans le fond, ils sont aussi au premier chef concernés quant au modèle que vous présentez et aux modifications que vous apportez actuellement à la Loi sur les collèges. Je dois dire, Mme la Présidente, que, s'il y a des ouvertures et des assouplissements que nous sommes en mesure de saluer... et je dois dire que des assouplissements sur le plan organisationnel et la délégation de pouvoirs sont des choses qui, je crois, sont bienvenues. Ces délégations de pouvoirs se font, comme je l'ai rappelé au début, sous un horizon de compressions budgétaires énormes qui font qu'elles sont virtuellement inexistantes, puisque, lorsqu'on ne peut rien faire, déléguer le pouvoir de ne rien faire à quelqu'un, c'est à peu près ne rien faire du tout.

Je salue aussi cette souplesse, cette volonté d'adapter ces Attestations d'études collégiales aux cartes des techniques qu'ont les différents collèges. Il y a là une ouverture intéressante, quoiqu'on peut avoir des inquiétudes quant à leur financement ou à leur autofinancement, et ça, c'est une chose que, j'imagine, les personnes qui vont témoigner devant nous vont être en mesure de nous expliquer.

Nous avons des inquiétudes, comme je l'ai rappelé, sur le modèle du cégep régional que vous avez arrêté pour régler un problème, certainement, de croissance démographique importante dans la région des Basses-Laurentides. On pourra voir si ce modèle correspond ou répond réellement au problème qui était soulevé.

Mais je dois dire que l'inquiétude majeure que j'ai dans ce projet de loi, c'est sur les pouvoirs que vous vous donnez; et, dans le débat en Chambre, vous avez dit: Je n'ai pas l'intention de les utiliser. Et je pense particulièrement au pouvoir qui vous donne, par règlement, la possibilité de fusionner des établissements et, par règlement, de pouvoir abolir des établissements. J'ai toujours trouvé drôle que quelqu'un dise: Je n'ai pas l'intention du tout de faire cela, mais je me donne le pouvoir éventuellement de le faire. Si on n'a pas l'intention de faire quelque chose, on ne cherche pas à acquérir le pouvoir de se donner la possibilité de le faire.

Alors, Mme la Présidente, c'est avec intérêt que, de ce côté-ci, nous allons écouter nos invités qui vont certainement nous éclairer sur les différentes facettes du projet de loi. J'ai fait déjà valoir les points qui sont la source du questionnement que nous allons avoir lors de ces auditions.

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, M. le député de Verdun. Mme la députée de Terrebonne.


Mme Jocelyne Caron

Mme Caron: Merci, Mme la Présidente. Dans un premier temps, je voudrais évidemment remercier le député de Verdun qui, dès l'adoption de principe, a souhaité et accepté ma participation à cette commission. Je pense qu'il savait à quel point ce dossier-là était important pour moi, pour lui en avoir parlé à plusieurs reprises.

Ce moment, c'est un moment extrêmement attendu, depuis plus de 10 ans, pour la population du sud de Lanaudière. C'est évident que mon collègue de L'Assomption, qui est à ma gauche, et mon collègue de Masson pourraient témoigner la même chose. Depuis 10 ans, notre population souhaite une accessibilité et une équité. Une population de plus de 210 000 personnes, une jeune population en pleine croissance démographique continue se retrouvait sans aucun établissement public sur son territoire. D'ailleurs, le taux de réussite de nos jeunes, qui était un taux plus élevé que la moyenne au niveau du secondaire V, donnait des résultats, au niveau du taux de diplomation, inférieurs à la moyenne québécoise, puisque nos jeunes décidaient de ne pas poursuivre leurs études.

Le Conseil supérieur de l'éducation, qui avait étudié une première proposition présentée par la région, avait reconnu le besoin d'un établissement public, mais il déplorait le manque de consensus à l'intérieur même de la région de Lanaudière. Il s'inquiétait aussi, évidemment, des coûts. Donc, nous avons fait nos devoirs, nous avons fait notre travail. Nous avons préparé une proposition qui est acceptée par l'ensemble des partenaires de la région de Lanaudière, une proposition qui nous permet de créer trois constituantes, un seul collège régional, qui nous permet donc d'éviter des coûts qui étaient anticipés par le Conseil supérieur de l'éducation et qui répond à son inquiétude sur la question du consensus.

Pour ce qui est des collèges avoisinants, je tiens à préciser que, du côté du collège de L'Assomption, le collège reçoit principalement des étudiants et des étudiantes qui vivent à l'intérieur de la MRC de L'Assomption et qui se retrouvaient devant ce seul choix: aller au collège privé, puisqu'il n'y avait pas d'établissement public.

Du côté de la MRC des Moulins, la clientèle est complètement éclatée, donc ne peut nuire à un seul établissement, puisqu'on retrouve de nos étudiants dans les collèges, dans les cégeps Ahuntsic, Bois-de-Boulogne, Maisonneuve, Marie-Victorin, Rosemont, Vieux-Montréal, Joliette, Lionel-Groulx, Montmorency et Saint-Jérôme, une clientèle complètement éclatée, une clientèle qui se retrouve sans aucun sentiment d'appartenance, et c'est important au niveau de nos jeunes aussi.

La constituante de Terrebonne vient aussi répondre à un besoin reconnu lors des états généraux: l'importance de se doter de cégeps ou d'établissements qui nous permettent de répondre aux besoins professionnels et techniques de nos jeunes. La constituante de Terrebonne viendra s'ajouter au centre de formation professionnelle que nous avons inauguré à Terrebonne le 16 octobre dernier. Nous aurons donc un centre intégré où nous retrouverons le professionnel au niveau secondaire et des options techniques au niveau collégial.

(15 h 30)

Je salue l'initiative de la ministre qui, par sa grande compréhension, a réussi à permettre aux partenaires de s'entendre. Elle a mis sur pied un comité aviseur qui a fait un travail exceptionnel, et je pense qu'on doit saluer ce travail-là. Ça s'est fait avec la plus grande transparence, avec la plus grande attention pour toutes les recommandations de l'ensemble des partenaires. Donc, Mme la Présidente, c'est un moment extrêmement important pour notre région.

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, Mme la députée. Il n'y a pas d'autres interventions? Alors, ceci met fin aux remarques préliminaires.

J'inviterais donc les représentants de la Fédération des cégeps à venir prendre place à la table des témoins et j'inviterais son président, M. Denys Larose, à nous présenter les personnes qui l'accompagnent.


Auditions


Fédération des cégeps

M. Larose (Denys): Merci, Mme la Présidente. Il me fait plaisir de vous présenter, à ma gauche, Mme Sylvie Desjardins, qui est vice-présidente du conseil d'administration de la Fédération des cégeps...

La Présidente (Mme Blackburn): Bonjour, madame.

M. Larose (Denys): ...et présidente du conseil d'administration du cégep Bois-de-Boulogne, et, à ma droite, M. Gaëtan Boucher, président-directeur général de la Fédération des cégeps.

La Présidente (Mme Blackburn): Bonjour, M. Boucher. Alors, je vous souhaite la bienvenue au nom des membres de cette commission. Je vous remercie d'avoir accepté notre invitation à venir vous faire entendre sur ce projet de loi. Je vous rappelle brièvement les règles: 15 minutes de présentation et 30 minutes pour un échange avec les parlementaires membres de la commission. Nous vous écoutons.

M. Larose (Denys): Merci, Mme la Présidente. Membres de la commission, Mme la ministre, dans notre intervention, on ne fera pas lecture du bref mémoire. Je voudrais simplement vous situer. Nous avons pris comme toile de fond le plan d'action de la ministre qu'on retrouve dans Prendre le virage du succès . Nous nous sommes attardés aux éléments suivants. Sous le chapeau de consolider et de rationaliser l'enseignement collégial, nous avons retenu, au fond, sous l'angle de l'accroissement de l'autonomie des collèges, l'assouplissement de l'encadrement et des contrôles administratifs et favoriser la création de collèges régionaux et le regroupement de services.

M. Boucher vous présentera donc en bref, et on répondra à des questions, quatre aspects. Le mémoire traite de tous les aspects, mais nous aborderons dans un premier temps et principalement la question de la libéralisation des A.E.C., des Attestations d'études collégiales, la question des partenariats et des activités commerciales, le maillage avec le monde socioéconomique, la question de l'accueil des étudiants étrangers et le pouvoir prévu à la loi qui pourrait amener la ministre à décider de la fusion des collèges ou de l'abandon ou de l'annulation des lettres patentes. Alors, Mme la Présidente, je vais demander à M. Boucher de vous faire, puisque le document vous a été remis il y a peu de temps, un bref tour de piste autour de ces quatre pôles-là.

La Présidente (Mme Blackburn): La parole est à vous, M. Boucher.

M. Boucher (Gaëtan): Oui. Merci, Mme la Présidente. Alors, on voudrait au départ signaler un certain nombre d'aspects positifs qu'on retrouve dans le projet de loi. Le premier, bien sûr, il concerne la libéralisation des A.E.C. Depuis plusieurs années, les collèges tentent de pouvoir transiger davantage avec le monde du travail, avec les entreprises. On voudrait le faire sur le même pied d'égalité que les formateurs privés, particulièrement ceux qui sont non subventionnés, et on s'aperçoit qu'effectivement il y a un marché de la loi du 1 % d'autour de 700 000 000 $, et les collèges voudraient pouvoir davantage s'insérer dans cette démarche-là.

Il nous apparaît que le projet de loi correspond aux espoirs des collèges. Je vous dirais qu'il n'y a pas là une panacée au problème du financement des collèges, tel que l'a soumis le député de Verdun, mais il y a là une avancée que les collèges voudraient parcourir. Et on voudrait pouvoir faire en sorte d'être en mesure d'offrir de plus en plus, particulièrement aux travailleurs en emploi, aux entreprises québécoises, l'accès à des formations courtes, pointues, adaptées au marché du travail. Parce que je voudrais bien rappeler que ce dont on parle, c'est essentiellement des travailleurs en emploi, donc des adultes qui viennent dans les collèges, autour des A.E.C., et non pas des jeunes. Alors, il y a donc là un marché à occuper, qui actuellement est détenu principalement par les formateurs privés, subventionnés ou pas, et on souhaiterait pouvoir s'y insérer.

Le deuxième élément positif, c'est l'ouverture autour de l'article 6, sur les activités commerciales. Le projet de loi comporte des modifications. Nous prétendons qu'il ne va pas assez loin, cependant, à la fois pour les collèges et à la fois pour les collèges qui opèrent des centres de transfert de technologie. Et je m'explique.

De plus en plus, les collèges conduisent des activités de transfert technologique. Les collèges ont peu de ressources. Ils voudraient pouvoir faire des maillages, ils voudraient pouvoir faire du transfert technologique, développer de nouveaux créneaux d'expertise, et on souhaiterait qu'ils en aient la possibilité, comme l'a l'École polytechnique de Montréal de s'associer avec le Fonds de solidarité, comme l'a le centre hospitalier de l'Université de Montréal de s'associer avec BioChem Pharma, de la même façon, pour pouvoir profiter des retombées positives financières liées au développement de leurs expertises.

Le troisième élément positif, c'est l'accueil d'étudiants étrangers. Nous avions signalé à la ministre de l'Éducation, lorsque Team Canada est allé en Asie, qu'il n'y avait aucune maison d'enseignement supérieur du Québec, à part McGill, qui était allée en Asie. Et ça peut bien se comprendre, c'est qu'effectivement les règles ne rendaient pas intéressant ni aux collèges ni aux universités l'accueil d'étudiants étrangers. Je pense qu'il y a là une ouverture intéressante sur le monde.

Ce que l'on souhaite est fort simple, c'est de faire en sorte qu'il y ait une forme de déréglementation pour que nous puissions accueillir des étudiants étrangers et qu'il y ait une modulation des frais à leur être chargés... sur celui actuellement disponible dans les universités, que nous puissions en conserver, je dirais, le profit. Et, troisième chose, cependant, il va falloir faire attention pour qu'on ait des ententes de réciprocité avec la province du Nouveau-Brunswick et de l'Ontario, puisque actuellement on reçoit des clientèles venant de ces deux provinces.

Si, par ailleurs, ces éléments-là sont positifs, il y a trois éléments qui nous apparaissent causer des difficultés, c'est le moins que je puisse dire. La première chose la plus importante pour la Fédération et, je dirais, l'ensemble des communautés collégiales, c'est le pouvoir que se donne le gouvernement de fusionner les collèges, de fusionner un certain nombre de collèges. Si vous lisez le document Prendre le virage du succès , voilà quelque chose qui n'était pas annoncé. Qui plus est, la ministre, lors du débat en deuxième lecture, a bien annoncé son intention qu'il n'y ait pas de fusion. Alors, la conclusion logique, c'est, si ni le gouvernement ni la ministre n'ont l'intention de fusionner de collèges, pourquoi s'en donner le pouvoir?

Je peux par ailleurs comprendre que pour créer Joliette–Lanaudière il soit obligatoire d'avoir des pouvoirs de fusion. À ce moment-là, ayons des pouvoirs de fusion qui s'adressent et s'intéressent uniquement à ce cas-là. Sur le modèle du collège régional, et là, sûrement, Mme la Présidente, vous pourrez faire un bout de chemin avec moi puisque vous avez été au coeur de la régionalisation, à Nicolet, au début des années quatre-vingt, je vous dirais que, si le modèle de Joliette–Lanaudière convient à la population desservie, nous n'avons pas particulièrement de remarques à formuler autour de ça.

Cependant, trois commentaires. Le premier, c'est qu'il est clair que le modèle qui a été retenu est un modèle qui, à tout le moins, aurait pu être plus simple, plus souple et moins contraignant. Je vous ferai remarquer que nous avons géré 47 collèges avec 32 articles pendant 30 ans et, pour ce seul collège, la loi s'additionne de 40 articles. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'on ne fait pas dans le simple. L'autre chose, je pense que l'expérience passée peut certainement nous prédire que, je dirais, le ver est dans la pomme. On est en présence d'un système de gestion tendu et on peut penser, à court terme, que ça va causer des difficultés.

L'autre chose, l'autre commentaire, c'est que le gouvernement, par son projet de loi, met en place ce que j'appellerais un modèle unique. Et tous les autres collèges qui voudraient s'insérer dans un modèle de collège régional n'ont actuellement que le choix de prendre celui-ci ou de ne pas pouvoir le prendre. Ce que nous disons: Il faut pouvoir insérer dans la loi des pouvoirs habilitants pour des collèges qui auraient le goût effectivement de se régionaliser de pouvoir adopter ce modèle, des modalités de ce modèle ou un autre modèle.

(15 h 40)

Troisièmement, troisième commentaire. Je l'ai dit à la ministre, actuellement, il y a des collèges qui fonctionnent sur des mandats régionaux, l'Outaouais, l'Abitibi-Témiscamingue en sont des exemples, Gaspé-Les Îles. Ces gens-là ont réussi à configurer la composition de leur conseil d'administration pour tenir compte de leur réalité. L'article 8 du projet de loi tel que vous l'avez ne nous semble pas donner cette ouverture où effectivement un collège pourrait vouloir jouer autour de la composition des membres de son conseil d'administration pour s'ajuster à sa réalité interne ou à sa réalité externe. Il me semble qu'il y a là une piste de solution qu'on pourrait parcourir.

La dernière chose. Il me semble que le projet de loi n° 166 enlève aux collèges un pouvoir d'initiative. La ministre plaide pour l'autonomie; cependant, il n'est plus possible, si le projet de la loi va dans le même sens, que des collèges puissent demander des lettres patentes supplémentaires, faire annuler leur charte ou même se fusionner. Le pouvoir d'initiative qui pourrait être le leur a été retranché dans la loi. Alors, ce qu'on réclame, c'est fort simple, c'est que ce pouvoir-là leur soit redonné pour que des collèges qui auraient le goût de faire modifier leur charte, annuler leur charte ou même fusionner d'eux-mêmes dans un processus démocratique puissent effectivement le faire.

Alors, essentiellement, c'étaient les six remarques que j'avais à faire. Et c'est madame Desjardins qui va conclure, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Blackburn): Alors, Mme Desjardins. Merci, M. Boucher.

Mme Desjardins (Sylvie): Bonjour. Alors, dans le fond pour conclure, on pense que l'autonomie accrue qui est accordée au plan pédagogique avec la possibilité de mettre en oeuvre des A.E.C. est un élément qui est fort intéressant, au niveau des collèges. Et je pense qu'à ce niveau-là on est tout à fait d'accord avec les possibilités qui sont offertes.

Cependant, au niveau de l'autonomie administrative des collèges, il y a effectivement un problème autour de la possibilité, comme disait M. Boucher, de modifier des lettres patentes, d'annuler des chartes de collèges et aussi d'offrir un modèle unique de cégep régional. On pense que ça va à l'encontre d'une véritable régionalisation, dans le fond.

Donc, ce sont les aspects principaux, si l'on veut, qui nous posent problème, autour de la fusion et de la possibilité d'annuler des chartes de collèges. On pense que c'est enlever un pouvoir et enlever de l'autonomie aux collèges, ce dont ils ont besoin.

La Présidente (Mme Blackburn): Bien, merci, madame. Nous avons gagné quelques minutes, nous pouvons donc tout de suite amorcer l'échange avec les membres de la commission. Mme la ministre.

Mme Marois: Alors, merci, Mme la Présidente. D'abord, on va regarder chacune de vos propositions et, s'il y a des choses qu'on peut retenir après leur analyse au plan juridique et qui vont dans le sens et dans l'esprit du projet de loi qui est là, je n'ai pas d'objection à cela. On se comprend, il ne s'agit pas de vouloir s'obstiner sur un point ou l'autre.

Je prends le dernier exemple, quand on nous dit qu'on enlève l'initiative d'un collège qui voudrait se fusionner. Au contraire, on veut justement faire en sorte que, si quelqu'un veut le faire, ce soit facilité, dans un sens. Alors, s'il faut remettre cette notion de requête qui viendrait d'un collège, je n'ai pas tellement d'objections. Je veux dire, remarquez qu'on pourrait me téléphoner, puis ça ferait pareil. Mais, vous comprenez, c'est que l'idée n'était pas de l'enlever; au contraire, c'est de le rendre possible.

Il y a une chose qu'on va clarifier aussi d'entrée de jeu, je pense qu'il faut que ça apparaisse à l'évidence. J'ai dit et je redis que mon intention, en me donnant les possibilités soit de procéder à des fusions ou à des abrogations des lettres patentes, je crois que c'est absolument essentiel qu'on puisse l'avoir. Ça ne veut pas dire, que l'on ait ça dans une loi, que ce soit la loi de la santé et des services sociaux, que ce soit la loi qui concerne les centres hospitaliers, qui concerne des centres d'accueil et qui concerne quelque loi d'encadrement qui permet la naissance d'une organisation, qu'elle ne comporte pas aussi une mesure qui prévoit qu'un jour on puisse décider qu'on va en changer le statut ou qu'on va en abroger l'existence. Voyons donc! À mon point de vue, cela va de soi. Et donc, en ce sens, c'est pour ça que je dis, que je réaffirme: L'objectif n'est pas de fusionner des collèges, l'objectif n'est pas d'en faire disparaître mais de faire en sorte que des circonstances puissent nous amener à devoir agir en ce sens. Et je pense qu'il est tout à fait légitime qu'un gouvernement se donne les moyens, de par la loi, de pouvoir éventuellement utiliser une telle orientation.

Alors, sur ça, je vous dis, j'ai un peu de difficulté à vous suivre, parce que, on regarde dans les lois qui concernent la santé et les services sociaux, ce sont des mesures qui ont été introduites, ce sont des mesures qui existent, je pense, même dans la Loi sur l'instruction publique, et qu'on introduit si elles n'y sont pas. Alors, je pense qu'il ne faut pas voir là une volonté du gouvernement, tout d'un coup, de vouloir fusionner ou fermer. Mais, cependant, si les circonstances devaient nous y amener, il faut qu'il y ait une provision dans la loi qui le permette. C'est tout simplement ça. Alors voilà. Et, quand on se donne le pouvoir d'ouvrir ou d'émettre des lettres patentes ou d'autoriser, j'imagine qu'on doit aussi se donner le pouvoir de lever cette autorisation ou de la modifier. Voyons donc! Il me semble qu'il y a comme une logique dans ça.

En tout cas, je vous le dis et je partage avec vous ce point de vue, parce que vous le soulevez, et je pense que c'est important qu'on le réaffirme parce que ça m'apparaît comme aller de soi. Et il ne faut pas voir là des intentions de notre part qui inscriraient une volonté dans la loi de vouloir fermer les institutions. Je pense que vous le savez, on l'a dit quelquefois à la Fédération.

Par ailleurs, vous parlez de la question – puis là je vais revenir au début de vos propositions – des activités commerciales. Je voudrais revenir dans le projet de loi tel qu'on le libelle. À l'article 6.01 d, effectivement, la loi actuelle dit: «L'exercice de telles attributions n'a pas pour objet essentiel de réaliser un bénéfice ni d'exploiter une entreprise commerciale.» Nous modifions la loi, d'abord, pour enlever «de réaliser un bénéfice», donc cela veut dire qu'il y a une possibilité que l'on réalise un bénéfice, évidemment, qui devra servir aux fonds propres de l'école, du collège, ça va de soi. Mais on n'empêche pas non plus l'existence d'une entreprise commerciale. Cependant, elle reste balisée par la loi, parce que ce qu'on dit ici: «L'exercice de telles attributions n'a pas pour objet essentiel – essentiel – d'exploiter une entreprise commerciale.»

Est-ce que, dans un contexte comme celui-là, cela vous apparaît suffisant pour vous permettre... Je pense aux centres de transfert technologique, c'est un bel exemple, dans le fond, et qui est intéressant, pour dire: On pourrait s'associer des entreprises et en faire vraiment un espace où il y a une fonction commerciale. Mais on pourrait dire: L'objet essentiel n'est pas celui-là, il est vraiment de permettre les transferts technologiques, de permettre, si on veut, l'essaimage de l'expertise à cet égard-là et, pour ce faire, on s'inscrit dans une institution de type commercial, mais ce n'est pas la fin même qui est poursuivie en soi. C'est simplement pour pouvoir soit faire ses frais éventuellement, aller chercher peut-être des sommes supplémentaires pour permettre le réinvestissement, etc. Ça reste une entreprise commerciale. En tout cas, je vous pose la question à ce moment-ci.

La Présidente (Mme Blackburn): M. Denys Larose.

M. Larose (Denys): Mme la Présidente, permettez d'abord que je m'adresse à la ministre pour la première partie de son intervention sur l'introduction dans la loi du pouvoir de fusionner les collèges, si on veut bien se comprendre là-dessus.

Dans la situation actuelle, il arrive que dans une région donnée les collèges, pour toutes sortes de raisons, toutes légitimes, en arrivent à choisir la fusion. La ministre n'a pas le pouvoir actuel dans la loi, suite à la requête, de faire la fusion. Bien d'accord avec ça? Il y a une démarche dans un milieu qui souhaite la fusion, et vous ne pouvez pas le faire sans modifier la loi. Ça, c'est une voie.

Si la loi disait et maintenait le fait que la ministre puisse fusionner des collèges à la requête de ces derniers, je comprendrais très bien. Est-ce que ce n'est pas votre intention de fusionner les collèges? On pourrait considérer que ce qui s'est passé dans Lanaudière, c'est à la demande de collèges, sauf que vous n'avez pas le pouvoir de fusionner sans modifier la loi. Que vous l'ayez à la requête des collèges, aucun problème, je comprends ça. Mais ce n'est pas la lecture qu'on fait de la loi.

(15 h 50)

Alors, l'exemple de Lanaudière illustre bien ce qu'est notre inquiétude, c'est-à-dire: Voilà une région qui souhaite le faire, vous n'avez pas le pouvoir de le faire. C'est un peu ridicule que la ministre ne puisse pas le faire d'emblée. Mais voilà que c'est une région et des collèges qui ont décidé d'agir ainsi. Et voilà où est notre objection. Parce que vous avez quand même créé des corporations publiques que sont les collèges, vous y nommez des représentants que nous estimons tout à fait capables, quand on souhaite les responsabiliser, de juger à quel moment il faut regrouper des services, fusionner des collèges pour mieux servir des étudiants et des étudiantes, en bout de course. Et notre objection, elle tient à cela. N'allez pas croire qu'on ne souhaite pas que, dans la loi, vous puissiez, lorsque des collèges vous demandent de fusionner, pouvoir le faire. Ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle.

Mme Marois: C'est ça. Exactement.

M. Larose (Denys): Mais la loi ne dit pas que c'est à la requête ou à la demande des collèges. Si tel était le cas, vous allez avoir notre appui sans problème.

Mme Marois: On pourrait avoir les deux.

La Présidente (Mme Blackburn): M. Boucher.

M. Boucher (Gaëtan): Oui, alors, si...

Mme Marois: Si on pense que ça peut être pertinent qu'un collège le demande, est-ce qu'on peut imaginer que le gouvernement puisse trouver pertinent aussi de le souhaiter et que l'initiative puisse venir d'une part ou de l'autre part? Et on met une même balise, n'oubliez pas, une balise où nous devons avoir un avis du Conseil supérieur de l'éducation.

M. Larose (Denys): J'ai bien lu ça. Sur les activités commerciales, M. Boucher dira un petit mot.

Mme Marois: Oui, c'est ça, j'aimerais ça entendre...

M. Boucher (Gaëtan): Sur les activités commerciales, écoutez, deux exemples. Le premier: un collège est extrêmement spécialisé dans le domaine du multimédia, a développé de l'expertise, voudrait s'associer avec une firme, Bell, Cogeco, Vidéotron, faire un partenariat d'affaires pour, dans le fond, commercialiser un produit qu'il a développé.

Deuxième exemple: un centre de transfert technologique a développé un procédé technologique. Un de ses ingénieurs voudrait pouvoir le commercialiser et, évidemment, pour le mettre en marché: royautés à venir. C'est ça qu'on veut faire.

La modification que vous avez introduite nous apparaît intéressante, mais, selon l'avis de nos juristes, il y a encore des zones d'ambiguïté. Et on ne voudrait pas revivre le conflit qu'il y a eu il y a quelques années avec le collège de Jonquière, qui a été l'objet d'une poursuite. Il me semble que, si votre volonté est celle que vous avez indiquée et qui correspond à la nôtre, il faudrait... Évidemment, il ne faut pas que ça puisse dire qu'un collège va se mettre à opérer un comptoir de patates frites! À l'intérieur des pouvoirs qui sont à 6 et à 17.2, pour les centres de transfert, est-ce qu'il est possible, pensable qu'un collège, dans une occasion d'affaires, puisse développer en partenariat une entreprise commerciale et en obtenir des bénéfices?

De l'avis de nos juristes, je vous le dis, je vous le répète, on pense qu'on pourrait être un petit peu plus clair et transparent pour éviter des problèmes, parce que, dans le fond, ni vous ni nous on en souhaite. Et on ne souhaite pas, évidemment, de poursuites par la suite, de gens qui nous diraient: Écoutez, vous exercez, vous faites des choses que la loi ne vous permet pas de faire. Alors, si, de ce point de vue là, il y a une ouverture, nous, on serait prêts à regarder avec vous comment le libellé pourrait davantage nous permettre de s'engager dans cette voie-là.

Mme Marois: Merci.

La Présidente (Mme Blackburn): Oui. M. Boucher, juste une remarque parce que, tout à l'heure, je ne l'ai pas relevé lorsque dans vos remarques préliminaires vous avez dit que j'avais participé en 1980 à la régionalisation. Je dois corriger. J'ai participé au démembrement des collèges régionaux et à la création de collèges autonomes dans les campus existants. Il y en avait neuf à l'époque, si ma mémoire est fidèle. Je voulais juste refaire le point là-dessus.

M. Larose (Denys): Permettez?

La Présidente (Mme Blackburn): Oui, M. Larose.

M. Larose (Denys): Un dernier petit mot – bon, là-dessus, on peut se quitter en étant en désaccord – sur la question du pouvoir de fusion. Je comprenais Mme la ministre disant qu'il pourrait apparaître légitime au gouvernement, à la ministre aussi, de souhaiter une fusion. Je voulais dire, il y a comme un message, aussi. Je vous le livre pour ce qu'il représente.

Nous sommes de l'enseignement supérieur, et il nous viendrait difficilement à l'idée de fusionner aisément, dans le pouvoir de fusionner des universités; en tout cas, il y aurait des hauts cris. Nous sommes de l'enseignement supérieur, et ce que l'on dit, au fond, quand je vous dis, Mme la ministre, qu'il faut que vous ayez le pouvoir de fusionner si la requête est faite, comme c'est le cas de Lanaudière... Puis on se dit, en bout de course, s'il est de votre bon jugement, vous et le gouvernement, d'en fusionner, des collèges – puisque ce n'est pas votre intention – vous le savez bien que vous êtes, au fond, l'autorité gouvernementale, et on ne la nie pas, vous pouvez modifier une loi, venir en Chambre et modifier une loi, ce qui donne l'occasion à ceux qui seraient concernés par une décision ministérielle gouvernementale de se faire entendre. Puis ça nous apparaît tout à fait légitime pour un réseau de collèges d'enseignement supérieur.

Il y a comme un message envoyé aux corporations des 47 collèges comme quoi on leur fait bien confiance pour être capables de juger, dans certaines circonstances, qu'il vaudrait mieux fusionner des services ou fusionner au total leur institution si telle est la meilleure façon d'arriver à donner une formation de meilleure qualité aux étudiants et aux étudiantes concernés. Voilà, sur ce point, notre point de vue.

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, M. Larose. Il vous reste quelques minutes, Mme la ministre.

Mme Marois: Je pourrai revenir, Mme la Présidente, à la fin de l'intervention.

La Présidente (Mme Blackburn): Alors, M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Merci, Mme la Présidente. Je dois dire d'emblée que je partage votre point de vue sur la question des fusions. Je voudrais préciser que l'article 4 de la loi des collèges, actuellement, précise bien que, si on doit modifier les lettres patentes de collèges ou ajouter des lettres patentes à un collège, c'est à la requête du collège que le gouvernement peut procéder. C'est-à-dire que les articles 2 et 3 précisent bien que, pour créer un collège, c'est un geste gouvernemental; s'il faut modifier les lettres patentes, c'est à la requête du collège. Et, s'il devait y avoir fusion et si on devait ajouter un article sur la fusion, on pourrait bien mettre «à la requête des collèges concernés», éventuellement. Et vous avez parfaitement fait valoir que, si on doit imposer une fusion, ça demanderait un débat public. Et la place pour faire un débat public, c'est bien sûr ici, à l'Assemblée nationale, ce que la loi va occulter complètement parce que les fusions se feront par voie réglementaire et non pas par voie législative.

Je voudrais vous entendre sur un autre point du projet de loi, sur lequel vous n'êtes pas intervenus, c'est l'article 21.1°, qui modifie l'article 26 de la loi actuelle en ce qui touche le financement. Et, si vous voulez, l'article 21, du moins la lecture que j'en ai faite m'inquiétait, et je voudrais savoir si vous partagez mon inquiétude. L'article 26 du projet de loi concerne les règles budgétaires. Et je vous rappellerai l'article 26 tel qu'il se lit:

«Les règles budgétaires peuvent prévoir que l'allocation d'une subvention:

«a) peut être faite sur une base de normes générales particulières;

«b) peut être assujettie à des conditions générales, déterminées par les règles ou le ministre, applicables à tous les collèges [...];

«c) peut être assujettie à l'autorisation du ministre ou n'être faite qu'à un ou à certains collèges – et là il y avait un article qui limitait – sauf en ce qui concerne les subventions de fonctionnement pour les programmes conduisant au Diplôme d'études collégiales.»

L'article 21 du projet de loi, qui vient modifier l'article 26, abolit ce petit bout de phrase, «sauf en ce qui concerne les subventions de fonctionnement pour les programmes conduisant au Diplôme d'études collégiales». Et je dois dire que, moi, personnellement, j'y voyais énormément de craintes par l'extension du pouvoir de la ministre en matière de subventions, même en ce qui touchait les subventions pour les programmes conduisant au Diplôme d'études collégiales.

La Présidente (Mme Blackburn): Oui, alors, M. Boucher?

M. Larose (Denys): M. Boucher va donner une réponse.

La Présidente (Mme Blackburn): M. Boucher.

M. Boucher (Gaëtan): Je ne pense pas que je vais vous apporter de réponse satisfaisante. On a eu l'occasion de se faire expliquer le sens de cette disposition de l'article 26 et on en cherche encore un peu les tenants et aboutissants, d'une part. D'autre part, on a contacté un certain nombre de collèges pour voir à quoi ça pouvait faire référence, et, effectivement, ce qu'on nous dit, c'est qu'il pourrait arriver, par exemple, qu'un collège, particulièrement dans l'enseignement technique, développe un programme et, dans la mesure où nous sommes à enveloppe fermée, que ce collège, dans le fond, soit obligé de donner plus d'heures de cours, dans la mesure où on est à enveloppe fermée et que les sommes ne doivent pas être en additionnel, que le collège en question puisse réussir à faire un partenariat avec une entreprise, un ordre professionnel, et ainsi de suite. C'est ce qu'on nous a expliqué.

(16 heures)

On a vérifié auprès d'un certain nombre de collèges concernés, et tout le monde maintient la ligne de conduite suivante, à l'effet que, à ce moment-là, la dépense de subventions devrait être la même, parce que, dans le fond, le collège tient le raisonnement suivant: Pourquoi serait-il pénalisé parce qu'un ordre professionnel ou une compagnie viendrait faire en sorte de combler le manque à gagner des règles budgétaires qui font en sorte que, par exemple, vous ne pouvez pas ajouter 50 heures de cours dans un programme donné, alors que l'ordre professionnel pense que ce serait important? Il le pense tellement important qu'il est prêt à mettre de l'argent sur la table. Donc, le collège ou les collèges disent: Les règles de financement qui sont liées au modèle d'allocation des ressources, ça se négocie ailleurs, ça se négocie dans les règles budgétaires, en vertu des dispositions à l'article 25 de la loi. S'il y a lieu de les changer, changeons-les dans ce forum-là, mais pas par le biais de l'article 26 auquel vous faites référence.

M. Gautrin: Merci. J'ai une autre question à vous poser qui touche plus spécifiquement la région de Lanaudière. Vous représentez l'ensemble des collèges, y compris les collèges qui demandent à être fusionnés, mais aussi des collèges qui ne sont pas fusionnés. Dans votre mémoire, vous indiquiez – je voudrais vous entendre sur ça clairement – que, si on crée un nouveau collège ou si on fusionne des collèges, ça doit être accompagné du financement nécessaire. Est-ce qu'à l'heure actuelle vous n'avez pas des craintes que la création du collège régional de Terrebonne puisse avoir des effets de débordement sur les collèges existants, à savoir Lionel-Groulx, Marie-Victorin, Montmorency, qui sont des collèges qui sont dans le pourtour et non inclus dans la fusion?

La Présidente (Mme Blackburn): M. Boucher.

M. Boucher (Gaëtan): Alors, il est clair que, dans la dynamique d'une enveloppe fermée, lorsqu'on regarde l'horizon budgétaire qui est le nôtre pour l'année qui vient, il ne faut pas se tromper, c'est l'ensemble du réseau collégial qui paie pour l'implantation de Joliette-Lanaudière, à la fois sur le budget d'investissement, pour le service de la dette, son remboursement et ses intérêts. Il faut être au clair, c'est ça, la réalité, et c'est ce qui fait en sorte que, dans nos coûts de système que nous aurons à absorber l'année prochaine, ces coûts de système comportent évidemment des coûts liés à Joliette-Lanaudière.

La deuxième chose que je vous dirais, par ailleurs, nous, notre préoccupation, les gens du collège de Joliette, je pense que le gouvernement doit être attentif aux préoccupations des gens de la région pour voir si le projet de loi correspond réellement aux intentions de la région et pour voir si on est en présence d'un modèle fonctionnel. Je le dis et je le répète, on est en présence de 40 articles dans le projet de loi. Vous le lirez, c'est un modèle qui est très, je dirais... je vais le dire comme je le pense, très secondarisé, à bien des égards, c'est un système de gestion tendu. Tant mieux si le modèle fonctionne. Mais les gens de Joliette me faisaient valoir qu'ils souhaiteraient un certain nombre d'assouplissements. Il me semble qu'on devrait être à l'écoute de ça.

L'autre chose que je me permettrai de répondre, c'est évidemment les effets de débordement. Il y a eu des devis pédagogiques qui ont été bâtis. Il est clair qu'il y a un effet sur la clientèle de la couronne de Montréal. Il y aura peut-être plus d'étudiants qui vont passer à l'enseignement collégial, mais on sait que, dans le secteur préuniversitaire, il y a un effet de brassement des clientèles. Dans ce cas-là, évidemment, on enlève aux uns pour donner aux autres. Dans le passé, on a exprimé nos préoccupations à la fois aux fonctionnaires, à la fois aux gens du cabinet de la ministre, et les gens des collèges en question l'ont fait valoir, mais je pense que, dans la mise en oeuvre du collège et de ses programmes particulièrement, il y a une attention particulière qui devra être apportée à ces effets de débordement, dans le fond, ou de brassement des clientèles qui seraient, à tous égards, les mêmes, sauf les taux d'accessibilité qui pourraient augmenter, par ailleurs.

La Présidente (Mme Blackburn): M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Est-ce que vous avez une idée des coûts de la création du collège de Terrebonne, en termes d'achat, du collège de L'Assomption, ou des choses comme ça?

M. Boucher (Gaëtan): Non, non, on n'a pas...

M. Gautrin: Vous n'en avez aucune.

M. Boucher (Gaëtan): Vraiment, là-dessus, on s'aventurerait à vous donner des chiffres. Nous n'en avons pas.

M. Gautrin: Mme la Présidente, je reviendrai plus tard, éventuellement.

La Présidente (Mme Blackburn): D'accord. M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Bergman: Oui, merci, Mme la Présidente. Dans votre section 2.1, vous indiquez «le pouvoir d'exercer des activités commerciales» et vous indiquez que les collèges ont besoin de sources de revenus additionnelles. Vous mentionnez des services à la communauté, des services simples qu'on peut offrir. Mais, après, vous indiquez qu'il peut y avoir des possibilités de joint venture avec le privé. Quelle est votre vision du type de joint venture? Quel est le contrôle qui serait exercé sur ce type de joint venture, l'investissement qu'un collège peut faire, les pertes qu'il peut avoir dans un joint venture? Et quelle sorte de contrôle ou restriction est-ce que vous voyez que le mouvement doit placer sur ce type de joint venture pour qu'on voie un profit ou bénéfice pour le collège et pour ne pas avoir des abus?

M. Larose (Denys): Tout à l'heure, on mentionnait, M. le député, que, à l'exemple de certaines universités, il y ait possibilité d'avoir des partenariats de cette nature-là. Je pourrai illustrer quelques exemples venant de centres de transfert de technologie – il y en a une vingtaine à travers la province. Ils mènent des projets de recherche soit dans l'ordre des services ou des produits, ils font de la recherche soit en matériaux composites, en pâtes et papiers, en aérospatiale, et ils sont déjà en relation avec des entreprises quand ils font cela: aide technique, transfert technologique. Il arrive à un moment donné où la possibilité, je dirais, de commercialiser un didacticiel, un logiciel ou un produit se présente, après y avoir travaillé pendant cinq, six ou sept ans. Un partenariat pourrait être de l'ordre... comme on en voit dans les universités, au fond. Le collège ou le centre de transfert ne devient pas actionnaire, mais il demande des redevances. Il entre en association ou en partenariat avec une entreprise et, si le produit perce le marché, il a droit à des redevances. Je pense aux centres de transfert de technologie. Des exemples comme ça existent à l'Université Laval, existent dans d'autres universités. Je comprends votre inquiétude sur les débordements possibles. Quand un collège ne peut pas s'aventurer, il y a un conseil d'administration dans des entreprises qui pourrait le conduire vers des déficits qui seraient, je dirais, catastrophiques pour sa mission première qui est, au fond, l'enseignement. On donne des exemples de centres de transfert de technologie. Je pense que c'est là où ça se pointe le plus.

Il y a aussi des partenariats, bon, des collèges eux-mêmes, pour les mêmes raisons, dans des services de consultation ou dans de la consultation auprès d'entreprises, mais ça, c'est pris en compte parce qu'il y a un conseil d'administration qui contrôle ces choses. Vous savez, quand on a érigé les centres de transfert de technologie, par exemple, dans certains collèges, ce ne sont pas des corporations autonomes, ce sont des services de collège et ils sont déjà en fort partenariat. Évidemment, ça doit être géré, un conseil d'administration prend ces décisions de manière à ne pas, comme vous dites si bien, se tirer dans des aventures qui seraient coûteuses pour le centre lui-même et, en bout de course, coûteuses pour le collège, puisque ce sont des services rattachés à des collèges. Dans la plupart des cas, cependant, c'est devenu des corporations autonomes où le collège désigne des gens, mais où les gens de l'entreprise se retrouvent.

Je crois que les expériences... Ce qu'on souhaite, c'est un peu plus de possibilités. Mme la ministre nous a ouvert quelques possibilités là-dessus. On en parle beaucoup, évidemment, en ce qui concerne les centres de transfert de technologie, parce que là, c'est vrai, il y a déjà des cas précis qui nous arrivent, et on sait que les universités le font, à bon usage à part de ça, avec de bons résultats. Ils n'achètent pas des actions à 10 000 000, c'est plutôt, voyez-vous, un produit, un service, et ils s'associent et ils exigent une redevance, ce qui fait que le risque pour eux est à peu près inexistant. Si rien ne se vend, il n'y a pas de risque. Si quelque chose se vend ou si ce produit pénètre un marché, il y a une redevance qui est intéressante, et il est déjà entraîné dans des activités commerciales.

La Présidente (Mme Blackburn): Bien, merci, M. Larose. Le temps qui est imparti à l'opposition est écoulé. Alors, Mme la ministre.

Mme Marois: Oui, il nous reste à peine quelques instants, je suis bien consciente de ça. Juste une petite précision. Il s'agit du collège régional de Lanaudière, pas Joliette-Lanaudière. Ha, ha, ha! Parce que c'est justement dans toute cette perspective où on a voulu que chacune des constituantes ait sa vie propre; et, dans le fond, pour vous rassurer, je crois que non seulement nous ne voulons pas imposer un modèle unique, mais nous voulons justement que se développent des modèles différents et adaptés. Même la clause à laquelle on faisait référence tout à l'heure, sur la question du budget, va dans le sens aussi de permettre qu'il y ait des ententes particulières dans certaines institutions et qu'on puisse en tenir compte. Parce que la loi, elle a des contraintes et, si on ne se donne pas d'outils à l'intérieur de cette loi-là, on ne peut pas intervenir ou on contrevient nous-mêmes à notre loi. Alors, je suis persuadée qu'il faut que vous apparaisse cet aspect-là qui est vraiment la volonté du gouvernement, du ministère et ma volonté propre de faire en sorte qu'on élargisse les possibilités de modèles et non pas qu'on enferme le développement des institutions dans un modèle unique. C'est plutôt l'inverse qu'on recherche.

M. Boucher faisait référence au fait que ça prend un certain nombre d'articles pour reconnaître le collège régional, mais, en fait, c'est la répétition de plusieurs des articles qui sont dans la loi et qu'on ne pouvait autrement normalement... c'est-à-dire qu'on ne pouvait pas simplement s'y référer si on voulait définir le modèle du collège régional, ce qui a fait qu'on a dû répéter des articles, mais qui sont essentiellement des articles qu'on retrouve, par ailleurs, dans le projet de loi, dans la loi elle-même.

(16 h 10)

La question des entreprises commerciales, je pense que c'est pertinent, cette question qu'on aborde depuis le début. Évidemment, je vais quand même le regarder de près, mais il reste que notre crainte, c'est évidemment toute la question de la concurrence déloyale. On sait que les entreprises sont les premières, ensuite, à venir nous faire des représentations, et c'est vrai que ça peut exister aussi et que ça présente ce risque-là. Alors, je pense qu'il faut quand même avoir une certaine prudence. Je comprends l'intention, et c'est intéressant quand on voit apparaître ça, mais, en même temps, il faut voir d'autres aspects.

Par ailleurs, sur le collège régional, écoutez, on a des analyses de Lanaudière, on a des analyses statistiques, et on peut vous dire qu'à cause de l'importance de la croissance que l'on connaît, entre autres autour de Terrebonne – la capacité d'accueil, cependant, de Terrebonne, actuellement, est quand même limitée, dans le projet, à un certain nombre de places... Et déjà, en analysant ce qui se passe du côté de Lionel-Groulx, de Saint-Jérôme, ou de Montmorency, ou d'Ahuntsic, ce sont des petits nombres d'élèves qui devraient les quitter, si jamais c'était le cas, ces collèges.

La Présidente (Mme Blackburn): Mme la ministre, je vais être obligée de vous rappeler à l'ordre, malheureusement.

Mme Marois: C'est terminé? Ah! bien, je croyais qu'il me restait quelques instants. Alors, voilà.

La Présidente (Mme Blackburn): Malheureusement, c'est terminé. On pourrait peut-être laisser quelques instants de réaction à nos invités.

Une voix: ...écoutez...

La Présidente (Mme Blackburn): Bien. Alors, M. le député de Verdun, Mme la ministre, demande s'il est possible de déposer les études statistiques auxquelles vous avez référé tout à l'heure.

Mme Marois: ...quelques données statistiques, sans problème.

La Présidente (Mme Blackburn): Vous allez me permettre, juste avant de vous remercier, peut-être de réagir brièvement sur la création du collège régional. Je pense que les dispositions contenues dans la loi prévoient un encadrement plus serré et qui devrait limiter les conflits et les tensions entre le collège régional et ses constituantes. En plus, ça répond aux besoins d'une région. Je pense qu'il était de bonne guerre de le faire.

Cependant, l'expérience – je me permets juste de le rappeler aussi ici – que j'ai vécue à l'époque, et que nous avons connue, de dérégionalisation, ça répondait à une demande des constituantes elles-mêmes – c'étaient les cégeps, les neuf cégeps constitués en collèges régionaux. Il y en avait quatre, en fait; il en restait un, Champlain, mais les trois autres ont souhaité avoir un statut de cégep autonome – et les tensions venaient souvent sur les questions de développement et non pas sur les questions pédagogiques. Alors, peut-être que les choses ont évolué. Je voulais juste rappeler un peu, faire un petit peu d'historique là-dessus. Alors, M. Larose.

M. Larose (Denys): Oui, Mme la Présidente, je pense que notre temps est écoulé. Je vais vous dire que notre insistance là-dessus... Lanaudière, Joliette-Lanaudière a fait son choix. On pense que le modèle manque de simplicité, les articles... c'est notre point de vue. Et ce sur quoi on insiste surtout, c'est qu'il nous apparaît tout à fait superflu qu'on prévoie dans la loi un modèle unique. Bon. Déjà, dans le réseau, il y a des manières de faire qui sont variables, et c'est riche pour un réseau, et c'est celles-là que l'on revendique.

La Présidente (Mme Blackburn): Bien. Je vous remercie, Mme Desjardins, M. Larose et M. Boucher, merci de votre participation aux travaux de cette commission.

On suspend quelques minutes, le temps de saluer nos invités, et nous reprendrons avec la Fédération des associations de parents des cégeps.

(Suspension de la séance à 16 h 14)

(Reprise à 16 h 18)

La Présidente (Mme Blackburn): Mesdames, messieurs, nous reprenons place et, tel qu'annoncé un peu plus tôt, nous entendrons maintenant la Fédération des associations de parents des cégeps du Québec, représentée ici par Mme Poirier, Diane Poirier, qui est présidente. Et vous nous présentez, madame, la personne qui vous accompagne et, sans plus tarder, vous nous présentez votre mémoire.


Fédération des associations de parents des cégeps du Québec inc. (FAP)

Mme Poirier (Diane): Parfait. Bonjour, Mme la Présidente, Mme la ministre, M. le sous-ministre et MM., Mmes les députés. Je vous présente Colette Poirier – aucun lien de parenté avec Diane Poirier. C'est une personne-ressource à qui j'ai demandé de m'accompagner parce que les informations dont je vais vous parler aujourd'hui sont tirées du mémoire des états généraux que la Fédération avait préparé, et comme, moi, je ne suis présidente de la Fédération que depuis un an, je n'ai pas participé à la rédaction du mémoire pour les états généraux, alors, Mme Poirier a bien voulu m'accompagner pour m'aider à répondre à certaines de vos questions qui pourraient toucher à notre petite présentation.

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, madame. La parole est à vous.

Mme Poirier (Diane): J'aimerais vous faire peut-être un bref historique de notre Fédération. Je ne sais pas si tout le monde connaît la Fédération des associations de parents. Je peux vous dire que ça existe depuis bientôt 25 ans; elle aura 25 ans au printemps prochain. Notre Fédération regroupe présentement 27 associations des différents cégeps de la province de Québec. Notre Fédération vise à regrouper les associations de parents afin d'établir un partenariat stimulant, permettre le partage d'expériences, de projets, de résultats de recherches afin d'accroître l'implication des parents dans le milieu de vie collégial, offrir aussi une formation adéquate et continue afin de développer l'expertise parentale tant sur le plan local que national et disposer d'une représentation légitime et crédible auprès des différents intervenants du ministère de l'Éducation.

(16 h 20)

Lors des états généraux, nous avons exprimé certains souhaits que j'aimerais vous rappeler et qui ne font peut-être pas partie nécessairement du projet de loi n° 166. Entre autres, permettez-nous d'exprimer notre regret quant à la représentation des parents aux conseils d'administration des collèges, qu'il ne vous a pas semblé important de majorer à quatre, le conseil d'administration étant l'instance décisionnelle suprême d'un collège qui, d'abord et avant tout, en détermine les grandes orientations de travail. La réforme précédente a considérablement diminué l'apport des parents aux décisions prises en éducation en réduisant leur participation à deux parents seulement au conseil d'administration des collèges. Même s'il n'y a pas toujours coalition des représentants de l'interne au conseil d'administration, admettons qu'ils sont quand même privilégiés quant à leurs nombreuses et immédiates sources d'information, contrairement aux deux parents membres du c.a., beaucoup plus isolés par rapport au quotidien du collège et qui doivent défendre les intérêts de tous les parents et des jeunes.

Nous aurions aussi souhaité la venue d'un poste d'ombudsman afin de faciliter le recours de nos jeunes lors de situations litigieuses. Nous suggérions la mise en place au collégial d'un système de traitement des plaintes et la nomination dans chaque institution d'une personne-ressource, à l'image du Protecteur du citoyen, qui aurait agi comme médiateur entre les parties en cause. Une telle ressource de dernière instance, possiblement mandatée par le conseil d'administration, aurait eu comme incidence d'éliminer des délais inutiles en gérant des conflits avec célérité et impartialité.

Troisièmement, aussi, je voudrais vous en faire part, le système scolaire qui s'est doté de règles d'équité dans l'admission des étudiants, sans égard au sexe, à la religion, à l'ethnie ou au statut socioéconomique, il nous semblerait très important de conserver l'accessibilité démocratique au niveau collégial en évitant l'augmentation des frais de scolarité. Nous aimerions aussi vous faire part que nous sommes peut-être quelque peu inquiets des conséquences qu'aurait un pouvoir accru du gouvernement au détriment de la marge de manoeuvre des collèges.

Pour ce qui est des collèges régionaux, à première vue, la création de nouveaux collèges régionaux répond à la demande de nombreux parents qui croient que la fréquentation de leurs jeunes, au niveau collégial, en sera facilitée, ne serait-ce que par l'abolition de frais de logement ou de transport inabordables pour certains d'entre eux. Initialement, la demande des parents du sud de Lanaudière était d'avoir un cégep autonome, particulièrement dans la région de Repentigny. Mais, suite à la formation d'un comité, je pense que tout le monde a fini par accepter que ce serait peut-être une bonne solution d'avoir un cégep régional.

Pour ce qui est des points positifs par rapport au projet de loi n° 166, nous sommes grandement satisfaits de l'article 8.3 du projet de loi qui permet à l'association des parents de désigner elle-même ses propres représentants au conseil d'administration, à l'instar des associations étudiantes ou professionnelles de l'enseignement qui siègent au conseil d'administration. L'association de parents, mentionnée pour la première fois dans un projet de loi, lui permettra d'être reconnue comme une instance importante au niveau collégial.

Alors, nous vous remercions de nous avoir permis de nous exprimer et nous vous réitérons notre entière collaboration.

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, Mme Poirier. La parole est maintenant à Mme la ministre. Madame.

Mme Marois: Merci, Mme la Présidente. Je vous remercie de votre présentation. Je sais qu'on vous a peut-être un peu bousculés dans vos agendas. C'est malheureusement aussi les contraintes dans lesquelles on se trouve parce que, en fin de session, selon les calendriers, d'autres personnes que nous, souvent, décident. On essaie de s'y adapter, de s'en accommoder, si on veut, mais ça nous amène évidemment à bousculer aussi les gens qu'on veut entendre. Alors, on s'en excuse par ailleurs.

D'abord, je suis très heureuse de vous entendre. Et vous avez tout à fait raison quand vous dites que vous êtes peu connus. Souvent, les gens s'imaginent, compte tenu qu'on est au niveau de l'enseignement supérieur, que plusieurs des jeunes qui fréquentent nos institutions collégiales sont des jeunes qui ont déjà atteint l'âge de 18 ans. Certains sont plus jeunes, mais un bon nombre l'atteignent pendant leur formation. Alors, on a toujours l'impression que les parents n'y sont pas et n'y ont rien à voir, alors qu'on sait fort bien que, même à cet âge, il faut parfois continuer d'accompagner; accompagner différemment, bien sûr, on n'est plus à la petite école, ça va de soi, mais il y a d'autres formes d'encouragement que nos jeunes attendent, et d'intéressement surtout, je dirais. Et, dans le cas présent, c'est intéressant que votre participation à la commission parlementaire vous permette de faire connaître l'existence de votre association, de votre fédération et, par ailleurs, de débattre de la place que vous pouvez, justement, occuper au sein de nos institutions.

Écoutez, c'est vrai qu'en ouvrant la loi on n'a pas jugé bon de retoucher beaucoup d'éléments de la loi. Vous le constatez d'ailleurs. C'est quelques éléments de base qui nous permettent, d'abord, de constituer le cégep, le collège régional de Lanaudière, et je suis heureuse de l'appui que vous apportez aux parents, qui effectivement ont été probablement ceux qui ont le plus défendu ce projet, avec mes collègues députés, je dois ici le souligner parce qu'ils ont porté très fermement ce dossier à mon attention et se sont assurés que j'allais pouvoir y donner suite. Et je pense qu'ils peuvent témoigner: au moins deux d'entre eux sont là et les autres collègues ont eu la même attitude, Mais, contrairement, justement, à ce que disait la Fédération – je n'ai pas eu le temps de le relever tout à l'heure – ce ne sont pas les constituantes qui ont demandé des choses, ce sont les utilisateurs qui ont demandé, les utilisateurs éventuels étant les parents et les jeunes qui, eux-mêmes, fréquentent les institutions, qui souhaitaient pouvoir la fréquenter, cette institution, dans leur milieu. Alors, j'apprécie beaucoup votre appui.

Je vous dis ceci, par ailleurs, qu'on n'a pas voulu ouvrir la loi sur beaucoup d'éléments; il y a très très peu de choses dans la loi, des choses assez fondamentales, je n'en disconviens pas. Et donc, on n'a pas retouché, effectivement, à l'équilibre dans la représentation au sein du conseil d'administration du cégep. Je comprends que vous souhaiteriez y avoir une place plus significative.

Je regardais, en vous écoutant, l'équilibre qu'on a évidemment tenté de créer. Il y a des groupes socioéconomiques, il y a des enseignants, il y a des entreprises, il y a des groupes plus communautaires ou socioculturels. Alors, évidemment, c'est un grand nombre de personnes... Les diplômés, les étudiants, évidemment, qui sont quand même des gens qui sont plus près des parents, si on veut, au sens où ils sont des utilisateurs, comme les parents en sont par leurs enfants ou par leurs jeunes qui fréquentent les institutions... Je sais qu'on ne peut pas les assimiler, par ailleurs. Quand on additionne les diplômés, les parents et les étudiants, ça fait quand même six personnes sur 19. Évidemment, je comprends que vous souhaiteriez en avoir plus. Je vais rester sensible à ça. Si, un jour, on y revient, on pourra peut-être toucher cela.

Par ailleurs, j'aimerais ça que vous me parliez un petit peu des expériences que vous avez de participation, actuellement, des parents. Là, effectivement, nous reconnaissons une assemblée générale de parents, et je vous dis qu'en faisant cela on veut vraiment ouvrir, au sens où vous l'avez bien compris. Vous pouvez vous servir de cet outil qu'est l'assemblée générale, à ce moment-là, pour consulter, pour aller chercher des appuis, pour aller même procéder à des expertises. On sait que des parents ont certaines expertises dans des sujets particuliers et souhaitent apporter cela à leurs représentants.

Mais j'aimerais que vous me parliez un petit peu, je dirais, de ce que souhaitent effectivement les parents de vos associations actuellement. Je les ai déjà rencontrés dans d'autres forums, mais, puisqu'on a un forum intéressant... Au-delà de cette présence plus nombreuse que vous souhaiteriez au conseil d'administration, qu'est-ce qui vous apparaîtrait le plus important à retoucher, s'il y avait, autrement, des choses à revoir, et les préoccupations actuellement des parents au sein de votre organisation?

Le Président (M. Paré): Mme Poirier.

Mme Poirier (Diane): M. le Président, je pense que c'est un grand pas que d'avoir inscrit le nom de l'association des parents à l'intérieur du projet de loi n° 166, mais, idéalement, ce serait que, comme la Fédération des comités de parents du niveau primaire-secondaire... dans la loi, il est établi qu'il existe et qu'il faut qu'il existe des conseils d'établissement, ça va être les conseils d'établissement à court terme, l'idéal, ce serait que l'association des parents soit obligatoire dans chacun des collèges. Là, c'est à la discrétion des parents. L'idéal, ce serait vraiment qu'on soit reconnu et que ce soit obligatoire qu'il y ait une association des parents.

(16 h 30)

Je pense que, majoritairement, il y a des associations... Présentement, on a 27 représentants à notre Fédération des associations de parents des collèges. Je pense qu'il existe environ, peut-être, 28 associations. Il y a peut-être une association de parents qui présentement ne fait pas partie de notre Fédération. Alors, tous les autres collèges n'ont pas d'association de parents. Et, pour que ça puisse avoir lieu, c'est certain qu'il faut qu'il y ait des parents qui en fassent la demande, mais ce n'est pas automatique que des gens qui viennent à l'assemblée générale d'un collège savent qu'il peut y avoir une association de parents si quelqu'un ne leur en fait pas part, ou qu'ils ne le souhaitent pas, ou si la direction générale n'en informe pas les parents. On arrive, à chaque année, nous, à faire la sollicitation et à savoir la date d'une assemblée générale. Entre autres, cette année, on a fait ça avec le cégep de Saint-Laurent. On a participé à l'assemblée générale et on a incité les parents à former une association, et il y a une association de parents qui fait partie de notre Fédération. Mais ce n'est pas physiquement possible de le faire partout, avec les budgets que notre Fédération a.

Mme Marois: Et les moyens que vous avez.

Mme Poirier (Diane): On est quand même limités. Nos parents viennent de partout à travers la province, alors il y a des coins où c'est plus difficile. Si c'était dans la loi, à ce moment-là, les directions générales des collèges inciteraient les parents à partir des associations. Je pense que ça, c'est un des buts qu'on a, à notre Fédération. Ça nous aiderait grandement à atteindre ces buts-là, d'avoir une représentation partout.

Mme Marois: Juste à titre d'information, peut-être. Dans le nouveau modèle, une des nouvelles possibilités qui apparaît pour l'implantation de cégeps ou l'organisation de cégeps, entre autres au collège régional: effectivement, chaque constituante retrouvera des parents au sein de son conseil d'administration. Alors, ça, c'est intéressant parce que ça vient concrétiser le fait qu'on veut qu'il y ait une certaine forme d'autonomie qui soit assurée et assumée par chacune des constituantes. Voilà. Je n'avais pas d'autres questions à ce moment-ci, M. le Président.

Le Président (M. Paré): Merci, Mme Poirier. Merci, Mme la ministre. M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Merci, M. le Président. D'abord, je voudrais vous souhaiter la bienvenue à cette commission. Moi aussi, je vais m'interroger sur le fonctionnement des associations de parents. Et excusez-moi si je pose des questions qui vont paraître relativement niaiseuses, c'est que je suis un peu ignorant sur la manière dont vous fonctionnez. Vous êtes financées comment, les associations de parents?

Mme Poirier (Diane): L'association de parents, au cégep... Exemple, moi, je suis déléguée du cégep de Rosemont. Alors, à Rosemont, selon le PES, périodes étudiant semaine – je pense que c'est comme ça se dit – il y a une subvention qui est donnée par période à l'association. Entre autres, nous, on a environ 2 600 élèves, alors notre association reçoit environ... cette année, ça va être environ 1 700 $. De ce 1 700 $, l'association, pour faire partie de la Fédération, doit donner 20 % de son budget à la Fédération. Alors, cette somme-là nous provient du ministère de l'Éducation.

M. Gautrin: Et c'est propre à chacun des collèges?

Mme Poirier (Diane): Oui. La somme d'argent est différente à chacun des collèges.

M. Gautrin: Je comprends. Alors, maintenant, dans le projet de loi, vous avez parfaitement reconnu avec moi que la manière de nommer les parents au conseil d'administration est modifiée. Dans le mémoire qui nous a été déposé par les personnes qui ont témoigné devant vous, c'est-à-dire de la Fédération des cégeps, elle s'inquiète de ce que vous trouvez positif, dans la mesure où elle dit ou, du moins, le mémoire disait: Les parents fréquentent peu les assemblées générales et il faudrait... Ce qui est le cas actuellement. Dans la loi actuelle, c'était que chacun des collèges déterminait la manière dont les parents, au conseil d'administration, étaient choisis. En pratique à l'heure actuelle, comment la majeure partie des parents qui siègent au conseil d'administration sont choisis?

Mme Poirier (Diane): Je pourrais vous dire que la majorité des collèges procèdent déjà comme c'est dans la loi.

M. Gautrin: Comme c'est dans la loi.

Mme Poirier (Diane): Oui, c'est ça. Certains collèges qui font exception, qui ne procèdent pas comme ça, c'est peut-être ceux-là que ça inquiète d'être obligés de se conformer à la pratique presque générale. Pour ce qui est de la participation des parents, je peux vous dire qu'avant d'être à la fédération des parents du niveau collégial j'étais aussi à la fédération des parents du niveau primaire et secondaire.

M. Gautrin: C'est-à-dire, vos enfants ont vieilli. C'est ça?

Mme Poirier (Diane): Et voilà, j'ai gradué avec eux. Et je peux vous dire qu'au niveau collégial ça se compare totalement au niveau secondaire, pour ce qui est de la participation des parents à l'assemblée générale, tout à fait.

M. Gautrin: Donc, il n'y a pas d'inquiétude.

Mme Poirier (Diane): Non, il n'y a pas d'inquiétude à ce sujet-là.

M. Gautrin: J'imagine que vous avez un relevé des collèges dont les nominations se font tel que c'est dans le projet de loi et ceux qui sont un peu, en quelque sorte, déviants.

Mme Poirier (Diane): Un relevé...

M. Gautrin: Peut-être que vous ne l'avez pas, mais, si vous pouviez l'avoir et nous le transmettre à un moment ou à un autre, ça serait une chose qui m'intéresserait.

Mme Poirier (Diane): Oui. On a une rencontre, en début décembre, de notre conseil d'administration, où siègent les 27 représentants de chacun des collèges, et ça serait possible de vous donner l'information exacte, à savoir comment ça se passe à chacun de ces endroits-là.

M. Gautrin: Alors, j'en arrive au modèle qui est proposé à l'heure actuelle, puisqu'on a quand même un projet de loi qui crée un collège régional. Mais vous savez que chaque constituante va avoir des parents qui sont nommés et, ensuite, il va y avoir des parents qui sont nommés aussi au niveau de leur fédération ou du collège régional.

Est-ce que le fait que ça soit nommé en assemblée générale, dans une situation où on a un collège qui est un collège régional, c'est-à-dire qui couvre une grande région, ça vous pose problème ou non? On aurait pu penser, je vous le dis tout de suite, à un modèle où les parents des différentes constituantes auraient délégué au niveau régional, éventuellement, un représentant.

Mme Poirier (Diane): De façon idéale, oui, ça aurait été préférable que chacune des constituantes puisse déléguer un représentant. Définitivement, trois représentants plutôt que deux, c'est mieux. Dans le cas où il y a trois constituantes, l'idéal, ce serait qu'il y ait trois parents représentant chacun une des constituantes.

M. Gautrin: J'en prends bonne... Vous savez que, malgré tout, dans le travail parlementaire, lorsqu'on étudie article par article, les projets de loi sont parfois modifiés avec des papillons et des amendements.

Mme Poirier (Diane): Si je peux me permettre, les parents étant des personnes qui s'adaptent à peu près à toute situation, idéalement, ce serait mieux d'en avoir trois. Mais je suis certaine qu'éventuellement, si ce n'était que deux, je pense que les parents trouveraient le moyen de participer quand même.

M. Gautrin: La question de trois ou de deux, pour moi, reste... Puisque, dans le fond, on fait une loi, j'aurais souhaité, moi aussi, qu'on fasse une loi pour le cégep de Lanaudière, mais là on a une loi générale. L'idée que vous avez dans la tête, c'est que chaque constituante puisse déléguer, à ce moment-là, au niveau du conseil d'administration de la région. C'est un modèle que, moi aussi, j'aurais souhaité avoir.

Je reviens sur le financement des associations de parents. Bien sûr, on les reconnaît à l'heure actuelle pour la première fois dans la loi, c'est-à-dire qu'ils vont présider cette assemblée générale. Vous auriez peut-être souhaité ou vous souhaiteriez qu'il y ait quelque chose qui touche le financement de vos associations de parents? Parce que actuellement, si j'ai bien compris ce que vous m'avez dit au début, c'est à la discrétion du conseil d'administration du cégep ou du directeur du cégep?

Mme Poirier (Diane): Non. Pour ce qui est du financement, ça nous vient directement du ministère de l'Éducation, c'est nouveau depuis deux ans.

M. Gautrin: Ah! C'est du ministère de l'Éducation.

Mme Poirier (Diane): Et, ça aussi, ça a été quelque chose de très bien vu. Auparavant, les sommes d'argent qui provenaient du ministère allaient au collège et, s'il n'y avait pas d'association de parents, le collège en disposait selon son bon vouloir. Mais, depuis deux ans, la subvention arrive directement à l'association de parents. Et, s'il n'y a pas d'association de parents, le collège n'a pas plus les sommes d'argent.

M. Gautrin: Dans ma question initiale, j'avais cru comprendre que c'était à la discrétion des conseils d'administration des collèges.

Mme Poirier (Diane): Non.

M. Gautrin: Alors, pour moi, ça termine pour l'instant mon questionnement, Mme la Présidente, mais je pourrai revenir, le cas échéant, sur d'autres...

La Présidente (Mme Blackburn): Peut-être que vous allez me permettre une brève question. Comment les parents sont-ils convoqués, actuellement? Les règles n'étaient pas arrêtées. Vous nous dites que ça se faisait sensiblement de cette manière. Est-ce qu'ils sont convoqués... Des lettres sont adressées à chacun des parents? Comment ça fonctionne?

Mme Poirier (Diane): Oui. Dans la majorité des cas, le directeur général ou le secrétaire général du collège, dans l'envoi massif qu'il envoie aux étudiants à peu près à la période du mois d'août, inclut une invitation, avec une date et une heure précises, à l'assemblée générale, qui tient compte de l'assemblée générale de l'association des parents par la même occasion. À cette occasion-là sont nommés les deux parents qui siègent au conseil d'administration, et l'association nomme son comité exécutif pour l'année qui vient.

La Présidente (Mme Blackburn): Et la participation des parents, c'est quel pourcentage? Vous devez avoir... Au cégep de Rosemont, je me rappelle, c'est 3 000 élèves, 3 200 élèves?

Mme Poirier (Diane): Cette année, on a eu un petit problème parce qu'il s'est glissé une erreur dans les invitations, mais c'est tout à fait un problème technique, et puis, suite à ça, on a eu une moins grande participation. On n'en tient pas rigueur; des erreurs, ça arrive à tout le monde. Mais, habituellement... L'an passé, je dirais qu'on a eu environ 135 ou 150 parents qui ont assisté à l'assemblée générale. C'est plus dans la normale que cette année. Cette année, il s'est glissé une erreur où seulement les nouveaux parents ont reçu l'invitation. On a réussi quand même à avoir une assemblée générale de la moitié du nombre qu'on avait habituellement. Mais on fonctionne très bien quand même.

(16 h 40)

La Présidente (Mme Blackburn): Bien. Merci, Mme Poirier. Mme la ministre.

Mme Marois: C'est un petit peu normal, dans les associations, et je pense que ça va de soi. Écoutez, moi, à ce moment-ci, je n'ai pas d'autres questions. Je suis sensible à ce que vous avez soulevé sur la question de l'ombudsman. Je n'ai pas l'intention pour l'instant de reprendre cela. Vous avez vu, d'ailleurs, dans la loi de l'instruction publique, on ne l'a pas repris non plus, étant entendu qu'évidemment il y a quand même des mécanismes de représentation, d'échanges, de discussion, etc., et nous croyons qu'à ce moment-ci cela peut répondre. C'est sûr que, si on avait peut-être plus de moyens, on pourrait faire d'autres choses. Avec les moyens que nous avons, on croit quand même qu'on fait des choses intéressantes.

Alors, je vous remercie de l'éclairage que vous nous avez apporté, de l'appui aussi – je pense que c'est important – au collège régional de Lanaudière, parce que c'est vraiment répondre à un besoin réel des parents. Et il faut que les gens sentent qu'on ne fait pas ça juste pour se faire plaisir et parce qu'on pense qu'on a eu une bonne idée tout d'un coup en se levant un matin, mais qu'il y a un besoin réel qui a été exprimé par les parents, qui a été porté par leurs représentants ici, à l'Assemblée nationale. Et aussi, le modèle qui est retenu est celui qui a été dessiné par les gens du milieu. Et c'est vrai qu'il peut apparaître parfois un peu exigeant, en termes de rédaction de règlements, de lois ou autres, mais il respecte la volonté des gens telle qu'ils l'ont exprimée, je pense, tout au long des consultations, et mes collègues peuvent en témoigner. Alors, je vous remercie beaucoup pour votre témoignage.

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, Mme la ministre. M. le député de Verdun, il vous restait quelques minutes, je pense que vous voulez poser quelques questions.

M. Gautrin: Je reste, brièvement, toujours sur l'élément: comment on nomme les parents, la participation aux assemblées générales des parents? Et je ne vous en veux vraiment pas, parce que c'est semblable à ce qui se passe au secondaire, vous l'avez d'ailleurs rappelé tout à l'heure. Est-ce qu'il serait concevable d'avoir des choix qui se fassent par vote postal, où, à ce moment-là, les parents s'expriment sans venir réellement à une assemblée générale de parents pour choisir les délégués? Est-ce que vous seriez opposés à cela ou c'est quelque chose que vous envisageriez? À ce moment-là, il y aurait quand même une participation plus importante, dans la mesure où la personne ne s'exprime simplement que par lettre?

Mme Poirier (Diane): Si vous me demandez mon avis personnel, parce que, là, je viens ici à titre de représentante de la Fédération...

M. Gautrin: Mais, à votre avis...

Mme Poirier (Diane): ...et, comme votre question me demande de répondre tout à fait personnellement, je n'engage en rien l'opinion des autres membres de ma Fédération...

M. Gautrin: C'est bien ce que j'attendais de vous.

Mme Poirier (Diane): ...moi, je ne serais pas d'accord avec cette façon de faire parce que je pense que, pour avoir vraiment une idée ou une opinion sur la personne qui doit nous représenter, on doit le faire personnellement et non sur papier. Je ne serais pas très favorable à l'idée de faire le vote par...

M. Gautrin: Même si ça augmente quand même la participation considérablement? Parce qu'il y a beaucoup de parents, comme vous le savez, qui travaillent, qui ne peuvent pas nécessairement se déplacer pour assister à des assemblées de parents.

Mme Poirier (Diane): Je pense que la qualité est peut-être encore plus importante que la quantité. Je ne fais pas de politique, mais je pense qu'il y a des députés qui sont élus avec très peu de majorité, puis ils font un très bon travail. Je pense que, même s'il n'y a pas une représentation totale des parents...

Des voix: ...

M. Gautrin: Si vous me permettez. Je ne parle pas au niveau de la majorité, je veux dire la participation en général, la participation aux élections provinciales.

Mme Poirier (Diane): Puis je vais vous retourner... Alors, il y a peut-être des conseillers municipaux qui sont élus avec quelques pourcentages des votes, les gens ne se déplacent pas pour aller voter puis ils sont élus quand même, puis ils font le travail qu'ils ont à faire. Ou un sondage ne sonde pas exactement toutes les personnes qu'il a à sonder; il va retirer un certain nombre de personnes, puis supposément qu'il y a un tout petit taux d'erreur, alors...

M. Gautrin: Je ne voudrais pas prolonger le débat sur cette question, mais vous savez que les élections, par exemple les élections municipales ou scolaires, ont beaucoup plus de facilité qu'une assemblée générale qu'on recueille quelque part, parce qu'il y a quand même une facilité...

Mme Poirier (Diane): L'idéal, ce serait la participation totale, j'en conviens avec vous. Mais la participation totale lors d'une assemblée générale et non lors d'un concours ou d'une élection par écrit sans la participation des parents, je pense que ce serait préférable.

M. Gautrin: Merci.

La Présidente (Mme Blackburn): Il y a même des échevins qui sont élus sans opposition, madame.

Mme Poirier (Diane): Et voilà!

La Présidente (Mme Blackburn): On a vu ça aux dernières élections. Même des maires. Est-ce qu'il y a d'autres questions, M. le député de Verdun? Non? Alors, Mme la ministre.

Mme Marois: Merci encore une fois de votre présence avec nous.

Mme Poirier (Diane): J'aimerais juste vous souligner que...

La Présidente (Mme Blackburn): Oui, madame.

Mme Poirier (Diane): Je ne me suis pas exprimée beaucoup pour ce qui est du cégep de Lanaudière parce que, à notre Fédération, on n'a quand même pas fait un débat là-dessus, puis, comme c'était un projet et qu'on n'avait pas encore le détail – on a reçu dernièrement le détail – on n'a pas eu le temps de se pencher là-dessus. Et, en tant que présidente de la Fédération, je représente toute la Fédération et son opinion, mais j'ai une opinion tout à fait personnelle pour le cégep de Lanaudière. Parce que je dois vous dire que je demeure à Repentigny, et ma fille est au collège de Rosemont. Par contre, j'ai plusieurs chapeaux, et il faut que je fasse attention comment je m'exprime parce que je siège aussi au conseil d'administration du cégep de Rosemont, à qui ça fait peur un petit peu, le cégep régional de Lanaudière. Mais je suis la personne qui vous a envoyé la liste de pétitions, voilà quelques années, pour qu'il y ait un cégep dans la région de Repentigny. C'est un besoin criant chez les gens de la région de Repentigny. Alors, je suis très, très heureuse, et ceci n'engage pas ma Fédération, mais j'espère que ce projet-là va voir le jour éventuellement.

Mme Marois: C'est un très beau témoignage.

Mme Poirier (Diane): Mais je n'aurai plus d'enfants qui vont aller au cégep, quand même. Je n'en profiterai pas moi-même. Merci beaucoup.

Mme Marois: D'accord. C'est un très beau témoignage. Merci.

La Présidente (Mme Blackburn): Alors, Mme Colette Poirier, Mme Diane Poirier, merci de votre participation aux travaux de cette commission. Nous suspendons quelques minutes, le temps de saluer nos invités et que les suivants prennent place.

(Suspension de la séance à 16 h 47)

(Reprise à 16 h 52)

La Présidente (Mme Blackburn): Mesdames, messieurs, nous reprenons place. Je voudrais, en votre nom, Mmes et MM. les membres de la commission, souhaiter la bienvenue à la Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec, représentée ici par son président, M. Pierre Patry.

J'ai constaté, en allant vous saluer, qu'il y avait d'autres personnes qui vous accompagnaient et qui souhaitaient partager avec vous le temps qui vous est imparti. La chose est possible. Vous gérez votre enveloppe de temps à votre convenance. Ça nous fait plaisir de vous entendre. M. Patry, je vous inviterais à présenter les personnes qui vous accompagnent, en vous rappelant brièvement que vous avez 15 minutes pour la présentation, suivie d'un échange de 30 minutes avec les membres de la commission parlementaire. On vous écoute.


Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec (FNEEQ) et Fédération des employées et employés des services publics (FEESP)

M. Patry (Pierre): Merci, Mme la Présidente de la commission. Mme la ministre, MM. et Mmes les députés membres de la commission, on vous remercie de l'invitation, de pouvoir présenter notre point de vue à la présente commission. Je vous présente les personnes qui sont avec moi. Il y a Marie-Claire Chouinard, qui est vice-présidente de la FNEEQ, la Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec...

La Présidente (Mme Blackburn): Bonjour, madame.

M. Patry (Pierre): ...et Mme Marjolaine Côté, qui est présidente du secteur soutien cégep, à la Fédération des employées et employés des services publics de la CSN.

La Présidente (Mme Blackburn): Bonjour, madame.

M. Patry (Pierre): Comme vous l'avez indiqué, Mme la Présidente, tantôt, nous allons un peu réaménager notre temps. Donc, on va peut-être dépasser un petit peu le 15 minutes – on ne fera pas exprès parce qu'on comprend qu'on agit dans le cadre d'une enveloppe fermée, pour ce qui est du temps – pour pouvoir permettre à la FEESP de pouvoir exprimer également son point de vue sur le projet de loi n° 166.

Donc, c'est la FNEEQ qui va commencer, et je serai suivi du secteur soutien cégep de la FEESP. On vous a distribué un texte. Je prends la peine de vous mentionner au point de départ qu'il y a cinq grands chapitres. Pour pouvoir bien apprécier le projet de loi n° 166, il faut regarder, d'après nous, l'évolution des cégeps depuis 1992, soit depuis la réforme dite Robillard. Donc, dans un premier temps, nous allons étudier l'actuelle réforme des cégeps; dans un deuxième temps, les conclusions des états généraux sur l'éducation; troisièmement, l'effet des compressions budgétaires; quatrièmement, les effets du projet de loi n° 166, qui, pour nous, constitue une reconfiguration majeure du réseau des cégeps; et, finalement, nos conclusions.

La FNEEQ-CSN, a été fondée en 1969 par les syndicats représentant les 4 500 enseignantes et enseignants d'arts et métiers de collèges classiques et de cégeps. Aujourd'hui, elle représente la majorité des enseignantes et des enseignants du réseau collégial, des chargés de cours des universités et plusieurs syndicats du secteur privé. En tout, 23 000 enseignantes et enseignants composent la FNEEQ-CSN, soit 14 000 enseignantes et enseignants dans 34 syndicats de cégeps, 8 000 chargés de cours dans 10 universités et 1 000 enseignantes et enseignants dans 23 établissements privés d'enseignement.

L'actuelle réforme des cégeps. Depuis 1993, les cégeps ont eu à répondre aux multiples changements introduits par le renouveau de l'enseignement collégial. Ces changements portaient à la fois sur les contenus et sur les structures. Sur le plan des contenus, les cégeps ont dû procéder à une modification en profondeur des curriculums d'études, la volonté étant de réviser l'ensemble des programmes d'études sur un horizon relativement restreint. La révision des programmes techniques selon l'approche par compétence a forcé les collèges à intégrer un tout nouveau langage et une nouvelle conception de la formation, ce qui ne s'est pas toujours fait dans des conditions idéales. Ajoutons à cela que les collèges ont dû composer avec la décentralisation complète de l'élaboration des activités d'apprentissage pour la formation spécifique des programmes techniques.

De plus, la volonté de renforcer et de réactualiser la formation générale a entraîné une révision et une réorganisation majeures des contenus de ces cours. L'implantation de l'approche programme, alliée à une responsabilisation accrue des cégeps en matière de gestion des programmes – qu'on pense aux discussions relatives à la carte intégrée des programmes, à l'autoévaluation des programmes et à l'élaboration des activités d'apprentissage – ont également été l'occasion de revoir en profondeur les modes d'organisation du travail.

Le renouveau a également commandé aux collèges de se doter d'une série de politiques institutionnelles portant sur l'évaluation des apprentissages, les admissions à la lumière des nouveaux seuils d'admissibilité, la gestion des programmes, la gestion des ressources humaines, etc.

Au plan des structures, le renouveau a évacué les enseignantes et les enseignants des lieux décisionnels, a entraîné une modification des conseils d'administration afin, paraît-il, de mieux les ancrer dans le milieu, avec, en corollaire, une diminution de la représentation du personnel, la création de commissions des études ayant des prérogatives accrues par rapport aux commissions pédagogiques en matière de programmes et, finalement, la création de la Commission de l'évaluation de l'enseignement collégial qui, en contrepartie de responsabilités accrues pour les cégeps, s'est vue chargée de pouvoirs assez larges en matière de contrôle de l'action des collèges. Depuis lors, une somme de travail immense a déjà été accomplie dans les cégeps malgré l'absence de vision d'ensemble et d'importantes compressions budgétaires.

Les conclusions des états généraux sur l'éducation. Depuis 1992, la FNEEQ a demandé à plusieurs reprises un débat public d'envergure sur l'ensemble du système d'éducation car elle considérait qu'il était peu cohérent de commencer par la réforme des cégeps. Seul un tel débat pouvait permettre l'atteinte d'un consensus social sur les nouveaux besoins de l'école, sur les grandes orientations à retenir et sur les ajustements à apporter.

Finalement, le gouvernement actuel a décidé d'entreprendre une large consultation sur la situation de l'éducation au Québec et d'en analyser les principaux éléments. À l'origine, le mandat était plutôt modeste, il s'agissait de dresser un état de la situation. À son arrivée au ministère de l'Éducation, Mme Marois a élargi le mandat de la Commission des états généraux sur l'éducation et lui a demandé de dégager des perspectives et des priorités d'action pour l'avenir de l'éducation au Québec.

Au sortir de cette vaste entreprise de consultation, les commissaires dégageaient les consensus suivants: La réforme doit contribuer à l'émergence d'une société plus juste, plus démocratique et plus égalitaire; la réforme doit accroître l'accès du plus grand nombre à l'éducation et, plus encore, passer de l'accès au succès. Elle doit mettre en place les moyens d'atteindre d'ambitieux objectifs de diplomation, soit 60 % pour le Diplôme d'études collégiales, plus d'autres objectifs à tous les niveaux de formation. La réforme doit assurer et maintenir une offre de formation convenant aux besoins des populations des régions. La réforme doit garantir un financement qui permette l'atteinte des finalités éducatives et doit assurer le maintien de l'effort collectif à cet égard.

Pour l'enseignement collégial, la Commission a émis les recommandations suivantes: maintien du réseau collégial et de ses principales caractéristiques, soit la cohabitation de la formation technique et préuniversitaire, de la formation générale commune et du fonctionnement en réseau; ne pas compromettre par des changements à la pièce une réforme qui vient à peine de commencer; accorder une attention plus soutenue à certains aspects tels que l'accessibilité géographique, les activités de mise à niveau, l'orientation, les passerelles avec l'université.

Du virage du succès au dérapage des compressions. Au moment de la tenue des assises nationales des états généraux sur l'éducation, les compressions de 1996-1997 pour le réseau de l'éducation sont déjà connues, et les rumeurs qui circulent concernant les compressions de 1997-1998 font douter de l'avenir du processus de réforme. Malgré ce contexte, la ministre a fait connaître en février 1997, dans Prendre le virage du succès , ses grandes lignes d'action quant à la rénovation du système d'éducation. Les engagements et les plans d'action de la ministre vont dans le sens des consensus dégagés lors des états généraux sur l'éducation, sauf pour le niveau collégial.

Dans le cas du collégial, elle adhère à l'idée de laisser aux mesures de renouveau déjà en cours le temps de produire leurs effets. Cependant, elle y ajoute les mesures suivantes: accroître les responsabilités des collèges sur le plan éducatif, entre autres par une décentralisation complète de l'élaboration des activités d'apprentissage et par l'introduction d'attestations d'études collégiales autofinancées; assouplir l'encadrement administratif et décloisonner les enveloppes budgétaires, notamment celles destinées à l'enseignement ordinaire et celles de la formation continue; rendre possible la création de collèges régionaux, le regroupement des services et les fusions.

(17 heures)

Le projet de loi n° 166, une reconfiguration majeure du réseau. Les amendements proposés à la loi des collèges concrétisent les orientations du document Prendre le virage du succès . Comme la volonté d'accroître la marge de manoeuvre des collèges s'accompagne de compressions budgétaires sans précédent, nous nous interrogeons sur le sens réel de ces modifications. Plus que jamais, l'approche comptable devient le centre de gravité des réformes en éducation. Les impératifs budgétaires prennent le pas sur les grands consensus découlant des états généraux sur l'éducation.

Ce projet de loi, en plus d'apporter des modifications majeures à l'actuelle loi des collèges, confère au ministre de l'Éducation le pouvoir d'influer davantage sur le financement et le développement du réseau. La ministre se donne ainsi toute latitude, sa seule obligation étant de consulter le Conseil supérieur de l'éducation. Cela peut permettre une reconfiguration majeure du réseau: possibilité de création de collèges régionaux et de transformation de collèges existants en collèges constituants, possibilité de fusions et de fermetures. La volonté des établissements en cause, des personnes qui y oeuvrent, de la communauté concernée ne semble pas être prise en compte: nul débat public, aucune nécessité de recourir à une consultation populaire. La loi permettra dorénavant de modifier la configuration du réseau des cégeps selon les impératifs du moment.

Au chapitre du financement, on semble opter pour le définancement public et l'autofinancement. Cela se traduit notamment par le décloisonnement des enveloppes budgétaires et l'assouplissement des règles administratives, par l'introduction de frais de scolarité pour les attestations d'études collégiales ainsi que pour les personnes non résidentes du Québec, par un assouplissement dans la gestion des immeubles et la possibilité de générer les bénéfices.

On ne retrouve aucune mesure de soutien à la réussite scolaire. On ne répond à l'accessibilité qu'en confiant à la ministre plus de souplesse pour fermer, fusionner des collèges, ou encore pour former des collèges régionaux qui décideront entre eux de la répartition de leurs programmes. On y répond également par l'imposition de frais de scolarité, passant ainsi de la notion d'offre de service à la population à la notion d'offre de consommation d'un service. L'offre de formation continue sera-t-elle déterminée par l'attrait de bénéfices plutôt que par la réponse à un besoin réel?

Nous pouvons constater dans ce projet de loi un effritement du réseau des cégeps qui ne pourra mener qu'à une accentuation des inégalités. Ce projet de loi est davantage guidé par les impératifs budgétaires et la réduction des coûts que par une vision de l'éducation.

En conclusion, nous demandons que le gouvernement mette fin immédiatement aux compressions budgétaires dans l'éducation, si l'on veut véritablement prendre le virage du succès. La ministre doit faire connaître ses intentions réelles quant à la configuration et au financement du réseau collégial. Enfin, nous exigeons le retrait du projet de loi n° 166 afin que la ministre procède à une large consultation publique sur ses intentions.

Je passe maintenant la parole à Marjolaine Côté.

La Présidente (Mme Blackburn): Bien. Merci, M. Patry. Alors, Mme Côté, la parole est à vous.

Mme Côté (Marjolaine): Oui. Mme la Présidente, merci. Merci également à Mme la ministre et aux membres de la commission de me permettre de présenter le point de vue du personnel de soutien des cégeps que nous représentons. Or, je serai brève. Je vais juste présenter trois préoccupations que nous avons soulevées par la lecture du projet de loi.

La première, évidemment, a trait aux fusions, ce qui est inséré dans le projet de loi. Alors, la ministre se donne le pouvoir. J'ai écouté avec attention tout à l'heure les réponses que vous avez données, Mme la ministre, à la Fédération des cégeps. Mais une inquiétude nous reste quand même: Comment tout ça va se traduire? Comment tout ça va se faire? Les transferts de personnel, si jamais il y a des fusions possibles, alors il n'y a rien qui est prévu dans le projet de loi. Évidemment, ça peut semer beaucoup d'inquiétudes chez nos membres.

La deuxième partie, la deuxième inquiétude est au niveau du budget. Alors, actuellement, il y a trois budgets que les collèges doivent déposer: le budget de fonctionnement, le budget d'immobilisation et le budget du service de la dette. Alors, tout ceci, maintenant, dans le projet de loi, ce sera un budget global. Alors, pour nous, il y a encore, évidemment, un nombre élevé d'inquiétudes, puisqu'on pourra puiser à même le budget pour aller chercher des nouvelles dispositions, créer des nouvelles choses. Alors, couper, nous pensons, dans les services... quand on coupe dans les services, souvent, on est les premières personnes touchées par les coupures. On l'a déjà été à de nombreuses reprises ces dernières années. Là aussi, il y a une inquiétude qui se situe à ce niveau-là.

Et la troisième inquiétude, et ce n'est pas la moindre, on la retrouve à l'article 57 du projet de loi, et permettez-moi de vous la citer: «Le conseil d'établissement peut, au nom du collège régional et dans le cadre des prévisions budgétaires de celui-ci, contracter avec une personne ou un organisme pour assurer la fourniture de biens ou de services». Alors, est-ce que ce n'est pas là ouverture encore plus grande à la privatisation et à la sous-traitance? Alors, c'est une inquiétude, là aussi, qui nous anime. Or, est-ce que ça n'a pas pour objectif d'ouvrir encore plus grande la porte à des marchandages qui n'ont pas leur place en éducation, et ça, au détriment des emplois, des salariés déjà en place qui ne font que souhaiter être associés à cette réforme?

Alors, c'étaient les interrogations que je voulais présenter aux membres de la commission. Merci. Vous avez le document avec vous. J'espère que vous allez en faire une lecture attentive. Merci.

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, Mme Côté. Est-ce que, Mme Chouinard, vous prenez la parole? Non? Ça va. Au fur et à mesure des questions... Alors, la parole est donc à Mme la ministre.

Mme Marois: Merci, Mme la Présidente. Je souhaite la bienvenue aux représentants de la FNEEQ et de la FEESP – c'est comme ça, hein, le sigle? Ça me fait plaisir de vous entendre et de vous recevoir aujourd'hui. Évidemment, il y a des choses avec lesquelles je ne suis pas d'accord, mais on va en discuter et échanger sur ces questions.

Je voudrais peut-être revenir d'abord sur le fait que nous n'ayons pas retouché d'une façon sensible ce qui avait été prévu effectivement initialement par le projet de réforme de la ministre de l'Éducation, Mme Robillard, qu'on a appelé l'Opération, je crois, renouveau, et, en ce sens-là – et je pense que vous le dites vous-mêmes dans le mémoire – on a vraiment tenu compte des recommandations de la Commission des états généraux. On trouvait que ce n'était pas une bonne idée, puis on l'a dit plusieurs fois, d'avoir commencé une réforme par des modifications à un niveau d'enseignement, qui était le niveau des collèges, des cégeps, sans avoir posé la question sur l'ensemble des modifications qu'on devait apporter à notre système et dans le sens de la réforme à laquelle on devait procéder. On trouvait que ce n'était pas une bonne idée. Et c'est pour ça qu'on a fait, d'ailleurs, les états généraux, c'était pour qu'on fasse le débat sur l'ensemble de ce qui se passait et qu'on puisse introduire des mesures soit de rénovation ou de réforme qui allaient concerner des plus petits aux plus grands. Et d'ailleurs, la preuve aussi en est faite qu'on a modifié des budgets d'une façon très significative pour offrir des services de maternelle, de prématernelle, et on va élaborer davantage, d'ailleurs, de ce côté-là.

Et la réforme que je propose, et que notre gouvernement a retenue, concerne le primaire-secondaire, concerne certains aménagements, mais qui sont de l'ordre de l'aménagement – et ça, vous avez raison – au niveau des collèges, des cégeps. Et nous proposerons des mesures plus significatives au niveau universitaire éventuellement. Nous travaillons actuellement d'ailleurs avec la Conférence des recteurs pour ce faire.

Par ailleurs, du côté des cégeps, nous voulons cependant consolider et augmenter notre niveau de réussite, cela va de soi. Puis, en plus, on est très fiers. Je le dis souvent, je le dis sur plusieurs tribunes, je pense que vous avez eu sans doute l'occasion de m'entendre le dire, nous sommes très fiers de ces institutions et nous pensons que c'est un maillon essentiel dans l'ensemble des outils et des institutions – je le répète – disponibles pour nos jeunes et pour les adultes, aussi, qui les fréquentent. C'est vrai au niveau de la préparation universitaire, donc du général, et c'est vrai aussi au niveau du technique. D'ailleurs, c'est tellement vrai... parce que, quand on se regarde, on se désole, mais, quand on se compare, on se console – c'est un premier ministre qui disait ça! C'est tellement vrai que notre modèle inspire beaucoup des pays en développement qui actuellement cherchent à implanter leur système d'éducation, et des pays développés qui souhaitent rénover leur système d'éducation et qui viennent observer ce qu'on fait ici et qui s'en inspirent. Alors, je me dis: On doit être pas si mal, quelque part. Puis c'est vrai. Je pense qu'on a raison, on a fait des choses assez remarquables.

Mais je veux revenir. Bon, qu'est-ce que me proposait la Commission des états généraux? Elle disait: Maintien du réseau collégial et de ses principales caractéristiques – ce que nous faisons. Elle disait: Ne pas compromettre par des changements à la pièce une réforme qui vient à peine de commencer – on l'a effectivement reconnue et maintenue. On disait: Accorder une attention plus soutenue à certains aspects tels que l'accessibilité géographique. Je peux vous dire que, depuis que je suis là, on a permis des développements sur la Côte-Nord, entre autres, ou la Basse... c'est ça, sur la Côte-Nord. Aussi, ce n'est pas en Gaspésie qu'on a fait des choses? Quelle autre?

Une voix: Matapédia.

Mme Marois: Matapédia, voilà, je savais qu'il y en avait une autre... où on a permis que se développent sinon des constituantes du moins des offres de service, de telle sorte qu'on rapproche, effectivement, notre offre de service des étudiants et des étudiantes. La loi d'aujourd'hui, elle fait cela aussi. Elle fait cela, puisqu'elle permet l'implantation d'un collège régional dans un milieu où il y a du développement de population et où les gens risquaient d'être privés d'un accès plus facile, au plan géographique, à une institution.

(17 h 10)

Par ailleurs, je suis consciente que ça ne veut pas dire qu'il n'y a rien à faire du côté des cégeps et qu'il n'y a pas des choses importantes à requestionner. Et pour ce faire, on s'est donné d'ailleurs un nouvel outil dernièrement, un comité auquel, je crois, vous êtes associés – le ministère, la Fédération des cégeps, les enseignants et les enseignantes par leur association syndicale, et les étudiants aussi – pour qu'on voie justement toutes les questions de réussite – c'est bien l'objet de ce qu'on a souhaité, envisagé – la question de la diplomation. Alors, il y a des choses que nous faisons. Bon.

Maintenant, et là je vais revenir sur des aspects peut-être plus pointus de la loi qui est devant nous... Quand vous dites que... enfin, nous semblons vouloir vraiment... j'essaie de retrouver l'endroit exactement... ah oui! «On semble opter pour le définancement public et l'autofinancement». On parle du décloisonnement des enveloppes budgétaires, de l'assouplissement de règles administratives, de l'introduction de frais de scolarité pour les attestations d'études collégiales ainsi que pour les personnes non résidentes du Québec.

D'abord, sur la question du budget global, je vais vous dire que c'est la Fédération qui nous a demandé ça, et on trouvait que c'était plus intéressant. Effectivement, ça nous enlevait beaucoup d'ennuis et d'enfarges administratifs, hein. Mais, si on veut revenir à l'autre budget, moi, je n'ai pas de problème; sur ça, je n'ai pas de... À moi, ça ne cause pas beaucoup de difficultés, parce qu'on est habitués, au ministère, de fonctionner comme ça, et on croit que l'enveloppe globale, elle est plus intéressante pour les institutions elles-mêmes. Mais ce n'est pas dans une perspective d'en enlever plus, là, hein. Ce qui n'empêche pas qu'on soit dans un effort budgétaire qui ne nous plaît pas non plus, et on n'aime pas beaucoup ça, mais on s'est entendu qu'on essaierait de le faire de la façon la plus correcte, la plus intelligente possible, tout en faisant justement une réforme puis en n'entachant pas la réforme. Ça, pour moi, c'est fondamental aussi. Bon.

Je reviens à ça, le définancement public et l'autofinancement. D'abord, un, ce n'est pas ça qu'on veut faire et ce n'est pas à ça qu'on veut arriver. Ce qu'on veut permettre aux cégeps, et le fait qu'on puisse offrir des attestations d'études dans des secteurs qui sont le choix des cégeps, pourquoi, vous pensez, on veut faire ça? On veut faire ça parce qu'on pense qu'il y a des besoins auxquels il faut répondre, dans les industries, dans les entreprises qui, elles, sont obligées, ces industries et ces entreprises, de consacrer 1 % de leur masse salariale à la formation de leurs travailleurs et de leurs travailleuses. Et on pense que nos institutions sont assez bonnes pour être capables de bâtir des programmes sur mesure, entre autres, pour ces entreprises, et, pour ce faire, être capables de charger des frais qui vont leur permettre de couvrir aussi les frais encourus pour bâtir le programme. Et ce n'est pas dans une perspective de dire: On veut commencer à définancer le secteur public et à charger aux étudiants des frais qu'autrement on ne chargerait pas.

D'ailleurs, on a préservé les D.E.C. au complet puis on préserve aussi les attestations d'études collégiales reconnues, déjà offertes et reconnues aux fins de financement par le ministère. On ne veut pas se retirer de ça, là, on veut continuer à conserver cela, mais on veut offrir une nouvelle possibilité pour les cégeps. Puis on pense que, au contraire, ça va permettre à nos établissements d'être encore mieux arrimés avec le milieu du travail et puis permettre à des professeurs puis à des enseignantes et à des enseignants de qualité de contribuer à la formation des travailleurs en emploi puis à la formation continue.

C'est dans ce sens-là. Je ne sais pas, j'essaie de voir: Est-ce que vous êtes en désaccord avec ça? Vous ne voulez pas qu'on offre ça? Parce que sinon, comme les cégeps ne peuvent pas le faire et qu'ils n'ont pas d'argent pour l'offrir, bien, ils ne vont pas les définir avec l'entreprise. Alors, l'entreprise, qu'est-ce qu'elle fait? Elle va vers des services privés. On a eu des attestations d'entreprises privées qui sont reconnues comme pouvant former, mais ça ne diplôme pas, ça, hein? Et c'est important, moi, je pense, que nos institutions puissent diplômer les gens qui sont des travailleurs et des travailleuses, qui sont dans les entreprises, et l'entreprise va, en plus, payer pour cette formation-là. C'est ça qu'on veut ouvrir.

Moi, je veux savoir, c'est important pour moi: Est-ce que vous êtes en désaccord avec ça? Étant entendu, là, que je veux préserver ce que nous faisons et qui est à toutes fins pratiques gratuit, là – je sais qu'il y a des frais afférents puis qu'il faut payer ses livres, etc., mais, compte tenu de ce qu'on demande ailleurs, on sait que ce n'est pas très élevé – est-ce que vous acceptez ça ou vous ne voulez pas qu'on fasse ça?

La Présidente (Mme Blackburn): M. Patry.

M. Patry (Pierre): Oui. Bien, il y a plusieurs questions. Je vais essayer d'être bref.

Premièrement, sur toute la question des attestations d'études collégiales et sur le développement de la formation continue, dans la loi n° 90, je crois, la loi sur l'adaptation de la main-d'oeuvre, c'est ça?

Mme Marois: Sur la formation professionnelle.

M. Patry (Pierre): Sur la formation professionnelle, l'adaptation de la main-d'oeuvre, ce n'est pas toutes les entreprises qui doivent consentir à 1 % de leur main-d'oeuvre. C'est les entreprises à partir d'un certain niveau, puis ainsi de suite, et bon nombre de travailleuses et de travailleurs se retrouvent dans des PME qui ne sont, de toute façon, pas couvertes par la loi n° 90, et ça ne veut pas dire que ces gens-là n'ont pas de besoins en termes de formation de la main-d'oeuvre.

Par ailleurs, nous, ce que l'on dit là-dessus, c'est que ça crée une brèche dans la gratuité scolaire, et c'est ça qui nous inquiète. Donc, sur le fait qu'il y ait un financement en provenance des entreprises pour venir aider le système d'éducation qui, par ailleurs, rend des services à l'entreprise en termes de formation de la main-d'oeuvre, on n'a rien contre ça, mais, à ce moment-là, on pense qu'il faudrait passer préférablement par des mesures d'ordre fiscal, qu'on modifie la fiscalité pour faire en sorte que les entreprises, en fonction soit de leur capital ou de leur masse salariale, peu importe, puissent venir aider les établissements d'enseignement à donner de la formation pour les travailleuses et les travailleurs en emploi.

Sur la question de la réussite scolaire, ça, à la Fédération, évidemment, on y travaille activement. D'ailleurs, lors de la négociation qui s'est conclue en 1995, nous avons mis de l'avant des mesures pour faire en sorte de hausser la réussite scolaire. Nous sommes en train de faire des bilans dans un comité paritaire, nous participerons effectivement avec le ministère, à compter de la semaine prochaine, aux évaluations à cet égard-là. Donc, ça correspond totalement à nos objectifs. Ce qu'on dit, par contre, c'est que, par ailleurs, l'effet des compressions budgétaires vient annihiler les efforts que les enseignantes et les enseignants consentent pour hausser la réussite scolaire. Donc, on peut faire notre bout, mais ce n'est pas vrai qu'avec des compressions budgétaires de l'ordre de 70 000 000 $ pour les deux dernières années et de 80 000 000 $ pour la prochaine année on va pouvoir tenir le cap sur la réussite scolaire. Ça, c'est ce qu'on dit.

Quant aux collèges régionaux – je pense que c'est la dernière question – vous n'êtes pas sans ignorer que la FNEEQ, la FEESP et la CSN, on s'est opposé à la création d'un cégep autonome à L'Assomption compte tenu des coûts que ça pouvait engendrer. Donc, dans ce sens-là, on salue l'ouverture du cégep régional de Lanaudière. Par contre, l'impression qu'on a à la lecture du projet de loi qu'on a devant nous, c'est qu'on se sert du modèle de Lanaudière pour conférer des pouvoirs à la ou au ministre, selon le cas, dans le temps, pour faire en sorte que ça puisse permettre une reconfiguration complète du réseau collégial, et c'est contre ça qu'on en a. Pas contre sur l'ouverture de Lanaudière! Au contraire, on aurait même souhaité que Lanaudière ouvre en 1997. Nous, on représente aussi bien les gens de Joliette que les gens de L'Assomption, et on va souhaiter intégrer l'ensemble du personnel enseignant puis de soutien de la constituante de L'Assomption dans le cégep régional de Lanaudière. C'est sur toutes les possibilités qui sont données à la ministre, c'est contre ça, c'est sur ça qu'on a des inquiétudes.

Mme Marois: D'accord.

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, M. Patry.

Mme Marois: Je reviendrai plus tard, mais deux choses, simplement. Moi, je veux être... Enfin, je comprends bien vos craintes sur la question du financement, mais il y en a déjà, des mesures fiscales, et, dans le fond, actuellement, on prive nos établissements de la possibilité de développer de l'expertise en formation continue, de donner des diplômes, parce qu'on n'ouvre pas cette plage-là. Alors, je vous le dis, là, c'est ça qu'on veut faire. Puis ce n'est pas de se dire: Le gouvernement doit se désengager. Au contraire, on s'engage davantage. Mais enfin, on peut diverger, bien sûr, d'opinions. Cela arrive et c'est sain dans une société démocratique, en plus.

Il y a une autre chose. Sur la reconfiguration des cégeps, ce n'est vraiment pas, mais alors là vraiment pas la perspective, parce que vous avez vu le soin que j'ai mis, dans tous les projets de réforme qu'on a engagés, à faire soit des avant-projets de loi et des consultations en profondeur. Je pense à celui sur l'instruction publique, je pense à ce qu'on fait du côté de la formation professionnelle et de la formation technique, où on travaille avec les partenaires, où vous êtes dans différents comités, etc. Alors, on prend vraiment beaucoup de soin, lorsqu'on annonce une réforme, lorsqu'on annonce un projet, pour aller bien expliciter ce que l'on fait et son importance. Et donc, si on voulait reconfigurer les cégeps, je vous dis qu'on en ferait, un débat puis une discussion! Et ce n'est vraiment pas, d'aucune espèce de façon, la perspective que nous poursuivons.

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, Mme la ministre. M. le député de Verdun, porte-parole officiel de l'opposition en matière d'enseignement supérieur.

(17 h 20)

M. Gautrin: Merci, Mme la Présidente. Je vais suivre ce que vient de dire la ministre, avec une certaine ironie. Quand je pense que, à ces consultations qu'on a actuellement, les gens n'ont pu être convoqués qu'à 24 heures d'avis, ce n'est pas nécessairement ce que j'appelle un débat, moi, autour d'un projet de loi.

Je comprends votre position et je veux voir si je la comprends bien. Vous n'êtes pas opposés à certaines fusions d'établissements. Implicitement – mais je voudrais que vous le disiez explicitement – il y a donc des conditions nécessaires pour qu'une fusion soit acceptable. Alors, j'aimerais vous entendre sur ces conditions nécessaires pour qu'une fusion puisse être acceptable et, ensuite, je vous poserai une question. Implicitement, dans la dernière intervention que vous avez faite en réponse à l'intervention de la ministre, vous considérez que ces conditions sont réalisées dans le cas du cégep de Lanaudière. Mais quelles sont les conditions nécessaires pour qu'une fusion puisse être acceptable?

La Présidente (Mme Blackburn): M. Patry.

M. Patry (Pierre): Oui. Premièrement, dans le cas du cégep de Lanaudière, c'est l'avenir immédiat qui va nous le dire, si les conditions sont réunies ou non, parce que, nous, ce que l'on va souhaiter, c'est que les gens qui travaillent présentement... pour les gens qu'on représente au collège de l'Assomption, qu'ils soient intégrés dans le cégep régional de Lanaudière, avec tous les droits et avantages qu'ils avaient au préalable.

Ceci étant dit, à la Fédération, nous avons une certaine expertise là-dessus. Nous l'avons fait pour le cégep Beauce-Appalaches, qui est l'ancien Séminaire Saint-Georges de Beauce, nous l'avons fait pour le cégep Marie-Victorin, de façon harmonieuse habituellement, et on a confiance que ça pourra se réaliser également pour le cégep régional de Lanaudière.

Concernant les fusions, ce que l'on indique, c'est que, nous, on regarde les conclusions des états généraux sur l'éducation, et les conclusions indiquent que la réforme, ça doit contribuer à l'émergence d'une société plus juste, plus démocratique, que ça doit accroître l'accès aux études, aux études supérieures, en termes de succès aux études supérieures également, qu'on doit maintenir une offre de formation convenant aux besoins des populations des régions – ça, c'est important – et garantir un financement qui permette d'atteindre les finalités éducatives.

Donc, si ça vient des gens du milieu, qui souhaitent qu'il y ait des fusions d'établissements, on ne s'y opposera pas. Nous, ce à quoi l'on va veiller, on va veiller à ce que l'accessibilité aux études supérieures, à l'enseignement collégial ne soit pas menacée de par ces fusions, première des choses, et, deuxième des choses, on va s'assurer que les gens que nous représentons dans ces institutions-là, que leur emploi ne soit pas compromis par des fusions ou des regroupements de services.

M. Gautrin: Vous avez déjà participé, comme vous l'avez dit, à certains regroupements. Est-ce que vous avez une inquiétude sur ce qu'on a appelé le modèle unique de regroupement qui est proposé dans la loi actuellement?

La Présidente (Mme Blackburn): Oui, Mme Chouinard.

Mme Chouinard (Marie-Claire): À cet égard, on ne peut que partager les craintes qui ont été émises, que ce modèle unique là qui est extrêmement compliqué et effectivement lourd, je crois, dans la mesure où il y a plusieurs conseils d'administration composés chacun de 19 personnes – s'assurer de la représentativité... il y a quelques petits détours sur lesquels il va falloir avoir l'oeil très ouvert – que ce modèle unique là, qui convient à Lanaudière puisqu'il a fait l'objet de consultations au niveau régional, et largement et longtemps, c'est un modèle qui est bon en soi mais qui n'est pas nécessairement un modèle applicable à l'ensemble des autres régions du Québec, où, dans d'autres circonstances, la population voudrait voir des modèles différents se profiler. Alors, oui, ça manque de souplesse, oui, c'est un modèle unique, et qu'on l'impose comme ça dans la loi, doublé des pouvoirs donnés à la ministre, eh bien, il y a lieu de pouvoir craindre qu'il y ait derrière ça une vision et des orientations qui ne sont pas explicites.

La Présidente (Mme Blackburn): M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Autrement dit, vous avez des craintes aux pouvoirs nouveaux que la ministre se donne actuellement de modifier les lettres patentes ou de forcer les fusions par voie réglementaire, ce qui est l'article 26 du projet de loi. Est-ce que je comprends bien? On partage ce point de vue là de part et d'autre sur ça?

Mme Chouinard (Marie-Claire): Tout à fait.

M. Patry (Pierre): C'est cela.

M. Gautrin: Merci. Je me réfère encore à vous, Mme Chouinard. Vous avez émis des inquiétudes sur la politique de sous-traitance et vous dites que l'article 57, dans votre mémoire, ouvre la porte à la sous-traitance quand il dit: «Le conseil d'établissement peut, au nom du collège régional et dans le cadre des prévisions budgétaires de celui-ci, contracter avec une personne ou un organisme pour assurer la fourniture de biens ou de services, en application de la présente sous-section.» Est-ce qu'actuellement les collèges – pas les collèges régionaux, mais les collèges – n'ont pas la possibilité déjà de pouvoir sous-traiter certaines choses?

Mme Côté (Marjolaine): Oui. Actuellement, ils peuvent sous-traiter, sauf qu'il y a une disposition dans nos conventions qui indique qu'ils ne peuvent pas donner à sous-contrat lorsque ça a comme conséquence de faire des mises à pied ou des mises en disponibilité parmi le personnel. Sauf que, lorsqu'il y a des départs, ce qu'on appelle par attrition, notre jargon quotidien...

M. Gautrin: Oui, je comprends. On joue dans ce jargon-là, nous aussi.

Mme Côté (Marjolaine): Oui? Alors, c'est possible.

M. Gautrin: On aimerait mieux créer de la création de postes que de l'attrition, mais enfin!

Mme Côté (Marjolaine): On a connu ce phénomène-là dans trois secteurs particuliers: l'entretien ménager; dans le secteur ouvrier, les peintres, les ouvriers certifiés d'entretien; et aussi à la cafétéria. Cette disposition nous inquiète parce qu'il n'y a pas d'encadrement, il n'y a rien. Alors, ça dit: «pour assurer la fourniture de biens ou de services». Quels services? Est-ce que ça va être d'autres services, de soutien à l'enseignement, de soutien à l'apprentissage, des services, par exemple, aux étudiants? Alors, c'est cette disposition-là qu'on craint beaucoup. Actuellement, ils ne pourraient pas, dans la convention, mais, vous savez, une convention, ça se change.

M. Gautrin: Mais vous comprenez bien que la loi ne peut pas se substituer à la convention, c'est-à-dire, dans les conventions collectives, un pouvoir qui est un pouvoir, entre guillemets, patronal, que la loi lui donne, est codifié ou normalisé par le biais d'un contrat qui devient un contrat collectif qui est négocié avec les employés. Est-ce que, dans le cas de la création d'un collège régional... dans le fond, qu'on crée un collège régional, ce n'est pas une abstraction, c'est des vraies personnes avec des vraies têtes et des vrais bras. Est-ce qu'il va y avoir transfert des conventions collectives? Est-ce que c'est déjà discuté?

La Présidente (Mme Blackburn): Mme Côté.

Mme Côté (Marjolaine): Excusez-moi, Mme Blackburn.

La Présidente (Mme Blackburn): Oui, je vous en prie.

Mme Côté (Marjolaine): Oui. Alors, on ne sait pas. C'est pour ça que je mentionnais, quand on parlait tout à l'heure des fusions... il n'y a absolument aucune disposition qui est prévue quant au transfert de personnel, et s'il y a possibilité d'ouvrir un nouveau collège, de créer un nouveau collège régional, bon, effectivement, il n'y a pas de convention qui existe, il y a des gens qui vont être engagés et peut-être des services qui vont être sous-contractés par le biais de cette création-là. Alors, c'est là notre inquiétude aussi. Évidemment, il y a toutes les dispositions, de par le Code du travail aussi, qui existent lorsque arrivent des nouvelles...

M. Gautrin: Mais est-ce que l'article 45 du Code du travail ne s'appliquerait pas dans ce cas? Je sais qu'il est discuté, qu'il est interprété...

Mme Côté (Marjolaine): Il est très en discussion actuellement, très interprété.

M. Gautrin: Je ne devrais pas vous poser la question sur les interprétations de l'article 45 qu'on fait, mais est-ce que l'article 45 ne protégerait pas actuellement, à première vue, ces cas-là? Vous n'en êtes pas sûre?

Mme Côté (Marjolaine): Je ne voudrais pas m'immiscer beaucoup dans l'article, je ne suis pas assez juriste pour ça, M. Gautrin.

M. Gautrin: Autrement dit, ce que vous nous dites... moi, je vais interpréter. Vous nous dites: Comme législateur, vous créez un certain modèle, actuellement, qui semble fonctionner pour le collège de Lanaudière. Pourquoi ne pas, dans le fond, l'adapter réellement au collège de Lanaudière quitte à préciser aussi les transferts de personnel, etc., dans ce qui toucherait le collège de Lanaudière, quitte à ce que, quand il y aura d'autres modèles de fusion, on puisse avoir d'autres projets de loi? Ce serait plus acceptable pour vous.

La Présidente (Mme Blackburn): Mme côté.

Mme Côté (Marjolaine): Il faudrait examiner de façon plus attentive toutes les conséquences, mais, effectivement...

M. Gautrin: Comprenez bien...

Mme Côté (Marjolaine): Oui, oui, je comprends.

(17 h 30)

M. Gautrin: ...vous soulevez une question importante, d'après moi, qui va être: Qu'est-ce qui va arriver aux protections que les employés ont dans les différents établissements? Alors, il y a un cas concret actuellement, qui est les employés de L'Assomption et de Joliette, qui vont maintenant être fusionnés – on peut déjà se pencher sur ce cas concret – puis, après, il y a une espèce de cas théorique. Parce que là on est beaucoup plus général et on est en train de créer un modèle général. Nous allons commencer dans quelques jours l'étude article par article. Quel genre de protection vous auriez voulu voir dans la loi pour répondre à vos interrogations?

La Présidente (Mme Blackburn): Mme Côté.

Mme Côté (Marjolaine): Alors, d'abord, prévoir une disposition pour faire en sorte qu'il y ait un transfert de personnel qui puisse se faire, parce qu'il va y avoir des constituantes avec un collège régional, alors la protection des emplois, effectivement, et faire en sorte...

M. Gautrin: Si je comprends bien... Je m'excuse, je le prends étape par étape. Qu'il y ait dans la loi un article transitoire qui dirait: En cas de fusion, il y a une disposition transitoire qui prévoirait comment est transféré le personnel...

Mme Côté (Marjolaine): Exact.

M. Gautrin: ...des constituantes vers la nouvelle institution régionale.

Mme Côté (Marjolaine): Vers l'autre institution, c'est ça.

La Présidente (Mme Blackburn): Vous voulez réagir, M. Patry?

M. Patry (Pierre): Oui, rapidement. Une chose est claire là-dessus. On n'est pas opposé à l'ouverture du cégep régional de Lanaudière.

M. Gautrin: J'ai compris ça.

M. Patry (Pierre): On a même fait des pressions pour que ça s'ouvre en 1997 et, pour des raisons x, y, z, ça n'a pas été possible. Donc, que l'on annonce, comme ça a été fait dernièrement, en octobre, je crois, l'ouverture du cégep régional de Lanaudière pour septembre 1998, nous n'avons pas de problème avec ça. Le problème, puis là on n'est pas allé au détail des dispositions de la loi, c'est qu'on plaque le modèle du cégep régional de Lanaudière et ça devient un modèle pour permettre la création de multiples collèges régionaux.

M. Gautrin: Ça, j'ai compris ça aussi.

M. Patry (Pierre): C'est contre ça. C'est contre ça qu'on en a, et sous simple recommandation ou adoption par la ministre, hein.

M. Gautrin: Ça, j'ai compris ça.

M. Patry (Pierre): C'est ça que le projet de loi dit.

M. Gautrin: Ça, j'ai compris ça aussi.

M. Patry (Pierre): Elle peut fusionner, annuler les lettres patentes...

M. Gautrin: Je vais revenir quand même... Revenons donc sur la fusion, la création du collège régional de Lanaudière, qui au début est un principe, et maintenant on arrive à le vivre d'une manière très concrète, comment il va se faire. Est-ce que, d'après vous, tel qu'il est écrit dans la loi actuellement, c'est-à-dire en s'appliquant dans le cas particulier de Lanaudière, c'est satisfaisant, en termes de transfert de personnel, etc., pour vous? Je comprends que ce n'est pas pour vous, mais, pour vous...

La Présidente (Mme Blackburn): Oui, M. Patry, est-ce que...

M. Patry (Pierre): Premièrement, dans la loi, il n'y a rien sur le transfert du personnel.

M. Gautrin: Il y aurait besoin de quelque chose ou...

M. Patry (Pierre): Ça, c'est la première des choses. Oui, ça prendrait certainement des éléments pour prévoir que les gens vont conserver leur emploi au lendemain de la création du cégep régional.

M. Gautrin: Très bien.

M. Patry (Pierre): Par ailleurs, pour tout ce qui est des dispositions prévues dans la loi, moi, je veux indiquer qu'il y a peut-être eu des consultations régionales, mais l'ensemble du personnel, aussi bien à Joliette qu'à L'Assomption, n'a pratiquement pas été consulté sur les dispositions qui se retrouvent là.

M. Gautrin: Attendez! Vous voulez me dire que le corps professoral du collège de L'Assomption et du collège de Joliette, que vous représentez, si je comprends bien – parce que, en plus, ça simplifie les choses parce que c'est la même fédération qui représente tous les employés – c'est bien ce qui...

M. Patry (Pierre): C'est ce qu'on pense, oui, que ça simplifie les choses. Ha, ha, ha!

M. Gautrin: Non, non, je ne dis pas que ça... non, non, je ne veux pas faire de...

M. Patry (Pierre): Ha, ha, ha!

M. Gautrin: Vous comprenez que ça aurait peut-être été plus complexe s'il y avait eu deux fédérations syndicales qui avaient représenté deux collèges en voie de fusion. Est-ce que ça correspond à une volonté de vos professeurs ou du personnel que vous représentez, qui est le personnel de soutien, la fusion, actuellement?

La Présidente (Mme Blackburn): M. Patry ou Mme Côté.

M. Patry (Pierre): Pardon?

La Présidente (Mme Blackburn): Bien, M. Patry.

M. Patry (Pierre): Bien, pour ce qui est des enseignantes et des enseignants, moi, je veux vous indiquer qu'ils se sont opposés à la création d'un cégep autonome à L'Assomption compte tenu des coûts que l'on présumait que ça pouvait entraîner, tout comme on s'est opposés à la création du cégep dans l'ouest de Montréal, mais, malheureusement, la décision a été autre à l'époque. Nous, ce qu'on réclamait, c'est que L'Assomption, ça devienne un campus du cégep de Joliette. Ça s'est transformé par la création d'un cégep régional plutôt que L'Assomption devienne un campus du cégep de Joliette. Donc, sur le fait qu'il y ait la création d'un cégep régional, nous ne sommes pas opposés. Par contre, même sur le modèle tel qu'il est prévu à l'intérieur du projet de loi, les enseignantes et les enseignants n'ont pratiquement pas été consultés. Là-dessus, il reste même beaucoup d'inquiétudes à cet égard-là.

La Présidente (Mme Blackburn): Vous vouliez compléter, Mme Côté?

Mme Côté (Marjolaine): Bien, justement, par rapport à la consultation, c'est un peu aussi une invitation qu'on veut faire et qu'on souhaite, qu'on soit invités aux consultations, parce que, lorsque arrivent des situations comme ça, on a toujours l'occasion de donner notre point de vue, et, au moins, si on est écoutés, bien, on peut faire valoir nos droits et notre point de vue.

Je dirais, en terminant, que, oui, peut-être que ce serait bien que dans le projet de loi on prévoie des mesures prévoyant les transferts de personnel lorsque arrivent des fusions. Ça l'est déjà dans le projet de loi modifiant la Loi sur l'instruction publique, il y a des dispositions qui sont prévues à cet égard. Alors, ça pourrait être possible dans le projet de loi actuel aussi. Si on avait eu l'occasion d'étudier plus longuement, on aurait pu analyser davantage et compléter davantage aussi nos réponses.

M. Gautrin: Merci, madame.

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, Mme Côté. Mme la ministre, quelques minutes.

Mme Marois: C'est ça, je vérifiais, il y a eu effectivement, je pense, des rencontres assez systématiques de la part de M. Gaudreau, qui avait la responsabilité de réfléchir, de consulter, justement, et de proposer le résultat auquel nous arrivons aujourd'hui. Évidemment, une consultation, ou des rencontres d'information dans certains cas, de consultation dans d'autres cas, ça ne veut pas nécessairement dire que tout ce que l'on propose va être retenu, je pense que c'est clair, mais il reste qu'il y en a eu. Est-ce qu'on aurait voulu que ce soit plus long? Ça, c'est autre chose.

Mais, moi, j'aimerais ça cependant... Je ne veux pas revenir sur ça. J'aimerais peut-être plus vous rassurer qu'autre chose, parce que, un peu comme M. Patry l'a dit, je pense que vous l'avez mentionné, le fait qu'il y en a eu, des fusions, déjà, ou des transformations, pas des fusions comme des transformations – je pense à Beauce-Appalaches, je pense que vous le mentionniez d'ailleurs tout à l'heure, Marie-Victorin, bon, et surtout dans le cas présent où c'est les mêmes syndicats qui représentent les personnels... Alors, évidemment, jusqu'à maintenant en tout cas, on n'a eu aucun problème et on n'en prévoit pas non plus, et, s'il y en avait, bien, il y a des mécanismes de prévus dans nos lois, dans nos codes du travail, etc. Mais notre intention, évidemment, est de faire en sorte que le personnel qui est là continue d'oeuvrer dans les institutions. Chacune, évidemment, a ses conventions; alors, qu'est-ce que ça impliquera éventuellement pour les mises à niveau des conventions? J'imagine que ça va se faire dans un processus normal et habituel de négociations et de discussions. Mais je comprends bien que c'est les mêmes unités syndicales, les mêmes syndicats qui représentent l'une ou l'autre des unités.

Alors, moi, je suis, sur ça, très rassurée et je pense que je peux essayer de vous transmettre ça: je ne prévois pas de difficultés, comme on a pu le faire dans beaucoup d'autres institutions. Et, à cet égard, ça devrait bien se passer. De toute façon, il y a des mécanismes dans nos codes du travail et, autrement, dans nos conventions qui prévoient des règles, et on va être respectueux de cela, on n'a jamais prévu passer à côté de nos règles.

Par ailleurs, sur la question de la sous-traitance, là, j'ai de la difficulté aussi à vous suivre sur ce terrain-là, parce que, dans le fond, quand une institution a un pouvoir en termes d'autorité, c'est-à-dire d'institution comme... comment on dit ça?

Une voix: Une personne morale.

Mme Marois: Une personne morale, bon. Comme personne morale, elle a un pouvoir d'embaucher, de contracter, etc. On fait simplement le dire ici et non pas lui attribuer des pouvoirs autres qu'elle n'aurait déjà. Mais, pour faire ça, elle le fait dans le cadre, d'une part, de la loi générale et, par ailleurs, d'ententes déjà signées avec ses syndicats. Alors, ça ne l'autorise pas à outrepasser ou à passer à côté des ententes déjà signées par ailleurs avec le syndicat. On se comprend bien? Je pense que c'est Mme Côté, tout à l'heure, qui faisait référence justement aux règles qui prévoient qu'on ne peut pas, si c'est fait dans le cadre d'emploi... qu'on remplacerait le personnel déjà syndiqué. Tout ça continue à s'appliquer demain matin. J'imagine que la nouvelle constituante qui va apparaître, évidemment, va être... on va y embaucher du personnel qui va être syndiqué dans vos associations et les conventions qui vont s'appliquer vont être celles que vous connaissez maintenant.

La Présidente (Mme Blackburn): Alors, Mme la ministre...

Mme Marois: Enfin, c'est pour ça que je...

La Présidente (Mme Blackburn): ...avec la complicité de l'opposition, je vous ai laissé largement déborder...

Mme Marois: Ah oui!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gautrin: La complicité!

Mme Marois: Il me semble qu'on nous contraint tout le temps. Ha, ha, ha!

M. Gautrin: ...votre temps, chère amie.

Mme Marois: Merci, mon cher collègue.

La Présidente (Mme Blackburn): M. Patry.

(17 h 40)

M. Patry (Pierre): Mais je vous dirai, il y a plus que ça. Quand on regarde le modèle du cégep régional, à l'intérieur de ça, effectivement, on prévoit des constituantes et c'est le conseil d'administration qui va prévoir la répartition des programmes entre les différentes constituantes. Nous, ce que l'on dit là-dessus, c'est: Dans un contexte de compressions budgétaires important, où il y a eu une accentuation au moins dans les trois dernières années et, même, c'est des compressions depuis le début des années quatre-vingt, mais ça s'est certainement accentué dans les trois dernières années, à partir de 1995 jusqu'à 1998... Si jamais les compressions s'appliquaient, ce serait de l'ordre de 200 000 000 $. On craint pour l'accessibilité aux études, parce que, si on crée plusieurs collèges régionaux, comme le projet de loi le permet – ça le permet, à la ministre, de créer des collèges régionaux – après ça, de revoir l'offre de formation entre les différentes constituantes... Le cégep régional de Lanaudière, c'est un exemple où ça a peut-être pu bien se dérouler, mais ça ne veut pas dire, par exemple, que, si on crée un cégep régional au Saguenay–Lac-Saint-Jean, qu'on crée un cégep régional sur la Côte-Nord, avec les distances...

Mme Marois: ...notre intention.

M. Patry (Pierre): Oui, c'est un exemple bien choisi pour Mme Blackburn... un cégep régional sur la Côte-Nord, avec les distances que ça occasionne, puis qu'on se partage l'offre de formation, ça va être désastreux pour l'accessibilité aux études supérieures de ces populations-là. Nous, je vous dirais qu'on ne demande qu'à être rassurés. C'est pour ça qu'on dit: Mettons fin aux compressions budgétaires, que la ministre fasse connaître ses intentions et qu'on en débatte, de ces intentions-là. Mais une chose est claire, c'est que, si on n'est pas capables de faire ça quand on est convoqués à une commission parlementaire un mardi pour se présenter pour un mercredi, nous, on pense que, si on veut reconfigurer le réseau des cégeps comme ça semble être permis par la loi, ça, ça prend un large débat public puis c'est ça qu'on demande à la présente commission.

La Présidente (Mme Blackburn): Bien.

Mme Marois: Je suis d'accord, Mme la Présidente, que, si c'était ça qu'on voulait faire et qu'on faisait et qu'on s'engageait à faire, nous devrions avoir ce débat. Vous avez raison. Ce n'est pas ce que nous voulons faire.

La Présidente (Mme Blackburn): Bien. J'avais une question que je voudrais brève parce que le temps est presque terminé. Tout à l'heure, la Fédération des cégeps suggérait que le chapitre II, intitulé Collège régional , même s'il n'était construit que pour le collège de Lanaudière, ils suggéraient qu'il y ait probablement quelques petites modifications. Vous, est-ce que vous estimez que, telle que rédigée, la partie «collège régional», puis vous connaissez un peu toute la problématique du collège de Lanaudière... est-ce qu'il y a des modifications à y apporter?

M. Patry (Pierre): D'abord, on pense que ça ne devrait pas être un modèle qui soit fait pour l'ensemble du réseau, surtout avec les pouvoirs qui sont dévolus à la ministre quant à la fusion, création, et ainsi de suite. Ça, c'est la première des choses.

La Présidente (Mme Blackburn): Ça, ça va. Mais, pour le cégep de Lanaudière?

M. Patry (Pierre): Deuxième des choses, il faudrait associer le personnel en place. Donc, il faudrait faire vérifier ça auprès des enseignantes et enseignants, personnel de soutien, professionnels non enseignants, au moins des deux constituantes qui existent à l'heure actuelle. Après ça, on pourra convenir, si jamais un modèle agrée à l'ensemble des personnes puis du personnel en place, d'un modèle qui s'appliquera pour le cégep régional de Lanaudière.

La Présidente (Mme Blackburn): Bien. Alors, permettez-moi, M. Patry, Mme Chouinard et Mme Côté, de vous remercier, au nom des membres de cette commission, d'avoir répondu à notre invitation.

Des voix: Merci.

La Présidente (Mme Blackburn): Nous suspendons les travaux. La commission suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 43)

(Reprise à 20 h 5)

La Présidente (Mme Blackburn): Mesdames, messieurs, Mme la ministre, M. le porte-parole de l'opposition officielle. Alors, M. le secrétaire, on a quorum?

Le Secrétaire: Oui, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Blackburn): Je déclare donc la séance ouverte. Vous me permettez de rappeler le mandat de la commission, qui est de procéder à des consultations particulières sur le projet de loi n° 166, Loi modifiant la Loi sur les collèges d'enseignement général et professionnel et d'autres dispositions législatives. Alors, tel qu'il était prévu au moment où on vous a présenté l'ordre du jour de cette séance, nous recevrons maintenant la Fédération des enseignantes et enseignants de cégep.

Alors, M. le président, vous vous présentez et vous nous présentez les personnes qui vous accompagnent. Je rappelle brièvement les règles: une quinzaine de minutes pour la présentation, suivies d'un échange de 30 minutes avec les membres de la commission. Alors, la parole est à vous.


Fédération des enseignantes et enseignants de cégep (FEEC)

M. Lachance (Daniel): Merci, Mme la Présidente. Mme la Présidente, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, M. Sorel, qui est président de la Fédération des enseignantes et enseignants de cégep est avec moi. Mais, comme vous le savez, la CEQ regroupe les personnels de toutes les catégories dans les collèges, dans une quarantaine de collèges. Mon nom est Daniel Lachance, et c'est à titre de vice-président de la CEQ que je serai porte-parole ce soir pour la présentation du mémoire conjoint que nous tenons à vous présenter.

Est avec moi, comme je vous le signalais, M. Réginald Sorel, qui est président de la Fédération des enseignantes et enseignants de cégep. M. Sorel est aussi enseignant au Cégep de Victoriaville. Vous comprendrez, Mme la ministre, qu'à ce titre il est particulièrement préoccupé par les questions qui touchent l'autonomie financière des collèges, l'expérience de Victoriaville étant ce qu'elle est. M'accompagnent aussi M. Normand Picard, vice-président de la Fédération du personnel de soutien, et M. Jacques Legault, président de la Fédération de personnel professionnel des collèges, de même que M. François Beauregard, à ma gauche, qui est conseiller à la CEQ.

Mme la Présidente, Mme la ministre, MM., Mmes les députés. La réalisation du plan d'action ministériel pour la réforme de l'éducation devait se traduire par l'adoption d'amendements à la loi des collèges, par des modifications au règlement des études et par de nouvelles règles de financement. À ce jour, seul le projet de loi est connu et aucune consultation publique n'est prévue sur l'ensemble de la réforme proposée pour les collèges. Les modifications au règlement des études ont été reportées en février et le Conseil du trésor n'a pas encore pris de décision concernant les règles budgétaires.

C'est donc en pièces détachées que le gouvernement nous livre son projet de réforme pour les collèges. De là notre difficulté à porter un jugement d'ensemble et à bien saisir la portée du projet de loi n° 166. Pour la CEQ, cette deuxième phase de la réforme de l'éducation comporte des éléments structurants pour le réseau collégial. Elle mérite donc que l'on y accorde toute l'attention voulue.

Il est vrai qu'il y a eu un large débat public à l'occasion des états généraux sur l'éducation, mais, sauf erreur de notre part, jamais la Commission des états généraux n'a suggéré des fusions massives d'établissements, pas plus qu'elle n'a suggéré une déréglementation complète des attestations d'études collégiales. Par ailleurs, l'autorisation que le projet de loi confère aux collèges de viser la recherche de profits par leurs activités connexes à l'enseignement soulève des enjeux éthiques dont il faut débattre publiquement dans un autre cadre, plus large que celui d'audiences particulières comme aujourd'hui. Enfin, le débat sur la Loi sur l'instruction publique occulte presque complètement celui sur la loi des collèges.

Pour toutes ces raisons, nous pensions qu'il n'y a pas lieu de précipiter l'adoption du projet de loi n° 166 et qu'il vaudrait mieux reporter toute cette question à l'hiver, au moment où les modifications au régime pédagogique seront connues.

L'ampleur des changements proposés justifie pleinement notre demande de débat public. Le gouvernement nous demande de nous prononcer sur le projet de loi, c'est ce que nous allons faire dans les minutes qui suivent, mais notre présence ici ne doit pas être interprétée comme un accord à une démarche qui cherche à éluder le débat public.

Présenté par le gouvernement comme des ajustements mineurs, ce projet de loi et les autres pièces réglementaires qui l'accompagneront pourraient, au contraire, avoir d'importantes répercussions sur l'organisation scolaire, l'accessibilité à la formation, la gratuité des études, le financement des collèges et l'emploi.

Ce projet de loi traduit, selon nous, trois intentions politiques principales. Il vise notamment à forcer la création de collèges régionaux, à déréglementer les attestations d'études collégiales, à accorder plus d'autonomie aux collèges et leur permettre d'accéder à des sources privées de financement.

Le projet de loi accorde au gouvernement le pouvoir d'instituer des collèges régionaux formés d'un ou de plusieurs collèges sur recommandation de la ministre et après consultation du Conseil supérieur de l'éducation. La raison principale invoquée par le gouvernement pour introduire ces dispositions est de donner une assise juridique au nouveau collège régional de Lanaudière. Cependant, l'analyse du projet de loi indique que les intentions du gouvernement vont bien au-delà de la normalisation de la situation juridique de ce nouveau cégep.

Lors de sa présentation à l'Assemblée nationale, la ministre a insisté sur le fait qu'elle n'avait pas l'intention d'obliger les cégeps à se fusionner. Si l'intention du gouvernement n'est pas de contraindre les collèges à se fusionner, pourquoi, alors, la ministre se donne-t-elle le pouvoir d'imposer des regroupements d'établissements? Si l'intention du gouvernement n'est pas de procéder à des fusions massives, pourquoi annoncer dans le plan d'action ministériel que des changements aux règles budgétaires seront apportées afin – et je cite – «d'inciter les collèges à regrouper leurs services administratifs ou à se fusionner»? Pour nous, la meilleure façon de ne pas procéder à des fusions massives, c'est encore de ne pas se donner les moyens de le faire.

(20 h 10)

Les changements aux règles budgétaires. Les compressions budgétaires de 80 000 000 $ annoncées pour l'an prochain ainsi que les nouvelles dispositions législatives pourraient forcer le regroupement de cégeps actuellement autonomes sur le plan juridique. Dans les centres urbains de Montréal et de Québec, des mégacollèges pourraient voir le jour. Dans les régions, de nouvelles entités pourraient lier juridiquement et administrativement des établissements éloignés de plusieurs dizaines de kilomètres.

Par ces regroupements, le gouvernement cherche à diminuer les coûts administratifs des collèges. Néanmoins, les différents travaux menés par la Fédération des cégeps tendent à démontrer qu'il n'y a pas d'importantes économies à réaliser par la création de superstructures. Par contre, les différents scénarios de fusion créent une grande insécurité parmi le personnel.

L'impact de tels regroupements se ferait principalement sentir sur l'emploi du personnel de soutien et du personnel professionnel. Or, ces deux catégories de personnel ont été particulièrement éprouvées par les compressions budgétaires. Depuis des années, on ajoute compressions sur compressions. Résultat, les services aux élèves se détériorent, l'encadrement pédagogique diminue, les employés cumulent les tâches, des emplois ont été perdus, et le climat de travail devient de moins en moins favorable à la réussite éducative. C'est donc sur cette toile de fond passablement sombre que se dessine le véritable «virage succès» du ministère de l'Éducation.

Ce dont les élèves du réseau collégial ont besoin présentement, c'est que tous les efforts convergent pour accroître l'encadrement afin d'améliorer la réussite. Or, c'est exactement le contraire qui est en train de se produire. Non seulement s'apprête-t-on à diminuer ces services de façon draconienne, avec la nouvelle vague de compressions qui va s'abattre sur le réseau collégial, mais on oriente les efforts vers un brassage de structures qui mobilisera toutes les énergies et détériorera le climat de travail.

Nos inquiétudes en regard de la diminution de l'encadrement sont d'autant plus fortes que le gouvernement pourrait être tenté, comme le réclame la Fédération des cégeps, d'accroître le ratio maître-élèves pour financer ces compressions. Puisque la tâche des enseignantes et des enseignants s'est considérablement alourdie au cours des dernières années en raison des changements sociaux et des mesures de renouveau, l'augmentation du nombre d'élèves par groupe réduirait encore une fois l'encadrement nécessaire à la réussite.

D'éventuelles fusions ne pourraient qu'aggraver la situation de l'emploi du personnel, d'autant plus que le comité patronal de négociation refuse de négocier au national un protocole de transfert pour les employés touchés par d'éventuels regroupements, prétextant qu'il s'agit d'un sujet de compétence locale.

Pourtant, c'est la ministre qui se donne le pouvoir de contraindre les collèges à se fusionner. C'est le Conseil du trésor qui approuvera les nouvelles règles budgétaires qui inciteront les collèges à le faire, et c'est même le Conseil du trésor qui approuvera le niveau des compressions qui seront imposées à l'ensemble du réseau collégial. Comment, dans ce contexte, peut-on raisonnablement prétendre que l'impact d'éventuelles fusions des collèges est de responsabilité locale?

Il est à prévoir que les fusions accéléreront le processus de rationalisation des programmes de formation technique, puisque le pouvoir de répartir les options appartiendra désormais au conseil d'administration du collège régional et non à chacune des constituantes. Cette rationalisation implique des déplacements importants, particulièrement pour les étudiantes et les étudiants en région. Ces derniers pourraient dorénavant être plus nombreux à devoir quitter leur ville d'origine pour suivre le programme de leur choix.

Le projet de loi prévoit que les collèges pourront exiger des droits de scolarité pour les programmes conduisant à une Attestation d'études collégiales. De plus, la ministre a annoncé son intention de déréglementer les attestations d'études collégiales. Ainsi, un collège ne sera plus tenu d'obtenir l'autorisation de la ministre pour mettre en oeuvre une attestation d'études dans un domaine de formation pour lequel il n'offre pas un programme menant à un Diplôme d'études collégiales. Au ministère, on examine aussi la possibilité de permettre à des finissants du secondaire d'être admis directement dans un programme d'établissement menant à une A.E.C.

Ces modifications ont pour unique but, selon le ministère, d'accroître le rôle des collèges dans le domaine de la formation de la main-d'oeuvre. Elles visent à permettre aux cégeps de générer de nouveaux revenus en exigeant des frais aux entreprises qui souhaiteraient faire élaborer des programmes de formation répondant à leurs besoins spécifiques.

La ministre a donc promis que les étudiants qui bénéficient actuellement de la gratuité continueront d'en bénéficier après l'adoption de la loi et que l'enveloppe budgétaire du ministère pour les A.E.C. serait maintenue. Fort bien! Mais pour combien de temps? Si l'intention de la ministre est uniquement de charger des frais aux entreprises et de maintenir la gratuité pour les étudiants qui font une démarche individuelle, pourquoi, dans ce cas-là, abolir dans la loi la gratuité pour tous les étudiants inscrits à une A.E.C.? Qu'adviendra-t-il de cette promesse lorsque Mme Marois ne sera plus ministre de l'Éducation? Si l'intention est de faire une exception pour permettre aux collèges de charger des frais aux entreprises qui demanderont d'élaborer des programmes sur mesure, pourquoi ne pas en faire une exception dans la loi en maintenant le principe général de la gratuité?

Un autre point inquiétant du projet de loi est qu'il réserve la notion d'étudiant à temps plein aux seuls étudiantes et étudiants inscrits aux programmes menant à un D.E.C. Ce changement a pour effet de soustraire du régime de prêts et bourses les élèves inscrits à temps plein à une attestation d'études. D'un côté, on leur promet de maintenir la gratuité, de l'autre, on leur enlève toute possibilité d'obtenir l'aide financière nécessaire à la poursuite de leurs études.

La CEQ est d'accord avec l'accroissement du rôle des établissements publics en formation de la main-d'oeuvre. D'ailleurs, selon nous, les différents organismes gouvernementaux devraient être tenus d'accorder priorité aux établissements publics dans l'octroi des contrats de formation professionnelle et de la main-d'oeuvre. Cela exige notamment des collèges qu'ils puissent répondre efficacement aux demandes du marché du travail. Aussi, des assouplissements seront sans doute nécessaires. La possibilité pour les collèges d'élaborer des A.E.C. sans l'autorisation de la ministre fait sans doute partie de cette flexibilité dont les cégeps auront besoin pour répondre rapidement aux demandes de formation des travailleuses et des travailleurs en entreprise.

Toutefois, il ne faut pas se fermer les yeux sur certains effets indésirables introduits par ces nouveaux assouplissements. La déréglementation des attestations d'études soulève de nombreuses questions qui demeurent présentement sans réponse et qui doivent faire l'objet d'un débat public. L'autofinancement des attestations d'études ne conduira-t-il pas peu à peu le Conseil du trésor à imposer au ministère de se retirer du financement des A.E.C.? Ce retrait ne serait-il pas moins compliqué une fois les dispositions assurant la gratuité disparues de la loi? Dans une telle éventualité, les collèges qui espèrent sortir la tête hors de l'eau en puisant à cette nouvelle source de financement risquent de se retrouver une fois de plus sous la ligne de flottaison.

La déréglementation peut aussi avoir d'autres effets pervers. Dans un contexte budgétaire difficile, les collèges n'auront-il pas tendance à déplacer leurs maigres ressources vers les attestations payantes dans le but de générer des revenus pour soutenir d'autres activités? Ce déplacement de ressources professionnelles n'appauvrira-t-il pas davantage les services d'encadrement réservés aux élèves? La déréglementation des A.E.C. ne créera-t-elle pas une situation de concurrence face au D.E.C. au détriment de ce dernier?

L'abolition éventuelle des critères d'admission aux programmes menant aux A.E.C. pourrait conduire les jeunes à se diriger massivement vers un tel type de formation dans la perspective d'une insertion rapide sur le marché du travail. De plus, elle aurait pour effet d'accroître artificiellement les statistiques de diplomation du réseau collégial, car il est plus facile de réussir une formation d'une année que de réussir un D.E.C. de trois ans. Sur ce plan, l'image des cégeps serait rehaussée et, dans quelques années, les collèges pourront se vanter d'avoir accompli des miracles. Mais à quel prix?

Par contre, les A.E.C. n'offrent ni la polyvalence pour s'ajuster à un marché du travail en mutation ni la formation générale nécessaire à la poursuite d'études universitaires. En outre, une attestation d'études est un diplôme d'établissement qui est conçu pour le perfectionnement de la main-d'oeuvre et non pour la formation initiale. Cette déréglementation n'est donc pas, comme on le laisse entendre, une modification mineure au fonctionnement des collèges. Elle aura, si elle était adoptée telle que proposée, des incidences importantes sur l'insertion professionnelle des jeunes et le développement de la formation technique collégiale.

La loi actuelle prévoit qu'un collège peut exercer d'autres activités en plus des activités de formation. Il peut faire de la recherche appliquée, fournir de l'aide technique à l'entreprise, réaliser des projets d'innovation technologique, effectuer des recherches en pédagogie, élaborer des programmes de coopération internationale et permettre l'utilisation de ses installations et de ses équipements à des fins culturelles, sociales et sportives. Cependant, ces pouvoirs sont encadrés par une disposition qui stipule que ces attributions ne peuvent avoir pour objet essentiel de réaliser un bénéfice ni d'exploiter une entreprise commerciale.

(20 h 20)

Le projet de loi supprime une partie de cet encadrement en permettant aux collèges de réaliser des bénéfices. Cette orientation, peu compatible avec la mission fondamentale d'une maison d'éducation, est d'autant plus inquiétante que de nouvelles dispositions permettront aux collèges de faire passer la location de leurs différentes installations avant les demandes des étudiants pour les activités parascolaires. Ainsi, la recherche de profits passerait avant la mission de formation. Il nous apparaît évident que la population québécoise refuserait de permettre une telle évolution de ses cégeps publics. Mais, pour cela, faudrait-il d'abord qu'elle en soit informée.

En ce qui a trait au financement, les nouveaux pouvoirs discrétionnaires de la ministre sur les subventions de fonctionnement pour les programmes reliés au D.E.C. nous inquiètent. Nous aimerions que soient expliqués plus clairement les objectifs visés par cette disposition, puisque la formule FABES, si imparfaite qu'elle soit, faisait l'objet d'un consensus dans le réseau. Notre plus grande crainte à l'égard du financement est le décloisonnement de l'enveloppe 2-A. Nous ne voulons pas voir les ratios maître-élèves osciller en fonction des coûts de chauffage des établissements.

En résumé, la normalisation du statut juridique du cégep de Lanaudière n'exige pas de la ministre qu'elle dispose de pouvoirs étendus pour contraindre les collèges à se fusionner. Dans tous les cas, des protocoles de transfert pour les employés touchés par d'éventuelles fusions devraient pouvoir être négociés au niveau national. Les fusions d'établissements ne constituent pas une priorité pour le réseau collégial. Ce qu'il faut viser d'abord et avant tout, c'est la réussite des élèves. Pour ce faire, il faut leur offrir les meilleures conditions d'études possible. Ces conditions, déjà mises à rude épreuve par les compressions budgétaires des dernières années, risquent de se détériorer dramatiquement si le gouvernement allait de l'avant avec son projet de couper à nouveau de 80 000 000 $ les ressources de l'enseignement collégial.

En ce qui a trait aux A.E.C., il est logique d'exiger des frais aux entreprises qui souhaitent faire élaborer des attestations d'études collégiales sur mesure, mais cela n'exige pas que soit aboli le principe général de la gratuité pour les A.E.C. Cela exige encore moins de rendre inaccessible le régime de prêts-bourses aux étudiants inscrits à un tel type de formation. Enfin, les collèges devraient être autorisés à offrir des A.E.C. dans tous les secteurs où il existe un D.E.C. correspondant dans le réseau, afin de répondre efficacement aux besoins des travailleurs en entreprise.

La Présidente (Mme Blackburn): Bien. Je vais vous remercier, là-dessus, M. Lachance. Vous aviez presque terminé?

M. Lachance (Daniel): J'avais terminé, Madame.

La Présidente (Mme Blackburn): Oui. Je vous remercie. Alors, comme on a pris un peu plus de 18 minutes, il resterait donc 12 à 13 minutes pour chacune des parties. Mme la ministre, la parole est à vous.

Mme Marois: Merci, Mme la Présidente. Quand je lis votre mémoire et puis ceux qui nous été présentés avant, j'ai l'impression vraiment qu'on me prête des intentions que je n'ai absolument pas. C'est vraiment le sentiment que j'ai en lisant et votre mémoire et certains autres aspects d'autres mémoires qu'on a vus avant, et, en ce sens, je suis assez étonnée, finalement, parce que c'est comme si j'étais en train effectivement de proposer une réforme à l'égard des cégeps, et ce n'est pas du tout le cas, on n'en est pas là.

Au contraire, ce que j'ai dit à vos collègues qui vous ont précédés à cette table, c'est qu'effectivement nous avions décidé de ne pas retoucher à la question de la réforme déjà engagée au niveau des cégeps par le gouvernement qui nous a précédés, même si nous avons cru et nous croyons toujours que ce n'était pas la bonne façon de procéder, à savoir d'interpeller une institution ou un groupe d'institutions que sont les cégeps sans avoir par ailleurs revu l'ensemble du système; ce que nous avons fait, dans la foulée des états généraux, et ce à quoi nous procédons maintenant, n'est-ce pas, tant pour le préscolaire, le primaire-secondaire, que la formation professionnelle, que l'enseignement universitaire.

Nous procéderons à certains ajustements au niveau de ce qui concerne les cégeps, et notre attention portera d'abord et avant tout sur, effectivement, l'amélioration de la réussite, une meilleure harmonisation avec le niveau secondaire, autant au plan général qu'au plan technique et professionnel.

On sait combien je suis particulièrement préoccupée par toute cette question des passerelles et par le fait qu'il y ait ce meilleur arrimage entre les formations professionnelles et les formations techniques... mais que, d'autre part, on réussisse davantage à obtenir son diplôme de niveau cégep, tant en formation technique qu'en formation préuniversitaire, parce que, dans tous les cas, on est gagnant.

Mais, dans les faits, on ne retouche pas fondamentalement et essentiellement à ce qui se fait au niveau des cégeps. Et ce qui est proposé ici, ce sont des mesures qui permettent de se donner des moyens nouveaux, bien sûr, mais pas dans le sens où on nous dit ici, où on veut faire – je ne me souviens pas comment... – une fusion massive. Je pense que c'est l'expression qu'on a utilisée ici, «des fusions massives d'institutions». On veut le rendre possible et avoir des outils pour le faire si cela est souhaitable, mais nous ne croyons pas qu'il est utile à ce moment-ci d'aller dans ce sens-là, ni d'une façon particulière ni d'une façon systématique. Cependant, nous croyons que c'est nécessaire, et je crois que c'est nécessaire, qu'on puisse avoir ce moyen de le faire si – et je dis bien «si» – cela est utile.

On nous a dit tout à l'heure qu'on avait l'impression que l'initiative qui venait des collèges semblait disparaître à cet égard-là. Ce n'est pas du tout l'intention. S'il faut corriger des choses, on les corrigera, je suis tout à fait confortable avec cela. D'accord? Mais je pense que ce serait essayer de faire dire à ce projet de loi des choses, d'abord, qu'il ne dit pas et des intentions que nous n'avons pas. Et, ça, je pense que c'est important, sinon, effectivement, cela exigerait, si telle était l'intention, que l'on aille dans des débats beaucoup plus complets et en profondeur.

Par ailleurs, effectivement, nous nous donnons des moyens nouveaux pour nous assurer que nos institutions puissent offrir de l'enseignement sur mesure, de la formation sur mesure aux personnes qui sont en emploi et aux entreprises qui ont des besoins à cet égard-là, avec – avec – cependant, le fait que nous puissions sanctionner ces formations. On fait une bataille, vous le savez, on a un débat ensemble sur ça, et, moi, je suis très préoccupée par cette question-là: toute la reconnaissance des acquis. On fait un débat incroyable sur la reconnaissance des acquis. Je pense qu'il faut arriver à des outils un petit peu mieux articulés et organisés. Et j'ai quelques idées là-dessus, on va s'en parler bientôt.

Alors, ce qu'on dit, nous, c'est que, nos institutions qui ont les moyens de faire de la formation parce qu'elles ont les compétences, on leur dit: Vous allez rendre disponibles vos services aux entreprises et aux travailleurs de ces entreprises, et on va l'ouvrir à ceux et à celles qui voudraient venir chercher une formation et être sanctionnés par une attestation par la suite. Il me semble que, quand on va retomber ensuite dans le monde du travail, à une autre étape dans la vie de ces personnes, le fait qu'on ait en poche une attestation, ça va nous sauver, d'abord, bien du chemin sur la reconnaissance des acquis, mais, surtout, je pense que ça a une valeur. Ça n'a pas qu'une valeur symbolique.

Dans le fond, ce qu'on fait ici en ouvrant du côté des attestations et en permettant qu'il y ait des frais de chargés, c'est qu'on puisse aller exploiter, au sens noble du terme, un marché qui peut être très intéressant pour nos institutions d'enseignement. Et, actuellement, on le laisse à des formateurs qui, enfin, maintenant, sont mieux encadrés qu'ils ne l'étaient par le passé parce qu'il y a des reconnaissances de ces entreprises ou de ces intervenants, mais qui ne pourront jamais donner de diplômes. Alors, dans le fond, c'est ce qu'on fait.

Maintenant, c'est vrai qu'on pourra charger à l'entreprise, lui demander de rémunérer l'institution pour ce que ça coûtera à l'institution pour offrir cela.

Une voix: C'est déjà vrai.

(20 h 30)

Mme Marois: Évidemment, c'était déjà vrai, effectivement, mais on le fait d'une façon plus large parce qu'on permet d'ouvrir tous les champs où on a déjà des formations qui s'offrent, peu importe dans quel secteur, mais qui sont offertes, ces formations, par nos institutions. Et, je vous le dis, là, quand on fait référence au fait qu'il faudrait garantir dans la loi la gratuité là où elle existe, et tel qu'on l'a dit et que je l'ai dit d'ailleurs à l'Assemblée nationale et que je suis prête à le répéter ce soir... Il n'y a rien dans la loi qui prévoit ça actuellement. Ce sont les règles budgétaires qui le prévoient. Et, effectivement, c'est par la voie des règles budgétaires qu'on finit par couvrir telle ou telle réalité dans nos institutions. Alors, la loi actuelle ne vient rien changer par rapport à ça.

Juste une petite incidente. On est revenu souvent depuis le début de la journée sur ce 80 000 000 $ qui pourrait être demandé comme effort budgétaire. Ce sont les chiffres qui circulent à l'heure actuelle. Ce que j'ai dit déjà et ce que je répète, évidemment, c'est qu'aucune décision n'a été prise quant à l'effort budgétaire qui sera demandé à l'ensemble des réseaux. Ce que l'on sait, c'est qu'il y a des paramètres d'établis sur l'ensemble du budget du gouvernement du Québec et que nous avons, à l'Éducation, prévu un effet de bascule pour étaler l'effort budgétaire de telle sorte – non, non, le même que l'an dernier, quand même, chers collègues, rassurez vous – qu'on puisse assumer ça sans trop de douleur, même si je sais que c'est exigeant. Pourquoi croyez-vous... ou qu'est-ce qui vous fait dire que...

Une voix: ...

Mme Marois: C'est vrai. C'est parce que c'est important qu'on replace les choses. Mon collègue d'en face me dit que je parle beaucoup. C'est vrai, mais je pense que c'est important de replacer les choses, sinon on part sur de mauvaises prémisses. Et, si on part tout croche, bien, évidemment, on risque de ne pas s'entendre tout le long de la démarche. Alors, il faut que les choses soient claires et que les intentions soient connues. Après ça, on peut parler correctement de ce qu'on veut faire.

Moi, je veux que vous m'expliquiez. D'abord, je veux savoir si vous êtes d'accord avec le fait qu'on ouvre ces possibilités à nos collèges pour qu'ils puissent aller offrir de telles formations dans les entreprises, aux travailleurs et aux travailleuses qui sont en emploi et qui pourront ainsi bénéficier d'une attestation formelle délivrée par l'institution. Puis je pense que c'est important parce que ça sanctionne, ça reconnaît du travail fait. Je veux savoir si vous êtes d'accord avec ça et si vous trouvez que ça a du bon sens qu'on ouvre ça, ou on dit: Non, on doit absolument fermer ça, et puis, ça, laissez ça aux autres formateurs qui sont sur le terrain, et c'est à eux de faire ça, qui sont des établissements privés qui n'offriront pas, dans certains cas, à moins que ce soient des collèges privés avec les permis du ministère, de décerner des diplômes, mais, dans les autres cas, on sait fort bien que ce n'est pas la situation.

Alors, un: Qu'est-ce qui vous fait dire qu'on veut aller vers des fusions massives d'établissements? Qu'est-ce qui, dans les propos qu'on a tenus d'une façon ou d'une autre, vous laisse entendre ça, à part un article qui dit: On peut fusionner, «on peut»? J'essaie de voir. Est-ce que quelqu'un quelque part a dit ça, a souhaité ça? Est-ce que la loi prévoit ça?

La Présidente (Mme Blackburn): Alors, la réponse viendra de M. Lachance.

M. Lachance (Daniel): Oui, et de mes collègues. La première chose, Mme la ministre, que je voudrais souligner, c'est que je suis content de vous entendre dire que, je dirais, plus les perceptions que les intentions que vous trouvez que nous vous prêtons, nous ne sommes pas les seuls à vous les prêter. C'est rassurant de savoir qu'à peu près tous les groupes dans la communauté collégiale ont cette perception à la lecture du projet de loi, ont cette même perception.

Alors, moi, je pense que, de votre côté, du côté du gouvernement, comme vous l'avez signalé d'ailleurs, s'il y a des choses à changer, on est prêts à regarder ça puis à les changer. Mais je pense qu'il y a un signal important. Si à peu près tout le monde dans la communauté fait la même lecture, il y a comme un message quelque part.

Comment, dans la loi, pouvons-nous faire la lecture, me demandez-vous, qu'il y aura des fusions massives? Écoutez, on n'a pas élaboré un scénario apocalyptique. Au-delà de la ministre Pauline Marois, il y a une loi qui va ressortir des débats actuels. Et, dans cette loi, la ministre ou un autre ministre aura le pouvoir de procéder à ces fusions non seulement sur la base de la volonté de la communauté des collèges dans une région, mais la ministre pourra imposer ces fusions de collèges. Et, ça, c'est une lecture très objective du projet de loi et non pas subjective. On n'est pas dans le domaine des intentions, on est dans le domaine de la lecture d'un projet de loi qui stipule clairement les prérogatives et les pouvoirs de la ministre. Donc, je pense que, sur cette question-là, c'est très clair. Et nous, on ne pense pas que le cas d'espèce que représente Lanaudière, auquel il faut effectivement donner une réponse, c'est une loi qui doit donner une réponse à ça, parce que la loi, elle s'applique à l'ensemble des collèges. Or, il y a un problème spécifique à régler. Donc, je ne pense pas qu'on est dans le domaine des intentions.

Sur les A.E.C. Je pense que j'ai été clair dans mon propos sur le fait qu'il y ait des frais chargés aux entreprises pour les A.E.C., on est d'accord avec cette flexibilité-là. On serait en contradiction avec nos propres propos dans d'autres dossiers, effectivement. Il est de la responsabilité de l'État, du ministère et des institutions publiques d'être capables de répondre aux besoins des entreprises, des travailleuses et des travailleurs. Ce n'est pas là-dessus qu'on a des problèmes, de même que sur une certaine déréglementation.

Là où on a plusieurs questions qui sont sans réponse à ce moment-ci.... Et c'est pour ça qu'on vous dit qu'il y a un débat important là, que ce ne sont pas des ajustements mineurs qu'il y a dans ce projet de loi là, et c'est pour ça qu'il faut se donner le temps de faire les débats. Il manque des pièces comme les règles budgétaires, vous y avez fait référence vous-même il y a quelques minutes en disant: Ça sera dans les règles budgétaires. Qu'est-ce qui sera dans les règles budgétaires, sur ces questions-là? Nous, on veut avoir le menu au complet, Mme Marois, pour être capables de voir la portée réelle de l'ensemble des articles qu'il y a dans ce projet de loi là.

Et il y a plusieurs effets pervers potentiels sur une déréglementation totale des A.E.C., y compris pour l'accessibilité des étudiants qui sortiraient avec un D.E.P. du secondaire, une accessibilité directe et automatique potentielle – mais on verra clair dans tout ça quand on aura le portrait au complet – et concurrence potentielle avec le D.E.C. technique, concurrence potentielle avec les attestations spécialisées professionnelles du secondaire.

Il y a beaucoup de questions qui restent sans réponse et il y a des éléments du puzzle, si vous me passez l'expression, qui seront sur la table dans quelques mois. Et, nous, on pense que, pour faire un débat sérieux sur cette question-là... Vous l'avez dit vous-même: Si ce qu'il y a sur la table comme projet de loi était structurant, il faudrait prendre le temps de faire le débat.

C'est notre prétention que c'est structurant. Notre prétention, c'est qu'il y a eu la phase I de la réforme des collèges et qu'on est devant une phase II de la réforme des collèges. Il faut prendre le temps. Il ne s'agit pas de se prêter des intentions, mais, quand on a toutes les pièces sur la table, il n'y a pas d'intentions qui se prêtent, on n'a pas juste l'impression, on a l'assurance que tout le monde joue avec les mêmes règles du jeu. Alors, je ne sais pas si j'ai des collègues qui veulent ajouter, peut-être particulièrement sur la question des A.E.C. Réginald?

La Présidente (Mme Blackburn): C'est que le temps qui est imparti à Mme la ministre est largement dépassé. Vous pourriez peut-être profiter de la question du porte-parole officiel de l'opposition à l'enseignement supérieur pour répondre à Mme la ministre. Alors, M. le député de Verdun.

M. Gautrin: J'aurais peut-être des questions propres à poser. Moi, je suis assez d'accord avec vous. Ça me fait penser au Petit Chaperon Rouge! Je ne sais pas si vous connaissez l'histoire du Petit Chaperon Rouge. Le loup dit toujours qu'il ne veut manger personne: Vous pouvez venir tranquillement. Et là la ministre fait un peu le rôle du loup. Elle dit: Surtout, je ne vais pas vous manger, il n'y a pas de problème, vous pouvez venir tranquillement voir votre mère-grand. Mais je me donne les pouvoirs, je me donne les pouvoirs de forcer les fusions, je me donne aussi les pouvoirs de pouvoir mettre fin aux lettres patentes de certains collèges. Je n'ai aucunement l'intention de revoir la formule FABES. Néanmoins, je me donne un article, l'article 21, pour me permettre de remettre tout en question si je veux, mais je...

Mme Marois: ...

M. Gautrin: Mais non. Mais vous me dites que vous ne voulez pas le faire, mais vous me donnez l'article 21 qui vous donne ce pouvoir-là. Alors, je comprends bien. Il y a des loups qui ne mangent pas le Petit Chaperon Rouge. Vous êtes peut-être de la génération des loups qui ne mangent pas le Petit Chaperon Rouge. Mais vous comprenez bien que les petits chaperons rouges, quand ils viennent devant nous, disent: On a peur des loups. Parce qu'il y a des loups qui vont manger des chaperons rouges. Et là, à l'heure actuelle, même si vous dites que vous ne mangerez pas, c'est un élément qui nous crée beaucoup, beaucoup d'inquiétude, et, je pense, particulièrement le point de vue que vous avez. Autrement dit, lorsqu'on se donne des pouvoirs, on a beau dire: Je ne les utiliserai jamais, si on se donne des pouvoirs, c'est probablement qu'on a l'intention, une fois ou l'autre, de pouvoir les utiliser.

(20 h 40)

Je vais rentrer sur deux points qui me préoccupent et qui ne touchent pas, donc, tout le débat, sur lequel je partage la même analyse que vous, qui sont la question du cégep régional et, le deuxième élément, sur les A.E.C. Sur le cégep régional, vous êtes inquiets, comme l'ont été avant vous vos collègues de la CSN, sur: Comment, dans les mécanismes de fusion, on va protéger, en quelque sorte, le personnel? Et je vous relance la même question que j'ai lancée à vos collègues: Qu'est-ce qu'il y aurait comme article transitoire nécessaire, au moins dans ce projet de loi – si tant est que ce projet de loi, on ne le conçoive simplement que pour le cégep de Lanaudière – qui pourrait protéger l'objectif que j'ai, que vous avez, vous, et qu'ont, eux aussi, vos collègues de la CSN de protéger les emplois des personnes dans les mécanismes de transfert? Ça, c'est ma première question. J'en aurai une deuxième qui sera complètement différente, qui touchera, à ce moment-là, les A.E.C.

La Présidente (Mme Blackburn): Ça serait peut-être prudent de poser votre deuxième tout de suite.

M. Gautrin: Alors, si vous me permettez, Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Blackburn): Oui, je vous en prie.

M. Gautrin: ...compte tenu du temps, je vais poser ma deuxième question.

Vous avez soulevé un problème qui me préoccupe, moi aussi, c'est-à-dire que vous dites: Le fait qu'on ouvre les A.E.C. et qu'on facilite les entrées dans les A.E.C. – les attestations d'études collégiales – peut avoir un effet direct sur le Diplôme d'études collégiales et sur le fait que les étudiants au professionnel, au lieu d'avoir une pleine formation, vont aller chercher – ce que j'ai cru comprendre dans votre argumentation – une formation au rabais ou plus courte, qui serait une formation dans les attestations d'études collégiales. J'ai cru percevoir ça dans votre mémoire. Je voudrais savoir si vous pouvez élaborer un peu plus sur ces principes-là, donc, deux questions qui sont bien différentes mais qui me préoccupent actuellement.

La Présidente (Mme Blackburn): Bien. M. Lachance.

M. Lachance (Daniel): Mme la Présidente, effectivement, nous avons des solutions pour aborder les problèmes reliés à des fusions éventuelles de collèges. On parle de protocoles de transfert. Et, là-dessus, je demanderais à M. Picard, de la Fédération du personnel de soutien, de répondre. Quant à la question des A.E.C. et les menaces qu'une filière courte pourrait faire porter sur le Diplôme d'études collégiales en formation professionnelle et technique, je vais demander à M. Sorel, ensuite, d'enchaîner sur cette question-là.

La Présidente (Mme Blackburn): Alors, M. Picard.

M. Picard (Normand): Oui. Pour la question de la protection des personnels comme tels, c'est déjà prévu; on n'invente rien, c'est déjà prévu dans la Loi sur l'instruction publique, au niveau des commissions scolaires. Il y a déjà de prévu des protocoles d'intégration lorsqu'il y a des fusions de commissions scolaires. On pense que, effectivement, ce modèle-là, il pourrait être adapté au niveau collégial. Deuxième élément, aussi, et ça, pour nous autres, c'est important, c'est que cette loi-là ou ce protocole-là soit négocié avec la partie syndicale nationale, mais d'une façon nationale, pour ne pas avoir de disparités d'un collège à l'autre ou d'une région à l'autre, comme tel.

M. Gautrin: Est-ce que je peux vous interrompre, monsieur?

M. Picard (Normand): Oui.

La Présidente (Mme Blackburn): M. le député.

M. Gautrin: Comprenez-moi bien. Nous, notre rôle, actuellement et dans les jours qui vont venir, c'est un rôle de législateur. J'interprète votre réponse de la manière suivante. Vous nous dites: Regardez dans la Loi sur l'instruction publique, là vous allez trouver, si vous regardez les questions de fusion de commissions scolaires – et j'avoue mon ignorance un peu sur cette question-là – il y aura matière à réponse à vos préoccupations. En privé, je vous demanderai quels sont les articles, je ne vais pas vous les demander nécessairement ici. Vous comprenez bien qu'on ne peut pas mettre dans la loi un élément de négociation. C'est le gouvernement qui négocie. La loi ne peut pas dire: On négocie telle chose. Vous comprenez?

M. Picard (Normand): O.K.

La Présidente (Mme Blackburn): Alors, vous poursuivez, M. Picard.

M. Picard (Normand): Ça va. C'est juste dans ce sens-là, je pense, que c'est prévu. Il est même prévu une négociation comme telle avec la partie syndicale – on pourra vous donner les articles après – ça pourrait être un modèle. Parce que présentement, au niveau des collèges – puis Daniel l'a donné tout à l'heure – au niveau des personnels, il y a une insécurité très grande par rapport à toute cette question-là des fusions. Je pense que c'est important que les personnels sentent qu'il y a quelque chose d'important et qu'ils vont pouvoir négocier, comme tel, ce protocole-là.

La Présidente (Mme Blackburn): Bien, alors, M. Sorel, c'est sur les A.E.C.?

M. Sorel (Réginald): Oui.

La Présidente (Mme Blackburn): S'il vous plaît...

Mme Marois: Il y a deux articles dans le projet de loi qu'on étudie qui font référence aux droits et obligations des collèges qui sont fusionnés, qui deviennent les droits et obligations du nouveau collège, et on le répète à deux endroits.

M. Gautrin: À quel endroit, madame?

Mme Marois: On le dit à l'article 24 qui vient modifier l'article 30 et au chapitre...

M. Gautrin: L'article 24, c'est celui qui vous donne le pouvoir de fusionner?

Mme Marois: Oui, mais c'est ce qu'on craint. Ce dont on parle, c'est que, effectivement, s'il y a des personnels qui sont concernés lorsqu'il y a une fusion, quelle sorte d'inquiétude on a? Alors, on dit: Les droits et obligations des collèges qui sont fusionnés deviennent les droits et obligations du nouveau collège. Or, s'il y a une obligation fondamentale dans un collège, c'est bien le personnel qui le compose, qui y est embauché. Et c'est vrai aussi à l'article 31. C'est juste pour qu'on ait cet éclairage-là, parce que, sans ça...

M. Gautrin: Non, non, mais c'est intéressant, ce que vous me dites, parce qu'on rentre sur un débat, ici. Mais c'est intéressant, ce que vous nous dites, je comprends ça. Néanmoins, quels sont les mécanismes d'intégration, etc.? C'est bien beau qu'on dise qu'il y a transfert de responsabilités, mais je pense que l'inquiétude que notre ami soulève est beaucoup plus fondamentale, si vous me permettez, que de dire que les droits et obligations continuent à être maintenus.

La Présidente (Mme Blackburn): Alors, si vous permettez, on va donner la chance à M. Sorel de répondre.

M. Gautrin: Excusez-moi.

La Présidente (Mme Blackburn): Ou peut-être M. Picard, qui voulait terminer l'information sur le transfert des responsabilités. Voulez-vous rajouter un peu?

M. Picard (Normand): C'est juste dire qu'il faut que ça soit négocié nationalement. Ce n'est pas vrai qu'on va laisser chaque institution régler cette question-là. Je pense que les gens s'attendent que, nationalement, il y ait un protocole qui soit...

La Présidente (Mme Blackburn): Mais vous trouvez insuffisant, si je comprends bien, en haut de la page 8: «Les droits et obligations des collèges qui sont fusionnés deviennent les droits et obligations du nouveau collège.»

M. Picard (Normand): C'est ça.

La Présidente (Mme Blackburn): Ce n'est pas suffisant.

M. Picard (Normand): Non.

La Présidente (Mme Blackburn): Bien. M. Sorel, sur les A.E.C.?

M. Sorel (Réginald): Oui. D'abord, j'ai bien aimé votre histoire, votre petite histoire du Petit Chaperon Rouge. Quand on parle...

M. Gautrin: J'ai une fille qui a deux ans, voyez-vous, c'est pour ça.

M. Sorel (Réginald): Quand on parle d'A.E.C., on touche un volet de l'enseignement collégial qui est très important. D'ailleurs, je crois que les états généraux, ce qui est sorti de là au niveau des collèges, c'est de dire que c'est une réussite, la formation professionnelle au collège. Et c'est une réussite que les jeunes puissent avoir une formation complète, aussi bien que devenir des techniciens et des techniciennes de qualité. Et nous, nos craintes, elles sont là parce qu'on ne connaît pas l'ensemble de la réglementation, c'est de dire: Quand on commence à jouer avec ça, quand on commence à ouvrir un autre diplôme en formation professionnelle, quand on ne connaît pas les règles qui vont déterminer l'accessibilité à ce nouveau diplôme là, est-ce qu'on est en train de créer un deuxième diplôme, peut-être à rabais, qui va attirer des jeunes, qui va faire en sorte qu'ils vont aller dans ces programmes-là plutôt que d'aller dans les programmes D.E.C. où ils ont une formation de qualité complète?

Il faut dire aussi que ce n'est pas les jeunes qui vont choisir ces A.E.C. là, c'est les collèges. C'est les collèges avec des partenaires. Puis les collèges vont les choisir dans le contexte des restrictions budgétaires, puis les choix vont se faire par rapport à des A.E.C. qui vont apporter du financement aux collèges.

M. Gautrin: Des A.E.C. payantes.

M. Sorel (Réginald): Ah! Et, moi, je suis bien placé pour parler de ça. À mon collège, à Victoriaville, on est particulièrement actifs dans ce sens-là, de trouver des partenariats et des A.E.C., et tout ça. Et la préoccupation première de la direction des collèges, c'est de trouver des A.E.C. qui vont apporter du financement aux collèges. Et on a déplacé la perspective de la mission fondamentale du collège, forcés par les restrictions budgétaires, forcés par la déréglementation budgétaire, forcés pour toutes sortes de raisons, mais on a déplacé le focus à faire des sous avec ça. Et c'est ça, le danger. Et, avant qu'on puisse répondre oui ou non à votre question, Mme la ministre, donnez-nous l'ensemble du portrait pour discuter et évaluer ces A.E.C. là. C'est tout ce qu'on vous dit.

M. Gautrin: Je comprends.

M. Sorel (Réginald): C'est certain que si vous nous dites, Mme la ministre: Est-ce que vous préférez voir ça passer à des établissements privés? Question facile à répondre pour nous, mais ce n'est pas la question. La question est beaucoup plus complexe que ça: Où on s'en va avec ces A.E.C. là? Et c'est ce qu'on veut savoir. Et on vous dit: Mettez l'ensemble des informations sur la table, et on pourra vous répondre plus complètement.

La Présidente (Mme Blackburn): Bien. Messieurs, vous me voyez désolée de vous le dire, le temps qui était imparti est écoulé. On aurait sans doute eu matière à échange pour au moins un autre 15 minutes. Alors, vous nous voyez désolés. Quelques mots, M. Lachance?

(20 h 50)

M. Lachance (Daniel): Écoutez, vous savez, Mme la Présidente, que notre première demande, c'est de dire qu'il y a des éléments structurants dans ce projet de loi là, et, comme vous venez de le dire vous-mêmes, on a eu peu de temps pour en discuter. On aurait pu en discuter beaucoup plus longuement que 15 minutes supplémentaires. Et c'est pour ça qu'on demande le report et c'est pour ça qu'on demande que la discussion soit prolongée dans le cadre d'un débat où toutes les pièces seront sur la table, à savoir la connaissance du niveau de compression auquel la ministre a fait référence tantôt, ce projet de loi là, de même que les modifications aux règles budgétaires. Alors, on espère que, Mme la ministre, on aura un rendez-vous cet hiver pour reparler de toute cette question.

La Présidente (Mme Blackburn): Bien. Alors, je voudrais, M. Legault, M. Lachance, M. Beauregard, M. Sorel et M. Picard, vous remercier au nom des membres de la commission et en mon nom personnel pour votre participation aux travaux de cette commission.

Mme Marois: Je veux vous remercier et je vais demander à mes gens de répondre à certaines petites questions que vous avez, ce qui, à mon point de vue, viendra clarifier un certain nombre de choses, pas tout, mais un certain nombre de choses et corriger certains aspects, entre autres sur les frais de scolarité et l'accessibilité à l'aide financière.

La Présidente (Mme Blackburn): Alors, nous suspendons quelques instants, le temps de laisser au groupe le temps de quitter et au prochain de prendre place.

(Suspension de la séance à 20 h 52)

(Reprise à 20 h 54)

La Présidente (Mme Blackburn): Mesdames, messieurs, il nous reste trois groupes à entendre. Alors, j'inviterais maintenant la Fédération étudiante collégiale du Québec à prendre place. Alors, mesdames, messieurs, Mme la ministre.

Alors, j'inviterais le président de la Fédération étudiante collégiale du Québec, M. Philippe Leclerc, et le vice-président, M. Mathieu Dumont, qui est accompagné de...


Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ)

M. Leclerc (Philippe): ...Simon-Pierre Côté, qui est externe à la Fédération étudiante collégiale du Québec.

M. Gautrin: Externe, c'est quoi?

M. Leclerc (Philippe): L'externe, c'est celui qui s'occupe des associations étudiantes non membres.

La Présidente (Mme Blackburn): Bien. J'ai vu que vous aviez assisté à une bonne partie de la séance, alors vous connaissez les règles: une quinzaine de minutes pour la présentation, suivies d'un échange d'une trentaine de minutes. Et, sans plus tarder, la parole est à vous.

M. Leclerc (Philippe): Bonsoir, Mme la Présidente, bonsoir, Mme la ministre, bonsoir, chers députés du gouvernement et de l'opposition. D'abord et avant tout, nous allons nous lever. Nous allons nous lever pour faire notre exposé debout. Pourquoi debout? Bien, parce que, à l'image de la jeunesse, la FECQ trouve important qu'un projet de loi soit d'abord dynamique, soit innovateur, soit aussi ouvert d'esprit, ouvert aux critiques, ouvert aussi, disons, aux points constructifs que les différents groupes aujourd'hui ont amenés. Et aussi, la FECQ ne tentera pas de refaire l'histoire. Elle tentera, tout comme la jeunesse, de créer l'histoire.

Ce soir, nous avons deux choix. D'abord, le premier choix, c'est de réécrire l'histoire. C'est pourquoi nous vous avons passé un crayon, que vous avez sûrement eu, un beau crayon, pour que nous puissions tous ensemble réécrire l'histoire. Mais le deuxième choix, aussi, que nous avons, c'est d'abord d'innover. Et, à l'intérieur du mémoire que la FECQ a déposé, que vous avez tous eu, qui est Du virage... au dérapage collégial , d'abord, la FECQ apporte des solutions d'avenir. Mais aussi, elle apporte de sérieuses interrogations et de sérieux points litigieux à regarder à l'intérieur de ce mémoire-là.

D'abord et avant tout, on ne regardera pas, disons, le mémoire point par point, mot par mot, mais nous allons regarder le mémoire dans son ensemble et les axes qui ont beaucoup, énormément, disons, déplu aux étudiants ou qui ont fait peur aux étudiants. D'ailleurs, Mme la Présidente – puisqu'il faut s'adresser à la Présidente – sachez qu'hier il y avait un conseil d'administration extraordinaire. Quarante associations étudiantes ont participé à un conseil d'administration téléphonique – on était 40 sur une ligne – pour justement prendre des positions finales. Donc, vous avez dans ce mémoire-là les positions, disons, assez représentatives de la plupart des associations étudiantes collégiales du Québec.

À notre avis, bien sûr, tout comme à l'avis de nos prédécesseurs, le projet de loi est venu un petit peu trop vite. C'est pourquoi nous demandons aussi, à la demande des associations étudiantes, de faire en sorte que le projet de loi soit adopté lors de la session parlementaire de l'hiver, pour faire en sorte qu'une consultation ait lieu et qu'on voie de fond en comble, disons, les interrogations que les différents groupes ont.

D'abord, passons aux interrogations des différents groupes. La diminution des services aux étudiants ou les modifications à l'article 6.01. C'est dans les débuts, vous allez voir, ça suit logiquement le texte. D'abord et avant tout, la ministre procède à un changement, à l'intérieur de sont projet de loi, qui dit que dorénavant le collège peut doter de services l'étudiant à temps plein qui répond aux demandes. Elle modifie le mot «demandes» pour donner le mot «besoins». On se demande exactement ce qu'il en est, ce qu'il y a derrière ça. Qui peut bien répondre aux demandes et aux besoins des étudiants, si ce n'est les étudiants eux-mêmes?

En modifiant le mot «demandes» par «besoins», on a raison de s'inquiéter. On donne un exemple. L'administration des cégep pourrait-elle dénigrer un projet artistique au détriment d'un projet sportif en jugeant que ce dernier répond plus aux besoins des étudiants et des étudiantes? On a donné à cet effet l'exemple, à l'intérieur du mémoire, de l'équipe intercollégiale de football du Vieux-Montréal, les Spartiates, qui a remporté d'ailleurs le Bol d'or la semaine dernière. Bravo à eux! D'abord et avant tout, est-ce que l'administration va dire: Les besoins des étudiants se situent au niveau des Spartiates, donc nous allons investir énormément dans cette équipe-là, ou l'administration va regarder chacune des demandes des étudiants et des étudiantes et dire: Écoutez, c'est les demandes, on va y répondre?

Deuxièmement, et c'est là qu'est la grande, grande crainte des étudiants, nous modifions encore le même article 6.01 pour que soit non plus marqué «durant les heures normales de cours», c'est-à-dire que le collège doit dispenser des services durant les heures normales de cours, mais bien par une offre de services qui sont reliés aux activités d'enseignement. Ce changement nous apparaît tout à fait inacceptable et réduirait du même coup la qualité de la vie étudiante existant à l'intérieur d'un collège. En effet, des événements tels que Cégeps en spectacle ou encore une fête de rapprochement interculturel ne serait plus inclus dans les activités reliées à l'enseignement.

On se souvient que maintes fois dans le passé les administrations des collèges ont encouragé de tels événements soit au niveau financier, soit au niveau d'une aide technique quelconque. Après une telle modification, en sera-t-il encore ainsi, Mme la ministre? Je m'adresse à la présidente, bien sûr. La ministre peut-elle assurer les étudiantes et étudiants, à la lumière de la modification à l'article 6.01, que leur milieu de vie ne sera point modifié? Il apparaît, pour les étudiantes et les étudiants, que ce changement serait une menace, voire même un obstacle au maintien d'un milieu de vie équilibré.

Finalement, le projet de loi procède à un dernier changement à l'intérieur de l'article 6.01, celui de permettre aux administrations collégiales de réaliser un bénéfice quelconque par le biais de leurs installations culturelles, sociales ou encore sportives. Bien que la FECQ ne s'objecte pas au fait que les cégeps puissent ouvrir leurs installations pour en faire bénéficier la communauté, la Fédération étudiante collégiale du Québec s'interroge sur la mission première d'un établissement public voué à l'éducation, soit de réaliser sa mission sans penser en termes de bénéfices. Les étudiantes et les étudiants craignent de plus que les fonds recueillis par le biais de l'ouverture des installations à la communauté ne soient pas réinvestis dans la gestion et l'entretien de telles installations. La ministre n'assure en aucun cas à l'intérieur de son projet de loi que les étudiantes et étudiants n'auront pas à payer pour une surutilisation de ces installations-là.

(21 heures)

À titre d'exemple – on va donner un exemple – imaginons un collège subventionné par le ministère, soit le collège de l'avenir. Manquant de subventions nécessaires à la bonne gestion de ses services dispensés à la communauté étudiante – par un manque, disons, de budget, parce qu'on coupe, on coupe, on coupe – il décide d'ouvrir ses installations sportives à la communauté. Le collège peut donc réaliser un bénéfice par cette ouverture mais ne réinvestit pas les fonds dans l'entretien, et bientôt certaines installations se brisent ou vieillissent, ce qui est tout à fait normal, Mme la Présidente. Pour pallier à cette situation-là, le collège de l'avenir doit charger aux étudiantes et aux étudiants l'utilisation de ses installations sportives. C'est un scénario qui est fort prévisible. La FECQ s'oppose vivement à une situation telle que celle que vivrait le collège de l'avenir.

Voyons aussi une autre modification qui inquiète énormément les étudiants. Nous l'avons appelée «La fin d'une vision globale ou les modifications à l'article 17.0.2». Vous n'êtes pas sans savoir, Mme la Présidente, qu'actuellement le collège peut, à travers sa commission des études, se positionner sur l'attribution de certains frais à certains programmes, à travers sa commission des études, suite à une recommandation de la commission des études qui envoie cette recommandation-là au conseil d'administration. Or, au sens de l'article du projet de loi que Mme la ministre de l'Éducation présente, eh bien, maintenant, on ôte ce pouvoir-là à la commission des études.

Qu'est-ce que ça veut dire concrètement? Ça veut dire que l'on enlève non seulement du pouvoir à l'étudiant, mais on saute une étape où les étudiants auraient pu être au courant du vouloir de l'administration de monter de tels frais ou d'appliquer de tels frais. Deuxièmement, on sait fort bien, Mme la Présidente, qu'à l'intérieur d'un conseil d'administration il y a bien plus d'acteurs externes que d'acteurs internes, ce qui empêche le débat interne entre professeurs, administration et étudiants, ce qui empêche la concertation des étudiants entre eux, ce qui empêche aussi la concertation entre la direction et les étudiants, parce que ça peut se régler à un autre lieu qu'à un conseil d'administration.

En modifiant cet article-là, l'article 17.0.2, la ministre va à l'encontre, disons, du fait que les étudiants puissent être consultés d'abord et avant tout et, ensuite, que le conseil d'administration puisse prendre note de la décision finale de la commission des études. Je sais, Mme la Présidente, que Mme la ministre a dit en Chambre: Pourquoi est-ce qu'on modifiait un tel article? C'est pour que ce soit d'un caractère uniquement pédagogique. Eh bien, les frais, je dois vous dire, ça a un lien avec la pédagogie, ça a un lien direct, et les étudiants sont ceux qui subissent ces frais-là. C'est important. Donc, ce qu'on vient vous dire ce soir, c'est que les étudiants sont contre une telle modification et, puisque c'est ceux-ci qui la subissent, bien, on espère, Mme la Présidente, que la ministre suivra une telle recommandation des étudiants de ne pas abolir le pouvoir de la commission des études de se prononcer sur une hausse ou pas des frais, des frais différents par rapports à certains programmes, par rapport à certaines activités.

Je vais laisser Mathieu continuer.

La Présidente (Mme Blackburn): M. Dumont, la parole est à vous.

M. Dumont (Mathieu): L'autre problème qu'on a, à la Fédération étudiante collégiale du Québec, se situe à l'article 19. On peut voir qu'il y a des modifications. Dans notre mémoire, ça s'appelle «Légitimer un pouvoir d'expulsion ou de modification». Ce qui se passe, c'est que présentement dans certains collèges il y a des règlements internes du collège qui font en sorte que, quand un étudiant étudie dans une technique X puis qu'il n'atteint pas certains objectifs dans la technique – dans certains collèges, c'est d'avoir passé trois ou quatre cours qui sont dans la technique – le collège a le droit, par règlement, d'exclure l'étudiant de la technique. On prend un étudiant en sciences pures, le collège peut dire: J'ai le droit de t'exclure de sciences pures, puis va faire des sciences humaines, aie de bons résultats en sciences humaines et tu auras le droit de revenir en sciences pures. Ça se fait présentement par règlement. C'est quelque chose que, à la Fédération étudiante collégiale du Québec, on dénonce depuis plusieurs années. Ce qu'on trouve dommage dans cette loi-là, c'est que la ministre l'inclut dans la loi, leur donne le pouvoir de façon formelle dans la loi. Nous, la Fédération étudiante, on aimerait ça que la porte soit fermée une fois pour toutes à ce niveau-là, puis on ne croit pas que les collèges doivent avoir ce pouvoir-là de pouvoir exclure un étudiant d'un programme au cours de sa formation. Un étudiant qui est exclu de son programme au cours de sa formation, on pense que ça peut avoir des conséquences graves sur son cheminement scolaire, voire amener l'étudiant à décrocher complètement des études. Donc, à ce niveau-là, on est formellement opposés aux modifications qui sont amenées.

Deuxième chose, comme les gens ont amené tantôt, à la Fédération étudiante collégiale du Québec, on a beaucoup de difficultés avec tout ce qui touche à la gratuité scolaire et qui est amené dans le projet de loi. Comme on l'appelle, ce qu'on donne comme titre à l'article 24, nous, c'est: «Un dur "coût" pour la gratuité scolaire ou les modifications à l'article 24». Ce qu'on dit, entre autres, c'est que, au niveau des modifications qui sont amenées avec les A.E.C., on trouve que c'est un chèque en blanc qui est fait par le gouvernement. Le gouvernement dit: On donne le pouvoir, on va continuer à offrir les A.E.C. qu'on offre présentement, on va continuer à les offrir de façon gratuite. O.K.? On n'a aucune preuve formelle que ça va se faire. Dieu sait qu'avec les compressions qu'il y a eu dans le passé il y a plusieurs choses où l'État a été amené à revenir sur les positions qu'il avait prises. Ce qu'on veut, les étudiants, c'est des engagements clairs. Comme nos confrères de la CEQ, on n'a aucun problème à ce que les nouvelles A.E.C. qui sont créées par les entreprises, les gens aient à défrayer des coûts pour participer à ces A.E.C. On n'a aucun problème. Mais les A.E.C. qui existent présentement, avec les modifications qui sont amenées à la loi, on n'a aucun engagement que ces A.E.C. vont rester gratuites pour les étudiants, puis c'est quelque chose qui nous cause extrêmement problème.

Philippe, c'est à toi.

M. Leclerc (Philippe): Oui. Aussi, Mme la Présidente, la ministre, à l'intérieur de l'article 24, et c'est quelque chose qu'on a remarqué et qui n'a pas été vu lorsqu'on a rencontré, bien sûr, des députés, on a rencontré aussi des membres du cabinet ministériel... ça ne semblait pas avoir été vu par la ministre lors de sa modification à la loi sur les cégeps. C'est ceci: Maintenant, est étudiant à temps plein l'étudiant suivant quatre cours menant à un programme qui mène à un Diplôme d'études collégiales. Ce qui signifie, Mme la Présidente, que la ministre de l'Éducation exclut les étudiants à temps plein qui suivent une A.E.C. du régime des prêts et bourses. A-t-elle vu cela? On peut le montrer à l'intérieur de la modification, on en parlera tantôt.

Autre chose. C'est une phrase qu'on a baptisée, on la trouvait fort bonne, c'est-à-dire la phrase: «Pacifiste, mais armée jusqu'aux dents». Qu'est-ce que c'est? C'est, bien sûr: «Pacifiste, mais armée jusqu'aux dents ou les modifications à l'article 30». L'article 30, c'est, bien sûr, l'article, que tous les groupes jusqu'à date ont décrié, l'article qui donne le pouvoir à la ministre de fusionner. On se dit: Pourquoi la ministre veut-elle se donner un tel pouvoir si elle n'entend pas le prendre? Mme la Présidente, tantôt, M. Gautrin parlait de l'histoire du Petit Chaperon rouge . Quelle belle image! Quelle belle image, parce que peut-être effectivement que la ministre... je veux bien la croire, pour l'avoir rencontrée bien souvent, je sais qu'elle est intègre. Si elle nous dit qu'elle ne voudra pas utiliser ce pouvoir-là, eh bien, je veux bien la croire. Par contre, qui me dit qu'un de ses collègues, qui pourrait être nommé du jour au lendemain ministre de l'Éducation, ne le fera pas? Qui me dit que lors d'une prochaine élection il n'y aura pas quelqu'un d'autre qui va le faire? C'est un pouvoir que le ministre de l'Éducation, et non pas Mme Marois, a. C'est un pouvoir que le ministre de l'Éducation a dorénavant. Je pense que ce qui est important de faire comprendre ici, c'est que les acteurs du milieu collégial sont opposés à ce que la ministre se dote d'un tel pouvoir. Est-ce que la ministre va écouter les acteurs du milieu collégial, ceux qui élisent le gouvernement, ceux qui font en sorte que la ministre de l'Éducation est ministre de l'Éducation aujourd'hui? Va-t-elle répondre aux peurs, aux craintes? Va-t-elle aussi faire en sorte que ça, ça ne passe pas dans son projet de loi?

Dernière chose, Mme la Présidente, avant mon collègue, très rapidement. «Réécrire l'histoire ou les modifications à l'article 33», qui crée le collège régional. Avez-vous vu, Mme la Présidente, la structure monstrueuse d'un tel collège? Deux étudiants, deux professeurs, deux parents pour représenter trois constituantes différentes. On se demande une question, Mme la Présidente: Si l'étudiant, les parents et les professeurs viennent de Joliette, qu'arrive-t-il pour les constituantes de Lanaudière et de Joliette... c'est-à-dire de Terrebonne et de L'Assomption? Vont-elles avoir une représentativité adéquate? Bien sûr, ce qu'on va me répondre, c'est qu'il y a un conseil d'établissement. Mais il n'y a aucun mécanisme, Mme la Présidente, de concertation entre les différents acteurs, ce qui fait énormément peur aux étudiants. Les étudiants voient ce projet-là de façon très rébarbative.

(21 h 10)

Autre chose, Mme la Présidente, avant de laisser la parole. C'est-à-dire que là on crée un précédent dans l'histoire des cégeps. On dit maintenant: Le campus de Terrebonne va être un collège d'enseignement technique; le campus de L'Assomption va être un collège d'enseignement général et professionnel; et le campus de Joliette sera un campus d'enseignement général uniquement. Ce qui fait en sorte que l'on ôte, Mme la Présidente, des gens du secteur professionnel et du secteur préuniversitaire qui peuvent être ensemble à l'intérieur d'un collège. On va les séparer. C'est l'intention...

La Présidente (Mme Blackburn): Alors...

M. Leclerc (Philippe): Oui.

La Présidente (Mme Blackburn): ...M. Leclerc, le temps appartient à ceux qui viennent nous présenter un mémoire. On souhaite que ça soit fait en 15 minutes. Ça fait un peu plus de 15 minutes. On vous laisse encore quelques minutes? Alors, à M. Dumont?

M. Dumont (Mathieu): Oui, je vais conclure sur une chose. Dans une loi, il y a les choses qui sont amenées, puis, nous, en tant que Fédération, on s'est dit qu'on va être assez responsables pour amener des choses qu'on pense qui auraient dû être incluses dans la loi puis que la loi n'amène pas. En tant que Fédération, on est déçus que la loi ne parle pas de frais administratifs, de frais spéciaux. Dans les collèges depuis trois ou quatre ans, il y a une prolifération de ce que, nous, on appelle, dans le mouvement étudiant, «les frais champignons». Exemple: dans le comté de la ministre, au collège Édouard-Montpetit, les étudiants sont obligés maintenant de payer 20 $ pour abandonner un cours. Quand il y a un cours qui ne répond pas à leurs attentes, qu'ils disent qu'ils ne veulent pas l'échouer puis qu'ils ne veulent pas prendre la place dans la classe, ils veulent laisser la place à un autre étudiant, ils sont obligés de payer 20 $ pour ça. Ils sont obligés de payer 10 $ pour avoir l'utilisation d'une case; 5 $ pour avoir une attestation qu'ils sont aux études, pour avoir un travail, pour leur employeur. Ils sont obligés de payer 30 $ s'ils veulent changer de programme. Admettons que l'étudiant dit: Je ne suis pas dans le bon programme, j'ai besoin d'aller voir... Il est en sciences pures, il veut aller en sciences humaines, il a besoin de payer 30 $ pour changer de programme.

À ce niveau-là, les frais administratifs et les frais spéciaux, il n'y a rien qui les réglemente. Donc, on est déçus que la loi n'en parle pas puis on aurait aimé ça que la loi amène des choses pour réglementer ces frais-là, parce qu'il y a une prolifération totale. Il n'y a aucune limite. À chaque année, il y a des nouveaux frais qui sont créés, ces nouveaux frais là qui parfois sont des frais de scolarité déguisés. Quand on prend un étudiant qui étudie en informatique, puis que l'étudiant qui étudie en informatique est obligé de payer des frais de 40 $ ou 50 $ pour avoir accès au laboratoire d'informatique qu'il utilise dans ses cours, nous, on trouve que c'est des frais de scolarité déguisés puis on aimerait ça que la ministre mette ça clair dans la loi, les limites des frais administratifs et des frais spéciaux.

M. Leclerc (Philippe): Très important.

La Présidente (Mme Blackburn): Alors, messieurs, merci. La parole est maintenant à Mme la ministre de l'Éducation. Madame.

Mme Marois: Merci, Mme la Présidente. On vous remercie pour les crayons. D'ailleurs, ils ont de très bonnes mines, hein...

Des voix: Ha, ha!

Mme Marois: ...et une très bonne mine aussi. ha, ha!

D'abord, il y a des faits qu'il faut rétablir parce que, sans ça, comme je le mentionnais, on part sur de mauvaises bases. C'est complètement faux, en ce qui a trait à la constituante de Terrebonne. Le préuniversitaire, même, selon le devis technique, c'est 450 places qui seraient réservées, n'est-ce pas, Mme la députée? N'est-ce pas? Bon. De Terrebonne. Il y a 450 places pour le préuniversitaire et 400 places pour la formation technique. Alors, c'est un principe, effectivement, auquel nous adhérons. Et vous avez raison, nous sommes d'accord avec vous, nous croyons que c'est cela, la richesse des cégeps, et c'est pour ça d'ailleurs que nous les avons confirmés. Nous croyons que c'est important qu'il y ait une cohabitation entre le préuniversitaire et le technique, et c'est ce que l'on confirme dans les devis qui ont été retenus et qui nous ont été proposés.

Il y a eu des hypothèses, cependant, et probablement – et je peux comprendre, je sais que ce n'est pas toujours facile à suivre; nous-mêmes, on a de la difficulté parfois à s'y retrouver... Dans les premiers devis techniques, il y avait eu des possibilités qu'on limite l'enseignement collégial au plan technique à Terrebonne, mais cela n'a pas été retenu, et il y a une autre proposition qui a été faite. Alors, je pense que vous auriez raison à cet égard si on ne devait que se limiter à l'enseignement technique. Et ça reste une préoccupation majeure; je le répète, pour nous, c'est fondamental.

Il y a une autre chose qui est dite dans votre mémoire et qui était aussi reprise par ceux qui vous ont précédés, alors donc comme quoi il y a des choses sûrement à clarifier, et on est d'accord avec vous sur cela. C'est qu'on dit que «soit admis comme étudiant à temps plein pouvant bénéficier du programme de prêts et bourses l'étudiant ou l'étudiante qui suivrait une A.E.C. subventionnée à temps plein». Ça, là, s'il faut modifier nos règles pour nous assurer que c'est bien couvert, on le fera. Mais notre intention, c'est que ce soit couvert. Alors, si, par interprétation ou par compréhension actuelles de ce qu'on a ici, ça a mené à ça comme interprétation, là, on se comprend, et je l'affirme ici, puis on fera... Si c'est nécessaire de faire des correctifs pour nous assurer, on le fera, mais c'est sûr que ce n'est pas l'intention que nous avons.

Il y a un autre point où on dit: «On exige de la ministre qu'elle légifère afin de garder intacte l'enveloppe budgétaire fermée accordée aux A.E.C. et d'assurer le maintien des A.E.C. déjà offertes de façon gratuite.» En fait, il n'y a pas de loi qui prévoit cela. Ce sont toujours les règles budgétaires qui le prévoient et c'est comme ça dans toute espèce de circonstance. Je pense que, sans ça, évidemment, on délimiterait dans une loi fermement un budget, sa hauteur, sans aucune espèce de possibilité de souplesse par ailleurs. Mais ce que j'ai dit, et je le répète ici, c'est que les principes sur lesquels s'appuient les A.E.C., qui continueront d'être subventionnées et accessibles sans aucun coût, gratuitement... ce sont celles qui sont actuellement reconnues dans les budgets que nous avons identifiés au ministère pour ce faire. Évidemment, on n'a pas l'intention à ce moment-ci de retoucher ces budgets-là. Ça ne veut pas dire, donc, de les augmenter, bien sûr, mais ça ne veut pas dire non plus de les baisser. Alors, on les maintient, à l'heure actuelle. Et ce sont celles que les règles prévoient, c'est-à-dire qui sont reconnues pour fins de financement par le ministère.

Alors, ça, c'est important, mais ça ne fait pas partie de nos processus budgétaires que d'introduire cela dans une loi. On introduit dans une loi les principes qui vont nous amener ensuite à définir des enveloppes, mais la hauteur des enveloppes et leurs règles d'attribution, ça reste des éléments que l'on retrouve dans les règlements, ou dans des lois que nous adoptons, ou, éventuellement, les règlements qui concernent l'administration financière.

Maintenant, il y a une question que vous soulevez au départ en disant: «La Fédération ne voit pas la pertinence de changer le sens des services dispensés aux étudiantes et étudiants par la modification "demandes" à "besoins".» J'aimerais ça que vous m'expliquiez ça davantage. J'essaie de voir, là. Regardez, c'est l'article 6.0.1, et, à c, on nous dit: «...toutefois la priorité aux demandes des étudiants à temps plein». Bon, on dit: «...aux besoins des étudiants à temps plein qui sont reliés aux activités d'enseignement», alors qu'auparavant on disait: «pendant les heures normales de cours du collège». Si on trouve que le mot «enseignement» vient trop limiter, ça, je pense qu'on peut l'élargir et puis ajouter d'autres éléments qui sont reliés aux activités d'enseignement ou de formation. Déjà, c'est beaucoup plus large, si on touchait cela. Enfin, moi, je n'étais pas nécessairement mal à l'aise avec la notion de «besoins». C'est sûr que ça élargit un peu le concept par rapport à «demandes». Mais vous êtes vraiment inconfortables avec cette notion qu'on introduit?

M. Dumont (Mathieu): Oui.

Mme Marois: Expliquez-moi pourquoi, là, un peu mieux.

La Présidente (Mme Blackburn): M. Dumont?

M. Dumont (Mathieu): Oui. Ce qu'on a fait, la Fédération étudiante collégiale du Québec, c'est qu'on est allés voir les DSAE dans les collèges, les directeurs aux services aux étudiants, parce que c'est eux qui ont à gérer ça habituellement. Ce qu'on nous dit, c'est que présentement la façon dont ça fonctionne, c'est que le directeur aux services aux étudiants reçoit toutes les demandes des étudiants; ensuite, il fait une gestion des demandes; il prend une enveloppe puis il divise l'enveloppe entre chaque étudiant pour que chaque demande puisse avoir une somme d'argent. Puis, bon, ça, c'est sûr que le collège priorise certaines demandes, mais, habituellement, chaque demande a une certaine somme d'argent.

Quand on prend «besoins», c'est que la mesure de «besoins» – qu'est-ce qui est un besoin? – c'est beaucoup plus large, puis, à ce moment-là, on a peur, puis c'est clair que... Même, nous, on parlait du cégep du Vieux-Montréal parce qu'on est allés voir le DSAE, puis, lui, il l'a dit. Il a dit: C'est clair qu'un des besoins du collège, si ça c'est passé, nous, on va beaucoup prioriser notre équipe de football parce que ça nous donne une renommée provinciale. Donc, on trouvait que le concept élargissait trop et que ça pouvait couper des subventions que les étudiants pouvaient avoir pour des activités. Car on ne parle pas juste nécessairement de subventions, mais on peut parler aussi de prêts de locaux pour des activités ou d'autres choses. Je ne sais pas si ça clarifie un petit peu.

(21 h 20)

Mme Marois: Je pense que ça vient bien clarifier.

La Présidente (Mme Blackburn): M. Leclerc.

M. Leclerc (Philippe): Pour ce qui est de «pendant les heures normales de cours du collège» et «qui sont reliés aux activités d'enseignement», ce qu'il est important de regarder, c'est «qui sont reliés aux activités d'enseignement». On regarde des événements tels que Cégeps en spectacle ou, je ne sais pas, comme c'est dit dans le mémoire, des événements sportifs, ou l'Expo-Sciences régionale Bell, etc., qu'un cégep peut accueillir, ou, je ne sais pas, une fête de rapprochement interculturel, ce n'est pas relié à l'enseignement. Donc, on vient restreindre, disons, les services qu'un collège peut offrir à l'intérieur de son milieu de vie étudiante, ce qui nous cause énormément de problèmes, et, effectivement, les associations étudiantes étaient contre un tel changement.

La Présidente (Mme Blackburn): Mme la ministre.

Mme Marois: C'est ça. Regardez, on dit: «fournir des services ou permettre l'utilisation de ses installations et équipements à des fins culturelles, sociales, sportives ou scientifiques, en accordant toutefois la priorité aux besoins des étudiants à temps plein, au sens...» Bon. Si on disait, plutôt que «enseignement» – je reviens avec cette notion-là – «formation». Parce que, déjà, c'est beaucoup plus large, évidemment, et là ça englobe des activités comme le loisir, les arts, la culture, etc.

Une voix: ...

Mme Marois: Bien, ce qui est là, c'est que, «pendant les heures normales de cours du collège», il me semble qu'effectivement... Parce qu'on dit: «fournir des services ou permettre l'utilisation de ses installations et équipements à des fins culturelles, sociales, sportives ou scientifiques, en accordant toutefois la priorité – et là, nous, on suggère ici «besoins» – aux besoins des étudiants à temps plein», et on dit: «pendant les heures normales de cours du collège». Évidemment, c'est ça, les heures sont éclatées. Puis ce que, nous, nous suggérons ici, c'est «qui sont reliés aux activités d'enseignement». Mais je comprends que «enseignement» devient très restrictif, tandis que, déjà, une notion de formation devient beaucoup plus large parce que là...

Une voix: ...

M. Dumont (Mathieu): Sauf qu'en soi, nous, la Fédération, ce qu'on trouve, c'est que la loi, comme elle est là présentement, nous satisfait pleinement. Si vous pouviez nous justifier pour quelle raison vous amenez ces modifications-là. Mais on ne comprend pas pourquoi c'est modifié. On ne modifiera pas quelque chose qu'on trouve qui est déjà adéquat et qui répond aux besoins.

Mme Marois: Ça, je vous comprends bien et je suis sensible à ce que vous proposez. Mais, évidemment, il y a d'autres personnes qui sont demandeurs aussi, ou d'autres organismes. Vous êtes conscients de ça. Vous avez vu, tout à l'heure, des représentants des enseignantes ou des enseignants ou du personnel professionnel, on a eu la Fédération des cégeps, donc il y a d'autres demandes aussi. Nous, on est à essayer de faire l'équilibre. Mais je suis sensible à ce que vous soulevez et on peut essayer de voir comment on peut améliorer cette question. On va la regarder d'un peu plus près et y réfléchir.

Par ailleurs, l'article 17.0.2 qui irait à l'encontre... Vous dites: On est contre la modification qui irait à l'encontre d'une plus grande représentativité et une plus grande concertation avec les intervenants d'un collège. L'article 17.0.2 nous dit que, dans le fond, on enlève un des sujets de la liste qui est soumis à la commission, un des sujets de la liste qui peut être soumis à la commission, mais, par contre, ce sujet-là, on peut le retrouver... c'est-à-dire, il est repris ensuite par le conseil d'administration, et vous siégez au conseil d'administration, à ce que je sache.

M. Dumont (Mathieu): Oui.

Mme Marois: Est-ce que ce forum-là, à ce moment-là, ce n'est pas suffisant?

M. Dumont (Mathieu): Non. C'est qu'un débat sur les frais qu'il doit y avoir pour l'inscription, c'est un débat qui doit avoir cogité à l'interne, si je peux m'exprimer ainsi. C'est un débat qui doit être le fruit d'un débat entre les enseignants, les administrations et les étudiants. Il faut absolument que les frais d'inscription, les frais d'admission, ces frais-là passent par la commission des études, et, de toute façon, Mme la ministre, après avoir passé par la commission des études, c'est ramené au conseil d'administration qui, lui, approuve. Sauf qu'on veut que le débat se fasse à l'interne avant d'être amené au conseil d'administration. Parce que, au conseil d'administration, il y a des externes qui siègent, puis les externes ne sont pas nécessairement à la fine pointe des réalités que vivent les gens à l'interne. Donc, c'est pour ça qu'on veut que ce débat-là se fasse à la commission des études. De toute façon, comme vous voulez amener la modification, c'est sûr qu'il est ramené au conseil d'administration.

La Présidente (Mme Blackburn): Bien.

M. Leclerc (Philippe): Et vous comprenez, là-dedans...

La Présidente (Mme Blackburn): Oui, M. Leclerc. Une minute.

M. Leclerc (Philippe): J'ajouterai très rapidement, Mme la Présidente. Vous comprenez, là-dedans, que la commission des études, moi-même siégeant au conseil d'administration du collège de Bois-de-Boulogne, je peux voir s'il y a eu dissidence de la part d'un des groupes par rapport à une question en particulier. S'il y a dissidence par rapport à une question relative aux frais, dissidence des étudiants, c'est bien clair qu'on va demander des questions, pourquoi. Et ça fait en sorte que les étudiants sont avertis d'avance. Il peut y avoir concertation avec la direction préalablement, avant que ce soit passé en conseil d'administration.

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, M. Leclerc. La parole est maintenant à M. le député de Verdun. M. le député.

M. Gautrin: Merci, Mme la Présidente. Quand je vous écoutais parler, je me disais: Dans une couple d'années, peut-être les positions seront inversées et que ce serait de ce côté-ci que vous siégeriez.

La Présidente (Mme Blackburn): Et le député de Verdun de l'autre côté?

M. Gautrin: Bien, le député de Verdun, on ne sait pas où il serait. Il serait peut-être en train de manger les...

Une voix: ...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gautrin: Je n'ai pas compris la farce.

Je vais revenir sur un élément qui n'est pas dans le projet de loi, qui était le dernier élément de votre intervention et qui m'inquiète beaucoup. Vous m'avez parlé de frais champignons. Moi, j'étais sous l'impression que l'article 24.1 de la loi, qui limite les frais afférents, ce qu'on appelait des frais afférents, à 110 $ par session, c'est à l'article 24.1...

Une voix: L'article 24.5.

M. Gautrin: L'article 24.5, merci. Donc, dans un collège, l'étudiant pouvait devoir payer des frais pour des polycopies, des affaires comme ça, et que c'était borné à 110 $ par session.

Là, maintenant, vous me dites: Ça, ce n'est pas ça, parce qu'il y a des frais afférents. Mais nos amis des collèges ont trouvé le truc génial: à part les frais afférents, on a introduit des concepts de frais administratifs, qui ne s'appellent plus des frais afférents, et qu'à l'heure actuelle ce que, dans ma définition... et comprenez bien, ma définition à moi de «frais afférents», c'était l'ensemble des frais qu'un étudiant devrait payer lorsqu'il poursuit une session. C'est beaucoup plus que la limite qui a été fixée par règlement. Est-ce que c'est ça que vous êtes en train de me dire?

M. Dumont (Mathieu): Oui, ce qui arrive, c'est que...

La Présidente (Mme Blackburn): M. Dumont, c'est à vous.

M. Dumont (Mathieu): Je vais vous mettre un petit peu à la fine pointe. C'est qu'il y a des frais de 110 $, qui sont au plafond dans tous les collèges, qui sont perçus. Quand les collèges ont atteint le plafond, puis même un petit peu avant, les collèges se sont tournés vers d'autres sources de financement. Donc, l'étudiant paie plus que 110 $, là. Quand on inclut les frais de location de casier, les frais d'assurance, les frais pour l'agenda, les frais d'utilisation de la bibliothèque, les frais d'utilisation du parc informatique, ça peut aller jusqu'à 250 $, dans des collèges. Donc, ça coûte beaucoup plus que 110 $, pour répondre à votre question.

M. Gautrin: Excusez-moi. Je voudrais quand même bien comprendre parce que c'est très important, ce que vous soulevez. Le concept de frais afférents, c'est ce qui est des frais afférents à votre formation. Vous comprendrez que, si vous mettez dans les frais afférents le stationnement, je suis d'accord que ce n'est pas des frais afférents. Vous n'êtes pas obligé de stationner votre auto dans le stationnement du collège. Lorsque vous me parlez d'accès au parc informatique, là ce n'est plus du tout la même question. Alors, moi, j'aimerais vraiment, de votre part, savoir ce qui se passe, parce que j'avais l'impression que tout ce qui était les frais afférents à votre formation étaient assumés, était bornés à 110 $. Ce n'est pas ce que vous me dites. Quand vous me donnez l'exemple du stationnement, pour moi, ça ne me convainc pas, si vous me permettez, parce que je peux dire: Vous pourriez parfaitement venir peut-être en autobus; bien, peut-être pas à Victoriaville, mais enfin, etc. Mais, quand vous me dites avoir accès au parc informatique, ça, c'est différent.

La Présidente (Mme Blackburn): Oui, M. Leclerc.

M. Leclerc (Philippe): Oui, Mme la Présidente. C'est des choses qui existent effectivement. Par contre, elles sont disparates d'un collège à l'autre. Pour ce qui est de l'accès au parc informatique, oui, il y a des collèges où on charge à l'étudiant 20 $ pour pouvoir utiliser l'accès informatique, pour pouvoir avoir son code. Il y a même certains collèges où on a dit: Si tu ne paies pas ton 20 $, tu n'as pas ton horaire. C'est des réalités que les étudiants vivent.

M. Gautrin: En plus du 110 $ de frais afférents?

(21 h 30)

M. Leclerc (Philippe): En plus du 110 $. Si on pense à des besoins essentiels tels que les psychologues... Les psychologues, souvent, sont essentiels à la formation d'un étudiant, parce que, pour nous, un cégep ce n'est pas seulement un lieu académique, c'est aussi un milieu de vie...

M. Gautrin: Oui, d'accord.

M. Leclerc (Philippe): ...où l'étudiant doit retrouver un certain équilibre. Le psychologue, dans certains cégeps, il est gratuit, dans d'autres, ça coûte 20 $ à 30 $ la rencontre, et, dans d'autres, il n'y en a tout simplement plus. C'est des choses comme ça que vivent les étudiants. Quand on pense que dans certains collèges ça coûte 75 $, traduire un bulletin d'études collégiales en anglais, il y a là abus. Il y a abus et, les étudiants, comme j'en parlais d'ailleurs hier à un de vos collègues parlementaires, on est pris dans une espèce de fatalisme, sous des règles internes à un collège qui ne sont pas régies, disons, de façon nationale. C'est pour ça qu'on demande, bien sûr, Mme la Présidente, à la ministre qu'elle puisse légiférer pour que cesse enfin la prolifération...

M. Gautrin: Monsieur, moi, je vais vous demander quelque chose. Je vous demande, ici: Est-ce que vous pourriez, pour le bénéfice des parlementaires de la commission – parce que vous représentez actuellement les étudiants de probablement la majorité des collèges – transmettre à la commission un état de ces frais champignon? Je vous dis, vous avez probablement des représentants, dans vos structures, de chacun des collèges...

Mme Marois: Je souris, M. le député, je trouve que vous avez totalement raison. Vous avez tellement raison qu'on leur a demandé, je pense que la Fédération le sait...

M. Gautrin: Mais, Mme la Présidente...

Mme Marois: ...on leur a demandé il y a un mois de nous relever cela, parce qu'on trouve aussi que ça n'a pas de bon sens.

M. Gautrin: Mais, vous, vous êtes l'exécutif, moi, je suis un parlementaire.

La Présidente (Mme Blackburn): Bien, alors...

M. Gautrin: Et, honnêtement, ce que vous soulevez ici est extrêmement important. Je sais que ce n'est pas dans le projet de loi, mais, si vous pouvez le faire, vous communiquez avec le secrétaire de la commission.

La Présidente (Mme Blackburn): Oui, c'est ça.

M. Gautrin: Je suis sûr que la présidente sera heureuse de recevoir ça. Parce que, si c'est comme ça, il faut, à mon sens, que nous intervenions.

La Présidente (Mme Blackburn): Alors, si vous permettez, ce que je souhaiterais, c'est que, une fois que vous aurez fait le relevé, le faire également par cégep, pas parce qu'on veut enquêter sur les cégeps...

M. Gautrin: Bien sûr, bien sûr, Mme la présidente.

La Présidente (Mme Blackburn): ...mais il faut avoir une connaissance de la pratique, un peu, dans le réseau, au regard de ces questions, et faire tenir le relevé de votre petite enquête maison au secrétaire de la commission pour qu'on puisse le faire distribuer à tout le monde de la commission. D'avance, je vous remercie. M. le député, il vous reste quelques minutes.

M. Gautrin: Merci. Permettez, je voudrais quand même leur laisser une minute pour qu'ils me répondent si, oui, ils vont le faire, ou, s'ils me disent non, je vais poser la question: Pourquoi?

La Présidente (Mme Blackburn): Oui, M. Dumont.

M. Dumont (Mathieu): Pour avoir déjà eu la demande qui nous a été faite, on l'a faite, la liste; elle est presque complétée déjà. Par contre, ce qu'on trouve un peu comique là-dedans, c'est que des étudiants aient à faire cette liste-là, parce que c'est quand même le ministère de l'Éducation qui les autorise, ces frais-là. Quand un collège décide de percevoir un frais de 25 $ à un étudiant pour un abandon de cours, pour avoir vérifié auprès des collèges, il en avise le ministère.

M. Gautrin: Vous avez raison. Moi, je suis un parlementaire de l'opposition.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gautrin: Je ne suis pas au ministère de l'Éducation. J'espère qu'on va y revenir bientôt, mais, pour l'instant, nous sommes des parlementaires de l'opposition et nous avons besoin de cette information.

La Présidente (Mme Blackburn): Bien. Alors, dernière question.

M. Gautrin: Je vais revenir sur votre mémoire, sur un autre point. Vous me permettez, Mme la présidente?

La Présidente (Mme Blackburn): Oui, je vous en prie.

M. Gautrin: Vous avez des craintes sur les admissions aux A.E.C. et vous demandez que la ministre ne modifie en aucun cas les conditions d'admission d'une étudiante ou d'un étudiant à l'intérieur des programmes menant à une A.E.C., tel que spécifié par le régime d'études collégiales. Quelles sont les craintes que vous avez à l'heure actuelle? Qu'est-ce que vous voudriez voir dans la loi? Qu'est-ce que vous craignez? Parce que je comprends que, si vous mettez ça dans votre régime... Quoique je suis d'accord aussi avec vos autres points de vue sur les modifications des articles précédents. Mais qu'est-ce que vous aviez spécifiquement dans la tête à ce moment-là?

M. Leclerc (Philippe): Pour répondre, Mme la Présidente, au député de Verdun, d'abord et avant tout, ce qu'il faut voir là, cette crainte-là, c'est dans une perspective d'avenir, en voyant, disons, les collèges s'autofinancer à l'aide des A.E.C., on se dit: Ah! c'est une bonne idée pour peut-être sauver de l'argent, dans le cadre du déficit zéro qui a été accepté, etc., et de dire: Écoutez, les conditions d'admission, actuellement, qui sont inhérentes aux A.E.C., c'est-à-dire détenir un Diplôme d'études collégiales, avoir fait deux ans ou plus sur le marché du travail, je crois qu'il y a la question, aussi, de l'âge de 21 ans ou plus, etc....

M. Gautrin: Absolument.

M. Leclerc (Philippe): On craint que la ministre dise: Écoutez, on va pouvoir enlever certaines conditions d'admission. Bien sûr, elle n'a pas mentionné son intention de le faire, et on espère qu'elle ne changera pas, parce qu'on ne veut pas que l'A.E.C. soit encouragée au détriment du Diplôme d'études collégiales. Et ce qui nous fait encore plus peur, Mme la Présidente...

M. Gautrin: Donc, c'est les mêmes craintes que la CEQ, qui est venue avant vous.

M. Leclerc (Philippe): Oui, là-dessus. Mais, aussi, on rajouterait à ça, Mme la Présidente, que, oui, l'an prochain, il va y avoir une enveloppe de 11 000 000 $ donnée pour les A.E.C., mais qu'est-ce qui nous dit que, dans deux ans, ça ne sera pas 7 000 000 $, ou 4 000 000 $? Il n'y a rien qui nous le dit. Bien sûr, la règle budgétaire. Mais les règles budgétaires, vous le savez, c'est comme un mélange à poulet, on le brasse, on le brasse, on le brasse, puis ça donne ce que ça donne, O.K.? À ce moment-là, qu'est-ce qui nous dit que, dans un an ou deux, dans deux ans, dans trois ans, cette enveloppe-là va être la même? Et, s'il y a surdemande des A.E.C. due à cette baisse des conditions d'admission, ça peut être énormément dangereux et faire en sorte que finalement les A.E.C ne soient plus tout à fait gratuites et qu'elles soit encouragées. Donc, ça, c'est dans une perspective d'avenir, c'est là-dedans qu'on l'a mentionné. On espère que la ministre ne changera aucunement ces règles d'admission telles que décrites dans le REC et ne fera pas des A.E.C. un chèque en blanc aux collèges.

M. Gautrin: Donc, vous souhaitez que dans la loi il y ait une certaine protection pour éviter qu'il y ait une tendance à aller dans cette direction.

M. Leclerc (Philippe): Mais bien sûr, puis aussi, dans la loi – Mme la Présidente, je termine là-dessus – ce n'est aucunement précisé que les étudiants des A.E.C. subventionnées bénéficient de la gratuité scolaire; ce n'est pas mentionné. Et, bien que les règles budgétaires disent: Oui, on va en faire mention, les règles budgétaires, ça peut se changer. La loi, au moins, ça nous permet d'encadrer le tout, et ça, c'est important. Et, je le répète, je suis content d'entendre finalement que la ministre, effectivement, a remarqué l'incongruité par rapport à l'article 24, qui dit: Est étudiant à temps plein l'étudiant qui est inscrit à au moins quatre cours d'un programme conduisant au Diplôme d'études collégiales, qu'on le modifie pour dire que les étudiants des A.E.C. peuvent aussi bénéficier des prêts et bourses, tout comme les étudiants des A.E.C. dans des institutions privées.

La Présidente (Mme Blackburn): Le temps qui vous était imparti est écoulé. Cependant, je pense que la ministre aurait là-dessus une information – je trouve qu'il est important qu'elle soit communiquée – sur l'accès à l'aide financière aux étudiants aux A.E.C.

Mme Marois: C'est ça. Ça, je l'ai dit tout à l'heure, je le répète maintenant, il faut être très clair, on va s'assurer que cette crainte qu'on peut avoir, ou cette interprétation qu'on semble faire de la suite des choses soit bien encadrée, parce que, pour nous, il n'est absolument pas question d'exclure les gens de l'accès – à temps plein, bien sûr; il est tard, Mme la Présidente! – au régime d'aide financière aux étudiants.

La Présidente (Mme Blackburn): Bien, merci.

Mme Marois: Et, par ailleurs, sur l'autre aspect, aussi, ça fait deux ou trois fois que ça revient depuis le début de la journée, sur les passages ou le fait qu'on passe directement, qu'on lâche même nos cours au secondaire pour s'inscrire dans une A.E.C. Il y a des règles précises au règlement, et on a bien l'intention de les appliquer et de respecter cela; et, en ce sens, on ne pourra pas passer directement du secondaire au collégial dans un programme d'A.E.C., sauf exceptions, puis, habituellement, elles sont motivées, expliquées, etc., c'est vraiment exceptionnel, sinon ce n'est pas la règle, ce n'est pas ce qui est prévu, et notre règlement est très clair là-dessus.

La Présidente (Mme Blackburn): Bien. Merci, Mme la ministre. Messieurs, M. Côté, je pense, M. Dumont, M. Leclerc, je voudrais, au nom des membres de la commission et en mon nom personnel, vous remercier de votre participation aux travaux de cette commission. Je vous remercie également pour le crayon. Je ne sais pas comment je dois l'interpréter, d'une part, c'est que la vie est dure pour les étudiants, c'est rude et, en même temps, c'est de faire preuve de beaucoup d'ingéniosité. Merci.

Alors, sans plus tarder, comme nous avons pris un léger retard, nous allons donner le temps aux représentants de la Fédération étudiante collégiale du Québec de quitter la table et nous allons inviter immédiatement la Fédération autonome du collégial, leurs représentants, à venir prendre la place.

Alors, mesdames, messieurs! Parce que je sais qu'à la fin de la soirée on va commencer à trouver le temps long. Alors, les représentants de la Fédération autonome du collégial, le président, M. Richard Landry.

(21 h 40)

Alors, M. Landry, vous allez nous présenter les personnes qui vous accompagnent. Je vous rappelle brièvement les règles. Vous avez 15 minutes pour la présentation de votre mémoire. C'est à titre indicatif, je dois le rappeler, parce que cette période appartient à ceux qui viennent en commission parlementaire présenter un mémoire. Mais, en même temps, si on veut vraiment davantage approfondir votre mémoire, il est préférable qu'on puisse le faire à l'intérieur des 15 minutes, suivies d'un échange de 30 minutes. Alors, M. Landry, la parole est à vous.


Fédération autonome du collégial (FAC)

M. Landry (Richard): Mme la Présidente, je suis accompagné de M. Jean-Claude Drapeau, qui est vice-président aux affaires pédagogiques, et de M. Daniel Lussier, qui est conseiller en relations de travail.

La Présidente (Mme Blackburn): Bonsoir, M. Drapeau, M. Lussier.

M. Landry (Richard): Mme la Présidente, Mme la ministre, mesdames, messieurs de la commission, la Fédération autonome du collégial, que nous représentons, regroupe 17 syndicats d'enseignants et d'enseignantes de l'ordre collégial, soit plus de 4 000 enseignantes et enseignants des secteurs francophone et anglophone dans toutes les régions du Québec.

Deux traits caractéristiques de la Fédération, c'est que nous allions le discours et l'action syndicale avec le discours et l'action pédagogique. C'est donc forts de cette symbiose entre le discours pédagogique et l'action syndicale que nous déposons le présent avis à la commission de l'éducation. Après la prestation des étudiants, vous allez peut-être nous trouver bien vieux, mais j'espère que le contenu de notre déclaration va faire en sorte que ce sera quand même intéressant.

Mme la Présidente, la ministre risque de trouver que, nous aussi, nous lui prêtons toutes sortes d'intentions, mais je vous soulignerai que le gouvernement qu'elle représente nous a habitués à nous méfier. Il a presque instauré la méfiance en culte. D'ailleurs, quand on est ici en soirée, c'est rarement pour des bonnes nouvelles. Je me rappelle du 21 mars dernier; c'était peu agréable, et les intentions étaient claires à ce moment-là. Je me permettrai également de citer Saint-Just qui, lors de la Révolution française, disait: «Nul ne règne innocemment». Je vais le paraphraser en disant: Nul ne légifère innocemment.

Alors, le projet de loi qui est sur la table actuellement est tout sauf un projet de loi banal. C'est, au contraire, un projet majeur qu'on tente effectivement de nous faire voir de façon banale, mais ça ne l'est pas. Il induit des modifications considérables qui pourraient amener la métamorphose du réseau collégial.

Et pourtant, le réseau collégial a été mis sous la loupe ou sous le microscope à maintes reprises, en commission parlementaire, lors de la tenue des états généraux sur l'éducation, et, à chaque fois, on n'y a trouvé aucune pathologie grave. Malgré tout, on s'acharne à vouloir le modifier, le transformer, rarement pour les bonnes raisons, d'habitude, pour des raisons strictement financières que nous dénoncions, que nous dénonçons et que nous dénoncerons toujours.

L'ordre collégial, je crois qu'on peut s'entendre, est un fleuron du système d'éducation du Québec. Des dizaines d'années de travail intensif ont été investies dans cet ordre d'enseignement, et nous serons toujours sur la voie de ceux qui voudront le dénaturer et lui enlever ses lettres, je crois, de noblesse. On y revient toujours, finalement.

C'est sûr qu'en période de désengagement de l'État on comprend aisément pourquoi la ministre, par loi, va tenter de retirer une certaine substance de l'ordre collégial, comme elle l'a dit elle-même tantôt, en répondant aux demandes de certains, la Fédération des cégeps en particulier, et en donnant aux collèges entière liberté dans divers secteurs de l'administration. Et je dis bien «de l'administration» parce que, de pédagogie, on parle peu ici, malheureusement.

On comprend l'urgence du gouvernement de vouloir légiférer, avec son incontournable désir d'atteindre le déficit zéro à tout prix, désir que nous dénonçons et que nous refusons de cautionner parce qu'à notre avis il va causer un déficit social bien plus grave que le déficit budgétaire. En livrant carrément l'ordre collégial et les institutions d'éducation à l'entreprise, au capital, finalement, nous croyons qu'on fait là fausse route. Et c'est là que le projet n'est pas banal. En période de récession budgétaire, on comprend que tous les coups sont permis, et c'est ce à quoi nous nous opposons.

Au contraire, nous exigeons, nous demandons que l'on mette fin immédiatement aux compressions budgétaires. Nous demandons et nous exigeons également que l'on rétablisse un financement adéquat en éducation, plus spécifiquement, en ce qui nous concerne, à l'ordre collégial, un financement adéquat qui est une mesure minimale pour une société qu'on veut moderne et démocratique.

Malheureusement, ce projet de loi s'inscrit dans cette vaste opération de désengagement de l'État, comme je le disais tantôt, et de liquidation de ces acquis sociaux qui ont contribué au développement et à la croissance de la société québécoise dans son ensemble. D'ailleurs, en ce qui concerne l'éducation, toutes les inquiétudes sont permises, surtout lorsqu'on considère l'approche réductionniste adoptée par le gouvernement en matière de financement des programmes sociaux.

La loi n° 166, et je crois que quelqu'un d'autre l'a dit avant nous, c'est carrément un détournement de la mission première des cégeps, comme je vous disais, qui était l'enseignement supérieur, la pédagogie. Elle induit une vision mercantile et commerciale de l'éducation, et ça a été dit amplement, ça a d'ailleurs été admis. Alors, ça induit une mission tout à fait commerciale de l'éducation.

Le gouvernement veut clairement consacrer le principe de ce qu'on a dénoncé à plusieurs reprises, c'est-à-dire le cégep-entreprise, une entreprise comme les autres, finalement, qui sera à la recherche de bénéfices financiers de toutes les façons possibles. On comprend pourquoi. Les cégeps, qui sont presque tous en situation de faillite ou tout près de la faillite, qui sont tous, en tout cas, en crise financière grave, on comprend qu'on veuille en faire des entreprises, maintenant, qui pourront faire des bénéfices et qui pourront devenir des espèces de PME ou peut-être même des grandes entreprises. Ceci, Mme la Présidente, c'est l'école utilitariste que nous avons dénoncée, entre autres lors de la tenue des états généraux sur l'éducation, une école qui, comme on l'a dit tantôt, abandonne sa mission première et veut se dédier surtout à la production rapide d'une main-d'oeuvre captive, d'une main-d'oeuvre tout juste spécialisée pour répondre le plus rapidement aux besoins de l'entreprise privée.

On oublie entièrement, à ce moment-là, le développement de l'individu. Je crois qu'on oublie, comme on le disait tantôt, les efforts et le progrès social que l'éducation au Québec, heureusement – et on peut s'en féliciter, tous – a réussi à donner au Québec, et on veut remettre ce système d'éducation à l'entreprise privée. On comprend que, dans la politique néo-libérale qui est maintenant celle du gouvernement du Québec, c'est là une étape normale dans cette vision néo-libérale. Elle est tout à fait anormale, à notre avis. Il nous apparaît qu'il y a là des dangers extrêmement graves qu'il faut contrer immédiatement.

Par exemple, les étudiants en ont parlé largement tantôt, je vais seulement le souligner, mais ce n'est pas anodin, je pense qu'il est important qu'on le souligne, le passage du concept de «demandes des étudiants» à celui de «besoins des étudiants». Comment seront identifiés ces besoins des étudiants? De manière arbitraire? Sous un angle financier? Je pense qu'on peut le croire. Encore une fois, les collèges sont dans des situations financières tellement graves qu'on peut bien croire qu'ils vont tenter de réduire au minimum ces besoins pour pouvoir, au maximum, faire payer les étudiants pour ce qui ne sera pas des besoins fondamentaux mais qui sera à la limite de la frivolité.

Nous savons très bien, comme pédagogues, qu'il y a complémentarité entre les activités d'enseignement et les activités parascolaires. Aussi, est-ce que dorénavant les professeurs et les étudiants devront batailler ferme pour justifier un tel lien et en permettre le financement approprié par le collège? Ce passage d'apparence anodin du concept de «demande» à celui de «besoin» est donc lourd de conséquences. Un droit pleinement reconnu aux étudiants est maintenant réduit à une simple question de droit de gérance.

Et c'est de ça qu'il est question, c'est de transformer l'éducation et les choix et les décisions qui seront prises autour de l'éducation au collégial en une série, une pléthore de nouveaux droits de gérance. C'est le passage radical du choix et des décisions pédagogiques vers les choix et les décisions strictement administratives.

Nous, les enseignants, on dit qu'on manque de plus en plus de temps pour enseigner. On a d'ailleurs un colloque, au mois de janvier, qu'on intitule Trouver le temps d'enseigner . Ce n'est pas pour rien qu'on a un colloque de cette nature-là. C'est parce que maintenant on nous accable de tellement d'autres préoccupations qu'on a plus ou moins le temps – et c'est dramatique – de se consacrer à l'enseignement. Les administrations des collèges, c'est la même chose. Rares sont les administrations de collèges qui peuvent maintenant gérer la pédagogie ou parler de pédagogie. Elles gèrent des déficits, maintenant.

Ça confirme le rôle du cégep-entreprise en permettant aux collèges de générer des revenus qui vident de sa raison d'être la notion de gratuité des études collégiales. Ainsi, la ministre de l'Éducation met l'accent, et c'est très clair, sur la compétitivité, le rendement et la rentabilité des institutions collégiales. De plus, les nouvelles dispositions envisagées à la loi des collèges modifieront sous certains aspects le rôle de la commission des études. Ce faisant – les étudiants en ont parlé également tantôt – la ministre fait tomber un rempart protégeant ce choix social qu'est la gratuité scolaire. Le gouvernement n'a aucun mandat pour changer ce choix. Au contraire, il est tenu de le respecter, comme il en a fait maintes fois la promesse. Tout comme il n'a aucun mandat pour changer le rôle et l'objectif fondamental de l'enseignement supérieur, de l'enseignement collégial.

(21 h 50)

La FAC se prononce également contre l'imposition de droits différenciés pour les étudiants non résidents du Québec, parce qu'on voit là encore une fois une brèche dans le principe de la gratuité scolaire. Encore une fois, ce n'est pas une chose qui est anodine, ce n'est pas une chose qui tombe sous le sens. Il y a peut-être des questions de réciprocité que le gouvernement devrait tenter de négocier avec les autres provinces, par exemple. Mais je ne crois pas que c'est en imposant des frais de scolarité, au Québec, à qui que ce soit qu'on va régler le problème. Au contraire, ça risque d'en créer un encore bien plus grave, c'est d'écarter de l'éducation supérieure celles et ceux – les jeunes – qui n'auront peut-être pas ces moyens que d'autres auront.

Maintenant, en ce qui a trait à la taxe à l'échec, qu'on appellera «l'odieuse taxe à l'échec», c'est bien clair que cette taxe-là sert bien plus à combler le déficit du gouvernement plutôt que d'assurer une réelle responsabilisation des étudiantes et des étudiants. Vous connaissez le fléau qu'est le taxage, à l'école? Qu'est-ce qu'on peut penser d'un gouvernement qui se livre lui-même au taxage de ses étudiants dans les collèges?

Toujours dans la question budgétaire, la fusion des enveloppes budgétaires. Et, tantôt, la ministre, ça nous a fait plaisir d'entendre qu'elle était toute disposée à ne pas toucher ou à garder tel que c'était l'organisation des enveloppes budgétaires. Alors, nous, on en fait la demande officiellement: que les sommes allouées aux différentes rubriques dans le financement des collèges soient dépensées dans ces rubriques, soient utilisées dans ces rubriques, et qu'on ne fasse pas, comme c'est prévu dans la loi – et je comprends que ça sera accepté, comme la ministre s'est avancée là-dessus tantôt – une fusion de ces enveloppes budgétaires, parce que, à ce moment-ci, il faudrait comprendre que ça mettra les collèges dans des situations de choix contradictoires, c'est-à-dire choisir l'utilisation des sommes à des fins administratives ou à des fins pédagogiques. Et la sous-traitance, dans tout ça, ça ne sera certainement pas le moindre des maux.

Les choix que feront les administrations de collèges nous sont connus depuis fort longtemps. D'ailleurs, la Fédération des collèges a clairement indiqué ses couleurs. Nous avons d'ailleurs les preuves que les directions de collèges exigent un droit de gérance plein et entier sur les ressources spécifiques à l'enseignement. Ça a été dit et redit, je pense que c'est public, personne ne l'ignore. La FAC croit que cette situation représente une vision utilitariste et qu'elle provoquerait un déséquilibre certain dans le développement des collèges des régions et, enfin, du réseau.

Par ailleurs, les modifications prévues à ces articles forceront soit la fusion des cégeps, soit la constitution de cégeps régionaux selon un modèle qui risque d'être unique, quoi qu'on en dise, soit celui développé et inclus dans la loi, de la région de Lanaudière. Que se passera-t-il dans le cas des cégeps récalcitrants? Si la fusion ou la régionalisation ne sont pas convenues, la ministre les y forcera-t-elle en s'appuyant sur les pouvoirs discrétionnaires évidents que lui confèrent les articles 26 et 30?

Cette globalisation des subventions – et on espère toujours qu'elle n'aura pas lieu – et des dépenses, qui va dans le sens de cette fameuse autonomie tant réclamée, entre autres par la Fédération des cégeps, donne l'impression de n'être soumise à aucune vérification de la part du MEQ. Cette déresponsabilisation de l'État n'a d'égale que l'obsession maladive du gouvernement d'aboutir à un système d'éducation collégial au moindre coût, sans considération aucune pour la mission pédagogique dévolue aux collèges.

Et, lorsqu'on vous dit qu'on a l'impression que ce n'est soumis à aucune vérification de la part du MEQ, je pense qu'on vient d'en avoir un excellent exemple, Mme la Présidente: que la ministre doit demander aux étudiants de l'informer des frais qu'ils paient dans chacun de leurs collèges! Je crois que ça veut dire qu'on ne sait pas ce qui se passe dans les collèges actuellement, et c'est assez dramatique.

Compte tenu du désengagement financier de l'État, les modifications proposées par la ministre sur les plans structurel et organisationnel sont majeures. Aussi, l'effet structurant de l'implantation éventuelle de cégeps régionaux ou de mégacégeps est lourd de conséquences. L'ampleur des préoccupations administratives que vont générer ces nouvelles créatures va une fois de plus reléguer au second plan l'organisation pédagogique.

La prolifération des A.E.C., maintenant. À notre avis, ce n'est pas une solution. La libéralisation tous azimuts des attestations d'études collégiales, les A.E.C., annoncée dans Prendre le virage du succès et reconfirmée par la ministre à l'Assemblée nationale le mercredi 19 novembre, n'ira pas sans causer de problèmes. La FAC considère que le collégial s'oriente vers un système d'éducation à deux niveaux: le Diplôme d'études collégiales, le D.E.C., avec son large éventail de programmes qui ont fait leurs preuves; et la prolifération des A.E.C. qui, dans un contexte de raréfaction des ressources, viendra assurément déstabiliser le réseau collégial.

Il est important de souligner que, d'un côté, il existera en nombre probablement de plus en plus restreint des attestations d'études collégiales financées par le MEQ et pour lesquelles des droits de scolarité ne seront pas exigibles. D'un autre côté, il y aura une pléthore d'attestations d'études collégiales non financées et dont les droits de scolarité devront être acquittés par les étudiantes et les étudiants.

De plus, parce qu'elle constitue une formation de courte durée pouvant dorénavant être offerte sans autorisation ministérielle, l'A.E.C. va concurrencer le D.E.C. qui, lui, est en situation de recul face au Diplôme d'études professionnelles du secondaire. Encore une fois, la ministre met l'accent sur une école utilitariste qui fait abstraction de l'individu au profit de la formation d'une main-d'oeuvre ponctuelle et captive afin de répondre aux besoins immédiats des entreprises. La FAC considère que cette vision néo-libérale de l'éducation ne correspond pas à l'idéal d'éducation auquel toute société démocratique doit souscrire.

Bien entendu, vous comprendrez, Mme la Présidente, que l'A.E.C., en soi, ce n'est pas un problème. Évidemment, si on peut l'utiliser pour permettre un ressourcement, un perfectionnement, je crois que c'est très sain. Sauf qu'il faut voir dans quel contexte on en parle. Comme j'ai dit tantôt, les collèges sont aux abois, financièrement. Vous savez, les entreprises sont quand même... enfin, plusieurs entreprises sont financièrement en bonne situation. Alors, lorsque le quêteux va inviter le millionnaire dans sa maison, on sait ce qui va se passer. Il va tasser ses propres enfants pour lui faire toute la place parce que le millionnaire amène des sous. Les quêteux, vous aurez compris que c'est les collèges, et les enfants, c'est les étudiants qui y sont. Alors, on a bien l'impression que, lorsque les sous seront disponibles de la part des entreprises, les investissements et, enfin, les énergies seront fort probablement mis de ce côté-là parce que, comme on dit, ça, ça rapporte, alors que l'éducation, ça ne rapporte pas, dit-on, dans l'immédiat. Je prends trop de temps, je le sens.

La Présidente (Mme Blackburn): Bien. Alors, vous avez terminé votre présentation?

M. Landry (Richard): Je terminerai dans deux minutes, si vous permettez.

La Présidente (Mme Blackburn): En conclusion?

M. Landry (Richard): En conclusion. En conclusion, Mme la Présidente – j'y arrivais justement, ça tombe bien, tout de même – comme représentants des enseignantes et des enseignants, ce projet de loi ne nous inspire qu'inquiétudes, appréhensions et scepticisme. C'est pourquoi la ministre doit faire connaître rapidement et clairement toutes ses intentions, pour permettre une véritable consultation. Celle-ci nous permettra d'apprécier au mérite les applications de cette loi fort complexe qui contient le germe d'une métamorphose complète du réseau collégial. Merci.

La Présidente (Mme Blackburn): Alors, merci, M. Landry. La parole est maintenant à Mme la ministre.

Mme Marois: Merci, Mme la Présidente. Je souhaite la bienvenue à nos invités. Vous comprendrez que je ne partage pas votre point de vue à bien des égards; j'ai eu l'occasion de le dire à d'autres de vos collègues avant vous. Mais il y en a un, il y a une affirmation que vous faites avec laquelle je suis en parfait désaccord, quand vous dites que nous voulons faire des cégeps-entreprises et que nous voulons sacrifier sur l'autel de l'excellence l'idéal de l'égalité des chances. Là, il y a quelque chose qui ne va pas. Je ne vois pas en quoi ce qui est déposé devant vous peut vous faire affirmer cela d'une quelconque façon.

Non seulement la Fédération des cégeps souhaiterait que l'on aille, entre autres, vers des activités commerciales... Ils nous l'ont demandé – vous étiez peut-être là cet après-midi – et on leur dit: On croit que c'est important de baliser ça, parce que justement vous êtes une institution d'enseignement et vous ne pouvez pas vous transformer demain matin en entreprise; et, en ce sens, on pense que c'est important de respecter votre mission tout en vous donnant des possibilités, bien sûr, d'offrir des services, et de les offrir dans un contexte où vous pourrez le faire plus librement, à des travailleurs et des travailleuses qui en ont besoin dans leur entreprise et que, pour ce faire, vous puissiez être reconnus et soutenus financièrement.

Je ne vois pas en quoi on va contre l'égalité des chances quand on fait ça. Et je ne vois pas en quoi on va vers un cégep-entreprise, alors que, dans les faits, nous nous sommes fixé un objectif, dans le plan d'action pour la réforme, qui, au contraire, ne vise pas à augmenter les possibilités pour les cégeps d'aller chercher des sous en dehors de leur mission et de leurs responsabilités, mais on a dit: L'objectif que nous fixons pour l'an 2010 pour la diplomation au niveau des cégeps est une amélioration de l'ordre de 10 %, de 12 % ou de 15 %. Nous l'avons fixé pour les universités, nous l'avons fixé pour les cégeps et nous l'avons fixé pour le niveau secondaire. Et, pour ce faire, donc, nous pensons qu'il faut améliorer ce que nous faisons dans nos institutions et mettre l'accent d'abord et avant tout sur les étudiants pour qu'ils diplôment, tant au niveau du technique qu'au niveau du préuniversitaire.

(22 heures)

Je suis d'accord avec vous que c'est un des beaux fleurons de notre système que les cégeps, je l'ai affirmé à plusieurs reprises, encore aujourd'hui. Je continue d'y croire. Et nous essayons d'aider nos institutions afin que cela devienne une réalité que cette réussite du plus grand nombre. Parce qu'on en a un, problème, vous le savez, il est réel, au sein de nos institutions, qui est celui, entre autres, du niveau de diplomation. D'ailleurs, je pense que vous êtes aussi associés à ce comité que nous souhaitons mettre en place pour travailler sur les questions de réussite. Et, en ça, je pense que ce qu'on propose ici, c'est un peu de latitude pour les institutions pour qu'elles puissent aider et soutenir mieux nos travailleurs et nos travailleuses qui ont besoin de formation continue. C'est ça qu'on essaie de faire et, au contraire, pas au détriment des étudiants réguliers qui vont se diriger et aller vers un diplôme terminal de type technique ou de type général; même si on dit «préuniversitaire», il reste quand même que c'est un diplôme terminal, à cette phase-là, bien sûr. Et on ouvre, dans le fond, la possibilité de plus, pas de moins et pas de faire que nos cégeps deviennent des entreprises, absolument pas. Elles sont des institutions d'enseignement et elles doivent former les personnes qui en ont besoin.

Par ailleurs, là encore, lorsqu'on dit: Est-ce qu'on n'est pas en train d'attaquer cette accessibilité, dans le fond, à nos institutions en faisant une brèche par des frais de scolarité que nous chargeons aux étudiants étrangers, aux étudiants canadiens? C'est justement pour nous permettre de nous assurer qu'on préserve les ressources que le Québec a faites à ces institutions. Et il y a un régime de prêts que le gouvernement canadien a mis en place et auquel ont accès aussi ceux et celles qui viennent d'en dehors du Québec. Celui du Québec est plus généreux pour les étudiants du Québec, d'accord, mais, ça, c'est les choix qu'on a faits, justement. Et, parce que d'autres veulent utiliser nos services, qu'ils ont accès aussi à un régime de prêts, on leur dit: Si vous étiez chez vous, vous paieriez pour ces services-là; nous avons fait un choix différent, au Québec, mais on vous demande de contribuer, de telle sorte que justement ce ne soit pas nous qui payions pour vous. Il me semble que c'est, au contraire, se donner des moyens de préserver ce qu'on a de mieux et ce à quoi on croit.

Alors, j'ai un peu de misère à vous suivre, je vous le dis. Vous me connaissez, ça fait assez longtemps qu'on se rencontre pour différents débats, différentes discussions. Je suis sensible au fait que vous avez une préoccupation importante sur toute la question de la pédagogie puis j'apprécie un bon nombre de vos remarques et de vos réflexions et des échanges que nous avons ensemble, mais, sur cela, je vous le dis, je ne partage pas votre analyse ni votre point de vue. Alors, je ne sais pas ce que je peux ajouter de plus.

Vous dites: La taxe à l'échec. Nous l'avons appelée une «incitation à la réussite». C'est évident qu'il faut dire aux étudiants que leur devoir, c'est de réussir. Puis, pour réussir, on leur propose des règles à respecter; je pense que c'est normal. Si on n'apprend pas l'exigence à l'école, que ce soit à la petite école ou à la plus grande école qu'est le cégep, où est-ce qu'on va l'apprendre? On ne peut pas tout d'un coup décider qu'on va choisir de s'engager dans quatre, cinq cours, en rater trois parce qu'on en a lâché un, parce que celui-là nous tentait un peu moins, puis qu'il n'y ait pas de conséquences à ça, alors qu'on sait que, de toute façon, c'est même une minorité qui vit ces situations-là, ce n'est pas le cas ni le lot de la majorité. Alors, on dit: Oui, c'est exigeant, aller à l'école, c'est exigeant, aller au cégep, puis c'est exigeant de réussir, et puis, pour qu'on constate ça ensemble, on va vous demander une contribution si, après deux échecs, vous voulez revenir dans les cours et continuer votre formation. C'est ce qu'on dit. Moi, je pense que c'est une incitation à la réussite et au travail. Je peux me tromper, mais je pense qu'il faut qu'il y en ait, de ces exigences qui soient posées. S'il y a d'autres mesures à proposer, on va travailler ensemble, on a un groupe qui a été mis en place pour cela.

Par ailleurs, sur la question de l'information que nous n'avons pas sur certains frais qui seraient demandés par les cégeps, vous dites: C'est un peu étonnant que l'Éducation demande aux étudiants... Parce que les étudiants souvent nous disent: Telle institution nous charge des frais, elle n'a pas le droit. Puis, nous, on ne le sait pas, effectivement, parce qu'on les signe, les autorisations qui sont conformes au règlement, ils nous le demandent, mais ils ne nous le demandent pas pour faire ces choses-là. Puis, à un moment donné, on peut bien demander des rapports, et tout le reste, ils nous donnent un certain nombre d'informations, mais en cours d'année ils ajoutent des choses. À chaque fois, on écrit aux directions de ces cégeps-là puis on dit: Vous n'avez pas le droit de faire ça, ce n'est pas possible, on vous demande de cesser. Ils arrêtent, ils trouvent une autre formule, mais quand on le sait, évidemment. Alors, on demande, dans le fond, aux étudiants: Si vous en connaissez, dites-nous-le puis on va intervenir d'une façon prompte. C'est pour ça qu'on le fait, mais, sinon on peut bien cesser de le leur demander.

Je veux partager ça avec vous. Et je pense, non plus, qu'on ne veut pas faire une révolution dans ce qu'on propose. On se donne un certain nombre de moyens, bien sûr; je pense que c'est normal. Quand un État se donne la possibilité, par exemple, d'émettre des autorisations, des lettres patentes pour fonder une institution, il doit aussi avoir la possibilité de les retirer s'il juge que cela peut être nécessaire. Mais il y a des balises, cependant, qu'on se donne. Et, en ce sens, s'il faut les resserrer, ces balises-là, on va regarder comment les resserrer. Entre autres, on demande qu'il y ait une consultation du Conseil supérieur de l'éducation si des changements devaient être faits dans le sens de la fusion ou d'une fermeture; ce n'est quand même pas rien!

M. Gautrin: Vous n'avez jamais suivi les recommandations du Conseil.

La Présidente (Mme Blackburn): S'il vous plaît! s'il vous plaît!

Mme Marois: Non, au contraire, justement, dans le cas de Lanaudière, le Conseil supérieur de l'éducation nous avait dit: S'il y a consensus dans le milieu, nous croyons qu'on devrait autoriser une intervention. C'est exactement ça, oui, parce que je l'ai lu d'un couvert à l'autre et deux fois plutôt qu'une. Mais, enfin, je ne veux pas que nos invités se sentent embarrassés par nos échanges, ici. Mais je partage ça avec vous, je vous le dis en toute simplicité; et, comme vous connaissez ma façon de travailler, ma façon de faire, vous ne serez pas étonnés, donc, que je vous le dise aussi franchement ce soir.

La Présidente (Mme Blackburn): Bien. Alors, vous voulez réagir, M. Landry?

M. Landry (Richard): J'aimerais bien, oui, si vous permettez. Vous connaissez également nos façons de réagir et d'intervenir, alors, là-dessus au moins, on s'entend, et c'est très bien. Vous me facilitez la tâche, Mme la ministre, parce que vous posez des questions et vous y répondez en partie. Je reviens encore sur la question des informations demandées aux étudiants. Vous nous dites clairement: Écoutez, on signe les lettres ou les documents qui sont conformes puis, là, on se rend compte qu'il se passe autre chose. Moi, ce que je comprends là-dedans, c'est qu'il y a des choses qui se passent dans les cégeps qui sont inconnues. Et, dans la loi, on ouvre encore plus largement les droits de gérance, plus largement les droits administratifs, plus largement la liberté des collèges. Qu'est-ce qu'on va savoir, au bout de la ligne? Là, ce ne sera vraiment plus rien.

Alors, comment pouvons-nous dire que, non, c'est la mission première des cégeps qui va être défendue, c'est la pédagogie, c'est l'enseignement supérieur, ce n'est pas l'école-entreprise, si on ne sait même pas aujourd'hui quels sont les frais imposés illégalement aux étudiants? Comment pouvons-nous dire que dans un mois, deux mois, un an, deux ans, on va savoir plus en leur donnant plus de pouvoirs? Vous comprenez? C'est une interrogation et une préoccupation majeures.

Maintenant, on a l'impression souvent d'entendre deux discours. Un discours sur lequel on s'entend: il faut aider les étudiants, les faire avancer vers la réussite, la diplomation, et tout ça. Là-dessus, écoutez, on s'entend très bien. Mais, tout de suite après, on tasse la porte de l'autre côté puis, derrière, ce qu'on voit, c'est des compressions, depuis des années, à répétition, des dizaines et des dizaines et des dizaines de millions de compressions budgétaires. Ah! vous me direz que l'argent n'est pas tout pour réussir, en éducation. Avouez que c'est quand même un bon coup de pouce!

On sent encore que l'année prochaine... il y a des rumeurs qui deviennent de plus en plus fermes qu'il y aurait des coupures massives. On parle de 80 000 000 $, ce n'est quand même pas rien, parce qu'on parle de centaines de millions, dans les dernières années. Alors, moi, je veux bien qu'on parle de réussite des étudiants puis je veux bien qu'on dise que les collèges ne seront pas des collèges-entreprises, mais, lorsque, d'un côté, on prétend tout ça mais qu'en même temps on fait des coupures tellement importantes, et je le répète, que les collèges ne savent plus à quel saint se vouer... C'est quand même assez rare que les représentants des collèges disent: On ne coupera pas, cette année, on n'est pas capables. Je veux dire, d'habitude, ils essaient de trouver des solutions. C'est quand même assez rare. Si c'est éducatif, on les félicite d'ailleurs de l'avoir fait.

Mais, quand on leur donne les pouvoirs d'aller faire des bénéfices et d'investir leurs énergies dans des alternatives, des avenues qui leur permettent de renflouer leurs coffres qui sont vides, je pense que l'équation est simple à résoudre, ils vont se diriger vers ça. Je ne pense pas qu'ils vont le faire par mesquinerie, je ne pense pas qu'ils vont le faire par méchanceté ou parce qu'ils se désintéressent de leur rôle, mais ils vont le faire parce qu'ils n'auront pas le choix, ils n'ont pas d'argent pour fonctionner. Alors, l'A.E.C. qui est payante puis le D.E.C., quel qu'il soit, qui, lui, entre guillemets – je dis bien entre guillemets, vous comprenez, je suis ironique – n'est pas payant, je pense que l'équation est facile à faire. Alors, ils vont investir là-dedans, ils vont aller chercher l'argent qui est là. Si ça, ce n'est pas une entreprise... Il y a peut-être une autre définition, vous pourrez nous la suggérer.

La Présidente (Mme Blackburn): Bien...

M. Landry (Richard): Je m'excuse. En terminant, pour ce qui est de la taxe à l'échec, écoutez, je comprends qu'on doive responsabiliser les étudiants, c'est notre rôle. Un de nos rôles les plus importants comme pédagogues, c'est de les responsabiliser, et ils sont très bons là-dedans, en passant, ils se responsabilisent assez bien. Mais je ne peux pas croire qu'au Québec on n'a pas trouvé une autre solution que le coup de règle sur le bout des doigts pour les obliger à réussir. Parce que, la taxe, c'est ça. Il me semble qu'on est assez évolué comme société pour avoir des solutions meilleures. Mais je comprends, encore une fois, qu'en pénurie de ressources on va du côté de l'argent puis on fait payer tout le monde. Mais je pense qu'on est capable de trouver mieux que ça.

(22 h 10)

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, M. Landry. Le temps qui vous était imparti est écoulé. Mme la ministre, la parole est maintenant à M. le député de Verdun. M. le député.

M. Gautrin: Merci, Mme la Présidente. Je ne voudrais pas prendre du temps que j'ai à échanger avec vous sur le rapport du Conseil supérieur de l'éducation. Mais vous permettrez qu'on ait le temps d'en discuter, parce que je n'ai pas du tout la même lecture que vous, et vous avez, à mon sens, une lecture totalement biaisée de ce rapport. On pourra reprendre les points un à un lorsqu'on fera l'étude article par article.

Mais, moi, je voudrais, si vous me permettez, rentrer avec vous sur la part de votre mémoire et non pas un débat sur le rapport du Conseil supérieur de l'éducation. Quels sont les effets... Vous avez soulevé une inquiétude dans votre mémoire sur la modification de l'article 25, c'est-à-dire l'unification des enveloppes, que les enveloppes d'investissement, les enveloppes de fonctionnement vont toutes être unifiées. Mais, moi, je voudrais vous entendre à l'heure actuelle sur les enveloppes du service de la dette; la crainte que vous avez, c'est quoi, liée derrière cela?

La Présidente (Mme Blackburn): Oui, M. Lussier, la parole est à vous.

M. Lussier (Daniel): Merci. C'est-à-dire que ce que l'on a vécu durant longtemps, c'est que les sommes qui étaient allouées spécifiquement dans les besoins des collèges selon le développement et selon des décisions qui regardaient la pédagogie étaient allouées... ces éléments-là. On commence à voir des problèmes, et ça fait longtemps que les administrations locales de collèges tentent d'inverser, de dévier des sommes. On les voit, on les a vus. Et, présentement, on a l'impression qu'il va y avoir des sommes – peut-être un terme pas très honnête, là – détournées.

M. Gautrin: Autrement dit, vous vous dites: Si, dans la loi, on veut tout fusionner, c'est probablement qu'il y a une raison derrière. Et vous avez eu des indications qui ont fait qu'il y a eu ce que vous appelez dans votre langage – et on s'entend, entre guillemets – certains détournements de fonds. Et j'entends, par «détournements de fonds», détournements...

M. Lussier (Daniel): Non.

M. Gautrin: On se comprend, et je ne veux pas utiliser le terme «détournement de fonds», c'est-à-dire affectation différente des fonds par rapport à ce qui avait été prévu.

M. Lussier (Daniel): Les activités pédagogiques, le financement selon le A...

M. Gautrin: Oui.

M. Lussier (Daniel): ...c'est un financement très important...

M. Gautrin: Oui, je suis d'accord avec vous.

M. Lussier (Daniel): ...dans un collège et c'est considéré aux activités pédagogiques et aux activités de développement. C'est ce qui nous aide à enseigner, beaucoup, une des parties de ça. Et on voit que les collèges investissent peu là-dedans. Alors, quand les enveloppes vont être fusionnées, on se pose la question sur ça. Les volumes qu'il y a dans les bibliothèques, la technologie qu'ils ont, quand elle arrive deux ans en retard, après le marché du travail, j'ai un problème. Quand le renouvellement de l'équipement ne se fait pas, j'ai un problème, un enseignant a un problème, et tous les enseignants en ont avec l'équipement et les retards à ce niveau-là. Quand on fréquente des laboratoires et qu'on est en retard, puis qu'on forme des étudiants qui devraient être aptes au marché du travail, on a des problèmes, on paie plus tard des choses.

La Présidente (Mme Blackburn): M. Drapeau, vous vouliez compléter?

M. Drapeau (Jean-Claude): Oui, Mme la Présidente, ajouter un complément que je vais tirer directement de Prendre le virage du succès , noir sur blanc, parce que je pense que ça pourrait nous éliminer beaucoup d'appréhensions que l'on a, si on pouvait travailler avec les écrits qui restent. Titré: Consolider et rationaliser l'enseignement collégial . Quand on met le paradoxe de consolider et de rationaliser et que, par la suite, on nous dit: «On reconsidérera le cloisonnement historique inscrit dans les règles budgétaires entre les subventions consacrées à l'enseignement ordinaire, celles destinées à la formation continue et celles allouées aux cours d'été. Cela permettra une gestion plus globale des ressources humaines de même qu'un développement rationnel et souple de l'offre de services sur les plans local et régional.» Et là on voit mieux aussi ce que Daniel exprimait en regard de l'enveloppe A et des glissements qui pourraient se faire sur la formation continue à partir des ressources qui sont consenties actuellement à la formation initiale, de là le concept de cégep-entreprise.

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, M. Drapeau. M. le député.

M. Gautrin: Je comprends, et je pense qu'on aura l'occasion, dans le débat, de poursuivre ça. Le temps étant limité, je veux revenir sur un autre champ. Vous représentez ce qui est, à mon sens, un exemple déjà de cégep régional, et je fais référence plus particulièrement au cégep de Gaspé-Carleton–Les Îles, ou Les Îles-Gaspé-Carleton, je ne sais pas quel titre vient avant. Est-ce que le modèle qui est dans le projet de loi, donc, correspond ou s'adapte à ce que vous vivez, en termes de relations pédagogiques, dans le cégep de la Gaspésie ou pas? Autrement dit, est-ce que ce qui se passe en Gaspésie, si on avait transféré le modèle actuel, n'aurait pas été adaptable sur le modèle gaspésien?

J'essaie de vérifier une assertion qui a été faite par certaines des personnes qui sont venues avant vous, disant: Faites attention, si vous appliquez le modèle de cégep régional partout, ça ne marchera pas. Et je voudrais savoir, parce que je pense que celui de Gaspésie est un cégep qui marche, à l'heure actuelle, est-ce qu'il correspond au modèle qui est dans le projet de loi?

La Présidente (Mme Blackburn): M. Drapeau.

M. Drapeau (Jean-Claude): Oui. Alors, nous, en regard de ce qu'on connaît très bien pour Gaspésie-Les Îles, avec centre d'études à Carleton et centre spécialisé à Grande-Rivière, cela nous fait la preuve qu'il peut y avoir d'autres types de modèle d'organisation que celui qui est proposé par le changement à la loi actuellement. Et la limite qu'on retrouve actuellement dans ce qu'on soumet comme projet de loi, c'est qu'on constitue effectivement un modèle unique où, particulièrement, ce modèle-là est issu des tractations propres à ce milieu, tractations qui avaient beaucoup des origines à l'égard de l'accessibilité et qui, par la suite, compte tenu d'un contexte budgétaire restreint, ont forcé et sont devenues même, ces contraintes-là, un prétexte à introduire le modèle de cégep régional, qui devient un cégep administratif qui permet de faire éventuellement de la rationalisation de programme d'une façon facile.

Nous, ce qu'on en pense, c'est que, dans un modèle de cégep régional unique comme celui qu'on a présentement, les préoccupations de la pédagogie, elles sont évacuées, au niveau du collège régional. Elles appartiennent exclusivement à chacune des constituantes, et donc, chacune des constituantes devra aller se bagarrer au conseil d'administration du cégep régional pour justifier ses attentes et son développement en regard de l'accessibilité de la réussite étudiante. Et, à cet égard-là, on croit qu'il y a un vide évident.

Je vous dirais même plus, pour conclure. Le fait qu'on ne retrouve pas, dans aucune des constituantes, une direction des études, mais bien un directeur de la constituante qui aura de multiples fonctions, de multiples chapeaux, on s'attend qu'il va éventuellement peut-être pouvoir s'occuper de la pédagogie, mais on sait bien que les préoccupations administratives devront être priorisées.

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, M. Drapeau. M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Si vous permettez, je continue donc sur ce que vous soulevez. Je veux réellement continuer sur un exemple concret qui marche. Comment la pédagogie est vécue dans l'exemple du cégep Gaspé-Les Îles– Carleton?

M. Drapeau (Jean-Claude): Très simplement...

M. Gautrin: Est-ce qu'il y a un DSP pour chacune des constituantes? Comment ça fonctionne?

M. Drapeau (Jean-Claude): Alors, très simplement, il y a une commission des études pour le cégep régional, sur laquelle commission des études proviennent des enseignantes et des enseignants de même que d'autres catégories de personnel de chacune des constituantes, de chacun des sites qui font partie de ce cégep.

La Présidente (Mme Blackburn): Ce que je veux bien comprendre, pour compléter la question du député de Verdun, c'est qu'il n'y a pas un directeur des études dans chacun des campus, parce que la taille n'est pas suffisante, j'imagine, parce qu'à Carleton il ne doit pas y avoir beaucoup d'élèves là, non plus que celui des Îles, ce qui n'est pas le cas dans le collège régional, toutefois.

M. Drapeau (Jean-Claude): Je pense que c'est exactement un des éléments déterminants, compte tenu de l'ampleur ou de la petitesse des centres qui sont en cause.

La Présidente (Mme Blackburn): De la taille.

M. Drapeau (Jean-Claude): Effectivement. Mais il y a quand même quelque chose de fondamental. Au cégep de la Gaspésie-Les Îles, il y a une personne qui occupe spécifiquement la fonction de direction des études, alors que, dans le modèle actuel de conseil régional, il n'y a personne, aucune personne n'occupe cette fonction de direction des études de manière exclusive.

La Présidente (Mme Blackburn): Bien. Merci, M. le député de Verdun. Ceci met fin à l'échange avec la Fédération autonome du collégial. Quelques mots avant de nous quitter?

(22 h 20)

M. Landry (Richard): Oui. Je vais en dire un et je vais en laisser un à mon collègue, si vous permettez. Ça va être très rapide. Écoutez, comme on l'a dit à plusieurs reprises, c'est rarement les concepts eux-mêmes qui causent les problèmes; c'est bien plus les contextes dans lesquels on les développe, ces concepts-là. Et il y a des concepts dans la loi, évidemment, qui sont intéressants. J'ai pris l'exemple de l'A.E.C. tantôt. Le contexte, cependant, dans lequel on se trouve est assez dramatique.

Et je vais prendre un exemple, pour terminer. On a parlé de fusion, on parle de fusion, on sait qu'il y a des collèges qui discutent de fusion. Et, moi, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt la conférence de presse des trois directeurs généraux de trois collèges qui parlaient de fusion, Vieux-Montréal, Rosemont et Maisonneuve. L'une des premières phrases qu'ils ont dites m'a frappé. Ils ont dit: Vous savez, avant d'être obligé, on se parlait très peu, puis on n'était pas intéressé à faire la fusion, puis on n'est pas plus intéressé aujourd'hui, mais il faut le faire parce qu'on manque de sous. Je pense que c'est assez significatif. Et ça, c'est le genre de chose qui nous inquiète.

La Présidente (Mme Blackburn): M. Drapeau.

M. Drapeau (Jean-Claude): Alors, rapidement. Encore une fois, je vais faire la même référence que tout à l'heure. Dans le document de Mme Marois, on nous avait parlé que «après consultation, le ministère entreprendra une démarche menant à des modifications à la Loi sur les collèges d'enseignement général et professionnel et au règlement sur les études collégiales». Nous n'avons pas vu passer cette consultation avant de voir arriver l'avant-projet de loi.

Dernier élément. On nous dit également dans ce document: «Des modifications pour favoriser la création de collèges régionaux – au pluriel – et le regroupement de services. Des modifications législatives et réglementaires rendront possible la création de collèges régionaux et prévoiront des changements aux règles budgétaires afin d'inciter les cégeps à regrouper leurs services administratifs ou à fusionner. L'annulation de la charte d'un cégep sur recommandation de la ministre sera rendue possible».

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, M. Drapeau.

M. Gautrin: ...par les nouveaux pouvoirs qui sont donnés actuellement par l'article... je pense que c'était 24, qui modifiait l'article 30, à la ministre, des pouvoirs réglementaires. C'est le même questionnement?

M. Drapeau (Jean-Claude): Définitivement.

La Présidente (Mme Blackburn): Bien. Merci, M. Drapeau, M. Landry, M. Lussier, pour votre participation aux travaux de cette commission. Nous allons suspendre quelques minutes la séance, le temps pour les personnes de quitter la table et les autres de s'y rendre.

(Suspension de la séance à 22 h 23)

(Reprise à 22 h 25)

La Présidente (Mme Blackburn): Nous reprenons nos travaux, parce que je vous vois tout de suite trouver les dernières minutes un peu longues. Alors, la commission reprend sa séance.

Nous entendons, tel que prévu à l'ordre du jour, le Conseil des collèges non subventionnés, et le président, M. Roger Matte, et M. Julien, président de l'académie Julien inc. et membre du Conseil des collèges non subventionnés.

Messieurs, vous connaissez les règles. À titre indicatif, une quinzaine de minutes pour la présentation de votre mémoire, suivie d'un échange de 30 minutes avec les membres de la commission. Alors, nous vous écoutons.


Conseil des collèges non subventionnés (CCNS)

M. Matte (Roger): Merci. On a demandé à M. Julien de préparer le mémoire, alors, si vous permettez, on va lui demander de le lire, s'il vous plaît.

La Présidente (Mme Blackburn): Alors, M. Julien, la parole est à vous.

M. Julien (Michel): Merci. Mme la Présidente, Mme la ministre, MM. et Mmes les parlementaires de cette commission, nous voudrions d'abord remercier les membres de cette commission parlementaire de nous donner l'occasion d'exprimer notre point de vue sur certains volets du projet de loi n° 166. Nous vous en savons gré, d'autant que ce projet de loi nous concerne directement en ce qu'il permettrait dorénavant aux collèges publics d'exiger des droits de scolarité pour les programmes conduisant à une Attestation d'études collégiales.

D'entrée de jeu, nous disons que nous sommes contre une telle disposition. Le but de ce bref mémoire est d'ailleurs de vous donner les motifs à l'appui de cette opposition. Dans les quelques minutes qui vont suivre, nous présenterons d'abord le Conseil des collèges non subventionnés, que nous représentons ici ce soir, nous rappellerons ensuite quelle est la mission traditionnelle des cégeps inscrite dans la Loi sur les collèges d'enseignement général et professionnel, puis nous dirons en quoi l'orientation prévue au projet de loi constitue pour les collèges privés non subventionnés une forme de concurrence déloyale. Nous conclurons en disant que, si l'orientation prévue au projet de loi est maintenue, nous assisterons à une dévaluation du D.E.C. technique.

Tout d'abord, le Conseil des collèges non subventionnés. Fondé en 1964, le Conseil des collèges non subventionnés regroupe près d'une trentaine d'institutions détenant un permis du Service de l'enseignement privé de la Direction générale de l'enseignement collégial du ministère de l'Éducation. Non subventionnées, ces institutions donnent annuellement une formation de niveau collégial, principalement des programmes d'attestation d'études collégiales, à environ 5 000 étudiants à temps complet. L'âge moyen de la clientèle se situe à 27 ans. Pour l'ensemble des institutions membres du Conseil, le nombre d'emplois directs est présentement évalué à 1 000, et son impact économique est de l'ordre de 50 000 000 $ par année.

Les institutions membres du Conseil offrent une gamme variée de formations. Cependant, ce sont les technologies de pointe telles la programmation, la bureautique, l'informatique, l'infographie, l'électronique et la conception assistée par ordinateur qui sont les plus répandues. La formation, généralement basée sur une approche personnalisée, permet ainsi à l'étudiant de progresser à son propre rythme. À cet effet, il n'est pas étonnant que les institutions membres du Conseil forment à chaque année le plus grand nombre de programmeurs analystes au Québec.

Le Conseil et ses institutions membres ont développé au fil des ans une expertise dans les domaines de formation principalement axée sur les technologies porteuses d'avenir. En s'adressant à une clientèle à cheminement scolaire non traditionnel, l'ensemble des activités de formation permet à l'étudiant d'acquérir de nouvelles connaissances par le biais d'activités d'apprentissage intenses répondant aux besoins du marché de l'emploi, tout en permettant à celui-ci de se tailler une place de choix dès l'obtention de son diplôme. Le Conseil a son siège social à Montréal.

Deuxième élément, accroc à la mission traditionnelle des cégeps telle que définie dans la Loi sur les collèges d'enseignement général et professionnel. Alors, signalons d'abord que le projet de loi n° 166 est en contradiction flagrante avec la mission traditionnelle des cégeps telle que définie dans la Loi sur les collèges d'enseignement général et professionnel. Particulièrement, l'article 6.0.1 de la Loi sur les collèges d'enseignement général et professionnel stipule clairement en effet, entre autres choses, qu'un collège peut contribuer par des activités de formation de la main-d'oeuvre au développement de sa région. Il est également spécifié que «l'exercice de telles attributions n'a pas pour objet essentiel de réaliser un bénéfice ni d'exploiter une entreprise commerciale».

(22 h 30)

Dans le projet de loi n° 166, on propose de supprimer les mots «de réaliser un bénéfice ni» afin de permettre aux cégeps d'exiger des frais de scolarité du genre de ceux prévus au projet de loi n° 166. Nous sommes, Mme la Présidente, en désaccord avec cette modification à la loi. Accepter cette modification, en effet, équivaudrait pour nous à accepter le principe des frais de scolarité pour les A.E.C. dans les cégeps, ce avec quoi nous sommes en désaccord. La mention «d'exploiter une entreprise commerciale» demeurerait cependant dans la version révisée de la Loi sur les collèges d'enseignement général et professionnel. Il est bien et essentiel qu'il en soit ainsi, confirmant toujours ainsi la mission traditionnelle des collèges publics.

Or, le fait de permettre aux cégeps d'exiger des frais de scolarité – en quelque sorte, de vendre des cours – pour les programmes d'attestation d'études collégiales s'apparente exactement, selon nous, à la notion d'exploiter une entreprise commerciale. Nous considérons donc que l'adoption du projet de loi n° 166 dans sa forme actuelle transformerait alors les collèges publics en véritables entreprises commerciales, en ce qui concerne leurs activités de formation de la main-d'oeuvre conduisant à une Attestation d'études collégiales, d'où notre désaccord.

Troisièmement, l'article 16 constitue une forme de concurrence déloyale. En permettant aux cégeps d'exiger des droits de scolarité pour les programmes conduisant à une Attestation d'études collégiales, le projet de loi n° 166 initie une forme de concurrence déloyale du secteur public à l'endroit du secteur privé. En effet, un cégep pourrait très facilement demander, pour une attestation, des frais de scolarité beaucoup plus bas que ne pourrait le faire un collège non subventionné, puisqu'il dispose souvent d'infrastructures, de locaux, d'ordinateurs, de mobilier, etc., dont il n'aura pas à faire assumer le coût par les élèves inscrits à une A.E.C.

Comme la plupart des cégeps de la région de Montréal et de Québec sont déjà autorisés à dispenser les principaux programmes d'A.E.C. donnés par les collèges privés non subventionnés – par exemple: l'informatique, la bureautique, l'électronique, la mode, le graphisme, la gestion, etc., – ils pourront offrir, si le projet de loi n° 166 est adopté, les programmes d'A.E.C. les plus populaires à des prix très bas, s'accaparant ainsi une très large proportion de la clientèle traditionnelle des établissements d'enseignement technique non subventionnés. La très grande majorité des collèges membres du CCNS connaîtraient alors d'importantes difficultés financières en tentant de soutenir cette concurrence déloyale provenant du secteur public. Certains seraient même contraints de fermer leurs portes, entraînant ainsi la perte de centaines d'emplois, ce qui serait malheureux pour l'économie du Québec.

À propos, Mme la Présidente, parlant de concurrence déloyale, les cégeps ont et auront davantage la possibilité de faire leurs propres programmes d'attestation d'études collégiales et de les mettre en oeuvre sans devoir les faire approuver par la ministre. Tel n'est pas le cas pour les collèges privés non subventionnés, qui ne peuvent mettre en oeuvre une nouvelle A.E.C. sans l'approbation de la ministre, approbation qui prend régulièrement plus d'un an avant obtention.

À l'heure où, en Amérique du Nord, on prend de plus en plus de mesures pour soutenir et encourager le secteur privé non subventionné en éducation – il y va de l'intérêt des payeurs de taxes – le gouvernement du Québec irait ainsi à contre-courant de cette tendance, lançant, de plus, à la communauté d'affaires nord-américaine le message que l'État québécois oppose à l'entreprise privée une concurrence déloyale à même les fonds publics. Le discours politique vantant les mérites du développement économique et de la création d'emplois par les PME devrait s'exprimer, selon nous, Mme la Présidente, dans des actions positives de la part du gouvernement et non dans des orientations démotivantes comme celles proposées par l'article 16 du projet de loi n° 166.

Quatrièmement, une orientation propre à dévaloriser le D.E.C. technique. L'article 16 du projet de loi n° 166 risque, de plus, de rendre extrêmement facile l'accès aux programmes courts d'A.E.C. pour les jeunes issus du secondaire, contribuant ainsi à la piètre diffusion de la formation générale contenue dans les programmes du D.E.C. technique. En effet, la très grande accessibilité aux programmes d'A.E.C., dans la majorité des cégeps, qui résulterait de l'application de la loi n° 166 encouragera davantage les jeunes à s'inscrire à une A.E.C., évitant ainsi la composante formation générale faisant partie du D.E.C. technique. De plus, l'éparpillement tous azimuts qui viendra du fait que n'importe quel cégep pourra dispenser n'importe quel programme d'A.E.C. même s'il ne dispose pas du permis pour dispenser le D.E.C. duquel découle cet A.E.C. amènera beaucoup de compétition commerciale inutile entre les cégeps eux-mêmes, de même qu'une compétition avec le D.E.P. au secondaire professionnel.

Enfin, ne serait-il pas possible que certaines directions de cégeps soient davantage intéressées à promouvoir leurs programmes d'A.E.C. en raison des possibilités de sources de revenus importantes qu'ils recèlent, au détriment du D.E.C. technique et de son volet de formation générale?

Nous vous remercions, Mmes et MM. les membres de cette commission, de nous avoir écoutés. Le dossier que nous abordons avec vous est extrêmement sérieux, puisqu'il y va de l'avenir de certaines de nos institutions. Nous souhaitons donc que vous serez sensibles à nos éventuels problèmes. Voilà pourquoi, compte tenu des implications du projet de loi n° 166 pour les collèges privés non subventionnés, compte tenu des quatre arguments que nous avons brièvement développés à l'encontre de l'article 16 du projet de loi, compte tenu de l'absence de véritables études coûts-bénéfices dans ce dossier – si elles existent, il faudrait les faire connaître – nous demandons purement et simplement le retrait de l'article 16 du projet de loi permettant aux collèges publics d'exiger des frais de scolarité pour les programmes conduisant à une Attestation d'études collégiales.

Un dernier point, Mme la Présidente. À noter que, depuis quelques jours, d'aucuns nous ont laissé entendre que cet article 16 du projet de loi ne viserait pas les collèges du genre des nôtres, comme nous le prétendons, mais viserait à répondre à une demande de certaines entreprises soucieuses de répondre aux exigences de la loi n° 90 pour le développement de la formation de la main-d'oeuvre. Si tel était vraiment le cas, l'article 16 devrait le dire clairement. Autrement, l'article 16 actuel doit être interprété, selon nous, de la façon dont nous l'interprétons. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Blackburn): Merci. La parole est maintenant à Mme la ministre de l'Éducation. Mme la ministre.

Mme Marois: Sur la dernière partie de l'intervention, je suivais, mais, à un moment donné, on s'est arrêté à l'article 16, qui n'est pas dans le texte. Revenez donc sur la dernière interprétation.

La Présidente (Mme Blackburn): Votre dernière remarque.

M. Julien (Michel): Le dernier item?

Mme Marois: Oui.

M. Julien (Michel): J'ai dit que, dans les derniers jours, nous avons eu des informations à l'effet que l'article 16 du projet de loi n° 166 viserait à répondre à une demande de certaines entreprises soucieuses de répondre aux exigences de la loi n° 90 pour le développement de la formation de la main-d'oeuvre, et non des collèges comme les nôtres, du genre des collèges non subventionnés. Alors, ce que nous disons, c'est que, si tel est vraiment le cas, l'article 16 devrait le faire savoir et le dire clairement. Autrement, selon nous, l'article 16 doit être interprété de la façon dont nous l'avons interprété dans le mémoire que nous déposons ici.

La Présidente (Mme Blackburn): Mme la ministre.

Mme Marois: Je pense que, effectivement, l'article 16, ce que...

Une voix: ...

Mme Marois: C'est ça. C'est les droits de scolarité, ce n'est pas l'autofinancement, dans le cas présent. Mais, au-delà de l'un ou l'autre des articles, c'est évident que ce qu'on veut permettre, c'est que les collèges puissent bâtir sur mesure certaines formations, mais qui comportent les éléments nécessaires pour constituer quand même des A.E.C., et qu'ils puissent les offrir aux entreprises qui veulent mettre à niveau leur personnel, qui veulent faire de la formation continue, etc. C'est évident que nous le souhaitons et que nous voulons le permettre.

Là où je suis en désaccord avec le fait que cela ne soit pas de leur mission, comme vous le mentionnez, moi, je pense que c'est la mission de nos institutions publiques de répondre à l'ensemble des besoins de formation. Nous permettons et nous soutenons même, dans certains cas – ce n'est pas le cas de votre association – des écoles privées – sans but lucratif, évidemment – par des subventions. Cependant, à partir du moment où ces institutions ont désiré exister, souhaitent offrir des services, elles assument aussi ce que cela a comme conséquences et elles doivent charger des frais pour la différence de ce que l'État ne verse pas, ou, dans le cas d'écoles qui sont autorisées à enseigner ou à donner des cours, comme c'est votre cas, mais qui ne sont pas subventionnées pour autant, la loi l'encadre et le permet. Cependant, ça n'empêche pas que nos services publics puissent offrir certains services et puissent charger le coût que cela implique pour elles, ces institutions, auprès des entreprises auxquelles elles rendent disponibles ces services. Et ça entre dans leur mission d'enseignement. Ça, il faut être clair.

Là vous me dites que c'est peut-être de l'ordre de la concurrence déloyale, ce qui pourrait se passer. N'oubliez pas que – nos amis syndiqués nous ont quittés – toutes nos institutions publiques ont des conventions collectives avec, je pense, des niveaux de salaires versés qui sont probablement plus importants que ceux qu'on retrouve dans bien des institutions privées non subventionnées, même si elles peuvent avoir aussi des conditions correctes. Mais, souvent, les coûts sont plus élevés dans les institutions publiques, et on peut le comprendre, parce que, effectivement, elles ont à assumer aussi d'autres responsabilités et d'autres missions, et, par ailleurs, l'ensemble de nos conventions collectives font en sorte que généralement, par rapport à ce qui est versé dans le secteur privé, c'est légèrement au-dessus.

(22 h 40)

Donc, à ce moment-là, nos collèges ne chargeront pas moins cher que ce que ça leur coûte pour rendre le service, parce que là ils se tireraient dans le pied. Mais je pense que ce n'est pas leur objectif. On se comprend bien? Au contraire, s'il y a un moyen d'essayer de se trouver des ressources comme ça, de couvrir leurs frais et peut-être ainsi de garder des expertises, d'en développer, sûrement que nos institutions le feront. Donc, en ce sens, moi, je ne pense pas qu'il y ait à cet égard un véritable risque. Par ailleurs, effectivement, la Fédération nous a demandé qu'on puisse leur permettre des activités de type commercial. On a dit qu'il fallait que ce soit encadré. Je ne reviens pas sur ce que j'ai précisé dans les différentes interventions à leur endroit aujourd'hui, et je pense que vous étiez là à ce moment-là.

Alors, moi, je considère que vous pouvez, d'une part, continuer à assumer vos fonctions, à offrir les services que vous offrez. Et je ne crois pas que nos institutions, nos cégeps puissent, en faisant de même de leur côté, dans des contextes fort différents, d'ailleurs... Parce que, dans le cas des écoles non subventionnées, souvent, on retrouve des formations très, très pointues et qui ne mènent pas justement à une attestation, alors que là, ça, c'est la mission donnée aux cégeps.

Par ailleurs, je peux vous dire que, quant aux règles de passage du Diplôme d'études secondaires au collégial et à l'A.E.C. sans qu'il y ait de contraintes, oublions ça. Il continuera d'y avoir des encadrements prévus au règlement, et c'est de façon exceptionnelle qu'on pourra passer à côté de ceux-ci, comme c'est déjà le cas. Et le cas, actuellement, c'est que c'est exceptionnel.

Donc, par exemple, notre règlement dit qu'un étudiant est admissible à un programme conduisant à une attestation si la personne satisfait à l'une des conditions suivantes: Elle a interrompu ses études pendant au moins deux sessions consécutives ou une année scolaire; elle est visée par une entente conclue entre le collège et un employeur ou par un programme gouvernemental; elle a complété au moins une année d'études postsecondaires échelonnées sur une période d'un an ou plus. Notre perspective, c'est surtout de ne pas dévaloriser le D.E.C., bien sûr. L'inverse est plutôt la règle, puisque c'est un de nos objectifs d'augmenter le niveau de diplomation.

Alors, écoutez, moi, tout ce que je peux vous dire à ce moment-ci, c'est de vous rassurer, si vous pouvez l'être. Je sens que beaucoup de changements, quand nous les proposons, inquiètent tout le temps. Une fois qu'on les explique, ils rassurent un peu et, une fois qu'on les met en oeuvre, habituellement, ils rallient. Alors, on espère que ça sera la même situation dans ce qu'on fera à l'égard des modifications qu'on apporte à la loi des cégeps à ce moment-ci.

La Présidente (Mme Blackburn): M. Julien.

M. Julien (Michel): Mme la Présidente, nous ne sommes pas rassurés, malgré les bonnes paroles. Je crois que le CCNS ne s'oppose pas du tout à ce que les cégeps puissent donner de la formation aux entreprises et aux employés des entreprises qui en ont besoin, et on ne pense pas que ce n'est pas dans la mission des cégeps. Mais, comme on l'a vu clairement dans les mémoires qui ont été déposés ici aujourd'hui, notamment de la Fédération des cégeps, les cégeps n'ont pas l'intention de s'en tenir aux entreprises. Ils ont l'intention réelle et avouée... et ils ont dit clairement que ça s'adresserait également à la formation d'adultes dans des programmes courts. Et c'est exactement la clientèle. Donc, ce ne sont pas des travailleurs. Ce n'est pas fait dans l'objectif de la loi n° 90.

Alors, à ce moment-là, nous croyons que les cégeps, Mme la Présidente, en entrant dans ce champ qui était traditionnellement le champ des collèges non subventionnés, ils vont créer des répercutions et ils vont attirer une clientèle qui était normalement dévolue aux collèges non subventionnés. Et rien dans l'article 16, rien dans la loi n'encadre spécifiquement les cégeps pour qu'ils limitent ces services-là aux entreprises et à leurs employés.

Mme Marois: Vous avez raison. Ce n'est pas ce qu'on veut non plus. Je pense que vous faites une bonne interprétation.

M. Julien (Michel): Merci.

Mme Marois: Nous souhaitons qu'effectivement on puisse s'adresser à des adultes qui ainsi pourraient, d'une façon complètement autonome et indépendante, s'inscrire à ces cours, à ces A.E.C., à ces attestations d'études collégiales et être donc reconnus, et que leur formation soit sanctionnée à la fin du temps prévu.

Et, c'est vrai, la Fédération a raison. Mais, attention, cependant, dans le cas concret auquel nous faisons référence, il ne s'agira pas de subventionner les collèges pour ce faire. Et, au contraire, eux-mêmes vous le diront, à cause des exigences qu'on a dû s'imposer, tout le monde et eux y compris, évidemment qu'ils n'ont pas du tout l'intention de mettre des ressources publiques à faire cela, alors qu'ils pourront aller chercher des sommes par le paiement des coûts qu'ils auront à encourir. Alors, je pense que, sur ça, il faut être bien clair, vous avez raison.

Mais, en même temps, si on est les meilleurs et si on offre de bons services, vous le savez, ce sont les règles du jeu de la concurrence, vous devriez être capables de conserver vos clientèles, étant entendu que vous avez de toute façon un avantage souvent sur les coûts, qui sont moins élevés, parce que la mission de nos institutions est d'un autre ordre, est plus large, est plus vaste et est plus coûteuse à assumer, en termes de services.

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, Mme la ministre. M. Matte.

M. Matte (Roger): Vous savez, Mme la Présidente, certains de nos collèges non subventionnés ont des syndicats aussi. Et les coûts de nos professeurs ne sont pas moindres, en général, et de plus en plus pas moindres, parce que, évidemment, avec les nouvelles technologies, il y a une grande demande pour ce genre d'enseignement et de professeurs, et c'est en quantité limitée à l'heure actuelle.

Mais, est-ce que je comprends bien ce que vous dites, c'est qu'effectivement l'intention du gouvernement, c'est surtout de favoriser les industries à pouvoir aller dans les cégeps publics afin d'obtenir des services, surtout au niveau de l'enseignement continu? Mais, si c'est ça, l'intention, pourquoi ce ne serait pas clair dans le projet de loi que c'est ça? Sinon... Vous disiez tout à l'heure que vous ne favorisez pas les étudiants venant du secondaire. Mais, connaissant les étudiants, nous savons très bien qu'il serait peut-être plus facile pour un étudiant du secondaire de passer deux sessions, pour s'inscrire, ensuite de ça, au cégep public pour finir un cours rapide. Et je pense que, là, on va faire en sorte que certains élèves vont opter peut-être, avec le temps... On embarque dans quelque chose d'assez dangereux de ce côté-là, parce que, avec le temps, on ne sait pas ce qui va se développer. Mais, connaissant les élèves, on voit d'ailleurs le décrochage au secondaire, ce n'est pas évident que ça ne se poursuivra pas au niveau cégep, au niveau collégial. Alors, je pense que c'est très dangereux, ce... Mais, si vous le disiez clairement dans la loi que c'est pour l'industrie, comme ça a été le but original, déjà là, ça serait plus clair pour nous, puis je pense que ça éviterait ça.

La Présidente (Mme Blackburn): M. Matte...

Mme Marois: Très rapidement. Je veux qu'on me comprenne bien. C'est vrai que la perspective générale, c'est de permettre d'offrir des formations courtes mais sanctionnées par un diplôme qui est une attestation, qui n'est pas le Diplôme d'études collégiales mais qui est une attestation et qui pourrait être bâtie et s'offrir particulièrement aux travailleurs et aux travailleuses dans les entreprises, donc dans le cadre de la loi n° 90 qui concerne la formation professionnelle et... Enfin, peu importe le titre au long de la loi, je pense qu'on sait très bien à quoi on fait référence. Mais, aussi, nous ne voulons pas exclure la possibilité que cela puisse servir à des adultes en formation continue qui, de leur propre chef, sans être partie à une équipe ou à un groupe dans un entreprise, pourraient s'inscrire à un tel programme.

Par ailleurs, nous avons des balises pour éviter que l'on ne décroche du secondaire pour s'inscrire dans un tel programme. Il y a des contraintes, et ce n'est qu'exceptionnellement qu'on peut y aller. Par ailleurs, je vous dirai, et, pour moi, c'est fondamental, vous savez, quelqu'un qui veut se former, même s'il ne répond pas à tous les critères tout le temps, à partir du moment où il a la volonté de le faire et qu'il réussit ce qu'il entreprend, je pense que n'importe quelle société sort gagnante de ça.

(22 h 50)

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, Mme la ministre. La parole est maintenant au député de Verdun. Alors, M. le député.

M. Gautrin: Je vous remercie, Mme la Présidente. Je vais essayer de comprendre ce que vous dites sur l'article 16, parce que je comprends bien que là est le coeur de votre préoccupation. Vous demandez la suppression de l'article 16. Là, j'ai du mal à comprendre, parce que, si on supprime l'article 16, les cégeps vont offrir des A.E.C. en ne chargeant aucun frais de scolarité, ce qui serait encore plus pire, entre guillemets, que la situation où les cégeps offriraient des A.E.C. avec des droits de scolarité moindres que ceux que vous devez charger, parce que, implicitement, vous dites: Une partie des coûts qu'ils devront assumer seront assumés par l'ensemble du secteur public, donc il y a une concurrence déloyale. Mais là où j'ai du mal à vous suivre: ça veut dire que, si on supprime totalement l'article 16, il n'y a même plus de frais de scolarité pour ces A.E.C. là, donc ça va être encore un peu plus en concurrence par rapport à vous qui devrez assumer les pleins coûts.

M. Julien (Michel): D'accord. Alors, peut-être...

La Présidente (Mme Blackburn): Oui, M. Julien.

M. Julien (Michel): Merci, Mme la Présidente. Alors, peut-être mettre cet élément-là sur le compte de l'inexpérience des commissions parlementaires, pour le Conseil des collèges non subventionnés, c'est la première fois que nous avons l'occasion de déposer. Alors, je pense que ce que nous voulions vraiment dire n'était pas la suppression de l'article 16 mais bien une précision quant à la portée de cet article et à quel type de services il s'adresse plus précisément. On comprend que l'article 16, s'il devait être complètement éliminé, permettrait la gratuité dans tous les types de sanction d'études au collégial, ce qui n'est pas le but visé par...

M. Gautrin: Je comprends. Alors, je continues avec vous. Si on revient maintenant, est-ce que ou bien vous dites: Les collèges ne peuvent pas du tout rentrer dans le champ des A.E.C., ou bien est-ce que vous n'êtes pas... ce que j'ai cru comprendre dans vos interventions: S'ils rentrent dans le champ des attestations d'études collégiales, qui est un peu votre champ, assurez-vous que les frais de scolarité qu'ils chargent soient les coûts réels qu'ils assument, c'est-à-dire qu'il n'y ait pas implicitement des coûts assumés par le secteur public, c'est-à-dire qu'on soit réellement dans un système parfait d'autofinancement. Est-ce que c'est ça que vous voulez chercher?

M. Julien (Michel): Non. Je pense que nous sommes en désaccord avec cette volonté, dans le projet de loi n° 166, de permettre de charger pour des frais de scolarité pour des A.E.C. parce que nous considérons que, selon la loi des cégeps finalement, cette possibilité d'exploiter une entreprise commerciale et de réaliser un bénéfice n'était pas dans les objets, elle était interdite jusqu'à maintenant et le demeurerait, même avec l'adoption de la loi n° 166, advenant l'adoption.

M. Gautrin: Mais comprenez mon problème. Si le cégep rentre dans ce champ de l'information courte, disons de l'information technique courte et qu'il dit: Je ne charge aucun frais de scolarité, il va être encore plus pénalisant pour vous que s'il rentre dans ce champ-là et est soumis, entre guillemets, aux mêmes contraintes, disons, en termes de gestion et d'autofinancement, que vous l'êtes. Parce que ou bien vous dites aux cégeps: Ne rentrez pas dans le champ des formations courtes, ou bien vous dites: Rentrez dans le champ des formations courtes, mais, vous, vous dites: Sans charger de frais de scolarité, ce qui voudrait dire qu'ils seraient encore beaucoup plus en concurrence avec vous.

La Présidente (Mme Blackburn): M. Matte.

M. Matte (Roger): Oui, voici. À l'heure actuelle, ils peuvent le faire, ils peuvent donner la formation sans coûts. Présentement, ils le font, mais ils ont des enveloppes fermées et, à ce moment-là, évidemment, ils font affaire avec une certaine classe d'individus très particuliers. Maintenant, s'ils avaient le droit de faire des charges, à ce moment-là, ce qu'on dit, nous, c'est que ça ferait une concurrence déloyale, dans le sens qu'ils partiraient, eux, avec de l'équipement déjà fourni par l'État, qu'ils partiraient avec des locaux, de l'ameublement, etc., ce qui ferait en sorte qu'en bout de ligne ils se mettraient à faire de la publicité et de la concurrence entre cégeps, et éventuellement ça deviendrait une entreprise commerciale qui s'en viendrait en directe concurrence avec nous, mais à des coûts moindres. Donc, on ne serait pas capables de supporter cette concurrence-là, parce que notre concurrent, ce serait l'État, finalement, indirectement, si vous voulez. C'est ça, le problème.

M. Gautrin: Je comprends ce que vous me dites. Je veux quand même me faire, deux minutes, l'avocat du diable. J'ai parlé à des directeurs de collège. Ils m'ont fait valoir que les frais de scolarité qu'ils devraient charger s'ils développaient une A.E.C. seraient importants. Ils n'ont pas dit nécessairement égaux aux vôtres, mais ils seraient importants parce que, disent-ils, ils seraient obligés de prendre des personnels, des professeurs réguliers, ils ne pourraient pas utiliser des chargés de cours. Ils se voyaient imputer par les règles gouvernementales de l'autofinancement la nécessité d'imputer un certain montant pour le chauffage, la location des locaux, même si c'est dans leur propre institution. Et je ne sais pas si le problème n'est pas au niveau de la tarification des règles budgétaires ou de la manière dont ils iraient s'autofinancer.

Autrement dit, je voudrais bien comprendre, parce que c'est important qu'on comprenne votre point de vue. Et soyez sûrs, ici, qu'on pense, du moins de ce côté-ci, que vous avez joué un rôle important et que vous devez jouer un rôle important dans le développement de l'éducation au Québec. Mais, ou bien on dit: Vous n'avez pas le droit de rentrer dans ce champ-là – ça, c'est une possibilité – ou bien on dit aux collèges: Vous rentrez dans ce champ-là, dans le champ, donc, de la formation courte, mais, si vous rentrez dans ce champ-là qui est le champ de la formation courte, il faut que vous chargiez des frais de scolarité qui impliquent la totalité de la réalité des coûts, c'est-à-dire: n'ayez pas de coûts cachés. C'est ça?

M. Matte (Roger): Nous avons des communications avec certaines personnes des cégeps publics à l'heure actuelle, puis l'impression qu'on nous laisse, c'est qu'on pourra faire indirectement ce qu'on ne pourrait peut-être pas faire directement, c'est-à-dire utiliser plein d'infrastructures du collégial sans que ce soit inscrit nulle part, mais d'une telle façon que, finalement, on pourra arriver à des coûts moindres. C'est ce qu'on dit ou c'est ce qu'on entend. C'est sûr qu'il peut se passer bien des choses d'ici là, mais c'est ce qu'on entend de certaines personnes qui viennent des cégeps publics.

M. Gautrin: Je comprends. Moi, je vais vous dire, j'ai parlé, donc, à des dirigeants de cégep – si vous voulez, je peux vous dire lesquels aussi, peut-être pas publiquement – qui me disaient que vos institutions sont favorisées par rapport à eux, donc les cégeps, de la manière suivante. C'est que, vous, votre corps professoral, vous pouvez prendre un corps professoral qui circule entre le marché du travail et les périodes d'enseignement, tandis qu'eux, disent-ils, le biais des conventions collectives les oblige à toujours maintenir le même corps professoral. Et une personne en particulier que j'ai dans la tête disait: Je ne serai jamais capable de concurrencer certaines de vos institutions parce qu'elles seront toujours capables d'avoir un corps professoral beaucoup plus à la pointe de ce qui se passe par rapport à mon corps professoral qui a une certaine rigidité, qui est resté à l'intérieur... Je n'essaie pas de porter un jugement, s'il a raison ou pas, j'essaie de vous transmettre un argument d'une personne qui était dans le milieu du cégep, où je faisais la...

M. Matte (Roger): Là-dessus, M. Gautrin... Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Blackburn): M. Matte.

M. Matte (Roger): Excusez! Quand vous dites ça, c'est que, d'abord, premièrement, nos collèges ont beaucoup de difficulté, comme vous le disiez, à avoir des gens qui viennent enseigner à temps partiel, venant de l'industrie. On se sert de ces gens-là pour nous donner l'information qui nous permet de développer les cours en conséquence du besoin du marché. On a une mission très différente de ce que pourrait donner même un collège public en donnant les cours parce que, d'abord, on a une force énorme au niveau de l'aide au placement; c'est notre mission, ça. Évidemment, je vais vous dire, chez moi, la plupart des professeurs sont des permanents. Il y a peu de professeurs, comme vous disiez. Donc, à ce moment-là, on y ressemblerait beaucoup. On a des collèges qui sont syndiqués; ça y ressemble beaucoup. Sauf que l'équipement, nous... Et ça va être un problème qu'ils vont découvrir, quand on charge, si l'équipement n'est pas à la fine pointe de la technologie, là on a des plaintes énormes de la part des étudiants, puisqu'ils paient. Et les cégeps vont aussi s'apercevoir de ça à moyen terme, qu'il faut être extrêmement bien équipé pour faire face à la clientèle d'aujourd'hui.

(23 heures)

M. Gautrin: Il y avait une crainte que vous avez émise au début de votre témoignage, qui était la propriété intellectuelle des cours. Vous disiez que, vous, ça vous prend deux ans pour faire adopter un cours par le ministère – je ne sais pas si c'est exact...

Une voix: ...

M. Gautrin: ...ça va aller un peu plus vite? Merci – et que, une fois que vous avez conçu un cours, c'est-à-dire fait, entre guillemets, la recherche et le développement, la «R and D» pour produire un cours, vous n'avez aucune propriété intellectuelle, et un collège pourrait venir vous pirater – excusez le terme – le cours en question.

M. Matte (Roger): C'est ça. On a développé un cours, nous, en réseau il y a quatre ans, et ça a pris trois ans ou presque trois ans à avoir l'autorisation du ministère, à ce moment-là, de le donner. Je pense que les règles tendent à changer maintenant, avec la nouvelle administration, mais ça a pris trois ans. Puis, au bout de trois ans, on a travaillé ce cours-là, on l'a remis au ministère et, à partir de là, le cours est devenu public et utilisable dans n'importe quelle école, et c'est nous qui avons fait les frais du développement. À l'heure actuelle, si les cégeps avaient le droit de donner les cours en chargeant, eux, ils pourraient faire les programmes qu'ils veulent et les donner immédiatement, alors que, nous, il faut suivre. Alors, on n'a pas les mêmes règles. Il faut discuter avec le ministère, faire approuver notre cours, et ça, ça peut être long, quand même. Alors, pendant le temps que ça se passe, des fois, le marché a passé.

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, M. Matte. M. Julien, vous vouliez ajouter quelques informations ou commentaires?

M. Julien (Michel): Oui, s'il vous plaît. J'ai un point, depuis tantôt, qui me démange. Je pense qu'on oublie un petit peu ce qui est en train de se passer actuellement, avec le projet de loi n° 166, c'est qu'on s'apprête à signer une forme de chèque en blanc aux directions de cégeps. On n'a aucune étude coûts-bénéfices qui pourrait nous permettre de dire quels seront les coûts chargés par les cégeps. Et on débat de questions assez importantes qu'il y va peut-être de la survie même de plusieurs établissements non subventionnés. Alors, ici, nous n'avons pas actuellement, je ne crois pas que le gouvernement ait mis à la disposition de qui que ce soit des études concrètes ou précises qui pourraient aller dans le sens que M. le député de Verdun souligne, c'est-à-dire que, s'ils chargent des coûts, ils vont devoir charger les vrais coûts. Personne ne semble s'entendre sur les coûts en question, sur la nature et l'ampleur des coûts. Donc, bref, on espère, on se croise les doigts, que les directeurs de cégep sauront faire un bon travail dans ce dossier-là. Alors, je pense qu'on n'a pas suffisamment d'informations pour débattre sur ce point très important qui va nous toucher, nous, les collèges non subventionnés, de façon directe.

La Présidente (Mme Blackburn): Bien. Ceci... Oui?

M. Gautrin: Vous souhaitez que nous obtenions l'information.

M. Julien (Michel): Je pense qu'il serait beaucoup plus sage et avisé...

La Présidente (Mme Blackburn): Ce sont des données publiques. Bien. Alors, ceci met un terme à l'échange avec le Conseil des collèges non subventionnés. Pour une première parution en commission parlementaire, ça s'est bien déroulé. Alors, nous vous remercions de votre participation.

L'ordre du jour étant épuisé, vous allez me permettre de remercier les collaborateurs de Mme la ministre de même que le personnel de l'Assemblée nationale, vous, Mmes et MM. les membres de la commission parlementaire.

Le mandat étant accompli, la commission de l'éducation ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 23 h 4)


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