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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le jeudi 9 mars 2000 - Vol. 36 N° 28

Audition des dirigeants d'établissements d'enseignement universitaire dans le cadre de l'examen de leurs rapports annuels


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Table des matières

Auditions


Intervenants
Mme Madeleine Bélanger, présidente
M. Gilles Labbé, président suppléant
M. Claude Béchard
M. Léandre Dion
Mme Margaret F. Delisle
Mme Solange Charest
M. Claude Cousineau
M. Jean-François Simard
M. Serge Geoffrion
*M. Pierre De Celles, ENAP
*M. Marcel Proulx, idem
*Mme Anne Marrec, TELUQ
*Mme Louise Bertrand, idem
*M. Robert Maranda, idem
*M. Robert L. Papineau, ETS
*M. Yvon Dubois, idem
*M. Yves Beauchamp, idem
*M. François Tavenas, UL
*M. Claude Godbout, idem
*Mme Louise Filion, idem
*M. Réjean Plamondon, EPM
*Mme Soumaya Yacout, idem
*Mme Louise Demers, idem
*M. Jean-Paul Gourdeau, idem
*M. Jean-Marie Toulouse, HEC
*M. Jacques Nantel, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures trente-huit minutes)

La Présidente (Mme Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaît! Je déclare la séance de la commission de l'éducation ouverte. Notre mandat est d'entendre les dirigeants des établissements d'enseignement de niveau universitaire sur leurs rapports annuels 1997-1998, conformément aux dispositions de la Loi sur les établissements d'enseignement de niveau universitaire.

Est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. M. Dion (Saint-Hyacinthe) remplace Mme Papineau (Prévost); M. Lamoureux (Anjou) remplace M. Bergman (D'Arcy-McGee).

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le secrétaire. Avant de donner l'ordre du jour, j'aimerais souhaiter bonne fête au député de Masson qui dérangeait la...

Des voix: Oh!

Des voix: Ha, ha, ha!


Auditions

La Présidente (Mme Bélanger): Nous avons à l'ordre du jour ce matin: 9 h 30, l'École nationale d'administration publique; à 10 h 30, Télé-université; à 11 h 30, École de technologie supérieure, pour suspendre nos travaux à 12 h 30; à 14 heures, nous aurons l'Université Laval; à 16 heures, l'École polytechnique de Montréal; à 17 heures, l'École des hautes études commerciales, pour ajourner nos travaux à 18 heures.

(9 h 40)

Alors, je pense, M. De Celles, que vous êtes le porte-parole. Je vous demanderais de présenter la personne qui vous accompagne. Vous avez 20 minutes pour faire votre présentation, qui sera suivie de 40 minutes de discussion avec les membres de la commission.


École nationale d'administration publique (ENAP)

M. De Celles (Pierre): Merci, Mme la Présidente. Bonjour! Je suis Pierre De Celles, directeur général de l'École nationale d'administration publique. Je suis accompagné de M. Marcel Proulx, qui est le directeur de l'enseignement et de la recherche. Mme Sylvie Beauchamp, qui est directrice de l'administration, ne peut malheureusement être avec nous.

Je me suis permis de vous déposer quelques notes qui guideront ma présentation et celle de M. Proulx. Vous retrouvez – et je l'aborde sans plus – au départ quelques rappels sur l'École nationale d'administration publique qui est assez particulière comme établissement universitaire. J'ai indiqué en premier paragraphe la mission de l'École qui a pour objet l'enseignement universitaire et la recherche en administration publique, ce qui est quand même à souligner, particulièrement la formation et le perfectionnement des administrateurs publics. L'École est donc un établissement spécialisé à vocation professionnelle appliquée dans la tradition des écoles, instituts, académies d'administration de la grande majorité des pays du monde. Et je dois dire que, dans ce cercle des établissements qui remplissent ce rôle, elle a fort bonne réputation.

L'ENAP intervient à la grandeur du Québec, et notamment pour ce qui est des études créditées: à Québec, à Montréal, à Hull, à Chicoutimi, à Trois-Rivières et à Rimouski. Nous sommes donc présents, comme notre titre l'indique, sur l'ensemble du territoire québécois.

L'ENAP intervient principalement auprès de professionnels, de cadres et de dirigeants des organisations publiques, tout autant sinon plus auprès du réseau de la santé et des services sociaux, du réseau de l'éducation, du monde municipal que du secteur gouvernemental. Donc, son action ne se limite pas au secteur gouvernemental, comme parfois certains peuvent en avoir l'impression. L'École intervient aussi au plan international, et ce, dans le cadre de projets de coopération qui sont financés soit par l'ACDI, ou la Banque mondiale, ou d'autres organismes de ce type.

Particularité à souligner, l'École n'offre que des programmes d'études de deuxième et de troisième cycles. L'École n'est donc pas active au premier cycle universitaire. Nous offrons donc des programmes de maîtrise et de diplôme selon diverses concentrations et, depuis 1996, un Doctorat en administration publique.

L'ENAP est un établissement de petite taille, 429 étudiants équivalents temps plein, en 1998-1999. Autre particularité, la très grande majorité des étudiants – nous en avions 1 300 d'inscrits à l'automne 1998 – y sont inscrits à temps partiel. Ce sont des gens qui sont déjà en situation de travail et la moyenne d'âge approche 40 ans, puisque ce sont des cadres ou des professionnels qui aspirent à exercer des fonctions de gestion.

L'ENAP est aussi active en recherche, puisque c'est une université, surtout en recherche commanditée mais aussi subventionnée, et elle offre au milieu les services de son Observatoire de l'administration publique.

L'ENAP recevait, en 1998-1999 – c'est l'année de référence que j'ai choisie pour cette présentation – pour le financement de ses programmes d'études crédités et de ses activités de recherche, une subvention de l'ordre de 8 624 000 $, ce qui représente un petit peu plus que 2 % de la subvention du réseau de l'Université du Québec et à peu près, disons, 0,5 % du réseau universitaire. C'est une façon de voir la taille relativement modeste de l'École. Cette subvention cependant ne représentait que les deux tiers des revenus de l'École. Ça peut surprendre, mais l'École est un des établissements universitaires qui a le plus de revenus à trouver, d'autofinancement, puisque la subvention et les frais de scolarité représentent une portion relativement plus faible que d'autres de son financement.

L'ENAP, conformément à son mandat – j'ai souligné tout à l'heure le mot «perfectionnement» – offre aussi des activités non créditées de perfectionnement professionnel, le plus souvent définies sur mesure et offertes en organisation. Elle offre aussi, de façon limitée, les services d'aide-conseil. Et, je le souligne, ces deux types d'intervention sont soumis à l'autofinancement, donc ne dépendent pas de la subvention générale qu'elle reçoit pour les études universitaires. L'ENAP coopère pour bon nombre de ses interventions, et dans certains cas sur une base permanente, avec plusieurs autres constituantes de l'Université du Québec à laquelle nous appartenons, et nous sommes très fiers de cette appartenance.

L'École dispose enfin, depuis l'an dernier, de nouveaux locaux plus spacieux et surtout plus fonctionnels pour offrir ses services à Québec et Montréal. J'invite ceux qui le souhaitent à venir nous visiter.

Quelle était la situation de l'ENAP au terme de l'année 1998-1999? Elle est marquée par quatre phénomènes des années précédentes: d'abord, l'évolution de ce que j'appellerais le marché de la formation et de la recherche en administration publique; deuxièmement, le développement du champ d'études qui est l'administration publique; les effets récurrents du financement universitaire au cours des dernières années; et, en conséquence – c'est la caractéristique – le non-renouvellement du corps professoral que nous subissons actuellement.

Du côté des programmes d'études crédités, l'ENAP a connu au cours des dernières années une forte diminution de ses effectifs – c'est maintenant terminé – et ce, malgré une refonte en profondeur de ses programmes. Cette diminution s'expliquait principalement par la réduction des personnels dans l'administration publique et les surcharges qui en résultent pour les cadres et professionnels. Vous comprendrez qu'avec des gens qui sont en emploi déjà, qui assument des intérims, des cumuls de postes, leur disponibilité pour la formation est considérablement réduite.

Parallèlement et, je dirais, paradoxalement, le champ de l'administration publique dans chacune de ses composantes disciplinaires de l'administration publique, économique, sciences politiques, sociologie, etc., et ce, tant au plan scientifique que professionnel, montre une évolution actuellement très rapide et soutenue. La popularité de notre doctorat, qui compte déjà une trentaine d'étudiants, en est un exemple. Il y a beaucoup d'intérêt pour ce qui se passe dans l'administration publique, tout autant comme science que comme domaine de pratique professionnelle. Les attentes pour des interventions nouvelles qui sont en voie de se définir sont donc très nombreuses et variées.

Au plan financier, et malgré l'effet cumulé des compressions budgétaires et des baisses de clientèle étudiante, l'ENAP, au cours des trois dernières années – et c'est peut-être une particularité – s'est condamnée délibérément – mais dans l'espoir que l'avenir donnerait raison à cette stratégie – à une politique ferme d'équilibre budgétaire, faisant ainsi strictement évoluer ses dépenses au rythme de ses revenus, ce qui a fait que, suite à l'injection, en toute fin d'année 1998-1999, de subventions compensatoires pour les indemnités de retraite déjà versées, l'École disposait, au 31 mai 1999, d'un solde excédentaire, solde qui est en grande partie utilisé maintenant pour équilibrer le budget de la présente année dans l'attente de renfort pour 2000-2001.

Est-ce à dire que les choses sont faciles pour l'École? Non. Le choix de cette stratégie a imposé à l'École cependant ce que j'appelle un déficit de développement. C'est que nous avons hérité, par cette façon de faire, d'une capacité considérablement réduite de s'adapter à l'évolution de notre domaine d'intervention et à répondre aux demandes des usagers. Ce déficit de développement, cette perte de potentiel d'adaptation, s'il n'est pas comblé rapidement, aura ultimement des effets tout aussi désastreux qu'un lourd déficit budgétaire. Les chiffres sur l'évolution du personnel d'enseignement et de recherche que vous verrez plus bas sont très éclairants à cet égard.

Je ne développerai pas cette problématique du financement et des budgets, je m'inscris totalement dans les propos qu'a tenus le président de l'Université du Québec, M. Pierre Lucier, mais évidemment je serai disponible à répondre à des questions, s'il y en avait.

Justement, en termes du personnel d'enseignement et de recherche, je soulignerais que l'effet combiné du programme de départs à la retraite, l'abolition de ce qu'on appelait la mission gouvernementale auprès de l'École – un certain nombre de hauts fonctionnaires qui étaient prêtés à l'École – et le fait que nous avons gelé tous les engagements de nouveaux professeurs jusqu'au 1er juin dernier a fait passer les effectifs à temps complet du personnel d'enseignement et de recherche de l'École de 59 qu'ils étaient en 1995-1996 à 35 au terme de 1998-1999, soit une diminution de 40 %. Quand je parle, donc, d'un déficit de développement, il faut le voir dans ces chiffres-là, un corps professoral pour lequel on exige une diversité de disciplines à couvrir, qui passe de 59 à 35 en l'espace de trois ans.

La moyenne de nos étudiants par cours était de 18,4 et le pourcentage des cours offerts par les professeurs réguliers était de 41 %. Ce sont des chiffres qui sont extrêmement inquiétants si on tient compte surtout du fait qu'il s'agit ici de cours de deuxième et de troisième cycles – comme je l'ai dit, nous ne sommes pas présents au premier cycle – et, deuxièmement, si on tient compte du caractère multicampus de l'École. Nous avons à être présents dans plusieurs régions du Québec et sommes donc obligés à une certaine répétition de ces cours.

Je passerais maintenant la parole à M. Proulx pour ce qui est des programmes d'études et de la recherche.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Proulx.

(9 h 50)

M. Proulx (Marcel): Merci. D'abord, en ce qui concerne les programmes d'études, il faut vous dire et vous rappeler que l'ENAP est la seule institution au Québec à offrir des programmes de deuxième et troisième cycles en administration publique. Nous sommes donc dans une niche écologique, si vous me pardonnez l'expression, qui nous est propre, ce qui nous évite un peu de nous engager à fond dans les discussions sur la concurrence des programmes universitaires. Nous considérons que nous ne sommes pas – et nos partenaires aussi – en double emploi avec les autres programmes universitaires, ce qui ne nous empêche pas d'être vigilants par rapport à la concurrence, entre guillemets, des autres facultés d'administration privée et des programmes de maîtrise en administration scolaire ou en administration de la santé. Mais nous considérons que nous sommes dans un marché qui est le nôtre.

Cela dit, nous restons, comme je le disais, très vigilants quant à l'attraction de nos programmes, ce qui explique qu'au cours des cinq dernières années nous avons fait des modifications en profondeur de nos programmes, et nous continuons à le faire de façon à nous ajuster en permanence aux besoins de notre clientèle, de nos étudiants et d'un marché, dans un contexte qui est – le directeur général l'a évoqué – très difficile.

L'ENAP, dans cette perspective, pour ne vous donner qu'un exemple, commence à offrir des programmes courts en organisation à l'intention du personnel d'une organisation ou d'un ensemble d'organisations, de sorte qu'on voit évoluer nos programmes d'une clientèle qui est strictement individuelle, qui était jusqu'à maintenant strictement individuelle, à une clientèle qui devient aussi organisationnelle. Je vous en dirai un mot en réponse à des questions, si vous le souhaitez.

Sur l'évaluation de nos programmes, il faut dire que l'évaluation de la qualité de l'enseignement et des programmes est une préoccupation extrêmement importante à l'ENAP. Ça va un peu de soi dans une institution qui a fait de l'évaluation de programmes un de ses champs de spécialisation majeurs; le cordonnier, dans ce cas-là, a intérêt à être bien chaussé. Mais il y a une autre raison qui explique que nous insistions sur l'évaluation de nos programmes: la qualité de notre enseignement, ça tient à la caractéristique de notre clientèle. Quand vous enseignez, quand vous faites de la formation auprès d'adultes qui ont, pour l'essentiel, autour de 40 ans, qui sont en organisation, des gens très occupés et qui prennent des cours le soir, vous avez intérêt à leur offrir une formation de qualité et à être sensible à leurs besoins parce que, rapidement, d'abord, vous aurez des réactions immédiates et, à très court terme, vous perdrez votre clientèle. De sorte que nous avons intérêt et nous investissons beaucoup à la fois dans l'évaluation de nos programmes mais aussi dans l'évaluation de tous et chacun de nos enseignements. Nous avons des indicateurs très détaillés qui nous permettent de mesurer la qualité de notre enseignement dans chaque cours et la qualité du contenu, la pertinence du contenu, et c'est systématiquement utilisé à la fois par les professeurs et par la direction.

Quelques mots sur l'internationalisation des diplômes, thème pertinent en cette époque de mondialisation. Il faut vous dire que l'ENAP reçoit finalement assez peu d'étudiants étrangers, moins de 5 % de notre clientèle étudiante est constituée d'étudiants étrangers, ce qui, compte tenu de notre taille, représente autour de 50 étudiants étrangers. Ce qui ne nous empêche pas de rayonner à l'étranger dans la mesure où nous faisons – le directeur général l'a évoqué tout à l'heure – nous exportons notre savoir-faire en matière d'enseignement du management public auprès d'écoles nationales d'administration un peu partout dans le monde, notamment dans le tiers-monde. Et nous sommes très actifs notamment dans le cadre d'un réseau que nous avons organisé, un réseau d'écoles d'administration publique organisé autour de ce que nous appelons la «didacthèque internationale en administration publique», donc un réseau d'écoles qui couvre non seulement des écoles africaines – je l'ai évoqué tout à l'heure – mais des écoles mexicaines, vietnamiennes et libanaises en plus d'une école nationale tunisienne et d'une école camerounaise.

Dans le cadre de cette ouverture sur le monde, nous avons offert aussi à nos étudiants des stages à l'étranger: au Cameroun, au Mexique, au Viêt-nam, au Liban, en Tunisie, et cela fait partie des projets de l'École que d'ouvrir à nos étudiants la possibilité, en particulier à nos plus jeunes étudiants, de faire des stages à l'étranger.

Quelques mots maintenant sur la recherche. Je dirais d'abord que la performance de nos professeurs en matière de publication, en matière de diffusion de la connaissance est, compte tenu de notre petite taille, je le répète, très satisfaisante et, je dirais même, de très bonne qualité.

On a évoqué tout à l'heure le poids considérable qu'occupe la recherche commanditée dans notre subvention de recherche. Si on élargit le concept de recherche industrielle à tout ce qui concerne la recherche commanditée, il faut dire que l'essentiel de la recherche, la plus grande partie à tout le moins de la recherche réalisée à l'ENAP est faite dans un cadre de recherche commanditée. Ce pourrait paraître à certains un handicap; ça nous paraît, nous, une façon de rester en contact avec les besoins de l'administration des organisations publiques qui financent nos activités de recherche.

Cela dit, nos professeurs participent aussi, et cela fait partie des obligations du monde universitaire et des exigences de la recherche universitaire, nos professeurs bénéficient aussi de subventions de recherche dans le cadre du financement des organismes subventionnaires de la recherche universitaire. Je laisserai la parole, pour la conclusion, au directeur général.

M. De Celles (Pierre): Je conclurais de la façon suivante. Donc, si la situation de l'ENAP apparaît à ce moment-ci relativement saine en termes budgétaires – ce n'est sûrement pas le seul critère sur lequel il faut se baser – je dois dire qu'elle l'est aux dépens d'une incapacité lourde de répondre à beaucoup des besoins immédiats du secteur public en matière de formation et de recherche. Et des reproches de plus en plus nombreux s'expriment envers nous à cet égard: Comment se fait-il que vous ne pouvez pas nous offrir tel service? Comment se fait-il que vous ne pouvez pas nous proposer tel genre de formation? La réponse est relativement simple: Nous n'avons pas de professeurs dans ces domaines, nous n'avons qu'un seul professeur pour répondre à ce type de problématique, et ainsi de suite.

Donc, c'est ce que j'ai appelé un déficit de développement, une incapacité de disposer de suffisamment de ressources professorales et donc d'un bassin de connaissances et d'expertises pour répondre à toutes les attentes qui s'expriment dans un secteur d'activité humaine qui est actuellement en très grande transformation.

En somme, ayant appliqué au cours des dernières années une politique ferme de maintien des exigences de qualité des programmes offerts et de sauvegarde de l'équilibre budgétaire, bien il est un peu inévitable que c'est sur un troisième plan que l'effet déficitaire s'est construit, c'est-à-dire dans cette capacité de répondre aux attentes qui s'expriment actuellement, et ceci est reflété par essentiellement une statistique que je vous ai laissée, une réduction de 40 % du corps professoral.

En somme, ayant appliqué au cours des dernières années une politique ferme de maintien, comme je l'ai dit, l'École se voit maintenant confrontée à un lourd déficit de sa capacité de développement. Il y a donc, quant à nous, urgence absolue à combler ce déficit, et les prochains mois jugeront de la stratégie retenue par l'École et détermineront essentiellement la capacité de l'institution à contribuer plus efficacement aux efforts de modernisation de l'administration publique, qui sont des efforts poursuivis dans toutes les sociétés actuellement et qui exigeront d'importants investissements, surtout en réflexion et en formation, au cours des prochaines années. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. De Celles. Alors, M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Merci, Mme la Présidente. M. De Celles, M. Proulx, bienvenue, merci de votre présentation et merci, dans mon cas, de me faire connaître encore davantage l'ENAP, une institution de laquelle j'ai beaucoup entendu parler. J'ai plusieurs de mes confrères de classe qui y sont allés, ont profité des premières années d'ouverture aux étudiants, je dirais, réguliers de l'École nationale d'administration publique.

Il y a aussi un autre élément qui apporte beaucoup. Je tiens à souligner le travail de vos chercheurs en ce qui a trait notamment aux travaux de l'Observatoire, qui sont des travaux extrêmement utiles et toujours intéressants à lire et à regarder, notamment au niveau des travaux comparatifs qui permettent d'en apprendre beaucoup et de voir régulièrement ce qui se fait ailleurs. C'est très enrichissant.

(10 heures)

Vous avez, en conclusion, M. De Celles, parlé finalement de la stratégie de développement et un peu de la stratégie budgétaire des dernières années. Il n'est pas question de remettre en question les choix que vous avez faits, mais permettez-moi de me poser la question suivante. Vous parlez que cette stratégie-là a été mise en place, a été élaborée et qu'une des conséquences est qu'elle fait en sorte que l'École nationale d'administration publique, et vous le mentionniez, a beaucoup de problèmes ou une incapacité de répondre aux besoins immédiats du secteur public en matière de formation et de recherche. Comme je vous l'ai mentionné, c'est votre choix, c'est vous qui décidez à ce niveau-là, mais, à un moment où, je dirais, on voit dans les courbes démographiques qu'au niveau de la fonction publique de plus en plus de gens vont quitter, il va y avoir un certain renouveau, je trouve que c'est un drôle de choix qui a été fait, d'une part. Et, d'autre part, est-ce que vous n'ouvrez pas vous-même la porte à la concurrence ou à d'autres établissements universitaires qui vont être tentés de répondre à cette demande-là? Et quel est votre plan pour remédier à cette situation-là dans les plus brefs délais? Parce que c'est le coeur comme tel de la vocation de votre établissement.

M. De Celles (Pierre): Bien, c'est effectivement un choix institutionnel, aussi le choix du conseil d'administration. Il faut comprendre, d'une part, que l'École est un petit établissement et, dans ce sens-là, a une certaine fragilité institutionnelle qui ne permet peut-être pas d'attacher à l'École des déficits budgétaires qui seraient très lourds et, en conséquence, extrêmement menaçants, sous un autre angle, pour le développement de l'École.

Deuxièmement, je vous dirais, comme École d'administration publique, c'est un peu difficile de prêcher à nos étudiants la stricte rigueur administrative. Ce n'est pas un rôle qui est toujours facile à jouer pour des gestionnaires publics qui ont aussi des préoccupations sociétales, mais à chacun son rôle dans les organisations. Et nous trouvons difficile, en tout cas notre conseil d'administration, qui est formé aussi de hauts gestionnaires publics, trouverait fort difficile que nous ayons des déficits très élevés en des périodes où il faut chercher à redresser la situation des finances publiques.

Cependant, je vous dirais, nous croyons que la stratégie retenue était conjoncturellement la bonne parce que, et je l'ai un peu expliqué, nous sommes dans une phase actuelle de mutation profonde dans le domaine de l'administration publique: on parle de modernisation, on parle de réforme, on parle de renouveau. Et il nous apparaissait, c'est normal, qu'au moment où le combat était principalement axé, pour ce qui est de l'administration publique, sur l'atteinte du déficit zéro, sur le redressement des finances publiques, les mouvements de transformation de l'appareil viendraient ensuite et que nous pouvions nous permettre de subir, tout au moins temporairement, cette détérioration de nos effectifs dans la mesure où le rendez-vous que nous espérions au seuil des années 2000, avec des réinjections de moyens pour réaccroître notre corps professoral, se concrétiserait.

Donc, comme je l'ai indiqué, nous croyons que, dans notre cas, compte tenu du domaine où nous sommes, compte tenu de l'évolution des choses et du moment où apparaîtrait cette plus forte demande pour nos services, le fait de se synchroniser autour des années qui viennent n'était pas une mauvaise stratégie. Il est bien clair que, si la rescousse n'arrive pas, si des ressources nouvelles ne nous permettent pas justement de se mettre en mode d'appui à tous ces mouvements qui transforment l'administration publique, bien nous aurons, d'une certaine façon, perdu notre pari et, effectivement, peut-être que la stratégie n'aura pas été bonne. Si, par contre, nous avons un certain répit, nous pouvons espérer une certaine relance dans les moyens dont on va disposer, eh bien, nous croyons qu'il vaut mieux avoir réglé, en somme, la problématique budgétaire déjà et là investir dans la problématique du développement du corps professoral. Alors, c'est le temps qui jugera si, effectivement, l'une ou l'autre des stratégies... laquelle aurait été la meilleure.

M. Béchard: On va s'en reparler l'année prochaine. Ha, ha, ha!

M. De Celles (Pierre): C'est ça, l'an prochain, on pourra vous dire si on a bien...

M. Béchard: On fera l'évaluation de la stratégie d'une façon plus complète.

M. De Celles (Pierre): On verra. C'est le temps qui jugera.

M. Béchard: C'est ça. Un autre point sur lequel je voulais intervenir, M. De Celles, c'est au niveau de la présence de l'ENAP et de ses interventions auprès des professionnels un peu partout en région. On le sait, au cours des 10 dernières années, que ce soit au niveau des régies régionales, des CRD, il y a de plus en plus de gens, même au niveau des municipalités où c'est de plus en plus complexe être maire et conseiller... Votre présence à ce niveau-là, est-ce que ce sont des gens qui y vont pour avoir une certaine formation de base dans leur nouveau rôle non pas d'administrateur public, mais plus, je dirais, d'administrateur bénévole public? Est-ce que vous avez ce type de clientèle là ou est-ce que vous développez ce type de programme là aussi? Parce que je sais qu'il y a certains établissements en région, notamment au niveau des cégeps, qui commencent à développer des cours de formation en administration municipale, et ces choses-là. Est-ce que c'est un secteur dans lequel vous travaillez beaucoup et qui est en développement?

M. De Celles (Pierre): Je laisserais à M. Proulx peut-être le soin de compléter. Mais nous sommes effectivement présents avec des programmes qui sont, dans certains cas, à caractère très régional. Je prendrais l'exemple du programme conjoint que nous offrons avec l'Université du Québec à Rimouski, qui est un programme en administration régionale et qui va chercher les ressources de l'Université du Québec à Rimouski dans le domaine du développement régional combinées avec les ressources dont nous disposons en management. Et c'est dans ce partenariat que nous offrons un programme qui vise à développer une meilleure gestion, une meilleure administration régionale. Nous avons aussi un programme pour la période qui nous concerne, qui s'offrait avec l'Institut national de la recherche scientifique et l'Université du Québec à Montréal, en analyse et gestion urbaine, que nous avons offert aussi à Québec. Et nous avons des diplômes, des programmes courts. Donc, effectivement, nous sommes présents.

Et j'ajouterais juste un point. Il faut comprendre que, s'adressant à des gens qui sont déjà en exercice de gestion, une bonne partie de la pédagogie de l'ENAP s'appuie sur le regroupement de gestionnaires qui sont confrontés à des problèmes comparables. Donc, ce sont tous des gestionnaires d'une même région qui discutent de leurs problèmes, de leurs difficultés, des solutions qu'ils trouvent. Donc, il y a dans cette dynamique de regroupement de gens qui font, j'allais dire, vocation de l'administration publique un élément de renforcement dans la formation qui est extrêmement important.

Il y a bien sûr des cours de management qui ressemblent à des cours de management du secteur privé, mais, dans nos formations, nous nous retrouvons avec des gens qui ont choisi l'administration publique, qui ont choisi de promouvoir d'autres valeurs de gestion dans certains cas et qui trouvent extrêmement plaisir et beaucoup de profit à travailler ensemble. Marcel.

M. Proulx (Marcel): Je pense qu'il est important pour une institution comme la nôtre de ratisser large. En particulier en région, il serait difficile d'avoir des maîtrises spécialisées sur chacun des champs de l'administration, enfin considérons-nous, de sorte que nous avons un regroupement d'étudiants de diverses provenances, comme le disait le directeur général. En région, nous avons intérêt à être encore plus sensibles qu'à Québec, et Montréal, et Hull aux besoins du milieu dans la mesure où, précisément, le bassin de clientèle est tout petit.

Et c'est dans cette perspective qu'au-delà de nos implantations régionales dont on a parlé tout à l'heure, Chicoutimi, Trois-Rivières, Hull, Montréal, Québec, évidemment, nous offrons aussi, là où des milieux décident qu'ils ont besoin d'une formation en administration publique, là où on retrouve un promoteur, nous allons sur le territoire à peu près partout au Québec, en espérant que ce ne soit pas trop, trop loin. Par exemple, nous avons ouvert récemment un programme de maîtrise, un programme d'abord de diplôme puis de maîtrise, à Alma. Nous nous apprêtons à faire la même chose à La Pocatière. Donc, notre vocation régionale, notre vocation territoriale est importante.

Et, en réponse plus particulièrement à votre question, je dirais: À partir du moment où nous avons des demandes d'un milieu, d'un regroupement, d'une association, nous sommes prêts à manifester toute la souplesse voulue pour même adapter nos programmes aux besoins des groupes qui font la demande.

M. De Celles (Pierre): Vous me permettrez d'ajouter qu'il y a actuellement un désir très fort des administrateurs publics de se retrouver ensemble, d'échanger sur leur situation, de partager des expériences de gestion entre gens de l'administration publique. Et c'est dans ce sens-là que la problématique de l'École n'en est sûrement pas une de demande. Notre problématique, c'est celle d'offrir suffisamment pour s'ajuster à cette demande-là.

(10 h 10)

M. Béchard: O.K. Un autre point qui est très important dans votre vocation, selon moi, et qui est au coeur, je dirais, de toute la problématique de la politique de formation continue, c'est au niveau de la reconnaissance des acquis. Et ça, depuis longtemps au niveau de l'École nationale d'administration publique, je pense que vous avez beaucoup d'avance sur la société en général à ce niveau-là, quel que soit le niveau d'enseignement, parce que vous êtes parmi les premiers à permettre qu'il y ait un accès directement au deuxième cycle sans nécessairement que tout ait été fait dans les règles de l'art au niveau du premier cycle.

Quel est, je dirais, le coeur, pour vous, de cette reconnaissance des acquis? Quelle est la clé qui vous permet de dire: Bien, oui, telle personne est prête à accéder à des études de deuxième cycle? Est-ce que c'est uniquement l'expérience? Est-ce que c'est selon le domaine? Quelles sont les bases de votre politique de reconnaissance des acquis?

M. Proulx (Marcel): Essentiellement, ce qu'on considère, c'est qu'il y a un certain nombre de gens... Et ça reste quand même assez exceptionnel dans nos programmes qu'on admette au deuxième cycle des gens qui n'ont pas fait un premier cycle, et je pense que ça doit rester exceptionnel. Ça s'adresse à des gens qui ont une expérience exceptionnelle dans des organisations et dont on peut considérer que, sur la base de leurs réalisations exceptionnelles, de leurs réalisations significatives, ils ont l'équivalent d'un premier cycle.

Pour prendre un exemple qui n'est pas tout à fait fictif, si vous avez un sous-ministre qui désire faire une maîtrise chez nous, et qui a fait une carrière fulgurante, et qui a une expérience de 20 ans dans l'administration, nous considérerons que son expérience justifie qu'il n'ait pas de premier cycle.

M. Béchard: Ou un député. Ha, ha, ha!

M. Proulx (Marcel): C'est arrivé aussi pour des députés, mais, dans ce cas-là, ils avaient un premier cycle.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Béchard: Mais, dans le fond, finalement, c'est du cas par cas.

M. Proulx (Marcel): Tout à fait.

M. Béchard: Parce que c'est un peu le problème, la reconnaissance des acquis, dans toute politique de formation continue. On ne peut pas avoir de grands paramètres trop stricts parce que c'est différent d'une personne et d'une expérience à l'autre.

M. Proulx (Marcel): La règle est: Convainquez-nous que vous avez des réalisations exceptionnelles qui justifient que vous n'ayez pas de premier cycle. Je dois dire que les gens qu'on a admis s'en tirent, plus que «s'en tirent», ont des réalisations académiques au moins comparables à nos étudiants qui ont déjà un premier cycle, et dans beaucoup de cas supérieures. Dans la mesure où on ne prend que des gens exceptionnels, bien ils restent exceptionnels au deuxième cycle.

M. Béchard: Une dernière question avant de passer la parole à mes collègues. Vous avez beaucoup de collaboration et de présence au niveau international. Est-ce que vous envisagez de plus en plus d'avoir plus de programmes conjoints et éventuellement de diplômes conjoints avec d'autres écoles d'administration publique un peu partout?

M. De Celles (Pierre): Bien, il y a toujours évidemment des difficultés d'appariement de structures de programmes. On ne l'a pas souligné, mais vous connaissez tous la prestigieuse ENA de France. Eh bien, dans le cadre de coopération – on ne l'a pas souligné ici – il y a des professeurs de l'École, de l'ENAP, qui, maintenant, donnent des cours à l'ENA de France. Et il y a des discussions qui sont en cours avec des instituts d'études politiques pour procéder à des échanges d'étudiants et des reconnaissances de crédits.

Notre activité jusqu'à maintenant, elle se déplace un peu plus, comme on l'a indiqué, vers l'Europe maintenant, parce que, jusqu'à tout récemment en Europe, l'intérêt était surtout pour la science politique, les sciences juridiques et relativement peu pour le management public qui est plus notre marque de commerce, alors que, du côté de certains pays africains, nous répondions à des besoins de nouvelles écoles ou d'écoles en développement. Il faut comprendre que ce que l'ENAP offre, ce que le Québec offre, c'est le management à la nord-américaine en français à des gens qui souvent ne veulent avoir comme enseignants ni les Américains ni les Français. Nous offrons le modèle nord-américain en français, d'où une certaine popularité du modèle québécois de l'enseignement que peut offrir l'ENAP. Avec un intérêt plus grand pour le management, au sens où nous l'entendons ici, tel qu'il se développe en Europe, il est bien sûr que les demandes sont nombreuses, mais il faut à ce moment-là, parce qu'on parle justement, comme vous le soulignez, d'échanges de programmes, de programmes conjoints, eh bien, arriver à des appariements qui respectent un certain nombre de règles qui sont définies pour l'ensemble des universités.

M. Béchard: Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le député de Kamouraska-Témiscouata. M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Merci, Mme la Présidente. Je salue les dirigeants de l'ENAP, qui est une grande institution, je pense, qui a fait sa marque dans le fonctionnement de l'État québécois. Je vous dirai bien naïvement que je ne suis pas particulièrement surpris que vous présentiez une requête pour l'augmentation de votre budget. Nous avons entendu ça quelques fois depuis quelques jours. C'est une situation que je trouve tout à fait normale quand on fait affaire avec des institutions qui sont dynamiques et qui sont dirigées par des gens dynamiques. Donc, en principe, si on est dynamique, on a toujours des projets et on voit toujours ce qui manque, et il manque toujours plus que ce qu'il y a. Donc, c'est normal qu'il y ait des demandes. Et ces demandes-là sont d'autant plus justifiées qu'on termine une période de rationalisation des dépenses publiques et de coupes dans les budgets qui est particulièrement importante.

Face à cette situation, le ministre de l'Éducation a parlé de réinvestir dans les universités, dans les institutions, et tout ça, mais en échange d'un contrat de performance, et c'est là-dessus que j'aimerais qu'on parle un peu. On a pu voir, avec les gens qui vous ont précédés, à quel point c'est une question délicate et difficile parce que, d'un côté, tout le monde convient qu'il faut respecter l'autonomie des universités – c'est un acquis occidental absolument important – et, d'un autre côté, évidemment il faut se donner une façon de remplir notre fonction de surveillance, qui est une des fonctions spécifiques des députés, hein, en démocratie. Alors, comment est-ce qu'on arrange ça? Comment est-ce qu'on aménage à la fois ce devoir et cette nécessité?

Vous autres, évidemment, par votre position dans la démocratie, vous êtes placés pour avoir une sensibilité particulière face aux attentes de la population. Donc, j'aimerais vous entendre sur ce sujet-là. Est-ce que vous êtes engagés dans le processus de détermination des critères de performance, des critères d'efficience entre le ministère et l'ensemble des universités? Est-ce que vous n'êtes pas placés pour y jouer un rôle particulier?

M. De Celles (Pierre): Bien, d'abord, est-ce qu'on l'est, en termes d'établissement? Je vous dirais: Oui, beaucoup. Vous le savez, c'était mentionné dans le texte, nous avons un groupe qui s'intéresse tout particulièrement à l'évaluation des politiques et à une évaluation qui, vous pouvez me croire, se fait de façon extrêmement quantitative, mesurée. Du reste, lorsque, il y a deux ans, on a subi l'évaluation de la CREPUQ, la Conférence des recteurs et des principaux, sur les modes d'évaluation de nos programmes, le comité s'était même surpris du fait de l'approche que nous avions choisie, qui était extrêmement quantitative, extrêmement axée sur une performance mesurable.

Je vous dirais, deuxièmement, que c'est un peu inévitable que, dans un établissement où se retrouvent des professeurs qui sont des spécialistes en gestion, les soucis de mesures d'évaluation, d'efficience, d'efficacité, comme vous le dites, soient constamment présents. Je dirais un peu à la blague: S'il y a quelque chose, c'est que, parfois, il y a trop de manifestations qu'il faut réconcilier, il y a des propositions variées sur les méthodologies à appliquer, mais la préoccupation est là. Ça foisonne d'idées, mais la préoccupation est là.

(10 h 20)

Est-ce que l'École est prête à agir pour l'ensemble du milieu universitaire ou pour l'ensemble du secteur de l'éducation? Nous le faisons déjà dans certains milieux de l'éducation. Nous offrons des services d'évaluation de compétences des gestionnaires qui sont utilisés dans les réseaux de l'éducation pour la sélection des personnels. C'est un exemple. Je vous dirais que l'ENAP, conjointement avec le siège social de l'Université du Québec, offre, pour l'ensemble des gestionnaires universitaires du réseau de l'Université du Québec, des programmes de formation, lesquels programmes, évidemment, abordent ces questions-là et les aborderont de plus en plus. Donc, et nous l'avions mentionné dans la réaction que nous avions faite au ministre sur son projet de politique, nous partageons tout à fait ce souci de performance d'évaluation.

Il est complexe cependant, ce défi de l'évaluation. Il ne s'agit pas ici de discuter de ce que c'est que la gestion par résultats, mais certains auteurs font bien la distinction entre les résultats et les retombées. On pourrait se féliciter d'une production très nombreuse de diplômés, cela est un résultat. Est-ce une retombée? Non. La retombée, elle sera dans la qualité qu'auront ces diplômés dans leurs interventions, et ça, c'est plus difficile à mesurer. Donc, il y a un long chemin encore à parcourir pour passer d'indicateurs de résultats à des indicateurs de retombées de ces résultats sur la société. Mais la volonté universitaire, je pense, est là. Le désir d'arriver à définir ces indicateurs pour arriver à définir ces contrats de performance – s'il faut utiliser ce terme – ils sont là, mais il faut être conscient que c'est complexe, c'est exigeant. Mais le fait d'avoir procédé, je dirais, méthodiquement et sans trop se fixer sur les résultats, mais en gardant une ouverture sur les retombées qui sont visées, parce que c'est ça qui compte pour la société, eh bien, en y allant méthodiquement, avec la volonté qui est partagée par tous, je pense, nous y arriverons.

Et bien sûr l'ENAP est tout à fait ouverte à contribuer à cela. Cependant, l'ENAP, je pense, a une obligation vis-à-vis l'ensemble de l'administration publique. Et il n'y a pas que dans le secteur universitaire qu'il y a des enjeux de mesures, ils existent dans le secteur gouvernemental, ils existent dans le secteur de la santé, ils existent dans le monde municipal. C'est pour ça que je dis que c'est un champ qui est en développement considérable actuellement.

M. Dion: Dans ce sens-là, d'ailleurs, je suis très heureux de vous entendre aborder cette question-là, parce que c'est une question qui me préoccupe particulièrement, la distinction entre les résultats et les retombées. C'est une question difficile. Si on regarde, par exemple, ce qui s'est passé dans le secteur de l'éducation, puisqu'on est dans la commission de l'éducation, à un moment donné, on s'est posé la question, et on a vu ça dans les journaux et on a pu le constater peut-être sur le terrain, la question de savoir si, par exemple, la nécessité d'être une école qui diplôme beaucoup ou d'être un pays où on a beaucoup de diplômés, tant de pour cent de diplômés à la fin de l'année, n'a pas amené un certain nivellement par le bas de certains programmes d'études. Et la question se pose d'autant plus qu'on est à l'orée d'une redéfinition des programmes d'études dans l'éducation et qu'on est en train de refaire des approches très importantes, de façon très importante au niveau du premier cycle de l'élémentaire, et, quand c'est commencé au premier cycle, ça continue au second cycle.

Alors, est-ce qu'on s'est suffisamment posé des questions des retombées? Est-ce qu'on s'est suffisamment posé les questions des suites à ça? Parce qu'on peut avoir d'excellentes études théoriques qui appuient la pertinence de certains gestes, mais, si ces études théoriques ne sont pas appliquées, ne sont pas appuyées par une étape de vérification sur le terrain des retombées de ces gestes-là, on risque d'aller vers des impasses. Et on n'a pas toujours évité ces impasses-là. Par exemple, quand on parle de l'enseignement du français, on n'a pas toujours évité l'impasse d'un enseignement pitoyable, alors que, dans d'autres domaines, on a été extraordinaire, comme dans les mathématiques, les sciences, où on a fait un pas de géant en l'espace d'une génération. Alors, c'est pour ça que je trouve ça très important que vous souleviez cette question-là, et j'espère qu'on en tient compte dans les hauts lieux.

Et je termine en saluant d'une façon particulière votre installation dans le quartier Saint-Roch. C'est quelque chose de magnifique. Ça comporte en soi un message de continuité. Je pense que c'est vrai qu'il faut toujours ouvrir de nouveaux horizons, mais il faut toujours s'enraciner dans une histoire. Et je pense que vous apportez un message à la société qui est très réconfortant dans le sens que, quand on sait maintenir nos acquis historiques, on a des chances d'aller plus loin. Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le député de Saint-Hyacinthe. Mme la députée de Jean-Talon, il vous reste trois minutes.

Mme Delisle: Alors, merci. Messieurs, bonjour. J'ai une petite question rapide. Vous avez soulevé mon intérêt tout à l'heure, M. De Celles, lorsque vous avez mentionné que les frais de scolarité étaient plus bas que dans les autres universités.

M. De Celles (Pierre): Je me suis probablement fait mal comprendre. Je m'excuse. Ce que je disais, c'est que, dans l'ensemble de nos revenus, la subvention et les frais de scolarité représentent une proportion moindre que dans les autres universités...

Mme Delisle: Ah bon!

M. De Celles (Pierre): ...autrement dit, que l'École, dans l'ensemble de ses revenus, va chercher une proportion plus importante que d'autres de revenus d'autofinancement, perfectionnement, coopération internationale, aide-conseil et des choses comme celles-là. En somme, l'École n'est sûrement pas plus que les autres universités dépendante des subventions et des frais de scolarité.

Mme Delisle: Maintenant, pour conclure sur ce point-là, ces frais de scolarité là sont payés par qui? Est-ce qu'ils sont payés par l'employeur ou ils sont payés par l'étudiant lui-même ou l'étudiante elle-même?

M. De Celles (Pierre): Bien, distinguons deux choses. Au niveau de certains étudiants plus jeunes qui nous arrivent directement de l'université après un baccalauréat, c'est souvent payé directement par l'étudiant, puisqu'il n'est pas en situation d'emploi. Dans la grande majorité des cas, pour ceux qui sont déjà en situation d'emploi, les dispositions de leurs conditions de travail, que ce soit dans le secteur hospitalier et le secteur municipal, font que leurs frais de scolarité, habituellement, sont remboursés par l'employeur.

Mme Delisle: O.K. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, Mme la députée de Jean-Talon. Mme la députée de Rimouski.

Mme Charest: Oui, merci, Mme la Présidente. Bonjour et bienvenue à cette commission. En lisant vos documents, je revois que l'orientation, enfin, de l'ENAP, l'orientation comme telle, c'est le management public, donc axé sur le comment faire. C'est écrit au point 1.3, 2.3. Est-ce que je me trompe? Non. Alors, en considérant cette orientation et en relisant aussi vos grands principes directeurs et la mission, qui est de participer de façon active au développement de l'administration publique, de répondre aux besoins des gestionnaires, d'exercer une influence sur les leaders dans le domaine, de favoriser les échanges et la réflexion critiques, d'associer les praticiens et les spécialistes, je me dis que vous êtes sûrement l'organisation la mieux placée pour nous aider à identifier quels seraient les indicateurs de performance que l'on pourrait retenir pour aider nos gestionnaires universitaires dans le domaine des études supérieures à avoir des performances intéressantes. Parce qu'on cherche toujours à se dépasser. On se donne des défis. Alors, je ne sais pas, qu'est-ce que vous auriez comme suggestions dans ce secteur-là?

M. De Celles (Pierre): Bien, je ne me présenterai pas comme un spécialiste du domaine. J'ai appris, avec les années, étant à la tête d'un groupe de professeurs qui détiennent l'autorité scientifique sur ces questions, que ce n'est pas au directeur général à prétendre qu'il la détient.

(10 h 30)

Mme Charest: Votre équipe, quand même.

M. De Celles (Pierre): Je pense qu'il faut définir des indicateurs. Et, comme je l'indiquais tout à l'heure, il faut définir des indicateurs de résultats, qui sont une étape intermédiaire, et ce que je me suis permis d'appeler de retombées, qui sont une étape essentielle aussi mais qui sont de finalité. Je pense qu'il serait dangereux de conduire sur la route en ayant les yeux fixés sur l'indicateur du réservoir de gazoline. Il vaut mieux regarder la route et occasionnellement regarder comment la consommation va, et non pas se fixer sur la consommation et oublier la route.

Donc, il faut définir les uns et les autres, et surtout la relation qui existe entre l'un et l'autre. Comme votre collègue l'indiquait tout à l'heure, il faut être prêt à mesurer le nombre de diplômés, les coûts que cela représente, le temps que cela prend, mais aussi fonction des attentes que nous avons de ces diplômés. Quel genre de maîtres voulons-nous former pour l'enseignement au secondaire? Quel genre de travailleurs sociaux voulons-nous former? Quel genre d'ingénieurs voulons-nous former? Et il y a là des questions qui sont des questions lourdes de conséquences et des questions de développement de société.

Vous êtes dans un comté qui est sûrement très préoccupé par la problématique de la régionalisation. Il y a beaucoup de questions qu'il faut se poser sur le rôle des diplômés qu'on veut former à l'université par rapport à leur situation, à leur rôle en région. Donc, il y a une problématique qui est extrêmement vaste mais qui n'est pas moins mesurable, qui n'est pas moins évaluable. L'erreur serait... Il y a deux erreurs, aux deux extrémités: une, de prétendre que ça n'est pas évaluable; l'autre, de prétendre que c'est facilement évaluable.

Mme Charest: On s'entend là-dessus.

M. De Celles (Pierre): Donc, il y a un immense travail à faire, et ce travail-là ne pourra pas se faire instantanément, et surtout j'ajouterais qu'il ne peut se faire unilatéralement. Il ne peut se faire ni unilatéralement du côté universitaire ni unilatéralement de tout autre côté, que ce soit celui du secteur privé, ou gouvernemental, ou autre.

Mme Charest: De là ma question, M. De Celles, à savoir: Quelle pourrait être l'apport de votre équipe de profs et de gens compétents qui vous entourent et que vous avez l'habitude d'engager – soit comme chargés de cours, ou comme professeurs, ou enfin comme toute autre ressource – pour faire cette immense tâche? Et j'en profite, tandis que le micro est ouvert, pour vous dire qu'on partage ça, et on sait que ça ne se fait pas du jour au lendemain. Ce n'est pas comme ça que ça se passe. Il faut que ça se fasse en concertation, en partenariat, en collaboration. Enfin, je pense que ce sont des termes qu'on connaît bien. Mais j'aimerais plus savoir jusqu'à quel point votre équipe peut être disponible et intéressée et quel type d'apport elle peut amener dans ce genre d'exercice.

M. De Celles (Pierre): C'est ça. Je pense qu'elle peut l'être dans l'aide à la définition, à la recherche. Mais je dirais que, s'il faut définir un rôle particulier pour l'École, c'est dans le souci de les gérer par la suite, ces indicateurs-là. Parce que, vous savez, c'est une chose de les définir, d'en retenir d'excellents, c'est une autre chose de les appliquer, de les gérer.

Mme Charest: Et de les évaluer.

M. De Celles (Pierre): Et, dans la tradition de management de l'École, notre souci, c'est de croire qu'il ne suffit pas d'écrire des plans, de définir des indicateurs, de fixer des paramètres, de définir des formules de financement, il faut les appliquer, il faut les gérer, il faut, au quotidien, que des individus convaincus les appliquent. C'est là, je pense, que le rôle de l'École peut jouer, c'est-à-dire de s'assurer que non seulement on définit correctement les choses – et ça prend un certain temps, comme on l'a dit tous les deux – mais, deuxièmement, qu'on dispose des personnes capables, au quotidien et sur le terrain, de les appliquer dans le respect de ce que souhaitent faire ces indicateurs sur le développement du système.

Mme Charest: Je comprends très bien votre intervention. Moi, je rajouterais: Non seulement capables les appliquer, mais qui ont la volonté de les appliquer. Alors, ça, je pense qu'il y a une nuance qui est importante aussi.

M. De Celles (Pierre): Aussi.

Mme Charest: Et c'est l'ensemble de toutes ces nuances qui vont faire qu'on va réussir ou qu'on va passer à côté.

Dans un autre ordre d'idées, quand vous parlez que l'École a dû s'adapter aux nombreux changements dans la gestion de l'administration publique, parce que l'administration publique vit quand même des changement importants, ça a posé des défis intéressants aux gestionnaires, et l'École a dû moduler en quelque sorte son offre de programmes, j'aimerais que vous m'aidiez à faire la distinction, là, parce qu'il y a de la formation continue mais il y a aussi de la formation plus dure, si je peux appeler ça comme ça, en termes de deuxième, troisième cycles. C'est où, les barrières? Ça ne se définit pas facilement. Est-ce que ça existe vraiment? Je ne suis pas certaine.

Cette question m'est soulevée suite à votre commentaire et l'exemple que vous avez pris, comme le programme que vous avez conçu en fonction des administrateurs publics en région. Vous pratiquez déjà à Rimouski depuis un certain temps. Vous avez une grosse cohorte, une quarantaine, je pense, d'administrateurs de notre région qui suivent vos cours, les vôtres et ceux de vos collègues. Alors, j'aimerais ça que vous me parliez un petit peu plus clairement par rapport à ça. Ça va me permettre de mieux comprendre, je pense, les défis en termes de développement que vous avez à rencontrer.

M. De Celles (Pierre): Je pense que vous avez utilisé les mots qu'il faut. Le défi, c'est l'équilibre entre ce que l'étudiant a besoin qu'on lui apporte pour résoudre des problèmes actuels et ce qu'il est utile qu'il ait pour aussi être prêt à résoudre des problèmes futurs. Généralement et effectivement, la frontière est de plus en plus floue. Le perfectionnement, ce que nous appelions le perfectionnement, qui est cours appliqués, plus dirigés, visait à aider des gestionnaires à résoudre des problèmes immédiats.

Mme Charest: Ici, maintenant.

M. De Celles (Pierre): Ici, maintenant. La formation plus lourde que nous offrions par la maîtrise en administration publique visait à instrumenter – parce qu'on est encore concret – l'étudiant par rapport à des perspectives plus globales, des perspectives plus évolutives, des perspectives plus à long terme. Et il y a toujours un équilibre. Évidemment, quand l'administration publique vit des turbulences importantes, la pression est pour disposer de recettes un petit peu plus.

Mme Charest: Il faut être créatif, en tout cas.

M. De Celles (Pierre): Oui. Quand les perspectives réapparaissent à long terme...

La Présidente (Mme Bélanger): Si vous voulez conclure, M. De Celles.

M. De Celles (Pierre): ... – oui, je vais terminer – les étudiants sont prêts à investir un peu plus dans l'avenir. Donc, c'est effectivement un défi d'équilibre et c'est celui qu'on essaie de gérer actuellement.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci beaucoup, M. De Celles et M. Proulx, pour votre participation.

Alors, nous allons suspendre quelques instants, le temps de changer d'invités.

(Suspension de la séance à 10 h 39)

(Reprise à 10 h 40)

La Présidente (Mme Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaît! J'inviterais les représentants de Télé-université à bien vouloir prendre place. À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux.

Je demanderais à la porte-parole de bien vouloir s'identifier et d'identifier les personnes qui l'accompagnent.


Télé-université (TELUQ)

Mme Marrec (Anne): Mon nom est Anne Marrec, je suis la directrice générale.

La Présidente (Mme Bélanger): Vous avez 20 minutes pour faire votre présentation, qui sera suivie de 40 minutes de questionnement.

Mme Marrec (Anne): D'accord. Alors, je voudrais vous présenter Mme Louise Bertrand, qui est la directrice de l'enseignement et de la recherche à la Télé-université, et M. Robert Maranda, qui est le directeur des affaires administratives dans la même institution, et il y a du personnel cadre dans les rangs derrière. Si jamais vos questions demandent à être beaucoup plus fouillées au niveau des réponses, j'aurai du support.

Vous avez le texte? Je suis habituée... J'ai vu régulièrement des députés qui étaient au courant du fonctionnement et de la mission de la Télé-université. Donc, je m'attendais à voir les mêmes personnes que les autres années, ce qui fait que je n'ai pas axé sur une explication trop poussée sur la Télé-université. Par ailleurs, je sais aussi qu'il y a beaucoup de personnels de l'Assemblée nationale et des députés qui ont étudié à la Télé-université. Donc, je ne m'étais pas beaucoup axée sur l'explication de l'institution, mais je vais essayer de vous la faire comprendre à travers mon exposé, pour ceux qui la connaissent moins.

La Télé-université, c'est une organisation dont la vie est rythmée par une dynamique à trois vitesses. La première résulte de ses choix de base qui n'ont pas été modifiés depuis ses lettres patentes qui ont été attribuées en 1992, et leur remise en cause supposerait une remise en cause du positionnement réel de la Télé-université.

La seconde dynamique s'appuie sur des choix de fonctionnement qui peuvent être révisés en fonction d'une analyse de conjoncture ou des besoins de la population à desservir. Donc, ça suppose une révision fondamentale quand même, ou tout au moins planifiée.

Et la troisième dynamique implique des changements qui se font à l'intérieur de six mois et qui peuvent même avoir une occurrence quotidienne. Et je dois dire que j'ai l'habitude de faire une plaisanterie par rapport à la Télé-université en disant que la Télé-université est comme les Galeries Lafayette, à Paris: il se passe tous les jours quelque chose de différent. Donc, on est obligé de vivre avec un rythme très, très intense au niveau de l'évolution de notre institution et de la prise de décisions.

Présenter un rapport pour la Télé-université sur les données de 1997-1998 dans un tel décor, ce n'est pas obligatoirement amusant pour nous parce qu'on est déjà loin de 1997-1998. Donc, je vais utiliser cette dynamique à trois vitesses pour présenter notre rapport. Et, comme vous aviez beaucoup de questions qui vous intéressaient sur la Télé-université et qui ne sont pas en rapport avec l'année budgétaire, qui nous intéressent beaucoup aussi et qui font partie de notre quotidien, je suppose que le dialogue pourra nous permettre de répondre à vos curiosités.

Donc, les choix de base de la Télé-université. D'abord, c'est important de vous rappeler que la Télé-université, ce n'est pas le canal de télé-enseignement, ce n'est pas un enseignement par la télévision. On n'a rien à dire contre le canal de télé-enseignement, on l'a créé. Et, avec le petit budget avec lequel il fonctionne, on doit se dire que, si Radio-Canada devait fonctionner avec le budget du canal de télé-enseignement, ils seraient sûrement plus pauvres dans leurs émissions. Mais, ceci étant dit, nous ne sommes pas le canal de télé-enseignement. Nous l'abritons mais nous ne l'utilisons pas. Pourquoi nous ne l'utilisons pas? Parce que ce n'est pas un mode, pour l'instant, qui est interactif, et nous tout notre fonctionnement est basé sur l'interactivité avec l'étudiant.

À une époque où tout le monde se lance dans l'enseignement à distance, qu'est-ce qui fait la spécificité de la Télé-université? Eh bien, c'est qu'elle pratique un fonctionnement intégralement à distance. Nous n'avons pas de présentiel, comme on dit dans notre jargon. Autrement dit, nous n'avons aucun contact avec les étudiants, sauf dans des partys ou quand on les convie dans un endroit pour connaître leur tête, nous n'avons aucun rapport direct avec les étudiants sans l'intermédiaire d'un moyen technologique, sans l'intermédiaire d'un moyen de communication. Et les moyens de communication qu'on utilise vont du plus traditionnel au plus sophistiqué. Alors, on a le l'habitude de dire que le plus traditionnel peut être le camion de bière, quand c'est en Afrique, pour transporter notre matériel, et quand c'est le plus sophistiqué, c'est une communication virtuelle d'ordinateur à ordinateur.

La Télé-Université donc pourrait se sentir à l'étroit dans une mission aussi spécifique où il n'y a pas de possibilité de contact avec l'étudiant en direct. Au contraire, c'est ce qui nous challenge, c'est ce qui nous excite, c'est ce qui nous plaît, parce que ça nous permet d'accroître notre créativité et d'utiliser les nouvelles technologies les plus avancées, si vous voulez, pour pouvoir trouver un moyen d'établir une communication virtuelle qui stimule complètement la réalité et qui satisfasse notre clientèle étudiante.

Alors, dans ce cadre-là, toutes les fonctions d'un campus virtuel sans exception sont praticables à distance. Ça veut dire l'administration des services aux étudiants, les fonctions accueil, les fonctions académiques, les fonctions pédagogiques qui sont très, très importantes chez nous, les fonctions d'encadrement, d'évaluation, de socialisation. Et souvent les autres, les universités ou les entreprises privées qui viennent chez nous sont surprises par la fonction socialisation. Donc, si vous avez des questions là-dessus, on pourra non seulement vous répondre, mais on pourrait même vous inclure dans notre campus virtuel pour vous faire vivre la socialisation à la Télé-Université et vous permettre de vous rendre compte que la virtualité n'est pas déshumanisée.

Nous sommes en train actuellement, avec la construction d'un mouvement associatif étudiant, par nos étudiants, de découvrir ce que c'est qu'un mouvement associatif par le biais de la virtualité. Alors, nos étudiants expérimentent la virtualité même dans leur mouvement de pression. C'est particulièrement intéressant.

Deuxièmement, toujours dans cette même dynamique, étant donné les besoins de gérer le rapprochement avec les étudiants, donc, comme je vous le dis, les technologies de communication mais aussi et surtout la technopédagogie sont au centre de notre fonctionnement quotidien. On en applique, on en expérimente, on en invente, on en améliore et on s'apprête à les vendre actuellement. Et on pourra vous parler de ça, si vous voulez.

Troisième point: la volonté de répondre à des besoins de formation continue, à placer l'impératif de flexibilité au coeur des choix managériels de l'institution. Ce choix, si vous voulez, a induit la pratique de l'inscription continue – tous les jours, en tout temps, on peut s'inscrire à la Télé-université – et le respect des rythmes d'étude des étudiants et de l'accueil des étudiants en transfert de crédits. Actuellement, un quart de nos étudiants sont reçus à la Télé-université en transfert de crédits, ce qui a des impacts sur nos indicateurs de diplomation. Nous contribuons au taux de diplomation du système universitaire québécois plutôt que nous pratiquons la diplomation.

Autre point aussi, toujours dans nos choix fondamentaux, c'est: l'acte individuel d'enseigner nécessite une prise en charge collective de toute l'institution. Donc, nous, ce n'est pas les professeurs seulement qui enseignent, c'est les professeurs à l'intérieur d'une équipe pédagogique, d'une équipe médiatique, d'une équipe technologique. Donc, on fonctionne vraiment avec un groupe de personnes qui enseignent et qui sont porteuses de l'acte d'enseigner. Et, comme, dans un hôpital, c'est le médecin qui est responsable du diagnostic, à la Télé-université, c'est le professeur qui est responsable de l'évaluation et de la qualité scientifique de nos contenus.

L'étudiant doit pouvoir compter sur des contenus éducatifs conçus et formalisés pour un apprentissage en mode autonome. Donc, ça, c'est un choix fondamental aussi de la Télé-université. Et, dans ce cadre-là, l'interaction contenu-apprenant doit être organisée. On est en mode préventif. On ne peut pas se permettre de corriger la trajectoire en cours de route. Il faut donc que notre enseignement soit parfaitement bien conçu au départ, avant l'envoi à l'étudiant, ce qui suppose que la charge de travail des professeurs ne se calcule pas de la même façon que dans un établissement traditionnel. On ne dit pas quatre cours-année, on peut dire... On en parlera ensuite sur la charge de travail des professeurs. La directrice de l'enseignement pourra répondre à vos questions, si vous voulez.

(10 h 50)

La TELUQ, à cause de sa mission d'université, donne avant tout accès à des programmes diplômants – ça, c'est un choix qui a été fait au moment de... enfin avec les lettres patentes – ce qui nécessite une organisation et une coordination qui empruntent à l'université traditionnelle les processus de décision sur la création des programmes.

Par ailleurs, on a un système d'encadrement des étudiants et d'évaluation qui a été conçu pour être réalisé par un personnel d'appoint à temps partiel. Donc, on a un type de personnes qui n'existent nulle part et qui s'appellent des tuteurs, qui sont répartis sur la province, et ils occasionnent une dépense additionnelle pour la Télé-université qui est assez considérable. Dans d'autres établissements dans le monde, c'est des professeurs qui font le tutorat; donc, ils ont des coûts unitaires plus élevés. Nous, si on veut avoir que des professeurs pour le faire, ce qui pourrait être éventuellement intéressant, ça nous demanderait une charge additionnelle au niveau budgétaire.

La fonction recherche fait partie de la mission de la Télé-université, puisque, avant tout, la Télé-université est une université, comme son nom l'indique. Nous oscillons entre 35 et 36 professeurs. La fonction recherche est particulièrement active, malgré un petit nombre de professeurs, puisqu'on atteint un très haut niveau de subvention par professeur-chercheur. Ça veut dire que nos professeurs, en plus de leur charge de travail qui est très lourde en matière d'enseignement, sont très impliqués en recherche.

Si la Télé-université se sent à l'aise avec la notion de contrat de performance – et ça, c'est une notion de base qui est importante – c'est qu'elle l'utilise à l'interne depuis longtemps. Autrement dit, chaque décision de programme ou de cours est assortie d'une étude de marché. Alors, on ne commence pas par embaucher un professeur ou du personnel, on commence par faire une étude de marché avant toute décision. Et nos décisions, donc, sont des décisions, je dirais, à implication économique.

Donc, ça, c'est les choix de base qu'on a faits à la Télé-université, avec lesquels on fonctionne depuis longtemps et qu'on n'a pas l'intention de remettre en cause, sauf s'il y avait une conjoncture drastique qui affectait la Télé-université.

Quels sont les choix conjoncturels à longue portée, maintenant? Alors, depuis la création de la Télé-université, on a résolument opté pour un fonctionnement asynchrone avec l'étudiant pour l'accès aux cours comme pour l'encadrement. «Asynchrone», ça veut dire que c'est différé. Avec les nouveaux moyens technologiques, ce choix s'avère parfaitement adapté, parce que vous savez que la technologie permet donc, avec le courrier électronique, etc., avec les différents moyens de communication, de fonctionner en mode asynchrone.

Par contre, on se rend compte que, avec la vitesse des télécommunications, on peut arriver à réduire le temps-réponse entre les intervenants et les étudiants. En plus, bien, on se rend compte qu'on peut construire des cours évolutifs, ce qui fait qu'on pourrait se retrouver avec un système qui se rapproche de l'immédiat. Donc, là on est dans un modèle qui suppose une évolution. Et on est en train de travailler sur cette évolution. C'est pour ça que je vous dis que c'est des choix à longue portée mais c'est des choix qui supposent une modification. On est donc en transition sur ce sujet-là.

Depuis sa création, la TELUQ a entretenu une relation bidirectionnelle avec chacun de ses étudiants. Autrement dit, on était à un fonctionnement en soleil où on avait une relation individuelle avec chacun de nos étudiants. Avec les nouvelles technologies et l'évolution des besoins des étudiants, le travail collaboratif et la socialisation sont à l'ordre du jour. Donc, le fonctionnement en toile est en train de substituer au fonctionnement en étoile. Ça, ça suppose une technologie très évoluée et c'est très exigeant au niveau de nos finances. Parce que vous pouvez imaginer que, quand tout notre fonctionnement devient en étoile, ça veut dire que les interrelations sont beaucoup plus riches et beaucoup plus rapides et supposent l'image aussi, parce que, quand on veut que les étudiants travaillent ensemble, il faut qu'ils puissent se voir, qu'ils puissent s'échanger de l'image, qu'ils puissent s'échanger de la voix, etc., pour que la simulation d'un campus soit plus forte. C'est drôlement intéressant. On est passionné, et nos étudiants aussi, mais c'est très demandant sur le plan organisationnel. Donc, on est en train de faire ce changement-là.

Je dois vous dire aussi, comme information, que ça fait six ans qu'on a adopté un fonctionnement de socialisation à la Télé-université, sept ans, même. On se rend compte que maintenant on a 10 000 étudiants sur nos 22 000 individus – 20 000 à 22 000 individus, ça varie tous les jours avec l'inscription continue – qui sont intéressés à un travail collaboratif et à un fonctionnement avec une socialisation sur Internet. Pour l'instant, on a un individu qui fait l'animateur dans un tout petit bureau, avec un bel équipement. Parce que, nous, l'équipement, il est beau, chez nous. Ce qui est problématique, c'est les gens pour s'en servir, on n'en a pas assez. Donc, on a une personne qui fait l'animation. On s'est dit que, si on pouvait la cloner, il faudrait d'abord qu'on ait du budget puis ensuite qu'on arrive à la cloner, parce qu'elle est sensationnelle et nos étudiants ne veulent absolument pas s'en passer. Mais, imaginez, une personne pour 10 000 étudiants, ce que ça peut donner. Bon.

La Télé-université a toujours fait appel à des multiples médias, c'est-à-dire qu'on a toujours eu un fonctionnement plurimédia, donc des médias séparés mais qui faisaient partie d'un kit qu'on a envoyé aux étudiants. Maintenant, avec l'arrivée du multimédia qu'on utilise, on a embarqué à fond là-dedans, mais nos moyens sont insuffisants, parce que, vous savez, pour créer un cours, il faut à peu près, en multimédia, entre 150 000 $ à 200 000 $ par cours. Et on a réussi à en faire 33 sur Internet. Donc, le passage des multiples médias au multimédia est très onéreux pour nous, mais on a l'intention de garder notre leadership international dans ce domaine-là et on a l'intention d'être très actif et très proactif là-dessus. Donc, on est très exigeant au niveau budgétaire actuellement.

La programmation de la TELUQ s'était toujours cantonnée au premier cycle, dans des champs disciplinaires soit très généraux comme l'administration, les communications ou les langues, soit très proches de nos champs d'expertise, c'est-à-dire la pédagogie de la distance, la formation des maîtres, les technologies éducatives. Pour répondre aux besoins, aux demandes de la population, on ouvre actuellement de nouvelles perspectives avec une programmation de deuxième cycle en enseignement à distance, en technologies et éventuellement en commerce électronique et en environnement et, de troisième cycle, en informatique cognitive. On aborde aussi de nouveaux champs disciplinaires comme la psychologie et la santé mentale. Et, pour la majorité de ces champs, le partenariat avec une ou plusieurs institutions est incontournable, parce que vous comprenez bien qu'on n'a pas les ressources disciplinaires suffisantes pour aborder ces champs-là. Donc, on n'est pas en mode de duplication, on est en mode de partenariat dans ces ouvertures-là.

Dernier point dans les éléments que je voulais mettre en lumière. Jusque-là, les étudiants de la Télé-université ont été des adultes québécois, majoritairement des femmes, s'inscrivant surtout à temps partiel. Étant donné l'intérêt des plus jeunes pour Internet et la mondialisation, le rajeunissement de la population étudiante de la TELUQ et l'accroissement des effectifs étrangers est probable. Ceci nécessite une organisation encore plus ouverte à l'hétérogénéité et à l'adaptation. Alors, on pourra vous parler des étudiants étrangers si ça vous intéresse. On pourra vous parler aussi des mouvements associatifs qu'on est en train de gérer avec les cinq continents de façon à pouvoir administrer la demande sur Internet de formation pour les étudiants étrangers.

Donc, ces quelques éléments illustrent à quel point la Télé-université est confrontée à une période de mutation et à quel point ce défi est intéressant.

Quels sont les éléments d'évolution très rapides? Alors là je reprends quelques thèmes, mais qui supposent des décisions au quotidien. L'usage de la technologie, et là je rentre d'une façon plus pointue dans la technologie. La Télé-université a reçu il y a quatre ans un investissement d'infrastructure de 9 000 000 $ pour moderniser son campus virtuel. Évidemment, pour nous, c'était fondamental, puisque notre infrastructure est une infrastructure de télécommunications.

Elle a utilisé cet investissement pour doter ses postes de travail d'un équipement de base indispensable à un campus virtuel – et on est fier de nos équipements, ordinateurs, serveurs, logiciels, etc.; pour concevoir des systèmes administratifs et académiques mieux adaptés au contexte de l'an 2000; pour transformer son site Web en une centrale des transactions avec les visiteurs – on aimerait que vous visitiez notre site Web, on est un peu cité partout pour notre site Web qui est très riche; pour développer des outils d'assistance au professeur-concepteur, et au tuteur-encadreur, et à l'étudiant apprenant à distance – donc on a des environnements d'apprentissage qui intéressent des entreprises actuellement et qui nous rendent particulièrement compétitifs dans le monde de la formation à distance.

Pour expérimenter ses outils, la TELUQ a conçu une trentaine de cours à dispenser sur Internet en testant des environnements différents. Ça, c'est insuffisant: 33 cours sur 300 cours, c'est ridicule. Quand on voit, en Colombie-Britannique, que d'un seul coup ils peuvent informatiser 300 cours, et quand on voit ce que les États-Unis vont envoyer au Québec, et quand on voit aussi ce qu'on nous demande de faire, d'être des centres de services pour distribuer les contenus français ou américains, il y a quelque chose qui nous choque. Ça veut dire qu'on a l'instrument, il faut absolument qu'on puisse aller beaucoup plus vite au niveau de la distribution sur Internet de nos cours.

(11 heures)

Dans un décor d'évolution rapide, donc, il faut rester en lice, disposer d'un système spécial de vigie et de réajustement continu. En outre, toute la fonction de travail collaboratif avec les étudiants et d'immersion par socialisation doit être à son tour modernisée.

La Présidente (Mme Bélanger): Mme Marrec, il vous reste une minute.

Mme Marrec (Anne): Je finis. Alors, les partenariats, je m'attends à ce que vous nous posiez des questions.

La commercialisation des produits de l'enseignement. Nous sommes avec VIP, VRQ, en plein dedans, et il y a des très, très bonnes perspectives, et je suis sûre que vous allez nous poser des questions.

En ce qui concerne le budget, je veux vous dire que nous avons le plus bas coût unitaire possible et imaginable au niveau des établissements d'enseignement et que celui qui est comparable avec nous, qui est l'Université d'Athabasca, avec plus d'étudiants, donc une possibilité d'économie d'échelle plus importante, a un coût unitaire plus haut que le nôtre.

Alors, je vous résume toute notre situation budgétaire dans le graphique qui est dans le document. Ce graphique vous montre qu'il y a un écart entre notre augmentation d'étudiants, notre baisse des revenus et notre baisse des dépenses. Tout est là. Au niveau budgétaire, donc, je ne pleurerai pas sur notre sort. Il est illustré là, et vous voyez que l'écart rend les choses très difficiles à vivre. Donc, nous sommes dans une période de grande potentialité et de grande vulnérabilité, et je termine là-dessus, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, Mme Marrec. Alors, M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Merci, Mme la Présidente. Mme Marrec, M. Maranda et Mme Bertrand, merci de votre présentation. Effectivement, au niveau de la Télé-université, et c'est l'une des raisons pour lesquelles on voulait vous entendre plus longuement que par les années passées, c'est qu'on est en plein dans une certaine révolution au niveau de l'enseignement, et vous êtes au coeur de cette révolution-là et des moyens qui seront de plus en plus à la disponibilité de plus en plus de gens aussi pour, je dirais, avoir une éducation qui, on l'espère, sera de tout aussi grande qualité mais surtout de forme différente, selon des moyens différents et selon de plus en plus de souplesse.

J'ai pour vous une série de questions. Une des premières qui me vient à l'esprit, vous parliez beaucoup tantôt du développement de votre université, de la place qu'elle prend, du potentiel pour l'avenir et de la concurrence aussi. Et, moi, j'aimerais beaucoup vous entendre sur, justement, cette concurrence-là et notamment la concurrence que l'on sent de plus en plus des États-Unis, des universités américaines qui, par Internet, par toutes sortes de moyens, offrent des cours. Est-ce que c'est un phénomène qui est en développement, qui prend de la place, qui est dans votre marché? Est-ce qu'il existe vraiment? Quelle est son ampleur? Parce que, à date, il y a beaucoup d'avis partagés là-dessus. Il y a beaucoup de gens qui disent qu'il n'y a personne que ça intéresse, ou presque, de suivre des cours de Harvard dans son sous-sol le soir puis il y en a d'autres qui disent exactement le contraire. Mais, vous, vous êtes en plein en concurrence avec ces universités-là. Qu'est-ce qui se passe? Quelle est leur place? Est-ce qu'elles entrent vraiment dans le marché québécois ou est-ce que, je dirais, la barrière linguistique est un problème pour eux qui est un avantage pour vous? Comment tout ça se développe présentement?

Mme Marrec (Anne): Écoutez, c'est vrai que – d'ailleurs on est très tendu à la Télé-université – on est dans une compétition extraordinairement féroce. D'abord, j'ai rencontré des grosses entreprises privées au début de la semaine, et elles faisaient état de cette compétition, elles disaient: Bon, bien, le marché de la formation est un marché particulièrement lucratif, et on n'a pas l'intention de se laisser manger la laine sur le dos, au Québec. Et ma réponse, c'était: Nous, ça fait 26 ans qu'on fait de l'enseignement à distance, donc on faisait de l'enseignement en ligne avant la ligne. Alors, ce n'est pas une plaisanterie, c'est un fait. Il y a eu autre chose avant la ligne Internet. Donc, on faisait ça. Et, depuis 26 ans, on formait du monde et on pratiquait l'enseignement à distance. On a formé même des gens qui se retrouvent dans des grosses universités ouvertes dans le monde. Quand on a des congrès ou des colloques dans ce domaine-là, on les connaît un peu tous.

Alors, jusque-là, ce n'était pas inquiétant. Par ailleurs, il y avait un contrepoids, c'était que l'enseignement à distance n'était pas valorisé. Actuellement, il y a une arrivée massive des grands joueurs au niveau mondial dans l'enseignement à distance, avec deux conséquences: la compétition est devenue féroce pour nous, mais, par contre, l'enseignement à distance est en train d'être valorisé. Au lieu que ça soit un enseignement qui était marginalisé et qui était destiné à des gens mal pris, ça devient un moyen qu'on pourrait même privilégier.

Alors, je dois dire qu'il y a deux compétitions qui sont importantes pour l'instant. Il y a la compétition francophone qui vient des pays développés au niveau de la francophonie. Celle-là est un petit peu en retard, mais elle est en train de s'organiser avec des gros budgets. Ils ont beaucoup de regards sur nous, et ils sont très intéressés par ce qu'on fait, et ils viennent, je dirais, faire de l'espionnage industriel sans que ça nous rapporte quelque chose. Mais je dirais qu'on a une longueur d'avance forte au Québec et qui est reconnue, même si on est tout petit.

La compétition américaine est d'une autre sorte. Les Américains, depuis longtemps, ils pratiquent l'enseignement à distance, mais ils la pratiquent avec des vidéoconférences. Donc, ils n'ont pas la possession de la pédagogie de la distance sur Internet. Par contre, leurs moyens sont énormes en termes d'investissement technologique et en termes de technologie disponible et d'accès. Donc, eux, ils font une espèce de blitz sur Internet avec des produits éducatifs. Et, en ce sens-là, nous, on a une longueur d'avance sur la pédagogie, vraiment reconnue, mais on est en perte de vitesse parce qu'on n'a pas de quoi lutter au niveau de cette compétition technologique et financière. Ce qui me fait dire qu'on est dans une situation un petit peu comme Céline Dion. Vous savez, quand c'était la mode de ne pas avoir de voix, Céline Dion était la seule à avoir de la voix. Maintenant, c'est devenu la mode d'avoir des chanteurs qui ont de la voix. Elle a eu de la chance d'être reconnue juste au bon moment et d'être supportée. Alors, ce qu'on souhaite, nous, c'est qu'on reconnaisse qu'on a Céline Dion qui s'appelle Télé-université – bon, tout le monde n'aime pas obligatoirement Céline Dion, tout le monde n'aime pas obligatoirement la Télé-université – on a quelque chose et on a besoin d'avoir René Angelil avec nous.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Béchard: Est-ce qu'il y a des intéressés? Est-ce qu'il y a quelqu'un dans la salle?

Mme Marrec (Anne): Je m'adresse à mon président derrière. Il a la barbe, vous avez remarqué?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Béchard: L'expérience de Céline Dion a quand même bien fini, ça fait qu'on va vous souhaiter autant de succès.

Un autre point sur lequel je voulais insister avec vous était au niveau de votre mécanisme d'inscription continue qui implique un suivi continu. Expliquez-nous un peu comment on peut... à quelque part, le suivi dans tout ça, puis faire en sorte que, à un moment donné, bien les gens terminent quand même un certain nombre de cours. Juste nous dresser un portrait de cette situation-là et des difficultés, des particularités d'un tel régime qui, je crois, avec la formation continue qui est de plus en plus présente, va avoir tendance à se développer. Cette souplesse-là, est-ce que c'est gérable? Est-ce que c'est un avantage? Est-ce qu'il y a, je dirais, des leçons à en tirer pour l'avenir et des erreurs à ne pas refaire ou à ne pas faire?

Mme Marrec (Anne): Alors, pour changer un petit peu, pour que ce ne soit pas toujours moi qui parle, pour vous distraire, je vais demander à ma DER, on l'appelle «la DER», de vous répondre.

Mme Bertrand (Louise): Alors, en termes d'inscription continue, on pratique l'inscription continue depuis de nombreuses années. C'était un défi à l'origine. Ça le demeure, mais, avec les technologies actuelles, en termes administratifs notamment, ça devient beaucoup plus facile. Cependant, ça demande, vous comprendrez bien, une infrastructure adaptée à cette inscription continue.

De façon très pratique, comment ça se passe quand un étudiant s'inscrit chez nous, selon le choix de cours et le choix de programme qu'il fera? Actuellement, son inscription est traitée, et il peut être en attente pendant quelques jours. Il est assigné à une personne tutrice, à un tuteur dont on parlait tout à l'heure, qui va, après ça, le contacter. Et on a des dates de départ de cours, mais qui sont à peu près quotidiennes. Donc, les gens peuvent attendre quelques jours, se retrouvent sous la supervision d'une personne tutrice qui va les contacter en début pour leur dire: Voici, votre cours démarre, et qui va suivre ces étudiants tout au long de leurs travaux à l'intérieur du cours. Ce sont aussi les personnes tutrices qui vont corriger les travaux des étudiants.

Bien sûr, nous avons, comme les autres universités, des mécanismes qui permettent aux étudiants qui auraient des difficultés particulières en cours de trimestre, même si le trimestre pour nous est une notion mobile, de pouvoir prolonger pour différentes raisons, et ainsi de suite, donc de façon à s'adapter le plus possible à notre clientèle qui, comme vous le savez, est une clientèle, à très grande majorité, adulte sur le marché du travail. Donc, cette souplesse, elle est de plus en plus nécessaire et de plus en plus recherchée. Nos étudiants nous le disent, c'est très clair.

(11 h 10)

Mme Marrec (Anne): Et nos étudiants s'inscrivent sur Internet maintenant. Maintenant qu'on pratique l'inscription en ligne, on se rend compte que l'inscription sur Internet est en train de se développer de façon très importante. Mais, par contre, ça a comme conséquences: premièrement, on n'a pas de cohorte, on ne fonctionne pas par cohorte, on a toujours du mal au niveau des statistiques, nous, on n'est jamais en cohorte; deuxièmement, ça attire une clientèle très, très, très hétérogène par rapport au monde. Donc, vous savez, la notion de flexibilité, de fluidité, c'est la notion de base pour la Télé-université.

M. Béchard: Je reprends ce que vous venez de mentionner sur les cohortes. Donc, j'imagine que, pour vous, la notion d'indicateurs de performance ou de contrats de performance, telle qu'annoncée dans la dernière politique des universités, est une notion pour laquelle il faudra s'assurer que vous soyez capables quelque part de trouver des indicateurs là-dedans qui tiennent compte de votre situation particulière.

Mme Marrec (Anne): Tout à fait.

M. Béchard: Étant donné que vous n'avez pas de cohorte, étant donné que nous avez une inscription continue, quelque part il faut tenir compte de ça. Est-ce que vous avez une idée du type d'indicateurs de performance ou de contrats de performance qui pourraient être utiles pour vous et ne pas fausser des données?

Mme Marrec (Anne): Oui. Bien, d'abord, je dirais que notre premier indicateur, c'est que les gens s'inscrivent, c'est l'entrée. Ensuite, notre indicateur, le deuxième, je dirais, c'est qu'il soit capable – et c'est très important pour la population visée – de survivre à l'enseignement à distance. Parce qu'on a un taux d'abandon qui est important. On n'appelle pas ça un taux d'abandon; en réalité, on appelle ça un choc culturel. Je crois que quelqu'un qui est capable de faire toute sa scolarité en enseignement à distance... Et je le disais aux employeurs de Bombardier, Pratt & Whitney, Nortel, etc., la semaine dernière: Vous devriez embaucher en priorité ou donner des promotions aux gens qui ont réussi à faire leur scolarité chez nous, à survivre au choc de l'enseignement à distance, parce que ça demande une autonomie et une discipline absolument extraordinaires. C'est des gens qui sont capables de se gérer eux-mêmes en termes d'apprentissage et qui sont capables de passer à travers. En plus, nos cours sont loin d'être faciles, parce qu'ils sont vraiment... on essaie de donner le maximum là-dedans.

Donc, moi, je dirais que, ce sur quoi on travaille, on doit travailler, c'est la persévérance et c'est aussi la capacité de rendre l'enseignement à distance de plus en plus familier pour les gens qui passeraient à travers. Donc, le taux de déperdition qu'on a au départ par rapport à ce choc est important. Et je dois dire que, comme la culture Internet, c'est une culture qui se développe parmi les jeunes, le taux de persévérance des jeunes qui vont entrer chez nous va être important aussi. Alors, moi, j'y vois moins le taux de diplomation, parce que le taux de diplomation, ça suppose des études groupées sur une période concentrée, alors que le type de consommation auquel on fait face, c'est la formation à vie. Alors, la formation à vie, ça veut dire qu'on rentre régulièrement dans le système puis on en ressort pour une deuxième tranche de vie, puis on rentre... Nous-mêmes, on a un fonctionnement parallèle entre la formation et puis la production. Donc, si vous voulez, notre indicateur serait le taux de persévérance, et on travaille là-dessus activement.

Je vous dirais que la fonction socialisation qui fait notre caractéristique pour l'instant, on n'a pas assez investi dessus parce que la socialisation, c'est celle qui permet aux étudiants de passer le choc culturel avec l'enseignement à distance. Quand on rencontre nos étudiants dans les régions ou à Montréal, comme je l'ai fait samedi dernier – on avait une grosse réunion de nos étudiants avec Radio-Canada qui venait voir la fonction socialisation pour leur émission Branché , ils voulaient voir la socialisation et ils ne se sont pas trompés – ils disent: C'est quoi, votre fonction socialisation? Et, quand les étudiants étaient entre eux, ils disaient: Mais comment tu as réussi à survivre au choc du premier contact avec un cours sur Internet? Comment tu étudies en verticale sans avoir à imprimer? C'est des affaires folles, là, mais on est habitué à étudier à l'horizontale, à l'horizontale, pas couché, mais...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Béchard: Les deux.

Mme Marrec (Anne): O.K.? On se comprend? Remarquez, ça se peut aussi, là.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Béchard: Ça dépend du domaine d'études. Ha, ha, ha! Ça dépend du domaine.

Mme Marrec (Anne): Il y en a qui le font, puis ça met en état de fluidité, paraît-il. Bon. Mais on est habitué à étudier, nous, en tout cas, en regardant un papier. Et étudier à la verticale sur un écran sans avoir une vision de synthèse du document, nous, on travaille là-dessus. On travaille sur ces environnements d'apprentissage. Puis les étudiants, ils ont besoin de communiquer ça puis de dire: Comment tu as abordé le cours, je ne sais pas, moi, de sociologie ou le cours de technologie appliquée à l'organisation? Comment tu l'as abordé, parce que, moi, j'ai eu un choc au début? Alors, ils échangent puis ils s'aident les uns les autres mieux que nous ne pourrions le faire. Malheureusement, la fonction de socialisation, on n'a pas été capable... on l'a développée avec des moyens très, très bas de gamme, parce qu'on s'est axé beaucoup sur les équipements, etc. Ça, c'est notre prochaine étape, il faut qu'on développe cette fonction-là.

Si on avait des indicateurs, ce serait donc la capacité à transformer la population québécoise en une population Internet. Ce n'est pas un souhait, remarquez, d'être tout le temps sur Internet. Moi, je suis peintre puis je ne travaille pas avec Internet quand je suis chez moi. Mais je me dis: On a des avancées à faire et, nous, on détient certaines clés. Donc, ce serait important qu'on y arrive. Et, moi, je me dirais que c'est le taux de familiarisation à Internet et de pratique d'Internet qu'on devrait utiliser. Donc, ce serait plutôt notre contribution à l'impact ou à l'utilisation d'Internet pour la population québécoise.

Je voudrais que vous soyez très attentifs à deux éléments de notre mission. On est une université, donc on donne des programmes diplômants. Donc, il faut que cette familiarisation se fasse auprès des gens qui doivent acquérir des diplômes universitaires de premier, deuxième ou troisième cycles. À côté de ça, on a une fonction de formation sur mesure pour les entreprises et on est en train de travailler avec les entreprises pour que des gens puissent fonctionner là-dessus. Mais là il faut que les entreprises aient une contribution.

M. Béchard: C'était justement dans la veine de ma prochaine question, parce que, dans votre résumé du plan stratégique, dans vos documents qui nous ont été envoyés, vous parliez justement de la nécessité pour les entreprises, les organisations, les associations professionnelles de miser sur une main-d'oeuvre capable de répondre à leurs exigences dans un environnement de concurrence et d'exigences accrues. Et vous parliez de la loi sur la formation en entreprise, la loi 90, qui devrait favoriser l'expansion de ce mouvement. Quel a été justement l'impact de cette loi-là sur la formation de la main-d'oeuvre sur Télé-université, sur les cours, sur la façon de faire, sur la demande de cours comme telle? Est-ce qu'il y a eu un impact et quel est-il?

Mme Marrec (Anne): Je crois que c'était insuffisant. Nous, on voudrait avoir un gros impact. Le problème, c'est qu'on n'est pas capable de faire l'investissement de base. Je vous signale que, pour pouvoir fonctionner dans la formation sur mesure, il faut, premièrement, faire du marketing. Or, c'est difficile d'utiliser les deniers publics pour faire du marketing. On n'est pas une université qui fait beaucoup de publicité. On en a fait. Ça nous bousille notre budget, puis on ne se sent pas bien après. Donc, on a du mal à faire ça. Il faut se faire connaître. Il faut que les gens, dans les entreprises, fasse la distinction entre Télé-université... Ce n'est pas un canal de télévision, parce que là c'est très négatif, à ce moment-là, parce qu'on dit: Ah! bien, c'est étudier dans son fauteuil de façon passive, alors que, chez nous, justement c'est extrêmement actif et interactif.

Donc, on a beaucoup à investir là-dedans. Et le problème, c'est que... On se posait des questions, enfin globalement on se posait des questions: Est-ce qu'on doit se faire un déficit kinésien, c'est-à-dire vraiment aller demander un emprunt bancaire, puis investir de façon majoritaire dans la formation sur mesure? Parce que les entreprises, elles nous disaient: Faites-nous une offre. Mais, je veux dire, juste pour faire une offre et faire une soumission à l'ensemble des entreprises, il faut avoir du monde. Alors, on en est là.

Et je pense que le terrain des entreprises est en train de s'organiser. Il y a deux options au Québec: soit que les entreprises s'organisent sans les universités soit qu'elles s'organisent avec les universités. Si elles s'organisent avec les universités, elles vont profiter de la longueur d'avance qu'on a. Si elles s'organisent sans les universités, ça veut dire qu'elles vont recréer quelque chose. Alors là on est en train d'essayer de leur montrer ce qu'on a et on a créé une Direction de valorisation. Je pense que ce qui est intéressant, c'est que là où elles commencent à nous découvrir, c'est à partir des outils technologiques qu'on a conçus pour notre campus virtuel. Quand elles les découvrent, elles sont sidérées de leur simplicité et de leur facilité d'utilisation et elles se rendent compte qu'il y a un grand potentiel. Et c'est par ce biais-là qu'on arrive à leur faire comprendre qu'on pourrait faire de la formation à distance avec elles.

(11 h 20)

Par ailleurs, je dois vous dire qu'on a un gros travail à faire au niveau des PME, parce que les grosses entreprises, là, elles commencent à le comprendre, ça va. Les PME ont des problèmes parce que leurs besoins de formation ne sont pas assez génériques pour constituer des masses critiques qui supposent le recouvrement d'un investissement sur un cours en gestion, en crédits, en planification bancaire, etc. Donc, là, ce qu'elles nous demandent, c'est: Faites l'investissement, puis ça servira à quelques-uns de nos employés. Alors là on est en discussion sur le plan économique là-dessus. Alors, tout est à faire, mais il y a beaucoup de choses qui sont amorcées.

M. Béchard: Une dernière question que j'ai pour vous, c'est...

La Présidente (Mme Bélanger): ...dans une minute.

M. Béchard: ... – oui – au niveau de la capacité d'attraction des enseignants. Qu'est-ce qui fait en sorte qu'un enseignant va à Télé-université et qu'est-ce qui l'incite? Quelle est l'attraction que vous avez pour les enseignants, et quelle est votre capacité d'attraction aussi des enseignants, et quels sont vos plans à ce niveau-là quand on sait que, d'ici une dizaine d'années, il va y avoir une très grande demande au niveau du corps professoral?

Mme Marrec (Anne): Bon. D'abord.

La Présidente (Mme Bélanger): Trente secondes pour répondre, Mme Marrec.

Mme Marrec (Anne): Ah! Mais alors, ça va être simple. Écoutez, notre problème, ce n'est pas de les attirer, c'est d'avoir un budget pour en embaucher.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci beaucoup. Alors, M. le député de Bertrand.

M. Cousineau: Merci, Mme la Présidente. Mme Marrec, Mme Bertrand et puis M. Maranda, quelques petites questions rapides, et puis vous nous donnerez des petites réponses rapides. Ma première question. Ici, mon voisin a quitté, mais on voulait avoir l'adresse de votre site Web.

Mme Marrec (Anne): Ah, mon Dieu! On ne vous l'a pas donné?

M. Cousineau: Parce que vous nous avez dit d'aller visiter votre site Web.

Mme Marrec (Anne): France, tu l'as, est-ce que tu pourrais le donner? Tu n'as pas amené de... Nous, on n'est pas bonnes sur... On va vous donner l'adresse, mais ce qu'il faudrait qu'on vous donne, c'est aussi toute la documentation éventuelle sur...

M. Cousineau: Oui, mais uniquement l'adresse parce que...

Une voix: ...

M. Cousineau: Oui, on veut aller visiter votre site.

Mme Marrec (Anne): Si vous avez des questions tout de suite sur l'organisation du site, j'ai madame qui est derrière moi qui pourra répondre.

M. Cousineau: Non, mais pas l'organisation, uniquement l'adresse. Est-ce que vous l'avez?

Mme Marrec (Anne): O.K. C'est www.teluq. uquebec.ca.

M. Cousineau: Il n'y a pas de «@» là-dedans?

Mme Marrec (Anne): Si.

Des voix: Non, non.

Mme Marrec (Anne): Non, ça, c'est l'adresse. O.K.

M. Cousineau: C'est www.teluq.qc.ca. Merci.

Mme Marrec (Anne): C'est parce qu'on n'a pas l'habitude de s'écrire, nous.

M. Cousineau: Bon. Écoutez, je vous cite sur deux petits paragraphes dans votre document, Mme Marrec. En fin de compte, vous dites que la Télé-université, plus que jamais, «porte haut le flambeau du Québec dans le monde de la formation, des technologies, de l'expertise pédagogique et de l'adaptabilité». Avant, dans le texte aussi, c'était précisé que «les technologies de communication mais aussi les technopédagogies sont au centre du fonctionnement quotidien de l'institution». Puis vous terminez en disant: «Elle s'apprête à en vendre.» J'aimerais vous entendre un peu plus là-dessus, parce que sûrement que vous avez pris des contacts, parce que tout ça, cette expertise-là, c'est exportable et puis vous avez sûrement une liste de clients potentiels. On aimerait vous entendre là-dessus, s'il vous plaît.

Mme Marrec (Anne): M. Maranda va vous répondre.

M. Maranda (Robert): Bon. Écoutez, je suis content de répondre à cette question. Juste pour reprendre un peu l'historique là-dessus, avec l'investissement de 9 000 000 $ il y a quatre ans maintenant, évidemment que la Télé-université a réussi à développer des produits des plus intéressants. Donc, on est rendu maintenant à l'époque où, évidemment, avec Valorisation-Recherche Québec, on est en mesure d'amorcer des discussions avec des partenaires justement pour faire ce virage commercial avec certains produits.

Il y a à ce moment-ci trois produits pour lesquels il y a des démarches très avancées avec des partenaires pour justement commercialiser. Bon, il s'agit évidemment de coquilles génériques qui permettent à des établissements privés, publics, universitaires, collégiaux, primaires à la limite, de fabriquer des cours. Il y a aussi des moteurs de recherche qui ont été développés avec des subventions de recherche, et ces moteurs de recherche là sont actuellement en voie d'être commercialisés. Et enfin, il y a d'autres systèmes beaucoup plus lourds qui ont été développés par notre laboratoire de recherche, qui s'appelle le LICEF, qui sont actuellement aussi sur la piste de lancement pour de la commercialisation. Et on l'a fait évidement avec la collaboration de l'Université du Québec, avec notre société de commandite qui s'appelle Valorisation Innovation Plus.

Donc, on est dans cette mouvance actuellement au niveau de la commercialisation. Et je peux vous dire que nos premières études de marché nous révèlent un potentiel absolument extraordinaire au niveau de la rentabilité reliée à la vente de ces produits.

Mme Marrec (Anne): Sauf qu'on ne peut pas dire nos clients potentiels, c'est confidentiel.

M. Maranda (Robert): Et voilà, c'est ce que j'allais dire. J'ai des partenaires à ce moment-ci. Vous seriez heureux d'entendre le nom des partenaires qu'on intéresse. Maintenant, vous comprendrez que je ne peux pas les mentionner à ce moment-ci.

M. Cousineau: Absolument.

M. Maranda (Robert): Mais j'espère que, bientôt, vous allez avoir cette agréable surprise d'entendre la renommée de nos partenaires sur nos produits.

M. Cousineau: Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Montmorency.

M. Simard (Montmorency): Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, Mme Marrec, Mme Bertrand, M. Maranda, bienvenue parmi nous et merci pour la couleur que vous mettez à votre présentation.

Quelques questions ponctuelles. D'abord, la première concernant la provenance de vos étudiants. Vous nous avez parlé de la provenance un peu sociologique. Moi, j'aimerais connaître un peu la provenance géographique. Est-ce que c'est une idée reçue que de croire qu'il y a plus d'étudiants en région inscrits chez vous que d'étudiants provenant des grands centres?

Mme Bertrand (Louise): Alors, j'ai la réponse ici, j'ai les statistiques sur deux années. Notre plus grand bassin de clientèle est la région de Montréal, et de loin. Alors, depuis plusieurs années, ce qu'on constate, c'est que la distribution de la population du Québec et la distribution de la clientèle de la Télé-université vont de pair.

M. Simard (Montmorency): C'est très intéressant. Maintenant, quel est, à votre avis, le pourcentage de vos étudiants qui sont simultanément inscrits dans des universités dites traditionnelles?

Mme Bertrand (Louise): Les étudiants qui viennent, ce qu'on appelle en transfert de crédits, donc qui sont inscrits dans une autre université dans un programme et qui sont autorisés par leur université à venir prendre un ou plusieurs cours à la Télé-université, constituent, à l'heure actuelle, environ 25 % de notre clientèle.

M. Simard (Montmorency): C'est 25 %. Bon.

Mme Marrec (Anne): Je voudrais rajouter que ça fluctue. Nos statistiques, nous, elles bougent sans arrêt, mais on se situe entre 25 % et 30 %.

M. Simard (Montmorency): Vous nous avez dit tout à l'heure que votre université affichait le plus bas coût unitaire de tout le réseau de la CREPUQ. Vous nous dites qu'il y a 25 % de vos étudiants qui sont inscrits aussi dans d'autres universités. Est-ce qu'on a déjà calculé quelle était l'économie d'échelle que pouvait représenter pour l'ensemble du Québec votre université?

M. Maranda (Robert): Oui, effectivement, on s'est déjà amusé à faire ces calculs. Si on était capable par ailleurs d'aller chercher plusieurs partenariats, par exemple... La formation à distance a un potentiel énorme d'économies d'échelle plus on multiplie les étudiants. Parce que j'ai un coût de base qui est évident, ça coûte 150 000 $ à 200 000 $ pour développer un cours, mais je suis capable de le multiplier à de nombreux étudiants. Le problème que nous avons, c'est que c'est le petit bassin que nous avons qui ne nous permet pas de réaliser la totalité des économies d'échelle que l'on pourrait faire. Notre coût unitaire, malgré ça, est le plus bas. O.K.? Mais soyez convaincus que, si nous avions cette capacité d'aller chercher de nombreux étudiants avec des partenariats, on serait capable de baisser encore, de façon importante, ce coût unitaire qui est déjà le plus bas.

M. Simard (Montmorency): Mais est-ce que, par exemple, l'Université McGill, l'Université Laval, l'Université de Montréal ou d'autres universités ont déjà comptabilisé ce qu'elles économisaient en vous refilant en quelque sorte des étudiants?

M. Maranda (Robert): Oui. Je peux vous dire qu'actuellement le fait que nous ayons 25 % de nos étudiants en transfert de crédits, ça nous coûte 1 000 000 $.

Une voix: À nous.

M. Maranda (Robert): Donc, c'est 1 000 000 $ qui reste dans les coffres des autres universités qui font les transferts de crédits. Parce qu'il faut bien comprendre que, quand je reçois un transfert de crédits à la Télé-université, les droits de scolarité demeurent dans l'établissement qui nous fait le transfert de crédits.

M. Simard (Montmorency): Ah, ah, ah!

M. Maranda (Robert): Donc, malgré ça, malgré ce 25 % là, on a quand même les coûts unitaires les plus bas. Imaginez-vous si on était capable de multiplier la venue d'étudiants, ça serait phénoménal.

M. Simard (Montmorency): Le recteur de l'Université du Québec en Abitibi nous a parlé de ce joint venture – permettez-moi l'anglicisme – qu'il y a entre vous et son Université. C'est bien exact? Il nous disait qu'un bon nombre de ses étudiants prenaient une partie assez considérable de leurs cours chez vous.

Mme Bertrand (Louise): C'est-à-dire qu'un bon nombre de ces étudiants... Moi, j'ai la distribution, comme je vous disais tout à l'heure, pour le Québec dans son entier. On a des étudiants qui proviennent de toutes les universités en proportion...

M. Simard (Montmorency): Il n'y a pas donc des universités avec lesquelles vous avez, disons, plus de liens, plus de relations.

(11 h 30)

Mme Marrec (Anne): L'université avec laquelle on a le plus de partenariats pour l'instant, à l'intérieur de l'Université du Québec, c'est l'UQAM. Comme par hasard, c'est là aussi où on a beaucoup de transferts de crédits, puisque c'est là qu'est le gros volume. Alors, c'est clair que, si vous voulez, les économies de masse, on les fait avec des partenariats avec des grosses universités.

M. Simard (Montmorency): Bon. Parce que j'aimerais un peu reprendre là où mon collègue de Kamouraska avait laissé. Vous disiez vous-même que vous étiez en période de mutation. On est en communication virtuelle de manière permanente. L'Université Concordia est venue devant nous et nous disait que maintenant elle avait des cours sur Internet et que les étudiants étaient branchés, ils avaient une petite caméra et pouvaient voir, donc, le professeur en direct puis communiquer avec lui après le cours, etc. Comment on se prépare à cette compétition non plus internationale, mais bien nationale des universités?

Mme Marrec (Anne): À l'intérieur du Québec, entre les universités?

M. Simard (Montmorency): Oui.

Mme Marrec (Anne): Très simplement, d'abord, je veux redire ce que je vous ai dit au début de mon exposé. Ce qui fait la différence de la Télé-université par rapport aux autres universités qui pratiquent Internet, c'est que, nous, nous sommes mur à mur, si je puis m'exprimer ainsi, ou ciel à ciel, ou je ne sais pas quoi, virtuels, ce qui veut dire que nous convenons qu'il y a une population qui ne veut pas se présenter à l'université, pour des tas de raisons, et qui va vouloir faire ses études complètement à la maison, ou complètement au travail, ou à la maison et au travail, mais qui ne veut pas se déplacer pour aller à l'université, pour des raisons qui sont tout à fait légitimes d'ailleurs quand on les regarde.

Par ailleurs, je crois qu'aucune université par les temps qui courent ne peut se permettre de ne pas utiliser les moyens de télécommunications, parce qu'une université doit s'ouvrir sur le monde et que les moyens de télécom sont un moyen privilégié actuellement pour que des étudiants qui sont en présentiel puissent être branchés sur le monde. Donc, je crois que nos deux mouvements ne sont pas en compétition mais sont complémentaires.

Par ailleurs – et c'est là qu'il y a des possibilités d'économies d'échelle pour le Québec – quand on a affaire dans des universités traditionnelles qui fonctionnent en bimodal, donc c'est-à-dire en présence et à distance, quand elles développent des gros systèmes pour faire de l'enseignement complètement à distance, ce qui veut dire monter des plateformes complètement virtuelles avec toutes les fonctions virtuelles, je considère qu'elles font de la duplication. Donc, là il y a un travail à faire à l'intérieur du Québec et du système universitaire québécois pour qu'il n'y ait pas cette duplication. Mais ça ne veut pas dire qu'il faut éliminer les technologies des universités en présentiel.

M. Simard (Montmorency): C'est justement là où je voulais en venir, vous me précédez. Est-ce que la CREPUQ a déjà réfléchi sur la rationalisation de ces cours virtuels qui ne sont appelés qu'à se multiplier?

Mme Marrec (Anne): Je pense qu'il faudrait que vous posiez la question à la CREPUQ. Mais, étant sur le conseil d'administration de la CREPUQ, j'en ai quand même quelques idées. Évidemment, il y a des initiatives qui sont des initiatives horizontales qui pourraient venir de la CREPUQ, mais, quoi qu'il en soit, il est indispensable de ne pas recréer une infrastructure. Parce que, vous savez, nous, on a un budget qui est proche de 20 000 000 $. Quand ça fait 26 ans qu'on a un budget, on a une capitalisation en matière d'infrastructure et d'expertise technopédagogique, donc quelle que soit l'initiative horizontale qui pourrait être prise, il faudrait qu'elle soit prise avec l'appui de la Télé-université pour pouvoir l'utiliser.

M. Simard (Montmorency): Je vous remercie.

Mme Marrec (Anne): Je vais finir, quand même. C'est pour ça que nous développons actuellement énormément des partenariats. Et nous tendons la main à toutes les universités pour que, à l'intérieur des partenariats, les universités qui veulent faire du virtuel total puissent nous utiliser. Et je crois qu'il commence à y avoir une compréhension intéressante de nos possibilités de partenariat.

M. Simard (Montmorency): Merci beaucoup, madame.

La Présidente (Mme Bélanger): Mme la députée de Rimouski.

Mme Charest: Merci, Mme la Présidente. Bienvenue, mesdames et monsieur. Je trouve très intéressantes les réponses que vous avez fournies à mon collègue. Ça nous confirme les fortes intuitions que nous avions, qu'il faut regarder de beaucoup plus près les investissements qu'on doit faire chez vous, à la Télé-université, pour la formation à distance. Je suis persuadée, moi, qu'il faut supporter cela. Enfin, ça, c'est mon opinion. Je trouve aussi pertinent de souligner le fait que les frais d'inscription devraient suivre là où la formation se donne, que ce soit dans l'université virtuelle ou ailleurs. Il y a un problème là qui est un handicap pour vous. Je pense qu'il faudrait corriger éventuellement.

J'aimerais revenir sur une autre question qui vous a été posée par le député de Kamouraska-Témiscouata, qui était en rapport avec la loi 90, le 1 % de formation de la masse salariale des entreprises. Ce que je voudrais comprendre, c'est: C'est quoi, la proportion des investissements des entreprises qui expriment chez vous des besoins de formation à distance pour leurs travailleurs, leurs employés?

Mme Marrec (Anne): Écoutez, je dois vous dire que c'est une proportion qui est faible. Mais on a deux types d'investissements. On a des partenariats avec des entreprises pour de la formation créditée, mais qui est utilisable par l'ensemble de la population québécoise. Donc, là, l'investissement des entreprises est mineur finalement, puisque c'est nous faire une commande, mais qui est générique pour l'ensemble de la population et qui peut être incluse dans nos programmes. Par ailleurs, il y a, à côté de ça, des commandites pour de la formation sur mesure.

Oui. Alors, je finis le premier domaine. Donc, on a Desjardins qui a un contrat avec nous, on a la Sûreté du Québec, on a le ministère de la Défense nationale.

Mme Charest: Vous nous parlez de grandes organisations.

Mme Marrec (Anne): Voilà. C'est des grandes organisations. La Banque Nationale, etc.

Mme Charest: Oui.

Mme Marrec (Anne): Quand on tombe sur des petites organisations dont les besoins sont de la formation sur mesure non créditée, pour lesquelles on ne définit pas que c'est de niveau universitaire obligatoirement, on a pas mal de dossiers, mais c'est des dossiers qui représentent des petits montants. Et c'est problématique parce que, jusqu'à présent, on n'a pas desservi les grandes entreprises. Moi, l'objectif de mon deuxième mandat, c'est de nous faire connaître auprès des entreprises. Et je dois dire que depuis quelques mois je suis en plein là-dedans, mais elles ne nous connaissent pas.

Encore une fois, je vous répète ce que je disais tout à l'heure, les gens ont peur de l'enseignement à distance. On discutait avec les entreprises au début de cette semaine, et elles nous disaient à quel point c'était un problème culturel, parce que, dans le fond, on a l'habitude de faire dans des entreprises, vous savez... même si elles sont géographiquement dispersées et donc qu'elles correspondent parfaitement à notre modèle, et on pourrait les servir à des coûts unitaires très bas, elles ont l'habitude de faire des congrès, vous savez, où on se congratule. Alors donc, il y a quelque chose à faire aussi au niveau de l'entreprise privée pour améliorer sa productivité au niveau de la formation.

Mme Charest: Merci, madame. Dites-moi, est-ce que vous donnez des services à des régions aussi éloignées que le Grand Nord québécois? Est-ce que la Télé-université est vraiment implantée à la grandeur du territoire québécois?

Mme Marrec (Anne): Chère madame, nous ne sommes pas implantés, nous avons notre pied à Québec et à Montréal...

Mme Charest: Oui, mais vous avez quand même...

Mme Marrec (Anne): ...et, comme un champignon, nous avons la tête dans le monde.

Mme Charest: Oui.

Mme Marrec (Anne): Ce qui fait que les gens qui sont dans le Grand Nord québécois peuvent s'inscrire à la Télé-université. On n'est pas discriminant, on les accueille de la même façon, absolument tous.

Mme Charest: Mais la Télé-université est accessible sur tout le territoire.

Mme Marrec (Anne): Bien sûr. Bien sûr.

Mme Charest: Parce que je ne parle pas dans ce sens-là, en termes virtuels, mais je pense aux installations. Écoutez, ça prend des systèmes pour rendre votre service virtuel accessible. Alors, c'est à ça que je fais référence.

Mme Marrec (Anne): Écoutez, on a des étudiants à l'île Maurice, pourquoi n'aurions-nous pas des étudiants à Fort-Chimo?

Mme Charest: O.K. À l'île Maurice, c'est par Internet?

Mme Marrec (Anne): Pas seulement.

Mme Charest: Non, pas seulement. O.K.

Mme Marrec (Anne): Vous savez que, nous, on envoie du papier par la poste. Et, autant que je sache, dans le Grand Nord québécois, les postes distribuent le service. Nous serions heureux d'ailleurs de vous recevoir. Il y en a quelques-uns d'entre vous qui sont venus nous voir et ils ont vu ce qu'on appelle notre kit, là, qui est sous plastique. On envoie du papier, des livres, des cédéroms, et on peut les brancher sur Internet aussi.

Mme Charest: Nous avons déjà tout vu ça, madame. Merci.

Mme Marrec (Anne): Parfait.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Montmorency.

M. Simard (Montmorency): Très brièvement, Mme la Présidente. En fait, j'aimerais que vous nous parliez davantage de votre fonction recherche. Vous nous disiez que vous aviez à peu près 36 professeurs. On peut facilement s'imaginer cette fonction-là dans une université traditionnelle parce qu'on visualise des profs, on visualise des chaires de recherche, on visualise, bon, la relation qu'il peut y avoir entre le milieu et ses professeurs. Mais, chez vous, comment ça se vit, comment ça se fait?

Mme Bertrand (Louise): Les professeurs de la Télé-université sont tous très actifs en recherche. D'ailleurs, les budgets qu'on reçoit en témoignent. Le professeur, dans son plan de travail... Mme Marrec disait tout à l'heure que, en termes d'enseignement, c'est différent. On n'a pas deux ou trois charges par trimestre, et ainsi de suite. Les gens travaillent sur de la conception de cours. Les professeurs consacrent en moyenne de 25 % à 30 % de leur temps à des activités de recherche. Nous avons un laboratoire très actif en informatique cognitive, là, de façon rapide, et donc sur tout ce qui touche la recherche portant sur les environnements d'apprentissage en formation à distance, l'environnement en ligne, et ainsi de suite. Donc, c'est très proche de notre réalité. Nous avons également des chercheurs dans d'autres domaines, qui sont aussi très actifs et très reconnus et qui très souvent travaillent avec de grandes équipes qui regroupent des chercheurs de différentes universités.

(11 h 40)

Donc, la recherche se fait de la même façon à la Télé-université, mais très centrée, pour beaucoup de nos professeurs, sur notre réalité même d'enseignement.

M. Simard (Montmorency): Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, merci beaucoup. Mme Marrec, M. Maranda et Mme Bertrand, nous vous remercions de votre participation. Nous suspendons les travaux pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 11 h 42)

(Reprise à 11 h 44)

La Présidente (Mme Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous reprenons les travaux. Nous recevons l'École de technologie supérieure. Alors, vous avez 20 minutes pour faire votre exposé qui sera suivi d'un échange avec les parlementaires pour 40 minutes.


École de technologie supérieure (EST)

M. Papineau (Robert L.): Merci beaucoup, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bélanger): Si vous voulez vous identifier et identifier les personnes qui vous accompagnent.

M. Papineau (Robert L.): Nous sommes heureux de cette opportunité de vous rencontrer. Et je vais donc présenter mes collègues: à ma gauche, M. Yvon Dubois, qui est directeur des relations avec l'industrie; ici, à ma droite, M. Yves Beauchamp, directeur de l'enseignement et de la recherche; et, à l'extrémité, M. Normand Trudel, secrétaire général. J'en profite pour excuser M. Robert Nelson, notre directeur de l'administration, qui est présentement en convalescence, mais qui aurait aimé se joindre à nous.

Je vais faire une présentation, Mme la Présidente, basée sur un document qui a été distribué ce matin aux membres de la commission, qui s'appelle La problématique de développement de l'École de technologie supérieure . C'est un titre qui n'est pas très original, c'est celui que nous avions choisi il y a deux ans, mais je pense que c'est une préoccupation qui demeure tout à fait d'actualité pour l'École de technologie supérieure. C'est un document qui comporte trois parties. Ça fait que je vais me permettre, au début, de rappeler quelques particularités de l'École de technologie supérieure, tracer un portrait de l'ETS en 1999-2000 et terminer en parlant du développement de l'École de technologie supérieure, des perspectives d'avenir.

Donc, l'École de technologie supérieure est une toute jeune école fondée en 1974. Elle est encore plus jeune comme école d'ingénieurs, puisqu'elle est devenue une école d'ingénieurs en 1989. Elle a la particularité de s'adresser aux diplômés du cégep technique dans environ 35 programmes des familles de techniques physiques et informatiques. Ça veut donc dire que 93 % des étudiants et étudiantes au baccalauréat de l'ETS détiennent un D.E.C. technique. L'École reçoit présentement environ 18 % des finissants de cégep dans les programmes techniques dont je parlais tout à l'heure. Donc, l'École met de l'avant ce que nous aimons appeler le concept de «filière technologique continue» permettant aux diplômés de cégep technique, dans les techniques physiques et informatiques, de poursuivre leurs études au niveau universitaire pour devenir ingénieurs.

Notre conseil d'administration comporte huit représentants industriels, soit 50 % des membres. Nous avons aussi cinq représentants industriels à la Commission des études.

L'ETS propose une approche de formation qui s'articule à la formation du cégep technique et qui est tournée vers les besoins de l'industrie. Et on peut soutenir cet énoncé de plusieurs façons. Notamment, la formation comporte trois stages rémunérés en entreprise, d'une durée totale de 12 à 16 mois. Il y a 100 % des cours des baccalauréats qui comportent des essais de laboratoire, des travaux pratiques ou des projets. L'École a développé une expertise, une façon de faire dans l'encadrement des étudiants de façon à favoriser la persévérance aux études. Donc, on peut parler de parrainage, de mise à niveau, de séminaire sur la réussite des études, etc. L'étudiant de l'ETS peut aussi participer à l'un ou l'autre des 17 clubs étudiants qui sont reconnus par l'École.

Il y a plusieurs d'entre vous qui ont probablement lu La Presse de mardi, où on faisait ressortir la contribution d'un groupe d'étudiants de l'École dans la mise au point d'une motoneige plus écologique. L'étudiant finissant ou jeune diplômé de l'École peut aussi faire appel au CENTECH, le Centre d'entrepreneurship de l'École, qui supporte la préincubation de projets et même éventuellement aide au démarrage d'une entreprise. Il y a aussi le service du perfectionnement de l'École qui rejoint environ 2 400 personnes par année en offrant des séminaires de formation non crédités à des gens de l'industrie qui proviennent de l'ensemble du territoire du Québec.

Maintenant, je vais m'attarder à tracer un portrait de l'ETS en 1999-2000. Nécessairement, vous allez me pardonner, j'en suis sûr, si je fais appel aussi à certaines données historiques, parce que l'École a parcouru un chemin très dynamique que certains qualifieraient d'essoufflant depuis qu'elle est devenue une école d'ingénieurs en 1989. Donc, elle possède maintenant un ensemble de programmes, notamment quatre baccalauréats: génie de la construction, génie électrique, génie mécanique et génie de la production automatisée. Se sont ajoutées l'an dernier trois nouvelles maîtrises qui permettent d'offrir un éventail complet de maîtrises – notre première maîtrise a été offerte en 1991 – et nous avons aussi un doctorat qui reçoit maintenant une cinquantaine d'étudiants. L'ETS participe aussi à l'offre de la Maîtrise en génie logiciel et la Maîtrise en technologie de l'information; elle est partenaire avec l'INRS, la TELUQ et l'UQAM.

(11 h 50)

En ce qui a trait à la clientèle, la clientèle de l'École a à toutes fins pratiques triplé depuis 1988-1989. Si on se ramène à 1993-1994, l'année du début des coupures de subventions, elle a poursuivi sa progression en termes de clientèle en ajoutant 475 étudiants temps plein sur six ans. J'ai mentionné tout à l'heure qu'on reçoit 18 % des étudiants au Baccalauréat en génie au Québec. Il est intéressant de noter qu'il y a 50 % de cette clientèle qui provient de l'extérieur de la région de Montréal. Donc, l'ETS recrute sur l'ensemble du territoire du Québec. Le taux de féminité est de 9 % dans la clientèle, ce qui est un peu supérieur au taux de féminité dans le bassin de recrutement de l'École. Donc, les programmes techniques ont un taux de féminité qui est dans l'ensemble relativement faible.

Maintenant, je vous fais part des résultats d'une relance des diplômés que nous effectuons à toutes les deux années – vous avez ce document qui vous a été remis – et je vais faire ressortir quatre éléments seulement. Donc, le taux de placement effectif de l'École est de 97 %. Ce taux oscille aux environs de 95 % depuis le début des années quatre-vingt-dix. Il y a 81 % de nos diplômés qui trouvent un emploi dans le secteur privé, et ce qui est intéressant, je crois, c'est qu'il y a 45 % de nos diplômés qui travaillent dans des PME de moins de 200 employés. Par ailleurs, le taux de satisfaction – et ce n'est pas un indice du salaire du directeur général – des étudiants est de 97 %.

Nous avons aussi comme particularité, je l'ai indiqué, des stages en milieu de travail. On vous a remis aussi là-dessus un document. Je vais faire ressortir quelques éléments de ce document. Nous avons eu l'an dernier 1 385 stages dans 608 entreprises essentiellement du Québec, dont 423 PME, c'est-à-dire 423 entreprises de moins de 500 employés. Ça veut dire 70 % des entreprises où nous avons des stagiaires. Ces stages ont rapporté 14 000 000 $ aux stagiaires de l'ETS et il y a 30 % de ces stages qui ont eu lieu hors de la grande région de Montréal, 45 % sur l'île de Montréal et 25 % sur ce qu'on pourrait appeler la couronne, si vous voulez, de l'île de Montréal.

Dans ce qui vous a été remis, on parle aussi de poursuite des études. Le taux de persévérance aux études de baccalauréat pour les étudiants qui entreprennent leurs études à plein temps tend vers 70 %, ce qui est l'objectif institutionnel, qui se compare correctement, je pense, au taux de persévérance d'autres facultés ou écoles de génie, tenant compte que l'École reçoit une clientèle qui, au départ, a été formée pour le marché du travail, comme technologue, et non pas dans le but de poursuivre des études universitaires. La durée des études au baccalauréat, à l'ETS, c'est d'environ 12 sessions, alors que la durée nominale des programmes est de 10 sessions.

Maintenant, notre corps professoral. Effectivement, le corps professoral est impliqué dans 4,9 équivalents cours de trois crédits – parce que l'ETS offre des cours de 4 crédits, etc. – et ça tient compte assurément ici de l'encadrement des étudiants en projet, en mémoire ou inscrits au doctorat. Nous avons 34,2 étudiants par cours de premier cycle, 53,5 % des cours sont donnés par des chargés de cours, et nous avons maintenant un taux d'encadrement de 27,2 temps-pleins par enseignant. Je vais revenir un peu plus loin sur ces données, parce que ça représente... Je pense qu'on peut le qualifier d'une détérioration considérable au fil des dernières années, et je vais vous expliquer pourquoi tout à l'heure.

En termes de recherche, l'École, qui a commencé, comme je l'indiquais, en 1991 à développer sa recherche, en est maintenant, à toutes fins pratiques, à 4 500 000 $ en octrois, contrats, commandites de recherche, ce qui signifie 62 000 $ par professeur régulier, et nous avons de nombreux partenaires industriels et gouvernementaux. En termes d'internationalisation, l'École est impliquée dans quatre projets de coopération internationale: au Viêt-nam, en Chine, au Maroc et en Tunisie. Nous avons maintenant environ 40 stages à l'étranger pour les étudiants de l'ETS et nous cherchons à augmenter ceci. Notamment, nous avons mis tout récemment sur pied un bureau des relations internationales justement pour favoriser ce type d'échanges.

L'ETS aussi, au fil des années, a développé des partenariats avec d'autres établissements universitaires. Je vous ai fait part tout à l'heure de maîtrise. L'ETS et l'INRS ont été les moteurs universitaires – je pense que l'expression n'est pas trop forte – de la mise sur pied de l'Institut international des télécommunications, ce qui s'est fait récemment avec l'appui d'une vingtaine de partenaires industriels, ce qui va en croissant. Il y a maintenant cinq partenaires universitaires d'impliqués dans l'Institut qui loge à la Place Bonaventure et qui regroupe des équipements qui vont avoir une valeur bientôt de l'ordre d'environ 8 000 000 $.

L'ETS a collaboré aussi avec d'autres établissements du réseau, et notamment avec l'INRS qui a été le moteur de la démarche, je dirais, à la mise sur pied de l'Agence de valorisation de la recherche VIP, qui est donc un consortium des constituantes de l'Université du Québec avec l'Université Concordia.

Maintenant, le développement de l'ETS. Je vais donc commenter l'évolution de la situation financière de l'ETS. Effectivement, en tenant compte des coupures réelles et des coupures indirectes, c'est presque 30 % du budget de l'ETS finalement qui a été vécu sous forme de coupures, qui correspond à des coupures. Par ailleurs, durant cette même période, la clientèle de l'École a augmenté de 475 étudiants temps plein. Ça veut dire qu'à toutes fins pratiques l'École a absorbé durant ces années 475 étudiants temps plein sans ajouter de ressources professorales ou d'employés de soutien. Donc, la subvention est demeurée à toutes fins pratiques à 17 500 000 $ durant ces années.

L'École a choisi, pour faire face aux coupures, de gérer en espérant... J'écoutais mon collègue Pierre De Celles tout à l'heure, je pense qu'on a, sans s'en parler, choisi un peu les mêmes approches avec nos conseils d'administration. On s'est dit: Un jour, il y aura peut-être du soleil. On a choisi d'y aller en gérant deux paramètres lourds: le taux d'encadrement, donc le nombre de professeurs réguliers chargés d'enseignement, et ensuite le nombre d'étudiants par cours.

Donc, l'encadrement de nos étudiants s'est détérioré, on est passé d'un ratio de 21,9 à 27,2, et le nombre d'étudiants par cours est passé de 26,8 à 34,2, ce qui signifie que le nombre de tâches d'enseignement données par des chargés de cours s'est accru et atteint, en 1998-1999, 53 %. Donc, il y a plus qu'un cours sur deux à l'ETS qui est assuré par un chargé de cours. Quand on compare les taux d'encadrement à différents endroits et notamment en Ontario, en Ontario, c'est 22 étudiants temps plein par enseignant, au Québec, c'est 18. Dans beaucoup d'universités qui cherchent à développer la recherche, on parle de 16, de 14, aux États-Unis, etc.

Nous avons pris comme référence 22, et, pour atteindre ce taux d'encadrement, il faudrait que l'École ajoute à sa base de financement ou reçoive un montant additionnel de 3 000 000 $, ce qui nous permettrait de revenir au taux d'encadrement qui prévalait auparavant et qui correspond, à toutes fins pratiques, à un taux que je qualifierais de confortable pour recevoir une visite d'accréditation. Comme vous le savez, nos programmes de génie doivent être accrédités, et on peut penser que la cote d'alerte du Bureau canadien d'accréditation est de l'ordre de 20 étudiants temps plein par enseignant.

(12 heures)

La clientèle de l'École par ailleurs continue de croître. Cette année, elle va atteindre 2 350 temps-pleins. Nous croyons, parce que nous avons un bassin bien défini de recrutement, qu'avec les programmes actuels cette clientèle va dépasser 2 600. On parle de 2 800 étudiants à temps plein en 2005, si on laisse les choses continuer comme on le fait présentement.

Donc, récemment, notre conseil d'administration a autorisé des postes de professeurs additionnels qui nous permettraient d'atteindre ce 22. Ça engendre assurément un déficit plus important pour cette année, qui va s'accroître l'an prochain quand on aura à annualiser les dépenses conséquentes. C'est pourquoi j'indique dans le document qu'il est essentiel, pour ne pas compromettre l'accréditation des programmes de l'École, d'appuyer convenablement la recherche appliquée et le transfert technologique. Il faut comprendre que la recherche appliquée et le transfert, ça se fait par des professeurs et non pas par des administrateurs. L'ETS doit être dotée d'un budget qui lui permettrait d'accroître ses ressources professorales et donc d'améliorer son taux d'encadrement et ses étudiants.

Par ailleurs, si on prend l'approche de rationalisation, on peut poser la question, et je pense que c'est tout à fait légitime de dire: Oui, mais avez-vous regardé chez vous ce que vous pourriez économiser, etc.? On l'a fait, et de nombreuses fois. Assurément, il y a des éléments de l'approche de formation ETS qui, si on les abolissait, pourraient engendrer des économies. Par exemple, je vous ai parlé tout à l'heure qu'il y a 100 % des cours qui comportent des laboratoires à travaux pratiques; bien, si on enlevait une bonne partie de ça, il y aurait des économies; si on enlevait l'enseignement coopératif, il y aurait des économies; si on enlevait l'encadrement des étudiants quand ils arrivent à l'École pour favoriser la persévérance, il y aurait des économies aussi. Sauf que, ce qui résulterait, ça ne serait plus l'École de technologie supérieure, ça ne serait plus une école, je pense, performante, qui prépare des gens correctement formés pour les besoins de l'industrie. Donc, de ce point de vue là, on peut démontrer que l'ETS est un établissement qui est très performant au point de vue d'un bon nombre d'indices de performance.

L'ETS tournée vers l'avenir. Bien, je suis heureux de mentionner que M. Legault, tout récemment, nous a informés d'une subvention de 4 000 000 $ pour ajouter des espaces à l'École et donc recevoir des étudiants additionnels, notamment en génie électrique, de la même façon qu'il a accepté de porter le plafond de financement de l'École de 2 100 à 2 373. Donc, là-dessus, je remercie le ministre et ses collaborateurs, mais, étant donné que c'est la quatrième fois qu'on augmente le plafond de financement de l'École, je dirais: Mais ce n'est pas encore terminé, il y a encore des dossiers qui sont ouverts, il y a donc des discussions qui se poursuivent avec le ministère pour établir quel sera, donc, le schème de fonctionnement de l'École durant les prochaines années. J'indique ici que l'École a probablement été le premier établissement universitaire à signer un contrat de performance avec le ministère lorsque l'École est passée à 2 100 étudiants à temps plein comme plafond de financement à 100 %. L'École avait signé à ce moment-là un contrat de performance qu'elle a tout à fait respecté.

L'École veut donc, comme je l'indiquais, continuer à former des gens hautement compétents pour l'industrie. Elle souhaiterait élargir son champ d'intervention tout en continuant à recevoir des diplômés du cégep technique, et notamment on peut, je pense, améliorer notre programmation pour recevoir des diplômés des secteurs informatique, multimédia, biologique, chimique, etc., et donc confirmer son rôle d'aboutissant universitaire privilégié, et non pas unique, pour les détenteurs du D.E.C. technique dans ces secteurs technologiques. Je termine ici, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bélanger): C'est terminé, M. Papineau. M. le député de Kamouraska-Témiscouata, il vous reste 12 min 30 s.

M. Béchard: Merci, Mme la Présidente. M. Beauchamp, M. Papineau, M. Trudel et M. Dubois, bienvenue. Merci de votre présentation. Je dirais que votre École, pour moi, soulève plusieurs questions, notamment certains points qui me frappent au niveau des stages. On y reviendra tantôt, à cette capacité-là et cette croissance des stages.

Dans votre présentation, nous avez mentionné à la toute fin qu'il y avait, je dirais, au niveau du corps professoral, un impact important qui est celui bien sûr de sa diminution. Mais, encore plus que ça, et c'est un peu le cas de plusieurs écoles spécialisées, c'est qu'il y a d'autres accréditations, là, du Québec. Quand vous dites que vous dépassez la cote d'alerte du Bureau canadien d'accréditation des programmes d'ingénierie, je voudrais savoir: Est-ce que l'alerte a été sonnée? Quelles sont les indications là-dessus? Est-ce qu'il y a une nécessité de corriger? Est-ce que vous avez eu des signaux de leur part comme de quoi... Vous avez combien de temps pour corriger? Je veux juste savoir comment tout ça fonctionne et quelles sont les implications.

M. Papineau (Robert L.): À la dernière visite d'accréditation, il y a presque quatre ans, nous avions un taux, de mémoire, qui était aux environs de 21, et nous avons reçu à ce moment-là, pour la première fois dans l'histoire des visites d'accréditation de nos programmes, une accréditation maximale de six années. Maintenant, quand je parle d'une cote d'alerte – j'ai moi-même été membre du Bureau canadien d'accréditation des programmes d'ingénierie et j'ai eu l'honneur de le présider aussi, donc j'en ai été membre durant six années – aux environs de 20, c'est que, quand vous regardez les données disponibles par le Comité national des doyens et directeurs d'écoles de génie du Canada, je vous citais tout à l'heure le chiffre de 22 en Ontario. C'est sûr que c'est une moyenne, il y en a peut-être à 23.

Par ailleurs, l'École a développé et développe de plus en plus une intervention en recherche aux études avancées. Idéalement, je serais beaucoup plus confortable si c'était 20. Au moment où on a commencé à préparer nos documents et à sonner la cloche d'alarme, si je puis dire, auprès de Mme Marois, c'était en novembre 1998. Là, nous voyions le taux se dégrader. Nous aurions peut-être souhaité, à ce moment-là, dire: Écoutez, ça nous prend 18, comme la moyenne québécoise. Mais, je pense, dans ce qui prévalait comme financement à cette époque-là, ça aurait peut-être semblé un peu indécent ou irresponsable que de dire: On voudrait avoir les ressources pour 18. On a pris finalement la référence ontarienne en disant: Je pense que nos collègues de la province voisine offrent des formations d'ingénieur valables, etc. Donc, si on nous dote des mêmes ressources, on devrait, avec un peu d'imagination, être capables de faire le travail.

M. Béchard: Mais quels sont les impacts? Est-ce qu'ils vous lancent un avertissement avant ou c'est seulement au moment du renouvellement?

M. Papineau (Robert L.): L'impact, c'est qu'à la prochaine visite qui se dessine – effectivement, c'est dans un an et demi – s'ils jugent que nous n'avons pas de ressources professorales suffisantes, ils vont réduire la période d'accréditation et ça peut être assorti d'un avis formel, de dire: Écoutez, si vous ne pouvez pas ajouter suffisamment de ressources, à la prochaine visite d'accréditation, ça pourra être une fin d'accréditation. Donc, généralement, il n'y a pas de terminaison abrupte. Je ne suis pas en train de créer un spectre. Non, parce qu'il faut tout de même... On a des responsabilités envers les étudiants, et tout ça. Mais c'est tout ce qui gravite autour de ça. Assurément, ça rend les étudiants très insécures, ça rend les professeurs insécures, ça crée tout un climat, je dirais, qui n'est pas très productif. Et assurément, en même temps, on est interpellé pour poursuivre une démarche de développement au niveau des études supérieures, du transfert technologique, de la recherche, etc. Donc, c'est pourquoi ça nous prend...

De fait, la déclaration que nous faisons... Et nous avons convaincu notre conseil d'administration d'aller de l'avant dans cette démarche même si ça créait un déficit. Et je peux vous assurer que convaincre un conseil d'administration qui comporte huit représentants industriels d'accroître le déficit de façon assez considérable, ce n'est pas facile. C'est qu'ils étaient vraiment convaincus que c'était la seule voie pour l'École de continuer à se développer.

M. Béchard: O.K. Un autre point que je voulais aborder dans le peu de temps que nous avons, c'est au niveau des stages. Je regardais vos croissances, là, la progression des stages de même que les endroits où les stagiaires vont. C'est, dans les chiffres que nous avions, 62 % au niveau des PME et 23 % au niveau des grandes entreprises. Quel est le fonctionnement de ce qu'on peut appeler un bureau de jumelage avec des entreprises? Et est-ce que vous avez de la prospection pour aller voir des entreprises en particulier? Et qu'est-ce qui explique que c'est davantage dans les PME que dans de grandes entreprises qu'on retrouve vos stagiaires?

M. Papineau (Robert L.): Je vais demander à M. Dubois, si vous permettez, de répondre à la question.

M. Dubois (Yvon): Oui. Effectivement, nous avons un bureau. Vous avez, dans les documents qu'on vous a remis, le Service des stages et du placement. Nous avons un bureau qui comporte huit agents en enseignement coopératif qui doivent faire du démarchage dans les entreprises. Nous avons même un agent qui est basé à Québec pour faire le démarchage de la Beauce, la Côte-Nord et la Gaspésie, et la région de Montréal, la même chose, et le territoire de l'Outaouais aussi. Et on fait beaucoup de rapprochement avec la PME, premièrement, en fonction de la formation de nos étudiants qui sont déjà technologues. Le but aussi de former des stagiaires et de les placer en entreprise, c'est du recrutement à long terme. De plus en plus, les entreprises réalisent que la formation avec un stagiaire, ça te permet de faire du recrutement à long terme. Donc, en fonction du cégep, vu qu'ils sont technologues, vu qu'ils sont techniques, on recrute surtout vers les PME.

M. Papineau (Robert L.): Il y a un aspect, je pense, de polyvalence chez nos étudiants. Ce qui est intéressant, c'est que, quand on pense PME, souvent – en tout cas, ça a été longtemps mon cas – on pense plutôt à des PME dans des secteurs mous. Et, même là, il se fait des avancées technologiques impressionnantes. On peut penser au vêtement, on peut penser au meuble, etc. Mais il y a maintenant beaucoup de PME que je qualifierais de technologie de pointe. Et il y a de nos stagiaires et de nos finissants dans des entreprises où vous allez trouver, par exemple, 50 employés mais 35 qui sont des ingénieurs. Ils vont travailler dans le domaine des télécommunications, des technologies de pointe, aéronautique, etc.

(12 h 10)

Donc, il y a tout un marché qui se développe aussi dans ces PME qui, je pense, exportent beaucoup. Ce sont des PME qui se développent très rapidement aussi, et même dans les secteurs mous, c'est ce qui est intéressant. Je me souviens qu'il y a de nombreuses années on condamnait complètement ces PME-là en disant: Ça va disparaître. Et maintenant on est surpris de retrouver des PME qui sont très dynamiques, qui font preuve d'une grande vitalité. Nous, récemment d'ailleurs, on a été coté par le Regroupement québécois d'entreprises comme étant un des 25 meilleurs fournisseurs du Regroupement québécois d'entreprises, à cause de nos stagiaires.

M. Béchard: Un autre point qui m'intéressait beaucoup. Je voyais dans vos documents, au niveau de l'encadrement des étudiants, vous mentionnez que l'aménagement de locaux sur le nouveau campus devrait permettre d'augmenter l'encadrement bénévole offert par des chargés de cours. Je me disais, en voyant ça, «un encadrement bénévole offert par des chargés de cours», qu'est-ce qui justifie ou qu'est-ce qui amène autant d'altruisme de la part de vos chargés de cours? Quelle est votre recette? Il y en a peut-être d'autres qui seraient intéressés à avoir ça. Comment tout ça fonctionne?

Puis, comme il n'y a pas beaucoup de temps, j'irais dans une autre question en même temps. Au niveau de la conseillère en réussite étudiante, vous mentionniez qu'en 1998-1999 plus d'un étudiant sur 10 devrait rencontrer de une à huit heures la conseillère. Est-ce que ça a fonctionné? Est-ce qu'il y a bel et bien eu ces nombres d'heures là qui ont été affectés? Est-ce que les étudiants y ont recours?

M. Papineau (Robert L.): En ce qui a trait aux chargés de cours, pour les enseignements de base, à l'École, nous avons beaucoup de chargés de cours qui font partie de ce qu'on appelle les chargés de cours structurels, c'est-à-dire que c'est des gens qui gagnent leur vie essentiellement à donner des cours de mathématiques, de physique. Et nous avons à l'École ce qu'on appelle un service des enseignements généraux, que nous avons mis sur pied justement avec des gens qui sont à l'emploi de l'École mais qui ont comme mission uniquement de faire de l'enseignement de cours de base et de développer des stratégies pédagogiques, etc. Donc, eux coordonnent certains cours. Ça veut donc dire qu'on a parfois ce que j'appellerais des chargés de cours en résidence. On leur fournit un bureau, on leur fournit un ordinateur, etc. Quelqu'un qui ne le saurait pas penserait que c'est peut-être un personnel régulier. Et ce sont ces gens-là qui nous offrent parfois bénévolement – parfois, on les paie, mais je dirais de façon aussi minimale que possible – pour encadrer les étudiants. C'est la même chose aussi parfois dans les départements. On a des chargés de cours dans les départements qui, dans certains cours, vont encadrer les étudiants au-delà finalement de la prestation qu'on peut trouver.

En ce qui a trait à la conseillère dont vous parlez, pour favoriser la réussite étudiante, j'ai fait mention tout à l'heure d'un certain nombre d'activités, de façon de faire de l'École, et cette conseillère-là, de fait, inscrivait ses activités dans une opération plus large qu'on appelait le projet SHANCE, donc SHANCE pour Soutien hâtif, pour prévenir justement le décrochage et les étudiants qui quittent l'École. Sachant que, dans la grande majorité des cas – 80 % qu'on pourrait dire d'après certaines études – ces étudiants-là quittent leurs études durant leur première année, durant les deux premières sessions, donc il est très important d'intervenir à ce moment-là. Et cette personne-là peut recevoir les étudiants. Elle a reçu...

Remarquez bien, je ne pourrais pas vous dire avec certitude complète si toutes les heures ont été effectuées, mais je sais pertinemment qu'il y a eu beaucoup d'heures qui ont été effectuées pour conseiller les étudiants – parfois l'étudiant a des problèmes qui ne sont pas uniquement d'ordre académique, il a des problèmes financiers – le diriger vers d'autres personnes. Parfois, ce sont des problèmes d'attitude face aux études, des problèmes de confiance.

S'ajoute à ça un atelier qu'on appelle Réussir en génie, où les étudiants peuvent s'inscrire, c'est 30 heures. On va finalement les aider à performer comme étudiant à l'École. Et c'est étonnant de voir que, même en arrivant parfois chez nous, il y a des étudiants qui n'ont jamais géré leur temps correctement, qui ont de la difficulté à prendre des notes ou à détecter qu'est-ce qui est fondamental, important dans un cours par rapport à ce qui est accessoire, etc. Donc, il y a une trentaine d'heures, là, où on travaille avec les étudiants. D'après l'étude qu'on avait faite il y a deux ans, ça avait eu pour effet d'augmenter la persévérance d'environ 10 % au niveau de la première année. Disons de 60 vers 70. Donc, je pense que c'est très rentable, et ça s'inscrit...

Tout à l'heure, je parlais de mise à niveau. On offre des cours durant l'été. On a aussi le quart de notre clientèle qui vient de l'industrie, donc qui a travaillé auparavant avant de venir à l'ETS, donc des gens dont les notions sont très éloignées dans le temps, etc.

La Présidente (Mme Bélanger): Monsieur?

M. Beauchamp (Yves): Oui. J'ajouterais aussi que nous avons des périodes d'encadrement additionnelles que l'on met à la disposition de chargés de cours principalement pour les cours de première session. Habituellement, c'est pour permettre aux chargés de cours de venir à l'École directement dans des locaux, recevoir des étudiants habituellement durant la période des examens, comme deux semaines avant, ce qui permet, je pense, d'avoir un encadrement qui est très serré au niveau des étudiants pour les préparer adéquatement au niveau des examens. Alors, c'est des choses supplémentaires également que l'on fait pour l'encadrement des étudiants.

M. Béchard: Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci. M. le député de Bertrand.

M. Cousineau: Merci, Mme la Présidente. M. Papineau, M. Beauchamp, M. Dubois, M. Trudel, bienvenue à cette commission. Écoutez, ce qui me frappe beaucoup dans votre présentation, premièrement, je trouve ça très, très intéressant, c'est la progression qu'a connue votre maison, votre établissement d'enseignement au cours des dernières années concernant les stages.

Ma question va s'adresser à M. Papineau surtout. Je regarde les tableaux statistiques que vous nous avez remis ce matin, à partir de 1989 jusqu'à 1999. On s'aperçoit, lorsqu'on regarde les colonnes de chiffres, que les grosses hausses au niveau des stages, ça correspond un petit peu à la venue de la Cité du multimédia à Montréal, ça correspond aussi à l'implantation des carrefours de la nouvelle économie à travers le Québec. D'ailleurs, j'étais à Sainte-Adèle lundi pour l'inauguration d'une nouvelle entreprise, ICE Multimédia, avec un partenariat avec HAVAS International. Est-ce que vous avez des statistiques concernant le placement des étudiants en stage à l'intérieur des carrefours de la nouvelle économie?

M. Dubois (Yvon): On ne les a pas sous cette façon-là. On a des statistiques en fonction des régions, en fonction des PME ou des grandes entreprises. Mais, depuis les dernières années, la nouvelle technologie, Ubi Soft entre autres, dans la Cité du multimédia, évidemment beaucoup de nos PME... On avait justement hier une Journée Carrière thématique. Nous avons développé, depuis plusieurs années, des journées carrières thématiques – aéronautique, multimédia, transport – et hier c'était le multimédia. Et, à ce moment-là, il y avait même des gens de la Beauce qui étaient venus, une journée thématique chez nous, pour faire connaître leur entreprise. Surtout dans la nouvelle technologie en électricité, en génie électrique, en génie mécanique et surtout génie en production automatique, il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup d'emplois. Il y avait même une compagnie – ça me revient – de Rivière-du-Loup qui exposait chez nous, Premier Tech, pour venir chercher des stagiaires. Donc, oui, mais on n'a pas effectivement de statistiques par secteurs d'entreprises ou de marchés d'économie.

(12 h 20)

M. Cousineau: Parce que ça serait peut-être, pour les années à venir, une statistique intéressante, parce qu'on est rendu présentement à autour de 25 carrefours de la nouvelle économie à travers le Québec. Ça fait boule de neige. Il y a beaucoup de jeunes entreprises dans la technologie de pointe et dans le multimédia qui s'y installent, avec évidemment des avantages fiscaux. Donc, c'est très intéressant pour ces jeunes entreprises là. Mais ça serait intéressant de voir la proportion des étudiants en provenance de chez vous en stage, parce que je crois que vos étudiants sont payés, à différents niveaux.

M. Papineau (Robert L.): Oui.

M. Cousineau: Donc, j'apprécierais, moi, dans les prochains mois, si vous pouviez faire le parallèle entre l'implantation de ces carrefours de la nouvelle économie, la Cité du multimédia, la Cité de l'optique versus le nombre d'étudiants que vous placez en stage dans ces milieux-là qui sont des incubateurs de formation, soit dit en passant.

M. Papineau (Robert L.): On retient votre conseil là-dessus puis on aura l'occasion de vous fournir des données éventuellement là-dessus.

M. Cousineau: Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Merci, madame. J'écoutais avec beaucoup d'intérêt votre présentation. Je pense que vous êtes à la tête d'une institution qui a déjà et est susceptible d'avoir encore davantage une influence très importante sur l'industrialisation du Québec, sur la nouvelle structure industrielle du Québec qu'on essaie de mettre en place, tous les gens impliqués dans l'économie du Québec, une structure industrielle à la fois plus souple et peut-être plus légère mais en même temps plus dynamique, plus capable de s'adapter aux changements qui ne pourront que s'accélérer.

Dans ce contexte-là, j'aurais deux questions à vous poser. La première, c'est concernant la question de la programmation, la complémentarité des programmes, et tout ça. Vous en avez parlé un peu tout à l'heure, mais j'aimerais peut-être vous entendre un peu plus précisément quant à la possibilité de recentrer peut-être certaines programmations. Peut-être que ce n'est pas possible ou peut-être que c'est déjà fait, mais j'aimerais avoir plus de précision.

Par exemple, à l'Université Concordia, pour faire une comparaison – comparaison qu'on évite le plus souvent, mais je pense que c'est intéressant – ils ont recentré 15 programmes pour les définir en deux programmes au lieu de 15, et ça a donné une augmentation d'intérêt, une augmentation de clientèle. On sait que parfois un des problèmes des jeunes, c'est de savoir exactement dans quel sens ils doivent s'orienter, et tout ça. Est-ce que cette problématique-là se présente chez vous, étant donné le type de clientèle que vous avez?

M. Papineau (Robert L.): Non. De fait, je l'indiquais tout à l'heure, nous avons quatre baccalauréats dont, je pense, celui qui a le moins de clientèle ferait probablement l'envie de certaines facultés de génie en termes de clientèle. Donc, on a cherché, depuis que l'École est devenue une école d'ingénieurs, à garder des programmes que je qualifierais de costauds en termes de clientèle, de ne pas faire indûment la multiplication des pains.

Donc, on a introduit à l'intérieur des programmes des options, des concentrations fortes. Comme en génie électrique, à l'ETS, vous avez une concentration génie informatique, on n'a pas encore de programme génie informatique. On travaille par ailleurs sur un programme de génie logiciel présentement, qui pourrait s'adresser peut-être de meilleure façon à certains finissants de cégep technique en informatique. On a une orientation en contrôle en génie électrique, on a une orientation en technologie de l'information et on travaille main dans la main avec l'Institut international de télécoms pour former ce que certaines industries des télécoms aiment appeler des ingénieurs de télécoms. En tout cas, nous, on les appelle des ingénieurs en génie électrique avec une concentration télécoms. C'est la même chose dans les autres programmes.

Ce que nous souhaitons faire par ailleurs, c'est qu'il y a des secteurs du cégep technique ayant des secteurs émergents. On parle de multimédia. Je pense que les premiers diplômés, ça va être l'an prochain. Il y a des secteurs plus traditionnels, si on pense au secteur biologique, certains programmes de biologie et chimie, etc. – parce que c'est très, très disparate, comme vous le savez – qui n'ont pas d'aboutissant universitaire direct.

C'est-à-dire que, quand que les étudiants vont à l'université, ils doivent parfois se plier à une gymnastique d'accueil qui les rebute complètement, qui compromet la persévérance aux études, et tout ça. C'est ça, la recette de l'ETS, c'est de recevoir des diplômés du cégep technique qui sont nécessairement en majorité – parce que ça prend un D.E.C. technique pour étudier à l'ETS, donc ils ne sont pas dans une petite minorité qui doit s'adapter à un programme qui n'a pas été conçu pour eux – et de les rendre fiers, je pense, de ce qu'ils peuvent faire et ce à quoi ils peuvent aspirer comme professionnels, éventuellement.

Je pense que ça explique le succès de l'ETS en termes de progression autant d'étudiants que de stages, etc., où les gens, je pense, découvrent... Parce que, quand ils viennent à l'ETS, ils viennent à l'ETS par conviction. Les 35 programmes dont je vous parlais, de cégep technique, le taux de placement, dans certains de ces programmes-là, pour ceux qui vont sur le marché du travail, c'est 100 %. Dans d'autres, c'est 90 %, mais c'est rarement en bas de 80 %. En tout cas, je ne me souviens pas d'en avoir vu un. Donc, quand ils viennent à l'ETS, ils viennent à l'ETS par conviction, ils veulent se donner des outils additionnels pour poursuivre une carrière où est-ce qu'ils peuvent aspirer à des responsabilités plus grandes, à une rémunération plus grande, si on regarde ça sur une carrière aussi. Donc, c'est l'objectif.

Pour répondre à votre question, nous ne sommes pas, je dirais, dans un contexte de rationalisation de programmes. Nous l'avons fait dans les certificats, parce que, à un moment donné, on avait huit certificats puis on en avait quatre que je qualifierais de canards boiteux. Et, finalement, on a éliminé les quatres canards en question en respectant assurément les gens qui étaient déjà inscrits dans ces programmes-là. Maintenant, les quatre certificats que nous avons conservés sont des certificats performants. On parlait de doctorat tout à l'heure. On a 50 étudiants maintenant dans notre doctorat. Dans nos maîtrises, ça chemine très bien aussi en termes de nombre d'étudiants.

M. Dion: J'aimerais poser une deuxième question, si c'est possible.

La Présidente (Mme Bélanger): Allez-y, M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Merci, Mme la Présidente. Vous avez passé assez rapidement tout à l'heure sur l'élément de la recherche, hein?

M. Papineau (Robert L.): Oui.

M. Dion: C'est quand même – vous l'indiquez à la page 3 – 4 465 000 $, donc 4 500 000 $ en octrois de recherche. C'est quand même important. Alors, ma préoccupation va dans le sens suivant. J'aimerais vous entendre au sujet des... Évidemment, quand on donne des certificats, enfin des reconnaissances de doctorat et qu'on fait de la recherche, nécessairement on finit par trouver, ça donne des brevets. Et ma préoccupation, c'est pour connaître l'ordre de grandeur des brevets qui sortent de votre École, de votre université, connaître le pourcentage de ces brevets-là qui sont développés dans les industries québécoises, peut-être ceux qui ont donné lieu à la création d'entreprises, d'initiatives industrielles, et peut-être aussi le pourcentage de ces brevets-là qui sont tout simplement vendus à l'étranger parce qu'on ne peut pas les développer ici.

M. Papineau (Robert L.): Vous nous donnez beaucoup de réalisations pour une jeune école d'ingénieurs, mais je suis sûr que mon collègue va commenter avec plaisir.

(12 h 30)

M. Beauchamp (Yves): Oui. Bien, peut-être pour parler de la recherche en général à l'ETS, on mentionnait que cette année nous avions atteint déjà des sommets de 4 500 000 $, soit une augmentation de près de 27 % par rapport à l'année dernière. Si on regarde la répartition de cette subvention-là ou de ces subventions-là, c'est environ 50 % sous la forme de commandites industrielles, donc des contrats directs avec l'entreprise plus de type «demand pool», qu'on peut qualifier, je pense, en anglicisme, en termes de demandes directes de l'entreprise, ce qui facilite beaucoup le transfert technologique vers l'entreprise.

Au niveau de la recherche subventionnée par les grands organismes subventionnaires, il y a également beaucoup de partenariat avec l'entreprise. Globalement, on pourrait dire qu'environ 75 % de toute la recherche qui est faite à l'École, tant au niveau subventionnaire que commandité, est toujours en partenariat très étroit avec l'entreprise.

Les réalisations de cette année. Je pourrais peut-être me limiter à cette année. On peut dénombrer deux brevets cette année. On peut dénombrer également un «spin-off» qui a vu le jour cette année. Il y en a également un qui est en étude de valorisation dans le cadre de la nouvelle Société de valorisation dont M. Papineau vous a parlé précédemment. Les chercheurs ont publié au-delà de 250 publications cette année, dont 40 rapports techniques, et nous avons collaboré avec au-delà de 50 entreprises dans le cadre d'environ près de 80 contrats industriels. Donc, à tout point de vue, il y a un contact très étroit et des retombées très proches de transfert technologique avec l'entreprise.

Mentionnons également qu'au niveau des études graduées la très grande majorité des mémoires et des thèses se fait habituellement en partenariat avec l'entreprise, ce qui est également important pour nous. Et ce qui aide beaucoup, c'est l'expérience industrielle de nos professeurs qui, pour la majorité, ont une expérience pertinente. Nos critères d'embauche des professeurs, vous le savez, on demande: maîtrise minimum avec plus de 10 à 15 ans d'expérience; au niveau du doctorat, on va demander quelques années d'expérience, habituellement.

Et, regardez, pour l'instant, on vient de mettre sur pied un nouveau programme de la relève professorale qui cherche à recruter davantage de professeurs. Pour un professeur, par exemple, qu'on embaucherait, qui n'aurait pas d'expérience industrielle, c'est-à-dire qui nous arriverait avec un doctorat fraîchement moulu d'une université, sans expérience, nous avons mis un programme: de l'envoyer pendant une année sous forme de stage dans l'entreprise, non pas faire un postdoc, qu'il aille sur le plancher de l'entreprise pour qu'il aille acquérir cette habilité importante, industrielle, qu'il puisse, par après, mieux intervenir au niveau de l'enseignement qui nous est propre ainsi que les développements de la recherche, tel qu'on le fait.

M. Papineau (Robert L.): Peut-être juste un court complément, si vous me permettez. Il y a une autre forme de collaboration avec l'industrie qui est intéressante, c'est qu'on a maintenant à l'ETS mis sur pied un laboratoire avec Johnson Control, qui est une grosse compagnie américaine mais qui est très connue dans le domaine des contrôles de système de ventilation, chauffage, etc. Donc, Johnson a équipé un laboratoire à l'ETS. Il fait de la formation une partie du temps; le reste du temps, le laboratoire est disponible pour nos étudiants. On est en train de faire la même chose avec ABB dans le domaine des entraînements à vitesse variable. ABB est en train d'équiper partiellement, je devrais dire, un laboratoire. Ça va donc devenir une espèce de vitrine de démonstration pour ABB, qui va amener des clients de temps à autre. Et, le reste du temps, nous allons avoir probablement le laboratoire à la plus fine pointe de la technologie au Québec dans le domaine des entraînements à vitesse variable. Donc, c'est quelque chose qu'on cherche à faire.

On a aussi mis sur pied un laboratoire avec Bombardier sur les moteurs de traction qui sont utilisés. Pour l'instant, ça semble faire l'affaire des deux parties. C'est un peu contraignant, faire ce genre de collaboration là, parce que les gens de l'industrie parfois ont une peur bleue de tout ce qui s'appelle espionnage industriel. Ça fait que même le directeur général doit quasiment s'excuser pour aller visiter le laboratoire. Mais doucement on est en train d'apprivoiser la situation, puis je pense qu'éventuellement ça va devenir encore plus intéressant.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci beaucoup, M. Papineau, M. Beauchamp – c'est terminé, M. le député de Saint-Hyacinthe – ...

M. Dion: O.K., ça va.

La Présidente (Mme Bélanger): ...M. Dubois et M. Trudel, pour votre participation à cette commission.

Alors, nous suspendons les travaux jusqu'à 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 33)

(Reprise à 14 h 8)

La Présidente (Mme Bélanger): Je déclare la séance de la commission de l'éducation ouverte. Le mandat de la commission est d'entendre les dirigeants des établissements d'enseignement de niveau universitaire sur leurs rapports annuels 1997-1998, conformément aux dispositions de la Loi sur les établissements d'enseignement de niveau universitaire.

Nous recevons cet après-midi l'Université Laval. Alors, je demanderais au porte-parole de se présenter et de présenter les personnes qui l'accompagnent. Vous avez 40 minutes pour faire votre exposé, qui sera suivi de 80 minutes pour le reste des échanges.


Université Laval (UL)

M. Tavenas (François): Merci, Mme la Présidente. Mmes, MM. les membres de la commission parlementaire de l'éducation, vous allez me permettre tout d'abord de vous présenter les collègues qui m'accompagnent. Claude Godbout, à ma gauche, est le vice-recteur exécutif et vice-recteur aux affaires académiques et étudiantes. Il a donc une double fonction. Et Louise Filion est vice-rectrice à la recherche. Vous me permettrez de souligner également la présence de M. Patrick Caux-Hébert, le président de notre association étudiante de premier cycle, qui est juste derrière moi et qui, tout à l'heure, vous déposera également un document.

C'est avec plaisir que je vous présente notre rapport en application de la Loi sur les établissements d'enseignement universitaire. La documentation touchant l'année 1997-1998 vous a été transmise, comme il se doit, à l'automne 1998. De votre côté, vous nous avez suggéré un certain nombre de thèmes que vous voudriez voir aborder durant nos échanges. Alors, dans mon exposé, j'aborderai principalement les questions prévues à la loi 95 sur la diplomation, la durée des études, la performance en recherche et les perspectives de développement. Mais, dans ce dernier contexte, je toucherai certains des sujets que vous avez évoqués de même que la question du sous-financement et ses conséquences. Nous vous déposerons également des annexes qui répondent à pratiquement l'ensemble des questions que vous avez évoquées, mais je ne rentrerai pas dans la discussion de ces annexes.

(14 h 10)

Depuis le moment où nous avons déposé le rapport, en 1998, beaucoup de choses ont changé à l'Université Laval, et vous me permettrez de profiter de cette rencontre pour faire une mise à jour du rapport 1997-1998. Les choses ont bougé de façon planifiée, ordonnée. Je voudrais vous rappeler ici que, dès mon entrée en fonction en 1997, j'ai constitué une commission chargée de définir la mission et les orientations de notre Université pour les prochaines années. Le rapport de cette commission a été annexé aux documents que nous vous avions soumis. Ce sont les recommandations de cette commission d'orientation qui guident toutes nos décisions et nos interventions. Deux ans après l'adoption du rapport final, en avril 1998, nous avons entrepris d'actualiser ces recommandations pour vérifier si notre action se situe toujours en droite ligne avec les besoins de la population que nous desservons ou s'il y a lieu de réajuster le tir. Pour cela, nous inviterons des personnes de l'externe et de l'interne de l'Université à deux journées de réflexion au mois de mai prochain, et les invitations ont déjà été lancées.

Je voudrais en premier lieu brosser à grands traits les caractéristiques de l'Université Laval et citer quelques chiffres qui vous donneront une idée de la qualité de nos activités. Les effectifs étudiants de l'Université Laval se maintiennent autour de 36 000 personnes venant pour une bonne part de la région immédiate de Québec, 60 %, et de l'Est du Québec, 16 %. Mais il faut noter la croissance des étudiants en provenance de l'Ouest du Québec au cours des trois dernières années: la population est passée de 12 % à 14 %, ce qui, je crois, peut être interprété comme un signe de l'attrait de nos programmes. Le nombre d'étudiants étrangers est en croissance et se situe aujourd'hui aux alentours de 6 % de la population totale. Enfin, pour terminer ces statistiques très préliminaires, au printemps de 1999, nous avons décerné 7 465 diplômes dont 245 doctorats.

Je voudrais inviter maintenant Claude Godbout à traiter des aspects de formation qui sont couverts dans notre rapport. Claude.

M. Godbout (Claude): Merci, M. le recteur. Bonjour, mesdames et messieurs. On peut dire qu'au chapitre de la diplomation et de la durée des études l'Université Laval affiche une performance qu'on dit remarquable. En effet, au baccalauréat, par exemple, près de 75 % des étudiants réussissent leurs études en une moyenne de moins de 10 trimestres, durée relativement brève si on tient compte du fait que nous offrons plusieurs baccalauréats de 120 crédits. Aux cycles supérieurs, pour les périodes de 1992 à 1999, la durée moyenne des études a été de neuf trimestres à la maîtrise avec mémoire et de 16 trimestres au doctorat. Ces chiffres se comparent avec ceux des universités canadiennes. Au total, on peut dire que 67 % des étudiants qui s'inscrivent à la maîtrise ou au doctorat à Laval obtiennent leur diplôme.

Comme dans toutes les universités, notre principale préoccupation est d'offrir des programmes de haute qualité. Au cours des dernières années, près de 90 % de nos programmes ont été évalués par des comités composés, entre autres, de gens du milieu et de spécialistes de la discipline. Cet exercice s'est déroulé en parallèle avec les travaux de la Commission des universités sur les programmes. J'en profite pour signaler que la Commission, dans ses divers rapports sectoriels – on en prévoit, au total, 23 – a formulé des constats très positifs à l'égard des programmes de Laval.

Par ailleurs, pour ce qui est de l'encadrement de l'évaluation de l'enseignement, un comité en assure le suivi. Ce comité auquel participent des étudiants a conduit à la mise en place d'un réseau des responsables facultaires de l'évaluation et il a, entre autres, récemment publié un guide pour l'évaluation de l'enseignement, guide qui est devenu le vade-mecum des professeurs et des étudiants de toutes les facultés. Nous sommes donc assurés que nos programmes répondent aux exigences de qualité de la discipline et permettent aux finissants de trouver du travail dans leur domaine.

Cela dit, nous devons demeurer vigilants et attentifs aux besoins changeants de la formation. Conformément aux recommandations de la commission d'orientation de donner une formation plus souple, plus adaptée au contexte changeant du marché du travail, nous avons lancé une vaste opération de reconfiguration de nos programmes axée sur l'ouverture et le décloisonnement. En effet, au-delà d'une formation disciplinaire dont la qualité a été reconnue par différentes instances dont la Commission des universités sur les programmes, nous voulons nous assurer de former des personnes disposant des aptitudes qui ne relèvent pas uniquement de la discipline mais plutôt de la formation dite personnelle, à savoir l'habileté à communiquer oralement et par écrit, l'esprit d'équipe, la connaissance d'autres langues et d'autres cultures, la maîtrise des nouveaux outils d'information et de communication.

Dans ce contexte, la reconfiguration des programmes nous permettra d'insérer d'une manière plus accentuée ces habiletés dans les programmes et d'offrir une formation plus polyvalente, garante d'une meilleure insertion professionnelle. Elle nous permettra aussi d'ajouter une dimension internationale à nos programmes. Ajouter une dimension internationale à nos programmes, cela veut dire faciliter l'accès à des séjours à l'étranger à nos étudiants, permettre d'acquérir des connaissances sur les réalités sociales, économiques ou culturelles autres que les nôtres, donner l'occasion d'apprendre d'autres langues. Nous avons, dans ce contexte, entrepris de mettre sur pied des profils internationaux dans la plupart de nos programmes de premier cycle. À cet égard, une subvention de 1 500 000 $ que nous avons récemment reçue de la Fondation McConnell est venue nous donner l'élan qu'il fallait pour mettre en place ces cheminements. De plus, nous sommes en voie de constituer un fonds de mobilité étudiante de 10 000 000 $ pour faciliter les séjours à l'étranger de nos étudiants.

Mais aussi le caractère international de Laval passe par l'accueil de plus d'étudiants étrangers. Nous voulons, dans les prochaines années, doubler le nombre d'étudiants étrangers dans nos murs. Pour coordonner tout ce nouveau secteur, un Bureau international a été créé pour être la plaque tournante de toutes les activités à caractère international à Laval, tant pour l'enseignement que pour la recherche. C'est en effet cet organisme qui s'occupe de toutes les ententes de coopération avec les établissements d'enseignement d'autre pays. À propos, on peut signaler qu'on a maintenant plus de 100 ententes signées avec d'autres universités, d'autres centres de recherche à travers le monde. L'internationalisation sous toutes ses formes devient donc la ligne de force de l'Université Laval.

La reconfiguration des programmes, comme je l'ai mentionné, permet, entre autres, l'insertion des nouvelles technologies dans l'enseignement. Déjà, des facultés, faisant oeuvre de pionnières, font entrer l'ordinateur personnel dans les salles de cours, entre autres la Faculté des sciences de l'agriculture et de l'alimentation avec son projet Compétence 2000 et la Faculté des sciences de l'administration avec son projet Ulysse. À cet égard, l'agrandissement du pavillon Palasis-Prince a permis de doter cette dernière Faculté des infrastructures technologiques nécessaires au renouvellement pédagogique de tous les cours pour offrir aux étudiants un nouveau mode d'apprentissage et d'interaction avec le corps professoral. Les étudiants de première année qui sont tous équipés d'un ordinateur portable se déclarent très satisfaits de leur expérience d'apprentissage dans cet environnement intégrant pleinement les technologies de l'information dans toutes les salles de cours et dans les espaces communs de la Faculté des sciences de l'administration.

Ceci étant dit, la mission de l'Université Laval ne se borne pas à donner de la formation. L'Université ne vit pas en vase clos. Son action se situe également en amont et en aval des études universitaires. En amont, elle intervient par l'entremise des accords-cadres qu'elle a conclus avec les cégeps de tout l'Est du Québec pour créer un véritable continuum entre les études collégiales et universitaires. On a tout près de 25 ententes de signées avec les collèges. En cette matière, l'Université Laval peut être considérée comme un modèle par les mécanismes d'interaction entre les directeurs généraux et les directeurs des études des collèges et les doyens et la direction de Laval, de même que par le nombre et la teneur des ententes de collaboration établies avec plusieurs cégeps.

(14 h 20)

Parmi celles-ci, je voudrais mentionner les ententes signées avec le cégep François-Garneau pour la formation en informatique, avec le cégep de Sainte-Foy dans le domaine de la gestion intégrée des ressources biologiques, avec le cégep de Lévis-Lauzon en matière de biotechnologies ou avec le cégep d'Alma dans le domaine de la musique. Nous avons par ailleurs monté un projet mixte de formation aux techniques de l'Internet avec tous les cégeps de la région Québec– Chaudière-Appalaches et des discussions sont en cours avec plusieurs cégeps de la région de Québec pour entreprendre des actions mixtes de formation en multimédia.

Par ailleurs, notre Faculté des sciences et de génie vient d'obtenir, en partenariat avec le cégep de Thetford Mines, la responsabilité de répondre aux besoins de formation de la main-d'oeuvre dans l'ensemble des entreprises de plasturgie du Québec, à la suite d'un appel d'offres lancé par ces entreprises elles-mêmes.Enfin, cette même Faculté devrait jouer le rôle de porte d'entrée unique pour répondre aux besoins de formation des entreprises jouant un rôle dans la Cité de l'optique qui s'installe actuellement dans la région de Québec.

En aval maintenant, l'Université Laval se préoccupe de l'insertion professionnelle de ses étudiants. Nous avons créé, il y a quelques années, un Service de placement qui fait maintenant l'envie de bien des universités dans tout le Canada. Il s'agit d'une réussite totale. Les employeurs font de plus en plus appel à cet organisme pour trouver les spécialistes qu'il leur faut. Plus de 9 500 placements ont été réalisés l'an dernier. Par ailleurs, le Service a mis sur pied un programme études-travail qui procurera cette année de l'emploi, à l'Université Laval même, à plus de 1 000 étudiants de tous les cycles.

En aval aussi, l'Université Laval a accru son action en matière de formation continue. Vous avez peut-être entendu parler du succès retentissant du Certificat en planification financière personnelle qui est offert à des milliers de personnes et qui a fait l'objet d'une entente de partenariat avec le Groupe Investors. On a tout près de 4 500 étudiants qui se sont inscrits à ce programme. Notre Direction générale de la formation continue accumule aussi les succès en matière de formation sur mesure avec le Certificat en gestion et développement des organisations et le Certificat en leadership du changement, pour ne nommer que ceux-là. Des groupes de professionnels du réseau de la santé de la Côte-Nord, du Bas-Saint-Laurent et de Thetford Mines ont profité de cette formation dont ils avaient eux-mêmes contribué à établir les objectifs. Par ailleurs, la collaboration entre l'Université Laval et le Mouvement Desjardins nous a permis de former un grand nombre de cadres de cet organisme dans la plupart des régions du Québec, et cette collaboration a été reconnue comme un modèle de partenariat université-entreprise par le Conference Board du Canada.

Maintenant, je vais recéder la parole au recteur.

M. Tavenas (François): Alors, pour terminer ce volet enseignement, je m'en voudrais de passer sous silence le climat de concertation qui règne entre la direction de l'Université et les associations étudiantes. Au-delà de leur participation active aux comités de programmes, aux commissions permanentes de l'Université, au Conseil universitaire et au conseil d'administration, je voudrais souligner qu'un représentant des étudiants siège de plein droit au comité exécutif. Enfin, le recteur et les présidents d'associations se rencontrent une fois par mois pour faire le point sur les dossiers importants de l'Université, et je pense que ces rencontres sont très fructueuses à tous les points de vue. À ce que je sache, cette situation de concertation entre la direction de l'Université et les associations étudiantes est assez unique au Québec et elle permet d'entretenir une atmosphère particulièrement féconde.

Ainsi, nous collaborons actuellement avec la Confédération des associations d'étudiants et d'étudiantes de l'Université Laval, la CADEUL, à la mise sur pied d'une vitrine de mise en valeur des projets étudiants. Ça va se tenir à la fin du mois. Ainsi encore, nous appuyons depuis quelques années l'initiative de l'Association des étudiants de deuxième et troisième cycles, l'AELIES, qui tient des débats sur des sujets d'actualité, sur une base mensuelle, pendant toute la durée de l'année universitaire, dans le cadre de sa chaire publique.

Au chapitre maintenant de la recherche, notre Université affiche une performance tout à fait remarquable et elle maintient son rang de cinquième ou sixième parmi les 10 grandes universités canadiennes les plus actives en recherche, malgré une conjoncture actuelle où les ressources internes manquent. Je reviendrai un peu plus tard sur ce point, mais je vais d'abord demander à Mme Filion de faire le point sur l'ensemble de l'activité de recherche. Louise.

Mme Filion (Louise): Merci, M. le recteur. Mesdames, messieurs. D'abord, quelques chiffres. En 1997-1998, nos chercheurs ont obtenu 121 000 000 $ en subventions externes et, en 1998-1999, 134 000 000 $.

Les résultats de nos chercheurs aux programmes de la Fondation canadienne pour l'innovation ont été des plus encourageants. En fait, ils ont reçu au total plus de 20 000 000 $ au concours de 1998-1999, auxquels on doit ajouter la part, qui est égale, provenant du gouvernement du Québec et la contribution des partenaires, pour un total qui atteint 72 000 000 $. Alors, ces résultats placent l'Université Laval au cinquième rang des universités canadiennes et au second rang des universités québécoises. Ces succès auprès de la Fondation vont nous permettre de développer d'abord un centre de calibre international en recherche sur les aliments nutraceutiques et les aliments fonctionnels de même qu'un centre intégré de recherche fondamentale, de recherche clinique et de soins ultraspécialisés en cancérologie au centre-ville de Québec, contribuant ainsi de multiples façons au développement de notre région et du Québec tout entier.

L'augmentation des budgets fédéraux destinés aux réseaux de centres d'excellence a permis à l'Université Laval d'obtenir des fonds pour la création de deux de ces réseaux dans des domaines qui sont particulièrement stratégiques pour l'économie québécoise: d'abord, l'Institut canadien pour les innovations en photonique et, ensuite, le réseau GEOIDE dans le domaine de la géomatique. Les chercheurs de l'Université Laval sont par ailleurs membres de neuf autres réseaux canadiens, ce qui range notre Université parmi les premières au Canada pour la participation à cet important programme d'appui à la recherche.

Au programme FCAR Centres au Québec, les chercheurs de l'Université Laval ont vu leurs demandes agréées pour la création de nouveaux centres de recherche et toutes les demandes, en fait, ont été agréées, ce qui situe Laval au premier rang, au Québec, pour ce programme. En fait, 20 de nos centres de recherche parmi les 48 qu'appuie le Fonds FCAR se trouvent à l'Université Laval et plusieurs font appel à la collaboration de plusieurs universités.

Alors, tous ces succès illustrent la qualité de nos recherches et la force de nos équipes de recherche et nous donnent de solides bases pour développer nos programmes de doctorat.

Autre réalisation importante, sur le plan du transfert technologique cette fois: alors nous sommes à mettre sur pied une société de valorisation des retombées de la recherche, la CVAR, Corporation de valorisation des applications de la recherche, dont le financement sera très bientôt assuré dans le cadre des programmes de Valorisation-Recherche Québec. Cette société travaille déjà sur plusieurs dossiers de création d'entreprises issues de la recherche à l'Université Laval.

Les instituts canadiens de recherche en santé devraient aussi permettre de consolider nos équipes de recherche et d'en créer d'autres pour répondre ainsi aux besoins changeants de la population. Il est cependant urgent que la réorganisation du CHUQ et des services de santé dans la région de Québec se matérialise avec l'appui du ministère de la Santé et des Services sociaux.

Pour clore ce volet sur la recherche, je voudrais mentionner le développement croissant des recherches interuniversitaires. Les nouveaux centres mis sur pied sont pour la plupart interuniversitaires, et je crois qu'il s'agit là d'une orientation sage et certainement fort prometteuse. Pour éviter la dispersion, les établissements d'enseignement doivent travailler en collaboration et non en compétition. On vient tout juste de mentionner les accords-cadres entre l'Université et les cégeps, alors je pense qu'il faut accentuer ces efforts de concertation avec les universités de toutes les régions pour ainsi mettre à la disposition du Québec tout entier la force de recherche de l'Université Laval. Je vous remercie.

M. Tavenas (François): Je vais continuer et terminer cette présentation. L'Université Laval, comme vous pouvez vous en rendre compte, est une force vive de son milieu, et j'en suis très fier. C'est d'ailleurs sous ce thème Force vive de son milieu que j'ai présenté le rapport annuel à la population pour 1998-1999. C'est une force vive dans le domaine des arts et de la culture par le rayonnement, par exemple, de sa Faculté de musique dont les activités ne cessent d'enrichir la vie musicale de la région et de tout l'Est du Québec. À ce sujet, vous me permettrez de noter avec une certaine surprise que nos collègues de l'Université du Québec à Rimouski ont, devant vous, cette semaine, soulevé des objections ou semblent avoir soulevé des objections à une visite récente d'une autre université – c'était l'Université Laval – dans la région de Rivière-du-Loup. Ils y voyaient, je pense, une opération de maraudage d'étudiants. Et je voudrais profiter de ma présence ici pour clarifier la situation.

Nous avons donné, à Rivière-du-Loup, deux concerts à guichet fermé qui s'adressaient principalement aux 2 000 diplômés de l'Université Laval qui habitent et qui travaillent dans la région de Rivière-du-Loup et au moment où nous sommes en train de consolider les chapitres d'anciens de Laval un peu partout au Québec, ailleurs au Canada et ailleurs dans le monde. Nous avons profité de cette présence dans la région de Rivière-du-Loup pour, avec notre Service de placement, rencontrer plusieurs entreprises et examiner avec elles de quelle façon nous pourrions répondre aux besoins de main-d'oeuvre qu'elles ont. Nous en avons profité pour renforcer certaines relations de recherche. Vous me permettrez de rappeler que la collaboration entre l'Université Laval et la firme Premier Tech, qui est le principal moteur économique dans la région de Rivière-du-Loup, cette collaboration a 15 ans d'âge et elle est renouvelée de façon régulière à chaque année.

Nous en avons aussi profité évidemment pour faire du recrutement, je ne le nie pas, mais nous avons fait là, comme partout ailleurs au Québec quand nous sommes en visite, du recrutement dans les secteurs qui nous sont propres, dans les secteurs dans lesquels il n'y a pas de compétition avec l'Université du Québec, que ce soit à Rimouski, à Chicoutimi ou à Trois-Rivières. Et je me fais un point d'honneur, de façon très systématique, de bien indiquer que l'action de l'Université Laval se situe en complémentarité à celle des universités du Québec dans des domaines comme la médecine, le droit, la foresterie, l'agriculture, dans lesquels cette Université n'est pas active. M. Béchard pourra interroger ses voisins de comté, le maire de Rivière-du-Loup entre autres, pour se faire confirmer que c'était bien une position très claire, très officielle, très publique que j'ai prise à cette occasion et que je prends toujours partout où je suis, que ce soit à Rimouski, à Trois-Rivières ou à Chicoutimi.

(14 h 30)

Ceci étant réglé, je voudrais poursuivre sur la question du domaine des arts pour souligner l'installation de notre Faculté d'aménagement, d'architecture et des arts visuels au centre-ville de Québec, qui contribue à revitaliser toute une partie de la ville de Québec, en particulier en participant à une foule d'activités à caractère artistique. Cette Faculté d'ailleurs contribue à la vie culturelle pas juste à Québec, mais, en fait, dans tout le Québec, puisque des programmes comme Rues principales et Villes et villages d'art du patrimoine sont des programmes d'animation et de formation offerts à travers tout le Québec sont issus de notre Faculté des arts visuels et d'aménagement et sont gérés par elle. Cette Faculté est par ailleurs en train de mettre en place, en ce moment, une plateforme multimédia pour contribuer à la formation et à l'appui des entreprises du secteur du multimédia dans le quartier Saint-Roch, où ce secteur est en plein développement.

L'Université Laval est aussi une force vive en matière de formation continue. On en a parlé tout à l'heure, on a parlé de formation sur mesure. Je voudrais souligner notre action dans la formation non créditée, dans la formation continue de nos diplômés universitaires, notre action dans le développement de l'Université du troisième âge, qui va très bien, merci, et dont je m'attends à ce que le développement se poursuive compte tenu de l'évolution démographique de notre population.

L'Université Laval est une force vive en matière de création d'emplois par le transfert technologique et par son action dans le Parc technologique dans la région de Québec. Elle l'est aussi par la formation à l'entrepreneurship et par l'appui qui est donné aux jeunes entrepreneurs par un organisme qui a été créé chez nous et qui s'appelle Entreprenariat Laval. De plus, notre Service de placement, comme on l'a mentionné tout à l'heure, est un trait d'union entre les finissants et les employeurs. Ce Service a d'ailleurs créé récemment une société autonome qui s'appellera Action-Emploi-Université Laval, dont le mandat est de développer, de structurer et de gérer différents projets de soutien à l'emploi étudiant et aux diplômés.

L'Université Laval est donc pour la région de Québec un véritable moteur économique, et c'est pour cela qu'elle doit demeurer compétitive sur la scène internationale. J'y reviendrai un petit peu plus tard. Les universités de recherche comme la nôtre sont aussi des centres de veille technologique branchés sur les réseaux mondiaux de recherche dans tous les domaines et elles contribuent ainsi au développement économique et au progrès du Québec dans son ensemble.

L'Université Laval, finalement, c'est aussi une force vive dans un domaine dans lequel c'est un peu moins évident, le domaine touristique. Nous gérons, par exemple, et nous offrons à la population le Jardin Van den Hende, qui est un outil, je dirais, d'ouverture à l'horticulture, d'ouverture à l'architecture paysagère. Nous offrons un nouveau centre agrotouristique à Sainte-Croix, la ferme de Sainte-Croix greffée sur un centre de recherche. Il s'agit d'un centre absolument unique au Québec. Nous gérons, conjointement avec l'Université de Montréal, l'Observatoire du mont Mégantic; il y a beaucoup d'activités, d'ouverture aux beautés de l'astrophysique et de l'astronomie. Nous gérons des activités de plein air à la forêt Montmorency. Si vous avez soit des enfants soit des petits-enfants qui ont envie d'apprendre à pêcher la truite, c'est un service qui est offert par l'Université Laval à la forêt Montmorency.

Je voudrais insister sur un autre aspect également qui est le tourisme d'affaires. La région de Québec s'est dotée d'un extraordinaire Centre des congrès. Il s'agit maintenant, pour transformer cette structure en succès, d'amener des congrès dans la région de Québec. Nous avons à cette fin conclu une entente avec le Centre des congrès l'an dernier, par laquelle nous allons collaborer dans le recrutement de congrès.

L'Université Laval, par son excellente réputation de recherche au niveau international, possède toute la capacité d'attirer dans la région des scientifiques de tous les champs disciplinaires, de tous les pays du monde, pour y tenir des colloques, des séminaires, des grands congrès. Le personnel du Centre des congrès va travailler avec nos collègues pour recruter un plus grand nombre de congrès dans la région de Québec avec, je l'espère bien, des retombées positives pour tout le monde: retombées de visibilité pour l'Université, retombées d'arrimage dans les grands réseaux de recherche universitaire, retombées économiques pour la région de Québec.

Cet exposé, peut-être un petit peu long, sur la performance de l'Université n'avait d'autre but que de faire valoir l'importance pour notre région de disposer d'une université dynamique et compétitive. Hors de la métropole, l'Université Laval est le seul centre complet de formation supérieure, le pôle de recherche, le foyer de vie intellectuelle. Elle est au service de son milieu et ouverte sur le monde. Aucune autre université ne peut jouer un rôle analogue dans toutes les disciplines comme nous. Elle est unique et son rôle est essentiel pour le développement de toute notre société et l'affirmation de la place de Québec comme capitale et comme rendez-vous international.

Je suis malheureusement forcé, après la description de ce tableau de réalisations dont je suis assez fier, de continuer sur un ton un peu discordant en abordant la question des ressources qui sont mises à notre disposition pour accomplir notre mission et répondre aux besoins de la société québécoise. Au cours des cinq dernières années, la subvention gouvernementale à l'Université Laval est passée de 276 000 000 $ à 208 000 000 $. Le manque à gagner est donc de 68 000 000 $ dont 12 000 000 $ seulement sont attribuables à une baisse des effectifs étudiants.

Cette diminution de nos revenus a été trop brutale et trop rapide pour nous permettre de réduire à un rythme correspondant notre masse salariale qui représente 79 % de nos dépenses. Comme résultat, nos états financiers accusent un déficit qui atteint des niveaux inquiétants. En 1997-1998, il se chiffrait à 23 000 000 $. En 1998-1999, une subvention spéciale du ministère, de 29 000 000 $, combinée à une entente ponctuelle sur les surplus actuariels avec le SPUL nous permettait de terminer l'année avec un surplus de 1 500 000 $. Malheureusement, selon nos prévisions, nous pourrions terminer l'année 1999-2000 avec un déficit de l'ordre de 40 000 000 $, sous réserve d'ententes sur l'utilisation des surplus actuariels qui sont en cours de négociation. Le déficit accumulé atteint un sommet de 82 000 000 $, ce qui implique un service de la dette de 5 000 000 $, autant d'argent non disponible pour l'enseignement et la recherche et le développement.

Comment expliquer une telle situation? Au-delà du sous- financement généralisé dont souffrent toutes les universités québécoises, certains éléments d'explication nous sont propres. Premièrement, l'Université Laval a toujours voulu être une université où la majorité des cours sont donnés par des professeurs de carrière. Nous estimons que les étudiants reçoivent ainsi un meilleur encadrement, ce qui a des effets positifs sur le taux de réussite. L'accessibilité dont le ministre de l'Éducation parle dans la politique à l'égard des universités se mesure aussi par ce critère de taux de réussite.

À l'Université Laval, la très grande majorité des cours sont dispensés par des professeurs, les chargés de cours n'assumant que 17 % de l'ensemble des crédits-cours. Chaque professeur de Laval assume ainsi en moyenne 3,7 cours par an, en même temps qu'il reçoit en moyenne 90 000 $ de subvention. Ce chiffre est obtenu en prenant le nombre des postes. Si je faisais le calcul en prenant le nombre de personnes qui peuvent obtenir une subvention, le montant serait de 115 000 $ par professeur. Chaque professeur encadre par ailleurs 2,5 étudiants à la maîtrise et au doctorat.

Deuxièmement, la baisse de subvention nous a amenés à lancer un programme d'incitation à la retraite pour diminuer la masse salariale qui représente la plus grande partie de nos dépenses de fonctionnement. Ce programme a été coûteux tant en perte d'expertise d'un personnel compétent qu'en termes financiers, puisque près de la moitié de notre déficit accumulé lui est attribuable.

Troisièmement, nous avions l'obligation de respecter un plancher d'emploi qui nous a conduits à poursuivre une augmentation du corps professoral durant la première phase de compression de la subvention, soit jusqu'en 1996-1997, avant que nous puissions négocier une diminution de ce plancher d'emploi avec le syndicat. Nous avons depuis réduit de 200 le nombre de postes de professeurs, mais ce retard initial dans la réaction a certainement contribué à un accroissement de notre dette aujourd'hui.

Quatrièmement, nous avons tenu à maintenir un minimum de renouvellement du corps professoral pour ne pas transformer le déficit financier en déficit intellectuel. La qualité de nos programmes reconnue par la Commission des universités sur les programmes et confirmée par le renouvellement des accréditations dans tous les programmes, dans des secteurs, comme l'administration, le génie ou la médecine, de même que la croissance soutenue de nos revenus de recherche ou les succès dans les concours de la Fondation canadienne pour l'innovation montrent que cette stratégie a porté fruit.

(14 h 40)

Enfin, nous avons la responsabilité de donner de la formation et de mener des recherches dans des secteurs qui nous sont particuliers, comme l'agriculture, la foresterie, des secteurs qui sont coûteux en termes d'environnement, de formation et de recherche, notamment avec l'obligation de maintenir, par exemple, la forêt Montmorency pour l'enseignement en foresterie ou un réseau de fermes expérimentales pour le domaine de l'agriculture. Nous avons récemment signé une entente avec le MAPAQ, le ministère de l'Agriculture du Québec, pour exploiter conjointement la ferme expérimentale de Deschambault, ce qui devrait nous aider à optimiser nos opérations, à en réduire les coûts, mais ces coûts vont quand même rester substantiels.

Pendant tout ce temps, nous avons cherché des solutions pour améliorer notre situation financière. Je fais miens les propos des collègues qui m'ont précédé ici pour insister sur l'importance des efforts de rationalisation qui ont été accomplis dans tous les établissements du Québec, mais sur les limites de ladite rationalisation. Des efforts de rationalisation, il y en a eu en effet beaucoup.

Notre poste de dépense principal étant la masse salariale, nous avons pris de nombreuses mesures visant à gagner plus d'efficacité en changeant nos façons de faire. En premier lieu, nous avons rationalisé l'offre de cours et de programmes. Ainsi, de nombreux programmes qui attiraient un nombre insuffisant d'étudiants ont été abolis ou fusionnés. Une liste de ces changements est présentée dans un document que je vais vous faire distribuer tout de suite.

Dans le même ordre d'idées, des actions sont en cours dans nos différentes facultés pour rationaliser l'offre de cours. Ainsi, notre Faculté des sciences et de génie a implanté, à l'automne 1999, un plan de réorganisation de grande envergure qui a entraîné, en même temps que des programmes mieux structurés, une plus grande coopération interdépartementale et la suppression de 150 cours, libérant ainsi du temps de professeurs pour élaborer de nouvelles activités qui répondent aux besoins émergents de la société et pour encadrer un plus grand nombre d'étudiants de maîtrise et de doctorat. Au total, pour l'ensemble de l'Université, c'est plus de 330 cours à faible fréquentation qui ont été supprimés au cours des deux dernières années.

Deuxièmement, toujours dans la foulée des discussions de la commission d'orientation, un groupe de travail a revu nos règlements pour simplifier la gestion des études pour tous les cycles et tous les régimes d'études. Ce nouveau cadre réglementaire va nous permettre de poursuivre la rationalisation de nos programmes et leur adaptation aux nouvelles exigences de formation.

Troisièmement, nous avons exploré les moyens d'accélérer la diplomation aux études supérieures à la fois pour libérer du temps de professeurs et pour permettre aux étudiants d'arriver plus rapidement sur le marché du travail. Nous avons mis en place de nouvelles procédures d'encadrement des étudiants, mais aux cycles supérieurs. Nous avons aménagé nos règlements et nos pratiques pour favoriser le passage accéléré de la maîtrise au doctorat pour les étudiants qui ont réalisé les objectifs de la maîtrise. De plus, nous avons modifié les dispositions des droits de scolarité du régime forfaitaire applicable aux étudiants qui ont dépassé le nombre de crédits prévus dans leur programme. Les revenus générés par cette mesure serviront à offrir des bourses d'admission et de diplomation aux étudiants des cycles supérieurs.

Par ailleurs, nous avons invité les facultés à réduire le nombre de postes de professeur-administrateur par la réduction du nombre de vice-doyens, la combinaison des fonctions de secrétaire de faculté avec celles de doyen ou de vice-doyen et surtout par la réduction du nombre des départements. Au total, le nombre de ces postes de professeur-administrateur est passé de 160 à 120 au cours des dernières années, permettant ainsi à 40 professeurs de plus de se consacrer pleinement à l'enseignement et à la recherche.

Sur ce registre, j'ajouterai que la plupart des professeurs-administrateurs conservent une charge d'enseignement et de recherche substantielle. Ainsi, je montre l'exemple en enseignant un cours obligatoire du programme de premier cycle en génie civil, et ma collègue la vice-rectrice à la recherche montre l'exemple également dans son domaine en encadrant, en ce moment, six étudiants à la maîtrise et au doctorat en géographie. Je pense qu'on est assez unique dans le réseau universitaire québécois de ce côté-là, à maintenir à notre niveau des activités d'enseignement et de recherche.

Toujours au domaine des rationalisations, plusieurs unités ont été fusionnées ou abolies. Ainsi, à la Faculté des sciences de l'éducation, on est passé de sept départements à trois; à la Faculté des sciences de l'agriculture et de l'alimentation, il y a cinq départements au lieu de sept; et, dans plusieurs autres facultés, il y a eu des rationalisations du même type. Vous en trouverez la liste dans les documents qui viennent de vous être distribués.

Du côté des services administratifs, nous avons également fait d'importantes restructurations qui ont mené à l'abolition d'une dizaine de services. Il y a des réductions substantielles du personnel d'encadrement et du personnel professionnel et de soutien.

Pour accroître encore notre efficacité, nous avons mis en place un processus de décentralisation de la gestion budgétaire dans les facultés et les services. Cet exercice comprend, entre autres, l'établissement d'indicateurs de performance pour que chaque unité puisse être comparée à elle-même dans le temps et, dans la mesure du possible, aux unités comparables dans les autres universités.

Au cours des dernières années, nous n'avons remplacé qu'un professeur sur trois en moyenne, ce qui nous a certes permis de réaliser des économies sur le plan salarial mais a, en même temps, diminué notre compétitivité et notre capacité d'adaptation, comme je le montrerai dans un instant.

Nous avons aussi fait appel à la collaboration des syndicats et des associations pour obtenir des congés de cotisation aux régimes de retraite et utiliser une portion des surplus actuariels des caisses de retraite. Jusqu'à maintenant, nous avons conclu une entente l'an dernier avec le Syndicat des employés de soutien pour du long terme. Nous venons tout juste de parapher une entente avec l'Association du personnel professionnel, l'APAPUL. Nous avions eu une entente ponctuelle l'an dernier avec le Syndicat des professeurs, et des discussions sont en cours. Elles ont été plus lentes à redémarrer mais elles sont en cours maintenant avec ce syndicat dans le cadre du renouvellement de la convention collective.

Tous ces efforts ont certes contribué à réduire notre déficit, mais dans une proposition moindre que nous l'aurions souhaité. Les conséquences de cette situation financière difficile, nous le voyons déjà, touchent les trois volets de notre mission: enseignement, recherche et service à la collectivité.

La réduction du corps professoral ne peut que se refléter dans la qualité de nos programmes, notamment par l'augmentation de la taille des groupes-cours et la diminution du nombre et de la diversité des cours à option. Des effets négatifs se font aussi sentir sur la qualité de l'encadrement que nous donnons aux étudiants au moment même où, comme toutes les universités, nous faisons des efforts pour réduire la durée des études et accroître les taux de succès.

Dans plusieurs domaines, l'évolution des connaissances et des besoins de formation devrait nous amener à ouvrir de nouveaux champs de formation ou à accroître nos capacités d'accueil. Ces ajustements à nos programmes sont de plus en plus difficiles à réaliser par suite de notre incapacité à renouveler le corps professoral. Nous répondons donc de moins en moins bien aux besoins de la population non par manque de volonté, mais par manque de ressources dans les disciplines en émergence.

Avec le vieillissement du corps professoral, la moyenne d'âge se situant maintenant aux environs de 50 ans, la situation devient dramatique dans certains départements parce que nous ne pouvons combler tous les départs. La charge de travail des jeunes professeurs augmente. Les conditions pour attirer et garder les meilleurs professeurs ont disparu parce que nous ne pouvons plus leur offrir un salaire compétitif, de l'équipement de pointe, du personnel de soutien en nombre suffisant, bref un environnement de travail attrayant. Résultat: nous commençons à assister à un exode de nos meilleurs professeurs-chercheurs, phénomène qui était inconnu à l'Université Laval jusqu'à il y a quelques années.

Il est difficile de remplacer les Claude Bouchard, un grand spécialiste de la nutrition qui est parti pour l'Université de Louisiane, à Bâton Rouge. Il est difficile de remplacer un Lindsay Eltis, qui était notre meneur de la recherche dans le domaine de la biochimie et du génie génétique, parti pour l'Université de Colombie-Britannique. Il va être difficile de remplacer Joseph Doucet, un de nos leaders en économique, en instance de départ pour l'Université d'Alberta. Et je pourrais vous en citer d'autres dans la même veine. Il y a un réel problème qui est en train de se développer.

Du côté de la recherche, le nombre de professeurs-chercheurs capables d'obtenir des subventions n'est pas aussi grand que chez nos concurrents canadiens qui assurent le plein renouvellement de leur corps professoral. Nous sommes donc incapables de développer de nouveaux secteurs de recherche par insuffisance de renouvellement du corps professoral. Nous perdons ainsi notre compétitivité par rapport aux autres universités canadiennes. Je m'inquiète beaucoup de ce qui s'annonce dans des secteurs stratégiques pour nous, comme l'optique ou la géomatique, si, par malheur, nous devions être contraints à un renouvellement insuffisant, comme nous le connaissons depuis deux ans.

Le vieillissement atteint aussi le personnel administratif et de soutien. Et les employés qui partent à la retraite ne sont plus remplacés, contribuant ainsi à faire disparaître des conditions optimales d'enseignement et de recherche.

Notre bibliothèque souffre également de ces restrictions budgétaires. Les compressions que nous avons dû imposer dans le budget des acquisitions nous ont fait passer du 55e au 75e rang en deux ans parmi les 110 bibliothèques nord-américaines membres de l'American Association of Research Librairies. L'Université de Toronto, en comparaison...

La Présidente (Mme Bélanger): Excusez, M. Tavenas, il vous reste une minute. Si vous voulez conclure.

M. Tavenas (François): J'achève.

M. Simard (Montmorency): Mme la Présidente, il faudrait laisser du temps au recteur pour faire sa présentation. Allez-y, M. le recteur.

La Présidente (Mme Bélanger): Oui? D'accord.

(14 h 50)

M. Tavenas (François): Il ne m'en reste que pour une minute et demie ou deux. Notre bibliothèque donc est passée de 55e au 75e rang dans le classement des grandes bibliothèques de recherche à travers l'Amérique du Nord. L'Université de Toronto, avec laquelle nous sommes en compétition, est quatrième; l'Université d'Alberta, avec laquelle nous sommes nez à nez dans le groupe des 10, est 30e; l'Université de Colombie-Britannique, qui est juste en avant de nous, est 31e. On est 40 rangs plus loin.

Je dois insister sur l'importance capitale d'une grande bibliothèque comme la nôtre pour le soutien de l'enseignement et surtout de la recherche. Et, en plus, dans le cas de l'Université Laval, il faut insister sur son rôle particulier de ressource régionale dont les organismes gouvernementaux, les cégeps, les autres établissements universitaires se servent abondamment. Le nombre des prêts interbibliothèques que notre bibliothèque assure dépasse, et de loin, celui des autres bibliothèques du Québec. Notre bibliothèque, c'est la bibliothèque de tout l'Est du Québec. On ne peut pas se permettre de la laisser se détériorer. Bien sûr, les abonnements de périodiques électroniques et le partage des données avec d'autres universités et les hôpitaux de la région viennent remédier un peu aux effets des compressions, mais, pour permettre à notre bibliothèque de continuer à bien servir l'Université Laval et tout l'Est du Québec, il est urgent de pouvoir accroître son budget d'acquisition.

Au chapitre des services à la collectivité, je vais juste mentionner qu'on a été obligé de fermer, à notre corps défendant – on l'a gardé intact, mais porte fermée – le Centre muséographique, dont nous offrions les services à toute la population scolaire de la région de Québec, simplement parce qu'on n'avait plus le budget pour continuer à l'opérer.

Nous savons où nous voulons aller, Mme la Présidente. Notre voie de développement est tracée, comme en font foi le rapport de la commission d'orientation et le mémoire de l'Université Laval présenté au ministre de l'Éducation en septembre 1999 – et vous en avez une copie qui vous a été distribuée. Nous avons cependant épuisé toutes nos marges de manoeuvre. Il est urgent que nous disposions des moyens de réaliser nos ambitions au service du Québec. Je vous disais, l'an dernier, lors de ma comparution devant vous, que j'étais optimiste car je sentais que les appuis à l'enseignement supérieur allaient en grandissant. C'était à l'automne de 1998. Depuis, ce mouvement s'est confirmé et il vient de recevoir une accélération substantielle dans le cadre du Sommet du Québec et de la jeunesse.

En juin dernier, le ministre de l'Éducation, François Legault, a convié toutes les universités à un exercice de planification du développement de l'enseignement supérieur québécois. La politique québécoise à l'égard des universités, déposée il y a quelques semaines, constituait le premier résultat de cet effort collectif. Cette politique permet de bien situer les relations entre le gouvernement, la société et les universités, et la CREPUQ a applaudi à la publication de cette politique dans la mesure où les principes qui la sous-tendent sont largement partagés.

Le Sommet du Québec et de la jeunesse, auquel j'ai eu le privilège de participer à titre de président de la CREPUQ, a donné lieu à l'affirmation d'un très large consensus autour de la nécessité et de l'urgence d'un réinvestissement public dans l'éducation en général et dans l'enseignement supérieur en particulier. Ce consensus s'est traduit par un engagement du gouvernement de rétablir progressivement les bases de financement du réseau de l'éducation au cours des trois prochaines années, pour une somme totale de 1 000 000 000 $.

Comme je l'ai souligné lors des discussions du Sommet, cet investissement permettra de prendre le virage vers le plein rétablissement de la capacité des universités québécoises de bien servir les besoins de la société québécoise dans son évolution vers la société du savoir et de soutenir la comparaison avec les autres universités canadiennes. À ce sujet, j'ai été heureux de voir le Sommet appuyer l'engagement du ministre de l'Éducation et des universités à mettre en place conjointement un mécanisme de suivi des ressources disponibles aux universités québécoises par rapport aux autres universités canadiennes. Et nous aurons très bientôt une proposition à faire à ce sujet à M. Legault.

La semaine dernière, nous apprenions que la situation financière du Québec était sensiblement meilleure que ce qui avait été prévu grâce, entre autres, à une excellente performance de notre économie. Je m'en réjouis et j'espère que le prochain budget, prenant en compte cette nouvelle marge de manoeuvre, permettra d'accélérer le réinvestissement dans l'enseignement supérieur dont tous reconnaissent maintenant la nature hautement prioritaire.

Pour l'Université Laval, ces perspectives sont très encourageantes. Après avoir souffert plus que les autres de la décroissance de la fonction publique, la région de Québec doit pouvoir s'appuyer de plus en plus sur une Université Laval dynamique, dotée de moyens lui permettant de continuer à jouer pleinement son rôle de moteur dans la conversion et la diversification économique de la région, en particulier dans les domaines des industries de haute technologie, des industries culturelles et dans tout le secteur touristique.

Nous sommes prêts à faire le meilleur usage possible du réinvestissement qui s'annonce en investissant prioritairement dans le renouvellement d'un corps professoral performant, comme en font foi nos succès en recherche, dans la mise à jour de nos programmes, dans le développement de nos collaborations avec les cégeps, dans le rétablissement de nos collections de bibliothèques, dans le développement de notre ouverture internationale, dans le renforcement de nos actions concertées de recherche et de transfert technologique. Nous sommes prêts également à faire rapport en toute transparence sur l'utilisation des fonds qui seront mis à notre disposition et à élaborer à cette fin les indicateurs de performance les mieux à même de refléter nos priorités et de répondre aux préoccupations gouvernementales et publiques.

Le Québec a plus que jamais besoin d'un système universitaire compétitif si l'on veut que notre société et notre économie puissent s'affirmer sur la scène nord-américaine tout comme sur la scène mondiale. Les positions prises récemment par le gouvernement vont toutes dans le sens de renforcer la capacité des universités québécoises à accomplir leur mission. Je m'en réjouis et j'espère que les annonces du budget de la semaine prochaine viendront concrétiser ces positions et les traduire en moyens concrets, à la mesure des défis que nous devons tous relever pour affirmer la place du Québec dans la société globale du savoir. Je m'excuse d'avoir été un petit peu trop long et je vous remercie.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Tavenas. Alors, M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Merci, Mme la Présidente. M. Tavenas, M. Godbout et Mme Filion, bienvenue. Merci de votre présentation. Et je pense qu'on a aujourd'hui une première historique: c'est la première fois qu'un de vos étudiants, en commission parlementaire, va vous questionner, et non seulement un de vos gradués, mais un de vos étudiants. Et je vais faire attention à mes notes. Je vous dirais, en premier lieu, que...

Une voix: ...crédits.

M. Béchard: Ah! Bien oui, on peut négocier aussi. On verra par la suite. Je voudrais revenir sur un des points qui est au coeur de votre présentation et qui est au niveau du rôle de l'Université Laval comme tel dans la région de Québec. Et je pense qu'il y a aussi certains phénomènes de cette nature-là dans la région de Montréal, mais, en raison d'un plus grand nombre d'universités peut-être ou d'autres lieux d'enseignement, je pense qu'il n'y a pas le même lien entre le tissu économique comme tel d'une région. Et, quand vous parliez tantôt d'économie du savoir et du parc technologique, un des éléments forts de ce parc-là se situe au niveau de l'Université Laval et de sa capacité non seulement d'appuyer, mais aussi de prévoir et de travailler avec ces gens-là. Donc, on a eu différentes présentations sur les impacts que peut avoir une université dans une région donnée. Je pense qu'au niveau de l'Université Laval c'est également très fort.

Le point sur lequel j'aimerais commencer ces échanges avec vous est relatif au financement. Je voyais dans vos documents, autant dans ceux que vous avez présentés l'automne dernier sur les besoins d'une université, autant dans votre présentation aujourd'hui, que les besoins d'une université sont très importants et sont, je dirais, entre parenthèses, aussi très urgents.

Et, dans cette optique-là, je regarde la demande au niveau de l'Université, c'est: 101 000 000 $ de façon récurrente, plus 30 000 000 $ de ponctuel, 131 000 000 $ en tout. J'aimerais voir avec vous de quelle façon la répartition de ce montant-là pourrait être acceptable. Est-ce que c'est un montant que vous avez besoin d'ici un an, d'ici deux ans, d'ici trois ans? Quelles sont vos priorités? Parce qu'il y a plusieurs universités qui nous ont dit aussi: On demande 130 000 000 $, on demande 100 000 000 $, mais on ne peut pas absorber ça demain matin, et se tourner, et engager – comme dans votre cas – pour 40 000 000 $ d'enseignants demain matin, comme ça.

Quelle serait votre capacité d'absorption de ces sommes-là, autant au niveau de l'urgence de les avoir que de l'urgence de les utiliser? Est-ce que vous avez besoin cette année de 50 % de cette somme-là, de 10 % seulement? Comment vous voyez cette répartition-là par rapport aux montants qui ont été présentés au Sommet de la jeunesse, montants qui – 1 000 000 000 $ sur trois ans – en bout de ligne, représentent finalement, si on compte la récurrence, entre 300 000 000 $ et 500 000 000 $ d'argent neuf?

M. Tavenas (François): Alors, la première remarque, c'est que nous vivons à l'heure actuelle sur carte de crédit, comme disait un de mes collègues devant vous la semaine dernière. Et il y a sans aucun doute urgence à pouvoir cesser de vivre sur la carte de crédit. Il nous faudrait, pour pouvoir, d'une part, couvrir nos coûts d'opération actuels et amorcer le développement, avoir à peu près la moitié de la somme que nous avons demandée dès la première année.

(15 heures)

Nous ne nous attendons pas, ni à l'Université Laval ni, je pense bien, dans l'ensemble du réseau, à voir l'ensemble de nos demandes, qui totalisaient à peu près 650 000 000 $ récurrents, satisfaites dans la première année. Nous nous attendons à avoir un plan de réinvestissement qui serait clairement établi sur deux ou trois ans. Il faudrait, dans notre esprit, qu'une bonne partie de ce plan de réinvestissement se fasse immédiatement, puisqu'un grand nombre d'universités, une forte majorité d'universités opèrent cette année à déficit. Donc, il y a un problème immédiat à couvrir. Je pense qu'un plan adéquat d'investissement devrait nous amener dans la première année ce qu'il faut pour combler les déficits courants et faire un peu de développement, le reste venant par échelonnement sur une période de deux ou trois ans.

M. Béchard: C'est donc dire que, pour vous, la moitié de la somme que vous demandez doit être investie...

M. Tavenas (François): Il faudrait une cinquantaine de millions...

M. Béchard: ...pour commencer cette année, de façon récurrente.

M. Tavenas (François): ...pour commencer cette année. Tout à fait, oui.

M. Béchard: Et, selon vous, M. le recteur – parce que je regarde votre déficit accumulé aussi, et on se souvient que, l'année passée, les investissements qui ont été faits au niveau des universités ont été faits au niveau de la dette comme telle des universités, dette qui était occasionnée par les départs à la retraite, et tout ça – est-ce que ce serait un des éléments importants aussi de commencer cette année par, je dirais, un investissement qui, lui, est non récurrent, mais de façon à couvrir les dettes accumulées et vous libérer, entre autres, des marges de manoeuvre au niveau du service de la dette qui, dans votre cas, est d'environ 5 000 000 $? Est-ce que ce serait une bonne façon de faire ou, pour vous, même si la dette est là, il faut y aller davantage avec des investissements pour engager des enseignants, renouveler des immobilisations, en fait passer à l'action le plus vite possible?

M. Tavenas (François): Il y a une différence, parce que rembourser la dette, c'est une opération ponctuelle, comme vous le mentionnez; engager un professeur, c'est une opération récurrente, donc il faut que j'aie l'engagement budgétaire pour être capable de couvrir ce salaire-là pendant 25, 30, 35 ans. Dans ce contexte-là, je pense qu'une bonne approche pour le gouvernement serait une combinaison d'un investissement ponctuel pour permettre d'effacer la dette et d'un accroissement significatif des budgets de base pour permettre de construire sur l'avenir.

Une chose sur le remboursement éventuel de la dette. Je sais que plusieurs de mes collègues sont préoccupés par l'équité d'une opération semblable, étant entendu que toutes les universités n'ont pas le même niveau de dette accumulée. Il y a consensus parmi nous, et je suis bien placé pour le souligner, compte tenu à la fois de ma position de président de CREPUQ puis aussi de la position relative de la dette de Laval dans le système, je suis donc bien placé pour vous dire qu'il y a tout à fait consensus entre nous pour dire qu'un investissement du gouvernement qui viserait à effacer les dettes accumulées de l'ensemble du réseau universitaire devrait être distribué au prorata des bases et non pas en fonction des déficits accumulés individuellement dans chaque université, ce qui permettrait de reconnaître le fait que ces dettes, pour beaucoup, résultent d'une diminution de financement qui, elle, s'est faite au prorata des bases.

Alors, chaque université a eu une stratégie particulière pour y réagir, mais la source du problème, en grande partie une source qui est évidemment une baisse de clientèle mais il y a aussi la source baisse de la subvention, et ça, ça s'est fait au prorata des bases. Donc, un réinvestissement éventuel devrait se faire au prorata des bases, lui aussi.

M. Béchard: Un des impacts importants – et vous le mentionnez dans votre document – de ces coupures-là dans les dernières années est l'impact qu'il y a eu sur le corps professoral, non seulement sur son renouvellement, mais aussi sur les départs. Et vous mentionnez dans votre texte que, dans le fond, l'Université, avec les départs de plusieurs enseignants, perd beaucoup de connaissances. Et, même si on engage quelqu'un pour remplacer, c'est une perte nette. Je dirais, à la limite, pour les étudiants, c'est une perte nette d'au moins 30 ans d'expérience. C'est difficile à calculer souvent, mais ça a un impact.

Est-ce que, dans votre programme de départs volontaires ou dans les façons de faire, peut-être, à l'avenir, pour les autres départs qui s'en viennent... Parce que, moi, ça me préoccupe. On a beau dire: Il y a beaucoup de gens qui partent à la retraite, mais comment on fait pour assurer la transition entre les deux? Est-ce qu'on ne devrait pas – je ne sais pas de quelle façon, je vous lance la question – permettre que des enseignants qui sont sur le point de partir ou à la veille de prendre leur retraite, je ne sais pas, alléger la tâche, avoir un certain système de tutorat avec des nouveaux enseignants qui arrivent? Comment on pourrait relever ce défi-là, qui est la transition des connaissances entre les enseignants, ceux qui partent et ceux qui arrivent, pour le plus grand bénéfice des étudiants? Comment on pourrait relever ce défi-là, au lieu d'arriver carrément avec des départs, point, puis de l'autre côté on entre des gens? Bien qu'ils soient très bien formés et prêts à enseigner, ils n'ont pas le même bagage d'expériences que ceux qui les ont précédés.

M. Tavenas (François): M. Béchard, si je retourne cinq ans en arrière, au moment où la situation financière des universités dans leur ensemble et de Laval en particulier était saine, au moment où nous étions en mesure de faire le renouvellement du corps professoral à des taux adéquats, au moment où nous étions capables de redéployer le corps professoral en même temps qu'on le renouvelait, nous avions en place des programmes qui permettaient de faire tout à fait ce que vous souhaitez. Nous avions et nous avons toujours des programmes de retraite progressive qui permettent à un professeur de réduire sa tâche pendant les trois ou les cinq dernières années de fonctionnement à l'Université et qui permettent d'intégrer des jeunes.

La difficulté qu'on a aujourd'hui, c'est tout simplement qu'il ne rentre pas assez de jeunes dans le système, c'est qu'on n'est pas capable de recruter. Donc, quelqu'un qui part, le vide se crée, le vide n'est pas comblé de façon suffisante. Donc, la transmission de l'expertise, la transmission de connaissances ne peut pas se faire adéquatement.

L'autre aspect, c'est que, si je prends des exemples comme celui de Claude Bouchard ou celui d'Eltis, c'est des départs qui se décident et qui s'exécutent en l'espace de deux, trois mois. Le prof – puis vous vous imaginez bien que ce n'est pas les plus mauvais – attire l'attention d'une université ailleurs au Canada ou d'une université étrangère, il se fait faire une offre difficile à refuser en termes et de salaire et d'environnement de recherche, il prend le temps de l'examiner, puis, si elle lui convient, il la prend. Parce que, s'il ne la prend pas tout de suite, l'offre va aller à un autre. Alors, les départs qu'on a eus comme ça, des départs impromptus qu'on a eus ont tous été des départs décidés sur des périodes de temps très, très courtes et dans lesquelles il est extrêmement difficile de se retourner.

Alors, à l'occasion, on peut se rétablir. Si je prends l'exemple de Claude Bouchard dans le domaine de l'obésité, on a annoncé hier la nouvelle dotation de la chaire qu'il occupait. Dans ce cas-là, on a été assez chanceux. On avait, d'une part, des moyens financiers à notre disposition, parce que le poste est financé par Hoffmann-La Roche et par le Conseil des recherches médicales du Canada. Les deux partenaires ont accepté de prolonger leur financement de trois ans, et nous avions sur place quelqu'un qui avait la stature scientifique pour prendre la relève. Mais le poste de Bouchard, il n'a pas été remplacé, là. C'est un vide net. Et Claude Bouchard, ce n'était jamais que le plus fort subventionné de l'Université Laval. Il faisait entrer à l'Université 5 000 000 $ de recherche par année, qui permettent de payer des salaires de personnel technique, de personnel de recherche, des bourses d'encadrement d'étudiants gradués, etc. Une perte sèche pour nous, là.

M. Béchard: Ça, c'est très difficile, ça prend beaucoup de temps avant de le combler aussi, d'aller chercher quelqu'un qui va remplir le trou béant, comme vous dites, qui est laissé.

Malgré tout ça, M. le recteur, vous avez fait quand même certains choix. Je vous entendais nous dire qu'à l'Université Laval, malgré les départs, il y a encore une très grande majorité de cours dispensés par des professeurs. Vous indiquez qu'il y a seulement 17 % des cours qui sont faits par des chargés de cours comme tels. Ça, c'est un choix de l'Université, parce qu'il y en a d'autres qui ont fait le choix d'arriver à un équilibre autour de 50-50. Il y a même d'autres universités, que nous avons entendues, qui, elles, pour combler, je dirais, la pénurie d'enseignants en partie mais aussi pour aller avec leur mission institutionnelle, veulent développer un nouveau type d'enseignants, c'est-à-dire des enseignants non pas de carrière, mais des gens de l'entreprise privée qui viennent en plus grand nombre donner des cours à l'université.

Ce choix-là, pour vous, au niveau du pourcentage des chargés de cours comme tel semble être important, vous continuez là-dessus. Mais, face à ce nouveau type d'enseignants là, est-ce que c'est un modèle que vous voulez développer aussi à l'Université Laval ou, pour vous, il y a toujours cette nécessité d'avoir du personnel enseignant qui trouve un juste équilibre entre l'enseignement comme tel et la recherche?

(15 h 10)

M. Tavenas (François): Écoutez, on ne fait pas une grande université de recherche avec des chargés de cours. Ça va être clair, la mission d'un chargé de cours, c'est de donner des cours, ce n'est pas de faire de la recherche. Nous avons pour mission et l'enseignement et la recherche. La recherche s'est beaucoup développée dans notre Université parce qu'on avait adopté cette stratégie de forte participation des professeurs.

Nous utilisons de façon très régulière des chargés de cours dans les domaines professionnels où ils amènent une expertise additionnelle que nous n'avons pas. Nous utilisons des chargés de cours, de même d'ailleurs que des étudiants gradués, dans des cours de base dans des domaines dans lesquels la matière est stable et les choses sont relativement faciles, les cours de base de mathématiques, de langues par exemple. Mais, dans l'enseignement, je dirais, de haut niveau universitaire, il faut que ça soit des profs qui assument l'essentiel du travail.

Alors, effectivement, c'est une stratégie délibérée de l'Université Laval. Je pense qu'au Québec il y a une seule autre université qui a une stratégie du même type, c'est l'Université McGill. Et, je dirais, quand on regarde la performance de l'Université en termes académiques, je pense que notre stratégie est bonne.

M. Béchard: Sur un autre point dans la suite de votre présentation et que j'ai vu aussi dans les documents qui nous ont été transmis en préparation à la commission – et malheureusement ma collègue de Rimouski ne sera pas là pour entendre la réponse – on se retrouve finalement devant un problème. Vous l'avez mentionné vous-même, vous le vivez à l'Université Laval: la baisse des clientèles. La baisse de clientèle étudiante a un impact majeur, et ça, il y a différents moyens pour combler ce problème-là.

Et je voyais dans vos documents que vous avez une politique qui permet de faire une transition harmonieuse entre le système québécois, le système d'éducation des autres provinces et même le système américain, aux États-Unis. Qu'est-ce qu'il y a de particulier dans cette politique-là et est-ce que c'est, pour vous, un des points sur lesquels il faut travailler beaucoup pour combler cette baisse de clientèle là, c'est-à-dire le marché canadien et le marché international? Et quelles sont vos stratégies de recrutement, je dirais, au niveau intérieur, au niveau québécois?

M. Tavenas (François): Première chose, nous avons vécu une baisse de clientèle dans les années 1994-1996, mais, depuis 1997, la clientèle est remontée et s'est stabilisée. Nous avons à l'heure actuelle 36 000 étudiants inscrits à l'Université, et c'est à peu près stable depuis deux ans.

Parlons d'abord du problème ou de la situation de recrutement au Québec. L'Université Laval, traditionnellement, a desservi tout l'Est du Québec. On peut dire, quand on regarde la provenance de notre clientèle, que c'est principalement de Trois-Rivières en s'en allant vers l'Est. Et le fait que nous soyons présents dans toutes les disciplines nous situe de façon très complémentaire avec le réseau des Universités du Québec en région, qui, elles, sont présentes seulement dans un certain nombre de disciplines.

Alors, je l'ai mentionné tout à l'heure à propos de notre présence dans la région de Rivière-du-Loup, mais c'est vraiment notre stratégie affirmée de continuer à desservir principalement la région de Québec et l'Est du Québec et, dans toutes les régions où l'Université du Québec est présente, de nous présenter comme complémentaire à l'Université du Québec et de faire le recrutement dans les domaines dans lesquels l'Université du Québec n'est pas. Je ne vais pas faire de recrutement en sciences de l'éducation ou en sciences de l'administration à Rimouski, mais je ne vois pas pourquoi je n'irais pas offrir aux étudiants de la région de Rimouski les programmes de médecine, les programmes de droit, les programmes de sciences d'agriculture et d'alimentation, les programmes de foresterie que nous avons à l'Université Laval.

Donc, c'est comme ça que nous procédons, en toute transparence. Je suis allé rencontrer chez eux tous les directeurs généraux de cégeps. Vous pourrez faire enquête auprès d'eux, ils ont tous eu rigoureusement le même discours de ma part. Quand j'ai rencontré les autorités de la région de Rivière-du-Loup il y a une quinzaine de jours, la réception publique ou civique à l'hôtel de ville, c'était l'essentiel de mon discours. Donc, c'est pour nous une position très claire, très affirmée.

Je suis d'accord avec les collègues de l'Université du Québec à Rimouski qui mettent en question la compétition effrénée sur des territoires, dans les mêmes disciplines. Notre position est que, quand une discipline est bien desservie dans une région donnée, il n'y a aucune raison – puis sûrement pas dans la situation financière dans laquelle on est – pour venir faire de la duplication dans la région en question. Je soulignerai cependant que, dans la région de Québec, je pense que la population est bien desservie et qu'il y a pourtant des initiatives de duplication. Et ce n'est pas de notre part qu'elles viennent.

Pour ce qui est du recrutement international, nous avons pour stratégie affirmée un plan de développement qui prévoit un doublement de la clientèle internationale. Nous voudrions monter cette clientèle internationale à 10 % au moins de notre clientèle totale. Pourquoi est-ce qu'on vise ça? Première chose, si vous faites une enquête, disons, dans le réseau international des grandes universités de recherche, vous allez constater qu'une des choses qui les caractérisent toutes, c'est une forte présence sur la scène internationale, une forte capacité d'attraction d'étudiants étrangers.

Le Québec a des choses assez extraordinaires à offrir sur la scène de l'enseignement supérieur mondial. Nous offrons une formation en français mais avec un contenu nord-américain, avec une approche nord-américaine. Et, par exemple, en Amérique latine, nous sommes une alternative extrêmement intéressante aux lieux de formation d'enseignement supérieur que les jeunes vont rechercher à l'étranger. À l'heure actuelle, les populations, par exemple, du Chili, de l'Argentine vont chercher des formations soit aux États-Unis soit en France. Nous sommes une alternative très intéressante, très crédible, de bonne qualité et qui débouche sur des choses intéressantes.

Le gouvernement du Québec vient d'annoncer la décennie des Amériques. J'ai été, avec le premier ministre Bouchard, à la mission au Mexique au moins de mai l'an dernier, et il soulignait la stratégie du gouvernement québécois de multiplier, je pense que c'était par trois, le nombre d'entreprises québécoises actives au Mexique. Notre action de formation d'étudiants mexicains est un appui extraordinaire à cette stratégie-là, parce que ces jeunes qui ont été formés chez nous, quand ils retournent assumer, prendre des postes de cadres – parce qu'un diplômé universitaire, c'est généralement là qu'il se retrouve – dans leur pays deviennent des partenaires potentiels pour les entreprises québécoises qui voudraient aller faire des affaires dans le pays en question.

Alors, nous allons, dans notre stratégie de développement international, cibler tout particulièrement l'Amérique latine. Je vais retourner en mission avec le premier ministre Bouchard en Argentine et au Chili au mois de mai prochain, je pense. Nous avons des cibles qui ont été identifiées de développement, tout particulièrement: Mexique, Brésil, Argentine, Chili.

Nous avons par ailleurs l'intention de renforcer nos présences, disons notre recrutement et nos collaborations avec l'Europe de l'Est. Il y a là aussi un champ de développement absolument extraordinaire dans une région du monde où il reste un vieux fond de culture francophone. J'ai participé l'an dernier à une réunion constitutive de la Conférence des recteurs d'universités partiellement francophones d'Europe de l'Est. Alors, je m'attendais à rencontrer des gens qui ont une certaine difficulté avec le français. Je vous avouerai humblement que j'étais probablement celui qui parlait le moins bon français. Il y avait là des Bulgares, des Roumains, des Hongrois, des Polonais qui tous étaient en train de développer des filières francophones dans leurs universités, qui cherchaient des collaborations avec nous, qui cherchaient des lieux de formation de professeurs, donc des programmes de doctorat.

Nous sommes le principal partenaire dans ce qu'on appelle l'École doctorale d'Europe de l'Est dans le domaine des sciences sociales. Et les commentaires que j'ai des étudiants qui participent à ce programme-là sont tous extrêmement favorables. Les étudiants ont la possibilité de se promener entre la Belgique, la Suisse, la France et le Canada et le Québec, et tous ceux qui sont passés à travers le programme – j'ai eu le plaisir d'aller décerner quelques diplômes il y a un an à Bucarest – sont venus me dire: L'expérience de formation, c'est à Laval qu'on l'a eue. Puis ils étaient allés à l'Institut des hautes études en sciences sociales à Paris, qui n'est quand même pas une boutique de campagne, ils étaient allés à l'Université libre de Bruxelles, qui n'est pas non plus une organisation de mauvaise qualité, mais l'expérience de formation, c'est chez nous qu'ils l'ont eue.

Alors, on veut tabler là-dessus pour développer notre rayon d'action, notre zone d'influence et, en même temps, appuyer le développement économique du Québec.

(15 h 20)

M. Béchard: Un autre point – je pense qu'on ne l'a pas abordé dans le financement comme tel – qui, dans le recrutement, est important aussi, des étudiants surtout aux deuxième et troisième cycles, est toute la question du refinancement par les étudiants comme tels, la question des frais de scolarité, la question des frais de rédaction, tous les frais afférents, et ça n'a pas été abordé dans la politique des universités. Dans la politique de révision des bases de financement au niveau universitaire, il y aura peut-être des choses là-dessus.

Selon vous, la situation au Québec au niveau des frais de scolarité... Parce que, quand on compare avec les autres provinces, ça a un impact aussi, toute la question des frais de deuxième et troisième cycles qui ont causé des problèmes autant à l'Université Laval que dans d'autres universités, et qui en causent toujours. Quelle serait l'approche qu'il faudrait avoir à ce niveau-là, M. le recteur? Et quelles sont les façons de voir? Est-ce que le modèle qu'on a au Québec et qu'on peut appeler, entre parenthèses, le modèle québécois doit être préservé ad vitam aeternam et continuer comme ça ou est-ce qu'il ne faudrait pas commencer à regarder différentes hypothèses à ce niveau-là pour assurer un certain refinancement du réseau universitaire aussi?

M. Tavenas (François): Alors, première chose, la question des droits de scolarité, dans mon esprit, ce n'est pas une question de gestion de l'université, c'est une question de politique fiscale. Donc, la bonne personne à qui poser la question, c'est probablement au ministre des Finances du Québec plus qu'au recteur ou même au président de la Conférence des recteurs.

Ceci dit, premier constat. Dans le grand ensemble canadien, le gouvernement du Québec a suivi les mêmes stratégies que les autres gouvernements provinciaux en termes de réduction de son investissement en enseignement supérieur au cours des dernières années. Et, quand vous suivez l'évolution du financement des universités à travers tout le Canada, vous allez constater que cette évolution est à peu près uniforme. Les baisses de financement public sont à peu près uniformes. Il y a des variations un peu d'une province à l'autre. Par contre, là où il y a une grande différence, c'est qu'au Québec on a en même temps réduit les subventions de base et gelé les droits de scolarité. Ce qui fait que, quand je me compare aujourd'hui avec mes collègues de l'Ontario, il y a un petit 70 000 000 $ de manque à gagner qui s'est développé. C'est loin d'être négligeable.

Je ne dis pas que la politique qui a été suivie en termes de droits de scolarité est mauvaise, mais je constate que la politique globale de financement de l'université, toutes sources de fonds confondues, elle, elle est dramatique, parce qu'on ne peut pas espérer participer pleinement à l'économie du savoir, à la société du savoir, puis couper le financement de la seule machine qui fabrique du savoir. Par mission, l'université, c'est ça.

Il y a besoin au Québec d'un vrai débat de fond informé sur ces questions-là. Je n'ai pas de réponse faite puis je ne veux pas en avoir, parce que le débat, il n'a jamais été fait. La question des droits de scolarité est restée au niveau des dogmes, pour ne pas dire des tabous, ce qui fait qu'à chaque fois que le sujet vient sur la table on l'évacue au plus vite plutôt que de se pencher sur la question de façon à savoir si la stratégie qu'on prend est la bonne ou si on ne devrait pas faire autre chose.

Ce que je constate, c'est que le pays qui a aujourd'hui les droits de scolarité les plus élevés, et de très loin, est aussi celui qui a les plus forts taux de participation aux études universitaires. C'est nos voisins du Sud. Ce que je constate, c'est que, quand on regarde la composition sociale du corps étudiant dans les universités françaises, où il n'y a pas de droits de scolarité, dans les universités québécoises, où il y en a un petit peu, ou dans les universités américaines, où il y en a beaucoup, il y a une remarquable stabilité de la composition sociale en termes de participation relative des différentes tranches de population: les milieux défavorisés ou agricoles, les milieux d'ouvriers, les milieux de commerçants, les milieux de professionnels. Et ce qui caractérise les populations universitaires encore aujourd'hui, partout à travers le monde, c'est une domination de jeunes, enfin d'une partie de population provenant des milieux les plus aisés de la société.

Dans ce contexte-là, il faut se poser la question: L'équité sociale ou la politique conçue? Il faut se les poser, ces questions-là, et il faut se les poser dans un débat informé, dans un débat à froid, dans un débat dans lequel on va prendre le temps de faire le tour de la question en dehors de toute idée préconçue, de tout préjugé. Il y avait, dans les documents préparatoires du Sommet du Québec et de la jeunesse, une recommandation qui est sortie du chantier de l'éducation à l'effet de confier justement un tel mandat d'étude peut-être bien à la commission qui a été créée au mois de juin dernier. Je pense que c'est une avenue qui doit être regardée. Ce qui est clair, c'est qu'on ne peut pas laisser les universités québécoises dans la situation de sous-financement dans laquelle elles sont par rapport à leurs voisines.

Et la hauteur du sous-financement relatif, je suis très heureux qu'on est convenu, dans le cadre des discussions du Sommet, avec le ministre de l'Éducation, de mettre en place un système de suivi de cette différence de financement global, parce que ça va nous permettre de savoir quelle est la profondeur de la tranchée qui nous sépare. Dans mon esprit, on ne peut pas se permettre qu'il y ait une tranchée qui nous sépare du reste de l'Amérique du Nord parce que, si aujourd'hui il y a une tranchée qui nous sépare en termes de moyens disponibles à l'enseignement supérieur, demain ça va être une tranchée qui va séparer les diplômés universitaires en termes de qualité de la formation qu'ils auront reçue puis, après demain, ça va être une tranchée qui nous séparera au niveau de la compétitivité économique de nos entreprises qui probablement se délocaliseront.

M. Béchard: Sur un autre point, M. le recteur, vous parliez tantôt – et c'était dans les médias cette semaine – au niveau de la fermeture des cours, plus de 330 cours, 333 exactement qui ont été fermés. Vous parliez aussi, en même temps, d'une certaine ouverture ou d'un certain décloisonnement aussi au niveau des programmes.

J'aimerais savoir: Quel est le processus comme tel? Vous parliez, je pense, des cours où il y avait une baisse de fréquentation depuis une dizaine d'années. Avant d'en arriver à dire «on ferme ce cours-là», quel est le processus, quelle est la façon de faire? Et qu'est-ce qui, en bout de ligne, fait en sorte que vous prenez de telles décisions dans des domaines particuliers?

M. Tavenas (François): Je vais laisser Claude Godbout vous répondre, c'est son domaine de responsabilité.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Godbout.

M. Godbout (Claude): Le processus, en fait, je pense que je peux le décrire en disant que c'est d'abord au niveau des programmes qu'une première décision se prend. Les comités de programmes ou ceux qui ont à voir à ce que les programmes soient bien faits, bien configurés, ont à voir quels cours ils y mettent pour que, en bout de piste, la formation que les étudiants y acquièrent soit complète, soit adéquate.

Il existe dans les programmes des cours obligatoires, donc des cours essentiels au programme, que tous les étudiants doivent prendre, et il existe des cours à option. Et, dans les cours à option, évidemment on peut avoir une liste plus ou moins longue. Il y a des cours aussi à option qui sont plus ou moins essentiels au programme ou qui sont plus ou moins rapprochés ou rattachés au domaine du programme.

En fait, ce qui s'est passé, c'est que, au fil des années, il y a des cours qui n'ont pas été donnés, n'ont pas été offerts parce qu'il n'y avait pas d'étudiants qui demandaient de suivre ces cours-là. Parce que vous allez comprendre qu'un cours à option, il est à option. S'il n'y a personne qui s'inscrit, on ne met pas de professeur dans la salle de cours puis il n'y a personne dans la salle. Et il est à option aussi dans un contexte où il y a un minimum d'étudiants qui veulent le prendre. Je pense qu'il y a une certaine logique.

Donc, ce qu'on a fait, en fait, c'est un peu de ménage dans notre banque de cours. Un, on encourage les directions de programmes à avoir un programme le plus ciblé possible et donc d'éviter d'avoir des banques à option surabondantes, qui donnent l'impression d'une surabondance puis qui, dans le fin fond, n'ajoutent rien à la formation de base des étudiants. On pense qu'une formation plus ciblée, avec un certain nombre de cours à option, c'est la meilleure hypothèse. Et, en même temps, en parallèle, la réalité fait qu'un certain nombre de cours ne sont pas pris par les étudiants et n'ont pas été pris depuis un certain nombre d'années. Donc, ce qu'on fait, c'est qu'on épure nos banques de cours, ne serait-ce que pour donner l'image fidèle et une image fiable aux étudiants qui veulent s'inscrire. Ça ne donne rien d'avoir des listes de cours interminables si tel cours et tel cours n'est pas offert ou on ne peut l'offrir.

(15 h 30)

Donc, c'est un peu cette opération d'épuration qui est à distinguer d'une opération de décloisonnement. C'est deux choses tout à fait différentes. En ce sens que des étudiants d'un programme donné puissent suivre quelques cours d'un programme connexe pour élargir leurs horizons, je pense que c'est tout à fait approprié. De plus en plus, les organismes d'agrément, les ordres professionnels demandent ce genre d'ouverture. Dans le domaine du génie, on exige 15 crédits sur 120 dans le domaine des sciences humaines et de l'éthique. On peut imaginer que, dans certains domaines très connexes, de sciences sociales par exemple, avec bonheur, on pourrait favoriser une meilleure fécondation des disciplines connexes. Il n'y a rien qui empêcherait qu'un sociologue suive quelques cours d'économique puis un ou deux cours de sciences politiques. Ça ferait peut-être un meilleur sociologue, d'autant plus que, quand on regarde les emplois dans les journaux, les gens ne cherchent pas nécessairement un sociologue, ils cherchent quelqu'un en sciences humaines, en sciences sociales ou je ne sais quoi.

Donc, le décloisonnement, c'est cette opération de partage de cours qui ne sont pas nécessairement rattachés à un programme, ou à une faculté, ou à un département, mais qui peuvent être pris par les étudiants d'un autre département. Donc, c'est deux opérations un petit peu distinctes, mais qui vont dans un sens d'améliorer et de maintenir une bonne qualité de formation. Je pense que c'est ça, le but qu'on vise.

M. Béchard: J'aurais une autre petite question. Je veux garder du temps pour mes collègues. Dans les documents que vous nous avez présentés, au niveau des stages, il est indiqué que, en 1991-1992, 43 % des programmes de baccalauréat comportaient au moins une activité de formation pratique, et ça a augmenté par la suite. Donc, au moment où on avait les documents, c'était autour de 83 % des programmes spécialisés qui offraient au moins un stage en milieu de travail et 93 % des étudiants inscrits à ces programmes avaient accès à cette forme d'insertion. Et je vous dirais que, au niveau des stages, tous disent que c'est un des éléments importants de la formation comme telle. Mais, quand on regarde vos pourcentages, c'est donc dire qu'il y a, à l'Université Laval, des stages qui sont ouverts à des étudiants dans des programmes, je dirais, non traditionnels, où il y a une expérience en entreprise, par exemple. Je pense à mon expérience à moi en sciences politiques. Il y a des stages en sciences politiques. Est-ce qu'il y a eu une évaluation de l'impact de ça? Est-ce que c'est de plus en plus en demande de la part des étudiants, de la part des gens dans le milieu, pour ce type d'apprentissage là, d'expérience qui est aussi reconnue de façon académique dans le programme comme tel de baccalauréat?

La Présidente (Mme Bélanger): Une minute, M. le recteur, pour répondre à cette question.

M. Tavenas (François): Pardon?

La Présidente (Mme Bélanger): Une minute pour répondre à cette question.

M. Tavenas (François): Une minute, bon. Alors, très rapidement, en ce qui me concerne – et je vais passer la parole à Claude – les stages ont été une activité en fort développement à l'Université au cours des dernières années essentiellement sous la dynamique de notre Service de placement qui a en même temps la responsabilité de développer les stages.

Claude pourra vous laisser, je pense, un document qui fait un bilan complet de l'opération stages à l'Université et vous montrer toute l'ampleur que cette formation prend avec des stages crédités, avec des stages associés à l'emploi, enfin à la discipline. Donc, il y a tout un éventail de solutions. Contrairement à Sherbrooke qui a un modèle qui est le modèle coopératif, d'alternance, dans notre cas, le stage est intégré dans le programme mais peut l'être sous plusieurs formes.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le recteur. M. le député de La Prairie.

M. Geoffrion: Merci, Mme la Présidente. Mme Filion, M. Godbout, M. le recteur, je suis également un finissant, un diplômé de votre Université. Donc, à ce titre-là, je vous souhaite la plus cordiale des bienvenues ainsi qu'à tous ceux et celles qui vous accompagnent. M. Héroux, bonjour.

J'ai deux questions: une très, très pointue et une autre plus large. Nous sommes à la fin de nos travaux dans cette commission-là, donc on a entendu plusieurs de vos collègues. Sur la question très pointue, je vous réfère à un article paru dans le Journal de Québec au mois de novembre dernier. Le titre était assez frappant: L'Université dans le rouge . Vous disiez: «Il n'y a qu'un seul problème à l'Université Laval, c'est celui du déficit et du sous-financement chronique de l'enseignement supérieur.» Un petit peu plus loin, plus étonnant, peut-être avez-vous été mal cité, on vous fait dire: «Sans dire que le déficit est attribuable aux salaires des professeurs, le recteur a cependant signalé que le coût de l'enseignement est plus élevé chez lui qu'ailleurs.» J'aimerais vous entendre brièvement sur cette citation-là.

M. Tavenas (François): Pour ce qui est du début de votre question et de la citation du journal, je pense que ce que je vous ai dit cet après-midi, c'est exactement la même chose. C'est-à-dire, nous avons une entreprise qui, en termes académiques, marche très bien, est très performante. Il y a un problème. Je peux utiliser une analogie du sport automobile: l'Université Laval, c'est une formule 1, mais il n'y a pas d'essence dans le réservoir. Il va falloir en mettre si vous voulez qu'on compétitionne sur les grandes pistes.

Pour ce qui est de la deuxième citation, effectivement, vous savez comme moi, les journalistes, des fois, en rajoutent un peu. Ce que j'ai dit et ce qui est vrai, c'est que nous avons à l'Université, en termes de coûts de programmes, de coûts de formation, une structure de coûts qui est différente de celle du réseau. Et je vous disais il y a quelques instants qu'une très forte proportion des cours sont offerts par des professeurs de carrière. Ça a sans aucun doute un impact sur nos coûts disciplinaires, et ça l'a toujours eu. Laval a toujours eu, depuis que le gouvernement a mis en place la formule de financement qui fait apparaître les coûts disciplinaires secteur par secteur et université par université, des coûts disciplinaires un peu plus élevés que les autres. Mais, quand on va examiner pourquoi, le constat qu'on est amené à faire, c'est que nous avons une proportion beaucoup plus grande qu'ailleurs dans le réseau de cours qui sont donnés par des professeurs de carrière.

Disons que je ne suis pas très préoccupé par cette question-là parce que je suis convaincu par ailleurs que, en termes de performance, en termes de qualité de formation, nous en retirons et le Québec en retire les bénéfices. Regardez les taux de diplomation à l'Université Laval par rapport à la plupart des autres universités dans le réseau puis vous allez constater qu'il y a un bénéfice qui est retiré de ça.

M. Geoffrion: D'accord. Vous disiez tout à l'heure, il y a quelques minutes, dans votre exposé, je vous cite, là, en parlant de l'Université Laval évidemment: «Elle est unique et son rôle est essentiel pour le développement de notre société et l'affirmation de la place de Québec – ou du Québec – comme capitale et comme rendez-vous international.» Vos collègues de l'Université McGill, ou de l'Université de Montréal, ou de l'UQAM auraient pu dire exactement... et ils sont venus dire effectivement à peu près, à quelques mots près, cette citation-là, de la place unique qu'elles occupent dans la société québécoise.

Ma question plus large serait que vous tentiez une réponse sur le devenir finalement de l'université québécoise dans le Québec francophone, en quelques mots. Comme je vous dis, on est en fin de travaux, donc on a entendu un petit peu les doléances de tous. Mais là j'aimerais ça peut-être prendre quelques minutes. Vous qui pensez constamment, j'imagine, sur cette question-là, la place de l'université au Québec, est-ce qu'il y en a trop? Bon. Vous parliez tout à l'heure de la diminution du nombre d'étudiants qui s'inscrivent. J'imagine que vous avez déjà réfléchi sur cette question entière.

M. Tavenas (François): Laissez-moi répondre d'abord à la première petite sous-question ou, enfin, première remarque sur la place de Laval et pourquoi Laval est différente de nos collègues de la région de Montréal. Il y a une énorme différence. Il y a une université, Laval, dans la région de Québec. Il y a l'UQAM, l'Université de Montréal, l'Université McGill, l'Université Concordia, l'ETS, etc., dans la région de Montréal. On a donc une responsabilité additionnelle qui est de répondre à l'ensemble des besoins et d'être les seuls à pouvoir le faire. Et je prétends qu'on le fait bien.

La région de Québec est en pleine reconversion en ce moment en termes de structure économique et d'organisation. L'Université Laval est au coeur de cette opération-là. S'il n'y avait pas l'Université Laval à Québec, la région de Québec serait une zone sinistrée aujourd'hui. Bien, il n'y aurait pas eu la création d'emplois qu'il y a eu chez Exfo; il n'y aurait pas eu la création d'emplois qu'il y a eu chez Précitech; il n'y aurait pas eu la création d'emplois qu'il y a eu chez Aeterna; il n'y aurait pas eu la création d'emplois qu'il y a eu chez Biochem Vaccins; et ainsi de suite. Il faut réaliser l'importance de l'Université dans la région.

Une des raisons pour lesquelles j'ai accepté de présider le Comité Québec-Capitale, c'est parce que, comme recteur, je suis tout à la fois en plein centre de tout ce qui est développement de la région de Québec et en conflit avec personne, et donc dans une position où je peux jouer le rôle de conciliateur, de rassembleur, etc. Mais ça illustre à nouveau le rôle très particulier que l'Université Laval joue dans la région.

(15 h 40)

Maintenant, au-delà de ça, l'Université Laval peut et doit, et elle le fait, jouer un rôle complémentaire dans tout l'Est du Québec. On a parlé tout à l'heure de Rivière-du-Loup. Rivière-du-Loup est une région, disons, en plein boom économique. Les choses vont bien dans la région. Mais, quand on regarde qu'est-ce qui marche dans la région, bien grattez un peu puis vous allez trouver que l'Université Laval a... partout là-dedans. Premier Tech, qui est une superbe réussite d'une entreprise de haute technologie, à partir d'un produit que tout le monde considérait comme pas grand-chose, de la tourbe, Premier Tech est devenue une entreprise mondiale en collaboration avec l'Université Laval. Et les relations de recherche avec notre Université datent d'il y a 15 ans, 18 ans, des premiers jours de développement. Premier Tech n'existait pas, c'était Tourbières Premier, à l'époque. Dans le domaine de la foresterie, qui est un domaine énorme dans tout l'Est du Québec et au Nord, la Faculté de foresterie géomatique de l'Université Laval est présente partout et joue un rôle majeur partout. S'il y a Forintek aujourd'hui dans la région de Québec, c'est parce qu'il y a une Faculté de foresterie géomatique à l'Université Laval, pas loin. Donc, c'est ça.

Alors, sur votre question plus générale, c'est-à-dire où est-ce qu'on s'en va, je pense qu'on doit réaliser deux, trois choses. La première, le Québec est une société très développée qui, pour maintenir sa position de développement dans les grands ensembles mondiaux, doit absolument investir maintenant sur la valeur ajoutée. Le Québec a acquis le statut de société très développée par l'exploitation de ses richesses naturelles en prise directe sur le plus gros marché mondial, c'est-à-dire l'Amérique du Nord et les États-Unis. C'est comme ça qu'on a atteint notre richesse collective. On ne peut plus la maintenir sur cette base-là, il faut absolument développer autre chose.

Alors, quand on regarde qu'est-ce qui s'est passé au Québec depuis 20 ans, bien, effectivement, on a développé autre chose. On a développé l'aérospatiale, on a développé l'industrie pharmaceutique, on a développé les télécommunications, on a développé l'informatique, on a développé les nouveaux matériaux, on a développé tout ce qui est de l'industrie à très haute valeur ajoutée. Il y a une caractéristique de toutes ces industries-là, c'est la matière grise. Pour qu'elles se développent, ces industries ont besoin de matière grise. Si vous demandez aujourd'hui à Germain Lalonde, président d'Exfo, qu'est-ce qu'il lui faut pour développer son entreprise, il lui faut des diplômés universitaires, puis pas au niveau du bac, là, minimum maîtrise puis de préférence doctorat. Ces gens-là, on ne les invente pas au coin de la rue, il faut les former, et c'est notre travail de le faire.

De ce point de vue là, je suis très préoccupé par ce que j'ai vu au Québec depuis cinq ans, parce que, effectivement, on était en train, depuis cinq ans, de très consciencieusement couper la base sur laquelle l'avenir de la société québécoise doit être construit. Je suis très heureux de voir qu'aujourd'hui le discours a changé et que, je l'espère, les orientations budgétaires vont changer – ça a l'air de s'annoncer dans ce sens-là – parce qu'il n'y a pas d'avenir du Québec s'il n'y a pas un investissement massif en enseignement supérieur.

Alors, après, on peut le regarder plus globalement. Nos compétiteurs, qu'est-ce qu'ils font? Bombardier vend ses avions où? Partout dans le monde. Bon. Alors, allons voir qu'est-ce qui se passe dans les pays où Bombardier cherche soit à vendre des avions soit à lutter contre la concurrence. Bien, ce qui se passe dans tous ces pays développés aujourd'hui, c'est des investissements massifs en enseignement supérieur autrement plus importants que ce qu'on a vu ailleurs au Canada. Donc, on a un effort énorme à faire.

J'ai fait plusieurs missions en Europe au cours des dernières années, et en particulier en Allemagne. J'étais invité par le gouvernement allemand, l'année dernière, à aller leur parler de gestion de l'université, puis de gestion de corps professoral, puis d'évaluation, de rémunération, etc. Le cadre dans lequel ces discussions se situaient était, grosso modo, le suivant. Ils sont en train de doubler leur investissement en enseignement supérieur. Ils ont créé de toutes pièces, au cours des 10 dernières années, un deuxième réseau universitaire, parallèle au premier, qui s'appelle les Fachschule, qui étaient des écoles de métiers et qui sont devenues des universités de plein droit; et ils sont en train de développer tout ce réseau-là.

Les Australiens se sont donné, il y a cinq ans, une politique de devenir le lieu de formation supérieure du Pacific Rim. Vous allez aujourd'hui dans n'importe quel pays d'Asie du Sud-Est et vous allez rencontrer des représentants d'universités australiennes qui sont en train d'établir des campus satellites, de faire des ententes de partenariat avec les universités de la place pour que l'Australie devienne le lieu de formation. Pourquoi ils font ça? Ils font ça parce qu'il y a en dessous de ça une stratégie de positionnement économique de l'Australie dans le Pacific Rim dont tout le monde reconnaît qu'il est aujourd'hui le secteur de développement.

Alors, l'arrimage de l'université avec le développement économique, social et culturel, il est absolument fondamental. On l'a perdu de vue, au Québec, depuis cinq ans. Moi, ce qui me sidère dans cette affaire-là, c'est qu'on devrait être mieux que quiconque en mesure de comprendre l'importance que les universités peuvent jouer dans la société. On s'est payé une Révolution tranquille dans les années soixante. Et, quand vous regardez ça a été quoi, la Révolution tranquille, la Révolution tranquille, ça a été essentiellement une chose: un investissement massif en éducation et en enseignement supérieur. On a créé le ministère de l'Éducation, on a créé les réseaux des écoles polyvalentes, on a créé le réseau des cégeps, on a créé le réseau de l'UQ. Quand vous regardez les clientèles étudiantes durant cette période-là, ça a fait comme ça, et on en vit aujourd'hui les bénéfices.

M. Geoffrion: Tout à fait.

M. Tavenas (François): Alors, je dirais: Pour moi, ça a été un mystère, pendant cinq ans, de voir à quel point on avait oublié tout ça. On a perdu nos références, on a perdu nos bases. Je suis heureux d'entendre aujourd'hui... Autour de la table du Sommet du Québec et de la jeunesse, il y avait consensus, à la grandeur de la table, sur l'importance du réinvestissement en enseignement supérieur, l'importance du réinvestissement en éducation. Laissez-moi vous dire, c'était à peu près temps.

M. Geoffrion: Oui. Bien, je vous remercie. Je vais être obligé de vous interrompre parce que j'ai des collègues qui brûlent de vous poser une question également. Je vous remercie beaucoup, M. le recteur.

La Présidente (Mme Bélanger): Vous avez encore du temps. Alors, M. le député de Bertrand.

M. Cousineau: Merci, Mme la Présidente. Mme Filion, M. Godbout, M. Tavenas, M. le recteur, merci de votre présence. C'est bien agréable, c'est une belle présentation.

Vous avez mentionné, lors de votre présentation, vous avez parlé beaucoup d'échanges avec les pays étrangers. Dans un article qui est paru au mois de janvier 2000, on en fait état, on mentionne le partenariat que vous avez avec d'autres universités à travers le monde, en particulier en Europe. On parle de la foresterie au niveau des pays comme la Norvège et la Suède pour la forêt boréale, puis on parle de la forêt tempérée en Suisse et puis en Autriche, et puis, en Amérique du Sud, on parle aussi des forêts tropicales. Alors, ça, c'est le type de partenariat qu'on voit dans l'article.

Maintenant, moi, ce qui m'étonne... Bon, on a rencontré beaucoup de recteurs, dans les dernières journées, qui nous mentionnaient que les étudiants étrangers dans les universités au Québec, ça se situe en bas de 5 %; bon, c'est 1 %, 2 %, 3 %, dépendant des universités. Et, lorsqu'on lit l'article, c'est titré: D'ici trois ans, 10 % des étudiants auraient leur baccalauréat à l'étranger . Et puis vous parlez d'échanges avec des élèves étrangers. Comment pensez-vous réussir à atteindre ce pourcentage-là alors que, présentement, vous êtes autour de 1 %, je crois?

M. Tavenas (François): 6 %.

M. Cousineau: 6 %?

M. Tavenas (François): 6 %.

M. Cousineau: Ah bon! Alors, le dernier chiffre qu'on donnait ici... Mais c'est quand même ambitieux comme projet.

M. Tavenas (François): Oui.

M. Cousineau: Quelle est votre stratégie?

M. Tavenas (François): Alors, on est effectivement, dans le réseau universitaire francophone, je pense, l'université dont la proportion d'étudiants étrangers est la plus élevée. On a encore quelques pas de retard derrière l'Université McGill, mais, dans le réseau francophone, on est en tête.

Comment est-ce qu'on va faire? Je dirais que le coeur de notre stratégie, c'est la mise en place de nos profils internationaux dans l'ensemble de nos programmes de premier cycle. Ça, c'est une opération qui est en cours. Nous avons un plan pour que tous nos programmes de premier cycle comportent un profil international d'ici trois ans. On va y aller progressivement. Ces profils internationaux, ils vont impliquer des ententes au niveau des programmes ou des départements d'université à université. Selon les cas, ça pourra prendre des formes un tout petit peu différentes, mais, essentiellement, ce qu'on va chercher, c'est à amener 10 % de nos étudiants à aller faire un stage à l'étranger et, en contrepartie, à recevoir des étudiants de l'université partenaire dans nos programmes chez nous. O.K.?

(15 h 50)

M. Cousineau: Une parenthèse. Ça représente combien d'étudiants? Quelle est la population estudiantine de l'Université Laval?

M. Tavenas (François): Dans nos programmes de bac, on doit parler de 22 000 étudiants à peu près. On voudrait donc, à terme, envoyer une couple de mille. C'est ça. C'est tout à fait réalisable, tout à fait réalisable. Il s'agit pour nous de faire deux choses: d'avoir les bons partenaires – et ça, je pense qu'on en a déjà pas mal, Claude l'a mentionné pour commencer... Nous sommes en train, avec cette approche de profil, d'établir un modèle. Les partenaires à qui nous en parlons à l'étranger sont intéressés par ce modèle-là parce que c'est de l'échange d'étudiants mais de l'échange planifié en termes académiques. Les contenus de formation que les étudiants vont aller recevoir à l'étranger ou, pour les étrangers, qu'ils vont venir recevoir à Laval vont avoir été négociés a priori, pas juste en termes d'équivalence, mais en termes de contenu de formation. Je compte me servir de ce genre de mécanisme là également pour compléter des formations.

Prenons un exemple. On a des programmes de formation en espagnol et en littérature espagnole. Ça ne manquerait pas d'intérêt de pouvoir envoyer nos étudiants, pendant un trimestre, à Salamanque, à Madrid, ou je ne sais trop, pour qu'ils aient accès à la pleine bibliothèque, pour qu'ils aient accès aux experts locaux. D'autres aspects. Dans le domaine de l'agriculture, par exemple, nous pouvons développer des collaborations – et nous en avons déjà – avec des écoles d'agriculture en Europe pour aller apprendre la technologie européenne et l'absorber, l'utiliser. À la Faculté des sciences et de génie, nous participons à plusieurs ententes dans le cadre de l'ALENA, qui font que nos étudiants vont faire des stages dans certaines entreprises et universités américaines, dans certaines entreprises et universités au Mexique, et ils obtiennent donc une formation, entre guillemets, ALENA.

On est en discussion avec Bombardier de ce temps-ci pour développer ce genre de partenariat. Le constat que les entreprises québécoises qui oeuvrent sur la scène internationale font en ce moment, c'est que les jeunes diplômés universitaires québécois sont mal préparés pour agir sur la scène internationale et qu'ils hésitent à se délocaliser ou qu'ils le font, mais que la greffe prend mal. Notre objectif est de les habituer à agir sur la scène internationale. Le constat que nous faisons, en discussion avec les universités partenaires, c'est que les universités étrangères ont les mêmes préoccupations et les mêmes intérêts. Alors, c'est par ce mécanisme-là prioritairement qu'on va y aller.

Maintenant, je ne vous cacherai pas qu'on est aussi en recrutement carrément d'étudiants étrangers intéressés par le type de formation qu'on peut donner. Alors, de ce côté-là, en Amérique latine entre autres, il y a un réel potentiel.

M. Cousineau: Merci, monsieur. Ça me donne la réponse que je voulais. Je vais passer la parole... M. le Président.

Le Président (M. Labbé): Oui. Alors, sans plus tarder, je cède la parole maintenant au député de Montmorency.

M. Simard (Montmorency): Merci beaucoup, M. le Président. M. le recteur, madame, monsieur, bienvenue à l'Assemblée nationale.

M. le recteur, comme député de la belle et grande région de Québec, vous me permettrez de vous dire à quel point je suis fier de la présence de l'Université chez nous et à quel point je considère qu'elle participe très étroitement au développement social, économique et culturel de ma patrie, en fait. Mais de là à dire que la région de Québec serait une zone sinistrée sans l'Université Laval, il y a là un enthousiasme ou une réduction, disons, de la réalité que je ne serais pas prêt à partager. Mais ce n'est pas là l'objet de notre présence aujourd'hui. Nous sommes ici pour d'autres éléments. Prenez ça en note, cher ami. Je sais que vous aimez bien prendre des notes, ça va vous faire quelque chose au moins à retenir. Je suis heureux de savoir que je vous aiderais autant que ça.

M. le recteur, vous avez fait, donc, allusion au déficit de l'Université, 89 000 000 $, si je ne m'abuse. C'est un des plus importants déficits, si je ne m'abuse, de l'ensemble des universités québécoises – je n'ai pas systématiquement comparé. Et vous avez fait, donc, référence à certaines stratégies que vous allez employer pour réduire ce déficit. J'aimerais que vous nous parliez davantage en fait des conventions collectives. Plusieurs pointent du doigt la soi-disant rigueur des conventions collectives, qui enlèverait de la flexibilité et qui finalement entraînerait des coûts très énormes pour une institution comme la vôtre.

M. Tavenas (François): Je ne pense pas que ce soit un réel problème, sinon, comme je l'ai mentionné dans ma présentation, pour la lenteur avec laquelle nous avions réagi au début de la phase de définancement, lenteur à ajuster les planchers d'emploi qui avaient été négociés, compte tenu de la décroissance de la clientèle d'un bord et de la décroissance de financement de l'autre. Mais, sinon, pour le reste, je ne pense pas que nous ayons chez nous des rigidités qui peuvent exister peut-être dans d'autres universités. La tâche professorale à l'Université Laval est déterminée au niveau des départements, et c'est aux départements que la tâche se répartit, la tâche globale étant fixée par l'ensemble, enfin par la direction de l'Université, par les directions des facultés. Donc, je n'ai pas de rigidités particulières de ce côté-là.

Il y a inévitablement des rigidités dans une université, mais ce n'est pas dû à l'existence de conventions collectives. Il y a des rigidités d'ordre disciplinaire. Supposons que j'ai moins d'étudiants qui sont intéressés à faire de la philosophie en même temps que j'en ai beaucoup plus qui sont intéressés à faire de l'informatique, ce n'est pas évident que je puisse prendre un prof de carrière spécialiste en philosophie et le recycler en prof d'informatique. C'est même à peu près évident que c'est impossible à faire. Donc, la rigidité qu'il y a, c'est une rigidité inévitable dans un milieu universitaire dans lequel la liberté académique, et la permanence d'emploi, et ce que les Anglais appellent la «tenure» existent.

Maintenant, vouloir remettre en question ces notions-là, ça, ça serait une opération à très haut risque, parce que le recrutement de professeurs d'université se fait sur la scène internationale. Quand je fais une offre à un prof, il a sûrement au moins une autre université quelque part dans le monde qui en fait une, et, si j'offre des conditions du côté des perspectives de sécurité d'emploi, des perspectives de «tenure» et en termes de liberté académique, bien évidemment le prof, s'il a le choix, va aller ailleurs. Donc, il faut faire très attention à ces questions-là.

(16 heures)

Je ne peux pas commenter sur la situation ailleurs dans le réseau universitaire même si j'en ai une petite idée, mais, en ce qui concerne l'Université Laval, je ne pense pas que ce soit un problème. C'est quelque chose à gérer, mais ça, ça fait partie de nos responsabilités.

M. Simard (Montmorency): Ce plancher d'emploi auquel vous faisiez référence dans votre texte en page 11 n'est pas un si grave ou si gros problème que ça.

M. Tavenas (François): Bien, il se négocie. Il faut qu'il se négocie, il faut qu'il soit flexible, il faut qu'il s'ajuste à l'ensemble des circonstances. Mais on l'a déjà négocié, et je pense qu'on doit être capable de continuer à faire ça.

M. Simard (Montmorency): Et, parlant de l'embauche de nouveaux professeurs, vous y avez fait référence tout à l'heure, même à quelques reprises, l'Université McGill y a fait référence abondamment, l'Université de Montréal également, mais personne, jusqu'à présent, ne semble être capable de chiffrer, même avec une certaine approximation, les coûts reliés à la flambée, si vous me permettez l'expression, des salaires dans la recherche, dans la concurrence de nouveaux professeurs.

M. Tavenas (François): Parce que c'est très variable d'un secteur à l'autre.

M. Simard (Montmorency): Oui.

M. Tavenas (François): Si vous cherchez à recruter aujourd'hui un Ph.D. en finance, sortez votre carnet de chèques, parce que ça va coûter cher, puis c'est en dehors de toutes les échelles de salaire que les universités sont capables de payer. L'économiste que j'ai perdu à l'université d'Alberta, il part avec une augmentation de salaire de 30 %, salaire brut, une augmentation de salaire nette de 70 %. Il est venu me trouver, il m'a dit: M. le recteur, est-ce que j'ai vraiment le choix? Hein! Il n'avait pas envie de partir, mais la force des choses était là.

La raison pour laquelle c'est difficile de mettre des chiffres sur ces problèmes-là, c'est que c'est très variable d'une discipline à l'autre. Dans les disciplines qui sont très en demande en ce moment, comme l'informatique, les télécommunications, les biotechnologies, on a de plus en plus de difficultés à être réellement compétitifs. Faculté de pharmacie. Mon principal défi à la Faculté de pharmacie, c'est de garder les profs plus de deux ans. On n'a pas trop de difficultés à les recruter, mais, dès qu'ils ont fait un tout petit peu leur marque sur la scène locale, l'industrie pharmaceutique leur fait des offres qu'ils ne peuvent pas refuser, puis ils s'en vont. Alors, là, j'en suis à essayer d'aller négocier avec ces entreprises-là pour leur dire: Écoutez, si vous voulez avoir de la main-d'oeuvre dans cinq ans, laissez-moi les profs, puis peut-être qu'on peut s'entendre pour fabriquer des chaires de recherche, des postes à mi-temps, à frais partagés, je ne sais trop, parce que sinon on s'en va nulle part. Mais c'est un problème difficile à quantifier au total parce que ça dépend du mixte de disciplines, ça dépend des besoins que vous avez, dans quel secteur.

M. Simard (Montmorency): Peut-être une dernière question, M. le recteur, et je fais ici référence à un article qui est paru le 13 février dernier. Les leaders étudiants des sciences sociales se plaignaient dans cet article que, somme toute, l'Université embaucherait, toutes choses étant égales par ailleurs, moins de professeurs dans le domaine des sciences sociales que dans d'autres domaines. Qu'est-ce que vous répondez à ces étudiants?

M. Tavenas (François): Ce que je réponds puis ce que je leur ai déjà répondu, c'est que j'étais bien d'accord avec eux, qu'on n'en embauchait pas assez. Dans les quelques embauches qu'on est capable de faire à cause de l'insuffisance de renouvellement du corps professoral, je suis obligé d'y aller d'une manière hyperstratégique, c'est-à-dire en prenant en compte l'importance des besoins secteur par secteur, puis il faut relativiser. Alors, à l'heure actuelle, de ce temps-ci, avec Claude Godbout, on fait une tournée de toutes les facultés pour discuter globalement de la situation, et partout cette question-là est une question à l'ordre du jour.

Ce que j'explique, c'est que, cette année, on avait une dizaine de postes à mettre en service. La dizaine de postes qu'on a mis en service, on a été obligé de les mettre en service dans les endroits où il y a les trous les plus criants parce qu'il y a insuffisance de renouvellement du corps professoral. Il se trouve qu'à la Faculté des sciences sociales, en particulier, il y a encore une certaine décroissance de la clientèle. Et, quand je fais des ratios étudiants-professeur, sciences sociales ne ressort pas en tête de liste, sauf certains départements. Et il y a, à l'intérieur de cette Faculté, des disparités départementales. Il y a des départements, je n'oserais pas dire surabondants, qui sont moins à l'étroit que d'autres.

Il y a des obligations qu'on a. Dans le domaine des sciences infirmières, le gouvernement nous demande d'en produire beaucoup plus. Il y a une pénurie d'infirmières au Québec de ce temps-ci. Nous avons la capacité d'augmenter le contingentement en sciences infirmières. Nous avons mis des postes dans ce domaine-là pour être capables de répondre à une demande qui est manifeste et qui est là. Alors, on essaie de gérer, je dirais, le plus intelligemment possible, compte tenu du fait qu'au total la situation est à peu près impossible à gérer.

Le Président (M. Labbé): Ça va?

M. Simard (Montmorency): Peut-être un mot, oui.

Le Président (M. Labbé): Une petite question rapide, une réponse courte.

M. Simard (Montmorency): Peut-être, M. le recteur, à propos de la hausse des frais de scolarité en rédaction pour les étudiants aux cycles supérieurs, ça a fait couler beaucoup d'encre à Québec, donc pour ces étudiants qui ont, à la maîtrise, fait plus de quatre trimestres et, au doctorat, plus de huit trimestres, si je ne m'abuse. Est-ce qu'un réinvestissement potentiel pourrait amener une révision de cette augmentation?

M. Tavenas (François): Alors, première chose, dans l'entente, enfin dans la décision qui a été prise par l'Université il y a, quoi, un an et quelques maintenant et qui avait été prise après une discussion avec l'Association des étudiants de deuxième et troisième cycles, ce n'est pas après quatre et huit trimestres que ces hausses de frais s'appliquent, mais c'est après cinq et neuf. Donc, il y a un trimestre de grâce. O.K.? Ou cinq et 10, pardon. Donc, de ce point de vue, on a des circonstances qui sont plus favorables qu'ailleurs dans le réseau universitaire.

Deuxièmement, nous sommes encore en discussion avec l'Association des étudiants de deuxième et de troisième cycles pour examiner de quelle façon on pourrait utiliser, s'il en est, une partie des marges de manoeuvre qui devraient normalement se créer avec le prochain budget. Ma préoccupation de ce côté-là est à la fois de permettre aux étudiants de deuxième et de troisième cycles des conditions financières de vie qui vont les aider à compléter leurs études le plus rapidement possible tout en maintenant des incitatifs financiers à les compléter le plus rapidement possible. Alors, on est en discussion avec l'Association là-dessus. On n'est pas arrivé au bout de ces discussions-là, loin de là, mais je pense qu'on a, comme institution publique, l'obligation de s'assurer que les étudiants complètent leur programme de maîtrise ou de doctorat dans les meilleurs délais possible.

Claude Godbout vous disait tout à l'heure – ça se retrouve dans notre rapport – que la durée moyenne des études de maîtrise, c'est trois ans. Ça, c'est deux fois plus que la durée reconnue du programme. Et, si on se compare pas trop mal avec le reste du Canada – on est en train de faire des analyses un peu plus poussées – je sais qu'on se compare très mal avec les États-Unis, par exemple. Il faut qu'on maîtrise ce problème-là, en particulier de la durée de la maîtrise, et je crois que ça passe par une combinaison d'incitatifs et de soutien, et c'est ce que nous essayons de faire.

Le Président (M. Labbé): Le temps est malheureusement écoulé. Alors, simplement un commentaire, vous dire que malheureusement je n'ai pas terminé mon cours à Laval, mais, par contre, ma fille, elle, suit son cours actuellement à Laval, ce qui est quand même quelque chose d'intéressant. Alors, félicitations pour votre présentation, M. Tavenas, M. Godbout et Mme Filion. Merci encore une fois.

Et j'inviterais sans plus tarder les gens de l'École polytechnique de Montréal à bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Labbé): J'invite donc les gens de l'École polytechnique de Montréal, s'il vous plaît, à bien vouloir prendre place. Alors, sans plus tarder, nous allons débuter. Je vous invite à prendre place. Je présume que c'est M. Gourdeau qui va avoir le plaisir de nous présenter son équipe. Nous aurons, en fait, 20 minutes pour la présentation. Je vais vous inviter à présenter les gens qui vous accompagnent aussitôt que vous allez débuter. Nous aurons par la suite, de chaque côté, 20 minutes pour justement poser des questions et cheminer avec vous dans la présentation de votre mémoire. Alors, sans plus tarder, je vous cède la parole, M. Gourdeau.


École polytechnique de Montréal (EPM)

M. Plamondon (Réjean): Ce n'est pas M. Gourdeau, c'est M. Plamondon, qui est le directeur général de l'École polytechnique.

Le Président (M. Labbé): Merci, M. Plamondon. Alors, je vous cède la parole.

M. Plamondon (Réjean): O.K. C'est avec plaisir que nous répondons aujourd'hui à l'invitation de comparaître devant les membres de la commission parlementaire de l'éducation pour faire le point sur la gestion de l'École polytechnique de Montréal. Pour cette présentation, la délégation de Polytechnique comprend le président et principal, M. Jean-Paul Gourdeau, à ma droite; Mme Soumaya Yacout, à l'extrême gauche, qui est la directrice des études; Mme Louise Demers, directrice du service des finances; et, moi-même, Réjean Plamondon, directeur général.

(16 h 10)

Je ne crois pas qu'il soit utile à cette commission que je m'attarde aux données financières que nous vous avons déjà fait parvenir en vertu de la loi. Nous pourrons répondre à vos questions à ce sujet à la fin de mon exposé. Par contre, nous aborderons, d'une manière systématique et structurée, idéalement l'ensemble des 18 points que vous nous avez proposés.

Laissez-moi d'abord vous tracer en quelques mots le portrait de votre École polytechnique, le plus important actif de la société québécoise en ce qui a trait à l'enseignement et à la recherche en ingénierie et aux sciences appliquées.

Une précision au sujet de Polytechnique. Nous ne sommes pas une faculté, mais une école, une école autonome, fondée en 1873, quelques années avant la création de l'Université de Montréal, et avec qui nous sommes affiliés depuis 1920. Polytechnique compte 5 000 étudiants, plus que quiconque dans le domaine de l'enseignement et de la recherche en génie. Nous sommes une grande université de recherche. Nous avons formé et formons toujours le plus grand nombre d'ingénieurs au Québec. En fait, lorsqu'il s'agit de trouver un comparable à notre établissement, il faut se tourner vers d'importantes universités américaines ou des facultés de génie telles que celles de l'Université de Toronto et de l'Université de British Columbia.

Au cours des cinq dernières années, nos inscriptions au premier cycle ont augmenté de 60 %. L'École a absorbé cette augmentation phénoménale dans un contexte de compressions budgétaires majeures, sans agrandissement ni réaménagement significatif de ses espaces, et, ce qui est remarquable, en préservant son équilibre budgétaire et en n'accumulant aucun déficit. Comment avons-nous réalisé ces exploits? En comprimant radicalement notre masse salariale, en encourageant des retraites anticipées, en imposant des diminutions de salaire, en évitant de combler certains postes, de créer des niveaux. On a fait la réingénierie de tous nos processus, de tous nos départements.

Le prix à payer fut énorme. Nous avons traversé une grève de neuf semaines avec nos employés à l'hiver 1998. Nous vivons des tensions incessantes avec notre corps professoral avec lequel nous avons évité de justesse une grève l'an dernier, au moment de la signature de leur convention, et nous vivons encore d'autres difficultés cette année avec le même corps professoral, parce que nous sommes encore en négociation. Ça avait pris trois ans et demi à négocier l'autre convention. Nous réalisons des exploits logistiques à chaque année, à chaque rentrée scolaire pour accueillir des cohortes toujours plus imposantes dans un immeuble qui, lui, n'est pas en expansion.

Je tiens à souligner, malgré tout, que nous avons réussi à obtenir une très grande collaboration de notre personnel et nous avons consacré les deux dernières années à maintenir et à rétablir la cohésion et à stimuler son engagement envers la mission de l'École: enseignement, recherche, rayonnement. Nous avons tenu de vastes états généraux à l'automne 1998. Cette consultation auprès de toute la communauté a permis de produire le Plan de concertation dont vous avez copie, un document à couverture jaune qui vous a été déposé, qui trace les grandes orientations, les grands principes directeurs de la gestion de Polytechnique pour les années à venir.

Ces orientations s'articulent autour de trois grands axes: enseignement, recherche et rayonnement, les trois grands axes de notre mission, mais en plus de focaliser sur la mobilisation et la concertation de notre communauté en les mettant au coeur de notre priorité puis en visant l'efficience de nos opérations.

Nous avons tous ensemble poursuivi le travail au cours de l'année 1999 pour produire un cahier qu'on appelle Plan d'action ou un cahier de suivi, que vous avez aussi, qui nous permet de voir l'ensemble des stratégies qu'on va prendre pour réaliser et atteindre les objectifs qu'on s'est fixés tous ensemble en collaborant, en travaillant en équipe, tous les groupes de personnels. Vous êtes donc à même de constater que nous avons clairement tracé la voie que nous voulons poursuivre. Nous sommes tout fin prêts à reprendre le chemin de la croissance, pour peu que le gouvernement réinvestisse dans notre École.

Allons avec les thèmes principaux que vous nous avez suggérés. En enseignement, le ratio étudiant. À Polytechnique, le ratio étudiants équivalents temps complet-professeur est de l'ordre de 17,4. On enseigne 10 spécialités de génie. Donc, il y a des fluctuations énormes d'un groupe à l'autre, variant de 32 étudiants équivalents temps complet dans les programmes de génie électrique, de génie informatique, et baissant jusqu'à l'ordre de cinq dans les génie matériaux, génie civil.

Évidemment, comme on l'a mentionné précédemment, les professeurs sont des gens de carrière, et il est extrêmement difficile de demander à quelqu'un qui a travaillé la moitié de sa carrière en enseignement et recherche dans une discipline de changer complètement de discipline et de repartir à zéro. Malgré tout, à Polytechnique, huit professeurs ont fait ce changement-là dans les deux dernières années pour nous aider à faire face à la forte demande en génie informatique. Est-ce qu'on doit abandonner des domaines comme le génie civil, où on a déjà une réputation internationale, parce qu'il y a peu d'étudiants présentement? On sait que, de façon cyclique, la population va remonter et est déjà en train de croître.

Au niveau du ratio étudiants-chargé de cours, les mêmes disproportions. Dans certains secteurs, c'est 100 chargés de cours par programme, d'autres 10, dépendamment encore des demandes.

Concernant l'exode des professeurs, comment faire face, comment agir face à une multinationale qui offre un salaire de base d'au moins 100 000 $ à nos jeunes profs quand on ne peut en offrir que 60 000 $?

Au renouvellement du corps professoral. Nos pronostics prévoient qu'on va engager 94 nouveaux professeurs au cours des cinq prochaines années. Compte tenu de l'attrition, on parle de 36 nouveaux professeurs. Nous comptons profiter des nouveaux programmes gouvernementaux tels que les programmes FCAR jeunes chercheurs et les programmes des chaires du millénaire. Une portion importante de ces embauches pourra se faire dans le cadre d'un projet de Technopole que nous prévoyons ériger en collaboration avec nos deux grands partenaires immédiats: l'Université de Montréal et l'École des hautes études commerciales. C'est un projet d'envergure qui prévoit l'implantation d'un pôle majeur dédié à la recherche et à la formation en sciences, en gestion et en génie, et ceci devrait nous permettre d'attirer d'excellents professeurs.

Mais, attention, nous devons compter sur des ressources suffisantes, des infrastructures décentes et un minimum d'espace physique pour représenter un attrait significatif pour les personnes que nous souhaitons attirer. À titre d'exemple, en ce qui concerne nos espaces, selon les normes du ministère de l'Éducation basées sur les chiffres de 1996-1997, nous étions en manque de 12 000 m² net. Nos prévisions de croissance pour les prochaines années: on va être en manque de 20 000 m² net en 2002, si rien n'est fait. À ce jour, nous n'avons aucune réponse officielle de la part du ministre par rapport aux demandes sur lesquelles nous sommes en discussion.

Question de financement gouvernemental. Nous avons déposé au ministre un document qu'on vous distribue aussi, qui s'appelle Le développement de l'École polytechnique de Montréal: un agent de changement technologique , où on propose différentes pistes pour revoir de fond en comble le financement universitaire. Nous sommes partie prenante de financement ciblé, à condition évidemment que ça n'amène pas de lourdeurs administratives et de coûts indus au système et que ça permette de se faire en concertation avec les différents groupes et différents milieux.

Nous sommes aussi partisans d'un meilleur financement de la formation en génie. C'est un secteur en pleine croissance. Présentement, le taux de croissance du financement est de l'ordre de 58 % pour les nouvelles clientèles. Dans ces secteurs-là, c'est totalement irréaliste. On justifie des demandes de l'ordre de 118 % pour les nouvelles clientèles dans ce document. Même chose, on veut un financement proactif axé non pas sur les clientèles antérieures, mais sur des clientèles en prévision, quitte à corriger par la suite de façon à appareiller produits et charges.

La question des droits de scolarité. On respecte ce que le gouvernement prend comme engagement. S'il décide de maintenir les frais de scolarité gelés, on est d'accord. Mais il y a un choix social à assumer et il faut compenser pour ces manques qui nous surviennent.

La question des études supérieures. On en parlait tout à l'heure, j'ai des propositions à faire là-dessus. On finance présentement quatre trimestres à la maîtrise, huit au doctorat. À Polytechnique, ça prend 7,6 trimestres à la maîtrise et 11,9 au doctorat, et ça correspond, dans plusieurs cas, aux normes américaines en génie. Les étudiants passent de longues périodes à profiter des ressources de l'École sans qu'aucun financement ne nous soit consenti. Dans un contexte où on veut que les fruits de la recherche universitaire soient commercialisés, une période d'incubation est essentielle à la production d'innovations accomplies dans le domaine de l'avant-garde. Et, si on veut que nos étudiants y participent, il faut augmenter le financement aux grades supérieurs.

Au chapitre de la recherche, même chose. Les frais indirects de la recherche, dans une étude qu'on a réalisée en 1995, ces coûts-là, chez nous, c'est 60 %, et le gouvernement en finance 15 %. On propose qu'on atteigne au moins un objectif de l'ordre de 40 %, ce qui nous aiderait à passer à travers certaines crises.

Financement autonome et privé. Polytechnique est un modèle, je pense, au niveau québécois. On vient de terminer une campagne de financement du 125e où on a atteint notre objectif de 10 000 000 $. Notre fondation a déjà un montant de 10 000 000 $ aussi en caisse. Évidemment, c'est souvent des montants qui sont ciblés qu'on ne peut utiliser. Ce sont les revenus d'intérêt, et on les utilise en majorité ou en grande partie pour des bourses aux étudiants ou pour supporter des activités ou des projets étudiants, et les projets de recherche, bien entendu.

(16 h 20)

Une autre primeur de Polytechnique, c'est au chapitre du financement autonome. On a été le premier établissement universitaire à mettre sur pied une corporation de valorisation de la recherche, Polyvalor, qui présente aujourd'hui un modèle à suivre pour les autres universités. Depuis sa fondation, ce holding a permis la création d'une douzaine d'entreprises nées de nos activités de recherche, un cas unique dans les universités du Québec. Outre que ces entreprises ont créé 60 emplois de haute technologie, la valeur des actions du portefeuille de Polyvalor dépasse maintenant 35 000 000 $. Évidemment, ce sont des valeurs sur papier, et l'École ne pourra pas profiter des fruits de ces investissements avant quelques années.

Congé de cotisation. On poursuit les efforts en ce sens avec nos différents groupes de personnels. On reste optimiste, mais on n'a pas encore convenu d'un accord. On souhaite que ce congé de cotisation nous permette d'établir, de consacrer un développement à long terme dans notre établissement, soutenir la réussite de nos étudiants, l'essor de notre corps professoral et la formation et le perfectionnement de notre personnel.

Équilibre budgétaire. Comme plan d'équilibre budgétaire à Polytechnique, bien c'est assez simple, Polytechnique a un budget équilibré d'année en année, n'a pas de déficit d'accumulé. C'est une de nos politiques de gestion. Le prix de cette gestion fut énorme, on vous l'a dit. Grève, taux d'épuisement professionnel à la hausse, relations de travail ardues, locaux et équipements vétustes sont au nombre des séquelles des années de compressions que nous venons de traverser.

Je réitère ma position à cet égard. Le personnel a consenti un effort énorme, nos professeurs ont accepté des sacrifices souvent difficiles, et nous avons réalisé des prouesses en rationalisation. Et je peux vous affirmer que nos étudiants nous rappellent quotidiennement que cette situation a des limites et que cette limite-là, nous l'avons atteinte.

On parle de réinvestir de l'ordre de 600 000 000 $ dans le réseau universitaire. On est parfaitement d'accord et on peut vous dire qu'on est très bien positionné pour en faire une très bonne utilisation. Et on suggère et on croit fortement que l'État devrait réinvestir une partie de cet argent-là à la juste valeur des établissements qui ont exercé une gestion rigoureuse dans les fonds publics et redistribuer une partie de ces fonds-là selon les mêmes critères qu'il a appliqués au moyen des compressions. Il n'est pas question que ceux qui ont géré de façon très saine et efficace soient pénalisés. Au contraire, on souhaiterait même que le ministère récompense ceux qui ont eu une gestion saine.

Au niveau de la recherche, les relations université-entreprise, à Polytechnique, c'est le mot d'ordre. On a un budget de recherche de l'ordre de 30 000 000 $, dont 45 % proviennent de contrats et de partenariats avec l'industrie. Polytechnique se démarque aussi en termes du nombre de ses chaires. On a 14, bientôt 15, chaires qui ont été reconnues, dont 11 sont reconnues par la CRSNG. On est en tête des classements au Canada quant au nombre de chaires. On est un modèle de collaboration, je pense, université-entreprise. Par contre, on a des problèmes de plus en plus pour loger nos équipes de chercheurs et d'étudiants et augmenter le volume de nos recherches et de nos activités.

Financement de la recherche. Comme je viens de le décrire, le financement passe logiquement par le secteur privé. On parle, là, de 270 ententes contractuelles avec l'industrie, dont 90 de ces industries-là sont des PME, et une trentaine d'ententes avec le gouvernement. Toujours à propos de la recherche, nous sommes très actifs et très avant-gardistes. Nous avons eu un temps de réponse très rapide à la FCI, la Fondation canadienne de l'innovation. L'année dernière, nous sommes allés chercher près de 24 000 000 $, un taux de succès de 90 %. Quelque chose d'inégalé encore au Québec et au Canada.

Orientation de la recherche en fonction des besoins de la société. Bien, je pense, là, que c'est un petit paragraphe que j'aime lire et je vais prendre le temps de le dire. Un tableau assez rapide du type de travaux qu'on fait présentement, travaux avant-gardistes à Polytechnique. Une de nos équipes travaille à la création d'une des pompes cardiaques les plus avancées au monde. Une autre équipe travaille à rendre la vue aux non-voyants grâce à un oeil électronique. On étudie dans les domaines de pointe comme le génie tissulaire, notamment pour régénérer les cartilages humains. Notre groupe de recherche en génie sismique redéfinit les normes de construction des immeubles pour assurer une meilleure résistance aux tremblements de terre. Notre Chaire en traitement des eaux potables représente une autorité mondialement reconnue dans le domaine. Notre groupe en recherche en assainissement des sites contaminés est la plus importante Chaire industrielle en environnement au Canada. Un de nos professeurs a remporté le prix Urgel-Archambault de l'ACFAS pour ses récents travaux en télécommunications. Nous sommes présents en nanotechnologie, une autorité reconnue en génie nucléaire, etc.

Je pourrais vous entretenir pendant des heures là-dessus. Je vous invite à venir visiter Polytechnique plutôt. Vous allez voir à la fois l'avant-gardisme et le caractère hautement innovateur de nos travaux et constater la vétusté et l'exiguïté de nos locaux.

Le regroupement des instituts de recherche et le fédéral. Les programmes fédéraux de financement de recherche encouragent fortement le regroupement. À Polytechnique, on y travaille énormément, évidemment avec nos premiers partenaires, l'Université de Montréal et les HEC, mais on travaille aussi de façon globale, de façon à maximiser la part du Québec des fonds fédéraux.

Rationalisation de nos programmes d'études. Comme je vous l'ai dit, on a fait un effort énorme de rationalisation pour faire face aux coupures budgétaires. Par exemple, l'enseignement commun dispensé à tous les élèves ingénieurs sans égard à leur spécialité représentait autrefois le tiers de la formation; aujourd'hui, c'est 50 % et on a éliminé énormément de dédoublements de cours. Évidemment, tous nos programmes sont remis à jour de façon régulière, d'une part, parce que le Bureau canadien d'accréditation nous force à maintenir continuellement ces choses-là et, d'autre part, parce que la force de nos travaux et l'avant-gardisme de nos professeurs, de nos travaux de recherche nous y amènent automatiquement.

Par contre, il ne faut pas se leurrer, on ne peut pas rien que réduire. En génie, la demande est là, il faut augmenter le nombre de professeurs, il faut augmenter les programmes. Il y a des nouveaux programmes en génie logiciel, en génie aérospatial sur lesquels on travaille, et bien d'autres. Donc, on ne peut pas avoir qu'une vision réductionniste.

Et on a fait des coups spéciaux aussi, des bons coups, comme on appelle. Par exemple, on a sauvé l'enseignement du génie des mines à Montréal en travaillant conjointement avec l'Université McGill et l'industrie pour sauver un nouveau programme bilingue dans le domaine, qui permet de minimiser les coûts et de maintenir le programme. Notre Maîtrise en génie aérospatial, six universités et cinq entreprises ont collaboré à la création du programme. Polytechnique s'est vu confier cette année l'implantation du volet environnement virtuel, l'une des formations les plus avant-gardistes dans le monde de l'aéronautique.

Au niveau de la reconnaissance des acquis, on a fait l'étude des 37 programmes techniques au niveau collégial et nous les avons mis en relation avec nos 10 programmes de génie de façon à faire des passerelles. Un exemple. L'analyse a permis une reconnaissance des acquis pouvant aller jusqu'à 19 crédits, soit neuf cours dans le cas du programme collégial d'exploitation versus notre programme de génie des mines. Il y a d'autres exemples dans le texte que je vous ai donné, mais le temps ne me permet pas de les détailler.

Donc, l'évaluation de nos programmes. Effectivement, la CREPUQ les passe au crible, le BCA les passe au crible, mais on a d'autres indices encore plus forts qui nous certifient que nos programmes sont très bons. Et l'exemple que je me permets de citer, c'est la comparaison avec les Grandes Écoles françaises. Je me permets de faire une petite parenthèse sur le système français, ici. Le système français est fortement hiérarchisé, et tous les étudiants doivent passer un concours national avant d'être admis dans une école. Les meilleurs candidats sont admis au sein des Grandes Écoles, et la plus prestigieuse de ces écoles-là, c'est l'X, l'École Polytechnique de Paris, qui n'accepte que les tout premiers finalistes du concours national. À la suite de leurs études, les étudiants doivent compléter une formation dans une école d'application française ou étrangère. Eh bien, Polytechnique de Montréal est la seule au Canada qui est reconnue par l'X pour envoyer ses étudiants, et nos étudiants peuvent aller étudier à l'X. On a des ententes similaires de double diplomation avec d'autres Grandes Écoles de Paris et de Toulouse, telles que Supélec, Ponts et chaussées, Télécom, SUPAERO.

On a un grand souci d'encadrement de nos étudiants et on veut aussi s'assurer qu'ils ont l'occasion de se réaliser dans d'autres activités, différentes activités allant du théâtre, du journalisme aux compétitions techniques. Et on a, à cet égard, des distinctions spécifiques sur les diplômes: la mention d'excellence du directeur général qui récompense l'excellence académique, le Profil DeVinci qui souligne à la fois l'excellence académique et les réalisations professionnelles et personnelles ainsi que les lauréats Action-Poly qui saluent l'engagement de Polytechnique envers la vie de l'École.

Question d'étudiants étrangers chez nous, c'est environ 15 % au premier cycle, 50 % aux cycles supérieurs, provenant en grande partie de la France et de l'Afrique du Nord.

Technologie Internet: 400 de nos 800 cours sont accessibles sur Internet. Les étudiants peuvent – j'achève, j'arrive en conclusion – trouver leurs plans de cours, récupérer leurs notes, exercices, faire des laboratoires, consulter le professeur. Et on vise 100 % d'ici la fin de l'année. Pour ça, nous avons mis sur pied pour nos professeurs un programme de soutien pédagogique, et les résultats sont fort positifs. Nous comptons sur l'évolution de ce média et le potentiel qu'il nous apporte pour améliorer l'efficacité de nos services.

Conclusion. Bien, j'espère avoir brossé un tableau bref mais réaliste de notre établissement et vous avoir fourni un éclairage utile à propos des thèmes que vous souhaitiez que nous abordions. Je me ferai un plaisir d'y répondre en plus de détails dans vos questions.

J'aimerais en terminant insister sur quelques points. D'abord, l'École polytechnique a mis 127 ans à bâtir sa réputation et son expertise. Elle soutient vigoureusement aujourd'hui l'industrie de pointe et le développement du domaine scientifique et technologique au Québec. La crédibilité qu'elle a su construire au cours des années lui permet d'obtenir pour le Québec plus que sa part des fonds disponibles pour la recherche. Et, je le répète, l'École polytechnique de Montréal constitue l'outil par excellence du développement de notre société dans un monde où le succès des nations prospères repose sur l'efficacité et l'innovation technologique.

(16 h 30)

Je tiens à porter à nouveau à votre attention nos besoins criants en espace et nos besoins en financement direct et indirect. On se développe à un rythme accéléré pour répondre aux besoins de la société, mais nos vieux immeubles vétustes et étroits ne répondent plus à la réalité de l'enseignement et de la recherche en génie, nos ressources sont insuffisantes et elles contrastent avec le niveau d'excellence de nos professeurs et de nos étudiants.

Il est fort rentable de construire et de bâtir à Polytechnique. Les organismes subventionnaires et l'entreprise privée l'ont bien compris. Nos performances le démontrent de façon éloquente. Et ces succès, nous les devons à l'excellence de nos professeurs, au travail de tout notre personnel, cadre et de soutien, à l'engagement de nos étudiants et de nos étudiantes ainsi qu'à l'attachement de nos diplômés envers leur institution.

Nous sommes à l'aube d'une ère nouvelle de croissance. Déjà, nous avons déposé cette année plus de 50 000 000 $ de demandes à la FCI et nous obtiendrons probablement 27 chaires dans le programme des chaires du millénaire. Nous sommes en excellente position pour continuer à assumer pour le Québec un leadership international en sciences et en technologie. Nous souhaitons que l'État saura soutenir et encourager sa grande école d'ingénierie. À cet égard, un financement des universités ciblé et stratégique, basé sur des indicateurs de rendement rigoureux, nous apparaît la voie à suivre pour propulser le Québec à la tête des sociétés créatives, prospères et épanouies. Merci.

Le Président (M. Labbé): Merci beaucoup, M. Plamondon. Vous avez brossé un excellent tableau de l'École polytechnique. Je vous en félicite. Alors, sans plus tarder, je vais céder maintenant la parole au député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Merci, M. le Président. M. Gourdeau, M. Plamondon, Mme Demers et Mme Yacout, bienvenue et merci de votre présentation, une présentation, je dirais, rapide mais complète de l'ensemble des éléments effectivement qu'on avait demandés, en plus des plans et des chiffres qui sont reliés habituellement à la commission parlementaire.

Il y a plusieurs points sur lesquels j'aimerais revenir, mais, d'abord, la première chose qui m'a frappé, c'est quand vous parliez de vos manques d'espace. Vous parliez de 20 000 m² qui vous manquent d'ici 2002. Et vous avez quand même un certain nombre de recommandations très précises sur la façon dont le refinancement doit se faire. J'aimerais savoir la façon dont le refinancement s'est fait l'an dernier. Avec 170 000 000 $ pour couvrir la dette, j'imagine que, chez vous, vous n'avez pas eu beaucoup d'argent avec cette façon de fonctionner. Et, pour les années qui viennent, il est clair qu'il y a des besoins au niveau, je dirais, du fonctionnement comme tel, mais des besoins extrêmement importants aussi au niveau des immobilisations. Est-ce que vous avez déjà quelques signaux? Est-ce que vous avez une idée de ce qui est le plus urgent, de la façon de le faire aussi, dans le réinvestissement gouvernemental qui pourrait s'en venir au prochain budget?

M. Plamondon (Réjean): Allons-y avec l'année dernière. L'année dernière, le réinvestissement de 170 000 000 $ s'est fait de façon, je dirais, intelligente. On a eu 3 % de coupures, on a eu 3 % du budget. Mais je dois vous dire que, structurellement, l'École polytechnique a un déficit de 2 500 000 $. À chaque année, quand on fait le budget, il y a 2 500 000 $ qu'on n'est pas capable de trouver. Et on se bat un peu avec le C.A. en promettant qu'on va balancer d'ici la fin de l'année, mais on espère qu'il arrivera des bonnes nouvelles. L'année dernière, donc, le 5 100 000 $ qui nous a été accordé a permis de boucler, de combler ce déficit-là et de combler les problèmes qu'on avait, d'expansion, parce qu'on était sur le point de fermer la bibliothèque.

Donc, cette année, quand je dis qu'on va équilibrer notre budget, ça veut dire qu'au prochain C.A., du 16 mars, si je n'ai pas eu le signe avant-coureur, il y a toute une liste de mesures qui vont être prises en compte dont, entre autres, d'arrêter les achats de livres, de fermer un paquet de services, de fermer l'École le soir, parce qu'on n'arrivera pas. Donc, c'est très, très tragique. On a des besoins urgents. Mais on va coûte que coûte balancer nos budgets à ce niveau-là. Par contre, je pense qu'il y a des messages suite au Sommet de la jeunesse qui nous laissent sous-entendre qu'il y aura des argents et de l'argent frais bientôt. Donc, je pense qu'on devrait... On compte sur des bonnes nouvelles à ce sujet-là.

Revenons au point de vue espace. L'édifice actuel de l'École polytechnique est de l'ordre de 90 000 m², et, en plus, on utilise des espaces sur cinq autres sites. Donc, l'École est totalement divisée, répartie sur plusieurs sites. Selon les données des clientèles étudiantes de 1996-1997, le ministère nous reconnaissait un manque de 12 000 m² net. La proposition qu'on a faite au ministre dans son projet de doubler le pipeline dans les hautes technologies en génie et de maintenir, à l'entrée, de l'ordre de 1 000 étudiants équivalents temps complet, ceci nous ramène avec un manque à gagner à ce moment-là, en 2002, de 20 000 m² net.

On a eu des propositions qui ont été mises sur la table. Notre premier choix, évidemment c'est de bâtir, à côté de l'édifice principal, un second édifice qui nous permettrait de tout rassembler les forces de Polytechnique. Cette solution-là n'est pas retenue présentement par le ministère. On propose d'autres solutions alternatives. On en a entendu parler, mais je n'ai pas de lettre officielle, on parle de nous recréer dans un autre site avec un peu d'argent pour réaménager, et évidemment un budget tout de même assez important qui permettrait au moins de rénover une partie de l'édifice principal.

Pour ce qui est des besoins globaux, si vous regardez dans notre document remis au ministre, quand on se compare à Worcester, quand on se compare à Toronto, etc., Polytechnique est en manque de 32 000 000 $ récurrents pour être capable de compétitionner sur la même base avec eux. Nous, on dit: Polytechnique va toujours chercher d'elle-même 25 % du budget, donc le 8 000 000 $, on peut s'en occuper, mais le 24 000 000 $ nous serait essentiel pour vraiment maintenir et sortir le Québec au niveau ingénierie, pour s'enligner sur Toronto, sur UBC, sur Worcester, sur Rensselaer, etc., et c'est ça, nos objectifs, présentement.

Est-ce que je réponds assez à votre question?

M. Béchard: Oui, oui, oui.

M. Plamondon (Réjean): Parce qu'il y avait plusieurs volets. Je ne sais pas si... Je n'ai rien oublié?

M. Béchard: Je vais revenir sur le 24 000 000 $. Je regardais la façon dont c'est présenté justement dans votre document et je ne sais pas si... Je regarde au niveau de l'amélioration de la qualité des services administratifs et de soutien, c'est 5 200 000 $. Ça m'a un peu surpris de voir ça, parce que je me dis... C'est un poste qui est important, mais de voir un tel montant prévu à ce niveau-là, je me demandais: Est-ce qu'il y a une raison particulière? Et pourquoi c'est ce poste-là, je vous dirais, qui l'emporte sur les autres postes que vous identifiez?

M. Plamondon (Réjean): Non, le poste qui l'emporte vraiment, c'est le renouvellement du corps professoral, avec près de 9 000 000 $. O.K.? Ensuite, il y a 6 000 000 $ d'équipement et de mise à jour, parce qu'on travaille avec des... On n'a même pas de logiciel pour gérer nos locaux et inscriptions, donc on fait l'agencement des 800 cours à la main, sur des tableaux. Donc, il y a des besoins énormes là-dedans. Il y a 4 000 000 $ effectivement au niveau de personnel administratif et de soutien, mais il faut voir que ce personnel administratif et de soutien là, une grande partie est à la Direction des études et une partie à la Direction de la recherche, et au placement, et aux stages. Et tous les autres sont au niveau de nos départements. Donc, c'est toujours en apport et en appui direct à notre mission enseignement et recherche.

M. Béchard: O.K. Aussi, un autre point, sur le financement. Vous indiquez dans votre document, sur la reconnaissance comme telle des trimestres, qu'il y a un problème majeur dans le financement comme tel et la reconnaissance du nombre de trimestres que le ministère a comparativement à ce qui chez vous, au niveau de la maîtrise et du doctorat, correspond davantage aux normes nord-américaines. Est-ce qu'il y a un processus de négociations sur l'ajustement de ce financement-là ou, de façon spécifique, avec Polytechnique, entre Polytechnique et le gouvernement, vous attendez un renouvellement des bases de financement ou quoi que ce soit d'autre?

M. Plamondon (Réjean): Bien, c'est une des recommandations qu'on a faites au ministre en disant: Il faudrait revoir ça. J'en ai parlé aussi au ministre Rochon, parce que ça relève aussi de lui, et il était très intéressé de nous entendre.

Il faut comprendre la situation. Les études supérieures sont de plus en plus longues, et ce n'est pas par manque d'encadrement nécessairement, c'est parce qu'on exige souvent beaucoup ou que l'étudiant lui-même est sur le point... Si on fait une découverte puis on veut la commercialiser, on ne le fait pas dans les normes standards du quatre ou cinq trimestres. Et c'est dans ce sens-là que je me dis: Si on veut vraiment maximiser nos chances de découverte et de commercialisation de ces découvertes-là au Québec, il faudrait en payer le prix, et encourager nos étudiants à vraiment pousser à fond, et mieux les financer, et évidemment financer l'institution qui les supporte de façon à maximiser ces chances-là. Parce qu'une découverte importante, une création d'une pépinière technologique crée des emplois en haute technologie dans notre environnement, et on conserve nos cerveaux.

M. Béchard: Absolument. Justement sur le fait de conserver les cerveaux, vous mentionnez aussi la capacité d'attraction et de rétention de vos professeurs. Vous le dites de façon très claire, vos principaux compétiteurs ne seront pas nécessairement d'autres institutions d'enseignement, mais des entreprises privées. Au-delà du moyen, du salaire comme tel, qu'est-ce qui peut être fait pour vous placer dans une certaine position de meilleure concurrence avec l'entreprise privée? Qu'est-ce qu'il peut y avoir d'autre, d'attraction que vous pouvez penser mettre en place pour vos professeurs pour les garder?

M. Plamondon (Réjean): Écoutez, nos professeurs, ceux qui veulent vraiment faire carrière dans une université sont des gens, donc, qui veulent développer une réputation internationale en recherche et aussi être de bons pédagogues. Donc, il faut leur offrir des perspectives à long terme. Le contexte, par exemple, des chaires du millénaire, où on peut offrir ou permettre à des gens de planifier dans les environnements de recherche superspécialisés, de développer et d'être à la fine pointe de l'avant-garde, permet de compenser certaines choses. Il y a eu des professeurs chez nous qui se sont fait offrir des offres très, très alléchantes aux États-Unis; certains ont quitté et d'autres justement sont titulaires de chaires qui gèrent 5 000 000 $ ou 8 000 000 $, avec des équipes énormes. Donc, si on est capable de bâtir des infrastructures autour de ces leaders-là, ils vont rester chez nous. Si on ne leur offre pas de moyens puis qu'à côté on leur dit: On double ton salaire, on t'offre 1 000 000 $ en subvention, etc., qu'est-ce que tu fais? et viens donc subir les hivers rigoureux de San Diego, on est peu compétitif.

(16 h 40)

M. Béchard: Étant donné qu'on ne peut rien faire sur l'hiver, on va travailler sur les autres points. Ha, ha, ha!

M. Plamondon (Réjean): Non, mais on peut au moins jouer sur les ressources. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Labbé): Même si le gouvernement ne peut pas rien faire.

M. Plamondon (Réjean): Non, là-dessus, c'était une blague.

M. Béchard: En plus, on va continuer à prendre des notes.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Béchard: Un des éléments, moi, qui m'a frappé aussi à la lecture de vos documents que vous nous aviez envoyés est au niveau de l'évaluation que vous avez faite lors de vos états généraux. Une des recommandations était... Il est mentionné: «Bien que plusieurs projets aient une portée théorique tout en touchant aux réalités du monde industriel, il a été suggéré d'en élargir le cadre en leur donnant une visée sociale.» Et je me demandais comment cela se traduit dans la formation comme telle de vos étudiants, cette volonté-là, en plus de former des gens dans un domaine très précis, particulier, de vous attarder un peu à la personne, à l'individu, et quels sont les moyens qui vont être mis en place pour ça, pour justement donner une visée plus sociale à ce qui se passe.

M. Plamondon (Réjean): Bien, Polytechnique a toujours eu comme souci de former des têtes bien faites plutôt que des têtes pleines. Nos ingénieurs sont des gens ouverts. Si vous regardez, ils touchent à tous les domaines, tous les secteurs d'activité, on en retrouve partout. On en a dans les banques, on en a dans les hôpitaux, etc. Il y en a dans tous les domaines. Et on continue cette notion-là, premièrement par la vie étudiante qu'on crée à l'intérieur de Polytechnique, le climat qu'il y a chez nos étudiants, le nombre d'activités. Vendredi soir dernier, j'étais à une pièce de théâtre montée de toutes pièces par une équipe, une troupe de théâtre de Polytechnique qui va en Europe à chaque année compétitionner, etc. Donc, on a un souci d'élargir très tôt les horizons de nos étudiants. On offre nous-mêmes nos cours en sciences humaines et sciences sociales, ce qui nous permet aussi d'en avoir un contrôle au niveau des contenus qui nous permettent d'orienter et d'ouvrir nos étudiants à ce titre.

On a une chaire sur la promotion des femmes en ingénierie, donc pour attirer le plus possible de femmes. Et les femmes, on le sait, sont intéressées dans la carrière d'ingénierie par l'impact social que la carrière offre, ce qui nous force nous-mêmes à réfléchir et à toujours être aux aguets. Et, si vous regardez dans nos plans d'action – on n'a pas tout résolu ce qu'on annonce là-dessus – il y a plusieurs endroits où on veut justement colorer nos programmes un peu plus, éventuellement même avoir des stages qualifiés à caractère plus socioéconomique et qui seraient reconnus comme crédits. Il y a différentes avenues comme ça de collaboration qu'on envisage, mais ça fait partie de nos soucis et de nos préoccupations. On ne veut pas avoir des gens purement axés sur la pure et simple technique. Cette technique-là ne prend sa valeur que par l'impact qu'elle a dans la société globalement, et on conscientise nos gens très, très tôt dans ce sens-là.

M. Béchard: Un autre point sur lequel je vais vous amener est sur celui d'échanges et d'ententes avec d'autres institutions d'enseignement ailleurs dans le monde, entre autres au niveau de la double diplomation. Moi, je suis toujours surpris de voir à quel point ce domaine-là de la double diplomation est si peu développé au Québec. Je voulais profiter de votre présence pour voir un peu quelles sont les entraves à cette double diplomation. Il y a énormément d'avantages, mais quelles sont les entraves? Et pourquoi ça ne va pas plus vite et que ça ne va pas plus loin? Est-ce que c'est parce que ça demande trop d'ajustements dans le cadre des programmes de formation qui, dans bien des cas, de toute façon, doivent se référer à des critères internationaux pour être reconnus? Est-ce qu'il y a des problèmes majeurs que vous rencontrez là-dedans?

M. Plamondon (Réjean): O.K. Bon, moi, je peux vous dire que, déjà, à Polytechnique, on a près de 115 ententes avec des universités partout dans le monde pour des équivalences de programmes, qui ne conduisent pas toutes à la double diplomation.

M. Béchard: C'est ça.

M. Plamondon (Réjean): Mais, sur nos 1 200 étudiants qui entrent depuis deux, trois ans à Polytechnique, il y en a 200 qui viennent de l'étranger pour une année – O.K.? – et leur année leur est reconnue à Polytechnique versus l'institution d'où ils viennent. Et nos étudiants font de même. Dans des cas extrêmes, les Grandes Écoles entre autres, là on pousse l'entente jusqu'à deux années d'équivalence, et là les institutions donnent le double diplôme. Donc, il faut trouver des équivalences sur deux ans et reconnaître les programmes comme étant vraiment équivalents. Ce n'est pas rien que de dire: Bien, vous venez à Poly deux ans et vous retournez. Si les cours qu'ils suivent à Poly, les cours qu'on offre, ne sont pas les mêmes que Supélec, etc., il faut soit modifier nos programmes, ce qui prend un certain temps, ou soit trouver des travaux pratiques dirigés, etc., et donc trouver les gens qui pourraient les diriger pendant ces périodes-là.

Donc, ce n'est pas aussi automatique qu'on le pense, parce que chaque institution aussi a ses normes, ses respects, et on ne changera pas nos propres programmes qu'on considère très bons parce qu'il faudrait les adapter de deux nouveaux cours pour une institution, puis, comme il y en a 115, à un moment donné on va tellement créer de nouveaux cours qu'on va se disperser. Donc, c'est toujours de la négociation. Et Mme la directrice des études peut continuer là-dessus, mais il y a des personnes, dans sa direction, qui s'occupent spécifiquement de ces programmes d'équivalence là, ensuite de l'accueil, suivi, intégration des étudiants dans nos normes.

Mais le bilan qu'on en fait, c'est que c'est très, très formateur, d'une part, d'avoir ces gens-là chez nous, qui retournent comme ambassadeurs ensuite dans leur pays parler de Polytechnique, et nos étudiants qui nous reviennent dans des institutions de haut calibre pour nous dire que nos programmes, ils performent très bien là-bas. Donc, ça nous donne une balise, des comparaisons entre les institutions pour voir où se situe le calibre de nos programmes. Et il y a aussi, à l'extrême, des ententes qu'on ne veut pas signer avec certaines institutions en disant: Ce n'est pas vraiment du tout le même calibre. Ces étudiants-là ne réussiront pas chez nous, ça ne serait pas honnête de les inscrire. Veux-tu compléter?

M. Béchard: Je ne sais pas si vous aviez quelque chose à ajouter.

Mme Yacout (Soumaya): Non, simplement peut-être répéter un peu ce que M. Plamondon a dit, le fait que, pour faire réussir un programme d'échanges ou double diplomation, ça prend beaucoup, beaucoup de temps et ça prend beaucoup de travail parce qu'il y a beaucoup de détails. Juste pour vous donner un exemple d'un petit détail, le système en Europe ne marche pas avec le même système, les trimestres ne commencent pas en même temps et ça ne se termine pas en même temps comme au Canada. Donc, on doit prendre en considération ces différences pour pouvoir accueillir les étudiants, surtout si ce sont des étudiants qui vont venir dans des programmes coopératifs ou des programmes de stages. Et ce qu'on fait à l'École polytechnique, on les encadre très bien, les étudiants, et parfois on les traite cas par cas pour savoir quelle est leur demande et être capable de les accommoder.

M. Béchard: Un dernier point avant de passer la parole à mes collègues d'en face. Vous avez parlé de la reconnaissance des acquis, et je voulais voir, à ce niveau-là... Parce qu'on parle beaucoup ces temps-ci des passerelles entre les cégeps et les universités. Mais, au niveau de vos programmes comme tels, quelles sont les principales améliorations qu'il y aurait à faire, autant dans les programmes au niveau collégial qu'universitaire, pour faciliter encore plus ces passerelles-là?

On entendait ce matin l'École de technologie supérieure qui nous disait que, eux, ils acceptent seulement des étudiants qui ont fini leur technique comme telle. Est-ce qu'il y a des points, des failles à ajuster? Au niveau de la reconnaissance des acquis comme telle, est-ce qu'il y a encore beaucoup de travail à faire pour arriver vraiment à un système où les passerelles sont les plus efficaces possible pour les étudiants et permettre aux étudiants justement de perdre le moins de temps possible dans la reprise de certains cours qui ne correspondent plus ou qui n'ont plus la même valeur?

M. Plamondon (Réjean): Je vais élaborer un peu des éléments de la réponse et peut-être que Mme Yacout pourra compléter encore une fois.

Nous, évidemment, on maintient et on a un grand intérêt à maintenir la qualité, la haute qualité et le standard de nos propres programmes. Donc, le maintien des acquis, ça va, mais pas pour sacrifier nos propres programmes. On veut faciliter l'intégration, c'est clair, et c'est ce qu'on a fait au niveau des diplômes techniques, comme je vous disais, où là on peut reconnaître jusqu'à neuf cours, alors qu'auparavant on ne le faisait pas. Même, les gens des études collégiales de filière technique, il leur était impossible, avant, d'entrer à Polytechnique. Maintenant, les portes sont grandes ouvertes, il y a possibilité de le faire.

Au niveau des sciences pures, notre clientèle traditionnelle, on envisage des possibilités de reconnaître une partie de la formation mathématique, entre autres, mais il y a une limite à ce qu'on peut faire. Et, d'autre part, il y a eu aussi une nécessité de répéter un peu certaines notions. Quand on passe du collégial à l'université, il y a tellement une différence dans la façon de travailler, la façon d'organiser son travail, qu'une répétition d'un certain nombre de notions n'est pas nécessairement nocive et peut contribuer largement au succès à long terme de l'étudiant.

Je ne sais pas si Mme Yacout veut compléter, techniquement.

(16 h 50)

Mme Yacout (Soumaya): Je crois que la difficulté majeure qui est rattachée à la reconnaissance des acquis, c'est qu'il faut regarder les objectifs finaux pour la formation à chaque étape, à l'étape collégiale et à l'étape de l'université. Ce qui se passe, c'est que l'objectif final: quelle sorte de formation on veut donner ou quelle est la formation avec laquelle on veut que les étudiants graduent, les diplômés graduent. Et les objectifs de leur formation, c'est différent à l'université du niveau collégial. Donc, ceci fait que, par exemple, si on prend des cours, comme des cours de mathématiques, peut-être, dans certains cas, les cours de mathématiques au niveau collégial, ce serait de donner ce qui est nécessaire pour arriver, après ça, à bâtir une certaine formation pratique, pour pouvoir utiliser les mathématiques dans une formation pratique, aller sur le marché du travail, tandis que, à l'université, peut-être que les mathématiques, ce sont des formations fondamentales qui doivent être vues beaucoup en profondeur parce que ça va bâtir pour non seulement avoir le baccalauréat, mais peut-être aussi maîtrise et doctorat.

Donc, ce qui arrive, c'est que, quand on veut faire les équivalences, c'est difficile de faire l'équivalence cours par cours. Parfois, il y a une certaine notion qui est vue au niveau collégial mais qui n'est pas vue assez en profondeur comme on souhaite l'avoir à l'université ou à l'École polytechnique. Si l'étudiant a vu 50 % ou 60 % d'une certaine matière, on ne peut pas lui considérer le 60 %, parce que soit on considère zéro ou on considère 100 %. Si on considère 100 %, il rentre à l'École polytechnique en ayant eu une équivalence pour un cours. Est-ce que c'est nécessaire, les conditions de réussite dans le cours suivant? Est-ce que, pour lui, ce serait juste de rentrer avec des étudiants qui ont vu le 100 % de la matière, tandis que, lui, il a vu 60 % seulement? Donc, c'est ce qui fait que les cas sont étudiés aussi très attentivement pour ne pas pénaliser les étudiants, ne pas simplement donner les crédits, et l'étudiant rentre et il ne peut pas suivre dans les cours suivants, et, en même temps, ne pas répéter une matière que l'étudiant a déjà vue au niveau collégial. Donc, c'est pour cela que la reconnaissance des acquis, c'est une question qui doit être étudiée en profondeur.

Le Président (M. Labbé): Merci beaucoup, madame, pour votre réponse. Malheureusement, le temps est déjà élastifié de beaucoup. Alors, je vais tout de suite céder, si vous permettez, la parole au député de Bertrand.

M. Cousineau: Merci, M. le Président. Mme Demers, Mme Yacout, M. Plamondon, M. Gourdeau, bonjour, bienvenue à cette commission de l'éducation. Dans un premier temps, je salue la longue tradition d'excellence de l'École polytechnique. Je pense que c'est un fleuron pour les Québécois, l'École polytechnique, et puis il faut le souligner.

Maintenant, étant donné qu'on regarde les rapports financiers, et puis c'est ce qu'on étudie ici, en commission, nous avons reçu une missive ce matin de la part de l'Association des professeurs de Polytechnique. Il semble que ce n'est pas le parfait bonheur présentement entre l'École polytechnique, la direction, et les professeurs. Et puis je pense que ça a été envoyé à tous les membres de la commission. J'aimerais quand même vous citer deux paragraphes puis j'aimerais avoir votre façon de voir les choses.

Ici, on inscrit: «Depuis plusieurs années, les états financiers de l'École polytechnique indiquent que la part du budget consacrée à l'administration prend une place grandissante à l'École, et ceci, au détriment de la part directement affectée à la mission de formation de l'École.» On donne à titre d'exemple, puis c'est là-dessus que j'aimerais que peut-être vous nous donniez votre version, M. le directeur: «Le pourcentage du budget total est passé de 33 % à 43 % en l'espace de 15 ans, pour atteindre un point culminant de 51 % en 1994-1995.» Puis on dit aussi dans ce texte-là que le ratio cadre-professeurs, il est de 0,27 cadre par professeur, alors que, dans les autres entités, sur le campus de l'Université de Montréal, on retrouve ce ratio-là à 0,17 aux HEC et à 0,15 à l'Université de Montréal. On nous envoie ça puis on nous demande de regarder ça attentivement.

Moi, je vous pose la question tout bonnement comme ça, sans arrière-pensée. J'aimerais ça avoir une précision sur des chiffres qui nous sont transmis par l'Association des professeurs de l'École polytechnique.

M. Plamondon (Réjean): Dans un premier temps, il faut en être conscient, j'en ai parlé tout à l'heure, nous sommes en négociation collective avec le corps professoral, un corps professoral qui a contribué, lors des coupures budgétaires, par des baisses de salaire de 4,5 % pendant les trois dernières années, et récurrentes. Donc, d'une part, il faut comprendre que ce n'est pas le bonheur parfait. Effectivement, quand on se fait couper son salaire pour passer à travers des crises, les gens ne sont pas très heureux. On essaie et on aimerait bien corriger une partie de cette situation-là dans les négociations actuelles qui vont tout de même bon train. Il y avait une menace de grève jusqu'à lundi dernier qui nous pesait sur la tête. Là, on nous a donné quelques semaines de répit pour, je pense, pouvoir arriver à s'entendre. Donc, c'est effectivement une situation très, très difficile et très tendue et c'est un des coûts qu'on a dû payer pour maintenir ces équilibres-là comparativement à d'autres institutions.

Les ratios que vous faites, il faut les mettre dans une perspective différente. Le ratio cadre-professeurs dépend aussi de la structure même de l'École, de son autonomie. Il nous faut nécessairement gérer nos propres bibliothèques, nos propres services informatiques, nos propres environnements. L'autonomie elle-même, vous le savez, a un prix. Il faut un peu plus de gens dans un certain nombre de postes, qu'on n'a pas à assumer ou à répartir sur une plus grande population lorsqu'on compare avec des institutions beaucoup plus vastes qui ont 30 000, 40 000 ou 50 000 étudiants.

L'autre point, la proportion des argents distribués, et là Mme Demers pourra me compléter un peu là-dessus, qu'on appelle argent purement administratif versus enseignement et recherche, bien ça dépend encore une fois de la structure même de l'École et comment sont divisés et restructurés les budgets. Par exemple, les relations internationales dans certaines institutions vont relever de la Direction des études et vont être comptabilisées, donc, dans l'enseignement. Chez nous, ça relève de la Direction générale et, donc, c'est comptabilisé au niveau de la haute direction. Même chose pour les services des communications, ça, c'est à la haute direction présentement. Dans certaines unités, c'est rattaché à d'autres endroits. La recherche, chez nous, on va prendre la recherche pédagogique qu'on met aux études des fois.

Donc, dépendamment de la structure même de l'École, si on regarde les données de façon très brute et globale avec deux petits ratios, ça peut nous faire mal paraître. Maintenant, si on regarde en détail comment et à quoi ça sert, moi, je peux vous dire qu'il y a un effort et un souci constants de s'assurer que la majorité des argents qui arrivent servent à la triple mission de l'École: enseignement, recherche et rayonnement. Si vous voulez plus de détails ou si Mme Demers veut compléter...

Mme Demers (Louise): Peut-être juste un point au niveau des dépenses de l'administration générale. Je n'ai pas les données avec moi, cette demande m'avait déjà été faite au niveau du conseil d'administration. Dans les deux dernières années, au niveau de l'administration générale, ça regroupait tout ce qui est registrariat. Il y avait eu des réaménagements majeurs au niveau du registrariat et il y avait aussi eu des dépenses exceptionnelles au niveau du régime de retraite qui, au lieu d'être réparties à travers tous les départements, avaient toutes été mises au niveau de l'administration générale. Alors, ça peut expliquer pourquoi les chiffres de l'administration pour les deux dernières années sont peut-être plus élevés que par les années antérieures.

M. Plamondon (Réjean): Par exemple, nos départs de préretraite coûtent environ 800 000 $ par année, et ce n'est pas réparti dans chacun des départements, etc., on met tout ça dans le budget de la direction, administration générale, de sorte que ceci, si on le répartissait, comme c'est des professeurs souvent qui quittent, etc., ça... C'est une manière comptable, mais qu'on est capable de défendre très, très bien.

M. Cousineau: D'accord. Moi, ça me contente comme réponse. On peut donc penser que, dans la ventilation du montant que vous allez recevoir ou que vous allez peut-être recevoir suite au budget, de refinancement, il pourrait y avoir une part de ce montant-là qui irait pour l'ajustement des salaires des professeurs.

M. Plamondon (Réjean): Bien, si vous regardez les ratios qu'on a proposés, il y a une partie dans le renouvellement et le rajeunissement de notre corps professoral. C'est clair qu'on va s'enligner, on veut travailler dans ce sens-là, mais on veut le faire aussi avec nos autres personnels. Moi, j'ai un grand souci. Si vous regardez dans nos états généraux, on veut une équité à travers les différents groupes, pas une égalité, mais une équité à travers les différents groupes, et on a sept syndicats à gérer. Donc, c'est un équilibre instable.

M. Cousineau: Je comprends que vous avez quand même un certain nombre de syndicats à gérer, mais, dans la ventilation, ça, c'est une priorité.

(17 heures)

M. Plamondon (Réjean): Bien oui. Écoutez, une université, et sans discréditer quiconque des autres groupes, c'est tout de même ses professeurs et ses étudiants au départ. Donc, on en tient compte et on a une volonté très claire et affirmée. Notre grand souhait dans la négociation en cours et qu'on a cru maintenir jusqu'en janvier, c'était d'aborder, comme avec tous les autres groupes, une négociation dite de type concerté, axée sur un contrat social, sur un partage d'informations pour trouver des solutions à des problèmes. On a réussi à s'entendre avec six de nos sept unités pour procéder de cette façon-là. Le corps professoral, jusqu'à l'automne et en fait jusqu'en décembre, fin décembre, a essayé de fonctionner là-dessus, puis, en janvier, ils ont dit: Non, on va ailleurs. Donc, on a dit: On va revenir au mode traditionnel de rapport de force. Et c'est pour ça qu'on fait ce genre de mémo. Mais je pense que fondamentalement les gens veulent qu'on s'entende. Et, nous, on veut s'entendre avec eux. On n'a pas intérêt à ralentir et détruire l'institution, et eux non plus.

M. Cousineau: Absolument, je comprends. Merci.

Le Président (M. Labbé): Merci, M. le député de Bertrand. Alors, sans plus tarder, je cède la parole maintenant au député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Merci, M. le Président. Est-ce qu'il me reste quelques...

Le Président (M. Labbé): Vous avez amplement de temps, mon cher monsieur. Il vous reste, pour être précis, 13 minutes.

M. Dion: Oh! Merci. Alors, je voudrais être sûr que j'ai bien compris, parce que je voudrais continuer dans la question de mon collègue. Je pense bien que ce que vous avez expliqué, c'est que la recherche, les budgets de recherche faisaient partie du budget d'administration, dans cette façon de calculer.

M. Plamondon (Réjean): Non, non.

M. Dion: Ce n'est pas ça que vous avez dit?

M. Plamondon (Réjean): Non, non.

M. Dion: Bon. O.K.

M. Plamondon (Réjean): J'ai dit que, dépendamment de la structure de notre École, par exemple – c'est très, très réduit comme structure administrative – il y a un directeur général, il y a un directeur fonctionnel qui est le directeur de la recherche, qui s'occupe en plus de toutes les ressources humaines, une directrice des études qui s'occupe en plus de toutes les affaires professorales. Dans toutes les autres universités, c'est au moins cinq directions. O.K.? Et, de par ce fait même, de cette organisation très réduite, par exemple, les relations internationales relèvent du directeur général, l'innovation pédagogique relève de la recherche. Il y a différentes structures comme ça. De sorte qu'il y a une infrastructure... Les services informatiques sont à la recherche, par exemple. Donc, quand vous comptabilisez, si vous faites des comparaisons de comptabilité, comme le disait Mme Demers, bien il faut voir qui fait quoi et à quoi servent les budgets en réalité par rapport à la mission. Je ne sais pas si je réponds à votre question ou si vous voulez être plus précis. Je vais demander à madame...

M. Dion: Je vais reprendre la question, peut-être.

M. Plamondon (Réjean): Oui.

M. Dion: Je lis.

M. Plamondon (Réjean): Oui.

M. Dion: «À titre d'exemple, le pourcentage du budget total, excluant les subventions et contrats de recherche consacrés à l'administration, est passé de 33 % à 43 % – on ne dit pas de quoi – sur une période de 15 ans, en passant par un sommet de 51 % en 1994-1995.» Est-ce que c'est 43 % du budget total de Polytechnique?

M. Plamondon (Réjean): Bien. O.K. Regardons pour mettre les chiffres. Actuellement, le budget total de Polytechnique, c'est de l'ordre de 80 000 000 $. De ce 80 000 000 $, il y a 30 000 000 $ qui viennent de la recherche. Ça, ce sont des subventions gérées, administrées par les professeurs. L'autre 50 000 000 $, les sources de ce 50 000 000 $, c'est en majorité la subvention de fonctionnement que le gouvernement nous donne, les frais de scolarité et aussi les frais indirects de la recherche. O.K.? Et, avec ceci, nous, on gère les trois volets de la mission: enseignement, recherche et rayonnement.

Donc, pour gérer 30 000 000 $ de budget de recherche actuellement, ça prend du monde. En plus des professeurs qui font de la recherche, il faut gérer... On parlait de 200 contrats. Ça prend des gens qui les négocient. Donc, c'est sûr que, sur 15 ans, quand on compte les gens qui sont attitrés à ceci et qui sont maintenant des cadres, ils ont augmenté. Même chose au niveau de nos ententes d'échanges étudiants. Elles ont crû, il faut pouvoir les gérer. Quand on reçoit 200 nouveaux étudiants, ça prend des gens, en plus des professeurs, pour accueillir, loger, savoir comment faire le suivi. Donc, c'est sûr qu'il y a eu une croissance à ce niveau-là. Et, au lieu que ces budgets-là soient répartis dans les départements, etc., et soient ciblés comme un argent qui serait directement utilisé à la mission, c'est utilisé au niveau de l'administration, très souvent, et ça nous fait paraître mal, si vous comprenez les résultats de cette façon-là. Mais, comme je vous dis, si on ramène les données comparatives... Je serais curieux de le faire, je n'ai pas fait l'exercice.

M. Dion: Donc, le 43 % dont on parle ici, ça serait le 43 % de plus ou moins 60 % du budget.

M. Plamondon (Réjean): Plus ou moins 50 000 000 $, oui. De 50 000 000 $. Oui.

M. Dion: O.K. Merci. Alors, c'est justement dans ce sens-là que je voulais vous poser une première question. C'est qu'évidemment une École polytechnique, c'est quelque chose de très important pour l'ensemble de l'économie. On sait que, dans notre système, on s'est longtemps plaint de ne pas donner assez d'importance à la dimension technique et technologique de la formation, ce qui a peut-être retardé l'industrialisation du Québec. Actuellement, on a la chance d'avoir rattrapé un certain retard, et je pense que c'est dû en partie, en bonne partie, à nos grandes écoles polytechniques, nos grandes écoles technologiques.

C'est sûr que vous avez un budget important, c'est quand même important, 30 000 000 $ sur 83 000 000 $, un budget de recherche; c'est très important, une proportion importante de votre budget. Nécessairement, s'il y a beaucoup de chercheurs, il y a beaucoup de trouveurs aussi, tôt ou tard. Ça se traduit par des brevets et des brevets qui ne demandent qu'à se transformer en produits. Alors, dans ce contexte-là, pourriez-vous me donner un ordre de grandeur des brevets, pas depuis 125 ans, mais enfin des brevets qui sortent de chez vous? J'aimerais connaître aussi, plus ou moins, l'ordre de grandeur de la proportion de ces brevets-là qui donnent lieu soit à des initiatives industrielles, des «spin-up», ou à des contrats particuliers, enfin le pourcentage de ces projets-là qui se traduisent en activité industrielle au Québec.

M. Plamondon (Réjean): Bon. C'est une bonne question. Je n'ai pas les chiffres exacts. Le nombre de brevets total, je ne le connais pas malheureusement. Le directeur de la recherche ne pouvait pas m'accompagner pour avoir une réponse plus précise, mais on pourrait vous la transmettre. Ce que je peux vous dire, c'est qu'on a une belle solution présentement. Polytechnique a fondé avec des investisseurs une société à capital de risque et d'investissement qui s'appelle Polyvalor. Donc, Polytechnique a mis tous ses brevets en partenariat avec le Fonds de la solidarité de la FTQ et on est à 50-50 dans une entreprise pour exploiter les brevets. Donc, tous nos brevets maintenant... Et ces brevets-là sont sujets d'entente avec le professeur qui évidemment est partenaire.

Donc, qu'est-ce qui se passe de façon typique? Un professeur fait une découverte avec ses étudiants ou sans étudiants, donc il se fait une découverte dans un de nos laboratoires, on dépose les brevets, souvent avec des partenaires industriels qui ont déjà été impliqués dans la découverte, et Polytechnique s'en va à Polyvalor en disant: Est-ce que ce brevet-là peut être commercialisable? Et là on entre dans une autre société qui est indépendante évidemment de la corporation de l'École et qui analyse, sur une base de rentabilité, le brevet en question. Le brevet peut être très intéressant au niveau innovation, au niveau potentiel de visibilité, mais actuellement, commercialement, malheureusement, voilà une bonne idée, mais le retour sur l'investissement n'est pas justifié. Donc ça demeure là.

Par contre, on a certains de nos brevets qui ont un potentiel énorme. Dans Polyvalor, on a huit industries dans le pipeline, il y en a même une trentaine, je crois, qui sont en préparation. Les deux récentes qui sont apparues sur NASDAQ il y a quelques mois ont fait des montées en flèche: une en télécommunications, une en biotechnologie. Donc, on a une belle façon d'exploiter et de créer dans la région de Montréal des nouvelles entreprises et de créer de l'emploi de haute technologie. Je ne sais pas si je réponds assez à votre question. On sait qu'il y a à peu près un dixième des compagnies qu'on lance dans ce genre de système là qui réussissent vraiment. C'est en gros le taux de succès qu'on escompte, bien que, nous, présentement, nos deux premières semblent être des très gros succès.

Peut-être que M. Gourdeau peut renchérir un peu là-dessus. Il a été dans l'instigation aussi, dans le développement de Polyvalor, et il va se faire un plaisir, je pense, de compléter.

M. Gourdeau (Jean-Paul): Polyvalor a été formée il y a deux ans et demi. La façon dont nous avons mis ça en place, c'est que nous avons utilisé le capital de risque. On est allé voir plusieurs groupes, puis enfin il y en a deux qui ont accepté, qui ont investi 5 000 000 $ sur cinq ans. Et puis, nous, notre contribution, c'était justement la capacité de développer une expertise, soit des brevets. Lorsque ça a été formé, ils ont regardé la possibilité des brevets qui pourraient être commercialisables. Il y en avait environ une cinquantaine, ça a été réduit à 32. Les 32 ont regardé ça d'assez près et puis il y en a 16 qui ont été initiés au début. On a dit: Bien, on va prendre ces 16 là puis on va essayer de voir si on est capable de les financer indépendamment.

Pour chacun de ces projets-là, c'est qu'il y a une petite équipe qui regarde où on pourrait trouver le financement de capital de risque pour les mettre en place. Alors, il s'agit simplement d'avoir un plan d'affaires, voir s'il y a quelqu'un qui est prêt à investir et puis le lancer. À date, moi, j'ai toujours pensé, quand on a parti ça, que ça prendrait de trois à cinq ans. Eh bien, voyez-vous, quand nous sommes partis, Polytechnique a mis zéro; aujourd'hui, le bilan est de l'ordre de 30 000 000 $. Mais il faut bien comprendre que c'est sur papier.

(17 h 10)

Si vous voulez avoir un cas un peu farfelu, c'est que Lumenon a été mise sur place au mois de mai à 0,50 $. Ils sont allés sur NASDAQ. Elle est montée à 60 $, et hier elle se transigeait à 52 $. Il faut réaliser que c'est encore sur papier. Polyvalor a un nombre important de parts dans ça par le fait que c'est eux autres qui avaient la technique. Les professeurs, bien, pour vous donner un exemple que je dis souvent, si vous regardez un de nos professeurs, bien, quoi, il gagnait 85 000 $ l'année passée puis, cette année, il vaut au-dessus de 200 000 000 $ sur papier. Mais il faut dire qu'ils n'ont encore rien produit. L'usine est en construction. Les premiers produits vont probablement sortir vers le mois de septembre, octobre. Alors, c'est des choses qu'on essaie de faire, puis c'est tout nouveau.

M. Plamondon (Réjean): L'intérêt, c'est qu'on crée de l'emploi de haute technicité dans la région de Montréal, entre autres. Nos gens avec des doctorats, etc., veulent aller travailler dans ces sites-là et être à l'avant-garde.

Le Président (M. Labbé): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: C'est assez complexe, toute cette procédure-là, mais je vais quand même poser une autre question qui est dans le même ordre d'idées. J'ai encore du temps?

Le Président (M. Labbé): Oui, il vous reste 2 min 2 s.

M. Dion: Ah bon. Je vais aller à une petite question qui est vite répondue. Vous savez que j'ai la chance d'être député de Saint-Hyacinthe et qu'on a, comme tous les comtés, un certain nombre d'atouts. Mais, parmi les atouts qu'on a à Saint-Hyacinthe, je suis très fier de l'Institut de technologie textile. Et j'ai vu que vous travaillez beaucoup dans la question de la dépollution, et tout ça, et je sais qu'ils travaillent aussi sur certains projets de membranes biosynthétiques pour la dépollution, et tout ça. Est-ce qu'il y a des relations organiques ou systématiques entre notre Institut et votre grande École?

M. Plamondon (Réjean): Je ne crois pas, de premier abord. Nos deux grandes chaires qui sont en environnement présentement, une traite les eaux potables et travaille plutôt au niveau des villes et des grandes villes pour tout le traitement des eaux; l'autre, en gestion des sols contaminés, ses principaux contrats présentement sont avec Bell Canada, avec des firmes européennes aussi. Je ne pense pas en avoir entendu parler, mais je vais en parler et je vais voir s'il peut se faire des choses parce qu'on est toujours ouverts à des partenariats.

M. Dion: Sans vouloir m'immiscer dans des choses qui ne sont pas de mon ressort, je vous rappellerai que l'Institut du textile de Saint-Hyacinthe est le seul existant au Canada.

M. Plamondon (Réjean): Ah oui?

M. Dion: Il y a l'école de textile qui fait partie du cégep, et l'Institut est un institut en grande partie financé par le privé, d'ailleurs. Alors, c'est juste une information, je pense, qui est intéressante.

M. Plamondon (Réjean): Très intéressante.

Le Président (M. Labbé): Alors, à partir de cette information, c'est sur ces données que nous allons malheureusement devoir nous séparer. Alors, les gens de l'École polytechnique de Montréal, je vous remercie pour la qualité de vos interventions, la connaissance de votre dossier. M. Plamondon, M. Gourdeau, Mme Demers et Mme Yacout, merci beaucoup et bonne fin de journée.

Et j'inviterais sans plus tarder les gens de l'École des hautes études commerciales, pour ne pas dire les HEC, à bien vouloir prendre place.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Labbé): Alors, je vous remercie beaucoup. J'invite donc les représentants de l'École des hautes études commerciales à bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.

Bienvenue, messieurs, pour votre présentation. Alors, peut-être spécifier que vous avez 20 minutes pour faire la présentation comme telle de votre document et que, par la suite, de chaque côté de la table, nous aurons 20 minutes pour commenter, questionner, en fait, votre présentation. Je présume que c'est M. Toulouse qui va débuter. Alors je vous inviterais, à ce moment-ci, à faire la présentation des gens qui vous accompagnent. Merci, et je vous écoute.


École des hautes études commerciales (HEC)

M. Toulouse (Jean-Marie): Bonjour, messieurs dames de la commission parlementaire. Ça nous fait plaisir de vous revoir après une si longue absence. Et ça me fait plaisir également de vous présenter mes collègues: Jacques Nantel, directeur des programmes, et Paul Mireault, directeur de ce que nous appelons chez nous les services parapédagogiques.

Alors, évidemment, nous sommes heureux d'être avec vous aujourd'hui pour échanger sur le document que nous avons déposé en octobre 1998. Dans une lettre que, j'imagine, vous avez, d'après ce que j'ai compris par les questions que vous avez posées, un peu influencée, le ministère de l'Éducation nous a souligné un certain nombre de questions sur lesquelles vous souhaitiez attirer notre attention. Alors, la façon d'y répondre, j'ai choisi d'aborder ces questions dans le cadre de la présentation et d'introduire, au fond, à différents endroits des réponses à ces questions.

Pour commencer, je voudrais attirer votre attention sur l'annexe d'un document que vous avez reçu. Le titre du document, c'est Présentation aux professeurs adjoints et titulaires . Et, à cette annexe, il y a cinq tableaux. Et je voudrais vous référer à ces cinq tableaux qui s'appellent graphique 1, et ainsi de suite. Le graphique 1 a trois pages. Ça va permettre de clarifier un élément important. Alors, si vous prenez le graphique 1, le graphique 1 concerne essentiellement la population étudiante au premier cycle aux HEC. Et, si vous regardez ce graphique, vous avez une courbe qui décrit clairement ce qui s'est passé chez nous. Vous allez noter que, au baccalauréat jour, ce qu'on observe, c'est une augmentation significative de la clientèle. Tout le monde a trouvé le document? C'est celui-là, je crois. Je ne sais pas si...

Le Président (M. Labbé): C'est à quelle page, mon cher monsieur?

M. Toulouse (Jean-Marie): Bien, c'est l'annexe d'un document qui a 40 pages.

Une voix: C'est à la 25e page.

Le Président (M. Labbé): Merci.

M. Toulouse (Jean-Marie): Vous l'avez?

Le Président (M. Labbé): Voilà, on s'est retrouvé.

M. Toulouse (Jean-Marie): Parfait. Alors donc, le premier document, c'est le premier cycle, chez nous. Au baccalauréat jour, augmentation des clientèles. Évidemment, c'est en étudiants équivalents temps plein et non pas en inscriptions ni en individus. Deuxièmement, sur ce même tableau, si vous remarquez, vous allez noter au certificat une situation de baisse relative, pas très grande, qui a commencé en 1995. Après ça, c'est une situation un peu plus stable.

Si vous tournez deux pages plus loin, vous allez avoir le graphique qui s'appelle Population étudiante ETP deuxième cycle . En regardant ce tableau, vous allez constater que la population étudiante au M.B.A., D.S.A. est en augmentation significative. J'attire votre attention de façon tout à fait particulière sur le programme qui s'appelle MSC. Et, si vous remarquez ce programme, vous voyez une courbe d'augmentation importante du nombre d'étudiants, et la même augmentation se retrouve dans le programme des diplômes.

Je veux vous faire remarquer que cette augmentation des étudiants dans les programmes de deuxième cycle entraîne une conséquence majeure au niveau du fonctionnement, puisque le programme de MSC est un programme qui nécessite la production de mémoires, ce qui veut dire que les professeurs doivent se payer le nombre de mémoires qui correspond au nombre d'augmentation d'étudiants, dans une période où les embauches ont été faits au compte-gouttes, pour ne pas dire au demi-compte-gouttes. Si vous regardez la page précédente, vous avez la population étudiante, tous programmes confondus. Quand on met toutes les courbes les unes par-dessus les autres, c'est ce que ça donne. Je reviendrai sur les deux autres courbes dans quelques minutes.

Alors, évidemment, le message total, contrairement à des messages que vous avez entendus – c'est peut-être pour ça que vous nous avez gardés pour le dessert – est: nous n'avons pas le problème qu'un certain nombre d'universités ont de manquer d'étudiants, nous avons une augmentation significative des clientèles étudiantes. Notre problème le plus gros pour septembre prochain, c'est de gérer l'augmentation qui continue dans ces courbes-là. Mais c'est un beau problème. Cependant, il y a des petits caveats sur lesquels nous reviendrons.

Comment sommes-nous arrivés à réussir, si vous voulez, à faire augmenter nos clientèles étudiantes? Fondamentalement, on s'est donné une stratégie cohérente qui est articulée autour d'une orientation que je résume toujours de la façon suivante: HEC, nous sommes une grande école de gestion de calibre international.

(17 h 20)

Deuxième aspect: Comment on a fait pour atteindre ce résultat? HEC est une institution créée en 1907. À travers ces années, on a développé, si vous voulez, des espèces de convictions ou des fils conducteurs qu'on appelle, à juste titre, des valeurs qui caractérisent cette institution. Ces valeurs sont au nombre de quatre et, depuis 1907, elles sont constantes. C'est constant depuis ce moment.

Alors, la première, c'est l'enracinement dans le milieu de façon à former une élite d'affaires, à soutenir l'épanouissement socioéconomique de la collectivité et à ouvrir de nouvelles voies professionnelles. La deuxième, c'est l'internationalisation de l'École des HEC qui était d'ailleurs dans l'énoncé de création de l'École des HEC dès le départ, en 1907. C'est pour ça que notre nom était, à l'époque, «maritimes et commerciales», puisque nous nous appelions, à l'époque, École des hautes études maritimes et commerciales.

Innovation pédagogique, recherche fondamentale et recherche appliquée et, quatrième valeur, équilibre entre la formation spécialisée et la formation générale de façon à former des diplômés capables d'analyse et capables d'action.

Évidemment, nous nous sommes donné des stratégies qui ont servi, au fond, à tisser ou articuler l'action que j'essaie de vous décrire autour de l'orientation globale. Les actions principales qui caractérisent cette stratégie. Je vais prendre les principaux points, puisqu'on n'a pas le temps de tout énumérer. La première, c'est une révision complète de tous nos programmes. Nous avons, depuis 1995, révisé l'ensemble de nos programmes de façon à nous assurer que nos programmes étaient à date aux plans conceptuel et scientifique, que les programmes étaient pertinents en regard des besoins de la société, que nos programmes, au fond, présentaient une démarche de formation pour les étudiants et un cheminement d'apprentissage de bonne qualité.

Le résultat, évidemment, des changements dans nos programmes se répercute et est directement reflété par les courbes de clientèles que je viens de vous présenter. Nos programmes sont perçus par les étudiants comme attrayants. Nos programmes se différencient de ce qui se fait ailleurs. Et nous avons, dans cette démarche de révision de nos programmes, éliminé les programmes, les cours dans lesquels il n'y a pas suffisamment d'étudiants. Donc, nous avons rationalisé nos programmes en les révisant, nous avons rationalisé notre offre de programmes en la différenciant des autres et nous avons rationalisé en innovant.

Deuxième type, au fond, de stratégie que nous avons suivie, c'est une intégration des technologies de l'information dans la vie quotidienne des étudiants. En 1997-1998, il y avait, dans les murs de l'École des HEC, 250 km de fibre optique et 3 000 prises de branchement pour les étudiants et pour le personnel. Au moment où nous nous parlons, il y a 400 km de fibre optique et 6 000 prises de branchement. Les sièges étudiants, en 1997-1998, dans les salles de cours étaient branchés à 80 %, ce qui veut dire que, dans 90 % des cas, vous pouvez entrer en classe avec votre portable, vous brancher et vous tombez automatiquement sur le réseau et sur tout ce qui vient avec.

Nous avons lancé le projet Virtuose, c'est-à-dire que nous avons rendu l'ordinateur portable obligatoire au M.B.A. au début de l'année 1997-1998 et au B.A.A. pour l'année 1998-1999. Ce qui fait qu'actuellement la vie étudiante en salle de classe est marquée par l'usage de la technologie. Hors de la classe, l'étudiant travaille en réseau avec les autres étudiants et il peut entrer en contact avec la bibliothèque, avec les professeurs, et ainsi de suite. Donc, sa vie est éminemment marquée par cette technologie. Il peut également faire ses travaux en salle ou dans un laboratoire spécialisé.

Donc, aux HEC, si vous regardez comment nous enseignons la gestion, nous l'enseignons à la manière d'une discipline qui n'est pas une discipline sèche. Or, dans les programmes de subvention aux universités, nous sommes considérés, dans la politique de financement, dans une famille dans laquelle on retrouve la littérature, le droit et les sciences sociales. Et la technologie qu'on retrouve dans notre institution nous approche beaucoup plus d'une discipline technologique dans laquelle les technologies de l'information sont éminemment présentes.

Comment nous sommes arrivés à financer ça dans la période de pénurie que nous avons traversée? Nous avons demandé de l'aide aux entreprises, nous avons demandé de l'aide à nos diplômés. Bref, nous avons levé des fonds. Nous avons utilisé les fruits de nos activités d'affaires pour des investissements stratégiques non récurrents.

Troisième série de gestes que nous avons posés dans le développement significatif de notre présence à l'international. Dans la révision de nos programmes, nous avons intégré la perspective internationale à la fois en termes de matières à être enseignées, si c'était une dimension appropriée pour le programme; nous avons augmenté significativement le programme d'échange d'étudiants; nous avons augmenté notre présence dans les foires internationales de recrutement des étudiants; nous avons jeté les bases d'objectifs clientèles internationales pour nos programmes de baccalauréat, de M.B.A. et de M.Sc.; et nous avons des ententes majeures avec plusieurs partenaires universitaires et aussi commerciaux dans plusieurs pays à travers le monde.

La présence internationale est une présence importante dans la vie quotidienne des HEC, c'est une présence importante dans la vie des étudiants. Le programme d'échanges, mis au point il y a plus de 10 ans, maintenant près de 15 ans, est un programme qui est particulièrement utilisé par les étudiants du baccalauréat. Au moment où nous nous parlons, à peu près 30 % des étudiants du baccalauréat peuvent aller en échange dans une des 61 universités avec lesquelles nous avons des ententes. C'est très difficile de monter plus haut parce que nous avons des exigences au départ. L'étudiant qui part doit avoir des bonnes notes. S'il n'en a pas, des bonnes notes, il ne part pas. Ce n'est pas compliqué. Parce que nous fonctionnons sur un principe de réciprocité et de reconnaissance des études faites ailleurs. Donc, on ne veut pas prendre de risque à ce niveau-là.

Évidemment, notre présence dans les foires internationales est plus grande, mais c'est une présence un petit peu plus complexe. J'attire votre attention sur un phénomène assez particulier dans le cadre du M.B.A. Le M.B.A. est sans doute le programme universitaire où la concurrence est la plus vive à travers le monde. Et, pour recruter des étudiants M.B.A hors pays, il faut participer à des foires de recrutement. Et il y a à peu près une vingtaine de foires de recrutement dans le monde: Montréal, Singapour, Tokyo, Los Angeles, San Francisco, New York, Paris, Londres – et j'en oublie, mais enfin – Francfort et d'autres. Ce qui veut dire que notre taux de nombre d'étudiants étrangers dans le programme de M.B.A. dépend directement de notre présence à chacune de ces foires-là pour recruter des étudiants.

Je ne sais pas si vous imaginez ce que ça peut représenter, faire le circuit des foires pour recruter des étudiants étrangers avec les budgets que nous avons. Je vous passe un papier que le pied carré des foires de recrutement à Hong-Kong, ce n'est pas donné. Ce n'est vraiment pas donné. Pour y arriver, nous partageons souvent les kiosques avec McGill, mais, malgré tout, ça coûte extrêmement cher. Cependant, c'est essentiel. Il nous faut le faire, c'est absolument essentiel pour monter notre pourcentage d'étudiants étrangers dans le programme de M.B.A. en particulier. Ce n'est pas un problème qui existe dans le programme de bac, c'est très particulier au programme de M.B.A. C'est un des seuls programmes qui a ce type de foires de recrutement.

Évidemment, en ce qui concerne l'internationalisation des diplômes, vous aviez une question là-dessus, ça dépend de ce que votre question veut dire. Nous autres, ce que nous avons fait, c'est que nous avons mis nos efforts pour essayer d'augmenter la reconnaissance internationale de notre propre diplôme. Ça, ça a été notre élément fondamental. C'est pour ça que vous avez peut-être vu dans les journaux récemment que nous venons de recevoir l'accréditation EQUIS. Nous sommes la seule école non européenne a être accréditée auprès de l'Association européenne des écoles de gestion. Et nous sommes la seule hors Europe dans le monde. Et pourquoi nous avons fait ça? C'est que nous avons beaucoup d'étudiants d'Europe qui étudient au HEC, donc nous avons beaucoup de diplômés européens, ce qui fait que la valeur du diplôme, pour quelqu'un qui retourne chez lui, c'est extrêmement important d'avoir un point de référence. Et le point de référence maintenant, c'est de dire: HEC Montréal est accréditée EQUIS. Ça règle la question, on n'en parle plus. Et nous allons faire exactement la même chose avec d'autres mécanismes d'accréditation, dont le mécanisme américain que nous sommes en train de préparer.

(17 h 30)

Si votre question porte sur la bidiplomation, en ce qui concerne la bidiplomation, il y a deux situations. La première, la codirection de thèse maîtrise et doctorat, nous n'avons aucun problème. Le bidiplôme, nous approchons cette réalité avec beaucoup de précautions. Je peux vous dire que je suis en poste depuis quelques années. J'ai eu énormément de demandes de bidiplôme. Je les ai pratiquement toutes refusées et je suis très content de les avoir refusées, parce que les demandeurs de bidiplôme sont en général des universités de deuxième et troisième rang. Je n'ai jamais eu Harvard, Stanford, Columbia me demander un bidiplôme.

Nous avons également une autre stratégie que nous avons mise au point, c'est une politique de langue. Aux HEC, contrairement à ce que vous pouvez peut-être imaginer, il y a chez nous une politique très précise de maîtrise de la langue que nous exigeons de nos étudiants. C'est une troisième dimension en valeur ajoutée qui est extrêmement importante pour nous dans la différenciation de ce que nous sommes. Ça veut dire ceci. Ça veut dire que tout nouvel étudiant qui arrive doit se soumettre à un test de français qu'il doit réussir. S'il ne réussit pas, il n'aura pas son diplôme. Et, entre les deux, il a un service, que nous supportons à partir de nos frais d'opération, dont évidemment la directrice est Mme de Villers, que vous connaissez sans doute – trois minutes? Ah, mon Dou! je me dépêche – qui utilise ses loisirs à écrire des dictionnaires. Alors, c'est une qualité intéressante. Et évidemment la même chose existe en anglais. Il faut se soumettre à un test d'anglais et il faut atteindre un niveau d'anglais pour obtenir son diplôme, et le même principe s'applique.

Autres aspects: évidemment, les levées de fonds, j'en ai déjà parlé, et le développement de projets structurants.

Allons au financement dans les quelques minutes qu'il me reste et revenons au petit graphique auquel je vous référais. Si vous prenez le graphique 2, ça s'appelle Revenus de subventions , je n'ai pas beaucoup de choses à dire. Hein, vous êtes tous capables comme moi de voir ça, le graphique 2. Superposer mes augmentations de clientèles par-dessus, hein, ça veut dire concrètement que, au fond, ce que nous avons fait depuis quelques années, c'est d'accueillir plus d'étudiants avec moins d'argent. C'est ça qu'on a fait. Bien sûr, ce petit graphique, c'est le pain et le beurre des universités, ça. On a beau parler de financement ciblé, de tout ce qu'on voudra, fondamentalement, le pain et le beurre, c'est ce graphique-ci, c'est celui-là qui représente ce qu'il y a de plus important dans la vie des universités. Donc, moi, je pense que le financement ciblé n'arrivera jamais à corriger une courbe comme ça. Ça, c'est le financement de base qui corrige ça.

Si vous regardez maintenant le graphique 3, vous allez voir les droits de scolarité. Avec les augmentations de clientèles que vous avez vues tout à l'heure, vous voyez le montant d'argent de plus que ça a déposé dans les coffres des HEC. Je pense que je n'ai pas besoin d'expliquer, vous êtes capables de deviner qu'est-ce que ça signifie. Alors, bien sûr, si vous prenez tout ça, vous allez regarder que le revenu de subventions en 1996-1997 représentait 69,3 % de nos revenus et, en 1997-1998, 65,6 % de nos revenus.

Bien sûr, comment on fait pour boucler? Je vous ai dit tout à l'heure, nous avons une pratique de développer ce qu'on appelle des activités non subventionnées. Alors, les activités subventionnées étaient, pour l'année dont on parle, déficitaires de 4 122 000 $; les activités non subventionnées étaient excédentaires de 2 412 000 $. Donc, le comportement des professeurs des HEC a généré un profit net qui est venu payer le déficit des activités subventionnées. C'est ça qui s'est passé, ce n'est pas plus compliqué que ça.

Le congé de cotisation, dans notre cas, ça ne s'applique pas, on n'a pas pris de congé de cotisation.

Le plan d'équilibre budgétaire. Nous sommes en équilibre budgétaire, on l'a pratiquement toujours été dans notre histoire. Il y a des sacrifices évidemment à ça, et les sacrifices sont dans un autre document que vous avez, qui s'appelle le document sur les rapports de performance. Si vous regardez le document de rapports de performance, c'est très simple, regardez les taux de réussite pour les programmes, c'est facile: les programmes à temps complet, la réussite est élevée; les programmes à temps partiel, la réussite est basse. C'est normal, il ne faut pas se scandaliser de ça, les cheminements à temps partiel, il y a toujours plus d'étudiants qui abandonnent.

Si vous regardez les deux dernières colonnes, qui étaient des dimensions très sensibles, la taille des groupes-cours aux HEC. Vous avez la taille des groupes-cours. Donc, au baccalauréat, les cours ont 53,9 étudiants en moyenne et, si vous regardez partout, on n'est jamais dans les petits chiffres, sauf au doctorat qui est 11,5. Si vous regardez l'autre colonne, les cours dispensés par les professeurs réguliers, ce qui revient un peu à l'inverse de la question des chargés de cours, ça varie un peu selon les programmes. C'est bien sûr qu'au bac jour, par exemple, c'est 49 %; au M.B.A., c'est 67 %; au M.Sc., c'est 99 %, c'est totalement normal, parce que c'est un programme ultraspécialisé. Donc, juste pour vous dire, en complément par rapport à ces tableaux-là, que nous gérons avec beaucoup de rigueur la taille des groupes-cours. S'il n'y a pas assez d'étudiants, le cours ne se donne pas, le professeur doit donner un autre cours et le cours est annulé. Donc, ça règle la question.

Maintenant, il y a une dernière chose sur laquelle je voudrais attirer votre attention avant de conclure, c'est le ratio étudiants-professeur. Je vous donne un résultat que vous n'avez peut-être pas vu encore. Vous allez recevoir sous peu le rapport de la CUP sur les études en administration, qui vient de sortir. Vous lirez que, dans ce rapport, dans le tableau sur les ratios étudiants-professeur, aux HEC, le ratio étudiants-professeur, c'est 1 professeur pour 43 étudiants. À la CUP, le ratio, il est de 1-23 pour les études en administration, et le plus bas est de 1-16. Alors, évidemment, je vous le mentionne tout de suite, les grandes universités américaines privées, de type Harvard, Stanford et compagnie, c'est 1-8 et les grandes universités publiques américaines, c'est 1-15, 1-18. Et l'Ontario s'est fait recommander par des consultants qu'elle a embauchés de se donner comme cible 1-16. Moi, je peux vous dire que je suis tout à fait d'accord avec la cible proposée en Ontario. La seule différence, c'est que je suis à 1-43. Alors, il y a de l'ouvrage à faire, c'est bien sûr.

C'est pour ça que, dans le plan de réinvestissement que vous avez vu, on dit clairement que la priorité, c'est l'embauche des professeurs. Nous nous sommes donné comme stratégie d'en embaucher 30 par année pour les quatre prochaines années; encore faut-il les trouver et être capable de les payer. Il faut remplacer aussi ceux qui partent à la retraite, parce que, évidemment, notre taux d'encadrement est trop faible, le ratio étudiants-professeur n'a pas de sens à cause de l'augmentation des programmes de deuxième cycle, et évidemment la discipline de la gestion est extrêmement en changement.

En conclusion, le rapport sur la recherche, vous l'avez. D'une part, nous innovons, nous renouvelons nos programmes, les étudiants choisissent HEC en plus grand nombre, les études graduées en administration prennent de plus en plus de place, et nous affirmons notre présence de plus en plus sur la scène internationale. D'autre part, nos ressources financières continuent de diminuer. C'est comme si la réussite au niveau de l'augmentation des clientèles n'arrivait jamais à compenser le sous-financement chronique. Et mon désir le plus profond – et j'espère que c'est ça que vous garderez comme message, et, si vous ne gardez que ça, je serai content – c'est d'avoir les mêmes moyens financiers, c'est-à-dire le même montant par étudiant que les universités avec lesquelles nous concurrençons. À Toronto, par exemple, ils ont entre 10 000 $ et 15 000 $US par étudiant, dépendant comment vous faites votre calcul. J'ai 5 264 $. Les concurrents américains avec lesquels nous concurrençons, ils ont entre 25 000 $ et 34 701 $US par étudiant. Je demande juste qu'on ait quelque chose qui est un petit peu plus proche de ça.

Le Président (M. Labbé): M. Toulouse, je vous rassure, parce qu'on a déjà commencé à vous écouter puis on vous a oublié, puisqu'on vous a donné 20 minutes US. Alors, c'est dans ce sens-là. Alors, sans plus tarder, je vais donner la parole au député de Kamouraska-Témiscouata, s'il vous plaît.

M. Béchard: Merci, M. le Président. M. Toulouse, M. Nantel et M. Mireault, merci beaucoup de votre présentation et bienvenue. On va y aller rondement parce qu'on n'a pas beaucoup de temps, je crois, M. le Président.

D'abord, vous parlez du renouvellement et de l'embauche de professeurs. L'Université Laval et d'autres institutions sont venues nous dire que, entre autres, dans les secteurs des finances et économique, non seulement il en coûtait très cher pour garder ses enseignants, il en coûtait très cher pour aller en chercher, mais il y a énormément de concurrence aussi de la part des entreprises et que finalement, à quelque part, le principal concurrent, ce n'est peut-être pas l'université voisine, mais l'entreprise qu'il y a à côté. Comment on peut concurrencer et comment on peut réussir à tirer notre épingle du jeu dans votre cas face à ces entreprises-là, surtout que vous êtes en plein dans le coeur, là, dans le domaine de la finance?

M. Toulouse (Jean-Marie): On vit ça à tous les jours, mon cher monsieur. Écoutez, c'est une bonne question. Je vais vous répondre en vous donnant les deux parties de la question.

La première partie, c'est à l'embauche. Avant-hier, nous avons perdu un jeune professeur à qui nous avons fait une offre, qui, par hasard, avait fait son M.Sc. chez nous, qui a fait ses études de doctorat aux États-Unis. Notre offre était à 68 000 $. Il a accepté 110 000 $ à l'Université de l'Alberta. Alors, vous avez une partie de votre réponse.

(17 h 40)

La deuxième partie: Que veut un jeune professeur comme lui? Il veut deux choses. Il dit: Je suis endetté jusqu'aux oreilles. Je ne suis pas capable d'accepter moins que 110 000 $, j'ai des dettes jusqu'aux oreilles. Deuxième chose qu'il veut, il veut ce qu'on appelle de l'argent souple de recherche. Qu'est-ce que ça veut dire? Ça veut dire qu'il veut avoir une petite somme de recherche. Il ne demande pas toujours des millions, il demande une petite somme de recherche, entre guillemets, discrétionnaire à lui, jeune chercheur, pour pouvoir initier sa recherche, parce qu'il arrive, il n'en a pas encore, de grosses subventions de recherche, il commence. Et il faut donc être capable de lui offrir ça.

Tout à l'heure, vous avez posé la question: Qu'est-ce que ça représente en argent? La réponse, c'est facile: 60 % de la masse salariale des professeurs. Et ce 60 % là s'en va de la façon suivante: réparti en salaire supplémentaire qui varie entre 40 et 60 ou un budget complémentaire discrétionnaire de recherche. Ça vous donne, au bout de la ligne, 60 % de la masse salariale. Ce n'est pas compliqué à trouver.

Notre deuxième phénomène. Dès que quelqu'un – et ça, on le vit assez souvent, merci – commence à avoir une certaine réputation, la concurrence vient soit d'une autre université soit du secteur industriel. En finance, par exemple, régulièrement nous nous faisons, entre guillemets, je dis «emprunter»... Parce que je dis toujours aux entreprises: Je vais aller retourner les chercher. Mais elles viennent les chercher et l'offre est la suivante: c'est le salaire doublé plus bonus. Alors, c'est sûr que vous allez me dire: Comment une université peut concurrencer ça? C'est encore la même réponse que pour les jeunes. Il faut que je sois capable de répondre au salaire et il faut que je sois capable de symboliser la dimension de la vie universitaire, qui est une capacité discrétionnaire de faire de la recherche, donc de lui donner certains fonds de recherche le plus vite possible.

M. Béchard: Justement là-dessus, sur la question des fonds de recherche, ça fait quelques fois qu'on me dit ça aussi, c'est que c'est devenu tellement complexe, tellement compliqué, tellement encadré, tout ce qui concerne les subventions de recherche, tout ce qui concerne l'allocation comme telle. Et d'autant plus, comme vous mentionnez, que ce sont des jeunes qui arrivent qui n'ont pas encore tout à fait déterminé dans quel domaine et dans quel secteur de recherche ils s'en vont, c'est presque aucune possibilité pour les premières années.

M. Toulouse (Jean-Marie): C'est pour ça que je vous dis: un montant discrétionnaire. Ce n'est pas compliqué, ils ne demandent pas la lune, ils demandent un montant discrétionnaire pour pouvoir amorcer leur carrière de chercheur. Et je vous donne un exemple. Un jeune, comme ce jeune qui a accepté – on en a eu de ce type... Un 20 000 $ de recherche, pour les cinq premières années de sa carrière, discrétionnaire au chercheur, souvent ça aide beaucoup parce que ça leur donne le temps de commencer, ça leur donne le temps d'initier leur recherche. Pendant ce temps-là, ils vont bâtir un projet et puis peut-être qu'à l'année trois ils vont avoir une subvention qui va leur donner un coup de pouce. Et, si on est toujours dans la démarche de chercher ça par 1 000 $ ci, par 500 $ là, et tout ce qu'on voudra, ça ne peut pas fonctionner.

M. Béchard: Sur un autre point que vous avez mentionné et qui est, je pense, assez typique aux HEC, au niveau du financement, vous n'avez pas peur d'y aller... Vous mentionniez tantôt ne pas uniquement vous fier sur la subvention gouvernementale, mais utiliser tous les moyens qui sont possibles. Et un des éléments qui ressortent est, je dirais, la place du privé dans l'École des hautes études commerciales. Et, vous le mentionniez vous-même, il y a un besoin énorme. Est-ce qu'on devrait, au Québec, suivre davantage cet exemple-là et ouvrir davantage les portes? Expliquez-moi un peu, dans votre cas à vous, comment vous réussissez à joindre les deux et à faire en sorte qu'il n'y ait pas – pour donner un autre exemple – de rébellion étudiante ou quoi que ce soit, mais que ça devienne presque, je dirais, une culture des HEC.

M. Toulouse (Jean-Marie): C'est une culture des HEC et, au fond, c'est un peu compliqué à expliquer. J'aimerais ça que vous veniez nous visiter. Je pourrais vous montrer, vous êtes le bienvenu. Je vous donne quelques exemples.

Quand nous sommes déménagés dans le nouvel édifice, nous avons pris une décision très simple: les salles n'ont pas de numéro; chez nous, elles n'ont que des noms. Donc, vous avez vos cours dans des salles qui ont des noms. Cependant, si je n'ai pas réussi à intéresser une entreprise à donner son nom à la salle, ou un donateur, la salle a un nom d'une capitale. Alors, Manille, par exemple. Vous pouvez avoir votre cours dans la salle Manille comme vous pouvez avoir votre cours dans la salle Gérard Parizeau – Gérard Parizeau, vous savez qui c'est, bon, c'est le père de Parizeau que vous connaissez bien. Alors, au fond, pour donner le nom à une salle, il faut contribuer, et c'est une contribution qui s'étend sur... Au fond, c'est une dénomination qui dure 25 ans. À la fin des 25 ans, il faut renouveler sa contribution ou quelqu'un d'autre prend la place.

Au début, quand j'ai proposé ça, vous avez dû lire plusieurs articles à mon sujet dans les journaux comme de quoi j'étais bien mercantile, que je vendais l'âme de l'École. Et je peux vous dire que vraiment les gens qui ont écrit ça, je ne sais pas où ils avaient l'esprit, mais ca n'existe pas, il n'y a pas de problème de ce genre. Mais, cependant, on ne fait pas ca n'importe comment. Il y a des balises pour le faire. L'entreprise peut mettre son nom, mais la signalisation nous appartient. Tout est uniformisé. Vous ne pouvez pas utiliser de couleurs, c'est nos couleurs. Les titres, les lettres sont rigoureusement égales. Vous ne pouvez pas mettre votre nom ailleurs que du côté gauche de la porte ou du côté droit de la porte, dépendant de ce qu'on a décidé. Donc, il y a toutes sortes de balises qui sont des balises d'esthétique mais aussi qui sont des balises de classe. On ne fait pas n'importe quoi.

Je vous donne deux autres exemples. En même temps qu'on a fait ça, j'ai aussi refusé l'école Coca-Cola ou l'école Pepsi. Je suis contre. Il n'y en aura pas, de ça. Je ne veux pas. Parce que ces contrats-là, ils ont une exclusivité de consommation, et je ne veux pas que nos étudiants soient forcés de boire du Coke s'ils aiment mieux le Pepsi. Ça, moi, je ne veux pas ça. Suivre ton cours dans une salle qui porte un nom, ça ne t'enlève rien, tu peux aller dans l'autre salle, mais le choix du produit... C'est la même chose, nous sommes la seule institution où il n'y a pas de publicité au-dessus des urinoirs ni derrière les portes dans les toilettes pour les femmes. Comme celui qui a fondé la compagnie, c'est un diplômé des HEC, il vient me voir régulièrement, et la réponse, c'est non. Il n'y en aura pas, il n'y en a pas tant que je serai là. Il s'essaiera avec le prochain directeur. Moi, je ne veux pas, parce que, un, ce n'est pas payant et, deuxièmement, je trouve que c'est agressant, et que c'est mal fait, et que c'est de mauvais goût. Et je ne vois pas pourquoi on se prêterait à ça alors qu'une salle, au fond, ça apporte de l'eau au moulin.

C'est la même chose, si vous entrez dans le hall principal, vous allez voir, on peut écrire son nom sur une dalle. Certains ont dit: Ça a l'air des pierres tombales. On peut bien dire ça, ça ne me dérange pas. Cependant, il y a une règle aussi: pour écrire son nom, il faut que ce soit un individu qui est soit diplômé, soit membre du personnel, soit membre de nos conseils, point à la ligne. Il n'y a pas de nom corporatif, c'est tout. En d'autres mots, il y a certains principes qu'on respecte, qu'on découvre et qui fonctionnent très bien.

M. Béchard: Donc, il y a moyen d'arriver à un certain équilibre sans, comme vous mentionniez, vendre son...

M. Toulouse (Jean-Marie): Certainement. Et je veux aller un cran plus loin pour ça parce que je l'ai beaucoup supporté et je suis tout à fait d'accord avec ça. Le grand fantôme dans ça, c'est l'intervention de l'entreprise si elle donne son nom à une salle, ou si elle supporte une chaire ou – actuellement, je suis en train de vendre des «professorships» – si l'entreprise supporte un professeur. Je vous avoue que l'entreprise, son intérêt le plus grand, c'est de ne pas intervenir. Le plus mauvais calcul qu'elle peut faire, c'est d'intervenir, parce que, si elle intervient, elle vient de se faire clouer au pilori. Donc, elle n'a aucun intérêt à intervenir. Si elle intervient, c'est le plus mauvais geste qu'elle peut poser, parce que le lendemain matin vous allez avoir un étudiant qui va lui rentrer dedans, peu importe d'où il vient, peu importe le moyen qu'il va prendre, et là vous êtes cuit, comme entreprise.

M. Béchard: Un point sur lequel je voulais aussi insister. Vous avez parlé de la revue de l'ensemble des programmes en 1995, vous avez fait un certain ménage dans tout ça, et, immédiatement après, les inscriptions se sont mises à monter. Quelle est la clé? Qu'est-ce qui a été à la base de cette grande révision là pour en arriver à des résultats aussi probants aussi rapidement?

M. Toulouse (Jean-Marie): Je vais laisser le directeur des programmes se faire plaisir.

M. Béchard: La clé elle-même.

M. Nantel (Jacques): Non, non, c'est une des clés, c'est toujours des oeuvres collectives. Dans un premier temps, je pense que c'est... La révision des programmes chez nous ne se fait jamais en vase clos, elle se fait toujours de concert avec des gens de l'entreprise. Et ces gens-là nous ont quand même extrêmement bien assistés quant à l'orientation qui était souhaitable de donner à ces programmes. Ça a eu comme résultante, entre autres, la création de composantes à valeur ajoutée. Entre autres, à titre d'exemple, parce que je pourrais évidemment épiloguer longtemps, les gens des entreprises, les gens d'affaires que l'on a consultés nous ont dit, à l'époque: Écoutez, vous avez besoin, entre autres, de trois choses. Nous vous faisons confiance quant à la capacité que vous avez à bien enseigner la finance, le marketing, la comptabilité, vous l'avez toujours fait, c'est très bien, mais est-ce que vous pourriez donner des valeurs ajoutées?

Et ces trois valeurs ajoutées qu'on nous a suggérées, la première, ça a été: Est-ce que vous pourriez ouvrir à l'internationalisation? On a besoin de gens qui, entre guillemets, se sont ouverts un peu au monde. Alors, ça nous a amenés dans chacun de nos programmes à avoir des composantes internationales. M. Toulouse l'a mentionné, par exemple, au baccalauréat, c'est près du tiers de nos étudiants qui partent pour au moins un semestre à l'étranger et, en contrepartie, évidemment, c'est pratiquement le tiers des étudiants à qui on enseigne qui viennent d'une des 28 nationalités ou pays avec lesquels on a des échanges.

(17 h 50)

On nous a également suggéré: Est-ce que vous pourriez accélérer l'internalisation dans les programmes des nouvelles technologies? Autrement dit, les employeurs nous disent: Non seulement on veut des gens qui soient bien adaptés, mais on veut des agents de changements. Ça nous a amenés à créer tout le programme Virtuose, et ce n'est pas rien. Je pense que c'est important de réaliser que, dès l'an prochain, on va gérer une école avec 3 000 étudiants qui sont branchés, sur une base régulière, qui ont un portable, et qui arrivent, 3 000 étudiants. En matière d'école de gestion au Canada, la plus proche, c'est Queen's qui fonctionne avec à peu près 120 étudiants. On en a 3 000. C'est la plus grosse école de gestion au monde avec un tel programme. On l'a fait, on a relevé le défi, et les employeurs en ce moment, évidemment, s'arrachent nos étudiants.

Et puis la troisième chose qu'on nous a demandée à l'époque, lorsqu'on parle de la révision des programmes, c'est de dire: Écoutez, encore une fois, vos étudiants, ils sont bons, mais c'est important que ce soient des bons communicateurs. Est-ce que vous pourriez vérifier, avant de les diplômer, la qualité de leur français écrit et parlé? Est-ce que vous pourriez vérifier la qualité de leur anglais écrit et parlé? Ce que l'on a fait.

La résultante nette, c'est qu'on a donné trois tours de vis, dans le fond, à nos étudiants à l'entrée. On leur a dit: Écoutez, non seulement vous devez venir ici, mais, en plus, vous allez devoir vous éveiller à l'international, il y a de fortes chances qu'on vous demande puis on vous incite à partir – ce qui n'est pas désagréable, remarquez – mais, en plus, vous allez devoir devenir des virtuoses des nouvelles technologies – en plus du reste – puis, en plus, on va vous tester sur l'anglais puis le français. Si vous n'êtes pas bon, vous n'aurez pas votre diplôme tant que vous ne serez pas bon là-dessus. Le résultat net, c'est qu'on a plus d'étudiants qui veulent venir chez nous parce que ce qu'ils disent, c'est: Quant à investir trois ans de ma vie, je vais les investir là où il y a un retour sur le capital investi, je peux me permettre.

Et puis la chose qui est intéressante, c'est que non seulement nos populations étudiantes sont en croissance, la qualité de nos étudiants est en croissance également. Juste deux chiffres, pour les mentionner. Notre cote R moyenne en ce moment est autour de 28, alors que la moyenne des autres écoles de gestion au Québec est en bas de 25. Également, à l'examen, ce qu'on appelle l'EFU, l'examen des comptables, cette année, c'est 93 % de nos étudiants qui ont passé. C'est énorme. Il n'y a pas d'équivalent ailleurs au Canada, et puis la moyenne au Québec, elle est loin derrière. Autrement dit, le message que l'on a reçu et qu'on tente d'insuffler à nos programmes, c'est de dire: On va être plus exigeant, on va être plus rigoureux, on va en donner plus à nos étudiants, et c'est fascinant de voir à quel point le marché le reconnaît très, très rapidement.

Le Président (M. Labbé): Merci beaucoup, M. Nantel, et merci, M. le député. Malheureusement, c'est terminé. Alors, sans plus tarder, je vais céder la parole au député de Bertrand.

M. Cousineau: Merci, M. le Président. M. Toulouse, M. Nantel, M. Mireault, bonjour. Bienvenue à cette commission de l'éducation. Après cinq jours d'auditions, c'est rafraîchissant de terminer nos cinq jours avec vous. Ça a été une très belle présentation, puis on voit que vous avez le vent dans les voiles. Le nombre d'étudiants augmente, vous engagez des professeurs, bon, malgré le fait qu'il y ait eu une baisse au niveau du financement. Vous parliez tantôt de l'engagement de 30 professeurs par année pendant quatre ans. On parlait aussi, vous avez démontré que le ratio, chez vous, c'est 1-43 versus 1-16 à Toronto puis 1-8, je crois, aux États-Unis. Ça ramènerait le ratio à combien?

M. Toulouse (Jean-Marie): Actuellement, au moment où nous nous parlons aujourd'hui, nous avons 180 professeurs.

M. Cousineau: Cent quatre-vingt?

M. Toulouse (Jean-Marie): Cent quatre-vingt. Avec 180, nous sommes à 1-43. Divisez ça par deux, ça nous ramènerait, disons, à 1-20, il faut doubler le corps professoral. Pourquoi je n'ai pas établi comme objectif de le doubler, j'ai mis juste 120? Mes collègues m'ont dit: Tu es complètement fou de mettre 120. Mais, finalement, on en a besoin. Écoutez, on en a besoin pour faire ce qu'il y a à faire aujourd'hui, là, hein. Et aller plus loin... Même, si on réussit 120, je vous dis, je paie le champagne, parce qu'il faut les trouver, les 120, il faut les recruter, il faut les amener chez nous, et c'est un par un, on les gagne un par un. Alors, je vous avoue que c'est un gros contrat. Cette année, on n'a pas encore fini la période de recrutement, mais nous ne réussirons pas à recruter ce que nous voulions recruter.

M. Cousineau: Maintenant, dans un autre ordre d'idées, je lisais dans la revue de presse que vous avez une filiale en Tunisie.

M. Toulouse (Jean-Marie): Oui.

M. Cousineau: Quel type de partenariat avez-vous avec les pays du Maghreb, parce qu'on parle du Maroc, on parle de... C'est en Tunisie que ça se passe, là.

M. Toulouse (Jean-Marie): Oui. Disons, je n'ai pas beaucoup développé nos activités internationales, mais, bon an, mal an, nous avons à peu près entre 10 et 20 contrats d'intervention dans des pays étrangers. Ces contrats sont de deux types: soit de l'expertise soit de la formation. On en a fait beaucoup dans les pays du Maghreb, au Maroc, en Tunisie. Et, même, nous sommes en négociation – attachez vos tuques si vous êtes un peu effrayés – avec l'Algérie. Nous retournerions en Algérie pour faire de la formation continue, nous y sommes allés pendant 10 ans, et en Iran, alors pays parmi... Tout le monde dit: Je n'oserais pas aller là. Mais, par hasard, nous avons de très bonnes relations avec ces pays. Le président actuel de l'Algérie est un diplômé des HEC, avec qui nous avons de très bons liens. Alors, ça aide un peu les choses. Mais ça, c'est des interventions que je pourrais appeler de type contractuel pour des projets de tout ordre. Ça va de la formation des cadres du secteur de la métallurgie, par exemple, à la formation de toute l'industrie portuaire du Maroc.

Et je vais vous en donner un autre juste pour compliquer l'image que je vous donne. Nous sommes également les responsables de la formation des cadres en Chine, des gestionnaires du barrage des Trois Gorges, résultat de la visite en Chine organisée par M. Bouchard. À l'occasion de cette visite, derrière toutes sortes de portes closes, nous avons négocié ce contrat, et j'en suis très content, parce qu'il y a eu deux retombées à cette visite-là: ce contrat-là et un autre que nous venons de signer avec la province du Liagning. Nous formons des étudiants M.B.A. à compter de septembre, des Chinois qui viennent à Montréal prendre leur M.B.A. chez nous en anglais. C'est un programme négocié entre le gouvernement du Québec, nous et la province du Liagning. Quand le gouverneur est venu l'automne dernier, on a fini par trouver un terrain d'entente.

Tunis, c'est autre chose. Tunis, c'est une filiale à part entière. Si vous allez à Tunis et que vous partez de l'aéroport pour vous rendre dans la ville, vous allez voir, dans cette partie du développement, vous risquez de rencontrer notre édifice, c'est marqué «HEC Montréal», à Tunis, tout simplement. Le directeur du programme à Tunis, c'est un de nos professeurs. Le programme suivi par les étudiants en Tunisie est exactement identique au même programme qu'ils ont ici...

M. Cousineau: L'administration des affaires.

M. Toulouse (Jean-Marie): ...et avec l'exigence du portable, et ils sont desservis par Montréal. Il n'y a pas de bibliothèque à Tunis. La bibliothèque de Tunis, elle est aux HEC, à Montréal, au 3000, chemin de la côte Sainte-Catherine. Les étudiants doivent passer par satellite pour avoir accès à tout ça. Donc, nous envoyons régulièrement des... Ça, c'est notre programme qui est donné là-bas. Nos partenaires tunisiens sont là, parce que, en Tunisie, on n'a pas le droit d'avoir des écoles si on n'est pas résidents de Tunisie. Donc, nous avons des associés, mais eux, au fond, c'est la coquille juridique, si vous voulez, et nous avons le contrat de la formation.

M. Cousineau: O.K. Mais vous avez un certain nombre de personnes qui sont là en mission.

M. Toulouse (Jean-Marie): Oui, oui, et on a un directeur résident. On a un directeur qui est là à plein temps. Et, avec le temps, à mesure que ça va augmenter, parce que là on a juste la première année, ça sera un programme en quatre ans au lieu de trois parce qu'il y a une année de mise à niveau.

M. Cousineau: Comme les étudiants tunisiens qui viennent ici, je crois.

M. Toulouse (Jean-Marie): Oui. Entre parenthèses, nous recevons beaucoup d'étudiants de Tunisie depuis plusieurs années, et des excellents étudiants. La Tunisie nous envoie de très bons étudiants.

M. Cousineau: En terminant, je tiens à vous féliciter. Je pense qu'il y a trois de vos élèves dans les cinq premiers au niveau de l'examen des comptables agréés cette année.

M. Toulouse (Jean-Marie): Oui. Merci.

Le Président (M. Labbé): Excellent. Merci, M. le député de Bertrand. Alors, je passe maintenant la parole au député de Montmorency.

M. Simard (Montmorency): Bien, très brièvement, M. le Président, je vais simplement saluer nos invités et tout particulièrement M. Toulouse que j'ai eu l'occasion de connaître comme conférencier, un homme excessivement dynamique, un gourou de l'entrepreneurship en Amérique, un communicateur hors pair et un ambassadeur, je crois, du Québec partout à l'étranger. Je voulais vous féliciter, M. Toulouse, ainsi que les HEC pour cette accréditation que vous avez reçue récemment de l'European Foundation for Management Development. Vous faites partie des rares institutions à être accréditées par cette organisation. Donc, merci d'être venu. C'est très instructif de vous entendre.

Le Président (M. Labbé): Alors, si je n'ai pas d'autres questions du côté ministériel, je considère qu'à ce moment-ci on a fait le tour de la question. Je tiens quand même à vous remercier, M. Toulouse, et votre équipe, M. Nantel et M. Mireault. Merci pour cette excellente présentation.

Compte tenu que la commission a évidemment complété son mandat, j'ajourne sine die les travaux. Merci beaucoup, et bonne fin de journée à tout le monde, et bon retour.

(Fin de la séance à 18 heures)


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