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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le mardi 23 novembre 1999 - Vol. 36 N° 19

Consultation générale sur la place de la religion à l'école


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Table des matières

Auditions


Autres intervenants
Mme Solange Charest, vice-présidente
M. Gilles Labbé, président suppléant
Mme Madeleine Bélanger, présidente
M. François Legault
M. Claude Béchard
Mme Fatima Houda-Pepin
M. Lawrence S. Bergman
M. Serge Geoffrion
M. Jean-François Simard
Mme Margaret F. Delisle
Mme Lucie Papineau
*Mme Monique Richard, CEQ
*M. Marc-André Gagnon, idem
*M. Jocelyn Berthelot, idem
*M. Gary Stronach, FCPPQ
*Mme Diane Miron, idem
*Mme Diane Provencher, ADIGECS
*M. Normand Lapointe, idem
*M. Pierre Bergevin, idem
*M. Robert Morin, FQDE
*M. René Roy, FTQ
*Mme Dominique Savoie, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures trente-huit minutes)

La Présidente (Mme Charest): Je déclare la séance de la commission de l'éducation ouverte. Je rappelle que le mandat de la commission est de procéder à une consultation générale et tenir des auditions publiques sur la place de la religion à l'école.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire: Il n'y a pas de remplacements, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Charest): Alors, ce matin, nous débutons la journée avec la Centrale de l'enseignement du Québec; qui sera suivie de la Fédération des comités de parents de la province; de l'Association des directeurs généraux des commissions scolaires du Québec; et nous suspendrons à 12 h 30; pour reprendre vers les 14 heures avec la Fédération québécoise des directeurs et directrices d'établissement d'enseignement; suivie de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec; et nous ajournerons nos travaux à 18 heures.


Auditions

Pour l'instant, je demande aux représentantes et aux représentants de la Centrale de l'enseignement du Québec de prendre place. Je vous souhaite la bienvenue et je vous rappelle que vous avez 20 minutes pour faire votre présentation, qui sera suivie d'un échange avec la partie gouvernementale, de 20 minutes, et avec l'opposition officielle, également de 20 minutes. Alors, madame, messieurs, allez-y, nous vous écoutons.


Centrale de l'enseignement du Québec (CEQ)

Mme Richard (Monique): Merci, Mme la Présidente. M. le ministre, Mme la Présidente, Mmes et MM. les députés. Par les temps qui courent, je pense que la CEQ n'a pas vraiment besoin de présentation. Mais, quand même, je trouve très important de vous présenter les personnes qui m'accompagnent: à ma droite, Marc-André Gagnon, vice-président, et, à ma gauche, Jocelyn Berthelot, de l'équipe de recherche de la CEQ.

(9 h 40)

Votre commission a déjà entendu de nombreux groupes et il ne doit désormais plus faire de doute que des changements législatifs s'imposent. J'ai néanmoins compris, d'un survol de vos travaux, que des préoccupations importantes demeuraient concernant tout particulièrement la place à faire et la nature de l'enseignement religieux ainsi que la nature de ce que l'on désigne aujourd'hui sous l'appellation d'animation pastorale ou religieuse.

Je m'attarderai donc plus particulièrement à ces questions à partir du point de vue du personnel que nous représentons. Je ne pourrai toutefois passer outre à quelques commentaires sur l'importance du respect des droits et libertés, même si d'autres organismes ont fort bien traité de la question. Je ne pourrai non plus éviter de faire état des nombreuses raisons qui devraient conduire la commission et le gouvernement à rejeter l'option multiconfessionnelle aussi dite communautarienne.

D'abord, le respect des chartes. L'atteinte aux droits et libertés de la personne doit être traitée avec le plus grand sérieux. Les chartes représentent un des fondements de notre démocratie politique. Vouloir les banaliser, c'est, du même souffle, fragiliser nos institutions démocratiques. Nous savons gré aux juristes consultés par le Groupe de travail d'avoir rappelé les encadrements prévus par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, auquel le Québec adhère, dans l'éventualité d'un recours à la clause dérogatoire incluse dans ce Pacte. On y précise qu'une telle mesure devrait être réservée aux situations où un danger exceptionnel menace l'existence de la nation, ce qui n'est sûrement pas le cas des dérogations visant à protéger la confessionnalité scolaire.

Nous demandons donc que les nouveaux encadrements législatifs soient respectueux des libertés fondamentales reconnues par les chartes québécoise et canadienne. Je tiens d'ailleurs à saluer les intentions annoncées par le gouvernement ainsi que les orientations de l'opposition officielle à ce sujet.

Comme le rappelait le rapport Proulx, la laïcité n'est pas la seule voie qui soit respectueuse des chartes. L'élargissement des privilèges confessionnels actuels à l'ensemble des confessions religieuses le serait également. Avant de critiquer cette proposition, je voudrais faire état de la situation actuelle en matière de respect des droits et libertés du personnel.

Les pressions sur la liberté de conscience du personnel enseignant s'exercent avant même son entrée dans la profession. Ainsi, au primaire, pour dispenser l'enseignement religieux catholique, l'enseignante ou l'enseignant doit être de foi catholique et avoir acquis un minimum de neuf crédits universitaires le préparant à cet enseignement. La très grande majorité des personnes en formation, en dépit de leurs convictions religieuses, cherchent à répondre à ces obligations. Les témoignages que nous recevons à cet égard sont nombreux.

Par ailleurs, une fois engagé, tout enseignant peut refuser de dispenser l'enseignement religieux confessionnel pour motif de liberté de conscience. Dans la pratique, nombre d'enseignantes et d'enseignants ne se prévalent pas de ce droit. Ainsi, plus du tiers du personnel enseignant du primaire se dit mal à l'aise avec l'enseignement religieux confessionnel; pourtant moins de 5 % demande d'en être exempté. Plusieurs facteurs expliquent cette attitude.

D'abord, cette dispense complique l'organisation scolaire. On préfère donc faire comme si pour éviter les problèmes. Ensuite, même si, en principe, l'exercice de ce droit ne peut conduire à une mesure disciplinaire, dans plusieurs cas ce n'est que lorsque l'on est disposé à accepter un congé sans solde à temps partiel que l'on demande une telle dispense.

La situation des animatrices et animateurs de pastorale est également problématique. Pour exercer cette activité, l'animatrice ou l'animateur doit détenir un mandat écrit délivré par l'évêque du diocèse où se trouve l'école. La convention collective du personnel professionnel qui régit les animatrices et animateurs du secondaire précise que le retrait de ce mandat constitue un bris de contrat, c'est-à-dire qu'il ne jouit plus alors des protections syndicales habituelles. L'autorité religieuse peut retirer ce mandat pour des raisons liées aux activités professionnelles ou pour des raisons liées à un non-respect de la morale religieuse. Dans certains cas, des personnes ont perdu leur mandat pastoral pour des raisons liées à leur vie privée: union de fait, divorce, homosexualité.

Certes, le nombre total de personnes touchées par ces mesures répressives n'est pas très élevé, mais le seul fait qu'une autorité religieuse puisse, en pratique, congédier une personne à l'emploi d'une institution publique constitue un archaïsme de très mauvais aloi. Qu'elle puisse le faire en contrevenant aux droits fondamentaux des personnes en cause est carrément une aberration.

Par ailleurs, comment ces personnes qui ont à intervenir auprès des adolescentes et adolescents pourraient-elles prétendre les conseiller en toute liberté sur des questions comme les relations sexuelles, la prévention du sida, l'avortement, l'homosexualité, dans le respect de leur mandat pastoral, alors que les positions de l'Église catholique sur ces questions sont très claires?

Voyons maintenant les critiques que nous faisons à l'approche multiconfessionnelle. Dans le cas où la possibilité de conférer un statut confessionnel à l'école serait maintenue et élargie aux diverses confessions, point besoin d'être devin pour prévoir les inévitables tensions qui en découleraient. Dans quelle école francophone de quartier ou de village le nombre de parents serait-il suffisant pour l'emporter à majorité sur les catholiques, étant donné leur poids numérique? Devra-t-on alors avoir recours aux dérogations ministérielles pour qu'une école puisse être dédiée à une confession particulière, comme c'est déjà le cas pour quelques écoles protestantes?

Pourtant, si la possibilité d'écoles publiques de diverses confessions se concrétisait, outre les problèmes liés au choix de l'école ou au transport scolaire, les risques d'une balkanisation du système scolaire et d'un certain fondamentalisme religieux deviendraient sérieux.

Une école confessionnelle est en effet une école qui intègre et diffuse dans ses activités les croyances et les valeurs d'une confession particulière. Quand on observe ce qui se passe aux États-Unis avec la mise au ban dans certains milieux de l'enseignement de l'évolution sous la pression de groupes protestants conservateurs, on peut craindre le pire. Ce statut confessionnel aurait aussi des conséquences sur le personnel, puisqu'il devrait respecter le caractère confessionnel de l'école.

Les juristes consultés par le Groupe de travail sur la place de la religion à l'école ont souligné l'ampleur de l'atteinte aux droits qui pourrait en découler. Je rappelle que la Charte québécoise des droits et libertés de la personne prévoit, à l'article 20, qu'une distinction, exclusion ou préférence fondée sur le caractère religieux d'une institution sans but lucratif est réputée non discriminatoire. C'est dire qu'une école confessionnelle pourrait imposer des exigences particulières à ses employés, sans égard à la Charte québécoise. Dans tous les cas, la liberté de conscience implique que dans chaque milieu existe une école laïque ouverte à tous les élèves, sans distinction religieuse. Une telle possibilité n'existe que dans les grands centres.

La situation serait tout aussi problématique dans le cas d'un enseignement religieux multiconfessionnel. La proposition d'un enseignement religieux à la carte pourrait bien n'être qu'une orientation de façade. Si on la prend au sérieux, des problèmes organisationnels majeurs en découleraient, sans parler des coûts supplémentaires. Au primaire, le titulaire de classe ne pourrait se charger de ces enseignements. Le respect de la liberté de conscience exigerait que l'on fasse appel à un personnel particulier répondant toutefois aux exigences de qualifications requises pour le personnel enseignant et qui aurait l'aval de la communauté des croyants concernés. On peut estimer à plusieurs millions de dollars les coûts d'une telle organisation.

Au secondaire, avec la complexité de l'organisation scolaire, on imagine le casse-tête. Déjà, dans plusieurs petites écoles, les commissions scolaires ont refusé, malgré l'obligation légale à cet effet, d'offrir l'enseignement religieux protestant et même l'enseignement moral, sous prétexte d'un nombre insuffisant d'élèves. Dans certains cas, ces élèves sont laissés à eux-mêmes.

(9 h 50)

En pratique, la multiplication des enseignements religieux confessionnels pourrait également conduire à une certaine ghettoïsation, les parents ayant le droit, en vertu de la Loi sur l'instruction publique, de choisir l'école répondant le mieux à leur préférence. On pourrait assister à des concentrations d'élèves en fonction de l'enseignement religieux offert dans telle école ou dans telle autre. Bref, renforcer la confessionnalité scolaire constituerait non seulement un dramatique retour en arrière, mais une voie carrément impraticable.

J'en arrive maintenant à notre proposition. Nous croyons qu'il n'y a qu'un seul statut qui soit respectueux de la liberté de conscience de religion de toutes et tous et du droit des parents à l'école de quartier ou de village, c'est celui de l'école laïque. L'école laïque ne restreint en rien les droits de qui que ce soit. Elle se veut, au contraire, respectueuse de la diversité de notre société et ouverte à tous les élèves, sans égard à leurs croyances ou à celles de leur parents.

Une connaissance de base des grandes religions avec leurs mythes et leur histoire devrait néanmoins faire partie des savoirs essentiels. On ne peut comprendre une société sans comprendre les grandes idées qui ont contribué à la façonner. Étant donné notre histoire et notre culture, les grandes religions judéo-chrétiennes doivent occuper une place prépondérante dans l'enseignement culturel des religions avec les croyances des peuples qui ont précédé l'arrivée des Européens. Ce sont des connaissances nécessaires à une meilleure compréhension de la littérature, des arts et de l'histoire.

L'école doit également apprendre à ses élèves les principes de base qui fondent la liberté de conscience et de religion, admettre les limites de la raison scientifique et les mystères qui sont hors de sa portée, soutenir la quête de sens des élèves sans prendre parti parmi les différentes réponses que l'on peut apporter aux questions fondamentales de l'origine et des fins.

Avec les adaptations pédagogiques appropriées, l'enseignement culturel des religions a tout autant sa place au primaire qu'au secondaire. Il devrait toutefois être traité sur le même pied que les autres matières et ne pas disposer de privilèges comme c'est le cas actuellement pour l'enseignement religieux confessionnel.

Cette révision pose aussi la question de la place à faire à l'enseignement moral. Il faut rappeler que cet enseignement est apparu historiquement pour offrir une alternative à l'enseignement religieux confessionnel. À cet égard, le statu quo lors de la révision du curriculum et la disparition des cours liés à la formation personnelle ont conduit à une intégration de l'éducation à la citoyenneté aux cours d'histoire ou de sciences humaines.

C'est donc sur l'ensemble de ces questions qu'il faudrait se pencher une fois l'option laïque retenue. Il faudra accorder une attention particulière à la préparation du personnel enseignant et du personnel professionnel visés, notamment les conseillères et conseillers pédagogiques.

En ce qui concerne l'enseignement religieux confessionnel proprement dit, il devrait relever des familles et des communautés de croyants. On a maintes fois dénoncé le fait que l'école se substituait aux responsabilités d'autres instances, critiqué ce que l'on appelle l'école fourre-tout. Ce recentrage de l'école sur sa mission première obligera les familles et les communautés de croyants à remplir leur rôle en ce qui a trait à la transmission de leurs croyances.

Quant à l'utilisation des locaux de l'école à des fins d'enseignement religieux en dehors du temps prévu pour les activités éducatives, il s'agit d'une décision qui relève du conseil d'établissement. L'école dispose déjà des pouvoirs de décider de l'utilisation de ses locaux. Toute politique à cet égard se doit toutefois d'être respectueuse de l'égalité des droits garantis par la Charte des droits et libertés.

Cette approche implique de revoir l'article 41 de la Charte. Cet article ne confère pas un droit fondamental au sens de la Charte. De plus, il n'a pas le sens que plusieurs lui prêtent, puisque nombre de Québécoises et de Québécois ne peuvent s'en prévaloir dans le contexte actuel. La seule demande d'un enseignement religieux autre que catholique et protestant, ce qui est pourtant permis par la loi, a été refusée il y a quelques années, après un tollé venant de parents des confessions dominantes.

Pour leur part, les services d'animation pastorale ou religieuse ont fait la preuve de leur utilité, particulièrement au secondaire où les activités qu'ils proposent sont grandement appréciées des élèves. Ces activités gardent leur pertinence dans une école laïque, une fois libérées de leur contenu proprement religieux.

Afin de respecter le caractère laïque de l'école, nous proposons de redéfinir l'animation pastorale ou religieuse pour en faire une animation communautaire et spirituelle. Nous donnons à «spirituelle» un sens qui ne privilégie aucun système de croyance et qui se préoccupe de ce qui est d'ordre moral, n'appartient pas à la nature sensible, au monde physique. C'est la définition du Petit Robert.

Nous avons élaboré, avec des animateurs impliqués dans l'activité quotidienne de l'école, les principales fonctions de cette animation communautaire et spirituelle. Vous les retrouverez en annexe à notre mémoire. Ce service professionnel devrait également être offert aux élèves des écoles primaires, en toute indépendance des autorités religieuses. Tant au primaire qu'au secondaire, il devrait être placé sur le même pied que les autres services complémentaires. Le ministère de l'Éducation définit la nature des services, la commission scolaire établit les programmes et le conseil d'établissement en approuve la mise en oeuvre.

Ces orientations sont différentes de celles proposées par le rapport Proulx. Nous ne croyons pas pertinent qu'un service professionnel soit centré sur l'animation religieuse, aussi multiconfessionnelle soit-elle. La première étape à franchir dans la transmission de l'animation pastorale en animation communautaire et spirituelle concerne le retrait du mandat pastoral qu'exige la fonction actuelle. Il faudra ensuite revoir la définition prévue au plan de classification du personnel professionnel en collaboration avec le personnel visé et leur organisation syndicale. Finalement, il faudra prévoir une formation appropriée.

Je n'insiste pas sur les aspects qui me semblent aller de soi comme la révision de la composition du Conseil supérieur de l'éducation, la disparition des sous-ministres associés et des comités confessionnels du CSE.

En conclusion, je dirais qu'il est urgent de revoir la place qu'occupe actuellement la religion à l'école. Il n'est pas de la responsabilité de l'État ni des institutions publiques d'assurer la transmission des convictions religieuses particulières et de se substituer ainsi aux responsabilités des parents et des communautés de croyants. Je suis profondément convaincue que nos recommandations font preuve de réalisme et qu'elles expriment à la fois l'ouverture de notre société à la diversité qui la caractérise et les préoccupations voulant que le changement ne soit pas en rupture totale avec notre histoire et notre culture.

Nous avons également suggéré des aménagements qui tiennent compte du personnel dont le travail serait transformé par les changements que nous proposons. Les Québécoises et les Québécois sont attachés à leur histoire et à leurs racines, ils ne souhaitent pas que l'on fasse table rase de l'influence qu'ont exercée et qu'exercent toujours les grandes religions chrétiennes ni des connaissances nécessaires à la compréhension de ce que nous sommes, mais ils sont aussi ouverts à la connaissance de la diversité religieuse qui caractérise désormais notre société.

D'importantes oppositions existent; nous ne cherchons pas à les minimiser. Elles s'ancrent dans une histoire plus que centenaire. Elles expriment parfois une transformation non encore achevée vers une société inclusive. Elles se fondent aussi, il ne faut pas l'oublier, sur la défense de privilèges importants. Le gouvernement a fait preuve de sagesse en demandant l'éclairage nécessaire à un débat d'une telle importance. Si la sagesse a conduit à privilégier dans une première étape l'étude et la réflexion, les changements qui sont aujourd'hui devenus plus que jamais nécessaires vont exiger un courage politique certain.

La Présidente (Mme Charest): Merci, Mme Richard.

Mme Richard (Monique): Parfait. Il me restait une petite phrase.

La Présidente (Mme Charest): Je suis désolée, c'est déjà terminé. Je vais maintenant passer la parole à M. le ministre de l'Éducation. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Legault: Oui, bien, d'abord, Mme Richard, M. Gagnon, M. Berthelot, merci. Merci pour votre mémoire puis merci d'être ici, ce matin, pour discuter de ce sujet qui est important pour toute la société québécoise. Et, pour nous, votre opinion est importante parce que vous êtes les premiers acteurs en contact et avec les élèves et avec les parents. Donc, vous êtes bien placés pour nous aider un petit peu dans la mise en pratique, si je peux dire, des différentes propositions, incluant, bien sûr, la vôtre.

(10 heures)

Vous nous dites que des changements demandent du courage, mais ça ne doit pas se faire sans préparation. Donc, ça suppose une période de transition pour faire les modifications législatives, et aussi vous nous parlez avec raison de la formation adéquate du personnel enseignant.

Dans votre mémoire, vous prenez position, c'est assez clair, en faveur de l'école laïque. On a eu, au cours des derniers jours, des dernières semaines, plusieurs groupes qui sont venus ici. Je dirais que la majorité des groupes qui sont venus, quand ils nous parlent du statut confessionnel, nous disent: Ça devrait être possible de l'éliminer sans que ça soit trop douloureux, si je peux dire, pour les parents.

Mais je ne sais pas si vous avez suivi un petit peu, mais on a pu constater que les opinions sont très partagées, entre autres chez les parents, entre un enseignement confessionnel puis un enseignement culturel des religions. Puis là il y a deux genres d'argument qui sont présentés: il y a des arguments juridiques et il y a des arguments éducatifs.

Bon. Vous, votre mémoire, quand je le lis, vous vous êtes appuyés surtout sur des arguments juridiques et aussi sur les difficultés d'organisation, si jamais on décidait d'aller avec plusieurs religions. Mais vous ne nous avez pas parlé beaucoup de tout l'aspect éducatif. Il y en a qui sont venus nous voir puis qui nous ont dit: C'est indispensable de permettre au jeune de développer son identité personnelle avant d'être confronté avec celle des autres. Qu'est-ce que vous pensez, si on parle des véritables besoins des élèves? Comment vous voyez ces besoins? Et quelle devrait être la solution, en fonction d'abord des besoins des élèves?

Mme Richard (Monique): Oui. Je pourrai demander à mes collègues de compléter...

La Présidente (Mme Charest): Allez-y, Mme Richard.

Mme Richard (Monique): Je vais me donner le premier temps de réponse. Vous savez, la situation de l'école actuelle, finalement, le vécu, l'enseignement religieux versus l'enseignement moral, on se rend compte de plus en plus que, dans le milieu scolaire, ça évolue. Même s'il y a déjà un enseignement religieux qui est prévu, quand on rencontre les enseignantes et les enseignants, on s'inscrit beaucoup plus dans une démarche de travail sur les valeurs, sur la spiritualité des jeunes, essayer de les amener dans une démarche de quête de sens, de critique à l'égard de la société, d'ouverture mais en même temps de reconnaissance de la diversité. Et je pense, moi, que ce sont des lieux communs dans nos écoles, même si déjà l'enseignement confessionnel est présent.

Il faut marquer le coup de cette évolution et consentir à ce que l'école publique ait cette ouverture pour s'ouvrir sur la laïcité et continuer ce cheminement qui s'est déjà fait à travers l'histoire. Bien sûr, on a une base historique où la religion a pris beaucoup de place, mais en même temps il y a une évolution qu'on doit reconnaître dans le temps et constater que l'école, c'est un lieu d'évolution majeur pour les jeunes. Tout le monde y passe, à l'école. À quelque niveau que ce soit, on passe une quinzaine d'années dans le milieu scolaire.

Je pense, moi, que présentement le milieu scolaire est dans la situation d'appuyer les jeunes dans cette recherche de quête de sens ou l'apprentissage des valeurs, et, moi, je pense qu'on doit marquer le coup maintenant, même si, ici, on a entendu différents points de vue. Est-ce que ça pèse plus dans un sens que dans l'autre? Je ne le sais pas. Je pense que, quand on fait la lecture de tout ce qu'on a entendu, on se rend compte qu'il y a des points de vue différents mais qu'en même temps il y a un constat sur l'évolution des choses. Et, s'il y a une institution au Québec qui doit marquer le coup, c'est vraiment au niveau de l'éducation qu'on doit franchir cette porte du courage qui nous est nécessaire. Marc-André.

La Présidente (Mme Charest): M. Gagnon.

M. Gagnon (Marc-André): Moi, j'ajouterais simplement que... Quelle importance on a donnée aux besoins des élèves? Bien, on dit: Il faut maintenir un enseignement religieux, mais cet enseignement-là, plutôt que d'être confessionnel, on prend plus l'approche d'un phénomène culturel, de prendre le contact, dans le fond, dans une société où il y a plusieurs cultures. Parfois même il y a des phénomènes religieux que l'on connaît moins ou que l'on ne connaît pas du tout et pourtant qui marquent l'histoire du Québec. Qu'on pense, par exemple, au phénomène religieux des autochtones. Plus souvent qu'autrement, il n'y a pas beaucoup d'enfants qui ont entendu parler de ces phénomènes-là. Pourtant, ça s'inscrit dans tout le contexte de la société québécoise.

Quand, nous, on parle de l'enseignement de la religion, le seul élément dont on pense que l'État doit, dans le fond, régler le cas, c'est la question de la confessionnalité, c'est-à-dire ce qui permet d'adhérer à une religion plutôt qu'à une autre, et ça, on pense que ça reste de la responsabilité des Églises et que ça reste de la responsabilité des parents en fonction des croyances qu'ils ont.

Mais toute la question de comment le phénomène religieux s'inscrit dans une société, les valeurs qu'on peut retrouver à travers les différentes religions, toute la question de quête de sens des enfants par rapport à d'où on vient, vers où on va, etc., tout ça, ça peut toujours être repris à l'intérieur d'un phénomène d'enseignement culturel des religions, et, dans ce sens-là, on dit: Oui, on en prend en considération, on prend en considération le besoin des élèves, sauf qu'on pense que ce n'est pas à l'État d'avoir la responsabilité d'aller jusqu'à l'adhésion à une religion plutôt qu'à une autre, ça reste la responsabilité des parents et des communautés religieuses.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. Gagnon. Oui, M. Berthelot.

M. Berthelot (Jocelyn): Je serai très bref. C'est seulement pour rajouter. Quand on observe, bon, on peut prendre des cas qui sont pro-enseignement religieux confessionnel, en Europe notamment, ou des cas qui sont pro-éducation laïque, c'est le cas de toutes les sociétés en Amérique à peu près. Mais, quand on regarde les grandes tendances, actuellement, on s'aperçoit que les sociétés de type républicain – on pourrait prendre le cas de la France ou le cas du Mexique où il n'y a pas d'enseignement religieux à l'école – se posent la question: Est-ce qu'on devrait introduire un enseignement culturel des religions? Et, dans les sociétés où la pratique d'un enseignement religieux confessionnel existait – c'est le cas de l'Angleterre, on pourrait même regarder au Nouveau-Brunswick, chez nos voisins – on constate que, là, on se dit: Est-ce qu'on ne devrait pas plutôt évoluer vers un enseignement culturel des religions?

Donc, le principe qui veut que l'identité personnelle pour réfléchir à la religion soit une nécessité, ce n'est pas nécessairement ou ce n'est pas à l'école, c'est ça, la distinction. Ce n'est pas démontré que c'est une nécessité pour passer à l'enseignement culturel des religions, un. Et, si jamais c'en était une, ce n'est pas de la responsabilité de l'école, les familles ont une responsabilité à cet égard-là, et, pédagogiquement, je pense que les enseignantes et les enseignants, leur défi pédagogique, c'est de partir de la réalité des élèves pour les amener au savoir qui les dépasse. C'est ça, la pédagogie.

La Présidente (Mme Charest): M. le ministre.

M. Legault: Mettons de côté pour quelques minutes, là, à savoir si c'est la responsabilité de l'État ou non. Je reviens aux besoins de l'enfant. Vous nous dites: Bon, il faut être progressif, il y a une évolution. Il y a plusieurs groupes puis plusieurs spécialistes qui nous disent que, pour tenir compte de l'enracinement de l'enfant dans sa culture religieuse, il faut d'abord avoir un enseignement religieux et qu'on peut penser, par exemple, rendu au niveau du secondaire, avoir un enseignement culturel des religions, que de le faire trop tôt, ce n'est pas approprié pour les besoins de l'enfant. Mais oublions si ça doit se faire à l'école ou non.

Qu'est-ce que vous pensez de cette position qui dit qu'il faut y aller progressivement, que, oui, on peut peut-être penser qu'il faut, à un moment donné, parler d'un enseignement culturel des religions mais que c'est trop tôt de le faire au primaire et que les besoins de l'enfant, au primaire, sont plus des besoins d'identité et qu'il faut d'abord parler d'un enseignement religieux, que ça soit à l'école ou non? Qu'est-ce que vous pensez de cette démarche et de cette position de certains spécialistes qui sont venus nous voir?

La Présidente (Mme Charest): Mme Richard ou M. Gagnon? M. Gagnon, allez-y.

M. Gagnon (Marc-André): La question est de savoir: Quand on parle de cette quête d'identité, est-ce que le fait de vouloir, par exemple, simplement repousser l'enseignement culturel des religions au secondaire et d'avoir l'enseignement religieux confessionnel au primaire, c'est, dans le fond, ce qui serait le mieux? Comment on peut penser être capable de partir, de pouvoir, d'une certaine façon... À partir du moment où les jeunes ont adhéré à une religion parce qu'elle a été enseignée à l'école, comment on peut penser que, par après, on peut avoir une certaine ouverture aux autres?

Est-ce qu'on n'est pas mieux, d'une certaine façon, d'avoir d'abord la diversité, qu'est-ce qui existe, comment notre société a été influencée par les religions, et ensuite que le milieu confessionnel, aussi bien la communauté que les parents, à partir de ce qui a été, dans le fond, donné à l'enfant en termes d'éventail, puisse, d'une certaine façon, aller plus loin, aller jusqu'à l'identification à une religion bien particulière?

(10 h 10)

Sans vouloir être méchant, je dirais qu'on a un peu l'impression que maintenir la confessionnalité au primaire ferait en sorte que, d'une certaine façon, quand on arrive au secondaire, à part que de simplement le faire sur une espèce de phénomène historique, de dire: On va vous dire qu'est-ce qui existe ailleurs, mais ça ne remet en rien par rapport au choix qu'un enfant ou qu'une communauté religieuse pourrait avoir à faire...

On pense qu'il vaudrait mieux, dans le fond, placer les choses en termes de qu'est-ce que ça veut dire, un phénomène religieux, qu'est-ce que ça veut dire dans une société, qu'est-ce que ça a comme impact au plan culturel, au plan des valeurs sociales, au plan de la diversité des autres que l'on est appelé à côtoyer dès la plus tendre enfance. Et, à ce moment-là, à partir de ces données-là, que les communautés religieuses, par la suite, poussent plus loin pour aller jusqu'à l'adhésion des enfants ou des jeunes qui veulent adhérer à ces religions-là.

La Présidente (Mme Charest): Merci. Oui, M. Berthelot.

M. Berthelot (Jocelyn): Pour être clair, M. le ministre, je dirais que c'est carrément une thèse que je ne partage pas, que la CEQ ne partage pas. Je pense que de prétendre qu'il s'agit là de besoins de l'enfant, il faut se poser la question, là. Est-ce que c'est vraiment des besoins de l'enfant dont il est question ou de privilèges que veulent préserver certaines institutions religieuses? Quand on parle des besoins de l'enfant, je pense qu'on peut très bien répondre aux besoins de l'enfant en matière de connaissances, en matière de rapports à son identité religieuse par un enseignement culturel des religions qui a aussi sa place au primaire et qui tient compte de la diversité des milieux. On n'approchera pas l'enseignement culturel des religions de la même façon dans une école pluriethnique de Montréal que dans une école de milieu rural du Québec. Mais je pense que c'est peut-être un faux appui que de dire qu'il s'agit là des besoins des enfants.

La Présidente (Mme Charest): M. le ministre.

M. Legault: D'accord. Une dernière question concernant la période de transition. Vous nous dites: Il faut bien le faire. Il faut prendre toutes les précautions. Évidemment, vous avez entendu, comme moi, les perceptions puis les attentes de certains parents. J'aimerais ça vous entendre peut-être sur l'aspect pratique de la période de transition. Supposons qu'on applique votre proposition dans le temps, ce que je comprends de votre mémoire, là, c'est que vous suggérez de tout faire à l'intérieur des deux ans qu'on a prévus, et vous pensez que c'est suffisant comme période de transition. C'est parce qu'on a des groupes qui sont venus nous dire qu'il faudrait étendre cette période.

Mme Richard (Monique): Sur cette question, nous, on pense que le rapport Proulx, il n'est pas en avance sur son temps, il est de son temps. Et, à ce moment-là, c'est sûr que ça demande une planification, mais cette préoccupation de planifier les choses ne doit pas empêcher le gouvernement de prévoir les changements législatifs qui s'imposent pour en arriver à laïciser nos écoles.

La réforme du curriculum, on le sait, elle va s'échelonner sur plusieurs années. Il faut revoir les programmes, préparer le personnel enseignant. C'est la même chose pour ce qui est d'un programme à l'enseignement culturel des religions. Alors, il y a une certaine période de mise en train, à partir du moment où la décision se prend, qui va nous permettre de faire les choses avec la planification requise, parce qu'on n'est pas non plus de celles et ceux qui veulent bousculer, il faut prendre le temps de faire les changements correctement.

Et, en ce qui concerne l'animation communautaire et spirituelle, dans la pratique, les changements, ils sont mineurs parce que, dans la réalité des choses, on se rend compte que c'est beaucoup ça qui se passe, l'animation communautaire et spirituelle beaucoup plus que l'animation pastorale. Il y a peut-être un 10 %, je dirais, de façon maximum, même des fois c'est beaucoup moins, qui a une dimension religieuse très spécifique. Alors, ce sont des changements qui peuvent se faire de façon assez facile, je dirais, dans le temps et qui peuvent nous permettre de marquer le coup déjà avec des modifications au niveau législatif qui nous permettraient de prendre le virage de l'école laïque qu'on souhaite.

La Présidente (Mme Charest): Merci, madame.

M. Legault: Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. le ministre. Permettez-moi, avant de passer la parole à l'opposition, de vous poser une question. Vous dites à la page 33 de votre mémoire: «Que la Loi sur l'instruction publique soit amendée pour en exclure toute référence aux droits et devoirs en ce qui concerne l'enseignement religieux confessionnel», et vous poursuivez en disant: «Que, une fois les amendements législatifs apportés, la Commission des programmes d'études reçoive le mandat d'élaborer une proposition concernant l'intégration à la réforme en cours du curriculum de l'enseignement culturel des religions, de l'enseignement moral et de l'éducation à la citoyenneté.» C'est à la page 33 de votre mémoire.

Dans le fond, ce que je remarque, c'est que vous êtes préoccupés, quand même, par ces transformations que vous proposez, l'adaptabilité aussi à l'enseignement, à la pédagogie de ces nouvelles façons de faire. Comment vous voyez la formation initiale des professeurs, des conseillers pédagogiques ou des animateurs de pastorale par rapport aux transformations que vous proposez? Et quel devrait être leur perfectionnement ou enfin... Et là on fait référence peut-être à de la formation continue. Je suis persuadée que vous êtes d'accord avec ça. Ha, ha, ha! Je vous écoute, M. Berthelot.

M. Berthelot (Jocelyn): Oui. Bon. Vous avez noté qu'il y a deux heures actuellement qui sont confiées à l'enseignement religieux confessionnel. Nous, on dit: Ce n'est pas évident que l'enseignement culturel des religions doive occuper deux heures pendant 11 années. Donc, c'est l'occasion de dire: Si on y consacre moins de deux heures, de dégager un espace pour l'enseignement moral et l'éducation à la citoyenneté. Donc, là, la Commission des programmes d'études pourrait donner son avis sur le contenu comme elle l'a déjà donné à M. le ministre sur d'autres questions.

En ce qui concerne la formation à l'enseignement, il est clair pour nous que les neuf crédits en enseignement confessionnel, ça disparaît. Donc, dans la formation initiale, on donnerait cette formation-là au primaire comme on la donne pour les autres matières.

En ce qui concerne la formation continue, il y a actuellement en négociations des demandes en ce qui concerne les personnes qui... Parce que tout le curriculum est en question actuellement, il y a un nouveau curriculum qui s'implante au primaire et au secondaire. Il y a là un besoin de formation continue pour l'ensemble du personnel du primaire, qui va être nécessaire quand on va introduire aussi l'enseignement culturel des religions, et, au secondaire, là, s'il y a des changements dans la grille matière, il va y avoir besoin à l'occasion d'une formation plus longue.

La Présidente (Mme Charest): Oui, mais ça, je suis d'accord puis je pense qu'on l'avait senti que vous étiez d'accord avec ce que vous venez de nous dire, mais, moi, je veux savoir c'est quoi, la formation initiale que vous verriez pour ces enseignants ou ces conseillers pédagogiques et ce serait quoi, la formation comme telle? C'est quoi, les éléments de cette formation initiale là?

M. Berthelot (Jocelyn): Bien, si on parle spécifiquement de l'enseignement culturel des religions au primaire, ça fait partie de la formation à l'enseignement primaire, donc de la formation du titulaire. C'est le titulaire qui enseignerait l'enseignement culturel des religions. Donc, ça veut dire revoir les programmes de formation des titulaires. Pour les personnes qui auraient à enseigner l'enseignement culturel des religions au secondaire, où on fait appel à ce moment-là à des spécialistes, c'est des personnes qui suivraient un Baccalauréat en enseignement secondaire qui actuellement doit comprendre deux disciplines de formation. Donc, une des disciplines serait la discipline sciences religieuses. C'est une formation qui s'offre déjà actuellement dans les universités. Donc, là, ça répond peut-être plus précisément à votre question.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. Berthelot. Maintenant, je passe la parole au critique de l'opposition officielle, le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Merci, Mme la Présidente. Mme Richard, M. Gagnon et M. Berthelot, bienvenue. Et M. Berthelot qui m'apprenait qu'il était un résident de mon comté, une bienvenue particulière. Et je tiens à saluer bien sûr votre mémoire. Je tiens aussi à saluer la présence du ministre, qui nous disait, vendredi passé, qu'être à l'Assemblée nationale, ce n'est pas parmi les tâches les plus agréables qu'il a.

Je vous dirais que, sur votre mémoire comme tel, ce qui est intéressant, c'est de voir comment vous abordez un élément qui a souvent été, je dirais, passé en surface à date, c'est toute la question des libertés de conscience du personnel enseignant, jusqu'à quel point les gens ne sont pas indirectement obligés, actuellement, de faire de l'enseignement religieux, que ce soit pour compléter des tâches, que ce soit pour différentes autres raisons.

J'aimerais que vous nous parliez un petit peu de ce que vous amenez à la page 15, c'est-à-dire du nombre d'enseignants qui ne se prévalent pas du droit d'être dispensés de l'enseignement des cours religieux confessionnels et que vous nous traciez peut-être un bref portrait de comment ça se passe actuellement. Parce qu'il y a plusieurs groupes qui sont venus et qui ont dit effectivement ça.

C'est bien beau de dire qu'on veut ouvrir à la multiconfessionnalité, puis le même problème est aussi vrai pour l'enseignement culturel des religions, mais les gens qui l'enseignent, comment faire pour s'assurer que ces gens-là aient la volonté de le faire, les convictions de le faire, le feu pour le faire et le goût de le faire?

J'aimerais ça que vous nous traciez un peu un portrait de ce qui se passe actuellement et des principales critiques que vous avez des gens, des enseignants, sur l'enseignement tel qu'on le connaît actuellement au niveau confessionnel.

Mme Richard (Monique): Je vais faire la première partie et je laisserai la parole à Jocelyn ou à Marc-André s'ils veulent compléter. Évidemment, quand on fait le constat qu'il y a plus de 30 % des personnes qui seraient en accord avec le fait de ne pas enseigner l'enseignement religieux comme tel mais qu'il y en a seulement 5 % qui demandent d'en être exemptées, il y a là déjà un lieu de questionnement.

(10 h 20)

Évidemment, c'est en lien avec les possibilités d'organisation scolaire. Quand on veut être exempté de l'enseignement religieux, il faut qu'il y ait des gens qui prennent les relais au niveau des élèves, il faut qu'il y ait une organisation scolaire et les ressources nécessaires pour faire en sorte que les enseignants puissent vivre correctement cette exemption.

Et, dans la réalité des choses, on a des petites écoles, il y a différents milieux où c'est beaucoup plus difficile de se plier à cette organisation-là, et les enseignantes et les enseignants préfèrent, pour 25 % de celles et ceux qui feraient le choix de demander l'exemption, ne pas la demander parce que ça crée des problèmes d'organisation scolaire importants. Et certains qui la demandent vont la demander en demandant un congé sans solde, en disant: Bien, moi, je vais restreindre ma tâche de travail de x nombre d'heures par semaine, parce que je ne veux pas imposer une réorganisation au niveau de l'école, et donc je me donne une réduction de traitement pour être en mesure d'être en conscience avec moi-même et faire en sorte que l'organisation scolaire puisse se mettre en place correctement.

Il y a des problèmes de disponibilité de services dans les milieux scolaires. Quand on demande ça dans une petite école de région puis qu'il y a deux, trois ou quatre élèves, que, nous, on s'en va et qu'on laisse nos élèves en plan puis qu'il n'y a pas de ressources... Ou, même, il y a la question de l'exemption demandée par les parents, aussi. Il y a des parents qui vont préférer ne pas demander l'exemption pour les jeunes, parce qu'ils se retrouvent dans des situations marginalisées.

Vous savez, la question de l'enseignement de la morale, elle a été mise en place, mais ça pose aussi des problèmes d'organisation et de disponibilité de ressources. Quand on a une personne qui vient faire l'enseignement de la morale une heure ou deux heures par semaine dans une école, l'organisation de l'école doit se tourner autour de la mise en place de ça, et ça crée aussi, là, des problèmes. Donc, les gens se disent: C'est tellement difficile de pouvoir, dans la réalité des choses, vivre correctement puis de façon facile cette demande d'exemption qu'on préfère ne pas la demander.

La Présidente (Mme Charest): Oui, M. Gagnon.

M. Gagnon (Marc-André): Je voudrais juste ajouter la réalité par rapport au personnel professionnel, particulièrement les animateurs et animatrices de pastorale qui doivent avoir un mandat de pastorale émis par l'évêque. Et on peut, en fait, constater que ce mandat-là, parfois on va dire: Bien, écoutez, ce n'est pas toujours aussi grave que ça. Sauf qu'on connaît effectivement du personnel qui a été congédié parce que le mandat lui a été retiré. Et ce qui est prévu dans la convention collective, c'est que, à partir du moment où ce mandat-là est retiré, c'est considéré comme un bris de contrat, donc les dispositions de la convention ne s'appliquent pas. C'est du personnel qui, dans le fond, est un peu tombé entre deux chaises, dans l'attente d'avoir un emploi, d'être référé au comité de placement régional, bref, simplement du fait d'un retrait de ce mandat-là de l'évêque.

On connaît aussi des gens qu'on a rencontrés, nous, pour définir cette nouvelle proposition là des activités des animateurs de pastorale, et, on le sait, il y en a un qui s'est fait dire qu'il n'avait pas besoin d'en faire trop parce qu'il pourrait bien avoir des rapports de faits à l'évêque pour se faire retirer son mandat. Donc, dans ce sens-là, on pense que c'est aller assez loin, dans le fond, d'utiliser cet aspect-là pour, d'une certaine façon, retirer l'emploi de quelqu'un. Et on pense qu'il y a des dispositions de la loi qui doivent être changées pour arriver à permettre à ces gens de travailler correctement.

Et, quand je dis ça, là, je ne dis pas une hérésie, parce que, quand on parle des animateurs de pastorale, 90 % du travail qu'ils font, actuellement, ça ne correspond pas à de l'animation pastorale, ça correspond beaucoup plus à ce qu'on appelle de l'animation communautaire et spirituelle. Et souventes fois c'est plus le travail des animateurs de pastorale de travailler à l'intégration des différentes communautés dans une même école, à faire en sorte que les jeunes apprennent à vivre ensemble, exactement dans le sens de ce qu'on dit.

Alors, on pense, nous, que c'est des dispositions de la loi qui devraient être retirées puis on pense que ça ne devrait pas prendre trois ans. Il y a des dispositions là-dedans qui pourraient être faites assez rapidement, dans la mesure où le ministre ou le gouvernement décide, dans le fond, d'implanter un réseau d'écoles laïques.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. Gagnon. M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Oui. Premièrement, au niveau de ce que vous mentionnez, du fait que des enseignants ne veulent pas... qu'ils demandent une dispense pour donner ces cours-là, est-ce que c'est à peu près le même portrait en milieu urbain qu'en milieu rural au Québec? Parce qu'il y a beaucoup de gens qui disent: À la limite, il faudrait peut-être penser deux choses. Ce n'est pas pareil à Montréal qu'en région, et tout ça. Est-ce que, selon vous, c'est le même portrait?

Deuxièmement, il y a des gens qui sont venus suggérer que, même au niveau primaire, il serait peut-être plus opportun et plus adéquat d'avoir des spécialistes de l'enseignement religieux, et ce, autant pour un cours culturel des religions que pour une ouverture à la multiconfessionnalité. Qu'est-ce que vous pensez de cette idée-là, d'abord sur les spécialistes et sur le portrait par rapport au milieu rural et au milieu urbain?

Mme Richard (Monique): Sur la question des spécialistes, on revient à notre position de départ. Pour nous, il ne devrait pas y avoir d'enseignement religieux confessionnel à l'intérieur de l'école. Donc, ça dispose en même temps du fait que ça vienne des spécialistes.

Introduire deux heures de spécialité en enseignement religieux confessionnel, ça exige en même temps, possiblement, quand on regarde l'organisation du travail, la disparition d'autres spécialités, parce que, dans le cadre du curriculum, il y a des heures qui sont prévues pour l'enseignement des spécialités. Et, si la religion devenait une spécialité, quelles spécialités sauteraient à ce moment-là? La musique, les arts plastiques, les arts dramatiques, et ainsi de suite? Et, à ce moment-là, on demanderait aux enseignants d'assumer ces spécialités qui seraient tassées à cause de la spécialité de l'enseignement religieux. Mais est-ce que les enseignants sont en mesure d'enseigner l'anglais quand ils ne parlent pas un mot? Est-ce qu'ils sont en mesure d'enseigner la musique quand ils... Bon. Vous savez! En tout cas, moi, je ne pourrais pas l'enseigner, la musique. Ha, ha, ha!

M. Béchard: Moi non plus, inquiétez-vous pas! Ha, ha, ha! Ce serait terrible.

Mme Richard (Monique): C'est ça. Peut-être un petit peu chanter, mais ça arrêterait là. Alors, il y a là un problème qui se pose au niveau du choix, aussi. Et on a dit que l'enseignement des spécialités, tel que convenu dans la démarche scolaire présentement, c'est important pour la formation de la personne, la formation globale de la personne. On ne peut pas remplacer ça par l'enseignement de la religion comme spécialité. D'ailleurs, pour nous, ça vient à l'encontre de notre position fondamentale. Mais, si jamais c'était retenu, ça dispose d'un certain nombre de spécialités dont on a déjà convenu qu'elles étaient importantes et essentielles au développement des jeunes.

Donc, on ne veut pas non plus s'en aller sur l'enseignement. Si, au niveau d'une communauté, on juge important que l'enseignement religieux soit donné, bien, que l'Église s'organise à l'extérieur des heures de classe pour avoir des gens qui vont venir assumer ce mandat-là et l'école publique assurera son mandat d'école laïque et donnera un enseignement culturel des religions, donnera la formation aux valeurs, à la spiritualité, comme on le propose. Et, à ce moment-là, je pense que tout le monde sera content et chacune des confessions pourra être en mesure d'assumer ses responsabilités. La famille assumera ses responsabilités, la communauté religieuse, si elle est vivante dans son milieu, elle assumera ses responsabilités et l'école assumera les siennes. Les choses seront partagées correctement.

La Présidente (Mme Charest): Merci, Mme Richard.

M. Berthelot (Jocelyn): Mme la Présidente, si vous permettez.

La Présidente (Mme Charest): Oui, M. Berthelot. Allez-y.

M. Berthelot (Jocelyn): C'est pour répondre à l'autre partie de votre question, la différence entre milieu urbain et milieu rural. J'ai justement eu l'occasion de vérifier auprès de la commission scolaire de Montréal. Il y a un peu plus de dispenses de demandées dans les milieux urbains que dans les milieux ruraux. Mais, par rapport à la proportion de gens qui se disent mal à l'aise avec l'enseignement religieux, ça demeure une proportion minime.

Et, actuellement, on peut postuler que, si toutes les enseignantes et tous les enseignants du primaire qui se disent mal à l'aise avec l'enseignement religieux demandaient d'en être dispensés, comme ils devraient le faire, on aurait de graves problèmes d'organisation scolaire, à Montréal notamment. Parce que là, actuellement, on est en mesure de compenser les tâches par les cours d'enseignement moral, mais, s'il y avait cette proportion-là qui se dit mal à l'aise qui demandait vraiment d'être dispensée, comme elle devrait le faire, on aurait de graves problèmes.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. Berthelot. Allez-y, M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Oui, merci, Mme la Présidente. Il y a des gens qui sont venus nous dire que, finalement, si on est pour une laïcité complète de nos écoles, le cours proposé, culture des religions, n'était finalement que le sucre pour faire avaler le médicament et que, si on veut vraiment y aller d'une laïcisation complète, bien, qu'on cesse de dire qu'on va mettre en place un cours de culture des religions et qu'on intègre ce qu'on veut véhiculer comme valeurs directement au cours de citoyenneté ou à d'autres cours qui existent déjà.

Est-ce que vous croyez que cet argument-là est valable, premièrement, de dire: Si on est pour une laïcité, bien, que le cours de culture des religions, on intègre ses composantes dans d'autres cours déjà en place, comme les cours d'histoire ou les cours de citoyenneté qui vont être mis en place? De un.

(10 h 30)

Et, de deux: Que répondez-vous à ceux qui disent que, finalement, l'élaboration d'un cours de culture des religions serait tout aussi complexe que l'ouverture à la multiconfessionnalité, dans le sens qu'il faudrait savoir quels sont les grands courants que l'on enseigne, quel est le temps qu'on garde pour chacune des religions? La formation des enseignants est un élément extrêmement important aussi. Alors, certains disent que ça pourrait être difficile d'en arriver à donner un cours qui atteint vraiment les objectifs. Donc, il y a beaucoup de critiques sur cette mise en place là de cours. Qu'est-ce que vous en pensez?

La Présidente (Mme Charest): Oui, Mme Richard.

Mme Richard (Monique): Bien, ma première réaction, ce serait de dire que, quand on ne veut pas qu'un problème trouve sa solution, on fait en sorte de démolir toutes les alternatives possibles pour demeurer au statu quo. Nous, on pense que l'enseignement culturel des religions, ce serait un plus en milieu éducatif, dans le milieu scolaire. À ce moment-là, on partage, en gros, les orientations du rapport Proulx et les suggestions qui sont faites sur ce que ça devrait contenir.

Sur le plan des principes, évidemment, le soutien à la quête de sens, la connaissance du patrimoine religieux québécois, ça fait partie de notre vie, ça fait partie de notre histoire. Quand on veut être en mesure de poser un jugement sur la société dans laquelle on est, il faut en connaître aussi les tenants et les aboutissants, et on sait comment la religion a pris une place. Donc, quand on regarde l'enseignement culturel des religions, ça donne un certain nombre de dimensions pour ensuite développer le sens critique, l'ouverture à la diversité. Alors, je pense qu'il y a là un contenu qui est à élaborer, mais dont un certain nombre d'encadrements, au niveau des principes, sont déjà assez présents dans le rapport Proulx. Pour nous, c'est une dimension importante de la démarche des jeunes.

Déjà, quand on rencontre des gens au niveau du secondaire – et même au primaire, avec les adaptations nécessaires au niveau de l'approche pédagogique – on se réfère aux différentes religions. Les jeunes ne vivent pas en vase clos, ils vivent dans la diversité, peut-être plus accentuée dans certaines régions que dans d'autres, mais, en même temps, la télévision, la radio, les médias les confrontent à cette réalité de la diversité. Et je pense que, par l'approche de l'enseignement culturel des religions, on amène un complément au niveau de l'ouverture des jeunes.

C'est dans ce sens-là que, nous, on souscrit à cette hypothèse-là et qu'on veut un peu démolir ce qui est porté par certains groupes en termes de difficultés. Dans ça comme dans d'autres choses, il faut avoir l'énergie de changer les choses, la volonté de changer les choses et faire les efforts, il n'y a rien qui va se faire sans effort. Mais, en même temps, la réalité actuelle nous impose un changement, et on doit, tout le monde, mettre l'épaule à la roue pour contribuer à ce que nos jeunes, dans le cadre de l'avenir du Québec, tiennent compte de cette diversité et qu'ils aient les connaissances pour relever les défis qui seront les leurs.

M. Béchard: Merci.

La Présidente (Mme Charest): Merci, Mme Richard.

Une voix: ...

La Présidente (Mme Charest): Oui, mais rapidement parce que la députée de La Pinière aimerait intervenir. Allez-y, M. Gagnon...

Une voix: Moi, c'est assez rapidement, sur la deuxième question.

La Présidente (Mme Charest): ...ou M. Berthelot. C'est qui, là?

M. Gagnon (Marc-André): Bien, moi, je voudrais juste dire...

La Présidente (Mme Charest): Oui, allez-y, M. Gagnon.

M. Gagnon (Marc-André): ...rapidement: D'abord, est-ce que c'est un sucre pour faire adopter notre position? Je ne pense pas que ce soit la question d'un sucre. Si la Centrale était venue dire: Ça prend des écoles laïques sans référence à l'éducation religieuse, de quelque nature que ce soit, probablement qu'on se serait fait dire qu'on était 25 ans en arrière, parce que, là où on a des écoles laïques sans référence à la religion, de plus en plus, on parle d'implanter un enseignement culturel des religions, comme Jocelyn l'a dit tantôt. Donc, dans ce sens-là, ce n'est pas pour faire mieux accepter, c'est plus pour être dans le sens de l'évolution de la réflexion par rapport à ça.

Quant à savoir si l'enseignement multiconfessionnel, c'est à peu près l'équivalent de l'enseignement culturel des religions, de deux choses l'une... Je ne sais pas. En tout cas... Parce qu'on semblait dire que faire de l'enseignement culturel des religions, c'était un peu comme faire de l'enseignement multiconfessionnel.

M. Berthelot (Jocelyn): Je vais y aller, là.

M. Gagnon (Marc-André): Bien, là, je vais laisser la parole à Jocelyn.

Mme Houda-Pepin: Ah! bien, peut-être qu'à la question on va les clarifier.

La Présidente (Mme Charest): Alors, M. Berthelot, oui. Rapidement, parce que...

M. Berthelot (Jocelyn): Oui, je vais y aller rapidement sur cette question-là. Écoutez, c'est évident que ça va demander une préparation, l'enseignement culturel des religions. Mais, en termes d'organisation scolaire, ce n'est pas du tout la même complexité qu'un enseignement multiconfessionnel. Imaginez, au secondaire, vous avez un cours, vous affectez à un cours les élèves, la même chose au primaire. Mais imaginez-vous, dans une école secondaire, là, ce n'est pas un cours que vous avez, c'est cinq cours différents: enseignement catholique, enseignement protestant, enseignement musulman, bouddhiste, hindouiste. En termes d'organisation scolaire, c'est très complexe.

Même, on peut penser que, les parents pouvant choisir l'école de leur préférence, ils vont dire: Nous, on va s'organiser pour choisir telle école, parce qu'on veut que tel enseignement – par exemple l'enseignement protestant ou l'enseignement musulman – puisse être offert dans telle école. Donc, non seulement, en termes d'organisation scolaire, c'est beaucoup plus complexe que l'enseignement culturel des religions, mais c'est aussi beaucoup plus problématique en termes de mission sociale de l'école, notamment sa mission d'intégration.

La Présidente (Mme Charest): Merci. Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci, Mme la Présidente. Alors, à mon tour, Mme Richard, M. Gagnon et M. Berthelot, je vous remercie pour la présentation que vous nous avez faite. Je pense que, Mme Richard, c'est votre première participation à la commission de l'éducation. La troisième à l'éducation?

Mme Richard (Monique): À l'éducation, c'est la première.

Mme Houda-Pepin: C'est la première...

Mme Richard (Monique): Ce ne sera pas la dernière. Ha, ha, ha!

Mme Houda-Pepin: ...à titre de présidente de la CEQ. Alors, je vous souhaite un très bon mandat. Vous êtes bien partie pour.

J'ai été très intéressée à votre mémoire. Je comprends parfaitement votre position, c'est-à-dire: Vous optez pour l'école laïque parce que, sur le plan de la gestion scolaire, c'est ce qu'il y a de plus simple à faire, et, aussi, au niveau du respect des droits, vous estimez que c'est celle qui, en fait, offre l'égalité dans son ensemble.

Par contre, dans votre mémoire, à la page 31, lorsque vous parlez, justement, du cours culturel des religions, vous dites: «Étant donné notre histoire et notre culture, les grandes religions judéo-chrétiennes doivent occuper une place prépondérante dans l'enseignement culturel des religions.» Alors, je me pose une question. D'un côté, vous voulez que l'école soit égalitaire pour tout le monde, et donc qu'il n'y ait pas de religion officielle ni prédominante; et, d'un autre côté, dans le cours culturel des religions, vous pensez qu'il y aurait lieu de justifier la prépondérance du cours judéo-chrétien.

Alors, moi, je me dis: Appliquer – et je le vois aussi du point de vue de la gestion – cette règle dans une école de l'ouest de Montréal où il y a une prédominance, par exemple, hindoue, musulmane ou bouddhiste, ou dans d'autres coins aussi de la ville, comment est-ce qu'un enfant ou un jeune qui est à l'école et qui va entendre parler de l'héritage judéo-chrétien, alors que ce n'est pas son héritage... Ce qu'on voulait faire, en fait, avec ce cours de religion, c'était une certaine ouverture, pour permettre à tous les jeunes et à tous les enfants de se sentir à l'aise et de s'enrichir au contact de la diversité des autres. Alors, expliquez-moi comment est-ce que vous voyez...

La Présidente (Mme Charest): Deux minutes pour répondre, parce que c'est tout le temps qu'il nous reste. Mme Richard.

Mme Richard (Monique): Oui. Alors, quand on parle de prépondérance, on dit en même temps qu'il faut aussi que cet enseignement culturel des religions s'adapte selon les régions. Quand on est à Montréal et quand on est en Gaspésie ou on est dans la région de Chicoutimi, cet enseignement-là peut tenir compte de la réalité du milieu.

Bien sûr, on se réfère, quand on dit ça, à notre histoire, à nos antécédents, à ce qu'a été le Québec depuis le début. Donc, il s'agit d'être en mesure de donner à ces jeunes la connaissance de l'évolution de la religion chez nous, mais, en même temps, en lien avec les autres cultures et les autres religions, les valeurs aussi qui transcendent tout ça.

Alors, quand on dit «prépondérance», ce n'est pas d'en faire la majorité, mais de tenir compte de la réalité des jeunes que nous avons devant nous. Et, quand on dit: Les approches pédagogiques devront être conséquentes, c'est bien sûr que, quand on est à Rimouski-Est ou on est dans l'ouest de Montréal, l'approche, au niveau de ces enseignements-là, va être différente. Elle va tenir compte de la réalité culturelle, de la réalité religieuse du milieu aussi. On peut parler de toutes sortes de religions. Quand les gens ne se sentent pas concernés, quand les jeunes se sentent moins concernés parce qu'ils ne sont pas confrontés à cette réalité-là à tous les jours, je pense qu'on doit aussi, dans l'enseignement et dans l'approche, pondérer les choses.

Mais, en même temps, on dit: On ne peut pas nier l'histoire dans laquelle nous vivons ici et la connaissance, pour les autres jeunes autour, de ce qu'est l'histoire du Québec, parce que, quand on parle, aussi, de multiculturalisme, on parle aussi de s'expliquer qu'est-ce que nous sommes, nous, la société qui les accueille, qui les reçoit, dans laquelle ils vivent, quelle est notre histoire, quelle a été la place de la religion. Alors, c'est tout ça qu'on doit organiser au niveau de notre travail avec les jeunes.

La Présidente (Mme Charest): Merci, Mme Richard, M. Gagnon et M. Berthelot, de la Centrale de l'enseignement du Québec. Ce fut un bon échange. Merci.

(10 h 40)

Maintenant, je ferais appel aux représentants de la Fédération des comités de parents de la province de Québec. S'il vous plaît, veuillez prendre place.

(Changement d'organisme)

La Présidente (Mme Charest): Bonjour. Je vous demanderais de vous présenter. Vous avez 20 minutes pour nous exposer votre point de vue. Merci.


Fédération des comités de parents de la province de Québec (FCPPQ)

M. Stronach (Gary): Merci beaucoup, Mme la Présidente. M. le ministre, députés, pour la Fédération des comités de parents, ce matin, je suis accompagné de la première vice-présidente, Mme Diane Miron, qui vous fera l'exposé du mémoire. Nous sommes accompagnés également par notre personnel de soutien du bureau: Mme Marie Blouin, M. Ghislain Boisvert. Et je suis Gary Stronach, président de la Fédération des comités de parents. Je laisse la parole à Mme Miron.

La Présidente (Mme Charest): Alors, Mme Miron, allez-y.

Mme Miron (Diane): Bonjour.

La Présidente (Mme Charest): Bonjour.

Mme Miron (Diane): Alors, la Fédération des comités de parents de la province de Québec regroupe les parents qui sont engagés bénévolement dans les comités du milieu scolaire. Elle est présente dans toutes les régions du Québec. La mission de l'organisme est d'abord d'informer et de former les parents pour accroître leur action dans les comités du milieu scolaire, de représenter et exprimer leurs opinions sur la scène provinciale auprès des différents partenaires, de défendre leurs droits et leurs intérêts dans la cause scolaire et de participer au développement de l'éducation en collaboration avec les partenaires du milieu scolaire.

Alors, pour connaître le point de vue des parents sur les orientations proposées dans le rapport du Groupe de travail sur la place de la religion à l'école et pour voir si leurs opinions ont changé depuis 1996, la Fédération des comités de parents a procédé à une consultation auprès de ses membres au cours du mois de mai dernier. Alors, un questionnaire a été expédié aux différents comités de parents, et ces derniers, composés d'un représentant de chacune des écoles de leur commission scolaire, étaient conviés à inciter leurs représentants et leurs représentantes à consulter les parents de leur école. Au total, 40 comités de parents sur 82 ont répondu à notre consultation, soit un taux de réponse de 49 %. Les comités de parents qui ont participé à la consultation ont, quant à eux, rejoint 64 % de leurs membres.

Sept thèmes ont été abordés au cours de la consultation. D'abord, ça touchait la responsabilité des parents et de l'État face à l'enseignement religieux, le statut de l'école, l'enseignement religieux, l'enseignement culturel des religions, l'accessibilité de l'animation pastorale, la place de la religion à l'école privée et l'école à projet particulier fondé sur des critères religieux.

Mentionnons que la Fédération a été contrainte de travailler avec un échéancier des plus serrés, puisque l'annonce de la consultation générale sur la place de la religion à l'école a été connue vers la fin de l'année scolaire. Elle disposait donc de peu de temps pour consulter les parents, et ces derniers ont grandement déploré cette situation. Toutefois, ils ont travaillé très activement, chacun dans sa région, pour répondre à la demande exprimée dans les délais indiqués.

Maintenant, quelques mots sur le contexte dans lequel se situe le débat actuel. Alors, en septembre 1996, la Fédération a revendiqué, dans son mémoire présenté aux Assises nationales de l'éducation, le libre choix des parents quant à la confessionnalité ou non de l'école. Le 10 décembre de la même année, la Fédération, au nom de la Coalition en faveur de l'évolution du système scolaire avec et pour la population, avait remis à la ministre de l'Éducation de l'époque, Mme Marois, une pétition provinciale comprenant plus de 283 000 signatures de personnes qui se disaient favorables à choisir le statut de l'école publique, confessionnel ou non.

La déclaration ministérielle qui a suivi, le 26 mars, à l'Assemblée nationale a reconnu ce gain aux parents. La ministre avait alors mentionné que la tradition chrétienne catholique et protestante avait marqué profondément et continue de marquer distinctement le paysage architectural toponymique, culturel et social du Québec. La Fédération avait alors accueilli avec satisfaction cette déclaration ministérielle, car elle y retrouvait l'essentiel de ses demandes.

En avril 1998, le Groupe de travail sur la place de la religion à l'école a consulté la Fédération pour connaître son point de vue sur certains éléments entourant la place de la religion à l'école, comme les programmes d'enseignement religieux et moral. Elle avait d'ailleurs produit un document de réflexion sur le sujet en attendant de mener une consultation auprès des membres.

Quant à la Loi sur l'instruction publique, elle donne aux parents le droit de choisir le statut de l'école, confessionnel ou non, qui correspond le mieux à leurs attentes et à leurs croyances ainsi que celui de choisir pour leurs enfants, jusqu'à la troisième secondaire, entre un cours d'enseignement religieux catholique ou protestant ou un cours d'enseignement moral. Ces jeunes peuvent aussi bénéficier d'un service d'animation pastorale ou religieuse dans les écoles. Précisons que, depuis fort longtemps déjà, les parents bénéficient de cette liberté d'opter pour le statut confessionnel ou non confessionnel de leur école et pour l'enseignement de cours à caractère religieux ou non pour leurs enfants. Le rapport Proulx recommande de leur enlever ces pouvoirs acquis depuis plus de 20 ans.

Ce qui se dégage de la consultation. Alors, globalement, il ressort de la consultation que l'on a menée auprès de nos membres, toutes régions du Québec confondues, que les parents s'opposent majoritairement au mur-à-mur qui est proposé dans le rapport sur la religion, soit la laïcité ouverte des écoles publiques. L'opinion est toutefois différente pour des membres des comités de parents de la région de Montréal, qui sont favorables à laïciser l'école publique. Précisons cependant que les parents qu'ils ont consultés ont un avis partagé sur le maintien de leur liberté actuelle au regard du statut de l'école.

Autre observation, les parents consultés sont d'avis que l'État a un rôle complémentaire à jouer, après les familles, dans les valeurs transmises à l'école. Ils tiennent à conserver cet acquis de même que la possibilité de choisir l'enseignement qui correspond le mieux à leurs attentes. Ils s'opposent à l'alternative de voir l'État subventionner l'école privée qui offrirait en exclusivité les cours d'enseignement religieux à l'intérieur de l'horaire scolaire.

Selon les commentaires reçus, on remarque que les parents sont favorables à un enseignement culturel des religions, et s'il est optionnel, évidemment, pour les élèves du secondaire. Lorsque la diversité dans la communauté le justifie, des parents sont ouverts à ce qu'un tel cours soit offert en option aux élèves du primaire. Et, pour éviter la marginalisation des élèves, ils suggèrent également qu'un service commun d'animation de la vie religieuse et spirituelle soit offert à tous les élèves de l'école. Ce que les parents ont exprimé clairement au cours de cette consultation, c'est que, lorsqu'il s'agit de l'éducation de leurs enfants, des valeurs et des croyances à leur transmettre, ils réclament une responsabilité partagée avec l'État.

À propos du respect des droits et libertés de la personne. Alors, grâce aux aménagements pédagogiques et administratifs qu'on a su trouver, les parents ont l'impression que les droits des parents des autres confessions sont respectés actuellement. Les parents ont exprimé à maintes reprises l'importance qu'ils accordaient au respect de la liberté de conscience et de religion de tous les élèves. Et voici un commentaire qui en dit long. Il provient d'un comité de parents de la région de Québec–Chaudière-Appalaches: «Malgré des épisodes parfois houleux, les peuples composant la mosaïque québécoise en sont toujours arrivés à se respecter et à construire ensemble un environnement où la liberté, l'équité et la justice font du Québec un lieu que beaucoup choisissent comme terre d'adoption.» La Fédération des comités de parents est d'avis qu'il faut trouver les aménagements requis qui permettent l'acceptation de tous avec leurs différences.

Quelles sont les attentes des parents en regard de chacun des points sur lesquels on les a consultés? D'abord, en ce qui touche la responsabilité des parents et de l'État face à l'enseignement religieux, alors, peu importe la provenance, les parents consultés estiment, en grande majorité, qu'il leur appartient de décider du statut de l'école de leur enfant et de décider si leur enfant doit avoir des cours d'enseignement religieux ou non à l'intérieur de son horaire. Ils reconnaissent cependant une responsabilité partagée et un rôle à l'État, à qui ils ont confié leurs enfants, notamment au regard des aménagements, de l'organisation et du développement du contenu des programmes. Cette opinion est généralisée et partagée par la majorité des parents consultés, sauf pour la région de Montréal, puisque plus du quart d'entre eux croient qu'il n'appartient pas à l'État de s'occuper ni de financer des cours d'enseignement religieux.

Selon la perception globale des parents, la formation intégrale des jeunes à l'école doit comprendre l'enseignement religieux et la présence des valeurs de nos traditions, tout dépendant du choix qu'ils exercent à cet égard. Pour eux, il s'agit en quelque sorte de donner un sens aux comportements sociaux proposés et de contrer des problèmes éventuels vécus par des jeunes en développement et en recherche d'identité, et ce, particulièrement au secondaire.

Les parents consultés tiennent à maintenir leurs droits actuels, et quelques commentaires illustrent ces propos: «Les droits ancestraux importants de notre richesse sont notre langue et notre religion. Nous constatons que ces deux valeurs sont de plus en plus menacées. Nous offrons déjà un très bon service qui rejoint une clientèle de différentes cultures[...]. L'enseignement moral rejoint toutes les cultures. Si l'enseignement religieux est dispensé en dehors des heures de cours, les jeunes y seront pénalisés et marginalisés.»

(10 h 50)

Maintenant, les attentes des parents en regard du statut de l'école. Alors, en grande majorité, les parents consultés s'opposent à une vision unique telle que proposée dans le rapport Proulx, soit l'école publique laïque. Ils réclament le maintien des règles actuelles qui sont inscrites dans la Loi sur l'instruction publique. Précisons cependant que le tiers des parents qui ont répondu à la consultation acceptent que les parents d'une autre religion puissent, si le nombre le justifie, choisir un statut religieux particulier pour leur école. Le statut de l'école soulève des réactions différentes au regard des comités de parents de la région de Montréal, puisque, majoritairement, ils veulent une école laïque. Ce n'est pas le cas des parents des écoles qu'ils ont consultés, puisque ces derniers ont des avis partagés sur cette question.

À la lumière de l'analyse des résultats et des commentaires reçus, les parents accordent beaucoup d'importance au statut de l'école. Ils croient que l'enseignement religieux et la présence des valeurs religieuses vont de pair avec le statut qu'on accorde à l'école. Pour eux, le statut est en quelque sorte une assurance, une garantie de maintenir leurs racines québécoises.

Une troisième attente des parents, en regard de l'enseignement religieux, les parents consultés souhaitent conserver le maintien des deux options suivantes: l'enseignement moral et religieux catholique et protestant et l'enseignement moral. Ils expriment ainsi l'importance que les jeunes trouvent des points de repère valables pour donner un sens à leur existence. Le décrochage de l'école et de la vie serait, semble-t-il, une manifestation concrète de cette crise spirituelle vécue par les adolescents et les adolescentes. L'aspect spirituel constitue pour les parents un guide pour la conduite humaine, et l'école québécoise, après la famille, a une influence importante chez les jeunes.

Dans la région de Montréal, le tiers des comités de parents sont d'accord avec la proposition du rapport Proulx qui préconise le remplacement du cours d'enseignement religieux par un enseignement culturel des religions. Ces derniers sont aussi favorables avec la proposition que l'enseignement religieux soit laissé aux parents en dehors des heures de classe. Par contre, les parents des écoles de Montréal consultés par les comités de parents sont plus divisés sur cette question, bien qu'une bonne proportion d'entre eux partagent le même point de vue que l'ensemble du Québec, à savoir le maintien de l'accessibilité du cours d'enseignement religieux dans son état actuel.

Par ailleurs, il semble que la pertinence des contenus des programmes d'enseignement moral et religieux catholique ou protestant ou d'enseignement moral soit questionnable. Rencontrent-ils les attentes des parents et les besoins des enfants? Le ministère de l'Éducation ne devrait-il pas les impliquer dans le processus de la réforme des programmes?

Une quatrième attente, concernant l'enseignement culturel des religions maintenant. Alors, une forte majorité des comités de parents sont favorables à ce que l'enseignement culturel des religions soit offert aux élèves, mais souhaitent que ce cours soit optionnel. Beaucoup de parents sont d'avis que ce cours soit donné aux élèves du secondaire et, lorsque la diversité dans la communauté le justifie, ils seraient ouverts à ce qu'un tel cours soit aussi offert en option aux élèves du primaire.

Si l'on en juge par les commentaires exprimés, les parents concernés croient que les élèves du secondaire ont acquis un bagage de connaissances et ont atteint un niveau de développement plus mature qui peuvent leur permettre la réception d'un tel enseignement culturel des religions. Des parents avancent aussi l'idée d'intégrer dans un programme d'histoire ou dans celui de l'éducation à la citoyenneté l'histoire culturelle des religions. Cet enseignement est vu comme en complémentarité aux cours déjà offerts, enseignement religieux catholique ou protestant ou enseignement moral. Toujours selon leurs opinions, il ne devrait pas remplacer les cours actuellement prévus dans la grille horaire de l'élève.

Concernant l'accessibilité de l'animation pastorale, alors les parents souhaitent majoritairement qu'un service commun d'animation à la vie religieuse et spirituelle soit disponible pour les élèves de l'école. Ils veulent ainsi empêcher la division des élèves et l'exclusion a priori de certains d'entre eux lorsqu'ils sont issus d'autres confessions religieuses. L'animateur de pastorale pourrait répondre aux besoins spirituels des élèves de toutes confessions.

En regard de la place de la religion à l'école privée, les parents refusent l'idée du financement par l'État des cours de religion à l'école privée comme alternative à la décision de ne plus les subventionner à l'école publique. Ils expriment ainsi leur volonté que se poursuive le financement par l'État de ces cours à l'école publique québécoise. Cette dernière doit être accessible à tous et à toutes, dans le respect des différences des valeurs et des croyances et non dans le nivellement de ces dernières.

L'école à projet particulier fondé sur des critères religieux. Alors, une faible majorité de comités de parents se prononcent contre le maintien de l'école publique à projet particulier fondé sur des critères religieux. Cependant, les parents sont très divisés à cet égard. Ce partage d'opinions traduit, à notre avis, une ambiguïté dans la formulation de la question qu'on leur a soumise. Les parents croyaient-ils qu'il s'agissait de leur dernière porte de sortie advenant le cas où la religion n'était plus présente à l'école? Manifestaient-ils une ouverture pour les autres communautés à l'effet qu'elles puissent créer des écoles qui reflètent davantage leurs croyances? Ou réaffirmaient-ils leur volonté de conserver leur droit de choisir quand il s'agit de l'éducation de leurs enfants?

En conclusion, je vous fais part des différentes recommandations que la Fédération formule et qui reflètent les tendances qui ont été exprimées par les comités de parents.

Alors, comme première recommandation, que les parents aient une responsabilité partagée avec l'État au regard de la place de la religion à l'école. Deuxième recommandation, que les parents conservent dans la loi leur liberté de choisir pour leur enfant entre un cours d'enseignement religieux catholique ou protestant ou un cours d'enseignement moral. Troisièmement, que soient maintenus dans la Loi sur l'instruction publique les mêmes droits donnés aux parents au regard de leur liberté de choisir le statut de l'école, confessionnel ou non, qui correspond le mieux à leurs attentes. Quatrièmement, que les programmes d'enseignement moral et religieux catholique ou protestant soient réaménagés en fonction de la réalité d'aujourd'hui. Cinquièmement, que les parents soient consultés lors de la réforme des programmes d'enseignement religieux catholique ou protestant ou moral. Sixièmement, qu'un enseignement culturel des religions soit offert sous forme optionnelle aux élèves du secondaire et aux élèves du primaire là où le milieu le justifie. Septièmement, si l'organisation scolaire ne le permet pas, que des éléments d'un programme culturel des religions fassent partie du curriculum de l'élève de l'ordre d'enseignement secondaire. Huitièmement, qu'un service commun d'animation à la vie religieuse et spirituelle soit disponible pour tous les élèves de l'école. Et, dernièrement, que l'État maintienne l'enseignement religieux à l'école. Voilà.

La Présidente (Mme Charest): Merci, Mme Miron. Maintenant, je passe la parole à M. le ministre de l'Éducation. M. le ministre.

M. Legault: Oui. D'abord, M. Stronach, Mme Miron, M. Boisvert, Mme Blouin, merci d'être ici avec nous ce matin. Merci pour non seulement votre mémoire, mais le travail que vous avez fait. Vous avez fait un travail important aussi de consultation, donc, auprès des parents, malgré le fait que les délais n'étaient pas très longs pour vous permettre de le faire.

On le sait tous, évidemment, les parents – et je pense que c'est important de le répéter, puis vous allez être d'accord avec moi – ce sont les premiers éducateurs de leurs enfants, donc. Et puis, comme parent moi-même, on sait tous qu'on souhaite avoir ce qu'il y a de mieux pour nos enfants. Puis de transmettre les valeurs, ce n'est jamais facile, et puis aussi de se parler de religion, ce n'est jamais facile. Je pense que vous avez consulté. Vous vous êtes rendu compte, quand même, et je pense que vous allez être d'accord avec moi, qu'il y a quand même des opinions qui sont divergentes chez les parents. Et puis ce qu'on essaie de trouver, c'est un consensus. Donc, qui dit consensus dit des compromis, une certaine ouverture à certains ajustements dans les solutions qui, personnellement, nous apparaîtraient idéales.

Ma première question concerne l'enseignement culturel des religions. Si on acceptait de conserver l'enseignement religieux au primaire et au cours des trois premières années du secondaire, est-ce que vous auriez une certaine ouverture pour remplacer les cours d'enseignement religieux, aux secondaires IV et V, par un enseignement culturel des religions, pour montrer une certaine ouverture aux autres religions pour les jeunes?

M. Stronach (Gary): Si on s'en tient, dans le pratico-pratique, à ce qui a été répondu dans la consultation, je serais obligé de vous dire non, mais je mettrais bien un bémol, dans le sens que je pense que, même avec les résultats que nous avons reçus, il y a une certaine ouverture.

Je pense que toutes les orientations qui ont été données dans notre consultation émanent de plusieurs raisons. Nous avons été les premiers à admettre qu'il y avait peut-être une question qui était un peu ambiguë. Je pense qu'il ne faudrait pas négliger non plus, dans une telle consultation, l'effet de dilution de la délégation de représentation. Vous avez pu constater vous-même dans les résultats que, souvent, le comité de parents disait une chose qui semblait être en contradiction avec les comités d'école, à savoir: la personne déléguée pour aller parler à une instance supérieure, à ce moment-là, peut-être emmenait la majorité et on oubliait par le fait même la minorité.

Je vous dirais que l'ouverture démontrée, et, s'il y avait une ouverture également au maintien de ces programmes au niveau primaire puis, on peut dire, au premier cycle du secondaire, je pense que cette ouverture-là pourrait peut-être – je dis bien peut-être – se traduire par une ouverture, aux secondaires IV et V, à un cours de crédits sur la culture des religions. Je pense qu'il n'y a personne qui pourrait nier que, depuis un certain nombre d'années, la question des crédits, au niveau des cours de religion en secondaires IV et V, fait problème pour beaucoup d'intervenants, y inclus les élèves et leurs parents. Mais je pense qu'il y a une certaine ouverture, et, si on pouvait mettre de côté les craintes exprimées au niveau du primaire puis au premier cycle du secondaire, ça serait peut-être une solution envisageable – je dis bien «peut-être».

(11 heures)

M. Legault: O.K, c'est bien. Maintenant, le deuxième sujet qui, je pense, est important pour la recherche d'un compromis, c'est le statut confessionnel des écoles.

Vous dites – puis je l'ai constaté moi aussi – qu'il y a certains parents qui tiennent au statut confessionnel, tiennent mordicus; pour eux, c'est quelque chose de très important. On n'a pas parlé beaucoup du pourquoi. Pourquoi, selon vous, certains parents tiennent absolument au statut confessionnel de l'école? Est-ce que vous pouvez nous expliquer ça, ce que vous en avez perçu?

La Présidente (Mme Charest): M. Stronach.

M. Stronach (Gary): Oui. Je pense que nous faisons partie présentement d'un processus évolutif, et l'histoire... En politique, vous dites que 30 jours, c'est déjà long. Mais, dans le sens des parents, un an ou deux ans, ce n'est pas tellement long. Il y a à peine un an et demi que nous avons abrogé l'article 93 qui protégeait, à ce moment-là, le statut confessionnel des commissions scolaires. Et, à ce moment-là, sous-entendues, il y avait des promesses faites qu'en laissant tomber le 93 il y avait d'autres garanties, dont le maintien du statut confessionnel à l'école. Je pense qu'avec cette réponse – puis on le dit bien dans le mémoire – ils calculent que c'est peut-être la dernière chance pour les parents de maintenir l'enseignement religieux.

Quand on parle, par exemple, des écoles à statut particulier confessionnel, les parents, si vous regardez, ils disent non. Ils ne veulent pas avoir une mosaïque des écoles. Ça fait que, là aussi, on a un peu une contradiction. Je pense que, pour les parents, c'est une assurance du maintien de l'enseignement religieux comme tel. Et il y aura peut-être une ouverture là dans le sens que, si, autrement, c'était garanti que les parents avaient accès à l'enseignement religieux pour leurs enfants, je pense que la plupart des parents comprennent aussi le besoin pour que l'école soit la plus accueillante possible pour toutes les communautés, et de s'encarcaner dans un projet confessionnel comme tel fait de la minorité peut-être des intrus à l'école. Et je pense que, si on lit entre les lignes, il y a une ouverture qui est démontrée, sauf si on s'en tient à la lettre du mémoire. C'est pareil comme si on avait ouvert la porte mais qu'on avait mis la chaise derrière pour ne pas que ça ouvre plus que deux pouces. Mais je pense qu'il y a une volonté d'ouvrir la porte et je pense, avec d'autres garanties, que ça pourrait être un aspect qui serait mis de côté.

M. Legault: Peut-être essayer de profiter de votre expérience auprès des parents, M. Stronach. Si on allait dans une direction comme celle-là, c'est-à-dire de garantir aux parents un enseignement religieux mais qu'on voulait les convaincre d'abolir le statut confessionnel des écoles, comment vous nous suggéreriez de nous y prendre, en pratique?

M. Stronach (Gary): Je vous dirais qu'il y a certaines communautés avec lesquelles vous devriez vous y prendre avec beaucoup de doigté.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Legault: C'est pour ça que je vous demande conseil. Oui.

M. Stronach (Gary): C'est bien sûr que c'est un dossier qui sera difficile en certains milieux, entre autres dans le milieu franco-protestant et anglo-catholique. Je siège sur un conseil d'établissement partagé protestants et catholiques et je vois qu'il y a une ouverture quand même; c'est à définir. En anglais, c'est facile. Il y en a qui disent: «A good Catholic education or a good education with Catholic services», puis c'est deux choses très, très, très différentes. Mais je pense qu'avec des garanties les gens, ce qu'ils recherchent, c'est de pouvoir donner un sens... Quand on parle de la quête de sens des jeunes pour que les jeunes puissent se retrouver, c'est très important pour les parents que ça se retrouve à l'intérieur de leur milieu, leurs croyances.

Je pense que, si ça, ça pouvait leur être garanti... Je pense que l'important, c'est si les garanties et les services auxquels ils auront accès... que le statut confessionnel peut être bidon. On peut donner à l'école un statut x. Si les services qui sont donnés à l'école ne sont pas de qualité, c'est un statut vide, vide de tout sens, et je pense que les gens sont à la recherche plus de sens d'être, sens de soi. Il faudrait axer plutôt là-dessus, là, mais ça pourrait faire... C'est une évolution. On a vu depuis 1996 qu'il y a une évolution constante dans la pensée des gens, mais il y a certaines choses qu'ils ne laisseront pas tomber à moins d'avoir une solution de rechange qui sera aussi intéressante que ce qu'ils connaissaient dans le passé.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. Stronach.

M. Legault: Merci pour votre ouverture, M. Stronach. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Charest): M. le député de Masson.

M. Labbé: Merci, Mme la Présidente. Alors, M. Stronach, madame, messieurs, mesdames en arrière, félicitations pour la qualité de votre mémoire et ça reflète vraiment la diversité, je pense, des parents québécois. On le retrouve – vous l'avez dit bien honnêtement – tant au niveau des questions qu'au niveau des réponses que vous avez obtenues.

Ça m'amène un petit peu au niveau de la question justement sur cette diversité-là. Dans vos différentes recommandations, à la page 13, vous dites, entre autres: On veut respecter le libre choix des parents pour les cours de religion catholique et protestante aussi et moral. Alors donc, ça fait déjà trois aspects qui sont importants, mais on réalise aussi, à la proposition 6, qu'un tiers de la population des parents de Montréal, eux autres, disent: On est pour la laïcisation comme telle. Donc, ça fait beaucoup de choses. Et, moi, la question que je voulais vous poser: Comment vous composez avec cette diversité-là, ces différentes tendances au niveau des parents à l'intérieur même de votre Fédération? Est-ce que vous êtes à l'aise avec ça?

La Présidente (Mme Charest): M. Stronach.

M. Stronach (Gary): Oui. Vous n'êtes pas sans savoir qu'on a même un conseil d'administration très divers. Je pense qu'il y a du catholique, il y a du protestant, anglophone, francophone, urbain, rural; on représente, à toutes fins pratiques, la même composition que la communauté.

L'évolution du dossier comme tel fait partie... Quand on dit, par exemple, que l'école est une extension de la famille et vice-versa, là, l'école aussi se doit d'être le reflet de sa communauté. Et l'ouverture qui se montre – on parle toujours de catholiques ou protestants puis d'autres qui veulent la laïcisation – si on enlève la possibilité d'établir un statut confessionnel à l'école puis on a dit qu'il y avait une ouverture, je pense, au niveau des parents aussi, là... Si, à l'école, tout le monde se sent bien accueilli, se sent bien avec les services qui leur sont propres, je pense qu'à ce moment-là on pourrait vivre avec la diversité.

Contrairement à d'autres qui disent que ça serait peut-être très difficile d'organiser de tels services, je me rappelle que, depuis un certain nombre d'années, on demande que l'école soit le reflet de la communauté. Donc, si le personnel enseignant reflète bel et bien la communauté qu'il dessert, il doit, à l'intérieur de l'école, avoir des éléments, des gens issus de ces milieux-là. Et, si on arrive à vouloir ouvrir davantage à d'autres confessionnalités, il va de soi que le personnel enseignant doit refléter la communauté. Ça fait que ça ne sera pas difficile de l'organiser.

Je pense que, de plus en plus, on voit une école comme Saint-Luc, à Montréal, avec ses multiethnicités, ses multilangues et tout. Mis à part les médias, qui semblent discerner qu'il y a des problèmes à cette école-là, les jeunes eux-mêmes n'ont pas de problèmes à cette école-là, ils s'entendent très bien. Puis je pense que la même chose se vivrait dans les écoles que ce qui se vit à la Fédération. La diversité fait de la richesse, pourvu que les gens se sentent proprement accueillis et proprement servis dans leurs besoins, leurs attentes à l'école même, et je pense que ça peut se faire. Donc, notre diversité, à ce moment-là, ne fait plus l'objet de revendications mais bel et bien d'une attente tout harmonisée des services à l'école.

La Présidente (Mme Charest): M. le député de Masson.

M. Labbé: Merci, madame. Alors, dans le même ordre d'idées, mon cher monsieur, est-ce que, par rapport aux autres religions – parce qu'on parle quand même des catholiques, des protestants – on sait que, quand même, surtout à Montréal, puis même de plus en plus au niveau des différentes régions du Québec comme telles, il y a des religions qui commencent à s'imprégner tout doucement. Quelle est votre ouverture par rapport justement à des religions, surtout celles qui sont marquantes actuellement? On parle de l'indhouisme, bouddhisme, etc. Comment vous voyez ça, l'intégration? Parce que vous nous parlez d'une école qui est ouverte à l'ensemble des ethnies comme telles, mais ça commence à faire beaucoup de monde. Comment vous le voyez, à ce moment-là?

M. Stronach (Gary): Comme je vous ai dit tantôt, je pense que l'ouverture qu'on démontre, mis à part des sectes et ces choses-là, quand vous parlez de religions traditionnelles, de confessionnalités traditionnelles des milieux, je pense qu'à ce moment-là... On ne voudra pas tomber dans le piège de dire, par exemple... Je sais que ça semble froid de dire: Là où le nombre le justifie, mais je pense que, là où le besoin se fait savoir, là où le besoin se fait connaître, il devrait y avoir cette ouverture-là, et, pour la Fédération des comités de parents, aucun problème avec ça.

Ce que nous n'aimons pas, c'est d'être obligés de nier ce que nous sommes. Au lieu de permettre à tout le monde un épanouissement, c'est de dire: Nous ne sommes rien, donc il n'y aura plus rien. Donc, la laïcisation enlève à tout le monde son identité. Là, nous disons: Reconnaissons ce que nous sommes. Oui, nous sommes une société judéo-chrétienne, mais il ne faudra pas tomber dans la guerre des chiffres, tu sais: Nous sommes 80 %; donc on va être 80 % du temps. Non. Laissons l'ouverture aux autres aussi de combler les besoins qui se font connaître par la société, et ça pourrait s'organiser à l'école.

J'ai déjà dit à la ministre Marois... On faisait une réunion, il y avait Lorraine Pagé, moi et quelques autres personnes. Puis je rêvais au jour où à 14 heures les jeunes partaient dans leur cours de religion et à 14 h 30 ou 14 h 45 les mêmes jeunes se ramassaient dans le gymnase pour jouer au ballon-panier ou quelque chose comme ça. Et je pense que l'évolution va nous emmener là.

Mais ce n'est pas en mettant tout à terre qu'on va y arriver. Ce n'est pas en ne se reconnaissant pas qu'on va y arriver. Mais l'évolution va faire en sorte que, si on reconnaît... Et, avec l'évolution de la population et l'évolution du système scolaire, ça va se faire que des jeunes, à une heure x, vont faire une telle affaire. Ça va être comme une matière, ils vont y aller, puis, la classe d'après, ils vont faire autre chose ensemble. Et je pense que ça, on peut y rêver puis on pourrait le réaliser.

M. Labbé: Comme vous siégez sûrement sur plusieurs conseils d'établissement des parents....

M. Stronach (Gary): Sur un au moins, là.

(11 h 10)

M. Labbé: Au moins un, c'est ça, pour vous-même et à plusieurs réunions à d'autres niveaux, mais vos parents, je pense, sont sûrement très impliqués, l'application de tout ça, M. Stronach, dans le sens qu'à un moment donné on sait que, surtout à Montréal, il peut arriver qu'on ait plusieurs... Il y a d'abord la formation des professeurs. Comment ça pourrait se faire, et l'implication des parents? Parce que je sais qu'à plusieurs reprises dans votre mémoire vous tenez mordicus à l'implication des parents dans beaucoup d'éléments – on pourra le définir peut-être si on a le temps après. Mais comment vous voyez ça, l'application, concrètement, de toute cette façon de faire puis dans le respect de toutes les ethnies ou les religions qui pourraient s'inscrire, dans le fond?

La Présidente (Mme Charest): M. Stronach.

M. Stronach (Gary): Oui. Comme je disais tantôt, je pense, là où le besoin va se faire sentir, si bel et bien l'école reflète sa communauté, il ne devrait pas y avoir de problème d'organisation. Ce qui me déçoit souvent, c'est qu'aujourd'hui on dit qu'on est devant une situation où il n'y a pas de solution possible parce que, dans le passé, on ne faisait pas les choses correctement. Les écoles protestantes, de nos jours, sont obligées d'offrir du service d'enseignement catholique puis elles sont aux prises avec une situation qui est très difficile.

Pourtant, la loi disait qu'elles étaient obligées de le faire dans le passé, mais elles ont choisi de ne pas le faire. Ou on allait voler du temps dans ces périodes-là pour l'envoyer en éducation physique ou ailleurs. Là, tout le monde se plaint qu'il n'y a plus de temps. Mais les mêmes règles sont là depuis des années. La seule affaire qu'on demande, c'est que ça soit rigoureux aujourd'hui et que les règles en loi soient appliquées. Ça pourrait se faire.

Comment se fait-il qu'il y a des milieux qui peuvent le faire puis que d'autres ne le peuvent pas? C'est la même chose pour la réussite scolaire. Avec les mêmes régimes pédagogiques, il y a des écoles qui réussissent; d'autres, non. C'est parce que celles qui réussissent font quelque chose que les autres auront à faire. Je pense que le modèle existe où ces choses-là se font déjà. Vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a des écoles présentement qui incluent à l'intérieur de leur curriculum – demandez-moi pas comment – d'autres religions où les gens se sentent bien accueillis. Ça serait peut-être d'apprendre de ces gens-là comment ils font puis, sans imposer ce modèle-là à d'autres, au moins leur donner comme modèle, dire: Ça peut se faire. Et il ne faudra pas qu'on dise toujours: C'est à cause des sous, des moyens, qu'on ne peut pas. Parce que tout le monde a les mêmes moyens puis il y en a qui réussissent à le faire. Ça pourrait se faire par tout le monde.

M. Labbé: Merci.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. le député de Masson. Maintenant, c'est le critique de l'opposition officielle, le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Merci, Mme la Présidente. M. Stronach, Mme Miron, bienvenue et merci pour votre présentation et bienvenue aussi à M. Boisvert, à Mme Blouin qui sont avec nous. Merci pour votre mémoire. C'est un mémoire qui présente un aspect particulier, c'est-à-dire qu'il y a beaucoup de témoignages, et, dans ces témoignages-là, je pense qu'il n'y a rien de mieux pour la question qu'on étudie que de voir ce que vraiment les gens sur le terrain en pensent.

Ça nous permet de voir, un peu comme l'a souligné le député de Masson, qu'il y a, en milieux urbains et en milieux ruraux, souvent des commentaires et des approches qui sont un peu différentes et qui sont fort intéressantes de la réalité que vivent les parents dans chacun de ces milieux-là et de la nécessité d'en arriver à une solution, comme vous le proposez, qui respecte fondamentalement le choix des parents et qui vise – j'ai bien aimé votre allusion à votre rêve, M. Stronach – à ce que, dans le fond, on ait un cours de religion mais qu'après tout le monde joue au ballon dans la cour d'école.

Je vais faire juste un petit commentaire là-dessus. C'est parce qu'on se laisse un peu emporter dans le débat et on a l'impression souvent que la religion à l'école, c'est presque l'ensemble de tous les cours qui s'y donnent, alors qu'il faut ramener, je pense, les choses un peu plus en perspective.

En ramenant les choses en perspective, il y a un élément qui est soulevé dans votre mémoire et qui est extrêmement intéressant mais qui, en tout cas, moi, je ne dirais pas une contradiction, mais qui m'a soulevé certaines questions par rapport aux écoles à projet éducatif particulier.

Je regarde le témoignage comme tel et votre position là-dessus, de voir à quel point les parents sont divisés. Je vous écoutais tantôt et je me disais: Il me semble que, dans la suite des témoignages dont vous avez parlé, que vous avez entendus, finalement, c'est presque un des éléments sur lequel, les parents, c'est le plus serré: Est-ce que, oui ou non, il doit y avoir des écoles à projet particulier? Aussi, faire le lien, les écoles à projet particulier mais aussi les écoles privées.

J'aimerais que vous nous expliquiez peut-être un petit peu plus en profondeur ce qui, selon vous, fait en sorte que les projets particuliers fondés sur des critères religieux font en sorte qu'il y a une si faible majorité de comités de parents, comme vous le mentionnez, qui disent que, finalement, on devrait peut-être revoir ou repenser cette question-là. Comment on peut expliquer cette question-là, sur les écoles à projet religieux particulier?

La Présidente (Mme Charest): M. Stronach.

M. Stronach (Gary): Je pense, dans un premier temps, que les parents, ils sont très familiers avec la question, compte tenu que, si on fait juste changer avec des aspects confessionnels, avec des projets particuliers, on peut parler comme des écoles internationales où des parents sont aux prises avec cette situation-là depuis un certain nombre d'années.

C'est qu'il y a deux réalités. Dans un premier temps, dépendamment du contexte ou du statut particulier qu'on voudrait donner à l'école, il y a une réalité à la fois familiale et une réalité géographique. Puis le milieu urbain, c'est très facile de dire... C'est pour ça, d'ailleurs, que vous voyez une divergence d'opinions rural et urbain. À Montréal, il y a bien plus d'écoles qu'en milieu rural. Le choix d'une école se fait plus facilement. Au lieu de débarquer au coin de la rue, je demeure dans l'autobus puis je fais deux coins de rue de plus. Au lieu de marcher trois coins de rue par là-bas, je marche quatre coins de rue par là-bas et je peux choisir. Ce n'est pas la même réalité dans toutes les régions. D'autres places, c'est une heure et demie pour aller à l'école et l'autre école est à trois heures. Donc, il y a une réalité géographique.

Une réalité familiale, c'est que, dans les milieux où il s'offre des écoles à vocation particulière, que ce soit une école internationale et tout, on demande une implication parentale souvent dans l'organisation des services. Il y a des réalités familiales qui font en sorte que les parents ne peuvent pas s'impliquer comme ils voudront le faire à l'école. Donc, c'est pour ça un peu qu'on a une diversité d'opinions.

Il y a une chose qui est demeurée quand même: les parents demeurent fidèles à leur position s'ils ont la croyance que, nonobstant la fermeture des écoles, nonobstant les distances, on puisse dire que c'est une école communautaire et que les jeunes de la communauté soient accueillis à l'école. On est pour le fait qu'il y ait une école dans une école. Il pourrait y avoir peut-être un projet particulier à l'intérieur d'une bâtisse x, mais de dire une école a un statut particulier, surtout basé sur des critères religieux, non, parce qu'on fermerait à ce moment-là l'école aux autres jeunes de la communauté, ce qui n'est pas du tout dans l'esprit des parents qui veulent la garder la plus ouverte possible.

M. Béchard: Sur un autre élément, à la page 8 de votre mémoire, en bas, sur la pertinence des contenus des programmes comme tels, vous mentionnez aussi qu'il y a un souhait des parents d'être consultés lors de la réforme des programmes d'enseignement religieux.

Tantôt, vous nous parliez de vos rêves au niveau de l'école. J'aimerais que vous nous parliez de vos rêves au niveau de la consultation des parents dans ces domaines-là et comment vous voyez la mise en place de l'option que vous proposez, que ce soit au niveau de la révision des contenus, de la détermination de quelles seront les religions qui pourront être enseignées. Certains ont suggéré – c'est le Comité catholique du Conseil supérieur de l'éducation – que la reconnaissance comme telle avant l'élaboration des programmes d'enseignement religieux soit faite à la demande des communautés religieuses et que uniquement, par la suite, une fois que le ministère aura reconnu lesquelles on peut citer, bien, à ce moment-là, on applique les choix des parents.

Mais votre implication comme telle dans le renouvellement des programmes, parce qu'on a entendu parler beaucoup de certaines communautés qui voulaient être impliquées aussi dans la révision des programmes, qui ne veulent pas voir un programme les concernant mis en place sans être officiellement consultées, quels seraient, selon vous, la place, le rôle des parents dans cette réforme-là?

La Présidente (Mme Charest): M. Stronach, allez-y.

M. Stronach (Gary): Merci, madame. D'abord, je vous dirais que notre position, elle est demeurée la même depuis fort, fort longtemps. Les parents ne sont pas des pédagogues, ne sont pas des spécialistes et ne désirent pas participer à l'élaboration, à la préparation du cours comme tel. Cependant, on voudrait participer peut-être à l'élaboration des objectifs, faire connaître les attentes et être consultés, après coup, si on veut: avant coup sur les objectifs à déterminer, les attentes et tout et après coup sur la mise en place de.

Il y a un certain nombre d'années, le cours d'éducation à la sexualité, dans les années quatre-vingt, avait procédé un peu de cette façon-là. Il y avait une ébauche qui avait été faite par le ministère... que nous reconnaissons les responsabilités de l'État d'avoir un curriculum uniforme et standard. Donc, à ce moment-là, ça ne doit pas être issu de plusieurs milieux mais bel et bien du ministère. Et il y a des «focus groups» ou des groupes restreints qui avaient participé à l'élaboration d'objectifs et d'attentes qui, par la suite, ont été ballottés dans chacun des comités d'école à l'époque, les programmes comme tels où les gens pouvaient faire valoir leur point de vue à l'adoption finale des programmes.

Je pense, à ce moment-là, que, si on avait l'opportunité avec un groupe restreint – peut-être avec les communautés religieuses – dans ce sens-là, de fixer les objectifs et les attentes et, par la suite, avoir un droit de regard mais pas un droit décisionnel à la fin, mais un droit de regard à la fin sur le produit final, je pense que ça pourrait combler les besoins, tout le monde pourrait se dire, à ce moment-là, avoir été partie prenante et mieux acheter et mieux participer aux cours qui seront proprement donnés. C'est dans ce sens-là.

(11 h 20)

M. Béchard: O.K. Sur l'échéancier que vous voyez à la mise en place d'une telle réforme. Parce qu'il y a des gens qui nous ont dit: Bof! ça peut se faire en dedans de cinq ans. D'autres disent qu'à l'intérieur du mandat que s'est donné le gouvernement de deux ans avec le renouvellement des clauses dérogatoires ça peut se faire aussi. Est-ce que vous avez pensé quelque part au temps que cela pourrait prendre et est-ce que vous avez des échéanciers précis ou c'est plus un objectif à atteindre à moyen terme et qu'il vaut mieux y aller doucement, sûrement? Ça serait peut-être même des projets-pilotes, mais s'assurer qu'on fait les bons choix avant de mettre en place quelque chose qui, à la limite, pourrait ne pas fonctionner, ne pas atteindre les objectifs qu'on vise.

M. Stronach (Gary): Deux choses. D'abord, la matière comme telle est assujettie à des balises auxquelles les autres matières ne sont pas assujetties, c'est la clause «nonobstant». Parce que, pour les maths, l'histoire et tout, ce n'est pas problématique. Pour ce moment-ci, ça l'est. À ce moment-là, je ne voudrais pas créer un échéancier artificiel non plus à cause de la clause. Il ne faudrait pas donner une importance démesurée non plus à la religion qu'on ne donne pas aux autres matières. On est en pleine évolution du curriculum et des programmes présentement. Il n'y a personne qui dit: Il faudrait que les maths soient en place pour septembre. Il faudrait que l'histoire soit en place pour septembre l'année d'après.

On est en évolution et ça prendra sa place au même titre que les autres matières pour s'assurer qu'on arrive avec de quoi qui sera rodé, à ce moment-là, et qui répondra aux besoins, au lieu de faire ça à la vitesse puis de voir que toutes les attentes qu'on aura créées, à ce moment-là, tomberaient pour rien. Je pense que ça devrait prendre sa place comme les autres matières mais dans une évolution des programmes comme telle. Ce qui fait que, deux ans, trois ans... Tu sais, on est sur une période évolutive de deux, trois, quatre, cinq ans. Pourvu qu'on sache qu'on va aboutir à quelque chose, je pense que les gens seront prêts à y participer. On revendique plus des trop courts délais que des délais trop longs.

M. Béchard: O.K. À la page 6 de votre mémoire, vous indiquez, au niveau des attentes des parents, que «peu importe leur niveau de provenance, les parents consultés estiment, en grande majorité, qu'il leur appartient de décider du statut de l'école de leur enfant et de décider si leur enfant doit avoir des cours d'enseignement religieux ou non à l'intérieur de son horaire». Ensuite, sur la reconnaissance partagée entre l'État et les parents...

Quand vous dites «doit avoir des cours d'enseignement religieux ou non à l'intérieur de son horaire», est-ce que vous seriez prêts à aller aussi dans un scénario où, oui, il y a des cours, une période comme telle qui est réservée pour l'enseignement religieux protestant, catholique, autre? Et vous y allez même avec l'idée que le cours de culture des religions soit optionnel. Et est-ce que vous seriez aussi prêts à dire, dans le cas où, par exemple, les parents décident que la meilleure façon d'en arriver à un consensus finalement, c'est de ne pas avoir de cours de religion comme tel dans l'école mais de garder ça à l'extérieur, il y a peut-être des situations où, par choix des parents...

Parce que vous prônez beaucoup, beaucoup la place des parents. Mais, dans le cas d'un choix négatif des parents, est-ce que vous seriez aussi ouverts à dire, bon: Si les parents décident, dans tel cas, que c'est trop complexe, ils voient trop de danger à avoir une multiconfessionnalité, bien, d'avoir une école carrément laïque, et à ce moment-là on pourrait prendre les propositions du rapport Proulx, c'est-à-dire d'avoir de l'enseignement religieux à l'extérieur de la grille comme telle ou autrement ou un cours de culture des religions? Est-ce que, pour vous, le choix des parents va aussi loin que de dire: Oui, il peut y avoir une multiconfessionnalité, mais, si les parents le décident, il peut aussi ne rien y avoir au niveau de l'enseignement religieux dans les écoles?

La Présidente (Mme Charest): M. Stronach.

M. Stronach (Gary): Je vous dirais oui, sauf que cette même école serait obligée de vivre avec les mêmes contraintes de la Charte des droits et libertés que les autres. C'est que, dès qu'il y aurait un parent qui exigerait autre chose, il faudrait tout changer pour ce même parent. C'est pour ça que je dis que ça serait... Contrairement à d'autres qui voudraient mettre de l'avant une solution qui viserait à enlever le tout de tout le monde, on dit, à ce moment-là: On devrait pouvoir faire en sorte que tout le monde puisse se reconnaître à l'école puis avoir accès... C'est plus facile de gérer au plus qu'au moins.

M. Béchard: Oui, effectivement. Et, sur cet aspect-là aussi, toute la question du nombre, il y a des gens qui disent: Bon, bien, à partir du moment où on dit: Là où le nombre le justifie, il faut le quantifier. C'est combien? Et l'autre notion extrêmement importante là-dedans, c'est la notion d'accommodement raisonnable. Sur ces deux notions-là, oui... Il y a même des juristes qui sont venus dire que ce n'est pas parce qu'un parent fait la demande que, si on ne lui accorde pas, on vient de lui nier ses droits aussi.

Toute cette question juridique là reliée au nombre, aux accommodements acceptables et aux implications autant pour les écoles que pour les commissions scolaires, comment vous voyez ce débat-là? Est-ce que, pour vous, il y a moyen d'arriver... Parce qu'il y a des gens qui disent: Bien, regardez, si on quantifie à 10, à 12 ou à 13, qu'on soit un en dessous ou un au-dessus, il va y avoir certaines problématiques. Même chose au niveau des accommodements raisonnables: Jusqu'où une commission scolaire doit aller au niveau des accommodements qu'elle va offrir aux parents pour qu'ils soient qualifiés d'accommodements raisonnables? Est-ce que vous avez pensé un petit peu à ces deux éléments-là?

La Présidente (Mme Charest): M. Stronach.

M. Stronach (Gary): Oui. J'aime bien la formulation de votre question parce que, là, on garde le juridique en bout de course au lieu de commencer avec.

M. Béchard: Oui.

M. Stronach (Gary): Si on commence avec, on a beaucoup de problèmes. Le garder en bout de course, je pense, à ce moment-là, que les gens auront participé quand même à un débat, à un échange pour faire en sorte de tout faire ce qui est possible de faire. Mais on peut arriver en bout de course que les choses ne puissent pas se faire. Mais la décision ou la réaction au fait que ça ne puisse pas se faire pourrait mieux se partager que, dès le début, de quantifier. Nous vivons le même problème. Écoutez, on est une Fédération qui a une subvention. Merci beaucoup.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Stronach (Gary): Je le dis, là, tu sais!

M. Béchard: Mais est-elle suffisante? Ah! O.K.

M. Stronach (Gary): Non, non. Ça, on s'en reparlera, là.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Stronach (Gary): Mais qui nous amène à avoir des politiques qui restreignent, en certaines parties, les activités. Nous avons des programmes de formation où on dit: Il faut avoir un minimum de 13. Est-ce que ça veut dire, quand il y en a un qui se donne à 12, qu'on interdit absolument? Ça dépend. On traite à la pièce. On laisse le soin au milieu. Il y a des raisons, il y a des facteurs qui ont fait... Mais, je pense, le soin de laisser au milieu, à ce moment-là, qui aurait travaillé ensemble vers une solution, s'ils arrivent dans une impasse juridique, au moins tout le monde aura compris que ce n'est pas le manque de volonté qui a fait en sorte que. Je pense que ce qu'il faut créer au début, c'est une volonté communautaire, puis le juridique en bout de course. Puis ça pourrait arriver que ça arrive à ça. Mais je pense que les gens comprendront.

M. Béchard: Mais à la fin.

M. Stronach (Gary): À la fin.

La Présidente (Mme Charest): Merci. M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Bergman: Merci, Mme la Présidente. M. Stronach, Mme Miron, merci pour votre présentation. À la page 10 de votre mémoire, Place de la religion à l'école privée, vous indiquez que les parents refusent l'idée du financement par l'État des cours de religion à l'école privée et vous dites qu'il y a une volonté que se poursuive le financement par l'État de ces cours à l'école publique québécoise. Vous dites que cette école publique doit être accessible à toutes et à tous. Ma question: Si l'école privée est accessible à toutes et à tous de la communauté de religion en question et, par accessible, que les frais de scolarité sont égaux à ceux de l'école publique équivalente, est-ce que les parents refuseraient l'idée du financement pour les cours de religion dans l'école privée?

M. Stronach (Gary): Je vous dirais que votre question fait partie d'un autre débat. C'est que, comme principe, nous, depuis huit, 10, 12, 14 ans, nous sommes contre le financement des écoles privées, point. Disons, l'extension se fait dans ce dossier-ci, que nous disons: Nous ne sommes pas pour le fait que ça se fasse là tel que mis de l'avant par le rapport Proulx. Mais la Fédération, je crois, depuis 1984 ou 1985, revendique que les écoles privées comme telles doivent être financées par les usagers et non par l'État. Donc, c'est une extension de notre point de vue. Que tous les parents soient accessibles ou toutes les religions ne changera pas pour autant notre orientation du non-financement des écoles privées. Ça, ça fait partie d'une autre orientation.

La Présidente (Mme Charest): Oui, Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Oui. Sur ce point-là en particulier, je comprends que votre position soit une position universelle, c'est-à-dire: Pas de financement pour l'école privée. Mais nous sommes ici en train de parler de la religion à l'école. Or, il se trouve qu'il y a des écoles privées d'intérêt public qui sont exclusivement à caractère religieux. Bien qu'elles soient d'intérêt privé publiques, elles sont d'abord et avant tout organisées autour d'une religion en particulier. Alors, comment est-ce que vous conciliez votre position universelle avec le fait qu'il y ait des écoles privées religieuses financées par l'État?

La Présidente (Mme Charest): M. Stronach.

(11 h 30)

M. Stronach (Gary): Je vous ai dit que notre orientation, à nous, c'est de ne pas financer des écoles privées. Vous remarquez sûrement qu'on n'a pas réussi à convaincre le gouvernement de ne pas le faire. Vivons et laissons vivre, dans le sens du fait que nous n'avons rien contre les parents des écoles privées ou les élèves des écoles privées. Ils sont une réalité. C'est une réalité, on pourrait presque dire, plus québécoise qu'ailleurs, mais c'est une réalité avec laquelle nous vivons. Nonobstant les orientations contre le non-financement, nous reconnaissons que la loi permet le financement et ils vivent à l'intérieur d'une légalité puis ils ont le droit de vivre et de faire ce qui est mis de l'avant là. Nous ne sommes pas en faveur, mais nous ne sommes pas contre. On n'ira pas jusqu'à boycotter ces activités-là pour dire le contraire. C'est à l'école publique de se faire valoir et d'aller chercher sa clientèle.

La Présidente (Mme Charest): Il reste deux minutes, Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Très bien. Rapidement, sur le choix des parents entre l'enseignement catholique et l'enseignement protestant et la morale, quelle morale? Il y a la morale catholique, il y a la morale protestante, il y a la morale laïque et il y a la morale islamique et il y a... C'est quelle morale que vous préconisez?

La Présidente (Mme Charest): M. Stronach, rapidement, s'il vous plaît.

M. Stronach (Gary): Je vous dirais à ce moment-là que, si on voulait être conséquent, il faudrait, si les jeunes choisissaient la morale, que ce soit une morale quasi non confessionnelle.

Mme Houda-Pepin: Laïque.

M. Stronach (Gary): Si on voulait être logique, oui.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. Stronach, Mme Miron, M. Boisvert et Mme Blouin de la Fédération des comités de parents de la province de Québec, au nom des membres de la commission. Bonne fin de journée.

(Changement d'organisme)

La Présidente (Mme Charest): Alors, nous allons reprendre les travaux. J'appelle l'Association des directeurs généraux des commissions scolaires du Québec.

Bonjour, madame et messieurs. Je vous demanderais dans un premier temps de vous faire connaître et de présenter les personnes qui vous accompagnent. Vous avez 20 minutes pour nous faire valoir votre point de vue, et ce sera suivi de part et d'autre d'un échange avec les deux côtés de la table.


Association des directeurs généraux des commissions scolaires du Québec (ADIGECS)

Mme Provencher (Diane): Merci, Mme la Présidente. Alors, je vous présente les personnes qui m'accompagnent: à ma droite, M. Normand Lapointe, qui est le secrétaire de notre Association, secrétaire de l'ADIGECS, et qui est également le directeur général de la commission scolaire des Grandes-Seigneuries jusqu'au 31 décembre; et, à ma gauche, M. Pierre Bergevin, qui est un membre du conseil d'administration de l'ADIGECS et qui est également le directeur général adjoint à la commission scolaire de Montréal; et je suis présidente de l'ADIGECS et je suis également directrice générale de la commission scolaire des Premières-Seigneuries, qu'il ne faut pas confondre avec les Grandes-Seigneuries, même si... Le hasard fait ce matin que les trois membres qui sont ici devant vous représentent trois régions fort différentes, vous avez Montréal, vous avez Québec et vous avez Rive-Sud de Montréal. C'est un hasard que ce soit comme ça.

La Présidente (Mme Charest): Il vous manque d'autres régions du Québec quand même. Ha, ha, ha!

Mme Provencher (Diane): Oui. Mais je pense que le hasard fait bien les choses pour le sujet qu'on veut débattre. Alors, sans plus tarder...

La Présidente (Mme Charest): Allez-y, madame!

Mme Provencher (Diane): C'est M. Normand Lapointe qui va faire la présentation de la position de notre Association.

La Présidente (Mme Charest): Parfait. M. Bergevin, c'est ça?

Mme Provencher (Diane): M. Lapointe.

La Présidente (Mme Charest): Ah! Lapointe, pardon! M. Lapointe, allez-y!

M. Lapointe (Normand): Oui. Bon. Vous avez déjà eu l'occasion de prendre connaissance de notre mémoire, je n'ai donc pas l'intention de le reprendre comme tel. On va tenter simplement de situer quelques éléments qui expliquent cette prise de position.

En préambule, on est porté à vous dire que les reproches les plus fréquents qui arrivent lorsqu'il se produit des changements dans le système d'éducation portent sur deux aspects majeurs. Il y a la fréquence de changements qui sont perçus parfois comme des bouleversements, et beaucoup d'agents ne s'y retrouvent pas et, parmi eux, au premier chef, souvent, les parents. En se rappelant que le parent, évidemment, est le facteur déterminant de la réussite éducative de l'enfant et de la démarche qui suit l'enfant et de la démarche que nous suivons auprès de l'enfant. L'autre élément qu'on reproche parfois, c'est une certaine perception d'une absence de cohérence ou d'une absence de fil conducteur clairement identifié pour qu'il y ait des assises valables et homogènes aux changements qui sont soit proposés soit imposés.

Nous désirons vous dire que l'ADIGECS a abordé la délicate question de la place de la religion à l'école en gardant bien en vue ces facteurs essentiels que sont la réalité parentale et la cohérence dans l'amélioration de la structure et de l'environnement éducatif, tel que largement convenu, particulièrement au cours des dernières années.

Les états généraux sur l'éducation ont connu leur apogée lors des assises nationales de 1996. Tous les groupes liés directement ou indirectement à la mission éducative – mais en particulier celle du réseau des commissions scolaires pour les parties qui nous intéressent plus particulièrement – ont eu l'occasion de se faire entendre, d'écouter les éléments relatifs aux diverses positions exprimées et d'en tirer des conclusions jugées pertinentes.

Plusieurs questions avaient déjà été posées à cette occasion sur l'aspect de la place de la confessionnalité ou de la confessionnalité dans son sens large dans notre système d'éducation au Québec. Je ne vous réitère pas les options qui étaient posées à ce moment-là comme pistes de discussions, mais je vous indique que l'ADIGECS avait déjà formulé des réponses lors de ces assises.

Les réponses que nous faisions en 1996 étaient les suivantes. En ce qui concerne les structures des commissions scolaires, l'ADIGECS demande la mise en place de commissions scolaires linguistiques. Notre Association souhaite aussi l'abolition des structures confessionnelles. L'ADIGECS considère que le choix du projet éducatif, incluant les aspects relatifs à la confessionnalité, doit être déterminé par les parents. L'ADIGECS réclamait que ce choix libre soit assumé par les parents de façon démocratique et très respectueuse des minorités en cause. L'ADIGECS croyait et croit toujours que les commissions scolaires sont aptes à administrer des écoles pour catholiques, des écoles pour protestants et des écoles sans statut. L'ADIGECS n'est pas d'accord avec la déconfessionnalisation de l'ensemble du système scolaire sans égard à la responsabilisation des parents au niveau de l'école.

Et, dans le même esprit, nous nous opposions à la laïcisation complète du système scolaire. Là aussi, notre vision de la nécessaire responsabilisation des parents a primé pour cet aspect qui, selon nous, leur appartient à un très haut degré. Nous sommes aussi cohérents là-dessus avec notre conception de la décentralisation qui implique cette responsabilisation. Et enfin, à cette occasion, nous souhaitions que l'on procède par voie d'un amendement constitutionnel, ce qui a été fait et qui a donné lieu aux commissions scolaires linguistiques viables.

Et maintenant. Ceci vous indique que ce n'est pas d'aujourd'hui et qu'on n'a pas attendu le rapport Proulx pour réfléchir sur la question de la confessionnalité du système scolaire et de la place de la religion à l'école, et certes pas seulement depuis sa publication. La suite est connue. L'amendement constitutionnel nous a permis de mettre en place des commissions scolaires linguistiques, et les directions générales des commissions scolaires se trouvent maintenant au coeur du processus de la réforme majeure en cours. Et nous sommes confrontés chaque jour aux pressions de toutes sortes en provenance des groupes ayant les responsabilités les plus diverses: enseignants, professionnels, parents, directions d'établissement, élèves, administrateurs, instances ecclésiales, instances syndicales, et j'en oublie probablement. Chacun a son point de vue teinté généralement de son rôle spécifique et de sa vision relativement parcellaire, du moins dans plusieurs cas, de la problématique en cause.

Nous disons donc que nos membres sont bien placés pour porter un jugement qui tienne compte de l'ensemble des opinions et aussi des fondements et impacts de ces opinions dans l'optique de la mission éducative des organismes scolaires par opposition aux intérêts et points de vue particuliers des agents qui interviennent dans ce dossier.

Cependant, l'ADIGECS a cru bon de requestionner chacun de ses membres afin de valider si les tendances nettes exprimées en 1996 – et que je vous ai livrées tout à l'heure – étaient toujours valides en 1999 et si ces tendances confirmaient, modifiaient ou nuançaient ces prises de positions. Les résultats de cette consultation sont ressortis clairement. Ils confirment nos positions de 1996 très largement. Ils sont aussi en cohérence avec les consensus majoritaires établis à l'occasion de ces états généraux et avec l'esprit et la lettre de la nouvelle Loi sur l'instruction publique.

Ils viennent proposer de plus des pistes nouvelles, prometteuses, à explorer au plan organisationnel, d'une part, et dans une vision de responsabilisation étapiste à moyen terme, d'autre part. Par exemple, pour ce qui est des instances ecclésiales. En effet, nous croyons que l'évolution normale de ce dossier amènera des changements qu'il faudra savoir assurer et assumer à chacune des étapes de cette évolution, au fil des années à venir.

(11 h 40)

C'est dans cet esprit que l'ADIGECS vous a présenté dans son mémoire neuf recommandations fondamentales et qu'elle offre sa collaboration habituelle à la mise en oeuvre des décisions qui seront prises. Rappelons ces recommandations.

En cohérence avec le consensus dégagé lors des États généraux ainsi qu'avec l'esprit de la nouvelle Loi sur l'instruction publique, l'ADIGECS considère fondamental de responsabiliser chaque école et la communauté qu'elle représente en leur offrant la possibilité de répondre aux attentes explicites qu'elles manifesteront eu égard à l'enseignement religieux et l'animation confessionnelle.

L'ADIGECS recommande l'abolition du statut confessionnel des écoles en cohérence avec l'abolition du statut confessionnel des commissions scolaires. La nature des divers services rendus à l'école et leur qualité devraient être garantes du respect des attentes du milieu. Nous ne croyons pas qu'une étiquette ou un chapeau mis sur une école est la façon de garantir la qualité des services ni le respect des attentes des milieux.

L'ADIGECS recommande le maintien de l'enseignement religieux catholique et protestant là où le nombre le justifie.

L'ADIGECS recommande la possibilité d'ajouter l'enseignement confessionnel d'autres religions reconnues par l'État à la condition de maintenir des mécanismes similaires à ceux actuellement prévus à la loi à cet effet.

L'ADIGECS recommande le maintien du financement par l'État de l'enseignement religieux organisé en vertu des recommandations précédentes.

L'ADIGECS recommande le développement et la mise en place d'un enseignement culturel des religions à compter de la troisième année du secondaire. Ce cours devrait être offert soit en remplacement du cours d'enseignement religieux confessionnel ou au choix de l'élève en option supplémentaire.

L'ADIGECS recommande aussi le maintien d'une contribution au financement de l'animation pastorale, tant au primaire qu'au secondaire.

L'ADIGECS recommande aussi d'étudier en profondeur la possibilité de confier à des spécialistes l'enseignement religieux ou moral au primaire. Une avenue à explorer à cet effet serait de mettre en oeuvre la recommandation du Conseil supérieur de l'éducation, maintes fois réitérée, d'augmenter d'une quinzaine de minutes le temps quotidien d'enseignement au primaire, ce qui faciliterait grandement les choses.

Enfin, l'ADIGECS recommande d'étudier en profondeur la possibilité d'une accréditation ecclésiale du personnel chargé de l'enseignement religieux au primaire, advenant que soit retenue l'option de le confier à des spécialistes.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. Lapointe. Maintenant, je passe la parole à M. le ministre de l'Éducation. M. le ministre.

M. Legault: Oui. Mme Provencher, M. Lapointe, M. Bergevin, merci d'être ici ce matin. Merci pour votre mémoire. C'est un mémoire, je pense, qui va exactement dans la direction de ce qu'on demande, c'est-à-dire une recherche de compromis. Je ne dis pas que c'est nécessairement celui-là qu'il faut atteindre. Mais, en tout cas, c'est un bon exercice, je pense, qui tient compte des points de vue divergents de différents groupes. Et puis je suis content de vous voir, aussi, comme association. Vous savez que vous êtes des partenaires importants pour le ministère de l'Éducation. C'est vous qui êtes les grands patrons, dans le quotidien, de nos réseaux. Donc, je pense que vous pouvez nous éclairer sur les enjeux dans ce sujet qui est important qui est la place de la religion à l'école.

Je commencerais avec une question qui est un petit peu juridique, là, c'est-à-dire tout le débat autour des clauses dérogatoires. La solution que vous proposez a les avantages, au niveau pratique, de rejoindre plusieurs groupes, mais probablement – je ne sais pas si vous avez eu l'opportunité de le vérifier – exigerait de prolonger les clauses dérogatoires.

J'aimerais entendre la position de votre Association sur les clauses dérogatoires. Est-ce que, par le fait même, vous nous suggérez de prolonger les clauses dérogatoires au-delà des deux années prévues?

La Présidente (Mme Charest): Mme Provencher?

Mme Provencher (Diane): Oui. D'abord, d'entrée de jeu, je voudrais dire au ministre de l'Éducation que, effectivement, notre mémoire se veut très axé sur la réalité de ce qu'on voit dans nos écoles à tous les jours. Donc, on a voulu proposer ce qu'on pense qui est très conforme à la situation qu'on voit dans nos écoles. Et, soit dit en passant, si vous demandiez à nos membres quel est le plus grand problème dans nos écoles à l'heure actuelle, je pense qu'il faut se dire clairement que je ne pense pas que nos membres placeraient la religion comme étant le problème majeur. Donc, il faut voir qu'on est à discuter d'une question qui ne fait pas, à l'heure actuelle, un grand problème dans nos milieux, tel que c'est géré au moment où on se parle.

Cela étant dit, au niveau des clauses dérogatoires, moi, je vais demander peut-être à mes collègues de compléter parce que je vous avoue que notre mémoire n'en fait presque pas mention, et on n'a pas fouillé cet aspect-là, je vous le dis tout de suite. On voit tellement de personnes qui, au plan juridique, ont fait état de tout ça qu'on n'a pas abordé le problème sous cet angle-là. Mais je ne sais pas si, peut-être, M. Lapointe ou M. Bergevin veulent ajouter, là, mais...

La Présidente (Mme Charest): Oui, M. Lapointe, vous y allez?

M. Lapointe (Normand) : Oui, effectivement. On vous a remis cependant dans notre mémoire quelques citations d'un texte de M. Patrice Garant qui est certainement plus compétent en la matière que peuvent l'être des directeurs généraux, et ça rejoignait notre lecture de situation. On se disait que, s'il le fallait, plutôt que de nier le droit apparent, de notre point de vue – parce qu'on exprime une immense majorité de gens au niveau de leurs attentes quant à la place de la religion – nous préférions encore suivre le raisonnement de M. Garant et dire: Oui, ça nous semble un moindre mal. Alors, nous ne sommes pas des juges en la matière qui pouvons discourir juridiquement quant à la finesse de cette argumentation-là, mais ça nous semble refléter assez fidèlement la pensée que nous avons là-dessus.

M. Legault: Allons dans les aspects maintenant plus pratiques justement...

La Présidente (Mme Charest): Il y avait M. Bergevin, là, qui voulait ajouter quelque chose.

M. Legault: Excusez.

La Présidente (Mme Charest): Allez-y, M. Bergevin.

M. Bergevin (Pierre): J'allais dire: Simplement au niveau de l'esprit, d'avoir recours à des clauses dérogatoires pour pouvoir maintenir en application les pratiques actuelles révèle bien finalement l'essence même du débat dans notre société, c'est-à-dire que nous sommes dans un dossier où la société elle-même est en constante évolution par rapport à son opinion et à sa conviction quant à la place de la religion dans l'école. C'est donc un dossier qui, à notre avis, ne sera pas un dossier fermé, si vous me permettez l'expression, mais un dossier qui va continuer de susciter des débats et des préoccupations au fil des prochaines décennies.

La Présidente (Mme Charest): Merci, monsieur. M. le ministre.

M. Legault: Oui, je reviens sur l'aspect pratique. Le temps d'enseignement. Vous nous parlez de 15 minutes additionnelles mais pour d'autres raisons. Mais j'aimerais vous entendre sur... On sait que l'enseignement religieux, c'est deux heures par semaine ou deux périodes. Est-ce que vous pensez que ça peut être trop, ou suffisant, ou pas assez? Qu'est-ce que vous pensez du temps qui est consacré à l'enseignement religieux actuellement dans notre système?

M. Lapointe (Normand): O.K. Je pense que les deux périodes sont convenables à partir des objectifs qu'on se fixe, qu'on s'est donnés collectivement suite à l'évolution de ces programmes-là. Est-ce que ça devrait demeurer exactement la même chose dépendant de la nature de ce qu'on voudrait y remettre dans la réforme du curriculum actuellement? Ça pourrait varier. Quant aux 15 minutes, évidemment, il y avait là une solution à deux problématiques différentes. Tout d'abord, le fait que nous savons que nous avons une journée courte au primaire par rapport à la journée moyenne de ce qu'un élève reçoit dans les grandes sociétés occidentales, à tout le moins comme enseignement à ce niveau-là. Donc, le Conseil supérieur de l'éducation a souvent réitéré qu'on devrait allonger quelque peu. D'ailleurs, on a souvent fait le reproche à cette durée-là de rendre très difficile de respecter l'ensemble des éléments du régime pédagogique.

Mais on y voyait aussi une solution à une problématique majeure que vous avez déjà abordée avec les groupes qui ont précédé et qui a été soulevée, c'est celle évidemment de la motivation, de l'intérêt et de la compétence des enseignants titulaires au primaire, qui sont pris dans la dynamique ou bien de modifier les modes organisationnels de l'école ou de se retirer de leur groupe et de prendre un congé pour cet aspect-là. On conçoit que ce n'est pas chose facile ni aisée de réagir comme ça, particulièrement dans les milieux où ça peut avoir un impact organisationnel sérieux et où on ne trouve pas nécessairement à pied levé quelqu'un pour faire 90 minutes dans une semaine dans une matière donnée. Donc, ça aurait l'avantage, ça, de permettre de maintenir la tâche du titulaire, et de respecter l'ensemble du régime pédagogique, et d'ajouter des spécialistes pour la partie qui serait l'enseignement religieux et l'enseignement culturel des religions, s'il y en avait des parties qui devaient s'y ajouter.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. Lapointe. M. le ministre.

M. Legault: Oui. Une dernière question concernant le statut confessionnel des écoles. Vous recommandez d'abolir le statut confessionnel, et vous dites: Si on garantissait aux parents l'enseignement religieux, là... Vous pensez que ça pourrait se faire sans remous. Vous ne nous parlez pas par contre des écoles à projet particulier de caractère religieux. Est-ce que pour vous ça va de soi que c'est comme le statut confessionnel et que ça devrait aussi être aboli, c'est-à-dire qu'on n'autoriserait plus des écoles à projet particulier à caractère religieux?

La Présidente (Mme Charest): Oui, M. Bergevin. Ça va?

(11 h 50)

M. Bergevin (Pierre): Enfin, tantôt, je mentionnais que nous sommes dans un contexte évolutif à cet égard-là. Et la première des recommandations de l'ADIGECS est de faire en sorte que la communauté au sein de laquelle est située l'école et l'école elle-même doivent se responsabiliser. Et, à cet égard-là, nous croyons qu'au fil du temps les projets éducatifs qui seront à connotation religieuse vont aller en s'amenuisant.

On évoquait tantôt les particularités de Montréal. On doit reconnaître que, dans l'ensemble des écoles de Montréal, les projets éducatifs n'ont plus de connotation religieuse malgré le fait que les écoles aient encore un statut confessionnel. L'abolition du statut confessionnel de l'école devrait permettre, à notre avis, la mise en place de projets qui pourront rejoindre l'ensemble des élèves, quelle que soit leur foi, quelle que soit leur opinion en matière de religion.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. Bergevin. Maintenant, je demanderais au député de La Prairie de vous interroger.

M. Geoffrion: Merci, Mme la Présidente. Mme Provencher, M. Bergevin, M. Lapointe, avant de poser ma question, vous me permettrez de prendre quelques secondes pour souhaiter une bonne retraite à M. Lapointe qui est le directeur général de notre commission scolaire depuis maintenant 23 années – et, avant, bon, j'imagine qu'il a eu une carrière également dans l'enseignement et dans la direction d'écoles – donc commission scolaire des Grandes- Seigneuries qui compte plus de 24 000 élèves, une des plus grandes en Montérégie et sinon au Québec. J'ai eu l'occasion, pendant les 10 dernières années, de collaborer avec M. Lapointe, et je veux lui souhaiter, au nom du ministre – depuis 1977, il en a vu passer plusieurs, ministres de l'Éducation, n'est-ce pas – et au nom des membres de la commission, une excellente retraite.

Cela dit, dans votre mémoire, vous citez M. Ryan, vous citez M. Garant, M. Nadeau. À mon tour, j'aimerais vous citer un court passage d'un mémoire qui nous a été présenté, la semaine dernière, par le comité de la mission éducative de la Conférence religieuse canadienne, en association avec l'Association des religieuses enseignantes du Québec, qui dit: «Nous concevons que le statu quo n'est plus acceptable. En conséquence, nous espérons pour l'avenir un nécessaire ajustement des rôles respectifs de l'école et des communautés de foi selon lequel chaque entité assumera la part de responsabilités qui lui incombe: à l'école, l'acquisition de connaissances, de compétences et la formation globale de la personne; aux Églises, le cheminement de foi.» J'aimerais vous entendre sur cette citation-là.

La Présidente (Mme Charest): Oui, M. Lapointe.

M. Lapointe (Normand): Écoutez, la responsabilisation des Églises, je pense, est une réalité à laquelle elles ne pourront échapper. Les ententes – je n'ai pas de meilleur mot à l'esprit, là – traditionnelles entre les États et l'Église dans la cohabitation historique qui s'est faite au Québec ont partagé des responsabilités après entente mutuelle.

Il est à mon avis essentiel que les Églises en viennent à prendre la presque totale responsabilité, sinon la totale responsabilité de l'enseignement religieux au fil des années. M. Bergevin a insisté beaucoup tout à l'heure sur la question d'une évolution, on en parle aussi dans notre mémoire. C'est un mémoire qui se veut étapiste, annoncé comme tel, en disant: La réalité en ce domaine va changer rapidement. Cependant, nous avons aussi dit dans notre mémoire: Ce serait nier la réalité et nier de fait la possibilité de continuer à assumer ces responsabilités-là si, du jour au lendemain, il fallait confier aux institutions ecclésiales toute la charge de le faire.

Les protestants ont un historique à ce niveau-là, une tradition qui est différente de la nôtre à cause de leur diversité. Il y a eu des prises en charge qui se sont faites. Nous, on a vécu un cheminement différent. Donc, si on veut maintenir la possibilité réelle, pour les Églises, d'en venir à prendre en charge entièrement, dans un certain nombre d'années, cette responsabilité-là, sous une forme ou sous une autre à convenir avec la communauté québécoise, bien je pense qu'il faut cependant, réalistement, permettre que ça se fasse par étapes et continuer à les supporter et à les amener à se responsabiliser dans la prise en charge, puis peut-être faire des annonces qui effectivement prépareront le terrain à cet objectif ultime qui serait normal dans une société.

M. Geoffrion: Bien. D'accord.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. Lapointe. Allez-y, M. le député de La Prairie.

M. Geoffrion: Oui, j'aimerais vous ramener à deux de vos recommandations sur lesquelles j'aimerais avoir un petit peu plus de précisions, notamment la recommandation 6. Donc, vous recommandez le développement et la mise en place d'un enseignement culturel des religions à compter de la troisième année du secondaire. Ce cours devrait être offert en remplacement du cours d'enseignement religieux confessionnel. Qu'est-ce que devient l'enseignement moral dans ce scénario-là?

La Présidente (Mme Charest): Oui, M. Lapointe.

M. Lapointe (Normand): Pour l'enseignement moral, nous ne tenons pas à le maintenir s'il y avait un enseignement culturel des religions et une possibilité pour les gens de faire des options à ce moment-là. Mais ça ne pose pas problème dans notre vision des choses. L'école étant ouverte à tous, si on devait opter pour un cours d'enseignement culturel des religions qui permettrait à des gens, à travers cet apprentissage-là, de récupérer les éléments qui sont de l'enseignement moral, parce qu'évidemment il faut des assises, il faut des bases, il faut une pensée articulée pour être capable... À moins qu'on veuille en faire simplement quelque chose de purement historique, factuel et de chiffres et de dates. Donc, ça pourrait se traduire à travers cette réalité-là.

Mais, encore là, je pense que ce n'est pas demain matin qu'on pourrait dire: Oui, on serait prêt à faire ça. De toute façon, dans ma vision, l'enseignement culturel des religions ne pourrait devenir une réalité implantée que dans quelques années, le temps de préparer à la fois un programme adéquat et des enseignants formés adéquatement.

Ce n'est pas mince chose que de préparer des gens à ce domaine-là. La diversité culturelle que nous vivons peut laisser imaginer comment pourraient être interprétées les paroles d'un enseignant en enseignement culturel des religions par rapport à son interprétation de ce qu'est une religion, de ce qu'elle prétend, de ce qui peut s'être dit là, et de revoir un élève qui retourne à la maison et dit: Mon enseignant m'a dit que, nous, qui sommes bouddhistes, musulmans, on... Je pense que ce n'est pas une mince tâche que de préparer des enseignants à être capables d'assumer cette tâche-là avec l'objectivité, la neutralité, la connaissance de base, la compétence qu'il faut pour y faire face. C'est un large défi qui est là.

M. Geoffrion: D'accord. Et finalement, sur la dernière recommandation, la recommandation 9, là, je vous demande vraiment de m'éclairer sur cette recommandation-là, quand vous parlez d'une accréditation ecclésiale du personnel chargé de l'enseignement religieux au primaire. Donnez-moi un petit peu d'explications sur cette recommandation-là.

M. Lapointe (Normand): On l'a reliée au fait, si l'on retenait l'option, qu'il s'agisse de spécialistes. Pour les mêmes raisons qui ont été évoquées tout à l'heure, à savoir nous connaissons la difficulté pour les titulaires actuellement d'assumer cette responsabilité-là et l'impact organisationnel et sur la qualité même de l'enseignement qui peut être en cause. On se dit: Si ça devait être des gens qui sont remplacés par des spécialistes, à ce moment-là, pourquoi ne pas, pour cette période-là seulement, faire en sorte que ce ne soit pas l'État qui doive reconnaître la compétence de ces gens-là, et ça, toujours dans l'optique d'une préparation à une responsabilité ecclésiale qui ferait sans doute en sorte qu'un jour cette responsabilité-là pourrait être assumée, en d'autres temps, en d'autres lieux, par l'instance ecclésiale? Est-ce que ça clarifie suffisamment?

M. Geoffrion: Vous parlez bien d'au primaire, là?

M. Lapointe (Normand): Je parle bien d'au primaire, parce que, au secondaire, nous avons déjà cette réalité des spécialistes et on n'a pas la difficulté qui est présentée de trouver... Et on pourrait retrouver là des gens qui, au primaire, comme pour l'animation pastorale, ont un statut pointu et des expertises particulières, qui ne visent pas nécessairement à avoir, je ne sais pas, moi, un Bac en enseignement pour faire cette...

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. Lapointe. Merci, M. le député de La Prairie. Maintenant, je passe la parole au critique de l'opposition officielle, M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Merci, Mme la Présidente. Mme Provencher, M. Lapointe et M. Bergevin, bienvenue. Merci pour votre mémoire qui est le fruit de plusieurs recherches. J'ai beaucoup apprécié, entre autres, toute la question des comparaisons et de ce qui se fait aussi également ailleurs. C'est toujours très enrichissant. Je suis aussi heureux de vous voir parce qu'on entend parler beaucoup de problèmes d'application de la solution que vous proposez. On a la chance de vous avoir avec nous pour finalement témoigner de est-ce qu'il y a, oui ou non, des difficultés d'application et de gestion de la multiconfessionnalité et comment tout ça peut s'appliquer dans une commission scolaire.

(12 heures)

Je vous dirais que mes premières questions – vous avez cité dans votre mémoire Me Patrice Garant, vous en avez parlé aussi dans votre exposé en réponse à certaines questions – pour vous, c'est relatif justement à l'application comme telle de l'article 41 et aussi à toute la question de là où le nombre le justifie et à la question des accommodements raisonnables, c'est-à-dire, pour une commission scolaire, jusqu'où une commission scolaire peut aller ou ne pas aller dans l'offre de services multiconfessionnels ou d'enseignement multiconfessionnel et qu'est-ce qui est finalement votre point de repère. Et cette question-là d'accommodement raisonnable, M. Garant disait lui-même que c'était un peu difficile à encadrer et à déterminer, à partir de quel moment on peut dire que, oui, une commission scolaire a offert tous les accommodements possibles et acceptables et que, malgré ça, il ne pourra pas y avoir d'enseignement religieux.

Sur toutes ces notions-là, qu'est-ce que vous avancez comme guide, je dirais, de réflexion, de mise en place? Et quelles seraient les balises un peu que vous voyez, autant au niveau du nombre par école qu'en tant que commission scolaire, de ce qui est pour vous un accommodement raisonnable? Et jusqu'où vous pourriez aller afin de vraiment dire: On a vraiment tout fait pour répondre à la demande des parents? Et quels seraient, je ne sais pas, les balises ou les éléments d'argumentation que vous pourriez amener pour dire finalement à des parents: Écoutez, on fait tout ce qui est en notre possible, voici les choix a, b, c qui peuvent s'appliquer pour vous, mais malheureusement on ne peut pas aller plus loin en raison de tel ou tel élément?

La Présidente (Mme Charest): M. Bergevin.

M. Bergevin (Pierre): Si vous me permettez un bref retour en arrière, au début des années quatre-vingt, lorsqu'on a offert aux parents et aux élèves la possibilité de demander l'exemption de l'enseignement religieux catholique pour se prévaloir de ce qui s'appelait à l'époque la formation morale, nous avons eu, pendant un certain nombre d'années, des difficultés à répondre aux demandes des parents, difficultés principalement d'ordre organisationnel, difficultés de recruter du personnel, également, qualifié pour faire cela.

Puis les difficultés se sont estompées, de telle sorte que je crois qu'on peut affirmer que, au milieu des années quatre-vingt-dix, toute la question de la mise en place de ce qu'est devenu à ce moment-là l'enseignement moral comme alternative à l'enseignement religieux confessionnel se gérait de façon relativement bien dans l'ensemble des commissions scolaires du Québec.

Nous connaissons présentement certaines difficultés avec l'application de la nouvelle loi parce que celle-ci a remis en lumière, de façon beaucoup plus évidente, ce que nous appelons la triple option, à savoir l'obligation d'offrir dans chacune de nos écoles le choix entre l'enseignement religieux à caractère protestant ou catholique ou, évidemment, l'enseignement moral. Ces difficultés-là nous amènent à chercher des compromis.

La notion de là où le nombre le justifie est toujours une question épineuse. Évidemment, lorsqu'il y a un, deux ou trois individus dans une école qui peut contenir plusieurs centaines d'élèves, l'organisation du service se révèle à peu près impossible si on veut tenir compte d'une juste adéquation entre les coûts sociaux que nous sommes prêts à investir pour répondre aux besoins et la demande légitime de la part des parents. C'est la raison pour laquelle on pense qu'on devrait, et qu'on doit, se prémunir en se disant: Là où le nombre le justifie.

Si on se fie sur l'historique du début des années quatre-vingt, eh bien, on peut dire que, lorsque, dans une école primaire, on est capable de constituer raisonnablement un groupe d'élèves, cela se justifie. Et ça a évolué au fil des années, de telle sorte qu'aujourd'hui c'est davantage la possibilité, dans une même école, d'organiser un groupe par cycle d'enseignement; donc deux groupes pour une école primaire, ainsi de suite. Cette notion-là évolue au fil du temps, mais je dirais que, comme balise de départ, c'est la possibilité d'organiser au moins un groupe.

Ceci étant, je vous rappelle, par rapport à la diversité, qu'actuellement... Et tantôt j'entendais un intervenant citer l'école Saint-Luc sur l'île de Montréal, qui est une école multiethnique, et on le sait, et où de nombreuses confessionnalités sont représentées. Il y a une chose qui doit être claire, et je tiens à le préciser: il ne faut pas faire une adéquation totale entre le fait qu'on soit issu de l'immigration et le fait qu'on ne soit pas catholique.

Le comportement des élèves issus de l'immigration de façon récente à Montréal n'est pas en soi tellement différent du comportement des élèves québécois de vieille souche. Lorsqu'on fait face à des élèves qui viennent de l'Amérique latine, de façon systématique ils sont de foi catholique avouée et ils choisissent l'enseignement religieux catholique, de même pour les élèves qui peuvent provenir de la Pologne, pour une bonne partie d'ailleurs de la communauté vietnamienne. Le comportement des élèves issus de l'immigration – il faut faire attention, je le répète – n'est pas en soi tellement différent.

Le comportement des Québécois de vieille souche qui vivent dans des milieux urbains, généralement... On sait que la population en forte concentration urbaine développe une espèce de sous-culture qui fait qu'elle se distingue de ce qu'on pourrait appeler la culture des régions plus éloignées, et ce n'est pas un phénomène exclusif au Québec. Le nombre de Québécois de vieille souche et baptisés, pour le dire ainsi, qui choisissent l'enseignement moral plutôt que l'enseignement religieux est beaucoup plus élevé en milieu urbain qu'en milieu rural. Alors, tout ne s'explique pas que par le fait de l'immigration.

Curieusement, sauf erreur – et je termine là-dessus – à ma connaissance, il y a une seule école au Québec où, se prévalant des dispositions de l'article 228, je crois, une communauté a demandé la mise en place d'un cours d'enseignement religieux d'une confession autre que catholique et protestante, et c'est à Amos, en Abitibi. Et, pour ce que j'en sais, c'est un cours de spiritualité algonquine qui s'y donne. Et voilà un exemple qui rejoint notre première recommandation où une communauté a su se prendre en main, profiter des dispositions de la loi, et, à notre connaissance, cela se fait sans heurts.

Le Président (M. Labbé): Alors, merci, M. Bergevin. Il y avait un complément, monsieur?

M. Lapointe (Normand): Oui. Pour resituer, notre grille de lecture n'a pas été le modèle organisationnel; notre grille de lecture a été les besoins des jeunes. Puis je pense qu'on l'a affirmé d'entrée de jeu et ça replace la perspective: Il y aura des difficultés organisationnelles, quelle que soit l'option choisie. Mais, si on a été capable de faire face à la fusion des commissions scolaires, à la mise en place des services de dîneurs, des garderies scolaires de façon systématique... Tout ça, ça a créé des problèmes organisationnels. Et, si on voulait fuir les problèmes organisationnels, il ne faut vraiment pas aller dans les commissions scolaires, dans les écoles aujourd'hui. Donc, nous ne l'abordons pas vraiment. Et on trouve des solutions quand on cherche vraiment.

M. Geoffrion mentionnait tout à l'heure que notre commission scolaire des Grandes-Seigneuries a 24 000 élèves, jeunes, environ et une soixantaine d'établissements. Nous avons, en tout et pour tout, 133 élèves protestants, suite à la fusion des commissions scolaires et à la création des commissions scolaires linguistiques. Et, moi, je peux vous assurer, contrairement à ce que d'autres intervenants ont dit plus tôt, que chacun de ces 133 élèves là a reçu, sous une forme ou sous une autre, un enseignement religieux protestant correspondant aux attentes de l'élève et de sa famille, l'an dernier et cette année. Ça s'est fait avec des difficultés, des compromis, des modes organisationnels créatifs et différents, mais ça se fait.

Moi, je pense qu'une question aussi importante que l'enseignement religieux puis le respect des attentes des parents à ce niveau-là ne peut pas se lire à travers des difficultés organisationnelles, même s'il y a effectivement des contraintes à un moment donné qui vont nous empêcher de faire certaines choses. Mais j'ai aimé la remarque de M. Stronach qui disait tout à l'heure: Quand les gens auront eu, dans les milieux, en se responsabilisant, l'occasion d'en discuter, de faire une démarche, d'explorer les facilités ou les difficultés de mise en place, les gens vont en arriver à des constats qui vont rendre plus facile le fait que, dans certains cas, on ne sera pas capable de répondre à toutes les attentes, pas plus que nous sommes aptes à le faire actuellement partout dans toutes nos écoles, pour toutes les options, à tous les niveaux, dans tous les milieux.

M. Béchard: Oui, vous parliez du problème organisationnel tantôt. Un des problèmes qui ont été aussi soulevés, entre autres, ce matin par la Centrale de l'enseignement du Québec est celui lié au corps professoral et aux gens qui devront faire cet enseignement-là. Et il y a différents scénarios qui ont été proposés à date en commission parlementaire, autant le fait qu'on garde un peu le système actuel et que les titulaires soient aptes à enseigner plus d'une religion ou encore de faire en sorte qu'on forme certains spécialistes qui, autant au primaire qu'au secondaire, comme les enseignants en anglais ou autres, auraient certains prérequis bien particuliers, pourraient faire le tour de plusieurs écoles.

Est-ce que, selon vous, dans votre approche, c'est-à-dire d'ouvrir à d'autres religions, au niveau des enseignants comme tels, une des solutions à retenir, en tant que dirigeants de commissions scolaires, serait la continuité du système actuel? Ou encore vraiment la formation et la mise en place de spécialistes de l'enseignement religieux de certaines confessions qui feraient peut-être le tour de plus qu'une école, pourraient avoir plus d'un groupe, est-ce que cette approche-là serait plus porteuse que l'approche de continuer comme c'est le cas actuellement?

(12 h 10)

En sous-question, si vous parliez un peu du problème que relevait aussi la Centrale de l'enseignement du Québec sur le fait qu'il y ait plusieurs enseignants qui disent ne pas être à l'aise pour faire de l'enseignement religieux mais qu'il y en a 5 % qui, finalement, demandent une dérogation, ils demandent une dispensation, c'est-à-dire, de l'enseignement religieux. Sur cet aspect-là, des personnels, qu'est-ce qui, selon vous, serait le plus porteur?

Le Président (M. Labbé): M. Lapointe.

M. Lapointe (Normand): Moi, je pense qu'on a tenté d'y répondre déjà un petit peu par ce qu'on a dit précédemment, à savoir lorsqu'on vous recommande deux choses. Un – les recommandations 8 et 9, là, on les appelle comme ça, par numérotation, dans notre mémoire – la possibilité de confier. On dit: Étudions ça de très près et voyons si ça, ça y répond. Moi, je pense que, dans tout le débat, on ne s'est pas penché sur tous les problèmes, tous les aspects particuliers que ceci pourrait soulever comme questions, là. Donc, ça mériterait d'être exploré.

A priori, je serais porté à vous dire, personnellement: Je pense qu'il y a là une solution intéressante. Et je vous dirais: Elle serait intéressante, même si on n'allait pas du tout dans le sens de ce que recommande l'ADIGECS, à savoir l'implantation de l'enseignement culturel des religions au primaire, encore une fois, nous ne croyons pas que les gens actuellement titulaires au primaire ont le minimum de formation pour être capables d'assurer adéquatement ce genre de tâche-là.

Les gens qui ne sont pas à l'aise avec l'enseignement confessionnel religieux d'une religion dont ils sont issus à 90 %, ou 95 %, ou 98 %, en termes au moins culturels, historiques et familiaux, ne le seront certainement pas quand il s'agira de traiter de diverses religions dont aujourd'hui ils ne savent rien, ni d'Ève ni d'Adam.

Donc, il y aurait là une problématique qui demeurerait non seulement entière, mais plus grande, selon nous. Et, dans ce sens-là, je serais porté à endosser ceux qui pensent que, dans le mémoire Proulx, effectivement, la faille, et le point faible, qui semblait peut-être le point fort au départ, c'est effectivement, ce qui semble un peu une panacée, l'enseignement culturel des religions. Ça ne répond pas à la problématique comme telle. On parle de choses distinctes. En tout cas, je ne sais pas s'il y a un autre élément que vous avez touché.

M. Béchard: Bien, c'était sur la dispense comme telle des enseignants. Est-ce que le phénomène est vraiment... Qu'est-ce qui peut expliquer qu'on nous dit qu'il y a à peu près, je pense, 20 % des enseignants qui sont mal à l'aise à faire de l'enseignement religieux et qu'il y en a seulement 5 % qui demandent, comme tel, de ne pas en faire, une dispense, finalement, de l'enseignement religieux? Comment peut-on évaluer ce phénomène-là et s'assurer, dans la mise en place de votre proposition, entre autres, que les enseignants qui le font le font par choix et qu'on n'ait pas d'aspect de contrainte, pour compléter une tâche ou ces éléments-là qui, finalement, amènent peut-être à une des critiques qu'on a aussi souvent, c'est-à-dire que l'enseignement religieux, tel qu'on le connaît actuellement, il y a peut-être certaines failles dans la façon dont il est donné, du moins dans les convictions que les gens démontrent à le donner?

Le Président (M. Labbé): M. Bergevin, s'il vous plaît.

M. Bergevin (Pierre): Pour renchérir sur ce que disait mon collègue, M. Lapointe, le problème, il est réel, et il est réel pour l'enseignement religieux catholique. Nous ne le nions pas. Les jeunes enseignantes et les jeunes enseignants ne possèdent pas une culture religieuse égale à celle, je dirais, de ma génération. Et je pourrais vous citer une foule d'exemples où il y a méconnaissance, finalement, que ce soit des personnages bibliques ou des principaux récits qui sont enseignés en lien avec l'Évangile. Il y a là un problème de connaissance, un problème de culture religieuse. Même chez des enseignants, je le répète, qui sont dans la vingtaine, qu'ils soient de foi catholique avouée et baptisés, cela ne règle pas la question.

Alors, en introduisant la dimension d'un enseignement culturel des grandes religions, on vient accroître la complexité de la situation et accroître, j'ose dire, le problème. Maintenant, de là, donc, la raison pour laquelle nos recommandations 8 et 9 demandent d'envisager l'embauche et l'utilisation de spécialistes, même de spécialistes qui pourraient être accrédités par des religions.

Au-delà des enseignants qui demandent l'exemption, qu'il y en ait qui se refusent à le faire et qui éprouvent un malaise, évidemment, vous comprendrez que nous n'avons pas de statistiques à cet effet-là. Mais nous ne nions pas que des enseignants puissent ne pas demander l'exemption, avoir des difficultés au niveau de la maîtrise des connaissances du contenu disciplinaire comme tel, et que ce soit en enseignement religieux catholique, protestant, oui, ils en ont. Qu'ils aient des difficultés ou des malaises par rapport à leurs propres convictions, ça, je pense que, bien malin qui pourrait le dire. Il n'y a pas d'enquête et de chiffres à cet effet-là. Mais ne nions pas le problème. Il y a une certaine difficulté, et, je le répète, de là la possibilité de réexaminer et de réorganiser le travail en fonction de l'utilisation de spécialistes.

Le Président (M. Labbé): Alors, merci, M. Bergevin. Sans plus tarder, je cède maintenant la parole à la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Je vous ai écoutés avec grand intérêt et je voudrais juste, en réponse à ce qui vient d'être dit, faire peut-être le commentaire suivant: La religion catholique n'est pas la seule à souffrir d'un certain désintéressement, si vous voulez, de ceux qui s'identifient comme catholiques. C'est un phénomène, je dirais, de société dans toutes les religions: les pratiquants sont autour de 30 %, les gens qui, comme vous, ont eu la chance d'accéder au savoir.

Vous demandez, dans la recommandation 2, d'abolir le statut confessionnel, mais, dans la recommandation 3, vous recommandez le maintien de l'enseignement religieux catholique et protestant là où le nombre le justifie. Est-ce que, dans les faits, vous ne plaidez pas pour le statu quo? Parce que, si on abolit le statut confessionnel, ce vers quoi on s'en va, et en même temps on maintient l'enseignement religieux catholique et protestant là où le nombre le justifie – on sait que c'est la majorité qui sont catholiques et protestants, de facto – est-ce que ce n'est pas le statu quo finalement que vous recommandez?

Le Président (M. Labbé): Alors, Mme Provencher.

Mme Provencher (Diane): Non, je ne pense pas que ce que nous recommandons, c'est le statu quo, parce que ce qu'il faut voir, c'est que le statut confessionnel d'une école, quand c'est bien compris, bien vécu, ça donne le sens à tout ce qui se passe dans l'école. De sorte que, à l'heure actuelle, quand une école a un statut confessionnel catholique, normalement tous les professeurs dans l'école doivent respecter les valeurs de cette confession-là, doivent être partie prenante à ces activités-là dans l'école, et, en plus, le projet éducatif doit être imbibé de ces valeurs-là parce que c'est le statut confessionnel de l'école.

Donc, nous, ce n'est pas le statu quo dans le sens qu'on se dit qu'une école pourrait ne pas avoir un statut confessionnel religieux et qu'il y ait des garanties dans la loi, parce que, à l'heure actuelle, si on enlève le statut confessionnel des écoles, bien il faudrait le réintroduire dans la loi parce que c'est seulement dans le règlement qu'il y a une garantie pour l'enseignement religieux... Mais, nous, ce qu'on se dit, c'est que, à ce moment-là, ça lèverait l'obligation d'avoir du personnel dans une école. Même s'il enseigne les mathématiques, à l'heure actuelle, ça prend des gens qui partagent la confession de l'école. On ne peut pas avoir quelqu'un à l'heure actuelle... Bon. Alors donc, ce n'est pas le statut quo.

Par contre, en même temps que ce n'est pas le statu quo, nous convenons avec vous que nous cherchons, oui, à garder des garanties là où une très grande majorité de parents souhaitent l'enseignement religieux catholique ou protestant dans un milieu donné.

Mme Houda-Pepin: La nuance que vous apportez est intéressante. Je comprenais ça. C'est au niveau du statut de la religion à l'école, de l'enseignement religieux à l'école. Donc, je me retrouvais un peu face à un statu quo, si vous excluez le fait que le personnel et le projet éducatif de l'école, lorsqu'il n'y a pas de statut confessionnel, est exclus.

Vous dites, à la recommandation 5, qu'il faut maintenir le financement, par l'État, de l'enseignement religieux organisé en vertu des recommandations précédentes, c'est-à-dire celles dont je viens de vous parler, l'enseignement catholique et protestant là où le nombre le justifie. Pourquoi voulez-vous que des citoyens qui ne sont ni protestants ni catholiques – et ils sont quand même assez importants – dont la religion n'est pas enseignée à l'école paient à même leurs taxes l'enseignement des religions qui ne sont pas les leurs?

Le Président (M. Labbé): Mme Provencher.

Mme Provencher (Diane): Je vais répondre et mes collègues vont compléter, dans un premier temps. D'abord, notre prémisse de départ, contrairement à ce qui a été dit ici ce matin par d'autres intervenants, c'est que les jeunes ont besoin d'enseignement religieux dans les écoles. Ils sont en quête de sens, et l'enseignement religieux dans les écoles, quand c'est bien fait, répond à cette quête-là chez nos jeunes. Et ce qu'on observe à l'heure actuelle, c'est qu'il y a beaucoup, beaucoup de jeunes qui se dirigent en philosophie – beaucoup plus qu'avant – et qui recherchent le sens de l'existence, etc., le sens de la vie, finalement. On pense que les jeunes – en tout cas, jusqu'en secondaire III – ont besoin d'entendre parler d'enseignement religieux. C'est donc notre prémisse de départ.

Ce qui fait que, puisqu'on a cette prémisse-là au départ, on arrive avec une recommandation de cet ordre-là, dans un premier temps. Et, dans un deuxième temps, dans notre mémoire, bien, nous, ce qu'on dit, c'est qu'à l'heure actuelle – à la page 13 de notre mémoire – le contexte actuel, les moyens disponibles autant dans les commissions scolaires que dans les paroisses, ça ne permet pas d'assumer toutes ces responsabilités-là. Alors, c'est pour ça qu'on arrive avec une recommandation semblable. Maintenant, peut-être que Pierre ou Normand, vous voulez ajouter...

(12 h 20)

Le Président (M. Labbé): Alors, peut-être rapidement, parce que le temps, malheureusement, est presque écoulé. Alors, M. Lapointe...

Mme Houda-Pepin: Si vous permettez, je voudrais juste vous poser une dernière question puis vous pouvez me répondre en même temps.

Le Président (M. Labbé): Rapidement, madame.

Mme Houda-Pepin: La recommandation 8, les spécialistes de l'enseignement religieux ou moral qui seraient accrédités, qui auraient une accréditation ecclésiale pour enseigner à l'école, si vous ouvrez ça aux différentes religions, est-ce que vous ne voyez pas là un danger que chacun amène son bazar à l'école, via un contrôle qui n'est pas nécessairement pédagogique et qui est bien encadré?

Le Président (M. Labbé): Alors, M. Lapointe.

M. Lapointe (Normand): Je pense que ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas de contrôle et d'exigences de base qui peuvent être formulées en parallèle avec ça. Ce qu'on ajoute, c'est que, en particulier, si on doit ouvrir l'école à de l'enseignement religieux et qu'on veut responsabiliser les autorités ecclésiales en fonction d'une prise en charge graduelle qui va suivre l'évolution de la société, c'est un bon moyen de commencer à leur permettre d'institutionnaliser du personnel qui répondrait à ce besoin-là à moyen terme.

Le Président (M. Labbé): Merci, M. Lapointe. Alors, Mme Provencher, M. Lapointe, M. Bergevin, merci pour votre présentation. Les membres de la commission vous félicitent et vous remercient. Alors, compte tenu que l'ordre du jour pour ce matin est terminé...

Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup.

Une voix: Merci.

Le Président (M. Labbé): ...on ajourne à 15 heures cet après-midi. Merci, tout le monde, et bonne fin de journée.

(Suspension de la séance à 12 h 22)

(Reprise à 15 h 14)

La Présidente (Mme Bélanger): La commission reprend ses travaux. Le mandat de la commission est de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques sur la place de la religion à l'école. Cet après-midi, nous recevrons, à 15 heures, M. Pierre Lucier; à 16 heures, la Fédération québécoise des directeurs et directrices d'établissement d'enseignement; et, à 17 heures, la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec; à 18 heures, ce sera l'ajournement.

Alors, je demanderais à M. Pierre Lucier, s'il est dans la salle, de bien vouloir s'approcher à la table. Alors, bienvenue, M. Lucier. Vous avez 20 minutes pour faire votre présentation, qui sera suivie de 40 minutes d'échange avec les membres du gouvernement et les membres de l'opposition.


M. Pierre Lucier

M. Lucier (Pierre): Merci, Mme la Présidente. Je suis toujours heureux de me retrouver ici, à l'Assemblée nationale. J'ai pensé présenter un mémoire personnel. Je vous dirai en toute simplicité que j'y ai vu une espèce de devoir de solidarité envers celles et ceux qui doivent plancher sur une question qui a nolisé – moi-même – beaucoup d'énergie au cours des 20 dernières années et qui m'avait donné l'occasion de collaborer avec les gouvernements des deux partis sur cette question qui est au-delà de la politique. Et c'est une question qui aussi est liée à mes champs d'expertise professionnelle.

Alors, j'ai pensé qu'il y avait cette espèce de devoir de solidarité de me présenter ici. Je le ferai en toute modestie, même si parfois le ton n'est pas hésitant. Je n'ai pas la prétention de vous dire quoi faire, puisqu'on n'est pas dans l'évidence. Parce que, si on était dans l'évidence, rien qu'à voir on verrait bien, et on l'aurait vu avant aujourd'hui. Je ne veux pas vous lire le mémoire que je vous ai présenté, que j'ai essayé de faire le plus clair possible. Je voudrais quand même faire quelques rappels brefs pour en saisir la ligne de fond et laisser le plus de place possible à l'échange sur les points qui vous intéressent davantage.

Vous aurez noté que l'approche que j'ai choisie pour aborder la question est une approche que j'appellerais politique, au sens large du terme, une approche de «policy making», c'est-à-dire d'élaboration de politiques. Dans ce genre d'approche, on ne peut pas se cantonner dans des questions de droit ou de principes seulement. Le véritable enjeu est d'essayer de voir qu'est-ce qu'on peut faire, ici et maintenant, pour aménager correctement les choses.

Donc, c'est une approche qui nous oblige à essayer de discerner ce que les gens sont prêts à faire, ce qui est acceptable et faisable. C'est une approche aussi qui nous oblige à identifier des éléments autour desquels on aura à convaincre aussi la population. Il y a des éléments qu'on devra expliquer. Donc, c'est une approche concrète qui vous est présentée un peu comme une sorte de réflexion, de recommandation, pour agir. Quand on opte pour ce genre d'approche évidemment... Et la question majeure qui oriente tout, c'est de savoir vers quoi on doit aller, qu'est-ce qu'on veut faire.

Dans un dossier comme celui-là, où on comprend que le gouvernement veut bouger, puisqu'il fait une commission parlementaire et qu'il a ouvert le débat, la vraie question, c'est de savoir quelle direction imprimer à ce dossier-là, où est-ce qu'on s'en va. Je le dis, moi, sans détour. Est-ce que nous estimons que la religion est destinée à prendre, à l'école publique, plus de place ou moins de place qu'elle n'en occupe actuellement? Ma lecture de l'histoire et de l'évolution sociale du Québec m'amène à conclure, moi, sans beaucoup d'hésitations, qu'on s'en va vers une distinction de plus en plus nette, paisible mais nette, entre la religion et les services publics. On pourrait dire un peu brutalement: S'il n'y avait pas actuellement de présence religieuse confessionnelle dans l'école québécoise, qui pourrait raisonnablement entreprendre de l'y introduire? La question a l'air simple, presque simpliste, mais je crois qu'elle est majeure.

Alors, quand on regarde les comportements des gens, quand on regarde l'évolution de la pratique religieuse, quand on regarde les pratiques, par exemple, concernant le mariage, quand on regarde les consensus qu'on a eus autour de la déconfessionnalisation des commissions scolaires, on est en droit de penser qu'il y a, portée dans l'évolution de notre société, une affirmation de plus en plus nette de la distinction entre les services publics et la religion. C'est très important d'identifier ce vecteur-là. Et je ne le présente pas comme une fatalité. Pour ma part, je suis convaincu que nous devons aller dans cette direction-là. Ce n'est pas du tout être mécréant que de penser que c'est là que nous devons aller. Les droits et les libertés sont mieux servis lorsque les services publics se définissent pour ce qu'ils sont et sans référence à des codes religieux et moraux de groupes particuliers, même s'ils sont majoritaires.

(15 h 20)

Alors, si c'est ça, la bonne question, les autres questions qui suivent découlent assez normalement. Quels pas convient-il de faire maintenant dans cette direction-là? Et, à l'inverse, qu'est-ce qu'il faut ne pas faire? Parce qu'il arrive parfois que, voulant aller dans une direction, on pose des gestes en sens contraire. Ce n'est pas une proposition pour autant de mort lente. Moi, je ne peux pas préjuger de ce que nous serons dans cinq ans sur cette question-là. Et peut-être que les questions se poseront de manière plus simple encore, peut-être se poseront-elles dans un contexte qu'on ne peut pas prévoir. Je n'en sais rien. Mais il me semble important de bien cerner la trajectoire dans laquelle nous sommes actuellement et de poser les bons gestes.

C'est cette conviction-là qui m'amène a faire une série de propositions qui sont de diverses natures. Mais elles ont toutes en commun, je dirais, de permettre de franchir des pas dans cette direction-là et d'éviter des pas qui consisteraient à nier cette trajectoire-là. Alors, j'ai essayé de proposer, dans le mémoire, un ensemble qui m'apparaissait raisonnable, faisable, d'un certain nombre de gestes qui seront à expliquer. Je suis assez frappé, pour ma part, de constater qu'il y a un peu une absence, je dirais, de pédagogie sur ces questions-là. Il y a des choses que l'on comprend quand on prend la peine de se les faire expliquer, et il me semble que voici des modifications qui peuvent s'expliquer. C'est dans cette perspective-là, en tout cas, moi, que je me présente devant vous. Et les gestes que je vous propose comportent, d'une part, je dirais, des connotations de type juridique institutionnel et, d'autre part, des connotations de type pédagogique.

Un premier geste que je pense mûr, c'est toute la question du statut confessionnel des écoles publiques. Il me semble qu'il y a là une sorte d'incompatibilité fondamentale entre la nature même de l'école publique et la mainmise par un groupe, même s'il est majoritaire, et je dirais même surtout parce qu'il est majoritaire, donc ça veut dire qu'il y aura des minorités là-dedans. On ne peut pas, me semble-t-il, subordonner le droit de tous à l'école commune à la mainmise d'un groupe. L'école commune appartient à tout le monde.

C'est, me semble-t-il, du point de vue de l'histoire de nos institutions dans ce dossier-là, l'élément le plus difficile à justifier. Bien sûr, à certains égards, on pourrait dire que c'est assez diffus dans le concret. Ce serait une raison de plus d'ailleurs pour bouger, si je puis dire, puisque c'est diffus. Mais il n'empêche que là on se trouve à soumettre au vote majoritaire l'exercice de droits qu'on juge par ailleurs fondamentaux.

Alors, je me demande pourquoi s'être donné tant de peine pour déconfessionnaliser les commissions scolaires si on ne va pas jusqu'au bout pour déconfessionnaliser la structure qui compte vraiment pour les gens, c'est-à-dire l'école. Ça a été, au cours de l'histoire des 15, 20 dernières années, un élément majeur des discussions qui ont eu cours en matière de confessionnalité. Je crois pouvoir dire que les Églises ont en tout cas longtemps tenu à ce statut confessionnel, mais il me semble que le fruit serait mûr, l'État serait mûr pour bouger en cette matière-là.

Il me semble que l'application de l'article 240 ne devrait pas servir à contourner cette option de ne plus avoir de statut confessionnel. L'article 240, qui permet des projets particuliers, a été libellé de manière assez torturée, comme vous savez, dans un climat de discussions où on était plein de réticences, je dirais de part et d'autre, à autoriser des projets particuliers autour de matières scolaires, par exemple, ou de modalités pédagogiques. Je serais porté à vous dire: Bien, a fortiori, il ne faudrait pas s'en servir pour faire indirectement ce qu'on déciderait de ne plus faire directement.

La deuxième action que je vous propose concerne la grille-matières. Je penserais irréaliste et infaisable – et là je ne suis pas au niveau des principes – que l'on sorte tout enseignement religieux confessionnel de la grille-matières. Mais il me semble que nous serions prêts pour un allégement quantitatif de la grille-matières. Actuellement, nous avons, pendant 11 années, pratiquement deux heures-semaine. C'est beaucoup. Est-ce qu'on ne pourrait pas, d'abord en quatrième et cinquième secondaires, comme beaucoup de groupes d'ailleurs l'ont suggéré, procéder à l'introduction d'un enseignement différent du phénomène religieux, d'un type non confessionnel. Il me semble qu'on ne devrait pas se limiter aux secondaires IV et V mais qu'il faudrait trouver, à un moment que les pédagogues auront à définir mais à d'autres moments du curriculum, des possibilités d'expérimenter un autre type d'enseignement de la religion.

Donc, ce n'est pas l'exclusion de l'enseignement religieux confessionnel mais une espèce de retour à des proportions plus facilement défendables qui nous permettraient – et ça, c'est très positif – d'expérimenter solidement, en particulier en secondaires IV et V, une approche que beaucoup de gens commencent à trouver pleine de bon sens. Parce que je suis de ceux qui pensent que l'organisation d'un enseignement religieux en dehors de la grille-matières n'est pas une piste très intéressante. Et ce n'est pas une piste qui permet l'intégration correcte dans un régime pédagogique avec des responsabilités bien établies. De sorte que mieux vaut penser à conserver les possibilités actuelles qui sont dans la grille-matières, mais en les allégeant quantitativement et, d'autre part, en se permettant d'expérimenter solidement un autre type d'enseignement du phénomène religieux, dont on pourra parler, si vous voulez, parce qu'il y aurait beaucoup de choses à dire sur son contenu.

Le rapport Proulx en a évoqué un certain nombre d'aspects, mais plusieurs groupes sont venus ici apporter des compléments que je trouve, pour ma part, très intéressants, en particulier le Groupe justice et foi ou certains groupes comme les gens de l'UQAM, par exemple, et d'autres. Il y a dans l'approche culturelle du phénomène religieux des possibilités éducatives énormes qui sont extrêmement englobantes et qui peuvent aller jusqu'à l'éducation même à la recherche du sens. Ce n'est pas quelque chose de purement spectaculaire ou de distancé.

Cela étant dit, moi, ce que je vous recommande, c'est qu'on s'en tienne aux droits confessionnels actuels. Autrement dit, il y a des droits pour les catholiques, pour les protestants. On diminue la dose, on enlève le statut. La loi permet aussi qu'il y ait d'autres types d'enseignement religieux confessionnel, mais ce n'est pas un droit. Il me semble que, si on veut aller dans la direction que je soulignais dès le point de départ, on ne doit pas ajouter d'autres droits.

Et, écoutez, je n'aime pas d'emblée les clauses «nonobstant», mais, si on en a besoin pour gérer correctement l'histoire, je ne trouve pas du tout honteux qu'on y recoure. Elles sont dans la Constitution. On y a recouru depuis le début des années quatre-vingt; on y a encore recouru récemment. C'est sûr que c'était dans un contexte où, comme ces droits-là étaient protégés par la Constitution canadienne, on pouvait avoir l'impression que la clause «nonobstant» n'était pas un acte si terrible, puisque, de toute façon, c'était protégé. C'est sûr que maintenant que l'article 93 n'est plus là le recours à la clause «nonobstant» prend toute sa force.

Même si je trouve ça profondément j'allais dire choquant ou contrariant, très fondamentalement il me semble que c'est là pour pouvoir gérer correctement l'histoire. Et il me semble qu'il ne faut pas introduire à l'école plus de religion, au singulier ou au pluriel, et que, pour respecter l'évolution des droits historiques, si on a besoin des clauses «nonobstant», moi, je suis de ceux qui pensent qu'on devrait les utiliser. C'est, de toute façon, une utilisation temporaire, puisqu'on doit revenir au plus tard cinq ans après. Et on ne peut pas préjuger de l'état dans lequel on sera dans cinq ans. Alors, il me semble que c'est mieux de recourir comme ça à un moyen qu'on peut juger imparfait que de s'embarquer dans une dynamique qui consisterait à faire éclater, je dirais, le type de présence confessionnelle à l'école.

(15 h 30)

Je serais porté à vous suggérer le même type d'approche pour les services d'animation pastorale et religieuse, c'est-à-dire qu'il ne faudrait surtout pas les consacrer et les multiconfessionnaliser. Ce sont des services qui rendent service – le mot le dit – aux enfants et aux adolescents. Ils ne sont pas ultraconfessionnalisants non plus. Il me semble qu'il n'y a pas de drame là. Et pourquoi ne pas les intégrer progressivement à des services de présence aux élèves, comme il n'y en a pas assez d'ailleurs, soit dit entre nous. Et, s'il fallait temporairement là aussi utiliser la clause «nonobstant», je crois qu'on ne serait pas en mauvaise compagnie.

Enfin, bien, il y a d'autres changements qui n'ont pas en soi d'énormes portées, mais qui pourraient être opportuns, mais qui sont accessoires. Je tiens à dire qu'ils devraient être accessoires parce que, si on ne devait que faire ça, c'est comme si on ne faisait rien. Je pense, par exemple, au membership du Conseil supérieur de l'éducation. Je pense aux postes de sous-ministres associés. Je pense aux comités confessionnels actuels. Il me semble que, dans tous ces cas-là, il faut voir quels pas on peut franchir et quelles mesures il ne faut pas prendre. Il me semble que, si on passait, par exemple, des comités confessionnels catholique et protestant actuels à une sorte de comité multiconfessionnel, on se trouverait à élargir l'assiette des colorations confessionnelles, et il me semble qu'on n'irait pas dans le sens voulu. Par ailleurs, on pourrait concevoir facilement, surtout si le statut disparaît, que les pouvoirs des comités confessionnels actuels puissent évoluer dans une ligne moins réglementaire et plus consultative.

Je n'irai pas plus avant, Mme la Présidente, puisque vous avez lu le mémoire, et je pense qu'il est assez explicite. Je préférerais être à votre disposition plutôt pour pouvoir échanger librement sur les points qui vous intéressent davantage.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Lucier. Alors, M. le ministre.

M. Legault: Oui. D'abord, merci beaucoup, M. Lucier, pour votre contribution. C'est une contribution qui est personnelle, mais, en même temps, bien, on sait tous votre excellente connaissance du système de l'éducation. Vous y avez oeuvré non seulement dans le milieu de l'enseignement, mais aussi de l'administration, donc au ministère de l'Éducation. Vous connaissez bien l'histoire de l'éducation au Québec puis son évolution, puis vous nous proposez une approche qui est très pragmatique, une approche qui, en même temps, nous propose une lecture un peu politique de la situation, en se disant: Bon, comment on fait pour agir sans casser trop d'oeufs? Et donc je veux vous remercier personnellement. Je connais vos nombreuses occupations et préoccupations à l'Université du Québec; vous avez d'autant plus de mérite. Je pense que la contribution d'un universitaire de votre calibre, là, pour aider le gouvernement à décider de ce qu'il convient de faire est importante. Donc, merci beaucoup.

J'ai quelques questions sur votre mémoire, qui est très bien. Première question, puis vous venez de nous en parler, c'est le temps d'enseignement de la religion. Vous nous proposez de réduire de moitié le temps d'enseignement de la religion, à peu près, grosso modo. Sur quelle base vous nous faites cette proposition-là? Est-ce que vous pensez vraiment qu'on a trop de temps d'enseignement, puis pourquoi? Quelles sont vos références finalement pour arriver à cette conclusion?

M. Lucier (Pierre): Écoutez, c'est de faire bouger les choses. On a un compendium d'enseignements confessionnels. On pense qu'on ne doit pas aller vers plus, on doit plutôt aller vers moins, et on pense qu'il faut expérimenter autre chose pour tenir davantage compte de la pluralité de notre société. Alors, un des moyens très concrets d'agir, c'est de faire de l'espace. Il y a un cas plus clair en secondaires IV et V, étant donné que c'est le deuxième cycle. Bon. Celui-là est assez clair. D'ailleurs, je ne suis pas le seul à faire une proposition assez ferme là-dessus, donc, d'y aller de ce côté-là. Moi, je n'ai pas prononcé le mot «moitié», comme vous le savez. Mais je trouve qu'on ne doit pas se limiter à ça. Il faut voir à quels autres niveaux – les pédagogues pourraient nous aider à les identifier – ce serait utile qu'on fasse aussi de l'espace pour autre chose, parce que je pense que, dès le primaire – moi, je parle peut-être d'une année au primaire – quelque part au primaire, il y a une initiation pédagogiquement intéressante au phénomène religieux qui pourrait se faire dans un contexte moins confessionnel.

Moi, je pense qu'on devrait bouger là-dessus, et c'est pour ça que j'ai dit, comme ça: Une autre année du premier cycle du secondaire à une ou deux années du primaire. L'intention n'était pas d'arriver avec un chiffre; c'était de dire: Il faut faire de l'espace, il faut faire bouger le quantitatif là et pas seulement en secondaires IV et V. Mais je n'ai pas de recette précise sur le moment où ce serait utile de le faire. Mais la perspective, c'est vraiment de créer un espace nouveau pour faire désencarcaner, si je peux dire, là, le quantitatif et, en même temps, permettre l'éclosion d'autres choses selon un taux que les pédagogues pourraient nous aider à identifier. Mais ma perspective était qu'on ne se limite pas aux secondaires IV et V.

M. Legault: D'accord. Maintenant, au nom des droits historiques, vous suggérez qu'on maintienne, au moins pour un certain temps, l'enseignement de la religion catholique et protestante. Mais vous vous objectez à l'élargissement à d'autres religions. Puis je comprends ce que vous dites, vous partez avec le principe qu'il faut, à terme, moins de religion. Mais, durant au moins cette période de transition, est-ce que vous ne pensez pas que ça devient discriminatoire? Je ne parle pas nécessairement pour des raisons juridiques et puis les clauses dérogatoires, et tout ça, je parle de question de principe d'égalité des citoyens. Est-ce qu'il n'y a pas un problème de discrimination en disant: On enseigne seulement les religions catholique et protestante?

M. Lucier (Pierre): Bien, attention, là. L'article 228 demeure. Donc, il y a possibilité, pour la commission scolaire, d'organiser d'autres types d'enseignement. C'est dans la loi, ça. Moi, je ne vous recommande pas d'enlever ça. Je dis: N'ajoutez pas de droits parce que le jour où vous ajoutez des droits, ça veut dire que non seulement l'enfant catholique et l'enfant protestant, mais l'enfant d'une autre religion aura des droits à recevoir de l'enseignement. Parce que l'article 228 donne des possibilités mais n'accorde pas de droits. Moi, je ne vous propose pas de supprimer l'article 228.

Donc ça veut dire qu'il n'y a pas exclusion systématique de tout autre chose, mais il n'y a pas extension des droits et alors... Oui, c'est discriminatoire. C'est vrai. Mais il y a telle chose, c'est notre histoire qui a fait cela. Ça l'est actuellement, au moment où on se parle, ça ne le sera pas plus demain. Et nous utilisons les clauses pour gérer ça, cet héritage-là, sans savoir avec précision comment il évoluera. Mais je dis: De grâce, n'ajoutons pas des droits qui vont rebétonner le système. Mais ça n'enlève pas l'article 228.

M. Legault: O.K. Donc, ça serait possible, selon votre proposition, d'enseigner d'autres religions.

M. Lucier (Pierre): Comme maintenant.

M. Legault: Comme maintenant, comme maintenant. D'accord.

M. Lucier (Pierre): Comme maintenant, oui, mais on n'ajoute pas de droits.

M. Legault: D'accord.

M. Lucier (Pierre): C'est parce que, je dirais, un des pièges qui viennent de la logique des droits comme on l'a entendue – et qui est dans le rapport Proulx, ça ne minimise pas la valeur du rapport que de le dire – c'est comme si on disait: Comme ça ne peut pas être aucun, ça devrait être tout le monde, et donc il faudrait élargir les droits. Et on l'a entendu dans certains groupes, des gens qui voulaient venir vous dire: On n'a pas d'objection à ce que vous accordiez nos droits à d'autres, mais on veut garder les nôtres. Mais ça, c'est de l'extension de droits. Il me semble que ça, ça ne va pas dans une ligne politiquement correcte pour l'avenir.

M. Legault: Mais, si on regarde l'article 228 actuel, là où on dit: La commission scolaire peut, à la demande d'un conseil d'établissement, organiser l'enseignement moral et religieux d'une confession autre que catholique ou protestante...

M. Lucier (Pierre): Ça reste possible, ça.

M. Legault: Est-ce que vous pensez qu'on devrait encadrer? Est-ce que vous pensez qu'on devrait offrir, continuer à dire: Toutes les religions peuvent être enseignées en autant que le conseil d'établissement le demande?

M. Lucier (Pierre): Bien, c'est ça actuellement.

M. Legault: C'est ça, mais vous pensez que c'est souhaitable de garder ça de cette façon?

(15 h 40)

M. Lucier (Pierre): Bien, écoutez, là. Si ce n'est pas ça, c'est quoi? Ça veut dire qu'il y a une instance gouvernementale qui va décider quelles sont les religions enseignables – si vous me permettez le mot – quelles sont les religions admissibles. Je trouve que c'est un terrain éminemment glissant dans lequel je ne vous recommanderais pas de vous embarquer. Ça voudrait dire qu'un ministère, ou vous-même à la limite, le ministre de l'Éducation – parce que, si c'est son ministère, c'est lui ultimement – déciderait que telle religion vaut d'être enseignée mais pas telle autre. Je trouve que, là, on est dans un terrain... Et ça a été proposé par quelques groupes, y compris le Comité catholique, qui parle des religions reconnues par l'État. Il me semble que c'est une piste extrêmement enlisante et pleine, pleine, pleine d'ornières possibles.

M. Legault: Une dernière question, concernant le statut des écoles. Là, vous êtes plus ferme sur le statut des écoles. Vous dites: C'est urgent d'abolir les statuts confessionnels des écoles. Vous dites: Donc, c'est nécessaire et urgent. Vous avez sûrement entendu des groupes de parents dire: Pour nous, c'est important, le statut confessionnel. En pratique, là, avec votre expérience, comment vous nous suggéreriez d'agir si on décidait d'abolir les statuts confessionnels des écoles? Est-ce qu'on abolit tout, d'un coup? Comment vous nous suggérez de le faire?

M. Lucier (Pierre): Écoutez, il faudra qu'à un moment donné il y ait une date où il n'y en a plus, hein! Bon. Ça peut être dans un an, ça peut être dans deux ans, mais il faudrait qu'à un moment donné il n'y en ait plus. Et ça ne prend pas de démarches spéciales de la part d'une école ou d'un conseil d'établissement pour ne plus en avoir s'il n'y en a plus.

Mais je crois que, par ailleurs, sur un sujet comme celui-là, il y a une énorme tâche pédagogique de la part du ministre de l'Éducation ou du gouvernement qui entreprendrait de faire ça, d'expliquer au monde que l'abrogation des statuts confessionnels n'est pas une entreprise pour sortir le bon Dieu des écoles. C'est une évolution normale pour redonner à l'école publique son statut d'école publique qui appartient à tout le monde, mais ça n'en fait pas une école mécréante ou absolument insensible à toute dimension religieuse. Il faut expliquer ça aux gens, que ce n'est pas une affaire de mécréants, ça, nécessairement. Et là il y a une grosse tâche.

Mais, au bout du compte, il ne faudrait pas que ce soit une démarche des milieux qui demanderaient de ne plus l'être. Ou il y en a, des statuts possibles, ou il n'y en a pas. Il va falloir qu'à un moment donné le législateur dise: À partir de telle date, il n'y en a plus. Qu'il prenne le temps de l'expliquer. Je pense que ça s'explique et je crois qu'il y a beaucoup de gens qui, quand on leur explique, comprennent ces choses-là.

Parce que, moi, j'ai été frappé de constater qu'il y a beaucoup de gens qui associent statut confessionnel et droit à l'enseignement religieux. Il n'y a pas de lien entre les deux, pas formel, parce que l'obligation de fournir l'enseignement religieux, c'est dans la Loi sur l'instruction publique. Ça ne découle pas du fait que vous ayez un statut ou pas de statut. Donc, les droits des enfants, ils sont protégés par la loi dans une école même qui actuellement n'aurait pas de statut. Ça s'explique, ça, aux gens. Ça prend un certain temps. Mais je crois qu'il y a beaucoup de confusion dans les esprits. C'est comme si des gens voyaient là-dedans une espèce d'entreprise pour chasser la religion des écoles. Ce n'est pas ça que ça veut dire.

Mais, du point de vue, je dirais, même philosophique, M. le ministre, c'est probablement un des points les plus difficiles à soutenir, le statut confessionnel à une école publique. Bien sûr, on dira: Écoutez, dans la pratique, vous savez, ça n'est pas si grave que ça! Comme je vous disais: Justement, si ça ne donne pas grand-chose, pourquoi y tenir? Mais ça peut être plus subtil que ça, parce que c'est le projet éducatif de l'école qui se définit d'une certaine manière, c'est son calendrier, c'est ses symboliques, c'est beaucoup de choses. Mais ça ne voudrait pas dire qu'il n'y aurait plus aucun signe religieux dans l'école mais que ça ne serait pas porté juridiquement par le statut même de l'école.

N'oublions pas, d'ailleurs, que, si on les appliquait, il y a certaines prescriptions actuelles sur l'école à statut confessionnel qui seraient extrêmement embêtantes, même pour les personnels. C'est parce que, au Québec, on est arrangeant, le monde ne s'énerve pas trop pour ce genre de débat là que les choses se font dans la paix. Mais il y aurait toutes les bases juridiques pour faire du trouble, même actuellement.

Il me semble que ça, ça s'explique à des gens, que ce n'est pas une perte. C'est même un signe de maturité progressive, me semble-t-il. Mais je pense qu'on n'en sortirait pas. Il faudrait qu'il y ait une date à partir de laquelle il n'y en a plus. Je suis porté à vous dire: Mieux vaut tôt que tard.

M. Legault: O.K. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le ministre. M. le député de Kamouraska-Témiscouata...

M. Legault: Il y avait Montmorency.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Montmorency.

M. Simard (Montmorency): Merci beaucoup, Mme la Présidente. M. Lucier, bienvenue parmi nous. Je veux saluer votre présence ainsi que la qualité du mémoire que vous nous avez remis, un mémoire très fouillé, très nuancé, bref, que j'ai beaucoup apprécié. Et, vous savez, on parle souvent dans nos sociétés – je pense que ce n'est pas seulement propre à la société québécoise, c'est l'ensemble des sociétés occidentales – du silence des clercs, de la fonction politique des intellectuels. Et je crois que vous incarnez très bien ce rôle d'intellectuel qui prend position dans un débat. Et votre expérience au sein du ministère de l'Éducation, comme sous-ministre auprès de plusieurs ministres, tant libéraux que péquistes, nous éclaire beaucoup.

J'aurais peut-être une petite question à vous poser. En page 4, toujours de manière très nuancée, vous faites référence à la tendance lourde de la sécularisation de la société québécoise, et vous nous dites qu'il y a une lente distanciation entre la religion et les services publics. J'aimerais peut-être vous poser une question. On parle souvent de la religion à l'école, j'aimerais surtout vous questionner sur l'aspect religion parce que je sais que vous avez de belles choses à dire là-dessus. Vous savez qu'il y a des gens qui prônent... qui vont beaucoup plus loin que vous et disent: Ça en prend plus, de religion, à l'école.

Alors, j'aimerais savoir: Pour vous, quand vous parlez de la religion, vous n'avez pas défini ce que vous entendiez par «religion» et j'aimerais bien ça vous entendre là-dessus. De quelle religion parlez-vous? Quelle est la place de la spiritualité dans votre définition de la religion? Quelle est la place de cette spiritualité dans le projet pédagogique? Et, dans le fond, une autre question: Comment éviter de jeter l'eau de la spiritualité avec le bain de la confessionnalité?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lucier (Pierre): Bon. Bien, il y aurait beaucoup de choses à dire là-dessus, M. le député. Quand on parle de spiritualité, le mot vient du mot «esprit». Donc, on fait allusion à ces zones d'expérience et de la vie humaine qui font que nous ne sommes pas des chats et que nous avons une intériorité, que nous avons des questions sur le réel, que nous avons des angoisses aussi, que nous avons des interrogations et que nous organisons un monde de symboles pour signifier des choses, y compris les réalités les plus fondamentales comme la vie, l'amour, la mort, la souffrance.

La spiritualité, le champ de la spiritualité n'est pas totalement occupé par la religion ou, si vous voulez, la religion, c'est une sorte de dimension de plusieurs de ces expériences-là. Écoutez, l'art fait aussi cela, fait dans le spirituel. L'éthique fait dans le spirituel. L'éducation à la citoyenneté amène des questions de ce type-là. Autrement dit, on ne peut pas dire que... La littérature fait cela aussi. Donc, il y a toute une série d'apprentissages pédagogiques qui trempent dans un contexte où la spiritualité est extrêmement présente.

Alors, il ne faut pas croire que pas d'enseignement religieux confessionnel, il n'y a pas de spiritualité. Le champ n'est pas épuisé. Moi, ça m'apparaît très important. Parce qu'il y a une espèce, comment dire, d'intériorisation de la personne qui se fait à la faveur de beaucoup de démarches pédagogiques. Moi, je suis de ceux qui pensent que la religion est l'espèce d'ordre dernier de signification pour une personne ou des collectivités qui partagent cette lecture-là. C'est un ordre de signification, hein. Quand on regarde, par exemple, des expériences les plus basic comme la naissance, l'amour, la souffrance, la mort, on parle toujours de cinq ou six expériences de base, il n'y en a pas beaucoup plus, hein.

Les grandes religions se sont toujours occupées de ça. C'est pour ça qu'elles durent, d'ailleurs. Si elles s'occupent de ça, c'est en bon terrain. Ça veut dire que, dans ces expériences-là, quel est le monde de signification qui est proposé, quel sens je vois à ça et comment on vit ça ensemble? Ce n'est pas pour rien qu'on a des rituels autour de la mort, c'est parce qu'on n'est pas des chats, c'est parce que ça nous pose des questions. Et notre manière de ritualiser la mort et notre manière de traiter nos morts est une façon de dire comment nous voyons la vie. Et c'est cela que les gens cherchent et trouvent inégalement dans la signification religieuse, mais pas uniquement; ils le trouvent dans l'art aussi, qui est très proche.

(15 h 50)

Donc, autrement dit, on n'est pas en dehors de l'enseignement, disons, religieux confessionnel, on n'est pas dans un no man's land sur le plan spirituel, c'est plus large que ça, beaucoup plus large que ça. Parce que, même, je dirais, tout ce qu'on a pu dire sur l'identité québécoise par rapport à la religion, et tout ça, vous savez, l'identité, ce n'est pas un folklore du passé. La présence du religieux dans l'identité québécoise, on la trouve dans le présent. Si on regarde nos lois, par exemple la Charte des droits et libertés, elle est tout entière issue de la conception judéo-chrétienne de la personne, qui a des problèmes, d'ailleurs, dans des pays à tradition bouddhiste – c'est une autre affaire. Mais pourquoi la personne est si importante que ça? La réponse judéo-chrétienne, c'est de dire que chaque personne est voulue par un Dieu qui l'aime, qui la veut et qui l'attire. C'est difficile d'être plus digne que ça, vous savez. Mais ça vient de là.

Mais on trouverait dans beaucoup de nos institutions beaucoup de traces de la foi judéo-chrétienne, par exemple. C'est très important que nos enfants comprennent cela. Mais, pour y arriver, ça ne veut pas dire qu'on retourne à un enseignement d'antan. Parce qu'il y a aussi d'autres éléments, dans notre histoire, qui nous ont façonnés, qui ont fait l'identité de l'homo quebequensis, là, hein. On est aussi des conquis, par exemple. Il paraît qu'on a déjà été des porteurs d'eau, qu'on a déjà eu des problèmes par rapport à l'argent et la soumission, puis tout ça. Est-ce que de reconnaître ces sédiments dans le portrait de l'homme et de la femme du Québec, ça signifie qu'il faut retourner en arrière? Moi, je ne pense pas que l'importance de la religion chrétienne, par exemple, dans l'identité québécoise doit être perçue comme quelque chose du passé.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Lucier.

M. Lucier (Pierre): Excusez-moi, il m'avait lancé, là, je pense que j'étais parti pour un bout de temps.

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Bélanger): C'était très intéressant quand même, mais là vous allez pouvoir poursuivre avec l'opposition. Alors, M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Merci, Mme la Présidente. M. Lucier, bienvenue. Merci de nous faire partager vos connaissances et votre expérience en matière d'éducation et plus précisément sur la question religieuse. J'aimerais que vous reveniez un petit peu sur ce que vous mentionniez, c'est-à-dire que, actuellement, en vertu de la loi, à l'article 228, les commissions scolaires peuvent, suite à la demande d'un conseil d'établissement, y aller avec d'autres types d'enseignement religieux. Et j'aimerais que vous me fassiez la distinction bien claire: Comment on peut élargir cette zone où les commissions scolaires pourraient offrir d'autres cours sans que ça tombe dans le droit, dans le droit acquis, et, je vous dirais, quelles sont les barrières qu'on doit s'imposer pour faire en sorte qu'une extension de la confessionnalité, selon ces principes-là, ne tombe pas dans une extension des droits comme tels?

M. Lucier (Pierre): Je crois qu'il suffirait de ne pas y toucher.

M. Béchard: O.K.

M. Lucier (Pierre): Ce n'est pas une boutade, là.

M. Béchard: Non, non, non...

M. Lucier (Pierre): Actuellement, les premiers articles de la loi sont très clairs: L'enfant est porteur d'un certain nombre de droits; il doit avoir le choix entre l'enseignement religieux catholique, protestant ou l'enseignement moral. Ça veut dire que, quelle que soit l'école où va l'enfant, il a ce droit-là. Et donc il faut répondre à ce droit-là. L'article 228 ne dit pas ça. L'article 228 dit: La commission scolaire, elle, peut offrir un enseignement d'une autre confession. Mais ce n'est pas un droit, c'est une possibilité qu'elle a de le faire. Moi, ma suggestion, c'est de vous dire: Ne touchez pas à ça, mais n'ajoutez pas, dans les droits signifiés dans les premiers articles de la loi, d'autres religions. Il y a une énorme différence.

M. Béchard: Oui. Mais, selon vous, la loi telle qu'elle est écrite actuellement permettrait, je dirais, de répondre aux interrogations de ceux qui disent: Nous voulons que nos enfants aient un enseignement religieux non pas protestant, non pas catholique, mais d'une autre confession. Et – c'est peut-être un autre rôle pédagogique qui devra être fait aussi au niveau du ministère de l'Éducation et des commissions scolaires sur les effets de la loi actuelle – vous êtes en train de nous dire finalement que la loi actuelle, si on s'en tient non pas à l'extension des droits, mais à l'extension de l'enseignement religieux multiconfessionnel comme tel, nous donne la marge de manoeuvre pour le faire?

M. Lucier (Pierre): Pas multiconfessionnel. D'autres confessions.

M. Béchard: O.K.

M. Lucier (Pierre): Elle donne la possibilité d'organiser des enseignements. Ce n'est pas une extension. Au fond, c'est une question d'application de cet article-là. Moi, au cours des toutes dernières années, je n'étais pas assez près des terrains pour savoir comment cet article-là s'applique actuellement et où. J'ai des petites idées, là, mais je ne suis pas parfaitement sûr. Mais le ministère le sait sûrement. Ce n'est pas une extension, c'est une application de cet article-là. Je n'en connais pas non plus l'évolution éventuelle. Mais, moi, ce que je vous dis, c'est que, si vous traduisez ça en droits, vous nous embarquez dans une dynamique qui, me semble-t-il, n'est pas la bonne.

M. Béchard: Une des principales critiques qui sont faites au niveau du cours culture des religions, ou culturel des religions, est celle que, dans le fond, pour le composer, pour le mettre en place, on y retrouve à peu près les mêmes questionnements, les mêmes interrogations et les mêmes problématiques que pour l'enseignement d'autres confessions. Comment voyez-vous l'élaboration de ce cours-là? Qu'est-ce qui devrait le composer? Quelle serait la part religieuse? Quelle serait la part historique aussi? Comment on peut arriver à composer un cours culturel des religions sans tomber à la fois, au niveau du droit, dans... ceux qui disent qu'il faut que ce soit presque insignifiant pour ne pas heurter personne? Comment pourrait-on arriver à formuler un cours culture des religions? Est-ce qu'il y a des exemples? Est-ce que les cours qui ont déjà été en place au Québec pourraient répondre à ces interrogations-là? Comment on peut y arriver?

M. Lucier (Pierre): Bon. Écoutez, c'est à voir. Maintenant, votre question de base – j'ai constaté qu'elle avait été soulevée à d'autres groupes – elle m'étonne un peu. Parce qu'un enseignement de type culturel de la religion, ce n'est pas l'addition d'enseignements confessionnels. Ça peut être plusieurs choses. Il y a plusieurs hypothèses possibles. Il y en a différents modèles.

Mais ça peut être telle chose, par exemple, que la sensibilisation au phénomène religieux dans ses structures, je dirais, supraconfessionnelles. Bon. Il y a des exemples classiques de ce genre d'analyse là. Qu'est-ce qui caractérise le phénomène religieux, qu'on soit en contexte chrétien, ou musulman, ou ainsi de suite? Il y a des structures du phénomène religieux. Ça s'analyse, cela. Mais ce n'est pas la compilation de perspectives confessionnelles.

Ou encore ça peut être thématique, autour des grandes questions de la vie humaine. Quelle est la réponse, si je peux dire, ou l'approche, la signification de diverses religions, à commencer par celle qu'on voit autour de nous? C'est évident que, dans un contexte comme ça, les exemples de judéo-christianisme, ils seront toujours importants parce que même notre architecture et notre langage le respirent chaque jour.

Mais, comme ce n'est pas un enseignement confessionnel qui propose une foi, je ne vois pas comment le problème de la proportion peut se poser. Je m'étonne de ça. Je me suis laissé dire que certains gens de loi avaient des hésitations là-dessus. Je serais porté à leur dire: Je crois que vous pensez que cet enseignement-là est une addition d'enseignements confessionnels. Il y a un changement de nature. Et il me semble que le problème de la proportion ne se pose pas.

M. Béchard: Les questions de la proportion ne se posent pas étant donné qu'on ne devrait pas le traiter comme un cours confessionnel comme tel ou religieux, mais vraiment comme un...

M. Lucier (Pierre): Attention. Il peut être religieux. Il parle de la religion...

M. Béchard: O.K. Oui, oui. Mais je veux dire...

M. Lucier (Pierre): ...mais il n'est pas confessionnel.

(16 heures)

M. Béchard: C'est ça, qui n'est pas confessionnel comme tel. Donc, à ce moment-là, tout le débat juridique sur la composition comme telle de ce cours-là ne s'appliquerait pas.

M. Lucier (Pierre): Il me semble qu'il n'a pas d'objet. Peut-être que je comprends mal, mais ça m'étonne beaucoup qu'on ait pu évoquer cette idée-là.

M. Béchard: O.K. Vous amenez aussi, dans votre mémoire, le fait que, finalement, contrairement aux propositions du rapport Proulx qui dit, pour ceux qui veulent avoir de l'enseignement confessionnel, qu'ils pourraient toujours avoir de l'enseignement après les heures de classe et, finalement, qu'on y aille avec un cours culturel des religions et qu'on ouvre, après l'école ou en dehors des heures de classe, soit aux communautés religieuses ou aux groupes qui voudront venir faire de l'enseignement religieux dans les écoles. Est-ce que vous pourriez nous dire qu'est-ce qui est à la base de, je dirais, cette non-appréciation de la suggestion de M. Proulx?

M. Lucier (Pierre): Bien, écoutez, une école peut évidemment, même dans l'état actuel de la loi, je crois, décider de la manière d'utiliser ses locaux. Bon. Alors, j'imagine qu'une école peut toujours faire ça. Mais que, systématiquement, la loi dise: L'enseignement religieux, c'est en dehors de la grille-matières, puis là c'est tout le monde, moi, je vous prédis qu'il ne se passera pas grand-chose ou des choses étonnantes.

Vous pourrez demander aux directeurs d'établissement, à des gens qui sont sur le terrain. Je crois que ça ne s'organise pas facilement, cette affaire-là, et c'est ouvrir l'école à toutes sortes d'affaires. Parce que, à ce moment-là, on n'est plus du tout, du tout dans un régime pédagogique où il y a, quand même, une régulation même de l'aptitude pédagogique puis qu'on ne fait pas n'importe quoi. Il me semble que, là, on risque de s'embarquer dans une espèce de capharnaüm de toutes sortes de prestations, pas très pratique à vivre non plus, vous savez. Vous parlerez de ça aux gens qui organisent le transport scolaire puis ils vont vous dire: Les affaires après l'école, là, vous savez, c'est... surtout si ça devient systématique.

Cela étant dit, une école en particulier, j'imagine, qui, actuellement, voudrait accommoder sa communauté environnante pour faire cela, je ne pense pas que ça lui soit interdit, mais il me semble que c'est une piste qui n'est pas très réaliste et qui, sur la base même, parce qu'elle exclut cet enseignement-là du régime pédagogique, nous expose à toute sorte de... je ne veux pas dire d'abus, ce n'est pas le bon mot, mais à toute sorte de choses incongrues.

M. Béchard: Sur un autre point important de votre mémoire, à la page 12, où vous nous parlez de l'importante mise à niveau professionnelle des enseignants, vous indiquez «à moins d'exposer nos enfants à toute sorte de sous-produits», quel est, selon vous – parce qu'on a eu des gens qui sont venus nous dire qu'au niveau de l'enseignement comme tel religieux il y avait autant un problème au niveau du contenu, au niveau de l'enseignement comme tel, de la volonté des enseignants de procéder à de l'enseignement religieux – est-ce que, selon vous...

Dans la démarche que vous proposez, quels seraient les aménagements ou les améliorations à apporter, si on fait de l'enseignement religieux, que ce soit catholique et protestant ou qu'on garde l'actuel plus une expérimentation au niveau du cours culturel des religions, qu'est-ce qu'on doit faire au niveau de la formation des maîtres, des programmes, pour améliorer la situation?

M. Lucier (Pierre): Écoutez, je voudrais surtout aborder la question de la mise à niveau professionnelle exigée pour l'introduction d'un enseignement d'un nouveau type de la religion. Je crois que ça serait un chantier important de perfectionnement qui va être exigé parce que, vous savez, c'est un enseignement qui n'est pas facile. J'oserais vous dire qu'il demande plus de culture encore que l'enseignement confessionnel parce qu'il suppose des points de repère historiques, anthropologiques de plusieurs natures. Donc, on ne pourra pas minimiser l'entreprise de perfectionnement qui va être nécessaire.

Vous savez, c'est sûr qu'on peut... Par ailleurs, il ne faut pas non plus se mettre dans un monde si idéal qu'on ne fera plus rien, vous savez, où que personne ne pourra l'enseigner. Moi, je vous dis que, l'ayant pratiqué à d'autres niveaux que l'école, ce sont des enseignements qui sont extrêmement exigeants et on aura une très grosse tâche de perfectionnement pour avoir quelque chose qui soit intéressant.

Actuellement, la préparation de l'enseignement religieux, dans le cas, disons, du secondaire, bien ça obéit aux règles générales de la bidisciplinarité du bac en enseignement secondaire. Donc, on a plus affaire à des spécialistes ou à, comme disent les méchants, des demi-spécialistes, mais enfin à des spécialistes. Dans le cas du primaire, c'est autre chose, puisque c'est le maître ou l'institutrice de base qui donne généralement ces enseignements-là, avec le droit d'exemption. Donc, c'est un nombre limité mais précis – ce qui est assez scandaleux, à mon point de vue, en tout cas – de crédits à prendre dans ce secteur-là.

J'ai entendu que des gens avaient proposé, ici, l'idée d'avoir des spécialistes au primaire. Surtout dans un secteur comme l'éveil religieux, je trouve que la piste n'est pas pédagogiquement très intéressante, de s'engager dans une compartimentation de l'activité pédagogique et d'avoir des spécialistes au primaire, parce que, là, si ça continue, on en aura en gymnastique, on en aura en langue seconde, on en aura en art, on en aura en religion. On est bien parti pour en avoir dans le reste aussi. Moi, je ne pense pas que ce soit la perspective.

Mais, cela étant dit, c'est vrai que, actuellement, on a des enseignants qui, dans certains cas, ont des bagages assez minces pour enseigner ce qu'ils doivent enseigner. Mais, dans le cas précis de l'enseignement de la religion d'un type plus culturel, on a un gros chantier devant nous pour s'assurer qu'on aura un enseignement de qualité. Je n'ai aucun doute là-dessus. C'est une entreprise très, très, très difficile.

M. Béchard: Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Mme la députée de Jean-Talon.

Mme Delisle: Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Lucier. Je dois vous dire que je suis restée un petit peu sur mon appétit tout à l'heure lorsque le changement de garde s'est fait, du côté ministériel à notre côté à nous. J'avais l'impression d'être assise sur les bancs de l'université. Je pense qu'on aurait entendu voler une mouche tellement c'était intéressant, ce que vous aviez à dire. Je suis effectivement restée sur mon appétit.

J'aimerais revenir à l'une des questions que mon collègue de Montmorency vous a posées concernant la question de la place réelle – je sais que vous l'avez expliqué un petit peu évidemment d'une façon plus globale – surtout au primaire, de la religion. Moi, je trouve ça important, ce débat-ci, autant au primaire qu'au secondaire. Mais vous nous parlez beaucoup du secondaire IV, du secondaire V, le premier cycle du secondaire. J'aimerais vous entendre sur le primaire. Vous avez fait référence tout à l'heure au fait qu'il y avait... Bon. Si on parle du basic, pour reprendre votre terme, vous parliez de l'amour, de la naissance, de la mort, de la vie, bon, de la naissance à la... et tout ça. Mais, à mon avis, c'est aussi au primaire que ces choses-là doivent être discutées, que ces réalités-là doivent être prises en compte.

Il m'apparaît important que, au moment où on tient ce débat-là, qui est quand même majeur pour nous, on ne passe pas à côté de cette réalité. Et vous ne nous avez pas nécessairement donné la recette, s'il y en a une, par rapport au primaire, comment on intègre ça. C'est vrai que ça peut passer par la morale, c'est sûr, mais il me semble qu'il y a autre chose. Il faut aller plus loin que ça un petit peu, au primaire, parce que vous avez dit aussi qu'il fallait alléger, quantitativement évidemment, les heures de cours. Est-ce que ça s'inscrit aussi pour le primaire, pour vous?

M. Lucier (Pierre): Oui.

Mme Delisle: Comment on la situe, la religion, à l'école? Puisque vous n'avez pas dit qu'il fallait totalement la sortir?

M. Lucier (Pierre): Non. Moi, quand je parle d'allégement, je parle de...

Mme Delisle: De la grille horaire, de la grille-matières.

M. Lucier (Pierre): Oui, mais de l'allégement de la partie qui est enseignement religieux confessionnel.

Mme Delisle: O.K.

M. Lucier (Pierre): Et justement l'alléger pour pouvoir introduire une approche de la religion qui n'est pas confessionnelle au sens strict du terme, donc qui n'appartient pas à une communauté confessante.

Mme Delisle: O.K.

M. Lucier (Pierre): Alors, dans le cas du primaire, j'observe que les parents, je crois, seraient plus attachés à un maintien plus massif de l'enseignement religieux confessionnel. Je pense qu'il faut respecter ça, si c'est le cas. Mais ce que je dis, c'est qu'il y aurait place...

Il y a donc place, au primaire, évidemment, pour traiter du genre de questions dont on parlait. Et les enfants de cet âge-là d'ailleurs ont un âge métaphysique qui nous étonne parfois, sur ces grandes questions. Mais ce que je disais aussi, c'est que, même au primaire, il y aurait peut-être lieu de faire de la place pour avoir une approche un peu plus large du phénomène religieux, au-delà de la confession particulière. Mais je ne propose pas de sortir ça du primaire, là. Quand je parle d'allégement, c'est de l'allégement de l'enseignement religieux confessionnel.

(16 h 10)

Mme Delisle: Est-ce que, pour vous – parce qu'il y a eu beaucoup de propositions qui ont été évidemment faites devant la commission et déposées dans les mémoires – l'idée d'un cours unique pourrait être attrayante? Je pense, entre autres, à M. Jackson qui est venu avec son groupe, la semaine dernière, nous parler de ça. La religion confessionnelle protestante, ces groupes-là ont réussi finalement depuis plusieurs années – vous êtes bien placé pour le savoir, je le sais, là – à élaborer un cours qui était unique finalement, surtout, qui était peut-être plus facile d'application dans les régions. Mais est-ce que c'est une voie qui peut être intéressante pour nous d'envisager, là, ou...

M. Lucier (Pierre): Oui, mais, quand on parle d'un enseignement de la religion de type culturel, on parle d'un enseignement unique, là, parce que, par définition, il n'est pas confessionnel, vous savez. Mais j'imagine que vous ne pensiez pas à un enseignement multiconfessionnel, ce qui est autre chose, hein.

Mme Delisle: Non, non, non. On parle des grandes religions, là, les trois, quatre, cinq.

M. Lucier (Pierre): C'est sûr que, dans le cas des protestants, ils sont presque obligés de faire ça, puisque ça n'existe pas. Le protestantisme ne désigne pas une... et c'est essentiellement pluriel. Donc, ils ont été à même de devoir trouver des terrains communs, des choses comme ça. Et il faut bien rappeler que, quand on parle d'un enseignement de type culturel des religions, c'est d'un cours unique qu'on parle qui rassemble tous les enfants, tous les jeunes. Aucun doute là-dessus.

Donc, au fond, ce qu'il faut voir, c'est que l'enseignement religieux confessionnel permet l'éducation religieuse. J'espère bien. Toute la question, c'est de savoir s'il aura indéfiniment sa place, disons, dans l'école publique. Mais ça, moi, je pense qu'on doit vivre avec une partie importante de cet enseignement-là. Ma recommandation est qu'on ouvre la porte à autre chose aussi, mais pas pour traiter de... C'est pour traiter des mêmes questions fondamentales.

Mme Delisle: Je vous remercie.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, merci, M. Lucier, de votre participation. Nous allons suspendre quelques instants.

(Changement d'organisme)

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, nous reprenons nos travaux. Je demanderais à la Fédération québécoise des directeurs et directrices d'établissement d'enseignement de bien vouloir s'approcher à la table.

Alors, nous vous souhaitons la bienvenue. Et je demanderais au porte-parole de bien vouloir présenter la personne qui l'accompagne. Je me rends compte qu'il y a des directeurs mais pas de directrices.


Fédération québécoise des directeurs et directrices d'établissement d'enseignement (FQDE)

M. Morin (Robert): Merci, Mme la Présidente. Je peux vous assurer, chez nous, qu'il y a de plus en plus de directrices d'établissement et nous nous y activons à chaque jour. À ma droite, vous avez M. Gaston Fréchette, qui est coordonnateur au niveau des affaires professionnelles. Mon nom est Robert Morin, je suis président de la Fédération québécoise des directeurs et directrices d'établissement depuis une année maintenant.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, comme M. Lucier, vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire, qui sera suivi d'un échange de 40 minutes avec les deux groupes parlementaires.

M. Morin (Robert): Merci, madame. M. Lucier, tout à l'heure, vous disait qu'il était heureux de se retrouver à l'Assemblée nationale. Moi, je dois vous dire que je suis nerveux de me retrouver à l'Assemblée nationale.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Morin (Robert): La Fédération québécoise des directeurs et directrices d'établissement d'enseignement, qui soumet ce mémoire à la commission de l'éducation, est un organisme professionnel qui représente plus de 2 200 directeurs et directrices, directeurs adjoints et directrices adjointes des écoles primaires et secondaires publiques du Québec. Ces personnes actuellement en poste sont regroupées en 22 associations régionales, membres de la Fédération et réparties à travers tout le Québec. À ces associations s'en ajoute une autre qui regroupe également plus de 2 000 directeurs et directrices retraités.

Créée en 1962 et incorporée en vertu de la Loi des syndicats professionnels, la Fédération s'est donnée pour mission de défendre les droits de ses membres et de promouvoir l'excellence dans les directions d'établissement d'enseignement. Elle se préoccupe aussi, de façon très active, de la situation de l'éducation au Québec ainsi que de la qualité de nos services éducatifs. Son conseil d'administration se compose des présidents de chacune des associations et du président de la Fédération, élu par l'assemblée générale.

Après avoir soumis ses premières réflexions sur la confessionnalité à la Commission des états généraux, en août 1995, la Fédération s'est présentée aux assises nationales de septembre 1996 de la Commission, pour ensuite participer, en avril 1998, à la consultation du Groupe de travail sur la place de la religion à l'école. Nous ne pouvons qu'espérer, suite aux présents travaux de la commission de l'éducation, que le ministère de l'Éducation ainsi que le gouvernement tracent enfin les grandes orientations à l'intérieur desquelles il sera possible de clarifier sans équivoque la place de la religion dans les établissements d'enseignement.

Dans la foulée de nos réflexions et tenant compte de l'évolution du dossier, nous regrouperons nos propos autour des points suivants: la place de la religion dans le projet éducatif national; enseignement des religions et pratique religieuse; droits et libertés ou privilèges; des établissements confessionnels dans des commissions scolaires linguistiques; l'établissement d'enseignement, lieu de rassemblement communautaire; et, enfin, des incidences organisationnelles à considérer.

Quelle est la place de la religion dans le projet éducatif national? Il est bon de se rappeler, au départ, que la mission dévolue à l'école est de dispenser l'éducation déterminée par la société dans son projet éducatif national. Cette mission a été décrite dans la nouvelle Loi sur l'instruction publique: dans le respect du principe de l'égalité des chances, instruire, socialiser et qualifier les élèves tout en les rendant aptes à entreprendre et à réussir un parcours scolaire.

Avec la réforme entreprise depuis quelques années, on commence à voir un peu mieux la direction qui sera suivie dans les programmes et ailleurs. Mais qu'en est-il de la place de la religion dans le projet national du gouvernement? Quelle sera l'orientation arrêtée? Fera-t-elle la distinction entre l'enseignement de la religion et la pratique de la religion? Voilà quelques-unes des interrogations qui persistent. Cette fois, nous souhaitons fortement qu'on aille jusqu'au bout de la réforme et que cet aspect important ne soit pas laissé dans le vague ou encore soumis à l'arbitraire. Il ne serait surtout pas sain que le directeur ou la directrice d'établissement ait systématiquement à décider ou à arbitrer localement ces questions à cause d'un manque de courage politique qui résulterait en une absence d'orientation nationale.

(16 h 20)

L'enseignement des religions et la pratique religieuse. D'entrée de jeu, nous tenons d'abord à rappeler très clairement que les directeurs et les directrices d'établissement d'enseignement ne sont pas des antireligieux. Nous n'avons qu'à regarder l'engagement au niveau des paroisses, que ce soit au niveau de la chorale, au niveau marguilliers, au niveau de l'aide aux sacrements, alors les gens sont vraiment engagés à ce niveau-là. Toutefois, nous distinguons l'enseignement des religions de la pratique religieuse et de la pastorale et nous considérons que cette dernière est une affaire de croyances personnelles vécues et que sa place se situe, avant tout, dans la communauté religieuse plutôt que dans l'établissement d'enseignement.

Par conséquent, nous nous opposons tout à fait à la recommandation particulière du Groupe de travail sur la place de la religion à l'école qui va dans le sens d'autoriser toute école, dans la Loi sur l'instruction publique, à se doter d'un service commun d'animation de la vie religieuse et spirituelle pour les élèves des différentes confessions présentes à l'école, et ce, à même les fonds publics. Pourquoi faudrait-il que l'école structure et encadre une pratique religieuse pour des jeunes et leurs parents dont c'est la responsabilité propre dans leurs communautés religieuses? Voudrait-on ainsi faire porter par l'école une responsabilité dont on ne s'acquitte pas par ailleurs? Faudrait-il, encore une fois, que l'école supplée à un rôle social mal assumé?

Droits et libertés ou privilèges. Compte tenu de l'ampleur des lobbys et des nombreuses ramifications politiques qui vont jouer dans le règlement ultime des questions légales et constitutionnelles, nous avons l'impression que notre voix ne pèse pas lourd en ce domaine et nous ne nous attarderons pas beaucoup sur les questions de droits et libertés. Nous tenons simplement à faire remarquer qu'il ne faut pas confondre droits et libertés avec privilèges dans ce dossier de la place de la religion à l'école. À nos yeux, la place consentie actuellement à la religion catholique et à la religion protestante, par exemple, relève du privilège par rapport à celle des autres religions. À ce titre, comme le suggère le Groupe de travail présidé par M. Proulx, nous croyons que les clauses dérogatoires qui les protègent devraient être abrogées au plus tôt, quelle que soit l'orientation adoptée sur le fond du dossier.

Des établissements confessionnels dans les commissions scolaires linguistiques. À moins de vouloir transférer une question litigieuse d'un palier à un autre de la structure scolaire, quelle serait la logique présidant au fait d'instituer des commissions scolaires linguistiques et des écoles confessionnelles? Nous n'en voyons pas et nous sommes donc pleinement en faveur de la création d'une école publique laïque, tant au préscolaire qu'au primaire et au secondaire. En ce sens, nous croyons qu'il faut abroger les statuts confessionnels actuels dans les établissements d'enseignement publics, qu'on devrait principalement dispenser un enseignement de morale naturelle au préscolaire, au primaire et au premier cycle du secondaire, alors qu'on devrait mettre l'accent sur l'étude du phénomène religieux principalement au deuxième cycle du secondaire, à la fois par des matières obligatoires et des options.

Par conséquent, nous entretenons des réserves sur le réalisme et la pertinence de prévoir un enseignement culturel des religions obligatoire pour tous à tous les niveaux. Si, toutefois, un tel enseignement devait quand même être donné, même partiellement, nous sommes d'avis que le calibre de ces programmes devrait être de même envergure que celui des autres programmes officiels du ministère de l'Éducation.

L'établissement d'enseignement, un lieu de rassemblement communautaire. En vertu de l'article 90 de la Loi sur l'instruction publique, il nous apparaît que le conseil d'établissement a déjà le pouvoir de permettre l'utilisation de locaux de l'établissement à de multiples fins, dont celle de l'organisation d'enseignement ou d'activités à caractère religieux. Du moins, nous le comprenons dans cet esprit.

Voilà pourquoi nous ne partageons pas l'orientation et l'esprit de la recommandation du Groupe de travail sur la place de la religion à l'école lorsqu'il préconise un encadrement particulier de cette question dans la loi. Une telle approche serait alors considérée comme une sorte de discrimination à rebours à l'égard de la question religieuse, alors que le principe général du discernement et de la responsabilité a déjà été reconnu au conseil d'établissement par cette même loi. Si le conseil d'établissement d'un milieu considère l'école comme un lieu significatif de rassemblement communautaire et qu'il dispose des locaux suffisants pour le faire, nous ne voyons pas pourquoi il bannirait ces activités de l'école ou encore comment, à l'opposé, il pourrait les autoriser s'il n'en a pas les moyens.

Des incidences organisationnelles à considérer. Les directeurs et les directrices d'établissement d'enseignement que nous représentons ici sont avant tout des gens de terrain. Ils ont à mettre en place et à organiser des orientations ou des politiques habituellement décidées au ministère de l'Éducation ou dans les commissions scolaires. À condition que les ressources et les moyens nécessaires accompagnent ces orientations et ces politiques, la complexité de la logistique d'organisation ne devrait pas être une raison suffisante pour empêcher leur réalisation. C'est un principe d'action auquel nous adhérons d'emblée.

Arrêtons-nous quelques instants, en guise d'illustration, à certaines situations organisationnelles actuelles ou futures relevées par les directions d'établissement. Prenons d'abord deux faits vécus dans une polyvalente de 3 000 élèves, et je pourrais en rajouter plusieurs autres. Dans une école de 350 élèves, on doit rechercher un pasteur et dégager un local deux heures par semaine pour deux élèves protestants; on doit aussi dégager deux locaux quatre heures par semaine pour l'enseignement moral. Et, enfin, on doit prévoir que l'enseignement religieux se donne à la même période pour l'ensemble des cours. Ou encore transportons-nous dans une polyvalente où, cette année, on a dû ajouter 14 périodes supplémentaires pour réussir à donner l'enseignement protestant demandé. Certains enseignants du champ morale et religion refusent de donner cet enseignement religieux. Le recrutement d'enseignants est très difficile et s'avère de plus en plus difficile. Pourquoi?

Et je vous fais grâce des autres situations qui sont énumérées parce qu'elles représentent, au niveau de l'organisation des écoles, un fardeau supplémentaire, un coût supplémentaire et une recherche de personnel qualifié qu'il est de plus en plus difficile de trouver.

Voici des situations fort susceptibles de survenir parmi une multitude d'autres tout aussi réelles les unes que les autres. La question fondamentale que nous posons est la suivante: Est-il nécessaire, souhaitable, utile ou pertinent d'inclure l'enseignement des religions et les activités de pratique religieuse dans l'organisation scolaire, dans le réseau de l'éducation? Dépendant de la réponse qui sera apportée à cette question, on pourra ensuite se demander si les ressources et les moyens sont disponibles, si les collaborations entre l'école et les différentes communautés religieuses sont possibles, si les différences de valeurs et de cultures religieuses peuvent cohabiter ensemble de façon active, si les contenus de ces enseignements ou de ces pratiques à caractère religieux doivent être supervisés par l'école, jusqu'à quel point le choix des uns représente des entraves pour les autres.

En s'inspirant ou non du Groupe de travail qui a enrichi ce dossier d'une réflexion remarquable, nous abordons, dans ces audiences, la place de la religion à l'école. Ne nous trompons pas de cible; situons le débat et les enjeux au bon niveau. En effet, l'école publique n'est même pas une entité juridique autonome, au sens de la Loi sur l'instruction publique, car elle est une créature administrative de la commission scolaire et elle n'existe pas sans elle. En établissant des commissions scolaires linguistiques avec des écoles confessionnelles, on a relégué la guerre des religions au niveau des écoles. Dans le langage populaire, cela s'appelle du pelletage en avant.

(16 h 30)

La vraie question à se poser est toujours la suivante: Quelle est la place de la religion, tant de son enseignement que de sa pratique, dans le système d'éducation québécois? La réponse doit venir du gouvernement et du ministère de l'Éducation, qui ont, au Québec, la responsabilité première de définir les grandes orientations en ce domaine.

Cessons enfin de reporter les échéances ou de refiler les problèmes ailleurs et continuons à opérer, dans la direction déjà amorçée, une réforme de l'éducation dont nous pourrions être fiers dans quelques années. Les directeurs et les directrices d'établissement sont prêts à assumer leur rôle et à appliquer au meilleur de leurs compétences les orientations collectives de notre système d'éducation.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci. M. le ministre.

M. Legault: Oui. Bien, d'abord, M. Morin, M. Fréchette, merci beaucoup. Merci pour votre mémoire. Merci d'être ici. Merci pour toute votre collaboration, que vous continuez de m'offrir chaque jour, chaque semaine pour continuer à essayer d'améliorer ensemble notre système d'éducation.

Votre Fédération – même si, M. Morin, ça ne fait pas beaucoup plus longtemps que moi que vous êtes là – existe depuis 1962, puis vous avez toujours contribué aux débats, les débats importants qu'on a eus au cours des dernières années sur le système d'éducation, puis je pense que ce n'est pas pour rien qu'on vous demande votre participation. Vous êtes probablement les mieux placés pour voir comment on peut examiner, analyser les enjeux avec les parents, avec les élèves. Et vous nous soulevez aujourd'hui, dans votre mémoire, beaucoup de questions, d'abord, entre autres, concernant l'approche communautarienne, et vous nous donnez aussi un avis qui est, je pense, réaliste sur le pluralisme qu'on vit de plus en plus un peu partout au Québec.

Ma première question concerne votre proposition de donner un enseignement ouvert à d'autres religions, mais progressivement. Donc, vous nous proposez, en page 5, et je vous cite, qu'on «devrait principalement dispenser un enseignement de morale naturelle au préscolaire, au primaire et au premier cycle du secondaire, alors qu'on devrait mettre l'accent sur l'étude du phénomène religieux principalement au deuxième cycle du secondaire».

Donc, vous avez des réserves sur la proposition de M. Proulx de commencer un enseignement culturel des religions dès le primaire. Est-ce que vous pourriez nous expliquer un petit peu pourquoi? Pourquoi vous sentez ça, sur le terrain, que c'est important de commencer par un enseignement religieux avant d'avoir un enseignement des religions?

M. Morin (Robert): Écoutez, l'élève qui arrive à l'école, normalement, à la maison, il a déjà reçu un bagage de valeurs, un bagage de croyances de la part de ses parents. Si l'on commence par l'enseignement d'une morale naturelle au niveau du primaire pour se diriger jusqu'au deuxième cycle du secondaire, je pense qu'on respecte l'âge des élèves dans le processus d'apprentissage. Alors que, lorsqu'on parle du phénomène des religions, la complexité de cet enseignement-là, tant du point de vue historique que philosophique, relève beaucoup plus des élèves du deuxième cycle du secondaire, qui sont à la recherche – tout à l'heure on parlait de spiritualité – de spiritualité, qui sont à la recherche de valeurs qu'ils feront les leurs pour le reste d'une vie. Alors, à ce moment-là, c'est le sens de notre recommandation à la lumière du vécu que nous avons dans nos milieux.

M. Legault: Donc, vous jugez que l'enseignement religieux devrait se passer à la maison. Mais, à l'école, on aurait un enseignement moral et, rendu en secondaire IV et V, on aurait un enseignement des religions.

M. Morin (Robert): Nous pensons que le vécu religieux doit se passer à la maison et que l'école doit transmettre des valeurs qui peuvent rassembler toute la communauté. Je veux dire, lorsqu'on parle de valeurs naturelles, ça ne divise pas les gens, ça rassemble l'ensemble des gens qui font partie d'une communauté.

M. Legault: Mais vous êtes quand même conscients que beaucoup de parents souhaitent que ça se passe encore une partie à l'école, l'enseignement religieux, dans les premières années.

M. Morin (Robert): Nous sommes très conscients de cette réalité-là. Mais, parallèlement à cette réalité-là, nous sommes aussi très conscients que le phénomène de la pratique religieuse au Québec est aussi en baisse. Donc, on demande à l'école de faire une tâche que la maison ne fait pas. Et je pense que l'école n'est pas nécessairement la meilleure placée pour être capable de donner la religion aux enfants. On disait déjà: On apprend sur les genoux de sa mère.

M. Legault: Vous nous dites aussi que vous êtes opposés à la recommandation concernant le service commun d'animation à la vie religieuse. Puis on a plusieurs groupes qui sont venus nous dire ici que c'était pour eux très important et que ce service devait être maintenu, peut-être sous une nouvelle forme mais, quand même, que c'était souhaitable d'avoir ce genre de système. Est-ce que vous pouvez nous expliquer pourquoi vous ne souhaitez pas non plus avoir un système d'animation des religions?

M. Morin (Robert): Ce que l'on retrouve à l'intérieur du rapport Proulx, c'est un service commun d'animation de la vie religieuse et spirituelle pour les élèves des différentes communautés qui sont représentées dans l'école. J'ai un des mes amis qui, dans son école de 1 200 élèves, a 41 communautés différentes de représentées. Donc, il y a une mosaïque de religions qui est quelque chose de pas mal extraordinaire.

Je ne pense pas que l'on vous dise aujourd'hui du revers de la main: M. le ministre, nous ne voulons pas d'une personne de plus dans l'école pour s'occuper des besoins des élèves. Mais je pense que de penser qu'une personne va pouvoir intégrer l'ensemble des religions à travers des animations, c'est peut-être une difficulté. Il va falloir trouver des gens qui ont une personnalité tout à fait spéciale.

Alors que, si on a des personnes dans l'école et une personne qui pourrait être libérée pour répondre aux besoins des élèves, pour les accompagner dans des moments de douleur, dans des moments de joie comme tels, bien ça pourrait être quelqu'un qui s'intègre aux services personnels des élèves et qui répond à un besoin pour l'ensemble des élèves. Parce que tout le monde vit un passage au niveau primaire et secondaire, une perte dans sa famille. L'école, à ce moment-là, avec des gens comme ça, pourrait apporter un support pour faire face à cette situation-là, les encadrer avec un groupe d'amis et leur permettre de fonctionner.

M. Legault: Donc, si je résume, pas d'enseignement religieux, sauf l'enseignement des religions en secondaire IV et V...

M. Morin (Robert): Et morale naturelle au niveau du...

M. Legault: Morale naturelle et pas d'animation à caractère religieux. Et vous recommandez aussi d'abolir le statut confessionnel de l'école, bien sûr.

M. Morin (Robert): C'est ça.

M. Legault: Bon. En pratique, là, d'aller vendre ça aux parents, demain matin, est-ce qu'on pourrait compter sur votre collaboration si on décidait d'aller dans ce sens-là? Comment vous voyez l'application pratique de votre recommandation?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Morin (Robert): Moi, je pense, M. le ministre, que les directions d'école – on n'est pas rendu au même point dans l'ensemble des régions au niveau du Québec – en sont très conscientes comme telles. C'est sûr que c'est un dossier sur lequel on s'est penché sérieusement, qui a impliqué beaucoup de directions d'école au niveau du Québec comme tel. Et c'est sûr, à ce moment-là, que la Fédération contribuerait, en tout cas, au niveau du ministère, pour être capable, sur une période de temps, d'en arriver à un consensus social. Puis on serait prêt à s'impliquer, oui, pour le faire.

M. Legault: Mais vous dites: Sur une période de temps, là. En pratique, là, comment vous voyez l'application de vos recommandations? Et comment vous verriez que ça devrait se passer sur le terrain, avec votre expérience? Quelle réaction vous anticipez des parents, par exemple?

M. Morin (Robert): Moi, je pense qu'à partir du moment où on explique aux parents qu'il y aura transmission de valeurs réelles au niveau de l'école et qu'on explique aux parents la possibilité d'une ouverture de l'école sur la communauté pour pouvoir permettre des contributions à ce niveau-là, en tout cas, il me semble que les parents avec qui j'ai eu l'occasion d'échanger là-dessus, il y a une ouverture.

M. Legault: Donc, vous sentez que c'est possible d'implanter ce genre de recommandation sans trop de heurts et de bouleversements.

M. Morin (Robert): En les minimisant au maximum.

M. Legault: D'accord. Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de La Prairie.

M. Geoffrion: Alors, bien, pour renchérir un petit peu sur la question de M. le ministre, vous dites que tous vos membres ne sont pas rendus au même point. Effectivement, bon, il y a 2 200 membres chez vous; c'est beaucoup de monde sur un grand territoire. Comment est-ce que vous les avez, jusqu'ici, consultés, là? Comment ça s'est fait, cette consultation-là?

(16 h 40)

M. Morin (Robert): La structure que nous avons au niveau de la Fédération – parce qu'une fédération, c'est un regroupement d'associations – cette structure s'est faite par les associations locales comme telles. Et les associations, elles, ont comme obligation de consulter leurs membres en assemblée générale.

M. Geoffrion: D'accord. Dans votre conclusion, il y a une phrase qui m'a frappé, à la page 8, là. Vous dites: «En établissant des commissions scolaires linguistiques avec des écoles confessionnelles, on a relégué les "guerres de religions" au niveau des écoles.» Bon. Évidemment, avec toutes les nuances qu'on peut apporter à cette expression-là, est-ce que ce sont des guerres réelles ou appréhendées? Est-ce que vous avez des exemples dans certaines de vos écoles pour dire cela?

M. Morin (Robert): Moi, je pense qu'au niveau de l'école, avec le conseil d'établissement, il y a possibilité de se doter de projets particuliers comme tels. On a ressenti dans les dernières années, dans certains endroits, un noyautage des conseils d'établissement où des gens sont venus se présenter à l'intérieur du conseil d'établissement justement pour défendre des points de vue à ce niveau-là. Alors, on est dans notre deuxième année de fonctionnement des conseils d'établissement. C'est sûr qu'il y a des gens qui se rendent compte que le conseil d'établissement est un levier intéressant pour faire valoir des projets à caractère culturel mais aussi pour faire valoir des projets à caractère religieux.

M. Geoffrion: Est-ce que ça s'est concrétisé, dans certains cas, d'une façon très concrète, là, ce que vous me dites, là?

M. Morin (Robert): Disons donc que, dans certains cas, ça cause de la division au niveau de milieux.

M. Geoffrion: Donnez-moi donc un exemple. C'est ce que j'essaie de savoir depuis tout à l'heure. Donnez-moi donc un exemple de ce que vous me dites, là.

M. Morin (Robert): Dans une école, des gens qui ne sont pas touchés du tout par la loi en termes d'enseignement religieux – protestant ou catholique – se sont présentés en masse au niveau d'un conseil d'établissement et veulent présenter comme orientation d'ouvrir la porte à l'enseignement d'autres religions à l'intérieur de l'école présentement. Alors, c'est un noyautage qui se fait – politique – au niveau d'un conseil d'établissement.

M. Geoffrion: D'accord. Il y a les gens de la Fédération des directeurs généraux des commissions scolaires qui étaient ici ce matin. Il y a M. Lapointe de la commission scolaire des Grandes-Seigneuries qui nous donnait l'exemple que, sur les 24 000 – une très grande commission scolaire en Montérégie – catholiques, il y avait 133 élèves protestants qui étaient inclus dans les classes et que ça se faisait tout à fait, là... Bon. Il y a une organisation qui se faisait tout à fait correctement.

Dans votre chapitre sur les incidences organisationnelles, on sent qu'il y a peut-être une certaine inquiétude à ce niveau-là. J'aimerais ça vous entendre un petit peu plus, outre les exemples que vous nous avez apportés, qui sont très intéressants, là.

M. Morin (Robert): Écoutez, la Commission des droits – puis j'ai déjà eu l'occasion de le vivre dans le milieu comme professionnel directeur d'école, O.K. – reconnaît que le choix entre enseignement religieux, enseignement moral, c'est une obligation et que l'école doit respecter ce choix-là comme tel. Puis c'est sûr, là, qu'à l'heure actuelle un parent qui demande pour son enfant au primaire un cours d'enseignement religieux, il y a possibilité de le régler. On ajoute une ressource, il n'y a pas de problème avec ça. Mais les élèves sont rarement au même niveau. Puis, à l'intérieur d'une école primaire, à un moment donné, on peut avoir cinq heures, six heures d'enseignement supplémentaire, alors que, s'ils étaient intégrés dans un cours de morale naturelle, ça pourrait fonctionner sans ajout de ressource, parce qu'on regarde pour l'optimisation des finances publiques, à l'heure actuelle, puis on a une responsabilité là-dedans.

Dans les écoles secondaires, à l'heure actuelle – et Dieu sait que j'étais bien placé, dans une polyvalente de 3 000 élèves pendant 17 ans – au niveau du mois d'août, la personne qui était en charge de la programmation – et on avait une personne d'expérience là-dedans – venait me voir pour me dire: M. Morin, on a présentement 40, on a présentement 30 élèves dont on ne peut respecter le choix d'enseignement religieux avec son choix de cours. Et là, cas par cas, elle me les montrait. Il y avait un cours que l'élève voulait choisir par goût, mais il y avait aussi des choix de cours pour sa certification puis on était incapable de lui donner. Et ça – moi, au moment où j'étais là – c'était au niveau de l'enseignement moral et enseignement religieux catholique. Donc, il y avait deux cours.

On rajoute une troisième option. Donc, à ce moment-là, en rajoutant une troisième... et il y a même des gens qui ont suggéré à un moment donné qu'on devait ouvrir à davantage de religions. À chaque moment où on rajoute une autre option, ça veut dire, à ce moment-là, que la programmation se fait en fonction de ce cours-là et qu'on bloque les autres cours dont l'élève va avoir besoin. Alors que, si on avait un cours unique d'enseignement morale naturelle, à ce moment-là il n'y aurait pas de question de programmation pour priver l'élève de tel choix par rapport à tel autre et il y aurait une possibilité d'organisation.

M. Geoffrion: D'accord.

M. Morin (Robert): Il ne faut pas, dans l'organisation que l'on va donner aux écoles québécoises, que nous soyons obligés de tricher pour respecter la loi.

M. Geoffrion: Je vous remercie, messieurs.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le député de La Prairie. M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Merci beaucoup, Mme la Présidente. M. Morin, M. Fréchette, bienvenue. Merci pour votre mémoire qui, comme vous le mentionnez, nous apporte, je dirais, une vision des gens qui sont très près de ce qui se passe dans les écoles comme telles. Et je vous dirais qu'un des éléments qui m'ont frappé de votre mémoire est la distinction claire que vous faites entre l'enseignement et la pratique religieuse. Il s'agit de deux choses différentes. Vous parlez beaucoup de la pratique comme telle. Mais j'aimerais vous entendre sur la question de l'enseignement religieux par rapport à la pratique.

Pour vous, quel est le meilleur endroit pour procéder à l'enseignement religieux et par qui doit-il être fait? Parce que vous parlez de votre cours de morale naturelle, tout ça. Mais la notion d'enseignement religieux, est-ce que ça devrait être le rôle des parents, des communautés religieuses, d'autres groupes? Je comprends que la pratique comme telle, ce n'est pas le rôle de l'école, mais, sur l'enseignement comme tel, votre démarcation est assez claire.

M. Morin (Robert): Dans le milieu d'où je viens, il y avait des gens qui suivaient des cours de religion à l'école et il y avait des gens qui suivaient des cours de morale parce qu'ils voulaient avoir une exemption au niveau de l'enseignement religieux catholique; ça ne répondait pas à leurs critères. Et la famille et la communauté religieuse, à ce moment-là, au moment de cérémonies religieuses, participaient à l'enseignement d'une religion au niveau de ces jeunes-là. Et il y avait vraiment une pratique, il y avait adéquation entre une pratique religieuse et un enseignement religieux qui se donnait dans un milieu. Il y avait les exigences d'une collectivité, de l'Église ou de la communauté, à ce moment-là, au niveau de la pratique et de l'enseignement religieux et elle était suivie par les parents et par les jeunes de ces religions.

M. Béchard: Dans votre mémoire, à la page 6, au niveau des instances organisationnelles à considérer, vous dites que vous êtes des gens de terrain qui avez à mettre en place et à organiser des orientations et des politiques habituellement décidées au ministère de l'Éducation ou dans les commissions scolaires. Vous indiquez: «À condition que les ressources et les moyens nécessaires accompagnent ces orientations et ces politiques, la complexité de la logistique d'organisation ne devrait pas être une raison suffisante pour empêcher leur réalisation. C'est un principe d'action auquel nous adhérons d'emblée.»

Ce que j'en comprends finalement, c'est que, au niveau organisationnel, pour vous, tout peut être relevé, à condition d'y avoir des ressources, à condition d'y avoir des moyens comme tels pour relever les défis.

Quels seraient, selon vous, les moyens et les ressources – ou comment vous les quantifiez – qui seraient nécessaires autant pour la mise en place d'un cours culturel des religions tout au long du processus, du curriculum, et la même chose au niveau d'une ouverture à l'enseignement d'autres religions que celles existantes actuellement? Dans le fond, ce que je veux savoir, c'est: Pour vous, est-ce que c'est davantage un réflexe de dire: Dans la situation actuelle, avec les ressources que nous avons, ce n'est pas un défi qu'on peut relever, par contre, s'il y avait des ressources supplémentaires et des moyens supplémentaires qu'on nous donnait, on pourrait relever ce défi organisationnel là?

(16 h 50)

M. Morin (Robert): Moi, je ne voudrais pas aujourd'hui dire: Nous pouvons continuer à organiser, parce que nous ne connaissons pas demain. Est-ce que demain on aura trois cours différents? Est-ce qu'on en aura cinq? Est-ce qu'on en aura huit? Mais dites-vous bien que, dans l'exemple que l'on vous donne d'une polyvalente qui a rajouté 14 périodes en enseignement religieux pour donner l'enseignement des religions, c'est un demi-prof. Alors, ça représente entre 20 000 $ et 25 000 $. Et, au fur et à mesure que les parents vont se rendre compte de cette réalité-là, vont exiger, à ce moment-là, qu'on leur donne le service auquel ils ont droit... Parce que, souvent, les parents vont nous dire: O.K. Dispensez-les. On ne demande pas un service de plus puis on va continuer à fonctionner là-dedans. À partir du moment où ils vont exiger le service, bien là les coûts vont se multiplier par un, par deux, par 10, ainsi de suite. Et, tout à l'heure, M. Lucier y faisait allusion puis comment c'était important, le recrutement des enseignants.

Au niveau primaire, il n'y a pas de problème parce que, dans le bac général de l'enseignement primaire, l'ensemble des étudiants universitaires vont suivre ces cours-là. Au niveau secondaire, j'ai fait un rapide survol de beaucoup d'universités – six ou sept – et on me donnait à peine 25 enseignants qui se spécialisent au niveau de l'enseignement religieux et moral. Et, quand vous parlez d'avoir des enseignants qui sont polyvalents et qui sont capables de donner l'enseignement culturel des religions, bien je pense que M. Legault a pris une décision sage en mettant quelques millions de côté pour le perfectionnement des enseignants. Et ces gens-là auront besoin d'un perfectionnement très pointu, une ouverture pour développer une compétence à ce niveau-là. Vous savez que l'enseignement de la religion dans des écoles secondaires – primaires je ne peux pas dire, mais secondaires – c'est une matière qui est extrêmement difficile à donner par les enseignants.

M. Béchard: Mais, M. Morin, la question que j'ai, à vous entendre, c'est: Est-ce que c'est possible? Parce qu'on parle du nombre d'enseignants qui pourraient potentiellement donner ces cours-là qui est insuffisant, de l'organisation. On parle de différents facteurs. Est-ce que c'est possible de penser qu'on peut à la fois, parce que les complexités sont à peu près les mêmes, ouvrir à plus d'une religion ou, à la fois, y aller avec un cours culturel des religions?

Ce que vous nous dites finalement, c'est que vous ne voyez pas, dans les moyens actuels, la possibilité d'y aller avec une de ces deux options-là. Donc, il vaut mieux aller avec un cours de morale naturelle, comme vous le mentionnez. Est-ce que c'est bien ça, le défi majeur? Parce que l'autre défi – il y en a plusieurs qui nous en ont parlé aussi – c'est le nombre. Il faut les trouver, ces gens-là. J'ai beau dire qu'on va avoir des cours de formation ou quoi que ce soit, mais il faut que les gens veuillent bien le faire, cet enseignement-là. Selon vous, est-ce que c'est un défi qui peut être relevé?

M. Morin (Robert): Bon. Présentement, nous avons l'obligation de respecter trois cours: enseignement moral, enseignement religieux, enseignement protestant. Présentement, nous relevons le défi et on a les ressources nécessaires pour le faire. Le personnel enseignant est vieillissant et, si on ouvre davantage à une mosaïque beaucoup plus grande de cours que l'on doit donner au niveau de l'enseignement religieux comme tel, si on ouvre à trois, quatre, cinq autres religions, à ce moment-là l'école aura des difficultés: un, à trouver le personnel compétent pour donner ces enseignements-là, parce qu'on parle d'un pédagogue qui doit transmettre des valeurs, et, deuxièmement, les coûts qu'on aura, à ce moment-là, je pense qu'on va frapper un mur puis on ne sera pas capable d'aller plus loin.

M. Béchard: O.K. Une dernière question avant de passer la parole à mes collègues. Vous parlez, dans les différentes questions que vous soulevez à la page 7 de votre mémoire, de l'organisation des activités religieuses dans une école à religions multiples. J'aimerais savoir, dans vos exemples, dans ce que vous vivez présentement... Il y a toujours une zone grise. Même si on enlève – et M. Lucier en parlait tantôt – l'enseignement religieux comme tel, on ne peut pas placarder non plus les fenêtres et éviter de parler des fêtes traditionnelles des différentes religions, que ce soit Pâques, Noël, ou d'autres fêtes pour d'autres religions.

Quelle est la place qu'on doit laisser à ce type de fêtes là pour respecter, je dirais, les différentes confessionnalités religieuses dans nos écoles? Est-ce qu'on doit les souligner? Est-ce qu'on doit en faire complètement abstraction? Comment on doit travailler avec ces différents phénomènes, ces fêtes religieuses là? Comment vous le vivez dans les écoles présentement où il y a plus qu'une confessionnalité par exemple?

M. Morin (Robert): Écoutez, présentement, ce que l'on donne dans les écoles, on donne enseignement religieux et enseignement protestant qui se recoupent au niveau de l'ensemble des mêmes fêtes. Donc, il est possible d'articuler, au niveau de ces groupes-là, des fêtes comme telles. Et vous avez les groupes en enseignement moral avec qui on va chercher à trouver un sens qui n'est pas nécessairement religieux à une fête. Exemple: Noël, partage avec les plus démunis d'une société. Alors, on ne part pas du même point de vue. Mais on retrouve de plus en plus des parents qui nous écrivent pour nous dire: Je ne veux pas que mon enfant participe à des activités pour la préparation de Noël. Alors, on doit respecter cette demande-là.

M. Béchard: Mais cette demande-là va demeurer quand même après. Disons, dans votre scénario, comment travailler avec ces demandes-là même si on est dans un cours de morale naturelle ou même s'il n'y a plus de statut ou d'enseignement religieux comme tel? Comment on peut vivre ça sur le terrain, toutes ces demandes-là?

M. Morin (Robert): Il y aura toujours des moments forts au niveau des religions qui ont été repris par la société puis par le commercial. Ça va toujours demeurer. Noël demeurera toujours Noël, que l'on soit dans une école confessionnelle ou non confessionnelle, sauf qu'on peut lui donner un sens, comme un message d'amour. La naissance du Christ, c'est un message d'amour, à ce moment-là, ou on peut lui donner un sens d'un partage avec les plus démunis d'une société. Et je peux vous dire que, chez nous, en tout cas, dans les expériences que j'ai vécues, on se servait de Noël pour un partage, et il y a des gens au niveau des paroisses, au niveau de la ville, chez nous, qui l'appréciaient drôlement, un partage avec les plus démunis. Donc, ça a un sens qui est quand même dans l'esprit de Noël.

M. Béchard: Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci, Mme la Présidente. M. Morin, M. Fréchette, merci pour le mémoire. Je vais poursuivre là où vous avez laissé avec mon collègue le député de Kamouraska. Vous dites qu'à partir de Noël vous pouvez regrouper des élèves de différentes confessions autour de la notion du partage. Qu'est-ce que vous faites du principe de la valorisation de l'enfant par sa propre culture qui est aussi une culture de partage? Qu'est-ce que vous faites de la célébration de la Hanoukka, par exemple, pour les enfants juifs, de la célébration de l'Aïd pour les enfants musulmans, pour la célébration du Diwali pour les enfants hindous? Eux autres aussi, ces enfants, à l'école, ont besoin qu'on parle de leur héritage et qu'on le partage en même temps. Il n'y a pas de place à l'école pour ce partage-là à travers les différents patrimoines?

M. Morin (Robert): Au contraire. Je pense, madame, qu'il y a de la place et qu'il y a un enrichissement à donner à une communauté. Parce que, très souvent, ce qui nous divise, c'est ce que nous ne connaissons pas. Je pense que, de plus en plus, il y a une ouverture au multiculturalisme et il y a des enseignants qui forment dans les écoles des groupes de multiculturalisme où on va souligner différentes fêtes qui sont importantes pour diverses communautés.

Alors, il y a une ouverture. Il ne faut pas nier ce que ces communautés-là peuvent nous apporter. Il faut s'apprivoiser, en prendre connaissance, et surtout le partager avec les autres élèves d'une communauté. Et c'est quand on partagera réellement la connaissance de l'autre puis le vécu de l'autre, à ce moment-là, que beaucoup de barrières, de racismes – parce qu'il faut employer ce mot-là – tomberont parce qu'on se rendra compte qu'il y a beaucoup plus de choses qui nous unissent dans nos valeurs qu'il y en a qui nous divisent. Mais, malheureusement, les jeunes à l'école transportent ce que la société leur donne.

Mme Houda-Pepin: Mais vous conviendrez avec moi qu'au-delà de cette position de principe, qui vous honore d'ailleurs, dans la pratique, ce n'est pas comme ça que ça se fait. C'est de façon sélective. Ça dépend de l'ouverture du professeur, ça dépend de l'intérêt qu'il porte à la chose, etc. Ce n'est pas quelque chose qui est fait de façon généralisée.

Mais je veux revenir sur votre mémoire. J'ai trouvé ça intéressant que vous souligniez qu'il y a une contradiction entre le fait qu'on procède à la déconfessionnalisation des structures mais qu'en même temps on veuille confessionnaliser le curriculum scolaire, d'une certaine manière. J'ai trouvé ça intéressant que vous ameniez ça.

Vous mettez ça en relation aussi avec le fait qu'on se décharge beaucoup sur l'école. La société se décharge sur l'école en voulant dire: Bien, c'est à l'école de faire ça. Mais, en même temps, les autres espaces à la fois communautaires et la famille n'assument pas, peut-être, entièrement leurs responsabilités. Et vous interpellez le gouvernement en disant: Branchez-vous. Donnez-nous des paramètres clairs. Nous, on va l'opérationaliser sur le terrain. En fait, si j'ai bien compris, c'était ça, votre message.

(17 heures)

Votre distinction, qui est aussi intéressante, que vous faites entre l'enseignement religieux et la pratique de la religion, ça, ça part de votre schème de références. Parce que, dans d'autres cultures et dans d'autres religions, l'enseignement religieux est inséparable de la pratique religieuse. C'est un tout. Alors, comment vous conciliez votre conception, par rapport à ce que vous proposez, avec la réalité qu'il existe d'autres traditions religieuses qui ne se perçoivent pas de la même façon que vous ou que vous le percevez?

M. Morin (Robert): C'est beaucoup de questions. Je voudrais d'abord dire que la Fédération ne veut pas sortir la religion de l'école, mais plutôt la situer par rapport à l'éducation. Et, quand on interpelle le ministre de l'Éducation au nom du gouvernement, bien, c'est là-dessus que l'on dit: Ce serait intéressant qu'on sache, selon les paramètres que l'on se donne, dans quelle direction on va se diriger et ça rassurerait bien des gens sur le terrain.

Quand vous parlez de la pratique religieuse qui est liée à l'enseignement d'une religion et selon les paradigmes que nous possédons, nous savons très bien qu'au niveau de certaines religions il y a des exigences qui sont très rigoureuses à ce niveau-là et, malheureusement, il n'y a pas toujours adéquation entre le désir d'une pratique religieuse et un enseignement religieux qui se donne dans un milieu, et il est très difficile de donner à un adolescent du secondaire un enseignement religieux catholique, alors que ce n'est pas nécessairement le fruit d'un vécu à l'intérieur de la maison, ou d'une autre religion, là.

Mme Houda-Pepin: O.K. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, merci, M. Morin, pour votre participation. Nous allons suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 17 h 2)

(Reprise à 17 h 3)

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, nous reprenons nos travaux. Et je demanderais à la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec de bien vouloir s'approcher à la table.

Alors, Mme Savoie et M. Roy, bienvenue. Comme les groupes antérieurs, vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire, ce qui sera suivi d'un échange entre les deux groupes parlementaires, de 20 minutes chacun. Le porte-parole, c'est M. Roy?


Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)

M. Roy (René): Oui, c'est ça, oui. René Roy, secrétaire général de la FTQ. Mme Savoie est au service de la recherche de la FTQ. Alors, je vous remercie d'abord de l'occasion qui est donnée à la FTQ de se prononcer sur la place de la religion à l'école et de vous exposer le point de vue des travailleurs et travailleuses que la FTQ représente.

En matière de religion, il y a parmi nos membres des croyants pratiquants, d'autres qui ne pratiquent que les rites de passage et des incroyants. Nos membres, qui, pour plusieurs, sont aussi des parents, choisissent pour leurs enfants les uns l'enseignement religieux catholique ou protestant, les autres l'enseignement moral. C'est de près de 500 000 Québécois et Québécoises qu'il s'agit. Et la FTQ croit qu'elle peut légitimement parler en leur nom, puisque notre fonctionnement démocratique et les débats qui ont eu cours dans nos rangs, depuis près de 40 ans, ont tracé très tôt la voie pour une vision laïque de la société québécoise tout entière, système scolaire y compris.

Deux citations, 30 ans d'écart, démontrent la constance de notre position. En 1966, à la Commission royale d'enquête sur l'enseignement, en réaction au rapport Parent, nous disions: «Nous préférons de beaucoup la solution de la déconfessionnalisation de toutes les administrations scolaires.» Et, en 1995, nous disions, aux états généraux de l'éducation: «Enfin, nous trouvons toujours inacceptable que l'on maintienne le caractère confessionnel des écoles.»

Suite aux états généraux de l'éducation, nous avons appuyé et salué la création des commissions scolaires linguistiques. Nous avons aussi compris et accepté la nécessité d'une analyse en profondeur avant de poursuivre la laïcisation du système scolaire public québécois. Et nous avons attendu avec beaucoup d'impatience le rapport du Groupe de travail sur la place de la religion dans les écoles dont la qualité et la profondeur des analyses nous ont impressionnés. Le choix de ce qu'on pourrait appeler une laïcité ouverte, nous l'avons fait nôtre, c'est le sens de notre présente intervention.

Je discuterai d'abord de la laïcisation des écoles puis de la place de l'enseignement religieux dans les écoles en identifiant nos points d'accord et de désaccord avec le rapport du Groupe de travail. Ma conclusion portera sur ce qui nous semble être le rôle de l'État dans ce dossier.

Pour une école laïque. Le Groupe de travail sur la place de la religion à l'école a fondé ses analyses sur un principe: l'égalité fondamentale des citoyens et la neutralité qu'il sied à l'État de respecter à l'égard des opinions en matière religieuse. Le système actuel qui privilégie les religions catholique et protestante ne respecte pas ce principe ni les lois et politiques sociales qui en découlent. Deux choix demeurent: l'école laïque ou l'école confessionnelle pour toutes les confessions religieuses. La FTQ se déclare résolument en faveur de la première option et rejette la seconde. Nous appuyons donc les recommandations du rapport Proulx qui visent la laïcisation totale du système scolaire.

Nous jugeons important d'expliquer plus longuement les arguments qui, selon nous, militent pour le rejet de la deuxième option qui semble avoir si bonne presse depuis quelque temps. Cinq arguments nous importent plus particulièrement: le caractère nécessairement temporaire du statut confessionnel de l'école; la préservation des écoles de quartier et de village; les discriminations potentielles qui pourraient voir le jour; les limites aux droits des parents et les coûts et le chaos administratif qui pourraient s'ensuivre. De plus, nous tenons à souligner certains dangers de contournement dont n'a pas voulu tenir compte le Groupe de travail.

Le caractère temporaire du statut de l'école. D'entrée de jeu, il faut souligner que, quelle que soit la façon dont le statut confessionnel d'une école serait déterminé, ce statut ne pourrait qu'être temporaire. Sur un territoire donné, les parents peuvent changer de religion ou abandonner toute religion, ou encore de nouvelles religions peuvent s'implanter au gré des conversions ou de la part de personnes immigrantes. Ce statut temporaire nécessiterait d'établir un calendrier régulier pour sa remise en cause. Cela nous semble porteur d'un climat de conflits qui pourraient s'entretenir au quotidien.

La préservation des écoles de quartier ou de village. Cela mettrait aussi en danger le principe des écoles de quartier ou de village, principe que nous croyons cher à l'ensemble des parents du Québec et qui est à la base même de notre système d'enseignement, notamment parce qu'il permet une plus grande accessibilité et le maintien et le développement d'une communauté locale. Des enfants et des jeunes devront se déplacer, parfois sur de longues distances, pour avoir accès à l'école de leur confession religieuse ou à l'école neutre, sinon se développera rapidement une ghettoïsation confessionnelle des populations sur un même territoire, les parents d'une confession particulière tendant à se regrouper autour de l'école de leur confession religieuse tout en rejetant ceux d'autres confessions religieuses qui voudraient s'installer sur leur territoire parce que cela pourrait éventuellement mettre en danger le statut confessionnel de leur école.

Les discriminations potentielles. C'est ce qui est le plus grave pour nous. Sous le couvert d'une ouverture à l'égalité, on ouvre la porte à des conflits encore plus grands et de possibles discriminations. Au sein d'une même commission scolaire, il faudrait répartir les établissements et les ressources en fonction des diverses confessions et de ceux qui se déclarent sans religion. L'exercice douloureux et conflictuel qui a eu cours, et qui est loin d'être terminé, pour la répartition des établissements entre les commissions scolaires linguistiques serait multiplié par 100 et aurait cours dans toutes les régions du Québec, car on oublie trop souvent que, si la grande région de Montréal accueille une très forte proportion des immigrants de confession non chrétienne, diverses confessions religieuses chrétiennes et des incroyants sont présents sur tout le territoire du Québec. Par exemple, les protestants, qui comptent plusieurs Églises, les témoins de Jéhovah, les adventistes et autres.

Qui plus est, dans un souci de s'assurer d'une représentation adéquate au sein de la commission scolaire, là où se détermine la répartition des ressources humaines et financières, il est certain que rapidement les représentants des divers groupes exigeraient une forme de représentation chez les élus et même chez les administrateurs, et tout cela, ne l'oublions pas, pour une répartition temporaire.

(17 h 10)

De plus, on peut craindre de voir pointer d'autres types de discrimination à partir du développement de projets éducatifs confessionnels précis. Ce projet éducatif pourrait conduire les communautés religieuses à exiger que le personnel enseignant et même non enseignant soit de la bonne confession religieuse ou adopte des comportements acceptables à la confession religieuse concernée. On pourrait ainsi mettre en péril le droit fondamental de ces personnes en matière de liberté de conscience et de religion, mais aussi, par exemple, les droits des personnes divorcées ou vivant en union de fait ou les droits des gais et des lesbiennes.

Les limites aux droits des parents. Pour donner vie concrètement à l'option d'écoles confessionnelles pour toutes les religions, il y a deux voies possibles: le choix de la majorité des parents des enfants inscrits à l'école ou bien la répartition des équipements scolaires en fonction des diverses confessions. Le choix de la majorité des parents est souvent présenté comme le meilleur moyen de reconnaître le droit des parents dans le choix de l'éducation confessionnelle de leur enfant. Nous sommes totalement en désaccord avec une telle proposition.

Bien sûr, les parents ont des droits et ils en ont même plus que jamais avec la présente réforme scolaire, notamment dans la détermination du projet éducatif de l'école de leur enfant, mais ces droits ont des limites qu'il ne faut pas franchir quand il s'agit de droits fondamentaux. C'est ce que nous disions déjà en 1984 en réaction au projet de loi 40 sur la répartition des pouvoirs de l'école.

En matière de liberté de conscience, il n'y a pas de place, selon la FTQ, pour la loi de la majorité, fut-elle écrasante. Il s'agit d'un droit non négociable. De même considérons-nous qu'il s'agit d'une fuite en avant que de réclamer, pour les minorités religieuses à l'école, des avantages équivalents. Sous des apparences d'équité, une telle proposition recouvre de nouvelles injustices, puisqu'elle fait bon marché des droits de ceux qui sont sans religion et des minorités religieuses qui préfèrent compter sur leurs propres moyens pour rassembler leurs ouailles.

Des coûts et un chaos administratif prévisibles. Ajoutons finalement que les difficultés administratives et les coûts financiers d'un tel système scolaire sont fortement importants. Que l'on pense au transport scolaire, à la gestion de la mobilité des effectifs, à la répartition des ressources pour des besoins divers ou encore à l'augmentation du degré de difficulté pour identifier les écoles ayant des problèmes particuliers, par exemple, de pauvreté, tout cela au moment où les ressources en éducation sont pour le moins limitées.

Les dangers de contournement. La FTQ est donc convaincue que c'est d'un système public laïque que le Québec a besoin. Mais nous ne pouvons terminer cette première partie de notre intervention sans soulever deux dangers de contournement de la laïcisation du système public par les écoles publiques à projet particulier et les écoles privées.

Dans le premier cas, nous adoptons la même analyse que le Groupe de travail, qui rejette la création d'écoles publiques à projet particulier confessionnel. Le ministre ne devrait plus avoir discrétion pour ce motif et la loi devrait prévoir que les écoles publiques à projet particulier ne peuvent être créées sur une base confessionnelle. De plus, il faudra alors retirer ce statut à une douzaine de projets particuliers protestants à valeurs bibliques intégrées que la ministre Marois a malheureusement approuvés pour les années 1998-1999 et 1999-2000.

Dans le deuxième cas, nous sommes étonnés que le Groupe de travail, qui par ailleurs avait fait l'effort colossal de définir et d'analyser toutes les options possibles, n'ait pas jugé bon d'analyser les effets de la création éventuelle d'un nombre supplémentaire d'écoles privées confessionnelles. Il ne s'agit pas ici de remettre en cause le droit des parents à créer et gérer de telles écoles privées, comme le prévoient le droit international et la loi québécoise actuelle, il s'agit plutôt de s'interroger sur le financement d'écoles privées confessionnelles. S'il devait advenir que, pour des raisons de confessionnalités, le nombre d'écoles privées augmente substantiellement, cela pourrait mettre en danger l'équilibre actuel et même le financement du réseau public.

Le gouvernement ne peut faire l'économie d'une réflexion sur le sujet et devrait à tout le moins refuser un financement public aux écoles privées confessionnelles afin de préserver un équilibre entre les écoles publiques et privées dans un contexte de laïcisation de son système public.

Pour un enseignement culturel des religions. Parlons maintenant de l'enseignement religieux dans l'école laïque. La FTQ est d'accord avec un enseignement culturel des religions qui comprend aussi l'analyse des courants de pensée séculière parce qu'il assurerait, selon nous, un enrichissement certain de l'éducation offerte aux jeunes Québécois et Québécoises.

Nous rejetons un système qui offrirait l'enseignement religieux pour chacune des confessions religieuses présentes dans une école, pour la même raison citée plus haut, en insistant particulièrement sur son caractère impraticable sur le plan de la gestion administrative et pédagogique.

Nous sommes cependant conscients des craintes qu'expriment certains parents quant à la capacité de l'école de continuer à transmettre des valeurs dans un contexte où il n'y aurait plus d'enseignement religieux. Mais il n'y a pas que les religions, ou une seule religion, qui garantissent la transmission de valeurs. Les valeurs d'une société sont définies par un ensemble de représentations, religieuses bien sûr, mais aussi séculières, qui prennent forme dans les politiques et les lois de notre société. Qui veut enseigner ou plutôt transmettre des valeurs peut et doit puiser à toutes ces sources. De plus, la religion est une composante sociologique et culturelle importante d'une société. Et qui veut enseigner l'histoire doit aussi puiser aux sources religieuses, ce que nous faisons nous-mêmes quand nous analysons l'histoire syndicale.

On ne doit pas craindre que cet héritage disparaisse ou ne continue de se construire à travers les prismes d'un plus grand pluralisme. Au contraire, on peut même penser qu'il serait plus largement connu s'il faisait partie d'un enseignement culturel des religions plutôt que de l'enseignement d'une foi. Et surtout il serait connu de tous, quelle que soit la foi professée. Qui plus est, même chez les catholiques, il y a une prise de conscience grandissante que l'éducation à la foi relève de l'Église et de la famille et non de l'école, comme cela a récemment été mis en évidence à l'assemblée synodale du diocèse de Montréal en novembre 1998.

Ayant posé le principe de notre accord à un enseignement culturel des religions, nous ne nous considérons cependant pas comme les interlocuteurs les plus pertinents pour discuter du contenu d'un enseignement culturel des religions, mais nous croyons qu'il faut privilégier un arrimage avec les actuels cours de morale ou le futur cours d'éducation à la citoyenneté et tenir compte des besoins des jeunes de différents niveaux scolaires.

Nous sommes aussi d'accord avec une certaine période de transition qui aurait deux objectifs: permettre une définition concrète et cohérente du programme d'enseignement culturel des religions et préparer correctement le personnel enseignant en assurant le perfectionnement nécessaire. Nous pensons cependant que cette période de transition ne devrait pas être si longue qu'il faudrait, dans quelques années, reprendre à nouveau le débat. Il nous semble qu'il serait possible d'intégrer ce changement dans le calendrier prévu pour l'actuelle réforme des programmes.

En déconfessionnalisant le curriculum d'études, il nous semble aller de soi qu'il faut aussi déconfessionnaliser les services d'animation pastorale et religieuse. On pourrait créer un service de soutien à la vie civique, communautaire et personnelle dont les activités pourraient promouvoir des valeurs communes en matière de droits humains, de pluralisme religieux, de tolérance, de solidarité et de justice. La FTQ ne soutient donc pas l'orientation retenue par le Groupe de travail sur la place de la religion à l'école pour le développement d'un service d'animation commune de la vie religieuse et spirituelle. La FTQ demande au gouvernement d'être cohérent et de mettre sur pied un service commun laïque de soutien à la vie civique, communautaire et personnelle.

Enfin, nous n'entendons pas discuter longuement la possibilité évoquée par le Groupe de travail quant à l'utilisation des locaux scolaires par les groupes religieux désireux d'organiser un enseignement ou des services à l'intention de leurs membres qui fréquentent l'école. Qu'il suffise de dire que les conseils d'établissement exercent déjà des pouvoirs en cette matière, que ce soit pour des demandes issues de groupes religieux ou non religieux, et que nous ne voyons pas la nécessité de les encadrer plus avant.

Par ailleurs, nous nous permettons de souligner qu'au-delà des heures d'enseignement la vie à l'école se poursuit. Le personnel travaille, les garderies sont ouvertes, on offre de l'aide aux devoirs ou d'autres activités parascolaires. La location de locaux pour d'autres fins, religieuses ou non, devrait donc se faire en dehors de ces périodes, soit en soirée ou les fins de semaine.

(17 h 20)

En conclusion, l'État doit jouer son rôle. Depuis le dépôt du rapport et le début des audiences de la commission, des groupes de pression, surtout catholiques, se sont fait vigoureusement entendre. Cela est normal, même si nous ne croyons pas à leur prétention de représenter l'ensemble des catholiques ni même des parents québécois. Nous aurions cependant espéré que tant l'opposition que le gouvernement ne fassent pas miroiter la possibilité d'un modèle d'aménagement confessionnel avec enseignement religieux à la carte qui sera pédagogiquement, administrativement et financièrement très coûteux, voire même impraticable.

Le gouvernement, particulièrement, aurait dû occuper son temps à la sensibilisation de la population aux diverses dimensions soulevées dans le rapport du Groupe de travail sur la place de la religion à l'école. Nous pensons qu'il n'est pas trop tard et espérons que les présentes audiences de la commission auront aussi cette fonction éducative, mais il faudra faire plus.

La FTQ demande donc au ministère de l'Éducation d'utiliser au mieux la période de transition à venir pour démontrer que la laïcisation des écoles et de l'enseignement religieux peut se faire avec autant de sérieux et de rigueur qu'il en démontre dans le développement de la réforme globale des programmes qui sera en cours dans les prochaines années. Il doit aussi accorder une attention particulière à l'information de la population sur le contenu du nouveau programme d'enseignement culturel des religions et sur le processus de transition. Ainsi pourrons-nous espérer qu'il répondra aux craintes des parents, catholiques surtout, craintes que nous croyons exagérées mais légitimes par ailleurs.

Le Québec est aujourd'hui à un tournant important de son histoire en matière d'éducation. Comme dans les années soixante, on procède actuellement à une réforme majeure de l'éducation préscolaire, primaire et secondaire, et celle-ci doit comprendre un réaménagement religieux. Si, dans les années soixante, la commission Parent a fait le choix d'une confessionnalité ouverte qui a trouvé bien du mal à s'implanter, nous croyons qu'il est temps, dans la foulée du rapport du Groupe de travail sur la place de la religion dans les écoles, de faire le choix d'une laïcité ouverte. Merci beaucoup de votre attention.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Roy. Alors, M. le ministre.

M. Legault: Oui. M. Roy, Mme Savoie, merci pour votre mémoire. Merci pour votre présence, ici, en fin d'après-midi. Évidemment que la FTQ est toujours présente dans tous les débats de société, puis c'est un débat de société, je pense, important, la place de la religion à l'école. Vous prenez certaines positions, mais, en même temps, vous semblez ne pas aimer qu'on recherche un compromis. Bon. Je pense que la FTQ, c'est beaucoup de parents. Je pense qu'il y a beaucoup de parents qui sont membres de la FTQ. Donc, vous avez sûrement eu des parents qui sont venus vous voir puis qui vous ont dit que c'était important, pour eux, de garder un enseignement religieux à l'école et puis, bon, aussi, dans certains cas, les statuts confessionnels des écoles.

On va et on essaie aujourd'hui, effectivement, je pense, ensemble de trouver un compromis qui va nous assurer, au moins pour une certaine période de transition, des étapes qui vont éviter une cassure qui serait brutale et non souhaitable pour la société québécoise. Je comprends mal, là, puis j'aimerais ça que vous nous expliquiez pourquoi vous semblez blâmer le gouvernement pour cette recherche d'un compromis.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Roy.

M. Roy (René): Bien, le blâme... Je ne pense pas qu'on puisse prendre ça comme un blâme. On voit surtout, dans notre position, la position de la FTQ, quelque chose qui a une logique dans le temps. Et de l'ouvrir sur l'autre sens, dans le cas d'écoles qui permettraient à travers la privatisation, des écoles privées, l'ouverture vers des écoles confessionnelles, selon nous, c'est aller trop loin. On était déjà, vous le savez, M. le ministre, opposés au système des écoles privées subventionnées par le gouvernement. Alors, cette partie-là que le gouvernement a ouverte, ça ne fait pas notre affaire, évidemment, parce que vous permettez avec ce système-là l'ouverture d'écoles laïques et confessionnelles. S'il y a un blâme à quelque part, le blâme est sur la bénédiction que vous avez donnée à certaines écoles, au niveau protestant, par la décision de Mme Marois.

Mais ce n'est pas ici le propos principal de notre mémoire. Le propos principal de notre mémoire, c'est vraiment la laïcisation des écoles. On pense que la religion est une chose importante, mais on est rendu à l'an 2000. Même dans le rapport Parent, en 1966, il y avait eu des ouvertures. La discussion a eu lieu depuis 40 ans au Québec. Je pense que, dans les autres sociétés, il y a beaucoup de sociétés qui sont dites des sociétés nord-américaines ou d'Europe de l'Ouest qui ont une ouverture assez grande envers la religion qui est enseignée plutôt à l'extérieur des écoles. Et l'enseignement culturel des religions est plutôt celui qu'on favorise à l'école.

M. Legault: Je ne sais pas si vous le réalisez, mais, dans votre position, dans votre proposition, vous proposez une forme de compromis avec l'enseignement culturel des religions. Vous savez qu'il y a des groupes qui sont venus ici qui sont en désaccord avec l'enseignement culturel des religions parce que l'enseignement culturel des religions, ça ne règle pas tout. Il faut maintenant, si on a un enseignement culturel des religions, choisir quelles sont les religions qui seront incluses à l'intérieur de ce nouveau programme. Il y a des gens qui sont venus nous dire que l'enseignement culturel des religions à un enfant de six ans, ça pouvait être difficile. Je pense qu'il faut aussi se poser ce genre de question là. Donc, il y a des gens aussi qui nous ont dit que ça n'existait pas, un enseignement neutre. Et puis je ne pense pas que ce soit le but. Et puis, d'ailleurs, c'est pour ça que Jean-Pierre Proulx, dans son rapport, dit: On ne sort pas la religion des écoles, on suggère un enseignement culturel des religions.

J'aimerais ça vous entendre. Pourquoi vous suggérez un enseignement culturel des religions durant 11 années, donc à partir de l'âge de six ans jusqu'à l'âge de 17 ans, pour deux heures par semaine? Pourquoi vous nous suggérez ça?

La Présidente (Mme Bélanger): M. Roy.

M. Roy (René): Oui, on va répondre. On se consultait un peu là-dessus. Pour la première partie de votre question, je vais laisser...

La Présidente (Mme Bélanger): Mme Savoie?

M. Roy (René): ...Mme Savoie répondre à l'autre partie. La première partie, sur l'enseignement culturel, on ne pense pas, à la FTQ, que ce soit si difficile que ça de choisir les religions, de faire la différence entre les religions puis les sectes. Je ne sais pas si vous avez lu Gérald Messadié cet été. Moi, je l'ai lu, cet été, en tout cas, sur l'histoire de Dieu, et il fait dans un livre l'histoire des grandes religions de la société. Et on les connaît, on en connaît quelques-unes: le catholicisme, la chrétienté, le bouddhisme, l'islamisme. En tout cas, en commençant par celles-là, c'est les plus grandes, il fait le tour des grandes religions dans le monde. On pense qu'à un moment donné... On le dit dans notre rapport qu'on n'est pas des spécialistes sur le programme comme tel, mais je crois que, dans la société qui nous occupe ici, on pourrait faire l'enseignement culturel des religions en touchant les grandes religions.

M. Legault: Donc, juste pour compléter sur ce point-là, dans votre enseignement culturel des religions, vous vous limitez aux six grandes religions et vous excluez toutes les autres?

M. Roy (René): Non, non, je n'ai pas dit qu'on se limitait à ça. Je n'ai pas dit à six. J'ai donné quelques exemples, là.

M. Legault: O.K.

M. Roy (René): Puis je dis qu'on pourrait le regarder, ça, on pourrait le définir dans le programme. Puis on dit, dans notre rapport, qu'on n'est pas des spécialistes pour le définir. Mais, quand même, on s'est penché sur la question, on a regardé l'ensemble des grandes religions qui existent dans le monde, et celles-là pourraient faire l'objet d'un enseignement culturel. Nous, on le voit dans une approche large de la religion.

Mme Savoie (Dominique): Oui. L'autre affaire, c'était de dire qu'on a fait une proposition pour 11 années. Ce n'est pas du tout ça qu'on a fait.

M. Legault: Non?

Mme Savoie (Dominique): On dit qu'on pense qu'il y a des arrimages à faire avec les cours de morale et peut-être même avec les cours d'éducation à la citoyenneté et qu'il ne nous appartient pas, à nous, en tout cas... On n'est sûrement pas les spécialistes pour dire à quel âge on commence à enseigner formellement l'enseignement culturel des religions.

Par ailleurs, on est d'accord avec un enseignement culturel des religions aussi pour des questions d'ouverture. Plus les jeunes connaîtront ce qu'ils sont, les valeurs des religions différentes, plus ils seront à même d'établir des relations plus harmonieuses. Enfin, on peut l'espérer à tout le moins. Donc, c'est un enrichissement culturel. Ça ne s'appelle pas «enseignement culturel des religions» pour rien, là.

M. Legault: Donc, vous pensez, là, pour peut-être répondre à une partie de ma question, que c'est possible d'avoir un enseignement culturel des religions dès l'âge de six ans, pour un enfant de six ans?

Mme Savoie (Dominique): Je n'en ai aucune idée, je n'ai pas fouillé cette question-là puis je ne pense pas que M. Roy l'ait fait non plus.

M. Roy (René): On sait par contre que les parents, normalement, ceux qui sont d'une foi quelconque, la foi chrétienne dans mon cas à moi, on commence à nous enseigner la religion bien avant six ans. J'imagine que les autres religions aussi. Alors, ce serait au système pédagogique, les spécialistes de votre ministère et ceux des écoles, ceux de l'éducation, à nous définir ça.

(17 h 30)

M. Legault: Maintenant, concernant la période de transition, il y a plusieurs parents – je suis certain que vous êtes au courant – qui sont inquiets si on appliquait une solution comme celle que vous proposez. Comment, en pratique, vous voyez son application à votre proposition? Est-ce que du jour au lendemain on appliquerait cette solution ou s'il y aurait une période de transition?

M. Roy (René): On ne l'a pas tellement défini. On a simplement défini, dans la période de transition, qu'on souhaitait qu'elle ne soit pas assez longue pour nous obliger à recommencer. On l'avait vu un peu avec le rapport Parent, en 1966, qui parlait d'une certaine confessionnalité vers la morale, ce qui ne s'est à peu près jamais fait. Alors, dans ce cas-ci, on ne s'est pas attardés, nous, à la FTQ, à définir les modalités de la période de transition. Mais on s'est dit d'accord qu'il devrait y en avoir une, ne serait-ce que pour la formation des enseignants, leur formation culturelle des religions, et ne serait-ce que pour la préparation des parents aussi au nouveau système.

Alors, on n'a pas privilégié une longueur, mais on voit là-dedans... On sait très bien qu'à un moment donné il y a une période de temps, entre trois ans et cinq ans, qui est à peu près la période de transition normale. Mais c'est sous toutes réserves. On est en religion. On sait que les religions, c'est émotionnel. Alors, peut-être que des spécialistes vous diront des choses un peu plus précises que nous là-dessus.

M. Legault: D'accord. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bélanger): Oui. Mme la députée de Prévost.

Mme Papineau: J'aurais une question. Ce matin, comme disait M. le ministre, il y a un groupe qui est venu nous dire que l'enseignement culturel des religions plutôt que l'enseignement d'une foi... le problème n'était pas résolu. Et, au contraire, on disait que c'était une faille dans le rapport Proulx. Ils ont même ajouté qu'il y avait des professeurs qui étaient mal à l'aise d'enseigner la religion. Il y en a d'autres qui ne veulent tout simplement pas, demandent une dispense de l'enseigner, et d'autres qui, je dirais, sont plus ou moins – peut-être les jeunes – habiles, parce qu'ils n'ont peut-être pas été élevés autant dans la religion qu'on l'a été, vous et moi. Bon. Par exemple, sur les personnages bibliques, on faisait une référence aux personnages bibliques qui était un peu déficiente, la notion.

Vous, là, vous dites oui à l'enseignement culturel des religions. Et je vais de plus vous confirmer que c'est le cas... Je suis allée rencontrer deux groupes d'élèves qui m'ont dit, dans un groupe en particulier, que le professeur faisait la différence, un professeur qui connaissait bien la matière par rapport à un qui la connaissait moins bien ou en tout cas qui n'avait pas d'intérêt à l'enseigner. Connaissant votre prise de position pour un enseignement culturel des religions, comment vous voyez la formation des maîtres? Et est-ce que vous prévoyez un maître par religion? Comment vous voyez, là... Déjà, juste avec la religion catholique, on a un problème. Si on y va dans l'enseignement de plusieurs religions, est-ce qu'il ne devrait pas y avoir une formation des maîtres à ce niveau-là et qui devrait la donner?

M. Roy (René): Bien, notre mémoire est précis là-dessus. Oui, on dit qu'il doit y avoir une période de transition justement pour faire cette formation-là des maîtres. Alors, là-dessus, on est d'accord avec vous qu'il doit y en avoir une, et on reconnaît que c'est absolument nécessaire. On conçoit facilement que les professeurs de religion actuels seraient plutôt mal placés de donner la formation culturelle sans... seraient très mal placés même de la donner sans formation adéquate pour le faire. Et qui devrait les former? Bien, ça, c'est une très bonne question sur laquelle, moi, je ne me suis pas penché. Et je n'ai pas de données là-dessus. Mais ça reviendrait sûrement à quelque programme universitaire quelconque. As-tu des choses à dire là-dessus?

Mme Savoie (Dominique): C'est que, à partir du moment où ce n'est plus un enseignement religieux, ça devient une matière, une matière comme l'histoire, comme les mathématiques, comme la chimie, comme... restons dans le domaine des sciences humaines. Et il y a une formation à donner aux maîtres, au primaire – je ne peux pas dire que je connais très bien ça – dans l'enseignement global et, au secondaire, comme une matière.

Évidemment, il y a actuellement des enseignants en enseignement religieux. Sont-ils les mieux placés? Je crois que c'est toute la question de la période de transition et de la formation. Mais ça devient une matière, ce n'est plus une religion, là. C'est une matière qu'on apprend, pour laquelle on va aller sur les bancs d'école. Puis on va avoir appris les personnages bibliques pas parce qu'on va être un catholique mais parce qu'on va avoir étudié dans ce domaine-là, avoir compris quelle est l'importance historique de telle religion. Enfin, ça devient une matière, ce n'est pas un enseignement religieux.

Mme Papineau: O.K. Parfait. Allez-y.

La Présidente (Mme Bélanger): Ça va?

Mme Papineau: Oui.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Merci beaucoup. M. Roy, Mme Savoie, bienvenue. Merci pour votre mémoire. Et je vous dirais, en partant, que sur la... On ne peut pas dire que le mémoire n'est pas conséquent et n'est pas dans la tradition, vous l'avez sorti avec plusieurs types d'exemples, mais, moi, il y a un ou deux éléments... Entre autres, sur les projets à titre particulier, on a l'impression, en tout cas, que, pour certains groupes, il serait acceptable d'avoir une déconfessionnalisation du système éducatif, même d'enlever l'enseignement religieux, s'ils étaient capables de garder certains projets éducatifs.

Vous parliez, entre autres, des protestants, là. C'est un peu ce qu'on a entendu aussi. C'est que, si on pouvait leur garantir qu'ils garderaient un certain nombre d'écoles à statut particulier, bon, ça pourrait toujours se faire. Je me demande: Est-ce que ça ne serait pas envisageable, justement, que, dans des cas de consensus et où les parents seraient prêts à faire les efforts d'amener les étudiants à l'école comme telle, et tout ça sans que ça occasionne de déboursés supplémentaires pour le gouvernement, d'avoir certains projets comme ça? Et je voudrais savoir pourquoi vous rejetez aussi fermement cette option-là, d'école à projet particulier sur des critères religieux?

M. Roy (René): Si vous en faites une pour une religion, pourquoi vous ne le faites pas pour toutes les religions? C'est un peu notre principe. On le dit. Dans notre mémoire, on parle de discrimination puis on insiste beaucoup sur le fait de ne pas avoir de discrimination dans la capacité des gens de recevoir leur formation religieuse. Alors, si on fait une école à statut particulier pour un groupe qui est, disons, de religion protestante, puisque vous avez nommé ceux-là, dans l'ouest de Montréal où est-ce qu'il y a une concentration de la religion, qu'est-ce qu'on va faire dans votre comté où est-ce qu'il doit y avoir certains protestants quelque part? De quelle manière... Quelle sorte de déplacement on va donner à un élève ou un enfant qui veut avoir une formation religieuse dans une école d'une région un peu plus éloignée de Montréal – la vôtre en étant une – et d'être capable d'avoir le même service?

Dans la religion protestante... D'ailleurs, c'est une des religions qui sont les mieux développées avec l'enseignement à l'extérieur de l'école, ailleurs qu'au Québec. C'est une religion qui, généralement, a très développé sa formation en dehors des écoles, c'est-à-dire dans leurs églises. Alors, ils connaissent le système d'écoles laïques très bien, historiquement, en dehors du Québec, cette communauté-là.

M. Béchard: Vous mentionnez, à la page 11 de votre mémoire, aussi le lien avec les écoles privées et vous indiquez certaines réserves, notamment au niveau du financement comme tel des écoles privées. Vous dites même: «S'il devait advenir que le nombre d'écoles privées augmente substantiellement, cela pourrait mettre en danger l'équilibre actuel et même le financement du réseau public.» Vous êtes aussi en faveur, je dirais, de... Il n'y a pas plus de projets particuliers pour les écoles privées. Donc, dans le système de financement des écoles privées qu'on connaît actuellement, pour vous, il n'est pas plus acceptable qu'on permette, par exemple, seulement aux écoles privées d'avoir de l'enseignement religieux ou d'avoir certains statuts particuliers.

(17 h 40)

Ce que vous nous dites, c'est un peu: Si vous voulez être une école privée, soyez une école privée au complet avec le financement qui va avec ça et à ce moment-là vous donnerez le type d'enseignement que vous voulez à l'intérieur. Donc, est-ce qu'il faudrait revoir le réseau privé actuellement? Et, notamment au niveau de l'enseignement religieux, est-ce qu'il faudrait, là, par exemple, avant d'accorder une école privée avec de l'enseignement religieux, de quelque confessionnalité que ce soit, s'assurer que le financement de l'État n'est pas là et que c'est vraiment une école privée?

M. Roy (René): Ah! vous avez bien vu notre mémoire. Vous résumez bien ça. La réponse à ça, c'est oui. On n'est sûrement pas en accord avec le fait d'augmenter les écoles privées, et surtout pas de les subventionner davantage, et surtout pas d'augmenter le nombre, parce qu'on s'est déjà prononcé deux fois sur le fait que les écoles privées devraient être privées et non soutenues par le public. Et d'autant plus si ça devient des écoles confessionnelles dans un système d'écoles laïques. Alors, encore plus là parce qu'à ce moment-là vous revenez à votre première question, à savoir que là vous devez, vous, vraiment supporter une sorte d'école qui est confessionnelle, sur laquelle nous ne sommes pas d'accord.

M. Béchard: Vous parlez de la déconfessionnalisation des structures du ministère de l'Éducation. Est-ce que vous privilégiez tout simplement qu'on enlève les deux sous-ministres, qu'on enlève les structures du Conseil supérieur de l'éducation et qu'on ne les remplace pas par... Parce qu'il y a des gens qui ont parlé, même si on y va avec un cours culturel des religions, d'avoir quand même une certaine entité quelque part multiconfessionnelle, ou peu importe le nom qu'on lui donne, pour justement assurer la transition et la supervision de ces cours-là. Est-ce que vous êtes en faveur d'une option comme ça, ou vous dites: Bien, tant qu'à déconfessionnaliser, bien, enlevons-ça, et ça sera un sous-ministre, quelque part, qui aura ça comme une de ses tâches, ou vous privilégiez quand même la mise en place d'une entité spécifique au ministère de l'Éducation?

Une voix: Mme Savoie.

Mme Savoie (Dominique): C'est clair que, si on déconfessionnalise le système, on va le déconfessionnaliser au complet là. Puis je ne répéterai pas ce que j'ai dit tout à l'heure. L'enseignement culturel des religions, c'est une matière. Même s'il y a des éléments religieux là-dedans, il y en a comme dans l'histoire, il y en a dans d'autres matières. On n'a pas créé une structure pour surveiller le cours d'histoire parce qu'il y a des éléments confessionnels dedans, supposons. Vous n'aviez pas une autre sous-question? Je m'excuse...

M. Béchard: Bien, est-ce que...

Mme Savoie (Dominique): Non?

M. Béchard: ...au moment où on déconfessionnalise, est-ce que... Vu que, vous, vous dites que c'est une matière, donc, pour vous, il n'y a pas d'opportunité à avoir quelque part, comme certains l'ont proposé, même pour assurer le suivi du cours culturel des religions comme tel...

Mme Savoie (Dominique): Bien, je ne vois pas pourquoi il aurait besoin d'un suivi...

M. Béchard: Parce que vous reconnaîtrez que le cours culturel sur les religions a quand même plus de potentiel à discrimination, ou à interrogation sur les discriminations possibles, qu'un cours d'histoire ou un autre cours.

Mme Savoie (Dominique): Pour nous, c'est: on déconfessionnalise. De la même façon que, quand – nous, on n'est pas dans ce cas-là, comme centrale – la CTCC est devenue la CSN, ils n'ont pas gardé leur aumônier; ils ont décidé qu'ils se déconfessionnalisaient. La CEQ a fait la même affaire. C'est comme un choix. À un moment donné, quand on choisit ça, bien là on dit: On n'a plus besoin de toutes ces structures-là, puisque nous ne sommes plus confessionnels et qu'il n'y a plus d'enseignement religieux.

M. Béchard: Oui. Mais vous serez d'accord avec moi que, même si vous dites que c'est une matière, le cours de culture des religions, il y a quand même de nombreux groupes de toutes confessionnalités qui vont tenter de voir, qu'est-ce qui se donne, est-ce que c'est trop catholique, est-ce que c'est trop musulman, est-ce que c'est trop protestant et qui vont attaquer carrément le cours. Et ça, à peu près tout le monde s'entend là-dessus que ce cours-là, on peut le considérer comme un cours de religion ou une matière, mais c'est un cours qui a un potentiel important au niveau de ses remises en question.

Alors, ce que je vous demande, c'est: Est-ce qu'il faut lui donner un traitement particulier? Parce que, moi-même, sur le fait que ce soit une matière comme les autres, je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous. Parce que, au moins pour la mise en place, c'est un cours qui va être scruté à la loupe beaucoup plus que le cours de mathématiques 522 ou 532.

Mme Savoie (Dominique): Peut-être qu'il devrait être scruté à la loupe, celui de mathématiques, aussi. Je vais vous donner un autre exemple: éducation à la citoyenneté. Avec les préoccupations qu'on a à la FTQ autour... justement que les jeunes comprennent bien les institutions, que, par exemple, le mouvement syndical soit un élément important des institutions à enseigner, il y a du potentiel de tension là aussi, et, à ce que je sache, on va faire les consultations. Les groupes concernés qui voudront faire des interventions le feront. Il y en a qui en ont déjà fait pour, par exemple, quand on parle de l'entrepreneuriat. Alors, pour moi et la FTQ, quand on dit «un enseignement culturel des religions», ça veut dire que ça devient une matière, et donc il n'y a pas besoin de structures particulières.

M. Béchard: Mais est-ce que vous êtes quand même d'accord avec moi sur le fait que, même si c'est une matière, c'est un cours qui représente quand même plus de potentiel à contestation que, je dirais, à la limite, le cours de citoyenneté. Parce que là on enlève l'enseignement religieux comme tel et on le change pour un autre cours obligatoire pour tous. Ce n'est pas optionnel, là. Vous dites «obligatoire pour tous». Donc, à partir de ce moment-là, juste par instinct, puis d'après ce qu'on entend ici depuis trois semaines, je peux vous garantir qu'il y a du monde qui vont y aller, puis ils vont voir, ils vont regarder ce qu'il y a dedans.

Mme Savoie (Dominique): Mais nous autres aussi.

M. Béchard: Oui? Tant mieux. Mais ce que je vous dis, c'est: Est-ce que vous ne croyez pas qu'il faudrait lui accorder un statut particulier? Parce que, moi, c'est sur le fait que vous dites que c'est une matière. On peut le traiter comme une matière, mais c'est une matière qui, selon moi, si on va dans cette option-là, doit être traitée de façon un peu différente des autres matières qu'on veut mettre en place.

Et, dans tout ça, je veux en venir aussi sur tout le processus de mise en place de ce cours-là. Comment peut-on s'assurer qu'une fois mis en place ce cours-là ne devienne pas, je dirais, une espèce de lieu où tout le monde va essayer de tirer la couverte de son bord puis de voir s'il n'y a pas moyen d'avoir un petit peu plus de ci puis un peu moins de ça? Comment on peut arriver, avec un cours qui, en étant le plus possible à l'abri des contestations, autant juridiques, politiques qu'autres... Quel est le procédé qu'on doit prendre pour le mettre en place dans des délais acceptables, avec des ressources qui sont capables de le faire, mais aussi pour s'assurer que, finalement, avec ce que certains prétendent, c'est-à-dire que ça va devenir un endroit qui répond à une certaine laïcité des écoles, bien, on ne relance pas au contraire le débat religieux à l'intérieur de ce cours-là?

M. Roy (René): La première partie de votre rapport, pour le statut particulier, la réponse est: Non, on n'est pas en faveur d'un statut particulier pour le cours en question, pour la matière en question, excepté dans la période de transition. Tout à l'heure, vous avez demandé si on était pour la période de transition. On est pour une période de transition. Alors, dans la période de transition, en quelque part, qu'il y ait un statut particulier pour faire la transition, on est d'accord là-dessus, parce qu'on va être en formation à ce moment-là avec les maîtres, comme le disait madame auparavant. Alors, il va y avoir la formation des maîtres à faire, alors il va y avoir une période de transition. Vous avez raison, c'est une matière qui va être délicate, le moins qu'on puisse dire, mais on ose espérer que dans quelques années ce sera fait. Et, si, pour le faire, le cours en question, ça prend une commission parlementaire, bien, on sera heureux, M. Legault, de revenir puis de donner notre opinion sur le contenu du cours.

M. Béchard: Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci, Mme la Présidente. Alors, M. Roy, Mme Savoie, merci pour le mémoire. Résolument, vous optez pour l'école laïque – vous parlez d'une laïcité ouverte – et en même temps pour la neutralité de l'État, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de religion officielle, il n'y a pas de religion dominante, il n'y a pas de religion avec des privilèges et il n'y a pas de financement public pour l'enseignement religieux. C'est ce qu'on comprend de ça.

M. Roy (René): Voilà. C'est ça.

Mme Houda-Pepin: En même temps, Mme Savoie, dans l'explication que vous avez donnée sur le cours culturel des religions, vous dites: C'est une matière comme une autre. En fait, la religion est presque évacuée de ça, sauf qu'il y a des éléments qui vont permettre peut-être de faire des liens entre ce que certaines religions ont en commun. Et ça serait davantage d'une perspective historique, si je vous ai bien comprise. Alors, si vous optez pour une école laïque et que le cours culturel des religions est une matière comme une autre, pourquoi alors, à la page 13 de votre mémoire, vous dites: «La mise sur pied d'un système public laïque ne signifie pas, loin de là, "sortir la religion des écoles"»? Qu'est-ce que vous faites autrement que de sortir la religion de l'école?

M. Roy (René): Bien, on n'est pas d'accord que ça sorte, la religion, des écoles; on est pour l'enseignement culturel des religions – juste pour répéter ce qu'on a dit depuis quelques instants.

Mme Houda-Pepin: Mais, quand vous optez pour une école laïque en partant, à moins qu'on ne s'entende pas...

M. Roy (René): Et neutre, comme vous l'avez bien résumé. Et neutre.

Mme Houda-Pepin: Oui, laïque et neutre, en plus.

M. Roy (René): Voilà.

Mme Houda-Pepin: Alors, la neutralité s'applique à l'État. Ça veut dire qu'il n'y a pas de privilèges, là, à l'intérieur de l'école, pour quelque religion que ce soit.

M. Roy (René): C'est ça.

Mme Houda-Pepin: Donc, il n'y a pas de religion à l'école.

M. Roy (René): À part de l'enseignement culturel. Et c'est ça qu'on voulait dire par notre phrase, que la religion était une matière comme une autre. Alors, il va y avoir une matière qui va s'appeler j'imagine... Je n'ai pas le nom de la matière, mais ça serait l'enseignement religieux culturel, ou l'enseignement des religions, ou bien quelque chose comme ça.

Mme Houda-Pepin: Dans la notion que vous avez suggérée, de statut confessionnel, vous avez dit que ça ne peut qu'avoir un caractère temporaire parce que les religions évoluent, le rapport que les individus ont avec leur religion évolue, il y a le phénomène des conversions, il y a le phénomène de l'immigration. Pourriez-vous élaborer davantage sur cette notion de statut temporaire?

La Présidente (Mme Bélanger): Mme Savoie.

(17 h 50)

Mme Savoie (Dominique): C'est une question territoriale, tout simplement. On sait à quel point les gens tiennent à leur école de quartier ou de village. Et, dans un territoire donné, actuellement, la population à cette date-ci peut être par exemple à 80 % catholique, avec un 10 % protestant de telle – je m'excuse, là, je ne connais pas les appellations – tendance, puis un autre 10 %... ou éparpillé. Bon. Ça, c'est la répartition en 1999. Dans cinq ans d'ici, pour toutes sortes de raisons, plus les déménagements, ne serait-ce que le fait que les gens bougent, il est tout à fait possible qu'il n'y ait plus que 70 % de catholiques, qu'il ne reste que 10 % de plusieurs communautés protestantes et que, tout d'un coup, par une vague d'immigration, il y ait un 10 % de musulmans ou d'hindous ou d'une autre... Et, cinq ans plus tard, ça peut avoir encore bougé.

Donc, si on parle d'une répartition qui fait en sorte qu'on accorde des écoles à des groupes, ça ne peut pas être permanent. Notre société n'est pas permanente sous toutes sortes de caractéristiques, y compris les caractéristiques religieuses. Et ce serait leurrer la population que de faire croire que tout ça crée une stabilité dans le temps. Parce qu'il n'y en aura pas, de stabilité dans le temps, c'est certain. Il va y avoir des grands blocs, mais ce qui nous importe, c'est tous les petits blocs. Eux autres, ça ne sera pas nécessairement stable.

Quand on rentre dans un endroit où c'est grand comme Montréal ou la grande région de Montréal, là, les blocs peuvent encore bouger beaucoup plus rapidement que ça. Et on sait très bien qu'il y a des quartiers d'immigration, de première vague d'immigration. Après ça, les gens déménagent de ce quartier-là et s'en vont vers d'autres quartiers, après s'être plus installés, avoir occupé un emploi pendant quelques années. Alors, prenons ce quartier de première vague d'immigration, comme, par exemple, le Parc-Extension. Je ne sais même pas si dans leur cas, parfois, on ne peut pas parler que ça roule plus qu'à tous les cinq ans, la composition et ethnique et religieuse sur le territoire.

Mme Houda-Pepin: Le cours d'éducation civique, le soutien à la vie civique que vous avez proposé dans votre mémoire, je comprends par là que c'est l'éducation aux droits, en fonction de la Charte des droits, n'est-ce pas? Est-ce que ce cours-là serait donné concurremment au cours culturel sur les religions ou à la place de? Comment vous voyez les choses?

Une voix: Ça va être concurremment.

Mme Savoie (Dominique): On n'a pas d'opinion. On sait que ces cours-là s'en viennent. Ça peut être concurremment. Pour nous, c'est clair qu'on veut qu'il y ait un enseignement culturel des religions. Est-ce que, dans un cursus scolaire, on va décider... Nous ne sommes pas des spécialistes. Nous croyons que les spécialistes sont les mieux placés pour faire ces analyses-là. Est-ce qu'on parle de donner ce cours-là en secondaires IV et V ou V seulement? Est-ce que, donc, il faut penser à un enseignement moral – comme j'entendais les précédents – pendant les années du primaire, commencer le secondaire avec... Nous, ce qu'on dit, c'est que ça, ça nous semble aller ensemble. Il y a des choses qui nous semblent avoir un terrain commun, puis on laisse aux spécialistes de venir nous faire des propositions pour qu'on puisse se positionner.

Mme Houda-Pepin: Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, c'est terminé. Merci. L'ordre du jour ayant été épuisé, nous ajournons nos travaux sine die.

(Fin de la séance à 17 h 52)


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