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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le jeudi 18 novembre 1999 - Vol. 36 N° 17

Consultation générale sur la place de la religion à l'école


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Table des matières

Auditions


Intervenants
Mme Madeleine Bélanger, présidente
Mme Solange Charest, vice-présidente
M. François Legault
M. Claude Béchard
Mme Lucie Papineau
Mme Margaret F. Delisle
M. Gilles Labbé
M. Lawrence S. Bergman
M. Serge Geoffrion
M. Jean-François Simard
*M. André Gaumond, AEQ
*M. Maurice Couture, idem
*M. Jean-Pierre Blais, idem
*M. Jean-Claude Turcotte, idem
*M. David N. Oliver, Église anglicane au Québec
*M. Walter Raymond, idem
*M. Barry Mack, L'Église presbytérienne au Canada
*M. Fouad Ajami, idem
*Mme Barbara Trigger, idem
*M. Jean-Marc St-Jacques, CRCQ
*Mme Céline Beaulieu, idem
*M. Jocelyn Aubut, ACSFPQ
*M. Marc Fournier, idem
*M. Maurice Roy, AQCSEC
*Mme Claudette Filiatrault, idem
*M. Jean-Marie Picard, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures trente-cinq minutes)

La Présidente (Mme Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaît! Je déclare la séance de la commission de l'éducation ouverte. Le mandat de la commission est de procéder à une consultation générale et tenir des auditions publiques sur la place de la religion à l'école.

Est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Il n'y a pas de remplacements, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci. Alors, les invités sont déjà rendus. Je voudrais vous faire part de l'ordre du jour. Ce matin, nous recevons l'Assemblée des évêques du Québec de 9 h 30 à 10 h 30; ensuite nous aurons, à 10 h 30, l'Église anglicane au Québec; à 11 h 30, L'Église presbytérienne au Canada; et, à midi trente, il y aura suspension.


Auditions

Alors, nous vous souhaitons la bienvenue et vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire qui sera suivi d'un échange avec les membres de la commission: 20 minutes du côté ministériel et 20 minutes du côté de l'opposition.

Alors, je demanderais au porte-parole de se présenter – même si on les connaît bien – et de présenter les personnes qui l'accompagnent. C'est pour les fins du Journal des débats .


Assemblée des évêques du Québec (AEQ)

M. Gaumond (André): Alors, merci, Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes et MM. les députés. Mon nom est André Gaumond. Je suis l'archevêque de Sherbrooke; je serai le porte-parole.

Je suis accompagné de l'évêque de ce lieu, l'archevêque de Québec, Mgr Maurice Couture; de l'archevêque de Montréal, M. le cardinal Turcotte; de même que de Mgr Blais, qui est évêque auxiliaire, ici, à Québec.

Nous vous remercions de nous recevoir, ce matin, à l'occasion de cette commission parlementaire. Notre mémoire a comme titre, vous l'avez vu, L'éducation religieuse au service des jeunes . Le service des jeunes, c'est, bien sûr, la justification du mémoire que nous présentons. C'est la justification aussi des options que nous défendons, et cela, depuis toujours. L'école est, en tout cas, doit être au service des jeunes et, par eux, de toute la société.

Les orientations et les structures touchant la place de la religion à l'école sont remises en question. Ces remises en question reviennent de façon régulière et cadencée au moins depuis la création du ministère de l'Éducation. C'est normal, c'est sain. L'école est au service de la vie, est une réalité de la vie et, bien sûr, évolue avec la vie. Hier soir, ensemble, nous notions, nous, du groupe ici, que c'est sans doute un des sujets qui ont occupé le plus de place dans notre travail d'évêques depuis que nous sommes évêques, un certain nombre d'années.

L'Église, par ses membres, par les divers groupes qui la composent et aussi par la voix de ses responsables, a collaboré avec toutes les instances impliquées lors de ces diverses remises en question, en particulier, bien sûr, les instances du ministère de l'Éducation.

L'objectif de notre implication dans ce dossier n'a pas été de maintenir ou de sauver des privilèges mais bien de servir la société, de servir les jeunes du mieux que l'on peut, et c'est encore ce qui nous motive aujourd'hui.

Les enjeux de la présente remise en question sont nombreux. Vous êtes familiers avec l'ensemble, j'en retiendrais quelques-uns. Il nous faut, actuellement, bien lire la situation de notre société actuelle. Il y a plusieurs choses qui changent. Pensons, par exemple, à l'augmentation rapide du pluralisme dans la société mais même à l'intérieur de notre Église, mais il y a aussi des éléments de permanence. Pensons à la propension des Québécois – si je peux m'exprimer ainsi – pour les révolutions lentes, les révolutions tranquilles, mais les révolutions qui sont efficaces, puisqu'elles nous permettent de maintenir la paix.

(9 h 40)

Dans les enjeux qui sont en cause dans la remise en question actuelle, il y a le respect des convictions des citoyens. Il faut être bien arrimé à la vie réelle des gens d'ici et essayer de bien percevoir ce qu'ils désirent pour leurs enfants, pour la société et, de notre côté, nous ajoutons aussi pour l'Église. Il faut – c'est, je pense, bien acquis – se situer dans le respect des droits fondamentaux et de tous les droits, ceux, bien sûr, des individus, et nous sommes dans un régime qui est un régime de droit qui est bien outillé pour le respect des droits individuels, mais j'ajoute aussi le respect des droits des communautés, des collectivités. Et nous sommes tous conscients que les discussions qui ont cours actuellement sur la place de la religion à l'école nous projettent dans cette perspective des droits, je le répète, non seulement des individus, mais aussi des communautés.

Et un autre enjeu qui me semble important, c'est celui du respect de la personne réelle, d'ici, au Québec, dans son identité comme personne et dans les divers éléments qui façonnent cette identité, mais aussi dans son histoire, qui donne à cette personne son apport déterminé à la vie de notre société.

Dans la perspective de ces enjeux, nous nous situons, vous l'avez noté à la lecture de notre rapport, résolument dans la perspective confessionnelle, parce que – je mentionnerais, dans un premier temps – la formation religieuse nous semble un élément important dans la formation globale de la personne. Non seulement une formation religieuse indifférenciée, si je peux m'exprimer ainsi, mais la formation et l'habilitation à un donné religieux particulier. Dans notre histoire à nous, ça devient un donné confessionnel. Pour nous, pour la grande majorité des gens d'ici, nous le savons, c'est le christianisme. Notre société a été marquée de bout en bout par le christianisme, de telle sorte que celui-ci se trouve au fondement de l'identité de la société civile et marque très profondément la culture de celle-ci.

Nous nous situons dans la perspective confessionnelle aussi parce que cela correspond à la volonté des parents. Le respect du choix des parents en regard de l'école a été la base – du moins, une des bases – de toutes nos interventions récentes concernant la confessionnalité et concernant les orientations de l'école. Non pas que les parents soient les seuls intervenants légitimes lorsqu'il s'agit de préciser les orientations de l'école, mais ils en sont des éléments déterminants. Le respect de la volonté des parents, c'est la référence démocratique, une référence démocratique de premier plan. On est, ici comme ailleurs – on le note à tous les jours – dans une démocratie qui est très influencée par les sondages. Donc, on est dans une démocratie qui tient à connaître la volonté des gens. Or, le pouls des gens, nous le connaissons. Et il y a une étonnante constante dans l'expression de leur volonté en regard de l'orientation de l'école.

Depuis 30 ans, ici, chez nous, il y a eu des changements majeurs dans la société. Il y a eu des changements majeurs dans l'Église aussi. Nous sommes bien au fait de ce qui s'est passé depuis 30 ans. La pratique chrétienne traditionnelle a changé de manière assez surprenante, ce qui nous pose de gros problèmes, à nous. Et pourtant on continue à souhaiter un enseignement religieux confessionnel à l'école. C'est ce que je veux identifier en parlant de constante, et cela, de façon signifiante lorsque nous prenons le pouls de ce que pensent les gens.

De plus, la confessionnalité qui est souhaitée ici, c'est une confessionnalité ouverte – c'est ainsi que nous la qualifions maintenant – au pluralisme croissant – je le notais il y a quelques instants – dans notre société, ceci, dans le respect de la communauté de base ou de la communauté d'accueil ici, au Québec. Notre conviction est que toute société, pour être en mesure d'intégrer les nouveaux arrivants – là, j'explique la nuance que je faisais tantôt en me référant à la communauté d'accueil – doit protéger les diverses composantes de son propre tissu social. Notre conviction est que le pluralisme, le pluralisme de fait, de notre société, il est conciliable avec cette confessionnalité que nous voulons ouverte.

Certains, nous en sommes conscients, souhaitent que l'école se situe au-delà de toutes les différences, qu'elle ne vise que le terreau commun aux différentes communautés qui composent une société. Certains, par conséquent, souhaitent que le pluralisme, caractéristique de notre société, n'apparaisse pas à l'école. Il nous semble, au contraire, que les différences sociales et la religion, c'est bien sûr, créent des différences entre les gens, l'option qui est la leur, ces différences doivent se retrouver à l'école. Vivre la pluralité à l'école peut contribuer, et, en tout cas, prépare à vivre dans une société plurielle, une société pluraliste. D'ailleurs, vouloir chasser la pluralité de l'école, c'est illusoire. L'école n'est pas une bulle et elle sera rattrapée par la pluralité qui s'exprime dans notre société.

(9 h 50)

Il ne nous semble pas que la situation actuelle commande une rupture importante. D'abord, il faut reconnaître qu'il y a des choses qui vont bien à l'école. L'école ne vit pas une période apocalyptique qui remettrait en cause ses bases les plus historiques. Il y a des choses qui vont bien à l'école. Il y a, bien sûr, des problèmes à régler. Il est possible de les régler dans la continuité d'une histoire qui nous a maintenus en paix. Et ce qui nous a motivés, nous, tout au cours de ces, disons, 25 dernières années, qui nous ont permis, qui nous ont amenés à des remises en question périodiques, ce qui nous a toujours motivés, c'est précisément de garder le fil majeur de notre évolution pour pouvoir toujours mieux servir notre milieu.

Et cette continuité permet, me semble-t-il, de comprendre que la place actuelle de la religion à l'école ne fait pas obstacle aux droits et aux libertés de la personne ni, non plus, à la cohésion sociale du Québec d'aujourd'hui. Et, si de nouvelles dispositions pouvaient être prises pour assurer certaines possibilités analogues à celles des citoyens d'autres grandes traditions religieuses, de même qu'aux citoyens d'aucune allégeance religieuse – c'est là une portion significative maintenant de notre société et il faut le reconnaître et le respecter – bien, nous sortirions grandis de cette étape dans laquelle nous sommes actuellement plongés.

Vers la fin de notre mémoire, nous affirmons ceci, aux numéros 54 et 55, et je terminerais par la lecture de ces deux paragraphes: «L'école publique ne gagnerait rien en compromettant une approche confessionnelle à ce point ouverte au pluralisme et orientée vers les nouveaux besoins de la jeunesse québécoise. Au contraire, elle y perdrait beaucoup. Elle a tout intérêt à continuer de considérer l'enseignement moral et religieux confessionnel, de même que l'animation pastorale, comme autant de contributions précieuses à la formation globale de la personne.

«Ce jugement n'est pas exclusif à la tradition catholique. Nous ne prétendons pas que l'absence d'allégeance religieuse soit de nature à fermer les portes à une formation globale de la personne. Mais, dans tous les cas, toutefois, ce n'est pas en jetant un drap d'uniformité illusoire sur les approches éducatives que nous rendrions service aux jeunes. On ne ferait qu'accentuer à leurs yeux le caractère aseptisé de neutralité et de relativisme qui marque déjà bien amplement l'univers de compétitivité et de consommation dans lequel ils naissent et ils grandissent.»

Alors, voilà, Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, les quelques réflexions que nous voulions suggérer ce matin, à la suite du mémoire qui vous est parvenu. Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, Mgr Gaumond. Alors, M. le ministre.

M. Legault: Oui, mais, d'abord, M. le cardinal Turcotte, Mgr Couture, Mgr Gaumond, Mgr Blais, bienvenue et merci. Merci pour votre mémoire et merci pour votre présence ce matin.

On sait tous que les évêques ont marqué de façon importante l'histoire du Québec et, entre autres, l'histoire en termes d'éducation. On l'a revu, d'ailleurs, au Point il y a quelques jours. Vous avez été et vous êtes toujours des partenaires importants pour nous et vous avez eu et vous avez encore, on le sait tous, une grande influence sur l'évolution sociale du Québec.

Je pense que, dans votre mémoire, vous faites preuve d'une belle prudence, si je peux appeler ça ainsi, et je suppose, d'ailleurs, que, à l'intérieur de l'Église, un petit peu comme nous en politique, vous devez sûrement avoir eu à faire des consensus qui sont parfois difficiles. Et vous nous disiez tantôt que les évolutions, au Québec, ont toujours été progressives. Je suis absolument d'accord avec vous. Il n'y a jamais eu de cassures et je pense que ça doit continuer d'être ainsi, et donc qu'il faut essayer de rechercher ensemble un consensus qui respecte, dans la mesure du possible, les citoyens de toutes les tendances et de toutes les allégeances.

Quelques questions. D'abord, comme vous le savez probablement, il y a plusieurs organismes qui sont venus ici – puis je vous en mentionne quelques-uns, entre autres: Comité catholique, Centre justice et foi, Conférence religieuse canadienne, section Québec, l'Association des conseillers et conseillères au service de l'éducation chrétienne, des professeurs de facultés de théologie – qui ont proposé, un peu comme vous le faites, un enseignement religieux plutôt confessionnel mais qui montraient une ouverture pour que cet enseignement se passe surtout au primaire et que, progressivement, on examine la possibilité d'avoir un enseignement plus culturel, si je peux l'appeler ainsi, au secondaire. Vous n'abordez pas cette question dans votre mémoire, vous semblez tenir à un enseignement confessionnel tout au long de chacune des 11 années du primaire, secondaire. Est-ce que vous pourriez peut-être nous expliquer votre point de vue? Est-ce que vous avez une certaine ouverture de ce côté-là?

M. Gaumond (André): C'est juste qu'on n'aborde pas cette question dans notre mémoire. Je pense que c'est juste, aussi, de penser que les évêques voient une différence entre l'orientation qu'on doit assurer au primaire, au bas âge qui est couvert par le primaire, et celle qui sera assurée au secondaire, et, à l'intérieur du secondaire, il y a sans doute là aussi une ligne d'évolution possible. La situation est différente, je suppose – mettons des limites – entre secondaire IV et V et les trois premières années du secondaire.

Il nous semble cependant – en tout cas, là, je vais exprimer ma perception à cet égard – qu'il nous faut garder une perspective située au plan religieux même au secondaire, quitte à ce que ça soit ventilé de manière différente. D'ailleurs, déjà en secondaire IV et V, la perspective confessionnelle – je vais la qualifier, là, de stricte et rigoureuse – est déjà allégée vers un enseignement de type plus culturel, beaucoup plus ouvert aux autres types de cultures religieuses et de traditions religieuses.

Mais, moi, je pense qu'il nous faut garder une référence importante – même, en tout cas, dans les trois premières années du secondaire – à la perspective confessionnelle telle qu'elle est vécue et telle qu'elle a été expérimentée ici. Ça, c'est dans le prolongement de l'argument qui est au centre de notre mémoire: une expérience solide de la tradition religieuse qui a marqué le Québec contribue à façonner l'être québécois, quitte à ce qu'il ait toutes les libertés, bien sûr, de faire option personnelle en cours de cheminement. Je ne sais pas si mes confrères auraient des choses à ajouter à cet égard.

M. Couture (Maurice): Je pense qu'il ne faut pas trop vous étonner si on n'entre pas dans ce qu'on pourrait appeler certains aspects techniques. Il y en a d'autres qui, sans être nécessairement mandatés par nous ou qui travaillent avec nous et qui reçoivent des mandats en conséquence, sont bien plus habilités à entrer dans certains détails en ce qui concerne la programmation.

Ce que j'aimerais ajouter – et j'espère que, parmi les membres de la commission, il n'y a personne qui ne fait pas ces distinctions-là – ce que nous demandons à l'école, c'est de faire de l'enseignement religieux qui a une tonalité confessionnelle, qui livre, par conséquent, des connaissances qui sont approuvées par l'Église à laquelle les jeunes appartiennent. Mais, quand il s'agit de l'apprentissage de la vie chrétienne, qu'on appelait la «catéchèse» – et on mêle parfois un peu tout ça, «enseignement religieux», «catéchèse», à un moment donné, on ne sait plus trop, trop où est-ce qu'est la ligne, hein? – nous reconnaissons que, dans la mesure où il s'agit de faire faire de l'expérience chrétienne, c'est à la communauté chrétienne que ça appartient.

(10 heures)

Qu'il y ait de l'animation pastorale dans une école, qui est libre, à laquelle on participe librement et qui tient compte de la majorité des jeunes qui y participent et qu'il y ait une coloration qui soit celle d'une religion en particulier, ça, également, c'est normal. Mais nous reconnaissons explicitement que nous ne comptons pas sur l'école pour faire notre ouvrage spécifique, à nous, qui est de former des chrétiens. C'est parce que nous considérons que l'enseignement religieux fait partie d'une formation intégrale de l'enfant que nous y tenons. Nous ne nous rabattons pas sur l'école pour faire notre ouvrage, autrement dit.

La Présidente (Mme Bélanger): Mgr Blais.

M. Blais (Jean-Pierre): J'ajouterais peut-être également, sur cette question-là, qu'il y a déjà eu des programmes d'offerts de l'enseignement culturel des religions en secondaire IV et V, et, à ma mémoire, ces programmes-là n'ont pas eu beaucoup de suites, parce qu'ils n'étaient pas choisis par les jeunes. Alors, moi, à ce moment-ci, il me semble que, tout en étant d'accord avec des possibilités de cet ordre-là, il nous faudrait peut-être travailler sur les contenus, puisque l'expérience antérieure pose question par rapport à ça. Selon les informations que j'ai, ces enseignements-là n'étant pas choisis, ça pose certainement problème. Ça veut donc dire qu'il y aura certainement à revoir sous quel biais ça pourrait être présenté.

M. Legault: Parfait. Je vais vous amener sur un deuxième sujet, qui est très important, je pense, qui est critique pour la recherche d'un consensus: c'est le statut confessionnel des écoles.

Vous nous dites, à la page 25, au paragraphe 44 de votre mémoire, que vous êtes prêts à des aménagements. Encore là, il y a plusieurs groupes d'allégeance catholique qui sont venus nous dire que l'une des dimensions du régime confessionnel actuel qui pouvaient être abrogées sans trop de discussion, c'était celle du statut confessionnel. Je pense, entre autres, au Centre justice et foi, aux facultés de théologie de l'Université de Montréal et de l'Université Laval, puis il y a d'autres groupes aussi qui nous ont fait des ouvertures durant leur présentation, entre autres le Comité catholique, la Coalition pour les droits des parents et aussi les Chevaliers de Colomb, puis on sait aussi que les communautés protestantes n'y tiennent pas, à ce statut.

Dans le contexte où le pluralisme s'étend – bien sûr il est surtout à Montréal, mais il s'étend de plus en plus à la grandeur du Québec – il y a beaucoup de personnes qui sont venues nous dire que les écoles devraient être déclarées neutres ou communes, et donc que le statut confessionnel devrait être abrogé. Si on donnait certaines garanties sur l'enseignement religieux, est-ce qu'on pourrait penser avoir une ouverture pour éliminer le statut confessionnel des écoles?

La Présidente (Mme Bélanger): Mgr Gaumond.

M. Gaumond (André): Vous avez fait la référence au numéro 44 du mémoire. C'était une citation, d'ailleurs, d'une des déclarations que nous avons faites, en fin juin, portant sur le même sujet. Je pense que vous l'avez bien lu, le numéro en question.

La question nous a déjà été posée, je me rappelle, en particulier au moment de la présentation lors de la commission des états généraux, et on avait fait la distinction – qui, je pense, s'impose – entre le contenant et le contenu. C'est bien certain que ce qui importe, c'est le contenu, ce qui sera effectivement vécu à l'école. Et le contenu, c'est notre conviction – vous l'avez mentionné aussi – passe par un enseignement religieux confessionnel de qualité. D'ailleurs, il faudrait insister sur la dernière partie, «de qualité».

D'autre part, ou en plus, le statut confessionnel a toujours été perçu dans le milieu, ici, comme indicateur de ce qu'était l'école. C'est une étiquette qui a toujours été perçue comme assurant à la population, au milieu une certaine sécurité et identifiant – et c'est l'objectif de toute étiquette – ce qu'il y a à l'intérieur du contenant. Nous privilégions le respect de cette continuité, au Québec, d'un statut.

Cependant, si, à la suite de l'analyse que vous êtes en train de faire, il vous apparaissait important de faire des changements à cet égard, ce qui nous semble évident et ce sur quoi nous insistons, c'est qu'il ne faudrait pas le faire de manière radicale, brutale, générale, c'est-à-dire d'un bout à l'autre du territoire, les situations étant fort différentes. Il nous semble qu'en regard du statut de l'école et de la perception qu'en ont les gens la situation est différente dans certains secteurs de Montréal de Saint-Malo, dans le diocèse de Sherbrooke, ou de Sainte-Hélène de Kamouraska. Je pense que respecter ces différences régionales et, ce faisant, respecter les gens qui les vivent, ça nous apparaîtrait démocratiquement souhaitable.

M. Couture (Maurice): Si vous me permettez une comparaison, je dirais: Lorsque je vais dans un magasin, il peut arriver que je ne regarde pas l'étiquette mais que je tâte ce que je veux acheter pour voir si le tissu répond à ce que j'attends. Je tiens évidemment plus à ce que la qualité soit là. Et, si l'étiquette est menteuse – c'est un faux Christian Dior – je comprendrais qu'on dise: Il y a eu de la fraude.

Je voudrais donc que l'étiquette confessionnelle couvre une réalité qui tient compte de la qualité, et je pense que l'étiquette... En général, vous ne ferez pas facilement une loi en disant: Désormais, il n'y aura plus d'étiquettes nulle part, parce qu'il y en a qui trichent. De sorte que, moi, je dirais: Je pense qu'il est important que l'étiquette demeure là où les parents le réclament et là où ça répond au contenu qu'on veut avoir. Si, à certains endroits, un peu comme vient de l'expliquer mon collègue, on jugeait que cette étiquette est menteuse ou bien qu'elle ne favorise pas la cohésion sociale, à ce moment-là nous sommes ouverts à certains aménagements que vous seriez peut-être amenés à faire.

M. Legault: J'aimerais beaucoup, effectivement, peut-être – puis avant que vous ne répondiez, cardinal Turcotte – qu'on parle un peu plus de la situation de Montréal, parce que, là, vous nous dites: Il faut distinguer l'étiquette et le contenu. Je comprends ce que vous voulez dire, mais je pense aussi que, dans le statut confessionnel ou le non-statut confessionnel d'une école, il peut y avoir aussi un symbole et davantage au niveau de l'ouverture qu'on fait pour d'autres religions.

Puis on sait, par exemple, qu'à Montréal... J'essayais de voir certains chiffres; là, les dernières statistiques datent de 1991. Déjà, on avait plus de 10 % des personnes qui se déclaraient d'autres religions que chrétienne à Montréal. Selon les dernières statistiques, en 1998-1999, il y avait 58 000 enfants du primaire, secondaire qui se déclaraient d'autres religions que catholique ou protestante à Montréal. Donc, ça veut dire qu'il y a 97 écoles à Montréal qu'on recensait où il pouvait y avoir des élèves de différentes religions.

Est-ce que, si on garde le statut confessionnel des écoles – pas seulement pour l'étiquette mais aussi pour le contenu – il n'y a pas un risque d'avoir une situation qui est un petit peu intenable, entre autres à Montréal? Et qu'est-ce qu'on fait avec les parents des minorités religieuses qui ne souhaitent pas envoyer leurs enfants dans une école confessionnelle catholique, par exemple, et donc qui seraient peut-être traités de façon discriminatoire ou obligés d'envoyer leurs élèves beaucoup plus loin, alors que, vous savez, on a comme un principe qu'on essaie de respecter, l'école de quartier? J'aimerais ça, peut-être, entendre le Cardinal Turcotte, entre autres, sur la situation de Montréal.

M. Turcotte (Jean-Claude): Bon. Au fond, tout ce que vous dites pour l'éducation, M. le ministre, c'est la même chose pour toute la question de l'intégration des immigrants, toute la question de l'intégration des ethnicités. Ça, ça peut se faire en ghettoïsant. Je ne pense pas que ça soit une voie qui soit bonne. Ça peut se faire aussi avec la méthode, un peu, de ce qu'on traduisait autrefois par le «melting pot» américain, la grande soupe dans laquelle on sauçait tout le monde puis tout le monde ressortait pareil. Je ne pense pas que ce soit le choix qui soit celui de notre tradition et de notre culture québécoises. Il me semble que, là-dessus, on a développé un modèle, me semble-t-il, assez original où il y a des éléments communs, bien sûr, parce qu'il faut être un seul peuple, une seule nation – on ne sait plus quel mot employer, en enlevant les connotations politiques – une seule gang, disons, pour parler français.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Turcotte (Jean-Claude): Je pense qu'on me comprend.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Turcotte (Jean-Claude): Il faut que, en quelque part, les gens, ils forment un tout. Bon. Donc, ça suppose des éléments communs. Mais il y a aussi, me semble-t-il – et ça, c'est typique à chez nous – une espèce de respect profond de la différence, et ça, il faut conserver ça. Ça veut donc dire que, dans les écoles, il me semble que, si on bâtissait un système où tous les pareils, on les met ensemble, ça ne serait pas bon. Tous les cathos dans l'école catholique, tous les pas cathos dans l'école neutre, les protestants... Tout à l'heure, on va avoir les hindouistes, les bouddhistes, enfin tous les groupes qui sont chez nous.. Il me semble qu'on a intérêt à garder notre école acceptable ou recevable de toutes les différences.

(10 h 10)

Ça, dans certains cas, ça va poser un problème de statut, c'est bien évident. C'est pour ça que, sur cette question-là, il faut être très souple. Je vous ferai remarquer que ça fait quelques années qu'on vit ces difficultés-là à Montréal. La façon de faire, actuellement, c'est que les gens qui veulent refuser un statut confessionnel ont le droit de le demander, enfin selon l'ancienne loi. Il y a eu un certain nombre d'écoles, d'ailleurs, qui ont demandé le retrait du statut confessionnel.

Je pense qu'il faudrait trouver, là-dessus, moi... Je ne vois pas pourquoi on doit dire: Parce qu'il y en a ou parce qu'on pense qu'il y en a... Parce que, vous savez, Montréal, il faut connaître Montréal. Montréal, c'est une association de gros villages. Il y a des coins, à Montréal, où vous avez une ethnicité très prononcée puis d'autres coins où il n'y en a pas. Alors, vous avez le même problème dans Montréal que vous avez dans la province. Si vous prenez le boulevard Saint-Laurent, là, ce n'est pas qu'une division imaginaire, ça. À l'est puis à l'ouest, il y a bien des différences. C'est vrai pour la langue, c'est vrai pour la religion, c'est vrai pour tout ça. Parce que, en plus, n'oubliez pas une chose, c'est que, même les ethnies qui nous viennent chez nous, il y a des ethnies qui sont encore beaucoup plus radicales que nous, francophones, sur la confessionnalité. Je pense aux Italiens, je pense aux Irlandais, je pense aux Portugais et même aux Latino-Américains. Donc, on n'est pas seul à faire ça.

Alors, c'est pour ça que, moi, ce que je conseillerais, c'est qu'on le garde, mais qu'on soit souple pour l'appliquer, et, quand il n'aura plus sa place, on l'enlèvera, puis les gens vont le demander. Ça, ça peut se faire par une consultation locale. Si vous enleviez le statut confessionnel, dans certains coins de Montréal, vous allez avoir des montées de boucliers, c'est évident, parce qu'il y a des gens qui y tiennent. Théoriquement, moi aussi, je suis bien d'accord que le contenu est plus important que le contenant. Mais le contenant aide, surtout quand le contenu n'est pas protégé par des lois très, très, très, très serrées.

On parlait tantôt de l'enseignement religieux de qualité. Je ne veux pas mettre ça sur la table, mais on en aurait long à jaser là-dessus; ce n'est pas toujours de la grande qualité, dans ce qu'on a. Et ça, là-dessus, je pense que, si cette commission pouvait aider à améliorer la qualité de l'enseignement religieux pour n'importe qui, ça serait déjà beaucoup. Alors, pour le statut, moi, j'inviterais à la plus grande prudence parce que c'est souvent des querelles très théoriques, ces histoires-là.

Vous savez, moi, j'ai l'expérience du terrain. J'en ai bien, des écoles où je suis allé, par exemple, pour rencontrer des jeunes au secondaire. Si je regarde, par exemple, je vais vous donner un exemple de la pastorale. La pastorale, ce n'est pas confessionnel, surtout au secondaire, de façon très, très serrée. C'est des activités, souvent, d'intériorisation, des activités d'ordre de solidarité humaine, mais tout le monde y participe.

Je me souviens d'une école, moi, à Saint-Henri. C'est un milieu qui est très multiethnique, parce que c'est une école de métiers, il y a bien des gens qui viennent. Mais les périodes d'intériorité, pour les catholiques, ça pouvait conduire, s'ils le voulaient, à la confession ou je ne sais pas quoi, mais les bouddhistes allaient là. Ils se retrouvaient à l'aise, eux autres, de prendre un temps où on fait un silence et on médite. La méditation à l'intérieur, ce n'est quand même pas le professeur qui la fait. C'est la même chose pour les activités de solidarité. L'entraide pour les personnes âgées du milieu et pour les pauvres – c'est un milieu où il y avait beaucoup de pauvres... On retrouvait, dans les équipes de pastorale, vous savez, autant des gens d'une confession ou de l'autre. Et c'est ça qu'il faut garder, à mon avis, dans nos écoles.

La Présidente (Mme Bélanger): S'il vous plaît, pas de manifestations. Alors, merci, M. le cardinal Turcotte.

M. Turcotte (Jean-Claude): Je pense que c'est important. En tout cas, je dis ça, mais, si ça pose obstacle, on l'enlèvera. Dans certains cas, c'est sûr que ça devra être fait.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le cardinal Turcotte. M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Merci, Mme la Présidente. M. l'archevêque Turcotte, M. l'archevêque Couture, M. Blais et M. l'archevêque de Sherbrooke, M. Gaumond – et anciennement évêque du diocèse de La Pocatière, dont il garde un bon souvenir, et les gens de La Pocatière aussi, ha, ha, ha! – je voudrais d'abord vous remercier pour votre mémoire et aussi vous remercier pour l'étendue des sujets que vous abordez. Je pense que, dans votre mémoire, il n'y a pas beaucoup d'éléments qui ne sont pas touchés sur l'ensemble, je dirais, philosophique de la place de la religion à l'école, ce qui se situe bien dans le débat qu'on a actuellement.

Le ministre a parlé tantôt beaucoup de ce que, Mgr Gaumond, vous avez appelé, je dirais, le contenant comme tel ou la partie structure. Mais, sur les contenus, dans votre mémoire, à la page 26, vous parlez de «l'approbation du contenu de toute religion qui relève des confessions religieuses auxquelles s'identifient les croyants». Je voudrais faire le lien avec une proposition qui a été faite par le Comité catholique du Conseil supérieur de l'éducation sur la reconnaissance comme telle des religions qui devraient être enseignées, parce que, oui, on peut ouvrir à la multiconfessionnalité, mais où on commence et où on arrête? Il y a une question extrêmement importante, là aussi.

Le Comité catholique du Conseil supérieur de l'éducation proposait, dans un premier temps, que ce soient les représentants des communautés religieuses qui fassent la demande au ministère de l'Éducation et que, là, il y ait une série de critères pour dire le nombre de personnes qu'on retrouve dans cette confession-là au Québec, la structure comme telle, le contenu, et qui permettraient non pas de donner à chaque école ou de laisser à chaque école ou à chaque commission scolaire le rôle de décider elle-même: Voici, il y a une telle demande pour tel type de religion, on se doit de mettre en place des programmes...

Il y a tout cet aspect-là de reconnaissance comme telle des religions qui doivent être enseignées sur lequel j'aimerais beaucoup vous entendre. Où est-ce qu'on doit arrêter et à partir de quels critères on doit dire: Telle religion n'a pas sa place dans nos écoles ou ne représente pas vraiment ce qu'est une religion à nos yeux, d'une part? Et, d'autre part, sur les contenus, une des grandes critiques qui sont faites actuellement de l'enseignement religieux dans les écoles, c'est autant le contenu que la façon dont les gens l'enseignent. Plusieurs ont dit que, finalement, l'enseignement religieux dans les écoles, les enseignants qui le faisaient le faisaient souvent pour remplir une tâche, pour la compléter avec d'autres cours et que, finalement, les convictions, la volonté n'étaient pas nécessairement là.

Donc, pour résumer ma question, d'abord: Où on commence et où on arrête? Quelles sont les religions qui doivent être enseignées? Deuxièmement, la place des communautés religieuses comme telles dans l'approbation des contenus, dans l'élaboration des contenus ainsi que dans le suivi. Et, troisièmement, comment on peut s'assurer que l'enseignement comme tel, dans les écoles, réponde vraiment aux objectifs qui sont poursuivis par les programmes qu'on met en place, comment on assure le suivi? Il y a des gens qui ont même proposé qu'il y ait des spécialistes de l'enseignement religieux.

M. Gaumond (André): Je prendrais votre dernière question. Au départ, c'est certain que nous sommes conscients qu'il y a des lacunes actuellement en regard de notre enseignement, de telle sorte que la qualité n'est pas toujours idéalement assurée. Comment se donner une mécanique pour pouvoir augmenter la qualité? Probablement que la perspective de spécialistes – et je vise le primaire – pourrait nous aider, parce qu'on peut orienter la préparation de manière beaucoup plus pointue et, par la suite, faire une évaluation qui, elle aussi, est plus pointue lorsqu'on est avec des spécialistes que lorsqu'on est avec des généralistes. Il y avait un intérêt important avec des généralistes, parce qu'il y avait une intégration à la vie concrète de l'élève et aux différentes perspectives de la vie de l'élève. Ça, c'était intéressant. Mais, notre société changeant, étant beaucoup plus complexe, les sollicitations étant beaucoup plus nombreuses, je pense que ça pourrait être intéressant.

Concernant la première partie de votre question, les grandes religions, l'ouverture aux grandes religions, comment baliser le tout, les suggestions qui sont faites par le Comité catholique nous apparaissent fort heureuses et fort pertinentes: s'en tenir, par exemple, aux grandes traditions religieuses universellement reconnues – et elles ne sont pas en nombre infini – et, une fois ceci assuré, se donner, comme vous le disiez, référence aux responsables de ces communautés religieuses pour indiquer les contenus et pour être référence lorsqu'il s'agit de bien comprendre comment on doit s'organiser. En gros, les suggestions du Comité catholique nous semblent fort judicieuses à cet égard.

(10 h 20)

M. Turcotte (Jean-Claude): Si je peux rajouter un élément de réponse aussi, moi, qui m'apparaît important, le choix des religions et des critères que l'on va établir pour reconnaître celles qui vont pouvoir donner un enseignement religieux, il est très important. C'est tellement important, à mon humble avis, que ça justifie que l'État s'en mêle. L'État ne pourrait pas – il me semble, en tout cas – se dégager complètement et dire: L'enseignement religieux, là, que chaque Église s'organise. C'est très dangereux, ça.

Regardez ce qu'on fait au Québec pour les mariages. Il y a actuellement 40 à 50 Églises qui ont le droit de faire des mariages. Posez les questions à ceux qui s'occupent de ça. Vous allez voir que ça pose quelques petits problèmes sur le sérieux de certaines Églises et donc sur le sérieux des mariages qui sont faits. Je pense que, là-dessus, là, je vous soumets un problème qui ne relève pas de votre commission, mais, pour en avoir causé, je sais qu'il existe.

Alors, il ne faudrait pas qu'on se retrouve dans le même mélange au niveau de l'enseignement religieux. C'est pour ça qu'il faut être un peu strict là-dessus, et l'État doit travailler avec les Églises reconnues pour ce faire. Autrement, on peut avoir n'importe qui, n'importe quoi, n'importe comment. Mais les critères qui sont donnés, me semble-t-il, dans le texte du Comité catholique m'apparaissent très bons et sont d'ailleurs des critères qui sont appliqués dans d'autres pays. Alors, on aurait sûrement des modèles dont on pourrait heureusement s'inspirer; je pense à la Belgique, et il y a l'Allemagne aussi qui fait ça.

M. Béchard: Un élément qui a été amené souvent face à l'ouverture à l'enseignement d'autres religions est le phénomène – et vous l'avez abordé un petit peu – de la ghettoïsation. Les gens disent: Si une école, que ce soit par son statut ou que ce soit par le contenu comme tel de l'enseignement religieux qui y est fait, favorise une religion ou davantage l'enseignement d'une religion plutôt qu'une autre, justement dans le cas de l'intégration des nouveaux arrivants, ça peut amener un problème de ghettoïsation. D'autres disent exactement le contraire, c'est-à-dire que la ghettoïsation par l'enseignement religieux, c'est simplement un épouvantail qu'on tente d'agiter pour faire peur à ceux qui prônent l'ouverture à la multiconfessionnalité.

J'aimerais savoir: Pour vous, est-ce que le fait d'enseigner une religion spécifique ou plus dans une école est un élément déclencheur qui mènerait à une ghettoïsation de certains arrivants dans des milieux particuliers, notamment en milieu urbain?

M. Blais (Jean-Pierre): Concernant cette question-là, il me semble qu'on peut éviter l'aspect de ghetto en autant que les programmes d'enseignement religieux répondent à des critères qu'on a établis déjà. Je prends l'exemple d'une orientation où on a un peu plus, je dirais, d'approche culturelle au niveau de l'enseignement moral et religieux catholique, où on a fait davantage de place à l'aspect culturel au niveau de la chrétienté puis au niveau du catholicisme. Eh bien, cela amène des perspectives où, même du côté des catholiques, un certain nombre ne sont pas nécessairement d'accord, sauf que c'est l'orientation qui a été prise dans un enseignement religieux scolaire.

Alors, il me semble que ce sont des règles d'enseignement religieux scolaire concernant l'établissement des programmes qui vont éviter d'entrer dans des formes de ghetto. C'est sûr que, si on laisse une liberté absolue de bâtir et d'offrir différentes perspectives plus ou moins radicales des groupes religieux, c'est là que l'aspect ghetto va se créer. Mais, si, dans les programmes d'enseignement, vous avez des règles, des normes qui sont applicables pour tout le monde et qui balisent la réalité de l'enseignement religieux scolaire qui se donne, il n'y a pas à craindre qu'il y ait de formation de ghettos dans ce contexte-là.

M. Turcotte (Jean-Claude): Et, si je peux rajouter, moi, une expérience très concrète, on en a, des écoles, où c'est plein, les gens d'autres religions. Ça veut dire qu'au moment de l'heure de religion certains vont au cours catholique, d'autres au cours protestant, d'autres vont en thérapie occupationnelle – je ne sais pas comment ça marche, s'ils leur font faire quelque chose. Je ne pense pas que ce soit un problème pratique pour les enfants. Eux, les enfants, ils ne vivent pas dans une bulle, ils vivent dans un quartier où le petit Juif est à côté, l'autre est un Anglais, l'autre, c'est un Noir, l'autre, c'est un Blanc. Ils sont habitués à ça. J'ai l'impression, des fois, que, nous, les adultes, nous mettons dans la tête des enfants des problèmes qui n'en sont pas pour eux. Moi, ce que je constate souvent...

Je me souviens d'une expérience, par exemple. J'étais allé faire préparer la confirmation, et puis il y avait une petite Vietnamienne tout en pleurs. J'ai dit: Qu'est-ce que tu as, ma pauvre petite, à pleurer? Elle dit: Moi, je ne peux pas faire ma confirmation, je ne suis pas catholique. Un théoricien aurait pu dire: Aïe, c'est effrayant, l'ostracisme! Pauvre petite! Savez-vous la réaction des enfants? Ah bien! conte-nous ça, comment ça marche chez vous puis tout ça. Et c'est elle qui est devenue, assez rapidement, la vedette de l'affaire, puis on s'est mis à s'expliquer.

Je pense que c'est très bon pour la multiethnicité puis la multiconfessionnalité. Les enfants souvent réagissent comme ça. Si on veut trop les séparer, c'est là qu'on crée des gangs, des gangs ethniques puis des gangs de ci puis des gangs de ça. Puis il ne faudrait pas en créer, des gangs religieuses, en plus! Alors, j'ai l'impression qu'au fond plus les gens sont mélangés dans la vie... Les jeunes, les enfants surtout, ont une capacité, je dirais, innée de respect de l'autre dans des différences, ils ont même un attrait pour ça.

Alors, vous savez, je parlais tantôt de la pastorale. Bien, il ne se célèbre pas que les fêtes religieuses catholiques dans les écoles. Je connais bien des écoles où le ramadan est une période importante, parce qu'il y a des musulmans, et tout le monde participe à ça, apprend ce que c'est; pas en en riant, pas en allant jeter des pierres dans les mitaines comme on a fait dans notre enfance, en apprenant ce que c'est. Je pense au bar-mitsva des Juifs, qui est une période très importante. C'est l'équivalent, un peu, de notre confirmation, parce que le Juif devient vraiment un adulte, et c'est toute une fête dans la famille. Bien, il y a des écoles qui ont été amenées à fêter le bar-mitsva d'un enfant de telle classe ou telle autre et même à faire des séders, ces fameux soupers juifs à l'occasion des fêtes de la semaine sainte, parce qu'ils ont découvert là un attrait, à la fois par la nourriture, par la culture et ces choses-là. Alors, au fond, je pense qu'il y a beaucoup de visions théoriques qui voient de l'ostracisme là-dedans, alors que l'enfant se situe là-dedans, je pense, comme un poisson dans l'eau, règle générale.

M. Gaumond (André): Moi, personnellement, je n'ai pas très peur de la ghettoïsation. J'aurais beaucoup plus peur de tout ce que l'on pourrait rater en craignant – intellectuellement, rationnellement ou je ne sais trop quoi – que nos mesures puissent créer des ghettos. D'ailleurs, on est dans un milieu, dans une communauté, une société – et c'est très positif – qui a un grand respect et qui prend, au quotidien, toute une série de mesures pour assurer le respect des droits fondamentaux de chacun. On n'est pas dans une société qui est portée au radicalisme à l'égard des communautés religieuses. Quelques précautions touchant les points les plus connus de fondamentalisme, de radicalité nous assureraient, je pense, une vie tranquille, dans l'ensemble.

M. Béchard: Un autre point extrêmement important de la position que vous amenez sur le changement comme tel et l'ouverture à d'autres confessions est relié à tout le processus de mise en place. C'est sûr que ce serait une continuité, mais il y a quand même un défi majeur, autant au niveau – comme on l'a mentionné tantôt – des programmes, de la reconnaissance, de la mise en place, de la formation des maîtres. Et je vous dirais même: C'est beau, dire qu'on ouvre à différentes confessions religieuses, mais le défi extrêmement important, c'est de trouver les gens qui vont le faire. Il y a même des gens qui ont proposé ou qui laissent entendre que les communautés religieuses pourraient elles-mêmes assurer une partie de l'enseignement religieux dans les écoles ou avoir un rôle plus important en tant que présence dans l'enseignement religieux.

J'aimerais vous entendre là-dessus et j'aimerais vous entendre sur la mise en place du modèle que vous proposez. Quels sont les échéanciers? Comment vous voyez le processus de mise en place de votre proposition? En combien de temps ça peut se faire? Est-ce qu'on peut penser que c'est quelque chose qui va se faire à l'intérieur des deux ans pour, je dirais, respecter l'échéancier qu'a fixé le ministre avec les clauses dérogatoires? Est-ce que ça peut être plus long? Comment vous voyez toute la mise en place? Et une petite sous-question, justement, sur les clauses dérogatoires: Est-ce que, pour vous, il y a moyen, avec votre modèle, d'éviter le recours aux clauses dérogatoires, ou devrait-on s'en servir comme sécurité ou encore tester le modèle avant, aux niveaux juridique et constitutionnel, pour voir s'il est plausible et applicable?

(10 h 30)

M. Gaumond (André): Il ne faudrait pas avoir peur des clauses dérogatoires. Il faudrait, me semble-t-il, éviter la honte de la dérogation, comme quelqu'un l'a exprimé dans un mémoire dont j'ai pris connaissance. Les clauses dérogatoires, voilà un moyen qu'on a entre les mains pour assurer la gestion démocratique et pondérée des différentes situations dans lesquelles on est plongé. D'ailleurs, elles ont été prévues à l'intérieur même des politiques mettant les Chartes à notre disposition. On peut s'en servir et on doit s'en servir, si besoin est, pour se donner le temps d'équilibrer nos mesures, d'articuler nos législations. Il n'y a pas de honte en regard de la clause dérogatoire. Et, moi, personnellement, je me ferais le vendeur du recours à la dérogation si ça nous permet d'assurer des législations mieux établies.

Concernant la prise en charge par les Églises de l'ensemble de l'éducation religieuse confessionnelle à l'école, non, là, nous sommes très, très, très réticents. Ce que nous visons et ce que nous souhaitons, c'est un enseignement religieux scolaire intégré à la perspective scolaire à l'intérieur des curriculums scolaires, de telle sorte que ça donne au ministère de l'Éducation, au gouvernement et à l'État et aux responsabilités de l'école un pouvoir sur l'intégration de cet enseignement. On ne veut pas un enseignement religieux de l'Église qui, incidemment, serait assuré à l'école, dans les lieux de l'école et sur une plage de temps consentie par l'école. On veut un enseignement religieux dont les orientations seront déterminées par les Églises mais inscrit dans l'école.

Si j'ajoutais un mot, avant de donner la parole aux confrères, moi, sur le temps: qu'on analyse tout ce que peut impliquer ce changement et qu'on se le donne, le temps. Je disais, au début de la présentation: Depuis 25 ans, on a eu je ne sais pas combien de remises en question de la situation scolaire, des structures scolaires au Québec. Je ne pense pas qu'il soit souhaitable d'aller trop vite, de télescoper des changements et de risquer ainsi d'avoir à recommencer dans deux, trois ans.

M. Béchard: Il reste trois minutes, peut-être une dernière petite question.

Une voix: Deux.

M. Béchard: Deux minutes? Bon. Vous avez soulevé la question de l'animation pastorale tout à l'heure et de son lien avec l'enseignement religieux comme tel. Il y a des gens qui sont venus, l'autre semaine, qui font justement de l'animation pastorale, et toute la question de l'animation pastorale, pour eux, ce qu'ils nous ont dit, c'est que, peu importe le modèle qui serait privilégié, c'est-à-dire la multiconfessionnalité ou encore un cours de culture des religions, ça ne changeait rien parce que, dans le fond, le contenu religieux de leur animation pastorale comme tel n'est d'environ que de 5 %, s'ils voulaient le quantifier, et qu'il n'y avait pas de problèmes comme tels à procéder au même type d'animation de vie pastorale dans les écoles sans avoir un lien direct avec une ou l'autre confession, ou peu importe le modèle.

Et je discutais de ça dernièrement avec justement votre successeur, M. l'archevêque de Sherbrooke, et il me disait que ça représentait un problème si telle était la situation. J'aimerais savoir un peu comment vous voyez le lien, justement, entre le cours de religion comme tel et l'animation pastorale dans nos écoles autant primaires que secondaires, même si c'est très différent.

La Présidente (Mme Bélanger): Une réponse de 20 secondes.

M. Gaumond (André): Je laisserais la parole à Mgr Couture.

M. Couture (Maurice): Oui, alors, je vais aller vite parce que 20 secondes, c'est assez court. Moi, je pense que cette affirmation-là, si on devait l'étendre à l'ensemble de nos écoles, ce serait un peu excessif. Mais je reconnais que, dans certains milieux, compte tenu du pluralisme, on s'en remet à certaines valeurs fondamentales avec un éclairage qui n'a pas toujours nécessairement une étiquette religieuse, je dirais, confessionnelle. Mais je pense que les parents attendent plus que ça, d'une façon générale, et qu'on devrait quand même tenir compte du fait que l'animation pastorale doit avoir une certaine couleur si on veut ce que les parents en attendent dans la plupart des milieux.

Mais il n'en demeure pas moins que, là-dessus, pour ce qui est du contenu de l'animation pastorale, on n'a pas une intervention directe pour dire: Ça va être ça, ça, ça. On a plus d'interventions quand au contenu de l'enseignement, ça, c'est évident. Alors, là-dessus, il y a peut-être un certain flottement qui peut s'installer. Mais, moi, je puis vous dire – et je conclurais par ça d'une façon générale – d'une part, que, lorsqu'on a fait l'évaluation du vécu religieux, l'animation pastorale avait une très haute cote et également que le respect de la conscience des gens avait également une très haute cote dans l'évaluation du vécu religieux, si bien que les arguments qui voudraient que ça aille contre la liberté de conscience ne paraissent pas très forts.

Je terminerais en disant à peu près ceci: Bien sûr que c'est important, la place de la religion à l'école, mais, à ce que je sache, il y a d'autres problèmes qui sont pas mal importants. Moi, je ne voudrais pas que certaines «absolutisations» et que certaines «idéalogisations» nous amènent à mettre un peu sous le drap le décrochage scolaire, qui, à mon avis, est un problème qui est très grave, puis certains autres aussi, comme la violence dans les écoles et tout. Je ne pense pas que l'animation pastorale et l'enseignement religieux puissent être des encouragements à ces malaises qu'on ressent dans les écoles.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, Mgr Couture, M. le cardinal Jean-Claude Turcotte, Mgr Gaumond et Mgr Blais, merci de votre participation à cette commission. Alors, nous allons suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 10 h 37)

(Reprise à 10 h 41)

La Présidente (Mme Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaît. Nous reprenons nos travaux. Je demanderais au représentant de l'Église anglicane au Québec de bien vouloir s'approcher, M. le chanoine David Oliver.

Alors, M. le chanoine Oliver, je vous demanderais de présenter la personne qui vous accompagne.


Église anglicane au Québec

M. Oliver (David N.): Oui, avec grand plaisir.

La Présidente (Mme Bélanger): Vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire.

M. Oliver (David N.): C'est bien. Je ne sais pas si ça prendra tout ça, mais on aura notre temps pour une discussion plus élargie si c'est moins.

La Présidente (Mme Bélanger): C'est ça.

M. Oliver (David N.): Ici, avec moi, c'est notre nouveau doyen à la cathédrale de la Sainte-Trinité ici, à Québec, Walter Raymond.

La Présidente (Mme Bélanger): Bienvenue.

M. Oliver (David N.): Merci. Je ne sais pas jusqu'à quel point je peux faire la présomption que vous avez lu tous les documents qui étaient présentés devant vous. Je sais que c'est un art, de lire vite. Mais peut-être que, si je pouvais un peu commenter et un peu faire une sorte de mise au point sur les grandes lignes, ça pourrait être utile pour vous autres. S'il y a des choses que je dis qui ne sont pas dans le rapport, ce sont des ajouts un peu plus personnels. Ça fait assez longtemps que, personnellement, je suis engagé dans ces types de débats. Je suis un ancien membre du Comité protestant du Conseil supérieur de l'éducation.

Premièrement, c'est juste pour dire que l'Église anglicane a depuis longtemps été très engagée dans cette question de l'éducation ici, dans la province. On a eu une association même qui venait d'Angleterre qui était appelée Anglican Newfoundland and British North America School Society qui a établi plus de 70 écoles pour les enfants anglophones dans les régions qui sont maintenant diocèse de Montréal et diocèse de Québec. Et aussi ils ont établi une école à Sabrevois, près de Saint-Jean-sur-Richelieu, et aussi même un collège pour des instituteurs là-bas aussi. Alors, ça fait assez longtemps que nous sommes engagés. Et nous étions toujours partie de ce mécanisme, qui était toujours un peu difficile à définir trop exactement, c'est-à-dire le système éducationnel protestant, au temps que ça existait. Maintenant, nous sommes dans une période nouvelle. Les choses s'ouvrent. Nous avons fait une intégration, et nous sommes devant ces propos du rapport Proulx.

Qu'est-ce que je veux, premièrement? Je crois que la chose principale, c'est que nous croyons qu'il y a un danger d'aller un peu trop vite dans un désir d'avoir un respect pour chacun et chacune. On a, peut-être dans un esprit un peu cartésien, un désir d'avoir quelque chose qui descend de haut en bas avec une pureté parfaite et qui fait que tout est absolument clair dans toute situation. Des fois, ça peut être utile, mais, des fois, ça peut aussi nuire pas mal. Il me semble que c'est un peu comme un tracteur, un D-4 qui marche dans le bois: on a une grosse tendance à abîmer pas mal de petits arbres.

Je veux mentionner certaines choses qui ont été développées au fil des années dans les situations que nous connaissons fort bien, qui sont peut-être très prometteuses pour le futur et qui pourraient être des modèles. Et peut-être que ce que nous voulons dire le plus, c'est qu'on n'a pas eu assez de temps pour étudier ces modèles actuels avec leur histoire et leur succès et qu'on n'a pas fait la tentative d'autres essais avant cette idée de mettre un grand plan à travers tout le Québec, comme dit le rapport Proulx. Tout de même, il y a de très bonnes choses dans le rapport Proulx que nous reconnaissons.

Spécifiquement, il y a trois modèles que nous voulons juste mentionner de près. Un, c'est à l'école Centennial. Si vous connaissez l'école Centennial, c'est un endroit à Greenfield Park, dans cette communauté ou cette série de communautés qui sont très diversifiées, de plus en plus, avec le passage de chaque année. Dans cette communauté, où il y a beaucoup d'ethnies, de langues et de cultures différentes et de religions différentes, on a su créer un département d'éducation de religion et morale. Autrefois, quand c'était seulement protestant, il y avait une version protestante qui était offerte. Maintenant, il y a une version protestante et une version catholique qui sont offertes. Ce curriculum prend des sections du module du curriculum proposé et approuvé par le Comité protestant, c'est-à-dire un module, une série de modules sur la Bible et aussi d'autres sections sur des questions morales et des questions sociales d'ordre religieux.

Ça donne une balance entre une connaissance de l'histoire et des traditions chrétiennes qui sont partie de l'héritage du Québec et une très belle ouverture aux autres traditions. Avec ça, il y a des cours très appropriés, nous jugeons, sur des questions d'ordre sexuel, comme un qui s'appelle Retardons l'engagement sexuel , et l'autre qui est quelque chose de carrément antiracisme. Dans cette école, il y a aussi une façon assez détendue où les traditions religieuses ont aussi leurs propres groupes qui se rencontrent sur les lieux de l'école après les heures de classe.

Dans cette école, je veux le souligner, il y a plus de 50 différentes nationalités. Comme Mme Falana-Leduc, qui est la directrice de ce département, a dit: «Cette école possède une très bonne équipe d'éducateurs qui visent à faire des élèves bien équilibrés. Il est extrêmement important que le gouvernement sache combien il est important, à une époque marquée par la violence chez les jeunes, les changements au sein de la structure familiale et les médias qui prônent le message que "tout passe", d'offrir aux jeunes des cours qui leur montrent que des options existent et que les valeurs et la moralité traditionnelles sont toujours à la mode.»

(10 h 50)

L'autre point qu'on voudra souligner, c'est l'exemple de l'école élémentaire Sinclair Laird, dans Parc-Extension, à Montréal. Ils ont modifié le programme d'études pour une situation extrêmement diversifiée et multiculturelle. Et il faut souligner que, avec cette ouverture, on a su faire presque toutes les bonnes choses qu'espérait le rapport Proulx sans pourtant avoir une relâche complète du gouvernail. Ils ont tout de même, au cours du développement de ces cours, un respect des autres traditions qui vient carrément de la tradition protestante et qui est encore une très grande valeur chrétienne, ce respect pour la diversité. Je ne veux pas dire qu'il n'y a pas d'autres traditions qui montrent ce même respect, mais il faut une certaine façon d'avoir une balance pour juger entre ce qui est essentiel et ce qui existe mais est moins essentiel.

Finalement, on voudrait aussi souligner que la situation dont nous parlons est surtout la situation des anglicans dans les diocèses de Montréal et Québec, mais il existe aussi des situations spéciales pour les anglicans qui sont de notre diocèse au Nunavik, où nous avons un diocèse de l'Arctique qui a sa juridiction dans le Nord du Québec. Selon la Convention de la Baie James, l'éducation à cet endroit relève des compétences de la commission scolaire Kativik, dont la politique définit l'enseignement religieux comme étant une matière faisant partie du programme d'études au même titre que d'autres matières. Nous voulons que vous vous souveniez de ce groupe important aussi.

Alors, en bref, sur la question de l'enseignement religieux, nous voulons que vous soyez très prudents, que vous regardiez attentivement les bonnes choses qui existent déjà et que vous ne forciez pas avec une trop grande centralisation de décisions une série de décisions qui limiteront la capacité des écoles et des instituteurs et institutrices de répondre aux besoins qu'ils trouvent dans leurs classes.

Sur l'animation pastorale, on doit avouer que c'est seulement depuis quelque temps que nos Églises ont eu ça en grandes situations. Certaines expériences ont été vécues à cause des fusions, dans les années soixante-dix, je crois, de certaines grandes écoles compréhensives dans les Cantons-de-l'Est, soit à Mansonville et à Lennoxville, et, depuis ce temps, nous avons une expérience avec l'animation pastorale qui s'avoue très intéressante. Nous avons un regroupement dont fait partie l'Église anglicane dans ces deux diocèses, le Protestant Partnership en éducation – le partenariat protestant sur l'éducation – et nous voulons, pour ces fins, souligner la façon dont nous voyons cette personne-là – et nous le citons dans un document de ce Protestant Partnership.

La personne nommée au poste d'animateur de pastorale suscite et encourage le bien-être spirituel des élèves, du personnel et des parents au sein de la communauté scolaire. Elle s'engage à établir un lien entre le domaine spirituel de la vie et l'instruction publique. Elle doit être sensible aux besoins spirituels de la communauté et favoriser le sens de la responsabilité sociale dans l'école. Elle peut discuter de l'engagement religieux personnel si une personne désire aborder des questions de foi et de croyance. Il est toutefois inopportun de faire de l'endoctrinement ou du prosélytisme dans une école publique. Elle devrait être consciente de l'ensemble des expressions religieuses présentées dans l'école. L'expression religieuse de la communauté scolaire devrait être encouragée sans que l'animateur de pastorale doive en assumer une supervision directe.

Nous voyons les rôles assez différents dans ce travail d'animateur de pastorale, comme celui de conseiller, agent de liaison avec la communauté, personne-ressource en matière de religion, animateur et défenseur social.

À l'égard de cette question de l'animation pastorale et sur toute cette question d'une refonte au complet de l'approche de gouverner les affaires de valeurs et de religion dans les écoles publiques du Québec, nous avons peur. Nous avons peur que l'animation pastorale soit coupée de ses racines dans la communauté. Où ça a vraiment fonctionné bien dans les écoles protestantes, c'est où les différentes Églises se sont mises ensemble pour payer, en grande partie, cette animation et en assumer la responsabilité. Étant donné que c'était déjà plusieurs Églises qui se mettaient ensemble pour faire ça, il y avait déjà un esprit ouvert à la diversité, au moins, chrétienne. Et il y a aussi cette question de contrôle.

Nous ne voulons pas que les animateurs de pastorale deviennent coupés de toute source spirituelle d'autorité et qu'ils commencent à se voir comme des agents complètement libres d'enseigner, d'encourager n'importe quoi. Ça pourrait être très dangereux dans une situation dont on pourrait discuter peut-être par après, la situation de l'Ontario. Ça se voit que les religions Nouvel Âge commencent à se trouver de plus en plus présentes. Nous ne voulons pas que l'animation pastorale, coupée de toutes racines, tourne vers ce type de direction.

De la même façon, je crois que, en général, la question de comment choisir les valeurs, comment décider de choisir entre les différentes valeurs religieuses, ce n'est pas quelque chose de facile. À moins que, vous, vous ne vouliez siéger pendant les prochains 50 ans sans relâche, je suggère que ça prend un comité avec une certaine compétence, une certaine autorité. Autrefois, c'étaient les comités protestant et catholique. Avec la fin de la confessionnalité, on voit déjà qu'il y aura une fin pour ces comités, et je crois que c'est très important. À moins que vous ne vouliez des problèmes continuels, vous aurez besoin d'un type de comité qui pourra représenter les grands groupes religieux de la province pour avoir une sorte de contrôle.

Je peux vous dire un exemple personnel. Peut-être que vous ne serez pas d'accord. Mais, pour moi, un des exemples où le Comité protestant a montré comment est-ce que c'était utile, c'était quand, à un certain moment, le ministère des Affaires sociales disait: Bien, on veut faire entrer des animateurs dans les classes. On va parler de toutes choses de sexualité, on ne va aucunement forcer des valeurs. Tout est permis, tout est aussi beau qu'un autre, n'importe quoi que vous voulez faire à n'importe qui, n'importe quand; à moins que vous ne faites pas de mal, tout est aussi beau, on veut juste vous donner des renseignements.

On a dit: Excusez, ce n'est pas possible, vous ne passerez pas ce programme dans nos écoles. Nous ne voulons pas qu'une série de discussions sur les techniques sexuelles soient discutées sans lien avec des valeurs fondamentales de relation, d'intimité et de ce profond enracinement dans les valeurs spirituelles personnelles de chaque individu. Ce n'est pas un cours de sexologie qui va être donné de cette façon dans les écoles.

(11 heures)

Le problème, c'est que, s'il n'y a plus de Comité protestant, de Comité catholique, qui pourra dire non à une telle aventure? Et comment est-ce qu'on traiterait, par après, les résultats des enfants bien informés de toutes sortes de détails de technique mais sans aucune fondation et sans aucun lien étant facilité comme partie de leur éducation?

Je ne veux pas exagérer sur des questions sexuelles, c'est juste un exemple pour dire que c'est important qu'il y ait ce lien profond et que le choix de ces valeurs qui vont être véhiculées par notre système éducationnel n'est pas quelque chose de facile. Et il ne faut pas oublier qu'un grand travail et, des fois, un très bon travail a été fait par les comités protestant et catholique. Il faut voir une relève.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le chanoine Oliver. M. le ministre.

M. Legault: Oui. M. le chanoine Oliver, M. Raymond, merci beaucoup pour votre mémoire, merci de votre présence ici, aujourd'hui. Vous nous faites une belle présentation. Votre mémoire a reçu un appui qui est très large, je comprends, dans les divers diocèses presbytériens au Québec. Donc, vous nous présentez un mémoire qui est supplémentaire à celui qui avait été présenté par la Table de partenariat protestant. Donc, ça montre que vous avez vraiment un intérêt pour le sujet de la question de la place de la religion à l'école. Je voudrais aussi vous remercier pour les exemples concrets, et deux exemples concrets entre autres, qui, je pense, peuvent nous aider effectivement à cheminer dans notre réflexion.

Vous nous dites que vous pensez qu'il faut expérimenter différentes options avant de revoir le système et vous dites: Il semble nous manquer de temps – c'est ce que je comprends, là – pour faire l'examen des différentes façons d'aborder l'enseignement religieux puis l'animation de pastorale.

Selon vous, quelle serait cette période de temps dont nous aurions besoin pour faire l'analyse des différentes solutions puis des situations qui existent?

La Présidente (Mme Bélanger): M. le chanoine.

M. Oliver (David N.): Merci. Je crois personnellement que, s'il y avait un climat qui disait qu'on a un peu de temps pour essayer des choses, pour essayer de faire certains types d'essais, d'examiner ce qui a été déjà fait, mais il y a certaines choses...

Par exemple, avec la fin de systèmes protestant et catholique, est-ce qu'il n'y a pas une question qui se pose que ce ne sera pas possible d'avoir un enseignement chrétien comme une option pour certaines écoles, pas catholique, pas protestant, mais chrétien? Est-ce que ce ne sera pas un bel essai? Ça prendra un peu de temps pour développer et pour voir comment est-ce que ça pourra fonctionner, pour voir si ça pourra répondre à tous les besoins chrétiens. Et ce n'est pas, évidemment, facile de faire fonctionner même tous les chrétiens dans le même cours. Mais je crois que ça pourrait être utile. Alors, pour une réponse concrète, moi, je dirais que ça prendrait une période de cinq ans, d'après moi.

M. Legault: Cinq ans. Donc, vous suggérez qu'on prenne une période de cinq ans pour se pencher sur différentes options.

Je reviens aux deux exemples dont vous nous avez parlé dans votre mémoire, les deux écoles. On pourrait croire, lorsqu'on lit votre mémoire, que, selon vous, il reviendrait au personnel de chaque école d'adapter ou d'élaborer les programmes d'enseignement. Est-ce que c'est ce que vous avez voulu nous dire? Et puis est-ce que vous croyez – puis je vais vous poser la question, finalement – que les programmes d'enseignement religieux devraient être élaborés par chaque école, par le ministère de l'Éducation, ou même est-ce que vous seriez ouverts à ce que ce soit préparé par les Églises? Comment vous voyez cette responsabilité? À qui vous voyez que devrait être confiée idéalement cette responsabilité?

M. Oliver (David N.): Personnellement, moi, au lieu d'avoir une seule brique qui est donnée au prof en disant: C'est ça que vous devez enseigner, et l'autre extrême qui dit: Faites ce que vous voulez, ce que vous jugez être bon, j'aimerais présenter une sorte de bibliothèque afin qu'il y ait certains modules et fascicules appropriés aux différentes écoles et que, selon la situation, selon le degré de diversité dans l'école, selon les concentrations ou des manques de concentration, selon les ignorances et les compétences des étudiants, on pourrait choisir cette bibliothèque approuvée.

J'aimerais, pour cette raison, avoir un comité qui pourrait approuver les fascicules, mais j'aimerais avoir un choix assez large qui serait offert aux écoles locales – peut-être pas à chaque institutrice, instituteur – afin que l'éducateur et la communauté de l'école puissent choisir des choses déjà approuvées mais avec la possibilité de développer, des fois, avec permission, des projets-pilotes qui pourraient, à la longue, être des fascicules approuvés.

M. Legault: Mais, dans votre hypothèse, qui serait responsable de la formation des enseignants et des enseignantes?

M. Oliver (David N.): Personnellement, je crois qu'un comité – comme avant, le Comité protestant et catholique – est essentiel pour s'assurer qu'il y a compétence, qu'il y a une balance, qu'il y a certaines valeurs qui ne sont pas brimées et qu'il y a une vraie ouverture aux autres dans toute l'approche. Personnellement, je le ferais comme le Comité protestant-catholique du Conseil supérieur de l'éducation. Déjà, ça fonctionnait, pas parfaitement, mais ça fonctionnait depuis assez longtemps.

M. Legault: Et comment – c'est ma dernière question – vous verriez l'approbation et, justement, l'élaboration des programmes pour les autres religions? Je comprends que vous seriez ouverts à d'autres religions aussi. Donc, comment se ferait ce choix-là aussi des autres religions qui seraient acceptables et puis comment se ferait l'élaboration des programmes pour les autres religions?

M. Oliver (David N.): Ce sera difficile, mais je crois que, si ce comité conjoint est conjoint non seulement des protestants et des catholiques, mais aussi des juifs, des musulmans et d'autres grandes religions qui se trouvent dans la province, on pourrait laisser à ce comité-là le choix de décider quel groupe pourrait choisir. Ce n'est pas facile pour le ministère de décider: Oui, c'est ce comité des musulmans qui va être en charge d'approuver ça, mais ce comité pourrait être un lieu de discussion pour avoir des commentaires et qui pourrait, à la longue, trancher sur des questions assez épineuses. Parce que comment est-ce qu'on présente une religion aux autres? Ça risque d'avoir des problèmes, comme vous pouvez le constater, mais le risque de ne pas les présenter est aussi grand.

M. Legault: Oui, merci beaucoup. Je vais laisser la parole...

La Présidente (Mme Bélanger): Mme la députée de Prévost.

M. Oliver (David N.): Merci.

Mme Papineau: Merci, Messieurs. Vous semblez très préoccupés par le rôle de l'animateur de pastorale. À deux places dans votre mémoire, vous y faites référence et, dans votre énoncé, vous avez assez élaboré. Vous dites même que vous craignez que l'animateur de pastorale soit coupé de ses racines dans la communauté. J'aimerais, premièrement, vous entendre là-dessus.

Deuxièmement, vous dites aussi que la personne qui occupe le poste d'animateur de pastorale doit faire preuve d'un engagement spirituel personnel. Ma deuxième question, c'est: Doit-on comprendre que vous êtes ouverts à ce qu'une personne, quelle que soit sa religion, exerce la fonction d'animateur de pastorale en autant qu'elle soit sincèrement engagée dans sa foi? Parce que, si vous me permettez, j'ai cru comprendre dans votre énoncé que vous préfériez que ce soient les Églises, en tout cas, qui doivent participer à l'embauche d'animateurs de pastorale et aussi qui les paient. Si j'ai bien compris, vous avez parlé de payer l'animateur de pastorale.

(11 h 10)

M. Oliver (David N.): Oui. Il faut peut-être trancher entre ce qui est bon et ce qui fonctionne bien dans certaines circonstances et ce qui pourrait être règle générale partout. Juste pour commencer, ce qui fonctionne bien. On a une certaine situation où les Églises se sont mises ensemble. Elles ont décidé: Il nous faut quelqu'un pour être présent, pour être plus qu'un aumônier, un vrai animateur de pastorale dans les écoles, ça manque, ça. Il y a des tensions dans l'école. On veut faire quelque chose, on va se mettre ensemble, on va être regroupé, chercher l'argent et on va payer une partie. On va demander aux commissions scolaires de payer l'autre partie. Et finalement on a quelqu'un. Ça a fonctionné à plusieurs reprises avec quelque chose vraiment d'une beauté exceptionnelle.

Pour dire comment est-ce qu'on pourrait voir toutes les règles générales pour ces choses-là, c'est toujours un peu plus compliqué. On ne veut pas dire que tout est possible et que tout engagement est très beau. Et celui qui est complètement convaincu d'une approche raciste ou d'une approche complètement farfelue – et je ne mentionnerai pas les noms parce qu'un autre va dire «oui, oui, ce n'est pas farfelu» – ça pourrait causer des grands problèmes dans une communauté.

L'avantage, c'est que, s'il y a plusieurs personnes, et pas nécessairement juste les pasteurs, mais plusieurs personnes de la communauté qui sont intéressées dans cette tâche d'encadrement des enfants dans ce domaine-là, qui se mettent ensemble, qui se trouvent de l'argent, il y a deux choses qui sont presque, pour moi, assurées. Ils vont choisir quelqu'un en qui ils ont confiance parce qu'on ne donne pas ça à n'importe qui. Alors, si on donne le choix de choisir à ces personnes-là, je crois qu'elles vont choisir comme il faut. Deuxièmement, leur engagement non seulement de choix, mais aussi monétaire assure qu'il y aura un grand suivi parce que c'est très rare, des personnes qui vont mettre 500 $, d'une petite Église, sans être vraiment pour voir qu'est-ce qui arrive. Je crois que ça pourrait aller.

L'animation pastorale, ce n'est pas quelque chose d'officiel qui doit être accepté par tout le monde. Il n'y a pas besoin d'aller dire que, s'il y a trois personnes dans l'école qui ne veulent pas cette animation pastorale, on ne peut pas l'avoir. Il me semble que c'est quelque chose à faire d'une façon facultative, et, pour moi, cette façon-là pourrait fonctionner assez bien.

Mme Papineau: Parfait. Ça va, merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Ça va? Merci. M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Merci, Mme la Présidente. M. Oliver et M. Raymond, de l'Église anglicane, bienvenue et merci pour votre mémoire et merci pour les exemples que vous soulevez et qui démontrent, dans des cas bien précis, dans la pratique, comment on peut arriver finalement à relever un défi que certains semblent croire impossible à relever, c'est-à-dire d'adapter l'enseignement religieux, que ce soit multiconfessionnel ou de type plus culturel ou historique, à la réalité du milieu.

Je vous remercie pour ces exemples-là parce que vous démontrez de façon claire qu'il y a moyen d'adapter des structures aux besoins des enfants et des gens et non pas d'adapter les gens aux besoins des structures. Et ça, je pense que c'est l'élément clé des exemples que vous soulevez et de la présentation que vous avez faite.

Moi, il y a un élément dans votre mémoire qui m'amène à certaines questions justement par rapport à la praticabilité des modèles. C'est quand vous mentionnez, à la page 2: Pourquoi ne pas permettre à chaque conseil d'établissement le droit d'exercer son autorité quant au choix de l'orientation religieuse pour le projet éducatif de son école? C'est des questions que vous soulevez.

Donc, je vais vous la resoulever à vous: Est-ce que, pour vous, il est essentiel d'avoir un projet éducatif pour une école, pour un milieu, ou est-ce qu'on peut y aller avec un enseignement plus ouvert, multiconfessionnel ou adapté à la réalité du milieu mais sans vraiment teinter le projet éducatif de ces enseignements religieux là? Parce qu'il peut y avoir des cas où ça devient complexe, d'avoir un enseignement religieux de quelque religion, même culturel des religions, et d'avoir le projet éducatif qui en est teinté, et sur le comment on peut en arriver à teinter. Vous dites: Le conseil d'établissement pourrait décider. Mais est-ce qu'il va décider par vote, par consensus, par unanimité? Il y a toujours un risque qu'il y ait un problème là.

Donc, est-ce que vous rendez le projet éducatif optionnel au choix du conseil d'établissement qui pourrait décider de ne pas s'en donner? Quels sont les liens que vous faites entre tout ça, entre le statut, le conseil, je dirais, le projet éducatif comme tel et l'enseignement religieux? Quels sont les liens que vous y voyez et est-ce que c'est indissociable?

M. Oliver (David N.): Vous voyez que, finalement, vous poussez notre mémoire dans des directions très intéressantes, mais les réponses doivent être personnelles plutôt que celles de toute l'Église. Mais, si je peux répondre, ce que je comprends de la situation, c'est pour dire: Dans tout notre mémoire, ce que nous voulons, c'est que nous évitions d'essayer d'avoir une seule chose pour couper dans chaque partie du Québec, dans chaque communauté; ce n'est pas approprié. Alors, pour dire que chaque projet éducatif doit avoir un élément où il touche cette orientation, cet aspect religieux, je connais beaucoup d'écoles où ce ne sera pas vu comme pertinent. Elles ne sont pas trop engagées, elles ne sont pas trop intéressées, elles préfèrent ne pas en parler.

Mais je peux vous dire que, dans le cas de Westmount High School, qui était autrefois l'école secondaire de Westmount, c'était quelque chose d'une certaine qualité mais qui est devenu finalement beaucoup plus centre-ville, ouvert à toutes sortes de confessions et de traditions. On a eu des problèmes. Et tous ces groupes, il y avait des disputes, il y avait un manque de cohésion. Finalement, il semble que la meilleure chose, ce serait de fermer cette école. Mais on a lutté en tant que personnes dans la communauté pour ça. On a lutté pour sauver ce qui était quelque chose de beau et on a trouvé un directeur qui célébrait les différences, et cette célébration des différences devenait partie du projet éducatif de cette école. Ce n'était pas, dans ce cas-là, l'aspect religieux qui était le problème, c'était la rencontre des différentes cultures. Mais cette façon de choisir, dans le cas où, finalement, c'était là où il y avait des problèmes ou là ou il y avait de l'intérêt, je crois que c'est la façon.

Alors, ce qu'on veut, c'est qu'on ne veut pas que ça soit défendu, d'avoir un projet religieux dans le projet éducatif, mais que ça soit possible d'en avoir un qui représente la majorité. Mais un projet éducatif ne doit pas être fait d'une façon que ça brime les droits de l'autre, même si ça exprime quelque chose qui est de la majorité. Il me semble que ce n'est pas impossible pour un projet éducatif.

D'autres situations. Il y a ce problème de rencontre des religions, et ce qui sera exprimé sera une tentative de comment est-ce que différentes religions pourraient se rencontrer et se comprendre mutuellement? Et, dans un cas comme ça, j'espérerais que presque tout le monde, sauf certains réfractaires d'une seule religion, pourrait être d'accord pour dire que c'est le projet éducatif approprié.

M. Béchard: Sur un autre élément que vous amenez dans votre mémoire, vous dites: «Il faut essayer différentes options avant de revoir le système à l'échelle de la province.» Comment, dans la pratique, on peut appliquer ce que vous proposez, c'est-à-dire d'essayer... Et vous mentionnez dans votre mémoire – vous l'avez mentionné tout à l'heure – qu'on n'a pas à se presser, qu'on devrait même retarder à dans cinq ans le choix d'une décision arrêtée sur ce qu'on fait avec l'enseignement religieux dans les écoles et la place de la religion à l'école. Mais, dans votre proposition d'essayer différentes options, est-ce que vous dites: On prend certaines écoles cibles au Québec, on demande ou on offre différents projets ou différentes alternatives, on invite les gens à les essayer et, après ça, on prendra une décision finale? Parce que je me demande comment on peut, dans la réalité...

(11 h 20)

Dans le fond, c'est de faire le débat de dire: Voici vers où on s'en va, mais sans prendre de décision vraiment. Dire: On va mettre une période de cinq ans durant laquelle on va faire un peu une espèce de gros laboratoire, on va essayer les différentes options puis on va prendre la décision après sur quelle est la formule la plus prometteuse. Mais est-ce que vous croyez que c'est réaliste, une telle approche? Est-ce qu'on ne viendrait pas, je dirais, chambarder un peu partout et créer toutes sortes d'espoirs et toutes sortes d'idées un peu partout, une espèce d'incohésion momentanée pour, après ça, en revenir avec une option?

Parce qu'il y a des gens qui disent souvent que, dans le système d'éducation, on ne peut pas vraiment y aller par processus d'essai-erreur parce que, finalement, on touche à des individus, on touche à des jeunes et que c'est toujours extrêmement dangereux, ces approches-là. Qu'est-ce que vous répondez à ces gens-là? Et expliquez-nous un peu comment vous voyez ces cinq prochaines années là.

M. Oliver (David N.): L'esprit cartésien est très, très séducteur, c'est-à-dire qu'on a toujours le désir d'avoir une idée pure qui descend à des choses claires qui sont pour tout le monde. C'est une grande séduction et, pour moi, très dangereuse.

Je suis de la tradition protestante, et parce que, dès le commencement, on a eu cinq traditions assez différentes qui étaient ensemble pour travailler, on a toujours eu des problèmes et on n'a jamais eu cette possibilité d'avoir une seule idée pure à travers tout le monde. C'était toujours des compromis, toujours dans une confusion, mais aussi quelque chose qui était assez intéressant.

Personnellement, je crois que, si on mettait de l'argent disponible pour faire de très bons cours dans certaines écoles et si on donnait tout le travail nécessaire, tout l'appui nécessaire pour développer certains outils, on pourrait avoir quelque chose de très beau qui pourrait être... Vraiment, on n'est pas les seuls à chercher, dans notre monde, mais je crois que nous sommes dans une situation où nous pouvons être vraiment devant les autres. Mon collègue veut parler de certaines expériences qu'il a connues.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, M. Raymond.

M. Raymond (Walter): Oui, je pense que je devrais dire quelque chose. Moi, je me présente. Je suis nouvellement arrivé au Québec. Depuis 16 ans, j'étais à Toronto puis je travaillais dernièrement comme aumônier dans une école et instituteur de programme d'éducation religieuse dans une école indépendante à Toronto. Moi, je vous dis qu'il faut faire attention, je crois, à l'idée de faire la réforme éducative comme ensemble tout fait qu'on présente. En tant qu'enseignant, c'est très frustrant.

Donc, on peut partir avec quelque chose de fixe comme... On a une très bonne expérience dans le système, dans le conseil protestant, pour donner un exemple. On a quand même un travail de bon gré qui a été fait depuis des années, on a quelque chose, on a un point de départ, mais on peut laisser quand même de la flexibilité à définir, à évaluer un programme au fil des années, même pas pour cinq ans, mais comme formule, même, opératoire pour toujours, si vous voulez. Il y aura toujours besoin des ajustements à tout ça.

Donc, il y a quand même des éléments qui sont en place. On peut partir avec ça. On a quelque chose qui se passe dans les écoles aujourd'hui. Ça, c'est un point de départ, puis on peut quand même viser un processus d'évaluation et d'ajustement qui va durer des années, même, et ça fait un programme dynamique, à la fin. Ce n'est pas quelque chose de frustrant pour le monde impliqué.

M. Béchard: Mais, justement dans cette optique-là, est-ce qu'on ne devrait pas prendre la décision tout de suite de dire: On va trouver un modèle capable de répondre, un peu comme vous le mentionnez dès les premiers points de votre mémoire?

Le premier point, vous dites: «La culture québécoise est trop diversifiée pour se faire imposer un modèle unique d'enseignement et d'animation religieuse.» À partir du moment où ce principe-là est accepté, oui, il peut y avoir de l'évaluation, je suis parfaitement d'accord avec vous, mais est-ce qu'on ne pourrait pas immédiatement dire: Voici, toujours si on respecte ce principe-là...

Parce que ce que je comprends, en plus de votre argumentation, c'est: Si on n'est pas sûr de se rendre à ce point-là tout de suite, bien, essayons des modèles qui vont nous convaincre qu'on a raison, que c'est le bon point. Ha, ha, ha! Mais, si on vous dit tout de suite que vous avez raison et qu'on dit: On est prêt à y aller par, oui, peut-être, des projets-pilotes, dans certains cas où c'est nouveau, des ajustements, et tout ça, mais, moi, ma crainte, face à votre idée de l'essayer pendant cinq ans, c'est que, pendant ce temps-là...

Par exemple, on sait tous, en politique, que, quand on met quelque chose en place, c'est très difficile de l'enlever après. Même si ce n'est qu'un projet-pilote, il y a quelqu'un quelque part qui va dire: C'est maintenant un droit. Nous y avons eu accès, nos jeunes y ont été, on ne comprend pas pourquoi son petit frère n'irait pas, et tout ça. Vous comprenez un peu les liens que je veux faire avec d'autres sujets. Mais, moi, je vois dans cette idée-là quelque chose de dangereux, c'est-à-dire qu'à partir du moment où on donne ces options-là à des gens on ne peut plus les retirer après.

Donc, ne serait-on pas mieux de se rendre à votre argument que la culture québécoise est trop diversifiée pour se faire imposer un modèle unique d'enseignement et d'animation religieuse et, à partir de ça, de dire: Voici le processus d'implantation?

M. Oliver (David N.): Si la décision sera d'essayer d'être aussi ouvert qu'on peut, d'accueillir cette diversité et d'avoir une ouverture réelle non seulement aux réalités culturelles, mais aux vraies réalités religieuses des Québécois et des Québécoises, s'il y avait un désir d'avoir un comité qui pourrait fixer des barrières, des limites à ce processus pour protéger les droits des individus nécessaires, je crois que ce sera une façon de décider d'embarquer dans un processus qui sera toujours en développement mais qui aura une richesse assez grande pour satisfaire les besoins que nous avons exprimés et dont nous essayons de dire ça.

Si, finalement, c'est aussi riche et aussi respectueux non seulement de la réalité culturelle des différentes traditions religieuses, mais de ce vécu religieux des individus dans notre société, si vraiment on a ce désir et on trouve une façon de respecter ça et de faire une ouverture de tous les enfants à cette pluralité dans ce domaine-là, je crois que vous avez raison que, finalement, ce serait assez riche pour être un processus qui ne serait pas uniforme mais pluriforme, contrôlé, et je crois que, oui, ça pourrait répondre aux besoins comme je les vois, et je crois que je parlerais au nom de notre Église dans cette situation.

M. Béchard: Un peu pour continuer dans la même veine que ma collègue de Prévost l'avait fait, sur toute la question de l'animation pastorale. Vous décrivez, à la page 5, un peu la description de tâches de l'animateur de pastorale, dans le cas qui vous intéresse. Mais est-ce qu'il y aurait lieu de déterminer si l'animation pastorale doit continuer avec un contenu relié à l'enseignement religieux ou est-ce qu'on devrait passer à un type d'animation qui serait plus de vie sociale ou d'animation sociale dans les écoles détachée de l'enseignement religieux? Parce que – je ne sais pas si vous étiez là tantôt, j'en ai mentionné – il y a des gens qui sont venus qui font de l'animation pastorale et qui ont dit: Finalement, le contenu religieux de notre animation pastorale est à ce point minime qu'on pourrait l'enlever ou on pourrait avoir toutes sortes de formules, ça ne dérangerait pas le travail que l'on fait comme tel dans les écoles.

Alors, j'aimerais beaucoup que vous nous disiez: Est-ce que, pour vous, il doit y avoir encore un lien important entre l'enseignement religieux et le travail des animateurs de vie pastorale?

M. Oliver (David N.): Personnellement, je crois que notre expérience a été qu'aucun lien n'est approprié entre l'enseignement religieux et l'animateur de pastorale. À part certaines brèves interventions dans les classes, en général, l'animateur doit être quelqu'un qui est vraiment auprès des jeunes.

On a eu des expériences très prometteuses avec des gens qui font quelque chose d'aussi vague qu'on l'appelait «loitering with intent». Alors, ils étaient là, ils étaient dans le corridor, mais avec une intention, c'est-à-dire d'être auprès des jeunes et de les écouter, d'être présents pour eux autres.

(11 h 30)

Alors, personnellement, je crois que ce n'est pas le lien avec l'enseignement religieux qui est important, mais je crois que, si on met quelqu'un dans une situation, il faut qu'on ait une grande confiance dans les valeurs personnelles de cette personne, les valeurs religieuses qui animent cette personne. Alors, c'est pourquoi je crois que ça doit être quelqu'un de choisi, encouragé, encadré et soutenu par un groupe de la communauté.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Raymond.

M. Raymond (Walter): Mais je pense aussi que c'est commode d'envisager plusieurs modèles. Dans mon cas, dans mon école, dernièrement, moi, j'ai été dans le département d'enseignement religieux et aumônier. Ça m'a donné l'avantage que j'ai rencontré tous les élèves sur une base régulière. Je les ai connus de nom, ils m'ont connu. Il y a un certain rapport comme ça. Donc, ça a fonctionné, et il faut dire que l'école était assez petite qu'on n'avait pas moyen d'avoir plus de ressources personnelles en ce domaine-là. Donc, j'imagine qu'il y aura des situations semblables dans certaines écoles au Québec aussi.

Mais, de la même façon, on peut voir, surtout au niveau secondaire, par exemple, le fait d'être enseignant, le fait, par exemple, de donner une note pour un programme d'étude, ça peut compromettre, jusqu'à un certain point, le rapport entre le conseiller et l'élève. Donc, c'est un modèle que l'on trouve très fréquemment dans l'Église évangélique, où il y a un jeune collégial qui va travailler en animation pastorale auprès des jeunes en tant qu'ami, en tant que copain, en tant que quelqu'un qui est à leur niveau. Donc, il y a toute une rangée de possibilités. Encore, je pense que ça prend une certaine discrétion au niveau de la communauté puis de l'école puis en voyant les ressources disponibles, et tout ça.

Mais il y a un autre aspect dans le fait que j'aimerais ajouter. Dans mon expérience, le fait que les gens de la population vont de moins en moins à l'Église, c'est que l'animateur de pastorale devient de plus en plus le pasteur de la communauté, de l'école, donc des familles, des grands-parents et de tout le monde. Et, en tant qu'animateur de pastorale dans mon école, c'était moi qui était appelé pour les funérailles, pour les mariages, les baptêmes, toutes ces choses-là, puis des crises en familles, je m'en occupais aussi. C'est-à-dire qu'on dirait que le rôle du pasteur dans une Église, c'est changé, disons. Il y a moins de personnes qui vont se prévaloir de cette possibilité-là, puis, s'il y a un animateur de pastorale dans l'école, les parents la fréquentent aussi, donc il y a un rôle communautaire important aussi.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Raymond. Le temps est terminé pour l'opposition. Il reste huit minutes. Est-ce qu'il y a des questions du côté ministériel? Alors, nous vous remercions de votre participation.

M. Raymond (Walter): Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): On suspend pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 11 h 33)

(Reprise à 11 h 34)

La Présidente (Mme Bélanger): La commission de l'éducation reprend ses travaux. Je demanderais à L'Église presbytérienne au Canada de bien vouloir s'approcher de la table. Est-ce que M. Barry Mack...

Alors, bienvenue à cette commission. Je demanderais au porte-parole de bien vouloir se présenter et présenter les personnes qui l'accompagnent. Suite à ça, vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire qui sera suivi d'un échange avec les membres de chacun des groupes parlementaires.


L'Église presbytérienne au Canada

M. Mack (Barry): Je m'appelle Barry Mack. Je suis pasteur de l'église St. Andrews à Saint-Lambert. Je suis né ici, à Québec, et baptisé dans l'église St. Andrews à cinq minutes d'ici. Mais, malheureusement, nous sommes déménagés à Ottawa et puis à Victoria quand j'avais 18 mois. Alors, j'ai de la misère à m'exprimer en français dans un lieu comme ceci.

À ma droite, Dr. Barbara Trigger. Elle est membre du comité de l'éducation du Consistoire de Montréal. Les presbytériens aiment beaucoup les comités. Et, à ma gauche, M. Fouad Ajami. Et M. Ajami enseigne la physique au cégep Champlain à Saint-Lambert. Il est aussi membre du comité, et il parle le français très couramment.

Dimanche prochain, c'est la fin de l'année liturgique et la fête du Christ-Roi, n'est-ce pas? En anglais, c'est Christ the King. En latin, c'est Christus Rex; en grec, Christos Kurios. And it was for that confession, Christos Kurios, that early Christians were prepared to be fed to lions, as strange as that seems to us in a society like our own.

The stakes were high in making that claim because they were denying the ultimacy of Caesar Kurios: Caesar is Lord. Caesar's authority was not ultimate but bound and answerable to the higher sovereignty of God. And vestiges of this very ancient struggle in Christian history are reflected in the so-called «God Clause» of the Canadian Constitution.

Christians believe that the realm of human politics is not an ultimate one but is provisional and subject to the higher sovereignty of God. The claim that Jesus is Lord is one that has hard edges. The hard edges, I mean, it's in the sense that it's a claim about the world which is incompatible with other claims. It is not just an expression of subjective personal preference like: I like going to church or I like pizza. If Christ is Lord, then Caesar is not, then Krishna is not, then Mohammed is not, etc. It's a public claim, not a private one.

A central problem, a central question in the discussion before us is: What do we do in a pluralistic society when we run up against other claims which also have hard edges? The Lord our God is one, and Mohammed is his prophet. One possibility, it seems to me, is that we can trivialize them, that is, dismiss them all as equally false or equally true, which amounts to the same thing. We can say that while these people seem to be making a claim about how the world in fact is, they're really just expressing a private preference, say, for one flavor of ice cream over another. The second possibility is jihad or inquisition. We can attempt to impose our confession of faith on others by force or coercion. Faith claims have historically been fashioned into clubs.

But neither of these two options is attractive to us. We're looking for a way, for Christians, and Muslims, and Jews, and Hindus, and Buddhists, to come together in a way that neither denies nor trivializes the differences in faith that divide us nor fashions them into clubs to beat each other with. Though we affirm our desire to live as Christians in a liberal democratic state, we're also living on the cusp of a new millennium.

In my congregation in St. Lambert, we are planning to ask representatives of the local Jewish synagogue to help us usher in the new millennium by blowing the shofar, the ram's horn, the horn that was blown in ancient Israel to celebrate the Jubilee Year, not because the differences between Jews and Christians are trivial, because obviously we disagree on whether Jesus of Nazareth is Israel's Messiah or not, but because both communities of faith can look forward in hope to the horizon of God's future and we are content to leave some questions open until God resolves them, at the end of time. In the meantime, we can come together in ways that are enriching and which neither lead to social anarchy and violence nor deny and trivialize that which divides us and that which makes us us.

(11 h 40)

We wish to emphasize the links and the continuities between liberal democracy and the Judeo-Christian heritage. As we say in our submission, on page 6: It is not by accident that liberal democracy developed in Western Europe. Without getting into a history lesson, it's fair to say that democratic theory in practice emerged from the reformed wing of the Reformation via Oliver Cromwell and the Puritans. Liberal democracy did not spring out of thin air, it emerged out of a particular historical and religious context. And we think that it is a good question to ponder whether or not a liberal democratic ethos and practice can long survive without the transcendent religious faith that gave it birth. If you want a classic text on the subject: A.D. Lindsay's The Modern Democratic State , published in Britain, in 1943.

Various charters of human rights and freedoms are far from self-evidently true. The values which are implicit in such documents, namely respect for the individual and the belief in the essential equality of human beings, have strong roots in the Christian tradition. Can they be competently affirmed without some kind of transcendent backing? The Presbyterian Church, the Reform tradition, has historically supported the cause of public education and common public universities. The assumption was always that such education would include a good grounding in biblical Judeo-Christian tradition, which was assumed to be a common heritage, whatever denomination or flavors and preferences existed.

We're now content that such a religious grounding be expanded to include other major world religions because these will be a feature of the world that our children will live in in the third millennium. But, again, we insist that this not be done in a way that has the effect of relativizing and trivializing all religious faith,, and that's the point which gets developed on pages 4 and 5.

What we desire is an educational system which can be characterized as rich pluralism as opposed to a sterile and trivializing pluralism, a pluralism which seriously engages difference rather than nonchalantly dismissing it. In terms of specific recommendations, we think that the present MRE Protestant curriculum could serve as the basis of the common program proposed in the prereport – I refer you to page 9: «In our opinion, the Moral and Religious Education – Protestant – curriculum – about which the Taskforce makes favorable comment – provides a good basis for the course envisaged by the Taskforce. In fact, it already serves in this role at Centennial Regional High School and the Riverside School Board.»

Now I should say that I have a son, the oldest son. He was in at Centennial High School. He's in the TAG Program there and the class that he is a member of includes quite a number of Muslims, and Hindus, and some Buddhists, and I have got him to talk with his classmates. It's the same group of 30 kids that have gone through the whole school together from Grade 7 now to Grade 11. And I wanted to get their opinion on whether or not they felt marginalized, whether or not a Muslim person in a TAG Program felt marginalized by the curriculum that they had all studied together. The response I got from him is: No, that this has not been the reaction of his classmates. One girl had thought that the treatment of Islam had been inaccurate in a few places, but, on the whole, not bad. And they were rather pleased that their traditions had been taken seriously by the program.

I think that Centennial High School is a kind of limiting case. It's hard for me to imagine that there would be many high schools as ethnically and religiously diverse as Centennial. And so, I think it's a case that bears close examination. Maybe we can get into some of the details about that later on.

As far as religious animation is concerned, we've suggested the possibility of some kind of partnership between various religious bodies and the local school boards. From the Church's point of view, this would imply a reorientation of mission priorities. But I think that that is the reality for the Church in our generation. The mission is not in Africa – I've spent three years in Africa – it's not in China. The situation that we're most concerned about is our own children and our own schools, our own neighborhoods. Thank you.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci. Alors, M. le ministre.

M. Legault: Yes, Mr. Mack, Mr. Ajami, Dr. Trigger, thank you for being here and thank you for your presentation. I think that your presentation is very interesting and it's based on logic and it shows a very serious reflection you had on the subject. Peut-être, je vais commencer en français, and then I can translate if you want.

M. Mack (Barry): Oui, oui.

M. Legault: Vous favorisez, dans votre proposition, des accommodements. Vous parlez de décentralisation, de diversité, de pluralisme et aussi de la possibilité de projets d'écoles d'inspiration religieuse.

Vous préconisez aussi, en page 10, que tous les groupes puissent proposer au conseil d'une école de travailler avec leurs propres élèves. Est-ce que vous croyez – puis j'aimerais vous entendre un peu, on the practical aspect of all that – que c'est possible d'accommoder tous les groupes religieux au sein d'une même école? Et est-ce que vous ne voyez pas des problèmes de gestion? Pensons à Montréal, par exemple. Comment vous voyez l'application pratique? Comment se ferait le choix des différentes religions qui seraient enseignées dans chaque école?

M. Mack (Barry): O.K. Here we're talking about animation services, right?

M. Legault: Yes.

M. Mack (Barry): Now, already, at both Chambly High School and Centennial High School, a prayer room is set aside for Muslim students. I don't think that it's beyond the realm of possibility that an Imam would come in for several hours a week to work with the Muslim kids, nor do I think it's beyond the realm of possibility for a Jewish Rabbi to go to Centennial High School and work with Jewish kids.

On my own part, I have about 12 kids in my congregation who go to Centennial. Logistically, it would be a lot simpler for me to go to school at 4:00 p.m. and hold a communicants' class with them there, rather than trying to gather these kids from all over the South Shore to come to my church. I don't think its an impractical possibility and I think that it could be a very enriching one.

I know that, for example, my son would be quite interested in hearing about Islam from an Imam, from someone who actually knows about it and actually practices. He has a brother-in-law who is Jewish and lives in Israel. They get into fascinating religious discussions. But I know that my son is not interested in hearing about Judaism from someone who really doesn't know what he's talking about and who has no stake in the subject.

M. Legault: Ça, comme vous nous dites, c'est pour l'animation. Mais vous allez plus loin que ça, vous nous dites... Bon, d'un côté, vous pensez qu'on devrait cesser d'attribuer des statuts confessionnels aux écoles, mais vous nous dites que vous êtes ouverts à la possibilité de créer un projet d'école fondé sur les valeurs religieuses. Qu'est-ce que vous voyez comme différences? What is the difference you see between a school with a status – confessional status – and an educative project based on religion?

M. Mack (Barry): I'm not sure of the distinction. I put that in there as a possibility. I think I say in the report that this is not my personal preference nor do I think it is the preference of most Presbyterians in Montreal. But I think that it would please me to have that possibility there, should things not work out in the public system the way I certainly would hope and wish that they will. I think that perhaps Fouad can speak more to that subject.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Ajami.

(11 h 50)

M. Ajami (Fouad): Oui. La question, c'est que, dans quelques générations, les protestants ont créé un système presque universel. Ils ont accepté toutes les autres religions à l'intérieur de groupes protestants, et ça, ça a été fait de bonne volonté, par désir d'étendre l'éducation à des gens qui ne sont pas des protestants. Les commissions protestantes avaient couramment des nombres de Juifs, d'Hindous et d'autres religions qui ont été acceptés par les protestants. Par souci de ne pas donner une offense à ces gens-là, les protestants ont diminué l'intensité de l'enseignement religieux jusqu'à un point où ça a presque disparu.

Mais, pourtant, les protestants ont toujours historiquement été loyaux envers le système d'éducation civil. Cependant, il y a certains membres qui commencent à se questionner, qui disent qu'on peut donner des concessions jusqu'à un certain point, mais, si ça va plus loin que ça, il n'y aura aucune éducation religieuse et on devra alors créer nos propres écoles, d'une façon ou d'une autre.

On préfère toujours que ce soit à l'intérieur du système scolaire public, pourvu que le système scolaire public aussi respecte, dans une certaine mesure, les valeurs que les protestants acceptent. Et, si on trouve que le système public ne respecte plus ces valeurs, les gens vont aller ailleurs. Ça s'est passé aux États-Unis.

Il y a à peu près une génération, la Cour suprême a empêché les prières, et, depuis ce moment-là, plusieurs chrétiens ont choisi plusieurs méthodes: de créer des écoles privées, d'enseigner à la maison, «home schooling», et tout ça, ce sont des réactions à un effet séculariste très puissant.

Donc, ce qu'on veut, c'est d'avoir en réserve la possibilité d'avoir ça, mais ce n'est pas le premier choix. Le premier choix, c'est de maintenir un système public cohérent mais qui respecte les valeurs des protestants aussi. Mais on dit qu'il y a beaucoup de gens qui peuvent aller ailleurs, et ça, ce sera une perte pour le système public, comme ça a été vu aux États-Unis.

M. Legault: Suite à votre proposition d'élargir aux autres religions, vous proposez aussi que, au niveau du Conseil supérieur de l'éducation, on élargisse nos comités. Juste pour que je comprenne bien, là, actuellement on a deux comités: un protestant, un catholique. Est-ce que vous proposez d'avoir d'autres comités ou d'avoir un seul comité où il y aurait plus de religions? Qu'est-ce que vous proposez au niveau du Conseil supérieur?

M. Mack (Barry): Juste un seul comité, je pense.

M. Legault: Un comité.

M. Mack (Barry): Oui. Un seul comité. Le but, c'est d'élargir les groupes impliqués dans un policy making or reviewing curriculum material or... And I think that the Jewish community or the Muslim community could be approached to work out for themselves who would represent them on this kind of interfaith committee that would have links with the Conseil supérieur.

M. Legault: O.K. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le ministre. M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

Une voix: ...

La Présidente (Mme Bélanger): Oh! excusez-moi. Mme la députée de Rimouski.

Mme Charest: Merci. Je lisais votre mémoire et vous êtes d'accord avec le principe d'un cours commun sur les religions sur la base historique et culturelle. Par ailleurs, vous mettez certaines balises, vous donnez certaines conditions, dans le sens que vous dites qu'on doit quand même éviter l'endoctrinement d'une religion par rapport aux autres.

Vous voulez que la tradition judéo-chrétienne ait une place privilégiée et que l'enseignement d'une religion, il ne doit pas se faire nécessairement au détriment des autres. Mais comment l'enseignement religieux à l'école peut faire tout cela en respectant toutes vos conditions? Comment ça se fait, ça, dans la vraie vie? Parce que c'est assez difficile. Je pense que les gens d'une confession, ils sont croyants. Donc, ils vont avoir certaines tendances sûrement à vouloir convaincre. Alors, ce ne sera pas seulement un cours de diffusion de la connaissance sur les différentes religions comme tel.

M. Mack (Barry): I think it is possible to write a curriculum like that. I suggest that the protestant MRE program might be a place to start. I think if you had a group that represented the faith communities in Québec, they would be able to look at some existing curriculum and say: Well, we recognize ourselves in this description or we don't recognize ourselves in this description or this account of... I don't know, the Reformation really can't be sustained in relation to Catholic students, we're going to have to find another way for phrasing it.

Now, of course, you have curriculum at one level but, of course, what goes on in the classroom depends largely upon who's teaching it, and none of us at this level could really know what goes on there. So, you have to have teachers who are passionate about the subject, well informed about the subject and how are things... Of course, there's going to be personal bias. That's inevitable in teaching. But, as long as the system as a whole is not perceived to be a bias or eschewed, I think that most of us can live with it. As a Protestant, I sent my second son to an école française catholique. O.K. So, he came home with questions about saint François-Xavier, un ami de Jésus. I said: All he learns there is great. If he gets too excited about the Virgin Mary, I'm gonna set him straight. O.K.? Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Charest: It's a good example. Ha, ha, ha!

M. Mack (Barry): O.K. And the same thing is true for Jews or Muslims. If he has a Muslim teacher, I hope that he really learns what Islam is about so that if he ever works at External Affairs he's not going to be as ignorant as some of the people are there. Ha, ha, ha!

Mme Charest: Thanks a lot! Ça va aller.

La Présidente (Mme Bélanger): Ça va? M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Oui, merci, Mme la Présidente. Mr. Mack, Mr. Ajami and Dr. Trigger, it was really interesting and a real pleasure to have you here today. And, while this commission is a good occasion for all of us to discuss about the place that religion should take in school, on the other part, it's a really good occasion for us to learn more and more about some other religions. In my case, I don't know a lot about your religion and your tradition, and it was really interesting to hear you today.

Première question...

M. Mack (Barry): C'est la même religion, c'est juste une saveur différente.

M. Béchard: Des pratiques différentes. Ma première question est reliée à un élément à la page 5 de votre mémoire. Vous mentionnez qu'il est très important pour vous. Vous ne voulez pas imposer vos traditions aux autres mais ne pas non plus vous faire imposer les traditions des autres. Vous n'êtes pas nécessairement non plus contre l'idée de mettre en place un cours de culture des religions, comme le propose le rapport Proulx, à côté de l'enseignement religieux, mais aussi ce cours-là. À l'intérieur d'un cours culturel des religions, comment pourrait-on penser que, de façon neutre, il n'y ait pas de tentatives ou de sous-entendus pour amener ou tenter de... Comment peut-on vraiment trouver la neutralité dans un cours de culture des religions?

M. Mack (Barry): Well, I think that the notion of complete neutrality is a myth. I think that, always, we speak from a certain position. So, I think, what we want to do is encourage in our students a sens critique, an awareness that we do come from these different backgrounds, but to get into a serious discussion about that. I think it is possible, for example, for a historical course on religion to talk about differences between Roman Catholics and Protestants back in the 16th century. I think it is possible to talk about that which divides Christians and Jews and to do it in a way that both Jews and Christians will accept as fair.

Now, there is no neutral vantage point, except maybe God's. O.K. Most of us struggle with partial perspectives and faith commitments, but we try and be as honest in our discussions, in our dialogues as possible so what can't happen is that things which are factually erroneous or judgments which are obviously biased exist in curriculum material.

(12 heures)

M. Béchard: But, how could we be sure that people will teach and will be able to be neutral, to be good teachers, to agree with the program, vont être à l'aise d'enseigner? Because one of our challenges is not only to say we will put some other religions there, some new program, maybe this kind of course, too, of cultural teaching of religions, but one of the most important questions, I think, is about the people who will teach.

M. Mack (Barry): Right.

M. Béchard: How could we be sure that the teacher will have a good formation, will be in good position to teach? Some people have suggested to this commission that maybe we could have some specialists who will teach only religion in two, three, four schools. What are you thinking about this hypothesis?

M. Mack (Barry): Cam I turn this question over to the teacher?

M. Béchard: Yes.

M. Ajami (Fouad): Moi, j'enseigne dans un collège depuis 23 ans – j'enseigne dans les sciences – et j'ai participé à des comités provinciaux où les questions ont été posées: Comment on peut s'assurer que les professeurs font ce qu'ils doivent faire? Et la réponse, c'est qu'il y a des limites à jusqu'où on peut s'assurer de la qualité du travail. En fin de compte, c'est le professeur, il est seul avec les étudiants et c'est sa conscience qui travaille.

Mais il y a des modes de supervision qu'on peut imaginer, le professeur n'est pas tout à fait seul. La méthode de formation peut être organisée entre le ministère, par exemple, et les Églises, si on parle de la religion. Les Églises locales connaissent plus ou moins, peuvent savoir ce qui se passe à l'intérieur d'une école, et le professeur ne fonctionne pas entièrement dans un vide, il fonctionne à l'intérieur d'une institution. Il y a des systèmes qu'on peut mettre en place, on peut savoir plus ou moins ce qui se passe, on peut savoir la qualité, on peut organiser des choses.

Mais de connaître à 100 % qu'est-ce qui va se passer ou de s'assurer à l'avance que le professeur va être à 100 % correct, il y a trop de variables entre la clientèle, entre le temps, entre beaucoup de choses. On peut s'assurer raisonnablement, si on prend soin d'avoir des comités de supervision, que le professeur devra donner compte. Il y a des moyens que le professeur donne des comptes de ce qui se passe. Et puis on peut avoir un assez bon contrôle sans l'assurance d'un contrôle complet et total. Il ne faut jamais espérer avoir ce contrôle complet et total.

M. Béchard: Mais est-ce que vous pensez que l'idée d'avoir des spécialistes de l'enseignement religieux pourrait être une bonne solution, c'est-à-dire un peu comme on le fait avec les professeurs de langue où, au primaire, l'enseignant vient dans la classe donner son cours d'anglais, par exemple, et fait plusieurs classes, plusieurs écoles, mais ne fait que ça? Est-ce que vous pensez que ce serait une bonne solution, d'avoir des enseignants de religion qui seraient des spécialistes?

M. Mack (Barry): Well, I don't know whether you need people who are specifically assigned this subject, but I think you need teachers who take the subject seriously. I would think that, 10 years ago, there was a widely-held view that religion was simply going to disappear off the world's agenda. We were all going to evolve into some secular state where issues were simply decided on the basis of reason. And it seems to me that this worldview has evaporated in the face of the evening news. The fact is that Islam is not going to disappear.

We're, in fact, moving into a world which is going to be divided, at least according to Samuel Huntington, who's – well, he did – in the American State Department, along religious and cultural lines. These religious and cultural factors are going to be fundamental to how we relate, as countries and blocks, within the world that we're moving into. So, we need people who are prepared to take this subject seriously. If they think that religion is all bias and they ought not to be teaching that subject... And that's what I'm worried about as a minister, that I get people teaching in a class who send out the subliminal message that it's all nonsense. Right? Kids, stick to math, stick to science, stick to something that you can make some real money at, because all the rest of it is... O.K.? And that's a message that teachers can send out very effectively. Right?

M. Béchard: O.K. Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Mme la députée de Jean-Talon.

Mme Delisle: Qu'est-ce qu'il reste comme temps?

La Présidente (Mme Bélanger): Il reste 11 minutes.

Mme Delisle: Thank you. I think that sitting on this commission is more than enlightening, it's like going back in time and realizing that I'm from a generation that, if... You know, I'm a Catholic, and I remember my grandmother saying to me that, if I tried to peak into a Presbyterian church or a Protestant church, I was probably going to be excommunicated. So, we've come a long way.

M. Mack (Barry): Thank God!

Mme Delisle: I'm very interested in what you said before, picking up on your own experience about how you go to different schools and how it would probably be more interesting for you if you had a group... I'm coming back to l'animation pastorale, where you would probably have a group where you would have children from different religions, where it would be easier for you, after school, to do this. Maybe I misunderstood. But my question would be, if that's not what you said: Would it be easier for whoever was doing l'animation pastorale to do it outside of the school curriculum or would it be preferable to be within the school curriculum?

M. Mack (Barry): I think there are all kinds of different models that are possible. At Centennial High School, you have someone who spends 80 % of his time teaching moral and religious education, 20 % doing religious animation, and he works closely with the woman who does Catholic pastoral animation. The two groups of Christians at the school at the moment... You've got the Pentecostals, who are, you know, inclined to hand waving and stuff, and you've got the serious Oriental, mostly Chinese, Bible students. The challenge for these Catholic and Protestant animators is going to be gathering all the Christians together from a whole variety of traditions... I suppose, before they even try to relate to Muslims, is getting the Christians together, so that Catholics, and Pentecostals, and serious Chinese students can be enriched by getting to know each other a little bit.

So, now, my interest in the system is... I have maybe 15 kids in my congregation who go to that high school. Now, part of my professional responsibility is to prepare these kids for Communion. So, we have a series of classes which we call Confirmation classes. Logistically, it would be a lot simpler for me to go to Centennial High School at 4:00 p.m. at the end of the school day and meet with them in a classroom, because I have kids coming from Mont Bruno, Candiac, Delson. It's a big logistical problem simply getting them to church for a Wednesday after school, a Wednesday night.

Mme Delisle: So, it's not... Part of it is not really...

M. Mack (Barry): That wouldn't...

Mme Delisle: ...an issue for you. You have to be with these children anyway, whether it's after school or within the system. O.K.

M. Mack (Barry): The school would be a convenient place to meet, but it's also helpful for me to keep in touch with Tom Ransom, who does the pastoral animation, so I can get his reading on how kids are doing and I give him feedback and he tells...

(12 h 10)

Mme Delisle: O.K. I'd like to come back to training, because my colleague and someone else – I think the Minister did – talked about training also. It seems to me that it's extremely important that the teaching be done by people who are trained for this, and I think we went from a system where the priests or the deans, you know, were there to do that, many years ago, to a system where just about anybody did it. As a mother and as a young grand-mother, I'm very worried about who's going to be doing this teaching.

Shouldn't we think of having some kind of university training where whoever teaches religion – in whatever way it should be treated or taught, I should say – if you're going to be teaching religion – whether c'est la culture des religions or whatever way we are going to decide to do this – it should be understood by everyone – and that includes parents, who, I think, we're not talking very much about – that this is part of the values that we want to not only share, but live by. It seems to me that, if we are going to be looking at the whole system, we should include that right away. It should be understood that, whether the teachers come with a university background, a religious background, you know, le feu, la passion should be in there also. It shouldn't be just... I know, I'm asking a question, I shouldn't answer the question.

M. Mack (Barry): Well, one of my other hats, I'm on the Continuing Education Committee of Presbyterian College – it's a theological college here in Montréal, off the McGill campus – and I think that the colleges would certainly be open to working with the Faculty of Religious Studies at McGill – Catholic, Protestant, Jewish – in thinking about how we might design courses that would help teachers teach whatever curriculum emerges from the system.

Mme Delisle: But should it be a university course? Should it be...

M. Mack (Barry): I think it should be a university level course, sure.

Mme Delisle: Level course? O.K.

M. Mack (Barry): Now, you might find a teacher in the system who's already, you know, qualified and joined the Union and whatever and who has an interest, a passion in religion, and a few courses and some reading... I don't know if you need a full B.A. in, you know, Comparative Religion or something in order to teach, but you have to be...

Mme Delisle: It could be Social Studies, it could be... O.K.

M. Mack (Barry): Yes, and there has to be interest, commitment, passion, a willingness to learn, to explore, to take whatever courses are offered on their pedagogical days. I remember talking to Father John Walsh, who has this radio program on CJAD, and suggesting that we ought to get the MRE teachers together for a weekend retreat, just to try and figure out where they were in their own faith journey. Before they inflicted whatever it was they were going to teach on a bunch of kids, they should know where they were coming from themselves. Because I think this business of neutrality is bogus.

Mme Delisle: Thank you.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, il n'y a pas d'autres questions? Alors, nous vous remercions de votre présence.

Alors, la commission suspend ses travaux...

Une voix: ...

La Présidente (Mme Bélanger): Est-ce que vous avez encore quelque chose à dire?

Mme Trigger (Barbara): Je voudrais faire une petite plainte pour les parents.

La Présidente (Mme Bélanger): Quoi?

Mme Delisle: Elle veut parler des parents.

La Présidente (Mme Bélanger): O.K.

Mme Trigger (Barbara): C'est que, depuis 30 ans, nous avons le bouleversement presque perpétuel dans le système d'éducation au Québec; c'est l'incertitude depuis des années. Et pourquoi veut-on encore des changements, quand on a fait, il y a un an seulement, cette très grande restructuration du système d'éducation: on a déconfessionnalisé les «school boards»? Les parents et les enfants détestent cet état constant de flux et d'incertitude.

Maintenant, on a beaucoup d'enfants, d'élèves qui sont élevés sans croyances et presque déracinés. Ils n'ont aucune idée de leur situation dans une tradition religieuse qui a servi, qui a duré pendant 2 000 ans. On va tous fêter le «millenium», mais la plupart des gens ne connaissent pas ce que ça représente. J'ai vu une bande dessinée qui montrait deux personnes qui passaient une église, là, où il y avait une grande pancarte qui disait: Fêtez le «millenium» avec nous. L'un du couple s'est tourné vers l'autre et a dit: Pourquoi ils veulent insérer la religion dans tout, même dans le «millenium»? On entend des enfants qui croient que Jeanne d'Arc, c'est la soeur de Noé.

Il ne reste jamais pour longtemps un vide. Si on ne croit pas dans des croyances traditionnelles, on commence à croire dans l'astrologie, les objets extraterrestres et les choses un peu extraordinaires. J'ai été sur le Comité protestant pendant quatre ans, et une chose que nous avions à faire, c'était d'approuver les livres qui étaient les textes pour les écoles. On nous a offert plusieurs livres qui parlaient de l'astrologie comme si c'était une chose acceptée, pas une affaire un peu frivole.

Si les écoles publiques ne donnent pas une éducation culturelle et religieuse, une formation solide, alors les fanatiques et les fondamentalistes vont exiger leurs propres écoles où envoyer leurs enfants, ce qui est très divisif. Il y a des gens qui disent que les croyants devraient éduquer leurs enfants dans leurs églises les fins de semaine. Mais, si on va dans ce sens, il n'y a pas assez de temps – un jour, une heure par semaine – pour faire une bonne éducation, comme ça.

Alors, je dis que les enfants ont besoin de stabilité et qu'on doit rouler très lentement pour introduire des grands changements à ce moment, quand on a déjà subi tellement de bouleversements. Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, Mme Trigger. Alors, la commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 17)

(Reprise à 15 h 20)

La Présidente (Mme Charest): Nous avons le quorum. Je déclare la séance ouverte, la séance de la commission de l'éducation. Le mandat de la commission est à l'effet de procéder à une consultation générale et tenir des auditions publiques sur la place de la religion à l'école.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire: Non, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Charest): Merci. Alors, l'ordre du jour de cet après-midi: Conférence religieuse canadienne, région du Québec; Association des communautés scolaires franco-protestantes du Québec; l'Association québécoise des conseillères et des conseillers au service de l'éducation chrétienne, et nous ajournerons à 18 heures.

Maintenant, nous allons procéder avec la Conférence religieuse canadienne, région du Québec. Je vous demanderais de vous présenter. Je vous souhaite la bienvenue. Vous aurez 20 minutes pour nous faire votre exposé. S'ensuivra, de part et d'autre de la table, un échange de 20 minutes de chaque côté avec vous, à la suite de votre exposé. Allez-y, nous vous écoutons.


Conférence religieuse canadienne, région du Québec (CRCQ)

M. St-Jacques (Jean-Marc): Merci, Mme la Présidente. À ma droite, Mme Monique Angers est la secrétaire permanente du comité de la mission éducative de la CRCQ, la Conférence religieuse canadienne, région du Québec. À ma gauche, Mme Céline Beaulieu est secrétaire générale. Au bout, Mme Germaine Pouliot est membre de l'Association des religieuses enseignantes du Québec. Moi-même, Jean-Marc St-Jacques, je suis président du comité. Et nous accompagne aussi, à l'arrière, Mme Louise Stafford, des communications à la CRCQ. Nous vous remercions de nous accueillir ici, cet après-midi, pour qu'on puisse vous présenter brièvement notre mémoire, qui a été déposé à la commission.

Le comité de la mission éducative de la Conférence religieuse canadienne, région du Québec, mieux connu sous le nom de CRCQ, représente les premiers responsables des communautés religieuses de la province. Et l'Association des religieuses enseignantes du Québec – AREQ – regroupe, quant à elle, les religieuses engagées dans le monde de l'éducation.

Nos points d'ancrage. C'est d'abord notre rôle comme citoyens. Nous croyons que c'est de notre responsabilité de participer à l'élaboration d'un projet de société qui prenne en compte, notamment, la formation et l'avenir de sa jeunesse. L'héritage légué par les communautés religieuses dans les milieux québécois d'éducation tout comme leur engagement contemporain avec les forces créatrices de notre société nous incitent à présenter notre vision de la mission de l'école et nos interrogations relatives à l'intégration de la dimension religieuse dans la formation des jeunes. Le rôle, aussi, d'artisanes joué par les congrégations ainsi que notre participation présente au devenir de la société québécoise constituent des points d'ancrage du regard critique que nous portons sur l'évolution de nos institutions publiques.

Nous croyons que nous devons aller vers un changement qui est nécessaire. La réalité sociale a changé, la réalité familiale est transformée, le rapport des ménages au travail et à l'économie, la sécularisation, la pluriethnicité, l'accès au monde planétaire nous amènent à croire qu'il faut procéder à un changement. Compte tenu de la réalité actuelle et à venir de notre société, compte tenu aussi, nous devons en convenir, des limites présentes de l'enseignement religieux dans les écoles publiques québécoises, nous concevons que le statu quo n'est plus acceptable. En conséquence, nous espérons pour l'avenir un nécessaire ajustement des rôles respectifs de l'école et des communautés de foi selon lequel chaque entité assumera la part de responsabilités qui lui incombe: à l'école, l'acquisition de connaissances, de compétences et la formation globale de la personne; aux Églises, le cheminement de foi.

Notre perspective. Comme vous pourrez le constater, nous n'avons pas, notamment, voulu intervenir sur les aspects légaux, tels la clause dérogatoire ou l'article 41 de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne. Nous choisissons également de ne pas insister sur le statut confessionnel ou laïque des écoles. Il importe pour nous surtout d'intervenir à propos des services que nous escomptons pour les élèves de nos écoles. Les jeunes générations ont droit à une école publique, celle de la majorité, qui assume son rôle comme lieu de formation intégrale de la personne humaine, y compris la dimension spirituelle. Nous attendons de l'école qu'elle soit non seulement un lieu d'accès au savoir, mais aussi un espace d'intégration des valeurs, d'expérimentation du «vivre ensemble» et d'apprentissage de l'engagement.

Donc, telle est notre perspective, spécifiquement pédagogique, avec laquelle nous aborderons trois aspects: une école ouverte et accessible, une école qui remplit sa mission, une école qui intègre comme services éducatifs l'enseignement religieux et moral ainsi que l'animation spirituelle. L'approche que nous favorisons est celle d'un changement progressif, dans une dynamique de dialogue, qui conduise à des consensus sociaux.

D'abord, une école ouverte et accessible. Après la famille, première responsable de l'éducation des jeunes, l'école a, dans la société, une place de premier choix pour continuer ce qui a été commencé dans la cellule familiale.

Partageant globalement la philosophie de l'école énoncée dans le rapport Proulx et nous inscrivant dans une perspective d'accessibilité et d'équité, nous estimons primordiale l'ouverture que doivent créer les écoles publiques afin de favoriser l'intégration de tous les jeunes, sans égard à leur nationalité d'origine, à leur culture ou à leur option religieuse. Le slogan des années soixante-dix, L'école pour tous , a permis une évolution remarquable du monde scolaire, du point de vue de l'accessibilité et de la démocratisation. Une telle orientation mérite d'être poursuivie et élargie pour englober tous les niveaux: le géographique, le social et le religieux.

Nous réaffirmons donc que l'école publique doit être accessible à tout le monde, que chacun, chacune doit pouvoir s'y reconnaître dans son identité et son altérité et que les services éducatifs doivent être adaptés pour répondre adéquatement aux besoins d'une population diversifiée tout en tenant compte des droits comme des devoirs de la majorité.

Notre point 2, la mission de l'école. Réaffirmer que la mission de l'école est d'abord d'instruire et de former s'avère une évidence, puisque la première tâche qu'on lui reconnaît est de transmettre la connaissance et la culture. Nous savons essentielle la tâche qui vise l'atteinte des objectifs cognitifs pour chacune des matières scolaires, mais, considérant la globalité de la personne humaine dans toutes ses dimensions, nous croyons que la fonction de l'école ne saurait se limiter à ce mandat. Dans son rôle de formation, l'école doit aussi viser le développement intégral et le plein épanouissement des élèves qui constituent sa clientèle. C'est à ce chapitre qu'intervient l'impératif d'intégrer, à la formation des élèves, les dimensions religieuses et spirituelles comme outils essentiels à une nécessaire quête de sens.

Il y a d'abord une question de référence. Nous souhaitons que les responsables de l'éducation forment des personnes au savoir large, habiles, socialisées et en pleine possession des moyens pour assumer toutes les responsabilités de leur vie personnelle, professionnelle et sociale. Le fait religieux appartient à cet ensemble des objectifs de formation, tant au plan du savoir que du savoir être et du savoir agir.

Tout en reconnaissant la part de responsabilité des Églises en regard de l'éducation religieuse des croyantes et des croyants, nous concevons que l'école ne saurait s'abstraire de toute responsabilité à cet égard. L'une de ces responsabilités consiste à intégrer au curriculum les données du phénomène religieux.

L'école aide aussi les jeunes à repérer leur propre identité religieuse parmi d'autres et les habilite à reconnaître, comprendre, et accueillir les autres dans ce qu'ils portent comme croyances et comme valeurs. Considérant les défis auxquels ils sont et seront confrontés dans leur vie personnelle et collective, nous portons la conviction que les jeunes du IIIe millénaire ont besoin de lieux de formation qui soutiennent leur quête de sens et leurs aspirations spirituelles. Il importe qu'ils puissent se référer à des valeurs fondamentales et à des témoins de façon à imprimer une direction à leur existence. Il nous apparaît essentiel que les deux instances, Églises et État, puissent s'entendre dans un dialogue ouvert pour qu'ensemble ils arrivent à départager leurs responsabilités réciproques sur ce plan.

(15 h 30)

Quelques impératifs de formation. Dans ce processus de construction de l'humain et de recherche de sens, l'école devra faire en sorte que les jeunes, à travers leur propre héritage et dans la découverte d'autres cultures religieuses, découvrent et adoptent une vision et une attitude critiques non seulement par rapport à leur propre environnement religieux, mais aussi en regard des autres systèmes religieux et des courants qui traversent la société. À l'heure de la circulation maximale de l'information et de l'absence quasi totale de frontières, nous connaissons l'ampleur du marché religieux et idéologique. Nous insistons donc sur l'importance de développer chez nos jeunes une conscience critique qui leur permette d'effectuer des discernements, de faire des choix judicieux dans l'autonomie et la responsabilité.

Dans la même foulée, nous considérons que l'éducation doit aussi produire des personnes de conviction. Tout en évitant l'endoctrinement, l'école a le devoir de développer chez les jeunes la fierté d'appartenir à une nation, de s'inscrire dans une tradition culturelle et religieuse. Elle a également le devoir d'ouvrir des portes pour que les jeunes deviennent aptes à prendre des engagements comme citoyennes et citoyens. Il nous apparaît évident que l'école, en alliance avec les autres agents d'éducation – parents, Église, société et les jeunes eux-mêmes – est tenue de faire de nos jeunes Québécois et Québécoises des hommes et des femmes habilités à prendre des responsabilités, capables de sens critique, ouverts au monde, des hommes et des femmes debout, des bâtisseurs et des bâtisseuses d'avenir.

Notre point 3, les enseignements et l'animation. Pour ce qui est des programmes comme tels, la recommandation 5 du rapport Proulx, qui propose, en lieu et place des enseignements religieux catholique et protestant, un enseignement culturel des religions pour tous, nous apparaît une solution pertinente qui tient compte de l'état actuel de la société québécoise. Cependant, notre réflexion sur le sujet nous amène à exprimer des réserves sur l'approche formulée par le Groupe de travail, notamment, quant à la distinction entre les niveaux primaire et secondaire et à la place accordée aux différentes cultures religieuses, nommément à la tradition chrétienne, et également à l'importance de l'enseignement moral et finalement au service d'animation religieuse et spirituelle.

Donc, sur les niveaux d'enseignement, nous croyons devoir distinguer la situation du niveau primaire par rapport au secondaire. Il nous semble inopportun de mettre les enfants du primaire prématurément en contact avec des données multiples qui sèmeraient chez eux de la confusion. Nous croyons, d'autre part, que, pour accueillir les autres cultures, il faut avoir suffisamment intégré la sienne. C'est pourquoi nous soutenons que le temps du primaire devrait permettre aux enfants de progresser vers leur propre identité religieuse dans leur propre communauté de foi. À ce niveau, le rôle de l'école pourrait être l'apprentissage de la lecture du religieux dans l'environnement de l'enfant, la compréhension des signes religieux présents dans la société et l'identification du différent dans la vie des enfants de son âge.

Au niveau de la tradition chrétienne, convaincus de l'importance d'une continuité dans la formation, génération après génération, et considérant que la foi partagée traditionnellement par l'ensemble de la population québécoise a contribué à façonner notre personnalité collective porteuse de valeurs propres et d'une culture unique, nous estimons prioritaire que l'enseignement dit culturel des religions accorde une importance particulière à la tradition chrétienne. Il est essentiel que les jeunes Québécois et Québécoises, quelle que soit leur origine ethnique ou leur appartenance religieuse, saisissent la culture chrétienne d'ici, celle dans laquelle toute la société québécoise a baigné depuis des siècles, afin qu'ils perçoivent bien les couleurs spécifiques de notre société. En même temps, l'accès à cette culture particulière devrait permettre d'établir des ponts entre les cultures et ouvrir la voie aux jeunes des divers groupes ethniques afin qu'ils assument leur propre identité dans un «vivre ensemble» au Québec.

Au niveau du dialogue entre les confessions, nous suggérons que les thématiques majeures reliées au fait religieux – à titre d'exemple, les images de l'absolu, les grandes figures religieuses, le mythe des origines de l'humanité, la conception de l'après-vie – soient traitées successivement, illustrées à partir de chacune des grandes traditions. Ainsi, les jeunes auraient la possibilité de se situer, avec leur propre héritage religieux, parmi d'autres, et ce, d'une façon ouverte et critique. Dans une telle perspective ouverte à l'altérité, nous comprenons que l'accueil des personnes initiées à une autre culture religieuse ou étant parvenues à des croyances religieuses différentes de la foi judéo-chrétienne ne signifie pas une abdication de la culture de la foi chez celles et ceux qui accueillent.

Au niveau des programmes d'enseignement religieux, de ce point de vue, nous portons à votre attention une autre réserve. La méthodologie des sciences humaines et sociales de la religion entraîne un parti pris d'objectivité, voire de neutralité et de distanciation qui ne nous semble pas favorable à un cheminement existentiel par rapport au fait religieux. Cette approche transparaît dans le rapport Proulx où ne semblent retenus que les objectifs proprement cognitifs.

Nous insistons pour que l'enseignement religieux dépasse l'univers froid des connaissances, qu'il inclue des objectifs psychopédagogiques de formation personnelle, telles les attitudes à développer, et qu'il cible des compétences à acquérir. Mentionnons, à titre d'exemple, l'éveil du sens critique et la capacité d'utiliser les connaissances acquises comme grille de lecture de la réalité.

Plus concrètement, nous proposons un programme modulaire comportant des unités obligatoires afin que tous les élèves du Québec aient accès à un curriculum large, identique pour tous, couvrant les grands courants religieux. Ce contenu de base gagnerait à être complété par des unités optionnelles, adaptables selon les composantes de la population scolaire visée et selon les préférences des partenaires de chaque milieu.

Au niveau de l'enseignement moral, le rapport Proulx laisse entendre que l'enseignement moral pourrait continuer de faire partie du curriculum scolaire. Nous portons, quant à nous, la conviction que cet élément est essentiel à la formation de tous les jeunes des écoles primaires et secondaires. Un espace doit effectivement y être alloué à l'appropriation d'une démarche morale. Il faut convenir qu'en éducation développer le jugement et l'agir moral des jeunes est une nécessité absolue si nous voulons en faire des hommes et des femmes de décision, conscients et responsables.

Au niveau de l'animation de la vie religieuse et spirituelle, nous considérons essentielle l'idée d'offrir à l'école un service commun d'animation de la vie religieuse et spirituelle qui réponde aux aspirations d'une partie importante de la population. L'existence dans les écoles, tant primaires que secondaires, de lieux de gratuité et de milieux de vie nous apparaît très importante. Et que l'un de ces lieux privilégiés cultive la dimension spirituelle de toute personne humaine nous semble aller de soi. Selon nous, il ne saurait donc être question de laisser le soin aux communautés locales de juger de la pertinence d'un tel service pour leur milieu. En conséquence, nous recommandons que le service actuel d'animation pastorale soit prolongé par un service d'animation de la vie spirituelle et religieuse qui tienne compte, s'il y a lieu, du contexte pluraliste. Nous admettons que ce service puisse intégrer une approche multiconfessionnelle dans les milieux où la composition de la population scolaire la légitimerait.

Ce service d'animation spirituelle, nous le concevons comme un lieu de vie et d'expérience, de rencontre avec soi et avec les autres. Ses objectifs devraient rejoindre le besoin criant de souffle au coeur d'un monde matérialisant et compétitif. Il devrait inclure des activités alliant des éléments rituels et l'incitation à l'engagement dans la collectivité. Il est essentiel que ce foyer d'animation soutienne le potentiel d'engagement des jeunes, favorise le réveil à la solidarité et leur implication dans leur milieu de vie, par exemple, dans les mouvements de jeunes, les projets de solidarité internationale, les services communautaires dans leur milieu. Il convient également d'y garantir des espaces pour l'expression d'activités à caractère plus confessionnel. Nous accueillons la proposition d'un tel service comme un plus par rapport à la situation actuelle. Présentement, les conditions des services de pastorale au secondaire s'avèrent très inégales et la portion accordée au primaire nous apparaît davantage congrue.

Notre point 4 et notre dernier point, sur la manière de faire le changement. Considérant le caractère émotif du débat, nous redoutons l'impact d'une décision législative radicale qui ne ferait qu'envenimer les susceptibilités et provoquer des cassures irrémédiables. Plutôt qu'une solution polarisante, nous préconisons une approche de changements progressifs basée sur le dialogue entre les différentes instances responsables comme avec les différentes composantes de la société. Dans la transparence, dans le respect mutuel, les uns et les autres pourraient rechercher ensemble ce qu'ils souhaitent donner comme éducation aux jeunes, compte tenu de la qualité de citoyens et citoyennes qu'ils et elles veulent former pour l'avenir de la société québécoise. Une prudence audacieuse devra l'emporter sur une exécution trop rapide, mais il ne sera pas non plus opportun de reporter la décision au point de laisser planer le flou, l'ambiguïté et l'incertitude.

Nous sommes de ceux et celles qui croient qu'une position doit être prise maintenant, compte tenu du temps à investir pour implanter une telle transformation. Nous suggérons un délai raisonnable d'environ cinq ans pour procéder à ce changement. Une telle échéance permettrait un changement planifié, elle favoriserait un travail sérieux de conception des programmes, une réelle et essentielle formation des enseignants et des enseignantes, la préparation du matériel pédagogique, et le reste.

(15 h 40)

Sachant que l'État n'a pas à prendre toute la responsabilité de ce passage de l'école confessionnelle à une laïcité ouverte et pour favoriser un tel changement dans l'harmonie, nous pensons nécessaire la mise en place de structures appropriées. Nous proposons donc la mise sur pied d'un organisme complètement non gouvernemental qui pourra servir d'interlocuteur entre les instances compliquées, pardon, les instances impliquées. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. St-Jacques (Jean-Marc): Ça devrait être moins compliqué. En conclusion, habités comme individus et comme nation par une tradition qui nous a construits, qui a guidé une grande partie de notre vie, qui oriente encore un bon nombre de nos engagements, nous nous retrouvons soudainement devant une décision aussi importante que de redéfinir la place de la religion à l'école, un choix difficile et un exercice complexe qui conduira à déterminer qui doit être vraiment responsable du cheminement de foi des jeunes, qui doit décider des lieux où ils pourront intégrer connaissance, foi et engagement dans le respect de leur identité et dans l'accueil de celle des autres.

Nous le redisons, nous sommes conscients que, maintenant ou demain, les choses doivent changer et nous n'y voyons pas une fatalité. Refuser de faire un pas en avant dans ce domaine serait fermer les yeux sur la réalité. Accepter d'avancer malgré les risques est signe annonciateur et porteur de vie. Il est, selon nous, nécessaire de proposer et de relever des défis d'avenir. L'intégration de la foi religieuse est un réel défi de continuité dans notre société québécoise et les lieux pour ce faire ont besoin d'être définis. Appréhender des univers religieux doit demeurer un objectif de formation si nous voulons que les hommes et les femmes de demain puissent à la fois trouver sens à leur existence, mieux comprendre leurs responsabilités de citoyennes et de citoyens, vivre dans la concorde, l'interrelation à laquelle oblige une nouvelle forme de convivialité.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. St-Jacques.

M. St-Jacques (Jean-Marc): Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Charest): Malheureusement, le temps est terminé. J'inviterais maintenant M. le ministre de l'Éducation à s'adresser à vous.

M. Legault: D'abord, M. St-Jacques, Mme Pouliot, Mme Angers, Mme Beaulieu, Mme Stafford... Je ne sais pas s'il faut dire «madame» ou s'il faut dire «soeur». On est habitué à dire «soeur».

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Beaulieu (Céline): Nous préférons madame.

M. Legault: On connaît tous, évidemment, l'importante contribution des nombreux religieux et religieuses au Québec dans la construction de notre système d'éducation. Je pense qu'on ne se trompe pas en disant que plusieurs ont donné sans compter. Pour plusieurs, c'était comme l'oeuvre de leur vie, l'éducation. Et je pense que plusieurs de nos concitoyens et concitoyennes leur en sont reconnaissants, moi, le premier. Je vous avoue, moi, j'ai fait ma petite école primaire, secondaire au public mais avec des religieuses de la Congrégation de Notre-Dame et j'en garde un très bon souvenir, je peux vous dire.

Je pense que votre mémoire, c'est un des beaux mémoires qu'on a reçus. C'est un mémoire qui est d'un grand pragmatisme. Par contre, je viens d'écouter encore, là, votre phrase qui est audacieuse de nous dire: «Nous sommes conscients que les choses doivent changer et nous n'y voyons pas de fatalité. Refuser de faire un pas en avant dans ce domaine serait fermer les yeux sur la réalité.» Il y en a certains autour de moi qui étaient surpris de voir ça; moi, je ne suis pas surpris de voir une position comme celle-là de la part de personnes qui ont la réputation d'être des bâtisseurs, des bâtisseuses. Donc, c'est à votre honneur.

J'ai quelques petites questions. D'abord, au niveau de l'enseignement religieux confessionnel, vous semblez privilégier, surtout au primaire... mais, vous dites, «en ouvrant progressivement à d'autres traditions religieuses afin de faire progresser les élèves d'abord dans leurs propres traditions, respecter leur degré de maturité, leur éviter la confusion». Donc, vous dites: «Il faut d'abord avoir suffisamment intégré sa propre tradition pour accueillir celle des autres.» Vous nous dites ça à la page 5. Qu'est-ce que vous voulez dire, en pratique, par cette progression? Comment ça pourrait se refléter dans les cours d'enseignement religieux à l'école?

La Présidente (Mme Charest): Alors, M. St-Jacques.

M. St-Jacques (Jean-Marc): Merci. D'abord, on pense que c'est dans le respect de l'évolution des enfants pour ne pas les mêler plus qu'autrement, pour être aussi sur le terrain souvent en éducation, en enseignement. Quand on dit: Au primaire... ce n'est pas simplement confessionnel, il y a déjà une ouverture à des grandes questions. On pense qu'au primaire on doit commencer à ouvrir sur la transcendance, l'éveil au religieux, mais aussi s'approprier, par ce contenu-là, notre propre expérience de foi, notre propre expérience de liens avec le religieux, le transcendant, et tranquillement ouvrir davantage pour mieux connaître les grands courants ou les grandes traditions religieuses.

Ce qu'il est important de saisir aussi, peut-être la nuance au niveau de la formation: ce n'est pas simplement un contenu notionnel, le christianisme existe, il y a telle chose, telle chose, le protestantisme, je ne sais pas trop, le judaïsme, mais c'est d'amener le jeune à faire sa propre expérience, de saisir sa propre expérience. Et c'est important, le vécu du jeune, sa recherche de sens, sa recherche de s'approprier son univers dans lequel il devra évoluer. C'est aussi dans cet aspect-là. Donc, il faut expérimenter les connaissances. Mais, au primaire, on pense qu'il ne faut pas élargir trop rapidement les connaissances pour éviter que le jeune soit un peu mêlé dans tout cet ensemble. Je ne sais pas si Mme Beaulieu veut...

La Présidente (Mme Charest): Oui, Mme Beaulieu.

M. Legault: Peut-être juste préciser: Est-ce que ça voudrait dire que, rendu au secondaire, progressivement, on pourrait parler d'autres religions puis avoir un enseignement qui serait plus culturel? Est-ce que vous êtes ouverts à cette suggestion?

M. St-Jacques (Jean-Marc): Dans la proposition qui est là, on pense que tous les élèves doivent avoir accès à un enseignement culturel dès la première année du secondaire.

M. Legault: La première année du secondaire?

M. St-Jacques (Jean-Marc): Oui, il y a des modules qui pourraient être, dépendant des milieux, dépendant des choix des milieux, davantage confessionnels ou davantage en lien avec une foi particulière.

La Présidente (Mme Charest): Mme Beaulieu, je pense que vous voulez ajouter quelque chose? Allez-y!

Mme Beaulieu (Céline): Oui. Ce qu'on conçoit pour les enfants du niveau primaire, c'est qu'ils puissent, dans leur propre communauté de foi, on appelle ça comme ça, les juifs avec les juifs, les catholiques avec les catholiques, les musulmans avec les musulmans, faire, à l'intérieur de leur famille et de leur groupe d'appartenance religieuse, leur propre cheminement de base du point de vue de l'intégration aux valeurs religieuses dans leur vie. En même temps, à l'école, puisque c'est de l'école que nous parlons, nous préconisons une approche plus inductive qui passe par ce que nous décrivons dans le mémoire, par exemple découvrir les signes du religieux dans la vie, dans son entourage. Bon. Là, il y a des témoins, il y a des fêtes. La société est imprégnée de valeurs culturelles et de valeurs culturelles plus ou moins différentes, selon les milieux.

C'est sûr que, dans une ville comme Saint-Laurent, par exemple, les enfants qui appartiennent à un même groupe scolaire côtoient des réalités beaucoup plus diverses que les enfants qui vont fréquenter telle école ici, à Québec, ou au Saguenay, ou en Gaspésie. Mais ce qui ne veut pas dire que les enfants qui fréquentent des écoles dans des régions où les populations sont plus homogènes ne sont pas aussi en contact via les médias de communication, télévision, cinéma, Internet peut-être, avec un univers où le religieux traverse la société. Il faut que les enfants, à cet âge-là, apprennent à lire leur environnement. Ce n'est pas évident de construire un programme pour mettre cela en relief et pour faire faire cet apprentissage et cette découverte, mais c'est le sens de notre proposition.

M. Legault: O.K. Maintenant, vous dites aussi dans votre mémoire que vous ne voulez pas... vous n'insistez pas beaucoup sur le statut confessionnel des écoles, à savoir est-ce que ça devrait être un statut confessionnel ou laïque. Par contre, vous dites que vous partagez globalement la philosophie de l'école qui est énoncée dans le rapport Proulx et vous recommandez que les écoles favorisent l'intégration de tous les jeunes. Est-ce que ça veut dire, est-ce que je dois comprendre que vous auriez une préférence pour une école qu'on pourrait appeler «laïque ouverte»? Est-ce que c'est comme ça que je dois interpréter vos propos?

La Présidente (Mme Charest): M. St-Jacques.

M. St-Jacques (Jean-Marc): M. le ministre, ce qu'on a voulu peut-être pointer davantage, c'est que, pour nous, l'essentiel, le plus important dans le débat, c'est quels services on doit offrir à nos jeunes pour l'avenir. Et c'est pour ça que vous avez vu cet aspect-là. Il nous semble que la proposition qu'on fait là pourrait se vivre, peu importe le statut qu'on accordera à l'école. On peut vivre avec un statut confessionnel, comme on peut vivre avec un statut non confessionnel, si on se centre sur quels services on veut offrir au jeune en vue d'une formation intégrale de la personne, en vue qu'il puisse être en pleine possession de ses moyens, en pleine possession de sa culture, en pleine possession de son histoire, de son environnement et du phénomène religieux qui est tout inclus à travers tout ça. Alors, si on veut arriver à cette dimension-là, il nous apparaît que le statut de l'école, pour nous, très honnêtement, il est secondaire.

M. Legault: Parfait.

M. St-Jacques (Jean-Marc): Ce qui est premier, c'est quels services on veut offrir aux jeunes.

M. Legault: Excellent. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. le ministre. Maintenant, oui, M. le député de Masson.

M. Labbé: Merci, Mme la Présidente. Alors, dans un premier temps, si vous me permettez, je tiens à vous féliciter pour la qualité de votre mémoire et surtout pour toute la partie pédagogique. Je peux vous dire honnêtement: Vous m'avez stimulé d'un bout à l'autre, à ce niveau-là, parce que la partie pédagogique, je pense, a vraiment ressorti à l'intérieur de votre mémoire. Et ça, on l'a senti d'un bout à l'autre.

(15 h 50)

Par contre, vous m'avez créé des attentes. Alors, j'arrive avec deux citations, qui sont à la page 9 et page 10 de votre mémoire. Alors, dans un premier temps, vous me dites une petite phrase qui est bien courte mais qui est drôlement importante: «Nous sommes de ceux et celles qui croient qu'une position doit être prise maintenant.» Alors, ça, c'est dans un premier temps. Et, quand j'arrive à la fin de votre conclusion, à la page 10, vous dites ceci: «Nous estimons qu'il faut compter avec le temps et nous donner les moyens d'un changement bien intégré. Et, si la volonté majoritaire de la population s'oppose à cette perspective nouvelle pour l'école québécoise, nous présumons que le gouvernement, dans la sagesse – c'est peut-être pour ça que je disais que vous avez une bonne pédagogie – de son intendance, tiendra compte, dans sa décision, de la volonté des parents qui demeurent les premiers responsables de l'éducation pour leurs enfants.»

Ma question, dans le fond, vous la voyez venir, c'est: La perception des parents actuellement ou est-ce que les parents – et votre perception surtout – québécois sont prêts à un changement actuellement, et, si oui, vous le voyez comment, ce changement-là?

M. St-Jacques (Jean-Marc): Tout est là, je pense, dans l'approche pédagogique – je parle en pédagogue – qu'on prendrait aussi avec les parents. Quand on dit que la religion quitte l'école, c'est gros, là, comme mot. Ce qui nous amène à prendre la position qui est là, c'est: Quand on regarde concrètement ce qui se vit dans nos écoles primaires et secondaires et les moyens dont on dispose pour réaliser cet aspect de formation là dans nos écoles primaires et secondaires, nous pensons que, oui, un changement doit se faire pour qu'on puisse clarifier le rôle premier de l'école et le rôle des communautés de foi, le rôle des Églises et le rôle des parents.

Il y a sûrement, auprès des parents, je dirais, puis je n'aime pas le mot «éducation», mais une approche à prendre avec eux pour vraiment présenter ce qu'on fait actuellement dans les écoles et vers quoi on s'en va avec la réforme en cours. Je crois qu'il y a une démarche d'éducation – c'est le mot juste dans ce sens-là – qui doit être faite. Je ne crois pas que les parents, si cette démarche d'éducation là est faite, seraient réfractaires à une telle vision qui outillerait mieux leurs jeunes, on pense, en fonction des réalités d'aujourd'hui et de celles de demain.

La Présidente (Mme Charest): Oui, Mme Beaulieu.

Mme Beaulieu (Céline): Probablement que nos propos semblent hésitants à ce niveau-là, puisque nous parlons en même temps d'avancer et en même temps de faire attention à la répercussion dans les milieux. Pour ce qui est des parents, bien, vous les avez sans doute déjà entendus en commission ou vous les entendrez. Vous savez où ils logent actuellement.

Ce que nous voulons dire, c'est que vous avez, ou nous avons, créé une attente et il faut répondre à l'attente que nous avons créée et enclencher un changement. Il en tient à la capacité de saisir le rythme possible d'évolution et d'adaptation de nos populations pour avancer plus ou moins rapidement dans le changement. Il faut les enclencher maintenant, les changements attendus. Mais il faut se rendre compte à quel rythme et avec quelle radicalité on peut les implanter.

La Présidente (Mme Charest): Merci. M. le député de Masson.

M. Labbé: Si vous permettez, Mme la Présidente. M. St-Jacques, vous mentionniez tout à l'heure que c'est important aussi de clarifier les rôles. Je présume donc que ce que...

Une voix: Trois minutes.

M. Labbé: Oui, merci. Alors, je vais aller plus vite pour vous donner plus de temps. Vous parliez de clarifier les rôles, ça suppose peut-être à ce moment-là que les rôles ne sont pas si clairs que ça. Est-ce que ça serait une prémisse justement aux changements qu'on pourrait commencer au niveau de la société en partenariat avec les parents? Comment vous réagissez à ça, à ce moment-ci?

M. St-Jacques (Jean-Marc): Dans un premier réflexe, sans en avoir fait une étude approfondie, on pense que, dans une pédagogie du changement, il faut clarifier – et je crois que la commission, une partie de son rôle va arriver à ça – le rôle respectif des diverses instances qui composent notre société pour permettre à chaque groupe de répondre du mieux qu'il peut à... Les parents ont des besoins, les enfants ont une réalité aussi à vivre, les communautés de foi ont un rôle à faire. Et aussi l'école, dans la formation intégrale de la jeunesse, a sûrement un rôle plus que capital à continuer dans la société actuelle, et pour demain aussi, j'imagine. Et c'est dans ce sens-là qu'on pense qu'il faut enclencher, il faut prendre une décision vers quoi on s'en va, enclencher des processus, la mise en place de programmes, la préparation du personnel. On sait ce que ça veut dire dans le temps. C'est un peu dans ce sens-là qu'on pense que, oui, il faut aller de l'avant.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. le député de Masson. Maintenant, je passe la parole au critique de l'opposition officielle, M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Merci, Mme la Présidente. M. St-Jacques et mesdames Pouliot, Angers, Stafford et Beaulieu, bienvenue et merci pour votre mémoire, un mémoire extrêmement complet, un mémoire, je vous dirais aussi, qui amène de nouvelles solutions et qui propose certaines alternatives qui peuvent sembler extrêmement intéressantes.

Moi, un des premiers points sur lesquels j'aimerais vous entendre ou que vous éclaircissiez un petit peu, c'est, notamment, à la page 6 de votre mémoire, quand vous faites la présentation du programme modulaire – programme d'enseignement modulaire – j'aimerais que vous nous expliquiez concrètement comment tout ça peut s'appliquer dans la formation des jeunes dans le temps, aussi du curriculum, comment on peut... Parce qu'on dit qu'il y a un curriculum large, identique pour tous les élèves couvrant les grands courants religieux puis qui serait complété, en plus, par des unités optionnelles. Dans la pratique, là, comment vous voyez la mise en place de ce type de programme là?

La Présidente (Mme Charest): Mme Beaulieu.

Mme Beaulieu (Céline): D'accord. Bon. D'abord, je précise qu'on parle du niveau secondaire, vous l'avez sans doute compris. Ce que nous concevons, c'est qu'il y ait un programme de base commun pour tous et toutes qui englobe les aspects majeurs du fait religieux, incluant les grandes traditions. Je pense qu'on n'a pas besoin de faire la liste; c'est relativement connu. Mais, étant donné la composition différente des populations scolaires d'un milieu à l'autre, si, dans un milieu donné, on veut approfondir davantage telle et telle dimension du donné religieux, il y a la possibilité pour le milieu de faire des choix pour cette partie optionnelle.

Là, j'essaie d'imaginer, supposons, par exemple, dans une année donnée – je vais dire n'importe quoi au niveau des chiffres – il y a 50 heures allouées à l'enseignement religieux dit culturel à tel niveau, au niveau de secondaire III. Alors, il pourrait y avoir, par hypothèse, sur les 50 heures, 30 heures qui sont de contenu de base et le milieu – pensons, par exemple, au conseil d'établissement – convient que les unités optionnelles endossent, approfondissent la tradition musulmane et la tradition juive dans le milieu x, approfondissent la tradition bouddhiste et juive dans tel autre milieu, etc. Dans notre esprit, il y a un contenu global qui doit être accessible à tous et à toutes, quelle que soit la région et quelle que soit la commission scolaire, mais qu'il y a des possibilités de comprendre davantage et d'intégrer davantage des données qui sont plus présentes dans un milieu. Je ne sais pas si ça répond à votre question.

M. Béchard: Oui, mais en partie.

Mme Beaulieu (Céline): Au niveau de l'opérationalisation, les programmes sont conçus de façon telle que les milieux savent qu'ils ont, d'une part, à prévoir le contenu de base universel et qu'il y a possibilité, pour les intervenants du milieu – et là je pense au conseil d'établissement comme étant un lieu de décision – de voir est-ce qu'ils s'en tiennent au contenu de base, est-ce qu'ils utilisent la possibilité d'options et lesquelles.

(16 heures)

M. Béchard: Maintenant, dans vos options comme telles, tout ça serait quand même concocté par le ministère? Je veux dire, c'est vraiment là, ce dont vous parlez, le ministère aurait finalement à offrir le module principal et les options, je dirais, on met presque le menu sur la table et chacun des milieux choisit l'élément qui lui est le plus intéressant. Mais, justement, dans l'élaboration comme telle de ces programmes-là, quelle serait la place que vous laisseriez aux différents groupes religieux? Parce qu'il y a plusieurs groupes qui ont dit: On veut être impliqué dans la mise en place comme telle, dans l'élaboration des programmes. Quelle est la place que verriez pour ces gens-là?

Mme Beaulieu (Céline): Si on parle de la conception des programmes, il nous semble que ça va de soi que ce soit le ministère de l'Éducation qui en soit responsable, qu'il y associe en premier lieu des pédagogues et que ces pédagogues, eux-mêmes, comptent aussi sur la contribution des compétences en matière de sciences religieuses. Bon. Est-ce que des gens d'Église seront mis à contribution? Dans notre hypothèse, ce n'est pas à titre de représentants d'Église, mais à titre de compétence par rapport à un donné religieux précis.

Je pense que le rapport entre Église et État, là, il doit de plus en plus se démarquer. Les responsabilités étant définies de part et d'autre, bon, même si on n'a pas pris une position sur la question de statut, il nous semble que les responsabilités de l'Église et les responsabilités publiques s'acheminent vers une distinction nette. Et, au niveau de la conception des programmes, dans notre esprit, les Églises, comme institutions, ne sont pas parties prenantes. Mais des personnes compétentes par rapport à leur propre appartenance religieuse, oui, il faut qu'elles soient mises à contribution.

La Présidente (Mme Charest): Merci.

M. Béchard: L'autre partie importante de l'enseignement religieux comme tel est reliée à ceux qui le donne. Et il y a différentes questions qui ont été soulevées, notamment des gens qui veulent bien le faire. Bien souvent, les gens le font par dépit, uniquement pour combler une tâche ou pour remplir les besoins de leur tâche. Ils font une tâche complète. Et aussi des gens disent: Ils ne le font peut-être pas souvent avec la conviction, avec la flamme, avec le goût de le faire.

La suite à ça est que certains groupes ont amené l'idée d'avoir des spécialistes de l'enseignement religieux. Des gens, c'est-à-dire, qui à partir d'une tâche complète pourraient faire à la limite plus d'un groupe, plus d'une école, autant au primaire qu'au secondaire. Et ce serait vraiment par goût, par choix, mais également un peu pour suivre l'excellence des programmes et pour suivre la mise en place et l'enseignement comme tel des programmes, finalement qu'on ne vienne pas diluer tous les efforts d'élaboration des programmes en disant: Bien, tout le monde peut le faire, puis – bof! – c'est plus ou moins important puis, même si c'est juste pour compléter une tâche, ce n'est pas grave. Qu'est-ce que vous pensez de l'idée de mettre en place des gens qui ne feraient que de l'enseignement religieux ou de l'enseignement culturel des religions?

La Présidente (Mme Charest): M. St-Jacques.

M. St-Jacques (Jean-Marc): J'allais dire, en préambule, qu'on n'a pas, effectivement, tout étudié l'ensemble de cette question-là dans le détail pour arriver à comment pourrait s'organiser l'école. Il reste qu'au secondaire, en principe, par l'actuelle loi qui régit l'instruction publique, un enseignant religieux doit avoir un certain nombre de crédits de formation en enseignement religieux et qu'il est en principe spécialiste. Ça, c'est ce qui est prévu par les règlements et la loi.

Une voix: En principe.

M. St-Jacques (Jean-Marc): On sait bien que, dans la pratique, s'ils ont déjà donné un cours d'enseignement quelque part dans leur histoire, ils peuvent, comme droits acquis, continuer à le faire.

Au niveau secondaire, cette approche-là me semble la plus évidente actuellement, compte tenu de la formation exigée pour donner certains programmes. Que ça soit, par exemple, en mathématiques, en français, on essaie d'avoir les gens qui ont une certaine formation dans ces matières-là en priorité, je pense que ça pourrait être la même chose au niveau de l'enseignement religieux.

Au niveau primaire, la réalité est peut-être plus, effectivement, difficile à décomposer ou à décortiquer compte tenu de la petite taille des écoles et compte tenu de la tâche que cela imposerait à un enseignant qui serait spécialiste pour l'ensemble du primaire, du nombre d'élèves pour avoir une tâche complète, ce que ça représenterait. Est-ce qu'il doit faire toutes les écoles de la Côte-Nord, de Tadoussac à Baie-Comeau, pour pouvoir remplir sa tâche? Là, il y a probablement des ajustements qui devront tenir compte des...

À Montréal, c'est peut-être quelque chose de réaliste, mais, dans les régions, il faudrait tenir compte de la réalité physique, concrète, mais il faudrait assurer que certaines enseignantes ou enseignants aient la compétence nécessaire pas nécessairement pour travailler sur une confession particulière mais vraiment pour éveiller à la réflexion sur le fait religieux, la donnée religieuse aussi de notre société, l'environnement religieux dans lequel on vit aussi. Je ne sais pas si je réponds à la question.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. St-Jacques. Maintenant, le député de D'Arcy-McGee. Merci.

M. Bergman: Merci, Mme la Présidente. M. St-Jacques, pour faire suite à la réponse que vous avez donnée au ministre et à mon confrère, à la page 5 de votre mémoire, section Tradition chrétienne, vous dites, et je vous cite: «Il est essentiel que les jeunes Québécois et Québécoises, quelle que soit leur origine ethnique ou leur appartenance religieuse, saisissent la culture chrétienne d'ici, celle dans laquelle toute la société québécoise a baigné depuis des siècles, afin qu'ils perçoivent bien les couleurs spécifiques de notre société.» Fin de la citation. Est-ce que vous pourriez expliquer votre vision de cette phrase?

M. St-Jacques (Jean-Marc): Bon. Il nous apparaît en tout cas très important de voir que ce qui a façonné la culture, l'histoire de notre pays, c'est une tradition fortement judéo-chrétienne qui transparaît dans des valeurs promues par la société, dans une façon de vivre ensemble, dans certains consensus qui se sont développés au fil des années, et il nous apparaît important que tout jeune, quel qu'il soit, saisisse cet univers religieux, cet univers culturel dans lequel nous évoluons actuellement, comme société porteuse d'une histoire. J'allais dire aussi qui forma le grand courant du monde occidental.

Ce qui ne veut pas dire... Ce qui n'est pas exclusif. Ce qui ne veut pas dire qu'on ne devra pas s'ouvrir à d'autres cultures. Mais il est important de comprendre que, dans ce qui a façonné notre monde et ce qui façonne encore notre société, il y a une dimension, une tradition judéo-chrétienne très importante. Et c'est pourquoi on pense que c'est incontournable et que c'est ce qui donne de la couleur, c'est ce qui donne une manière d'être particulière à notre société. C'est dans ce sens-là. Je ne sais pas si j'élabore assez, je ne sais pas si je précise assez, là. Je pense que c'est vraiment dans ce sens-là. On pense que c'est incontournable. Ce qui fait ce que nous sommes, il y a toute une dimension de tradition judéo-chrétienne.

Je ne limite pas... je ne dis pas une tradition catholique. Je pense qu'il y a d'autres courants dans la dimension chrétienne, dans la dimension juive, qui ont façonné l'histoire de notre société. Donc, c'est pour ça que je parle de tradition judéo-chrétienne.

La Présidente (Mme Charest): Oui. Merci, M. le député de D'Arcy-McGee. Maintenant, Mme la députée de Jean-Talon, vous avez deux minutes.

Mme Delisle: Merci. Ça va, j'ai une courte question. Bonjour.

Une voix: Bonjour.

Mme Delisle: Vous avez parlé de l'importance de développer une approche avec les parents. On parlait de la formation intégrale de la personne. J'imagine qu'on parlait des jeunes. Dans votre document, à la page 9, tout juste avant votre conclusion: «Nous proposons donc la mise sur pied d'un organisme compétent, non gouvernemental, qui pourra servir d'interlocuteur entre les instances impliquées.» Je fais référence à votre document. Est-ce que vous pourriez élaborer juste un petit peu sur le type d'organismes auxquels vous avez songé, qui composeraient, qui feraient partie de cet organisme-là et que feraient-ils?

La Présidente (Mme Charest): Mme Beaulieu.

Mme Beaulieu (Céline): On n'a pas vraiment beaucoup réfléchi à la question de la composition. On pensait que vous auriez de très bonnes idées là-dessus. Bon. En tout cas, c'est le principe. Nous voulions mettre de l'avant le principe que l'organisme devait avoir une certaine neutralité et qu'il devait en même temps aussi être responsable et compétent. Mais, pour ce qui est des instances à y inclure, je pense que, en démocratie, on essaie généralement d'être le plus représentatif possible dans de telles commissions.

(16 h 10)

On sait qu'existe actuellement une instance qui s'appelle le Conseil supérieur avec des comités catholique et protestant. Est-ce qu'ils vont demeurer? Ça va dépendre de la décision que vous prendrez, mais, de toute façon, ce sont des instances qui sont en dehors de l'instance décisionnelle qu'est le gouvernement. Mais c'est des instances qui donnent des avis. Mais il faut nécessairement, il nous semble, créer une telle instance ou prolonger une telle instance pour que le gouvernement et ses ministères reçoivent les avis dont ils ont besoin pour prendre les décisions et pour évaluer l'impact de ces décisions et les mises à jour.

La Présidente (Mme Charest): Merci, Mme Beaulieu. Alors, monsieur, mesdames de la Conférence religieuse canadienne, je vous remercie, au nom des membres, pour cet échange.

Maintenant, je demanderais aux parlementaires de reprendre place. L'Association des communautés scolaires franco-protestantes du Québec, si vous voulez bien avancer.

(Changement d'organisme)

La Présidente (Mme Charest): Alors, bonjour messieurs. Si vous voulez bien vous présenter.


Association des communautés scolaires franco-protestantes du Québec (ACSFPQ)

M. Aubut (Jocelyn): Bonjour. Je m'appelle Jocelyn Aubut, je suis le vice-président de l'Association des communautés scolaires franco-protestantes du Québec. Et, avec moi, Marc Fournier qui est aussi vice-président, mais pour la ville de Québec, la région de Québec.

Mme la Présidente, M. le ministre, mesdames, messieurs, je vous remercie de nous accueillir, de prendre du temps pour écouter ce qu'on a à vous dire. On a distribué une version abrégée de notre mémoire.

L'Association des communautés scolaires franco-protestantes du Québec regroupe une douzaine de communautés scolaires dispersées à travers le Québec qui jouissent d'écoles publiques, primaires ou secondaires. Ce sont des écoles franco-protestantes avec des projets éducatifs à valeur biblique intégrés. Le rapport Proulx a décrit la confessionnalité de ces écoles comme étant organique, par opposition à nominale, car la confession y exerce une influence déterminante sur toute l'orientation de l'école ou sur l'une de ses composantes. Nos parents s'identifient dans l'ensemble à ce que le rapport appelle les mouvements baptiste, évangélique et pentecôtiste.

Aux yeux de nos parents, qui ont une foi organique, c'est-à-dire un mode de vie affectant toutes les facettes de l'existence, l'école laïque proposée par le rapport Proulx n'est pas une option neutre qui respecte la liberté religieuse de leurs enfants. Pour respecter la liberté religieuse des parents et des enfants, il serait préférable de permettre plus de flexibilité à l'intérieur du réseau public en permettant ou en continuant de permettre, là où le nombre le justifie, l'existence d'écoles à projet particulier religieux.

J'aimerais ajouter maintenant que ce n'est pas un concept abstrait, les écoles à projet particulier. Il en existe présentement, c'est prévu par la loi. On a au Québec 11 écoles à projet particulier religieux et ce sont toutes nos écoles franco-protestantes; c'est toutes elles et rien qu'elles. Pour nous, c'est important, comme type d'école. Puis peut-être que des fois on peut avoir la peur de l'inconnu parce qu'on les connaît mal. Et puis là les lumières rouges s'allument, on identifie: C'est-u l'OTS? C'est-u Moïse dans le fond d'un bois qui part avec des petits enfants pour les contrôler, les endoctriner, puis tout ça?

On a des écoles ici, dans la ville de Québec, on vous inviterait à aller les visiter, c'est des écoles qui performent très bien. On a une école, c'est la meilleure dans les épreuves ministérielles de toute la province, qui est ici, à Québec. Dans la Mauricie, là où je travaille, l'école est la meilleure depuis les trois dernières années aussi de la région. Donc, nos écoles performent bien. Ça fait 20 ans qu'elles existent. Ça va bien. Elles s'impliquent bien, elles s'intègrent bien dans la société, et on vous inviterait à mieux les connaître.

Pourquoi l'école laïque ne nous satisfait pas? Selon le rapport Proulx, l'école commune laïque est une école qui appartient à tous, qui accueille tout le monde, et les valeurs qui l'inspirent peuvent être partagées par tous en pleine égalité et dans le plein respect de la liberté de religion et de conscience. Cette proposition est évidente pour quiconque adopte comme axiome une vision du monde selon laquelle la religion n'a pas besoin d'être en lien organique avec toutes les sphères de la vie. Le rapport Proulx reconnaît bien que cette position n'est pas universelle, même si elle tend à être reconnue comme telle par la majorité de notre société.

Pour une partie de la population, dans chaque confession, la dimension religieuse constitue une composante fondamentale de l'identité de ces individus. Le rapport Proulx a identifié et quantifié ces groupes qui se retrouvent chez une partie des protestants, des catholiques, des juifs, des musulmans et autres. Pour chacun de ces groupes, la religion se vit 24 heures sur 24, sept jours par semaine. Ces parents ne peuvent accepter que leurs enfants soient contraints d'accrocher leur spiritualité avec leur manteau en arrivant à l'école pour ensuite la reprendre à la sortie de l'école.

Cette position peut sembler difficile à comprendre pour ceux qui ont une vision différente du monde. Il semble inconcevable pour certains que l'école laïque puisse porter atteinte à la liberté de religion et de conscience, puisqu'elle s'abstient de faire un lien entre les valeurs qu'elle véhicule et celles d'une confession particulière. L'école laïque ne donne pas non plus une reconnaissance institutionnelle à l'identité d'une confession particulière. Cette abstention est comprise comme une démonstration de l'impartialité de l'État dans le contexte de pluralisme religieux.

Mais en quoi est-ce que l'école laïque contrevient à la liberté de religion et de conscience d'un individu? Cette question est importante pour nous. Nous estimons que le sans-Dieu dans l'école laïque est une abstention qui finit en pratique par être assimilée à une négation. Si on ne peut prononcer le nom de Dieu à titre de conviction spirituelle mais que l'on doive le reléguer au rang de simple information culturelle ou mythologique, cela n'est pas neutre.

L'expression du vécu religieux dans nos écoles à projet particulier ne se limite pas à une série de restrictions. Plusieurs mesures positives sont prises pour enrichir ce vécu. En effet, dans la plupart de nos écoles à projet particulier religieux, nous tentons d'intégrer dans les diverses matières la réalité du Dieu qui sous-tend toute existence. Il est à la source de l'ordre physique et logique que l'on retrouve dans la création, en biologie, en écologie, comme en mathématiques. La littérature étudiée en classe de français est traitée en tenant compte des valeurs du projet éducatif religieux.

Par opposition, dans une école laïque, l'enfant traverse le réseau scolaire, de la maternelle jusqu'à la fin du secondaire, avec la notion implicite que Dieu n'a pas rapport. En dehors des cours d'enseignement culturel des religions, il finit par y avoir, par le non-dit, une négation de Dieu dans l'esprit de l'enfant.

On pourrait penser que la laïcisation des écoles s'inscrit dans le prolongement normal des efforts de sécularisation qui ont été effectués dans d'autres institutions comme, par exemple, dans les hôpitaux ou les universités. On oublie alors que le contexte de l'école présente des différences fondamentales. L'hôpital a comme mission de soigner et non d'instruire, socialiser et qualifier. L'école fait plus que de communiquer des informations; elle transmet aussi une formation et des valeurs. Mais ce sont les valeurs de qui?

Nos premières préoccupations, en tant que chrétiens, se portent vers le développement moral et spirituel de nos enfants, mais ce développement requiert un cadre constant et cohérent entre la maison, l'église et l'école. Tout comme un enfant aura plus de difficultés à apprendre à bien se conduire si ses deux parents ont des valeurs, des attentes et un encadrement qui se contredisent, nous estimons que nos enfants seront pénalisés si la formation morale apportée par l'école n'est pas en continuité avec celle des parents.

De plus, dans les universités et les cégeps, les universités et les cégeps transigent avec des adultes déjà affermis dans leurs valeurs morales. Malgré cela, certaines institutions, comme l'armée et les hôpitaux, ont jugé nécessaire de préserver un service d'aumônerie confessionnelle, soit catholique ou protestant.

(16 h 20)

Avant de procéder à la laïcisation radicale des écoles, il faut tenir compte du fait que l'on y trouve un rapport de force très exceptionnel. Pendant les jours d'école, nos enfants passent plus de temps avec leurs enseignants qu'avec leurs parents. Nos enfants sont des êtres en formation. Ils sont influençables, malléables, vulnérables. Ils sont face à des adultes crédibles et en position d'autorité qui sont souvent admirés et aimés et qui sont chargés de transmettre des connaissances et des valeurs qui ne sont pas nécessairement les nôtres.

Si, dans certains cas, des parents athées pensent que leurs droits à l'égalité sont brimés parce que leur enfant se sent marginalisé à cause de leur position spirituelle areligieuse, est-ce que le contraire n'est pas tout aussi vrai pour les enfants croyants dans une école laïque? Est-ce que les enseignants ne risquent pas tout autant d'invalider et même de ridiculiser nos tentatives de transmettre nos valeurs à nos enfants?

Notre expérience montre que, dans les écoles séculières, nos enfants croyants sont tout aussi susceptibles d'être stigmatisés ou marginalisés pour leurs croyances religieuses ou morales. À titre d'exemple, nous croyons, pour des motifs religieux, au respect du caractère sacré du mariage entre un homme et une femme et, par conséquent, que les relations sexuelles devraient s'épanouir exclusivement dans ce cadre. Est-ce que les programmes de formation personnelle et sociale de l'école laïque vont enseigner les mérites de l'abstinence dans les cours d'éducation sexuelle si ce sont les valeurs que nous désirons voir transmettre à nos enfants? Est-ce une égalité de traitement que nos enfants soient marginalisés par des enseignants ou élèves qui dénigrent et ne croient pas au mariage?

Nous avons des exemples concrets de pression réelle, de marginalisation et stigmatisation directe que nos enfants franco-protestants ont subies à cause de leur foi, et ce, dans les milieux scolaires actuels qu'ils ont dû fréquenter parce qu'ils ne disposaient pas d'écoles franco-protestantes ou que l'école à la maison n'était pas possible. Une de ces élèves est venue témoigner de ce fait devant la commission parlementaire sur l'éducation traitant du projet de loi n° 109 lors de la présentation du mémoire de notre Association.

En tant que chrétiens, nous pouvons respecter et aimer les personnes qui ont des positions contraires, mais nous nous objectons à ce qu'elles soient véhiculées à nos enfants. Les écoles laïques et celles qui n'ont pas de projet éducatif religieux véhiculent certainement des valeurs que nous respectons mais qui ne sont pas toutes communes aux nôtres. Le choix religieux et la religion que chacun veut transmettre à ses enfants – une vision du monde porteuse de principes et de valeurs – sous quelque nom que ce soit, est un droit et une liberté que nous désirons pour tous les Québécois.

Après avoir tenté de démontrer que l'aménagement proposé par l'option des écoles laïques donne lieu à des atteintes substantielles au niveau de l'égalité de traitement et du respect de la liberté de conscience et de religion, nous aborderons le sujet du droit des parents à l'éducation de leur choix pour leurs enfants. Les franco-protestants reconnaissent à leurs enfants la capacité et le devoir de faire leurs propres choix spirituel. Nous reconnaissons que nous ne pouvons et ne devons pas finalement choisir à la place de nos enfants. Nous croyons par contre avoir la responsabilité de tenter de leur inculquer nos valeurs et nos connaissance bibliques.

Quand nous constatons le rôle que l'État se donnerait par le moyen des cours d'enseignement culturel des religions, nous sommes inquiets. Il nous est difficile de croire à l'impartialité de l'État quand celui-ci entend défendre les intérêts fondamentaux des enfants en matière d'éducation par le moyen des cours d'enseignement culturel des religions.

Le Groupe de travail affirme: «L'un des moyens de développer l'ouverture et la tolérance à l'école est d'initier l'élève aux différentes cultures et aux différentes religions et de les présenter comme des manifestations de l'esprit créateur humain tout aussi légitimes que la sienne.» Cette conception des religions comme étant le fruit de l'esprit créateur humain, sans composante du divin, reflète les valeurs de certains citoyens, peut-être même de la majorité. Elle est toutefois en contradiction directe avec notre foi.

Il est donc difficile pour un parent avec une foi organique de penser que l'État défend les intérêts fondamentaux de l'enfant et le guide vers son plein épanouissement. En fait, il nous paraît irresponsable d'aborder l'enseignement culturel des religions dès la première année. Les jeunes enfants du niveau primaire sont si influençables et si peu affermis dans leur propre foi qu'il faut laisser celle-ci se développer et s'épanouir au niveau du coeur avant d'introduire des notions sur les autres religions.

Nous ressentons une incohérence chez ceux qui disent que nous devons enseigner aux enfants la tolérance envers les diverses religions et qui, ensuite, refusent aux parents de ces enfants d'avoir une école qui respecte leur religion. Pour nous, le groupe qui a le plus directement à coeur les intérêts des enfants et leur plein épanouissement demeure les parents. Pour cette raison, il nous semble que des efforts d'accommodation raisonnables devraient être faits pour respecter les parents dans le choix de l'éducation qu'ils désirent donner à leurs enfants.

Notre Association propose que l'option 4 du rapport soit retenue. Si, comme l'affirme le Groupe de travail, la majorité de la population désire effectivement des écoles laïques, cette option pourrait aussi être encouragée, mais pas à l'exclusion du libre choix des parents de former, là ou le nombre le justifie, des écoles à projet particulier religieux qui leur conviennent. Nous tenons à préciser que nous doutons que la majorité de la population désire des écoles laïques. Il nous semble que le souhait pour des écoles confessionnelles soit partagé par une partie plus importante de nos amis catholiques.

Quoi qu'il en soit, l'option des écoles confessionnelles sans véritable projet éducatif religieux ne nous paraît pas recevable, car, pour nous, la confessionnalité est plus qu'une affaire de deux périodes d'enseignement moral et religieux protestant par semaine. Elle doit toucher à tous les aspects de la vie scolaire. L'essentiel de cette option est la possibilité que des parents réunis dans une communauté quelconque puissent bénéficier des dispositions de la Loi sur l'instruction publique pour fonder une école qui réponde à leurs valeurs.

Le rapport Proulx mentionne que l'article 240 de la Loi sur l'instruction publique permet déjà l'existence d'écoles à projet particulier religieux: Exceptionnellement, à la demande d'un groupe de parents, la commission scolaire peut, avec l'approbation du ministre, aux conditions et pour la période qu'il détermine, établir une école aux fins d'un projet particulier. La commission scolaire peut déterminer les critères d'inscription des élèves de cette école. Ces projets particuliers pourraient donc être éventuellement définis en fonction de critères religieux, et c'est actuellement le cas. Ce n'est pas éventuellement, c'est présentement le cas.

Le Groupe de travail admet d'emblée que cette option satisfait les principes de neutralité de l'État, et je cite: «Au regard des principes et des finalités qui doivent guider l'État, l'école à projet particulier religieux est conforme au principe de neutralité dans sa variante communautarienne, à la condition que l'État ne favorise pas une religion plutôt qu'une autre.» Le Groupe de travail reconnaît également que l'option 4, en tant que modèle de neutralité égalitaire de type communautarien, satisfait au principe d'égalité, et donc aux exigences des chartes.

On aimerait maintenant répondre aux objections qui avaient été soulevées à l'encontre de cette option. La première objection du rapport Proulx, c'était que l'école publique à projet particulier religieux n'apparaît guère souhaitable sous l'angle du but social consistant à faire des écoles un lieu d'apprentissage au «vivre ensemble» et au pluralisme. Cette objection n'est pas reçue par notre Association premièrement parce que nous défendons le droit des parents d'éduquer leurs enfants selon leurs convictions avant le droit de la société d'agir en fonction d'un but social quelconque. Le Groupe de travail lui-même reconnaît que la société place au-dessus de ce but social le droit fondamental à la liberté de religion et de conscience, et elle accepte de respecter les convictions de ceux qui croient que l'éducation ne peut être que religieuse, page 198.

(16 h 30)

D'autre part, les communautés franco-protestantes existent au Québec depuis les débuts de la Nouvelle-France. Elle réussit, cette communauté, à s'intégrer positivement dans la société tout en bénéficiant d'écoles à projet particulier religieux. Comme j'ai mentionné, nos écoles sont ici, dans la région, depuis plus de 20 ans et nos élèves s'intègrent bien: les parents de nos élèves assistent à nos écoles, les élèves ont des contacts avec les gens de l'extérieur et participent à des ligues de sport. Ils font du bénévolat dans des centres de personnes âgées... Deux minutes? Merci. On n'encourage pas de préjudice religieux à l'encontre des autres religions et on estime qu'ils s'intègrent très bien.

Deuxième objection, c'était que la présence d'écoles publiques confessionnelles dans un quartier pourrait créer une marginalisation. Ce à quoi on répond que la marginalisation peut s'appliquer également envers notre propre communauté, que, dans le fond, cet argument est une défense pour permettre, dans la société, une plus grande flexibilité aussi.

La troisième objection, c'était sur le fait que les demandes de projets particuliers pourraient être trop nombreuses. Et on a révisé les chiffres à la baisse parce que, pour avoir une école à projet particulier, c'est exigeant, il faut plus de transport. Ce n'est pas nécessairement tous les parents qui ont l'intention d'envoyer leurs enfants qui vont vraiment décider. Des fois, il y a des frais additionnels pour le transport. On peut avoir l'intention, mais ça ne va pas se matérialiser, et, entre l'intention et la réalité, il y a une grande marge. Et il nous semble que peut-être, à Montréal, il y aurait quelques communautés, peut-être sikhes, bouddhistes, musulmanes, quelques écoles, une poignée. Même le rapport Proulx dit que 7 % seulement des autres religions voudraient avoir des écoles à projet particulier, c'est déjà très localisé et ce n'est pas répandu à travers toute la province.

En conclusion, les franco-protestants appuient le droit des parents pour l'école de leur choix. En ce qui nous concerne, nous tenons au maintien de nos écoles à projet particulier plutôt qu'à l'enseignement religieux protestant dans toutes les écoles. Nous croyons que cette flexibilité de la part de l'État est réalisable, comme le démontre l'existence actuelle des écoles à projet particulier franco-protestant.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. Aubut. Maintenant, je laisse la parole à M. le ministre de l'Éducation.

M. Legault: Oui. M. Aubut, M. Fournier, merci pour votre mémoire, merci d'être ici. C'est un mémoire très bien documenté que vous nous présentez, clairement exprimé, qui illustre bien pourquoi vous voulez avoir des écoles à projet particulier. D'ailleurs, bon, c'est important de vous entendre parce que, comme vous l'avez lu, la quatrième recommandation du rapport Proulx s'adresse directement à vous, donc c'est d'autant plus important de vous écouter.

Ma première question concerne... Vous avez dit tantôt: L'enseignement culturel des religions dès la première année, on n'est pas d'accord. Est-ce que je dois comprendre que l'enseignement culturel des religions vers la fin du secondaire, vous y seriez peut-être ouverts?

La Présidente (Mme Charest): M. Aubut.

M. Aubut (Jocelyn): J'aurais préféré personnellement – et puis il me semble que ça soit l'opinion des membres de notre Association – que l'enseignement moral et religieux protestant qui a une composante d'enseignement culturel des religions puisse demeurer. Parce qu'il n'y a pas seulement l'enseignement culturel des religions, il y a aussi un enseignement biblique et puis un cadre à partir duquel on peut aborder les autres religions. Mais le fait d'aborder les autres religions me semble très important aussi.

M. Legault: Donc, vous seriez, en pratique, ouverts, peut-être, à certaines petites modifications qui pourraient respecter que, au primaire, par exemple, on ait un enseignement religieux mais que, par la suite, il y ait peut-être un ajout plus grand que ce que vous avez actuellement au niveau de l'enseignement culturel des religions. Est-ce que vous seriez ouverts?

La Présidente (Mme Charest): M. Aubut.

M. Aubut (Jocelyn): Oui, ça se fait présentement, il me semble, dans le volet de l'enseignement moral et religieux protestant. Il y a trois modules: l'enseignement biblique, les célébrations qui touchent une variété de religions et le développement personnel. Et la composante de célébrations qui touchent à toutes les religions est, pour moi et notre Association, très importante.

M. Legault: O.K. Bon. Je viens sur le point qui est probablement le plus critique tout de suite, c'est-à-dire les projets particuliers. Vous savez, si on accorde le droit, dans la solution qui sera proposée, après avoir entendu tout le monde et où on cherche un consensus, on essaie de trouver un consensus pour allier le maximum de groupes et de personnes... Vous êtes conscients que, si on accordait le même droit, qu'on vous accorde, aux catholiques d'avoir des projets particuliers, donc, dans le projet éducatif, d'avoir un côté religieux catholique important qui viendrait teinter l'école... Est-ce qu'en pratique vous ne pensez pas, entre autres, par exemple, qu'à Montréal on ne se retrouverait pas dans une situation où on aurait des minorités qui pourraient être des minorités franco-protestantes, par exemple, qui pourraient être brimées par le choix d'une majorité catholique au niveau du statut confessionnel ou d'un projet particulier à saveur religieuse catholique?

La Présidente (Mme Charest): M. Aubut.

M. Aubut (Jocelyn): Si je comprends votre question, c'est que vous sous-entendez que les enfants iraient nécessairement à l'école du quartier et que la majorité, catholique probablement, aurait choisi une école à projet particulier catholique. C'est le sens de la question?

M. Legault: Disons, oui.

M. Aubut (Jocelyn): Parce que, actuellement, on n'a pas d'écoles de quartier franco-protestantes. Ce sont toutes des écoles régionales; comme pour les anglophones, leurs écoles sont régionales. Et donc, spécialement à Montréal, il me semble que le problème ne se poserait pas parce que les élèves pourraient aller, à cause de la concentration, dans une école régionale franco-protestante ou musulmane ou sikhe, et le problème se poserait, en tout cas, beaucoup moins à Montréal que peut-être dans les régions.

M. Legault: Mais prenons justement, à ce moment-là, l'exemple d'une région, en région, où il n'y a qu'une école de quartier puis où, bon, la prochaine école est plus éloignée. Qu'est-ce qu'on fait avec les parents qui sont d'un groupe religieux minoritaire et qui souhaiteraient envoyer leurs enfants à cette école, mais cette école a un statut confessionnel autre que la religion qu'ils privilégient? Qu'est-ce qu'on fait? Qu'est-ce que vous suggérez qu'on fasse dans une situation comme celle-là?

M. Aubut (Jocelyn): On vit ces réalités-là parce qu'on n'a pas des écoles franco-protestantes dans toutes les régions. Et il me semble que, là où on n'aurait pas le choix, il faudrait que l'école puisse accommoder tout le monde plutôt que d'être spécialisée, d'avoir une couleur religieuse particulière. Et je conviens avec vous que, dans ces cas-là, ça ne pourrait pas s'appliquer.

La Présidente (Mme Charest): Est-ce que M. Fournier veut ajouter quelque chose? Allez-y.

M. Fournier (Marc): Oui. C'est pour ça qu'on mentionne «là où le nombre le justifie». C'est évident qu'il faut qu'il y ait une certaine concentration, un certain regroupement de la population pour pouvoir constituer une école à projet particulier. On est sensible à cette réalité-là.

M. Legault: Bien, prenons un exemple concret. Si on a une école qui est actuellement avec un projet particulier franco-protestant, et supposons qu'on se retrouverait avec une majorité de parents catholiques entourant cette école qui souhaiteraient que cette école devienne une école avec un projet particulier, mais à saveur catholique, comment vous réagiriez à ce moment-là?

La Présidente (Mme Charest): Alors, M. Aubut.

M. Aubut (Jocelyn): Il y a effectivement plusieurs difficultés qui peuvent survenir à toutes sortes d'éventualités. On a pu, jusqu'à présent, vivre... C'est une réalité, ça s'est vécu. Il y en a une dizaine, une douzaine d'écoles à projet particulier religieux franco-protestant; ça se vit. Je ne dis pas qu'il ne puisse pas y avoir de difficulté. Si une école doit changer de vocation parce que la demande est là, probablement qu'il y aurait un autre endroit. On a vécu ces choses-là, de louer des locaux, de se déplacer. Et, pour nous, la notion importante, c'était de dire: Est-ce qu'on offre des accommodements raisonnables plutôt que de dire non, on est intolérant envers la diversité, on ne permet pas ça même si ça réussit bien, même si les notes sont là, même si les gens s'intègrent bien, on ne veut rien savoir? À mon avis, ce n'est pas un accommodement raisonnable. Mais je suis d'accord avec vous. Il peut y avoir des difficultés, mais je pense que c'est des difficultés qui sont surmontables.

M. Legault: D'accord.

La Présidente (Mme Charest): M. Fournier.

M. Fournier (Marc): Il me semble aussi que... Bien, par exemple, moi, je suis directeur d'une école primaire dans le quartier Duberger à Québec. Puis, si des parents du quartier désiraient demander une école à projet particulier confessionnel catholique, ils pourraient le faire là où sont leurs enfants actuellement, dans l'école à côté de la mienne où sont les enfants catholiques, par exemple, sans nécessairement demander de changer le projet éducatif de notre école. Et puis je pense que les écoles franco-protestantes ne sont pas dans des villages où elles sont les seules écoles. Elles sont habituellement non loin d'autres écoles où ces autres projets pourraient se réaliser.

M. Legault: Mais vous seriez d'accord – puis je termine là-dessus – pour que les catholiques aient les mêmes droits, donc, puis que ça soit la majorité qui gagne?

M. Aubut (Jocelyn): Bien, il peut y avoir une majorité qui gagne. Mais, si je prends la commission scolaire Chemin-du-Roy, où j'habite et qui a une minorité où est-ce que le nombre le justifie, ça n'empêche pas que, à part cette majorité, on puisse, quelque part, dans la commission scolaire, trouver, louer un local pour qu'ils puissent avoir une école avec une couleur religieuse qui les respecte.

M. Legault: D'accord. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. le ministre. M. le député de La Prairie.

(16 h 40)

M. Geoffrion: Merci, Mme la Présidente. Messieurs, merci pour votre mémoire. J'aimerais revenir sur le chapitre Les droits et responsabilités des parents. Je vous cite trois courts passages. Bon. Vous dites: «Les parents franco-protestants reconnaissent à leurs enfants la capacité et le devoir de faire leur propre choix spirituel.» Un petit peu plus loin, vous dites: «Ce sont les parents qui ont la responsabilité et l'intérêt de les voir se développer en leur communiquant des directions, des valeurs et des habiletés.» Et, finalement, un petit peu plus loin encore, vous insistez en disant: «Le groupe qui a le plus directement à coeur les intérêts des enfants et leur plein épanouissement demeure les parents.»

Donc, dans cette optique-là, pourquoi le rôle des parents, justement, n'est pas encore plus accru comparativement à l'école? Si le rôle des parents est si important, pourquoi ne pas lui donner encore plus de place par rapport à l'école? C'est une question assez simple mais, en même temps, assez large.

La Présidente (Mme Charest): M. Aubut.

M. Aubut (Jocelyn): Est-ce que vous pensez... comme l'éducation à la maison, l'école à la maison, des choses comme ça?

M. Geoffrion: Oui, oui, absolument.

M. Aubut (Jocelyn): Oui, mais plusieurs le font et puis, personnellement, dans ma famille, on a à tous les jours un petit temps pour lire la Bible, pour partager, des choses comme ça. Donc, l'implication des parents, je trouve, est très importante. À notre Église, on a des cours d'enseignement, l'école du dimanche, comme on appelle ça. Donc, je ne veux pas remplacer, demander à l'école de faire mon travail. Puis, à la rigueur, s'il n'y avait aucun enseignement religieux à l'école, ça ne me dérangerait pas si l'école pouvait être authentiquement neutre, mais je pense que la neutralité n'existe pas.

Donc, l'école a sa place. Oui, l'école à la maison, ça peut se faire, ceux qui ont le tour, ceux qui ont le don, et d'avoir plus d'implication des parents, bravo! Mais, si l'école doit s'impliquer, je pense que l'école peut vraiment jouer un rôle important, qu'elle puisse, là où le nombre le justifie, avoir une certaine couleur et puis rencontrer les volontés des parents.

M. Geoffrion: Oui. Je vous dis ça parce que, bon, le droit des parents à choisir l'éducation de leur choix pour leurs enfants et le rôle des parents dans l'éducation religieuse, moi, je vois une certaine nuance, là. Donc, c'est un petit peu dans cette perspective-là que je vous posais cette question-là. Est-ce que vous comprenez ce que je veux dire? Le droit des parents à choisir l'éducation et le rôle des parents dans l'éducation religieuse, bon, dans la vie de tous les jours, ça me paraît deux choses, là. Et donc, comme vous insistez beaucoup dans votre mémoire et que les parents jouent un rôle extrêmement important vis-à-vis de l'éducation de leurs enfants, je me dis: Bon, pourquoi insister tant finalement pour que ça soit l'école qui fasse cette démarche-là?

M. Aubut (Jocelyn): Oui, mais je trouve que l'école peut jouer un rôle important. Maintenant, ce qui nous inquiète, c'est: s'il n'y a pas une continuité dans notre enseignement entre la famille, premièrement, et l'Église et aussi l'école et que là, quand on rentre à l'école: Ah! non, non, non, mes convictions, je dois les laisser de côté, ma vie spirituelle doit s'interrompre là, je la reprendrai en sortant de l'école parce que ça, c'est du domaine de la vie privée, et soi-disant que la vie privée, bien, je ne peux pas y vivre ma religion aussi librement. C'est ça qui nous affecte. Et, s'il fallait prendre en charge toute l'éducation de nos enfants, bien, ça serait un fardeau, mais peut-être que ça serait une nécessité éventuellement.

M. Geoffrion: Est-ce qu'on a encore du temps?

La Présidente (Mme Charest): Oui, M. le député de La Prairie.

M. Geoffrion: Oui. Oublions le rapport Proulx, là. Par exemple, les objectifs des programmes d'enseignement religieux protestant actuellement, est-ce que ça répond à vos attentes? Actuellement, là, c'est ce qui se vit dans vos écoles?

M. Aubut (Jocelyn): Je pense que ça se relie un petit peu à la question, hein.

M. Geoffrion: Oui, un petit peu, ça regroupe un petit peu la question, oui.

M. Aubut (Jocelyn): Et ma réponse va se relier un petit peu à la réponse. C'est que, dans le contenu des cours d'enseignement moral et religieux protestant, on a une portion qui parle d'un enseignement religieux des autres religions, et je pense que c'est important d'avoir une bonne connaissance et d'une manière qui respecte les autres religions. Et ce que je trouve avantageux avec le cours d'enseignement moral et religieux protestant, c'est que c'est fait dans un contexte au moins protestant et à partir d'une perspective, à partir d'un point de départ où on se sent sécurisé.

Peut-être pour expliquer: en tant que minorité, il y a une psychologie de la minorité. Quand on se sent assimilé, on a tendance à se retirer, on ne s'intègre pas aussi facilement. Quand on peut s'intégrer d'une position de force, on a beaucoup plus de facilité à s'intégrer. C'est pour ça que, en Hollande, pour la communauté juive et puis les autres minorités, on leur a offert des écoles confessionnelles publiques, sachant bien que, s'ils se sentaient respectés, ils pourraient mieux s'intégrer, non pas s'assimiler, mais s'intégrer. Il y a une différence importante pour nous. On estime qu'on s'est bien intégré à la population québécoise, mais on ne s'est pas assimilé.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. le député de La Prairie. Maintenant, je passe la parole au critique de l'opposition officielle, le député de Kamouraska-Témiscouata. M. le député.

M. Béchard: Merci, Mme la Présidente. M. Aubut et M. Fournier, bienvenue et merci de votre présentation et de votre mémoire, un mémoire assez bien ciblé sur un élément qui est celui des écoles à statut particulier, entre autres. Mais il y a certains éléments dans votre mémoire qui sont reliés au fait que, si j'ai bien compris votre position, pour vous, et vous le mentionnez entre autres à la page 6, «l'option des écoles confessionnelles sans véritable projet éducatif religieux n'est pas recevable parce que la confessionnalité est plus qu'une affaire de deux périodes d'enseignement moral et religieux par semaine». Et vous mentionniez précédemment, à la page 3 de votre résumé, que la religion se vit 24 heures sur 24.

Donc, si je vous comprends bien, dans la définition ou dans la mise en place d'un nouveau programme ou d'une nouvelle façon de faire en ce qui a trait à la religion à l'école, ou on y va avec des écoles confessionnelles à projet particulier ou ce sera des écoles laïques. Point. Le compromis entre les deux, l'ouverture à la multiconfessionnalité, l'ouverture à d'autres religions, ça ne semble pas être une option valable pour vous. Est-ce que j'ai bien compris ça, de votre mémoire?

La Présidente (Mme Charest): M. Aubut.

M. Aubut (Jocelyn): Nous préférerions des écoles à projet particulier religieux. C'est notre première option. Et, si on voulait y substituer des écoles confessionnelles avec pour seul contenu religieux le cour d'enseignement moral et religieux, ça ne serait pas une substitution intéressante pour nous ou suffisante. Si ça répond.

Maintenant, pour les autres groupes de la société, on ne se voit pas dans une position pour faire des recommandations sur ce qu'eux voudraient. Le rapport Proulx dit certains pourcentages, le dernier sondage Léger & Léger dit un peu le contraire. Je n'ai pas l'expertise pour faire des recommandations pour les autres groupes. Ce que je peux faire, ce que nous pouvons faire, c'est recommander des choses pour notre communauté qui se vivent déjà, ce n'est pas quelque chose d'irréaliste, si j'ai bien compris.

M. Béchard: Oui, oui. Mais, dans le fond, ce que vous nous dites, c'est que, pour vous, il est primordial de garder vos écoles à statut particulier. Et les écoles à statut particulier, c'est que vous avez les élèves de l'ensemble, par exemple, de la région de Québec qui vont à tel endroit, les parents les transportent eux-mêmes et c'est vraiment un projet éducatif teinté par l'enseignement religieux que vous avez au niveau des franco-protestants.

Mais, moi, ce que je vous demande, c'est: Si, dans l'optique, par exemple, où on dit: Oui, les écoles à statut particulier avec un projet éducatif particulier qui peut être, contrairement à ce qu'a dit M. Proulx, à connotation religieuse restent, vous ne voyez pas de problème majeur à ce que, pour, par exemple, les autres communautés, il y ait une ouverture à la multiconfessionnalité. Le coeur de votre mémoire est vraiment de venir nous dire: Nous, on veut garder nos écoles à statut particulier; pour nous, c'est la meilleure solution dans certains milieux.

Mais vous avez sûrement, dans certaines régions au Québec ou à certains endroits, des franco-protestants qui ne peuvent pas avoir accès à une école à projet particulier. Est-ce que, pour vous, dans cette optique-là, il serait intéressant d'avoir des écoles ouvertes à d'autres confessions et qui pourraient, même si ça ne semble pas être une option valable, selon ce que vous dites dans votre mémoire, que ça se vit plus que par deux heures d'enseignement religieux par semaine... Dans le fond, est-ce que ça serait mieux que rien, d'avoir ce type d'ouverture là, plutôt que d'avoir un enseignement culturel des religions – et je vous amène, là, toujours en dehors de vos écoles à statut particulier – dans lequel vous seriez peut-être un élément de tous les éléments qui seraient apportés?

La Présidente (Mme Charest): M. Fournier.

M. Fournier (Marc): Oui. Si je comprends bien ce que vous me dites, là, par exemple, dans une région où il n'y aurait pas d'école à projet particulier, que les franco-protestants puissent avoir un enseignement religieux dans leur école?

(16 h 50)

M. Béchard: Là où le nombre le justifie comme, par exemple, s'il y a 90 % qui sont des catholiques et qu'il y a un pourcentage de franco-protestants, donc qu'on ait ces options-là qui soient quand même offertes sans que l'école n'ait de statut particulier. Elle pourrait être carrément laïque ou, à la limite, avoir un statut confessionnel. Mais, comme on l'a vu, c'est dur d'avoir un statut confessionnel quand on ouvre à plusieurs confessionnalités, là. Le mécanisme serait peut-être curieux. Mais c'est vraiment dans cette optique-là.

M. Fournier (Marc): Oui. Dans cette optique-là, ça nous apparaît comme une solution viable effectivement, s'il n'y a pas de nombre suffisant pour former une école. Il faut que nos jeunes soient scolarisés et dans des conditions normales. Et puis un cours d'enseignement religieux conviendrait dans ce contexte-là.

M. Béchard: Mais elle ne pourrait pas remplacer vos écoles à statut particulier. C'est bien clair.

M. Fournier (Marc): Vous comprenez bien, oui.

La Présidente (Mme Charest): M. Aubut, vous voulez ajouter quelque chose? Rapidement, pour donner la chance à un autre député de...

M. Aubut (Jocelyn): On ne veut pas passer au plan B tout de suite.

M. Béchard: O.K. Vous vous concentrez sur le plan A.

M. Aubut (Jocelyn): C'est ça.

M. Béchard: Parfait. C'est bien. Vous mentionnez aussi, à un endroit dans votre présentation, la question des enseignants, et c'est à la page 4, quand vous dites: «Est-ce que les enseignants ne risquent pas tout autant d'invalider ou même de ridiculiser nos tentatives de transmettre nos valeurs à nos enfants?» Dans vos écoles à statut particulier, justement, les enseignants, j'aimerais que vous m'en parliez un peu. Qu'est-ce qui peut être différent, pour un enseignant qui est dans votre école, dans son approche dans toutes les matières, dans son approche face au phénomène religieux, comparativement, par exemple, à un enseignant qui est dans une école normale? Qu'est-ce qu'un enseignant, chez vous, a de plus au niveau religieux...

M. Aubut (Jocelyn): ...ou de moins.

M. Béchard: ...pour ne pas faire de distinction malencontreuse, mais qu'est-ce qui est nécessaire de plus pour lui que dans une école normale?

La Présidente (Mme Charest): M. Fournier.

M. Fournier (Marc): Oui. Alors, les enseignants donnent des cours, mais ils font plus que simplement distribuer de la matière. Ils ont des relations avec les jeunes dans leurs contacts quotidiens et puis ils transmettent des valeurs, ils transmettent des idées. Puis le fait qu'on ait des enseignants qui adhèrent aux valeurs du projet éducatif de l'école, bien ils travaillent dans le même sens que les parents, dans le même sens que les élèves le désirent. Alors, ce qu'ils ont de plus, c'est qu'ils ont la même vision, la même philosophie que les élèves, que leurs parents, puis ils travaillent dans le même sens.

Dans la présentation des cours évidemment, nous, dans nos écoles, c'est les programmes du ministère de l'Éducation qui sont présentés aux élèves. Alors, c'est sensiblement la même chose. Je dis «sensiblement» dans le sens où il y a toujours les particularités de chaque enseignant, d'une école à l'autre. Mais ce qui est la différence, c'est dans la façon de traiter les questions d'éthique, dans la façon de présenter certains thèmes, comme on dit, à un moment donné, à la page 3, dans l'avant-dernier paragraphe, que Dieu est à la source de l'ordre physique et logique que l'on retrouve même dans les mathématiques. C'est évident qu'on ne commencera pas à faire la lecture de la Bible dans le cours de mathématiques, mais le concept de la logique, puis de l'ordre, puis de l'organisation qu'on retrouve si bien dans un cours de mathématiques, ce n'est pas étranger à un Dieu d'ordre et puis à un Dieu logique. Alors, il y a un rapprochement qui se fait. Évidemment, comme je vous dis, on ne fait pas du cours de mathématiques un cours d'enseignement religieux.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. Fournier.

M. Béchard: Oui, merci, Mme la Présidente. Vous parlez aussi de la neutralité, vous avez beaucoup de doutes sur la neutralité. Et, comme nous faisait remarquer ce matin un sage mandarin du ministère de l'Éducation, à partir du moment où on dit: Être neutre, on ne l'est déjà plus au niveau religieux. Au niveau de la formation comme telle des personnes qui dispenseraient un enseignement religieux ou à base franco-protestante dans d'autres écoles que vos écoles à projet particulier, quelle serait la façon, la méthode que vous verriez pour former les maîtres pour s'assurer de la qualité de l'enseignement et du suivi des programmes qui seraient mis en place?

La Présidente (Mme Charest): Oui, M. Aubut.

M. Aubut (Jocelyn): Je pense que – et ça existe déjà – il y a déjà des exigences de placées à ce niveau-là. Je ne saurais pas quoi rajouter de plus à ce qui existe déjà. Je pense que c'est assez approprié. J'écoutais un petit peu la présentation que vous aviez avant celle-ci et puis que, quand ça consistait en des compléments de tâche, des fois, le coeur n'y était pas. Il me semble que, là aussi, au niveau de l'enseignement moral et religieux protestant, c'est une question de tête et de coeur aussi.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. le député de Kamouraska-Témiscouata. Maintenant, M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Bergman: Merci, Mme la Présidente. Vous avez mentionné qu'il y a une grande différence entre le concept et la définition des mots «intégration» et «assimilation». Je suis d'accord avec vous. Et je pense qu'il y a, des fois, une confusion entre ces deux mots et de ces deux pensées. J'aimerais que vous nous donniez un peu de votre vision de la question de l'intégration et de l'assimilation.

M. Aubut (Jocelyn): O.K. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Charest): Oui, allez-y, M. Aubut.

M. Aubut (Jocelyn): On apprécie, on désire vouloir bien collaborer avec la société qui nous entoure. Maintenant, si la société qui nous entoure ne cherche pas à nous respecter avec notre identité, on va chercher à se retirer – c'est la psychologie de la minorité – dans un ghetto peut-être où est-ce qu'on pourra vivre nos valeurs et être acceptés pour résister à être assimilés, non pas qu'il n'y ait pas un désir de s'intégrer, mais il y a une volonté de ne pas s'assimiler.

Maintenant, si on nous permet d'entrer dans la société de plain-pied avec des écoles publiques, comme on a fait en Angleterre avec les communauté juives, en Hollande aussi, dans les Pays-Bas, où est-ce qu'on leur donnait des portes ouvertes où est-ce que la minorité pouvait s'intégrer dans une position de force, où est-ce qu'elle ne se sentait pas menacée, elle s'intégrait beaucoup plus facilement, et c'est toute la différence pour nous. Laissez-nous une porte ouverte et on va collaborer. Et c'est le contraire justement du ghetto.

Plusieurs arguments sont soulevés pour ne pas créer des petites écoles où est-ce que les ghettos se placeraient, mais c'est en créant des petites écoles qu'on encourage... Parce que ce qui se faisait ailleurs, c'est que les maîtres n'avaient pas des brevets d'enseignement, le programme pédagogique en Angleterre n'était pas enseigné dans les écoles juives. Et puis là ils se sont dit: On n'aide pas la communauté à s'intégrer. Donnons-leur les services autant que les autres et là ils pourront bien s'intégrer. Ils seront bien éduqués, ils seront bien formés, on va leur faciliter... Et on vit la même réalité que vous.

La Présidente (Mme Charest): Merci. M. le député de D'Arcy-McGee, allez-y.

M. Bergman: Je pense qu'on a vu un concept négatif de la question de ghettoïsation. Et je pense qu'un groupe de personnes peut être intégré dans la société mais pas assimilé. On ne vit pas dans un ghetto si on vit ensemble avec notre communauté, pourvu qu'on soit intégré dans la société où on vit sans être assimilé.

M. Aubut (Jocelyn): Oui. Je trouve que la grosse différence, c'est: si on nous permet d'exister comme on est, on va mieux s'intégrer. Et les exemples qu'on voit ailleurs, c'est effectivement le cas.

Ce que je ressens des fois, au Québec, c'est qu'on veut contrôler et puis là: Non, non, on ne permet pas de petits groupes, non, non, non, ce n'est pas correct, une xénophobie. Ce n'est pas catholique, ça, non, non. Et puis on cherche à contrôler. Donc, un modèle pour tout le monde, pas de variété. On a peur de ça. Et, en Hollande, dans les Pays-Bas, où est-ce qu'on a le plus grand pourcentage d'humanistes séculiers, il n'y a pas cette position de faiblesse, de se sentir menacé. Et puis on laisse les minorités: Allez-y! On ne se sent pas insécurisé.

Je pense que ce serait bien pour la société québécoise d'être authentiquement tolérante et de ne pas se sentir menacée par la différence. On peut être différent et tout à fait québécois aussi. Et je pense que c'est là, la tolérance. Ce n'est pas la tolérance quand on demande que tout le monde soit comme nous et assimilé. Ce n'est pas de la tolérance, ça.

M. Bergman: Merci, monsieur.

(17 heures)

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. le député de D'Arcy-McGee. Alors, M. Fournier, M. Aubut, de l'Association des communautés scolaires franco-protestantes du Québec, les membres de la commission vous remercient pour cet échange. Bonne fin de journée!

(Changement d'organisme)

La Présidente (Mme Charest): Je demanderais à l'Association québécoise des conseillères et des conseillers au service de l'éducation chrétienne de se présenter, et nous allons procéder pour votre présentation de 20 minutes, suivie d'un échange avec les deux côtés de la table. Alors, monsieur.


Association québécoise des conseillères et des conseillers au service de l'éducation chrétienne (AQCSEC)

M. Roy (Maurice): Oui. Bonjour, mesdames et messieurs. Alors, je suis Maurice Roy, le président de l'Association; à ma gauche, Mme Claudette Filiatrault, notre ancienne présidente; plus loin, Mme Maria Côté, la vice-présidente de l'Association; et, à ma droite, M. Jean-Marie Picard, le secrétaire. Je vais passer la parole à Mme Filiatrault pour faire la présentation de notre mémoire.

La Présidente (Mme Charest): Mme Filiatrault, s'il vous plaît.

Mme Filiatrault (Claudette): Merci. Mesdames, messieurs, bonjour. Nous tenons d'abord à vous remercier de nous avoir invités à participer à vos travaux. Puisque vous avez déjà le texte de notre mémoire, je me limiterai ici à dégager les points principaux. Nous avons essayé de respecter le cadre de référence que vous avez choisi, soit le rapport Proulx, mais nous nous sommes sentis limités par ses perspectives essentiellement juridiques d'où la préoccupation du bien des jeunes était absente. Et malheureusement on a fait avec.

Le droit des parents. Le droit des parents – on devrait plutôt parler de responsabilité – en ce qui regarde le genre d'éducation à donner à leurs enfants n'est guère contesté sur le plan des principes. C'est dans la façon de l'interpréter qu'on peut observer des divergences d'opinions. Pour certains, ce droit des parents est un droit négatif: il s'agit de ne pas se faire imposer par l'État une religion, une philosophie contraires à leurs convictions. Idéalement, l'État ne fait rien en matière d'éducation religieuse pour ne pas brimer le droit des citoyens. En ne faisant rien, on a toujours les mains propres, mais elles ne servent pas à grand-chose. C'est la manière française ou américaine d'interpréter ce droit et c'est aussi, en grande partie, l'approche du rapport Proulx. Dans ce contexte, toute l'éducation religieuse est consignée au secteur privé, subventionné ou non. On a ainsi la liberté de choix pour les riches et rien pour les autres. Ce système représenterait donc la quintessence du droit, mais, selon nous, ce n'est pas la quintessence de la démocratie.

Mais il y a une autre interprétation juridique tout aussi légitime et plus généreuse où l'État aide les parents en matière d'éducation religieuse, comme il les aide d'ailleurs de bien d'autres manières, comme les garderies ou la prévention des toxicomanies. Est-ce qu'on entend dire quelque part que tout cela, c'est l'affaire des parents et non de l'État? Ce choix d'aider les parents a été celui du Québec jusqu'à présent et celui de plusieurs pays européens qui conçoivent ainsi le rôle de l'État et assurent un enseignement religieux confessionnel dans les écoles publiques. Le régime québécois n'est donc pas unique au monde, avec l'article 41. Il nous semble difficile de croire que ces nombreux pays démocratiques sont tous des délinquants au regard du droit international. Au contraire, nous citons dans notre mémoire un arrêt de la Cour européenne en la matière qui va exactement dans ce sens d'un appui à l'État à l'enseignement religieux confessionnel.

La logique juridique rigoriste qui inspire le rapport Proulx est foncièrement extrémiste: Si le droit d'un seul à l'égalité la plus stricte ne peut être respecté, alors il faut enlever le droit de tous. C'est la logique du défunt bloc soviétique: si tout le monde ne peut pas être riche, alors tout le monde sera pauvre dans la plus parfaite égalité. Il nous semble que la vie en société, pour ne pas dire la vie tout court, exige de chacun de faire certains compromis, même sur des revendications légitimes.

D'ailleurs, la proposition d'un enseignement culturel des religions obligatoire pour tous pourrait très bien être contestée par des parents religieux de toutes tendances. Le problème de l'égalité se pose donc de la même façon, puisque l'enseignement culturel proposé ne pourra pas présenter toutes les religions existantes au Québec. C'est pourquoi nous préconisons plutôt un régime de libre choix en matière de religion à l'école afin de respecter le plus grand nombre possible.

Le retrait de la protection constitutionnelle. Il nous semble nécessaire de rappeler que, si l'on envisage aujourd'hui l'élimination de l'enseignement confessionnel des écoles, c'est parce que les groupes catholiques ou protestants ont renoncé à une précieuse protection constitutionnelle. S'ils y ont renoncé, c'est parce qu'on leur avait donné l'assurance que le retrait de cette protection ne menaçait pas les services confessionnels. Nous citons, à la page 11 de notre mémoire, le texte de la Fédération des comités de parents du Québec qui est très clair à ce sujet. Notre Association, tout comme les évêques du Québec, avait renoncé à faire des représentations auprès du gouvernement fédéral sur la demande du gouvernement du Québec. Pour notre part, si l'État nous avait laissé voir que les services confessionnels disparaîtraient à brève échéance, il est certain que nous aurions défendu le maintien des protections constitutionnelles. Il est difficile de ne pas avoir l'impression d'avoir été dupé.

Le choix de société. Nous souscrivons au respect des chartes des droits qui représentent des choix de société fondamentaux, mais nous pensons aussi que les chartes sont des moyens qu'une société se donne pour mieux vivre ensemble, pour protéger ses citoyens des abus possibles, et non des fins en soi. Nous nous questionnons sur l'utilisation qu'on fait des chartes dans le présent débat. Il est facile d'observer, en effet, que les groupes qui réclament le respect intégral du principe d'égalité de toutes les religions ne sont pas le plus souvent des minorités religieuses mais bien des mouvements laïques pour lesquels les chartes semblent représenter un cheval de bataille contre la religion.

Où est le respect des autres et la volonté de compromis dans ces prises de position? S'agit-il d'une lutte à finir avec la religion? On invoque la cohésion sociale pour justifier l'enseignement unique, mais il est difficile de croire que la cohésion sociale serait menacée parce que les enfants seraient séparés deux heures par semaine pour l'enseignement religieux. Selon nous, la logique unitaire convient mal à une démocratie pluraliste.

Les attentes sociales. Puisque nous défendons le droit des parents, leurs attentes sur la place de la religion à l'école sont évidemment très importantes. Ces attentes sont diverses, mais l'on ne peut ignorer qu'une bonne majorité de la population souhaite qu'il y ait de l'enseignement confessionnel dans les écoles. Même en se limitant aux données du rapport Proulx, il est facile de voir qu'au moins 70 % de la population souhaite le maintien de l'enseignement confessionnel dans les écoles, soit en étendant les privilèges confessionnels aux autres groupes religieux soit en réclamant le statu quo.

La demande d'un enseignement de type culturel doit être reçue avec la plus grande réserve, car, lorsqu'on considère les objectifs souhaités par la population pour l'enseignement religieux, on constate que ces objectifs sont irréalisables dans le cadre de l'enseignement culturel. On ne peut que s'étonner de ce choix et se demander si les répondants des divers sondages comprennent bien ce qu'est un enseignement culturel. Nous avons longuement analysé les données du sondage Proulx-Milot, et cette ambiguïté, ignorée par les auteurs dans leurs commentaires, est évidente. C'est dans une proportion de près de 80 % que la population assigne des objectifs confessionnels à l'enseignement religieux. Nous n'insistons pas davantage parce que nous pensons que les élus sont assez conscients des attentes de la population. Et vous retrouvez dans notre mémoire des commentaires détaillés à ce sujet.

Les aménagements souhaitables. Nous terminons avec nos propositions d'aménagements. Tout d'abord, malgré l'attachement d'une partie importante de la population au statut de son école, nous pensons qu'il est difficile de maintenir un régime de statut confessionnel pour les écoles publiques qui soit compatible avec les exigences des chartes. De plus, l'attitude d'une bonne partie du personnel des écoles à l'égard d'un projet éducatif confessionnel, même très ouvert, fait en sorte que le statut en question n'a plus beaucoup de signification.

Néanmoins, l'hypothèse d'écoles à projet particulier mériterait d'être très sérieusement considérée. Les minorités franco-protestantes, on l'a vu, et les anglo-catholiques y tiennent beaucoup, et dans leur cas les directions d'école et le personnel enseignant sont beaucoup moins réfractaires à ce genre de projets. Nous ne pensons pas que la majorité franco-catholique réclamerait en grand nombre des écoles de ce genre si on lui garantissait, par ailleurs, des services confessionnels dans les écoles. Puisque le Groupe de travail exprime une incertitude quant à la légalité de ce type d'école, nous pensons qu'il faut laisser les tribunaux trancher, s'il y a lieu. Si certains citoyens s'estiment lésés de quelque manière par ces écoles, ils devraient donc avoir la possibilité de s'adresser aux tribunaux et démontrer en quoi ils sont brimés.

(17 h 10)

L'enseignement religieux. En ce qui regarde l'enseignement religieux, nous proposons un régime de libre choix entre l'enseignement moral et religieux culturel et des enseignements moraux et religieux confessionnels. La principale objection qu'on fait à cette proposition est qu'elle serait impraticable. Cette objection ne résiste guère à l'examen. Il faudrait d'abord que tous les programmes d'enseignement religieux confessionnels soient soumis à l'approbation d'un comité multiconfessionnel qui remplacerait les actuels comités confessionnels catholique et protestant et qui serait chargé de s'assurer que les contenus de ces programmes, dispensés sur le temps d'enseignement des écoles publiques, enseignent les principales valeurs morales de notre société, contribuent au développement global de l'enfant et évitent l'endoctrinement et enseignent la tolérance religieuse.

Il faudrait ensuite qu'il y ait un nombre suffisant de demandes dans les écoles données. Il s'agit d'un critère important. On sait que les protestants sont la plus importante minorité religieuse au Québec, soit environ 5 % de la population. Les autres groupes religieux sont loin derrière avec moins de 2 % de la population. Or, si on fixait à 12 le nombre minimal pour organiser un enseignement religieux confessionnel, c'est moins de 20 % des écoles du Québec qui devraient donner l'enseignement protestant. Si on transpose ces données pour les autres religions, c'est moins de 5 % des écoles qui devraient gérer plus de trois options, à supposer que tous les groupes concernés fassent une demande et satisfassent aux exigences légitimes de l'État.

C'est sans doute cette réalité qui a amené le Comité protestant à proposer dans son avis, que nous avons reçu après le dépôt de notre mémoire, un enseignement religieux commun. Il s'agit très certainement d'une proposition intéressante pour tous les groupes religieux minoritaires, puisqu'elle rendrait accessible dans un plus grand nombre d'écoles un enseignement autre que catholique ou moral. Le nombre raisonnable constitue donc un deuxième critère de sélection.

Enfin, tous les enseignements religieux confessionnels devraient être donnés par des enseignants dûment qualifiés. On devrait laisser aux commissions scolaires le soin de déterminer s'il est préférable de recourir aux titulaires de classe ou à des spécialistes. Dans le cas des titulaires, afin de respecter au mieux leur liberté de conscience, on devrait leur laisser le choix de dispenser un enseignement confessionnel ou l'enseignement moral.

L'animation pastorale. Nous endossons la recommandation du Groupe de travail sur la transformation des services actuels d'animation pastorale ou religieuse en service commun d'animation de vie religieuse et spirituelle ou spirituelle et communautaire. Nous y voyons une reconnaissance de la qualité des services actuels. Cependant, si on laisse à chaque école le choix de se doter ou non d'un tel service, sans soutien financier particulier, on peut prévoir aisément la disparition pure et simple de ce service, particulièrement dans les écoles primaires, où il est assuré principalement par le personnel des paroisses catholiques. En effet, il est peu probable que les Églises acceptent de continuer à supporter un service qui deviendrait non confessionnel.

D'autre part, lorsqu'on veut bien considérer les besoins actuels des jeunes, il apparaît clairement qu'il s'agit d'un service essentiel. On n'a qu'à songer au taux de suicide alarmant chez les jeunes pour s'en convaincre. Ce problème nécessite bien sûr des mesures diverses, notamment médicales et psychologiques, mais on ne saurait ignorer l'apport d'un service qui veut soutenir la recherche d'un sens à la vie, si important pour les jeunes. C'est pourquoi nous estimons que toutes les écoles devraient être tenues d'offrir ce service.

Les structures confessionnelles. Puisque nous sommes en faveur de l'enseignement confessionnel dans les écoles publiques, nous pensons également qu'il faut maintenir une certaine structure confessionnelle afin d'encadrer et de soutenir ces enseignements. Au lieu des postes actuels de sous-ministres associés de foi catholique et protestante, on pourrait créer un seul poste de sous-ministre associé aux affaires religieuses. La rédaction des programmes d'enseignement religieux devrait continuer de relever du ministère parce que ce fonctionnement assure davantage la qualité de l'enseignement, mais il faudrait à ce sujet considérer le point de vue des Églises ou groupes religieux.

De même, les actuels comités confessionnels devraient être fusionnés pour constituer un seul comité multiconfessionnel dans lequel on retrouverait des représentants des principales religions et qui serait chargé de définir les grandes orientations des enseignements confessionnels, le temps alloué à ces enseignements, les exigences de qualification des maîtres et l'approbation des programmes et manuels destinés à ces enseignements. Ce comité serait également responsable de déterminer les orientations des services d'animation de vie spirituelle et communautaire de même que les exigences de qualification des animateurs de vie spirituelle et communautaire.

Enfin, les postes de responsables du soutien au service d'enseignement confessionnel et d'animation religieuse ou pastorale, soit selon les articles 262 et 263 de la Loi sur l'instruction publique, devraient être maintenus dans les commissions scolaires afin de garantir au mieux la qualité de ces enseignements et de l'animation religieuse. Il faudrait, bien entendu, élargir leur mandat à l'ensemble des services confessionnels plutôt qu'aux seules confessions catholique et protestante. En ce cas, l'agrément des autorités religieuses concernées apparait souhaitable. Compte tenu de l'attitude plutôt défavorable de plusieurs directions d'école par rapport à l'enseignement confessionnel, ces postes sont plus essentiels que jamais afin de protéger les droits de tous. Merci de votre attention.

La Présidente (Mme Charest): Merci, Mme Filiatrault. Maintenant, je passe la parole au ministre de l'Éducation. M. le ministre de l'Éducation.

M. Legault: Oui. D'abord, M. Roy, Mme Côté, Mme Filiatrault et aussi, bien sûr, M. Picard – que je remercie d'être ici, M. Picard de L'Épiphanie, du beau comté de Rousseau – merci de venir nous visiter à Québec. J'ai beaucoup apprécié votre mémoire, qui est très bien structuré, qui aborde la question, je pourrais dire, avec détachement. Je pense que vous pouvez nous faire profiter aussi, étant donné votre travail sur le terrain, des difficultés que peuvent poser les différentes options qu'on essaie d'envisager pour trouver un consensus. Donc, votre avis est très intéressant. J'aurais quelques questions où j'aimerais justement vous entendre sur la façon dont on pourrait voir le fonctionnement des différentes solutions sur le terrain.

D'abord, au niveau de l'enseignement religieux confessionnel, vous dites: On devrait offrir l'enseignement partout où le nombre le justifie, et vous dites, à la page 26: Tout en ne formant pas des groupes plus petits que 10 ou 12. D'abord, en pratique, comment vous voyez le choix, là? Vous dites: Il y aurait un comité multiconfessionnel, là. Mais comment on ferait le choix des religions?

M. Roy (Maurice): On donnait quelques indications dans notre mémoire, trois points, là. Il faudrait que les enseignements religieux présentés contribuent au développement des enfants. Il faudrait que ça aille dans le sens, par exemple, de développer leur autonomie, leurs responsabilités. Il faudrait que le contenu de ces programmes-là présente aussi un enrichissement culturel. Quand on pense, par exemple, aux grandes religions de l'humanité, c'est évident, là, qu'il y a un apport culturel des grandes religions à la culture de l'humanité, que ça soit à travers les productions artistiques ou littéraires.

Alors, je pense qu'on peut trouver des critères pour dire: Tel enseignement religieux contribue largement au développement global de l'enfant. Il doit apporter une contribution significative au développement de l'enfant; ensuite de ça, il doit enseigner les principales valeurs morales de notre société; il doit enseigner l'ouverture aux autres et la tolérance religieuse. Alors, pour nous, c'est des choses qui permettraient de sélectionner les religions qui auraient droit de cité, là, dans les écoles publiques.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. Roy.

M. Legault: Deuxième question. Justement, toujours compte tenu de votre expérience sur le terrain, bon, vous nous suggérez, vous nous proposez d'abandonner le régime actuel des statuts confessionnels pour les écoles. Je ne sais pas si vous avez entendu un petit peu nos discussions toute la journée aujourd'hui. On a eu des groupes qui sont venus nous dire qu'ils étaient peut-être d'accord avec ça mais qu'il fallait procéder avec prudence, progressivement, en consultant les parents. De façon pratique, demain matin, si on prenait cette décision-là, comment vous verriez son application?

La Présidente (Mme Charest): M. Roy.

(17 h 20)

M. Roy (Maurice): Bien, moi, je pense que la première étape pour éviter d'insécuriser ou de faire peur aux parents, ça serait d'annoncer clairement des garanties sur le plan des services confessionnels. Le Comité catholique a suggéré, je pense, par exemple, de protéger davantage l'article 41, là, en lui étendant une protection qui est dans la Charte des droits. Ça pourrait être une proposition intéressante pour rassurer les gens, pour ne pas qu'ils sentent qu'on va leur enlever quelque chose, mais bien qu'on va changer le statut des écoles mais que les services vont continuer d'être offerts.

On laisse aussi une porte ouverte aux écoles à projet particulier. Vous avez vu avec les gens qui nous précédaient qu'il y a certaines minorités qui y tiennent énormément. Nous, on pense qu'on est capable au Québec de respecter les minorités religieuses comme ça. Et ces écoles-là, à notre connaissance, fonctionnent bien. Leur personnel est vraiment consentant à donner une couleur particulière au projet éducatif. Alors, on pense qu'on devrait les laisser, ces écoles-là. Et, s'il restait quand même des parents de la majorité franco-catholique qui voudraient absolument avoir une école catholique confessionnelle, bien ils auraient à présenter un projet particulier, ça resterait des écoles plus exceptionnelles et seulement là où il y a d'autres écoles pour ceux qui ne voudraient pas les fréquenter. Alors, je ne sais pas si j'ai assez bien répondu à votre question...

M. Legault: Oui, absolument. Mais j'aimerais vous entendre... Peut-être poursuivre sur ce dernier sujet là. Les écoles à projet particulier, vous savez que ça pose des difficultés pratiques. On a choisi, au Québec, une approche – sauf peut-être pour les écoles franco-protestantes – d'avoir des écoles de quartier, vous le savez. Donc, si on avait des parents catholiques qui insistaient pour, si on n'avait plus de statut confessionnel pour nos écoles, avoir plusieurs écoles où on aurait des projets particuliers avec une consonance religieuse catholique, est-ce que, en pratique, ça ne pose pas des problèmes, justement? Puis quelles seraient les conditions pour que ces projets particuliers soient acceptables par le ministère ou non? Est-ce qu'on aurait besoin d'une majorité? Puis qu'est-ce qu'on ferait en région, s'il y a seulement une école de quartier mais qu'on a des parents qui en majorité insistent pour avoir un projet particulier à caractère catholique? Comment vous verriez la gestion, en pratique?

La Présidente (Mme Charest): M. Roy.

M. Roy (Maurice): D'abord, très clairement, s'il n'y avait qu'une école disponible, alors ça ne peut pas être une école à projet particulier. On exclut ça. Il faut qu'il y ait d'autres écoles disponibles pour les gens qui ne veulent pas ça. Alors, ça, c'est un premier point.

Ensuite, sur la demande des parents franco-catholiques, nous, on est certain qu'il n'y aurait pas beaucoup de demandes d'écoles à projet particulier, parce qu'on a eu à superviser, depuis plusieurs années déjà, l'opération évaluation du vécu confessionnel des écoles, l'évaluation du projet éducatif des écoles catholiques, on a rencontré les conseils d'établissement de ces écoles-là. Actuellement, le projet éducatif des écoles catholiques y a été largement, je dirais, défini d'en haut, par le Comité catholique qui a donné les grandes orientations. Mais les gens à la base, là, dans les écoles, ils n'en donnent pas, eux, de contenu confessionnel à leur école. Ils veulent avoir l'étiquette sur le...

Une voix: Une garantie.

M. Roy (Maurice): Oui, c'est ça. Ils veulent avoir l'étiquette, mais, si vous leur donnez la tâche de composer un projet particulier, un véritable projet d'école, ils vont faire l'école qu'ils ont actuellement. Ils n'ont pas besoin de faire un projet particulier pour faire ça. Alors, nous, on pense que, vraiment, les écoles à projet particulier, ça va rester le fait des minorités religieuses et que ça ne sera pas le lot des franco-catholiques. C'est ce qu'on a observé dans... Et, moi, je viens d'une région où c'est très homogène, où le taux de pratique religieuse est plus élevé que dans les grandes villes. Et les parents que je rencontre dans les conseils d'établissement, je serais très, très surpris qu'ils décident de rédiger un projet particulier pour avoir une école catholique.

M. Legault: D'accord. Merci...

M. Roy (Maurice): Mais ils tiennent beaucoup, par ailleurs, aux services confessionnels. Ça, c'est...

M. Legault: Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. le ministre. M. le député de Montmorency.

M. Simard (Montmorency): Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, Mmes Côté et Filiatrault, M. Roy, M. Picard, bienvenue, et merci du temps que vous avez consacré à la préparation et à la présentation de ce mémoire. Il y a beaucoup de travail dans l'ombre parfois, hein?

Une voix: En effet.

M. Simard (Montmorency): Donc, vous avez évoqué plusieurs idées. Puis évidemment il faut toujours les condenser dans un mémoire, parce que, sinon, ça ferait souvent des rapports trop volumineux. Et j'aimerais vous permettre d'élaborer une idée que vous nous avez présentée à la page 25. Vous nous dites: «On peut très bien concevoir que les enseignements religieux confessionnels seraient donnés par des personnes engagées par les Églises comme c'est le cas au Manitoba.» Donc, vous suggérez que ce soit d'autres personnes que le personnel scolaire régulier qui puissent dispenser des cours...

La Présidente (Mme Charest): Oui, M. Roy.

M. Roy (Maurice): Oui, bien, en fait, ce n'est pas notre premier choix. On l'évoque comme une possibilité simplement pour dire que ce n'est pas obligatoire de fonctionner comme on fonctionne actuellement, en imposant pratiquement aux titulaires de classe de donner l'enseignement religieux. Alors, on dit que c'est une possibilité. On pense que, si on allait de ce côté-là, ça poserait des difficultés, d'avoir une espèce d'employeur extérieur. On vit cette expérience-là avec les animatrices de pastorale catholique dans les écoles primaires. Ça amène des problèmes du genre: la personne, elle est très appréciée par la paroisse catholique, mais elle ne passe pas à l'école. Mais là l'employeur, c'est la paroisse.

Alors, il y a des conflits qui surgissent. Puis on peut avoir l'inverse. C'est que l'école apprécie beaucoup une animatrice de pastorale, mais elle est en conflit avec le représentant de sa paroisse. On a tous eu, comme conseillers, à vivre des situations comme ça, puis on pense que ce régime-là, ça ne serait pas l'idéal, à cause que ça amènerait des situations difficiles. Ensuite, je n'ai pas besoin de vous dire que les syndicats d'enseignants n'aimeraient pas trop, trop voir qu'on envoie en sous-traitance l'enseignement religieux aux églises, là. Je pense qu'on aurait des problèmes avec la CEQ, si on s'enlignait de ce côté-là.

La Présidente (Mme Charest): Oui, monsieur...

M. Simard (Montmorency): Est-ce qu'il me reste un peu de temps?

La Présidente (Mme Charest): Oui, allez-y, M. le député.

M. Simard (Montmorency): Il me reste combien de temps? Ça va...

La Présidente (Mme Charest): Vous avez le temps, allez-y.

M. Simard (Montmorency): Ça va orienter ma question. Il nous reste quand même...

La Présidente (Mme Charest): Il reste 10 minutes.

M. Simard (Montmorency): Ah bon! bien, écoutez, alors je peux vous poser des questions un peu plus générales. À la page 10 du mémoire, vous nous dites: «Il y a une opposition fondamentale de perspective entre la présentation confessionnelle et la présentation culturelle des religions.» Donc, vous opposez deux types d'enseignement. Ça va?

Des voix: Oui.

M. Simard (Montmorency): Et ce qui jalonne un peu votre mémoire, un peu partout, c'est que les programmes confessionnels devraient présenter les principales valeurs morales de notre société, contribuer au développement global de l'enfant, éviter l'endoctrinement, favoriser la compréhension de l'autre et puis donner un aperçu des grandes religions. C'est un discours qu'on a, d'ailleurs, fréquemment entendu, là, depuis le début de ces audiences. Alors, dans le fond, il n'y a pas un rapprochement, là, entre les deux types d'enseignement que vous opposiez à la page 10?

M. Roy (Maurice): Non. Ce que vous avez mentionné, nous, c'étaient plutôt des critères de sélection, là, comme la question que M. Legault a posée tantôt. Quand on parle d'enseigner la tolérance religieuse, d'enseigner les valeurs morales, ça, c'est des critères pour évaluer d'autres programmes d'enseignement religieux. On n'a pas énuméré, là, les caractéristiques d'un enseignement confessionnel. On a simplement dit ce qu'il devrait y avoir au minimum. Mais il y a tout le contenu, évidemment, qui est plus spécifique à chaque religion. Et, pour nous, comme d'ailleurs pour le groupe qui nous a précédés, c'est clair que l'approche des cultures religieuses, de type culturel, c'est très éloigné d'une perspective confessionnelle.

On a vu la présentation du Comité protestant il y a deux jours, et on a très bien senti que, pour eux, ils aimeraient mieux encore avoir un enseignement religieux commun où on présenterait plusieurs religions, là, mais où c'est les groupes religieux, où c'est les Églises qui présentent leur foi et non pas les sociologues, ou les anthropologues, ou les psychologues du département de sciences religieuses de telle ou telle université. C'est ça qui est très différent. Et on a mentionné dans notre mémoire aussi la perspective fondamentale des sciences humaines de la religion: c'est de considérer la religion, là, comme un phénomène purement humain et de l'analyser avec différentes catégories. Alors, c'est très différent de la présentation que les religions font d'elles-mêmes, ce n'est pas du tout la même perspective. Et, dans ce sens-là, ce n'est pas facile à rapprocher.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. Roy. M. le député de Montmorency.

(17 h 30)

M. Simard (Montmorency): Oui. C'est ça, vous parliez de l'étude que pourraient faire les anthropologues ou les sociologues. Je vous pose cette question-là pour m'aider à mieux approfondir ma compréhension de votre texte. En page 22, je vous lis deux courts extraits qui pourraient a priori paraître contradictoires, mais c'est essentiellement juste pour relancer le débat puis me permettre de comprendre davantage ce que vous dites.

Donc, vous nous dites: «Nous souscrivons d'emblée au principe d'égalité, nous ne pensons pas qu'il soit souhaitable de maintenir un régime de privilèges confessionnels dans les écoles.» Vous dites ça, donc, au point 4, page 22, et, page 23, vous poursuivez, vous dites: «En ce qui regarde l'enseignement religieux – et là je saute quelques mots – nous préconisons un régime de libre choix [...] et des enseignements religieux confessionnels.» Alors, c'est qu'a priori ça a parfois... Non?

M. Roy (Maurice): Bien, je ne vois pas très bien là où vous voyez la contradiction.

M. Simard (Montmorency): Mais, c'est ça que j'aimerais... C'est que, parfois, vous dites: Donc, nous, parfois, on privilégie le statut confessionnel, puis, parfois, tantôt, on ne le privilégie pas.

M. Roy (Maurice): Bien, c'est-à-dire que, là, à la page 22, quand vous parlez d'un régime de privilèges confessionnels, on fait référence au fait que présentement l'enseignement confessionnel, c'est uniquement pour les catholiques et les protestants, et, dans ce sens-là, c'est un régime de privilèges. Maintenant, si on permet à d'autres religions d'avoir un enseignement religieux confessionnel à l'école publique, à ce moment-là ce n'est pas un régime de privilèges. Le droit est consenti aux autres à condition de satisfaire à certaines exigences puis d'avoir un nombre suffisant. Est-ce que ça clarifie un peu le...

M. Simard (Montmorency): Oui. Bien. Je vous remercie beaucoup.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. le député de Montmorency. Maintenant, je passe la parole au critique de l'opposition officielle, M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Merci, Mme la Présidente. M. Roy, Mme Côté, M. Picard et Mme Filiatrault, bienvenue, merci d'être avec nous. Merci pour votre mémoire qui est d'une grande qualité. Entre autres, je vous dirais que, au niveau de l'argumentaire que vous faites, en partant, sur l'article 41, c'est presque digne de grands juristes, et je pense que c'est tout à votre honneur.

Je veux commencer en vous emmenant sur un élément qui est à la page 10 de votre mémoire, quand vous parlez du partage des responsabilités en matière d'éducation religieuse. On a ici, au Québec, un système dans lequel... Puis on a vu les évêques, ce matin, qui nous ont dit qu'ils voulaient que l'enseignement religieux demeure une responsabilité de l'État, du ministère de l'Éducation, et, pour eux, ils ne voyaient pas comment ils pouvaient s'introduire, que ce soit pour donner des cours ou autres.

Moi, j'aimerais que vous nous parliez un petit peu de votre vision sur justement ce partage de responsabilités là: Comment garder un équilibre entre des programmes élaborés par le ministère de l'Éducation, des liens avec les différents groupes religieux – surtout dans l'optique où on ouvre à d'autres confessionnalités – et, en même temps, avec ce qui se passe dans l'école, c'est-à-dire avec les enseignants? Et, à travers ça, la place des parents. Parce que, souvent, dans l'élaboration des programmes, et tout ça, oui, des parents, au niveau des conseils d'établissement, ont certains choix à prendre.

Est-ce que, pour vous, c'est suffisant, ou est-ce que, que ce soit par les communautés, les groupes religieux qui font les choix et qui pourraient s'introduire davantage dans l'élaboration des programmes... on devrait les consulter davantage? Finalement, comment garder cet équilibre-là entre tous les éléments qui forment, qui gravitent autour de la mise en place de l'enseignement religieux dans les écoles?

M. Roy (Maurice): Bien, nous, on trouve qu'au Québec on a développé une formule originale de partenariat. Vous savez, dans certains pays, la négociation, si on peut dire, entre l'État et l'Église, c'est uniquement une assemblée d'évêques ou de leaders religieux qui transigent avec des fonctionnaires de l'État. Ici, on a trouvé un mécanisme original avec les comités confessionnels, qu'on pourrait changer, là, comme composition, mais qui font place pas seulement à des chefs religieux, mais aussi à des laïques, à des gens qui travaillent dans les écoles, à des enseignants, à des directions d'école. C'est ça, la composition actuelle du Comité catholique. Il y a quelques ecclésiastiques, là, mais la majorité, ce sont des laïques, ce sont des parents, des éducateurs. Et, nous, on trouve que c'est une formule originale et très intéressante pour gérer l'éducation religieuse à l'école, de ne pas avoir uniquement une formule cléricale ou ecclésiale, mais de faire de la place aux parents et aux éducateurs dans la détermination des objectifs de l'enseignement religieux dans les écoles. Est-ce que ça répond à votre question?

M. Béchard: Oui. Quand vous parlez de former un seul comité multiconfessionnel dans lequel on retrouverait des représentants des principales religions, et tout ça, à la page 31 de votre mémoire, sur la composition comme telle d'un tel comité, il y a des gens qui nous disent: S'il faut que tous les groupes soient représentés, ça va être un comité qui va fonctionner drôlement. Comment vous voyez le fonctionnement de ce comité-là? Qui devrait être là? Est-ce qu'il y a seulement les grands courants religieux? Est-ce qu'il doit y avoir aussi des laïques? Est-ce qu'il doit y avoir des enseignants? Qui pourrait former ce comité-là?

La Présidente (Mme Charest): M. Roy.

M. Roy (Maurice): Oui. Nous, on pense, d'abord, que les principales religions présentes au Québec pourraient être sollicitées. De savoir d'abord si elles sont intéressées à donner un enseignement confessionnel dans les écoles publiques. Ce n'est pas sûr que tous les groupes religieux accepteraient parce que, des fois, les nombres sont trop petits et ils ne pourraient pas assurer cet enseignement-là.

Quand on regarde les statistiques des recensements, on s'aperçoit finalement que 98 % de la population québécoise se rattache à cinq ou six grandes religions. Quand on parle de 1 000 religions au Québec, il y en a cinq ou six principales, puis les 994 autres, c'est moins de 2 % de la population québécoise. Alors, je ne pense pas que tout ce monde-là demanderait un enseignement confessionnel dans les écoles, pour la bonne raison qu'il n'y aurait pas le nombre suffisant pour que ça soit dispensé.

Donc, le comité dont on parle, je pense que, si on s'adressait aux cinq ou six principaux groupes religieux: les catholiques, les protestants, les orthodoxes, les juifs et les musulmans, pour les nommer, les grandes religions mondiales, vous avez déjà restreint pas mal la composition du comité. Ce n'est pas si compliqué, il nous semble, de réunir ce monde-là.

M. Béchard: À la page 21 de votre mémoire, vous faites état d'un sondage. Vous dites qu'il y a 65 % des enseignants qui ont déclaré être assez à l'aise pour donner de l'enseignement religieux catholique. Et, ce qui est indiqué de façon tout à fait paradoxale, la moitié des enseignants qui donnent l'enseignement protestant se disent mal à l'aise pour le donner. Vous faites le lien avec le fait que cet enseignement protestant là est, dans les faits, un enseignement culturel.

Selon vous, qu'est-ce qui peut expliquer ces chiffres-là? Surtout que vous dites finalement que vous n'êtes pas nécessairement contre que, quelque part, il y ait aussi un enseignement culturel des religions. Comment peut-on expliquer que des enseignants soient moins à l'aise ou mal... ce n'est pas moins à l'aise, c'est vraiment mal à l'aise de donner un cours de type plus général que les enseignants qui donnent le cours au niveau, par exemple, catholique? Est-ce que ce serait parce que c'est peut-être le manque de formation présentement adéquate pour ça? Est-ce que c'est parce que, comme vous mentionniez plus tard, le simple fait de répondre souvent à des questions des enfants qui sont assez directes peut amener beaucoup de problèmes au niveau de la réponse? Mais comment pallier ce phénomène-là si on veut mettre en place un cours de culture des religions?

M. Roy (Maurice): Nous, on pense que c'est effectivement une des grandes difficultés. C'est que les enseignants, ce n'est déjà pas facile de présenter une seule religion, de répondre déjà aux questions des enfants sur une seule religion, ce n'est déjà pas facile. Alors, si vous étendez à cinq ou six, c'est tout un défi, surtout pour un généraliste du primaire qui n'a pas une formation très, très poussée en théologie ou en sciences religieuses. C'est très difficile de lui demander de présenter de façon équitable, de façon juste, les autres religions dont il n'a aucune expérience, et, dans certains cas, c'est très loin de son expérience, il n'a jamais vu une mosquée ou une synagogue de sa vie. Alors, c'est très difficile, ça ne nous surprend pas du tout que 50 % des enseignants soient mal à l'aise avec l'enseignement protestant.

Nous autres, même, on est des spécialistes dans ce domaine-là puis, si, demain matin, on devait aller présenter une religion autre que chrétienne... Disons, avec le christianisme, on peut se débrouiller, peut-être un petit peu avec le judaïsme, puis là on ferait très attention, mais là, si vous me demandez d'aller parler de l'islam ou de l'hindouisme, alors, là, je passe la parole à d'autres, c'est très compliqué. Alors, de demander ça aux titulaires du primaire, c'est tout un contrat. À la formation, il faudrait doubler la formation des maîtres.

(17 h 40)

M. Béchard: Vous mentionnez, à la page 25, toujours au niveau des gens qui pourraient donner l'enseignement religieux confessionnel: «On peut très bien concevoir que les enseignements religieux confessionnels seraient donnés par des personnes engagées par les Églises, comme c'est le cas au Manitoba.» Est-ce que vous êtes en train de nous dire que finalement la partie des gens dans les écoles, sans être nécessairement des représentants des Églises, pourraient être engagés et payés par les Églises? Est-ce que c'est bien ça, le modèle?

M. Roy (Maurice): Non, ce n'est pas ça qu'on dit parce que, plus loin, on parle du financement. Je pense que votre collègue d'en face a posé une question similaire. Nous, on prend ça comme un cas limite dans l'hypothèse où vraiment on n'est pas capable, à l'intérieur des écoles, de trouver des personnes. Ça peut arriver, hein? Quand on parle d'ouvrir à d'autres religions, là, c'est très possible qu'on ne soit pas capable de trouver un spécialiste pour enseigner l'islam, disons. Alors, à ce moment-là, on pourrait recourir à des représentants de la communauté ou de la confession religieuse, mais c'est comme un cas limite qu'on évoque ici pour... Oui, ça va?

La Présidente (Mme Charest): Oui, allez-y.

M. Picard (Jean-Marie): C'est ça. Peut-être juste une petite précision.

La Présidente (Mme Charest): M. Picard.

M. Picard (Jean-Marie): Oui, Jean-Marie Picard. Il arrive parfois qu'on doit engager des gens à la leçon pour des spécificités comme ça. Parce que, pour faire l'enseignement religieux, ça arrive souvent que les gens, ce n'est pas parce qu'ils ne peuvent pas le faire, mais ils ne sont pas à l'aise parce que ça ne fait pas partie de leurs convictions, et on doit déroger un petit peu de notre façon d'engager des gens. On va prendre des gens qui n'ont pas le permis d'enseignement en allant chercher une personne à la leçon, ponctuellement, dans un temps, le temps de préparer notre monde. Alors, finalement on voit que c'est comme important d'avoir quelqu'un qui est à l'aise avec cet enseignement-là aussi. Alors, ça devient comme un peu des cas exceptionnels, limites.

M. Béchard: Vous mentionnez également que ces choix-là devraient être l'enseignement confessionnel ou encore culturel des religions tout au long du processus, puisque c'est à partir de la première année jusqu'au secondaire. Est-ce que vous ne verriez pas plutôt une formule où, comme certains l'ont proposé, le cours culturel des religions ne pourrait être, en bout de ligne, qu'à la fin du secondaire et que, pour le début... Parce qu'il y a des gens qui disent: Avant de s'ouvrir sur d'autres religions, il faut d'abord commencer à connaître et à déterminer ce que l'on est. Est-ce que vous seriez ouverts à ce type de proposition là, même si le choix avec la culture des religions ne serait qu'à la fin et quitte, comme vous le proposez, à laisser le droit de dispense, et tout ça, au primaire et au secondaire I, II, III?

La Présidente (Mme Charest): M. Roy.

M. Roy (Maurice): Bien, nous, on aurait des difficultés à imposer un enseignement religieux culturel même seulement à la fin du secondaire. On trouve ça délicat. On le verrait plus comme une option, à ce moment-là, qui serait disponible mais pas une obligation de suivre ça.

M. Béchard: O.K. Dernier point, sur l'animation pastorale. Vous mentionnez que vous endossez la recommandation sur la transformation des services actuels en services communs d'animation de vie religieuse et spirituelle. Donc, vous seriez prêts à dire qu'au niveau de l'animation pastorale comme telle il pourrait facilement ne plus y avoir, dans certains cas... Parce que vous mentionnez que, là où ça fait consensus, il pourrait y avoir un lien avec les différentes confessions religieuses. Mais est-ce que ça ne serait pas un peu particulier d'avoir deux ou trois types d'animation pastorale? Finalement, vous laisseriez à la discrétion des gens dans les écoles le soin d'élaborer le type d'animation pastorale dont ils souhaitent la mise en place, qu'il soit relié ou non à une confession?

La Présidente (Mme Charest): Mme Filiatrault. Je vois que vous...

Mme Filiatrault (Claudette): Ah! bien là je...

La Présidente (Mme Charest): Oui, M. Roy, Mme Filiatrault.

Mme Filiatrault (Claudette): Alors, nous, ce qu'on avait regardé, c'est quand même qu'il y aurait des critères au niveau de l'engagement des personnes et des critères qui viendraient du ministère. Mais, après ça, pour des services confessionnels, si le besoin était manifesté, alors cette personne-là, responsable, pourrait faire appel, si elle n'a pas la compétence vis-à-vis de la communauté religieuse, à des gens de la confession, pour venir justement offrir un service confessionnel particulier. Mais ça serait pour des occasions et non pas un va-et-vient de toutes les communautés religieuses qui offriraient tous les services en même temps à l'école.

M. Béchard: Mais vous parlez d'une personne supplémentaire ou de la...

Mme Filiatrault (Claudette): Oui, à qui on pourrait faire appel. En tout cas, c'est de même que je le perçois. Mes collègues pourraient... Le service est offert par une personne qui est engagée pour offrir le service à l'école.

M. Béchard: De façon neutre.

Mme Filiatrault (Claudette): C'est ça. Alors, c'est spirituel et communautaire. Mais, si un besoin se fait sentir d'un service particulier, mettons – je vais aller dans un exemple – un suicide d'un enfant, d'un élève, puis là on veut offrir des services, si l'animateur de pastorale, c'est-à-dire l'animateur de vie spirituelle, qui est engagé est un catholique mais qu'il y a une communauté islamique dans l'école puis qu'ils voudraient avoir aussi un moment de réflexion ou un service, on pourrait faire appel à un Imam qui viendrait comme apporter, pour ces élèves-là, un soutien, mais en lien avec ça. Alors, c'est du ponctuel et non pas du régulier.

La Présidente (Mme Charest): Est-ce que M. Roy voulait ajouter quelque chose?

M. Roy (Maurice): Non, ça va.

La Présidente (Mme Charest): Ça va?

M. Roy (Maurice): Ça ne serait pas nécessairement facile de remplacer les services actuels, surtout au primaire, parce que ça serait tout un changement, là. Actuellement, c'est les paroisses catholiques qui fournissent la plus grande partie du personnel qui est là. Alors, ça ne serait pas facile nécessairement, mais ça serait un changement à faire.

M. Béchard: Merci.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. le député de Kamouraska-Témiscouata. Mesdames, messieurs de l'Association québécoise des conseillères et des conseillers au service de l'éducation chrétienne, les membres de la commission vous remercient.

L'ordre du jour étant épuisé, la commission de l'éducation ajourne ses travaux au mardi 23 novembre 1999, à 9 h 30. Merci.

(Fin de la séance à 17 h 47)


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