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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le mercredi 22 septembre 1999 - Vol. 36 N° 12

Consultation générale sur la place de la religion à l'école


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Table des matières

Auditions


Autres intervenants
Mme Madeleine Bélanger, présidente
Mme Solange Charest, vice-présidente
M. François Legault
M. Claude Béchard
M. Serge Geoffrion
Mme Fatima Houda-Pepin
M. Pierre-Étienne Laporte
M. Claude Cousineau
M. Lawrence S. Bergman
M. Léandre Dion
M. Jean-François Simard
M. Gilles Labbé
M. Jean-Sébastien Lamoureux
*M. Alain Forand, CPS
*Mme Paulette Dufour, idem
*M. Jean-René Dubois, idem
*Mme Caroline Plourde, AQEM
*M. Maurice Grégoire, idem
*Mme Michelle Breton, idem
*M. Pierre-Charles Tremblay, idem
*Mme Denise Belisle, Conseil interreligieux de Montréal
*M. Manjit Singh, idem
*Mme Denise Boucher, CSN
*Mme Marie-Claire Chouinard, idem
*Mme Suzanne Leduc, idem
*Mme Jocelyne St-Cyr, APCQ
*Mme Diane Joyal, idem
*Mme Chantal Moreau, idem
*M. Claude Cataford, idem
*M. Martin P. Murphy, Conseil catholique d'expression anglaise
*Mme Pamela Bright, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures trente-huit minutes)

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, je déclare la séance de la commission de l'éducation ouverte. Le mandat de la commission, c'est de procéder à une consultation générale et de tenir des audiences publiques sur la place de la religion à l'école. Est-ce qu'il y a des remplacements, M. le secrétaire?

Le Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. M. Beaumier (Champlain) remplace Mme Papineau (Prévost).

La Présidente (Mme Bélanger): Merci. Et j'aimerais demander aux membres de la commission que Mme la députée de La Pinière participe à la commission.

M. Legault: Avec plaisir.

La Présidente (Mme Bélanger): Avec droit de parole, évidemment.

M. Legault: Avec plaisir.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, l'horaire d'aujourd'hui, c'est: à 9 h 30, la Conférence de la pastorale scolaire; à 10 h 30, nous recevrons l'Association québécoise de l'enseignement moral; à 11 h 30, le Conseil interreligieux de Montréal; à 12 h 30, il y aura suspension des travaux; pour recommencer à 14 heures, où nous recevrons la Confédération des syndicats nationaux; à 15 heures, l'Association des parents catholiques du Québec; à 16 heures, le Conseil catholique d'expression anglaise; à 17 heures, M. Patrice Garant; pour ajourner les travaux à 18 heures. Alors, je demanderais à la...

M. Legault: Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bélanger): Oui.

M. Legault: Mme la Présidente, je devrai m'absenter vers 11 heures. Je dois être au Conseil des ministres et je reviendrai un petit peu plus tard.

La Présidente (Mme Bélanger): D'accord. Alors, vos collègues vont poursuivre, ou si on suspend?

(9 h 40)

M. Legault: Oui, oui, on poursuit.


Auditions

La Présidente (Mme Bélanger): Mais ce ne sera pas pareil, évidemment. Ha, ha, ha! Alors, je demanderais à la Conférence de la pastorale de bien vouloir se présenter à la table. La Conférence de la pastorale est représentée par M. Alain Forand, M. Jean-René Dubois et Mme Paulette Dufour. Alors, je demanderais au porte-parole de bien vouloir...

Vous avez 20 minutes pour faire votre présentation, et il y aura ensuite échanges entre les membres ministériels et les membres de l'opposition, pendant 40 minutes.

M. Forand (Alain): Merci. Alors, bonjour.

La Présidente (Mme Bélanger): Bonjour.


Conférence de la pastorale scolaire (CPS)

M. Forand (Alain): Tout d'abord, merci de nous donner l'occasion de venir présenter notre mémoire, de pouvoir participer au grand débat sur la place de la religion à l'école. Alors, je suis accompagné de deux vice-présidents de l'Association. On va se partager la présentation. Je suis président de la Conférence de la pastorale scolaire du Québec, qui regroupe l'ensemble des animateurs de pastorale scolaire du Québec, tant dans les écoles primaires que secondaires. Je suis accompagné par M. Dubois, qui est animateur de pastorale au secondaire comme moi, et de Mme Paulette Dufour, qui est animatrice de pastorale au primaire.

Alors, d'entrée de jeu, j'aurais le goût de vous dire que le rapport Proulx, pour nous, a été un bon déclencheur pour nous permettre d'aller regarder les questions qui sous-tendent la confessionnalité scolaire depuis des années. Et, en ce sens-là, on salue l'initiative du rapport Proulx, qui nous permet, on croit, de soulever les vraies questions, les questions fondamentales.

Évidemment, notre approche, notre regard est celui d'animateurs et d'animatrices de pastorale scolaire sur le terrain. C'est un peu, je dirais, notre spécifique. Nous évoluons dans les écoles primaires et secondaires du Québec. Donc, c'est à partir de ce point de vue là que nous allons vous faire partager nos préoccupations, notre réflexion. Donc, notre mémoire se veut le reflet des professionnels que nous représentons.

Évidemment, après la lecture de notre mémoire, on peut avoir un peu l'impression d'un certain statu quo dans nos propositions; nous en sommes bien conscients. Cependant, nous voulions faire ressortir que notre système actuel, aussi imparfait soit-il, permet quand même le respect des libertés de croyance et de religion.

Nous sommes conscients aussi qu'il y a une grande méconnaissance de notre système sur le terrain; nous le vivons tous les jours avec les élèves. Malgré tout ce qui a été dit, notre système scolaire actuel permet des choix, que ce soit pour le statut de l'école, pour l'enseignement moral ou religieux catholique ou protestant ou moral, et l'animation pastorale est offerte sur une base volontaire. Donc, nous croyons qu'il existe déjà, et on croyait que c'était important de le souligner, un bon espace de liberté et de religion.

Notre préoccupation évidemment, c'est le contenu avant le contenant. Nous souhaitons la garantie des services confessionnels. Actuellement, les parents peuvent se prévaloir dans chacun des milieux d'un statut confessionnel ou autre. Nous avons mentionné dans notre mémoire que le statut confessionnel devait appartenir à chacun des milieux. Par contre, nous sommes conscients aussi que, s'il y avait des garanties suffisantes pour assurer les services confessionnels, entre autres l'animation pastorale et l'enseignement religieux, nous pourrions facilement laisser aller le statut de l'école. Donc, il y a, de notre part, une capacité, je dirais, de réflexion et d'évolution à ce niveau-là.

Un autre élément très important qui sous-tend notre mémoire, c'est le respect du choix des parents. Ça nous apparaît un fil conducteur de respecter la volonté des parents dans leur choix – entre autres, l'article 41 de la Charte québécoise – la volonté des parents qui s'exprime au niveau de l'éducation religieuse de leurs enfants. Évidemment, la famille est le point de départ de tout ça, et souvent l'Église peut être un point d'arrivée. Mais nous avons le sentiment profond que l'école est une courroie de transmission un peu incontournable. Et c'est important de respecter la volonté des parents, qui s'est quand même exprimée à plusieurs occasions. Et nous croyons que cette volonté s'est exprimée dans le sens d'un maintien de services confessionnels.

Un petit mot, même si notre spécifique, c'est l'animation pastorale, sur l'enseignement culturel des religions, parce que nous sommes à même aussi de le voir et de le constater tous les jours à l'école. Nous croyons que la proposition d'enseignement culturel des religions est intéressante, mais à partir du deuxième cycle du secondaire. Nous croyons qu'à partir de la première année du primaire c'est important que l'enfant – et ça va aussi de pair avec son développement – puisse se camper dans sa religion à lui, qu'il puisse aller un peu voir c'est quoi, les affirmations de sa propre religion, avant d'aller voir ailleurs. Mais nous sommes ouverts aussi éventuellement à un cours d'enseignement culturel des religions qui pourrait permettre de balayer un petit peu plus large dans l'ensemble des grandes traditions religieuses.

Nous sommes conscients aussi qu'il y a beaucoup de structures actuellement qui sous-tendent toute la confessionnalité scolaire. Ces structures-là pourraient possiblement aussi être allégées – dans notre mémoire, on le mentionne aussi un peu – avec les comités qui existent actuellement, comme comité catholique, comité protestant, et un petit peu tout ce qui entoure la confessionnalité scolaire. On croit qu'on pourrait peut-être être rendu à une certaine étape où on pourrait jumeler certains de ces comités-là ou certains de ces départements-là pour en faire une vue d'ensemble sur tout ce qui touche les affaires religieuses et l'éducation religieuse à l'école. Alors, je vais laisser la parole à mes collègues, qui vont, à leur tour, vous donner des exemples un peu concrets, je dirais, sur le terrain.

Mme Dufour (Paulette): Alors, bonjour.

La Présidente (Mme Bélanger): Mme Dufour?

Mme Dufour (Paulette): Oui. Comme vous l'avez sûrement constaté par la lecture du rapport Proulx, ce dernier souligne l'apport significatif qu'apporte le service de pastorale dans nos écoles. Je suis animatrice de pastorale scolaire au primaire, donc je suis une professionnelle bien ancrée sur le terrain, tout comme mes collègues du secondaire mais sans avoir la joie de partager les mêmes conditions de travail. Aujourd'hui, j'ai le goût de venir vous parler un peu de ce service du primaire qui est si méconnu dans le système scolaire.

Comme au secondaire, une pédagogie par projets est aussi possible au primaire, puisque c'est ce que je vis sur le terrain avec les jeunes des trois écoles où je travaille, et ce, depuis quelques années. Pour plusieurs, le service de pastorale au primaire est encore associé à la sacramentalisation des jeunes et n'est dispensé que sur le temps d'enseignement religieux et qu'aux élèves catholiques et protestants. Pourtant, cette façon de faire est depuis longtemps dépassée.

Comme professionnelle, j'offre un service à tous les élèves de l'école, quelle que soit leur religion ou encore qu'ils soient en enseignement moral ou en enseignement religieux. Les activités en classe se limitent, tout comme au secondaire, à quelques rencontres durant l'année sur un temps autre que l'enseignement religieux. Les services de pastorale du primaire offrent aussi des activités qui se déroulent sur un temps autre que le temps de classe et qui ouvrent les jeunes à leur milieu et au monde. Pour vous donner quelques exemples: les clubs de pasto sur l'heure du dîner, les camps de fin de semaine, les ateliers-échange durant les dîners ou encore les clubs de devoirs et de leçons après les heures de classe. Et je ne fais qu'en nommer quelques-uns.

De plus, lorsque je décide de placer le jeune au coeur de notre débat, il me semble que ce service vient donner au jeune un espace pour se questionner et réfléchir sur le sens de sa vie, le sens de la mort, le sens de la souffrance et sur l'importance de découvrir qu'il a, tout comme nous, les adultes qui l'entourons, une dignité humaine, et ce, quelles que soient ses réussites académiques ou son appartenance religieuse.

Il est bien évident que parfois je dois répondre aux demandes du milieu et élaborer une célébration de type confessionnel, j'en conviens. Cependant, j'aurais le même souci d'accompagner des jeunes dans un temps de méditation, s'ils étaient de foi bouddhiste ou autre. Constamment, je me vois dans l'obligation de refuser à certains jeunes le droit de participer à certaines activités de pastorale, mais, attention, non pas à cause de leur religion, mais beaucoup plus à cause du trop grand nombre qui désirent participer à ces activités. Merci.

M. Dubois (Jean-René): Jean-René Dubois, animateur de pastorale dans une école secondaire, à Saint-Pierre-les-Becquets, la commission scolaire de la Riveraine, comté Lotbinière, Nicolet – on est touché par ces villages-là, ces paroisses-là. Pour faire suite, on a fait ressortir dans notre mémoire que nous cherchions aussi à trouver un consensus. Et, pour nous, c'est important d'essayer de trouver une solution. Le rapport Proulx est un départ, pour nous. Il pose de bonnes questions, il faudra trouver des réponses.

Pour nous, il y a quand même aussi des questions qui nous habitent. Parce que nous ne sommes pas des spécialistes, et c'est pour cela, à la recommandation 1 de notre mémoire, nous parlons un peu des clauses dérogatoires ou «nonobstant». Ce que nous voulons souligner... Parce que nous portons des questions, nous, les animateurs du primaire et du secondaire. Nous nous posons comme question: Est-ce qu'utiliser les clauses dérogatoires c'est vraiment automatiquement comme brimer les droits des minorités? En tout cas, c'est ce qui circule, c'est ce qu'on peut entendre du rapport Proulx. Et c'est pour ça qu'on recommandait que l'utilisation des clauses dérogatoires n'est pas là pour brimer. Et ça, je pense que la majorité des gens sont d'accord avec cela.

(9 h 50)

La question que nous nous posons aussi par rapport aux chartes: Est-ce que ça aurait des incidences de reconnaître la Charte canadienne? Et là, peu importe quel parti ou les options politiques que nous pouvons avoir, il reste un fait, que, depuis 1982, la Charte canadienne n'a jamais été reconnue ni par le Parti québécois ou le Parti libéral. Lorsque le rapport Proulx demande de faire une priorité des chartes des droits et libertés et de faire en sorte que les lois du Québec soient conformes à la Charte canadienne, est-ce que ça peut avoir des incidences, au niveau politique, autres que l'aspect de la religion? Ici, on pense à la langue, on pense à d'autres domaines qui pourraient être touchés.

Également, au niveau des chartes, on se posait comme question: Mettre en absolu les droits et libertés, est-ce que ça ne crée pas une discrimination pour la majorité des gens? La majorité de la population au Québec est de foi catholique. La majorité des gens encore demande à ce que leurs jeunes reçoivent un enseignement religieux avec un service d'animation pastorale.

Alors, la solution à rechercher. Et ce que nous proposons, nous, c'est, tout en respectant les chartes, soit canadienne ou du Québec, tout en respectant les lois du Québec en n'oubliant pas que le Québec a juridiction au niveau de l'éducation, tout en respectant les attentes de la population en général et bien sûr en gardant en arrière l'idée de respecter aussi les minorités qui désirent elles aussi avoir un système qui les respecte, de trouver une solution qui va faire consensus et cohésion.

Dans notre mémoire aussi – je termine avec cette idée-là – nous disons oui pour le choix des parents, mais il ne faudrait pas oublier aussi le besoin des jeunes. Étant animateur de pastorale, travaillant sur le terrain, en tout cas, moi, je peux confirmer que, dans mon milieu, dans nos milieux, à l'école, l'animation pastorale répond à un besoin, un besoin de trouver un sens à sa vie, un sens au niveau d'une intégration, d'un respect des autres, de la tolérance envers les autres. Et toutes les activités de pastorale au secondaire sont offertes à tous les élèves.

Dans le rapport Proulx, il est souligné que la loi dit que l'animation pastorale catholique est offerte aux catholiques. Mais, dans la pratique, je crois qu'il ne faut pas perdre de vue que les animateurs et les animatrices de pastorale offrent ce service à tous les élèves sans exception. Et ça se fait sur une base libre ou volontaire, en ce sens que l'élève accepte ou n'accepte pas de participer.

Moi, je viens de terminer ma tournée de classes avec des élèves de première à cinquième secondaire, et, encore cette année, 94 % de mes élèves demandent à recevoir une activité de pastorale, activité qui sera parfois, en classe, un 50 minutes, soit par un cours de français, de mathématiques ou d'enseignement religieux ou de morale, selon les disponibilités des enseignants de mon milieu, ou bien un projet qui touche à un thème durant toute une semaine: Semaine de l'amitié, Semaine de la solidarité, etc. En passant, les manifestations qui se passent, ça n'a rien à voir avec la Semaine de la solidarité. La Semaine de la solidarité, c'est les cueillettes et les denrées non périssables et non pas des manifestations dans la rue. En plus, nous vivons beaucoup de camps, des camps où les jeunes prennent le temps de s'arrêter.

Et je dirais que la pastorale a su, dans les 30 dernières années, évoluer avec ce qui se passe au Québec, avec ce que la société vit. Il y a 30 ans, la pastorale pouvait – et là, j'y vais gros – se résumer à l'aspect sacramentel. Et aujourd'hui je dirais que, si 5 % de mon travail représente l'aspect sacramentel, c'est beaucoup. Les jeunes recherchent autre chose. On répond à ce besoin pour la minorité qui le demande – parce que je suis au service des élèves pour les accompagner dans ce qu'ils vivent – mais on développe beaucoup plus des activités autour du sens à la vie, de l'intériorité, de l'engagement. J'ai fait le tour, je crois.

M. Forand (Alain): Peut-être un dernier petit mot pour dire qu'évidemment notre mémoire n'était pas très, très volumineux, vous l'aurez constaté. Nous avons voulu avoir quelques points précis, certaines recommandations. Et c'est un peu le propre, je dirais, de notre approche, de notre regard. On est des animateurs de pastorale sur le terrain. Nous sommes ici ce matin, mais habituellement nous sommes en classe. Et, actuellement, à ce temps-ci de l'année, c'est la tournée des classes pour lancer notre année. Donc, c'est un peu notre spécifique. Notre réflexion vient beaucoup de ce que les jeunes nous apportent. Et nous avions le goût aujourd'hui, je pense, de vous présenter, à même les exemples de M. Dubois et de Mme Dufour, des exemples sur le terrain de comment nous vivons la place de la religion à l'école. Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Forand. M. le ministre.

M. Legault: Oui. D'abord, je voudrais vous remercier, tous les gens de la Conférence de la pastorale, entre autres M. Forand, M. Dubois et Mme Dufour, pour votre mémoire, votre présentation. Je veux aussi en profiter pour peut-être dire quelques mots sur les animateurs de pastorale. J'ai fait le tour de quelques écoles, j'ai rencontré plusieurs intervenants du milieu scolaire au cours des derniers mois et je peux vous dire que c'est unanime, votre travail est très apprécié dans les écoles. Même si souvent vous devez parfois travailler dans des conditions qui sont difficiles, je pense que tout le monde reconnaît votre disponibilité, votre accueil. Et c'est un service, en tout cas, qui est très apprécié dans nos écoles, actuellement.

Puis, dans le débat qu'on vit actuellement sur la place de la religion à l'école, bien, ce qu'on cherche aussi, c'est une meilleure place ou une meilleure façon d'aider les jeunes dans nos écoles. Et puis, avec votre travail de terrain, je pense que vous pouvez nous être très utiles dans l'examen des différentes solutions.

J'aurais quelques questions à vous poser, d'abord, au niveau justement du service d'animation pastorale. Dans votre mémoire, vous parlez beaucoup du service d'animation pastorale catholique, vous nous parlez moins du service pour les protestants ou pour les autres religions. Est-ce que je comprends bien? Est-ce que vous visez aussi... est-ce qu'il y a un service pour les autres religions? Et puis j'aimerais ça peut-être vous entendre un peu sur ce que certains animateurs vivent dans les milieux où il y a une grande diversité religieuse. Comment ça se vit, votre service d'animation?

M. Forand (Alain): Alors, je pense qu'actuellement ce qu'on a voulu illustrer, c'est que le service de pastorale, bon, qu'on appelle catholique évidemment dans nos écoles confessionnelles catholiques, pour la plupart, est actuellement déjà offert à tous, donc à toutes les religions. Les élèves peuvent venir, qui sont inscrits en enseignement moral ou religieux catholique ou même autre, se joindre à nos activités. La vie nous a amenés à adapter notre service à cette réalité-là. Le service de pastorale n'est pas cloisonné.

Pour ce qui est des autres religions, quand on parlait, même dans le rapport Proulx, d'une proposition d'animation religieuse et spirituelle qui serait offerte à toutes les autres dénominations du milieu ou toutes les autres confessions, je pense que le service de pastorale va déjà un petit peu dans ce sens-là, sur le terrain, c'est ce qu'on expérimente. Et, si, au besoin, il fallait élargir encore un peu plus le cadre, je pense que les animateurs de pastorale seraient prêts à prendre le virage. Moi, je crois.

Pour ce qui est des écoles à milieux pluriethniques – on a parlé, nous, de certains milieux où c'est plus homogène, mais on a des collègues aussi qui travaillent dans des milieux où il y a plusieurs ethnies de représentées – je pense que là aussi les animateurs ont essayé, à partir de leur service de pastorale, de l'adapter à la vie du milieu de façon à ce que chacun, chacune puisse y trouver son espace, que les élèves soient respectés dans un espace qui leur correspond.

M. Legault: Est-ce que je comprends bien, alors? Vous savez, dans le rapport Proulx, il y a une recommandation, vous voyez, à la page 220, on dit: «L'animateur peut devenir un "aiguilleur" religieux spirituel. Il va de soi qu'il peut, s'il y est habilité, présider ou organiser des activités culturelles interconfessionnelles ou pour les membres de sa propre confession.» Est-ce que vous êtes d'accord avec la proposition qui est faite dans le rapport Proulx?

M. Forand (Alain): Ce qu'on dit, nous, au départ, c'est qu'on croit que l'animation pastorale, dans la forme qu'on la connaît actuellement, remplit déjà un petit peu ce mandat-là. Ce que le rapport Proulx propose, je pense, on ne dit pas que c'est impossible. Je pense que ça pourrait être possible. Ce n'est peut-être pas la première proposition qu'on apporte, comme association professionnelle, mais il y a déjà un peu de ça qui se fait sur le terrain. C'est un petit peu ça, je pense, notre réflexion.

M. Legault: D'accord. Maintenant, vous dites aussi dans votre mémoire que, dans le système actuel d'options, il serait possible d'offrir d'autres cours d'enseignement religieux pour les autres traditions religieuses là où le nombre d'élèves le justifie. Est-ce que vous pourriez nous préciser d'abord quelles seraient les autres traditions religieuses qui seraient envisagées et comment on choisirait, justement, ces religions?

M. Dubois (Jean-René): Bon. Ce qui existe, c'est que, en tout cas...

La Présidente (Mme Bélanger): M. Dufour...

M. Dubois (Jean-René): Excusez. Ce qui existe présentement, c'est que la loi permet... Mais c'est sûr qu'il y a toujours le nombre, et c'est là que ça fait difficulté, le rapport le fait bien ressortir. Les gens qui voudraient – je ne sais pas – un enseignement religieux de la religion juive, si on a bien compris la loi, pour nous, il serait possible qu'il y ait une demande et qu'une école puisse offrir ce service et les moyens, mais c'est toujours selon le nombre, s'il le justifie. Et la difficulté, si on en est bien conscient: Dans les milieux où il y en a plusieurs, est-ce qu'à ce moment-là il faudra mettre en place 10, 12 enseignements religieux différents? Ça peut devenir très difficile. Comment le faire? Si on est d'accord avec le rapport Proulx qu'il faut préciser des choses...

Je ne le sais pas, là, je m'excuse, mais, au niveau de la question, c'est parce que, moi, ne vivant pas nécessairement dans la région de Montréal, je n'ai pas d'exemple précis où, en enseignement religieux, il y aurait eu des demandes précises. Je ne sais pas si Alain, qui, lui, est plus près de cette région là...

(10 heures)

M. Forand (Alain): Bien, je pense que, dans ce qu'on propose dans notre mémoire, c'est qu'effectivement il y aurait une ouverture pour ça. On peut parler des autres traditions, que ce soit les musulmans, les bouddhistes, etc. Mais on a voulu aussi appliquer, je pense, le système même à la tradition judéo-chrétienne, catholique ou protestante là où le nombre le justifie. Dans une école où il y a juste deux ou trois élèves, ou quatre élèves qui demandent, par exemple, un enseignement religieux bouddhiste, est-ce que le nombre le justifie? Mais, à l'inverse, dans un milieu où il y a juste deux ou trois élèves catholiques qui demandent un enseignement religieux catholique, est-ce que le nombre le justifie? Je pense qu'on a voulu aussi poser la question de la logique de part et d'autre, sachant qu'il y a des aménagements pratiques qui doivent être trouvés. Et ce n'est pas toujours évident, dans la gestion de l'école même et du quotidien.

M. Legault: D'accord. Maintenant, au niveau du statut de l'école, vous parlez d'une volonté des parents clairement exprimée pour la détermination du statut de l'école. Vous recommandez que chaque école puisse décider de son statut, confessionnel ou laïc, selon la volonté des parents. Est-ce que, dans votre esprit, ça correspond à un vote majoritaire des parents? Et, si oui, quelle majorité? Puis est-ce que vous ne voyez pas des inconvénients pour les minorités?

M. Dubois (Jean-René): Bon. Sur la question de la majorité, c'est sûr qu'au Québec en tout cas, on est une démocratie qui a souvent utilisé le principe que, lorsqu'on se prononce, c'est la majorité qui l'emporte, si on peut parler en termes de gagnant ou de perdant, bien que ce ne soit pas dans ce débat-là que je me situe.

Mais il reste que, comme M. Forand l'a dit tantôt, plusieurs fois, les parents ont été consultés, et, à 70 %, 75 %, peut-être 80 %, les gens demandent un statut d'école confessionnelle ou un enseignement avec des services, c'est-à-dire des services d'enseignement religieux ou de pastorale. Est-ce que ça doit être 50 %?

Lorsqu'on met la Charte des droits et libertés, il semble clair, dans le rapport Proulx, que, si on respecte la Charte des droits et libertés de chacun, c'est brimer les droits de la minorité. Et c'est pour ça, nous autres, on est en faveur de chercher une solution. Et il me semble qu'au Québec on est capable de trouver une solution, un modèle qui va correspondre à ce que nous vivons tout en respectant les attentes de la majorité et, sans brimer la minorité, trouver des aménagements qui vont permettre à chacun de vivre ensemble.

Je lance le débat d'une autre façon. Ce qui m'inquiétait... Moi, les élèves, les commentaires qu'ils m'ont faits – parce qu'on a parlé de ça à mon école – il y a des élèves qui disent: Bien, comment ça que la majorité maintenant, ça ne sera plus... La démocratie, ça ne sera plus la majorité, 50 % plus un? Ou: Ça va-tu être 66 % ou bien est-ce qu'il faut respecter les droits de chacun? Et là les élèves disaient aussi: Bien, qu'est-ce qui va arriver avec un futur référendum? Est-ce que 50 % plus un va faire en sorte qu'on ne respectera pas la minorité qui ne veut pas d'une indépendance ou d'une souveraineté du Québec, etc.? Si on l'applique pour l'éducation, c'est comment appliquer le même principe ailleurs?

M. Legault: Si on prend un exemple pratique, là: Si on avait dans une école 40 % des élèves qui sont catholiques et l'autre 60 % qui représentent une série de religions, à ce moment-là, comment vous appliqueriez le statut confessionnel de l'école? Comment vous agiriez dans une situation comme ça?

M. Dubois (Jean-René): Moi, je pense qu'il faut consulter les parents et, selon le choix de ces parents, nous allons opter. Si les parents optent pour que ce soit laïc ou neutre, on choisit le neutre ou le laïc; s'ils optent pour une école confessionnelle catholique, ce sera catholique; si c'est une école confessionnelle autre, ça pourrait être ce choix-là, mais le respect, bien sûr, de la majorité.

Je crois que les parents, en s'assoyant aussi et en discutant, il y a possibilité de trouver des aménagements. Si c'est très serré comme ça, je pense que ça demande plus de temps. Il ne faut pas brusquer les choses et y aller selon le bons sens aussi des gens qui vont prendre cette décision.

M. Legault: D'accord, merci.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Merci. M. Forand, M. Dubois et Mme Dufour, bienvenue. Et vous me permettrez d'ajouter aux premiers commentaires du ministre en ce qui a trait à votre rôle et votre implication. Je vous dirais bien amicalement qu'avec la situation de l'éducation au cours des dernières années et avec les compressions qu'il y a eu, votre rôle, votre définition de tâches et votre place dans l'école ont été augmentés et votre service est encore plus précieux auprès des élèves. Vous devenez à ce moment-là, je pense, des intervenants de première ligne sur plusieurs sujets qui souvent sont connexes à vos responsabilités de base. Et je vous remercie pour votre mémoire. Les arguments que vous amenez, les éléments que vous soulevez sont extrêmement pertinents.

Je vous dirais qu'une des premières questions qui me viennent à l'idée, même s'il y a des gens qui disent que même si on envisage de déconfessionnaliser et de sortir l'enseignement religieux du curriculum comme tel, certains sont quand même prêts à dire et avouent qu'il devrait quand même y avoir une possibilité de garder les services de pastorale scolaire.

Moi, une question qui me vient toujours à l'esprit: Est-ce que c'est compatible? Est-ce que, pour vous, si on y allait avec une déconfessionnalisation et enlever l'enseignement religieux du curriculum – je vois que ce n'est pas votre position, mais c'est une question hypothétique, je vais profiter de votre présence – est-ce que c'est quand même possible de garder les services d'animation pastorale et est-ce que ce ne serait pas un peu une ambiguïté où certains vous verraient un rôle que vous n'avez pas? Comment vous voyez cette hypothèse-là?

M. Forand (Alain): C'est sûr que, comme on le disait un petit peu d'entrée de jeu, notre a priori, c'est le contenu sur le contenant. On est conscient que le statut de l'école amène des irritants majeurs. Je pense que les questions qui étaient amenées par M. Legault tout à l'heure nous laissent des fois perplexes nous-mêmes par rapport à des réponses pratico-pratiques.

On nous a dit, en 1996, quand il y a eu l'avènement des commissions scolaires linguistiques, qu'il y aurait des garanties pour les services confessionnels. Et, si on regarde le cheminement depuis ce temps-là, on a senti – en tout cas, peut-être un peu avec l'élan du rapport Proulx – que rapidement ces garanties-là ou ces services confessionnels pouvaient disparaître. Donc, je pense qu'il y a eu une espèce de réaction de notre part de prudence, de dire: On nous avait annoncé des couleurs, on sent que tout va rapidement maintenant, quelles garanties on peut avoir?

Je pense que, dans l'Association, entre nous, on se le dit, on se le partage. Il pourrait ne plus y avoir de statut confessionnel de l'école ou même la dimension confessionnelle pourrait être plus relative, disons, à condition qu'il y ait des garanties pour les services. Et nous, quand on parle de services, on parle d'enseignement religieux et d'animation pastorale. Évidemment, l'animation pastorale, je pense qu'on se rejoint assez bien là-dessus; et l'enseignement religieux, ça reste litigieux parce que la gérance de tout ça est un peu complexe. S'il y avait des garanties pour les services enseignement religieux et animation pastorale, si le contenu était respecté, s'il y avait le respect de la volonté des parents à travers ces services, moi, je pense que, pour le reste de la structure ou du cadre, ça deviendrait peut-être un petit peu plus secondaire.

M. Béchard: Mais est-ce que le fait de ne plus avoir d'enseignement religieux comme tel dans une école, sur le contenant comme tel, serait incompatible avec une présence d'un service d'animation pastorale? Est-ce que, selon vous, il peut y avoir une incompatibilité entre les deux ou ça peut se faire quand même? Je comprends que ce n'est pas votre position, je veux juste voir si ce serait, selon vous, possible quand même.

Mme Dufour (Paulette): Moi, je pense que oui. Mme Dufour. Je pense que, oui, c'est faisable parce que justement on n'est pas lié à l'enseignement religieux, on n'est pas des spécialistes de l'enseignement religieux, bien que, souvent, par notre spécificité, on a souvent des outils pour aider les enseignants dans ce domaine-là. Mais, comme je disais dans ma présentation, nos rencontres ne se font jamais sur le temps de l'enseignement religieux. C'est dépassé, ça, ce n'est plus comme ça, ça peut être durant un cours de français, un cours de math. On rentre dans le rang. Plusieurs activités sont sur l'heure du midi, elles sont le soir. Alors, moi, je pense que oui, il y a de l'espace pour ça.

(10 h 10)

M. Béchard: Parfait. Vous mentionnez dans votre mémoire que votre première recommandation, en fait, c'est l'utilisation des clauses dérogatoires afin de préserver les droits collectifs des groupes présents dans les écoles du Québec. Est-ce que, pour vous, cette recommandation-là, c'est le fait qu'il vous semble impossible d'en arriver à une solution qui permettrait d'éviter le recours aux clauses dérogatoires ou si c'est par mesure de prudence et afin d'être certain qu'on n'entre pas dans des guerres juridiques à n'en plus finir, qui finalement pourraient compromettre l'enseignement religieux multiconfessionnel comme tel, qui est votre position? Parce que la majorité des groupes à se présenter soit pour déconfessionnalisation, la laïcité ou le fait d'avoir un enseignement confessionnel qui s'ouvre à d'autres religions, je dirais qu'une grande majorité, pour ne pas dire la totalité des groupes, vise un objectif commun qui est de ne plus avoir recours aux clauses dérogatoires. Est-ce que votre position est une mesure vraiment préventive ou si, pour vous, c'est une condition de base à la mise en place d'un nouveau système d'enseignement religieux?

M. Dubois (Jean-René): Au niveau des clauses dérogatoires, c'est une mesure préventive un peu pour aller à l'encontre, parce que personnellement ça nous agaçait de constater qu'utiliser une clause dérogatoire c'est automatiquement brimer les droits d'individus. Je me dis que, si on a mis ça dans les chartes, cet outil d'utilisation, c'est pour justement pallier à des situations complexes, plus difficiles, avant de trouver une loi ou de trouver des aménagements qui vont faire en sorte qu'on va respecter la cohésion sociale, un consensus. Ça, c'est vraiment préventif. Il ne faudrait pas prendre notre recommandation comme: Utilisons les clauses dérogatoires à l'infini et attendons. Ce n'est pas ça du tout notre position. Trouvons des solutions, mais n'ayons pas peur de les utiliser, si nous n'avons pas trouvé une solution adéquate.

M. Béchard: Vous mentionnez, dans votre mémoire, l'importance de l'article 41, l'importance du choix des parents et la place qu'ils doivent occuper, notamment avec la réforme de l'éducation et la loi n° 180, c'est un des éléments aussi qui est au coeur de cette réforme-là. Dans votre proposition comme telle, qui est d'avoir un système d'options entre l'enseignement moral et religieux catholique et d'ouvrir là où le nombre le justifie à un enseignement religieux confessionnel autre, selon vous, est-ce que cette option-là pourrait être – je vous donne un scénario – par exemple, au niveau primaire, premier cycle, laisser le choix aux parents; deuxième cycle, ouvrir un petit peu plus sur l'aspect culturel des religions; au premier cycle du secondaire, que ce soit au choix des élèves, par exemple; et finir au secondaire IV et V, le dernier cycle du secondaire, avec un choix des élèves ou un cours d'histoire culturelle des religions?

Est-ce que, selon vous, il y a moyen d'avoir une solution comme celle-là – on va l'appeler une solution mixte – mais qui, en même temps, permet de respecter le choix des parents; au niveau du secondaire permettrait de respecter le choix des étudiants, si on veut; et finirait avec l'option qui est présentée dans le rapport Proulx, qui est d'ouvrir à un enseignement culturel des religions plus large? Est-ce que, selon vous, un scénario comme ça serait acceptable pour vous?

M. Forand (Alain): Ça ouvre des avenues intéressantes, en tout cas. Je pense qu'on en a déjà discuté entre nous puis avec d'autres associations. Il y aurait sûrement une formule ou des séquences à trouver, par exemple, pour le primaire, pour le premier cycle du secondaire, pour le deuxième cycle du secondaire. On croit qu'effectivement il faut trouver une formule qui va être respectueuse des parents, respectueuse aussi des élèves puis qui est ouverte à la diversité à laquelle on est confronté aujourd'hui. Je pense qu'à ce niveau-là il y a place pour créativité, il y a place pour inventer un modèle, je dirais, québécois. Je pense qu'il y a eu un effort, dans les dernières années, au niveau du curriculum pour ajuster les cours d'enseignement moral et religieux à la réalité des jeunes. Je pense qu'il y a une grande méconnaissance là aussi, à ce niveau-là, ce n'est pas des cours d'endoctrinement, ce n'est pas du prosélytisme, c'est des cours qui sont beaucoup plus basés sur une inspiration aussi humaniste, mais il y aurait sûrement quelque chose d'intéressant à regarder et à ouvrir.

M. Béchard: Donc, finalement, vous n'êtes pas pour une solution mur à mur quelle qu'elle soit. Du début, de la première année aller en secondaire V, vous dites qu'il y a de la marge de manoeuvre, on serait capable de moduler différemment la place de l'enseignement religieux.

Une dernière question avant de passer la parole à mes collègues sur votre recommandation qui est celle d'avoir un comité. Parce que vous y allez avec les deux options: soit les comités actuels catholique et protestant ou encore un comité plus large qui serait un comité multiconfessionnel. Est-ce que, selon vous, ce comité-là pourrait offrir les garanties intéressantes et assurer le suivi de toute la réforme, si l'on veut, de la place que prend l'enseignement religieux à l'école, que ce soit au Conseil supérieur de l'éducation, peu importe où dans l'organisation? Cette formule-là, pour vous, semble être la voie à suivre pour s'assurer de la mise en place de cette réforme-là.

M. Forand (Alain): Absolument, un comité qui a une vue d'ensemble sur ce qui se passe au niveau des questions plus religieuses, au niveau tant de l'animation que de l'enseignement, et qui peut faire des recommandations, qui peut chapeauter un peu le tout. On pense que c'est important qu'il demeure une structure au niveau du ministère de l'Éducation à ce niveau-là, plus allégée, comme on le disait tout à l'heure, et qui pourra faire des recommandations.

M. Béchard: Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le député de Kamouraska-Témiscouata. M. le député de La Prairie.

M. Geoffrion: J'ai deux petites questions. Une première qui fait référence à ce que M. Forand a dit dans son préambule, et une deuxième plus précise qui fait référence à la page 5 de votre mémoire. M. Forand, vous avez parlé tout à l'heure, dans l'encadrement, dans la réflexion qui vous anime, du rôle des parents, vous avez parlé du rôle de l'école, et vous avez dit souvent «l'Église», comme si l'Église avait peut-être un rôle un petit peu discret dans votre réflexion, pour vous aider un petit peu à encadrer tout ça. Est-ce que c'est vraiment le cas ou si c'est moi qui ai mal compris? Est-ce qu'effectivement, dans votre dynamique, l'Église vient un petit peu comme en dernier lieu ou c'est un petit peu la réflexion, celle des parents et de l'école qui doit guider toute votre réflexion?

M. Forand (Alain): Je pense que l'Église est partenaire au même titre que la famille et que l'école pour tout ce qui touche l'éducation religieuse des enfants, pour tout ce qui est de l'ordre de la croissance spirituelle des jeunes. Je pense que dans l'approche que j'ai peut-être voulu privilégier, c'est de dire que, évidemment, le choix de départ de cette éducation-là appartenait aux parents. Ensuite, les parents ont confié un mandat. Nous, nous croyons à l'école au niveau de l'éducation religieuse qui doit se poursuivre et que l'Église, les communautés chrétiennes, les communautés religieuses, se doivent aussi de prendre le relais et de voir quelle place ils doivent occuper dans la formation, je dirais, globale du jeune; donc, pas une place moindre ou plus mais une place à déterminer dans le contexte dans lequel on vit aussi, où l'Église est confrontée à des questions aussi de gestion de la décroissance et de ressources attribuées pour l'éducation religieuse.

M. Geoffrion: O.K. Et ma deuxième question fait référence donc à la page 5, concernant l'enseignement culturel des religions. Vous dites: «Malgré certaines difficultés d'application, le système actuel du régime d'options [...] est beaucoup plus respectueux des libertés de conscience et de religion que le cours d'enseignement culturel des religions – bon, vous, vous dites – imposé...» Bon, là on aurait peut-être pu dire «proposé à tous». On dit: «Rendu obligatoire, ce cours d'enseignement culturel des religions heurterait certaines sectes.» Vous employez le mot «secte» et non pas «d'autres religions». Donc, j'ai l'impression que votre position fait sortir que ça pourrait paraître offensant pour d'autres religions, si le cours d'enseignement culturel des religions était adopté. J'aimerais ça vous entendre là-dessus, là.

M. Dubois (Jean-René): Bien, moi, si je pars de mon milieu encore, sans avoir beaucoup d'autres gens d'autres religions on a quelques baptistes évangéliques, témoins de Jéhovah, etc., quelques protestants et la majorité est catholique. Je dirais d'autres religions, oui, mais, même parmi les catholiques, moi, lorsque j'ai rencontré les élèves et leur ai demandé: Est-ce qu'un cours d'enseignement culturel des religions, ça vous plairait? Les jeunes ne sont pas intéressés. Premièrement, ça fait un cours de plus. La majorité dit: Pourquoi un cours de plus? Et ce cours-là va nous donner quoi? On l'a déjà soit en morale ou en enseignement religieux. On va rajouter pourquoi? Pour venir nous parler des autres religions?

Là, c'est vrai que, moi, je suis parmi les élèves du secondaire. Déjà, parmi les élèves de deuxième cycle, cinquième secondaire, autant les élèves de morale que d'enseignement religieux, ils ont cette ouverture aux autres religions. Les aménagements possibles, est-ce que ce ne serait pas mieux de prendre ce que nous avons déjà? Et c'est pour ça qu'on dit: Peut-être que le système actuel est déjà respectueux. Est-ce qu'il ne faudrait pas voir à aménager plus jeune? Là on le fait en cinquième secondaire, quatrième. Est-ce qu'il ne faudrait pas aller plus jeune, dans le premier cycle du secondaire, déjà à l'intérieur soit du programme d'enseignement moral ou d'enseignement religieux catholique ou protestant, de permettre cette culture des religions?

(10 h 20)

M. Forand (Alain): Et peut-être notre réaction, je dirais, c'est, dans le système mur à mur imposé à tous – je pense que c'est un petit peu à ça qu'on réagit – de ne pas imposer un système uniforme qui ne serait pas respectueux de la réalité du terrain. Je pense que notre regard est énormément biaisé par ça. On le constate dans le milieu, à l'école, où il y a un système d'options qui est disponible. Et, à partager avec nos élèves, je pense qu'on entend de leur part qu'il y a de l'espace pour le choix. Est-ce qu'on pourrait améliorer la formule, un petit peu comme on disait tout à l'heure, avec une formule pour le primaire, pour le premier cycle du secondaire, pour le deuxième cycle du secondaire? Je pense qu'il y a des aménagements à trouver, mais surtout pas une formule qui serait imposée à tous. Je pense que c'est un petit peu contre ça qu'on s'élève.

M. Geoffrion: Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci, Mme la Présidente. Mme Dubois, M. Forand et M. Dufour, merci pour votre présentation et l'éclairage que vous nous avez apporté. Vous dites dans votre recommandation, à la page 3, «que chaque école puisse décider de son statut (confessionnel ou laïc) selon la volonté des parents clairement exprimée». Si on applique ce modèle, tel que vous le suggérez, on aurait évidemment une multiplication d'écoles: celles qui se déclarent confessionnelles selon la confession des parents et celles qui se déclareraient laïques.

Selon les dernières données que nous avons, 37 % des jeunes du réseau francophone, en 1997-1998, sont d'une religion autre que catholique et près de 47 % dans le réseau anglophone sont de religion autre que protestante. Donc, il y a une masse critique assez importante, il y a des besoins qu'il faut exprimer. Et, moi, ce que je veux savoir, c'est que, si on applique votre recommandation, on va se ramasser avec une école publique encore plus morcelée, encore plus éclatée et on va rater le bateau de l'intégration. Parce que l'objectif, c'est de ramener les enfants, les jeunes, pour qu'ils puissent apprendre à vivre ensemble, pour qu'ils apprennent de leur diversité, pour qu'ils puissent la vivre et la partager, s'enrichir mutuellement au contact des uns et des autres. Alors, moi, ça me préoccupe. Quelle place faites-vous à l'école publique commune, l'école de l'intégration, à partir de ce que vous suggérez dans votre recommandation de la page 3?

Mme Dufour (Paulette): Bien, moi, je pourrais dire que déjà les parents avaient un droit de choisir un statut confessionnel ou autre. Moi, j'ai travaillé dans une école pendant trois ans où le statut de l'école était autre, et le mieux vivre ensemble se faisait très bien, dans le respect de chacun, de ce que l'on est, de ce que l'on vit. Alors, je pense que justement le système qui est en place en ce moment, avec l'enseignement religieux et l'enseignement moral, offre ce choix-là aux enfants. Nos programmes d'enseignement religieux, en ce moment, comme le président le disait tantôt, ce n'est plus un enseignement catéchistique, c'est beaucoup plus, à partir de la tradition judéo-chrétienne, une ouverture, oui, vers les autres, vers le monde, vers le milieu. Je pense que le mieux vivre ensemble, ça se passe déjà. Puis même, moi, présentement je travaille dans trois écoles confessionnelles, puis l'intégration des différences se fait très bien. Je ne pense pas qu'au niveau des jeunes ce soit un problème.

Mme Houda-Pepin: Alors pourquoi on est là aujourd'hui, si tout va bien et si l'intégration se fait à l'école et qu'il n'y a pas de communautés ou de citoyens qui se sentent comme brimés? Pourquoi on discute de la place de la religion à l'école?

Mme Dufour (Paulette): D'accord. Alors, un peu pour revenir à ce qu'on propose, c'est que, oui, il y a des milieux où les gens souhaiteraient un statut autre. Je pense qu'il faut leur donner la chance d'avoir ce statut-là.

Mme Houda-Pepin: Quel serait le statut autre, à ce moment-là?

Mme Dufour (Paulette): Un statut laïc.

Mme Houda-Pepin: O.K. D'accord.

La Présidente (Mme Bélanger): Ça va? Mme la députée de Rimouski.

Mme Charest: Bonjour. Merci beaucoup de nous faire part de vos commentaires et de vos recommandations. Moi, je lisais, à la page 7 de votre mémoire, que «l'animation pastorale est aussi initiatrice de projets communs qui suscitent de la vie dans les écoles, une ouverture sur le monde et l'appropriation d'attitudes responsables qui soutiennent la vie en commun (c'est-à-dire le sens à la vie, fraternité, intériorité et engagement)». J'arrête ici le paragraphe. Il y a la suite, mais, quand même, c'est sur cette phrase que je veux revenir.

Si l'animation pastorale initie des projets communs dans les écoles – et ça, je le crois parce que je suis à même de le constater aussi dans les écoles de mon comté qui sont à majorité confessionnelle catholique, où on enseigne également la morale, avec très peu d'autres communautés culturelles donc d'autres types de confessionnalité – j'aimerais savoir comment ça se passe dans les écoles où il n'y a pas seulement les catholiques et les protestants. Comment on intègre, à l'intérieur de ces projets communs là, les jeunes, comment les jeunes s'y intègrent, et est-ce que vous rejoignez seulement les catholiques et les protestants ou si vous réussissez à rejoindre les autres qui sont peut-être aussi dans les écoles?

M. Dubois (Jean-René): Bon. Moi, je suis convaincu – c'est vrai que mon milieu, je suis dans un milieu semblable au vôtre, madame – parce que je rencontre aussi les animateurs et animatrices de pastorale qui travaillent dans des écoles où il y a différentes confessions, etc., il ne faut pas perdre de vue que, autant au primaire qu'au secondaire – et là je vais parler surtout du secondaire et Paulette pourra rajouter au niveau du primaire – on a vraiment le service à tous, peu importe leur confessionnalité, peu importe leur option, qu'ils soient religieux ou non.

Mme Charest: Excusez-moi!

M. Dubois (Jean-René): Oui.

Mme Charest: Je sais que vous offrez le service à tous, mais, moi, ce que je veux savoir, c'est: C'est quoi, la réponse à l'offre de service que vous faites?

M. Dubois (Jean-René): La réponse, elle est très positive. Moi, ça m'a même amené régulièrement, et des gens de la même commission scolaire, à faire chaque année des échanges interculturels. Des jeunes de notre milieu, qui ne vivent pas cette situation-là mais qui sont au courant à cause de tous les médias, la communication, etc., acceptent de faire des échanges. Il y a aussi des gens de Montréal – parce qu'on fait surtout ces échanges-là avec des écoles de Montréal – qui viennent dans nos milieux, et les jeunes répondent très positivement. On peut penser au CLUB 2/3, on peut penser à des organismes déjà qui viennent dans nos milieux et qu'on supporte, ou bien des initiatives personnelles des animateurs de pastorale ou des animatrices de pastorale, et la réponse est toujours positive. Puis je suis toujours étonné, je dirais, personnellement: Des fois, on propose une activité et on est obligé de dire non. Souvent, on est obligé, en tout cas, de refuser des élèves parce que, bon, il manque de temps, les moyens financiers aussi, les conditions dans lesquelles on doit le faire.

Moi, je sais que quand je pars en autobus, admettons, pour aller rencontrer d'autres gens d'autres religions, si on prend cet exemple d'activité, juste un autobus, ça peut coûter 450 $, 480 $; à un moment donné, ça limite aussi de le faire plusieurs fois. Mais les jeunes sont très positifs, autant dans les activités aussi «sens à la vie». Moi, j'offre des camps. Ces élèves-là, qui sont autant en morale qu'en enseignement religieux, je ne peux pas distinguer puis dire: Il y a 95 % des élèves qui sont d'option religieuse catholique qui participent. Non, j'ai des élèves de morale qui viennent. Lorsqu'on fait des levées pour ramasser des fonds, des denrées non périssables, comme je le disais tantôt, peu importe l'option religieuse, les jeunes participent, et ils grandissent là-dedans. Des fois, on ne sait pas, on n'a pas visé tout à fait à la bonne place, mais on essaie de répondre aux besoins, et les jeunes en veulent.

Mme Charest: Ce que j'entends, ce que vous nous dites, c'est que ça va très bien et que, dans le fond, votre enseignement n'est pas confessionnel tant que ça, parce qu'il est ouvert, il n'est pas strictement d'une obédience plutôt que de l'autre, et je me pose la question: Est-ce que le statut des écoles n'est pas si important que cela ou est-ce que... En tout cas, ça me soulève une autre question, je me dis: Est-ce qu'il ne faudrait pas changer de vocabulaire? Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de redéfinir le système avec un nouveau vocabulaire qui décrirait mieux la réalité d'aujourd'hui, celle dont vous venez de me parler? Je ne sais pas si...

M. Dubois (Jean-René): Je vais laisser la parole à Alain, peut-être. Moi, je reviens sur ça, c'est un peu ce qu'on a fait, souligner tantôt entre le contenu et le contenant. Le contenu, bon...

Mme Charest: Bien, je pense que vous posez bien la réflexion. C'est ça, là.

M. Forand (Alain): La question de vocabulaire, je pense, peut toujours se poser. Nous, on parle d'animation pastorale, on parle au nom des animateurs de pastorale scolaire de la province. Il a été apporté, dans le rapport Proulx, une formulation du côté de l'animation spirituelle et religieuse, il y a une autre formulation qui a été apportée aussi, qui est celle de l'animation spirituelle et communautaire. Je pense qu'au niveau du langage il y a toujours l'espace pour de la créativité. À condition qu'on respecte la réalité qui est sur le terrain, je pense que c'est toujours ça un petit peu notre point de départ puis notre point d'arrivée.

(10 h 30)

Les animateurs de pastorale se sont adaptés à la vie. Évidemment, s'ils avaient eu, les dernières années, un discours qui était prosélytiste ou un peu plus de vieux plancher, je dirais, je pense que les activités n'auraient pas remporté le succès qu'elles remportent aujourd'hui. Donc, les animateurs se sont adaptés et ont répondu à la vie.

La Présidente (Mme Bélanger): Malheureusement, le temps est terminé pour ce côté-ci. Alors, il va y avoir d'autres réponses. M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Oui, merci, Mme la Présidente. M. Forand, ce que je trouve de tout à fait, disons, original dans votre présentation, c'est la perception que vous avez de la flexibilité qu'il y a dans les choix qu'on peut faire. Vous nous avez dit que, par exemple, vous ne voyez pas que le cadre institutionnel confessionnel ou déconfessionnel détermine absolument les pratiques pédagogiques à l'intérieur des écoles, c'est-à-dire qu'on peut avoir certaines pratiques dans un cadre confessionnel puis on peut avoir plus ou moins les mêmes pratiques dans un cadre non confessionnel. Je pense que c'est la première fois qu'on entend un groupe nous décrire autant de flexibilité, sur le marché scolaire, de l'enseignement de la religion, de la pastorale, et ainsi de suite. Mais est-ce qu'il vous paraît néanmoins y avoir des limites à cette flexibilité-là? C'est-à-dire, y a-tu des contraintes en quelque part qui feraient qu'il y a tout de même des configurations, des aménagements d'options qui ne sont pas possibles ou si, vraiment, comme je vous ai compris, vous êtes d'avis que tout est plus ou moins possible, quoi?

M. Forand (Alain): Je crois que globalement, si on se fie un petit peu à ce qu'on entend dans nos milieux, globalement, quand il y a de la bonne volonté et quand on est prêt à faire des compromis pratiques pour le service à l'élève, je crois qu'on arrive à bien vivre notre système actuellement. Par contre, on n'est pas naïf non plus, on est bien conscient que, dans certains milieux, selon les tempéraments, les personnalités, les intervenants, ça peut poser des questions tantôt idéologiques ou tantôt de gestion pratique. On ne les ignore pas. Mais on croit que, quand notre mission est celle de centrer sur le service à l'élève, on peut ensemble arriver à des compromis intéressants. C'est l'expérience qu'on en fait. Vous allez me dire que, comme animateurs de pastorale, c'est un peu dans notre mandat et notre mission de rapprocher les gens, de faire ça. C'est vrai. Et c'est peut-être notre regard qui nous permet aussi de dire que, sur le terrain, il y a moyen de trouver des aménagements intéressants qui vont plus dans le sens d'un consensus, d'un rapprochement qu'un cloisonnement ou qu'un éloignement.

M. Laporte: Une autre question, ça a à voir avec... Vous nous avez bien dit justement qu'il pouvait y avoir un cadre confessionnel, non confessionnel, des pratiques d'enseignement différentes. Mais quelle est votre opinion sur l'origine des ressources financières? C'est-à-dire, ces activités-là qui se dérouleraient: pastorale, enseignement culturel de la religion, enseignement des religions particulières, dans des écoles qui seraient non confessionnelles ou confessionnelles, est-ce que vous êtes d'avis que tout ça devrait se dérouler dans un cadre de financement public, quoi?

M. Forand (Alain): Absolument, absolument.

M. Laporte: Donc, vous n'êtes pas d'avis que le choix des parents s'exercerait dans un cadre de financement qui serait un cadre d'enseignement privé.

M. Forand (Alain): Non. Moi, je crois que les parents, la population envoie un message clair. Je pense que la croissance humaine et spirituelle des jeunes, des élèves, elle est importante, elle est prioritaire. Je pense que le message, il est là, depuis plusieurs années, et il est encore là aujourd'hui. Je pense que les parents demandent à l'État de pouvoir assumer cette éducation-là avec les ressources financières et les ressources humaines nécessaires. On n'est pas évidemment des spécialistes à ce niveau-là, mais on le constate, et ce, du primaire jusqu'au secondaire. Je pense qu'on expérimente actuellement une situation au primaire qui est différente, qui fait que les animateurs et les animatrices, qui sont de grands professionnels, doivent oeuvrer parfois dans des situations de partenariats financiers qui ne sont pas toujours évidents, alors que, au secondaire, ce sont des employés de commissions scolaires en bonne et due forme. Mais, moi, je pense qu'effectivement, c'est le rôle de l'état de soutenir cette volonté-là, ce choix-là des parents.

M. Laporte: Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, merci, M. Forand, M. Dubois et Mme Dufour, de votre participation.

M. Forand (Alain): Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, nous allons suspendre quelques instants, le temps de changer d'invités.

(Suspension de la séance à 10 h 34)

(Reprise à 10 h 35)

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, je demanderais à l'Association québécoise de l'enseignement moral de bien vouloir s'approcher à la table. Nous en sommes toujours à procéder à une consultation générale et tenir des auditions publiques sur la place de la religion à l'école. Je demanderais à la porte-parole ou au porte-parole de bien vouloir se présenter et présenter les personnes qui l'accompagnent.


Association québécoise de l'enseignement moral (AQEM)

Mme Plourde (Caroline): Merci de nous recevoir. Permettez-moi, au nom de l'AQEM, de remercier la commission de nous offrir l'opportunité de présenter un certain nombre d'idées concernant le rapport Laïcité et religions .

Mon nom est Caroline Plourde, je suis la présidente de l'AQEM et j'enseigne au secondaire, à la commission scolaire des Laurentides; à ma droite, Mme Michelle Breton, vice-présidente de l'AQEM, enseignante au secondaire, à la commission scolaire de L'Amiante; à l'extrême droite, M. Pierre-Charles Tremblay, chargé de cours en formation des maîtres, à l'Université Laval; et, finalement, M. Maurice Grégoire, consultant en éducation, il a aussi enseigné au secondaire et fut directeur adjoint à la fin de sa carrière. Tous ont été président de l'AQEM.

L'AQEM regroupe des groupes d'intervenantes et d'intervenants s'intéressant de près à l'enseignement moral. Pour elles, ces personnes, c'est un lieu de rassemblement, de prise de parole et d'action. Tous à l'AQEM, nous avons à coeur le développement et l'éducation dans des meilleures conditions possible.

En juin, j'ai réuni une équipe de rédaction qui comprenait, outre les personnes présentes, M. Jacques Desjardins, le secrétaire de l'AQEM. Nous avons lu et étudié avec attention le rapport du groupe de travail. Cette analyse nous a conduits à faire deux recommandations. Premièrement, comme le groupe de travail, nous recommandons pour l'école publique le statut d'école laïque en appuyant les recommandations 1 à 4, 11, 12, 14 de a à e du rapport Proulx. Pour ce qui est de la proposition du groupe de travail sur le type d'enseignement et les autres aménagements, nous avons quelques réticences que nous vous présenterons. Nous recommandons donc de remplacer le régime d'options actuel par un cours de formation de la personne qui inclut une dimension morale importante de même que des dimensions personnelles et sociales, prenant en compte divers éléments culturels dont la religion.

Nous n'avons pas l'intention de faire une lecture de notre mémoire. Vous le connaissez déjà. Nous vous présenterons des éléments qui pourront éclairer votre réflexion et nous vous démontrerons la pertinence de notre position à l'aide d'exemples concrets. M. Grégoire.

M. Grégoire (Maurice): Mme la Présidente, en demandant à un groupe de travail de faire rapport sur la place de la religion à l'école, le ministère de l'Éducation venait d'ouvrir une boîte de surprises, une boîte de Pandore. La question est délicate. La commission, le ministère, le Parlement et le gouvernement ont la lourde responsabilité d'accoucher d'une position précise. C'est un défi immense. Le rapport Laïcité et religions est une excellente base pour mener à terme l'opération. Il ne doit pas être mis sur la tablette. Cependant, c'est un point de départ et non un point d'arrivée. Il doit être enrichi. Il y a possibilité d'aller plus loin sur le plan éducatif.

Le groupe de travail traite en priorité de deux points principaux: le type d'école et le type d'enseignement religieux, qu'il y en ait ou pas. Sur ces deux points, les personnes ou les groupes qui se présenteront devant la commission vous montreront, grosso modo, trois voies différentes: le statu quo, la réforme proposée ou une autre vision.

En ce qui concerne le statu quo, l'école confessionnelle et un enseignement religieux confessionnel, l'optique quant au type d'enseignement, c'est une volonté de maintenir le statu quo, c'est-à-dire la confessionnalité formelle, le plus longtemps possible, quitte à diluer le contenu idéologique. Récemment, dans Le Devoir , quelqu'un proposait l'enseignement religieux patrimonial à partir des programmes catholique et protestant existants. On change la peinture, mais pas le contenu.

Quant à la réforme proposée, école laïque et enseignement culturel des religions, l'optique quant au type d'enseignement, c'est une volonté d'aménager des compromis qui amènent, à notre avis, autant de problèmes que le statu quo.

(10 h 40)

L'autre vision, comme l'autre télévision ou l'autre façon de gouverner: l'école laïque et l'enseignement moral pour tous. L'optique quant au type d'enseignement, c'est une volonté de solutionner réellement le problème et d'atteindre les buts éducatifs. Ici, on tient compte de ce qui existe déjà, soit l'enseignement moral; on ne repart pas à zéro. C'est ici que loge l'AQEM.

Les forces du rapport Laïcité et religions . Mme la Présidente, permettez-moi de faire un commentaire général sur le rapport Proulx que je diviserai en deux parties, fort inégales, vous en conviendrez: la première, soit les 200 premières pages, et la deuxième, les 32 suivantes. Ça commence bien: heureusement pour la première partie, j'ai des éloges, malgré quelques lacunes.

Le rapport produit par le groupe de travail est étoffé et bien analysé sous plusieurs aspects. Par exemple, il lève le voile sur plusieurs ambiguïtés de la confessionnalité, et plus particulièrement du côté catholique, dont le caractère évanescent du projet éducatif catholique, la dilution du contenu et les termes équivoques de l'enseignement moral et religieux catholique sont soulignés. De même, la recherche de cohérence à bien démontrer, qu'il s'agisse de la nécessaire neutralité de l'État, des droits fondamentaux, des buts sociétaux... Le rapport conclut cette première partie en proposant l'école laïque. Sur ce point, c'est d'une limpidité et d'une rationalité sans erreur de logique, de la problématique à la conclusion, sous forme de recommandations.

Je me permets de présenter à la commission une citation d'Albert Jacquard et tirée de son livre intitulé Petite philosophie à l'usage des non-philosophes , à la page 172, et je cite: «Une société est laïque lorsqu'elle permet à tous d'adhérer à diverses croyances avec comme seule restriction le respect des autres. Cette laïcité est la base même de la vie en commun.» Fin de la citation. À ce sujet, le concept de laïcité ouverte entendu hier soir à la télé nous apparaît comporter un pléonasme. La laïcité, par définition, se doit d'être ouverte. À vouloir trop définir une chose, on risque de l'encadrer et, par conséquent, de la rendre ambiguë.

Les inquiétudes issues du rapport. Mme la Présidente, quant à la deuxième partie, celle qui concerne la place de l'enseignement religieux à l'école et les autres aménagements, les 32 pages avant la conclusion, soit 200 à 232, c'est avec étonnement et déception que nous constatons ne pas retrouver la même logique ou la même rationalité que pour tout ce qui précède. Que s'est-il passé? Pourtant, les auteurs sont des personnes que nous admirons et respectons pour leur rigueur intellectuelle. Nous en connaissons certains personnellement et, si nous osons exprimer un désaccord, ce sont des idées que nous critiquons.

Les auteurs devaient-ils distribuer des prix de consolation? Avaient-ils une commande de recyclage à respecter? Avaient-ils des compromis à faire tout en évitant de vouloir paraître sortir la religion des écoles? Avaient-ils une solution déjà toute prête à faire passer? Les auteurs avaient-ils une commande à respecter? Toujours est-il qu'on ne retrouve pas la même logique que lorsqu'il est question du statut de l'école. Pour ce qui est de la dernière question, à savoir si les auteurs avaient une commande, on trouve une réponse à la page 12 du rapport, et je cite: «la ministre nous ayant demandé d'analyser la pertinence d'un cours de culture religieuse». Fin de la citation. En tout cas, on ne retrouve donc pas dans la deuxième partie la rigueur des 200 premières pages. Les auteurs ne font pas de démonstration, ils affirment.

C'est ainsi que l'enseignement moral et religieux confessionnel est remplacé par un enseignement culturel des religions, que la pastorale catholique devient un service d'animation de la vie religieuse et spirituelle, que l'école devient un centre d'achats des religions après 16 heures, puisque chaque groupement religieux peut se servir des locaux de classe hors des heures habituelles de cours pour organiser un enseignement religieux confessionnel. Est-ce qu'on verra un enseignant de l'enseignement culturel des religions se transformer en catéchète confessionnel à 16 heures?

On passe donc de la confessionnalité à une perspective multiculturelle et non interculturelle. C'est la multiplication des expériences religieuses et culturelles sans véritable dialogue. C'est l'affirmation des identités religieuses sans recherche sérieuse d'un vivre ensemble. Si les auteurs avaient conservé la même logique que dans les premières pages, ils auraient conclu en optant pour l'option trois.

Mme Breton (Michelle): Alors, nous voulons maintenant vous faire part de ce qui, pour nous, pose question dans les conclusions et recommandations du rapport Proulx quant à la place et à la forme que devra y prendre l'enseignement religieux. Les auteurs recommandent, comme vous le savez, un enseignement religieux de type culturel plutôt qu'un enseignement religieux de type confessionnel et ils rejettent l'absence de tout enseignement religieux.

L'enseignement culturel des religions qui est proposé sera dispensé à tous les élèves et à tous les niveaux et, si on se fie à ce qui est écrit à la page 209, dans un temps qui sera partagé avec l'éducation morale et l'éducation à la citoyenneté. Que voilà une recommandation aux conséquences majeures pour l'enseignement moral qui est une discipline déjà existante et pour l'éducation à la citoyenneté qui est une discipline en gestation, si l'on peut dire. Et cette recommandation, elle est faite – il importe de le souligner – au nom d'une discipline à créer, un genre de rêve olympique où, si l'on en croit les auteurs à la page 113, ils nous parlent, pour sa mise en application, d'une série d'opérations longues et complexes. Il faudra construire un programme, le mettre à l'essai, l'implanter de cycle en cycle et, simultanément, transformer les maîtres confessionnels en maîtres culturels. Le succès recherché va exiger des formules souples de perfectionnement, disent-ils, sans surcharge de travail pour les enseignants. C'est évident que le ministre de l'Éducation devra convertir le président du Conseil du trésor. Ces remarques sont bien terre-à-terre et nous souhaitons plutôt vous amener à considérer des aspects davantage importants, car ils sont reliés aux finalités de l'éducation qui, selon les auteurs, s'établissent comme en un large consensus sur le plein épanouissement de la personnalité.

Qu'est-ce qu'il en est du contenu de ce plein épanouissement? Les auteurs du rapport ne le précisent pas sous prétexte que les conceptions sont variées à l'infini. Ils concluent que, sous ces aspects, c'est le devoir de neutralité qui incombe à l'État. Cela nous semble regrettable, car, si nous voulons faire avancer le débat, il faut absolument examiner cette question fondamentale et il faut y consacrer le temps nécessaire dans une démarche de réflexion rationnelle afin d'établir une vision claire des fins à poursuivre.

Qu'est-ce que le développement intégral de la personne qui semble constituer un consensus? Il faut le définir, il faut en quelque sorte traduire le consensus qui existe, dire au-delà de la simple expression langagière. Cela nous semble essentiel, mais, pourtant, le rapport n'explore pas des questions aussi fondamentales que: Quelles sont les différentes dimensions de la personne qu'un développement intégral doit toucher? La dimension religieuse ou, au sens large, la dimension spirituelle en fait-elle partie? En quoi l'éducation religieuse contribue-t-elle au développement intégral de la personne? Le rapport ne fait pas mention d'étude ni de l'état de recherche sur ces questions. Les auteurs ne répondent pas à ces questions. Ils affirment tout au plus qu'une école sans enseignement de la religion leur apparaît occulter des dimensions personnelles, sociales et historiques importantes de l'existence humaine. C'est insuffisant sur le plan éducatif pour que l'AQEM appuie leur recommandation de mettre en place pour tous les élèves de tous les niveaux un cours d'enseignement culturel des religions.

D'ailleurs, le titre de ce cours est trompeur. L'inclusion des courants de pensée séculière n'y apparaît pas. Est-ce là une forme de calcul parce qu'on n'ose pas dire que l'approche culturelle des religions, lorsqu'on se limite à ce que cela implique, ne peut répondre aux attentes exprimées ni aux buts poursuivis? Est-ce qu'on ajoute les courants de pensée séculière à ce cours pour pouvoir affirmer sa contribution à l'éducation du citoyen? Traiter des courants de pensée séculière à partir d'un modèle qui est fait pour les religions ne risque-t-il pas de créer de la confusion chez les élèves, les amenant à assimiler à des systèmes de croyance et de pratique ces divers courants de pensée séculière? De fait, la justification des auteurs pour ce cours ne nous convainc pas et nous croyons qu'elle porte des ambiguïtés semblables à celles qu'ils voulaient dénoncer et qu'ils ont dénoncées.

Quand nous lisons dans l'annexe I et dans l'étude n° 1 le contenu possible de ce cours, il nous vient l'image d'un élastique qu'on étire dangereusement. Les thèmes et les sujets religieux retenus correspondent en tous points dans leurs grandes lignes au programme d'enseignement religieux de type culturel de 1977. On prend ici des fondements d'un programme conçu, comme une option, pour le deuxième cycle du secondaire et on étire jusqu'à transformer le tout en cours d'enseignement culturel des religions pour tout le primaire et tout le secondaire. Voilà que le problème serait résolu. La religion a encore une place à l'école. Mais cela nous inquiète. La proposition ne semble pas tenir compte du développement de l'enfant, ce dont mon confrère parlera tantôt.

Nous observons également que, dans les contenus proposés, il y a tendance à réduire la culture au dénominateur religion. Nous pensons plutôt que la dimension communautaire, que la dimension culturelle chez nos élèves, dans les familles et dans notre société ne sont plus associées principalement à la religion. Les rassemblements et fêtes sont davantage d'ordre social ou culturel ou sportif même. Ils n'ont plus un caractère religieux primordial. Vouloir tout ramener à un patrimoine culturel enveloppé de religion affaiblit la préoccupation des faits sociaux actuels. Il y a des phénomènes tels le festival de ci ou de ça, les gangs, le racisme, la violence, les mouvements d'entraide, le bénévolat qui portent des enjeux sociaux et moraux qui ne sont pas nécessairement éclairés par la lecture religieuse et historique. Chercher à y inclure une explication ou une influence religieuse réinstalle trop souvent les ambiguïtés, à notre avis.

(10 h 50)

À notre avis, également, toute la dimension culturelle de même que l'éducation interculturelle appartiennent à l'enseignement moral et à l'éducation à la citoyenneté. Quand les auteurs parlent du développement culturel, du développement d'un jugement autonome et critique, de l'ouverture à la diversité culturelle et morale et du vivre ensemble en les identifiant comme étant les quatre buts nécessaires à la formation du citoyen et à la construction du lien social, comment peuvent-ils en arriver à conclure que l'école laïque québécoise ne pourrait atteindre ces buts en s'en tenant à un enseignement moral pour tous? C'est pourtant ce qu'ils soutiennent face à cette possibilité, à savoir l'option 3 aux pages 215 et 216. Nous en sommes tout à fait consternés.

À l'évidence, les auteurs ne savent pas ou n'ont pas cherché à savoir ce qui se fait en enseignement moral, les buts visés par cet enseignement, les compétences qui y sont valorisées. Pourquoi le groupe de travail n'a-t-il pas examiné l'enseignement moral dans une école laïque en commandant une étude spécifique sur cette réalité? Nous nous le sommes demandé. Pourtant, d'après les enquêtes du groupe de travail, les enquêtes qu'il a réalisées auprès des parents, des enseignants, des membres de direction d'école, les attentes très majoritaires des uns comme des autres étaient davantage de l'ordre de l'éducation morale que de l'ordre d'une éducation culturelle à partir de l'expérience religieuse ou à partir de la connaissance des diverses religions. On retrouve les statistiques sur ces enquêtes aux pages 203, 158, 159, 138 et 210, à divers endroits. Une telle étude sur l'enseignement moral aurait sans doute permis d'abord de mettre en lumière les objectifs de l'enseignement moral et, en conséquence, de ne pas considérer l'option 3 comme amenant la mise en application du principe de neutralité dans sa forme républicaine la plus radicale, à moins d'avoir un préjugé défavorable au départ. Était-ce le cas? De fait, l'option 3 a été réglée en une page et quart.

Lorsque les auteurs ont regardé l'option 3, certains éléments hautement éducatifs et propres à l'enseignement moral ont été oubliés. Dans l'éducation aux droits, entre autres, il y a une exigence éthique qui va bien au-delà de la connaissance ou de l'histoire des droits de la personne, des contenus des chartes, des conventions, du constat de leur portée légale, sociale également. L'éducation aux droits appartient à l'enseignement moral. Être tolérant, c'est plus que reconnaître l'autre comme différent, c'est être à l'écoute de l'autre et entrer en dialogue avec sa version de la réalité. Les auteurs parlent souvent de l'espace civique commun à développer par l'ouverture à la diversité; ce faisant, ils réfèrent à une attitude morale et non pas à un concept, et, encore une fois, cela appartient à l'enseignement moral. Il est faux de croire qu'une information culturelle ou religieuse devienne comme telle créatrice d'attitudes. L'enseignement culturel des religions ne peut être le seul lieu où la tolérance puisse s'apprendre. L'option 3 mérite un examen plus approfondi que ce que le groupe de travail a fait. L'AQEM vous présente maintenant une autre vision que celle proposée dans le rapport.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci.

M. Tremblay (Pierre-Charles): Bonjour.

La Présidente (Mme Bélanger): Il reste trois minutes, parce que vous avez 20 minutes pour faire votre présentation.

M. Tremblay (Pierre-Charles): Le type d'enseignement proposé par le rapport Laïcité et religions n'est pas ce qui correspond aux besoins de l'enfant pour aider son développement. Nous l'avons mentionné dans notre mémoire, ce que propose le rapport repose sur une erreur de logique des ensembles. On essaie de nous faire croire qu'en abordant le phénomène religieux on parvient à répondre aux grandes finalités de l'éducation telles que mettre le jeune en contact avec les acquis de la culture, développer un jugement rationnel et autonome, ouvrir à la diversité culturelle et morale, préparer le jeune à prendre sa place dans la société. Ce n'est qu'accessoirement et par accident, parce que la religion fait partie de la culture, que l'étude de celle-ci nous permet de toucher à certaines de ces finalités de l'éducation. C'est donc comme composante d'une perspective beaucoup plus vaste, c'est-à-dire la culture, que la religion peut amener quelque chose de valable à la formation du jeune d'aujourd'hui, et c'est ce que notre proposition d'un cours sur la formation de la personne reconnaît et affirme.

Notre proposition, contrairement à celle proposée par le rapport Laïcité et religions , est l'aboutissement d'une série d'expériences et d'essais commencés dans les années soixante-dix pour faire en sorte que le développement intégral de la personne devienne au coeur de l'école. Nous avons alors vu apparaître dans le curriculum un bon nombre de matières dites «les petites matières», telles l'économie familiale, la formation personnelle et sociale, etc. Toutes ces matières avaient pour but de faire en sorte de mettre en évidence l'importance de la personne dans le processus de formation scolaire. Cette première tentative ne semble pas avoir réussie à atteindre ces objectifs, puisque, suite aux états généraux de l'éducation et aux propositions du groupe de travail sur le curriculum scolaire, on en élimine la quasi-totalité, de ces petites matières. Celles-ci se recoupaient à plusieurs endroits. On parlait souvent de la même chose. Peu d'enseignants avaient de la formation. L'erreur de base d'alors, c'est qu'on a trop parcellarisé la personne. Or, on a tellement parcellarisé à cette époque qu'une des matières qui faisait 125 heures d'enseignement avait 682 objectifs terminaux, pour 125 heures d'enseignement. Ça fait peu de minutes par objectif.

Les nouveaux programmes qui sont actuellement à se construire tentent de refaire une unité de la personne et de la remettre au centre des préoccupations de tous les enseignants. Une bonne part des éléments des anciennes petites matières constitue ce qu'on appelle maintenant le programme des programmes, programme dont tous sont responsable mais qui n'est le propre de personne. Cette intention est fort louable. Cependant, il est nécessaire, pour appuyer cette intention et si nous voulons que le développement intégral de la personne devienne l'un des buts premiers de l'éducation, qu'il y ait un temps où on travaille avec le jeune sur la globalité et l'unité qu'il est. Et le jeune laissé à lui seul ne parvient que très difficilement, quand il y parvient, à faire une totalité cohérente avec tout ce qu'il reçoit. Ce propre de l'unité et de la totalité de la personne appartient au champ d'étude que l'on appelle, dans les nouveaux programmes, le développement personnel, développement personnel qui souffre encore actuellement d'une parcellarisation due en grande partie à la protection dont jouit l'enseignement religieux confessionnel. Avec sa proposition d'un cours d'enseignement culturel des religions...

La Présidente (Mme Bélanger): En conclusion, s'il vous plaît.

M. Tremblay (Pierre-Charles): Il me reste quelques lignes... concomitant avec l'enseignement moral, le rapport Laïcité et religions maintient la parcellarisation de ce champ en petites matières, donc on évite de refaire l'unité.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci. M. le ministre.

M. Legault: Oui. D'abord, merci, Mme Plourde, Mme Breton, M. Grégoire, M. Tremblay. Effectivement, parfois, on a des délais puis des temps qui sont limites. C'est difficile, mais, moi aussi, je m'habitue à ça tranquillement. Ce n'est pas facile.

Je voudrais d'abord vous dire que votre mémoire est très bien structuré. Il n'y a personne aussi qui va vous accuser d'avoir eu peur de critiquer le rapport Proulx. Je pense que vous êtes bien explicite sur les enjeux de la formation morale aujourd'hui. Je considère que le fait que vous soyez ici aujourd'hui, c'est parce que vous êtes d'accord pour ouvrir un dialogue, pour trouver des solutions ensemble.

Je pense aussi qu'aujourd'hui, dans la société québécoise, plusieurs vont admettre avec vous que l'une des attentes importantes des parents, c'est de trouver des façons de bonifier l'enseignement moral, l'enseignement des valeurs. Je ne sais pas si vous m'avez entendu, mais j'ai eu plusieurs occasions de mentionner que, pour moi, c'était une préoccupation particulière, personnelle, tout l'enseignement des valeurs au Québec. On a malheureusement une société où il commence peut-être... On n'est peut-être pas encore rendu à la situation qu'on connaît dans certaines écoles aux États-Unis, mais il y a quand même un défi important, quand on regarde la violence dans notre société, la violence même dans certaines de nos écoles, de travailler sur la transmission des valeurs, les valeurs de respect des autres, de discipline, de tolérance. Et je pense qu'il y a beaucoup de parents, effectivement, aujourd'hui, qui se posent des questions sur comment on doit transmettre ces valeurs. Et on peut se poser des questions: C'est le rôle de qui? Comment le fait-on? Oui, ça peut être une option de se dire: On doit enseigner ou transmettre les valeurs dans un cours. Il y a d'autres solutions aussi, je pense, qu'il faut envisager. Je pense, par exemple, que tous les enseignants et les enseignantes, dans tous les cours, doivent avoir une préoccupation de transmettre des valeurs. Je pense aussi qu'on ne doit pas oublier le rôle des parents eux-mêmes. Les parents ne peuvent pas se décharger complètement sur l'école pour l'enseignement des valeurs.

Bon, je comprends un peu votre frustration. Vous nous dites... dans le rapport Proulx, on expédie peut-être trop rapidement à votre goût les différentes options et on n'a pas fait d'enquête. Par contre, je peux vous confirmer qu'effectivement, moi aussi, j'entends qu'il y a un pourcentage important des parents qui veulent qu'on mette l'accent sur la transmission des valeurs puis l'enseignement moral. Ce que je voudrais vous entendre dire, c'est: À partir de votre expérience, de votre expertise, est-ce que vous pourriez nous dire un peu plus comment vous voyez les attentes des parents et comment vous voyez qu'on pourrait bonifier l'enseignement actuel, tel que vous le faites dans les cours d'enseignement moral?

(11 heures)

Mme Plourde (Caroline): On est tous conscients que l'éducation aux valeurs, c'est la tâche de tous à l'école, sauf que, un peu comme on l'a dit pour ce qui est du programme des programmes, quand c'est la tâche de tous, bien, certains souvent disent: Bien, l'autre va le faire à côté. Donc, pour nous, un cours d'enseignement moral, c'est un temps privilégié où l'élève est confronté aussi aux valeurs de ses pairs et non pas juste à celles de ses parents, etc.

Pour ce qui est de bonifier, je pense que Pierre-Charles pourrait nous expliquer un peu plus en détail comment on pourrait aménager ça, effectivement.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, M. Tremblay.

M. Tremblay (Pierre-Charles): Bon. Pour la bonification, nous avons, si je vous réfère à notre page 37...

M. Legault: Vous pouvez prendre tout votre temps, M. Tremblay.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Tremblay (Pierre-Charles): O.K. Je vous ramène à la page 37 de notre rapport où, dans la lignée de ce qui est en train de se faire dans la transformation du système scolaire avec les programmes des programmes, ayant moi-même travaillé, pour une part, sur le programme des programmes, ce que nous proposons va dans la lignée de ce travail qui est actuellement en train de se faire, c'est-à-dire d'une organisation où on a moins de matières différentes qui s'adressent à la personne. Nous avons même changé l'appellation du cours parce que, pour nous, même Enseignement moral, il y avait certaines dimensions importantes qui apparaissaient moins; donc, nous avons changé pour Formation de la personne, pour mettre en évidence qu'on centre sur la personne, sur l'unité à faire.

Parce que, bon, c'est beau d'avoir un programme des programmes mais, si on le laisse à tous et chacun, tous et chacun ne prendra pas le temps avec l'étudiant, à un moment donné, de refaire l'unité; ça prend un temps et quelqu'un qui est formé pour aider le jeune à faire cette unité. Dans ce sens, nous avons formulé notre proposition à partir – comme le fait à l'heure actuelle le nouveau programme – des compétences, au lieu de structurer à partir de connaissances particulières. Parce que toutes les compétences qu'on retrouve à la page 37 demanderaient à l'occasion qu'on fasse appel à un regard sur les religions. Mais le regard sur les religions fait partie. Au lieu d'avoir à recommencer à faire des petites matières, un peu d'enseignement moral, un peu d'enseignement sur les religions, qu'on structure un corpus autour de la formation de la personne, qui soit cohérent et qui tienne compte de tous ces aspects, avec comme objectifs de base, avec comme compétences de base, qui peuvent être continuées d'être travaillées, celles qu'on propose à la page 37.

M. Legault: Juste pour que je comprenne – vous êtes assez fermes sur le fait que vous n'êtes pas d'accord avec la recommandation du rapport Proulx sur l'enseignement culturel des religions – pourquoi vous n'êtes pas d'accord, est-ce que vous pensez qu'il y a trop d'éléments de culture religieuse et puis pas assez d'éléments et de courants philosophiques ou est-ce que c'est carrément l'approche elle-même que vous trouvez biaisée?

M. Tremblay (Pierre-Charles): Il y a plusieurs éléments: premièrement, le propre de s'intéresser à la diversité des religions, c'est plutôt quelque chose qui est du secondaire. Pour l'avoir enseigné, d'ailleurs, ça fait partie d'une partie du programme de secondaire V en enseignement moral. Peut-être que c'est loin d'être suffisant à l'heure actuelle parce que, bon, c'était dans un processus de choix entre l'enseignement moral ou l'enseignement religieux. C'est sûr qu'il faudrait introduire dans d'autres années, dans le programme en formation de la personne, l'appel à cette sensibilisation aux différentes religions.

Il y a un autre aspect, c'est que l'axe d'étude des sciences humaines de la religion n'est pas l'axe qui devrait être privilégié quand on regarde les pensées séculières, c'est plutôt l'axe de la philosophie. Donc, ici, on donne une méthode de travail. En emmenant un enseignement culturel des religions, on apporte un axe de regard sur certaines pensées, sur les religions, qu'on va appliquer aux autres; donc, il y a encore une étendue d'une façon de faire, ce qui fait en sorte qu'il y a une perspective qui s'impose aux autres. À l'heure actuelle, c'est une chose dont je n'ai pas eu le temps de parler tout à l'heure, qu'on reproche: Qui va donner la formation pour les gens qui devraient faire l'enseignement culturel des religions? Les facultés de théologie et de sciences religieuses actuelles? La plupart sont à tendance judéo-chrétienne. Donc, on pose un regard judéo-chrétien, on analyse l'islam, on analyse les autres religions, on analyse les pensées séculières à partir d'un point de référence qui est le christianisme. Pour nous, il y a là quelque chose qui fausse.

M. Grégoire (Maurice): En complément de réponse, si vous permettez, Mme la Présidente, je dirais qu'il s'agit pour nous autres de développer d'abord des attitudes avant de donner des informations sur les religions. J'ai déjà enseigné la culture religieuse dans les années 1974 à 1984, j'ai travaillé pour le ministère, en 1977, sur le programme d'enseignement religieux culturel. Alors, c'était une option. Ça allait bien avec les élèves, il y avait des élèves qui choisissaient cette option-là, donc ça répondait bien. Mais de là à étendre – et c'est un peu là l'élastique dont on parlait tout à l'heure – tout ce corpus-là à l'ensemble des élèves de première à sixième année et aussi à tout le secondaire, il y a certaines aberrations, à un moment donné, auxquelles on arrive, qui sont assez pathétiques.

Par exemple, si je lis dans le premier cycle du secondaire, on parle des pratiques sociales et le sens des pratiques religieuses qui y sont reliées, de la signification des cérémonies et des règles alimentaires, des mythes et des récits sacrés sur l'origine du monde. Au deuxième cycle, on parle des modalités concrètes pour lesquelles les personnes expriment leur appartenance à telle communauté. Et j'aurais d'autres exemples. On dirait que c'est trop fort, c'est comme un plat indigeste pour des élèves.

C'est pour ça que, dans ce qu'on propose, c'est davantage de créer, de travailler sur des attitudes et finalement de montrer qu'il y a des enjeux, des enjeux moraux, des enjeux sociaux. Et quand on parlait tout à l'heure de l'aspect social qui n'est pas suffisamment développé dans ce qui est proposé, c'est ça, il y a toutes sortes d'enjeux sociaux ici et maintenant qu'il faut regarder. Alors, c'est dans cette perspective-là. C'est pour ça qu'il faut d'abord créer des attitudes, d'abord réfléchir sur des attitudes puis, ensuite de ça, on pourra amener des informations, et les informations seront plus faciles vraiment à digérer, si je peux m'exprimer ainsi.

M. Legault: Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le ministre. M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Merci beaucoup, Mme Plourde, Mme Breton, M. Grégoire et M. Tremblay. À la lecture de votre mémoire, on se rend compte de la... Vous avez presque ajouté le chapitre que vous dites qui manquait au rapport Proulx. Vous l'avez rédigé, il pourrait être mis en annexe pour démontrer l'existence d'une troisième option et la défense de cette troisième option là. Mais je dirais que vous amenez un débat qui est fondamental dans cette commission-ci et dans le débat au complet, c'est de dire: Est-ce que l'enseignement religieux fait partie, oui ou non, de la transmission des valeurs qu'on doit inculquer aux jeunes de génération en génération? Vous y amenez des réponses qui sont évidentes mais c'est quand même un élément de fond de toute la commission et de tout le débat qu'on a présentement: Est-ce que ces valeurs-là font partie, oui ou non, de la transmission des valeurs et de l'héritage des valeurs qu'on veut transmettre aux générations subséquentes?

Je vous dirais que la proposition que vous faites, l'analyse que vous faites du rapport Proulx est simple, c'est: On ne peut pas laïciser à moitié; on laïcise ou on ne laïcise pas. Ce que j'en comprends, c'est que, vous, il n'y a pas de cosmétique. C'est-à-dire, sur les structures par rapport au contenu ou quoi que ce soit, si on parle de laïcisation, vous amenez l'hypothèse que la seule façon d'avoir une laïcisation complète des écoles au Québec, c'est d'y aller avec votre option.

Il y a un élément sur lequel j'aimerais quand même vous entendre: Selon vous, quelle doit être la place justement de la religion, des valeurs religieuses dans la transmission de l'héritage culturel québécois qui est là depuis les racines de la société québécoise? Quelle place on doit donner à ces valeurs religieuses là dans l'enseignement que l'on donne? Peut-être dans le cours que vous voyez aussi ou... Je ne le sais pas. Est-ce qu'il y aurait une place, selon vous, quelque part à l'école, pour l'enseignement et la transmission de ces valeurs-là?

La Présidente (Mme Bélanger): M. Tremblay.

(11 h 10)

M. Tremblay (Pierre-Charles): J'ai accroché sur un des termes que vous avez employés quand vous avez parlé des valeurs, le terme «inculquer». Quelqu'un qui veut inculquer des valeurs veut faire de l'endoctrinement. Les valeurs, le terme veut dire, par définition, quelque chose qui est relatif aux individus à un temps donné, à un moment donné. C'est toute l'histoire de l'apparition du terme «valeurs» en morale, qui date juste du XIXe siècle, où on commence à dire la morale à partir de l'être humain au lieu de partir d'une transcendance ou de quelque chose qui est à l'extérieur de l'être humain. Donc, ce qu'on a à faire, ce n'est pas inculquer des valeurs, c'est proposer, démontrer, faire adhérer à des valeurs, montrer l'importance au jeune. Donc, on a à lui montrer qu'est-ce qui existe dans ce sens-là.

Là où il y a une ouverture, on ne montre pas seulement les valeurs proposées par une religion, on va essayer de montrer les valeurs proposées par l'ensemble des religions qui se retrouvent dans une société et essayer d'expliquer, de faire comprendre au jeune et l'aider à faire un choix à travers, lui fournir des instruments, des balises qui lui permettent de mieux saisir et de choisir à travers les valeurs. Et les valeurs québécoises actuelles sont appelées à changer au fur et à mesure que la situation du Québec change.

M. Béchard: Oui, mais ma question, c'est: Quelle est la place de ces... Je suis d'accord sur la différence entre inculquer et proposer là...

La Présidente (Mme Bélanger): Mme Breton.

Mme Breton (Michelle): À vous entendre, on peut croire que notre option semble radicale. C'est ce que vous avez dit tout à l'heure d'ailleurs quand le rapport Proulx... Il fait référence un peu au mémoire qu'on lui avait proposé, il semble laisser entendre ça aussi. C'est vrai que nous proposons la laïcité, mais, comme tout à l'heure M. Grégoire le disait, la laïcité, par elle-même, elle est ouverte. La laïcité, ce n'est pas quelque chose de fermé, c'est quelque chose qui fait de la place à diverses vues, diverses réalités.

On parle de l'héritage. L'héritage n'est pas à donner ou à rappeler. On n'a pas absolument à maintenir l'enseignement religieux pour conserver la transmission de l'héritage. Même si on va dire: La religion a pris une telle place au Québec, jusqu'à un certain point, l'aide qu'on a voulu apporter pour, on pourrait dire, faire une place à ceux qui avaient une vision autre ou une demande autre, des attentes autres en insérant – insérer ne serait pas le bon terme – en plaçant l'option de l'enseignement moral, bien, à ce moment-là, on n'est pas encore arrivé à sortir de la confusion qui règne. Pour bien des personnes, des valeurs, c'est religieux. Moi, je suis une enseignante en morale et parfois on m'appelle... La morale et la religion, c'est pareil. Et cette information-là, malgré que l'option existe depuis longtemps, elle n'arrive pas à être passée.

Très souvent aussi, dans nos écoles, le professeur d'enseignement religieux de type confessionnel complète son horaire avec de l'enseignement moral. Même dans mon école, à un moment donné, il a aussi fait la pastorale. Alors, il y a des confusions qui sont là, qui font qu'à un certain moment donné il nous faut clarifier les choses. Et, à mon avis, le rapport Proulx fait très bien ressortir les ambiguïtés que le système actuel a portées. Et peut-être que ces ambiguïtés-là, pour en sortir, il va falloir une transformation qui n'est pas si radicale que ça quand on prend le temps d'étudier ce que notre proposition veut apporter comme nuance. Voilà.

M. Grégoire (Maurice): Alors, je me permettrais quatre éléments. D'abord, la religion est du domaine privé, donc on n'a rien contre... Ça se passe au niveau privé, la transmission des valeurs religieuses. Quant à l'État, sa neutralité, il n'a pas à jouer le rôle des familles ou des Églises. Aussi, vous avez raison, nous autres, on veut éviter les ambiguïtés, on dit les vraies affaires. Alors, voilà.

M. Béchard: Vous mentionnez, à la page 43 du mémoire, toute la question du temps alloué. Selon vous, la transmission, les discussions et l'offre, si on veut, des valeurs, cet aspect-là, parce que vous proposez, vous mentionnez, à la page 27, «que l'enseignement moral continue de faire partie du curriculum, tant au primaire qu'au secondaire, que les objectifs de formation qui y sont rattachés demeurent obligatoires pour tous les élèves». Quel est, selon vous, la place, le nombre d'heures, le moment, le temps que l'on doit laisser? Est-ce qu'on se doit y aller selon une période précise ou, un peu comme le ministre le mentionnait tantôt, s'assurer que dans tous les cours il y ait aussi, en même temps, certains éléments au niveau des valeurs qui sont enseignées, qui sont transmises aux jeunes?

La Présidente (Mme Bélanger): M. Tremblay.

Mme Plourde (Caroline): Je vais commencer.

La Présidente (Mme Bélanger): Mme Plourde.

Mme Plourde (Caroline): Donc, pour ce qui est du temps imparti, avec la réforme actuelle, déjà les enseignants, on va se retrouver avec énormément d'élèves, comme on l e mentionne dans notre mémoire. Puis pour aider un jeune à cheminer, à développer ses valeurs, à avoir un regard critique sur la vie, sur la société, l'enseignante ou l'enseignant doit connaître ses élèves. Et, si on a au-dessus de 350 élèves, si on les voit une seule fois par semaine, on ne croit pas que ce soit possible de l'aider à cheminer au niveau de ses valeurs puis de se développer.

Pour ce qui est de déterminer le temps exact qui serait requis pour ça, on sait que c'est plus qu'une période semaine. On n'a pas analysé exactement le temps exact qu'il faudrait pour ça, on sait juste que ça en prend plus. Toutes les autres disciplines du champ de la formation de la personne, outre l'éducation physique, ont été éliminées du curriculum pour faire plus de place, à ce qu'on me dit, aux matières de base. Sauf qu'il ne faut pas juste avoir une tête bien pleine, il faut aussi être capable que les jeunes aient une tête bien faite, donc soient capables d'avoir un regard critique puis être capables de se développer à ce niveau-là.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Tremblay.

M. Tremblay (Pierre-Charles): Oui, c'est pour votre question. J'avais déjà commencé à répondre dans ma présentation en regardant qu'est-ce qui est en train de se faire à l'heure actuelle à partir du programme des programmes. J'ai bien essayé de mettre en évidence que, ça, c'est un voeu auquel le corps enseignant n'est pas habitué à l'heure actuelle. Et, même si le corps enseignant était habitué qu'on intègre dans toutes ces disciplines-là, ça prend un temps particulier, parce que toutes les disciplines, c'est une parcellarisation où on prend le temps, avec le jeune, de lui montrer et de refaire une unité avec ce qui est vu partout. Donc, ça prend un temps.

À l'heure actuelle, le nombre d'heures qui est donné pour l'enseignement moral ou l'enseignement religieux, au niveau du primaire, nous apparaît être celui qui pourrait être utilisé à l'heure actuelle, pour prendre ce temps. Pour tout le monde. Sauf qu'au secondaire il y a eu une diminution radicale, avec la transformation du curriculum, du temps imparti à cet aspect du développement. Là, il y aurait, à notre avis, un ajustement à faire. Peut-être pas revenir avec le temps qu'on avait anciennement, qui se donne à l'heure actuelle à l'école, mais ce qui est proposé, ce qui est en train de s'installer pour les années futures nous apparaît un temps insuffisant. Il faut peut-être trouver une commune mesure entre les deux et éviter que ce soit plusieurs petites disciplines au secondaire. Qu'on fasse un programme commun, qu'on lui donne le nom... qui va organiser avec le même...

M. Béchard: Qui pourrait rassembler...

M. Tremblay (Pierre-Charles): ...enseignant, qui va rencontrer moins d'étudiants qu'il aura le temps de mieux connaître.

Mme Breton (Michelle): Dans une conférence, M. Proulx disait qu'il est possible que ça prenne un peu la forme de l'enseignement religieux protestant, c'est-à-dire un module... Là, c'était la bible, alors ça pourrait être un module de culture religieuse, un module d'enseignement moral, un module d'éducation à la citoyenneté, et ainsi à chaque année. Mais ces solutions-là ont déjà été et sont essayées, sont en place, d'une certaine façon, dans le milieu protestant, et, encore là, il y a des difficultés. Nous croyons sincèrement que la proposition que l'on fait arrive à sortir du carcan des séparations qu'on fait entre ces réflexions. Nous croyons que c'est sur la base d'une formation morale, le départ de tout ça, l'enveloppe de tout ça, pour faire l'unité entre un bloc qui pourrait être de culture religieuse, mais pas présenté séparément comme ça, présenté plutôt sous l'angle de la formation de la personne. Voilà la réponse qui me semble pouvoir éclairer votre question.

M. Béchard: Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Bertrand.

M. Cousineau: Merci, Mme la Présidente. Mme Plourde, Mme Breton, M. Tremblay, M. Grégoire, bienvenue. Écoutez, à la page 26 de votre mémoire, au point 3.4, services d'animation religieuse, vous terminez le paragraphe en précisant «les services de la vie étudiante peuvent très bien s'occuper d'aider les jeunes dans leur démarche de quête de sens, à la condition que ce soit des professionnels de l'animation étudiante et non de simples techniciens.» Quand vous parlez de professionnels, quel genre de formation voyez-vous pour ces gens-là puis à quel type de personnes pensez-vous?

La Présidente (Mme Bélanger): M. Grégoire.

M. Grégoire (Maurice): Bon. Alors, moi, je pense que ce sont des gens qui doivent être formés en animation, donc ils sont capables de travailler avec des élèves. Une formation en animation. Si on a indiqué ça dans le mémoire au sujet de simples techniciens, c'est qu'il y a une tendance actuelle dans les commissions scolaires, parce que ça coûte moins cher, de remplacer les animateurs de vie étudiante par des techniciens en organisation des loisirs. C'est dans ce sens-là. Donc, vraiment des gens qui ont une formation, une bonne formation en animation puis qui sont à l'écoute des jeunes, qui sont dans le milieu, qui sont là présents continuellement.

(11 h 20)

En tout cas, par rapport à l'animation pastorale, on sait qu'un animateur de pastorale, qui est quelqu'un qui a un mandat de l'évêque, peut faire toutes sortes de choses, comme on l'a vu tout à l'heure, qui sont dans l'ordre de l'animation et qui ne sont pas spécifiquement confessionnelles. On peut étirer la couverte puis dire que le service se transforme, puis qu'on va couvrir la spiritualité puis la culture et les religions, mais là, la personne qui, hier, était formée dans une perspective confessionnelle, comment elle va pouvoir promouvoir des valeurs interculturelles sociétales? La croissance humaine, ce n'est pas confessionnel.

M. Cousineau: Il existe présentement, au niveau du curriculum scolaire au niveau secondaire, un cours de formation professionnelle et sociale. Est-ce que vous voyez une relation entre le cours de formation de la personne puis le cours de formation professionnelle et sociale qui existe présentement au niveau secondaire?

M. Tremblay (Pierre-Charles): Ce dont vous voulez parler, c'est la formation personnelle et sociale.

M. Cousineau: La formation personnelle et sociale, excusez-moi.

M. Tremblay (Pierre-Charles): Nous sommes très critiques, pour l'avoir même enseigné, vis-à-vis du cours de formation personnelle et sociale, qui est un cours beaucoup plus d'information qu'un cours qui vise les objectifs que nous avons indiqués.

M. Cousineau: Mais c'est un cours qui vise quand même cinq volets: formation à la société, formation à la sexualité...

M. Tremblay (Pierre-Charles): Société, etc. Donc, vous voyez. Justement, c'est le programme que je visais avec ses 682 objectifs pour 125 heures d'enseignement. On a une super parcellarisation de ce que nous sommes, mais ce n'est pas ça la visée. On l'a déjà dans les multiples disciplines. La visée du développement personnel, c'est l'unité et c'est la globalité. Donc, vous voyez, revenir à ce cours de développement personnel et social, c'est revenir... Et ce cours a été mis sur pied, rappelons-nous, pour permettre de parler de la sexualité à l'école.

M. Cousineau: D'une part.

M. Tremblay (Pierre-Charles): Le premier jet de ce cours était le cours sur l'éducation sexuelle, qui avait été refusé, et on l'a dilué dans plusieurs volets, et c'est ce qui a amené que plusieurs disciplines se répétaient.

M. Cousineau: Mais il y a quand même des volets intéressants, comme la consommation, la société...

M. Tremblay (Pierre-Charles): Oui, il y avait des volets excessivement intéressants, mais l'organisation en multiplicité de disciplines, ce qui fait que, nous... Et ça fait plusieurs années que les champs de formation du développement personnel le disent: il faudrait qu'il y ait une réorganisation. Et c'est ce qu'on propose, cette réorganisation. Et on est toujours pris à l'heure actuelle dans cette réorganisation du champ qui avait un temps protégé pour l'enseignement religieux confessionnel. Et, comme pour l'enseignement moral, c'est un choix entre et entre. Donc, ceux qui venaient en morale ne venaient pas, à l'époque, dans le cours en enseignement religieux confessionnel. Donc, l'organisation de ces disciplines devenait complexe.

Mais lorsqu'on revient, par exemple, sur l'animation à l'école, on propose plutôt une animation qui devrait être portée par la vie étudiante qui existe déjà. À quelqu'un, vous posiez la question tout à l'heure de la formation: D'abord, une bonne formation. Savoir comment ça se développe, une personne, puis comment je peux intervenir. Parce qu'à l'heure actuelle – bon, je n'entrerai pas là-dedans – il y aurait une grosse critique à faire même sur les nouveaux programmes de formation des maîtres. La connaissance du développement de la personne, pour la majorité des maîtres, ce n'est pas très approfondi.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Bergman: Merci, Mme la Présidente. Mme Plourde, Mme Breton, M. Grégoire et M. Tremblay, merci pour votre présentation. À la page 19 de votre mémoire, vous dites que, «quant à l'article 41 de la Charte québécoise, il n'y a pas, du point de vue juridique, un caractère de contrainte absolu, il ne représente qu'un engagement moral de l'État». Est-ce que vous pouvez expliquer pourquoi vous trouvez que l'article 41 a seulement un engagement moral et pas une contrainte absolue?

La Présidente (Mme Bélanger): M. Tremblay.

M. Tremblay (Pierre-Charles): C'est pour rendre cohérentes certaines positions qui ont été déjà affirmées dans le rapport. Si l'État n'a pas à s'immiscer, selon d'autres articles de la Charte des droits, dans les valeurs religieuses, dans la religion, l'État n'a pas à organiser, ce n'est pas un devoir de l'État d'organiser et de faire en sorte que chaque religion ait une structure dans sa société qui lui permette de développer ses valeurs. L'État a à respecter les différences mais n'a pas à prendre en charge l'organisation.

M. Bergman: Juste une autre question, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bélanger): Oui.

M. Bergman: À la même page, le paragraphe suivant, vous dites que vous êtes d'accord avec un système public laïque qui donne l'opportunité de choisir l'éducation religieuse confessionnelle dans les écoles privées. Est-ce que vous proposez un système de trois choix: un système public laïque, un système parapublic religieux et les écoles privées?

Mme Plourde (Caroline) : Non. Ce qu'on prévoyait, c'était plutôt... Déjà, la majorité des écoles privées au Québec sont des écoles confessionnelles propriétés, encore souvent, de religieux. Donc, ces écoles-là pourraient effectivement comme prendre la relève de l'enseignement religieux, pour les parents qui tiennent absolument à ce que leur jeune reçoive un enseignement religieux. Mais ça ne serait pas un système parapublic à part, il n'y aurait pas comme trois types d'écoles, au Québec, il y aurait...

M. Bergman: Je pense au libre choix des parents d'opter pour un système parapublic où ils peuvent envoyer leurs enfants à un système public mais confessionnel en même temps.

Mme Plourde (Caroline) : Je ne comprends pas votre question.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Grégoire.

M. Grégoire (Maurice): En fait, si vous permettez, Mme la Présidente, c'est le système d'écoles privées actuel qui joue cette fonction-là de permettre à des parents qui veulent absolument avoir une dimension confessionnelle. Actuellement, le système privé, il est financé partiellement par le ministère de l'Éducation, par le gouvernement, donc c'est ce système-là qui continue. Quant au système commun, c'est une école laïque. Alors, c'est ça, il n'y a pas trois systèmes, il y en a deux: il y en a un qui est pour tous, l'école laïque, l'école commune, si on peut dire, et il y a des écoles privées avec des subventions un peu dans le style qui existe actuellement.

M. Bergman: C'était un peu la base de ma question, car il y a des écoles privées qui ne sont pas confessionnelles, alors, c'est la raison pour laquelle j'ai mentionné trois systèmes: un système public laïque, un système parapublic religieux et les écoles privées qui ne sont pas confessionnelles du tout.

M. Grégoire (Maurice): C'est une perspective différente, je n'ai pas de problème avec ça, quoique ce n'est pas tout à fait dans notre ligne.

Mme Plourde (Caroline) : On ne s'est pas attardé par rapport à ça. Sauf que je pense que l'école privée, c'est son choix probablement à elle de décider si elle veut être une école confessionnelle ou une école laïque. Je pense que ça sera à chacun des milieux. Ce sont des entreprises, entre guillemets, je ne dirais pas privées, mais à but non lucratif, souvent, mais ce sont des entreprises qui sont comme indépendantes de l'État, même si elles doivent faire respecter la majorité des programmes d'enseignement, etc. Donc, je pense que ce sera à chacune d'elles de décider du statut qu'elles veulent avoir pour leur école à elles. Donc, ça pourrait être une école d'une confessionnalité particulière comme ça pourrait être une école laïque, si c'est le désir des personnes qui la fréquentent ou des administrateurs de cette école-là.

M. Bergman: Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Ça va. Mme la députée de Rimouski.

Mme Charest: Merci, Mme la Présidente. Mesdames, messieurs, bonjour. Je vous écoute depuis le début et ce que j'entends me soulève quelques interrogations dans le sens suivant. Le cours que vous proposez, j'aimerais savoir en quoi il est différent de la formation personnelle et sociale qui doit être retirée de la grille matière et en quoi c'est cohérent aussi avec la décision des états généraux sur l'éducation qui ont décidé justement que le cours de formation personnelle et sociale ne ferait plus partie de la grille. J'aimerais avoir un éclairage plus pointu non seulement sur la cohérence de ce que vous proposez par rapport à ce qui existait et qui n'existera plus, et en quoi c'est différent.

M. Tremblay (Pierre-Charles): Je pense que chacun, on pourrait y répondre. Je vais commencer par prendre la parole. On a tous enseigné, ici, la formation personnelle et sociale. On n'était pas spécialisé là-dedans, sauf que ça allait avec la tâche soit de l'enseignement moral ou de l'enseignement religieux, très souvent. Nous avons été très souvent déçus par ce programme qui était – et je le redis – une parcellarisation de l'individu.

Mme Charest: Bon, écoutez, ce que j'entends à ce moment-ci, ça veut dire que vous êtes d'accord avec la décision des états généraux, de toute façon, que la formation personnelle et sociale soit retirée de la grille-matière. C'est ce que vous me dites.

M. Tremblay (Pierre-Charles): Nous sommes d'accord qu'il y ait une réorganisation.

Mme Charest: Quelle est la différence entre ce que vous proposez et ce qui existait?

(11 h 30)

M. Tremblay (Pierre-Charles): Ce qui existait, c'est une...

Mme Charest: Oui, mais je veux savoir, ce que vous proposez, c'est quoi, la différence?

M. Tremblay (Pierre-Charles): La différence, c'est qu'on part de grands objectifs de formation, d'attitudes à développer chez l'étudiant et, à partir de là... Et on fait exactement ce qui est en train de se faire à l'heure actuelle dans la reformulation des programmes: partir de compétences à atteindre par l'étudiant et, à partir du développement et de la connaissance qu'on a du jeune, là, formuler un programme où on introduira les contenus. Alors qu'avant les programmes partaient de contenus précis et particuliers et à plusieurs volets, une multiplicité de volets.

C'est l'exemple que j'avais pris tout à l'heure pour dénoncer, justement, la parcellarisation qu'on avait faite, qui posait énormément de problèmes aux enseignants et qui a fait en sorte que, lorsque les parents se sont présentés et que les personnes se sont présentées dans les états généraux, ça se répète tous, ces petits cours, bien, justement parce qu'il n'y avait pas d'unité qui avait été faite au point de départ. On n'est pas parti d'un tronc commun. Chacun a voulu avoir une petite discipline étant donné un des aspects de la personne.

Nous avons été alors amenés, dans les cours, très souvent... Pour avoir donné le cours de didactique de la formation de la personne, qui regroupait toutes ces disciplines, un des principaux travaux que je faisais avec les étudiants, c'est de prendre tous les programmes puis de trouver où ça se recoupait. On a fait faire un catalogue de recoupages pour que, lorsqu'ils arriveront en enseignement, ils ne se répètent pas dans deux puis trois cours.

Il y avait un ménage à faire là. Sauf que le ménage qui a été fait par les états généraux et par le rapport Réaffirmer l'école : on a tout jeté, on a gardé juste ce qui était déjà protégé. Là, on dit: On a peut-être jeté un petit peu trop. On avait besoin d'une réorganisation puis on a tout jeté.

Mme Charest: Vous n'êtes pas d'accord avec la proposition d'un enseignement culturel de la religion, là. On l'a très bien compris. Mais, s'il n'y a plus d'enseignement moral, s'il n'y a plus d'enseignement culturel, qu'est-ce qui va rester?

Mme Breton (Michelle): Plus d'enseignement moral, j'aurais...

La Présidente (Mme Bélanger): Mme Breton.

Mme Breton (Michelle): Oui. Excusez-moi. Plus d'enseignement moral, c'est...

Mme Charest: Ou de formation morale, de formation culturelle.

Mme Breton (Michelle): C'est-à-dire plus de blocs de formation de la personne? Une école où il y a le français, les mathématiques, les sciences? Est-ce que c'est le sens de votre question?

Mme Charest: Non, pas du tout. Parce que, dans votre rapport, vous dites que vous n'êtes pas d'accord avec la proposition du rapport Proulx à l'effet de donner un enseignement des religions, un enseignement culturel des religions. Et vous proposez votre cours de formation de la personne. Mais, moi, je me pose la question: À quel endroit on va retrouver, comme telle, la formation culturelle, la formation morale? Et, s'il n'y en a pas, on va la retrouver où, cette...

Mme Breton (Michelle): Dans le cours qui est proposé. Or, l'option 3, notre... Là où on est resté estomaqué, c'est quand on a vu que le rapport rejetait d'emblée l'option 3. Et, si vous relisez les pages 215, 216 – c'est une page et quart, ce n'est pas long à lire – vous allez remarquer que très peu de lignes – ça fait mathématique, hélas, mais – de contenu sont axées véritablement sur l'argumentation, l'analyse de l'option 3. Mais c'est plutôt la réaffirmation que la culture religieuse pourrait faire de l'enseignement moral, de l'éducation à la citoyenneté. Pour paraphraser Clémence Desrochers: Nommez-le, je l'ai. C'est quasiment ça.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, Mme Breton. C'est terminé.

Mme Charest: Merci, madame.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Merci, Mme la Présidente. Je voudrais commencer très brièvement par inscrire ma dissidence. Et je vous parle à vous, Mme la Présidente. Lorsqu'on affirme que c'est la mission de l'État d'inculquer les valeurs morales, j'entre dans un état de frayeur et j'ai envie de sortir mon pistolet. Ce n'est pas du tout, du tout, du tout – je veux que ça soit sans ambiguïté – ma conception de la vocation de l'État. Pas les valeurs.

Moi, je suis père de famille, je suis grand-père. Et, lorsque mes enfants et mes petits-enfants me disent: Papa et grand-papa, les valeurs qu'on a, c'est toi qui nous les a transmises, ça me rend très heureux. Et l'État, à mon avis, n'a pas grand-chose à voir là-dedans. On pourrait préciser quelles valeurs. Mais pas les valeurs.

Moi, la question que je veux vous poser, c'est la suivante, là. Je pense que vous avez mis le doigt sur un problème fondamental, ce que vous appelez le rejet de l'option 3. Ce que vous nous dites, finalement, c'est que, du point de vue du développement personnel et du développement social, l'éducation morale, comme on appelait ça chez Renouvier et chez Durkheim dans les bonnes années du début du XXe siècle et de la fin du XIXe, serait un véhicule de formation supérieur à ce que Proulx appelle l'enseignement culturel des religions.

Hier, j'ai, par incidence, fait allusion au grand livre de Sigmund Freud qui s'appelle L'avenir d'une illusion . C'est le livre dans lequel on trouve l'expression la plus parfaite de la théorie de l'âge des lumières sur la religion, n'est-ce pas. C'est une critique radicale de la religion. Et le problème qu'on a avec M. Proulx et son enseignement culturel de la religion, c'est que. dans cet enseignement culturel de religions, il n'y a pas de place pour l'expression de cette tradition de l'âge des lumières qui se veut une critique radicale de la religion. Ce n'est pas qu'on puisse y adhérer ou pas, mais, comme vous dites, c'est tout de même un élément important de l'horizon de choix que l'individu peut avoir devant lui lorsqu'on lui présente de l'éducation morale.

Donc, si j'ai bien compris, ce que vous proposez, c'est qu'on remplace le véhicule proposé par le comité Proulx par le véhicule que, vous autres, vous préférez, qui est celui de l'éducation morale entendue dans le sens où on en parle, par exemple, dans la revue américaine qui s'appelle Moral Education . C'est ça que vous proposez, vous autres. Alors, c'est clair.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Grégoire.

M. Grégoire (Maurice): Je n'ai rien...

Mme Plourde (Caroline): Bien, il a très bien compris notre position, effectivement. C'est ce qu'on veut.

La Présidente (Mme Bélanger): O.K. Alors, c'est terminé.

Mme Breton (Michelle): Mais, encore là, il y a un travail immense à faire. Et, au début de notre présentation, on nous a dit: Vous êtes prêts au dialogue puisque vous vous y présentez. Et c'est vrai. Ce que le rapport Proulx fait, ce qui fait qu'on peut l'estimer, c'est qu'il ouvre la place pour de la discussion et la place pour de l'échange. Et là-dessus on peut au moins se dire qu'il y a des choses à faire. Nous lui reprochons de ne pas avoir creusé davantage l'option 3. C'est donc à faire, à notre avis.

M. Laporte: Et j'ajoute, Mme la Présidente, que, dans l'option 3, telle que je l'ai comprise...

La Présidente (Mme Bélanger): C'est terminé, M. le député de Laporte.

M. Laporte: ...le développement de l'esprit critique est poussé beaucoup plus loin que dans l'enseignement culturel de la religion. C'est ça que je veux dire.

Mme Breton (Michelle): Bien, en éducation morale, c'est ça.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, merci, Mme Plourde, Mme Breton, M. Grégoire et M. Tremblay, de votre collaboration.

Nous allons suspendre les travaux pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 11 h 38)

(Reprise à 11 h 41)

La Présidente (Mme Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Alors, je demanderais au Conseil interreligieux de Montréal de bien vouloir se présenter à la table. À l'ordre, s'il vous plaît! Mme la députée de La Pinière.

Je demanderais au Conseil interreligieux de Montréal de bien vouloir se présenter à la table. Mme Belisle et M. Singh, vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire, qui sera suivi d'une discussion de 40 minutes.


Conseil interreligieux de Montréal

Mme Belisle (Denise): Merci, Mme la Présidente. Mme la Présidente et messieurs dames les membres du conseil parlementaire sur l'Éducation, d'abord, nous voulons vous remercier beaucoup pour nous avoir invités à participer à cette audition et nous permettre, donc, de donner notre opinion sur cette question épineuse et fort importante, à notre avis, qui mérite beaucoup d'attention, de discussion et de communication. Et je pense que c'est l'avenir des enfants du Québec qui est en jeu, et il est important donc que nous y accordions tout le temps nécessaire. Et nous vous remercions beaucoup pour cette opportunité que vous nous faites.

D'abord, j'aimerais nous présenter. Nous sommes deux membres de la délégation, ici présents aujourd'hui, du Conseil interreligieux de Montréal. À ma gauche, M. Manjit Singh, qui est membre de la communauté sikhe à Montréal et qui est membre fondateur du Conseil interreligieux de Montréal. M. Singh a travaillé pendant plus de 30 ans dans le domaine des affaires au Québec et au Canada. Il est maintenant à sa retraite active – comme tout le monde veut la prendre – et puis il a été conseiller à la commission de la Gendarmerie Royale sur les questions d'équité de l'emploi de 1986 à 1994.

Moi-même, je suis Dr Denise Belisle, médecin de famille en pratique privée depuis environ 20 ans – non, 15 ans, je vais me rajeunir un petit peu quand même – et puis je suis membre de la communauté bahaïe de Montréal et je suis membre du Conseil interreligieux de Montréal depuis le début aussi, depuis bientôt 10 ans. Alors, mon collègue est unilingue anglophone. Nous représentons donc une diversité qui est intéressante dans ce dossier. Il est d'une communauté religieuse différente de la mienne, il est un homme, je suis une femme. Donc, nous avons une représentativité que nous voulons partager avec vous. Pour cet effet, nous voulons présenter notre mémoire dans les deux langues, si cela nous est permis. Est-ce que c'est possible, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Bélanger): Oui, c'est permis.

Mme Belisle (Denise): Merci beaucoup. Alors, je commencerai donc par vous présenter le Conseil interreligieux de Montréal. Le Conseil interreligieux de Montréal se compose de représentants de neuf grandes religions que l'on retrouve dans la région de Montréal, religion autochtone, christianisme incluant des membres de la religion catholique et protestante, judaïsme, islam, hindouisme, boudhisme, sikhisme, bahaïe et zoroastrisme.

La création de ce Conseil correspondait au désir commun des religions partenaires d'avancer ensemble sur une voie d'unité, d'harmonie et de respect mutuel accru. Fondé à la fin de 1989 grâce à une initiative du Centre canadien d'oecuménisme de Montréal, le Conseil comptera bientôt 10 années de dialogue et de travail conjoint.

Ainsi que l'indique son énoncé de mission, le Conseil interreligieux de Montréal s'est fermement engagé envers l'éducation à tous les niveaux. Le Conseil cherche à aider les gens à approfondir leurs engagements religieux respectifs tout en apprenant à mieux connaître, comprendre et apprécier les autres religions.

En accord avec cette mission, le Conseil organise divers événements destinés au grand public pour faciliter et encourager le dialogue entre personnes et religions différentes. Il apporte une attention spéciale au développement de programmes pour former un esprit de plus grande tolérance chez les futures générations. Il cherche à développer des communications et des relations encore meilleures entre diverses religions afin que règnent la paix sociale et l'unité. On fait souvent appel au Conseil interreligieux de Montréal pour obtenir des conférenciers de diverses communautés religieuses, lors de célébrations interreligieuses, de services de prières, de tables rondes, de conférences, de cours, dans les écoles ou dans les autres lieux. M. Manjit continuera avec notre vision de l'éducation.

M. Manjit (Singh): The Interfaith Council of Montréal cherishes and encourages a vision for education in Québec that fully acknowledges the increasingly diverse racial, ethnic and religious origins and heritage of the students. Our public schools can become the hearth of interracial and interfaith dialogue, and centres of mutual understanding and respect, from which will emerge a new generation of men and women, at home in post-modern pluralism, with an enriched sense of their own identity and a profound appreciation for the diversity of which they are a part.

While affirming the importance of education in developing the students' intellectual abilities and marketable skills, we maintain that education is basically about creating and nurturing our capacity to live critically aware, humanly sensitive and socially responsible lives. We recognize that education is essentially spiritual in nature and achieves integral expression in developing in persons qualities such as justice, courage, understanding, compassion, tolerance, respect, patience, love, selfless service, unity, and humility, and in providing a context in which such learning is significant. This vision reflects a perception, within most faith communities, of reality as fundamentally spiritual, of civilization as a spiritual process, and of society as accountable to an ultimate spiritual reality, variously named by our respective religions.

Mme Belisle (Denise): Alors, nos recommandations. Selon la perspective décrite plus haut dans notre vision, le Conseil interreligieux de Montréal soutient certains principes dont il est question dans le rapport Proulx: le droit de toute personne à la liberté de conscience et de religion; le droit et la responsabilité des parents de choisir l'éducation religieuse de leurs enfants; le principe de l'équité et de l'égalité dans l'application de ces droits dans toutes les écoles publiques.

M. Manjit (Singh): Diverging somewhat from the Proulx report, the ICM proposes the norm of compulsory study of religions for all students from pre-school through secondary school. Two models for implementing the latter norm were considered by the ICM:

1. The cultural consideration of religions as proposed in the Proulx report, which is valued for its endeavour to end the current imposition of Christian curricula and as a means for all students to gain some knowledge of other religions, in combination with education in common ethics and morals;

2. The provision, within the school curriculum, of religious education for the children of all major faith communities in Québec, in programs comparable to what is now available for Christians; however, the limitation of this type of program to the children of the respective faith communities could fail to educate adequately towards appreciation of other faith communities.

Mme Belisle (Denise): Donc, le Conseil interreligieux de Montréal préfère la première solution, c'est-à-dire l'enseignement religieux de type culturel, en appuyant, par contre, sur les caractéristiques suivantes pour formuler une solution intermédiaire. Nous recommandons vivement:

Que l'éthique, la morale et les valeurs ne soient pas séparées des sources de l'esprit qui leur ont donné vie généralement à l'intérieur des traditions religieuses;

Que les dispositions soient prises pour la création à l'intérieur du programme scolaire d'un cours d'éducation religieuse pour chacune des traditions religieuses et que cela soit fait sans imposer de surcharge de travail ou de frais pour les parents et les communautés culturelles et religieuses;

(11 h 50)

Que l'éducation religieuse mette l'accent sur des termes et des normes communs aux différentes religions du monde plutôt que sur les dogmes qui les divisent et qui divisent l'humanité;

Qu'un local soit réservé dans chaque école pour la prière et la méditation, où on trouverait les écritures sacrées de toutes religions sans privilégier les écrits ou les symboles religieux d'une tradition en particulier et où serait maintenue une atmosphère de respect et de dévotion;

Que le système scolaire s'imprègne de cet idéal de l'éducation vu comme recherche spirituelle, auquel nous avons fait allusion à divers endroits plus haut dans notre mémoire.

M. Manjit (Singh): The Interfaith Council of Montréal underlines the need for concerted attention to the following critical concerns: provision for funding for religious education within the school curricula; development of excellent curricula and resources for religious education that faithfully respects and reflects each religion's self-definition and expression of its faith; development of teacher training programs for coherent and creative teaching of the new curricula.

Mme Belisle (Denise): En conclusion, la religion fait partie intégrante de l'histoire de l'humanité sur tous les continents. Elle a modelé la vie de millions d'individus et de civilisations sans nombre. De ce fait, il est impossible d'étudier l'histoire de l'humanité sans tenir compte de la religion, il est impossible de continuer dans le système scolaire sans tenir compte de la religion.

Le principe auquel nous voulons que la commission ici donne de l'importance, c'est le principe d'égalité et d'équité dans l'enseignement de la religion dans l'école. Il est pour nous très important que ce principe soit complètement pris en considération et appliqué.

Aussi, nous aimerions que les écoles deviennent vraiment un foyer d'échanges interculturels, interraciaux, interreligieux dans lequel les enfants pourront apprendre toutes ces vertus civiques, morales, spirituelles qui leur permettront de bien vivre ensemble au Québec et qui leur permettront de développer des qualités qui permettent de construire un pays dans la paix et dans le plaisir de partager la vie commune.

Et un principe qui n'a pas été touché beaucoup dans le rapport Proulx et que nous croyons important en tant que Conseil interreligieux, c'est de davantage s'adresser sur le but et l'essence de la religion, qui est la spiritualité, et d'adresser: Qu'est-ce que la spiritualité? Et comment peut-on permettre à cette spiritualité de s'exprimer à l'école d'une manière qui soit équitable et égale pour tous? Nous vous remercions de votre attention.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci. Alors, M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bélanger): ...

M. Dion: Je suis tout à fait disponible pour poser ma question plus tard, si vous préférez, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bélanger): Mme la députée de Rimouski.

Mme Charest: Je m'excuse. Je voudrais, au nom du ministre de l'Éducation, l'excuser parce que M. Legault a été obligé d'aller au Conseil des ministres, qui débutait à 11 heures. Cependant, sachez qu'il a très bien lu votre mémoire. Et, si des questions lui viennent à l'esprit ou, enfin, s'il a des questions à vous poser, il les acheminera à votre groupe par écrit et il pourra établir des relations avec vous pour la suite des choses.

Ceci étant dit, je vais quand même vous remercier d'être venus, de vous être déplacés pour nous présenter votre mémoire. Je pense que votre association, c'est un exemple, en tout cas, que le dialogue est possible entre les religions, et ça, je pense qu'il faut le souligner. C'est aussi un exemple que le dialogue que vous avez à l'intérieur de votre regroupement, ce n'est pas une menace pour les religions. Au contraire, c'est une ouverture, et ça, ça m'apparaît très, très intéressant et pertinent.

Et, quand je lis votre mémoire et que je constate que le Conseil interreligieux de Montréal nous fait des propositions comme celles que vous faites, je me dis que votre expérience peut être très utile au gouvernement et à tous les partenaires pour mieux comprendre les conditions dans lesquelles le dialogue interreligieux doit s'instaurer et se faire, se réaliser.

Et j'en viens à ma question, suite à ces premiers commentaires. Vous savez, hier, lors de notre première journée d'audiences, il y a plusieurs groupes qui nous ont proposé en quelque sorte la mise en place d'un comité interreligieux pour conseiller le gouvernement sur les questions religieuses. Et je pense qu'il serait intéressant de vous entendre comme groupe interreligieux de Montréal sur cette question. Moi, j'aimerais ça que vous nous disiez comment vous voyez ça. Est-ce que vous avez une idée de ce que pourrait être le mandat et le rôle que ce groupe pourrait jouer auprès du gouvernement du Québec sur toute la question interreligieuse?

La Présidente (Mme Bélanger): Mme Belisle.

Mme Belisle (Denise): Oui. Alors, c'est une question, naturellement, dont nous n'avons pas discuté parce qu'on ne nous a jamais demandé de penser à ceci. Mais, par contre, c'est sûr que... Pardon?

Mme Charest: Spontanément, est-ce que...

Mme Belisle (Denise): Bien, spontanément, moi, je pense effectivement, dans un dossier comme celui-ci, qui implique toutes les minorités, qui implique la diversité culturelle et qui implique le phénomène religieux, à mon avis, qu'il est important et essentiel qu'un conseil interreligieux représentatif de toutes les religions soit consulté parce que nous nous adressons à une question qui relève de l'expertise des membres des différentes communautés. Alors, je pense que ça serait une excellente idée, personnellement. Et je pense que le Conseil, le comité interreligieux, je crois qu'il serait du même avis.

Mme Charest: Vous proposez, à l'intérieur de votre mémoire, que l'école publique puisse devenir le centre d'un dialogue intersocial et religieux. Vous ne croyez pas que confier à l'école cette tâche, ça peut être lourd, alors que ça pourrait très bien être assumé par un organisme comme le vôtre?

M. Manjit (Singh): In principle, I think your suggestion is excellent. The only constraining factor I can see is the resources, particularly financial side. And, if the Government wishes to proceed in this area, I think it will require a firm commitment. Because, having started something, if you just give it up halfway because of lack of funding, then we would have damaged – for want of a better word – the cause of the basic principle of fostering this peaceful coexistence between all religions. If you want to go that road, I think due thoughts should be given that you're willing to back it up all the way. Because there will be lot of difficulties, and it's not going to be an easy thing, but it is attainable. It can be done, provided there is a firm commitment and a vision that this must be tested.

Mme Belisle (Denise): Personnellement, pour ajouter à ce que M. Singh a dit, j'ai participé à beaucoup d'activités interreligieuses, à tous les niveaux, à l'intérieur de la foi baháïe, à l'intérieur du Conseil interreligieux, à l'intérieur d'organisations d'autres communautés religieuses, et, pour moi, ça me semble être une chose, au contraire, facile à organiser et à implémenter et qui apporte beaucoup de résultats positifs au niveau de la compréhension mutuelle, de la connaissance mutuelle, du respect mutuel.

Par exemple, dans une école, nous n'avons pas discuté en détail du service d'animation pastorale dans notre Conseil, mais, par contre, il y avait une proposition, dans le rapport Proulx, du service pastoral commun à tous, là. Tout dépend de l'animateur, mais, je veux dire, il pourrait y avoir l'organisation d'activités interreligieuses comme ça, par exemple des sessions de prière pour la paix, la Journée de la paix, la Journée de l'unité raciale, le 21 mars, la journée... Les différentes journées des Nations unies pourraient être utilisées, par exemple, pour amener les différentes religions représentatives dans chaque école et faire un service interreligieux. Et je crois que ça serait... Ça a été très bénéfique pour moi, cette expérience, et pour tous ceux que j'ai connus qui ont participé à des services interreligieux. On en a même fait lors d'un congrès des soins palliatifs, à Montréal, au Palais des congrès. Il y avait un service interreligieux. Et ça devient de plus en plus commun dans toutes ces activités interreligieuses.

(12 heures)

On vit dans un monde pluraliste non seulement au Québec, mais partout. Avec le développement de la technologie moderne, on n'y peut rien, on vit maintenant tous ensemble sur une petite planète. Alors, il est important de favoriser les échanges parce que les préjugés qui sont à la base des non-compréhensions et même des conflits, des guerres proviennent de l'ignorance de l'autre. Alors, si on veut diminuer cette ignorance, on n'a pas le choix, il faut créer des bassins où les gens se mêlent. Ce n'est pas en restant chez soi avec les mêmes personnes qu'on côtoie tous les jours qu'on va apprendre à mieux comprendre la différence des autres. Et je pense que c'est un but, le rapport Proulx l'explique clairement que c'est un but de l'école aussi de socialiser et de favoriser le mieux-vivre ensemble, comme ils disent dans leur rapport.

Donc, à mon avis, ce sont des méthodes très utiles qu'on devrait apporter à l'école. Naturellement, ça prendra des animateurs ou des professeurs qui auront une éducation aussi spéciale, une formation spéciale. Et je pense que, là, les conseils interreligieux auront un rôle à jouer dans la formation de ces gens-là ou dans le curriculum.

Mme Charest: Thanks a lot, Mr. Singh, and merci beaucoup, Mme Belisle.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, Mme la députée de Rimouski. M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Mme Belisle, M. Singh, bienvenue. Pour poursuivre un peu dans la même veine que les questions de l'adjointe parlementaire du ministre de l'Éducation et députée de Rimouski, j'aimerais que l'on... Vous savez, plusieurs groupes sont venus et ont remis en question la possibilité justement et la complexité – on a dit que c'était extrêmement complexe – d'en arriver à un modèle où l'enseignement religieux pouvait offrir et s'ouvrir sur d'autres religions. On dit: Si ce n'est pas le statu quo, il serait pratiquement impossible de mettre en place le type de solution que vous proposez. Parce que, dans le fond, vous allez dans le sens des recommandations du rapport Proulx sur l'enseignement religieux de type culturel, mais vous lui ajoutez un autre élément qui est vraiment celui, en plus, d'avoir un enseignement religieux selon les traditions religieuses de chacun.

Et ce défi-là – et plusieurs l'ont remis en question, ont dit que c'était impossible de le faire – et l'expérience que vous en avez, l'expérience des 10 dernières années de collaboration entre différentes communautés religieuses, comme vous l'avez souligné dans votre mémoire, selon vous, il est possible de mettre en place ce type, je dirais, de réseau d'enseignement religieux en ouvrant et en allant en même temps dans le sens des recommandations du rapport Proulx, les deux sont réalisables, selon votre expérience. C'est bien le sens de votre présentation?

M. Manjit (Singh): Well, the first thing I would like to say is that the status quo is not an acceptable situation because it has a built-in systemic discrimination. The status quo only favors two traditions and, therefore, by law, it ends up discriminating against the other traditions. So, if we want to change the status quo, there are essentially two options. One is what we are proposing, and, of course, that requires a fair amount of work and commitment. And, if that is not feasible, then the only logical conclusion one can come to is that, since our proposal is not feasible for whatever reasons, then the status quo should not be carried on, because impliciting the status quo is discrimination.

And I think we have already two generations of students from minority religions that have gone through the public school system who have seen their peers from the majority community enjoy the instruction in the religion and morals of their tradition. But the minority communities have been excluded. And this has a detrimental effect on the development of the children and, in the long run, for the Québec society, because these children are eventually going to be the adults and they will play a role in the society, and, if they have not seen their tradition being recognized, then it does create a certain amount of psychological stress on them.

So, what we are really saying is that we'd like to see all inclusive, if we can find the resources. And there may be some further options to define that, with proper studying, and so on. But, if that option is not feasible, then I think the status quo should be removed. Because, otherwise, we will end up perpetuating what we have seen so far, and that is... in this day and age, I think, when there are people launching court challenges all over the place, sooner or later somebody is going to go to the court of law and exercise the Charter. And I think we will come back to the same spot where we are today.

So, if we have to make a decision, then I would respectfully recommend that the decision be made with this consideration in mind, that, whatever else we do, we must maintain equity and equality so that all children can feel that they are included. That is really the bottom line, from our point of view. Thank you.

M. Béchard: Dans la mise en place...

La Présidente (Mme Charest): M. Béchard.

M. Béchard: Merci. Dans la mise en place de votre solution, est-ce que vous pensez qu'on doit y aller de la même façon pour tous les cycles et toutes les années du parcours entre la maternelle et le cégep, comme vous le mentionnez? C'est-à-dire, est-ce qu'on doit offrir la même ouverture, la même diversité à toutes les années ou est-ce qu'on pourrait y aller aussi de façon progressive, c'est-à-dire y aller peut-être par un enseignement religieux de base, ensuite une ouverture sur d'autres religions et pour terminer en secondaire III, IV ou V avec, à ce moment-là, un cours d'enseignement culturel des religions? Est-ce que vous pensez qu'il serait préférable d'avoir une approche comme celle que je viens de mentionner, c'est-à-dire évolutive, ou encore de tenter de faire tout ça année après année?

Mme Belisle (Denise): Ce n'est pas une question qu'on a vraiment développée, parce qu'on ne s'occupe pas directement de l'éducation. Mais je pense que tout processus est organique. Même le processus d'implémentation de l'enseignement culturel des religions, on devrait le voir comme dans une vision organique. C'est-à-dire, tout ne se bâtit pas en un jour, il y a des étapes à suivre. Dans l'enseignement religieux de l'enfant, il y a aussi une étape organique à suivre. Le modèle que vous proposez, il faudrait l'étudier un petit peu plus en profondeur pour voir comment ça doit s'établir. Mais c'est sûr qu'on n'adresse pas un enfant de maternelle de la même manière qu'on adresse un enfant du secondaire.

Mais je pense que cette expérience de la diversité doit se faire dès le début parce que, quand l'enfant est jeune, c'est comme un petit arbrisseau tendre, on peut le placer comme on veut, on peut le modeler; quand l'arbre est rendu grand, on ne peut plus le tailler comme on le désire. Alors, quand l'enfant est jeune, c'est le moment de l'exposer à la diversité culturelle, religieuse et à la tolérance. C'est à ce moment-là que ses valeurs vont prendre racine en lui. Mais la façon d'implémenter, la logistique de cela nécessitera sûrement d'autres échanges.

M. Béchard: Une dernière petite question, avant de passer la parole à mes collègues, Mme la Présidente. Quand on parle d'ouvrir l'enseignement à d'autres religions, j'ai lu dans votre mémoire que ce n'est pas... Par exemple, vous préconisez un système où un élève catholique, s'il le veut, pourrait aller dans un cours d'enseignement religieux d'une autre religion. Vous êtes ouvert à cette alternative-là. Selon vous, est-ce que c'est une alternative... Ça se situe dans tout le processus d'ouverture que vous présentez. Mais qui pourrait avoir le choix? Est-ce que c'est le choix des parents? Est-ce que c'est le choix des étudiants? Comment vous voyez ce choix-là?

Mme Belisle (Denise): ...certaine de bien comprendre. Pouvez-vous... Vous dites que...

(12 h 10)

M. Béchard: Oui. Vous mentionnez dans votre proposition, le point 2, la possibilité d'inclure dans le programme scolaire un cours d'éducation religieuse pour les enfants issus des principales traditions religieuses au Québec, comme cela se fait présentement pour les chrétiens. Cependant, vous indiquez: «Restreindre ce type de programme aux enfants de traditions religieuses particulières pourrait ne pas répondre à l'objectif de leur enseigner à apprécier d'autres traditions religieuses.»

Est-ce dire que vous seriez d'accord avec le fait que, par exemple, des jeunes d'une religion pourraient suivre un cours d'enseignement religieux dans une autre religion?

Mme Belisle (Denise): Bien, la vision qu'on avait, plutôt, c'est qu'il y ait un enseignement comparatif des religions et de l'histoire des religions pour tous, obligatoire pour tous, de sorte qu'ils soient tous amenés à avoir une connaissance et un respect, et même une admiration, s'il faut, mutuelle des diverses religions en mettant l'accent sur les normes qui les unissent plutôt que les normes qui les différencient. Et on voyait peut-être que l'enseignement éthique et moral ne soit pas divorcé des religions qui lui ont donné naissance.

Par contre, quand on disait qu'il y a un enseignement religieux pour chaque religion, c'était en plus. Ce n'est pas à part, ça. Et ça visait plutôt à favoriser chaque parent de chaque religion qui veut que son enfant ait une éducation dans sa propre religion. Ce n'était pas dans le but... Mais, si un parent est ouvert à ce que son enfant aille prendre des cours dans une autre religion, ça, il n'y a pas de problème, si le parent est en accord avec...

M. Béchard: Ça va.

La Présidente (Mme Bélanger): Ça va? M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Oui, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bélanger): C'est à votre tour.

M. Dion: Merci de me donner la possibilité de parler. Je voudrais d'abord vous remercier d'être venus ce matin. Je crois que votre exposé peut nous aider à réfléchir tous ensemble à cette question tellement fondamentale de la présence ou de la non-présence de la religion à l'école.

Dans toute cette question, je pense qu'il faut... On parle parfois du fond, parfois de la forme, des choses qu'il faut faire et de la façon de les faire. Moi, je m'attarderai plutôt au fond. Et on parle parfois des changements à faire et des moments où il faut les faire. Moi, je m'attarderai aux changements sans m'intéresser au moment de faire ces changements-là. Donc, c'est sur le fond seulement que je pose ma question.

J'ai quand même certaines difficultés avec votre exposé. Vous affirmez, par exemple, que votre groupe – en page 2 – fait des activités pour développer l'esprit d'une plus grande tolérance chez les générations montantes, les générations futures. Vous parlez, plus loin, à la page 3, de l'importance du courage, de la compréhension, de la compassion, de la tolérance, ainsi de suite, et que vous travaillez là-dessus en créant un contexte dans lequel un tel apprentissage soit important. Donc, vous mettez beaucoup d'importance sur la tolérance et l'ouverture.

Or, vous écartez, dans la même page 3, les principes du rapport Proulx pour les remplacer par le principe: la norme de l'étude obligatoire des religions pour tous les élèves. Donc, l'étude des religions – vous ne parlez pas de la culture des religions, vous parlez de l'étude des religions – pour tous les élèves, ça serait la norme, et non pas la liberté de conscience, et non pas la responsabilité des parents, et non pas l'égalité et l'équité dans l'application de ces droits dans toutes les écoles.

Vous mentionnez aussi, donc, à la page 5 de votre document, que l'éducation ne devrait pas se contenter d'une observation froide et distante des religions, mais devrait refléter autant qu'il possible la foi ardente des croyants. Évidemment, je le vois bien, autant que possible ce réfère au fait que vous êtes bien conscients que ce n'est pas nécessairement une chose facile, hein, de s'impliquer tellement dans l'enseignement d'une religion pour en refléter la foi ardente des pratiquants.

Alors, mon problème est le suivant. Comment est-ce que vous pouvez concilier l'approche de la tolérance et de l'ouverture face au phénomène religieux en excluant le fait que, pour un certain nombre de personnes, c'est le phénomène religieux lui-même qu'il faut rejeter? Pourquoi vous êtes d'accord à l'ouverture à toutes les religions, mais vous n'êtes pas d'accord à l'ouverture à un enseignement, par exemple, purement moral des valeurs humaines? Pourquoi vous rejetez une partie de cette problématique-là totalement alors qu'il me semble qu'elle fait partie de votre approche globale ou de votre intention globale d'être tolérants envers tout le monde?

M. Manjit (Singh): Thank you for the question. The first thing I want to clarify is that teaching of religion as we are proposing is... there is a qualifier. The qualifier is that, if we're going to do it, then we do it for all of them, not just for one or two or three traditions. So, this is a decision we can't make. The Government has to tell us whether it is feasible to do it for all, because we are very realistic about the resources side of the equation, if I may put it like that.

So, all we are wanting to underline is – and I have said this earlier also – that it has to be very equitable and equal, and if there is a systemic barrier – I point it out currently – that must be removed. Now, in terms of the teaching, you know, we are not as much saying that each tradition has to be taught in the depth in which the parents, or the community, or the churches, or the temples will teach that faith. But what we are saying is that there should be a certain level of awareness so that, when children grow up together learning about each other, then these differences will disappear and they will start looking at each other more as normal human beings rather than looking in terms of somebody's religious practice that they are not familiar with; for want of a better word, they may call it "funny". And that has to be removed.

And I would be very happy that, if we put lot of emphasis on principles, to say: What is religion? Why do we have religion? Why are there different religions? Are some religions better that others? What happens if we do not have a religion? Why have there been so many wars in the name of the religions? What can we do to promote religious harmony? These are the kind of issues. And people who are experts in the pedagogy, they will have to look into these things and then come up with, you know, how are they are going to teach these things. Because the end result of this is that children must come out of the school system accepting each other, not worry about the color of the skin, not worry about the different religious traditions, because those are... No five fingers in the hand are equal. So, this should be given that there are different ways of reaching spirituality, and, if somebody wants to go one way, it is O.K. Mine is not better than yours, but, as long as you practice yours without interfering with mine... That is what they have to learn.

And this is a challenge. And I don't think we can sit here and give you the exact recipe for how to implement it. All we are saying is we see a certain part that can lead us to creating a society that will be tolerant and more respectful of each other.

Mme Belisle (Denise): J'aimerais rajouter aussi... C'est un point important. J'apprécie beaucoup cette question parce que, effectivement, il faut être intègre avec ce que l'on suggère. Et nous suggérons l'égalité et l'équité pour tous. Alors, il est bien entendu que des parents qui ne croient pas en la religion, qui ne veulent pas que leur enfant ait nécessairement une éducation religieuse comme telle, il faut les prendre en considération, absolument. Mais je pense que l'enseignement culturel des religions, comme le propose le rapport Proulx, peut prendre en considération ces parents aussi en enseignant aussi avec les grandes traditions religieuses, aussi les grands courants de pensée séculiers. C'est une possibilité qui peut exister.

Cependant, ce que nous ajoutions, c'est qu'il faut savoir c'est quoi, la religion, puis pourquoi on l'enseigne. Je vais vous donner un exemple. Si on est assis en face de l'océan puis qu'on contemple l'océan, c'est une chose. Si on va dans l'océan, on plonge dedans, on va en plongée sous-marine, on regarde, on fouille les fonds de l'océan, c'est autre chose. C'est deux expériences différentes. La religion, elle n'a pas été créée, à mon avis, pour qu'on la contemple de loin. Elle a été créée pour qu'on en fasse l'expérience parce que c'est dans l'expérience de la religion qu'on trouve les joyaux, les choses qu'elle veut nous apporter.

Alors, on ne peut pas enseigner la religion comme une autre matière et dire: Voilà! froid et distant. Par contre, on ne doit pas faire de prosélytisme, ça, c'est absolument sûr, pour que tous soient à égalité, pour que l'égalité existe. Mais il faut que la religion soit enseignée pour ce qu'elle est. Quel est son but? Quel est son sens? Il faut que les enfants aient cette information. Ça ne veut pas dire qu'ils sont obligés d'aller plonger dans l'océan, mais il faut qu'ils aient l'information de ce que c'est que de plonger dans l'océan, que ça existe.

(12 h 20)

Et aussi un autre exemple que j'aimerais vous donner. La religion, à mon avis, est une vision de la réalité, la science en est une autre. Nous avons deux yeux. Pourquoi? Pour voir en perspective. Si nous ne voyons qu'avec un oeil, bien, on peut avoir des problèmes. Alors, la religion, elle apporte une autre perspective à la science. Nous avons besoin des deux. Et la religion a été à l'origine de beaucoup de valeurs et de morales, de l'éthique. Les tenants de l'enseignement moral non religieux, ils ont, en fait, les mêmes buts parce que les morales et les valeurs sont là pour éduquer l'humain dans son intégrité. La seule différence, c'est que les tenants de la religion savent d'où viennent ces valeurs, savent où est leur origine et, donc, peuvent permettre à d'autres d'aller plonger dans les fondements de cette origine, mais sans obliger. C'est là que la liberté de conscience est importante. Mais on a l'obligation d'informer et d'informer la vérité. On ne peut pas prendre la religion et dire: Voilà, c'est une matière comme une autre, et puis c'est tout. Ce n'est pas la réalité.

M. Dion: Je vous remercie d'avoir explicité votre pensée.

Mme Belisle (Denise): Bienvenue.

La Présidente (Mme Bélanger): Ça va. Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci, Mme la Présidente. Merci, Dre Belisle, merci, Manjit. Thank you very much for coming from Montréal to inform us about your position. I realize that you retired from professional life but not from community commitment. I think the community needs you. Thank you also for your insights about this important debate. And, if you allow me, since Dr Belisle is translating for you and also to allow my colleagues to understand what I am doing with you, I will switch to French. And, if need be, I will switch to English.

Je crois que ce que votre mémoire et votre présentation nous apportent comme éclairage, nous qui sommes en train de débattre de la place de la religion à l'école, c'est que vous êtes venus nous dire quelle est la place de la religion dans la vie de la communauté, de la famille, du moins pour les communautés minoritaires, qui sont quand même assez importantes dans le Grand Montréal spécifiquement. J'ai cité plus tôt les chiffres qui indiquent que, dans les écoles francophones, 37 % des élèves sont d'une religion autre que catholique et, dans les écoles protestantes, près de 47 % des élèves sont d'une religion autre que protestante. Et ces chiffres tendent à augmenter.

Donc, votre mémoire situe cette dynamique très importante, vous le dites très bien. Vous dites que la religion doit être intégrée à l'éducation, il ne faut pas la dissocier de l'éducation. Et, donc, vous témoignez de l'importance de la religion comme facteur d'identité pour les communautés. Je voudrais vous entendre élaborer là-dessus. Pour la vie d'une communauté, la communauté sikhe ou la communauté hindoue, musulmane, juive, qu'est-ce que ça signifie, la religion comme facteur d'identité? Et pourquoi c'est si important pour vous que l'école, qui est une institution publique, doive prendre en charge ce besoin?

M. Manjit (Singh): Thank you very much. Just a brief response that... Why is it important for the children? It is that I have seen numerous Sikh and Hindu and Buddhist children, children of friends of mine, and they come home, and I always engage in discussion with them asking them what they learned about religions and about morals and ethics, and so on, and they always imply that everything that they were taught was in a Judeo-Christian perspective, and they could not identify themselves to anything. Considering what the parents were teaching them or what they were learning in the community religious institutions, they could not relate that with the school system. And this always left me feeling the stress that these children feel, because it's a system where, when you don't identify yourself with what is being taught whereas your peer group they can identify, there is a built-in inequity in that, and they have many times questioned the value of why their parents are asking them to maintain their tradition when it is not important, because, if it was important, it would be taught in the school.

And this has been a constant I have seen in the last 25 years. And some of those children are now adults, in their mid-thirties, they are professionals and are making their living, and I see they have gone away as a result of this experience, they have gone away from their family traditions and religious traditions. And I attribute that to their experience in the school.

So, therefore, I'm saying that it is very important, if the children of minority communities can see some sense of identity in terms of what their religious institutions, community institutions and their parents are telling them about the richness of their heritage. And, if they can see some identification, this will then help them maintain...

I mean, I'm also really realistic that essentially religion is a matter of belief and a matter of choice. Each individual has to decide what he wants to do and how far he wants to go. But, by doing what I have suggested, by removing that discrepancy, that discrimination, at least, these children would have had an equal chance. Maybe, when they grow up as adults, they will still reject it, but that's their decision. But, while they are going through their formative years, they must have the benefit of the same information as the children of the majority faith communities. But this is really critical. And I have seen numerous examples of how children are strayed away form this.

So that is what I would like to underline over and over, because, whatever decision is made, this dimension must never be lost sight of, that you are going to be affecting the lives of these children. If you choose not to, well, then it applies to everybody. But if you choose to do, please do it for all. Otherwise, it won't fly.

Mme Houda-Pepin: Je voudrais avoir une précision sur... C'est intéressant, ce que vous dites parce que c'est un témoignage vécu. Ce que je veux savoir: Pourquoi c'est à travers la religion qu'on va exprimer l'identité? Alors que, dans une école multiethnique, on peut, par exemple, dans un des cours, parler de l'apport de la communauté sikhe ou de la communauté bahaïe ou de la communauté hindou, parler de la culture, de la dynamique interne à la société québécoise, et donc, les jeunes peuvent se sentir valorisés vis-à-vis de leurs amis, en classe, si on valorise leur culture. Pourquoi est-il nécessaire, à vos yeux, que ce travail soit fait à travers la religion spécifiquement? Why is it necessary to go through religion to express one identity?

(12 h 30)

Mme Belisle (Denise): ...là-dessus, peut-être. On sait que toutes les grandes religions sont porteuses de messages idéalistiques qui peuvent stimuler la croissance d'idéaux et de buts nobles chez l'enfant. Et je pense que les enfants passent tellement de temps à l'école, il est important qu'il y ait une partie du temps qu'ils passent à l'école qui les stimule à développer ces nobles buts. Et, à mon avis, l'étude comparative des religions, et tout ça, les incite à se pencher sur la question et à avoir des dialogues entre eux non seulement sur les intérêts communs culturels, mais aussi sur des intérêts «lofty», comme on dit en anglais, plus élevés aussi. C'est peut-être pour ça que la religion...

Mme Houda-Pepin: Mr. Singh, do you want to add something to this question?

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, merci, Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: C'est fini?

La Présidente (Mme Bélanger): C'est fini. Malheureusement, le temps est écoulé. Alors, nous remercions Mme Belisle et M. Singh de leur participation.

Mme Belisle (Denise): Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, la commission suspend ses travaux jusqu'à 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 31)

(Reprise à 14 h 7)

La Présidente (Mme Bélanger): La commission de l'éducation reprend ses travaux. Le mandat de la commission est de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques sur la place de la religion à l'école.

J'inviterais la Confédération des syndicats nationaux, représentée par Mme Denise Boucher, troisième vice-présidente, Mme Suzanne Leduc, conseillère au service des relations du travail, module recherche, et Mme Nicole Cousineau...

Le Secrétaire: Non, Marie-Claire Chouinard.

La Présidente (Mme Bélanger): Oh! Mme Marie-Claire Chouinard, je m'excuse. C'est signé par Nicole Cousineau. Je demanderais à la porte-parole de bien vouloir présenter les personnes qui l'accompagnent. Vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire, qui sera suivi d'un dialogue avec les ministériels et les membres de la commission de l'opposition.


Confédération des syndicats nationaux (CSN)

Mme Boucher (Denise): Mme la Présidente, M. le ministre, nous tenons à vous remercier d'avoir bien voulu nous recevoir dans le cadre de cette commission. Alors, effectivement, à ma droite, ce qui se trouve être à votre gauche, Suzanne Leduc, qui est du module recherche à la CSN, et, à ma gauche, pour votre droite à vous, Marie-Claire Chouinard, qui est vice-présidente à la Fédération nationale des enseignants et enseignantes du Québec et qui sera aussi porte-parole pour les deux autres fédérations qui touchent l'enseignement, soit la Fédération des professionnels et aussi la Fédération, la FESP, des employés de soutien du secteur public. Elles seront là pour m'accompagner et répondre à vos questions.

Alors, le mémoire de la CSN. La Confédération des syndicats nationaux représente quelque 250 000 travailleuses et travailleurs oeuvrant dans toutes les sphères d'activité et provenant de toutes les régions du Québec. De ce nombre, environ 50 000 travaillent dans le secteur de l'éducation.

La CSN s'est toujours intéressée aux grands débats de la société québécoise, et particulièrement à ceux concernant l'éducation, non seulement parce que, en tant qu'organisation syndicale, nous avons à coeur de défendre les préoccupations professionnelles de nos membres dans ce secteur, mais encore parce que l'ensemble de nos adhérents sont préoccupés par le progrès de notre société et par l'épanouissement des individus. De plus, bon nombre des membres de la CSN sont directement touchés, en tant que parents, par les réformes de l'éducation et sont soucieux de la qualité des services éducatifs dispensés à leurs enfants.

La CSN est également membre de la Coalition pour la déconfessionnalisation du système scolaire et signataire du mémoire présenté à la commission de l'éduca-tion. Ce n'est pas d'hier que notre organisation a affiché ses couleurs en ce qui concerne la déconfessionnalisation du système scolaire public québécois. Les positions de la CSN ont d'ailleurs évolué avec le temps, depuis le débat sur le rapport Parent jusqu'à l'abrogation en 1997 de l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867.

Dans le présent mémoire, la CSN demande que le gouvernement du Québec termine la démarche amorcée en 1997 et franchisse une autre étape afin que le système d'enseignement public soit complètement laïcisé, et ce, en cohérence avec les autres choix de la société québécoise. L'avenir harmonieux du Québec passe par la mise en place d'un réseau public laïque d'éducation correspondant aux valeurs communes auxquelles notre société aspire depuis 30 ans.

(14 h 10)

Le mémoire précise que la CSN est d'accord avec l'orientation de laïcité ouverte développée dans le rapport du Groupe de travail sur la place de la religion à l'école, car elle correspond, dans l'ensemble, aux grandes valeurs que notre mouvement syndical met de l'avant.

La mission du système d'éducation est de contribuer au développement de la société et de promouvoir le progrès social. L'école laïque est davantage en mesure de faire cette promotion du progrès social et des valeurs communes de la société québécoise, telles la liberté, la justice, le respect d'autrui, la démocratie, la solidarité, le sens de l'égalité entre les femmes et les hommes.

L'école confessionnelle n'est pas le reflet de la diversité québécoise actuelle, elle ne favorise pas l'intégration harmonieuse des citoyennes et citoyens à un projet commun de société, elle n'est pas cohérente avec les choix de société déjà faits en matière de droits fondamentaux.

Quant au débat sur le droit des parents au choix d'un enseignement religieux confessionnel pour leurs enfants, la CSN estime que les parents ont, bien entendu, leur mot à dire sur le projet éducatif, puisqu'ils sont plus directement concernés par les services dispensés dans l'école. Toutefois, l'école publique appartient d'abord à l'ensemble de la société et n'est pas le privilège exclusif des parents. De plus, l'État n'est nullement tenu d'organiser et de financer un enseignement confessionnel dans l'école.

La CSN propose que l'enseignement religieux confessionnel soit aboli et remplacé par un enseignement culturel des religions obligatoire, dans l'esprit de la proposition avancée dans le rapport Proulx. Cette option est cohérente avec les finalités du système d'éducation et en conformité avec les objectifs de développement psychosocial des élèves. Elle est aussi une solution qui rallierait les principales et principaux intervenants du milieu scolaire: parents, enseignantes, enseignants, directions d'école. Cet enseignement serait un complément à un enseignement moral et à un enseignement à la citoyenneté.

Ces trois objectifs de formation seraient inclus dans le curriculum et ces volets d'enseignement harmonisés seraient compris dans les programmes du primaire et/ou du secondaire. Le temps alloué à ces enseignements ne devrait pas empiéter sur l'espace consacré aux autres matières dans le cadre de la réforme du curriculum. La CSN est opposée à l'approche dite communautarienne, car elle est porteuse d'une ghettoïsation de l'école.

La CSN approuve l'ouverture des locaux aux groupes religieux en dehors des heures normales de classe et à leurs frais, à la condition qu'elle soit accompagnée par une politique claire établissant les conditions d'utilisation de manière à ne pas perturber le bon fonctionnement de l'école.

Quant aux services d'animation, nous exprimons des réserves par rapport à la recommandation du rapport Proulx. Nous souhaitons que ceux-ci n'aient aucune connotation religieuse et soient plutôt axés sur le soutien aux élèves en difficulté et sur le support à l'engagement civique et communautaire. Ces services devraient être offerts dans toutes les écoles à titre de services complémentaires financés en totalité par l'État.

La CSN formule enfin trois préoccupations relativement à la mise en oeuvre de la déconfessionnalisation de l'école: la première concerne les conditions de travail des personnels concernés, dont les employés de soutien; la deuxième, le danger de prolifération d'écoles privées de type confessionnel; et la troisième, la prudence dont le gouvernement doit faire preuve dans ses choix lors de la mise en oeuvre du changement.

La CSN souhaite que la question de la religion à l'école soit débattue maintenant. Elle invite le ministre de l'Éducation et le gouvernement à prendre leurs responsabilités et à compléter la déconfessionnalisation du système scolaire entreprise au Québec depuis déjà quelques décennies.

Alors, nos recommandations. La recommandation un: Que le système scolaire québécois soit déconfessionnalisé à tous les niveaux: celui de la classe, de l'école, de la commission scolaire, du Conseil supérieur de l'éducation et du ministère de l'Éducation, et que soient modifiés les lois et les règlements relatifs à l'éducation pour les rendre conformes à l'esprit et à la lettre des Chartes québécoise et canadienne en ce qui concerne la liberté de conscience et de religion ainsi que le droit à l'égalité sans égard à la religion.

La deuxième: Que l'enseignement religieux confessionnel soit aboli et qu'un enseignement culturel des religions portant sur les différentes religions et sur les grands courants de pensée séculière soit dispensé à tous les élèves.

La troisième: Que les objectifs de formation de l'enseignement culturel des religions, de l'enseignement moral et de l'éducation à la citoyenneté soient inclus dans le curriculum, que ces trois volets d'enseignement soient compris dans les programmes du primaire ou du secondaire, que les contenus de formation soient harmonisés et que le temps alloué pour ces trois enseignements n'empiète pas sur l'espace qui sera consacré aux autres matières dans le cadre de la réforme du curriculum.

Quatrième recommandation: Que l'ouverture des locaux de l'école aux diverses confessions religieuses soit accompagnée d'une politique claire établissant leurs conditions d'utilisation. Cette politique, élaborée par la commission scolaire, préciserait entre autres que les activités des diverses confessions ne doivent pas perturber le bon fonctionnement de l'école dont la mission première est de constituer un milieu de vie favorable à l'apprentissage des élèves.

Cinquième: Que les services confessionnels actuels d'animation pastorale et religieuse soient transformés en un service de soutien non confessionnel ayant un caractère universel, s'adressant tant aux jeunes de toutes croyances religieuses ainsi qu'aux non-croyants, que ce service ait pour objectif d'aider les personnes en situation difficile et de soutenir l'engagement civique et communautaire des élèves, et qu'il soit accessible dans toutes les écoles à titre de service complémentaire et financé entièrement par l'État.

Qu'une attention soit apportée à la formation et au recyclage des personnels qui seraient touchés par un changement de programme scolaire, en particulier les enseignantes et enseignants et les personnes oeuvrant dans les services d'animation, mais que soient aussi analysés les effets possibles de décisions pouvant modifier les conditions de travail du personnel de soutien.

Que le gouvernement s'assure qu'il n'y ait pas une prolifération d'écoles privées de type confessionnel suite à la déconfessionnalisation de l'école publique québécoise.

Que le gouvernement veille à mettre en place les modalités adéquates pour permettre une transition harmonieuse, mais que l'effet des clauses dérogatoires en vigueur ne soit pas prolongé au-delà de deux ans.

Et, enfin, que le ministère de l'Éducation soumette à la consultation publique, dans le cadre d'une commission parlementaire, dès le printemps prochain, un projet de loi modifiant le caractère confessionnel de l'école publique québécoise ainsi qu'un plan de mise en oeuvre.

Alors, voilà, c'est le résumé du mémoire que je viens de vous présenter. Nous sommes prêtes pour la période des questions.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci. M. le ministre.

M. Legault: Oui. D'abord, je voudrais vous remercier, Mme Boucher, Mme Leduc et Mme Chouinard, pour votre présentation, puis surtout aussi remercier la Confédération des syndicats nationaux pour le mémoire. Je pense qu'il y a longtemps que la CSN est impliquée dans ce dossier de la place de la religion, avec une position claire, consistante, depuis un certain temps. Je pense que j'ai toujours senti aussi une certaine ouverture à ce qu'il y ait un dialogue pour avoir un véritable débat de société. Même si votre position est assez claire, je souhaite qu'on puisse continuer à en débattre comme vous l'avez fait au cours des dernières années.

J'ai quelques questions concernant d'abord les aménagements que vous seriez prêts à faire. On a discuté depuis hier et je pense qu'il faut reconnaître quand même qu'il y a un pourcentage encore élevé au Québec, entre autres, de gens qui se déclarent catholiques même s'ils ne sont pas pratiquants, puis on comprend que, même s'il y a une distance, ce n'est pas nécessairement un rejet. On a des exemples qui ont été donnés d'autres institutions au Québec – on pense, entre autres, aux hôpitaux, aux prisons, à l'armée – où on a un certain aspect pastoral.

Est-ce que vous êtes complètement fermés à tout aménagement pour qu'il y ait dans les locaux de nos écoles quelque connotation ou activité religieuse que ce soit ou si vous êtes ouverts à certains aménagements?

Mme Boucher (Denise): On vous a indiqué que, pour ce qui est des locaux – on le dit – nous sommes ouverts, après les heures de classe. Dans les aménagements du curriculum, entre autres quand on pense à la recommandation 2 qu'on vous soumet, on porte quand même, dans notre mémoire – je ne l'ai pas dit dans le résumé – une attention particulière, entre autres, à l'importance de l'étude du christianisme. Alors, il ne faut pas trop se fermer non plus. Effectivement, nous avons une culture au Québec avec laquelle on ne peut pas couper les ponts aussi radicalement.

Or, pour nous, on pense – c'est ce qu'on amène dans le mémoire – que de parler de la culture des religions, c'est aussi intégrer des aspects d'ordre de citoyenneté, de moralité, mais il y a l'espace, pour nous, à l'ouverture des locaux en fin de journée pour que ça puisse se faire et qu'il y ait ces aménagements-là possibles.

M. Legault: Et comment vous voyez la réaction des employés syndiqués, si on avait, en dehors des heures normales, des activités qui pourraient être sous la supervision de personnes qui ne seraient pas nécessairement parties des syndicats, tel qu'on le connaît actuellement? Est-ce que vous voyez une réaction? Comment vous pouvez anticiper la réaction, à ce niveau-là?

(14 h 20)

Mme Boucher (Denise): Je vous dirais que dans nos consultations, nous avons fait ce débat-là. Quand on parle de réaménagement, de voir avec les locaux et, un peu plus loin, dans une des recommandations qu'on vous fait, de voir aussi avec les employés du secteur soutien, parce que ça serait plus particulièrement eux qui seraient touchés, il y a des ouvertures là, et je vous dirais que la grogne n'est pas en place, au contraire.

M. Legault: Bon, parfait. Maintenant, vous nous parlez d'un arrimage entre les trois cours: un enseignement culturel des religions; vous conservez l'enseignement moral; et, bon, le nouveau cours d'éducation à la citoyenneté. Comment vous voyez, dans le curriculum... Si je comprends bien, ces trois cours-là seraient tout au long du primaire et du secondaire. Comment vous voyez l'arrimage, si on essaie d'être pratique, au niveau du nombre d'heures, pour pouvoir être capable de donner les trois cours pendant les 11 années?

Mme Boucher (Denise): Ça, je vous dirais, c'est une question très détaillée que vous nous demandez. Nous, ce qu'on a plus évalué, c'était de voir que les gens qui ont à travailler actuellement sur les curriculums aient cette vision-là. Ce qui est clair pour nous, on ne veut pas cependant que ça prenne tout l'espace et qu'on néglige d'autres secteurs qu'on considère importants dont, entre autres – on le souligne comme ça mais – les mathématiques ou le français, ou les trucs comme ça. À moins que Mme Chouinard ait un élément supplémentaire à ajouter là-dessus.

La Présidente (Mme Bélanger): Mme Chouinard.

Mme Chouinard (Marie-Claire): Oui. Très simplement – c'est sûr qu'on ne va pas se mettre ici à jouer avec les heures disponibles d'enseignement dans un curriculum, surtout que ce curriculum-là est en réforme présentement, est à l'étude – ce qu'on veut faire comprendre par notre proposition, c'est surtout que ces trois cours-là, à notre avis, peuvent avoir des compétences transversales, des compétences qui traversent ces trois types de programmes, ces trois programmations-là, et on tient à ce que ce soit harmonisé, alors que ça aille, tous, dans le sens de l'acquisition des valeurs auxquelles on tient. Ça peut se faire différemment, si on fait de l'histoire de la religion dans le cours sur l'enseignement culturel des religions, et différemment aussi dans l'enseignement moral. Ça peut se traduire autrement au niveau de l'enseignement à la citoyenneté, mais il doit y avoir, selon nous, des compétences transversales qui sont poursuivies au primaire et au secondaire.

Alors, on ne se prononce pas sur le nombre d'heures qu'il devrait y avoir en première année ou en secondaire V. Dans ces choses-là, on veut qu'il y ait un équilibre. On pense qu'il y a des spécialistes qui travaillent sur le curriculum présentement, qui sont assez au fait de l'évolution cognitive des enfants pour savoir où est-ce que ces choses-là peuvent se placer dans le curriculum. Alors, c'est juste la ligne générale qu'on veut faire passer là-dedans. On pense que ces cours-là doivent être harmonisés, qu'il ne doit pas y avoir de répétition, que les étudiants qui ont l'habitude de s'ennuyer parfois puissent sentir la progression dans la connaissance qu'il peut y avoir des ces cours-là de la façon qu'ils vont être placés dans le curriculum. On est prêt à en débattre avec des spécialistes, mais je pense que l'objectif poursuivi, c'est ça.

M. Legault: Non, mais je voulais juste comprendre. Vous voyez les trois cours obligatoires pendant chacune des 11 années?

Mme Chouinard (Marie-Claire): Non. Pas du tout.

M. Legault: Non? Pas nécessairement.

Mme Chouinard (Marie-Claire): Pas nécessairement. Ça sera aux spécialistes de soumettre une proposition là-dessus, et on verra. On pourra mesurer si les objectifs sont atteints et si l'espace qu'on veut réserver à cet enseignement-là est correct aussi. C'est plus le cadre qu'on situe que le contenu.

M. Legault: O.K.

Mme Boucher (Denise): M. Legault, si vous me permettez, Mme Leduc ferait un complément aussi à votre question.

M. Legault: Oui, allez-y.

Mme Leduc (Suzanne): Peut-être une dernière chose pour répondre complètement à votre question. Vous parlez de primaire et secondaire. Comme vous avez pu lire dans notre mémoire, on ne fait pas mention... on parle primaire ou secondaire. Alors, on est ouvert, de la même manière que c'est indiqué dans le rapport Proulx, au fait qu'il peut y avoir une modulation.

Il y a un enseignement qui pourrait être spécifique au primaire; il pourrait y avoir alternance. Bon. Le rapport Proulx parle qu'il n'y aurait pas nécessairement d'enseignement culturel. Il pourrait ne pas y avoir enseignement culturel dès la première année. Alors, sur cet élément-là, est-ce qu'il doit y en avoir pendant toute la durée du primaire et pendant toute la durée du secondaire? C'est des choses qu'on pense que des spécialistes devraient considérer et amener des propositions dans ce sens-là.

Puis j'indique aussi que la dernière recommandation de notre mémoire, c'est qu'on invite le gouvernement, et vous en particulier, à soumettre un projet de loi ainsi qu'un plan de mise en oeuvre. Alors, on ne s'attend peut-être pas à ce que le plan de mise en oeuvre contienne, en fait, le détail, mais peut-être certains éléments de réflexion qui feraient en sorte qu'on pourrait cheminer tout le monde pour arriver à dégager un consensus.

M. Legault: Parfait. Un autre sujet sur lequel j'aimerais vous entendre, c'est la formation des enseignants et des enseignantes. Il y a des remarques qui sont faites, d'abord sur la situation actuelle, où on nous dit qu'il peut y avoir certaines lacunes, entre autres, où on retrouve certains enseignants ou enseignantes qui ne sont pas, par exemple, croyants puis qui doivent enseigner la religion. Comment, vous, vous vivez ça finalement la formation des enseignants en religion? Et, dans le cadre du nouveau cours d'enseignement culturel des religions, comment vous voyez la formation de ces futurs enseignants et enseignantes et quelle responsabilité vous voyez de la part du ministère de l'Éducation et de la part des différentes Églises concernant cette enseignement?

Mme Boucher (Denise): Mme Chouinard.

Mme Chouinard (Marie-Claire): Oui. D'accord. Je vais plutôt répondre à votre deuxième question qui consiste en comment on voit la formation de ces enseignants-là. Je pense qu'ils sont déjà formés. Vous avez eu hier, je pense, M. Rousseau et Mme la directrice du département de sciences religieuses qui vous ont illustré qu'ils formaient de tels enseignants d'ores et déjà dans cette perspective-là. Je pense aussi que les autres universités ont inclus dans leur programme universitaire une démarche semblable à celle des sciences religieuses. Alors, on ne va pas réinventer le monde, là.

Je pense que les jeunes qui aujourd'hui sont en formation des maîtres et se dirigent vers cette discipline-là, qui est la science religieuse ou la théologie, acquièrent d'ores et déjà les connaissances nécessaires qui pourront se traduire dans un enseignement aux élèves du primaire et du secondaire. Je n'ai pas d'inquiétude là-dessus. D'autant que, pour ce qui est de ma fédération, on représente 8 000 chargés de cours qui enseignent en formation des maîtres pour beaucoup et, vérification faite, eux non plus... C'est d'eux que je tiens cette information à l'effet que les programmes universitaires sont adaptés à l'alignement que le rapport Proulx a mis sur la table.

Je ne sais pas s'il y a lieu ici de discuter du fait que certains non-spécialistes sont obligés d'enseigner la religion, d'autres spécialistes en religion sont souvent aussi obligés d'enseigner des matières pour lesquelles ils ne sont pas formés. Je pense que c'est un débat qui est un petit peu à côté de la commission parlementaire, qui relève plus de la façon dont les programmes de formation des maîtres ont été révisés. Il y a des ajustements à faire dans ces programmes de formation des maîtres. Je ne pense pas qu'on soit les personnes spécialisées pour faire des représentations sur la façon dont les programmes de formation des maîtres devraient être consolidés.

M. Legault: Oui.

Mme Chouinard (Marie-Claire): C'est la réponse que je peux vous faire pour aujourd'hui.

M. Legault: Oui. Mais je voulais surtout...

Mme Chouinard (Marie-Claire): Si tant est que c'est sur ce terrain-là que vous vouliez nous amener. Ha, ha, ha!

M. Legault: Je voulais surtout rester quand même au niveau des principes, finalement de voir quelle est la responsabilité du ministère de l'Éducation, des commissions scolaires, par rapport aux responsabilités des Églises dans cet enseignement culturel des religions, dans le choix de la pondération de chacune des religions. Donc, quelle est la responsabilité. Puis là vous nous parlez des futurs enseignants. C'est plus simple, mais il y a aussi le perfectionnement des enseignants qui sont en place qui pose un défi sûrement important.

Mme Boucher (Denise): Je vous dirais qu'on n'a pas vraiment abordé cet élément-là, mais, quand même, peut-être que Suzanne...

Mme Leduc (Suzanne): Bien, en fait, effectivement, on n'a pas réfléchi davantage à cette question-là. Dans un premier temps, je pense que les contenus de formation des maîtres, pour nous en tout cas, ont toujours été élaborés par le ministère de l'Éducation, de par les organisations des établissements du ministère qui relèvent de l'Éducation. Dans ce cas précis, il va de soi – mais je vous réponds davantage à titre personnel – qu'il y aura à y avoir des consultations pour pouvoir bonifier des contenus, s'assurer de l'exactitude de ces contenus-là, si on parle uniquement des contenus.

Maintenant, comment le recyclage des enseignants pourrait se faire? Bien, on parlait encore ce matin, dans un domaine... Ce n'est pas similaire, mais, dans d'autres domaines, il y a eu des recyclages d'importance des jeunes – dans le secteur de la santé, par exemple – qui ont carrément été recyclés dans d'autres disciplines. C'est des choses qui sont possibles. Là-dessus, lorsque vous allez entendre la Centrale d'enseignement du Québec, ils auront peut-être des choses précises à vous dire parce qu'eux ont l'essentiel du membership parmi les enseignants du primaire et du secondaire; mais, pour nous, ce n'est pas mission impossible.

(14 h 30)

Et c'est vrai, ce que vous dites. On entend beaucoup parler qu'il y a beaucoup d'enseignants qui ne sont pas du tout à l'aise d'avoir à donner l'enseignement confessionnel présentement parce que soit qu'ils n'y croient pas ou soit qu'ils n'ont pas été formés et qu'ils n'y connaissent rien parce qu'ils n'ont pas eu cette formation-là. Alors, je pense que c'est aussi quelque chose qu'on doit considérer, lorsque le gouvernement a une décision à prendre de maintenir un enseignement confessionnel: Est-ce qu'on peut le faire à l'encontre des compétences, des souhaits et des croyances de ceux qui donnent l'enseignement aux enfants?

M. Legault: Parfait. Je vais revenir un petit peu au niveau des principes. La CSN nous dit dans son mémoire: «L'approche communautarienne n'est pas conforme au souhait des parents.» Sur quoi vous vous basez pour dire que ça va contre la volonté des parents?

Mme Boucher (Denise): Il est clair que cette approche-là nous inquiète, parce que, comme on le disait dans le mémoire, elle amènerait plus une forme de ghettoïsation. Alors, c'est pour ça qu'il est clair que nous ne retenons pas cette approche-là. On pense que de vouloir la ramener, on compliquerait sans aucun doute toute la réforme de l'école publique laïque en allant vers cette direction-là.

Cependant, ça me surprend qu'on parle des parents dans ce cadre-là, à moins que Suzanne, peut-être... Il me semblait que c'était plus dans un autre élément.

Mme Leduc (Suzanne): Non, en fait, vous avez raison, c'est peut-être la formulation. Je fais référence plus particulièrement à l'enquête qui a eu lieu dans le cadre des travaux du rapport du Groupe de travail, c'est que le plus fort taux d'adhésion des parents a été celui en faveur de l'enseignement culturel des religions. Alors donc, c'est dans ce sens-là qu'on disait qu'elle n'aurait pas la faveur des parents, mais à partir de l'enquête réalisée par le Groupe de travail sur la place de la religion à l'école, le plus fort taux d'adhésion des parents est pour un enseignement culturel des religions, 44 %.

M. Legault: C'est ça, c'est à la page 15 dans votre document.

Mme Leduc (Suzanne): Oui, c'est ça.

Une voix: On l'a retrouvé.

M. Legault: C'est parce que je comprends l'approche de dire...

Mme Leduc (Suzanne): Oui, c'est ça. Je vous dis: Peut-être que c'est au niveau de la formulation, peut-être qu'il aurait fallu nuancer légèrement. Mais, comme on en parlait dans le paragraphe précédent, je crois... donc, on fait référence à ce taux d'adhésion là des parents, qui est le plus élevé pour un type d'enseignement. Donc, dans ce sens-là, ils adhéreraient. Maintenant, le pourquoi, bien là, si on peut se mettre...

M. Legault: Mais vous admettez quand même qu'un certain pourcentage des parents...

Mme Leduc (Suzanne): Absolument.

M. Legault: ...souhaitent encore l'enseignement religieux.

Mme Leduc (Suzanne): Oui, mais on pourrait élaborer longtemps sur le pourquoi...

M. Legault: Oui.

Mme Leduc (Suzanne): ...qu'est-ce qu'ils recherchent exactement. Il y a les travaux de Mme Milot qui ont été rapportés, d'ailleurs, dans le rapport du groupe de travail, qui sont à l'effet que ce que les parents recherchent, c'est davantage que l'école enseigne des valeurs. Ils veulent s'assurer qu'il y ait une transmission de certaines valeurs à l'école. Puis il y a un automatisme, bon: valeur égale enseignement de la religion, la religion catholique, la religion protestante. Mais questionnez les parents, faites le tour des parents, ils ne savent pas exactement tout ce qu'ils veulent. Ils veulent qu'il y ait des valeurs qui soient transmises à l'école, ça, c'est certain. Donc, est-ce que c'est automatiquement transmis uniquement par un enseignement confessionnel? Nous, on ne le croit pas. On pense que ça peut être transmis de façon différente et qu'on rejoint par là les objectifs qu'on recherche d'une société pluraliste, comme on voudrait l'avoir au Québec maintenant.

M. Legault: Une dernière question. Hier, on a rencontré la Coalition dont vous faites partie. La Coalition nous a dit hier et elle disait dans son mémoire qu'elle était ouverte à ce que l'animation civique et communautaire fasse place à une animation spirituelle. Si je comprends bien vos propos de tantôt, vous, vous n'êtes pas d'accord avec ça. J'aimerais ça savoir, là: Est-ce que c'est clair, donc, que vous êtes en désaccord avec la Coalition puis pourquoi vous n'êtes pas d'accord avec une animation spirituelle?

Mme Boucher (Denise): En tout cas, moi, je pense que ce qu'il faut bien comprendre, c'est que c'était plus, sans aucun doute, ce que je vous disais tout à l'heure, qu'il y ait une place à l'étude du christianisme, compte tenu de nos cultures. Alors, nous, on adhère aux positions de la Coalition, on ne l'a peut-être pas verbalisé de la même façon, mais, pour nous, c'est plus dans cette étape-là qu'on doit le voir, dans la transmission, là.

M. Legault: Donc, vous êtes d'accord avec une certaine animation spirituelle à l'école.

Mme Boucher (Denise): Bien non. Quand on parle d'animation spirituelle, il faut bien s'entendre que, pour nous, à la CSN, ce dont on parle, c'est d'une animation culturelle des religions. Ça, pour nous, c'est notre majeure. Pour ce qui est de la Coalition, cette ligne qu'ils ont donnée se rattache à ce que je vous disais plus tôt, tout à l'heure, à la question de l'étude du christianisme où, là, nous, on y voit certains éléments. Mais on adhère dans l'ensemble des principes qu'a relevés la Coalition dans son mémoire.

M. Legault: Parfait. Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le ministre. M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Merci, Mme la Présidente. Mme Boucher, Mme Leduc et Mme Chouinard, bienvenue et merci pour votre mémoire qui apporte un éclairage au débat que nous avons présentement.

À la lecture de votre mémoire, il y a un élément qui est à la page 12 du mémoire, où vous mentionnez toute la question de la place des parents. Et là, avant d'amorcer ces questions-là, je ne parle pas au niveau du droit comme tel, au niveau juridique, mais à la place qu'on veut laisser aux parents et à la décentralisation qu'il y a eu à l'intérieur de la loi n° 180, la mise en place des conseils d'établissement, et ne pas entrer dans le débat: À qui appartient l'école? Mais, au troisième paragraphe, vous indiquez: «De plus, il serait faux de penser que les parents ont perdu tout droit dans l'école. Au contraire, la réforme de l'éducation a accru le pouvoir des parents. Dans les conseils d'établissement, ils peuvent décider d'un ensemble de questions telles que définir le projet éducatif, les activités à organiser et, bien sûr, décider des budgets qui s'y rapportent.»

Si, dans l'hypothèse qui est la suivante, ce conseil d'établissement là et les parents décident, par exemple, que le projet éducatif qu'ils veulent pour leur école est un projet éducatif à coloration religieuse, catholique ou protestante, ou autre, comment on pourrait concilier cette réforme-là de l'éducation, la place qu'on veut laisser aux parents, le choix que les parents ont à faire, et, en même temps, dire: Bien, voici, vous pouvez choisir, par exemple, pour un projet éducatif de nature sportive ou autre, mais pas au niveau religieux? Comment on pourrait réussir à trouver une compatibilité avec ça, démontrer, finalement, qu'ils ne pourront... Parce que, si je comprends bien l'esprit du mémoire, il ne pourrait pas y avoir de projet éducatif de nature religieuse, selon votre mémoire.

Mme Boucher (Denise): Oui, effectivement, vous avez bien compris, parce que, nous, on dit: Il faut que les écoles soient laïques. Alors, effectivement, c'est ce qu'on dit. De toute façon, on le sait – d'ailleurs, dans le mémoire, on le souligne aussi – il n'y a que les écoles, hein, qui ont encore un statut confessionnel au Québec. En dehors de ça, tout le monde, c'est devenu laïc. Alors, pour nous, quand on parle de projet éducatif, ce n'est pas dans cet ordre-là, même si, effectivement, vous dites qu'ils pourraient décider de choisir les sports. Mais, en même temps...

M. Béchard: Disons que l'hypothèse est là.

Mme Boucher (Denise): Oui, mais, en même temps, il est clair que, pour nous, il faut que les écoles soient laïques avant tout et qu'ils pourront décider dans le cadre des activités en dehors des heures... mais, en même temps, toute la question du curriculum, même si on décidait, dans une école, d'avoir un projet éducatif, on n'ira pas à l'encontre d'un curriculum qui va être déposé. Sinon, ça irait même à l'encontre des examens qui sont soumis au primaire ou soumis aux élèves au secondaire. Alors, dans ce que vous dites, on pourrait avoir comme projet éducatif, oui, peut-être l'enseignement religieux, mais en dehors des heures de classe, comme un projet sportif, souvent, est rattaché en dehors des heures de classe aussi. On ne va pas à l'encontre du curriculum. Alors, pour nous, sur cet élément-là, l'espace que les parents ont pris, on est tout à fait d'accord avec cet espace-là. Cependant, pour ce qui est des écoles confessionnelles, c'est à travers le curriculum que ça devra se transmettre, avec une histoire de la culture des religions.

M. Béchard: O.K. Sur l'élément que vous apportez et qui est, je dirais, en lien avec ça, sur l'aspect de votre proposition relative au fait que le gouvernement doit souscrire à la proposition n° 7, «que le gouvernement s'assure qu'il n'y ait pas une prolifération d'écoles privées de type confessionnel suite à la déconfessionnalisation de l'école publique québécoise», quand on parle... Moi, dans l'esprit de votre document, je me serais attendu à voir, si on fait la suite avec ce que vous venez de mentionner aussi, que, même au niveau du secteur privé, il n'y en ait pas, d'aspect confessionnel. Qu'est-ce que vous entendez... comment on va être capable de juger s'il y a une prolifération ou pas d'écoles? Où est la démarcation, la limite? Qu'est-ce qu'on laisse comme place aux écoles privées qui veulent être confessionnelles? Comment tout ça peut s'harmoniser avec une déconfessionnalisation?

(14 h 40)

Mme Boucher (Denise): Peut-être juste – puis, après ça, Mme Chouinard complétera – vous indiquer que le rapport Proulx ne touchait que les écoles publiques. Alors, c'est pour ça qu'on répond sur l'élément des écoles publiques. On n'a pas été sur le terrain des écoles privées. Mais, pour nous, il y a là une inquiétude parce qu'il y a eu des expériences dans le passé, dans certains pays, où, effectivement, les gens se sont retournés vers les écoles privées pour avoir de la confessionnalisation dans leur réseau. Alors, c'est à cette mise en garde là, et aussi, bien évidemment, ajoutons tous les éléments d'ordre budgétaire qui sont associés aux écoles privées, des investissements du gouvernement dans les écoles privées. Alors, c'est pour ça que, nous, on ne voudrait pas – et je vais vous dire ça très simplement – il ne faudrait pas qu'on enlève de la main droite puis qu'on donne de la main gauche. C'est aussi clair que ça. Alors, c'est pour ça qu'on fait cette mise en garde là. Mais Mme Chouinard pourra compléter, peut compléter.

Mme Chouinard (Marie-Claire): Je voulais juste rappeler qu'il y a quand même un encadrement législatif concernant la mise en place et le financement des écoles privées qui est assez contraignant. Ma fédération représente une vingtaine d'écoles privées et on est assez bien placé pour savoir que le cadre de financement du ministère est assez contraignant et que les écoles privées doivent correspondre, grosso modo, au curriculum qui se donne dans le public. Donc, le gouvernement ne serait pas amené, par exemple, difficilement, à financer une école qui donnerait un enseignement complètement à côté du contenu général du curriculum qui se donne dans les écoles publiques. Il n'aurait pas à financer ça; ça ne correspondrait pas aux règles du ministère de l'Éducation. C'est une manière de prévention. La proposition n° 7, ce qu'elle dit, si on la traduit en d'autres termes: il ne faudrait pas qu'il y ait une fuite en avant de ce côté-là. On veut qu'à partir du moment où collectivement on aura décidé, et vous aurez traduit ce désir collectif là dans une législation, on aura décidé donc de déconfessionnaliser l'école, de laïciser l'école, il ne faudrait pas qu'il se crée des voies d'évitement à cette décision collective là. C'est plus dans ce sens-là qu'on le disait.

M. Béchard: Oui. Que répondez-vous à ceux qui disent, en ce qui a trait à la mise en place du cours d'enseignement culturel des religions, que, dans le fond, l'élaboration de ce cours-là serait tout aussi complexe que le fait d'élargir à d'autres confessions l'enseignement? Parce qu'on dit: Il va sûrement y avoir des gens à un moment donné qui vont contester le fait que le cours culturel des religions met peut-être trop l'accent sur la religion catholique, pas assez sur la religion protestante, ou cette espèce d'éléments là, ces éléments-là qui risquent en bout de ligne – et certains avis juridiques le mentionnent aussi – de faire en sorte que, si on ne veut pas déplaire à personne, on n'atteint pas l'objectif qui est poursuivi d'avoir un enseignement culturel des religions et on va toujours être sous surveillance. Comment vous voyez, un, la mise en place de ça et le suivi de ce cours-là? Parce que ça va être sans doute des enseignants qui, en bout de ligne, vont se faire accuser d'avoir un penchant trop d'un côté ou pas assez de l'autre. Comment vous voyez cette problématique-là? Comment on pourrait s'assurer, en mettant en place ce cours-là, qu'on ne se retrouve pas dans une situation où, finalement, les enseignants, semaine après semaine, jour après jour, sont toujours confrontés avec des gens qui disent: Bien, écoutez, notre enfant nous a dit que vous étiez trop d'un côté et pas assez de l'autre? Comment vous voyez toute cette question-là?

Mme Boucher (Denise): D'ailleurs, la proposition 9, effectivement, fait appel à une commission où, là, on pourrait regarder puis on pourrait se donner les lignes directrices. Mais, à mon avis, je vous dirais que c'est très difficile de vouloir plaire à un ensemble de personnes là-dessus. Mais, vous savez, il y a des expériences qui ont déjà été tenues sur l'enseignement culturel des religions. Moi, je pense qu'il y a là un espace. Il faut prendre le temps, effectivement, de faire en sorte de ne frustrer ou d'offusquer le moins possible de personnes. Mais je vous dirais qu'au moment où on a décidé de changer certains lieux qui étaient extrêmement confessionnels et de les rendre laïcs, effectivement, ça a peut-être fait quelques frictions, mais ça a été de courts moments, alors. Moi, je pense que la neuvième fait en sorte que, quand viendra le temps de faire cette mise en oeuvre là, il faudra qu'on soit consultés et que l'ensemble des gens soient consultés pour voir effectivement si ça plaît ou ça ne plaît pas.

M. Béchard: Justement là-dessus, vous voulez éviter le recours aux clauses dérogatoires une autre fois pour ne pas qu'elles soient prolongées au-delà des deux ans en cours et vous y allez avec un échéancier assez serré, c'est-à-dire qu'il faut que, dès le printemps prochain, on ait un projet de loi sur la table pour qu'on puisse aller de l'avant rapidement. Et comment voyez-vous le lien avec la mise en place des nouveaux curriculums qui sont prévus pour l'automne prochain? Est-ce qu'on doit laisser une plage ouverte? Est-ce qu'on doit déjà donner des orientations, pour qu'on sache un peu où on s'en va dans la mise en place des curriculums, sur la mise en oeuvre comme telle, qui est rapide, et par rapport à la mise en place du nouveau curriculum prévu pour l'automne prochain?

Mme Boucher (Denise): Alors, Mme Chouinard pourra compléter. Mais je veux juste vous dire que, si, effectivement, on donne un court délai, c'est qu'on ne voudrait pas que ça soit placé aux calendes grecques, toute cette réforme que nous attendons depuis très longtemps sur la déconfessionnalisation. Mme Chouinard.

Mme Chouinard (Marie-Claire): J'ajouterais la chose suivante. Vous avez reçu hier une communication du Centre justice et foi qui, à notre point de vue, au plan de la mise en place, justement, était très modulé et très, comment je dirais, prudent quant aux modalités, et je pense qu'on irait assez facilement dans le sens d'une mise en place progressive, de projets-pilotes, etc.

Quant au fait que ça puisse tomber sur la table en même temps que la mise en place de la réforme du curriculum, ou du nouveau curriculum, qui, je crois, elle-même est progressive – je crois savoir – bon, c'est sûr qu'il ne faut pas faire donner un enseignement aux élèves à une session donnée pour le contredire le lendemain ou la session suivante. Ce sur quoi, nous, on insiste, c'est que, dans un premier temps, de façon immédiate, il y ait déconfessionnalisation des structures dans le sens de l'énumération qu'on a dans notre première proposition et qu'ensuite, conformément à la dernière de nos propositions, pour la mise en place, on s'entende pour ne bousculer personne. Il y a trop de choses, souvent, qui se font dans la précipitation. On estime que c'est une chose extrêmement importante, c'est un virage important pour la société québécoise, et on prendra le temps qu'il faut pour le faire. Mais la déconfessionnalisation des structures, ça nous...

M. Béchard: Il faut que le signal soit envoyé.

Mme Chouinard (Marie-Claire): À votre première question, j'aimerais vous dire aussi que les principes directeurs mentionnés dans le rapport Proulx semblent le cadre qui va peut-être faire en sorte – en tout cas, c'est le cadre qu'on veut voir mettre en place... qui vont faire en sorte, ces principes directeurs là, que les chicanes dont vous parliez, peut-être trop de protestantisme, trop de catholicisme, puissent se régler assez bien autour de ces principes directeurs là.

M. Béchard: O.K. Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Ça va? M. le député de Montmorency, vous avez une minute et demie avec question et réponse. M. le député.

M. Simard (Montmorency): Mme la Présidente, j'irai donc droit au but.

Une voix: Alors, j'ai la demi-minute. Ha, ha, ha!

M. Simard (Montmorency): Mesdames, bienvenue parmi nous. Alors, j'irai rondement.

Une des caractéristiques majeures de la Révolution tranquille, c'est cette séparation qui s'est faite entre la morale et l'enseignement religieux pour des raisons sur lesquelles on n'a pas le temps de revenir ici. Mais, comme c'est souvent le cas suite à des ruptures, il y a des recompositions historiques qui se font. Et l'enseignement confessionnel au Québec a pris résolument fait et acte de l'évolution de la société québécoise au cours des 20 dernières années. On n'enseigne plus le petit catéchisme aujourd'hui, comme on le faisait il y a 25 ans, et on enseigne de très grandes valeurs sociales humanistes comme l'égalité, la justice, le respect d'autrui, la démocratie, la solidarité, etc. À telle enseigne que des groupes que nous avons notamment entendus hier, comme la Table de concertation protestante, nous disent que, dans le fond, aujourd'hui, l'enseignement confessionnel rencontre les grands objectifs que vous attribuez à l'école laïque. Alors, que pensez-vous de ce point de vue là?

Mme Boucher (Denise): Bon, bien alors, si on y répond, alors pourquoi ne pas faire la déconfessionnalisation des écoles?

M. Simard (Montmorency): Mais pourquoi proposez-vous le changement, alors?

Mme Boucher (Denise): À mon avis, il faut qu'on propose le changement parce que, tout le temps qu'on reste dans l'axe confessionnel, on reste encore dans le même giron, parce qu'il y a des valeurs, il y a des cultures religieuses sur lesquelles les valeurs morales sont extrêmement différentes. Alors, on mixe et moralité et, je vous dirais, christianisme malgré tout. Moi, je me dis: Pourquoi ne pas le faire? C'est un pas important, je réitère cela. Mais j'ajouterais aussi que... J'écoutais justement hier soir, au Point , l'évêque qui répondait, et je vous dirais que, à l'intérieur de ses propos, lui était de dire: Oui, restons catholiques, hein, et puis c'est la voie de l'avenir. Alors, je ne suis pas contre les catholiques, loin de là, étant moi-même...

(14 h 50)

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, Mme Boucher. C'est terminé.

Mme Boucher (Denise): C'est terminé.

Une voix: Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Bélanger): Non, ce n'est pas terminé de ce bord-là. On se calme! Alors, Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Je serai brève, Mme la Présidente, parce qu'on manque de temps.

La Présidente (Mme Bélanger): Oui, parce que d'autres ont demandé la parole.

Mme Houda-Pepin: D'accord. Merci, madame. Merci pour l'éclairage que vous nous avez donné. Vous avez exprimé, dans votre mémoire, un certain nombre de préoccupations, notamment en ce qui a trait aux conditions de travail des personnels concernés. C'est sûr que ce que vous proposez va amener des changements au niveau des tâches du personnel enseignant. Est-ce que vous pouvez élaborer là-dessus? Est-ce que vous avez réfléchi sur l'impact que ça peut avoir et comment est-ce que vous voyez la solution?

Ensuite, une autre préoccupation que vous avez exprimée, c'est que vous avez sonné comme une sorte de petite cloche en disant que le gouvernement doit être prudent dans la mise en place de cette réforme. À quoi est-ce que vous faites allusion exactement?

Et dernier point, Mme la Présidente, concernant l'utilisation de l'espace-école en dehors des heures de cours, vous avez également exprimé un certain nombre de réserves et vous souhaitez que ça soit bien balisé. Là encore, j'aimerais avoir un peu plus de clarification. Qu'est-ce qui vous inquiète si on ouvrait l'espace-école aux communautés, aux différentes religions? Qu'est-ce que vous appréhendez comme problèmes possibles? Merci.

Mme Boucher (Denise): Alors, Mme Leduc va vous répondre.

Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup.

Mme Leduc (Suzanne): Bien, en ce qui concerne les personnels concernés, on voulait surtout attirer l'attention sur le fait qu'il y a une catégorie de personnel qui n'est pas du tout mentionné dans le rapport Proulx et, évidemment, on comprend pourquoi, parce que les principaux groupes concernés, ce sont les enseignants et les animateurs de pastorale ou animateurs religieux, mais il y a aussi tout un groupe, une catégorie de personnel qui est le personnel de soutien. Alors, je n'ai pas d'exemple précis à vous donner, mais on indique, dans le mémoire, de porter une attention particulière parce que des décisions qui sont prises pourraient avoir un effet sur les conditions de travail de ces gens-là, non pas dans un sens de dire qu'ils ne sont pas ouverts, parce que, comme Mme Chouinard vous l'a dit précédemment, ils ont été consultés, ils sont d'accord avec ça dans la mesure où ça ne perturbe pas ce qu'ils appellent, eux, le milieu de vie de l'école. Donc, c'est davantage une mise en garde de ne pas oublier ces personnels-là.

La deuxième question, sur la mise en oeuvre, bien, dans le mémoire, on parle... un exemple patent, là, qui est Emploi-Québec, bon, tout le monde a son interprétation sur ce qui s'est passé, mais chose certaine, il y a eu de la précipitation, donc on ne tient pas à ce qu'il y ait précipitation dans le cas de la mise en place d'une réforme, quelle qu'elle soit, dans ce domaine-là. Et, comme on vous l'a indiqué, nous, on n'a pas voulu aller aussi loin que de proposer des mesures de mise en oeuvre dans la transition; on attend plutôt des propositions auxquelles on réagirait. Mais, par contre, on est très ouverts à ce que ça se fasse graduellement, que ça soit d'abord les structures, et qu'on prenne le temps voulu pour former les personnels puis revoir aussi les contenus de formation.

Pour ce qui est de l'espace-école en dehors des heures de cours, ce qu'on indique tout simplement – peut-être que ça va de soi, mais on a tenu à le préciser – il faudrait que ça soit accompagné finalement de lignes directrices qui soient claires de manière à ce qu'il n'y ait pas inégalité de traitement qui pourrait se faire d'ailleurs au sein même d'une même commission scolaire, hein, puisque, si, par exemple, on laisse ça entre les mains de chaque conseil d'établissement, évidemment il y a des régions où c'est peut-être moins problématique, mais il y a certaines régions où ça peut être plus problématique, et on pensait qu'il devrait y avoir quand même des lignes directrices claires pour ne pas que les conseils d'établissement soient pris à partie par la suite pour... bon, qu'on prétende favoriser un groupe plus qu'un autre, bon, etc. C'est dans ce sens-là aussi qu'on indiquait: Bien, il faudrait qu'il y ait des choses qui soient indiquées clairement.

Mme Houda-Pepin: Merci. Merci, madame.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Oui, Mme la Présidente. Un peu dans la foulée de la question posée par le ministre, et pour aussi faire une mise au point sur ce qui a été affirmé par nos invités, et aussi pour aider la réflexion de mes collègues, j'aimerais vous faire part des résultats de sondage de l'enquête menée par Milot et Proulx. Aux pages 19 et 21, il y a deux résultats absolument essentiels qui montrent qu'on peut être favorable ou défavorable au communautarisme ou au républicanisme, mais ce n'est pas en se basant sur ces données de sondage qu'on puisse justifier sa faveur. Donc, il n'y a rien dans ce sondage qui démontre, qui nous indique que les parents qui ont été interviewés, par exemple, seraient contre le communautarisme, tout au contraire.

À la page 19, on a demandé: «Les catholiques et protestants ont le droit d'avoir leurs écoles où l'on enseigne leur religion. D'autre part, les chartes reconnaissent l'égalité de tous en matière de croyance religieuse. Préférez-vous que l'État maintienne les droits et privilèges seulement des catholiques et protestants; accorde aux autres religions les mêmes droits et privilèges qu'aux catholiques et protestants; n'accorde ni droit ni privilège à aucune religion?» La majorité des répondants se prononcent en faveur de l'alternative 2, c'est-à-dire «accorde aux autres religions les mêmes droits et privilèges qu'aux catholiques et protestants». Chez les catholiques, le pourcentage est de 50 %; chez les protestants, 55 %; et chez les autres, 54 %.

À la page 21 maintenant, on a posé la question: «À votre avis, quelle serait la meilleure formule pour favoriser l'intégration des enfants d'immigrants autres que catholiques et protestants à la société québécoise? Les accueillir dans les écoles catholiques et protestantes actuelles; leur permettre d'avoir des écoles de leur propre religion; de créer pour tout le monde des écoles qui ne soient rattachées à aucune religion particulière?» La pluralité des répondants se prononcent en faveur des écoles non confessionnelles, 43 %: 60 % chez les protestants, 72 % chez les autres.

Donc, ici encore, c'est mon identité de sociologue qui m'amène à vous dire que, nous, les sociologues, nous avons grande confiance dans l'opinion publique et dans la conscience populaire, dans la conscience collective. Ce que les parents semblent faire ici, c'est une distinction entre le cadre institutionnel qui régit l'organisation de l'école et le fonctionnement ou l'exercice de la liberté ou du marché de la religion à l'intérieur de l'école. Et il faut bien distinguer entre ces deux choses-là. On peut être pour un cadre institutionnel qui soit non confessionnel, mais, en même temps...

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, je m'excuse, M. le député...

M. Laporte: ...compte tenu du sondage – si vous me permettez de terminer là-dessus – on peut être aussi pour l'exercice plein et entier du droit des parents de faire que leurs enfants reçoivent une éducation conformément à leurs convictions. Donc, ça, c'est très important...

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, M. le député d'Outremont...

M. Laporte: ...je pense, qu'on en tienne compte.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député d'Outremont, c'est fini.

M. Laporte: Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, je remercie Mme Boucher, Mme Leduc et Mme Chouinard de leur participation. Nous allons suspendre les travaux pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 14 h 59)

(Reprise à 15 heures)

La Présidente (Mme Bélanger): La commission reprend ses travaux. À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je demanderais à l'Association des parents catholiques du Québec de bien vouloir prendre place à la table. Mme Jocelyne St-Cyr, présidente provinciale, vous êtes la porte-parole; si vous voulez bien présenter les personnes qui vous accompagnent. Vous avez 20 minutes. Je vais tenter de vous dire, une minute avant la fin, qu'il vous reste une minute pour pouvoir faire votre conclusion. Ensuite de ça, il y aura 20 minutes de questionnement chaque côté de la table.


Association des parents catholiques du Québec (APCQ)

Mme St-Cyr (Jocelyne): Merci beaucoup, Mme la Présidente. Donc, c'est avec beaucoup de plaisir que je vous présente – je vais commencer par la crème, aujourd'hui, disons – M. Claude Cataford, qui est notre vice-président provincial et qui est aussi le président du Comité provincial de l'enseignement privé, c'est un conseiller en orientation; Mme Diane Joyal, qui est au conseil exécutif de notre Association, qui est une ancienne animatrice de pastorale, une ancienne commissaire d'école et qui est aussi parent et adjointe à notre section de Montréal; et Mme Chantal Moreau, parent tout court et mère de sept enfants, qui a accepté ce matin de remplacer M. Lucien Vallée qui a de la mortalité dans sa famille. Donc, je les remercie de nous soutenir et je vous remercie surtout de nous recevoir.

Donc, Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, depuis 1966, nous le savons tous, le système scolaire québécois a été l'objet de multiples changements. Trente ans plus tard, les états généraux de l'éducation nous rappelaient que le système scolaire avait besoin d'un moment de réflexion en profondeur et qu'il fallait établir des consensus et se demander quelle devrait être l'école de demain. C'est une question qui est constante, mais qui a des réponses différentes.

Dans le cas de la confessionnalité scolaire, à l'occasion des états généraux, aucun consensus n'a pu être établi même au sein des membres de la commission. Aujourd'hui, nous reconnaissons avec tout le monde que la remise en question de notre système d'éducation, et surtout de ses résultats, se doit d'être examinée de près. Mais comme parents la coupe déborde. Nous déplorons avec vigueur que le droit des parents de choisir l'école soit bafoué sans scrupules aucun par les membres du groupe de travail sur la laïcité.

Qui sommes-nous? À l'Association des parents catholiques du Québec, nous rejoignons des dizaines de milliers de personnes au Québec. En clair, on est sur le plancher des vaches. Elle a, depuis sa fondation en 1966, participé régulièrement aux grands débats sur l'école. Nous sommes intervenus à maintes reprises afin de faire entendre la voix des parents évidemment au sein du monde de l'éducation, tant des secteurs privé que public. Nous contribuons ainsi à la promotion du respect du droit des parents de choisir l'école, au maintien de l'école confessionnelle et à la promotion des valeurs chrétiennes dans les différents milieux de vie de l'enfant. Nos interventions ont surtout permis à des milliers de parents du Québec d'avoir accès à une meilleure compréhension des lois scolaires et surtout à une meilleure compréhension de leur responsabilité de s'impliquer au sein des milieux scolaires et familiaux.

De plus, nos représentations ont toujours été le résultat de rencontres d'information, de pétitions, de colloques régionaux, de manifestes, de congrès parents– jeunes, de consultations. Nous rappelons aussi que, depuis le dépôt du rapport Laïcité et religions , nous avons rappelé constamment que l'on doit respecter le droit des parents de choisir l'école qui correspond à leurs valeurs et à leurs croyances.

Enfin, nous étions très soucieux et préoccupés d'offrir aux parents de l'information sur les dossiers en cours et nous avons publié, en janvier 1999, une brochure – dont vous avez eu copie avec notre mémoire – L'école catholique ne tient qu'à un fil . Cette publication a permis une grande sensibilisation des parents, du monde de la base. Donc, nous demandions à cet effet à la population d'expédier un message au ministre de l'Éducation, en lui demandant de reconduire la clause «nonobstant» pour cinq ans. Je pense que M. Legault a eu beaucoup de papier dans son bureau au cours des six derniers mois . Nous sommes en mesure de dire ce matin – nous avons laissé la caisse dans la voiture – que 53 095 personnes ont appuyé ce mémoire. Peut-être croirez-vous qu'ils sont en double, mais on les a séparés, et on vous fait grâce des caisses. Si vous voulez les voir, on vous les apportera. Et s'ajoute à ça la résolution 25 des Chevaliers de Colomb qui ont voté, lors de leur 100e congrès, une résolution au nom de leurs 103 000 membres. Donc, je pense que 156 000 personnes au Québec, c'est tout de même une part importante de la population.

Donc, voilà pourquoi, dès que Mme l'ex-ministre de l'Éducation avait annoncé la formation du Groupe de travail sur la place de la religion, en octobre 1997, nous avons lancé une consultation qui est en annexe à notre mémoire d'ailleurs. C'est sûr qu'on n'a pas les moyens de Léger & Léger, nous autres, hein, on est bien ordinaire, mais, par contre, les gens nous ont répondu par écrit. Donc, nous avons reçu près de 1 400 réponses; notre mémoire dit 1 347, mais, après une dernière vérification, c'est près de 1 400. Elles sont venues de partout, tant de nos membres que des citoyens intéressés. On ne s'est pas dit: C'est juste l'Association des parents catholiques qui répond. Il fallait sensibiliser la population et c'est ce que nous avons fait avec ça.

Donc, nous nous sommes servis de ces réponses pour présenter notre mémoire, c'est-à-dire que nous traiterons: du respect du droit des parents de choisir l'école; de l'enseignement religieux et de l'animation pastorale; des Chartes, évidemment; de l'importance de la claude dérogatoire; et de l'école privée confessionnelle.

Le discours des élus. Nous aimons le rappeler, l'ancienne ministre de l'Éducation du temps avait déclaré à de multiples reprises que la réflexion annoncée maintiendrait le respect du choix de l'école, ce qui, dans l'esprit du public, en clair, signifiait que c'était de choisir entre l'école confessionnelle ou l'école laïque. Le rapport Laïcité et religions recommande quant à lui, sans aucune retenue, la laïcisation complète des écoles publiques du Québec.

Le droit des parents à l'éducation. Quel témoignage plus probant de la volonté d'une population peut-on attendre que sa persistance durant trois décennies à réclamer le respect de ses droits les plus imprescriptibles! D'ailleurs, citons l'article 26 de la Charte des droits de l'homme qui rappelle aux parents qu'ils ont, par priorité, le droit de choisir le genre d'éducation à donner à leurs enfants. Les droits de l'enfant aussi, le principe 7, qui reconnaît l'intérêt supérieur de l'enfant qui doit guider ceux qui ont la responsabilité de son éducation et de son orientation. Et cette responsabilité incombe en priorité à ses parents. Et nous savons tous que cette réalité d'éduquer ses enfants ne peut être limitée qu'à l'environnement familial, c'est pourquoi il est nécessaire de laisser aux parents un véritable droit de parole dans le système scolaire.

En tant qu'association de parents catholiques, nous prenons très au sérieux les droits reconnus aux parents dans Vatican II. Nous y exprimons notre fidélité et nous nous en reconnaissons même un devoir de le rappeler. Et je cite: «Les pouvoirs publics, dont le rôle est de protéger et de défendre les libertés de citoyens, doivent veiller à la justice distributive en répartissant l'aide des fonds publics de telle sorte que les parents puissent jouir d'une authentique liberté dans le choix de l'école de leurs enfants, selon leur conscience.»

Principe 6. La culture des Chartes des droits et libertés est jeune dans l'humanité, particulièrement ici, au pays. Elle marque un progrès important cependant dans la recherche du respect des personnes. Mais les chartes fondées sur les droits individuels peuvent avoir des effets pervers sur les droits collectifs des majorités comme des minorités. Et nous croyons qu'ici, un bel exemple de ces effets-là: le cas des recommandations du rapport Laïcité et religions qui veut assujettir une majorité à une minorité. Pour nous, c'est la démocratie à l'envers.

La liberté du choix de l'école. Nous n'osons croire que le Québec, qui se veut une société moderne et démocratique, ne soit pas en mesure de respecter le droit des parents de choisir l'école qui correspond à leurs valeurs et à leurs croyances, d'autant plus que les personnes qui ont répondu à notre consultation se déclarent à 89 % pour le maintien du statut confessionnel de l'école. Un chiffre, d'ailleurs, qui est confirmé par les résultats de l'évaluation du vécu confessionnel de 1988 à 1993 et qui révélait entre 75 % et 90 % des parents qui demandent le maintien du statut confessionnel. Et nous croyons, comme le dit si bien M. le président du rapport Proulx, qu'un sondage fait selon les règles de l'art prouvera certainement ces chiffres.

(15 h 10)

Dans notre esprit, l'école est un lieu privilégié où les enfants peuvent s'instruire et parfaire leur éducation selon les valeurs vécues au foyer. Cette école que nous avons en tête, c'est l'école de notre choix, et j'insiste, l'école catholique pour ceux qui la demandent. Nous ne voulons pas qu'on nous impose l'école laïque comme nous ne voulons pas imposer l'école catholique aux autres. La population du Québec, d'ailleurs, désire en forte majorité que l'école reste encore chez nous un lieu essentiel pour la transmission de la foi. Le Christ doit être invité à y entrer par la grande porte et non par la porte d'à côté.

Nous voulons que le système d'éducation du Québec continue de faire place à une diversité d'écoles catholiques, protestantes, d'autres confessions religieuses ou laïques. Nous aimons la diversité, c'est ce qui fait la force, à notre avis, de la société québécoise, ses choix, pour répondre au libre choix des parents des divers milieux et des communautés culturelles. Nous croyons que les aménagements de la confessionnalité scolaire respectent actuellement la liberté de conscience et de religion des personnes et des minorités dans les écoles confessionnelles. D'ailleurs, n'oublions pas que le respect des libertés de conscience et de religion fait partie des critères de reconnaissance du statut d'école confessionnelle – le règlement n° 4 du Comité catholique.

Cependant, il nous apparaît important de le rappeler, l'Association des parents catholiques du Québec a toujours soutenu avec vigueur et honnêteté que les parents qui ne désirent pas que leurs enfants fréquentent une école confessionnelle puissent continuer de faire un autre choix. Nous demandons qu'une meilleure accessibilité à ces choix soit réellement appliquée.

L'enseignement religieux. L'argument invoqué de la baisse du taux de pratique religieuse semble ignorer d'autres facteurs plus positifs, comme celui de maintenir des liens avec l'Église institutionnelle par la réception des sacrements aux étapes marquantes de la vie et l'éducation chrétienne dans les écoles. Et nous le redisons, nous protestons contre la dévalorisation du choix fait annuellement par les parents qui choisissent entre l'enseignement religieux catholique, l'enseignement protestant ou l'enseignement moral lors de l'inscription de leurs enfants en début d'année. À notre avis, c'est à ce moment que s'effectue le vrai sondage. Cette remise en question soutenue est une offense au bon jugement et à la volonté des parents.

Signalons d'ailleurs que plusieurs sondages confirment le choix des parents – ça, c'est des sondages qu'on a pu vérifier; celui de M. Proulx est un peu plus difficile à vérifier – et les chiffres sont éloquents: 71 % des répondants au sondage SOM- La Presse , en 1995, demandent le maintien de l'enseignement religieux à l'école publique. Même le sondage Léger & Léger, commandé par la ministre elle-même en juin 1996, démontrait que 78 % des répondants sont en désaccord avec la déconfessionnalisation complète des écoles. Et les chiffres beaucoup plus récents de la déclaration des effectifs scolaires du ministère de l'Éducation, en novembre 1998, révèlent que, pour l'ensemble du primaire et du secondaire, 77 % des élèves sont inscrits en enseignement religieux.

C'est pourquoi nous remettons en question la mise en place du cours d'enseignement culturel des religions obligatoire pour tous, comme le recommande le rapport Laïcité et religions à la recommandation 5. Donner un cours de culture des religions à des jeunes enfants, c'est leur transmettre l'impression que ces différents systèmes de croyances sont interchangeables.

Présentement, des dispositions légales et administratives existent, elles visent à définir les droits des minorités et à protéger, pour tous, le respect des libertés de conscience et de religion. L'enseignement religieux spécifique, à notre avis, contribue à la transmission de l'héritage culturel québécois et le patrimoine qu'il contribue à transmettre contient des repères significatifs pour le développement humain et la formation morale des jeunes. Il apporte aussi une contribution à la poursuite d'objectifs sociaux, tels l'affermissement de l'identité collective et l'esprit de solidarité.

Ici, nous citons M. Guy Côté qui déclarait, dans L'école catholique, le défi de son projet éducatif – M. Côté est le président du Comité catholique – ceci: «Vu dans cette perspective, l'enseignement religieux catholique offre des ressources dont on comprendrait mal que la société québécoise se prive alors que la jeunesse demande justement plus de soutien aux plans moral et spirituel pour relever les défis considérables du temps présent.»

Animation pastorale. L'animation pastorale est complémentaire de l'enseignement religieux et elle contribue à la mission éducative de l'école. Sa fonction est spécifique: elle consiste à répondre au besoin d'intériorité et de spiritualité des jeunes et à soutenir d'une façon intégrée leur développement humain et leur cheminement de foi ainsi qu'à favoriser l'intégration des expériences religieuses que certains jeunes peuvent vivre à l'extérieur de l'école.

De plus, lorsqu'on questionne les jeunes sur ce qui les a marqués lors de leur passage à l'école, souvent, ceux-ci nous rappellent: Ah, à la pastorale, on avait fait telle expérience et ça nous a amenés à autre chose et nous avons vécu des activités qui nous ont marqués. Donc, l'animation pastorale accompagne les élèves dans leur cheminement de foi et contribue d'une façon complémentaire à l'éducation donnée par la famille et la communauté chrétienne.

Pour ce qui est des comités catholique et protestant du Conseil supérieur de l'éducation, nous ne sommes pas des experts mais nous demandons qu'ils soient maintenus. Ces ressources assurent, à notre avis, une saine gestion dans l'approbation des programmes d'enseignement religieux, des manuels et des orientations pédagogiques. Il est nécessaire que l'école confessionnelle soit encadrée de façon efficace et que la qualité de l'enseignement religieux et de l'animation pastorale bénéficie de l'expertise de ces structures. Cependant, nous tenons à mentionner que s'il y avait des écoles confessionnelles autres que catholiques ou protestantes, nous sommes d'accord à ce qu'un comité siège où des représentants des religions concernées devraient être mis en place afin de permettre une meilleure coordination pour des services à cette communauté.

La clause dérogatoire. On le sait tous, le Québec a été exclu depuis la protection des droits confessionnels garantis aux catholiques et aux protestants dans l'article 93 de la Constitution canadienne. Les écoles catholiques et protestantes ont perdu l'assise juridique qui protégeait leur existence. Actuellement, ce qui maintient en vigueur le droit des parents au choix de l'école confessionnelle, c'est la clause «nonobstant». Bien qu'aléatoire parce que renouvelable à tous les cinq ans – pour deux ans dans le moment – la clause «nonobstant» est un recours tout à fait légal permis par la Charte canadienne afin de protéger les droits de la majorité contre l'application démesurée des droits individuels. Et nous savons tous que sans cette loi l'application des Chartes sera implacable.

De plus, l'idée d'abroger ou de ne pas reconduire le recours à la clause dérogatoire en ce qui a trait aux divers articles des lois scolaires devrait faire l'objet de prudence de la part du gouvernement. En effet, l'amendement de l'article 93 de la Constitution canadienne est actuellement contesté devant les tribunaux, à l'effet de savoir si cet amendement pouvait être obtenu sans l'assentiment des autres provinces concernées.

L'article 41. Les auteurs du rapport Laïcité et religions en recommandent l'amendement. Nous demandons que l'article 41 ne soit pas amendé tel que le demande le rapport Laïcité et religions et que la clause «nonobstant» continue d'être utilisée. Nous reconnaissons, comme le président du Comité catholique qui déclarait en juin 1994: «Aucun système de droit ne peut satisfaire de manière absolument égale à tous les besoins et à toutes les aspirations. Il faudra toujours trouver une façon d'accommoder les individus et les minorités dans les limites compatibles avec les exigences du bien public et de la cohésion sociale.»

L'école privée. Comme le groupe qui nous a précédés, nous sommes aussi inquiets. Bien que le rapport se fasse rassurant envers le droit des parents de choisir l'école confessionnelle privée, les parents que nous représentons sont inquiets. En effet, les experts que nous avons consultés reconnaissent que, depuis l'amendement de 1993 à la Constitution canadienne, même les écoles privées d'intérêt public à caractère confessionnel pourraient être remises en question, parce que financées partiellement par les fonds publics. Comment les parents de ce secteur de l'enseignement pourraient-ils exercer leur droit de choisir l'école si une partie du financement public qui lui est attribuée lui était retirée parce qu'elle a un caractère confessionnel? Peut-être certaines continueraient-elles d'exister pour maintenir leur caractère confessionnel mais sans financement de l'État. Les coûts deviendront beaucoup trop élevés et ça réduira nécessairement la clientèle, et ces écoles privées ne seraient accessibles qu'à une classe privilégiée.

Dans le cas où les écoles publiques deviendraient laïques, il serait tout à fait injuste que les écoles privées puissent être confessionnelles et non accessibles au plus grand nombre de parents parce que trop coûteuses.

En conclusion, nous croyons essentiel de rappeler que le passage de l'enfant à l'école constitue une période importante de sa vie et que l'instruction et l'éducation qu'il y reçoit ainsi que les témoins qu'il y rencontre contribuent à former l'adulte de demain et à faire de lui un citoyen responsable qui s'identifie par ses racines judéo- chrétiennes à la société québécoise dans laquelle il vit.

(15 h 20)

C'est pourquoi l'État ne doit pas oublier que les parents sont les premiers responsables de l'éducation de leurs enfants et qu'ils ont le devoir et la responsabilité ont le devoir et la responsabilité d'exiger pour eux une éducation qui réponde à leurs valeurs. Choisir aujourd'hui d'exclure l'enseignement religieux catholique ou protestant de nos écoles serait accepter de perdre une partie essentielle de notre identité. Imposer l'école laïque à tous, c'est oublier que cette société qui attire tant d'étrangers au Québec est le fruit des valeurs judéo-chrétiennes, de la liberté qui s'y exerce et de la langue.

Soyons clairs. Nous le redisons: Nous ne voulons pas imposer l'école catholique à tous. Cependant, il est extrêmement important pour nous que les parents qui demandent une école catholique puissent avoir le droit d'en avoir une. Il est fondamental que le droit des parents de choisir l'école qui correspond à leurs valeurs et à leurs croyances soit respecté. C'est une question vitale parce que c'est une question de démocratie. Il en va de notre histoire, de notre avenir et de l'héritage que nous voulons léguer.

Je termine là-dessus en disant que nous demandons que le droit des parents de choisir l'école qui répond à leurs valeurs et à leurs croyances soit protégé et respecté, que le cours d'enseignement religieux catholique, protestant ou l'enseignement moral soit donné à l'intérieur de la grille horaire et que le service de l'animation pastorale confessionnelle soit assuré. Nous demandons que le recours à la clause dérogatoire soit utilisé pour la protection des droits scolaires religieux, tel que le permet l'article 33 de la Charte canadienne. Nous demandons que l'article 41 de la Charte québécoise ne soit pas modifié et nous demandons aussi le maintien de l'école privée confessionnelle.

Et j'ajouterai, en terminant, que l'Association des parents catholiques du Québec est aussi membre de la Coalition en faveur du droit des parents de choisir leur école, dont font partie 56 organismes au Québec. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, Mme St-Cyr. Alors, M. le ministre.

M. Legault: Oui. D'abord, je voudrais remercier et féliciter l'Association des parents catholiques du Québec, et remercier aussi les personnes présentes, donc Mme St-Cyr, M. Cataford, Mme Joyal et aussi Mme Champagne-Moreau, pour qui on a beaucoup d'admiration, tout le monde, je suis certain, une mère de sept enfants. Moi, j'en ai deux, donc je peux comprendre tout le courage que vous avez, mais en même temps tout le trésor que vous avez.

Vous semblez évidemment être des personnes très convaincues, qui tiennent à leurs idées. On est engagé dans une discussion qui touche à tous les acteurs de la société. Ce que je veux vous dire aujourd'hui d'abord, c'est que, moi, je considère que les parents, ce sont des acteurs importants dans notre société. Ce qu'on cherche, en fait, ce sont des aménagements, et je pense que seulement votre présence aujourd'hui, ça démontre que vous êtes ouverts pour essayer d'en trouver ensemble, des aménagements.

Vous parliez tantôt – puis je veux peut-être faire une petite précision avant de poser mes questions – des engagements de Mme Marois, ma prédécesseure. Mme Marois, ce que je comprends, c'est qu'en mars 1997, elle avait pris en même temps comme deux engagements: d'un côté, de donner à un groupe de travail la responsabilité de mener une consultation, d'apporter un rapport sur la place de la religion à l'école, rapport qui serait amené éventuellement en commission parlementaire, puis c'est ce qu'on fait présentement. En même temps, elle avait dit qu'entre-temps elle voulait quand même protéger les droits pour l'enseignement de la religion catholique et protestante. Donc, je ne pense pas, là, qu'il faille voir une astuce ou quoi que ce soit, je pense que le processus était transparent à cet égard-là.

Mes questions, maintenant. Bon. Évidemment, là, c'est assez clair, vous proposez de garder un enseignement confessionnel, mais pour la religion catholique et protestante seulement. Ce que je voudrais savoir – ou peut-être que vous me corrigerez – dans une société comme au Québec, où on essaie de valoriser l'égalité, est-ce qu'il ne faudrait pas offrir aussi d'autres religions?

Mme St-Cyr (Jocelyne): Je pense, M. le ministre, que ce que nous disons: L'Association des parents catholiques du Québec, c'est sûr, choisirait l'enseignement religieux catholique. Mais déjà, actuellement, la loi permet un choix aux parents entre l'enseignement religieux catholique, protestant ou moral et même offre la possibilité d'un cours autre en consultant le conseil d'établissement et la commission scolaire. Nous sommes en parfait accord avec ça. Nous croyons qu'il y a de la place pour la diversité et que ça, on devrait être en mesure de trouver des moyens... On ne les connaît pas, là, nous autres; on n'administre pas l'école, on vous dit ce qu'on attend. Mais le respect de cette diversité, qu'on puisse... Moi, je pense que les parents accepteraient que dans une école confessionnelle, comme la loi le permet actuellement, qui demande un cours autre, il puisse y en avoir un. Ça permettrait, je pense, de répondre à des besoins qui peuvent différer des grands centres, mais on sait qu'il y a des parties du Québec qui sont peut-être un peu plus concentrées sur d'autres choses, et nous ne voulons pas de ce que les gens disent, une école catholique mur à mur. Cependant, ce que l'on demande, c'est qu'une école confessionnelle qui veut être confessionnelle, qu'on lui permette de l'être, mais en répondant, par exemple, aux besoins de la minorité à l'intérieur de cette école. Nous croyons que c'est fondamental. Si nous étions en minorité, on aimerait qu'on réponde à nos attentes. Nous sommes en majorité mais nous sommes ouverts, et je pense que c'est clair, ça a été la tenue de notre discours depuis de nombreuses années d'ailleurs: que la minorité doit être respectée à l'intérieur d'une école confessionnelle.

M. Legault: Donc, pour être clair, vous seriez ouverts à l'enseignement d'autres religions que la religion catholique ou protestante dans nos écoles.

Mme St-Cyr (Jocelyne): Oui, je le pense, en autant qu'on permette à une école qui se veut confessionnelle parce que la majorité le demande, qu'on puisse répondre aux attentes de ceux qui n'en veulent pas. Parce qu'on sait qu'on ne reste pas tous au coin du métro, il ne faut pas s'en faire avec ça. Dans les régions, il y a des situations qui sont très difficiles à corriger là-dessus.

M. Legault: D'accord. Maintenant, revenons justement au statut confessionnel de l'école, et puis vous me corrigerez si je me trompe. L'école catholique que vous désirez semble être une école qui serait très imprégnée de la foi catholique dans son projet éducatif, même dans le statut de l'école. Compte tenu – puis ça, c'est un fait – de la grande pluralité de religions qu'on a à Québec, et surtout, il faut bien le dire, dans la région de Montréal, est-ce qu'un tel environnement ne serait pas inconfortable pour les élèves d'une autre foi? Vous nous disiez tantôt, je notais, que vous étiez d'accord pour protéger le droit des parents qui ne désirent pas envoyer leurs enfants dans une école avec statut confessionnel. Mais, en pratique, le parent qui ne désire pas envoyer son enfant dans une école à statut confessionnel mais que, dans son quartier, il n'y a seulement que des écoles confessionnelles, qu'est-ce qui arrive avec cette situation-là?

Mme St-Cyr (Jocelyne): Ah ça, ce n'est pas une question facile à régler, M. le ministre, vous comprendrez.

M. Legault: Non, mais j'écoute votre proposition.

Mme St-Cyr (Jocelyne): Oui. Écoutez, ce que je veux dire, c'est qu'on sait que dans les grands centres plus particulièrement il y a une grande diversité. C'est sûr que dans les régions le problème se pose moins. Dans les régions de Montréal, on est très fort sur l'école de quartier. Bon, correct. Mais, si on veut vraiment envoyer notre enfant dans une école qui répond à nos attentes et si on a le droit de choisir finalement, je pense qu'on devrait être en mesure d'avoir des accommodements qui nous permettraient d'aller peut-être à l'école d'à côté, si elle répond à nos attentes. Peut-être que je rêve en couleur, là, écoutez, mais c'est ce que les parents nous disent: Que ceux qui veulent que leur école soit confessionnelle...

Quand vous dites qu'on est pour une école catholique imprégnée de christianisme, je pense que l'école confessionnelle actuelle – bon, catholique parce qu'elle est majoritairement ça – répond assez bien aux gens qui ne sont pas de foi catholique mais qui sont des croyants. Et les chiffres du ministère nous disaient – je pense que c'est en 1994 – que 21 %, même dans la région de Montréal, des gens qui sont inscrits en enseignement religieux – enseignement religieux catholique – étaient d'autres confessions. Donc, je pense qu'il y a tout de même un intérêt pour ce projet éducatif ou cette école confessionnelle. Mais de là à vous dire comment on pourrait faire ça, là, je vous le dis... On gère des conventions collectives assez compliquées, je me dis, si on s'assoit tous ensemble et qu'on le veut véritablement, on devrait être en mesure de trouver des solutions.

Et aussi, il pourrait y avoir des écoles à statut confessionnel de plusieurs religions. Tu sais, s'il y a une concentration musulmane ou s'il y a une concentration juive ou une concentration... Je ne sais pas, moi, là, je ne reste pas à Montréal, mais je connais un peu plus... Cette école-là, si elle est confessionnelle musulmane, moi, je pense qu'on devrait être en mesure d'offrir un cours d'enseignement religieux catholique à l'intérieur de ça. Pourquoi pas?

(15 h 30)

M. Legault: Si je comprend bien, la même école, dans votre proposition, pourrait être confessionnelle, mais avec plusieurs religions.

Mme St-Cyr (Jocelyne): Disons que si, dans une région donnée, les parents, la majorité demande une école confessionnelle autre que catholique ou protestante, ce que l'on souhaite et ce que les parents nous disent, c'est qu'à l'intérieur de cette école-là mon enfant puisse recevoir un cours d'enseignement religieux catholique ou protestant ou... mais qu'on soit en mesure de répondre... parce qu'à ce moment-là je serai une minorité à l'intérieur d'une majorité. Donc, on le veut pour nous autres, on est prêt à le donner aux autres. C'est cette vision que l'on a de l'école confessionnelle ouverte. Oui? Excusez-moi, peut-être que...

M. Legault: Oui, allez-y.

Mme Joyal (Diane): Est-ce que je peux ajouter? Je voudrais comme faire une comparaison. Si on compare avec la langue, bien c'est certain que quand ces arrivants-là arrivent chez nous, ils sont de langue étrangère aussi, souvent. Alors, on les amène chez nous, dans nos écoles françaises. Alors, ils sont habilités à s'intégrer avec nous dans la langue. Dans les écoles aussi, vous devez être au courant qu'il y a le PELO, la langue seconde, la langue d'origine, où les gens, les immigrants arrivent et ils ont un temps alloué pour leur langue. Comment ne pas réaliser la même chose puisque, chez nous, on est, le Québec, une terre d'accueil, et on a laissé place à leur langue aussi en leur donnant le PELO, qui est un temps d'étude pour la langue d'origine? Et pourquoi, quand ça devient sur le côté de la religion, ne donnons-nous pas l'équivalent de cette même chose-là? On est le Québec, une terre d'accueil où il y a place pour d'autres religions. On dit que quelque part il peut y avoir, là où le nombre le justifie, cette ouverture à une autre religion, toujours là où le nombre le justifie, sans brimer les gens.

Je pense que, quand les gens arrivent chez nous, au Québec, ils ont quand même la présentation de la plaquette du pays de terre d'accueil, les Québécois, ce que nous sommes, ce que l'on est, comment on vit, nos coutumes, nos traditions, notre langue, notre religion, nos chants et nos danses. Comment ne peuvent-ils pas adhérer à nous puisqu'ils ont cette présentation du peuple que l'on est, tout en leur donnant une place pour pouvoir vivre en équivalence avec nous? Je pense que c'est viable de voir cette façon de faire puisqu'ils entrent chez nous pour mieux nous connaître et vivre avec nous. Alors, si on donne de la place pour la langue et qu'ils peuvent pratiquer leur langue d'origine dans un temps donné, il me semble qu'il y a probablement place à étudier cette façon de faire.

M. Legault: Je m'excuse d'insister là, mais je reviens sur la déclaration de Mme St-Cyr, tantôt. Vous dites que vous êtes d'accord pour protéger le droit des parents qui ne désirent pas envoyer leurs enfants dans une école à statut confessionnel. Si, dans un périmètre raisonnable, il n'y en a pas d'écoles qui n'ont pas un statut confessionnel, comment vous pouvez garantir ce droit à ces parents?

Mme St-Cyr (Jocelyne): Bien, je pense qu'il faut, à ce moment-là, permettre le droit de choisir. Ils ne sont pas obligés de participer aux activités de la pastorale. Ils peuvent choisir l'enseignement moral. Ça pourrait être un cours de science, de culture des religions, à ce moment-là, au moment où on choisit entre ces cours-là.

M. Legault: Mais on parle d'un droit d'aller dans une école qui n'a pas de statut confessionnel.

Mme St-Cyr (Jocelyne): C'est ça.

M. Legault: On ne parle pas de droit d'avoir des cours ou non là, on parle du statut de l'école.

Mme St-Cyr (Jocelyne): Bon. Ce qui, je pense, devrait être important, c'est que là où l'ensemble des gens veulent une école laïque, qu'ils l'aient, mais que ça n'empêche pas ceux qui veulent une école confessionnelle d'en avoir une. Ça ne veut pas dire qu'elle va être dans le quartier. On ne le sait pas comment ça pourrait être là, je ne suis pas capable de vous dire ça. Tout ce qu'on souhaite, c'est que ces gens-là, on trouve une façon de répondre à leurs attentes pour une école laïque.

M. Legault: Mais vous admettez quand même qu'on pourrait avoir des situations où le droit que vous proposez aux parents, d'envoyer leurs enfants dans des écoles qui n'ont pas de statut confessionnel, pourrait être difficile d'application.

Mme St-Cyr (Jocelyne): Oui, ça, je le reconnais M. le ministre. Je le reconnais effectivement. D'ailleurs, il y en a des écoles qui n'ont pas de statut confessionnel à d'Outremont, je pense, là, et ça semble, pour le moment, répondre à ceux qui en veulent. Tout ce qu'on dit, ce n'est pas une situation facile, je le sais.

M. Legault: O.K. Une dernière question. Je voudrais revenir un petit peu sur la transmission des valeurs morales. Je pense ne pas me tromper en disant que c'est le souhait de plusieurs parents catholiques et non catholiques que l'école fasse des efforts additionnels pour mieux transmettre des valeurs à nos enfants. Tout en reconnaissant que les parents sont les premiers responsables de la transmission des valeurs, je pense qu'il y a aussi des parents qui souhaitent que l'école apporte une contribution plus grande à la transmission des valeurs. Puis je pense d'ailleurs que ça fait partie du programme, dans les compétences transversales ou dans certains cours, de le faire, de contribuer au développement des valeurs.

Mais est-ce que vous seriez ouverts à ce qu'à l'intérieur de la période de deux heures qui est prévue actuellement, ou deux fois 50 minutes au secondaire, pour l'enseignement des religions, on mette une emphase spéciale à la transmission des valeurs? Est-ce que vous ne voyez pas un enjeu important à travailler davantage, à passer plus de temps à la transmission des valeurs dans nos écoles? Est-ce que ça peut être fait à l'intérieur, en partie, de l'enseignement religieux que vous proposez?

Mme St-Cyr (Jocelyne): Bien, disons que ça fait partie de l'enseignement religieux. Mais aussi, je pense que ça doit faire partie de l'ensemble du projet éducatif, autant des valeurs religieuses que de la discipline ou un certain retour à l'encadrement. On sait que la vie n'est pas facile, les familles éclatées. Bon. Elle est vite. Et on sait que les parents effectivement comptent beaucoup sur l'école, on ne peut pas le nier. Nous pensons que les valeurs religieuses sont importantes, mais aussi que les valeurs humaines et les valeurs sociales sont aussi importantes, elles se complètent finalement. Nous croyons que l'école fait ce qu'elle peut actuellement, avec la société que l'on a. Nous considérons qu'un retour aux valeurs, une valorisation des valeurs – c'est un peu bête, mais c'est ça quand même – c'est important pour nous.

M. Legault: Dans la situation actuelle, on a un deux heures par semaine.

Mme St-Cyr (Jocelyne): Oui.

M. Legault: Les élèves ont le choix, ou les parents, entre l'enseignement religieux ou l'enseignement moral. Est-ce que vous seriez ouverts à ce qu'à l'intérieur du deux heures on mette une place spéciale pour l'enseignement moral, à l'intérieur de l'enseignement des religions?

Mme St-Cyr (Jocelyne): Bien, je ne sais pas si je saisis bien votre question. On dit: l'enseignement moral et religieux catholique, l'enseignement moral et religieux protestant et l'enseignement moral. Je ne sais pas si vous voulez me faire dire qu'on mette la place des cours d'enseignement culturel des religions à l'intérieur de cette période-là. On n'a pas vraiment réfléchi à ça. Cependant, ça peut être une offre ou un service qu'on pourrait offrir à ceux qui ne veulent pas de morale.

M. Legault: O.K.

Mme St-Cyr (Jocelyne): Ça pourrait être la culture des religions. Pourquoi ne pas faire la culture des religions après les heures de classe?

M. Legault: O.K. Mais ce n'était pas le but de ma question.

Mme St-Cyr (Jocelyne): Ce n'était pas le but de votre question, mais parlez-moi clairement.

M. Legault: Ma question, c'était: À l'intérieur du cours d'enseignement moral et religieux, est-ce que vous seriez d'accord pour mettre un peu plus de place à l'enseignement des valeurs morales?

Mme Moreau (Chantal): Je peux-tu répondre, moi?

M. Legault: Certain. Vous êtes là pour ça.

Mme Moreau (Chantal): Bien, il me semblait ne pas avoir grand-chose à dire.

La Présidente (Mme Bélanger): Mme Moreau.

Mme Moreau (Chantal): J'ai des enfants qui sont au secondaire, j'en ai au primaire. Et puis, ce que vous proposez, si, moi, j'ai bien saisi, non, en tant que parent, personnellement, je ne serais pas d'accord. Je me dis que, dans le choix qu'on a fait avec les enfants, d'un enseignement qui est moral et religieux, ils retrouvent la portion d'enseignement moral dont on parle, qui est aussi: valeurs humaines, valeurs de vie avec les autres qui sont différents d'eux autres. Ce qui fait que, moi, je ne serais pas d'accord qu'on ajoute un enseignement de culture des religions à l'intérieur de ça ou ce que vous avez signifié tout à l'heure.

M. Legault: Je pense que ma question, ce n'est pas d'ajouter un enseignement culturel des religions, c'est de mettre une emphase spéciale sur l'enseignement de la partie des valeurs morales. Parce qu'il y a un besoin là, je peux vous dire, et je pense que vous devez sûrement le sentir. Il y a des parents qui souhaitent qu'on mette davantage d'emphase sur la transmission des valeurs morales.

Une voix: Je viens de comprendre.

Mme St-Cyr (Jocelyne): Je pense, M. le ministre, qu'on pourrait resolider le cours de moral actuel. Je pense qu'il a besoin peut-être d'une mise à jour, lui aussi, ce cours, parce qu'on entend souvent dire: Ah! Bien, c'est plus intéressant ou pas intéressant. Peut-être qu'il y a un questionnement là, sur la qualité du cours de morale.

M. Legault: Parfait. Merci.

Mme St-Cyr (Jocelyne): Avez-vous une réponse, M. le ministre?

M. Legault: Oui, oui.

Mme St-Cyr (Jocelyne): Bon. Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le ministre. M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

(15 h 40)

M. Béchard: Merci, Mme la Présidente. Mme St-Cyr, Mme Chevrier, M. Cataford et Mme Moreau, bienvenue, et je tiens à vous remercier pour votre mémoire qui, je n'en doute pas, malgré l'ampleur des éléments et des arguments que vous aviez à apporter, est très bien concentré et va à l'essentiel dans bien des cas. Je vous dirais que le premier élément que je voulais vous mentionner: vous parlez beaucoup du droit des parents en éducation. Il y a toujours une question, je pense, de droit, mais il y a une question aussi de logique. Et il y a une question de logique dans le sens suivant, c'est-à-dire qu'on a une réforme de l'éducation qui va être mise en place et qui veut accorder de plus en plus de place aux parents dans la vie quotidienne de l'école, dans la gestion de l'école.

Comme vous le mentionnez dans votre première proposition, dans la liberté du choix de l'école, quand vous indiquez que vous voulez que le système d'éducation du Québec continue de faire place à une diversité d'écoles catholiques, protestantes, d'autres confessions religieuses ou laïques pour répondre au libre choix des parents des divers milieux et communautés culturelles, cette proposition-là, à date, dans les travaux de la commission que vous avez probablement suivis, un des éléments qui a été soulevé le plus souvent est celui de la non-faisabilité, en pratique, d'une telle proposition. Plusieurs personnes sont venues et ont dit, comme vous le mentionnez vous autres mêmes – vous êtes sur le terrain – ceci: Bien, sur le terrain, dans les écoles, ça ne serait pas vivable, ça ne serait pas praticable.

J'aimerais que vous apportiez un peu votre vision de ça: Comment on peut réussir à mettre ça en application – on parlera des structures après – le contenu comme tel et la façon de procéder, d'aménager ça dans la grille-horaire, pour qu'en bout de ligne le choix des parents soit respecté mais aussi la qualité de l'enseignement pour les jeunes et la qualité de la vie dans l'école comme telle?

Mme St-Cyr (Jocelyne): Bon, il y a plusieurs choses dans votre question. Je vous dirai qu'il y a des droits mais il y a aussi des responsabilités pour les parents. La voie que l'on donne aux parents à l'école via le conseil d'établissement, à notre avis, serait discutable quand on sait qu'il y a autant de parents que d'enseignants ou de personnel de soutien. En tout cas, là-dessus, là, je pense qu'on se comprend. Ne me demandez pas comment ça s'applique. Nous autres, ce qu'on est venu vous dire, c'est ce que les parents aimeraient avoir. Les moyens, là... On n'est pas des experts. Ce qu'on souhaite, c'est qu'on puisse offrir cette possibilité et que la qualité de l'enseignement qui y sera donné en soit d'une véritable qualité. Parce que, on le sait, les jeunes, aujourd'hui... on n'a qu'à questionner les jeunes, et le prof... Ah! mon prof est cool, il est bien cool. Le cours devient cool. Mais si le prof, pour toutes sortes de raisons, l'étudiant ne le trouve pas intéressant, on sait ce que ça fait. Je pense que c'est une préoccupation importante.

Quant à l'ordre des moyens, là, c'est regrettable, mais, nous autres, on ne sait pas comment faire ça. Ce qu'on veut vous dire, c'est: Essayez de le faire, vous autres – vous êtes des experts, vous êtes l'État – avec le moins de blessures possible mais le plus grand respect des droits de la majorité aussi qui offre à sa minorité actuellement un choix. Oui, M. Cataford.

M. Cataford (Claude): J'ai été conseiller en orientation à la Commission de Montréal et votre question me rappelle un peu les débuts du système polyvalent où on se demandait bien comment les élèves étaient pour vivre avec des grilles pareilles. Moi-même, comme conseiller en orientation, je me suis posé de sérieuses questions, parce que c'était joliment compliqué. C'était très compliqué, mais on arrivait à faire des petits miracles. Il arrivait que les enfants étaient, à la très grande majorité, très bien servis même dans leurs caprices, je dirais, de vouloir tel ou tel cours. On finissait par y trouver réponse. Donc, j'ai beaucoup de misère à penser, moi, qu'on ne parviendrait pas à trouver des solutions à ce problème-là, à toute éventualité.

Maintenant, j'aimerais bien poser une question, pendant que j'ai le micro, au nom des parents qui se saignent à envoyer leurs enfants à l'école privée et qui se posent de très sérieuses questions. Ils sont très inquiets. La question est la suivante: Comment, d'une part, un gouvernement pourrait-il éliminer d'un seul bloc l'enseignement religieux dans les écoles publiques et, ce même gouvernement, d'autre part, conserver ses subventions aux écoles privées à caractère confessionnel? Je n'ai pas trouvé de réponse encore. Mais c'est des inquiétudes, c'est l'inquiétude des parents qui paient et qui se saignent à blanc pour envoyer leurs enfants au privé.

M. Béchard: Je vais suggérer au ministre de prendre avis de cette question-là, parfois il y a des bons résultats en prenant avis de certaines questions. Mais je vous dirais: C'est une question qui évidemment a été soulevée à plusieurs reprises, celle-là. Dans le même esprit d'ouverture que vous faites face à l'enseignement d'autres religions – comme vous le mentionnez, vous ne voulez pas qu'on vous impose des choses, donc vous êtes prêts à ne pas imposer non plus de votre part un enseignement – si on regarde l'aspect de la confessionnalité comme telle, selon moi il y a deux élément, c'est-à-dire qu'il y a le contenant et le contenu, c'est-à-dire la question des structures, des sous-ministres; au Conseil supérieur de l'éducation, le statut comme tel de l'école; et il y avait les commissions scolaires. Et il y a le contenu qui est le cours comme tel.

Est-ce que, selon vous, il pourrait exister, malgré les doutes que vous avez soulevés déjà sur des déclarations de Mme Marois, certaines garanties qui pourraient être étalées et mises sur la table pour dire: Écoutez, sur le contenu comme tel, le cours, l'enseignement, l'ouverture à d'autres confessionnalités, à d'autres enseignements religieux, oui, on est prêt à aller là-dedans, mais sur les structures comme telles, il pourrait y avoir une déconfessionnalisation? Est-ce que, pour vous, il faut absolument garder les structures que nous avons, confessionnelles, même si ça pouvait, à la limite, causer certains problèmes ou certaines situations particulières où il pourrait y avoir l'enseignement, par exemple, de deux ou trois confessionnalités dans une école qui serait, par exemple, protestante ou catholique? Est-ce que les deux aspects structures et contenu sont indissociables?

Mme St-Cyr (Jocelyne): Le mandat que j'ai aujourd'hui – ça revient dans la consultation que nous avons faite depuis deux ans – les parents demandent le droit d'avoir une école confessionnelle s'ils en veulent une, peu importe la confession. Mais ça, là...

M. Béchard: Elle pourrait être laïque, à la limite.

Mme St-Cyr (Jocelyne): Elle pourra être laïque. Écoutez, moi, je suis tout à fait d'accord avec ça.

M. Béchard: O.K.

Mme St-Cyr (Jocelyne): Mais que ceux qui veulent un statut puissent en avoir un. Parce que ce n'est pas tout d'avoir un cours d'enseignement religieux, il faut avoir un cadre ou un projet qui se rattache à un credo. Et pour nous, bon, c'est le Christ. Mais, je veux dire, que ceux qui veulent autre chose, qu'ils puissent l'avoir aussi. Mais qu'on n'arrive pas avec une proposition, comme le fait le rapport Laïcité et religions , d'une imposition d'une école laïque obligatoire pour tous. À notre avis, c'est presque de l'intolérance.

M. Béchard: Il y a une ou deux des solutions qui ont été apportées par les groupes qui sont venus faire une présentation de mémoire, qui indiquaient, par exemple, qu'il pourrait y avoir une certaine progression, au cours des années qui vont de la maternelle au cégep, dans le type et la façon d'avoir un enseignement religieux confessionnel ou un enseignement culturel des religions. Et il y a même des gens qui disaient: Bon, bien peut-être qu'au premier cycle du primaire et au deuxième cycle il pourrait y avoir un enseignement confessionnel au choix des parents. On arrive au secondaire, c'est au choix des étudiants pour le premier cycle. Et même, à la limite, finir ça par un tronc commun avec un cours culturel des religions. Une telle vision de l'enseignement religieux, qu'est-ce que ça vous amène comme idée?

Mme St-Cyr (Jocelyne): Je pense que déjà on a beaucoup évolué depuis 30 ans et qu'il y a place effectivement à une évolution. Et, comme le dit si bien Jean-Paul Desbiens, quand la société sera prête à se donner des écoles autres que celles qu'on a, le bon sens de la population... Notre sociologue, M. Laporte, le rapportait très bien tout à l'heure. Donc, je pense qu'il faut faire confiance au bon sens des gens. Actuellement, nous croyons que la demande est de répondre à l'ensemble de la majorité sans brimer la minorité. Je suis consciente que la société évolue et on verra, au fil du temps, je pense, comment les choses se placeront. Peut-être, M. Cataford. Veux-tu rajouter quelque chose?

(15 h 50)

M. Cataford (Claude): Bien, comme le disait tantôt le député à ma gauche, c'est sûr qu'on n'enseigne plus Le petit catéchisme comme autrefois. Retourner à l'école, moi, je serais un petit peu perdu parce que c'est la même religion mais c'est dit autrement. C'est vécu autrement aussi. Et actuellement, déjà, les programmes ne sont plus ce qu'ils étaient, et ça a changé énormément vite. Quand vous dites «la progression», entre le primaire et le secondaire, et du secondaire au cégep, à ce que je sache, au cégep, il ne se fait pas beaucoup de religion, à mon avis.

M. Béchard: Non, non. Je disais: les années entre la maternelle et le cégep, durant tout le primaire et le secondaire.

M. Cataford (Claude): Oui. En secondaire V, personnellement, je n'aurais aucune objection à ce qu'on fasse l'initiation aux cultures religieuses ou quelque chose du genre, mais avant de faire des comparaisons, je pense qu'il faudrait voir de quoi on parle. Et de quoi on parle, bien, il faut qu'il y ait un cours de ma religion puis, ensuite, je vais discuter de celle des autres. Ça me rappelle un peu quand on faisait notre philosophie, au collège, autrefois, quand il y en avait. Bien, avant de discuter de Karl Marx puis du léninisme, on commençait par Saint-Thomas puis ensuite on progressait, puis, à la fin, bien, notre bon professeur sulpicien, bien là, il nous faisait des comparaisons. Mais on ne commençait pas nécessairement avec la comparaison des philosophies. C'eut été un peu mettre la charrue devant les boeufs.

M. Béchard: Deux dernières questions avant de passer la parole à mes collègues. La première, il y a, à la page 6 de votre mémoire, une phrase qui, je pense, mérite que vous nous en disiez un petit peu plus long. C'est quand vous mentionnez, dans le quatrième paragraphe de l'enseignement religieux: «Donner un cours de culture des religions à des jeunes enfants, c'est leur transmettre l'impression que ces différents systèmes de croyances sont interchangeables.» Peut-être si vous élaboriez un petit peu cette phrase-là, comment vous en arrivez à cette conclusion.

M. St-Cyr (Jocelyne): Je pense que s'il se tient un discours à la maison et qu'on offre un cours de culture religieuse... Je parle particulièrement des enfants du primaire où on arrive avec un cours de culture religieuse. On sait que le prof a toujours plus raison que papa puis maman, parfois; donc, je pense que ça fera un méli-mélo et, bon, ça sera tout égal, puis tout est bon, puis c'est ça. Donc, je pense que, dans la tête d'un enfant, il faut éviter ça. Aidons-le à savoir d'où il vient, pourquoi. Ce n'est pas toujours facile que les parents démontrent ça mais, par leur vécu... Il y a toujours des exceptions mais prenons l'ensemble de la population au Québec, elle est croyante. Pratiquante, ça, ce n'est pas de mes affaires. Mais, tout de même, elle croit à des choses importantes et elle tient à ce que les enfants reçoivent cet enseignement. Donc, on pense que si c'est fait trop jeune, c'est ce qui nous fait dire que ça serait interchangeable. Je parle pour les catholiques, là. Écoutez, je n'ai pas fait d'enquête sur les autres, là.

La Présidente (Mme Bélanger): Mme Joyal, vous voulez rajouter, là-dessus.

Mme Joyal (Diane): Oui. Ça me surprend beaucoup parce qu'on a évolué beaucoup au Québec. Ça me surprend d'entendre ça parce que, dans le milieu scolaire, déjà, avec la pastorale scolaire et l'enseignement religieux, la pastorale, qui est un complément, ces choses-là se vivent. Et c'est pour ça que je dis qu'on a évolué beaucoup. Je trouve ça surprenant, c'est plus ou moins dans le courant des gens de savoir ça. Parce que les jeunes échangent entre eux, au primaire, sur leur façon de vivre leur culture, sur leur pratique, déjà, dans leur pays d'origine. Et ce n'est pas parce qu'on est confessionnel qu'on est fermé; on est très ouvert, on écoute les enfants. Je pense que si vous alliez dans les écoles, les ethnies se sentent très bien et elles partagent très bien cette chose-là. Il ne leur est pas défendu, dans les interventions de pastorale, de partager leur vécu. Ça me surprend de vous entendre dire ça parce que c'est déjà un début. Pour moi, c'est comme s'il fallait s'obliger à laïciser obligatoirement pour dire qu'on va progresser en éducation religieuse dans nos écoles, quand on a déjà progressé beaucoup, si vous regardez des années cinquante à aujourd'hui.

Moi, je vous le dis parce que j'ai été 18 ans dans le milieu scolaire. J'ai vécu aussi le travail de paroisse et j'ai pu faire la comparaison, toute l'évolution. Alors, je me dis: Pourquoi, aujourd'hui, vouloir tant imposer la laïcité quand nous sommes déjà à vivre ça, d'une certaine façon, alors qu'on est très ouvert et accueillant. Ça me surprend beaucoup d'entendre ça, «de quelle façon». Les façons sont déjà là. Alors, c'est là où les gros besoins se font à des pourcentages très intenses que peut-être c'est à vous, en éducation, à réfléchir – excusez – sur la façon de faire pour répondre aux milieux où le pourcentage est vraiment accentué. Mais je pense que dans le moment on vit ça avec cohérence et respect des diversités. Merci.

M. Béchard: Vous tenez beaucoup à la clause dérogatoire. Et moi, la première impression que j'ai de l'alternative que vous autres mêmes vous présentez – je ne suis pas juriste et je n'ai pas l'intention de vous produire un avis juridique après-midi là-dessus – je vous dirais que, selon ce qu'on voit des autres avis juridiques, votre proposition pourrait éviter le recours aux clauses dérogatoires. Est-ce que, selon vous, si votre solution, par exemple, était... La clause dérogatoire, c'est plus une mesure de protection qu'une fin en soi. Si votre solution est mise en place et que, soit par prévenance, on demande des avis juridiques et on teste la solution au niveau juridique avant de la mettre en place, la clause dérogatoire, j'imagine, à ce moment-là, deviendrait accessoire pour vous, si on prouve que votre solution, que vous présentez, est acceptable et passe le test des Chartes.

Mme St-Cyr (Jocelyne): Bon. Le jour où on nous prouvera que ce n'est pas nécessaire, la claude dérogatoire, M. le député, on verra ça. Mais actuellement, ce que l'on sait par les experts que l'on a consultés... Et d'ailleurs, l'expérience qu'on a vécue devant le Sénat, en 1993... Les experts reconnaissent que sans la clause dérogatoire, à moins de je ne sais pas quel miracle... Vous savez, ce n'est pas péché mortel, ça, d'employer la clause dérogatoire. Pour les politiciens, ce n'est pas commode, mais pour la population en général, ce n'est pas si mal.

M. Béchard: Ha, ha, ha! Ça va.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le député de Kamouraska-Témiscouata. M. le député de Masson, il vous reste deux minutes pour la question et réponse.

M. Labbé: Merci, Mme la Présidente. Je ne vous parlerai pas des clauses dérogatoires. Alors, bonjour et bienvenue, et merci de votre présentation. Là où on va s'entendre, tout le monde, c'est entre autres sur une de vos conclusions, quand vous dites: On ne doit pas oublier que les parents sont les premiers responsables de l'éducation des enfants. Je pense que là-dessus on va tous s'entendre aujourd'hui, il n'y a pas de problème.

Par contre, on entend aussi souvent que l'État ou l'école donne l'impression qu'ils prennent la place des parents, en tout cas, au moins dans l'enseignement religieux. Je pense que c'est ce qu'on entend beaucoup à ce stade-ci. On l'entend aussi dans les mémoires. Quand on regarde le taux d'inscription, au niveau des écoles, à 90 % pour l'enseignement religieux, et qu'on regarde la pratique religieuse qui est vraiment là, je pense... on parle d'un taux de 15 % à 20 %, ça m'interroge de savoir est-ce que finalement la façon de faire est bonne ou mauvaise. En tout cas, ça m'interroge à ce niveau-ci.

Moi, j'aimerais vous poser la question, à savoir: Comment vous voyez votre rôle comme parents – surtout quand on regarde en fonction de l'article 41 qui vous donne quand même des droits, à ce moment-ci – à partir de ce qui se vit actuellement, puis aussi le rôle de l'Église à l'intérieur de ça? J'aimerais vous entendre là, à partir de ce qui se vit. C'est une grande question. J'avais deux minutes pour vous la poser; vous avez peut-être plus pour y répondre.

Mme St-Cyr (Jocelyne): Je vais me dépêcher.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Labbé: Merci, madame.

Mme St-Cyr (Jocelyne): Bon, je pense qu'évidemment les parents font ce qu'ils peuvent à la maison avec les moyens qu'ils ont. Ils comptent aussi beaucoup sur l'école. Les parents, souvent... Ce n'est pas écrit dans les livres, comment faire, hein! Tu parles avec ton coeur, tu essaies de... On est tous dans le même bateau, je pense. On essaie de faire du mieux que l'on peut.

Et j'ai envie de vous donner le témoignage de deux jeunes qu'on a rencontrés, qui nous ont dit: Nous, on est de parents incroyants, non pratiquants, mais qui ont permis qu'on s'inscrive en enseignement moral et religieux catholique, et on a découvert que cet enseignement, sans nous catéchiser, donnait un sens à notre vie et nous a permis d'évoluer et d'acquérir des connaissances autres.

Donc, nous croyons que la responsabilité des parents, c'est fondamental, ça doit commencer à la maison. On ne rêve pas en couleur, là, mais l'école contribue à l'éducation des enfants et il faut que ce soit fait dans son ensemble, autant au point de vue physique que philosophique, moral, religieux et le reste. Donc, il faut, à notre avis, aussi rappeler aux parents cette première responsabilité. Parce que, si on prend l'exemple de l'évolution du système qui est à une vitesse folle, on n'a pas le temps de s'habituer à une certaine façon d'apprendre les mathématiques à nos enfants que le programme est déjà changé. Tu sais, quand tu en as cinq, six, là! Tu as été à l'école, toi aussi. Donc, ce qui fait qu'il faut, à notre avis, un rappel aux parents.

L'école est là pour compléter et, les parents nous l'ont dit: Nous avons besoin de l'école pour compléter ce que l'on commence à la maison. Donc, à notre avis, c'est important que l'école... D'ailleurs, on a été marqué profondément par la culture judéo-chrétienne et je pense qu'on doit être en mesure d'offrir aux générations qui viennent le privilège... Et plus tard, s'ils n'en veulent pas, bien, au moins, ils ne pourront pas nous dire qu'on n'a pas fait notre possible pour leur offrir et les aider.

M. Labbé: Merci.

(16 heures)

La Présidente (Mme Bélanger): Il reste, M. le député d'Outremont, trois minutes pour questions et réponses.

M. Laporte: Mme Cyr, j'aimerais obtenir des clarifications parce que je perçois, peut-être à tort, qu'il y a une ambiguïté dans vos propos. Est-ce que vous êtes pour le libre marché de la confessionnalité, pour la confessionnalité à la carte ou si vous êtes pour ce qu'on pourrait appeler la confessionnalité accommodative, un peu comme Mme Chevrier le dit, c'est-à-dire: l'école est confessionnelle, mais, à l'intérieur de ce cadre confessionnel, on s'accommode d'une demande d'enseignement religieux qui pourrait être du côté musulman, taoïste, disons, spiritiste, hindouiste, et ainsi de suite? Ce n'est pas clair, là. Vous, vous avez l'air de dire que vous êtes pour la confessionnalité à la carte, pour un libre marché de la confessionnalité scolaire.

Mme St-Cyr (Jocelyne): Bon. Un, c'est Mme Joyal. Deux, je suis pour le respect du droit des parents de choisir l'école, M. Laporte. Je pense que ce n'est peut-être pas facile à appliquer. Mais, dans l'ensemble, actuellement, les parents trouvent réponse à leurs attentes. Il y a des ajustements, je le comprends, et on est très conscients de ça. Mais, dans l'ensemble, est-ce qu'il y a un problème virulent actuellement au sein de l'école confessionnelle ou dans l'ensemble du système? Il y a des ajustements, nous le redisons.

L'école à la carte ou la religion à la carte, je ne sais pas qu'est-ce que ça fera. Mais je dis que ce qui est fondamental, c'est qu'il faut que les parents qui veulent une école confessionnelle ou laïque, ils puissent en avoir une. Comment ça se passera? Je ne le sais pas.

M. Laporte: Oui, mais je vous ai entendue dire que... Dans mon comté, par exemple – c'est pertinent, là – il y a 115 langues, dans la partie ouest de mon comté. Je vous ai entendu dire que vous seriez favorables à ce qu'il y ait une école de confessionnalité musulmane.

Mme St-Cyr (Jocelyne): Bien, si les gens veulent ça, pourquoi pas? Mais ce que l'on continue de dire: Pourquoi il faudrait qu'à l'intérieur de cette école-là... Je reconnais que le statut ne répond peut-être pas à mes attentes, mais nous demandons que les parents de trois ou quatre petits catholiques qui sont là puissent avoir un cours d'enseignement religieux et moral catholique à l'intérieur de cette école-là.

M. Laporte: De la même façon que la confessionnalité catholique s'accommode aux musulmans, la confessionnalité musulmane s'accommode aux catholiques.

Mme St-Cyr (Jocelyne): Bien, je pense que c'est assez respectueux. Ça ne veut pas dire que ça va se faire facilement. Écoutez, on ne le sait pas comment ça va se passer. Mais est-ce qu'il y a un véritable problème, actuellement?

M. Laporte: Bien, c'est-à-dire qu'il n'y a probablement pas de véritable problème, mais, si on tient compte des données qui nous ont été présentées hier par le directeur du Département de sciences religieuses de l'UQAM... Je ne sais pas si...

Mme St-Cyr (Jocelyne): Non, malheureusement, je ne l'ai pas vu.

M. Laporte: Vous ne pouvez pas percevoir ça comme un problème. Mais ce que je peux vous dire, c'est qu'il y a une demande de confessionnalité multiple qui s'en vient sur le marché de la religion au Québec, là. Si vous voyez la croissance de la vitesse de certaines religions, vous allez... On peut peut-être anticiper qu'il va y avoir une demande de confessionnalité Témoins de Jéhovah dans les années qui vont venir. Donc, on s'en va vers un marché de la confessionnalité qui va être extrêmement diversifié – si on peut employer cette expression – à la fois géographiquement et en fonction des produits qui devraient y circuler.

Mme St-Cyr (Jocelyne): Possiblement que...

La Présidente (Mme Bélanger): Je regrette...

Mme St-Cyr (Jocelyne): Excusez-moi, madame

La Présidente (Mme Bélanger): ...c'est terminé. Alors, Mme St-Cyr, Mme Joyal, Mme Moreau et M. Cataford, nous vous remercions beaucoup de votre participation.

Nous allons suspendre pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 4)

(Reprise à 16 h 6)

La Présidente (Mme Charest): Alors, si on veut bien prendre place, nous allons reprendre les travaux. Je demanderais au Conseil catholique d'expression anglaise de prendre place.

Des voix: ...

La Présidente (Mme Charest): S'il vous plaît, nous allons reprendre. Et je demanderais au Conseil catholique d'expression anglaise de prendre place à la table.

Des voix: ...

La Présidente (Mme Charest): S'il vous plaît! S'il vous plaît! Alors, M. John Walker, la Dre Pamela Bright ainsi que M. Martin P. Murphy, bienvenue. Et nous allons vous entendre.


Conseil catholique d'expression anglaise

M. Murphy (Martin P.): Bonjour. Je vous remercie pour l'invitation de présenter notre mémoire cet après-midi. À ma gauche, c'est la Dre Pamela Bright, qui est la présidente du Département de théologie, à Concordia, à Loyola. Et, comme vous le savez, moi, je suis le directeur général du Conseil catholique d'expression anglaise.

La Présidente (Mme Charest): Votre nom?

M. Murphy (Martin P.): Pardon?

La Présidente (Mme Charest): Votre nom?

M. Murphy (Martin P.): Martin Murphy.

La Présidente (Mme Charest): M. Murphy. Parfait, merci.

M. Murphy (Martin P.): Juste au commencement, je veux dire que Mme Bright vient récemment d'Australie. Alors, elle n'est pas bilingue. Alors, j'espère que c'est possible d'avoir notre échange en anglais aussi. De ma part, je comprends le français, mais, comme vous le savez, ce n'est pas parfait. Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Charest): Alors, nous serons sensibles à cette situation, M. Murphy.

M. Murphy (Martin P.): O.K. Merci. Alors, en 1980, un groupe de personnes représentant divers secteurs de la communauté catholique anglophone et ses organismes se sont rencontrées dans le but de mettre en commun leurs ressources humaines et matérielles dans le but de développer leur collectivité. Cela a abouti à la création, en décembre 1980, du Conseil catholique d'expression anglaise, avec le mandat d'être le point de convergence de la coordination de la communauté anglo-catholique à Montréal.

La communauté catholique d'expression anglaise compte environ 240 000 personnes dans la région du Grand Montréal. Le conseil d'administration du Conseil est composé d'hommes et de femmes des secteurs privé et public, tous bénévoles, qui sont unis dans leur engagement d'appuyer leur communauté dans les domaines de la justice sociale, de l'éducation, de la santé et des services sociaux ainsi que dans les secteurs culturel et politique.

Le Conseil catholique d'expression anglaise a posé un geste important de bonne foi en mai 1988 – alors, je pense que c'est la quatrième fois que je suis ici, dans cette salle, pour parler, donner un mémoire – lors des audiences de l'Assemblée nationale étudiant le projet de loi n° 107. Il a, en effet, défendu son mémoire en faveur de la réorganisation des commissions scolaires selon les critères linguistiques tout en défendant avec force des mesures visant à assurer le caractère confessionnel des écoles.

Le Conseil est disposé à coopérer à des efforts pour élargir les droits dont jouissent actuellement catholiques et protestants. Mais nous sommes totalement contre la restriction, le retrait de ces droits. Une démocratie élargie étend les droits, elle ne diminue pas, ne limite pas, ne retire pas de droits. Les droits sont souvent basés sur une vision. C'est pourquoi nous considérons que les recommandations du rapport Proulx manquent d'un instinct démocratique fondamental et que, si elles sont adoptées, elles seront considérées comme la trahison d'une confiance.

(16 h 10)

I want to say that there are three threads that run through the brief. One has to do with trust, another has to do with integrity, another has to do with democracy in particular. Ce qui suit répond à la question de l'adhésion aux principes démocratiques.

In early 1996, the Estates General on Education published its report on the state of education in Québec. This report claimed that, roughly speaking, half of the participants were in favor of maintaining confessionality and half were against. This is apparently not in accordance with the facts. Gary Caldwell, one of the Commission members on the Estates General, in his dissident opinion concerning the denominational system, reported in the Commission's final report that 57% to 63% of the briefs, depending on whether ambiguous and indifferent points of view are included, were in favor of denominational schools. Majella St-Pierre and Lucie Demers, also commissioners of the Estates General, in their dissident opinion concerning confessionality, did not share the majority view on the elimination of Catholic and Protestant religious education from the curriculum for parents and students who so wish, out of respect for our democratic tradition.

Our investigation established that approximately 1 300 briefs addressed the issue, and only 65 favored secular schools. And it was ironic, on the very evening when the Estates General tabled its final report and recommended that groups currently holding confessional guarantees should introduce mechanisms that will enable Christian education to be dispensed in places more appropriate than the schools, a public opinion poll, that very night, was released, which found that 74% said no to the question: Doit-on sortir complètement la religion des écoles québécoises?

Number 2. The President of the Privy Council and Minister of Intergovernmental Affairs, the Honorable Stéphane Dion, in announcing the Section 93 constitutional amendment resolution to the House of Commons proposed by Québec National Assembly in 1997, assured Quebeckers: «Although Quebeckers approve of secularization of school organization, many are attached to religious instruction. Québec's Minister of Education, Mme Pauline Marois, has already indicated that schools that so wish may retain their denominational orientation. Furthermore, the right to religious instruction is still guaranteed by Section 41 of the Québec Charter of Human Rights and Freedoms.» Now, this was the assurance that Quebeckers were given at the time of the debate: Don't worry, be not afraid!

Number 3. Many claimed that the Assemblée des évêques du Québec did not oppose the establishment of linguistic boards, but few acknowledged that the Assemblée never argued in favor of repealing Section 93. What is clear however is that the Assemblée support has always been accompanied by one condition: that the denominational guarantees established by 107 be maintained. It is in all their communiqués.

The Proulx report acknowledges the commitments made by the State in 1964 and which were honored subséquemment par le ministre de l'Éducation Jacques Chagnon lors du renouvellement de la clause «nonobstant», en 1994, à cause de la nécessité de préserver l'essentiel du compromis sociopolitique intervenu en 1964 entre l'État et les autorités religieuses concernant les aménagements confessionnels du système scolaire. Another example of the confidence and the question of trust that we placed in change.

En mars 1996, Mme Pauline Marois, alors ministre de l'Éducation, a émis une déclaration ministérielle expliquant l'orientation et les structures que proposait le gouvernement et dont voici des extraits:

«L'école publique se doit donc de respecter le libre choix ou le libre refus, cela fait partie des libertés démocratiques[...].

«Le libre choix entre l'enseignement moral et l'enseignement religieux catholique et protestant continuera d'être à faire en conformité avec l'article 41 de la Charte québécoise des droits et libertés, qui prévoit la possibilité d'un enseignement conforme aux convictions des parents. Le service d'animation pastorale ou religieuse sera également offert au libre choix.»

5. L'étude des religions d'un point de vue culturel est destinée à tous les étudiants, quel que soit le milieu religieux de leurs parents. Parmi les courants de pensée séculiers qui pourront être étudiés, il faut mentionner l'humanisme, l'existentialisme, le marxisme, le libéralisme et le scientisme athée. Il – l'enseignement culturel des religions – accorde une place importante à l'étude de la tradition chrétienne. Pourquoi, de l'avis des membres du comité Proulx, cela ne viole-t-il pas la primauté des droits à l'égalité et à la liberté de conscience et de religion que garantissent les chartes québécoise et canadienne?

Il est surprenant que les pédagogues du comité soient tous d'accord que ce contenu convient au degré de maturité des élèves de l'élémentaire et même du premier cycle du secondaire et qu'il doit être présenté de façon non superficielle. De surcroît, la programmation du temps d'enseignement pour cette matière pourra être partagée de façon à être répartie avec le temps imparti à l'éducation morale ou à l'éducation à la citoyenneté. Voilà qui est bien ambitieux.

6. Autre remarque sur le mandat d'examiner la place de la religion dans les écoles. L'édition en anglais s'appelle Religion in Secular Schools . C'est la raison pour laquelle nous posons la question; en français, c'est Laïcité et religions . Alors, en tout cas... N° 2. Qui représente les parents et les catholiques d'expression anglaise à ce comité? Aucun, selon notre avis. Pour nous, il n'y a aucune personne qui est nommée par des représentants des parents. Pour nous acquitter de ce mandat, nous avons d'abord sollicité l'avis de quelque 80 organismes les plus représentatifs des acteurs précités. Le Conseil catholique d'expression anglaise n'était pas invité. We have no record of having been invited.

N'est-il pas extraordinaire que huit personnes puissent s'entendre sur 14 recommandations portant sur un sujet aussi controversé et aussi émotif que la religion? Et aussi, pourquoi Foster et Smith, dont, à notre connaissance, le parti-pris négatif sur cette question est bien documenté, sont-ils les deux seuls professeurs experts en matière juridique d'expression anglaise qui aient été consultés et cités dans ce rapport? Voici trois mots: «abroger», «éliminer» et «prohiber».

Rappelons ici que, si l'école peut être laïque, les enfants ne le sont pas tous. Dans laquelle des recommandations du rapport trouve-t-on un reflet de cet énoncé? Comment, selon les interprétations fournies par le comité, les élèves peuvent-ils suivre les enseignements de leur religion et observer les formes distinctes de leur expression religieuse à l'école sans empiéter sur la liberté de conscience et de religion des autres élèves et sans violer les articles des chartes?

On doit rédiger avec soin les principes du pluralisme dans une société démocratique. Les affirmations autoritaires concernant ce qui doit être banni implicitement au nom d'un dogme séculier sont inacceptables. Dans une société démocratique, l'État cherche en outre à répondre aux attentes légitimes des citoyens. Il est certain, alors, que les souhaits des parents en particulier ne doivent pas être neutralisés.

Nous avons présenté plusieurs arguments en faveur de la démocratie parentale, et j'attire votre attention en particulier au dernier. C'est à la page 7, c'est par le Chief Rabbi of Britain, le Dr Jonathan Sacks: «Tout processus d'éducation a un contexte spirituel. La quête de connaissances débute par un émerveillement face au mystère de l'existence. L'idée même d'une éducation universelle s'enracine dans notre sentiment de la sainteté de l'individu. Sécularisez l'éducation et vous la diminuez. Vous diminuez son pouvoir aux yeux des enfants, vous diminuez la dignité de nos enseignants; vous diminuez la valeur de l'éducation comme fin en soi. Aucune culture ne peut survivre au changement sans la foi. À compter d'aujourd'hui et au nom de nos enfants, j'espère que la voix de la foi se fera entendre plus fort dans notre culture.»

(16 h 20)

En ce qui a trait à la question de la démocratie parentale, le Conseil catholique d'expression anglaise ne comprend pas pourquoi chaque membre du comité Proulx a pu manquer de sensibilité au point de proposer la recommandation 10 comme solution aux parents – c'est d'avoir les cours de religion après les classes de jour. Cela signifie-t-il qu'on s'attend à ce que les parents abdiquent ce qu'ils croient être important pour les enfants au nom des droits qu'ont d'autres personnes à la dissension?

L'article 40 de la Charte québécoise stipule que chaque personne a droit à une éducation publique gratuite dans la mesure où la loi y pourvoit et selon les normes auxquelles la loi y pourvoit. Étant donné la fragilité des familles et les exigences impossibles avec lesquelles doit composer le personnel limité des paroisses, il est évident que, pour de nombreuses personnes, l'école est souvent l'endroit principal où les jeunes qui cherchent un sens à leur vie ont l'occasion d'étudier cette question. C'est une dimension importante de leur développement humain. Un grand nombre de personnes ont perdu le sens du sacré, de telle sorte que l'éducation religieuse est une voix qui prêche dans le désert une offrande d'espoir et le sens à donner à des valeurs conflictuelles.

Le Conseil catholique d'expression anglaise estime que, dans les démocraties occidentales pluralistes, une authentique éducation religieuse a une place légitime dans les systèmes d'éducation appuyés par des fonds publics. L'idée d'une seule école commune est un anachronisme, au tournant du troisième millénaire.

L'étude soi-disant culturelle de la religion que défend le rapport Proulx est une tentative délibérée, selon nous, pour marginaliser et dévaluer le patrimoine spirituel intrinsèque à l'identité de la société québécoise. Nous percevons que, dans son antagonisme à une compréhension globale de l'éducation, le rapport Proulx défend une vision réductionniste et sécularisée de la société, laquelle vision convient mieux à des débats parlementaires de la fin des XVIIIe et XIXe siècles qu'à une société pluraliste de la fin de notre millénaire.

Le rapport Proulx présente un aspect positif en ce qu'il donne l'occasion de débattre d'un genre de société pluraliste qui n'étiquette pas les dimensions spirituelles et religieuses d'une humanité commune comme des facteurs de division. Nous espérons qu'il ressortira de ce débat une vision de la société qui encourage le respect envers les dimensions spirituelles et religieuses de l'expérience humaine, et ce, dans le cadre pédagogique d'une pensée critique et d'une conscience historique. L'inclusion de la pensée et de l'expérience religieuses au sein du processus éducatif le rendrait alors multidimensionnel pourvu que l'on dispose d'éducateurs et d'animateurs religieux compétents. Ce pourrait être le moment unique pour incarner au-delà de toute ambiguïté une vision englobant la religion comme partie vitale de notre identité et de notre patrimoine culturel. Toute éducation qui l'exclut est incomplète.

Les recommandations. Le Conseil catholique d'expression anglaise est membre de la Coalition en faveur du droit des parents à choisir l'école de leur préférence. Il y a 56 groupes aujourd'hui dans cette coalition, et les trois principes sont là. Le premier reconnaît d'emblée aux parents de choisir l'école qui répond le mieux à leur préférence.

Et finalement, le Conseil catholique d'expression anglaise recommande spécifiquement que, comme première priorité, on donne aux parents qui le désirent l'option d'envoyer leurs enfants dans une école publique ayant un statut confessionnel. Ceci exigerait l'extension des privilèges actuellement consentis aux catholiques et protestants aux membres d'autres confessions représentés en nombre suffisant. Et je peux ajouter qu'on peut aussi avoir l'option de l'éducation morale, c'est bien entendu.

Deuxièmement, on devrait aussi pouvoir choisir une école publique laïque avec l'enseignement religieux pour chaque confession là où le nombre le justifie et l'éducation morale où l'on étudie les religions du point de vue culturel, tel qu'envisagé à l'option n° 1. En ce qui a trait aux principes et aux objectifs, cette option est conforme à la neutralité de l'État. De la même façon, conformément aux normes juridiques, cette option respecte le droit à l'égalité ainsi que le droit à la liberté de conscience et de religion de tous les citoyens.

Et voici, je passe ici au n° 28. Attendez, c'est supposé être le n° 29. Dans notre enquête auprès des parents, des enseignants et des directeurs, nous n'avons pas soumis directement cette option d'un enseignement à la carte. Et finalement, troisièmement, les catholiques d'expression anglaise qui apprécient la valeur de l'animation pastorale s'attendent à ce qu'on continue de leur offrir ce service. Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci. M. le ministre.

M. Legault: Oui. First, I would like to thank you, Mr. Murphy and Dr. Bright, for your presentation. I would like to thank also the English-speaking Catholic Council for your memorandum. I think it's of very good quality. Je voudrais vous féliciter aussi pour la qualité du français que vous utilisez.

Je pense que votre rapport est précieux. Votre groupe est actif, comme vous le disiez tantôt, depuis un bon nombre d'années, depuis 1980. Et je pense que c'est possible, finalement, grâce à votre rapport, de venir un peu nous sensibiliser sur la réalité de la communauté anglo-catholique au Québec, qui est importante, comme vous nous le disiez tantôt. Et, donc, j'apprécie beaucoup votre présence ici aujourd'hui à l'Assemblée nationale. Merci beaucoup.

Ce que je comprends, c'est que, dans votre rapport, contrairement à la recommandation du rapport Proulx d'enlever le statut confessionnel des écoles, vous, au contraire, votre recommandation, c'est non seulement de garder le statut confessionnel des écoles, mais même d'étendre ce droit à d'autres groupes religieux. Selon la connaissance que vous avez – je pense surtout à la région du Grand Montréal – votre proposition, en pratique, qu'est-ce que vous pensez que ça aurait comme mesure? Et est-ce que ce serait souhaitable comme résultat dans la grande région de Montréal?

M. Murphy (Martin P.): May I answer you in English, sir?

M. Legault: Yes, sure!

M. Murphy (Martin P.): Thank you. I feel more comfortable, thank you. Certainly, in the larger urban areas, it is more likely possible, given the will to... You need to have a critical mass of students to allow school boards to have these different administrative arrangements. So what is possible in one of the new English language school boards – take the English Montreal school board or the Lester B. Pearson school board; it's the one I know best of all... Certainly, there is no reason, I believe, why they cannot continue to have a school that has an English Catholic designation and a school that has an English Protestant designation. And I can think, for example, in English Montréal in particular, there's an critical mass of Jewish students, so you could have a school that has a status of Jewish school.

However, certainly, outside of the larger urban areas, where you don't have... where students are... there's fragmentation, I don't think it is reasonable to expect that we're going to have a whole lot of schools close by with a different status. So, in that case, when students are bussed long distances, it is normal they're going to be bussed and placed in a building that doesn't have to have a status. But I believe that, within that school, there is absolutely no reason, given the will, to respect parents' wishes, to have a program, a course, sometime in the timetable, for Catholic religious and moral instruction. And indeed, at the same time, it could be the Protestant moral and religious instruction and indeed other faiths that are registered from the communities. So it is very possible, given the will.

M. Legault: Mais vous parlez de «critical mass». Quand vous dites: Où le nombre le justifie – on le voit, au Québec, il y a à peu près une centaine de groupes religieux qui ont plus qu'environ 300 personnes – ce serait quoi, le nombre, pour vous, qui représente une masse critique?

M. Murphy (Martin P.): Well, you know, I worked in a school board for 30 years myself and in administration, so I'm very sensitive as well to the problems of organizing the services of a school board. What are the numbers? You know, we have had classes where we've had 12 students. We've had others where we've had 32, you know. And certainly in high school, the number of students who have registered for physics, for example, are many fewer than, let's say, those that have registered for the compulsory courses of English language arts. So, there are all kinds of experiences and models. And I'm saying that...

(16 h 30)

Let me answer you this way, Mr. Minister. In 1980, when I was the directeur de l'enseignement, and the micro-computers were coming in, I wanted our students to have at least an exposure to micro-computers – this is not that long ago, it's 1980 – and, oh! no, it was impossible, we just didn't have time in the timetable, and we don't have the money to do it, and it's just impossible. I said: It is possible. Let us start with a pilot program.

You know, today, we would be cheating students if we didn't give them exposure to micro-computers. And they were able to manage it because there was the determination, and there was a will, and there was the acknowledgement that it was an important investment as a foundation for our students. So, in the same spirit, I'm saying: If Québec society believes that the religious education is an important investment as a foundation to sustain students after they leave us, then the determination, and the will... and the delivery is achievable.

M. Legault: Mais c'est très différent, là, de mettre des ordinateurs dans les écoles. Si je regarde le modèle que vous proposez, vous dites: Dans les écoles, sans statut confessionnel, on offrirait un enseignement religieux pour chaque confession qui en ferait la demande et on ajouterait à ça un cours d'enseignement moral et un programme d'enseignement culturel des religions. Donc, on peut imaginer, par exemple, à Montréal, que l'enseignement moral et religieux, bon, catholique et l'enseignement culturel et l'enseignement moral seraient automatiquement dans la grande majorité des écoles. Et on pourrait même probablement ajouter quelques religions, peut-être, dans certains cas, islamique, judaïque, bouddhique. Est-ce que vous pensez que toutes ces écoles-là pourraient avoir des professeurs bien formés? Et puis, quand on regarde aussi l'impact financier, est-ce que c'est gérable, votre proposition, finalement?

M. Murphy (Martin P.): Yes, I believe so, because in Montréal... We're talking here... and I say: in the larger urban areas. If you have a school that has a confessional status, then it is normal that a high percentage of the students would be registered in that school. Therefore, in the others, if you have another school that doesn't have a Catholic status, then it may be that the students registering in that particular school would not choose the religious education courses and would, consequently, only choose the moral education or the cultural one. I don't say that they should offer moral and culture. This is «moral or», and it can be integrated.

M. Legault: Une dernière question. Actuellement, on offre, dans nos écoles au Québec, deux heures par semaine – deux heures au primaire, deux fois 50 minutes au secondaire – d'enseignement religieux. Vous savez, il y a beaucoup de pression actuellement pour se concentrer sur... pour mettre plus d'heures finalement en français, en anglais, en histoire. Est-ce que vous pensez que c'est pensable de réduire le nombre d'heures qui est consacré à l'enseignement des religions dans nos écoles au Québec?

(Consultation)

Mme Bright (Pamela): It is. Je regrette...

M. Legault: That's fine.

Mme Bright (Pamela): ...my lack of... I'm working on it. I think that there is a question... When we start talking about the confessional aspect, when we start talking about the time aspects and we start looking at the challenges, there is a very important aspect that, I think, is not addressed. That is that, when we have the challenge, in the society, that we are facing which is a pluralism that has never known before in the history of the world, we are facing a new pluralism. The pluralism that faced the 18th century, the pluralism that faced the 19th century is not the same pluralism that faces the 21st century. In the 18th century and the 19th century, the answer to keep a nation together, to keep a land together, to form a society was to silence publicly, in public life, the religious questions that they saw as divisive.

Now, we face a new kind of pluralism in the 21st century. Never before in the history of the world has a society been made up of so many new kinds of citizens coming from so many backgrounds. Is our answer going to be the silence of religion in public life or are we going to face the new challenge and bring these questions right into public life? And from the time a child is in primary school and secondary school, he learns, in public conversation, how to be tolerant, how to be respectful of people spiritual values.

You know, I am not here to fight for confessionality of schools. This is not the question I bring to the council. The question I bring to the council is: Are we going to say that the only way to deal with the question of the religious dimension of humankind is to marginalize it and put it on the outskirts of society, or are we going to look at the creativity that I have seen in Québec society, the ferment of intellectual life? And we have a chance here to say within the public domain and in the educational domain: Can we find a way in which to deal with the enduring religious dimension of what it is to be human, whatever that religious dimension is?

What I would say to you is more important than to discuss how much time here, what kind of confessionality here, is: How do we educate our teachers seriously, with all that has gone on in the last 300 years, how, in the human sciences, which have reached such a stage of articulation as they are here in Québec... We look at the universities that we have in Québec, and I look at the kind of brilliance and the kind of possibilities that we have here. Here, the Proulx report offers us an opportunity to say: What kind of education are we going to go for? As I have said, the 18th century, the 19th century answer: Silence. Or are we going to say: We will educate for the whole person? But we do not want our teachers to be ignorant. We do not want them to be fanatical. We want them to be educated in the deepest, wider sense that is available in Québec society.

That would be the first thing that I would say: let us look to a new moment that really looks to the whole human person, and let us really educate, so that this will be a vision for many educational systems. I believe we have the opportunity to do it and I believe that we have the talent to do it. Thank you.

M. Legault: Peut-être, juste pour reprendre ma question pour être... Je comprends que ma question est très pratique, là, mais, quand même, l'école aujourd'hui a plusieurs défis, des défis religieux, mais des défis aussi dans d'autres secteurs. Est-ce que vous êtes ouverts quand même à réduire le temps pour la religion?

I can repeat it in English. I understand that my question is very practical, but I think that today schools in Québec face many challenges. And my question is: Would you be open to reduce the time allocated to teaching religion in Québec?

Mme Bright (Pamela): I think that that's the question for an educational committee, and an informed and balanced educational committee to speak about. You talk about reduce the time? What are you reducing, and why?

M. Legault: O.K.

(16 h 40)

Mme Bright (Pamela): I think that's a very pratical question: Why do you want to reduce the time?

M. Legault: O.K. Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le ministre. M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Merci beaucoup, Mme la Présidente. M. Murphy, Dre Bright, merci beaucoup pour votre présentation, pour votre présence ici. Et, je dirais, l'évolution que vous démontrez dans votre mémoire nous amène à réfléchir sur plusieurs éléments, dont un qui, selon moi, se retrouve dans vos recommandations. Et, pour moi, ça demeure une question depuis le début de ces consultations-là.

Quand on parle du statut comme tel des structures, est-ce qu'une façon, je dirais, de décomplexifier la problématique actuelle ne serait pas justement qu'au niveau des structures, au niveau du statut comme tel de l'école, oui, on puisse laisser le choix, mais que ce soit un choix de statut de l'école cohérent avec l'enseignement qui s'y donne à l'intérieur? D'une part.

Et d'autre part, est-ce qu'on ne devrait pas davantage mettre l'accent et les efforts sur le contenu de ce qui se donne, de ce qui s'enseigne, du travail qu'il y a à faire pour ouvrir comme tel à d'autres enseignements religieux, que de savoir et d'entrer dans, selon moi, ce qui pourrait devenir extrêmement compliqué, c'est-à-dire le statut confessionnel de la structure comme telle de l'école? Est-ce qu'on ne devrait pas faire une différenciation entre les deux et, à la limite, donner des garanties pour que le statut de l'école comme tel n'ait pas de lien avec l'enseignement qu'on y donne?

Parce que j'ai l'impression qu'on pourrait, à moins d'y arriver avec une révision régulière du statut de l'école comme telle... L'évolution des religions, de la population, les changements démographiques pourraient faire en sorte qu'on se ramasse coincés un peu dans... ou à l'intérieur de l'école, par le choix des parents, les cours offerts évoluent, mais qu'on soit pris avec un statut de l'école qui serait confessionnel, protestant ou catholique ou autre, mais qui, dans le fond, serait plus, je dirais, une restriction théorique que vraiment une solution pratique à ce que l'on recherche, je pense, tous dans cette commission-là, c'est-à-dire: Quel est le meilleur arrangement que l'on peut trouver dans le contenu de l'école pour l'enseignement aux étudiants? Est-ce qu'on ne devrait pas mettre un peu d'ombre sur la question structurelle du statut comme tel et y aller beaucoup plus sur le contenu?

M. Murphy (Martin P.): Well, you know, I can acknowledge that the status is an irritant that, I suppose, administrators would prefer to avoid. However, in a notice in the opening paragraph, we talk about, you know... Things that are important are often based on a vision. And, when you have a vision, you are going to dedicate yourself to see that it is realized. Is it important? The basic, fundamental question.

You know, it's only when we are threatened, here, now, of losing something that we have taken for granted that, I think, the population is discovering that we better wake up and we better declare ourselves. It is only when we lose it that... and then it's too late to try to redeem it.

So, somehow or other, we have to manage to make sure that you people who will obviously ultimately be responsible for the decision related to this, please understand that the expectations of a rich heritage that we don't want to freely abandon... That's number one, as a declaration.

The second one is in terms of the nuisance or the irritants related to having a status of the school and how population shifts, which might require a different arrangement. You know, it may not be a bad thing, because, if you don't have that, it is likely that the system will stagnate, when you don't have a regular evaluation and reading of how you can respond best to the community we serve.

M. Béchard: Dans votre mémoire, vous avez beaucoup de réserve sur la façon dont le rapport Proulx a été élaboré. Et je vous dirais que c'est, en tout cas, je pense, un des mémoires qui interrogent autant et qui se posent autant de questions sur la façon dont la consultation a été menée, dont les membres ont été choisis, dont tout ça a été mis en place.

Est-ce que vous allez jusqu'à remettre en cause, je dirais, la légitimité comme telle du rapport Proulx qui a été présenté dans la façon dont il a été établi? Parce que vous démontrez que, finalement, il n'y a jamais eu de consensus sur cette question dans les différents comités au Québec, et, tout à coup, on arrive avec un rapport qui, oui, fait consensus. Est-ce que vous allez jusque-là?

M. Murphy (Martin P.): Look, we have identified the issues, and we have put the footnotes as the authority. So these are the facts. We represent 240 000 English-speaking Catholics in the Greater Montréal area alone. Now, to our knowledge, we were not invited to even submit a brief. That's number one.

So that, when Mr. Proulx... and I was present when he made his first announcement – it was at Notre-Dame, on April the 30th, I believe – when he claimed that the commission had heard from a wide variety of the public, that over 80 of the largest organizations were consulted. Well, we are pretty large; we weren't! I guess what I am saying is that I would have hoped, we would have hoped that, in looking at, examining such an issue of such importance to Québec society, the committee would have first of all been composed of representatives of the total community. And I am asking the question: Who was the representative named by the Federation des comités de parents de la province de Québec? It's not identified here. That's for an example. Can you imagine examining an issue of this importance and not inviting a true representative named by the duly elected representatives of parents? Number one.

Number two is that one quarter of the members were from the University of Montréal – of the committee. So these are the facts. When they asked for counsel, they asked for two experts whose position is well documented, that we believe have a negative bias towards religion in the schools.

Why didn't the commission ask the English Catholic Community? We certainly have some experts: Dr. Sean McEvenue, Dr. Pamela Bright and others who are international scholars that are teaching at Loyola Campus. And the first time they knew about and saw this was when they got the product. So, you know, yes, I can also say that, if you look at the report on the «sondage», I cannot speak with certainty on how extensive that was, who, what firm, and what reputation it has, and what margin of error they have, and how broadly the sampling was.

What I do know is that I believe that, maybe, within 24 hours, there may be the results of another survey that will answer your question about the relative merits of the statistics, the data that is here, which led to certain conclusions and, ultimately, recommendations. So we can compare that with what you might discover, as I said, within 24 hours.

M. Béchard: Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci. M. le député de Montmorency.

(16 h 50)

M. Simard (Montmorency): Merci, Mme la Présidente. Mme Bright, welcome in Québec. Mr. Murphy, félicitations pour le mémorandum que vous nous avez soumis. Ma question, mon interrogation ne concerne pas la technique, elle est de l'ordre des principes. Si je comprends bien, vous êtes pour un maintien des statuts confessionnels. Or, ma question est toute simple: Peut-on... Parce que l'expression «démocratie» revient souvent dans votre discours. Démocratie, au sens éthymologique du terme, démos et kratos, le pouvoir du peuple dans une perspective, donc, de citoyenneté. Peut-on véritablement, donc, dans une perspective démocratique, avoir une école pour tous, ouverte pour tous alors qu'on maintient des statuts confessionnels?

M. Murphy (Martin P.): Bien, vous voyez que notre position n'est pas pour le statu quo. Notre position préconise une extension des privilèges actuellement consentis, premièrement. O.K.? Deuxièmement, si ce n'est pas possible, partout au Québec, d'avoir des écoles avec un statut, we would support de choisir une école publique sans statut mais avec l'option de l'enseignement religieux pour les étudiants qui sont dans cette école. Parce que, sinon, c'est la question de la démocratie. Il faut que les parents aient le droit de choisir l'école qui répond le mieux à leurs préférences.

And, you know, on this point, I might digress, please, and comment on a recommendation, where we'll find... And it really troubles us very much, because I know that Mr. Proulx, in his travels, wanted to assure people who were concerned that our... He says: While our schools can be secular, the students attending them will still follow the teachings of their religion.

Well, I know parents who left that meeting and felt they had nothing to worry about. Well, certainly, what is proposed, if it's adopted, will be very different from what the parents understood about their children continuing to follow the teachings of their religion. Also, Mr. Proulx says in the report: – excusez-moi, attendez une minute, s'il vous plaît – ...

M. Simard (Montmorency): Prenez votre temps.

M. Murphy (Martin P.): «On doit rédiger avec soin les principes du pluralisme dans une société démocratique.» Non, pardon! «Dans une société démocratique, l'État cherche en outre à répondre aux attentes légitimes des citoyens.» So, if Mr. Proulx and his committee firmly, are sincere about that declaration, then I am optimistic that the recommendations that we have will be observed, because we believe that the parents expect that they will continue to have the choice.

To have religious education after school as a solution, I wish we could turn back the clock so that these eight people would be students and they would have to go into a class at 3:30 p.m. till 4:30 p.m. a couple of times a week every year for their religion course. I wonder how they would feel. Sometimes, we have to place ourselves in the position of others, of how, you know, decisions will affect the people to whom they are directed. I don't think these people, when they were 12, 13, 14, 15 years of age, would have appreciated having gone into the... And all their friends are going out to play football, their other friends are with a yearbook, or a drama, or something else, but: No, I have to go into that room for an hour for religious instruction. What a great motivator! Can you imagine the value of that investment, in terms of the attitude that they will have towards the religion that is being imposed on them? That's how it will be perceived. So we reject that solution completely.

M. Simard (Montmorency): Thank you, Sir. Merci, monsieur.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci. M. le député D'Arcy-McGee.

M. Bergman: Merci, Mme la Présidente. Mr. Murphy and Dr. Bright, I would like to thank you for your presentation. And thank you, Mr. Murphy, for the good work that the English-speaking Catholic Council does in the Province of Québec and your good work, on behalf of the English-speaking Catholic Council.

M. Murphy (Martin P.): Thank you very much.

M. Bergman: You quoted a quote here where you talk about the secularization of education. You say: «Secularize education and you diminish it.» You went on to say: You diminish its power in the eyes of the children, you diminish the dignity of the teachers, you diminish the value of education as such. And then you went on to stress the fragility of the family and the limited personnel of the parishes and that the school is the principal place where youth can find their religious identity and their human development.

There are others who came before us and worried that confessional schools don't actually reflect the diversity of Québec and that confessional schools don't favor the harmonious integration of Québec's citizens into Québec society, into the «projet commun de société». So, you have two divergent points of view. And I'd like to hear your opinion on this matter, as to... We've heard a lot about this in these last few...

Mme Bright (Pamela): Yes, exactly. And it is a very real question and one that we should all agonize over. It is the question of trying to understand what is meant by secularization. You know, the word comes from «saeculum». «Saeculum» means «this world». Now, 300 years ago, 400 years ago, even 100 years ago, «saeculum» was understood in some religious circles as something opposed to religion. This is not the case today. «Saeculum», being in this world, firmly in this world, is not opposed to religion. And, therefore, those in the past who saw secularism as something that excluded religion because religion was narrow and intolerant and divided society, I quite understand their point of view and I understand the historical circumstances in which that view of secularism was expressed.

We are now facing a very different situation. And it calls upon religious teachers to have a broader view of what it is to be a human person, the whole human person. It is to be in this world, to be totally aware and positive to all the values of the «saeculum». Ha, ha, ha! And it also means that, if you value your own faith, then you should respect equally the faith of others. You see, we are in a very different situation. That's why I have insisted upon the importance of excellent training in proper religious education.

Now, this could be very interesting. You could have a very general religious education with a particular specialization, you see. It could be done in Québec society. It could be done without any great problem. I would say that any properly trained religious teacher should promote secularist values. The secularist values, that means that the more you value the kind of faith tradition that you have yourself, the more you should value somebody else's. And so, I see all through the Proulx report an unfortunate dichotomy that is already strangely old-fashioned, that we have a chance to express a new kind of secularism, a new kind of pluralism, a new kind of welding of society that does not say: Be silent about that which you hold dear. Hold it dear, but promote and respect what others hold dear.

So, I would say that I do not... If we were to say: Religion in secular schools, we would have to say: But what is religion, and what is secularity? I don't know whether I have answered your question to the point. Thank you.

La Présidente (Mme Bélanger): Mme la députée de La Pinière.

(17 heures)

Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, à mon tour. Mr. Murphy, Mrs. Bright, thank you very much for coming and sharing with us your thought about this particular subject.

Je suis extrêmement sensible à la situation de la communauté catholique d'expression anglaise, parce que vous êtes doublement minoritaires. Vous êtes minoritaires comme anglophones au sein de la communauté protestante et vous êtes minoritaires comme catholiques au sein de la communauté francophone. Et je suis très sensible à cette réalité parce que j'ai beaucoup de contacts avec les gens de la communauté dans ce domaine.

Je vous ai entendu présenter votre mémoire, répondre aussi aux questions. Et votre position, c'est de dire, au-delà du rejet du rapport Proulx: On veut étendre le modèle des deux groupes majoritaires, historiquement parlant, les catholiques et les protestants, aux autres communautés. C'est des privilèges que vous voulez étendre.

Il y a des gens qui nous ont présenté des mémoires aussi, qui nous ont aussi alertés à cette approche en disant: Si chaque communauté s'organisait pour avoir sa propre école confessionnelle, où serait le lieu de rencontre pour les enfants, pour les jeunes de toutes les origines, que serait l'avenir de l'école publique commune? Parce que c'est un concept sur lequel aussi on réfléchit. Alors, il y a toute cette dimension de l'intégration qui est une préoccupation de la société québécoise depuis plusieurs années. On cherche un moyen pour que les jeunes s'intègrent harmonieusement à la société québécoise. Alors, moi, d'abord mon premier point, c'est ça. Comment vous réagissez par rapport à cet argument?

Et, deuxièmement pensez-vous que l'État, puisque vous voulez que ce système-là soit financé par le gouvernement, va avoir les moyens d'assurer un financement adéquat à tous les groupes qui voudraient se doter d'écoles confessionnelles? Parce que, puisque vous êtes de la région de Montréal, vous n'êtes pas sans savoir que, dès que ça sera annoncé... Vous dites: Là où le nombre le justifie. Moi, je peux vous dire que, si c'est ça, l'approche ou la décision qu'on prend, chacune des communautés va vouloir se doter de ses propres structures scolaires pour enseigner à ses enfants la religion et la culture et la langue, etc. Alors, est-ce que vous pensez que les moyens financiers de l'État sont illimités pour pouvoir répondre à ce modèle-là puis le réaliser?

M. Murphy (Martin P.): Well, I guess there is no likelyhood that I would ever become Minister of Finance...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Murphy (Martin P): ...but if I were, I would make some choices. And there are priorities in terms of what I believe is important in a society, an important investment for our children. And, certainly, the religious education has to be right up near the top. If we ignore it, then the society is going to suffer. So, that is a very important foundation, particularly today, with the children and young adults faced with divergent influences, with contradictions, with crisis that's leading to high suicide rates, and everything. So it seems any time in our history that they needed something to latch on to, something that is precious to them... It is going to be done in the courses of religious education. In terms of people of all cultures, all having to be together and integrated so that there is harmony and they won't be marginalized... I know that's the language that's here.

But, you know, by that logic, then we should bus them all, all from all over and have them come in one building. You know, I mean, they are going to be located in many buildings and they are going to be exposed to all of these different cultures and experiences in this building or in that building. So, you know...

Mme Houda-Pepin: This is not what I meant. I meant a school where all the children, regardless of their religion, could go and belong to that school.

M. Murphy (Martin P.): Yes, O.K.

Mme Houda-Pepin: That's my concern and the concern also which was expressed before us.

Mme Bright (Pamela): This, I think, should be particularly the question for a religious course, that: How do you promote the harmony that does not gloss over differences, but how does a modern society deal with differences? You can deal with them intolerantly or you can deal with them creatively and respectfully. I think it is particularly here that it should be a particular responsibility of the... I'm not looking for a kind of...

La Présidente (Mme Bélanger): ...s'il vous plaît.

Mme Houda-Pepin: Dernière petite question, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bélanger): Mais c'est déjà dépassé, le temps.

Mme Houda-Pepin: Au ministre de l'Éducation: Je voudrais avoir le nombre...

M. Legault: Ce n'est pas moi qui réponds aux questions aujourd'hui, c'est les gens, là-bas. Ha, ha, ha!

Mme Houda-Pepin: Non, je sais, c'est une question d'information. Mme la Présidente, une question d'information. J'aimerais avoir le nombre d'écoles qui se sont ouvertes au Québec, primaires et secondaires, durant les cinq dernières années, par leur statut. C'est une information qui pourrait nous aider. Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): O.K. Alors, Dr Bright et M. Murphy merci, beaucoup de votre présentation.

M. Murphy (Martin P.): Thank you very much for your attention and consideration. Thank you.

La Présidente (Mme Bélanger): Thank you.

(Suspension de la séance à 17 h 7)

(Reprise à 17 h 8)

La Présidente (Mme Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous reprenons nos travaux. Alors, je demanderais à M. Patrice Garant, professeur de droit constitutionnel à la Faculté de droit de l'Université Laval, de bien vouloir s'approcher à la table.

M. le député d'Outremont, voulez-vous aller discuter plus loin? M. le député d'Outremont.

Alors, M. Garant, vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire, qui sera suivi par une discussion entre les membres de la commission. Alors, vous avez la parole.


M. Patrice Garant

M. Garant (Patrice): Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, mes chers amis, je suis Patrice Garant, professeur de droit public constitutionnel, administratif et droit de l'éducation à la Faculté de droit de l'Université Laval depuis, cette année, 33 ans. Il y a un très grand nombre d'années que je m'intéresse aux questions du droit de l'éducation, aux questions des droits et libertés fondamentales, et j'ai travaillé depuis de nombreuses années également dans le domaine des services publics.

Le rapport Proulx et le débat actuel sont, pour moi et, j'espère, pour d'autres juristes de mon espèce, d'un grand intérêt. D'une part, le rapport Proulx rattache sa conception de la liberté religieuse et de l'égalité aux chartes des droits. Le rapport Proulx présente, pour moi, un intérêt particulier parce que, probablement pour la première fois, il met en confrontation la Charte canadienne de 1982 et notre Charte québécoise de 1975. Le rapport Proulx, comme vous le savez, insiste sur la primauté de la Charte canadienne et propose même d'aligner notre Charte québécoise, à son article 41, sur la Charte canadienne et sur la jurisprudence notamment qui se fonde sur cette Charte.

(17 h 10)

Troisièmement, le rapport se rattache par certains côtés à un grand débat d'actualité, qui est le débat identitaire qui a cours au Québec depuis quelque temps. Et d'ailleurs, quand on observe la situation dans un très grand nombre d'États, un grand nombre de pays, notamment européens, on constate que la place de la religion à l'école et surtout à l'école publique est vraiment une composante de la définition de l'identité nationale.

Le rapport Proulx est, à mon point de vue, un excellent rapport, bien fait, mais il ne me convainc pas totalement, pour diverses raisons. Tout d'abord, il me convainc dans la mesure où il est important, je crois, de déconfessionnaliser partiellement le système scolaire, surtout au niveau des structures centrales, de déconfessionnaliser l'école publique dans son statut officiel. Mais il ne me convainc pas lorsqu'il propose la laïcisation intégrale de cette école publique par la disparition de l'enseignement religieux dans l'école publique, en contradiction flagrante, je crois, de l'article 41 de la Charte québécoise.

Et je me présente ici comme défenseur, un défenseur de l'article 41 de la Charte québécoise, qui constitue, pour moi, un élément essentiel et caractéristique du contrat social québécois. Vous avez le texte de mon rapport, qui est peut-être un peu long et qui vous paraîtra peut-être un peu trop juridique. Je soulignerais un certain nombre d'éléments essentiels, et vous commenterez les conclusions auxquelles j'en arrive.

Tout d'abord, le rapport Proulx m'apparaît proposer une solution qui repose sur une vue théorique et dogmatique de l'égalité comme principe normatif essentiel de ce qu'il appelle une démocratie libérale et sur ce que je crois être une vue incorrecte de la neutralité de l'État. Il véhicule donc une conception de la laïcité qui m'apparaît dépassée, dans l'état actuel de l'évolution du droit constitutionnel comparé.

Il insiste sur la primauté de la Charte canadienne au détriment de la Charte québécoise et se met à la remorque, je crois, de la jurisprudence ontarienne, car vous le savez, la Cour suprême n'a pas eu encore l'occasion de se prononcer sur ce problème de la laïcité de l'école publique, de l'enseignement religieux dans l'école publique. La seule jurisprudence canadienne nous provient de la Cour d'appel de l'Ontario et elle a été suivie également par les cours supérieures de certaines autres provinces.

Cette vue théorique et dogmatique de l'égalité comme principe essentiel n'est pas véhiculée dans l'ensemble d'ailleurs de notre paysage constitutionnel. À bien des endroits dans notre Constitution n'apparaît pas cette égalité absolue. Et la Constitution fait de nombreuses exceptions à cette idée d'égalité absolue, que ce soit à l'article 93, qui a été en vigueur, comme vous le savez, pendant longtemps au Québec. L'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, qui concerne les droits des autochtones, ne respecte pas cette égalité absolue. L'article 23 de la Charte crée des droits en faveur des minorités linguistiques, mais non pas de toutes les minorités linguistiques, seules les minorités française et anglophone. Et à bien d'autres égards, d'autres dispositions de la Charte doivent admettre nécessairement des discriminations ou des distinctions, que ce soit, par exemple, en tout ce qui concerne l'égalité eu égard à l'âge. De telle sorte qu'il nous paraît plus utile de considérer que c'est une égalité relative qui doit servir de principe essentiel à une démocratie libérale, compte tenu de son vécu et de ses traditions.

La Cour suprême, d'ailleurs, elle-même l'a reconnu dans un certain nombre de ses arrêts que l'égalité nécessaire pour soutenir la liberté de religion n'exige pas que toutes les religions reçoivent un traitement identique. En fait, la véritable égalité, dit-elle, peut fort bien exiger que les religions soient traitées différemment, et à bien plus forte raison les religions par rapport aux situations où, enfin, il n'y a pas de religion.

La jurisprudence, d'ailleurs, sur l'obligation de l'accommodement ne respecte pas non plus cette conception d'une égalité absolue. On en arrive même à la situation... Et je me rappelais un arrêt important pour le domaine scolaire, qui est l'arrêt Bergevin, où finalement la Cour suprême finit par accorder à des enseignants de religion juive un congé payé de plus par année pour pratiquer leur religion, le jour du Yom Kippur. De sorte que l'idée d'obligation et d'accommodement est là, dans le fond, pour peut-être rétablir une égalité, mais elle ne respecte pas un concept d'égalité absolue.

Cette vue théorique et dogmatique de l'égalité qui devrait exister entre tous les citoyens peut conduire à une obsession de la marginalisation, qui, à mon point de vue, a été adoptée par la jurisprudence ontarienne et qui résiste mal à l'analyse.

D'autre part, le rapport Proulx m'apparaît véhiculer une vue incorrecte de la neutralité de l'État. D'ailleurs, le rapport Proulx reconnaît que cette neutralité égalitaire de l'État n'exige pas que l'État lui-même s'abstienne de toute mesure susceptible de favoriser des groupes religieux. Mais, par ailleurs, le rapport Proulx oublie que ce principe de neutralité, qui se fonde sur une conception de la séparation de l'Église et de l'État, a toujours été conçu au Canada de façon moins rigide qu'aux États-Unis. D'ailleurs, c'est reconnu par les auteurs et la jurisprudence. Au Canada, la neutralité découle du libre exercice de la religion et ne prohibe que les formes d'aide à une ou plusieurs religions qui entraînent des contraintes certaines, des contraintes excessives pour ceux qui n'y adhèrent pas.

D'ailleurs, le concept de neutralité, qui est répandu de plus en plus dans les systèmes constitutionnels européens et chez nous, à certains égards, n'a plus de caractère défensif. Il permet à l'État d'adopter une attitude de respect des différentes traditions religieuses et culturelles.

Donc, l'idée d'un concept de laïcité intégrale est, pour un grand nombre d'auteurs, surtout chez les constitutionnalistes européens, quelque chose de dépassé. Et, à cet égard, je considère que le rapport Proulx paraît anachronique. Il reflète une époque où l'État devait se défendre contre l'envahissement des Églises, ce qui n'est probablement plus guère le cas de nos jours.

Pour ce qui est de la primauté de la Charte canadienne, on se souvient que l'Assemblée nationale a dénoncé l'entrée en vigueur de cette Charte, l'adoption de cette Charte de façon quasi unanime au motif que le Québec possédait déjà sa propre Charte pour régir les domaines de ses propres compétences. Et d'ailleurs, dans la Charte québécoise, on reconnaît manifestement ces mêmes libertés de religion, droits à l'égalité, et il est bien précisé que ces droits et libertés fondamentaux s'exercent dans le respect des valeurs démocratiques et de l'ordre public et du bien-être général des citoyens du Québec.

Donc, cette idée du Québec comme société, et même, pourrait-on dire, société distincte, est prise en compte dans notre Charte, qui, à l'article 41, je le rappelle, reconnaît aux parents le droit d'exiger, dans les établissements publics, que leurs enfants reçoivent un enseignement religieux conforme à leurs convictions. Évidemment, le rapport Proulx rappelle que cet article 41 n'a pas une valeur supraconstitutionnelle au même titre que les premières dispositions de la Charte et que cet article 41 fait référence à des lois qui devraient mettre en oeuvre, naturellement, ces programmes d'enseignement religieux.

Néanmoins, même si cet article 41 ne pouvait, à la limite, être sanctionné judiciairement par voie d'injonction, il reste qu'il s'agit pour l'Assemblée nationale d'une obligation, d'une obligation politique et morale extrêmement importante. Et, tant que subsistera l'article 41, à mon point de vue, l'État québécois n'a d'autre choix que de s'y conformer, sinon cet article ne serait qu'un voeu pieux. Il signifierait que la Charte québécoise consacre en faveur des parents un droit que le législateur ordinaire pourrait, le lendemain, à sa discrétion, accorder ou ne pas accorder.

Cet article 41 nous paraît entièrement légitime parce qu'il peut s'appuyer sur l'article 18, alinéa 4 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, donc un grand texte international auquel le Canada et le Québec ont adhéré. Et, dans ce texte, les États s'engagent à respecter la liberté des parents de faire assurer l'éducation religieuse et morale de leurs enfants conformément à leurs convictions – voyez, on a encore cette expression, «conformité aux convictions».

D'autres États sont allés assez loin, notamment la Belgique, dans sa propre Constitution, à l'article 24. Elle reprend cette obligation pour l'État et, là, elle en fait l'obligation pour l'État de donner le libre choix entre l'enseignement d'une des religions reconnues et celui de la morale non confessionnelle. En Allemagne, la Constitution allemande à cet égard couvre tous les Länder, qui sont compétents en matière d'éducation, comme vous le savez. Et, dans l'article 7 de la Constitution allemande il est prescrit que l'instruction religieuse est une matière d'enseignement ordinaire dans les écoles publiques; elle est dispensée en accord avec les principes des différentes religions.

(17 h 20)

Au Québec, l'article 41 est un peu dans cet esprit. Et je crois que l'article 41 fait partie de ce qu'on peut appeler la constitution du Québec. Et, à mon point de vue, en respectant l'article, en mettant en oeuvre l'article 41, l'Assemblée nationale ne viole pas, ne peut violer l'article 3 et l'article 10 de la même Charte, puisque les dispositions d'une même loi ne sont pas censées se contredire. C'est ce qu'on appelle le principe de la cohérence des lois.

On retrouve une disposition comparable à l'article 41 à l'article 2 du protocole d'un texte très important pour les Européens, les 25 pays qui font partie de l'Union européenne, donc qui sont assujettis à la Convention européenne des droits de l'homme. Et l'article 2 du protocole de cette Convention précise que l'État, dans l'exercice de ses fonctions qu'il assume en matière d'éducation, respectera le droit des parents d'assurer cette éducation et cet enseignement conformément à leurs convictions religieuses et philosophiques.

Cette disposition a été interprétée par les tribunaux compétents que sont la Cour européenne des droits de l'homme de Strasbourg et la Commission européenne, qui était le tribunal de première instance jusqu'à ces dernières années. Et ces tribunaux ont reconnu, certes, que l'État doit favoriser le pluralisme et éviter l'endoctrinement. C'est un peu ce qu'on retrouve dans la jurisprudence canadienne. Mais cette affirmation se situe dans des contextes où il est question du droit de dispense de l'enseignement religieux et moral. Ce qui est interdit pour les États européens, les 26 États européens qui sont assujettis à ce protocole et à la Convention, c'est d'obliger les enfants de prendre part obligatoirement à des cours et à des activités reliés à une religion donnée. Mais, quant au libre-choix, dans un arrêt de 1993, il a été considéré comme légitime dans la mesure où l'obligation est faite aux élèves de choisir – libre-choix, vous voyez – entre le cours d'instruction religieuse et morale, d'une part, et un cours d'enseignement moral, d'autre part.

Alors, au regard de notre article 41, qui parle expressément des droits des parents, je me demande si le rapport Proulx n'a pas assez curieusement pondéré les droits. Voyez, la Cour suprême, dans d'autres arrêts, a consacré le droit des parents d'élever et d'éduquer leurs enfants conformément à leurs convictions. Mais, pour le rapport Proulx, le droit des parents d'exiger un enseignement purement laïc se trouverait à l'emporter sur le droit des parents qui, selon leur conscience, ne peuvent se satisfaire de cette situation, mais exigent que l'enseignement religieux soit intégré à l'école, auquel ils ont le même droit d'accès, et soit intégré conformément à l'article 41 de la Charte québécoise.

Maintenant, le rapport Proulx, à mon point de vue, s'est mis un peu trop à la remorque de la jurisprudence ontarienne de la Cour d'appel. Évidemment, dans mon texte, j'explique l'essentiel de ces deux grands arrêts de la Cour d'appel, le premier portant sur les activités religieuses, la récitation du Notre Père et quelques minutes de lecture de l'Écriture sainte dans les écoles, qui ont été déclarées comme étant contraires à la Charte canadienne, et le deuxième arrêt, qui est l'arrêt Elgin County, où, là, il est question vraiment d'enseignement religieux. Et là la Cour est allée jusqu'à considérer comme absolument incompatible avec la notion d'école publique le fait qu'il y ait un enseignement religieux dans l'école publique. Ce qui est tout de même important.

Évidemment, je me permets de faire la critique de cette jurisprudence de la Cour d'appel de l'Ontario. Ce qu'il est tout de même assez étonnant de constater, c'est que les juges de première instance, qui avaient entendu la preuve relativement à cette... On a lancé l'idée de la marginalisation, que ceux qui ne sont pas d'accord avec les majorités religieuses, etc., se trouvent marginalisés et subissent ce qu'ils appellent un peu l'espèce d'obligation de conformité et que même le droit de dispense ne suffit pas à rendre légitime.

Alors, ce qui était intéressant dans ces affaires-là, c'est que les juges de première instance ont rejeté les poursuites, ont considéré que la loi et les règlements ontariens de même que le programme d'éducation de la commission scolaire d'Elgin ne violaient pas la Charte. Et ce sont les juges de la Cour d'appel qui ont renversé ces décisions-là et, comme je le dis dans mon texte, du haut de leur perchoir, de façon peut-être un peu trop théorique, à mon point de vue, ont considéré qu'il y avait violation de la Charte. Ils ont considéré également que, s'il y avait restriction ou limitation des droits et de la liberté religieuse, ces restrictions ne pouvaient se justifier au regard du fameux article 1 de la Charte canadienne, là, c'est-à-dire qu'elles ne pouvaient pas constituer des limites qui se justifient dans le cadre d'une société libre et démocratique.

Ce qui est important dans ces deux arrêts-là, sur lesquels s'appuie le rapport Proulx, c'est ceci: c'est que les dispositions des règlements prévoyant l'enseignement religieux visent l'endoctrinement. Un peu comme si l'État ontarien visait spécifiquement l'endoctrinement. Ceci est contesté, de nos jours, de plus en plus parce que l'objectif de l'État qui permet le libre choix, par exemple, de l'enseignement religieux, qui permet l'intégration dans l'enseignement religieux dans les écoles publiques... Quel est son objectif? C'est la formation des enfants, c'est la formation des élèves. C'est de leur donner un haut niveau de formation morale et de responsabilité sociale. L'enseignement religieux devient un moyen parmi d'autres.

La Présidente (Mme Charest): Il vous reste deux minutes, M. Garant.

M. Garant (Patrice): Oui, très bien. Il devient un moyen parmi d'autres. Et c'est au niveau de ce moyen. Et, comme ce moyen correspond à une revendication des parents fondée sur la Charte, ce moyen-là, à mon point de vue, devrait être analysé et soupesé dans un contexte tout autre que celui dans lequel la Cour d'appel de l'Ontario l'a conçu. De toute façon, il n'était pas question de l'article 41 de la Charte québécoise, de sorte qu'affirmer comme l'affirme le rapport Proulx que le maintien soit de l'école confessionnelle soit d'un enseignement religieux dans l'école publique ne passerait pas le test d'une censure de la Cour suprême du Canada, c'est fort risqué parce que, à mon point de vue, le contexte est différent. L'article 41 n'existe pas en Ontario.

Et, d'autre part, l'objectif de l'État québécois qui maintiendrait l'enseignement religieux n'est pas d'endoctriner les catholiques, les protestants, les musulmans ou les juifs, mais c'est de permettre aux enfants d'acquérir une formation morale par ce moyen, et ce moyen qui correspond aux revendications légitimes d'un grand nombre de parents. Évidemment, si la majorité des parents québécois – nous sommes en démocratie – n'en voulaient plus de l'enseignement religieux dans les écoles... Mais le rapport Proulx ne m'a pas convaincu que c'était vraiment la situation.

Je termine là-dessus et probablement que...

La Présidente (Mme Charest): Votre temps est presque écoulé, M. Garant.

M. Garant (Patrice): ...je pourrai répondre à vos questions sur d'autres...

La Présidente (Mme Charest): Alors, on peut y aller?

M. Garant (Patrice): Oui, oui, vous pouvez aller en période de questions.

La Présidente (Mme Charest): Alors, je vous remercie, M. Garant. Je donnerais la parole à M. le ministre de l'Éducation.

M. Legault: Oui. D'abord, merci, M. Garant. Merci, j'apprécie beaucoup qu'une personne de votre compétence ait accepté de participer au débat, de nous faire part de ses réflexions. Votre mémoire est très fouillé. Il y a plusieurs facettes intéressantes, entre autres juridiques, mais aussi un aspect pratique. Je pense que vous présentez un compromis qui est intéressant, qui est un peu à mi-chemin, finalement, entre les positions des groupes qu'on peut appeler religieux et la position des groupes qu'on appelle laïcs. D'un côté, vous proposez que soit abandonné le concept d'école publique confessionnelle, donc c'est une proposition qui rejoint les groupes laïcs. Et, d'un autre côté, vous proposez quand même que l'enseignement religieux soit disponible selon la demande des groupes et selon des aménagements raisonnables, lorsque le nombre le justifie, donc on peut penser que cette partie-là pourrait satisfaire certains groupes religieux. Donc, quand on parle de trouver des consensus, des compromis, je pense que c'est un exemple de compromis qui peut être possible. Il peut y en avoir plusieurs autres, là, mais c'est un compromis, quand même, qui est intéressant.

Actuellement, le seul enseignement religieux qui est permis à l'école, c'est l'enseignement religieux catholique ou protestant. Juste pour que je comprenne bien votre point de vue, est-ce que l'enseignement religieux catholique ou protestant serait mis sur le même pied que l'enseignement religieux des autres religions, légalement et pratiquement, dans votre proposition?

La Présidente (Mme Charest): M. Garant.

(17 h 30)

M. Garant (Patrice): Sur le même pied, d'une certaine façon. Il faut tout de même que le législateur intervienne. Et, dans les États où l'on a pratiqué le libre choix, comme en Belgique, on a défini un certain nombre de religions – il y en a six en Belgique – qui se trouvent à avoir un statut particulier, si vous voulez, et on a jugé, le législateur a jugé que ça répondait à une demande raisonnable. Il était possible d'aménager raisonnablement le système scolaire pour répondre à cette demande, donc conformément aux convictions des parents. En Autriche, il y en a trois. Dans certains pays scandinaves, ça varie d'une région à l'autre, mais c'est un aménagement qui est possible.

Comme tout à l'heure, j'écoutais: Est-ce que finalement, s'il y a 200 groupes ou s'il y a... Il y a 2 000 sectes inscrites à Montréal, si chacun arrive... Mais ça, c'est une vue peut-être fort théorique des choses. On sait très bien qu'il y a une continuité qui va se faire: il y a une période de transition, on va partir de la situation actuelle, de nouveaux groupes – comme ça a été fait précisément dans ces sociétés-là – s'ajoutent là où le nombre le justifie. C'est un critère, ça, qui est très important et qu'on peut même constitutionnaliser; il l'est déjà, comme vous le savez, pour les revendications linguistiques en matière scolaire, à l'article 23 de la Charte canadienne. C'est un critère qui est gérable par le législateur et par le gouvernement, et également que les tribunaux, en cas de litige et de conflit, vont apprécier.

M. Legault: Donc, votre critère le plus important, ça serait: Là où le nombre le justifie?

M. Garant (Patrice): Oui, exactement; oui, ça me paraît fondamental.

M. Legault: Et quel mécanisme vous voyez, là? Si je comprends bien, ce serait un mécanisme juridique qui viendrait décider si on a une situation où le nombre le justifie ou non?

M. Garant (Patrice): Je crois que oui.

M. Legault: Oui?

M. Garant (Patrice): Je crois qu'il faut vraiment que, ou le législateur, ou l'autorité réglementaire, le gouvernement, par des règlements, détermine quels critères permettront de dire: Il y aura un enseignement religieux officiel, pris en charge donc par les autorités publiques, en l'occurrence la commission scolaire ou les autorités de l'école.

Maintenant, il y a bien d'autres problèmes auxquels est reliée votre question, parce que ça devient complexe, mais je pense qu'on aurait peut-être intérêt à aller voir dans les États qui ont pratiqué le libre choix, et voir que finalement, ça s'est réglé. Il n'y a pas eu de guerre de religions, par exemple, dans les pays scandinaves, en Allemagne, dans certains länders allemands ou en Belgique; ça a fini par se résoudre, ces difficultés d'aménagement.

M. Legault: D'accord. Maintenant, vous nous dites aussi: «Le droit à l'enseignement confessionnel ne justifie pas l'existence des structures confessionnelles actuelles», et vous suggérez de les remplacer par un office responsable uniquement devant l'Assemblée nationale. Encore une fois, pour que je comprenne bien votre proposition, cet office serait représenté par qui? Est-ce que les religions, les groupes religieux seraient représentés? Quelle serait la représentation du gouvernement? Qui composerait cet office que vous proposez?

M. Garant (Patrice): Bien, je crois qu'il serait plus approprié, comme je l'ai dit, de sortir ce problème de l'enseignement religieux du ministère lui-même et peut-être d'organismes officiels. Cependant, cet office serait un organisme de l'État créé par la loi. Sa composition, vous avez absolument raison, pourrait être diversifiée: l'État pourrait avoir des représentants, le ministère, les principaux groupes religieux pourraient avoir des représentants. Mais je voudrais qu'on en fasse, dans le modèle de nos régies et de nos offices, un organisme autonome responsable directement devant l'Assemblée nationale et non pas devant le ministre de l'Éducation; bien, via le ministre de l'Éducation, à l'Assemblée nationale, mais plutôt un organisme autonome, vous voyez, pour gérer cette grande question de l'enseignement religieux dans les écoles publiques.

M. Legault: Mais, si on essaie de préciser un peu son mandat, jusqu'où irait son mandat?

M. Garant (Patrice): Le mandat serait probablement le même que la direction de l'enseignement religieux catholique et protestant du ministère actuellement, combiné avec celui du Comité catholique et du Comité protestant, et probablement également superviser comment les commissions scolaires géreront la mise en oeuvre de ce libre choix et la dispense, enfin, de l'enseignement religieux – parce qu'il n'y aura pas uniquement catholiques et protestants, il y aura peut-être d'autres grands courants religieux qui demanderont un enseignement – pour ne pas que ce soit la pagaille, M. le ministre.

M. Legault: Une dernière question. Vous nous parlez dans votre mémoire de «neutralité positive». Bon. Vous dites que «ça permet à l'État contemporain de soutenir les valeurs religieuses qui constituent un enrichissement culturel collectif». Est-ce que vous pourriez nous expliquer un petit peu plus cette idée de neutralité positive?

M. Garant (Patrice): La neutralité positive est ce que, chez certains auteurs, on a appelé en Europe également la «laïcité ouverte». C'est que l'État naturellement ne fait pas abstraction des valeurs religieuses dans la société, de l'apport considérable, tant au plan culturel qu'à d'autres plans, qu'au plan social, des religions.

À cet égard, l'attitude des cours ontariennes a été très critiquée par les auteurs de droit constitutionnel. Et même aux États-Unis, l'attitude de la Cour suprême des États-Unis, qui à cet égard est assez neutralisante, a été fort critiquée parce qu'on considère que c'est, pour l'État, se priver de l'apport des religions dans notre société et dans le domaine de la transmission des valeurs par l'école. C'est s'appauvrir, suivant ces auteurs, et je pense que ça correspond vraiment peut-être à une critique qu'on peut faire à la laïcisation intégrale. C'est pour l'État, c'est pour la puissance publique, s'appauvrir que de se priver de la dimension religieuse qui a un lien très fort, suivant les convictions d'un grand nombre de personnes, avec la transmission des valeurs morales, vous voyez. Et, à cet égard, même sur le plan juridique, on constate qu'un compromis possible entre la transmission des valeurs religieuses et les valeurs culturelles dans l'école publique peut être un enrichissement pour l'école publique, comme service public essentiel dans la société.

M. Legault: Mais quand vous faites le parallèle avec la laïcité ouverte, un traitement positif puis un traitement ouvert, c'est différent. Est-ce que vous allez jusqu'à donner un rôle d'intégration? Jusqu'où ça va, la question positive, la partie positive de votre proposition?

M. Garant (Patrice): Lorsqu'on a employé l'expression «positive», on l'a utilisée, par exemple, pour le financement d'un grand nombre d'activités par l'État, qui peuvent avoir une connotation religieuse. Quand on voit en France, par exemple, que c'est l'État français qui entretient toutes les églises, les cathédrales, etc., ça fait partie du domaine public, ça émarge au budget de l'État. Il y a même actuellement toutes sortes d'astuces qui sont arrivées. On a vu, à un moment donné, je ne sais pas, une ville construire un centre culturel à l'intérieur duquel il y avait une mosquée.

On a vu une cathédrale... Parce que les nouvelles églises, depuis 1905, ne sont plus à la charge de l'État, mais on a construit une nouvelle cathédrale dans un nouveau diocèse, et puis, comme par hasard, des millions sont allés pour la construction de cette église-là parce qu'on avait réussi à faire un musée national avec la cathédrale. Donc, cette neutralité positive même de l'État français, vous voyez, ça se traduit souvent par des mesures financières extrêmement importantes. Mais, ça n'irait pas, à mon point de vue... J'éviterais l'intégration.

Il devrait y avoir, malgré tout, pour l'enseignement religieux, une séparation. L'enseignement religieux fait partie du curriculum officiel de l'école, mais, contrairement à la situation actuelle, moi, je ferais tout de même une distinction entre l'enseignement religieux qui fait partie, disons, du curriculum normal de l'école, mais ça ne fait pas partie du projet éducatif de l'école, à mon point de vue. Le danger de l'officialisation, disons, de l'école confessionnelle avec un projet éducatif qui véhicule des valeurs, c'est que cette école-là finalement se met, par ses valeurs, à mélanger un petit peu beaucoup de choses de sorte que le projet éducatif, la transmission des valeurs puis l'enseignement de toutes les matières peuvent être imprégnées des valeurs religieuses d'une religion donnée, alors que je ferais davantage une séparation entre l'enseignement religieux, d'une part, et le reste de l'enseignement dans l'école publique, qui est un enseignement laïque, qui ne devrait pas être imprégné de valeurs religieuses, que ce soit l'enseignement de l'histoire, l'enseignement de la philosophie, l'enseignement de la grammaire ou quoi que ce soit, vous voyez.

M. Legault: Mais, juste pour être bien clair, est-ce que cet enseignement ferait partie du programme?

M. Garant (Patrice): Oui, parce que si vous ne le faites pas, s'il n'en fait pas partie, il est un peu dévalorisé, puis on tombe un petit peu dans la solution ontarienne. La solution ontarienne, elle ne l'intègre plus, mais il est possible, après l'école, que les locaux puissent servir aux diverses confessions religieuses pour qu'on donne de l'enseignement religieux. Ce n'est pas vraiment ça, la théorie du libre choix. La théorie du libre choix veut que l'enseignement religieux soit intégré dans le curriculum, mais bien identifié comme enseignement religieux, en ce sens qu'il ne transpire pas sur le reste des enseignements de l'école qui reste laïques à certains égards. À ces égards-là.

M. Legault: Encore une fois, merci beaucoup, M. Garant. Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. le ministre. Maintenant, M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

(17 h 40)

M. Béchard: Merci, Mme la Présidente. M. Garant, merci pour votre mémoire qui, je pense, fera partie dorénavant des éléments de référence et d'outils importants à toute la réflexion que nous avons sur la question de la place de la religion à l'école. Moi aussi, à la page 19 de votre mémoire, quand il est question de neutralité positive et active, vous m'amenez plusieurs questions, dont celle... On parle beaucoup de cette neutralité-là qui peut se traduire de différentes façons. Mais toute la notion... Jusqu'où on peut aller dans cette neutralité positive là pour vraiment donner le choix aux parents avec la fameuse notion d'accommodement raisonnable? Où se situe le début et la fin de ces accommodements raisonnables pour une école, pour une commission scolaire, pour un conseil d'établissement? Et, quand on parle d'ouvrir à différentes religions et du nombre de demandes qu'il pourrait y avoir, la notion d'accommodement raisonnable est la ligne que l'on va tracer. Comment on peut arriver à trouver à la fois une notion d'accommodement raisonnable qui ne soit pas incompréhensible et qui ne varie pas non plus, qui ait une certaine valeur au niveau des références qu'on y apportera?

M. Garant (Patrice): Ça soulève – je pense, vous le mentionnez au moins implicitement – un défi. Il faut en arriver à un certain consensus social là-dessus. Il est évident que l'application de la théorie du libre choix va exiger qu'on détermine, un peu comme ça a été fait en Belgique, un certain nombre de religions. Évidemment, ça va se faire après des discussions avec les différents groupes. Il ne faut pas que ce soit trop laissé un peu à la discrétion de chaque école, de chaque commission scolaire.

Il va falloir que, comme collectivité, comme société, on fixe des grands paramètres d'une part et que ce ne soit pas laissé vraiment trop à la discrétion des humeurs des différents groupes, etc. Mais je ne suis pas capable de vous répondre: Qu'est-ce qu'il va falloir mettre dans la loi ou dans le règlement qui aménagera l'organisation des enseignements religieux? Il y en aura. Est-ce qu'il faudra fixer – sûrement – des seuils quant à la demande d'une part? Également, au-delà de ce seuil, la question des ressources, je crois, et la question de la disponibilité probablement des ressources humaines. Et si, par exemple, dans certains quartiers, on veut avoir un enseignement religieux musulman, il va falloir, après avoir établi des critères, qu'on puisse trouver des enseignants qui...

M. Béchard: Et peut-être l'organisme qui pourrait justement gérer cette notion...

M. Garant (Patrice): Ce serait cet office autonome naturellement, qui...

M. Béchard: Cet office pourrait être l'outil de référence et...

M. Garant (Patrice): C'est ça, qui aurait une crédibilité auprès du gouvernement, auprès de la collectivité, l'ensemble des groupes religieux, et qui, lui, finalement pourrait, étant responsable devant l'Assemblée nationale, faire des choix, faire des orientations.

M. Béchard: Parce que, dans le fond, quand on regarde la situation de la place de la religion à l'école et l'application de votre solution, on voit que déjà la Loi sur l'instruction publique prévoit, à l'article 5, qu'un élève a le droit de choisir l'enseignement moral et religieux d'une confession autre que catholique ou protestante lorsqu'un tel enseignement est dispensé à l'école. C'est vraiment de l'offrir, parce qu'au niveau légal

l'article est là pour le prévoir.

Il y a l'article 41 qui prévoit le choix des parents, et j'aime beaucoup l'approche que vous donnez à l'article 41. Et je vous dirais que, pour moi, qui suis un jeune député et qui regarde cet article-là, je n'avais pas fait le lien avec toute la question identitaire et la question historique, juridico-historique par rapport à la Charte canadienne et au symbole que peut représenter l'article 41. Et donc, pour tous ceux qui voudraient modifier ou enrayer une certaine partie de l'application de l'article 41, il y a là un aspect beaucoup plus large que de simplement vouloir laïciser ou non l'enseignement religieux. Et là-dessus, je vous dirais que ça amène aussi en même temps une réflexion que l'on doit avoir, je crois, sur...

On a parlé beaucoup de trouver une solution qui correspondait vraiment aux besoins des Québécois et Québécoises, aux besoins de la situation spécifique que nous vivons ici. Étant donné que les articles sont déjà là, quand on pense à ça froidement, il ne manque pas grand-chose, il manque juste d'offrir. Et où je veux venir, sur l'offre, le rapport Proulx propose un enseignement culturel des religions. Les gens disent: Ça serait aussi compliqué de mettre en place un cours neutre d'enseignement culturel des religions que finalement ouvrir à d'autres religions. Est-ce que vous êtes de cet avis-là? La notion de neutralité du cours comme telle au niveau juridique, quelles sont ces zones grises?

M. Garant (Patrice): Absolument. Et ça me rappelle une affaire qui s'est produite devant la Cour européenne à propos des fameux cours d'éducation sexuelle au Danemark. Il y a des parents qui prétendaient que ce cours-là, qui était un cours obligatoire puis qui n'était pas identifié comme cours de religion, heurtait leur liberté de conscience et de religion. Ça devient extrêmement complexe.

Et on pourrait critiquer un enseignement soi-disant objectif culturel des religions de la même façon. Bon nombre de parents vont dire: De la façon dont c'est présenté, ça heurte mes convictions religieuses. L'enfant arrive de l'école aujourd'hui, il a entendu parler de l'hindouisme et puis là il veut qu'on change de religion. Le lendemain, il entend parler des musulmans puis il veut devenir musulman, etc. Et surtout au niveau primaire. Je ne sais pas comment les experts ont vu ça, mais, moi, en lisant ça et comme parent – et fort heureusement que mes enfants sont maintenant grands – je n'aurais pas voulu qu'ils passent, disons, dans un système pareil. Et surtout au niveau primaire. Au niveau secondaire, bien là, peut-être que là l'élève a un peu plus de recul. Mais vous avez absolument raison. Je suis absolument d'accord avec vous.

M. Béchard: Un élément que vous n'avez pas eu le temps d'aborder beaucoup, tout l'aspect de l'école privée confessionnelle.

M. Garant (Patrice): Oui.

M. Béchard: Si on y va dans un système comme le rapport Proulx le propose, c'est-à-dire un cours d'enseignement culturel des religions, la grande question est: Qu'est-ce qu'on fait avec les écoles privées? Est-ce qu'on leur permet de continuer un enseignement confessionnel? Est-ce que, comme d'autres groupes l'ont suggéré, on vise à faire en sorte qu'il n'y ait plus d'enseignement confessionnel, point? Parce que, l'aspect discriminatoire... Et là, à partir du moment où un parent, selon mon humble avis, peut payer pour envoyer son enfant dans une école privée, là où il y a un enseignement confessionnel, indirectement, comment ça peut se plaider et comment ça peut se justifier au niveau des Chartes?

M. Garant (Patrice): Vous avez raison. La Cour suprême a dit, dans le fameux arrêt Adler, à propos du financement des écoles privées en Ontario, que la Constitution ne prévoit pas le financement public, le financement par l'État des écoles privées, et y compris les écoles privées confessionnelles. De sorte que les parents qui n'auraient que l'école privée pour satisfaire leurs convictions... Si, comme parent, moi, je veux que mes enfants aient un enseignement religieux, protestant ou catholique, et que je ne me satisfais pas de cet enseignement culturel des religions, je n'ai que le secteur privé. Alors, le secteur privé n'est pas protégé par la Constitution. L'État québécois n'est pas obligé. Il le fait actuellement, et est bien généreux, il finance le secteur privé, mais... Et ces parents-là se sentiraient l'objet d'une véritable discrimination. Il finance l'école publique, qui est contraire à leurs convictions religieuses, et, d'autre part, ils sont obligés de payer, partiellement au moins, parce que l'État les finance non pas à 100 %, payer des fois même beaucoup, pour satisfaire leurs convictions religieuses, à l'école privée. Il y a vraiment une situation qui est difficile à concilier avec l'esprit des Chartes, l'esprit d'égalité, évidemment dans le respect des convictions religieuses.

M. Béchard: Donc, à ce moment-là, si le gouvernement décidait d'y aller avec une solution qui est celle du rapport Proulx, il devrait étendre cette solution-là aussi aux écoles privées parce qu'il y a un potentiel de discrimination. Ou comment on pourrait...

M. Garant (Patrice): Oui. Puis le danger aussi, c'est que le gouvernement devrait penser qu'il se pourrait qu'un bon nombre de parents, surtout les parents catholiques, se tournent davantage et renforcent considérablement le secteur privé au détriment du secteur public, ce qui pourrait constituer pour la société québécoise un appauvrissement considérable, parce qu'après tout on est tout de même une petite société. On ne peut pas, comme en France, se permettre... L'État français subventionne presque à 100 % le secteur privé maintenant, mais le secteur privé français, c'est 25 % de la population scolaire dans un État de 60 000 000, ça se justifie. Mais au Québec, renforcer considérablement le secteur privé, ce serait probablement un désastre national, à mon point de vue. J'ai été un défenseur de l'école publique toute ma vie et je crois que l'école publique, c'est précieux pour la société québécoise. C'est pour ça que finalement ma théorie du libre choix, c'est pour maintenir l'école publique dans la force qu'elle a et lui permettre de véhiculer des valeurs qui s'enracinent depuis longtemps.

Et je cite Charles Taylor. À mon point de vue, une des trois caractéristiques de la nation, de la nationalité, c'est notre rapport à l'histoire. Notre rapport à l'histoire, comme Québécois, c'est beaucoup de religion. Fort heureusement, on en est sorti, mais il reste qu'on a tout de même des racines religieuses extrêmement profondes, et je pense que ça fait partie de notre culture québécoise, cet apport considérable des religions.

M. Béchard: Juste une dernière petite question, pour être bien sûr, sur l'aspect de la confessionnalité, des structures par rapport au contenu: Selon vous, il y a moyen de maintenir dans le contenu, dans les cours, dans l'offre, une certaine confessionnalité, et il n'y a pas de lien direct avec le statut de l'école, le statut de la commission scolaire ou le statut... on peut faire cette démarcation-là sans problème et sans autre garantie? Parce qu'il y a des groupes qui disaient: Oui, on serait ouvert à avoir une offre religieuse plus large; cependant, on veut certaines garanties aussi au niveau du statut confessionnel ou non de l'école. Selon vous, il n'y a pas vraiment...

(17 h 50)

M. Garant (Patrice): Évidemment, moi, je suis contre le fait que l'école ait un statut confessionnel. Tout comme nous sommes passés de commissions scolaires confessionnelles à des commissions scolaires neutres, il est possible que l'école elle-même acquière un statut de neutralité mais que, par d'autres mécanismes, d'autres moyens, on assure l'enseignement religieux dans cette école laïque. Il est évident que ça supposera une attitude de respect de la part des directions d'écoles, etc., et des commissions scolaires, mais il reste que c'est gérable, à mon point de vue.

M. Béchard: Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. le député de Kamouraska-Témiscouata. Maintenant, le député d'Anjou.

M. Lamoureux: Oui. Merci, Mme la Présidente. Merci, M. Garant, pour non seulement votre mémoire qui nous éclaire beaucoup, mais pour la clarté de votre exposé, ici, aujourd'hui. Vous avez parlé tout à l'heure de la question identitaire. Moi, je veux revenir sur l'aspect de l'utilisation de la clause «nonobstant». Je pense que vous faites référence, à la toute fin de votre mémoire, au fait que, pour vous, il serait important... «Pour éviter toute contestation, nous croyons que l'Assemblée nationale devrait maintenir la clause "nonobstant".»

Je trouve ça intéressant parce que, du moins les groupes qu'on a entendus jusqu'à présent, ceux qui prônaient l'utilisation d'une clause «nonobstant» proposaient ni plus ni moins qu'un statu quo. Vous arrivez, vous, aujourd'hui, avec une solution qui se démarque à bien des égards de ce qui a été proposé, mais, malgré tout, vous soutenez que l'Assemblée nationale devrait néanmoins recourir à la clause «nonobstant».

Ma question là-dessus est relativement simple: Compte tenu de la solution que vous proposez – contestation: peut-être il y aurait contestation devant les tribunaux – est-ce que vous ne croyez pas, d'une part, que les tribunaux maintiendraient l'approche qui serait choisie si, par exemple, on prenait l'approche que vous proposez? Autrement dit, que le gouvernement ou que l'État aurait gain de cause devant les tribunaux parce que sa solution s'inscrit à l'intérieur des limites raisonnables qu'on peut avoir? Et est-ce que vous ne croyez pas justement, compte tenu de la question identitaire et de tout ce qui est relié à ça, qu'au moment où on se parle, comme société, ça ne serait pas un message à envoyer que de dire: En 1999, en l'an 2000, au Québec, on a décidé d'un commun accord d'aller dans une direction, d'adopter une nouvelle approche au niveau de la place de la religion à l'école, et que, comme société, collectivement on est suffisamment à l'aise avec ça et qu'on ne se sent pas le besoin de recourir justement à la clause «nonobstant» parce qu'on est suffisamment confiants en nous que la solution qu'on a proposée, qu'on met de l'avant, respecte les droits de tous les Québécois et de toutes les Québécoises?

M. Garant (Patrice): J'ai été très tenté de penser comme vous et de l'écrire, effectivement. Parce que, comme beaucoup de constitutionnalistes, on n'aime pas tellement la clause «nonobstant» parce qu'elle est perçue, elle a été perçue comme quelque chose qui est un peu contraire à la philosophie des droits et libertés. Cependant, dans le contexte canadien... Et là je l'ai entendu à un congrès international, cet été, puis j'ai parlé avec plusieurs constitutionnalistes étrangers qui ne la considèrent pas si bête que ça. Parce que finalement, la clause «nonobstant», ce n'est pas une autorisation donnée au Parlement, à l'Assemblée nationale, de violer les droits et libertés fondamentales, ça vise – et ça a été voulu comme ça en 1982 – une espèce d'équilibre entre le Parlement et le pouvoir judiciaire. Et, comme le Parlement qui adopte la clause «nonobstant» ne peut pas le faire de façon indéfinie, ne peut le faire que pour cinq ans et c'est renouvelable, entre-temps... Et les cinq ans du renouvellement coïncident avec les cinq ans du renouvellement des Parlements, et c'est finalement le peuple, la population...

Il s'agit de lire le fameux avis de la Cour suprême sur la sécession du Québec, on insiste beaucoup sur la démocratie. Et notre régime démocratique repose sur le choix de la population, finalement; c'est la population, en dernier ressort, qui est l'arbitre suprême. Et à cet égard, je considère que la clause «nonobstant» a plutôt comme objectif de suspendre momentanément le contrôle judiciaire que de légitimer des restrictions aux droits et libertés fondamentales. Si l'Assemblée nationale du Québec décide que c'est ça, notre choix de société, je pense qu'elle offre des garanties et l'ensemble des moyens qu'on va respecter dans une société démocratique, tout autant que la plupart des sociétés européennes, les droits et libertés et l'égalité des citoyens.

Et c'est un peu pour ça que finalement, par une espèce de mesure de sauvegarde, pour éviter des débats interminables devant les tribunaux, je préférerais la clause «nonobstant» parce que, à mon point de vue, la clause «nonobstant» n'est pas déshonorante. À cet égard, j'ai dirigé une thèse de doctorat de quelqu'un qui est fonctionnaire au ministère de la Justice, et qui porte précisément sur la légitimité du contrôle constitutionnel, et qui parle beaucoup de la clause «nonobstant» et de cet équilibre entre Parlements et tout, et ça m'a convaincu, depuis ce moment-là, que ces clauses-là ne sont pas déshonorantes et que les Parlements, le législateur, pourraient les utiliser, non pas tous les jours et non pas pour toutes les fins, mais quand il s'agit d'un choix de société aussi fondamental que ce qu'on propose, on ne devrait pas avoir honte de le faire, pour éviter des contestations judiciaires, et se retourner vers la population et dire: Bien, écoutez, ce gouvernement, qui l'a proposé à l'Assemblée nationale, dans quatre ans, il va retourner puis il sera jugé là-dessus.

M. Lamoureux: Dans le fond, ce que je crois comprendre, c'est que, pour vous, la clause «nonobstant», dans le débat qui s'offre devant nous, c'est simplement une mesure de précaution pour éviter qu'on aille devant les tribunaux.

M. Garant (Patrice): Exactement.

M. Lamoureux: Parce que vous semblez relativement confiant que la solution que vous proposez, si elle était étudiée par les tribunaux avec les critères qui ont été établis au cours des dernières années, vous seriez probablement assez confiant du résultat.

M. Garant (Patrice): Oui. Je serais plus confiant avec la clause «nonobstant». J'irais me battre en Cour suprême pour défendre le Québec là-dessus. Mais la Cour suprême quelquefois, comme disait un ancien premier ministre, même en matière de Chartes, est des fois surprenante. Et le juge en chef récemment a dit qu'il était un libertaire. Et je me méfie des fois des libertaires parce que, dans le dictionnaire, un libertaire, c'est quelqu'un qui défend de façon absolue les droits et libertés. Synonyme du dictionnaire: anarchiste. Alors, je me méfie un tout petit peu.

M. Lamoureux: Parfait. Merci beaucoup, M. Garant.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. le député d'Anjou. Maintenant, Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci, Mme la Présidente. Il nous reste combien de temps?

La Présidente (Mme Charest): Vous pouvez commencer, on va vous le dire. Deux minutes, Mme la députée.

Mme Houda-Pepin: D'accord. Très bien, merci beaucoup. Alors, M. Garant, merci de nous avoir instruits. Vous avez cité l'exemple de la Belgique qui a trouvé un accommodement pour inscrire au menu certaines religions. Ici, au Québec, où on a une centaine de religions, sur quels critères est-ce qu'on doit se baser pour dire que telle religion ou telle autre doit être enseignée au détriment des autres? Est-ce que c'est sur la base de la population, est-ce que c'est sur la base des adhérents qui sont inscrits à l'école ou est-ce que c'est sur la base, par exemple, d'un critère sélectif pour dire: les grandes religions puis... En tout cas, éclairez-moi là-dessus.

M. Garant (Patrice): Dans les États qui ont fait... Ça a été le critère, tout d'abord, des grandes religions, incidemment, parce que c'est lié, tout de même à...

Mme Houda-Pepin: L'histoire.

M. Garant (Patrice): ...bien d'autres problèmes, là: l'organisation, l'aménagement, les ressources qu'il faut, etc. C'est un peu ça. Donc, un choix a été fait, un choix social est fait, qui semble être respecté parce que la loi belge n'a pas été contestée ni devant la Cour européenne ni devant la Cour constitutionnelle belge, de sorte qu'il est possible d'en arriver à cela. Bien, vous allez me dire: 200 religions. Il est évident que les 200 religions n'ont pas toutes, sur le plan culturel, sur le plan de la tradition, sur le plan des ressources, etc., le même statut; donc, il faut faire un choix. La liberté de choix, d'un côté, va exiger qu'on fasse un choix social. Si on ne veut pas le faire, bien qu'on adopte la laïcité intégrale, mais je pense qu'on a la maturité pour le faire dans le respect de traditions importantes.

La tradition canadienne et québécoise a été de respecter les grandes religions, que ce soit les religions juives... et maintenant les grandes religions. Il y a le respect aussi des religions moindres, d'importance moindre, dans d'autres législations et à d'autres égards. Mais pour les fins de l'enseignement public, de l'enseignement dans l'école publique, il va falloir tracer des balises, et c'est possible de le faire.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. Garant. Le temps étant écoulé, j'ajourne les travaux de la commission de l'éducation sine die. Merci.

(Fin de la séance à 18 heures)


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