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Version finale

36e législature, 2e session
(22 mars 2001 au 12 mars 2003)

Le jeudi 26 septembre 2002 - Vol. 37 N° 39

Mandat d'initiative sur les fluctuations des clientèles dans le secteur de l'éducation


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-trois minutes)

La Présidente (Mme Bélanger): S'il vous plaît! La commission débute ses travaux. Le mandat de la commission est de poursuivre les auditions publiques dans le cadre de son mandat d'initiative sur les fluctuations des clientèles dans le secteur de l'éducation au Québec.

Est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. M. Chagnon (Westmount?Saint-Louis) remplace M. Bergman (D'Arcy-McGee).

Auditions (suite)

La Présidente (Mme Bélanger): Merci. Alors, je vais vous donner la lecture de l'ordre du jour. Alors, ce matin, 9 h 30, nous recevons la Solidarité rurale; à 10 h 30, l'Université Laval; 11 h 30, Fédération québécoise des professeures et professeurs d'université; 12 h 30, suspension des travaux jusqu'à 14 heures, où nous recevrons la Fédération étudiante universitaire du Québec; à 15 heures, l'Université du Québec, pour ajourner nos travaux à 16 heures.

Alors, M. Proulx, vous avez 20 minutes pour faire votre exposé, qui sera suivi d'échanges avec les membres de la commission pendant 40 minutes. Et si vous voulez bien présenter la personne qui vous accompagne.

Solidarité rurale du Québec

M. Proulx (Jacques): Merci, Mme la Présidente. Je vous présente Pierre Desjardins, qui est secrétaire général à Solidarité rurale du Québec, qui m'accompagne ce matin dans notre présentation devant la commission.

Alors, je voudrais vous remercier, dans un premier temps, de nous donner l'opportunité de se faire entendre sur une question qui nous tient à coeur depuis, je dirais, très, très longtemps, depuis les tout débuts de Solidarité rurale du Québec qui, on s'en souvient, a été fondée en 1991. C'est une coalition de grands organismes nationaux démocratiques qui sont présents un peu partout sur le territoire, plus des militants et certains autres organismes qui en font partie, qui se vouent au développement de nos communautés rurales.

Cet organisme sans but lucratif reçoit d'abord ses mandats de son assemblée générale annuelle et est d'abord financé par les membres réguliers et associés. Et vous savez aussi que, depuis 1997, on agit à titre d'instance-conseil du gouvernement du Québec en matière de ruralité, à telle enseigne qu'elle déposait en février 1999 un avis pour la politique gouvernementale de développement rural et, le 6 décembre 2001, le ministère des Régions annonçait la mise en vigueur de la première Politique nationale de ruralité.

Avec l'appui de son secrétariat, Solidarité rurale du Québec est un groupe-conseil, un lobby, un centre de formation, un centre de documentation, un lieu de recherche, une petite maison d'édition et un organisateur d'événements. À titre de maison d'édition, notre plus gros vendeur est un cahier intitulé École au village: mode d'emploi. Il coache les parents et les communautés dans leur lutte incessante pour sauver la dernière école du village. Comme lobby, on se présente devant le gouvernement fort des derniers engagements de la Politique nationale de la ruralité et des engagements électoraux du Parti québécois à maintenir l'école primaire dans chaque village. On se souvient, c'était lors des élections... les avant-dernières élections. Le parti a trouvé le chemin du gouvernement et n'a toujours pas rempli sa promesse, mais nous avons bon espoir que le gros bon sens finira par triompher. Solidarité rurale du Québec s'est donc prononcée à plusieurs reprises sur la question de l'éducation en milieu rural, et selon certains principes que vous me permettez de vous présenter aujourd'hui.

Dans un premier temps, notre coalition invite les gouvernements et les administrations, tant régionales que locales, à considérer le village comme un tout devant bénéficier de tous les services de base pour assurer la qualité de vie de ses citoyens. À cet effet, il faut considérer l'école de village comme un précieux outil de développement. Comment, en effet, attirer au village des jeunes familles sans la présence d'une école primaire? Le transport des enfants vers les écoles de la ville ou du village voisin favorise-t-il le développement des jeunes enfants et leur intégration dans leur communauté de base? Quels sont les effets de la fermeture d'une école sur le tissu économique et social d'une communauté? Les questions sont nombreuses et demeurent toujours sans réponse.

Dans un deuxième temps, un souci d'équité sociale exige que les petites localités n'aient pas à payer pour le maintien de leur école, que ce soit en surtaxe, en revendications et en lutte acharnée pour faire valoir leur droit à l'éducation. Chaque communauté rurale a droit à son école. Cet argument a largement été signifié dans l'Avis pour une politique gouvernementale de développement rural que nous présentions au ministère des Régions, comme je l'ai dit tout à l'heure, en 1999. Les ruraux s'attendent donc à recevoir un niveau de services comparable à celui que l'on trouve en milieu urbain.

Un certain nombre de considérations doivent impérativement être prises en compte dans la problématique des petites écoles. D'abord, au niveau pédagogique, les classes multiprogrammes devraient être privilégiées non pas uniquement comme une solution pour assurer le maintien des écoles de 100 élèves ou moins, mais bien parce que la qualité de l'enseignement y est reconnue. Ce modèle d'enseignement à deux ou trois niveaux est assez répandu en milieu rural. Des 1 795 établissements primaires recensés sur une possibilité de 2 117 en 1997-1998, 615 écoles y avaient recours, soit 26 % de ce nombre; 137 écoles offraient uniquement du multiprogramme, soit 8 %.

Étonnamment, le phénomène des classes multiprogrammes n'est pas exclusif aux petites écoles et à leur maintien, mais aussi à la volonté d'offrir dans un milieu donné tous les degrés d'enseignement. Rappelons qu'un rapport d'étude sur les écoles primaires et les classes multiprogrammes effectué par le ministère de l'Éducation en 1992 révélait qu'on retrouve des classes multiprogrammes partout au Québec, même dans les écoles de 250 élèves et plus, et que les élèves réussissent aussi bien, parfois même plus que ceux des classes à un niveau. Il n'y a donc pas de raison pour que les classes multiprogrammes ne soient pas davantage développées en milieu rural. C'est d'ailleurs ce que recommandaient Mario Carrier et Pierre Beaulieu, de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, dans une étude réalisée en 1995.

n (9 h 40) n

Bien entendu, les classes multiprogrammes exigent l'introduction d'une approche pédagogique différente, des sessions de perfectionnement pour le corps enseignant, la création de programmes et de matériel didactique appropriés et la possibilité de réduire la charge de travail des enseignants. De plus, il est urgent d'évaluer sérieusement les impacts de la récente réforme sur l'enseignement dans les classes multiprogrammes. Enfin, les universités devront se mettre au diapason des classes multi-âges et ainsi former les maîtres en regard de cette forme d'enseignement.

Poussons maintenant plus loin le raisonnement. Au Canada et aux États-Unis, quelques études ont fait ressortir les nombreux avantages des classes multiprogrammes et des classes de petite taille. Récemment, un programme de recherche américain intitulé Student Teacher Achievement Ratio a démontré que les petites classes et les classes multi-âges, en particulier de la maternelle jusqu'au troisième degré, permettaient aux élèves de mieux progresser dans leur apprentissage et de bénéficier d'une meilleure attention de la part de l'enseignant. Ces recherches ont amené le gouvernement à déposer un programme intitulé Class Size Reduction Program pour ainsi favoriser l'introduction de ce modèle. La chose a de quoi étonner. En octobre 2001, le gouvernement américain annonçait qu'il poursuivait ce programme et qu'il l'intégrait dans Teacher Quality Block Grant et le No Child Behind Act. Ainsi, les États américains et les agences d'éducation locales peuvent puiser à même un fonds de 4,5 milliards de dollars pour soit recruter et former de nouveau professeurs à cette réalité, soit sensibiliser les parents et les communautés sur la progression de l'apprentissage de l'élève.

Ces mesures n'ont pas été annoncées dans l'objectif de maintenir ouvertes les écoles rurales. Elles pourraient cependant l'être. En effet, en juillet 2002, Mark W. Olson, gouverneur de la Réserve fédérale américaine, mentionnait dans un discours que le développement des services est présentement en grande partie responsable de la renaissance des milieux ruraux aux États-Unis. Chose certaine, l'expérience américaine et les recherches qui y sont menées démontrent assurément que la taille n'infère pas sur la qualité des services éducatifs, bien au contraire. Lors du Colloque sur la décroissance de la clientèle scolaire en mai 2000, les propos de Jeanne Maheux abondaient en ce sens en démolissant l'argument de la qualité des services éducatifs largement invoqué lorsqu'on parle de fermer une école en région: «Du point de vue de la qualité des services éducatifs offrant les meilleurs conditions d'apprentissage pour les élèves, toutes les écoles devraient être petites et toutes les classes devraient privilégier un regroupement multi-âges dès le premier cycle du primair», qu'elle soulevait.

Au niveau administratif, il paraît fort possible de partager certains immeubles et services des écoles avec la communauté. Ainsi, le maillage des services entre les commissions scolaires, les municipalités et les groupes socioéconomiques pourrait servir à mieux utiliser les espaces excédentaires des petites écoles. Les écoles peuvent ainsi être utilisées à des fins multiples. Cette façon de faire permettrait également à la communauté et à ses acteurs locaux de s'approprier l'école tout en allégeant la commission scolaire des coûts relatifs à la gestion et à l'entretien des bâtiments.

Au niveau des infrastructures, le transport des élèves d'une petite localité vers une plus grosse ou vers la ville voisine solutionne peut-être le problème d'espace excédentaire, mais il crée un problème plus grand d'éducation et d'appartenance. Bien souvent, la solution retenue par les commissions scolaires est de fermer l'école du village ou d'en faire une école de cycle et de transporter les élèves dans le village ou la ville voisine pour utiliser tous les espaces disponibles. Rarement, l'inverse n'est fait. On projette souvent la construction d'une école dans un quartier en développement alors que l'école du village voisin pourrait accueillir le surplus d'élèves. À ce titre, les autobus scolaires peuvent voyager dans les deux sens. Si cette solution apparaît pénible aux yeux des citadins, elle l'est tout autant pour les ruraux. Et, concernant le bien-être des enfants, il paraît évident que le transport scolaire comporte des inconvénients, alors que l'école du village à taille humaine représente un lieu propice au développement de l'enfant et à sa socialisation dans le milieu.

Enfin, au niveau financier, rien ne prouve que les écoles rurales seraient responsables des difficultés financières que vivent les commissions scolaires même si, en général, les dépenses d'opération et de fonctionnement ? que ce soit le déplacement des enseignants et spécialistes, dépenses reliées aux activités et à la gestion des équipements, chauffage, et le reste ? des petites écoles sont supérieures au budget alloué. Le financement accordé aux commissions scolaires étant fait sur la base des effectifs scolaires, comment expliquer que des commissions scolaires entièrement rurales se débrouillent bien en matière budgétaire? N'oublions pas que les ressources éducatives, en l'occurrence le salaire des enseignants, sont entièrement financées par le ministre de l'Éducation indépendamment du type d'école. L'étude de Carrier et Beaulieu a démontré que la commission scolaire de Normandin, par exemple, qui desservait, en 1995, 1 000 élèves dans cinq écoles, dont trois de moins de 100 élèves, n'a jamais fermé d'établissement. Elle réussissait même à dégager un surplus budgétaire en cumulant les différents postes de direction par une seule personne et en recourant à de la sous-traitance dans la région. Aujourd'hui, cette commission scolaire du Pays-des-Bleuets compte toujours le même nombre d'écoles. Par ailleurs, elle ne comptait plus que 669 élèves en 2001.

Plus que jamais, il est impératif de revoir et de réorganiser les règles de financement en tenant compte des particularités des écoles rurales. Une plus grande flexibilité est de mise dans l'utilisation des ressources financières. La commission scolaire de Charlevoix est d'ailleurs intervenue dans cette voie en transférant certaines allocations supplémentaires en ressources d'enseignement pour ainsi maintenir des services éducatifs, en plus d'y avoir investi des revenus provenant de la location ponctuelle de ses installations. Encore là, il s'agit d'une mesure palliative de dernier recours. Concernant les ressources financières, il faut encore le dire, Carrier et Beaulieu démontraient clairement que les arguments de nature administrative et financière invoqués par les commissions scolaires ne tiennent pas toujours la route.

Même son de cloche de la part de Marie-Josée Tremblay, étudiante en développement régional à l'Université du Québec à Rimouski, qui s'est penchée sur la problématique des écoles en milieu rural. Selon elle, il semble que les préjugés face aux petites écoles, en termes de coûts élevés de leur fonctionnement, apparaissent de plus en plus remis en question. Bien entendu, il existe des coûts supplémentaires liés au fonctionnement, mais la fermeture d'une école de village implique aussi d'autres coûts qu'aucune étude sérieuse ne s'attarde à évaluer. En plus, il semble que les sommes attribuées aux commissions scolaires pour les espaces excédentaires afférents aux petites écoles se trouvent plus souvent qu'autrement noyées dans l'ensemble des subventions remises par le gouvernement.

Un financement adéquat est déterminant pour le maintien des petites écoles. Les sommes allouées aux commissions scolaires par le ministère de l'Éducation devraient être établies à partir d'autres paramètres que le seul rapport maître-élèves, puisqu'il défavorise les milieux à faible densité démographique et ignore bien des considérations géographiques et socioéconomiques. C'est d'ailleurs ce qui a incité la commission scolaire du Fleuve-et-des-Lacs à déposer un projet de politique sur le maintien des services éducatifs dans les petites écoles pour empêcher la fermeture de sept écoles primaires situées dans les MRC des Basques et de Témiscouata. Ce projet propose notamment d'abaisser le nombre minimal d'élèves de 30 à 20, voire à 16 dans certains cas, et d'exiger de la communauté un montant fixe de 4 000 $ par école.

Solidarité rurale croit aujourd'hui que les enfants et l'école appartiennent d'abord aux parents et à la communauté locale. La commission scolaire et les professeurs sont les délégués de ces parents. Les commissions scolaires doivent donc s'assurer que tout a été fait en concertation avec le milieu pour trouver une solution satisfaisante. De plus, il y aurait lieu de bonifier et de renforcer le rôle des conseils d'établissement, première instance devant être informée pour les questions importantes les touchant. Les parents appartiennent à un village et non à un regroupement de villages. La décision finale de fermer une école ne devrait pas appartenir à la commission scolaire, mais à une instance supérieure qui pourrait entendre et considérer les enjeux autres que strictement budgétaires et évaluer les impacts sociaux et économiques de telle fermeture. Il faut maintenir les petites écoles et convenir de balises claires afin de guider le choix des communautés locales en cette matière et d'un cadre général pour le maintien d'une offre de formation répondant aux besoins des régions.

Nous avons également un point de vue sur la desserte éducative de niveau supérieur et son rôle dans le développement et l'épanouissement des communautés, villages. Néanmoins, comme le temps est toujours limité, on l'a très bien expliqué à l'intérieur de notre mémoire. Mais rapidement vous dire que c'est tout aussi important, les cégeps, les universités en milieu rural, puis pas pour la question trop souvent invoquée, pour permettre aux jeunes de rester chez eux, mais davantage pour permettre un brassage d'idées et un mixage de gens qui viennent d'un peu partout, parce qu'il y a des disciplines particulières.

n (9 h 50) n

Alors, nos recommandations: encourager une desserte des services éducatifs de base dans toutes les municipalités du Québec; s'engager à définir une politique de maintien des petites écoles en milieu rural qui serait accompagnée d'un financement approprié pour les commissions scolaires visées et un appui logistique et professionnel; soutenir financièrement et techniquement les communautés rurales lorsqu'elles innovent et recourent à des formules non traditionnelles dans le maintien d'une école primaire; permettre aux petites écoles d'introduire le modèle des classes multiprogrammes et de s'engager dans la réalisation de diverses tâches s'y afférant: formation universitaire appropriée, perfectionnement et soutien pédagogique des enseignants, dégagement de tâches, production de matériel didactique spécifique, mise en réseau entre écoles du même type, information et sensibilisation auprès des parents; maintenir ouverte la dernière école du village tant que des études d'impact n'ont pas été réalisées et que des mesures de mitigation convenables n'ont pas été mises en place; créer un organisme ou une instance spécifiquement accréditée pour mener de façon indépendante des études sérieuses sur les effets d'entraînement et les coûts économiques, sociaux, psychologiques et culturels que peut engendrer la fermeture d'une école primaire et pour proposer des solutions alternatives; revoir les règles de financement de l'ensemble des établissements du secteur éducatif en région en fonction de leur éloignement et des contraintes géographiques et démographiques; encourager le partenariat et la concertation entre les commissions scolaires, les municipalités et les acteurs locaux afin de mieux utiliser ou de partager les espaces excédentaires, les services et les locaux des petites écoles; et enfin, créer de nouveaux centres d'étude et de recherche au niveau collégial et universitaire dont la vocation serait plus proche des nouvelles filières de production qui exploitent actuellement des créneaux à très haute valeur ajoutée à partir des ressources naturelles.

Voilà, Mme la Présidente, un résumé du mémoire qu'on vous avait déposé, et nous sommes à votre disposition pour répondre aux questions.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Proulx. M. le député de Saint-Jean.

M. Paquin: Merci, Mme la Présidente. Bienvenue à bord. Je pense que c'est un sujet fort important. On l'a constaté lorsqu'on a lancé le débat, il y a eu affluence d'intervenants qui ont voulu se manifester, et je pense que c'est normal à ce moment-ci parce qu'on constate, au niveau du Québec, bien sûr, une dénatalité qui a comme effet de faire baisser l'effectif global sur une longue période mais aussi des flux de population de régions vers d'autres régions, en particulier de la périphérie vers la métropole ou la capitale nationale et en particulier vers les ceintures de ces régions-là, ce qui amène aussi des difficultés de croissance et de décroissance en même temps dans ces zones-là. Mais un exode des régions qui sont en périphérie a un effet extrêmement pervers sur le milieu comme tel et pas seulement au niveau éducatif, et ça s'ajoute... On a déjà des problèmes avec les affectifs, mais, en plus, on se diminue en moyens pour y faire face.

Et d'autre part il y a le fait aussi qu'il y a des jeunes qui ne sont pas aux études qui pourraient y être dans des créneaux de valeur ajoutée, comme vous mentionnez, où il n'y a pas de formation qui est offerte et où des jeunes sont peut-être au milieu du travail ou dans des emplois qui ne sont pas à la hauteur de leurs capacités, des aspirations de développement du milieu puis du potentiel qu'il y a dans une région tout simplement parce que le cours ne se donne pas, ou ailleurs parce que des jeunes décrochent, ou parce que des gens qui sont à l'âge adulte et qui pourraient, dans une perspective de formation continue, améliorer leur formation, ne sont pas non plus aux études. Donc, il y a comme trois volets. Il y a la dénatalité, d'une part, il y a les déplacements de clientèle de zones vers d'autres zones, et il y a le décrochage et le fait que des jeunes ne sont pas dans les cours.

Alors, dans le cas précis de votre présence, je pense qu'il est important qu'on cible beaucoup sur comment on peut organiser l'école dans des milieux où il y a vraiment un déclin de population. Vous avez parlé de l'importance de l'école comme institution dans le milieu. Moi, j'aimerais qu'on décortique deux aspects de l'école dans le village, si vous voulez, et que vous me parliez des deux volets. Le premier volet, c'est l'école, le bâtiment, cet espace qui peut devenir excédentaire, ce lieu où des activités peuvent se tenir, notamment de l'instruction ou de l'éducation, et où il peut se passer d'autres éléments. On pourrait sauver un bâtiment, lui trouver une vocation. Ça ne serait pas avoir sauvé l'école du village, ça serait avoir donné une vocation nouvelle à un espace. Et, donc, il y a cette dimension-là de l'école lieu. O.K.? Et l'autre dimension, c'est l'école dans le sens de l'apprentissage de jeunes, du transfert d'information, d'instruction par des adultes à ces jeunes-là, de lieu d'appartenance et de culture pour les jeunes qui y vivent leur apprentissage. Parce qu'on peut apprendre chez soi, on peut avoir un ordinateur, on peut faire de l'apprentissage par la poste, mais il y a cette qualité de présence aussi qui est importante.

Donc, en décortiquant comme il faut les deux dimensions, de parler de l'école comme lieu, d'une part, mais, après ça, vous vous attardez à la relation de l'apprentissage de l'enfant, parce que les populations ayant diminué en effectif, vous avez dans vos villages des nombres d'étudiants plus restreints, comment peut-on faire en sorte que la qualité de l'instruction, la qualité de l'éducation, la qualité de la formation de ces jeunes-là dans ces milieux-là se fassent de manière optimale nonobstant les bâtiments? C'est-u clair, ma question?

La Présidente (Mme Bélanger): M. Proulx.

M. Proulx (Jacques): C'est très clair. C'est très clair, puis vous posez une question et vous vous donnez la réponse. Je veux dire, la réponse est dans l'imagination, hein? Et vous avez parfaitement raison qu'est-ce que vous dites. Quand on parle de bâtiment, c'est bien sûr que ce n'est pas un bâtiment à qui on donne une autre vocation, il s'arrangera bien avec ça. Je ne pense pas que ce soit dans le milieu rural... Ce n'est pas les bâtiments du milieu rural qu'on a fermés qui doivent vous coûter le plus cher aujourd'hui. Ils ne doivent pas être, je ne sais pas, dans les 5 millions, que j'ai vu dans les journaux, de pieds carrés que vous aviez en excédent. Je ne pense pas que ce soit dans le milieu rural. Dans les cas où ça a fermé, en tout cas ceux que je connais, ils leur ont tous donné une autre vocation. Et, dans beaucoup de cas, à l'heure actuelle, même des écoles qui ne sont pas encore menacées d'être fermées, on utilise le bâtiment, école-bâtiment à de multiples choses, parce que c'est bien sûr, la démographie, le nombre diminuant, puis ainsi de suite... Alors, ça, je suis d'accord avec vous qu'on le sépare en deux. Mais, en même temps, il est relié aussi jusqu'à un certain point, je veux dire...

Et l'autre, c'est ça, c'est qu'on a beaucoup de difficulté à sortir d'un modèle de société opulente. C'est-à-dire qu'on s'est permis de se donner tout ce qu'on voulait à ce niveau-là, puis c'était probablement correct dans le temps, il y avait des choses... Mais, aujourd'hui, il faut s'ajuster, hein? Et, d'un côté, on vante beaucoup l'importance des nouvelles technologies, comment on a évolué. On n'est plus il y a 20 ans, ou 30 ans, ou même... il y a d'autres possibilités, puis il faut être capable de s'ouvrir. Et, quand je dis: Il faut être capable, là, ce n'est pas rien que l'État, là, c'est l'État, c'est les enseignants, c'est les administrateurs et c'est les populations locales aussi. Mais il faut mettre en place... Il faut valoriser, en fait, différentes façons puis juger des résultats et non de passer notre temps à juger sur les moyens. Et il y a rien qu'un moyen qu'on retient tout le temps.

Alors, on commence à voir des exemples à l'heure actuelle. Il se fait des expériences intéressantes à l'heure actuelle. Et, quand vous me parlez de multi-âges, puis tout ça, bien oui, c'est extraordinaire parce que c'est des méthodes qu'on se doit de moderniser, qui ont existé quand on était pauvre collectivement et qu'on a évacuées, mais qu'aujourd'hui qu'on... parce qu'ils façonnent une société, ils façonnent des populations.

M. Paquin: Vous parlez d'un lieu de décision qui incluait la commission scolaire, mais qui était au-delà de la commission scolaire au moment de prendre la décision, en particulier, sur la fermeture d'une école. Vous avez dit qu'il fallait un lieu régional ou local, là ? je n'ai pas saisi de quel lieu exactement il s'agissait, mais qui incluait la commission scolaire, mais qui n'était pas seulement la commission scolaire ? pour prendre les décisions de ce type. C'est quoi que vous avez dans l'idée?

M. Proulx (Jacques): En fait, ça revient, comme je le souligne dans ça, là, la décision finale... Après qu'on va avoir mis sur la table tous les impacts, tous les défis qu'on a, la décision, elle doit revenir à la communauté, aux comités de parents. Les comités de parents ou les comités d'école, si on veut, la population, c'est eux qui doivent être l'instance qui prend la décision finale, parce que, quand ils la prennent, la décision... Quand on a mis sur la table tous les impacts, puis ainsi de suite, qu'on leur a donné l'opportunité d'être bien au fait des décisions qu'ils auront à prendre, ils les prennent, les décisions et ils les portent.

n (10 heures) n

Et plus belle preuve, c'est que, je dirais, la totalité des écoles qui étaient menacées de fermer puis qui se sont débattues, elles investissent massivement les parents et en argent par le conseil et massivement dans le bénévolat aussi, tu sais. Ils s'impliquent davantage parce qu'ils veulent sauver leurs écoles. Alors, c'est à eux autres. Ce n'est pas le gestionnaire, commission scolaire, qui doit avoir droit de vie ou de mort sur une école. C'est ça que je dis. Ce n'est pas pour rien qu'on a des comités d'école, qu'on a des populations qui s'impliquent. Bien, respectons-les.

M. Paquin: Vous avez aussi dit la phrase suivante ou à peu près: Il serait préférable de gérer l'occupation du territoire plutôt que la décroissance scolaire. Je pense que vous avez dit quelque chose qui ressemble à ça. Ça, j'aimerais que vous m'en parliez un peu.

M. Proulx (Jacques): L'occupation du territoire, il ne faut pas que ce soit uniquement dans les discours ou dans... qu'on s'exprime parce que ça fait beau. Ou on décide qu'on occupe le territoire... Et il y a un coût à occuper le territoire. On vit au Québec, un immense territoire, il y a 7 millions de personnes, il y a des centaines et des centaines de kilomètres d'une extrémité à l'autre. Ce n'est pas la faute des ruraux, ce n'est pas la faute des urbains, c'est que c'est ça, la réalité. Alors, on ne peut pas se gargariser que c'est important d'occuper le territoire mais, de l'autre côté, ne pas mettre les mesures en place pour l'occuper, ce territoire-là. Il y a un prix et, ce prix-là, il faut que l'ensemble des intervenants soit capable... ait la décision de le payer, ce prix-là. Alors, ça concerne l'État, ça concerne les populations, ça concerne les organismes, ainsi de suite. Tout le monde est interpellé dans ça.

Mais l'État, il faut qu'elle donne l'exemple dans ça, c'est-à-dire qu'il faut qu'elle soit le leader dans ça parce que le territoire, c'est elle qui le gère. C'est dans ce sens-là que je dis: Soyons imaginatifs, développons différentes alternatives qui existent, qui ont fait leurs preuves. Et si ça prend des argents supplémentaires... on est toujours d'accord à dire: On ne peut pas y aller n'importe comment, là. Mais, moi, je vous dis encore une fois que c'est rarement l'argent ? elle est fortement utilisée ? c'est très rarement l'argent, parce qu'on fait un calcul tout le temps rien que sur un bord, hein? On calcule tout le temps qu'est-ce que l'école coûte, qu'est-ce que ça peut coûter, mais ensuite on ne compte plus comment ça a coûté, l'autre décision qu'on a prise.

Le transport, par exemple, le coût environnemental, le coût psychologique... Moi, je suis toujours sur la route, comme vous autres, là, et, moi, quand je vois des petits enfants de quatre ans sur le bord de la route à attendre l'autobus à 7 heures ou 7 h 10 le matin, bien, si j'avais encore des jeunes enfants, là, je ferais une colère assez terrible, je vous le dis. Ça n'a pas de sens, et c'est le cas, vous le voyez, je suis certain. Je le vois quotidiennement. Quand je vois, dans l'hiver, des enfants sur le bord de la route aussi partir à la noirceur le matin parce que les jours sont plus courts, je dis: Il y a de quoi quelque part qui ne marche pas, on ne peut pas faire ça de même. Je veux dire, on ne faisait pas ça dans le temps qu'on marchait pour aller à l'école de rang, ça fait qu'imaginez-vous.

M. Paquin: Je vais laisser du temps à mes collègues. Je reviendrai s'il reste du temps.

La Présidente (Mme Bélanger): Très bien, M. le député de Saint-Jean. M. le député de La Prairie.

M. Geoffrion: Oui. Bonjour, M. Proulx, M. Desjardins. Bienvenue à cette commission. Merci pour votre mémoire. Le titre: Jamais sans mon école. On reconnaît les influences de l'ancien président de l'UPA. Parmi les solutions que vous avancez, il y en a un certain nombre dont le temps ne vous a pas permis de nous exposer... Par exemple, à la page 12, vous relatez l'expérience qui se vit à Saint-Pierre-de-Broughton où là on essaie d'attirer ? et je pense que c'est une bonne idée ? on essaie d'attirer des résidents, des nouveaux résidents à venir s'installer dans ce village et, éventuellement, bien évidemment pour combler les places dans l'école.

Il y a d'autres... La Fédération des commissions scolaires, hier, nous a présenté dans son mémoire également un certain nombre d'expériences, de projets novateurs qui se vivent partout sur le territoire. Il y a des choses assez intéressantes, étonnantes parfois. Ce qui se vit à Saint-Pierre-de-Broughton, c'est aussi, je pense, très étonnant. J'aimerais que vous m'en reparliez s'il y a d'autres... Vous faites référence aussi à d'autres expériences dans les villages de La Durantaye et Saint-Cyprien. Est-ce que ça va dans le même sens, ces deux expériences-là, d'attirer par toutes sortes de nouveaux moyens... Vous parlez d'Internet où on vend un petit peu aux jeunes urbains la verdure et la joie de vivre dans le village.

J'aimerais que vous me parliez de ces expériences-là. Comment votre groupe participe à ces... de près ou de loin, ou c'est simplement ce que vous avez colligé, ces expériences-là, ou est-ce que vous, comme organisme, vous travaillez de près avec ces communautés-là?

M. Proulx (Jacques): Nous autres, on a pris comme résolution au départ de ne pas bâtir de solution magique. Alors, Solidarité rurale est tout le temps là en soutien, en accompagnement, mais on fait des efforts surhumains, parce qu'on est des humains aussi, pour ne pas arriver avec nos gros sabots puis dire: Voici la solution, voici la solution, ainsi de suite. Ça n'a pas de pérennité, ça. Alors, moi, je vous dirai que ça fait 11 ans et quelques mois qu'on existe, ça fait 11 ans et quelques mois qu'on se bat avec les communautés pour garder l'école. Et même dans les années 1994, 1995, autour de là, on a même eu une coalition de 65 ou 70 municipalités qu'on a parrainées, entre guillemets, qu'on a accompagnées lorsqu'on a fait des revendications dans une foulée de fermetures importantes d'écoles.

Alors, on n'est pas les initiateurs des exemples que vous dites, mais on est des accompagnateurs très, très présents parce qu'on force les communautés à imaginer des solutions, et on apporte l'expertise qu'on peut avoir, et on établit des liens entre les différentes initiatives qui sont faites, puis ainsi de suite. C'est sûr qu'on va toujours les supporter très fortement. C'est des initiatives intéressantes, mais qui ont leurs limites aussi.

Un des gros problèmes qu'on a vécus jusqu'à aujourd'hui dans l'incapacité de trouver une solution pérenne, ça a été qu'on a tout le temps raboudiné, c'est la fuite en avant, c'est-à-dire que les communautés, bon, sont devant une impasse, elles inventent de quoi. Dans le cas que vous soulevez là, c'est un peu plus pérenne parce que ça établit graduellement une réoccupation un peu, mais il faut faire attention aussi, à la longue, qu'on aille voler à d'autres petits endroits du monde, alors on fait une espèce de cannibalisme, on va se manger entre nous autres, là.

C'est bien, c'est très intéressant, c'est encore mieux que les premières initiatives qui avaient été prises dans d'autres villages, qui étaient très temporaires, mais il faut arrêter d'aller avec du temporaire puis il faut établir... il faut se décider, comme société, qu'on veut occuper le territoire. Puis occuper le territoire, ce n'est pas rien qu'une question d'argent, encore une fois, c'est parce que... Le passif, c'est de donner des subventions pour occuper le territoire. Ce n'est pas ça qu'on défend. On défend... redynamiser, que le milieu se réapproprie, crée une dynamique très nouvelle à l'intérieur de ça. Alors, oui, à court et moyen terme, c'est des solutions intéressantes. Tout comme je pourrais vous parler des maisons familiales rurales, comme je pourrais parler de l'expérience CEFRIO, à l'heure actuelle, où il se fait trois projets-pilotes au Québec, totalement dans des lieux différents. Mais, moi, je pense que c'est avec ça qu'on va établir une pérennité dans l'école du village.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Saint-Jean, il reste quatre minutes.

M. Paquin: Oui. Bon, alors, je passerais aux autres niveaux d'enseignement à ce moment-là: cégeps, universités. Dans un milieu donné, c'est souvent... Bon, c'est vrai que c'est le lieu de transfert d'instruction. Bon. Au-delà de ça, il y a toute la masse critique d'intellectuels et de professionnels dans des secteurs de techniques et des lieux de transfert de technologies, lieux de reconnaissance du milieu par rapport à l'excellence, intervenants possibles pour soutenir le développement économique et tout ça. Évidemment, avec la baisse des effectifs, il y a la question des financements qui se pose, il y a la question du rôle réel de ces institutions-là en périphérie qui, en tout cas, de manière encore plus importante que dans les centres urbains, jouent ce rôle d'institutions de haut savoir, de lieu de convergence des gens instruits et de là édification, exemple, émulation dans le milieu et tout ça.

Moi, j'aimerais ça que vous me parliez, là, quelques instants de ce rôle, dans le fond, qui est exclusif des universités et des cégeps en région et comment, en conséquence, malgré les fluctuations à la baisse des populations, intervenir pour leur financement puis leur soutien.

M. Proulx (Jacques): Je demanderais peut-être à Pierre... puis je compléterai.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, M. Desjardins.

n (10 h 10) n

M. Desjardins (Pierre): Merci. Je pense que vous avez bien cerné la problématique, c'est-à-dire que, si on prend l'exemple de Montréal ou de Québec, la présence d'universités, de centres de recherche, d'une filière d'éducation dépasse largement la dotation de connaissances, etc., là. Ça participe au bouillonnement, au dynamisme, à la synergie d'une ville. Il en va de même dans le développement des régions, hein. Si on dépasse la simple ruralité puis on se met dans la peau... si on regarde le dynamisme d'une région, c'est clair que, s'il n'y a pas d'investissement dans l'ensemble de la filière de l'éducation et si cette filière n'est pas liée aussi à la mise en valeur du territoire et des ressources locales, on va passer à côté de la dynamique ou de la reconversion des territoires ou de l'occupation plus dynamique du territoire. Dans le fond, ce que disait M. Proulx... C'est-à-dire qu'il y a deux façons d'examiner l'occupation du territoire. Je dirais qu'en gros, aujourd'hui, on le regarde en disant: Il faut maintenir, on gère l'état de fait. Il y a des gens partout au Québec, on ne se requestionne pas sur leur localisation, même si on les trouve difficile, et finalement on les aide un peu à rester là et à ne pas trop mourir puis on tente de mettre le couvercle sur la problématique. Et je dirais qu'il y a une autre façon de voir les choses, c'est de dire: Comment on pourrait dynamiser ça? Donc, de dire: C'est un actif, ce n'est pas un poids pour la société québécoise. Donc, comment on pourrait investir pour valoriser et dynamiser ça? On dit que la filière complète du système d'éducation, qui va du primaire à l'universitaire et aux centres de recherche, fait partie, est une composante essentielle à la mise en valeur des territoires.

Quand on se questionne sur les défis que pose la nouvelle économie et le positionnement international du Québec, si on veut, dans la mise en valeur de ses ressources, de dire... c'est essentiellement au niveau du savoir. L'économie du savoir est aussi liée au savoir lié au territoire. Comment on va éventuellement pouvoir faire des projets à valeur ajoutée dans des territoires si on ne se questionne pas sur les potentiels qu'ils présentent? Dans le fond, le savoir sur la forêt, il n'est pas situé dans les régions forestières, il est situé à Montréal; le savoir maritime, il est aussi situé à Montréal. Et vous connaissez bien la Gaspésie, il y a des exemples de production à valeur ajoutée et des investissements importants en technologie mais également en savoir qui sont liés essentiellement à la présence de chercheurs de très haut calibre pour éventuellement mettre en évidence ces potentiels-là et les rendre commercialisables. Donc, c'est fondamental, quant à nous, l'investissement dans l'ensemble de la filière de l'éducation. Est-ce que ça répond à votre question?

M. Paquin: Oui, en partie. Mais, s'il me reste 30 secondes... Je ne sais pas...

La Présidente (Mme Bélanger): Il n'en reste pas, mais je vais vous les donner.

M. Paquin: O.K. Est-ce que c'est la mission exclusive du ministère de l'Éducation, qui est plus qu'un ministère de l'Instruction, de financer ce volet-là de la présence des institutions du savoir en région ou est-ce que c'est aussi la vocation ? je ne sais pas, moi ? du ministère des Régions ou d'autres instruments de l'État? Mais de quelle manière on peut le financer à hauteur de faire du judo avec et de faire en sorte qu'il se passe des choses dans les régions qui devraient s'y passer avec ces investissements qui sont là?

La Présidente (Mme Bélanger): M. Proulx. Une petite question courte.

M. Proulx (Jacques): Je vais vous répondre. Moi, je vous dirai: Ne commencez pas à faire porter sur d'autres ministères le manque à gagner au ministère de l'Éducation. Nous autres, on se bat contre ça, de profiter d'une politique dans un ministère pour dire: On va venir boucher les trous que l'autre n'a pas bouchés. Je ne suis pas un spécialiste, mais je vous dirai ma première réponse rapidement: C'est au ministère de l'Éducation. S'il est le ministère de l'Éducation, qu'il s'occupe de l'éducation d'un bout à l'autre puis qu'il arrête de se raccrocher à un petit restant de budget en quelque part ou ainsi de suite ou à une politique quelconque, parce qu'on le vit à l'heure actuelle. Le monde pense que la politique de la ruralité, il y a des milliards dans ça, puis tout le monde est en train de s'accrocher après ça et de dire: Ça va être le fun, on va aller chercher le manque à gagner. Nous autres, on se bat très fort contre ça.

Je veux dire, qu'il investisse, le ministère de l'Éducation, comme d'autres ministères, il faut qu'il investisse. Moi, je suis un paysan. Il y a un temps pour semer puis il y a un temps pour récolter. On ne peut pas passer notre temps à récolter puis sans jamais resemer. Alors, il y a des investissements, comme société, à faire, puis on va récolter à un autre temps puis on réinvestira, c'est ça.

Je finirai en disant que la nouvelle économie rurale, qui est de la microéconomie, elle va avoir besoin de se faire dans les régions; le savoir puis les cerveaux.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Proulx. Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Merci, Mme la Présidente. Alors, M. Proulx, M. Desjardins, bon matin, merci d'être avec nous. Je pense qu'on peut facilement prétendre que Solidarité rurale a non seulement développé une expertise, mais je pense qu'on peut dire qu'ils sont au Québec ? enfin, indépendamment des recherches qui se font dans les universités et ailleurs ? un peu les spécialistes du monde rural au Québec. Vous avez contribué par vos travaux à raffiner, en fait, la connaissance du monde rural puis certainement à clamer haut et fort son importance.

Pour tout ce qui concerne la question des écoles de village, en fait, ce n'est sûrement pas un sujet nouveau pour vous autres parce que, lorsque vous avez fait votre corvée d'idées en 1998, vous avez affirmé dans votre document, à la page 36 ? et vous me permettrez de vous livrer une citation: «La survie des campagnes est directement liée à l'importance de maintenir dans chaque localité une école.» Vous évoquiez même, à ce moment-là, le principe d'équité sociale. Vous avez rajouté: «Les ruraux espèrent que le ministère de l'Éducation affirmera son intention de maintenir une école par village et accordera les budgets nécessaires.»

Le constat qu'on peut faire en 2002, là, quelques années après que vous ayez fait le tour des villages au Québec, est-ce que vous pensez que le ministère de l'Éducation a fait ses devoirs en ce qui concerne l'école de village, d'une part?

D'autre part, je souhaiterais qu'on puisse... Je vais vous poser quelques questions comme ça en rafale, comme ça, ça ira un peu plus rapidement. Dans votre série de recommandations, vous parlez en fait, à la première recommandation, d'encourager une desserte des services éducatifs de base. Alors, vous allez plus loin que tous les intervenants qui sont venus ce matin. Et puis là, évidemment, à travers les recommandations que vous formulez, on voit vraiment que vous abordez la question sous un angle global. Pour vous, une desserte des services éducatifs, une desserte de base, ce serait quoi? Ce serait l'école, bien sûr, mais j'imagine que vous avez autre chose en tête. Alors, je vais peut-être vous laisser le loisir de répondre à ces deux questions-là puis, après ça, on pourra revenir sur d'autres sujets.

M. Proulx (Jacques): Pierre, tu veux répondre à la deuxième?

La Présidente (Mme Bélanger): M. Desjardins.

M. Desjardins (Pierre): O.K. Donc, sur la desserte scolaire, dans le fond, c'est un peu la réponse que j'ai faite au député de Saint-Jean, c'est-à-dire, dans le fond, qu'il ne faut pas examiner juste l'école primaire, la maternelle, le préscolaire, je veux dire, mais comment on va intégrer l'ensemble du processus éducatif des enfants et des communautés dont l'éducation est un des volets extrêmement importants. Dans le fond, le dynamisme de la communauté, ou de la région, ou de la MRC, ou peu importe, du Québec rural, est lié à toute cette dynamique éducative qui est là. Donc, il ne faut pas juste regarder un morceau de la chose, hein.

La tendance, ça a toujours été de dire: On peut toujours se limiter à garder une école. Comme on le constate, il y a un investissement de la part des citoyens dans la conservation d'une école, mais il reste néanmoins que c'est un symptôme d'un problème beaucoup plus important. Quand on parle de démographie, de fluctuation, de déplacement de population, hein, dans le fond, c'est faire porter aux populations locales ainsi qu'aux commissions scolaires un problème qui déborde.

Je veux dire, ce n'est pas juste un problème d'éducation quand on ferme une école. On dit: Il y a des services éducatifs, on a un budget limité... Quand on dit: Il faut aller au-delà de ça, évaluer l'ensemble des impacts que ça représente dans une communauté et bien voir qu'il y a là un symptôme d'un problème plus vaste, c'est-à-dire comment on va travailler sur l'ensemble du problème, comment on va travailler sur le développement des communautés rurales, de cette communauté-là en particulier mais de l'ensemble des communautés rurales, pour éviter cette problématique-là. Comment on peut agir sur la démographie? On peut agir dans des programmes de politiques familiales, mais on peut également agir sur l'immigration, et ça, ça dépasse totalement le champ de compétence des commissions scolaires ainsi que des communautés locales, hein?

Les communautés, elles sont partie de la solution, mais elles ne peuvent pas être les seules face au problème. Le gouvernement, le ministère de l'Éducation, les commissions scolaires ne peuvent pas se décharger complètement de l'ensemble de la problématique sur les épaules d'un comité de citoyens ou d'un comité de parents dans une école ou dans un village de 365 personnes. C'est clair qu'ils feront face à une problématique beaucoup plus importante. Ce qui les intéressent, eux, c'est de dire: Mes enfants, demain matin, qu'est-ce qu'ils vont faire? Et comment mon village va pouvoir leur donner un minimum d'enseignement? Ils ne se posent pas la question de dire: Comment on pourrait attirer de nouvelles familles?

Dans le fond, les villages les plus dynamiques et les exemples qui sont là montrent que la solution dépasse le problème de l'école. Je me dis: Quand une municipalité s'intéresse de dire: Je veux faire venir de nouvelles familles, je veux donner des bons scolaires à ces nouvelles familles là, favoriser, par la taxation ou peu importe, l'établissement d'une nouvelle personne chez moi, c'est clair que ça déborde largement la problématique de l'éducation, de la commission scolaire. La commission scolaire, son mandat, ce n'est pas de faire ça. Ce n'est pas de développer les communautés, c'est de donner de l'enseignement.

Mme Normandeau: Bien. Merci. À la question, bien sûr, la première question, M. Proulx, sur le ministère de l'Éducation, est-ce que vous êtes satisfait, à l'heure actuelle, des moyens qui ont été mis de l'avant après la politique de la ruralité, là, qui a été annoncée et dont d'ailleurs vous êtes signataire? Le constat, trois ans après que... quatre ans presque après que vous ayez fait la corvée d'idées, là, quel est le bilan que vous pourriez faire par rapport à l'intention qui était annoncée?

M. Proulx (Jacques): Bien, si on était satisfaits, on ne serait pas ici ce matin.

Mme Normandeau: Bravo, oui. Je vais essayer de mesurer votre niveau de satisfaction, comme ça.

n(10 h 20)n

M. Proulx (Jacques): Je vous ai rappelé, dans le mémoire, qu'il y avait eu un fort engagement du premier ministre du gouvernement, très ferme, pendant la campagne électorale, qu'il trouverait une solution pérenne, une solution à long terme. On a continué. On ne l'a pas encore, cette solution à long terme. Ça a été... Encore une fois, on a utilisé, on a rabouté, en fait, des choses. On a continué avec ou l'école du ministre ou double taxation, triple taxation, soupers spaghetti, ainsi de suite. C'est ça qui a prévalu encore, alors que, pour nous, il y avait un engagement ferme. Alors, c'est sûr qu'on n'est pas satisfait sur ce côté-là.

Ce qui est annoncé à l'heure actuelle, vous le savez aussi, il y a un comité de mis en place, que je préside avec le président des commissions scolaires, pour regarder, essayer de proposer, en fait, pour une partie en tout cas, ce qui serait une solution à long terme. Parce qu'il faut arrêter de s'accrocher après la démographie. On ne règle pas ça instantanément, la démographie, c'est une question de générations. Et c'est d'autres politiques qui vont permettre ça. Alors, nous, on dit... Et notre comité, on n'a pas l'intention... on va le constater, ça, comme on est obligé de le faire, mais on veut arrêter de jouer avec ça. C'est un tout, comme on l'a souligné tout à l'heure, puis il faut arriver avec ça.

Alors, pour moi, le ministère de l'Éducation est resté dans des sentiers, comme un peu tout le monde le font, assez étroits, puis il y a comme une évolution qui ne se fait pas par... On a de la misère à se projeter dans l'avenir puis à regarder un peu plus large s'il peut y avoir de quoi ailleurs.

Mme Normandeau: Si vous permettez, Mme la Présidente, peut-être une dernière question. En fait, vous plaidez même pour une charte du citoyen permettant... notamment une charte du citoyen pour le monde rural, pour lui garantir un minimum de services, donc créer des obligations auprès du gouvernement, c'est-à-dire de dire au gouvernement: Écoutez, là, vous avez une obligation, par cette charte-là, et vous devrez rendre des comptes.

Mais, M. Proulx, en fait, tous les intervenants qui sont venus ici ont plaidé pour une approche globale. En fait, c'est le gros bon sens qui parle quand on parle d'une approche globale puis d'occuper notre territoire. Puis on a tendance, quand on regarde évidemment le mandat de la commission, qui est de se pencher sur des solutions pour contrer ou, enfin, pour imaginer d'autres façons de faire pour tenter justement de contrer cette tendance qui semble lourde, qui est lourde, en fait, celle de la décroissance, on a rapidement tendance, en fait, à sombrer dans une attitude qui peut être... dans une espèce de fatalisme. On a l'impression qu'il n'y en a pas de solution.

Mais, en même temps, M. Proulx, quel est le principal ou les principaux irritants par rapport justement à notre incapacité de gérer le développement... c'est-à-dire d'approcher ou d'avoir une approche pour le développement des régions et du monde rural en fonction du territoire? Qu'est-ce que c'est qui ne fonctionne pas? Parce que, en fait, ça fait tellement longtemps que vous le dites, et tout le monde, les intervenants sont venus plaider pour une approche globale... En fait, on est tous pour une approche globale, mais on a l'impression qu'à chaque fois qu'on veut mettre de l'avant des moyens qui nous permettraient effectivement de s'attaquer, à la base, à des problèmes comme ceux que certains villages vivent, par exemple ceux liés à la présence ou non d'une école dans leur village... Qu'est-ce que c'est qu'on ne fait pas, qu'on devrait faire, puis qu'est-ce qui fait que ça ne fonctionne pas?

La Présidente (Mme Bélanger): M. Proulx.

M. Proulx (Jacques): Moi, je pense que... Bon, je dois me poser une première question: Je ne dois pas être assez convaincant parce que, comme vous le dites, ça fait très longtemps qu'on en parle puis ça ne change pas vite. Je pense qu'on est incapables de se sortir d'un modèle qui a donné des résultats à une époque mais qui n'est plus capable de porter l'avenir. Alors, on a une société de comptables, on comptabilise, puis, de plus en plus, on ne comptabilise même pas les bonnes colonnes. Alors, on est, comme comptables, même là, dépassés par les événements, alors qu'il faut ? je répète qu'est-ce que je dis partout ? se projeter dans l'avenir puis être capables de prévoir, en tout cas, tant soit peu, qu'est-ce que ça va être, cet avenir-là et comment on va le faire.

On ne peut pas changer les choses en faisant pareil, c'est impossible, ça. Vous pouvez mettre ça dans un discours, mais ce n'est pas vrai. On ne change pas les choses en faisant pareil. On change les choses en changeant nos façons de faire. Et, pour nous, c'est fondamental. Et on est pris... Je veux dire, c'est tout un système qui ne se change pas rapidement, hein. Ça fait assez longtemps que vous êtes dans ce milieu-là. La machine qui fonctionne, c'est très, très, très lent, hein. Et peut-être qu'à beaucoup d'endroits il n'y a pas une véritable volonté qui est exprimée, peut-être politiquement, peut-être autre, n'est pas assez fortement exprimée pour accélérer un peu ces changements-là. Parce qu'on continue à être convaincus que c'est l'urbanisation qui va sauver la planète, alors que c'est un mixte des deux, à mon avis. Qu'ils vivent en harmonie, mais qu'ils existent, les deux, je veux dire. Et, tant qu'on ne sera pas convaincu que les deux, ils sont un apport important, et le rural et l'urbain, pour une société, on va toujours pencher sur un bord, aller dans le même sens.

La Présidente (Mme Bélanger): Ça va? Alors, M. le député de Vaudreuil.

M. Marcoux: Alors, merci, Mme la Présidente. Bienvenue, M. Proulx et M. Desjardins. D'ailleurs, je voudrais vous remercier pour votre mémoire et votre présentation ici aujourd'hui. Étant moi-même originaire d'un milieu rural, d'une petite municipalité, je peux vous dire que je partage plusieurs de vos constats et des observations que vous avez faites. Et, quand j'ai entendu un peu votre cri du coeur en disant: Si je vois des enfants de quatre ou cinq ans qui sont sur le bord de la route, le matin, il fait noir, l'automne puis l'hiver, puis ils attendent l'autobus, je pense que c'est une situation qui ne devrait pas exister, à mon avis. Je le dis très sincèrement ? parce que j'ai marché à l'école, moi, comme vous aussi, où il y avait plusieurs années dans la même école.

Évidemment, ce que je trouve intéressant dans votre mémoire, vous indiquez clairement, par des recherches, également des personnes qui ont travaillé dans le domaine, qu'une petite école peut fournir des services éducatifs de qualité. Et on a parfois l'impression, aujourd'hui, que c'est quelque chose qui n'est pas évident; plus c'est gros, meilleur c'est. Et je pense que, ça, vous le soulignez très bien.

Vous parlez également des classes multiprogrammes, et, ça aussi, je ne suis pas sûr que ? il me semble ? on en fait une promotion proactive pour dire aux gens: C'est une avenue qui est intéressante pour les enfants. Et je voudrais peut-être vous entendre là-dessus parce qu'on a l'impression que, oui, ça existe, mais c'est comme un pis-aller, finalement, les classes multiprogrammes ou les petites écoles. Est-ce que c'est exact, selon vous? Et qu'est-ce qu'on peut faire pour modifier, en fait, je dirais, cette attitude qui existe?

La Présidente (Mme Bélanger): M. Proulx.

M. Proulx (Jacques): Je ne sais pas qu'est-ce qu'il faut faire. Je ne sais pas qu'est-ce qu'il faut faire, on essaie de le trouver ensemble. Il faut changer les mentalités. Je vous répète presque toujours la même affaire. Mais c'est une question de culture, c'est une question de mentalités et c'est une question qu'il faut arrêter d'avoir une certitude qu'on a raison dans ça. Alors, je pense à la question de Mme Normandeau un peu: Qu'est-ce qui ne marche pas, qu'est-ce qui marche? Il y a un tas d'affaires qui ne marchent pas puis il y a un tas d'affaires qui marchent. Bon. Pour certaines choses, il est trop tôt pour faire un bilan, une évaluation.

Mais je vais vous donner un exemple agricole, et je pense que c'est ça qui ne marche pas. Un jour, on a industrialisé, on a fait l'industrialisation au Québec un peu partout. Pendant quelques générations, on a formé des agronomes, par exemple, en disant: C'est l'industrialisation, c'est le chimique, c'est ci, c'est ça, c'est ça. Et, un bon matin, la pression est venue de plus en plus forte, le questionnement un peu plus fort de dire que... Bon, on questionne, vous savez, le biologique, les nouvelles méthodes puis ainsi de suite.

Qu'est-ce qu'on a fait au niveau de l'État qui fournit des ministères? On a recyclé du monde. On a demandé à du monde d'aller dire le contraire de ce qu'ils disaient depuis 20 ou 30 ans vis-à-vis les mêmes personnes. Je prends cet exemple-là parce que je pense que c'est la même affaire au niveau de l'éducation et ainsi de suite. On demande à des personnes, qui, depuis 20 ans, 30 ans et même peut-être 40 ans dans certains cas... de finir leur carrière en allant dire: Écoutez, on s'est trompé. On s'est tous bien trompé. Ça ne se peut pas. Ça ne se peut pas. C'est des humaines, puis ça ne se peut pas. Alors, ça ne peut pas marcher. Le feriez-vous, vous? Si on vous demandait de dire: Bon, eh bien, il te reste trois, quatre ans, tu vas aller dire que tout ce que tu as fait, t'es pas certain que c'était bon.

n(10 h 30)n

Moi, je pense qu'une partie du problème est qu'on n'est pas capable de renouveler en profondeur les architectes de ces édifices-là. Moi, je pense que c'est ça. Il faut faire une révolution à ce niveau-là à l'heure actuelle, sinon on est pris dans un cul-de-sac. Parce qu'il n'y a pas de solution miracle. Moi, j'ai des idées, vous en avez, ils en ont, et il y a beaucoup de monde de bonne foi dans ça, hein? Mais c'est demander l'impossible presque.

M. Marcoux: Mme la Présidente, il y a eu beaucoup de discussions par les organismes qui sont venus, les personnes qui sont venues devant la commission jusqu'à maintenant sur tout le processus de décision qui amène à décider d'une fermeture d'école. La Fédération québécoise des municipalités nous a dit: Écoutez, il devrait y avoir plus d'harmonisation, et, statutairement, les municipalités devraient avoir une voix au chapitre lors des discussions qui entourent une fermeture possible d'école. Les commissions scolaires disent: Écoutez, oui, il y a déjà des discussions, mais c'est nous qui sommes l'autorité locale chargée d'administrer le système d'éducation et de décider si on maintient une école fermée ou ouverte, si on la ferme.

Vous, vous dites, à la recommandation 6, qu'on devrait créer un organisme, une instance spécifiquement accréditée pour mener de façon indépendante des études sérieuses sur les effets d'entraînement, sur les coûts économiques. Qu'est-ce que vous entendez par ça? Est-ce que vous dites: Un organisme nouveau qui viendrait regarder ça puis faire des recommandations? Ou est-ce que les milieux locaux ne sont pas capables, ensemble, d'en arriver à une décision?

M. Proulx (Jacques): Ils sont capables, on vous l'a dit que ça doit revenir en dernier... Ça doit revenir à la population locale, la population concernée avec le comité d'école ou le comité de parents. Ça, moi, je ne manque pas de... Je crois en la capacité de ces gens de faire, là. Mais, ce n'est pas rien qu'une question de conviction, ça, c'est une question que tu ne peux pas... Il faut que tu sois préparé à affronter un groupe d'experts qui vont te venir d'ailleurs pour te dire: Écoute... Quand ce n'est pas l'argent qui manque, quand on n'est pas capable de prouver que c'est l'argent qui manque, on dit: C'est la qualité de l'enseignement. Puis, quand ce n'est pas la qualité, on dit que ça coûte trop cher.

Alors, quand on dit qu'il faut qu'il y ait une instance au-dessus de tout ça qui ne sera pas en conflit d'intérêts, pour une raison ou pour une autre, qui va finir par trancher... Mais ça doit revenir aux parents, mais à condition qu'ils soient bien au fait de qu'est-ce que ça comporte puis comment que ça va aboutir au bout. Il faut être capable de nous fournir... Il ne faut pas que ça vienne rien que d'un bord de fournir l'expertise qui va faire qu'ils vont prendre une décision éclairée. Et là je pense que c'est une responsabilité... La finalité de ça, qui appartient aux communautés, bien, au bout de ça, on a un État, on a un gouvernement qui est là pour maintenir une équité, qui est là pour voir qu'il n'y ait pas d'abus ou ainsi de suite. On ne vous dit pas de créer un autre organisme, mais, moi, je pense que... Puis Pierre pourrait ajouter parce qu'il a travaillé sur le chose, mais il doit y avoir des personnes qui vont être capables de finir par donner une expertise qui est indépendante, ainsi de suite. Pierre.

M. Desjardins (Pierre): Bon, dire une chose aussi banale que, lorsqu'on veut faire un petit barrage sur la rivière Trois-Pistoles, à Notre-Dame-des-Neiges, on va faire une étude d'impact, faire étude d'impact sur l'environnement, sur les poissons, les grenouilles, les berges, éventuellement sur le tourisme, sur la municipalité, etc. Et, lorsqu'on finit par dire: On ferme l'école, on finit par dire: Il manque 4 500 piastres par année ou il faudrait demander 300 piastres par famille pour pouvoir maintenir l'école, ça arrête là, on ne se pose pas plus de questions que ça. Ce qu'on dit, c'est que si l'école, c'est important dans une communauté et que ça induit d'autres choses que des services éducatifs, la journée où on met la clé dedans, est-ce qu'on peut faire le tour d'horizon de ce que ça va comporter comme impact pour prendre la décision la plus éclairée possible? À la fin de ça, on la ferme, mais on la ferme en toute connaissance de cause.

La Présidente (Mme Bélanger): Courte question avec courte réponse.

Mme Normandeau: Bien, en fait, un commentaire. Mais, si on part de la prémisse de départ et si on reconnaît collectivement l'importance que représente l'école dans un village, est-ce que vous ne pensez pas que justement votre proposition, à ce moment-là... Votre proposition, là, devient vaine, en fait, ce n'est pas nécessaire. Mais il faut partir effectivement... admettre, partir du constat qu'effectivement l'école doit rester, c'est vital pour les communautés. Alors, évidemment, comme je n'ai pas beaucoup de temps, ça pourrait être intéressant de vous entendre là-dessus, parce que, vous savez, créer un autre organisme, là, bien là on se dit que ça va être un peu compliqué, et on ne veut pas que ce soit compliqué.

Mais, M. Desjardins, je partage votre vision. Effectivement, on a tout un processus d'évaluation environnementale complexe au Québec. Là, il faut avoir un processus d'évaluation sociale, en fait, des conséquences qu'a la fermeture d'une école. Mais, si politiquement et collectivement on part du constat que ça, là, c'est coulé dans le béton, le fait qu'on admette effectivement que l'école, c'est... à ce moment-là ça devient un peu superfétatoire, l'organisme en question qui a été proposé là. C'est peut-être un commentaire ou un échange de nos visions respectives là-dessus, là.

La Présidente (Mme Bélanger): On va être obligés de garder ça pour un commentaire parce que le temps est terminé.

M. Proulx (Jacques): Ah, si c'est un commentaire, on le prend.

La Présidente (Mme Bélanger): Mais, si vous avez quelque chose, je vous donne 30 secondes pour répondre.

M. Desjardins (Pierre): Bien, je pense que vous avez entièrement raison. La journée où l'État, l'ensemble de la communauté, l'ensemble de la société québécoise sera décidé sur le fait de l'importance de la petite école, il n'y aura pas besoin d'avoir quelque organisme que ce soit. Mais c'est loin de faire l'unanimité des choses.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, merci, M. Desjardins, M. Proulx.

(Suspension de la séance à 10 h 36)

 

(Reprise à 10 h 39)

La Présidente (Mme Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Nous sommes toujours à poursuivre les auditions publiques dans le cadre de son mandat d'initiative sur les fluctuations des clientèles dans le secteur de l'éducation du Québec. Je demanderais à l'Université Laval de bien vouloir s'approcher.

Alors, bienvenue, messieurs dames. Alors, vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire, qui sera suivi d'échanges avec les membres de la commission pendant 40 minutes. Et je demanderais au porte-parole, M. Trudel, je suppose, de bien vouloir présenter les personnes qui l'accompagnent.

Université Laval (UL)

M. Trudel (Marc J.): Mme la Présidente, M. le vice-président, Mmes, MM. les députés membres de la commission, je suis très heureux d'être ici ce matin avec vous pour présenter la vision de l'Université Laval à propos de l'impact des fluctuations démographiques sur les populations étudiantes des divers réseaux de l'éducation. Je veux vous remercier de vous être donné un mandat d'initiative qui permet aux intervenants de l'éducation à tous les niveaux de se faire entendre sur une question aussi majeure que la menace démographique. Il va de soi que notre mémoire comme ma présentation s'attacheront au niveau universitaire et à la situation de notre établissement, soit l'Université Laval.

n(10 h 40)n

Avant d'aller plus loin, Mme la Présidente, permettez-moi de me présenter ainsi que les personnes qui m'accompagnent ce matin. À titre de vice-recteur au développement de l'Université Laval depuis cinq ans, responsable notamment du recrutement des étudiants et du placement des diplômés, vous comprendrez que la question est au coeur de mes responsabilités. J'ai eu aussi l'occasion de m'y intéresser auparavant comme directeur général de la formation continue à l'Université et, antérieurement ? et c'est là que les propos de M. Proulx m'ont rejoint ? comme doyen de la Faculté des sciences de l'agriculture et de l'alimentation dans une vie antérieure.

Je suis bien entouré, ce matin, comme vous pouvez le constater. Je me suis fait accompagner par Mme Claire Sormany, qui dirige le Bureau d'information et de promotion, ce qu'on appelle le BIP à l'Université et qui a la tâche de faire une active promotion des programmes de l'Université Laval partout au Québec, au Canada et presque partout dans le monde, bien sûr pour y attirer les meilleurs étudiants et étudiantes possible. Ici, à ma droite, Mme Johanne Morneau est mon adjointe et elle s'occupe activement du recrutement étudiant avec les différentes facultés de l'Université depuis un bon nombre d'années. Je n'ose pas dire le nombre pour ne pas heurter sa modestie. À droite de Mme Morneau, Mme Lucie Grondin, qui travaille, pour sa part, au Bureau du registraire, qui est un service tout à fait essentiel et central dans le processus d'admission de nos étudiants, vous le comprendrez. Toutes ces personnes pourront participer aux échanges tantôt, bientôt, et répondre, comme moi, à vos questions. Enfin, le recteur par intérim, M. Claude Godbout, aurait aimé être ici lui-même ce matin pour vous présenter le mémoire de l'Université Laval, mais il est à Paris pour deux jours où il préside les activités des Grandes Fêtes de l'Université Laval qui s'y déroulent. Il m'a prié de l'excuser et de le remplacer.

On m'a signalé que je disposais d'une quinzaine de minutes pour ma présentation; j'essaierai de m'y en tenir. Vous comprendrez que je m'en tiendrai donc aux éléments essentiels du mémoire plutôt que d'en faire une lecture exhaustive.

Tout d'abord, j'aimerais attirer votre attention sur le fait que le problème de démographie est un problème très, très général, global et mondial jusqu'à un certain point. Le 6 septembre dernier, dans une lettre publiée dans le National Post, deux de vos collègues parlementaires, mais au Danemark, du Parlement danois, écrivaient, et je cite: «Au cours de la prochaine décennie, le Danemark aura besoin de près de 100 000 nouvelles paires de mains dans sa main-d'oeuvre. Or, les Danois produisent moins d'enfants et vivent plus longtemps. Les immigrants admis au Danemark devraient être les bienvenus.» Vous voyez donc que cette lettre, que j'ai lue par hasard, m'a beaucoup frappé, car ça m'a rappelé que le problème sur lequel votre commission a décidé de se pencher ce matin n'est pas uniquement un problème québécois et n'est pas uniquement un problème canadien. En effet, l'ensemble des pays dits développés, les perspectives démographiques inquiètent les autorités publiques en raison de la chute des taux de fécondité bien sûr, source première de renouvellement de toute société.

Tout en réfléchissant à divers éléments de la politique de la famille et en mettant diverses mesures en oeuvre, les gouvernements savent bien que nos sociétés ne retrouveront jamais les taux exceptionnels de fécondité qu'on a connus au Québec jusqu'à la fin des années cinquante. Dans ce contexte, quoi de plus naturel que de se tourner vers l'immigration, ce que le Québec et le Canada font avec un certain bonheur? Au Québec, l'arrivée massive des immigrants après la Seconde Guerre mondiale et dans les décennies suivantes est venue, en fait, combler la chute des natalités. Mais il y a un hic. En effet, alors que la natalité chutait et que les immigrants arrivaient, notre société s'urbanisait à un rythme accéléré. Nous avons donc assisté au développement des villes aux dépens des régions plus rurales. Si on examine ce triple phénomène sous l'angle géographique, la région métropolitaine de Montréal a retenu la part du lion de l'immigration tout en accueillant les anciens ruraux, au point de nous mettre aujourd'hui en face d'un Québec un peu dramatiquement coupé en deux si on parle au point de vue démographique, bien sûr. C'est ce que nous annoncent les prévisions démographiques du ministère de l'Éducation indiquées dans le document que vous nous avez transmis pour consultation.

Cependant, comme je le disais plus tôt, les fluctuations démographiques et leurs effets ne sont pas des phénomènes nouveaux, et l'Université Laval a dû, dans le passé, apprendre à vivre avec la réalité d'un bassin démographique de recrutement, c'est-à-dire les régions immédiates de Québec et de l'Est du Québec... Donc, on a appris à vivre avec un bassin de recrutement à peu près stagnant en termes démographique depuis un bon nombre d'années. Et, d'ailleurs, les quelques données que nous avons citées à la page 4 de notre mémoire sont assez éloquentes pour montrer la chute de clientèle que l'Université a connue dans les années quatre-vingt-dix, avec le redressement qui a été effectué à compter de l'année 1997, pour arriver aujourd'hui à une stabilisation relative.

Nous voilà maintenant en 2002. Les projections démographiques annoncent, pour les régions autres que Montréal, l'Estrie, les Laurentides, la Montérégie ou l'Outaouais, une baisse plus ou moins rapide de la population soit à compter de maintenant ou soit, dans le cas de Québec, à compter de 2011. Comme la population de ces régions diminue, le ministère projette une variation négative pour l'Université Laval de l'ordre de 8,21 % de sa population étudiante d'ici 2013, ce qui, pour nous, là, représenterait environ plus de 2 000 étudiants équivalents temps complet de notre population. Ce n'est pas une bonne nouvelle, ça. Je ne vous cacherai pas que certains dans mon entourage ont eu la tentation, comme on dit, de taper sur le messager, de s'en prendre aux chiffres mêmes du ministère et peut-être d'essayer même de les démolir. Mais, réflexion faite, ce n'est pas une bonne idée, parce que nos spécialistes ont reconnu la pertinence et la justesse des prévisions démographiques et des variations des effectifs établies par le ministère de l'Éducation de même qu'ils ont reconnu les efforts soutenus pour améliorer la qualité de ces statistiques, qui deviennent de plus en plus fines et justes au cours des ans.

Toutefois, je tiens à réaffirmer notre conviction que ces prévisions, aussi justes soient-elles, ne sont pas plus que ça. C'est des prévisions, c'est un signal d'alarme utile. Pour nous, comme pour la société en général, ces prévisions ne devraient pas représenter un destin inéluctable, une fatalité, car, si c'était le cas, ça voudrait dire que nous vivons dans une société qui accepte lentement sa décadence et sa capitulation face à un avenir pas trop reluisant. À l'Université Laval, nous nous répétons, forts de l'expérience des années quatre-vingt-dix: Il est possible d'atténuer sinon de contrer complètement les effets d'une démographe stagnante ou négative. Vous avez lu dans notre mémoire les composantes stratégiques qui ont été mises de l'avant pour cela, y compris aussi l'importance que nous attachons à la question.

Je voudrais maintenant, Mme la Présidente, vous entretenir quelques minutes sur l'apport unique au Québec que constitue l'Université Laval. Notre mémoire décrit amplement l'impact majeur de l'Université Laval, son rôle unique, précisément en raison des virages rigoureux pris au cours de la dernière décennie. Nous ne voulons pas minimiser le rôle précieux et essentiel des collèges et des constituantes de l'Université du Québec dans leurs milieux respectifs, mais nous pensons que l'Université Laval, en raison à la fois du caractère complet de son offre de programmes, qui est la seule de cette ampleur à l'extérieur de Montréal, de sa remarquable capacité de recherche et de son isolement relatif en dehors des grandes villes canadiennes... Nous croyons que l'Université Laval, donc, fournit un apport unique au Québec par son service des régions de Québec et de l'Est du Québec. C'est notre conviction profonde que cette capacité de service aux régions doit être maintenue, et, à cet égard, l'Université Laval est prête à continuer à assumer toute la part de responsabilité qui lui incombe.

n(10 h 50)n

Mais nous pensons que le gouvernement doit aussi faire sa part pour permettre aux établissements implantés en région et dans sa capitale de continuer à être les incontournables outils de développement régional qu'ils sont devenus. Cette part de responsabilité gouvernementale, comme le rappelle le mémoire, elle touche l'immigration et la famille, d'une part, une approche audacieusement particulière pour les régions, une attitude gouvernementale accueillante pour les étudiants étrangers et les étudiants canadiens non québécois, le refus de la concentration géographique du savoir, une aide gouvernementale à la valorisation des études supérieures, qu'elles soient collégiales ou universitaires, auprès des jeunes et de la population en général, ce qui s'incarne, entre autres, par une approche rationnelle de la question du maintien et du financement des infrastructures.

On a appris dans un article récent du Medical Post ? en mai dernier, en fait ? que l'Université Laval est la première université au Canada pour le nombre de ses diplômés en médecine qui exercent leur profession en région. Voilà qui ne devrait laisser aucune décideur public indifférent, surtout dans le contexte actuel si on lit les journaux. Même si cette réussite est importante et une source de fierté pour nous, il y a pas mal plus que ça en jeu. En fait, ce que je voudrais ici discuter, c'est de l'économie du savoir et du fait que les régions ont droit aussi à leur part.

Une des caractéristiques essentielles de l'économie du savoir est de placer les universités au centre du développement économique, social et culturel du pays et de la région qu'elles desservent. Pour jouer pleinement leur rôle, les universités doivent disposer des moyens leur permettant de former, en nombre et en qualité appropriés, les spécialistes nécessaires à ce développement. Elles doivent également contribuer par leur recherche à la création d'idées nouvelles, de nouveaux produits et de nouvelles entreprises qui sont à la base de ce développement. Tous les gouvernements des pays développés l'ont bien compris. Ils investissent massivement en formation et en recherche universitaire depuis plusieurs années, et il faut se réjouir que le Québec ait emboîté le pas à ce mouvement.

Ce qui est vrai au niveau des pays l'est tout autant au niveau des régions. De ce point de vue, il faut débattre du financement des universités sur une base régionale. La question du lien entre financement des universités et développement régional est centrale dans le contexte de société du savoir que nous connaissons. La région de la Capitale-Nationale a souffert plus que toute autre des compressions budgétaires effectuées par le gouvernement du Québec depuis 1995. La région a dû mettre en place une stratégie de diversification de son économie pour compenser les effets de la réduction de l'appareil administratif gouvernemental. Cette stratégie de diversification, élaborée par l'ensemble des acteurs de la région et entérinée par le gouvernement du Québec dans le cadre de son énoncé de politique de la capitale nationale, est centrée sur le développement des industries de la nouvelle économie dans le secteur, notamment, des biotechnologies agroalimentaires, des biotechnologies médicales, de l'environnement, de la géomatique, de l'informatique et du multimédia, des nouveaux matériaux, de l'optique photonique et de la plasturgie. Ce sont les axes de force de la région. La même stratégie s'appuie sur la présence, dans la région de Québec et en particulier à l'Université Laval, de forts regroupements de chercheurs dans ces mêmes domaines et d'une capacité de formation de spécialistes de haut niveau nécessaires au développement de ces industries.

Un deuxième secteur de diversification reconnu par les partenaires de la région de Québec est l'industrie touristique et, en particulier, le tourisme d'affaires. Dans ce domaine aussi, l'Université Laval a un rôle essentiel à jouer dans sa région, et c'est pour officialiser ce rôle que l'Université Laval a signé son entente de partenariat avec la Société du Centre des congrès de Québec pour favoriser davantage la venue dans notre région de grands congrès scientifiques nationaux ou internationaux.

Une troisième voie sur laquelle doit se fonder le développement de notre région est celle de la culture. Le rôle de l'Université Laval est encore une fois essentiel soit par l'action de notre Faculté de médecine, par exemple, en collaboration avec les collèges de la région et avec l'Orchestre symphonique, ou par les collaborations des chercheurs de nos facultés des lettres et des sciences sociales aux activités culturelles brillamment illustrées par les mêmes expositions au Musée de la civilisation notamment, ou encore par la collaboration de notre École des arts visuels au développement du secteur multimédia dans le quartier Saint-Roch.

C'est en considération de ce rôle de l'Université Laval dans la diversification de l'économie de la région de la Capitale-Nationale que l'Université Laval intervient pour demander au ministère de l'Éducation de lui donner les moyens financiers nécessaires au maintien de l'offre de services universitaires de haut niveau pour la région de la Capitale-Nationale.

Mme la Présidente, en conclusion, pour jouer pleinement son rôle sur la scène internationale, le Québec doit pouvoir mobiliser l'ensemble de ses forces dans toutes ses régions. Il ne peut se priver d'une économie moderne et dynamique dans la région de la Capitale-Nationale. Le Québec ne prospérera pas non plus si trop de ses régions s'étiolent. L'Université Laval est un acteur central et un partenaire essentiel dans les actions de diversification de notre économie régionale. Le gouvernement doit donc faire en sorte que l'Université Laval soit en mesure de protéger l'immense capital culturel et scientifique dont elle est dépositaire et fiduciaire, mais le gouvernement doit aussi se pencher sérieusement sur le défi du maintien du capital humain des régions pour assurer le développement équilibré de son territoire.

Le gouvernement ne peut accepter passivement qu'une moitié du Québec s'affaiblisse et se vide pendant que l'autre prospère. Les prévisions démographiques du ministère de l'Éducation ne sont pas mauvaises juste pour les régions où on prévoit une décroissance, là, elles sont mauvaises pour tout le Québec. Comme nous l'indiquons dans le mémoire, l'Université Laval est prête à continuer à assumer sa part de responsabilités, en tout cas celles qui sont les siennes. Après avoir permis la naissance de tout l'enseignement supérieur francophone en Amérique, l'Université Laval a accompagné le Québec dans ses grands bouleversements des dernières décennies. Aujourd'hui, elle s'engage à tout mettre en oeuvre pour poursuivre ses missions d'enseignement, de recherche, de service à la communauté et d'ouverture au monde qui la caractérisent. L'Université Laval croit profondément qu'elle doit maintenir, pour le bien du Québec et des régions de Québec, Chaudière-Appalaches et de l'Est du Québec, sa capacité de formation et de recherche et son caractère d'université complète. Nous souhaitons ardemment être appuyés et accompagnés dans cette entreprise.

Messieurs, mesdames, je vous remercie de votre attention et, avec les personnes qui m'accompagnent, je suis disposé à répondre à vos questions et commentaires.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci beaucoup, M. Trudel. Alors, M. le député de Vaudreuil.

M. Marcoux: Je pense que c'est mon collègue de Westmount qui avait demandé la parole avant.

La Présidente (Mme Bélanger): Vous préférez que ce soit M. le député de Westmount?Saint-Louis?

M. Marcoux: Oui, oui. Bien, je pense qu'il avait demandé la parole avant moi.

M. Chagnon: Comme vous voulez. On ne se battra pas ici cet après-midi, M. Trudel. D'abord, je vous souhaite la bienvenue à la commission, ainsi que tous les membres de l'équipe de l'Université Laval qui vous accompagnent.

J'aurais quelques questions à vous poser sur le contenu de votre mémoire. La première concerne, à la page 12 ou 13, si je me rappelle bien... Bon, ils sont un peu plus loin. En fait, vous évoquez le fait ? et je pense que vous avez raison ? qu'il est beaucoup plus difficile d'établir des statistiques qui peuvent être valables en ce qui concerne l'éventualité d'un déclin d'une population étudiante au niveau universitaire. C'est assez difficile, donc, à moyen terme et à long terme, d'évaluer quels seraient les effets d'une... uniquement en se basant sur des données démographiques compte tenu du fait que les universités vont... On voit, en tout cas, que la population québécoise a une persistance à l'étude qui est un peu plus grande qu'elle l'était il y a quelques années, d'une part. Il y a un retour d'adultes sur le marché universitaire qui reviennent, donc, pour éventuellement être diplômés. Mais, parallèlement à ça, ça peut provoquer un problème pour les clientèles des autres universités, particulièrement pour l'Université du Québec à Chicoutimi et à Rimouski qui, si vous ne perdez pas de clientèle, elles vont en perdre, parce que, généralement, vous êtes dans les mêmes bassins de clientèle. Est-ce que ça ne pose pas un problème pour vos collègues de l'UQAR ou de l'UQAC?

n(11 heures)n

M. Trudel (Marc J.): Merci pour cette question. Effectivement, j'y décèle deux volets. Dans un premier cas, vous référez aux études qu'on citait, qui ont été faites, je crois, en Colombie-Britannique et qui démontraient que les prévisions démographiques, si elles collent vraiment à la réalité aux niveaux primaire et secondaire à cause de l'obligation d'aller à l'école, s'appliquent plus difficilement dans les universités, où là on a un choix et où les politiques gouvernementales sont beaucoup plus susceptibles aussi d'influencer les orientations. On ira plus tard peut-être dans la formation professionnelle versus la formation générale, etc.

En ce qui concerne le rôle de l'université par rapport au rôle des universités régionales, notamment les UQ, je pense que la commission a adressé spécifiquement la question de la concertation et du dialogue et notre mémoire y fait également référence. Il ne s'agit certainement pas de se faire une guerre à outrance pour les clientèles, encore faut-il vous assurer que vos modes de financement n'encouragent pas la chasse aux clientèles. Toutefois, l'Université Laval, je le répète, est une université complète dans tous les secteurs et elle offre des programmes, des formations dans des secteurs où les Universités du Québec n'interviennent pas. Toutes les sciences médicales et paramédicales, l'agronomie, la foresterie, la géomatique, l'actuariat, je pourrais en lister, là. Alors, dans le fond, les travaux assez récents de la...

M. Chagnon: Normalement, évidemment qu'en foresterie ou en génie forestier vous ne vous faites pas une grande concurrence.

M. Trudel (Marc J.): On ne se fait pas concurrence.

M. Chagnon: Vous êtes les seuls, c'est facile. Mais c'est dans les autres domaines, par exemple en administration, etc. Il y a des domaines où, par exemple, l'implantation soit des D.E.C.-bacs soit encore... C'est un fait, si vous ne perdez pas de clientèle, il faut bien que quelqu'un en perde en quelque part. Alors, si... Et, comme la majorité de votre clientèle vient de l'Est du Québec, il y a donc un effet de cannibalisme qui peut être assez fort vis-à-vis des autres succursales d'Université du Québec en région. Non?

M. Trudel (Marc J.): Les travaux récents de la CUP ont démontré la complémentarité, je pense, des programmes universitaires dans l'ensemble. Les programmes sont plutôt complémentaires, ne se situent pas vraiment en compétition. Je ne dis pas qu'il n'y a pas des cas de compétition mais ils sont relativement peu nombreux et facile à cibler. On ne nommera pas le nom ou le nom de ville, là, parce que ce serait trop facile et évident ? surtout que l'une d'elles est assez proche d'ici. Mais on préfère de beaucoup, lorsque nous effectuons notre recrutement dans les collèges des régions de l'Est du Québec, mettre l'emphase sur les programmes qui nous sont uniques et pour lesquels nous n'entrons pas directement en compétition.

Il est évident que, par exemple à Rimouski, on ne sort pas les tambours pour annoncer nos programmes d'administration, puis tout ça, étant connu et étant donné que ces programmes sont offerts dans cette ville même et qu'on n'est pas là pour déraciner les jeunes dans leur région puis les amener à Québec puis de façon à ce qu'ils ne retournent pas chez eux, par après. Ce n'est pas ça, on va là en mettant de l'avant des programmes pour leur donner la palette complète des possibilités de carrière. On essaie d'avoir la plus grande complémentarité possible et ça se fait avec la plus grande civilité, je vous prie de me croire. La tendance serait peut-être à l'inverse, d'aller... que les universités dites régionales essaient de faire des pointes en région métropolitaine. Ce qui est correct, là.

M. Chagnon: Vous, vous évoquez aussi comme pistes de solution l'immigration et la famille, les étudiants étrangers, etc. Si on revient à ces deux facteurs-là ? l'immigration et la famille ? vous suggérez, par exemple, qu'il y ait une politique de répartition des immigrants ailleurs que dans la région métropolitaine. En général, c'est les immigrants qui choisissent là où ils vont, où ils veulent aller. Comment vous vous entendriez à faire fonctionner ce genre de politique là?

M. Trudel (Marc J.): Bien, j'ai horreur de voir... J'aime bien jouer au tennis, mais je ne veux pas vous renvoyer la balle. Mais je pense que les politiques d'immigration, ce n'est clairement pas du niveau des universités, là, ni du ressort des universités. Je pense que c'est de votre ressort.

M. Chagnon: Non, non, mais c'est vous qui faites allusion à ça.

M. Trudel (Marc J.): On pense que c'est une... C'est probablement dans la partie qui liste ce qu'on attend des gouvernements, et on attend des gouvernements qu'ils prennent certaines actions, notamment au niveau de la répartition des immigrants.

M. Chagnon: Oui. Mais, moi, je vous pose la question: Comment ça devrait se faire, selon vous?

M. Trudel (Marc J.): Ça prend des mesures incitatives pour attirer les immigrants en région.

M. Chagnon: Une fois qu'on a dit ça, là... Ça fait bien des années qu'on dit ça. Ça fait plusieurs années que ça se dit, ça. Mais, dans les faits, les gens réalisent que les immigrants vont généralement se retrouver dans des milieux où il y a des gens de leur ancienne communauté d'appartenance. Et, sans ghettoïser des villes, on s'aperçoit... Il semble, en tout cas, que les immigrants ont une tendance à se regrouper plutôt qu'à se disperser.

M. Trudel (Marc J.): C'est tout à fait exact. Alors, pour...

M. Chagnon: Ça, ce n'est pas particulier au Québec, là; c'est comme ça partout sur la planète.

M. Trudel (Marc J.): O.K. Supposons, par exemple, que les politiques de financement du gouvernement permettraient aux universités, à l'Université de la capitale qui est en dehors de la métropole et aux universités régionales d'être plus actives au niveau du recrutement d'étudiants étrangers.

M. Chagnon: Ça, c'est différent.

M. Trudel (Marc J.): Ça, je pense que ça serait un atout à la fois pour l'immigration et à la fois pour la baisse démographique.

M. Chagnon: Alors, là-dessus, vous dites ceci en page 24: «Les politiques actuelles du MEQ poussent objectivement vers une fermeture internationale de nos universités.» Alors, vous voulez dire quoi avec ça?

M. Trudel (Marc J.): Vous référez à la page?

M. Chagnon: 24.

M. Trudel (Marc J.): Bon, il y a deux points là-dedans, là. Naturellement, on se compare. On va toujours à l'étranger ? c'est notamment le rôle du personnel de Mme Sormany ? pour recruter activement dans la plupart des pays, en tout cas, dans les pays qu'on a ciblés ? on ne peut pas cibler tous les pays de la planète ? et on s'aperçoit que les universités québécoises, de façon générale, sont assez démunies par rapport aux universités des autres pays ou même des autres provinces.

D'abord, on se présente en rang plutôt désorganisé à ce niveau-là et on n'a pas tout l'appui qu'on pourrait s'attendre de la part de nos gouvernements pour faciliter et aider à assumer des dépenses assez importantes reliées à des opérations de recrutement au Vietnam, en Corée, en Asie en général ou en Afrique. Ça, c'est un point. C'est des mesures d'aide directe. Et ça, ça pourrait être différencié. On pourrait favoriser les universités régionales, à cet égard-là.

Mais un deuxième élément ? et je pense que c'est ici que le mémoire, dans son annexe, renvoie à une lettre que M. Tavenas, avant la fin de son mandat, écrivait au ministre de l'Éducation ? c'est ce qui semble peser sur la convention CREPUQ. Il semble avoir une menace là que les conventions CREPUQ permettent, notamment... qui favorisent notamment l'arrivée d'étudiants français, soient remises en cause par le gouvernement, ce qui, selon nos analystes, aurait un effet dévastateur sur les clientèles étrangères dans les universités du Québec. Là, c'est juste une question de sous, là.

M. Chagnon: C'est quoi, ça, la convention CREPUQ?

M. Trudel (Marc J.): Claire.

Mme Sormany (Claire): La convention CREPUQ, c'est une convention qui favorise les échanges d'étudiants entre les universités québécoises et différentes universités à travers le monde, et ça permet aux étudiants d'autres universités de venir faire ici une année universitaire et vice versa. C'est une convention actuellement qui se caractérise par le fait que le nombre d'étudiants qui partent du Québec pour aller à l'étranger n'est pas équivalent au nombre d'étudiants de l'étranger qui viennent au Québec. Donc, il y a un déséquilibre financier que le gouvernement essaie de contrer en modifiant les politiques de soutien aux étudiants étrangers. Et c'est géré donc par la CREPUQ, qui va négocier, au nom de l'ensemble des universités québécoises, avec un ensemble d'universités partenaires à travers le monde, la possibilité pour les Québécois d'avoir des places dans ces universités-là. Alors, quand une université étrangère signe une convention CREPUQ qu'on appelle, n'importe quelle université québécoise peut envoyer de ses étudiants dans cette université-là, mais il n'y a pas une obligation de contrepartie.

M. Trudel (Marc J.): Si vous me permettez un complément de... les frais de scolarité imposés aux étudiants étrangers au niveau des universités nous semblent excessifs, identiques pour les étudiants canadiens.

M. Chagnon: Si vous conserviez la totalité des sommes des droits de scolarité des étudiants étrangers au lieu de les voir versées au fonds consolidé, les trouveriez-vous toujours trop chers?

M. Trudel (Marc J.): Est-ce qu'on est ici pour discuter des droits de scolarité?

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Trudel (Marc J.): Ce que nous disons... Ce que nous déplorons, Mme la Présidente, ce n'est pas où va l'argent, c'est simplement le fait que, pour la plupart des étudiants étrangers, les sommes exigées sont prohibitives et empêchent la venue de ces étudiants. Mais, même une fois qu'ils sont arrivés, ces frais élevés font qu'ils connaissent de grandes difficultés financières en cours d'étude, et ça ajoute au problème, déjà difficile, de la persévérance et du succès. Plusieurs doivent retourner dans leur pays sans avoir obtenu leur diplôme. Et la principale cause du désistement chez les étudiants étrangers, c'est une cause financière. Nous croyons que le gouvernement devrait regarder ça.

Mais là je ne pense pas du tout où va l'argent, je pense juste en termes de l'étudiant qui a à débourser des frais importants. Pour les étrangers, c'est à peu près quatre fois, quatre à cinq fois de plus que pour des Québécois. Et, pour des Canadiens non québécois, c'est deux fois plus que pour les Québécois, ce qui décourage un peu le flux... mais la mobilité, le flux migratoire vers le Québec.

n(11 h 10)n

M. Chagnon: En ce qui concerne les frais pour les citoyens canadiens, la cause, c'était quoi? C'est que les droits de scolarité au Québec sont nettement inférieurs à ceux des citoyens canadiens? C'est la raison pour laquelle on veut équilibrer, quoi?

M. Trudel (Marc J.): Je ne le sais pas, monsieur. Je n'ai pas participé à l'élaboration des règles financières du ministère de l'Éducation, là. Mais, ce que nous déplorons, nous, les responsables du recrutement, c'est que les droits exigés sont élevés et constituent un frein aussi parce que souvent, quand l'étudiant quitte sa province, il n'a plus droit aux mêmes ressources financières au plan des bourses et de l'aide financière et il doit payer des frais assez élevés. Alors, il faudrait regarder ça, je pense.

M. Chagnon: Peut-être une dernière question, M. Trudel.

M. Trudel (Marc J.): Avec plaisir!

M. Chagnon: À la page 28: «Le Québec n'a pas les moyens de se permettre de gaspiller des fonds publics pour financer la duplication de programmes universitaires. Oui à la complémentarité, non à la duplication, surtout dans un système de financement à enveloppe fermée.» À quoi faites-vous allusion?

M. Trudel (Marc J.): Je fais allusion au danger que représente le mode de financement actuel, en termes de course à la clientèle, d'aller simplement établir des succursales voisin d'autres universités...

M. Chagnon: Je vais vous référer...

M. Trudel (Marc J.): ...pour écrémer un peu de clientèle. Je ne le sais pas, mais, en m'en venant, en passant sur le boulevard René-Lévesque ici, j'ai vu une pancarte de l'Université de Montréal avec des salles de cours dans le cégep. Bien, je ne le sais pas, moi, ce qu'ils font là.

M. Chagnon: Vous vous rappelez de Michel Gervais, hein?

M. Trudel (Marc J.): Oui.

M. Chagnon: Vous vous rappelez de Michel Gervais?

M. Trudel (Marc J.): Sûrement.

M. Chagnon: Il était président de la Commission des universités sur les programmes. Il a écrit dans le document, la revue Forum, de l'Université de Montréal, en 1999, le 17 septembre 1999, qu'il est erroné de croire que les programmes universitaires se sont développés de façon incohérente et irrationnelle. Entre guillemets, là: «Le réseau universitaire est soumis à de nombreux mécanismes de régulation, indique le rapport d'étapes, et les établissements, confrontés à de sévères compressions budgétaires, ont déjà fait d'immenses efforts de rationalisation.» Vous n'êtes pas d'accord avec lui?

M. Trudel (Marc J.): Oui. Non, non, je pense qu'il a tout à fait raison.

M. Chagnon: O.K.

M. Trudel (Marc J.): Je pense qu'il s'agit plutôt... Il ne s'agit pas de règles, ici, là, il s'agit de cas d'exception mais qui sont assez flagrants et douloureux, je pense, pour amener un questionnement dans la population, en général. Je veux dire, quand on voit, par exemple, qu'on veut changer le nom de la station de métro de Longueuil, on se pose des questions, là. Ça crée de la confusion chez le payeur de taxes, tout simplement.

M. Chagnon: Je pense que vous avez contribué, sur ce dernier point, à régler le problème une fois pour toutes. Compte tenu du fait qu'il y a déjà une station de métro à Montréal qui s'appelle Sherbrooke, ça serait un peu compliqué d'en voir deux. Alors, je vous remercie beaucoup.

M. Trudel (Marc J.): Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le député de Westmount?Saint-Louis. M. le député de Vaudreuil.

M. Trudel (Marc J.): Je m'excuse, Mme la Présidente. Je ne sais pas si on peut se permettre, mon adjointe aurait pu ajouter un commentaire.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, Mme Morneau.

Mme Morneau (Johanne): Oui, s'il vous plaît. Merci beaucoup. Ce ne sera pas tellement long. C'est une petite précision en rapport avec une inquiétude que vous aviez concernant la concurrence entre les universités en région ou sur le plan du recrutement. Quand on a regardé les données de la CREPUQ des 10 dernières années, globalement la part de marché de l'Université Laval par rapport à l'Université de Sherbrooke, les Universités du Québec prises dans leur ensemble, les Université de Montréal, McGill, globalement, donc, notre part de marché sur les 10 dernières années ? données de la CREPUQ de septembre passé ? avait diminué de 0,5 %.

Au premier cycle, les UQ avaient diminué de 1,5 %, Montréal avait augmenté de 1,5 %. Au deuxième cycle, on note une hausse à Montréal de 2,5 %... pardon, dans les UQ, de 2,5 %; à Montréal, 1,5 %, au détriment de Laval, McGill puis Sherbrooke. Au troisième cycle, les UQ ont eu une hausse de 3 %; Laval a une diminution de 3/4 %. Je ne suis pas sûre qu'on pourrait dire qu'on prend toute notre clientèle en région.

M. Chagnon: Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Vaudreuil.

M. Marcoux: Merci, Mme la Présidente. Bienvenue, M. Trudel, mesdames, et ça me fait plaisir de vous voir devant la commission, d'autant plus que l'Université Laval est mon alma mater, sans doute comme beaucoup d'autres collègues de la région de Québec, ici.

M. Chagnon: ...les petits programmes.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Marcoux: Écoutez, c'est une université qui peut s'adapter, M. le député de Westmount?Saint-Louis, je suis convaincu de ça.

Deux questions, M. Trudel. D'abord, ça va recouper certains aspects des questions qui ont été soulevées par mon collègue de Westmount?Saint-Louis.

Je vais vous parler, à la page 22, d'une politique de la famille qui permettrait de contrer partiellement les effets de la croissance démographique dans la partie est de la province. Je sais qu'il y a beaucoup de chercheurs éminents à l'université Laval. Savez-vous s'il y a eu des recherches de faites ou des études qui pourraient proposer des éléments de politique au gouvernement, à cet égard-là?

M. Trudel (Marc J.): Nous avons un bon groupe qui se penche sur la Gaspésie, notamment. Nous sommes à créer, à monter un projet de chaire, création d'une chaire de recherche et d'intervention en région, en Gaspésie. Nous avons déjà un bon appui de plusieurs organismes publics et parapublics en termes financiers et nous espérons qu'un groupe important de chercheurs... une douzaine de chercheurs qui s'intéressent à tous les aspects de la relance de la région de la Gaspésie et du Bas-Saint-Laurent, ça pourrait se concrétiser, là, à très courte échéance, étant entendu que le siège social, si vous me permettez, de la future chaire serait basé en quelque part sur le territoire et non sur le campus, puisque le sujet d'étude s'y prête de toute façon et que le tout se ferait en collaboration avec l'Université de Rimouski.

Alors, vous avez aussi peut-être vu dans la revue des diplômés ou dans la littérature qui émane de l'Université Laval que notre Faculté d'architecture a ouvert une école d'été à Percé dans le domaine des arts pour offrir un certain nombre... et contribuer à un certain nombre d'activités qui pourraient contribuer à rehausser la vie culturelle de ce secteur très fréquenté en été.

Et une fondation a mis à notre disposition un excellent, un très beau domaine qu'on va exploiter dans le meilleur intérêt, je pense, de la région et aussi offrir une alternative intéressante pour les étudiants qui voudraient travailler dans un cadre enchanteur, en face du rocher Percé.

M. Marcoux: Et qui serait localisée?

M. Trudel (Marc J.): À Gaspé.

M. Marcoux: À Gaspé. Mme la Présidente, une dernière question sur la présence et d'étudiants étrangers, recrutement également de Canadiens. Vous mentionnez qu'il y a, bon an mal an, près d'un millier d'étudiants canadiens non québécois qui fréquentent l'Université.

Est-ce que ce nombre a tendance à augmenter ou... Si vous comparez la situation par rapport à il y a cinq ans par exemple, vous avez certainement des données. Quelle est la tendance de l'évolution, à cet égard-là? Et j'oserais vous poser la question également pour les étudiants étrangers: Quelle est la tendance de l'évolution? Je comprends qu'il y a des irritants. Mais quelle est la tendance de l'évolution à Laval et comment ça peut se comparer avec les autres universités canadiennes également, pour ce qui est du recrutement d'étudiants étrangers?

La Présidente (Mme Bélanger): Réponse courte, s'il vous plaît.

M. Trudel (Marc J.): Voilà, l'Université Laval s'est positionnée clairement il y a à peu près quatre ou cinq ans en se donnant une marque de commerce basée sur l'image internationale dans les deux sens, c'est-à-dire attirer plus d'étudiants étrangers, d'une part, et permettre à nos étudiants d'aller acquérir des expériences à l'étranger, d'autre part. Nous nous sommes donné une politique d'internationalisation et un programme vigoureux qui nous a permis très rapidement d'obtenir les résultats souhaités.

En ce qui concerne le nombre d'étudiants étrangers, la réponse est relativement facile: Nous sommes largement en avance sur l'ensemble des universités canadiennes en ce qui concerne le pourcentage, à l'exception de McGill, toutefois, qui est un cas particulier, au Québec. Mais notre objectif est que 10 % de notre corps étudiant soit composé d'étudiants étrangers. Nous sommes partis de 5 %, qui est un nombre considérable, il y a quelques années, en 1997; on est rendus à... C'est maintenant plus de 8 % de notre... Donc, il y a une nette tendance. Et ce qui est intéressant, c'est que les demandes d'admission sont très à la hausse. Alors, les actions de recrutement portent. Il reste des difficultés, mais là, ce n'est pas du ressort de votre niveau du gouvernement, c'est relié beaucoup à l'immigration.

n(11 h 20)n

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Trudel. M. le député de Saint-Jean.

M. Trudel (Marc J.): Bien, Mme Sormany...

La Présidente (Mme Bélanger): Je regrette, là, c'est parce que le temps est terminé. C'est très limité. Elle pourra revenir sur les questions de mon collègue de Saint-Jean.

M. Trudel (Marc J.): O.K.

M. Paquin: Alors, ma question sera: Avez-vous un complément de réponse à la réponse que vous venez de donner?

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Sormany (Claire): Merci, je l'apprécie.

La Présidente (Mme Bélanger): C'est bon! C'est bon! C'est bon! Ha, ha, ha! C'est bon!

M. Trudel (Marc J.): Quelle galanterie!

Mme Sormany (Claire): Je voudrais juste revenir sur le...

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, Mme Somany?

Mme Sormany (Claire): Sormany.

La Présidente (Mme Bélanger): Sormany.

Mme Sormany (Claire): Oui. Je voudrais juste revenir sur ce que M. Trudel disait un peu plus tôt sur les politiques gouvernementales d'aide aux étudiants étrangers.

Il faut bien être conscients qu'une grosse partie de notre bassin de recrutement, ce sont les Français pour lesquels il y a une politique totale d'exemption des droits de scolarité majorés. Donc, les Français paient tous, du seul fait qu'ils sont Français, les mêmes droits de scolarité que les Québécois.

On pourrait développer d'autres bassins de recrutement similaires à la France, notamment, je pense au Luxembourg, à la Belgique, à la Suisse francophone, etc., qui n'ont pas cette facilité-là de venir au Québec en payant les mêmes droits de scolarité...

M. Chagnon: Le Maghreb.

Mme Sormany (Claire): Le Maghreb aussi. Il y a des bourses d'exemption qui sont données mais selon des quotas très spécifiques. Et il est certain que, si on avait un plus grand soutien, ça aiderait probablement aussi les universités de la métropole, j'en conviens, mais je pense que ça aiderait l'ensemble des universités québécoises à augmenter le recrutement étranger.

M. Paquin: Ma question suivante est sur le même thème: À la page 26, vous dites que «la politique actuelle des droits de scolarité différenciés devrait être revue pour que le Québec examine la possibilité de traiter à tout le moins les Canadiens francophones hors Québec de la même manière que sont traités les étudiants français». Donc, c'est un autre des bassins auxquels vous pouvez penser. Sauf que, à ce moment-là, est-ce que ce serait compatible avec les chartes des droits? Et le fait de créer deux catégories de citoyens à l'intérieur du Canada, est-ce que ce serait compatible avec nos chartes?

Une voix: ...

M. Paquin: Bien, la question se pose.

M. Trudel (Marc J.): Bonne question, mais y a-tu quelque chose qui interdirait de donner des bourses à des étudiants francophones hors Québec? Je pense qu'il n'y a rien qui interdirait de mettre sur pied un programme de bourses ciblé comme ça. Ce serait intéressant d'y penser.

M. Paquin: En tout cas, peut-être que ça pourrait être fait pour l'ensemble des étudiants et ça pourrait aussi aider nos universités anglophones, en tout cas. Mais ça, c'était un point que je pense qu'il faudrait qu'on creuse un peu, là.

Par ailleurs, dans un autre ordre d'idées complètement, dans les interventions que vous souhaitez voir apportées par l'ensemble de l'État québécois, vous parlez notamment d'une politique de la famille qui permettrait de contrer au moins partiellement les effets de la décroissance démocratique... démographique, excusez, dans la partie est de la province.

Alors, il n'y a pas rien qu'une politique de natalité que vous voyez là-dedans, là. C'est quoi que vous voyez exactement dans cette politique de la famille qui aurait comme effet, dans l'Est du Québec, d'avoir des effets, là, de contrer partiellement la décroissance?

M. Trudel (Marc J.): Je pense que les auteurs du mémoire ont simplement voulu attirer l'attention de la commission sur le fait qu'une réflexion devrait être amorcée, peut-être pas au niveau d'une commission comme celle-ci, là, mais il doit y avoir des gens qui se penchent sur le dossier de la famille. Mais je ne peux pas, maintenant, là, comme responsable du recrutement, m'avancer sur des données spécifiques qui encourageraient la famille dans l'Est du Québec.

M. Paquin: O.K. Parce que c'est ça. C'est que notre objectif ici est de voir comment on peut cerner les fluctuations de population, comment on peut faire en sorte qu'il y ait des stabilisations ou même des accroissements, et, aussi, de gérer les populations qui ont diminué, les effectifs, et tout ça. Alors, quand je vois cette recommandation-là, je me dis: De quelle manière c'est une piste, ça, de quelle manière c'est une piste d'avoir une politique familiale qui permettrait de contrer dans l'Est du Québec la décroissance? Vous n'avez pas de... Parce que c'est...

M. Chagnon: Ça va avoir des effets dans les universités vers 2025, 2030.

M. Paquin: Oui ? ha, ha, ha! ? quelque chose comme ça.

M. Trudel (Marc J.): Ah! mais on est là sur le long terme. Ha, ha, ha!

M. Paquin: À cet égard-là, est-ce qu'il y a des gens dans l'une ou l'autre des facultés chez vous qui travaillent sur l'efficacité des politiques natalistes dans le monde? Parce que, moi, l'image que j'ai des politiques natalistes ou des politiques familiales, c'est que ça ne change pas grand-chose à grand-chose, même en 2025, là. Est-ce qu'il y a chez vous des recherches qui se font dans ce domaine-là?

M. Trudel (Marc J.): Il y a certainement des recherches qui se font, je ne peux pas vous dire par qui. Je pourrais vous envoyer l'information à titre complémentaire. C'est une excellente suggestion. On pourrait mettre un groupe d'experts là-dessus puis ça nous ferait plaisir, en autant qu'on a le financement pour le faire, bien sûr, de se pencher sur un dossier aussi intéressant.

Mais ce qui est important, je pense, pour nous autres, au niveau du l'Université, dans ce qu'on peut faire, nous, ce qu'on a à offrir surtout pour l'Est du Québec, c'est qu'on dit aux jeunes, on dit aux parents quand on va recruter dans ces régions-là, que, de la façon qu'on forme les gens à l'Université Laval, on encouragera leurs jeunes à revenir dans leur région. On ne veut pas forcément les garder à Québec, même si l'emploi est très bon. Vous avez vu que la région de Québec est devenue une espèce de dragon économique dans les derniers mois au plan de l'emploi, puis tout ça. Et nous croyons que, si un étudiant d'une région vient étudier à Laval, il y a plus de chance qu'il retourne chez eux, et les études sérieuses, en médecine notamment, ont démontré que c'est le cas, que s'il va à Montréal. Je n'ai rien contre Montréal; les députés de la région de Montréal, effrayez-vous pas avec ça, mais...

M. Chagnon: On vous aime bien. On vous invite.

M. Trudel (Marc J.): ...mais je pense que, une fois que vous avez été engouffrés par la métropole, il y a relativement peu de chance que vous reveniez chez vous, sinon pour prendre votre retraite. C'est comme ça que c'est fait.

Mais, nous autres, à cause de notre politique de stages, à cause de notre bureau de placement qui est sensible à la chose, à cause de notre sensibilité régionale, on a un ensemble de mesures qui essaient d'inciter les jeunes à retourner dans leur région d'origine pour opérer leur profession.

M. Paquin: Question pointue: Dans vos facultés de pédagogie et de préparation des maîtres, est-ce que les nouvelles réalités des régions sont incluses y compris l'enseignement multiprogrammes, multiniveaux, et tout ça? Est-ce que c'est un sujet qui est abordé dans la formation des maîtres, chez vous?

M. Trudel (Marc J.): Johanne, le sais-tu?

Une voix: ...multiprogrammes. On a déjà...

La Présidente (Mme Bélanger): Mme Grondin.

Une voix: Mme Grondin.

Mme Grondin (Lucie): Si vous me permettez, on a des programmes en sciences de l'éducation qui visent l'apprentissage de doubles matières pour permettre aux professeurs d'avoir une connaissance dans deux domaines différents et ainsi de mieux répondre aux besoins, entre autres, du niveau d'enseignement secondaire.

M. Paquin: Histoire, géographie, des choses comme ça. Mais...

Mme Grondin (Lucie): Oui, ou mathématiques, chimie, et tout ça.

M. Paquin: Mais pour les enseignants au niveau primaire, par exemple préparer quelqu'un à enseigner à des jeunes du premier cycle du primaire en même temps des multiclasses, et tout ça.

Une voix: Multi-âges.

Mme Grondin (Lucie): Multi-âges, oui.

M. Paquin: Est-ce qu'actuellement, dans vos programmes, vous préparez des enseignants à prendre la relève dans les écoles où cette pédagogie est devenue nécessaire?

La Présidente (Mme Bélanger): Mme Morneau.

Mme Morneau (Johanne): Notre programme de Baccalauréat en enseignement préscolaire, primaire, Claire connaît peut-être un petit peu plus la teneur du programme, je ne l'ai pas regardé en détail, mais il vient d'être révisé.

La Présidente (Mme Bélanger): Mme Sormany.

Mme Sormany (Claire): Mais, à part... il y a certains secteurs très spécifiques qui sont enseignés au primaire. Mais, de façon générale, les enseignants sont formés pour enseigner l'ensemble des matières. Bien sûr, ils ne se retrouvent pas tous dans des écoles où ils ont différents niveaux auxquels ils doivent faire face, mais leur formation les prépare un enseignement généraliste qui peut s'exercer, tant au premier cycle qu'au deuxième cycle du primaire.

M. Paquin: C'est ça. Un même enseignant peut enseigner à différents niveaux, peut aussi accommoder un employeur en donnant une ou deux matières.

Mme Sormany (Claire): Oui, oui.

M. Paquin: Mais là ce qu'on observe ici, c'est qu'en région de plus en plus ? et on nous dit que c'est très bon pour les élèves, et tout ça ? il y a des multigrades. Un même professeur a 17 étudiants, tant en deuxième, troisième, quatrième année, et ainsi de suite, et là ça demande une préparation, et beaucoup d'enseignants ont 30 ans, 32 ans d'ancienneté. Alors, il y aura une relève qui va être nécessaire. On sait que la décroissance au niveau des personnels va être plus importante, semble-t-il, que la décroissance au niveau des populations. Donc, pour être adéquat, il m'apparaît que votre Faculté de pédagogie devrait examiner cette chose-là, si ce n'est pas déjà fait. C'était le sens de ma première question.

Mme Morneau (Johanne): Si je peux me permettre...

La Présidente (Mme Bélanger): Mme Morneau.

Mme Morneau (Johanne): ...comme je vous le disais, dans la révision des programmes, je pense qu'elle est faite aussi en fonction de la réforme que le ministère de l'Éducation a mise de l'avant. Et, dans la réforme, il y a... les années ne sont plus, comme vous le savez très bien, plus cloisonnées: première année, deuxième année, troisième année. Il y a des objectifs d'apprentissage qui s'étendent sur maintenant plus qu'une année, donc sur des cycles.

M. Paquin: Advenant que vous ayez un complément d'information sur le sens de ma question, ça pourrait être intéressant que vous la fassiez parvenir, cette information-là, à la commission.

M. Trudel (Marc J.): Nous nous engageons à le faire.

Mme Grondin (Lucie): Si je peux me permettre, Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Bélanger): Mme Grondin.

n(11 h 30)n

Mme Grondin (Lucie): ...d'ajouter un petit commentaire. Par le biais des stages qui sont obligatoires dans nos programmes d'enseignement au niveau primaire, j'ai le sentiment profond qu'il y a beaucoup de personnes qui vont aller en stage dans des écoles où elles vont avoir à être confrontées à la dimension multi-âges, ce qui fait que ça leur donne déjà une expérience, d'où un peu ce que M. Trudel disait tout à l'heure, que nos étudiants ont tendance à s'en retourner dans leur région ou dans les régions où ils font leur stage.

M. Paquin: J'ai peut-être un dernier élément dans un autre domaine. Je connais la situation au niveau des cégeps, mais je ne la connais pas au niveau des universités à cet égard-là: c'est les contrats à l'extérieur du Québec, dans d'autres lieux canadiens, ou des contrats à l'étranger. Est-ce que, à l'Université Laval, vous avez des activités qui sont tenues ailleurs au Canada ou ailleurs à l'étranger en termes d'instruction, de formation, et tout ça?

M. Trudel (Marc J.): Oui, nous avons quelques activités bien encadrées où nous agissons à la demande expresse d'un partenaire étranger et pour lequel l'Université Laval peut être la seule entité capable de répondre adéquatement. Mais c'est exceptionnel. En gros, je vous dirais qu'on n'essaie pas d'ouvrir de succursales à l'étranger. Vous savez que c'est une pratique très populaire notamment dans certains pays, comme l'Australie, qui vont ouvrir des campus complets en Chine ou dans les pays asiatiques de façon à emmener des revenus nouveaux pour faire vivre leurs universités chez eux, parce qu'ils ont des problèmes de démographie également. Mais ce n'est pas dans notre intention de le faire, quoiqu'on ait une demande des Chinois qui voudraient qu'on aille leur donner un M.B.A. en agroalimentaire dispensé en chinois. Mais on a dit: D'accord, en autant que ça se fasse par Internet.

M. Paquin: Parce qu'il y a des possibilités d'intervenir au premier cycle, et ça crée un lien pour le deuxième et le troisième cycle ensuite dans le pays d'origine. C'est un peu le modèle australien dont vous parlez. Mais donc, ce n'est pas très présent, ce n'est pas non plus très envisagé. Peut-être à titre d'expérience, dans un cas comme celui-là, et à la demande expresse de l'intervenant étranger.

M. Trudel (Marc J.): C'est la politique actuelle. Nous croyons fortement aux vertus de l'internationalisation, mais nous croyons que la priorité n'est pas notre intervention directe à l'étranger. Et je dirais même que nos activités sont probablement moindres qu'elles l'étaient voilà 20 ans à cet égard, au moment où l'ACDI finançait de façon très substantielle les universités pour intervenir, fonder des facultés, fonder des universités et prendre en charge l'enseignement supérieur dans les pays en voie de développement. Ce n'est plus dans les politiques canadiennes, il n'y a plus d'argent pour ça. Il faut que ça se fasse sur une base strictement privée. Opérer avec des partenaires privés étrangers, ça a beaucoup de complexité. Il y a des universités québécoises qui l'ont essayé. Certaines y ont laissé un peu leur chemise. On apprend, à ce niveau-là, mais il faut y aller prudemment, je crois.

M. Paquin: Et ailleurs au Canada? Non plus?

M. Trudel (Marc J.): Ailleurs au Canada, ils ont quelques... ce n'est pas très répandu. Ce n'est pas très répandu. Je pense que l'effort porte beaucoup plus sur amener des étudiants étrangers ici. Et les programmes dispensés à l'étranger peuvent l'être, je le répète, par la voie de l'Internet et à distance. Mais là, c'est tout le volet de la formation continue, de la formation sur mesure où on intervient plus fréquemment à l'étranger, dans des secteurs où on est très, très reconnu. Mais c'est ponctuel, c'est bien encadré, mais ce n'est pas fortement encouragé non plus.

M. Paquin: Moi, ça complète mes questions.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, nous vous remercions, M. Trudel, Mme Morneau, Mme Grondin et Mme Sormany, de votre participation.

Mme Sormany (Claire): Est-ce qu'on a un petit... une minute encore?

La Présidente (Mme Bélanger): Oui, si vous avez encore un complément de réponse.

Mme Sormany (Claire): Oui. J'aurais un souhait à formuler. C'est peut-être dans la ligne de la première question qui a été posée au sujet des universités puis des parts de marché au Québec. Et ça fait longtemps que je me dis: On devrait regarder le problème sous un autre angle. On est beaucoup porté à dire: Bon, bien, faire l'histoire à Laval ou faire l'histoire ailleurs, c'est pareil. Au cours des trois dernières années, on a organisé, à l'Université Laval même, un salon des études auquel on a invité notamment toutes les autres universités québécoises et même des universités de l'extérieur du Québec. Donc, il y avait des stands des autres universités au PEPS. Il y en a eu... On a fait une année... deux années à l'agora du pavillon Desjardins. Ils étaient vraiment chez nous, dans nos lieux.

Et pourquoi on a fait ça? C'est qu'on croit fermement que les étudiants ont le droit de s'informer et ils ont le droit de savoir que, à Sherbrooke, c'est principalement un programme coopératif. Ils ont le droit de savoir qu'ils peuvent aussi aller à McGill puis peut-être faire leurs études en anglais. Mais ils ont le droit aussi de savoir, et ça, où qu'on soit au Québec, qu'à Laval il y a des choses qu'on fait différemment des autres. Et je pense qu'on devrait peut-être commencer à regarder la question sous l'angle de l'information de l'étudiant et non pas seulement sous l'angle de «j'ai mon programme, puis il faut que je le remplisse, puis là l'autre vient m'en chercher une part, puis là je ne lui en donnerai pas», et vraiment regarder ça sous l'angle de ce que l'étudiant est en droit de savoir pour être capable de faire le choix le plus éclairé. Et ce n'est pas nécessairement à Laval que son choix va finir par se faire en bout de ligne. Il peut être plus heureux dans une autre université. Il faut être capable de lui dire: Bien, vas-y dans cette autre université-là. Mais on devrait aussi pouvoir, nous, avoir le droit d'aller parler de nos spécificités qui sont bien réelles, pas seulement en agriculture et en foresterie, elles sont bien... Je pense au profil international, par exemple, qui est une coloration très particulière qu'on offre à l'Université Laval et qu'on ne retrouve pas telle qu'elle dans les autres universités québécoises. Il me semble qu'on devrait avoir le droit d'aller le dire où que ce soit au Québec.

M. Trudel (Marc J.): Ce qui n'est pas le cas.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, Mme Sormany. Alors, nous vous remercions de votre participation à cette commission.

M. Trudel (Marc J.): Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, je vous demanderais de reprendre vos places. Et je demanderais à la Fédération québécoise des professeures et professeurs d'université de bien vouloir s'approcher à la table.

(Changement d'organisme)

La Présidente (Mme Bélanger): Bienvenue. Alors, je demanderais au porte-parole de bien vouloir se présenter et présenter les personnes qui l'accompagnent. Alors, comme les autres groupes, vous avez 20 minutes pour faire votre exposé, qui sera suivi d'un échange avec les membres de la commission pendant 40 minutes.

Fédération québécoise des professeures
et professeurs d'université (FQPPU)

Mme Hamalian (Arpi): Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, tout d'abord, je vais introduire notre délégation ici. Je m'appelle Arpi Hamalian, je suis de l'Université Concordia et je suis la présidente de la Fédération québécoise des professeures et professeurs d'université. Et les collègues qui m'accompagnent, à ma droite, c'est Mme Cécile Sabourin, qui vient de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue; à ma gauche, c'est Jean Roy, qui vient de l'Université du Québec à Rimouski; et puis notre collègue Stéphane Molotchnikoff, de l'Université de Montréal; nous avons aussi Daniel Cluis, qui vient de l'INRS, l'Institut national de la recherche scientifique, de l'UQ; et puis nous avons avec nous Roger de la Garde, qui vient de l'Université Laval.

Tout d'abord, on félicite la commission pour cette heureuse initiative et puis pour l'invitation que vous nous avez faite. Et je vais, très humblement, vous demander de nous excuser pour le dépôt tardif de notre mémoire. Je sais qu'on a finalement envoyé des copies hier, mais on dépose les copies pour la galerie de la presse aujourd'hui.

n(11 h 40)n

Avec ça, je vais entrer dans notre présentation et je vais suivre le texte. Est-ce que vous avez le texte? Oui. Mais peut-être qu'au début je vais ouvrir quelques petites parenthèses. La Fédération québécoise des professeures et professeurs d'université, la FQPPU, est heureuse de participer à la consultation de la commission de l'éducation touchant les effets des fluctuations démographiques sur le réseau de l'éducation au Québec, ce qui lui permet d'intervenir sur la dimension enseignement supérieur de cette réflexion. La Fédération reconnaît que l'impact de l'évolution démographique du Québec pourrait être un des motifs pour s'interroger périodiquement sur l'allocation des ressources financières au chapitre de l'éducation.

Je veux vous mettre un peu dans le contexte, l'esprit dans lequel on a préparé notre mémoire. À la séance d'ouverture de votre commission, des travaux d'audition, M. Marcoux nous rappelait que cette initiative s'inscrit dans le cadre de la valorisation du rôle des parlementaires dans l'élaboration des politiques. M. Chagnon aussi rappelait que le mandat d'initiative d'une commission parlementaire fait ressortir ce qui est considéré par les parlementaires comme étant une problématique sociale importante en particulier du point de vue politique et de l'élaboration des politiques. Nous citons aussi M. Paquin qui a fait valoir dès la séance d'ouverture que «nous voulons ? c'est une citation directe ? nous approprier très correctement, le mieux possible et pas surtout en termes de chiffres et de statistiques, mais en termes de phénomène, la nature et l'ampleur de ces fluctuations de population et bien comprendre les problématiques que cela cause aux différents intervenants dans leur champ de compétence respectif». C'est un peu dans ce sens-là que nous avons préparé nos interventions.

La Fédération félicite la commission pour cette heureuse initiative, mais elle exprime cependant ses inquiétudes par rapport à certaines hypothèses implicites ou explicites qui sous-tendent le questionnement de la commission. Une inquiétude, par exemple, de la Fédération concerne en particulier l'intégrité du réseau universitaire québécois et, pour donner un autre exemple, le maintien du double objectif de démocratisation et d'accessibilité territoriale de l'enseignement supérieur. C'est vrai qu'à partir de certaines hypothèses nous pouvons faire ressortir certaines tendances à moyen et à long terme en regardant les fluctuations, mais les nouvelles fluctuations imprévisibles peuvent venir changer les donnes à n'importe quel moment. C'est pourquoi la Fédération tient à réaffirmer que l'éducation ? dans notre cas, l'université ? c'est un service public dont tous les citoyens et toutes les citoyennes du territoire québécois doivent pouvoir continuer à se prévaloir équitablement. Le ministre Simard nous le rappelait aussi en disant que ce qu'il faut vraiment... ce qu'il faut aspirer, c'est une société du savoir, une société où toutes et tous ont accès à l'éducation. Alors, ça, c'est des valeurs fondamentales, je pense, sur lesquelles les politiques doivent s'orienter.

Pour présenter un peu le travail de la Fédération fondée en 1991. La Fédération québécoise des professeures et professeurs d'université regroupe 20 syndicats et associations rassemblant quelque 8 000 professeures et professeurs du milieu universitaire au Québec. C'est presque le corps professoral en entier. La Fédération agit comme porte-parole sur toutes les questions touchant l'enseignement supérieur et la recherche, l'université et son développement et le rôle des professeurs... dans leur milieu de travail que dans la société en général.

Bien que principalement engagée dans l'enseignement et la recherche universitaire, la FQPPU s'intéresse aussi aux grands enjeux de la société. Elle intervient dans ces domaines en vertu de la mission de service à la collectivité confiée à l'université et de la fonction d'analyse critique dévolue à ses membres. D'ailleurs, même si cet aspect du travail universitaire demeure l'un des moins connus et peut-être l'un des moins valorisés, la Fédération s'y consacre avec conviction.

L'intervention de la FQPPU aujourd'hui résulte de son mandat de regrouper l'ensemble des établissements universitaires du territoire québécois et de représenter leur point de vue sur toutes les questions qui concernent son avenir et l'intégrité de sa mission tant à l'égard de l'enseignement que de la recherche et de services à la collectivité.

Les universités en région et le contexte démographique des 20 dernières années. La création du réseau public de l'Université du Québec et la mise en place d'établissements à vocation générale dans plusieurs des régions du Québec poursuivaient le double objectif de la démocratisation de l'enseignement supérieur et son accessibilité territoriale. Il faut qu'on s'en souvienne. Au fil des années, les établissements qui le constituent se sont intégrés dans le Conseil des universités québécoises et ont participé avec leurs partenaires à la mise à jour et à la consolidation de notre réseau universitaire national dont on peut être très fier parce que, en très peu de temps, relativement parlant, à ce niveau universitaire, on a atteint un niveau vraiment reconnu internationalement.

L'exode démographique régional est un phénomène connu des universités québécoises depuis un bon moment déjà, phénomène auquel ces établissements en région réagissent d'ailleurs de manière dynamique et souvent originale, et ce, en cherchant à sauvegarder l'essentiel de leur rôle d'établissement à vocation générale, à savoir la démocratisation et l'accessibilité de l'enseignement universitaire et une participation à la fois dynamique et originale à l'activité de recherche en milieu universitaire.

Le Québec n'a pas échappé aux crises financières qu'ont connues les sociétés nord-américaines et occidentales. Dans le secteur de l'enseignement supérieur, comme dans plusieurs autres secteurs déterminants à l'égard du bien commun et de l'avenir de notre société, cette crise a été surtout marquée par une diminution importante du financement public accordé aux établissements universitaires dont les effets les plus négatifs se sont surtout fait sentir depuis le début des années quatre-vingt-dix, une situation dramatique dont ce n'est, par ailleurs, que depuis peu que l'on amorce le redressement partiel. C'est dans ce contexte que survient le questionnement de la commission.

La tentation d'aller au plus court. L'adhésion à un discours purement économiste permet de s'inscrire dans un courant idéologique qui conforte peut-être les inquiétudes par ailleurs légitimes des factions métropolitaines et urbaines les plus larges de l'électorat québécois, et ce, au moment même où la part de la population qui réside en régions plus ou moins éloignées diminue significativement au point de voir s'effilocher plus encore son poids politique. Par ailleurs, il ne faut pas entrer dans la sémantique, mais c'est quoi, vraiment, une région? D'après moi, Montréal, c'est, disons, la seule agglomération qui n'est pas une région, il y a peut-être beaucoup de régions satellites qui lui ressemblent. Il faut tenir ça en compte aussi quand on parle des régions. C'est dans ce sens-là que, nous, nous réclamons toujours ce que nous avons toujours réclamé. C'est pourquoi on est ensemble, toutes les universités québécoises. Ensemble, on réclame un investissement dans nos universités. N'importe où elles sont situées, c'est un investissement dans la société. Lorsqu'on investit en Abitibi-Témiscamingue, ce n'est pas pour l'Abitibi-Témiscamingue, c'est pour l'avenir de la société.

Dès lors, faut-il toujours défendre l'intégrité de la mission des établissements situés en région, et pourquoi? La FQPPU le croit, et ce, dans la mesure justement où cette mission lui semble plus que jamais pertinente. Une conjoncture régionale est toujours difficile. Si la démocratisation de l'enseignement universitaire est un des fleurons de l'histoire récente de la société québécoise, elle constitue un objectif collectif à l'égard duquel il nous faut cependant renouveler continuellement notre engagement, un engagement qui s'impose en tous cas dès lors qu'on examine la conjoncture qui frappe actuellement nos régions, et c'est dans ce contexte-là qu'on vous félicite pour l'initiative que vous avez prise.

Il faut d'abord reconnaître que les contraintes de notre grande dispersion territoriale constituent un invariant avec laquelle il faudra toujours compter. La probabilité qu'un étudiant doive poursuivre ses études universitaires loin de son domicile est infiniment plus grande en région que dans la métropole ou dans les grands centres, une situation qui ne peut manquer de se refléter sur le coût total des études des jeunes qui proviennent de nos régions, un coût que le système de prêts et bourses ne compense, par ailleurs, que très partiellement et de façon tout à fait provisoire. Tout effritement de l'offre des programmes universitaires en région ne saurait donc que se répercuter défavorablement sur l'importance de ces coûts et constituer un frein à nos objectifs d'accessibilité et de démocratisation pour le plus grand nombre. Il faut considérer ensuite que le gel des frais de scolarité crée sans doute une pression budgétaire importante sur les établissements universitaires. Ceux-ci ne manquent d'ailleurs jamais l'occasion de nous le rappeler. Cela dit, il faut cependant prendre acte du fait que ce gel n'est, par ailleurs et de toute façon, qu'apparent dans la mesure où, au fil des années, les établissements universitaires l'ont en partie circonvenu par l'imposition des frais afférents toujours croissants et par l'apparition plus récente de frais d'administration, à tel point que ça commence à vraiment inquiéter aussi le ministre.

Il faut aussi considérer que l'éventail de l'offre des programmes de premier cycle dans les universités, six en région, est tel qu'un grand nombre d'étudiants doivent de toute façon s'exrégionaliser pour poursuivre leurs études dans le domaine de leur choix. Un départ souvent définitif, un choix certes légitime de la part des individus mais qui drainent de plus en plus nos régions d'une large part de leurs forces vives.

n(11 h 50)n

Il faut prendre aussi en compte les aléas d'une conjoncture économique dont le portrait d'ensemble pour le territoire québécois est certes positif en apparence en tout cas. C'est là un portrait dont l'examen un peu plus attentif révèle immédiatement la géométrie variable de la prospérité de plusieurs de nos régions, une situation qui explique sans doute largement la poursuite de l'exode démographique qui les afflige et qui est d'ailleurs connu depuis déjà une vingtaine d'années au moins.

Outre que cette situation économique se répercute sur le tissu démographique de nos milieux régionaux, celle-ci diminue d'autant la capacité des individus et de leur famille de s'engager dans un projet d'études universitaires ou alors les contraint à s'y engager d'une manière partielle et précaire en partageant leurs allégeances entre leurs études et un emploi du temps plus ou moins partiel. Ce qui est intéressant à regarder, c'est les apparences, et à les examiner, à cause qu'on examine les fluctuations en région, c'est qu'on se rend compte que les mêmes problématiques existent aussi dans les centres urbains, mais, cependant, sont camouflées par le fait, par exemple ? juste pour donner un exemple ? qu'il y a le facteur immigration dans les centres urbains qui camoufle un peu les problèmes que les autres universités pourraient avoir aussi, et c'est ce qu'on appelle les universités sises en région qui en écopent un peu et qui se font pointer du doigt dans ces situations-là.

La pertinence toujours actuelle du rôle des établissements universitaires en région. La Fédération est convaincue que la démocratisation de l'enseignement supérieur et son accessibilité territoriale continuent plus que jamais d'être pertinentes dans la mesure où elles sont des instruments essentiels sur lesquels la société québécoise peut compter dans la poursuite de l'objectif commun d'une occupation résolue et dynamique de tout notre territoire national. À celles et ceux qui constatent que le phénomène de l'exode des jeunes des régions est devenu apparent au Québec bien après l'implantation des établissements universitaires en région et qu'il s'est par ailleurs considérablement accentué depuis le dernier quart de siècle, on pourrait être tenté de s'inspirer de l'adage qui rappelle que, si l'éducation coûte cher, l'ignorance coûte bien plus encore et de se demander si l'ampleur de cet exode n'aurait pas été bien plus grande en l'absence de nos établissements universitaires en région. Cette question est bien sûr tout à fait hypo-thétique, et il est évidemment impossible d'y répondre avec certitude. Mais on peut, en tout cas, se montrer beaucoup plus catégorique quant aux impacts favorables de la présence actuelle et future des universités en région qu'il importe de préserver.

Quelques exemples de ces impacts favorables. L'université en région permet la présence d'un noyau d'individus compétents et informés provenant du milieu ou d'ailleurs et qui contribuent, premièrement, à la formation d'étudiants qui proviennent d'abord de la région, qui poursuivent, deuxièmement, des travaux de recherche dont les retombées sociales, économiques et culturelles sont à la fois régionales, nationales et internationales et qui s'impliquent, troisièmement, dans la collectivité en y apportant à la fois leurs compétences et certaines des ressources de leur établissement. Cette présence de l'université en région y constitue, bien sûr, un des instruments privilégiés dont le milieu régional dispose pour se donner accès à la communauté humaine et au savoir, mais elle est en même temps un des instruments par lesquels ce milieu peut se faire connaître et rayonner à l'extérieur de son territoire, ce qui constitue un levier particulièrement précieux dans le contexte de mondialisation qui nous confronte tous. L'université en région constitue par ailleurs le point d'appui essentiel à une participation citoyenne plus active et plus éclairée.

Si la présence d'un bassin d'experts de divers secteurs de l'activité humaine que l'on trouve à l'université permet au milieu régional de pouvoir compter sur ses éclairages au moment où elle est confrontée au défi de comprendre les enjeux de l'actualité et des débats qui y ont cours, c'est d'abord et surtout par l'action formatrice de l'université dans son milieu que la vie démocratique s'y trouve la mieux servie. La participation directe et active de citoyens plus compétents et mieux informés constitue en effet un des meilleurs moyens de relever les défis locaux et régionaux contemporains ? santé, éducation, économie régionale, exploitation des ressources, environnement et développement durable, les enjeux de l'environnement ? de façon réaliste et dynamique plutôt que de sombrer dans la tentation de l'indifférence ou dans le sentiment de l'impuissance qui guette les individus et les collectivités quand ils ont la conviction de ne pas avoir prise sur leur quotidien.

Cette action formatrice de l'université en région requiert le maintien d'un éventail suffisant de programmes et de ressources professorales et matérielles qui lui permettent de conserver son statut d'établissement à vocation générale. Le risque que l'on court ici collectivement, c'est celui de sacrifier cette vocation sous prétexte d'une rationalisation budgétaire fondée sur des critères uniformes. Dans ce nouveau contexte, les établissements sis en région se verraient en effet plus ou moins rapidement confinés aux programmes directement associés à leur spécificité régionale ? foresterie, océanographie, mines, développement régional, etc. ? ainsi qu'à certains programmes de formation professionnelle: la formation des maîtres, l'administration en particulier, pour lesquels la taille des clientèles leur permettrait d'atteindre des ratios professeur-étudiants comparables à ceux des établissements universitaires de la métropole et des grands centres. Est-ce que c'est pédagogiquement désirable? C'est encore une autre question, et ça touche toutes les universités en général, l'effet prévisible de la matérialisation d'une telle hypothèse pour nos régions, la disparition à terme de la vocation générale des établissements qui se verraient graduellement réduits à une existence satellitaire.

On observerait par ailleurs la mise en péril de la qualité même de certains des programmes de formation professionnelle qui prennent justement appui sur la présence et le dynamisme de certains programmes disciplinaires dont les clientèles sont proportionnellement plus faibles. Ce serait le cas, par exemple, en matière de formation des maîtres de niveau secondaire dans le champ de l'histoire, de la géographie, des sciences et des mathématiques.

La nécessité de réaffirmer la mission des établissements universitaires en région. la FQPPU tient ici à réaffirmer haut et fort que l'université québécoise est un service public dont toutes les citoyennes et tous les citoyens du territoire québécois doivent pouvoir continuer de se prévaloir. Elle tient ensuite à réaffirmer que la démocratisation et l'accessibilité régionale de la formation universitaire constituent toujours le coeur du rôle des établissements en région et qu'il est impératif de maintenir le cap sur ces deux objectifs dont la pertinence est, à nos yeux, plus que jamais évidente. Elle tient par ailleurs à affirmer sa conviction que la qualité, la richesse et la diversité de l'enseignement et de la recherche universitaire sur l'ensemble du territoire québécois doivent se fonder sur le maintien et la consolidation de la vocation générale des établissements en région.

C'est dans cette perspective que la Fédération s'inquiète d'abord des effets que l'application de règles uniformes dans l'ensemble du réseau universitaire québécois pourrait avoir sur l'intégrité des établissements en région et qu'elle réclame plutôt le maintien du principe de l'existence de règles à géométrie variable que le ministère de l'Éducation a tout récemment encore appliquées au moment de la mise en place de la nouvelle politique de financement des universités qui le lie à ses partenaires universitaires.

La Fédération estime en effet que la modulation des règles de financement permet d'assurer en même temps la poursuite d'objectifs de performance nationaux communs et la prise en compte de la spécificité des contextes régionaux tant à l'égard de l'enseignement que de la recherche. Aussi, les règles dont on parle, elles ont toutes des conséquences, disons, budgétaires, mais ce n'est pas juste des préoccupations budgétaires comme le ratio dont on a donné un exemple. Est-ce que c'est bon d'avoir un même ratio un peu partout? Ce sont des questions qu'il faut se poser.

De plus, la Fédération recommande que le ministère et les organismes subventionnaires maintiennent les programmes de financement et de soutien à la recherche qui permettent au plus grand nombre de professeurs-chercheurs des universités québécoises de s'intégrer, de maintenir et d'accroître leur participation à des réseaux de chercheurs, aux échanges régionaux, nationaux ou internationaux qui en résultent et d'assurer la mise à jour continue et, par cela, la validité et la pertinence de l'enseignement, et ce, au niveau du premier cycle tout autant qu'à celui des études supérieures. Pratico pratique, c'est qu'à chaque fois qu'on attire des chercheurs qui viennent travailler avec nos équipes, c'est vraiment un enrichissement pour tout le Québec et, en passant, avec l'application des résultats à l'international pour la société avec un grand s.

Enfin, la Fédération poursuit depuis longtemps les mêmes objectifs que les associations étudiantes universitaires dans leurs revendications à l'égard du maintien du moratoire sur les frais de scolarité et elle s'inquiète avec celles-ci de l'augmentation graduelle des frais afférents et de l'apparition récente de frais d'administration qui sont à toutes fins utiles en contradiction avec le moratoire. La Fédération est d'ailleurs intervenue à plusieurs reprises auprès des deux paliers de gouvernement pour réclamer l'abolition des frais de scolarité et l'augmentation des bourses aux études, et ce, à l'instar d'autres pays du G8 telles la France et l'Allemagne. C'est beau de déclarer qu'on va devenir comme les grands tigres; il faut y mettre les mêmes ressources que les grands tigres. La gratuité d'accès aux études universitaires devrait s'étendre aux étudiants du Québec, mais aussi aux étudiants des autres provinces canadiennes et aux étudiants étrangers.

n(12 heures)n

Je vous remercie de votre attention. Si on veut encore utiliser l'adage, c'est qu'on va échanger, je pense, sur des questions peut-être plus particulières. Mais ce qui est important, c'est qu'il faut vraiment penser à des valeurs qui nous ont incités à occuper le territoire d'abord, à y tenir. C'est de cette manière que c'est une pensée globale. On pense vraiment globalement, mais les vraies solutions, ça va être aussi des applications locales, et il faut bénéficier de la sagesse des différentes localités où nos universités ont pris leurs racines.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, Mme Hamalian. Alors, M. le député de Groulx.

M. Kieffer: Merci, Mme la Présidente. Vous comprendrez évidemment ? et, c'est à la fois un reproche, on l'a fait hier ? avec le très court laps de temps que nous avons eu pour lire votre mémoire, que nous sommes pris pour réagir à chaud à votre présentation. Il aurait été de loin préférable que nous ayons pu l'avoir dans les délais. Comme ça, ça nous aurait donné la possibilité à la fois de réfléchir et de questionner les politiques gouvernementales.

Je vais m'arrêter plus spécifiquement à un aspect de votre mémoire qui pose la question de la nécessité d'offrir en région le plus large éventail possible d'options et de spécialisations, où, quelque part, à la lecture, en page 5, il y a deux paragraphes qui... c'est ça, qui posent cette question-là. J'ai l'impression que vous sauvez à la fois la chèvre et le chou, dans la mesure où vous dites: En région, effectivement, il existe des spécialisations régionales, mais en même temps il faut préserver le plus possible la formation fondamentale. Je veux bien que l'on ait cette préoccupation-là. Par contre, je vous trouve discrets ? et c'est là-dessus que j'aimerais vous entendre ? je vous trouve discrets sur les solutions qu'il faudra et qu'il faut apporter à cette problématique-là.

Hier, dans les discussions que nous avons eues avec les représentants du niveau inférieur au vôtre, c'est-à-dire les cégeps entre autres, on est allé beaucoup plus loin, aussi bien au niveau du syndicat des profs que de la Fédération. La Fédération a clairement posé la question de dire: Il nous faut remettre sur la table, faire table rase des spécialisations et se reposer fondamentalement la question de quoi devrait aller où. Ils y voyaient la possibilité de renforcer en région les institutions d'enseignement supérieur. Vous ne faites pas du tout ce constat-là, vous dites... J'en conclus que vous préconisez le statu quo. Et, sinon, vous me corrigerez et vous m'indiquerez quelles sont les pistes de solution que vous nous offrez, parce qu'on est toujours préoccupés, nous, comme législateurs, de réaliser que, dans certaines régions, il y a effectivement des départements et des facultés qui n'ont plus la capacité de survivre, là. Si vous avez cinq, six ou sept étudiants au baccalauréat dans tel domaine, bien ce n'est pas faisable, là, à moins que la communauté entière et le gouvernement décident de sursubventionner ce type de démarche là pour préserver... Mais, vous allez avoir encore une fois un problème d'excellence, vous allez avoir encore une fois la difficulté d'assurer un corps professoral qui va permettre l'échange, l'interaction, etc. Alors, j'aimerais que vous alliez plus loin que ce que vos deux paragraphes nous disent quant à cette problématique-là.

Mme Hamalian (Arpi): Je trouve que c'est une excellente question et je vous remercie de la poser.

La Présidente (Mme Bélanger): Mme Hamalian.

Mme Hamalian (Arpi): Excusez-moi, Mme la Présidente, merci. Alors, il y a plusieurs façons de répondre à cette question-là. D'abord, on s'est donné des instruments et des outils pour suivre les programmes dans toutes nos universités. Alors, il y a les évaluations de programmes à chaque cinq ans, par exemple, hein? C'est périodique, c'est régulier, systématique. Alors, là où il y a des problèmes, il y a comme une volonté collective, parce que ça se passe d'abord au niveau de la CREPUQ, après ça, ça se passe au niveau du gouvernement, où on regarde un peu l'éventail des programmes offerts et l'opportunité de les maintenir ou de ne pas les maintenir. Alors, on s'est donné des outils pour faire ça. C'est dans ce sens-là qu'on ne préconise pas le statu quo. Parce qu'il n'y a pas de statu quo, parce qu'on s'est donné des bons outils pour garantir la qualité de l'éducation qu'on reçoit dans n'importe quelle région, dans n'importe quelle université.

Et je veux vous rappeler un peu aussi le fait que, et au Québec et à travers le Canada, on a l'avantage, par exemple, sur nos voisins les États-Unis, où un diplôme de n'importe quelle université a vraiment une équivalence dans toutes les autres universités. C'est à cause qu'on a cette évaluation continue, c'est un service public, qu'on y a investi. Aux États-Unis, il y a le secteur public, il y a le secteur privé. Il y a une compétition, il y a comme une hiérarchisation des diplômes, etc. Et ce n'est pas à l'honneur ni de la société ni à leur profit, parce que les diplômés ne sont pas vraiment mobiles, ne sont pas vraiment employables parce qu'il y a cette façon de regarder les diplômes. Maintenant, on risque, si on spécialise trop nos universités ou en région ou en milieu urbain... On risque d'arriver là. Alors, nous, on dit qu'on a des instruments, des outils de suivi continu. Maintenant, il faut peut-être examiner ces instruments de suivi continu aussi pour voir peut-être qu'on peut mieux les baliser, parce qu'il y a des traditions qui s'établissent aussi, hein? Il y a que les premiers venus ont aussi beaucoup plus de pouvoirs et de voix que les derniers à entrer, disons. Alors, il faut regarder. Il y a des modifications qu'on peut apporter, mais ces instruments sont sur place.

Et, quand je vous ai félicités comme commission, c'est que c'est le rôle vraiment des commissions parlementaires, de temps en temps, de s'y pencher aussi, parce que c'est des questions politiques et c'est une volonté politique de décider où est-ce qu'on va investir nos argents. Et c'est dans ce sens-là que, nous, on a décidé ? et on n'a pas eu tort ? depuis 30 ans, comme société, d'investir dans l'éducation et à tous les niveaux. Parce que vous venez de dire que les autres cycles inférieurs... Ce n'est pas comme ça qu'on regarde ça, parce que tout est lié, parce que les formateurs des cégeps, les formateurs qui... les enseignants qui vont dans les écoles secondaires, dans les écoles primaires, etc., tout ce monde-là passe par l'université. On est lié, on n'a pas le choix. O.K.?

C'est dans ce sens-là qu'on ne regarde pas s'il faut avantager, désavantager les uns contre les autres. C'est vraiment un ensemble et une collaboration et c'est pourquoi on essaie aussi de collaborer avec les autres associations, fédérations, etc., qui représentent les autres milieux. On a ce qu'on appelle la table de partenaires universitaires. On se réunit à chaque six semaines pour échanger entre nous. Alors, ça représente les différents milieux. Au niveau du Canada aussi, on a ce qu'on appelle le réseau de l'éducation publique, et les grandes centrales sont représentées là, qui viennent de partout au Canada, et le Québec est très bien représenté là-dedans, on veut faire affirmer nos valeurs avec le reste de nos partenaires.

Je ne sais pas si j'ai répondu, mais ce que je veux dire, c'est que c'est bien, ces questions-là, c'est bien de voir quels sont nos moyens, quelles sont les conséquences, etc., mais on a les places, on s'est donné les espaces, on s'est donné les outils pour le faire, en plus d'avoir la commission. Et c'est dans ce sens qu'on se réjouit que voilà un lieu qui devait s'y pencher s'y penche. Mais on veut ne pas oublier, à cause, disons, de ce qu'on voit en regardant les fluctuations... D'ailleurs, le mot «fluctuations» est très bien choisi parce que aujourd'hui c'est ici, demain c'est là-bas. Dans ce sens-là, on peut dégager, disons, des tendances, mais les tendances, à cause des fluctuations, peuvent tourner très vite, sans nous donner le temps de nous ajuster, hein? Et, de plus en plus qu'on est ouvert à l'international, on nous sert à toutes les sauces la compétitivité, etc. Si on veut rester compétitif, il faut investir stratégiquement. Et, à cause qu'il y a deux ou trois spécialités, deux ou trois, disons, disciplines où on est en baisse de clientèle, qu'on appelle ça ? c'est des citoyens qu'on forme ? aujourd'hui, on ne sait pas ce qui va venir demain.

Je vous donne l'exemple, par exemple, de l'École vétérinaire de Saint-Hyacinthe, attachée à l'Université de Montréal. Alors, ce n'est pas une région très éloignée. Il y a trois ans... Et c'est une des quatre écoles vétérinaires à travers le Canada, et trois sont sous tutelle. La première, c'était Saint-Hyacinthe à y passer. Les équipements sont désuets, le nombre de professeurs n'était pas suffisant. Ce qu'on appelle «the Board of Accreditation» a décidé de ne pas renouveler leur certificat. Qu'est-ce que cela veut dire? Cela veut dire que... Et, trois ans après cette situation-là ? l'année prochaine, c'est l'année charnière de décision ? on n'est pas encore sorti du gouffre où on est juste dans cette école-là. Et pour vous dire que c'est la seule école vétérinaire francophone de toutes les Amériques. C'est vraiment un fleuron, c'est vraiment... Je ne veux pas dire de notre héritage, de notre patrimoine. Et, à cause qu'on a décidé qu'on n'avait pas d'argent, on a décidé de ne pas renouveler les effectifs.

n(12 h 10)n

Qu'est-ce que ça donne pour la société? Pour la société, ça donne qu'on n'a pas les vétérinaires qui sont qualifiés pour certifier la qualité des viandes du cheptel, etc. Ça veut dire qu'on ne peut pas échanger librement, on ne peut pas exporter parce qu'on n'a pas les qualifications pour dire que, sur le marché mondial, où les accréditations sont acceptées, que nous, on peut faire ça. Alors, c'est l'année prochaine où ça va se décider. Je vous rappelle ça, c'est très important.

Maintenant, si on décide maintenant d'y investir tout de suite tous les millions nécessaires, toutes les instrumentations nécessaires, les étudiants qui connaissent que leur diplôme pourrait ne pas être reconnu, pour quelques années, ne vont pas y aller. Ils vont attendre pour voir si l'accréditation revient. Et, on a déjà perdu cinq ans, on va en perdre une dizaine. Alors, vous voyez un peu ce que je veux dire, c'est que c'est mieux, quelquefois, de prendre les risques de l'investissement. C'est les coûts d'opportunité qu'il faut y mettre pour être toujours bien positionné et pour l'avenir de notre société. Alors, c'est dans ce sens-là que votre question ? je vous ai félicité en commençant ? c'est une question pertinente, mais on a les moyens, on s'est donné les moyens, et je pense qu'une des preuves, c'est la tenue de cette commission.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Groulx.

M. Kieffer: Non, non, je...

Mme Hamalian (Arpi): Est-ce que madame peut...

M. Kieffer: Madame, vous voulez intervenir? J'écoute.

La Présidente (Mme Bélanger): Mme Sabourin, vous avez un complément de réponse?

Mme Sabourin (Cécile): Oui, j'aimerais vous signifier que les universités qui sont situées en région et qui ont développé leur programmation depuis moins de temps que les universités des grands centres ont réfléchi de façon très sérieuse à la manière de rendre disponibles les programmes qui étaient requis et nécessaires pour leur population et pour les professionnels en exercice sur leur territoire et, en faisant ça, ont mis à profit ou mis en oeuvre des contributions avec d'autres institutions.

Je peux vous donner une foule d'exemples de l'institution que je connais le mieux, qui est la mienne, et qui nous mettent en relation pour l'offre de programmes avec d'autres institutions du Québec.

M. Chagnon: ...au fait?

Mme Sabourin (Cécile): L'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue. Que ce soit à travers des collaborations de réseau, on offre des maîtrises à des étudiants et étudiantes qui sont dans la pratique professionnelle et qui peuvent, parce qu'on gère conjointement les programmes au niveau de plusieurs institutions, avoir accès à des études, alors que jamais ces gens-là ne quitteraient leur emploi et leur région pour cette formation-là. Ça se présente de plus en plus. Ça s'est fait en sciences infirmières, en psychoéducation. Ça se développe en foresterie, parce qu'il y a beaucoup, quand même, d'étudiants en foresterie en Abitibi, en collaboration avec l'UQAM. Ça se développe aussi avec des universités qui ne sont pas du réseau. Moi-même, je travaille dans un programme en service social où on a une collaboration avec l'Université de Montréal.

Il y a une foule de moyens que les universités ont développés pour faire que les populations, les employeurs sur le territoire et les professionnels aient accès aux services dont ils ont besoin. Donc, je pense qu'il ne faut pas s'imaginer que c'est seulement en espérant qu'on va avoir du financement pour des gros groupes dans tous les programmes que les universités travaillent. Il y a une créativité qui est en action dont, je pense, beaucoup de gens n'ont pas encore idée, et je souhaiterais que, dans vos travaux, vous fassiez l'effort de connaître et de comprendre ce qui se passe vraiment sur les territoires et dans les régions où les universités sont de plus petite taille.

La Présidente (Mme Bélanger): Oui, M. Roy. Un complément de réponse, M. Roy?

M. Roy (Jean): Mme la Présidente, excusez-moi. M. le député, votre question, au fond, les posait toutes, et peut-être que je devrais plutôt vous laisser la parole, mais j'aurais le goût d'ajouter un ou deux éléments. Je suis de Rimouski, de l'Université du Québec à Rimouski. Je suis originaire de Montréal. Je suis sur le bord de la retraite. Je parle à la fois donc pas comme un régional ni comme quelqu'un qui a un intérêt immédiat à ce que ça persiste indéfiniment. Je pense à tous les jeunes professeurs qu'on engage, je pense à tous les efforts qu'on déploie dans les programmes. C'est analogue à ce que ma collègue d'Abitibi-Témiscamingue décrivait, on a la même dynamique, des programmes de maîtrise, des programmes de doctorat interréseau, on utilise largement les technologies, la vidéoconférence. On déploie de l'originalité, je pense, dans l'offre des cours, dans la création d'objets qui sont partagés par plusieurs universitaires dans plusieurs centres.

Je voudrais plutôt insister sur l'aspect de la taille des clientèles. Je déteste le mot, il ramène à une logique de justification qui n'est pas tout à fait la mienne. Mais je me rappelle du souvenir très déchirant que j'éprouve encore à la pensée de la fermeture du programme de physique chez nous en 1985, et donc il y a déjà un moment, un moment déjà que ces questions-là se posent dans nos établissements. Ça fait un moment qu'on les regarde de front, ces questions-là, et qu'on prend les décisions qui doivent se prendre quand il n'y en a pas d'autres de possibles. Je vous dirais en même temps qu'on est arrivé au bord du même gouffre il y a six ou sept ans pour la chimie, et on vient maintenant d'engager deux nouveaux professeurs. Et donc, il y a là à l'interne un effort...

Parlons des programmes à petite clientèle. J'en connais un précisément, le programme d'histoire, les clientèles, les nouvelles cohortes annuelles tournent autour de 10 ou 12. On a eu une année où c'était à sept. Mais, en même temps, tout est si intimement et si étroitement tricoté serré. Moi, je suis en formation des maîtres, je m'intéresse à l'enseignement, la formation des maîtres au niveau de l'enseignement secondaire, et, vous le savez, depuis qu'on est dans la bidisciplinarité, sauf pour le cas du français et des mathématiques, nos étudiants ont cette obligation, au fond, de se doter d'une compétence disciplinaire dans deux champs plutôt que dans un. Je suis en didactique des sciences par ailleurs. Comprenez ma tristesse quand je repense à la disparition de la physique, pensez à ma joie qu'on ait sauvé la chimie. C'est la même chose pour les mathématiques, mais tous mes collègues qui sont dans les didactiques des sciences humaines et voient ce qui se passe en chimie, ce qu'ils font concrètement ? et je terminerai là-dessus ? c'est qu'ils mettent eux aussi l'épaule à la roue. J'ai des groupes de 60, 70, 80, 90, 100, ce qui permet à des collègues d'avoir des groupes de sept, de huit ou de 10 quand ils sont dans des cours pointus en histoire, mais d'accueillir aussi nos étudiants en formation des maîtres qui veulent enseigner l'histoire. Vous vous rappellerez que l'histoire, on veut l'enseigner à tous les niveaux du secondaire, alors qu'avant on ne le faisait qu'à deux niveaux du secondaire.

Alors, au fond, il s'agit peut-être ici ? c'est ce que j'ai voulu, en tout cas, faire, et je m'arrêterai là ? refléter l'idée que ce n'est pas une question qui nous laisse indifférents ou sur laquelle on vient réclamer des droits ou du statu quo sans s'engager soi-même personnellement profondément, avec énergie dans cet avenir-là et mettre l'épaule à la roue, et accepter que des collègues en fassent peut-être un peu moins à certains chapitres et nous un peu plus au niveau de l'enseignement pour maintenir cette existence de la vocation générale. Ça permet d'offrir des programmes, et à tous les niveaux, et de desservir des clientèles dans nos milieux qui ont besoin de ces formations-là. Je pense aux enseignants en particulier, vous le comprendrez. Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Roy. M. le député de Groulx.

M. Kieffer: Je trouve ça très intéressant, les deux dernières interventions, Mme Sabourin, M. Roy. C'était un peu justement le sens que je voulais donner à la question que je vous posais, là. Votre texte, là, il ne relève pas de ce que vous venez de me dire. Et, Mme Sabourin, vous nous mettez au défi d'apprendre, d'écouter, de s'informer des mesures que vous avez prises un peu partout au Québec, j'en suis. Moi, je vous mets au défi de nous les communiquer, de nous les offrir, de nous les fournir, ces informations-là. Présentez-nous les solutions originales que vous avez développées, je pense que la commission en tirera grand profit, parce que nous avons... Nous, nous ne sommes pas les spécialistes, nous ne sommes pas sur le terrain, nous ne connaissons pas... Peut-être qu'il y a des fonctionnaires au ministère qui les connaissent, là, on vous parlait des députés, là. Ce serait bien qu'on soit mis au courant de comment vous faites face à cette problématique-là qui, effectivement, est une réalité de la décroissance en région des étudiants de niveau universitaire. Alors, je vous remercie, je trouve ça intéressant et je vous dis: Bien, écoutez, donnez-nous l'information. Merci.

Mme Hamalian (Arpi): Mme la Présidente, juste une petite...

La Présidente (Mme Bélanger): Mme Hamalian.

Mme Hamalian (Arpi): Juste pour vous dire... Peut-être que vous avez déjà reçu... En retournant au bureau, essayez de voir, on a envoyé à tous les députés, à toutes les députées des informations sur la Fédération en vous demandant aussi de nous signifier le nom de la personne qui s'occupe des informations et de la recherche chez vous. Et on va régulièrement vous faire parvenir les informations nécessaires pour que vous fassiez votre travail et que vous sachiez aussi à qui vous adresser. Et c'est qu'on va, nous aussi, à notre tour, de vous féliciter de faire ce que vraiment une commission parlementaire devrait faire, les élus qui vont agir sur les politiques pour bâtir notre société ensemble.

M. Kieffer: Ce n'est pas compliqué chez nous, madame, vous envoyez ça à nos chefs de cabinet. Ha, ha, ha!

Mme Hamalian (Arpi): Ça va.

n(12 h 20)n

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, madame. Alors, je vous remercie de votre... Au Secrétariat de la commission, d'ailleurs. Ah, c'est vrai, je m'excuse, ce n'est pas terminé, hein?

M. Chagnon: Je veux terminer, à moins que vous décidiez de me censurer ou de... Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Bélanger): Bien, je m'excuse, c'était une distraction. Alors, M. le député de Westmount?Saint-Louis.

M. Chagnon: Je vous taquine, Mme la Présidente. D'abord, je voudrais remercier et saluer les représentants de la Fédération. M. Roy, vous êtes membre du département de formation des maîtres à Rimouski. Parmi les idées qui ont circulé beaucoup ici, plusieurs groupes sont venus nous dire qu'en formation des maîtres on devrait demander aux universités de donner un apprentissage particulier pour permettre à des jeunes futurs maîtres, futurs enseignants primaire, secondaire d'avoir une capacité de travailler dans des classes multiprogrammes. J'ai souligné à quelques reprises à mes collègues, ici, qu'il y a une spécialité, une particularité à l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue qui, justement, s'ouvre à cette démarche pour la formation des maîtres en Abitibi-Témiscamingue. Est-ce que, éventuellement, vous avez songé à cela dans votre département?

M. Roy (Jean): Nous le faisons déjà, Mme la Présidente.

M. Chagnon: Vous le faites déjà? Ah!

M. Roy (Jean): Oui. J'ai entendu que vous avez aussi posé la même question à ceux qui nous ont précédés à cette table-ci. Bon, d'une part, il faut se rappeler que, au niveau de la formation des maîtres ? j'irai rapidement ? le ministère avait défini un certain nombre de compétences, dont certaines étaient directement reliées à la capacité des enseignants à s'adapter aux exigences ou besoins particuliers du milieu. Une partie de la réponse vous a été donnée par les représentants de l'Université Laval, par une des représentants de l'Université Laval. Elle est la même, mais, chez nous, elle prend peut-être une force accrue du fait que la plupart de nos étudiants, de nos étudiantes se retrouvent dans des situations de stage... qu'ils soient du campus de Lévis ou de Rimouski, dans une situation où ils doivent se retrouver dans des écoles où ces classes sont présentes. Et, donc, si on considère qu'il y a 30 des 80 crédits de formation qui sont donnés en formation pratique, ils vont être au fait.

Par ailleurs, il y a des cours plus théoriques, gestion de classe, multidisciplinarité, enfin, qui traitent de ces questions-là. Je ne dirais pas qu'on prend beaucoup plus que, disons, six crédits de formation théorique, là, mais il y a tout le champ de la formation pratique qui investit largement cette question-là dans la mesure où nos étudiants se retrouvent dans ces classes-là, de toute façon, au moment où ils font leur stage.

M. Chagnon: Ça doit être moins le cas, par exemple, dans les universités de centre, par exemple l'UQAM, ou Concordia, ou Laval, ou Montréal, ou...

Mme Hamalian (Arpi): Mme la Présidente, pour Concordia...

La Présidente (Mme Bélanger): Oui, Mme Hamalian.

Mme Hamalian (Arpi): Je peux répondre pour Concordia. C'est qu'il faut regarder la mesure, il y a des fluctuations, mais, partout dans les universités, on essaie de notre mieux pour être flexible, pour répondre avec le moins de ressources au plus grand nombre, disons, de besoins et de faire ça avec qualité. Pour Concordia, je vais vous donner l'exemple, c'est qu'à Concordia on avait un mandat particulier de pouvoir faire les stages en français ou en anglais. Et c'est la contribution de Concordia, un peu, aussi d'encourager l'utilisation du français, la formation et la certification en français. Venues les dernières réformes, alors c'était au moment même où il y avait des coupures budgétaires drastiques, et le ministère, après coup, il a mis de l'argent pour l'année supplémentaire. Mais Concordia est allée dire que... Bien, excusez-nous, on n'a pas les ressources, et les professeurs qui faisaient, disons, les stages en français ont pris leur retraite. On n'a pas des ressources d'en engager, mais on ne pourrait pas bien faire le travail. On leur a dit... Bien, au lieu de dire: Voilà les ressources, on leur a dit: Bien, voilà, oublions, vous faites ça juste en anglais, hein?

Alors, il faut voir aussi qu'il y a beaucoup de réflexion qui se fait dans nos universités, beaucoup d'éléments intéressants dans chaque université. Les collègues de Laval vous disaient qu'ils font comme un forum pour informer les étudiants des spécificités, un peu, des programmes dans les universités. Cela existe, mais c'est là où on a besoin aussi des appuis, parce qu'on peut faire moins de choses créatives si la pression est très forte. Un peu de pression, ça nous aide à être imaginatifs, mais trop de pression, comme l'exemple que je vous ai donné, on élimine des programmes, et ce n'est pas toujours pour une bonne raison.

M. Chagnon: Je pense que par la bande un peu, dans votre mémoire, vous faites appel à la possibilité que les gouvernements puissent aider davantage à faire de la captation et éventuellement de la rétention d'étudiants étrangers qui pourraient justement aller étudier soit en région soit... peu importent les universités au Québec. Mais vous concluez d'ailleurs ? c'est la conclusion de votre document: «La gratuité d'accès aux études universitaires devrait s'étendre aux étudiants du Québec, mais aussi aux étudiants des autres provinces canadiennes et aux étudiants étrangers.» C'est le fun, ça, là, mais, une fois qu'on a dit ça, là, qui paie quoi?

Mme Hamalian (Arpi): Mais non. Là encore, hein, il n'y a pas de solution uniforme. On a déjà des ententes avec certains pays, oui...

M. Chagnon: Ah, mais là ce que vous demandez, là, c'est une solution uniforme.

Mme Hamalian (Arpi): ...mais ce qu'il faut faire, c'est qu'il faut... il faut penser à des solutions intelligentes pour pouvoir le faire. Regardez la France, regardez l'Allemagne, ils ont des étudiants étrangers et puis ils ont un taux, disons, de participation à la vie universitaire beaucoup plus grand que chez nous. Alors, ça, encore il faut commencer à comparer. On a dit que les fluctuations, c'est un des, disons, motifs, une des motivations pour tenir une assemblée, il y en a d'autres. L'exemple, c'est le pourcentage de nos jeunes qui sont aux universités, qui ont une diplomation universitaire, comparé aux autres provinces canadiennes, comparé un peu au G8. Il faut regarder ces choses-là. Ça, c'est des motivations pour regarder un peu ce qu'on est en train de faire en éducation, nous, ici.

Comment est-ce que les autres réussissent? En Finlande, pour donner l'exemple... En Suède, en particulier ? c'est plus intéressant ? en Suède, il n'y a pas de frais de scolarité. Après ça, il y a un 30 % des frais de tous les jours pour vivre, pour la vie, qui est donné à tous les étudiants. Après ça, sur base de nécessité financière, sur base d'avoir un travail à temps partiel ou non, etc., on peut aller prendre d'autres bourses ou bien on peut aller prendre aussi des avances qu'on paierait plus tard, mais qui peuvent être tout à fait, disons, abandonnées si on met le travail à l'usage, n'est-ce pas, disons, de la société après diplomation au lieu de traiter un diplôme comme un bien privé.

Alors, il y a des possibilités de voir ça. Si on veut se comparer, d'ici cinq ans, d'ici 10 ans, on va être parmi les cinq meilleurs du monde ? c'est le fédéral et le Québec qui nous disent ça ? bien, comment on va le faire? Alors, il faut trouver les solutions, et on vous en avance quelques-unes. Vous êtes du côté de la politique, vous, vous avez de l'influence, vous nous représentez, alors on pourrait travailler ensemble, on pourrait travailler ensemble.

M. Chagnon: Vous êtes bien gentille. Mais, ceci étant dit, je remarque qu'au Canada... D'abord, un, en France, le modèle de gratuité scolaire, particulièrement de l'université, est remis en question de façon importante au moment où on se parle. Je pense à des grandes écoles françaises. Oublions l'INSEAD, d'accord?

Mme Hamalian (Arpi): Non. Ça, c'est comme un peu Harvard, etc., là. Oui, c'est ça.

M. Chagnon: Oui, mais ce n'est pas rien, hein?

Mme Hamalian (Arpi): Non, non. Oui, mais...

M. Chagnon: Personne ne se cache quand il a gradué de l'INSEAD, là. Mais, ceci étant dit, prenons l'ENA, la Poly, à Paris, les droits de scolarité sont maintenant exigés dans ces grandes écoles. Même à la Sorbonne, Sorbonne I, Sorbonne V, on commence à charger des droits de scolarité dans quelques-uns des départements, et le rationnel sous cela, le rationnel qui peut s'appliquer ici aussi, on remarque que les étudiants qui font des études postsecondaires, des études universitaires en particulier, proviennent de milieux qui sont généralement nantis ou plus nantis. Pas nécessairement nantis, là, le nantissement, ça peut être... On peut évaluer ça de façon... Mais on s'étonne de voir, dans le fond, qu'on exigerait des impôts des gens qui sont moins nantis de défrayer des frais de scolarité ou des droits de scolarité pour des étudiants qui viennent de milieux plus nantis. Alors, on se pose beaucoup la question sur le plan de l'acceptation sociale de cette façon de réfléchir. Est-ce que vous avez réfléchi à cela?

Mme Hamalian (Arpi): ...l'acceptation sociale, on a réfléchi dans une perspective démocratique. La meilleure façon d'être équitable, c'est d'ouvrir ça à tout le monde, hein? Maintenant, comme vous dites, avec la situation que vous avez, le grand pourcentage vient des groupes nantis. On a fait les études à Queen's, par exemple, sur les dernières cinq années où on a augmenté les frais de scolarité, on voit tout d'un coup que le pourcentage des étudiants qui venaient des groupes moyens ou bien moins nantis a chuté dramatiquement. O.K.? Est-ce que c'est une solution? Est-ce que... Alors là...

M. Chagnon: Queen's n'a pas perdu de clientèle.

Mme Hamalian (Arpi): Oui, mais, c'est ça. Est-ce que l'idée, c'est d'avoir une clientèle... Est-ce que c'est une entreprise privée ou est-ce qu'on prépare les citoyens... Est-ce qu'on donne l'accès à tous les citoyens équitablement? C'est des décisions, enjeux de société.

n(12 h 30)n

Deuxièmement, en ce qui concerne la France et les frais de scolarité, je suis allée voir ce qui se passe, c'est 48 euros, hein? C'est pour je ne sais pas quoi, là, pour les timbres, parce que là on met toujours des timbres encore. Ça, c'est un exemple. Pour l'Allemagne, à Laval, il y avait le colloque sur la globalisation, et puis la personne, le vice-recteur qui représentait l'Allemagne, elle nous dit très clairement que c'était un choix de société, qu'ils le font, qu'ils ne le regrettent pas et qu'ils ont des étudiants étrangers qui viennent travailler avec eux aussi, qu'ils en profitent, la société en général.

Alors, c'est ce qu'il faut voir, comment est-ce que, nous, on va investir. On est arrivé au déficit zéro. Maintenant, pour vous donner un exemple, tout d'un coup, là, la recherche universitaire, on ne trouve n'importe... c'est disparu, hein? On fait des communiqués en disant que la recherche, maintenant, c'est pour les entreprises. Vrai, il faut encourager les entreprises, mais qu'est-ce qui se passe pour la recherche libre qui était dans...

La Présidente (Mme Bélanger): Un instant. Un instant, est-ce qu'il y a consentement pour poursuivre après...

Mme Hamalian (Arpi): Mais c'est dans ce sens-là que...

M. Chagnon: ...que personnellement j'ai un problème, là, on s'en va sur une autre piste. Là-dessus, vous me verrez rapidement...

La Présidente (Mme Bélanger): Ça a que l'air c'est oui.

Mme Hamalian (Arpi): Mme la Présidente, elle nous appelle à l'ordre. Ha, ha, ha!

M. Chagnon: Ça va?

La Présidente (Mme Bélanger): Ça va.

M. Chagnon: Donc, vous me verriez rapidement poser des questions que je pense être assez... qui devront un jour se poser, en tout cas, rapidement, à mon avis, sur la question de la recherche. Il y a quelque chose d'assez particulier dans les universités où on se fend en quatre pour tenter de faire de la recherche appliquée avec la collaboration d'institutions privées. Jusque-là, je n'ai pas de problème, sauf que, un moment donné, il y a quelqu'un qui va devoir se poser la question: Qui fait de la recherche fondamentale? Parce que de la recherche appliquée, on va pouvoir en faire tant et aussi longtemps qu'on aura un bassin de connaissances en recherche fondamentale qui va pouvoir se permettre de faire de la recherche appliquée.

Mme Hamalian (Arpi): Mme la Présidente, je veux ajouter. La raison que j'ai introduit la recherche, c'est qu'on parle de l'enseignement universitaire. À ce niveau-là, c'est lié à la recherche. Le lien enseignement-recherche, c'est direct même au niveau des cycles primaires, n'est-ce pas? Il faut préparer les étudiants à entrer dans des professions, etc., où ils peuvent regarder et faire sens des recherches et puis analyser un peu les situations. Pas seulement dans les domaines scientifiques, je parle de toutes les disciplines, mais, dans leur vie à tous les jours, de comprendre bien les données, etc. Et c'est ça ce qui fait la spécificité de l'enseignement universitaire, et il ne faut l'oublier. Quand on dit une vocation générale, cela veut dire que ce n'est pas juste sortir des techniciens, que la spécificité d'un diplôme universitaire, sa valeur, c'est sur ce lien professeur-étudiants qui est basé sur le lien enseignement-recherche.

M. Chagnon: Il y a M. Roy, je pense, qui voulait dire un mot tout à l'heure sur la question.

M. Roy (Jean): Ça sera peut-être terriblement prosaïque. Je pense que c'est dans le droit fil de votre question cependant. Quand on discute de la question des prêts et des bourses, en région, ça a un impact bien particulier. Par un effet assez paradoxal, en tout cas à Rimouski... J'entendais nos collègues de Laval parler tantôt de leurs objectifs au niveau de la proportion d'étudiants étrangers. Chez nous, on a déjà atteint 10 %, donc proportionnellement... En nombre, bien sûr, ça ne se compare pas avec ce qui se passe à Laval, mais proportionnellement...

M. Chagnon: Entre autres, à cause de l'Institut d'océanographie, en fait.

M. Roy (Jean): Développement régional, enfin plusieurs axes, et des gens qui proviennent de plusieurs régions. Plusieurs, par l'entente CREPUQ, sont d'origine française, mais d'autres sont d'origine maghrébine, africaine, etc., sud-américaine. Je ne veux pas trop insister, mais il y a en même temps ce volet-là et, en même temps, le fait, si on regarde les statistiques, que chez nous ? et je crois bien que c'est la même chose dans d'autres régions ex-centriques ? la proportion d'étudiants bénéficiaires de prêts et bourses est au moins 20 % plus grande qu'elle ne l'est dans la métropole ou à Québec. Les dernières données que j'ai vues datent d'il y a trois ou quatre ans. La situation se serait un peu améliorée, mais, il y a trois ou quatre ans, chez nous, à Rimouski, ça tournait... Mais campus de Rimouski, ça tournait autour d'à peu près 77 ou 78 %, alors que j'ai vu des établissements où c'était plus près de la fourchette 50 à 60 %.

Alors, vous comprendrez qu'à chaque fois qu'on touche à ça, enfin, je n'ose pas parler de «social engineering», mais ça a des répercussions qui sont considérables. Et, donc, d'une certaine façon, pardonnez-moi l'anglicisme, je prendrais partiellement exception de votre observation sur la richesse ou comparer des gens qui choisissent l'enseignement universitaire par rapport à ceux qui... Dans notre région, en tout cas, je dirais que la large majorité des étudiants sont d'origine extrêmement modeste. Ça constitue pour eux un sacrifice personnel, parfois des parents, mais qui peuvent, plus rarement qu'ailleurs, les aider, même à un autre risque, celui de la nécessité pour ces étudiants, ces étudiantes d'occuper des emplois à temps partiel qui sont presque à temps plein, et ce qui fragilise même la qualité de l'énergie qu'ils sont en mesure... qu'il leur reste à investir dans leurs études universitaires. Tout ça est tellement étroitement tricoté là encore ? et j'imagine que la situation est tout à fait analogue dans les autres établissements en région ? qu'on est très sensible à cette question-là, je dirai comme ça, là.

M. Chagnon: Bien, je vous remercie beaucoup. Moi, j'ai ma collègue qui avait aussi des questions à poser. Je vais lui demander de continuer. Merci beaucoup.

Mme Normandeau: ...question, si vous permettez.

La Présidente (Mme Bélanger): Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Merci, mesdames, messieurs. Tout à l'heure, la présentation, ou les exemples que nous ont servis Mme Sabourin et M. Roy sont assez éloquents, là, quant aux efforts qui sont déployés dans une université en région, mais la trame de fond de votre mémoire, en fait, repose sur un principe que vous jugez sacré, celui de l'accessibilité des études universitaires pour les gens qui sont en région.

Je vais vous poser une question qui peut sembler simpliste, mais qui, peut-être, nous apportera un élément de réponse pour les membres qui sont ici, dans la commission. Est-ce que vous jugez que les façons de faire actuelles ou les moyens qui sont accordés aux universités, notamment en région, là, parce que vous savez qu'on est préoccupé par la baisse de clientèle... Est-ce qu'il y a péril en la demeure actuellement pour les universités qui sont en région pour offrir soit les services, c'est-à-dire l'offre de programmes au premier cycle ou à d'autres niveaux? Est-ce qu'il y a péril en la demeure? Est-ce qu'on devrait effectivement changer les façons... Bon, vous changez les façons de faire de votre côté, mais, sur le plan du soutien gouvernemental qui est accordé aux universités, est-ce qu'on peut être suffisamment... Est-ce qu'on est alarmiste en disant qu'il y a péril dans la demeure ou pas du tout, là, puisque c'est la trame de fond de votre mémoire puis vous semblez, là... évidemment, vous plaidez très fort pour le maintien du principe d'accessibilité? Alors, qu'est-ce qu'on devrait faire de différent finalement?

La Présidente (Mme Bélanger): Mme Sabourin.

Mme Sabourin (Cécile): Oui. En fait, ce que, je pense, les universités en région s'apprêtent à faire au niveau des administrations, c'est de faire reconnaître le rôle particulier que certaines institutions ont dans leur milieu qui s'ajoute à l'ensemble de la mission universitaire. Bon, dire s'il y a péril en la demeure, je pense que les gens sont à peu près convaincus que les universités ne disparaîtront pas. Mais, dans leur capacité d'agir comme elles l'ont fait jusqu'à maintenant et de poursuivre avec une mission générale, il y a beaucoup d'inquiétude et il y a aussi un essoufflement très, très grand de la part des professeurs, de la part de l'ensemble du personnel des institutions, et ça, je pense que c'est un danger pour la qualité à long terme. Dans ce sens-là, oui, je pense qu'il y a urgence de reconnaître qu'on veut que le territoire québécois soit bien desservi par les services universitaires et l'ensemble des services éducatifs et qu'on veut les doter des moyens de la faire. Et, si on veut qu'il y ait un développement équilibré et harmonieux sur notre territoire, bien il faut y penser dès maintenant. Je trouve qu'on a attendu beaucoup trop longtemps, ça fait longtemps que c'est connu.

Mme Normandeau: Pour vous, une reconnaissance, Mme Sabourin, passerait par un soutien financier plus important. Ou quels autres types d'outils on pourrait mettre à votre disposition pour vous permettre effectivement d'atteindre cette reconnaissance du rôle que vous jouez, là, dans chacun de vos milieux et du maintien du principe de l'accessibilité? Est-ce que ça va au-delà bien sûr des moyens financiers qui peuvent être consentis?

Mme Sabourin (Cécile): Bien, moi, je vais peut-être miser sur ce Mme Hamalian disait un peu plus tôt sur la question de l'offre des programmes, de l'évaluation des programmes, de l'architecture québécoise qu'on a pour décider des lieux où les programmes pourront être offerts. Je pense qu'il y a des choses qui sont peut-être parfois à revoir dans le sens de faciliter les collaborations. Évidemment, il y a des questions financières autour de ça, mais il y a des questions aussi de moyens réglementaires. Et, je ne suis pas une experte dans toute la manière, quoique j'ai pataugé dans ça suffisamment, je pense qu'il faut changer la mentalité par rapport à ce droit des Québécois d'avoir accès à des programmes.

La Présidente (Mme Bélanger): Est-ce qu'il y a un complément de réponse?

n(12 h 40)n

M. Molotchnikoff (Stéphane): Comme complément de réponse, on a mentionné tout à l'heure plusieurs pays européens, dont la Finlande, qui a un climat proche du nôtre, mais il y a aussi la France. Je voudrais simplement signaler qu'en France ils ont un modèle particulier de décentralisation qui porte le nom de région. Et ces régions supportent leurs universités, ce qui, par réciproque, permet à une université de faire appel non pas au ministère central à Paris, mais à la région pour se développer, pour avoir des programmes d'enseignement, des programmes de recherche, etc. Ceci, la région elle-même étant un tissu assez étroit qui connaît ses besoins, qui est évidemment au courant des priorités de cette population particulière, et, en accord avec l'université de cette région, il y a un partenariat extrêmement florissant, et beaucoup d'universités se sont développées et continuent de se développer malgré, peut-être, les ressources ou les contraintes centralisateurs parisiens. Et cette décentralisation, qu'ici on pourrait appeler une régionalisation, est profitable aux universités. C'est un modèle ? vous demandiez des modèles tout à l'heure ? c'est un modèle qui est, en tout cas, très bien appliqué en France, pays que je connais.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Molotchnikoff, Mme Hamalian et Mme Sabourin, ainsi que M. Roy et les personnes qui vous accompagnaient. On vous remercie beaucoup de votre participation. Alors, la commission suspend ses travaux jusqu'à 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 41)

 

(Reprise à 14 h 5)

La Présidente (Mme Bélanger): ...s'il vous plaît. La commission de l'éducation reprend ses travaux. La commission est réunie aujourd'hui afin de poursuivre les auditions publiques dans le cadre de son mandat d'initiative sur les fluctuations des clientèles dans le secteur de l'éducation au Québec. Alors, nous recevons cet après-midi...

M. Chagnon: ...

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Westmount?Saint-Louis...

M. Chagnon: Je vous écoute, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bélanger): Ça ne paraît pas.

M. Chagnon: J'entendais d'une oreille et de l'autre.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors... Ha, ha, ha! Vous êtes capable de faire les deux en même temps?

M. Chagnon: ...

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, nous recevons cet après-midi la Fédération étudiante universitaire du Québec. Alors, je demanderais au porte-parole de bien vouloir s'identifier et d'identifier la personne qui l'accompagne.

Fédération étudiante
universitaire du Québec (FEUQ)

M. Brisson (Nicolas): Alors, oui, bonjour à tous. Mon nom est Nicolas Brisson, je suis président de la Fédération étudiante universitaire du Québec. Je suis accompagné de Benoît Riopel, qui occupe la fonction de vice-président à la Fédération étudiante universitaire du Québec qui est un regroupement de 18 associations étudiantes universitaires à travers le Québec représentant plus de 140 000 étudiants.

La Présidente (Mme Bélanger): Bienvenue chez nous. Alors, vous avez la parole.

M. Brisson (Nicolas): Donc, avant d'entrer le vif du sujet sur les baisses d'effectif étudiant, j'aimerais faire un petit retour en arrière, puis vous allez comprendre par la suite, là, dans notre présentation, à quoi nous voulons en venir. D'abord, je parlerais de mon grand-père il y a... Dans les années quarante, trente, mon grand-père ne s'est pas fait dire par son père: Tu vas aller à l'université, tu vas aller au collège, c'est important. Non, il s'est fait dire: Tu vas te trouver une job, puis tu vas fonder une famille au plus vite, puis c'est comme ça que tu vas... Mes parents, ça a été pas mal différent, et mes parents... Mon grand-père disait à mon père: Il faut que tu t'instruises.

Puis, en même temps, la société québécoise disait à l'État ? on a appelé ça la Révolution tranquille: Il faut mettre en place des mesures qui vont permettre ? et par l'État ? qui vont permettre l'accessibilité aux études postsecondaires. Donc, qu'est-ce qu'on a fait? On a créé un programme de prêts et bourses, on a instauré un gel des frais de scolarité pour en venir à la gratuité scolaire ? ça ne s'est pas passé comme ça ? et il y a eu un réseau d'universités à travers le Québec qui a été créé, un réseau collégial à travers le Québec pour permettre l'accessibilité géographique aux études. Et pourquoi on en est venu là? Non seulement parce que c'était une nécessité pour combler le retard en matière de scolarisation, mais c'était rendu une valeur. Ce n'était pas une valeur pour mon arrière-grand-père, c'en était une pour mon grand-père. C'était une valeur de permettre l'accès à tous à l'éducation.

Trente ans plus tard, la conjoncture a changé, le monde a évolué, et, évidemment, Québec a décidé d'être partie prenante de cette aventure-là de la société du savoir, de la mondialisation. Qu'est-ce que ça veut dire concrètement? C'est que d'ici cinq ans, dans une société du savoir, au Québec, 70 % des nouveaux emplois vont exiger un diplôme d'études secondaires. Donc, stratégiquement, dans une perspective de développement économique et social, c'est non seulement une valeur, mais c'est une nécessité, l'accessibilité aux études, pour finalement faire en sorte qu'il y ait une main-d'oeuvre qualifiée disponible au moment du départ des baby-boomers du marché du travail.

Mondialisation. Maintenant, dans les accords internationaux, on négocie l'inclusion de services éducatifs, notamment en enseignement supérieur, à l'intérieur d'ententes comme la ZLEA et l'AGCS avec des conséquences qui pourraient être néfastes sur la capacité de l'État québécois de permettre l'accès à l'éducation en enseignement supérieur.

Et il y a aussi le Québec qui a un besoin grandissant de diplômés, mais qui vit ce qu'on appelle un choc démographique. Un choc démographique qui se traduit, oui, par une pénurie de main-d'oeuvre anticipée due au départ des baby-boomers, mais qui se traduit dans les établissements scolaires ? on l'a vécu au primaire, secondaire, collégial et maintenant dans les universités ? d'une importante baisse d'effectif étudiant. Ce que ça veut dire, c'est qu'il faut que le Québec produise plus de diplômés, mais que ça va être encore plus difficile qu'avant.

Qu'est-ce que ça veut dire pour nous, la baisse d'effectif, dans les universités? Ça nous fait dire que, si on ne fait rien maintenant, bien on va peut-être avoir des débats sur un moratoire sur la fermeture d'universités en région d'ici 2015. On pousse un peu loin, mais ça pourra ressembler à ça, parce que, au moment où, en Abitibi-Témiscamingue, il restera deux ou trois programmes, ça sera rendu un pavillon hors campus puis plus une université. Puis l'Abitibi-Témiscamingue ? je prends ça comme exemple ? ne pourra pas être autant partie prenante de la société du savoir que la région de Montréal ou la région de Québec.

Dans les prévisions qui sont faites par le ministère de l'Éducation, on parle de quoi, 10 %, l'Université Laval; Chicoutimi, 19 %; 11 %, Rimouski; Abitibi-Témiscamingue, l'UQAT, 10 %; Trois-Rivières, 8 %; Sherbrooke, 7 %. Et tout ça nous fait dire que, si rien n'est fait, compte tenu de la politique de financement des universités puis des règles de calcul pour le financement des universités, qui tiennent de la variation de l'effectif étudiant, on va assister à une accentuation de l'exode des jeunes, parce que la principale raison pourquoi les jeunes quittent leur région, c'est d'aller faire des études postsecondaires à l'extérieur, et trois sur quatre ne reviennent pas, alors que, quand ils restent en région, trois sur quatre restent en région. Donc, on va accentuer l'exode des jeunes.

Et la deuxième chose, c'est des conséquences sur le développement économique et social de ces régions-là. On appelle les universités en région des petites universités, mais, pour la FEUQ, c'est des universités d'une grande importance pour le développement économique, culturel, social de ces régions, mais aussi pour le Québec, pour le développement économique du Québec, parce que, sans le développement économique des régions, vous allez voir que Montréal va en arracher tantôt. Mais aussi pour le monde par les créneaux d'excellence, par le savoir qui se fait dans certaines universités en région, c'est au bénéfice du monde entier lorsque les programmes en foresterie, les chaires de recherche en foresterie en Abitibi, ou que ça soit... Ce qui se fait à Rimouski concernant l'océanographie, la Côte-d'Ivoire peut en bénéficier de ça, d'autres pays peuvent bénéficier du résultat de ces recherches-là.

Maintenant, je vais, avant de céder la parole à Benoît, je vais parler des solutions que, nous, on avance puis qu'on parle depuis un certain nombre d'années. D'abord, quand il y a une baisse d'effectif étudiant, on s'entend bien que, même si on met des mesures en place pour accélérer la capacité d'accès à l'éducation au Québec, ça ne comblera pas les baisses d'effectif prévues dans les universités. Donc, étudiants internationaux, c'est non seulement important maintenant, c'est stratégique dans l'avenir du Québec, notamment pour combler les baisses d'effectif étudiant. Donner plus de moyens aux universités en région pour qu'ils attirent plus d'étudiants internationaux. Donner des moyens, comme exemple, est-ce qu'il ne pourrait pas y avoir des exemptions offertes aux étudiants internationaux pour les frais différenciés pour ceux qui décident d'aller dans les universités en région? C'est des solutions comme ça qu'on peut avancer.

Il y a un comité de travail qui est censé être mis sur pied par le gouvernement du Québec pour étudier la problématique des étudiants internationaux au Québec et même, à plus long terme, faire en sorte que les étudiants internationaux qui diplôment puis qui veulent rester au Canada et au Québec puissent le faire, qu'on leur facilite l'accès à la citoyenneté pour que, justement, quand... On aura une plus grande main-d'oeuvre qualifiée au Québec pour subvenir aux besoins de l'économie du savoir. Aussi, maintenir les programmes, financement supplémentaire pour les universités en région. On n'a pas de chiffres. On parle fréquemment aux recteurs, on parle alentour de 15 millions, mais évidemment on ne parle pas de 15 millions qui soient enlevés des autres universités. Donc, on ne veut pas que ça soit pris dans l'enveloppe fermée, mais que ça soit vraiment dans le cadre du développement économique d'une région. Donc, ça pourrait provenir du ministère des Régions, un financement supplémentaire pour le maintien de programmes pour permettre le développement des universités en région. Et enfin, aussi donner plus de moyens pour les créneaux spécialisés de recherche dans les universités en région.

Et je céderais la parole à Benoît Riopel pour notre autre solution.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Riopel.

M. Riopel (Benoît): Oui. Donc, bonjour à tous. La solution... une des solutions que, nous, on met de l'avant, qu'on propose déjà depuis très longtemps, en fait depuis la création de la FEUQ, c'est bien sûr l'idée d'une loi-cadre sur l'accessibilité et la réussite aux études. D'ailleurs, c'est une idée, même, qui circule de plus en plus dans la bouche des médias et même au sein des partis politiques. D'ailleurs, à ce sujet-là, là, on peut déjà saluer le travail du Conseil national des jeunes du Parti québécois et la Commission-Jeunesse du Parti libéral qui ont déjà adopté, là, des positions similaires aux nôtres là-dessus et qui considèrent que l'accessibilité devrait être une priorité. Et il en va de même de l'ADQ.

n(14 h 10)n

L'objectif, c'est bien sûr de ramener au sein de l'Assemblée nationale tous les débats entourant les choix importants de notre société, à savoir que l'accessibilité à une éducation doit être priorisée afin d'assurer l'essor économique du Québec. Et, à cet effet, d'ailleurs, je tiens simplement à le dire en passant, que la FEUQ présentera très bientôt une vaste étude mondiale sur les différents modèles économiques dans les différents pays, et il semble déjà clair que l'accessibilité est au coeur des développements qu'ont connus les pays les plus industrialisés, les plus riches du monde. On a juste à prendre, par exemple, l'Irlande qui était, au milieu des années soixante, l'un des pays les plus pauvres et qui, aujourd'hui, se classe parmi les plus riches, là. On parle du boom irlandais, bien sûr, qui a fait la manchette tout récemment, mais c'est également des conclusions auxquelles sont arrivés les instigateurs de la Révolution tranquille dans les années soixante. Donc, le projet de loi cadre en tant que tel, bien sûr, au Québec, il inclurait les deux axes de l'accessibilité au Québec, c'est-à-dire les frais de scolarité et l'aide financière.

Pour ce qui est des frais de scolarité, la loi devrait prévoir leur gel au niveau universitaire et la gratuité au niveau collégial. Et, d'ailleurs, à ce niveau-là, on salue le Parti libéral et le Parti québécois qui ont saisi l'importance de l'accessibilité et qui ont déjà manifesté leur position sur la question. Outre les frais de scolarité, il existe, bien entendu, les frais afférents, qui font actuellement l'objet de vives critiques et qui constituent un moyen évident pour les recteurs de contourner les choix de société qui sont pris par l'État depuis longtemps. Rappelons que ces frais ne procurent aucun nouveau service et qu'ils devraient, selon la FEUQ, être réglementés dans une loi. Pour ce qui est des frais auxiliaires, des frais de service, les frais des associations, eh bien, nous, ce qu'on suggère, c'est tout simplement qu'ils fassent l'objet d'ententes entre les associations et les administrations des différentes institutions, comme ça se fait actuellement sur plusieurs campus. Ça, c'est pour ce qui est des frais de scolarité.

Pour ce qui est de l'aide financière, je pense qu'on a un système financier duquel on peut être fier au Québec. Par contre, il y a des choses qui, selon nous, devraient être révisées très rapidement, des choses qui sont décriées depuis déjà plusieurs années, et la plus importante de celles-ci, c'est les dépenses admises, qui n'ont jamais été révisées depuis la création du programme. Elles ont été certes indexées, mais on se demande bien quelle est l'utilité d'indexer des choses qui, à la base, sont fondées sur un raisonnement qui est faux. Et je vous donne un exemple des dépenses admises. Il y a plusieurs choses qui ont changé depuis les années soixante. Aujourd'hui, la connexion Internet, c'est rendu quelque chose qui est essentiel pour les étudiants, eh bien, imaginez-vous qu'elle ne fait pas partie des dépenses admises, donc du calcul pris en compte dans l'attribution des sommes. Et c'est tout à fait normal parce que ça n'existait pas à l'époque, l'Internet, mais il y a également d'autres choses qui sont étranges, notamment le fait que, actuellement, on calcule 5 $ par jour pour se nourrir dans le calcul. Donc, à terme, lorsque l'étudiant a fini de payer ses frais, ses livres, ses droits de scolarité, il lui reste... On estime environ à 84 $, en moyenne, qu'il lui reste par semaine pour se nourrir, se loger et se vêtir. Donc, selon nous, les dépenses admises devraient être des choses qui devraient être révisées dans les plus brefs délais.

Et, à ce sujet-là, on tient simplement, là, à souligner qu'aujourd'hui même le gouvernement du Québec présentait son Plan d'action jeunesse dans lequel se trouvait un engagement à réviser les dépenses admises. Bien entendu, le travail n'est pas encore fait, et tout ça va se jouer au cours du prochain budget, mais on tient quand même à dire, là, qu'il y a déjà un pas qui a été fait. Mais, maintenant, selon nous, ça devrait se faire. Il faudrait que ça se fasse, il faudrait qu'on s'assure que ça se fasse.

Outre les dépenses admises, parce qu'on se concentre beaucoup là-dessus, parce que, selon nous, c'est la mesure au coeur du problème de l'aide financière, il existe également d'autres choses. Il y a notamment le fait que l'ensemble des frais devraient être calculés dans les dépenses admises, les frais que l'étudiant rencontre, les frais de scolarité. On demande également que les montants d'exemption pour le maintien de l'unité familiale soient établis en fonction du seuil de faibles revenus tel qu'établi par Statistique Canada. On demande également à ce que la contribution minimale obligatoire de l'étudiant soit abolie, que le programme de remboursement soit proportionnel au revenu de l'étudiant et, bien sûr, que soit rajusté le programme de remise de dette qui, actuellement, touche un nombre minime d'étudiants. Je crois que c'est 3 %. Donc, c'est un programme qui n'est pas utilisé à toutes fins pratiques.

Alors, voilà en gros les grandes lignes de ce que nous, on appelle notre projet de loi cadre sur l'accessibilité qui mettrait sur un piédestal et mettrait sur la sellette quelque chose qui est plus important que juste une réglementation, mais qui est carrément au coeur de certains choix importants qu'on a faits, c'est-à-dire l'accessibilité à l'éducation. Donc, peut-être, en conclusion, là, je laisserais Nicolas terminer.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Brisson.

M. Brisson (Nicolas): Donc, si on parle d'accessibilité à l'éducation, notamment l'accessibilité géographique dans le cas présent, c'est non seulement une valeur d'égalité des chances, de principe qu'on met de l'avant, mais c'est rendu essentiel au développement économique et social du Québec dans la conjoncture actuelle. Et, pour nous, il y a des mesures urgentes à mettre en place, notamment une loi-cadre sur l'accessibilité et la réussite aux études, incluant une réglementation des frais de scolarité et une révision des dépenses admises de l'aide financière, mais aussi un financement supplémentaire pour les universités en région et le recrutement des étudiants internationaux. Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Brisson. M. le député de Saint-Jean.

M. Paquin: Merci, Mme la Présidente. Alors, bonjour. J'ai entre les mains un communiqué de presse de la Fondation canadienne des bourses d'études du millénaire, en date du 16 septembre, où on parle d'un rapport qui a été produit par M. Sean Junor et Alex Usher, et le titre, c'est Le prix du savoir: l'accès à l'éducation et la situation financière des étudiants au Canada. Plusieurs données intéressantes à l'intérieur de ce rapport-là. Il y a eu des articles de journaux de produits qui disent, par exemple, qu'au Québec les frais les plus bas et l'aide la plus généreuse au niveau du milieu universitaire puis des articles dans le Globe and Mail et dans le National Post où on dit que des frais de scolarité élevés ne sont pas une barrière à l'accessibilité à l'université.

Et, parmi les faits saillants du rapport, on dit qu'«il n'y a pas de relation de cause à effet entre le niveau des frais de scolarité et le taux de fréquentation général des étudiants dans les universités. Le niveau des frais de scolarité peut toutefois influencer les caractéristiques des étudiants qui font des études postsecondaires.» Une autre donnée dit que «le coût des études est la principale raison pour expliquer la décision des personnes qui choisissent de ne pas aller à l'université». Et il y a aussi le fait que le décrochage à l'université n'a rien à voir avec les frais de scolarité comme tels et que, de deux à trois fois plus souvent, les raisons pour expliquer la décision d'abandonner quand on est déjà à des études postuniversitaires n'est pas explicable par le financement.

J'aimerais ça, vos commentaires sur ça, parce que finalement une partie importante de votre plaidoyer est à l'effet de garder le gel des frais de scolarité puis ces aspects-là, les frais afférents, puis d'avoir une politique qui contrôle les frais administratifs, et toutes ces choses-là.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Brisson.

M. Brisson (Nicolas): Oui. Alors, bien oui, ils nous en ont fait la présentation à notre bureau de cette étude, mais il reste une chose, dans toutes les études qui ont été produites, la principale raison motivant l'abandon ou la décision de ne pas poursuivre des études, c'est d'abord et avant tout le facteur financier.

Il y a bourses du millénaire même, il y a un an, je pense, qui avait une étude qui le démontrait. Et ça va toujours rester ainsi parce que, dans la mesure où un étudiant, il a un coût d'opportunité, donc il peut aller travailler avec un salaire peut-être inférieur à ce qu'il ferait s'il avait un diplôme ou aller s'endetter de 40 000 $ comme dans le reste du Canada, il y en a plusieurs qui vont juger que ce facteur financier là est important. D'ailleurs, c'est le premier facteur.

Et je vous dirais un autre aspect. Dans le reste du Canada, j'aimerais que Bourses du millénaire nous explique pourquoi, depuis les hausses des années quatre-vingt-dix, il y a, selon une étude qui a été faite à Western Ontario, 7 % à 10 % de moins d'étudiants issus de familles à faibles revenus. Est-ce que ça n'aurait pas une coloration avec les hausses de 135 % en 10 ans des frais de scolarité?

Et la Fondation des bourses du millénaire n'a pas comme grande inquiétude, même si elle a négocié avec le gouvernement du Québec pour une conversion de prêts en bourses, les conséquences de l'endettement étudiant. Parce que, à la limite, vous pourriez mettre des frais de scolarité de 100 000 par année puis dire: J'offre des prêts à tout le monde, puis ça pourrait être accessible. Sauf que celui qui n'a pas l'argent pour le payer immédiatement sort avec 100 000 $ de dettes puis avec les conséquences que ça a, il n'a pas accès à la propriété, à la famille. Donc, il n'a pas la même égalité des chances. Et cette décision d'accès à l'université, dans un contexte de taux de chômage très bas, bien ça a un impact direct sur le choix d'un individu qui n'est pas porté nécessairement à aller à l'université d'y aller. Parce qu'on s'entend, là, quelqu'un qui veut vraiment, mais vraiment aller à l'université, évidemment que ce ne sera pas la seule raison pourquoi il n'ira pas... Ça va être les frais de scolarité. Il n'y a personne... La FEUQ n'a jamais prétendu que c'est le seul facteur qui influence l'accessibilité. Ce n'est pas ça. Mais quelqu'un qui a à faire face à différents choix dans sa vie, celui de poursuivre ses études, celui d'aller travailler, bien, ou de rester au cégep plutôt qu'aller à l'université, il va prendre en compte ce facteur-là, surtout lorsque le taux de chômage est très bas.

n(14 h 20)n

M. Riopel (Benoît): Peut-être juste en complément, parce que, effectivement, là, lorsqu'on a rencontré les gens des bourses du millénaire, on a eu plusieurs questions à leur poser. Peut-être, la chose la plus marquante, là ? et ça, eux-mêmes l'ont reconnu, et puis ce n'était pas comme quelque chose qu'ils essayaient de cacher, ils reconnaissaient la problématique de leur étude, là ? c'est que, bon, premièrement, pour ce qui est du taux, eux-mêmes l'ont dit, là, c'est que le problème, c'est que, si, en haussant les frais, la classe de richesse des gens augmente, le taux peut rester le même, mais si, en bout de ligne, la tranche de ceux qui ne sont pas suffisamment riches pour aller aux études augmente, c'est quand même un problème même si, en bout de ligne, le taux reste le même. Alors, lorsqu'on sait qu'il y a une baisse démographique qui s'en vient, là, il faut aller plus loin que juste se fier au taux, parce que, si on maintient le taux égal, en augmentant les frais, nous, on anticipe une baisse, là, dans les prochaines années étant donné que les gens qui sont dans les classes moins riches peuvent de moins en moins y aller à mesure que les frais augmentent. Donc, ça, ils l'ont constaté, là, que le taux n'avait rien à voir avec le revenu de ceux qui allaient aux études.

Et l'autre chose, là, sur laquelle ils étaient tout à fait d'accord avec nous concernant le sondage qu'ils ont effectué auprès des gens pour savoir les principaux éléments, là, qui pouvaient inciter au décrochage et inciter à ne pas s'inscrire... Bien, nous, ce qu'on constatait avec eux, c'est que lorsqu'ils ont fait l'étude, lorsqu'ils ont approché les étudiants, la question qui était posée, c'était évident, là, ils demandaient aux gens: Quelle est la principale raison pour laquelle vous avez décroché ou vous ne vous êtes pas inscrits? Et, à ce moment-là, ce que les étudiants répondaient, c'était: Bien, moi, c'est parce que finalement j'ai été déçu de tel programme; finalement, ce n'était pas ça que je voulais faire; finalement, j'aimais mieux rester au travail. Et, lorsqu'on regardait la majorité des commentaires qui avaient été enregistrés, on leur a demandé, bien aux gens des bourses du millénaire: Mais qu'est-ce qui arrivait si, à la suite de ça, vous leur reposiez une deuxième question. Comme, par exemple, l'étudiant qui dit: Moi, j'aimais mieux rester au travail, de lui dire: O.K. Et pourquoi aimais-tu mieux rester au travail? Bien, la réponse, c'était dans la plupart des cas: Bien, parce que ça coûte trop cher. Mais ces données-là n'étaient pas répertoriées. Donc, les gens des bourses du millénaire l'ont reconnu, là, cet élément-là. N'empêche qu'il y a plusieurs éléments très intéressants, là, dans la recherche sur lesquels il faut se baser. Mais, sur ce point spécifique là, ils avaient eux-mêmes reconnu que c'était très difficile de cerner, là, les principales causes du décrochage.

M. Paquin: Les professeurs d'université qu'on a vus ce matin, a contrario, souhaitaient, eux, que les frais de scolarité soient annulés, qu'il n'y en ait pas et que ce soit la même chose au Québec que c'est dans certains pays d'Europe où on a fait des choix stratégiques d'investir massivement dans l'éducation. Et en Allemagne... On donnait l'exemple de l'Allemagne où même les étudiants étrangers, il n'y a pas de frais de scolarité de manière, donc, que les universités s'enrichissent d'apports étrangers, et tout ça, mais ça implique un choix de société extrêmement important.

Et, vous n'allez pas aussi loin que vos professeurs, vous demandez plutôt qu'on encadre les frais administratifs et les frais afférents et qu'on gèle, qu'on maintienne le gel à ce moment-ci. J'aimerais ça que vous me commentiez ce fait que les enseignants vont plus loin que vous autres là-dessus.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Brisson.

M. Brisson (Nicolas): Oui. Ce n'est pas parce qu'on est contre la gratuité scolaire, évidemment, mais il faut quand même faire preuve de pragmatisme. D'ailleurs, les professeurs, tout comme nous, constatent un sous-financement des universités. Alors, imaginez-vous, si on instaurait demain matin la gratuité scolaire, avec le financement actuel des universités, on prive les universités de 300 millions d'une «shot». Est-ce que, avec le temps, on peut en venir, par des nouvelles façons de financer les universités, par exemple la participation de l'entreprise privée ou différents modèles d'impôt postuniversitaire... en venir à faire en sorte que l'accès à l'université, ce soit gratuit? Oui, c'est souhaitable. Et, d'ailleurs, nous, cette année, on entend proposer un nouveau modèle de financement des universités qui irait dans ce sens-là.

n(14 h 30)n

Mais pourquoi on n'est pas ici, devant vous, pour vous demander la gratuité scolaire, parce qu'on n'est pas sûr non plus qu'un système complètement gratuit... On est convaincu qu'il faut des frais de scolarité très bas, mais un système gratuit assurerait plus d'accessibilité que des frais de scolarité très bas... Parce qu'il y a aussi la notion de responsabilité. Et c'est pour ça que, suite à la réforme Parent, les gouvernements, pendant 20 ans, qui se sont succédé, n'ont pas haussé les frais de scolarité mais n'ont pas respecté le rapport Parent pour en venir à la gratuité scolaire, que l'étudiant ait une certaine responsabilité, qu'il paie pour le cours qu'il reçoit puis qu'il réussisse en conséquence. Mais, évidemment, on ne serait pas contre ça. Puis, comme les professeurs des universités vous l'ont expliqué, il y a beaucoup de pays à travers le monde qui ont la gratuité scolaire. Puis ce n'est pas des pays en faillite, là, c'est des pays qui vont très bien, qui ont un très bon développement économique.

M. Paquin: Je vais laisser mes collègues. Je reviendrai s'il reste du temps.

La Présidente (Mme Bélanger): D'accord. Mme la députée de Rimouski. Non, attendez un instant. M. le député de Groulx avant.

Mme Charest: Oui, allez-y.

M. Kieffer: Un court commentaire puis une question bien précise. Monsieur... Excusez-moi. M. Riopel ? c'est ça ? tantôt vous avez indiqué ? et je n'ai pas embarqué dans votre analyse ? vous avez indiqué que la hausse des frais de scolarité, même si globalement elle ne réduit pas le nombre d'étudiants qui fréquentent l'université, provoquait des transferts de clientèle vers les classes les plus favorisées versus les classes les moins favorisées.

Je veux bien croire que la hausse des frais de scolarité puisse être un obstacle aux défavorisés. Ça, je n'ai pas de problème avec ça. Là où j'ai un problème, c'est quand vous dites que ça explique en partie le fait que des classes plus favorisées y aillent. Ce n'est pas un problème pour les classes plus favorisées, la hauteur des frais de scolarité, et je ne vois pas le lien de cause à effet qui existe entre la hausse des frais de scolarité et une plus grande participation.

Ceci étant dit, très pointue comme question: Vous allez nous définir en termes de contenu, puis, ensuite de ça, vous allez nous dire pourquoi vous voulez que ça disparaisse? Mais pourquoi abolir la contribution minimale?

M. Riopel (Benoît): Bien, c'est tout simple.

M. Kieffer: Dites-moi, premièrement, c'est quoi, la contribution minimale, puis, après ça, pourquoi il faut l'abolir.

M. Riopel (Benoît): Tout à fait. Peut-être que je vais dire des choses que certaines personnes ici répètent, mais je pense que c'est important juste de mettre en contexte. La manière dont le programme d'aide financière fonctionne, il fonctionne avec deux variables: la première variable, c'est ce que ça coûte pour vivre et étudier. Donc, on fixe un montant et, de ce montant-là, on déduit ce qu'on appelle le contributif, c'est-à-dire ce qui devrait venir de l'étudiant pour payer sa part, ce qui devrait venir de ses parents pour payer sa part, et, à terme, on arrive à un chiffre puis on monte jusqu'au plafond en prêt. Cette partie-là va en prêt, puis la balance va en bourse.

Lorsqu'on parle de la contribution minimale de l'étudiant, c'est dans la deuxième variable qui est la variable où on fait le calcul de ce qui devrait être la part payée par l'étudiant et par ses parents, donc la contribution aux études. Et la contribution minimale, c'est un montant qui est déjà fixé et n'est pas variable, donc, c'est toujours le même. Je pense que c'est 1 280. Donc, à chaque fois, à chaque année, lorsqu'il y a une attribution d'aide financière, on calcule comment ça coûte et, ensuite, on déduit. Et lorsqu'on déduit, bon, on prend en compte le revenu des parents. Alors, on prend en compte ce que l'étudiant a gagné durant l'année, mais, tout de suite en partant, peu importe sa situation, peu importe le revenu de ses parents, peu importe ses revenus à lui, tout de suite en partant, on dit que l'étudiant devrait payer 1 280, sans autre explication, là. C'est un montant qui est là, il est fixe et il ne change pas.

Alors, nous, ce qu'on dit, c'est que ce montant-là est purement aléatoire. Dans le cas où quelqu'un a gagné plus, dans le cas où un étudiant a gagné plus et que ses parents ont gagné plus, c'est normal qu'il puisse apporter une plus grande contribution à ses études. Dans le cas où il a gagné moins, sa contribution devrait être moindre, mais un étudiant qui a fait... Je vous donne un exemple: un étudiant qui a fait zéro dollar, qui n'a pas travaillé, qui a étudié à temps plein et qui, en plus, se retrouve dans une situation où ses parents ne peuvent pas contribuer, il doit quand même commencer par payer 1 280 sur... en fait, on doit soustraire, de ce qu'on évalue, que ça doit lui coûter 1 280. Donc, on trouve le montant purement aléatoire, fondé sur rien. Ça fait que, dans le fond, nous, ce qu'on demande, c'est de l'abolir. Il y a des gens qui ont évalué d'autres scénarios comme, par exemple, de le rendre proportionnel. Mais, en bout de ligne, comme dans la variable «contributif», il y a déjà une partie qui calcule combien l'étudiant devrait contribuer en fonction de son salaire, bien, pourquoi, en plus, rajouter une deuxième donnée qui est 1 280? C'est juste ça.

M. Brisson (Nicolas): C'est 50 % du revenu de l'étudiant qui doivent aller au financement de ses études, selon les calculs de l'aide financière.

M. Kieffer: En dehors de cette contribution minimale?

M. Brisson (Nicolas): Oui.

M. Kieffer: C'est beau.

La Présidente (Mme Bélanger): Ça va? Mme la députée...

M. Riopel (Benoît): Puis peut-être juste pour répondre à l'autre préoccupation qui était concernant le taux, bien, la réalité, c'est que les sondages ont démontré que le taux n'avait pas baissé malgré la hausse des frais. Sauf que, moi, c'est clair que si, par exemple, je voulais aller étudier à l'Université de Toronto, je ne pourrais pas, là, je n'ai pas les moyens, puis c'est vraiment trop élevé, là. C'est quoi en droits? Je pense que c'est rendu à 20 000 par session. Bon. Moi, je ne peux pas.

Puis, malgré tout, le taux, dans cette université-là, n'a pas baissé. Donc, pour nous, la conclusion est très évidente que, si en augmentant les frais le taux reste le même, mais qu'il y a de moins en moins de monde qui peuvent y aller, bien, forcément, c'est parce que les étudiants viennent d'une tranche plus élevée.

Et, d'autre part, je tiens juste à signaler qu'à Terre-Neuve ils ont dû corriger le tir et baisser de façon très importante leurs frais de scolarité dû à un manque de main-d'oeuvre. C'est quelque chose qui a eu lieu l'année passée. Donc, voilà, c'est tout.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci. Mme la députée de Rimouski.

Mme Charest: Merci, Mme la Présidente. MM. Brisson et Riopel, bienvenue et merci pour votre mémoire. Ce qui me frappe dans votre mémoire, c'est que vous abordez la question de la fluctuation des clientèles scolaires en ramenant sur le tapis ce que j'appellerais vos revendications traditionnelles dans le sens de... le gel des frais de scolarité, également la bonification du système de prêts et bourses en plus des frais afférents, là, et l'accessibilité et la réussite aux études.

De bonne foi, je trouve que vos revendications traditionnelles sont tout à fait appropriées et je n'en ai rien contre, là, au contraire. Il y a plusieurs des choses que j'appuie là-dessus. Cependant, il me semble que ça ne réglera pas le problème des fluctuations des... parce que la courbe démographique étant à la baisse, au Québec, ce qu'on observe, c'est souvent un déplacement des populations des régions vers les grands centres et ce qui favorise en quelque sorte les universités urbaines mais qui défavorise grandement les universités en région.

Et, moi, j'aimerais ça vous entendre sur qu'est-ce qui ferait qu'on pourrait favoriser autant le développement des universités en région que nos universités urbaines en tenant compte de ce phénomène: une population à la baisse. Parce que je comprends que geler les frais de scolarité, bon, donner une meilleure bonification des prêts et bourses va peut-être permettre à un nombre x d'étudiants plus élevé d'avoir accès aux études, mais, à quelque part, je ne suis pas certaine que cette bonification-là à long terme va être suffisante pour contrer la baisse démographique comme telle.

Je ne sais pas si vous comprenez mon raisonnement ? j'espère que je m'exprime clairement ? et c'est pour ça que j'aimerais voir avec vous... Il n'y a pas d'autres pistes que vous pourriez nous soumettre? Parce que, hier, quand on discutait avec les gens des collèges, les étudiants des collèges ont quand même proposé des pistes vraiment innovantes. Et j'aimerais ça retrouver dans votre document, là, quelque chose qui n'est pas rattaché directement à vos revendications traditionnelles mais qui nous ouvre d'autres perspectives.

M. Brisson (Nicolas): Bien, vous avez raison en ce qui a trait aux baisses d'effectif dans les régions. Le gel des frais de scolarité puis l'amélioration du programme des prêts et bourses ne seraient pas suffisants pour combler les baisses d'effectif prévues, et c'est pour ça qu'on parle beaucoup aussi des étudiants internationaux. Donc, demain matin ou l'année prochaine, si on veut combler cette baisse d'effectif là ? et ce n'est pas juste nous qui le disons, les universités le font et elles mettent beaucoup d'emphase sur le recrutement des étudiants internationaux ? donc, ça, c'est une autre solution très importante pour faire face à la baisse d'effectif et aux mouvements de populations entre régions: s'assurer que les étudiants internationaux puissent aller dans des programmes offerts dans les universités en région.

n(14 h 40)n

Pour vous donner des exemples, sur 15 000 étudiants internationaux, il y en a 101 à Chicoutimi, 35 en Abitibi, 163 à Hull, 365 à Trois-Rivières et 170 à l'Université du Québec à Rimouski. Très peu d'étudiants internationaux vont dans les universités en région. Il faut donner des moyens aux universités en région pour attirer plus d'étudiants internationaux, mais il faut aussi maintenir des programmes, que ce soit en maîtrise, doctorat ou baccalauréat, pour s'assurer que, d'une part, il y ait le maintien de l'accessibilité géographique mais aussi que des étudiants internationaux... Par exemple, en océanographie, comment ça se fait qu'il n'y ait pas plus d'étudiants provenant de la Côte-d'Ivoire à Rimouski? Ce n'est pas normal, ils sont sur le bord de l'océan Atlantique. Ils pourraient bénéficier, pour leur pays aussi, de ces ressources-là. Donc, il y a un effort qui doit être mis dans le recrutement des étudiants internationaux.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Brisson. M. le député de Westmount?Saint-Louis.

M. Chagnon: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je souhaite la bienvenue aux représentants de la FEUQ qui sont ici avec nous ce matin. On a parlé un peu d'espèces sonnantes et trébuchantes, on va revenir encore là-dessus. Je voudrais juste terminer parce que je voudrais comprendre le raisonnement qui veut que les frais de subsistance couvrent la nourriture, le logement et les vêtements, dans les frais afférents... pas les frais afférents, mais les frais de subsistance de l'aide financière aux étudiants. Alors, actuellement, ils sont fixés à 165 $ par semaine pour un étudiant qui ne réside pas chez ses parents.

Dans une lettre que M. Benoît Riopel ? connu, ha, ha, ha! pour être même avec nous ce matin ? écrivait aux députés, pas plus tard que le 18 septembre, donc la semaine dernière, il nous disait ceci: «Le calcul de l'aide financière estime les dépenses pour la nourriture à 5 $ par jour ? mettons qu'il y a sept jours dans une semaine, ça fait 35 $. Une fois l'ensemble des frais liés à la formation payés, l'étudiant doit se contenter en moyenne de 84 $ par semaine pour se nourrir et se loger.» Passer de 165 $ à 84 $, à ce rythme-là, on va être bien pauvre avant la fin de la soirée, parce que... C'est quoi, comment on comprend ça, là?

M. Brisson (Nicolas): En fait, le 165 $, c'est le maximal.

M. Chagnon: Ça se concilie comment, ça?

M. Brisson (Nicolas): La moyenne, c'est 84 $ que les étudiants reçoivent.

M. Chagnon: Maintenant, vous dites que c'est 165 $ à partir de dépenses admises annuelles qui sont de 8 580 $. On veut bien être sympathique à la cause, mais vous divisez ça par 52. Alors, c'est rare que les étudiants étudient pendant 52 semaines dans une année. Généralement, ils étudient 35 semaines, 30, 35 semaines. Mettons 40. Si je divise 8 850 par 40, j'arrive à 214 et non pas à 165, mais la cause est moins bonne, il me semble, parce que, généralement, les étudiants travaillent l'été. Ceux que je connais, en tout cas, ça travaille plus qu'il n'en faut, ça travaille même pas seulement l'été, ça travaille aussi l'automne, l'hiver, le printemps. Mais, évidemment, le calcul, votre définition du calcul rend pathétique la condition étudiante, mais jusqu'à quel point on peut se fier à ces chiffres-là?

M. Brisson (Nicolas): Bien, c'est parce que, comme on l'a expliqué tout à l'heure, il y a une contribution étudiante. Si vous travaillez l'été, l'aide financière va vous couper une partie...

M. Chagnon: Ça, on comprend ça, le 1 280, je le mets de côté, c'est un autre cas, on peut...

M. Brisson (Nicolas): Plus que le 1 280, il y a aussi 50 % des revenus des étudiants qui sont pris en compte dans le calcul.

M. Chagnon: Oui, oui. Mais ça ne change rien entre le 84 $ par semaine pour se nourrir, se loger, survivre. Le 165 $ qui est dans votre document, 84 $ qui est dans la lettre, finalement, si vous nous écrivez à toutes les semaines, ça va être épouvantable. En tout cas, vous auriez intérêt à concilier ce que vous dites dans vos lettres puis dans votre mémoire. O.K.

Deuxième question. J'aimerais comprendre le raisonnement qui fait suite à l'article déjà écrit par Pierre Chénard et Martin Ringuet, que vous citez à la page 24 de votre document. «Selon cette étude, sur 100 étudiants que l'Université du Québec ? ça adonne bien, nos amis de l'Université du Québec sont déjà arrivés, ils vont vous suivre plus tard ? accepte entre ses murs, 32 ont envisagé d'y poursuivre des études de premier cycle et ne l'ont pas fait, en retenant probablement l'offre d'une autre université. Il s'agit donc très certainement de bons étudiants.»

L'analyse tire la conclusion finalement que lorsque 100 étudiants font une demande à l'Université du Québec, il y en a 47 qui finissent par y aller et puis qui finissent par faire leur première année, disons. Mais ça ne veut pas dire grand-chose, ça. Si des étudiants font généralement ce qu'ils font... et ils font comme vous avez dû faire vous autres aussi, quand vous vous êtes inscrits à l'université, vous vous êtes inscrits dans plusieurs universités. Vous avez été choisis dans une ou dans quelques-unes et vous avez choisi vous-mêmes en fonction des choix qui s'offraient à vous. Je ne comprends pas l'argumentaire que vous avez soulevé là-dedans.

M. Brisson (Nicolas): Bien, c'est plus relié au fait qu'aussi les plus grosses universités ont plusieurs programmes. Des fois, vous allez faire une demande en administration à Rimouski ou à Chicoutimi, mais vous voulez aller en droit. Puis vous êtes admis à l'Université Laval, vous allez décider d'aller faire votre droit finalement. Si jamais vous n'êtes pas accepté, bien, vous allez faire, dans votre région, l'administration. Donc, c'était pour démontrer l'importance de l'offre de programmes pour les universités en région, mais aussi pour démontrer qu'il y a un suivi qui est à faire dans les admissions des jeunes qui s'en vont s'inscrire dans leur université en région. Et c'était pour ça qu'on l'a mentionné, mais on n'en a pas fait un argument de poids. C'est seulement pour expliquer que, entre les demandes d'admission donc des jeunes qui sont prêts à aller étudier dans leur région puis ceux qui y restent, il y en a très peu, puis il y a des facteurs qui sont reliés à ça, là.

M. Chagnon: En fait, ce que vous essayez de démontrer, c'est qu'il y a un travail particulièrement précis qui devrait être fait par les universités pour faire en sorte qu'il y ait une plus grande rétention des étudiants lorsqu'ils rentrent en première année à quelque part. C'est ça que vous voulez dire?

M. Brisson (Nicolas): Oui, absolument.

M. Chagnon: O.K. Je comprends. Vous allez me parler de la position canadienne. Vous dites ici, en page 19: «...est le seul pays qui n'a pas adopté une position gouvernementale en matière d'éducation internationale ou de recrutement d'étudiants étrangers.» Moi, je suis un peu sensible à ça. Il me semble que ce serait plus normal que ce soient les gouvernements responsables de l'éducation qui se préoccupent de ces questions-là. Qu'ils fassent ensemble, par le biais de la Conférence des ministres de l'Éducation du Canada, pression sur le ministère, par exemple, de l'Immigration fédéral, pression pour qu'il y ait des corrections pour permettre, par exemple, aux étudiants de pouvoir travailler hors campus, là; ça, ça m'apparaîtrait normal. Mais je pense qu'on doit interpeller d'abord les gouvernements provinciaux plutôt que le gouvernement fédéral sur une question comme celle-là.

M. Brisson (Nicolas): Bien, dans la mesure où les politiques d'immigration, surtout après le 11 septembre, sont très fortement contrôlées par le gouvernement fédéral, le fédéral a un rôle à jouer. Mais, vous avez tout à fait raison, ce serait d'abord aux gouvernements provinciaux de se préoccuper de politiques d'internationalisation des universités et de mettre en place des moyens pour attirer le plus d'étudiants internationaux. L'internationalisation, surtout pour le Québec qui a une culture différente en Amérique du Nord, on doit mettre l'emphase.

M. Chagnon: J'étais surpris de vous lire avec cette prose-là. C'est une prose étudiante qui m'apparaissait nouvelle comme dialectique, spéciale, pour voir comment régler ces problèmes entre le fédéral et l'éducation. Je commençais à trouver qu'on était... Il y a des choses que je n'avais pas comprises. Mais, en tout cas, je comprends qu'on n'arrête pas un coeur d'aimer, mais c'était nouveau, chez vous, cette propension à réclamer du gouvernement canadien de s'ingérer dans les dossiers qui m'apparaissent, moi, de juridiction exclusivement des provinces.

M. Brisson (Nicolas): Dans la mesure où il a quand même des pouvoirs sur l'immigration, il faut l'interpeller.

M. Chagnon: Oui, mais réclamer... Je comprends... Réclamer que le Canada ait sa position gouvernementale en matière d'éducation internationale, ça, ce n'est pas dans les juridictions du gouvernement fédéral. O.K.? Ceci étant dit, vous allez...

M. Kieffer: ...

M. Chagnon: Ah! bien, en tout cas, qui n'est pas nouvelle chez moi, qui n'est pas nouvelle. Chez les étudiants internationaux, outre la question du travail hors campus, est-ce qu'il y a d'autres éléments qui pourraient... On connaît votre point de vue sur le dossier de la modification de l'aide financière aux étudiants pour les amener en région. Je pense qu'il faudrait spécifier dans ce cas-là: hors les sentiers où il y a des cours qui sont donnés, qui sont exclusivement donnés en région. Quand même que je voudrais aller en Abitibi pour suivre un cours en océanographie, je pense que je vais avoir un problème. Mais, si je voulais aller en Abitibi ou à Rimouski pour suivre un cours en administration puis j'arrivais du Burkina-Faso, ou de l'Allemagne, ou du Brésil, ça pourrait être une formule intéressante, celle que vous suggérez, parce qu'elle met en compétition les centres d'étude, par exemple, en administration, ceux de tous les centres, les centres urbains par rapport aux centres régionaux, les universités régionales.

Mais, outre ces deux idées là, est-ce que vous en avez d'autres idées pour faire en sorte qu'il y ait une augmentation du nombre d'étudiants étrangers dans nos universités, prenant en compte que, par exemple, à Rimouski ? puis je vois le recteur qui est avec nous ce matin ? il y en a à peu près 10 % à Rimouski, sauf erreur?

Une voix: ...

M. Chagnon: Oui.

Une voix: ...3,5.

M. Chagnon: 3,5. Tous cycles confondus. O.K. Mais, en cycles supérieurs, vous en avez un nombre important.

Une voix: ...

M. Chagnon: Est-ce qu'il y a d'autres idées que vous avez...

n(14 h 50)n

M. Brisson (Nicolas): Bien, il y a plusieurs idées, mais la première grande idée qu'on a, c'est aussi les universités qui ont une responsabilité. Et, d'ailleurs, plusieurs universités ont pris des moyens pour attirer les étudiants internationaux. Notamment, ne pas se gêner d'aller voir les étudiants internationaux issus d'un pays en particulier pour l'embarquer dans un processus de recrutement dans son pays d'origine ou son pays... Je sais que l'Université du Québec à Trois-Rivières l'a fait l'année passée, puis ça a amené un succès assez étonnant, et ce n'est pas pour rien qu'il y a eu une augmentation d'étudiants internationaux à Trois-Rivières. Mais, tu sais, c'est...

M. Chagnon: La FEUQ comme telle, est-ce que vous assistez à des forums internationaux d'étudiants étrangers? Par exemple, le dernier qu'il y a eu, c'était à Marrakech, au mois de mai. Aviez-vous des représentants?

M. Brisson (Nicolas): On n'a pas les moyens pour envoyer un...

M. Chagnon: Vous n'avez pas les moyens?

M. Brisson (Nicolas): Non.

M. Chagnon: Moi, quand je regarde les comptes, les factures que les étudiants reçoivent pour financer la FEUQ, en principe, vous devriez avoir les moyens d'avoir au moins un... d'en placer un à Marrakech.

M. Brisson (Nicolas): Oui, 2,50 $ par session, là, ce n'est pas...

M. Chagnon: 2,50 $ par session, par 150 000 étudiants.

M. Brisson (Nicolas): Mais c'est ça, il faut avoir les bons fonds de campagne.

M. Chagnon: Ça fait 1 million, ça. C'est quoi, votre budget d'opération, à la FEUQ?

M. Brisson (Nicolas): C'est 700 000 $, 750 000 $.

M. Chagnon: 700 000 $ et quelques?

M. Brisson (Nicolas): Oui.

M. Chagnon: En tout cas, je vous suggère, dans vos dépenses éventuelles, de vous faire représenter à l'étranger aussi, pas rien que demander aux autres de le faire, faites-le vous-même. Mais l'Université Concordia m'indiquait qu'ils ont réussi à ramasser à peu près 400 étudiants à ce forum-là, c'est énorme. Je pense que ça fait partie des trucs ou des choses qui devraient être suggérés aux invités... pas aux invités, aux universités pour faire en sorte justement d'accroître le nombre de leurs étudiants étrangers.

M. Brisson (Nicolas): Absolument, mais il y a une réflexion qui est à faire à ce niveau-là, et c'est pour ça qu'on attend toujours le comité de travail du gouvernement, là, pour l'ensemble de la problématique des étudiants internationaux. Nous, on avait exigé qu'un comité de travail soit mis sur pied.

M. Chagnon: Vous avez demandé ça quand?

M. Brisson (Nicolas): Au mois de juin.

M. Chagnon: Avez-vous des copies de lettres là-dessus?

M. Brisson (Nicolas): Non, pas encore, mais la sous-ministre nous a confirmé que c'était en route, mais on a hâte de voir. Et parce que c'est un vecteur important, le développement des universités en région, ils vont mettre l'emphase. Mais déjà, moi, je me rappelle, on a tenu un colloque sur les étudiants internationaux l'année dernière, et plusieurs gens d'universités en région se sont déplacés pour aller chercher de l'information sur les étudiants internationaux. Parce qu'il y a aussi de l'information dans les ambassades sur ce qui se passe au Québec; très peu savent, même... La plus grande surprise d'un étudiant international, c'est l'hiver, il sort un matin, puis il y a de la neige. C'est tout un paquet d'informations qu'il faut donner aussi aux étudiants internationaux comme services d'accueil qui sont encore déficients.

M. Chagnon: Merci beaucoup. Merci beaucoup, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Vaudreuil.

M. Marcoux: Oui, Mme la Présidente. Bienvenue, M. Brisson et M. Riopel. Quelques questions. D'abord, vous parlez beaucoup de la lutte entre les universités ou de la concurrence interuniversitaire. Est-ce que vous avez des propositions? D'abord, vous semblez dire que c'est négatif ou que ce n'est pas... enfin, que ce n'est pas nécessairement positif, si je vous comprends ? vous pourrez me corriger. Et deuxièmement, est-ce que vous avez des propositions, si vous jugez que c'est négatif ou que ça ne devrait pas exister ou dans une moindre mesure, pour réduire ce que vous appelez, entre guillemets, cette lutte ou cette concurrence interuniversitaire?

M. Brisson (Nicolas): Bien, on ne dit pas que c'est négatif, la concurrence entre universités, c'est normal. Ce qu'on dit, c'est que, lorsqu'il y a des grosses sommes d'allouées, en fait, ça peut devenir inquiétant puis dangereux lorsqu'il y a des sommes allouées pour le marketing, finalement, pour le recrutement des universités. Quand on voit des pubs de l'Université Laval à la grandeur du métro, on se demande... On aurait pu mettre de l'argent dans l'embauche de professeurs...

M. Chagnon: ...à la grandeur du métro, que j'ai entendu?

M. Brisson (Nicolas): De Montréal.

M. Chagnon: O.K.

M. Brisson (Nicolas): Promenez-vous dans le métro de Montréal, il y a des affiches partout de l'Université Laval. Nous, on a mis des autocollants entre-temps, mais... Non, on dit juste que c'est un danger qu'il y ait beaucoup trop de ressources allouées au recrutement d'étudiants dues, bon, aux perspectives d'effectif étudiant dans les prochaines années, mais aussi il y a un danger de concentrer les efforts des universités sur des programmes qui soient reliés aux besoins du marché. Parce que l'université, c'est plus que ça, là, ce n'est pas juste de... dans le cadre surtout de la formation continue, d'offrir des programmes qui peuvent être dits payants, c'est aussi de développer d'autres secteurs, d'autres domaines de recherche qui sont plus liés à la recherche fondamentale. C'est le rôle de l'université, c'est la mieux placée pour le faire, puis c'est elle qu'on a créée finalement, c'est la communauté universitaire qu'on a créée pour qu'elle fasse ce travail-là de réflexion et de recul sur la société québécoise ou sur la société en général.

M. Chagnon: Aujourd'hui, l'Université Laval est dans le métro, mais, il y a 175 ans, l'Université Laval, c'était l'Université de Montréal.

M. Marcoux: Bien, justement, l'Université Laval mentionnait ce matin ? je ne sais pas si vous étiez présent ? qu'une fois au cours de l'année ils font un salon avec une présentation de ce qui est offert à l'Université Laval, mais également en permettant à toutes les universités d'être présentes, de façon à donner le choix aux étudiants. Ils mentionnaient que ce n'était pas possible, semble-t-il, de le faire dans d'autres universités, cette pratique-là n'était pas acceptée dans d'autres. Mais, est-ce que vous jugez, vous, que cette sorte d'initiative a du bon sens et, pour les étudiants, est favorable?

M. Brisson (Nicolas): Bien, les étudiants dans les collèges sont toujours favorables à ce que les universités les informent des programmes qu'elles offrent puis comment ça se passe sur le campus à l'Université Laval. Le problème, c'est quand une trop grosse partie des budgets de l'université sont alloués au recrutement, surtout dans une concurrence... à l'international, c'est autre chose, mais une concurrence liée carrément aux étudiants québécois. Quand on sait que les universités en région ont moins de moyens pour recruter, bien, il va falloir se poser des questions tantôt.

Nous, on a fait une recherche l'année dernière sur la concurrence entre les universités, les liens aussi entre les universités puis la concurrence qu'elles ont, puis la course à la clientèle, finalement, puis on s'est rendu compte qu'on n'avait pas vraiment de solution à mettre en place que de dire: C'est dangereux, puis un jour il va bien falloir que le gouvernement se penche là-dessus, parce que ce n'est pas vrai que l'Université du Québec à Chicoutimi ou à Trois-Rivières a les mêmes moyens que l'UdeM ou McGill pour recruter parce que leur mission première, c'est de donner de l'enseignement puis de l'encadrement aux étudiants. Puis, dans un contexte de baisse de clientèle, à un moment donné, il va y avoir un déséquilibre puis un débalancement très importants, et c'est pour ça qu'on demande un financement supplémentaire aussi pour les universités en région, qui pourrait même sortir du budget du ministère de l'Éducation.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Vaudreuil.

M. Marcoux: Oui. Deux courtes questions. En fait, vous indiquez que, évidemment, cette concurrence amène les universités à faire preuve d'imagination. Bon. Vous énumérez de nouveaux programmes, etc., puis vous ajoutez des D.E.C.-bacs. Est-ce à dire que vous êtes plus ou moins en accord avec la formule des D.E.C.-bacs qui a été développée?

M. Brisson (Nicolas): En fait, en ce qui a trait aux D.E.C.-bacs ou bacs-maîtrises, nous, on a comme position que, en bout de ligne, c'est l'étudiant qui décide, puis on ne peut pas être contre des choix qui font l'affaire des étudiants.

Ceci dit, il faut s'assurer que ce ne soit pas une formation nivelée par le bas. Il ne faut pas que les bacs-maîtrises, en bout de piste, ça donne une moins bonne formation qu'un bac et une maîtrise. Il faut que l'étudiant, bien, il ait plus d'efforts à mettre en peu de temps. Il faut que ce soit ça, le deal, entre l'étudiant puis l'université. Dans cette mesure-là, que la formation est d'aussi grande qualité puis qu'en quatre ans tu peux avoir, en génie, un bac puis une maîtrise, bien, on n'est pas nécessairement contre.

De toute façon, moi, la plupart des étudiants que j'ai pu rencontrer, notamment à Polytechnique, ils apprécient les D.E.C.-bacs mais, si jamais on se rend compte qu'il y a une diminution de la qualité de la formation parce que, finalement, pour attirer des étudiants, on leur vend quatre ans, on t'offre un bac puis une maîtrise, mais qu'en bout de piste son diplôme a beaucoup moins de valeur qu'avant, en fait, il y a une qualité de la formation beaucoup moins grande, bien là on va commencer à dénoncer cette pratique-là faite par les universités. Mais, pour l'instant, on ne constate pas qu'il y a une diminution de la qualité.

M. Chagnon: Comment vous pourriez faire pour l'évaluer?

M. Brisson (Nicolas): Bien, c'est tout simple, par l'offre de cours, le choix de cours en particulier. Si on constate qu'il y a 10 ans il y avait tant de cours alloués puis qu'on retrouve, 10 ans plus tard, qu'il manque tel, tel, tel cours dans le curriculum, bien là on va se dire: Il y a un méchant problème. Comment ça se fait que là ce n'est plus pertinent d'offrir ce cours-là dans le bac-maîtrise?

M. Chagnon: Est-ce que vous avez l'impression que c'est le cas dans le D.E.C.-bac?

M. Brisson (Nicolas): Non. On n'a pas l'impression que c'est le cas. C'est très complémentaire. D'ailleurs, on ne se le cachera pas. Par exemple, en techniques administratives ? j'ai fait un Bac en administration ? quand vous arrivez à la première année, dans le tronc commun, en administration, vous faites quasiment le même cours. Je veux dire, Comptabilité I, vous l'apprenez au cégep quand vous faites une technique en administration. Donc, ça peut être très complémentaire, mais il y a quand même des dangers qui existent, et c'est la même chose que la course à la clientèle.

n(15 heures)n

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, merci beaucoup, M. Riopel et M. Brisson, de votre participation. Alors, je demanderais maintenant à l'Université du Québec de bien vouloir s'approcher.

(Changement d'organisme)

La Présidente (Mme Bélanger): S'il vous plaît! Malheureusement, nous devons continuer nos travaux.

Une voix: Malheureusement?

La Présidente (Mme Bélanger): Bien, malheureusement, heureusement, mais malheureusement pour ceux qui voudraient faire une conversation. Alors, s'il y en a qui veulent s'asseoir sur les banquettes à côté, ils peuvent le faire. Oui.

Alors, messieurs de l'Université du Québec, bienvenue, et je demanderais au porte-parole de bien vouloir s'identifier et de présenter les personnes qui l'accompagnent.

Université du Québec (UQ)

M. Lucier (Pierre): Mme la Présidente, mesdames, messieurs de la commission, mon nom est Pierre Lucier, je suis président de l'Université du Québec. M'accompagnent aujourd'hui M. Pierre Couture, recteur de l'Université du Québec à Rimouski; M. Roch Denis, recteur de l'Université du Québec à Montréal; M. Jules Arsenault qui est recteur de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue; M. Jean Wauthier qui représente le recteur de l'Université du Québec à Chicoutimi; Mme Claire de la Durantaye, de l'Université du Québec à Trois-Rivières, rectrice; M. Marcel Proulx qui est directeur général de l'École nationale d'administration publique; Mme Anne Marrec qui est directrice générale de la Télé-université.

Je vous remercie de votre invitation et de votre accueil, aujourd'hui. Nous sommes venus nombreux, non pas pour envahir votre salle de discussions, mais pour témoigner de manière éloquente et visible de notre intérêt commun autour de la question que vous étudiez.

Vous vous penchez sur les fluctuations de clientèles, fluctuations que, d'après les documents, vous décrivez comme négatives dans certains cas. Il est évident que, par sa présence dans plusieurs régions en baisse démographique, l'Université du Québec est extrêmement intéressée. Mais, au-delà de cela, nous voulons témoigner de notre attachement à notre mission commune d'accessibilité et d'occupation du territoire.

Nous pensons, nous, que ce qui se passe autour des fluctuations de clientèles et ce qui se passe dans les régions n'est pas un enjeu régional mais un enjeu proprement national qui, par-delà, disons, le sort des institutions en cause, concerne finalement la place même des régions dans l'aménagement du Québec, et c'est de cela que nous voulons témoigner, et merci d'avoir accepté de nous accueillir aussi nombreux.

Je n'ai pas l'intention de lire le mémoire que nous vous avons fait parvenir. Je sais que c'est votre habitude de les lire. Je voudrais plutôt simplement en dégager brièvement les principales arêtes avec vous pour laisser le plus de temps possible aux membres de la commission d'échanger avec l'ensemble de mes collègues.

Il y a dans ce mémoire, je dirais, trois niveaux de préoccupations; c'est ça que je veux faire ressortir très brièvement. Il y a trois niveaux d'enjeux qui sont reliés les uns aux autres, qui vont du plus simple, je dirais, au plus complexe et au plus englobant, et nous croyons que chacun de ces niveaux d'enjeux commande un type de réflexion et d'action que nous pensons devoir être complémentaire.

À un premier niveau ? c'est celui, je dirais, qui est suggéré par les chiffres même que vous nous avez fait parvenir ? ça concerne l'accessibilité à la formation. Vous savez que dans chacun de nos établissements nous avons ce que nous appelons un patrimoine académique de base que nous essayons de faire le plus correct, le plus adéquat possible, donc un ensemble de programmes, aux trois cycles d'ailleurs, qui assurent la formation et le progrès de la connaissance dans des grands secteurs d'intervention. Nous le faisons systématiquement partout en éducation, en administration, en travail social, soins infirmiers, en génie, en sciences humaines et sociales et à cela se greffent aussi un certain nombre de créneaux spécifiques dont nous reparlerons un peu plus tard.

Nous continuons de pratiquer des mariages de programmes conjoints ou extensionnés pour permettre à chacun de ces établissements d'offrir l'ensemble de cette palette. Mais il est évident que dans des perspectives de fluctuations négatives de clientèles ça devient extrêmement difficile de maintenir certains programmes ou certains éléments de programmes à petites clientèles, de sorte qu'il est évident qu'il faut songer à un certain nombre de créneaux de protection.

La formule ministérielle de financement, celle du ministère de l'Éducation, prévoit un certain nombre, je dirais, de ces protections, par exemple sur les frais fixes. Il y a un certain nombre de coefficients ? je ne veux pas entrer dans les détails techniques ? qui concernent la taille, qui concernent l'éloignement, qui concernent la dispersion. Mais, par ailleurs, on ne peut pas se cacher qu'il y a dans la formule de financement une sorte de dépendance très, très marquée et qui peut devenir brutale même entre le niveau des effectifs et le niveau de financement, alors que les missions demeurent.

Il est évident que, pour pouvoir donner des programmes, ça prend des programmes mais ça prend des gens pour les suivre aussi, de sorte que ce n'est pas parce que dans certains programmes il y a ici et là et il y aura des baisses de clientèles que ça supprime du coup la permanence de la mission qui est la nôtre. De sorte que nous pensons que, dans la logique des aménagements qui sont faits et qui demeurent à discuter avec le ministère, nous pensons qu'il y a un élément qui devrait être pris davantage en considération, c'est ce qu'on pourrait appeler le corridor de protection contre les fluctuations négatives de clientèles. Autrement dit, vous savez que maintenant ? et nous l'avions demandé, nous en sommes heureux ? les clientèles sont instantanément prises en compte et non pas un an et demi après. Mais ça ne change rien à la brutalité de l'application de la règle, de sorte que, lorsqu'une clientèle diminue, il y a, dans les modalités actuelles de la formule de financement, une baisse brutale, si je peux dire, alors que les obligations demeurent. Il est évident qu'on ne peut pas concevoir un programme universitaire comme un programme par exemple de l'école secondaire.

Il n'y a pas de conséquences, je dirais, mathématiques strictes entre la baisse de clientèles et la nécessité de maintenir quand même le programme, de sorte que nous pensons devoir remettre en lumière une proposition qui a déjà été souvent prise en considération et faite, en tout cas, et qui n'a pas eu de suite comme telle, pour le moment, c'est celle de ne considérer les baisses de clientèles, les fluctuations négatives de clientèles qu'au-delà d'un certain corridor de manière à ne pas déstabiliser trop rapidement la capacité d'agir des établissements.

Ça, c'est à un premier niveau, si vous voulez. Il est évident que, s'il ne s'agissait que de ce genre de moyens, nous serions dans une perspective qui mène tôt ou tard à un cul-de-sac. Ce serait de la respiration artificielle et il est évident qu'on ne peut pas régler le développement des établissements simplement en protégeant par des crans de protection, en protégeant des établissements contre des baisses trop brutales... des effets financiers liés à la baisse trop brutale de clientèles. Ce n'est pas de cette manière-là qu'on développe, et c'est pour cela que nous avons dans notre mémoire mis de l'avant deux autres niveaux, je dirais, plus prospectifs de développement. Donc, un deuxième niveau qui concerne, cette fois-là, les missions et les contextes institutionnels et qui nous amène davantage vers la capacité de contrer les effets négatifs des fluctuations démographiques négatives contre les effets bruts, si vous voulez, des baisses de clientèles.

n(15 h 10)n

Ce qu'il y a de sous-jacent à ce deuxième niveau, je dirais, de considération, c'est que les prévisions de la clientèle universitaire ne sont jamais la projection linéaire des projections proprement démographiques. Il faut bien voir que les chiffres que la commission a utilisés et qui ont beaucoup circulé ce sont des prévisions de type démographique. Ça ne peut pas dire combien de personnes vont fréquenter l'université mais ça dit comment se comportera le bassin probable des gens de telle génération qui fréquentent l'université. Ces prévisions-là sont extrêmement précises, si je peux dire, dans le cas d'écoles primaires par exemple, parce que l'organisation même de l'école obligatoire nous permet de voir qu'est-ce qui va se passer dans l'effectif du quartier, et ainsi de suite.

Mais il est évident que, quand on est au postobligatoire, il y a d'autres facteurs qui jouent et qui débordent la démographie. Il y a d'abord les comportements des gens, les modes de fréquentation. On n'avait pas prévu dans les prévisions historiques une telle fréquentation des adultes, à une époque. On n'avait pas prévu à une époque le comportement des filles et des femmes dans le système scolaire. On n'avait pas toujours prévu non plus les demandes de formation continue.

Donc, la démographie ne dit pas tout. On ne doit pas non plus prendre pour acquis que les taux de fréquentation à une époque, ce sont des taux fixés à perpète et qu'il y a encore du... Le plein n'est pas fait dans la fréquentation. Et il y a évidemment ? et c'est déjà vrai au collégial mais c'est encore plus vrai à l'universitaire ? il y a telles choses que le potentiel d'attraction des profils institutionnels. Alors, ce n'est pas parce qu'il y a baisse démographique par exemple au Bas-Saint-Laurent qu'automatiquement la fréquentation en océanographie à l'UQAR va baisser. C'est plus complexe que cela.

Et c'est sur la base, disons, de cette conviction, de cette observation en fait des systèmes que nous pensons qu'un des moyens de compenser d'une certaine manière pour la fluctuation négative des clientèles, c'est de tenir compte de cette observation-là, et, notamment, de procéder à des reconnaissances plus nettes et à des appuis plus nets des créneaux d'excellence, des créneaux d'excellence et de leadership, disons, qui débordent la région.

Ce n'est pas parce que tel, tel secteur est dans une région que le rayonnement de ce secteur-là doit être purement régional. Il y a une portée nationale et internationale possible, mais cela, ça suppose qu'il y ait une reconnaissance de ce genre de pôle là, et ça, ça déborde beaucoup l'éducation. Ça touche aux politiques de développement scientifique d'innovations, ça touche aux politiques de ministères sectoriels comme les Ressources naturelles ou d'autres. Ça touche à beaucoup de monde, y compris même les sociétés d'investissement.

Si à chaque fois que dans une région se développe un pôle d'excellence mais qui finit toujours, pour toutes sortes de considérations, par devenir comme en appoint ou en complémentarité, il est sûr qu'on ne s'en sort jamais. Nous, nous pensons que... Nous ne pensons pas exclusivité, personne ne pense cela, mais nous pensons qu'il y a une affirmation, une reconnaissance d'un certain nombre de pôles scientifiques d'excellence à leadership national et même international qui aident et qui aideraient davantage, si c'était mieux fait, qui aideraient davantage donc l'action et le pouvoir d'attraction des établissements.

Les établissements de l'Université du Québec ont fait et continuent de faire des efforts sur la clarification de leur profil institutionnel. Mais il évident qu'on ne s'autoproclame pas, je dirais, comme porteurs de ces leaderships nationaux. Il faut aussi qu'il y ait des organismes et que les instances publiques les reconnaissent effectivement.

Les étudiants ont fait état aussi de ? toujours dans la même perspective finalement de fond ? des incitations faites aux étudiants internationaux et on pourrait ajouter aux étudiants des autres régions du Québec. Je ne veux pas entrer dans les détails techniques de cela parce qu'il y a beaucoup de façons de faire ce mode, ce genre d'incitation. Mais il est évident que, dans la mesure où il y a des profils institutionnels assez nets, dans la mesure où il y a des appuis aux leaderships nationaux et internationaux, c'est plus facile d'attirer des étudiants internationaux ou des étudiants d'autres régions du Québec.

Il y a un troisième niveau de considération dans le mémoire qui est probablement le plus fondamental, le plus engageant, qui concerne l'enjeu du développement régional lui-même. Et cela, ça concerne, au-delà de l'avenir de nos institutions, l'avenir des régions elles-mêmes. De toute façon, l'un ne va pas sans l'autre.

Il faut dire que là-dessus les doctrines sont flottantes, au Québec. Bien au-delà du ministère de l'Éducation, les doctrines sont flottantes. Il y a des approches qui sont partagées entre, je dirais, le développement purement sectoriel, un domaine, par exemple, et d'autres... et qui, de ce fait, ne s'aventurent pas très loin dans la nécessité de développer le territoire. Ce n'est pas toujours convergent, des approches de type développement territorial, si je peux dire, des approches de type sectoriel, et la mondialisation n'arrange rien là-dedans. Donc, nous sommes dans un contexte de flottement, d'une certaine manière, de politique, et cela n'est pas sans effets. Nous, nous pensons que par rapport à ces questions majeures il y a des choix que nous devrons faire, des choix politiques et des choix de société. Est-ce que nous voulons d'un Québec qui se développe avec plusieurs pôles de développement ou si nous voulons d'un Québec concentré dans des régions centrales avec des antennes ou des points de chute à droite et à gauche?

C'est une autre conception du développement, et, à cet égard-là, ce que nous tenons à vous dire cet après-midi, c'est que nous pensons que les universités ne font pas partie du problème, elles font partie de la solution. Elles font partie de la solution dans la mesure où on est convaincus que des pôles de développement régional, dans une société bâtie sur la connaissance, ont besoin de l'action universitaire. Et, là-dessus, nous, nous répondons: Présents! Mais, nous faire ça, ça veut dire que le rôle même de développeur, je dirais, sur le territoire doit être reconnu.

Vous le savez ? mes collègues pourront vous le dire plus concrètement que moi encore ? que nous sommes appelés sur le territoire, en lien, en réponse aux communautés, à nous engager dans des secteurs même parfois où nous n'avons pas de programmes ou d'étudiants. Alors, évidemment, dans un contexte comme ça, comment voulez-vous demander à la formule ministère de financement qui n'est pas faite pour cela de pourvoir à ces besoins? Mais c'est majeur. On pourra vous donner des exemples. Vous vous lancez de manière cohérente et efficace dans certains secteurs de recherche, à la demande des milieux. Mais, si vous n'avez pas d'étudiants dans ce secteur-là pour générer du financement d'espaces, vous allez devoir autofinancer les espaces pour faire de la recherche, en réponse aux demandes du milieu.

Alors, nous ne disons pas que le ministère de l'Éducation s'occupe de ça. Nous pensons qu'il faut élargir la chose parce que ça concerne le développement régional comme tel et nous pensons qu'il y aurait possibilité d'avoir des partenariats avec d'autres instances gouvernementales qui reconnaîtraient ce genre de rôle, je dirais, de nos établissements alors même qu'ils doivent, disons, aller au bout de leurs capacités de centre universitaire. Et, en cela, nous pensons que nous faisons partie des...

Oh! un autre exemple: nous faisons ? on vous en parlera peut-être ? de la recherche par exemple en consortium, un type de recherche de type précompétitif mais qui en soi n'est pas admissible, pour le moment où on se parle, en tout cas, pour le versement de frais indirects, même si ce n'est pas de la recherche de type commandité au sens strict du terme.

Donc, il y a quand même une série d'actions que nous pensons nécessaires, pour assurer notre rôle de développement régional, qui ne sont pas pourvues, et c'est ce troisième niveau que nous avons voulu aussi vous souligner. Mais nous sommes conscients que, à cet égard-là, nous sommes renvoyés à nos derniers retranchements, si je peux dire, sur qu'est-ce que nous voulons faire des régions du Québec.

n(15 h 20)n

Nous n'avons pas le sentiment, à cet égard, de quêter quoi que ce soit. Nous ne demandons pas qu'on enlève non plus à l'un pour donner à l'autre. Nous savons que nous sommes en régime d'enveloppes fermées, mais nous posons le problème beaucoup plus général, je dirais, du développement des régions, et, là-dessus, nous tenons à vous dire que nous nous disons: Présents! Et nous n'avons pas seulement à être à la remorque passive des fluctuations négatives de clientèles; nous pensons que nous pourrions être un des moteurs pour contrer les effets brutaux de ces baisses de clientèles.

Voilà! Je n'irai pas plus avant, M. le Président. Nous sommes à votre disposition pour converser. Puis je tiens à dire qu'évidemment mes collègues ne sont pas venus ici pour faire les pots de fleurs; ils sont aussi tout à fait disponibles. Et, moi, ayant eu la chance de parler, je comprendrais très bien que vous vous adressiez aussi volontiers à qui vous voulez, autour de la table.

Le Président (M. Paquin): M. le député de Westmount?Saint-Louis.

M. Chagnon: Merci beaucoup, M. le Président. D'abord, je voudrais souhaiter la bienvenue à M. le président de l'Université du Québec et à tous les recteurs et rectrices ? je ne sais pas si on peut dire «rectrices»; ça fait un peu oiseau, là ? mais alors ? ha, ha, ha! ? à tous les représentants de toutes les constituantes de l'Université du Québec.

Le mémoire que vous nous avez soumis est un mémoire fouillé, intéressant, qui ramène certains traits communs dont on a entendu parler: celui par exemple de faire en sorte de chercher à davantage explorer les modes de spécialisation d'enseignement qu'on pourrait avoir dans certaines régions.

L'exemple le plus classique est évidemment celui d'océanographie, à Rimouski. Pourquoi n'aurions-nous pas un exemple du type océanographie en Abitibi, un autre à Chicoutimi, puis un autre... en fait, cette idée-là revient. Cette idée-là devrait être prospectée davantage, définitivement.

L'idée, vous l'avez vu, les intervenants précédant votre intervention nous ont aussi parlé de possibilité de tenter de jouer en modifiant un peu la structure d'organisation de l'aide financière aux étudiants afin de permettre à des étudiants étrangers de pouvoir avoir un choix, peut-être plus facilitant, d'aller dans des régions au Québec pour compenser des pertes d'étudiants qui pourraient découler d'une baisse de démographie.

Mais là, en fait, ce qui m'intéressait le plus dans votre document, c'est effectivement l'approche, le début de la réflexion sur la bipolarité par rapport à une multipolarité, la bipolarité étant évidemment Montréal-Québec, et concernant la multipolarité qui concerne chacune de nos capitales régionales en région et comment on pourrait faire en sorte d'augmenter la présence, d'augmenter la puissance, d'augmenter l'importance de ces capitales régionales dans le développement de l'ensemble du Québec.

Vous formulez à la fin de votre document un exemple, l'exemple français, qui est assez signifiant, sur le comportement des localités des régions, je dirais, avec le développement universitaire. Ce n'est pas dans nos traditions, ici. Je devrais peut-être ajouter: Ce n'est malheureusement pas dans nos traditions, ici.

Pour l'ensemble des régions qui sont représentées ici, à l'exception de celle de M. Denis, c'est peut-être possible. Dans le cas de M. Denis, lui est pris avec un autre problème, c'est la compétition. Ha, ha, ha!

Et, dans une autre vie, je me rappelle avoir vu au moment d'un programme d'infrastructures un maire de Montréal qui plaidait pour l'amélioration du service universitaire, comme par exemple l'agrandissement de l'ETS ou etc., mais qui n'était pas prêt à ajouter un cent noir au bout de la facture, sous prétexte que, évidemment, s'il commençait ça, il serait obligé de répondre aux trois autres recteurs ou aux quatre autres recteurs qui sont sur son île.

Donc, il y a, entre le début de cette culture à développer, de voir des organisations locales, donc des instances de gens élus locaux, des instances régionales, vouloir commencer à investir dans l'enseignement supérieur, il y a du chemin à faire. Il y a du chemin à faire en ville, en tout cas. Ha, ha, ha! Dans les milieux où l'université joue un rôle unique, où il n'y a pas de compétition locale ou presque pas, enfin, ça peut être différent. Ça peut être différent, et c'est peut-être par là que commence le début des solutions en termes d'implantation et d'ouverture à cette culture qui ressemblerait à la culture française sur le plan de l'organisation non seulement du contrôle du territoire, mais de la spécialisation des universités en région en fonction des besoins et des intérêts soi-disant reconnus comme étant régionaux. Mais c'est le début d'une réflexion que vous formulez et j'espère bien qu'on pourra aller éventuellement plus loin, parce que c'est invitant, c'est... La seule crainte que j'ai, c'est que ce n'est malheureusement pas dans notre culture. Et, pour la majorité des élus au Québec, ça, c'est une affaire que le gouvernement doit s'occuper, sans penser que sur le plan social et sur le plan de l'organisation communautaire la responsabilité que des élus locaux ont dépasse largement celles que leur mandat leur signifie. Mais ça, on n'est pas encore rendus là, en termes de compréhension commune sur le territoire.

Par contre, le fait de l'avoir évoqué dans votre document rend plausible l'éventualité qu'on puisse conscientiser justement localement nos décideurs locaux à l'importance de pouvoir conserver, garder et faire s'agrandir, s'épanouir, pour la richesse de l'ensemble de leur collectivité, un instrument fondamental sur leur territoire qu'est l'université. Je ne sais pas si on se comprend, en termes de...

M. Lucier (Pierre): Tout à fait.

Le Président (M. Paquin): M. Lucier.

M. Lucier (Pierre): Le modèle français est évoqué comme modèle du bout de l'éventail, puisqu'il s'agit donc des buts avec des budgets, avec des... Et je pense que c'est intéressant à regarder.

De cela, nous sommes loin, mais il y a quand même un nombre important de programmes gouvernementaux d'intervention dans les régions qui se font de manière plus ou moins étroite avec des instances locales ou régionales. Et, nous, nous pensons d'abord à cela et nous pensons que, là, il pourrait y avoir des ententes contractuelles qui impliqueraient l'université comme facteur de développement. Donc, sans attendre le grand soir de la régionalisation à la française, il me semble qu'il y a beaucoup de choses à faire. Il y a beaucoup de ministères qui sont impliqués là-dedans, hein? Il y a le ministère de la Recherche, Science et Technologie, sans aucun doute; il y a Industrie et Commerce, Ressources naturelles, ministère des Régions, enfin... Mais on se comprend.

M. Chagnon: Votre vision était d'abord par le biais des ministères en région davantage que par les régions elles-mêmes.

M. Lucier (Pierre): Bien, c'est-à-dire que, au moment où on se parle, il n'y a pas de ressources fiscales, si je peux dire, au niveau régional. Alors, c'est évident qu'à ce moment-là il faut penser à la... Si on pense intervention publique massive... Entendons-nous, il peut y avoir des appoints, il y en a effectivement parce qu'il y a des communautés locales qui sont embarquées avec nous ? on pourra vous en parler ? mais ce n'est pas massif comme un pouvoir fiscal. Alors...

M. Chagnon: Mais ce n'est pas réclamé, non plus, des autorités régionales. On ne réclame pas une modification, on réclame... Ils sont venus ici nous voir. Ils ne nous disent pas: Nous réclamons un élargissement de notre pouvoir fiscal parce qu'on veut aider notre institution universitaire. Moi, je n'ai pas vu... J'imagine que les MRC chez vous ne se battent pas, M. Arsenault, pour vous envoyer de l'argent.

M. Arsenault (Jules): On pense à d'autres mesures. Vous savez qu'il existe des structures au Québec... Je pourrais donner l'exemple du Fonds forestier. Bon. Le Fonds forestier, c'est un exemple où les entreprises cotisent. Chez nous, c'est à raison, à la grandeur du Québec, d'une piastre et demie du mètre cube de bois récolté. On récolte 6 à 7 000 m³ de bois, en Abitibi-Témiscamingue. C'est 10 millions qui reste, qui va dans le Fonds forestier, pour faire trois choses, le Fonds forestier: faire de la recherche, produire des plans pour le reboisement puis faire l'inventaire forestier. Trois choses que le Saguenay?Lac-Saint-Jean peut très bien faire, que l'Abitibi-Témiscamingue peut très bien faire. Mais ces fonds-là sont centralisés. Donc, une mesure... Avant d'aller demander aux municipalités, aux MRC de taxer en Abitibi-Témiscamingue pour soutenir l'université, on est dans des programmes de recherche en foresterie, pourquoi ne pas utiliser ces fonds-là et les supporter dans les universités? Donc, c'est là une mesure sans mettre un autre niveau d'impôt régional.

M. Chagnon: C'est un très bon exemple. Est-ce qu'il y en a d'autres en région? En tout cas, on en a un.

M. Wauthier (Jean): Il y en a plus... Excusez.

Mme V. de la Durantaye (Claire): Moi, je peux vous dire que, en Mauricie, avec la...

Le Président (M. Paquin): Mme de la Durantaye.

n(15 h 30)n

Mme V. de la Durantaye (Claire): Oui. Je peux vous dire qu'en Mauricie nous sommes à travailler à une concertation régionale, effectivement, pour développer ce qui pourrait être des services communs à la fois pour l'université, pour la grande ville et pour la région. C'est un projet, là, qui est sur la table actuellement où on va apprendre progressivement, là, à concerter nos efforts pour des services. On parlait de l'internationalisation, nous, on est intéressés à recevoir des étudiants étrangers. Les étudiants étrangers, c'est une immigration intéressante parce que ça peut rester dans la région. La ville est intéressée à recevoir une main-d'oeuvre qui lui permettra, donc, de soutenir ses entreprises, et c'est un domaine sur lequel nous pensons actuellement à une action concertée.

M. Chagnon: Quel type de service? Un service d'accueil, dans le fond? C'est quoi?

Mme V. de la Durantaye (Claire): C'est-à-dire que ce serait l'équivalent de ce qu'on appelle un pôle où municipalité, région, donc CRD, et l'université collaboreraient avec des personnels qui sont actuellement divisés pour à la fois préparer des délégations à l'étranger tant pour recruter des étudiants et, si on recrute des étudiants, si possible dans des secteurs qui seront importants pour notre région. Et il y a une complémentarité qui s'est révélée intéressante, et ça fait partie des projets qu'on a.

M. Couture (Pierre): Du côté de Rimouski, maintenant, la vision que nous avons, c'est l'établissement d'une table de concertation interordre en ce moment où l'université exprimerait son leadership, table de concertation interordre qui toucherait également toute la question de la valorisation des produits de la recherche aussi bien que la valorisation de la formation, en ce sens que la formation... l'intérêt, je dirais, professionnalisant de la chose qui touche aussi bien le secondaire, le technique, le professionnel et l'université. Donc, vous comprenez que, à travers des chantiers d'action comme ceux-là, il est possible effectivement d'aller chercher un financement qui va permettre à la région de voir s'exprimer son plein potentiel en termes économiques, sociaux et culturels.

M. Wauthier (Jean): Vous parliez de sensibiliser les décideurs locaux ou les gens en région de l'importance des universités, et je pense que c'est une chose qui est déjà faite depuis longtemps. Il suffit de voir un peu ce qui se passe dans les régions. Je vais donner l'exemple de la mienne, le Saguenay?Lac-Saint-Jean, où le monde municipal, qui n'ont pas le moyen financier de taxer pour l'université, ont donné dans une campagne au-delà de 1 million de dollars, où le milieu en général, dans une fondation, a donné 15 millions de dollars et un autre 8 millions dans un fonds de développement. Alors, ça, c'est, je pense, une sensibilisation et une reconnaissance de l'importance... où les régionaux, si vous vous rappelez, dans une commission parlementaire, ici, où il y a environ 100 personnes de la région du Saguenay?Lac-Saint-Jean qui sont venues dire au gouvernement que leur université, il ne fallait pas y toucher, il fallait donner les moyens pour la développer... Alors, je pense que la sensibilisation au niveau des décideurs locaux, elle est déjà faite. Je veux dire, la reconnaissance, ils l'ont déjà démontrée. Et je pense que, comme l'a dit...

M. Chagnon: Le document ne nie pas cette réalité-là du tout, mais le document regarde, sur le plan strictement de l'avenir, comment on pourrait réorganiser pour faire en sorte que les universités soient davantage des institutions qui, sur une base régionale, puissent occuper un terrain, entre autres recevoir des sommes d'argent d'abord de la région, et en plus des sommes qu'ils reçoivent du gouvernement.

M. Wauthier (Jean): Mais, dans le document, lorsqu'on parle de sommes d'argent, on parle de ministères respectifs en fonction de créneaux bien précis.

M. Chagnon: C'est ce que je comprends.

M. Wauthier (Jean): En fonction de créneaux bien précis, lorsqu'on parle de développement régional, lorsqu'on parle d'aluminium chez nous, d'océanographie ou encore de foresterie et autres, c'est dans ce sens-là que le mémoire présente l'intervention des décideurs ou des fonds supplémentaires. Parce que, comme l'a dit M. le président, l'enveloppe du ministère de l'Éducation, elle est fermée. Alors, si on donne plus à Pierre, Jacques va en avoir un peu moins. Alors donc, il faut regarder d'autres alternatives, d'autres possibilités, et c'est dans ce sens-là, parce que déjà les régions, je pense que la reconnaissance de leurs universités, bon, bien elle est acquise. Je veux dire, elle est démontrée, que ce soit à Trois-Rivières, à Hull ou ailleurs, peu importe, et ça, c'est quelque chose qui existe.

M. Chagnon: Et, dans la page 11 du document, quand on souligne ? et c'était à cela que je faisais allusion: «Les contrats qui lient les régions et les universités françaises seraient sans doute une voie à explorer», c'est dans ce sens-là où peut-être, dans une région comme la vôtre, il faudrait explorer, justement, expertiser, si c'est possible.

Le Président (M. Paquin): Commentaires à ce moment...

M. Couture (Pierre): ...il faut pousser sur cette vision-là des choses, et ces passerelles-là, bien, vont toucher autant les domaines de formation que les domaines de valorisation des produits de la recherche.

M. Chagnon: ...avais-tu quelque chose à ajouter?

Une voix: Non, non.

M. Chagnon: Vas-y donc. Non, mais ça peut rentrer...

Le Président (M. Paquin): Là, il est le suivant sur la liste de toute façon.

M. Chagnon: O.K. Alors... Oui, M. Lucier.

M. Lucier (Pierre): Évidemment, cela, ça suppose qu'on considère que l'université est un des facteurs de relance et de développement. Autrement dit, on n'est pas à la demande de subventions, si je peux dire, mais on est plutôt à la demande de partenariats, parce qu'on pense que nous faisons partie de la solution.

M. Chagnon: Mais, si tout le monde ? et je le crois fermement ? est sensibilisé à l'importance de son université sur une base locale et régionale... Et même à Montréal c'est le cas, là. Et ce n'est pas une question de grosseur du milieu, là, Montréal se flatte d'avoir quatre universités sur son territoire. Maintenant, un centre comme celui de Montréal devrait peut-être être encore plus impliqué dans sa relation avec ses universités pour en faire justement des centres d'expertise qui auraient un rayonnement encore plus grand tout simplement, comme ce serait le cas au Lac-Saint-Jean, au Saguenay et à Trois-Rivières ou en Abitibi.

M. Denis (Roch): J'ai personnellement plaidé pour ça en mai dernier devant la Chambre de commerce de Montréal, pour la création d'un pôle universitaire, oui. Mais je suis ici non seulement parce que j'appartiens à ce réseau, mais aussi parce qu'une conviction profonde m'anime. C'est que, comme le dit notre mémoire, l'enjeu régional, c'est un enjeu national, et je cherche avec mes collègues de quelle manière, par exemple, un établissement comme le nôtre, à Montréal, peut prendre sa part dans le soutien au développement de l'enseignement universitaire, donc au développement du territoire dans son ensemble aux plans économique, social, culturel, démocratique aussi par le biais des universités.

Une des choses qui me frappent, c'est que, par exemple, dans certaines provinces canadiennes comme, par exemple, c'est le cas en Colombie-Britannique, outre l'enveloppe globale de financement, des établissements dont on reconnaît les missions spécifiques comme, par exemple, l'accessibilité aux populations autochtones reçoivent des financements supérieurs. Évidemment, il ne s'agit pas, comme le dit le président Lucier, de déshabiller Paul pour habiller Pierre dans le cadre d'une enveloppe fermée. Ce serait terrible de ponctionner le développement d'ensemble pour soutenir un développement dans telle ou telle région. Il ne s'agit pas de ça, il s'agit d'engagement public supplémentaire, comme le dit notre mémoire. Mais il y a des exemples intéressants, et je prends celui de l'Université du Nord de la Colombie-Britannique, la UNBC, où cela se fait.

On a ici, au Québec, un programme de mobilité internationale de nos étudiants depuis trois ans qui est considéré comme un joyau, qui a été mis en place par le ministère de l'Éducation. Pourquoi ne pas envisager un programme de mobilité étudiante interrégionale, comme nous le souhaitons? Dès qu'il y aura des bourses, des incitations, on va voir nos étudiants bouger davantage. Et je me permets d'ajouter à la mobilité étudiante l'enjeu de la mobilité professorale. Lorsque que j'étais jeune professeur débutant, il y a plus de 30 ans, à l'UQAM, on était à l'époque aux années fondatrices du réseau de l'Université du Québec, et je me souviens d'avoir pris part à un programme et d'avoir été candidat pour aller passer une année à l'Université du Québec à Rimouski. Je pense que ce sont des idées extraordinaires qu'il faut revisiter non seulement pour nos étudiants, mais pour nos professeurs aussi, parce qu'un séjour d'une durée substantielle de nos professeurs ? et, je ne parle pas seulement des professeurs du réseau de l'Université du Québec, l'ensemble des universités québécoises ? un séjour d'un chercheur, d'un professeur en région, et vice versa, peut être source d'effets prometteurs pour des développements sur l'ensemble du territoire. On a beaucoup de possibilités et, en même temps, on sent que, si on s'y mettait pour faire ensemble un plan, un programme d'action, on pourrait avancer très vite.

n(15 h 40)n

Et dernière chose que je veux souligner, c'est que l'idée des pôles universitaires régionaux comme, par exemple, le pôle universitaire de la région Rhône-Alpes, ou celui d'Aquitaine, ou celui de Lille ? je les ai visités, puisque j'ai occupé des fonctions il y a quelque années au titre de la Coopération universitaire franco-québécoise en France ? c'est extrêmement prometteur. Les systèmes sont différents, les pouvoirs de taxation, etc., mais il n'empêche que, même si les systèmes sont différents, la volonté politique doit s'affirmer pour une synergie des acteurs régionaux pour soutenir les universités puis, je dirais, pour que les universités soutiennent aussi le développement régional.

Le Président (M. Paquin): M. le député de La Prairie.

M. Geoffrion: Merci, M. le Président. Mesdames, messieurs, merci pour votre mémoire. Je m'informais auprès de notre secrétaire de la commission si la CREPUQ avait déposé un mémoire dans le cadre de notre... Donc, finalement, ça aurait pu être aussi une façon pour les universités, en bloc ou, enfin, au niveau de la Conférence des recteurs, de présenter les pistes de solution. Donc, il se dégage qu'on recevra la semaine prochaine les universités de Montréal, dont l'UQAM qui s'est jointe, si je comprends bien, à ce groupe de Montréal. Donc, il y a Montréal, on a reçu ce matin l'Université Laval, vous voyez un peu le territoire qui se dessine et qui n'est pas simple pour l'ensemble des universités dans ce secteur. C'est une ? comment dire? ? recherche des effectifs qui n'est pas évidente pour l'ensemble des universités.

Il y a toutes sortes de moyens pour y arriver. On a entendu depuis trois jours un certain nombre de ces moyens-là. Les étudiants de la Fédération étudiante universitaire du Québec, juste un petit peu avant vous, on n'a pas eu le temps, malheureusement, d'aborder le sujet, mais eux en ont un petit peu sur la course, hein, la course effrénée, un petit peu, entre les universités. On dit que la lutte est vive et que même que cette recherche de nouvelles sources de financement entre les universités, bon, et un processus au niveau international font en sorte que celles-ci se transportent justement au niveau international et que toutes les universités n'ont pas toutes les mêmes moyens, là, pour aller faire de la publicité à l'extérieur du pays, et que, à la limite, c'est contreproductif parce qu'on emploie un petit peu les méthodes de stratégie qu'on rencontre au niveau de l'entreprise privée. Bon, j'aimerais vous entendre là-dessus. Évidemment, la stratégie des entreprises privées est celle d'attirer évidemment plus de clientèle, donc plus de possibilités de vendre le produit, si on peut s'exprimer ainsi, et la même chose pourrait s'appliquer à vos universités, bon, plus de clientèles, qu'elles viennent de l'extérieur du pays ou... donc, possibilité, j'imagine, d'offrir plus de services et d'étendre le rayonnement de l'université.

Est-ce que cette obligation d'aller maintenant à l'extérieur et de mettre des ressources qui sont un petit peu inégales d'une université à l'autre... Dans le monde universitaire, là, comment au niveau des directions... Comment vous voyez cette question-là? Est-ce que ça vous... C'est un mal nécessaire?

M. Lucier (Pierre): Écoutez, vous savez, il y a quelque chose qui ne nous mène pas très loin dans ce genre de question, parce que la logique institutionnelle veut qu'on travaille à son progrès. Les églises le font, les partis politiques le font, la Fédération étudiante le fait aussi. Bon. Donc, il y a une logique, je dirais, de développement, et c'est un peu normal. La question, c'est de savoir ça se fait selon quelles règles du jeu. Est-ce que tous les moyens sont bons? Est-ce qu'il y a du gaspillage là-dedans ou est-ce qu'il y a des... Je pense que c'est plutôt ça, la question. C'est même plutôt sain, disons, que les institutions veuillent se développer. Il nous arrive, nous, d'aller sur la scène internationale ensemble. On peut, avec cela, modérer des coûts, et en espérant en avoir le plus possible, si possible plus que d'autres, je vous le dis en toute candeur. Mais là n'est pas, au fond, la... Et qui va refuser de montrer ce qu'il est et de se montrer attrayant? On est tous faits pour comprendre ça ici.

Mais j'imagine qu'ils ont peut-être vu des stratégies qui les heurtaient davantage. Je n'écarte pas qu'il y en ait. Et, effectivement, il y en a qui ont plus de moyens que d'autres, mais je ne serais pas porté à dire que c'est ? comment dire? ? un enjeu absolu, là, vous savez. Il est sûr que, en tout cas, nous, nous essayons de... Et, nous nous le redisons, nous pensons qu'il y a des exigences liées au service public qui ne peut pas tolérer n'importe quel genre de compétition ou de tentative pour se nuire les uns, les autres. Écoutez, là-dessus, je crois que c'est une question, finalement, de conception du service public et d'une certaine sensibilité éthique. Mais je ne pense pas qu'on puisse arriver à des systèmes de régulation ou d'abolition de ce genre de comportement. Ce serait inquiétant à d'autres titres, me semble-t-il.

M. Geoffrion: Oui, parce que, bon, les étudiants disent, dans leur mémoire, dans ce contexte, là, qu'on a élaboré ? je les cite: «Les intérêts financiers des universités risquent de passer avant les intérêts des étudiants et de la société.» Donc, c'est très...

M. Lucier (Pierre): Bien, recruter des étudiants et faire des milieux riches et variés, là, ça, ce n'est pas un intérêt financier, c'est un intérêt académique et pédagogique dont tout le monde profite. Alors, peut-être qu'ils avaient des exemples précis en tête, mais je ne serais pas porté à en faire une affaire.

M. Geoffrion: D'accord. Et, sur la question des formules de financement, comment pourrait-on améliorer la formule que l'on connaît actuellement au Québec pour permettre justement de contrer ce phénomène, là, des fluctuations ou, enfin, des baisses de clientèle? Comment vous voyez ça?

M. Lucier (Pierre): Dans notre mémoire, nous faisons état de modulations qui existent déjà et nous avons remis sur la table l'idée du corridor de protection, autrement dit, qu'il y ait des variations négatives qui n'entraînent pas immédiatement des baisses de financement, le rapport étant peut-être trop mécanique. Cela étant dit, nous pensons aussi qu'il faut aller ailleurs chercher des sous. Et, il y a des affaires, il y a des choses qui nous coûtent rien, si je puis dire, comme celle, par exemple, de la reconnaissance effective de leaderships institutionnels sur le plan national, international. Ça, ce n'est pas de l'argent comme tel. Mais nous pensons qu'il faut aller à d'autres sources, et c'est pour ça que nous avons mis sur la table la question plus globale du développement régional.

C'est évident qu'on ne peut pas, en régime d'enveloppes fermées, tirer indéfiniment sur des critères qui nous seraient favorables, il y a des limites à ça. Il y a encore du jeu, mais il y a des limites, et nos besoins dépassent, au fond, ce qu'une formule peut donner. Parce qu'il est évident, écoutez, que n'importe quelle formule de financement dans le monde ne peut pas ne pas tenir compte du nombre d'étudiants. Vous savez, ça, ça va de soi. C'est une question de... C'est de savoir comment on la gère et comment on la module pour que la mission ne soit pas compromise avec une diminution de clientèle.

Et là-dessus les problèmes se posent bien autrement dans les différents niveaux d'enseignement, hein? Nous, qu'il y ait 100 étudiants ou 80 étudiants dans un programme, il faut donner tout le programme, vous savez. Ce n'est pas comme de calculer le nombre d'heures dans la convention collective, le nombre d'heures dans le régime pédagogique et de dire: Bon, bien, je vais donner quatre heures de plus en ceci, quatre heures de plus en cela. Ce n'est pas du tout comme ça qu'on gère ça. Les mêmes coûts demeurent, qu'il y ait 100 ou 80 étudiants. On ne peut pas décider que, dorénavant, on va faire seulement une partie de l'affaire parce qu'il y a moins de monde. C'est une autre logique, et j'en parle d'autant plus spontanément et simplement que j'ai passé une partie de ma vie dans ces formules de financement, et pour voir qu'elles sont tout à fait différentes d'un ordre d'enseignement à l'autre et...

Le Président (M. Paquin): Mme la députée de Rimouski.

Mme Charest: Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames. Bonjour, messieurs. Honnêtement, votre mémoire me plaît, me plaît beaucoup, parce que je pense que vous campez bien la problématique qui est à la base de la fluctuation des clientèles. Quand vous répondez, à la page 9, aux questions que la commission vous a posées, je pense que la problématique est bien ramassée, bien résumée, et je l'attribue à votre connaissance fine des régions. Parce que, quand vous me dites que le vrai problème, ça concerne moins la baisse de la clientèle universitaire que l'affaiblissement socioéconomique des territoires où sont localisés les établissements universitaires, je suis tout à fait d'accord avec vous et je pense que vous visez tout à fait dans le mille, excusez l'expression, mais que vous avez bien perçu c'était quoi, la problématique. Et vous rajoutez, là, qu'une université, comme toute autre institution, ça vit de la force et du dynamisme d'une région. Alors, ça, je pense que vous le reconnaissez, et qu'il y a, en quelque part, un cercle vicieux qu'il faut briser.

n(15 h 50)n

Donc, ceci étant dit, vous demandez aussi que le gouvernement reconnaisse et soutienne les affirmations institutionnelles qui se traduisent par des leaderships nationaux dans des domaines particuliers de connaissance. 100 % d'accord avec vous. D'accord? Et vous dites également que l'engagement du gouvernement est indispensable pour permettre aux universités du Québec, entre autres, au monde universitaire de maintenir l'accessibilité de base, reconnaître des pôles régionaux d'excellence, favoriser la mobilité étudiante et pas seulement la mobilité ruraux vers les urbains, mais interrégion, ce qui est un plus, parce que les étudiants nous parlaient surtout d'aller chercher les étudiants étrangers, mais je n'ai pas senti qu'ils avaient pensé qu'à travers le Québec il y a d'autres universités en région qui sont d'aussi bonne qualité, d'aussi bonne facture, là, pour avoir une formation dans un créneau donné qui va leur permettre de travailler partout à travers le monde.

Et vous parlez, bon, en plus de soutenir la mobilité, de soutenir les activités qui visent directement l'innovation économique, sociale et le développement régional et vous demandez des engagements publics supplémentaires au gouvernement du Québec. Moi, j'aimerais savoir c'est quoi, ces engagements supplémentaires. Est-ce qu'il y a un genre de priorité dans ces engagements-là que vous verriez? Et je voudrais savoir comment les contrats de performance peuvent aider et soutenir ces enjeux et aller plus loin. Et vous savez... Parce que, ici, quand je lis le mémoire de vos collègues, je ne pourrai pas leur dire la même chose, je ne pourrai pas les appuyer, parce qu'on me dit qu'on tient à rappeler à la commission qu'un soutien aux universités en région qui se ferait au détriment des universités montréalaises signifierait, en raison de l'importance stratégique de ces établissements, une marginalisation accélérée de l'ensemble du système universitaire québécois par rapport aux autres grands systèmes universitaires à travers le monde, et je ne partage pas du tout cette vision ou cette approche. Il me semble que là on refuse de voir une problématique dans son ensemble, mais on se restreint à un territoire et on se limite en termes de perspective. Et, là-dessus, je le leur dirai quand je les rencontrerai, mais, pour l'instant, j'aimerais bien que vous me parliez de... Ça pourrait être quoi, des engagements publics supplémentaires?

M. Lucier (Pierre): Oui, d'autant plus volontiers qu'on a la chance d'avoir avec nous la ministre...

Mme Charest: ...Science et Technologie.

M. Lucier (Pierre): ...Recherche, Science, Technologie qui fait des interventions sur le développement scientifique et d'innovation sur le territoire, et voilà un des créneaux où... Il y a des appuis et des investissements dans des créneaux en région, mais à portée nationale et internationale, et je pense que là il y a de la place pour de l'affirmation plus forte. La politique le permet, la politique d'innovation du Québec le permet, mais, à chaque fois qu'il y a des choix à faire, on sent toujours ? et c'est évident ? on sent toujours qu'il y a un flottement entre une approche de type vraiment territorial et une approche sectorielle, parce que, à la limite, on pourrait vous convaincre toujours que, dans tous les secteurs, c'est mieux d'être à Montréal. Mais je crois qu'il y a là des choix politiques qu'un ministère comme celui auquel...

Mme Charest: Je vous rassure tout de suite, ce n'est pas la fusion qui va changer ça, dans le sens qu'on va continuer à...

M. Lucier (Pierre): Ah, non, non, nous y comptons bien. Non, non, nous y comptons bien. Vous serez d'ailleurs sous surveillance. Ha, ha, ha!

Mme Charest: Et c'est correct, je n'ai pas de problème.

M. Lucier (Pierre): Voici un créneau... Il y a tous les créneaux de développement proprement régional. On parle de nouvelles ententes et de nouveaux accords à faire bientôt avec les régions, il y a des créneaux d'affirmation là et des capacités de contracter. Nous ne pensons pas que les contrats de performance actuels du ministère de l'Éducation peuvent couvrir tous ces terrains-là, et c'est pour cela que nous... Mais nous pensons, nous... Contrairement à ce qu'on a dit tout à l'heure, nous, nous ne demandons pas de déshabiller Pierre pour habiller Paul. Là-dessus, nous disons la même chose que nos collègues montréalais.

Mme Charest: ...tout à fait ça qu'ils disent.

M. Lucier (Pierre): Mais enfin, on n'en fera pas l'exégèse, mais, en tout cas, pour dire que nous... Nous, là-dessus, on ne demande pas de faire ça comme ça, mais on pense qu'il y a place pour des interventions décidées qui marqueraient des choix et des types d'investissements. Un exemple qui n'est pas de notre niveau de gouvernement, mais, quand le Centre national de recherche du Canada décide de construire son centre sur l'aluminium sur le campus de l'UQAC, il fait un geste structurant majeur.

Le Président (M. Paquin): Mme de la Durantaye.

Mme V. de la Durantaye (Claire): M. le Président, ce ne sera peut-être pas nouveau par rapport aux propos du président, mais enfin je le formulerai peut-être un peu de façon différente pour répondre à votre question. Il y a deux problèmes qui causent... En fait, il y a deux sources au problème démographique au Québec. Il y a, d'une part, la diminution de la natalité, on en convient ? je dirais que c'est sociologiquement conséquent ? mais il y a aussi le fait que, dans nos régions, nos jeunes quittent pour aller dans les grands centres. Et, ces dernières années, je dirais que le pôle montréalais a exercé énormément d'attraction qui a fait que, dans la baisse démographique, il y a ces deux facteurs-là qui sont très importants.

Quelles sont les deux missions de nos universités en région, hors des deux grands centres du Québec? C'est l'accessibilité et c'est la capacité d'innovation des économies régionales et, en fait, la capacité d'innovation et de dynamisme de nos sociétés régionales qui passe très souvent par l'activité universitaire qu'on crée et les effets indirects de cette activité universitaire. L'accessibilité est menacée par la baisse démographique, qui rend plusieurs de nos programmes vulnérables, parce que la formule est ainsi faite. On ne conteste pas la formule, mais l'accessibilité devient difficile lorsqu'il y a peu d'étudiants, peu de jeunes de chez nous qui choisissent tel ou tel programme. Et c'est pire lorsque ces programmes supportent des initiatives de recherche majeures: l'océanographie, on en a parlé; à Trois-Rivières, les pâtes et papiers, l'Institut de recherche sur l'hydrogène; en Abitibi-Témiscamingue, le génie minier, etc. Alors, la logique doit changer, et il faut pouvoir maintenir cette capacité de dynamisation non seulement des économies régionales, mais du tissu social régional.

Les arts animent beaucoup la région de la Mauricie ou la grande ville de Trois-Rivières, et c'est en partie à partir du rayonnement de l'université. Donc, toute cette culture dite de haut savoir, mais qui est aussi une dynamique non pas unique, mais importante dans l'animation de nos régions, qui font que nos jeunes restent plutôt que de partir, c'est ça qui fait que c'est très important qu'on puisse, de sources variées, avoir ce support pour maintenir cette activité-là.

Le Président (M. Paquin): En une minute, M. Couture, s'il vous plaît.

M. Couture (Pierre): Bon, très rapidement, en complément, je dirais que, de la façon dont on s'y est pris au cours des dernières années pour rencontrer ces exigences-là, c'est que les universités en région, jadis, appuyaient le développement régional, appuyaient le développement économique, maintenant sont devenues des moteurs de développement économique. Donc, c'est de cette manière-là qu'on s'y prend puis on devient des moteurs, en s'impliquant davantage, en occupant le territoire et, surtout, en valorisant tant les produits de la recherche que la formation.

Le Président (M. Paquin): Alors, brièvement, une dernière question, Mme la députée de Rimouski.

Mme Charest: ...si je comprends bien M. Lucier, nous sommes sur la bonne voie quand on favorise des créneaux d'excellence dans les régions et un peu partout à travers le Québec avec des vocations nationales, parce qu'on a réussi avec nos centres de recherche, même s'ils sont situés en région, à prouver que la recherche scientifique est aussi bonne là qu'ailleurs. Et je ne nommerai pas aucun endroit. Et je retiens aussi qu'il faut revoir, là, les formules pour s'assurer, là, que l'accessibilité de base soit maintenue et que ce soit un intouchable. Donc, vous êtes toujours d'accord avec l'intervention de l'État, et ce que je...

M. Lucier (Pierre): C'est un grand service public.

Mme Charest: Bien, c'est ça. Et je retiens aussi... J'ai perdu mon idée. Oui, c'est ça. Je retiens aussi que, écoutez, les fluctuations des clientèles scolaires, ce n'est pas le problème des institutions scolaires, c'est une problématique qui doit être partagée par tous les secteurs d'activité. Et ça, il faut le redire, parce que parfois on semble oublier qu'il n'y a pas juste les maisons d'enseignement qui doivent porter le fardeau de trouver des solutions, mais que l'ensemble des partenaires... Puis là je fais surtout référence aux partenaires économiques. Je voudrais bien qu'ils comprennent, tous et chacun, que ce fardeau-là, ils le partagent aussi, parce que c'est dans leur entreprise aussi que la fluctuation de la population, là, va se faire sentir, ne serait-ce que les problèmes de formation qu'on a et le problème de recrutement aussi de travailleurs formés adéquatement pour remplir les tâches, et tout ça. Tout ça se tient, tout ça est étroitement relié, et je pense qu'on comprend bien votre message. En tout cas, moi, je crois bien le comprendre. Je partage vraiment votre mémoire, je suis d'accord avec ce que vous avancez et j'espère que ça va nous permettre d'aller plus loin dans ce problème, là, pour trouver des solutions.

Le Président (M. Paquin): M. le député de Vaudreuil pour un dernier échange très bref.

n(16 heures)n

M. Marcoux: Merci, M. le Président. Je vois, M. Lucier ? mesdames, messieurs, bienvenue ? je vois dans votre mémoire, à la page 7, que vous indiquez que le gouvernement pourrait favoriser l'implantation de services publics nationaux en région. Ça s'est déjà fait. Le gouvernement canadien l'a fait, le gouvernement du Québec, peut-être de façon plus limitée, on voyait que le Mouvement Desjardins établissait un centre d'appels à Gaspé récemment, etc. C'est simplement un commentaire, mais vous pourrez me répondre, vous aussi m'exprimer votre réflexion là-dessus. J'imagine que le siège social de l'Université du Québec est également perçu comme étant un service public national et je me demandais si, par exemple, Rimouski serait prêt à l'accueillir ou... Mais ce serait certainement un bon exemple, ou encore Rouyn.

Mais on a parlé de l'importance d'avoir des centres ou des créneaux d'excellence en région qui prennent appui sur les caractéristiques propres, les forces des régions pour... Il y a également l'importance de la recherche. Je pense, les créneaux d'excellence doivent s'appuyer sur la recherche. De plus en plus, il y a des partenariats public-privé dans le domaine de la recherche dans les universités. Je comprends qu'il y en a certains qui ont des hésitations, il faut l'encadrer, mais, quant à moi, je pense que c'est quand même une source de financement, une source d'expertise également.

Le Président (M. Paquin): ...votre question, s'il vous plaît.

M. Marcoux: Ma question est la suivante: Est-ce que vous favorisez les partenariats public-privé? Deuxièmement, est-ce qu'en région c'est plus difficile, par exemple, que dans les milieux urbains ou si c'est plus facile d'avoir des partenariats public-privé, la contribution, là, d'entreprises dans le cadre de la recherche et le développement?

M. Lucier (Pierre): Bien, je...

Le Président (M. Paquin): Le propos de la fin vous appartient.

M. Lucier (Pierre): Bien, les chiffres montrent que nous avons un peu le championnat de la recherche en commandite, et en consortium, et en partenariat. Mes collègues des régions pourraient vous en parler longuement, mais je crois que vous tombez pile, parce que nos chiffres montrent que nous performons déjà beaucoup et nous l'encourageons. Ça a été même une des clés de notre développement.

Quant à votre suggestion, je vais y penser...

M. Marcoux: ...

M. Lucier (Pierre): Non, non. Non, non, non, c'est une insinuation. Ha, ha, ha! Mais là aussi, blague à part, nous ne pensons pas à déshabiller l'un pour habiller l'autre. C'est dans les nouvelles initiatives qu'on devrait y repenser. Le fait étant dit, je vais quand même réfléchir...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Paquin): Alors, sur cette pointe d'humour, Mme Marrec, Mme de la Durantaye, MM. Proulx, Lucier, Couture, Denis, Arsenault et Wauthier, merci beaucoup de votre participation. J'ajourne les travaux à mardi, 1er octobre, 9 h 30.

(Fin de la séance à 16 h 3)


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